ANCIENNE & NOUVELLE
DISCIPLINE DE LEULIKE
PAlî LOUIS THOMASSLX
Prêtre de l'Oratoire
NOUVELLE ÉDITION, REVUE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE
PAR M. ANDRÉ
Curé Je Vaucluse, docteur en <lr.»it canonique, membre Je plusieurs sociétés savantes
TOME DEUXIEME
LU SECOND ORtiKE DES CLERCS. — DES CONGREGATIONS.
feX
! 1937
1864
v.2
r. 1
ROBA
BAR'LF-DIt, L. (il'ÉRIX. ÉDITEI'R. — PARIS, rie de Grenelle-Saint-Gehmain. II.
^
M dci:c LXIV
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£4
ANCIENNE & NOUVELLE
DISCIPLINE DE L'ÉGLISE
TOME DEUXIEME
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University of Ottawa
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ANCIENNE & NOUVELLE
DISCIPLINE DE L'ÉGLISE
PAR LOVIS T-HOMASSIX
Prêtre de l'Ôni
NOUVELLE ÉDITION, REVIE. CORRIGEE ET AUGMENTÉE
RAR M. ANDRÉ
Curé de Vauclusc, docteur en droit canonique, membre de plusieurs sociétés savantes
TOME DEUXIÈME
DL SECOND ORDRE DES CLERCS. — DES CONGREGATIONS.
'^=^Ûi
BAR-LE-DUC, LOl'IS GUÉRIN, IMPRIMEUR-EDITEUR
PARIS, RUE DE GREXELLE-SaIXT-GERMAI.N , il
M DCCC LXIV
ANCIENNE ET NOUVELLE
DISCIPLINE DE L'ÉGLISE
TOUCHANT LES BÉNÉFICES ET LES BÉNÉFICIERA.
PREMIERE PARTIE
QUI TRAITE : 1° DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — 2° DU SECOND ORDRE.
— 3° DES CONGRÉGATIONS MONASTIQUES.
LIVRE DEUXIEME
Où il est traité du second ordre des Clercs, savoir : des Chorévêques, des Archiprêtres, des Vicaires-Généraux,
des Pénitenciers, des Officiaux, des Curés, des Diacres, des Ordres mineurs, de la Tonsure, des Habits des
clercs, du Célibat, de l'Office divin, etc.
CHAPITRE TRENTE-HUITIEME.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE DES ECCLÉSIASTIQUES EN ESPAGNE ET EN ANGLETERRE,
AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Ce ne fut que vers le sixième siècle que la distinction des
clercs et des laïques dans la tonsure et dans l'habit fut parfai-
tement établie.
II. Les cheveux longs défendus. Grani.
III. Différence de la tonsure des clercs d'avec celle des péni-
tents et des moines.
IV. Tous les clercs devaient avoir tout le haut de la tète
tondu de près, et un simple tour de cheveux tant soit peu plus
long, au bas de la tète. C'était là leur tonsure et leur couronne.
V. On ne pouvait renoncer à la tonsure de la pénitence ou de
la religion.
VI. La tonsure était commune aux pénitents et aux moines;
la couronne était réservée aux clercs.
VII. Le sens mystérieux de ce retranchement de cheveux.
VIII. On ne rasait encore aucune partie de la tête.
IX. De la tonsure de saint Paul, selon les Anglais, ou des
Orientaux.
Tn. — Tome II.
X. De celle de saint Pierre, selon les mêmes Anglais, on des
Occidentaux.
XI. La première était celle des moines.
XII Excellentes règles sur cette diversité.
XIII. La tonsure de Simon le Magicien.
XIV. Quatre différentes sortes de couronnes ou de tonsures.
XV. Dont il y en a deux d'approuvées. Comment on les a at-
tribuées aux apôtres.
XVI. XVII. Quand et comment les moines ont ajouté la cou-
ronne cléricale à leur tonsure.
I. Ce ne fut. que clans le sixième et septième
siècle qu'on commença plus particulièrement
à distinguer les clercs des laïques par la ton-
sure et par l'habit.
I
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-HUITIÈME.
11 n'a guère moins fallu de deux cents ans,
après 1rs persécutions finies et la paix rendue à
I Eglise, pour bien établir cette différence
entre deux professions si diverses. Durant les
orages de la persécution, cette distinction eût
été dangereuse. Après le calme rendu, il fallut
un espace de temps considérable pour faire un
changement si important et si universel dans
toute L'Eglise.
Il ne faut ni exiger, ni attendre des conclu-
sions et des réponses absolument précises dans
une matière aussi flottante que celle-ci. Les
changements se sont faits en divers temps, en
divers pays, et ils se sont faits avec tant de len-
teur qu'il est très-difficile d'en donner au juste
les époques précises.
II. Commençons par la tonsure et par les
canons des conciles d'Espagne qui en parlent.
Le concile de Barcelone, tenu en 3 H), défendit
aux clercs de porter les cheveux longs et de
raser leur barbe. « Ut nullus clericorum co-
main nutriat, aut barbam radat (Can. m, vi).»
II commanda aux pénitents de tondre leurs
cheveux. « Pœnitentes viri tonso capiie, etc.
'Can. lxxvi). »
Le célèbre Martin, archevêque de Brague,
avait un peu mieux remarqué la forme de la
tonsure cléricale dans un canon de sa compila-
tion. « Non oportet clericos comam nutrire, et
sic ministrare, sed attonso capiie, patentibus
auribus, etc. » Celte circonstance des oreilles
découvertes nous montre combien il fallait
porter les cheveux courts. Mais en tout cela il
ne paraît point encore de couronne, ni aucune
partie de la tête rasée.
Le concile de Brague, célébré en 563 (Can.
xi, xii), défend seulement aux clercs de porter
de grands cheveux. « Placuit ut lectores in
Ecclesia habitu saxulari ornati non psallant,
neque granos gentili ritu dimittant.» Ce terme
grani signifie les longs cheveux de la tète, ou
une longue barbe. Saint Isidore de Séville
nous le fait assez voir dans ses origines. « Non-
nulke gentes non solum in vestibus, sed et in
corpore aliqua propria sibi quasi insignia vin-
dicatif, ni videmus cirrhos Germanorum, gra-
nds et cinnabar Gothorum (L. xix). »
Ce n'es! donc pas dans les babils, mais dans
les cheveux qu'il faut chercher cet ornement
superflu, qu'il appelle Granos, pour les Goths
d'Espagne, aussi bien que celui qu'il nomme
Cirrhos, pour les Allemands. Sidonius Apolli-
naris faisant le tableau d'un Goth, lui donne
aussi de longs cheveux , « Aurium legulœ ,
sicut mos gentis est, crinium superjacentium
Qagellis operiunlur (L. i, epist. 2). » Mais
Arnoul, évèque de Rochester, nous explique bien
plus clairement ce terme, quand il rend raison
pourquoi on donnait le pain céleste trempé dans
le sang de J.-C, au lieu de présenter le calice.
« Nos carnem Domini intinguinius in san-
guine, etc. Evenit enim fréquenter, ut barbati
et prolixos babentes granos, dum poculum
inter epulas sumunt, prias liquore pilos infi-
ciant, quam ori liquorem infundant. Praeterew
si imberbes et sine granis et mulieres ad sumen-
dam communionem sanctam conveniant, quis
sacerdotum poterit tam provide ministrare, ut
infundens nihil effundat (Spicileg., tom. n,
p. 435)? »
III. Le concile III de Tolède (Can. xi), ordonna
de ne point donner la pénitence aux hommes
qu'auparavant on ne leur coupât les cheveux:
« Sive sanus, sive intirmus sit, pritis eum ton-
drai, et sic pœnitentiam ei bradât, » et de faire
changer d'habit aux femmes avant que de la
leur accorder : « Non accipiat pœnitentiam,
nisi prius mulaverit habituai. » Ou prétendait
empêcher par ce moyen les fréquentes rechutes
des pénitents. Il n'est pas à croire que cette
tonsure des pénitents fût la même que celle des
clercs, puisque la pénitence et la cléricature
étaient deux choses si étrangement éloignées
l'une de l'autre, et en quelque manière incom-
patibles.
Le concile IV de Tolède, tenu en 033 (Can.
xli), lève cette difficulté en faisant voir claire-
ment la tonsure des clercs, qui mérita le nom
de couronne, et par conséquent infiniment
distincte de celle des pénitents. Car la tonsure,
c'est-à-dire les cheveux fort courts de tout le
haut de la tête étaient comme couronnés par
un cercle de cheveux plus longs et plus bas
qui les environnait.
« Omnes clerici, vel lectores, sicut levilœ et
sacerdotes, detonso superius toto capite, infe-
rius solam circuli coronam relinquant; non
sicui hue usque in Galliciae partibus facere lec-
tores videntur, qui prolixis, ut laici, coinis, in
solo capitis apice modicum circulum tondent.
Ritus enim iste in Hispania hue usque haereti-
corum fuit. Unde oportet, ut pro amputando
Ecclesiœ scandalo, hoc signum dedecoris aufe-
ratur ; et una sit tonsura vel babitus, sicut
totius Hispaniœ est usus. Qui autein hoc non
cuslodieril, lidei Catholicœ reus erit. »
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
IV. Ce canon du concile de Tolède , qui
mérite une attention particulière . nous ap-
prend : 1° Que les clercs intérieurs, aussi bien
que les diacres, les prêtres et les é\* 'qui > a\aient
une tonsure qui leur découvrait tout le haut
de la tète, « delonso superius toto capite, » et
qu'il ne leur restait qu'un tour de cheveux,
comme un cercle, ou comme une couronne,
« Inferius solam circuli coronam relinquant. »
Voilà quelle était la ligure de la tonsure et
de la couronne cléricale.
2° Que tous les ecclésiastiques, depuis les lec-
teurs jusqu'aux évêques, devaient porter la
même couronne et la même tonsure. Car le
terme de sacerdotes avait déjà commencé à
comprendre les prêtres aussi Lien que les évo-
ques, comme celui de lecteurs semblait renfer-
mer tous les clercs inférieurs.
3° Ce canon suppose que les évêques, les
prêtres et les diacres avaient toujours usé dune
tonsure et d'une couronne, telle qu'elle est ici
prescrite, et même tous les clercs inférieurs
des autres provinces d'Espagne, excepté de la
Galice, où les lecteurs ne portaient qu'une
très-petite couronne au haut de la tète, laissant
quant au reste croître leurs cheveux comme
les laïques. « Prolixis, ut laici, comis, in solo
capitis apice modicum circulum tondent. »
Enfin, après avoir condamné cet abus, et
avoir obligé tous les moindres clercs à porter
la tonsure et la couronne semblable à celles
des prêtres et des évêques, ce concile déclare
que si les clercs s'opiniàtrent à vouloir suivre
les hérétiques d'Espagne, dont ils ont imité
l'abus, on les traitera aussi comme des héré-
tiques.
V. Ce même concile parle un peu plus bas
(Can. lv), de ceux qui se sont tonsurés eux-
mêmes, pour se mettre en pénitence: « Acci-
pientes pœnitentiam totonderunt se, » ou qui
ont été tonsurés par leurs parents et en même
temps dévoués a la vie monastique, « qui de-
tonsi a parentibus fueriut, aut sponte sua
amissis parentibus seipsos religioni devove-
rint ; » et il ordonne (Can. vu , que s'ils aban-
donnent la religion ou la pénitence, l'évèque
les forcera d'y rentrer : « comprehensi a sacer-
dote ad cultum religionis revocenlur. » Le
même décret est renouvelé dans le concile VI
de Tolède (Can. u .
Le concile XII de Tolède ne permit pas que
ceux à qui on avait donné la tonsure et la péni-
tence au lit de la mort, et ayant perdu le sen-
timent , pussent , étant revenus en santé ,
profaner la sainteté de cette profession par une
vie séculière. « Quatenus a se lousurae venera-
bile signum expellant, et habitum religionis
abjiciant. » Ce canon défend bien aux prêtres
du donner l'habit et la tonsure de la pénitence
ou de la religion aux malades qui ne la deman-
dant pas. mais il ne permet pas à ceux qui l'ont
reçue, même sans la demander, d'en violer les
lois, prétendant qu'il en est comme du baptême
qu'on donne aux enfants.
VI. Il ne sera pas inutile d'avoir découvert la
tonsure des pénitents et des religieux , afin d'en
remarquer la différence d'avec celle des ecclé-
siastiques : car les pénitents et les religieux sont
simplement tonsurés, mais ils ne portent point
de couronne, parce que la couronne est la
marque et l'ornement du sacerdoce royal de
J.-C. et de ses ministres.
Isidore, évêque de Séville, dit que la partie
supérieure de la tête où la tonsure a été faite
représente la tiare sacerdotale qui était ronde,
et représentait la moitié d'une sphère ou d'un
globe; et que le cercle de cheveux qu'on laisse
au bas de la tête est comme le diadème royal
dont les souverains bandaient leur tète.
La tonsure des ecclésiastiques est donc une
marque honorable de leur dignité royale et
sacerdotale tout ensemble, au lieu que celle
des pénitents et des religieux est une preuve
de leur état humble et humiliant. « Quod vero
detonso capite superius, inferius circuli corona
relmquitur. sacerdotium regnumque Ecclesiœ
in eis existimo figurari. Tiara enim apud vete-
res constituebatur in capite sacerdotum. Hœc
ex bysso confecta, rotunda erat, quasi spluera
média, et hoc significatur in parte capitis tonsa.
Corona autem latitudo aurei est circuli, quœ
regum capita cingit. Utrumque itaque signum
exprimitur in capite clericorum, ut impleatur
etiam quadam corporis similitudine , quod
scriptum est, Petro apostolo docente, vos estis
genus electum, regale sacerdotium (De Offie.
Eccl., 1. ii, c. 4). »
VII. Il est certain que ce retranchement de
cheveux signifie dans les ecclésiastiques, aussi
bien que dans les pénitents et les religieux, le
renoncement de toutes les vanités, les pompes,
les voluptés et toutes les superfluités du siècle :
Est autem in clericis tonsura signum quod-
dam, quod in corpore figuratur, sed in animo
geritur ; scilicet ut hoc signo in religione
vitia resecentur, et criminibus carnis nostrœ
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-HUITIEME.
quasi crinibus exuamur Ibidem, can. iv . ■
pénitent; se privent des choses
dont ils ont al -t une satisfaction pour
leurs faut el une précaution pour
l'avenir: ainsi c'est plutôt un sujet d'humilia-
tion que de gloire; au lieu que les eccl
tiques qui ont porté l'innocence dansce sublime
état. Lissent les choses de la terre par un géné-
reux mépris et pir une vertu et une grandeur
d'âme vraiment royale, se mettent au-dessus
tontes les - réées, pour régner d"ès
cette vie avec J.-C. dont le règne n'est j -
ce monde, quoiqu'il soit dans ce monde même
le Roi des rois.
VHI. Si les conciles d Espï ... et Isidore qui
serri de leurs propres termes, n'ont parlé
que de la tonsure, sans faire le moins du
monde connaître que l'on rasât la tête, ou le
haut de la tète de; clercs . il faut aussi remar-
quer qu'ils parlent en mêmes termes des péni-
tents et des : . rx. L rasoir n'y paraît ja-
mais. Et le même saint Isidore le montre
encore bien plus clairement dans sa r .
" Nullus monachorum comam nutrire dé-
bet, etc. Tondere ergo débet iste, quando et
omnes, imo et sirnul. ac pariter omnes Cap.
xn . »
IX. Enfin, cet auteur assure que saint Paul
donna l'exemple de la tonsure, quînd il suivit
lui-même l'exemple des Nazaréens, comme il
parait dans le; A - DeOffic. Eccl., 1. u.c.;.
Mais cela même nous apprend que ce ne fut
que dans cette rencontre particulière que saint
Paul en usa de la sorte, et que hors d'une si
•• fût jamais résolu,
non plus que les autres apôtres.
-idore semble au même endroit Lire saint
Pierre le premier auteur de la tonsure cléri-
il ne faut l'entendre que de la modestie
des cheveux, dont cet A sans doute
le maître et le modèle, aussi bien que de toutes
:tus chrétiennes, et des marques exté-
rieures mêmes qui doivent accompagner la
■>• 1 tu.
\. Les Anglais ont poussé bien plus loin ce
sentiment, de reconnaître saint Pierre et saint
Paul pour les auteurs et les premiers institu-
teurs de la tonsure cléricale. Ayant été 1
temps partagé; entre eux sur les questions <t
11; pratique; de 1 1 fête - et de 1 1 ton-
sure cléricale ; les catholique; qui se confor-
maient aux sentiments et aux us -
ne manqu s'autoriser de l'exemple
et de l'institution de saint Pierre et de saint
Paul.
e nous raconte que le Lmeux Théodore.
né en Tarse de Cilicie. et parfaitement instruit
dans les lettres grecques et latines, saintes et
profanes, ayant quitté son monastère en Orient
uit venu à Rome, fut choisi r<ar le pape
pour être envoyé en Angleterre, et y gouverner
i a qualité d'archei
11 fut premièrement ordonné sous-diacre à
Rome, puis il attendit l'espace de quatre mois
que ses cheveux fussent crûs, afin qu'on pût
ensuite lui faire la tonsure et la couronne, à
la mode de Rome et de l'Occident, car il n'avait
reçu que la tonsure de saint Paul, à la mode
Orientaux. Apres cela le pape Vjtalien lui
donna tous les ordres sacrés, a Qui subdia-
■ ; ordinatus. quatuor expectavit menses.
donec illi coma cresceret . quo in coronam
tonderi po;set. Habuerat enim tonsuram more
Orientalium sancti Pauli apo;tolï. Qui ordina-
tus a Vitaliano papa, etc. Beda, hi;t. i. Angl.,
I. iv. C. 1 . »
XI. II e;t très-probable que cette couronne
orientale . qu'on autorisait du nom de saint
. était celle des moine; qui avaient toute
la tète rase, ou tondue également partout et
de fort près, sans ce cercle ou cette couronne
de cheveux qui e;t propre aux clerc;.
terme; de Rede semblent le dire. Car.
i Théodore était moine; or les moines rasaient
toute leur tète, ou la tondaient de près, comme
nous avons dit, sans qu'il soit jamais parlé
d'un tour de cheveux qui leur reste, et qui leur
fasse comme une couronne.
)n laissa croître le; cheveux a Théodore
durant quatre mois, afin de pouvoir après cela
lui faire une tonsure couronnée d'un cercle de
io in coronam tonderi posset. »
Rien ne convient mieux à ce que nous avan-
çons.
3° Cette tonsure totale se pouvait appeler
beaucoup de vraisemblance la tonsure ou
la rasure de saint Paul, qui se fit couper les
cheveux à Jérusalem à la mode des Nazaréens,
qui coupaient et consacraient à Dieu tous leurs
cheveux sans en rien réserver. On sait assez
d'ailleurs combien ouvertement les anciens
moines faisaient gloire de se dire les imitateurs
des anciens Nazaréens, et les disciple; de saint
Paul dans son parfait dépouillement de toutes
choses, dans ses pénitences, et le travail de ses
QS.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
XII. Le même Bède rapporte plus bas une
vision miraculeuse où saint Pierre et saint
Paul apparurent le premier tonsuré comme un
clerc, le second avec une longue barbe. oUnus
quidem attonsus erat ut clericus, alius barbam
babebat prolixam. Dicebantque quod unus eo-
rum Petrus, alius vocaretur Paulus L. iv,
c. 14). a
Il se peut bien faire que cet enfant crut
avoir vu les apôtres dans cette vision en la
même manière qu'ils étaient ordinairement
représentés dans leurs tableaux, ou que les
apôtres même pour se faire connaître voulu-
rent apparaître avec la figure que les peintres
leur donnent ordinairement. Mais les catholi-
ques anglais ne doutaient nullement eu ce
t< mps-là que saint Pierre n'eût été tonsuré de
la même façon qu'on l'était à Rome de leur
temps !.. n . c. -2-2 .
L'abbé Ceolfrid, dans la savante lettre qu'il
écrit sur ce sujet, et qui est rapportée par le
même Bède, ne doute point à la vérité que les
apôtres n'aient été différents entre eux dans la
tonsure : o Et quidem scimus, quia nec Apo-
stoli omnesunoeodemque sunt modo attomi.»
et que les tonsures de tant de différentes Egli-
ses du momie ne soient aussi diverses entre
elles dans le siècle présent même, l'unité es-
sentielle n'étant autre que celle de la foi et de
la charité : « Ne que mine Ecclesia Catholica
sieut una fuie, spe et charitate in Deum con-
sentit, ita etiam una atque indissimili totum
per orbem tonsura sibi forma congruit; a que
Job coupa ses cheveux dans son affliction : ainsi
il les portait Ion;:' dans la prospérité ; Joseph au
contraire les coupa en sortant de la prison, où
illes avait laissés croître ; que les anciens Pères
ne sont jamais entres dansaucune contestation
sur le sujet de la tonsure, « Cum nunquam
Patribus Catholicis, sieut de Paschae vel tîdei
diversitate conflictus, ita etiam de tonsursedif-
ferentia fegatur aliqua fuisse controversia ; a
que ce n'est donc qu'un point de discipline in-
différenten lui-même: aTonsurae discrimen
non nocet, quibus pura in Deum fides et cha-
ntas in proxinium sincera est. »
.M lis après avoir supposé toutes ces vérités
incontestables, ce savant abbé déclare qu'il ne
croit pas qu'on puisse douter qu'entre toutes
les tonsures qui peuvent avoir cours dans l'E-
glise, ou dans tout le monde, il ne faille pré-
férera toutes les autres celle de saint Pierre,
et préférer toutes les autres à celle de Simon
le Magicien. «Nullam magis sequendam jure
dixerim; ea quam in capite suo gestabat Pe-
trus ; o surtout si l'on considère que la ton-
sure de saint Pierre, couronnée d'un tour
de cheveux, est une marque glorieuse de la
passion deJ.-C. el nue image de sa couronne
d'épines. « Neque ob id lantum in coronam
attondemur, quia Petrus ita attonsus est. sed
quia Petrus in memoriam Dominicae Passionis
ita attonsus est, etc. Oportel eos, qui vel mo-
naehi votum vel gradum clericatus habent,
formam quoque coronae, quam Dominus in
passione sua spineam portavit in capite suo.
quemque in capite per tonsuram praeferre.a
C'est encore comme une éternelle protesta-
tion de vouloir prendre part a la honte glo-
rieuse et à la sage folie de la croix de J.-C.
« Ut se etiam irrisiones et opprobria pro illo
libenter ac prompto animo sufferre, ipso etiam
frontispicio doceant. a
Enfin c'est pour aller au-devant de celte cou-
ronne incorruptible de gloire que nous atten-
dons, et pour laquelle nous nous séparons de
toutes les vanités du siècle : a Ut coronam
vitœ a?tern;ï se semper expectare, proque hu-
jus perceptione etadversa se mundi, et pro-
spéra conte in nere désignent. »
XIII. Quant à la couronne qu'on blâmait en
Angleterre . et qu'on y attribuait à Simon le
Magicien, comme contraire à celle de saint
Pierre, ce même abbé nous la dépeint un peu
plus bas. et il nous fait voir que ce n'était
que le demi-tour de cheveux sur le front,
le reste manquant, qui devait entourer le der-
rière de la tète.
« Tonsuram Simonis quis non cum ipsa ma-
gia detestetur ; quae aspectu in frontis quidem
superficie coron;e videtur speciem pneferre ;
sed ubi ad cervicem considerando perveneris,
decurtatam eam, quam te videreputabas inve-
nies coronam ; ut merito simoniacis et non
christianis talem habitum convenue cognoscas,
qui in praesenti quidem vita, a deceptis bomi-
nibus putabantur digni perpetu;e gloria coro-
na", sed in ea quae banc sequitur vita, non
solum omni spe coronœ privati , sed seterna
insuper sunt pœna damnati. »
Il était difficile de faire une peinture plus
naïve et plus ressemblante de cette demi-cou-
ronne sur le devant de la tète, qui semblait
figurer que les disciples de cet hérésiarque'
n'avaient que les apparences de la piété, et ne
pouvaient espérer que la gloire du siècle pré-
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-HUITIÈME.
sent, n'ayant rien de solide dans le secret, ni
rien à espérer dans le siècle à venir. Le cercle
entier de la couronne marque l'éternité de la
vie sans fin qu'elle fait espérer; celle qui n'a-
chève pas le cercle est un funeste augure du
contraire. « Qui ad coronam te vitae, quœ ter-
minum neseiat, tendere credis, quid contrario
fidei tua: habitu terminatam in capite coronae
imaginem portas. »
Si c'est cette tonsure dont le moine Agrestius
fit nu reproche aux défenseurs de saint Colom-
ban dans le concile de Màcon, en 027, c'est ce
que je n'oserais ni assurer, ni nier. Entre les
lettres du martyr Boniface, la quarante-qua-
trième est d'Athelme, abbé d'Angleterre, tis-
sue des mêmes raisons de l'abbé Céolfrid et
des paroles de saint Isidore de Sévile.
XIV. De ce que nous venons de dire on peut
conclure que de quatre différentes manières
de couronnes et de tonsure, il y en a deux
d'infâmes, une tolérée, l'autre autorisée.
Celle que les anglais attachés aux cérémo-
nies romaines, détestaient et attribuaient par
conséquent à Simon le Magicien, sans autre
fondement à mon avis que de ce qu'elle était
contraire a celle qu'on croyait être de saint
Pierre, celle-là, dis-je, vient de nous être re-
présentée assez clairement. Celle que les clercs
inférieurs de la province de Galice avaient
empruntée des anciens hérétiques d'Espagne,
et dont nous avons rapporté la condamnation
par le concile IV de Tolède pourrait passer
pour la même que celle de nos jeunes clercs
dans le siècle présent ; mais si elle en approche
par le seul petit cercle du haut de la tête, elle
en est très-différente par la modestie des che-
veux. Car ce que le concile de Tolède con-
damne le plus justement, ce sont les longs che-
veux que les lecteurs du royaume de Calice
portaient a la façon des laïques. « Prolixis ut
laicicomis. »
II est vrai que ce concile veut que les moin-
dres clercs portent la tonsure et la couronne
aussi grande que les évoques, et que notre
pratique est fort éloignée de cela. Mais c'est à
quoi il faut rapporter ce que l'abbé Céolfrid
vient de nous apprendre, que jamais l'Eglise
n'a prétendu introduire dans ces sortes de pra-
tiques une uniformité générale et qu'elle ne
désapprouve pas la différence qu'on met entre
les choses de leur nature indifférentes, et celles
qui sont essentielles à la religion.
XV. Après ces deux manières de couronne
et de tonsure, qui n'ont pas été approuvées, il
en reste deux qui ont mérité d'être attribuées
l'une à saint Pierre et à l'église d'Occident,
l'autre à saint Paul et à l'Eglise Orientale.
Quant à cette attribution, il y a toutes les ap-
parences du monde qu'elle n'est provenue que
de la maxime de saint Jérôme, qui veut bien
que chaque Eglise mette ses anciennes prati-
ques au rang des traditions apostoliques. En
etfet, dès que l'antiquité d'un usage est telle
(ju'on en a oublié le commencement, on se
laisse insensiblement aller à la créance, qu'elle
a pris naissance avec lEglise même, de ceux-là
même qui ont donné commencement à chaque
Eglise. Grégoire de Tours attribue aussi à saint
Pierre la première institution de la couronne,
ou de la tonsure comme nous le dirons dans le
chapitre suivant.
XVI. Enfin l'abbé Céolfrid a remarqué que
non-seulement les clercs, mais les moines aussi
doivent porter la tonsure de saint Pierre, avec
un cercle de cheveux qui fait comme leur cou-
ronne ou leur diadème. Cela s'était donc déjà
introduit dans l'Angleterre ; car il est certain
que ce n'était pas la coutume des religieux
d'Espagne. Les conciles de Tolède n'ont donné
de couronne qu'aux clercs, ils ont donné aux
religieux la tonsure seulement de même qu'aux
pénitents; saint Isidore l'a dit en termes formels
dans sa règle ; et il l'a assuré, encore plus clai-
rement quand il a dit que la couronne mar-
quait la royauté du sacerdoce de l'Eglise. Ce
n'est donc qu'aux clercs qu'il a donné la cou-
ronne.
XVTI. Mais cette pratique de couronner d'un
tour de cheveux la tète des moines, est appa-
remment venue de ce que dans ce même temps
les religieux entrèrent presque tous dans la
cléricature, surtout en Angleterre, où les suc-
cesseurs d'Augustin et de ses confrères furent
presque tous religieux aussi bien qu'eux, et
ayant été les prédicateurs et les Pères de l'E-
glise anglicane, ils firent un très-saint et très-
avantageux mélange de la profession monasti-
que et de la cléricature. Aussi nous allons voir
qu'en ces mêmes vi% vne et viue siècles la ton-
sure monacale était souvent donnée au lieu de
la cléricale ; pour entrer dans le clergé, on
commençait par se faire moine, les moines
étaient appelés clercs, et la profession monas-
tique suffisait pour faire l'office de lecteur
dans l'église.
Au reste, si nous disons que la coutume de
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
raser la tète a passé des moines aux clercs, et
que celle de laisser un tour de cheveux a passé
des clercs aux moines, comme nous le dirons
encore dans le chapitre suivant, il est visible
qu'en cela il n'y a nulle contrariété.
CHAPITRE TRENTE-NEUVIEME.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE CLERICALE EN FRANCE ET EN ITALIE. A ROME ET EN ORIENT,
AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. La tonsure des clercs ne consistai! qu'à avoir les cheveux
couils.
II. on tondait ceux qu'on faisait clercs ou moines.
III. Ainsi la tonsure des clercs et des moines semblait être la
même.
IV. Selon le langage de ce temps-là, on devenait clerc par la
tonsure mouacale.
V. Preuve tirée de Grégoire de Tours, que les clercs avaient
une couronne outre la tonsure. Les moines l'avaient aussi lors-
qu'ils étaient clercs, mais non pas les pénitents. •
VI. Preuves que le haut de la tète était même rasé. Voilà
pour la France.
VII. En Italie, la même tonsure et la même couronne était en
usage pour les clercs et les moines.
VIII. On tonsurait aussi les bas ofûciers qui gouvernaient le
temporel de l'Eglise.
IX. L'antiquité de la tonsure ou de la couronne pourri
provenir de la glorieuse ignominie que les ennemis deJ.-C. lui
avaient fait souffrir.
X. Preuves qu'on ne rasait point encore la tète dans les pre-
miers siècles.
XL XII. Dans l'Orient, la tonsure était en même recomman-
dation.
XIII. On ne tonsurait point les clercs, sans leur conférer quel-
qu'un des ordres inférieurs.
XIV. Quand les Grecs ont parlé de la couronne.
XV. Comment ils l'ont prise pour une tradition apostolique ;
et comment il est vraisemblable qu'elle a passé des moines aux
clercs.
XVI. Autres preuves que la couronne n'est pas des quatre
premiers siècles.
I. Continuons le même discours de la ton-
sure et de la couronne cléricale et,' passons
d'Angleterre en France.
Le concile d'Agde, tenu en 506 (Can. xv ,
oblige les pénitents à couper leurs cheveux et
changer d'habit : « Si comas non deposuerint,
aut vestimenta non mutaveiint. abjiciantur. »
Il ordonna aux archidiacres de couper les che-
veux aux jeunes clercs qui les porteront trop
longs, malgré toute leur résistance. « Clerici
qui comam nutriunt, ab archidiacono, etiamsi
noluerint , inviti detondeantur Can. xx . »
Voilà l'ancienne modestie dans les cheveux
courts, mais on n'y parle point de couronne.
IL Grégoire de Tours dit que le grand Clovis
fit tondre le roi Chararic et son fils et leur fit
donner les ordres sacrés. « Vinctos totondit, et
Chararicum quidem presbvterum , filium vero
ejus diaconum ordinari jubet (L. n, c. -il). »
Childebert et Clotaire, enfants du grand Clovis,
envoyèrent demander à leur mère, sainte Clo-
tilde. si elle aimait mieux qu'on tuât ses petits-
fils, enfants de Clodomire, ou qu'en les tondant
on les dégradât de la royale noblesse et qu'on
les égalât au peuple; « Dtrum incisa caesarie,
ut reliqua plebs habeantur an certe bis inter-
l'eetis, etc. (L. m. c. 1S . » Cette sainte reine
ne pensant rien moins qu'à ce qui arriva, ré-
pondit dans le transport de sa douleur, qu'elle
aimait mieux les voir privés de la vie que des
marques de leur royale naissance, « Satins
mihi. si ad regnum non erigunlur, mortuos
eos videre. quam tonsos. »
Ces princes impitoyables se défirent de deux
de leurs neveux, le troisième nommé Clodoald
s'échappa et se coupant lui-même les cheveux,
il prit la cléricature et ensuite la prêtrise, où il
mérita une couronne et une royauté immor-
telle : « Sibi propria manu capillos incidens,
clericus factus est, etc. (L. iv, c. i). » Le frère
du comte de Rretagne se fit tonsurer pour être
fait évèque de Vannes, puis laissant croître ses
cheveux et reprenant sa femme, il voulut suc-
céder à son frère qui était mort dans la comté ;
mais les évêqoes l'excommunièrent.
« Tonsuratus et episcopus ordinatus est, etc.
Apostalavit et demissis capiliis, uxorem quam
post clericatum reliquerat, cum regno fratris
8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-NEUVIÈME.
simul accepit, sedabepiscopisexcommunicatus
est (L. v, c. .'), I i). » Et plus bas, « Mundericus
tonsuratus, et episcopus ordinatus est. » Et
plus bas, « Meroveus tonsuratus est, mutataque
veste, qua clericis uti mos est, presbyter ordi-
natur. » Et plus bas encore, « Ille in eodem
loco conversus, tonsurato capite, fidelissimus
monachus nunc habetur (L. vi, c. G, 9). » Et
plus bas, « Radecbisilus dômus régis major,
tonsuratus , gradus quos clerici sorliuntur,
ascendens, etc. » Et en parlant des princes de
la maison de Clovis , « Utregum istorum mos
est, crinium tlagellis per terga demissis, etc.
Clotarius jussit tonderi comam capitis ejus,
dicens , hune ego non generavi (L. xxiv,
c. 28). » Et ailleurs, « Marius referendarius,
subito lateris dolore detentus, caput totondit,
atque peenitentiam accipiens , etc. (L. vu,
c. '.il). » El en un autre endroit, « Nicetius
cornes praeceptionem a Chilperico acceperat, ut
tonsuratus civitati illi sacerdos daretur. » Et
plus bas, « Episcopus suscepto puero, totondit
comam ca]iitis ejus, deditque eum archidia-
cono Ecclesiae suœ, etc. (L. x, c. 8, 29). » Et
plus bas, a Cum jam degeret cum memorato
antistite Aredius, tonsurato jam capite , etc.
Ex familia propria tonsuratos instituit mona-
chos ; caenobiumqne fundavit. o
III. De cette confusion étudiée de passages il
parait assez clairement qu'il y avait aussi une
confusion de tonsures entre les ecclésiastiques
et les moines.
Grégoire de Tours se sert toujours des mêmes
termes pour les exprimer et il serait difficile
qu'en un si grand nombre d'endroits il ne se
fût rencontré quelque occasion d'en insinuer
la différence. Les princes de la maison royale
de Clovis se distinguaient du reste du monde
par la longueur extraordinaire de leurs che-
veux.
Les autres personnes séculières les portaient
aussi fort longs. Les ecclésiastiques et les moi-
nes se les faisaient tondre afin de les avoir tou-
jours fort courts et témoigner par là le retran-
chement des supei Unités du monde : le concile
d'Agde ordonne seulement de couper les che-
veux trop longs aux jeunes clercs.
Au reste ci: que j'ai dit et ce que je pourrai
dire ensuite de la tonsure et de la couronne
des clercs. qui el.iil sinisent confondue avec celle
des moines, ne paraîtra pas si étrange, si l'on
considère que l'Eglise avait pu permettre des
lors aux abbés de donner la tonsure cléricale à
leurs religieux ; comme il est indubitable que
les conciles œcuméniques mêmes leur ont
dans la suite des siècles, ou donné, ou confirmé
cette puissance. Mais comme tous les abbés
n'ont pas joui de ce privilège ; aussi les moines
recevaient souvent la tonsure des évoques.
Enfin comme tous les moines profès n'étaient
pas clercs, et qu'ils avaient tous néanmoins la
tonsure monastique, cela nous force toujours
de reconnaître quelque différence entre la ton-
sure des clercs et celle des moines et par con-
séquent entre la tonsure des moines qui
étaient clercs et celle de ceux qui ne l'étaient
pas.
Il y a néanmoins bien d'autres exemples où
les abbés donnent la tonsure et la cléricature
tout ensemble à leurs religieux. Grégoire de
Tours parlant de l'abbé qui reçut saint Gai
dans son monastère, « Tune abbas puerum
clericum fecit (De vitis Patr. c. 5). » J'en dirai
davantage ailleurs. J'ajouterai seulement ici
cette circonstance curieuse qui se lit dans la
vie de saint Maur , que quand il tonsura le
jeune Flore, après lui le roi et tous les Sei-
gneurs lui' coupèrent aussi chacun une partie
de ses cheveux : « Rex primus post eum de
coma capitis ejus totondit ; deinde quicumque
ex optimatibus ejus voluit (Cap. iv). »
La règle de saint Aurélien marque une autre
singularité notable; on enfermait dans quelque
chasse ou reliquaire des saints une partie des
cheveux coupés ou pour les consacrer, ou
plutôt pour servir de témoignage contre les
violateurs d'une si sainte cérémonie. « Si quis
laïeus tonsurandus est, de capillis illitisincon-
fessionem mittatur, ut ei in testimonio sit. »
IV. Voyons si les autres ouvrages du même
Grégoire de Tours nous confirmeront dans la
même pensée de l'indistinction de la tonsure
cléricale et de la monacale. En parlant du
monastère de saint Maurice , il dit qu'une
femme y offrait son fils à l'abbé, pour y rece-
voir la cléricature, c'est-à-dire pour y être fait
moine. « Mulier filium unicum ad monaste-
rium adducens, abbati tradidit erudiendum ,
videlicet ut factus clericus , sanctis mancipa-
relur officiis. Verum cum jam spiritalibus esset
eruditus in litteris, et cum reliquis clericis
in choro psalleret canentium , etc. (De glor.
Mar. t. x, c. 76). »
Parlant ailleurs d'un bénéficier qui desser-
vait une chapelle, il L'appelle tantôt moine,
tantôt clerc : « Monachus ipsius loci, etc. Fes-
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
9
livitate ovans clericus, etc. Ingressus promptua-
rium clericus, etc. (L. il, c. 3b . » El ailleurs,
« Purulum ex familia Ecclësiœ Turonicae, Im-
miliatis capillis huic monasterio cessimus'(De
glor. Conf. c. 22, 32). » Et plus lui?, « Ex con-
sensu pari vir tonsuratusad clericatum, puella
vero religiosum induit vestimentum. » Et dans
un autre ouvrage, un maître consacra à saint
Martin son esclave, s'il guérissait à son tom-
beau : « In illo die absolutus a mei servitii vin-
culo, incisis capillis tuo servitio delegetur, etc.
Tonsurato capite et accepta libertate , ibidi m
Domini usibus deservivit [Du Mirac. I!. Mart.
1. ii, c. i. 53 . » Et ailleurs parlant d'un autre,
« Ad monasterium sibi proximum, humiliatis
capillis, ac presbyter ordinatus (Vitœ l'atrum,
c. v). » Et parlant ailleurs de saint Portien qui
fut relâché miraculeusement par son maître .
afin de pouvoir entrer dans un monastère,
» Exin beatus Portianus clericus factus, tanto
virtulis cumulo est prselatus , ut decedente
abbate ipse succederet. »
Ce fut l'abbé même du monastère qui le fit
clerc, comme il paraît par toute la suite du dis-
cours et comme on peut encore connaître par
l'exemple de saint Gai, dont Grégoire de Tours
dit formellement que l'abbé le fit clerc, en le
recevant dans son monastère. « Nu ne abbas
piierum clericum fecit, etc. Quem cum Quin-
tianus episcopus ad idem monasterium veniens
cantantem audisset, etc. (Ibid. e. vi, ix. >.\ . o
Et parlant ailleurs de l'abbé saint Patrocle,
« Accessit ad Biturigse urbis episcopum pe-
tiitque comam capitis tonderi, adscirique se in
ordinem clericorum. » Et plus bas (C. x\ .
« Senoeh Pictavi pagi quem Theipbaliam vo-
cant, oriundus fuit, et conversus ad Dominum,
clericusque factus monasterium sibi insti-
tuit. »
V. Tous ces passages nous persuaderaient
sans doute, que l'Eglise de France n'avait pas
encore ajouté la couronne à la tonsure cléri-
cale, si le même Grégoire de Tours ne nous
faisait une description achevée de l'une et de
l'autre, en parlant de la naissance de saint Ni-
cetius ou Nizier, évèque de Trêves.
Il rapporte, que quand il vin! au monde, sa
tète parut d'abord sans cheveux, à la réserve
d'un petit filet de cheveux qui l'entourait
comme un diadème, en sorte que l'on crut que
c'était un heureux présage de la profession
cléricale, qu'il devait un jour embrasser.
« Igitur sanctus Nicetius episcopus, ab ipso
ortus fui tempore clericus designatusest. Nam
cum partu fuissel effusus, omne caput (jus, ut
ist consuetudo uascentium infantium, a ca-
pillis iiudum cernebatur ; in circuitu vero
modicorum pilorum ordo apparuit, ut putares
ab eisdem coronam clerici fuisse signatam.
Exinde a studiosissimis enutritus parentibus,
litteris institutus, abbaticuidam in monasterio
commendatur; in quo loeo ita se devotum ex-
hibuit, ut migrante abbate ipse succederet
(Ibid. c. xvu). »
Voilà un témoignage certain, que dans le
sixième siècle tous les clercs de l'Eglise galli-
cane n'étaient pas seulement tonsurés, mais
qu'ils portaient aussi une couronnne, c'est-à-
dire un Irès-petit tour de cheveux au bas de la
tète, comme Grégoire de Tours vient de le dé-
crire et comme nous lavons déjà remarqué
dans les Eglises d'Espagne et d'Angleterre. Il
faut en même temps demeurer d'accord que
la même couronne accompagnait la tonsure
des moines , puisque nous voyons que saint
Nizier entra aussitôt qu'il le put en religion,
sans s'opposer au céleste présage de sa cléri-
cature, et que nous avons par tant d'exemples
fait voir le mélange de la cléricature avec la
profession monastique.
Il n'en est pas de même de la tonsure des
pénitents, qui ne pouvaient être faits partici-
pants de la cléricature, et qui par conséquent
ne pouvaient pas prétendre à l'auguste cou-
ronne du royal sacerdoce de l'Eglise.
Grégoire de Tours parle indifféremment de
la couronne des clercs et des moines, quand il
dit que saint Pierre l'institua comme une mar-
que d'humilité. « Apostolus ad humilitatem
docendam caput desuper tonderi inslituit (De
glor. Mar. L. i.c.28. L. vin, nist. c.20).» Il dit
ailleurs que l'évêque de Cahors ayant été ex-
communié et mis à la pénitence, on lui défen-
dit de couper ses cheveux ou sa barbe. «Neque
capillum neque barbam tonderet. » Le pape
Vigile laissa aussi croître ses cheveux et sa
barbe à Constantinople, si nous en croyons la
lettre des ambassadeurs de France.
Saint Loup, archevêque de Sens, ayant été
rappelé de son exil par le roi Clolaire, parut
devant lui avec une barbe longue et de longs
cheveux, qui étaient les marques de son altlic-
tion et de ses austérités : « Caput intonsum,
barbamque minime rasam, ob cumulandum
abstinentia; rigorem : » Le roi en fut touché et
commanda qu'on lui coupât la barbe et les
in
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-NEUVIÈME.
cheveux. « Jubet eum honorifice tractari, co-
mamque et barbam tonderi Baron. An. C3J,
n. i . »
Ainsi cet usage de raser la barbe et une par-
tie des cheveux, qui avait été autrefois une
marque saintement affectée d'une ignominie
glorieuse qu'on souffrait avec joie pour J.-C.
était alors devenue dans l'estime même des
hommes , une marque de grandeur et de joie ,
dont les prélats exilés étaient privés, ou se pri-
vaient eux-mêmes pendant leur affliction, et
qu'ils reprenaient dan? leur rétablissement.
VI. Saint Ouin, évêque de Rouen, dans la vie
de saint Eloi, évêque de Noyon, semble faire
descendre des apôtres la tonsure cléricale ,
« Sub sa^culari habita, vel sub venerabili et
apostolica tonsione (Cap. xxxi). » L'auteur de
la vie de saint Ouin dit que saint Eloi et lui ,
furent tonsurés tous deux ensemble : « Clerici
tonsuram accepit, uno eodemque tempore
etiam Eligio comam ponente Can. \ . »
Saint Césaire étant encore enfant, se fit ton-
surer par son évêque, et deux ans après alla se
faire religieux à Lérins, « Petens utablatis sibi
capillis mutatoque habita, divino ipsum anti-
stes servitio manciparet (Cap. i). » Saint Corbi-
nien, évêque de Frisingue, se fit raser la tète
et la barbe et couper les cheveux le jour même
qu'il devait mourir, et après avoir célébré le
divin sacrifice, il expira. «Ex more abluens
corpus, capillos sibi tonderi fecit, et caput et
barbam radi (Cap. xxx). »
Ce passage ajouté à ce que Grégoire de Tours
nous disait de saint Nizier au jour de sa nais-
sance, pourrait donner a croire que le haut de
la tète des clercs était non-seulement tondu,
mais aussi rasé. Car saint Corbinien pour rafraî-
chir sa tonsure et sa couronne se fit raser la
tête et tondre les cheveux, « caput radi, capil-
los tonderi; » Ce qui ne se peut entendre qu'en
coupant plus courts les cheveux qui faisaient
le tour de la couronne, et rasant tout le haut
de la fête. Et en ce sens, Grégoire de Tours
aura fait la comparaison fort juste de la tête
des clercs avec celle de saint Nizier, qui n'avait
point de cheveux du tout au haut de la tète,
non plus que les autres enfants qui naissent,
mais qui avait un filet de cheveux en cercle au
bas de la tête, ce que les enfants n'ont pas. Ce
ne sont pourtant là que des conjectures.
VIL M nous reste a parler de l'Eglise de
Home et d'Italie, afin de passer ensuite en
Orient.
Jean Diacre, dans la vie du grand saint Gré-
goire, nous a décrit une image peinte de ce
saint pape qui était demeurée à Rome. Je n'en
rapporterai que ce qui regarde sa barbe et ses
cheveux : « Barba paterno more subfulva et
modica, ita calvaster, ut in média fronte gemel-
los cincinnos rarusculos habeat, et dextrorsum
reflexos : corona rotunda et spatiosa, capillo
subnigro et decenter intorto, sub auriculœ
médium propendenle (L. iv, c. 83). » Voilà la
couronne cléricale et les oreilles à moitié dé-
couvertes.
Grégoire II , dans un concile romain de
l'an 721 (Can. xvu), soumil à t'anathème les
clercs qui portent de longs cheveux : « Si quis
ex clericis relaxavcrit comam, anathcma sit. »
Le pape Zacharie renouvela ce canon dans
un concile romain de l'an 713. Anastase, biblio-
thécaire dans la vie du pape Zacharie, dit que
ce pape donna l'habit de moine à Rachis, roi
des Lombards, en le faisant clerc. sAcceptaque
a sanctissimo papa oratione, clericusque effec-
tus monachico indutus est habita eum uxore
et filiis (Can. vin). » La tonsure cléricale et
monacale y était donc confondue.
11 est vrai que nous avons dit ci-devant que
le pape Vitalien après avoir donné le sous-dia-
conat au moine grec Théodore, lui laissa croî-
tre les cheveux durant l'espace de quatre mois,
afin de pouvoir ensuite le tonsurer et lui faire
la couronne à la mode des occidentaux. Mais
c'est parce que Théodore était tonsuré à la
façon de l'Orient, sans couronne, et apparem-
ment tout rasé.
VI H. Le grand saint Grégoire se plaint qu'en
France les personnes plongées dans la boue du
siècle, se faisaient tout-à-coup tonsurer pour
être faits évêques. « Defunctis episcopis tonsu-
rantur, et fiunt repente ex laicis sacerdotes
(L. vu, Ep. 3). » Il défend ailleurs de ne tonsu-
rer les moines qu'après deux ans de noviciat,
« Ut eos quos ad convertendum susceperint,
priusquam hienniuin in conversatione com-
pleant, nullo modo audeant tonsurare (L. vin,
Ep. 23). »
11 commande de rendre à une femme son
mari qui s'était l'ail religieux sans son consen-
leinent. et avait déjà été tonsuré : « Etiainsi
jam tonsuratus est, reddere debeas (L. ix,
Ep. fi). » Mais il n'est pas facile de savoir qui
sont ceux qu'il appelle Tonsuratores dans la
Sicile, et a qui il défend de prendre le nom de
défenseurs; s'il n'entend ceux à qui il avait
DE LA TONSFRE ET DE LA COURONNE.
Il
donné le pouvoir de tonsurer les laïques, elles
appliquer après cela aux fonctions les plus
basses du temporel de l'Eglise (L. ix. ep. 17).
Voici ce qu'il écrivit à Pierre, sous-diacre, qu'il
avait chargé du soin du patrimoine de l'Eglise
romaine dans la Sicile : « Si vero de laicis
Deum timentibus inveneris, ut tonsurari de-
beant, et actionarii sub rectore fieri, omnino
patienter fero (L. xii, ep. 30). »
Ce recteur était celui qui était particulière-
ment chargé de tout le patrimoine de l'Eglise
de Rome dans la Sicile, c'était toujours
un ecclésiastique qui avait besoin d'être assisté
de plusieurs autres officiers subalternes , aux-
quels on donnait la tonsure, parce que le bien
de l'Eglise n'était gouverné que par des clercs,
comme nous avons dit ailleurs. Je sais que
ceux que saint Grégoire appelle Tonsuratores ,
ont été pris quelquefois pour les auteurs ou
exécuteurs de quelques exactions violentes.
Mais cela n'est pas de notre sujet.
Il vaut mieux remarquer que de tondre les
laïques mêmes qui étaient au service de l'Eglise,
c'était une marque de leur sujétion et de leur
appartenance très-étroite à l'Eglise. Anastase,
bibliothécaire, dit que l'empereur Constantin
Pogonat envoya au pape Renoît II, les cheveux
de ses deux fils, « mallones capillorum , »
comme de précieux gages de leur attachement
et de leur amour pour l'Eglise romaine.
Paul, diacre, raconte que Charles, prince des
Français, envoya à Luitprand, roi des Lombards
son fils Pépin, afin que lui coupant lui-même
les cheveux, il l'adoptât en quelque manière
pour son fils. « Carolus princeps Francorum
Pipinum filium suum ad Luitprandum direxit,
ut ejus juxta morem capillum susciperet. Qui
ejus caesariem incidens, ei pater effectus est,
multisque eum ditatum regiis muneribus, geni-
tori remisit (Baron., An. 084, n. vu). »
Quand cet auteur dit que cela se lit selon la
coutume, « juxta morem, » il nous apprend
que c'était une manière assez ordinaire d'adop-
ter des enfants en leur coupant les cheveux.
C'est donc à peu près de la même manière que
les laïques de Sicile par la tonsure étaient
comme appropriés à l'Eglise. L'origine de cet
usage parmi les laïques fidèles, n'était peut-
être qu'une imitation de la tonsure ecclésias-
tique. 11 se pourrait faire aussi qu'il fût émané
de quelques coutumes assez approchantes qui
avaient eu cours autrefois entre les gentils.
Anastase, bibliothécaire, dit que quand ceux
de Spolette et de Rieti. rentrèrent dans l'obéis-
sance de l'Eglise romaine sous Adrien Ier, ils se
firent tonsurer à la mode des Romains. «Omnes
more Romanorum tonsurati sunt. » Ce que
Ciaconius explique de la sorte, « Perpétuant
Romanae Ecclesiae fidem et obsequium jurave-
runt, deposito capillo et barba, quod apud eam
gentem deditionis verœ maximum signum
erat. »
IX. Je ne sais si c'est de la couronne exté-
rieure qu'Ennodius voulait parler, comme d'un
symbole de la royauté , quand il écrivait au
pape Symmaque, « Dum Sedem Apostolicam
coronae vestrœ cura moderatur, et caelestis im-
perii apicem regitis. » Grégoire de Tours, croit
que c'est plutôt une marque d'humilité que
saint Pierre affecta dans la tonsure , qu'une
image de royauté sacerdotale : « Petrus Apo-
stolus ad humilitatem docendam , caput desu-
per tonderi instituit , qui Romœ catiiedram
locavit. (Deglor. Mart., 1. i. — L. v, ep. 10.
c. 28). »
Saint Cyprien remarque cette difformité dans
les cheveux, comme une peine dont les persé-
cuteurs tachaient de déshonorer les martyrs
qui jugeaient au contraire, qu'il ne pouvait y
avoir une couronne qui leur fût plus glorieuse,
que d'être déshonorés pour J.-C. «Caput semi-
tonsum detestabilis et tetra deformitas apud
Gentihs Epist. lxxvii). »
En effet, Suétone met entre les extravagances
malicieuses de l'empereur Caius , d'avoir pris
plaisir de raser la tète de ceux qui tiraient
vanité de leur belle chevelure. « Pulchros et
comatos , quoties sibi occurrerent, occipitio
raso deturpabaf Cap. xxxv). » Philostrate dit
que Domitien fit couper la barbe et les cheveux
à Apollonius de Tyane, pour le tourner en ridi-
cule. Si la couronne cléricale a été aussi
ancienne que quelques-uns le prétendent, il
est plus apparent que ce soit de cet amour des
humiliations qu'elle ait pris commencement,
et d'une sainte horreur de tout ce qui nourrit
la vanité et le luxe des séculiers.
X. Mais il est presque indubitable qu'au
moins on ne se rasait pas la tète dans ces pre-
mi< rs siècles. En effet, outre que dans tous les
passages que nous avons cités dans ce chapitre
et dans le précédent , il n'est parlé que de la
tonsure, et qu'il n'y est fait aucune mention
que les clercs se rasassent la tête . saint Jérôme
nous apprend que cela ne se pratiquait point
de son temps (Cap. xxxvii, n. 0 .
1-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE TRENTE-NEUVIÈME.
C'est sur L'endroit où Ezéchiel défend aux
prêtres de l'ancienne loi de se raser la tète, ou
de laisser croître leur? cheveux, et leur prescrit
une tonsure qui tienne le milieu entre ces
deux extrémités vicieuses : « Caput suum non
radent, neque comam nutrient, sed attonde-
bunt capita sua : » et c'est ce que les eccle-i.r-
tiques doivent pratiquer lu Ezech., c. ii .
Voici l'explication que saint Jérôme donne
sur ce passage d'Ezéchiel : « Perspicue d( mon-
stratur, nec rasis capitibus, sicut sacerdotes
cultoresque Isidis ac Serapidis nos essedebere,
nec rursus comam demittere , quod proprie
Iuxuriosorum est, barbarorumque et militan-
liuiu, sed ut bonestus babitus sacerdotum facie
demonstretur. Discimus nec caMtium nova-
cula esse faciendum, nec ita ad pressum ton-
dendum caput, ut rasorum similes esse videa-
mur, sed in tantum capillos demittendos, ut
opertum sit caput. »
Le grand saint Grégoire, pape, rapporte dans
son pastoral, partie n, chapitre vu, les menus
paroles d'Ezéchiel, et leur donne le même sens
presque en mêmes termes que saint Jérôme :
«Sacerdotes reetc caput prohibentur radere,
et comam nuliire. Capilli in capite sacerdotis
et servanlur. utcutem cooperiant, et resecan-
tur. ne oculos clau'dant. Part, n, c. 7). »
XI. Saint Jérôme nous a conduits dans
l'Orient, où la tonsure des clercs n'était pas
moins religieusement observée.
Le concile in Trullo (Can. xxi), permet aux
ecclésiastiques qui ont (te dégradés pour cri-
mes, de continuer de porter la tonsure cléricale,
pourvu que leur sincère et fervente pénitence
1rs rende dignes de ce caractère d'honneur et
de sainteté: a moins de cela il les condamne à
porter les cheveux comme les laïques, puis-
qu'ils préfèrent la vie de la terre à celle du
Ciel.
« Si quidem ad conversionem sua sponte
respicientes, peccatura délient, propter quod a
gratia exeiderunt, et ab eo se penitus aliènes
efficiunt, clerici habitu tondeantur; tû t<s xxiipou
xEipttrôuoxv trpws.™. Sin autem non sua sponte hoc
elegerint, comam sicut laïci nutriant, utpote
qui mundanam conversation em vitae cselesti
prsetulerint. »
Cela nous montre que la tonsure cléricale
devait être accompagnée d'une vie sainte,
parce que ce retranchement des superfluités
mondaines marque une vie toute céleste, ta?
oùpavcù X'"T.Î.
XII. Ce même concile (Can. xxxn) condamna
la pratique des arméniens qui faisaient exercer
l'office de chantres et de lecteurs à des gens
qui n'étaient pas encore tonsurés. « Etiam non
tonsos, sacros cantores et divinae legis lectores
constitui. » Et il ordonna qu'on commençât
par leur donner la tonsure, avec la bénédiction
épiscopale. «Nisi sacerdotali tonsura usus fue-
rit, UpaTixîi xoufâ, et benediclionem a suo pastore
canonice susceperit. »
XIII. Le célèbre Eulycbius qui fut depuis
patriarche de Constantinople , ne reçût l'ordre
de lecteur qu'après avoir été tonsuré. L'auteur
de sa vie remarque que cet ordre a été comme
consacré parle Fils de Dieu même, lorsqu'il lut le
livre de la loi dans l'assemblée des juifs. « Pri-
mum spiritalem lectorisgratiamaccepit, quam
Dominus sanctifîcavit. Accepto enim libro legit,
et cuiii illum plicuisset, ministro reddidit. Nec
illud pr.eteiniiUendum est, quod primum ca-
pillos in sacra œde deposuit (Surius, die 6.,
April. c. x). »
Ces paroles et celles du canon précédent nous
semblent insinuer que l'on ne donnait pas la
tonsure sans donner en même temps l'ordre
de lecteur, ou quelque autre ordre inférieur.
Car c'était encore une loi inviolable de n'or-
donner personne, qu'en le consacrant à une
église ou à un monastère pour y exercer les
fonctions de quelque ordre. Or, la tonsure
seule n'est accompagnée ou suivie d'aucune
fonction.
Justinien ne nous permet pas de douter de
cette connexion nécessaire de la tonsure avec
quelque ordre, quand il dit que les fondateurs
des Eglises ou des bénéfices y ont sans doute
toujours assigné des revenus proportionnés au
nombre des prêtres, des diacres, des diaco-
nesses, des sous-diacres, chantres, lecteurs et
portiers qui devaient y servir; « Etiam cogita-
verunt, ut expensas sufficientes darent, quan-
tos quidem competens esset presbyteros per
unamquamque Ecclesiam, quantos diaconos,
masculos et feminas, quantos subdiaconos, et
rursus cantores atque lectores et ostiarios con-
stitui (Novell, m). »
Cet empereur déterminant le nombre des
ecclésiastiques ou des bénéficiers de la grande
Eglise de Constantinople, n'omet aucun de
ces ordres, mais il n'admet aucun clerc sim-
plement tonsuré, n'en ayant peut-être jamais
eu la pensée, tant la chose était encore incon-
nue. Ce qui parait encore clairement par l'au-
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
13
thentique ajoutée au code : « presbytères et
diaeonos, et subdiaconos, cantores ei lectores,
quos omnes clericos appellamus, etc. Cod. I, i,
leg. 33). »
XIV. Le Patriarche de Constantinople Ger-
main qui se signala par sa constance invincible
contre les empereurs iconoclastes, nous a
appris tout ce que les Crées de cet âge moyen
ont pensé de plus beau sur la tonsure et la
couronne des clercs , et de plus conforme aux
usages de Rome. En effet, c'est ici où nous
commençons de trouver plus clairement et
plus précisément , non-seulement la tonsure .
mais aussi cette couronne qui figure la royauté
des prêtres, aussi bien que leur dépouillement
de toutes les choses terrestres, et leur confor-
mité à la croix de J.-C. dont les épines, ks
humiliations et les souffrances ont fait la cou-
ronne.
Je sais que cet ouvrage est attribué par quel-
ques-uns à un autre Germain, patriarche de
Constantinople, qui vivait au commencement
du douzième siècle. Mais j'ai mieux aimé me
tenir au sentiment le plus commun, parce que
tout ce que je rapporte de cet auteur me parait
avoir beaucoup de conformité avec les senti-
ments qui avaient cours au temps de L!ède , et
des autres écrivains du même siècle.
Voici les paroles de cet auteur : « Tonsura
capitis sacerdotis, et rotunda ejus pilorum mé-
dia seclio, vice coronae est spinete , quam
Christus gestavit. Duplex corona circumposila
capiti sacerdotis , ex capillorum significatione ;
imaginem refert venerandi capitis apostoli
Pétri. Qiut cum missus esset ad prœdicationem
Domini et Magistri, ei tonsa est ab iis, qui ejus
sermoni non credebant, ut illuderetur ab ipsis;
eique magister Christus benedixit . et infa-
miam in honorem , illusionem in gloriam
convertit, et posuit super caput ejus coronam
non ex lapidibus pretiosis, sed lapide et petra
iidei effulgescentem super aurum, et lapides
pretiosos. Vertex enim, ornatus et corona duo-
decim Iapillorum Apostolis sunl : petra vero
sanctissinius apostolus est, primus hierarcha-
rum Christi (in Tbeoria Mystica Bibl. PP.
tom. 12. p. 379). »
XV. Voilà donc, comme il paraît par ces
termes, la même créance répandue dans l'Oc-
cident et dans l'Orient , sur la maxime très-
véritable de saint Jérôme, que toutes les prati-
ques et les traditions anciennes de l'Eglise sont
apostoliques, parce que l'autorité apostolique
réside éternellement dans l'Eglise. En effet les
personnes savantes dans l'antiquité ne peuvent
douter, qu'autan! que la modestie dans les
cheveux courts a été recommandée aux clercs
des la naissance de l'Eglise, ce qui s'appelle
la tonsure, autant la couronne, ou ce tour de
cheveuxqui entoure le bas de la tête a été incon-
nue dans les quatre ou cinq premiers siècles.
Les moines, pour attirer sur eux la risée des
gens du monde, et écarter l'admiration qui eût
si justement suivi leurs divines vertus, se fireut
d'abord tondre ou raser la tète d'une manière
bizarre et surprenante. Ayant été appelés aux
dignités saintes de la cléricature , ils ne crurent
pas devoir quitter les premières pratiques de
leur sainte profession : les ecclésiastiques les
plus parfaits se rendirent à l'envi imitateurs de
ces saints religieux : ils imitèrent leurs habits
et leur tonsure : ils voulurent aussi bien
qu'eux tirer leur gloire du mépris et des humi-
liations. J.-C. tt ses apôtres ayant servi de risée
au inonde , et ayant attaché les véritables hon-
neurs et les récompenses éternelles à cette
glorieuse ignominie , le clergé voulut se con-
former a lui. Saint Paulin nous a dépeint
ailleurs les moines à demi-rasés, et affectant
cette honorable difformité : «Casta deformitate
capillum ad cutem csesi, et inœqualiter semi-
tonsi. et destituta fronte prserasi : » Salvien en
a approché : « Monachus recisis comarum
fluentium jubis ad cutem tonsus ( L. 8. de
Provid). »
La couronne que les Anglais attribuaient à
Simon le magicien, et qu'ils reconnaissaient
pourtant avoir été portée par un grand nombre
de saints religieux et de saints ecclésiastiques
de leur pays, comme Bède nous a fait voir,
cette couronne, dis-je, ne ressemblait pas mal
à l'idée qui se forme des termes que nous ve-
nons de rapporter de saint Paulin. Il s'est pu
faire qu'après que cette couronne, qui avait
été honteuse aux yeux des hommes charnels,
fût devenue vénérable à tout le monde, parce
qu'on s'y accoutuma, et que tout le monde se
trouva converti à la foi chrétienne, on jugea
à propos de la conserver, de l'achever pour
ainsi dire, et d'en faire un monument éternel
de l'amour que tous les vénérables ecclésias-
tiques ont pour la croix et les opprobres de
Jésus-Christ.
En ce sens, il est véritable qu'elle représente
Ja couronne d'épines de J.-C, et qu'elle figure
les ignominies que saint Pierre avec tous les
li
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTIEME.
autres, et par-dessus tous les autres a souffert
pour J.-C. Et en voilà assez pour justifier tout
ce qui a été «lit sur ce sujet par les Anglais,
par les Français, par les Espagnols et par les
Grecs durant les sixième, septième et huitième
siècles.
XVI. Saint Denis a traité de la tonsure des
religieux et en a rendu les raisons mystérieuses
qui regardent le renoncement à toutes les illu-
sions du siècle; mais il n'a point parlé du tout
de cette conformité à la couronne d'épines du
Fils de Dieu, ou aux glorieuses humiliations
de saint Pierre (Crclest Hierar., c. vi). Il ne l'eût
pas assurément oubliée, si ces pieuses pensées
eussent eu déjà quelque vogue. Il ne parle
point non plus de ce tour de cheveux qui fait
une espèce de diadème ; il dit seulement que
le prélat coupe les cheveux en forme de croix
et en invoquant les personnes de l'adorable
Trinité : « Sacerdos eum signo crucis consig-
nans tondet, très Personas divinae Beatitudinis
invocando. »
11 ne parle que de la tonsure, et fait proba-
blement juger qu'on n'usait point du rasoir,
comme saint Jérôme l'a déjà montré. Ce fut
donc un peu plus tard qu'on commença dans
l'Occident à raser la tète des religieux, et a
leur imitation des ecclésiastiques, en leur lais-
sant un tour de cheveux au lias de la tète, et
de l'Occident cette pratique passa enfin en
Orient, où auparavant on ne parlait que de
couper les cheveux sans les raser et sans cou-
ronne. Martin, fils de l'empereur Anthémius,
s'étant révolté contre l'empereur Zenon, et
ayant élé trahi des siens, fut tondu et fait
piètre /..j-o i--.'):J.r.v-.;, dit Evagrius (L. m, c. 26).
Glycas et Cédrénus, parlant d'IIéraclius et en
faisant la peinture, ils nous le représentent
avec une longue barbe et de grands cheveux,
avant son élévation a l'empire; mais dès qu'il
fut monté sur le trône il coupa ses cheveux et
rasa sa barbe, parce que telle était la coutume
des empereurs. « Fuit fulvo crine, barba lata
atque prolixa. Sed imperator factus, extem-
plo comam totondit, ac mentum rasit, qui est
imperatorum habitus (Baroniusan.uTO, n. 5). s
Il y a toutes les apparences possibles que
les empereurs grecs en cela imitaient leurs
prédécesseurs les empereurs romains d'Occi-
dent ; mais il faut conclure de la que si les em-
pereurs mêmes de Constanlinople en usaient
alors de la sorte, les Grecs de l'âge suivant
eurent grand tort de faire un crime au clergé
occidental de ce qu'ils rasaient leurs barbes.
Les fastes d'Alexandrie, parlant de Justinien,
assurent qu'il rasait sa barbe, et que c'était
l'usage des Romains : « Justinianus eratmenlo
rasus, ritu Romanorum. »
Constantin Pogonat, ou le Barbu, fut ainsi
surnommé parce qu'il laissa croître sa barbe.
CHAPITRE QUARANTIEME.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE DES CLERCS SOUS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE
ET CELUI DE SES SUCCESSEURS.
I. Les clercs et les moines étaient tonsurés, c'est-à-dire qu'ils
portaient lis cheveux courts dans l'une et l'autre I
II. La tonsure monacale tenait quelquefois lieu de la cléricale.
Ml. I.» mes rasèrent an^i quelquefois leur tête, et peut-
être l< s clen - aussi dans la Grèce.
IV. Les clercs de l'Eglise latine ne rasaient que le haut de la
or faire l'image d'une tiare sacerdotale et d'un diadème
royal.
v. Pourquoi ils rasaient leur barbe.
VI. Suite du même sujet. Pratique des Grecs. Indifférence de
i ea pratiques.
Vil. Différentes tonsures des laïques, des moines et des clercs.
VIII. La tonsure monacale cesse de pouvoir passer pour la
couronne cléricale, apiès le temps du c. mille \ 1 1 ■ .
1\. Diverses preuves qu'il y avait alors des clercs à simple
tonsure, sans aucun ordre, dans l'Orient.
X. Preuves qu'il y en avait aussi dans l'Occident.
XI. Explication des tenues grecs qui signifient la tonsure.
I. Etienne II étant à Cressy, en France, pro-
nonça anathème contre les clercs et les moines
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
15
qui portaient les cheveux trop longs, o l't nul-
lus clericus, aut monacbus comam laxare prar
suin.it, aut anathema sit (Coocil. GalL, t. n,
p. I". Can. xvin.» Los moines et les «Kits
étaient donc simplement tonsurés, c'est-à-dire
qu'ils avaient les cheveux courts. Ce qui paraît
encore par le concile île Mayence de l'an 813
Can. xxin . « Et sive in canonico, sive in mo-
nacliico online nullus tondeatur sine légitima
se ta te. » Lu clerc était diocésain de l'évêque
qui lui avait coupé les cheveux : « Nostra in
parœcia inslruelus et detonsus (Ibid. pag. 666,
667). »
La même tonsure était en usage parmi les
Grecs, d'où vient que le pape Nicolas Ir, ré-
pondant aux invectives des Grecs, leur oppose
qu'eux-mêmes tonsurèrent d'abord un laïque
et le Grent patriarche : « Ex laico subito ton-
suram ac monachum faetum. ad episcopatus
apicem provehant Epist. lxx) »
Cette tonsure qui était propre aux clercs et
aux moines parmi les Grecs, était bien diffé-
rente de celle de ces laïques dont il est parlé
dins une lettre d'Adrien I" à Charlemagne,
où il lui raconte comment Arichise, duc de
Bénévent, s'est mis sous la protection de l'em-
pereur de Constantinople, et a promis de n in-
former ses babils et ses cheveux a la mode des
Grecs : « Promittens se sub imperatoris ditione
futurum, et Graecorum vestitu, atque tonsura
usurum (Ibid., p. 202). »
Les Lombards et leurs sujets avaient aussi
une mode particulière de porter les cheveux.
D'où vient que lorsqu'ils rentrèrent dans l'obéis-
sance du pape Adrien I", ils coupèrent leurs
cheveux ;i la façon des Romains : « lu fîde
ponlificis jurantes, more Romanorum tonsu-
rati sunt, etc. Post praestitum sacramentum
omnes more Romanorum tonsurati sunt. »
Les Lombards laissaient croître leurs cheveux
sans bornes, les Romains ne leur laissaient
qu'une longueur médiocre, les ecclésiastiques
les avaient fort courts.
II. 11 est encore remarquable, dans les textes
que je viens de citer, que la tonsure des clercs
et des moines était la même. Aussi, dès qu'on
se faisait moine, la même tonsure était suffi-
sante pour la cleriealure. Anastase, bibliothé-
caire, dit que le prince Carloman reçut la clé-
ricature du pape Zacharie, à Rome, et se relira
ensuite dans un monastère, où il promit de
persévérer jusqu'à la mort. « Atque in speeiali
habitu se fore respondens perinansurum, cle-
ricatus jugum a pontifiee suscepit, etc. Pro-
feclus est in monasterium, in quo et ftnire
vitam jure professus est jurando. »
Rachis, roi des Lombards, reçut du même
pape l'habit de religion avec la clé; ieafuro :
« Accepta a sanctissimo papa oratione, cleri-
cusque etl'ectus, monachico indulufe est ha-
bitu. » Etienne IV. étant encore jeuue, avait
été clerc et moine en même temps dans le
monastère de saint Chrysogone, à Rome : « In
monaslerio sancti Chrysogoni clericus atque
mou ichus est efleclus. »
En effet, puisque les abbés, qui étaient prê-
tres et qui avaient été bénis par l'évêque, pou-
vaient créer des lecteurs dans leurs monas-
tères, ils pouvaient a plus forte raison donner
la tonsure cléricale à leurs religieux en les
recevant dans leur monastère. Mais comme
tous les moines étaient tonsurés comme moi-
nes, et que tous les moines n'étaient pas lec-
teurs, il faut reconnaître au moins après le
VIIe concile une couronne ou une tonsure clé-
ricale entre les moines mêmes, différente de
la monacale.
III. Les moines rasèrent enfin leurs cheveux
aussi bien que leur barbe, mais cela leur te-
nait lieu de la tonsure cléricale. Le chapitre
général des abbés, sous Louis le Débonnaire,
régla lesjoursqueles moines se feraient raser.
« Ut in quadragesima nisi in sabbato sancto
non radantur; in alio autem tempore semel
per xv dies radantur, et in octavis Paschœ
(Capit. Carol. Mag., add. 1. î. c. G). »
Réginon ne laisse pas de confondre cette ton-
sure monastique avec la cléricale : « Clericus
quem progenitores tradiderunt monasterio, et
in Ecclesia legit, nec uxorem ducere nec mo-
nasterium deserere poterit. Sed si discesserit,
reducatur. Si tonsuram dimiserit, rursuni ton-
deatur In Append. u, c. 37 . »
Hincmar est dans le même sentiment quand
il parle de la pénitence du prince Pépin : a Re-
conciliatus tonsuram clericalem accipiat, etha-
bitum monasticum recipiat, etc. (Tom. n,
p. 831). »
On pourrait même douter si les ecclésias-
tiques de la Grèce ne rasaient point aussi tout
à fait leur tète, au lieu que les Latins n'en
rasaient que le sommet, et laissaient le reste
couvert de cheveux, afin de pouvoir taire le
divin service la tète nue, et non pas la tète
couverte d'un drap, comme les Grecs étaient
obligés de faire, pour défeudre leur tète rasée
16
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTIÈME.
contre la violence du froid. Ce que le moine
Ralram semble nous apprendre, en répondant
aux reproches des Grecs contre les Latins.
a Hinc igitur considèrent elerici, qui barbas
quidem nutrientes, atvero caput penitus ca-
pillis ornai ex parie nudant, yel vini frigoris
mI calons ferre non valentes, vel potins hu-
jusmodi deturpationem babitus, utcumque
celare volentes, capila veste cooperiunt, an
contra praeceptum Apostolicnm venire com-
probentur. Siquidem negare non possunt,
contra sententiam Pauli se facere, dicentis,
Omnis vir orans velato capite, deturpat caput
suum (L. iv. c. 5). »
IV. Mais quant aux Latins, le même Ratram
assure que s'ils rasaient leur barbe, ils se con-
tentaient de porter leurs cheveux courts, n'en
rasant que le plus haut, et laissant modeste-
ment croître le reste en forme de couronne,
afin de représenter le diadème royal du sacer-
doce de Jésus-Christ dont ils sont revêtus, par
ce cercle de cheveux, et la tiare pontificale par
la partie de la tête qui est rasée.
« Hune niorem sequentes elerici Romano-
rum, sive cunctarum fere per Occidentem Ec-
clesiarum , barbas radunt et capila tondent,
accipientes formam, tam ab eis qui in veteri
Testamento Nazaraei dicebantur , quam ab eis
qui in novo Testamento talia l'eeisse leguntur.
Sed non penitus capillis capila nudant, veruin
pro parte, significantes tali schemate, tam re-
gale decus, quam insigne sacerdotale. Siqui-
dein regibus decus est proprium coronas ca-
pite ferre. Pontifices autem in templo tiaras
capite portabant. Et tiara quidem hemisphœrii
gerit similitudinem, coronaverocirculi gerens
figuram, caput assolet ambire. Loquitur Pe-
trus, vos autem genus electum, regale sacer-
dotium. Quod siguifleare volentes, elerici Ro-
manorum si\e Latinorum, in verticis nuda-
tione, tiara' similitudinem figurant, per quam
sacerdotale decus insinuant. Porro reliqua pars
capillorum caput ambiens, neque tamen ver-
tieem contingens, speciem coronœ représen-
tât, qua regalis dignitas ostentatur. Sic utraque
bac specie regale sacerdotium designatur. »
Enfin il ajoute que non-seulement l'histoire
fait foi que plusieurs d'entre les apôtres et les
disciples eurent la barbe rasée , mais que les
images mêmes de saint Pierre rendaient le
même témoignage, le représentant toujours
avec la barbe rase.
V. Mais ce qu'il y a de plus remarquable
dans cet auteur, c'est la distinction qu'il fait
du sommet de la tête, qui est tout à fait sans
cheveux, et qui représente la tiare pontificale,
dont la forme était une demi-sphère, d'avec le
reste de la tête couvert d'un tour ou d'une
couronne de cheveux, qui suffisait pour dé-
fendre du froid et du chaud, et qui figurait la
couronne royale.
Tout cela est emprunté d'Isidore, évêque de
Séville, dont Enéas, évêque de Paris, a inséré
les propres termes dans sa réplique aux mêmes
invectives des Grecs. A quoi il ajoute que si
les clercs de l'Occident rasent leur barbe, outre
les raisons mystérieuses qui marquent l'abné-
gation intérieure et le retranchement de toutes
les superfluités du siècle, on peut encore dire
que cela se fait par un amour louable de la
propreté et de cette netteté qui sied bien aux
ecclésiastiques. « Ob munditiam utique hoc
agunt, quam expressius Ecclesiasticum expetit
et deposeit ministerium, etc. Munditia minis-
trorum Christi pro radendis barbis, inlicita re-
secando, débet prastantius splendescere in
operibus bonis, et omnimodis carere sordibus
mentis simul et corporis. »
Enée repousse cette accusation ridicule des
Grecs par une juste réprimande qu'il leur fait
de leurs grands cheveux, qui sont manifeste-
ment condamnés par l'Apôtre. Il y a de l'appa-
rence qu'il ne parle que des laïques; leurs
clercs ne s'étaient pas encore émancipés jusqu'à
ce point.
M. Les laïques pourraient bien avoir imité
la tonsure cléricale lorsqu'ils envoyaient leurs
enfants pour déposer les premières dépouilles
de leur tête entre les mains de ceux qu'ils dési-
raient avoir pour pères spirituels. Paul, diacre,
dit simplement que Charles Martel envoya son
fils Pépin à Luilprand, roi des Lombards (Hist.
Longo., 1. v, c. 53), qui devint son père en lui
coupant les cheveux: « Ut ejus juxta morem ca-
pillum susciperet. Qui ejus cœsariem incidens,
ei pater effectus est (Du Chesne, t. n, p. 223).»
Mais une vieille chronique dit formellement
qu'il devint sou père spirituel, « ut ei juxta
rem ex capillis tonderet, et fieret ei pater
spiritalis. Quod et fecit. »
Ceux qui donnent à Charlemagne une longue
barbe, n'ont pas emprunté cela d'Eginard, qui
n'en dit rien, non plus que les autres histo-
riens, et ils n'ont pas non plus consulté les
médailles et les vieux portraits qui le repré-
sentent toujours sans barbe.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
17
Saint Adalbert, évèque et martyr, pensant à
se travestir pour gagner plus facilement les
barbares, se résolut d'abord à laisser croître
ses cheveux et sa barbe, o Vestimeota mute-
mus, clericam aequalem pendentibus capillis
crescere sinamus, tonsae barbée comas prodire
non prohibeamus, etc. (Surius April.,diexxni,
c. 28). » Au contraire, Rabanus Maurus parlant
d'un diacre apostat , lui donne aussitôt une
grande barbe : « Quotidie in synagogis satanae
barbatus et conjugatus (L. adv. Jud., c. 42). »
Paul, diacre, assure que les Lombards avaient
pris ce nom de leur longue barbe, qu'ils ne
coupaient jamais, laissant croître leurs che-
veux par devant, quoiqu'ils les coupassent en-
tièrement au derrière de la tète (L. iv, c. 7).
Adrien Ier dans une lettre écrite à Charle-
magne, dit qu'Arichis, roi des Lombards, se
liant et se soumettant à l'empire grec, et pro-
mettant de se tondre et de se vêtir à la mode
des Grecs (Epist. 88) ; l'empereur de Constan-
tinople accepta ses offres, et lui envoya deux
ambassadeurs avec des vêlements à la grecque,
une épée, un peigne et des ciseaux.
L'auteur de la vie de l'illustre martyr saint
Etienne le jeune, s'est emporté lui-même, lors-
que pour repousser les emportements de Cons-
tantin Copronyme, qui avait fait raser tous ses
courtisans, en dérision de la longue barbe des
moines, il prétend que c'était un attentat com-
mis contre la nature et contre les saintes let-
tres (Surius die xxvm, Nov. c. 26). Il eut bien
mieux fait si avec Ratram il eut reconnu l'in-
différence de ces sortes d'usages et l'utilité
même de leur diversité en divers temps et en
diverses Eglises, pour être une marque éter-
nelle de leur indifférence et de leur distinction
d'avec les règles éternelles et immuables, ou
de la foi ou de la vertu. Voici les paroles du
moine Ratram : « Quid enim refert ad justitiœ
non tantum perfectionem, verum etiam in-
cboationem , barbae detonsio , vel conservatio ?
(Ratramn., 1. iv, c. 5.) »
VIL Continuant d'éclaircir les pratiques de
l'Eglise grecque sur cette matière, justifions
d'abord ce qui a été avancé ; que les parents
mêmes coupaient les cheveux à leurs enfants,
en les donnant à l'Eglise pour y être appliqués
aux offices les plus bas et les plus proportion-
nés à leur âge. Le saint confesseur Nicétas en
est lui-même une preuve : « Cum illum pater
totondisset, ut Anna Samuelem, Deo ipse eum
dicavit , et omnino adduxit , ut aeditui lo-
cum interea teneret (Surius die 20. ApriL). »
Balsamon condamne en plusieurs rencon-
tres l'usage qui s'était introduit de faire exer-
cer la fonction de lecteurs à ceux qui n'avaient
été tonsurés que de la tonsure monacale; il
autorise son opinion par la réponse d'un concile
de Constantinople sous le patriarche Nicolas,
conformément au canon du concile in Trullo,
et du concile u de Nicée (Balsam., pag. 32, 227,
228). Mais après cela, il ne laisse pas de con-
fesser que l'opinion et la pratique contraire
avait encore lieu en quelques Eglises.
«Sed etmonacbosquinonbabentepiscopales
coronas,faucGûpi$a npxiepaTixwssed monacbicam ton-
suram, (tova^uenv ùjtoxoupàvj dicunt nonnulli posse
in suggestu légère Apostolum , et reliqua ,
quemadmodum et clerici, tanquam monacha-
lis tonsura utique sufficiat pro tonsura a cleri-
cali. Mihi autem videtur, etc. (In can. Trull.
33). » Et ailleurs, « Nota htec propter mona-
clios, qui episcopalem tonsuram non susce-
pere, et in suggestu inordinate legunt, etc. (In
can. Laod. 15). »
La pratique n'était pas encore non plus abo-
lie de faire lire les Ecritures dans l'église par
des jeunes enfants, qui n'avaient reçu l'habit
noir, qui était l'habit clérical, et la tonsure,
que de la main de leurs propres parents :
« Quoniam . inquiunt Patres, videmus nonnul-
los a pueritia nigris vestibus indutos, tanquam
Deo consecratos, tonsuraque accepta, non per
sui episcopi manuum impositionem, audentes
postquam ad œtatem pervenerint , divinas
Scripturas in suggestu légère, etc. (In can. xiv
Synodi 7). »
Mil. On ne peut disconvenir que lesévêques
n'eussent un grand fondement de s'opposer à
cette prétention, et même à cette longue pos-
session des religieux, et de mettre une grande
différence entre la tonsure de la religion et
celle de la cléricature. Car l'Eglise a toujours
distingué ces trois degrés du sacerdoce, de la
cléricature et du monachisme, Uço.tou$k, *>.s:.«ù;,
iaxtims, comme parle le concile in Trullo.
Balsamon expliquant le canon de ce concile,
dit que le sacerdoce est pour ceux qui exercent
leur ministère dans le sanctuaire, et qui reçoi-
vent ce pouvoir par l'imposition des mains de
l'évèque, comme les évêques, les prêtres, les
diacres et les sous-diacres (In Can. lxxvii).
Les clercs sont ceux qui servent dans l'Eglise
hors du sanctuaire , comme les lecteurs, les
portiers et autres. Les moines sont ceux qui
Th. — Tome IL
18
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTIÈME.
ont reçu la tonsure monacale, car ceux qui
ont reçu la tonsure de la main des évêques,
s'appellent clercs. Voici les paroles de Balsa-
mon : « Canon facit differentiam inter sacris
initiatos, clericos et ascetas. Sacrati sunt, qui
in sacro tribuuali, qui et manuum impositione
ordinantur, episcopi scilicet , sacerdotes, dia-
coni et hypodiaconi. Clerici sunt, qui extra
sacrum tribunal in templis deserviunt, ut le-
ctores, ostiariiet alii. Ascetœ autem, monachi,
qui episcopalem characterem non accepere,
sed solum tonsuram monachalem. Monachi,
enim qui episcopalem tonsuram accepere, di-
cuntur clerici. »
Voila l'état des choses dans l'âge moyen et
dans les siècles suivants. Mais au quatrième etau
cinquième siècles, lorsque la tonsure des clercs
n'était encore qu'une pratique de modestie, et
que ce n'étaient pas toujours les évêques qui
faisaient cette première tonsure , on n'avait
garde d'exiger des moines, qui étaient rasés de
beaucoup plus près que les clercs, qu'ils ajou-
tassent la tonsure cléricale à la monacale. Il
est vrai aussi qu'en ce temps-là ce n'était pas
la tonsure seule qui donnait entrée dans le
clergé, on n'y entrait que par quelqu'un des
ordres mineurs.
Il était donc très-raisonnable que dans cet
âge moyen, auquel la tonsure cléricale sans
aucun ordre est devenue l'entrée de la clérica-
ture, elle ait été réservée aux seuls évêques,
qui la confèrent et ont permis dans le con-
cile vu aux abbés de la conférer à leurs reli-
gieux. Car rien n'est plus juste que de réserver
aux évêques seuls le pouvoir d'introduire au
clergé ou d'en exclure.
IX. Or, que dans les siècles dont nous par-
lons, il y eut des clercs simplement tonsurés,
sans aucun ordre mineur, en voici des preuves
fort évidentes. Balsamon distingue la clérica-
ture du lectorat : « Qui tonsune signaculum
acceperunt, et postea in lectorum ordine con-
stituti sunt, etc. (In can. 02. Apost.). » Et ail-
leurs : « Nota quod simul ac acceperunt aliqui
tonsura characterem a manu antistitis, eos
pro clericis habet canon. Audivi enim nonnul-
los dicentes, non esse lectorem, nec dici cleri-
cum, qui non sit in templi cleruin relatus, sed
solain liabeat tonsuram (In can. Trull. 33).»
Il répète la même chose ailleurs en mêmes
termes, mais il y ajoute aussi, que dès que la ton-
sure a été reçue de la main de l'évêque, on peut
lire les Ecritures dans l'église (In can. xiv Sy-
nodi 7). Et ainsi on pourrait dire que la ton-
sure et l'oftice de lecteur se conféraient en
même temps. « Aperte ostenditur, quod quando
quis ton sur ae manuum impositionem (xeipoeeoîew
ÈitocoupiSos susceperit ab antistite, is est protinus
clericus ; ut cui etiam in suggestu légère sit
permissum. »
Mais aussi dans le même endroit Balsamon
nous fournit une autre manière de clercs sans
ordre, de ceux qui recevaient de l'évêque l'ha-
bit de la cléricature sans être tonsurés. Il pré-
tend même que cette prise d'habit les enga-
geait irrévocablement dans l'état ecclésiastique,
sans qu'ils pussentjamais y renoncer. « Mihi au-
tem videtur, quod qui etiam nigris simpliciter
vestibus fuerit indutus ab epbcopo, ut clericus
fieret , amictum amplius mutare non potest,
ut qui Deo consecrari proposuerit, et ideo nec
suain Deo pollieitationem rescindere, nec san-
clum habituni ludificari (Ibiil.). »
Il parle encore ailleurs de ceux qui ont été
tonsurés et qui n'ont jamais lu dans l'Eglise,
que quelques-uns excluaient du clergé par
cette raison qu'ils n'avaient jamais lu : mais
Balsamon prétend qu'ils sont vraiment clercs,
et qu'ils ont lu au moins par forme, quand on
les a tonsurés, l'épître de saint Paul à Timo-
thée : « Fili Timothee, sobrius esto in omni-
bus, etc. (In can. Carthag. 93). »
Il faut venir à une autre preuve qui ne
souffre point de réplique. Balsamon distingue
avec saint Basile les clercs supérieurs (In can.
li, Basil.), qui étaient dans les hauts rangs, in
gradu . it £a6,u.w, et qui recevaient l'imposition
des mains de l'évêque dans leur ordination,
comme les prêtres, les diacres et les sous-dia-
cres ; d'avec les clercs inférieurs, dont le mi-
nistère se donnait sans imposer les mains, èv è/ju-
j'.îot,:» OiïT.fEdia, et qui recevaient simplement le
caractère ou le signe de croix de la main de
l'évêque , 8ù p»; oçpa-f i£o;, tels étaient les lec-
teurs, les chantres et les portiers. Mais après
ces deux rangs de ceux qui entraient dans
l'Eglise par l'imposition des mains ou par le
signe de la croix, Sa ^tforovCaç, ï. J;à a^pa."^^;, Bal-
samon en admet un troisième de ceux qui re-
cevaient seulement la tonsure de la main de
l'évêque ou d'un abbé, et il soutieut qu'ils
étaient clercs, soumis aux mêmes peines, et
capables des mêmes privilèges et des mêmes
immunités que les autres clercs, quoiqu'elles
fussent souvent violées en leurs personnes.
« Et luec quidem de clericis per ordinatio-
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
10
nem, vel cbaracterem in ecclesiasticis gradibus
constitutis, SA xtiforovîaç, Sût (Kf^iSoç. Si quis autem
ab episcopo, vel monasterii prœfecto tonsuram
solam babens in crimen incident, isne aliquo
modo punietur? Solutio. Et talis quoque est
clericus, et condeinnabitur ut reliqui clerici.
Prohibebitur eniui quodvis opus exercere, cu-
jusmodi exercent qui habent tonsuras ; quem-
admoduni non conscendet in tribunal, non
leget in ambone, ad sacerdotalem gradum non
promovebitur, etc. Miror quoniodo qui solas
habeant tonsuras, et peccantes examinante, et
oiuniuo ut laici puniuntur. Vidi enim hoc per
abusum fieri. »
Balsamon ayant mis tous les ordres majeurs
dans le premier rang, et ayant nommé les
ordres inférieurs des lecteurs , des chantres et
des portiers dans le second, s'il met après cela
un troisième rang de ceux qui n'avaient que la
tonsure de la main de l'évèque, ou de l'abbé,
et s'il les établit dans le corps du clergé, s'il
leur en accorde même les privilèges, comme
il est évident par le passage que nous venons
de rapporter, on ne peut nier après cela qu'il
n'y eût des clercs à simple tonsure, sans aucun
ordre.
Il est bien vrai que l'état et les privilèges de
ces clercs simplement tonsurés, n'étaient pas
encore bien affermis, et qu'on les punissait
souvent comme des laïques, mais il nous suffit
que Balsamon déclare que c'était un abus et
une entreprise violente contre les droits de la
cléricature. Que si entre les privations dont
ces clercs étaient punis pour leurs crimes,
Balsamon dit, qu'ils ne liront plus au jubé de
l'Eglise, « non legerent in ambone, » il faut
reconnaître qu'étant clercs, quoiqu'ils ne lus-
sent pas ordonnés lecteurs, ils ne laissaient pas
délire quelquefois publiquement dans l'église,
peut-être lorsqu'il ne se trouvait point de lec-
teur présent. On en sera peu surpris si l'on
considère ce que Balsamon dit ailleurs, que
dans plusieurs églises de Constantinople les
laïques avaient des offices propres aux clercs ,
et l'administration même des monastères :
« Habent laici et complura etiam monasteria,
et clericorum officia (lu Can. Trull. xxxiii. »
Voilà donc deux sortes de clercs, vraiment
clercs, et néanmoins sans aucun ordre, que
Balsamon nous découvre ; les uns qui avaient
reçu de la main de l'évèque l'habit ecclésias-
tique, les autres qui avaient outre cela reçu de
lui la tonsure , mais ni les uns ni les autres,
n'avaient reçu aucun des ordres inférieurs,
non pas même celui de lecteurs. Zonare avait
prévenu Balsamon dans ces mêmes sentiments,
de désapprouver les clercs qui n'étant que
tonsurés, faisaient l'office de lecteurs, sans en
avoir reçu l'ordre, et de reconnaître que cet
usage avait prévalu en beaucoup d'églises.
a Qui vero nec manuum impositione désigna-
nts, nec in lectorum album relatus sit, qualis
illorum est ratio, qui a teneris Deo sepositi,
nihil aliud quam coronam in capite gestant,
ab eo sacram scripturam de suggestu, in con-
ventu populi pronuntiari , quaedam ordinis
perturbatio est. Id igitur ne fiât in posterum,
decernit synodus In Can., xrv Synodi vu.) »
X. L'Occident avait aussi en même temps ses
clercs simplement tonsurés, sans aucun des
ordres inférieurs. Le concile de Meaux, tenu en
845 Can. lviii . semble en parler : « Canoni-
corum autem, qui in parochiis tonsurantur, et
erudiuntur , interdum etiam et ordinantur
sine autoritate, etc. »
C'était aussi cette simple tonsure cléricale
sans ordre, que le pape Zacharie donna au
prince Carloman : « Clericatusjugum suscepit
a pontifice; » et au roi des Lombards Rachis :
« Clericusque effectus, monachico indutus est
habitu. » C'était cette même cléricature simple
que le faux pape Constantin se fit donner par
force par un évêque : « Compulerunt eum, ut
orationem clericatus eidem Constantino tri-
bueret, etc. Orationem clericatus illi tribuit, et
ita clericus effectus, etc. [Anastas. Ribl.) »
Adrien I r avait reçu la même simple ton-
sure par le commandement du pape Paul :
« Eum clericari jussit, quem notarium regio-
narium in Ecclesia constituens, etc. (Idem in
vita Stephani IV.) »
Hincmar dit manifestement que Carloman
ayant été consacré à Dieu dès son enfance par
le roi Charles le Chauve , son père, fut fait
clerc, et après cela élevé par degrés à tous les
ordres, jusqu'au diaconat : « A pâtre sacro al-
tari oblatus, et in clericum tonsus, in parochia
veto Meldensi ab episcopo ejusdem ci vitatis per
singulos gradus usque ad ordinem diaconatus
provectus Tom. 2, p. 355.) »
Le concile VIII général (Can. v) ne déclare
capables de l'épiscopat que ceux qui, animés
d'un esprit d'abnégation sincère, se seront faits
clercs ou moines, et auront ensuite passé par
tous les ministères sacrés des ordres inférieurs
et supérieurs : « Fiat clericus, aut monacbus,
20 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.
et omnem gradum ecclesiastieiim transigeas,
ita ut in gradu lectoris annum compleat; in
subdiaconi duos , etc.» Voilà un quoi les deux
Eglises convenaient.
Ce sont peut-être ces couronnes dont Hinc-
mar parle, ou plutôt dont parle l'empereur
Arcade dans une loi citée par Hincmar, « non
per coronatos , sed per advocatos. (Hincmari
quatemiones ad Carolum regem pag. 401, post
conc. Duziac. Cellotii.) » Alcuin dit que cette
couronne de cheveux marque les emplois des
clercs dans le maniement des choses tempo-
relles, comme le sommet de la tête , qui est
rasé, marque l'abnégation volontaire des su-
perfluités du siècle.
« Superiorem capitis partem rasorio renova-
mus, cum forti sollicitudine superfluas cogita-
tiones ab animo resecamus. In inferiori parte
coronam portamus capillorum, cum ea quae
secundum mundum necessario gubernanda
sunt, cum ratione concorditer coaequamus.
(De divinis Offlciis, c. xxxvu.) » Ces mêmes
termes se lisent dans Amalarius, et dans les
auteurs suivants de ces mêmes siècles.
XI. Si les Grecs ont donne les noms de <jv?*v;
sigillum , y.E.fcWa, manuum imposition à la
tonsure cléricale, aussi bien que celui de ca-
ractère, c'est parce que l'évêque coupait les
cheveux en forme de croix, comme on peut
voir dans les rituels grecs. Ainsi c'était un
signe de croix imprimé en façon d'un carac-
tère, ce qui ne se pouvait sans une imposition
des mains, qu'ils appelaient xapraria pour la
distinguer de l'imposition des mains, qu'ils
nommaient x«p°«vîa, avec laquelle l'évêque con-
férait les ordres supérieurs.
Il paraît par cette remarque, que le signe
de la croix et l'imposition des mains mpparfîç et
xeiporeaict étaient comme inséparables , et se
prenaient souvent pour une même chose. Il y
a même des preuves assez considérables pour
justifier que l'ancienne façon de bénir était
simplement d'élever la main, ou de l'imposer,
à quoi on a joint ensuite le signe de la croix;
et enfin on a compris l'imposition des mains
dans la formation du signe de la croix.
Cette remarque favorise ceux qui ont pensé
avec beaucoup de fondement, que si la confir-
mation se donne avec la chrismation et le
signe de la croix, cette cérémonie comprend
l'imposition des mains, qui était l'ancienne
manière de conférer ce sacrement.
CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE DES CLERCS DANS L'ÉGLISE LATINE, APRÈS L'AN MIL.
I. Règlements des conciles et des papes du onzième siècle,
sur la tonsure, la couronne et la coutume de raser la barbe.
II. Règlements du douzième siècle sur le même sujet.
III. Règlements du treizième siècle.
IV. Règlements du quatorzième et du quinzième siècles. Pro-
digieuse diminution de la couronne.
V. Lettre pastorale de saint Charles, et un décret de son cin-
quième concile de Milan pour l'obligation de raser la barbe.
VI. Diverses remarques historiques sur le même sujet.
I. Le meilleur ordre dans cette matière sera
de n'en point garder, mais de faire quelques
réflexions utiles et curieuses sur les canons
qui en traitent, suivant l'ordre des siècles, afin
de remarquer les nouvelles précautions qu'on
a prises dans le progrès du temps.
Le concile de Bourges en 1031 (Can. vu),
obligea généralement tous les clercs, depuis le
plus haut rang jusques au plus bas, à porter la
barbe rase et la couronne sur la tête, faisant
consister en cela la tonsure cléricale : « Ton-
suram ecclesiasticam habeant, hoc est, barbam
rasam, et coronam in capite. » Le concile de
Coyac en Espagne, en 1050 (Can. m), dit de
même pour les prêtres et les diacres, « Sem-
per coronas apertas habeant, barbas radant. »
Le concile de Rouen, en 1072 (Can. n), frappe
d'anathème les clercs qui ne portent point de
couronne : « Qui coronas benedictas habue-
runt, et reliquerunt, usque ad dignam satis-
factionem excommunicentur. »
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
21
Grégoire VII fait bien voir qu'il regarde la
coutume de raser la barbe comme partie de la
tonsure cléricale parmi les occidentaux, lors-
qu'il se justifie auprès du gouverneur de l'île
de Sardaigne de ce qu'il avait contraint l'ar-
chevêque de Cagliari de se raser pour se con-
former à toute l'Eglise d'Occident; et qu'il le
conjure de contraindre tout le clergé d'obéir à
la même loi, sous peine de confiscation de tous
leurs biens au profit de l'Eglise. « Coegimus ,
ut quemadmodum totius Occidentalis Ecclesiœ
clerus ab ipsis fidei Christiana? primordiisbar-
bam radendi morem tenuit, itaet vesterarchie-
piscopus raderet, etc. Omnem tua? potestatis
clerum barbas radere facias. atque compellas,
etc. Res quoque renuentium publiées , etc.
(L. vin. Ep. x). »
Le concile de Lilleboune en 1080 (Can. xui ,
met à l'amende les clercs qui sont sans cou-
ronne. « Si clericus coronam suam denu'se-
rit. » Le concile de Poitiers en 1100 (Can. i)
réserva aux évêques seuls le pouvoir de faire
ou de donner la couronne cléricale, si ce n'est
que les abbés continueraient de la donner à
leurs religieux. » Ut nullus prœter episcopum
coronas benedicere prsesumat exceptis abbati-
bus, qui illis tantummodo coronas faciant ,
quos sub régula B. Benedicti militaturos sus-
ceperint. » D'où il paraît assez probable, que
la couronne monacale tenait quelquefois lieu
de la cléricale, et qu'il n'en fallait pas d'autres
aux religieux pour être élevés à la cléricature.
Aussi ce canon dit clairement que cette cou-
ronne était commune à tous ceux qui faisaient
profession monastique.
IL Le concile de Londres en 110-2 (Can. xu .
se contenta d'exiger des couronnes larges et vi-
sibles, sans parler de la barbe , « Ut clerici pa-
entes coronas babeant. » Ce qui est commun
à beaucoup d'autres conciles ; et néanmoins le
concile de Toulouse en 1119 (Can. x) enveloppe
dans la même excommunication les moines
apostats, et les clercs qui laissent croître leur
barbe et leurs cheveux. « Si quis ecelesiastieœ
militise titulo insignitus, monachus, vel cano-
nicus, aut quilibet clericus, primam fidem
irritant faciens, retrorsum abierit, aut tanquam
laicus comam barbamque nutrierit, Ecclesia;
communione privetur, donec preevaricationem
suam digna satisfactione correxerit. »
Le concile de Londres en 1173 (Can. îv), en-
joint à l'archidiacre de couper les cheveux aux
jeunes clercs, malgré leur résistance, selon
l'ancien concile d'Agde ; « Clerici qui comam
nutriunt, ab archidiacono etiam inviti ton-
deantur. » Le concile d'York en 1 191 (Can. in)
ne se contenta pas de cela; mais il voulut aussi
qu'on fît perdre leurs bénéfices à ceux qui
s'opiniàtreraient à ne porter ni la tonsure, ni
la couronne. « Clerici qui ab episcopo coronam
susceperunt, tonsuram babeant, et coronam :
quam si habere contempserint, ad hoc benefi-
ciorum, si qua? babeant, privatione cogan-
tur. »
III. Le concile de Paris en 1212 (Can. î) sou-
haita que les clercs se distinguassent des
laïques, même dans la manière de couper leurs
cheveux, sans les laisser pendre plus d'un côté
que de l'autre, et les coupant en rond. « Inbi-
bemus, ne clerici tonsuram babeant similem
laicali. sed rotundam et circularem, etirrepre-
hensibilem. »
Mais le concile de Montpellier en 1214, fit
une peinture excellente de la couronne des
clercs, qui ne peut porter le nom de couronne
avec vérité, si ce n'est que la partie inférieure
et supérieure de la tète étant rasée, le rond de
cheveux qui reste entre deux, ne représente
pas mal une couronne.
Les chanoines réguliers la portent présente-
ment de même, et ils la portaient sans doute
alors aussi ; et c'est ce qui a obligé ce concile
(Can. iv) de ne mettre aucune différence en ce
point entre les chanoines réguliers et les sécu-
liers. « Ut clericus cathedralis, vel conventualis
ecclesia1. vel alius qui de beneficio ecelesiastico
vivit, talent tonsuram ferat, qua; gradum non
habeat, seddirigaturin garant, itaquod capilli,
qui propter inferiorem et superiorem rasuram
rémanent, propter suam rotunditatem merito
possint dici corona. »
Enfin, ce concile (Can. xxm) désire que les
moines portent des couronnes encore plus
amples que celles des chanoines. « Dt canonici
regulares amplas coronas portent, et monachi
amplissimas. Itaque duorum digitorum vel
trium amplus sit monachis circulus capillo-
rum. »
Le concile d'Oxford en 1222 (Can. xxxm), re-
connaît qu'il peut y avoir des conjonctures
périlleuses, où il est juste que les clercs cachent
leur tonsure. « Honeste tonsi et coronati in-
cedant, nisi forte justa causa exegerit habitum
tiansforinare. » Grégoire IX prononce ana-
thème dans une décrétale contre les clercs qui
laissent croître leurs cheveux. « Si quis ex cle-
22
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.
ricis comam relaxaverit. anathema-sit (C. Si
quis. De vita et honest. Cler.). »
Le concile de Cuàteau-Gonthier , en 1232
(Can. xxu) ordonna aux évèques de faire en-
tièrement raser les clercs débauchés, pour effa-
cer en eux toutes les marques de la cléricature
qu'ils déshonoraient. « Clerici ribaldi, maxime
qui goliardi nuncupantur, prœcipiantur ton-
deri, ac etiam radi, ita quod non remaneat in
eis clericalis tonsura. »
Le synode de Yorcester, en 1240 (Can. xxi),
remarque que la couronne devait être plus
grande dans les ordres supérieurs, « Ne comam
nutriant, sed circulariter et decenter tondean-
tur, coronam habentes decentis amplitudinis,
secundum quod exegerit ordo , quod fuerint
insigniti. » Le concile de Cologne en 1200
(Can. iv), veut qu'on rase le haut de la tète, et
c'est ce qu'il appelle couronne. « Habeant et
suas coronas compétentes et eas radere non
omittant. »
Le concile de Lambeth en 12G1 déclara dé-
chus du privilège clérical , ceux qui auraient
honte de porter la couronne , qui est la glo-
rieuse image de celle que le Fils de Dieu a
portée pour nous , quand il s'est chargé de la
confusion et de la peine de nos péchés. « Non
erubescant ipsius portare stigmata, qui pro eis
spineamnon dedignatus est portare coronam.»
Le concile de Salzbourg en 1274 (Can. h)
veut que la tonsure des prêtres soit telle que
leurs oreilles soient découvertes , les autres
clercs à peu près de même , outre la cou-
ronne qui est au haut de la tète. Voilà les cho-
ses réduites presque au même état où elles sont
à présent. « Sacerdotes taliter tondeantur, ut
pateant eis aures. Caeteri inferioris ordinis cle-
rici in tonsura non multum discrepent ab
eisdem , coronam desuper congruentem ha-
beant. »
Le Concile de Pontaudemer en 1279 (Can.
xx) ordonne que si après trois monitious les
clercs ne se résolvent à porter la couronne ,
ceux qui ne sont pas mariés perdront l'immu-
nité de leurs biens; ceux qui sont mariés outre
cela ne seront point affranchis des corvées des
seigneurs temporels , et les uns et les autres
seront assujétis au tribunal séculier pour les
causes criminelles.
Le concile de Rude en 1279 (Can. i) enjoi-
gnit aux évèques de porter la tonsure circu-
laire et la couronne semblable à celle des reli-
gieux, tant pour pouvoir avec plus d'autorité
ranger à leur devoir les autres ecclésiastiques,
que parce que l'épiscopat est un état plus reli-
gieux qu'aucune religion. « Prœlati coronam
et tonsuram patentibus omnino auribus circu-
larem, juxta regularium, seureligiosorum ge-
neralem consuetudinem approbatam , cum
nulla religio pontifical] religione sit major, de
caetero déférant. »
Le synode de Nîmes en 1284 déclara aux
clercs mariés que pour jouir du privilège clé-
rical, il fallait qu'ils portassent la tonsure et la
couronne publiquement. « Publiée portent co-
ronam et tonsuram. » Le synode d'Exeter en
1287 (Can. xvn) défendit de couvrir la cou-
ronne avec une espèce de coiffe ou de calotte :
« Clerici patentibus auribus incedant, coronas
habentes spheericas et décentes, quas insulis
cooperire prohibemus sub pœna statuti legati
Ottoboni. «
IV. C'était donc un infâme artifice de quel-
ques clercs irréligieux, de ne laisser jamais pa-
raître leur couronne , comme s'ils eussent
rougi de la royauté même de J. C. dont cette
couronne est une marque et une participation,
si nous en croyons le concile III de Ravenne en
1314 (Can. x) « Coronam condecentem por-
tent, per quam designetur regalis esse generis,
et sperare se assequi debere partem hœreditatis
divinse. »
Ce concile ajoute que les clercs sacrés et les
chanoines soit des cathédrales ou des collé-
giales , doivent porter la couronne plus large
que les autres et couvrir leur tète d'un bonnet
ou d'une aumusse qui descende jusqu'aux
oreilles. « Capita cooperiant pileo, vel biretto,
vel armutia oblonga ad aures.» Ce qui montre
qu'il y a bien de la différence entre se couvrir
la tête et cacher sa couronne.
Le concile d'Avignon en 1337 ( Can. xlvi )
priva de la centième partie de leurs revenus
les bénéficiers , et mit à l'amende les au-
tres clercs qui manqueraient de faire raser
tous les mois leur barbe et leur couronne.
« Quam tonsuram singulis mensibus radi fa-
cere teneantur. »
Le concile de Londres en 1342 (Can. n) dé-
cerna auesi des peines contre les clercs qui lais-
saient croître leur barbe et méprisaient la cou-
ronne qui est l'augure de celle du ciel , et une
marque de la haute perfection du sacerdoce.
« Coronam, quœ regni caclestis, et perfectionis
est indicium, déferre contemnunt, etc. Barbis
prolixis inceduntj etc. »
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
23
Le concile, de Palence en 1388 (Can. m)
obligeant les clercs mariés à porter la tonsure
cléricale, s'ils voulaient jouir de l'immunité
du for, voulut que le modèle de la grandeur
de la couronne fut marqué sur les portes des
grandes églises. Elle est environ de quatre
doigts de diamètre.
Le concile de Tolède en 1 473 ( Can. xiv)
dégrada du privilège clérical les clercs mariés
et les autres aussi, s'ils ne portaient la cou-
ronne de la largeur d'un réal. « Tonsuram
quantitatis unius regalis. » Ce qui montre une
prodigieuse diminution dans la couronne clé-
ricale , dans les cent années qui se sont écou-
lées entre ces deux conciles.
Le concile de Latran sous Léon X en 1514
( Sess. ix ) en rabat encore bien davantage ,
car il se contente que les moindres clercs ne
laissent croître ni leur barbe, ni leurs cheveux.
« Non comam, non barbam nutriant. » Le
concile de Sens en 1528 ( Can. xxiv ) en de-
mande davantage, « nec comam relaxent, nec
barbam nutriant ; sed tonsuram, coronam, seu
rasuram habeant , secundum ordinem suum
honeste rasam. » Celui de Mayence de même
en 1549 ( Can. lxxiv ). a Barbam non nutriant,
tonsuram et coronam déférentes. « Celui de
Narbonne en 1331 ( Can. xv, xlv ). «Barbam
radant saltem semel in mense , clerici sacros
ordines consecuti, maxime canonici, etc. »
Le concile V de Milan en 1579 ( Can. iv ) or-
donna que la couronne des prêtres aurait
quatre pouces de diamètre , celle des diacres
trois , celle des sous-diacres à peu près de
même, celle des autres ordres deux pouces. Le
concile I de Milan en 1565 (Can. xxm ) n'avait
prescrit que de ne pas nourrir une longue barbe
et d'en raser ou couper ce qui croit sur la lè-
vre supérieure, à cause du sacrifice de l'autel :
« Comam et barbam ne studiose nutriant, etc.
Barba ab super ore labro ita recidatur , ut pili
in sacrificio missae Cbristi corpus et sanguinem
sumentem ne impediant. » Les ordonnances
d'Eustaebe du Bellay, évêque de Paris, au
temps du concile de Trente , veulent que les
curés assistent au synode, « Tousura et barba
rasi. (Synod. Paris., pag. 294 ). »
Le concile de Beims en 1583 ( Can. xm, xvi
fit le même décret, conseillant néanmoins de
raser tout à fait la barbe, « Barbam aut om-
nino non gestent, quod magis probamus, aut
saltem, etc.» Le concile de Tours en 1583
« Barbam honeste decurtare. » Mais quant aux
moines, « Monachi omnes coronam magnam
in capite habeant et barbam rasam. Celui d'Aix,
en 1585, se conforma au premier de Milan.
Celui de Mexique. « Comam non nutriant, bar-
bam novacula radant. vel ita recidant, ut nibil
seculare remaneat, quod populo ludibrio esse
possit (L. ni, tit. 5, § 2). »
Le concile de Tolose, en 1590 (Can. iv), régla
les couronnes des divers ordres, un peu moin-
dres que les conciles de Milan. Le concile
d'Avignon, en 1564 (Can. xxxu), voulut qu'on
renouvelât la couronne tous les huit jours, et
quant à la barbe il s'en tint au décret des con-
ciles de Milan. Le concile d'Aquilée, en 1596
(Can. xi), s'y conforma aussi. L'assemblée de
Melun, en 1579, parla en ces termes. «Barbam
nutrire canonicos parum honorificum est, imo
promis indecens est, cum nec clericorum ulli
liceat. «
Y. On peut lire l'admirable lettre pastorale
que saint Charles écrivit à son clergé, pour
obliger tous les prêtres et tous les ecclésiasti-
ques à faire raser leur barbe selon le décret
du concile de Carthage IV, et du pape Gré-
goire VII, et selon l'usage de toute l'Eglise
Occidentale, jusqu'à nos jours, surtout de celle
de Milan, dont les peintures anciennes font foi,
aussi bien que quelques prêtres fort âgés et
rigoureux observateurs de l'antiquité (Acta
Eccles. Mediolan., p. 1061).
Ce saint archevêque fit une ordonnance dans
son Ve synode diocésain, qui est comme un
abrégé de sa lettre pastorale; «Barba; radendœ
institutum a Patribus in concilio Carthaginensi
sancitum, quodque ex summi pontificis Gre-
gorii VII litteris longe antiquissimum esse
perspeximus, jam olim in omni fere Ecclesia,
et in nostra hac Ambrosiana ad hrec usque
tempora, ut nos vidimus a plerisque sacerdo-
tilms antiquœ sanctioris disciplinée studiosis
conservatum, ac deinceps nostris litteris per nos
ad usum consuetudinemque revocatum; ita in
perpetuum retineri praecipimus acmandamus,
ut unusquisque sacerdos et clericus , quocu ni-
que gradu dignitateve prseditus, barbam radat
(Ibidem, p. 382). »
L'évèque de Novare qui a écrit la vie de ce
saint, remarque fort judicieusement que ce
saint et sage prélat ne fit cette ordonnance
qu'après qu'il en eut rendu l'observance pres-
que générale, par ses remontrances, par sa
lettre pastorale qui ne contenait que des rai-
sons et des exhortations sans commandement.
21
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-UNIÈME.
enfin par son exemple; à quoi il fut principa-
lement porté par le désir d'arracher de l'esprit
des ecclésiastiques la vaine complaisance qu'ils
ont à imiter les modes et les changements très-
fréquents des personnes séculières dans ces
sortes de vanités. « Jamdudum id se cupere
ostenderat, tu m ut corruptelam sacrorum ho-
minum tolleret, qui profanas militaresque bar-
barorum formas et earum fréquentes levesque
mutationesindecore admodum imitantnr; tum
ut, etc. (Surius, die Nov. 4, l, iv, c. 9). » Gios-
sano dit la même chose ( Giossan., 1. iv ,
c. x).
VI. Jules II fut le premier des papes qui
laissa croître sa barbe, quoique les médailles
des premières années de son pontificat le repré-
sentent encore rasé, selon la coutume des an-
ciens papes (Sponde., an. 1503, n. 8). Le cardinal
d'Avignon s'opposant à la création de Ressa-
rion pour pape, n'oublia pas cette nouveauté
d'élire un néophyte grec, qui n'avait pas seu-
lement encore rasé sa barbe ; « Nondum bar-
bam rasit Ressarion, et nostrum caput erit?
(Gobelin., 1. i, p. 24). »
Gerson conte entre les relâchements des
ecclésiastiques de son temps qu'on ne portait
plus ni les cheveux courts, ni la barbe rase.
« Ubi ne clerici comam, barbamve nutriant,
etc. (Gerson., tom. i, p. 206). » Au contraire,
Pierre Damien se plaint que les clercs ne se
distinguent plus des laïques par la pureté de
leurs mœurs, mais par leur barbe rase seule-
ment. « Ut eos a saecularibus barbirasium qui-
dem dividat, sed actio non discernât (Damian.,
1. vin, ep. xv). Et ailleurs exprimant le mépris
que les séculiers faisaient des évoques et des
prêtres, « Presbyterum vel episcopum abire
prospiciunt, barbirasos se videre fatentur (L. i
ep. n). »
Saint Rernard, pour représenter le déborde-
ment des nouveaux hérétiques de son temps ,
et de leur clergé, a Clerici ac sacerdotes, eccle-
siis populisque relictis, inlonsi et barbati apud
eos inter textores et textrices plerumque in-
venti sunt (Serm. 67 in Cant.). » Nicétas Cho-
niates parlant du patriarche latin de Constan-
tinople Thomas, « Malis ita rasis ut quemad-
modum in impuberi puero nullum pili
vestigium cerneretur (Rainald.,an. 1206, n.6).»
Chalcondile assure que tous les clercs de l'Occi-
dent se rasaient, « ltali et Occidentales pêne
omnes barbam radunt (Chai., de Reb. Turc). »
Matthieu Paris raconte que l'armée de Guil-
laume le Conquérant avait paru aux espions de
son ennemi une armée de prêtres, parce qu'ils
étaient tous rasés. « Omnes exercitus illius
milites presbyleros videri, eo quod faciem to-
tam cum utroque labro rasam haberent (Paris,
in Prologo). » Les actes de Guillaume, évo-
que d'Angers, racontent comment la veille de
son sacre, il se fit raser la barbe et la couronne.
« Rasa barba et corona, ablutoque capite , etc.
(Spicileg., tom. x, p. 289). »
Rien n'est plus surprenant que la résolution
d'un concile de la province de Rourges, ou une
des circonstances de l'interdit fulminé sur un
pays entier, fut que ni les clercs, ni les laïques
ne raseraient point leur barbe, et ne couperaient
point leurs cheveux que les princes ne se fus-
sent soumis à l'Eglise. « Nemo clericorum aut
laicorum tondeatur, neque radatur, quousque
districti principes, capita populorum, sancto
per omnia obediant concilio (Ribl. Mss. Lab-
bœi, tom. n, p. 792). »
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
< IIAPITRE QUARANTE-DEUXIÈME.
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE DES CLERCS DANS L EGLISE GRECQUE. DE LA TONSURE
DES LAÏQUES DANS L'UNE EL L'AUTRE ÉGLISE, APRÈS L'AN MIL.
I. Double tonsure des jeunes clercs parmi les clercs.
II. De la couronne des moines.
III. De la manière que les Grecs ordonnent les clercs.
IV. Ridicules emportements des Grecs sur ce que les Latins
rasaient leur barbe.
V. Suite des mêmes emportements jusqu'après le concile de
Florence.
VI. Convenance et disconvenance des Grecs et des Latins.
VII. Les lois ecclésiastiques et les canons des conciles contre
les laiques passionnés pour leurs grands cheveux.
VIII. Cet usage efféminé était venu des nations du Nord.
IX. De la tonsure des Polonais.
X. Les lois romaines et chrétiennes effacèrent les usages des
nations du Nord.
I. Les Grecs ont deux sortes de tonsure, l'une
qu'un simple prêtre donne aux jeunes enfants,
avec l'habit noir, ce qui n'est qu'une destina-
tion à l'état ecclésiastique, et non pas une en-
trée au clergé. Aussi ces enfants n'en reçoivent
aucun nouveau pouvoir. L'autre est celle que
l'évêque confère, et qui estinséparablede l'ordre
des lecteurs.
Le canon XIV du concile de Nicée. comme
il a été dit ailleurs, réprima l'audace précipitée
de ceux qui n'ayant encore reçu que la pre-
mière de ces tonsures avaient entrepris de faire
la fonction de lecteurs dans l'église.
Voici comme Ralsamon exprime le sens de
ce canon. « Quoniam, inquiunt Patres, videmus
nonnullos a pueris nigris vestibus indutos,
tanquam Deo consecratos, tonsuraque suscepta,
non per sui episcopi manuum impositionem,
audentes, postquam ad œtatem pervenerunt,
divinas Scripturas in suggestu légère non cano-
nice, statuimus ne hoc fiât, etc. Neve quis divi-
nas Scripturas aliter in ambone légat, quam si
tonsurae characterem acceperit, per episcopa-
lem manuum impositionem. »
Cet auteur a observé plusieurs fois, que ceux
qui n'avaient eu que la première tonsure , de
quelque manière que ce put être , étaient mis
au rang des clercs, et étaient véritablement des
clercs à simple tonsure, qui n'avaient aucun
des ordres mineurs. C'est la raison pour la-
quelle ils n'avaient pas le pouvoir de lire les
Ecritures dans l'Eglise.
II. La tonsure des moines, selon ce mémo
canon (Can. xiv , ne donne pas non plus le pou-
voir de lire les Ecritures dans l'Eglise. « Hoc
ipsum in monachis servandum censuimus. »
Quoique ce canon même permette aux abbés
qui sont prêtres, de faire des lecteurs d'entre
leurs religieux, Innocent III, consulté par un
archevêque de Rouen sur cette difficulté, « Cum
laici ad monasteria convolantes, a suis abba-
tibus tonsurentur , requisisti , an clericatus
ordo in tonsura hujusmodi conferantur? (Sy-
nod.Rotom.. page 201),» ne laissa pas de répon-
dre que, par cette tonsure les abbés conféraient
la cléricature , si les conditions remarquées
par le VIIe concile s'y rencontraient.
Ce ne sera peut-être pas une digression désa-
gréable, si nous remarquons ici que, selon
quelques auteurs, saint François avait laissé
d'abord ses religieux avec de grands cheveux
pendants et avec un habit de berger, mais
S. Ronaventure changea leur habit et leur
ordonna la tonsure en la manière qu'on la voit
présentement.
Saint Ronaventure s'oppose néanmoins lui-
même à ce conte, et il assure que ce fut Inno-
cent III (hist. univ. Paris., tom m, page 362)
qui approuvant la règle de saint François , et
chargeant les laïques même d'entre ses reli-
gieux de prêcher la pénitence aux fidèles, leur
fit faire de petites couronnes, afin de leur
donner plus de liberté et plus de crédit dans
le ministère de la prédication. « Approbavit
regulam, dédit depœnitentiaprfedicandaman-
datum, et laicis fratribus omnibus, qui servum
Dei fuerant comitati, fecit coronas parvulas
fieri , ut verbum Dei libère pradicarent (Le-
genda sancti Francisci, c. 3). »
Revenons à l'Eglise grecque : Ralsamon ajoute
au même lieu que ceux qui ont reçu l'habit
20
Dl" SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-DEUXIÈME.
unir (le la main des évêques, ne peuvent plus
se rengager dans l'état des laïques . non plus
que les moines, mais ce sujet sera traité ailleurs
pins au long.
III. Siméon, archevêque de Thessalonique,
ut la description des ordinations grecques
(De sacris ordinal., c. 2), et commençant par
celle du lecteur, il fait bénir un habit noir par
I'évêque, et en revêt le nouveau clerc ; L'évêque
Le bénit ensuite trois fois avec le signe de la
croix, et il lui coupe les cheveux en forme de
croix en invoquant la Trinité sainte. « Tondet
episcopuscapillos capitis ejus in figuram crucis,
etc. Ihid. c. i). »
Enfin après avoir imposé les mains, et prié
sur celte nouvelle tonsure, il lui l'ait lire un
chapitre de l'Apôtre, s'il fuit un lecteur, ou un
psaume , s'il fait un chantre. Après cela ce lec-
teur ou ce chantre exerce presque toutes les
fonctions de nos ordres mineurs. Surtout de-
puis que l'office du député ou de l'acolyte a
été aboli, ce qui était une charge qu'on don-
nait avant le lectorat.
Je ne m'amuserai pas à examiner si c'est la
seule cérémonie de la tonsure qui fait les
clins parmi les Grecs aussi bien que parmi
les Latins, depuis plus de six cents ans, ou bien
si c'est l'ordre de lecteur qui se confère en
même temps. En effet, comme la tonsure et le
lectorat sont inséparables dans l'Eglise grecque,
il importe peu de savoir si c'est de l'une seule-
ment de ces deux cérémonies saintes, ou de
toutes les deux ensemble que dépend la qualité
et le rang éminent de la cléricature (Eucholog.
Goarti., p. 240).
Les Grecs n'ont pas eu moins de conformité
avec les Latins pour la couronne cléricale, que
pour la tonsure. Sous le pape Jean XX11 , en
1330, on apprit que les géorgiens entre les
diverses sectes des chrétiens orientaux, avaient
des pratiques fort singulières et celle-ci entre
les autres, que les clercs y portaient une cou-
ronne ronde, el (pic: celle dis laïques était
carrée. « Clerici eorum rotondas habenl
coronas, laici vero quadratas Bzovius, an.
1330. n. 57 . »
IV. Ce n'a donc été que la pratique des
Latins de raser leur barbe, qui a choqué les
Grecs. Nous avons déjà touché ce qui se passa
sur ce sujet au temps de Photius. Cette même
plainte se renouvela dans le onzième siècle, et
dans la célèbre dispute du cardinal Ilnmbcrt ,
contre les Grecs, dans Constantinople même.
L'extravagance et l'emportement des Grecs pour
un sujet si in lifférent , et après tout si frivole ,
allait jusqu'à exclure de leur communion les
Latins, au rapport du même cardinal Humbert;
« Capillos capitis et barba: nutrientes ipsi, eos
qui comam tondent, et secundum institutio-
nem Romanae Ecclesiœ barbas radunt, in com-
munione non recipiunt Raronius , an. 1054,
n. 24). »
Pierre, patriarche d'Antioche. prit la défense
de l'Eglise latine dans cette occasion, et écrivit
a Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople
qui avait rallumé toutes ces vieilles contesta-
tions, pour lui montrer que si les Grecs por-
taient le haut de la tête rasé, et préféraient
cette couronne à celle des rois même, quoique
ce ne fût qu'une image de celle que les païens
firent à saint Pierre , par une insolente mo-
querie . les latins pouvaient bien raser leur
menton, parce que les infidèles firent encore
cet outrage au même prince des Apôtres. « Nos
etenim etiam eoronam in capite gestamus pro
veneratione procuïdubio principis Apostolorum
Pétri , super quem Dei Ecclesia est superœdi-
licata. Quod enim impii illi ad contumeliam
illius sancti excogitaverunt , hoc nos pie ad
gloriam et honorem ipsius facimus. Romani
quidem barbam radentes (Ibid. . »
Pierre de Rlois donne la même raison de
ces cérémonies sacrées ( In c. i Job). »
V. Il est étrange qu'une nation aussi spiri-
tuelle que la nation grecque, ait pu s'opiniàtrer
si longtemps, et s'emporter avec tant de chaleur
dans une dispute aussi déraisonnable, et pour
un sujet aussi léger.
Au temps du concile de Florence ce feu se
ralluma, et Gennadius, patriarche de Constan-
tinople , qui fit l'apologie de ce concile, repro-
cha aux Grecs qu'il fallait bien que la doctrine
et la police des Latins leur eût paru à eux-mê-
mes entièrement irréprochable, puisqu'ils
n'attaquaient que ces pratiques innocentes.
« Romanum tantum Pontificem reprehendere
vultis. Ouare? Quia latinus et barbam radit,
atque quarta feria et parasceve oleum ac pisces
comedit.»Et plus bas, » Non quia peccatorest,
refugitis ci obedire, sed quia latinus est, et
barbam tondit (Gennad. Ex. pos. pro Cou.
Flor., c. :.. S: et. i. c. 13.)»
Dans le concile deLatransouslepapeLéonX,
en 1514, l'archevêque de Gnesne lit voir un
dénombrement des erreurs des Ruthéniens
ou des Moscovites, qui sont les mêmes que
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
27
celles des Crées, où celle-ci n'est pas omise.
« Dicunt Christi fidèles peccare mortaliter,
quod barbas radant et manducant suffocata, etc.
(Rainald., n. 82). »
VI. Je passerai aux laïques de l'une et de
l'autre Eglise , après avoir touché ces diffé-
rences entre le clergé grec et latin. 1° Quoique
les Grecs distinguent la tonsure d'avec le pre-
mier ordre mineur, il ne les sépare pourtant
pas. Ainsi il n'y a point de clerc parmi eux qui
ne soit au moins lecteur, ou chantre.
2° Quoiqu'ils aient les mêmes ministères de
nos quatre ordres mineurs, ils les commettent
tous ou aux lecteurs, ou aux chantres, ou aux
sous-diacres, comme il a paru ci-dessus , et
comme on peut le voir dans le traité de Siméon ,
archevêque de Thessalonique.
3° Le sous-diaconat est encore parmi eux entre
les ordres mineurs, comme il est manifeste par
le même traité , d'où vient que selon cet arche-
vêque, les évèques grecs le confèrent hors du
sanctuaire , aussi bien que l'ordre des lecteurs
ou des chantres.
4° Les chantres et les lecteurs semblent ne
faire qu'un seul ordre parmi eux, puisque toute
la différence de leur ordination ne consiste
qu'en ce qu'après l'ordination faite , l'un lit
une leçon des épîtres de saint Paul, et l'autre
chante un psaume. En effet, lire et chanter les
louanges de Dieu ne sont qu'une même chose,
et souvent le lecteur chante, le chantre lit, la
lecture même est un chant modéré ; le chant
n'est qu'une lecture animée. On ne savait à
Alexandrie, selon saint Augustin, si le chantre
lisait, ou s'il chantait, tant son chant approchait
d'une simple lecture.
5e Les Grecs n'ont pas été si rigides obser-
vateurs que les Latins, ni de la tonsure , ni de
la couronne. Car quoique la cléricature com-
mençât parmi eux par la tonsure, ils n'étaient
pas après cela si scrupuleux , ou si religieux à
porter les cheveux courts.
On ne remarque pas non plus que leurs ca-
nons, ou leurs écrivains soient aussi empressés
que dans l'Eglise latine pour la couronne ,
quoiqu'ils fissent profession de la porter.
En revanche les Grecs ont bien de l'avantage,
en ce que leurs bénéfices n'ont pas été pour
ainsi dire prostitués aux simples clercs, ou aux
lecteurs, comme il est arrivé dans l'Eglise latine,
qui a néanmoins fait des efforts pour remédier
à un désordre si visible, comme nous le ferons
voir dans la suite.
VIL Passons donc aux laïques, sur lesquels
il s'est toujours fait un rejaillissement de la piété
de ecclésiastiques . et dont l'exemple aussi en
échange peut imprimer une salutaire con-
fusion aux clercs, peu amateurs de la régu-
larité.
Le concile de Rouen en 1096(Can. vi) défendit
aux séculiers même les cheveux trop longs,
sous peine d'être privés de l'entrée de l'Eglise,
etdela sépulture ecclésiastique. « Nullus homo
comam nutriat, sed sit tonsus, sicut decet
christianum alioquin a liminibus sanche ma-
tris Ecclesiae sequestrabitur, nec sacerdos ali-
quis divinum ei officium faciet, vel ejus sepul-
turae intererit. »
Le concile de Londres en 1102 (Can. xxni)
donna une mesure réglée aux cheveux , en
sorte que les yeux et les oreilles fussent à décou-
vert. « Ut criniti sic tondeantur, ut pars
aurium appareat, etoculi non tegantur.» Saint
Anselme (Ansehn., 1. 3. Ep. C>2,) nous apprend
que dans ce concile on interdit l'entrée de
l'Eglise à ceux qui refusaient de couper leurs
longs cheveux; « De his qui tonderi nolunt,
dictum est, ut Ecclesiam non ingrederentur ;
non tamen prœceptum est, utsi ingrederentur,
cessarent sacerdotes : sed tantum annuntia-
rent illis, quia contra Deum , et ad damnatio-
nem suam ingrediuntur. »
Eadmer dit que saint Anselme, après avoir
prêché avec beaucoup de force contre ces
longs cheveux, en mit plusieurs en pénitence
le premier jour des cendres, et refusa les cen-
dres et l'absoute à tous ceux qui refusèrent de
le? couper. « A cinerum susceptione.et a suae ab-
solutionis susceptione suspendit (Eadmer. hist.
Nov., 1. i,etc.) » Cet auteur dit qu'après la mort
de saint Anselme cette folle passion s'enflamma
encore plus qu'auparavant.
Le moine Orderic nous a découvert l'occa-
sion qui obligea les conciles à armer tonte la
sévérité des canons contre cette mollesse des
laïques dans leurs cheveux, et dans leurs habil-
lements. Il raconte comment après la mort du
pape Grégoire VII, de Guillaume le Conquérant
et tie quelques autres princes religieux, les
peuples s'étaient abandonnés à un relâchement
universel, et à des ajustements inouis jus-
qu'alors ; des manches pendantes, des queues
traînantes, des souliers cornus, de grands
cheveux, de longues barbes, faisant servir à
leur impureté les marques anciennes de la
pénitence (An. 1089. p. 682. Scriptor. Norm.)
28
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-DEUXIÈME.
En effet, les pénitents laissaient croître leur
barbe et leurs cheveux, pour marquer le deuil
et la tristesse salutaire , qui expiait les joies
criminelles de leur vie passée. « Femineam
nunc mollitiem petulans juventusamplectitur,
etc. Nu tri un t comas, utmeretrices. Olim pœni-
tenles , et capti et peregrini usualiter intonsi
erant, longasque barbas gestabant, indicioque
tali pœnitentiam pra?tendebant. Nunc vero pêne
universi populares cerriti sunt, etbarbatuli,
palam manifestantes specimine tali, quod sor-
dibus libidinjs gaudent, etc. »
Ce même auteur met une invective atroce
dans la bouche de l'évêque de Séez en pré-
sence du roi d'Angleterre, contre ce même
désordre , où les mêmes raisons et plusieurs
autres sont poussées avec beaucoup de force.
« Omnes femineomorecriniti estis : quod non
decet vos, qui ad similitudinem Dei facti estis
et virili robore perfrui debetis. Paulusait, vir
si comam nutriat, ignominia est illi, etc. Ro-
mani Pontifices, aliique antistites temerariam
usurpationem in synodis suis ex autoritate
divina eondemnaverunt, etc. Ecce squallorem
peenitentise eonverterunt in exercitium luxu-
riœ (An. 1104. pag. 816). »
Ce qu'il dit des papes et des conciles se doit
apparemment rapporter au concile de Cler-
montsousUrltain H, dont nous n'avons peut-être
pas les canons entiers, mais d'où le concile
de Rouen ci-dessus rapporté a emprunté les
siens.
VIII. Il est vrai qu'autrefois la noblesse
d'Espagne se distinguait des roturiers par la
longue chevelure ; selon le témoignage de
Mariana au temps du roi Leuvigilde, «Majorum
instituto atque more , nobilitas promissa cœsa-
rie continebatur (L. 5. c. xiv). » Et ailleurs,
sous le roi Yamba , « Rex ponere ca>sariem ,
qua nobilitatis insigne continebatur, et decal-
vari satis habuit (L. 0. c. xm). »
Ditmar raconte qu'à l'entrée de l'empereur
Henri à Rome en 101 A, de douze sénateurs qui
l'accompagnèrent, il y en avait six sans barbe.
« Sex rasi barba, alii prolixa mystace incede-
bant (Raronius, an. 1014. n. i). »
Ces longs cheveux de la noblesse ancienne
des Yisigoths d'Espagne étaient les restes des
coutumes qu'ils n'avaient encore pu entiè-
rement effacer du lieu de leur première ori-
gine. Il en faut dire autant de celle de
France.
Ces nations septentrionales s'étant trouvées
dans le climat de l'empire romain , s'accoutu-
mèrent insensiblement à la manière de vivre
des Romains, suivirent leurs lois, et ensuite
celles du christianisme. C'est pourquoi ces
peuples retranchèrent la superfluité de leur
chevelure : et si, dans la manière de se mettre,
ils n'imitèrent pas parfaitement la simplicité et
la modestie des clercs, du moins ils en appro-
chèrent beaucoup.
Radevic nous l'ait voir dans l'empereur Frédé-
ric premier, l'image d'un empereur romain et
le modèle de toute la noblesse civilisée par l'u-
sage des lois romaines et des lois ecclésiasti-
ques.
Voici le tableau de l'empereur romain qu'on
pourrait prendre pour celui du pontife ro-
main, tant il s'était répandu de modestie sur
la personne même de l'empereur, qui servait
de modèle à toute la noblesse et à toutes les
personnes de condition. « Aures vix super ja-
centibus crinibus operiuntur, tonsore, pro re-
verentia imperii, pilos capitis et genarum assi-
dua succisione curtante (L. u, de gestis Fride-
rici, c. 70). »
Ce ne peut être que par une bizarrerie des
modes diverses parmi tant de nations, que les
ambassadeurs persans à Rome sous Pie II, pa-
rurent presque rasés comme nos moines, si
nous en croyons Gobelin. « Persici oratores in
more nostrorum monachorum, servata capil-
lorum parva corona, totumeaputtonsum. Ejus
qui ex Mesopotamia venit, pari modo, sed in
vertice summo parvus manipulus visebatur,
quemadinodum gentiles gestasse flamines in
pileo lerunt (L. v. p. 127. Rainald., an. 1 160.
n. 101). » Mais ce qui a été ci-dessus rapporté
des Géorgiens mérite une considération toute
particulière ; savoir que les laïques y portaient
des couronnes carrées, comme celle des clercs
était ronde.
Il n'en faut pas dire davantage pour justifier
le décret du concile de Tours en 1583 (Cap. v),
qui renouvela l'ancienne excommunication du
concile de Constantinople in Trullo , contre
ceux qui affectaient des ajustements artificieux
dans leur chevelure, pour entretenir une va.
nité scandaleuse parmi les fidèles. « Ideoque
ex concilii generalis Constantinopolitahi in
Trullo habiti decreto, excommunicationi sub-
jacere eos omnes diffinimus, quicapillos ad vi-
dendum detrimentum scite excogitatis, nexi-
bus adornant, et componunt, et inflrmis ani-
mis escam ea ratione objiciunt. »
DE LA TONSURE ET DE LA COURONNE.
ç>9
IX. Cette digression sur les laïques nous re-
mettra dans notre sujet, par L'exemple mémo-
rable de la nation polonaise, à qui Benoît IX
donnant pour roi le prince Casimir, qu'il tirait
de l'abbaye de Cluny, où il avait fait profes-
sion, et le dispensant des obligations du diaco-
nat , il leur imposa en échange une partie des
marques de la cléricature.
En effet, il les obligea de couper leurs grands
cheveux, qui étaient comme les restes de leur
ancienne barbarie et de s'accommoder à la
tonsure de toutes les provinces de l'empire ro-
main dans l'Occident, c'est-à-dire à leur ma-
nière si chrétienne et si conforme aux pré-
ceptes de l'apôtre saint Paul, de porter les che-
veux courts, en sorte que les oreilles ne fussent
pas tout à fait cachées. Voici les paroles de
Longin dans son histoire de Pologne. « Ca?sa-
riem capitis et comam barbaro more non
nutrire , sed auribus patentibus instar reli-
giosorum latinarum nationum tonsuratum
caput gestare (Baronius, an. 1041. n. M). »
Nous dirons dans la suite comment il les
obligea aussi de porter comme une étole en
certains jours de grandes fêtes.
X. En voilà assez pour ne plus douter que la
longueur démesurée des cheveux n'ait été un
usage des nations barbares, qui fondirent du
Nord dans l'Italie, dans l'Espagne . dans la
France et dans l'Angleterre, où elles apprirent
par leur salutaire mélange avec les Romains
déjà civilisés et encore plus avec les chrétiens,
dont la police est toute céleste, de retrancher
ces vaines superfluités pour se conformer à la
voix de la nature et au précepte de saint Paul.
La tonsure des ecclésiastiques ne fut d'abord
que la marque du retranchement des choses
superflues : cette même modestie dans la che-
velure, fut dans le commencement commune
à tous les laïques qui se distinguaient par leur
piété. On y ajouta la couronne par des raisons
dont nous avons parlé ci-dessus (I).
(1) A l'exception de certains ordres religieux qui portent autour
de la tête rasée un cercle de cheveux, la tonsure des clercs n'est
plus aujourd'hui qu'un rond au sommet de !a tête, plus ou
moins large, selon l'ordre. Mais une particularité que l'on ignore
généralement, c'est que le souverain pontife a seul conservé le grand
cercle de cheveux. Ferraris, savant canonîste du xviire siècle, constate
ce fait : o Amplior tonsura solet deferri a summo pontifice, qui etîam
impraesentiarum retinet coronam a primordiis Ecclesiae usitatam.
(Prompta biblioth. canonica, jurid. mor. Ferraris, vo clericus, art. 1,
no 52). d Nous constatâmes nous-même en 1832 cette particularité
sur la vénérable tête du pape Grégoire XVI. C'est un cercle de che-
veux semblable à celui des religieux. Les portraits des premiers papes
sont tous représentés avec l'antique couronne de cheveux.
Jusqu'en 1814, le gouvernement exigeait en France que les évé-
ques lui présentassent la liste de cens qu'ils appelaient à la tonsure,
qui est l'initiation cléricale qui les dispensait du service militaire.
Aujourd'hui les évéques peuvent admettre tous ceux en qui ils trou-
vent les signes d'une vocation certaine, sans être soumis à cette es-
pèce àeplacet du pouvoir. C'est l'article 26e des organiques qui avait
établi cette réserve. Le voici : « Les évéques ne pourront ordonner
a aucun ecclésiastique s'il ne justifie d'une propriété produisant au
o moins un revenu annuel de trois cents francs, s'il n'a atteint lage
n de 25 ans, et s'il ne réunit les qualités requises par les canons reçus
o en France. Les évéques ne feront aucune ordination avant que le
s nombre des personnes à ordonner ait été soumis au gouvernement
o et par lui agréé. »
Durant le xvme siècle, une révolution s'opéra dans la chevelure
des clercs. A l'exemple des laïques, ils adoptèrent d'immenses per-
ruques et l'usage de la poudre. Les souverains pontifes s'élevèrent
promptement contre cet usage mondain. Par un édit du 1 mai 1701,
Clément XI frappa de suspense ipso facto tout prêtre qui ferait
usage de la perruque dans les églises de Rome ; le 20 décembre 1724,
BeDoit XIII renouvela cette pénalité et y ajouta une amende. Les
conciles provinciaux et les synodes diocésains furent unanimes à
proscrire la perruque et la poudre. Parmi ceux que nous avons sous
les yeux, nous croyons devoir citer celui d'Alexandrie en Piémont,
tenu en 1732, parce qu'il dépeint parfaitement cette mode disparue
aujourd'hui : « Multo magis prœcipimus, » dit ce synode au chap. x
de vit. et honest. cleric. a ne quis ex clericis comam nutriat vel con-
cinet vel coma fictitïa utatur, neque pulvere Cyprio aspergat ; quod
si nécessitas postulaverit comam fictitiam, nonnisi praevia concessione
nostra, et omnino eamdem juxta concessionis formam adhibebunt,
ita ut in hac materia peccantes habendi sunt tanquam in tonsura non
incedentes, iisdem pœnîs puniendi. o Plusieurs théologiens et cano-
nistes taxaient de péché mortel le port de la perruque : a Utinam
criniti clerici, » s'écrie l'un d'eux, a et eorum confessarii serio consi-
déraient delationem comae in ministris sacris esse peccatum mortale
(Apud Ferraris, v» Comafictitia). » L'usage de la poudre a subsisté
encore usque vers 1820 chez certains vieux ecclésiastiques.
(Dr A^dré.)
30
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
DE L IIAEIT CIVIL DES ECCLESIASTIQUES EN OCCIDENT. PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Le pape Célestiu blâme les évèques de France, de ce que
prenant les habits de moines, ils se distinguaient des laïques,
autrement que par la vertu.
II. Ce changement avait été fait en France par des moines
qu'on avait faits évèques.
III. Salvien fait voir que les moines étaient le sujet de la
risée du monde à cause de leur habit ; ce qui ne convient pas
au clergé.
IV. Les décrétales des papes marquent tous les devoirs des
clercs, sans jamais parler de leur habit.
V. Le concile IV de Carthage ne leur recommande que la
modestie des habits.
VI. Autres preuves tirées de Julien Pomère et de saint Jé-
rôme. De l'habit des moines. En quoi consistait le luxe des
habits des clercs.
Vil. Iles habits des moines et des clercs.
VIII. Excessive sévérité des pélagiens, qui ne plait pas à saint
Jérùme.
IX. Quel fut l'habit de religion dont fut revêtu saint Germain,
quand un le fit clerc.
\. C'était mi habit de moine. Grand nombre d'évêques dans
les Gaules qui joignaient alors la profession monastique à l'é-
piscopat.
XI. Combien l'ordonnance du pape Célestin était raisonnable
et juste, quoique nos évèques n'y déférèrent point.
XII. Les raison? de n'y point déférer dans cette rencontre,
étaient aussi très-justes et très-raisonnables.
MIL Combien il était important que les évèques donnassent
de grands exemples du mépris des vanités du monde.
XIV. La vie commune qu'ils menaient avec leurs clercs était
une nouvelle raison pour cela.
XV. Nouveaux exemples de saint Fulgence.
XVI. De saint Augustin.
XVII. De saint Cyprien. Nouvelles preuves du même saint
Cyprien et de Tcrtullien.
XVIII. Sommaire de ce qui a été dit.
I. Nous avons prouvé qu'il n'y avait point
durant les cinq premiers siècles de clercs sans
ordres, différents des laïques par leur tonsure
seulement; venons à l'habit, et montrons <|ue
les ecclésiastiques n'enavaient point dans la vie
civile qui les distinguât des séculiers. Com-
mençons d'abord par une autorité si claire et
si puissante, qu'il n'y ait point de réplique.
Le pape Célestin écrivit en l'an 'r28 aux évè-
ques des provinces de Vienne et de Narbonne,
pour les blâmer d'une nouveauté superstitieuse
qui s'était glissée dans leur clergé, où les ec-
clésiastiques commençaient de porter un man-
teau et une ceinture, au lieu de la tunique et
de la toge romaine, qui était l'habit ordinaire
des clercs, aussi bien que des laïques. Ce grand
pape leur remontre, que ce n'est pas à la lettre
qu'il faut pratiquer ce qu'on lit dans l'Evan-
gile, de se ceindre les reins; qu'il ne faut pas
se distinguer des laïques par les habits, mais
par la sainteté des mœurs : enfin qu'il ne faut
pas par de nouvelles superstitions corrompre
la discipline que tant de saints évèques ont
autorisée.
a Didicimus quosdam Domini sacerdotes, su-
perstitioso potius cultui inservire, quam men-
tis vel fidei puritati. Amicti pallio et lumbi
praecincti, credunt se scriptura1 fidem non per
Spiritum, sed per lilteram completuros. Nam
si ad hoc ista prsecepta sunt, ut taliter serva-
rentur : curnon liunt pariter, qua? sequuntur,
ut lucernne ardentes iii manibus una cum ba-
culo teneantur. »
Après leur avoir montré que c'est l'amour
de la chasteté qui nous est recommandé dans
le sens véritable, de ces paroles de l'Evangile,
« Habent suum ista mysterium, etc. » il leur
déclare en quoi il faut mettre la différence du
clergé et du commun des fidèles : « Discer-
nendi a plèbe vel caeteris sumus doctrina, non
veste; mentis puritate, non cultu. »
Ces paroles prouvent évidemment, que ce
u'était ni par les cheveux, ni par les habits que
l'on reconnaissait les ecclésiastiques. Enfin il
condamne cette nouvelle coutume comme une
superstition et une injure faite aux anciens
Pères et aux premiers évèques de l'Eglise.
« Unde hic habitus in Ecclesiis gallicanis, ut
tôt annorum tantorumque ppntificum in alte-
ruin habitum consuetudo vertatur, etc. Nam
si incipiamus studere novitati, traditum nobis
a Patribus ordinem calcabimus, ut locum su-
pervacuis superstitionibus faciamus. »
II. Ce grand pape nous apprend dans la
même lettre , que cette innovation avait été
faite par des moines qui avaient été faits évè-
ques et avaient voulu conserver dans l'épisco-
pat l'habit de leur première profession. « .Nuit
mirum si contra ecclesiasticum morem fa-
DE L'HABIT CIVIL 1>ES ECCLÉSIASTIQUES.
::i
ciunt, qui in Ecclesia non creverunl : sed alio
venientes itinere, secum haec in Ecclesiam,
qua? in alia conversatione habuerant, intule-
ruiit. »
Il ajoute que celte manière extraordinaire
de se vêtir est peut-être supportable à des
moines qui vivent dans la solitude ; mais que
les évoques des Gaules ne peuvent point en
user sans condamner leurs prédécesseurs, ou
sans se condamner eux-mêmes en les aban-
donnant. « Habeant tamen istum forsitan cul-
tum, morem potius quam rationem sequentes,
qui remotioribus habitant locis , et procul a
cœteris degunt. Unde bic habitus in Ecclesiis
Gallicanis, etc. » Il conclut enfin par ces mots :
« Non est imponendum oculis, sed mentibus
infundenda praecepta sunt. »
III. Salvien nous a fait voir ci-devant com-
bien les personnes séculières avaient en hor-
reur les moines qui passaient quelquefois par
les grandes villes, couverts d'un manteau et la
tête rasée : « Palliati, et recisis usque ad cutem
comarum jubis. » Voici comme il parle ail-
leurs à un moine relâché qui n'avait que l'ex-
térieur d'un solitaire : « Licet religionem ve-
stibus simules, licet fidem cinguloafferas, licet
sanctitatem pallio mentiaris. (AdEccl. C.atbed.,
1. iv). »
Si cette différence d'habits rendait les
moines ridicules aux yeux des hommes char-
nels, le clergé n'avait garde de l'affecter, puis-
qu'il fait profession de gagner et d'attirer tout
le monde. Saint Paulin nous a aussi fait voir
dans le chapitre XXXVII, les solitaires vêtus
de la même manière, « veste succincti, sagulis
palliati (Epist. vu) ; » et il fait gloire au même
endroit de s'attirer par cet habit le mépris du
monde : « Hujusmodi hominum et vultus, et
habitus, et odor nauscam illis facit, quibus
odor mortis est in odorem vita? (Epist. x). »
Il remercie ailleurs celui qui lui avait en-
voyé un habit convenable à la profession qu'il
faisait de solitaire : c'était un manteau de poil
de chameau : « Pallia camelorum pilis texla. »
11 lui envoie en échange une tunique de peaux
d'agneau : « Tunicam de tenero agnorum vol-
ière contextam (De habitu Monach., 1. i. c. I,
etc.) » Voyez ce que dit Cassien des ceintures
et des autres habits propres aux solitaires.
IV. Je viens à d'autres preuves. Le pape Si-
rice a marqué avec une exactitude admirable
dans une de ses lettres, tous les devoirs et toutes
les démarches de ceux qui se dévouent à l'état
ecclésiastique. Il veul que dès leur enfance ils
reçoivent le saint baptême et en même temps
l'ordre des lecteurs : il leur permet ensuite de
se marier ; et pourvu qu'ils vivent chastement
et chrétiennement jusqu'à l'âge de trente ans,
il permet qu'on leur donne l'ordre <t qu'on
leur fasse exercer les fonctions des acolytes et
des sous-diacres. Il ne les oblige à la conti-
nence que lorsqu'on les élèvera au diaconat.
Outre que ce pape ne parle ni de la tonsure,
ni de l'habit propre et singulier du cierge;
quelle apparence y a-t-il, que tous ces clercs
qui vivaient dans le mariage au milieu de leur
famille, fussent autrement vêtus que les plus
modestes d'entre les autres chrétiens ( Siric.
Epist. i. c. 9, 10) ? Le pape saint Léon parle en
quelque endroit de l'habit particulier des
vierges qui se consacraient à Dieu : « Puellse
(|u;e virginitatis propositum atque babitum
susceperunt (Epist. xcn. c. 19). » Mais ni lui, ni
aucun des anciens papes n'a parlé en aucun
endroit de l'habit propre des ecclésiastiques.
V. Le concile IV de Carthage (Can. xlv), n'a
rien oublié des devoirs importants de tous les
ecclésiastiques. Aussi n'a-t-il pas omis de leur
recommander la modestie dans leurs habits et
dans leurs souliers ; mais cela suffit pour nous
persuader que, ni pour la couleur, ni pour l'é-
toffe, ni pour la forme des habits, les clercs
n'avaient rien qui les distinguât des laïques,
si ce n'est une modestie et une fuite singulière
de la vanité du monde. « Clericus professio-
nem suam et in habitu, et in incessu probet :
et née vestibus , nec calceamentis decorem
quaerat. » Dans les habits aussi bien que dans
la démarche, le clerc, selon ce canon, ne doit
rien affecter que la simplicité.
VI. Julien Pomère nous a dépeint ceux que
ce canon semble avoir notés, à cause de leurs
robes traînantes et de leur démarche molle et
atrectée. « Taceo de illis, qui undante lapsa-
bundi corporis motu, defluentibus in talos ve-
stimentis incedunt, et vagis Iaterum flexibus
quodammodo fluctuantes, etc. (De vita Con-
templ., lib. h, c. A). » Voilà tout ce qu'on pou-
vait blâmer dans les habits des ecclésiastiques,
en un temps où tous les honnêtes gens étaient
vêtus de long , et où les personnes vertueuses
ne pouvaient se signaler que par la modestie
et la simplicité.
Saint Jérôme nous enseigne la même vérité.
« Si leclor, si acolylhus, si psaltes te sequitur,
non ornentur veste, sed moribus : nec calami-
32
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
stro crispent comas , sed pudicitiam habitu
poUiceantur [Ad Nepoti de vita Cleric). »
Un peu plus bas dans la même lettre, ce sa-
vant Père fait clairement voir que l'habit noir
n'était pas encore ordonné aux ecclésiastiques;
il leur détend même de s'en servir, aussi bien
que d'un habit dune éclatante blancheur.
« Vestes pullas aeque devita, ut candidas : or-
natus, ut sordes pari modo fugiendae sunt :
quia alterum delicias, alterum gloriam re-
dolet. »
Cette blancheur éclatante était une marque
d'une excessive délicatesse : l'habit noir était
réservé aux moines et aux pénitents; et c'eût
été une humilité affectée, et une véritable
vanité à de jeunes ecclésiastiques de s'en re-
vêtir.
Saint Jérôme les exhorte à prendre le milieu,
et à se faire reconnaître par une médiocrité qui
n'ait rien de remarquable. Il n'approuve pas
même qu'ils s'abstiennent de porter du linge,
si leur amour pour la pauvreté évangélique, et
leur vie mortifiée ne répond à cela.
a Non absque amictu lineo incedere, sed
pretium vestium linearuni non habere, lauda-
bile est. Alioqui ridiculum et plénum dedeco-
ris est, referto marsupio, quod sudarium, ora-
riumque non habeas, gloriari. » A quoi il faut
ajouter ce qu'il dit ailleurs : « Quid prodest
circa collum ad abstergendos sudores linteolum
non habere, quidjuvat esse |unoxCt»>v«î, et prae-
ferre habitu paupertatem ; cum marsupium
nostrum universa pauperum turba suspiret? »
Voici de quelles couleurs ce même Père (In
Miclueam, c. m) dépeint ailleurs les ecclésias-
tiques qui faisaient voir la vanité de leur àme,
et la disposition de leur cœur dans le luxe de
leurs habits et dans le soin qu'ils prenaient de
friser leur cheveux. «Omnis bis cura de vesti-
bus , si bene olente ; si pes laxa pelle non fol-
leat. Crines calamistri vestigio rotantur : digiti
annulis radiant : et ne plantas humidior via
spargat, vix imprimunt summa vestigia. Taies
cuin videris, sponsos magis existimato, quant
clericos (Ad Eustoc, ad custodia virginit.). »
VII. Les commencements même de la con-
version de Népotien furent bien autres : il est
vrai qu'il changea d'habit, mais ce ne fut que
pour en prendre un plus modeste en se confor-
mant a L'usage de sa province, et en évitant
aillant la saleté que la mollesse. « Ralteo po-
sito mutatoque habitu, quidquid castrensis
pcculii fuit, in pauperes erogavit. Excepta vili
tunica, et operimento pari, quo tecto tanlum
corpore frigus excluderet, nihil sibi amplius
reservavit. Cultus ipse provinciae morem se-
quens : nec munditiis, nec sordidis notabilis
erat (In Epitaph. Nepotian). »
Ce Père semble prescrire aux moines un ha-
bit plus vil et plus pauvre, et qui les rendant
méprisables au monde, témoigne aussi le mé-
pris qu'ils en font. «Si mouachus esse vis, sor-
dida? vestes candidae mentis indicia sunt. Vilis
tunica contemptum saeculi probet ; ita dun-
taxat ne animus tumeat ; habitus sermoque dis-
sentiant (Ad Rusticum Mona.). » En parlant
d'Asella. « Tunicam fusciorem induta (Epist.
ad Marcellam.). » Et écrivant à Eustoquie,
« Vestis nec satis munda, nec sordida et nulla
diversitate notabilis, ne ad te obviam prœter-
euntium turba consistât, et digito monstreris
(Ad Eustoc.).» Et parlant d'une veuve. «Vestis
fuscior, pulla tunica, minus cum humi jacuerit
sordidatur. Soccus vilior, cingulum laneum,
etc. (Ad Marcel. deRlsesilla). »
Mais en écrivant à Pammaque, il montre
bien que les moines affectaient de se faire mé-
priser du monde par leurs habits, ce qui n'eût
pas été convenable aux ecclésiastiques qui ne
doivent pas rebuter les malades qu'ils veulent
guérir (Ad Pamma. de obituPaulina?).«Quishoc
crederet ut consulum pronepos , inter purpu-
ras senatorum, furva tunica pullatus ince-
deret, et non erubesceret oculos sodalium , ut
deridentes se derideret? Est confusio, quaa
ducit ad mortem, et est confusio, quae ducit
ad vitam. Prima virtus est monachi contem-
nere hominum judicia , et semper Apostoli
recordari , dicentis : Si adhuc hominibus pla-
cerem, Christi servus non essem. »
VIII. Les pélagiens se portaient à un excès
que saint Jérôme même ne peut souffrir, lors-
qu'ils voulurent censurer la modestie même et
la propreté simple des habits. Voici ce que saint
Jérôme leur répond. « Adjungis gloriam ve-
stium et ornamentorum Deo essecontrariam.
Quœ sunt, rogo, inimicitiœ contra Deum, si
tunicam habuero mundiorem : si episcopus ,
presbyter, et diaconus et reliquus ordo eccle-
siasticus in administratione sacrificiorum can-
dida veste processerint? Cavete clerici, cavete
monachi, viduae el virgines, periclitamini ,
nisi sordidasvos atquepannosas vulgus aspexe-
rit(L. i, advers. Pelag.).»
Ces paroles de saint Jérôme nous découvrent
que si les ecclésiastiques avaient quelque chose
DE L'HABIT CIVIL DES ECCLÉSIASTIQUES.
de singulier dans leurs habits, ce n'était qu'à
l'autel ; et alors même c'était une blancheur
et une propreté extraordinaire qu'ils affectaient
par un respect singulier pour le sacrifice de
l'Agneau sans tache. Au reste, les clercs, les
moines et les religieuses n'étaient nullement
obligés d'attirer sur eux le mépris du peuple
par la saleté de leurs habits, quoique quelques-
uns l'aient fait par un instinct particulier, et
par un amour extraordinaire des croix et des
injures.
IX. Il est vrai que le prêtre Constance,
dans la vie de saint Germain, évèque d'Auxerre,
dit que saint Amateur lui donna l'habit de re-
ligion en le faisant clerc : « Cœsariem ejus ca-
piti detrahens, habitu religionis, rejectis sa?cu-
laribus ornamentis, cum promotionis honore
induit [Surius, Julii diexxxi). » Mais cet habit
de religion n'est autre qu'un habit modeste.
Sidonius a usé du même terme en ce sens, où
parlant du courtisan Maxime qui avait em-
brassé l'état ecclésiastique, il nous le repré-
sente en cette sorte. Habitus viro, gradus, pu-
dor, color, sermoreligiosus(L. iv, epist. xxiv).»
En tout cela il ne pouvait y avoir qu'une mo-
destie singulière.
X. Il y aurait aussi quelque fondement de
croire que cet habit de religion serait un habit
monastique : car ce mot de religion est souvent
pris pour la profession des pénitents, ou des
moines. C'est en ce sens que Salvien l'a employé,
« Sub specie religionis , vitiis saecularibus
mancipati, etc. Divini cultus habitu m magis
quam actum existi mantes, vestem tantummodo
exuere, non mentem L.v, de gubernat. Dei). »
La suite de son discours montre clairement
qu'il parle de ceux qui ne faisaient qu'une
fausse pénitence, après s'être plongés dans des
crimes dont l'énormité les rendait irréguliers,
et incapables des rangs et des dignités ecclé-
siastiques. Ainsi saint Amateur aurait donné à
saint Germain un habit de religion, parce que
les saints évêques de ce temps-là joignaient
quelquefois la vie monastique avec les fonc-
tions épiscopales.
Sévère Sulpice le dit nettement de saint Mar-
tin. « l'bi Martinum in veste bispida, nigro
pcndulo, pallio circumtectum viderunt, etc.
(Dialog. ii, de vita S. Martini). » Et en un autre
endroit : « Idem constantissime perseverabat,
qui prius fuerat; eadem in corde ejus humili-
tas, eadem in vestituejus vilitas erat :atque ila
plenusautoritatis et gratiœ, implebat episcopi
dignitatem, ut non tamen propositum mona-
clii virtutemque desereret (Lib. de vita Mar-
tini, c. vu, epist. m). »
Ce manteau était propre aux moines, qu'il
appelle ailleurs, Agmina palliata. Sidonius as-
sure la même chose de Fauste, qu'ayant été tiré
du monastère deLérins et élevé à l'épiscopat, il
n'avait rien changé de l'austérité de sa vie pré-
cédente. « Nil ab abbate mutalus per sacerdo-
dotem ; quippe cum nova- dignitatis obtentu,
rigorem veteris disciplinée non relaxaveris
(Lib. ix, epist. ni. Ihid., epist. ix). » Fauste
n'était pas le seul qui réunit par une piété
extrordinaire deux conditions si éloignées;
témoin le même Sidonius en une autre lettre
qu'il lui écrit : « Legi volumina tua, qiue Rio-
chatusantistesetmonachus, atque istiusmundi
bis peregrinus, Britannis tuis pro te reportât
(L. îx, epist. ix). »
Mais le même saintGermain, dont nous par-
lons, justifie par sa conduite l'explication que
nous avons donnée aux termes dont se sert
l'auteur de sa vie. Dès le premier jour de son
épiscopat, il se conforme entièrement à l'aus-
térité des moines les plus réformés et pour sa
table et pour ses habits. « Ex ea veto die, qua
sacerdotii sumpsit exordium, nunquam panem
frumenti, non vinum, non acetum, nonoleum,
non legumen, vel salem accepit. Indumentum
cuculla et tunica indiscretis fuere temporihus.
Nam neque hyeme accessit adjectio, neque
aestate levamen admissum est. Quod utrumque
tandiu usui fuit, nisi forte donatum est, donec
attritione nimia solveretur, cilicio semper in-
terius inhaerente (Surius, Julii die xxxi). »
On ne peut douter que ce ne fût joindre les
austérités des solitaires avec la dignité de l'é-
piscopat. Ce saint évèque étant mort, voici le
partage qui se fit de ses habits, entre ceux qui
crurent pouvoir recueillir de ces précieuses
dépouilles les restes de sa sainteté : « Cucullam
cum interiori cilicio Petrus episcopus usurpa-
vit. Sex vero antistites, ut aliquid monimenti
ex successione sanctitatis acciperent, disrum-
pere quod superfuerat, maluerunt. l'nus pal-
lium, alter cingulum accepit. Duo tunicam,
duo sagulum diviserunt. » Voilà comment
l'héritage d'un pauvre et saint évèque en enri-
chit plusieurs.
XI. Ce que nous venons de rapporter de
saint Martin, de Fauste. de Riochatus, de saint
Germain, montre manifestement que plusieurs
évêques de France faisaient gloire de porter
Tu. — Tome II.
34
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
l'habit des plus austères solitaires, et d'être en
même temps les imitateurs de leur vie péni-
tente. Si de ces quatre évêques les trois pre-
miers avaient été appelés de la profession reli-
gieuse à l'épiscopat, on ne peut pas avoir la
même pensée de saint Germain. .Nous avons
donc en lui un exemple, non pas d'un évèque
qui conserve dans cette éminente dignité les lia-
bits et les exercices des solitaires, parmi lesquels
il avait été élevé : mais d'un homme de grande
qualité, qui étant traîné plutôt qu'élevé à l'épis-
copat, embrasse en même temps tout ce qu'il
y a de plus humble et de plus mortifiant dans
la vie religieuse.
Il y a bien de l'apparence que c'est contre
ces saints évêques et leurs imitateurs, que le
pape Célestin écrivit la lettre par laquelle
nous avons commencé ce chapitre. Ces évêques
portaient effectivement les habits que ce pape
désapprouve, pallium, cingulum; et le reste
des vêtements des moines. Aussi les trois pre-
miers étaient étrangers en France, comme le
pape le remarque. La lettre de ce saint pape ne
laisse pas d'être très-raisonnable et très-con-
forme aux lois ecclésiastiques.
Nous avons vu que l'habit des moines était
le sujet de l'aversion et des railleries de la plu-
part des peuples, dont les yeux n'étaient pas
encore accoutumés à ces honorables marques
de l'humilité chrétienne. La profession mo-
nastique n'avait commencé qu'avec l'empire de
Constantin. Ces solitaires sortaient en ce temps-
la fort rarement de leurs déserts. Les évêques
étaient plus anciens que les moines d'environ
trois cents ans. Ils ne devaient donc pas chan-
ger leur ancienne manière de s'habiller, ni se
distinguer de leurs confrères, pour se confor-
mer à une profession nouvelle, et à une sorte
d'habit choquante, quoique sainte.
11 n'y avait donc rien de si juste, en parlant
généralement, que ce que le pape Célestin or-
donnait, de conserver l'ancienne coutume, ne
faire aucune innovation, se revêtir comme les
anciens évoques, ne pas différer des autn s évê-
ques du monde, n'affecter pas les habits qui
rebutent ceux (pie l'on doit attirer; enfin, ne
pas faire montre dans les villes de ce qui n'a
été introduit que pour La solitude.
Ml. Mais comme lis raisons et les circons-
tances particulières l'emportent quelquefois
sur les maximes générales, ces saints évoques
de fiance crurent alors que ce ne serait pas
déshonorer l'épiscopat que dele revêtir des mar-
ques d'une pénitence et d'une humilité toute
extraordinaire. Salvien ne parle que des afri-
cains et de ceux de Cartilage, quand il dit que
la vue et la présence des moines qui passaient,
leur donnait de l'horreur. Il eût dit de même
des Gaules, s'il eût pu le faire sans blesser la
vérité.
Saint Martin avait donné tant d'admiration,
tant d'estime, et tant d'amour à toutes les Gau-
les, que nous pouvons croire, sans crainte de
nous tromper, qu'il leur avait inspiré la véné-
ration pour tous les moines, et pour toute leur
profession. On avait tiré de son monastère un
grand nombre d'évêques. Il en était aussi sorti
un fort grand nombre du monastère de Lérins.
Tous ces saints religieux avaient saintement
allié les vertus épiscopales avec les pénitences
et les mortifications des solitaires.
Les peuples des Gaules ne pouvaient après
cela regarder les moines qu'avec un extrême
respect, et il s'en fallait beaucoup qu'ils ne
crussent que l'habit et la vie des moines dés-
honorât l'épiscopat. L'évèque Cresconius a cru
au contraire, dans son abrégé des canons, que
le pape Célestin n'avait défendu aux ecclésias-
tiques les habits monastiques, que comme une
singularité affectée par un esprit de présomp-
tion (Cresconius in Rreviario, can. cxxxi).
C'est pour cela qu'il joint ce décret de Céles-
tin avec le canon du concile de Gangres, qui
blâme l'affectation orgueilleuse de quelques
moines dans leurs habits. « De his qui palliis
utuntur, et ideirco superbiunt : » il n'est pas
nécessaire de justifier ces évêques de France,
dont nous parlons, de cette singularité pré-
somptueuse.
XIII. Si les peuples au contraire étaient le
plus souvent scandalisés du luxe et de la vanité
des évêques et des autres ecclésiastiques : qui
peut douter qu'ils ne fussent au contraire édi-
fiés de la piété singulière de ceux qui ne met-
taient leur gloire que dans un entier mépris
de la glbire et du faste? Saint Jérôme nous re-
présente un de ces évêques plus curieux de ces
ornements extérieurs que des vertus qui sont
les véritables ornements de l'âme.
«Si quis episcopatum desiderat, bonumopus
desiderat : opus, non dignitatem : laborèm ,
non delicias : opus per quod humilitate decre-
scat, non intumescal fastigio, etc. Sunt quidam
ignorantes mensuram suam.et tantae stolidita-
tis acvecordiae, ut et in motu, et in incessu, et
in habitu, et in sermone communi, risumspe-
DE L'HABIT CIVIL DES ECCLÉSIASTIQUES.
ctantihus prrrbeant : et quasi intelligentes .
quid sit ornatus, comunt se vestibus etmun-
ditiis corporis, et lautioris mensae epulas pa-
rant; cum omnis istiusmodi ornatus et cultus
sordibus fœdior sit (Tom. n, epist. ad Ûcea-
numl. »
Si cette mollesse et ces ajustements étaient
aux fidèles un juste sujet de scandale, ce leur
était au contraire un objet fort édifiant quand
ils voyaient les évèques revêtus de toutes les
vertus et de Thabit même des solitaires. Tel
était saint Hilaire , évèque d'Arles , dont l'au-
teur de sa vie rend ce témoignage : « Cum
primum speculatoris suscepit officium , in
seipso primum monstravit , quemadmodum
congregatio mundum contemneret , corpus
despiceret, unius tegmine tunicse sestatis ardo-
rem et biemis rigorem contenta toleraret, etc.
(Surius, die o Maii). »
XIV. Cet exemple de saint Hilaire nous fait
remarquer une nouvelle preuve de ce que
nous avons avancé et comme une nécessité in-
dispensable à ces saints évèques de conserver
dans Tépiscopat l'habit de la religion. Non-seu-
lement ils avaient été portés du cloître sur le
trône de l'Eglise, mais ils vivaient aussi étant
évèques en communauté avec leurs clercs dont
la vie était ou toute semblable à celle des moi-
nes, ou très-peu différente, comme nous fe-
rons voir dans la suite.
Ainsi l'auteur de cette vie remarque fort ju-
dicieusement que saint Hilaire, dès le premier
jour de son épiscopat, donna l'exemple et se
rendit lui-même comme la règle vivante qu'il
voulait qu'on suivît dans cette sainte congré-
gation de clercs dont il était le cbef et le père.
Nous dirons plus bas quels en étaient les exer-
cices, et combien ils approchaient de l'état mo-
nastique pour les veilles, les jeûnes et le tra-
vail des mains.
XV. Tel était encore saint Fulgence, pour ne
pas nous arrêter dans la France seule, et pour
ne pas l'accuser elle seule d'avoir peu scrupu-
leusement observé la décrétale du pape Céles-
tin. Ferrand, diacre, nous fait connaître com-
bien ce saint évèque de Ruspe, en Afrique,
était persuadé que c'était honorer Tépiscopat
que de l'accompagner de toute l'austérité des
solitaires.
« Orario quidem, sicut omnes episcopi, nul-
latenus utebatur. Pellicio cingulo tanquam
monachus utebatur. Sic studio humililatisam-
bitioneni vestium corporalium fugiens, ut nec
ipsa calceamenta suscipiens clericorum , etc.,
fréquenter nudis pedibus ambulabat. Casu-
lain pretiosam, vel superbi coloris nec mona-
chos suos babere permisit, nec ipse babuit.
Subtus casulam nigello vel lactinio paliio cir-
cumdatus incessit. Quando temperies aeris invi-
tabat, solo paliio intra monasterium estcooper-
tus. Nec deposiio saltem cingulo soinnum
petivit. In qna tunica dormiebat, in ipsa sacri-
ficabat, etc. (Ferrand. Diacon., in vila S. Ful-
gent., c. xviii, xix). »
Ferrand n'a pas oublié la raison de cette
conduite, qui est que ce saint évèque avait été
tiré du monastère à Tépiscopat, et voulut pas-
ser tout le temps de son épiscopat avec des
moines, comme nous le dirons ensuite.
XVI. Saint Augustin vivait aussi en commu-
nauté avec ses ecclésiastiques, et on ne peut
douter qu'il ne leur fit observer dans leurs
habits cette sage médiocrité, dont il faisait lui-
même profession , jugeant que la véritable
humilité était également ennemie et de la jus-
tesse et de la négligence trop affectée.
« Vestis ejus et calceamenta et lectualia ex
moderato et competenti babitu erant, nec ni-
tida nimium, nec abjecta plurimum : quia lus
plerumque vel jactare se insolenter homines
soient, vel abjicere. » Et plus bas : « Cum ipso
semper clerici una etiam domo ac mensa ,
sumptibusque communibus alebantur, et ve-
stiebantur (Possid., in vita August., c. xxn ,
xx v). »
C'est ainsi que ce saint homme pratiquait
admirablement et faisait pratiquer à son clergé
ce qu'il avait fait ordonner dans le canon du
IVe concile de Cartilage, que nous venons d'al-
léguer. Possidius ne dit pas que saint Augustin
ou ses clercs fussent vêtus comme les moines ,
aussi il ne l'avait jamais été, et quoique le sé-
minaire où il vivait en commun avec ses clercs
soit quelquefois appelé un monastère par lui-
même et par les auteurs du même temps, nous
montrerons dans la suite qu'on n'y faisait nul-
lement profession de la vie monastique, quoi-
qu'on en pratiquât les vertus. Nous dirons plus
bas, que les vêtements communs de saint
Augustin et de son clergé, étaient « Linea et
byrrus. »
Il dit ailleurs lui-même, que les habits de lin
étaient sous ceux de laine, et que la seule
tunique de laine paraissait dehors. « Lana car-
nale aliquid, linum vero spiritales significat
quia in ordine vestimentorum interiora sunt
36
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-TROISIÈME.
linea vestimenta , lanea -vero exteriora (Vide
Serm. 217, de temp., et 45, de Diversis). »
Un peu plus bas il donne le nom de tunique à
cet habit de laine.
XVII. Pontius, diacre de saint Cyprien, nous
a appris quels étaient les habits de ce saint évè-
que, en nous décrivant comment il s'en dé-
pouilla en se présentant au bourreau qui allait
le décoller : « Expoliavit se byrro, et dédit car-
nificibus. Dalmaticam vero tradidit diaco-
nibus, et stetit in lineis, expectans spicula-
torem. »
La discussion exacte de ces habits nous arrê-
terait trop longtemps , et nous aurions de la
peine à en donner uri éclaircissement qui sa-
tisfît les plus curieux. Mais sans approfondir la
chose, on ne peut guère douter que l'habit de
dessus, qui fut le premier dont il se dépouilla,
ne lui fût commun avec tous les laïques, puis-
qu'il le donna lui-même aux bourreaux, et que
les auteurs profanes parlent tous du même
habit, en marquant les vêtements communs
entre les Romains.
Ajoutons à cela la maxime également sage
et pieuse du même saint Cyprien, que les chré-
tiens devaient faire connaître la profession
qu'ils faisaient d'une vertu éminente, par la
sainteté de leur vie, et non pas par la singu-
larité de leur habit : « Nus qui philosophi,
non verbis, sed factis sumus . née vestitu sa-
pientiam , sed veritate praeferimus (Cyprian.
De bono patientise) . »Tertullien assure que tous
les chrétiens ne diffèrent en rien des païens
pour les habits, et les autres choses différen-
tes : « Hommes vobiscum degentes, ejusdem
\ ictus, habitus, instructus (Tertul. Apolog.,
C. XLll). »
Une autre édition de Pontius exprime plus
distinctement la modération de saint Cyprien
dans ses habits, toute pareille à celle de saint
Augustin : « Nec cultus fuit dispar a vultu ;
temperatus et ipsede medio : non illum super-
bia ssecularis intlaverat ; nec tamen prorsus af-
fectata penuria sordidarat : quia et hoc vestitus
genus a jactantia minus non est, quam osten-
tata taliter ambitiosafrugalitas (Surius, diexiv
Septemb.). »
XV III. Pour finir ce chapitre que nous avons
destiné à l'Eglise latine, par où nous l'avons
commencé, il faut conclure que l'ordonnance
du pape Célestin était la plus juste et la plus
sainte règle du commun des ecclésiastiques,
qui ne devaient se signaler dans leurs habits
que par la modestie et par une sage médiocrité,
qui fuit également les deux extrémités contrai-
res du trop et du trop peu.
Mais sans blesser cette règle générale, ceux
qui avant leur ordination avaient été formés
dans les monastères, et ceux d'entre les évo-
ques qui voulaient mener une vie commune
dans une congrégation de leurs ecclésiastiques
ou de moines, non-seulement ne pouvaient
être blâmés sans injustice, mais ils se fus-
sent au contraire attirés de'justes reproches, s'ils
eussent fait du sacerdoce ou de l'épiscopat
même un prétexte de mollesse et de relâche-
ment.
Quel blâme n'eût pas mérité cet évèque, dont
parle Cassien, qui avait passé trente-sept ans
dans les austérités de la solitude, s'il s'en fût
relâché , parce qu'on l'appelait à l'état de la
plus haute perfection qui soit dans l'Eglise ? Il
n'eut garde aussi de le faire. Cassien dit de
lui : « Archebius raptus de anaehoretarum
cœtu , et episcopus Panephisi oppido datus,
tanta districtione omni aevo suo propositum
solitudinis custodivit, ut nihil de praeteritae
humilitatis tenore laxaverit, aut de adjecto sibi
honore blanditus sit (Collât, u, c. 2). »
DE L'HABIT CIVIL DES ECCLÉSIASTIQUES.
37
CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÈME.
DE L HABIT CIVIL DES ECCLESIASTIQUES EN ORIENT, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. L'habit civil des clercs en Orient était le même que celui
e laïques, mais plus modeste. Preuves tirées d'Eusèbe.
II. Autres preuves de divers auteurs; que la couleur blanche
était plus ordinaire que la noire, selon l'usage des Romains.
III. IV. Autres preuves de cela même.
V. VI. Preuves tirées des Saints Pères, que les clercs n'a-
vaient point d'habit civil particulier.
Vil. Preuve tirée de saint Denis, qui décrit l'habit et la ton-
sure des moines, sans parler de l'habit et de la tonsure des
clercs.
VIII. Autres preuves et exemples tirés de Théodoret.
IX. Preuves tirées du concile de Gangres. Explication des ha-
bits dont il y est parlé.
X. Suite de la même explication.
I. Dans l'Eglise grecque , durant ces cinq
premiers siècles autant que les ecclésiastiques
s'étudiaient à s'éloigner des vices qui régnent
dans les personnes séculières, autant ils se con-
formaient à eux dans les habits et dans la vie
civile , sans y affecter d'autre différence que
celle que la modestie y pouvait mettre.
Eusèbe fait dire à Origène (L. vi, c. 19),
qu'Héraclas, prêtre d'Alexandrie s'étant forte-
ment adonné à l'étude de la philosophie profane
en avait aussi pris l'habit, (çtXo'aoçov xv&xap&n oxàp* ,
et qu'il le portait encore. Il dit ailleurs,
que l'empereur Constantin conviait à sa table
les saints évêques ; parce que les regardant
des yeux de la foi, il ne considérait pas leurs
habits qui étaient vils et abjects; mais il les
voyait eux-mêmes tous revêtus et tous péné-
trés de la divinité : « Mensa: ipsius adhibeban-
tur homines vestitu quidem et externo habitu
despicabiles : sed quos ille minime despi-
cabiles judicabat; quippe qui non externam
hominum speciem , sed Deum ipsum intro-
spiceret [De vita Constant., 1. i, c. 42). »
Le manteau des philosophes était commun
à tous les laïques qui voulaient en user; et le
même Eusèbe parle ailleurs du martyr Edesius,
qui l'avait toujours porté (L. de Martyribus
Palest., c. 5). Ce vil habit des évêques que
Constantin voulait honorer de sa table, ne nous
fait voir que leur amour pour la pauvreté,
dont ces philosophes faisaient une espèce de
profession par ce manteau.
II. Socrate nous embarrasse un peu plus
quand il dit, que l'évêque des Novatiens, Sisi-
nius, passait pour un homme mol et délicat,
parce qu'il était vêtu de blanc; mais qu'il se
justifia fort adroitement, parce que, comme
on lui demandait pourquoi il usait d'un habit
peu séant à un évêque, et où il était écrit
qu'un évêque doit s'habiller de blanc : il ré-
pondit , qu'il n'était écrit nulle part que les
ecclésiastiques doivent porter des habits noirs ;
mais que l'Ecriture nous apprend que J.-C,
Moïse et Elie, parurent revêtus d'une admi-
rable blancheur, et que Salomon conseille
d'être toujours vêtu de blanc. « Sint tibi vesti-
menta alba L. vi, c. 20). »
Si cette histoire est véritable, il en faut con-
clure que le clergé commençait à s'attacher a
la couleur noire : mais cela ne regarde que la
couleur, la forme de l'habit était d'ailleurs
commune; et il parait même, par le rapport do
Socrate, que la couleur noire n'était pas encore
universellement reçue. Théodore, lecteur, dit
qu'Acacius, évêque de Constantinople, pour
faire éclater le deuil de l'Eglise dans la persé-
cution atroce qu'elle souffrait du tyran Basilic,
se couvrit de noir, et en couvrit aussi son
siège épiscopal et l'autel. « Seipsum, et sedem,
et altare nigris amicivit. »
III. Le moine Cyrille nous fournit une autre
preuve très-évidente dans la vie de cet incom-
parable père de tant de solitaires, Euthymius
(Surius, die xx Januar).
Ce grand saint, abordant Anastase, garde des
vases sacrés, ou sacristain de la grande Eglise,
le salua et l'entretint comme si c'eût été le
patriarche même de Jérusalem, et comme on
l'avertit que ce n'était pas le patriarche, parce
qu'il était vêtu d'un habit de soie, et de cou-
leur fort éclatante, dont le patriarche n'avait
pas la coutume d'user : « Vestes ejus splendid;e
et sericte erant , quas quidem non est fas Jero-
solymorum patriarcbam induere : » Le saint
répondit qu'il avait vu Anastase vêtu de blanc
38
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-QUATRIÈME.
de la même manière que le patriarche avait
coutume de s'habiller. Ce qui était un pré-
sage qu'Anastase devait être porté à cette di-
gnité. « Hune vidi candida veste indutum,
quali decet indui patriarcham. »
Cela nous montre que le noir n'était nulle-
ment ordonné aux ecclésiastiques, puisque les
patriarches et les bénéficiers éminents en di-
gnité usaient de la couleur blanche et d'autres
couleurs éclatantes.
IV. Palladius, dans le dialogue de la vie de
saint Chrysostome, dit que ce saint prélat, un
peu avant de mourir, s'habilla de blanc afin
de faire répondre son habit à l'innocence
de sa vie. a Vitie suaedigna candida vestimenta
quaesivit, exutusque prioribus, easibi induit. »
On voit par là que les couleurs étaient indiffé-
rentes.
V. Saint Grégoire de Nazianze se décrivant
lui-même dans le poème de sa vie, dit que les
prélats qui ne lui ressemblaient pas, ne purent
le souffrir dans le siège épiscopal de Constanti-
nople, à cause de la pureté et de la frugalité
de sa vie, parce qu'il était toujours fort pauvre-
ment vêtu.
Faisant ailleurs l'éloge de saint Bazile et par-
lant de son amour incroyable pour la pauvreté,
il assure que ce grand archevêque n'avait
qu'une tunique et un manteau : ™ h xiftûmov, xaï
TfiPavwv (Orat. xx) :et il proteste plus bas, qu'en
toutes ces sortes de choses, ce grand homme
n'affectait aucune singularité. Il remarque
dans une autre oraison la rudesse de ses habits,
■rii; é<j6t,tc; jjloû to toux™v (Orat. 25) : Et encore
ailleurs, to éaflnjj.a toOto tô TfO^ivov (Orat. xxvu).
En tout cela il ne parait pas que les plus
saints évêques aient recherché autre chose
dans leurs habillements que la modestie , la
simplicité, et quelquefois même la pauvreté.
VI. Saint Atbanase écrivit une lettre admi-
rable au moine Dracontius, qui ne pouvait se
résoudre à accepter l'épiscopat auquel ses ver-
tus l'avaient fait élire , dans la crainte qu'il
avait que cette élévation ne fût incompatible
avec la sainteté de la vie religieuse, pour
laquelle il avait un très-ardent amour. Saint
Athanase lui remontra qu'il pourrait pratiquer
toutes les vertus de La religion, et en ajouter
encore d'autres plus excellentes dans la charge
cl dans les fonctions d'un évêG&é, que plusieurs
très-saints solitaires avant lui lui en avaient
donné l'exemple, ayant passe de la solitude à
l'épiscopat, el ayant soutenu les vertus de l'un
de ces étals- par celles de l'autre. Mais saint
Athanase ne parla point du changement d'habit .
VII. Saint Denys a fait une description fort
exacte de la consécration d'un moine. Il n'y a
pas oublié la cérémonie mystérieuse de lui
faire quitter l'habit, aussi bien que la vie et
l'esprit du siècle, et de le revêlir de l'habit de
la religion, pour lui apprendre à mener une
vie nouvelle; la tonsure précédait, accompa-
gnée de l'invocation de la sainte Trinité :
« Sacerdos eum signo crucis consignando ton-
det, très personas divinœ beatitudinis invo-
cando, omnique veste detracta, alia eum induit.
(Eccles. Hieron., c. vi). »
Avant que de venir à l'explication des céré-
monies saintes qui regardent les moines, ce
savant théologien (Cap. v, ibid.) s'était étendu
fort au long sur les ordinations des clercs;
mais il n'y avait pas dit un seul mot de leur
tonsure, ni de leur habit particulier. Il est vrai
qu'il n'y parle que des diacres, des prêtres et
des évêques; mais la raison en est manifeste ,
il ne reconnaissait que ces trois ordres pour
être d'un établissement divin, et pour être les
parties essentielles de la hiérarchie ecclésias-
tique.
VIII. Théodoret dit que saint Jacques, évêque
de Nisibe, se soumit, quoique par force, au
poids de la dignité épiscopale dont on le char-
gea ; mais que ce changement d'état n'en ap-
porta aucun ni a la manière de vivre, ni aux
habits dont il avait auparavant usé parmi les
moines dans la solitude : « Montanam illam in
habitationem eum mutasset, urbanamque non
ex animi sententia suscepisset , nec cibum
mutavit, nec vestitum ; sed mutatis locis vitaî
institutio nullam cepit mutationem (Hist. Re-
lig., c. i). »
Si les ecclésiastiques, ou les évêques eussent
eu quelque sorte de vêtement qui leur eût été
propre et particulier, on eût peut-être fait plus
de difficulté de souffrir que ces saints religieux
préférassent l'habit des solitaires à celui des
évêques, ou des clercs. Mais comme ils n'en
avaient aucun qui ne leur fût commun avec
les honnêtes gens du monde qui se vêtaient à
la romaine, ou du moins à la manière des
Orientaux qui ont toujours été vêtus de long ,
on avait moins de peine à souffrir que les soli-
taires qui étaient faits évêques, conservassent
bs babils, aussi bien que les austérités de la
vie religieuse. Théodoret assure dans la même
histoire que le saint solitaire Âphtonius , après
DE L'HABIT CIVIL DES ECCLÉSIASTIQUES.
30
avoir passé quarante ans clans les monastères .
fut appelé à l'épiscopat, et ne voulut rien chan-
ger, ni de ses habits, ni de sa nourriture. « Cum
annos amplius quadraginta choro praefuisset ,
sedem ascendit pontificalem, nec pallium inu-
tans asceticum, tw imanaà» maôpav, nec tunicam
caprarum e |>ilis contextam; cibisque iisdem
utens, qùibus ante episcopatuin vescebatur
(Ibidem, c. v). »
Ces saints religieux, après avoir vieilli clans
la solitude, eussent rougi de changer ou d'ha-
bit, ou de vie. Ainsi dans l'Orient, aussi bien
que dans l'Occident, une bonne partie des évê-
ques se trouva insensiblement engagée dans
l'état monastique, et l'épiscopat tout entier en
emprunta beaucoup de choses dans la suite du
temps. Ceux qui n'acceptaient l'épiscopat que
dans la résolution de revenir dans la solitude ,
comme Abrahames , n'avaient garde de rien
changer à leur habit, ou ta leur manger.
Enfin Théodoret ne nous a appris ces illustres
exemples de vertu, qu'après les avoir imités
(Ibidem, c. xvu . Car, étant obligé de repousser
les calomnies dont il était attaqué, il s'est rendu
lui-même ce témoignage . qu'il avait été retiré
avec violence du monastère où il avait passé sa
jeunesse, et que dans l'épiscopat il n'avait rien
possédé de propre que les haillons dont il était
vêtu : « Praeter panniculos quibus amictus
sum, nihil volui possidere (Epist. lxxxiv).»
IX. Le concile de Gangres prononce ana-
thème contre les moines qui ne se contentent
pas de s'habiller d'une manière singulière en
portant le manteau, irepiptaaicv, Pallium, comme
si la sainteté était attachée aux vêtements :
mais par une sotte vanité méprisent les autres
qui usent des habitsqu'on appelle Vr :-.,:. byrrhos.
Ce canon nous apprend que les moines seuls
pouvaient affecter un habit particulier, pourvu
qu'ils ne condamnassent pas les autres : mais
que tous les autres fidèles, sans en excepter les
ecclésiastiques, portaient les habits qui étaient
dans l'usage commun de la vie. i-i i/Jx xomi , ■/.%'■.
Si cet habit commun que le canon appelle
f,r>; iCan. xu), est le Byrrhus des latins,
comme la convenance des mots, et la conspi-
ration des anciens interprètes, semble nous le
persuader; nous en concilierons avec justice
que les habits de saint Cyprien , lorsqu'il fut
décollé au fapportde Pontius, étaient les mêmes
que ceux du commun du peuple. « Ibi lacerno
se byrrho expoliavit, et genua in terrain flexit,
el cum se dalmatica expoliasset, in linea reman-
sit. »
Les pins savants ont reconnu que lacerna ri
byrrhus étaient la même chose; ainsi Pontius
a joint ces deux mots : c'était l'habit de dessus
pour le commun, au lieu de la robe que les
honnêtes gens portaienl alors plus ordinaire-
ment; ainsi ce fut le premier habillement dont
saint Cyprien se dépouilla. Il quitta ensuite sa
dalmatique que tout le monde sait avoir été un
habit profane, et assez ordinaire entre les Ro-
mains. Après cela, saint Cyprien demeura avec
sa tunique de lin seule, in linea, et reçut la
mort en cet état.
Saint Augustin dit que les évèques portaient
de ces sortes d'habits, qu'il appelle Byrrhus, de
grand prix; mais qu'il n'eût pas été séant pour
lui d'en porter de même prix, parce qu'il était
pauvre, et qu'il était né de parents pauvres.
a Byrrhum pretiosum forte decet episcopum,
quamvis non deceat Augustinum : id est, homi-
nem pauperem, de pauperibus natuni (De di-
vers. Sermon, l). » Il portait donc de ceux qui
étaient communs à tous les clercs, comme il
m irque au même endroit.
Sévère Sulpice nous apprend aussi que cet
habit était commun à tous les ecclésiastiques,
lorsqu'il se plaint avec tant de justice de ceux
qui vivent et qui s'habillent plus mollement
après qu'ils ont été mis au rang des clercs,
« Si quis clericus fuerit effectus, dilatât conti-
nuel fimbrias suis, vestem respuit grossiorem,
indumentum molle desiderat. Atque lueccharis
viduis, et familiaribus tributa mandat virgini-
bus, illa ut byrrhum rigentem, haec ut fluen-
tem texat laeernam (Dialog. i, c. 14). »
Cet auteur ne dit pas, que ces ecclésiastiques
déréglés refusassent de porter l'habit propre
des clercs; mais il les blâme de ne vouloir plus
user des habits grossiers qu'ils portaient aupa-
ravant, comme si l'état ecclésiastique leur avait
inspiré la délicatesse.
X. Si ces Pères nous apprennent donc que
le Byrrhus était un habillement commun à
tous les ecclésiastiques, et si le canon du con-
cile de Gangres nous montre clairement que
c'était l'habit commun des laïques; il est aisé
d'en conclure qu'il n'y avait aucune distinction
d'habits entre les laïques et les ecclésiastiques.
Je n'ajouterai plus pour l'éclaircissement de
ce canon, qu'un passage de Cassien, qui nous
fait voir la différence qu'il y avait entre les
habits des mornes qu'on appelait Pallia, ou
40
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
4/'//V»'/es;etceuxdes séculiers qu'on nommait
Planeticas, ou Byrrhos. a Post ha?c angusto
palliolo, tam amictus humilitatem, quam vili-
tatem pretii, compendiumque spectantes, colla
pariter, atque humeros tegunt : quae mafortes
tam nostro, quam ipsorum nuncupantur elo-
quio. Et ita planeticarum atque byrrhorum
pretia simul ambitionemque déclinant (L. i,
de habitu Monaehi, c. 7). »
Voilà les noms et les différences des babits
des moines et des séculiers; les uns sont étroits
et grossiers, les autres sont plus amples et de
prix (1).
(1) A tous ces habits primitifs des clercs et des moines, nous pou-
vons ajouter ceux que nous avons recueillis nous-mème soit dans
les Vit,* Patrum publiées par Rosweide, soit dans d'autres. C'est
d'abord le palliolum de saint Germain de Paris, la tunique de saint
Athanase, le stîcharium d'un évéque grec, le pileus qui couvrait le
sommet de la tète d'un moine, le camelauchium d'un autre pour se
voiler la face, le iebiton de saint Pacôme, qui était, selon Rufin,
vestit linen instar Colobii, Vependytes pelliceus de saint Hilariou,
Yeraciestes d'un autre moine, qui était cousu à l'aiguille, Vamphi-
balus albus que saint Rémi légua à son successeur, Vesophorium
de Jean l'aumônier, vêtement de dessous, le caracalla de saint
Alban. Quant au Lacernum birritm, voici ce que dit Rosweide dans
son Onomastic.on : « Quod vero habent acta LACERNUM BIRRUM,
vox B1RRUM ad colorem pertinet ; nam notât Festus in veibo
BIRRUM apud antiquos rufum colorem dictum esse birrum. Ac
proinde lacernam rufi fuisse coloris. Sive dicere velimus LACERNUM
BIRRUM, hoc est sericum, Bs^ous enim veteres dixere serica, ut
Zonaras et Theodorus interprétantes duodecimum canonem Gan-
grengis concilii tradunt. • D'après tous les glossaires, le cofobium
était une espèce de coulle longue sans manche. Tout cela ne fait que
fortifier l'observation de Thomassin, à savoir, que dans les cinq pre-
miers siècles le clergé séculier, obligé de se mêlera la société, n'avait
aucun vêtement particulier ni pour la forme, ni pour la couleur,
mais portait la toge romaine, si digne et si convenable, et que ce fut
surtout dans les Gaules que les évèques, voulant peut-être imiter
saint Martin, leur grand modèle, prenaient généralement les vête-
ments des moines. (Dr André.)
CHAPITRE QUARANTE-CINQUIEME.
DES HABITS CONSACRES AU SER.VICE DES AUTELS, DANS LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. Il y a toujours eu des habits propres au service des autels,
quoiqu'ils se soient multipliés avec le temps.
II. De la lame, ou couronne pontificale de saint Jean.
III. De celle de saint Jacques.
IV. V. De la mitre de nos anciens évèques.
VI. On conjurait les évèques par cette couronne. De celle
que Constantin donna à Sylvestre. De celle que le pape Célestin
donna à saint Cyrille.
Vil Des accompagnements de cette couronne pontificale.
VIII. Du pallium ou manteau impérial que Constantin com-
muniqua aux évèques.
IX. Si c'était le manteau des grands pontifes païens.
X. Du pallium des évèques grecs.
XI. De l'étole des diacres.
XII. Pourquoi on l'appelle Orarium.
XIII. Elle fut destinée d'abord, aussi bien que le manipule, à
essuyer le front.
xiv. Décret du pape Etienne, pour la distinction des habits
sacrés et civils.
XV. Preuves de saint Jérôme pour les mêmes distinctions.
XVI. Des chasubles, chappes, dalmatiques, communes à la
vie civile et à l'autel.
XVII. Des aubes, aussi communes, mais appropriées à l'autel
p:ir leur blancheur et leurs enrichissements.
XVIII. Pourquoi le pallium et l'étole ne sont plus que des
bandes.
I. Il y aurait du danger qu'on n'inférât de
ce qui a été dit que les babits du sacrifice et
des offices divins étaient aussi les mêmes que
ceux du commerce civil , si nous ne prévenions
une conséquence si fàcbeuse et si peu vraisem-
blable.
Après avoir donc bien balancé toutes choses
de part et d'autre, nous disons que l'Eglise a
toujours eu des ornements et des habits propres
uniquement destinés à l'usage des autels et
aux divins offices, quoiqu'il y eût aussi plusieurs
de ces habits qui avaient un extrême rapport
avec les babits communs, et que toute cette
multitude de vêtements sacrés ne se soit for-
mée, et ne se soit augmentée que dans le cours
de plusieurs années , et même de plusieurs
siècles.
Jean, diacre, qui a écrit la vie de saint Gré-
goire, pape, prétend que la tunique de saint
Jean que l'on conservait si religieusement à
Rome, était un ornement sacerdotal de saint
Jean l'évangéliste, lorsqu'il célébrait les terri-
bles mystères. « Evangelistam , qui per lot
an nos post passionem Domini pontificium ge-
DES HABITS CONSACRES AE SERVICE DES Al'TELS.
il
rens, missarum solemnia frequentissimc cele-
brabat, sine sacerdotalibus esse vestibus nëqua-
quam potuisse E. m, c. 59). »
Ce point demanderait un garant qui fût
encore d'un plus grand poids que Jean, diacre.
On est persuadé que le Fils de Dieu institua son
divin sacrifice avec les habits communs, et que
ses apôtres furent en cela même ses imitateurs,
au moins pendant que la table sacrée fut jointe
à la table commune. Cela ne s'accorde pas avec
la conjecture de Jean, diacre.
II. Eusèbe dit que saint Jean étant pontife,
porta une lame sur le front. Cela est tiré d'une
lettre de Polycrate, évêque d'Ephèse, qui débite
les traditions de son Eglise, m -i-%>.'.-, t.v. -.::/.<■,,-.
(L. m, c. 31; 1. v, c. 24). Saint Jérôme en dit
autant, et il fait connaître que c'était comme
prêtre de J.-C. et non pas comme pontife de la
loi qu'il portait cette lame mystérieuse, autre-
fois propre au grand pontife des Juifs, a Supra
pectus Domini recubuit, et pontifex ejus fuit;
auream laminam in fronte portans (De script.
Eccles.). »
Il n'en faut pas davantage pour reconnaître
que dès la naissance de l'Evangile, les apôtres
et leurs successeurs les évoques, ont célébré
les divins mystères avec des ornements uni-
quement destinés à la célébration des fonctions
pontificales, quoiqu'ils n'eussent pas d'abord
ni tous, ni les mêmes ornements que l'usage
de tant de siècles a depuis introduits.
III. Saint Epiphane parlant de Jacques,
frère du Seigneur et premier évêque de Jéru-
salem, assure sur la foi d'Eusèbe et de saint
Clément d'Alexandrie, qu'il portait aussi une
lame sacerdotale sur son front comme une
marque de l'auguste sacerdoce de J.-C. dont il
était revêtu.
«Sed et bracteam eidem in capite gestare li-
cuisse, Eusebius, Clemens, et alii idonei scripto-
res commentariis suis testatuin reliquerunt.
Quocircasacerdos,uldiximus,JesusCbristus Do-
minus noster in œternum fuit; secundum ordi-
nem Melchisedeeh , idemque rex secundum
superiorem ac cœlestem ordinem. ut una cum
lege sacerdotium transferret, etc. In Davidis
solio considet Christus, propterea quod Davidis
regnum transtulit, idque ipsum una cum pon-
tificatu servis suis induisit, hoc est Ecclesia?
Catholicœ pontificibus Epiph., ha?res. xxi\ . »
Cette lame d'or était donc, selon saint Epi-
pbane, sur le front de ces deux apôtres comme
un ornement sacré , qui marquait tout en-
semble et le sacerdoce et la royauté spirituelle
que J.-C. a exercés sur la terre, et dont il a
laissé la succession tout entière et perpétuelle
a ses apôtres et à son Eglise.
IV. 11 faut remarquer que Polycrate, évêque
d'Epbèse, et Clément, prêtre d'Alexandrie, qui
ont rendu ce témoignage à saint Jean et à saint
Jacques, sont d'autant plus dignes de foi,
([n'ayant vécu vers la tin du second, et au
commencement du troisième siècle de l'Eglise,
ils n'étaient pas fort éloignés des temps où ces
apôtres avaient fleuri, et avaient pu conver-
ser avec leurs propres disciples.
Ces divins apôtres étant aussi remplis qu'ils
lrt aient de l'idée de l'auguste majesté du sacer-
doce de J.-C. dont ils étaient les dépositaires,
et voyant que les pontifes de la loi mosaïque
avaient des habillements tout particuliers pour
exercer leur sacerdoce prophétique, par l'ordre
exprès qu'ils en avaient reçu de Dieu, ils ne
pouvaient manquer de revêtir aussi le sacer-
doce de l'Eglise de quelques ornements parti-
culiers qui en fissent révérer la sainteté. Car
quoique le sacerdoce de l'Eglise se soit élevé
au-dessus des ombres et des figures de la loi,
il ne possède néanmoins et ne représente en-
core la vérité que sous des signes sensibles.
V. C'est peut-être à l'imitation de cette lame
ou de cette couronne des Apôtres que nos an-
ciens évêques des premiers siècles avaient une
mitre ou une couronne sur la tète, pendant la
célébration des mystères.
Ammien Marcellin raconte que le tyran
Mascizel ayant été surmonté dans l'Afrique
par Tbéodose, et voulant gagner ses bonnes
grâces, lui renvoya les étendards militaires et
une couronne sacerdotale qu'il avait pris sur
les nôtres. « Militaria signa, et coronam sacer-
dotalem cum cœteris quœ interceperat, nihil
cunctatus restituit, ut praeceptum est (Am-
mian. Marcell., 1. xxix. Baron., an. Chr. 3i,
n. 298). »
Il est fort probable que cette lame pontifi-
cale, dont saint Jean ornait sa tète, était atta-
chée à une couronne ou à une mitre. Enno-
dius a fait un épigramme sur saint Ambroise,
où il le représente avec sa mitre. « Sacra redi-
mitus gestabat lucida fronte distincta gem-
mis. » Eusèbe haranguant les évoques qui as-
sistaient à la dédicace de l'Eglise de Tyr, leur
donne à tous des couronnes et des habits sa-
cerdotaux : « Amici Dei et sacerdotes, qui sa-
cra timica talari induti, et cœlesti glorise co-
42
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
rona decorati , et sacerdotali sancti Spiritus
veste amicti cstis (L. x, c. &). »
Saint Grégoire de Nuzianze joint aussi la
couronne sacerdotale avec les ornements pon-
tilicaux, parlant de la cérémonie où on le fit
évêque, « Idcirco me pontificem ungis, ac po-
dere cingis, capitique cidarim imponis. »
VI. Ce ne serait pas sans beaucoup d'appa-
rence qu'on dirait que cette couronne, par la-
quelle on conjurait si ordinairement les évè-
ques, comme il a été dit dans le chapitre où
nous avons parlé de la tonsure et de la cou-
ronne cléricale, était cette même couronne
que nous venons de voir si bien établie. Les
Grecs des temps moyens ont cru que le pape
Célestin avait permis l'usage de la couronne
ou de la mitre pontificale aux évèques d'A-
lexandrie, lorsqu'il en accorda l'usage à saint
Cyrille, afin de le faire présider en son nom
au concile œcuménique d'Ephèse. Balsamon
même a été dans ce sentiment.
Il est vrai qu'il a cru que c'était un bienfait,
et un article de la donation de Constantin, qui
accorda au pape Sylvestre les marques de la
dignité impériale, et entr'autres la couronne.
Il y a peu de vraisemblance en tout cela. Ce
que nous avons dit de l'usage de la couronne
sacerdotale, avant l'empire de Constantin, est
mieux fondé que tout ce qu'on avance de la
donation de Constantin. Mais de ces imagina-
tions des Grecs et des préjugés dont étaient
prévenus les fabricateurs de la donation de
Constantin, il résulte que tout le monde était
prévenu de cette pensée , que les évèques
avaient eu dès les premiers siècles quelque
usage d'une couronne royale, devenue en leur
faveur sacerdotale.
Voici ce que Ralsamon dit de cette conces-
sion faite par le pape Célestin à saint Cyrille,
archevêque d'Alexandrie. «Hujus quoque lem-
poris patriarcha Alexandrinus jus babet ex
hoc edicto, ut eu m Phrygio celebret. Habuit
autem banc facultatem sanctus Cyrillus Ale-
xandrinus a Romano papa Ciclestino, quando
coacta est synodus Ephesina adversus Nesto-
rium. Cum non posset Cielestinus adesse
Ephesi, et judicare Nestorium, visum est ut
sancto Cyrille a Cœlestino permitteretur huic
synodo praesidere. Ut itaque constaret eum
babere jus et autorilatem papa; , sedit cum
Pbrygio, et condemnavit Nestorium. »
V 11. Après avoir affermi par tant de preuves
la couronne des pontifes de J.-C, il faut venir
aux autres ornements qui en sont comme les
accompagnements naturels.
En effet, qui peut se persuader que les
apôtres ou leurs successeurs qui ornèrent leur
tête d'une couronne, pour honorer le sacrifice
de l'Agneau dominateur de la terre, n'aient
point pensé à la loi de la bienséance, qui vou-
lait que le reste des vêtements répondit à ce
précieux habillement de tète. Aussi Eusebe et
Grégoire de Nazianze viennent de joindre la
couronne avec l'habit magnifique du sacer-
doce.
Le Fils de Dieu parait dans l'Apocalypse avec
ce même habit, vestitum podere, lorsqu'il y
parait avec pompe. Les habits longs étaient sans
doute communs à tout l'empire romain; mais
on y distinguait ceux de l'usage commun, et
ceux qui n'étaient employés que dans les céré-
monies. Les prêtres et les lévites du vieux tes-
tament n'étaient pas distingués des autres israé-
lites dans les habits du commerce civil; mais
ils l'étaient entièrement dans les vêtements de
cérémonie et de religion. L'Eglise a emprunté
bien d'autres choses de la synagogue.
VIII. Entre les libéralités que Constantin fit
à l'Eglise, on peut bien compter les manteaux
ou les chappes de prix qu'il donna aux évèques
pour officier avec plus de pompe aux jours
solennels. Ce n'est que par occasion que Théo-
doret a fait mention de l'étole sacrée que Cons-
tantin avait autrefois donnée à Macaire, évêque
de Jérusalem, afin qu'il la portât lorsqu'il don-
nerait solennellement le baptême (Theodoret,
1. ii, c. 27). Cyrille, évêque de Jérusalem, la
vendit depuis, un comédien l'acheta et s'en
revêtit en jouant sur le théâtre; cette impiété
lui coûta la vie, car il tomba en jouant son
personnage, et mourut de sa chute. Cependant
sur ce récit, l'empereur Constance s'aigrit
étrangement contre saint Cyrille. «Sacram sto-
lam, Upàv, aureis filis contextam , quam impe-
rator Constantinus Macario dederat, etc. »
On peut douter si cette ehappe était de celles
que les évèques portaient, étant seulement
plus riche, à cause que l'empereur en faisait
un présent à l'Eglise; ou bien si c'était vrai-
ment un manteau impérial, dont ce pieux
prince voulut honorer la royauté spirituelle
des pontifes chrétiens, et honorer en même
temps l'empire, en faisant rejaillir sur la per-
sonne sacrée des empereurs quelques rayons
de la majesté du sacerdoce par cette commu-
nication d'ornements pompeux.
DES HABITS CONSACRES AU SERVICE DES Al'TELS.
13
IX. Si l'on prenait ce dernier parti, on pour-
rait en conjecturer que ce furent là les com-
mencements du pallium des archevêques ,
puisqu'on ne peut nier que ce ne fût toujours
avec l'agrément des empereurs que les papes
mêmes l'ont donné durant quelques siècles.
Théodoret ne parle que de ce manteau impérial
donné à Févèque de Jérusalem, parce qu'il ne
s'est pas présenté d'occasion de parler d'autres
semblables libéralités faites par cet empereur.
II ne faut pas non plus ni omettre, ni rejeter la
conjecture de ceux qui croient que ce manteau
impérial, communiqué aux pontifes chrétiens,
était celui-là même que les empereurs romains
avant leur conversion avaient emprunté des
grands pontifes païens, dont ils prenaient eux-
mêmes la qualité.
Saint Grégoire de Nysse, dans le discours qu'il
a fait sur saint Théodore martyr, remarque
que les empereurs avaient pris avec l'office
l'habit des grands pontifes qui était une pour-
pre plus sombre et moins éclatante. Tout le
monde sait que les empereurs chrétiens, jus-
qu'à Gratien , portèrent la même qualité de
grands pontifes.
X. Mais il n'importe lequel de ces deux sen-
timents on voudra suivre : 11 en résultera tou-
jours que dans les cérémonies saintes on usait
d'autres habits que des communs, soit qu'ils
fussent imités des pontifes de la gentilité, ou
empruntés des empereurs, ou enfin qu'ils fus-
sent plus anciens que les empereurs chrétiens.
On lit dans la bibliothèque de Photius
(Cap. cclvi), des actes, où il est dit que Métro-
phane, évêque de Constantinople, désigna pour
son successeur Alexandre, en présence de l'em-
pereur Constantin, en remettant sur l'autel son
pallium, ou sa chappe, ùpipôpuw, et comman-
dant qu'on le remît entre les mains d'Alexandre
(L. i, ep. 136).
Isidore de Damiette nous a fait une descrip-
tion assez exacte de cet ornement pontifical,
quand il dit que l'évèque célèbre en étant
revêtu, qu'il est de laine, et non de lin, qu'il
lui couvre les épaules, et qu'il représente la
brebis égarée que le divin pasteur rapporte sur
son dos.
XI. Quant aux autres habillements sacrés, ce
même Père dit que le linge avec lequel le
diacre servait au sacrifice, nous représente
celui dont le Fils de Dieu se ceignit pour laver
et pour essuyer les pieds de ses apôtres (Ibidem).
Saint Grégoire de Nazianze avait déjà remarqué
que tout le clergé était re\ètu d'ornements
blancs et éclatants pendant les divins offices.
« Ministri in splendidis vestibus astabant, ful-
goris an gel ici imagines. »
Saint Chrysostome approprie particulière-
ment aux diacres ces étoles très-blanches et
voltigeantes à la façon des ailes des anges.
« Recordamini tremendorum mysteriorum et
ministrorum divini sacrifie», tenuibus linteis
super sinistros humeros impositis angelorum
alas imitantium . et per Ecclesias discurren-
tium (Hom. de filio prodigo). » C'est cette
étole que le concile de Laodicée appelle àfàpm,
et qu'il interdit aux sous-diacres et autres
ministres inférieurs.
XII. L'explication de ce terme qui est latin
d'origine , nous fera fort à propos passer à
l'Eglise latine. Les Latins nommaient orarhem
ce que nous appelons un mouchoir. Saint Am-
broise faisant l'éloge funèbre de son frère
Satyre, dit que pour éviter le naufrage il se
jeta dans la mer après avoir enveloppé la divine
Eucharistie dans un de ces linges, et s'en être
enveloppé le col. « Etenim ligari fecit in orario,
et orarium involvit in collo, atque ita se deje-
cit in mare. »
Le même saint Ambroise dit qu'on jetait des
mouchoirs : « quanta orariajactantur, » sur les
corps des saints Gervais et Protais, nouvelle-
ment découverts, pour les conserver ensuite
comme autant de reliques miraculeuses (Epist.
lxxxv). Vopiscus dit que l'empereur Aurélien
fit une magnifique largesse au peuple romain
de tuniques de lin et de mouchoirs. « Donasse
etiam populo Romano tunicas albas manicatas
ex diversis proviuciis, et lineas Afras, atque
.Egyptias puras; ipsumque primum donasse
oraria populo Romano , quibus uteretur ad
favorem. »
XIII. 11 ne faut pas trouver étrange que les
étoles blanchesvolantesetde lin, que saint Chrv-
sostome vient de nous faire voir, et qui faisaient
l'ornement propre des diacres dès le temps du
concile de Nicée, n'eussent été originairement
que des mouchoirs ou des linges pour essuyer
la sueur et la pituite; puisque tous les auteurs
anciens et modernes conviennent que ce que
nous appelons le manipule, n'avait été dans les
commencements qu'un mouchoir, ou un linge
destiné au même usage.
L'étole des diacres et le manipule des sous-
diacres, ont eu la même origine et le même
sort. Ce n'ont été que des linges destinés
44
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-CINQUIÈME.
d'abord à l'usage que nous avons dit, ou à
quelque autre approchant. Par le respeet qu'on
portait au sacrifice, on les a tellement enrichis
avec le temps, qu'on en a fait des ornements
riches et honorables, et on a été obligé de subs-
tituer en leur place d'autres mouchoirs.
C'est ainsi que le manipule, Mappula-, fut
substitué pour servir de mouchoir après que
l'orarium eût changé de nature, et le manipule
ayant été aussi enrichi d'or et de broderie avec
le temps, et étant devenu un ornement de
parade, on a pris d'autres mouchoirs com-
muns.
XIV. 11 ne faut pas inférer de là que les vête-
ments sacrés ont été les mêmes que les civils;
puisqu'H paraît au contraire que les ornements
civils même n'ont pu approcher des autels,
sans devenir sacrés, et incommunicables après
cela aux usages profanes. C'est manifestement
ce que dit le décret du pape Etienne qui mou-
rut en 200. « Hic constituti sacerdoteset levitas
vestibus sacratis in usu quotidiano non uti, et
nisi in Ecclesia tantum (Raron., an. 2(30,
n. 0). »
Valafride Strabon cite ce décret du pape
Etienne, qui est tiré du livre pontifical, et il en
conclut qu'avant ce pape on célébrait avec les
habits communs. « Vestes sacerdotales per iri-
crementa ad eum qui nunc habetur, aucta sunt
ornatum. Nam primis temporibus communi
indumento vestiti, missasagebant, sicut et hac-
fenus quidam orientalium facére prohiben-
tur. »
Je crains que cette conclusion ne soit un peu
trop étendue; car quoique la suite des siècles
ait et enrichi et multiplié les ornements sacrés,
quoique les ornements sacrés aient beaucoup
de rapport avec les anciens habillements des
Romains, des Grecs et des Orientaux; ce que
nous avons dit est néanmoins plus que suffi-
sant pour montrer qu'avant le pape Etienne, et
depuis la naissance même de l'Eglise, on affecta
toujours quelque singularité dans les vête-
ments qui servaient au sacrifice.
XV. Saint Jérôme expliquant un passage
d'Ezécbiel, montre clairement la distinction
des habits communs, d'avec ceux qui servent
à la religion. « Per qua? discimus non quoti-
dianis, et quibuslibet pro usu vitae communis
pellutis vestibus nos ingredi debere in sancta
Sanctorum, sed munda consçientia et mundis
vestibus tenere Domini sacramenta, etc. Porro
Religio divina allerum habitum habet in mi-
nisterio , alterum in usu vitaque communi
(In. c. 44 Ezechiel.). »
Il est vrai que ce Père semble mettre la prin-
cipale différence entre ces deux sortes d'habil-
lements dans la propreté et la blancheur plus
éclatante de ceux qui servent à l'Eglise, ce qui
est un symbole de la pureté de la conscience
de tous les ministres de l'autel. « Munda con-
sçientia, mundis vestibus tenere Domini sacra-
menta. »
Voici comme il parle encore ailleurs sur ce
sujet. « Si episcopus, si presbyter, diaconus et
reliquus ordo ecclesiasticus in adnhnistratione
sacrificiorum candida veste processerit (Contra
Pelagi., I. î). »
XVI. 11 était difficile de trouver d'autres
différences dans les siècles, où le commun des
hommes était vêtu de long, où le luxe et la
commodité avaient inventé et mis en usage
toutes les vérités imaginables dans les habits
longs, où les tuniques de lin, aussi bien que
celles de laine avaient été dans l'usage com-
mun.
Il était alors certainement difficile d'affecter
au ministère des autels quelque habillement
que ce fût, qui n'eût déjà été profané par les
séculiers. Aussi tous les habits du sacré minis-
tère se trouvaient avoir le même nom et la même
forme que ceux dont on se servait dans la vie
civile. Et néanmoins on s'étudiait à y mettre
quelque différence, ou par la blancheur extraor-
dinaire, ou par la propreté et la somptuosité,
comme on le peut voir dans ce que saint Jérô-
me vient de nous dire des habits blancs de tout
le clergé à l'autel , et dans ce riche manteau,
dont Constantin fit présent à Macaire de Jéru-
salem.
Cassien opposant la pauvreté des habits dont
usaient les moines à la somptuosité de ceux
des séculiers , parle de ces derniers en cette
sorte : « Et ita planeticarum atque byrrorum
pretia simul ambitionenvjue déclinant (L. i.
De habitu Mona., c. 7.) Si cette sorte d'habille-
ment, planetica, était commune aux laï-
ques, celle de casula ne l'était pas moins. Voici
comme Ferrand, diacre, parle de saint Fulgencc
et de ses religieux dans la vie de ce saint: «Casu-
lam pretiosam vel superbi coloris nec monachos
suos habere permisit. Subtus casulam nigello,
vel lactinio pallio circumdatus incessit. Quando
temperies aeris invitabat, solo pallio intra mo-
nasterium est coopertus Cap. 18).»
Voilà pour les habits, dont il usait dans la
DES HABITS CONSACRES AU SERVICE DES AUTELS.
«
maison , voici pour ceux de l'autel. « In qua
tunica dormiebat, in ipsa sacrificabat; et in
tempore sacrificii mutanda esse potius corda,
quam vestimenta dicebat. a
Cette singularité de saint Fulgence peut
servir de preuve, que la coutume ordinaire
était de prendre des habillements propres, et
tout différents à l'autel. Et quant à cette tunique
que saint Fulgence ne changeait point , cela
n'est marqué par Ferrand que pour nous faire
remarquer l'extrême pureté de saint Fulgence
qui était exempte de toutes les impuretés invo-
lontaires même de la nuit. Les autres qui n'a-
vaient pas le même don du ciel , changeaient
même de tunique avant de prendre les habits
sacerdotaux pour la célébration des mystères.
Nous dirons dans la suite, que c'a été par une
raison semblable qu'en quelques lieux on intro-
duisit l'usage d'une première aube sans man-
ches, pour ne pas mettre les habits sacerdotaux
immédiatement sur les habits communs. Jean,
diacre, qui a écrit la vie de saint Grégoire }
pape, dit qu'on voyait à Rome la peinture de
Gordien, père de ce grand pape, revêtu d'une
dalmatique, et d'une chasuble par -dessus.
« Cujus Cordiani habitus castanei coloris pla-
neta est, sub planeta dalmatica L. iv. c. 83.) »
Le cardinal Baronius conjecture de là, que
Gordien avait reçu les ordres sacrés avant la lin
de sa vie. Mais c'est deviner ; et on sait assez
d'ailleurs que tous ces habillements divers ,
« Casula, planeta, dalmatica, penula, » étaient
dans l'usage commun des séculiers. Aussi ce
savant cardinal laisse enfin la chose douteuse,
si Gordien est vêtu dans cette peinture en séna-
teur, ou en diacre. « Attentius tu considéra,
quem reddat piclura , senalorem , vel diaco-
num. »
XVII. II n'est pas moins certain, que les
aubes venaient aussi de l'usage commun. Vo-
piscus nous a appris ci-dessus, qu'Aurélien fit
une libéralité au peuple de ces sortes d'habil-
lements, « Tunicas albas, manicatas, ex diver-
sis provinciis, et lineas Afras, atque .Egyptias
puras. » C'était apparemment une de ces aubes
d'Afrique dont saint Cyprien demeura vêtu
lors de son martyre, puisque Pontius dit,
o Stetisse in linea. » C'est peut-être une de ces
tuniques que le prêtre Népotien laissa par tes-
tament à saint Jérôme : « Tunica, qua utebar
in ministerio Christi (Hieron. Epist. ad He-
liod.). »
Il y avait de ces aubes qui étaient simples
et sans broderie, puras dit Vopiscus. 11 y
en avait qui étaient relevées d'or, de soie, ou
de quelque autre matière précieuse. Il ne faut
pas douter que les plus précieuses ne fussent
réservées à l'autel. Aussi Optât raconte que
l'empereur avait envoyé des ornements aux
églises. Et qui doute que ces ornements ne fus
sent dignes de la magnificence impériale*
« Misisse ornamenta domibus Dei. »
Le même Vopiscus (L. 2.) nous a appris la
manière d'orner ces aubes de lin, en y appli-
quant tout autour des bordures, des franges,
ou des passements de pourpre, ou de quelque
matière précieuse: et y en appliquant même
jusqu'à deux, trois, quatre et cinq rangs, ce
qui faisait aussi diversifier leurs noms. « Et
quidem aliis monolores, aliis dilores, trilores
aliis, et usqueadpentalores, qualeshodie lineae
sunt (In Aureliano). » Le concile IV de Car-
tilage (Can. xli) défendit aux diacres de por-
ter l'aube hors le temps du sacrifice, ou de la
lecture qui se fait dans l'église. « Ut diaco-
nus tempore oblationis tantum, vel lectionis,
alba utatur. »
On peut conjecturer de là, que les évoques,
et les prêtres portaient leur aube même hors
du temps du sacrifice; peut-être durantlechant
des divins offices dans l'église , peut-être hors
de l'église même dans le commerce civil, pour
se distinguer du commun des hommes, et s'en-
gager eux-mêmes à faire éclater la sainteté du
sacerdoce dans toutes leurs conversations avec
les autres hommes. Cela sera encore plus clair
dans les siècles suivants. Il ne faut pas oublier
la tunique blanche et éclatante que saint Chry-
sostome donne aux diacres , « Tunicam indui
Caildidissimam. i.vi/.-.-i xywnimm xai à-ccTixpov-* (Ho-
mil. 83. in Math.) »
XVIII. Ces passements ou bandes de quelque
matière plus précieuse , qui faisaient le prix et
l'ornement des habits de cérémonie, en la ma-
nière que Vopiscus vient d'en parler, peuvent
servir à nous donner quelque éclaircissement
sur l'étole des diacres, et sur le pallium des
archevêques. Il y a cela de commun entre
l'étole et le pallium , que l'un et l'autre sont
naturellement un juste habit, qui puisse cou-
vrir tout le corps; (Car le mot de stola se prend
dans l'écriture, dans Joseph, et dans les auteurs
profanes pour un habillement entier) et ne
sont plus aujourd'hui que de simples bandes
fort étroites. Comme l'enrichissement et le prix
de ces vêtements ne consistait que dans ces
46
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SIXIÈME.
bandes de pourpre ou de broderie , on les a
détachées du reste qui n'était qu'un habit com-
mun, pour les porter, ou pour les envoyer plus
commodément.
L'auteur de la donation de Constantin l'avait
fort bien compris , quand il faisait donner au
pape Sylvestre par l'empereur Constantin cette
sorte d'ornement impérial. « Nos sancto ipsius
capiti radiantissimum lorum imposuimus. »
Voilà la couronne ou le diadème. Voici le
pallium , a Lorum et humerale , quod Impe-
ratoriœ Majestatis collumcingit. » Le manipule
est devenu quelque chose d'approchant. On n'a
laissé que la longue bande qu'on avait enri-
chie, et on en a retranché, aussi bien que de
l'étole, tout le reste du litige.
.l'avoue que je n'ai pu encore deviner com-
ment nous avons appliqué le mot stola , au
linge qu'on appelait avec raison, « Orarium et
sudarium , » parce qu'il servait à essuyer la
sueur du visage. « Ad detergendum oris su-
dorem. »
CHAPITRE QUARANTE-SIXIEME.
DE L HABIT CLÉRICAL DANS LA VIE CIVILE, DANS L OCCIDENT ET DANS L ORIENT,
AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Dans la France, l'habit civil des ecclésiastiques était déjà
distingué de celui des laïques dans les sixième et septième
siècles.
II. III. Il était plus modeste et toujours long.
IV. Les évèques avaient toujours un habit de lin ; les prêtres
en prenaient un de lin en prêchant ; les moines n'en avaient
que de laine.
V. Les habits impériaux ont été communiqués aux rois et
aux évèques.
VI. VII. En Italie, saint Grégoire distingue toujours les clercs
des laïques par l'habit. Les nations barbares avaient mis en
vogue les habits courts. L'Eglise romaine a conservé fidèlement
l'habit et le langage romain.
VIII. Ces expressions si fréquentes de l'habit des ecclésiasti-
ques et des séculiers, montre que cette distinction n'était pas
ancienne, puisqu'elle était inconnue aux quatre ou cinq pre-
miers siècles.
IX. X En Orient, on peut faire la même remarque, on n'y
distinguait l'habit des clercs que par la modeslie.
I. L'habit clérical accompagne la tonsure , et
on ne peut douter qu'il ne fût distingué de
celui des personnes séculières dans les vie et
VIIe siècles. On l'a déjà pu remarquer en quel-
ques passages ci-devant rapportes.
Le concile d'Agde (Can. xx) après avoir
réglé la tonsure, vient aux habits des clercs,
et y prescrit la même modestie : « Vestimenta
vel calceamenta etiam cis, nisi qua? religionem
deceant, uli vel habere non liceat. »
Le concile I de Màcon (Can v) défend aux
ecclésiastiques l'usage des habits séculiers, sur
tout des militaires, et le port des armes, sous
peine de la prison , et d'un jeûne de trente
jours au pain et à l'eau. « Ut nullus clericus
sagum , aut vestimenta vel calceamenta ssecu-
laria , nisi quœ religioni deceant, induere pra>
sumat. Quod si post hanc definitionem cleri-
cus aut cum indecenti veste, aut cum armis
inventus fuerit, a seniore ita coerceatur, uttri-
ginta dierum inclusione detentus,aquatantum
et modico pane diebus singulis sustentetur. »
L'usage des habits courts s'introduisait et
s'augmentait d'un jour à l'autre; ce canon
semble les défendre aux clercs, en leur inter-
disant le savon, Sagum, et les affermissant
dans l'usage de la toge romaine.
II. Le concile de Narbonne en 589 (Can. i)
défendit aussi aux ecclésiastiques les habits de
pourpre, dont les personnes les plus qualifiées
usaient aussi bien que les magistrats, et dont
la modestie ne permettait pas aux ecclésiasti-
qin s de se servir. « Ut nullus clericorum ve-
stimenta purpurea induat, qua» ad jactanliam
pertinent mundialem , non ad religiosam
ilignitatem. Ut sicut est devotio in mente, ita
et ostendaturin corpore. Quia purpura maxime
laicorum potestate prœdictis debetur, non
religiosis. »
Ces deux règles méritent bien d'être remar-
quées.
DE L'HABIT CLÉRICAL DANS LA VIE CIVILE.
47
1° Que la pourpre doit servir aux laïques
mêmes, non pas pour orner leur personne,
mais pour faire respecter leur dignité, et la
portion de l'autorité royale, dont ils sont dépo-
sitaires pour le bien publie.
2° Que la dignité des ecclésiastiques doit se
distinguer et se faire honorer plutôt par la
modestie que par la pompe des habits, parce
que la vertu de leur âme , et l'amour cju'ils
ont pour l'humilité et pour la pauvreté, doit
rejaillir jusque sur leur corps. « Ut sicut est
devotio in mente, ita et ostendatur incorpore.»
III. Le concile de Liptines tenu en 743 (C. 7)
défendit encore les habits courts aux prêtres
et aux diacres, sans y comprendre les moindres
clercs, à cause des désordres effroyables du
huitième siècle, auxquels on ne pouvait pas
entièrement remédier. « Ut presbyteri , vel
diaconi, non sagis laicorum more , sed casulis
utantur, ritu servorum Dei. » C'est le même
sens du canon III du concile de Soissons tenu
en 744. « Nec laicorum habitum portent omnes
clerici. »
Le concile tenu par l'apôtre d'Allemagne
Boniface , joignit ces trois défenses , des habits
courts, des habits militaires, et des habits pom-
peux. « Interdiximus servis Dei, ne pompatico
habitu, vel sagis, vel armis utantur (Bonifiât.,
epist. 105.) »
IV. Le pape Zacharie répondant aux consul-
tations de Pépin , encore maire du palais, or-
donne à l'évêque d'user d'habits proportionnés
à sa dignité et que les prêtres ou les curés relè-
vent aussi leur fonction par un ornement plus
riche, lorsqu'ils prêcheront la parole de Dieu,
mais qu'en particulier ils fassent voir sur leur
corps que la modestie règne dans leur cœur.
« Et nos ab apostolica autoritate subjun-
gimus, ut episcopus juxta dignitatem suam
indunientis utatur, simili modo et presbyteri
cardinales, plebi quidem sibi subjeetae prse-
clariori veste induti, debitum praedicationis
persolvant : et in secreto propositum servent
suicordis, ut qui videt in abscondito Deus,
reddat illis in palam. Non enim nos lionor
commendat vestium, sed splendor animarum.
(Conc. Gall., tom. i, p. 503). »
Quant aux moines, ce pape ne leur permet
que des habits de laine, selon leur règle, soit
dans le particulier, soit dans les offices de
l'Eglise. « Monachi vero lanea indumenta,
juxta normam et regulam monasticœ disci-
plina' , atque traditionem sanctorum proba-
bilium I'atrum, sine inlerniissione utantur.
Ce pape ajoute, que le Fils de Dieu figurant
les vertus monastiques dans ses Apôtres , leur
défendit d'avoir deux sortes de tuniques, et
partant ne leur laissa qu'une tunique de laine,
et non de lin. « Apostolis quippe divinum da-
tum est mandatum, duas tunicas non habendi.
Tunicas dixit Christus, utique laneas, non
lineas. » Il semble donc que ce pape défend
aux moines les tuniques de lin, ou les aubes,
et les accorde aux prêtres pendant qu'ils prê-
chent, au lieu qu'il les laisse auxévêques, sans
les en jamais dépouiller.
V. Grégoire de Tours rapporte que Clovis se
revêtit dans l'église de saint Martin de Tours
d'une tunique de pourpre, d'une robe et d'une
couronne impériale que l'empereur Anastase
lui avait envoyées avec les patentes du consulat.
« Ab imperatore Anastasip codicillos de consu-
latu accepït, et in basilica B. Martini tunica blat-
tea indutus est et chlamyde, imponens vertici
diadema, etc. Tauquam consul et Augustus
(L. il, c. 38). »
Les empereurs firent donc part aux rois
chrétiens aussi bien qu'aux évoques de leurs
ornements impériaux, et la pourpre n'était
alors accordée que comme une participation
de la dignité impériale. Mais ce même auteur
dit plus nettement ailleurs qu'il y avait un
habit tout propre et particulier aux clercs, et
qui les distinguait aussi bien que leur tonsure :
« Meroveus tonsuratus est, mutataque veste,
qua clericis uti mos est , presbyter ordinatur
(L. v, c. 14). »
VI. Saint Grégoire fait voir avec la même
évidence la diversité d'habits entre les ecclésias-
tiques et les laïques : « Paulum clericum, qui
despecto habitu suo,ad laicam reversus vitam,
ad Africain fugerat, prœvidimus pœnitentiam
dari (L. m, epist. 24). » Et ailleurs, « Dum ad
ecclesiasticum habitum veniunt, etc. Dum in
ecclesiastico habitu, non dissimiliter quam
vixerant, vivunt, nequaquam student saeculum
fugere, sed mutare (L. vu, epist. 11). »
Les femmes même, ou les veuves des prêtres
avaient un habit particulier : « Abbalissa mo-
naebica veste indui noluerat, sed in vestibus,
quihus loci illius utuntur presbytera?, per-
manserat(L. vu, epist. 7, 07, Hl, US). »
Les évoques doivent châtier les clercs qui
sont en faute, sans épargner leur habit : « Quos
apud vos habitus sui magis officium commen-
det, quam excuset. »
48 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SIXIÈME.
Il dit ailleurs, « Neophytus mine est, qui re-
pente in religionis habita plantains, ad am-
biendos sacros honores irrepserit. » Et ailleurs
encore, « Quidam instinctu inanis gloriae il-
lecti, ex laico repente habitu sacerdotii honorem
arripiunt. »
Jean diacre, dans la vie de ce saint Pape, dit
qu'entrant dans l'état monastique il laissa l'or
et la soie, « relictis sericis, auro gemmisque
radiantibus togis, etc. (L. i, c. 6, 25). » 11 en
eût fait autant pour l'état ecclésiastique où le
pape Renoist l'éleva quelque temps après en le
faisant diacre, et où il approcha encore plus de
la sainteté des anges par la pureté de ses mœurs,
que par la blancheur de ses habits. « Ut in
ecclesiasticae hiérarchise ministerio videretur
divinis angelis non solum nitore habitus,
verum etiam claritate morum probabilium
quodam modo eoiequari. »
VII. Mais rien n'est plus beau ni plus formel
que ce que le même Jean, diacre, dit de toute
la maison de ce saint pontife, d'où il bannit
tous les laïques, et où il n'admit que des clercs,
tous vêtus à la romaine et tous parlant la langue
de Rome.Enefiet, les habits courts des laïques
tiraient leur origine des nations étrangères,
aussi bien que la barbarie de la langue. « Nullus
pontifici famulantiuin a minimo usque ad
maximum, barbaruin quidlibet insennone vel
habitu prœferebat. Sed togata, Quiritum more,
seu trabeata latinitas suum Latium in ipso
Laliali palatio singulariter obtinebat (L. u,
c. 13). »
11 ne pouvait rien dire, ni de plus vrai, ni de
plus juste ; puisqu'il est certain que c'est la
seule Eglise romaine qui a résisté avec une
fermeté invincible au torrent de la barbarie,
qui a conservé la langue latine dans sa pureté,
qui a gardé l'habit long des Romains, et qui
peut encore porter avec vérité ce titre, « Gen-
temque togatam. »
VIII. Le même saint Grégoire parlant aux
séculiers, les désigne par leur habit, « Vos
quos sa>cularis habitus tenet (Hom. iv, in
Evang.). » H se plaint que la vie des clercs ne
répond pas à leur habit: « In sancto habitu
constituti, dum exteriora sunt quœ exhibent,
quasi sanctuarii lapides loris jacent, etc. Mundi
hu.jus opéra peragunt, et tamen de religioso
habitu culmen honoris qu;erunt (Hom. xvn). »
Et au contraire, « Nonnulli et srceularem habi-
tum gerunt, et saxularem animuin non habent
(Hom. lvi). » Et ailleurs parlant de lui-même,
« Dumadhucessem juvenculus,atquein saxu-
lari habitu constitutus, etc. (Dial.,l.iv, c. 40).»
Ces expressions n'étaient nullement en usage
dans les siècles précédents, et étant devenus si
ordinaires dans les vi, vu et viu siècles, c'est
une marque que c'est aussi en ce temps que
les ecclésiastiques se sontdistinguésdes laïques,
non-seulement par la modestie de leurs habits
comme auparavant, ou par une pieuse affecta-
lion de s'approcher de l'habit des moines,
mais principalement par les habits longs, qui
leur sont demeurés, les laïques en ayant pris de
courts, lors de l'inondation des nations bar-
bares.
La sainteté de la vie des religieux ayant enfin
surmonté le torrent de l'iniquité du siècle, et
ayant rendu vénérables les marques mêmes
qu'ils avaient affectées pour s'attirer le mépris
et les humiliations, le clergé qui n'avait pas
encore pu suivre tout à fait la même route
pour ne devenir pas inutile aux laïques, s'ap-
procha de plus en plus de ces saintes pratiques
des moines, et dans la tonsure et dans les
habits.
C'est peut-être pour cela que l'habit ecclésias-
tique a été appelé par les conciles un habit de
religion. « Religionis habitus, vestimenta quœ
religionem deceant, etc. »
Le saint religieux et évèque Gilbert aima
cette louable simplicité dans les habits, qui
imite de plus près la nature, et laisse les laines
dans la couleur que le Créateur leur a donnée.
« Vestimenlis utebatur communibus, ita tem-
peranter agens, ut horum neque munditiis,
neque sordibus esset notabilis. Unde usque
hodie in eodem monasterio ejus exemplo ob-
servatur, ne quis varii aut pretiosi coloris
habeal indumentum, sed ea maxime vestium
specie sint contenti,quam naturalis oviurn lana
ministrat (Reda in ejus vita. c. 16). »
Martin, archevêque de Rrague, dans sa fa-
meuse compilation, exprime nettement l'obliga-
tion des clercs à porter un habit long. «Etsecun-
dum Aaron talarem vestem induere, ut sint in
habitu ordinato (Cap. lxvi). »
IX. Disons un mot de l'Orient, où les clercs
avaient aussi à la campagne et à la ville un ha-
bit qui leur était propre, avec défense de se
servir de l'habit de séculier. « Nulluseorum, qui
in cleri catalogum relati sunt, vestem sibi non
convenienteminduat, neque in civitatedegens,
neque iter ingrediens, sed utatur vestibus,
quœ iis qui in clerum relati sunt, attributs
DES HABITS DES CLERCS A L'AUTEL.
19
fuere. Si quis autem taie quid fecerit, una
septimana segregetur Can. xxvn). »
C'est le concile in Trullo qui punit d'une
suspension d'une semaine, les clercs qui auront
pris l'habit des laïques et laissé celui qui
leur est propre, soit dans la ville, soit aux
champs.
X. Justinien Xov 124, c. 44) défendit aux
laïques de porter l'habit des moines, surtout
aux comédiens ; et déclara les évèques, et tous
les ecclésiastiques juges et vengeurs des ou-
trages qu'on ferait à un si saint habit. 11 ne lit
pas cette défense aux ecclésiastiques, parce
que dès lors une partie des plus saints évèques
étaient choisis d'entre les moines et en por-
taient l'habit. Il défend de donner l'habit de
religion aux personnes inconnues, qu'après
une épreuve ,de plusieurs années. Saint Denis
découvre les raisons mvslérieuses du nouvel
habit qu'on donne à celui qui entre en reli-
gion Eccl. Hierar., c. 6 .
Mais ni cet empereur, ni ce Père ne disent un
seul mot du changement d'habit que doit faire
un laïque pour entrer dans l'état ecclésias-
tique. Il y eût eu autant de sujet d'en parler et
d'en faire voiries sens mystiques que de l'habit
des moines.
C'est encore une conjecture fort probable
que l'habit ecclésiastique en ce temps-la n'était
autre que l'habit long des séculiers, mais mo-
deste, qui leur est enfin demeuré par les
changements que les laïques ont fait, et font
encore tous les jours en leur manière de
s'habiller.
Comme les nations barbares du septentrion
ne s'étaient pas débordées dans l'Orient, l'habit
long y fut plus longtemps en usage parmi les
laïques mêmes.
( IIAriTRE QUARANTE-SEPTIEME.
DES HABITS DES CLERCS A L Al TEL, DANS LES SIXIEME, SEPTIEME ET HUITIEME SIÈCLES.
I. Les habits consacrés aux fonctions sacrées, ont été de plus
en plus distingués des autres, en somptuosité et en antiquité.
II. Saint Grégoire le Grand accorda au clergé de fi
l'usage des mappules, ou des manipules qui avaient été propres
à l'Eglise de Rome.
III . IV. 11 accorda à diverses Eglises l'usage des chaussures
magnifiques, des aubes, des dalmatiques.
V. De deux sortes de chasubles, les unes pour l'autel, les
autres de l'usage commun.
VI. Des a
VII. Quels étaient les habillements sacrés propres à chaque
ordre. Diverses manières de porter l'étole.
Mil. Distiuclion des habits sacrés et profanes.
1\. Significations mystérieuses des habillements sacrés.
X. Retlexious édifiantes sur la manière dont saint Fulgeuce,
évéque de Rnspe, en usait pour ses habillements communs et
sacrés.
I. Les habits et les ornements consacrés au
service divin ont été aussi de plus en plus
distingués de ceux qui servaient aux ecclésias-
tiques dans l'usage commun. .Mais quoiqu'or-
dinairement on affectât toujours quelque sin-
gularité sainte dans les ornements qui servaient
à l'autel, il y avait néanmoins plusieurs su ries
d'habils somptueux qu'on y apportait de la
vie civile. Or ce sont ces habits empruntés
d'abord de l'usage commun, qui devinrent enfin
propres aux ministres de l'autel par leur
somptuosité, aussi bien que par leur antiquité,
après que les séculiers eurent changé leur
manière ancienne de se ^ètir.
IL Rome était la capitale et de l'empire et de
la religion ; c'est d'elle aussi que se répandirent
dans le reste de l'Occident plusieurs usages
divers dans les habits consacrés à l'autel.
Saint Grégoire le Grand eut de la peine à
accorder aux premiers diacres de l'église de
Ravenne de se servir de certains linges ou
manipules, en assistant leur évèque au service
de l'autel, et il protesta à ce prélat que c'avait
été contre la volonté, et nonobstant les opposi-
tions du clergé de Rome qu'il lui avait accordé
celte grâce, ce privilège ayant été réservé au
seul cierge de l'Eglise romaine.
« Quod pro utendis a clero vestro mappulis
scripsistis.auostrisestclericis fortilerobviatum,
Tu.
Tome II.
50
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SEPTIÈME.
dicentibtis nulli hoc unquam alii cuilibet Ec-
clesi;p fuisse concessum. Sed*rios servantes
honorem fraternîtatîs tuœ, lic'et contra volun-
tatem cleri nostri, tamen primis diaconibus
vestris, quos nobis quidam testificati sunt,
etiam ante eis usos fuisse, in obsequio duntaxat
tuo mappulis uti permittimus: alio autem
temporc, vel alias personas hoc agere, ve-
henientissime prohibenius (L. h, ep. 54, S§ . »
L'évèque de Ravenne répondit à saint Gré-
goire que les prêtres et les diacres de Ravenne
pouvaient bien user de cet ornement, puis-
qu'ils en avaient usé à la vue de tout le clergé
de Rome, lorsque la nécessité des affaires ecclé-
siastiques les y avait appelés, et que les moin-
dres églises des environs de Rome en usaient de
même : et il envoya en même temps à Rome les
originaux des privilégesaccordés jusqu'alors par
le Siège apostolique aux évèques de Ravenne.
«Nam cum hocminoribus circaurbem ecclesiis
licitum sit, poterit etiam apostolatus domini
mei, si venerubilem clerum prima; Apostolieœ
suae Sedis requirere dignatur, modis omnibus
invenire (EpistL). »
Nous dirons ailleurs qu'Alcuin, Raban et
Amalarius sont demeurés d'accord que cet
ornement de linge servait de mouchoir. « Map-
pula qua pituitam oculorum et narium deter-
gitnus. Sudarium, ut eo detergamus $u-
dorem. »
Saint Grégoire même nous confirme dans la
même pensée, quand il parle dans ses Dialo-
gues de certaines religieuses qui firent présent
à un moine de quelques mouchoirs. « Ab an-
cillis Dei mappulas accepisti. » Si c'était là
l'origine et l'usage de ces manipules, il y a
quelque sujet de s'étonner comment les églises
de Rome et de Ravenne, le pape saint Grégoire
et l'archevêque de Ravenne contestèrent avec
tant de chaleur sur un sujet de cette nature.
Mais il faut apprendre de la même que les
petites choses ne sont plus petites dès qu'elles
sont consacrées à la religion (L. n Dial., c. 19).
On a agité, et on a résolu dans des conciles
généraux des pratiques qui ne paraissent pas
aux yeux de- la chair de plus grande consé-
quence. Ce sont comme les franges de la robe
de J.-C. ou de son Eglise, qui ont toujours
quelque chose de miraculeux et de divin , et
qui méritent notre vénération.
III. I.e même saint Grégoire défendit aux
diacres de Catane en Sicile, d'user d'une chaus-
sure plus magnifique que l'ordinaire , parce
que ses prédécesseurs n'en avaient permis l'u-
sage qu'aux diacres de Messine. « Calceatos
compagis procedere, etc. Quod solis diaconis
Ecclesiae Messanensisa pnedecessoribus nostris
oliin non dubitatur esse concessum (L. vu,
ep. xxviu). » Les historiens romains ont parlé
de cette chaussure royale , qu'ils appellent
( 'ompagum reghan.
Capitolin parle de la chaussure énorme de
Maximin, « Calceamentum ejus, id est, com-
pagum regium constat pede majus fuisse ho-
minis vestigio. » Trebellius Pollio, en parlant de
Calien, empereur, «Caligasgemmatasadnexuit,
cutii compagos reticulos appellaret. »
Revenons à saint Grégoire. Il écrivit à l'é-
vêque de Syracuse, que si les sous-diacres de
Sicile usaient des tuniques de lin, c'était parce
que l'Eglise romaine, leur mère, le leur avait
permis. « Unde habent hodie Eeelesia; vestrœ,
ut subdiaconi lineis in tunicis procédant, nisi
quia hoc a matre sua Romana Eeelesia perce-
perunt (L. vu, ep. lxiv) ? » Il accorda à Aré-
gius, évèque de Gap, en France, l'usage des
dalmatiques qu'il avait demandé pour lui et
pour son archidiacre, et les lui envoya de
Rome. « Charitatis tuœ bona revocantes ad
aninium, Inijus autoritatis nostrœ série, pe-
tita concedimus, atque te, et arehidiaconum
luum dalmaticarum usu decorandos esse con-
cedimus ; easdemque dalmaticas transmisi-
mus (L. vu, ep. cxu). »
Jean, diacre, dans la vie de ce pape, dit
qu'allant à cheval, et suivant la procession, il
était reconnaissable par la foule de ceux qui
l'accompagnaient, vêtus de chasubles et de
tuniques de lin. « Cumque ex planetatorum
mappulatorumque processionibus magnum
pontificem cognovissent, etc. (L. n, c. 43;
L. m, c. W)). » Il dit plus bas que les tuniques
étaient à manches étroites, et qu'on en apporta
une à ce saint pape, qu'on disait avoir été à
saint Jean l'apôtre ; mais que la dalmatique
était à larges manches, comme il paraissait
par celle de Paschase, diacre de l'Eglise de
Rome.
Cet auteur nous a retracé dans ses écrits les
peintures de Gordien, père de saint Grégoire,
avec une dalmatique et une chasuble par des-
sus. « Cujus habitus castanei coloris planeta
est, sub planeta dalmalica (L. iv, c. 83, 8i). »
Et celle de saint Grégoire même vêtu en pon-
tife, avec une dalmatique, une chasuble par
dessus, et le pallium. « Planeta super dalmati-
DES HABITS DES CLERCS A L'AUTEL.
51
cam castanea, evangelium in sioistra, modus
crucis in dexlra, etc. Pallio mediocri. »
IV. Il résulte de ces autorités, (|iie si la tuni-
que, la dalmatique et la chasuble avaient été
autrefois des habits communs aux laïques, et
encore bien plus aux ecclésiastiques dans leur
usage civil , ils sont enfin non-seulement
devenus propres aux ecclésiastiques, mais en-
core uniquement consacrés au ministre des
autels. Il resuite encore que L'Eglise romaine a
été celle de laquelle les autres Eglises ont tâché
d'obtenir par privilège la communication des
principaux ornements du divin service.
Ces habillements antiques et somptueux s'é-
taient conservés plus longtemps dans la capitale
de l'empire : l'usage même y avait été plus
fréquent. La magnificence des habits impériaux
avait aussi été communiquée plus abondam-
ment à l'Eglise de Rome. Ainsi c'est d'elle que
tous ces rayons de gloire se sont répandus dans
le sacerdoce royal de toutes les autres Eglises.
L'auteur de la vie de saint Césaire, archevê-
que d'Arles, raconte que ce saint prélat étant
allé à Rome, le pape Symmaque lui accorda
l'usage des dalmatiques pour ses diacres, à
l'imitation des diacres de l'Eglise romaine.
« Diaconos ejus période ut Romanœ Ecclesiae
diacanosdalmaticis utivoluit (L. i,'c. 20. 21). »
Le synode d'Auxerre est encore une autre
preuve que les dalmatiques n'étaient pas en-
core communes à tous nos diacres, quand il
leur défend de se couvrir des parements d'au-
tel. « Non licet diacono, vélo vel palla scapulas
suas involvi (Can. xu, xm). »
V. Le même saint Césaire étantde retour de
Rome en France, et n'ayant rien à donner à
un pauvre, il lui donna la chasuble dont il se
servait aux processions, et son aube pascale,
lui commandant de les vendre a un ecelésiasti-
que. « Casulam qua in processionibus ute-
batur, et albam paschalem profert , datque
egeno, jubetque ut vendat uni ex clero (L. n,
C. 10;.»
Cette chasuble était apparemment consacrée
au service des autels; mais en voici une autre
du même saint, qui était de l'usage civil, puis-
qu'il la portait ordinairement par la ville.
« Ambulans per plateam civitatis, vidit contra
in foro hominem, qui a d;emonio agebatur.
In quem cum attendisse^ liabens manum sub
casula, ut a suis non videretur, crucem contra
euni fecit. »
Si ces deux habillements avaient de la res-
semblance comme ils avaient le même nom,
certainement celui de l'autel surpassait l'autre
en richesseet en magnificence. On peut douter
duquel de ers deux ornements il faut entendre
Grégoire de Tours, quand il parle du diacre
qui profanait insolemment la chasuble d'un
saint évêque, la portant et sur son lit et dans.
les places publiques. « Hoc habens in lectulo,
hoc habens in foro Vit.c Patrum, c. vm). »
Le concile de Liptines (Can. vu) commande
aux ecclésiastiques de porter des habits longs,
qu'il appelle du même nom que les chasubles.
a Non sagis laicorum moresed casulis utantur,
ritu servorum Dei. » Cela nous montre que
quelques-uns des habits sacrés ont été encore
longtemps communs à l'usage civil, quant à la
forme, quoiqu'ils fussent toujours distingués
par une pieuse affectation de propriété et de
magnificence.
VI. Le même Grégoire de Tours parle de l'é-
lévation miraculeuse en l'air de l'anneau et du
mouchoir, qu'il appelle orarium, de deux mar-
tyrs. « Orarium, etc. Candor lintei, etc. Huic
sui dat jiignus oris. ut ferunt orarium De glor.
Mart. 1. ii, c. 93, 103). » Il touche ailleurs
l'école des diacres, en parlant de saint Vincent,
« Levitico? stolae candore in Ecclesia micans. »
Il fait paraître ailleurs les chœurs des prêtres
et des diacres en aubes blanches. « Erat sacer-
dotum et levitarum in albis vestibus non mi-
niums chorus (De glor. Confess., c. xx). »
Le concile de Narbonne, en 589 (Can. xn),
ordonna aux diacres, aux sous-diacres et aux
lecteurs, de ne point quitter l'aube avant la fin
de la messe. « Nec diaconus, aut subdiaconus
vel lector, antequam missaconsummetur, alba
se praesumat exuere. »
L'aube était donc déjà commune même aux
ordres inférieurs, au moins dans la France.
Saint Isidore semble ne donner les aubes
qu'aux diacres à l'autel. « Qui propterea albis
induti assistant, ut cœlestem vitam habeant,
candidiquead hostias, immaculafique accédant
(De Offic. Eccl., 1. u, c. 3). » .Néanmoins le
concile de Brague Can. ix les reconnaît être
aussi communes aux sous-diacres, quand il
ordonne aux diacres de ne plus porter leurs
étoles sous leurs tuniques , c'est-à-dire sous
leurs aubes, parce que. les portant de la sorte,
ils ne peuvent être distingués des sous-diacres.
« Quia in aliquantis hujus provincia' Ecclesiis,
diacones absconsis inf'ra tunicam utuntur ora-
riis, ita ut nihil differre a subdiacono videan-
52
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-SEPTIÈME.
tur, de cactero superposito, sicut decet, utantur
orario. *>
Cette circonstance nous apprend que l'étole
n'était encore que de linge, et qu'elle était
assez étroite, puisqu'on la cachait si facilement
sous l'aube.
VII. Mais le concile IV de Tolède, nous ap-
prend bien plus particulièrement quels étaient
les ornements sacerdotaux propres à chaque
ordre.
Il ordonne qu'en rétablissant dans leurs
ordres ceux qui en ont été injustement dépo-
sés on leur rendra les ornements sacrés dont
on les avait dépouillés, à savoir : l'étole, l'an-
neau et la crosse à l'évèque ; l'étole et la cha-
suble au prêtre ; l'étole et l'aube au diacre; au
sous-diacre la patène et le calice; et aux autres
ordres ce qu'on leur avait mis en main dans
l'ordination. « Si episcopus recipiat coram
altario de manu episcopi orarium , annulum
et baculum, si presbyter, orarium et planetam ;
si diaconus, orarium etalbam ; si subdiaconus,
patenam et calicem, etc. (Can. xxvui). »
Ainsi dans le ressort des évèques de ce con-
cile, les sous-diacres et les ordres inférieurs ne
portaient point encore d'aubes, ni les diacres
de dalmatiques : l'étole était commune aux
trois ordres supérieurs, la chasuble était un
vêtement affecté aux fonctions de l'autel.
L'aube n'était point restituée au prêtre ou à
l'évèque, Lorsqu'il était rétabli, de même qu'on
ne la leur ôtait point lorsqu'on les déposait,
parce que l'aube était un habillement, dont ils
se servaient non-seulement à l'église, mais à
la ville, à la campagne et dans leurs maisons.
Mais comme les diacres n'avaient droit de se
revêtir de l'aube que quand ils célébraient, on la
leur ôtait lorsqu'on les déposait, et quand on
les rétablissait dans leurs fonctions on la leur
rendait. Cela nous est clairement indiqué par
les termes de ce canon.
Ce même concile (Can. xl) défend aux dia-
cres de se servir de deux étoles, puisque l'évè-
que et le piètre n'en portent qu'une : « Orariis
duobus nec episcopo quidem lied, uec presby-
tero uti, quanto inagis diacono, qui minister
eorum est. » Il ordonne au diacre de porter
l'étole sur l'épaule gauche, afin que son bras
droit soit libre pour exercer ses fonctions.
L'étole était donc encore assez large, et elle
enveloppait le bras gauche des diacres. «Unuin
igitur orarium oportet levitam gestare in sini-
stre humero, propler quod orat, id est pnedi-
cat. Dextram autem partem oportet habere
liberam, ut expeditus ad ministerium sacerdo-
tale decurrat. »
Cette suite de paroles donne lieu de conjec-
turer que les diacres d'Espagne avaient com-
mencé d'user de deux étoles, comme de deux
écharpes, les faisant croiser sur leur estomac,
et que ce concile ne leur en laissa qu'une.
A l'égard de décider si c'est de là qu'est
venu l'usage de cette large étole , dont on se
sert aujourd'hui, mais très-rarement, ou si
l'usage nous en est venu d'ailleurs, c'est ce que
je ne puis faire. Chacun s'en peut rapporter à
son propre jugement.
Enfin, ce concile nous apprend que l'étole
n'était encore que de linge, qu'on avait com-
mencé d'enrichir d'or et de broderie ; ce qu'il
défend a l'avenir. « Caveat igitur amodo le-
vita.geminouti orario, sed uno tan tu m etpuro,
nec ullis coloribus, aut auro ornato. »
Il n'est pas facile d'expliquer ces paroles de
ce canon, « propter quod orat, id est prœ-
dicat; » il n'y a nulle apparence que le diacre
prêchât en forme dans l'Eglise.
11 est bien plus probable d'entendre cette
prédication , ou de la lecture de l'évangile
pendant le sacrifice, ou de la prononciation
que le diacre faisait à haute voix d'une partie
des exhortations et des prières du même sacri-
fice : ce qui s'appelait et s'appelle encore Prœ-
conium, le Prône. C'était une espèce de prédi-
cation qui donnait droit au diacre d'avoir un
linge, orarium, pour avoir lieu d'essuyer la
sueur de son ïisage. Saint Crégoire le Crand
faisait quelquefois des présents de quelques
mouchoirs à diverses personnes (L. vi, epist.
xxvu, xxxvn). Il les appelle toujours oraria.
VIII. Tous ces canons font bien voir que ces
ornements étaient propres à l'autel, et que les
ecclésiastiques n'en usaient que dans les fonc-
tions saintes du sacrifice. C'est ce que le con-
cile III de Rrague, remarque encore plus
clairement, quand il prononce une sentence
de déposition contre ceux qui emploieront
les vases ou les ornements sacrés aux usages
de la vie commune. « Ah officio deponatur,
qui ecclesiastica ornamenta, vêla vel quaMibet
aha indumenta aiqueustensiliasciendoinusus
suos transtulerit. »
Et quand il ordonne à l'évèque et au prêtre
de ne jamais célébrer le terrible sacrifice sans
porter l'étole sur les deux épaules, croisée
devant l'estomac. « Non aliter accédât, quam
DES HABITS DES CLERCS A LAl'TFL.
orario utroijne humero circumseptus, sicut et
tempore ordinationis suœ dignoscitur conse-
cratus; ita ut de uno eodemque oratio cervi-
cem pariter et utrumque humerum premens,
signum in suo pectore praeferat crucis (Can.
m, iv). »
IX. Ces dernières paroles nous montrent que
la figure, la disposition, la couleur et la ma-
tière des habillements sacrés ne laisse pas de ,
contenir des significations mystérieuses, quoi-
que l'origine de leur usage soit venue de quel-
ques rencontres et de circonstances bien di-
verses. L'étole, par sa blancheur, convient à la
pureté des anges. Lorsqu'elle voltigeait sur
l'épaule du diacre, elle marquait leurs ailes et
leur activité.
L'étole croisée sur l'estomac des prêtres, leur
apprend à porter l'amour de la croix dans le
plus profond de leur cœur. Si elle entoure
leurs épaules, et pend également de part et
d'autre , cela marque leur confiance et leur
fermeté inébranlable dans la pratique des ver-
tus sacerdotales , parmi les adversités et les
prospérités du siècle. « Sacerdos orario utro-
que humero ambiatur, scilicet ut qui imper-
turbatus praeeipitur consistere, inter prospéra
et adversa, virtutuni semper ornamento utro-
bique circumseptus (Ibidem). »
L'Eglise est un monde nouveau et mystérieux,
dont il est bien plus véritable que du monde
matériel, que les moindres parties qui le com-
posent, ont une éloquence muette, mais claire
et intelligible pour faire entendre les merveilles
de l'éternité.
X. Je finirai ce chapitre par une relation
édifiante de la manière toute sainte dont Fer-
rand, diacre, dit que saint Fulgence s'habillait
pendant son épiscopat.
La dignité episcopale ne lui fit rien retran-
cher des austérités de la vie monastique. «Non
ita factus est episcopus, ut esse desisteret mo-
nachus (In ejus vita, cap. xvm). » Jamais il ne
porta d'habit de pris ; il n'eut jamais qu'une
tunique, il ne se servit jamais de l'étole des
évêques. Il ne quitta jamais la ceinture des
moines. Il n'usa jamais des souliers ni des
chaussures des clercs. Il n'eut jamais de cha-
suble précieuse , et n'en souffrit point à ses
moines. 11 ne craignit point de porter à l'autel
la même tunique avec laquelle il avait couché,
(tant persuade que la sainteté du terrible sa-
crifice de l'Agneau céleste demande plutôt le
changement des cœurs que des babils.
« Nusquam pretiosa restimenta quœsivit.
I ua lantuni vilissima tunica. sive perœstatem,
sive per hiemem est patienter indutus. Orario
quideiii sicut omnes episcopi nullatenus ute-
batur, pellicio cingulo tanquam monachus ute-
batur. etc. Nec calceanu nia suscipiens clerico-
l'iim. etc.. casulam pretiosam, vel superbi
coloris, nec ipse habuit, nec suos monacbos
babere permisit. etc. In qua tunica dormiebat,
in ipsa sacrificabat ; et in tempore sacriûcii
mutanda esse corda potins quam vestimenta
dicebat. »
C'était l'amour de la pureté et l'horreur des
impuretés même involontaires des songes qui
jetait quelquefois les saints religieux dans le
scrupule de porter à l'autel la même tunique
avec laquelle ils avaient reposé la nuit. Saint
Fulgence en usait autrement, parce que sa pu-
reté n'était pas même susceptible des sugges-
tions ou des illusions impures. Au reste, cet
amour, non-seulement de la modestie, mais
de la pauvreté que ce saint prélat faisait écla-
ter, même dans les ornements du sacrifice,
nous apprend excellemment que si la somptuo-
sité des habillements sacrés honore la religion
et édifie les peuples, l'éclat de la pauvreté a
encore quelque chose de plus brillant et de
plus édifiant aux yeux purs des âmes éclairées.
Mais, soit qu'on honore Dieu par la magnifi-
cence des ouvrages admirables dont il est le
créateur, soit qu'on révère J.-C. par des mar-
ques éclatantes de la pauvreté évangélique, on
affecte et on a toujours affecté de mettre quel-
que différence entre les habillements consacrés
à l'autel et ceux de l'usage civil, quoiqu'il y en
ait eu plusieurs qui ont passé de l'usage com-
mun au service des autels.
Ainsi Jean , diacre , a eu raison de dire dans
la vie de saint Grégoire , que saint Jean, l'apô-
tre, n'a pu exercer un si long pontificat sans
avoir des ornements propres à son divin sacer-
doce. « Per tôt annos pontificium gerens et
solemnia frequentissime celebrans sine sacer-
dotibus esse vestibus nequaquam potuit (L. ni,
C. 39). »
54 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
CHAPITRE QUARANTE-HUITIEME.
DES HABITS COMMUNS DES ECCLÉSIASTIQUES, SOIS L'EMPIRE DE CUAKLEMAGNE.
I. Règlement du concile d'Ais-la-Chapelle sur les habits mo-
destes des ecclésiastiques.
II. Des habillements communs aux religieux et aux clercs.
III. Les prêtres portaient l'aube et l'étole même dans
ivil.
IV. Des habits des chanoines et des moines.
V. Quels étaient les habillements de Charlemagne et des
laïques en France.
VI. Habillement des ecclésiastiques en Italie.
VU. Et dans l'Eglise grecque, où l'on interdit l'or et la soie à
tous les ecclésiastiques.
VIII. La vanité se cache quelquefois sous les habits vils, et
l'humilité n'est pas toujours incompatible avec l'or et la soie.
I. Le concile d'Aix-la-Chapelle, sous Louis le
Débonnaire, en 81(5 , qui donna des roules aux
chanoines , avec le dessein qu'elles fussent
observées par tous les ecclésiastiques, donna
d'abord une nouvelle vigueur à ces deux an-
ciennes maximes.
1° Qu'ils doivent faire luire dans leurs habits,
dans leur démarche, dans leur manière même
d'aller à cheval , l'humilité qui doit régner
dans leur cœur. « Ut humilitatem qUam corde
gestant, actu, habitu, incessu, ipsa etiamequi-
tatione religiosissime demonstrent , puisque
velint sancta conversatione eximiisque mori-
bus, quam ornatu vestium fulgere. Si enim
more conjugatorum in se ornandis, ûitore
vestium , phaleris equorum , caeterisque hu-
manse vanitatis rébus abusi fuerint, in quo
eorum conversatio a laicorum dislare videbi-
tur (Can. cxxiv) ? »
2° Qu'ils doivent éviter toute singularité et
ne se rendre remarquables par aucun excès
"" de propreté, ou de négligence. «Non enim
specialiter praesumi débet ab aliquo, quod non
generaliter teneatur ab omnibus, i,| est, nec
plusjusto cultior vestis, nec insolita atqué de-
formis. Quia in utroque illorum, aut elationis,
aut certe simulationis noxa patescet. »
•I parait de là que les honnêtes gens allaient
'"'""' vêtus de long; ainsi, il n'était pas be-
soin de recommander aux ecclésiastiques de
porter des habits longs: il sufÈsait de leur in-
culquer la modestie, la pauvreté et fhumililé
qui sont le vrai caractère des ecclésiastiques.
Mais comme les ecclésiastiques commençaient
à porter une cueulle. qui était le propre habil-
lement des moines, ce concile leur défend d'en
user à l'avenir s'ils ne veulent embrasser la
profession monastique.
« Reprehensibilem apud plerosque canoni-
cos inolevisse comperimus usum, eo quod,
contra morem ecclesiasticum, cucullas quibus
solis monacbis utendum est, induant ; cum
utique illorum habitum penitus usurpare non
debeant, a quorum proposito quodammodo
distant (lbid., can. xxv »
IL Ce concile (Can. x) nous apprend bien
que les religieuses étaient vêtues de noir.
« Quid prodest nigris vestibus indui, etade-
tractione linguam non cohiberi?» Et on pour-
rait conjecturer que c'était aussi la couleur des
habits des religieux* et peut-être même des
chanoines , puisque ces religieuses n'étaient
apparemment aussi que des chanoinesses.
L'assemblée des abbés, qui se tint l'année
d'après , c'est-à-dire en 817, ne régla rien sur
ks habits des religieux, si ce n'est que toutes
leurs chapes seraient fermées par devant,
excepté celle qui était de fourrures, parce qu'à
peine eût-on pu la vêtir si elle n'eût été ou-
Verle par devant. « l't monachi cappas discon-
SUtas, praeter villosas, non habeant (Can. lxi).»
La chape était un habit propre aux ecclésias-
tiques, aussi bien qu'aux moines , et il ne faut
pas douter qu'elle était également fermée ou
cousue par devant. Les laïques n'en pouvaient
pas porter, non plus que les ecclésiastiques, de
cottes ou de manteaux. C'est ce qu'on peut voir
dans le concile de Metz qui fut célébré en 888
(Can. vi). « Ut nemo clericorum arma porlet,
vel indumenta laicalia induat, id est, cottos,
vel mantellos sine cappa non portet; et la ici
cappas non portent, a
Ces cottes et ces manteaux étaient des habits
courts qui ne descendaient pas jusqu'aux ta-
lons; ce qui faisait que les ecclésiastiques n'en
DES HABITS COMMUNS DES ECCLÉSIASTIQUES.
58
pouvaient pas porter sans avoir en même
temps leur chape, c'est-à-dire leur habit
long. Et quoique les honnêtes gens entre les
laïques se servissent encore d'habits longs , ils
étaient néanmoins différents de la chape des
religieux et des ecclésiastiques.
III. Entre les clercs , les prêtres se distin-
guaient par l'étole qu'ils portaient toujours,
même à la campagne. Le concile de Mayence ,
de l'an 813 (Can. xxviu. Capitul. Carol. Mag.,
1. i, c. 81) , avait confirmé cet usage pour rele-
ver la dignité du sacerdoce : « Presbyteri sine
intermissione utantur orariis, propter differen-
tiam sacerdotii dignitatis. »
Le formulaire des visites cpiscopales, que
Réginon nous a conservé, ordonne que I'évè-
que s'informe si les curés portent toujours leur
étole, même en faisant leur voyage , et s'ils
n'ont pas pour l'autel une aube différente de
celle dont ils se servent pour l'usage commun.
«Si sine stola , vel orario in itinere incedat.
Si absque alba , aut cum illa alba, qua in suos
usus quotidie utitur, missam cantare prœsu-
mat (L. i, c. 62, <i(i). »
L'aube et l'étole étaient donc des habits, ou
des ornements que le prêtre ne quittait ja-
mais , même dans le commerce civil (L. vi,
c. 333).
Il cite ailleurs le même règlement sous le
nom du concile de Tribur, qui ajoute que l'ou-
trage fait à un prêtre en chemin sera puni bien
plus rigoureusement s'il avait son étole. « l't
presbyteri non vadant, nisi stola, vel orario
induti. Et ut si in itinere presbyteri spoliantur,
vel vulnerantur, aut occiduntur non stola in-
duti, simplici emendatione sua solvantur. Si
autein cum stola, tripliciter. »
Les anciennes instructions synodales des
évêques aux curés réitèrent souvent ce mande-
ment , d'avoir pour l'autel une aube différente
de celle qui sert dans les usages civils. «Nullus
in alba qua in suos usus utitur, prœsumat can-
tare missam (Append. Baluzii ad Reg., p. G03,
607, 613). »
Les Capitulaires de Charlemagne donnent
une autre raison pour obliger les prêtres à ne
jamais quitter leur étole, qui était une marque
de leur chasteté. « Ut sacerdotes slolas portent
propter signum castitatis sicut decretum est
(L. v. c. 169 . » D'où l'on peut conclure que
l'étole et l'aube étaient les deux ornements
qui distinguaient les prêtres des autres ecclé-
siastiques. Les diacres mêmes ne pouvaient
p. 'itcr ['aube qu'au ministère sacré des autels,
selon le canon du concile de Cartilage : «Ut
diaconus tempore oblationis tantum, vel lectio-
nis, alba utatur (Can. x\) »
Je ne sais s'il faut en croire l'auteur de la
vie île saint Maur, qui dit que ce saint abbé
porta l'étole pendant toute l'année de son or-
dination, parce que la coutume était telle.
« Stolam juvia morem indesinenter primo to-
rchât anno. »
IV. Il sera encore plus aisé de juger des ha-
bits des chanoines ou des ecclésiastiques par
ceux que les Capitulaires de Charlemagne nous
apprennent avoir été ordinaires aux moines, et
que leur abbé même devait leur fournir ; en
voici le dénombrement :
« Camisias duas, tunicas duas, cucullas duas,
cappas duas unusquisque monachorum ha-
beat ; quibus vero necesse est , addatur et ter-
tia. Et pedules quatuor paria, femoralia duo
paria , roecum unum , pelliceas usque ad talos
duas, fasciolas duas, vuantas in aestate, rauffu-
las in hieme vervecinas, calciamenta diurna
paria duo, subtalares per noctem in aestate
duas , in hieme vero soccos (Addit. i, c. 22). »
Il y a bien de l'apparence que ce règlement
fut fait pour un pays froid. La règle de Crodo-
gangus particularise une partie de ces mêmes
habits pour les chanoines, a la moitié desquels
elle veut qu'on donne tous les ans des chapes
et des tuniques de laine neuves, à savoir aux
anciens qui donneront aux plus jeunes celles
qu'ils quittent. « Illa dimidia pars cleri qui se-
niores fuerint , annis singulis accipient cappas
novas, et vestes laneas novas, et alia pars dimi-
dia cleri, illas cappas et vestes veteres, quas
illis seniores sui singulis annis reddunt, acci-
pient (Cap. xli). »
Je laisse les autres habits de dessous dont il
est parlé ensuite. Les autres règlements que
Crodogangus donna aux chanoines pour la
modestie de leurs habits ont été empruntés de
lui par le concile d'Aix-la-Chapelle et nous les
avons rapportés ci-dessus (Cap. xnu).
On peut tirer cette conséquence de ces pas-
sages que nous venons d'alléguer, que des ha-
bits des moines la seule cuculle était défendue
aux chanoines et que la chape était un habit
commun à tous les moines, aux chanoines, aux
curés et aux ecclésiastiques en général , à qui
le manteau était aussi universellement dé-
fendu, aussi bien que la cotte, comme étant
des habillements affectés aux séculiers. La
Ml
DU SECO>D ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.
forme des chapes paraît encore dans celles des
religieux Bénédictins.
Depuis ce temps-là les ecclésiastiques ont
donc quitté leurs chapes, et ont pris le man-
teau des laïques, et même leurs cottes, quand
ils se servent de casaques. Il est néanmoins
bien probable que lorsque les ecclésiastiques
commencèrent à user de manteaux ou de
cottes, ils se firent encore remarquer par la
modestie des couleurs dont ils les portèrent,
évitant celles dont l'éclat serait propre à entre-
tenir la vanité. C'est ce que le pontifical ro-
main leur prescrivait. « Nullus vestrum rubeis
aut viridibus, aut laicalibus vestibus utatur
(Baluzius in Append. ad Regin., p. 643). »
L'auteur de la vie de saint Odon a remarqué
que les moines ayant été chassés de leurs mo-
nastères par les irruptions et les violences ef-
froyables des Normands, et s'étant retirés parmi
leurs parents, après que leurs habits monasti-
ques furent usés, ils en prirent d'autres de cou-
leur bleue : « Fracta vestimcnta cum quibus de
monasterio exierant , denuo non induebantur
similia, sed colorata, quœ nos vulgo dicimus
blava (Bibl. Clun., p. 42, 43). » C'est peut-être
du clergé qu'ils empruntèrent cette couleur
bleue, ou bien le clergé l'emprunta en même
temps qu'eux des séculiers.
Le même saint Odon, abbé de Cluny, ra-
conte que le comte Gérald , au commence-
ment de sa conversion, s'habilla comme les
ecclésiastiques, d'un habit de lin et d'un habit
de fourrure par dessus. « Vestimentis autem
pelliceis super vestibus lineis utebatur, quia
genus istud indumenti soient clerici vicissim
et laici in usum habere (Ibid., p. 89).»
Les laïques usaient aussi de ces sortes d'ha-
bits , mais les couleurs en étaient différentes ,
aussi bien que le prix.
Le même saint Odon raconte ailleurs qu'un re-
ligieux qui portait un capuchon bleu fut sévè-
rement châtié pour cet excès ; et il assure que
les laïques mêmes étaient scandalisés de voir
que les religieux affectassent d'user de couleurs
éclatantes. « Eis igitur qui in humilitatis ha-
bilu jactantiam coloris quaerunt, illud prophe-
ticum congruit, lions mulieris meretricis facta
est tibi (Pag. 235). »
V. Eginhard nous apprend, dans la vie de
Charlcmagne, quels étaient les habits ordinaires
des laïques en France, et ce qu'il en dit ne sera
pas inutile pour nous éclaircirsurla forme et la
couleur deceux dont usaient Les ecclésiastiques.
« Veslitu patrio, id est, Francisco utebatur;
ad corpus camisiam lineam, et feminalibus
lineis induebatur, deinde tunicam quœ limbo
serico ambiebatur, et tibiâlia. Tum fasciolis
crura, et pedes calceamentis constringebat, et
ex pellibùs lutrinis thorace confecto, humeros
ac pectus hyeine muniebat , sago veneto ami-
ctus et gladio semper accinctus, etc. l'eregrina
induinenta quamvis pulcherrinia respuebat,
exceplo (iuod semel Adriano pontifice petente,
et iterum Leone supplicànte, longa tunica et
chlamyde accinctus, calceis quoque Romano
more formatis induebatur [Du Chesne, tom. n,
p. 102). »
Voilà deux sortes de tuniques ou de soutanes,
l'une longue et l'autre plus courte. Celle-là
qui était la romaine, était vraisemblablement
celle des ecclésiastiques , et l'autre celle des
séculiers. Ce sayon violet est ce qu'on ap-
pelle ci-dessus une cotte ; nos casaques ou jus-
taucorps en approchent. C'est ce qui était dé-
fendu aux ecclésiastiques, comme étant un
habit militaire. Les bandes ou éeharpes sup-
pléaient au défaut du haut de chausse de drap,
car les caleçons étaient de toile, « feminalibus
lineis. » Les jarretières sont les restes de ces
bandes. Il mettait encore un habit par dessus
les fourrures , ce que les ecclésiastiques imi-
tèrent ensuite avec leur surplis.
Le moine de Saint-Gall fait une description
un peu différente des habits de cet empereur.
Je n'en prendrai que ce qu'il dit de son man-
teau royal , dont la forme était néanmoins
commune à tous les Français : « Ullimum ha-
bitas eorum erat pallium, canum vel sapphi-
rinum, quadrangulum, duplex, sic formatum,
ut cum imponeretur humeris, ante et rétro
pedes tangeret , de lateribus vero vix genua
contegeret (Ibid, pag. 121). »
Il ajoute que les Fiançais commençant à se
conformer aux Caulois, quittaient peu à peu
ce manteau long violet, et prenaient leur saye
mi leur cotte, « virgata sagula, » comme un
habit plus commode et plus propre à la guerre.
VI. Comme le climat de l'Italie est plus
chaud, le pape Zacharie ne prescrit aux évê-
ques , aux prêtres et aux diacres en allant par
la ville et aux champs qu'une soutane, où une
tunique longue, ne les en dispensant que dans
des longs voyages.
Voici ses termes et son décret dans un con-
cile tenu à Rome l'an 743. (Can. m) : «Ut
episcopus, presbjter, et diaconus saeculari in-
DES HABITS COMMUNS DES F.CCU. SI ASTIQUES.
:,7
(liiiiiciito minime utantur, nisi u1 condecel .
tunica sacerdotali. Sed nec dum ambulaverit
in civitale, aut in via, aut in plateis sine ope-
rimento praesumat ambulare, praeter si in iti-
nere longo ambulaverit. » Alton a inséré ce
décret dans son capitulaire.
\ II. Il est temps de passer à l'Eglise grecque,
où le concile VII général condamne toute la
pompe et tout l'éclat des habits dans la per-
sonne des évoques et des ecclésiastiques . les
soumettant aux peines canoniques, s'ils conti-
nuent d'en user, ou d'user de poudres et de
parfums. « Omnis jactantia et ornatura eorpo-
ralis aliéna est a sacrato ordine. Eos ergo epis-
copos, vel clericos qui se fulgidis et claris ves-
tibus ornant, emendari oportet. Quod si in hoc
permanserint, epitimio tradantur. Similiter
eos qui unguentis inunguntur. (Can. xv . »
L'impiété des iconoclastes s'était particuliè-
rement déchaînée contre la modestie des ha-
bits noirs et vils des religieux , qui étaient les
plus invincibles défenseurs des saintes images.
Ce concile décerne les mêmes peines contre
ceux qui n'auront pas du respect et de la vé-
nération pour cet habit pauvre et vil, dont la
vertu s'est revêtue ; il déclare que toute la su-
pertluité. c'est-à-dire, tout ce qui est au delà
de la nécessité des habits, est justement blâ-
mable : que les anciens ecclésiastiques se ren-
daient vénérables par la modestie de leurs ha-
bits, et n'usaient jamais de soie, ni de couleurs
éclatantes , parce que l'Ecriture relègue la
mollesse des habits dans le palais des rois.
« Igitur si inventi fuerint, deridentes eos,
qui vilibuset religiosis vestimentis amictisunt,
per epitimium corrigantur. Priscis enim I m-
poribus omnis sacratus vir cum mediocri ac
vili veste conversabatur. Omne quippe quod
non propter necessitatem suam, sed propter
venustatem aecipitur, elationis habet calum-
niam , quemadmodum magnus ait Basilius.
Sed nequeex sericis texturis vestem quis varia-
tam induebat ; neque apponebat variorum
colorum ornamenta in summitatibus vesti-
mentorùm. Audierant autem ex deisona lin-
gua, quia qui mollibus vestiuntur, in domibus
regum sunt. »
On ne peut nier que ce ne soit là une con-
damnation manifeste des habits de soie, de
tous les ornements d'or, de toutes les couleurs
d'éclat dans la personne des ecclésiastiques. En
effet, le grand patriarche Taraise, de Constan-
tinople, ôta à tout sou clergé les ceintures d'or,
le habits de soie et de pourpre, el le rendit sans
comparaison plus majestueux, el plus vénérable
par la modestie et par L'humilité . qui sont 1rs
véritables et les plus précieux ornements des
personnes religieuses.
Voici ce qu'en dit l'auteur de sa vie: « Multis
ex iis, qui erant relati in numerum clerico-
ruin . qui suos lumbos zonis cingebant aureis,
et ornati erant variis et pretiosis veslibus seri-
ceis, aurum quidem ademit; fecit autem sue-
cingere lumbos cingulis contextis ex puis
caprarum. Iisvero quitoti corpori contextas tx
iisdem tilis purpureas vestes habebant, excogi-
tatlunicasremotasacuriositate nimiaetdeliciis
ut quss essent veslitus honestus, et convenirent
iis qui Deo servire statuerunt , et profitentur
humilitatem Surius, Febr. die xxv, c. 14).»
Balsamon remarque sur ce canon que quel-
ques-uns prétendaient en éluder l'autorité . en
disant qu'il n'avait été fait que pour être op-
posé aux insultes outrageuses des Iconoclastes,
et que celte raison n'ayant plus de lieu, il fal-
lait reconnaître que la magnificence des habits
ne contribuait pas peu à faire respecter le
clergé par les laïques et à donner plus d'estime
de la religion. Mais on leur répliqua que ce
canon était d'une étendue et d'une autorité
sans bornes, et que l'observance en devait être
exacte et éternelle dans les siècles à venir,
enfin que les violements n'en seraient pas im-
punis. « Audiverunt se uon recte dicere. Est
enim canon universalis; et quœ in eo scripta
sunt, debent in sœcula saeculorum observari ;
et vim suam obtinere : et qui praeter eum vilam
instituunt. recte punientur, nisi corrigantur.»
Mil. Il est vrai que cet auteur fait ailleurs
celte réflexion judicieuse, que ce n'est pas sans
raison que le concile de Gangres a prononcé
anathème contre les moines superstitieux qui,
par une orgueilleuse complaisance en leurs
habits vils et pauvres, condamnent les ecclé-
siastiques qui portent des habits de soie , non
pas par un esprit de vanité et de mollesse, mais
par une condescendance nécessaire, qui sem-
ble exiger qu'on donne cela à la dignité, sous
le poids et les servitudes de laquelle on gémit
devant Dieu.
a Eos ergo qui propter arrogantiam et hypo-
crisin pannos induunt. et eos qui beros, seu ex
serico vestes contextas , propter possessions
honorem, non propter mollitiem vel arrogan-
tiam ferunt. contemnunt, canon anathemali
subjicit. (In Can. xu. Concil. Gangrensisj. »
58 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.
CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.
DES HABITS SACRÉS DES ECCLÉSIASTIQUES, SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAGSE ET DE SES SUCCESSEURS.
I. Défense d'employer les habillements sacrés à l'usage civil.
Quels étaient ces habillements sacrés dans l'Eglise latine.
II. Leur magnificence.
III. C'étaient autrefois des habits communs.
IV. l'es dalmatiqnes et des chasubles repliées des diacres en
certains jours.
V. rie la magnificence des habits sacrés.
VI. Divers usages de l'Eglise grecque.
Vil. Les habits impériaux accordés au sacerdoce par l'empe-
reur Constantin, dans sa prétendue donation.
VIII. Du sac, du phanolion, des ornements de pourpre.
IX. Des ornements propres aux patriarches et aux évèques.
X. Raisons mystérieuses de ces ornements et de plusieurs
autres.
XI. Des chasubles, des sacs, des étoles larges et étroites.
XU. Du manteau et du pallium.
XIII. Autres remarques du paihum des Grecs.
I. Des habits communs des ecclésiastiques,
il faut venir à ceux qui servent à l'autel.
Théodulphe, évêque d'Orléans, renouvela
dans son capitulaire (Can. xvm) les anciennes
défenses de faire servir aux usages communs
les calices, les patènes et les autres vaisseaux-
sacrés, pour ne pas imiter l'impiété sacrilège
de Balthazar, à qui une semblable profanation
ne coûta rien moins que la vie et l'empire.
Il n'est pas permis, suivant Réginon (Pag. 27),
de célébrer la sainte messe avec la même aube
qui servait aux usages communs : « Si absque
alba, aut cum illa alba , qua in suos usus quo-
tidie utitur, missam cantare praesumat. »
Riculphe, évêque de Soissons (Cap. vu), avait
tait la même défense dans son capitulaire :
« Hoc oninimodis prohibemus, ut nenio illa
alba utatur in sacris mysteriis, qua in quoti-
diano vel exteriori usu induetur. »
Les anciennes instructions synodales des
évèques à leurs curés répètent cette même dé-
fense, et représentent tous les habits sacerdo-
taux : « Nullus cantet sine amictu, alba, stola,
fanone, casula, et hœc vestimenta nitida sint ,
et ad nullos usus alios sint. Nullus in alba qua
in suos usus utitur, praesumat cantare missam
(Append. Baluzii ad Regin., pag. 603, Go7.)» Et
dans un pontifical romain: « Missam jejuni
tantum, et non in vestibus communibus, sed
sacris , amictu, alba, cingulo, manipulo, stola,
et casula, vestimentis nitidis, qua; ad alios usus
non serviant. »
On ne défendrait pas de se servir de ces
habits sacrés dans le commerce civil, s'ils n'y
avaient servi autrefois, et si quelques-uns
moins respectueux ne les y eussent encore fait
servir. Pour les approprier encore davantage à
l'autel , on les enrichissait d'or et de bro-
derie, comme il nous paraît par le testament
de Riculphe, évêque d'Elne.
« Amictos cum auro quatuor, albas quinque,
très claras, et planas duas. Roquos quatuor,
unum purpureum cum auro; zonas quinque,
imam cum auro et gemmis pretiosis, et alias
quatuor cum auro , stolas quatuor cum auro,
unam ex illis cum tintinnabulis, et manipules
sex, unum ex iis cum tintinnabulis : casulas
episcopales optimas très, annulum aureum,
unum cum gemmis pretiosis, et wantos paria
unum. »
II. Les reines mêmes consacraient leurs
royales mains à ces pieux et magnifiques ou-
vrages , comme il paraît par la lettre que la
reine Ermentrude, femmede Charles le Chauve,
écrivitàPardulus, évêque de Laon : «Stolœcu-
jus imposuistis laborem, libenter experiri cu-
rabimus, etnoxitim studehimus otium evitare.
(Lupus Ferrar., epist. lxxxix). »
Eginhard témoigne que l'empereur Charle-
magne fournit des vases et des ornements à
l'église avec une somptuosité qui égalait sa
piété et son zèle, en sorte qu'il ne permettait
pas seulement aux portiers qui sont dans le
dernier rang du clergé, défaire leurs fonctions
pendant le service divin, s'ils n'étaient revêtus
d'ornements ecclésiastiques différents des ha-
bits communs.
« Sacrorum vasorum ex auro et argento ves-
timentorumque sacerdotalium tantam in ec-
clesia copiam procuravit, ut in sacriliciis cele-
brandis , ne janitoribus quïdem qui ultimi
ecclesiastici ordinis sunt, privato habitu mi-
DES HABITS SACRÉS DES ECCLESIASTIQUES.
59
oistrare necesse fuisset. ^Du Chesne, tom. u,
pag. 103.) »
III. D'où il parait encore que la coutume de
célébrer le sacrifice avec les habits communs
s'abolissait peu à peu et par degrés jusqu'aux
moindres ministres de l'Eglise. Ce qu'on peut
encore confirmer parce que le moine de Saint-
Gall raconte du même empereur Charlemagne,
qu'il allait à la chasse avec un habit fourré de
peau de brebis de même prix à peu prés que
celui avec lequel saint Martin célébrait autre-
fois la messe : « Carolus habebat pellicium ber-
bieinum, non multum amplioris pretii, quam
erat roccns ille sancti Martini , quo pectus am-
bitus, midis brachiisDeo sacritkium obtulisse,
astipulationedivina comprobatur. (L.n, c. lu .»
En effet tous ces termes : « Alba, Casula,
Cappa, Stola, » étaient les noms des habits
communs, aussi bien que ceux des dalmati-
ques et des palliums, dont le même Charlema-
gne fit présent aux églises épiscopales d'Angle-
terre, afin qu'on offrit à Dieu des prières pour
le repos de l'âme du pape Adrien : « Aliquam
benignitatein de dalmaticis nostris , vel palliis
ad singulas sedes épiscopales direximus, in
eleemosynam donmi apostolici Adriani. (Du
Chesne, tom. Il, p. 223, 3C9.) »
Les dalmatiques étaient des habillements
royaux aussi bien que le pallium, comme nous
en assurent les Annales de Fidde , quand elles
représentent Charles le Chauve, empereur,
avec les habits des empereurs de la Grèce :
« Nam talari dalmatica indutus , et balleo de-
super accinctus, pendente usque ad pedes, etc.»
IV. Alcuin dit que les dalmatiques lurent
substituées parle pape Sylvestre aux coules,
colobia , qui n'avaient point de manches :
« l'sus dalmaticarum a beato Sylvestro insti-
tuas est. Nam antea colobiis utebantur. Colo-
biiiui vëfô est vcstis sine manicis. Cum ergo
nuditas bracbiôrum calparetur, a beato Syl-
vestro dalmaticarum repertus est usus. Est
autrm vestimentum in modum crucis. (Dedi-
vinis Offic, c. xxxix.) »
Cela peut servir à expliquer ce que le moine
deSaint-Call vient de nous dire que saint Mar-
tin avait autrefois dit la messe ayant les bras
nus.
Le même Alcuin ajoute que les dalmati-
ques avaient les manches fort larges, et qu'aux
jours que le diacre n'usait point de la dalmati-
que, il ne ceignait le corps avec la chasuble,
pour être plus dispos aux fonctions de son mi-
nistère, et pour montrer qu'il est l'exécuteur
universel des mandements de l'évêque : « Dia-
conus, qui non est indutus dalmatica, casula
circumcinctus legit , ut expedite possit inini-
strare; vel quia ipsiusest ire ad comitatum,
propter instantiam necessitatis. »
Ce passage d'Alcuin mérite une réflexion
toute particulière , parce qu'il nous développe
la raison d'un usage fort singulier dans l'Eglise.
Le diacre, au lieu de la dalmatique, qu'il quitte
presque tous les dimanches de l'A vent et du
Carême , se couvre d'une chasuble, mais en la
façon qu' Alcuin le représente, s'en ceignant le
corps, afin d'être plus libre cl plus dégagé dans
l'exercice de ses fonctions. « Casula circum-
cinctus legit. »
Il est vraisemblable que ceux qui n'ont pas
agréé cette mode de se ceindre avec la chasuble
ont inventé l'étole large, qui tint lieu de la
chasuble pliée et ceinte à l'entour du corps.
Ainsi la dalmatique ayant été originairement
un habit impérial, ou au moins d'une émi-
nente dignité , on ne trouva pas bon que les
diacres s'en servissent tous les jours, et aux
jours qu'on la leur ôta, on leur rendit la cha-
suble, qui était l'ancien ornement.
V. Revenons à la magnificence et à la somp-
tuosité des vases sacrés et des ornements
sacerdotaux. Saint Odon, abbé de Cluny, ne
désapprouve que la vanité de ceux qui ne sont
passionnés que pour cet éclat extérieur qui
frappe les yeux des hommes charnels , et qui
négligent en même temps de purifier leur
cœur, pour se rendre agréables aux yeux de la
vérité éternelle. «Nonnullivanitatisstudiodediti
auratis et accuratis vestibus , et vasis pretiosi
metalli ad hoc sanctum mysterium celebran-
dum delectantur. Qui bene quidem facerent,
si corda sua pariter in divinis oculis ornaient.
(Collât., 1. u, c. 34.) »
Il faut donc référer à la gloire de Dieu toute
celte pompe extérieure de riches ornements,
qui réveillent en nous le souvenir et l'amour
des véritables richesses de la pieté intérieure.
« Qui auteni pulchritudini vasorum , vel ve-
slium studet, ad solius Dei laudem in faciat. »
Quant aux religieux propriétaires, qui amas-
sent des trésors pour les consacrer à l'autel ,
c'est avec beaucoup de justice que ce saint
abbé blâme ce désordre . et proteste que ces
offrandes ne peuvent être agréablesàCelui au-
quel ils avaient voué le trésor incomparable de
la pauvreté volontaire.
co
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.
VI. Venons aux Grecs. Ignace, patriarche de
Constantinople, voulut être enterré avec la
chape ou la chasuble de saint Jacques, qu'on
lui avait envoyée de Jérusalem : « Veneranduni
Jacobi fratris Domini superhumerale (=-.;..;
cum venerationeilli induunt. quod antealiquot
annos Hierosolymis sibi missum, etc. In vita
Ignatii). »
C'était l'évèque de Jérusalem, qui avait en-
voyé cet estimable présent au patriarche Ignace.
par ceux même qu'il envoyait au concile VIII
général pour y tenir sa place en qualité de
légats. Voici les tenues de sa lettre, qui se lit
dans la première session de ce concile. « Pode-
rem et superhumerale cum mitra, pontilicalem
stolam sancti Jacobi apostoli , primi archie-
piscoporum , quani antecessores mei patriar-
chae circumamicti semper in sancta sanctorum
ingrediebantur, sacerdotio fungentes, qua et
ego ipse indutus sum, transmisi. etc. »
L'auteur de la vie du même saint Ignace,
remarque que Photius, faux patriarche de Cons-
tantinople . pour attacher plus étroitement les
prélats à son infâme parti , bénissait des cha-
subles et des étoles, (âfuxBôpa., ûpapw.) et leur en fai-
sait des présents. « Humeralibus, et orariis et
aliis status sacerdotalis coemptis insignibus,
secreto preces super eaquasdam, si tamen pre-
ces, et non potiusdiracexecrationes appellandse
sunt, pronuntiabat,sicque ea singulis loco
muneris largitionisque dabat. »
Le patriarche Ignace, dans la session II du
concile Vlll (Ait. i. Synod. vin , rendit la
chasuble ou le pallium aux évêques qu'il réta-
blissait en leur dignité, dont ils avaient mérité
d'être dépouillés par leur attache criminelle
au parti de Photius. « Sumens patriarcha
supcrhumeralia , tradidit eis. » Les prêtres
complices du même crime furent rétablis en
recevant leur étole : « Susceperunt a patriar-
cha oraria sua. »
VII. La donation prétendue de Constantin,
rapportée par Ralsamon, sur le Nomocanon de
Photius. fait accorder au pape tous les orne-
ments impériaux, qui sont les mêmes que ceux
du royal sacerdoce de l'Eglise : Praeterea etiam
diadema, seu coronam capitis nostri; siinul
etiam lorum , et superhumerale , quod impe-
ratorium collum circumdat ; et simul etiam
purpuream chlamydem, et tunicam coccineam
etindutnenta regia,etc. » Cette libéralité se
répand sur tout le clergé, a qui sont accordés
tous les pompeux ornements des sénateurs
romains : « Clericos sanctae Romanse ecclesiœ
ornari decernimus , et illam habere amplilu-
dinem et majestatem, quaornatus erat magnus
noster senatus, seu patritii et consules et reli-
quae dignitates. »
Cette donation ne fut pas fabriquée pour
donner quelque chose au pape, ou à ses cardi-
naux, mais pour donner une origine plus
haute et plus éloignée à tous les avantages
dont ils étaient déjà en possession. Il nous
suffit de remarquer que tout le monde était
bien persuadé que les plus riches habillements
du sacerdoce de l'Eglise avaient été commu-
niques par les princes temporels qui voulaient
honorer ces honneurs mêmes , et donner un
nouvel éclat à ces ornements royaux , en les
approchant de la royauté sacerdotale et céleste
de l'Eglise.
Le patriarche de Constantinople prétendit à
ces mêmes ornements impériaux du pape,
parce que le concile I" de Constantinople com-
muniqua à la nouvelle Rome les avantages de
l'ancienne. Mais cette prétention ne réussit pas,
comme le dit Ralsamon au même endroit. Le
droit dont tous les patriarches d'Alexandrie
ont usé après saint Cyrille de porter le phry-
gium, c'est-à-dire, la mitre précieuse , a été
mieux fondé, au rapport de Ralsamon au même
endroit, parce que le pape Célestin l'avait ac-
cordé à saint Cyrille, en le faisant présider en
sa place au concile œcuménique d'Ephèse (In
Nomocan., tit. 8. c. i.)
VIII. Dans le droit oriental, Cabasilas, arche-
vêque de Durazzo, demande si l'on peut ajou-
ter au sticharion , et au phaenolion de pourpre
les figures des rivières et des croix en brode-
rie qu'on ajoute aux ornements épiscopaux
blancs : et si l'ornement qu'on appelle le sac,
peut être fait de pourpre. L'archevêque de
Bulgarie, Demétrius Chomaténus lui répond
que les ornements de pourpre sont toujours
simples dans l'Eglise, et qu'on n'y ajoute ni
fleuves, ni croix. (Tom. i, p. 318.) Quant au sac,
comme les pontifes n'en usent que les jours de
Pâques, de Pentecôte et de Noël, il ne peut pas
être de pourpre, puisque la couleur de pourpre
est destinée a marquer le deuil, et n'est em-
ployée dans l'Eglise qu'aux jours de jeûne et
aux mémoires des morts.
« Interrog. An consentaneum sit, in purpu-
reis pontificalibus vestimentis poni , quemad-
modum et in albis, in stichario quidem flu-
mina (cmx<*p«»ï çwvoXuw) , in phaenolio autem cru-
DES HABITS SACRÉS DES ECCLÉSIASTIQUES.
(il
ces; et an purpureus saccus fieri debeat?
Respons. Consuetudo Ecclesiae pontifîcalia pur-
purea indumenta simplavult esse, et sine prae-
dietorum lluniiinun cruciumque adjectione.
Saccum autem purpureum nequaquam novit;
quandoquidero saccus in tribus duntaxat anni
celebribusdominicis festis suum usum praebet
niinirum magno Paschatis Doininico, Pente-
coste et Natali Christi. Hoc igitur satis plenam
fidem facit , saccus ut sit purpureus, necesse
non esse. Cura etiam sint Inclus insigne pur-
purea bujusmodi vestimenta. In solis enim
jejunii diebus et mortuorum memoriis. »
IX. Entre les réponses de Balsamon à Marc,
patriarche d'Alexandrie , en voici une à notre
sujet. (Ibidem, pag. 381, -2.) Comme les orne-
ments qui sont propres aux patriarches ne
peuvent être communiques aux évoques , tels
que sont le sac et le polystaurion , c'est-à-dire
la chape parsemée de croix : ainsi les habil-
lements sacrés qui sont réservés aux évèques
ne doivent point être usurpés ni par les curés,
ni par les abbés.
« Int. Licitum est, sacerdotes, quisuntabba-
tes vel protopapœ, et pontiflees super manieis
et supergenualibus insigniri, an estvetitum?
Resp. Supermauicarum , et supergenualiuin
sacratissimus amictus , solis pontiûcibus at-
tributus est , velut figuram obtinentibus
Domini et Dei Salvatoris nostri Jesu Chri-
sti. Indeque peccata etiam hominum renrit-
tunt, aliaque majora ad imitationem Christi
faciunt, quae sacerdotibus data non sunt.
Quare nec supermanicarum , nec superge-
nualium merebuntUr amictum. Nam super-
manicae figura sunt manicarum, quibus erant
constrictœ manus Domini et Dei noslri Jesu
Christi , quando ad volunlariam passionem
contendebat. Supergenuale autem figura est
lintei, quod induit Dominus , cum discipu-
lorum pedes lavit. Quemadmodum igitur quae
pàtriarcbis per indumenta gratiœ tributae sunt,
ulli alii non dantur episcopo. saccus videlicet
et polystaurion ; eos enim hiscedecorariplacuit
utpote quorum nomina referuntur in sacris
ad extrema usque orbis habitabilis : sic et epis-
copis concessa privilégia sacerdotibus non
dabuntur, ne Ecclesiasticorum privilegiorum
fiât confusio , et Creatori dicat creatura , exa>
quor tibi. »
X. Outre les raisons générales de la bien-
séance et de la magnificence des fonctions
sacerdotales, dont il fallait imprimer le respect
et la vénération dans les esprits du vulgaire,
il y avait encore des raisons mystérieuses qui
autorisaient l'usage de tous ces sacrés orne-
ments, comme nous venons d'apprendre. 2° Il
> avait des ornements particuliers et plus riches
affectés aux dignités supérieures. 3° Il y avait
des couleurs affectées à certains offices. 1" Et
tout cela était déjà d'une grande antiquité au
temps que ces auteurs écrivaient, c'est-à-dire
avant le douzième siècle.
Saint Cerraain, patriarche de Constantinople,
qui vivait au commencement du huitième
siècle, nous fait encore bien mieux connaître
la nature , la forme et les significations mysté-
rieuses de tous ces ornements sacrés. Il dit que
l'étole (g-Ox) représente l'habillement d'Aaron
qui descendait jusqu'aux pieds, et si elle est
rouge, c'est pour faire ressouvenir de l'huma-
nité de J.-C. trempée dans son propre sang.
Les prêtres revêtus d'étoles représentent les
séraphins avec leurs ailes. Les diacres, par la
légèreté des ailes de leurs étoles imitent l'acti-
vité et les courses des anges. La tunique blan-
che marque l'éclat et l'innocence de la vie
céleste des ecclésiastiques. Les cordons de la
tunique figurent les liens dont J.-C.futchargé.
Le « peritrachelium, » qui environne le col, et
« l'epitrachelium, » qui descend sur les deux
épaules, figurent les chaînes, la croix et le ro-
seau du Fils de Dieu dans sa passion. La cein-
ture marque sa divinité et son empire. La
chasuble représente la robe de pourpre dont
J.-C. fut revêtu. Le pallium de l'archevêque
figure l'étole du grand prêtre Aaron. Le pal-
lium des évèques signifie la peau de la brebis
égarée; les croix dont il est chargé montrent
la nécessité de se joindre au Fils de Dieu pour
porter sa croix.
XL Le çsXiiviov ou oawo'xiov des prêtres grecs,
à (juoi répond le terme latin « penula, » n'est
autre chose que la chasuble des Latins, en forme
de sac, n'ayant qu'une ouverture au milieu
pour passer la tète , et du reste couvrant tout
le corps, telles qu'étaient les anciennes chasu-
bles, qu'il fallait replier sur les bras de part et
d'autre. La chasuble des prêtres était ou violette,
c'est-à-dire de pourpre, pour les jours déjeu-
ne, ou blanche pour le reste de l'année : celle
des évèques était enrichie de croix. Mais cette
distinction rapportée par Siméon de Thessa-
lonique, était postérieure au temps de Balsa-
mon, qui vient de réserver aux patriarches le
Polystaurion.
ti-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.
Le sac était un ornement impérial , commu-
niqué ensuite aux patriarches et aux métro-
politains, ayant effectivement la figure d'un
sac, sans manche et sans plis, pressant le corps
de près; les patriarches même ne le portaient
qu'aux trois plus grandes fêtes de l'année.
Codin assure que les empereurs en usaient aux
jours solennels, a Quando imperator fert stem-
ma, aliud indumentum non gestat, prœter
saccum et diadema. ( De officiis aulœ Const.,
c. vi. »
L'étole commune aux prêtres et aux diacres
était appelée « orarium ; les prêtres la portaient
sur les deux épaules et la laissaient flotter de
part et d'autre , sans la lier. Les diacres ne la
portaient que sur l'épaule gauche. Mais les
prêtres avaient encore une étole qui leur était
propre, qu'on appelait « epitrachelium ; » elle
était plus large que l'autre étole, et on la liait
devant l'estomac. Enfin sur l'étole commune
le mot à-poç était écrit ou hrodé trois fois , ce
qui n'était pas dans l'épi trachelium. Ce que le
patriarche Germain a appelé «perifraehelium.»
ne semble être autre chose que l'étole étroite
des prêtres.
XII. Il y avait encore un manteau, |Mwîua«,
qui était commun aux empereurs et aux évè-
ques. Codin parle souvent de celui des empe-
reurs, « imperator induit super saccum et
diadema mandyamaureum. flbid., c.xvu. » Il
n'a pas oublié celui des évêques , « episcopi
ad honorem imperatori habendum profecti,
veneranlur illum,cum mandyis suis fluvios
habentibus :De officiis Eccl. Const., c. xx.) »
Ce manteau était une chape très-ample et
flottante de toutes part si l'étoffe ou la broderie
était à ondes, et outre cela il y avait au haut
quatre pièces ajoutées . et vers le milieu des
rubans, de couleur rouge ou blanche; et tout
cela figurait ces torrents de grâce et de sagesse
qui doivent couler, selon l'Evangile, du ventre
de ceux qui ont reçu la plénitude de l'Esprit-
Saint du sacerdoce. C'est ainsi que l'explique
Siméon de Thessalonique.
Le pallium se donnait aux évêques quand
on les ordonnait; l'étole large aux prêtres,
l'étole étroite aux diacres, le sticharion aux
sous-diacres. On leur ôtaitcesmêmesornements
en les dégradant. Nous avons déjà remarqué
que le patriarche Ignace , en rétablissant les
évêques et les prêtres, rendit le pallium aux
seconds. Lorsque le pape ou antipape Léon
déposa Benoît V, pape, et l'abaissa au rang des
diacres, il lui ôta la chasuble et l'étole, « Omni
pontificatus et presbyteratus honore priva-
mus. » Nous reviendrons à la matière du pal-
lium , après avoir remarqué , que le o stictaa-
rium » des Grecs (cTix«f>«w<rroix*Plo'0 était l'aube
des Latins, et était commune aux sous-diacres
et à tous les ordres supérieurs.
Le patriarche Germain nous a assuré qu'il
était blanc. Siméon de Thessalonique en dit
autant. Codin fait cette peinture de l'archi-
diacre du palais. « Gestans consuetum sibi sti-
charium, et super ipsum pbelonem, casulam,
non autem epitrachelium , sed orarium. (De
officiis Eccl. Const., c. îx). » N'étant que diacre,
il ne pouvait pas porter l'étole large; mais
parce qu'il était l'archidiacre du palais, il por-
tait par privilège la chasuble. Les sticharions
étaient de couleur de pourpre ou violette en
carême, excepté aux jours de l'Annonciation,
des Palmes et du grand samedi, selon le même
Codin.
XIII. Le pôlystoriufn, dont il a été aussi parlé,
n'est autre chose que le pallium, ou omopho-
rion des évêques. Ce n'est qu'une bande large
environ de quatre doigts ou un peu plus , qui
environne le col, et descend devant l'estomac
par-dessus la chasuble, jusqu'au-dessous des
genoux, toute parsemée de croix (L. i, ep. 136).
On le donne à tous les évêques de l'Eglise
grecque quand on les ordonne , et Isidore de
Péluse dit qu'il est tissu de laine et non de lin,
afin de représenter plus proprement la brebis
égarée, que le bon Pasteur rapporte sur ses
épaules.
Le VHP concile général fit une sévère répri-
mande aux évêques qui portaient ce pallium ,
en toutes sortes de lieux et de temps , « quovis
tempore divini sacrificii, aut quacumqué èecle*
siastica functione, » au lieu que les canons ne
leur permettent d'en user qu'à des temps et des
lieux réglés, « certis statisque temporibus et
locis. »
Isidore de Péluse a remarqué que pendant
qu'on récitait l'évangile, qui est la parole
vivante du Pasteur éternel, l'évêque déposait
le pallium entre les mains d'un diacre, et Si-
méon de Thessalonique dit qu'il ne le repre-
nait que pour communier au corps et au sang
de J.-C. Dans les messes où l'on ordonnait un
évèque, le célébrant portait le pallium durant
la cérémonie de l'ordination.
Voilà ce qui se dit communément du pallium
ou de polystaurion des Grecs. Zonare néan-
DES HABILLEMENTS DES CLERCS DANS LA VIE CIVILE.
Oit
moins assure que les évêques de Césarée ,
d'Ephèse, de Thessalonique et de Corinthe
ayant été déclarés exarques, c'est-à-dire primats
ou petits patriarches, ce fut comme une suite
nécessaire de leur laisser porter le polystau-
rion dans leurs églises. « Quibus eliam proptc-
rea prorogative nomme polystauria in suis
ecclesiis gestare permissum est [In Can. xvu,
Calced.). » Nous tâcherons dans la suite île con-
cilier ces contrariétés.
CHAPITRE CINQUANTIEME.
DES HABILLEMENTS DES CLERCS DANS LA VIE CIVILE, DEPUIS LAN MIL JUSQU A L AN' MIL TROIS CENTS.
I. Règlements des conciles du onzième siècle sur la couleur,
la figure et l'étoile des babits des ecclésiastiques.
II. Règlements du douzième siècle sur le même sujet.
lli. Règlements du treizième siècle sur la même matière.
IV. Explication des canons du coucUe de Latran sous Inno-
cent III.
V. Ces décrets confirmés par d'autres conciles.
VI. Les dalmatiques défendues.
VU. Nouveaux règlements contre les habits courts ou ouverts.
VIII. Divers règlements des conciles d'Allemagne.
IX. Confirmation de tous les canons précédents contre les
habits ou trop courts ou trop longs ; ouverts par les côtés, ou
par devant ; de soie, ou de fourrure précieuse ; de couleur verte,
ou rouge; avec des manches simples, ou brodées.
I. Suivant l'ordre que j'ai gardé dans les
précédents chapitres, je me propose de par-
courir par siècles les règlements des conciles,
sur les habillements des clercs, et de rappeler
plusieurs fois, mais brièvement, les mêmes
remarques. Cela me parait beaucoup plus court
et beaucoup plus utile, que de répéter souvent
les mêmes canons sur des remarques différen-
tes.
Le concile de Coyac, en Espagne, en l'an KXiO
(Can. m), ordonna seulement aux clercs de
porter un habit séant à leur profession, et d'une
couleur seulement. « Yestimentum unius colo-
ris et competens habeant. » Il paraît par laque
la couleur noire n'était pas encore ou d'usage
ordinaire ou de nécessité, et qu'il suffisait que
les ecclésiastiques usassent d'habits de couleurs
modestes, et n'en affectassent pas même la
diversité. Et c'est peut-être la signification de
ce terme competens.
D'autres pourraient s'imaginer que cet habit
bienséant à un clerc , serait l'étole pour les
piètres, puisque Rathérius, évèque de Vérone,
dans sa lettre synodale, les oblige de n'aller
jamais sans étole. « Nullus sine stola in itinere
incedat, nullus induatur vestimentis laicalibus
(Conc, tom. ix, p. 1-27-2).
Le concile de Melfi, dans la Fouille, en 1089
(Can. xni), défendit aux clercs les habits décou-
pés et somptueux. « Scissis vestibus clericos
abuti ullerius prohlbemus , et ne pomposis
exuviis induantur. » Ce sont peut-être là des
habits propres aux laïques que Rathérius dé-
fendait aux clercs. En effet , l'habit long
était encore si commun entre les laïques que
les conciles ne jugeaient pas qu'il fût besoin
d'en faire une loi pour les clercs, surtout en
Italie.
II. Ce n'étaient donc que des habits modestes
qu'on leur recommandait de porter, soit pour
les étoffes, soit pour les couleurs, soit enfin
pour les découpements. Le concile de Londres,
en 1 10-2 (Can. x) : «Ut vestes clericorum sint
unius coloris, et calceamenta ordinata. » Un
autre concile de Londres, en 1 127 (Can. xn),
défendit aux abbesses les fourrures précieuses,
ne leur laissant que celles d'agneau ou de chat.
« Nulla abbatjssa vel sanctimonialis carioribus
utatur indu mentis, quam agninis, vel cattinis. »
La règle qui fut dressée dans le concile de
Troyes, en 11-28(C. lxix), pour les chevaliers du
Temple, ne leur permit des chemises de lin que
depuis Pâques jusqu'à la Toussaint, et ce fut
par une dispense à cause des grandes chaleurs
de l'Orient; le reste de l'année ils n'en pouvaient
avoir que de laine. « Cuique una camisia linea
tantum, non ex debito, sedexgratiadetur, alio
fempore laneas habeant camisias. »
Le concile de Londres, en 1138 (Can. xv),
et
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTIEME.
défendit aux religieuses toutes les fourrures
précieuses, « Variis, seu grisiis, sabellinis, mar-
terinis, hereminis. beverinis pellibus et annu-
lis aureis uti sanetimoniales prohibemus. »
Ce sont vraisemblablement ces mêmes super-
fluités que le concile II de Latran, sous Inno-
cent II, en H39 Can. iv), défendit aux ecclé-
siastiques, aussi bien que les habits coupés et
les couleurs éclatantes. « Nec in superfluitate,
scissura, aut colore vestium, intuentium offen-
dant aspectum, episcopi et clerici, etc. »
Les mêmes termes furent répétés dans un
canon du concile de Reims sous le pape Eu-
gène III, en 1 148 (Can. n), avec ordre aux évê-
ques de priver de leurs bénéfices ceux qui
n'obéiraient pas à une loi si juste. Saint Ber-
nard fit une hardie remontrance à ce pape sur
l'inobservance toujours impunie de ce canon.
« Vide si non aeque ut prius, pellicula discolor
sacrum ordinem décolorât; si non ut prius
scissura enormis pêne inguina nudat , etc.
Nempe habitu milites, quœstu clericos, actu
neutrum exhibent (Bern. de confid., 1. m). »
Le concile de Londres, en 1 173, recommanda
seulement la modestie et l'honnêteté des habits
et des chaussures. « Vestimentis vel calceamen-
tis, nisi quae honestatem et religionem deceant,
uti non liceat. »
Le concile d'York, en I L94 (Can. vi), défendit
aux prêtres les chapes à manches, comme peu
séantes à leur rang. « l't sacerdotes non in
cappis manicatis incedant, sed in vestibus suo
ordini congruis. »
Le concile de Montpellier, en 1193, sembla
souffrir des manches, mais il en bannit les or-
nements d'or ou d'argent, et ordonna aux prê-
tres, et même aux diacres et aux sous-diacres,
selon l'ancienne coutume, de porter tous leurs
habits fermés par devant, si ce n'est qu'allant
a cheval, ils fussent nécessités d'en user autre-
ment.
« Manicas vestimentorum suorum quotidiano
lilo non consuant, nec argenti, vel alius metalli
laminas ipsis apponant, etc. llli quoque qui
sunt in sacerdotio constituti , clausa semper
ferant indumenta, nisi in equitando aliud fa-
cere compellantur , etc. Contirmavit legatus
consuetudinem locorum, et ne interniitteretur,
sub anathematis intermiiiatione prohibuit, tjui-
bus clerici etiani in minoribus, subdiaconali
et diaconali ordini bus constituti, clausa con-
sueverunt hactenus vestimenta déferre. »
Il se pourrait bien faire que j'aui'ais mal
exprimé le sens de ce canon, et qu'il faudrait
l'expliquer selon le vieux style, ou par ces ter-
mes. « qui sunt in sacerdotio constituti ; » il
faudrait entendre tous les ordres sacrés, et par
conséquent ce seraient les ordres mineurs qu'on
exprimerait ensuite. En effet, rien n'a été si
souvent inculqué à tous les ecclésiastiques que
cette obligation de porter leurs babils longs
fermés de tous côtés. Ce sont ces ouvertures ou
ces découpements qui ont été condamnés dans
tous les conciles ci-dessus rapportés, et qui
nous restent encore à citer.
Ainsi il y a de l'apparence que non-seulement
les tuniques que nous appelons soutanes, mais
aussi les chapes qu'on portait par -dessus,
quand on allait en ville, étaient fermées de
tous côtés. Ce qui s'entend aussi des surplis et
des manteaux.
Eudes de Sully, évêque de Paris, dans ses
constitutions, en parle ainsi. « Prohibeturuni-
versis sacerdolibus sine amictu, scilicet cappa,
vel pallio, vel superpellicio, et comité clerico
vel laico intrare domos aliénas, aut discurrere
per vicos et plateas, et ne babeant cappas ala-
tas, et vestes inordinatas. »
Ces chapes à ailes sont probablement les
chapes à manches que nous venons aussi de
voir condamner dans le concile d'York. La
chape était donc aussi bien sans manches que
celle dont on use encore dans l'Eglise, mais
toute fermée par devant, comme la chasuble,
qui était une chape close de tous côtés, comme
on le voit encore dans toutes les anciennes
sacristies. Cet évêque de Paris s'explique encore
plus nettement dans un article suivant, contre
les chapes à manches qu'il défend aux curés
et à leurs prêtres. « Prohibetur sacerdotibus,
ne habeant capellanos habentes cappas, mani-
calas sicut nec ipsœ personœ debent babere
(Art. xiu, xxxiv). »
Les constitutions de C.allon, qu'on avait cru
évêque de Paris, mais qu'on a reconnu depuis
être ce légat du pape Innocent III, en France,
dont parle Higord en 1208; ces constitutions,
dis-je, défendent fort expressément ces chapes
à manches , les chapes fourrées et les vête-
ments de couleur rouge ou verte, sans excepter
de celte défense les archidiacres, les prévôts,
les archiprêtres et les doyens qui commen-
çaient apparemment à se distinguer par cette
singularité affectée.
« Prohibemus ne sacerdotes de cœtero cappis
manicatis utantur; et ne constituti iu sacris
DES HABILLEMENTS DES CLERCS DANS LA VIE CIVILE.
>;:,
ordinibus manicas consutitias, sotulares rostra-
tos, vestesque rubri coloris habeant, etc. Deçà-
nis quoque, archipresbyteris et archidiaconi-
bus, ne vestes rubri coloris, vel virides babere
praesumant, etc. Ne cappas foratas habeant
manicatas (Can. m, iv). »
III. Le concile d'Avignon (Can. xviii), qu'on a
placé en l'an 1:209, défend aux chanoines régu-
liers les étoffes de soie et de couleur, et les
chapes à manches. Mais aux ecclésiastiques
séculiers, il ne défend que la soie, le rouge, le
vert et les habits ouverts par devant. Ce qui
fait voir comme peu à peu on se relâche en
quelques articles.
En effet, on avait d'abord défendu en géné-
ral à tous les ecclésiastiques de porter des
chapes à manches et toutes les couleurs un
peu trop brillantes ; ici on ne défend ces cha-
pes à manches qu'aux chanoines réguliers, et
de toutes les couleurs on ne défend à tous les
ecclésiastiques que le rouge et le vert ; enfin
pour les étoffes on ne leur défend que la soie.
Le concile de Montpellier, en 121 i Can. i. m ,
ordonne à l'évèque de porter toujours un habit
long, un rochet de lin par-dessus quand il sort
de chez lui à pied ou qu'il parait chez lui en
cérémonie, outre le manteau ou la chape liée
par devant avec des rubans.
a Episcopus talaribus vestimentis et camisia
linea super alios pannos, extra domum suam
si pedes vadat, semper utatur. Et idem obser-
vât in domo, cum curiam publiée cum extra-
neis tenet. Chlamidem quoque talarem habeat
super scapulas consutam more Romano , vel
cum laqueis constrictam super pectus ita ut
laquei ante pectus palmi longitudinem non
excédant. »
Et quant à tous les ecclésiastiques, ce concile
leur interdit les souliers et les habits rouges
ouverts, les manches cousues, les chapeaux four-
rés, les chapes à manches, surtout que l'habit
de dessus ne soit point ouvert par devant.
« Nullus clericus indumentis vel caligis ru-
beis, vel viridis coloris, vel manicisconsutitiis,
vel capellis forratis, vel annulo, vel cappa uta-
tur manicata. Archidiaconi vero, decani, can-
tores,'et alii qui in Ecclesiis cathedralibus, vel
conventualibus obtinent personatus, superio-
rem vestem sive lanea sit . sive linea , clausam
habeant et talarem. Quod et observari volumus
a clericis cnram habentibus animarum. »
Remarques à faire sur ces canons : 1° Les
couleurs verte et rouge ne sont point interdites
aux évoques, mais seulement aux autres clercs,
en quelque dignité qu'ils puissent être. Le
rouge n'était donc point encore réservé aux
cardinaux, et les évoques en usaient quelque-
fois, comme nous les avons vu user du vert
jusqu'à nos jours.
2° On commence à exprimer que les babils
des ecclésiastiques doivent descendre jusqu'à
terre, ce qui est une marque que les honnêtes
gens du siècle commençaient à se vêtir assez
souvent de court, ce qui portait les ecclésiasti-
ques à se donner la même liberté, contre l'an-
cien usage, que les Romains avaient fait passer
dans toutes les provinces de l'Occident, et qui
n'avait encore pu s'effacer.
3° Cet habit de dessus qui doit être fermé
par devant, et qui est ou de laine ou de lin,
nous apprend que les chapes, dont il est ici
si souvent parlé , étaient de la même figure
que les surplis, qu'elles descendaient jusqu'aux
talons, et qu'elles étaient fermées de tous côtés ;
aussi bien que les surplis.
4° Non-seulement les surplis, les chapes, et
tous les habits de dessus devaient être fermés
de tous côtés, mais aussi les tuniques ou les
soutanes, au moins pour les chanoines régu-
liers, puisqu'on s'était déjà relâché sur ce point
pour les autres ecclésiastiques.
Voici le décret de ce même concile sur les
chanoines réguliers : « Tunicas non habeant
curtas, vel apertas ab anteriori, vel posteriori
parte, sed longas, et clausas. »
IV. Le concile de Latran,tenu sous Inno-
cent III en 1215 (Can. xvi), répandra beaucoup
de lumière sur tout ce qui a été dit. On y or-
donne que les habits de dessus ne soient ni
trop longs, ni trop courts, ni verts, ni rouges,
et qu'ils soient fermés de tous côtés. « Clausa
déférant desuper indumenta, nimia brevitate,
vel longitudine non notauda. Pannis rubeis aut
viridibus non utantur. Cappas manicatas ad
ilivinum officium intra Ecclesiam non gérant,
sed nec alibi qui sunt in sacerdotio, vel perso-
natibus constituti, nisi justi causa timoris exe-
gerit habitum transformari. »
Ceci ne regarde que les clercs; ainsi les
évêques pouvaient user d'habits rouges ou
verts.
Les chapes à manches ne sont ici défendues
que dans l'église, pendant l'office, ce qui s'y
observe encore exactement. C'est un adoucis-
sement, car les canons plus anciens ne rece-
vaient pas cette limitation. Il est vrai que ce
Tu.
Tob. IL
C6
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTIÈME.
canon les défend encore aux prêtres , et à tous
ceux qui sont en dignité , même hors de l'é-
glise ; mais il leur permet d'en porter, quand,
pour éviter quelque péril, il est juste en quel-
que façon qu'ils se travestissent, et qu'ils pren-
nent une chape à manches , comme les sécu-
liers.
Ne paraît-il pas de là que les chapes , dont
il est parlé dans tous ces canons, étaient les
mêmes dans l'usage civil et dans l'Eglise ?
Ainsi de celles qui restent aujourd'hui dans
l'Eglise, ou peut conjecturer quelles étaient les
autres. Il y avait cette double différence entre
celles des ecclésiastiques et des laïques, que
celles des ecclésiastiques devaient être sans
manches, et fermées de tous côtés.
Ce canon passe ensuite aux évêques, à qui
il ordonne de porter toujours dans l'église et
en public leur rochet de lin . si ce n'est qu'ils
soient religieux. Car ils doivent en ce cas por-
ter l'habit delà religion. «Pontitices in publico
et in ecclesia superindumentis lineis omnes
utantur; nisi monachi fuerint, quos oportet
déferre habitum monachalem. »
Cet habit de lin sur la tunique, qui est de-
meuré aux évoques et aux chanoines réguliers,
était autrefois commun à tous les ecclésiasti-
ques, au moins aux ordres sacrés; on laissa
ensuite la liberté d'en prendre un de laine en
sa place : enfin le commun des ecclésiastiques
l'a tout à fait quitté hors de l'église. Cela se
doit conclure des canons , où il en a été parlé
ci-dessus.
Ce canon passe au manteau des évêques,
qu'il ne peut souffrir tel qu'on le porte pré-
sentement, tout ouvert et sans agrafe. « Pal-
liis diffibulatis non utantur in publico, sed
vel post collum , vel ante pectus bine inde
connexis. »
V. Ce décret fut renouvelé dans plusieurs
conciles particuliers , et surtout l'article des
chapes fermées , pour les ecclésiastiques qui
sont en quelque dignité. Comme dans le con-
cile d'Oxford en 1-2-2-2 (Can. xxxu) et dans celui
de la même ville en 1-2:17 (Can. xiv). « Cappis
clausis utantur in sac ris ordinibus constituti,
maxime in ecclesia, et coram prselatis suis, et
in conventibus clericorum, et ubique in paro-
chiis suis, qui cum animarum cura Ecclesias
susceperunt. » D'où on peut confirmer toutes
les réflexions précédentes.
l.e concile de Tours, en 1-239 (Can. in), laissa
le choix d'une chappe clause, ou d'un manteau
qui passait apparemment des évêques aux prê-
tres, et était fermé de tous côtés. « Ne sacerdo-
tes in publico procédant, nisi in cappis clausis,
vel mantellis. » On y ajoute que la robe qui se
met sur la tunique doit aussi être fermée.
« Clausa etiam habeant supertunicalia. » Je
l'explique d'une robe à manches, qui se portait
dans sa maison comme le manteau, où la
chape close sans manches se portait en public,
ainsi que ce même canon en fait foi. Or que
cette robe eût des manches , on le voit dans le
concile de Cognac en 1238 (Can. xxv). « Ne
supertunicale déférant regulares, nisi clausum
et etiam manicatum. »
Le synode de Worcester, en 1-240, publia
ces statuts, comme aussi la défense de la soie,
de la couleur verte et de la rouge. Les défenses
de la soie devenaient plus fréquentes , parce
que la soie se rendait aussi plus commune,
ayant été auparavant très-rare, même entre
les laïques.
Le concile d'Albi en 1254 Can. lxiv), ne put
endurer que les Juifs continuassent de porter
des chapes rondes, semblables à celles des
ecclésiastiques : « Clerici cappis rotundis ex
more utuntur. » 11 leur ordonna donc d'en
porter avec des manches qui fussent aussi lon-
gues que les chapes mêmes , et sans plis.
« Cappas portent deinceps Judœi manicatas ,
ita quod maniese lon^e sint adeo sicut cappœ,
nec in eisdem manicisplicaturasitaliquaatque
ruga. »
Le concile d'Arles, en la même année 1260
(Can. rai), défendit aussi aux Juifs les chapes
rondes et closes, comme étant propres aux
piètres. Le concile de Cologne en 1-260 (Can. iv)
condamna les habits ouverts par le côté ;
« aperlura vestium a latere. » C'était une nou-
velle manière d'éluder les canons.
VI. Le concile de Cognac, en 1260 (Can. m),
défendit les dalmatiques aux prêtres et aux di-
gnités du clergé, ne leur permettant que les
chapes et les robes fermées, a moins que quel-
que nécessité ne donnât lieu ta une juste dis-
pense. « Presbyteri et caetrae dignitates, perso-
natus , administrationes habentes , dalmaticis
non utantur, sed cappis clausis, et supertuni-
calia clausa portent ; nisi in parte ista pro-
babilitas, vel nécessitas ipsos reddiderit excu-
satos. »
Ces dalmatiques ne sont apparemment que
des chapes à manches, plus courtes que les
autres chapes, et ouvertes par les côtés, telles
DES HABILLEMENTS DES CLEBCS DANS LA VIE CIVILE.
67
que les portent les diacres et les sous-diacres,
mais les prêtres n'en portent jamais. Les or-
donnances synodales d'Angers, en 1264, défen-
dirent aux archidiacres, aux archiprêtres, et
aux doyens de porter des chapes à manches,
ou des tahards, si ce n'était en temps de pluie,
o Cappas manicatas, vel tabarda non déférant,
nisi sit tempus pluviale. » Ces tahards étaient
donc des habits de campagne pour le temps de
pluie. C'est d'où est venu dans l'office de l'E-
glise l'usage des chapes qu'on appelle en latin
Pluvialia, et qui diffèrent des tabards en ce
qu'elles n'ont point de manches.
VIL Le concile de Londres, en 1-2(18 (Can. v),
renouvela les anciens statuts que tous les clercs
majeurs, en dignités surtout, portassent des
chapes closes, si ce n'est qu'en voyage ils s'en
dispensassent avec raison , « nisi forte causa
itineris, vel alia causa justa honestam aliam
vestern gérant. » Mais que tous les clercs se
distinguassent des laïques par des habits qui
descendissent au moins jusqu'à mi-jambes.
« Clerici universi vestes gérant saltem ultra
tibiarum medietatem attingentes. » Les peines
contre les violateurs de ce décret vont à la pri-
vation de leurs bénéfices.
Le concile de Chàteau-Contier en la même
année 12(>8 (Can. vi) commanda aux archidia-
cres, aux archiprêtres, et aux doyens ruraux
d'user de chappes closes dans les lieux de leur
juridiction.
Voilà comme l'usage des chappes s'abolissait
peu à peu , étant réservé aux seules dignités,
et puis aux seuls lieux de leur juridiction.
VIII. Le concile de Salzbourg en 1-27 1 (Can. u)
défendit les ceintures d'or, ou d'argent , les
habits ouverts par les côtés, « Vestes non défé-
rant nisi clausas, quas omnino prohibemus a
latere aperiri ; » et les ceintures sur l'habit de
dessus, « Nec procédant in publicum circum-
cincti veste suprema. »
Le concile de Saumur en 1276 défendit aux
moineset aux chanoines réguliers les fourrures
précieuses, de petit-gris, de vert, d'écureuil et
autres. Mais le concile de Bude (Can. îv), où
présidait un légat du Saint-Siège en 1279 nous
développera sans doute beaucoup de difficultés,
et justifiera plus clairement les conjectures que
nous avons hasardées. Il y est ordonné que les
évêques allant à cheval, ou à pied en public
porteront des chapes rondes, et par -dessus
leur rochet blanc, le manteau agrafé derrière
le col, ou devant l'estomac, tiendra lieu de
chape . parce que par ce moyen il est fermé
de tous côtés.
« Prselati cum equitant, vel etiam in publico
pédestres incedunt, habeant et déférant eami-
sias albas, sive rosetas ; quas semper sub cap-
pis , sive mantellis , ante pectus , vel post
collum hinc inde connexis déférant, in pu-
blico, etc. (Can. n). »
Ce rochet était une aube qui descendait jus-
qu'à terre, comme les termes l'insinuent. Si ce
ternie Rosetas signifient qu'elles peuvent cire
de couleur de rose, c'est ce que je ne sais pas.
Il est toujours certain que le manteau com-
mençait à prendre la place de la chape close,
avec la restriction qui y est marquée; c'est-à-
dire que par le moyen des agrafes il fut fermé
de tous côtés.
On permit même de porter des manteaux
tant soit peu plus courts dans les grands voya-
ges de nécessité, quand il fallait aller en cour,
ou à l'armée, avec des capuches qui en étaient
séparés, et qui ne se mettaient qu'en temps de
pluie.
« Permittimus autem quod possint habere
mantellos rotundos, sive tabarda longitudinis
moderat;e, eosque déferre, cum capuliis sepa-
ratis ah eis, tempore pluvioso, nivoso, seu
pruinoso ; et cum ad exercitus , seu curationes
aut expeditiones ex certis et necessariis causis,
a sacris canonibus minime reprobatis eos con-
tigerit proficisci. »
Ce même canon défend ensuite les riches
fourrures aux chanoines sous leurs chapes ou
manteaux; «sub mantellis, vel cappis. » Le
canon suivant défend aux dignités, aux cha-
noines, aux curés, aux prêtres, les manches
cousues, et les robes ouvertes, « Manicas ne
déférant consutitias.nec togas,sive guarnacias,
seu supertunicalia , aut quaecumque alia vesti-
menta desuper portent aperta , sed ipsa supe-
riora indumentacircumcircausquead fimbrias
déférant clausa. »
Voilà donc les robes qu'on appelle supertuni-
calia et togas, mais sans manches cousues ou
pendantes, et fermées de tous côtés jusqu'à
terre. Les collets sont encore prohibés, si ce
n'est aux manteaux de campagne. « Nulla col-
laria, nisi forte in tabardis, vel mantellis ad
equitandum, circumcirca omnino rotunda. »
Enfin on détend les boutons, ou agrafes d'or
el d'argent : « Bottones, sive fibulas aureas vel
argenteas, etc. (Can. lxii). »
Enfin ce concile commanda aux chanoines
08
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTIÈME.
réguliers de se distinguer des autres ecclésias-
tiques, en portant toujours des surplis, ou des
tuniques de lin, ou bien des chapes closes,
comme les moines doivent toujours porter
leurs chapes. « Canonici regulares sine super-
pelliceis, vel tunicis lineis, seu cappis clausis
non incedant. »
On peut voir par là, quelle était la forme des
chapes fermées de laine pour les moines, et
de lin pour les clercs. Elles étaient taillées et
fermées comme le sont les surplis d'aujour-
d'hui : car quoique le temps ait apporté beau-
coup de changement dans ces surplis, par rap-
port à la longueur, puisqu'anciennement ils
allaient jusques à terre, ou en a néanmoins
conservé la forme.
IX. Le synode de Cologne en 1280 (Cap. i, m)
condamna les habits trop courts, ou trop longs,
de couleur verte ou rouge, et les manches ou
les souliers ouvrés : « Pannis rubeis aut viri-
dibus, manicis aut calceis consutitiis non utan-
tur. »
Les chapes à manches y sont défendues aux
religieux , et encore plus aux religieuses. Il
m'était échappé de dire que le concile de Lon-
dres, en 1268 (Can. v), défendit aux clercs les
habillements de tête , qu'ils appelaient des
coiffes : « Nec nisi in itinere constituti, insu-
las, quas vulgo coifas vocant, portare présu-
mant. »
Le concile de Lambeth, en 1581 (Can. xxul,
réitéra la même défense, parce que les mauvais
ecclésiastiques s'en servaient pour cacher leur
couronne , comme s'ils rougissaient des mar-
ques glorieuses d'une céleste royauté. « Tena
coronas abscondunt, quasi caelestes radios re-
pellentes, etc. Legatus contra portantes infulas,
aut tenas, statuit ut, etc. »
Le synode d'Exeter, en 1287 (Cap. xvu), fit
la même défense, « Coronas déférant sphœricas,
quas infulis cooperire prohibemus sub prcna
Oltoboni legati, etc. »
On couvre aujourd'hui la couronne d'une
calotte sans craindre aucune de ces peines,
parce que cette calolte n'est point une marque
qu'on rougit du sacerdoce. Tout le monde sait
que la calotte n'est employée aujourd'hui que
pour garantir du froid . et non pour cacher ou
pour dissimuler son état.
On condamne aussi dans ce synode les ha-
bits verts, ou rouges, oude soie, ou de diverses
couleurs, ■ Induant se clerici vestibus unius
coloris et non varii, nec permixti. » On y obli-
gea les prêtres à porter des chapes ou des
robes fermées, « Cappis et supertunicis utantur
clausis. »
Enfin tous les clercs sacrés qui n'auraient
pas les moyens d'avoir une chape ou un
manteau sur leur tunique, furent obligés de
porter au moins un habit long de dessus fermé
de tous côtés, a Superindumentis saltem utan-
tur clausis. ut a laids discernantur. »
Quoique les habits '.courts se rendissent de
jour à autre plus communs entre les laïcs, il y
en avait néanmoins encore un fort grand
nombre qui conservaient l'ancien usage des
habits longs à la romaine.
Ce n'est pas que ces laïques, qui conser-
vaient l'ancien habit ne portassent un habit
long comme les ecclésiastiques; mais cet ha-
bit, quoique long, avait plusieurs différences.
Quelques ecclésiastiques attachés aux amuse-
ments du siècle, comme il s'en trouve toujours
faisaient tous leurs efforts pour anéantir ces
dilférences, et laïques d'inclination ils vou-
laient l'être encore par leurs habits. Les évê-
ques et les synodes s'y opposaient.
L'habit long des laïques était fendu et ouvert
de tous côtés, et les ecclésiastiques mondains
affectaient que leur habit le fût aussi, quoique
l'Eglise l'eût défendu et eût multiplié pourcela
ses anathèmes, Ce n'est pas qu'il soit impor-
tante la religion qu'un habit soit ou fendu, ou
cousu, mais il importe à l'Eglise qu'un clerc
ne paraisse pas se repentir de l'état qu'il a em-
brassé; qu'il n'aime pas mieux ressembler aux
laïques qu'aux ministres de J.-C, et qu'il ne
manifeste pas des inclinations séculières par
une affectation à porter l'habit séculier.
C'était par la même raison qu'on défendit
les chapes à manches , chapes qui déjà com-
mençaient à faire discerner les laïques d'avec
les ecclésiastiques. Le synode de Chichester, de
l'an 1289, les proscrivit comme des marques
d'un luxe et d'une vanité toute séculière :
« Ne cappis manicatis vel aliis indumentis le-
vitatis et lascivia? notam praetendentibus utan-
tur publiée. » Ce n'est pas qu'il y eût du luxe
ou de la vanité à porter des manches ; mais il
y en avait certainement dans les ecclésiastiques
qui ayant honte de l'habit de leur état vou-
laient suivre les modes qui s'introduisaient
parmi les laïques.
Puisque les canons étaient si sévères pour
condamner de légèreté et de luxe les manches
des chapes, à plus forte raison en condam-
DES HABILLEMENTS DES ECCLESIASTIQUES DANS LA VIE CIVILE.
69
naient-ils les couleurs trop recherchées, connue
le rouge et le vert, les fentes décousues, les
manches postiches, les souliers brodés et autres
ornements inutiles. C'est l'esprit du synode de
Saintes, de l'an 1298 (Can. i), lorsqu'il con-
damne « sotulares consutitios etmanicas. »
L'histoire de l'ahhaye de Saint-Martin-de-
Tournay nous fait remarquer que dans le
onzième siècle l'habit ordinaire de tous les
ecclésiastiques était Liane, comme celui des
moines était noir. « Cum monachorum niger
sit hahitus, clericorum vero candidus (Can.
xxxiu et c.xxiu; Spicileg., tom. xu, p. .îOri). »
Pour trouver cela exactement vrai, il faut se
rappeler le temps où les moines d'Occident
étaient presque tous sous la règle de saint Be-
noît : il faut prévenir la naissance des reli-
gieux de Citeaux , qui ont été appelés les
moines blancs, et qui sous ce nom se sont
beaucoup multipliés dans le monde. On pour-
rait aussi soupçonner que les clercs dont il
est parlé dans ce passage ne sont pas différents
des chanoines réguliers.
CHAPITRE CINQUANTE-UNIEME.
DES HABILLEMENTS DES ECCLÉSIASTIQUES DANS LA VIE CIVILE, DEPUIS L*AN MIL TROIS CENTS
JUSQU'AU SIÈCLE PRÉSENT.
I. Règlements des conciles du quatorzième siècle sur les ha-
bits longs, d'une couleur, fermes de tous cotés, les robes traî-
nantes, les bonnets, les aumusses.
II. Suite du même sujet. Des habits pour la campagne, des
robes boutonnées, des longs chaperons, des soutanelles.
III. Règlements des conciles du quinzième siècle. Adoucisse-
ments pour les habits fendus, pour les manches pendantes. Des
habits des évêques.
IV. Règlements des conciles du seizième siècle. Décrets de
saint Charles sur les habits de soie, les soutanelles, le manteau,
le mautelet, le chaperon, la couleur noire des habits.
V. Du chapeau et du chaperon.
VI. Des collets, des manchettes, de la couleur noire, des
bonnets ronds et carrés. Des chapeaux.
VII. Les rois, les grands, les nobles portaient autrefois l'ha-
bit long ou romain, qui était celui des ecclésiastiques. Preuves.
VIII. Nouvelles preuves.
IX. Remarques générales sur ce qui a été dit.
X. Règles d'uniformité parmi ces diversités et ces chan-
gements.
I. Nous n'avons presque pas rencontré dans
le chapitre précédent aucun règlement des
conciles, ou des prélats d'Italie pour les vête-
ments communs des ecclésiastiques. On peut
croire que les anciens usages s'y conservaient
plus exactement, comme dans le lieu de leur
naissance , et dans !e propre séjour de la mo-
narchie et de l'Eglise romaine.
Ce furent aussi des légats envoyés de Borne
qui vinrent en Angleterre, en France et en Al-
lemagne, rétablir les anciens habits de la gra-
vité romaine et de la modestie cléricale. Enfin
le seul concile de Latransous Innocent III a été
la règle de tous les statuts qui se sont depuis
répandus et confirmés dans le reste de l'Occi-
dent.
Commençons par l'Italie. Le concile de Ba-
venne, en 1314 (Can. x), pour distinguer les
clercs des laïques, ordonne aux clercs des ha-
bits longs clos de toutes parts, et d'une couleur
permise par les canons. « Nec vestimenta alte-
rius coloris, quam jure permissi, qu;e desuper
clausa sint, atque talaria. » Ils doivent couvrir
leur tète d'un bonnet, ou d'une aumusse jus-
qu'aux oreilles. « Capita cooperiant pileo vel
birelto, velarmutia oblonga ad aures. » Enfin
les dignités, les chanoines, les curés et les
prêtres ne doivent point paraître en public sans
chape, ou sans manteau, a Cappas vel chla-
mydes portent. »
A la campagne on leur permet des robes
longues, qui avaient apparemment des man-
ches : « saltem tabardos talares portent. »
Dans l'église il doivent porter des chapes
noires, ou des surplis blancs. « In ecclesia
utantur cappis nigris, vel saltem cottis albis. »
Ce qui sert à entendre quelles étaient les
chapes de l'usage civil.
70
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.
Le concile de Rayonne, en 1317 (Can. iv),
répète les mêmes statuts, si ce n'est qu'il per-
met les robes tabardos dans la ville même.
Colvener, dans ses notes sur Thomas de Chan-
tepré, dit que tabard est un mot flamand, et
signifie une robe qui descend jusques aux
talons.
Le concile de Sens, en 1320 (Can. îv), défen-
dit les souliers rouges, verts ou blancs, et les
aumusses de velours. Le concile de Palence,
en Espagne, en 13-22 (Can. vi), défendit aux
évoques même les habits de soie, et les robes
même à cheval, où il ne leur laisse que la
chape et le rochet de lin. « Succas lineas in
publico, et cumeos equitare contigerit, nulla-
tenus tabardos, sed cappas déférant et capellos
su;e dignitati congruentes. »
Le concile de Tolède, en 1324 (Can. n), con-
damna les robes traînant jusqu'à terre :
« Nullus clericus supertunicale vel tabardum
déferai ita longum, quod si ad pedes contingat
nullatenus tamen per terrain traliatur ; cum
hcec non honestas, sed supertluitas et indecen-
tia censeatur. » 11 condamna les manteaux
traînants des clercs : oClerici ne mantellos seu
chlamydes nimia longitudine notandos, etc. »
Le concile de Tarragonne, en 133«(Can.Tar.,
1. m. tom. i), régla les personnes et les temps
des babils de deuil. « Ne clericus in sacris or-
dinibus constituais, induat se de nigro, seu de
vestibus lugubribus per inortem alicujus, nisi
fuerit pater, vel mater, l'ra ter aut soror, aut
dominus, quas etiam ultra duos menses por-
tare non possit. »
Le concile général de Vienne condamna les
habits de diverse couleur, « virgatam vel par-
titam vestem (In Clément, m, tom. i, c. 2) , »
mais il avait permis les épitoges, ou robes,
pourvu qu'elles ne fussent (tas si courtes et que
l'habit de dessous parût notablement. « Epito-
gio seu tabardo foderato usque ad oram, et ita
brevi , quod vestis inferior notabiliter videa-
tur. »
Renoît XII , prescrivant une règle aux cha-
noines réguliers de saint Augustin, en 1339,
nous apprend que les chapes étaient confon-
dues avec les manteaux, et portaient le nom de
cloches et rotondes, à cause de leur figure,
étant fermées de tous côtés, et descendant jus-
qu'à terre, au lieu que les robes ou tabards
étaient plus courts et à manches.
« Ne extra septa portent alias vestes, super
babituin, quam cappas, seu mantellos hone-
stos, vel redontellos, sed clochias talares, etc.
Vestis superior habitui proxima, sit rotunda
per circuitum, et non scissa, etc. Abusum man-
ticarum, seu tabardorum, notabilem haben-
tium brevitatem prohibentes, etc. (Can. xix).»
Dans l'église, le chapitre et le réfectoire ils
doivent porter l'aumusse au lieu de capuche;
au reste et l'aumusse et le capuche doivent
être de même couleur que la cloche, et de la
même étoffe si l'aumusse est d'étoffe.
IL Le concile d'Avignon, en 1337 (Can. xlii),
commanda aux chanoines, aux dignités, aux
curés et aux chapelains, de porter les habits de
dessus fermés, et d'une longueur raisonnable,
avec des manches rondes et honnêtement lon-
gues, et avec des capuches médiocrement ou-
verts, o Vestes superiores clausas, non nimia
brevitate notandas, cum manicis decenter lon-
gis pariter et rotundis; ac capitiis seu capsanis
vulgariter appellatis, notabiliter non aperlis
aut magnis. »
Voila donc l'habit de dessus vestis superaria
distingué de celui de dessous , ou de la tuni-
que, que nous appelons soutane , subtanea
vestis. 2° Les manches sont permises, parce
que cette distinction n'était plus nécessaire,
les laïques étant presque tous vêtus de court.
3° C'est pour distinguer les prêtres, les cha-
noines et les dignités, d'avec les autres clercs
inférieurs, qu'on leur ordonne de porter des
habits de dessus fermés de tous côtés , soit
dans l'église, soit dans les lieux où ils ont ju-
ridiction.
Tous ces changements se peuvent encore
mieux découvrir dans le concile de Londres,
en 1342 (Can. n), où l'on défend aux clercs les
habits militaires fort étroits avec des manches
fort larges et pendantes, « habita superiori
stricto notabiliter, cum excessive longis, vel
latis manicis, cubitos non tangentihus, sed
pendulis, etc. epitogiis ac clochis furratis, etc.»
Au contraire on leur permet des robes ouver-
tes et à manches, et même quand ils vont aux
champs des habits courts : « Nolumus prohi-
bera quin clerici apertis et patentibus super-
tunicis aliter mensibus nuncupatis, cum ma-
nicis compotentibus , etc. Du m per patriam
iter faciunt, brèves et strictas vestes, etc. »
Le concile de Paris, en 1346 (Can, n), inter-
dit aux clercs les souliers rouges et verts, les
aumusses de velours, les habits froncés et
et trop ouverts, les inanches trop longues, les
boucles d'argent aux souliers. « Vestibus frons-
DES HABILLEMENTS DES ECCLÉSIASTIQUES DANS LA VIE CIVILE.
71
satis, nimium fissis sotularibus ad boucletas
argenteas , sive longis manicis vel corne-
tis, etc. »
Le concile d'Angers, en 1365 (Can. xii, xiu),
s'opposa à une nouvelle vanité ; au lieu des
chapes ou des manteaux fermés on commen-
çait d'en porter de boutonnés : « Cum fuerif
ordinatum in concilio Turonensi, ne presby-
teri prodeant in publicum sine cappis vel
mantellis clausis, et quod etiam portent clausa
supertunicalia, etc. Nos prohibemus, ne vestes
brèves, vel botonatas ante pectus in publico
déférant. »
On défendit aussi aux ecclésiastiques les
boutons et la longueur excessive des chaperons.
« Née caputia cum longa cornèta, sed brevi et
honesta, et botonibus in caputiis non utan-
tur. b Enfin, on mit à L'amende les plus petits
clercs qui portaient des chaperons boutonnes,
ou des habits qui ne desceiuleraient pas au
moins jusqu'au genou. « Vestes longas, ad mi-
nus usque ad genu propendentes. »
Le concile de Lavaur, en 1368 (Can. xlvii .
« Vestes superiores clausas déférant, nisi con-
tingeret equitarë, ne caputia déférant, boto-
nata, nec beccas longas, et strictas manicas
supertunicales taies déférant, quod non possint
de inhonestate notari. »
Je ne sais si par ces mots Beccas longas il ne
faut point entendre ce qu'on appelait alors
Chape! à 6ec, parce qu'il avançait d'un côté en
pointe pour faire ombre au visage. Aussi on
l'appelait umbella, muntm, et l'usage semblait
en être venu de l'Italie et delà Grèce.
Le concile de Salzbourg, en 1386 (Can. vi),
défend aux clercs de paraître en public sans
chaperon, ou sans bonnet; «Nec sine caputio
capitis, birreto, capello, vel pileo cooperto
praesumant in ecclesiaseuin publico incedere,
cum hochonestatem non deceat clericalem. »
Il est malaisé de deviner si tous ces noms
signifient une même chose. Mais il est clair
que dans l'église et en public dans la ville on
usait du même chaperon, ou du même bon-
net.
Le concile d'York (Can. vu) condamna les
soutanelles en ville, « Vestes publiée déferre
prcesumpserunt, deformiter deeurtatas, mé-
dium tibiarum suarum, seu genua nullate-
nus attingentes. »
III. Martin V. dans le concile de Constance,
eu 1418 (Sess. xnn , condamna les manches
pendantes, les habits traînants et fendus der-
rière et par les côtés, av< c des fourrures à ces
ouvertures. « Manicas ad cubitum pendentes,
et longas cum sumptuosa superfluitate vestes,
etiam tissas rétro, et in lateribus, cum fodera-
turis ultra oram excedentibus etiam in lis-
suris, etc. »
Voilà où toutes les Eglises occidentales
s'étaient alors réduites, en se relâchant de tant
de luis et de tant de défenses, qui ont été rap-
portées dans le chapitre précédent; on ne parle
plus de chapes, on ne défend plus les manches,
ou ne se met pas en peine de rendre les man-
teaux semblables aux chapes, on ne se met plus
en peine de distinguer les robes, les manteaux
et les chapes, on se contente d'habits longs,
modestes et fermés de tous côtés.
Le concile de Saltzbourg, en 1 120, (Can. vi),
ajouta encore quelque chose aux adoucis-
sements de ce canon, permettant de faire un
peu ouvrir les habits par devant, pour marcher
plus commodément dans la ville, et de les
ouvrir devant et derrière pour aller à cheval,
a Aperturas a latere omnino non habentes, nec
rétro: ab anteriori tainen parte propter ma-
jorem ambulandi commoditatem ad altitu-
dinem unius palmae cum média vestes non
prohibemus aperire. Vestes etiam ad equitan-
dum deputatas ante et rétro poterunt honeste
tamen aperire. » Mais on ajouta aussi cette
défense, de porter des habits trop justes, et
pressés contre le corps, ordonnant d'en porter
d'un peu plus amples et a plis: « Non strictas
et corpori bene adjacentes, sed bene amplas et
aliquantum plicatas. »
Le même statut du concile de Constance fut
réitéré dans celui de Copenhague, en 1423.
Le concile de Paris, en 1 -129 (Can. ix), n'obli-
gea les évoques à porter le rochet que dans
l'église, et d'une longueur médiocre : « l'tantur
in ecclesia vestibus lineis , seu rochetis, non
nimia brevitate, seu longitudine notandis. » Il
leur enjoignit aussi de porter leur chapeau
pontifical quand ils vont à cheval par la ville,
comme c'est l'usage de la cour romaine. Enfin,
il défendit aux ecclésiastiques les soutanes de
couleur rouge, ou verte, ou traînantes, ou
ouvertes, si ce n'est jusqu'au genou. « Nec
scissas a parte posteriori, seu anteriori, nisi
usque ad genua. »
Les mêmes lois furent prescrites dans le
concile de Tortose en Espagne, en 1429 Can.i),
avec celte addition qu'aucun ne portera des
fourrures de vair, ou de petit-gris aux habits
72 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.
et aux chaperons, si ce n'est les prélats, les
docteurs, les licenciés, les nobles, les chanoines
des cathédrales, et ceux qui ont quelque di-
gnité. « Etquod praelatis, doctoribus , magi-
stris, Iicentiatis et nobilihus, et cathedralium
ecclesiarum canonicis, dignitatemque vel per-
sonatum obtinentibusduntaxatexceptis, nullus
audeat in vestibus aut caputiis foderaturam
portare de variis, vel grisis, etc. »
Le concile de Râle (Appendic. i,Conc, Basil.,
c. 4), proposa les mêmes règles, de n'user
point de couleurs vertes, ni rouges, point de
manches pendantes au coude, point d'ouver-
tures derrière, ni devant, ni à côté des habits
longs, point de lourrures aux extrémités.
Le concile de Frisingue, en 1440 (Can. iv),
défendit le rouge et le vert, voulut que l'habit de
dessus couvrît entièrement ceux de dessous, et
fût fermé de tous côtés, enfin qu'on portât le
bonnet sur la tète, et lecbaperon sur les épaules
quand on irait par la ville. « Birreturn capiti
superpositum, cum caputio humeris imposito
portare, ipsis in publico deambulantibus. »
Le concile de Rouen, en 1445 (Cap. xxxu), dé-
fendit les longues cornettes aux ebaperons :
« Ne longas et amplas cornetas in suis caputiis
déférant, sed brèves et décentes. »
Le concile de Tolède, en 1473(Can.v,vi, vin),
obligea les évoques de porter toujours le rochet
en public ; « veste linea snperiori in publico
semper utantur ; » leur défendit les habits de
soie ; défendit aux ecclésiastiques qui sont ou
dans les ordres sacrés, ou bénéficiers, les habits,
les chaussures et les souliers verts, rouges ou
blancs. Enfin, il interdit à tous les clercs des
ordres sacrés ou bénéficiers, de porter jamais
des habits de deuil, sur de grandes peines.
« Ulterius luctuosas vestes induere clerici, in
sacris ordinibus constituti, vel beneficiati non
audeant. » En général il déclara les clercs
déchus du privilège clérical, s'ils portaient des
habits de diverses couleurs, ou qui ne descen-
dissent pas jusqu'à mi-jambe. « Vestem supe.
riorem non virgatam, neque partitam, ad me-
dietatem tibiac, vel fere declinantem défé-
rant, etc. »
Le ordonnances synodales de Paris, en 1495
(Synod. Paris., p. 68, 69, 77, 80, 81, 295, 297),
défendent aux curés de porter le chapeau
quand ils portent le Saint-Sacrement aux ma-
lades; elles ne leur permettent que le capuchon
ou l'aumusse.
Etienne Pencher, qui fut fait évêque de Paris
en 1503, défendit absolument le chapeau à
tous les ecclésiastiques, même dans la ville. A
quoi il ajouta un renouvellement des anciens
règlements, contre les couleurs éclatantes, et
les habits trop longs ou trop courts. Eustache
du Bellay défendit encore les chapeaux par fis
rues mêmes de la ville, et commanda que les
habits fussent de couleur noire, ou appro-
chante : oNigii coloris, aut ad nigruin proxime
accedentis.
Le concile de Latran, en 1514, sous Léon X
(Sess. ix), obligea les cardinaux de ne point
souffrir dans leur maison de bénéficier, ou de
clerc sacré, avec des habits de diverses cou-
leurs, ou de prêtre dont l'habit ne descendît
jusqu'à terre.
IV. Le concile de Sens, en 1528 (Can. xxui,
xxiv), ordonna que l'habit des ecclésiastiques
fût entièrement fermé : « Vestitus clericorum
non sit expectoratus, sed a collo desuper un-
dique clausus, a manicis, lateribus, et rétro. »
Qu'il ne pût être de soie, si ce n'était pour les
ducs ou princes. Qu'il ne fût ni vert, ou rouge,
ni froncé ou varié, enfin qu'il descendît jus-
qu'à terre. Le concile de Mayence, en 1540
(Can. lxxiv), dit : « Ne vestes varii coloris ; velut
virgatas, aut fimbriatas, aut discissas déférant,
sed talaribus utantur . »
Le concile de Trente (Sess. xiv , c. 6), n'a
recommandé aux clercs que la bienséance, la
modestie dans leurs habits, et 1 eloignement de
se conformer aux laïques.
Le concile de Narbonne, en 1551 (Can. xv),
défendit les habits de soie, si ce n'est aux évo-
ques, aux abbés et aux dignités éminentes, les
manches ouvertes, les sontanelles, si ce n'est
à la campagne ; les chemises froncées, et les
couleurs extraordinaires, il enjoignit surtout
aux curés de porter toujours en public le
bonnet rond et le chaperon. « Pileo rotundoet
ephestri sive capitio praeipue parochi, etc.»
Le grand saint Charles, dans ses conciles de
Milan (Conc. i Mediolan.,an. 1565, c. xvn,xxin),
ne permit aux évoques ni la soie, ni les four-
rures de prix, ni de paraître sans rochet en
public, ou sans mozette en particulier. Il ne
permit aux ecclésiastiques que la couleur
noire, si ce n'est que la dignité dont ils sont
revêtus en demandât une autre. « In onini
vestitu color tantum niger adhibeatur, nisi
fortasse alium colorem requirat dignitatis
gradus. » Point de soie, point de calotte, si ce
n'est pour les infirmes, et sans attaches : « Re-
DES HABILLEMENTS DES ECCLÉSIASTIQUES DANS LA VIE CIVILE.
7.1
tieulum ant subbirretum ut vocant, ne ferant,
nisi valetudinis causa, et sine redimiculis
(Conc. Mediolan.,11, c.34, au. 1569 . » l'oint de
chemises froncées ou ouvrées au bras et au
col. Les habits longs jusqu'à terre, point de
soutanelles, si ce n'est en voyageant, point de
manteau court, si ce n'est en temps de pluie.
et sur la soutane. Lemantelet plus court que la
soutane, n'est permis qu'aux prélats, abbés et
protonotaires. Le manteau de même longueur
que la soutane est accorde aux chanoines et
aux docteurs. Il est détendu à ceux qui ne sont
pas encore tonsurés de prendre l'habit clérical
sans la permission de l'évêque par écrit. « Ne
cuiquam, antequam prima tonsura is initietur
clericalem habitum sumere liceat, sine epi-
sco|)i concessu, eoque scripto dato (Conc.Medio-
lan., m, au. 1573, c. 10 . »
Les curés des villes et des gros bourgs
doivent porter le chaperon sur l'épaule en
public, pour se distinguer des autres ecclé-
siastiques.
Les évêques doivent porter leur rochet et
leur camail même à la campagne dans leur
diocèse, même avec la soutanelle et le manteau
court; ils doivent se vêtir de noir aux jours de
jeûne, et de violet en un autre temps (Conc.
MedioL, iv. part. 2, c.xv, part. 3, c. i).
Il est défendu à tous les ecclésiastiques de
prendre des habits de deuil, même pour la
mort de leur propre père. « Ne parenlum gui-
dera obitu vestes lugubres more laicorum
induat (Conc. MedioL, v, c. -4). »
L'évêque, dans son propre diocèse, ne doit
paraître devant un cardinal, un légat, un
visiteur apostolique, ou devant son métropoli-
tain, qu'avec un mantelet par-dessus son
rochet. « Ne rochetum detectum ferat, sed su-
periori veste contegat Ibid., c. h). »
Le pape Sixte IV. envoyant un légat en
France, l'avait chargé de faire recevoir en
France l'usage du mantelet : Non incedendo
eu m roquetis diseoopertis in praesentia supe-
riorum suornm, et cardinalium (Rainald.,
an. 1 183, n. 36 . » Mais nos évêques ne se ren-
dirent pas à cette coutume, qui leur paraissait
nouvelle et étrangère dans ce royaume.
Voilà les premiers conciles, où la couleur
noire soit prescrite aux ecclésiastiques, le
violet réserve aux évêques, l'habit clérical in-
terdit avant la tonsure, la calotte défendue, le
chaperon commandé aux cures: les habits de
deuil avaient déjà été interdits aux clercs.
L'usage du mantelet n'a 'pas passé en France.
Le concile de Malines, en 1570, ordonna
aux clercs qui sont dans les ordres sacres, de
ne paraître en publie qu'avec un bonnet sacer-
dotal, et un habit long, e l'ileum sacenlofalcin
et vestero gestent talarem. »
Le concile de Reims, en 1583, voulut que
tous les clercs portassent une soutane jusqu'à
terre, sous le manteau long ou court, point
de chemise froncée, point de chapeau dans
l'église, ni même par la ville, si ce n'est en
n auvais temps. « Galero nunquam quidem in
timplis, in plateis vero et viis publicis, nisi
propter aeris intemperiem non utantur. »
V. Tous les canons, où l'usage des chemises
plissées et froncées est défendu aux clercs, se
doivent a mon avis entendre de ces plis que
l'on porte au col et aux mains, à l'extrémité de
la chemise, à l'endroit où on la relevait ancien-
nement. Nous en portons aujourd'hui qui ne
tiennent plus aux chemises, qui sont des
collets au col, et des petites manchettes aux
mains. Il n'y a pas même longtemps que l'on
ne portait que des collets , et ces petites man-
chettes qui tenaient aux chemises se relevaient
sur l'extrémité des manches de l'habit de laine
ou de lin, pour en essuyer les sueurs et la
poudre.
Ce sont ces manchettes plissées que l'on
défend ici, et que les clercs exacts observateurs
de l'ancienne discipline se défendent volon-
tairement.
Au commencement du dix-septième siècle
de l'Eglise il y avait beaucoup d'ecclésiastiques
qui s'interdisaient l'usage de ces sortes de
manchettes.
Ilyaen effet dans ces plis quelque chose
qui approche trop de la vanité, et dont les
ecclésiastiques doivent s'éloigner, obliges qu'ils
sont par la sainteté de leur état, d'éviter plus
soigneusement les vanités mondaines.
Voilà la première distinction du chapeau et
du bonnet ou du chaperon. Les chaperons
avaient été communs aux clercs et aux laïques
comme l'unique habillement de tète pour la
vie civile. Ils couvraient la tète, et pendaient
encore sur les épaules.
Nous venons de voir qu'on sépara ces
deux parties, dont ils étaient composés, puis-
qu'on obligea les curés de porter le chaperon
sur l'épaule. Les laïques avaient retenu le
bonnet qui couvrait la tète, et avaient laissé
cette autre partie qui entourait le cou et pen-
74 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.
dait su ru ne épaule. Les clercs se distinguèrent
en conservant ces deux parties séparées; et
cette distinction fut enfin toute propre aux
pasteurs, aux docteurs et à d'autres personnes
extraordinaires, parce que le commun des
ecclésiastiques se conforma aux laïques, ne
retenant que le bonnet. Les laïques s'avisèrent
enfin de porter le chapeau dans la ville même,
quoique ce n'eût été qu'un habit de campagne
contre le mauvais temps. Alors on commença
à faire une loi pour les ecclésiastiques de porter
le bonnet, et non pas le chapeau dans la
ville.
Voilà l'éclaircissement des deux statuts que
nous venons de rapporter des conciles de Malines
et de Reims.
VI. Les décrets des conciles de saint Charles
furent bientôt répandus dans les royaumes
voisins de l'Italie.
Le concile de Rordeaux, en 1583 (Can. xxi),
ne défendit pas seulement la soie et les chemises
froncées au cou et aux mains, ou brodées :
« Indusia ad collum et ad manus crispata, et
in multipliées sinus contracta, aut arte elabo-
rata ne déférant : » mais aussi toutes les au-
tres couleurs hors la noire, si ce n'est pour des
personnesélevées en dignité. aAlteriusvequam
nigri coloris, nisi causa dignitatis id eis liceat. »
Je ne parle plus des habits longs, parce que
depuis environ l'an 1300, le commun des
laïques ayant quitté les habits longs, il a tou-
jours depuis fallu, par de fréquents décrets,
arrêter l'impétuosité des ecclésiastiques à imiter
les séculiers, et à préférer la commodité à la
bienséance.
Depuis la fin du concile de Trente et le con-
cile de Milan, on ne s'amuse plus à défendre le
vert, le rouge et les autres couleurs d'éclat, on
commande absolument la couleur noire.
On ne défend pas les collets et les manchettes
à plis, mais on défend les chemises froncées au
cou et aux mains, ce qui est la même chose, si
ce n'est que lescolletset les manchettes tenaient
autrefois à la chemise, et on a mieux aimé
depuis les en séparer.
Les collets plats et les manchettes sans plis et
toutes unies , ont paru moins contraires aux
anciens canons depuis l'an 1 450, ou 1500. Aussi
on leur a donné plus d'approbation.
Les soutanelles ont été permises en certaines
rencontres dans les concilesci-dessus rapportés.
Saint Charles en usa lui-même dans ses pèle-
rinages, selon Giossano (Giossano., 1. vi, c. 6).
Les mêmes choses se peuvent remarquer
dans le concile de Tours, en 1583 (Can. xm, iv).
« Camisiis in collo et pugnis rugosis uti non
Iicet. Togis talaribus, non tamen sericeis, nec-
non birretis, non vero galeris, prreseriim in
ecclesia utantur. »
Quand on interdit l'usage du chapeau, prin-
cipalement dans l'église, c'est une marque
qu'on se relâche en quelque façon et qu'on
souffre, quoiqu'avec peine qu'on le porte dans
la ville.
Le concile de Rourges, en 1581, défend
encore les manches pendantes et coupées, les ha-
bits de soie et d'autre couleur que de la noire ;
les chemises glissées au cou et aux mains ;
« lndusiis ad collum vel manus crispatis aut
exquisite elaboratis non utantur. » Enfin, le
chapeau est défendu hors du mauvais temps.
« l'ileum quadratum , sive birretum semper
gérant in ecclesia, et extra ecclesiam nisi quo-
ties caeli injuria urgebit (Tit. xxv, c.2, 3, 4, 5).»
Voilà le bonnet carré ; Pasquier a remarqué
que ce fut peu avant son temps, que de rond
on le fit carré.
Le père Molinet, dans sa dixième réflexion
sur les chanoines, remarque que dans les tapis-
series de Sainte-Geneviève, en 1845, les novices
et les jeunes religieux n'ont que des bonnets
ronds, et les anciens des carrés. On sait qu'une
communauté très-célèbre , qui fut instituée
dans le même temps, garde encore la même
distinction.
Les auteurs de la vie de saint Charles ont
remarqué le temps auquel ce saint prélat per-
suada au clergé de Venise de laisser l'ancien
bonnet rond, et de prendre le bonnet carré
(Giossano. 1. vi, c. m). Ces mêmes ordonnan-
ces empruntées des conciles de saint Charles,
se peuvent encore lire dans le concile d'Aix,
en 1585 (Tit. de Honestate etvita Cleric). On y
souhaita que l'évèque portât son chapeau pon-
tifical sur son bonnet (cela vient du temps que
les bonnets étaient ronds), ou qu'il le fit porter
devant lui par un officier (Tit. de Par., c. m,
iv). On voulut aussi qu'il désignât quelque
marque d'honneur pour distinguer les curés
des autres prêtres en public.
Le concile de Toulouse , en 1590 , leur
assigna pour cela le chaperon dans les ac-
tions publiques. 11 renouvela aussi la dis-
tinction et la règle précédente du bonnet carré
et du chapeau. « Nusquain aut in eccle-
sia, aut per urbeni absque quadrato birreto
DES HABILLEMENTS D-ES ECCLÉSIASTIQUES DANS LA VIE CIVILE.
73
clerici conspiciantur, nisi autduriôri frigore,
aut ferventiori aestu aut nimboso aère, etc. »
L'assemblée de Melun, « l'ileos et non galeros,
milittim aut sœcularium more, geslare haud
dedignentur. »
C'est donc des soldats que l'on a tiré l'usage
des bonnets qu'on appelle en latin « gale ri, »
qui étaient des bonnets de peaux faits en forme
de casque. Ainsi ce terme « galerus, » comme
celui de « galea » qui signifie casque, tire son
origine des peaux de cbats, que l'on appelle
ainsi en grec. Ce sont les soldats qui s'en sont
servi les premiers pour se garantir des injures
du temps et dans d'autres besoins pressants.
Cetusageapasséensuiteauxlaïques, et d'abord
ta ceux qui habitaient la campagne. Enfin la dé-
mangeaison qu'ont les clercs d'imiter les laïques
leur a fait adopter l'usage de ces bonnets, qu'ils
n'ont d'abord portés qu'à la campagne, puis
ensuite à la ville contre la disposition des con-
ciles, qui leur en avaient interdit l'usage, de
peur que les clercs ne passassent des habille-
ments des soldats à leurs inclinations.
Le concile de Mexico, en 1585, permit de
porter le deuil pour deux mois seulement, à la
mort du père ou de la mère, pourvu que ce ne
fût pas tout à fait à la manière des séculiers
(L. m. tit. 5, c. vi). Le concile d'Avignon, en
159-4 (Can. xxxn), obligea les clercs sacrés et
les bénéficiers de porter au moins une sou-
tanelle et par-dessus un habit long jusqu'à
terre.
Le concile d'Aquilée, en 1396 (Can. xi), con-
damna les collets des chemises à plis : « Col-
laria camisiarum quocumque modo crispata,
seu lactucata damnamus, » et toutes les cou-
leurs, excepté la noire, « Colores alios quos-
cumque prohibemus. » Le concile de Narbonne
(Can. xli), en 1607. « Veslium omnium color
sit niger. »
On voit donc que c'est après le concile de
Trente, et après saint Charles que la couleur
noire s'est universellement établie, et on a
presque toujours excepté les dignités privilé-
giées sur ce point. Les défenses de la soie sont
devenues plus fréquentes vers ces derniers
temps, parce que la soie s'est rendue plus com-
mune. Nous en avons aussi vu les prélats quel-
quefois exceptés, mais les conciles de saint
Charles et ceux de la France qui les ont pris
pour modèles, n'ont pas agréé cette exception.
Le concile de Bordeaux, en 16-21 Can. xiii ,
défendit encore la soie à tous les ecclésiastiques
sans exception, « cujuscumque dignitatis, sta-
tus et eonditionis existant. »
VIL Après avoir parcouru la suite des siècles
et des conciles pour y remarquer les divers
changements qui s'y sont faits de temps en
temps, il ne sera pas inutile présentement de
confirmer par de nouvelles remarques les
points les plus importants qui y ont été avancés
et comme touchés en passant.
Ce qui a été dit, que ce fut environ l'an 1300
que le commun des séculiers même de qualité
commença plus ordinairement à se vêtir de
court, d'où vint que les conciles commencèrent
aussi à ordonner plus souvent aux clercs les
habits longs, et à négliger d'autres différences
qu'on avait auparavant affectées pour distinguer
les clercs des laïques, c'est sans doute le point
le plus important et qui mérite le plus d'être
fortifié de nouvelles preuves.
Jean XXII nous en fournit une excellente
dans la remontrance paternelle qu'il fit au roi
de France Philippe, sur ce qu'il avait quitté les
habits longs, dont ses augustes prédécesseurs
avaient toujours usé. « Pulchrum crederemus
aut congruum, si ad excellentis regalis orna-
tum, epitogium longum ex nunc indueres, ut
te tais in hoc progenitoribus conformares (Rai-
nald., an. 1317, n. &). » Ce sont les termes de
la lettre de ce pape au roi. On pourrait croire
que le roi profita des avis charitables du pape,
puisque plus de cinquante ans après le jeune
roi Charles VI, fut aussi blâmé de l'éloigne-
ment qu'il témoignait avoir des habits longs.
Voici comme en parle le moine de Saint-
Denis qui a écrit sa vie, de la traduction de
M. le Laboureur. On le blâme aussi de n'avoir
pas gardé la gravité de ses ancêtres, qui ne se
montraient guères qu'en leurs habits royaux,
d'avoir pris à regret le long manteau, et la
tunique trainante jusques sur les talons, et
d'avoir préféré aux marques de la majesté
royale la bigarrure de toutes sortes d'étoffes de
soie, qui ne le distinguait pas assez de ses cour-
tisans, et qui le rendait trop attaché à leurs
modes (L. vm, c. 2, an. 1388).
Ce passage ne parle certainement que des
temps et des habits de cérémonie, où il est
vrai que les rois se montraient encore en habit
long. Au moins de ce texte il paraît que les
courtisans avaient quitté les habits longs dans
l'usage commun.
Voici précisément le temps où ce change-
ment d'habits se fit. Le continuateur de la
7G
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.
chronique de Nangis, dit en l'an 13 iO, que ce
fut en ce temps-la que les Français, surtout les
nobles et les riches bourgeois, commencèrent à
porter des barbes longues et des habits courts
el si pressés contre leurs corps, qu'ils se ren-
dirent ridicules au petit peuple.
« In temporibus istis incceperunt homines, et
specialiter nobiles, utputa nobiles scutiferi, et
eorum sequaces, sicut aliqui burgenses, et
quasi omnes servientes. sei[)SOS in vobis et ba-
hitu deformare. Nam gestare eœperunt robas
curtas, et ita brèves, quod quasi eorum nates
et pudenda confusibiliter ap|)arerent. Quae fuit
res in populo salis mirabilis, quia antea ho-
nestius incesserant. Rarbas longas omnes viri
ut in pluribus nutrire eœperunt. lllum autem
modum quasi omnes, exceptis illis qui erant
de sanguine regio in Francis receperunt : qui
quidem modus derisionem in commuai plèbe
non modicam generavit. »
Voilà donc le temps de ce changement. Le
petit peuple avait déjà pris des habits courts;
les nobles en prirent alors , et les prirent si
courts et si pressés qu'ils furent un sujet de
risée. Les princes du sang ne changèrent pas
sitôt. Mais apparemment ils ne tardèrent
guères, puisque sous le roi Charles VI, les
habits longs n'étaient plus d'usage que dans
les cérémonies.
Or que l'habit long ne fut plus qu'un habit
de cérémonie, c'est ce que la même histoire
nous apprend dans l'entrevue du même roi
avec le roi d'Angleterre. En effet on délibéra
d'abord en quel habit ils s'aboucheraient; et
le roi d'Angleterre ayant répondu qu'il lie
fallait point de façons, ni d'habits superflus
pour une entrevue d'amitié, le roi prit un
habit court, qui ne passait pas le genou, mais
la robe du roi d'Angleterre lui battait le talon
(L. xvi, c. 7). L'an 1403, le roi alla rendre
grâces à Dieu en l'église Notre-Dame de Paris
du rétablissement de sa santé, mais on eût eu
encore plus de joie de l'y voir en habit royal,
comme il est de la décence de la majesté pour
faire différence entre lui et les seigneurs de sa
cour (L. xxiu, c. 1.)
11 est évident que l'habit long n'était plus
qu'un habit de cérémonie, surtout pour les
rois et que les personnes de qualité étaient re-
tombées dans l'ancien usage des Gaulois avant
1rs modes romaines, qui avait fait donner le
nom de « ('.allia Braccata » au royaume que
nous habitons. Car « I.racca » est un manteau
court, ou un habit court qui couvre le corps
jusqu'au dessus du genou. C'est ce (pue veut
dire Martial dans ces vers, « Dimidiasque nates
Gallica braccha tegit (Catel. hist. du Langued.,
p. 7). » Et Suétone, quand il parle des Gaulois
que Jules César fit sénateurs : « In curia Galli
braccas deposuerunt, latum clavum sumpse-
runt. »
Charlemagne n'usait communément que de
cette soutanelle, ou tunique courte, à la mode
des Français si nousen croyons Eginhard : «Ves-
titu patrio, id est Francico utebatur, ad corpus
camisiam lineam, et feminalibus lineis indue-
batur. Deinde tunicam, quae limbo serico am-
biebatur, etc. »
C'était probablement une tunique courte ,
puisqu'aussitùt après le même historien raconte
que ce ne fut que par complaisance pour deux
papes, et deux fois seulement, que ce grand
prince étant à Rome s'habilla à la romaine, en
prenant une tunique longue et une longue
veste par-dessus. « Peregrina indumenta ,
quamvis pulcherrima respuebat, née unquani
eis indui patiebatur ; excepto quod Roma;
semel Adriano pontifice petente , et iterum
Leone successore ejus supplicante, longa tunica
et chlaniyde accinctus induehatur (Du Chesne,
tom. n, p. 102).
Il est 'difficile de n'en pas croire Eginhard ;
mais je ne sais aussi comment l'accorder avec
le moine de Saint-Gall, qui faisant la descrip-
tion des babils de Charlemagne à la française,
lui donne un manteau blanc ou bleu, comme
carré long, qui allait jusqu'aux pieds devant et
derrière, et par les côtés il ne descendait que
jusqu'au genou. « Ultimum habitus eorum erat
pallium canum, vel sapphirinum quadrangu-
lum duplex, sic formatum, ut cum impone-
retur humeris, ante et rétro pedes langeret, de
lateribus vero vix genua contegeret. »
Je ne suis pas assez habile pour bien démê-
ler ces difficultés. C'est peut-être ce manteau
carré longqu'Eginbard appelle une tunique. Il
se peut faire aussi qu'au temps de Charlema-
gne les Français ne fussent pas encore ni bien
dépaysés, ni bien naturalisés aux modes ro-
maines, car c'est comme on peut appeller les
gallicanes. Aussi Charlemagne donna toujours
une pleine liberté de vivre selon la loi ro-
maine, ou selon la loi salique, c'est-a-dire
française.
Depuis, la nation française se romanisapour
ainsi dire de plus en plus, surtout par une sin-
DES HABILLEMENTS DES ECCLESIASTIQUES DANS LA VIE CIVILE.
77
gulière communication avec l'Eglise romaine ;
puisque l'empire romain ne subsistait plus
dans l'Occident. Tous les honnêtes gens s'ha-
billèrent de long ; le moine Orderic se plaint
même de la longueur superflue des queues traî-
nantes. « Humum pulverulentam interularnm
et palliorum superfluo syrmate verrunt llist.
Norman., 1. vm, p. 682). »
VIII. Je reviens à nos rois, pour dire que
Charles VII, ayant appris le décès de Charles VI,
son père, assista le lendemain à la messe revêtu
d'une longue robe et mantel d'écarlate rouge
fourré d'hermine, ainsi que les conseillers de
la cour.
Ce sont les termes deMonstrelet, en l'an 11-2-2,
desquels il faut tirer cette conjecture, que l'an-
cien habit royal était le même que fut depuis
et qu'est encore à présent celui des conseillers,
ou des présidents du parlement, et des chance-
liers de France.
Philippe le Bel cédant son palais à la justice,
orna en même temps de la pourpre et des
autres marques de la royauté, ceux qu'il ren-
dait dépositaires de l'autorité et de la juridic-
tion royale. C'est aussi le même temps auquel
nous avons remarqué, que nos rois commen-
cèrent à se vêtir plus ordinairement de court.
Alain Charlier parlant de l'entrée du roi
Charles VII, dans Bouen, habille le chancelier
des vêtements royaux : Devant le roi était
messire Guillaume Juvénaldes Ursins, chance-
lier de France, vêtu en habit royal, de robe et
chaperon fourrés , et un mantel d'écarlate.
Matthieu de Coucy se sert presque des mêmes
termes sur le même sujet : Le chancelier vêtu
de robe, manteau et chaperon d'écarlate, fourré
selon l'état royal.
Voilà comme les habits longs a la romaine,
qui étaient ceux même de la cléricalure, sont
devenus des habits de cérémonie pour les rois,
ayant été auparavant leurs habits ordinaires.
même après que les autres séculiers eurent
choisi des habits courts, et comme par les rois
ils furent communiqués aux magistrats, qui les
portent encore, et entre lesquels, au moins
dans les cours de parlement, il y eut originai-
rement un nombre d'ecclésiastiques égal à
celui des laïques.
On sait que les archevêques et évèques pairs
de France portent encore un manteau royal de
pourpre violette fourré d'hermine. Quant aux
pairs ecclésiastiques se trouvant au parlement,
ils avaient par bienséance et modestie leurs
manteaux et chaperons d'écarlate violette,
fourrés aussi d'hermine, habillement donné
par nos rois aux recteurs de l'université de
Paris Boulé. Ilist. Univer., Paris., tom. i,
p. 100). C'est ce qu'en dit André Pavin.
Il se peut bien faire aussi que les fourrures
que nous avons vues ci-dessus, si souvent inter-
dites aux ecclésiastiques, aient été accordées
par nos rois aux membres de l'université,
comme un rayon de la majesté royale.
L'histoire de Prémontré nous apprend que
l'on donnait autrefois un bonnet rouge à tous
les docteurs en théologie de l'université de
Paris, un bonnet noir aux docteurs en décret,
et que le bonnet rouge es1 demeuré aux seuls
docteurs en théologie de l'ordre de Prémontré
(Biblioth. Praemonst., p. 993).
IX. D'autres pourraient se persuader que
ces fourrures et ces couleurs extraordinaires
sont restées après tant de défenses, ou parce
qu'il demeure toujours quelques restes des
anciens usages, ou parce qu'on a jugé qu'il y
avait de justes causes de tolérer, ou d'autoriser
ces exceptions singulières. Quant à la couleur
noire, quoique nous n'en ayons point vu de
lois expresses et universellement reçues qu'a-
près le concile de Trente, il est certain néan-
moins que l'usage en était déjà établi parmi les
ecclésiastiques, qui faisaient plus particulière-
ment gloire de la modestie de leur profession.
L'ordre des Théatins fut établi en E'i-21, sous
le nom de Clercs réguliers, comme ne faisant
profession que de la vie cléricale , et de se
vêtir simplement comme les clercs : « Sub so-
lito et communi habitu clericoram (Sponde,
anno 15-24, n. 13). » On n'y voit ni collet, ni
manchettes, parce que les canons défendaient
les chemises plissées au col et aux mains.
Saint Philippe de Néri, après le milieu du
même siècle, instituant sa congrégation, con-
nue sous le nom de l'Oratoire, trouva que le
commun des pieux ecclésiastiques s'abstenant
selon les canons de chemises plissées ou
froncées aux mains et au cou, avait pris un
collet plat et tout uni, se conforma à eux. On a
ajouté depuis les manchettes plates.
Enfin les laïques ayant porté la vanité des
collets au delà des bornes, plusieurs ecclésias-
tiques pieux ont cru se distinguer encore assez
d'eux, en portant des collets plissés, mais
courts et modestes.
X. En tout cela on peut observer la constance
et l'uniformité merveilleuse de l'Eglise et de
78
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-UNIÈME.
ses plus saintes lois, parmi les diversités innom-
brables et les changements continuels des pra-
tiques extérieures.
En effet, nonobstant cette yariété presque
infinie, qui a paru dans les étoffes, dans les
figures et dans les couleurs des habits ; nonob-
stant que les mômes choses aient été si long-
temps défendues, et puis permises; ou si long-
temps permises, et puis défendues; ou enfin
en même temps permises et défendues selon la
diversité des pays et des personnes, on peut
dire avec vérité que l'esprit de l'Eglise a tou-
jours été le même, et ses saintes lois ont tou-
jours été immuables.
1° Elle a toujours eu une extrême aversion
du penchant que les mauvais ecclésiastiques
avaient à se conformer aux séculiers. Elle n'a
pas condamné les habits, mais la honte crimi-
nelle de ceux qui rougissaient du sacerdoce,
ou de la cléricalure, et la mauvaise affectation
de paraître séculiers, après avoir renoncé au
siècle.
2° Elle a toujours condamné la vanité et la
supertluité des habits ; elle a toujours recom-
mandé la modestie et l'amour de l'humilité.
Selon que les modes du monde changent, ce
ne sont plus les mêmes choses qui sont ou
vaines ou séculières. Ainsi on les souffre après
les avoir condamnées, sans avoir rien changé
dans les maximes constantes de la piété et de
la modestie.
3° Elle a toujours distingué les choses exté-
rieures d'avec l'attache qu'on y avait ; et quel-
que innocentes ou indifférentes qu'elles fus-
sent, elle a jugé que l'attache qu'on y avait
pouvait être fort criminelle.
En effet, tout ce que la Providence a créé
pour l'usage de l'homme est pur et bon en soi.
Tout est utile et pur à celui qui a la chanté,
et qui sait se renfermer dans les bornes d'une
juste médiocrité. Au lieu que rien n'est pur
entre les mains de l'ambitieux, qui renversant
l'ordre et la fin pour laquelle toutes choses ont
été créées, veut en avoir une entière jouis-
sance, lorsqu'il ne doit qu'en user simplement :
ce qui fait que conduit par ses désirs immodé-
rés il attache son affection à des choses viles
et périssables, quoiqu'il ait été créé pour n'ai-
mer que des choses élevées et éternelles : un
Dieu seul qu'il doit adorer dans toute l'étendue
de son cœur et de ses forces (I).
(1) Depuis la révolution, le pouvoir civil, ayant cru qu'il pouvait
remplacer les conciles et les papes, a touché à tous les points de la
discipline pour les régler à sa manière. Naturellement la question
des habits ecclésiastiques et du costume ne pouvaient échapper à sa
sollicitude. Voici ce que disent les Organiques :
Art. 42. « Les ecclésiastiques useront, dans les cérémonies reli-
o gieuses, des habits et omements convenables à leurs titres; ils ne
i pourront dans aucuD cas, ni sous aucun prétexte, prendre la cou-
« leur et les marques dislinctîves aux évéques.
Art. 13. « Tous les ecclésiastiques seront habillés à la française et
■ en noir. — Les évéques pourront joindre à ce costume la croix
« pastorale et les bas violets. »
Ceci nous prouve de nouveau que le gouvernement, en se faisant
canomste, n'est pas toujours exact dans ses expressions; car il faut
dire croix pectorale. Eu second lieu, en voyant les anomalies qui
eu résultent, il finira tût ou tard par comprendre que les Organiques
n'ont plus leur raison d'être. En effet, par le premier de ces deux
articles, les protonotaires apostoliques, aujourd'hui si nombreux en
France, ne pourraient pas porter, dans les cérémonies religieuses,
la manlelletta violette qui leur compète. Les chanoines de la métro-
pole d'Avignon commettraient un délit journalier en se revêtant de
leur grande cappa magna rouge cardinalice. On voit que l'article 43
proscrit la soutane. Et cependant quel est le prêtre employé dans le
ministère qui oserait sortir avec l'habit à la française, quand sur-
tout les statuts diocésains lui prescrivent rigoureusement la soutane ?
L'habit à la française, orné d'un petit mantelet, n'est plus porté
qu'à Rome par la prélature, qui y ajoute les culottes courtes, les bas
violets, les souliers à boucles d'argent et le chapeau triangulaire.
Pour être juste, nous devons ajouter qu'un arrêté du ministre des
cultes du 4 janvier 1801, autorisa les évéques et les prêtres à porter
la soutane, mais seulement dans l'exercice de leurs fonctions. Pour
rendre difficile l'apparition de la soutane que le clergé désirait vive-
ment, Portalis, dans une circulaire du 3 juillet 1802, avait déjà dit :
■ Un ecclésiastique qui, hors des lieux où il est autorisé à la porter,
• conserverait sa soutane, contre le vœu de la loi qui l'autorise seu-
« lemeni à porter V habit noir, n'aurait aucun moyen régulier de se
• plaindre d'une insulte ou d'un propos que la malveillance pourrait
■ se permettre contre son costume, o
Apres avoir cité les articles 12 et 43 des Organiques que personne
n'observe, nous allons mentionner les statuts de tous les diocèses de
France que tout le monde met en pratique avec joie. Comme ils
sont tous uniformes sur la question du costume ecclésiastique, en
transcrire un, c'est les transcrire tous. On ht dans le titulus secundus,
art. iv, des Décréta Synodi diœcesanœ Aveninnensis de l'année 1852:
« Clerici omnes diœeesis nostras singulis diebus gérant in loco resi-
dentia; vestem talarem nigri coloris. Decet prsterea ut, juxta consue-
tudinem apud nos receptam, adhibeant tibialia nigra, braceas bre-
viores , seu infra genu adscriptas, cingulum circa renés, ad collum
fasciolas (Gallice rabat) denique pileum ex triplici latere saltem mo-
dice erectum (Gallice tricorne), d La postérité aura ainsi une des-
cription exacte du costume ecclésiastique au xix« siècle. 11 n'est
peut-être pas inutile de dire ici que le rabat est un ornement spécial
au clergé français. Ni l'Espagne, ni l'Italie, ni l'Allemagne, ne con-
naissent cet appendice.
Nous ne serions pas complets si nous omettions une question re-
lative au costume ecclésiastique qui, à la demande de deux évéques,
a été portée devant les tribunaux. — Peut-on défendre à un prêtre
suspens ou interdit, de porter la soutane? En 1838, le tribunal de
Muret, sur la plainte de l'archevêque de Toulouse, condamna un
clerc tonsuré à 15 francs d'amende, pour « avoir persisté à porter la
soutane qu'il avait originairement le droit de porter. » Tout en le
condamnant, le tribunal reconnaissait u qu'il ne s'était permis depuis
qu'il la portait, aucun acte de nature à aggraver sa faute, o Parmi
les considérants, il y en a un qu'il est important de citer textuelle-
ment sans le discuter : > Considérant que la qualité de clerc tonsuré
i ne peut donner aucun droit à porter l'habit ecclésiastique, puisque
a la tonsure n'est pas un ordre, mais une simple préparation aux
a ordres. » Aucun canoniste n'admettrait cette décision.
En 1851, il fut question d'aller bien plus loin encore. Il s'agissait
de faire défense, par voie judiciaire, à un prêtre suspens, de porter
la soutane, parce que « les statuts du diocèse défendent aux prétrei
interdits de porter l'habit ecclésiastique. ■ C'est là tout simplement
une de ces exhorbitances extra-judiciaires qu'on ne trouve qu'en
France. Mais un curé suspendu ne cesse pas d'être curé, et un prêtre
interdit est toujours prêtre. Pour le priver de son titre et de sa qua-
lité, pour pouvoir le dépouiller du costume ecclésiastique et invo-
nuer le bias séculier, il faut nécessairement une sentence de déposi-
tion selon les règles canoniques. La suspense ou l'interdit ne font
perdre d'autre privilège que celui de pouvoir exercer temporairement
son ordre ovi son office. Nous citerons ici les paroles d'un canonista
du siècle dernier, aussi savant que prudent. L'évèque Joseph Mara-
viglia, dans son Praxis prudentiœ episcopalis, dit ces sages paroles ;
DE L'HABIT ECCLÉSIASTIQi'E DANS L'ÉGLISE.
79
CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
DE L HABIT ECCLESIASTIQl E DANS L EGLISE, DEPUIS LAN MIL JUSQU'A PRESENT.
I. Les habits impériaux communiqués au sacerdoce.
II. Qui les communique ensuite a quelques princes de la terre.
III. Suite du même sujet des habits communs à l'empire et au
sacerdoce.
IV. Des aubes, des surplis et des chapes.
V. Suite du même sujet. Divers règlements et divers usages.
VI. VII. Des bonnets, des aumusses et des chaperons.
VIII. De la mitre.
IX. De l'étole et de la tonsure des Polonais.
X. Si l'étole est une marque de juridiction.
I. Léon IX, écrivant à l'empereur Michel, de
Constantinople, environ l'an 1050, inséra dans
sa lettre une partie de la prétendue donation
de Constantin, qui avait alors grand cours par
tout le inonde, parmi les Grecs mêmes.
Par ce passage la plupart des habits et des
ornements impériaux sont communiqués au
pape et aux ecclésiastiques de l'Eglise romaine.
La facilité qu'on eut de donner crédit à cette
pièce supposée, et l'audace même de l'auteur
inconnu de la supposition, ne provint que de ce
que ces sortes d'habits majestueux étaient déjà
en usage parmi les ecclésiastiques de Rome ;
et on était persuadé que ç'avaient été autrefois
les habits impériaux que les empereurs chré-
tiens avaient voulu rehausser d'un nouvel
éclat, en les communiquant au royal sacerdoce
de J.-C.
IL Les souverains pontifes ont ensuite quel-
quefois répandu, sur les souverains mêmes,
quelques rayons de la majesté impériale, en
leur distribuant les ornements propres du sa-
cerdoce. Alexandre II, en 1068, envoya à Ura-
tislas, duc de Bohème, une mitre pour en or-
ner sa tète, selon qu'il l'avait demandé, quoique
l'usage n'en eût jamais été permis aux laïques.
C'est ce que nous apprenons de la lettre de
Grégoire VII au même duc : « Ad signum in-
finité dilectionis, quod laicœ personœ tribuî
non consuevit, niitram quam postulasti, direxi
(L. i. epist. xxxvui). »
Alexandre III, entre autres privilèges qu'il
donna comme autant de marques de sa recon-
naissance envers la république de Venise ,
accorda au doge l'ombelle, qui approche du
chapeau pontifical. «Eidem principi umbellam
concessit, galero pontificio persimile ornamen-
tum (Baronius, an 1177, n. 5).b Cette ombelle
ou parasol était le chapeau, ou le couvre-chef
des empereurs de Constantinople, qu'ils appe-
laient du même non muHt™.
Charles V, roi de France, avait coutume de
porter un chapeau pointu semblable à cet om-
belle ou parasol. Ce qui fait voir que les orne-
ments et les vêtements des princes ecclésiasti-
ques ou séculiers étaient anciennement les
mêmes; et dans la suite des temps ils ont été
réservés spécialement pour la célébration de
l'office divin.
III. Le patriarche de Constantinople portait
aussi le manteau, la tunique et le couvre-chef
de lin. Témoin Nicétas, quand il parle du pa-
triarche Cosme : a Ut aliquando pallium et tu-
nicam, et lineam calyptram capitis pauperibus
distribueret. »
Les auteurs de l'histoire Byzantine font foi
que les empereurs de Constantinople portaient
le même habillement de tète, qu'ils appelaient
retotîiov, wxîamflpa , et qui ne différait de celui des
autres seigneurs, sinon qu'il était de pourpre
et orné d'or et de perles (Du Gange, diss. xxiv,
sur l'Hist. de saint Louis).
t Extra casus statutos a jure canonico et a summis pontiûcibus, nul-
lam habent episcopi jurisdictionem degiadandi seu deponendi, nec
devenire possunt ad degradationem et traditiooem curiae sEeculari,
Disi auctoritate a jure canonico expresse concessa, quœ in certis casi-
bus nunquam intelligitur concessa. « Or, les crimes qui entraînent la
déposition ou la dégradation, et par conséquent la défense de porter
le costume ecclésiastique, sont l'adultère, le concubinat, la simonie,
le stupre, l'inceste, le vol, le parjure, l'homicide, l'hérésie, le faux,
juridiquement prouvés. Donc, on ne peut pas interdire à un piètre
suspendu par sentence ex informata conscientiu de porter la sou-
tane. Les statuts diocésains qui promulguent une tell» peine dépas-
sent leur droit et leur pouvoir ; car enfin, on ne saurait trop le répéter,
dans un pays où depuis plus de soixante ans le droit canonique est
complètement mis à l'écart et remplacé par l'arbitraire, un prêtre
suspendu n'est pas un prêtre déposé. La première punition est tempo-
raire et ne peut durer que quelques mois, tandis que la seconde ne
peut s'infliger que juridiquement, et après une procédure en forme
devant l'ofncialité. Il faut en outre qu'on ne perde pas de vue que
la sentence ex informata conscientia ne peut sévir que contre des
délits occultes, et la procédure canonique que contre des crimes ho-
toires qui se prouvent par débats contradictoires.
(Dr André.)
80
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
Otton III offrit à l'autel le manteau impérial
dont il clait revêtu, et où tous les mystères de
l'Apocalypse étaient représentés en broderie.
« Mantum, quo tegebatur coronatus, in quo
oiunis Apocalypsis opère phrygio erat auro in-
signita (Raron , an. 1091, n. 19). »
Cette espèce de manteau est la même dont
il est si souvent parlé dans la vie des papes,
qui en étaient revêtus au même instant de
leur élection. C'est cette cbape de pourpre
dont parle Pierre Damien à l'antipape Cada-
lous, « Habes nunc forsitan mitram , babes
juxta morem Romani pontiflcis rubeam cap-
pam. Cave, etc. (Raron., an. HHil, n. U). »
Pierre, diacre, dans la cbronique du Mont-
Cassin, dit qu'Alexis, empereur de Constanti-
nople, envoya à saint Renoît un manteau de
pourpre, dont l'abbé du Mont-Cassin fit un
pluvial. « Pallium purpureum optimum, de
quo abbas pluviale faciens, etc. (L. IV, c. 29). »
11 ne faut pas oublier que les empereurs
d'Allemagne ont encore conservé cette reli-
gieuse pratique, de prendre les babits impé-
riaux, qui sont les mêmes que ceux du diacre
aux offices de la nuit de Noël, et de chanter
la septième leçon de matines (Sponde, an. 1377,
n. tri).
Nous en rapporterons ci-dessous les exem-
ples, où il paraîtra qu'on n'a nullement douté
que les babits impériaux ne fussent les mêmes
que ceux du sacerdoce; et que les habits, qui
sont devenus propres à l'autel, n'aient été
autrefois en partie ceux même de l'usage
commun.
IV. L'aube était un habillement de l'usage
commun, pour tous les ecclésiastiques, au
moins dans les ordres sacrés, comme elle l'est
encore pour les évoques et pour les chanoines
réguliers, qui ont été plus fidèles observateurs
d'une pratique autrefois universelle.
Outre les preuves qui en ont été remarquées
ci-dessus, en voici une fort manifeste, tirée de
la lettre de Rathérius, évêque de Vérone, aux
prêtres de son diocèse, où il leur ordonne d'a-
voir une aube toute particulière pour la célé-
bration de l'auguste sacrifice, outre celle de la
vie eivile. « Nullus cum alba qua in suos usus
utitur, praesumat missam cantare (Inter obser-
vationes ad Robertum Pullum, p. 403). »
Comme c'était alors principalement par celte
aube, que les clercs se distinguaient des laï-
ques, qui étaient aussi bien qu'eux vêtus de
long, il était de la bienséance qu'ils la por-
tassent toujours. Mais cet usage ayant été aboli,
et la distinction des clercs d'avec les laïques,
se remarquant par tant d'autres choses, on a
jugé contraire à la bienséance de porter le sur-
plis, qui a succédé à l'aube, hors de l'église.
C'est aussi ce qui a été défendu par le concile
de Reims en 1583 (Can. ni, v). « Ut sine super-
pellicio et almutio in ecclesia comparere ,
plane irreligiosum est ; sic illa ad loca publica
rerum venalium déferre , prorsus indeco-
l'iim ac sordidum esse , nemo est qui non
videat. »
Le concile de Rouen, en 1072, enjoignit aux
doyens ruraux et aux curés de prendre leurs
aubes, pour faire avec décence la distribution
des saintes huiles, et pour baptiser. On voit
bien par là que le surplis a succédé à l'aube
dans les occasions semblables. Il en est de
même des offices du chœur, où Ton assistait
avec des aubes. En effet, si les surplis étaient
encore aussi longs qu'ils ont été, à peine les
distinguerait-on des aubes. En voici une preuve
bien constante.
Nicolas III, en 1278, réglant les offices et les
habits des chanoines de Saint-Pierre à Rome,
confirme leur ancienne coutume de porter des
surplis simples depuis Pâques jusqu'à la Tous-
saint, <« Lineis togis superpelliceis, sive cottis
absque cappis utantur, quod hactenus, ut acce-
pirnus, fieri consuevit. » Et depuis la Toussaint
jusqu'à Pâques de porter des chapes de serge
noire par-dessus leur surplis. « Super super-
pelliceas liueas déférant cappas nigras de sergia
simplices (Rainald., an. 1208, n. 79). » Les ter-
mes latins « Togœ, cottae, lineae, » signifient
des aubes qui descendent jusqu'aux talons.
Cette diversité entre les habits du chœur
pour l'été et pour l'hiver est ancienne, comme
il paraît par celte lettre de Nicolas III, où il
faut encore remarquer la différence des cha-
pes des chanoines d'avec celles des bénéficiers
du bas chœur. Les chapes chorales des cha-
noines peuvent être fourrées et ouvertes par-
devant depuis la ceinture jusqu'en bas : « Fo-
deratas, acingulovel circa, ex parte anteriori
fissas inferius et apertas. »
Celles des bénéficiers, au contraire, doivent
être entièrement fermées, si ce n'est qu'elles
peuvent être tant soit peu ouvertes devant l'es-
tomac , et au bas , pour pouvoir avancer le
bras. « Ipsi super clausa vestimenta clausas
cappas habeant, non apertas, modica duntaxat
in fine cappre et anle pectus apertura dimissa,
DE L'HABIT ECCLÉSIASTIQUE DANS L'ÉGLISE.
si
per quant brachium possil extrahi juxta mo-
rem. »
L'auteur de la vie de saint Bennon, évêque
de Misne, semble faire Burchard, jadis évêque
de Misne, auteur de celte distinction de chapes
chorales pour ses chanoines. « Primus pallio
nigro linea veste superinjecto ilios uti docuit
(Apud Surium. die xvi. Junii . » Mais ce n'était
qu'aux jours de jeûnes qu'on portait ces cha-
pes noires. « Praecipuae esurialibus quadrage-
simœ diebus. »
Le concile de Ravenne, en 1317 Can. iv),
donne le choix de la chape ou de l'aube dans
l'église. « In ecclesiis utantur cappis, vel cottis
albis. o
Le concile de Lavaur en 1368 (Can. xlvi),
obligea les abbés, les prieurs, les prévôts, les
doyens . les archidiacres et les chanoines de
porter les chapes noires depuis la Toussaint
jusqu'à Pâques, excepté les jours qu'ils portent
des chapes de soie : «Déférant cappas nigras,
exceptis diebus quibus cappis sericis uti soient.»
Le concile de Bàle (Sess. xxi, c. 3 ; can. xm
exprima la longueur des surplis qu'on avait
commencé d'accourcir, et qui descendaient en-
core plus basque la moitié des jambes : « Horas
canonicas dicturi, cum tunica talari, ac super-
pelliceis mundis , ultra médias tibias longis.
vel cappis, juxta temporum ac regionum di-
versitatem, ecclesias ingrediantur. » Ce qui fut
répété en mêmes termes dans le concile de
Soissons , en 1456 , et dans celui de Sens
en 1528.
On pourrait douter si ces anciens surplis
avaient des manches . tant parce que ce n'é-
taient que comme des chapes de lin. or les
chapes n'avaient point de manches . que
parce que c'est la différence que le concile de
Narbonne, en 1551 [Can. \i . semble mettre
entre le surplis et le rocbet : « Presbyteri om-
nes supparo, aut linea, non manicata veste,
sive roqueto induti assistant. »
Le premier concile de Milan (Can. l) ne
nous laisse pourtant pas douter qu'au moins
dans l'Italie le surplis n'eût des manches, dont
li largeur le distinguât du rocbet : « Superpel-
licia latis sint manicis, non angustis instar
rocheti. »
Y. Le concile de Tours, en 1383 (Can. xm ,
veut encore que les surplis descendent plus bas
qu'à mi-jambe : « Super pell ici is ultra médias
tibias propendentibus, vel cappis, cujusque Ioci
servafo more. »
Th. — Tome IL
Mais le concile d'Aix. en 1585, défend abso-
lument les surplis sans manches , et nous ap-
prend parla qu'autrefois ils avaient été sans
manches, au momsenquelqurs, -lises, comme
étant des chapes de lin : « Superpellicea etiam
manicas habeant. Illa autem quae manicis ca-
rent, et quae non superpellicioram , sed man-
tilium potius nomine digna sunt, omnino pro-
hibemus (L. m. tit. v, c. 7). »
11 est remarquable que ce concile veut (pie les
chanoines, aux jours qu'ils portent la chape,
usent de rocbets sous la chape. Enfin, le con-
cile de Mexico blâme les surplis curieusement
ouvragés, ou brodés, et si courts, qu'ils ne des-
cendent pas sous le genou : « Superpellicia
recte . aliove eleganti artificio elaborata, aut
adeo contracta, ut infra genu non dimittantur,
ne induant. »
Il nous reste une difficulté à éclaircir sur la
lettre du pape Nicolas III . où nous avons vu
qu'il avait réglé les offices et les habits des
chanoines de Saint-Pierre de Rome. Car hors
des heures de l'office divin il ne leur permet
pas d'être dans l'église sans un habit décent,
qu'il exprime en ces termes : « Saltem succas
habeant, et super eas chlamydes , ante pectus,
vel post collum annexas. »
Je ne sais s'il ne faut point lire Saccos , au
lieu de Succas. Au moins il y a bien de l'ap-
parence que ce terme ne signifie autre chose
que ce surplis sans manches, qui est encore en
usage en quelques endroits , et que l'on vient
de défendre dans le concile d'Aix. Je ne sais si
saint Charles ne l'eut point aussi condamné,
puisqu'il suppose que celui dont le prêtre doit
se vêtir avant que de prendre l'aube pour cé-
lébrer la messe , doit avoir des manches. (Acta
Eccles. MedioL, pag.7 10. Mais enfin ces surplis
sans manches sont encore en usage dans plu-
sieurs églises, surtout pour les porter sous la
chape.
Il est même fort probable que c'était l'ancien
surplis, comme une chape de lin. Siméon,
archevêque de Thessalonique . le représente
comme le premier ornement de la cléricature,
et comme une cbemise de lin : « Propriam or-
dinis sui vestem habet lector, quae camision
vocatur, habetque phenolii parvi, vel sticharii
ex lino figuram. (De sacris ordinat. c. n.) »
On sait que le mot latin Camisia signifie
l'aube, dont les lecteurs effectivement s'habil-
lent quelquefois. Ce surplis dont saint Charles
a souhaité que le prêtre s'habillât avant que de
82 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
prendre l'aube, me semble n'être autre ebose
que cette aube commune à tous les clercs, et
qu'ils devaient porter, au moins les clercs sa-
crés, même dans la vie civile. Ratbérius faisait
le même commandement, quand il ordonnait
d'avoir une aube pour le sacrifice, distinguée
de la commune. Or le même Siméon , de
Tbessalonique , parlant du grand phenolium
des prêtres, assure qu'il n'a point de man-
ches et qu'il représente un sac. Le terme latin
cotta est demeuré dans notre langue. Car
nous appelons une cotte d'armes , et par là
même nous faisons connaître, que les surplis
descendaient jusqu'à terre.
Un des plus anciens qui ail parlé du surplis,
est Etienne de Tournay : « Superpelliceum
novum, candidum, talare (Epist. cxxm.) » Il
ne différait guère de l'aube s'il couvrait les ta-
lons. Honorius l'appelle « vestes albœ, laxie,
talares. » Il ajoute que les sénateurs usaient de
ces sortes d'habillements, et que c'est delà
qu'ils sont entrés dans l'Eglise : « Hujusmodi
vestibus etiam senatores usi sunt, ex quibus in
ecclesiasticum usum transierunt (Gemma Ani-
mae. 1. i, c. r.cxxxn.) »
M. Rallier (De sacris elect., pag. 1070) croit
que la tunique de lin, in linea, avec laquelle
saint Cyprien fut décapité, était la chemise
commune et non pas un habillement sacré ou
ecclésiastique, puisqu'au temps des persécu-
tions il n'eût pas été de la prudence de se dis-
tinguer des païens par les habits. Il importe
donc peu de confesser que toutes ces tuniques,
chemises, aubes ou surplis de lin, étaient à peu
près de même matière et de même forme, mais
la destination en était fort différente.
VI. Je passe du surplis au bonnet, ou à l'au-
musse.Le concile de Ravenne,en 1317(Can.iv),
ordonne aux ecclésiastiques de couvrir leurtête:
«Pileo, vel birretto, vel armutia oblonga ad au-
res. » Mais cela s'entend de l'usage commun et
non pas des offices divins. Ainsi l'habillement
de tète n'était pas différent dans l'église, ou
hors de l'église , ni même entre les laïques et
les ecclésiastiques. Il est probable que le cha-
peron et l'aumusse étaient d'abord la même
chose , qu'on appelait caputium, parce qu'il
couvrait la tête, et armutia, parce qu'il couvrait
aussi les épaules. Néanmoins on en fit après la
distinction, puisque le concile de Râle (Sess.
xxiu, c. i.) défendit d'assister à l'église avec le
chaperon, obligeant les ecclésiastiques d'y por-
ter leur aumusse ou leur bonnet : « Non ca-
putia, sed almutias, vel birretta tenentes in
capite. »
La chronique de Flandre (Cap. cv) parlant de
l'empereur Charles IV, quand il vint à Paris et
que le roi Charles V lui alla au-devant hors de la
ville, dit «que l'empereur osta aumusse etcha-
peron tout jus, et le roy osta son chapel tant
seulement. » Le continuateur de Nangis dit
que : « L'empereur osta sa barrette et son cha-
peron, et aussi le roy. »
Il parait de là (Can. xiii) 1° Que la barrette
et l'aumusse étaient la même chose, aussi bien
que le chaperon et le chapeau, si ce n'est (pie
ce qu'on appelait alors caputium, et que nous
avons depuis appelé chapeau, servait à couvrir
la tête par-dessus l'aumusse. 2" Que les sécu-
liers et les rois même couvraient leur tête
d'une aumusse. Ainsi l'aumusse était com-
mune aux laïques et aux clercs (Can. m).
Le concile de Soissons, en 1 456, renouvela
le même règlement du concile de Râle. Le con-
cile de Sens, en 1528, changea les termes en
faisant ce statut : « Caputia, almutias, vel bir-
reta tenentes in capite. » Le concile de Colo-
gne, en 1536 (Tit. de Canonicis, c. xiv.) « Sit
vestis talaris, sint pilei, qui birreta vocantur,
sint camisiœ. » Le concile de Reims, en 1583 :
« Sine superpellicio, almutio, etaliis canonico-
rum insignibus inecclesia comparere, omnino
irreligiosum est, etc. »
II faut néanmoins remarquer que ces termes
ne se prennent pas toujours dans le même sens,
on les confond quelquefois, et les aumusses sont
enfin devenues le vêtement des chanoines, qui
les distingue des autres ecclésiastiques, ce qui
est une innovation des derniers siècles.
Voici vraisemblablement ce qui y a donné
occasion. Presque tous les laïques ayant quitté
toutes les couvertures dont ils avaient coutume
de se servir ne se couvraient plus la tête qu'a-
vec des chapeaux , et réciproquement les cou-
vertures dont se servaient les gens de campagne
et les voyageurs avaient passé en usage dans les
villes.
Le concile de Tours (Cap. xm) en la même
aimée : «Birreta tenentes in capite, vel caputia,
juxta temporum et regionum diversitatem. »
Il y avait donc quelque diversité entre les
Eglises, et peut-être même qu'en divers temps
on usait de l'aumusse , ou du chaperon. Ce
même concile (C. xiv) ne laissa que le bonnet
aux curés dans l'église , leur défendant le
chapeau : « Cum birrelis, non vero galeris. » Ce
DE L'HABIT ECCLESIASTIQUE DANS L'ÉGLISE.
83
mol birretum avait apparemment déjà pris la
signification de bonnet carré, et ainsi le terme
de caputium pourrait bien signifier ou l'au-
musse ou le capuchon de la chape chorale en
hiver.
Cette conjecture peut se fonder sur le con-
cile de Bourges, en 1584 Titul. xn. c. ni) :
« Horas canonicas dicturi, cum lunica talari,
superpelliceis mundis , almutiis, pileis qua-
dratiSj vel cappis nigris pro temporum et re-
gionum diversitate ulanlur. »
VU. Si nous n'avons pu remonter bien haut
pour découvrir l'origine de ces habillements
de tète propres à l'Eglise, c'est que l'usage n'en
est nullement ancien.
Ce fut en l'an 1-213, que les religieux de l'E-
glise métropolitaine de Cantorbéry impétrèrent
du pape Innocent IV. le privilège de couvrir
leur tête d'un bonnet, pendant les divins of-
liees. parce qu'y ayant assisté jusqu'alors tète
nue , ils en avaient souvent contracté de fâ-
cheuses maladies.
« Vestris supplicationibus inclinati , vobis
utendi pileis, vestro ordini congruentibus ,
cum divinis interfueritis offlciis, concedimus
libeiam faeullatem, ita tamen quodin lectione
evangeliea, et elevatione corporis Domini Jesu
Christi, et in aliis débita reverentia observetur
(Rainald. an. 1243, n. il.) »
II y a donc quelques endroits de l'office divin
où les ecclésiastiques doivent être découverts,
savoir pendant la lecture de l'évangile et à l'é-
lévation du corps de Notre-Seigneur.
Cette exception se trouve remarquée dans
les constitutions du légat du Saint-Siège dans
le concile de Nicosie en Chypre, en l'an 1313,
pour tous les prêtres qui célèbrent : « Post
ablutionem manuum nibil oninino teneant in
capite propter frigus, vel aliud : îiam facerent
magnam irreverentiam. atque intolerabilem
sacramento (n. 13-2 . »
Si le pape traite ici les clercs plus douce-
ment que le légat du Saint-Siège , c'est appa-
remment parce que les clercs, auxquels le pape
écrivait, habitaient un climat très-froid et très-
malsain ; au lieu que le légat du pape écrivait
aux habitants de l'île de Chypre, qui est un
climat fort doux et fort tempéré.
VIII. La mitre des évèques ne fut pas non
plus d'abord un ornement propre et particulier
pour les offices divins. Innocent II, après avoir
dominé une audience favorable au saint évè-
que d'Irlande, Malachie, prit la mitre de dessus
sa tête, et la mit sur celle de ce saint prélat :
« Tollens mitram de capite suo. imposuit ca-
piti ejus.i) Baroiiius rapportant ces parole- de
Bernard dans la vie de saint Malachie. \ ['(■mar-
que fort bien que le pape avait toujours la
mitre quand il donnait audience : « Mus nam-
que erat. nonnisi mitratos Romanos pontifices
ad audientiam admittere petentes audiri. Ba-
ronius an. 1 137. n. 3S.) »
Cela se confirme par la lettre des Arnaldistes
de Rome a Conrad , roi des Romains, où ils
rassurent que le pape a fait sa paix avec le
prince de Sicile, en lui accordant le sceptre et
l'anneau, la dalmatique, la mitre et les san-
dales : « Concordiam inter Siculum et papam
hujusmodi esse accepimus. Papa concessit Si-
culo virgam et annulum , et daknaticam, et
miiram atque sandalia. An. 1144, Olho Fri-
sing. de gestis Frid. 1. n. c. 28. »
IX. Quand Benoit IX accorda aux Polonais
la dispense du prince Casimir, diacre et reli-
gieux de Cluny, pour lier plus étroitement
toute cette nation a l'Eglise, il les obligea de
porter, toutes les fêtes de Notre-Seigneur et
de la Sainte Vierge, non pas une étole , mais
un linge blanc pendant à leur col, à la façon
d'une etole. « Panno linteo albo in stolse mo-
dum dependente cervicem exornare (Baronius,
an. loti. n. 11).»
( sont les paroles de Longin dans son his-
toire de Pologne , qui dit aussi que ce pape
obligea en même temps les Polonais de couper
leurs cheveux selon la coutume des autres na-
tions latines. Il faut s'en tenir là sans s'arrêter
à la chronique de Cluny, qui veut que c'ait
été la tonsure des moines de Cluny et l'étole
des diacres. « Perpetuo portarent tonsuram ad
modum Cluniacensium, et in signum diaconi
stolam ad modum diaconi déferrent j Bibl.
Clun., pag. 1616 . <>
Les Polonais firent depuis relâcher cette
double obligation en fondant un monastère
de l'ordre de Cluny [Voyez ci-devant c. xlii,
n. 9).
X. Quant à l'étole, il semble qu'on l'ait af-
fectée plutôt à l'administration des sacrements
qu'à exercer ou faire remarquer la juridiction.
Le concile de Rouen, en 1072 Can. v), défend
aux prêtres de donner le baptême s'ils n'ont
l'aube et l'étole. « Indutus alba et stola. »
Les ordonnances synodales de Rouen (Sy-
nod. Rotom., pag. 22k 450 , tant anciennes
que nouvelles, font assisteras curés au synode
84
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-TROISIÈME.
avec l'étole. Il est vrai que la lettre synodale
de Rathérius, évêque de Vérone, à ses curés,
leur commande de porter toujours l'étole,
« Nullus sine stola in itinere iucedat (Conc.
tom. 9, pag. 127-2). Mais l'étole semblait signi-
fier dans cet endroit les habits propres aux
ecclésiastiques. Aussi il suit immédiatement
après, « Nullus induatur vestimentis laica-
libus. » Tout au plus l'étole serait propre à un
curé, mais elle ne serait pas une preuve de sa
juridiction, puisqu'il la porte hors de sa cure
même. In itinere.
Les constitutions synodales d'Eudes, évêque
de Paris, et celles de plusieurs autres de ses
successeurs font assister les curés aux synodes
de l'évêque en aube et en étole au temps de
Pâques, en surplis et en étole en automne
(Tom. x, Conc, p. 18(M ; Synodicum, Paris, 3,
256,294). Le concile de Bude, en 1279(Can.xix),
leur donne aussi l'étole dans les synodes. Le
synode de Cologne, en 1 280, donne l'étole dans
le synode aux abbés, aux prieurs, aux archi-
prètres et aux doyens seulement. Le synode de
Nimes, en 1284 (Cap. i), n'en donne point non
plus aux curés.
Le premier concile de Milan, en 1565, or-
donna que les sacrements fussent toujours
administrés en surplis et étole : « Sacerdotes
in sacramentorum ordinatione semper super-
pellicium et stolam adhibeant. »
Le concile V de Milan , en ir>79 (Cap. x),
prescrivit aux confesseurs réguliers de n'enten-
dre les confessions qu'en surplis et en étole. Le
concile de Rouen, en iriSI (Can. xxxn), fit assis-
ter les curés au synode en surplis et en étole.
Celui de Reims, en 1583, fit le même statut.
Le concile d'Aix, en 1585, renouvela le décret
du concile V de Milan.
Les usages des diocèses peuvent être divers,
et il peut y en avoir où l'étole est une marque
de juridiction. Mais ce que nous venons de
dire suffit pour croire que le nombre n'en est
pas grand , au moins il n'est pas le plus
grand.
CHAPITRE CINQUANTE-TROISIEME.
DU PALLIUM DES ORIENTAUX AL MOYEN AGE.
I. II. Description du pallium. C'était comme l'investiture des
patriarches et des métropolitains. Coutume singulière de l'Eglise
d'Alexandrie.
III. IV. Dans la déposition ils étaient aussi privés du pallium.
V. VI. VII. 11 est douteux si tons les évéques grecs usaient
du pallium, et s'ils s'en servaient dans tous les offices divins. Il
est probable qui; Ions les évéques in avaient l'usa i .
VIII. Les patriarches donnaient le pallium aux métropolitains,
de qui les évèques le recevaient ensuite.
IX. 11 n'était donné, au moins durant quelques siècles, qu'avec
quelque dépendance des empereurs.
\. Les patriarches n'exerçaient pas les fonctions pontificales
sans le pallium.
M. La pratique de ces derniers siècles pourrait en être venue.
Réfutation de ceux qui ont dit que le pallium n'avait été qu'un
bienfait artificieux des papes, pour jeter les archevêques dans
une servitude et une dépendance plus étroite du Siège romain.
I. Le pallium des arebevèques mérite bien
d'être traité dans des chapitres séparés. Nous
en allons parler par rapport à l'Eglise grecque,
et nous ajouterons ici quelques remarques sur
les ornements sacrés de cette Eglise.
II faut d'abord observer qu'il paraît que le
pallium même a été et plus ancien et plus com-
mun dans l'Eglise grecque que dans la latine.
Isidore de Painiette en fait la description, et il
dit qu'il est de laine plutôt que de lin, afin que
l'évêque qui en est revêtu représente plus naï-
vement le Pasteur éternel, qui s'est chargé de
la nature propre et de toutes les infirmités de
ses brebis raisonnables.
« Episcopi pallium . ù^tpôpwv ex lana, non ex
lino contextum , ovis illius quam Dominus
aberrantem quœsivit, inventamque humeris
suis sustulit, pellem significat. Episcopus enim
qui Christi typum gerit, ipsius munere fungi-
DU PALLUM DES ORIENTAUX.
s:
tur, atque etiam ipso habitu illud omnibus
ostendit, se boni illius ac magni pastoris imi-
tatorem esse, qui gréais infînnitates si bi feren-
das proposuit (L. i, ep. I 16 . »
Les actes de Métrophane et d'Alexandre, rap-
portés par Photius, dans sa bibliotlièque Gap.
ccxxxvi), rapportent que Métrophane, évéi[tie
de Byzance, déclara pour son successeur le
prêtre Alexandre, absent, en la présence el à
la prière de l'empereur Constantin, mit son
pallium sur l'autel et commanda qu'on le lui
gardât. « Pallium, àfuxfôçim, sacra mensse depo-
nit, praecipiens illud successori servari. »
II. Libérât dit que l'ancienne coutume
d'Alexandrie était que celuiquidevaitsuccéder
à l'évêque défunt veillât sur son corps, mît
sur sa tète la main droite du défunt, et après
l'avoir enterré se revêtit du pallium de saint
Marc, après quoi il était intronisé. « Consue-
tudo est Alexandrin'1, illum qui defunctosucce-
dit. excubias super defuncti corpus agere, ma-
niunque dexteram ejus capiti suo imponere, et
sepulto manibus suis, accipere collo suo beati
Marci pallium, et tune légitime sedere (Brevia-
rii, c. xx . »
Ce même auteur remarque que le pape Félix
ayant fulminé la sentence de déposition contre
le patriarche Aeacius, de Constantinople, il ne
se trouva qu'un religieux du monastère des
Acœmètes, qui eut le courage de l'attacher à
son pallium lorsqu'il s'avançait pour célébrer
la messe, après quoi il se retira. « Chartam
damnationis dum ingrederetur ad celebranda
sacra, suspendere in ejus pallio et discedere
(Cap. xvm). »
Enfin cet auteur (C. xxiu) dit que Pelage,
m une du pape à Constantinople vint par ordre
de l'empereur, à Caze, où il déposa Paul, évè-
que d'Alexandrie, en lui étant le pallium. « Et
auferentes Paulo pallium, deposuerunt enni,
el ordinaverunt pro illo Zoilum. » On peut voir
d'autres exemples pareils dans cet auteur.
III. Justinien ayant élevé Eutychius au pa-
triarcat de Constantinople, il fut ordonné ni
recevant le pallium et se revêtant tout ensemble
de la personne de J.-C. portant son troupeau
fugitif sur son dos, et donnant la paix à son
peuple. « Ovis errantis typum super liumeros
tullit, in sedem sublimem ascendit, in soliose-
det, atque pastorum principem Christum in
cœlos revertentem imitatur, dicens, pax omni-
bus (Surins, c. xix, xxvi. Aprilis G). »
Ce saint prélat fut ensuite banni de son siège
et il passa auparavant toute la journée pros-
terné devant les autels avec sou pallium :
« Constitit aide altare. solitisque \estibus et
superhumerali indutus, quod semper secum
babebat, usque ad vesperam, precationibus in-
cubuit. »
Ces paroles, «quod semper secum babebat. »
semblent insinuer que ce saint patriarche
portait toujours sou pallium, comme nous
avons déjà remarqué que saint Césaire portait
même par la ville, en se promenant, sa cha-
suble ; et le concile de Liptines a donné aux
prêtres les chasubles comme l'habillement or-
dinaire.
IV. Car il faut concevoir le pallium, l'omo-
phorion et la chasuble, comme un habillement
qui embrassait et environnait tout le corps,
depuis le col jusqu'aux talons, sans manches et
n'étant ouvert que pour y passer la tète, en la
même manière que les anciennes chasubles de
cent ou deux cents ans nous le font paraître, et
telles que seraient encore nos chapes, si elles
étaient fermées par devant. La plus grande
différence des chasubles communes et de celles
qui servaient à l'autel, du pallium des évèques
et de la chasuble des prêtres, venait de la
somptuosité des unes et de la simplicité des
autres.
Constans étant venu à Borne, au temps du
pape Vitalien, offrit à l'autel des ornements
enrichis d'or et de broderie, qui servirent à la
messe. Celui qui a écrit la vie de ce pape, leur
donne le nom de pallium. a Obtulit super altare
pallium auro textile, et celebrahr sunt missœ. »
Dans la vie du pape Agathon, il est dit que le
VP concile général déposant l'hérétique mono-
thélite, Macarius, patriarche d'Antioche, lui fit
ôter son etole : « Orarium auferri prœcepit, etc.
Orarium abstulit. » Mais il en vaut mieux
croire les actes du concile même, qui assurent
qu'on lui ôta son pallium. « Nudetur circum-
posilo ei pallio (Act. vin). »
V. Saint Germain , patriarche de Constanti-
nople, n'a pas oublié le pallium dans la des-
cription qu'il fait de tous les ornements sacer-
dotaux . « Humerai''. ..i-.--.;.-.v, est pontificis, ad
exemplum stobe Aaron. quam gestabant léga-
les pontilices. sudariis longis hevo humerocir-
cumponentes, ad significandum jugum man-
datoruinChristi. Hunierale autemquoepiscopus
circumdatur, signiticat ovis pellem, quam er-
rantem cum Dominus invenisset super suis
humeris assumpsit. etc. Habet autem et cru-
80
Dl' SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-TROISIÈME.
ces, quia Christus super luunero ipse quoque
gestavit crucem In Theoria rerum Eccl.). »
Ces dernières paroles nous apprennent que
les Grecs avaient déjà parsemé de croix leur
pallium, et lui avaient donné le nom de ^o.-j-
oraùpEov.
VI. Mais ce que ces paroles nous font remar-
quer de plus considérable, est que le pallium
dans la Grèce était commun à tous les évêques
et n'était apparemment réservé ni aux patriar-
ches, ni aux archevêques, ou aux métropoli-
tains. Saint Germain et Isidore de Damiette
disent simplement et généralement que le pal-
lium est l'ornement le plus éclatant des évê-
ques, qui se met par-dessus tous les autres, qui
les distingue des ordres inférieurs, et qui les
revêt en quelque manière de la personne du
souverain pontife et du Pasteur éternel J.-C.
Il n'est pas aussi sans apparence que les évo-
ques grecs usaient du pallium à tous les divins
offices, et que les Latins n'ayant reçu le pal-
lium que plus tard et par le bienfait du pape,
ils l'ont reçu aussi avec des limitations que
nous allons remarquer, mais que nous montre-
rons en même temps avoir été rehaussées par
des avantages très-considérables.
VIL <>n pourrait néanmoins douter si les
évêques grecs usaient du pallium dans tous les
offices. Isidore de Damiette assure qu'ils le
quittaient, même dans la messe solennelle,
pendant qu'on lisait l'évangile, comme défé-
rant cet honneur au souverain Pasteur, qui est
alors présent et fait entendre lui-même sa di-
vine voix à ses chères ouailles. « Dum ipse
verus pastor per adorandorum evangeliorum
apertionem accedit, tum assurgit episcopus, et
imilationis habitum deponit, Dominum ipsum
pastoralis artis ducem et Denm et Uerum ad-
osse significans (L. i, ep. 136 . »
Saint Grégoire ayant défendu à Févêque de
Ravenne, d'user du pallium hors des jours et
des ofiices solennels destinés à cela, pour adou-
cir la peine que cet évêque témoignait ressen-
tir de cette limitation, ce saint pape écrivit à
son nonce, à Constantinople, qu'il s'informât si
les métropolitains de l'Orient qui avaient
trente ou quarante suffragants, en usaient au-
trement, a Sicubi iste usus est. ut in letaniis
ciim palliis ambulent. Absit ut per me Raven-
natis honor Ecclesiae in aliquo imminui videa-
tur L. îv. ep. tri). »
Ce pape qui avait lui-même été nonce à
Constantinople avant son pontificat, et qui \
avait bien pu remarquer toutes les différences
de la discipline des deux Eglises, était persuadé
que les mêmes limitations de l'usage du pal-
lium étaient reçues dans l'une et dans l'autre
Eglise. Nous n'avons pas la réponse qu'il reçut
de son nonce, mais puisque ces limitations
n'ont pas été ôtées, on peut bien en conclure
que les églises d'Orient étaient en ce point dans
le même usage que celles d'Occident, puisque
ce pape protestait qu'il ne voulait rien refuser
à l'évêque de Ravenne de ce qui était en usage
parmi les métropolitains d'Orient. Le con-
cile VIII œcuménique nous rendra cette limi-
tation des lieux et des temps bien plus certaine,
comme il paraîtra dans la partie suivante de
cet ouvrage.
VIII. On pourrait encore douter si les patriar-
ches orientaux n'envoyaient point aussi le pal-
lium à leurs métropolitains, comme les métro-
politains le donnaient aux évêques dans leur
consécration. Saint Grégoire envoya le pallium
aux évêques de la première Justinienne , de
Corinthe, de Nicopolis, qui étaient métropoles
dans les provinces orientales du ressort du
patriarcat d'Occident, et où la discipline était
apparemment un peu plus approchante de
celle de l'Orient (L. iv, epist. 7, s, 55, 5l>; 1. v,
ep. 7).
Le même pape, pour régler les prétentions
de l'évêque de Ravenne sur l'usage du pallium
lui écrivit qu'il s'informerait par son nonce de
la coutume des métropolitains du patriarcat
de Constantinople . comme s'il supposait que
ces métropolitains recevaient le pallium du pa-
triarche de Constantinople, comme celui de Ra-
venne le recevait du pape. Enfin, nous dirons ail-
leurs que Photius, patriarche de Constantinople,
envoyait encore des palliums aux évêques de
son parti, pour les lier toujours plus étroite-
ment à ses intérêts.
IX. .Mais ce qui ne peut pas être mis en doute,
c'est que le pallium était donné dans l'Orient,
aussi bien que dans l'Occident , avec quelque
dépendance de l'empereur, au moins durant
quelques siècles. Le pallium était originaire-
ment un habit impérial, dont les empereurs
chrétiens, par un effet de piété singulière,
avaient voulu honorer la royauté du sacerdoce;
c'est pourquoi on leur rendit durant un temps
considérable cette déférence, et comme cette
reconnaissance de leur bienfait. Libérât dit
qu'Antime se voyant déposé du siège patriar-
cal de Constantinople, par le pape Agapet,
DU PALLIUM DES ORIENTAUX.
S7
rendit son pallium à l'empereur, et se retira;
« Antimus videns se sede pulsum, pallium
quod habuit, imperatoribus reddidit, et disces-
sit (Breviar., c. xxi). »
Saint Grégoire s'entremit vers l'empereur,
en faveur d'Anastase, évoque d'Antioche, afin
de lui obtenir la liberté de venir à Rome, et
l'usage du pallium pour y célébrer pontificale-
ment. « Suggestionem apud piissimos dominos
summis precibus plenam feci, utvirum beatis-
simum Anastasium patriarcham concesso usu
pallii ad beati Pétri Apostolorum principis li-
mina, mecum eelebraturum missarum solcm-
nia. transmittere debuissent, quatenus si ei ad
sedera suam minime reverti lieeret , saltem
mecum in honore sno viveret (L. i, ep. 57). »
X. Ajoutons encore cette dernière réflexion
sur les paroles précédentes de ce pape, qui tâ-
chait d'obtenir de l'empereur l'usage du pal-
lium pour l'évêque d'Antioche exilé, afin qu'il
pût célébrer solennellement la messe et exer-
cer les autres fonctions pontificales : « Missa-
rum solenmia celebrare, etc., in honore suo
vivere, etc.» Les patriarches et les métropolitains
ne pouvaient donc pas faire les fonctions pon-
tificales s'ils n'avaient le pallium. Ce qui se
peut encore conclure de ce que le pallium était
l'ornement propre du pontife, comme la cha-
suble du prêtre.
Aussi quand on déposait un patriarche ou
un métropolitain, on lui ôtait le pallium. Enfin
le patriarche envoyait le pallium aux métropo-
litains, comme la confirmation et le sceau de
leur élection et de leur ordination. « Ratam
nos ejus consecrationem habere , diligentes
pallium indicamus, » disait saint Grégoire, pape
(L. iv, ep. 7, S), de l'évêque de la première
Justinienne.
De là il paraît d'où est venu la règle et la
coutume que les archevêques ne peuvent exer-
cer aucune action pontificale et solennelle
avant que d'avoir reçu le pallium, quoique les
simples évèques le puissent d'abord après leur
consécration. On parlera ailleurs de cela un
peu plus au long.
Nous observerons seulement ici que l'usage
du pallium est très-ancien. Ce qui détruit
absolument l'opinion de ceux qui prétendent
que c'est une innovation du droit nouveau
introduite pour rabaisser la puissance et la di-
gnité des métropolitains et les soumettre plus
étroitement au pape.
XI. C'est une imagination qui n'a point d'au-
tre fondement que l'inconsidération de ceux
qui l'ont avancée. Ils soutiennent sans aucune
preuve que les papes ont depuis quelques siè-
cles imposé cette servitude aux métropolitains
par une passion secrète et artificieuse de do-
miner et de les rendre plus dépendants du
Saint-Siège ; et cela, sous prétexte que la plé-
nitude de la puissance ne leur est donnée
qu'avec le pallium, et qu'ils la tiennent de la
même main qui leur donne cet ornement.
Mais nous venons de voir : 1° Que le patriar-
che même d'Antioche ne pouvait pontifier
qu'avec le pallium , du temps même de saint
Grégoire.
2° Une autre raison : c'est que l'empereur
ne se serait pas vraisemblablement entremis
pour envoyer à Rome les évèques d'Orient
pour les assujétir à une nouvelle servitude.
3° Que le pallium ne se donnant que lors-
qu'on consacrait ou qu'on confirmait les mé-
tropolitains, il n'est pas étrange que la cou-
tume se soit introduite de ne faire aucune
fonction pontificale avant la consécration ou la
confirmation, et que cette coutume une fois
établie ait subsisté, même lorsque l'on n'a plus
envoyé le pallium qu'après la consécration et la
confirmation.
4° Que le pallium était l'ornement propre et
particulier des pontifes, tous les autres leur
étant communs avec les ordres inférieurs. Or
il n'est ni nouveau, ni étrange que celui qui
est ordonné ne fasse ensuite les fonctions de
son ordre , sans le propre habit du même
ordre.
5° Pourquoi ôterait-on le pallium aux pa-
triarches et aux métropolitains qu'on dépose ?
Et en quoi se distingueraient les vrais métropoli-
tains de ceux qui ont été déposés s'ils exer-
çaient sans cet ornement les fonctions propres
de leur dignité ?
6° N'est-il pas et plus juste et plus honorable
à l'épiscopat de recevoir ces marques d'une di-
gnité toute divine du vicaire de J.-C. que de la
main ou de l'agrément des empereurs, comme
c'était au commencement la coutume ? Si les
métropolitains s'abstenaient alors des fonc-
tions pontificales jusqu'à ce qu'ils eussent
reçu le pallium des empereurs, est-il étrange
que la même coutume se soit conservée après
que les successeurs de Pierre ont été les distri-
buteurs de ces marques royales du sacerdoce
chrétien.
7" Le pallium n'a été donné dans l'Occident
88 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CINQUANTE-QUATRIÈME.
ni par les empereurs, ni par les papes, qu'à la
demande, aux instances, aux plus pressantes
sollicitations des rois et des évèques.
Ce n'était donc pas le dessein des papes d'in-
troduire de nouvelles servitudes dans l'épis-
copat, mais de satisfaire à la passion des souve-
rains et de leurs évèques, et de répandre de
tous côtés sur les évèques la gloire et les orne-
ments de la royauté du sacerdoce. Il y a bien
plus d'apparence que les évèques passionnés
d'avoir le pallium se sont abstenus des fonc-
tions pontificales jusqu'à ce qu'ils l'eussent
reçu. A moins de cela, ils n'avaient qu'à se
passer du pallium et demeurer dans le rang et
dans la coutume des anciens métropolitains,
qui n'en eurent jamais dans l'Occident durant
les quatre ou cinq premiers siècles.
Nous allons voir que les papes ne donnèrent
d'abord le pallium qu'à un très-petit nombre
de métropolitains , dont bien loin de diminuer
le pouvoir, ils l'augmentaient au contraire fort
extraordinairement en leur donnant la qualité
de légats et de vicaires du Siège apostolique.
Nous avons montré que cette délégation ac-
compagnée du pallium était ordinairement
personnelle et accordée à la demande des rois.
Si les successeurs de ces métropolitains pri-
vilégiés ont, par leurs pressantes instances et
par la faveur des souverains, obtenu la conti-
nuation du même privilège ; si les autres mé-
tropolitains d'Occident ont enfin eu part après
quelques siècles et après de longues poursuites
à la gloire de cet ornement royal qui les dis-
tingue des autres évèques, ils ne doivent s'en
prendre qu'à eux-mêmes si ces marques de
royauté se trouvent ensuite accompagnées de
quelque servitude.
La royauté même attire des servitudes et le
diadème est suivi de ebaînes d'or. Les métro-
politains eux-mêmes ont fait la coutume, qui
s'est insensiblement ebangée en loi, de s'abste-
nir des fonctions pontificales avant que d'avoir
reçu le pallium.
CHAPITRE CINQUANTE-QUATRIÈME.
DU PALLIUM DES LATINS PENDANT LES HUIT PREMIERS SIECLES.
I. II. Saint Césairc est le premier qui ait obtenu le pallium
des papes. Ses successeurs dans l'archevêché d'Arles conti-
nuèrent de le demander et de l'obtenir. 11 était nécessaire cpie
les rois le demandassent, et que l'empereur de Gonstanliuople
y consentit.
III. Réfutation d'un auteur nouveau, qui conclut de là que la
France relevait encore de l'empire.
IV. V. VI. Pourquoi le consentement des empereurs ne fut
pas toujours demande par 1rs papes.
Vil. VIII. Le vicariat et la légation du Saint-Siège apostolique
accompagnail souvent le pallium.
IX. Le pallium était donné sans suspendre ces métropolitains
des i itious pontificales, jusqu'à ce qu'ils l'eussenl reçu.
\ Explication du canon du concile de Maçon, qui lit celle
limitation. l>u pallium français.
I. Du pallium des Orientaux nous sommes
insensiblement tombés à celui des métropoli-
tains d'Occident.
Le pape Synimaque semble avoir été le pre-
mier qui ait donné le pallium à un métropo-
litain français. Ce fut à saint Césairc, évoque
d'Arles, qu'il l'accorda, et puisque les lettres
en ont été perdues, il y a lieu de croire qu'il
l'accorda de la même manière que le pape Vi-
gile, faisant gloire de mareber sur ses pas, le
continua à Auxanius, son successeur. Car Vigile
(Epist. h) témoigne qu'il ne fait que suivre
Synimaque : « Ut agenli vices nostras pallii
non desit otnatus, usum tibi ejus, sicut pra>
decessori tuo praedecessor noster sancta? recor-
dationis Symmachus legitur contulisse, beati
Pétri sancta autoritate concedimus. »
Ce pape ne dit pas qu'il accorde le pallium à
Auxanius, comme les papes ses prédécesseurs
l'avaient accordé aux précédents évèques d'Ar-
les, mais comme Synimaque l'avait donné à
Césairc. L'auteur de la vie de saint Césaire dit
la même chose (L. i, c. 20).
II. Or Vigile ne donna le pallium à Auxa-
ne iwllilm des latins.
nius qu'après ses instantes prières, qu'après
l'entremise du roi Childebert, et enfin après
a\nir eu l'agrément de l'empereur de Cons-
tantinople.
Voici ce que ce pape écrivit à Auxanius
(Epist. 1) : « De lus quae charitas vestra, tam
de usu pallii, quam de aliis sibi a nobis petiit
debere concedi , libenti boc animo etiam in
praesenti facere sine dilatione potuimus, nisi
eu m Christianissimi Domini filii nostri impe-
ratoris, hoc sicut ratio postulat, voluissemus
perficere notitia. Ut et vobis gratior prœstito-
rum causa reddatur. dum quae postulastis,
cum consensu christianissimi principis refe-
runtur, et nos honorem fldei ejus servasse
cum competenti reverentia judicemur. »
Dans la lettre suivante (Epist. u , écrite
après avoir obtenu le consentement de l'em-
pereur par l'entremise de Bélisaire, ce même
pape avertit Auxanius de ce qu'il doit faire
à l'égard de l'empereur et de l'impératrice.
« Oportet fraternitatem vestram Deo preces
effundere, ut clementissimos principes Justi-
nianum atque Theodoram sua semper pro-
tectione custodiat, qui pro his vestra? charitati
mandandis, suggerente patricio Belisario, pro
quo item vos convenit exorare, pia praebuerunt
devotione consensum. » Quant à la demande
et au consentement du roi Childebert, voici ce
qu'il en écrit : « Sicut nos pro tua? charitatis
affectu, et pro gloriosi filii nostri Childeberti
régis mandatis, vices nostras libentissima vo-
luntate contulimus, etc. »
Mais quelque bienséance, ou quelque néces-
sité qu'il y eût d'avoir le consentement de
l'empereur et du roi, c'était néanmoins par
l'autorité apostolique que ce pape accordait le
pallium : « Beati Pétri sancta autoritate conce-
dimus. »
111. Un docteur nouveau a prétendu que la
nécessité du consentement de l'empereur était
une marque de la dépendance du royaume et
des rois de France à l'égard des empereurs de
Constantinople ; d'où vient aussi, dit-il. que
saint Grégoire donna le pallium à saint Léan-
dre, archevêque de Séville, sans y faire men-
tion de l'agrément de l'empereur, parce que
les rois Golhs d'Espagne ne le reconnaissaient
plus; au lieu que le pape Vigile lit consen-
tir l'empereur a ce qu'on envoyât le pallium aux
evèques de France.
Ce docteur, ou trop passionné pour l'Espa-
gne, ou trop animé contre la France, eût pu
se détromper de cette Fausse imagination, s'il
eût fait attention a la lettre que nous venons
de citer. Le pape y exhorte Auxanius, en re-
connaissance de ce bienfait, de travailler avec
une sollicitude vraiment épiseopale a entrete-
nir la bonne intelligence qui était entre le roi
Childebert et l'empereur. >< llorlamur, ut sa-
cerdotali opéra inter gloriosissimum xirum
Childebertum regem. et antedictum clemen-
tissimum principem . concepts: gratis docu-
menta paterna adhortatione servetis. » 11 écri-
vit la même chose à Aurélien , successeur
d' Auxanius, dans l'évêché d'Arles. « Inter cle-
mentissimum principem et gloriosissimum
Childebertum regem gratis: intacts? feedera
custodire Epist. v). Cette paix et celte bonne
intelligence s'entretient entre des égaux ou
entre des princes mutuellement indépendants,
non pas entre les souverains et leurs vassaux.
Cet auteur eût mieux rencontré s'il eût dit
que le pape étant encore sujet de l'empereur,
aussi bien que la ville et les environs de Borne,
lui rendait ce témoignage de déférence de le
consulter dans les affaires importantes, de ne
pas communiquer sans son agrément le pal-
lium, qui était une effusion de la gloire et de
la majesté impériale, et avait été primitive-
ment un bienfait des empereurs ; de ne pas
dispenser lui seul des lois impériales qui in-
terdisaient aux particuliers sous de grandes
peines l'usage des habits impériaux : enfin de
ne pas faire des grâces extraordinaires et par
ce moyen s'unir par de nouveaux liens à des
évèques et à des souverains, dont l'empereur
pouvait concevoir de la jalousie, sans l'en avoir
averti.
Il aurait pu dire aussi avec raison que l'on
gardait encore quelques mesures avec l'empe-
pereur dans la disposition ecclésiastique des
pays qui venaient nouvellement d'être sous-
traits de son obéissance , et dans la création
d'une nouvelle autorité dont devaient relever
non -seulement les évèques du royaume de
Childebert, mais d'autres aussi, que le métro-
politain d'Arles avait accoutumé d'ordonner,
et qui n'étaient peut-être pas encore soumis à
Childebert ou soustraits à la domination impé-
riale.
C'est une conjecture qui se tire naturelle-
ment de la chose même, puisque le pape Vi-
gile adresse sa lettre du vicariat apostolique
d'Arles à ces deux sortes d'évèques. « Uniyer-
sis episcopis, qui sub regno Childeberti régis
00
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-QUATRIÈME.
constituti sunt : sed et liis qui ex antiqua con-
suetudine ab àrelalensi consecrati sunt , vel
consecrantur anlistite Epist. m). »
Enfin cet auteur eût mieux raisonné s'il eût
dit que le pape ne pouvant donner le pallium
et le vicariat apostolique à l'archevêque, sans
lui donner rang et séance entre les patriar-
ches , après les grands patriarches , avec les
archevêques de Thessalonique, de la nouvelle
Justinienne, etc. , en reculant derrière eux
tous les aidres métropolitains dans un concile
général ; il était au moins de la bienséance
de ne pas faire une innovation si considérable
dans la disposition générale de l'Eglise, sans
en prendre l'avis des empereurs qui avaient
eux-mêmes très-souvent des déférences si res-
pectueuses pour l'Eglise.
Nous en dirons davantage sur ce sujet contre
les ridicules prétentions de cet auteur, dans la
suite de ce discours.
IV. Ce même pape accorda son vicariat
apostolique à Aurélien, successeur d'Auxanius,
et lui envoya le pallium en même temps, avec
charge d'entretenir la paix entre l'empereur et
le roi Childebert, et d'écrire une lettre de re-
mercîment à Bélisaire, qui avait aussitôt averti
le pape du consentement de l'empereur, et
avait épargné la peine de ce long voyage à
celui qu'Aurélien envoyait pour cela à Cons-
tantinople. « Qui homini vestro laborem ad
clementissimum principemabstulit transeundi,
sed inox ut responsum recepit , nobis suis
litteris indicavit Epist. m.) » Le roi Childebert
avait demandé cette grâce pour Aurélien non
pas à l'empereur, mais au pape. « Childeberti
régis voluntas accessit. »
V. Pelage Ie' (Epist. vi , vu) accorda le
pallium a Sapaudus, évêque d'Arles, avec le
vicariat apostolique, après que le roi Childe-
bert et Sapaudus l'eurent demandé par lettres
et par des envoyés exprès, o Lilterasnostrascon-
sacerdoti Sapaudo secundum petitionem ve-
stram direximus, usum pallii pariter conceden-
tes. » Et dans sa lettre a Sapaudus: « Pariter
libi pallium dirigentes, ut in tanti loci fastigio
constitutus, praeclaroquoque habitudecoreris.»
En effet il était par là établi le premier évêque
du royaume, comme lieutenant du pape. « Ut
Sedis nostrse vicarius institutus, ad instar no-
strum. in C.alliarum partibus primi sacerdotis
locum obtineas. »
VI. Ce pape ne fait nulle mention de l'empe-
reur, ou parce que la même bonne intelligence
ne subsistait plus entre lui et le roi Childebert,
ou parce qu'il jugeait que le consentement une
fois donné à ses prédécesseurs et aux prédé-
cesseurs de l'évêque d'Arles devait suffire, ou
parce que tous les évêques que cette légation
soumettait à l'évêque d'Arles, étaient sous la do-
mination du roi Childebert.
Saint Grégoire envoya aussi le pallium à
Virgilius, évêque d'Arles, qui avait employé
pour cela, non-seulement ses prières, mais
aussi celles du roi Childebert. a Quod juxta
antiquum morem usum pallii ac vices Sedis
Apostolicœ postulasti , absit ut aut transitoriœ
potestatis culmen, aut exterioris cultus orna-
mentum in vicibus nostrisacpallio quaesisse te
suspicer, etc. Libenti animo postulata conce-
dimus, neautquidquam vobisdedebito honore
subtrahere , aut praecellentissimi filii nostri
Childeberti petitionem contempsisse videamur
(L. îv, ep. 50 53.) » Et dans sa lettre au roi :
« Virgilio vices nostrasjuxta antiquum morem,
et excellentiee vestrae desiderium eommisimus.»
Il n'est point ici parlé du consentement de
l'empereur, pour accorder le pallium à l'évê-
que d'Arles , mais quand ce même pape le
donna à Syagrius évêque d'Autun (L.vn. ep. 5),
il fit savoir à la reine Brunehaut que l'empe-
reur avait agréé cette nouvelle grâce qu'on
faisait a un évêque dont les prédécesseurs n'en
avaient jamais joui. « Propter quod et serenis-
sinii donini imperatoris , quantum nobis dia-
conus noster qui apud eum responsa Ecclesiœ
faciebat, innotuit, prona voluntas est, eteoncedi
hoc om ni no desiderat. »
C'est la véritable raison pourquoi ce pape
attendit le consentement de l'Empereur pour
donner le pallium à l'évêque d'Autun , et ne
l'attendit pas pour l'évêque d'Arles; que le
pallium avait été donné aux prédécesseurs, et
en quelque façon à l'Eglise de l'évêque d'Arles,
ce qu'on ne pouvait pas dire de l'évêque
d'Autun.
Concluons donc aussi que si le pallium a été
donné par saint Grégoire à saint Léandre, évê-
que de Séville, avec la légation et le vicariat
apostolique , sans demander l'agrément de
l'empereur de Constanlinople , c'est parce que
ce n'était qu'une continuation d'un ancien
bienfait. Car avant saint Grégoire le pape Siin-
plicius avait accordé la même légation aposto-
lique à l'évêque de Séville, et le pape Hormisde
avait fait la même faveur à Salluste, évêque de
la même ville.
DU PALLUM DES LATINS.
91
Cela donne un juste fondement de croire
que les autres papes n'avaient pas refuse la
même grâce aux autres évêques de Séville. En
effet, quoique ces grâces semblassent être per-
sonnelles, et que chaque évêque dût les obtenir
par ses instantes prières , le pape néanmoins
confessait en les accordant . que ce n'était
qu'une continuation et une suite de l'honneur
dont les évêques du même siège avaient joui ,
comme on a pu remarquer ci-devant, et comme
saint Grégoire même témoigne dans la formule
de la concession du pallium (L. x. ep. 56.)
Enfin , il proteste lui-même en envoyant le
pallium à Léandre, qu'il ne fait que se confor-
mer à l'ancienne coutume. « Antiquae parère
consuetudini L. vu. ep. 27. ) »
De tout cela il paraît combien le docteur
Flamand s'est éloigné de la vérité, dans les
conjectures qu'il a tirées de cette diverse con-
duite de saint Grégoire pour les palliums de la
France et de l'Espagne. En effet, si saint Gré-
goire a envoyé à l'archevêque de Séville le
pallium, sans en prendre avis de l'empereur^
il en a usé de même pour l'archevêque d'Arles.
Sa conduite a donc été semblable pour les deux
royaumes, et on n'en peut pas tirer de consé-
quences contraires pour la dépendance ou l'in-
dépendance de l'empereur.
Si ce saint pape a demandé le consentement
de l'empereur pour le pallium del'évêqued'Au-
tun , et non pas pour celui d'Arles, ces deux
évêques étant également dépendants du roi
Childebert, et également indépendants de l'em-
pereur, il faut chercher une autre raison de
cette diversité de conduite, et celle que nous
avançons est tout à fait vraisemblable. A quoi
il faut ajouter que le même pape Grégoire
étant presse par l'évêque de Vienne de lui don-
ner le pallium, il lui lit réponse qu'il n'avait
trouvé dans les chartes de Rome aucun exem-
ple du pallium donné aux précédents évêques
de Vienne ; que si dans les chartes de l'Eglise
de Vienne il en trouvait , qu'il l'en informât
(L. vu. ep. lie.
Vil. Or, qu'il fallût employer les plus pres-
santes prières ponr obtenir le pallium , outre
les preuves qui en ont déjà été rapportées, le
pape saint Grégoire le dit fort clairement à la
reine Brunehaut, l'assurant qu'on ne l'accorde
qu'à un grand mérite, et à de fortes sollicitations,
o Maxime quia et prisca consuetudo obtinuit,
ut honor pallii nisi exigentibus causarum me-
ritis , et fortiter poslulanti dari non debeat. »
C'est pour cela qu'il veut que Syagrius,
évêque d'Autun. en fasse lui-même la demande
et la fasse faire par d'autres évêques: « Facta
cum aliquantis episcopis suis petitione, etc.
il., vu. epist. 5.] » Gommesice saintpape avait
prévu, et avait tout ensemble voulu prévenir la
médisance de ceux qui ont dans ces derniers
siècles décrié le pallium. comme le joug d'une
servitude nouvelle , artificieusement inventée
pour asservir à Rome les métropolitains.
Au contraire, le pallium ne fut donné qu'aux
instantes prières des souverains, aux poursuites
des évoques, si l'on excepte et Syagrius d'Au-
tun, et l'évêque d'Ostie, à qui Anastase biblio-
thécaire dit que le pape Marc permit d'en user
en consacrant les papes, et Aiglibert évêque du
Mans, favori et archichapelain du roi Thierry III.
que le père le Ceinte prouve avoir reçu le pal-
lium en 685, avec la qualité d'archevêque ,
c'est-à-dire, la préséance et la primauté entre
les évêques de la province de Tours, comme
Syagrius avait obtenu une pareille prééminence
dans sa province avec le pallium.
Si l'on excepte donc ces trois prélats , le pal-
lium ne fut donné hors de l'Italie , et les pays
voisins, qu'aux légats du pape, c'est-à-dire, à
un seul métropolitain de tout un royaume ,
qui bien loin de se voir par là plus dépendant
et plus limité dans ses pouvoirs, se voyait au
contraire élevé à un nouveau comble de gloire
et de puissance, devenant le primat et comme
le patriarche de tout un royaume.
VIII. En effet nous voyons que conjointement
avec le pallium, des papes donnèrent aux arche-
vêques d'Arles, de Séville, de Cantorbéry, de
Mayence, le vicariat ou la légation apostolique,
qui était une participation de la puissance pa-
triarcale du pape sur les métropolitains. Les
métropolitains eux-mêmes ont recherché avec
ardeur d'être aussi honorés du pallium, et en-
core a-t-il fallu trois ou quatre siècles pour
le leur rendre commun à tous. Nous avons
assez parlé ailleurs des primaties ou des vica-
riats apostoliques de divers royaumes de l'Oc-
cident, et nous avons montré que ce n'était qu'à
ces métropolitains qu'on envoyait le pallium.
Il est vrai que saint Grégoire et ses succes-
seurs envoyèrent deux palliums en Angleterre,
pour Cantorbéry et pour York; mais il est
aussi certain que ces deux métropolitains avaient
réciproquement des droits patriarcaaux, puis-
que le survivant faisait élire et ordonnait le
successeur de l'autre.
92
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-QUATRIÈME.
Un autre exemple du pallium donné à de
simples métropolitains , est contenu dans la
Iettredu papeZacharie àsaint Boniface(Epist. iv)
où il donne le pallium à trois métropolitains,
G ri mon, Abel et Artbert. Encore peut-on dire
que ces métropolitains étaient en même temps
chargés des missions apostoliques, et de la con-
version des gentils.
Confessons néanmoins que ce sont là les
commencements de la communication du
pallium à de simples métropolitains: cela n'ar-
riva qu'au milieu du huitième siècle (An. 744.)
IX. Je ne dirai rien ici des pouvoirs extraordi-
naires que le pape accordait avec le pallium et
le vicariat apostolique. Nous en avons assez
parlé dans le chapitre des archevêques et des
primats ou exarques. On peut recourir aux
lettres que nous avons citées, et on peut dire en
un mot que c'était une communication de l'au-
torité patriarcale.
Ce n'est donc pas là ce qui augmentait l'au-
torité du pape , ni qui diminuait celle des mé-
tropolitains; mais l'autorité du pape se com-
muniquait aux métropolitains, qui en vertu de
la dignité de primat dont ils étaient revêtus,
pouvaient connaître in partibus, c'est adiré
sur les lieux, de plusieurs causes, qu'il aurait
fallu sans cela porter au Saint-Siège: ce qui
augmentait et affermissait la liberté des Eglises,
dont les causes se jugeaient sur les lieux.
C'est donc en vain que l'on traite l'usage du
pallium de servitude; en effet, quoique les mé-
tropolitains fussent obligés de subir le juge-
ment de l'exarque, avant que de subir celui
du pape , ce n'était pas une nouvelle servitude
que l'on imposait aux métropolitains, puisque
des la naissance de l'Eglise ils avaient été assu-
jétis au jugement du concile provincial; mais
c'était plutôt étendre la liberté du primate! du
diocésain, et rétablir son ancienne autorité.
Enfin , pour revenir à ces épitres des papes,
dont nous avons parlé ci-dessus, on ne peut
remarquer dans toutes ces lettres aucun ves-
tige qui nous indique que le pallium ait
apporté aucune altération à l'autorité et aux
droits des métropolitains.
Ce sont les évoques qui se sont eux-mêmes
réduits à ces usages. Car c'est le concile I de
Màcon, tenu en r>8 1 , qui défend à l'archevêque
dédire la messe sans avoir son pallium. «Ut
archiepiscopus sine pallie» missas dicere non
praesumat. » Il n'y avait alors que le métropo-
litain d'Arles qui eût le pallium, et qui pût
porter la qualité d'archevêque : aussi ce canon
ne parle qu'au singulier, et se sert du mot
d'archevêque , et non pas de celui de métro-
politain.
X. Il y en a qui veulent que ce canon com-
prenne tous les métropolitains, et ne parle que
d'un pallium qui fût commun et propre à tous
les métropolitains de France, différent de celui
de Rome , et qui en tirent une preuve de ce
que ce canon commande l'usage du pallium à
toutes les messes, au lieu que celui de Rome ne
se devait porter qu'à certains jours solennels
(Marca Concord., I. vi, c. 7.) Mais ils devraient
nous avoir donné quelques autres preuves de
ce pallium français, différent du romain. Car
il n'en paraît ailleurs aucun vestige. Ils de-
vraient nous avoir montré que ce pallium
français était propre et particulier aux métro-
politains, et interdit aux autres évêques.
Pourquoi Syagrius aurait-il recherché si pas-
sionnément le pallium romain pour se distin-
guer des autres évêques , pouvant le faire par
le pallium français? Comment les autres évê-
ques de France n'auraient-ils jamais demandé
ou extorqué ce pallium français? Et pourquoi
ce canon [se sert-il du mot 'd'archevêque , qui
n'était point encore donné aux métropolitains?
Quant à la limitation de certains jours solen-
nels, on ne la trouvera point dans les lettres
des papes Symmaque, Vigile, Pelage, qui ont
envoyé le pallium aux archevêques d'Arles, et
c'est peut-être le sens et le dessein de ce canon
de leur prescrire l'usage ordinaire du pallium
à la messe , parce qu'ils n'ignoraient pas que
l'usage en était limité pour d'autres à des jours
extraordinaires.
Il est vrai que saint Grégoire limita l'usage
du pallium à la messe et dans l'église , en l'ac-
cordant à l'évêque d'Arles, mais ce ne fut que
quelques années après ce concile de Màcon.
Enfin, quand cette supposition serait véritable,
il faudrait après cela n'être plus surpris, si
lorsque les métropolitains de France ont pour-
suivi et enfin obtenu le pallium romain, la
même limitation qu'ils avaient eux-mêmes
établie pour le pallium français, est demeurée
de ne point faire de fonctions pontificales sans
le pallium.
Forlunat parle bien du pallium orné de croix
de l'évêque de Tours : « Pallianam meruit,
sunt quae cruce textile pulchra (L. u. c. 3) ; »
mais il ne dit pas que ce pallium lût propre
aux métropolitains.
nu PALL1UM I>K L'ÉGLISE LATINE.
'.Ci
CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
M PALLIE. M DE L EGLISE LATINE DANS LES HUIT PREMIERS SIECLES.
I. Comment le vicariat apostolique de l'archevêque d'Arles
était avantageux à la France. 11 fut enveloppé dans les ruines
de la maison de Clovis. Boniface rétablit l'épiscopat en France,
en donnant le pallium à tous les métropolitains, et les faisant
tous primats en un sens.
II. Interprétation peu favorable que quelques-uns ont donnée
à ce changement de police.
III. Elle est réfutée par toutes les circonstances qui font voir
que le pallium n'était point suivi d'une nouvelle servitude envers
le pape.
IV. Combien cette nouvelle police était nécessaire à l'Eglise
de France, et comment les évèqnes de France la dt-
enx-mèmes.
V. Combien les métropolitains de France avaient d'intérêt à
ne pas souffrir les archevêques, ou des primats entre eux et le
pape.
VI. On examine la promesse d'obéissance au pape, que Bo-
niface fit faire aux évêques de France.
VII. Que la promesse que les métropolitains font en recevant
le pallium, d'obéir au pape selon les canons, n'est pas une nou-
velle servitude.
VIII. Les archevêques d'Arles promettaient la même observa-
tion des canons en recevant le pallium.
IX. Justification du serment qu'on commença longtemps après
d'exiger des métropolitains.
X. Que saint Grégoire avait toujours protesté que le génie et
l'âme du pallium était une observation inviolable des canons, et
qu'il avait pour cela exigé des promesses qui approchaient bien
du serment.
XI. La forme du pallium.
I. Tous les métropolitains de France obtin-
rent enfin du pape Zacharie que le pallium
leur fût communiqué en l'an ~i1, et ils réso-
lut rut dans un concile, où saint Boniface pré-
sida, de le demander, et de promettre en même
temps une obéissance exacte aux ordres du
Siège apostolique.
Voici les termes de la lettre de Boniface
écrite en Angleterre. « Decrevimus in nostro
synodali conventu, etc. Sancto Petro et vicario
ejus Telle subjici, synodum per omnes annos
congregare, metropolitanos pallia ab illa sede
quttrere, et per omnia, praecepta Pétri canonice
sequidesiderare. » Et un peu plus bas: «l'nus-
quisqne episcopus si quid in sua diœcesi emen-
darenequiverit, itideminsynodocoram archie-
piscopo et palam omnibus ad corrigendum insi-
nuet, etc. Omnesepiscopi debent metropolilano,
et ipse Romano pontifici, siquid de corrigendis
populis apud eos împossibile est. notum facere,
et sic alieni lient a sanguine animarum perdi-
tarum Epist. < \ . %
On tire de ces termes une conséquence in-
faillible, qui est, que le nom d'archevêque et le
pallium fut alors communiqué à tous les mé-
tropolitains. On ne peut pas dire que le vicariat
du Saint-Siège, qui avait jusqu'alors accom-
pagné lé pallium. leur fut aussi communiqué,
mais avec le pallium on leur donna une par-
tie de cette puissance primatiale, en tant qu'on
les exempta de la sujétion du vicaire apostoli-
que, et on les fit immédiatement relever du
pape. Aussi avons-nous vu que par cette raison
les archevêques d'Arles ont dominé durant
plus d'un siècle sur tous les métropolitains de
la couronne de France.
Les rois trouvaient leur compte dans l'établis-
sement de cette nouvelle dignité, qui arrêtait
dans leur royaume un grand nombre de causes
qu'il eût fallu porter à Rome, et qui donnait à
la France comme un patriarche propre, et un
concile national. Mais si les rois et les archevê-
ques d'Arles y trouvaient leur avantage, et
employaient pour cela tant de pressantes ins-
tances, comme nous avons vu, les métropoli-
tains qui devenaient les sujets d'un de leurs
égaux et de leurs confrères n'en étaient pas
vraisemblablement fort satisfaits.
Les longues et sanglantes guerres durant la
décadence de la maison du grand Clovis ayant
non-seulement éteint le vicariat apostolique,
ou l'exarchat d'Arles, mais aussi presque dé-
truit l'épiscopat du royaume ; saint Boniface,
qui avait été envoyé en France pour y rétablir
la discipline, donna une autre forme à l'épis-
copat, en l'exemptant de ces vicaires apostoli-
ques, ou primats et déclarant tous les métro-
politains primats en ce sens véritable, qu'ils
ne relèvent d'aucun autre primat, comme nous
l'avons déclaré ci-dessus.
II. Voilà les raisons et les motifs du change-
ment qui se fit alors dans la police ecclésiasti-
que de la France, par la communication du
'.Il
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
nom d'archevêque et du pallium à tous les mé-
tropolitains. Ainsi ce ne peut être qu'un raison-
nement plus hardi que solide, de dire que
Roniface força les métropolitains de France de
quitter leur pallium français, et de demander
celui de Rome, pour les engager par ce nou-
veau lien à une nouvelle servitude envers le
pape, à qui ils commençaient de faire un nou-
veau serment d'ohéissance en recevant le
pallium.
En effet, les Français ayant résolu de deman-
der au pape Zacharie trois palliums, pour les
métropolitains de Rouen, de Reims et de Sens,
tardèrent de faire cette demande , comme
s'ils eussent pressenti les chaînes où ils s'en-
gageaient; le pape témoigna être surpris de ce
retardement, et Roniface ne sut quelles excuses
lui en faire.
« De eo quod jam pneterito tempore de ar-
chiepiscopis et de palliisa Romana Sede peten-
disjuxtapromissa Francorum, sanctitati vestrœ
notum feci, indulgentiam Sedis apostolicœ
tlagito: quia quod promiserunt, tardantes non
impleverunt, et ventilatur, et quid inde per-
ficere veliut, ignoratur. »
III. Ce ne sont là que des imaginations mal
fondées. En effet, comment Roniface seul, à
qui le pape n'avait donné aucun pouvoir sur
les évèques de France, pouvait-il forcer les
évèques de France à une chose si désavan-
tageuse? Comment pouvait-il lui seul ou forcer,
ou séduire un synode national, et où les princes
et les grands seigneurs s'assemblaient en même
temps et dans la même ville avec les évèques?
« Decrevimus in nostro synodali conventu, etc.
(Bonifac, epist. cv). » Comment pouvait-il
forcer les rois et les princes de France de con-
sentir à ce nouvel asservissement de leurs
évèques ? Mais comment les princes étaient-ils
si aveuglés dans leurs intérêts, et pour le dire
ainsi, si fort enchantés, qu'ils employassent
les prières vers Roniface, et lui donnassent un
prompt secours pour déshonorer leur Etat?
« Synodum congregandam ethortandamjussu
pontificis Romani et rogalu principum Fran-
corum et (lallorum sub spe restauranda) legis
Christi suscepi.» Comment le prince et duc
des Français Carloman aurait-il établi lui-
même Roniface archevêque sur tous les évèques
de Germanie ? « Ordinavimus per civitates
episcopos, et conslituimus super eos arclùe-
piscopum Bonifacium, qui est missus sancli
Pétri (Conc. Liptin., c. i). Comment le même
Carloman aurait-il lui-même prié Boniface de
venir tenir un synode en France, où il n'avait
nulle juridiction, puisque le pape ne lui avait
commis que la Germanie ? Le pape Zacharie
consentit à cette prière et permit à Boniface de
tenir ce concile en France, n'ayant jamais eu la
pensée de l'envoyer pour cela.
Voici ce qu'il écrit à Boniface. a De eo quod
nobis intimasli, quod te Carlomannus filins
noster ad se rogavit accedere, ut in urbe regni
Francorum, in sua ditione constituta, synodum
celebrare debeas, et hoc libenter concedimus
et Qeri prsecipimus (Epist. i). »
Ce pape prescrit ensuite à Boniface ce qu'il
doit traiter dans ce concile, mais il n'y paraît
pas la moindre trace de ces artificieux desseins
d'accroître sa domination.
IV. Mais il faut apprendre de la lettre même
de Boniface à ce pape, l'état déplorable de
l'Eglise de France en ce temps, pour y découvrir
les véritables raisons qui portèrent ce saint
archevêque à y faire les règlements qu'on
tâche île noircir. 11 assure que depuis soixante
ou soixante et dix ans la discipline ecclésiasti-
que était foulée aux pieds et comme anéantie
dans la France; que depuis plus de quatre-
vingts ans on n'y avait point tenu de concile, et
on n'y avait point vu d'archevêque; que les
é\ relies avaient été donnés à des laïques,
ou à des ecclésiastiques coupables des impuretés
les plus criminelles, et d'une vie toute sé-
culière.
« Carlomannus, dux Francorum synodum
me rogavit cougregare, et promisit se de ec-
clesiastica religione, quœ jam longo tempore,
id est, non minus quam per sexagintavel sep-
tuaginta annos calcata et dissipatafuit, aliquid
corrigere et emendare velle. Franci enim, ut
seniores dicunt. plusquam per tempus octo-
ginta annorum synodum non fecerunt ; nec
archiepiscopum , habuerant , nec Ecclesiae
canoniea jura alicubi fundabant vel renova-
bant. Modo autem maxima ex parle per civitates
episcopales sedes tradita1 sunt laicis ad possi-
dendum, vel adulteralis clericis, scortatoribus,
et publicanis sœculariler ad perfruendum. »
Voilà la peinture effroyable, et le funeste
état de l'Eglise de France en ce temps-là. Car-
loman voulut remédier à ces désordres : il
demanda secours à Boniface, et jugea avec lui
qu'il fallait commencer par rétablir les conciles
et les archevêques, ou les métropolitains.
Quand Boniface dit que depuis quatre-vingts
DU PALLIUM DE L'ÉGLISE LATINE.
ans la France n'avait point eu d'archevêque,
«necarchiepiscopumhabuerunt, » on pourrait
croire, avec quelque fondement, qu'il entend
parler de l'extinction du vicariat apostolique
de l'évêque d'Arles, qui était le seul archevê-
que en Fiance, connue légat et vicaire du
Siège apostolique. Ainsi pour rétablir l'Eglise
dans son premier état, puisque la ruine de ce
vicariat avait été suivie de la ruine entière de
la discipline de l'Eglise, il fallait ou demander
un autre archevêque, légat et vicaire du pape,
ou renouveler le plus ancien usage , que
chaque métropolitain ressortissait immédiate-
ment du pape.
Il semble que les Français aimèrent mieux,
au moins après la mort du légat Boniface,
rentrer dans leur ancienne police , qui ne
mettait rien entre le pape et les métropolitains.
Ainsi chaque métropolitain devenait primat en
sa manière par son exemption de tout autre
primat que du pape. Le pallium était une
marque fort convenable de cette nouvelle
exemption, qui pouvait porter le nom de
primatie.
Voilà ce qui lit résoudre les évêques du
concile à demander au pape des palliums pour
tous les métropolitains. Ils n'en avaient peut-
être d'abord demandé que pour trois, mais
après ils jugèrent plus à propos de les égaler
tous. « Métropolitains pallia ab illa sede quœ-
rere. » Et c'est peut-être ce changement de
résolution qui lit le retardement dont le pape
et Boniface furent en peine.
Le pallium étant accordé à tous les métro-
politains, ils entraient tous dans l'obligation
commune d'avertir le pape de tous les désor-
dres qu'ils ne pourraient pas corriger, ce qui fai-
sait auparavant un des devoirs particuliers de
l'archevêque d'Arles, auquel les métropoli-
tains recouraient dans leur impuissance, et lui
au pape. Et c'est ce que disait Boniface ci-
dessus : « Omnes episcopi debent metropolitano,
et ipse Bomano pontiflci si quid de corrigendis
populis apud eos impossibile est, notum facere
(Epist. x).»
V. Or que les évoques et les métropolitains
de France considérassent comme un point im-
portant de leurs libertés, de ne plus souffrir
de primat ou de métropolitain entre les autres
métropolitains et le pape ; c'est ce que nous
justifierons dans la suite. Nous ferons même
voir une résistance vigoureuse et invincible de
la part de ces évoques à toutes les tentatives
que les papes et nos rois ont fait de temps en
temps pour établir de nouveaux primats ou
vicaires apostoliques dans ce royaume.
Les évêques de France pouvaient encore con-
sidérer dans cette rencontre l'exemple de l'E-
glise anglicane, oi'i il n'y avait que deux ar-
chevêques ou métropolitains également hono-
rés du pallium, et également dépendants ou
indépendants l'un de l'autre. Ils pouvaient se
ressouvenir que saint Grégoire pape donnait
le pallium aux métropolitains, dont il était le
consécrateur ordinaire : de Bavenne, de Milan,
de Salone, de Païenne, de Syracuse, de Ca-
gliari, quoiqu'ils fussent de simples métropo-
litains, sans primatie et sans vicariat aposto-
lique. Enfin, Anastase bibliothécaire dit que
Grégoire III, prédécesseur de Zacharie, donna
le pallium à l'évêque de Vienne Vilicarius, et
le lit archevêque : « Pallio dato archiepisco-
pum constituit. » Cet archevêque demeura ce
qu'il était, un simple métropolitain.
VI. Quant à la suggestion que Boniface fit pro-
mettre au Siège apostolique, il est ridicule d'en
prendre le moindre ombrage. Car ce fut tout
le concile, ce furent tous les évêques, et non
pas les métropolitains seuls qui promirent cette
soumission. « In nostro synodali conventucon-
fessi sumus fidem catholicam, et unitatem et
subjectionem Bomamc Ecclesia' fine tenus ser-
vare, sancto Petro et vicario ejus velle sub-
jici. »
Cela est commun à tous les laïques, à tous
les ecclésiastiques, à tous les évêques, en tous
lieux et en tout temps. Il n'y a rien là qui ait
un rapport particulier aux métropolitains ou
au pallium, ou aux nouvelles obligations que
le pallium leur impose. Et quelle est l'Eglise,
qui est l'archevêque ou le métropolitain qui
ne se reconnaisse soumis au pape comme au
vicaire de J.-C? Les patriarches de l'Orient ne
pouvaient pas et ne prétendaient pas même
être exempts de cette suggestion au chef vi-
sible de l'Eglise, dont ils sont les membres.
VIL Si après cela on ajoute : « Métropolita-
ins pallia ab illa sede quœrere, pracepta sancti
Pétri canonice sequi : » c'est plutôt un nouvel
avantage et une nouvelle liberté, qu'une servi-
tude qu'on procure aux métropolitains. On leur
donne à tous ce que les rois n'avaient pu obte-
nir durant cent ou deux cents ans, que pour le
seul archevêque d'Arles, et pour un évêque
d'Autun;et on les affranchit de la sujétion que
leurs prédécesseurs avaient eue à l'archevêque
96
DU SECOND ORDI'.E DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
d'Arles. Si on ajoute qu'après cela ils obéiront
canoniquement aux ordres du Saint-Siège, il
est vrai que c'est une suite du pallium . mais
est-ce une servitude nouvelle? n'est-ce pas plu-
tôt une loi qui est née avec l'Eglise, et qui est
le fondement solide de toute la discipline de
l'Eglise, que les inférieurs doivent obéir à leurs
supérieurs, et que tous les hommes doivent
être soumis aux puissances que Dieu a mises
sur leurs têtes? 11 est toujours sous-entendu
que les commandements des supérieurs seront
conformes aux lois et à l'équité , mais ce con-
cile, pour dissiper tous les ombrages qu'on en
pourrait prendre, remarque en termes formels
que cette obéissance des métropolitains au pape
est réglée par les canons. « Prœcepta sancti
Pétri canonice sequi. » Et le pape Zacharie ne
protestait-il pas lui-même, que les ordonnances
du Siège apostolique sont toujours conformes
aux canons? «Nec enim ab bac apostolicaSede
illa diriguntur, quae contraria esse Patrum .
sive canonum statutis inveniantur (Epist. i, ad
Bonifac). »
Cette obéissance aux canons, et aux ordon-
nances canoniques des papes . peut-elle être
appelée une nouvelle servitude ? N'est-elle pas
plutôt le fondement invariable de la véritable
liberté , aussi bien que de toute la discipline
sainte et divine de l'Eglise? Les fidèles, en
obéissant à leurs pasteurs, les ecclésiastiques
à leurs évêques, les évêques à leur métropoli-
tain, donnent-ils en cela des témoignages d'une
triste servitude ? N'est-ce pas la véritable et
l'unique liberté d'obéir aux lois, et à ceux qui
commandent selon les lois ? Et si l'on brise ces
sacrés liens, ne retombe-t-on pas dans une
effroyable confusion, et dans une pitoyable ser-
vitude ?
VIII. On ne pouvait pas donner le pallium à
tous les métropolitains, sans les obliger à une
observation exacte des canons et des décrets,
puisque cette obligation avait été imposée par
les souverains pontifes à tous les archevêques
d'Arles, et à tous ceux à qui le pallium avait
été envoyé. Qu'on lise toutes les lettres des
papes adressées aux métropolitains, à qui ils
envoyaient le pallium avec leur légation ou
vicariat apostolique, on y trouvera partout une
obligation plus étroite d'observer et de faire
observer les canons , et d'entretenir une plus
grande correspondance avec les papes, poul-
ies avertir de toutes les infractions des canons,
auxquelles ils n'auront pu remédier. Cepen-
dant cette obligation nouvelle n'avait pas em-
pêché les rois et les métropolitains, je dirai les
empereurs mêmes, de rechercher avec instance
le pallium et ces légations qui l'accompa-
gnaient.
IX. Si l'on fait consister la prétendue servi-
tude dans le jurement, qu'on a depuis exigé
des métropolitains dans la réception du pal-
lium, on pourrait dire que si le jurement est
nouveau , l'obligation en est aussi ancienne
qu'indispensable , d'obéir aux canons et aux
ordres dune autorité supérieure, divinement
établie. Les nouvelles maladies ne nous for-
cent-elles pas tous les jours de recourir à de
nouveaux remèdes ? Et quelle plus étrange
maladie que celle d'une Eglise , où depuis
quatre-vingts ans ou environ, toute la disci-
pline canonique était renversée? On n'assem-
semblait plus de synodes, on ne créait plus de
métropolitains , tous les évêchés étaient aban-
donnés à des laïques, ou à d'infâmes adultè-
res. Cette maladie n'était-elle pas assez nou-
velle et assez grande pour y apporter quelque
remède nouveau ? Et quel remède plus propre
à tant de plaies mortelles dans la discipline de
l'Eglise, que de lier par de nouvelles chaînes
les métropolitains à l'exécution des canons,
et à la correspondance avec le pontife du
siège de Pierre, qui est le conservateur de la
discipline de l'Eglise et l'exécuteur des ca-
nons ?
X. Il faut se ressouvenir que le pallium n'est
pas un ornement profane pour éblouir les
yeux et pour flatter la vanité des prélats ambi-
tieux. C'est un habit éclatant, qui avertit et qui
engage ceux qui le portent de s'élever encore
plus au-dessus des autres prélats, par l'éclat de
leur vertu, et par une grandeur de courage
vraiment royale, à maintenir inviolablemenl
les lois saintes de l'Eglise.
Saint Grégoire pape menaçait (L. i, ep. xiv,
xv) l'évèque de Salone de lui ôter le pallium
s'il ne réparait une faute qu'il avait commise,
après quoi il lui faisait craindre l'excommuni-
cation. 11 écrivait a l'évèque de Ravenne , qui
s'opiniàtrait à porter le pallium hors du temps
de la messe, et par les rues de la ville, que
l'humilité est ce qui orne le plus les évêques :
« Decorari pallio volumus, forsitan moribus
indecori,dum nihilin episcopali cervice splen-
didius fulget, quam humilitas (L. u, ep. liv).»
Il mandait à l'évèque de Milan, que l'humilité
el l'obéissance étaient comme le génie et l'âme
DU PALLH'M DE L'ÉGLISE LATINE.
07
du pallium : « Peto ut dum hoc palliura susci-
pitis, ejus honorem ac genium ex humilitate
vindicemus (L. m, ep. i). »
Lorsqu'il envoya le pallium à l'évêque de la
première Justinienne, il lui écrivit en même
temps un sommaire de toutes les vertus é|iis-
copales (L. iv, ep. vm). Il blâma L'évêque de
Ravenne de n'être pas excité à l'amour solide
des vertus intérieures, par l'éclat extérieur de
ses habits : « Invenio quia honor episcopatus
vestri , totus foris in ostensione est, non in
mente (Ep. xv). » Il écrivit à Virgile, évêque
d'Arles, qu'il devait orner l'ornement même
de son pallium par une vigilance infatigable,
par une piété tout extraordinaire , par un zèle
du salut des âmes vraiment apostolique. « Sed
jam nunc studio majori res indiget ; ut cutn
honor crescit, etiam sollicitude proficiat; et
erga cœterorum custodiam etiam vigilantia
excrescat , vitae quoque mérita subjectis in
exemplum veniant, et nunquam sua per sus-
cepti honoris gratiam , sed lucra caelestis pa-
triae vestra fraternitas exquirat (Ep. l, li,
lui). »
En envoyant ce pallium et à l'archevêque et
au roi qui l'avait demandé, il les obligeait en
même temps de remédier aux désordres qui
avaient cours dans le royaume, dont il s'était
fait instruire. Il en usait de même envers l'évê-
que de Corinthe. Il promettait l'usage du pallium
à Marinien, évêque de Ravenne (Ep. lv), pour
s'en servir à la messe, et quatre fois l'an seule-
ment aux processions par la ville , à condition
que ce lui serait un nouvel aiguillon pour s'avan-
cer dans les vertus pastorales. « Ut sicut a no-
bis hujusmodi decoris usum ad sacerdotalis
officii honorem largiente Domino percepisti,
ita etiam morum atque actuum probitate ad
Cbristi gloriam susceptum adornare contendas
officium (Ep. liv). »
Ces termes sont employés dans sa lettre à
l'évêque de Syracuse (L.v, ep. xvm). Il exige la
même réformation des désordres de l'Eglise
(L. vu, ep. v), en accordant à la reine Brune-
haut un pallium pour l'évêque d'Autun ; et
écrivant à l'évêque d'Autun même : « Pallii te
usu praevidimus honorandum ; quod tamen ita
tibi dandum esse decrevimus, si prius per
synodi defmitionem emendari promiseris, quae
corrigenda manda vim us (L. vu, ep. exiu). »
Voilà non pas un jurement à la vérité, mais
une promesse que ce pape exige de faire corri-
ger dans un synode les abus et les dépravations
de la discipline ecclésiastique du royaume ,
avant que de lui accorder le pallium. Quand il
aurait exigé un serment , quel sujet aurait-on
de se plaindre d'un zèle si louable ? Les laïques
montaient aux évêchés, ou vendaient à prix
d'argent les dignités les plus saintes de l'Eglise,
était-ce un grand mal d'exiger une promesse,
ou même un serinent de corriger de si grands
maux? Et par le serment d'obéissance au Saint-
Siège , le pape Zacbarie et saint Boniface n'en-
tendaient que cette sorte d'obéissance aux dé-
crets du Saint-Siège.
Le même pape envoyant le pallium à saint
Léandre , évêque de Séville, déclare que s'il
n'y ajoute pas les devoirs de ceux qui le reçoi-
vent, c'est parce que saint Léandre s'en acquit-
tait avant que de l'avoir reçu. « Transmisso
pallio valde debui qualiter vobis esset viven-
dum admonere, sed locutionem supprimo,
quiaverba moribus anteistis (L.vu,ep.cxxvi).»
Il dit en un mot à l'évêque de Salone, que
l'âme et l'esprit du pallium, c'est la justice et
l'humilité : « Hujus indumenti honor, humi-
litas atque justifia est (Ep. cxxx). »
Il envoie le pallium à l'évêque de Païenne,
à condition de faire respecter le chef de l'E-
glise, et observer les canons : c'est le sommaire
de ce que fit Boniface. « Illud autem admone-
raus, ut apostolicœ Sedis reverentia nullius
prnesumptione turbetur.Tunc enini status meni-
brorum integer manet, si caput fidei nulla
pulset injuria, et canonum manet incolumis
atque intemerata semper autoritas (L. xi, ep.
XLIV). »
XL Au reste Jean Diacre, dans la vie de ce
saint pape, montre bien que le pallium prenait
déjà de son temps la figure qu'il a présente-
ment. « Pallium ejus bysso candentecontextum,
nullis acubus perforatum, sic ipsum circa sca-
pulas devolutum , non autem confixum , sicut
vetustissimis musivis vel picturis ostenditur
(L. iv, c. 80, 84.) » Alcuiu confirme la même
pensée, quand il compare le pallium au ratio-
nal d'Aaron, « pro rationali nunc (Alcuinus, 1.
de divin. Offic). »
Je ne me suis point arrêté à réfuter la dé-
crétale prétendue du pape Pelage, rapportée
par Gratien (Grat. Décret., ci, c. 1), et que Bur-
chard et Anselme attribuent à Damase. Ces
deux chapitres en contiennent une réfutation
tout à fait convaincante.
Tu. — Tome II.
98
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
CHAPITRE CINQUANTE-SIXIEME.
Dl! PALLIUM DES LATINS ET DES GRECS SOIS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. Que dans l'Orient, le pallium n'était pas commun à tous les
évêques. Preuves du concile VIII.
II. Nouvelles preuves tirées de ce que le pallium avait été
d'abord un ornement impérial, communiqué au pape et aux pa-
triarches.
III. Autres preuves de Luilprand.
IV. Et de saint Grégoire, pape.
V. Diverses réllexions pour accorder les contradictions appa-
rentes.
VI. Quand les Latins eurent pris Constantinople, on ordonna
que les patriarches mêmes recevraient le pallium du pape.
VII. Puisque c'était l'investiture d'une dignité sacrée, il était
plus de la bienséance de la recevoir du pape que des empereurs.
VIII. Réfutation de ceux qui ont cru que l'on avait imposé un
nouveau joug aux métropolitains dans le concile V11I, en les
obligeant au pallium et à un serment au pape.
IX. Nouvelles preuves contre cette doctrine. Combien les em-
pereurs, les rois, les métropolitains, les évêques témoignaient
d'empressement pour le pallium.
X. Suite des mêmes preuves.
XI. Les évêques mêmes firent de grandes instances pour
avoir le pallium ; à quoi les métropolitains s'opposèrent.
XII. De la forme du pallium et des privilèges qui l'accom-
pagnaient.
I. Ce qui reste à dire du pallium, mérite un
chapitre à part ; nous commencerons par les
pratiques de l'Eglise orientale, que nous avons
commencé de débrouiller dans le chapi-
tre un.
Nous y avons remarqué que selon l'opinion
de quelques personnes très-savantes, le pallium
était un ornement commun à tous les évêques
d'Orient, et qu'ils en étaient honorés au temps
même et dans la cérémonie de leur ordination.
Ce sentiment ne laisse pas d'être combattu
par des gens savants, et par des preuves consi-
dérables.
Le concile VII général, qui est le quatrième
de Constantinople célébré en 869 (Can. xvn),
ordonne que les anciens patriarches soient
maintenus dans leur ancienne autorité de pou-
voir convoquer à leur concile tous les métro-
politains qu'ils ordonnent ou qu'ils confirment
en leur envoyant le pallium.
« Hœc synodus tam in seniori et nova Roma,
quant in sede Antiochiae et Hierosolyinoruin
priscam consuetudinem decernit in omnibus
conservari, ita ut earum prœsules universorum
metropolitanorum , qui ab ipsis promoventur.
et sive per manus impositionem, sive per pal-
lii dationem episcopalis dignitatis firmitatem
accipiunt, habeant potestatem ad convocandum
eos ad synodalem conventum. »
Il semble qu'on peut conclure de ces paro-
les, que le pallium était réservé pour les mé-
tropolitains , aussi bien dans les patriarcats
de l'Eglise grecque , comme dans celui de
Rome , et que les patriarches le donnaient ou
l'envoyaient aux métropolitains de leur res-
sort, comme l'investiture de leur dignité.
En effet, quelle apparence y a-t-il, que le pa-
triarche pour investir un métropolitain de sa
dépendance, ne lui envoyât qu'un ornement
commun à tous les évêques ?
On tire la même conséquence d'un autre ca-
non du même concile (Can. xxvu) , qui défend
aux évêques, à qui le pallium a été accorde,
d'en user hors des temps et des lieux où il
leur a été permis d'en user. « Ita ut episcopi,
quibus concessum est palliis uti certis tempo-
ribus, ineisdem temporibuset locis iis induan-
tur. » Ce n'étaient donc pas tous les évêques,
à qui cet ornement était accordé.
Si cette conséquence ne paraît pas convain-
cante, au moins on demeurera persuadé, que
si le pallium eût été un habillement commun
à tous les évêques, dont on les eût revêtus
dans leur consécration même, on ne se fût ja-
mais avisé d'en restreindre l'usage a un petit
nombre de jours, et à certains temps seulement
de la liturgie. Les prêtres et les diacres ne sont
point limités à certains jours et à certains
temps pour porter l'étole ou la chasuble, qui
est l'ornement propre de leur ministère. Pour-
quoi aurait-on donné des limites plus étroites
aux évêques?
II. Si le pallium a été d'abord un ornement
impérial dont les patriarches aient été pre-
mièrement favorisés, et dont ils aient depuis
obtenu des empereurs la communication
aux plus éminents d'entre les métropolitains,
et enfin à tous les métropolitains , comme
ne PAixini des latins et des grecs.
-.1!)
nous l'avons montré dans la partie précédente
de cet ouvrage, il est certain qu'en l'accordant
aux métropolitains, on a pu leur en limiterl'û-
sage à certains jours ; au lieu que les patriar-
ches n'y observaient aucunes limites. Mais on
ne met point de semblables bornes a un
pouvoir qui est comme naturel et ordinaire.
Lorsque les métropolitains, dont il est parlé
dans le VIIIe concile, avaient été ordonnés
par les évèques de leur province, avaient-ils
reçu le pallium dans leur ordination? s'ils
l'avaient reçu, pourquoi en fallait-il recevoir
encore un autre du patriarche, comme une
marque de leur continuation? Et comment les
eût-on confirmés, en leur donnant ce qu'ils
avaient déjà? Si ces métropolitains ne rece-
vaient point de pallium en recevant l'ordina-
tion des évèques de leur province, comment
peut-on se persuader que le pallium fût donné
aux évèques, et ne fût pas donné aux métropo-
litains au temps de leur consécration ?
III. Il est difficile que Luitprand se soit
trompé, étant ausji savant qu'il était, et ayant
été témoin oculaire de ce qui se passait dans
la Grèce, quand il a écrit que le patriarche
Théopbylace de Constantinople obtint du pape
la permission pour lui et pour ses successeurs,
de porter le pallium sans attendre la permis-
sion des pontifes romains, d'où s'introduisit
une nouvelle coutume, que tous les évèques
d'Orient usèrent enfin du pallium. « Tum ipse
tum successores ejus absque paparum permissu
palliis uterentur. Ex quo turpi commercio
mos inolevit, ut non soluni patriarches, sed
etiam episcopi lotius Grœciœ palliis uterentur
(An. 93o, apud Baron.). » Le pallium n'avait
donc point été commun jusqu'alors à tous les
évèques.
IV. Saint Grégoire le Grand réprima l'ambi-
tion de l'archevêque de Ravenne, qui portait le
pallium même hors de l'église aux jours des
litanies et des processions publiques, en lui
opposant la pratique générale des métropoli-
tains de l'Orient, et de ceux même qui avaient
trente et quarante évèques sous leur juridic-
tion. « Qui sub se etiam tricenos et quadrage-
nos episcopos habent (L. iv, epist. xv).
Ce grand pape ne parle que des métropoli-
tains, et il ne refuse pas de se conformer quant
à l'usage du pallium aux pratiques reçues
dans l'Eglise grecque. Ce même pape envoya
le pallium aux métropolitains de la Grèce qui
relevaient de son patriarcat, comme à ceux de
la première Justinienne, de Corinthe, de Nico-
polis,dela même manière qu'il l'envoyait à
ceux d'Occident (L. îv, epist. lv, lvi; 1. v,
en. mi).
Si les autres métropolitains et si les évèques
du reste de l'empire oriental n'eussent pas été
assujétis à une discipline semblable, ceux du
ressort du patriarche d'Occident eussent eu
bien de la peine à se soumettre à ces servitudes
extraordinaires.
Comment les évèques grecs du ressort du
pape eussent- ils souffert d'être absolument
privés d'un ornement qu'on recherchait avec
tant de chaleur, s'ils eussent vu tous les au-
tres évèques grecs jouir universellement de
celte faveur? Comment les papes eussent-ils
été si réservés à accorder le pallium aux seuls
métropolitains, si les moindres évèques grecs
en eussent eu l'usage libre? Comment eussent-
ils choisi un ornement commun à tous les
évèques grecs, pour distinguer les archevêques
occidentaux qu'ils voulaient honorer de la
charge de vicaire et de légat du Siège Apostoli-
que? Enfin, eùt-il fallu faire intervenir toute la
puissance et la faveur impériale pour faire
donner le pallium à quelques archevêques pri-
vilégiés de l'Occident, s'il eût été accordé in-
différemment à tous les évèques grecs?
V. Il y a donc beaucoup d'apparence, 1° Que
les Grecs eurent aussi bien que les Latins, dès
les premiers siècles, un pallium, ou une chape
épiscopale, qui distinguait les évèques des prê-
tres, ou par sa forme, ou par sa somptuosité ;
et que c'est de ce pallium commun qu'on doit
expliquer les passages qu'on allègue : c'est ce
qui est appelé ù|toœopt<w , superhumerale ; c'est
ce que Balsamon distingue nettement du poly-
staurion qu'il appelle jkuwXui KoXuamxupîcav , don-
nant à l'un et à l'autre séparément des si-
gnifications mystérieuses, et voulant (pie le
polystaurion figure la gloire et le triomphe de
la croix.
2° Que le pallium orné de croix, qui n'était
qu'une bande en façon de collier, qui se mettait
par-dessus la chape ordinaire des évèques, et
qui était une imitation de ces bandes, lora
segmenta, dont les empereurs s'ornaient eux-
mêmes, et dont Constantin fait part au pape
dans sa prétendue donation ; que ce pallium, dis-
je, ne fut d'abord accordé qu'au pape et aux pa-
triarches, et dans la suite du temps aux plus
illustres d'entre les métropolitains, et à ceux
que le pape honorait de la commission de
100 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
légat et de vicaire apostolique, tant en Orient
qu'en Occident : avec cette différence, que le
pape et les patriarches usaient continuellement
du pallium, sans aucunes limites ni de jours,
ni du temps, au lieu que les métropolitains
n'en avaient qu'un usage fort limité. Balsamon,
dans l'endroit que je viens de citer (Balsam., in
Jure Orient., torn. i, p. 447), veut que les pa-
triarches portent toutes les marques de leur
dignité, quelque part qu'ils se trouvent hors
de leur patriarcat, même à Constantinople,
comme ne faisant tous qu'un seul chef de
l'Eglise.
3° Que depuis que le pallium orné de croix
fut devenu commun à tous les métropolitains,
et que les évêques mêmes en impétrèrent quel-
quefois l'usage dans l'Occident et l'eussent
tous emporté sans la vigoureuse résistance des
papes, comme nous allons dire, les évêques
grecs se donnèrent tous la liberté d'en user,
et en extorquèrent une permission forcée du
pape, ou iirent semblant de l'avoir obtenue.
Avec cette distinction on peut accorder toutes
les autorités qui semblent d'abord se détruire
les unes les autres.
Les preuves que je viens d'avancer parais-
sent avoir plus de poids que celles qui ont été
alléguées ci-devant pour l'opinion contraire.
J'ai tâché dans la préface de justifier ce balan-
cement, et cette manière tlottante de traiter
quelques matières qui sont extraordinaire-
ment embrouillées. 11 est souvent plus à
propos de suspendre que de hâter son juge-
ment.
VI. Lorsque les Latins eurent conquis l'em-
pire oriental au temps d'Innocent III, ce pape
ordonna, dans le concile de Latran IV, que les
patriarches orientaux recevraient le pallium
du pape et le donneraient après cela à leurs suf-
fragants. « Postquam a Romano pontilice rece-
perint pallium, licenteretipsi suissuffraganeis
largiantur. » C'est-à-dire que les victorieux
établirent dans l'Orient la police des Eglises
occidentales sur ce point important pour faire
remarquer la subordination et la correspon-
dance de tous les membres à leur chef. Aupa-
ravant les patriarches grecs ne recevaient le
pallium que de leurs consécrateurs, ou ils ne le
recevaient que de l'empereur.
Libérât dit que l'ancienne coutume d'Alexan-
drie était que le nouveau patriarche mettait
sur son col le pallium de saint Marc, après
avoir achevé les funérailles de son prédéces-
seur , et prenait aussitôt possession de son
trône : « accipere collosuo beati Marci pallium,
et sic sedere ; » qu'Anthime ayant été déposé
par le pape Agapet, rendit son pallium aux
empereurs et se retira, « videnssesede pulsum
pallium imperatoribus reddidit et discessit
(Cap. xxi). » Il est vraisemblable qu'il le remit
entre les mains de ceux de qui il l'avait reçu
(L. i, epist. 27).
Saint Grégoire pria l'empereur de souffrir
qu'Anastase, patriarche d'Antioche, vînt faire
son séjour à Rome, en lui laissant l'usage du
pallium, puisqu'il ne voulait pas lui laisser la
liberté de résider dans Antioche. « Concesso
usu pallii, etc. » Et tant d'autres exemples rap-
portés ci-dessus, où il a paru que dans l'Occi-
dent même les papes ne donnaient le pallium
qu'avec l'agrément , et avec dépendance des
empereurs.
C'était donc plutôt une libéralité des empe-
reurs que des papes dans l'Orient.
VII. 11 faut néanmoins demeurer d'accord
que si le pallium a été reçu de la main des
empereurs dans les temps où plusieurs habits
du sacerdoce n'étaient pas encore bien distin-
gués des habillements communs, il y a eu non-
seulement de la bienséance, mais aussi de la
nécessité que lorsque ces habillements sont
devenus sacrés et purement ecclésiastiques, la
distribution en ait été faite par le pape et par
les patriarches plutôt que par les empereurs.
Au reste si les prélats considèrent que les
papes et les rois sont les vicaires de J.-C. sur la
terre, les uns pour les choses ecclésiastiques, les
autres pour les temporelles, ils tiendront bien
autant à honneur de recevoir ces marques
d'honneur et cette investiture du souverain pon-
tilicat, de la main du pape, que de celle des
souverains de la terre.
VIII. On a avancé que ce fut le concile VIII,
général, tenu à Gonstantinopleen 8U'J(C. xvu),
qui imposa une nécessité odieuse aux métro-
politains de demander le pallium au pape, et
de promettre en même temps une soumission
et une obéissance au Siège Apostolique, dont
on n'avait point parlé dans les siècles précé-
dents.
Mais 1° le canon de ce concile qui a été rap-
porté ci-dessus, n'ordonne point aux métropo-
litains de demander le pallium, mais seule-
ment que les métropolitains se rendront au
concile du patriarche, duquel ils reçoivent leur
confirmation en recevant le pallium , ou bien
DU PALLIUM DES LATINS ET DES GRECS.
101
en recevant de lui l'ordination même épisco-
pale.
2° Ce concile proteste qu'il ne fait que con-
tinuer l'ancienne coutume sans rien innover
« antiquam consuetudinem jubet servari. »
3° Ce canon donne aux autres patriarches la
même autorité qu'au pape sur les métropoli-
tains de leurs ressorts. « Tarn in seniori et nova
Borna, quam in sede Antiochiae, etc. »
i" Les auteurs mêmes de cette nouvelle ré-
flexion reconnaissent que cette même profession
d'obéissance et de soumission au Saint-Siège
avait été introduite plus de cent vingt ans avant
par le légat Boniface, dans le célèbre concile
qu'il tint en France (An. 742}-. Comment aurait-
on voulu établir dans un concile de Constanti-
nople ce qui était déjà reçu et pratique depuis
plus de cent vingt ans en Europe? Et les Grecs
eussent-ils facilement donné les mains à un si
considérable agrandissement de l'autorité du
Siège apostolique?
5° Cette obéissance était limitée aux canons,
« per omnia, praecepta Pétri canonice sequi. »
Boniface même n'en avait point fait d'autre au
pape Zacbarie pour l'archevêché de Mayence.
« Sicut praedecessorum vestrorum pro autori-
tate sancti Pétri servi devoti , et subditi , obe-
dientes et subditi sub jure canonica. » Or, ce
n'est pas une servitude nouvelle que de se
soumettre aux canons. La promesse en était
nouvelle; mais y eut-il jamais une nécessité
plus pressante de donner de nouveaux remèdes
à de nouvelles maladies que celle où l'Eglise
de France se trouva après le débordement
effroyable de toutes sortes de désordres qui
accompagna ou qui causa la ruine de la mai-
son de Clovis?
6° Plusieurs ont fait un article capital de nos
libertés de cette observance étroite des canons,
et ont cru que les anciennes franchises de l'E-
glise gallicane consistaient principalement dans
l'observation rigoureuse des anciens canons.
7° Le peu de déférence que les Français
avaient eu pour le VU6 concile général, et pour
toutes ses ordonnances, ne pouvait faire conce-
voir aux Romains qu'une faible espérance de
les assujétir aux canons du VHP concile. En
effet, ni le décret du culte des images qui fut
renouvelé dans ce VHP concile, ni les autres
canons qui y furent concertés ne furent reçus
en France que longtemps après. Ainsi ce n'est
pas à ce concile qu'il faut attribuer le nouveau
serment dont il est question.
IX. Tout ce que nous venons de dire sur la
matière «lu pallium , recevra de nouveaux
éclaircissements, en parcourant ce qui en est
rapporté dans les conciles et les autres actes
de l'Eglise gallicane.
Le pape Adrien I" envoya le pallium à
l'archevêque de Reims, Tilpin, à la demande
du roi Charlemagne. pour lui confirmer tous
les droits de sa métropole. « Ad petitionem
régis Caroli, pallium secundum consuetudi-
nem tibi transmisimus, cum privilegio ut me-
tropolis Ecclesia Remensis in suo statu mane-
ret, etc. Neque aliquis tuas parochias aut
ecclesias vel civitates subtrahere audeat, etc.
(An. 77-2, Flodoar., 1. n, c. 17). »
Le pallium était donc comme le sceau du
droit métropolitique, avec cet autre privilège
de ne pouvoir être jugé en dernier ressort que
par le pape : « Et te, aut futuris temporibus
Remensem episcopum et primatem illius diœ-
cesis non praesumat, neque valeat aliquis un-
quain de episcopatu dejicere sine canonico
judicio, et neque ullo judicio, sine consensu
Romani Pontificis, si ad hanc sanctam sedem
Romanam, quae caput esse dignoscitur orbis
terne appellaverit in ipso judicio. Sed in sola
subjectione Romani Pontificis permanens, diœ-
cesin et parochiam Remensem, nostra atque
beati Pétri fultus in ista sanctaSede autoritate,
secundum sanctos canones et hujus sanctœ
Sedis praeceptiones. itastudeasgubernare, etc.»
Cette sujétion au siège romain , qui était
comme une suite du pallium, était donc un
privilège que les métropolitains recherchaient
avec chaleur, c'était un affermissement de leur
autorité, appuyée sur celle du pape, c'était un
affranchissement de toute autre supériorité
que de celle du pape, c'était l'exemption de ne
pouvoir être jugé en derrière instance que par
le pape, c'était enfin un nouvel appui, pour
gouverner leur province dans l'exacte disci-
pline des canons.
Au reste, ce pape chargea en même temps
l'archevêque Tilpin de faire des informations
de la vie et des mœurs de Lullus, archevêque
de Mayence, afin de lui envoyer aussi le pallium,
après avoir reçu de lui une confession de la foi
catholique : « Ut si aptus fuerit, manu sua
subscriptam catholicam et orthodoxam fidem
per missos suos, cumlitterisac testimonio tuo,
seu aliorum epïscoporum , quos tecum esse
mandavimus, ad nos dirigat, ut pallium illi
secundum consuetudinem transmittamus. »
102
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
Le pape n'exigeait donc encore qu'une con-
fession de foi des métropolitains, à qui il en-
voyait le pallium , avec une information des
mœurs, qu'il faisait faire par les évêques, qu'il
nommait sur les lieux mêmes.
Le même pape (An. 786), accorda le pallium
à l'archevêque de Rourges Ermembert de
la même manière. 1° à la prière du roi Chai -
lemagne, « pro niniio vestro regali ex intimo
cordis amore, etc. (Concil. Gall., tom. il, p. 73,
73, 113). » 2° En assujétissant cette Eglise a la
seule Eglise romaine, « sub jure sanclœ Ro-
manae Ecclesia'degenti.» 3" Pour gouverner son
Eglise selon les canons, « ut ministerium sibi
connnissum digne valeat et canonice dispen-
sare.
Nicolas 1er envoya le pallium à Egilon, ar-
chevêque de Sens, à l'instance du roi Charles
le Chauve, qu'il conjura en même temps de
faire rendre à cette Eglise, et à toutes les autres
Eglises de son royaume, tout ce qui leur avait
été ravi pendant les longs désordres de la
guerre. « Unde et pallium secundum consue-
tudinem utendum ei secundum postulationem
vestram direximus (Concil. Gall., tom. ni, p.
273, 274). » En écrivant sur le même sujet à
l'archevêque Egilon, il ne lui recommande rien
tant que l'exécution des canons.
Le concile de Troyes célébré en 807, composé
de six archevêques et de plusieurs évêques, où
Hincmar, archevêque de Reims présidait, de-
manda au même pape le pallium pour WTfad,
archevêque de Rourges. Le roi Charles le
Chauve y joignit ses instances, « ut fulelissi-
niuni servum vestrum Wlfadum pallio aposto-
Licae autoritatis exornando decoretis, et deeo-
rando confirmetis. » Le pape Adrien II, qui
avait cependant succédé à Nicolas, accorda ce
pallium, « postulantibus vobis , ut Wlfadus
pallii usu more decessorum suorum, nostne
autoritatis largitione decorari potuisset, me-
rito condescensionis aures accommodavimus
(lbid.,C CCCLXXXV, CCCLXVII, CCCLXIX, CCCLXX1.)»
Le même Adrien II ayant appris que L'Eglise
de Nantes avait été entièrement détruite par
les Normands, écrivit au roi et aux évêques du
concile de Soissons, de donner un autre évêché
vacant, quand ce serait même une métropole,
à l'évêque de Nantes Aclardus, auquel il en-
voya cependant le pallium, comme une juste
récompense des exils, des prisons et des chaînes
qu'il avait souffertes pour la foi de L'Eglise,
déclarant néanmoins que ce serait un honneur
attaché ci sa personne, et non pas à l'Eglise,
dont on l'investirait. «Quodnon aliter illi, nec
cuilibet absque metropolitis concederemus ,
nisi multoties hune exilia, mare, vincula pas-
sum, eliamad capRalem sentenliam fréquenter
tractum fuisse comperissemus, etc. ut pro
exilio et catena, pallii ornamenta, non ad Ec-
eleskc cui incardinandus est, perpetuum ins-
titutum sed ad suum speeialem celtique tem-
poris usum. »
Ce pallium fut accompagné du même
privilège, qui a déjà été remarqué, de ne pou-
voir être jugé par le pape, « ut nullus metro-
politanorum antistitum, seu cacterorum epi-
scoporum, in controversia criminis, si sedeni
appellaverisApostolicam, velejusspecialiexpe-
tieris audiri , vel discuti fortassis examine,
prsesumat de te proferre, non nostro praemisso
decreto judicinm, sed Apostolica' Sedis tan tu m
reserveris examinandus, vel judicandus in-
cunctanter arbitrio; cujus videlicet decreto vel
largitate vacanli Ecclesiœ incardinatus vel pal-
liatus esse diguosceris. »
X. Jean V1I1 donna le pallium à l'évêque
d'Autun Adalgarius en faveur de l'empereur
Charles le Chauve, « quem vestri amoris causa,
ipsiusque morum probitate moti, palliatum ad
vos remittimus (Ibid., p. 434). »
Il y a apparence qu'il ne l'exempta pas pour
cela de la juridiction de son métropolitain,
comme saint Grégoire le Grand n'en avait pas
autrefois affranchi Syagrius, évoque de la même
ville, en lui accordant la même grâce. Ainsi ce
fut une grâce extraordinaire qu'on lit à l'évê-
que Actardus, de le soustraire de l'autorité de
son métropolitain.
Le même Jean VIII différa d'envoyer le pal-
lium à Wilibert , archevêque de Cologne, jus-
qu'à ce qu'il eût reçu de lui une confession de
foi entière, où il fût fait mention des conciles
universels, et des constitutions des papes selon
la coutume, « decrélalium ponlifleum Roma-
norum constitutorum, secundum morem fece-
ris mentionem (An. XN3. Ibid., p. 520). » Il ne
lui parle point du serment.
Hincmar ayant été accusé de se servir du
pallium a d'autres jouis qu'a ceux qui sont dé-
terminés pour cela, se justifia auprès du pape
Nicolas I™ (Tom. n, p. 311), en l'assurant qu'à
peine le porlàit-il en d'autres jours qu'à L'âques
et à Noël, parce que les affaires de l'Eglise et
de l'Etat l'arrêtaient hors de son diocèse dans
les autres temps qu'il est permis d'en user.
DU PALLIFM DES LATINS ET DES GRECS.
103
Qu'il n'avait demandé le pallium que connue
l'ornement propre des métropolitains, et non
pas pour en tirer gloire : « Non eniin usum
pallii esse meae dignitatis puto, sed genii sedis
metropolis esse cognosco. » Que si le pallinm le
met au-dessus des autres évêques de sa pro-
vince , cette élévation n'est pas celle de la vertu,
qui nous approche le pins de Dieu, « et si ex-
cellentiorem cœteris Remorum provineiac se-
dibus metropolim sedem pallii usus demonstrat
in oculis hominum ; non tamen majorem me
facit in oculis Domini. »
Il y a pourtant quelque sujet de se défier de
la sincérité de Hincmar dans cette réponse,
puisque Flodoard nous apprend qu'il avait au-
trefois employé l'autorité de l'empereur Lo-
thaire, pour obtenir du pape Léon IV la liberté
d'user tous les jours du pallium. Ce que ce
pape lui accorda en l'assurant qu'aucun arche-
vêque n'avait obtenu, ni n'obtiendrait jamais
une pareille grâce.
« Per interventionem Lotharii imneratoris
pallium ad quotidianum suscepitusumaquarto
Leone papa, a quo jam aliud perceperat in dé-
signais sibi solemnitatibus débite fruendum.
Quem quotidianum pallii usum nulli unquam
archiepiscopo se concessis^e, vel deinceps con-
cessurum esse idem papa in epistola tune ad
euin directa testatur (Flodoard., 1. m, c. x). »
C'est peut-être la concession extraordinaire
de ce pallium pour tous les jours que le pape
Nicolas désapprouvait, ou même il la révoquait
en doute.
XL Si un métropolitain avait tâché de parti-
ciper au singulier privilège des patriarches, de
porter le pallium tous les jours ; les évêques se
crurent d'autant mieux fondés à demander la
communication du pallium des métropolitains,
que leur demande n'était pas sans exemple.
Foulques, archevêque de Reims, ne laissa pas
de s'en plaindre dans ses lettres au pape For-
mose, lui découvrant la secrète ambition des
évêques, qui ne tendaient qu'à s'exempter de
la juridiction des métropolitains, c'est-à-dire
au renversement général de la discipline de
l'Eglise, et le conjurant de ne rien accorder
d'extraordinaire, sans le consentement général
des métropolitains, qui se sont si justement
intéressés dans cette cause.
« Subnectit de quibusdam episcopis Gallia-
rum. qui sibi pallium indebite a Roinana pos-
cebant sede . metropolitanos suos lali spernen-
tes tenore ; asserens quod res eadem , nisi
prudenti praecauta foret sollicitudine, confu-
sionem non mediocrem generaret Ecclesiae ,
magnumque ebaritati dispendium valeret in-
ferre. Fnde tatn se, quamomnem precari dicit
Ecclesiam, ne cito alicujus irrationabili peti-
tioni, sine generali assensu et litteris consentiat.
Ne per hoc ecclesiastic;e dignitatis bonor vile-
scere incipiat, si res indebita, quse temere affe-
ctatur, inconsulte tradatur. (Flodoard, 1. m,
c. i.) »
Enfin, ce même archevêque Foulques fit in-
tervenir le crédit de l'empereur Charles le
Gros, pour obtenir du pape le pallium, avec la
confirmation de tous les droits et de tous les
avantages de la métropole de Reims. « Scripsit
et ad eumdem imperatorem pro percipiendo a
Sede Romana pallio, roborandisque datis olim
a Romanis Pontifîcibus Ecclesiœ Remensi pri-
vilegiis (L. m, c. v). »
Le roi Carloman, fils de Louis, roi de Ger-
manie, obtint du pape Jean VIII le pallium
pour l'archevêque Théomar. « Pallium vestra
petitione inclinati, consuetudinaliterdirigentes
Theomaro archiepiscopo. (Joan., vin, Ep.Lxui).
l'empereur Otbon s'employa sans doute pour
faire donner le pallium au saint archevêque de
Cologne, auquel il écrivit en ces termes après
son élection : « Otho imp. Aug. Hereberto ar-
chilogothetœ gratiam et Coloniam, et pallii
cubitum unum, » où il fait allusion à la qua-
lité d'archichancelier, qui est attachée au siège
épiscopal de Cologne et à la figure du pallium
(Surins, in ejus vita. Mart. die 16, c. vu). Saint
Rruno, évêque de Cologne, obtint aussi le pal-
lium avec cette singulière prérogative, d'en
user autant de fois qu'il le jugerait à propos.
Voici comme en parle Fauteur de sa vie :
a Legatus Roma rediit, portans sacrum habi-
tum, ab universali Pontifice missum, pneten-
dentem jugum Domini suave, et onus ejus
levé, et ipsum, quod sub eo dispensatur, hu-
m ile ministerium, quod verba Domini testan-
tur. dicentis , Qui major est vestrum , erit
miiiistervesler, et privilegium apostolicai subli-
mitatis autoritate traditum; quod et eodem
pallio pra-ter consuetudinein sacerdos Domini,
quoties vellet, indui permissus, etc. (Apud Su-
rium, die 2. Octobr., c. vu). »
Enfin, saint Dunstan, archevêque deCantor-
béry, alla lui-même demander le pallium à
Rome, et le pape le lui donna comme une
transfusion de l'autorité apostolique , en le fai-
sant légat du Saint-Siège eu Angleterre : «Slola
104
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SIXIÈME.
Apostolus pro quavenerat, decentissimeillum
decoravit. Sicque delegata ei legatione Aposto-
licœ Sedis, etc. (Apud Surium, die 19 Maii,
c. xxrx). »
Théodulphe, évêque d'Orléans, fut envoyé
par l'empereur, Louis le Débonnaire, au-devant
du pape Etienne avec les archevêques de Co-
logne et d'Arles. Ce fut là probablement où il
fut lionoré du pallium par ce pape, comme il
le témoigne lui-même dans ses vers :
Solius illud opus Romani prasulis exlat,
Cujus ego accepi pallia sancta manu.
(L. iv. Car. 5.)
Ce fut en suite de ce privilège que Théodul-
phe fut appelé archevêque dans plusieurs
chartes de l'empereur Louis le Débonnaire
(Le Cointe, anno SIC», n. 20).
J'ai déjà dit ci-dessus en parlant des pou-
voirs du métropolitain, que Galon , évêque de
Metz, fut le cinquième prélat de cette Eglise,
qui obtint le pallium du Saint-Siège. Urbicius
avait été le premier; Crodegangus, fils de la
sœur du roi Pépin , le second; le troisième An-
gilram; Drogon, fils de Charlemagne. C'était
ce qui faisait prendre la qualité d'archevêque
à ces évêques de Metz (Spicileg., tom. xu,
pag. 215.) Bertolphe, archevêque de TrèveSj
s'emporta contre Calon et l'obligea enfin de se
priver de l'usage du pallium. En quoi il nous
donne lieu de croire que ses prédécesseurs
n'avaient pas été trop satisfaits de voir leurs
suffragants user du pallium, mais ils avaient
cédé à la nécessité et à l'autorité des princes.
De tous ces exemples on conclura sans peine
qu'il n'yapas la moindre apparence du monde
que le VHP concile général ait imposé une
nouvelle loi aux métropolitains de demander
le pallium, et de faire en même temps profes-
sion par écrit d'une nouvelle soumission au
Saint-Siège.
1° Si les empereurs et les rois s'employaient
depuis longtemps pour faire donner le pallium
aux métropolitains, comment peut-on se figu-
rer que le VIIIe concile ait imposé cette nou-
velle nécessité aux métropolitains ?
2" Si les empereurs et les souverains ont con-
tinué après le même concile de faire les mêmes
offices aux métropolitains auprès du Saint-
Siège, comme nous venons de le justifier, ce
n'était donc pas une fâcheuse nécessité à la-
quelle on les eût asservis.
3° C'étaient les métropolitains mêmes qui
interposaient les sollicitations des rois et des
empereurs pour faire réussir leurs poursuites.
Comment se persuadera-t-on donc que la con-
trainte et la servitude étaient attachées au
pallium ?
4" Les papes se seraient-ils rendus si difficiles
à accorder le pallium, an point qu'il fallût que
les princes interposassent leur autorité, si ce
huitième concile général avait prescrit aux
métropolitains de le demander ?
5° Les souverains eussent-ils poursuivi avec
tant d'ardeur un ornement qui attachait les
évêques de leurs Etats au pape par des liens
et des asservissements nouveaux? Les métro-
politains auraient-ils achevé la servitude avec
tant de brigues et tant de poursuites ?
0° Les métropolitains ne se contentaient pas
des avantages ordinaires du pallium : ils tâ-
chaient de se distinguer de leurs propres con-
frères, par l'usage ordinaire de ce collier sacré.
Il s'en fallait donc beaucoup qu'ils ne le regar-
dassent comme la marque de leur asservisse-
ment.
7" Les évêques mêmes faisaient leurs efforts
pour avoir part à un honneur si recherché.
8° Les papes, en accordant tant de fois le
pallium , n'ont jamais exigé cette nouvelle
profession.
9° Le savant Hincmar avait assez de courage
et assez d'adresse pour s'opposer à cette in-
novation, s'il s'en fût aperçu, et il s'en fût in-
failliblement aperçu , s'il y eût eu quelque
fondement de le croire.
XII. Finissons cette matière par ces deux ré-
flexions, dont l'une regarde la forme, et l'autre
les libertés du pallium. L'empereur Othon sou-
haitait à un saint archevêque une coudée du
pallium, pallii cubitum union : parce que ce
n'était pas le manteau impérial tout entier
qu'on envoyait , mais une partie seulement,
composée de bandes et de croix, qu'on appli-
quait sur le pallium, ou sur la chasuble ordi-
naire.
Le livre d'Alcuin ou attribué à Alcuin, des
divins offices, nous donne la même idée du
pallium; il le compare à la lame d'or qui pen-
dait sur le front du grand prêtre de la syna-
gogue, et qui s'appliquait sur sa mitre. « Pal-
lium archiepiscoporum super omniaindumenta
est, ut lamina in fronte pontificis. » Il dit que
c'esl comme un collier semblable à celui dont
on honorait autrefois ceux qui avaient rem-
DU PALLIUM DEPUIS L'AN MIL.
LOS
porté quelque victoire. aPallium signiiicattor-
quem, quem solebant légitime certantes acci-
pere. » Voilà la première réflexion.
La seconde est, que cet ornement royal ayant
d'abord été donné au pape et aux patriarches
seuls, c'était une marque indubitable de leur
éminenle dignité et de leur supériorité au-des-
sus des autres évèques, comme si eux seuls
eussent possédé avec plénitude la royauté du
sacerdoce de J.-C.
Quand les papes communiquèrent quelques
rayons de leur puissance patriarcale à ceux
qu'ils établissaient légats et vicaires apostoli-
ques dans quelques royaumes particuliers, ils
leur accordèrent en même temps le pallium,
comme une marque de cette puissance nou-
velle qui leur était donnée sur d'autres métro-
politains. Ils envoyaient aussi le pallium aux
métropolitains qui relevaient immédiatement
du Saint-Siège, et qui en ce sens étaient pri-
mats; d'où il arriva que les vicariats apostoli-
ques étant venus à s'éteindre, le pallium com-
mença à être donné à tous les métropolitains,
comme une preuve de leur indépendance de
tout autre primat.
C'est ce qui causait cette ardeur extrême que
les arebevèques faisaient paraître pour obtenir
le pallium, comme la couronne du souverain
sacerdoce et du droit mélropolitique. C'est ce
qui poussa quelquefois les évéques à deman-
der aussi le pallium , afin de s'exempter du
joug et de l'obéissance de leurs métropolitains.
C'est ce qui porta les arebevèques à s'opposer
vigoureusement à toutes ces tentatives faites
par des évèques amateurs de l'indépendance.
C'est enfin ce qui allumait cette passion ardente
des archevêques, de ne point souffrir de li-
mites dans l'usage du pallium, ni pour les
lieux, ni pour les jours, afin de s'approcher
toujours davantage du suprême pouvoir des
patriarches, qui ne quittaient jamais cet orne-
ment sacré de leur autorité souveraine.
Après cela on croira sans peine que rien
n'est plus contraire non-seulement à la vérité,
mais aussi à la vraisemblance, que de s'ima-
giner qu'il a fallu faire intervenir l'autorité
du VHP concile général, pour contraindre les
arebevèques à demander le pallium ; ou que
les papes se sont servis adroitement de cet ar-
tifice pour faire croire que le droit des métro-
poles était un pur bienfait du Saint-Siège.
Toute l'iiistoire fait foi au contraire que les
papes ont été très-réservés adonner le pallium,
qu'il a fallu interposer l'autorité des empereurs
et des rois pour l'obtenir, que les métropoli-
tains en ont été très-passionnés, comme d'une
marque et de leur indépendance à l'égard des
primats, et de la dépendance de leurs suflra-
gauts à leur égard.
Raban a joint ces deux réflexions en ce peu
de paroles : « Super bœc omnia summo ponti-
fia propter apostolicam vicem , pallii honor
decernitur; quod genus indumenti crucis si-
gnaculum purpureo colore exprimit, ut ipso
indutus pontifex, a tergo et pectore crucem ha-
beat ;L. de Ordine Antipbonarii).»
CHAriTRE CINQUANTE-SEPTIEME.
DU PALLIUM DEPUIS L AN MIL JUSQUES A PRESENT.
I. Les points les plus importants dont il sera traité dans ce
chapitre. Refus du pallium à un prélat indigne.
II. Les ornements impériam communiqués au sacerdoce.
III. Dans la donation de Constantin, les bandelettes du pallium
distinguées de la chape.
IV. Combien la coutume était ancienne, d'aller demander le
pallium à Rome, dans trois mois, au moins dans un an.
V. Occasions diverses pour se relâcher de cette loi.
VI VII. VIII. Combien est ancienne la coutume que les ar-
chevêques se suspendent de toutes les fonctions pontificales,
jusqu'à ce qu'ils aient reçu le pallium. Cette coutume vient de
l'empressement des archevêques mêmes pour avoir le pallium.
Preuves et exemples.
IX. Réflexions sur la décrétale d'Innocent III sur ce sujet.
X. Si tous les évèques grecs ont eu le pallium. Décrétale du
même pape.
XI. Relierions sur le concile VIII, et sur I.uilprand.
106
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
I. Comme le pallium des archevêques de-
mande des éclaircissements particuliers, il en
faut donner ici de nouveaux, que nous tirerons
de ce dernier âge de l'Eglise.
Nous retoucherons premièrement à son ori-
gine. Nous examinerons ensuite la nécessité de
l'aller recevoir à Rome, et après nous passe-
rons à la loi qui défend les fonctions métro-
politaines aux archevêques avant que de l'avoir
reçu.
Enfin, nous traiterons du pallium des évo-
ques grecs, après avoir dit que cet ornement
sacré a toujours continué d'être le symbole
d'une autorité éminente, accompagnée d'une
éminente vertu. Aussi Guillaume de Malmes-
bury, dans l'histoire de Guillaume le Conqué-
rant, assure que Malger, archevêque de Rouen,
ne put jamais obtenir le pallium, parce qu'il
était adonné à la chasse et à d'autres folles dé-
penses. « Tota vita pallii usu caruit, quod ne-
garet Sedcs Apostolica hujus honoris privile-
gium homini, qui sacratum negligebat offi-
cium. »
II. Léon IX inséra dans sa lettre, écrite en
1033 au patriarche Michel de Constantinople,
une partie de la donation de Constantin, où
entre les marques de la majesté impériale com-
muniquées aux pontifes de l'Eglise, le pallium
n'est pas omis non plus que la mitre. « Deinde
diadema, videlicet coronam capitis noslri si-
mulque phrygium, neenon et superhumerale,
videlicet lorum, quod impériale circumdare
assolet collum, verum etiam et chlamydeni
purpuream, atque tunicam coccincam, et om-
nia imperialia indumentaconferentes ei, etc. »
L'auteur de cette pièce supposée ne trouva
du crédit par le inonde, que parce que les pon-
tifes étaient en possession immémoriale de tous
ces ornements majestueux ; et parce qu'effecti-
vement ils étaient communs à l'empire et au
sacerdoce , et avaient appartenu à l'empire
avant que d'être communiqués aux évoqués.
Nous avons parlé de la mitre dans le cha-
pitre i.u, et ce qui en a été dit, fait bien voir
qu'elle était considérée comme une marque
de royauté, puisque les papes en honoraient
des souverains comme d'un nouveau sceau de
leur souveraineté. Roger a remarqué qu'au
sacre de Richard I", roi d'Angleterre en 1189,
on revêtit premièrement ce roi d'une tunique,
puis d'uni! dalmatique, qui étaient des orne-
ments royaux, a Induerunt eum vestimentis
regalibusj primo lunica, deinde dalmatica. »
Les ornements impériaux ont donc été com-
muniqués au sacerdoce.
III. Mais il importe extrêmement de remar-
quer dans le passage de la donation que nous
venons de citer, la distinction affectée entre les
bandes, auxquelles nous donnons le nom de
pallium, «lorum quod impériale circumdare
assolet collum, » et la chape, à laquelle ces
bandes sont appliquées, et sans laquelle elles
n'auraient pas la moindre apparence d'un
manteau, « et chlainydem purpuream. »
Il est donc à croire que ces deux parties du
pallium étaient déjà séparées, et que le pape
n'envoyait que les bandes qui en étaient le
plus riche ornement, et qu'il était aisé d'appli-
quer sur la chape ou sur la chasuble ordi-
naire. Je passe au second point.
IV. Glabert raconte comment le pape, voyant
l'Eglise de Lyon déchirée par l'ambition dé-
mesurée d'un grand nombre de compétiteurs,
nomma pour archevêque saint Odilon, abbé de
Cluny, lui envoyant le pallium et l'anneau.
« Mittens pallium simul et annulum. impera-
vit eumdem prœdictae civilati fore archiepisco-
pum (An. 103i, Glaber, 1. v, c. 4). » Ce saint
abbé refusa cette dignité, et garda ces précieux
dépôts pour l'archevêque futur qui fut nommé
par le roi Henri. « Pallium et annulum susci-
piens futuro reservavit pontifici. »
C'était pour secourir l'Eglise de Lyon dans
cette pressante nécessité, que le pape envoya
le pallium, puisque les archevêques devaient
l'aller eux-mêmes demander à Rome , selon
l'usage reçu.
Lanfranc ayant été élu archevêque de Can-
torbéry, Hildebrand, archidiacre de Rome, lui
écrivit qu'on lui eût envoyé le pallium, s'il y
eût eu un seul exemple dans ce siècle-là d'une
pareille dispense, « sialicui archiepiscoporum
vestris temporibus hoc concessum fuisse vidis-
semus(Epist. vi, inter epist. Lanfr.). » Le reste
de la même lettre l'ait voir qu'on n'obligeait
les métropolitains d'aller à Rome, que pour y
conférer avec eux des obligations de l'épisco-
pat et des besoins publics de l'Eglise. « Unde
necessarium nobis videtur , vos Aposlolorum
limiiia visilare, quatenus de hoc et caeteris una
nobiscum efficaeius, quod oportuerit, consu-
lere valeamus, atque statuera. »
Lanfranc reçut à Rome du pape Alexandre II
le pallium ordinaire des archevêques; mais
par un privilège tout particulier, le pape lui
donna encore son pallium propre, avec lequel
DU l'ALLU.M DEPITS L'AN MIL.
107
/
il célébrait la messe (An. 1071, Eadm., Novor.,
1. i, vita Lanfr., c. xn). Longtemps avant Lan-
franc, saint Elpheg, archevêque de Caatorbéry,
était allé à Rome demander le pallium: « Cum
iter versus lîomam pro pallio Uabendo arripe-
ret, etc. Accepta a papa pallio, etc. » Ce sont
les termes d'Osbert, dans la vie de ce saint
prélat (An. 1006, apud Surium, die 19 april.).
Grégoire VII fit savoir à l'évêque de Vérone
que c'était une loi de ses prédécesseurs : « An-
tecessorum nostrorum decrevit autoritas, nisi
prsesenti personne pallium non esse conceden-
dum(Gregor. VII, 1. 1, ep. xxiv, l.rx, ep. i, xx). »
Ce pape blâma fort l'archevêque de Rouen de
trop différer de venir prendre le pallium à
Rome. « Non credimus te ignorare, quam di-
stricte Patrum censura in eos judicandum sta-
tuent, qui post consecrationem suam per très
continuos menses pallium obtinere lepuerint. »
Il menaça Lanfranc de suspension, s'il n'allait
recevoir le pallium à Rome. Saint Fulbert,
dans sa lettre xlviii, assure l'archevêque de
Tours qu'il doit différer les exercices de son
ministère, s'il a différé par sa négligence de
demander le pallium.
Pierre Damien justilia à l'impératrice
Agnès, épouse de l'empereur Henri II, le refus
qu'on lui faisait d'envoyer le pallium à l'ar-
chevêque de Mayence, sur ce que l'ancienne
tradition ordonnait, que les métropolitains
vinssent recevoir la consommation de leur di-
gnité dans le lieu même où en est la source.
« Pontifices ex antiquae traditionis usu ad apo-
stolorum debent limina properare, et hoc sine
quo métropolitain esse non possunt, signum
consummamke su;e dignitatis accipere (L. vu,
cpist. iv). »
11 est hors de doute (pie le pallium a été sou-
vent envoyé dans les provinces, mais ce savant
cardinal répond que c'est parce qu'il y avait
alors des légats du Saint-Siège qui examinaient
les métropolitains avant que de leur donner le
pallium, et recevaient d'eux les protestations
deleur union avec le Saint-Siège apostolique.
« Legati vice papse eos examinabant. » Témoin
Syagrius, évoque d'Aulun, qui ne reçut cette
dignité qu'après avoir été examiné par l'apo-
crisiaire Candide : « Nisi Candidum qui apocri-
sarii fungebaturoffieio, adiret, sicque accipiens
pallium, dignam in legalo suo Romano ponti-
fici reverentiam exhiberet. »
Enfin , Pierre Damien cite la décrétale du
pape Damase, qui dépouilla de leur dignité les
archevêques qui tarderaient plus de trois mois
après leur ordination, de faire; leur profession
de foi et de demander le pallium au pape.
« Papa Damasus hoc decrevit, ut quisquis me-
tropolitanorum ultra très menses post ordina-
tionem suam Romano Pontifiei fidem suam
exponere, et pallium flagitare distulcrit, com-
missa careat dignitate. »
V. Saint Anselme, successeur de saint Lan-
franc dans le siège de Cantorbéry, nous ap-
prend par son propre exemple, combien cette
police était alors nécessaire pour la conserva-
tion de l'inviolable unité de l'Eglise.
Le roi d'Angleterre s'étant déclaré pour l'an-
tipape Guibert contre Urbain II (An. 1094), et
ne pouvant souffrir que ce saint prélat eût
d'autres sentiments que les siens dans une ma-
tière d'aussi grande conséquence, ne voulut
point lui permettre d'aller à Rome, pour y de-
mander le pallium. a Pro stola sui archiepisco-
patus eundi Romani ad papam Urbanum, li-
centiam humiliter petiit (Baronius, an. 1095,
n. 57). » Le roi envoya lui-même demander le
pallium à Rome, on le lui envoya dans l'espé-
rance de le gagner; Anselme le reçut ayant les
jiieds nus, et vêtu pontificalement. « Venienti
et sacrum insigne in vase argenteo deferenli,
ab archiepiscopo nudipede, sed sacerdotalibus
vestimentis indutooecursum (Eadmer., Novor.,
1. n). » Voilà ce qu'en dit Eadmer dans sa vie.
11 dit ailleurs qu'Anselme reçut le pallium,
non pas des mains du roi, mais en le prenant
de dessus l'autel. La même chose se voit dans
les lettres de saint Anselme, dans l'une des-
quelles il reconnaît, que s'il passait la première
année de son épiscopat sans aller à Rome et
sans demander le pallium, il mériterait d'en
être déposé : « Si metropolilanus sacratus epi-
scopus per totum primum annum, nec papam
viventem, nec pallium requiro, juste ab ipso
honore removendus sum (Anselm., 1. m, ep.
xxiv ; 1. iv, ep. n). » Dans une autre, il prie le
pape d'envoyer le pallium à l'archevêque
d'Vork, qui désirait beaucoup d'aller le rece-
voir à Rome, mais le roi et les princes s'oppo-
saient à ce voyage.
Le roi d'Angleterre ayant laissé vaquer le
siège de Cantorbéry l'espace de cinq ans après
la mort de saint Anselme, par des raisons bas-
ses d'intérêt et d'avarice, enfin Radulphe fut
élu , qui était déjà évêque de Rochester. Le
chapitre de Cantorbéry pria le pape Pascal II
d'agréer cette translation , et d'envoyer le pal-
108
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
lium à Radulphe, dans une nécessité si pres-
sante de son Eglise, outre les infirmités corpo-
relles dont il était accablé. « Ipsemet tanta
corporis imbecillitate gravatur, ut non sine
magno periculo sui . et detrimento omnium
nostrum valeat hoc tempore vestigiis vestris se
pnrsentare (Post. Ep. cciv. Paschalis II).»
Ives, évêquede Chartres, écrivit au pape pour
le même sujet, l'assurant que Radulphe avait
résolu d'aller adorer les tombeaux des apôtres,
selon les canons , mais que ni sa santé languis-
sante, ni l'état de l'Eglise d'Angleterre ne le lui
permettaient point . et qu'il n'y eut jamais une
plus juste cause de dispense. « Hic in propria
persona Sedem Apostolicamvisitare, secundimi
majorum instituta deliberavit, sed eumpartim
corporis débilitas impedivit, partim, etc. Cum
aliqua dispensatione subveniatislanguenti Ec-
clesiœ, et propter necessitatem, etc. (An. 11 I i,
Ivo Epist. c.cl). »
Quelque fréquentes que fussentles occasions
d'une légitime dispense , on ne laissait pas
d'aller en personne à Rome pour le pallium.
Thibaud . abbé du Bec, ayant été élu arche-
vêque de Cantorbéry en 1138, s'en alla lui-
même recevoir le pallium de la main du pape.
Ce fut dans le même temps que saint Mala-
chie fit le voyage de Rome, pour obtenir le
pallium à son Eglise et à une nouvelle métro-
pole. « Maxime quod metropolicae sedi deerat
adbuc , et deraeral ab initio pallii usus , quod
est pleniludo honoris (Anno 1138. Mattli. Pa-
ris). » C'est ainsi qu'en parle saint Bernard
danslaviede ce saint. Guillaume de Tyr assure
en la même année , que les archevêques
de Tyr allaient en personne demander le
pallium à Rome. « More prœdecessorum suo-
rum. »
Saint Thomas de Cantorbéry n'avait garde
d'aller demander le pallium , lui qui résistait
avec tant de fermeté à la violence qu'on lui
faisait pour le faire archevêque (Baronius, an.
1IC.-2, n. 21 . Le pape Alexandre 111 lui envoya
le pallium de Montpellier, où il était alors, au
rapportde Jean de Salisbury (Baron., an. 1 127,
n. 91).
Les légats du même Alexandre III, portèrent
en Danemark le pallium pour l'archevêché de
Luden, au saint évêque de Roschild Absalon,
avec de terribles menaces d'excommunication
s'il persistait a s'opposer à l'élection unanime
qu'on avail laite de lui, pour remplir le pre-
mier siège du royaume. « 0 novam et inaudi-
tam curice munificentiam ! Recusanli pallium
ingestum est, insignequequod petentibus a?gre
praestari potest , répugnant] violenter impri-
mitur. » Voilà ce qu'en dit Saxon le gram-
mairien (Saxo Grammat., 1. xiv).
Il est aisé de conclure que l'impossibilité
d'aller recevoir le pallium à Rome a été si
fréquente,et que les dispenses ont été si souvent
nécessaires, que cette loi ecclésiastique a été
presque abolie dans les deux siècles même ,
où l'on a témoigné plus de zèle pour la faire
observer. En effet, le fondement de cette loi
n'était établi que sur une prétendue décrétais
que Gratien et Ives rapportent comme du pape
Pelage (D. 100) et Innocent III après eux, mais
dont Burchard, Anselme et la Pannormie font
le pape Damase auteur.
Les correcteurs romains du décret ont re-
marqué cette diversité , et nous ont fait juste-
ment conjecturer que c'est plutôt une suppo-
sition du faux Isidore. Aussi dans tout le titre,
« De usu et autoritate Pallii » des décrétâtes
grégoriennes, il n'y a pas un seul mot qui
tende à obliger les métropolitainsd'aller deman-
der eux-mêmes le pallium à Rome, quoiqu'il
y soit marqué qu'un métropolitain ne peut
prêter le sien à un autre , ni le laisser à son
successeur, mais qu'il doit être enterré avec
celui qui en a été orné.
Roger (Anno 1070) racontecommeStigard fut
chargé, entre autres crimes , quand on le dé-
posa , d'avoir usé du pallium de l'archevêque
Robert, sur qui il avait usurpé le siège de
Cantorbéry.
VI. Je viens au troisième point qui est le
plus délicat , c'est-à-dire , à la défense de con-
sacrer des évêques, ou de célébrer des conciles
avant que d'avoir reçu le pallium.
Nicolas Ier assure, dans sa réponse aux Bul-
gares , que c'était une coutume reçue parmi
toutes les nations de la chrétienté. « Archie-
piscopum episcopi simul congregati consti-
tuant: sane intérim in throno non sedenfem,
et prœter corpus Christi non consecrantem ,
priusquam pallium a Sede Romana recipiat :
sicut (ialliarum omnesetCermania? etaliarum
regionum archiepiscopi agere comprobantur
(Cap. lxxiii). »
On ne peut pas dire que ce pape en ait fait
une loi. C'est un simple témoignage qu'il
rend de ce qui se pratique par tout le monde.
11 y a en effet toutes les apparences possibles
que ce furent les archevêques mêmes qui, ayant
DU PALLIUM DEPUIS L'AN MIL.
100
considéré le palliuin comme la plénitude et la
consommation de l'honneur et du rang qu'ils
possèdent et l'ayant recherché avec tant de pas-
sion qu'ils l'ont enfin tous obtenu . ils se sont
abstenus eux-mêmes de toutes les fonctions
métropolitaines . jusqu'à ce qu'ils eussent reçu
le pallium: et d'une longue coutume ils se sont
fait une loi.
Vil. 11 se pourrait faire que celte coutume
eût passé de l'Orient dan? l'Occident, puisque
le concile VIII œcuménique (Can. xyiii sup-
pose que tous les métropolitains ont reçu la
consommation de leur dignité, ou par l'impo-
sition des mains de leur patriarche, ou par le
pallium qu'ils ont reçu de lui.
« Tain in seuiore et nova Roma , quam in
sede Antiochhe et Hierosolymorum priscam
consuetudinem deeernit inomnibus conservari,
ita ut earum prasules metropolitanorurn uni-
Yersorum, qui ah ipsis promovenlur, et sive
per manus impositionem, sive per pallii datio-
nem,episeopalisdignilatisaceipiuntfirmitatem,
habeant potestatem. etc. »
Comme la consécration des métropolitains
semblait appartenir aux patriarches, de même
que celle des évèques était réservée aux métro-
politains, ce canon semble insinuer que les
patriarches grecs ne pouvant pas consacrer en
personne tous les métropolitains de leur res-
sort, ils envoyaient le pallium à ceux qu'ils ne
consacraient pas, comme une marque de la su-
périorité de celui qui l'envoyait, et de la dépen-
dance de celui qui le recevait.
Dans l'Occident le pape n'avait jamais pensé
à se réserver l'ordination de tous les métropo-
litains ; le pallium n'avait été introduit qu'en-
viron l'an cinq cent, et n'avait été d'abord
communiqué qu'à un très-petit nombre d'ar-
chevêques, que le pape honorait du vicariat
apostolique. Ce fut environ le temps du
VIIIe concile que tous les métropolitains 11m-
pétrèrent et, conformément a ce canon, ils don-
nèrent cours eux-mêmes a cette coutume de ne
le point prévenir par aucune fonction de leur
ministère.
VIII. En effet si le pallium est la marque de
la plénitude de la puissance pontiticale, c'est
une suite comme naturelle de ne point exercer
cette puissance, sans en avoir reçu les marques
glorieuses, qui en sont comme l'investiture.
D'ailleurs l'ancienne loi étant, comme nous
l'avons appris du grand saint Crégoire, que le
pallium ne se donnât qu'après de pressantes
instances, lorsque les archevêques en furent si
passionnés qu'ils l'impétrèrent tous, ils auraient
eu mauvaise grâce de demander avec empres-
sement les marques d'une dignité qu'ils au-
raient déjà exercée.
C'est sur ces principes que raisonnait le pape
Léon IX(Epist. iv), quand il écrivait que l'ar-
chevêque de Carthage était le seul qui ordon-
nât des évèques en Afrique, parce qu'il était
aussi le seul qui reçût le pallium de Home.
« Solus pallium in Africa ab Apostolica Sede
habere solet, unde et episcopos consecrandi
principale et antiquum jus retinet. »
Alexandre II (Epist. iv), marque aussi la né-
cessité de porter le pallium en conférant les
ordres, et en consacrant les églises. « Quoties
ordinationem vel consecrationem ecclesiarum
celebramus. »
Grégoire VII défendit à l'archevêque de
Rouen d'ordonner des évèques ou des prê-
tres, et de dédier des églises avant que d'avoir
reçu le pallium , le blâmant d'avoir né-
gligé de rendre cette déférence aux anciens
statuts de l'Eglise. « Quia sanctorum Patrum
statuta parvipendisti, nullum deinceps episco-
pum, vel sacerdotem ordinare, seu ecclesias
praesumas consecrare, donec honoris tui supple-
mentum, pallii videlicet usum , ab hac sede
impetraveris (L. ix, epist. 1). »
Cette sentence rigoureuse, en apparence, est
pourtant pleine de douceur, si l'on a égard au
décret soit de Damase, soit de Pelage, qui était
alors en crédit par le monde, et qui privait de
leur dignité les archevêques qui tardaient plus
de trois mois après leur ordination de deman-
der le pallium. Ce pape cite ce décret sans en
nommer l'auteur.
Pascal II écrivit à l'archevêque de Pologne
que la coutume de l'Eglise universelle ne per-
mettait pas aux métropolitains de consacrer
des évèques, ou assembler des conciles, avant
que d'avoir été ornés des marques de cette su-
prême autorité. « In pallio plenitudo concedi-
tur pontificalis officii, quia juxta Sedis Apos-
tolicae et totius Ecclesiœ consuetudinem, ante
acceptum pallium metropolitanis minime licet,
aui episcopos consecrare, autsynodoscelebrare
(Baron., an. 1102, n. 8,9).»
Ce même pape avait mandé à l'archevêque
de Palerme que la nécessité de prendre le pal-
lium de dessus le corps de l'apôtre saint Pierre,
ne tendait qu'à affermir tous les plus illustres
membres de l'Eglise dans une union très-
110 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
étroite avec leur chef, ce qui n'est jamais plus
nécessaire que dans l'exécution des plus émi-
nentes fonctions de la sacrificature. « Cum a
Sede Aposlolica vestra; insignia dignitatis exi-
gitis, quœ a B. lantum Pétri corpore assuinun-
tur; justum est ut vos quoque Sedi Apostolicœ
subjectionis débita1 signa solvatis, ijuae vos cum
beato Petro, tanquam meinbra de membro
hœrere, et .catholici capitis unitatem servare
déclarent. » Cela regarde le serment dont nous
parlerons plus bas.
IX. Il n'y a donc rien ni de nouveau, ni de
surprenant dans les décrétales d'Innocent III
(Extra de Elect., c. xxviu), qui interdisent
toutes les fondions pontificales aux métropoli-
tains avant la réception du pallium, puisque
ce n'est qu'une confirmation des décrets de ses
prédécesseurs, depuis plus de trois cents ans,
fondés sur la coutume universelle de l'Eglise.
Mais il est bon de remarquer la manière dont ce
pape se démêle d'une difficulté assez embarras-
sante : pourquoi l'archevêque ne peut pas sans
pallium faire les fonctions pontificales qui lui
sont communes avec les évêques, et que tous
les archevêques exerçaient librement avant que
l'usage du pallium leur fut communiqué.
Ce pape dit que quoique ces fonctions lui
soient communes avec les évêques, il les exerce
néanmoins comme archevêque. « Cum id non
tanquam simples episcopus, sed tanquam ar-
chiepiscopus facere \ideatur. » C'est-à-dire,
qu'an archevêque ne peut jamais se dépouiller
de la gloire et de la majesté qui l'environne, et
qui dans le ministère épiscopal le rehausse au-
dessus des évêques, comme l'évêque exerce les
fonctions mêmes de la prêtrise avec une émi-
nence et avec des marques de supériorité qui
le relèvent au-dessus des prêtres.
Ceux qui ne seront pas satisfaits de cette rai-
son, pourront s'arrêter à celle-ci qui est plus
historique, et qui a été touchée ci-devant :
savoir que ce furent ou les patriarches, qui ont
autorisé cette preuve de leur autorité sur les
métropolitains, en les obligeant de recevoir
d'eux ou la consécration ou le pallium , de
même que les métropolitains se sont maintenus
dans le droit d'ordonner les évêques, ou de leur
donner des ordonnateurs ; ou que ce furent
les archevêques mêmes qui introduisirent cet
usage, qui a passé en loi au temps qu'ils
avaient tant d'ardeur pour le pallium.
Enfin s'il est vrai, comme il faut le présumer,
que ces archevêques demandaient cet orne-
ment avec les mêmes sentiments de piété et
de religion que saint Grégoire le Grand le don-
nait, comme il est indubitable que saint Lan-
franc , saint Anselme , saint Elpheg , saint
Malachie, saint Charles et tant d'autres l'ont
demandé, il ne faut pas s'étonner s'ils l'ont
attendu avec patience, et s'ils ont cependant
suspendu tout leur ministère pontifical.
X. Venons au dernier article qui regarde
l'usage du pallium dans l'Eglise grecque. On
doute s'il y était réservé aux métropolitains,
aussi bien que dans l'Eglise latine.
Innocent III, réglant les droits des quatre
patriarches orientaux dans le concile général
de Latran en l'an 1218, use de termes ambigus
qui nous laissent dans la même incertitude.
Il y ordonne que ces quatre grands patriarches
ayant reçu le pallium du pape, le pourront
ensuite donner à leurs suffragants. « Et ipsi
suis suffraganeis pallium largianlur (Extra C.
Antiqua. De purgatione canonica). » Ce terme
de suffragants s'applique plus ordinairement
aux évêques qui relèvent d'un métropolitain.
Mais quelle apparence y a-t-il que ce pape et
ce concile ne répande le privilège du pallium
que sur les évêques suffragants immédiats des
patriarches? Il faut donc comprendre les mé-
tropolitains sous ce terme de suffragants.
La question est de savoir si les évêques y
sont aussi compris. Ce pape si savant aurait-il
exclu les évêques de la signification d'un
terme, qui à la rigueur n'appartient qu'à eux
seuls ? D'autre part il n'y a pas peu de diffi-
culté de croire que ce pape, toujours zélé pour
les pratiques universelles de l'Eglise latine, ait
si facilement relâché un point d'une aussi
grande conséquence, que de rendre tous les
évêques d'Orient participantsdu pallium, qu'on
avait à peine accordé à tous les métropolitains
de l'Occident, après les efforts réitérés de plu-
sieurs siècles.
Quelqu'un pourrait s'imaginer avec quelque
vraisemblance que ce pape affecta adroitement
des termes à deux sens, afin de ne pas aban-
donner ouvertement la pratique des Latins,
qui réserve cet avantage aux métropolitains,
et ne point aussi approuver l'usage des Grecs,
qui en font part à tous les évêques, à ce que
prétendent des gens fort savants.
XI. Le canon du VIII" concile général, qui a
été touché ci-dessus (Can. xiv), ne fait men-
tion que des archevêques qui reçoivent ou la
consécration, ou le pallium des patriarches. Le
DU l'Ai. LU M [VEPl'IS L'AN MIL
1 1
canon xxvu de ce même concile défend aux
évêques qui mit reçu l'honneur du pallium de
le porter hors du temps et des lieux qu'on doit
en user. « Ha ut quibus concessum est palliis
nti. temporibus certis, in iisdem temporibus
il kwis iis induantur, et tanto ac tali non abu-
tantur amictu propter typhuni, etc. »
Ce canon se trouve même dans l'édition
grecque de ce concile. Ainsi on ne peut douter
que parmi les Grecs mêmes, l'usage du pallium
ne fût limité, aussi bien que parmi les Latins,
à certains jours et à certaines cérémonies d'une
plus grande solennité. Ces termes mêmes toù«
5p tôEvro? ûjjuxpopeîv isioxrâou«, « designalos ad super-
liumeralia gestanda episcopi, » semblent insi-
nuer que tous les évêques ne jouissaient pas
de cet avantage. Démétrius Cbomatenus dé-
clare qu'on ne doit porter le pallium qu'aux
fêtes de Pâques, de la Pentecôte et de Noël.
Mais d'autre part Luitprand rapporte que le
patriarche de Constantinople n'ayant pu porter
le pallium jusqu'à son temps, qu'avec la per-
mission du pape : « Scimus, imo videmusCon-
stantinopolitanum episcopum pallio non uti,
nisi sancti Patris nostri permissu (Baron, an.
93-4), » l'empereur romain, après avoir élevé
a cette dignité son fils Théophylaete. obtint du
pape Jean XII un privilège qui permettait aux
évêques de Constantinople de porter à l'avenir
le pallium sans demander la permission du
Saint-Siège. « Effecit ut papa? nomine Theo-
plvylacto litterac mitterentur, quarum autori-
tate tum ipse, tu m successores absque papa-
rum permissu palliis uterentur. » Si d'un côté
les patriarches de Constantinople s'affranchi-
rent de cette servitude, les évêques aussi d'au-
tre part obtinrent en même temps le pallium,
et s'égalèrent en quelque façon à leurs métropo-
litains. « Ex quo turpi commereio vituperan-
dus mos inolevit, ut non solum patriarchae, sed
etiam episcopi totius Graeciae palliis utantur.
Quod quam absurdum sit, censere opus non
est. »
Voilà le récit de Luitprand, évêque de Cré-
mone, qui avait été lui-même ambassadeur à
Constantinople dix ou douze ans après An. 946 ,
et qui y fut encore envoyé avec la même qua-
lité une seconde fois (An. 968). D'où il résulte
que sur le témoignage de cet évêque, qui ne
peut être suspect ni d'ignorance, ni de mau-
vaise foi, nous pouvons dire qu'anciennement
le pallium avait été affecté aux seuls métropo-
litains dans la Grèce même, mais qu'ensuite
tous les évêques l'usurpèrent. C'est peut-être
le moyen d'accommoder ce différent, qui par-
tage les savants.
Au reste, le pallium des Grecs, quoiqu'un
peu différent de celui des Latins, n'est pour-
tant qu'une bande ornée de croix qui entoure
les épaules et prend sur l'estomac, comme si
c'était un collier sacré. Mais quelque privilège
qu'eût obtenu le patriarche de Constantinople,
il est certain que les patriarches latins de tout
l'Orient demandèrent toujours le pallium. In-
nocent 111 nous l'a fait voir ci-dessus, et avant
lui, sous Innocent II, en 113G, Rodolphe, pa-
triarche d'Antioche , vint quitter à Kome le
pallium qu'il avait pris de sa propre autorité,
pour en recevoir un autre du pape. C'est ce
que Baronius rapporte de Guillaume de Tyr (1).
(1) D'après le cardinal Baronio (ad annum 336), le Phrygmm, qui
est un ornement brodé et marqué de croix, est un insigne spécial au
souverain pontife, comme symbole de la plénitude de la puissance
et de l'honneur. Les papes l'ont quelquefois accordé à des métropo-
litains, comme pour attester qu'ils étaient leurs lieutenants. C'est ce
que fit le pape saint Célestin, dit-il, à saint Cyrille d'Alexandrie.
Pourquoi, demande le savant cardinal, le Phrygium, qui est brodé
avec des croix, s'appelle-t-il bien souvent Pallium , quoique sa
forme soit bien difTéxente et beaucoup plus petite que celle des man-
teaux ordinaires ? Je l'ignore. On peut conjecturer cependant que
de même que le Grand-Prêtre des Hébreux portait un riche super*
humerai, que les autres prêtres n'avaient pas le droit de revêtir, de
même les souverains pontiles de la loi nouvelle usèrent de l'ornement
que nous appelons Pallium, en souvenir du superhuméral. On l'ap-
pela aussi Phrygium, parce qu'il était broGé à la mode phrygienne,
avec des croix. Les premiers pontifes, en offrant le saint sacrifice,
étaient vêtus d'une espèce de manteau brodé, que plus tard nous
avons appelé chasuble. Or, il a pu advenir insensiblement que le
manteau devenant moins ample, la broderie ou le Phrygium se
changeât en ornement distinct qui, quoique très-étroit, conservât le
nom du tout, c'est-à-dire Pallium. Primitivement, le vêtement qui
couvrait les épaules et les bandelettes de l'ornement de la tète se
réunissaient ensemble et formaient à proprement parler le Pallium
pontifical. Plus tard et insensiblement on sépara les broderies de la
tiare ou de la mitre, Phrygium mitrœ, des broderies étroites qui
constituèrent le Pallium ctmme insigne spécial de la plénitude du
sacerdoce. Ce qui démontre que cet ornement a toujours exprimé
cette idée, c'est que dans toutes les peintures ou sculptures des cata-
combes où l'image de saint Pierre est représentée, on le voit tou-
jours recevant les symboliques clefs sur son manteau Pallium, de la
main du divin Rédempteur. Ainsi, en définitive, le manteau de saint
Pierre est l'origine véritable du Pallium des souverains pontifes
pour exprimer leur toute-puissance, Pallium qu'ils ont ensuite ac-
cordé à tous les métropolitains. Les premiers successeurs du saint
apôtre conservèrent religieusement la forme de son manteau. Mais
peu à peu on y ajouta des bordures de couleur blanche entremêlées
de croix brodées. Le savant Blanchini nous apprend que l'on trouve
sur les plus anciennes mosaïques de Rome, ceiles du ive siècle des
papes avec celte riche bordure du manteau , réunie autour des
épaules et descendant jusqu'aux pieds. . Pars vero, n ajoute-t-il
o ejusdem integumenti seu pallii ad occiput reflexa, quœ constituebat
capitium sacerdotale, cum ornaretur eadem phrygiata fascia, retinuit
idem ornamentum phrygii etiam quando capitium a pallio sejunctum
constituit mitram quam dicimus pretiosam : retinente etiam pallio in
ora anteriori ex collo et humeris ad pedes descendeute eumdem
phrygiatum limbum, sub quo ad oscula principum sanctuarii exci-
pienda manum porrigit hierarca summus. Fascia vero crucibus phry-
giata, quae amoveri ac removeri facilius posset, in sacro ministerio
supra humeros et pectus aptata fuit, eaque retinuit nomen PALLII
cui aptabatur, et iodicalionem maxims potestatis in munere sacer-
dotii ; non secus ac LATICLAVIUM, insigne potestatis prœsidis pro-
vinciarum et magistratuum majorum apud Romanes, per eadem tem-
\ 12 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
DES CROIX, DES CROSSES, DES ANNEAUX, DES AUTRES ORNEMENTS PROPRES AUX ÉVÈQUES,
AUX ARCHEVÊQUES ET AUX PATRIARCHES, PENDANT LES SIÈCLES DU MOYEN AGE.
I. De la crosse et de l'anneau des évèques.
H. Origine des crosses, leur somptuosité et leur simplicité.
III. De l'anneau.
IV. De la croix pectorale.
V. Combien elle était commune, même parmi les laïque?.
VI. De la croix qu'on porte devant les archevêques. On ne la
portait autrefois que devant les papes et ses légats.
VII. Dans l'Orient on portail des lampes, ou des flambeaux
allumés devant les patriarches, ou par religion.
VIII. Ou par imitation et par concession des empereurs.
IX. Autres privilèges des patriarches empruntés des empereurs.
X. Auxquels l'Eglise communiquait aussi quelques avantages
singuliers.
XI. De la mitre, ou de la couronne des évèques. Il y avait
des mitres simples et de précieuses.
XII. Nouvelles conjectures pour cela.
I. Des palliums parsemés de croix, passons à
la croix des archevêques, aux crosses et aux
anneaux des évèques et aux autres semblables
ornements ou accompagnements de la majesté
pontificale.
Le concile de Troyes, tenu en 8G7 (Concil.
(■ail., tom. m, p. 308), assure que les évèques
su (frayants de la province de Reims, qui avaient
été ordonnés pendant l'absence de l'archevêque
Ebbon, reçurent de lui, après qu'il eût été ré-
tabli, les anneaux, les crosses et les lettres de
leur confirmation. « Omnesque suffraganei,
qui eo absente ordinati faerant, annulos et ba-
culos et suœ conftrmationis scripta, more gal-
licanarum Ecclesiarum ab eo acceperunt. »
Dans le concile de Nîmes, célébré en 886
(Ibid., p. 32-2), où l'on déposa le faux arche-
pora, quod erat genus togae clavo latiori seu limbo ex purpura ad oram
intextum , nomen transmisit, et indicium illius amplioris potestatis,
ad fasciam purpuream circa finem sœculi secundi et per subséquentes
ajtates supra numéros et pectus eo loco assutam. » Dans le corps du
droit, chapitre Cunstantinus de la 9Ce distinction, nous trouvons la
raison pourquoi le pallium est de couleur blanche : n Phrygium vero
candido nitore splendidum resurrectionem Dominicain designans. »
De son côté, Isidore de Péluse, dans la 136« épitre de son premier
livre, nous explique pourquoi le Pallium est confectionné avec de
la laine d'agneau et non avec du lin ou de la soie : ■ Ex lana non
ex lino contextum est, » dit-il, u ovis illius quam Dominusaberrantem
qnsmt inventamque humeris suis sustulit, pellem désignât. Epi-
scopus enim, qui Christi vices gerit, ipsius munere fungitur, atque
etiam ipso habitu, illud omnibus ostendit, se boni illius ac magni pa-
storis imitatorem esse, qui gregis infirmitates sibi ferendas proposuit. >
Le Pallium, d'après tous les canonistes, est de corpore beali Pétri
sumptum, parce qu'il est béni et consacré par le pape sur l'autel de
saint Pierre ; parce que celui qui doit en faire usage le prend lui-
même ou par procureur, s'il est absent, sur l'autel du prince des
ap&tres, et parce que cet ornement est une émanation de la plénitude
de la puissance pontificale que Jésus-Christ confia spécialement à
saint Pierre et à ses légitimes successeurs, puissance qui est commu-
niquée à d'autres partiellement et dont le Pallium est le symbole.
Il résulte de là qu'un archevêque n'a aucune juridiction sur la pro-
vince tant qu'il n'a pas reçu le Pallium ; il ne peut pas même, d'après
le droit, s'appeler archevêque s'il n'est muni de cet ornement.
Le soin de confectionner et de conserver les palliums est confié
à des sous-diacres apostoliques. Les religieuses du monastère de
Sainte-Agnès-hors-les-Murs présentent, chaque année, en la fête de
la bienheureuse martyre, sur son autel, deux agneaux blancs, pen-
dant qu'on chante VAgnus Dei. Deux chanoines de l'église patriar-
cale de Saint-Jean-de-Latran reçoivent ces agneaux et les livrent
aux ^us-diacres apostoliques qui sont chargés de les faire paitre jus-
qu'à l'époque de la tondaison. La laine de ces deux agneaux est mê-
lée à d'autres laines très-blanches et filées immédiatement pour con-
fectionner les palliums. Voici comment les décrit Christophe Marcelli,
dans son Commentaire du Cérémonial romain • a Latitudine digito-
rum trium redacta in orbem quatuor crucibus nigris aut purpureis in-
texta pallia, ita ut velut stolœ sacerdotales humeros prasulum am-
biant a pectore et renibus particulam pendentem habentia longitudinis
palmi et semis, et in eorum extremitatibus laminas plumbeas tenues
ad parem latitudinem in fine orbiculatas nigro serico textas, insu-
tas supra pendenles particulas ante et post et supra humeros utros-
que. » Les palliums étant confectionnés, les sous-diacres apostoliques
les remettent aux chanoines de Saint-Pierre, qui les déposent sur
l'autel du bienheureux apôtre, et, après avoir célébré de solennelles
vigiles, ils les reprennent pendant la nuit et les confient de nouveau
aux sous-diacres apostoliques qui vont les enfermer dans un lieu très-
décent.
Le prélat qui doit être revêtu du Pallium en fait la demande au
souverain pontife en consistoire par l'organe d'un avocat consistorial
qu'il a choisi pour son procureur. Le pape interroge alors les cardi-
naux sur l'opportunité et la convenance de cette demande, après
quoi il charge le doyen des cardinaux-diacres d'assigner un des pal-
liums au pétitionnaire s'il est présent, ou à son procureur. On expédie
des lettres apostoliques selon la forme ordinaire, et le premier cardi-
nal-diacre indique le jour et le lieu de la remise de cet ornement
sacré. Cette cérémonie a lieu quelquefois dans la chapelle privée du
cardinal, mais plus souvent dans la basilique de Saint-Pierre, et avec
lin grand éclat. Au jour fixé, le prélat ou son procureur, muni de son
mandat en forme, se rend au lieu désigné, où il trouve le premier car-
dinal-diacre et un sous-diacre apostolique portant le Pallium déjà dé-
signé qu'il place sur l'autel. Le prélat, s'il est présent, revêtu de la
chasuble, se met à genoux sur les degrés de l'autel, devant le cardi-
nal-diacre debout au coté droit de l'autel où il lit l'Evangile. Alors
le pétitionnaire prononce ces mots : « Ego N. electus Ecclesiœ N. in-
stanter, instaatius et instantissime peto mihi tradi et assignari pal-
lium de corpore B. Pétri sumptum, in quo est plenitudo pontificalis
ofticii. p Alors le doyen des cardinaux-diacres prend le Pallium sur
l'autel et le place sur l'épaule du prélat à genoux, en disant : « Ad
honorem omnipotentis Dei et B. Mariae semper Virgiuis atque bealo-
rum apostolorum Pétri et Pauli, nec non Ecclesise N. tibi commissae,
tradimus tibi pallium de corpore B. Pétri sumptum, in quo est pleni-
tudo pontificalis officii cura archiepiscopalis nominis appellatione, ut
utaris eo intra Ecclesiam tuam certis diebus qui exprimuntur in pri-
vilegiis ab Apostolica Sede concessis. In nomine Patris, et Filii, et
Spirilus Sancti. Amen. » La cérémonie terminée, le maître des céré-
monies reprend le Pallium, le plie et le remet au prélat avec les
lettres patentes.
Quand le Pallium est demandé par procureur, celui-ci, revêtu du
DE LA CROIX, DES GROSSES, DES ANNEAUX, etc.
il :
vêque <le Narbonne, nommé Selva, on déchira
ses habits pontificaux, oïl lui arracha son an-
neau, et on lui rompit sa crosse sur la tète.
« Scissis episcopalibus indumentis, baculis eo-
rum super eorum capita confractis, annulis
cuni dedecore a digitis avulsis. »
II. Le moine de Saint-Gall raconte qu'un évo-
que à qui on avait commis la garde de la reine,
pendant que Charlemagne était en campagne
contre les Huns, eut envie du sceptre d'or de
ce prince, afin de s'en servir au lieu de crosse.
Charlemagne apprit à son retour la demande
indiscrète que ce prélat avait faite à la reine,
et blâma sa vanité d'avoir voulu, au lieu d'une
houlette de berger, manier le sceptre impé-
rial.
« Episcopi contemptores hujus mundi esse
debuerunt, et alios exemplo suo ad appetenda
cœlestia provocare. Nunc vero prae caeteris
mortalibus tanta ambitione corrupti sunt, ut
quidam ex eis non contentas episcopatu, quem
in prima Germania- sede retinet, sceptrum no-
strum, quod pro significationeregiminisnostri.
aureum ferre solemus, pro pastorali baculo
nobis ignorantibus sibi vindicare voluisset
(L. i, c. 19). »
Ce sceptre étaitde la hauteur de Charlemagne,
au rapport du même auteur : « virgam auream
quam ad statum suum fieri jussit. » Eginhard
nous a représenté la taille avantageuse de
Charlemagne, de la hauteur de sept de ses
pieds : « Corpore fuit amplo atque robusto,
statura eminenti, quse tamen justam non exce-
surplis, se met à genoux et prononce ces mots : « Ego N. procu-
rator et procuratorio Domine, et pro parte Rev. in Christo Patns et
Domni, Domni N. electi Ecclesise N. instanter, instantius et instan-
tissime peto mihi tradi et assignari pallium de corpore B. Petn sum-
ptum, in quo est plenitudo pontiûcalis officii, et promitto illud reve-
renter portare eidem Rev. Patri D. N. nec pernoctabo in alutuo loco,
nisi una nocte tantum, nisi preepeditus fuero légitime, et tune in ca-
thedrali ipsius, et si non fuerit cathedralis, in collegiata, et si non
fuerit collegiata, iu parochiah ecclesia remittam et honorifice repo-
nam, sic me Deus adjuvet et hïec Sancta Dei Evangelia. • Le car-
dinal-diacre place alors le Pallium sur l'épaule du procureur et
prononce les paroles de ci-dessus.
Le pape seul use du Pallium en tout temps, en tout lieu et tou-
jours, comme possédant la source de la puissance ecclésiastique ; les
primats et les archevêques ne peuvent se servir du Pallium que
dans leur Eglise ou leur province, et seulement en des jours déter-
minés, parce que, dit le Droit : « In partem sollicitudinis, et non in
plenitudinem potestatis sunt vocati. d Voir le chapitre ad honorent, 4,
de auctor. et usupall. et le même titre dans le Sexte, chapitre Ex
tuarum, 5. Voici les fêtes où les métropolitains peuvent porter le
Pallium : Noël et les deux fêtes suivantes, la Circoncision, l'Epi-
phanie , le Dimanche des Rameaux , le Jeudi-Saint , le Samedi-
Saint , les trois fêtes de Pâques , l'Ascension , les trois fêtes de
Pentecôte, la Nativité de saint Jean-Baptiste, la fête des Apôtres,
les quatre fêtes principales de la Sainte Vierge , saint Michel ,
la Dédicace , l'ordination des clercs et les fêtes principales de
l'Eglise métropolitaine. Tls ne peuvent se servir du Pallium que pen-
dant la messe. Divers textes du droit sont précis sur ce point. Ils ne
peuvent le porter hors de l'église, jamais dans les processions.
Quelques canonistes pensent qu'ils peuvent le revêtir pendant la
Tu. — Tome I.
deret ; nam septem suorum pedum procerita
tem, ejus constat liabuisse figuram. »
Ce sceptre originairement n'estfautre chose
(lue la houlette des anciens pasteurs, qui
Liaient en même temps les rois de leurs
peuplades, et les bergers de leur troupeau.
Et c'est là la première origine de la plus
ancienne et de la plus légitime royauté parmi
les hommes.
Ainsi le sceptre royal n'était pas si éloigné
de la crosse d'un évoque, si l'ambition des
hommes n'avait effacé les traces mêmes de
l'ancienne simplicité des siècles d'or, où la
vanité n'avait point encore donné de prix à
l'or même. Saint Isidore, évèque de Séville,
fait aussi mention de la crosse qu'on donne
aux evèques dans leur ordination. « Huic dum
consecratur, datur baculus, ut ejus indicio
subditam plebem vel regat, vel corrigat, vel
infirmitates infirmorum sustineat (De Eccl.
Offic, 1. n. c. v. Act. 7). »
L'auteur de la vie de saint Césaire raconte les
miracles qui furent faits par la crosse de ce
saint archevêque, et dit qu'un clerc de l'ordre
des notaires était destiné pour la porter :
« Clericus cui cura erat, baculum illius por-
tare, quod notariorum officium erat (Surius,
Octob. die 19, 1. n, c. i). »
La crosse de saint Burchard, évèque de Virs-
bourg, n'était que de bois ; et l'auteur de sa
vie (Vita ejus, apud Surium, die 19 Octob.,
1. n, c. i) prend de là occasion de louer sa
modestie, et d'invectiver contre l'ambition que
tenue du concile provincial. Ils s'appuient sur les exemples de saint
Charles et de Benoit XIII, lorsqu'il n'était qu'archevêque de Béné
vent. Le Pallium étant un privilège personnel et local, le métropo-
litain ne peut ni le revêtir hors de sa province, ni le prêter à un
autre archevêque. Bien plus, un archevêque transféré à une autre
métropole ne peut se servir du Pallium qu'il avait déjà, mais il lui
en laut postuler un autre. Le droit est ici encore formel Un cano
niste dit a ce sujet : « Pallium datur person* sed contemplatione
loi i. Il doit emporter avec lui le premier Pallium dont il ne neut
plus taire aucun usage, et lorsqu'il meurt, il doit être revêtu du Pal
hum de sa dernière Eglise, et celui de la première doit être nlaré
sous sa tète. p
On archevêque qui aurait résigné son titre aurait besoin d'un nou
veau Pallium s'il était dans la suite renommé à l'archevêché qu'il
avait abdiqué. Si, après avoir obtenu le Pallium par procureur un
archevêque vient à mourir avant de l'avoir revu, le Pallium 'doit
être brûlé, et les cendres placées dans la sacristie. Un archevêque
qui posséderait deux archevêchés aurait besoin de deux pilliums un
pour chaque Eglise. Un archevêque qui serait transféré d'un arche-
vêché à un évéché ne pourrait jamais se servir du Pallium
Les patriarches et les archevêques in partibus infidelium ne jouis
sent pas du Pallium, par la raison que nul ne peut le porter hors de
sa province ; or, ces titulaires ne l'habitent jamais. Nous croyons
par cette longue note, avoir complètement élucidé une question sur
laquelle on n'a généralement que des notions peu claires Le droit
comme on sait, a un titre spécial là-dessus, de auloritate et imt
Pallii. En 1858, Pie IX accorda à l'évèque de Marseille et à s
successeurs, à perpétuité, cet ornement des métropolitains.'
(Dr André.)
114
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIEME.
quelques évèques font paraître dans la somp-
tuosité même de leurs bâtons. « Virga sam-
bucea semper nobis ad memoriam reducit
humilitatis ejus exempla. Unde constat quanto
pretiosior sit coram illo, qui humilia respicit,
et alta a longe cognoscit, pastor Burchardus,
cum sua pastorali virga, modernis pastoribus,
qui pascentes semetipsos, \ix in ipsis baculis
suis aliqua carent pompa. »
Je viens aux Grecs, entre lesquels Ralsamon
ne semble donner la crosse qu'aux patriarches.
Voici le dénombrement des ornements qu'il dit
être affectés aux seuls patriarcbes : « Quoniam
vero baculus, et saccus, et polystaurium, et
sticbarium cum lilteris gamma, patriarchalem
sanctitatem solam nobilitant, etc. (Juris Orient,
tom. I, p. -440, 447). »
11 dit ensuite que ce bâton représente le
roseau qu'on mit entre les mains du Fils de
Dieu au temps de sa passion, et qui lui servit
comme pour signer et pour confirmer les
assurances de notre salut. « Raculi signifi-
cant arundinem illam, qua1 salutem humani
generis egregie depinxit, testis in cœlo fidelis. »
Après cela on pourrait avec quelque vrai-
semblance conjecturer que ce bâton pastoral
n'était originairement ni dans la main des rois,
ni dans celle des évêques, que le bâton com-
mun pour s'appuyer, et pour se fortifier dans
les longues marches ; qu'il était peu précieux
dans sa matière, et fort simple dans sa forme ;
qu'on y a dans la révolution des siècles attaché
des représentations mystérieuses, et qu'après
cela on en a fait les plus riches et les plus
glorieuses marques de la royauté spirituelle
et temporelle. Aussi un saint prélat disait à ce
sujet qu'autrefois les évèques étaient tous d'or,
et n'usaient que de crosses de bois, au lieu que,
dans les siècles suivants, ce furent comme des
évèques de bois, qui usèrent de crosses d'or et
d'argent.
Le bâton de l'archidiacre de saint Séverin,
évêque de Cologne, dont parle Grégoire de
Tours, (Greg. Turon., 1. i. de Mira. S. Martin.
c. iv) n'était aussi apparemment qu'un bâton
ordinaire pour se soutenir, dont les archi-
diacres et quelques autres dignités des cha-
pitres ont depuis fait une marque honorable de
leur sacré ministère.
L'exemple de Photius prouve 1°. Que parmi
les Grecs la crosse était réservée aux patriar-
ches. 2". Que primitivement ce n'était qu'un
bâton, ordinaire pour marcher plus commodé-
ment. Photius étant cité dans le VHP concile
général, y comparut avec un bâton à la main,
ci mime pour s'appuyer; mais on le lui ôta, de
peur que ce ne fût encore un artifice de ce
vieux fourbe, pour paraître avec les marques
du pontificat. « Tollite baculum de manu ejus,
signum est enim dignitatis pastoralis, quod hic
habere nullatenus débet, quia lupus est, et non
pastor. »
III. Quant à l'anneau, le droit oriental ne
l'attribue qu'aux Latins, et il reconnaît que
c'est un symbole fort juste et fort proportionné
pour marquer la qualité d'époux, qui convient
aux évèques à l'égard des Eglises. « Quemad-
modum enim Christus Ecclesiœ, mundarum-
que et virginearum Ecclesiarum sponsus est :
sic qui ubique sunt sanctarum Ecclesiarum
prasules, sponsi appellantur, accepto Spiritus
sigillo, ut annulo (Tom. i, p. 321). » En effet
c'est comme il faut traduire ce passage, et non
pas, « annulo accepto, ut Spiritus sigillo. » Les
évêq ues grecs, dans leur ordination, ne rece-
vaient donc point d'autre anneau que le Saint-
Esprit même.
optât semble faire allusion à l'anneau des
évèques, quand il use de ces termes : « Ut
heeretici omnes nec claves habeant, quas solus
Pelrus accepit, nec annulum, quo legitur fous
esse signatus (Optât., 1. i). » Et plus bas : « René
revocasti claves ad Petrum , bene subduxisti
annulum iis, quibus aperire non licet ad l'on-
tem. » 11 ùte aux hérétiques les marques de
l'épiscopat. Saint Isidore parle aussi de l'anneau
des évêques, et en donne les raisons : « Datur
et annulus propter signum pontificalis honoris,
vel signaculum secretorum, ne indignis sacra-
menta Dei aperiantur (L. i, c. v. De Eccles.
Offic). » L'Ordre romain et les autres ouvrages
semblables en ont tous traité ensuite.
IV. Je ne sais si les évèques anciens portaient
aussi une croix pectorale. Les légats des pa-
triarches d'Orient disent bien que lorsqu'ils
furent arrivés à Constantinople pour assister
au concile VIII général, l'empereur leur mit
sur le col sa croix pectorale, pour les conjurer
de n'avoir point d'autres intérêts que ceux de
la justice. « Imposuit super colla nostra encol-
pion suum et dixit : Ecce judicium Ecclesiœ
exigat Deus a cervicibus vestris in die judicii
(Sess. G). »
Anastase Bibliothécaire remarque sur cet
endroit du concile VIII, que les Grecs portent
toujours dans le sein une croix, avec du pré-
DES CROIX, DES CROSSES, DES ANNEAUX, etc.
H5
deux bois de la vraie croix, ou avec des reli-
ques des saints ; et que c'esl ce qu'ils appellent
Encolpion -, . i). « Encolpion est, quod in
sinu portatur. Colpos eiiim grœce, sinus latine
dicitur. Moris enini grsecorum est, crucem
cum pretioso ligno, vel cum reliquiis san-
ctoruin ante pectus portare, suspensam ad
collum. »
Mais on ne peut pas conclure efficacement de
là que les évèques portassent aussi la même
croix pectorale. On en pourrait tirer une
preuve plus forte de ce que Rotliald, évêque
de Soissons, dans sou appel au pape Nicolas,
témoigne qu'ayant été cité pour comparaître
devant le roi et le concile, il s'y présenta avec
le livre des Evangiles, et la vraie croix devant
l'estomac. «Ad locum transivi, sacerdotalibus
vestitus indumentis . sanctum evangelium, et
lignum sanctœ crucis circa mea pectora ge-
rens (Post epist. xxxvu Nicolai I). »
Ou pourrait encore se persuader que ce ne
fut quepar une précaution extraordinaire con-
tre le danger qu'il allait courir, que ce prélat
se munit du livre des évangiles et du bois de
la vraie croix.
On ne peut douter qu'au moins le pape ne
portât une croix pectorale. Jean Diacre le té-
moigne ouvertement de saint Grégoire le Grand
(Lib. iv de vita ejus, c. lxxx), en nous repré-
sentant les habits sacrés dont il était revêtu
après sa mort dans son mausolée. « Pallium
ejus et philacteria, sed et balteum ejus con-
suetudinaliter osculantur. »
Dans le même chapitre cet auteur nous ap-
prend que c'était un reliquaire pendu au col,
qu'il avait entendu par ce terme : Philacteria.
«Quod autem reliquiarum philacteria tenuiar-
gento fabricata, vilique pallio de collosuspensa
fuisse videntur, habitus ejus mediocritas de-
moustratur. » Mais saint Crégoiremème expli-
que ce terme d'une croix enrichie de reliques,
et surtout du bois sacré de la vraie croix.
« Excellentissiino régi transmitlere curavi phy-
lacteria, id est crucem cum ligno sanctae cru-
cis Domini et lectionem sancti evangelii theca
persica inclusam (L. xu, epist. vu). » Nicéphore,
patriarche de Conslantinople, envoya au pape
Léon 111 une de ses croix pectorales , ornée de
ce même bois sacré : « Synibolum mediatricis
iuter nos dilectionis misimus fraternae vestrae
beatitudini encolpium aureum, etc. Et intus
habet alterum encolpium in quo sunt partes
honorandi Ligni, in ligura crucis posit;e. »
Ce ne serait pas sans fondement que l'on se
persuaderait que cette coutume était particu-
lière au pape. Innocent 111 le déclare assez net-
tement, lorsqu'il explique les ornements dont
le pape se servait à l'autel, et qu'il fait succé-
der la croix à la lame d'or que le seul grand-
prêtre de l'ancienne loi portait.
« Romanus pontifex post albam et cingu-
lum, etc. Et quia signo crucis auri lamina ces-
sit pro lamina quam pontifex ille gerebat in
fronte, pontifex iste crucem geri in pectore.
Ideoque Romanus pontifex crucem quamdam
insertam catenulis a collo suspensam , sibi
statuit ante pectus, ut sacramentum quod ille
tune prœferebat in fronte, hic recondat in pe-
ctore (L. i Myster. Miss., c. lui). »
Comme ni saint Germain, patriarche de
Constantinople. ni Alcuiu, ni enfin tous les
autres qui ont expliqué les significations mys-
térieuses des ornements qui servaient à l'autel
tant en Orient qu'en Occident n'ont fait aucune
mention de la croix pectorale, c'est une preuve
certaine qu'elle n'était pas encore en usage
par une loi ou par une coutume réglée et uni-
forme.
V. Il est indubitable d'ailleurs que les évè-
ques, les ecclésiastiques et les laïques en ont
souvent porté par un mouvement particulier
de piété.
Saint Chrysostome, après avoir condamné
toutes les superstitions vulgaires, conseille
d'employer plutôt la croix pour la conservation
des enfants : « Cum infanti nihil aliud sit ad-
hibendum, quam crux ad custodiam. tv,v à™
«•s «rraipeu çuXaudin (In epist. i ad Cor., bom. XIl).B
Voilà peut-être l'origine de ce terme Phyla-
cteria, qu'on a ensuite déguisé en Filateria,
parce que ces reliquaires étaient comme les
gardes et les conservateurs de ceux qui les por-
taient.
Léonce, évêque de Naples en Chypre, dit
que Zacharie, digne disciple d'un aussi excel-
lent maître que l'avait été saint Jean l'Aumô-
nier, patriarche d'Alexandrie, n'ayant plus
rien à donner à un pauvre, lui donna la croix
d'argent qu'il portait. « Abstulit a se quam
ferebat cruciculam argenteam et dat ei (Vide
Gretserum de Cruce , 1. n, c. 34. De Encolpio
episcoporum). »
Saint Epiphane (Hœresi xv) a reconnu lui-
même que le terme de <puw.rr;?icv se prenait
souvent pour ces préservatifs, que les Latins ap-
pelaient amuleta. Les anciennes Glosses et
HG
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
celles d'Isidore même en conviennent. Le père
Possin, dans ses notes sur Michel Paléologue
de Pachymère Pag. 378), montre que les Grecs
juraient sur leurs croix pectorales, qu'ils appe-
laient -:;;*y.y.xT7., èptokm%. Pachymère raconte
qu'un sultan voulant donner à l'empereur une
preuve convaincante de sa sincérité dans la
religion chrétienne, lui envoya demander un
de ces reliquaires, et lui fit connaître par là
qu'il révérait les saintes images IL. iv, c. 0).
Nicéphorus Grégoras raconte comment le
vieil empereur Andronic étant prêt d'expirer, et
n'ayant personne qui put lui donner l'Eucha-
ristie, mit dans sa bouche l'image de la Vierge,
qu'il portait toujours dans le sein. « Dei geni-
tricis imaginem, quam in sinu gestabat. loco
divinorum mysteriorum in os inseruit (L. ix,
c. ult.). »
Il y a lieu de conjecturer que si les laïques
avaient tant de passion et tant de respect pour
ces croix et ces reliquaires qu'ils portaient
pendus à leur col, les évêques et les ecclésias-
tiques ne leur cédaient point en cela. Voila
pour les Grecs.
Quant aux Latins , saint Jérôme confirme
l'origine du mot dePhylacterium. quand il dit
que ce nom est donné dans l'Evangile aux
franges sur lesquelles on marquait quelques
sentences de l'Ecriture, parce qu'on était pro-
venu de cette persuasion que c'étaient autant
de préservatifs certains contre toutes les atta-
ques de l'ennemi de notre salut. « Pictaciola
illa decalogi, philacteria vocabant. quod qui-
cumque habuisset ea, quasi ob custodiam et
munimentum sui haberet (In Matt., c. xxm). »
Saint Germain , évèque d'Auxerre , portait
toujours son reliquaire pendu à son col. « Re-
dimitus loro semper . et capsula sanctorum
reliquias continente (Surius, Julii die 31, 1. i,
c. 10). » H donna une médaille où la croix était
marquée à la sainte et célèbre vierge Gene-
viève, lui commandant de ne la quitter jamais,
« /Ereum minimum impressione crucis exscul-
ptuin, muneris loco Genovefa? tradidit, atque
semper collo suspensum ob sui memoriam
ferre pnrcepit (Ibid., c. xxi). » Ce saint étant
mort en Italie, l'impératrice Placide reçut
comme un trésor inestimable son reliquaire :
« Solius benedictionis haîres capsulam cura
sanctis reliquiis regina suscepit (L. u, c. 21).»
C'est ce qu'en dit l'auteur de sa vie.
Bède raconte comment ce saint prélat étant
passé duns la Grande-Bretagne, y rendit la vue
à une fille aveugle, en lui appliquant son reli-
quaire sur les yeux. « Adhmrentem lateri suo
capsulam cura sanctorum reliquiis collo avul-
sam manibus comprehendit, eamque in con-
spectu omnium oculis puellœ applicuit (L. i,
Hist. Ângl., c xviii). » Grégoire, évêque de
Tours, qui a écrit l'histoire, écarta une tem-
pête qui le menaçait, en opposant aux foudres
et aux tourbillons le reliquaire qu'il portait
toujours dans son sein. « Reliquias, bas enim
indesinenter collo ferebat, de sinu protrahit,
et minacibus constanter nubibus opponit. »
Saint Perpétue, évèque de Tours, lègue dans
son testament un reliquaire d'argent, et une
petite croix d'or avec des particules de la vraie
croix. « Crucem parvam auream. ex embla-
smate, in qua sunt de reliquiis Domini i Surius,
die 17 Novemb., c. vin). » Le pape Nicolas écri-
vant aux Bulgares, loue la dévotion de ceux
qui portaient toujours une croix sur eux, afin
de se ressouvenir plus facilement de leurs obli-
gations à mortifier leurs passions. « Cum cor-
pore gestatur, ut et mente gestari debeat ,
lacilius admonetur (Resp. ad Consul. Bulg.,
c. vif. »
Concluons de tout cela que c'a été première-
ment une dévotion générale et libre des fidèles
de porter des croix avec des reliques ; que les
évêques ont été les plus zélés pour cette prati-
que de piété ; que les papes ont été les
premiers qui ont fait un ornement de céré-
monie de ce qui n'était qu'une dévotion arbi-
traire, et qui ont fait briller la croix à l'autel
par-dessus leurs autres ornements pontificaux,
comme il a paru par saint Grégoire le Grand,
et par ce qu'en a écrit Innocent III; enfin les
autres évêques ont été les imitateurs de ce qui
se pratiquait dans la première des Eglises du
monde.
VI. Cette croix pectorale que les évêques
portent pendant les saints mystères est bien
dillérente de celle qu'on porte devant les arclie-
vêques, dont il nous faut maintenant recher-
cher l'origine. L'usage de cescroix qu'on porte
en public, semble avoir commencé par les
processions publiques , où saint Chrysostome
en fit porter, comme Socrate et Sozomène le
racontent L. vi, c. S). L'auteur de la vie de
saint Porphyre, évèque de Gaze (L. vin, c. 8,
vila Porphyr., c. xiv , le fait recevoir en quel-
ques endroits avec la croix et la psalmodie.
« Occurrerunt nobis habentes signum vene-
raudse crucis, etipsi psallentes.»
DES CROIX. DES CROSSES, DES ANNEAUX, etc.
117
Justinien défendit dans une de ses Novelles
(Nov. 123), de faire aucune procession sans que
la croix y fût portée, pour ouvrir le chemin a
la pieté des fidèles. Comme on allait en proces-
sion au-devant des personnes éminentes, on
portait aussi la croix devant eux. Ce fut de cette
manière que les légats du pape Hormisde
lurent reçus dans quelques villes de la Crèce,
comme ils écrivirent eux-mêmes à ce pape,
« Episcopuscum suo clero vel plehe in occur-
sum nobis egressus est, etc. Prope omnes cum
cereis, viri cum mulieribus, milites cum cru-
cibus in civitate nos susceperunt (An. M9. Post
ep. xxxiv Hormisdae). »
Comme les marches solennelles des person-
nes religieuses se faisaient souvent en la forme
des processions, on y portait aussi les croix.
Telle fut l'entrée d'Augustin et de ses compa-
gnons dans l'Angleterre: quand ils se présen-
tèrent devant le roi, leur croix d'argent allait
devant avec l'image de J.-C. a Veniebant crucern
pro vexillo ferentes argenteam, el imaginem
Dornini Salvatoris in tabula depictam, letanias-
que canentes , Domino supplicabant (Beda,
l.i, c. 25).»
Les exarques et les palrices étaient reçus à
Rome avec la même solennité des croix et des
processions qui venaient au-devant d'eux, et
Adrien 1" lit le même honneur à Charlema-
gne, roi de Fr\nce, au temps que Rome rele-
vait encore de l'empire de Constantinople.
« Laudum vocibus Francorum susceperunt
regem; obviam illi ejus Sanctitas dirigens, ve-
nerandas cruces, id est signa, sicut mos est ad
exarchum, aut patricium suscipiendum ; eum
cum ingenti honore suscipi fecit. »
C'est ce qu'en dit Anastase dans la vie d'A-
drien l'r, qui raconte aussi, dans la vie de
Léon IV, comment les sous-diacres portaient au-
devant de ce pape et de ses successeurs, quand
il sortait à cheval, la croix d'or que Charlema-
gne avait donnée à Léon III.
Voilà les plus anciens vestiges de ces croix
qu'en porta depuis devant les patriarches, les
primats et les archevêques. Mais ce n'en sont
que des vestiges fort superficiels, car excepté
L'exemple de l'apôtre d'Angleterre, Augustin,
qui n'était pas encore consacré évèque, toutes
ces croix dont nous avons parlé étaient portées
ou envoyées par d'autres que par ceux à qui
cet honneur était rendu. Entre les privilèges
de l'Eglise de Hambourg, on trouve celui que
Léon IV accorda à l'archevêque Anscharius,
chargé de la légation du Saint-Siège, o Ornari
quoque caput tuum mitra, portari ante te cru-
cern. n
Le cardinal Humhert, qui fut envoyé légat
du Saint-Siège à Constantinople en 1050, fit
porter la croix devant lui ; c'était donc déjà la
coutume et le privilège des légats du Saint-
Siège. Cet honneur passa apparemment des
légats aux archevêques: et c'est ce qu'il faut
réserver pour un autre endroit. Je me conten-
terai d'ajouter ici l'exemple du grand saint
Etienne, apôtre et roi de Hongrie, à qui le pape
accorda la couronne et la qualité de roi en
même temps que la croix et le titre de légat
apostolique dans tous les Etats qu'il avait lui-
même conquis à J.-C.
« lis auditis mire exhilaratus pontifex, preci-
bus libenter annuit, crucemque ante regem
ceu apostolatus insigne, gestandam adjunxit :
Ego, inquiens, sum apostolicus; at ille merito
Christi Apostolus dici potest, cujus opéra tan-
tum populum sibi Christus acquisivil. Atque
ea causa, quemadmodum divina gralia ipsum
docebit, Ecclesias Dei una cum populis nostra
vice ei ordinandas relinquimus (Surius, die 20
Aug. c. vm). »
Comme ce privilège fut accordé au roi de
Hongrie environ l'an 1000, il est à croire que
les légats du Saint-Siège en jouissaient aupara-
vant.
De Là on peut conclure avec beaucoup de
probabilité, 1° que la croix était portée devant
les souverains pontifes, devant leurs légats et
ensuite devant les archevêques en leur mar-
che, parce qu'on supposait que toutes leurs
marches et tous leurs pas ne tendaient qu'à
l'établissement ou à l'agrandissement de l'em-
pire de la croix. 2° Que ce furent les souve-
rains pontifes; qui donnèrent commencement
à cette coutume, qui a passé ensuite à leurs
légats, et enfin à tous les archevêques.
Je n'ai point parlé de la croix (pie saint Wil-
lebrod, archevêque d'Utrecbt, portait avec lui
en chemin, et qui lui fut| volée par un diacre,
comme le raconte Alcuin dans sa vie, « Crucern
auream quam vir sanctus secum in itinere
portare solebat (Alcuinus, pag.'liiO), » parce
qu'il y a de l'apparence que c'était plutôt une
croix pectorale. Ce n'est que sur la foi de Si^o-
nius qu'on a cru que le pape Anastase III, en-
tre plusieurs autres privilèges, dont il rehaussa
le siège épiscopal de Pavie, permit à l'évèque
de cette ville de faire porter la croix devant lui
H 8 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
quand il se mettrait en chemin (Baronius ,
an. 910).
VII. Dans l'Orient c'était un honneur affecté
aux patriarches de porter des cierges allumés
et des cassolettes de parfuns devant eux. Cedre-
nus raconte comme le patriarche de Constanti-
nople Nicéphore s'en allant en exil pour la dé-
fense de la foi et de L'Eglise, le_ saint abbé
Théophane, miraculeusement informé de son
passage, dont il était fort éloigné, alluma des
cierges et brûla des parfums pour honorer sa
dignité et sa constance, a Suffltu et cereis pro-
SeCUtllS est. ©ju'.oiu.a.';'. v.-v. y.r.-.'Â; -yJi-vx-vi. Am-ni
xxl eiaia[«i<n. (Cedr., p. 489). »
Saint Cyrille, archevêque d'Alexandrie, écri-
vit lui-même au clergé et au peuple d'Alexan-
drie, qu'à la sortie de la première session du
concile général d'Ephèse , où on avait con-
damné et déposé Nestorius , les fidèles les
vinrent recevoir et les accompagnèrent jusqu'à
leurs maisons avec des flambeaux et en brû-
lant des parfums. « Ut primum ex Ecclesia
egressi fuimus, cum facibus et tœdis usque ad
diversorium nos deduxerunt ; erat enim ve-
spera. Multa etiam luminaria accensa, ita ut
nonnulla? quoque mulieres thuribula gestan-
tes antecederent nos (Conc. Ephes., act. 1). »
Dans les accusations formées contre Ibas ,
évêque d'Edesse, qui furent lues dans le con-
cile de Calcédoine, il est parlé de la persécu-
tion qu'il avait excitée contre un homme de
bien, dont l'innocence demeura enfin victo-
rieuse, et qui fut tiré des prisons avec la joie
publique de tous les citoyens qui le reçurent
avec des lampes et des flambeaux, a Universa
civitas e custodia eum cum cereis et lampadi-
bus excepit (Conc. Cale, act. 10). »
Le retour de saint Athanase à Alexandrie
parut plutôt un triomphe par la quantité de
flambeaux et de parfums, et par les applaudis-
sements de tout le peuple. C'est ce qu'en dit
saint Grégoire de Nazianze (Orat. xxi), « Nain
quid publicos plausus commemorem. et un-
guentorum profusiones, et totam urbem lu-
mine coruscantem. » Victor, évêque d'Afrique,
dit que les fidèles venaient au-devant des mar-
tyrs avec des cierges à la main, a Manibus
cereos gestantes, suosque infantulos vestigiis
martyrum projicientes ( L. n , de persec.
Vand.). »
Charlemagne fut reçu dans la célèbre abbaye
de Saint-Vincent du Voltorno, en Italie, avec
la même cérémonie, les religieux étant venus
au-devant de lui avec des cierges, des lampes
et des parfums, et lui ayant présenté la croix
à adorer. « Sanctissimi Patres cum collegio
monachorum eunt obviam cum cereis. lampa-
dibus et Universis thymiatibus, etc. Mox im-
perator ante crucem prostratus , etc. ( Du
Chesne, Hist. Franc, tom. m, p. 073). »
Il est donc vrai, ou du moins fort vraisem-
blable, que comme l'on porta d'abord les croix
au-devant des personnes éminentes ou dans
l'Etat ou dans l'Eglise, à qui l'on voulait ren-
dre des honneurs extraordinaires, et ensuite
les mêmes ecclésiastiques firent porter la croix
devant eux; ainsi d'une coutume semblable
d'aller au-devant des personnes élevées en di-
gnité avec des cierges allumés et des encen-
soirs, naquit la coutume des patriarches de
faire porter devant eux des lampes et des par-
fums. Les exemples que nous venons de rap-
porter semblent autoriser cette origine.
VIII. D'autres croient néanmoins que c'a
été à l'imitation des empereurs et par une
communication des honneurs de l'empire au
sacerdoce, que les patriarches faisaient porter
le feu devant eux. Hérodien nous a appris
cette coutume des empereurs romains.
Balsamon assure que la fonction et l'autorité
d'enseigner les peuples étant commune aux
empereurs et aux patriarches, la lampe (>.au.-i-
. qui en est le symbole, est aussi éga-
lement portée au-devant d'eux, mais que ce
n'est néanmoins pas pour cette raison qu'on
la porte, puisqu'on la porte aussi devant l'im-
pératrice, à qui saint Paul ne permet pas d'en-
seigner dans l'Eglise non plus qu'aux autres
femmes; et qu'on ne la porte pas devant les
évêques ou devant les métropolitains, excepté
quelques métropolitains qui ne relèvent d'au-
cun autre primat ou patriarche, comme ceux
de Bulgarie et de Chypre, et quelques autres
métropolitains qui ont obtenu des empereurs
ce privilège. Il ajoute que l'auguste ministère
des empereurs répand sa lumière et ses bien-
faits sur les âmes et sur les corps, au lieu que
celui des patriarches n'étend ses influences
que sur les âmes, et celui des impératrices sur
les corps (Juris Orient., 1. vu. p. Ui).
Ainsi il a été convenable que la lampe des
empereurs fût ornée de deux couronnes d'or,
au lieu que celles des impératrices et des pa-
triarches n'en ont qu'une. « Quia vero irope-
ratorum auxilium ad illuminationem et sta-
bilimentum sese tam unimi , quam corporis
DES CROIX, DES CROSSES, DES ANNEAUX, etc.
no
porrigit, amplitudine patriarcharum ad animi
duntaxat utilitatem constricta, et consimiliter
imperatricis cura duntaxat ad vitae temporalis
prosperitatem extenditur ; idcirco faces impe-
ratorum geminis aureis cinguntur corollis ,
cum quae imperatricis et patriarcharum sunt,
une- quasi sepimento circumdentur. »
Enfin, il dit que si les lampes des patriar-
ches brillent d'or et d'argent, c'est afin de don-
ner à tout le monde une plus haute estime et
lin plus profond respect pour la religion et
pour le sacerdoce, par cette égalité d'honneurs
entre les empereurs et les patriarches. « Du m
magnam illam et augustam pompam solis im-
peratoribus et patriarchis exhiberi vident (L. h,
c. 15). »
Le patriarche Arsène, de Constantinople,
s'étant'volontairement retiré dans un monas-
tère de Nicée, laissa emporter sa crosse et son
chandelier par les envoyés de l'empereur Mi-
chel Paléologue et du synode, témoignant qu'il
se démettait sans peine de la dignité patriar-
cale , puisqu'il en abandonnait les marques.
C'est ce qu'en dit Pachymère dans l'histoire
de cet empereur. « Si missis ad eum cerlis,
qui ponlificium ab eo lituum et candelabrum
7ïv fiaxTupïav zaixœpLraJo'joov, ab eo poscerent, utrum-
que praberet ; banc restare viam explorandae
ejus circa cessionem sententiœ. Successu res
noncaruit (Vide Pacby.,in Andronico, p. 461).»
Ce qu'on a remarqué des chandeliers de
l'Apocalypse, qui sont les symboles des Eglises
épiscopales, a peu de rapport à ce que nous
traitons.
IX. Car nul ne peut nier que cette coutume
de porter le feu devant les patriarches n'ait
pris son origine ou de ces témoignages de la
joie publique qui se rendaient à des personnes
extraordinaires dans des rencontres singulières,
ou des communications mutuelles qu'il y a eu
entre les empereurs et les évêques, de leurs
plus éminentes prérogatives. Les patriarches
prirent les souliers de pourpre des empereurs,
souscrivirent de la même encre qu'eux, ajou-
tèrent des broderies et des images des saints à
leurs habillements de tète , qui avaient été
simples et blancs.
L'excessive faveur de l'empereur Alexis Com-
nène envers le patriarche, lui fit entreprendre
ce que Curopalate raconte : « Aggressus est
etiam coccotinctainduerecalceamenta, antiqui
sacerdotii morem hune asserens , et oporlere
bis uti archiepiscopum. Nam inter sacerdotium
et regnum nibil interesse, vel admodum parum,
et in rébus pretiosioribus , amplius fortasse et
magis colendum sacerdotium (Curopalates, ini-
tio bist. Glycas).»
Balsamon remarque que les empereurs s'é-
taient aussi donné la liberté de faire des ins-
tructions au peuple, de brider de l'encens,
comme les prêtres, et de sceller avec la double
cire, prétendant que leur onction sacrée leur
donnait une juste participation des avantages
du sacerdoce : « Audiant tam ad ampliludinem
imperatoriam, quam patriarchalem officia do-
cendi pertinere, propter unctionis sacra; vim
atque potestatem. Hinc enim usu venit , ut
fidèles principes et imperatores catechetico
more cum christiano populo colloquantur, aut
suflitum faciant, more sacerdotum, et cum
cera duplici obsignent. M-rt,-/?,™.^ 6|uXoû<n, il 6u(nâ>-
(Tiv, w; îepeïç, i u.etx Sucupîou ucppa-pÇouii (Juris Orient.,
pag. 444).»
X. Mais quand Ralsamon ajoute que les
autres ornements propres aux patriarches
seuls, sont la crosse, le sac, le polystaurion
et la tunique chargée de lettres gamma, il
nous donne sujet de croire que, comme les
patriarches ont emprunté le sac des empe-
reurs , aussi les empereurs ont imité le poly-
staurion des pontifes.
Et effet, qui peut douter que les évêques
n'aient été les premiers à parsemer de croix
leurs sacrés ornements : « Quoniam vero ba-
culus, et saccus et polystaurium, plenaque
tunica figuris litteram gamma reprœsentanfi-
bus, patriarchalem sanctitatem solam nobili-
tant, etc. (Ibidem, pag. 446, 447). »
Aussi Balsamon dit, dans la suite du même
discours, que le sac représente le manteau de
pourpre dont J.-C. fut revêtu par dérision de
sa royauté, comme le polystaurion figure sa
croix glorieuse et triomphante : « Sacci pal-
lium illud contumeliœ atque opprobrii, poly-
stauriorum phenolia venerandae crucis univer-
salem gloriam atque potestatem. raMarauptav çat-
vo'Xia.
XI. 11 nous reste un mot à dire de la mitre
ou de la tiare pontificale. Eusèbe semble la
donner aux évêques comme une couronne
royale : a Sacerdotes Dei, qui sacra tunica ta-
lari induti, et cœlesti gloriae corona decorati.
-m oOpâviov rSç SoÇriç a-s'çavov (L. x hist., c.4).» Saint
Grégoire de Nazianze en parle aussi : « Idcirco
me pontificem ungis, ac podere cingis, capiti-
que cidarim imponis (Orat. v). »
120
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-HUITIÈME.
Ammien Marcellin (L. xxix) dit que le tyran
Mascizel voulant regagner les bonnes grâces
de l'empereur Théodose, lui rendit toutes les
enseignes militaires et les couronnes sacerdo-
tales qu'il avait enlevées : « Militaria insignia
cl coronam sacerdotalem cum cseteris quae in-
terceperat, nihil cunctatus restituit, ut pra>
ceptum est. »
Isidore de Séville, en parlant des liabille-
ments dusueerdoee mosaïque, semble avoir l'ait
la peinture de la mitre : « Pileum est ex bysso
rotuudum, quasi sphaera média caput tegens
saeerdotale, et in occipitio vitta constrictura ;
Hoc Grseci et nostri tiaram vel galeam vocant
(Orig., 1. xix, c. 'M). »
Cantacuzène dit que le patriarche Jean,
après avoir couronné l'empereur Jean, lils
d'Andronic, alfecta de s'élever par le faste des
habits, « habitu augustiorem se feeit, » et non-
seulement usa de couleur azurée dans ses
souscriptions : « in subscriptionibus cœruleo
colore est usus,» mais il commença aussi à
enrichir d'or la mitre que ses ancêtres avaient
portée de toile blanche, s'ils n'étaient pas reli-
gieux : « ITammeumque seu tegmen capitis,
quod antea patriarchis, si de mouachis non
essent, album ferre mos erat, tt,v èm -%-, xv^.-
lr,ç xxXûnreav oôov^ Xtuxri itepieiXïi(ji.pLévïiv, ipSe aill'O illll-
stravit, servatoris nostri et Deiparae et Joannis-
Baptistae depictis in eo iconibus (1. m, c. 30.). »
Glycas fait encore bien voir que la mitre des
patriarches n'était auparavant que de lin, lors-
qu'il parle du patriarche Méthodius , à qui
l'empereur Théophile, renouvelant la persé-
cution contre les saintes images , avait fait
donner tant de coups sur les joues, qu'il fut
ensuite obligé de les soutenir en liant par-des-
sous les pendans de sa mitre : « Ut malas tenui
quadam fascia linea obligaret. Unde mea qui-
dem sententia mos inolevit , hodieque durans,
ut pontiûces ab anteriore parte lineas fascias
alligatas habeant. »
Ces extrémités pendantes de la mitre ne sont
autres que celles qu'Isidore même a touchées
ci-dessus , qui servaient à lier et serrer la
mitre; Méthodius les fit servir à un autre usage.
Mais elles n'étaient que de lin, non plus que la
mitre.
XII. Saint Chrysostome remarq ne que l'an-
cien grand-prêtre devait avoir la tête couverte
de sa tiare, pour faire connaître que si les
peuples lui étaient soumis, il était lui-même
soumis à une autorité suprême et éternelle ;
mais que dans l'Eglise on couvre la tête de
l'évêque qu'on ordonne, du livre des évan-
giles, pour lui apprendre que c'est là le véri-
table ornement de sa tête, et s'il fait la loi aux
peuples, il la reçoit lui-même du ciel.
« Idcirco cum ordinantur sacerdotes, evan-
gelium Christi capiti imponitur, ut discat is
qui ordinatur, verain se recipere evangelii tia-
ram : atque ut discat quamvis sit omnium
caput, se tanien legibus istis subjici : et cum
qui omnibus imperet, legis imperio subesse ;
eumque qui omnibus dat mandata, a legibus
mandatum accipere (Tom. vi, p. 102, serm. de
uno Legislat.). »
On pourrait encore tirer de là une légère
conjecture, que les habillements de tète des
évèques étaient très-simples, et que c'est pour
cela que saint Clirysostome ne s'arrête- point à
en tirer des intelligences mystérieuses.
Cela se peut encore confirmer par le discours
de saint Germain, patriarche de Constantinople,
sur les explications mystérieuses de tous les
ornements pontificaux. 11 commence par ceux
de la tête, et de là il passe à l'aube, à l'étole et
à la chasuble. Or il ne considère dans la tète
que la double couronne, qui y est formée par
les cheveux qu'on a rasés ou coupés au plus
haut de la tète, et par ceux qu'on a laissés aux
extrémités d'en-bas; et il dit que ces deux cou-
ronnes représentent celles de saint Pierre, qui
furent toutes semblables, après que les enne-
mis de la vérité l'en lin I rase par dérision, et que
Dieu eût changé ces marques d'une imaginaire
ignominie, en des couronnes d'une solide et
éternelle gloire, où la foi et l'innocence brillent
avec plus d'éclat que ne sauraient faire ni l'or
et l'argent, ni les pierres précieuses.
« Tonsura capitis sacerdolis, et rotunda ejus
pilorum média sectio, vice coronae est^spineœ
quam Cbristus gestavit. Duplex corona circum-
posita capiti sacerdotis ex capillorum significa-
tione, imaginent! refert venerandi capitis apo-
stoli Pétri, quœ tonsa est ei ab eis qui non
credebant, ut illuderetur ab ipsis, eique ma-
gister Cbristus benedixit , et infamiam in
honorera, illusionem in gloriam convertit, et
posuit super caput ejus coronam non ex lapi-
dibus pretiosis, sed lapide et Petra fidei.Vertex
enim, ornatus et corona duodecim lapillorum,
Apostoli sunt: Petra vero sanctissimus Apos-
tolus est, prinius bierarcli arum Christi ( In
Tlieoria rerum Eccles.). »
Ainsi cet auteur remarque que ces couronnes
DE LA CROIX DES ARCHEVÊQUES.
121
de gloire étaient bien plus brillantes parla foi
et par l'innocence de ceux qui les portaient,
que si elles eussent été chargées d'or et de
pierreries.
Il n'y avait donc anciennement ni or ni pier-
reries sur les mitres des papes : elles n'étaient
que de toile sans aucun ornement (1).
(1) Ceux qui voudront avoir de plus amples notions sur la crosse
épiscopale, trouveront dans le volume de 500 pages qu'a publié le
très- savant archéologue comte Auguste de Bastard, sous le titre de
Monographie de la Crosse, toutes les descriptions et explications du
symbolisme de cet ornement liturgique. Là, la science, l'histoire, le
dogme, l'art, la symbolique, y sont traités supérieurement. Dans ces
volutes historiées ou à fleur épanouie, dans ces nœuds aux emblèmes
variés, se cachent des sens que les contemporains comprenaient, et
qui seraient pour nous de véritables hiéroglyphes sans la savante mo-
nographie de M. le comte de Bastard. Et, chose nécessaire dans la
science, chacune de ses explications est appuyée sur des preuves et
des textes. Tout le vestiaire du Moyen Age n'est que l'alphabet d'une
langue mystique. Nous signalons principalement la démonstration
que nous pouvons appeler mathématique, qui trouve, dans le serpent
des crosses, non pas l'emblème du démon, ainsi que le veut l'opinion
commune, mais un symbole cher au chrétien. Ainsi les salamandres,
les dragons, les tigres, les autruches, les onagres, les aigles, les rhinocé-
ros, les reptiles, ont leurs bonnes et leurs mauvaises significations. La
mitre est aussi expliquée dans ce savant livre. Nous croyons bien
faire en citant une note qui se rattache à notre sujet. Après avoir in-
vinciblement prouvé que l'illustre primat d'Angleterre, saint Thomas
Becket, est Français, né près de Beauvais, il ajoute, en parlant des
nombreuses reliques qui existent encore en France du glorieux mar-
tyr : « A défaut de la coiffure épiscopale de l'illustre primat, nous
« possédons, pour quelque temps encore, sa magnifique chasuble de
t damas, historie'e d'aigles et de feuilles de vigne, au monogramme
* du Christ, ses souliers de damas blanc à fleurs, avec la croix d'or,
» et sa tunicelle de soie pourpre, garnie de clavi ou laticlave antique,
• et de quatre petites sonnettes ou grelots. »
Voici, d'après un document officiel publié à Rome en 1818, quels
sont les ornements que revêt le souverain pontife aux trois solen-
nités de Noël, Pâques, saint Pierre, les seules où il officie person-
nellement :
■ Ensuite le cardinal-diacre de l'évangile lui lève la mitre, le for-
o mal, le manteau blanc et l'étole, qu'il donne au deuxième maître
o des cérémonies, qui la remet au prélat sous-sacristain. Le même
o cardinal-diacre prend des mains du prélat acolyte le cordon avec
a la ceinture qui servait anciennement à soutenir la bourse, appelée
« saccone, qu'il portait pour faire l'aumône. Cette ceinture a une
o espèce de manipule suspendu, sur lequel il y a en broderie un
a agneau, avec une croix rouge ; il en ceint le pape sous le cordon
a ordinaire, de sorte que la ceinture soit au côté gauche ; il lui ôte
o ensuite le cordon ordinaire, et le donne comme auparavant. 11 lui
o met la croix garnie en gros saphirs blancs montés à jour, avec des
i brillants tout autour, portant le nom de Pius pp. VII en lettres
t émaillées sur la poitrine. Il le revêt du fanon, lui met l'étole, la
• tunique, la dalmatique, les gants, la chasuble, le pallium, et enfin
% la mitre. Le même cardinal prend immédiatement le manipule. Le
• cardinal-évèque assistant lui met au quatrième doigt, appelé annu-
a laire, un anneau d'un gros diamant que Pie VI avait fait monter, ou
• bien un autre avec un gros saphir au milieu, avec deux émeraudes
s brutes et des perles orientales, monté sous Grégoire XV. Tous ces
a ornements sont portés l'un après l'autre au trône, par les prélats
a votants de signature et les abréviateurs du parc-majeur, qui les
o reçoivent de Mgr l'évèque de Porphyre m partibus, sacristain du
• pape, et qui, revêtu de la chape, les prend sur l'autel où ils étaient
a disposés en ordre (François Cancellieri, descriptions des chapelles
o papales, 1818). »
Il ne sera pas superflu de faire remarquer ici que le pape ne porte
jamais la crosse. Le pape Innocent III nous en donne la raison dans
le corps du droit lui-même. On lit en effet dans le hvr§ premier, titre
De sacra unctione, chapitre unique : a Licet Romanus Pontifex
non utatur baculo pastorali, tum propter historiam, tum propter
mysticam ranonem, tu tamen (Innocent III écrit à un évèque) ad ai-
militudinem aliorum pontificum poteris eo uti. » Les commentateurs
expliquent ce mot propter historiam, parce que lorsque saint Pierre
envoya à Trêves deux de ses disciples, l'un des deux mourut en
chemin. Le survivant retourna à Rome pour raconter sa mésaventure
à saint Pierre. Le prince des apôtres lui remit alors son bâton, en
lui disant d'aller l'appliquer sur le corps du défunt. Celui-ci ressuscita.
Les deux disciples arrivèrent à Trêves et conservèrent soigneusement
le bâton pastoral de saint Pierre dans cette illustre église. Depuis
lors, les papes n'ont plus fait usage de la crosse, excepté dans la
seule ville de Trêves, lorsqu'il arrive qu'un pape la traverse dans
ses voyages. Quant à la raison mystique, voici ce qu'en dit le glossa-
teur imprimé avec le corps du droit : a Quia baculus habet in sum-
mitate recurvationem, quasi ad trahendum, quod non est necessarium
Romano pontifici ; quia nullus ab illo divertere potest finaliter; quia
Ecclesia non potest esse nulla; vel quia per baculum designatur cor-
rectio sive castigatio, ideo alri pontifices recipiunt a suis supenoribus
baculos, quia ab homme potestatem recipiunt. Romanus pontifex
non utitur baculo, quia potestatem a solo Deo accipit. »
Nos évèques aujourd'hui reprennent peu à peu les crosses histo-
riées. En 1860, le gouvernement fit don à l'archevêché d'Avignon
d'une crosse en vermeil du prix de 4,000 fr., portant à la volute le
thème, bien connu dans le Moyen Age, du couronnement de la Sainte
Vierge. D'autres ont adopté les fleurs épanouies. Ce font les plus
belles crosses et dont le symbolisme est le plus conforme à la signi-
fication du bâton pastoral, la verge fleurie d'Aaron.
(Dr André.)
CHAPITRE CINQUANTE-NEUVIÈME.
DE LA CROIX DES ARCHEVEQUES APRES LAN MIL.
I. Connexion du pallium et de la croix justifiée par plusieurs
exemples.
II. La croix fut d'abord propre aux pontifes romains.
III. Elle fut premièrement communiquée aux légats du pape.
IV. Puis aux patriarches.
V. Les cardinaux ne peuvent la faire porter devant eux,
mais aussi on ne peut la porter en leur présence.
VI. La croix communiquée aux primats.
VII. Puis aux archevêques.
VIII. Et enfin à tous les archevêques.
IX. Si l'on a porté la croix devant les souverains et dans les
chambres des états ou des parlements.
X. Dans l'Orient, la croix était plus propre aux empereurs
qu'aux archevêques.
XL Mais la lampe des empereurs était commune aux pa-
triarches.
1-2-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-NEUVIÈME.
I. Il eût fallu traiter des offices divins immé-
diatement après la tonsure et l'habit ecclésias-
tique, puisque ce sont les trois obligations plus
formelles des bénéficiers. Mais comme le traité
deshabitsnousa engagé au discours du pallium,
aussi le discours du pallium nous engage dans
celui de la croix des archevêques et des pri-
mats. L'évèque de Pavie en Italie, qui jouissait
du privilège singulier du pallium et de la
croix, en fut justement privé par Alexandre 111,
pour avoir suivi trop opiniâtrement le malheu-
reux parti de l'antipape Octavien. « Papiensem
episcopum crucis et pallii dignitate privavit , ><
disent les actes de ce pape (Baronius, an. \ 17.'i.
n. 1-2).
Grégoire VII voulait bien qu'on laissât le
pallium à l'évèque de Dol. dans l'accommode-
ment (ju'il désirait qu'on fît entre lui et l'arche-
vêque de Tours, sous l'obéissance duquel il
voulait absolument le remettre. « Reservato
Dolensiepiscopo pallii usu [Reg., I.vn, ep. 15 .»
Ce n'est pas que les prétendus archevêques de
Dol eussent toujours porté le pallium. Car les
souverains pontifes ayant été presque toujours
contraires à ces frivoles prétentions, n'avaient
garde de le leur accorder.
Au contraire, Léon IX conclut, dans nue de
ses lettres, qu'ils ne pi uvent être archevêques,
n'ayant point de pallium. « Praesertim cum
archiepiscopus sine sede civitatis, sine pallio
archiépiscopal i nequeat haberi lEpist. xiii. »
Saint Anselme repril un évêque de Dublin,
de ce qu'il faisait porter la croix devant lui,
lui représentant que ce droit n'appartenait
qu'aux archevêque- qui ont été confirmés en
recevant le pallium du pape. « Mando tibi ne
hoc amplius facias, quia non pertinet nisi ad
archiepiscopum a Romano pontilice pallio con-
linnatum L. m, ep. 7-2. et 1. iv, ep. -27). »
La croix archiépiscopale était donc comme
inséparable du pallium; ainsi il y a lieu de
croire que Grégoire VII eût aussi accordé la
croix avec le pallium à l'évèque de Dol. Le
clergé de Londres se partagea un jour sur ce
différend, si dès que l'archevêque de C.antorbéry
était ordonné, il pouvait faire porter sa croix ,
ou s'il devait attendre qu'il eût reçu le pallium.
« Quidam dicebant crucem posse portari. ex
quo electus erat, et in episcopum consecratus.
Alii dicebant. crucem non ferendam, ante-
qiiam pallium susciperelur. llli leges , isti
décrétâtes sententias proferebant (An. 1493,
Script. Anti. llist. Angl., p. 1585). »
On décida alors cette question sur l'assu-
rance qu'un moine donna que c'était la cou-
tume que l'archevêque de Cantorbéry fît porter
sa croix dès qu'il était sacré : si ce n'était qu'il
eût été auparavant évêque d'une autre ville,
et que l'autorité du pape fût nécessaire pour
le transférer d'un siège à un autre.
IL En voilà assez pour justifier la liaison du
pallium avec la croix, dont nous allons parler.
On eût bien pu opposer au sentiment de ce
moine, qui l'emporta alors plutôt par caprice
que par une mûre et sérieuse délibération ,
que la croix archiépiscopale n'avait pas moins
été un écoulement de la gloire du souverain
pontife sur les autres métropolitains que le
pallium.
Benoît VIII ayant été chassé de Rome par
un compétiteur schistnatique , se retira vers
le roi Henri d'Allemagne, qui fut depuis em-
pereur, et qui prit des lors sa croix, c'est-à-dire
sa dignité sous sa protection. « Hujus crucem
rex in suam suscepit custodiam ( Baronius,
an. 101-2, n. 6). » Ce sont les termes de l'histo-
rien Ditmar.
Didier, abbé du Mont-Cassin, étant élu pape,
et nommé Victor III, fit tous ses efforts pour
se décharger d'un fardeau si pesant, en aban-
donnant la croix et le pallium , qui sont les
principales marques de la papauté. « Crucem
et chlamydem , et caetera pontificatus insiguia
dimisit Idem. an. 1085, n. 5). » L'année sui-
vante, qui fut 1087, ayant enfin consenti à son
élection, il reprit la croix et le pallium : « Cru-
cem et pallium resumendo contirmavit ele-
ctionem (An. 1087). »
Pierre Damien parle de deux antipapes qui
faisaient porter la croix d'argent devant eux.
« Adeo ut crucem argenteamante se gestandam
imperaret (Damian.,1. i. ep. ult. . » Enfin, Ber-
toldus de Constance a remarqué que dans le
concile de Clermont Urbain II fut le seul qui
fit porter devant lui la croix pontificale, comme
une marque de la juridiction souveraine et
universelle.
III. Les légats du Saint-Siège ont été appa-
remment les premiers a qui ce droit a été pre-
mièrement communiqué, comme étant les plus
vives images des souverains pontifes, et les
dépositaires de toute leur juridiction. Saint
Etienne, roi de Hongrie, reçut avec la qualité
de légat du Saint-Siège le pouvoir de porter la
croix: « Crucem ante regem , ceu apostolatus
insigne, gestandam adjunxit pontifex; Ego,
DE LA CROIX DES ARCHEVEQUES.
12:1
inquiens, sum apostolicus, atille merito Christi
Apostolus dici potest , cujus opéra tantum po-
puluni sibi Christus acquisivit ' Surius , die 20
August.). »
Voilà ce qu'en a écrit l'auteur de sa vie ,
lV'vèque Chartuitius. Michel Cérùlaire, patriar-
che de Constantinople, dans sa lettre à Pierre,
patriarche d'Antioche, dit que le légat du pape
à Constantinople, en 1054, entra jusques dans le
palais de l'empereur avec sa croix : « Cum
cruce et sceptris regium ingrediuntur pala-
tium. » Suivant ce qui a été dit ci-dessus, on
peut justement entendre par ce mot de scep-
tre, le bâton pastoral, ou la crosse de l'évèque.
L'évêque d'Ely, qui fut légat a latere dans
l'Angleterre, donna occasion par son insuppor-
table avarice à la raillerie sanglante que Roger
a rapportée , que sa croix n'avait pas racheté ,
mais avait mis à rançon toute l'Angleterre. « Om-
nes enim Ecclesias Anglias crux illa redemit,
id est ad redemptionem coegit; » enfin que
c'avait été la croix commune de tout le royau-
me. « Nec fuit aliquis immunis . qui crucis
illius stigmata non sentiret. »
Le concile IV de Latran, célébré sous Inno-
cent III, ne permettant pas même aux quatre
grands patriarches , de faire porter leur croix
en présence des légats apostoliques, montre
bien que les légats possèdent cet avantage de
faire porter leur croix , et d'exercer leur juri-
diction , dont cette croix est la marque , d'une
manière bien plus excellente que les patriar-
ches, comme représentant la personnedupape.
« Dominicae crucis vexillum ante se faeiant
ubique deferri , nisi in urbe Romana, et ubi-
cumque summus pontifex praesens extiterit,
aut ejus Iegatus, utens insigniis apostolicse
dignitatis (Baron., an. 1101. n. 26; C. An tiqua
Extra. De purgatione canonica). »
IV. Ce sont donc les patriarches a qui ce pri-
vilège est accordé, après le pape et ses légats
a latere. Le texte du concile de Latran que je
viens de citer le dit clairement. Mais ce n'est
pas proprement le sens de ce canon. Et nous
allons faire voir que les primats et presque
tous les archevêques étaient déjà en posses-
sion de cet avantage. Ce n'eût donc pas été
rehausser beaucoup la dignité des patriarches
que de les égaler aux primats et aux métro-
politains.
Ce canon permet aux patriarches, ou plutôt
il confirme la possession où ils sont, de faire
porter leur croix haute , non-seulement dans
l'étendue de leur patriarcat, mais aussi dans
toute la chrétienté, excepté dans Rome et dans
1rs lieux où se trouve le pape, OU quelqu'un de
ses légats. « Ubique nisi in , etc. » On ne pou-
vait pas donner une idée plus grande de la
dignité patriarcale, que d'en faire éclater la
gloire, et en répandre les rayons dans toutes
les Eglises du monde ; comme si les patriarches
étaient les successeurs de cette infinie étendue
de puissance et d'autorité que J.-C. confia aux
apôtres, et principalement à saint Pierre, que
l'antiquité a reconnu comme le fondateur des
églises patriarcales.
Ce n'est pas que les patriarches puissent
exercer quelque juridiction dans les diocèses
qui ne sont pas de leur ressort : il a fallu par-
tager l'indivisible héritage de J.-C. entre les
pasteurs, pour conserver la paix et la concorde.
Mais il a été bon qu'il restât quelque marque
de la primitive institution, qui ne donnait non
plus de bornes à la juridiction des apôtres qu'à
leur charité.
La croix des patriarches hors de leur ressort
n'es [ias une marque de juridiction, puisqu'ils
n'y en exercent aucune, et néanmoins elle est
une marque de supériorité, puisqu'il la faut
faire disparaître en présence d'une autorité et
d'une juridiction supérieure, telle qu'est celle
du pape et de ses légats.
«V. Crégoire XI étendit à tous les cardinaux
le même avantage des légats a latere , de ne
pas laisser paraître en leur présence la croix
des patriarches, et encore bien moins celle des
primats et des archevêques.
La raison qu'en donne ce pape, est que les
canlinauxreprésentent le souverain pontife, dont
ils sont comme les membres, avec une autorité
universelle conjointement avec lui dans toute
la chrétienté : ce qui ne convient pas aux pa-
triarches. « Propter quod cardinalium honori,
qui personam nostram représentant, derogatur.
Nos igitur attendentes , quod cardinales ipsi
nobiscum indefessislaboribus universalia eccle-
siastica onera sortiuntur, etc.»
Il est d'abord surprenant que les cardinaux
qui n'ont pas droit de faire porter la croix de-
vant eux, ayent le pouvoir de faire écarler celle
des archevêques. Mais ce pape a sagement con-
sidéré que les cardinaux étant comme les sur-
veillants et les censeurs universels de toutes
les Eglises du monde, quand ils sont réunis à
Rome avec le pontife, il était juste de leur im-
primer un caractère de gloire et de majesté
U2t
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-NEUVIÈME.
qui fit respecter partout ailleurs en leur per-
sonne une autorité si éminente, et si élevée
au-dessus de toutes les autres juridictions.
VI. Je viens aux primats, entre lesquels celui
de Rourges obtint d'Eugène III le pouvoir de
faire porter sa croix dans les deux provinces de
Bourges et de Bordeaux, qui relevaient de sa
primatie. « Porro ad majorem reverentiam per
supradictas provincias vexillumDominicaecru-
cis ante vos deferri concedimus, sicut etiam
antiqua praviecessorum vestrorum consuetudo
obtinuit (Epist. lxix, Eugen. III). » Ce n'était
donc qu'une confirmation de l'ancien droit des
primats de Bourges.
L'histoire de saint Thomas, archevêque de
Cantorbéry (An. 1 Kii), fait souvent mention de
la croix qu'on portait devant lui , et on y voit
les sages et vigoureuses remontrances qui lui
furent faites par l'ecclésiastique qui portait sa
croix, lorsqu'il avait paru par une lâche com-
plaisance se relâcher de la vigueur inflexible
des canons.
S'étant animé d'un nouveau zèle, il voulut
lui-même porter sa croix dans l'assemblée de
Northampton Conc.Gen.,tom.x,p.l430, 1435),
où toute l'Angleterre se souleva contre lui. et
l'évêque d'Herford ayant voulu le soulager et por-
ter sa croix, en lui disant : « Pater, desine, ego
vice capellani crucem deferam ante praesentiam
vestram , » cet invincible prélat lui répliqua»:
qu'il voulait la porter lui-même pour ressentir
de plus près les effets de sa protection, et pour
faire mieux comprendre au monde qui était
Celui pour la gloire et les intérêts duquel il
combattait. « Justius est me ipsam déferre, sub
cujus protectione tutus maneo, et ejus viso
vexillo, non est dubitandum, sub quo principe
milito. »
Si tous ceux qui tirent gloire de la croix
qu'on porte devant eux étaient animés du
même esprit que ce saint archevêque , s'ils
regardaient toutes leurs démarches et tous
leurs pas sous ce divin étendard, comme autant
de marches pour établir l'empire de la croix
et pour faire triompher sur la terre l'humilité,
la pauvreté, la charité et toutes les divines ver-
tus dont la croix de J.-C. est le symbole et la
source, il s'en faudrait beaucoup qu'on ne fit
une matière de faste, de vanité et de contesta-
tion de cette croix, qui est le nœud de la paix
et la maîtresse de l'humilité.
Richard I", roi d'Angleterre, étant dans l'ar-
chevêché d'York, l'archevêque d'York se plai-
gnit à lui de ce que, lui ne faisant pas porter sa
croix, l'archevêque de Cantorbéry faisait éclater
la sienne; à quoi l'archevêque de Cantorbéry
répliqua que c'était le droit de sa primatie de
porter sa croix par toute l'Angleterre, et qu'il
était douteux si l'archevêque d'York la pouvait
porter, a Ego crucem meam per totam Angliam
porto, et portare debeo , sicut totius Angliae
primas. Tu autem crucem tuam non portas, et
forsitan portare non debes. »
Peu de temps après le roi se voulant faire
couronner par l'archevêque de Cantorbéry, et
ayant défendu â l'archevêque d'York de s'y
trouver avec sa croix, de peur qu'il ne s'allu-
mât quelque contestation dangereuse entre
l'archevêque de Cantorbéry et lui, celui d'York
aima mieux s'absenter. « Et quia prohibituin
erat ei crucem suam portare, noluit coronationi
régis interesse. »
C'est le récit qu'en fait Roger, qui dit en un
autre endroit que l'archevêque d'York avait
voulu auparavant faire porter sa croix a West-
minster, â quoi tous les évoques d'Angleterre
s'opposèrent : et que dans le concile de Lon-
dres, en 1175, le clergé de l'archevêque d'York
fit ses protestations contre l'archevêque de
Cantorbéry, sur le droit de l'archevêque d'York
à porter la croix dans le diocèse même de Can-
torbéry : « In quo concilio clerici Rogeri Ebo-
racensis archiepiscopi calumniati fuerunt jus
Eboracensis Ecclesi;c de cruce portanda in
diœcesi Cantuariensis Ecclesia.1 (Rogerius, pag.
736, 738, 718). »
Le roi accorda enfin ces archevêques, ou
plutôt il les fit convenir de remettre ce diffé-
rend au jugement de l'archevêque de Rouen et
des autres évêques de Normandie : « De cruce
portanda, starent judicio Rotomagensis archie-
piscopi, et aliorum vicinorum episcoporum de
regno Franciœ. »
L'archevêque d'York , qui prétendait une
égalité parfaite, et comme une alternative de
primatie entre lui et l'archevêque de Cantor-
béry, ayant présenté au pape Alexandre III une
concession de son prédécesseur, qui confirmait
l'ancienne possession de porter la croix par
toute l'Angleterre aux archevêques d'York, il
la lui fit aussi confirmer.
Depuis le bienheureux martyr Thomas ayant
protesté contre celte prétention, le même pape
défendit â l'archevêque d'York d'étaler sa croix
dans la province de Cantorbéry, jusqu'à ce que
leur dillérend eût été terminé par une sen-
DE LA CHOIX DES ARCHEVÊQUES.
425
tence définitive (Append. Conc. Later. II, c. 37).
Mais l'archevêque d'York s'étant plaint que, sans
forme de jugement le pape l'eût privé d'un
droit dont il était en possession, le même pape
révoqua sa défense, et permit à l'archevêque
d'York de faire porter sa croix par toute l'An-
gleterre, jusqu'à ce que cette cause eut été en-
tièrement terminée.
Les archevêques de Brague et de Compos-
telle, en Espagne, avaient depuis longtemps un
semblable démêlé , parce que Drague préten-
dait ,1a primatie, et Compostelle ne la cédait
pas. Enfin, Innocent III les mit d'accord, en
leur faisant agréer qu'ils portassent récipro-
quement leur croix dans la province l'un de
l'autre : « Ut uterque per provinciam alterius
universam, crucem ante se faciat sine contra-
dictione deferri (Rainald., an. 1197, n. 51). »
Dans la compilation des Constitutions des
conciles de Tarracone , imprimée à Barcelone,
en 1557 (Provinc. Tarrac, 1. i, tit. 4), on voit
plusieurs actes des archevêques de Tarragone,
pour empêcher l'archevêque de Tolède de
porter la croix, ou le pallium, ou de donner
des indulgences dans leur province.
Innocent III ayant renouvelé le vicariat apos-
tolique de l'Eglise de Thessalonique, après que
les Français se furent rendus maîtres de l'em-
pire de Constantinople, donna à cet exarque
le pouvoir de faire porter sa croix dans tous
les évèchés de sa dépendance ( Regist. xv ,
epist. xvni.)
VIL Nous voilà insensiblement tombés à la
croix des archevêques, parce que la plupart
des primats ne le sont plus que de nom. Il y
a lieu de s'étonner comment Calixte II, donnant
à l'archevêque de Vienne la primatie sur plu-
sieurs provinces, ne lui accorda néanmoins de
porter sa croix que dans sa province particu-
lière de Vienne , puisque tous les exemples
précédents semblent être contraires : « Per
provinciam suam crucem déferre concedimus,
etc. Super septem provincias primatum obti-
neat, etc. (Epist. ni).»
Il paraît au moins, par cette lettre, que la
croix n'était pas encore accordée à tous les
métropolitains, puisqu'on les en honore par
des grâces particulières. Il y avait longtemps
qu'Alexandre II avait confirmé ce privilège à
l'archevêque d'Esclavonie et de Dalmatie :
a Crux etiam ante le , sicut ante pradecessores
tuos, per Dalmatiam et Slavoniam ubique ge-
ratur, (Epist. îv). » Avant cela, sous Léon IX,
l'historien Adam, parlant d'un faux archevê-
que , le représente avec la croix ordinaire
des archevêques : « Archiépiscopal! more cru-
cem prase ferentem (Baronius, an. 10.'>0,n.-4).»
On pourrait croire que ces archevêques des
nations entières, et surtout de celles qui étaient
nouvellement converties, comme étaient les
Suédois dont Adam parle, étaient ordinaire-
ment, ou primats, ou légats-nés du Saint-
Siège, comme il a paru dans le chapitre où
nous avons traité de ces primats. Le terme
d'archevêque a été pris longtemps dans cette
signification. Ainsi la croix leur était com-
mune, parce que les primats passaient pour
de petits patriarches.
Je ne vois pas de moyeu plus aisé d'expli-
quer tant de privilèges particuliers, que les
papes ont ensuite donnés aux métropolitains
les uns après les autres, pour leur permettre
de faire porter la croix levée devant eux.
Eugène III et Alexandre III renouvelèrent
cette grâce à l'archevêque de Cologne , comme
leurs prédécesseurs papes l'avaient accordée
aux siens (Epist. x ). Mais l'archevêque de
Salerne obtint comme une nouvelle faveur
d'Alexandre III la même liberté de porter la
croix (Epist. ni) , après une mûre délibération
des cardinaux, comme le cardinal Baronius le
montre par des actes originaux : « Ad petitio-
tionem ipsius archiepiscopi, communicato
fratrum suorum concilio, ipsi et successoribus
ejus usum et dignitatem portanda crucis per
civitatem et totam suam parochiam auctori-
tate apostolica concessit (Baronius, an. 1177,
n. 76). »
Innocent III donna le même pouvoir à l'ar-
chevêque de Thessalonique : « Dominicœ cru-
cis vexillum deferendi per totam diœcesin et
episcopatus tibi subditos, fraternitati tua; li-
centiam impertimur (L. ni, epist. xvm). »
Crégoire IX usa presque des mêmes termes
en accordant la même chose à l'archevêque
d'Auch (Rainald., an. 1228, n. 38). Il fit peu
d'années après la même grâce à l'archevêque
de Bordeaux et à celui de Messine (An. 1232,
n. 26). La concession qu'il en fit ensuite à l'ar-
chevêque de Gnesne(An. 1238, n. 61), contient
les pensées toutes célestes, et les plus vives af-
fections que les prélats doivent concevoir pour
la mortification des sens, et pour l'intrépide
défense des intérêts de la croix et de la reli-
gion, quand ils marchent après leur croix.
« Considerans diligenter, quod in cruce Do-
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DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CINQUANTE-NEUVIÈME.
mini nostri Jesu Cliristi te oporteat gloriari,
pie desideras salutiferae crucis vexillum ante
te facere do oostra licentia bajulari, qui crucis
înortifiealionem jugiter in tuo corpore debes
pro divini nominis amore portare. Nos igitur
attendentes, quod non sunt tibi armaturse cœ-
lcstis insignia deneganda, qui contra persecu-
tores Ecclesiœ certamine incessanter labores,
prœsentium tibi auctoritate conçedimus, ut
per tuain provinciam ante te, deferri facias
crucis signum, nisi cum Apostolicae Sedis le-
gatus in Polonia fuerit constitutus. »
Innocent IV permit a l'archevêque de Tarra-
gone de faire porter la croix devant lui dans sa
province. « Cum legatione pro Christo funga-
ris, etc. (Constitut. Conc. Tarrac, 1. 1, tit. 4). »
Ces paroles peuvent signifier que le droit de
faire porter la croix , avait passé aux archevê-
ques, à l'exemple des légats a latere, qui, lors-
que de Rome ils allaient dans les provinces de
leur département, avaient coutume de faire
porter devant eux une croix, comme pour leur
servir de guide et les conduire.
VIII. Il est à croire que ce fut sous ce pape
que la croix devint commune à tous les arche-
vêques , et qu'elle fut ensuite comme insépa-
rable de leur dignité. De là vient qu'il n'en est
point parlé dans les Décrétales que ce pape fit
publier, quoiqu'il y ait un titre exprés du pal-
lium dont l'usage était commun à tous les ar-
chevêques depuis un fort long temps.
Dans les Clémentines nous verrons un règle-
ment sur la croix archiépiscopale, qui suppose
qu'elle était du droit commun des archevê-
ques. Mais avant cela Alphonse, roi de Castille,
obtint une nouvelle confirmation pour l'ar-
chevêque de Séville, d'un droit dont il jouis-
sait déjà, avec tous les autres archevêques
d'Espagne, de faire porter sa croix par toute
l'Espagne. Rainaldus n'a pas donné l'original
de cette concession d'Urbain IV, mais voila le
précis qu'il en a fait(Rainald., an. 1264, n.3G).
11 n'est pas facile d'accorder cela avec le pri-
vilège (pie Martin V donna en 1422 (Marca, de
Primat. Lugdun., u. 123), à l'archevêque de
Tolède, de marcher avec sa croix haute devant
lui par toute l'Espagne, ni avec ce que raconte
Gomecius dans la vie du cardinal Ximenès
(Coince., 1. n), qu'imitant son prédécesseur
Mendoza, il portait sa croix haute par toute
l'Espagne, comme une marque de sa primatie,
si l'on ne dit que le privilège d'Urbain IV avait
été mis en oubli, et qu'un temps de Martin V
les métropolitains d'Espagne avaient resserré
l'usage de la croix et du pallium dans leur
propre province. Je dis aussi du pallium, parce
qu'Innocent III avait déjà autrefois blâmé la
coutume des archevêques d'Espagne , qui por-
taient indifféremment le pallium dans les pro-
vinces de leurs confrères : « Cum consuetudo
sit in Hispania generalis, quod arcbiepiscopi
extra suas provincias pallio indifferenter utan-
tur. (C. Ex. tuarum. De autor. et usu Pallii). »
J'ai dit ci-dessus que Clément V avait sup-
posé, comme il était très-véritable, que tous
les archevêques jouissaient du droit de taire
porter la croix dans leur province. C'est dans
sa Déerétale Archiepiscopo où il leur permet de
porter leur croix dans les lieux même exempts
de leur province, aussi bien que d'y bénir les
peuples et y célébrer les offices divins, même
avec la pompe pontificale : « Archiepiscopo per
quaevis loca exempta surc provinciœ facienti
trausitum , ut crucem ante se libère portari
faciat, benedieat populo, etc. Duximus conce-
dendum. » L'assemblée du clergé de France,
en K,::.'), reçut et confirma l'usage de cette
Clémentine.
IX. Quant à la question si la croix de l'ar-
chevêque peut être portée dans les chambres
des cours souveraines et en la présence des
rois, nous avons déjà vu que saint Thomas
de Cantorbéry faisait porter et porta lui-même
la sienne dans le parlement d'Angleterre; car
c'était effectivement plutôt une assemblée
d'Etat qu'un concile oii les rois et les sei-
gneurs étaient présents.
Nous avons vu aussi qu'au couronnement
du roi d'Angleterre, l'archevêque d'York eut
défense d'y porter la croix, parce que l'arche-
vêque de Cantorbéry était seul en possession de
l'y porter. Il faut conclure de là que ce même
archevêque portait sa croix dans toutes les as-
semblées solennelles, et dans toutes les céré-
monies royales d'Angleterre.
Le saint roi de Hongrie, Etienne , faisait
porter une croix devant lui, comme légat apos-
tolique. Innocent 111 défendit aux patriarches
de porter leur croix dans Rome, devant le
pape et devant ses légats.
Les autres papes, dans les concessions de la
croix, dont nous avons parlé ci-dessus, ont in-
terdit aux métropolitains de la porter en pré-
sence des légats du Saint-Siège, dont l'autorité
est supérieure a la leur. Mais il n'y a nulle
limitation à l'égard des puissances séculières,
DE LA CHOIX 1>ES ARCHEYKQFES.
127
qui n'eu sont pas moins souveraines dans leur
temporalité, pour être soumises a La juridiction
spirituelle des exèques : comme la juridiction
spirituelle des évêques n'en est pas moins sou-
veraine pour être assujelie a la puissance tem-
porelle des mis. Aussi le grand archevêque de
Brague, Barthélémy des Martyrs, étala magni-
fiquement sa croix primatiale dans l'assemblée
des Etats où Philippe II tut couronné roi de
Portugal.
Saint Charles, archevêque de Milan, évita
d'entrer dans le carrosse du roi de France,
Henri 111, parce qu'il n'eût pu y faire porter
sa croix archiépiscopale avec la révérence qui
convenait (Ciossano, 1. ni, c. S). Il l'alla
donc visiter à Monza, ayant enjoint à celui
qui portait sa croix de ne bouger d'auprès de
lui. Ce même incomparable prélat, étant allé
voir le duc de Savoie à Turin, et « voyant que
l'archevêque ne faisait point porter sa croix
quand il entrait au palais du duc, il le reprit,
lui disant qu'en quelque façon que ce fût, il
devait toujours porter sa croix, même dans la
chambre du duc Ibidem, 1. xxm. c. .; .
Il est vrai que le roi Louis XI ne reçut le
cardinal- légat, en 118(1, qu'avec cette condi-
tion, « de porter sa croix partout, fors en notre
présence. » Mais ce fut, ou une de ces délica-
tesses , ou une de ces défiances qui étaient
particulières à ce prince Preuve des libertés
de l'Eglise Gallicane, chap. xxm, n. ;i, c. vin).
Aussi son fils, Charles VIII, reçut le cardinal
Balue, légat en France, avec la croix et toutes
les autres marques de sa légation : « Par le
roi, il a été reçu à Lyon avec les insignes de
légat, et depuis en sa présence, avec lesdits
insignes comme la croix. »
L'exemple que Fevret rapporte de l'arche-
vêque d'York, lequel, au rapport de Matthieu
Paris, fut chassé de la chapelle du roi avec sa
croix, cet exemple, dis-je, ruine les prétentions
de Fevret. Car c'est une preuve que l'arche-
vêque de Cantorbéry portait sa croix dans la
chapelle même, et en la présence du roi ; et
que c'était celte croix primatiale, et nou pas la
présence du souverain qui faisait disparaître
la croix de l'archevêque d'York.
Le même Fevret touche bien le différend
entre l'archevêque et le parlement d'Aix,qui
l'empêcha de porter sa croix dans la grande
salle des audiences du parlement; mais il ne
dit pas ce qui fut réglé par le conseil du roi
(Fevret, 1. ni, c. 2, n. 12] . Le conseil ne régla
rien. Ainsi si du côté, OU des parlements, ou
des princes et des archevêques, uni coutume
contraire s'est établie , il l.iul confesser de
bonne foi que c'est une chose de police qui
peut changer avec le temps, et on les ménage-
ments sont toujours justes, quand ils sont
nécessaires pour entretenir une inviolable
concorde entre le sacerdoce et l'empire.
X. Les anciens empereurs de Constantinople
paraissent dans leurs médailles avec une croix
en main , et lorsque le père et le fils, le fils et
la mère , ou les deux frères empereurs sont
dans la même face de la médaille , au lieu de
deux croix ils n'en tiennent qu'une double.
Sixte Y trouva au commencement de son pon-
tificat un grand nombre de ces médailles d'or,
en creusant les fondements de quelques répa-
rations qu'il faisait a l'église de Saint-Jean de
Latran. On y voyait les images de Théodose
l'Ancien . d'Arcade et d'Honoré ses fils , de
Théodose le Jeune, de Marcien, de Justinien,
d'Héraclius , d'un côté , et de la croix de
l'autre.
Ce pape fit des présents de ces médailles à
tous les princes chrétiens, pour les animer a
l'amour de la croix, et en publia une bulle en
IS87. Quelques-uns ont cru que c'a été cette
Croix double des Crées, qui a été souvent imi-
tée dans la structure de leurs églises à double
croix: enfin que les patriarches et les primats
se la sont attribuée , après que nos croisades
dans l'Orient nous l'eurent fait remarquer
parmi les Crées. Aussi l'appelle-t-on la croix
de Lorraine, depuis le célèbre chef de nos pre-
mières croisades, Godefroi de Bouillon. Il ne
parait pas qu'on ait porté la croix devant les
archevêques grecs. Et ce qui en est dit dans la
lettre des Maronites a Léon X, peut n'avoir été
qu'une imitation des Latins ( Conc. General.,
tom. xiv, p. 349).
XI. Mais comme on portait une lampe allu-
mée devant les empereurs , aussi ce privilège
fut enfin accordé au patriarche de Constanti-
nople. Balsamon assure qu'il avait été commu-
niqué aux archevêques de Bulgarie et de Chy-
pre , et à quelques métropolitains ( Balsamon,
in Méditât, de Patriarchis). Codinena fait aussi
mention, aussi bien que de la chape parsemée
de croix, qu'ils appelaient mïutnéipm, et qui
avaitaussi passédes empereursaux patriarches,
aux exarques , et à quelques métropolitains.
Zonare dit qu'on comprenait quelquefois sous
le nom d'exarques , les évêques de Césarée en
128
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTIÈME.
Cappadoce, d'Ephèse, de Thessalonique, et de
Corinthe ; c'est pourquoi on leur permettait de
porter dans leurs églises cet ornement enrichi
de croix, qui originairement n'avait appartenu
qu'aux patriarches et aux empereurs. « Quibus
etiam propterea praerogativae nomine , poly-
stauria in suis ecclesiis gestare permissum (In
Michaele Paleol., 1. n, c. 15). » Pachymère
raconte , que lorsqu'on voulut obliger le pa-
triarche Arsénius de Constantinople de se dé-
mettre, on lui redemanda la crosse et la lampe
comme les plus expresses marques de sa di-
gnité (1).
(1) Toutes les fois que le pape sort, même pour une simple pro-
menade, sa voiture est toujours précédée d'un prélat monté sur une
mule blanche portant haut la croix. Nous devons rectifier une erreur
au sujet de la croix papale. Les écussons des souverains pontifes sont
souvent représentés avec une croix à triple croisillon. De là on a cru
généralement que la croix qu'on porte devant le pape est ainsi-
Mais c'est là tout simplement une erreur. Cette représentation n'a pas
d'autre source que le caprice et ta fantaisie des peintres et des ar-
tistes. La croix qu'on porte devant le pape est simple. De même»
quoique les écussons archiépiscopaux portent une croix à double
croisillon, la croix réelle des métropolitains est simple, portant
l'image du Sauveur attaché sur l'instrument de son supplice.
De nos jours encore, les légats du pape font porter la croix haute
dans toute l'étendue de leur légation. On en eut une preuve triom-
phante à Paris en 1856, lorsque le cardinal-légat Patrizzi vint con-
férer le baptême au prince impérial. Voici ce qu'en disait le Moni-
teur : a Vers quatre heures, un mouvement se fait dans la foule ;
s bientôt un appel de tambours se fait entendre ; à quatre heures et
u demie on voit sortir des Tuileries le cortège du cardinal -légat,
t composé de trois voitures de la cour, que précèdent des escadrons
< de chasseurs à cheval et de dragons, musique en tète. Les deux
i premières voitures sont à six chevaux. Les prélats qui accompa-
« gnent le cardinal-légat y ont pris place, accompagnés des cham-
• bellans de l'Empereur. Dans la première voiture était placée la
« croie pontificale, et dans la deuxième le chapeau de cardinal. La
« troisième voiture est un carrosse, attelé de huit chevaux, conduits
i en main par des valets de pied. Le cardinal-légat, en manteau
« rouge, est seul dans cette voiture. S. Em. est accueillie par les
■ acclamations sympathiques de la population, auxquelles il répond
■ avec une dignité affable. »
En 1844, Grégoire XVI, par un bref spécial, accorda à l'évêque
d'Alger et à tous ses successeurs, le droit de faire porter devant eux,
dans toutes les cérémonies, soit publiques, soit privées, la croix pon-
tificale, ad instar arckiepiscoporum. Dr André.)
CHAPITRE SOIXANTIEME.
DU CÉLIBAT DES BÉNÉF1C1ERS DANS L'ÉGLISE ORIENTALE, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. La loi du célibat est aussi ancienne que l'Eglise, pour tous
ceui qui participent au sacerdoce, à la production et à l'immo-
lation de l'agneau céleste.
II. Preuve tirée de saint Epiphane. On n'élisait pour le sous-
diaconat et les autres ordres supérieurs que des vierges, ou des
moines, où on les engageait à une éternelle continence.
III. IV. Il y avait des canons pour cela.
V. L'abus contraire était très-ancien, mais il était contraire
aux canons.
VI. Pourquoi les conciles orientaux ont affecté le silence sur
cette obligation.
VII. Autre preuve tirée de saint Jérôme, qui montre que l'i-
nobservance du célibat n'est point universelle dans l'Orient.
VIII. La source de cette loi est la divine pureté du Verbe
incarné.
IX. Ce qu'il faut croire des apôtres.
X. Pourquoi on élisait quelquefois pour évéques des gens
mariés.
XI. Pourquoi le célibat a été mieux observé pour les évêques.
XII. Il y avait des peines contre les violateurs du célibat.
XIII. Autres preuves tirées d'Eusèbe.
XIV. De saint Chrysostome.
XV. Ce qu'on peut cruire de l'histoire de Paphnuce dans le
concile de Nicée.
XVI. Preuves tirées des autres pères grecs : Clément
d'Alexandrie, Isidore de Damiette , Cyrille de Jérusalem,
Synésius.
XVII. On oppose Synésius à Socrate.
XVIII. Socrate convient que dans la Thessalie le célibat était
observé.
XIX. Objection du prêtre Parégorius.
XX. De saint Grégoire de Nazianze.
XXI. De saint Alhanase.
I. Ce que nous avons dit de la vie des clercs
en communauté , nous engage à parler de la
continence, vertu inséparable de ces heureuses
sociétés. Mais si ceux qui faisaient profession
de la vie commune étaient en même temps
liés par un vœu tacite de continence, il ne
s'ensuit pas que les évêques, les prêtres et les
diacres qui vivaient séparés dans leur maison
fussent exempts de la loi du célibat.
Cette loi , par rapport aux ecclésiastiques
qui sont dans les ordres majeurs, est aussi
ancienne que l'Eglise ; le Pontife éternel qui a
voulu naître d'une Vierge, et qui a été lui-
même une hostie virginale , dont il a voulu
qu'il se fit une immolation éternelle dans son
Eglise par ceux qu'il a appelés à son divin
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERS DANS L'ÉGLISE ORIENTALE.
129
sacerdoce , a voulu aussi que ses sacrificateurs
fussent ses imitateurs, et offrissent leurs corps
avec le sien, comme une victime chaste , pure
et innocente.
C'est dans ce dessein qu'il choisit des apôtres
ou vierges pour toujours , ou continents à
l'avenir : c'est pour cela que les apôtres n'élu-
rent pour être dépositaires et successeurs de
leur royauté sacerdotale, que des vierges, ou
au défaut des vierges , des personnes dévouées
à un célibat éternel ; enfin c'est pour cela que
ces divins disciples bannirent à jamais du sa-
cerdoce virginal de l'Eglise ceux dont l'incon-
tinence avait éclaté par un double mariage.
Le sacerdoce céleste des évèques, des prê-
tres et des diacres ayant été institué pour la
production, aussi bien que pour l'immolation
d'une victime, qui est la chasteté et la virginité,
aussi bien que la sainteté même, il n'est
pas étrange que ces sacrés ministres contrac-
tent une obligation toute particulière à être ou
vierges, ou continents, pour imiter au moins
de loin la virginité inconcevable du Père éter-
nel, et de la mère temporelle de cette même
hostie qu'ils produisent pour pouvoir l'im-
moler.
IL Cette doctrine a été plus contestée dans
l'Eglise grecque; commençons donc par les
Pères et les docteurs de cette Eglise à justifier
ce que nous venons d'avancer.
Saint Epiphane assure formellement que
ceux qui sont honorés du sacerdoce doivent
être vierges, ou au moins consacrés pour le
reste de leurs jours à la vie monastique , ou à
la continence ; et qu'il est nécessaire , s'ils ont
été mariés , qu'il ne l'aient été qu'une fois.
Enfin il témoigne que les lecteurs sont les seuls
qui puissent jouir du commerce conjugal ;
mais que les sous-diacres , les diacres, les prê-
tres et les évêques ne le peuvent en façon
quelconque.
a Sacerdotium ex virginum ordine prœcipue
constat, aut si minus e virginibus, certe ex
monachis ; aut si minus monachorum ordine,
ex his creari sacerdotes soient, qui a suis se
uxoribus continent, aut secundum unas nup-
tias in viduitate versantur. Secundis vero
nuptiis implicitus , in Ecclesia ad sacerdotium
non admittitur, tametsi aut sese ab uxore con-
tineat , aut si viduus. Ejusmodi inquam ab
episcopi , presbyteri , diaconi , et subdiaconi
gradu rejicitur. Secundum hos gradus lecto-
rum ordo ex omnibus ordinibus eligi potest,
Tn. — Tome IL
hoc est,e virginibus, monachis, continentibus,
viduis, et iis qui honestis matrimoniis illi-
gantur. Imo si nécessitas fuerit , ex bigamis.
Quippe lector non sacerdos est , sed tanquam
divini verbi scribat. (Expositio fidei CathoL,
c. xxi). »
Ce Père comprend les sous-diacres mêmes
dans l'ordre sacerdotal, et il proteste qu'on ne
les élit que d'entre les vierges, ou les conti-
nents : Ev mifÔEVûv , 71 S, £^XpaTEUO|J.tVWV TWV îJiuv
pvaixwv. Voilà la discipline de l'Eglise univer-
selle au temps de saint Epiphane , et surtout
de l'Eglise grecque, dans les lois de laquelle ce
Père était beaucoup plus versé.
III. Il dit ailleurs que J.-C. même est le pre-
mier instituteur de cette discipline, et que les
apôtres en ont fait des Canons, et des lois.
« Cum sacerdotalia Christus mimera et orna-
menta , cum iis qui post unas nuptias conti-
nentiam servaverint, aut in virginitate per-
stiterint, communicanda esse velut in quodam
exemplari monstraverit: Aià râv «.m ^0^%^ iT
xpaTÊud[/.Evov , xai twv Ëv TvapÛEvîx JixôeXgùvtwv. Id quod
Apostoli deinde honeste et religiose decreve-
runt, per ecclesiasticam sacerdotii regulam rà
Èxx>.r,<7iacTixov xavôva tt.ç UpoaûvïK. (Haeresi 48, n. 7). »
IV. Il exprime en un autre endroit encore
plus précisément quels sont les ordres insépa-
rables de la continence : « Quin eum qui adhuc
in matrimonio degit , ac liberis dat operam ,
tametsi unius sit uxoris vir, nequaquam tamen
ad diaconi , presbyteri , episcopi aut hypodia-
coiii ordinem admittit Ecclesia. Sed eum dun-
taxat, qui ab unius uxoris consuetudine sese
continuent autea sit orbatus, &m («âç fyçaxw»-
(j-Evov, r, xnpeuaavTx, quod in illis locis prœcipue fit
ubi ecclesiastici canones accurate servantur
(Hœresi 59, n. 4). »
Ce savant Père nous montre, dans ces deux
différents endroits, qu'il y avait même des
canons qui prescrivaient le célibat aux clercs
supérieurs , en y renfermant même les sous-
diacres.
V. Il est vrai que ce Père reconnaît au même
endroit qu'il y avait des Eglises où les prêtres,
les diacres et les sous-diacres n'observaient pas
le célibat, mais il répond que c'était un abus
qui s'était glissé contre les canons. « Respon-
deo non illud ex canonis authoritate Qeri , sed
propter hominum ignaviam , quae certis tem-
poribus negligenter agere solet (Ibidem). »
VI. Le canon xxvi des apôtres, le x du con-
cile d'Ancyre , le icr de Néocésarée , le iv de
130
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTIÈME.
Gangres, le xiv de Calcédoine, le m de Nicée,
paraissent ne point obliger formellement les
clercs majeurs au célibat. Ils semblent même
leur permettre en quelque façon, par un silence
affecté, le commerce de leur première femme,
sans leur donner néanmoins la liberté de con-
tracter aucun mariage après leur ordination.
Mais quand bien même nous demeurerions
d'accord de tout cela , nous ne laisserions pas
d'être convaincus par ces témoignages si précis.
et si évidents de saint Epipbane, qu'il y avait
des canons émanés des apôtres, et fondés
même sur l'exemple de J.-C. qui ordonnaient
le célibat à tous ceux qui participaient au sacer-
doce de l'Eglise.
Tous ces canons n'approchent pas de la net-
teté et de l'évidence avec laquelle parle saint
Epiphane ; ils ne disent nullement que l'usage
du mariage précédent soit encore permis aux
prêtres et aux diacres après leur ordination :
ils se contentent de défendre de contracter le
mariage après l'ordination ; et ainsi on n'en
peut tout au plus conclure autre chose qu'une
condescendance tacite qui épargne les abus, de
peur de les aigrir au lieu de les corriger.
VII. Saint Jérôme ayant passé la meilleure
partie de sa vie dans l'Orient , et par consé-
quent ayant pénétré tout ce qu'il y avait de.
plus secret dans les lois et les mœurs des Egli-
ses grecques, en rendra un témoignage que les
plus opiniâtres ne pourront contester. Or voici
ce qu'il écrit contre Vigilance, qui avait déclaré
la guerre à la continence des clercs: « Quid
facient Orientis Ecclesia?, quid^Egypti, etSedis
Apostolicœ? Quae aut virgines clericos acci-
piunt, aut continentes; aut si uxores habuerint,
mariti esse desistunt (Advers. Vigilantium). »
Ce Père renferme toute l'Eglise dans le res-
sort de ces trois grands évêques de Rome ,
d'Alexandrie , et d'Antioche ; et ainsi il nous
apprend que dans l'Egypte et dans l'Orient ,
aussi bien que dans l'Occident, la loi de la
continence pour les clercs était dans la même
vigueur, et que ce n'ont pu être que des parti-
culiers dont l'audace ait été détestée par saint
Epiphane; mais qu'il n'y avait alors aucune
Eglise d'une étendue considérabledans l'Orient,
qui se fût relâchée tout entière sur ce sujet.
Aussi ce Père dit seulement qu'il y avait
quelques évoques autant indignes de ce divin
ministère qu'éloignés delà sainteté qui doit l'ac-
compagner , qui n'ordonnaient les diacres
qu'après les avoir obligés à se marier; ce
qu'ils avaient appris de l'impie Vigilance :
« Proh nefas episcopos sui sceleris discitur
habere consortes : si tamen episcopi nomi-
nandi sunt, qui non ordinant diaconos, nisi
prius uxores duxerint. »
VIII. Ce saint docteur remonte en un autre
endroit jusqu'à la première source de cette
divine pureté si nécessaire aux ministres de
l'autel ; et il nous apprend que c'est J.-C. même
qui a choisi une vierge pour être sa mère , et
a voulu que tous ceux qui auraient quelque
part à la fécondité de sa divine mère, en pro-
duisant son corps sur les autels, participassent
aussi à son incomparable pureté.
C'est pour cette raison que les apôtres ont
joint au sacerdoce ou la virginité, ou une
éternelle continence : et les évêques, les prê-
tres, et les diacres sont toujours élus d'entre
les vierges, ou les continents. « Christus virgo,
virgo Maria, utriusque sexus virginitatemdedi-
cavere. Apostoli vel virgines, vel post nuptias
continentes episcopi , presbyteri , diaconi, aut
virgines eliguntur, aut vidui, aut certc post
sacerdotium in sternum pudici (In Apolog.
pro libris advers. Jovin.) »
IX. On ne peut douter après cela que la loi
qui prescrit le célibat aux ministres de l'autel
ne soit de la tradition apostolique.
Saint Jérôme assure que saint Paul était du
nombre des vierges, et il le prouve par les pa-
roles du même apôtre, qui dit : « Volo omnes
vos similes mei esse. » Comme s'il disait :
« Volo omnes homines similes mei esse , ut
dum mei similes sunt, similes fiant et Christi,
cujus ego similis sum (L. i advers. Jovin.). »
Nous n'avons point de certitude qu'aucun
des apôtres ait été marié, à l'exception de saint
Pierre; le silence de l'Ecriture pour les autres
apôtres nous fait justement croire qu'ils ne
l'étaient pas : « Quanquam excepto apostolo
Petro non sit manifestum relatum de aliis
Apostolis, quod uxores habuerint, et cum de
uno scriptum sit, ac de caîteris tacitum, intel-
ligere debemus sine uxoribus eos fuisse, de
quibus nihil taie Scriptura significet. »
Quand quelques-uns des autres apôtres au-
raient été mariés, c'aurait été dans la syna-
gogue qu'ils auraient cessé d'être vierges, et
cette perte n'aurait pu être réparée dans l'E-
glise que par la continence. « Qui ergo erant
ex Juda'is, virginitatem quam in judaismo
amiserant, in Evangulio habere non poterant.»
Or que les apôtres qui étaient mariés eussent
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERS DANS L'ÉGLISE ORIENTALE.
131
quitté pour jamais leurs femmes, pour s'atta-
cher uniquement à J.-C, saini Jérôme le con-
clu! de ces paroles de saint Lierre au Fils île
Dieu : « Ecce nos reliquimus omnia, et secuti
sumus te ; » et de cette réponse du Fils de
Dieu. « Nemo est qui dimiserit domum, aut
fratres, aut uxorem , etc. » D'où il conclut,
«Assumpti in apostolatum , relinquunt offi-
cium conjugale. »
X. Saint Jérôme reconnaît de bonne foi que
saint Paul a permis d'élever à l'épiseopat ceux
qui avaient été mariés une fois , mais il dé-
clare que ce n'a été que par une condescen-
dance très-nécessaire au temps de l'Eglise
naissante, où on ne rencontrait parmi les gen-
tils que des personnes grossières et accoutu-
mées aux engagements de la chair. « Quia
rudis ex Gentibus constituebatur Ecclesia, le-
viora nuper credentibus dat prœcepta, ne ter-
riti ferre non possent. »
Au reste, si dans la suite du temps on a
souvent donné la préférence à ceux qui avaient
préféré le mariage à la virginité, ce Père ré-
pond que c'est peut-être la faute du peuple
qui élit, et qui se flatte en élisant ses sem-
blables; ou de l'évèque qui se laisse emporter
à des considérations basses et à des intérêts
humains.
XL Jovinien même, quoiqu'ennemi mortel
de la virginité et de la continence, confessait
néanmoins qu'un évèque était obligé au céli-
bat par une loi indispensable. Comme la plé-
nitude du sacerdoce se répand de l'évèque sur
les prêtres et les diacres : aussi l'obligation de
la continence qui leur est commune , parce
qu'elle naît de la nature du sacerdoce, lie bien
plus étroitement les évêques : « Certe confite-
ris non posse esse episcopum, qui in episcopatu
filios faciat Ibidem). »
Les Grecs, qui se sont honteusement relâ-
chés pour la continence des prêtres et des
diacres depuis plusieurs siècles, ont conservé
au moins quelque reste de la pureté de l'an-
cienne discipline dans la continence indispen-
sable de leurs évêques. Il y a quelque fonde-
ment de conjecturer que cela vient de ce que
les évêques faisaient eux seuls presque toutes
les fonctions sacerdotales dans les premiers
siècles. C'étaient les évêques qui baptisaient,
qui célébraient l'auguste sacrifice, qui récon-
ciliaient les pénitents; et ce n'était qu'à leur
défaut ou en leur absence que les prêtres sup-
pléaient. Ainsi les évêques n'ont pu rompre U
frein de la continence qui est si étroitement
unie au ministère sacré.
Dans l'Eglise latine on a célébré les divins
mystères avec [dus d'assiduité que dans la
grecque. Ainsi les prêtres et les diacres, dans
l'Eglise occidentale, étant tous les jours em-
ployés à l'immolation de la victime adorable,
ils n'ont pu s'y dispenser de la continence.
Mais saint Jérôme dit admirablement que si
les laïques ne peuvent s'approcher de la com-
munion et de la prière qu'après s'y être dispo-
sés par la continence , à plus forte raison tous
les ministres du divin sacrifice devant en tout
temps offrir à Dieu leurs prières et celles du
peuple, et devant tous les jours célébrer le sa-
crifice virginal de l'Eglise, ils se doivent tou-
jours conserver dans une éminente pureté.
« Si laicus et quicumque fidelis orare non po-
test, nisi careat officio conjugali : sacerdoti
cui semper pro populo offerenda sunt sacrifi-
cia, semper orandum est. Si semper orandum
est, ergo semper carendum matrimonio. »
XII. Ceux qui ont cru qu'il n'y avait point
de peines établies contre les clercs supérieurs
qui ne s'abstenaient pas de la compagnie de
leurs premières femmes, jusqu'à ce que le
pape Sirice publia sa célèbre décrétale sur ce
sujet, n'avaient qu'à considérer ce que saint
Jérôme avance en ce même endroit : que l'é-
vèque sera traité comme un adultère, s'il est
surpris et convaincu de ce commerce conju-
gal. « Alioqui si deprehensus fuerit. non quasi
vir tenebitur, sed quasi adulter damnabitur
(Ibidem). »
On ne doute pas qu'il n'y eût des peines
contre les adultères. Il dit ailleurs que l'incon-
tinence de tous les hauts ministres de l'autel
était punie de la privation des fonctions sacer-
dotales : « Imo episcopi et presbyteri et dia-
coni, et universus chorus sacerdotalis et levi-
ticus, se noverunt hostias offerre non posse, si
operi serviant conjugali (In Apolog. advers.
Jovin.î. », L'extrême conformité qui se trouve
en ce point entre saint Epiphane et saint Jé-
rôme m'a obligé de ne les point séparer.
XIII. Eusèbe n'est pas moins formel pour la
défense de cette loi ecclésiastique lorsqu'il dit
que les docteurs et les prédicateurs de l'Eglise
renoncent au mariage et à tout commerce
charnel, enflammés d'une passion plus sainte
et de l'amour d'une fécondité plus pure qui
les renJra les pères et les maîtres d'une mul-
titude infinie d'enfants spirituels.
132
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTIÈME.
« Doctoribus ac praedicatoribus verbi divini
maxime in praesentia , ut melioribus studiis
vacent liberius, sejunctus a re uxoria victus
adamatur : velut iis qui divina et incorporea
sobole propaganda occupa ti teneantur : et non
unius, neque duorum liberorum, sed acerva-
tim innuniernbilis mullitudinis educationem
sanclamque disciplinait! . ac reliquat insti-
tuendœ vitœ curam susceperint. » Et un peu
plus bas : « Illis qui sacrati sunt, toî« U[»>|«vm« ,
atque in Dei ministerio cultnque occupati ,
continere deineeps seipsos convenit a com-
niercio uxoris (Demonstr. Evang., 1. i, c. 9). »
XIV. Saint Chrysostome (In Epist. i. ad Ti-
motli. boni. 10), parle assez clairement sur le
même sujet : « Si quis uxorem duxit, sollicilus
est, quœ suntmundi, episcopum autem bujus-
modi sollicitudine tangi minime convenit,
quomodo superius dixit, unius uxoris virum ?
Quidam illum, qui post uxoris obitum consti-
tuetur episcopus, significasse intelligunt. Alio-
qui licet eum, qui uxorem habeat, quasi non
babentem esse. Tum nempe rite istud con-
cessit pro tempore ac pro rei natura, quae tune
inerat. »
C'est le même sentiment que celui de saint
Jérôme , que bien que l'évêque élu vive en
continence, c'a toujours été un accommode-
ment nécessaire aux faibles commencements
de la conversion des gentils, de permettre
qu'on fit monter au comble des dignités ecclé-
siastiques ceux qui avaient été une fois asser-
vis aux lois du mariage.
Ce même Père dit ailleurs (Hom. u. de pa-
tientia Job), que l'on n'use plus de cette indul-
gence accordée par saint Paul, parce qu'il faut
que ceux qui sont honorés du sacerdoce soient
ornés d'une parfaite chasteté. Aisi -yàp itavreXeï
XV. On a coutume d'opposer au célibat des
ecclésiastiques l'histoire de l'évêque Paphnuce,
qui obligea les Pères du concile de Nicée de
ne point faire de canon pour assujétir les
évêques, les prêtres, les diacres et les sous-
diacres à la continence avec les femmes qu'ils
avaient épousées avant leur ordination, puis-
que l'ancienne tradition ne leur défendait que
les nouveaux mariages après les ordres reçus ;
mais Socrate et Sozomène ne sont pas des au-
teurs si irréprochables ni de si bons garants,
surtout en un point de cette conséquence,
qu'on soit obligé de les croire sur leur parole
(Socrat., 1. i, e. 2; Sozom., 1. i, c. 23).
Il se peut faire que le fond de l'histoire soit
véritable et que Socrate n'ait manqué qu'en ce
qu'il a ajouté du sien. En effet, il n'est pas
hors d'apparence que le nombre des prêtres et
des diacres incontinents fût déjà si grand dans
l'Eglise orientale, au temps même du concile
de Nicée, que ces sages évêques jugeassent plus
à propos de dissimuler le mal qu'ils ne pou-
vaient guérir.
On peut faire le même jugement des con-
ciles d'Ancyre, de Néocésarée et de Gangres,
qui n'ont point fait de règlement contre ce dé-
sordre, parce qu'ils le jugeaient irrémédiable.
Mais quand Socrate dit que Y ancienne tradi-
tion de l'Eglise défendait seulement aux clercs
supérieurs de se marier, mais ne leur ôlail
pas l'usage d'un mariage précédent, nous en
appelons à Eusèbe. à saint Epiphane et à saint
Jérôme, qui étaient incomparablement mieux
informés que lui des anciens usages de l'E-
glise.
Ainsi Socrate a mis dans la bouche du saint
évêque Paphnuce une harangue qui n'en sor-
tit jamais. Ce saint prélat put juger avec tout
le concile et avec toute l'Eglise grecque, dans
les siècles suivants, qu'il valait mieux tolérer
cet abus que d'exposer l'Eglise au schisme et
ces clercs à une incontinence plus criminelle;
mais il ne put ignorer que ce ne fût un abus
et un violement des anciens canons et de la
discipline plus pure établie par les apôtres.
XVI. 11 faut encore remarquer que les autres
Pères grecs n'ont pas laissé de rendre témoi-
gnage au célibat des ordres supérieurs, quoi-
qu'ils n'en aient parlé qu'en passant.
Clément d'Alexandrie assure que les apôtres
ne menaient des femmes en leur compagnie
que comme leurs sœurs, pour faciliter la prédi-
cation de l'Evangile dans les lieux dont l'abord
n'était libre qu'à des femmes. « Reliqui Apo-
stoli pnrdicationi attendentes, non ut uxores,
sed ut sorores circumducebant mulieres, quac
una ministraturse essent apud mulieres, quœ
domps custodiebant, per quas etiam in gyna>
ceum absque ulla reprehensione , malave su-
spicione ingredi posset doctrina Domini (Stro-
mat., 1. m). »
Théodoret prouve en divers endroits que
saint Paul ne fut jamais marié. Isidore de Da-
miette dit qu'il y a une espèce de chasteté à la-
quelle tous les fidèles sont obligés, parce qu'ils
ont tous quelque part au sacerdoce et qu'ils
sont tous les sacrificateurs de leur propre
DU CÉLIBAT DES BÉNÉF1CIEBS DANS L'ÉGLISE ORIENTALE.
133
corps, qui doit être comme une 'victime chaste
et pure • mais que les prêtres sont engagés
dans une nécessité bien plus étroite de garder
la continence, à moins d'être privés du haut
rang qu'ils tiennent, quoiqu'il confesse que
cette loi ecclésiastique n'est pas fort religieu-
sement observée (In Epist. i. ad Cor, c. 7. ; In
Ep. ad Philip., c. iv).
«Exhibete corpora vestra hostiam viventem.
Non ad sacerdotes solos scribens, ut existimas,
hax mandabat, sed universic Ecclesiae. Unum-
quemque enim ipsorum bac in parte sacerdo-
tem esse jussit. Quod si castitas et pudicitia
subditos sacerdotes ordinat, libido proculdu-
bio ac lascivia sacerdotibus dignitatem abro-
gat. Atque boc quidem leges et ecclesiastica
instituta sanciunt. verum haud admodum ta-
men istud fit. Quam autem ob causam, non
est meum commemorare (L. m, epist. lxxv).»
Ce Père remarque ailleurs que les femmes
n'accompagnaient les Apôtres que pour les
entretenir de leurs biens ; parce que c'eut été
une chose insupportable si les prédicateurs et
les panégyristes de la virginité se fussent
abandonnés aux plaisirs de la chair. « Non
quod ii qui virginitatem suadebant, et caslita-
tem pru'dicahant, ac virginum choros mode-
rabantur, cum mulieribus consuetudinem ha-
berent : quis enim eos virginitatem suadentes
tulisset, siquidem ipsimet in voluptatum cœno
sese volutantes deprehensi essent ( L. m ,
epist. clxxvii. »
Cette raison embrasse également les évo-
ques, les prêtres et les diacres qui doivent al-
lumer dans le cœur des fidèles, autant qu'il
leur est possible, l'amour de la virginité, et
qui ne doivent pas détruire par leurs exemples
le fruit de leur parole.
Saint Cyrille, évèque de Jérusalem, con-
firme admirablement bien ce que nous avons
répété plusieurs lois, que la chasteté du sa-
cerdoce de J.-C. est la même que celle de la
Sainte Vierge sa mère, et dérive de la même
source, savoir de la chasteté de J.-C. même.
Et il prouve son raisonnement en disant que
les prêtres de J.-C. ayant renoncé ou dû re-
noncer à tout commerce conjugal , J.-C. ne
peut pas en être né. « Si qui apud Jesum bene
fungitur sacerdotio. abstinet a muliere : ipse
Jésus quomodo ex viro et muliere proditurus
esset (Catech. xu). » Ce Père parle avec beau-
coup de justesse, car Isidore de Damiette nous
a déjà montré que la loi du célibat était mal
gardée par plusieurs prêtres. Et nous l'appre-
nons encore de saint Grégoire de Nazianze ,
lorsqu'il blâme la délicatesse ou le scrupule
de ceux qui ne considérant pas assez que c'est
J.-C. même qui baptise et qui lave les taches
de nos âmes, ne voulaient recevoir le baptême
que de la main de l'évéque ou d'un prêtre
continent. « Ne dicas : Baptizet ne episco-
pus, etc., aut si presbyter, saltem qui cadebs
sit. qui continentiae laude, atque angelica Vi-
vendi ratione tloreat (Orac. xl). »
Enfin Synésius, en se défendant de l'épisco-
pat par le refus qu'il faisait de se séparer de
sa femme, nous apprend combien cette sépa-
ration était indispensablement exigée par les
lois ecclésiastiques. « Quare boc omnibus pra>
dico et testor, neque me ab uxore prorsus
sejungi velle, neque adulteri instar cum ea
clanculum consuescere. Alterum enim nequa-
quam prium est, alterum illicitum (Ep. cv). »
Cette protestation n'empêcha pas qu'on n'or-
donnât Synésius, parce que ce n'était qu'une
défaite dont il se servait pour n'être pas chargé
d'une dignité si périlleuse. Il protesta en
même temps de ne pouvoir se résoudre à
croire la résurrection ; on ne l'eût pas ordonné
si on n'eût été persuadé que ce n'était qu'un
prétexte et un artifice pour éviter une si pe-
sante charge.
Après tout, quand il aurait parlé sérieuse-
ment, quant au célibat, c'aurait été une dis-
pense particulière de la règle, et non pas une
dérogation générale à la loi commune. Or Sy-
nésius n'aurait certainement pas fait ces objec-
tions à ceux qui devaient l'ordonner, s'il n'a-
vait été parfaitement convaincu qu'on ne pou-
vait ordonner évêques les ecclésiastiques ma-
riés, à moins qu'ils ne promissent auparavant
de rom pre tout commerce avec leurs femmes, et
ne souscrivissent à la croyance de la résurrec-
tion.
XVII. Et quand Synésius insinue (L. v, c. 21)
qu'on regardait comme des adultères les évê-
ques qui rentraient secrètement dans le com-
merce et la compagnie de leurs femmes, il
nous fournit des armes pour repousser les ad-
versaires de l'Eglise et du célibat, lorsqu'ils
se servent de l'autorité de Socrate, qui dit: que
dans l'Orient les évêques et les prêtres s'abste-
naient volontairement de leurs femmes, sans
y être contraints par aucune loi ecclésiastique,
et qu'il connaissait plusieurs évêques qui
étaient devenus pères après l'épiscopat. Saint
134
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-UNIÈME.
Epiphane, saint Jérôme, et Synésius méritent
sans comparaison plus de créance que Socrate,
et ils parlent aussi bien que lui de l'Eglise
orientale.
XVIII. Socrate, quoique le plus déclaré de
tous contre le célibat, confesse néanmoins que
dans la Thessalie, la Macédoine et l'Hellade, les
clercs étaient dégradés de leur ordre s'ils ren-
traient dans le commerce conjugal avec les
femmes qu'ils avaient épousées avant leur or-
dination (Lib. v, c. 24). Il ne parle que de la
Thessalie, et quelques provinces voisines,
parce que c'était cette partie de l'Eglise grec-
que qui relevait du patriarcat du pape.
Quant à ce qu'il ajoute, que les plus illustres
des Grecs s'abstenaient aussi de leurs femmes
précédentes, il mérite bien d'être cru; mais
quand il dit qu'ils n'y étaient obligés par au-
cune loi, non pas les évêques mêmes, dont il
dit que plusieurs avaient eu des enfants durant
le temps de leur épiscopat, nous avons justifié
le contraire par des témoins plus dignes de foi
que lui.
XIX. Saint Rasile (Epist. cxcvm) commande
au prêtre Parégorius, tout septuagénaire qu'il
était, de mettre hors de sa maison une femme
qu'il y avait introduite, tant pour satisfaire au
canon de Nicée, que pour s'acquitter des de-
voirs du célibat, %-p.pia., et pour n'être pas une
pierre de scandale aux autres ecclésiastiques.
Ce prêtre n'ayant pas été marié avant son or-
dination, ou n'ayant plus de femme, et ne pou-
vant en prendre après avoir été ordonné, fai-
sait effectivement une profession inviolable de
célibat, selon les lois de l'Eglise, et l'usage
même de tout l'Orient. Ainsi saint Basile dit
avec raison qu'il était obligé à la continence,
et qu'il devait se faire servir par des hommes,
quelque âgé qu'il fût, lui interdisant toutes
fonctions sacerdotales jusqu'à ce qu'il eût
obéi.
XX. On nous objecte saint Grégoire de Na-
zianze même, à qui son père dit un jour qu'il
était prêtre avant qu'il vînt au monde. « Non-
dum tut anni vilae totius tua', quot in sacris
mihi sunt peracti victimis (Carm. de vitasua .»
Mais il se peut faire que ce ne fût qu'une exa-
gération. Le cardinal Baronius a justifié par la
chronologie que le fils naquit avant l'ordina-
tion du père. Enfin, quand le père aurait été
prêtre, on sait que quand les abus sont long-
temps tolérés, les gens de bien s'y laissent
aussi quelquefois aller.
XXI. Pour ce qui est de la lettre de saint Atha-
nase au moine Dracontius, ce Père dit seule-
ment qu'il y a de? évêques et des moines qui
n'ont jamais été mariés, comme il y en a des
uns et des autres qui ont eu des enfants, sans
doute avant leur engagement. noxisi rû* êmoxoirâv
gù&£ -|'£*yaij.Ylx7.;, p.ovoxot Si ir&TÉpeç tÉ](vcw ve-vovecot dtte: xoti
i—'.'j/.-.-ijz -?-it%: 7E'/vfc>v.
Cela signifie seulement que les évêques peu-
vent avoir été mariés, et avoir eu des enfants
avant l'ordination, aussi bien que les moines
avant Leur profession; et ou ne pourrait faire
dire à saint Athanase que des évêques ont eu
des enfauts après leur consécration, sans lui
faire dire aussi que les moines en ont eu après
leur profession: ce qui est insoutenable; et il
en resuite évidemment qui1, selon saint Atha-
nase, le célibat est autant inséparable de l'épis-
copat que du monachisme.
CHAPITRE SOIXANTE-UNIÈME.
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFIC1ERS DANS L'ÉGLISE LATINE, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Divers règlements des conciles et des papes sur le célibat
des ordres majeurs, même des sous-diacres.
II. Diversité de la police des Grecs et des Latins.
III. Preuves du célibat par saint Ambroise.
IV. Par saint Jérôme.
V. Combien on était alors prévenu de la sainteté et de la
pureté du sacerdoce.
VI. Preuves tirées de saint Augustin.
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERA DANS L'ÉGLISE LATINE.
135
Vil. Di' Ferrand et de Cresconius.
VIII. Circonspection nécessaire aux clercs à l'égard des
femmes.
IX. Défense de souffrir des femmes étrangères dans leur
maison, p:<r les coneiles grecs.
X. Par les conciles latins.
XI. Par les Pères grecs et latins.
XII. Précautions admirables de saint Augustin.
XIII Pourquoi la continence des sous-diacres n'a pas été uni-
formément réglée.
XIV. Du célibat des lecteurs.
I. 11 est temps de passer à l'Eglise occiden-
tale, non pas pour y établir, par l'autorité des
Pères et des conciles, la nécessité du célibat
dans les ordres sacrés : c'est un point si évident,
qu'il ne peut y être contesté ; mais nous y
éclaircirons quelques circonstances de cette
discipline, et quelques diversités qui peuvent
muser de l'embarras.
Saint Epiphane a enveloppé les sous-diacres
dans L'obligation du célibat. Saint Jérôme n'y
a compris que les diacres et les ordres supé-
rieurs. Le concile d'Ancyre (Can. x) n'y com-
prend que les diacres qui ont consenti parleur
silence lorsqu'on les ordonnait; que s'ils ont
réclamé, et que l'évêque ait passé outre, ce
concile ne les prive pas du sacré ministère,
quoiqu'ils se marient, parce que l'évêque
semble leur en avoir donné permission :
« Propterea quod bis episcopus licentiam de-
derit; » s'ils se marient sans cette licence ta-
cite, on se contente de les priver des fonctions
de leur ordre.
Ainsi les sous-diacres n'étaient point engagés
au célibat ; l'évêque pouvait permettre aux
diacres qui réclamaient de se marier, mais
non aux prêtres : le mariage après l'ordination
ne laissait pas d'être valide, même pour les
prêtres, comme il paraît dans le concile de
Néocésarée (Can. 1). II y a une édition du con-
cile d'Elvire (Can. xxxiii) qui enferme les
sous-diacres dans le nombre de ceux qui doi-
vent garder le célibat.
Les décrétâtes du pape Sirice et du pape In-
nocent ne comprennent que les évèques, les
prêtres et les diacres dans cette obligation. Il
en est de même des conciles II, III et V, de
Carthage (Can. ni), et du Ier de Tolède (Can. i,
4). Le concile de Turin (Can. vm) se contente
d'exclure des ordres supérieurs les clercs qui
auront eu des enfants de leurs femmes après
leur ordination. Le concile d'Orange (Can. xxu,
xxui, xxiv) confirme ce même décret pour le
temps passé; mais il défend d'ordonner à l'a-
venir des diacres, s'ils ne promettent la conti-
nence avec leurs femmes, et les dépose s'ils
sont infidèles à leur promesse.
Le concile Ier de Tours, tenu en 461 (Can. i,
2), reconnaît que les décrétâtes des papes ont
privé de la communion les prêtres et les dia-
cres qui ne gardent pas la continence avec
leurs femmes; mais les Pères de ce concile ju-
gent à propos d'adoucir cette peine, en les pri-
vant seulement des fonctions de leur ordre, et
de l'espérance d'être promus à un ordre supé-
rieur.
Saint Léon oblige à la même loi du célibat
les évèques, les prêtres et les Ministres de
V autel; et il leur ordonne de ne pas renvoyer
leurs femmes pour honorer le mariage , mais
de vivre chastement avec elles pour ne pas
déshonorer leur sacré ministère. « L'nde ut
de carnali fiât spritale conjugium, oportet eos
nec dimittere uxores , et quasi non habeant ,
sic habere : quo et salva sit charitas conjugio-
rum et cessent opéra nuptiarum ( Epist. xcn,
C. 3). »
On ne peut donc nier, que dans l'une et dans
l'autre Eglise, les évèques, les prêtres et les
diacres ne conservassent dans leurs mêmes
maisons les femmes qu'ils avaient épousées
avant l'ordination des canons apostoliques; le
III" canon du concile de Nicée, et plusieurs
autres supposent cette vérité, et il faut leur
donner la torture pour en tirer un sens con-
traire. Mais dans une même maison les appar-
tements étaient séparés, comme nous verrons
dans les autres parties de ce traité : et la vertu,
la conscience, la dignité du sacerdoce, les lois
de l'Eglise étaient des retranchements assez
forts pour mettre à couvert des tentations et de
la calomnie la continence et la répulation des
ecclésiastiques.
Si le pape Léon, dans l'endroit cité, nomme
les Ministres de l'autel plutôt que des diacres ,
ce n'est peut-être pas sans dessein. Car en une
autre lettre il joint les sous-diacres aux diacres
et leur impose la même nécessité du célibat.
« Nec subdiaconibus quidem carnale connu-
bium conceditur,ut etqui habent, sint tanquam
non habentes; et qui non habent, permaneant
singulares. Quod si in hoc ordine, qui a capite
quartus est, dignum est custodin,quantomagis
in primo , vel secundo , vel tertio servandum ,
etc. (Ep. lxxxiv, c. 4). »
C'est le premier des papes qui ait assujéti
les sous-diacres au célibat; en les appelant
ministres de l'autel , qui est le propre nom des
136 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-UNIÈME.
diacres, il semble témoigner qu'étant associés
à la fonction et au nom des diacres, ils doivent
aussi participer à leur chasteté.
Ce que nous venons de rapporter avec peu
de distinction , montre qu'il y avait quelque
confusion dans la police de diverses Eglises
pour la continence des clercs. Dans l'Orient la
continence n'était pas si étroitement gardée
que dans l'Occident; on y veillait plus soigneu-
sement pour empêcher qu'on ne contractât un
nouveau mariage après l'ordination ; on y
obligeait plus étroitement les évoques à une
parfaite continence : on y défendait en quelques
provinces le mariage aux lecteurs mêmes et
aux psalmistes , comme l'on peut voir dans un
canon du concile de Calcédoine (Can.xrv); enfin
les sous-diacres mêmes y gardaient le célibat,
mais non pas partout.
Dans l'Occident, au contraire, on eut peu
d'égard au mariage contracté avant ou après
l'ordination, les lois de la continence y furent
fort sévèrement observées : les sous-diacres n'y
furent pas ordinairement soumis, et la décré-
tale du pape Léon n'y eut pas de vigueur; la
prêtrise et le diaconat n'y furent pas des em-
pêchements capables d'annuler le mariage
contracté après l'ordination; enfin, les peines
des prêtres et des diacres mariés et inconti-
nents ne furent pas extrêmement sévères et ne
furent pas les mêmes partout.
III. Après avoir parlé des papes et des con-
ciles de l'Eglise latine , il est raisonnable d'ap-
prendre ce que les Pères ont dit sur le même
sujet. Saint Ambroise ne croit pas que les sa-
crificateurs et les ministres de la divine hostie
de l'Eglise puissent se dispenser de la loi du
célibat, quoiqu'ils fussent mariés avant l'ordi-
nation. Mais il est vrai que ce Père n'étend cette
obligation que jusqu'aux diacres, et il ne parle
d'autre peine contre les violateurs d'une si
sainte loi.
a Inoffensum autem exhibendum et imma-
culatum ministerium, nec ulloconjugali coitu
violandum cognoscitis , qui integro corpore
incorrupto pudore, alieni etiam ab ipso con-
sortio conjugali, sacri ministerii gratiam rece-
pistis. Quod eo non praoterii, quia in plerisque
abditioribus locis, cum ministerium gérèrent,
vel etiam sacerdotium, filios susceperunt : et
id tanquam usu veteri defendunt, quando per
intervalla dierum , sacrificium deferebatur.
Et tamen castificabatur etiam populus, per
biduum vel per triduum, ut ad sacrificium pu-
rus accederet (De Officiis, lib. 1, caput ultim). »
Voilà le prétexte ridicule dont ces diacres et .
ces prêtres incontinents tâchaient de se cou-
vrir ; et il nous servira au moins à justifier
notre conjecture : que l'inobservation du céli-
bat parmi les prêtres grecs est venue de ce
qu'ils ne célébraient que rarement le terrible
sacrifice de l'Eucharistie. Saint Ambroise
( Epist. xxn) découvre la faiblesse de ce pré-
texte, en montrant que le peuple même se pu-
rifiait durant trois jours avant que de s'appro-
cher des autels.
Ce même Père remarque ailleurs que saint
Paul même semble insinuer la nécessité du
célibat quand, parlant des évêques ou des prê-
tres, il dit : « Filios habentem subditos. » Et
comme dit saint Ambroise: « Habentem dixit
filios, non facientem. »
Enfin, ces prêtres et cesdiacresincontinents,
selon saint Ambroise, étaientobligés de remon-
ter jusqu'au Vieux Testament pour trouver des
exemples; ils n'en avaient donc point dans les
siècles passés de l'Eglise.
IV. Saint Jérôme aussi a excellemment réfuté
ceux qui cherchaient dans le Vieux Testament
les défenses de leur incontinence, o Si laicis
imperatur, ut propter orationem abstineant se
ab uxorum coitu ; quiddeepiscoposentiendum
est, qui quotidie pro suis, populique peccatis,
illibatas Deo oblaturus estvictimas. Nisi audis-
set Abimelec ab heri et nudius tertius vacasse
ab opère conjugali, David et puerisejus nequa-
quam panes propositionis concessisset. Tan-
tum interest inter panes propositionis et cor-
pus Christi. quantum inter umbram et corpora,
etc. (In. Epist. ad Epbes., c. i). »
Ce Père conclut de là excellemment que la
chasteté sacerdotale doit être d'un degré et d'un
rang de pureté très-haut et très-singulier,
parce qu'il doit avoir quelque proportion à la
pureté incompréhensible de la céleste Victime
que nous immolons sur nos autels.
« Quomodo igitur mansuetudo, patientia,
sobrietas, benignitas praxipue esse debent in
episcopo, et inter cunctos laicos eminentia; sic
et castitas propria, et ut ita dixerim pudicitia
sacerdotalis; ut non solum ab opère se im-
numdo abslineat ; sed etiam a jactu oculorum,
et cogitationis errore, mens Christi corpus con-
fectura, sit libéra, etc. Sit episcopus abstinens
non tantum a libidinc, et ab uxoris amplexu :
sed ab omnibus animi perturbationibus. »
V. Ces paroles de .saint Jérôme nous donnent
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERA DANS L'ÉGLISE LATINE.
137
un juste sujet de conjecturer que la haute
estime qu'on avait de la pureté ineffable du sa-
crifice de l'Eglise, et la forte persuasion où
on était, que la chasteté des prêtres devait avoir
quelque proportion à la sainteté de leur vic-
time, a été la véritable raison de n'ordonner
que fort rarement des peines, durant les pre-
miers siècles, contre les prévaricateurs de la
loi du célibat.
Il y avait un si grand nombre de laïques qui,
suivant les conseils évangéliques, et persuadés
par les exhortations de saint Paul, ou ne se
mariaient point du tout, ou vivaient avec leurs
femmes, comme n'en ayant point , que les
ministres de l'autel eussent rougi de n'être
pas au moins les imitateurs de ceux qui les
regardaient comme leurs maîtres. Les persécu-
tions étaient si fréquentes et si; terribles contre
les ecclésiastiques, qu'ils étaient comme forcés
d'obéir à saint Paul, et d'user de ce monde
comme n'en usant pas.
Les exemples des apôtres et des hommes
apostoliques ne s'étaient point encore effacés
de la mémoire des fidèles; et c'étaient comme
des lois animées, qui excitaient les 'prêtres et
les sacrés ministres à les imiter. Mais après que
cette ferveur se fut ralentie, et que la paix de
l'Eglise et la suite des siècles eurent fomenté
la mollesse et la sensualité des ecclésiastiques,
les conciles et les papes décernèrent des peines,
afin que la crainte des peines et de la confusion
fit garder une loi que la seule charité avait fait
observer jusqu'alors.
VI. Cela se peut confirmer par le discours
que saint Augustin fait à ceux qui, après avoir
répudié leurs femmes, prétendaient en pouvoir
épouser d'autres, n'excusant leur incontinence
que par leur incontinence même, et par l'im-
possibilité de vivre chastement. Saint Augustin
leur propose l'exemple des clercs qui sont si
souvent entraînés par la violence du peuple et
forcés contre leur volonté de recevoir les ordres
sacrés, et après cela ne laissent pas de" sacrifier
leur liberté à cette aimable nécessité de garder
la continence. « Solemus eis proponere etiam
continentiam clericorum , qui plerrmque ad
eamdem sarcinam subeundam capiuntur inviti,
eamque susceptam usque ad debitum finem,
Domino adjuvante perducunt (De adult. conj.,
c. ii, c. ult.). »
Ces lâches esclaves de leur impudicité ré-
pondaient à saint Augustin que ces ecclésiasti-
ques se consolaient facilement, et se résol-
vaient à la continence par la vue des honneurs
qui accompagnent l'état ecclésiastique : a Sed
illos, inquiunt, honor plurimum consolatur. »
C'était ou une défaite, ou une fausse imagina-
tion.
La vraie raison était la forte impression de
Téminence et de la sainteté du sacerdoce qui
vivait encore dans les esprits, et qui ne leur
permettait seulement pas de douter, si ayant
été violentes, ils étaient obligés au célibat. En
effet, s'ils n'eussent considéré que les lois, ils
eussent eu ou un prétexte assez apparent, ou
une excuse assez légitime dans la violence
qu'on leur avait faite, pour demander une dis-
pense pareille à celle que le concile d'Ancyre
(Can. x) avait accordée aux diacres que l'é-
vèque avait ordonnés nonobstant leur protes-
tation. Mais leur esprit était si pénétré et si
rempli de l'idée de la grandeur et de la sainteté
du sacerdoce, que ces doutes et ces excuses ne
leur tombaient seulement pas dans la pensée.
Or, bien loin de croire que ces accidents fus-
sent rares, saint Augustin assure qu'ils étaient
ordinaires : « Plerumque capiuntur inviti. »
Cela peut encore beaucoup servir à fortifier
la même pensée : Car s'ils étaient parvenus à
un si haut point de vertu que tout le peuple
les crût dignes d'être forcés, et qu'ils ne pussent
eux-mêmes se résoudre à accepter les dignités
ecclésiastiques, à moins d'être enlevés par une
force inévitable, il faut croire que leur estime
et leur vénération pour la sainteté du sacerdoce
était telle que nous l'avons représentée : car ils
ne fuyaient cette dignité que par la haute es-
time qu'ils avaient de la sainteté qui devait
l'accompagner. Or la continence n'est qu'une
partie de cette sainteté.
Enfin, nous ferons voir ailleurs que ceux
qui se consacraient au sacerdoce durant ces
premiers siècles embrassaient assez souvent en
même temps les conseils de la perfection évan-
gélique, afin de ne pas rougir quand, selon
leur devoir, ilsy convieraient les fidèles. Ainsi,
se chargeant d'une fonction qui les obligeait à
exhorter les peuples à la pauvreté volontaire,
à la continence et à la perfection de la vie
chrétienne, ils concevaient facilement qu'il
fallait soutenir leur doctrine par leur exemple
et faire, au moins en partie, avant que d'ensei-
gner.
VIL Ferrand et Crisconius, dans leurs com-
pilations abrégées des canons (Art. 6, art. 109),
n'imposent l'obligation du célibat qu'aux dia-
138
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-UNIÈME.
cres, aux prêtres et auxévêques. Nous dirons,
dans la suite de ce traité, que ce ne fut qu'au
temps et parles ordonnances de Justiuien dans
l'Orient et de saint Grégoire dans l'Occident,
que les sous-diacres furent engagés dans la
même continence que les ordres supérieurs.
L'ordre des sous-diacres passa alors du nom-
bre des ordres inférieurs à celui des supérieurs,
et il y a bien de l'apparence que, le nombre des
fidèles se multipliant, le diacre fut contraint de
se soulager d'une partie de ses fonctions sur le
sous-diacre; et ainsi, lorsque les sous-diacres
commencèrent à s'approcher de plus près du
ministère sacré des autels, on les obligea à une
pureté d'esprit et de corps qui répondit a la
participation qu'ils avaient du divin sacerdoce.
VIII. Ce ne sera pas sortir de notre sujet,
si nous ajoutons comme une suite naturelle du
célibat des prêtres, le précepte important que
leur donne saint Jérôme, de ne jamais conseil-
ler le mariage à personne. Comme ils font pro-
fession, non-seulement de garder la conti-
nence, mais aussi d'en être les panégyristes et
les prédicateurs, ils ne doivent pas détruire par
leurs conseils secrets et particuliers les divines
maximes qu'ils ont prêchées publiquement
dans la chaire de la vérité. « Prredicator conti-
nentiœ nuptias ne conciliet. Qui Apostolum
legit, superest, ut qui habent uxores, sicsint,
quasi non habeant : Cur virginem cogit ut
nubat? Qui de monogamia sacerdos est, quare
viduam hortatur, ut digama sit? (Ad Nepo-
tian.). »
Ce l'ère passe bien plus avant, quand il veut
que la langue, qui est destinée à consacrer
l'Hostie virginale de notre divin sacrifice, ne
se souille jamais en parlant delà beauté des
femmes. « Officii tui est, non soluin oculos
castos servare, sed et linguam. Nunquam de
formis mulierum disputes (Ibidem). »
IN. Ce fut une obligation bien plus générale
et plus importante, pour les ecclésiastiques, de
ne point laisser habiter de femmes suspectes
dans leurs maisons ; c'est-à-dire de n'y en lais-
ser presque point habiter, puisqu'elles sont
presque toutes suspectes au commun des hom-
mes, qui n'est jamais disposé à épargner les
clercs.
Le concile d'Anlioehe qui condamna Paul
de Samosate, reprocha particulièrement à ce
faux pasteur l'abus qui s'était autorisé de son
exemple dans son Eglise d'Anlioehe; que les
prêtres et les diacres y avaient dans leurs mai-
sons ces femmes, également dangereuses à
leur salut et à leur réputation, qu'on appelait
à Antioche buveiocuçtouç , subintroductas (Euseb.
Hist., I. vu, c).
Le même terme est employé par le concile
de Nicée (Can. m), lorsque la même défense
y est réitérée en l'étendant à tous les ecclé-
siastiques absolument, et marquant les seules
personnes qu'il leur est permis de garder
dans leur maison; savoir, leur mère, leur
sœur , leur tante paternelle , et les autres
personnes qui sont entièrement hors de soup-
çon. « Nec alicui omnino qui in clero est licere
subintroductam habere mulierem, ouvtî<raxT<w,
nisi forte aut matrem, aut sororem, autami-
tam, vel eas tantum personas, quae suspicio-
nem efmgiunt. »
X. Le canon du concile d'Elvire (Can. xxvin,
est fort semblable à celui de Nicée. Il embrasse
aussi tous les clercs, et ne leur laisse que les
plus proches de leurs parentes; encore veut-il
qu'elles soient consacrées à Dieu. « Episcopus
vel quilibet clericus alius, aut sororem, aut
filiam virginem dicatam Deo tantum secum
habeat, extraneamvero nequaquam secum ha-
beat. »
Le concile 1er de Carthage (Can. m, iv) ren-
ferma tous ceux et toutes celles qui avaient
consacré leurs corps à la continence, dans l'o-
bligation de bannir de leurs maisons toutes les
personnes étrangères. « Nullus igitur, nullaque
sanctimoniae et virginitati deserviens, propter
blasphemiam Ecclesiae, si vobis placet, in
una domo cum extraneis penitus commorari
debeat. »
Le concile III de Carthage (Can. xvn) renou-
vela le canon de Nicée, et expliqua un peu plus
en particulier quelles étaient les personnes
exemptes de soupçon avec qui les ecclésiastiques
pouvaient demeurer. « Ut cum omnibus om-
nino clericis extraneae feminae non habitent,
sed solae matres, avisa , materterae, amibe,
sorores et filiœ fratrum aut sororum, et qua>
cumque ex familia domestica necessitate, etiam
antequam ordinarentur, jam cum eis habita-
bant : vel si lilii eorum, jam ordinatis paren-
tibus, uxores acceperint, aut servis non haben-
tibus in domo, quas ducant, aliunde duccre
nécessitas fuerit. »
Ces deux conciles ont même défendu aux
clercs de visiter les vierges ou les veuves, sans
la permission de Jeurs évêques, et la compagnie
de quelque autre clerc. Le concile lerdeTolède
DU CELIBAT DES RÉNÙFIC1ERS DANS L'ÉGLISE LATINE.
139
('.an. m, xxv) no souffrit point que les lecteurs
même pussent retenir dans leur maison d'autres
que leurs sieurs. Le pape Sirice se contenta
qu'on s'en tînt au canon du concile de Nicée
(Epist. i, c. 1-2;.
XI. Les Pères grecs et latins ont invectivé
avec beaucoup de chaleur contre ces femmes
étrangères, qu'on appelait aussi Agapètes,
comme si ce n'eût été qu'un amour spirituel.
Les commencements en avaient été tels. Nous
avons dit que saint Basile menaça de l'excom-
munication le prêtre Parégoire, tout septuagé-
naire qu'il était, et le suspendit de toutes ses
fonctions, jusqu'à ce qu'il eût mis hors de sa
maison celle qui le servait. Saint Chrysostome
lit plusieurs discours contre ces Agapètes, et les
arracha enfin de la maison des clercs.
Saint Jérôme a parlé 'de cet abus avec plus
de zèle et plus d'aigreur que tous les autres.
« t'nde in Ecclesias Agapetarum pestis introiit?
Unde sine nuptiis aliud nomen uxorum? Imo
unde novum concubinarum genus? Plus infe-
ram, undo meretrices univirae? Eadem domo,
uno cubiculo stc-peuno tenentur lectuloet suspi-
ciosos nos vocant, si aliquid extimemus. Frater
sororem virginem deserit , cœlibem spernit
germanum, fratrem quœritextraneum. Etcuni
in eodem proposito esse se simulent, quaerunt
alienorum spiritale consortium, ut domi ha-
beant carnale commercium (Epist. xxu ad
Eusto.). »
XII. Le grand et admirable saint Augustin
prit des mesures bien plus étroites, dans une
matière si délicate, que celles qui avaient été
prescrites par les conciles : il ne laissa jamais
entrer, encore moins habiter de femme dans
sa maison épiscopale, non pas môme sa sœur
quoique consacrée à Dieu, ni ses cousines, ni
ses nièces. Il disait que si ces personnes si pro-
ches sont hors d'atteinte et hors de soupçon,
les autres femmes qui les visitent, ou qui les
servent, ne le sont pas. Il ne reçut jamais' de
visites de femmes, il n'en fit jamais sans se
faire accompagner de quelques ecclésiastiques.
Il ne visita que dans l'extrême nécessité les
monastères des filles. Enfin ilsuivit fidèlement
la maxime du grand saint Ambroise, de ne se
mêler jamais de marier qui que ce fût.
Possidius en parle ainsi : « Feminarum intra
domum ejus nulla unquam conversata est ,
nulla niansit, née quidem germana soror, quae
vidua Deo servions, multo tempore usque in
diem obitus sui praepositaancillarum Dei vixit.
Sed neque patrui sui filiae et fratri sui
filiae quae pariter Deo serviebant. Quas per-
sonas sanctorum episcoporum concilia in ex-
ceptis posuerunt. Dicebat vero, quia et si de
sorore et neptibussecuni commorantibus nulla
nasci possit mala suspicio ; tanicn quoniam
illae personre, sine aliis secuin manentibus
feminis esse non possent, et quod ad eas
etiam a.Yuv deforis intrarent, de iis posse oll'en-
diculum, aut scandalum infirniioribus nasci,
etc. Et si forte ab aliquibus feminis ut vido-
retur, et salutaretur, rogabatur, nunquam
sine clericis teslibus ad eas intrabat, vel soins
cum solis nunquam est locutus, nisi secre-
torum aliquid interesset , etc. Feminarum
monasteria nonnisi urgentibus necessitatibus
visitabat. Servandum quoque referebat quod
in institutis sanctœ memoriœ Ambrosii compe-
rerat, ut uxorem cuiquam nunquam posceret
(Cap. xxvi, xxvn). »
XIII. Il faut ici remarquer que les sous-dia-
cres ont été ou liés, ou dispensés de la loi de
la continence, selon qu'en diverses Eglises ils
approchaient ou n'approchaient point des au-
tels et des vases sacrés. Outre les lettres du
pape saint Léon ci-dessus alléguées, qui le di-
sent ouvertement, voici un canon du concile II,
do Carthage (Can. n), qui le dit nettement,
« ut condecet sacrosanctos antistites et Dei sa-
cerdoles, necnon et levitas, vel qui sacramen-
tis divinis inserviunt, continentes esse. Omni-
bus placet ut opiscopi, presbyteri et diaconi,
vel qui saeramentacontrectantpudicitiœ custo-
des, etiam ab uxoribus se abstineant. » C'est-à-
dire que dans les lieux et dans les temps que
les snus-diacres servaient à l'autel, on les obli-
geait au célibat, ou on les en dispensait quand
ils ne servaient jamais à l'autel.
C'est ce qui a fait cette grande variété au su-
jet du célibat dessous-diacres. Les papes Sirice
et Innocent les en avait dispensés. Léon I" les
y obligea; il ne fut pas obéi. Saint Grégoire
recommença à leur imposer la loi de la conti-
nence : son décret n'eut pas de vigueur, puis-
que les conciles tenus à Rome sous Grégoire II,
nous apprennent qu'à Rome même on n'exi-
geait pas le célibat des sous-diacres.
Le concile de Vannes, en 453, déférant peut-
être à la docrétale nouvelle du pape Léon, sup-
pose qu'ils y étaient obligés. Nous avons déjà
montré que cela n'avait pas lieu dans le reste
de la France ; le concile de Tours, tenu en 401 ,
est contraire a celui de Vannes.
1 10
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DEUXIÈME.
XIV. Ce concile, qui ne s'arrête pas même
aux sous-diacres, mérite une seconde remar-
que, a Presbyteri, diaconi atque subdiaconi,
vel deinceps quibus ducendi uxores licentia
non est. » On pourrait entendre les moines par
ce terme vel deinceps. Mais ce concile (Can. h)
ne serait pas le seul qui aurait étendu l'obli-
gation du célibat au-delà même des sous-dia-
cres. Le concile d'Elvire impose la nécessité,
« omnibus clericis positisin ministerio, » selon
une édition.
Le concile III de Carthage (Can. xxxm) oblige
les lecteurs, quand ils ont atteint l'âge de pu-
berté, ou de se marier, ou de vouer la conti-
nence. « Ut lectores cum ad annos pubertatis
venerint, cogantur aut uxores ducere, aut con-
linentiam profiteri. »
Le concile V de Cartbage (Can. xix) n'obli-
gea que les trois ordres majeurs au célibat ;
mais il ne désapprouva pas la coutume des
Eglises qui donnaient plus d'étendue a cette
obligation, « Cœteros clericos ad hoc non cogi,
scd secundum uniuscujusque Ecclesia? consue-
tudinem observari debere (Can. m). »
Le concile de Calcédoine (Can. xiv) témoi-
gna que toutes les Eglises ne permettaient pas
aux clercs mineurs de se marier. « Quoniam in
quibusdam Ecclesiis concessum est lectoribus
et psalmistis uxores ducere. »
Ce concile général a donc jugé plus à propos
de ne pas toucher aux règles et aux usages par-
ticuliers de chaque Eglise ; quoiqu'il y eût cer-
tains points essentiels de discipline qui de-
vaient être universellement observés dans toutes
les Eglises et quoique les usages aient changé
en différents temps, il en est néanmoins qui
ont toujours été observés par tous les fidèles.
CHAPITRE SOIXANTE-DEUXIEME.
DU CELIBAT DES CLERCS EN FRANCE, AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET IllITIÈME SIÈCLES.
I. Règlements et précautions admirables du concile d'Aile
sur la continence des clercs. Ils avaient des appartements sé-
pares de ceux de leurs femmes. Si les clercs mineurs déjà or-
donnés pouvaient après cela se marier.
II. Confirmation des mêmes règlements par d'autres conciles.
Si les sous-diacres étaient obligés au célibat. Pourquoi on se
contentait de dégrader les clercs sacrés qui se mariaient.
III. Nouvelles précautions du concile II de Tours : le célibat
des sous-diacres, précautions pour les moines mêmes.
IV. Autre règlement pour le célibat des sous-diacres, qui ne
fut pourtant pas universellement gardé dans la France pendant
ces deux ou trois siècles.
V. Admirables histoires de Grégoire de Tours touchant la
continence des évèques.
VI. Elle était encore plus munie que celle des autres clercs,
contre les tentations et conlre la calomnie.
Vil. Chute de Genebaud ; précaution merveilleuse de saint
Césaire.
I. Le concile d'Agde renouvela les décrétâtes
de Sirice et d'Innocent contre les prêtres et les
diacres qui voudraient rentrer dans le com-
merce conjugal avec leurs femmes : « Si dia-
coni aut presbyteri conjugati ad thorum uxo-
rmn suarum redire voluerint. »
Il défendit généralement à tous les clercs
d'habiter dans la même maison avec des fem-
mes étrangères, ou de les fréquenter chez elles,
« Nullus clericorum extraneœ mulieri qualibet
consolatione aut familiaritate jungatur, et non
solum in domo illius extranea mulier non ac-
cédât, sed nec ipse frequentandi ad extraneam
mulierem habeat potestatem (C. ix, x, xi). »
Il ne leur permet d'habiter qu'avec leur
mère, leur sœur, leur fille, leur nièce, parce
que la sainteté de ces seuls noms est capable
d'empêcher tous les désordres et de prévenir
tous les mauvais soupçons, « de quibus nomi-
nibus nefas est aliud quam natura constituit
suspicari. » Ce sont les termes du concile de
Nicée.
Et parce que ni les clercs, ni leurs plus pro-
ches parentes ne peuvent pas se passer du ser-
vice des femmes esclaves ou des affranchies,
ce concile les bannit de l'appartement des
clercs. « Ancillas vel libertas a cellario, vel a
secreto ministerio , et ab eadem mansione
DU CÉLIBAT DES CLERCS EN FRANCE.
LU
in qna clericus manet, placuit removen. »
Le célibat n'était donc encore prescrit qu'aux
diacres et aux ordres supérieurs. Que si des
jeunes gens déjà mariés se présentaient pour
recevoir le diaconat, avant que de les ordon-
ner, l'évêque leur faisait promettre la conti-
nence à eux et à leur femme, et les obligeait
de prendre des appartements séparés dans la
même maison. « Si conjugati juvenes consen-
serint ordinari, etiam uxorum voluntas ita re-
quirenda est, ut sequestrato mansionis cubi-
culo, religione prsemissa, posteaquam conversi
fuerint, ordinentur ilbid., c. xvi). »
Mais quoique les sous-diacres et les autres
clercs inférieurs ne fussent pas obligés à la
continence avec celles qu'ils avaient épousées
avant leur ordination, ils ne pouvaient pas
néanmoins se marier, au moins ils ne le pou-
vaient pas tous, s'ils étaient déjà ordonnés. Ce
concile le dit clairement en leur défendant de
se trouver aux noces des séculiers , parce
qu'eux-mêmes n'en peuvent pas contracter.
« Presbyteri, diacones, subdiacones, vel dein-
ceps quibus ducendi uxores licentia non est,
etiam alienarum nuptiarum évitent convivia
(Ibid., c. xxxix). »
Il fallait donc, ou que le mariage fût abso-
lument interdit à tous les clercs mineurs après
leur ordination, quoique l'usage de leur ma-
riage précédent leur fût libre, ou que, confor-
mément aux canons d'Afrique, on obligeât les
clercs mineurs à un certain âge, ou de se ma-
rier, ou de faire vœu de continence.
Enfin, la raison que le concile donne de ce
dernier article, qui défend aux clercs d'assister
aux festins des noces, se peut étendre à tous
les points précédents de la chasteté si néces-
saire aux ecclésiastiques, par le rapport qu'ils
ont tous à la divine et virginale hostie qui est
immolée sur nos autels. « Ne auditus et obtu-
tus sacris mysteriis deputati, turpium specta-
culorum atque verboruni contagioue polluan-
tur. a
IL Le concile d'Epaone (Can. xx) défend à
tous les ecclésiastiques, absolument, de visiter
des femmes après midi, supposant apparem-
ment que la matinée a été employée aux of-
fices et aux lectures ecclésiastiques , et leur
permettant néanmoins de les voir dans la né-
cessité, pourvu qu'ils soient accompagnés d'au-
tres ecclésiastiques. « Episcopo, presbytero,
diacono, vel cœteris clericis, horis prœteritis,
id est, meridianis vel vespertinis ad feminas
prohibemus accessum. Quce tamen si causa
fuerit , cum presbyterorum aut clericorum
testimonio videantur. »
Le concile II d'Orléans (Can. vin) dégrade le
diacre qui , étant emmené captif, s'est laissé
forcer au mariage, et ne lui rend la commu-
nion qu'après avoir fait pénitence.
Le concile de Clermont (Can. xm, xvi), dit
que le prêtre et le diacre deviennent par leur
consécration les frères de celles dont ils étaient
les maris, « uxoris prius sune frater illico effi-
ciatur ex conjuge, « et qu'ils ne peuvent plus
sans un inceste abominable avoir leur compa-
gnie : « Incesti quodammodo crimine clarum
decus sacerdotii violasse. »
Enfin ce concile renouvelle le canon des
conciles de Nicée et d'Agde, pour ne pas souf-
frir dans la maison des clercs majeurs d'au-
tres femmes que leur aïeule, leur mère, leur
sœur ou leur nièce ; et pour bannir de leur
appartement toute sorte de femmes. « In cubi-
culo etiam horum atque cellario, vel familiari
quolibet servitio, neque sanctimonialis ulla,
neque extranea mulier , neque ancilla ullo-
modo admittalur. » Voilà ce que ce concile
ordonne à l'évêque, au prêtre et au diacre.
Le concile III d'Orléans (An. 538, can. iv)
renouvelle tous ces statuts pour défendre l'ha-
bitation des femmes étrangères dans la maison
des ecclésiastiques , et il ne se contente pas,
comme les autres conciles déjà cités, de décla-
rer les évêques punissables s'ils n'en punissent
les infractions; il déclare encore que les évê-
ques doivent être punis par leurs métropoli-
tains, et les métropolitains par les évêques de
leurs provinces assemblés, s'ils manquent à
ces devoirs. Mais ce que ce concile a de plus
singulier, est qu'il comprend les sous-diacres
dans la loi du célibat. « Nullus clericorum, a
subdiacono et supra, qui uxores in proposito
suo accipere inhibentur, propria? si forte jam
habeat, misceatur uxori. Quod si fecerit, depo-
natur (Can. u, vu). »
Si les clercs majeurs se marient, ce concile
les dépose, et même il les excommunie s'ils
avaient été ordonnés de leur bon gré et sans
faire de résistance. D'où l'on pourrait conjec-
turer que, si l'on se contentait de déposer les
clercs majeurs qui se mariaient après leur or-
dination, c'était parce qu'on les ordonnait sou-
vent contre leur gré.
Le concile IV d'Orléans , célébré en 541
(C. xvu), ne comprit pourtant pas les sous-dia-
U2 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DEUXIÈME.
cres dans l'obligation de la continence, et se
conlenta de séparer les prêtres et les diacres du
lit et de la chambre de leur femme. « Dt sacer-
dotes, sive diaconi cum conjugibus suis non
habeant communem lectum et cellnlain. ne
propter suspicionem carnalis consortii religio
maculetur. Quod qui fecerinl, regradentur. »
Le concile V d'Orléans, tenu en S 19 Can. iv),
semble renfermer tous les clercs dans les liens
du célibat. « Si quis clericus, post acceptam
benedictionem cujuslibet loci vel ordinis, ad
eonjugalem thorum jam sibi illicitum denuo
redire praesumpserit, deponatur, etc. »
Cette bénédiction n'est peut-être autre chose
que l'imposition des mains; ainsi elle n'en-
ferme que les diacres, les prêtres et les évê-
ques, ou tout au plus les sous-diacres, si les
évêques de France avaient commencé d'impo-
ser les mains aux sous-diacres, selon l'usage
nouveau d'Espagne, dont nous parlerons dans
le chapitre suivant.
III. Mais le concile II de Tours, célébré en 567
(Can. x), est celui qui s'est le mieux expliqué
sur cette matière, car il défend aux sous-dia-
cres et à tous les clercs supérieurs d'avoir des
femmes étrangères dans leurs maisons, et elles
sont toutes étrangères pour eux, si elles ne
sont ou leur mère, ou leur fille, ou leur sœur.
El pour ce qui est de leur service, les canons
leur prescrivant de travailler de leurs mains,
ne leur ont pas permis d'être servis par d'au-
tres personnes.
« Xnllus deinceps clericorum pro occasione
necessitatis, aut causa ordinandse domus, ex-
traneam mulierem in domo sua babere prœ-
sumat. Et cum jubeamur victum aut vestitum
artiflciolo quaerere, et propriis manibus labo-
rare, quid opus est in domo serpentem inclu-
dere. Nullus ergo clericorum, non episcopus,
non presbyter, nondiaconus, non subdiaconus,
quasi sanctimonialem aut viduam, velancillam
propriam pro conservatione rerum in domo
sua stabilire praesumat; quae et ipsa extra-
nea est. dum non est mater, aut soror, aut
filia. »
Quant à celles qu'ils avaient épousées avant
leur ordination, elles devaient vivre dans un
appartement séparé, et l'évêqùe surtout, de-
vait donner exemple aux autres ecclésiastiques
par l'éloignement de l'appartement de sa
femme, et par la compagnie des clercs, qui ne
devaient jamais l'abandonner, non pas même
dans son cabinet; et à qui ce concile donne le
pouvoir de chasser les femmes de la maison
de l'évêqùe.
« Episcopus coDJugem ut sororem habeat, etc.
Et licet clericorum suorum teslimonio castus
vivat, quia cum illo tam in cella, quam ubi-
cumque fuerit, sui habitent, eumque presby-
teri et diaconi vel deinceps clericorum turba
juniorum Deo aulore conservent; sic tamen
tam longe absint mansionis propinquitate di-
visi. ut nec hi qui ad spem recuperandam cle-
ricorum servitute nutriuntur, famularum pro-
pinqua conlagione polluantur. » Et ensuite :
« Episcopum episcopam non habentem, nulla
sequatur turba mulierum, etc. Cîerici qui epi-
scopo serviunt, et eum custodire debent, ha-
beant licentiam extraneas mulieresde frequen-
tia cobabitationis ejicere (Can. xu. xui). »
Enfin, pour mettre les clercs au-dessus des
soupçons et de la médisance des séculiers qui
croient facilement des autres ce qu'ils savent
d'eux-mêmes, et pour se flatter dans leurs cri-
mes, ne veulent pas croire que les autres soient
meilleurs qu'eux, ce concile (Can. xiv) ordonne
que les ecclésiastiques ne coucheront jamais
deux ensemble dans le même lit. « Ne occasio
famam laceret honestalis. quiâ luici, hoc quod
de se sciunt, in aliis suspicantur, etc. Nullus
sacerdotum ac monachorum colligere alium in
leclo suo prœsumat. »
Il ordonne aux moines découcher tous dans
un même dortoir, sans aucune cloison qui sé-
pare leurs lits, que l'abbé ou le vicaire y pré-
side, et qu'il y ait toujours deux ou trois reli-
gieux qui y veillent et lisent. « Ut dum duo vel
très vicissim legant et excubent, alii consolen-
tur; ut non solum sit custodia corporum, sed
et surgat pro lectione assidua profectus anima-
ru m. »
Ce concile Can. xix) comprend les sous-
diacres dans la nécessité du célibat, les excom-
muniant et les déposant, aussi bien que les
clercs majeurs, s'ils sont surpris dans l'incon-
tinence, o Si inventus fuerit presbyter cum sua
presbytera. aut diâconus cum sua diaconissa,
aut subdiaconus cum sua subdiaconissa, etc. »
Et parce que, dans les villages, la demeure
des femmes dans la même maison des clercs
leurs maris, donnait lieu aux soupçons et au
crime même, la précaution de ce concile fut :
que les archiprètres des paroisses seraient tou-
jours accompagnés et veillés d'un de leurs
clercs, et que les curés et les autres clercs ma-
jeurs feraient coucher leurs serviteurs dans
li[' CÉLIBAT IIKS CLEUCS EN FRANCE.
I '.:;
l'appartement de leurs femmes; et pour eux,
ils auraient une chambre à pari pour 5 prier et
pour v dormir seuls.
« Lnus lector canonicorum suorum, aut cer-
tus aliquîs de aumero clericorum cum archi-
presbytero ambulet, et in cella ubi ille jacet,
lectum habeat pro testimonio. Reliqui presby-
teri et diaconi et subdiacoui vicani, hoc studio
se custodiant, ut mancipiola sua ibi maneant ,
ubi uxores suae : illi tamen segregatim solitarii
in cella jaceaut, et oient et dormiant. »
IV. Le synode d'Auxerre (Can. xx, xxi, xxn)
commande la continence aux sous - diacres
mêmes après l'ordination : « Post acceptam
benedictionem, » leur défend de coucher dans
le même lit avec leur femme. « Non licet pre-
sbytero post acceptam benedictionem in uuo
lecto cum presbytera sua dormire, nec diacono,
nec subdiacono. » Enfin, il ne permet pas
même aux veuves des clercs majeurs de se
remarier.
Le concile Ier deMàcon 'Can. m, xi, 1 , défend
à l'évêque d'admettre aucune femme dans sa
chambre, s'il n'est accompagné de deux prêtres
ou de deux diacres. Il y a quelque doute s'il
étend aux sous-diacres la loi de la continence,
par ces termes : «Episcopi, presbyteri, vel uni-
versi honoratiores clerici. » Il y a apparence
que ce n'était encore qu'une loi et une pratique
flottante.
Le concile III de Lyon (Can. 1) ne les y
comprend pas. « Si quicumque uxoribus juncli
ad diaconatus, aut presbyteratus ordinem, quo-
quo modo pervenerint, non solum lecto, sed
etiani frequentatione quotidiana debeant de
uxoribus suis sequestrari. »
Je ne sais même si l'ordonnance du pape
saint Grégoire, pour le célibat des sous-diacres
fut fidèlement exécutée, ou longtemps observée
clans les désordres qui enveloppèrent peu de
temps après l'Eglise, aussi bien que l'Etat en
France et en Allemagne. Ce qui est certain,
c'est que l'apôtre d'Allemagne, Boniface, dans
sa lettre au pape Zacharie, et ce pape même
dans sa réponse, ne se plaignent que de l'incon-
tinence des diacres, et ne font aucune mention
des sous-diacres (Zachar., ep. 1).
V. Grégoire de Tours parlant du successeur
de saint Austremoine, évêque de Clermont, qui
était un illustre sénateur, dit qu'il se sépara
d'abord de sa femme, mais qu'enfin elle vint
dans la maison épiscopale; elle le séduisit,
comme une autre Eve, et en eut une fille.
L'évêque reconnut sa faute, se retira dans un
monastère, n'en revint qu'après 5 avoir l'ail
pénitence, et lit entrer la fille en religion.
" Uxorem habens qua; juxta consuetudinem
ecclesiasticam , remota a consortio sacerdo-
tis, etc. Nova Eva pergit ad domum ecclesiae
per tenebras noctis, etc. Tardius ad se reversus,
et de perpetrato scelere condolens. acturus pœ-
nitentiam, diœcesis sua' monasterium expeliit,
ibique cum gemitu ac lacrymis, quse commi-
serat, diluens, ad urbem propriam est rever-
sus. Nata filia in religione permansit (I,. 1 ,
c. 14). »
Cet évêque avait usé de plus de précautions
que les canons n'en demandaient : il ne laissa
pas de tomber, et de nous apprendre, par sa
chute, combien il a été nécessaire dans la-suite
des siècles de renfermer dans des monastères
celles dont les maris sont élevés aux ordres
sacres.
Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont,
n'avait pas éloigné sa femme de sa maison,
mais sa chasteté fut hors des atteintes de la
médisance, et toutes ses autres vertus furent le
sujet de l'admiration de son siècle, surtout sa
libéralité envers les pauvres, dont Grégoire de
Tours fait ce récit (L. 11, c. 22) : qu'il distri-
buait aux pauvres sa vaisselle d'argent en secret
et à l'insu de sa femme, qui s'en fâchait ,et,
rendant aux pauvres le prix de ce qui leur
avait été donné, fournissait à ce saint prélat
les moyens de réitérer ses pieux larcins.
« Cum esset magnifies sanctitatis, atque ex
senatoribus primis, plerumque nesciente con-
juge vasa argentea auferebat a domo, et paupe-
ribus erogabat. Quod illa cum cognosceret ,
scandalizabatur eum. sed tamen dato egenis
pretiô, species domi restituebat. »
Ce même auteur, parlant ailleurs du frère du
comte de Bretagne, qui quitta son évèché et
reprit sa femme, pour succéder à la comté de
son frère défunt, le traite d'apostat, et assure
que les évêques l'excommunièrent : « Hic apo-
stavit, et demissis capillis, uxorem quam post
clericatum reliquerat, cum regno fratris simul
accepit. Sed ab episcopis excommunicatus est
(L. iv, c. 4). »
Ethérieux, évêque de Lisieux, quoiqu'âgé de
soixante et dix ans, ne laissait pas de faire cou-
cher auprès de lui plusieurs ecclésiastiques,
afin d'avoir autant de témoins et autant d'imi-
tateurs de sa pureté : « In strato suo quievit ,
habens circa lectum suum multos lectulos cle-
U4
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DEUXIÈME.
ricorum (L. vi, c. 36.) » Bodégisille, évêque du
Mans, ne souilla pas son corps, mais son âme,
par les pernicieux conseils de sa femme , dont
l'avarice et la violence le portèrent à d'étranges
excès (L. vin, c. 39).
Siinplicius, évèque d'Autun, après son ordi-
nation, ne se sépara pas du lit de celle qu'il
avait jusqu'alors traitée comme sa sœur, quoi-
qu'elle fut sa femme. « Non passa a stratu pon-
tifias submoveri , etc. (De Gloria Conf. ,
c. lxxvi). » Le peuple s'en scandalisa, et se sou-
leva contre eux la nuit propre de Noël ; mais
enfin il se laissa persuader que ces deux per-
sonnes très-chastes pouvaient être couchées dans
un même lit sans brûler, après qu'il eût vu des
charbons allumés dans leurs robes, sans qu'elles
en fussent consumées.
Enfin, ce même auteur raconte qu'un évè-
que de Nantes ayant séparé sa femme de son
lit, « Cum ad honorera sacerdotii accessisset,
lectulum juxta ordinem institutionis catholicse
séquestrant (Ibid., c. lxxviii), » elle ne le put
souffrir qu'avec une extrême peine : elle en
conçut même de la défiance ; mais enfin elle
revint de son égarement, lorsqu'elle eut vu
sur l'estomac de son mari dormant un agneau
d'une blancheur et d'une beauté céleste.
VI. Quant aux autres clercs, Grégoire de
Tours les avertit d'observer les lois canoniques
L. vin, c. 49), en écartant de leur maison
toutes les femmes étrangères que le concile de
Nicée n'a pas jugées exemptes de soupçon ;
mais il ne vient pas aux détails des violements
qui avaient été faits contre la chasteté cléricale.
Cela nous apprend que les fautes énormes
contre la continence étaient très-rares entre
les évoques, et que les exemples ont pu en être
racontés dans l'histoire.
La sainteté de l'épiscopat, qui est la plénitude
du sacerdoce, les lois de la continence plus
pressantes, et encore mieux établies pour les
évêques que pour les autres clercs, la com-
pagnie des clercs qui les observait continuelle-
ment, la vigilance même des peuples qui
éclairaient de près leurs évêques, et s'infor-
maient de ce qu'il y avait de plus secret dans
leur conduite domestique, étaient autant de
liens indissolubles, pour contenir les évêques
dans les lois d'une exacte continence.
VIL Hincmar, archevêque de Reims, et Flo-
doard après lui, racontent la chute de Genebaud,
évêque de Laon, qui souffrant les visites trop
fréquentes de sa femme, « frequentius se visi-
tare permisit, » en eut enfin un fils qu'il nomma
Latro, et une fille qu'il appella Yulpecula
(Vita S. Remig. per Hincm., c. xli, xlii, etc.).
Si sa faute fut grande, sa pénitence de sept ans
ne le fut pas moins, après quoi les anges mêmes
rompirent la prison et les chaînes où saint
Remy l'avait enfermé.
Saint Césaire ne laissait jamais entrer de
femme dans sa maison épiscopale, pour quel-
que prétexte que ce fût : « Mulieres intra do-
inuiii Ecclesiae, non ad salutandum, non qua-
libet alia causa, née religiosœ, i,ec propinquœ
ancillae, nulla onmino feminarum inlroeundi,
habuit licentiam. Et vere sancta, cauta et per-
fecta consuetudo, ut abscindaturonmis occasio
maligna, sive sinistra suspicio (Surius, die 27
Aug., c. xxxi ; 1. i, c. 31, et 1. u, c. 13). »
Ce saint évèque ayant une fois salué et baisé
la fille d'un esclave qu'on avait travestie en
garçon, en eut de la douleur, quoiqu'elle fût
encore très-petite, et pria Dieu que le baiser
d'un évèque l'éloignàt à jamais du mariage. La
fille mourut peu de jours après, et alla jouir
de l'Epoux des vierges.
DU CÉLIBAT DES CLERCS EN ESPAGNE, EN ITALIE, etc.
■145
CHAPITRE SOIXANTE-TROISIEME.
DU CÉLIBAT DES CLERCS EN ESPAGNE, EN ITALIE ET EN ORIENT, AUX SIXIÈME, SEPTIÈME
ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Pages précautions dos conciles d'Espagne, pour munir la
continence des clercs, et écarter les femmes de leurs maisons.
II. Les clercs mineurs prdmetlenl la continence à l'âge de
dix-huit ans. Les sous-diacres sonl engagés à la continence.
III. Le clergé des hérétiques n'él lil pas lidèle au célibat.
IV. V. On commence de séparer de leurs femmes les clercs
sacrés, el de faire promettre le célibat aux sous-diacres, après
leur avoir fait loucher les vases sacrés, et leur avoir fait l'im-
position des mains.
VI. Les enfants des clercs majeurs déclarés illégitimes, quoique
nés de leur femme légitime.
VIL Les femmes bannies de la maison des clercs, excepté la
seule mère.
VIII. En Italie, le pape saint Grégoire commence à obliger les
sous-diacres à la continence. H veut que la propre épouse des
clercs majeurs dans leur maison. Les veuves des clercs majeurs
ne pouvaient pas se remarier.
IX. Ce pape désire que les évèques imitent saint Augustin en
éloignant de leur maison leurs plus proches parentes.
X. Exemple d'un curé.
XI. Lois de Justinien contre les enfants des clercs.
XII. Ceux qui étaient mariés ne pouvaient être évèques.
XIII. Canons du concile in Trullo sur le célibat, contraires à
l'Eglise romaine.
I. L'Eglise d'Espagne ne fut pas moins jalouse
de la pureté inviolable de ses ecclésiastiques.
Le concile de Tarragone (Can. i) ne permet
aux clercs de visiter leurs parentes que dans la
nécessité, nécessitâtes ; rarement et pour très-
peu de temps, céleri salutatione ; eï en la com-
pagnie d'un témoin âgé, sage et irréprochable,
« testem solatii sui fuie et ajtate probatum se-
cum adhibeant. »
Le concile de Gironne, tenu en 517 (Can. vi,
vu), témoigne bien que les sous-diacres mêmes
étaient obligés de garder le célibat, quoiqu'ils
fussent mariés et qu'ils confhmassent d'avoir
leurs femmes dans leurs maisons, quand il
leur ordonne à eux et aux clercs supérieurs
d'avoir toujours un témoin domestique et insé-
parable de leur pureté. « A pontifice usque ad
subdiaconatum, si quis ex conjugatis fuerit or-
dinatus, ut semper alterius fratris utatur auxi-
lio, cujus testimonio \ita ejus debeat clarior
apparere. »
Quant à ceux qui sont ordonnés sans avoir
été mariés et qui ont famille, ils doivent don-
ner à gouverner leur temporel, 'non pas à une
Tu. — Tom. II.
femme , si ce n'est leur mère ou leur sœur,
mais à un ami fidèle. « Non per feminei sexus
personam quameumque, eorum substantia gu-
bernetur, sed per amicum : nisi matrem aut
sororem in domo habuerint, secundum prio-
t'utii canonum statuta. »
II. Le concile II de Tolède (Can. i, m), dé-
clare que ceux qui ont été engagés dans le
clergé dès leur enfance en recevant la tonsure
et l'ordre de lecteur : « De lus quos voluntas
parentum a primis infantia? annis inclericatus
ofticio posuit, cum detonsi mox, ut ministerio
lectorum contraditi fuerint, » lorsqu'ils seront
parvenus à l'âge de dix-huit ans , seront in-
terrogés en présence du clergé et du peuple:
« Coram totius cleri plebisque conspectu. » S'ils
le promettent, après les avoir encore éprouvés
l'espace de deux ans, on les fera sous-diacres
à l'âge de vingt ans : « Subdiaconatus ministe-
rium, probatione habita professionis suœ a vi-
gesimo anno suscipiant. » S'ils choisissent le
mariage on le leur permet, et on leur promet
encore de les admettre aux ordres sacrés si,
dans un âge plus avancé, ils se résolvent de
renoncer aux œuvres de la chair. « Ita ut cum
provectac œtatis in conjugio positi, renuntiatu-
ros se operibus carnis pari consensu sponde-
rint, ad sacros gradus aspirent. »
Ces derniers termes mettent le sous-diaconat
entre les ordres sacrés : aussi la continence en
était inséparable ; et ce concile ne menace de
rien moins que de la dernière excommunica-
tion les sous-diacres et tous les clercs majeurs
qui ne banniront pas de leurs maisons toutes
sortes de femmes.
III. Cette céleste pureté était propre à l'Eglise
catholique, qui n'est la véritable épouse de
J.-C. que parce qu'elle est vierge. Aussi le
concile III de Tolède (Can. v), déplore le mal-
heur des évèques, des prêtres et des diacres,
qui étant rentrés de l'hérésie dans l'Eglise, ont
de la peine à y pratiquer une vertu qu'ils
to
146
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-TROISIÈME.
n'avaient jamais apprise : « Compertum esta
sancto concilie- episcopos, presbytères et dia-
conos, venientes ex lneresi, carnali adhuc de-
siderio, uxoribus copulari. »
Ce concile leur défend très-rigoureusement
ce commerce, leur ordonne d'avoir des lits et
des appartements séparés , et leur conseille
même de se séparer de maison : « Non sub uno
conclavi maneant, et certe si suffragatur virtus,
in aliam domum suam uxorem faciant habi-
tare. »
Enfin il les renvoie au rang des lecteurs s'ils
n'observent la continence. Quant aux anciens
clercs catholiques, le concile permet aux évê-
ques, outre les autres peines canoniques, de
vendre les femmes qu'ils tiendront dans leurs
maisons et d'en donner l'argent aux pauvres :
« Mulieres ipsœ ab episcopis venumdate, pre-
tium pauperibus erogetur. »
IV. Un concile suivant de Tolède (Can. 1), cé-
lébré en 597, ne renferme pas les sous-diacres
dans l'obligation du célibat. Le concile VI de la
même ville (Can. xxvn, xlii, xliii), veut que l'é-
vèque fasse faire profession de continence aux
prêtres et aux diacres qu'il met dans les cures :
aQuando presbyteri vel diacones per parocbias
constiluuntur, oportet eos professionem epi-
scopo suo facere, ut caste et pure vivant. » Il
renouvelle le canon de Nicée pour les femmes
qui peuvent habiter dans la maison des clercs
et celui du concile III de Tolède, pour la
vente de toutes les autres par l'autorité de
l'évèque.
Le concile VIII de la même ville (Can. iv,
V, vi) remontre aux évoques qu'ils sont les yeux
du divin Chef de l'Eglise, qui est J.-C. même,
et qu'ils doivent en avoir la lumière et la pu-
reté : « Cum caput Ecclesia? sitChristus, nie-
rito in membris ejus intentio episcoporum,
officia peragere cernitur oculoruin ; » que si
les prêtres et les diacres souillent la sainteté de
leur ministère , ils doivent les enfermer dans
des monastères pour y faire pénitence, ausque
ad exitum vitae su;e monasteriis deputati, poe-
nitentiœ disciplinis maneant omnino sub-
jecti ; » mais qu'il faut auparavant les éprou-
ver, en séparant de leur compagnie tant leurs
épouses que toute autre sorte de femmes ,
et les renfermant dans des monastères : « Mu-
lieres separentur et monasterio tradantur. »
Ce concile ordonne enfin que, puisque les
sous-diacres couvrent leur honteuse inconti-
nence de ce ridicule prétexte qu'ils n'ont pas
reçu la bénédiction de l'évèque dans leur ordi-
nation ; à l'avenir l'évèque, en les ordonnant,
après leur avoir fait toucher les vases sacrés,
les bénira selon l'ancienne coutume de quel-
ques Eglises, et qu'après cela, s'ils se laissent
aller à des impuretés criminelles on les con-
damnera à faire pénitence dans un monastère
jusqu'à la fin de leur vie.
« Asserentes hoc sibi licere, quia benedi-
ctionem a pontifice se nesciunt percepisse.
Proinde praecipimus, ut cum iidem subdia-
cones ordinantur, cum vasis ministerii, bene-
dictio eis ab episcopo detur ; sicut in quibus-
dam Ecclesiis tradit vetustas antiqua et sacra,
dignoscitur consuetudo. »
V. Ce canon nous fait remarquer trois chan-
gements , qui sont autant de démarches de
l'ancienne discipline vers celle de nos derniers
siècles.
1° Les prêtres, les diacres et les sous-diacres
ne sont plus punis d'une simple dégradation,
ou de la communion laïque; s'ils rentrent opi-
niâtrement dans le commerce conjugal, ils n'en
sont pas même quittes pour être excommu-
niés; on les enferme dans des monastères pour
le reste de leurs jours, afin d'expier par une
sérieuse pénitence l'énormité de leur crime.
i" Les femmes des clercs sacrés sont aussi
envoyées dans des monastères, si elles ont
abusé de l'honnête liberté qu'on leur avait
laissée après l'ordination de leurs maris.
3° Les sous-diacres ne sont plus ordonnés
qu'après avoir promis de garder le célibat, et
avoir reçu, comme le sceau de cette profession,
la bénédiction de l'évèque, c'est-à-dire, si je
ne me trompe, une imposition des mains.
En effet, la bénédiction se donnait en impo-
sant les mains : quoiqu'il faille confesser que
cette imposition des mains sur les sous-diacres
n'était qu'une simple cérémonie, puisque nous
la voyons si nouvelle dans ce concile ; et que si
elle était plus ancienne dans quelques provin-
ces, elle était toujours postérieure au quatrième
concile de Cartilage, qui a distingué si exacte-
ment toutes les ordinations.
Voilà comme le sous-diaconat commençait
à s'élever au rang des ordres sacrés, par l'attou-
chement des vases sacrés, par l'imposition des
mains, et par la continence.
VI. Le concile IX de Tolède (Can. x) com-
mença à décerner des peines contre les enfants
mêmes des évèques, des prêtres, des diacres et
des sous-diacres, nés après leur ordination,
DU CELIBAT DES CLERCS EN ESPAGNE. EN ITALIE, etc.
U7
quoiqu'il? fussent nés de leurs femmes légi-
times : « Vel ex ancillœ , vel ex ingenuae dete-
stando connubio si tilios procreaverint. » La
peine fut de les déclarer incapables de succéder
à leurs malheureux pères et de les condamner
à être esclaves de leur église. « Proies tali nata
pollutione, non solum parentum haereditatem
nusquam accipiat, sedetiam in servi tu tem ejus
ecclesiœ jure perenni manebunt. »
VIL Le concile III de Braga (Cari. v. De
Eccles. Offic, 1. il, c. x) enchérit par-dessus
celui de Nicée, et ne se fiant ni aux sœurs, ni
aux autres proches, il ne permit aux clercs que
la conversation de leur mère dans la même
maison , à moins qu'ils fussent accompagnés
d'autres clercs, « absque honestoetcompetenti
testimonio, excepta sola matre. » Isidore, évo-
que de Séville, assure que les pères avaient fait
promettre la continence aux sous-diacres parce
qu'ils touchent les vases sacrés, « quia sacra
mysteria contrectant. s
VIII. Disons un mot de l'Eglise de Rome, et
puis nous passerons a celle d'Orient. Saint
Grégoire, pape, ne trouva pas bon que son pré-
décesseur eût obligé les sous-diacres de Sicile
de se séparer de leurs femmes, puisqu'on ne
les y avait pas obligés au temps de leur ordi-
nation. « Incompetens videtnr, ut qui usum
continenlise non invenit . neque castitatem
ante promisit, compellatur a sua uxore sepa-
rari [L. i, epist. -4-2; 1. m, epist. 34). »
La coutume ne faisait point encore de loi
pour les sous-diacres, parce qu'elle n'était pas
encore générale . comme nous avons vu , et
comme saint Grégoire même le témoigne en
disant que son prédécesseur n'avait proposé
aux sous-diacres de Sicile la coutume d'am une
autre Eglise que de l'Eglise de Rome, « more
Romanae Ecclesiœ.» Et ailleurs : «Ad similitu-
dinem Sedis Apostolicœ (L. ni, epist. 34). »
Ainsi ce pape ordonne aux évêques de Sicile
de ne plus ordonner de sous-diacres sans leur
faire promettre la continence. « nisi qui se vic-
turum caste promiserit (L. ni. epist. 5), » et
de ne donner le diaconat à aucun des anciens
sous-diacres . qu'après avoir fait une bonne
épreuve de leur chasteté. Il obligea l'évèque
de Rège de faire garder à ses sous-diacres la
même loi qui avait été faite pour ceux de Sicile
(L. i. epist. 50 .
Ce pape défend ailleurs (L. m, epist. 20) aux
prêtres de l'île de Corse de demeurer avec des
femmes, « excepta duntaxat matre, sororc. vel
uxore. quœ caste regenda est. » Ce qui montre
que cette exception de la propre épouse est
sous-entendue dans le canon de .Nicée, confor-
mément au canon apostolique.
Le métropolitain de Cagliari, en Sardaigne,
avait défendu a son archidiacre de souffrir des
femmes dans sa maison; le pape lui écrivit de
le déposer s'il n'obéissait à un commandement
si juste : «Cum mulieribus habitare prohibuisti,
etc. Nisi jussioni tuœ paruerit, eum sacro or-
dine volumus esse privatum (L. in, ep. 31). »
Après la défense du prédécesseur de saint Gré-
goire, un sous-diacre de Sicile avait mieux
aimé faire l'office de notaire que de quitter sa
femme. Après qu'il fut mort sa femme se re-
maria. L'évèque de Catane l'enferma dans un
monastère; le pape l'en fit délivrer, parce qu'il
lui avait été libre de se remarier, puisque son
mari s'était abstenu des fonctions du sous-dia-
conat, et qu'elle n'avait jamais voué la conti-
nence. D'où il faut conclure que les veuves des
clercs sacrés ne pouvaient plus se remarier, et
que si elles le faisaient on les reléguait dans
des monastères.
IX. Le zèle de ce saint pape alla bien plus
avant. Car il manda à huit de ses clercs ou offi-
ciers, distribués en divers royaumes pour la
conservation du patrimoine de l'Eglise romaine,
de veiller sur les évêques, de ne pas souffrir
des femmes dans leurs maisons, « inuna domo
cum mulieribus conversari, exceptis matre,
amita germana, et aliis hujusmodi de quibus
prava non possitesse suspicio (L. vu, epist. 39); »
enfin de les exhorter à ne pas même recevoir
dans leurs maisons ces proches parentes que
les canons permettent , suivant le conseil et
l'exemple du grand saint Augustin, qui ne
voulut pas que sa sœur logeât dans sa maison,
et dit que les autres femmes de la compagnie
de sa sœur n'étaient pas ses sœurs, « quse cum
sorore mea sunt, sorores meœnonsunt;» qu'il
y a de la témérité à ne pas craindre ce que
saint Augustin a appréhendé ; enfin que le
moyen le plus sûr de ne pas se laisser aller
aux choses illicites, est de se priver même de
celles qui sont licites. « Incautaepraesumptionis
est. quod fortis pavet, minus validum non
timere. Sapienter enim illicite superat, qui di-
dicerit etiam non uti concessis. »
Enfin, ce saint pape veut que les évêques
exigent ces mêmes devoirs des clercs sacrés,
« In sacris ordinibus constitutos , » y com-
prenant sans doute les sous-diacres, mais avec
118 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-TROISIÈME.
cette réserve générale qu'ils n'abandonnent pas
leurs propres épouses, qu'ils doivent traiter
comme leurs sœurs. « Hoc tamen adjecto, ut
hi, sicut canonica decrevit autoritas, uxores
quas caste debent regere, non relinquant. » Ce
pape semble ne comprendre pas les évoques
dans cette dernière clause, parce que les lois
de Justinien ne permettaient plus d'élire pour
l'épiscopat ceux qui avaient encore leurs
femmes.
X. Ce grand pape raconte dans ses dialogues
l'histoire d'un très-saint prêtre et curé, qui ne
souffrit jamais les approches, ni le moindre
service de sa femme depuis qu'il eût été or-
donné , parce que les saints s'abstiennent
même de ce qui est permis, pour s'éloigner
d'autant plus de ce qui est défendu : « Habent
quippe sancti viri hoc proprium; nam ut sem-
per longe sint abillicitis, a se pleruinque etiain
licita abscindunt (DiaL, 1. îv, c. 1-2). »
Enfin, ce saint prêtre, après une longue et
violente maladie, étant près de rendre l'âme,
et s'étant aperçu que sa femme s'était appro-
chée pour voir s'il respirait encore, il recueillit
le reste de ses forces mourantes pour en faire
un sacrifice à la pureté, en lui commandant de
se retirer : « Recède a me millier, adhuc igni-
culus vivit, paleam folle. » Les anges vinrent
recueillir cette âme dont la pureté était vrai-
ment angélique.
Je ne dirai plus qu'un mot tiré de ce pape,
qui nous apprend (L. xi, epist. 0-2) que les
épouses des clercs sacrés prenaient d'abord
l'habit de religieuse , « Religiosam mutasse
vestem, » et si après la mort de leur mari elles
en épousaient un autre on les séparait, «et
cum competenti emendatione, qui maie sociati
sunt, disjungantur. »
On distinguait pourtant les femmes des prê-
tres et des diacres d'avec les religieuses. Cela
paraît dans le concile romain, sous Grégoire II,
en 721, où l'on prononce anathème dans trois
canons différents, contre les femmes des prê-
tres, contre celles des diacres et contre les
religieuses qui se marieraient. « Si quis pre-
sbyteram, etc. Si quis diaconam, etc. Si quis
monacham, quam ancillam Dei appellamus, in
conjugium duxerit, anathema sit. » La même
peine devrait être ordonnée contre ceux qui
épouseraient les veuves des sous-diacres, et
néanmoins ce concile n'en dit rien.
Je ne sais si l'on ne pourrait point conjectu-
rer de la (jue la loi du célibat pour les sous-
diacres n'était pas encore bien établie, quel-
ques efforts qu'eût faits le grand saint Grégoire
pour la bien affermir, et pour l'étendre par-
tout.
Cette conjecture est encore appuyée sur le
concile romain, sous le pape Zacharie, en
l'an 743, où l'on fit divers règlements pour
munir la continence, tant des évèques, à qui
on défendit absolument de souffrir aucune
femme dans leur palais, que des prêtres et des
diacres, à qui on ne permit que celles qui ont
été jugées exemptes même du soupçon par le
concile de Nicée; mais on n'y dit pas un seul
mot des sous-diacres. On y condamna aussi les
mariages des veuves des prêtres et des diacres,
aussi bien que des religieuses, sans parler tics
veuves des sous-diacres. Enfin, on y ordonna
que l'évêque, le prêtre et le diacre ne pour-
raient assister à la célébration des saints mys-
tères avec un bâton ou la tète couverte : « Nul-
lus episcopus , presbyter aut diacouus ad
celebrandum missarum solemnia prsesumat
cum baculo introire , aut velato capite altario
Dei assislere, etc.»
Comme on ne parle point encore ici des
sous-diacres, il est fort vraisemblable qu'on ne
les avait pas encore avancés aux fonctions sa-
crées de l'autel, et qu'on n'usait pas encore
d'une rigueur extrême pour leur faire garder-
ie célibat. On peut ajouter à cela le capitulaire
ou la compilation de canons que le pape Za-
charie envoya en France, en l'an 74i, où dans
l'article 11, on n'oblige au célibat que les
évèques, les prêtres et les diacres, selon un
canon des conciles d'Afrique, laissant les au-
tres clercs dans l'usage libre de chaque Eglise.
« Cœteros autem clericos ad id non cogi, sed
secundum uniuscujusque Ecclesiœ consuetu-
dinem observari debere (Daronius , an. 7 ii,
n. 11). »
XL Je viens à l'Eglise grecque, où l'empe-
reur Justinien, joignant la vigueur des lois à
l'autorité des canons qui ne permettaient le
mariage qu'aux chantres et aux lecteurs ,
condamne les clercs supérieurs qui viendront
à se marier, non-seulement à perdre le rang,
les honneurs, les revenus et les fonctions de
leur ordre et de leur bénéfice, mais .aussi de
voir leurs enfants déclarés illégitimes, comme
s'ils provenaient d'un mariage incestueux.
o Ouales quos leges ex incestis aut nefariis
natos nuptiis definiunt, ita ut neque naturales,
aut nothi, seu spurii intelligantur ; sed pror-
DU CÉLIBAT DES CLERCS EN ESPAGNE, EN ITALIE, etc.
119
sus et undique prohibiti, et successionis geni-
torum indigni : ac née donationem ab illis ca-
pere possint, neque lii, neque lioruin matres,
ne per interpositas quidem personas, sed omni-
bus in hos collatis a Patribus beneficiis, ad
sanctam Ecclesiam, ex qua sunt, qui talia deli-
querunt, revertentibus. »
Voilà comme L'empereur, ajoutant les peines
civiles aux canoniques, déclare ces malheu-
reux enfants incapables de toute succession,
donation ou fidéi-commis, et les met au-dessous
de tous les autres enfants illégitimes. 11 renou-
vela aussi les anciennes lois des empereurs,
pour défendre la demeure des femmes étran-
gères avec les clercs, et il ordonna que l'évêque
fût déposé s'il en souffrait quelqu'une dans sa
maison : « Episcopo nullam mulierem secum
habere permitlitur, sed si liabere probetur, ab
episcopatu dejiciatuf, quo se fecit indignum
(L. i Cod. de episc. et cler., leg. 44, 19). »
XII. Cet empereur défendit d'élire à l'épisco-
pat les personnes mariées, quelque mérite
qu'on piit alléguer : « Nulli permittentes uxo-
rem habenti talem imponi ordinationem, ne et
ipse cœdat saeerdotio, et ordinantem similiter
excludi procuret. »
Il renouvelle encore ailleurs la même dé-
fense (Novell, vi, Nov. cxxiu, c. 1, li, 29), et
oblige les évoques de n'ordonner jamais de
diacre on de sous-diacre qui n'ait point de
femme, sans lui faire promettre de vivre chas-
tement, et de ne jamais se marier. « Non va-
lente eo qui ordinat, in tempore ordinationis,
permittere diaconum aut subdiaconum post
ordinationem nxorem accipere (Balsamon, in
iv Can. Apostolicum). »
Enfin, cet empereur ne permet aux clercs
que la conversation des femmes marquées dans
le canon du concile de Nicée, mais il défend
absolument aux évoques d'en avoir aucune
dans leur maison. « Episcopum vero nullam
penitus mulierem habere, aut cum ea habitare
permittimus. »
Ces lois montrent que depuis longtemps, ou
même que de tout temps les évêques étaient
obligés au célibat, même dans l'Orient. Ainsi
Balsamon a tort d'attribuer cela au concile in
Trullo. En effet, toutes les sectes des chrétiens
orientaux font garder le célibat à leurs évê-
ques, et ne les prennent à cause de cela que
d'entre les moines.
XIII. Le concile in Trullo (Can. m, xn, xui),
permet le mariage avant l'ordination des prê-
tres, des diacres et des sous-diacres, mais après
l'ordination il ne le permet qu'aux chantres et
aux lecteurs, conformément au canon aposto-
lique; il défend aux évêques d'Afrique, de Ly-
bie, et de quelques autres provinces, de demeu-
rer avec leurs femmes, puisque les peuples en
étaient scandalisés. Mais ce concile se porta à
un grand excès, quand il invectiva contre la
nécessité que l'Eglise latine impose aux prêtres
et aux diacres, de s'abstenir de la compagnie
des femmes qu'ils avaient épousées avant leur
ordination.
Mais c'est l'ordinaire, les faibles ont beau-
coup de peine à souffrir la vertu des forts, et
les forts ne font jamais mieux paraître la gran-
deur de leur âme, qu'en souffrant et épargnant
la faiblesse des autres. L'Eglise latine souffrait
avec patience et avec charité l'incontinence des
Grecs, et les Grecs ne pouvaient souffrir l'exacte
pureté des Latins. Ils crurent même faire grâce
aux prêtres des provinces barbares, en leur
permettant de vivre en continence avec leurs
femmes, pourvu qu'ils les écartassent de leurs
maisons (Can. xxx). En quoi ils contrevenaient
évidemment aux termes formels du canon
apostolique.
Le meilleur règlement de ce synode fut d'en-
fermer, dans un monastère bien éloigné de
levèehé, celles dont les maris parleur consen-
tement auraient été ordonnés évêques, ou de
les ordonner elles-mêmes diaconisses, si leur
vertu répondait à cette dignité (Can. xlu).
Ces canons montrent bien en passant que la
loi de Justinien de n'élire point d'évêques qui
fussent mariés, n'avait plus de vigueur; mais
on avait remédié par une autre voie aux désor-
dres qu'il appréhendait.
d50 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE SOIXANTE-QUATRIÈME.
CHAPITRE SOIXANTE-QUATRIÈME.
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERS SOIS L'EMPIRE DE CHABLEMAOE.
I. Les conciles et les ordonnances synodales commencent à
défendre aux clercs supérieurs la cohabitation de leurs proches
parentes dans la même maison, quoique le concile de Nicée l'eût
permise.
II. La peine des crimes d'impureté était la dégradation et la
perte de tous les biens.
III. Comme il était très-difficile de prouver ces crimes, le
pape et l'Eglise gallicane résolvent défaire le procès aux prêtres
convaincus d'une conversation trop fréquente avec des femmes.
IV. Nouvelles défenses d'habiter avec ses plus proches pa-
rentes mêmes.
V. Les clercs mineurs obligés à la profession du célibat après
l'âge de puberté.
VI. Relâchements des nouveaux Grecs, même après leur ordi-
nation. Explication du canon du concile de Nicée.
VII. Les Grecs nouveaux reconnaissent que l'Eglise a pu né-
cessiter les évèques au célibat. Ils auraient dû reconnaître la
même chose des prêtres et des diacres.
VIII. Les Grecs confessaient que dans les pays nouvellement
convertis, le célibat des clercs était nécessaire. Conséquence de
ce principe.
IX. Après l'ordination d'un évèquc, sa femme doit faire pro-
fession dans un monastère.
X. Diverses remarques sur Balsamon et Zonare.
I. Après avoir établi ci-dessus la nécessité de
la continence dans les ordres supérieurs, nous
allons faire ici connaître la vigilance infatigable
des canons pour faire observer cette loi si sainte,
et les précautions nouvelles qu'on a prises de
temps en temps pour en faciliter l'observance.
Le concile de Nicée avait permis aux prêtres
de pouvoir loger dans la même maison avec
leur mère, leur sœur et avec leurs autres pa-
rentes, dont la proximité du sang était capable
d'écarter tous les soupçons désavantageux.
Néanmoins Tliéodulphe, évêque d'Orléans, con-
sidérant avec saint Augustin qu'à l'occasion de
ces proches parentes, plusieurs autres femmes
pouvaient fréquenter la maison du prêtre, et
nuire ou à sa pureté, ou à sa réputation, il
bannit absolument toutes les femmes de la
maison des prêtres.
« Nulla femina cum presbytero in una
domo habitet. Quamvis enim canoncs matrem
et sororem hujusmodi personas , in quibus
nulla sit suspicio, cum illo habitare concédant .
hoc nos modis omnibus ideirco ainputamus,
quia in obsequio sive occasione illarum, veniunt
aliœ femina? , quœ non sunt ci a f fini ta te con-
juncta?, et cum ad peccandum illiciunt (Capi-
tulais Theod., c. xn). »
Le capitulaire des évèques (Cap. xv), en
l'an 802, fit la même défense en général aux
prêtres : « Nec in sua doino, in qua habitat
sacerdos, ullam mulierem unquam babitare
permittat. » Il leur défendit en même temps la
familiarité de toutes les femmes qui ne sont
pas leurs parentes : « Ut nullus sacerdos extra-
nearum mulierum habeat familiaritatem. »
Le concile II de Reims, célébré en 813
(Can. xxvni), souffrit ce que le concile de Nicée
avait permis. Le concile II, d'Aix-la-Chapelle,
tenu en 836 (Can. xi), ne voulut plus permettre
cette condescendance. Le concile de Meaux,
de 845 (Can. xvi), conjura les rois qui loge-
raient en passant dans les évêchés , d'avoir
égard à la sainteté du palais épiscopal, « pro
sanctitate ordinis episcopalis, » de n'y point
attirer avec eux les femmes, « Habitaculis epi-
scopalibus reverenter inhabitet, et non diver-
soria feminarum magniticentia sua et religio
venerabilis ibidem fieri permittant. »
Si les canons défendent aux femmes l'entrée
de la maison de toutes sortes d'ecclésiastiques,
à plus forte raison le palais de l'évêque, qui est
comme le temple de la chasteté, doit être fer-
mé à tout le commerce des personnes mariées.
« Quia si secundum leges canonicas in mansio-
nes clericorum introitus feminarum prohiben-
tur, quanto magis domus episcopi ah hujus-
modi inhabitatione et conversatione, etiam et
a legitimo connubio conjugatorum débet im-
munis esse et aliéna. »
Enfin, le concile de Nantes (Can. m), rétablit
l'ancienne sévérité, en révoquant la loi de con-
descendance, plutôt tolérée qu'autorisée par le
concile de Nicée : « Sed nec illas feminas,
quas canones concedunt, sacerdos in domo sua
habeat, matrem, amitam, sororem, quia insti-
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERS SOUS CHARLEMAGNE.
1S1
gante diabolo etiam in illis seelus fréquenter
perpetratum reperitur, aut etiam in pedisse-
quis illarum. »
Si l'assistance du prêtre est absolument né-
cessaire à quelqu'une de ses proches parentes,
il doit la loger dans une autre maison éloignée
de la sienne, et étendre jusque-là les influences
de sa charité : « Habeat in villa aut in vico do-
mum, longe a presbyteri conversatione (L. vu,
c. 291). » Ce même canon se trouve dans les
capitulaires de Charlemagne.
II. Comme les crimes d'impureté sont ordi-
nairement ensevelis dans les ténèbres, le con-
cile de Trosley, tenu en 909 (Can. ix), ne voulut
pas qu'on en fît aucunes recherches contre les
curés dans leurs paroisses : « De concubitu
presbyteroruin eu m feminis per parochianos
vel vicinos cujuscumque presbyteri inquirere
non laboramus. » Ils cachent leur crime, non-
seulement par la honte qui l'accompagne, mais
par l'appréhension de la peine inévitable qui le
suit, d'une dégradation sans ressource, et de la
perte de tout ce qu'ils ont de biens temporels.
« Scil se non soluin .ecclesiasticum gradum
amittere, sed et sua quœlibet in saeculo per-
dere. »
Le concile ordonne donc de faire des infor-
mations de la fréquentation des prêtres avec
les femmes, et s'ils en sont convaincus, ou s'ils
l'avouent, de les déposer sans retour. « Tan-
tummodo de accessu et frequentatione ac coha-
bitatione presbyterorum contra canonicum
interdictum cuni feminis per taies homines
inquiremus, etc. Et si quicumque presbyter
confessus, vel legali ac regulari judicio fuerit
convictus, sine gradus sui restitutione depone-
tur. »
III. Charlemagne témoigne dans ses Capitu-
laires qu'au temps du roi Pépin et de ses pré-
décesseurs, cette difficulté avait été souvent
agitée, touchant les curés suspects et même
diffamés, qu'on ne pouvait néanmoins con-
vaincre , sans qu'on eût pu entièrement la
résoudre. « Hoc sœpissime a nobis, et proge-
nitoribus atque antecessoribus nostris saepe
ventilatum est, sed non ad liquidum hactenus
definitum (L. v, c. 33, 34). »
Cet empereur envoya consulter le pape Léon
sur cette question, et cependant il enjoignit
aux évêques de son royaume d'y chercher tous
les éclaircissements possibles, afin de se joindre
au pape, et de terminer heureusement celte
affaire : « Vos vicissim tractate attentius, quid
ex lus vobiscum constituamus, una cuni pne-
dicti sancti Patris institutionibus. »
Enfin, la résolution fut prise de l'avis com-
mun el du consentement du pape, des patriar-
ches et des évêques orientaux , de ceux de
l'Occident, et surtout de la France, des prêtres,
des diacres et des conseillers d'Etat entre les
laïques : ce que j'ai cru devoir remarquer en
passant, pour faire voir de quelle manière ces
difficultés se résolvaient en ce temps-là.
« Consultu domni et Patris nostri Leonis
apostolici , caeterorumque Komanœ Ecclesiae
episcoporum et reliquorum sacerdotum, sive
Orientalium et Graeorum patriarcharum , et
multorum sanctorum episcoporum et sacerdo-
tum , neenon et nostrorum episcoporum ,
omniumque cœterorum sacerdotum ac levita-
rum autoritate et consensu : atque reliquorum
fidelium, et cunctorum consiliariorum noslro-
rum consultu definitum est, etc. »
La résolution fut que, selon les canons on
examinerait les accusateurs et les témoins qui
déposeraient contre les prêtres ; que si leur
nombre et leur poids était suffisant, on pro-
noncerait contre les prêtres; s'il ne l'était pas,
le prêtre se purgerait par son serment, et par
le serment de trois, de cinq, ou de sept de ses
confrères, ou même d'un plus grand nombre
si l'évêque le jugeait nécessaire, pour remé-
dier aux soupçons et aux défiances des peu-
ples.
IV. Cette décision servit apparemment plu-
tôt à multiplier les parjures, qu'à retrancher
les impudicités. C'est ce qui fit recourir à ce
dernier remède que nous avons rapporté du
concile de Trosley, et qui est emprunté mot à
mot du capitulaire d'Hincmar, archevêque de
Reims. Ainsi il est bien plus ancien que ce
concile, et on commença peut-être d'en user
aussitôt après la mort de Charlemagne. En
effet, Hincmar le rapporte comme un usage
reçu depuis longtemps dans l'Eglise (Hincmar,
tom. i, p. 718, etc.). Il y ajoute les précautions
de Théodulphe, fondées sur les paroles de saint
Augustin, celles qui fréquentent nos sœurs, ne
sont pas nos sœurs ; « Quae cum sorore mea
sont, sorores meœ non sunt, » et sur celles de
saint Grégoire le Grand.
La précaution d'un si grand saint est pour
nous une grande instruction : on ne peut sans
présomption ne pas craindre ce que les plus
forts ont appréhendé; le plus assuré moyen de
ne se laisser point aller aux choses illicites, est
152 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-QUATRIÈME.
de s'abstenir de celles qui sont licites. « Docti
ergo viri cautela, magna nobis esse débet in-
structio. Nam inhonestœ praesumptionis est,
quod fortis pavet, minus validum non timere.
Sapienter enim illicita superabit, qui didicerit
etiam non uti concessis (Gregor. , L. vu ,
ep. 39). »
De là vient que Justinien défend aux clercs
qui ne sont point mariés de souffrir dans leurs
maisons d'autres femmes que celles sur qui
nul soupçon ne peut tomber. « Clericis non
habentibus uxores interdicimus secundum
divinas régulas, etc. (Nov. 125, c. xxix). »
Enfin les canons d'Afrique défendent aux
évêques et aux prêtres de visiter ou de recevoir
les visites des femmes, quelles qu'elles puis-
sent être, s'ils ne sont accompagnés de quel-
ques ecclésiastiques, ou de laïques de probité :
« ubi aut clerici pressentes sint, aut graves ali-
qui Cbristiani. » Ce qui est renouvelé dans
lesCapitulaires de Cbarlemagne (Capitul. 1., vu,
c. 16).
Le même Hincmar a traité ailleurs du même
sujet, et il a fulminé des sentences de déposi-
tion contre des curés convaincus de cette scan-
daleuse fréquentation des femmes (Tom. u,
pag. 820, 821).
Le concile de Mayence, tenu en 888 (Can. x),
sous le roi Arnulphe, interdit absolument aux
ecclésiastiques de souffrir dans leur maison
leurs plus proches parentes ; parce que celles
que le concile de Nicée avait jugées être hors
d'atteinte et de soupçon, ont été pour quelques-
uns un funeste sujet de scandale et de chute.
• « Ita ut quidam sacerdotum cum propriis so-
roribus concumbeiites, fdios ex eis générassent.
Et ideirco constituit hœc sancta synodus, ut
nullus presbyter ullam feminam secum in
domo propria permittat , quatenus occasio
malœ suspicionis, vel facti iniqui penitus aufe-
ratur. »
V. Enfin le concile d'Augsbourg (Can. xi),
célébré en 952, sous le règne d'Otbon 1", sui-
vant les vestiges desanciens conciles d'Afrique,
ne se contenta pas de renouveler la loi du cé-
libat pour les évêques, les prêtres, les diacres
et les sous-diacres; mais il obligea aussi les
autres clercs de faire profession de continence
quand ils seraient parvenus à un âge plus
avancé. « EpiscopuS, presbyter, diaconus, sub-
diaconus, ut in multis conciliis statutum est,
quia ministeria divina contrectant, ab uxori-
bus abstineant. Ca'teri autem cleiici, quando
ad maturiorem a'tatem pervenerint, licet no-
lentes ad continentiam cogantur. »
Le débordement des vices qui régnent le
plus parmi quelques nations, n'a jamais pu ar-
rêter le zèle de l'Eglise pour la pureté de ses
ministres. Aussi voyons-nous qu'on a fait tant
de sages lois, même en Allemagne, pour obli-
ger les clercs à mener une vie conforme à leur
état. Mais on pourrait dire des Allemands ce
que Ratbérius, évêque de Vérone, disait des
Italiens, que s'ils étaient les moins chastes de
tous les ministresde l'autel, cela ne venait que
des continuels excès de vin et de l'usage trop
ordinaire de ragoûts divers, qui ne servent
qu'à allumer et à entretenir le feu impur
d'une brutale concupiscence.
« Quaerat aliquis, curcontemptoivs canoniese
legis, et vilipensores clericorumsintmagis Ita-
lici? Quoniam quidem libidinosiores eos, et
pigmentorum venerem nutrientium frequen-
tior usus, et vini continua potatio, et negligen-
tior disciplina facitdoctorum (Spicileg.,tom.u,
pag. 188). »
Aussi ajoute-t-il que ces ecclésiastiques ne
se distinguent plus des laïques que par une dif-
férence fort légère en leurs habits, par leurs
barbes rasées, et par leur tonsure. « Ut solum-
modo barbirasio, et verticis cum aliquanta ve-
stium dissimilitudine nudo, a ritu distare vi-
deas eos laico. »
VI. Quant aux Grecs, le moine Ratram de
Corbie les pressait peut-être avec un peu plus
de zèle que de discernement, quand il voulait
contraindre absolument tous les clercs à la
continence, par une conséquence tirée du ca-
non ni du concile de Nicée. Comme ce canon
ne permet à aucun ecclésiastique d'admettre
des femmes étrangères dans sa maison , Ra-
tram en infère qu'ils ne pouvaient dune pas
demeurer avec leurs épouses , dont la com-
pagnie est inséparable de celle des autres fem-
mes.
«Nam quisquis uxorem duxerit, non potest,
et prœter uxorem alias etiam mulieresin domo
non habere; quibus uxoria nécessitas et cura
domestica suppleatur. Ubi vero cunctarum in-
terdicilur subintroductio feminarum, preeter
omnino personas, quse careant omni suspicione,
manifestum est quod interdicatur uxoria etiam
copula, qiue nullo modo potest lieri. sine reli-
quarum accessione feminarum (Ibid., pag. 137
Advers. opposita Graec. 1. i, c. 6). »
On pourrait au contraire se défier avec rai-
DU CÉLIBAT DES BÉNÉFICIERS SOUS CHARLEMAGNE.
|.',:t
raison du relâchement visible des Crées dans
le concile VII général, où ils ne bannissent les
femmes que des évêchés et des monastères.
« Feminas eommorari in episcopiis vel etiam
monasleriis omnis est olfensionis materia. »
Il est vrai qu'ils ajoutent la peine de déposi-
tion contre les violateurs opiniâtres de cette loi
(Can.xvn).
Le relâchement des Grecs était allé bien plus
avant. Au lieu qu'auparavant on leur faisait
promettre une éternelle continence avant que
de les ordonner, ou on les obligeait de se ma-
rier avant que de recevoir le sacerdoce ; par
un nouvel abus qu'ils avaient ajouté à cet an-
cien désordre, ils avaient introduit la coutume
de leur donner encore deux années pour pou-
voir se marier après avoir été ordonnés prê-
tres. «Consuetudoquœ in prœsenti obtinet, iis,
quibus matrimonio conjungi in animo est,
concedit, ut antequam uxores duxerint, sacer-
dotes fieri possint, et deinde biennium ad per-
ficiendam voluntatem jungi matrimonio vo-
lenti prœstituit (Léon., Const. m). »
C'est ce qu'en dit l'empereur Léon, qui con-
damna cette licencieuse nouveauté, déclarant
qu'après avoir reçu la consécration du divin
sacerdoce , ils ne pouvaient plus , sans une
extrême indécence, se plonger dans la fange
des voluptés sensuelles, mais qu'ils devaient
s'élever et s'appliquer entièrement aux pures
et chastes délices du ciel.
« Neque enim dignum est, ut qui spirituali
ascensu supra corporis abjectionem et sordes
evecti sunt, ni rursum ad carnis sordes dela-
bantur. Sede diverso ut divinum ministerium
ex corporis sordibus tanquam in altum ali-
quem gradum conscendat , convenientius
fuerit. » Cette constitution se trouve insérée
dans le droit oriental (Tom. i , pag. 481 ,
493).
Ce raisonnement de l'empereur Léon n'a
guère moins de force pour séparer les clercs
sacrés de leurs anciennes femmes, que pour
les empêcher d'en épouser de nouvelles.
11 faut avouer néanmoins que si c'était la
pureté ancienne des canons, ce n'était pas
l'usage que les prêtres et diacres grecs gardas-
sent la continence avec celles qu'ils avaient
épousées avant leur ordination, et quoiqu'en
dise Ratram, le concile de Nicée n'ôta aux
clercs de l'Orient que ces sortes de femmes
qu'on appelait agapètes, qui passaient pour des
sœurs spirituelles et dévotes, et qui ne s'atta-
chaient qu'aux ecclésiastiques qui n'étaient
point mariés.
En effet ceux qui étaient mariés n'avaient
pas besoin de ce secours étranger, et ne pou-
vaient pas se couvrir du même prétexte appa-
rent pour introduire dans leurs maisons des
tilles ou des femmes dévotes, atin d'en être
soulagés dans les affaires du ménage. C'est
pour cela que ce concile ayant découvert les
abus et les désordres de ces sociétés périlleuses,
lit cette défense générale pour tous les clercs,
sans mettre aucune ditférence entre les clercs
supérieurs et les inférieurs.
S'il eût été question d'ordonner le célibat, le
concile n'eût pas certainement enveloppé les
clercs inférieurs dans la même loi.
Justinien l'avait bien compris de la sorte,
lorsque dans la novelle qui a été citée ci-des-
sus par Hincmar, et qui est encore rapportée
par Photius dans son nomocanon (Cap. xiv,
tit. 8. Nomocanonis), il exprime en ces termes
le sens du canon de Nicée. « Nullus clericus
qui uxorem non habet, habeat in domo sua
introductitiam, prœterquam malrem et liliam
et sororem et alias non suspectas. » Et dans une
autre novelle citée au même endroit par Pho-
tius : « Ne habeant diaconialiquas secum ver-
santes, loco scilicet sororum, vel cognatarum,
vel earum quœ dilectœ vocantur. »
Dans le même nomocanon de Photius on
trouve les autres lois du code, qui joignent l'au-
torité impériale aux canons de l'Eglise, et dé-
clarent que non-seulement les prêtres, les dia-
cres et les sous-diacres qui se marient, sont
en même temps dégradés, mais aussi les en-
fants qui proviennent de ces conjonctions in-
fâmes, sont privés de tous les avantages dont
jouissent les autres, et ne peuvent rien rece-
voir des biens de leur père, ni eux, ni leur
mère, ni par succession, ni par donation, ni
par quelque autre voie que ce puisse être,
mais c'est l'Eglise qui succède a tous leurs
droits.
«Si presbyter,veldiaconus, vel subdiaconus
uxorem duxerit, canonibus quidem tenetur,
qui non minus valent quam leges, et a sacer-
dotioexcidit : Et qui ex nefario matrimonio
nati sunt lilii, nec sunt naturales, nec nolhi :
et neque per donalionem , vel successionem ,
vil simulatum mutui contractum , vel aliam
obligationem a patribus accipiunt, vel matres
eorum : sed ea illorum accipit ecclesia (Tit. 9,
c. xxix). »
iU DU SECOND OHDHE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-QUATRIÈME.
Balsamon s'étonne comment cette loi n'était
point conservée de son temps.
VII. Il tâche dans un autre endroit d'accor-
der le canon ve des apôtres avec le xne du
concile in Trullo. Celui-ci ne permet pas à
1 evêque après son ordination d'habiter avec sa
femme s'il était marié, et celui-là défendait à
l'évêque aussi bien qu'au prêtre et au diacre
de mettre hors de leur maison la femme qu'ils
avaient épousée avant leur ordination. Balsa-
mon dit que les évêques du concile in Trullo
n'ont pas eu dessein de détruire le canon apos-
tolique, mais de porter la police dans l'Eglise
et la pureté des ministres de l'autel à un plus
haut degré de perfection que n'avaient pu
faire les apôtres, qui n'avaient pu former le
corps de l'Eglise sans user de beaucoup de con-
descendance.
« Ne contra apostolicum v canonem facere
videantur; qui episcopis cum suis uxoribus
post ordinationem habitare permittil, inférant
quod non divinis Apostolis adversantes hacc
decernunt, sed statum ecclesiasticum in pul-
chriorem ordinem provehi volentes : propemo-
dum hoc dicentes, quod divini quidem Apo-
sloli cum fides tanlum inciperet, se in eos qui
ad ûdem accedebant, ita gerebant, ut ad eorum
imbecillilatem se magis demitterent. Cum au-
lem evangelii praedicatio sit nuper magis am-
plilicata, oportet et ponliliees ad perfectam
continentiam vitam suam dirigere. Si autem
episcopis cum propriis uxoribus habitare non
permittitur; multo ma^is nec Ipsis tanquam
uxoribus uti permittetur ; sed nec cis cum
alienis uxoribus habitare concedetur, ut omne
offendiculum amputetur, lege novellas (No-
vel \-ï.\) quae episcopos deponendos decernunt,
qui cum quacumque muliere cohabitant (In
Can. xii Trullan.). »
Mil. S'ilestvrai qu'avant le concile in Trullo
les évoques orientaux pouvaient user du com-
merce conjugal, aussi bien que les prêtres et
les diacres, comme Balsamon le prétend (In
Can. v Apostol. ) et que ce concile leur ait im-
posé une loi inviolable de continence , pour-
quoi ne soufl'riront-ils pas que l'Eglise latine
ait imposé la même nécessité à tous les clercs
majeurs ?
Si ce n'a été que par un charitable accom-
modement que les apôtres ont permis, durant
l'enfance de l'Eglise, que1 les ministres de l'au-
tel fussent mariés, il est donc certain que les
apôtres et tous les hommes apostoliques , et
tous les premiers ecclésiastiques qui se signa-
laient par une piété et par une austérité de vie
extraordinaire, vivaient dans une parfaite con-
tinence. Pourquoi ne croira-t-on pas que cette
condescendance n'a été ni pratiquée, ni néces-
saire dans l'Occident , et que les évêques , les
prêtres et les diacres y ont toujours fait profes-
sion d'un inviolable célibat ?
.Mais Balsamon même nous fournit les rai-
sons et les exemples qui détruisent cette pré-
tendue condescendance des apôtres, quand il
dit que si les canons condamnent la dureté
des clercs supérieurs qui chassent leurs fem-
mes de leurs maisons, il en faut excepter les
ecclésiastiques des Eglises nouvellement fon-
dées dans les pays barbares. « Excipe mihi
sacerdotes, qui sunt in Ecclesiis barbaricis (In
Can. xiii Trullan.). »
Il est donc certain que l'on n'a pu jeter les
fondements des nouvelles Eglises que par le
ministère des évêques et des autres ecclésias-
tiques, qui excellaient aussi bien dans la conti-
iii nce que dans toutes les autres vertus. Et de
la il faut conclure que jamais la continence des
clercs n'a été ni plus nécessaire, ni plus incon-
testable que durant les trois premiers siècles,
qui ont été le temps de la fondation universelle
des Eglises.
Ainsi quand le concile in Trullo (Can. xxx)
déclare que ce n'est que par dispensation qu'il
permet aux clercs supérieurs des Eglises des
pays barbares de se séparer de leurs femmes,
et de vivre chastement, c'est un ridicule ren-
versement des termes et de leur signification.
On peut bien appeler condescendance la liberté
du mariage pour les clercs, mais une rigou-
reuse loi de continence ne passera jamais pour
une charitable dispensation.
En effet Balsamon ajoute que de sou temps
les Eglises de Russie avaient renoncé à cette
dispensation inouïe, et usaient de la liberté du
mariage de la même manière que les prêtres
grecs. « Ego varios episcopos , qui ex Russia
vénérant , atque adeo ipsum Alaniae metropo-
litanum de ea re sciscitatus, accepi praesentem
canonem in iis regionibus loeum non habere,
licet sint barbaricae; sed queniadmoduni nostri
eorum quoque sacerdotes , uxores habere ,
etiam post ordinationem. »
IX. Le inèine concile in Trullo (Can. xlviii)
ordonna que la femme d'un évèque entrerait
dans un monastère, éloigné de l'évèché, où
elle pourrait être ordonnée diaconisse.
DU CÉLIBAT DES BÉNEFICIEBS SOUS CHARLEMAGNE.
155
Balsamon remarque fort sagement: I" Que
si elle eût refusé son consentement à l'élection
de son mari, on n'eût pu ni l'élire, ni l'ordon-
ner ; 2° qu'il n'en est pas de même de l'entrée
en religion : où le consentement de celui des
deux qui demeure dans le siècle, n'est pas
nécessaire, parce qu'il conserve la liberté de
se remarier.
C'est la loi de Justinien et la pratique des
Grecs. Ainsi celle qui a consenti à l'élection et
à l'ordination de son mari s'est en même temps
dévouée elle-même à la profession monastique.
Car de demeurer dans un monastère sans y
couper ses cheveux, et sans prendre l'habit de
la religion, c'est plutôt une flétrissure et une
peine qu'un honneur: «Cum laicoeuim habitu
eas esse in monasterio, supplicii, non beneficii
opus est ; quod ad non parvum consecrationis
dedecus spectat. »
De là Balsamon conclut fort bien que les
femmes des ministres sacrés ne peuvent plus
se remarier, contre l'opinion de ceux qui les
exemptaient de la profession religieuse, et leur
permettaient un second mariage. Mais il aurait
aussi bien pu se détromper lui-même, s'il avait
fait assez de réflexion sur les novelles de Justi-
nien, qui déclarent incapables de l'épiscopat
tous ceux qui avaient ou une femme, ou des
enfants; et conclure aussi de ces novelles, qu'il
cite dans le même endroit, qu'il n'est pas véri-
table qu'avant le concile in Trullo, les évoques
n'étaient pas engagés à la continence. 11 est
bien vrai que Léon le Sage révoqua cet article
des novelles de Justinien, mais cela ne change
pas l'état des choses avant le concile in Trullo.
X. C'est encore une méprise du même Bal-
samon, quand, sur la version grecque d'un
canon de Cartilage, qu'il a mal entendue la
Can. iv Carthag. , il infère contre le texte
latin, qui est l'original, que dans l'Eglise latine
même les clercs supérieurs ne s'abstenaient de
leurs femmes qu'en certains jours, »>:». toù; î$«*k
Spou?, pour se purifier et se préparer au sacrifice
de l'hostie virginale.
Les termes latins : secundum propria statut a,
montrent évidemment que le mot grec y/V--'- se
prend dans cet endroit pour une loi, qui pres-
crit la continence pour toujours, et non pas
pour un temps, pendant lequel seulement on
soit obligé de l'observer.
11 ne rencontre pas mieux ailleurs, quand il
dit que non-seulement on n'a pas gardé dans
les autres Eglises un autre canon de Cartilage,
qui ordonne aux jeunes clercs qui ont atteint
l'âge de puberté, ou de se marier, ou de vouer
la continence (In Can. xvi Carthag.) ; mais
qu'il ne croit pas qu'on l'ait observé dans
l'Afrique même, comme étant contraire au xi°
canon des apùtres , qui laisse aux clercs infé-
rieurs l'usage libre de leurs femmes.
Enfin, Balsamon ne pouvait pas ignorer que
dans l'Eglise latine il était ordinaire que les
clercs supérieurs célébrassent tous les jours le
divin sacrifice, et il confesse lui-même que
dans l'Eglise grecque même plusieurs sacri-
fiaient tous les jours (InSupplem. p. 1 1-22, 1124).
Et néanmoins par un renversement surpre-
nant, au lieu de conclure la nécessité de la
continence perpétuelle de l'obligation perpé-
tuelle de servir à l'autel, il infère au contraire
qu'ils doivent rarement sacrifier, et seulement
partout, pour favoriser leur incontinence.
Zonare avait déjà débité toutes ces imagina-
tions ridicules avant Balsamon ( In Can. v
ApostoL), et il n'avait pu, non plus que lui,
reconnaître combien les maximes des Grecs
étaient contraires à elles-mêmes, quand ils
voulaient qu'on eût pu révoquer la longue to-
lérance des évèques mariés et qu'on n'eût pu
user de la même autorité à l'égard des prêtres
et des diacres, en leur ôtant, ou plutôt ne leur
ayant jamais accordé l'usage ancien de leurs
femmes (In Can. xu Trull.].
Dans le droit oriental (Tom. i, p. 175, 176),
on lit la constitution impériale d'Isaac l'Ange
ou, a la réquisition des patriarches et des évè-
ques, et conformément au canon xlviii, du
concile in Trullo, il ordonne que les évèques
soient déposés, si celles qu'ils avaient aupara-
vant épousées, ne se résolvent d'entrer dans
un monastère, d'y prendre la tonsure et l'habit
de la religion : et qu'à l'avenir ceux qui auront
été élus pour l'épiscopat, ne seront point con-
sacrés si leurs femmes n'entrent auparavant
et ne font profession dans un monastère.
Jean, évêque de Citre, résout la difficulté
d'un prêtre et d'un diacre qui se font religieux
laissant leurs femmes dans le monde, et après
cela sont éle\és à la prêtrise ou à l'épiscopat,
sans que leurs femmes entrent en religion. Il
ne trouve rien de surprenant en cela, puisque
le canon vin de Néocésarée déclare que si la
femme d'un prêtre se souille d'un infâme
adultère , le prêtre en est quitte en se séparant
d'elle Ibidem, p. 324).
15G DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE- CINQUIEME.
CHAPITRE SOIXANTE-CINQUIEME.
DU CELIBAT DES CLERCS APRES LAN MIL.
I. On opposa d'abord aux désordres de l'incontinence une
loi générale du célibat pour tous les clercs sans exception.
II. On usa ensuite d'accommodement, en ne comprenant pas
même les sous-diacres dans la loi du célibat.
III. Enfin , on reprit l'ancien tempérament d'y assujétir les
sous-diacres et les clercs supérieurs seulement.
IV. Après qu'où eut privé les prêtres incontinents ou mariés,
de leurs bénéfices, la même sévérité commença aussi à s'étendre
sur les clercs inférieurs mariés, qu'on déclara incapables de bé-
néfices. L'ordre sacré fut aussi déclaré être un empêchement
diriment pour le mariage.
V. Rétablissement du célibat en Suède et en Angleterre.
Quelques moines anglais blâmèrent la sévérité de l'Eglise,
comme si la continence eût été propre a l'état religieux seu-
lement.
VI. on fait voir combien elle est propre et nécessaire au sa-
cerdoce.
VII. Et qu'au contraire, plusieurs ordres militaires, quoique
religieux, en ont été dispensés.
VIII. Contre ceux qui s'appuient sur l'exemple des Grecs.
IX. Précautions nécessaires pour la continence.
I. Comme le torrent rie l'incontinence s'était
débordé sur le clergé pendant les dixième et
onzième siècles, on travailla aussi a l'arrêter
par «les décrets très-rigoureux.
Benoît VIII et le concile de Pavie, tenu sous
lui en in-21), tâchèrent de rengager dans les lois
du célibat les clercs même inférieurs. « Si
sacerdotes legis mosaicœ ad tempos abstine-
bant, qui ad tempus templo serviebant : cur
episcopis, presbyteris, diaconibus, subdiaconi-
bus, et omnibus qui sunt in elero, jugiter non
est abstinendum quibus juge et verum est sa-
crificium. »
Ils prétendirent que les lettres des papes
Léon Ier et Innocent ou Sirice, comprenaient
jusqu'aux moindres clercs dans le même en-
gagement. Mais leur indignation s'emporte
principalement contre les clercs esclaves de
l'église, qui abusant de quelque femme libre,
en avaient des enfants qui étaient libres, parce
que, selon la maxime alors reçue, la condition
des enfants suit celle de la mère : « Filii ma-
trem sequuntur, » et héritant des biens de
leurs pères, ils en Drivaient l'Eglise, qui per-
dait par ce moyen et ses esclaves et leurs héri-
tages.
Ce fut ce qui alluma le zèle de ce pape et de
ce concile, qui s'opposèrent d'un côté à cette
maxime , trop préjudiciable aux intérêts de
l'Eglise, et de l'autre firent tous leurs efforts
pour étendre la loi du célibat jusqu'aux moin-
dres clercs.
Le concile de Rourges, en 1031 (Can. v), com-
mande aux prêtres, aux diacres et aux sous-
diacres de quitter leurs femmes ou leurs con-
cubines, à moins de vouloir être dégradés, et
rabaissés au rang des lecteurs et des chantres ;
et il étend ensuite la même défense sur tous
les moindres clercs : « Similiter nulli de elero
permittimus deinceps uxorem neque concubi-
nam liabere. »
Ces deux décrets du concile de Rourges ont
d'abord quelque apparence de contradiction ;
d'autant que si ce concile renvoie parmi les
lecteurs les clercs majeurs qui veulent garder
leurs femmes, pourquoi défend-il après aux
lecteurs d'avoir ni femme, ni concubine? Mais
on trouve la conciliation île cette contradiction
apparente dans la fin de ce même canon, qui
porte que les clercs inférieurs qui habitent
avec leurs femmes ne doivent point approcher
de l'autel. D'où il faut conclure que le com-
merce conjugal n'était interdit qu'aux clercs
inférieurs, qui approchaient de l'autel, non pas
à ceux qui demeuraient dans lechœur avec les
chantres, sans entrer dans le sanctuaire. « Su-
pradicti autem in choro tantum intrent ad
îegendum et cantandum, ad altaris vero mini-
sterium nullatenus accédant. »
Le concile de Toulouse, en 1056 (Can. vu),
lia à la continence tous les clercs même au-
dessous du sous-diaconat, mais ce ne fut que
pour ne se rendre pas incapables des dignités et
des bénéfices de l'Eglise. « Placuit presbyteros,
diaconos et reliquos clericos, qui ecclesiaslicos
tenuerint honores, abstinere omnimodis ab
uxoribus, vel reliquis mulieribus. Quod si non
fecerint, honore simul et ofticio priventur, et a
propriis episcopis excommunicentur, »
II. Cette sévérité ne l'ut pas de durée. Lecon-
DU CELIBAT DES CLERCS APRÈS L'AN MIL.
IR7
cile romain, en lue,:! Can. m), no comprit pas
même lis sous-diacres dans la lui du célibat,
mais les prêtres et les diacres seulement, qui a
moins de cela y lurent privés des fonctions de
l'autel et de leur bénéfice. « Quieumque sacer-
dos vel diaconus, etc. neque partemabecclesia
suscipiat. »
Le concile de Coyac, en 1030 (Can. ai), avait
déjà suivi le même tempérament ou plutôt le
même relâchement. « Presbyteri et diacones,
qui ministerio funguntur Ecclesiae mulieres
secum in domo non babeant, nisi matrem ,
aut sororem, ant amitam, aut novercam. »
Lan franc , archevêque de Cantorbéry, ne
désapprouvait pas cette conduite, quand il con-
seilla a unévèque, qui par une inconsidération
extrême avait donné d'abord le diaconat à un
laïque marié et qui ne voulait point quitter sa
femme, de lui ôter le diaconat, de lui conférer
ensuite et à loisir les ordres mineurs, mais de
ne lui point rendre le diaconat, qu'il ne vouât
la continence. « Diaconalus vero ordinem nun-
quam recipiat, nisi de reliquo se caste viclu-
rum canonicaattestationepermittat Ep.xxi.) »
On pourrait croire que le concile romain,
en 10" 1, n'alla pas plus loin, puisque l'histo-
rien Lambert en renferme le décret en ces
tenues : « Presbyteri uxores aut dimittant, aut
deponantur ; nec quisquam ad sacerdotium
admittatur, qui non in perpetuum continen-
tiani vilamque ca-libem profltealur. » Le sacer-
doce n'appartient proprement qu'aux évèques,
aux prêtres et aux diacres.
L'archevêque de Mayence voulut publier ce
décret dans le concile de Mayence, en 1075, il
puisa lui en coûter la vie. Le concile de Win-
chester, en 1076, sous Lanfranc, n'imposa le
joug de la continence qu'aux prêtres et aux
diacres : « Deinceps caveant episcopi, ut sacer-
dotes, vel diaconos non prœsumant ordinare,
nisi prius profiteantur, ut uxores non ba-
beant. »
III. Ces deux extrémités n'ayant pas eu le
succès qu'on avait espéré, l'Eglise reprit le juste
tempérament des siècles passés, qui fut de ne
pousser la loi du célibat que jusqu'aux sous-
diacres. Le concile de Rouen, en 1072 (Can.
xxv), celui de Lilebonne, en 1080 (Can. ni),
celui de Melfi, en 1080 Can. xn), sous le pape
Urbain IL en demeurèrent là : « Eos qui in
subdiaconatu uxoribus vacare voluerint, ab
omni sacro ordine removemus, officio atque
beneficio Ecclesiœ carere decernimus. »
Ce fut le même décret du concile de Cler-
innnt. en 1095 Can. ix). Le concile de Reims,
i n 11 is Can. ni . dil de même : « Oui in or-
dine subdiaconatus et supra uxores duxerint,
aut concubinas habuerint, officio atque eccle-
siastico beneficio careant. »
IV. II y a deux remarques importantes a faire
sur ces derniers canons. La première est que
ce fut là le commencement de la police qui
s'établit ensuite, de ne plus laisser posséder de
bénéfice aux clercs mariés. Comme on priva
même les clercs majeurs des ministères sacrés,
et enfin de leur bénéfice, s'ils ne s'abstenaient
du commerce conjugal, on s'engagea aussi à
ne plus laisser posséder de bénéfice aux clercs
inférieurs qui étaient mariés.
La seconde est que les conciles précédents
s'étaient contentés de priver des fonctions sa-
cerdotales, et de leurs bénéfices les clercs ma-
jeurs qui avaient épousé des femmes, et ne
voulaient pas les quitter; d'où il résulte que
l'ordre sacré n'était pas regardé comme un em-
pêchement diriment pour le mariage.
Le concile de Reims, en 1148 Can. vu), où
le pape Eugène III présidait, commença à dé-
clarer que ce serait à l'avenir un empêchement
diriment ; et qu'on séparerait les clercs ma-
jeurs, aussi bien que les chanoines réguliers et
les moines, des femmes qu'ils auraient prises.
« Quia continentia et Deo placens munditia
in ecclesiasticis personis et sanctis ordinibus
dilatanda est , sanctorum Patrum et prœde-
cessoris nostri papœ Innocentii vestigiis inhé-
rentes statuimus, quatenus episcopi, presby-
teri, subdiaconi, regulares canonici, moiiachi,
atque conversi professi, qui sacrum transgre-
dientes proposition, uxores sibi copulare prœ-
sumpserint. separentur. Hujusmodi namque
eopulalionem, quam contra ecclesiasticam ra-
tionem constat essecontractam, matrimonium
non esse censemus. Id ipsum de sanctimonia-
libus pnecipimus. »
Si l'on compare ce canon aux précédents, on
sera persuadé qu'il est difficile de trouver des
preuves plus anciennes de cet empêchement
diriment. Et c'est pour cela que ce concile, qui
était comme universel, proteste tellement de
vouloir suivre les statuts des papes précédents,
qu'il ne cache pas le soin qu'il a d'enchérir
par-dessus pour mieux affermir la loi de la
continence cléricale : « Continentia in sanctis
ordinibus dilatanda est. »
C'est pour cela qu'on y joint les clercs ma-
1 58
M SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-CINQUIÈME.
jeurs avec les moines , les moniales , et les
chanoines réguliers, afin que l'ordination de
ceux-là, aussi bien que la profession de ceux-ci
suit désormais incompatible avec le mariage,
puisque la profession de la continence leur est
commune : « Sacrum transgrediuntur propo-
situm. »
Si les canons cités avant celui-ci traitaient
indifféremment les clercs sacrés , qui avaient
pris des femmes, ou des concubines, comme il
paraît par leur texte: c'est peut-être qu'on sou-
haitail déjà, mais qu'on n'osait encore mettre
l'ordre sacré, entre les causes qui rendent nul
le mariage subséquent.
Le concile d'Avranches, en 1172, défend de
séparer les clercs mineurs qui sont mariés ;
mais il les prive de tous bénéfices. Il ne traite
pas de même les clercs supérieurs : « Qui au-
tem a subdiaconatu , vel supra ad matrimonia
convolaverint , mulieres etiam invitas et remit-
tentes relinquant. »
Ces mêmes termes furent répétés dans le
concile de Latran sous Alexandre III, en 4179,
et on y ajouta ce qui suit: « Nec hujusmodi
conjunctio matrimonium, sed contubernium
est potius nuncupandum (Can. i Append.
Conc. Later.,Tit. De Clericis matr. Copul.,
c. iv).»
C'est principalement dans ce concile de La-
tran où il paraît que les clercs mineurs possé-
daient des bénéfices, qu'on leur fit perdre,
s'ils se mariaient. Voici ce que ce pape Alexan-
dre III écrivit à l'évêque de Londres : « Acce-
pimus quod plerique in tuo episcopatu degen-
tes, cum essent in acolythatus officio et infra
constituli, uxores duxerunt, et nibilominus
Ecclesias, quas prius babebant, detinere pré-
sumant. Unde quoniam, etc. (Ibid., c. in, 5 . »
Il fallut user de condescendance dans l'evè-
ché d'Héréford en Angleterre, y souffrir ce
que les papes précédents avaient souffert , en
laissant jouir ces petits clercs maries de leurs
bénéfices, parce qu'on ne pouvait les en dé-
pouiller sans effusion de sang ; mais on s'ef-
força de prévenir ce désordre à l'avenir.
« Sane de clericis inferiorum ordinum , qui
in conjugio constituti , diu ecclesiastica béné-
ficia exconcessione prsedecessorum nostrorum
habuere , a quibus sine magno discrimine , ac
effusione sanguinis non possunt privari : id
duximus respondendum, ut quia ibi barbarica
gens et multitudo est in causa , eos sub dissi-
mulatione sustineas , ecclesiastica bénéficia
tandiu habita possidere , provisurus attentius ,
ne deinceps clericis conjugatis ecclesiastica
bénéficia conferantur. »
V. Reprenons le fil de notre discours, pour
remarquer que l'incontinence avait passé si
avant dans la Suéde, que les prêtres et les curés
publiaient hautement qu'ils ne s'étaient mariés
qu'après en avoir eu permission du Saint-
Siège.
L'archevêque en consulta Innocent III , qui
lui répondit qu'il ne pouvait rien résoudre sur
ce point, s'il ne voyait le privilège. « Postu-
lasti utrum sacerdotes Suetise in publicis de-
beas tolerare conjugiis, qui super hoc se asse-
runt cujusdam summi pontificis privilegio
communitos , etc. De presbyteris Suetiae cer-
tum non possumus dare responsum, nisi vide-
rimus privilegium quod praetendunt (Reg. xvi,
epist. 1 18). »
Il faut bien que ce privilège ait été chimé-
rique, puisque l'an P248 le concile de Schening
en Suéde obligea tous ces curés à quitter leurs
femmes. Voici ce qu'en dit Jean Magnus arche-
vêque d'Upsal : « Prima intenlio et cura car-
dinalis Sabinensis in hoc concilio erat, revo-
care Suecos et Gothos a schisnnte Graecorum,
in quo presbyteri et sacerdotes ductis publiée
uxoribus consensisse videbantur. »
On voit par là qu'il a fallu près de deux cents
ans pour rétablir la pureté dans l'état ecclé-
siastique et en bannir ces mariages scanda-
leux.
Dans l'Angleterre, le concile de Vinchester,
en 107G (Conc. AngL, tom. u, p. 1, 13, 35), sous
l'archevêque Lan franc, laissa les prêtres mariés
avec leurs femmes, et défendit seulement qu'à
l'avenir les curés ne tombassent plus dans ces
impuretés. Saint Anselme remédia à ce mal
par des décrets contraires, qu'il fit faire dans
des conciles; mais ses bons desseins furent
sans effet, parce que le roi ne les appuya pas.
« Nihil li;ee omnia valuere décréta; omnes,
pace régis, uti antea, suis gaudent uxoribus. »
Il est étrange, et néanmoins il est très-véri-
table que plusieurs moines, par une indiscré-
tion inexcusable, prirent le parti de ces prêtres
incontinents et blâmèrent la rigueur de Gré-
goire VII, qui les dégrada et défendit aux laï-
ques d'entendre leurs messes. « Uxoratos sacer-
dotes a divino removit officio, et laicis eorum
missas audire interdixit, novo exemplo, et ut
multis visum est, inconsiderato judicio. »
Voilà comme en parle Matthieu Paris, moine
DU CÉLIBAT DES CLERCS APRÈS L'AN MIL.
159
de Saint-Albans (Anno 1074 . 11 ne traite pas
avec plus de respect saint Anselme et le concile
où il lit le même décret : « Hoc boimm qui-
busdam visum est, etquibusdam periculosum;
ne dum mnnditias viribus majores expeterent,
in immunditias laberentur détériores (An.
■1102). »
Henri de Huntindon parle en mêmes termes
de ce décret de saint Anselme. Thomas de Val-
singham ne s'est pas contenté de copier les pa-
roles injurieuses de son confrère Matthieu Paris
contre Grégoire VII; mais il les a soutenues
d'un long raisonnement, où il tâche mal à
propos d'exagérer les désordres où la sévérité
de ce décret jeta toute l'Eglise. «Ex qua re tam
grave oritur scandalum, ut nullius lueresis
tempore sancta Ecclesia graviori schismate
discissa sit, etc. (In bypod. Neustriœ, an.
1074). » Matthieu, moine de Westminster, a ré-
pété les mêmes termes de Matthieu Paris contre
le concile de Grégoire VII (An. 107 ï .
VI. Roger, historien d'Angleterre, jugea
avec plus de modestie et plus de sagesse que
ce pape n'avait fait que remettre en vigueur
les ordonnances de saint Pierre même, de Clé-
ment et des anciens Pères, en interdisant le
mariage à tous les clercs, principalement à
ceux qui sont dans les ordres sacrés. « Ex de-
creto sancti Pétri apostoli, et sancti démentis,
aliorumque sanctorum Patrum, interdixit cle-
ricis, maxime divine- mysterio consecratis,
uxores habere (An. 1071). »
Ce judicieux historien n'avait garde de pré-
férer le jugement précipité de quelques reli-
gieux à la décision de tant de conciles, qui
furent alors assemblés, et au sentiment de tant
de papes, de tant de saints et savants évèques.
Un de ces évèques, Othon deFreisingen, prit
occasion, de ce décret de Grégoire VII, de re-
lever la gloire de ce pape (Otto Frisin. Chron.,
1. vi. c. 34). Voici l'éloge qu'il lui donne à ce
sujet : « Clericorum a subdiaconatu et supra
connubia in toto orbe Romano cohibuit. for-
naaque gregis factus, quod docuit exemplo de-
monstravit, ac fortis peromnia athleta murum
se pro domo Domini ponere non timuit. »
Ces religieux indiscrets se flattaient vaine-
ment, comme si la pureté et la continence eût
été bien plus essentielle à leur état qu'a celui
du sacerdue. Mais Pierre de Damien, quoique
moine, n'était pas de cet avis quand il réfutait
avec tant de chaleur et tant de justice l'opinion
licencieuse de ceux qui voulaient qu'on usât
de dispensation dans cette rencontre. Il fit bien
voir que si le Fils de Dieu, aux jours de son
enfance et de sa chair morteUe, n'a voulu être
touché que des mains virginales de sa divine
Mère et de saint Joseph, étant maintenant dans
le trône de ses grandeurs et de sa gloire, il ne
doit pas être approché par des mains impures.
« Si Redemplor noster tantopere dilexit tloridi
pudoris integritatem, ut non modo de virgineo
utero nascerelur. sed etiam a nutritio virgine
tractaretur, et hoc cum adhuc parvulus vagiret
in cunis, a quibus nunc obsecro tractari vult
corpus suum, cum jam immensus régnât in
cœlis (L. ï, ep. G). »
La chasteté des prêtres est donc de la même
nature, et en quelque façon de la même néces-
sité et de la même dignité que celle de la Mère
du Fils de Dieu. « Nam quia Dominicum cor-
pus in virginalis uteri templo coaluit, nunc
etiam a ministris suis continentis pudicitiae
munditiam quaerit (L. h, ep. 10). » Ainsi, ce
religieux et savant prélat ne doute nullement
que, comme la dignité des prêtres est fort éle-
vée au-dessus de celle des moines, leur conti-
nence ne soit aussi plus éclatante et leur incon-
tinence plus criminelle. « Xempe quanto major
estpresbytermonachoindignitatisecclesiastieae
privilégie tanto deterior est in peccato (L. îv,
ep. 3). »
Quant aux clercs qui se laissaient dépouiller
de leur office et de leurs fonctions pour se
plonger avec plus de liberté dans les plaisirs
sensuels , Pierre Damien les assure dans la
même lettre que, leur ordre étant ineffaçable,
ils se flattent en vain de l'impunité de leur
crime, puisque ce crime est déjà une peine qui
en attirera un jour d'autres.
Il parait, de là, que si on eût osé on eût dès
lors mis l'ordre sacre entre les empêchements
qui rompent le mariage. « Cassa se ac f ri vola
pollicitatione decipiunt, si non exequentes of'fi-
cium, officio se exutos esse confidunt. Licet
enim ab execuiione cesset ordo cujuslibet, vel
officium, in ordinafo tamen nihilominus per-
manef ordinis sacramentum. »
Le savant Pétrus Aurélius a admirablement
traité cette matière, faisant voir que la chasteté
des moines est une image et une imitation de
celle des prophètes, de saint Jean, et tout au
plus des anges; au lieu que celle des prêtres
est une copie et un écoulement de celle de l'E-
glise, de la Sainte Vierge, de J.-C. et du Père
éternel. Car c'est avec le Père éternel, la Sainte
Ifil)
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-CINQUIÈME.
Vierge et l'Eglise que les prêtres, par un en-
fantement virginal et divin, produisent J.-C. et
ses membres.
a Regularis castitas formam habet, vel in
prophetis quibusdam antiquis, vel in Baptista
prophetis majore, vel denique in angelis,
Joanne prophetis majore majoribus, Cbristo
judice. Episeopalis castitas, idemque de sacer-
dotal! judicium est formam habet in Ecclesia,
majore angelis, in virgine Deipara majore Ec-
clesia, in Christo majore "virgine, in Deo ma-
jore Cbristo, Caput enim Cbristi Deus. Sicut
Deus ita simul virgo est, ut generet Filium
sine detrimento virginitatis et castitatis; sicut
Maria eumdem Filium virgo et mater genuit;
sicut Cbristus intemerata fœcunditate videt sibi
semen longœvum; sicut Ecclesia virgo casta
est, desponsa Cbristo, et intacta virginitate
sanctam quotidie sobolem Deo parit, et toto
diffundit orbe; sic episcopi, sic sacerdotes casti
et virgines sunt, fœcunda et uberi castitate;
(piiaEcclesiae foeeunditatem, qua filios procréât,
ipsi habent et sustinent, et cum fœcunditate
castitatem (Petrus Aurel., tom. il, p. 311, 312,
313, 314). »
Ainsi, les religieux doivent céder à la chas-
teté du sacerdoce, comme étant d'un rang et
d'un ordre supérieur, et comme étant seule
formée sur ces divins originaux. « Cedere de-
bent castitati sacerdotali, ut altiori, prœstan-
tiiui, diviniori, et summis castitatis exempla-
ribus similiori , et tanto aliam quamlibet
castitatem castitate, quanto fœcunditate vin-
centi. Solis enim episcopis et sacerdotibus da-
tnm est, ut quemailmodum sola Deipara inter
mulieres virgo et mater est, ita ipsi inter viros
soli sint virgines et patres, neque tantoc casti-
tatis et virginitatis imaginem, nisi in solo
Cbristo eta'terno Pâtre habeant, non in angelis,
non in quibuscumque creatis rébus. »
Il s'ensuit de là, au jugement de cet auteur,
que la bigamie est une irrégularité et un ob-
stacle, non pas pour le monachisme, mais pour
les ordres, et une irrégularité très-rigoureuse-
ment observée. Après cela on s'étonnera moins
si Major a cru que le vœu de la continence
sacerdotale est d'institution divine , et d'une
obligation indispensable ; ce qu'il ne croit pas
de la chasteté monastique.
VII. On ne peut au moins douter que plu-
sieurs ordres de chevaliers n'aient été des
ordres véritablement monastiques, et néan-
moins exemptés de la loi du célibat, et aban-
donnés à la liberté d'un honnête mariage.
Innocent III confirma le décret de son prédé-
cesseur Alexandre, qui avait approuvé et con-
firmé l'ordre des chevaliers de Saint-Jacques
en Espagne, avec la liberté de se marier (Reg.,
xn , epist. xi ; Rainald., an. 1210, n. G. 7 ; an.
1223, n. 54; Idem Append., tom. xv, an. 126);
Spondan., an. 1233, n. 8; Rainald., Idem, an.
1441, n. 10).
Ce pape déclare à ces chevaliers, que bien
que quelques-uns d'entre eux gardent la con-
tinence, les autres ne la gardent point; ils sont
néanmoins tous également obligés par la pro-
fession religieuse a l'obéissance, à la désappro-
priation , a la pénitence, a ne rentrer jamais
dans le monde, enfin a imiter les premiers
chrétiens qui portaient tous leurs biens aux
pieds des apôtres , sans avoir rien en propre.
Honoré III confirma le même décret, leur
prescrivant ou la chasteté conjugale, ou la
continence volontaire. Jacques de Vitry (Hist.
Occid., c. xxvi) donnedes éloges aux chevaliers
de l'Epée en Espagne , comme à des religieux
dévoués à un double martyre par la défense de
la foi , et par les austérités de la vie régulière :
« Geminam holocausti hostiam ad perfectionis
cumulum Domino offerentes , dum spiritali
martyrio seipsos abnegantes sub unius majoris
obedientia regulariter vivunt , et nibilominus
corporale martyrium pro Cbristo semper reci-
pere parati sunt. »
Leur règle était celle de saint Augustin , ils
se levaient à minuit pour matines, ils enten-
daient tout l'office canonial : « Regulam sancli
Augustini in omnibus pêne observant, in com-
muni viventes , proprium non habentes, etc.
Ad matutinas nocte consurgunt, divinum offi-
cium et omnes borascanonicas singulis diebus
audiunt. »
Après cela ce cardinal dit que le mariage
leur était libre, et que s'ils avaient des fils , il
était en leur liberté, lorsqu'ils avaient atteint
l'âge de puberté , ou de demeurer dans l'ordre
avec leur père , par l'engagement d'un vœu
irrévocable, ou de rentrer dans le siècle :«Post-
quam eorum filii ad annos discretionis perve-
nerint, si consenserint iu online cum pareil-
tibus remanere, ex tune voto obligati non
possunt recédera. Si autem discedere malue-
rint, liberam habent egrediendi , et in sœeulo
commorandi potestatem. »
Comme ces ordres et ces places de chevaliers
ont aussi rang parmi les bénéfices , aussi bien
DU CÉLIBAT DES CLERCS APRÈS LAN MIL.
ici
que fesabbayes, cette petite digression, qui nous
a fait connaître que leurs fonctions saintes
n'étaient point incompatibles avec le mariage,
n'aura pas été inutile.
Urbain IV. en 1-201 , confirma un ordre tout
semblable dans l'Italie, appelé des chevaliers
de la Vierge Marie, auxquels les Italiens don-
nèrent le nom deFratres gaudentes: ils étaient
obligés à la règle de saint Augustin.
Eugène IV permit aux chevaliers de Cala-
trava. en Espagne, de l'ordre de Cîteaux, de pou-
voir se marier à l'avenir, c'est-à-dire qu'à l'ave-
nir la profession de cet ordre ne contiendrait
point le voeu de chasteté : « Ut illius ordinis
professio noncontineretcastitatem. » Ce que ce
pape accorda facilement, parce qu'il savait que
ces chevaliers n'avaient point de part aux or-
dres ecclésiastiques : « Omnes laicos, nulli
ordini ecclesiastico astrictos audiebamus. »
Il résulte de là que le mariage était dans la
pensée de ce pape bien plus incompatible avec
les ordres sacrés qu'avec la profession monas-
tique de ces chevaliers.
Alexandre VI , à la demande du roi Emma-
nuel de Portugal , donna la même licence aux
chevaliers des ordres de Christ et d'Avis de
l'ordre de Cîteaux, Cisterciensis ordinis . ni le
pape, ni le roi n'espérant pas de pouvoir autre-
ment remédier à la vie licencieuse et impure
de ces chevaliers, qu'en changeant leur vœu de
célibat, en la profession de chasteté conjugale ,
comme parle le pape (Rainald., an. I 199, n. 31,
32, 33). Ainsi ces chevaliers sont toujours
religieux et font les trois vœux ordinaires, avec
ce seul changement, que le vœu de chasteté
conjugale a succédé au vœu de célibat.
On peut voir dans les Annales de Cîteaux la
vérité de ce que les papes ont avancé dans leurs
bulles, que ces ordres de chevalerie étaient
véritablement de l'ordre de Cîteaux, comme des
religieux convers 'Annal. Cisterc, tom. n, pag.
100, 450, 401, tom. m, pag. 186, 188 .
Je sais qu'Ozorius et Mariana n'ont pas ap-
prouvé ce relâchement de la continence reli-
gieuse dans ces ordres militaires, et qu'ils ont
protesté que le mariage qui semblait en devoir
seulement bannir l'impureté, y avait fait en-
trer un torrent d'autres dérèglements, et avait
enfin attiré la décadence de toute la valeur et
delà discipline ancienne (Mariana. 1. v26, c. 13).
Mais cela n'est pas de notre sujet, il nous suffit
que ce soit une preuve convaincante, que le
vœu du célibat n'est point de l'essence de la
-<ion religieuse en général, en tant qu'elle
embrasse aussi les ordres militaires.
C'est aussi ce qu'en a conclu le savant Covar-
ruvias : « Esse tria vota de substantia perfectae
religionis constat; posse autem contingere Ii-
mitata. patet, utvotum paupertatis intelligatur
in particnlari, non in communi. Item votum
continentiœ quandoque intelligatur in castitate
conjugali. ut in militibus sancti Jacobi, qui
profitentur castitatem conjugalem ; et nihilo-
minus religiosi sunt , et tria vota substantialia
profitentur, etc. (De condition. Matrim., part.
ii. c. 3, ■ >. I . »
Au reste si nous n'avons point fait de men-
tion des ordres de chevalerie en France, qui
soient tombés dans le même relâchement, c'est
parce que les chevaliers de Malte s'y sont tou-
jours maintenus dans la primitive profession
du célibat, et ce furent les seuls qui y parurent
avec éclat depuis tant de siècles.
Nous pourrions mettre au rang des précé-
dents l'ordre militaire de Notre-Dame du Mont-
Carmel Histoire des Carmes Déchaussés de
France. Préface), uni avec l'ancien ordre de
Saint-Lazare, par l'autorité d'Henri IV et du
pape, qui défendit au grand-maître et aux
chevaliers de se marier pour la troisième fois,
et plus d'une fois à une veuve, leur ordonnant
de vouer en leur profession l'obéissance et la
chasteté conjugale (C. Ut Clericorum. De vita
et lion. Cleric).
VIII. Si les prêtres incontinents de la Suède,
dont il a été parlé ci-dessus, autorisaient leur
infâme mollesse par l'exemple des prêtres grecs,
dont l'Eglise romaine souffrait le mariage ,
comme il parait par les décrétâtes d'Innocent
III C. Cum olim. De Clericis conjugat.), et de
Clément III C. Quaesitum. De pœnit. et remis.) ;
et si leurs défenseurs fondaient sur ce prétexte
apparent la censure téméraire qu'ils faisaient
de toute l'Eglise, il n'était pas difficile de les
convaincre d'autant d'ignorance que d'injus-
tice.
1° Parmi les Crées ceux qui sont une fois en-
gagés dans les ordres sacrés, ne peuvent plus
se marier après leur ordination [De sacris Or-
din., c. m). Témoin Siméon de Thessalonique,
a Lectoribus et psaltis licet post susceptum
sigillum divinum legitimo matrimonio jungi,
subdiaconis autem non amplius. » Ceux dont
nous parlons ne se prescrivaient pas ces li-
mites.
2° Je ne sais même s'ils eussent obéi à la loi
Tu.
Tome II.
M
102
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SIXIÈME.
de la bigamie, dont les Grecs sont très-reli-
gieux observateurs, ne permettant jamais aux
clercs d'épouser de secondes femmes.
3° De plus les Grecs maintiennent absolument
la continence des évèques dans son entier, et
ne souffrent pas qu'on y donne la moindre
atteinte. Ce qui me donne lieu de croire que
la loi de la continence des ecclésiastiques
n'était que pour le clergé supérieur; surtout
lorsque je me rappelle ce que j'ai dit ci-dessus
que les évéques et les prêtres n'étaient pas dans
leur première origine fort distingués les uns
des autres, ce que néanmoins il eût été facile,
et même à propos de faire. Mais les prêtres de
la Suède, aux faux raisonnements de qui nous
répondons, ne sont pas moins opposés à la
continence des évèques qu'à celle des prêtres.
Ainsi c'est en vain qu'ils prétendent autoriser
leur incontinence par l'exemple des Grecs,
puisque les Grecs ne souffrent pas, comme
nous avons dit, qu'on donne la moindre at-
teinte à la continence des évèques.
•1° Quelle apparence y a-t-il qu'un désordre
naissant se veuille autoriser de l'exemple d'une
tolérance prescrite depuis tant de siècles? N'est-
ce pas la règle invariable de toute la morale, et
de toute la discipline ecclésiastique, qu'il faut
s'opposer avec toute la vigueur et la fermeté
possible aux dérèglements nouveaux, et qu'il
faut par une sage et charitable indulgence,
tolérer ceux qu'une longue coutume et une
prescription immémoriale a comme naturali-
sés, et rendus tolérables?
Comme il est impossible qu'une longue suite
de siècles n'introduise quelques désordres, il
n'est rien ni de plus injuste ni de plus perni-
cieux, que de prétendre que ce soit là une rai-
son légitime pour autoriser toutes sortes de
nouveaux relâchements.
IX. Si ce chapitre n'était déjà trop long,
j'ajouterais les sages précautions, dont les dé-
crétâtes ont muni la chasteté des ecclésiastiques,
en ne leur permettant presque pas de demeu-
rer dans une même maison avec leurs parentes,
quoiqu'elles soient si proches que le concile de
Nicee les avait jugées hors de soupçon (Extra
de cohabitatione Cleric. et mul., c. î, ix). A
quoi j'ajouterais les défenses du premier con-
cile provincial de Milan sous saint Charles
(Acta Ecclesiae Mediolanensis , pag. 19, 449,
430, -493), de laisser habiter dans les mai-
sons ecclésiastiques des clercs majeurs, même
leurs plus proches parentes , ou d'habiter
eux-mêmes dans les maisons des laïques.
Enfin j'ajouterai les défenses du concile de
Tours eu 1383 [Conc. Tur., c. xiv), et de celui
de Rourges en 1584 (Cône. Ritur., tit. de Cano-
nicis, c. vin) de louer aux laïques, et surtout à
des femmes, les maisons propres et affectées
aux ecclésiastiques. On trouvera dans les mé-
moires du clergé des arrêts du parlement pour
cela. Urbain 11, dans sa lettre à l'évèque de
Chartres, défendit aux chanoines de louer les
maisons du cloître à des laïques (Spicileg.,
tom. xiii, p. 322).
Giossano nous apprend que saint Charles ne
parlait jamais avec des femmes, non pas même
avec ses plus proches parentes, avec ses sœurs
mêmes, si ce n'était pour des choses néces-
saires, et dans l'église, ou en présence au
moins de deux autres personnes.
CHAPITRE SOIXANTE-SIXIEME.
DES CLERCS MARIES APRES L AN MIL.
I. Le pape Alexandre III commence à déclarer les clercs ma-
riés incapables de bénéfices.
II. Les bénéfices se dissiperaient à moins de cela.
III. Les clercs mariés commencent à déchoir du privilège
clérical.
IV. Ils y sont rappelés à certaines conditions.
V. Le concile de Trente confirme leur privilège, en portant
l'habit et s'attachant au service d'une église.
VI. C'est les rétablir au même état de la primitive Eglise.
VII. Distinction de trois temps divers pour les clercs mariés.
•
DES CLERCS MARIÉS APRÈS L'AN MIL.
103
VIII. Pourquoi le concile de Trente a déclaré les enfants inca-
pables de bénéfices avant l'âge de quatorze ans.
IX. Conformité des dernières ordonnances de nos rois avec le
concile de Trente.
I. Nous ne pouvions pas rencontrer un lieu
plus convenable pour parler des clercs mariés,
puisque la suite du chapitre précédent nous y
a insensiblement engagés. Il y en a un titre
entier dans les décrétales Grégoriennes, où il
parait d'abord que ce fut Alexandre III cpii
commença a déclarer le mariage incompatible
non pas avec les ordres mineurs, mais avec les
bénéfices.
Ce pape avoue que ses prédécesseurs ont
souffert des bénéficiers mariés dans les ordres
mineurs , et qu'on ne pourrait arracher ces
bénéfices d'entre les mains de ceux qui les
occupent, sans courir fortune de verser beau-
coup de sang ; mais il ordonne qu'on ne souf-
frira plus rien de semblable à l'avenir.
« De clericis inferiorum ordinum, qui in
conjugio constitua diu ecclesiastica bénéficia
ex concessione pnedecessorum nostrorum ha-
buerunt, a quibus sine magno discrimine ac
effusione sanguinis non possunt privari ; id
duximus respondendum. Provideas attentais,
ne deinceps clerieus conjugatus ad ecclesia-
stica bénéficia, vel sacros ordines, vel admini-
sti ationes ecclesiasticas admittatur ( Décret.,
1. m, tit. 3). »
Ce pape ajoute ensuite que les bénéficiers
qui se marieront à l'avenir perdront en même
temps leur bénéfice.
IL Innocent III confirma ce décret fCap. vi)
et il en donna une raison, savoir que les fonds
des bénéfices se dissipaient entre les mains de
ceux qui ont famille. « Praesertim ciim rerum
ecclesiasticarum substantia per taies soleat de-
perire. »
Cette raison est d'une si extrême importance
(pie l'on peut penser avec toute la probabilité
possible, que lorsque les clercs mineurs mariés
possédaient autrefois des bénéfices, ils n'ont
jamais possédé que des distributions manuelles
qui étaient alors les bénéfices ordinaires. Mais
depuis que les fonds mêmes ont été affectés à
des bénéfices, on ne peut que très-rarement et
par des occasions inévitables les avoir confiés à
des clercs, dont la famille en faisait si juste-
ment appréhender ou la dissipation , ou même
l'aliénation entière.
III. Ce même pape ne veut pas qu'on con-
traigne un clerc marié de porter la tonsure, si
ce n'est pas la coutume du pays, qu'on les y
contraigne, et si sa femme témoigne ne pou-
voir l'endurer sans déplaisir : « Cum de con-
suetudine terrœ tuae clerici conjugati non co-
ganturinviti portare tonsuram (Cap. vu, ibid.).»
Aussi bien quand ce clerc marié eût porté la
tonsure, il n'eût pas pour cela joui du privilège
clérical : «Quoniam etiam tonsuratus nonpotest
privile gio clericali gaudere (C. ix, x). »
Honoré III les déclara ensuite également dé-
chus de l'immunité ecclésiastique pour leurs
biens. Enfin, ce pape ajoute que celui qui a été
simplement tonsuré en jeunesse et qui depuis
a embrassé la milice, ne doit point être forcé à
porter l'habit ecclésiastique : «Non est cogen-
dus déferre habitum clericalem (Spicileg., tom.
vi, p. 487). » Ce qui ruine entièrement l'an-
cienne loi de la stabilité des clercs dans la clé-
ricature.
IV. Il parait clairement par les termes de ces
décrétales, que ce ne fut qu'en ce temps- là
qu'on commença à priver les clercs mariés de
tous les privilèges de la cléricature.
Le décret du concile de Vienne, qui est rap-
porté dans les Clémentines (Dutillet, part, i,
pag. 449) , interdit aux clercs les métiers hon-
teux et infamants de bouchers et de cabare-
tiers : « Carnificum , seu macellariorum, aut
tabernariorum ; » et si après les monitions
canoniques ils ne s'en désistent pas, il les prive
absolument de tous les privilèges de la cléri-
cature, s'ils sont mariés, tant pour leurs biens
que pour leur personne : « Si moniti ab his non
destiterint, conjugati omnino, in rébus et in
personis privilegium cléricale amittant ( C.
Diœcesanis de vita et honest. Cleric). »
Ce décret suppose que ces clercs mariés
jouissaient encore du privilège double de la
cléricature, et que les décrets précédents n'a-
vaient pas été exécutés. Boniface VIII, renou-
velant le statut d'Innocent II , avait rendu ou
confirmé aux clercs mariés le privilège du for,
pour ne pouvoir être punis ni corporellement,
ni pécuniairement par les magistrats séculiers.
Les termes en sont presque les mêmes que ceux
du concile de Palence , que nous allons rap-
porter (In Sexto. De Clericis conjugatis).
Le concile d'Avignon, en 1337, renouvela
cette Clémentine. Le synode de Nîmes, en 1284
(Can. xxxvin), déclara aux clercs mariés que,
pour jouir du privilège, ils devaient porter
l'habit et la tonsure des clercs, n'être point
bigames, s'abtenir des métiers vils : « Clerici
iGA
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SIXIÈME.
conjugati volentcs gaudere privilegio , coro-
nam, etc. »
Le concile de Palence, en Espagne, en 1588
(Can. m), fait jouir du privilège clérical du
canon et du for les clercs mariés , selon la
constitution d'Innocent II , pourvu qu'ils ne
soient pas bigames, et qu'ils portent l'habit
des clercs et la tonsure aussi grande que ce
concile a pris soin de la marquer, c'est-à-dire
de la grandeur de celle que les prêtres portent
communément en ce temps.
« Cum in jure statutum existât, quod clerici
conjugati, qui cum unicis et virginibus con-
traxerunt, si tonsuram et vestes déférant cléri-
cales, privilegium obtineant canonis ab lnno-
centio papa II editi, in favorem totius ordinis
clericalis, et pro commissis ab eis excessibus
vel delictis non possinta saecularibus judicibus
personaliter, aut etiam pecunialiter condem-
nari. »
Le concile de Bourges, en 4336 (Can. n), en-
joignit aux ordinaires de châtier sévèrement
les clercs mariés qui quittaient malicieusement
l'habit et la tonsure cléricale. « Ordinamus de
clericis conjugatis dimittentibus in fraudem
babitum et tonsuram, quod taliter puniantur
per suos ordinarios, quod in posterum talia non
committant. »
Le concile de Pont-Audemer, en lv26~, après
avoir averti les clercs mariés même de s'abste-
nir des trafics peu honnêtes, et de porter l'ha-
bit et la tonsure des clercs , se contenta de
punir leur désobéissance, en les abandonnant
aux seigneurs temporels , pour exiger d'eux
toutes les mêmes charges que des laïques, et
aux juges civils, pour les châtier de leurs cri-
mes. « Circa conjugatos aequanimiter tolerabit,
quod domini seeeulares ab ipsis justitias débi-
tas, velut ab aliis exigant, et servitia consueta,
etc. Si in apostasia tonsuraet habitas clericalis
permanserint, et contingat, quod pro suis ex-
cessibus a saecularibus judicibus capiantur t
non praecipiemus eos per censuram ecclesiasti-
cam liberari. »
V. Le concile de Trente (Sess. xxm, c. 6, 17),
a confirmé la décrétale de Roniface VIII, dont
nous avons parlé; « In clericis conjugatis ser-
vetur constitutio Ronifacii VIII, etc. » pourvu
que ces clercs mariés portassent l'habit cléri-
cal , et qu'ils fussent attachés au service de
quelque église, par l'ordre de l'évèque. « Modo
alicujus eeclesia* servitio , vel ministerio ab
episcopo deputati, eidem ecclesioe serviant, vel
ministrent, et clericali habita, ettonsura utan-
tur. » Ce qui fut inséré en mêmes termes dans
le concile de Reims, en 1564 (Statut, ix, x).
On inséra aussi dans ce concile de Reims
l'autre décretdu concile de Trente portanlque,si
pour les fonctions des ordres mineu rs on ne trou-
ve pas des clercs observateurs du célibat qui puis-
sent les exercer, on commettra en leur place
des clercs mariés, pourvu qu'ils ne soient point
bigames, et qu'ils portent dans l'église la ton-
sure et l'habit clérical. « Quod si ministeriis
quatuor minorum ordinum exercendis clerici
caiibes presto non erunt, suffici possunt etiam
conjugati, vitse probatœ dummodo non bigami,
ad ea munia obeunda idonei, et qui tonsuram
et babitum clericalem in ecclesia déférant. »
VI. Ces derniers statuts du concile de Trente
semblent avoir établi en quelque façon les
clercs mariés dans tous les anciens avantages
dont ils avaient joui pendant les premiers siè-
cles de l'Eglise. Car on les attache à une église,
on leur y donne une sainte fonction, on leur
commet le ministère des ordres mineurs , on
les fait jouir du privilège clérical du for et du
canon, on leur donne la tonsure et l'habit des
clercs.
Véritablement on ne leur permet pas de pos-
séder des bénéfices, mais puisqu'on les applique
et qu'on les asservit à exercer continuellement
les fonctions des ordres mineurs, et que cela
ne se fait pas sans quelques appointements,
puisque les laïques mêmes en recevraient , on
n'a qu'à donner à ces appointements le nom
de distributions manuelles, et ce seront des bé-
néfices selon le style de la primitive Eglise, et
selon la pratique restée dans quelques églises
particulières, où les revenus des canonicats ne
consistent qu'en distributions.
Il faut donc interpréter les décrétales ci-des-
sus alléguées, en sorte qu'elles n'ôtent point
aux clercs mariés les privilèges du for et du
canon, quoiqu'elles retranchent tous les autres
(Fagnan., in C. Joannes. De Clericis conjuga-
tis.) Il est vrai que les canonistes doutent si leur
privilège du for s'étend aux affaires civiles, et
si leur propre personne n'est point menacée,
et que la congrégation du concile s'est plus
portée pour la négative (Idem in C. Propo-
suisti. De foro competenti).
VII. Concluons qu'on peut distinguer trois
sortes de temps et de changements remarqua-
bles pour ces clercs mariés.
Jusqu'à la fin du XIe siècle, ils ont participé
DES CLERCS MARIÉS APRÈS L'AN MIL.
168
à tous les privilèges de la cléricalure, et ils ont
possédé des bénéfices, c'est-à-dire des distribu-
lions, et mémo des petits fonds de peu d'im-
portance , comme il a paru dans les parties
précédentes de ce traité.
Après le xie siècle, on commença à leur don-
ner l'exclusion de toutes sortes de bénéfices, et
il est fort vraisemblable qu'on en prit l'occa-
sion de ce que presque tous les ecclésiastiques)
ceux même des ordres majeurs, étaient ou con-
cubinaires , ou mariés , et prétendaient faire
passer leurs bénéfices à leurs enfants, comme
une possession héréditaire.
Les souverains pontifes opposèrent à ce dé-
bordement effroyable de l'impureté et de l'ava-
rice, des invectives ardentes sur l'incompatibi-
lité du mariage avec les fonctions saintes de la
cléricature. Ils déclarèrent les gens mariés et
les enfants des prêtres incapables de bénéfices.
Enfin, depuis Bon if ace VIII, comme la même
raison n'avait plus lieu , on a commencé à
témoigner moins d'aigreur contre les clercs
mariés, et à rétablir au moins en partie leurs
privilèges.
VIII. Le concile de Trente (Sess. xxiu, c. 6}
a déclaré les jeunes clercs incapables de béné-
fices, avant l'âge de quatorze ans, quoiqu'ils
soient dans les ordres mineurs. C'est un décret
évidemment contraire aux anciens usages de
l'Eglise, où la tonsure, ou bien l'ordre et le bé-
néfice étaient deux choses inséparables. Cepen-
dant ce décret est effectivement très-conforme
à l'esprit de la plus pure discipline des pre-
miers siècles.
En effet, on y donnait bien aux jeunes clercs
un honnête entretien, qui pouvait passer pour
un bénéfice manuel; mais on n'avait garde de
les charger des plus importantes dignités , et
des plus riches bénéfices de l'Eglise. C'est pour-
tant à quoi le concile de Trente a commence
de parer.
Ce fut par la même conformité aux inten-
tions de la primitive Eglise que, vers le xue siè-
cle, on dépouilla de leurs bénéfices les clercs
mariés.
IX. Fevreta avance dans son traité de l'Abus
(De l'Abus, 1. iv, c. i, u. 1) que . ni la décré-
tale de Boniface VIII, ni le décret du concile de
Trente qui le confirme, n'ont point de vigueur
en France, où les clercs maries ne jouissent
d'aucun privilège clérical, selon Du Moulin, et
selon les ordonnances même.
Du Moulin dit seulement que les clercs qui
exercent la marchandise, ou d'autres profes-
sions semblables, sont déchus du privilège clé-
rical, selon l'ordonnance de François Ier. « In
regno Franci.e si exerceantmercantiasetsaecu-
lares status, nullo fori privilegio gaudent, ut
constitutio regia anni 1539, § i (Molinanis, In
Sextum. Libro tertio, tit. u, c. un.). » Or, l'or-
donnance de François I", en 1 r> 39 (Art. iv), ne
regarde pas plus les clercs mariés que les antres,
et elle les prive également du privilège du for,
s'ils s'appliquent au trafic, ou à quelque autre
profession, qui d'elle-même doive répondre à la
juridiction séculière, sans préjudice de la juri-
diction temporelle et séculière contre les clercs
maries et non mariés, faisant et exerçant états
ou négociation, pour raison desquelles ils sont
tenus et ont accoutumé de répondre en cour
séculière, où ils seront contraints de ce faire,
tant en matières civiles que criminelles, ainsi
qu'ils ont fait par ci-devant.
Il faut faire trois réflexions sur cette ordon-
nance ; 1° Qu'elle traite indifféremment des
clercs mariés ou non mariés, et ne déroge pas
plus à l'immunité des uns qu'à celle des autres.
2° Qu'elle ne dépouille de l'immunité du for
que ceux, soit mariés ou non, qui exercent des
métiers naturellement responsables au juge
séculier. Or, plusieurs clercs non mariés peu-
vent s'y engager, et plusieurs de ceux qui sont
mariés, peuvent en être dégagés, et ainsi ceux-
là ne jouiront pas, et ceux-ci jouiront du privi-
lège clérical.
3° Cette ordonnance ne fait aucune innova-
tion, ainsi qu'ils ont fait par ci-devant.
L'ordonnance de Roussillon , en 1563
(Art. xxi , renferma dans les sous-diacres et les
autres ordres supérieurs l'immunité du for,
en quelque manière que ce soit, civile ou cri-
minelle, nul ne sera recevable à requérir, par
vertu du privilège clérical , d'être renvoyé par
devant le juge d'Eglise, s'il n'est sous-diacre
pour le moins. Mais il fut aisé de surprendre
le jeune roi Charles IX, dans les premières an-
nées de son règne, surtout avant que le con-
cile de Trente eût été terminé. Il faut même
remarquer que cette ordonnance n'est pas plus
préjudiciable aux clercs mariés qu'à tous les
autres au-dessous du sous-diaconat.
Après que les décrets du concile de Trente
eurent été répandus par le monde deux ou
trois ans seulement après la conclusion de ce
concile, le même roi Charles IX répara, par son
ordonnance de Moulins, en tobG, le préjudice
16t>
DU SECOND OHDUE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SIXIEME.
qu'il reconnut lui-même avoir fait à l'état
ecclésiastique par son ordonnance précédente.
Les termes de l'article 140 de l'ordonnance
de Moulins pourraient passer pour une traduc-
tion française, et pour une publication du con-
cile de Trente sur ce sujet.
Les voici : En déclarant l'article de l'ordon-
nance par nous faite sur le privilège de cléri-
cature, ordonnons que nul de nos sujets, soi-
disant clercs ne pourra jouir dudit privilège,
s'il n'est constitué ès-ordres sacrés, et pour le
moins sous-diacre ou clerc actuellement rési-
dant et servant aux ofiiees, ministères et béné-
fices qu'il tient en l'Eglise.
C'est donc une déclaration ou une réforma-
tion de l'ordonnance précédente. Elle ne met
point de différence entre les clercs mineurs,
soit mariés ou non. Elle rend l'immunité clé-
ricale du for aux clercs inférieurs, pourvu
qu'ils soient actuellement attachés à une église,
et appliqués a la servir dans quelque fonction
ecclésiastique. Or, selon le concile de Trente et
selon les conciles tenus en France après celui
de Trente, les clercs mariés peuvent avoir cette
attache et cette application à une église et à
quelque ministère ecclésiastique par ordre de
l'évèque.
Il est aisé de remarquer une parfaite confor-
mité entre les termes de cette ordonnance et
ceux du concile de Trente. Si l'ordonnance
parle des bénéfices, c'est en réservant le même
avantage aux ofiiees et aux ministères actuels
dans l'Eglise. En effet, les anciens bénéfices
n'étaient cfue des ofiiees et des administrations,
et leurs revenus même n'étaient que des dis-
tributions.
Concluons donc qu'il ne faut point avoir
égard à ce que disent Fevret et du Moulin sur
ce sujet (1).
(1) On sait que la Convention nationale abolit en France le célibat
ecclésiastique. Lors de la conclusion du Concordat, la pensée secrète
du gouvernement français était d'obtenir du pape le mariage des
prêtres. Ce fait si grave est officiellement attesté dans le bref de
Pie VII du 27 mars 1808. Le souverain pontife énumérant les torts
de l'empereur Napoléon, lui reproche d'avoir présenté à sa sanction
l'abolition du célibat ecclésiastique. « La loi civile, avait du I
« dans son rapport sur les articles organiques, ne défend pas le ma-
■ nage aux ministres du culte sous peine de nullité ; mais elle n'em-
« pèche pas non plus les ministres du culte de se ci nfbrmer à cet
o égard à la discipline de l'Eglise. » Dans une lettre adressée à l'Em-
pereur le 17 juin 1805, il disait encore : » Je sais que dans les prin-
■ cipes du nouveau code civil, la prêtrise n'est plus un empêchement
* dirimant du mariage ; en abdiquant le sacerdoce, on peut renoncer
<• au célibat. »
Cependant le gouvernement, ayant réfléchi sur les conséquences
de tels principes qui tendaient à détruire le catholicisme, revint sur
ses idées. Un prêtre du diocèse de Bordeaux ayant voulu contracter
mariage, Portalis fit défendre aux officiers de l'état civil de recevoir
l'ai tf! de sun mariage. Dans sa lettre à l'archevêque de Bordeaux, du
12 janvier 180G, il y est dit : « Vous vous applaudirez, sans doute,
« d'avoir prévu, autant qu'il est en vous, les intentions de notre au-
« gustc Empereur, en vous opposant à la consommation d'un scandale
o dont le spectacle aurait affligé les bons et encouragé les méchants. »
Cependant en 1807 le gouvernement se relâcha un peu de cette^sage
maxime, et il autorisa le mariage de tous ceux qui avaient renoncé
au sacerdoce avant le Concordat.
Les tribunaux ont eu à statuer plus d'une fois sur la très-grave
question du célibat ecclésiastique. L'affaire du prêtre Dumonteil a eu
le plus de retentissement, parce qu'elle a parcouru tous les ressorts
judiciaires. Appelée le 10 juin 1828 devant le tribunal de la Seine,
le jugement qui suivit débouta Dumonteil. Par suite de son appel la
cour royale de Pans sanctionna, le 27 décembre 1828, l'arrêt du tri-
bunal de première instance. Après la révolution de 1830, Dumonteil
présenta une nouvelle instance à la cour royale de Paris, et le
Il janvier 1832, elle répéta son arrêt de 1828. L'affaire fut portée
devant la cour de cassation par Dumonteil, et la cour souveraine ren-
dit, le 2! février L833, un arrêt confirmatif de tous les autres, décla-
rant que tout individu promu aux ordres sacrés ne pouvait, même
en y renonçant, être admis à contracter mariage; que les officiers
de l'état civil devaient refuser des mariages semblables; que ni le
code civil, ni la charte nouvelle, n'avaient apporté à cet égard aucune
modification au droit ■■■■■ > int.
i 1862 a vu cette question apparaître de nouveau.
Mais malheureusement la magistrature judiciaire semble avoir fait un
premier pas s'eloignant de la décision de la cour de cassation de 1833.
Le prêtre Brou de Laurière fit instance auprès du tribunal de Péri-
gueux, pour qui de l'état civil fût contraint à recevoir l'acte
de son mariage. Après un torrent de faconde ampoulée, où l'avocat
Jules Favre entassa toutes les exagérations et les sophismes, jusqu'à
montrer Grégoire VU sortant de sa tombe pour soumettre de nouveau
Les roîs, les empereurs et les républiques, par le moyen du célibat,
le tribunal de Péngueux rendit uh arrêt de partage, c'est-à-dire que
la conclusion resta indécise. Ce premier pas est alarmant quand on
considère les suites qu'il peut avoir.
(Dr André.)
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR L'ETAT ECCLÉSIASTIQUE.
1B7
CHAPITRE SOIXANTE-SEPTIEME.
DE LAGE NECESSAIRE POIR L ETAT ECCLESIASTIOl E , POIR LES ORDRES ET LES BÉNÉFICES,
PENDANT LES CINO. PREMIERS SIÈCLES.
I. On donnait les ordres mineurs aux plus jeunes enfants, et
aussitôt après le baptême. L'acolytat et le sous-diaconat à vingt
ans, le diaconat à trente, la prêtrise à trente-cinq, l'épiscopat à
quarante-cinq. Preuves du pape Sirice.
II. Suite de la même preuve.
III. Du pape Zozime.
IV. Règlement des conciles de Cartilage.
V. Autres preuves des ordres mineurs donnés à de jeunes
enfants.
VI. Autres preuves. Dispense en faveur de saint Epiphane,
depuis évèque de Pavie.
Vil. Autres exemples.
VIII. L'âge de la prêtrise réduit à trente ans.
IX. Dispenses.
X. Ces dispenses ne se donnaient qu'à ceux qui fuyaient et
l'ordre et la dispense.
XI. Comment on donnait alors des bénélices à de jeunes
enfants.
I. La continence était autrefois d'autant plus
facile à observer qu'on faisait entrer dans l'état
ecclésiastique les enfants dès leur âge le plus
tendre, avant que l'air empesté du siècle eût
pu corrompre leur première innocence. Cela
nous engage à parler de l'âge nécessaire pour
les ordres ou pour les bénéfices , puisque
c'étaient deux noms différents d'une même
chose, ou au moins de deux choses inséparables
dans la police de l'ancienne Eglise.
Or, que l'on tâchât de prévenir le venin de la
corruption du siècle, en faisant entrer les plus
jeunes enfants dans les ordres, c'est ce que
nous apprend le pape Sirice. « Quicumque ita-
que se Ecclesiœ vovit obsequiis, a sua infantia
ante pubertatis annos baptizari, et lectorum
débet ministerio sociari (Epist. i, c. 9). » Il est
clair que le pape donne l'office de lecteur à des
enfants aussitôt après le baptême.
Il est vrai qu'il lenr permet après cela de se
marier, et quoiqu'ils le fussent, il les fait pas-
ser jusqu'à l'âge de trente ans dans l'ordre et
k-s exercices des acolytes et des sous-diacres;
à l'âge de trente ans, ils monteront au diaconat,
où ils s'obligeront au célibat, et cinq ans après
ils recevront la prêtrise, laquelle ayant exercée
durant dix ans avec une piété qui ait édifié
l'Eglise, ils pourront être élevés à l'épiscopat.
11 est sans doute que ceux qui avaient reçu dès
leur enfance une éducation toute sainte et
toute ecclésiastique, étaient bien plus disposés
à consacrer leur corps à la continence quand
ils recevaient l'ordre de diacre à l'âge de trente
ans.
La prêtrise ne leur était donnée qu'à trente-
cinq ans, et l'épiscopat à quarante-cinq. Ce sont
les termes formels de cette décrétale qui expri-
ment cet âge. « Usque ad tricesimum aetatis
annum acolythus et subdiaconus esse debebit.
Post quae ad diaconii gradum accédât. Ubi si
ultra quinque annos ministrarit, presbyterium
consequatur. Exinde post decennium episcopa-
lem cathedram poterit adipisci. »
II. Quanta ceux qui dans un âge plus avancé
désiraient se consacrer à l'Eglise, ce même
pape déclare que dès leur enfance spirituelle ,
c'est-à-dire , dès qu'ils auront reçu une nou-
velle naissance parle baptême, ils entreront
dans la cléricature, en recevant l'ordre de lec-
teur, ou d'exorciste ; deux ans après on les fera
acolytes, puis sous-diacres: cinq ans après on
les ordonnera diacres , si leur vertu répond à
un rang si élevé : enfin leur piété croissant à
proportion de leur âge, ils pourront être élus
pour la prêtrise ou pour l'épiscopat, parle con-
sentement unanime du clergé et du peuple.
Ci la nous apprend que si l'enfance était pro-
pre à cette bienheureuse servitude qui nous
fait porter le joug du Seigneur, l'innocence du
baptême y était encore plus propre et plus
nécessaire. « Qui aîtate jam grandaevus , ex
laico ad sacrant militiam pervenire festinat ,
ntelioris propositi conversatione provocatus,
desiderii sui fructum non aliter obtinebit, nisi
eo quo baptizatur tempore , statim lectorum
aut exorcistarum numéro societur (Ibid., ex).»
Ce pape ne met aucun intervalle entre le
baptême et l'ordination, pour ne pas donner le
loisir aux vanités et aux illusions du monde de
se glisser dans le cœur, et de souiller l'inno-
168
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SEPTIÈME.
ccnce baptismale si désirable à l'état ecclésias-
tique.
Ajoutons encore cette réflexion en passant
sur les paroles rapportées de Sirice : « Qui
Ecclesia? se vovit obsequiis , et qui ex laico ad
sacram militiam pervenire festinat, etc.,» que
ce n'était pas seulement le choix des prélats,
ou l'élection faite par le clergé et le peuple, qui
ouvrait la porte de la cléricature , mais que
plusieurs personnes s'y dévouaient elles-mêmes
ou pour y mieux conserver l'innocence, si
c'étaient des enfants, ou pour y laver les taches
de leur vie passée , si c'étaient des personnes
plus âgées : « Mêlions propositi conversatione
provocati. » Ainsi quoique ces derniers appor-
tassent aux ordres l'innocence du baptême, ils
ne laissaient pas, après cela, d'expier par une
longue pénitence leurs dérèglements passés.
Mais nous ferons ci-après une plus longue
dissertation sur le zèle des fidèles à s'engager
volontairement dans l'état ecclésiastique, et
dans le même endroit nous remarquerons une
chose, dont on ne peut pas douter avec raison,
qui est que l'on ne pouvait contracter aucun
engagement, sans la volonté et l'autorité de
l'évêque ; en sorte que les vœux faits sans sa
participation étaient nuls et n'obligeaient en
aucune manière.
Il n'y avait pour lors qu'une porte pour en-
trer dans l'état ecclésiastique , savoir, l'un des
ordres que l'on appelle mineurs; et il n'y avait
alors que l'évêque qui eût droit de conférer
quelqu'ordre ecclésiastique, même les infé-
rieurs. Mais l'évêque ne refusait pas facilement
ceux qui, lois de la régénération spirituelle,
demandaient avec ferveur et une mûre déli-
bération d'entrer dans l'état ecclésiastique.
III. Le pape Zozime exprime d'une manière
encore plus pressante cette nécessité d'entrer
dans la cléricature et dans les moindres ordres
dès l'âge de l'enfance, ou au moins dès le mo-
ment qu'on a reçu le baptême, afin que l'inno-
cence ne puisse encore avoir été ternie par
l'air contagieux du siècle.
« Hœc in singulis gradibus observanda sunt
tempora : si ab infantia ecclesiasticis ministe-
riis nomen dederit : inter lectores usque ad
vicesimum aslatis annum continuala observa-
tione perduret. Si major jam et grandœvus
accesserit, ita tamen ut post baptismum , sta-
tini se divinœ militiaedesideret mancipari, sive
inter lectores, sive inter exorcistas, quinquen-
nio teneatur: exindeacolythusvel subdiaconus
quatuor annis; et sic ad benedictionem diaco-
natus si meretur accédât : in quo online quin-
que annis hierere debebit ; exinde presbyterii
sacerdotium poterit promereri (Epist. i, c.
3, 2.); »
Ce sont là les intervalles que ce pape veut
qu'on observe entre les ordres , et ainsi on ne
parvenait au sous-diaconat qu'à vingt ans , au
diaconat qu'à trente, à la prêtrise qu'à trente-
cinq. En effet, le nom de prêtre, TcpwëuTspoç, étant
le même que celui d'Ancien, l'âge devait répon-
dre à la signification du nom. « Jam vero ad
presbyterii fastigium talis accédât, ut et nomen
œtas impleat, et meritum probitatis stipendia
anteacta testentur. »
IV. Le concile lit de Cartilage (Can. iv) avait
défendu l'ordination des diacres avant l'âge de
vingt-cinq ans. Il ne faut pas omettre un autre
règlement de ce concile (Can. xix) qui com-
mande aux jeunes clercs, dès qu'ils auront
atteint l'âge de puberté , ou de se marier, ou
de faire vœu de continence. « Placuit ut lecto-
res cum ad annospubertatisvcnerint, cogantur
autuxores ducere, autcontinentiam profiteri.»
Cette sage assemblée jugeait que la chasteté
conjugale pourrait préserver ces jeunes ecclé-
siastiques d'une incontinence criminelle. Mais
après tout, quoique ce mariage ne les privât
pas ni des fonctions de leur ordre, ni des avan-
tages de leur bénéfice , il est néanmoins bien
vraisemblable que la plupart de ces jeunes
lecteurs prenait le meilleur parti, et renonçait
pour jamais au mariage.
V. En voici une preuve assez apparente. Vic-
tor, évêque de Vite , raconte le triomphe que
douze lecteurs ou psalmistes encore enfants :
« Clericos, duodecim infantulos, vocales, stre-
nuos, alque aptos niodulis cantilenae ( L. v,
vel. 3), » remportèrent de la cruauté détestable
des Vandales dans l'Afrique, et de tous les tour-
ments qu'on put leur faire souffrir. On éleva
ensuite ces douze enfants dans une sainte com-
munauté qui n'était composée que d'eux seuls,
et on les regardait comme douze jeunes apô-
tres : « Quos nunc Carthago miro colit atfectu,
et quasi duodecim apostolorum , chorum con-
spicitpuerorum. »
Si une si sainte éducation dans les exercices
des ordres inférieurs, leur donnait cette force
invincible capable de souffrir et de surmonter
les tourments, elle leur faisait aussi, à plus
forte raison, mépriser pour l'ordinaire les vo-
luptés des sens.
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE.
10')
Le même Victor, au même endroit, montre
que le nombre de ces innocents lecteurs était
fort grand dans le clergé de Cartilage: « l'ni-
versus clerus Ecclesise Carthaginis famé ine-
diaque maceratur, fere quiogenti vel amplius.
IntiT quos quamplurimi erant Iectores infan-
tuli, qui gaudentes in Domino , procul exilio
crudeli traduntur. »
VI. .Mais comme l'âge précis qui donnait en-
trée dans la cléricature ne paraît pas encore
assez déterminé par ce qui a été dit. il faut que
nous l'apprenions d'Ennodius dans la vie de
saint Epipliane, évèque de l'avie.
Il raconte comment ce jeune enfant fut fait
lecteur à l'âge de huit ans : « Sub Crispino
pontifice cœlestis militiœ tyrocinium sortitus,
annorum fere octo lectorisecclesiasticisuscipit
officium. » Il apprit aussitôt à écrire par notes
abrégées et il fut sans doute mis au rang de
ceux : « qui notarum compendio et scribendi
celeritate quamlibet loquentis pernicitatem
œquabant; » on les appelait notaires par cette
raison. « Et latine exceptores etiam vocabantur
notarum in scribendo compendia, et figuras
varias verborum multitudinem comprelien-
dentes brevi assecutus, in exceptorum numéro
dedicatus enituit. » A l'âge de dix-liuit ans il
fut fait sous-diacre : « Talisjam ad decimum
octavum œtatis suœ annum pervenit. In quo
secundo ab levitis numéro dedicatus, senum
cœtibus puer adgregatus est. »
Cette expression d'Ennodius nous marque
assez clairement que si Epipliane avait été élevé
si jeune au sous-diaconat, c'était parce qu'on
donnait a sa vertu ce qu'on eût refusé a son âge.
Ce fut encore l'effet et la suite du même privi-
! - . que deux ans après on le lit diacre : « In
quo Ole subdiacoui ordine, nihil amplius quam
bienuio commoratus , meritorum suorum sal-
tibus eveclus exilait. Brevi post ad diaconii
e\ectus infulas, vicesimum annum œtatis as-
cendit. facie necdurn bene barbata. » Son évê-
que le chargea aussitôt du soin des pauvres et
de tout le temporel de son Eglise ; enfin il le
considéra comme son œil, ses mains, et ses
pieds : « Pesillius erat, oculus. dexfra. » Cette
considération devait l'arrêter plus longtemps
dans le diaconat, mais il n'y passa que huit ans.
et enfin Crispin étant mort. Epiphane lui suc-
céda dans l'épiscopat.
Le mérite extraordinaire de ce saint a pu
précipiter son progrès et son élévation aux or-
dres éminents , mais on ne peut pas faire le
même jugement de l'ordre de lecteur, qu'on
lui donna à l'âge de huit ans. On peut donc se
persuader que ces enfants que nous avons dit
jusqu'à présent, avoir été admis, et même sou-
haites dans les lois canoniques pour entrer dans
l'ordre des lecteurs, n'étaient âgés que de huit
ans ; et on les croyait non-seulement capables ,
mais très-propres à exercer les ordres mi-
neurs, et à tenir les bénéfices qui y étaient
attachés.
VII. C'est dans cette persuasion que Sidonius
Apollinaris commence l'éloge du saint homme
Jean, qu'on venait d'élire évèque deChàlons,
par dire que dès son enfance il avait été minis-
tre de l'autel, c'est-à-dire lecteur. « Lector hic
primum, sic minister altaris, idque ab infantia
post laborum temporumque progressu archi-
diaconus, etc. (L. iv, ep. ult.). » Voilà par quels
degrés on montait au comble des dignités ec-
clésiastiques.
L'auteur de la vie du célèbre abbé Euthyme,
père de tant de monastères dans l'Orient , dit
que sa mère le présenta à l'évèque de Mélitence,
qui le baptisa d'abord , lui coupa les cheveux
et le mit au nombre des lecteurs : « Cum eum
baptizasset, et pilos qui ex lege tondeutur pue-
ris, totondisset, in gradum lectorum eum
cooptât Apud Surium, die 20 Januar.). »
Cet usage était donc commun à l'Orient et
à l'Occident, de donner en même temps le bap-
tême et la cléricature , c'est-à-dire l'ordre des
lecteurs, aux plus jeunes enfants. Palladiusdit
que Mélèce baptisa saint Chrysostome et le fit
aussitôt lecteur. « Lavacri regeneratione mun-
datum , lectorem ordinavit. » Saint Augustin
semble autoriser cette coutume, et il nous ap-
prend outre cela le soin qu'on avait d'instruire
ces jeunes lecteurs. « Pueri , qui adhuc pueri-
liter in gradu lectorum christianas litteras no-
runt (De consensu Evang., l.i,c. 10). Saint
Paulin, parlant du saint martyr Félix, le fait
commencer par l'office de lecteur en son en-
fance: « A puero instituit servire Deo et primis
lector servivit in annis (Paulin. Carm. 4). »
VIII. Quant a l'âge de la prêtrise, le concile
de Néocésarée Can. u l'a déterminé à trente
ans, parce qu'en cet âge le Fils de Dieu fut
baptisé et commença à prêcher : s Christus in
trigesimo anno baptizatus est et cœpit prœdi-
care. » Pallade fait passer saint Chrysostome
cinq ans dans le diaconat . douze dans la prê-
trise, avant que d'être évêque ; il avait trente-
huit ans quand il fut fait évèque. On peut con-
170 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SEPTIÈME.
dure de là quel était son âge quand il reçut le
diaconat et la prêtrise.
Saint Rasile a fait un discours merveilleux
sur les qualités et les vertus extraordinaires
qui doivent orner les prêtres; il n'y oublie pas
la prudence et cette expérience qui ne s'acquiert
qu'avec l'âge, mais il confesse qu'il y a une sa-
gesse toute divine qui n'attend pas l'âge, et
qu'elle suffit.
Saint Jérôme fit en même temps l'apologie
de son frère Paulinien et de saint Epiphane
(In c. m Isaiœ), qui l'avait ordonné prêtre à
l'âge de trente ans, contre les accusations de
Jean, é\èque de Jérusalem, à qui cet âge ne
paraissait pas assez mûr pour un ministère si
sublime. Ce Père montre au contraire que les
preuves tirées de l'un et de l'autre testament
étaient favorables à son frère.
« Occidentalium sacerdotum commovit au-
ras, dicens eum adolescentulum et pêne pue-
rum in parochia sua Bethléem presbyterum
constitutum. At a;tas ejus beatitudini tuœ non
est ignota; et cum ad triginta annorum spatia
jam pervenerit, puto eam in boc non esse re-
prehendendam, quœjuxta mysterium assumpti
hominis in Christo perfecta est. Recordentur
legis antiquœ, et posi viginti quinque an nos a
levitica tribu eligi in sacerdôtium pervidebit.
Aut si in boc solo testimonio hebraicam sequi-
tur veritatem , noverit (riginta annorum fieri
sacerdotem. At ne forsitan dicat, vetera tran-
sierunt, et facta sunt onmia nova, audiat cum
Timolbeo, adolescentiam tuam nemo contem-
nat (Epist. ad Theophilum adv. error. Joan.
Hieroso.). »
Enfin, saint Jérôme ajoute que l'évêque de
Jérusalem avait ordonné lui-même des prêtres
au-dessous de l'âge de trente ans.
IX. Il y a eu des exemples surprenants d'un
âge fort disproportionné aux dignités où l'on
était appelé. Tel fut l'exemple de saint Remy,
qui fut élu archevêque de Reims, à l'âge de
vingt-deux ans; il protesta lui-même que les
canons ne souffraient pas qu'en un âge si peu
avancé on pût être chargé d'un poids si acca-
blant et d'une dignité si éminente. « Quod ec-
clesiastica régula banc setatem ad tanlam non
admitteret dignitatem (Flodoard., Hist. Rem.,
1. i, c. 2). » Mais on jugera qu'il était bien plus
utile à l'Eglise d'avoir un prélat qui eût toutes
les vertus épiscopales, quoiqu'il n'en eût pis
l'âge, que d'être confiée à tant d'autres qui en
ont l'âge et n'eu ont pas les vertus.
Ces exemples sont aussi rares que ces per-
sonnes sont extraordinaires. Pour le commun
des bommes il faut confesser que l'âge donne
du respect. Le pape Zozime exige fort justement
qu'on ne fasse point de prêtre dont l'âge ne
réponde à leur nom, « Ut et nomen a>tas im-
pleat (Epist. i). » Et saint Jérôme confesse lui-
même que le nom d'évêque marque sa dignité,
mais que celui de prêtre montre son âge :
« Illud nomen dignitatis est , hoc aetatis (Epist.
ad Océan.). »
X. Il est à remarquer que lorsque ces grands
bommes du siècle d'or de l'Eglise étaient dis-
pensés de la loi rigoureuse de l'âge, ce n'étaient
nullement eux qui demandaient ces dispenses.
Ils faisaient les derniers efforts pour éviter et la
dispense et le sacerdoce, ce qui obligeait l'Eglise
à les juger d'autant plus dignes de l'un et de
l'autre.
Tels furent ceux que nous avons nommés :
saint Remy et saint Tbéodore Sicéote, pour
l'épiscopat; Paulinien, frère de saint Jérôme,
pour la prêtrise; tel fut encore saint Gaudence,
évêque de Rresce, en Lombardie. 11 fit la der-
nière résistance, et opposa son défaut d'âge
pour ne pas être fait évêque ; mais saint Am-
broise et les autres évoques de la province
usèrenl d'une autorité absolue sur lui, le me-
naçant de l'excommunication comme d'une
juste peine de sa désobéissance.
C'est ce que ce saint évêque déclara lui-même
dans le sermon qu'il fit au jour du sacre. « Im-
peritiœ meœ conscius, et ictatis ipsius imma-
tura1 ad sacerdotii dignitatem, pudore deter-
ritus, merito silendi licentiam a sunimis
sacerdotibus postulabam, etc. Omis istud totis
viribus conatus sum declinare. Sed beatus pa-
ter Ambrosius, caeterique venerandi antislites,
taies ad me epistolas miserunt, ut sine damno
anima' tneae ultra jam resistere non valerem ;
cui ab orientalibus quoque episcopis, nisi
meum ad vos reditum pollicerer, salularis
communio negaretur. »
Tels étaient ces deux admirables frères, Gré-
goire Thaumaturge et Atbénodore, dont Eusèbe
dit qu'ils furent fait évêques dans le Pont,
étant encore jeunes. « Tantam et tam admira-
bilem in divinis eloquiis adepti sunt peritiam,
ut ambo àdbuc admodum juvenes, ecclesiarum
in Ponto episcopi fuerint constituti. »
Saint Grégoire de Nysse (L. vi, c. 30) nous a
appris l'extrême résistance et la fuite de saint
Grégoire Thaumaturge pour éviter l'épiscopat.
DE L'AGE NÉCESSAIRE POIR LA CLÉRICATCRE, etc.
171
Enfin tel aurait été saint Chrysostome, qu'on
voulait taire évêque des l'âge de vingt-deux ou
de vingt-quatre ans, s'il n'eût évité cette dignité
en la faisant tomber, par un artifice innocent,
sur la tète d'un de ses amis.
XL On ne doit point être surpris qu'on don-
nât les ordres mineurs, et par conséquent des
bénéfices à des enfants tout petits, puisqu'on
ne leur donnait que l'ordre qu'on leur faisait
exercer; on le leur faisait exercer avec toute
l'assiduité possible, et le bénéfice ne consistait
qu'en des distributions suffisantes pour leur
entretien modeste et Frugal. Samuel n'était pas
si âgé quand il commença de servir au temple.
A présent même, on élève et on entretient des
cillants aussi jeunes pour le chant de l'Eglise;
C'est la pratique du temps passé. Cela n'a
rien de commun avec l'abus que le concile de
Trente a condamné, en déclarant les enfants
incapables de bénéfices avant l'âge de quatorze
ans.
CHAPITRE SOIXANTE-HUITIEME.
de l'âge nécessaire pour la cléricature et pour les ordres, au sixième,
septième et huitième siècles.
I. Divers règlements Je l'Eglise de France sur l'âge de la cléri-
calure et de chaque ordre. Peu d'uniformité. Beaucoup de dis-
penses en faveur d'une vertu consommée avant l'âge, ijuand on
a commencé d'ordonner des prêtres à vingt-cinq ans.
II. Règlements pour l'Espagne ; les enfants y sont élevés à la
cléricature.
III. Il en est de même dans l'Italie.
IV. En Orient, Justinien règle tous les âges des ordres.
V. Le concile in Trullo fait aussi un règlement. Un clerc ton-
suré à cinq ans, un prêtre ordonné à dix-huit.
I. Le concile d'Agde (Can. xvi, xvn) régla
l'âge des diacres à vingt-cinq ans, celui des
prêtres et des évêques a trente, égalant les prê-
tres aux évêques en âge, pour satisfaire aux
saints Pères, qui ont remarqué que comme le
nom des évêques marque leur dignité, celui
des prêtres déclare leur âge.
Le concile IV d'Arles (Can. i) renouvelle ces
mêmes règlements : « Ne laicus ante praemis-
sam conversionem, vel ante triginta a?tatis an-
nos episcopatus vel presbyterii honorem ac-
cipiat; » sur quoi il faut remarquer que la
particule vel ne donne pas l'alternative, mais
qu'elle marque la fonction nécessaire de ces
deux conditions, afin qu'on ne s'imagine pas
qu'en entrant en religion ou eut dispense
d'âge. Cette conversion s'entend de l'épreuve
qu'on fait des laïques dans la continence et
dans les exercices des petits ordres, avant que
de les ordonner diacres.
Le concile III d'Orléans (Can. vi) le dit nette-
ment : « Ne ullus ex laicis ante annualem con-
versionem vel notatem legitimam, id est, vi-
ginti quinque annorum diaconus, et triginta
presbyter ordinetur. » Le pape Zacharie permit
a saint Boniface. dans les pressantes nécessités,
d'ordonner des diacres et des prêtres à vingt-
cinq ans. «Si provectœ aetatis minime repe-
riuntur, et nécessitas exposuit, a viginti quin-
que annis etsupralevilaeet sacerdotes ordinen-
tur Epist. xin . »
Grégoire de Tours donne trente ans à saint
Nizier. évèque de Lyon, quand il fut fait prêtre
(Vita? Patrum, c. vin;. Saint Remy fut ordonné
évêquede Reims a l'âge de vingt-deux ans;
mais il allégua lui-même les canons de l'Eglise
pour s'exempter d'une charge presque insup-
portable aux plus âgés et aux plus expérimen-
tés, et ce fut le ciel même qui se déclara pour
lui contre lui. et lui donnant dispense le força
de l'accepter Hincmar. in ejus vita. c. vi, vu).
Le saint archevêque Willibrord voulant ordon-
ner Boniface, cet admirable missionnaire s'en
défendit, parce qu'il n'avait pas encore cin-
quante ans : « Quoniam quinquagesimi anni
juxta canonicae rectitudinis normam. necdum
plene reciperet setatem (Surius, die 3 Junii). »
Je ne sais d'où Boniface tirait les preuves de
172
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-HUITIÈME.
la nécessité de cet âge, mais Willibrord eût
passé outre , s'il n'eût apporté de meilleures
défaites; et enfin le pape l'ordonna évèque,
sans attendre cet âge où la vertu est à la vérité
plus mûre, mais où les forces du corps com-
mencent à lui manquer. Saint Césaire fut fait
clerc dès sa plus tendre enfance, « inter ipsa
infantiae rudimenta (Surins, Aug. die -27, c. i,
xxviu). i) Il n'avait guères plus de sept ans.
Mais ce grand saint étant devenu évoque d'Ar-
les, ne voulut point ordonner de diacre qui ne
fût âgé de trente ans. « Adjecit etiam hoc, ut
manquant in ecclesia sua diaconum ordinaret,
ante trigesimum aetatis ejus annum (Surius,
Nov. die 1, c. v). » Fortunat, dans la vie de
saint Cermain, évèque de Paris, parle de la
voix très-mélodieuse d'un clerc qui n'avait que
dix ans. Saint Léger, évoque d'Autun, fut or-
donné diacre à l'âge de vingt ans (Surius, Oc-
tob. die 2).
II. Venons à l'Espagne, où le concile II de
Tolède (Can. i) permet aux parents de vouer
leurs enfants à la cléricature, et aux évèques
de les tonsurer et les faire lecteurs dès leurs
plus tendres années. « A primis infantiœ an-
nis. » Il ordonne ensuite qu'à lage de dix-huit
ans on les examine, et s'ils promettent de vivre
en continence, on les ordonne sous-diacres à
vingt-cinq. Le concile IV de Tolède (Can. xx)
confirme ce règlement pour les diacres par
l'exemple des lévites du Vieux Testament, et
exige trente ans pour l'ordre des prêtres.
Le concile X de Tolède (Can. vi) ne permet
au père et à la mère de consacrer leurs enfants
à la cléricature ou à la religion, que depuis leur
première enfance, et non par delà, « in quali-
bet minori œtate, » jusqu'à lage de dix ans :
« Parentibus sane filios suos religionis contra-
dere, non amplius quam usque ad decimum
aetatis eorum annum , licentia poterit esse. »
Après l'âge de dix ans, si les enfants sont of-
ferts à l'étatecclésiastique ou religieux parleurs
parents, on ne peut les forcer d'y entrer ou
d'y persévérer sans leur propre consentement.
Isidore de Séville dit que l'on n'ordonne les
évoques qu'à l'âge de trente ans, pour imiter
de près l'exemple du Fils de Dieu, qui ne com-
mença qu'à trente ans de faire la fonction la
plus épiscopale de toute, qui est la prédication.
« Ab œtate qua Christus orsus est praedicare
(De Eccles. Oflic, 1. il, c. 5, 7). » Il ajoute qu'à
l'exemple des lévites, on ordonne les diacres à
vingt-cinq ans.
III. Saint Grégoire défendit de donner les or-
dres sacrés à des enfants, « pueris ; » il exi-
gea un âge avancé : » nisi provectiores œtate
(L. u, epist. 47, 48). » Il est dit du pape Eu-
gène Ier qu'il avait été fait clerc dès son en-
fance : « Clericus a cunabulis, » dit Anastase
bibliothécaire.
IV. Justinien déclara que l'âge des évèques
et des prêtres était de trente-cinq ans, celui des
diacres et des sous-diacres de vingt-cinq, celui
des lecteurs dix-huit : il semble se contenter
ailleurs que celui qui sera élu évèque ait plus
de trente ans (Cod. de Episc. et Cler., 1. ix et
Novel. 123, cap. i, xiu ; Nov. 137, c. n).
V. On lut dans le concile V général les actes
d'un concile tenu dans la ville de Mopsueste,
par l'ordre du même empereur Justinien, où
entre ceux qui déposèrent contre Théodore,
autrefois évèque de la même ville, le piètre
Thomas dit qu'il était âgé de soixante ans, et
qu'il en avait passé cinquante-cinq dans la
cléricature : il fut donc fait clerc à l'âge de
cinq ans : Sexaginta annorum sum, habeo
vero in clero, licet peccator sim, quinquaginta
quinque annos (Collât, v). »
Par une pareille déduction on trouve qu'un
autre Thomas prêtre était entré dans le clergé
à l'âge de dix ans, Jean Diacre au même âge,
Thomas Diacre à l'âge de dix ans. Le concile
in Trullo (Can. xiv, xv) n'a fait que suivre les
constitutions de Justinien pour l'âge des dia-
cres (Cap. xn) ; mais il a mis celui des sous-
diacres a vingt ans, et celui des prêtres à trente,
corrigeant la loi de Justinien.
L'auteur de la vie de saint Eutychius, évè-
que de Constantinople, dit qu'il fut ordonné
prêtre à l'âge de trente ans, et qu'on attendit
un âge encore plusavancé pour le faire évèque
(Surins, April. die 0). Saint Jean le silencieux
fut fait évèque à l'âge de trente-huit ans.
Le célèbre Théodore Sicéote, qui fut depuis
évèque d'Anastasiople, fut ordonné prêtre n'é-
tant encore âgé que de dix-huit ans (Surius,
Maii die 13). Mais Théodore, évèque d'Anasta-
siojde, qui l'ordonna, fit connaître qu'il n'avait
fait qu'imiter l'Apôtre, qui avait fait évèque
Timothée, quoiqu'il fût encore fort jeune, parce
qu'il avait considéré que la maturité consom-
mée dis vertus supplée avantageusement au
défaut de l'âge ; enfin, que la voix du ciel s'é-
lanl l'ait entendre sur ce sujet, elle l'avait em-
porté sur les canons (Surius, April. die 22).
Théodore était déjà consommé en vertu dans
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR LA CLÉRICATDRE, etc.
171
cet âge tendre, où il fut fait prêtre; et ayant anges font dans le ciel, de chanter sans inter-
appris tout le psautier par cœur, il faisait clans raption les louanges divines,
toutes les églises la même fonction que les
CHAPITRE SOIXANTE-NEUVIÈME.
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR LÀ CLÉRICATURE, POUR LES ORDRES SACRÉS ET LES BENEFICES,
SOUS CHARLEMAGNE.
I. Diverses lois impériales, pour l'âge des lecteurs et des
chantres qu'on reçoit tout petits, des sous-diacres à vingt ans,
des diacres à vingt-cinq, et des prêtres à trente.
II. Les lois et les canons sur ce sujet ne s'observaient point
dans l'Orient.
III. Dans l'Occident même on en vit des violations très-scan-
daleuses.
IV. Les capitulaires et les conciles avaient néanmoins renou-
velé les anciens canons.
I. L'âge des ecclésiastiques, pour chaque
ordre, n'a reçu aucun changement dans les
deux ou trois siècles dont nous tachons de dé-
mêler la police. Les empereurs Léon et Cons-
tantin permirent l'ordination des lecteurs et
des chantres, dès le temps qu'ils sauraient lire
ou chanter. « Lector designetur ab eo tempore,
quo novit et potest légère. Psaltes designetur
abeo tempore, quo canere noverit Juris Orient.,
tom. ii. p. 94 . »
Photius dit, dans son Nomocanon, que les
Novelles de Justinien ne permettent d'ordonner
les prêtres qu'à trente ans. les diacres à vingt-
cinq, les lecteurs à vingt, les évêques à trente-
cinq (Nomocan., tit. i, c. 28); mais qu'une
autre constitution de Juslinien se contente que
l'évèque passe trente ans. Balsamon ajoute que
la Novelle de Justinien n'exige que huit ans du
lecteur, mais que la même loi corrigée dans
les basiliques, qui contenaient les lois confor-
mes à l'usage, en exigeait dix-huit.
De là, Balsamon prend un juste sujet de se
plaindre de la dépravation étrange de son siè-
cle, où au lieu d'attendre l'âge de dix-huit ans,
selon les lois, on ordonnait des lecteurs âgés
seulement de six ans, et quelques-uns même
de trois ans; qu'au reste, ce n'était qu'une
faible défaite de dire qu'on n'était pas obligé
d'attendre l'âge de dix-huit ans, parce que les
canons n'ordonnaient rien de semblable, puis-
que c'est une maxime indubitable que, dans
les choses qui ne sont pas décidées par les ca-
nons, il fallait se conformer aux lois.
Cette maxime des Grecs pour les choses
ecclésiastiques ne pouvait s'entendre que des
lois que les empereurs avaient faites, ou pour
faciliter l'exécution des canons, ou à la sollici-
tation des évêques, et surtout des évêques de
Constantinople, comme il arrivait très-souvent,
ou bien des lois que l'usage de l'Eglise avait
autorisées.
« Miror quomodo non exerceatur, quod de
lectorum aetate scriplum est. Cum enim dicat
lex, octodecim annorum esse debere lectorem,
clerici lectores nuncordinantur sexannos nati,
et nonnunquametiam tresannos tantum. Lege
canonem xiv et xv synodi vi qui déposition!
subjicit eos, qui ordinant diaconos et subdia-
conos, ante complementum annorum xxv etxx
vel sacerdotes ante annorum xxx. Qui autem
dicunt nihit obesse eis qui ordinant lectores
ante xviu annos eorum completos, quia cano-
nes nullam ejus rei mentionem fecerunt, maie
dicunt. Ubi enim nihil defînitur a canonibus,
debemus sequi leges et ex similibus similia de-
cidere (Ibidem . »
Justinien avait réglé l'âge de vingt-cinq ans
pour le sous-diaconat (Nov. 123); ce canon du
concile in Trullo le réduisit à vingt ans ; l'em-
pereur Léon le Sage révoqua la novelle de
Justinien, et confirma ce décret du concile VI
(Constit. 16). La raison qu'il en donne est
digne d'un empereur qui a mérité le nom de
sage. C'est que chacun doit avoir plus de
174
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-NEUVIÈME.
créance et plus d'autorité dans les choses qui
sont de sa charge et de son ressort. Ainsi dans
les matières ecclésiastiques, les canons doivent
l'emporter sur les lois. « Verbum vêtus, quod
de rébus suis dicenti aures esse aperiendas
monet, etc. Dignum Raque sacram legem de
rébus suis praecipientem audire imperatoria
nostra majestas rata, etc. »
II. Voilà les lois de l'Eglise, peu différentes
de l'ancienne, et de la plus pure discipline,
mais on pourra conjecturer du peu de fidélité
avec laquelle on les observait, par ce qui a été
rapporté de lîalsamon , touchant les jeunes
clercs , qu'on ordonnait quelquefois lecteurs
des l'âge de six ans, et même, ce qu'on aura de
la peine à croire, des l'âge de trois ans; et de
ce que Cédrénus raconte du patriarche Théo-
pbylacte, que l'empereur son père fit monter
sur le trône patriarcal dès l'âge de seize ans.
« Id quod contra leges ecclesiasticas erat, et
patriarcha sub paidagogis, proh indignant) rem,
aliquandiu egit. »
Il y a de l'apparence que ce ne fut pas dans
cette seule conjoncture qu'on crutque la faveur
seule de l'empereur pouvait donner du mérite,
de l'âge et de l'expérience, ou plutôt qu'on
reconnut que cela était impossible, et qu'on
vit des évoques et des patriarches dans la pous-
sière des écoles avec les enfants. Il est vrai que
Théophylacte ne fut consacré évêque qu'à l'âge
de vingt-cinq ans ; et durant cet intervalle de
temps, on donna comme la garde du patriar-
cat à Tryphon , comme nous dirons ailleurs
(Cedrenus. Baronius, an. 933, 944).
III. Peu d'années après, Jean XII envahit la
papauté à Rome, étant encore enfant, puisque
l'empereur lui donnait encore celte qualité
dans un synode romain quelques années après,
« Puer est, facile bonorum mutabitur exemplo
virorum (An. 935); » et que Baronius, en sup-
putant le temps que son père se maria, conclut
qu'il ne pouvait avoir tout au plus que dix-huit
ans.
On avait vu quelques années auparavant une
chose encore plus monstrueuse en France ,
lorsque le comte Héribert d'Aquitaine fit élire
son fils Hugues, archevêque de Reims, n'étant
encore âgé que de cinq ans. Abbon, évêque de
Soissons, Ravon, évêque de Châlons, le clergé
et le peuple de Reims consentirent à cette élec-
tion scandaleuse; le roi Rodolphe la confirma,
et envoya le même Abbon au pape Jean X pour
obtenir son consentement et sa dispense (An.
923). Ce pape ne crut pas devoir refuser ce
que le roi et les évoques jugeaient nécessaire.
Voilà ce qu'en dit Flodoard : « Eligunt Hu-
gonem admodum parvulum, qui nec adhuc
quinquennii tempus explesset. Rodulphus rex
hac electione comperta, prafatorum episeopo-
rum consilio Remensemepiscopatum commisit
Heriberto , etc. Joannes papa, interveniente
Abbone praesule, petitioni eorum conscnsum
prabens ; episcopium Remense Abbono epi-
scopo delegat, etc. (L. iv. c. 20). »
Luitprand raconte, dans son histoire, que
Jean XII fut accusé, dans un concile romain,
d'avoir ordonné un évoque à l'âge de dix ans.
« Et quod annorum decem episcopum in Tu-
dertina ci vitale ordinaret (L. vi, c. 7). »
IV. Tous ces exemples scandaleux ne peuvent
servir qu'à rendre ce renversement des canons
plus exécrable. Et, après tout, on ne peut nier
que les anciennes règles de la plus pure disci-
pline sur ce sujet ne conservassent toujours
leur première vigueur depuis que Charlemagne
les eut renouvelées dans son capitulaire d'Aix-
la-Chapelle, où il ordonna que, Conformément
au canon de Néocésarée, on ne donnât la prê-
trise qu'à l'âge de trente ans (Au. 789, can. l;
Capitul., 1. i, c. 49).
Cela fut confirmé peu après par le concile
de Francfort : « De presbyteris ante xxx œtatis
annum non ordinandis (An. 794, can. xlix), »
et par le concile 111 de Tours (An. 813, can. xu),
qui commanda que ceux qui seraient ordonnés
prêtres passassent auparavant quelque temps
dans l'évèché, pour apprendre les devoirs de
leur profession et donner des preuves de leur
piété et de leur suffisance.
C'est ce qui nous donnera occasion de traiter
ensuite des séminaires où on élevait les jeunes
clercs jusqu'à cet âge, proportionné à l'impor-
tance et à la sainteté du ministère qu'on leur
confiait par les saints ordres.
Ilincmar nous apprend, par son propre
exemple, qu'on y recevait les enfants dans un
âge fort tendre pour leur donner une éducation
toute sainte, avec d'autant plus de facilité qu'on
aurait prévenu toute la contagion des désordres
et des impuretés du siècle, a Oui in monasterio,
ubi ah ipsis rudimentis infantia' sub canonico
habita educatus, indeque eductus, etc. (Tom. h,
p. 304) (1). »
(l) Pour comprendre ce qui est dit ici de Jean XII, il est néces-
saire de dire qu'en 931, Hugues, roi d'Italie, venait de démembrer
Us Etats de l'Eglise, en envahissant, sans aucun prétexte, les Mar-
DE L'ACE NÉCESSAIRE POUR LA CLÉRICATURE, etc.
CHAPITRE SOIXANTE-DIXIEME.
DE I. AGE NECESSAIRE POUR LA CLERICATURE, POUR LES ORDRES ET POUR LES BENEFICES,
APRÈS L'AN MIL.
I. Règlements des conciles du onzième siècle sur l'âge des
ordres sacrés. Générosité de saint Fulbert.
II. Règlements du douzième siècle sur le mime sujet. Nobles
sentiments de saint Bernard et d'Hildebert, évêque du Mans.
III. Règlements et tempéraments du concile III de Latran sous
Alexandre III.
IV. Règlements des papes et des conciles du treizième siècle.
V. Dans le quatorzième siècle, le concile général de Vienne
relâche beaucoup, entraîné par la coutume, qui le nécessite
le s'accommoder à elle plutôt qu'au droit
VI. Générosité louable de quelques papes à refuser des dis-
penses d'âge demandées par des princes, qui n'étaient pas fâchés
d'être refusés.
Vil. Le concile de Trente prend le milieu entre les adoucisse-
ments du concile de Vienne et la rigueur des anciens canons.
VIII. Promulgation des décrets du concile sur l'âge dans les
conciles provinciaux de Fiance, et les ordonnances de nos rois.
IX. Diverses remarques des canonisles sur le droit des décré-
tais, confronté avec le concile de Tienie.
X. L'âge de la tonsure et des ordres mineurs.
I. Le concile de Toulouse, en 1056 (Can. n),
régla l'âge de trente ans pour les évèques, les
abbés et les prêtres, et celui île vingt-cinq pour
les diacres, si une piété et une sagesse extraor-
dinairement avancée ne portait aussi l'évêque
et le clergé à prévenir ce temps. « Nisi aut
studio sanetitatis ac sapientiœ omati, provi-
dentia episcopi siniul et cleri promoveantur. »
Le concile de Rouen, en 1074 (Can. vi), per-
mit l'ordination des sous-diacres à l'âge de
vingt ans, celle des diacres à vingt-cinq, des
prêtres à trente, dans l'extrême nécessité à
vingt-cinq, jamais plutôt. « Nullus ordinetur
presbyter ante triginta annos nisi snmma ne-
cessitate. Sedtamen presbyter nullus ordinetur
ante viginti quinque annos. »
Voilà les deux causes qui ont donné fonde-
ment d'abord à une légitime dispense pour
avancer l'ordination de la prêtrise, savoir : un
mérite extraordinaire et un besoin pressant de
l'Eglise. Mais ces dispenses étant abandonnées
à la discrétion des évêques, elles passèrent
bientôt en droit commun, parce qu'elles se
rendirent enfin tout à fait communes.
On en est donc enfin venu à la loi de ne
point ordonner de prêtre avant l'âge de vingt-
cinq ans; mais il a fallu plus d'un siècle pour
faire ce changement entier.
Le concile de Melfi, en 1089 (Can. iv), où
Urbain II présida, permit d'ordonner des sous-
diacres à làge de quatorze ou quinze ans; mais
il ne changea rien au reste.
Pierre Damien prouve que le Eils de Dieu
commença le divin ministère de son sacerdoce
des qu'il eut été baptisé, à l'âge de trente ans,
par la pratique constante de l'Eglise, de n'or-
donner point de prêtres avant cet âge. « Nisi
enim certa fides haberet, cum baptismo Domi-
num simul et sacerdotium suscepisse, ut quid
tantopere canonica prohiberet autoritas, ante
illius aetatis tempus quo ipse baplizatus est,
quetnpiam ad sacerdotales insulas aspirare
(L. Oratissimus, c. iv)? »
Le saint et généreux Fulbert, évêque de
Chartres, ne craignit point de faire une très-
aigre, mais très-juste réprimande à son propre
métropolitain, Leuthéric, archevêque de Sens,
de ce qu'il avait ordonné un évêque avant
ches, l'exarchat de Ravenne et l'Emilie. Albéric, le puissant comte
de Tusculum, crut devoir suivre cet exemple. Il s'empara brutale-
ment de Rome et de sa province, malgré les énergiques protestations
du pape Etienne VIII, et se fit proclamer prince de Home par l'urne
électorale de l'époque. Cependant il ne croyait pas pouvoir posséder
tranquillement la couronne dans Rome, si un de ses familiers n'occu-
pait le souverain pontificat, nisi aliquis sibi bene notus Bomanœ
urbis ponti/icatum teneret, dit ilansi. Etienne VIII étant un obstacle,
Albéric le fit assassiner. Il se rendit maître de l'élection et fit nom-
mer au souverain pontificat son propre frère, qui prit le nom de
Jean XI. Quelques dociles et tremblants instruments .du puissant
Albéric, prince des Romains, se succédèrent en peu d'années. Enfin,
en 954, Albéric mourut et laissa la principauté de Rome à Octavien,
son fils, âgé de 18 ans. Deux mois après, le pape Agapet II étant
descendu dans la tombe, le jeune Octavien imagina de réunir sur sa
tète la couronne de son père et la tiare de saint Pierre. II se fit donc
nommer pape et prit le nom de Jean XII, pour déshonorer la chaire
du prince des apôtres.
Un peu plus d'un demi-siècle après, cette redoutable famille des
comtes de Tusculum s'empara de nouveau, pour le plus grand mal-
heur de l'Eglise, du souverain pontificat, et fit élire, en 1033, un
jeune enfant de son sang, âgé seulement de dix ans, puer decennist
dit un contemporain, qui affligea l'Eglise de Dieu sous le nom de
Benoit IX. Ces faits et d'autres encore que nous fournit l'histoire,
sont de nature à prouver surabondamment l'absolue nécessité de
l'indépendance de la papauté de toute puissance civile. On finira par
comprendre que les siècles ont bien fait en assurant un petit royaume
indépendant au chef de l'Eglise catholique. (Dr André.)
176 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE SOIXANTE-DIXIÈME.
Tàge, et d'ailleurs si incapable de ce divin mi-
nistère ([lie son troupeau même s'éleva contre
lui et ne voulut pas le recevoir (Epist. xxviu).
Ce saint prélat donna encore un témoignage
illustre de sa fermeté quand il refusa une di-
gnité de sous-doyen à l'évèque de Senlis, qui
la lui avait demandée ou pour lui ou pour son
frère; lui déclarant qu'il ne pouvait l'accorder
ni à lui, parce qu'il était évêque, ni à son frère,
qui n'avait ni l'âge ni la maturité nécessaires,
a Respondimus, non convenire sibi, eo quod
episcopus esset, neque fratri, œtate adbuc et
moribus immaturo (Epist. xlvi).»
Mais ce siècle onzième ne vit rien de plus
scandaleux que l'intrusion d'un enfant de dix
ou douze ans sur le Siège apostolique, par la
tyrannique domination d'AIbéric, comte de
Toscanelle, qui l'emporta sur les généreuses
résistances des évoques cardinaux (Baronius,
an. 1033). La vie et la fin de ce pape répon-
dirent à ces commencements (Claber., 1. iv,
c. 5). On le nomma Benoît IX.
IL Je commencerai au contraire le siècle
suivant par la dispense d'âge la plus légitime
qui fut jamais donnée. Ce fut lorsque saint
Malacbie, depuis archevêque d'Irlande, fut fait
diacre ayant moins de vingt-cinq ans, et prêtre
en ayant moins de trente.
Voici comment saint Bernard en parle dans sa
vie, proposant cet exemple à l'admiration plu-
tôt qu'à l'imitation de tous ceux qui n'auraient
ni la sainteté de Malacbie qui fut ordonné, ni
la lumière et le mérite du prélat qui l'or-
donna :
« Erat autem cum sacerdos ordinatus est ,
annos natus, quasi viginti quinque. In qua ejus
utraque ordinatione, si quia praeter canonum
formani processisse videtur, ut vere videtur,
siquidem infra vigesimum quintum annurn
leviticum ministerium, infra tricesimum ade-
ptus est saccrdotii dignitatem : donandum sane
tuni zelo ordinatoris, tu m meritis ordinali.
Ego vero islud nec in sancto redarguendum i
nec usurpandum consule ei, qui sanctus non
fuerit. »
Saint Hugues, qui fut depuis évêque de Lin-
coln , fut fait diacre à l'âge de dix-neuf ans.
Mais ce ne fut qu'aux instances pressantes de
ses confrères les chanoines réguliers, parmi
lesquels il avait été élevé dès l'âge de huit ans.
« Cum Hugo nonum decimum œtatis aiiniim
attigisset, petentibus instanter fralribus, [évita
ordinatus est. In quo gradu cum mirabiliter
cunctis placeret , statim ad altiora coactus
scandit. Injungitur ei cujusdam parochia;
administratio, etc. (Surius, die 19 Novemb.,
c. i). »
Ces paroles insinuent assez clairement qu'il
fut aussi fait prêtre avant l'âge canonique, mais
que ce fut par une sainte violence qu'on fit à
sa modestie et par une conviction publique de
son mérite extraordinaire.
Au contraire Hildebert étant encore évêque
du Mans, non-seulement refusa d'assister à l'or-
dination précipitée d'un évêque d'Angers, élu
avant l'âge réglé par les canons, mais il lui
écrivit à lui-même une lettre admirable, où,
avec une force mêlée de douceur et de sagesse,
il lui montre qu'une trop grande jeunesse est
plus propre à donner de l'appréhension et de
la défiance que du respect : « In summis sacer-
dotibus setas intégra postulatur, unde nec peri-
culum religio metuat, nec reverentiam dignitas
amittat (Epist. ix, xu). » Qu'Ezéchiel commence
sa prophétie par le témoignage qu'il se rend
lui-même d'un âge proportionné à une si su-
blime fonction. « Ezechieli in trigesimo anno
cœli aperiuntur et prius aetas prophétie descri-
bitnr, ut quibus annis pracdicJio committi
debeat, ostendatur. »
Le Fils de Dieu aima plus saint Jean que
saint Pierre, ce fut néanmoins â Pierre qu'il
donna la principauté du sacerdoce, c'est-à-dire,
à l'âge de Pierre, pour laisser cet exemple mé-
morable à son Eglise, de ne point préférer les
jeunes aux anciens.
« Christus Joannem supra Petrum dilexit,
Petro lamen, non Joanni concesta est potestas
ligandi atque solvendi. Qui enim per Isaiam
dixerat : Auferte offendicula de via populi
nui ; coram discipulis offendiculum ponere
noluit, nec majoribus anteponere juvenem,
quamvis eum prœrogativa castitalis sibi prœ
ca?teris fecerat familiarem. Detulit igitur œtati,
non meritis, nec proetulit conjugatum virgini,
sed provectiorem juniori. »
Enfin le Fils de Dieu même écouta les doc-
teurs à l'âge de douze ans; à l'âge de trente ans
il fit lui-même la fonction de docteur et de
maître. « Donec annorum defuit integritas,
doctor omnium fines discipuli non excessit,
ubi vero pleni dies accesserunt, factus est
Magister pro debilo, qui fuerat discipulus pro
exenq>lo. »
L'admirable lettre de saint Bernard à Henry,
archevêque de Sens, nous fait bien voir coin-
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR LA CLÉRICATURE, etc.
177
bien cet abus était fréquent, que déjeunes éco-
liers ressassent de la poussière des classes sur
les trônes des plus hautes dignités de l'Église,
plus aises d'avoir secoué le joug d'un pré-
cepteur que d'être devenus les maîtres de
l'Eglise.
« Scholares pueri et impubères adolescen-
tuli ob sanguinis dignitatem promoventur ad
ecclesiasticas dignitates, et de sub ferula trans-
feruntur ad principandum ; presbyteris lœ-
tiores intérim quod virgas evaserint, quam
quod meruerint principari : nec tam illisblan-
ditur adeptum, quam ademptum imperium
(Epist. xlii). »
Cet intrépide abbé écrit ailleurs au cardinal
Jordan, afin qu'il informe le pape de la con-
duite scandaleuse de son légat, qui avait conféré
des bénéfices à déjeunes enfants. «Formosulos
pueros in ecclesiasticis honoribus promovisse ,
ubi potuit : ubi non potuit, voluisse (Ep. eexe). »
Ce saint abbé n'avait donc garde de tomber
dans une faute pareille , quand le comte de
Champagne, Thibaut, le pria de faire donner
quelques bénéfices à son plus jeune fils Thibaut.
Ce saint lui écrivit : 1° Que les bénéfices
n'étaient dus qu'aux plus dignes. 2° Que les
personnes mêmes qui avaient et l'âge et la ca-
pacité n'en pouvaient posséder qu'un. C'est une
ebose terrible que ces pièges soient si difficiles
à éviter, même aux plus grandes et aux plus
saintes âmes (Epist. cclxxi). Ce saint abbé dé-
plore, dans une autre lettre, sa surprise et sa
facilité de s'être employé une fois, contre sa
coutume, pour un jeune homme qui poursui-
vait une prévôté (Epist. cclxxiv).
Guillaume de Neubrige nous a découvert une
source cachée de ces désordres. Les évoques
étaient bien aises, non-seulement d'obliger les
personnes de haute naissance, en conférant des
bénéfices à leurs enfants encore tout petits;
mais aussi de faire tomber dans leur épargne
tous les revenus de ces églises pendant la mi-
norité des titulaires, comme par une espèce de
garde-noble.
C'est ce qu'il assure de Roger, archevêque
d'York. « Pro personis spectabilibus , quibus
tanquam quibusdam monilibus, Eboracensis
olim refulsit Ecclesia , titulavit imberbes, et
quosdam etiam agentes sub ferula, aptos inagis
pro relate aedificare casas, et plostello adjungere
mures, ludere par impar, equitare in arundine
longa, quam personas gerere in Ecclesia ma-
gnatum : ut scilicet usque ad anuos viriles,
Tij. — Tome II.
curam agens titulatprum , universa perciperet
commoda titulorum (De rébus Ang., Lib. m ,
c. •"> . »
Quant aux conciles tenus dans ce xu" siècle,
celui de Londres, en 1125 Can. vu), renouvelle
les anciens canons qu'on ne puisse donner les
doyennés, ni les prieurés qu'a des prêtres, ni
les archidiaconés qu'à des diacres. Ce qui fait
connaître l'âge nécessaire pour ces bénéfices.
Le concile de Clermont, sous Urbain II (Can. m),
avait ordonné la même chose, confondant les
archiprêtres et les doyens.
Celui de Londres, en 11*27 (Can. iv), apporta
cet adoucissement que celui qui aurait été élevé
à ces dignités, sans l'ordre nécessaire , serait
averti par l'évêque de se faire ordonner, au
péril de perdre son bénéfice. « Nullus in deca-
num, nisi presbyter, nullus in archidiaconum,
nisi diaconus constituatur. Quod si quis ad hos
honores infra prsedictos ordines jam designa-
tus est. moneatur ab episcopo ad ordines acce-
dere. Quod si juxta monitionem episcopi refu-
gerit, eadem ad quam designatus fuerat, careat
dignitate. »
Le concile de Reims, en 1131 (Can. vin), où
le pape Innocent II était présent, renouvela ce
même règlement, comprenant les prévôts au
même rang des doyens, et ajoutant que ces di-
gnités ne devaient être accordées qu'à ceux qui
étaient déjà dans les ordres sacrés , et dont la
piété et la science répondait à ce caractère.
« Prohibemus ne adolescentibus vel infra sacros
ordines constitutis, sed qui prudentiaetmerito
vitae clarescant, prœdicti concedantur hono-
res. » Ce qui fut confirmé en mêmes termes
par le même pape dans le concile II de Latran,
en 1139 Can. x), et dans le concile de Reims,
en 1 148, sous Eugène III.
III. Mais le concile III de Latran, sous le pape
Alexandre III, en 1177, confirme tous ces règle-
ments anciens, qu'on n'élise poiut d'évèque
qui n'ait trente ans accomplis , ni de doyen ,
d'archidiacre, de curé, ou d'autre bénéficier
chargé du soin des âmes, qui n'ait atteint l'âge
de vingt-cinq ans; et qu'on les oblige de pren-
dre, l'archidiacre le diaconat, les autres la prê-
trise dans le temps marqué par les canons ,
à moins d'être exposés à perdre leurs béné-
fices.
Ce temps marqué par les canons, « Prrefixo
a canonibus tempore (Can. xm), » est indubi-
tablement l'année même ; mais il ne nous a
point paru dans quel concile cette détermina-
it
178
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIXIÈME.
tion précise a été faite. Les canons qni ont été
cités ordonnaient seulement qu'on les pres-
serait de se faire ordonner, et que leur refus
serait un juste sujet de privation de Leur dignité.
Il faut donc que ce soit entre le concile de
Reims, sous Eugène III, et le concile de Latran,
sous Alexandre III , c'est-à-dire, entre 1148 et
1177 que cette détermination a été faite, ou
c'est ce pape et ce concile même , qui ont taci-
tement interprété et introduit la coutume
de prendre cet intervalle pour l'espace d'une
année.
Je remarque en passant que, si ce concile
fait éclater son exactitude à faire ordonner dans
l'année même ceux qui sont pourvus de ces
dignités, il se relâche aussi: i° En n'exigeant
l'âge de vingt-cinq ans que des archidiacres,
et non pas de tous les diacres , comme le por-
tait l'usage ancien ; 2° en ne demandant plus
que l'âge de vingt-cinq ans pour les prêtres,
au lieu de trente. En effet , si vingt-cinq ans
suffisent pour les dignités sacerdotales, ils suf-
firont bien plus certainement pour tous les
autres prêtres. 3° Mais ce tempérament était
nécessaire en un temps où les évêques s'étaient
donné la liberté de donner les bénéfices à des
enfants de dix ou douze ans.
Le même pape Alexandre écrivit des lettres
fort mortifiantes à l'archevêque de Cantorbéry
en Angleterre, sur ce qu'il souffrait que l'évê-
que de Coventiy eut donné plusieurs églises
à des enfants au-dessous de dix ans, les faisant
cependant gouverner par des laïques. Ce pape
ordonne que ces églises seront remises à des
vicaires ecclésiastiques, que ces sortes de pro-
visions à l'avenir seront nulles, qu'on ne don-
nera plus de bénéfice qu'à ceux qui auront au
moins quatorze ans : « Nemini infra xiv an-
nuin constituto personatuin alicujus ecclesiœ
concedere praesumatis (C. Ex ratione ; Extra.
De a'tate et quai, praefic.) ; » et qu'à l'avenir les
bénéfices seront impétrables, si, contre les dé-
crets du dernier concile de Latran , on les a
obtenus au-dessous de quatorze ans; enfin,
que bien que les canons ordonnent qu'on ne
puisse donner de cure qu'à ceux qui sont déjà
sous-diacres, on peut néanmoins par dispense
en pourvoir ceux qui en peu de temps peuvent
être laits sous-diacres, étant déjà dans les or-
dres mineurs ( Append. Conc. Later. 111,
Part. 3).
Ce même abus n'avait pas jeté de moins pro-
fondes racines dans la France. L'abbé de saint
Menge, à Châlons, écrivit au roi Louis le Jeune,
qui avait donné une prébende de la cathédrale
de Châlons à son neveu, âgé seulement de sept
ans, que les chanoines ne pouvaient pas s'en
prendre à l'âge de son neveu, puisqu'ils ne
pouvaient ignorer que dans toutes les églises
du royaume on donnait des prébendes à des
enfants moins âgés que de sept ans (Du Chesne,
tom. îv, p. 008). Il ajoute à cela qu'il avait vu
lui-même donner une prébende à un enfant de
cinq ou six ans, par l'évêque de Châlons et tout
le chapitre.
Hugues de Saint-Victor témoigne encore que
le sous-diacre ne pouvait être ordonné qu'à
quatorze ans, le diacre à vingt-cinq, le prêtre
à trente (Desacram., 1. u, part. 3, e. xxi). Voilà
l'ancienne discipline, qui mettait peu de dif-
férence entre le sous-diaconat et les quatre or-
dres inférieurs, ne l'ayant pas encore élevé au
rang des ordres sacrés.
IV. Je passe au treizième siècle, et je le com-
mence par la lettre du pape Innocent III, où il
dépose l'évêque de Mclphi, en Italie, chargé
entre autres cri mes d'avoir donné les meilleures
prébendes de son église à ses neveux, qui à
peine sortaient du berceau , et ne faisaient en-
core que bégayer. « Nepotibus suis vagientibus
in cunabulis, licet ad plus vix valentihus bal-
bulire , nedum quod in ccclesia legerent, vel
taillaient, majores prœbendas tribuit, et béné-
ficia meliora, portantibus aliis pondus diei et
astus, et istis , ubi non seminaverunt , meten-
tihus plena manu (Regist. xv, Epist. 233). »
Ce même pape balance ailleurs l'élection
d'un évêque, parce qu'on ne lui faisait pas pa-
raître qu'il eût atteint l'âge de trente ans. Ce
pape refusa de confirmer l'élection faite du
prévôt de Pabenbourg , pour être fait arche-
vêque de Colocza, quoiqu'il fût frère de la reine
de Hongrie; et il témoigna au roi de Hongrie
qu'il avait été nécessité à ce refus, sur ce que
le prévôt n'avait encore que vingt-cinq ans, et
n'avait étudié ni en théologie , ni en droit ca-
non ; l'assurant que s'il eût eu une capacité
médiocre, et s'il eût approché de trente ans, il
eût donné la dispense, mais que dans cette
conjoncture la dispensatioh ne serait qu'une
dissipation des canons. « Si secus fiat,.non dis-
pensais, sed dissipatio est dicenda ( C. Cum
nobis extra. De electione). »
Grégoire IX déclara que les jeunes enfants
étaient aussi incapables de tenir des bénéfices
que de les desservir. « Cum illi sunt in Eccle-
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR LA CLÉRICATLRE, etc.
170
siis idonei reputandi , qui servire possunt et
volunt in ipsis . et pueri et beneficiati qui non
possunt in eadem eeelesia deservire, in ea non
debent idonei reputari ( Extra. De l'nebendis.
c. 35). »
Le concile de Londres, en 1-237 (Can. x'j
défend d'établir des vicaires dans les églises,
s'ils ne peuvent être ordonnes prêtres aux pre-
miers Quatre-temps ; et pour ceux qui étaient
déjà nommés, il leur commande de se faire
ordonner dans Tannée. Le concile de Saumur,
en 1-253 (Can. v) , enjoignit aux archiprètres et
aux archidiacres de recevoir l'ordre propre de
leur ministère dans la première année de
leur promotion, sous peine d'en être privés.
Le concile de Bordeaux, en 1-255 Can. i) vou-
lut que les bénéficiera se présentassent à tous
les Quatre-Temps a l'ordination, à moins de
vouloir être privés de leurs bénéfices. « Prae-
cipitur omnibus clericis habentibus ecclesias,
ut continuam faciant residentiam in eisdem,
et ad singula tempora ordinum se otferant or-
dinandos ; alioqui nulla alia monitione prae-
missa, suis beneficiis noverint se privatos. » Il
y a apparence que ce canon doit s'expliquer des
simples clercs qui ont des cures, etqui doivent,
dans la même année, se faire conférer tous les
ordres et la prêtrise même.
Le concile de Montpellier, en 1258 (Can. i),
appréhenda au contraire un âge trop avancé,
et donna cet avis aux évêques, lorsqu'une per-
sonne âgée de vingt ans se présente à la cléri-
cature, d'examiner avec soin si c'est la piété
qui lui a inspiré ce dessein, ou quelque intéi et
terrestre. « lllos qui sunt in a?tale viginti an-
norum et supra. Cautelam habeat ordinator,
ut talem adscribat militiœ clericali , qui ex de-
votione non per f'raudem adscribi cupiatordrni
clericali. »
Grégoire X, dans le concile de Lyon, en 1-27 1,
renouvela le décret d'Alexandre III, dans le
concile de Latran, et déclara les curés impé-
trables, si celui qui en esF pourvu ne se fait
ordonner prêtre dans l'année.
Voici le premier concile universel où ce
terme d'une année est nettement déterminé.
« Infra an nu m a sibi commissi regiminis tem-
pore numerandum, se faciat ad sacerdotium
promoveri. Quod si infra idem tempus promo-
tus non fuerit, eeelesia sibi commissa, nulla
etiam prœmissa monitione, sit praesentis con-
stitutionis autoritate privalus (Can. xm). »
Le synode d'Exeter, en 1287 [Gap. xxxvi),
défendit au contraire aux nouveaux prêtres
d'exercer une cure la première année de leur
ordination, s'ils n'y étaient déjà engagés , afin
de pouvoir, durant cette première année, ap-
prendre cet art si divin et si dangereux tout
ensemble de conduire les âmes.
Enfin, le concile d'Auch, en 1300 (Cap. x),
déclara que ceux qui prenaient une cure sans
avoir un dessein effectif de se faire ordonner
prêtres et de la desservir, mais simplement
pour en tirer le revenu d'un an, et puis la rési-
gner, étaient obligés de restituer les fruits
qu'ils en avaient reçus, et que le patron qui les
avait nommés était également obligé d'indem-
niser cette église, outre le crime dont de part
et d'autre ils avaient noirci leur conscience.
« Observari prœcipimus. quod nullus paro-
chialem recipiat ecclesiam, non intendens ad
sacerdotium promoveri, ut fructus ex ea perci-
piat per annum, etc. Ad restilutionem eorum-
dem tenebitur. Et nibilominus conferens, qui
ipsum non credebat ad sacerdotium promo-
vendum, pra?ter divinam, quam inde incurrit
ollensam, remaneat ad servandam indemnem
ecclesiam obligatus. »
Ce concile défend enfin de donner la tonsure
aux enfants ou aux gens mariés, s'ils n'entrent
en religion : « Infanti, vel conjugato nisi reli-
gionem intrantibus (Can. xm). » Il parle appa-
remment des enfants qui étaient offerts et con-
sacrés par leur père à la vie monastique.
Siméon , archevêque de Thessalonique , re-
marque, dans son livre des ordinations, que les
évêques confèrent le diaconat aux moines ,
quoiqu'ils n'aient pas atteint l'âge prescrit aux
diacres par les canons, parce que la profession
religieuse, et leur captivité volontaire sous les
ordres d'un sage supérieur, compense avanta-
geusement tout ce que l'âge pourrait leur avoir
acquis de sagesse et de gravité. « Si autem non-
nulli divini episcopi discretione quadam istos
annos in monachis sibi subditis breviant et
contrahunt, hoc ideo fit, quod monachis volun-
tatem suam facere non licet , sed aliorum
(Can. iv,. »
Ce n'est pas là la seule dispense que les évê-
ques aient donné en cette matière. Le même
concile d'Auch Can. xm), leur défend de don-
ner à l'avenir des cures ou des prieurés, ou
quelque bénéfice que ce soit qui ait charge
d'âmes, a ceux qui n'auront pas encore vingt-
cinq ans. Honoré III soumit aux peines cano-
niques l'évèque d'Orviédo, en Espagne, pour
180
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIXIÈME.
avoir ordonné un enfant de treize ans (Rainald.,
an. 1-217, n. 85).
Toutes ces dispensations inconsidérées, ou
plutôt toutes ces dissipations visibles des ca-
nons, dont nous avons rapporté tant d'exemples
dans ce chapitre, ont enfin fait perdre aux évo-
ques et ont fait réserver au seul souverain pon-
tife, toutes les dispenses d'âge, soit pour les
ordres, soit pour les bénélices.
boni face Mil donnant l'évêché de Toulouse
à saint Louis de la maison royale de France ,
lui donna en même temps dispense d'âge, car
il n'avait que vingt-deux ans, mais ses écla-
tantes vertus et sa profession religieuse dans
l'ordre de saint François, suppléaient avanta-
geusement a ce défaut d'âge (Hist. univers.,
Paris., tom. m, pag. 517).
V. Passons au quartorzième siècle, et au
concile de Vienne , qui fut tenu en Tan 1311
(Rainald., an. 131 1, n. 62). On s'y plaignit avec
une sainte liberté, et avec une justice toute
visible, des dispenses trop fréquentes que les
papes donnaient eux-mêmes à des enfants, de
tenir des bénéfices, et d'en tenir plusieurs.
« rtrum taies tantam beneficiorum pluralita-
tcm habentes, periculum damnationis evadere
valeant , non determino : sed a sapientissimis
et perfectissimis tbeologis, quorum opinio ce-
lebrior, non ignoratur a pluribus, requiratur
(Quodlibet. ix, 17, 30). »
Henry de Cand pourrait être un de ces doc-
teurs, parce qu'il a traité celte question avec
beaucoup d'érudition et de solidité.
Durand, évêque de Mende, fit ses efforts dans
le même concile de Vienne, pour y remettre
en vigueur les anciens canons sur l'âge néces-
saire pour les ordres et pour les bénéfices. Mais
ses soins furent inutiles; et le concile et le
pape se laissèrent entraîner à la coutume géné-
rale, qui s'était beaucoup relâchée, des anciens
canons, et qui recevait les sous-diacres à dix-
huit ans, les diacres à vingt, les prêtres à vingt-
cinq.
C'est ce qui fut réglé par le concile même.
« Generalem Ecclesia observantiam volentes
antiquis juribus in bac parte praeferri, decer-
nimus, ut alio non obstante impedimento ca-
nonico, possit quis libère in deciino octavo ad
subdiaconatus , in vigesimo ad diaconatus, et
in vigesimo quinto œtatis sme anno ad presby-
teratus ordines promoveri Jn Clément., 1. i,
tit. (i, c. ni).»
Si l'on se relâche pour les autres ordres, en
même temps qu'on se rend plus rigoureux
pour le sous-diaconat, c'est que le sous-diaco-
nat était rehaussé à un rang supérieur, et on
croyaitne pouvoir plus sans danger de schisme,
garder l'ancienne rigueur pour l'âge des ordres
supérieurs et des bénéfices.
Le concile II de Ravenne Can. xvi), en la
même année 1314, marqua l'âge de quinze ans
pour les chanoinies des églises cathédrales , et
celui de douze pour les chanoinies des collé-
giales.
Le concile de Vienne se contenta de priver
de voix dans les chapitres ceux qui ne seraient
pas au moins sous-diacres. « Nullus de caMcro
in ecclesiis cathedralibus vel collegiatis vocem
habeat in capitulo , etiamsi hoc sibi ab aliis
libère concedatur, nisi saltem in subdiacona-
tus ordine fuerit conslitutus (In Clément., 1. i,
tit. 5, c. n). »
Le concile III de Ravenne, en 131-1 (Can. i ,
n, xn) fit la même ordonnance, ajoutant qu'on
ne pourrait recevoir le diaconat qu'à vingt ans,
le sous-diaconat à seize, la prêtrise à vingt-
cinq. Cette église tirait peut-être cet avantage
de son antiquité , de ne pas s'asservir tout à
fait aux décrets du concile de Vienne, qui
étaient contraires à son ancien usage touchant
les sous-diacres.
Le concile d'Angers, en 1365 (Can. m), dé-
clara les collations de toutes sortes de béné-
fices nulles, si ceux à qui on les conférait
n'étaient pas en âge de recevoir Tordre sacré,
que la coutume, ou le statut, ou la fondation y
avait attaché. « Quae de fundatione, consuetu-
dine, vel statuto sacras ordines requirant.»
«i. Je viens au quinzième siècle, où rien ne
me paraît plus mémorable, que le refus que fit
le pape Pie II au roi de France Charles VU, de
donner l'évêché de Castres au comte de la
Marche, prince du sang royal, mais qui n'était
encore âgé que de dix-neuf ans. Ce pape fit
adroitement ressouvenir le roi de ce que lui-
même, ayant autrefois demandé et obtenu du
pape Nicolas V un évèché pour une personne
qui n'en avait pas l'âge, il avait lui-même dé-
sapprouvé la facilité excessive de celui qui
avait accordé ce qu'il n'avait demandé que
parce qu'il espérait de ne le point obtenir.
« Quanquam ego intercesserim, nunqnam pu-
tavi tamen hoc illum esse facturum (Rainald.
an. 1 159, n. 87). »
Ce furent alors les paroles de ce sage roi, et
voici ensuite celles de Pie II, qui en infère fort
DE L'ACE NÉCESSAIRE POlïi LA CLÉIWCATUKE, etc.
isi
justement, que les rois no peuvent pas quel-
quefois refuser leurs prières et leur interven-
tion, mais qu'ils ne sont nullement fâchés si le
pape n'écoute pas ces prières forcées, et s'il
satisfait plutôt à l'intention des rois qu'à leurs
paroles. « Ostendens videlieet qu;e tua essel
rogandi nécessitas, et quod esse deberet Apo-
stolicœ Sedis offlcium. »
Cette lettre de Pie II est plus à croire que celle
de Jacques, cardinal de Pavie, qui raconte la
chose un peu autrement. Car il dit que ce fut
le pape Eugène IV, de qui le roi Charles VII
obtint une église métropolitaine pour un jeune
ecclésiastique, non-seulement contre son espé-
rance, mais aussi contre son intention. Mais ce
savant et judicieux cardinal en tire la même
conclusion, que les grands demandent souvent
ce qu'ils n'ont pas dessein d'obtenir : « Accidit
ssepe, ut illa maxime rogent, qua> minimum
copiant (Epist. o.oixxx) » : et que par consé-
quent la justice et la conscience sont les seules
règles des grâces qu'il faut accorder ou refuser.
« Quaerendum ergo semper, quod rectum : et
conscientia gratis prafferenda. »
On trouve parmi les lettres de ce même car-
dinal, celle de Sixte IV au roi d'Aragon, qui
lui avait demandé l'archevêché de Saragosse
pour son fils illégitime, âgé seulement de six
ans (Epist. dxii). Ce pape proteste avec beaucoup
de générosité que, ni lui, ni le sacré collège n'a-
vaient pu se résoudre à accorder une grâce qui
devait jeter ceux qui l'accorderaient et celui
qui l'obtiendrait, dans la disgrâce de Dieu et
dans la damnation éternelle. « Pati onmia pos-
sumus, sed jacturam anima1 facere, nec debe-
mus , nec possimms ; nec ut eam faciamus ,
tuam piam intentionem credimus velle. »
Le roi, peu satisfait de ce refus, quoique
très-juste, laissa longtemps vaquer cette église.
Le pape la donna à un cardinal que le roi tra-
versa et persécuta si cruellement, que le pape,
flétrissant la gloire de sa première constance
par une lâche et pernicieuse complaisance ,
donna enfin à cet enfant l'administration per-
pétuelle de cet archevêché.
Ce fut là le premier exemple, à ce que dit
Sponde, de cette espèce de dispensation, qui fut
plutôt une dissipation des lois et des canons,
également dangereuse pour les rois et pour les
papes (Sponde., an. 1 i'.'i, n. H). Pie II avait déjà
offert au roi Charles Vil de nommer un admi-
nistrateur de l'église de Castres, jusqu'à ce que
le jeune comte de la Marche eut atteint l'âge
de vingt-cinq ans. Cela était plus supportable.
VIL Venons au seizième siècle, où le concile
de Cologne, en 1536, souhaiterait bien qu'on
s'en tint plutôt à l'âge requis par les canons
anciens qu'aux adoucissements du concile de
Vienne ; mais il s'en remet à la sagesse du con-
cile futur. 11 demande qu'au moins, selon le
décret du même concile de Vienne (Can. xvin),
la science et la piété répondent, non à l'âge,
mais à la dignité du ministère.
Le concile de Trente (Sess. xxni, c. 12, (j),
dérogeant tacitement au concile de Vienne, sa-
tisfit en partie aux désirs de celui de Cologne,
en déterminant l'âge de vingt-deux ans pour
le sous-diaconat, de vingt-trois pour le diaco-
nat, et de vingt-cinq pour la prêtrise, même
pour les réguliers. Il ne permit pas qu'on pût
posséder de bénéfice avant l'âge de quatorze
ans, ni des dignités chargées du soin des âmes,
avant l'âge de vingt-cinq ans, se contentant de
vingt-deux ans pour les dignités qui n'ont point
de charge d'âmes, soit dans les églises cathé-
drales ou collégiales (Sess. xiv, c. 12).
VIII. Le concile de Rouen, tenu en 1581,
représenta au pape Grégoire Mil que plusieurs
avaient été ordonnés prêtres et établis curés
avant l'âge fixé par le concile de Trente, à
cause de la difficulté de trouver des prêtres :
« Propter raritatem ac defectum sacerdotum
in nostra provincia » : que plusieurs cures
étaient destituées de pasteurs, et qu'il y en
aurait sans doute un bien plus grand nombre
qui seraient abandonnées, si le pape ne permet-
tait aux évèques de donner dispense à ceux qui
avaient déjà été ordonnés avant l'âge et d'en
ordonner aussi à l'avenir quelques-uns, à
vingt-deux ou vingt-trois ans, quand la né-
cessité serait pressante, et que la capacité et la
probité suppléeraient au défaut de l'âge. La
réponse fut qu'on accorderait le pouvoir d'user
de dispense pour tous ceux qui avaient déjà été
ordonnés, mais que, pour l'avenir, on exa-
minerait la nécessité et l'utilité de l'Eglise,
avant que d'accorder chaque dispense particu-
lière. « Indulgebitur facilitas dispensandi, cum
hactenus promotis. De caetero intellecta neces-
sitate, seu utilitate Ecclesiarum, singulatim dis-
pensabitur. »
Voilà les deux règles anciennes des dispenses
canoniques. 1° Pardonner plus facilement les
taules passées, que d'en permettre à l'avenir.
2° Ne donner les dispenses qu'à l'utilité et à la
nécessité de l'Eglise, non pas à la cupidité des
182
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHANTRE SOIXANTE-DIXIÈME.
particuliers. Mais, il paraît par ce récit que les
évêques avaient pris la liberté de donner des
dispenses d'âge contre les décrets du concile
de Vienne.
Le concile de Reims, en L583, promulgua les
statuts du concile de Trente, (mon ne pourrait
obtenir quelque bénéfice que ce lut, avant
l'âge de quatorze ans. Le concile de Tours, en
1583 (Can. xm), suivit le concile de Trente
(Sess. xxiv, c. 12), dans l'âge de vingt-cinq ans
pour les dignités qui ont charge d'âmes, et de
vingt-deux pour celles qui sont sans charge
d'âmes. Ce même concile demanda l'âge de
vingt-deux ans pour les chanoines des églises
cathédrales, ordonnant à ceux qui auraient été
reçus à cet âge de se faire ordonner sous-diacres
dans la même année, et â moins de cela, de per-
dre les fruits de leurs bénéfices.
Le parlement de Paris s'opposa à l'exécution
de cette ordonnance (Le Prêtre, Centurie n, c.
74). Le concile de Trente ne s'était pas déclaré
si précisément sur cet article, mais il avait
tacitement autorisé ce règlement, en ordonnant
qu'on attachât quelque ordre sacré â toutes les
clianoinies, et qu'on ne pût être reçu clianoine
sans se faire conférer du moins le sous-diaco-
nat en la même année.
Le concile de Mexique, en 1585 (L. i, tit. iv,
c. 2), défendit de donner la tonsure avant l'âge
de quatorze ans, si ce n'est â ceux qui ont servi
avec la robe et le surplis pendant deux ans
dans l'église cathédrale, et dont les parents ou
les tuteurs assureront par serment qu'ils ont
dessein de les affermir dans la profession ecclé-
siastique. « llli vero ante quartum decimum
annum poterunt prima tonsura initiari, qui in
cathedrali ecclesia, clericali toga et superpelli-
cio induti, per duossaltem annosdivino cultui
inservierunt : si prius eorum parentes, vel tu-
tores propositum sibi esse juraverint, in eecle-
siœ ministerio conservandi. »
Le concile de Rordeaux, en 1G24 (Cap. vi,
c. 2) défendit de donner la tonsure avant l'âge
de douze ans. « Statuinms nullum dcinceps
admilti debere ad primam tonsuram , quin
duodecimum œtatis suœ annum attigerit. a
L'ordonnance des Etats d'Orléans (Ordon.
d'Orl., art. I, 12) régla l'âge des évêques à
trente ans; celle de Rlois (Ord. de Rlois, art. 2,
2'.)) le réduisit â vingt-sept , suivant le concor-
dat, et quant aux autres ordres, l'ordonnance
d'Orléans défendit d'ordonnerdes prêtres avanl
l'âge de trente ans. L'Edil de Rlois dérogea à
cet article d'Orléans . en ces termes : « Les
ordres sacrés se prendront en l'âge prescrit par
les constitutions canoniques , savoir : l'ordre
de sous-diacre à vingt-deux ans, de diacre à
vingt-trois, et de prêtre â vingt-cinq, nouobs-
tanl l'ordonnance d'Orléans, etc. »
Le même Editde Rlois (Art. 9) ordonne aussi
que les abbés et prieurs conventuels se fas-
sent ordonner prêtres dans la même année ,
s'ils en ont l'âge, et en tout cas dans deux ans,
à moins de cela leurs bénéfices sont impé-
trables, et eux obligésalarestitution des fruits.
Il fut dit dans laxc congrégation du concile de
Reims, tenu en l.M'.i, que l'article de l'ordon-
nance d'Orléans, qui remettait l'ordination
des prêtres à trente ou quarante ans, ne ten-
dait qu'à faire qu'il n'y eut plus de prêtres.
aEœ leges non aliud spectabant, quam ne am-
plius ordinarentur presbyteri. »
IX. Tous les canonistes ont tiré une règle
fort remarquable du canon du concile de La-
tran sous Alexandre 111, qui est rapporté dans
le chapitre « Cum in cunctis, de electione. »
C'est que pour tous les autres ordres, et pour
tous les autres bénéfices, il suffit que l'âge
designé par les canons soit commencé, au
lieu qu'il est nécessaire qu'il soit accompli pour
l'épiscopat.
Ce concile insinue assez clairement cette
différence. «Nullus inepiscopum eligatur, nisi
qui jnm tricesinuini annum exegerit setatis
(Fagnan., in 1. î Décret., part. 2, pag. 17). »
Et plus bas , « Inleriora ministeria, quœ cu-
ram animarum habent adnexam nullus susci-
piat, nisi qui jam vigesimum quintum annum
setatis attigerit. » Grégoire XIV a déclaré la
même chose pour l'épiscopat dans sa bulle,
«Omis apostolica? servitutis, » en l'an. 1591.
Quelques canonistes pensent que les Décré-
tales n'avaient prescrit aucun âge pour les
dignités non régulières, et sans charge d'âmes.
Les autres concluent qu'il fallait vingt-cinq
ans, d'une décrétaleduSexte (In sexto. Deaetat.
et qualit., c. un.), qui permet à l'évèque d'y
recevoir par dispense ceux qui ont achevé la
vingtième année de leur âge. Mais le concile de
Trente (Sess. 24, c. xn) a fini ce différent, en y
fixant l'âge de vingt-deux ans , que la congré-
gation du concile a prononcé devoir être ac-
complis.
Si ces dignités néanmoins par leur fondation,
par la coutume, ou par une loi particulière,
avaient la prêtrise annexée, telles que sont au-
DE L'AGE NÉCESSAIRE POUR LA CLÉRICATURÈ, etc.
183
jourd'hui les abbayes, les doyennés, Les pré-
vôtés et archiprêtrés, sans charge d'âmes, l'âge
de vingt-cinq ans y serait nécessaire Fagnan.,
ibid., p. 39, W). Cela ne serait pas de la sorte,
si la prêtrise n'v est attachée que par le droit
commun.
La raison de cette différence, est que le con-
cile de Trente parle assez clairement, pour
avoir dérogé au droit commum; mais il ne dé-
roge point ni aux fondations, ni aux coutumes
ou lois particulières. C'est aussi la résolulion
de la congrégation du concile, dont la maxime
constante et générale est, que le concile ne
peul ignorer le droit commun , ainsi il y dé-
roge toujours au moins tacitement, quand il
fait un statut contraire : mais n'étant pas in-
formé de toutes les coutumes, ou de toutes les
fondations et les ordonnances particulières, il
n'y déroge que lorsqu'il en fait une déclaration
manifeste, au moins en général.
Quant à l'âge nécessaire selon le droit com-
mun pour posséder des canonicats et des pré-
bendes dans une église cathédrale, les cano-
nistes ne sont pas moins divisés, les uns croyant
que sept ans suffisent, les autres plus proba-
blement en demandant quatorze, si ce n'est
que la prébende fut fondée pour un ministère
qui sied mieux à un enfant, comme de porter
les chandeliers. La règle XVII, de la chancel-
lerie, qui est d'Innocent VIII, et qui est reçue
en France, demande quatorze ans pour les ca-
nonicats des cathédrales, et se contente de dix
ans pour ceux des collégiales.
Après le concile de Trente, il faut Irès-cer-
tainement au moins quatorze ans; mais cet
âge ne sufût pas pour les prébendes auxquelles
ou la loi, ou la coutume, ou la fondation ont
attaché un ordre sacré (C. L't ii. In Clément.
De u'tat. etqualit. 11 est besoin que ceux qui en
sont pourvus soient en tel âge que, dans la
première année de leur promotion, ils puissent
recevoir cet ordre sacré, selon le concile de
Vienne et de Trente (Conc. Trident., sess. ii,
c. i\ . Car, depuis le concile de Vienne, la con-
nexion d'un bénéfice et d'un ordre doit tou-
jours s'entendre de la sorte, qu'on recevra
l'ordre avant la un de la première année après
la provision. S: ee n'est que cette condition lui
expressément marquée , que le bénéfice ne
serait donné qu'à celui qui serait déjà prêtre.
Il est bien vrai que le concile a ordonné aux
évêques et aux chapitres d'annexer l'obligation
de quelque ordre sacré à toutes les prébendes :
mais où cette distribution n'a point encore clé
faite, la congrégation du concile a déclaré que
les canonicats pouvaient être possédés après
l'âge de quatorze ans accomplis; mais qu'il
fallait faire de nouvelles instances à l'évêque
pour lui taire exécuter cette distribution or-
donnée parle concile (Fagnan., ibid., pag. i :.
ii. l.'i . Elle a même déclaré que si cette con-
dition avait été insérée a la fondation d'un ca-
nonicat, qu'on pourrait en être pourvu avant
l'âge de quatorze ans . cette condition pourrait
être observée.
Enfin, le concile de Trente (Sess. 24, c. vin),
avant ordonné que dans les cathédrales on
établira un pénitencier qui soit docteur ou
licencié, et âgé de quarante ans accomplis, ou
d'ailleurs le plus capable qui se puisse trouver :
« Annorum quadraginta, seu alias qui aptior
pro loci qualitate reperiatur ; » la même con-
grégation déclare que le défaut de l'âge de
quarante ans n'empêche pas que la provision
ne soit bonne, si d'ailleurs le plus digne et le
plus capable a été choisi.
Quant aux canonicats et aux prébendes des
églises collégiales, les canonistes conviennent
que l'âge de sept ans suffisait; mais avant le
concile de Trente une règle de la chancellerie
avait commencé d'exiger la quatorzième année
commencée ; et c'est à quoi le concile de
Trente s'est tenu , étendant cette règle à tous
les bénéfices, même aux canonicats, où la cou-
tume prive les nouveaux chanoines de tous les
fruits pendant l'espace de deux ans. Ce sont là
les déclarations de la congrégation du concile
(Fagnan.. ibid., p. 45, 16 .
Pour les chapelles et autres bénéfices simples
les canonistes demeuraient presque d'accord
que l'âge de sept ans suffisait, mais le concile
de Trente a prescrit l'âge de quatorze ans,
quoiqu'on ait auparavant reçu les quatre ordres
mineurs. Il suffit que la quatorzième année
soit commencée, selon la réponse de la congré-
gation du concile ; mais aussi si le bénéfice est
conféré avant quatorze ans, la collation est
toujours nulle, quoique le jeune clerc ait
atteint ou passé cet âge, selon la même congré-
gation [Fagnan., ibid.. et p. 08 . Si la fondation
portait autre chose, elle l'emporterait.
Quant aux pensions . les enfants en étaient
capables, si ce n'était qu'une aumône pour leur
entretien, ou pour les asservir à quelque office
dont cet âge fût capable, ou pour reconnaître
le mérite et les services de leur père. Mais de-
181
DE SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIXIÈME.
puis les bulles Sacrosancta et Ex proximo de
Pie V, et Cum sacrosanctum de Sixte V. les
pensions sur les revenus ecclésiastiques ne
peuvent plus être assignées qu'à des clercs qui
portent la tonsure et l'habit ecclésiastique, sous
peine d'en être privés ipso facto, et qui disent
l'office de la Sainte Vierge.
Ainsi l'âge de sept ans leur est nécessaire, et
la pension leur est donnée pour l'office, aussi
bien que si c'était un bénéfice. Ce n'est pour-
tant pas un bénéfice : ainsi la congrégation du
concile a déclaré que l'âge de quatorze ans, que
le concile a demandé pour tous les bénéfices,
n'y était pas nécessaire (Fagnan., ibid., p.45, 16,
47). Grégoire XIII, et après lui la congrégation
du concile n'ont pas laissé d'étendre à ces pen-
sionnaires le privilège du for clérical, de même
que s'ils étaient benéticiers, par la règle reçue
qu'il faut donner toujours de l'étendue aux
faveurs.
Pour ce qui est des dignités régulières, l'âge
de vingt-quatre ans commencé y était néces-
saire, selon le droit commun, si c'étaient des
dignités ayant charge d'âmes et intendance sur
une communauté, comme les abbayes et les
prieurés conventuels. Ce qui a été confirmé
par le concile de Trente. Que si c'étaient des
dignités ayant charge d'âmes, mais non con-
ventuelles, ou la charge d'âmes était exercée
par un vicaire, et il suffisait que le prieur eût
vïngl ans accomplis : ou le prieur même
l'exerçait, et alors il devait avoir vingt-cinq ans
commencés. Enfin, s'il n'y avait nulle charge
d'âmes, l'âge de vingt ans suffisait, il en faut
vingt-deux après le concile de Trente, qui
comprend les dignités régulières dans son
décret, selon la congrégation (Fagnan., ibid..
p. 47, 48.)
Au reste, les années dont il a été parlé com-
mencent à la naissance, et non pas au baptême,
comme la congrégation du concile l'a déclaré
dans l'espèce d'un clerc pourvu d'une chanoinie
sacerdotale, et qui pouvait être ordonné prêtre
dans l'année, si on la commençait à sa nais-
sance, et ne le pouvait si on la commençait à
son baptême.
Enfin, le jour doit être fini dans les matières
odieuses, telles que font les prescriptions; niais
il suffit qu'il soit commencé dans ces règles des
bénéfices Ibidem, p. •"><).)
Je reviens au \ cures et aux dignités qui ont
charge d'âmes ; et je dis en distinguant les
divers changements qui se sont faits en divers
temps : 1° que si ceux qui en sont pourvus
manquent à recevoir la prêtrise dans L'année,
ils ne sont pas privés de leurs bénéfices ipso
facto, mais ils doivent en être privés selon le
concile de Latran, C. Cwn in ennetis, de ele-
ctione ; 2° les curés en sont privés ipso facto,
selon le concile de Lyon, qui suivit après,
C. Licet Canon. De electione in Sexto. Les
autres en doivent être privés ; 3° Roniface VIII
mit dans ce dernier rang les cures unies à des
Eglises collégiales, C. Statutitm. De elect., in
sexto; 4° le concile de Constance (Conc. Con-
stanti., sess. -43,1 enveloppa tous les bénéficiers
dans une même sentence, et les déclara déchus
ipso facto de leur bénéfice, s'ils ne recevaient
dans l'année les ordres annexés à leur béné-
fice.
Enfin, le concile de Trente (Sess. 22. c. iv,)
laissant les cures et tous les autres bénéfices
dans la même disposition du concile de Cons-
tance, a beaucoup adouci ces peines pour les
dignités, canonicats et autres bénéfices des
églises cathédrales et collégiales : il les a con-
damnés seulement aux peines de la Clémentine
l'i ii, qui ne sont autres que la privation de
voix, et de la moitié des distributions, ce qui
suppose qu'ils conservent leurs bénéfices. (Fa-
gnan., ibid., 53, M. 55, 56 . C'est aussi la réso-
lution delà congrégation du concile.
X. Nous avons peu parlé de l'âge requis pour
la tonsure et pour les quatre ordres mineurs,
parée que la congrégation du concile a reconnu
que le concile de Trente n'avait fait aucun rè-
glement sur cela, et qu'il fallait s'en tenir aux
anciens canons. Et néanmoins la même con-
grégation déclara en une autre rencontre, que
pour la tonsure il fallait sept ans achevés
(Fagnan. In i. part. lib. m, p. 187, 189, 190.)
Muant aux ordres mineurs, la diversité est si
grande, et dans le texte des canons, et dans les
sentiments des canonistes, qu'on n'en peut rien
conclure de certain, et il faut nécessairement
s'attacher à la pratique universelle de l'Eglise
comme à l'interprète le plus fidèle des canons,
qui laisse une entière liberté de recevoir les
ordres mineurs au-dessus de sept ans. A quoi
est conforme le pontifical romain. « Prima
tonsura et minores ordines ante septimum
annum completum dari non debent.
Le moine Blastares dit que, parmi les Grecs,
les enfants sont ordonnés lecteurs dès qu'ils
savent lire. « Lector ordinatur, quam primum
poterit légère. (Blastares littera, c. x, c. 21.)
DU CHANT ET DE LA INCITATION DES OFFICES DIVINS.
185
Si l'on fait un pou de réflexion sur ce qui a
été si invinciblement établi ailleurs, que durant
plusieurs siècles la cléricature ne se donnait
qu'avec quelqu'un des ordres mineurs, on
verra bien clairement la raison pourquoi Ton
ne saurait distinguer dans les canons l'âge de
la tonsure d'avec celui des ordres mineurs.
Mais le concile de Trente ayant ordonné que
les ordres mineurs se donnent séparément, on
pourrait les ménager sagement depuis rage de
sept ans jusqu'à celui du sous-diaconat. Mais
c'est ce que l'Eglise abandonne à lu sagesse des
évêques (1).
(1) Le concordat de Léon X et de François I" accordait un privi -
ége à la France, en ce que ses sujets pouvaient être promus à
l'épiscopat à l'âge de vingt-sept ans révolus, tandis qu'il en fallait
trente ailleurs. Le concordat de 1801, qui a aboli l'ancien, se tait
sur L'âge requis pour l'épiscopat, mais le 16e des articles organiques
exige trente ans. Le 26e desdits articles prescrit aux évêques de
n'ordonner personne qu'il n'ait atteint l'âge de vingt-cinq ans. On
entendait le sous-diaconat. Sur les observations qui lui furent faites,
le gouvernement fit paraître un décret, le 10 lévrier 1810, par lequel
il autorisait la réception du sous-diaconat à vingt-deux ans. Une dé-
cision ministérielle de 1809 avait antérieurement déclaré que pour
conférer le diaconat et la prêtrise, l'évéque n'avait pas besoin du
consentement du gouvernement.
L'âge requis pour le cardinalat est, d'après le concile de Trente,
celui de l'épiscopat. Cependant, par la constitution Postquam verus,
Sixte-Quint déclara qu'on pouvait être nommé cardinal-diacre à l'âge
de vingt-deux ans. Le plus récent exemple est celui de l'infant d'Es-
pagne, Louis-Marie de Bourbon, nommé, le 23 octobre 1800, par
Pie VII, cardinal-diacre du titre de Sainte-Marie délia scala, à l'âge
de vingt-deux ans et six mois. Il mourut en 1823, étant archevêque
de Tolède. (Dr Ahdké.)
CHAPITRE SOIXANTE-ONZIÈME.
DU CHANT ET DE LA RÉCITATION DES OFFICES DIVINS DANS L'ÉGLISE GRECQUE,
PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Les mêmes offices divins et les mêmes heures ODt été en
usage dès la naissance de l'Eglise. Preuve tirée des constitu-
tions apostoliques.
II. Cette coutume était commune aux laïques et aux clercs, el
ou récitait ces offices en particulier, quand on ne pouvait le l'aire
dans l'Eglise.
III. IV. Inverses preuves qu'on a chanté les offices dès le com-
mencement, mais qu'un seul chantre chantait les psaumes, ou
plusieurs chantres successivement. Coutume de l'Eglise d'Alexan-
drie de lire plutôt que de chanter.
V. Divers règlements du concile de Laodicée, pour les heures
canoniales.
VI. Vil. Description des offices des monastères, empruntés de
ceux de l'Eglise, portés à une plus grande perfection, et ensuite
communiqués à l'Eglise, et conservés jusqu'à présent. Des
psaumes de l'office de lu nuit, des leçons, «les collectes.
VIII. Autres pratiques des monastères, retenues dans l'Eglise,
! Jlre as-lf nu debout.
IX. De réciter les heures du jour en particulier. De l'heure de
prime, de laude.
X. Des vigiles du samedi au dimanche.
XI. Preuves que les fidèles, les clercs, les religieux qui n'a-
vaient pas assisté aux heures canoniales de l'église, les réci-
taient eu particulier.
I. Après les devoirs importants et univer-
sels tles ecclésiastiques, qui concernent leur
tonsure et leur habit; le chant et les offices de
l'Eglise sont le sujet qui se présente à traiter,
comme le plus lié à celui dont nous avons parlé
ci-dessus, el comme contenant la première et
la plus essentielle obligation des clercs et des
bénéficier?, qui est de chanter ou réciter tous
les jours les louanges de Dieu.
Le but de ce discours sera : 1° d'exposer les
preuves de l'obligation constante des clercs à
réciter les heures canoniales; 2U d'entrelacer
les particularités les plus remarquables des ori-
gines de tout l'ofQce divin.
Comme elles sont puisées dans les conciles
et dans les écrits des saints Pères, elles pour-
ront inspirer plus d'estime et plus de vé-
nération pour cet office vraiment divin : et
ainsi ces origines mêmes pourront passer pour
autant de preuves de la même obligation.
Commençons par la pratique de l'Eglise
d'Orient à ce sujet.
L'auteur des constitutions apostoliques or-
donne aux fidèles de prier le matin , l'heure
de tierce, à sexte, à none, à vêpres et au chant
du coq : « Precationes facite mane tertia, sexta,
nona, vespere, atque ad galli cantum (L. vin,
c. 34). » Le matin pour rendre grâces au Père
des lumières , qui l'ait luire le jour. A tierce,
parce que c'est l'heure que l'auteur de la jus-
186
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-ONZIÈME.
ticc fut condamné à mort. A sexte, parce qu'il
fut mis en croix à midi. A l'heure de none,
paire que l'auteur de la vie expira. Au soir,
pour remercier l'auteur du repos. Au chant du
coq, parce que le retour du jour appelle les
enfants de lumière au travail et à l'œuvre du
salut éternel.
Si l'évêqne ne peut assembler les fidèles à l'é-
glise cause des persécutions, il les assemblera
dans quelque maison : « Si ad ecclesiam pro-
dire non licuerit,propter infidèles, congregabis,
episcope, in domo aliqua.» Mais si l'on ne peut
s'assembler ni dans l'église , ni dans aucune
maison, chaque fidèle s'acquittera en particu-
lier de ce pieux devoir, ou l'on se joindra deux
ou trois ensemble : « Quod si neque in domo,
neque in ecclesia congregari poterunt, psallat
sibi unusquisque, légat, bref : vel duo simul.
aut très. Ubi enirn fuerint, inquit Dominus,
duo aut très congregati in nomine meo, ibi
sum in medio eorum. »
II. Ce peu de paroles renferme tout ce que
nous avons à développer et à établir dans les
deux ou trois chapitres suivants, où nous ferons
voir : 1° que depuis la naissance de l'Eglise il
y a eu un office divin, composé à peu près des
mêmes heures, des mêmes psaumes, des mê-
mes lectures spirituelles qu'à présent; 2° qu'on
l'a chanté ou récité publiquement dans les
églises ou dans les oratoires particuliers, quand
on a eu la liberté de s'y assembler ; 3° que
cette obligation regardait particulièrement les
ecclésiastiques qui devaient présider à ces as-
semblées et à ces prières publiques avec l'évê-
que ; 4" que les fidèles étaient autrefois aussi
compris dans la même obligation de piété ,
puisque cette constitution apostolique est
adressée à tous les fidèles en général; 5° que
si l'on ne pouvait s'assembler pour les offices
divins, ni dans l'église, ni dans une maison
particulière ; chacun était obligé de faire les
mêmes prières en secret.
Ce sont là les points les plus importants à
l'éclaircissement desquels nous ferons plus
d'attention dans la discussion des Pères , des
conciles et des historiens , qui peuvent nous
faire comme la chaîne d'une tradition fidèle et
non interrompue.
III. Eusèbe poussant sa prétention sur les
Esséens et recherchant curieusement dans toute
leur discipline toutes les ressemblances qu'elle
pouvait avoir avec celle des chrétiens , n'a pas
oublié le chant des psaumes , tout semblable
à celui des chrétiens en Orient. « Cùm unus
qnispiam modulate ac decenter psalmum ca-
nere exorsus fuerit, capteri cum silentio au-
scultantes,exlreinasdunta\athynmoium partes
concinunt ( L. n, c. 17 ). »
Socrate dit que saint Ignace, qui fut le troi-
sième évêque d'Antioche après saint Pierre ,
eut une vision des anges . qui chantaient a
deux chœurs les louanges de la Trinité adora-
ble et qu'il institua ensuite la même manière
de chanter dans l'Eglise d'Antioche, dont tou-
tes les autres églises furent depuis les imita-
trices ( L. vi, c. 8. )
Ce récit de Socrate n'a pas paru appuyé sui-
des fondements assez solides.
Saint Augustin nous assure que le chant des
offices divins dans l'église se peut justifier par
l'exemple du Fils de Dieu même et de ses Apô-
tres, dont la psalmodie a été attestée dans les
lettres saintes. Voici les paroles de saint Au-
gustin : « Maxime illud quod de Scripturis de-
fendi potest, sicut de hymnis et psalmis ca-
nendis, cum et ipsius Domini et Apostolorum
habeamus documenta et exempla et prœcepla
( Ep. cxix, c. 18). »
Le Fils de Dieu ayant donc chaulé des hym-
nes et des psaumes avec ses Apôtres , et saint
Paul ayant si souvent parlé du chant spirituel
des psaumes, il est fort apparent que ce fut là
le commencement du chant dans l'Eglise de la
Palestine, où l'on était accoutumé à la psalmo-
die du temple de Salomon, et ensuite dans toute
l'Eglise Orientale. Ce fondement est bien plus
solide que la vision de saint Ignace sur le rap-
port de Socrate.
Le même saint Augustin nous apprend en un
autre endroit que dans l'Eglise d'Alexandrie
on chantait les psaumes d'une voix si unie et
avec tant de simplicité, que c'était presque lire
plutôt que chanter, et le chantre pouvait passer
plutôt pour un lecteur que pour un chantre.
Saint Athanase même avait confirmé cet usage.
« Quod de Alexandrino episcopo Athanasio
sa?pe mihi dictum commemini, qui tam modico
tlexu vocis faciebat sonare lectorem psalmi, ut
pronuntianti vicinior esset , quam canenti
( Confess., 1. x, c. Xi ). »
IV. C'est donc la vérité qu'on a chanté les
psaumes dans l'Eglise dès sa naissance, aussi
bien que dans le temple de Jérusalem , mais
qu'il n'y avait qu'un chantre qui consacrât sa
voix à cette divine mélodie, tout le reste du
peuple et du clergé même priant en silence, et
DU CHANT ET DE LA RÉCITATION DES OFFICES DIVINS.
187
chantant dans son cœur les mémos cantiques ,
jusqu'à ce que le chant fût permis au reste du
clergé et au peuple par des occasions extraor-
dinaires, que nous rapporterons dans ce cha
pitre et le suivant. Alors on commença à
chanter à deux chœurs, et pour donner plus
de vénération à une cérémonie si sainte et si
auguste , on xoulut lui donner aussi de l'an-
tiquité et du merveilleux par la vision dont
parle Socrate.
Le peuple ne chantait point dans le temple,
mais les chantres seuls que David avait formés
pour cela, ou leurs successeurs. Le peuple ue
pouvait encore avoir appris le psautier . ni
tout le clergé même, dans les premiers com-
mencements. Eusèbe a cru faire une peinture
des chrétiens, en représentant l'assemblée des
Esséens , où un seul chantait, les autres écou-
taient [Eusebius, 1. vu, c. 3Q). Saint Athanase
ne faisait chanter qu'un chantre, ou qu'un
lecteur à la fois.
La lettre synodale du concile d'Antioche, où
Paul de Samosate fut condamné, dit que ce
prélat impie et audacieux , par une insolence
inouie, avait aboli les psaumes, qu'on chan-
tait auparavant dans l'Eglise, pour y faire
chanter des cantiques a sa louange. Cela est
bien plus faisable, si un seul, ou plusieurs suc-
cessivement les uns après les autres, faisaient
la fonction de chantres.
Voila quelles étaient les psalmodies, qu'Eu-
sèbe dit avoir été rétablies, avec tous les autres
ornements de l'Eglise , quand Constantin lui
eût donné la liberté.
V. 11 est vrai que Justin, martyr, ne décrit
dans sa seconde Apologie, que la messe que
l'on célébrait le Dimanche; il y parle de la lec-
ture des écritures, et des prières qu'on y fait ,
mais il ne dit rien du chant. Cette Apologie
n'était pas un lieu propre pour y faire un dé-
nombrement de tous les articles de la piété, et
de la discipline de l'Eglise.
Les canons apostoliques font mention des
chantres : ainsi ils supposent le chant des offices
divins tels que nous les avons rapportés des
constitutions apostoliques.
Le concile de Laodicée (Can. xv, xvi, xvu
ne veut pas que personne chante dans l'Eglise,
si ce n'est les chantres ordonnés pour cela :
xavnotti ■;*>-*•.. Cela montre, que non-seulement
le peuple, mais le reste du clergé mémo, ne
chantait point encore, quoiqu'il assistât aux
offices. Le même concile ordonne qu'on lise
l'évangile le samedi, avec les autres livres de
l'Ecriture. Dans l'Eglise d'Orient ou fêtait le
samedi comme le Dimanche. Nous ne lisons
encore lo livre des évangiles que les Diman-
ches et les l'êtes. On ne le lit point dans l'office
ferial. Il ordonne encore qu'on lie chantera
point les psaumes de suite , mais qu'après
chaque psaume on fera quoique lecture. On
voulait par cette diversité reveiller l'attention.
Comme la lecture ne se faisait que par les
lecteurs, ainsi les chantres seuls étaient char-
gés du chant; tous les autres, soit fidèles, soit
clercs , écoutant et adorant en silence. La
même coutume nous est demeurée d'entre-
couper le chant des psaumes par la lecture
des livres saints.
Enfin, ce concile (Can. lix) défend de chan-
ter d'autres psaumes , et de lire d'autres
livres, que ceux du vieux et du nouveau Tes-
tament. Ainsi on n'y mêlait point encore ni
d'hymnes, ni de vies de Saints, ni d'homélies
des Pères. La liturgie de none et de vêpres ,
dont parle ce même concile (Can. xvm, xix),
est apparemment la messe qui se disait tantôt
à l'heure de none, tantôt au soir.
VI. La police sainte des solitaires nous don-
nera quelque lumière , pour mieux com-
prendre celle de l'Eglise dans ses offices. Car
ces admirables enfants de cette divine mère
lui rendirent avec usure ce qu'ils avaient em-
prunté d'elle : Ils furent d'abord ses disciples ;
mais elle fit gloire après cela de les suivre et
de les imiter.
Denys le Petit, dans la version latine qu'il a
faite de la vie de saint Pacôme, dit que ce
saint solitaire apprit, par une vision du ciel,
qu'il fallait prescrire à ses religieux douze
prières pendant le jour, autant le soir, autant
la nuit; et ce saint jugeant que c'était peu ,
l'ange lui répondit, qu'il fallait s'accommo-
der aux faibles; mais que les parfaits priaient
sans interruption dans leurs cellules, et y goû-
taient en paix les saintes délices de la contem-
plation.
Sozomène parle des disciples de saint Pa-
côme , au nombre de treize cents ; et des
autres moines jusqu'au nombre de sept mille,
qui chantaient douze psaumes la nuit, autant
le matin, autant le soir ^Sozom., 1. m, c. 13).
L'office férial de la nuit contient encore le
même nombre de psaumes , les quatre petites
heures du jour autant, et les vêpres, avec les
complies, environ autant.
188
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-ONZIÈME.
Mais il faut entendre Cassien, qui a excel-
lemment bien développé cette histoire , et
toutes ses circonstances. Il raconte donc, que
les moines de la Thébaïde et de l'Egypte étant
partagés sur le nombre des psaumes qu'on
devait chantera l'office divin , un ange revêtu
de leur habit, leur apparut au commencement
de l'office, chanta onze psaumes qu'on inter-
rompit par autant de ces prières courtes et
ferventes, qu'on appelle Oraisons, ou collectes;
et ayant après cela chanté encore un douzième
psaume , et l'ayant conclu par un Alléluia, il
disparut. 11 ne fallut pas d'autre décision de
leur différend. Mais il faut rapporter les paroles
propres de Cassien : elles nous apprendront des
particularités très-considérables.
« Unus in médium psalmos Domino canta-
turus exurgit. Clinique sedentihus cunctis, ut
est moris nunc usque in .Egypti partibus , et
in psallentis verba omni cordis intentione de-
fixis, undeciin psalmos orationum interjectione
distinctes, contiguis versibus parili pronun-
tiatione cantasset, duodecimum sub Alléluia
responsione consummans, quaestioni pariter et
c;cremoniis finem imposuit (Cassian. De Can.
Noct. Orat., 1. 11, c. 5, 6). »
Cassien ajoute, qu'on chanta depuis douze
ps*imes aux offices de la nuit et des vêpres,
« Tarn in vespertinis, quam in nocturnis eon-
venticulis ; » on fit ensuite une addition ex-
traordinaire et libre pour ceux qui auraient un
désir plus ardent d'imprimer dans leur coeur
et dans leur mémoire les saintes Ecritures.
Cette addition fut de deux leçons, l'une de
l'Ancien, et l'autre du Nouveau Testament;
si ce n'est qu'au samedi on les prenait toutes
deux du Nouveau Testament, l'une de saint
Paul, ou des Actes , l'autre des Evangiles : ce
qui se pratiquait aussi depuis Pâques jusqu'à
la Pentecôte, parce que c'étaient comme autant
de jours de Fêtes.
VII. Nous remarquerons sur ce fidèle rap-
port de Cassien, à la sainte curiosité duquel rien
n'avait échappé de toutes les coutumes des
monastères de l'Orient et de l'Egypte , que les
psaumes étaient chantés par un seul chantre,
tous les autres écoutant et priant avec une
extrême attention.
Comme l'Eglise était plus ancienne de plus
de trois cents ans que l'état monastique, ainsi
que nous le ferons voir dans un des chapitres
suivants, il est évident que les moines avaient
imité en cela l'Eglise où un seul chantre psal-
modiait et tout le reste du peuple et du clergé
unissait sa voix pour le chant du Gloria Patri;
et dans les monastères , à la fin de chaque
psaume, le supérieur disait une collecte.
C'est ce que Cassien dit dans la suite , qu'à
la fin de chaque psaume ils se levaient tous
ensemble , priaient mentalement en peu de
temps , puis se jetaient tout à coup à genoux
pour adorer Dieu, et s'étant aussitôt relevés, le
supérieur disait la collecte. « Antequam tle-
ctant genua , paulisper orant stantes, post hrec
puncto brevissimo procidentes humi , velut
adorantes tantum dmnam clementiam, summa
velôcitate eonsurgunt, ac rursus erecli expansis
manibus, etc. Cum is qui orationem collectu-
rus est, e terra surrexit, omnes pariter eri-
guntur (Ibid., c. vu). » Voilà d'où vient le mot
de collecte.
Cassien remarque qu'on affectait la brièveté
dans ces oraisons mentales , afin qu'elles fus-
sent plus ferventes et moins sujettes aux dis-
tractions; que l'on interrompait les psaumes
qui étaient un peu longs par ces prières men-
tales, et si les jeunes chantres continuaient un
trop grand nombre de versets , l'ancien du
chœur faisait un signe et on se levait pour
prier Dieu en esprit.
Cet auteur remarque enfin qu'on partageait
ces douze psaumes en sorte qu'un religieux en
chantât six et un autre autant, ou bien que
trois en chantassent chacun quatre, ou quatre
chacun trois, afin qu'il n'y en eût jamais moins
de deux , ni plus de quatre qui chantassent.
« Quantalibrt multitudo convenerit, nunqtiain
amplius psallant in synaxi, quam quatuor fra-
tres. »
VIII. La plupart de ces usages sont encore
en vigueur : l'office férial des douze psaumes ,
d'être assis ou debout , ou les uns assis et les
autres debout , d'affecter les lectures du Nou-
veau Testament aux jours de Fêtes ou du Di-
manche, de finir et d'interrompre la psalmodie
et la lecture par des brièves prières mentales ,
par des génullexions et par les oraisons ou
collectes; enfin, de couper les psaumes qui
sont trop longs et en interrompre le chant.
On peut croire qu'au lieu de l'oraison men-
tale à laquelle la lie du peuple avait peu de dis-
position, on a substitué en quelques endroits
l'Oraison Dominicale, laquelle se dit ordinaire-
ment tout bas, ou la doxologie , c'est-à-dire
l'hymne faile en l'honneur de la sainte Trinité.
11 ne faut pas oublier ce que dit Cassien, que
DE CHANT HT DE LA RÉCITATION DES OFFICES DIVINS.
189
si ces saints solitaires d'Egypte étaient assis ,
Rumillimis sedibus insidentes , Ibid., c. xu),
pendant que l'un d'eux étant debout psalmo-
diait ; c'était par une nécessité inévitable de se
reposer, paire qu'ils avaient employé toute la
journée au travail des mains , et qu'après l'of-
fice fini ils se retiraient dans leurs cellules et
continuaient les prières jusqu'au jour , faisant
succéder à la prière le travail manuel. « Idem
rursus oraiionum officium, vélut peculiare sa-
crificium studiosius célébrant, donec ooeturno
operiac meditationi operatio diurna succédât. »
Le peu de sommeil qu'ils prenaient avait pré-
cédé l'office de la nuit.
IX. Le même Cassicn assure que les moines
d'Egypte ne s'assemblaient dans l'Eglise que
pour l'office de la nuit et de vêpres ; si ce n'est
le samedi et le dimanche qu'ils s'assemblaient
à l'heure de tierce, pour la messe et pour la
communion. Aux autres jours de la semaine,
ils ne faisaient aucune distinction d'heures ;
maïs durant tout le jour ils s'occupaient de
leur travail, en chantant, lisant et méditant
l'Ecriture.
Au contraire, les monastères de la Palestine,
de la Mésopotamie et de tout l'Orient, distin-
guaient les heures de tierce, sexte et noue,
chantaient trois psaumes à chacune et pas-
saient alternativement de la prière au travail,
et du travail à la prière : « Supradictarum ho-
rarum solemnitates trinis psalinis quotidie
finiuntur, ita ut necessaria operationis officia
spiritualibus obsequiis nullatenns valeant im-
pediri (De Canonic, diurnarum Orationum et
Psalm. modo. L. ni, c. 2, 3, 4 . »
Cassien ajoute que l'heure de prime fut
ajoutée de son temps clans les monastères des
Gaules, et qu'on y assigna trois psaumes et
les collectes : « Tribus psalmis et orationibus
celebratis. » Il l'appelle : « Matutina canonica
functio, » ce qui pourrait la faire prendre pour
les laudes qu'on chante au matin; aussi dit-il
qu'elle se célébrait avant le soleil levé : aUsque
ad solis ortum , quo jam sine offensione , vel
lectio parari, vel opus manuum possit assumi.»
Enfin , Cassien ajoute que ce sont là les sept
temps différents que le divin auteur des psau-
mes avait consacrés à la prière, quand il disait :
« Septies in die laudem dixi tibi. » Pour trou-
ver ce nombre de sept, il faut apparemment
distinguer les vêpres en deux offices, dont l'un
est ce qu'ils appelaient : Lucernarium , et
l'autre vêpres, comme nous dirons ci-après.
X. 11 faut dire un mol des vigiles qu'on cé-
lébrait une fois toutes les semaines, la nuit du
samedi au Dimanche.
Cassien dit qu'en hiver les nuits étant trop
longues, on prolongeait ces vigiles jusqu'au
quatrième chant du coq , qu'alors les religieux
prenaient deux heures de sommeil, afin de pou-
voir avec plus de vigueur s'occuper durant tout
le saint jour du Dimanche aux mêmes exer-
cices de piété.
Il dit qu'on partageait cet office de la nuit en
trois parties, afin de réveiller la piété par cette
distinction, qu'on chaulait trois psaumes de-
bout d'un chant alternatif à deux chœurs;
après on s'asseyait et on écoutait chanter trois
autres psaumes, par trois religieux différents.
A quoi on ajoutait trois leçons : oEas vigilias
tripartitis distinguant ofliciis, etc. Nain cum
stantes antiphonas très concinuerunt , humi
post hœc, vel humillimis sedibus insidentes,
très psalmos uno modulante respondent : et
bis sub eamdem quiète residentibus, ternas
adjiciunt lecliones (Ibid. c. 8). »
Cela approche extrêmement de notre office
de la nuit avant le Dimanche, divisé en trois
nocturnes, avec dix-huit psaumes, et neuf
leçons. Nous les appelons matines depuis qu'on
y a joint l'heure de laudes, qu'on appelait
Laudes matutinœ.
Cassien remarque que les monastères de
l'Orient récitaient à la fin de l'office de la nuit
presque les mêmes psaumes qui composent
encore nos laudes. Ainsi on peut dire que cette
partie de l'office divin ne leur était pas incon-
nue, et que dès lors on commençait à la join-
dre avec les nocturnes. Enfin il remarque
qu'on ne s'assemblait qu'une fois le Dimanche
au matin, parce qu'on joignait tierce et sexte
avec la messe.
XL Quelque diversité qu'on ait pu remar-
quer, il est certain qu'il y avait une extrême
convenance et une admirable uniformité entre
tous ces monastères répandus dans l'Egypte,
dans la Thébaïde, dans la Palestine, dans la
Mésopotamie et dans tout l'Orient : et cette si
grande uniformité d'offices ne peut prove-
nir que de ce que ces saints religieux faisaient
gloire de faire dans la solitude les mêmes of-
fices qu'ils avaient vu célébrer dans les églises.
2° Comme ce n'étaient pas les seuls religieux
engagés dans les saints ordres qui chantaient
l'office divin, mais encore ceux qui pouvaient
absolument passer pour laïques, dans ces siè-
190
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DOUZIÈME.
clés de ferveur les laïques mêmes s'acquittaient
de ce devoir de piété avec une assiduité fort
grande, sans y être obligés. Rien plus, c'est
que ni les religieux ni les religieuses ne faisaient
aucune profession particulière qui les engageât
a la récitation de l'office; ce n'était qu'une
continuation et un renouvellement de la fer-
veur des premiers fidèles qui les réunissaient
tous dans cette pratique si universelle et si in-
dispensable.
3° Ces religieux récitaient dans leurs cellules
les heures canoniales qu'ils ne chantaient pas
dans l'église, et il y avait des monastères oii les
quatre petites heures du jour ne se chantaient
qu'en particulier. C'était une marque de la
coutume pareille des fidèles et surtout des
clercs, de réciter chacun en secret les heures
canoniales qu'ils n'avaient pas chantées dans
l'église.
■ï" Ruffin dit que les religieux, s'entrevisilant
dans la solitude, récitaient les heures cano-
niales, soit du jour soit de la nuit, environ le
même temps qu'on les chantait dans les monas-
tères. « Facto vespere orationes et psalmos se-
cundum consuetudinem compleverunt; simi-
liter etiam et nocte fecerunt, etc. Vespere ad
luminaria addidit super consuetudinem alios
psalmos, et post complétas orationes. dixit eis,
etc. Non possumus propter vos omnem cano-
nem psallere, ideoque repausate modicum quia
de itinere fatigati estis (Ruffin. De vitis Pa-
trum, 1. m, c. 5).
Voilà d'où vient ce terme d'heures cano-
niales du canon ou de la règle, c'est-à-dire du
nombre des psaumes prescrit pour chaque
partie de l'office divin que les particuliers réci-
taient même dans la solitude, sans en excepter
les hôtes et les voyageurs.
Cette piété des religieux n'était qu'une imi-
tation de celle des clercs et des plus fervents
entre les fidèles, qui se sont rendus si recom-
mandables dans les premiers siècles de l'Eglise.
CHAPITRE SOIXANTE-DOUZIEME.
DES ORIGINES DE L OFFICE DIVIN DAMS L ORIENT, ET DE L OBLIGATION DE LE RECITER
MÊME EN PARTICULIER.
I. Témoignage de saint Epiphane et de saint Clément, prêtre
d'Alexandrie.
II. De saint Basile. Combien les peuples étaient affectionnés
à l'ofûce divin.
III. De saint Grégoire de Nysse. Les voyageurs mêmes réci-
tnii-ut l'ol
IV. De saint Chrysostome.
V. Ceux qui desservaient les oratoires des particuliers, > ré-
citaient l'office.
VI. Théodorct, Diodore et Flavien , laïques, introduisent à
Antioche la coutume de faire chanter les psaumes à deux chœurs
au peuple même.
VU. On enseignait les psaumes aux enfants.
VIII. On s'acquittait des heures canoniales même en parti-
culier. Exemples.
I\. Preuves de cela même.
X. Les moines qu'on lit évêques auraient introduit cette cou-
tume dans le clergé, quand ils ne l'y auraient pas trouvée.
XI. L'ordination des clercs les attachait au service d'une
l'i'li.-r. Le premier service de l'église était la prière. La prière
n'était point mentale seulement, mais vocale, et la psal
même. Exemples. Obligation de restituer, quand un bénéficier
a manqué k l'office.
I. Saint Epiphane dit qu'on célébrait dans
l'église les offices du matin et du soir, distin-
guant avec soin la psalmodie de l'oraison :
mais que les religieux s'employaient tout en-
tiers à la psalmodie, à l'oraison, à la lecture
des Ecritures, et à les imprimer dans leur
mémoire.
a Matutinae laudes in Ecclesia Catholica, ma-
tutinaeque preces assidue celebrantur : lucer-
nales item psalmi et orationes, etc. Magna vero
ex parte monachi in decantandis psalmis ac
perpetuis orationibus, et sacrarum litterarum
lectionibus, et iisdem memoriter pronuntian-
dis exercent (Exposit. fidei calhol. c. 23).
Saint Clément d'Alexandrie (Strom. 1. vu)
avait dit autrefois que s'il y en avait qui desti-
naient à la prière certaines heures, comme
DES ORIGINES DE L'OFFICE DIVIN, etc.
l'.tl
tierce, sexfe et none, le contemplateur véritable
priait sans interruption et lisait les Ecritures
avant le repas.
II. Mais il ne se peut rien ajouter à ce que
saint lîasile a dit à la louange de la psalmodie
ecclésiastique. Il assure que les peuples en
étaient si touchés, qu'ils chantaient continuel-
lement des psaumes dans leurs maisons et
même dans les places publiques. « Psalmorum
eloquia et domi cantillant, et medio in foro
secum c.ircumferunt (In psal. i). »
Ce père parle ailleurs des sept heures diver-
ses qui étaient consacrées à la psalmodie dans
les monastères, à minuit, au matin, à tierce, à
sexte, à none, à vêpres, et il remarque que la
prière du midi était coupée en deux, l'une
avant, et l'autre après le repas, pour accomplir
le nombre de sept (Tom. u, serm. de institut.
Mona. Et in Regulis fusius disp. c. 37).
On forma diverses accusations contre ce Père
d'avoir fait des changements dans le chant des
psaumes, en instituant des monastères. 11 ré-
pondit, dans sa lettre au clergé de Néocésarée,
qu'il n'avait fait qu'imiter et suivre de loin ce
qui se pratiquait depuis longtemps dans les
maisons religieuses de l'Egypte, de la Palestine
et de la Mésopotamie ; que la psalmodie était
uniformément observée dans toutes les églises.
« Quod propter psalmodias accusamur, qui juin
obtinuerunt ritus, omnibus Ecclesiis Dei con-
cordes suntet consoni (Epist. lxiii). »
Il dit que le peuple s'assemble dès avant le
jour dans l'église, et qu'après y avoir prié à
genoux, il se levé pour le chant des psaumes :
que tantôt on les chante à deux chœurs, tantôt
un seul chante et les autres répondent; qu'ainsi
par intervalle la psalmodie et l'oraison s'entre-
suivent jusqu'au jour : enfin qu'à la pointe du
jour on recommence;! chanter les psaumes, et
que cela se pratique dans l'Egypte, la Eybie,
la Thébaïde, la Palestine, l'Arabie, la Syrie.
« De nocle populus consurgens domum pre-
cationis petit, etc. Tandem ab oratione sur-
gentes , ad psalmodiam traducuntur. Et aune
quidem in duas partes divisi, alternis sucei-
nentes, psallunt, nunc uni ex ipsis hoc mune-
ris dato, ut quod canendum est prior ordiatur,
reliqui succinunt, etc. Ita psalmodiœ varietate
precibusque intersertis noctem superant. 111 u-
cescente vero jam die, omnes pariter psalmum
confessionis offerunt Deo. »
Si les fidèles, si les moines faisaient paraître
tant d'assiduité aux offices divins , que doit-on
penser du clergé qui était le modelé des uns et
des autres ?
Saint Grégoire de Nazianze, entre les vertus
admirables de saint Basile, n'oublie pas son
assiduité et sa persévérance infatigables dans la
psalmodie : « In jejuniis et orationibus assidui-
tatem, insuperabilem in vigiliis et psalmodiis
vigorem (Orat. 21. Reg., cap. cvn).» Mais il ne
faut pas oublier l'obligation que saint lîasile
impose à ses religieux dans sa règle , de
réciter leurs heures canoniales en particu-
lier, quand ils ne pourront pas se trouver au
chœur avec les autres : a Si enim corporaliter
adosse cum cœteris non occurrat ad orationis
locum , in quoeumque loco inventus fuerit,
quod devotionis est, expleat. »
III. Saint Grégoire de Nysse, dans la vie de
sainte Macrine, sa sœur, décrivant la vie des
religieuses consacrées à Dieu dans les monas-
tères, assure qu'on y employait aussi les jours
et les nuits à prier et à chanter des psaumes :
« Perpetuum precaudi studium , et assidua
psalmorum decantatio, quae nec die, nec nocte
intermittebatur. »
On ne peut douter que les heures canoniales
n'y fussent observées, car il parle un peu
plus bas de l'office de vêpres, ou de la messe
qui s'y célébrait. U parle aussi des nuits en-
tières qu'on passait à psalmodier aux fêtes des
martyrs.
Mais que peut-on souhaiter de plus beau et
de plus formel que ce que le même saint Gré-
goire de Nysse rapporte du voyage qu'il fit en
carrosse, en Arabie? Il en avait fait comme un
monastère, en jeûnant, et psalmodiant avec
toute la compagnie : « Vehiculum nobis pro
Ecclesia et monasterio erat omnibus per totam
viam simul psallentibus et jejunantibus. »
Voilà les heures canoniales récitées, ouchan-
tées en particulier, même en faisant voyage.
Oui peut donc douter qu'on ne chantât dans
cette église déambulatoire les mêmes psaumes
qui font la dévotion publique des fidèles dans
l'Eglise, et qu'on était accoutumé de chanter
dans les assemblées communes.
IV. Saint Chrysostome ne se contenta pas
d'obliger tous les clercs à se trouver aux offices
de-la nuit; il y exhorta même les hommes du
siècle, à qui les occupations ordinaires déro-
bent les journées entières, et ne laissent que
la nuit pour prier : a Fidèles quoque laïcos
exhortabatur, vigiliis noclurnis in ecclesia in-
sistere : uxores autem horum domi manere,
19-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DOUZIEME.
interdiu orantes : ideo quod viris die otium
non esset. IIa?c omnia quosque negligentiores
de clero contristabant, totis noctibus dorniire
consuetos Pal lad., in vita Clirysost., c. y). »
Il ne se pouvait rien dire de plusTbrmel,
j)Oiir faire voir l'obligation des ecclésiastiques,
de se trouver aux offices du jour et de la nuit
même dans l'église , puisque ce saint et fer-
vent prélat tâchait de rallumer le feu de l'an-
cienne piété des fidèles mêmes, en les conviant
de se rendre assidus aux heures canoniales, les
femmes à celles du jour et les hommes à celles
de la nuit.
Ce père conseille, en un autre endroit, de
faire succéder l'oraison à la psalmodie, et il
n'y oublie pas la lecture des Prophètes. Il ex-
plique au long pourquoi on lit après Pâques les
Actes des Apôtres ( In Psal. il. Tom. v. serm.
63).
V. Le même saint Chrysostome fait des ins-
tances très-pressantes aux riches, de bâtir une
église, ou un oratoire dans leurs maisons de
campagne, et d'y avoir un prêtre et un diacre
qui y célèbrent le terrible sacrifice les jours de
Dimanches, mais qui y chantenttous les jours
les louanges de Dieu.
« Educa diaconum etsacerdotalemordinem.
Preces illic perpétua? propter te. Laudes et sy-
naxes propter te; oblatio per singulos dies
Dominicos, etc. Quanta res est, matutinis et
vespertinis esse hymnis prœsentem, etc. Pa-
riim est pro villa quotidie preces ad Deum
fieri Ilom. 18. in Acta) ? »
En voilà assez pour nous persuader, que
quoique ces sortes d'églises fussent les moins
considérées de toutes, les ecclésiastiques qui
les desservaient ne laissaient pas d'y célébrer
tous les jours la divine psalmodie. De là on
peut juger de l'obligation des autres ecclésias-
tiques, puisqu'ils étaient tous attachés et asser-
vis à quelque église par leur ordination.
Que si ce Père dit ailleurs qu'on ne disait la
messe dans l'Orient que trois ou quatre fois la
semaine, on doit conclure de là même, que les
ccclésiastiquesavaientdes prières réglées en par-
ticulier pour les autres jours , de même qu'en
tant de monastères où la synaxe et le sacrifice
ne se célébrait que le samedi et le Dimanche;
et en quelques-uns le Dimanche seulement
(Chrysost. Tom. v, serm. :>-2. Ineosqui Pascha
jejunant. In Epist. i. ad Timoth. hom. 6).
Enfin, si ce Père en un autre endroit attribue
aux monastères la psalmodie journalière des
nuits, du matin , de tierce , sexte, none et de
vêpres, on peut bien en conjecturer que le
clergé ne célébrait pas tous les joursdans toutes
les églises toutes les mêmes heures canoniales,
puisqu'on ne les célébrait pas aussi toutes dans
tous les monastères. Mais il faut croire qu'alors
les clercs, aussi bien que les moines, célébraient
le reste des heures canoniales en particulier.
En effet, saint Chrysostome ajoute que des
vertus semblables se trouvent dans l'Eglise.
« In ecclesiis ejusmodi quid invenias. Neque
enim quoniam illorum exposuimus vitam ,
eorum qui intra ecclesiam sunt , instituta des-
picimus. Plurimi saepe hujusmodi et in niediis
ecclesiis sunt, sed delitescunt. Non enim quia
circumeunt domos et forum, despiciendi sunt.
Et hoc Deus imperavit: Judicate , inquit, pu-
pillo, et justificate viduam. »
Ces dernières paroles s'entendent des clercs
qui prenaient la défense des orphelins et des
veuves.
Palladius dans la vie de ce saint, parle bien
plus nettement, quand il dit que les quarante
évèques de son parti étant exclus des églises ,
célébrèrent les vigiles de Pâques, et les offices
dans leurs maisons. « Reversi episcopi vigilias
intra sua diversoria celebrarunt. » Les prisons
furent changées en autant d'églises, a Carceres
in ecclesiae faciem transiere : hymni et obla-
tiones mysteriorum in carceribus agebantur
(Cap. 9, 10). »
11 n'était donc pas nouveau ni aux évêques, ni
aux ecclésiastiques de célébrer en secret les
mêmes offices qui se disent solennellement
dans l'église.
VI. Je viens àThéodoret. qui nous apprendra
des particularités très-remarquables sur cette
matière. Celle qui regarde l'institution du chant
des psaumes à deux chœurs à Antioche, mérite
la première place. Voici comment cette institu.
tion se fit : Pendant que les ariens faisaient les
derniers efforts pour corrompre la pureté de la
foi catholique dans cette Eglise, qui étaiteomme
la mère du nom chrétien; deux laïques, d'une
vertu éminente. Diodore qui fut depuis évèque
de Tarse, et Flavien qui monta depuis sur le
trône épiscopal d'Antioche même, s'opposèrent
avec une générosité et une vigilance infatigable
à ce torrent d'iniquité; et pour affermir les
peuples dans la solidité de la foi par les exer-
cices de la piété, ils leur apprirent à chanter
les psaumes a deux chœurs.
« Mi duo quanquam annumerati laicis, tamen
DES ORIGINES DE L'OFFICE DIVIN, etc.
193
noctu et interdiu ad pietatis studium omnes se-
dulo excitarunt. Hi psallentium choro in duas
partes divise-, hymnos Davidicos altemis canen-
dos tradiderunt (Théodoret, Hist. 1. u, c. 24). »
Théodoret ajoute que cet usage fut suivi des
mitres églises, et passa jusqu'aux extrémités de
la terre. « Quae res primum incepta Antiochiœ
unique pervasit, et ad ultimas orbis terne par-
tes pervagata est. »
Ce récit a beaucoup plus de vraisemblance
que la vision de saint Ignace, rapportée par
Socrate. La vérité est que les seuls cbantres
d'offices avaient chanté les psaumes jusqu'à ce
changement fait à Antioche, le clergé et le
peuple ne réunissant leurs voix que pour finir
les psaumes par le Gloria Patri, ou par quel-
que cbose semblable comme Amen, Alléluia.
Mais à l'exemple des fidèles d' Antioche , on
commença partout ailleurs à faire chanter les
psaumes aux peuples mêmes.
Sozomène dit que les Ariens de Constantino-
ple étant chassés de toutes les églises , firent
leurs assemblées pendant la nuit dans les porti-
ques publics, et se partageant en deux chœurs,
chantèrent les psaumes, auxquels ils entrela-
cèrent des motets qui étaient comme des som-
maires de leur pernicieuse créance (Sozom. ,
1. vur, c. 8).
Saint Cbrysostome, pour animer davantage
son peuple, établit le même chant alternatif
dans l'église et il y fut depuis conservé. « Po-
pulum suum ad similem canendi modum exci-
tavit. » Et plus bas : « Catholici ex hac causa in
hune modum canere exorsi , in hune usque
diem ita perseverarunt. »
Nous dirons dans le chapitre suivant, com-
ment saint Ambroise introduisit la même psal-
modie des peuples dans l'Occident.
VII. Je reviens à Théodoret. 11 dit ailleurs
qu'on chantait le Gloria Patri à la liturgie du
matin, à celle du soir, et aux trois heures du
jour, w TpiTOfisptov, c'est-à-dire à tierce, sexte et
none (Epist. xiv). Que pour faire retentir la
gloire de l'adorable Trinité, le clergé et le peu-
ple joignaient leurs voix (Hist. 1. u, c. 2-4).
Que la coutume était d'apprendre d'abord aux
enfants dans les écoles, les psaumes de David
et quelques beaux endroits de l'Ecriture. C'est
ainsi que le pieux Protogène en usait.
« Ludum aperuit, et pueros non modo ad
céleri manu scribendum exercuit , sed sacra
Dei eloquia edocuit. Nam hymnos Davidis tan-
quam diclata illis proposuit , et eas apostolicœ
Th. — Tom. IL
doctrinœ sententias quas eorum ingeniis accom-
modatas putabat, ediscendas tradidit (Hist., 1. iv,
c. l(i). »
Ainsi on était toujours prêt à chanter les
psaumes, et le même raconte que les fidèles
étant chassés de leurs églises par Valens, ils
s'assemblèrent au pied d'une montagne et y
chantèrent les hymnes ordinaires de l'office
divin.
VIII. Le même Théodoret raconte encore
ailleurs que le célèbre solitaire Julien avait
prescrit à ses religieux, après avoir chanté tous
ensemble les offices de la nuit, de sortir deux
à deux le matin, et de passer toute la journée
en priant Dieu de cette sorte ; l'un chantait de-
bout quinze psaumes et l'autre cependant ado-
rait Dieu à genoux, puis alternativement celui-
ci chantait debout un pareil nombre de psau-
mes et l'autre demeurait prosterné adorant
Dieu. Ayant ainsi passé la journée, ils s'assem-
blaient tous vers le soir, et après avoir pris un
peu de repos, ils chantaient l'office de vêpres
(Hist. Reli.,c. 6).
Cela nous montre qu'on chantait et qu'on
récitait les psaumes même en secret et en parti-
culier. Cela parait encore dans la visite que le
pieux Avitus rendit à Marcion. Ces deux soli-
taires, après quelques discours de piété, dirent
ensemble none, Ktmri vm -ri;; àvà-nr,; ÈTiETEXr.aow XsiToup-
-jîav; et prirent ensuite leur réfection (Ibid.,
c. 5).
Publius n'interrompait jamais la psalmodie
que par l'oraison ou la lecture des Ecritures.
« Psalmodiam oratio, orationem psalmodia, et
utramque divinorum lectio excipiebat (Ibid.,
c. 5). » Il fonda deux monastères, l'un de Grecs,
l'autre de Syriens , et ne leur ayant donné
qu'une église commune, il les faisait assembler
pour la psalmodie du matin et du soir, afin de
chanter tous ensemble les louanges de Dieu à
deux chœurs, les uns en grec, les autres en
Syriaque. Théodoret dit que cette louable cou-
tume durait encore de son temps.
IX. Ces monastères étaient donc de ceux où
les petites heures du jour ne se récitaient qu'en
particulier, dont il a déjà été parlé.
Si les monastères entiers récitaient en parti-
culier les heures canoniales qui ne se chan-
taient point en public, peut-on douter que les
particuliers ne récitassent aussi en secret leur
office quand ils n'avaient pu se trouver à l'office
public de l'église? A plus forte raison qui pour-
rait douter que tant de solitaires qui passaient
13
194 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DOUZIÈME.
ou toute leur vie, ou une grande partie dans
les déserts écartés, ou seuls, ou avec un compa-
gnon seulement, ne chantassent ou ne récitas-
sent toutes les heures en particulier.
Nous en avons vu les exemples, aussi bien que
des voyageurs et des hôtes. Et puisque toutes
les autres vertus de la profession monastique
avaient été imitées du clergé , comme nous le
ferons voir dans la suite, n'est-il pas visible que
cette assiduité à la psalmodie est de ce nombre?
Les premières lois de la discipline ecclésias-
tique ne furent que des coutumes, comme il
arrive à toutes les républiques naissantes. La
loi de la charité en faisait plus faire que toutes
les autres lois n'en eussent pu commander. La
coutume fut d'abord dans l'Eglise que les heu-
res canoniales du matin, de tierce, sexte, noue
et vêpres se célébrassent en commun pour tout
le peuple, à plus forte raison le clergé y assis-
tait-il. La piété des fidèles s'attiédit avec le
temps, le clergé tint bon. Les moines s'élevè-
rent avec une ferveur toute divine, ils imitè-
rent le clergé et enchérirent par-dessus.
Quand la loi vivante de la coutume n'eût pas
obligé le clergé à l'office, l'exemple des moines
l'y eût engagé, puisqu'on ne peut nier que
dans la suite des siècles le clergé n'ait imité en
plusieurs choses les pratiques saintes des mo-
nastères. Mais il est certain que c'est au con-
traire sur le modèle du clergé que les religieux
se sont imposé l'obligation et la manière de
réciter l'office canonial.
Les règles monastiques, aussi bien que les
canons qui font la règle du clergé, suppo-
sent plutôt la coutume de réciter ou de chan-
ter les heures canoniales qu'elles ne l'établis-
sent.
X. Nous avons dit ci-dessus , et nous ferons
voir encore plus au long dans la suite, qu'une
infinité de saints religieux furent appelés pour
remplir les chaires épiscopales. S'ils n'y eussent
pas trouvé les offices divins établis d'obligation
dans le clergé , ils les y auraient établis eux-
mêmes.
Théodoret parle encore du divin Abrahames,
qui montrait encore après sa promotion à l'é-
piscopat, quelle avait été sa manière de vie et
de prier dans la solitude. Toutes les nuits il
chantait quarante psaumes, et doublait les
oraisons qu'on avait coutume d'entremêler.
« Quadraginta noctu alternas hymnodiasexple-
bat, interjectaruni precum mensurani conge-
minans (Ibid., c. xvn;. »
Ce saint évêque chantait avec ses clercs, ce
qu'il avait auparavant chanté aveesesmoineset
voilà comment infailliblement les autres saints
évèques tirés des cloîtres eussent inspiré au
clergé la psalmodie continuelle, s'ils ne l'y eus-
sent pas trouvée.
Le même Théodoret suppose ailleurs, que
les offices du matin et du soir se disaient pu-
bliquement dans l'église, mais qu'il n'en était
pas de même de tierce, sexte et none (Epist. 1.)
Il suppose donc aussi qu'on les disait en par-
ticulier.
XL Concluons par la pi-euve la plus naturelle
et la plus invincible de toutes, de l'obligation
des clercs à s'acquitter des heures canoniales.
Nous l'avons déjà touchée. C'est qu'étant tous
par leur ordination attachés au service d'une
église, et la principale fonction des Eglises étant
la prière, et la prière mentale étant aussi rare
et aussi courte dans tous les offices publics,
qu'on sait qu'elle a été , et au contraire la
prière des Eglises n'ayant été autre que la psal-
modie, il s'ensuit évidemment que les clercs
par leur ordination même étaient engagés à
ce devoir sacré des heures canoniales.
D'ailleurs comme leur subsistance tempo-
relle n'était qu'une suite de leur ordination, et
une juste récompense de leur assiduité à servir
l'Eglise, il s'ensuit que ceux qui manquaient,
ou à la résidence, ou à l'assiduité qu'ils avaient
promise aux offices divins, devaient être privés
des distributions journalières, qui faisaient
alors tout le revenu des bénéficiers.
Sozomène nous a fait connaître l'incompa-
rable Zenon, évêque de Majume , lequel étant
âgé de près de cent ans, ne manquait jamais
de se trouver aux offices du matin et du soir,
à moins qu'il ne fût malade : « Natum plus
minus annos centum, nunquam vel matutinos
vel vespertinos hymnos neglexisse, nisi forte
morbus ipsum impediret (L. vu, epist. 27). »
Le texte grec ajoute que cet évêque ne man-
qua à aucun office, et il n'exprime pas si c'était
dans l'église, ou en particulier qu'il s'acquit-
tait de ce devoir. Mais ce qu'il y a de plus mer-
veilleux est que ce saint prélat ne laissait pas
encore même dans ce grand âge de travailler
de ses mains, afin de fournir à ses nécessités
et à celles des pauvres.
Voilà quels étaient les anciens bénéficiers,
voilà à qui ont succédé ceux qui trouvent pré-
sentement étrange qu'on les oblige à réciter les
heures canoniales, qu'on leur fasse un crime
DES ORIGINES DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
195
d'y avoir manqué, et qu'on les oblige île resti-
tuer les fruits de leur bénéfice pour le temps
qu'ils vont manqué. Leurs prédécesseurs réci-
taient très-fidèlement toutes les heures de l'of-
fice divin, le plus souvent dans l'église, le reste
du temps eu particulier; ils regardaient cela
connue une partie seulement des services qu'ils
devaient à l'Eglise; ils ne prenaient que ce qui
était nécessaire pour se nourrir et pour se vêtir
des revenus de l'Eglise; souvent ils n'en pre-
naient rien du tout, et s'entretenaient du tra-
vail de leurs mains.
Ce sont là les règles et les exemples que l'an-
cienne Eglise proposait à tous les bénéficiers
des siècles à venir.
CHAPITRE SOIXANTE-TREIZIÈME.
LES ORIGINES DE L'OFFICE CANONIAL DANS L'OCCIDENT, ET L'OBLIGATION DE LE RÉCITER
AU MOINS EN PARTICULIER, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Terlullien parle des heures canoniales, comme étant de
tradition apostolique dans l'Eglise.
II. Saint Cyprien les regarde comme une partie de l'observa-
tion de ce précepte de prier sans cesse.
III. Cette obligation de prier est essentielle à la religion, à
tous les chrétiens, encore pîus au clergé ; c'est là le fondement
de l'obligation à l'office canonial.
rv. Saint Ambroise institue le chant des psaumes et des
hymnes à deux chœurs par le peuple même.
V. Si ce fut le chant, ou le chant alternatif du peuple qu'il
institua.
VI. L'obligation pour le clergé est d'autant plus évidente, que
le peuple même chantait les psaumes.
VU. Sentiment de saint Augustin sur la psalmodie harmo-
nieuse de l'Eglise.
VUl. L'office était déjà réglé k peu près comme à présent.
IX. Combien saint Augustin juge la psalmodie utile au peuple.
X. Il regarde les heures canoniales comme propres à rallu-
mer la ferveur de la prière continuelle des désirs et de l'a-
mour, à laquelle l'Apôtre nous oblige.
\l. Saint Jérôme remarque la manière dont s'acquittait de
l'office canonial les religieux, les religieuses, les vierges consa-
crées à Dieu dans leurs maisons, les veuves dévotes, les jeunes
filles qu'on destinait à la religion.
XII. Les clercs étaient encore plus étroitement obligés de
prier. Autres réflexions importantes.
XIII. Saint Paulin et saint Sidoine Apollinaire.
XIV. Victor, évèque d'Afrique.
XV. XVI. XVII. Les conciles d'Afrique et d'Espagne.
XVIII. Ceux de France.
XIX. Exemples de quelques saints évèques.
I. Tertullien remarque que l'histoire des
Apôtres nous apprend à célébrer les heures de
tierce, sexte et none, parce que le Saint-Esprit
descendit à l'heure de tierce; saint Pierre taisait
oraison à sexte, et il montait au temple à none.
Ces heures sont même remarquables dans le
cours des choses humaines, a Tamen très istas
boras ut insigniores in rébus humanis, quae
diem distribuunt, quoe negotia distinguunt,
qua? publice résonant : ita et solemniores fuisse
in orationibus divinis (De jejuniis, c. x). »
Ce Père donne à ces prières le nom d'office.
Voici ses paroles : « Sexta diei hora finiri offlcio
huic possit. » Il semble aussi les comprendre
sous le nom d'offices divins, « Officia Dei, »
quoique ce terme comprenne aussi nos jeûnes
et tous nos devoirs envers Dieu.
Il appelle aussi ces heures apostoliques,
comme étant émanées de la tradition des Apô-
tres : « Horarum insigniorum, exinde apostoli-
carum, tertiœ, sextœ, nonœ (Ibid., c. n). » Or,
en tout cela, Tertullien ne fait point de réflexion
particulière sur les obligations du clergé. Ce
qu'il dit embrasse tous les fidèles; mais il ré-
sulte de là même une obligation encore plus
étroite pour le clergé. En effet, il est visible
que les prières qui ne seraient que comme de
bienséance pour les laïques peuvent être d'o-
bligation pour ceux qui sont entièrement con-
sacrés à l'autel.
III. Saint Cyprien fait voir que les heures de
tierce, sexte et none étaient célébrées dans le
Vieux Testament par les prières réglées des
personnes pieuses; que celle de tierce a été
honorée de la descente du Saint-Esprit; qu'à
sexte J.-C. fut attaché à la croix; à none il
expira.
Après cela, ce Père ajoute que les fidèles ont
des obligations très-étroites de prier plus sou-
196 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE SOIXANTE-TREIZIÈME.
vent. «Sednobis prseter Horas antiquitus ob-
servatasorandi; mmcetspatia et sacramenta
creverunt (Cyprian. De orat. Dominic). »
Qu'ainsi nous devons prier le matin, parce que
c'est le temps de la résurrection du Fils de
Dieu; et le soir, parce que le Soleil de justice
luit toujours et ne se couche jamais pour les
fidèles.
Enfin il conclut (pie, J.-C. étant le Soleil de
justice qui éclaire nos esprits et qui échauffe
nos cœurs sans aucune interruption, nous de-
vons l'adorer sans cesse et sans mettre aucune
ditlérence entre les jours et les nuits : « Quod
si in Scripturis sanctis sol verus, et dies verus
est Christus, hora nulla a christianis cxcipitur,
quominus fréquenter, ac semper Deus debeât
adorari, etc. Quia filiis lucis, et nocte dies
est. »
Saint Cyprien ajoute au même endroit :
a Nain et mane orandum est, ut resurrectio
Domini matutina oratione celehretur, etc. Re-
cedente item sole ac die cessante, necessario
rursum orandum est. Nam quia Christus sol
verus et dies verus est, sole ac die sœculi rece-
dcnte, quando oramus et petimus, ut super
nos lux denuo veniat, Christi precamur adven-
tum, lucis œterme gratiam praebiturum. »
111. Avant que de suivre la chaîne de la tra-
dition par le témoignage des autres Pères, il
est nécessaire de faire les réflexions suivantes :
1° Que ces Pères proposent ces cinq heures ré-
glées pour la prière, non pas au clergé, mais
à tous les fidèles; 2° Qu'on ne pouvait, durant
le temps des persécutions, célébrer ces heures
canoniales qu'en particulier; 3° Qu'on ne les
propose que comme une manière douce et ac-
commodante, pour obéir à la parole du Fils de
Dieu et de son Apôtre, qui nous oblige de le
prier et de le prier sans cesse. Aussi, les heures
canoniales sont comme des monuments publics
et des eflets de la prière continuelle de l'Eglise.
Cette obligation de prier sans cesse, et de
prier par intervalles réglés n'est point fondée
sur le droit de recevoir les distributions ou les
revenus d'un bénéfice , comme il est évident ;
mais elle est fondée sur l'obligation indispen-
sable qu'ont tous les fidèles de prier, et les
clejcs incomparablement plus que les fidèles.
Si l'Eglise fournit aux clercs leur honnête
entretien, afin qu'ils aient plus de loisir et plus
de liberté pour s'appliquer au service des au-
tels et surtout à la prière, il est d'autant plus
évident que l'obligation de prier ne provient
pas de la réception des fruits du bénéfice ;
mais au contraire les distributions ont été as-
signées , afin qu'on s'acquittât plus fidèlement
et plus assidûment du devoir de prier, qui est
si naturel à la créature raisonnable, qui est
encore plus naturel aux chrétiens, mais qui est
sans comparaison encore plus essentiel au
clergé et au sacerdoce.
Rien n'est donc plus juste que de priver des
fruits de leur bénéfice ceux qui ne satisfont
pas à ce devoir, non qu'ils en soient quittes
pour cela : ils sont toujours très-coupables d'a-
voir manqué à une obligation si essentielle à
leur état et si importante au salut des fidèles
qui se reposent sur la piété et la médiation des
ecclésiastiques ; mais parce qu'il serait injuste
que, ne priant pas, ils jouissent d'un avantage
qui ne leur était accordé que pour leur facili-
ter la prière.
IV. Ce sont là les remarques que nous pour-
rons faire dans les attestations des autres Pères
que nous allons rapporter.
Saint Ambroise donna commencement, dans
son Eglise de Milan, au chant alternatif des
psaumes par ie peuple. C'est ce que nous ap-
prenons de saint Augustin qui était alors à
Milan , et qui en fut le témoin oculaire, pour
faire passer jusqu'à nous le respect et l'admi-
ration d'une institution si sainte. Il témoigne
que la douceur de cetfe céleste mélodie lui
tira souvent les larmes des yeux. « Quantum
llevi in hymnis et canticis fuis, suave sonantis
Ecclesiœ turc vocibus commotus acriter (Con-
fess., 1. ix, c. 7). »
Il en raconte l'occasion qui fut la persécu-
tion de l'impératrice Justine , mère du jeune
Valentinien, séduite par les Ariens, et étrange-
ment animée contre saint Ambroise. Tout le
p'euple passait les jours et les nuits dans l'Eglise
pour empêcher qu'on ne surprit et qu'on n'ou-
trageât le saint évèque. Ce fut dans cette ren-
contre que, pour empêcher que le peuple ne
tombât dans l'ennui et dans l'abattement, on
commença à chanter les psaumes. Saint Au-
gustin remarque qu'en cela on imita l'Eglise
orientale , et que les autres Eglises d'Occident
imitèrent bientôt celle de Milan.
« Non longe cœperat Mediolanensis Ecclesia
genus hoc consolationis et exhortât ionis cele-
brare , magno studio fratrum concinentium
vocibus et cordibus. Nimirum annus erat, aut
non multo amplius, cuni .lustina Valentiniani
régis pueri mater, hominem tuum Ambro-
DES ORIGINES DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
197
sium persequeretur, haeresis suse causa, qua
fuerat seducta ab Arianis. Excubabat pia plebs
in ecclesia. niori parata cum episcopo suo,
servo tuo. Tune hymni et psalmi ut caneren-
tur secundum morem orientalium partiura,
ne populus mœroris taedio contabescerel. in-
stitutum est; et ex illa in hodiernum reten-
tum ; multis jani ac pêne omnibus gregibus
tuis, ac pur caetera orbis imitantibus. »
V. On peut douter si ce qui fut institué par
saint Ambroise dans cette occasion tut ou le
chant des psaumes, qu'on avait simplement
récités jusqu'aloi'S, ou bien si ce fut le chant
des psaumes à deux chœurs et par le peuple
même , supposant que dès le commencement
de l'Eglise on avait tait chanter les psaumes
par un chantre destiné à cela ou par plusieurs
successivement les uns après les autres. Les
lettres de saint Augustin nous portent davan-
tage à croire que ce fut le chant qu'on com-
mença d'instituer : « [nstitutum utcanerentur
hymni et psalmi. »
11 est d'autre part bien difficile de croire
qu'on n'eut fait que réciter les psaumes sans
les chanter près de quatre cents ans durant
dans l'Eglise latine , puisque saint Paul même
parle si souvent de chanter des psaumes, et
qu'enfin les psaumes sont des cantiques.
Quand saint Augustin ajoute qu'en cela saint
Ambroise imita les églises orientales . il sem-
ble avoir égard au chant alternatif des peu-
ples mêmes que Diodore et Flavien avaient
établi quelques années auparavant dans An-
tioche.
Le nombre d'années entre ces deux change-
ments faits a Antioche et a Milan n'est pas si
grand qu'on ne puisse croire que les deux
églises ont pu différer en cela durant ce petit
espace de temps. Mais il ne serait nullement
croyable que les Orientaux eussent ch nté les
psaumes durant quatre cents ans. et que les
Latins n'eussent fait que les réciter; Paulin
marque expressément le chant alternatif établi
par saint Ambroise. Le mot Antiphonœ dont il
se sert ne signifiait alors que cela parmi les
Grecs et les Latins. Et ce mot fait voir que
l'usage en venait aussi de l'Orient. Voici les
termes de Paulin : « Hoc in tempore primo
antiphonœ, hymni , ac vigiliae in Ecclesia Me-
diolanensi celebrari cceperunt. »
Quand saint Ambroise même avoue qu'il
composa des hymnes et qu'il les apprit au
peuple pour les munir de ces armes spiri-
tuelles contre les Ariens, ne déclare-t-il pas
que le peuple apprenait et chantait, non-seule-
ment les psaumes, mais aussi des hymnes et
des chansons spirituelles? « Hymnorum quo-
que inconnu carminibus deceptum populum
ferunt. Plane nec boc abnuo. Grande carmen
istud est, et quo nihil potentius. Quid enim
potentius . quam confessio Trinitatis. Facti
sunt igitur omnes magistri, qui vix poterant
esse discipuli (Opusc. de Spiritu sancto. Et
Epist. xxxu . »
Ce Père représente ailleurs comme tous les
fidèles joignaient leur voix pour faire résonner
le chant des psaumes. « Bene mari plerumque
comparatur Ecclesia, etc. Responsoriis psal-
morum, cantu virorum, mulierum, virgi-
num , parvulorum consonans undarum fragor
résultat Hexam., 1. m, c. 5). » Il est vrai que
ce mot de répons pourrait ne signifier que ces
extrémités que le peuple chantait à la fin des
psaumes. Mais quelle apparence que saint Am-
broise fit chanter ses hymnes au peuple et ne
lui fit pas chanter les psaumes?
VI. Il parait au moins fort clairement que ce
fut pour le peuple qu'on donna cette nouvelle
forme aux offices de l'Eglise, aussi bien à Milan
qu'à Antioche. Et qui pourrait se persuader
que ces grands et saints évèques n'eussent pas
encore plus de zèle à animer leur clergé à la
prière et à la psalmodie continuelle?
Saint Ambroise a bien fait connaître, dans
ses instructions aux vierges, combien il dési-
rait que les vierges consacrées à Dieu, et par
conséquent toutes les personnes que leur état
engage a une profession particulière de piété,
eussent une application continuelle à la prière
et aux heures canoniales.
« Certe solemnes orationes cum gratiarum
actione sunt deferenda? . cum e somno surgi-
mus, cum prodimus, cum cibum paramus
sumere. cum sumpserimus, et hora incensi,
cum denique cubitum pergimus. Sed etiam in
ipso cubili volo psalmos cum oratione Domi-
nica frequenti contexas vice, vel cum evigi-
laveris, vel antequam corpus sopor irriget
( De Virg., 1. ni . »
VIL Voilà la manière sainte et aisée de prier
sans cesse , (pie ce Père proposait aux vierges ;
il n'en proposait pas une moins parfaite à ses
clercs. Au reste c'est cet entrelacement de
psaumes, et de l'Oraison Dominicale qui fait
l'office divin. Saint Jérôme nous éclaircira un
peu plus toutes ces matières, après que nous
198
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-TREIZIÈME.
aurons rapporté ce que nous avons encore à
ajouter de saint Augustin.
Ce grand homme témoigne dans ses Confes-
sions que l'harmonie du chant de l'Eglise lui
inspirait d'un côté des sentiments fort vifs et
fort tendres de piété, mais que d'autre part
elle lui causait un plaisir qui était un piège
dangereux en sa sensualité. Cela lui faisait
quelquefois préférer la conduite sainte et judi-
cieuse de saint Athanase, qui faisait chanter les
psaumes d'une manière si simple, qu'elle dif-
férait peu d'une lecture simple. •
Enfin saint Augustin s'aperçut que l'har-
monie était utile pour faire goûter la suavité
des vérités du ciel aux âmes qui ne sont pas
encore tout à fait élevées au-dessus des sens ,
mais qu'il fallait se garder des surprises de la
sensualité, qui se recherche pour elle-même.
« Magis adducor, non quidem irretractahilem
sententiam proferens, cantandi consuetudinem
approbare in Ecclesia, ut per ohlectamenta
aurium infirmus animus in aiïectum pietatis
assurgat (Confess., 1.x, c. 33). »
L'Eglise a pris le tempérament que saint
Augustin désirait, de ne point bannir le chant
des psaumes, mais d'en retrancher les exces-
sives délicatesses. C'était à peu prés le senti-
ment de saint Athanase. Ce fut la pratique des
Eglises d'Afrique, selon le même saint Augus-
tin, au moins de la plus grande partie, à qui
les Donatistes même reprochaient leur gravité
et leur pesanteur au chant des psaumes :
« Varia consuetudo est ; et pleraque in Africa
Ecclesia? membra pigriora sunt ; ita ut Dona-
tistœ nos reprehendant, quod sobrie psallimus
in Ecclesia divina cantica prophetarum (Epist.
cxix, c. 18).»
Ce Père dit dans le même endroit que dans
les assemblées ecclésiastiques , le chant des
psaumes ne devait être interrompu que pour
écouter les lecteurs, ou les prédicateurs, ouïes
prières hautes et solennelles des sacrificateurs
et des diacres.
Cela nous apprend que ni l'épître, ni l'é-
vangile ne se chantaient point, ni tout le reste
des prières que les prêtres et les diacres font à
la messe. « Quando autem non est tempus,
cum in ecclesia fratres congregantur, suncta
cantandi, nisi cum legitur, aut disputatur,
aut antistites clara voce deprecantur, auteom-
munis oratio voce diaconi indicitur. »
VIII. Entre les sermons de saint Augustin,
il y en a un où le peuple est invité d'assister
plus ponctuellement à tout l'office divin pen-
dant le temps du Carême : « Ad vigilias matu-
rius surgite , ad tertiam , ad sextam, ad nonam
ante omnia convenite. Nullus se a sancto opère
suhtrahat. nisi quem inllrmitas, aut publica
utilitas, aut forte certa et grandis nécessitas
tenuerit occupatum (Serm. :>:>. De tempore). »
Celui qui exhortait de cette sorte le peuple ,
ne pouvait pas dispenser les ecclésiastiques
d'une assistance encore plus exacte aux offices
divins. Mais le peuple avait perdu la ferveur
ancienne de l'Eglise primitive, et n'assistait
plus à toutes les heures canoniales de chaque
jour que pendant le Carême.
Le même saint dit en un autre endroit qu'on
a commencé l'office , c'était apparemment la
messe, par la lecture de saint Paul; qu'après
cela ils ont chanté tous ensemble le psaume
xctv, Venite exidtemus; qu'ensuite on a lu
l'évangile; qu'il tâchera d'ajuster et de propor-
tionner son sermon à ces trois différents sujets.
En un traité sur saint Jean il dit que le livre
des Actes des Apôtres se récite tous les ans
dans l'église après Pâques (De verbis Apost.,
serm. 10; Tract. G. inJoan.). Il parle encore ail-
leurs des livres qu'on devait nécessairement
lire en certains jours (Pnef. in Epist. Joan.).
IX. Le même saint Augustin témoigna une
extrême joie à son peuple de ce qu'il avait
enfin embrassé la même coutume de chanter
les psaumes, qui s'était déjà répandue dans
les villes voisines. « Psallendi consuetudinem,
quomodo in aliis vicinis civitatibus psallebalur
(Appendice Syrmundi , serm. .'> ). »
Il dit ailleurs que les plus grossiers profi-
tent peu des autres Ecritures; mais ils sont si
vivement touchés de la psalmodie de l'Eglise,
qu'ils ne peuvent s'empêcher de chanter les
mêmes psaumes dans leurs maisons, et dans
la ville même. « Psalmorum vero responsa,
et intra domum, interdum eliam in populo
publiée canunt ( Praef. in Psal.). » Il dit au reste,
que cette union des voix pour le chant des psau-
mes porte les peuples à l'union des cœurs
avec leurs ennemis mêmes. « Quis enim ul-
tra inimicum dicat cum, quo unam ad Deum
psahni emiserit vocem. »
Il assure dans un autre endroit que la prière
du peuple est pure et sainte, quoiqu'il n'en-
tende pas ce qu'il chante , parce qu'il est
bien persuadé que c'est le Saint-Esprit qui est
l'auteur de ces divins cantiques. «Cantat popu-
lus credens, nec pntat se maie oplare, quid
DES ORIGINES DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
190
dicitur a divina lectione ; et si paruni iotelligit,
crédit aliquid boni esse ; quod cantat (Tract, •2-2.
in Joan.).»
X. Mais saint Augustin n'a pas oublié ni la
psalmodie des religieux et des religieuses, ni
celle des ecclésiastiques. Il exhorte les reli-
gieuses à observer ponctuellement les règles
et les rubriques de leur office, mais à chan-
ter encore plus du cœur que des lèvres.
« In oratorio nemo aliud agat. nisi id ad quod
factum est. unde et nomen accepit. Psalmis
et hymnis cum oratis Deum, hoc versetur in
corde, quod profertur in voce : et nolile can-
tare, nisi quod legitis esse cantandum : quod
autem non ita scriptum est, ut cantetur . non
cantetur. »
Quant aux évèques et aux autres clercs, en-
fin à tous les amateurs de la perfection chré-
tienne , il leur dit que la prière des désirs et des
gémissements secrets d'un cœur animé de la
foi, de l'espérance et de la charité, ne doit ja-
mais être interrompue : mais que nous ne lais-
sons pas de recourir à la prière vocale à des
heures réglées, pour nous exciter nous-mêmes,
et pour nous enflammer encore davantage.
« Inipsaergofide, et spe, et charitate, conti-
nuai desiderio semper oramus. Sed ideo per
certa intervalla horarum et temporum etiam
verbis rogamus Deum. ut illis rerum signis
nos ipsos admoneamus et acrius excitemus ,
etc. Ideo ab aliis curis atque negotiis, quibus
ipsum desiderium quodammodo tepescit , cer-
tis horis ad negotium orandi meutem revoca-
mus , ne quod tepescere cœperat , omnino
frigescat, et penitus extinguatur, nisi crebrius
inflammetur (Epist. cxxi . »
Cela est écrit à une sainte veuve, mais saint
Augustin se renferme dans la même obligation
sans doute, avec tous les clercs , comme étant
par leur état dévoués à la prière , pour eux-
mêmes et pour les peuples. Les Apôtres, a qui
les ecclésiastiques succèdent , se déchargèrent
des autres soins, pour vaquer uniquement à la
prière et à la prédication.
Ces heures réglées de la prière vocale , dont
parle saint Augustin, sont évidemment les heu-
res canoniales.
XI. Saint Jérôme a tracé dans sa lettre à
Rustique, l'image d'un religieux parfait. Il or-
donne a ce moine d'apprendre le psautier par
cœur, et de s'occuper de la lecture. « Nunquam
de manu et oculis tuis recédât liber ; discatur
psalterium ad verbum , etc. Dicas psalmum in
online tuo. in quo non dulcedo vocis, sed men-
tis affectus quaeritur. »
Ces dernières paroles font allusion à la ma-
nière de faire chanter les psaumes à un seul
chantre, les autres écoutant et priant en silence.
Ce Père prescrivit a la vierge Démétriade ,
lorsqu'elle eut fait profession de virginité, de
réciter les six heures canoniales du jour et de
la nuit, et d'apprendre les Ecritures par cœur.
« Prêter psalmorum et orationis ordinem ,
quod tibi horatertia. sexta. nona. ad vesperum,
média nocte et mane semper est exercendum :
statue quot horis sanctam Scripturam discere
debeas. »
On apprenait l'Ecriture par cœur, pour la
réciter avec le psautier, et ainsi s'acquitter de
l'office divin , comme ce Père le remarque
encore dans la vie de saint Hilarion : « Scri-
pturas sanctas memoriter tenens, post orationes
et psalmos. quasi Deo praesente , recitabat. »
Il raconte ensuite comme saint Hilarion. étant à
la campagne un jour de dimanche, ne souffrit
point qu'on prîtaucune réfection qu'après avoir
récité l'Office. C'est ainsi qu'il l'appelle. « Ore-
mus, psallamus, reddamus Domino officium,
et sic ad vineam properabitis. » Cela se faisait
aux champs, hors de l'église.
Saint Jérôme distingue toujours ces trois
parties de l'office canonial , les oraisons . les
psaumes et la lecture des livres saints. A la
campagne, il ne parle point de la lecture, parce
qu'on n'y pouvait pas alors si commodément
porter des volumes de l'Ecriture.
Ce Père, écrivant à La?ta sur l'éducation de
sa fille destinée à la religion, remarque toutes
les parties, et toutes les heures de l'office divin
qui faisait la principale et la plus sainte occu-
pation des monastères. «Assuescatad orationes
et psalmos nocte consurgere, mane hymnos
canere. tertia. sexta , nona hora stare in acie ,
quasi bellatricem Christi . aecensaque lucerna
reddere sacrificium vespertinum.! Orationi le-
ctio, lectioni succédât oratio. »
Quand ce Père fait la description du monas-
tère, et des religieuses que l'illustre Paul avait
fondé dans Jérusalem, il leur prescrit les mê-
mes six heures canoniales, la même étude et la
même lecture des Ecritures. «Mane, horatertia,
sexta , nona , vespere . noctis medio . per ordi-
nem psalterium cantabant;neclicebat cuiquam
sororum ignorare psalmos ; et non de Scri-
pturis sanctis quotidie aliquid discere. Die tan-
luin Dominico ad Ecclesiam procedebant, ex
200
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-TREIZIEME.
cujus habitabant latere (In Epitaph. Paulse). »
Il n'y avait point encore d'église dans ces
monastères de vierges, elles n'allaient à l'église
que le Dimanche , et cela leur était commun
avec beaucoup de religieux.
Eulin , saint Jérôme témoigne que les reli-
gieux employaient le dimanche tout entier, et
tout ce qui leur restait detempslesautresjours
après leur travail manuel , à la prière, et à la
lecture. « Dominicis diebus orationi tantum et
lcctionibus vacant ; quod quidem et omni tem-
jtore completis opusculisfaciunt (Ad Eustoch.,
de custodia virginit.). »
XII. Si les religieux, si les religieuses, si les
vierges qui se consacraient à Dieu par le vœu
de virginité dans leurs maisons particulières,
si les veuves qui s'adonnaient à la piété, si les
jeunes filles qu'on destinait dès leur tendre
enfance à la profession religieuse ; si, dis-je,
toutes ces sortes de personnes récitaient leurs
heures canoniales du jour et de la nuit, d'où
provenait cette loi, où cet usage universel,
attesté et soutenu par les saints Pères , si ce
n'est, comme nous l'avons déjà dit, de l'an-
tienne piété de tous les fidèles, qui se voyant
avertis par les divines Ecritures de s'appli-
quer sans cesse à la prière, s'acquittaient eux-
mêmes dans les premiers siècles de ce pieux
devoir, autantque la nécessité de leurs affaires le
leur permettait? Il s'ensuivait donc de là, 1° que
tous ceux qui se dégagaient de la servitude des
affaires du inonde, se trouvaient en même
temps engagés à cette noble et aimable servi-
tude, de prier sans cesse au moins par leurs
désirs secrets vers la bienheureuse éternité, et
de renouveler l'ardeur de ces désirs par les
heures réglées de la prière vocale.
2° Ce n'était nullement le droit des distribu-
tions manuelles, ou des revenus d'un bénéfice
qui faisait le juste fondement de l'obligation
qu'on imposait de réciter les heures canoniales
à la noble et illustre Démétriade, à Eustochie.
a la jeune fille de L;eta, aux religieuses que
sainte Paule avait dotées, et à tant de religieux
qui ne vivaient que du travail de leurs mains.
3° Il est visible qu'il faut raisonner de la
même manière des ecclésiastiques . et que leur
état leur imposant une obligation infiniment
plus étroite et plus indispensable de prier, et
de prier sans cesse; puisqu'enfin tous ceux qui
ont quelque part au sacerdoce, sont les média-
teurs entre Dieu et les autres hommes : ils ont
toujours été plus étroitement obligés à la réci-
tation des heures canoniales, sans aucun égard
à leur bénéfice ; quoique par une police tres-
sage, l'Eglise ait jugé à propos en leur donnant
une honnête subsistance, de leur donner encore
plus de liberté de ne s'occuper que du service
de Dieu, et que par une justice pleine de pru-
dence elle ait aussi jugé nécessaire de les en
priver, quand ils manqueraient à ce devoir, et
de ne pas donner à des clercs fainéants et irré-
ligieux le patrimoine des pauvres.
4° Si ces Pères ont plus souvent parlé de
l'obligation des heures canoniales à ces per-
sonnes dont nous venons de parler, qu'aux
ecclésiastiques, c'est parce qu'elles devaient ré-
citer ou chanter ces offices divins en particu-
lier, ou dans des oratoires secrets, et il fallait
les instruire à cela, parce que ces institutions
n'étaient que du même siècle; au lieu que les
offices divins se chantaient solennellement dans
l'Eglise, et le clergé y assistait depuis quatre
cents ans, et par conséquent on n'avait pas
besoin d'instructions nouvelles pour des exer-
cices de piété si anciens.
5° Et si toutes ces personnes, moins étroite-
ment obligées à la prière, récitaient leurs heu-
res canoniales en secret, pourra-t-on se per-
suader que les ecclésiastiques ne les récitaient
pas aussi en secret, quand la maladie et quelque
affaire inévitable les empêchait d'y assister à
l'église ?
De là vient cette forme des offices qui était
déjà presque aussi parfaite et aussi achevée
qu'elle est à présent. Les mêmes heures cano-
niales étaient gardées, si ce n'est que les com-
piles n'étaient pas encore instituées, et les
laudes n'étaient pas encore distinguées de
prime. Les noms d'ordre et d'office étaient déjà
en usage. On mêlait l'oraison mentale avec les
psaumes, et on y entrelaçait la lecture des
Ecritures. Enfin, les livres des Ecritures étaient
déjà affectés aux saisons qui leur étaient pro-
pres.
XIII. Saint Paulin fait aussi chanter les peu-
ples dans les églises de France aussi bien que
les religieux dans les monastères, écrivant à
VictriciuSj évêque de Rouen : « Ubi quotidiano
sapienter psallentium per fréquentes ecclesias,
et monasteria sécréta concentu , castissimis
ovium tuaruni et cordibus delectantur et vo-
cibus. »
Saint Sidoine Apollinaire, évêque de Cler-
niont , faisant l'éloge de Claudien , frère et
grand-vicaire de saint Mamert, évêque de
DES ORIGINES DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
201
Vienne , il lui l'ait exero r l'olfice de chantre,
pour commencer le chant des psaumes, distri-
buer les leçons et les accommoder au temps.
« Psalmorum hic modulatoret phonascus, ante
altaria fratre gratulante, instruclas docuit so-
nare classes. Hic solemnihus annuis paravit,
(pue que- tempore lecta convenirent (L. iv,
epist. 11). »
Ce même auteur nous donne ailleurs L'idée
d'un chœur de chantres composé de clercs et de
moines : « Cultu peracto vigiliarum, quas alter-
nante mulcedine, monachi clericique psalmi-
cines concelebraverant ; quisque in diversa
secessimus, prresto ad tertiam futuri, cum sa-
cerdotibusresdivinafacienda (L. v, epist. 17 . »
Ce fut vraisemblablement à l'imitation des
moines que les églises cathédrales commen-
cèrent d'avoir des ecclésiastiques en assez grand
nombre pour chanter les offices à deux chœurs.
Aussi le même Sidoine écrivant à Fauste, qui
d'abbé de Lérius était devenu évéque de Riez,
il le loue d'avoir transporté dans cette église
l'office et le chant de Lérins. « Precum peritus
insulanarum , quas de Palaestra congregationis
Eremitidis, et de senatu Lirinensium cellula-
norum, in urbemquoque, cujus Ecclesia? sacra
super inspieis, transtulisti. nihil ab abbate mu-
tatus in sacerdotem (L. ix, epist. 3). »
Ces deux lettres de Sidoine Apollinaire nous
font voir : 1° Que si au commencement les
moines avaient imité la psalmodie de l'Eglise,
ils la portèrent ensuite eux-mêmes à un plus
haut point de perfection ; en sorte que les évê-
ques mêmes , surtout ceux qui avaient vécu
dans la retraite des monastères avant l'épis-
eopaf , firent gloire de conformer la psalmodie
de leurs églises à celle des monastères.
2° Que ces prélats commencèrent à élever un
grand nombre d'ecclésiastiques, dont l'occupa-
tion toute sainte était de réciter ou de chanter
tous les jours dans les églises l'office divin , le
peuple ne s'y trouvant plus qu'en petit nombre,
ou rarement.
3° Que quand l'usage n'en aurait pas été [dus
ancien, au moins ces évèques sortis des cloîtres
auraient encore introduit dans le clergé et
parmi les bénéficiers la coutume et la loi de
réciter l'office, soit en public, soit en secret.
XIV. Victor, évèque de Vite, en Afrique, dans
le dernier livre de la persécution des Vandales,
raconte comment douze jeunes lecteurs souf-
frirent toutes les cruautés de ces barbares avec
une constance si admirable , que le peuple de
Carthage les eut toujours depuis en une véné-
ration singulière. Ces jeunes enfants demeu-
rèrent depuis ensemble, ils mangeaient ensem-
ble ils chantaient ensemble les psaumes, et se
glorifiaient ensemble au Seigneur. « Ina de-
gunt, simul vescuntur, pariter psallunt, simul
in Domino gloriantur (Lib. v). »
Cette communauté de douze jeunes confes-
seurs, qui chantaient les psaumes en particulier,
nous fait voir que le clergé commençait à se
former en communautés et à prendre la psal-
modie comme la plus ordinaire fonction.
Le même Victor remarque encore ailleurs
que le peuple chantait les psaumes aux veilles
solennelles dans l'église. « Jam ob celebritatem
festivitatis hynmi nocturni per totam Ecclesiam
canentepopuloconcrepabantiLib.il).» Et quoi-
qu'il y eût déjà quelques commencements de
ces communautés de chantres, ce n'étaient
effectivement encore que des commencements.
Victor, dans ces dernières paroles, semble avoir
voulu imiter celles de saint Jérôme : « Tota
ecclesia nocturnis vigiliis Christum Dominum
personabat (Epist. ad Sabinianum). »
XV. Il faut passer des Pères aux conciles. Le
concile IV de Carthage, qui a si exactement re-
présenté l'ordination et les fonctions de tous les
clercs, tant supérieurs qu'inférieurs, n'a pas
oublié les psalmistes, à qui le prêtre imposant
l'office de chanter : « Officium cantandi, » disait
ces paroles : « Vide , ut quod ore cantas , corde
credas : et quod corde credis. operibus com-
probes. »
Ainsi les chantres seuls étaient chargés de
l'office de chanter, ou parce qu'ils chantaient
seuls, comme nous avons vu parmi les moines,
ou parce qu'ils commençaient les psaumes, et
modéraient pour ainsi dire les ondes du chant
de la multitude, soit du clergé, soit du peuple.
Ce même concile (Can. xlix) priva de leurs
distributions les clercs qui manquaient aux
offices de la nuit. « Clericus qui absque corpu-
sculi sui ina?qualitate vigiliis deest, stipendiis
privetur. »
Ce canon montre clairement : 1° Que ce n'é-
tait pas seulement les chantres, mais aussi tous
les autres clercs qui devaient assister aux of-
fices. 2° Que s'ils y manquaient, on les punis-
sait par la privation de leurs distributions et
de tous les émoluments qu'ils tiraient île
l'Eglise.
Si l'on châtie de la sorte les clercs qui man-
quent aux offices de la nuit, il est certain que
202
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-TREIZIÈME.
ceux qui s'absentaient de ceux du jour étaient
encore plus punissables, parce que leur faute
se pouvait encore moins excuser.
XVI. Le concile I" de Tolède, tenu en l'an
400, ordonne que les prêtres, diacres, sous-dia-
cres, et absolument tous les clercs qui se trou-
vent dans les villes, villages ou châteaux, où il
y a une église , assisteront tous les jours à la
messe sous peine de déposition. « Si ad eccle-
siam, ad sacrificium quotidianum non accesse-
rit, clcricus non habeatur. »
Cette peine paraît excessive, et on pourrait
peut-être expliquer plus clairement ces paroles :
clericus non habeatur, les prenant en même
sens que celles-ci du concile IV de Carthage,
stipendiïs privetur (Can. v).
C'est la même peine que les lois des derniers
siècles ont imposée en obligeant les bénéficiers
à restituer. En effet, dès que les conciles les
ont déclarés indignes et incapables de recevoir
les fruits du bénéfice lorsqu'ils n'en célèbrent
pas l'office, il est constant que quand l'Eglise
ne redemanderait plus ces fruits, ils ne pour-
raient pas les garder.
Un autre canon de ce concile (Can. îx) nous
fait voir que les vierges et les veuves vouées à
Dieu, chaulaient les psaumes dans leurs mai-
sons avec un serviteur ou un jeune clerc, qui
est appelé confesseur ; mais ce concile le défend
à l'avenir, si un prêtre ou un évêque n'y as-
siste. Et pour l'office de vêpres, qu'on appelait
lucemarium, parce qu'on le célébrait lorsque
le jour finissant, faisait allumer les lampes, il
ordonne qu'on ne le chantera que dans la
grande église de la ville; ou, si c'est dans des
villages, que ce soit en présence de l'évêque,
ou d'un prêtre, ou d'un diacre. « Nulla pro-
fessa, vel vidua absente episcopo, vel presby-
tero in domo sua antiphonas cum confessore,
vel servo faciat. Lucemarium vero nisi in
ecclesia non legatur; aut si legatur in villa,
prœsente episcopo, vel presbytero, vel diacono
legatur. » Ce n'est pas la récitation domestique
des heures canoniales qui est défendue, mais
celle qui se faisait à deux chœurs et avec so-
lennité. Le concile veut qu'un des clercs supé-
rieurs y soit toujours présent, comme c'est en-
core l'usage.
Si les dames religieuses étaient si attachées
à l'office canonial et si on ne voulait point leur
permettre de le célébrer dans leurs maisons,
surtout l'office des vêpres, qui a toujours été le
plus solennel, sans la présence d'un des clercs
majeurs, que devons-nous juger de l'assiduité
des clercs pour le même devoir de piété ?
XVII. Ferrand Diacre, dans son abrégé des
canons, cite les conciles d'Afrique qui ordon-
nèrent que les prières solennelles fussent
adressées au Père éternel ; ce qui s'observe
encore dans l'auguste sacrifice et dans la plu-
part des autres prières de l'Eglise (Ferrand,
cap. c.cxix, ccxx, ccxxviu, ccxxix).
Il y fut encore ordonné qu'on garderait la
même discipline pour tous les autres sacre-
ments dans la province Byzacène; il en faut
croire autant des autres provinces. « Ut una sit
in sacramentis per omne Byzaeium disciplina ; »
qu'on ne lirait dans l'église que des Ecritures
canoniques, et qu'on pourrait néanmoins y lire
aussi les actes des martyrs aux jours de leurs
fêtes (Conc. Carthag. III, c. xlvu).
Cresconius cite aussi les canons de l'Eglise
grecque et les conciles rapportés ci-dessus (Cres-
conius, cap. CLXVII,CLXVIII, CLX1X, CLXX, CXCIll).
D'où on pourrait tirer quelque conjecture que
les églises d'Afrique auraient emprunté les
chantres de l'Eglise grecque, quoiqu'elles
n'aient pu les emprunter qu'après la mort de
saint Cyprien, qui n'en a point parlé du tout,
n'ayant pas oublié dans un si grand nombre
de lettres les autres ordres inférieurs.
XVI IL Le concile de Vannes, tenu en Breta-
gne, l'an 463 (Can. xv), tâcha d'établir l'unifor-
mité des offices dans toutes les églises de la
province de Tours. «Unam ofliciorum regulam
teneamus. » Où il paraît que ce terme d'office
était déjà affecté à cette signification. « Intra
nostram provinciarum sacrorum ordo, et psal-
lendi una sit consuetudo. »
Cela était alors d'autant plus nécessaire, que
les clercs d'un diocèse, voyageant et passant par
d'autres diocèses, y étaient reçus par le moyen
des lettres canoniques, ou formées, dans le
rang de leur ordre, parmi le clergé, et dans
toutes les fonctions de l'autel et du chœur.
Ainsi il importait que les offices du chœur et
de l'autel fussent les mêmes.
Le même concile (Can. xiv) punit d'une sus-
pension de sept jours les clercs qui, étant dans
la ville, et n'étant point malades, manqueraient
d'assister à l'office du matin, a Matutinis hym-
nis. » La raison du concile est que c'est une
faute qui n'est point pardonnable aux ministres
de l'autel de manquer à un devoir si saint sans
nécessité. « Quia ministrum sacrorum, ettem-
pore quo non potest aboflicio suo ulla honesta
LA PIÉTÉ DES SÉCULIERS À ASSISTER AUX OFFICES.
203
nécessitas occupare, fas non est a salubri devo-
tione cessai®. »
C'est peut-être l'office de la nuit, ou les vi-
giles dont parlait le concile de carthage , qu'on
appelle dans ce concile de Vannes , l'office du
matin. Car nous n'avons appelé matines, ce
qu'on nommait autrefois vigiles , que parce
qu'insensiblement on les a avancés de minuit au
matin. Or il se pourrait bien faire que la peine
de suspension : « Septem diebus a commu-
nione habeatur extraneus» comprendrait aussi
la privation des distributions.
Je laisse la lettre que saint Loup, évèque de
Troyes, et saint Eupbrone, évèque d'Autun,
écrivirent à Talassius, évèque d'Angers, sur la
manière de célébrer les veilles de Noël et de
Pâques.
XIX. Les conciles s'efforçaient davantage, de
faire assister les clercs aux offices de la nuit ou
du matin, parce qu'on y manque toujours plus
souvent. Les grands évèques se rendaient aussi
plus assidus à cet office. Ennodius assure que
saint Epiphane . évèque de Pavie, assistait
toujours aux offices divins, prévenait toujours
les lecteurs, même aux vigiles, n'en sortait
jamais qu'après la fin , et y assistait toujours
debout, sans changer jamais de place.
Saint Séverin, apôtre de Hongrie, chantait
matines et vêpres en commun avec les autres ,
et récitait le reste des heures canoniales en se-
cret dans son oratoire.
Il est probable que les occupations de son
apostolat l'obligeaient d'en user de la sorte. «A
discipulorumsuorumcellula non longius habi-
tabat, cura quibus matutinas orationes et pro-
priam noctis principio psalmodiam solemniter
adimplebat. Reliqua vero orationum tempora
in parvo complebat oratorio , quo manebat
(Surius, die 3. Januar... c. xxxix). »
CHAPITRE SOIXANTE-QUATORZIÈME.
LA PIETE DES SECULIERS A ASSISTER AUX OFFICES DU JOUR ET DE LA NUIT, OU A LES RECITER EN'
PARTICULIER. D'OU L'ON CONJECTURE L'OBLIGATION PLUS PRESSANTE DES CLERCS, PENDANT LES CINQ
PREMIERS SIÈCLES.
I. L'obligation à la prière est la plus universelle et la plus
indispensable.
II. C'est le premier et le plus essentiel de tous les devoirs des
ecclésiastiques.
III. On le prouve par l'obligation que les saints Pères ont
imposée aux laïques de prier, et de prier toujours. Tertullien,
saint Jérôme, Cassien, saint Augustin.
IV. Saint Ambroise. Ces Pères veulent que les laïques prient
souvent, prient pendant la nuit, récitent les psaumes, assistent
aux offices.
V. Saint Chrysostome exhorte les laïques à lire les Ecritures,
surtout celles du Nouveau Testament.
VI. Et à chanter des psaumes nuit et jour. Saiut Basile. Saint
Epiphane.
Vil. Exemple admirable de l'empereur Théodose le Jeune et
de tout son palais.
VIII. De sainte Macrine.
I. La prière étant le plus saint et le plus
indispensable de tous les devoirs, je ne dirai
pas des ecclésiastiques , mais de tous les chré-
tiens, quelle apparence y a-t-il que les ecclé-
siastiques n'y fussent obligés par aucune or-
donnance de J.-C. ou des Apôtres , ou de
l'Eglise?
Le Fils de Dieu n'a-t-il pas commandé à ses
apôtres , à ses disciples et à tous les fidèles de
prier, et de prier sans interruption ? N'en a-t-il
pas donné l'exemple ? Le grand Apôtre n'a-t-il
pas exhorté les chrétiens à prier sans cesse ?
Saint Luc ne nous apprend-il pas que ce
divin apôtre, dans la prison même, chantait des
psaumes à minuit ? Ne nous assure-t-il pas
que les apôtres se déchargèrent du soin du
temporel , afin de s'occuper entièrement à la
prière et à la prédication ? Saint Etienne, qui
fut un de ces admirables diacres qui soulagè-
rent les apôtres du soin des choses tempo-
relles, ne paraît-il pas dans les mêmes Actes
un homme d'oraison, et élevé même jusqu'à
un très-haut degré d'oraison , où le Fils de
204 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-QUATORZIEME.
Dieu se montra à lui dans le trône de sa
gloire ?
On sait que les prières ordinaires des Is-
raélites dans le Temple, et ailleurs , étaient les
psaumes de David. Ainsi on ne peut douter
que l'Eglise naissante de la Judée n'ait conservé
iinc si sainte coutume.
Il est donc très-apparent que l'on ne fit au-
cun canon qui obligeâtes clercsà l'office cano-
nique durant ces premiers siècles , parce que
l'esprit de piété , et l'amour de la prière était
encore dans sa première ferveur ; et il n'y avait
personne qui ne regardât l'obligation de prier
comme la plus douce, et en même temps la
plus indispensable de toutes.
Comme les lois ne se font que pour remédier
aux désordres qui se sont élevés, et que le juste
trouve toutes les lois écrites dans le fond de
son cœur, on n'a recouru à l'autorité, aux lois,
et aux canons, que lorsque cette première ar-
deur a commencé de se ralentir.
II. C'est une défaite ridicule de dire que les
ecclésiastiques avaient les occupations propres
de leurs ordres , et qu'elles leur ont été re-
commandées par les canons, sans qu'il y soit
parlé de la récitation , ou du chant des
psaumes.
Rien loin de croire que la prière doive céder,
ou être postposée aux autres oteeupàtionsj quel-
que saintes et quelque importantes qu'elles
puissent être : qu'au contraire les Apôtres vou-
lurent être soulagés des autres occupations ,
pour s'adonner entièrement à la prière et à la
prédication, et a la prière avant la prédication.
« Orationi et ministerio verbi instantes erimus
i.\ct. vi, v. 4). »
Un exemple si illustre a autorisé cette ma-
xime, qui a depuis toujours été incontestable
parmi les Pères et les personnes de piété, que
la prière est la première de toutes les occu-
pations non-seulement des évèques et des
prêtres, qui ont succédé aux fonctions aposto-
liques , mais aussi de tous les ecclésiastiques :
qu'elle doit précéder toutes les autres occupa-
tions : qu'elle doit les accompagner , les régler
par ses divines lumières, et les soutenir par
ses puissantes influences.
Quoique dans quelque rencontre particulière,
et dans une pressante nécessité, l'on doive
laisser ou interrompre la prière pour secourir
le prochain , cela n'empêche pas que ce ne soit
une règle générale et invariable dans la con-
duite et dans la vie des ecclésiastiques, que la
prière fervente , fréquente , ou même conti-
nuelle doit être la plus importante et la plus
indispensable, aussi bien que la plus sainte et
la plus délicieuse de leurs occupations.
III. Or que l'esprit et l'amour de la prière fût
si ardent dans les ecclésiastiques des premiers
siècles, que ce soit là la véritable raison qui a
empêché les conciles d'en faire des canons, et
des commandements exprès : c'est ce qu'il sera
facile de justifier par les témoignages des saints
Pères, lorsqu'ils racontent les mœurs et la
conduite des laïques. Saint Luc ne dit-il pas
de tous les fidèles, qu'ils persévéraient dans la
prière? « Erant persévérantes indoctrina Apo-
stolorum, et communicatione fractionis panis,
et orationibus (Act. n,v. 42). »
Tertullien nous apprend que les personnes
mariées, et les femmes mêmes se levaient la
nuit pour prier : « Cum per noctem exurgis
oratum. » Et un peu plus bas : « Unde suffi-
ciam ad enarrandam felicitatem ejus niatri-
monii; quod Ecdesia conciliât, etc. Simul
orant. etc. Sonant inter duos psalmi et hymni,
et inutuo provocant, quis melius Deo suo ca-
not. Talia Christus vidons et audiens gaudet.
Ubi duo, ibi duo et ipse (Ad uxor., 1. n). »
Si les laïques vivaient ainsi, que devaient
faire les clercs qui étaient leurs directeurs? Si
les personnes mariées vivaient de la sorte, s'ils
chantaient des hymnes et des psaumes le jour
et la nuit, s'ils faisaient de leur maison une
église, que jugerons-nous des ecclésiastiques
qui leur donnaient des instructions si saintes?
Détruisaient-ils par leurs exemples lesbons en-
seignements qu'ils leur donnaient? Si les clercs
mariés vivaient île la sorte, que faut-il penser
des diacres, des piètres et des évèques, et de
tous ceux qui étaient les sacrificateurs de leurs
propres corps par la continence?
Tertullien dit ailleurs que les fidèles com-
mençaient et finissaient leur repas par la
prière; que durant le repas ils s'entretenaient
des Ecritures, ou ils chantaient des hymnes à
la louange de Dieu ; enfin qu'ils prenaient de
telle sorte leur nourriture durant le jour,
qu'ils pussent se lever la nuit pour prier:
« Ita saturantur, ut qui meminerint etiam per
noctem adorandum Deum sib) esse. »
Saint Jérôme écrit à la sainte vierge Eusto-
chie qu'il faut se lever deux ou trois fois
toutes les nuits, et interrompre son repos par
des prières réitérées, et par la méditation
des Ecritures. « Noctibus bis terque surgen-
LA PIÉTÉ DES SÉCULIERS A ASSISTER AUX OFFICES.
205
dum, et rcvolvenda quœ de Scripturis memo-
ritor retinemus (Ad Eustocb , de custodia vir-
ginit.). »
Le même Père écrivant à Marcelle, pour
l'inviter de venir à Bethléem, lui assure que
les laboureurs mêmes y sont si avancés dans la
piété, que l'oraison et le chant des psaumes
accompagne toujours leur travail. « lu Cliristi
vero villula tota rusticitas, et extra psalmos
silentium est. Quocumque te verteris, arator
stivam tenens, alléluia décantât. Sudàns mes-
sor psalmis se avocat, et curva attendens falce
vitciu vinitor, aliquid Davidicum canit. Hœc
sunt in liac provincia carmina, hae, ut vulgo
dicitur, amatoriae cantiones (Epist. ad Marcell.
ut commigrèt Bethl.). »
Si les vignerons et les laboureurs étaient si
savants et si affectionnés au chant des psaumes,
et s'ils en faisaient le soulagement de leur tra-
vail , on n'aura pas de peine à croire après cela,
que les ecclésiastiques, et ceux-mêmes d'entre
eux qui exerçaient quelque métier, eussent la •
même application à la prière. Ce Père dit ail-
leurs, que les femmes doivent chanter les
psaumes dans leurs maisons : a Quis ignorât
psallendum esse feminis in cubilibus suis, et
absque virorum frequentia , et congregatione
turbarum (L. i, adv. Pelag.). »
Cassien nous a appris que les moines d'E-
gypte ne s'assemblaient pas dans l'église pour
les heures canoniales de l'office du jour, mais
qu'ils travaillaient tout le jour en chantant des
psaumes (L. ni, c. 2). Le même Cassien parle
ailleurs de la sainteté miraculeuse d'un paysan
qui commençait et finissait toujours son travail
de la journée par aller à l'église, pour attirer
par la prière des bénédictions du ciel (Collât,
xiv. c").
Saint Augustin remarque dans une explica-
tion des psaumes, que tout le peuple était si
instruitdes Ecritures, que son auditoire le pré-
venait quelquefois par un doux murmure dans
les allégations qu'il en faisait pour son sujet.
« Jam respondelis et audio murmur bene te-
nentium Scripturas. Deus qui hoc scripsit in
cordibus vestris, confirmet et in factis veslris
(In Psal. lxxxv). »
Ce Père composa un psaume abécédaire, sui-
vant les lettres de l'alphabet, pour apprendre
aux peuples mêmes les points de la créance
catholique, contre les donatistes qui les envi-
ronnaient de toutes parts. Les Pères grecs,
comme nous avons déjà dit, en usèrent sou-
vent de la sorte contre les Ariens ; l'expérience
ayant appris aux Pères latins et grecs que le
chant des psaumes et des hymnes était le
moyen le plus propre pour instruire le peuple,
l'animer et l'encourager. Il dit dans ses confes-
sions que sa mère allait, tous les jours deux
fois à l'église, au soir et au matin, pour prier
et pour entendre la parole divine, a Mane et
vespere, ut te audiret in sermonibus tuis, et
tu illam orationibus suis (L. v, c. (.t). »
IV. Saint Ambroise dit qu'il faut avoir re-
noncé à l'être même et à la nature de l'homme,
pour commencer ou finir le jour sans chanter
quelques psaumes : puisque les oiseaux mêmes
ne manquent pas en ce temps-là de bénir leur
créateur, et à nous y exhorter par la mélodie
de leur chant. « Quis enim sensum hominis
gerens non erubescat, sine psalmorum celebri-
tate diem claudcre; cum etiam minutissimae
aves solemni devotione et dulci carminé ortus
dierum acnoctium prosequantur (Hexam., 1. v.
c. xu). »
lui un autre endroit il tâche de porter tous
les fidèles à imiter l'exemple du roi David, en
consacrant une partie des nuits à la prière et à
l'étude des Ecritures : « Surgebat noctis medio
David, «ut Domino confiteretur, tu totam no-
ctem sopori existimas deputandam? Tune ma-
gis tibi orandus est Dominus, etc. Non dormia-
mus ergo totis noctibus, sed maximam partem
earum lectioni et orationibus deputemus (In
Psal. c. cxvin, Oct. 7). »
Il ne peut souffrir qu'on épouse d'autres que
des catholiques, avec qui on peut se lever la
nuit pour la prière : « Simul ad orationem nocte
nobis surgendum est, et conjunctis precibus
obsecrandus Deus (De Abraham, 1. i, c. ult.).»
11 dit ailleurs que le jour ne suffit pas, qu'il
faut encore partager les nuits entre le repos et
la prière, qu'il faut prier à minuit, et que
l'exemple de J.-C. nous y convie. « Non satis
est dies ad deprecandum, surgendum est et
nocte, et média nocte. Ipse Dominus perno-
ctavit in oratione, ut te proprio ad deprecan-
dum invitaret exemplo (Ibid. Octon. 8). »
Si ce saint Père proposait ces règles aux laï-
ques, peut-on douter qu'il ne les suivît lui-
même, et qu'il n'y assujétit son clergé ? Ce
qu'il dit ailleurs n'est pas moins beau, ni
moins pressant : « Qui rogat itaque, semper
roget. Et si non semper precatur, paratum
semper habeat precantis affectum. Pernocta-
bat in oratione Jésus, statuenstibi imitationis
206 DU SECOND ORDKE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-QUATORZIÈME.
exemplum, etc. Et tu surge vel média nocte,
si non potes tota semper nocte vigilare, ut
dum oras nocte, veri solis pectori tno splendor
irradiet. Quia omnis anima, quœ Christuin
cogitât, in lumine semper est(Ib. Octon. 19). »
Et un peu plus bas : « Prœveni orientem so-
lem, etc. An nescis homo quod primitias tui
cordis ac vocis, quotidie Deo debeas? »
En un autre endroit, après avoir exborté
tous les fidèles à la prière du matin , pour
rendre grâces à Celui qui veille pour nous
pendant que nous dormons, et qui nous reçoit
comme dans son sein, pour nous y faire goûter
la douceur du repos, et les délices d'une paix
profonde : a Ut ego securus dormiam, ille
pervigilat : Ipse enim nos Deus ituros cubi-
tum quodam gremio quietis suscipit, et the-
sauro pacis reconditos servat (Serin, in Ma-
lach.) : » 11 veut qu'on finisse la journée par
la récitation du psautier, afin que ce soit comme
un chant de triomphe après avoir combattu
durant le jour , et surmonté les ennemis de
notre salut, et que le repos de la nuit soit
comme la récompense de notre victoire. « Sed
et cum vespera diem claudit, ipsidebemus per
psalterium laudem dicere , et gloriam ejus
modulata suavitate concinere ; qua operum
nostrorum consummato certamine, veluti vi-
ctores requiem mereamur, et laboris quœdam
palma sit soporis oblivio. »
Enfin la ferveur de ce Père s'étend jusqu'à
exhorter les fidèles de consacrer les jours et
les nuits à la prière, à l'imitation de ces oi-
seaux, dont la nuit même ne peut interrompre
les louanges qu'ils chantent à leur céleste bien-
faiteur. « Imitare minutissimas aves , mane et
vespere creatori gratias referendo. Et si es de-
votior, imitare lusciniam, cui quoniam ad di-
cendas laudes dies sola non sufficit , nocturna
spatia pervigili cantilena decurrit. Et tu igitur
laudibus tuis diem vincens, operi tuo adde no-
cturna curricula,etinsomnemsuscepli laboris
industriam, psalterii série consolare. »
11 eût été honteux de faire aux laïques des
exhortations si fortes et si pressantes , si les
ecclésiastiques et si les diacres , les prêtres et
les évoques même n'eussent rien pratiqué de
semblable. Enfin ce Père, dans sa préface sur
les psaumes, fait clairement voir que la prière
des psaumes était commune à tous les âges, à
tous les sexes, à toutes les conditions, en tous
lieux, en tous temps et en toutes rencontres.
« Psalmus nocturni pavoris solatium, diurni
laboris requies, institutio incipientium, perfe-
ctorum confirmatio, etc. Domi psalmus canitur,
foris recensetur. »
V. Les Pères de l'Eglise grecque ont été ani-
més du même esprit, et ils ont aussi porté les
peuples à la même assiduité à la récitation des
psaumes et à la lecture des Ecritures.
Saint Chrysostome expliquant ces paroles de
saint Paul : « Commonentes vos ipsos in psal-
mis, hymnis et canticis spiritualibus, etc, » il
en conclut que, selon l'Apôtre, les gens du
monde doivent aussi avoir un amour et une
application toute particulière aux Ecritures :
« Auditc quicumque estis mundani et uxori
prœestis et liberis, quomodo vobis quoque
maxime mandet légère Scripturas : et non levi-
ter, nec temere, sed magno studio ac diligen-
tia (In ep. ad Coloss. hom. ix). »
Ils doivent au moins se rendre familiers les
livres du Nouveau Testament, qui leur seront
comme de célestes médicaments qui guériront
toutes les maladies de leur âme, ou comme les
armes avec lesquelles ils repousseront tous les
efforts de leurs ennemis spirituels; enfin la
source de tous les maux ne vient que de L'in-
différence qu'on a pour les Ecritures.
a Si nullos alios vultis, novum quidem certe
Testamentum vobis parale, Apostolorum Actus,
Evangelia, magistros perpetuos. Si dolor acci-
dent, tanquam in medicamentorum apothecam
aspice, illinc mali accipe consolationem. Hoc
est omnium malorum causa, nescire Scriptu-
ras. Absque armis imus ad bellum, et quo-
modo oportet esse salvos (In Epist. ad Heb.
hom.)? »
Il remarque ailleurs que le lecteur lisait les
Ecritures au peuple dans l'église deux ou trois
fois toutes les semaines. Il y a une infinité
d'autres endroits où ce saint docteur aemployé
son admirable éloquence à persuader aux laï-
ques et même aux artisans la lecture des livres
saints.
VI. Mais comme la lecture des Ecritures n'est
qu'une partie de l'office divin, et que la prière
et la psalmodie est ce qu'il y a de plus impor-
tant, voyons comment saint Chrysostome a fait
connaître aux laïques leur obligation à s'y
adonner sérieusement. Il ne leur permet pas
de s'en exempter même durant la nuit.
« Non ideo facta est nox, ut per totam dor-
mianius, et otiosi simus. Testantur hoc et opi-
fices, nautœ, negotiatores. Ecclesia Dei mediis
surgit noctibus. Surge et tu, et vide astrorum
LA PIÉTÉ DES SÉCULIERS A ASSISTER AUX OFFICES.
207
choream, obstupesce admirabilem Dei dispen-
sationem. Ad viros et ad mulieres milii «ermo
est, flectegenua, ingemisce, ora, etc. Siteccle-
sia iloinus ex viiis mulieribusque coDstituta .
etc. Si tibi tilii sunt. excita et filios, et fiât mo-
dis omnibus domus noctu ecclesia. Si autem
teneri sunt et vigiliam ferre nequeunt , unam
et alteram orationem faciant, et iteruni sinito
quiescere In Acta. boni. 26). »
C'est ainsi que ce Père veut que les séculiers
s'efforcent d'imiter l'Eglise, où on célèbre du-
rant la nuit les louanges de Dieu; il n'épargne
ni les maris, ni leurs femmes, ni les plus ten-
dres enfants ; il veut qu'ils fassent de leur
maison une église. Il commande ailleurs qu'on
prie à toutes les heures du jour : « Imo vero
singulis boris precatio est ad Deum adhibenda ;
et in ea diei cursus conficiendus. Hibernovero
tempore plurimam noctis partem in precibus
traducamus, et magno cum timoré genua Ile-
ctentes, precationi operam demus (Cbrysosto-
mus, tom. i, hom. 67 ; tom. n. de Anna. hom. i ;
tom. ni ; In psalm. il ). »
Saint Basile a exigé des personnes séculières
la même assiduité a la prière. «Ne patiarevitœ
totius dimidium nullo tuo usu tibi prœripi ,
dum stupido somno lentescis. Quin tu potins
ipsam tibi dispertito noctem, in somnum atque
orationem ( Basilius, tom. i ; In martyrem Ju-
littam hom.).»
Saint Epipbane dit que l'Eglise catholique
recommande à ses enfants avec instance de
prier sans cesse jour et nuit avec une ferveur
infatigable : « Preces ad Deum assidue fun-
dere , easdemque frequentissimas et sedulas ,
genibus intérim opportuno tempore flexis, no-
ctes ac dies prœcipit (Epiph., de expos, fidei ca-
thol.). »
VIL Socrate dit que l'empereur Théodose le
Jeune avait changé son palais en un monastère;
dès le point du jour il y chantait les psaumes
alternativement avec ses sœurs, il apprenait
par cœur les divines Ecritures, il en conférait
avec les évèques avec autant de suffisance que
s'il eût été l'un d'entre eux; enfin il assembla
une bibliothèque de livres saints et de leurs
interprètes avec autant de diligence, mais avec
plus de piété que le roi d'Egypte Ptolémée.
« Ejus regia non dissimilis fuit monasterio ;
Nam primo diluculo ipsemet cum sororibus
suis hymnos alternatim decantavit. (Juin etiam
sacras litteras memoriter pronuntiavit. Cum
episcopis periude ac si sacerdos jam olim fuis-
set designatus, de eisdem disseruit. Libros tum
qui sacra Dei eloquia complectebantur , tum
quiabeorumdeminterpretibusconscriptierant,
multo diligentius quam olim Ptolemœus Phi-
ladelphus in unum colligendoscuravit ( L. vu,
c. -2-2 ). » Ce sont les parties qui composent
l'office divin , le chant des psaumes et la lec-
ture des Ecritures et des saints Pères, qui les
ont exposées.
VIII. Saint Grégoire de Nysse, dans la vie de
sa sœur sainte Macrine, nous assure que dès
sa plus tendre enfance elle apprit la sagesse de
Salomon et le psautier, dont elle récitait les
psaumes aux heures réglées, ou pour mieux
dire à toutes les heures, en se levant et
se couchant, avant et après son repas, en
commençant et finissant ses études. « Erat
psalmorum haudquaquam ignara, praefini-
tamque eorum partem statutis temporibus
pnecurrebat , etc. » Macrine instruisit son frère
Pierre qui fut depuis évêque, en la même
manière qu'on l'avait élevée elle-même.
J'espère faire voir dans les chapitres lxxix,
lxxxiii, et autres de ce livre un grand nombre
de personnes séculières, à qui ni le mariage,
ni le tumulte des affaires n'ont pu faire omettre
la récitation de l'office divin.
208
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE SOIXANTE-QUINZIÈME.
CHAPITRE SOIXANTE-QUINZIÈME.
L'ORIGINE DE L'OFFICE CANONIAL EN FRANCE, ET L'OBLIGATION DES CLERCS A LE RÉCITER.
AU MOINS EN PARTICULIER. AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Les conciles d'Agde, d'Orléans et d'Epaune obligent tous
les clercs à assister aux offices.
II. 111. Pourquoi les Eglises d'une province devaient se con-
former aux offices de la métropole. Diverses parties de l'office,
les mêmes qu'aujourd'hui.
IV. V. Règlement admirable du concile II de Tours, pour le
nombre des psaumes à matines, selon les saisons de l'année, à
vêpres, a sexte.
VI. Diverses preuves tirées de ce concile, pour l'obligation de
réciter l'office en particulier.
VII. V11I. Autres preuves de cette même obligation tirées des
autres conciles.
IX. Autres preuves tirées de Grégoire de Tours qui reniait
ses heures canoniales, même la nuit et en voyage. Défenses de
faire les vigiles dans les maisons particulières, et de manger
après minuit.
X. XI. Diverses remarques sur les offices divins.
XII. XIII. Nouvelles preuves de Grégoire de Tours, pour l'o-
bligation de l'office qu'on récitait en particulier, et aux heures
propres, et de nuit même.
XIV. Nouveaux exemples et nouvelles preuves de la même
obligation, avec diverses particularités des heures canoniales.
XV. Ferveur et ponctualité admirable de saint Germain, évê-
que de Paris, à réciter son office.
I. Le concile d'Agde ,(Can. xxx) ordonne ou
suppose que les mêmes offices se chantent
dans toutes les églises, avec des psaumes à
deux chœurs, auxquels tous les ecclésiastiques
assisteront, et qui seront terminés par des col-
lectes, ou oraisons : « Quia convenit ordinem
Ecclesiœ requaliter ab omnibus custodiri, stu-
dendum est, ut sicut ubique sit, et post anti-
phonas collectiones per ordinem ab episcopis
vol presbyteris dicantur : » qu'on ajoutera des
hymnes propres à tous les jours de la semaine
à "matines ou laudes et à vêpres: « Et hymni
matutini vel vespertini diebus omnibus decan-
tentur : » qu'après les hymnes on ajoutera des
versets et des répons tirés des psaumes : « Et
in conclusione matutinarum, vel vespertina-
rum missarum posthymnoscapitellade psalmis
dicantur. » Enfin, qu'au dernier des offices qui
terminerait le jour, après lacollecteou oraison,
l'évêque bénirait le peuple. Car cette béné-
diction publique dans l'église était encore ré-
servée à l'évêque. « Et plebs collecta oratione
ad vesperam ab episcopo cum benedictione
dimittalur. »
Le concile Ier d'Orléans (Can. sxvi) réserve
encore à l'évêque'cette bénédiction : « Cum ad
celebrandas missas convenitur, etc. Ubi epi-
scopus fuerit, benedictionem accipiat sacer-
dotis. » Mais ce même concile (Can. xxvm),
après avoir parlé de la célébration des roga-
tions, donne aux évèques le pouvoir d'y faire
assister les clercs, et de punir les désobéissants,
ce qui se doit apparemment étendre à tous les
offices de [l'église, o Clerici vero qui ad hoc
opus sanctum adesse contempserint, secundum
arbitrium episcopi ecclesiae suscipiant disci-
plinam. »
Mais cette obligation des clercs est marquée
bien plus clairement dans le concile d'Epaune
(Can. xxv) : « Sanctorum reliquia? in oratoriis
villaribus non ponantur, nisi forsitan clericos
cujuscumque parochiae vicinos esse contingat,
qui sacris cineribus psalleudi frequentia famti-
lentur. »
Ainsi comme on ne pouvait consacrer d'autel,
qu'on n'y enchâssât les reliques des martyrs,
il ne pouvait y avoir d'autel ou d'église, qu'il
n'y eût un office réglé, et des bénéficiers assi-
dus à y assister : « Psallendi frequentia. »
IL Ce même concile (Can. xxvu) déclare que
toutes les églises d'une province doivent se
conformer aux offices de la métropolitaine :
« Ad celebranda divina officia ordinem, quem
metropolitani teneut provinciales observare
debebunt. »
Comme ces offices devaient avoir été concer-
tés et examinés clans le concile provincial ,
selon les canons d'Afrique, et comme tous les
évêques de la province s'assemblaient deux fois
l'an dans les conciles, enfin comme ils devaient
beaucoup fréquenter leur métropolitain , et
qu'il fallait durant ce temps-là assister aux
offices de l'église, toutes ces raisons rendaient
l'uniformité des offices presque nécessaire dans
la même province.
Le concile 11 de Vaison nous montre pour-
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
209
tant que chaque province taisait gloire d'em-
prunter et d'ajouter à ses oftices ce que les
autres avaient d'excellent. Ce concile Can. m,
iv. v ordonne qu'à l'imitation de Rome, de
l'Italie et de l'Orient, on chantera avec une
pieuse et mélodieuse réitération le Kyrie elei-
son à matines , à la messe et à vêpres. « Ad
matutinum. ad missas et ad vesperas; » qu'on
dira le Sanctus aux messes soit du matin ,
soit du soir ou du carême, soit des morts : « In
omnibus missis, seu in matutinis, seu in Qua-
dragesimalibus, sive in illis, quae pro defuncto-
rum commemoratione fmnt; » qu'on récitera
le nom du pape à la messe ; enfin qu'on ajou-
tera au Gloria Patri le Sicut erat . suivant
l'exemple de Rome, de l'Italie, de l'Afrique et
de l'Orient.
Cela fait voir que si l'on ne se conformait
pas entièrement aux offices romains, du moins
qu'on s'en approchait toujours de plus en plus;
en effet, toutes les raisons qui déterminaient
une province à suivre certaines pratiques, exci-
taient toutes les églises de l'Occident à les em-
brasser, afin qu'il n'y eût. autant que cela se
pouvait, qu'une manière uniforme dans les
mœurs et dans la célébration de l'office partout
l'Occident.
III. Ce concile commence à distinguer la
messe des autres offices, et d'appliquer singu-
lièrement au divin sacrifice ce mot qu'on
donnait indifféremment à tous les offices de
l'église. Le concile III d'Orléans (Can. xxiv) fit
aussi la même distinction, ordonnant que la
messe se dirait à l'heure de tierce aux princi-
pales fêtes, afin que l'évèque put plus commo-
dément se trouver ensuite à vêpres.
IV. Mais le concile II de Tours, tenu en 307.
fit un règlement bien plus important pour le
nombre des psaumes de chaque heure cano-
niale.
Il ordonna que dans l'église de Saint-Martin
et dans toutes les autres, « tam in ipsa sancta
basilica, quam in ecclesiis nostris » . on chan-
terait tous les jours de fête à matines douze
psaumes avec six antiennes, « sex antiphonœ
binis psalmis » ; que cela s'observerait tout le
mois d'août, parce qu'il y avait des fêtes à cha-
que jour , « toto Augusto manicationes fiant ,
quia festivitates suntetmissae sanctorum (Can.
xviii).» Que les autres mois suivants les oftices
de la nuit seraient plus longs, à proportion que
les nuits devenaient plus longues. Ainsi en
septembre on chanterait sept antiennes, cha-
Tu.
Tome IL
eu ne avec deux psaumes, « Septem antiphonœ
explicentur binis psalmis»; en octobre huit
antiennes, chacune avec trois psaumes, «Octo-
bris octo ternis psalmis » ; en novembre neuf
antiennes; en décembre dix antiennes, cha-
cune suivie de trois psaumes, « Novembri no-
vem ternis psalmis , Decembri decem ternis
psalmis». Autant en janvier et février jusqu'à
Pâques ; ainsi toutes les matines du Carême
étaient de trente psaumes, distingués par dix
antiennes.
On ne défendait pas d'ajouter à ce nombre
ou d'en diminuer, pourvu que ce fût la sagesse
et la piété, non pas l'indiscrétion ou la paresse
qui tissent ce changement. «Sedut possibilitas
babet, qui facit amplius pro se, et qui minus,
ut poluerit. » Mais ce concile ne peut souffrir
qu'aux autres mois de l'année on dise moins
de douze psaumes à matines , tant parce que
l'ange du ciel détermina autrefois ce nombre
aux solitaires de l'Orient , comme nous avons
dit ci-devant . que parce que l'office de sexte
étant de six psaumes, et celui de vêpres qui se
disait à douze heures, c'est-à-dire à la dernière
heure du jour et qu'on appelle pour cela Duo-
decima, étant de douze psaumes , on ne pou-
vait pas en donner moins à matines.
o Superest ut vel duodecim psalmi expedian-
tur ad matutinum . quia Patrum statuta prae-
ceperunt , ut ad sextam sex psalmi dicantur
cum Alléluia, et ad duodecimam duodecim ,
itemque cum Alléluia, quod etiam angeloosten-
dente didicerunt. Si ad duodecimam duodecim
psalmi, cur ad matutinum non itemque vel
duodecim explicentur. »
V. Il faut remarquer dans les termes de ce
canon : 1° Que le terme de Matutinum se pre-
nait déjà dans l'usage qui nous est resté pour
l'office de la nuit, qu'on célébrait avant le jour.
2° Que les psaumes étaient aussi déjà distin-
gués des antiennes, qui n'étaient plus que des
motets qui servaient à les entrecouper deux à
deux, ou trois à trois. Car originairement chan-
ter des antiphones n'était autre chose que
chanter les psaumes à deux chœurs.
3° Cet usage nous est demeuré de composer
les matines fériales de douze psaumes et de les
couper deux à deux par six antiennes.
■4° Si ce concile ne parle pas des laudes, pri-
me, tierce, none, c'est ou qu'elles n'étaient pas
encore instituées à Tours, ce qui est difficile à
croire, ou bien qu'on ne les chantait pas en
public, car il y avait des monastères où les pe-
14
-210
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-QUINZIÈME.
tites heures ne se disaient qu'en particulier ,
ou enfin que ce concile ne parle que des heures
et des offices auxquels il veut faire quelque
changement. Aussi il ne parle de sexte et de
vêpres que par occasion , afin d'en tirer des
preuves pour régler les matines.
VI. Mais ce qu'il y a de plus considérable dans
ce canon, c'est l'affectation de ces évêques à
imiter les offices des solitaires. Ainsi comme on
ne peut douter que les religieux ne récitassent
en particulier les offices qu'un obstacle invin-
cible les avait empêchés de chanter avec les
autres au chœur, il faut conclure La même
chose des bénéôciérs.
Le concile s'en explique assez clairement,
en commandant à celui qui dira moins de douze
psaumes à matines, de jeûner ce jour-là au
pain et à l'eau : « Quicumque minus, quam
duodecim psalmos ad matutinum dixeiït, je-
junet usque ad vesperam, panem cum aqua
manducet, et non sit il 1 ï altéra in illa die ulla
refectio. »
Tous ces termes montrent évidemment qu'on
n'y parle que d'un particulier. En effet, tout
un chœur ne peut pas un jour plutôt qu'un
autre diminuer le nombre des psaumes , et
être puni d'une semblable peine. Ce qui suit
montre encore clairement qu'il ne s'agit que
des particuliers : « Et qui hoc facere contem-
pserit, una hebdomada panem cum aqua man-
ducet. » 11 n'est pas même sans apparence que
c'est à la ferveur ou à l'indévotion des particu-
liers qu'il faut appliquer ces paroles précé-
dentes : « Et possibilitas habet, qui facit am-
plius, pro se, et qui minus, ut potuerit. »
Cette liberté ne peut guère convenir qu'à
des particuliers en secret. Et quelle apparence
y a-t-il que l'on punit si rigoureusement ceux
qui diminueraient au chœur le nombre réglé
des psaumes , et qu'on laissât impunis ceux
qui, n'assistant pas au chœur, ne feraient ab-
solument aucune prière? il est vrai que tous
les clercs assistaient aux heures du chœur, et
que leur nombre était grand, comme ce con-
cile même nous apprend, par l'ordre qu'il
donne (Can. îv), que depuis le halustre jus-
qu'à l'autel, on n'admette que les clercs qui
composent le chœur des chantres : « Pars illa
que a cancellis versus altare dividitur, choris
tantum psallcntium pateat clericorum. » Mais
il était impossible que de ce grand nombre de
clercs il n'y en eût toujours que leurs occupa-
tions ou leurs infirmités empêchaient de se
trouver aux offices publics , et il n'est pas
croyable qu'on les tînt légitimement dispensés
de la loi indispensable de la prière.
Les offices publics de l'Eglise n'étant insti-
tués que pour porter à la prière tous les
fidèles et encore plus les ecclésiastiques , c'eût
été une affectation de parade et de pompe, de
faire tant de lois pour les prières publiques, et
mettre entièrement en oubli celles qui se doi-
vent faire en secret.
VIL Je ne sais si on pourrait appliquer à
cela le canon du concile II d'Orléans (Can.
xiv) : « Clerici qui officium suum implere de-
spiciunt, aut vice sua ad ecclesiam venirc de-
trectant, loci sui dignitate priventur. »
Ce terme d'office était déjà singulièrement
consacré aux heures canoniales, comme il a
été, et comme il sera encore aisé de le remar-
quer. Mais il est certain que le concile II de
Vaison (Can. ï), n'aurait pas si instamment
recommandé à tous les curés d'élever dans
leurs maisons autant de jeunes lecteurs qu'ils
pourront ; de leur apprendre le psautier, de
leur faire lire l'Ecriture, et de les instruire
saintement dans la loi du Seigneur, s'il n'a-
vait eu dessein que ce fussent là les moyens et
les aides les plus propres pour les appliquer à
la prière et à l'œuvre de leur salut, afin qu'ils
pussent un jour travailler aussi au salut des
autres.
« Juniores lectores quantoscumque sine
uxore habuerint, secum in domo recipiant, et,
eos quomodo boni patres, spiritaliternutrientes,
psalmos parare, divinis leclionibus insistere, et
in lege Domini erudire contendant, ut et sibi
dignos successores provideant, etc. »
VIII. Le même concile II de Tours (Can. xix),
après avoir déposé les clercs majeurs qui au-
ront violé la continence avec leurs femmes,
leur permet néanmoins d'assister aux offices
avec les lecteurs. « Eo permisso, ut iuter lecto-
res in psallentium choro colligatur. »
Ces paroles , aussi bien que celles qui ont
déjà été rapportées, « Chori psallentium cleri-
corum, » font voir que ce n'étaient encore que
les lecteurs, les psalmistes et les autres clercs
inférieurs qui chantaient les divins offices. Or,
qui pourra croire que l'obligation de la divine
psalmodie, qui est la plus sainte de toutes, ne
fût que pour les derniers et les plus jeunes du
clergé?
Il faut donc reconnaître que bien que par
office ce fussent proprement les clercs mineurs
DE L'ORIGINE DE L'QEFICE CANONIAL, etc.
311
qui fussent chargés de la psalmodie publique,
comme n'ayant presque pas d'autre occupation,
les clercs majeurs ne laissaient pas de s'y trou-
\cr quand ils n'étaient pas occupés ailleurs, ou
de; faire les mêmes prières en particulier, après
leurs occupations finies, comme étant les plus
étroitement obligés de s'occuper de la prière.
IX. Durant la tenue du concile de Tours a
Paris, en l'année 577, Grégoire de Tours qui y
assistait, et de qui nous en avons l'histoire, dit
que Frédégonde l'envoya visiter une nuit dans
sa maison, après qu'il y eut dit ses nocturnes
ou ses matines : « Ea vero nocte decantatis
noctumalibus Imnnis. ostium mansiouis no-
slr.i' gravibus audio verberibus cogi, missoque
puero nuntios Fredegundis régime adstare co-
gnosco (L. v, hist. c. 19). »
Voilà donc un évèque de Tours, qui étant à
Paris, y récite, ou y chante en particulier ses
heures canoniales, même durant la nuit. 11 est
si vrai que les ecclésiastiques étaient accoutu-
més de s'acquitter durant la nuit même de ces
devoirs de piété que les laïques mêmes en pri-
rent occasion de célébrer les veilles de fêtes,
c'est-à-dire les veillées de la nuit en prières
dans leurs maisons, et c'est ce que le synode
d'Auxerre (Can. ni, v) défendit aux laïques à
cause des désordres qui s'y étaient glisses.
« Non lieet compensos in domibus propriis,
nec pervigilias in festivitatibus sanctorum fa-
cere. » Comme il défendit pour le même sujet
de boire ou de manger après la veillée des
grandes fêtes durant la nuit : « In illa nocte
non licet post mediam noctem bibere (Can. nj. »
Je reviendrai à Grégoire de Tours, quand
j'aurai dit ce qui me reste à dire des conciles.
X. Le concile de Narbonne, tenu en l'an 589
(Can. ii), commanda de couper les psaumes
trop longs, en entrelaçant le Gloria Patri. 11
défendit aux diacres, sous-diacres et lecteurs
île quitter leur aube avant la fin de la messe :
« Ne diaconus, subdiaconus, lector, antequam
missa consuminetur, alba se prtesumat exuere
(Can. xu). » S'il ne comprend pas les prêtres
dans cet ordre, c'est qu'il suppose qu'ils y assis-
tent tous en chasuble. Mais ce concile (Can. xi)
parle assez clairement de la récitation de l'office
pour les prêtres et les diacres.
« Qui vero diaconus aut presbyter fuerit lit-
teris iueruditus, et desidiose légère, vel implere
officinal distulerit, et in ecclesia ad omnia uti-
lis non fuerit, ab slipendio rejiciendum et in-
clinanduin. quoadusque curvalus impleat, et
defendat, quod esse cognoscilur. Ad quid erit
in ecclesia Uei, si non fuerit ad legendum exer-
citatus? <■ Ces paroles, « légère et implere offi-
cium, » me paraissent assez probablement se
devoir expliquer de la récitation des divins offi-
ces.
XL Le concile de Màeon tourna en ridicule
les accusations formées contre saint Colomban,
sur ce qu'il disait à la messe un plus grand
nombre d'oraisons que ne portaient les règles
communes, et il jugea que c'était plutôt le
louer que l'accuser, de dire qu'il priait plus
Dieu que les autres.
Saint Avit, évèque de Vienne, a parfaitement
expliqué et justifié le terme de messe, Missa,
terme qui a été autrefois employé pour signi-
fier tous les offices de l'Eglise. Car ce mot était
ordinaire parmi les Romains, dans le palais
même des grands, lorsqu'on congédiait l'assem-
blée, et on l'a pris ensuite pour l'assemblée
même : « In eeclesiis, palaliisque sive pneto-
riis missa fieri pronuntiatur, cum populus ab
observatione dimittitur. Nam genus hoc nomi-
nis etiam in scecularibus autoribus invenietis
(Epist. î). »
XII. Mais il est temps de revenir à Grégoire
de Tours, qui nous apprendra quelque chose de
plus important pour notre dessein principal,
qui est de faire voir les fondements de l'an-
cienne obligation des clercs et des bénéfieiers à
réciter le divin office (Hist., I. i, c. 31). 11 dit
que dès la première fondation de l'Eglise de
Bourges, on y apprit aux clercs la psalmodie :
« Ex bis ergo pauci admodum credentes, clerici
ordinati, ritum psallendi suscipiunt (L. u ,
c. 2-2). »
11 dit ailleurs que saint Sidoine Apollinaire,
évèque de Clermont, fit un jour tout l'office
par cœur, parce qu'on lui avait soustrait le
livre dont il se servait. « Ablato sibi nequiter
libello, per quem sacrosancta solemnia agere
consueverat, ita paratus a tempore cunctum
festivitatis opus explicuit, ut ab omnibus mira-
retur; » que ce grand homme avait composé
un livre d'offices, « de missis ab eo compositis
(L. m, c. 5). » Il parle ailleurs du chant perpé-
tuel des psaumes dans le monastère d'Agau-
num, ou de saint Maurice, « Psallentium ibi
assiduum instituens (L. iv, c. 6). »
Un prêtre orgueilleux faisant une peinture
avantageuse de sa vie, n'oublie pas le chant
continuel des psaumes depuis sa jeunesse ;
« Nostis me ab initio œtatis meie semper reli-
•21-2 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-QUINZIÈME.
giose vixisse, vaeasse jcjunii*. eleemosynis dele-
ctatum fuisse, continuatas ssepius exercuisse
vïgilias, psallenlio vero jugi crcbra perslitisse
statione nocturna. »
Mais il me semble qu'on ne peut rien souhai-
ter de plus évident que ce qu'il dit de ces deux
évèques, qui ayant été relâchés de l'exil que
leur vie débordée leur avait fait justement
souffrir, vécurent durant quelque temps dans
les sentiments et dans les saintes pratiques de
la pénitence, passant le jour et la nuit à réciter
le psautier. « In tantum compuncti surit, ut vi-
derentur nunquam a psaHentio cessare, cele-
brare jejunia, eleemosynas exercere. librum
Davidici carminis explere per diem, noctesque
in hymnis et lectionibus meditando deducere. »
Us se replongèrent bientôt après dans leurs
premières débauches, et ne récitant plus leur
office, ils semblaient avoir oublié Dieu : « Nulla
prorsus de Deo erat mentio, nuiras omnino
cursus mémorise habebatur, etc. Clericisin Ec-
clesia matutinas celebrantibus, ni pocula mis-
cebant, etc. (t. v, c. 20). »
On sait que ce terme Cursvs , signifiait tout
l'office divin ou les heures canoniales. Cet au-
teur se sert ordinairement du terme Officium
(L. v, c. 32). En parlant d'une église souillée
par un sanglant combat, et où l'office divin
cessa, « Lochs officium perdidit. »
Le pieux évêque Crégoire, étant à Paris, et
logeant près de l'église de Saint-Julien, y allait
toutes les nuits chanter ses heures nocturnes
vers le minuit : « Nos média surgentes nocte,
ad reddendas Domino gratias, etc. Ingressi
sumus explere cursum, etc. Nobis psallen-
tibus, etc. (L. ix, c. G). » Ce qui nous montre
que les ecclésiastiques qui étaient hors de leurs
églises, ne se croyaient pas pour cela dispensés
de l'office divin.
Il dit en un autre endroit qu'Injuriosus, qui
fut le quinzième évêque de Tours , ordonna
qu'on dirait à l'avenir tierce et sexte dans l'é-
glise; ce qui nous fait croire qu'auparavant on
ne les disait qu'en particulier, comme il se
pratiquait en plusieurs monastères : « Hic in-
stitua tertiam et sextam in ecclesia dici, quod
modo in Dei nomine persévérât (L. x). »
Nous en saurions davantage si les malheurs
du temps ne nous avaient fait perdre les livres
que ce pieux évêque avait écrits sur le psau-
tier et sur les offices de l'Eglise : « In psalterii
tractatum librum unumcommentatussum, de
cursibus ecclesiasticis librum unum condidi
(De gloria Martyrum, 1. n, c. 1, 75, 86). »
XIII. Ce même saint prélat parle souvent
dans ses ouvrages des miracles de saint Martin,
et de la gloire des martyrs, ou des confesseurs,
ou des vies des saints Pères, des vigiles, des
psaumes et des hymnes qu'on y chantait, du
cours, du chant continuel de quelques églises,
des leçons, des passions des martyrs, de la ré-
citation ou du chant d'une partie de l'office
avant la célébration de la messe : « Lecta igi-
tur passione, cum reliquis lectionibus, quas
canon sacerdoialis invexit, tempus ad sacrifi-
cium offerendum advenit;» des messes du ma-
tin, qui supposaient les vigiles de la nuit :« Ré-
novant solemnia et tota nocte in vigiliis excu-
bant, mane autem facto dum missarum solem-
nia celebrarentur (Cap. xc) ; » de la psalmodie
continuelle des clercs, en quelque petit nombre
qu'ils fussent : « Cum portitores reliquiarum
sancti Cregorii ad locum quemdam Lemovicini
termini advenissent, ubi jam pauci clerici con-
sertoligneis tabulis oratorio, Dominum assidue
precabantur , mansionem postulant ; susce-
ptique bénigne, noctem cum cseteris fratribus
psallendo deducunt (C. ci). »
Voilà un petit oratoire où quelques clercs
prient continuellement, récitant leur office aux
heures du jour et de la nuit.
Il est vrai que cet auteur, parlant d'un prêtre
qu'il pensa être noyé, dit bien qu'il avait at-
taché et pendu à son col le livre des Evangiles,
ou son missel, son calice et sa patène, sans
parler de son bréviaire (De glor. Confess.,
c. xxn ). Mais s'il disait tous les jours la messe,
comme ces paroles le témoignent, comment le
pouvait-il sans avoir auparavant fait la psal-
modie ordinaire? Confessons donc que c'est
pour cela que les clercs devaient savoir le
psautier par cœur, moins pour les offices de
l'Eglise , où l'on avait des livres, que pour la
récitation qui s'en faisait en particulier, ou en
voyageant, en un temps où les livres étaient
plus rares et moins commodes à porter, qu'ils
ne le sont dans ces derniers siècles : «Sacerdos
pelago operitur , habens ad collum cum evan-
geliorum libro ministerium quotidianum, id
est , patenulam parrain cum calice ( Ibid.,
c. xxxi). » Or que les bénéficiers qui voya-
geaient s'acquittassent fidèlement des heures
et de prières canoniales, même durant la nuit,
outre les exemples qui en ont été rapportés,
en voici un autre du même auteur : « Quidam
presbyter solitarius itercarpens, ad hospitio-
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
2l.'t
lum cujusdam pauperis Linianici raansionem
expetiit : qua accepta, juxta morem sacerdo-
tuin nocle ab statu suo eonsurgens, orationi
adslitit. »
Ces paroles , « juxta morem sacerdotum , »
sont à remarquer. Elles nous disent clairement
que c'était la coutume de tous les prêtres de se
lever la nuit pour la prière, même lorsqu'ils
étaient en voyage. Combien est-il donc plus
certain qu'ils s'acquittaient encore plus ponc-
tuellement des beures canoniales du jour ,
lorsqu'ils ne pouvaient assister aux assemblées
et aux chants publics de l'Eglise?
Je passe beaucoup d'autres endroits qui ser-
viraient à confirmer les remarques déjà faites ,
parce que je ne touche qu'en passant tout ce
qui ne regarde pas l'obligation des ecclésias-
tiques à l'office et à la psalmodie (C. xxxviu,
XLVII, LXXI, CVl).
XIV. Je n'omettrai pas ce que dit saint Gré-
goire de Tours de saint Ambroise, qui ne vou-
lait point que le lecteur commençât les leçons
qu'il ne lui en eût fait signe : « Cui celebranti
testa DominiccC diei erat ista consuetudo , ut
venions lector cum libro, non ante légère prae-
sumeret, quam sanclus nutu jussisset (De
Mirac. B. Mart., I. i, c. 5). Après qu'on eût lu
la leçon des prophètes , avant qu'on commen-
çât celle de l'Apôtre , il arriva un jour que ce
saint évêque s'endormit, et enfin on l'éveilla
en lui disant, «Jubeat dominus lectori leelio-
nem légère, » etc. Voilà les bénédictions qu'on
donne aux lecteurs pour lire, et ,1a permission,
ou le commandement qu'ils en demandent.
Il distingue ailleurs les vigiles qui sont les
nocturnes, des matines, qui sont les laudes,
et se disent le matin: « Vigilias implevimus,
mane autem facto, signo ad matutinas com-
moto, revers! sumus dormitum (L. n, c. 1, 49).
Mais, pour ne pas m'éloigner trop de mon des-
sein principal, ce saint évêque raconte que
saint Portien ayant été fait clerc et puis abbé,
il vint un jour à la cour du roi Thierry qui pas.
sait en Auvergne, pour obtenir de ce prince
quelque soulagement aux pauvres (Vitœ Pa-
trum, c. v). Un grand seigneur, un matin, le
priant de prendre du vin , il s'en excusa sur ce
qu'il n'avait pas encore fait la révérence au roi
et qu'il n'avait pas encore récité son office ,
« Quod uecregi dignuin pnebuisset occursum,
et quod bis omnibus potius erat, nec dum
adhuc Domino psalmorum decantatiouem de-
bitam exolvisset. »
Saint Call, évêque, étant prêt de rendre l'âme
(Ibid., c. vi ), demanda ce qu'on chantait à
l'église, et l'ayant appris il recita lui seul tout
l'office de matines, et l'ayant achevé dit adieu
aux assistants, et s'en alla continuer au ciel
une louange éternelle. « At ille psalmo quin-
quagesimo et benedictione decantata, et alle-
luyatico. » Voilà les laudes composées du Mise-
rere , du Benedieite omnia opéra, et des trois
psaumes suivants que David même a marqués
d'un Alléluia; « Cum capitello expleto ; » voila
le petit chapitre de l'Ecriture qui suit. « Con-
summavit officium totum temporis matutini ;
quo jam exlremo perfunctus officio , spiritum
emisit, etc. »
Saint Grégoire , évêque de Langres, demeu-
rant ordinairement à Dijon près du baptistère, y
allait seul toutes les nuits réciter son office,
« Nocte de strato suo nullo sentiente consur-
gens, ad orationem Deo tantum teste pergebat,
ostio divinitus reserato, attente psallebat, etc.
Psallentium per trium fere horarum spatium
audiebalur, etc. Impleto cursu revertens ad
lectulum, etc. (Ibid., c. vu). » Et parlant d'un
jeune solitaire : « Cum eodem sene duos vel
très annos faciens , psalterium mémorise com-
mendavit, etc. (C. xn). » Et ailleurs parlant de
saint Nizier, évêque de Trêves: « Lectis lectio-
nibus quas canon sanxit antiquus, oblatis mu-
neribus super al tare Dei , ait sacerdos, non hic
hodie missarum solemnia consummabuntur ,
nisi communione privati prius abscedant (C.
xvu). »
Enfin on ne peut rien voir de plus clair sur
l'obligation des clercs à apprendre le psautier
que ce qu'il dit de saint Léobard : « Cum reli-
quis pueris ad scholam missus, quempiam de
psalmis mémorise commendavit, et nescieus se
clericum esse futurum, jam ad Dominicum
parabatur innocens ministerium (Cap. xx). »
Tout ce que nous venons de rapporter dans
les trois nombres précédents est tiré de Gré-
goire de Tours.
XV. Nous ne pouvons omettre ce qui est rap-
porté de saint Germain, évêque de Paris.
Ses voyages ne l'empêchaient pas de réciter
son office, les rigueurs de la saison, la pluie et
la neige ne l'empêchaient pas de le réciter la tète
nue : «Qui equitans in itinere, semper de Deo
aliquid aut verbo contulit, aut cantavit. Cur-
su m nudocapite dicens, etiamsi nix, aut imber
urgeret (Surius, die 28. Maii, c. lxxviii, lxxix,
lxxxu). » 11 récitait les heures de la nuit dans
214
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SEIZIÈME.
son oratoire, avec les siens qu'il prévenait assez
souvent par une longue psalmodie, avant que
de les éveiller, sans que la rigueur du froid pût
attiédir les ardeurs de sa dévotion : « Quantam
vigiliarum cûrain sempër impenderit, quis
enarrct, aut quis toleratos algores ardore fidei
pradicet, etc. Qui celebrata vigilia remeans
ad lectuhnn. quasi nihil egerit, tune primum
reliquos excitabat. » Dés les trois heures du
matin il entrait dans l'église et n'en sortait
point que tout le service ne fût achevé : « Tcr-
tia noctis hora ecclesiam ingrediens, non est
egressus ulterius psalleutium al) ordine, donec
claresceute jam die decantatus solemniter cur-
sus universus consummaretur ex canone. »
Toutes ces expressions sont anciennes et font
foi de la vérité de cette histoire.
11 est difficile que ceux qui ne sont point
préoccupés j, puissent se persuader, après cela,
qu'on ne regardât alors le chant ou la récita*
tion des heures canoniales, que comme une
dévotion libre et arbitraire (i).
(1) Saint Agricol, moine de Lérins, monta sur le siège épiscopal
d'Avipnon en 638. Or, voici ce que la Chronoloqia Lirhirnsù dit de
ce saint évèque : « Voluit horas canonicas et divina officia, mysteria
deinceps in eadem ecclesia, eodem modo quo soient in mbnasterhs,
alternis videlicet cantibus recitan : nondum enim in bis partibus in-
valuerat ille mos, quem, aliquot ante annos Damasus, pontifex ma.\i-
rnus, invexerat, posteaque Pipious rex in intimam Galliam, Roma
intulit, cuin Avenione d:u viguisset. » L'bistoire ecclésiastique a en
effet constaté que l'usage de chanter à deux chœurs les messes et les
divins offices, par l'organe de tous les fidèles, commença dans la
cathédrale d'Avignon dans la moitié du vile siècle. (Dr ANDRE.)
CHAPITRE SOIXANTE-SEIZIEME.
ORIGINE DE I. OFFICE CANONIAL EN ESPAGNE ET EN AFRIQUE, ET L OBLIGATION DE LE RECITER
AU MOINS EN PARTICULIER, AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Diverses remarques sur les parties de l'office, el les preu-
ves de l'obligation de le réciter, tirées de saint Isidore, évi que
de Sévillc.
II. III. Autres remarques et autres preuves tirée? îles conciles
d'Espagne. De l'uniformité des offices, imitation des moines, et
de l'office divin.
IV. Le concile IV de Tolède veut que toute l'Espagne soil
uniforme dans ses offices. L'unité d'un concile national rendait
cela presque nécessaire.
V. Ce même concile rétablit les hymnes que le concile de
Drague avait bannies des offices divins.
VI. VII. Les conciles nationaux et œcuméniques ayant réglé
les cérémonies et les rubriques de l'office canonial, au moins en
partie,, uons devons n'avoir pour elles que des senliments de
respect.
VIII. IX. Nouvelles preuves de l'obligation à réciter l'office
divin, tirées du même cuncile.
X. Et du VII1 de Tolède.
XI. Distinction du Lucèrnarium, Sonus et vêpres.
XII. Séminaires des jeunes chantres dans les cures.
XIII. Uniformité d'office dans chaque paroisse îles champs.
XIV. XV. De l'Eglise d'Afrique, l'assistance aux offices du
chœur, et la récitation en particulier.
1. Venons à l'Espagne, et tâchons d'y décou-
vrir les origines de l'office ou des heures cano-
niales . et particulièrement les vestiges de
l'obligation des clercs à s'y trouver en public,
"ii à les réciter en particulier.
Le mélange et la confusion de ces origines
et de ces preuves ne sera ni désagréable, ni
inutile, et on se laissera plus facilement per-
suader de l'obligation de s'acquitter d'un of-
fice, dont toutes les parties ont une origine et
une institution si ancienne, si sainte et si solen-
nelle dans les Pères et les conciles.
Isidore , évèque de Séville , montre très-
clairement que le terme d'office était déjà
affecté au même usage qu'au temps présent,
dans le chapitre entier de Officiis, où il com-
mence de la sorte : « Officiorum plurima snnt
gênera, sed pra-cipuum illud, quod in sacris
divinisque rébus babetur (Origin., 1. vi, c. 10).»
Et aussitôt il vient à l'office de Vêpres et de
Matines, puis à la Messe, parce qu'elle suivait
toujours l'une ou l'autre de ces psalmodies lon-
gues et solennelles.
Voici ce qu'il ajoute du çhteuT, des antipho-
nes el îles répons: « Chorus, quod initio îhrriô-
iliini côrônae cirbààràs starent et ita psallcrent,
antiphonas choris alternatim psallt utibus. Rc-
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
215
sponsorios Mali tradiderunt, ubi alio desinente
alter respondet. Inter responsorios autem et
antiphonas hoc ditlert, quod in responsoriis
unus versum dicit, in antiphonis autem versi-
bus alternant chori. »
Il parle ensuite des heures canoniales; et
bien loin d'en dispenser ceux qui ne peuvent
assister au chœur, au contraire il prétend que
l'oraison doit être continuelle et sans interrup-
tion en particulier, mais qu'on a institué ces
heures ou ces offices afin que si nos occupa-
tions nous faisaient quelquefois oublier ce de-
voir, le plus saint et le plus important de tous,
l'heure et le temps nous en lissent ressouvenir.
« Dictum est. sine intermissione orate. Sed
hoc in singularibus. Nain est observatio qua-
rumdam horarum communium , quae diei in-
ter spatia signant, terlia, sexta et noua. Simili-
ter et noctis. Sed ideo orandi hœ horae divisa;
suut. ut si forte aliquo fuerimus opère de-
tenti, ipsuiu nos adofticiumtempus admoneat,
etc. Exceptis utique et aliis legitimis oralio-
nibus. quae sine ulla adinonitione debentur in
ingressu lucis, ac noctis, sive vigiliarum. »
11 confirme tout cela ailleurs et ajoute que
saint Ambroise imita le premier, dans l'Occi-
dent, le chant alternatif à deux chœurs, ou les
antiphones des Orientaux, qui s'étaient eux-
mêmes rendus imitateurs des séraphins. 11
ajoute encore qu'au commencement de l'E-
glise, le chant des psaumes approchait plus
d'une simple lecture que du chant , mais qu'a-
vec le temps on avait taché d'élever à Dieu les
âmes charnelles par l'harmonie des voix.
« Primitiva Ecclesia ita psallebat, ut modico
flexu vocis faceret psallentem resonare, ita ut
pronuntianti vicinior esset quam canenti. Pro-
pter carnales autem in ecclesia, non propter spi-
ritales consuetudo est instituta canendi : ut
qui verbis non compunguntur, suavitate mo-
dulaminis moveantur (De offic. Eccles., 1. î,
c. 5, 7, 8). »
Saint Isidore entend de toute l'Eglise primi-
tive ce que saint Augustin n'a dit que de l'E-
glise d'Alexandrie (L. x, Confess., c. 33). Mais
ce qu'il dit me parait bien probable (De offle.
Eccles., I. i, c. 19, etc.). Il parle ensuite des
heures de tierce, sexte, none, vêpres, com-
plies, des vigiles ou nocturnes, des matines ou
laudes, que Gassien dit n'avoir été instituées
que de son temps dans le monastère de Beth-
léem. |
Ce Père dit ailleurs que saint Léandre, évo-
que de Séville avait beaucoup composé et
beaucoup travaille sur les offices de l'Eglise.
« In toto psalterio duplici éditions orationes
conscripsit. In sacrifiais quoque , laudibus
et psalmis multa dulcisona composait (De
Script. Eccles., c. x\\ n . »
Saint Isidore a composé une règle pour les
moines . où il remarque tout le détail de leurs
heures canoniales liegul. Mon., c. vi . Mais ce
saint prélat n'a pas oublié l'article le plus im-
portant, qui est l'obligation des clercs à s'occu-
per continuellement de la psalmodie et des
louanges de Dieu, soit au chœur, soit ailleurs,
lorsque, prescrivanl des règles générales à tous
les clercs, il leur dit: a Postremo in doctrina,
in lectionibus, psalmis, hymnis, canticis, exer-
citio jugi incumbant (De offic. Eccles., 1. n,
c. -2 . s
dette application continuelle à la prière , est
attacher non pas au chœur, mais à la nature et
à l'esprit de la cléricature.
II. Venons aux conciles d'Espagne. Celui de
Tarragone en 517 (Can. vu ) ordonne que dans
les paroisses de la campagne le prêtre et le
diacre feront l'office alternativement, chacun
sa semaine , avec cette condition néanmoins
que tout le clergé s'assemblera le samedi au
soir et le dimanche , et que tous les jours ils
diront vêpres et matines.
« De diœcesanis Ecclesiis vel clero id placuit
definiri, ut presbyteri vel diaconi, qui inibi
constiluli sunt cum clericis septimanas obser-
vent, id est, ut presbyter unam faciat hebdo-
madam . qua expleta , succédât ei diaconus
simililer, ea scilicet conditione servata , ut
omnis clerus die sabbati ad vesperam sit
paratus, quo facilius die Dominico solemnitas
cum omnium praseutia celebretur, ita tamen
ut omnibus diebus vesperas et matutinas célè-
brent. »
Ce canon nous fait voir que dans toutes les
églises des paroisses champêtres il y avait au
moins un prêtre et un diacre, qu'il y avait ou-
tre cela un nombre assez grand d'autres clercs
inférieurs pour faire un clergé qui pût se par-
tager et assister aux offices par semaines alter-
natives, enfin qu'on y célébrait tous les jours
matines et vêpres. 11 n'est pas probable qu'on
y dit tous les jours la messe, puisque le diacre
seul faisait les offices d'une semaine sans le
prêtre.
111. Le concile de Girone (Can. x) suppose
aussi qu'on dira tous les jours matines et vè-
216
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SEIZIÈME.
près, quand il commande qu'on y ajoute la
récitation de l'oraison dominicale à voix haute
par l'officiant, à l'imitation des religieux comme
il paraît par la règle de saint Benoît. « Pla-
cuit observari , ut omnibus diebus post matu-
tinas et vesperas oratio Dominica a sacerdote
proferatur. » Ce concile ordonna aussi que tous
les offices se feraient, dans toute la province
Tarragonaise , de la même manière qu'ils se
faisaient dans la métropole.
Le concile de Lérida (Can. i), après avoir pro-
noncé une sentence irrévocable de déposition
contre les clercs atteints d'un grand crime, ne
les dispense pas pour cela de l'assistance aux
offices dans le chœur des chantres, dès le mo-
ment qu'ils auront été reçus à la communion.
a Attamen in choro psallentium a tempore
receptœ communionis intersint (Can. n). »
Le concile I deBrague (Can. i, n) ordonne la
même uniformité d'offices dans toutes les
Eglises de sa province, et ne veut pas qu'on y
apporte de la diversité par le mélange des pra-
tiques diverses des monastères : « Placuit om-
nibus communi consensu, utunus atque idem
psallendi ordo in matutinis, vel vespertinis
officiis teneatur, et non diversœ ac privatae,
neque monasteriorum consuetudines cum ec-
clesiastica régula sint permixta?. »
11 est donc clair que plusieurs pratiques
s'étaient coulées des monastères dans les ofticcs
de l'Eglise, mais que ce concile n'approuva
pas la variété excessive que cela avait causé
dans sa province. On y ordonna aussi (Can. m)
que l'évêque et le prêtre salueraient le peuple
de la même manière, et avec ces mêmes termes
empruntés de l'Ecriture, « Dominus sit vobis-
cum. » le peuple répondant , « Et cum spiritu
tuo;» parce que telle était la tradition des
Apôtres, et la pratique de tout l'Orient , à la-
quelle il fallait s'attacher, et non pas aux in-
novations des Priscillianistes. « Sicut et ah
ipsis Apostolis traditum omnis retinet Oriens.
et non sicut Priscilliana pravitas permuta\it
(Can. iv, v). »
Pour mieux établir l'uniformité du service
divin, ce concile ordonna qu'on garderait par-
tout l'ordre et le rit que Profuturus, arche-
vêque de Brague, avait reçu du Saint-Siège,
o Ut eodem ordine missae celebrentur ab om-
nibus, quem Profuturus quondam hujus me-
tropolitana? Ecclesia' episcopus ab ipsa Apo-
stolicae Sedis autoritate suscepit scriptum. »
Enfin ce concile (Can. xi , xn) défendit aux
lecteurs de chanter dans l'église en habit sécu-
lier, « ut lectores in Ecclesia in saeculari liabitu
ornati, non psallant ; » (nous avons vu qu'ils
devaient être vêtus d'aubes ) : et de ne point
mêler des hymnes ou des poésies dans les
offices de l'Eglise, où les canons ne permettent
que la lecture des divines Ecritures de l'un et
l'autre Testament. « Ut extra psalmos, vel ca-
nouicarum Seripturarum veteris et novi Testa-
menti, nihil poetice compositum in ecclesia
psallatur , sicut et sancti pra'cipiunt cano-
nes. »
Cette rigueur était particulière à cette Eglise,
car dans la France, dans l'Italie et ailleurs on
chantait des hymnes composées par saint Am-
broise, par saint Hilaire et autres.
IV. Le concile IV de Tolède (Can. n) qui était
national , et embrassait toutes les provinces
d'Espagne, et celles des Gaules qui étaient sous
la domination des rois goths, étend bien plus
loin cette uniformité d'offices. Car il l'établit
dans toutes ces provinces et dans l'Etat des
Goths.
« Unus ordo orandi, atque psallendi nobis
per omnem Hispaniam atque Galliam observe-
tur, unus modus in missaruin solemnitatibus,
unus in vespertinis, matutinisque officiis; nec
diversa sit ulla in nobis ecclesiastica consue-
tudo, qui in una tide continemur et regno.
Hoc enim et antiqui cauones decreverunt, ut
unaquaque provincia et psallendi et mini-
strandi parem consuetudinem contineat. »
Il est vrai que les anciens canons n'avaient
établi la conformité du chant et des offices
qu'entre les Eglises d'une province sous une
même métropole. Mais les Pères de ce concile
se servent néanmoins fort sagement de ces
canons pour mettre la même uniformité entre
toutes les provinces et les métropoles d'un
royaume ; parce que tous ces évèques et tous
ces métropolitains ne faisant plus qu'un corps,
et s'assemblant tous dans des conciles natio-
naux, ils semblent réduire en une seule pro-
vince toutes les provinces du même royaume.
Quand on ne considérerait que la tenue du
concile national, tous les évèques et tous les
métropolitains y doivent assister aux mêmes
oitices, célébrer les mêmes solennités, concou-
rir tous à la célébration et au chant d'une
même messe solennelle; ettouteela ne se peut
si chacun d'eux est accoutumé à un chant, à
un rit et à un ordre différent. Cet inconvénient
tout visible a obligé les conciles provinciaux
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE CANONIAL, etc.
217
d'introduire les mêmes offices de la métropole
dans toute la province.
C'est aussi cette même raison qui semble
forcer le concile national à ordonner la même
unité dans toutes les provinces d'un Etat. Nous
serions mieux persuadés de la nécessité de ce
règlement si l'on obligeai! encore tous les ecclé-
siastiques qui se trouvent dans une ville d'assis-
ter aux offices de l'église avec le clergé de la
ville, de célébrer la messe commune dans leur
rang et dans leur ordre, et de ne point commu-
nier autrement.
Nous verrons en son lieu que cette même
raison a quelquefois fait concevoir le dessein
d'établir l'office et l'ordre romain dans toute
l'Eglise. Cela eût déjà eu lieu dans l'Espagne,
si l'office romain eût été aussi bien reçu et éta-
bli à Tolède, comme nous l'avons déjà vu à
Brague.
V. Les évèques de ce même concile IV de
Tolède firent plusieurs autres règlements con-
sidérables : qu'on bénirait le cierge pascal le
Samedi saint dans les provinces gallicanes ,
comme on le bénissait dans celles d'Espagne,
afin de garder l'unité : « Dignum estutpropter
unitatem pacis, in (iallicanis Ecclesiis conser-
vetur (Can. ix). » Qu'on ne s'abstiendrait pas
seulement de l'alleluia durant la Semaine-
Sainte, mais durant tout le carême |(Can. xi).
Qu'on chanterait les hymnes reçues dans
l'Eglise, ce qu'ils justifient par l'exemple de
J.-C. et des apôtres, qui en ont chanté, par
l'autorité de saint Hilaire et de saint Ambroise,
qui en ont composé ; par l'exemple du Gloria
Patri et du Gloria in excelsis.
En cela ils font éclater le dessein qu'ils
avaient de réfuter le canon du concile de Bra-
gue, dont nous avons parlé, qui avait été tenu
pendant la domination des Suèves en Portugal,
dont les rois goths, s'étant ensuite rendus les
maîtres, les évèques de l'empire des (.oths
voulurent abolir ce que les Suèves avaient de
particulier, et mettre l'uniformité dans l'Eglise
de toute l'Espagne, comme elle était déjà dans
l'Etat.
Enfin, ces évèques déclarent que le Gloria
Patri ne se répète dans les répons que dans
les jours consacrés à une sainte joie, dans les
autres on reprend le commencement : « Hœc
est discretio, ut in lœtis sequatur gloria, in
tristioribus repetalur principium (Can. xvi). »
Enfin que l'Apocalypse sera lue tous les ans
après Pâques, comme un livre que les conciles
et les papes ont reconnu être de Jean l'évangé-
liste (Can. xvn).
VI. Nous passerons aux autres conciles d'Es-
pagne, après avoir fait deux ou trois réflexions.
La première est que si ces conciles natio-
naux s'occupent à faire des règlements qui ne
regardent que les cérémonies, et les rubriques
de l'office divin, il ne faut pas se persuader que
ces grands hommes s'occupent à des choses
trop menues et trop indifférentes. Il faut au
contraire demeurer convaincus que ce ne sont
nullement de petites choses, puisqu'elles font
une partie de l'occupation des conciles natio-
naux.
L'assemblée des apôtres, rapportée par saint
Luc dans les Actes, fit un règlement des céré-
monies. Le concile de Nicée fit un règlement
pour fixer le jour de la Pâque, et en faire con-
venir toutes les Eglises , ce qui n'était aussi
qu'une cérémonie, de même que le décret du
même concile de ne point prier à genoux au
jour du dimanche, ou depuis Pâques jusqu'à la
Pentecôte. Les autres conciles suivants n'ont
pas pu suivre de plus excellents modèles.
VII. La seconde réflexion est que, quoique
nous n'ayons pas toutes les origines de toutes
les cérémonies ou rubriques de l'office divin,
et que nous n'ayons pas voulu remarquer
toutes celles que nous avons en main, de peur
qu'une ennuyeuse longueur ne rendît notre
travail inutile ; cet échantillon que nous en
donnons pourra suffire, pour faire conjecturer
du reste, et pour persuader les esprits raison-
nables, que ce n'est le plus souvent que notre
ignorance qui produit en nous le peu d'estime,
pour ne pas dire le mépris de ces sortes de
choses. Ce qui nous paraît quelquefois ou for-
tuit, ou indifférent, ou bizarre, parce que nous
n'en remontons pas jusqu'à la source, a été
concerté et conclu dans de grands conciles avec
autant de sagesse que de piété, puisque l'esprit
de sagesse et de piété en était et l'âme et le pré-
sident.
VIII. La troisième réflexion est que ce IVe con-
cile de Tolède n'a pas oublié le point impor-
tant, qui fait le principal sujet de ces recher-
ches. Après avoir fortement établi la bien-
séance et la nécessité d'insérer l'oraison domi-
nicale et quotidienne dans les offices, ce con-
cile fulmine la peine de déposition contre ceux
qui l'omettront dans leurs offices, soit en
public, soit en particulier, a Quisquis ergo
sacerdotum, vel subjacentium clericorum ,
218
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-SEIZIÈME.
liane orationem Dominicain quotidie aut in
publico, aut in privato oflicio pneterierit, pro-
pter superbiam judicatus, ordinis sui oflîcio
mulctetur (Can. x). »
Il ne se peut rien dire de plus formel. Cet
oflice en particulier, « privatum officium. »
distingué du public, ne peut être autre chose
que la récitation secrète de l'office, ou l'on
répète souvent l'oraison dominicale. On ne le
peut entendre de la messe, tant parce qu'on ne
la disait pas tous les jours, au moins par obli-
gatioBJ que parce que la messe peut encore
être moins dite en particulier que l'office, et
enfin parce que ce canon enveloppe avec les
prêtres tous les autres clercs ou béneliriers
qui ne peuvent dire la messe. « vel subjacen-
lium clericorum. »
IX. La quatrième et dernière réflexion sera
que si les bénéficiera sont déposés pour avoir
omis l'oraison dominicale dans la récitation
secrète de leur office, à plus forte raison ils en-
coureront la même peine, s'ils manquent à
s'acquitter de cette récitation. Il faut dire au
contraire, que ceux qui, pour quelque juste
cause, peuvent sans encourir aucune pleine
s exempter de dire leur office, peuvent aussi
impunément se passer d'y insérer l'oraison
dominicale.
X. Le concile VIII de Tolède (Can. vin n'est
guère moins formel sur cette obligation, lors-
qu'il s'emporte d'une si sainte et si juste
indignation contre les ecclésiastiques, qui ne
sau'iitpas les choses qui sont tous les jours
en usage, savoir le psautier, les cantiques, les
hymnes.
« Ut nec in illis probentur instructi eompe-
tenter ordinibus, qui quotidianos versantur in
usus. Proinde sollicite decernitur, ut nullus
cujuscumque dignitatis ecclesiasticœ deinceps
percipiat gradum, qui non totum psalterium,
vel canticorum usualium et hymnorum, sive
baptizandi perfecte noverit supplementum. »
XI. Le concile de Mérida (Can. n) déclara les
trois parties de l'office «le vêpres , le Lucn i>>*-
r/nm, le Sonw. et entre deux les vêpres pro-
prement dites. aiVespertrao tempore post lu-
men oblatum , prius dicitur vespertinum ,
quam sonus in diebus feslis. » On allumait la
lumière en cérémonie, comme nous faisons le
Samedi-Saint , et avec une prière semblable.
en remerciant Dieu de la véritable ri éternelle
lumière qui est .1.-0. Puis on disait vêpres, et
• pi c>, aux jours de fête et au temps pascal, on
chantait à haute voix le Sotius, qui n'était com-
posé que du Psaume Venite exultemus ,
comme Oareias le justifie par le missel moza-
rabique.
XII. Le concile de Mérida (Can. xvm) com-
manda aux curés des paroisses des champs de
nourrir autant qu'ils pourraient de jeunes
clercs, à proportion du revenu de leurs églises,
et de les tirer d'entre les esclaves de l'église,
afin de s'en servir pour faire le service et dire
l'office divin.
« Parochiani presbyteri , juxta ut in rébus
sibi a Deo creditis senliimt habere virtutem,
de ecclcsia1 suffi famili;e clericos sibi faciant,
quos per bonam voluntatem ita nutriant, ut et
officium sanctum peragant, et ad servitium
suum aptos eos habeant. Hi etiam viclum et
vestitum dispensatione presbyteri merebuntur,
et domino ac presbylero suo, alque utilitati ec-
clesiae fidèles esse debebunt. »
XIII. Le concile de Tolède XI (Can. m), re-
nouvelle l'ancien décret que toutes les églises
d'une province feraient les mêmes offices qu'on
faisait dans la métropolitaine. Ce qui nous
montre clairement qu'on n'avait pu faire exé-
cuter le canon du concile IV de Tolède, qui
ordonnait la même uniformité dans toutes les
provinces de l'empire des Goths en Espagne et
dans les Gaules.
La raison qu'on apporte ici est que le métro-
politain ayant communiqué le sacerdoce à ses
sutiïagants, doit aussi leur apprendre tous les
devoirs du sacerdoce : « Sic enim justum est,
ut inde unusquisque sumat régulas magisterii
unde honoris consecrationem accepit. Ut juxta
majorum décréta, sedes quae unicuique sacer-
dotalis mater est dignitatis, sit et ecclesiasticie
magistra rationis. »
Cette même raison a été quelquefois alléguée
par les anciens papes qui ont usé presque des
mêmes termes, pour convier toutes les églises
à l'ordre et à l'office romain, puisque le siège
de Pierre a toujours été la source et l'origine
du sacerdoce.
Enfin, ces Pères obligent les abbés et les
abbayes, outre les offices singuliers que l'évê-
que leur aura accordés, de célébrer les autres
offices publies, c'est-a-dire vêpres, matines, et
la messe de la même manière qu'on les célé-
brait dans l'église cathédrale. «Abbatibus sane
indultis ofliciis, qua' juxta voluntatem sui epi-
SCopi regulariter illis implenda sunt, calera
officia publica, id est, vesperani, matutinuni,
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE ItIVIN, etc.
2I'J
sive missam aliter quant in prineipali ecclesia,
celebrare non liceat. »
Il y avait donc dans les monastères deux
sortes d'heures canoniales, les unes se récitaient
en particulier, et les autres en public; celles-ci
devaient être les mêmes que celles île la métro-
pole; celles-là devaient seulement être approu-
véesdel'évèque. Voila doncencorc une récitation
de ^'office, au moins en partie qui se faisait en
secret. Mais il faut ici encore remarquer une
raison nouvelle de cette conformité nécessaire
d'office, a cause de l'assistance des peuples qui
se joignaient au chant de l'Eglise , et mêlaient
leur voix avec le clergé. Ainsi la diversité des
offices ne pouvait apporter (pie de la confusion
et du trouble à leur piété.
XIV. Le voisinage nous convie de joindre
l'Eglise d'Afrique à celle d'Espagne. Ferraud,
diacre, nous apprend dans la vie de saint Ful-
gence, que ce saint évèque ne se trouvait pas
toujours aux oflices de la nuit avec le reste du
chœur, mais qu'il les prévenait ordinairement,
et qu'il les célébrait toujours en particulier
par l'oraison, la méditation, la lecture, l'étude.
« Antequam vigilise nuntiarenlur a fratri-
bus, ipse semper corde et corpore vigilans, aut
orabat, aut legebat, aut dictabat, aut cuicum-
que spiritali meditationi solus vacabat; quia
se per diem filiorum Ecclesiœ necessitatibus
occupari jugiter sciebat. Ad agendas eu m ser-
vis Dei vigilias interdum descendebat, sed pri-
vatas apud se vigilias, studiis quibusdixi multo
laudabilius exercebat (Can. xvin). »
Nous apprenons de là les justes raisons des
évêques, de se dispenser quelquefois de l'assis-
tance aux offices divins, lorsque les impor-
tantes occupations et les besoins de leur peuple
consument toute leur journée. Mais nous ap-
prenons aussi qu'ils ne se dispensent pas pour
cela delà prière, ou de l'office. Enfin ce que dit
Eerrand., de ce saint évèque, pourrait nous
persuader, avec assez d'apparence, que saint
Fulgence était dans les mêmes sentiments du
grand saint Charles, archevêque de Milan, qui
dit un jour que la règle ou la nécessité de
dormir sept heures n'était pas pour les évê-
ques.
XV. Ce saint eveque n'était pas moins zélé pour
faire que tous ses ecclésiastiques s'appliquas-
sent a la psalmodie et à la prière (Ibid., c. xxi.x).
C'est pour cela qu'il leur défendait l'embarras
des affaires du monde, il les faisait loger prés
de l'église, s'occuper du jardinage, du chant
des psaumes, de la lecture, enfin il les obligeait
de ne point manquer à matines, à vêpres et aux
veilles ou offices de la nuit.
« Summam quoque diligentiam prabuit, ne
quis clericus negotiis sœcularibus occupatus ,
ab officio ecclesiastico diulius vacaret; jubens
omnes non longe ab ecclesia domos habere,
manibus propriis horlum colère, psallendique
suaviter aut pronuntiandi curam maximam
gerere, etc. Quotidianis vigiliis matutinis et
vespertinis orationibus adesse praecipiens om-
nes. »
CHAPITRE SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME.
LES ORIGINES DE L'OFFICE DIVIN, ET L'OBLIGATION DE LE RÉCITER EN ANGLETERRE ET EN ITALIE,
AIX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Application merveilleuse îles éyèques et de tous les ecclé-
siastiques d'Angleterre, au ôtiant et à la récitation des offices
divins*.
II. Quand celle obligation n'aurait pas été dans le clergé avant
les cloîtres, les i -luiires des moines la lui auraient communiquée.
III. Les occupations les p"Tus pressantes ne portaient pas les
saints évÊqùes à s'en dispenser.
IV. Les offices d'Anglelerre étaient émanés de ceux de Rome.
V. Suis que les papes les y eussent engagés.
VI. On passe en Italie. Pourquoi saint Grégoire interdit aux
diacres, et réserva aux sous-diacres, la fonction des chantres.
VU. Obligation de savoir par cœur le psautier, et par consé-
quent de réciler l'office.
VIII. Du martyrologe et autres parties du service diviu.
220 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME.
IX. Saint Grégoire ne voulant pas qu'on lût ses ouvrages dans
l'église.
X. On y lût sa vie longtemps après sa mort.
XI. Preuves tirées des autres papes pour l'obligation des
offices.
I. Nous passerons d'Afrique en Italie après
avoir dit un mot de l'Eglise anglicane, qui n'a
été formée que sur celle de Rome.
L'apôtre d'Angleterre Augustin apprit par la
réponse de saint Grégoire à ses consultations
le soin extrême qu'il devait avoir d'appliquer
tous les ecclésiastiques à la psalmodie. « De
clericorum stipendio cogitandum est, et sub
ecclesiastica régula sunt tenendi ; ut bonis
minibus vivant, et canendis psalmis invigilent
(Reda, hist. Angl., 1. i, c. 27 ; 1. in, c. 5). »
Le saint évèque d'Angleterre Aidan, ne se
contentait pas d'obliger ses ecclésiastiques à
une psalmodie et à une lecture continuelle,
qui sont les deux parties essentielles des offices
de l'Eglise : il imposait la même loi à tous les
laïques de sa famille : c'est à quoi il les appli-
quait en toutes sortes de lieux et en toute sorte
de temps, en public et en particulier. Si le roi
lui faisait quelquefois l'honneur de le faire
manger à sa table, ce qu'il évitait néanmoins
autant qu'il lui était possible, il y allait accom-
pagné d'un ou deux ecclésiastiques, et sortait
au milieu du repas pour aller s'acquitter de son
office et pour vaquer à la lecture.
« In tantum autem vita illius a nostri tem-
poris segnitia distabat, ut ômnes qui cum eo
incedebant, sive adtonsi, sive laici , meditari
deberent : id est, aut legendis scripturis, aut
psalmis discendis operam dare. Hoc erat quoti-
dianum opus iilius, et omnium qui cum eo
erant fratrum, ubicumque locorum devenis-
sent. Et si forte evenisset, quod tamen raro
evenit, ut ad régis convivium vocaretur, intia-
bat cum uno cIerico,aut duobus, et ubi paulu-
lum reficiebatur, accelerabal ocius ad legen-
dum cum suis, sive ad orandum exivit. »
II. Il est vrai que saint Aidan avait passé du
cloître à l'épiscopat, mais dès les premiers
siècles de la liberté de l'Eglise on a vu une
foule de saints religieux monter sur les trônes
de l'Eglise, et remplir les plus haules dignités
du clergé : et ce serait une raison invincible
quand il n'y en aurait pas d'autres, pour nous
persuader qu'ils y auraient introduit la sainte
coutume de chanter tous les jours l'office
canonial en public, ou de le réciter en secret.
Le même Rède dequi tout ceci est tiré, parle
ailleurs de saint Egbert, religieux anglais, qui
se bannit pour jamais de sa patrie, et voua de
n'y plus rentrer, et de réciter tous les jours
tout le psautier, outre les heures canoniales.
« Quod praeter solemnem canonici temporis
psalmodiam, si non valetudo corporis obsi-
steret, quotidie psalterium totum in memoriam
divina? laudis decantaret (L. m, c. 2" ). »
Saint Wilbrord et ses compagnons, dans sa
mission apostolique, en semant dans les pays
barbares la doctrine évangélique, passaient la
meilleure partie du temps à la psalmodie et au
terrible sacrifice de l'Agneau céleste : « Qui cum
cogniti esseut a barbaris, quod alterius essent
religionis, nam hymnis et psalmis semper et
orationibus vacabant, et quotidie saerificium
Deo victimae salutaris offerebant, habentes se-
cum vascula sacra, et tabulam altaris vice de-
dicatam (L. v, c. u). »
III. Ce n'est pas tant cet autel portatif que je
veux remarquer, ou cette divine ardeur de
célébrer tous les jours le divin sacrifice, même
en courant les pays inconnus et barbares ,
que cette fidèle exactitude à ne jamais omettre,
ni le chant, ni la récitation de l'office sacré ,
parmi les plus pressantes et les plus em-
barrassantes occiqiations de l'apostolat, ou de
l'épiscopat.
Wilbrord et Aidan faisaient la fonction des
apôtres en annonçant J.C. à ceux qui n'avaient
jamais ouï parler de leur céleste Rédempteur ;
saint Fulgence passait les journées entières,
comme nous venons de voir, à terminer les
différends, ou à guérir les blessures intérieures
de ses diocésains. Cependant ces hommes apos-
toliques sachant bien que les apôtres, témoin
saint Luc dans les Actes, avaient prolesté de se
partager entre la prière et la prédication, et
qu'ils avaient appris cette importante leçon de
leur divin Maître, ils ne croyaient pas que les
plus pressantes fonctions de l'épiscopat les
pussent jamais dispenser de la prière, qui en
est la première et la plus |>ressante, aussi bien
que la plus sainte.
IV. Concluons ce que nous avons à dire de
l'Eglise anglicane et de ses offices, par le
témoignage que le même Rède rend, qu'ils
étaient originairement émanés de l'Eglise
romaine, à laquelle il nous faut passer.
Un saint abbé d'Angleterre étant allé à Rome
obtint du pape Agathon qu'il envoyât en
Angleterre Jean, archichantre de Saint-Pierre
de Rome, pour enseigner à son monastère, et
par le moyen de celui-ci à tous les autres
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE DIVIN, etc.
-2-21
monastères de la Grande-Bretagne, le chant,
l'ordre et les cérémonies des offices romains,
aussi bien que le cours des fêtes et des solen-
nités annuelles, selon les usages de l'église de
Saint-Pierre de Rome.
« Quatenus in monasterio suo cursum ca-
nendi annuum , sicut ad sanctum Petrum
Romœ agebatur, edoceret, etc. ordinem ritum-
que canendi, etc. Et ea quae totiusannicirculus
in celebratione dierum festorum poscebat
(L. iv, c. 18), » C'est presque autant que s'il
avait dit en un mot qu'on portât le bréviaire et
le missel romain pour être suivi dans les
monastères d'Angleterre. Cela est prouvé par
ce qui est dit ensuite, que tous les autres
monastères d'Angleterre vinrent prendre des
leçons de cet archichantre romain.
V. Nous voilà insensiblement arrivés à l'E-
glise de Rome et d'Italie. Et pour ne point
quitter si tôt les ruisseaux qui s'en sont écoulés
en Angleterre, ajoutons à la remarque précé-
dente, que ce furent les Anglais qui deman-
dèrent au pape Agathon la communication des
offices de Rome, et non pas ce pape qui les leur
prescrivit. Aussi le grand saint Grégoire avait
plutôt conseillé à l'apôtre des Anglais, Augustin,
de ne pas se restreindre dans la seule imita-
tion de l'Eglise romaine, mais de recueillir
tout ce qu'il pourrait remarquer de plus saint
et de plus excellent dans l'Eglise de France, et
dans toutes les autres, et de transporter dans sa
nouvelle Eglise d'Angleterre tout ce saint et
riche butin.
« No vit fraternitas tuaRomanœEcelesiœcon-
suetudinem, in qua se meminitenutritam. Sed
mihi placet, ut sive in sancta Romana, sive in
Galliarum, sive in qualibet Ecclesia aliquid in-
venisti, quod plus omnipotenti Deo possit pla-
cere, sollicite eligas, et in Anglorum Ecclesia
infundas. Non enim pro locis res, sed pro rébus
bonis loca nobis amandasunt. Ex singulis ergo
quibusque Ecclesiis quae pia, quae religiosa,
quœ recta sunt, elige, et hax quasi in faseicu-
lum collecta, apud Anglorum mentes in con-
suetudinem depone (Gregor. Reg., 1. xn, epist.
xxxi ; Beda, 1. i, c. 27). »
VI. Ce même pape défendit, dans un synode
romain, que les diacres ne fissent plus l'office
de chantres, parce que c'était alors l'office des
sous-diacres, ou des clercs inférieurs, et de s'ap-
pliquer au chant et de s'étudier à une mélo-
die qui inspirât la dévotion aux cœurs des
fidèles, au lieu que les diacres devaient s'oc-
cuper tout entiers à la prédication de l'Evan-
gile, et a assister les pauvres.
C'est de l'étude du chant, dont il faut en-
tendre ce décret, et de l'application a rendre
sa voix harmonieuse , pour se bien acquitter
des devoirs d'un chantre, ce qui ne convenait
pas aux diacres, et non pas ou de l'assistance
aux divins offices dans l'église, ou de la récita-
tion en secret.
« In Romana Ecclesia duduniestconsuetudo
valde reprehensibilis exorta, ut quidam sacri
altaris ministri cantores eligantur, et in diaco-
natus ordine constituti. modulationi vocis in-
serviant, quos ad prœdicationis ofticium, elee-
mosynarumque studium vacare congruebat.
Lnde fit plerumque ut ad sacrum ministerium
dum blanda vox qua?ritur, quaeri congrua vila
negligatur; et cantor minister Deum moribus
stimulet, cum populum vocibus delectat(L. iv,
epist. i 1 .»
Ces deux offices, de minisire, c'est-à-dire,
de diacre et de chantre étaient incompatibles
selon les lois de la bienséance et de la modes-
tie. Il ne sied pas mal à des jeunes enfants, ou
à des jeunes clercs de faire retentir la douceur
harmonieuse de leur voix dans l'église en chan-
tant les louanges de Dieu : mais il n'est nulle-
ment bienséant à un diacre, qui est avancé et
en âge et en dignité, de faire paraître qu'il fait
sa principale étude de ces délicatesses du
chant.
a Qua inreprœsentidecretoconstituto, ut in
bac sede sacri altaris ministri cantare non de-
beant , solumque evangeliae lectionis ofticium
inter missarum solemnia exsolvant. Psalmos
vero ac reliquas lectiones censeo per subdiaco-
nos, vel si nécessitas fuerit, per minores ordi-
nes exhiberi. »
Dans l'Orient il y avait un ordre particulier
des Psalmistes , et les lecteurs y faisaient aussi
ordinairement la même fonction de chan-
tres ; dans l'Afrique et en beaucoup d'autres
endroits de l'Occident, on instituait des psal-
mistes, et les lecteurs se joignaient à eux, aussi
bien que plusieurs autres clercs inférieurs.
Mais à Rome, comme il paraît par ce passage
que nous venons de rapporter, la fonction des
psalmistes fut réservée par saint Grégoire aux
sous-diacres, et ce n'était qu'à leur défaut
qu'on y appelait les autres moindres clercs.
En quoi il faut observer que la dignité de
chantre devenait tous les jours plus relevée,
de manière que la récitation et le chant des
222 Dl' SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME.
offices divins s'est trouvé dans la suite la prin-
cipale fonction dans les chapitres des églises
cathédrales. Car au lieu des lecteurs, on des
psalmistes, qui avaient été autrefois au-dessous
des lecteurs, ce pape n'admet ordinairement
que des sous-diacres à l'office des chantres,
et ce n'est pas sans peine qu'il l'interdit aux
diacres.
Cela fait voir que dès ce temps-là on com-
mençait à laisser introduire dans les églises
cathédrales une nouvelle discipline, qui est
parvenue aux points où nous la voyons aujour-
d'hui.
VII. Le même pape saint Grégoire ne voulut
pas ordonner évèque le prêtre Jean parce qu'il
ne savait pas le psautier, et témoignait par là le
peu d'amour qu'il avait pour la prière et pour
la piété. Or si les diacres ne pouvaient pas faire
l'office de chantre dans l'église, les prêtres le
pouvaient encore moins. Pourquoi ce pape
exige-t-il donc avec tant de sévérité que les
prêtres et lesévèques ne soient point ordonnés,
s'ils ignorent le psautier , si ce n'est parce
qu'ils sont obligés de le chanter ou de le réciter
soit dans l'église, soit hors de l'église? «Sed
nec Joannem presbyterum psalmôrum nescîum
praesumpsimus ordinare, quia haec eum res
minus sui profecto habere studium demonstra-
hat (L. îv, epist. îri). »
Ceux de Bagnarea avaient élu le diacre Jean
pour leurévêque. Saint Grégoire ne voulut pas
l'ordonner qu'il n'eût été informé de son ap-
plication à la prière , et s'il servait le psautier!
« El si nihil est, quod ei canonice possit obsi-
stere, requirendum quoque est, si in opère Dei
studium hahuit, vel psalmos novit. Et si talis
fuerit,eum ad nos cum testificationis epistola
dirigat , etc. »
L'Abbruzze manquant d'évèque depuis long-
temps, ce même saint pape fut d'avis d'y or-
donner un nommé Opportunus, à cause de sa
piété singulière , et de sa ferveur dans la
prière et la psalmodie : «Sed quia Opportunus
mihi in morihus suis, in psalinodiœ studio, in
amore orationis valde laudatur et religiosam
vitam oinnino agere dicifur , hune volumus,
ut, etc. (L. m, epist. xxxiv ; 1. 1\, epist. xui). »
Enfin, l'évêché d'Ancône étant vacant, ce
ini nie pape rejeta un archidiacre . quoique
savant dans les Ecritures : « Scriptura' quidein
sàcrsë scientiàm habere,» parce que son âge
trop avancé le rendait incapable de soutenir le
poids de l'épiscopat (L. xn, epist. vi). Il hésita
sur le diacre Rustique, parce que bien qu'il fût
très-vigilant il ignorait le psautier : « Rustinis
autem diaconus ejusdem Ecclesia;, qui simili-
ter fuerat electus, vigilans quidem homo dici-
tur, sed quantum asseritur, psalmos ignorât.»
Dans la difficulté de trouver un évèque ac-
compli, ce pape voulut être informé combien il
s'en fallait que le diacre Rustique ne sût tout le
psautier: «Sed efiam de Rustico diacono, quan-
tos psalmos minus teneat, perscrutandum est. »
VIII. En voila ce me semble assez pour prou-
ver l'obligation des bénéficiers à s'acquitter du
divin office , que ce pape semble avoir excel-
lemment appelé l'œuvre de Dieu, Opus Dei.
Le sacramentaire île ce saint pape, et ce que
nousavons dit ci-devant de son application et de
sou assiduité personnelle, à faire apprendre le
chant aux jeunes clercs, nous font connaître
la haute estime et l'ardent amour qu'il avait
pour cette divine fonction.
Le même pape saint (irégoire nous apprend,
dans un autre endroit, qu'on lisait à Rome
un martyrologe où étaient marqués les noms
des martyrs, avec le lieu et le jour de leur
martyre, mais non pas les Actes. Ainsi on n'y
lisait pas encore les vies des Saints dans l'of-
fice : « .Non tamen in eodem volumine quis
qualiter sit passus indicatur, sed tantummodo
nomen, locus et dies passionis ponitur (L. vu,
C. xxix). »
H dit ailleurs que la coutume de dire Alléluia
hors de la cinquantaine de Pâques, était venue
de Jérusalem à Rome au temps du pape Da-
mase, par le moyen de saint Jérôme : « Ut Al-
léluia hic diceretur, de Hierosolymorum Ec-
clesia ex beau' Hieronymi traditione tempore
beatas mémorise Damasi papse traditur tractum
(L. vu, epist. lxiv). » Qu'il n'avait fait que re-
nouveler l'ancienne coutume de faire aller les
sous-diacres avec des tuniques de lin seule-
ment, sans autre ornement, in lineis ■ fun/'eis.
Une dans l'Eglise grecque tous les fidèles en-
semble disaient le Kyrie eleison, au lieu qu'à
Rome les clercs le disaient et le peuple répon-
dait, et qu'on y disait autant de fois Christe
eleison : qu'aux simples fériés on disait le
Kyrie eleison d'un chant plus étendu, niais
qu'on n'ajoutait pas le Gloria in excelsis. Qu'on
disait l'Oraison Dominicale à la messe, parce
que la messe que les Apôtres disaient ne con-
tenait que celte divine prière, et la consécration
du corps de Celui qui l'a instituée. Qu'au reste
à Rome c'est le prêtre seul qui la dit, au lieu
DE L'ORIGINE DE L'OFFICE DIVIN, etc.
"223
que tout le peuple la chante chez les Grecs.
Enfin ce pape proteste qu'il a rétabli les an-
ciennes coutumes, et s'il en a institué de nou-
velles, ce n'a été que parce qu'il les a jugées
très-utiles , et qu'il est toujours prêt à imiter à
Rome tout ce que les autres moindres Eglises
pourront avoir de bon. « Si quid boni, vel
Constantinopolitana, vel alia Ecclesia habet,
ego et minores mcos, quos ab illicitis prohibeo,
in bono imitari paratus sum. »
IX. L'humilité de ce pape ne put souffrir
que l'évéquc de Havenne, Marinien, fit lire les
commentaires sur Job aux veilles ou aux offices
de la nuit. Il jugea plus à propos qu'on y lût
les commentaires sur les psaumes, comme plus
propres à instruire les peuples.
«Quia frater etcoepiscopusmeus Marin ianus
legi commenta beati Job publiée ad vigilias
facial, non grate suscepi, quia non est illud
opus populare, et rudibus audiloribus impedi-
mentum magis, quam provectum générât. Sed
die ei, ut commenta psalmorum legi ad vigi-
lias faciat, quae mentes secularium prœcipue
ad mores informant (L. ix, epist. xxn). »
Outre cette raison, il en ajoute une autre
qui le touchait plus vivement, qu'il ne voulait
pas que de son vivant ses ouvrages se rendissent
si publics. « Neque enim volo, dum in lue
carne sum, si qua dixisse me contigit, ea facile
hominibus innotesci. »
C'est ce qui l'oblige de se plaindre que son
Pastoral eût été communiqué à L'empereur de
Constantinople, et que le célèbre Anastase,
é vaque d'Antioche, l'eût traduit en grec. « Et
sicut mihi scriptum est, ei valde placuit, sed
mihi valde displicuit, ut qui meliora habent,
in minimis occupentur. »
Enfin, ce même pape saint Grégoire ayant
appris que l'abbé Claude avait recueilli et mis
par écrit ce qu'il lui avait oui dire de beau sur
les Proverbes, sur le Cantique des cantiques,
sur les Prophètes, sur les livres des Rois et sur
l'Heptateuque, dans l'espérance de lui lire un
jour ces recueils et les lui faire corriger, il se
les fit lire, et, ayant trouvé que ses sentiments
y avaient été altérés en beaucoup de choses, il
donna ordre qu'on en retirât soigneusement
toutes les copies qui s'en étaient faites et qu'on
les lui rapportât. « Quae cum mihi legisset. in-
veni diclorum meorum sensum valde inutilius
in multis fuisse permutatum. Unde, etc. »
X. Jean Diacre, qui écrivit la vie de ce saint
pape, dit que l'ordre lui en fut donné par le
pape Jean .pendant les veilles ou les offices de
la nuit qui précède le jour de sa fête. Comme
on \ eut lu la vie de saint Paulin, évèque de
Noie, écrite par ce saint pape dans ses Dia-
logues, le pape Jean ne put plus endurer qu'on
n'eût pas écrit la vie d'un saint qui avait donné
à la postérité celle de tant d'autres, surtout
après qu'il eut appris que les Saxons mêmes et
les Lombards eu avaient une, quoique tort
abrégée.
Ce savant diacre acheva le premier livre
dans l'année même que le commandement lui
en avait été fait; il le lut tout entier la nuit de
la veille de la fête du même saint Grégoire,
en présence de tout le peuple et du pape même,
qui l'approuva et commanda de le publier.
« Tarn imperiosis autoritalibus tandem com-
pulsus, vix primuni libruin Gregorianœ vitae
compleveràm, qûando hune in ejusdem vigiliis
annua vertigine revolutis tua probavit pariter
ac publicavit autoritas (Pra;fatio vitœ Greg.
papa1). »
C'est de cette manière qu'on lisait les vies et
les ouvrages des saints, et qu'on passait les
nuits entières dans l'église, en mêlant si agréa-
blement et si saintement la lecture et la psal-
modie.
XL Si nous avions les vies et tous les ou-
vrages des autres papes, nous en tirerions de
grandes lumières pour l'éclaircissement du
sujet que nous traitons. Le pape Hormisde eut
soin de faire apprendre le psautier à son clergé.
On a encore le même soin dans les monastères
les plus réformés. Ce n'est et ce ne peut avoir
été que dans la vue de l'obligation de réciter
ou de chanter tous les jours l'office canonial.
« Hic composuit clerum et psalmis erudivit
(ExlibroPontif.l.»
Grégoire II , envoyant des missionnaires
apostoliques en Bavière, leur donna une ample
instruction, dont le premier article est d'établir
dans le clergé de cette nouvelle église le chant,
la psalmodie, les offices de l'Eglise romaine :
« Ministris quorum canonicam adprobaveritis
promotiomm. sacrificandi et ministrandi, sue
eliam psallendi ex figura et traclitione Aposto-
licae et Romanœ Sedis ordine tradetis potesta-
tem, etc. Qualiter unusquisque sacerdos, seu
minister, sacra missarum solemnia, sive cœtera
diurnarum et nocturnarum horarum officia,
sive etiam lectionum sacrarum novi atque ve-
teris Testamenti ordinabilia pranheamenta stu-
deat observare, secundum traditum Apostolicœ
2-24 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIX-HUITIÈME.
Sedis antiquitus ordinem disponetis (Capitulare
Cregorii II). »
Grégoire III, dans le Livre pontifical, est
appelé savant dans les Ecritures, habile dans
la langue grecque et latine, très-versé dans les
sens mystérieux du psautier, qu'il savait par
cœur. « In divinis Scripturis sufficienter
instructus, graca latinaque lingua eruditus,
psalmos omnes memoriter per ordinem reti-
nens, et in eorum sensibus subtilissima exerci-
tatione limatus (Ex libro Pontif.; Baronius,
an. 741, n. 7). »
Je ne pense pas que Valafride Strabon ait
raison d'inférer de là que peu de personnes
savaient alors le psautier; mais cela est remar-
qué par Anastase, parce que c'était alors une
condition qu'on exigeait pour les ordres supé-
rieurs. Ceux qui ne savaient pas entièrement
le psautier se servaient de livres.
CHAPITRE SOIXANTE-DIX-HUITIEME.
l'origine de l'office divin et l'obligation de le réciter, dans l orient et DANS L OCCIDENT;
PREUVES TIRÉES DES RÈGLES MONASTIQUES ET DES LOIS IMPÉRIALES, AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET
HUITIÈME SIÈCLES.
I. II. Description de tous les offices de l'Eglise, selon la règle
de saint Benoit.
III. Tout le psautier se récitait chaque semaine.
IV. Obligation de réciter l'office en particulier et aux heures
propres, pour les voyageurs et autres absents.
V. Preuves de cette même obligation, tirées des autres règles
monastiques.
VI. Preuve que cette obligation aurait passé du cloître au
clergé, quand elle n'y aurait pas déjà été.
VII. La même obligation dans les monastères d'Orient.
VIII. Loi admirable de Justinien sur cette obligation.
IX. Diverses réflexions sur cette loi. Elle comprenait tous les
clercs, parce qu'ils étaient tous bénéficiers.
X. Pourquoi les anciens conciles n'ont pas exprimé la récita-
tion secrète des offices.
XI. Le concile in Trullo.
XII. La règle de saint Pacome.
I. On peut sur ce sujet tirer une infinité de
belles remarques de la règle de saint Benoît, et
des convenances admirables de nos offices avec
ceux que ce divin père des monastères établit
dans son ordre. Nous en rapporterons ici les
principales.
Il commence les offices par Deus in adjuto-
rium, etc. et Domine labia, etc.; puis le psaume
Venite exultemus, qu'on chante alternative-
ment, cum Antiphona, ou qu'un seul chante :
suit l'hymme, qu'il appelle Ambrimanum, du
nom de son auteur : puis six psaumes chantés
alternativement, le verset, la bénédiction de
l'abbé. On s'assied ensuite, et on lit trois leçons
qu'on entrecoupe de trois répons, au dernier
desquels on ajoute le Gloria Patri, au com-
mencement duquel tout le monde se lève
(Cap. m).
Les leçons doivent être ou des Ecritures de
l'un et de l'autre Testament, ou des expositions
des saints Pères. On recommence à chanter
encore six psaumes, après quoi on récite une
leçon de l'Apôtre par cœur, Lectio Apostoli
sequatur ex corde recitanda. On fi; tissait par le
verset, et par Kyrie eleison (Cap. x).
Voilà les nocturnes de l'hiver. Les nuits de
l'été étant plus courtes, au lieu de trois leçons
on n'en disait qu'une du Vieux Testament, et
un répons, le reste était tout semblable; car
on n'omettait jamais les douze psaumes. Les
nocturnes ou vigiles du samedi au dimanche
étaient bien plus longues, car après les six pre-
miers psaumes on lisait quatre leçons, et
autant encore après les six autres psaumes avec
leurs répons, et le Gloria au dernier. On ajou-
tait trois cantiques du vieux Testament, et
après le verset et la bénédiction de l'abbé sui-
vaient quatre autres leçons du Nouveau Testa-
ment, leur répons, le Te Deumlaudamiis, puis
l'abbé lisait une leçon de l'évangile, tout le
monde étant debout, Cum honore et tremore
stantibus omnibus ; puis un hymne , après
L'ORIGINE DE L'OFFICE DIVIN, etc.
-22?
lequel on commençait les matines, c'est-à-dire,
les laudes, qui se devaient dire au point du
jour. Mox maintint', qui iiicipienti lace agendi
suât (Cap. vin).
IL Les laudes du Dimanche étaient presque
les mêmes que celles que nous disons encore
en carême. Le psaume Deus misereatur nostri
se récitait tout droit, sine antiphona in dire-
ction, puis on chantait le Miserere, Confite-
mini , Deas Deus meus ad te de lace. Le
Benedicite. et les trois psaumes suivants. Bene-
dictiones et Laitdes. puis le chapitre par cœur,
le répons, l'hymne, le verset, le Benedictus et
le Kyrie. Lectio una de Apocalypsi ex corde, et
Besponsorium et Amlirosianum . versus, canti-
cum de Evangelio, litania et completum est.
Le prieur doit dire à la lin des vêpres et de
laudes l'oraison dominicale à voix haute, pour
inculquer à tous les frères et pour leur obtenir
du ciel la concorde et le pardon mutuel des
offenses, « Liane agenda matutina vel vesper-
tina non transeat aliquando. nisi in ultimo or-
dine Oratio Doniinica omnibus audientibus di-
catur a prière, propter scandalorum spinas.
quae oriri soient in monasterio. ut convenu'
per ipsius orationis sponsionem, qua dicunt,
dimitte ?wôis, etc., sicut et nos, etc. purgent se
ab hujusmodi vitio. »
Les sept heures canoniales du jour sont ma-
tines, prime, tierce, sexte, none, vêpres, com-
piles. Les nocturnes à minuit. Les quatre petites
heures sont composées de même , du Deus in
adjutorium. l'hymne, trois psaumes, une leçon,
un verset , le Kyrie . Lectio una , Versus , et
Kyrie eleison, et Missœ sint (Cap. xvi, xvu). Ces
termes Missœ sint , signilient la même chose
que ceux dont il s'était déjà servi : « Et com-
pletum est. » 11 n'y a pas moins de conformité
a vêpres et a complies.
III. Ce que ce saint législateur a eu le plus
à cœur a été qu'on récitât tout le psautier et
tous les cantiques dans le cours de chaque se-
maine , puisque les saints Pères du désert le
récitaient chaque jour. « Si cui sorte hœc dis-
tributio psalmorum displicuerit , ordinet . si
melius aliter judicaverit: dum omnimodis id
attendatur, ut ornai hebdomada psalterium
ex integro numéro centum quinquaginta psal-
morum psallatur. Cum legamus sanctos patres
nostros uno die hoc strenue implevisse, quod
nos tepidi utinam septimana intégra persol-
vamus (Cap. xviu). »
Il permet qu'on récite simplement les quatre
petites heures du jour, au lieu de les chanter
aux endroits où la communauté n'est pas nom-
breuse. « Si major congregatio fuerit, cum
antiphonis: si vero minor, in directnm psal-
lantur fCan. xvu). » Les occupations du jour et
le travail faisaient absenter plusieurs frères
pendant le jour, et ils ne pouvaient se rendre
assidus qu'aux vêpres, aux nocturnes et aux
laudes, qui étaient d'ailleurs les heures les plus
solennelles . et ainsi on les chantait toujours à
douille chœur.
IV. Mais ce qu'il nous importe le plus de
remarquer, c'est l'obligation qu'avaient tous
ceux qui ne pouvaient pas assister au chœur
avec leurs frères , de s'acquitter du même de-
voir, soit que le travail les arrêtât à la campa-
gne, soit qu'ils fussent engagés dans un long
voyage. L'œuvre de Dieu devait interrompre
le travail de leurs mains, et la psalmodie aux
mêmes heures réglées devait les délasser pen-
dant leurs voyages.
Voici les ternies de la règle : o Fratres qui
omnino longe sunt in labore , et non possunt
occurrere hora competenti ad oratorium, et
abbas hoc perpendit. quia ita est. agant ibidem
opus Dei , ubi operantui , cum tremore divino
llectentes genua. Similiter qui in itinere directi
sunt, non eos praHereant honc constitutœ ; sed
ut possunt. agant ibi, et servitutis pensum non
negligaut reddere Cap. i. . »
Comme les offices divins des monastères ont
été formés sur ceux de l'Eglise , il est aussi
fort vraisemblable que cette obligation des
\oyageurs et des autres absents, à s'en acquitter
en particulier aux mêmes heures, est venue
d'une pareille obligation commune à tous les
clercs. Et c'est peut-être principalement pour
cela que les uns et les autres devaient savoir le
psautier par cœur, parce que l'usage et le se-
cours des livres leur était bien plus facile dans
l'église qu'à la campagne.
V. Les autres règles de saint Césaire, de saint
Aurelien, de saint Ferréol , du Maistre,etde
tant d'autres, pourraient nous fournir un grand
nombred'excellentes instructions, si nous n'ap-
préhendions d'être trop longs ( Le Cointe , ad
an. 536, n. o2; an. 5i!S, n. 39).
Celle de saint Césaire veut que les religieuses
travaillent de leurs mains, pour éviter le som-
meil pendant les offices de la nuit, hormis les
dimanches et fêtes , où celles qui sont assou-
pies, doivent se tenir debout. Celle de saint
Colomban parle de certains monastères, où les
Tu. — Tome II.
1j
22G DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE S01XANTE-DIX-HLTT1ÈME.
offices delà nuit se chantaient à quatre reprises:
c'étaient les trois nocturnes et les laudes du
matin (Reg. Columb., c. vu).
Celle de saint Ferréol confirme admirable-
ment ce que nous venons de dire , qu'on les
obligeait tous à apprendre les psaumes par
cœur, afin de les réciter dans la campagne ,
même en menant paître les troupeaux. «Oniuis
qui nomen vult monaclii vindicare, litteras ei
ignorare non liceat. Uuin etiam psalmos totos
memoria teneat, neque se quacumque excusa-
tione defendat , quo minus sancto hoc studio
capiatur. Similiter etiam lus qui pastores pe-
coruni, ut moris est, de congregatione mitten-
tur, curœ erit vacare psalmis, ut caeteri ( Reg.
Ferreol, c. xvi ). »
La règle du Maistre explique admirablement
l'ordre que les religieux doivent garder en
voyageant pour s'acquitter des prières canonia-
les aux heures réglées. Elle leur permet de les
abréger quand ils ne peuvent autrement éviter
de s'éloigner trop de la compagnie des laïques
qui leur est nécessaire ( Cap. lvi ).
Mais la loi générale est, que ni le chemin, ni
le travail ne peuvent les dispenser de cet aima-
ble tribut. « lu nubilo vero die , cum radios
suos sol mundo absconderit, sive in monaste-
rio, sive in via, sive in agro, perpensatione
borarum tninsarta, fralres sestiment, et quaevis
bora sit, consuelum tamen compleatur offi-
cium. Et sive ante, sive rétro a certa hora di-
ctum sit, consuetum hors opus, tamen non
pratereat, sed agatur. »
VI. Quand les religieux n'auraient pas em-
prunté du clergé cette loi inviolable de ne point
se dispenser des offices divins pendant leurs
voyages , ils la lui auraient au moins commu-
niquée. Saint Césaire même nous montrera
par son exemple que ce nombre innombrable
de clercs qui avaient été tirés du cloître , por-
tait dans le clergé les mêmes pratiques saintes
qu'ils y avaient apprises.
C'est ce que nous apprend l'auteur de la vie
de ce saint , qu'ayant été tiré de Lérins et or-
donné prêtre dans l'église d'Arles, il continua
d'y pratiquer tout ce qu'il avait appris dans la
retraite de Lérins. « Pi imum diaconus, deinde
presbyter ordinatur , nec unquam tamen ca-
nonicam monachi modulationem, nunquam
Lerinensium fratrum instituta reliquit(Sunus,
die 27 Aug., 1. i, c. -4 ). »
La suite de la vie de ce saint évêque fait voir
qu'il ne manquait point toutes les nuits de ré-
citer ses nocturnes avec son diacre à l'heure
réglée, et qu'il ordonna qu'à l'avenir les clercs
chanteraient tierce, sexte et none en public ,
afin que les pénitents et les laïques y pussent
assister (L. u, c. 3 ; 1. 1, c. 6). Les clercs les ré-
citaient donc auparavant en particulier.
VIL Les monastères d'Orient ont toujours
été considérés comme la source des vertus et
des constitutions monastiques. Ces deux arti-
cles de faire apprendre à tous le psautier et de
réciter les heures canonialesquelque part qu'on
se trouvât y étaient observés avec une très-
exacte fidélité.
L'admirable saint Sabas avait un monastère
pour ses novices qui venaient de quitter le
monde, pour les accoutumer à la vie religieuse
et leur faire apprendre le psautier. « Parvo
cœnohio extructo, cum ei prœfeeisset viros in-
dustrios, hoc habitandum tradidit eis qui e
mundo recens ventitabant, donec ipsum psal-
terium didieissent, et se exercuissent in alia
monachorum vite institutione ( Cap. xxxvi,
Surius, die S Decemb. ; cap. xcviu). »
Lorsque ce saint reçut pour son disciple le
jeune Cyrille de la main de ses parents, c'est
celui qui a écrit sa vie, la première chose qu'il
lui recommanda ce fut d'apprendre le psau-
tier, u Hic exhinc est meus discipulus. Do-
ceatur ergo psalterium. Eo enim opus ha-
beo. »
L'exactitude que ce saint homme exigeait de
ses religieux à réciter leur office dans les pays
les plus éloignés, et parmi les plus fâcheux
embarras d'affaires parait fort clairement par
celle qu'il pratiqua lui-même dans la cour de
Juslinien à Constantinople. Il y était venu pour
des affaires de la dernière importance , et il y
avait trouvé l'empereur très-favorable à ses
désirs. Dans le temps même que l'empereur
en délibérait dans son conseil avec saint Sabas
même, qu'il y avait appelé, ce saint homme se
déroba à l'heure de tierce et alla réciter son
office à l'écart, o Cum jam venissel hora tertia
relicto imperatore, Deo seorsum reddebat pre-
ces solitas, vacans sacris divini David psalmis
(Cap. XCVl). » L'un de ses disciples ayant pris la
liberté de lui dire qu'il ne fallait pas quitter
l'empereur au moment qu'il travaillait avec
tant de bonté pour lui, ce saint homme lui ré-
pondit avec autant de naïveté que de sagesse
que l'empereur faisait ce qu'il devait, et lui
donnait exemple de faire aussi son devoir.
« Non est hoc alienum , inquit, o fili. Nam et
L'OKICINE DE L'OFFICE DIVIN, etc.
227
ipse facit, quod ci convenit, et nos omnino id
quod debemus. »
VIII. Ce même empereur Justinien lit une
constitution par laquelle il obligea tous les
clercs, connue étant tous liés à quelque église,
d'y chanter les divins oflices de la nuit , du
matin et de vêpres, puisque les laïques s'y trou-
vaient souvent eux-mêmes sans y être forcés
par d'autres raisons que celles de leur propre
salut, puisque les fondateurs n'avaient doté ces
églises que pour y entretenir une éternelle
louange de Dieu ; enfin puisque les ecclésiasti-
ques ne doivent pas paraître ecclésiastiques ou
bénéliciers par la seule cupidité de s'enrichir
des revenus de l'église.
a Sancimus ut omnes cleriei , per singulas
ecclesias constituti , per seipsos psallant no-
cturna, et matutina, et vespertina , ne ex sola
ecclesiasticarum rerum consumptione cleriei
appareant; nomen quidem habentes clerico-
nmi, rem autem non implentes cleriei , circa
liturgiam Domini Uei. Si enim multi laicorum
ut suœ animas consulant, ad ecclesias confluen-
tes , studiosi circa psalmodiam ostenduntur,
quomodo non fuerit indecens, clericos ad id
ordinatos , non implere suum inunus ? Qua-
propter omnimodo clericos psallere jubemus ,
et ipsos inquiri a Deo amantissimis pro tem-
pore episcopis, et duobus primis prèsbyteris
cujusque ecclesia1, etabeoqui vocatur archon,
vel exarchus, et ab eedico, sive defensore cu-
jusque ecclesiae, et eos qui inventi non fuerint
inculpate in liturgiis persévérantes, extra cle-
rum constitui. Nain qui constitueront, vel fun-
darunt sanctissimas ecclesias, pro sua sainte et
communis reipublicaBreliquerunt illis substan-
tias, ut per eas debeant sacrae liturgiœ lîeri, et
ut in illis a ministrantibus piis clericis Deus
colatur (Cod. lib. i, leg. -il).»
IX. Il a été nécessaire de rapporter toute
cette constitution impériale , quelque longue
qu'elle puisse paraître à ceux qui n'y font pas
toutes les réflexions qu'elle mérite.
Il y faut considérer : 1° Qu'elle embrasse ab-
solument tous les ecclésiastiques et tous les
bénéliciers parce que leur ordination les atta-
chait tous à quelque église , et dans chaque
église on faisait pour le moins ces trois oflices
différents tous les jours à vêpres , la nuit et
le matin. Les paroles de la constitution disent
clairement tout cela et nous en avons ailleurs
donné assez de preuves.
2° Que si cette constitution ne parle pas des
clercs qui ne peuvent assister aux oflices pu-
blics, ou parce qu'ils sont malades , ou parce
que les affaires de leur église les en fontabsen-
ter, les raisons qu'elle rapporte font assez voir
ce qu'il en faut juger. Mais puisque les absents
ou par indisposition, ou pour affaires, ne lais-
sent pas d'être entretenus du revenu de l'église,
il est juste que par leurs prières ils tâchent de
satisfaire à l'intention des fondateurs qui ont
moins considéré la pompe et l'éclat du service
de l'église qui se fait en public, que les larmes,
les gémissements , et les prières secrètes des
bons ecclésiastiques, qui peuvent attirer les
bénédictions du ciel sur eux et sur toute l'E-
glise.
3° Si cette loi n'oblige pas à restitution les
bénéficiées qui ont manqué à l'office, c'est
que leurs revenus ecclésiastiques ne consis-
taient encore qu'en distributions manuelles,
qui se consumaient en même temps. Mais en
les privant de leur bénéfice , elle montre bien
qu'on ne peut avec justice retenir les revenus
de l'église, et ne pas s'acquitlerdela plus indis-
pensable charge qui est la prière.
4° Celte loi dit formellement et excellemment
tout ensemble , que l'essence et l'âme de la
cléricature, c'est la prière des heures canoniales;
ainsi ceux qui la négligent n'ont que le nom
d'ecclésiastiques, « Nomen quidem habentes
clericorum, rem autem uon habentes cleriei,
circa liturgiam Domini Dei. »
5° Elle montre bien, par le nombre des sur-
veillants qu'elle établit, combien elle prend à
cœur l'assistance aux offices. Elle ordonne que
l'évêque, les deux premiers prêtres, wpuToitpeopû-
tejgi Siw, le doyen de chaque église particulière,
qui est appelé ArchonoyExarckus, et le défen-
seur prennent ce soin. Enfin cette loi, et dans
les termes dont elle use, et par les raisons
qu'elle emploie, embrasse absolument tous les
clercs et tous les bénéficiers , sans excepter
aucun, dans l'obligation des divins offices.
Cela nous fait dire que cette obligation n'a
jamais été ni plus universelle , ni plus étroite
qu'en ce temps-la , où plusieurs personnes
plus hardies que savantes de ce siècle , se
sont persuadées qu'il était difficile de la trou-
ver.
Cette loi enferme tous les clercs, parce qu'a-
lors ils étaient aussi en même temps tous béné-
ficiers, et elle les condamne à être déposés s'ils
manquent à ce devoir. Si l'on répond qu'il n'y
est parlé que du chant des offices publics, c'est
228 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME.
encore un autre point d'une sévérité plus
grande, que tous les clercs fussent obligés non-
seulement aux offices , mais aussi aux offices
publics de la nuit aussi bien que du jour.
Eneffetil est certain, par le texte de cette loi,
par plusieurs preuves répandues jusqu'à pré-
sent dans tout cet ouvrage , et par celles qui
nous restent à déduire en leur temps, que
l'on ne bâtissait aucune église qu'en même
temps on ne la dotât suffisamment pour y
entretenir un nombre de clercs qui y fissent
l'office : et qu'on n'ordonnait point de clerc qui
ne fût en même temps asservi à une église et à
ses offices.
X. C'est la véritable raison pourquoi on a si
rarement parlé en ces premiers siècles, et qu'on
a fait si peu de canons pour la récitation se-
crète des offices. Tous les clercs étant obligés
par leur ordination à résider dans une église
et y assister aux offices, on se mettait peu en
peine de régler les cas particuliers où on ne
pouvait pas y assister. Mais depuis qu'une
grande partie du clergé s'est cru dispensée de
la résidence dans une église, et que plusieurs
églises ont été fondées sans qu'on y fondât
l'office canonial de tous les jours , il a été né-
cessaire de s'expliquer plus clairement aux
bénéliciers de leur obligation â satisfaire , au
moins par leurs prières secrètes, aux charges
de leurs bénéfices, et aux intentions des fon-
dateurs.
XI. Le concile in Trullo (Can. lxiii) défend
de lire dans l'église les fausses histoires des
martyrs, et insinue par là qu'on y lisait celles
qui étaient bien avérées. 11 recommande aussi
la modestie dans le chant, et qu'on n'y lise
rien qui ne soit propre à l'église (Can. lxxv).
Enfin il défend d'ajouter au trisagion ces pa-
roles : « Qui crucifixus es pro nobis, miserere
nobis, » pour ne pas imiter l'impie Pierre le
Foulon, qui avait fait cette innovation (Can.
lxxxi).
XII. La règle de saint Pacôme prescrit aux
moines absents la récitation des heures cano-
niales quelque part qu'ils se trouvent. « Et si
in navi fuerit, vel in monasterio, et in agro,
et in itinere, et in quolibet ministerio, orandi
et psallendi tempora non pnetennittet (Cap.
cxi.ii). »
Celle, de saint Rasile dit la même chose : « Si
quis circa cellarium vel coquinam, vel alia hu-
juscemodi opéra occupatus est, et non occurrat
adesse ordini psallentium vul ad orationem, etc.
Si corporaliter non occurrerit adesse cuni ese-
teris, ad devotionis locum, inquocumque loco
fuerit, quod devotionis est expleat (Cap. cvn).»
CHAPITRE SOIXANTE-DIX-NEUVIEME.
l'assiduité des laïques aux offices divins, d'où on peut encore conclure celle des
ecclésiastiques, aux sixième, septième et huitième siècles.
I. Les laïques assistaient aux offices du jour et de la nuit.
II. Us n'entraient point dans le clurtir, si ce n'est pour com-
munier, et l'empereur pour faire son offrande.
III. Pourquoi saint lîasilc n'imita pas saint Ambroise.
IV. V. Diverses preuves de Grégoire de Tours, pour l'assis-
tance du peuple aux offices du jour et de la nuit.
VI. VII. Vives instances de saint Eloi et de saint Césaire pour
cela.
VIII. Et pour porter les laïques à la lecture des livres saints.
IX. Saint Césaire fait dire à l'église tierce, sexte et DOoe
pour le peuple.
X. XI. XII. XIII. Autres preuves de divers auteurs.
XIV. XV. On passe dans l'Orient, et on y remarque la même
assiduité du peuple aux offices. Pourquoi on institua plus tard
dans l'église le chant de tierce, sexte et noue, où les laïques
ne pouvaient pas aisément se trouver.
1. Les laïques mêmes faisaient paraître une
assiduité aux offices divins qui nous persuade
encore mieux de celle des ecclésiastiques.
Saint Jérôme, pour exprimer la conversion
des Huns, aussi bien que des autres nations
barbares, à la religion chrétienne, dit qu'ils
apprenaient le psautier. « Hunni psalterium
discunt (Epist. vu). » Il suffisait donc d'être
L'ASSIDUITÉ DES LAÏQUES AUX OFFICES DIVINS, etc.
22'J
fidèle pour être obligé au culte divin par une
psalmodie religieuse.
Le concile 11 de Tours (Can. iv), suppose que
les laïques assistent aux vigiles même de la
nuit et aux autres offices, quand il leur défend
de s'y mêler avec les clercs et les chantres, qui
sont les plus proches de l'autel, à moins qu'on
ne les laisse approcher pour recevoir l'Eucha-
ristie.
« Ut laici secus altare, quo sacra mysteria
celebrantur, inter clericos tam ad vigilias,
quam ad missas, stare penitusnon présumant.
Sed pars illa quae a cancellis versus altare divi-
ditur, choris tantum psallentium pateat cieri-
corum. Ad orandum vero et communicandum
laicis et feminis, sicut mos est, pateant Saneta
Sanctorum. »
J'ai dit qu'on laissait approcher les laïques et
les femmes mêmes pour recevoir la commu-
nion, car on mettait encore une différence et
un intervalle considérable entre les clercs et
les laïques même pour la communion. Quoique
les laïques approchassent de l'autel pour com-
munier, ils n'en approchaient pas de si près
que les clercs, ils n'entraient pas dans le sanc-
tuaire où les prêtres et les diacres commu-
niaient, ils ne s'avançaient pas même jusqu'au
lieu où les moindres clercs recevaient la com-
munion. Témoin le concile de Drague (Can.
xm) : « Placuit ut intra sanctuarium altaris in-
gredi ad communicandum non liceat laicis. xi-
ris vel mulieribus, nisi tantum clericis, sicut
et antiquis canonibus statutum est. »
Le concile IV de Tolède (Can. xvu), veut que
le prêtre et le diacre communient à l'autel, le
clergé dans le chœur, le peuple hors du chœur,
a Eo videlicet ordine, ut sacerdos et levitaante
altare communicent, in choro clerus, extra
chorum populus. »
Les évêques du concile in Trullo (Can. lxix),
interdirent à la vérité l'entrée du chœur à tous
les laïques, mais ils exceptèrent l'empereur
de cette défense pour se conformer, ce qu'ils
disent, à l'ancienne tradition. « Nulli liceat, qui
quidem sit in laicorum numéro, intra septa
sacri altaris ingredi ; nequaquam tamen ab eo
prohibita potestate et autoritate imperiali ,
quandoquidem voluerit creatori doua offorre,
ex antiquissima traditione. »
II. On sait que saint Ambroise fit sortir l'em-
pereur Théodose du chœur, après qu'il eut fait
son offrande, et que cet empereur voulant après
cela user de la même modestie à Constanlino-
ple, et Neclarius le priant de ne pas sortir du
chœur, il lui répondit qu'Ambroise lui avait
appris la différence d'un empereur et d'un évo-
que, et qu'il ne connaissait qu'Ambroise d'évê-
que (Theodoret., 1. v, c. 17).
Voilà ce que Theodoret dit à cette occasion, à
quoi se rapporte ce qu'en a dit Sozomène, qui
en parle plus nettement. Il dit qu'Ambroise
jugeant que ce ne pouvait être que la flatterie
ou le renversement de l'ordre qui eût donné
place h l'empereur entre les ecclésiastiques,
changea cet ordre ou plutôt corrigea ce désor-
dre en plaçant l'empereur devant le balustre,
en sorte qu'il fut placé devant les laïques, mais
après le clergé; queThéodose approuva ce règle-
ment, que ses successeurs le confirmèrent, et
qu'on l'observait encore de son temps.
« Moris erat, ut imperatores dum sacris in-
téressent, in sacrario sederent, majestatis ergo
a populi consortio separati. Ambrosius autem
cousiderans eam consuetudinem vel ex assen-
tatione, vel ex ordinis perturbatione esse na-
tam, imperatori in ecclesia locum assignavit
ante sacrari cancellos, ita ut populum impera-
tor, imperaturem sacerdotes ordine sedis ante-
cederent. Hanc autem optimamconstitutionem
Theodosius imperator approbavit, et successo-
res ejus corroboraverunt, ac nos eam ex eo
usque tempore conservatam cernimus (Sozom.,
1. vu, c. -2o). »
Théodose le Jeune, dans une loi qui se lit
après le concile d'Ephèse, et qui regarde les
asiles, proteste qu'il n'approchait de l'autel
que pour faire son offrande, et qu'il se retirait
d'abord. « Ad sacra altaria munerum tantum-
modo offerendorum causa accedimus, et cum
circumseptum sacrorum aditum ingressi su-
mus, statim egredimur, nec quidquam ex pro-
pinqua divinitate nobis arrogamus. »
En effet, le canon du concile in Trullo, dont
nous parlons, ne permet pas à l'empereur de
s'arrêter dans le sanctuaire, mais seulement
d'y entrer pour faire son offrande.
III. Si saint Dasile fit arrêter l'empereur Va-
lens dans le chœur des ecclésiastiques, après
qu'il eut fait ses présents à l'autel, comme
Theodoret le raconte , il faut croire que ce fut
par la même sage condescendance, qui lui fit
recevoir à l'autel les offrandes de celui qui était
le plus cruel persécuteur de la piété et de la
véritable religion. « Valens recte ad templum
se confert, et consueta doua allari offert. Basi-
lius autem eum intra sacra aultua, ubi ipse se-
230 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME.
débat, venire jubet, etc. (L. iv, c. 17). » On ne
peut tirer à conséquence cette séance, non plus
que l'offrande qui l'avait précédée.
IV. Il est temps de finir cette agréable digres-
sion, et de retourner où nous en étions tou-
cliant l'assistance du peuple aux offices de jour
et de nuit. Nous apprenons de Grégoire de
Tours le concours du peuple pour assister aux
heures canoniales de la nuit et du jour :
« Venientibus ad matutinos hymnos populis
(L. h hist., c. 7). » Et ailleurs : « Signum
ad matutinas motum est, eratenim dîes Domi-
nica (L. m, c. 15). » Et encore ailleurs : « Pri-
die calendas Februarias, cum die Dominico ad
urbeni Turonicain ad matutinas signum com-
motum fuisset, et populus surgens ad eccle-
siam conveniret (L. vi, c. 25). » Et dans un
autre ouvrage : « Noctem Dominicain dum
sacrosanctis vigiliis populi fuies devota concé-
lébrât, increpita est millier, cur reliquis noctur-
nas excubias Deo exhibentibus, illa deesset
(De glor. martyr., 1. n, c. «)). » Et plus bas :
a Ad beati martyris basilicam vigilias fideliter
celebravit (Cap. n). » Et plus bas : « Ad festivi-
tatem beati martyris devotus pauper advene-
rat, ac vigiliis immobilis instans, noctem cum
cœteris orando deduxit. Inlucescente vero cœlo
ad metatum digressus (Cap. xxi). » Et encore
plus bas : « Exacta cum sacris hymnis, modu-
îisque cœlestibus nocte, celebratis etiam mis-
sarum solemniis (Cap. xxxv). » Et en un autre
de ses ouvrages : « Celebratis in ejus honorem
vigiliis, cum arcliipresbyter loci Eulalius cle-
ricos convivio invitasset (De glor. confess.,
c. v). »
On faisait des festins aux jours de fête, et
surtout après les vigiles, comme ces derniers
passages en font foi. Dieu y a quelquefois auto-
risé par des miracles ces réjouissances dont la
sobriété, la modestie et la piété étaient le prin-
cipal assaisonnement.
V. Le même auteur, parlant d'une reine qui
avait eu recours à saint Martin : « Deducta in
vigiliis nocte, et orationibus ac profluis lacry-
mis, mane oblatis muneribus multis, in hono-
rem beati confessons missas expetiit celebrari
(Mirac. beati Martini, 1. i, c. 12). » Et plus bas :
» Millier clauda, ad beati Martini pedes depo-
sita, nocte tota cereuin manu pro voto deti-
nuit, nobia in basilica vigilantibus, mane au-
tem facto, moto matutinis signo, etc. (L. u,
c. II). » Et plus bas : « Nox erat illa vigilia
transitus confessoris. Media) noctis tempore
transncto, stupente populo, etc. (Cap. xxxi). »
Et ailleurs : Veniens ad eellulam Condatensem,
in qua lectus beati viri babetur, dum ibidem
nocte Dominica vigiliae celebrarentur, subito
oranle populo, sensit, etc. (Cap. xlv). » Et en
un autre endroit : « In una Dominicarum
nocte, etc. Interea beati signum movetur lioris
matutinis, adgregatur et populus, vigiliisque
celebratis, virtus sancti clarificata perpatuit
(L. m, c. 23). »
Tout ce détail nous fait connaître que les
veilles des grandes fêtes et du samedi au di-
manche on passait les nuits entières en prières
dans l'église, que le peuple s'y trouvait avec le
clergé, que les particuliers passaient aussi la
nuit dans les lieux de dévotion, pour acquitter
leurs vœux, qu'à la pointe du jour on sonnait
matines, c'est-à-dire les laudes, et que le peu-
ple y accourait, même en hiver.
VI. Saint Eloy, évêque de Noyon, dans un
de ses sermons adressés au peuple et aux péni-
tents, déclare que tous les fidèles doivent aspi-
rer à cette prière continuelle à laquelle l'Apô-
tre les a conviés, et que le plus propre moyen
d'y arriver, c'est d'assister à toutes les heures
canoniales qui sont répandues dans toutes les
parties du jour et de la nuit.
« Cui ergo dicendum est , Oportet semper
orare et non defieere, nisi ei, qui canonicis lio-
ris quotidie juxta ritum ecclesiastica1 Iraditio-
nis, psalmodiis precibusque consuetis Domi-
num laudarc, et rogare non desistit. Et hoc est
quod psalmista dieebat : Renedicam Dominum
in omni tempore, semper laus ejus in ore meo
(Hom. xi). »
VIL Saint Césaire, évêque d'Arles, remon-
trait à son peuple qu'il ne devait sortir de
l'église qu'après la consécration du corps et
du sang de J.-C., après l'Oraison dominicale et
après la bénédiction. « Qui vult missas ad inte-
grum cum lucro su;e anima1 celebrare, usque-
quo oratio dicatur, et benedictio populo detur,
humiliato corpore et compuncto corde se débet
in ecclesia continere (Hom. xn). »
Ce Père passa bien plus avant, car il protesta
qu'on pèche, si on n'emploie la journée entière
du dimanche à écouter Dieu par la lecture, ou
a lui parler dans la prière : et il en conclut
que l'on a donc bien tort d'y plaindre une
heure ou deux à la messe : « Ad extremum si
toto die Dominico lectioni insistere et Deo sup-
plicare negligimus, non leviter in Deum pec-
cainus : quantum mali est, si vel unius, vel
L'ASSIDUITÉ DES LAÏQUES AUX OFFICES DIVINS, etc.
.231
duarnm horarum spalio, cuin divina mysteria
celebrantur, in Ecclesia standi patientiam non
habemus. »
Il paraît par ces termes que 'c'était des ce
temps-là un crime de manquer à la messe les
dimanches, quoique les messes durassent une
ou deux heures, parce qu'on les disait avec so-
lennité, et on n'en disait pas si grand nombre
comme on a fait depuis. Mais, outre la messe,
ce l'ère assure que c'est un péché qui n'est pas
léger, « non leviter in Deum peccamus, » c'est-
à-dire, que ce n'est pas une des moindres fau-
tes entre les vénielles, de s'absenter de tout
l'office canonial les jours de dimanche, et ne
pas employer saintement toute cette sainte
journée. Les fidèles avaient encore en main les
Ecritures, et ils les lisaient dans leurs maisons,
« Nam lectiones sive propheticas, sive apostoli-
cas, sive evangelicas etiam in domibus vestris,
aut ipsi légère, aut alios legenles audire potes-
tis. »
VIII. Ce Père emploie des termes et des ar-
guments bien plus pressants en un autre ser-
mon pour porter tous les laïques à la lecture
des Ecritures et à la psalmodie durant le jour
et la nuit, sans que les plus grossiers puissent
s'en excuser. On pourra facilement après cela
conjecturer quelle nécessité on imposait aux
clercs de s'y appliquer, puisqu'on usait de si
pressantes exhortations envers les simples fidè-
les et envers les laboureurs mêmes.
Tous ceux qui savent lire, dit ce Père, peu-
vent aisément avoir les livres saints, et ils doi-
vent s'y appliquer. Ceux qui ne savent pas lire
doivent avoir quelqu'un qui leur lise les vérités
du ciel et de l'éternité, puisqu'ils n'épargnent
rien pour avoir des gens de lettres pour dé-
brouiller leurs procès, et les aider à conserver
ou à acquérir les biens périssables de cette vie
mortelle.
Quand les nuits sont les plus longues, il n'y a
personne qui ne puisse lire ou se faire lire
pour le moins l'espace de trois heures. Il n'y a
point de paysan si grossier, ni de femme si
ignorante, qui ne puisse apprendre et réciter
souvent le Symbole, l'Oraison Dominicale, le
psaume cinquantième, le nonantième ; ces
divins cantiques ne sont pas plus difficiles à
apprendre, ni moins délicieux que tant de
chansons profanes , dont les chrétiens désho-
norent leur bouche et leurs oreilles.
« Lectionem divinametiamsialiquisnesciens
litteras non potest légère, pu test tamen legentem
iibenter audire. Qui verolitterasnovit. numquid
potest fieri, quod non inveniat libros, quibus
possit Scripturam divinam légère? Tollamus
a nobis fabulas vanas, mordaces jocos, ser-
mones otiosos, ac Iuxuriosos, et videamus, si
nobis non remanet tempus , in quo lectioni
divins vacare possimus, etc. Quando noctes
longiores sunt, quis erit qui tantum possit
dormire, ut lectionem divinam vel tribus horis
non possit aut ipse légère, aut alios legentes
audire, etc. Novimus aliquos negotiatores, qui
cum litteras non noverint, requiruntsîbi mer-
cenarios litteratos, et cum ipsi litteras nesciant,
aliis scribentibus ratione sua ingentia Iucra
conquirunt. Quare ergo non cum pretio et
mercede rogas , qui tibi debeat Scripturas
divinas relegere. ut ex illis possis prœmia
œterna conquirere ? Vos ergo fratres rogo et
admoneo, ut quicumque litteras scitis, Scri-
pturam divinam frequentius relegatis : qui vero
non scitis, quando aliilegunt, intentisauribus
audiatis. Lumen enim anima' etcibusœternus,
non est aliud, nisi verbum Dei, sine quo anima
ueevidere potest, nec vivere, etc. Quam multi
rustici, et quam multa mulieres rusticanœ can-
tica diabolica et turpia et amatoria décantant?
Ista possunt tenere, atque parare, quae diabo-
lus docet, et non possunt tenere, quodChristus
ostendit? Quantoceleriuset melius quicumque
rnsticus, vel quaecumque mulier rustieana ,
quanto utilius poterit et Symbolum discere et
Orationem Dominicam, et aliquas antiphonas
et psalmum quinquagesimum, vel nonagesi-
nmm, et parare, et tenere, et frequentius dicere,
unde animam suam et Deo conjungere et a
diabolo liberare possit (Hom. xx). »
On peut lire les autres homélies de ce Père,
où il convie les fidèles de venir avant le jour
dans l'église, d'y fléchir les genoux toutes les
fois que le diacre dit flectamus genua , et de
baisser la tète toutes les fois qu'il dit, iyiclinate
capita vestra Deo (Hom. xxxm, xxxiv). Mais la
remarque qu'il ne faut pas omettre est des
dernières paroles de ce Père, où il remontre aux
plus ignorants et aux plus grossiers qu'ils
peuvent au moins apprendre le Symbole, l'O-
raison Dominicale, le Miserere, et par la fré-
quente répétition de ces prières s'entretenir
longtemps avec Dieu (Hom. xx). C'est à quoi on
s'est réduit dans ces derniers siècles; et c'estee
que ce Père avait commencé d'établir.
IX. L'auteur de la vie de saint Césaire (Cap.
vi) qui avait été son disciple, assure qu'il ins-
232 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME.
titua que les clercs chantassent tous les jours
tierce, sexte et none dans l'église de Saint-
Etienne , afin que les laïques et les pénitents
pussent tous les jours assister à tout l'office
divin, a De cunctorum profectibus sollicitus et
providus pastor ; mox instituit, nt quotidie
terti;u et sexta? et nonoe offlciuiu in sancti Ste-
phani basilica clericicum hymnis persolverent,
ut si quis forte SBCCiilariuni vel pœnitentiuin
sanctum opusexercere cuperet, absque excusa-
tionealiquaquotidiano possetofticio interesse. »
Le zèle infatigable de ce saint n'en demeura
pas là: il faisait chanter les laïques dans l'église
aussi bien que les clercs, afin que les psaumes
et les hymnes, ou les proses en grec ou en
latin fussent leur unique et leur céleste occu-
pation dans les églises. « Voluit vero atque
etiam compulif laicos et saeculares homines,
psalmos et hynmos promere, allaqueet modu-
lata voce, instar clericorum, alios grœce, alios
latine prosas et antiphonas decantare, ne illis
spatium suppeteret ad fabulas in ecclesia cll'u-
tiendas(Cap. vin).»
Enfin ce saint évèque voulut que les malades
qui étaient dans l'hôpital entendissent le divin
office qu'on chantait dans la grande église.
« /Egrotis vero mire consuluit, amplissimis eis
assignatis œdibus in quibus sine ullo strepitu
divina officia, quœ in basilica peragebantur,
auscultare possent. »
X. Saint Germain, évèque de Paris faisait
paraître la même sainte ardeur de porter les
laïques à l'assistance et au chant des offices di-
vins. Venantius Fortunatus a fait une descrip-
tion admirable du clergé de Paris et de ses
offices : il n'y oublie pas ceux de la nuit, et la
foule du peuple qui chantait avec le clergé :
o Flagranti studio populum domus irrigatom-
nis, certatimque monent, quis prior ire valet.
Pontificis monitis clerus, plebs psallit, et in-
fans, etc. Sub duce Germano felix exercitus hic
est, etc. (Poematum, 1. m). »
XL Ce même auteur, dans la vie qu'il a écrite
de sainte Radegonde, nous représente cette
sainte reine aussi ponctuelle à réciter ses heu-
res canoniales qu'aurait pu être le plus fervent
de tous les ecclésiastiques, dans le temps
même qu'elle était encore dans le palais royal
(L.i,c. 2; Surius, August. die 13). Elle ne crai-
gnait point la nuit et le jour de quitter la com-
pagnie et la table du roi pour aller à l'écart
rendre ses devoirs au roi du ciel.
a Decursum vero decantando, etsi sederet in
prandio excusans se régi aliquo casu ut redde-
ret debitum , se subducebat convivio , quo
egressa Domino psalleret, etc. Itidem nocturne
tempore cum reclinaret cum principe, rogans
se pro humana necessitate velle consurgere, et
levans, egressa cubiculo, tandiu secretim ora-
tioni incumbebat, etc. »
On ne peut douter que ces saintes pratiques
des laïques, des grands seigneurs, des dames
et des reines même, qui récitaient l'office de
l'Eglise aux heures réglées, ne fussent une imi-
tation de ce que le clergé pratiquait.
XII. On a donné un traité des vigiles sous le
nom de saint Nizier, évèque de Trêves, où il
paraît que tout le peuple y assistait debout,
qu'on y permettait néanmoins aux infirmes
de s'asseoir; enfin qu'on veillait deux fois la
semaine, une partie de la nuit du samedi et de
celle du dimanche. « Vigilare itaque debent
sedenles, si slare non prœvalent, etc. Nec
onerosum vel difficile videri débet, etiam deli-
catis et infirmis corporibus, in septimana dua-
rum noctium, id est, sabbati atque Dominicaj
portionem aliquam Dei miuisterio depu-
tare, etc. (Spicilegii, tom. ni, pag. 2, 3, etc.). »
Un auteur anonyme de la vie de saint Léger,
évèque d'Autun, dit qu'Ebroïn fut tué un di-
manche matin lorsqu'il pensait aller à matines
selon la coutume. « Dies agebatur Doniiuica,
ideoque processurus erat ad matutinarum
solemnia (Saîcul. Rened., tom. n, pag. (J'.U . »
XIII. Saint Grégoire pape nous a fait voir, en
la personne de saint Servule, la pratique de
ces admirables conseils, que saint Césaire don-
nait aux plus ignorants et à ceux qui ne sa-
vaient pas lire. Car ce saint serviteur de Dieu
ne savait pas lire, mais la vraie piété , toujours
ingénieuse, lui fil trouver un innocent artifice
pour devenir savant dans les Ecritures et dans
la psalmodie, en exerçant l'hospitalité, et en
faisant exercer la charité spirituelle à ses
hôtes, par la lecture qu'ils lui faisaient des
Ecritures.
« Nequaquam litteras noverat, sed Scriptural
sacrae sibimet codices emerat, et religiosos
quosque in hospitalitatem recipiens hos co-
ram se studiose légère faciebat. Factumque est
utjuxta modum suuni plene Seripturam sa-
crum disceret, cum sieut dixi, litteras funditus
ignoraret. Studebat semper in dolore gratias
agere, hymnis Deo et laudibus diebus ac noc-
tibus vacare, etc. Cum jam se raorti proximum
agnovisset peregrinos viros, atque in hospita-
L'ASSIDUITÉ DES LAÏQUES AUX OFFICES DIVINS, etc.
■j:::;
litatem receptos admonuit, ut surgerent et
cuni eo psalmos decantarent Dialog., 1. iv ,
c. 1 i . »
XIV. Disons un mot de l'Eglise grecque, où
le concile in Trul/o ((".an. lxyi , nous apprend
que le peuple devait passer toute la semaine
de Pâques, et il faut juger de même de toutes
les fêtes et tous les dimanches de l'année, en
prières, en psalmodie et à lire les Livres saint?.
« A sancta Ctiristi Dei nostri résurrection is die
usque ad novam Dominicain diem tôt i septi-
mana in Ecclesiis vacare fidèles jugiter oportet
psalinis et hymnis et spiritalibus canticis, divi-
narum Scripturarum lectioni mentem adhiben-
tes, et sanctis mysteriis jucunde foventes.
Justinien a dit, dans le chapitre précédent,
que c'était une loi indispensable pour les ecclé-
siastiques de chanter les divins offices dans
l'église, puisque les laïques mêmes leur en
donnaient l'exemple par leur fidèle assistance.
C'est l'argument que nous faisons valoir dans
ce chapitre pour montrer que les bénéficiers
étaient indubitablement obliges à l'office cano-
nial, puisque les évêques zélés pressaient avec
tant d'instance et avec une sainte importu-
nité les personnes séculières même de s'y trou-
ver.
XV. Celui qui a composé la vie de saint
Porphyre, évêque de Gaza, nous décrivant les
veilles de la nuit que ce saint prélat indiqua
une fois pour une nécessité extraordinaire, dit
qu'on y fit trente prières et trente génuflexions
durant cette nuit, outre les prières ordinaires
des veilles. Mais l'admirable Jean l'Aumônier,
patriarche d'Alexandrie, nous apprendra bien
mieux l'assiduité des fidèles aux veilles saintes
de la nuit. Il fonda deux petits monastères pies
de deux oratoires d'Alexandrie, afin que les
moines y fissent les offices de vêpres et de la
nuit à son intention, et lui en cédant le mérite,
eussent pour eux tout le fruit de leurs autres
prières en particulier. Cet exemple de veiller
les nuits en psalmodiant se répandit dans toute
la ville d'Alexandrie, qui devint comme un
grand monastère, où de toutes parts le chant
des psaumes rompait agréablement et sainte-
ment le silence de la nuit.
« Vespertina et nocturna vigilia mihi apud
Deum imputetur. Quidquid vero iu cellulis
vestris officii feceritis, pro vestris sil animabus;
hoc autein fecit, volens sollicitiores efficere Dei
amicos monachos. Unde et permansit Deo t dis
grata constitutio ordinum, et ad simili tudinem
monasterii ex his civitas pêne vivit, in diversis
locis pervigiles hymnodias Keo referons Cap.
XII V,. »
Ce saint pasteur quitta un jour l'autel et la
messe pour suivre le peuple qui en sortait
après l'évangile, et pour l'y arrêter à l'avenir,
en leur disant qu'il pouvait bien dire la messe
pour lui dans l'evèche, mais qu'il la disait en
public afin qu'ils y participassent par leur pré-
sence et par leur piété. « Ego propter vos des-
cendu in sanctam ecclesiam , nain poteram
facere mihimet missas in episcopio Can. xli).b
Ce- deux passages nous font voir des messes
particulières et des offices récités en secret par
les évêques. par les clercs et par les religieux,
outre le service public qui se faisait pour le
peuple ; de sorte que si l'office public était pour
le peuple, il en faut conclure qu'autant que le
clergé est plus obligé de prier, et de prier plus
longtemps que le peuple, autant il est certain
qu'il y a toujours eu des offices en particulier
pour les clercs.
C'est peut-être pour cela que la récitation ou
le chant de tierce, sexle, none, n'a pu s'instituer
en public qu'après les autres heures, parce que
les personnes engagées dans le tumulte et
l'embarras du siècle peuvent plus difficilement
se rendre aux églises durant ces heures-là, et
ils le peuvent sans comparaison plus facilement
aux heures du soir, de la nuit ou du matin.
231
DU SECOND ORDRE DES CEERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGTIÈME.
CHAPITRE QUATRE-VINGTIÈME.
DES CHANTRES ET DU CHANT DES OFFICES DIVINS SOUS CHARLEMAGNE.
I. Règles admirables de Crodogangus et du concile d'Aix-la-
Chapelle pour le chant des offices divins.
II. Le roi Pépia introduisit eu France le chant de l'Eglise ro-
maine.
III. Charlemagne continua cette louable poursuite, même pour
les offices divins, afin que cette uniformité d'offices affermit celle
de la foi.
IV. Charlemagne établit la même uniformité dans une partie
de l'Occident.
V. Diverses particularités de ce changement.
VI. I.e p'.us grand pape et le plus grand empereur, sainl Gré-
goire et Charlemagne, se sont extraordinairemenl appliqués à la
réformation du chant et des offices. Charlemagne était lui-même
modérateur du chœur.
VII. La chapelle du palais royal était la règle et le modèle
des autres églises.
VIII. Le saeramenlaire de sainl Grégoire apporté en France.
1\ Nonobstant tous ces efforts, il nous resta beaucoup de tra-
ces de l'ancienne diversité.
\. Agobard justifie l'Eglise de Lyon, dont tous les offices
étaient tirés île l'Ecriture., excepté son antiphonaire, dont Ago-
bard corrigea les meurs.
XI. Combien il importe, selon le même Agobard, qu'on s'ap-
plique encore plus à la contemplation de la vérité, qu'au
chaut.
I. Entre les clercs ou les bénéficiera infé-
rieurs, dont il a été traité en général dans les
chapitres précédents, les chantres demandent
des éclaircissements singuliers, tant à cause
du chani de l'Eglise, qui nous fournira la ma-
tière de ce chapitre; qu'à cause des offices di-
vins, oii nous nous trouverons engagés par une
suite nécessaire.
L'évêque Crodogangus nous a laissé les rè-
gles que les chantres devaient ohserver dans la
récitation et le chant des psaumes, afin que par
la douceur de leur voix et la suavité de leur
psalmodie, ils ne cherchassent pas à flatter les
oreilles, mais à toucher le cœur des fidèles.
C'est pour cela qu'on élevait moins la voix
dans le chant des psaumes et qu'on affectait
une simplicité et une modestie plus grande
que dans les autres parties de l'office divin. Ce
qui donne sujel de croire que ce chant mo-
deste et édifiant approchait beaucoup d'une
simple récitation , ce que saint Augustin a au-
trefois loué dans l'Eglise d'Alexandrie au temps
de saint Athanase.
Les chantres doivent avoir beaucoup d'é-
gard au nombre des clercs , et à la qualité des
oflices, et à la longueur ou à la brièveté du
temps pour prolonger ou pour aceourcir le
temps de la psalmodie. D'où il résulte que
quelques oflices étaient chantés plus solennel-
lement que les autres, et encore plus solennel-
lement dans les églises où le clergé était plus
nombreux que dans les autres , et que tous les
clercs joignaient leur voix et leur chant à la
psalmodie dont les chantres étaient les maîtres
et les modérateurs.
Enfin, il y avait toujours une école où les
jeune? chantres apprenaient, des plus avancés,
ce qu'ils devaient un jour pratiquer et ensei-
gner aux autres. L'humilité que ce prélat re-
commande particulièrement aux chantres est
une preuve et rie l'estime qu'on faisait de cette
profession et du danger qu'il y avait que la va-
nité ne s'y glissât.
« Cantores itaque non propter donum sibi
collatum se ceeteris superbiendo prœferant ,
sed humiliter socios exhibeant. Et providen-
dum est illis, quando temperate, quando sub-
misse diyinum agatur offieium : scilicet ut
secundum numerum clericorum , et officii
qualitatem, et temporis prolixitatem, tantum
protendant et moderentur voces caeterorum.
Son uni etiam vocalium litterarum bene et or-
nate proférant. Hi vero qui hujus artis minus
capaces sunt, donec erudiantur, melius conve-
nu, ut sileant, quam cantare volendo quod
neseiunt, aliorum voces dissonare compèllant.
Psalmi namque in ecclesia non cursim , aut
in exeelsis, atque inordinatis seu intemperatis
voeibus, sed plane et lucide cmn compunctione
cordis recitentur, ut et recitantium mens illo-
rum dttlcedine pascatur, et audientium aures
illorum pronuntiatione demulceantur. Quo-
niam quamvis cantilenae sonus in aliis oflieiis
excelsa soleat fieri voce, in recitandis tamen
psalmis hujusmodi vitanda est vox, etc. Si vero
cantores superhi extiterint , et artem quam di-
vinitus adjuti didiccrunt, aliis insinuare re-
DES CHANTRES ET DE CHANT DES OFFICES DIVINS.
235
nuerint , graviter ac severe judicenlur, etc.
Plus velint in lectione et cantu populi sedifica-
tioneni, quam popularem vanissimam adula-
tionem [Régula Canonicor., c. i, li). »
Ce furent là les sages préceptes que le con-
cile d'Aix-la-Chapelle, tenu en 8 lO(Can.r.xxxvii),
sou? l'empereur Louis le Débonnaire, donna
aux chantres, les ayant indubitablement em-
pruntés de Crodogangus, qui fut fait évêque île
Metz par le roi Pépin le Bref, sous le règne du-
quel il mourut aussi, au rapport de Paul,
diacre, dans son histoire des é\êques de Metz.
Ce même auteur raconte que Crododangus
fut envoyé à Rome, par le roi Pépin, pour con-
duire en France le pape Etienne, selon l'ar-
dente passion que tous les Français en avaient;
qu'après cela, il persuada à tout son clergé de
vivre en communauté dans un même cloître .
leur prescrivit une règle et leur lit apprendre
le chant et les cérémonies de l'Eglise romaine,
ce qu'on n'avait point encore vu dans l'Eglise
de Metz. « Ipsumque clerum abundanter lege
divina Romanaque imbutum cantilena , mo-
rem atque ordinem Romanrc Ecclesiœ servare
prœcepit (Du Chesne , hist. Franc, t. u ,
p. 204). »
II. On ne peut pas douter que ce n'ait été le
même pape Etienne qui, pour satisfaire aux
pressantes instances du roi Pépin, donna des
chantres romains et introduisit la psalmodie
romaine dans les églises de France. Ainsi, ce
que Paul, diacre, semble rendre propre à Cro-
dogangus et à l'église de Metz fut en effet com-
mun à la plupart des évoques et des chapitres
de France.
Charlemagneen rend un irréprochable témoi-
gnage dans ses capitulaires : « Monacbi ut
cantum romanum pleniter et ordinabiliter per
nocturnale vel gradale offieium peragant, se-
cundum quod beatœ mémorise genitor noster
Pepinus rexdecertavitutfieret, quando Gallica-
num cantum tulit, ob unanimitatem Aposto-
licœ Sedisetsanctœ Dei Ecclesiœ pacificamcon-
cordiam (Capit. Car. Mag., 1. i, c. 80; Capitul.
Aquisg., an. 789, c. lxxx). »
Le moine de saint GaU attribue à Charle-
magne ce qui convient a Pépin son père, lors-
qu'il dit que le pape Etienne accorda douze
chantres romains aux instantes prières du roi
Pépin, après l'avoir couronné roi. « Adhue
omnes provincias , imo regiones, vel civitates
in laudibus divinis, hoc est in cantilena; mo-
dulationibus ab invicem dissonare perdolens ,
Stepbano papa, qui deposito et decalvato igna-
vissimo Francorum rege Childerico, se ad regni
gubernacula, antiquorum Patrum more per-
unxit, aliquos carminum divinorum peritis-
simos clericos impetrare curavit. Qui bonœ
illius voluntati et studiis divinitus inspiratis
assensum pra"'beus , secundum numerum xu
Apostolorum, deSede Apostolicaduodecim cle-
ricos doctissimos cantilena? ad eum in Fran-
ciam direxit (L. i, c. 10). »
III. Il est bon de faire un peu de réflexion
sur les raisons qui portèrent Pépin et Charle-
magne à faire ce changement si important
dans les offices divins des églises de leur
royaume.
La diversité du chant, des cérémonies et des
offices était si grande , non-seulement entre
les provinces et les pays, mais aussi entre les
villes d'un même pays et d'une même pro-
vince, qu'il ne se pouvait faire qu'elle ne cau-
sât ou du scandale, ou de l'incommodité entre
les églises si voisines, et dont les ministres sont
obligés d'avoir beaucoup de communication
entre eux.
Cette variété pouvait produire avec le temps
une division très-dangereuse dans la doctrine
même de la foi, qui est renfermée dans les di-
verses parties qui composent les offices et les
prières de l'Eglise. Ce ne fut donc pas sans
beaucoup de raison que ces deux grands rois
témoignèrent tant de passion pour faire recevoir
dans toutes les Eglises de leurs Etats, non-seu-
lement le chant, mais aussi les offices de l'E-
glise romaine, afin d'établir en même temps
une entière uniformité entre elles, et une par-
faite conformité avec la doctrine de l'Eglise
romaine, dont la foi a toujours été la plus
pure, comme dans sa propre source.
C'est ce que nous apprenons de l'empereur
Charlemagne même en ces termes. « A cujus
Romanse Ecclesiœ sancta et veneranda com-
munione multis recedentibus , nostrœ tamen
partis nunquam récessif Ecclesia , sed ea apo-
stolica traditione instruente, et eo a quo est
omne donum optimum, tribuente, semper
suscepitreveranda charismata.Quœdum a pri-
ons fidei temporibus cum ea perstaret in reli-
gionis sacra1 unione, et abea populo distaret,
quod tamen contra fidem non est, in oflicio-
nim celebratione, vener. mem. genitoris nostri
illustrissimi Pi pini régis cura et industria, sive
adventuin Callias sanctissimi viri Stephani Ro-
manae urbis antistitis, est ei etiam in psallendi
236 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGTIÈME.
ordine copulata : ut non esset dispar ordo
psallendi, quibus eral comparardor credendi :
et quae unitœ erant unius sanctae legis sacra
Lectione, essent etiam unitœ unius modulât ie-
nis veneranda traditione, nec sejungeret offi-
ciorum varia celebratio , quos conjunxerat
unicœ fidci piadevotio (L. i. Contra Synodum
Graecorum de imagin.). »
Ces paroles nous font connaître que ce ne
fut pas seulement léchant de l'Eglise romaine
que ces grands rois voulurent établir clanstout
leur royaume, mais qu'ils tâchèrent en même
temps d'y en faire recevoir tous les divins of-
fices, afin de mieux affermir l'uniformité in-
variable de la loi dans toutes les Eglises.
En effet, ce fut en ce temps-là que les Crées
commencèrent à contester sur la procession
du Saint-Esprit, que plusieurs Eglises d'Occi-
dent faisaient procéder du Fils dans l'addition
qu'elles avaient faite au symbole ; au lieu que
les Orientaux conçurent une égale aversion
pour cette addition, et pour la doctrine même
qui fait procéder le Saint-Esprit du Fils.
(Vite conjoncture ne faisait (pie trop voir,
combien la variété des offices divins pouvait
être dangereuse à l'unité d'une même foi.
IV.Charleinag ne acheva heureusement ce que
Pépin avait si sagement commencé, et fit éta-
blir l'ordre et le chant romain, non-seulement
dans les Eglises de Fiance, mais aussi dans
celles d'Italie, qui avaient jusqu'alors résisté à
nu dessein si avantageux, dans celles d'Alle-
magne, de Saxe et de quelques pays du nord.
Voici ce qu'en dit Charlemagne dans la suite
du même discours.
a Quod quidem et nos, collato nobis a Deo
ii gno llaliie fecimus, sanctae Romaine Eccle-
siae fastigium sublimare cupientes, reverendis-
simi papa' Adriani salutaribus exhortationibus
parère intentes : scilicet ut plures illius partis
Ecclesiac, quae quondam Apostolkee Sedis tra-
ditionem in psallendo suscipere recusabant,
mine eam cum onini diligentia amplectantur ;
et cui adhaeserant fidei munere , adbaereant
quoque psallendi online. Quod non solum om-
nium Calliarum provinciœ, et Germania, sive
Italia, sed etiam Saxones, et quaedam Aquilo-
naris plagœ gentes, per nos Deo annuente ad
fidei rudimenta conversa1, facere noscuntur
(Ibidem). »
v. La chronique d'Angoulème (Anno 787)
particularise davantage cette histoire. Charle-
magne obtint du pape Adrien deux chantres
romains, qui avaient été instruits dans l'école
du saint pape Grégoire , et qui apportèrent
avec eux deuxantiphonairesnotés de la propre
main de saint Grégoire, de la note romaine :
l'un d'eux fut établi à Metz, l'autre à Soissons,
afin que dans toutes les Eglises de France les
antiphonaires et les chantres fussent corrigés
sur les Romains.
« Mox petiit domnus rex Carolusab Adriano
papa cantores, qui Franciam corrigèrent de
cantu. At ille dédit ei Theodorum et Rencdi-
ctuin. Romans Ecclesiœ doctissimos cantores,
qui a sancto Gregorio eruditi fueraut ; tribuit-
que antiphonarios sancli Gregorii , quos ipse
notaverat nota Romana.Dominus vero Carolus
revertens in Franciam, misit unum cantorem
in Métis civitate, alium in Suessionis civilate,
praecipiens de omnibus civitatibus Françiœ nia-
gistros scholse, antiphonarios eis ad corrigea-
dum tradere. et ab eis discerecantare. Correcti
sunt ergo antiphonarii Francorum quos unu-
squisqueproarbitriosuo vitiaverat, veladdens,
vel minuens, et omnes Francise cantores didi-
cerunt notam Romanam, quam nunc vocaut
nolam Franciscain (Du Chesne, llist. Franc,
toin. m, p. 75). »
Le même auteur dit que cela n'arriva
qu'après une longue contestation des chantres
romains et des français , qui avaient suivi
Charlemagne à Rome; que ce prince pieux
termina le différend , en faisant voir aux
chantres français que, comme les eaux ne sont
jamais plus pures que dans leur source, ainsi
le chant grégorien conservait sa première pu-
reté dans l'école de saint Grégoire. « Quis pu-
rior est et quis melior, aut fons vivus , aut ri-
vuli ejus longe decurrentes? etc. Revertimini
vos ad fontem sancti Gregorii, quia manifeste
çorrupistis canlilenani ecclesiasticam. »
Enfin, il ajoute que ce fut à Metz où léchant
grégorien monta à un plus haut point de per-
fection, et qu'autant que l'école de Metz cédait
à celle de Rome, autant elle surmontait toutes
les autres écoles de France. « Ma jus magiste-
riuin cantandi in Métis civitate remansit ,
quantumque magisterium Romanum superat
Metense in arte cantilenœ, tauto superat Me-
tensis cantilena caeteras scholas Gallorum. »
L'harmonie des orgues accompagnait quelque-
fois celle de la voix, et elle nous était aussi
venue de Rome. « Similiter erudierunt Ro-
mani cantores supradicti cantores Francorum
in arte organandi. »
DES CIIANTKES ET DE CHANT DES OFFICES DIVINS.
237
VI. Ce n'est pas un petit avantage, ni un
des moindres sujets de gloire pour ks ecclé-
siastiques et pour les bénéficiers, que les lec-
teurs et les chantres ne tenant que le dernier
rang entre eux, un des pins saints et des plus
savants papes, et un des plus grands empe-
reurs, je veux dire saint Grégoire et Charle-
magne , se soient appliqués avec tant d'ardeur
à porter leur ministère a sa plus haute perfec-
tion.
La sainteté et l'importance du chant de l'E-
glise a fait une partie des occupations et des
soins des deux personnes qui semblent avoir
eu les plus éminentes qualités pour régir l'E-
glise et l'empire, savoir saint Grégoire et saint
Charlemagne. qui ont été véritablement grands.
Nous avons parlé ailleurs de saint Grégoire qui
fit lui-même, étant pape, la fonction de maître
de chant.
L'empereur Charlemagne était lui-même
très-versé dans la profession des lecteurs et
des chantres, et il chantait lui-même avec les
autres fidèles les offices divins. Témoin Egin-
hard : « Legendi atque psallendi disciplinam
diligentissime emendavit. Erat enim utrius-
que admodum eruditus ; quanquam ipse née
publiée legeret . nec nisi summissim et in
commune cantaret (Du Chesne . t. u , p. 103;
ibid., p. lin . »
Le moine de saint Gall nous représente Char-
lemagne comme le modérateur du chant, des
leçons et des oftices qui se célébraient dans la
chapelle du palais impérial ; il n'y souillait
aucun ecclésiastique qui ne sût bien lire et
bien chanter. « Nullus alienus, nullus etiam
notus, nisi légère sciens et cantare, chorum
ejus ausus est introire (L. i, c. 7). »
Au rapport de cet auteur. Charlemagne dési-
gnait les leçons que chacun devait lire, et il
aimait à surprendre ses clercs , afin qu'ils fus-
sent toujours prêts de lire sur-le-champ et de
lire correctement. Enfin, comme il désignait
avec le doigt ou avec un bâton ceux qui de-
vaient lire, il les faisait aussi finir avec un petit
signe de sa voix. « Ut quando inopinato légère
juberentur, irreprehensihiles apud eum inve-
nirentur. Digito autem vel baculo protento,
vel ex latere suo ad procul sedentes aliquo di-
recte demonstravit , quem légère oporteret,
vel voluisset. Finem vero lectionis sono guttu-
ris designavit. etc. 'L. u, c. 10). »
Cet auteur n'a pas oublié l'orgue merveil-
leux que Charlemagne fit faire à l'imitation
des Grecs, et qu'on laissa périr après sa mort
(L. u, c. 16). Enfin cet auteur assure que la
vue même de ce grand prince était interdite
aux ecclésiastiques s'ils n'étaient habiles à lire
ou à chanter. « Nullus clericus. nisi légère
doctus, aut canere non soluin cuni eomanere,
sed née in conspectum ejus venire praesum-
psit. »
VII. Toutes les autres églises de ce royaume
imitèrent celle du palais impérial, et on établit
dans tous les évêchés et dans tous les monas-
tères des écoles pour apprendre le chant, les
cérémonies et les offices de l'Eglise.
Pépin avait autrefois envoyé des moines
français à Rome pour y apprendre le chant du
maître de chant Siméon : « Simeon scholae
cantorum prior, » parce qu'ils n'avaient pas
pu s'y perfectionner pendant que Siméon était
en Erance(Concil. Gall., t. il, p. 58). Charlema-
gne établit de semblables écoles par toute la
France : c Et ut scholae legentium puerorum
fiant, psalmos, notas, canins, computum, gram-
maticam per singula monasteria vel episcopia
discant Anno TS'.t. Capitulare Aquisgran. Eau.
LKXIi). »
Outre les preuves précédentes, il n'est pas
difficile d'en donner encore de plus convain-
cantes, pour montrer que l'église du palais
royal était le modèle et la règle de toutes les
autres églises du royaume, et que la piété, Iaré-
gularité, la science, l'exactitude et la perfection
du chant coulaient de celte vive source dans
tous les évêchés et les monastères du royaume.
Lorsque le pape Eéon III, après une longue
contestation, conseilla aux envoyés de l'Eglise
gallicane d'abolir peu à peu l'addition qui
avait été faite au symbole qu'on chantait dans
l'Eglise, touchant la procession du Saint-Esprit ,
il leur donna ce moyen infaillible de réussir
sans bruit et sans tumulte , en faisant cesser
cette addition nouvelle dans l'église du palais,
qui serait indubitablement suivie par toutes
les autres : « lia mihi videtur posse utrumque
fieri, ut paulatim in palatio, quia in sancta
nostra Ecclesia non cantatur, cantandi consue-
tudo ejusdem symboli intermittatur, sicque
fiât, ut si dimittatur a vobis, dimiltatur ab
omnibus (Conc. Gall.. tom. m, p. 260). »
VUE Pour prévenir toutes les altérations qui
se pourraient faire dans la doctrine, ou dans la
discipline de l'Eglise, par la diversité non-seu-
lement du chant, mais du texte des offices di-
vins, Charlemagne demanda au pape Adrien le
238 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGTIÈME.
sacramentaire de saint Grégoire, et ce pape le
lui envoya par l'abbé Jean de Ravenne.
« De sacramentario vero, a sanctopraedeces-
sore nostro Deifluo Gregorio papa disposilo,
jam pridem Paulus Grammaticus a nobis eum
pro vobis petiit, et secundum sanctae nostrœ
Ecclesia; traditionem per Joannem abbatem
excellentiae vestrae emisimus DuChesne, t. m,
p. C. ~'J8). »
Nous avons déjà rapporté le capitulaire du
même empereur, où il ordonne à tous les mo-
nastères de suivre l'Eglise romaine dans les
offices du jour et de la nuit : « Per noeturnale
et gradale ollicium peragant. »
Le concile de Mayence, de 813. ordonna
qu'on suivit le sacramentaire grégorien dans
l'administration du baptême, selon le comman-
dement de l'empereur : « Sacramenta itaque
baptismatis volumus, ut sicut sancta vestra
fuit admonitio, ita concorditer atque unifor-
miter in singulis parochiis, secundum Roma-
num ordinem inter nos celebrenlur (Can. iv). »
Les capitulaires enjoignent la même confor-
mité avec l'Eglise romaine pour la messe: «Ut
unusquisque presbytermissam ordineRomano
cum sandaiiis celebret (L.v, c. 219). »
L'empereur Cbarles le Cbauve , rend le
même témoignage dans sa lettre au clergé de
Ravenne.
« Nam et usque ad tempora abavi nostri
Pipini, Gallicanes Ecclesiae aliter quam Romana
\e| Mediolanensis Ecclesia, divina officia cele-
brabant. Sicut vidimus et audivimus ab eis,
qui ex parlibus Toletanae Ecclesia1 ad nos ve-
nientes, secundum morem ipsius Ecclesia; co-
ram nobis sacra officia celebrarunt. Celebrata
sunt ctiam coram nobis sacra missarum officia
more Hierosolymitano , autore Jacobo apo-
stolo, et more Constantinopolitano autore
Basilio. Sed nos sequendam ducimus Romanam
Ecclesiam in missarum celebratione. »
IX. Voilà les plus célèbres liturgies du
monde que cet empereur avait vu célébrer :
celle de Jérusalem, celle de Constantinople,
celle de Milan, celle de Tolède; elles étaient
toutes différentes entre elles: l'Eglise de France
avait aussi la sienne, mais enfin elle embrassa
la romaine, et les autres Eglises Occidentales
suivirent son exemple, quoiqu'il soit toujours
di meure quelque teinture de l'ancienne va-
lidé.
Valalride Slrabon a jugé que celte unifor-
mité entre tant d'églises diverses, et cette con-
formité avec celle qui est leur chef et leur
maîtresse, a été plus nécessaire dans les der-
niers temps, pour être comme un rempart in-
surmontable contre tant de nouvelles sectes,
qui mit attaqué ou la foi, ou l'unité de l'Eglise.
« Plenarius ofliciorum ordo, qui nimc per
Romanum orbem servatur, post anliquilatem
inultis temporibus evolutam est instituais, et
ad omnem eminentiam sanctae religionis est
dilatatus. Crescente enim fidelium numéro, et
baereseon pestilentia multipliciuspacem macu-
lante catbolicam, necesse erat augeri r.ultum
verœ observationis, ut et clarior religio acce-
dentium ad lidem animos invïtaret, et auctior
cultus veritatis constantiam catbolicorum ad-
versus inimicos ostenderet , etc. Privilégie
Romans Sedis observato, faclum est ut in om-
nibus pêne Latinorum Ecclesiis, consuetudoet
magisterium ejusdem sedis praevaleret; quia
non est alia traditio aque sequenda, vel in
lidei régula, vel in observationum doctrina
(De rébus Ecclesi., c. xxv). »
Enfin cet auteur assure qu'il y en avait qui
distinguaient encore les traces des anciens
offices et du chant des églises de France qui
étaient restées après la publication des offices
romains. « Et quia Gallicana Ecclesia viris non
minus p< ritissimis instructa, sacrorum oflicio-
rum instrumenta babebat non minima, ex eis
aliqua liomanorum officiis immixta dicuntur,
quse plerique et verbis etsono se aca;teris can-
tibus discernereposse fateantur. »
L'exemple du célèbre Lupus, abbé de Fer-
rières, nous fait voir que les monastères par-
ticuliers envoyaient quelquefois de leurs reli-
gieux à Rome, poury être entièrement instruits
du chant des offices et des cérémonies de
l'Eglise romaine (Epist. cm).
X. Il est temps de finir ce chapitre par le
fameux Agobard, archevêque de Lyon.
Ce savant prélat composa un traité particu-
lier contre un insolent critique qui avait cen-
suré l'Eglise de Lyon dans un point qui méri-
tait plutôt des louanges; c'est qu'elle n'avait
rien laissé insérer dans ses offices qui ne fût
tiré des divines Ecritures, croyant que c'était
la voie la plus sûre et la plus courte de ne tom-
ber jamais dans l'erreur; puisque les eaux de
la vérité sont toujours plus pures dans leur
origine. « Fnde summopere necesse est, ut si
vere absque oflendiculo vel haesitatione divinas
laudes cupimus celebrare, totos nos divinis
sermonibus, in quibus nullus est error, nulla
DES CHANTRES ET DU CHANT DIS OFFICES DIVINS.
239
ambiguitas, coaptemus (De veteri ritu canendi
|)salm. in Ecoles.). »
L'insolence de ce ridicule censeur était mon-
tée jusqu'à ce point, de condamner quelques
endroits des offices romains. « Non est veritus
in ipsa Honiana ecclesia quœdam in sacris offi-
ces et ministeriis reprchensibilia, etiani sub
analliematis daninatione resecare. »
Le même Agobard adressa un autre ouvrage
aux chantres de son Eglise de Lyon , pour leur
faire remarquer certains endroits dans l'anti-
phonaire de celte église, qui contenaient des
erreurs, ou des méprises manifestes. Aussi il
en avait fait une correction exacte. « Hac de
causa et antiphonarium pro viribus noslris
magna ex parte correximus, amputalis bis,
quae vel supertlua, vel levia, vel mendacia, aut
blasphéma videbantur. »
H leur fait une énuinération des fautes qu'il
avait corrigées, et leur inculque sans cesse
cette maxime, que saint Augustin, saint Gré-
goire, et les autres Pères eussent été indubita-
blement surpris, s'ils eussent entendu chanter
dans l'Eglise ce qui ne se lit pas dans la parole
de la vérité, qui estl'Fxriture. « Caderum si in
diebus suis audisset aliquos non de divinis
eloquiis, sed de bumanis adinventionibus can-
tantes, numquid non mortuum et sine ^ ita
talem cantum putaret? »
11 conclut de là que rien n'est plus à souhai-
ter que d'avoir un livre d'offices, « Officiaient
librum, » ou un antipbonaire aussi correct, et
aussi fidèlement tissu des paroles seules de
l'Ecriture sainte, comme on a déjà un livre
des leçons, « Librum lectiouum,» recueilli des
livres sacrés, et un missel « Librum mysterio-
rum, » très-conforme à la pureté de la foi.
« Omni studio pietatis instandum atque ob-
servandum est, ut sicut ad celebranda missa-
rum solemnia babet Ecclesia librum mysterio-
rum, fide purissima, et concinna brevitate
digestum : babet et librum lectionum , ex
divinis libris congrua ratione collectum ; ita
etiam et hune tertium officialem libellum, id
est antiphonarium babeamus , omnibus bu-
manis figmentis et mendaciis expurgatum, et
per totum anni circulum ex purissimis sanctœ
Scriptura verbis sufficientissime ordinatum :
quatenus in sacris officiis peragendis, juxta
probatissimam fidei regulam, et paterna auto-
ritatis venerabilem disciplinam, una a nobis
atque eadem custodiatur forma orationum. »
Agobard a poussé un peu trop loin la néces-
sité de ne recevoir dans les offices di\ius que
les textes propres des Ecritures. La coutume
de l'Eglise de Lyon, qui en usait de la sorte,
était lmiable, mais il n'en fallait pas faire une
loi pour toute l'Eglise.
Saint Ambroise a compose des hymnes, les
conciles les ont autorisées, l'Eglise ancienne
les a chantées, la règle de saint Benoît les a
reçues. On a lu de tout temps les actes des
martyrs, et les homélies des Pères dans l'Eglise.
On fait des prédications pendant la messe,
pourquoi ne lira-t-on pas les homélies des
Pères pendant l'office? Les offices sont compo-
sés de prières et de lectures de piété. On parle
à Dieu par la prière, on l'écoute par la lecture.
Dieu nous parle par les Ecritures, par les Pères,
qui en sont les interprètes et par les exemples
des saints, qui exposent à nos yeux cette di-
vine morale, que l'Ecriture fait retentir a nos
oreilles.
M. Concluons cette matière par la dernière
maxime du même Agobard, qui n'est pas la
moins importante de toutes, et qui peut servir
d'un juste tempérament de cette extrême
ardeur, avec laquelle on se porta au chant
durant l'empire de Charlemagne. Quelque né-
cessaire que puisse être l'étude du chant, il y
a encore d'autres études, auxquelles les jeunes
ecclésiastiques doivent s'appliquer avec une
chaleur incomparablement plus grande.
« Forma orationum, forma lectionum , et
forma ecclesiasticarum modulationum a boni
ingenii adolescentibus quam celerrime imbi-
bita, eos et divinis laudibus concinnendis, suf-
ficienler et graviter idoneos reddat, et a potio-
ribus ac spiritalibus studiis non impediat. »
Après cela on ne peut nier que ce ne soit un
malheur déplorable, de voir tant de chantres
qui consument toute leur vie, depuis leur plus
tendre enfance jusqu'à la vieillesse, à exercer
leur voix et à se perfectionner dans le chant,
sans pouvoir, ou sans vouloir s'appliquer à la
lecture des Ecritures, ou à la contemplation
des vérités du ciel, et sans se remplir l'esprit
et le cœur d'autre chose que du vent de leur
vanité et de la folle complaisance de leur belle
voix :
« Ex quibus quamplurimi ab ineunte pueri-
tia, usque ad senectutis canitiem, omnes dies
vitie suœ in parando et confirmando cantu
expendunt, et totum tempus utilium et spiri-
talium studiorum, legendi videlicet, et divina
eloquiaperscrutandi, iuistiusmodioccupatione
■240 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-UNIÈME.
consumant. Quodque animabus eorum procul-
dubio valde est noxium, ignari fidei suœ, in-
scii Scripturarum sacrarum, et divina? intelli-
gentiae inaneset vacui, hoc solum sibi suflicere
putant; et ob hoc etiam ventosi et inllati in-
cedunt, etc. »
CHAPITRE QUATRE-VINGT-UNIÈME.
DE L'OBLIGATION DES BÉNÉFICIERA A CHANTER OU A RECITER L OFFICE DIVIN, AU MOINS
EN PARTICULIER, SOLS L'EMPIBE DE CIIAltLEMAGNE.
I. La première élude des clercs était d'apprendre le psautier
par cœur.
II. Théodulphe oblige les curés à s'occuper de la prière et de
la lecture. La prière la plus ordinaire a toujours été la psalmodie.
III. Preuves tirées des conciles pour cette obligation.
IV. Nouvelles preuves tirées des capitulaires.
V. Ilmrmu oblige les curés à la récitation des beures cano-
niales en particulier.
VI. Diverses preuves tirées d'Alcuin, qui distingue les offices
publics des particuliers.
VII. Preuves tirées de Réginon, el des perquisitions quedoi-
venl faire les êvêques pendant leur visite.
VIII. Aiilres prriivi s i'l rvinpb's il.'s l-.gliM'S grccipie cl lutiin1.
1\. Exemple admirable de saint Udalric, évèque d'Augsbourg.
Offices de la Sainte Vierge et des morts.
X. La règle de Crodogangus oblige à réciter l'office en parti-
culier, si on ne l'a pu en public.
XI. Nécessité de savoir par cœur le psautier.
I. La réponse que le pape Etienne II, étant
venu en France, fit à quelques consulta-
tions, nous apprend qu'un prêtre fut déposé,
parce qu'il ne savait ni l'Oraison Dominicale,
ni le Symbole, ni les psaumes : « Nec Symbo-
lum, nec Orationem Dominicain, nec psalmos
tenet (An. 7.M, cap. xm). »
Le capitulaire de Charlemagne, à Aix-la-
Cbapelle (An. 781), cap. lxxii), ordonne que,
dans tous les évêchés et dans les monastères, il
y aura des écoles où l'on enseignera aux jeunes
clercs les psaumes, la note, le chant, le com-
put et la grammaire : «Psalmos, notas, cantus,
eomputurn , grammaticam per singula inona-
steria vel episcopia discant (An. 791). »
Les psaumes étaient donc la première chose
qu'on apprenait aux jeunes clercs. Le même
empereur Charlemagne, pour rendre grâces à
Dieu d'une insigne victoire , ordonna que tous
les clercs qui sauraient le psautier chanteraient
cinquante psaumes. « Et clerici qui psalmos
sciebant, unusquisque quinquaginta cantasset
(Capit. Théo., c. n). »
IL Théodulphe, évêque d'Orléans, déclare à
ses curés que la prière et la lecture se doivent
succéder, et ne doivent être interrompues que
par le travail des mains. « Oportet vos et assi-
duitatem habere legendi, etinstantiam orandi,
etc. H;cc sunt arma , lectio et oratio, quibus
diabolus expugnatur, bis armis vitia compri-
muntur, lus alimenlis virtules nutriuntur. »
Or on sait que la prière la plus ordinaire était
la récitation des psaumes.
Le capitulaire des évèques adressé en même
temps aux pasteurs déclare en termes formels
l'obligation de réciter les heures canoniales en
leur propre temps. « Ut omnes sacerdoles boris
competentibus diei et noctis suarum sonent si-
gna Ecclesiarum, et sacrata Deo célèbrent offi-
cia , et populos erudiant, quoinodo et quibus
Deus adorandus est locis (An. 802 , c. m, vm ;
Conc. Gall.j tom. n, p. 219). »
Il y avait une obligation toute particulière à
chanter les divins offices du jour et de la nuit,
dans les lieux où reposaient les reliques des
martyrs. « Ut unusquisque sacerdos Ecclesiarn
suam cum onmi diligentia a>dificet,etreliquias
Sanctorum cum summo studio vigiliarum
noctis et divinis ofticiis conservet. » C'est pour
cela que Charlemagne voulait que les curés
sussent tous le psautier de mémoire : « Ut
quisque parochus totmn psalterium memoriter
teneat (Ibid., p. 253). »
III. Le concile II de Chàlons, tenu en 813
(Can. lix), nous a instruits du détail des divins
offices qu'on chantaitdans les monastères, et de
DE L'OBLIGATION ItF.S BÉNÉFIQERS A CHANTER, etc.
m
là il est facile de juger quels étaient les offices
îles curés et des autres ecclésiastiques. Cet
office était composé de matines, prime, tierce,
sexte, noue, vêpres et compiles. « Sanctimo-
oiales in monasterio constitulae habeant stu-
dium in legendo et in cantando. in psalmorum
celebratione , sive oratione ; et horas canonicas
matutinam scilicet, primam, tertiam, sextam ,
nonam , vespertinam , completorium pariter
célèbrent. »
Le concile d'Aix-la-Chapelle, tenu en 816
(Can. cxxvi et seqq.) ordonne les mêmes heures
aux chanoines, c'est-à-dire à tous les ecclésias-
tiques, qu'on réduisit alors à vivre en commu-
nauté, et à qui on donna le nom de chanoines,
comme nous dirons plus bas. Ces heures furent
prime, tierce, sexte, none, vêpres, compiles,
les vigiles et les matines.
Il se peut faire que le concile II de Châlons
ait compris les vigiles, c'est-à-dire les noctur-
nes, avec les laudes, sous le nom de matines,
comme c'est encore l'usage présent. Le concile
d'Aix-la-Chapelle (Can. cxxxi) commande aux
chanoines d'assister aux offices debout, et de
ne se servir d'un bâton pour s'appuyer, s'ils
ne sont infirmes : « Nec eu m baculis in choro
exceptis debilibus sed religiosissime illis slan-
dum et psallendum est. »
Ceux qui manqueront d'assister à ces offices
doivent être sévèrement réprimandés: « Qui
lias horas frequentare, et in his, ut dignum
est, cœleste neglexerit officium persolvere,
digna invectione corripiatur; ut et ipse emen-
detur, et cœteri timorem habentes, hujusce-
modi negligentiam caveant. »
Il est sans doute que ces aigres réprimandes
dont on punissait les absents, et les négligents,
étaient toujours accompagnées d'un comman-
dement exprés de réciter en particulier les
psaumes qu'ils n'avaient pas chantés au chœur.
Quelle autre pénitence pouvait-on leur imposer
qui fût plus raisonnable et plus juste ?
On peut inférer de là que les prêtres, étant
dégrades, ne laissaient pas de demeurer tou-
jours dans la même obligation de réciter leurs
offices. Et, si le concile II de Chàlon (Can. xl)
les enferme dans un monastère pour y faire
pénitence, l'assistance aux divins offices était
la meilleure partie de cette pénitence. «Diclum
nobis est presbyteros propter suam negligen-
tiam cauonice dégradâtes, saeculariter gradu
amisso vivere. et pœnitentiae agenda* bonum
négligerez Inde statuimus, ut gradu amisso
Th. — Tome II.
agendae pœnitentiae gratia, in monasterio aut
canonico, aut regulari mittantur. »
IV. Ce devoir indispensable de faire les
prières solennelles aux heures réglées du jour
et de la nuit, est encore marqué bien plus évi-
demment dans les Capitulaires de Charle-
magne. « Ut sacerdotes signa tangant horis ca-
nonicis, et illorum officium agant, sive diur-
nale, sive nocturnale, quia scripUim est. sine
intermissione orate; et ideirco non dimittant
horas canonicas [L. vi, c. 1G3). »
Les anciens canons y sont renouvelés sur le
même sujet, afin d'obliger absolument tous les
ecclésiastiques de se trouver aux offices de l'E-
glise : « Ad quotidianum psallendi officium
matutinis, vel vespertinis horis (L. vu, c. ICI,
IG7). »
La peine n'est rien moins que la déposition
pour les incorrigibles, o deponatur a clero. »
Cette peine est assurément plus redoutable que
l'obligation de faire les mêmes prières en par-
ticulier. La privation du bénéfice est marquée
dans un autre canon, au moins la suspension :
« Ita utcumeos pœnitentiacorrexeritrescripti
in matricula gradum suum dignitatemque re-
cipiant Ibid., c. cccliii). »
La vie des ecclésiastiques selon les canons
n'est qu'une application continuelle à la prière,
à la psalmodie, à la lecture, en public et en
particulier : « Postremo in doctrina, in lectio-
nibus, psalmis, hymnis, canticis spiritualibus,
exercitio jugi ineumbant. »
V. La distinction des heures canoniales qu'on
récitait en particulier et de celles qu'on chan-
tait en public, se trouve en termes formels
dans les instructions que l'archevêque de
Reims, Hincmar, donna à ses curés, où il leur
enjoint, après avoir dit matines au point du
jour, de chanter les quatre petites heures en
particulier, afin de pouvoir ensuite vaquer aux
fonctions curiales; en sorte, néanmoins, que
ces mêmes heures canoniales soient après
chantées en public en leur propre temps, soit
par le même curé, soit par d'autres ecclésias-
tiques.
« Mane matitunali officio expleto, pensum
servitutis suœ canendo primam, tertiam, sex-
tam. nonamque persolvat; ita tamen ut postea
horis competentibus juxta possibilitatem, aut
a se, aut a scbolasticis publiée complealur.
Deinde peractis missarum solemniis , etc.
llmcin., t. i, [i. 71-2, c. ix). »
M. L'auteur ancien de la vie d'Akruin fait la
16
24-2 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-UNIÈME.
même "distinction pour la messe, et dit que
tous les dimanches ce pieux et savant diacre
célébrait la messe avec son prêtre en particu-
lier jusqu'à l'heure de tierce, après quoi il se
rendait a la messe solennelle, outre les messes
qu'il célébrait tous les jours de la semaine.
a Celebrabat omni die missarum solem-
nia. etc. Dominica porro die, nulle unquam
tempore, postquam lux inchoasset apparere, se
tradebat sopori, sed velociter levitice se prœ-
parans, suo cum Sigulpho presbytère, missa-
rum celebrabat solemnia specialium, ii«(|ue
horam tertiam. Et tune niniia cum reverenlia
publicam intrabat ad nhssam. »
Ces deux exemples font connaître la distinc-
tion des offices et des messes qui se disaient en
particulier et en public par les mêmes per-
sonnes qui s'acquittaient de ce double devoir
de piété. Il y a bien plus de sujet de croire que
ceux qui ne s'en acquittaient pas en public se
jugeaient indispensablenient obligés de le faire
en particulier. Si les curés mêmes étaient obli-
gés de dire en secret leurs heures canoniales,
nonobstant leurs occupations si pressantes et
si inévitables, et nonobstant qu'ils dussent
peut-être encore les chanter en public dans
l'église, que faut-il juger des autres bénéficiera?
Le même Alcuin n'exprime pas moins nette-
ment la dillérence de ces deux sortes de divins
offices, dans la lettre qui sert de préface a la
vie de saint Waast, qu'il a écrite. U commande
à l'abbé Radon de ne point souffrir queses reli-
gieux se dispensent des beures du chœur,
« Nullus horis canonicis se divinis subtrahat
laudibus, ne propter aliquam negligentiam
cujuslibet locus in conspectu Dei vacuus inve-
niatur. » Mais après cela il lui déclare son obli-
gation, quelque part qu'il aille, de récitertout le
divin service avec ses clercs : « Et quoeumque
vadis, clerici servilium Dei pleniter peragant.
Tecum eant sobrietateornati(Epist. xxxn, l). »
Il était en effet bien difficile que tous les
ecclésiastiques et surtout les chanoines des
églises cathédrales vivant en communauté, et
se croyant obligés d'assister a toutes les heures
du chœur, comme il parait par les lettres du
même Alcuin : « Nec aliquis se a canonicis
horis, a communione sanctae orationis , sua-
negligens salutis separet, » ne se crussent
obliges, par une conséquence nécessaire, de
satisfaire à ce devoir de piété et de religion en
particulier, quand ils n'avaient pu le faire en
commun.
VIL Ces vérités ne se découvrent pas moins
clairement dans les livres de Réginon, et dans
les articles dont il montre que les évêques
ou leurs ministres doivent s'enquérir dans leurs
visites.
« Si clericum habeat presbyter, qui cum eo
psalmos cantet.Si nocturnis horis ad matutinas
laudes persolvendas omni nocte surgat. Si pri-
mam, tertiam, sexlam, nonam certo tempore
signo ecclesiae denuntiet, et cursum debitum
cantet. Si tempore statuto, id est circa horam
tertiam diei missam celebret ; et post hœc
usque ad médium diem jejunet. ut hospitibus
atque peregre venientibus, si necesse fuerit,
possit missarum cantare (L. i de Eccles. Dis-
cipl., c. xxvi, xxvii, xxvm, xxxiu). »
Je ne m'arrête pas à. ces deux messes en un
jour, qui commençaient à s'établir par cette
nécessité, mais je remarque l°que dans toutes
les paroisses de la ville ou des champs on
chantait tout l'office canonial, quand il n'y
aurait eu que le curé et un seul clerc avec lui ;
2 qu'ils chantaient même les offices delà nuit;
3" que les offices de la nuit s'appelaient déjà
du nom de matines, parce qu'encore qu'on se
levât la nuit, néanmoins c'était en sorte que la
fin de l'office de la nuit se rencontrait avec la
naissance du jour.
Dans les anciens formulaires de l'instruction
que l'évèque doit faire à ses curés dans son
synode, ces obligations ne sont pas oubliées.
« Omni nocte ad nocturnas surgi te. Cursum
vestrum horis certis decantate, etc. [Raluzius
in Àppend. ad Regin., p. 603, 007, 011). »
VIII. L'auteur de la vie de saint Odon. abbé
de Cluny, se plaignant du relâchement des
moines de saint Martin de Tours, dit qu'ils ne
se levaient plus qu'à la pointe du jour pour
chanter les offices de la nuit : « Ad laudes
n inique nocturnas, ne aliquo pedem modo
oftenderent, cum luce diei surgebant (Ribl.
CI un., p. 42). »
Mais le même saint Odon nous apprend dans
la vie de saint Gérald, comte d'Aurillac, qu'il a
écrite, ce que nous devons croire des ecclé-
siastiques, puisque ce comte n'ayant pu un jour
de dimanche entendre la messe , assembla
tous les ecclésiastiques qui raccompagnaient,
récita avec eux tout le psautier, et s'accoutuma
le reste de sa vie à réciter presque tous les
jours le psautier.
«Est quod ad laudem Dei faciamus, ne diem
sanctam inaniterexpendisse videamur. Dixerat
DE L'OBLIGATION bES BJÈNÉFIC1ERS A CHANTER, etc.
243
haec, et psalterium a capite, nil mortale sonans
cuni eisdem percucurrit. Ex hocjam sibi con-
suetudinem statuit , ut psalterium pêne quoti-
die recitaret (Ibid., c. lxxiu). »
Le moine Ignace remarque que le saint pa-
triarche de Constantinople Tamise dans les
extrêmes langueurs de sa dernière maladie .
taisait éclater les flammes de sa charité en célé-
brant tous les jours le divin sacrifice ( Surius
die '2.'). Febru. c. xlvi). »
Saint Ludger, évèque de Munster, étant ap-
pelé au palais de l'empereur par des ordres
réitérés de s'y rendre, ne laissa pas de conti-
nuer et d'achever la récitation de ses heures
canoniales qu'il avait commencées, et fit après
cela trouver bon a l'empereur qu'il eût préféré
l'honneur et le service de Dieu à celui des hom-
mes. « Autistes dum consuetudinariis ex more
psalmis et orationibus instaret, dixit se peraclo
officio divino secuturum, etc. Omnipotentis
servitium intermittere,inconveniens judicavi,
etc. iSurius, die 26 Martii, c. xxxn). »
On récitait donc , ou on chantait en particu-
lier le service divin , même en voyageant par
la campagne, comme il est remarqué ensuite
du même saint : « Dum in itinere esset, noctu
stans dum matutinas laudes cum clericis ca-
ncre t, etc. »
Le saint confesseur Nicétas avait appris le
psautier dès son enfance , et après cela il fut
tonsuré : « Psalterium mémorise mandavit,
cumque illum in ecclesia pater totondisset,
etc. (Surius, die 2 April., c. v, xm). » Ce fut
aussi son principal exercice dans le monastère
qu'il gouverna depuis, de réciter tous les jouis
tout le psautier et d'en chanter une partie. «To-
tum psalterium quotidie pronuntiabant, quo
expleto ad eorumdem psalmorum vicissim ca-
nendorum ordinem se parabant, ita ut nun-
quain omnino a Dei gloria celebranda ipsi
vacarent. »
Le saint martyr et apôtre des Russes, Boni-
face, parcourait les provinces en psalmodiant ,
et parce qu'il avait passé de la vie monastique
a l'épiscopat, il récitait chaque jour l'office des
religieux et celui des ecclésiastiques. « Pedesler
ibat. jugiter psallens, et csnteros longe praece-
dens , etc. Postquam consecratus est archiepis-
copus , quotidie observabat et monasticum
pariter, et canonicum in celebrandis horarum
officiis ordinem ( Petrus Damian. in vita sancti
Romuald., c. xviu . »
1\. On sera moins surpris de voir un grand
archevêque réciter chaque jour deux sortes
d'offices différents , quand on aura appris du
l'auteur de la vie de saint Udalric, évèque
d'Augsbourg, (|iie ce saint prélat joignait tous
les jours a l'office canonial, celui de la Sainte
Vierge, celui de la Croix, celui de tous les
Saints, outre plusieurs autres psaumes, et
deux ou trois messes qu'il chantait ordinaire-
ment.
« Cursus quotidianus cum matriculariis in
choro ejusdem matricules caute ab eo obser-
vabatur, quandocumque ei domi nianendum
alias occupationes consenserunt. Insuper autem
ununi cursum in honorem sanctac Maria' geni-
tiicis Dei, et alterum de sancta Cruce, tertium
de omnibus Sanctis, et aliospsalmosplurimos,
totumque psalterium omni die explore solitus
erat, nisi euin impediret aliqua inevitabilis né-
cessitas. Missas autem très, velduas, aut unam
secundum spatium temporis cantare quotidie
non desiit , si infirmitas corporis, aut aliquod
studium bonum ei non subtraxit (Surius, die i
Julii, c. m, iv, v). »
C'était durant la nuit qu'il célébrait une par-
tie de ces offices. « In nocte primum sonante
signo surrexit, et praedictos cursus maxima
cautela complevit. » En carême il ajoutait l'of-
fice des morts, « usque dum signum ad vigi-
lias mortuorum sonaret, etc. »
Lorsque cet admirable prélat allait par les
champs taisant sa visite, il montait sur un cha-
riot avec un chapelain pour avoir plus de li-
berté de se séparer de la compagnie des sécu-
liers , et de donner toute la journée à la
psalmodie. Il se faisait toujours accompagner
par un nombre d'ecclésiastiques assez considé-
rable pour pouvoir célébrer avec eux le divin
service avec décence.
« Sedebat in solio super carpentum compo-
site, de humerulis plaustri in ferro pendenle,
et cum eo unus clericus de capellanis ejus, qui
cum eo tota die psalmos decantasset. Non ideo
quando in primis tali modo pergere cœpit,
quod non ad hue caballicare potuisset, sed ut a
populis sequestraretur, ne a cantatione psal-
morum eorum colloquiis ineptis impediretur.
Comitari vero semper cum illo aliquos suos
presbyteros prudentissimos et de capellanis
tantum, ut quotidie servitium Dei dévote per-
ficere potuisset, pnecepit. »
Saint Bernard, évèque d'Hildesheim, se ren-
dait avec une assiduité admirable à tous les
offices du jour et de la nuit avec ses chanoi-
2H DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-UNIÈME.
nés: «Furtivrporationi, donec clerici ad matu-
tinos hymnos consurgerent, vacabat. Hymnis
expletis, multoties psalmodiara in diurnum
usque crepusculum extendebat. Deinde ali-
quantulum pausans, corpusculum recrcabat.
donec iterum dilueulo canonicum cursuni pri-
ma? horœ persolvebat, etc. (Surius, die 20 No-
vem., c. y). »
X. La règle que Févêque Crodogangus pres-
crivit aux chanoines, c'est-à-dire à tous les ec-
clésiastiques de son temps, après avoir marqué
toutes les beures et toutes les parties de l'office
divin, remarque ensuite l'obligation inévitable
de les réciter en particulier, quand on n'a pu
se rendre au cbœur avec les autres., et de les
réciter aux mêmes heures.
« Si longe ab ecclesia aliquis fuerit, ut ad
opus Dei per horas canonicas occurrere non
possit, agat opus Dei, cum tremore divino, ubi
tune fuerit (Cap. xxiv). Et plus bas : «Quicum-
que ex clero in itinere cum episcopo vel cum
alio proficiscuntur; ordinem suum, inquan-
tum iter, vel ratio permiserit, non dimittant.
Et non eos debent prœterire borœ constituta1,
tam de officiis divinis, quam aliunde [Cap.
xxxvu). »
Le capitulaire d'Abyton, évèque de Râle,
prescrit aux curés le chant quotidien des offi-
ces du jour et de la nuit, selon l'ordre romain.
« Ut horas canonicas, tam nocturnas, quam
diurnas nullatenus praetermittat. Quia sicut
Romana Ecclesia psallit, ita omnibus ejusdem
propositi viam tenentibus faciendum est (Spi-
cileg., tom. vi, [>. Cils). »
XL Pour finir ce chapitre par où nous l'avons
commencé, disons que ce n'était pas un petit
avantage aux évêques même de savoir le chant
et le psautier. Flodoard donne cet éloge à Far-
chevêque de Reims. Hervé. « Ecclesiasticis ad-
prime cantilenis eruditus, ac psalmodia prœci-
puus, et hujusexercitatione limatus, etc. (L. rv,
c. 11). » Le grand pape Grégoire III a été ho-
noré du même éloge. « Psalmos omnesmemo-
riter per ordinem retinens, et in eorum sensi-
bus sublilissima exereitatione limatus. »
Le concile de Nicée (Can. n), défendit délire
ou d'ordonner un évèque qui ne sût le psautier
par cœur. « Definimus omnem qui ad episco-
patus provehendus est gradum, modis omni-
bus psalterium nosse, ut ex hoc etiam omnis
clericus, qui sub eo fuerit, ita moneatur et
imbuatur. »
Ou exigeait cette science des évêques, afin
qu'ils l'exigeassent aussi rigoureusementde tous
les clercs. Le pape Léon III avait acquis en sa
jeunesse cette science si nécessaire. « Omnem
ecclesiasticam disciplinam spiritaliter eruditus,
tam in psalterio, quam in sacris divinis Scri-
pturis pollens, subdiaconus faclus, etc. »
Enfin, on ne doutera point que cette exacti-
tude des lois ecclésiastiques, pour obliger tous
les clercs de savoir le psautier par cœur, ne fût
une suite de l'obligation de réciter les heures
canoniales, si l'on considère qu'on fit un crime
au pape Jean XII, lorsqu'on le déposa dans un
concile romain , en 963 , sous l'empereur
Othon Ier, de n'avoir pas récité son office cano-
nial : « Matutinas et canonicas horas eum non
célébrasse, nec signo crucis se munisse pro-
fessi sunt (I). »
(1) D'après la discipline actuelle, appuyée sur l'unanimité des cano-
nises et des théologiens, l'obligation de réciter l'office, sous peine
de péché mortel, est inhérente au titre de l'ordination aux ordres
sacrés, quand même on ne possède aucun béné6ce ; au titre de bé-
néfice quelconque, quand même on ne serait pas dans les ordres sa-
crés; au titre de profession religieuse dans un ordre dévoué au
ohœur, qu'on soit prêtre ou non. Cette obligation iDhérente aux or-
dres sacrés ne cesse pas quand même le clerc serait excommunié, sus-
pens ou interdit. Un clerc mineur qui recevrait une pension d'un
bénéfice ecclésiastique, serait tenu de réciter l'office de la Sainte
Vierge. Sous peine d'être obligés de restituer les fruits des distribu-
tions quotidiennes, les chanoines sont tenus de chanter au chœur.
La sacrée Congrégation du concile, ainsi que Benoit XIV, ont décidé
qu'un chanoine qui, au lieu de chanter, ferait des prières vocales ou
mentales, ne satisferait pas à ses obligations : Teneri omnino pmllere,
alioouin obligationi suœ non satisfacere. Benoit XIV appelle le
contraire : Abusum et corruptelam disciplina? ecclesiasticœ ubsonam.
(Apud Ferraris, Vo officium divinum, art. m, n» 95.) Cette décision
s'applique à la messe chantée et à l'office canonial. Sans cela, dit
ce grand pape, nullo pacto ex prœbendis et distributionibus facere
fructus suos, atque adeo restitutioni obnoxios esse et fore.
(Dr André.)
ORIGINE DE QUELQUES PARTICULARITÉS DE L'OFFICE DIVIN.
24S
CHAPITRE QUATRE-VINGT-DEUXIÈME.
ORIGINE DE QUELQUES PARTICULARITÉS DES OFFICES DIVINS; SOLS L'EMPIRE DE CIIARLEMAGNE.
I. Le pape Jean VIII permet la célébration des offices divins
en langue esclavonne.
II. Les livres saints et les offices divins ont été d'abord écrits
en langue vulgaire. Mais avec le temps, les peuples ont changé
de langage, et n'ont plus entendu cette ancienne langue vulgaire.
Inconvénients des nouvelles traductions.
III. L'unité de la langue dans les offices divins contribue à la
conservation de l'unité de la foi.
IV. Particularités des veilles, des fêtes doubles, de la messe
des présanctifiés.
V. Des prières préliminaires avant les heures canoniales.
VI. Les offices se prolongeaient aux plus longues nuits.
VIL De la canonisation des saints.
VIII. De ce qui se chantait ou se récitait à la messe, par le
piètre, par les clercs et par le peuple.
IX. Des messes de saint Jacques et de saint Marc.
X. De la diversité des langues dans les offices divins de l'E-
glise orientale.
I. Il faut dégager dans ce chapitre la pro-
messe que j'ai laite d'indiquer sommairemenf
les origines de quelques particularités de l'of-
fice divin, quoique ce vaste dessein demande
plus de temps et plus d'érudition que je n'en
ai.
Le pape Jean VIII permit au prince des Es-
clavons, nouvellement convertis, de faire célé-
brer la sainte messe en langue esclavonne , de
lire l'Evangile et toutes les Ecritures en la
même langue, puisqu'il est juste de bénir Dieu
en toutes les langues dont il est l'auteur. 11
ordonne néanmoins qu'on lira premièrement
l'Evangile en latin, et qu'après on l'interprétera
en esclavon pour le peuple.
» Nec sanre lidei vel doctrinae aliquid obslat,
sive missas in eadem slavonica lingua canere,
sive sacrum Evangelium, vel lectiones divinas
novi et veteris Testamenti bene translatas et
interpretatas légère, aut alia borarum officia
omnia psallere. Quoniam qui fecit très linguas
principales, hebraeam scilicet, grœcam et lati-
nam, ipse creavit et alias omnes ad laudem et
gloriam suam. Jubemus tamen ut in omnibus
Ecclesiis terra? vestrae propter majorem hono-
rificentiam Evangelium latine Iegatis, et post-
modum slavonica lingua translatant, in auri-
bus populi lalina verba non inlelligentis. ad-
nuutietur; sicut in quibusdam Ecclesiis fieri
videtur. Et si tibi et judicibus tuis placet, mis-
sas latina lingua magis audire, pra?cipimus, ut
latine missarum tibi solemnia eelebrentur
(Epist. ccxlvii). »
Ce pape n'obligea pas à la vérité les Escla-
vons de faire le service en langue latine , mais
il permit au prince et à ses seigneurs de se
faire dire la messe en latin, s'ils le désiraient.
IL Eu effet, et l'Ecriture et la liturgie, et
toutes les psalmodies ont été d'abord écrites en
langue vulgaire que tout le monde entendait.
.Mais la révolution des siècles a changé la lan-
gue vivante des peuples, en sorte que les des-
cendants n'ont plus entendu le langage que
leurs ancêtres avaient parlé.
Voilà comment la Rible et le service divin
se trouvent en langue étrangère, quoiqu'ils
n'aient reçu en eux-mêmes aucun changement
par la seule inondation d'une langue étrangère
qui s'est établie, ou qui se glisse insensible-
ment sans qu'on s'en aperçoive. Mais cela n'a
lieu que dans les pays où la chrétienté s'est
établie lorsqu'on y parlait la même langue des
Ecritures, comme la Judée et la Grèce, ou bien
dans ceux où l'on a fait des versions de l'Ecri-
ture en langue vulgaire, en même temps que
la foi s'y est étendue, comme les pays occiden-
taux, où la langue latine était entendue.
Ainsi l'on peut dire qu'au commencement
de la conversion d'une grande nation, comme
on leur prêche l'Evangile en leur langue, aussi
on leur donne l'Ecriture, la liturgie et le service
en leur langue. Cela paraît dans l'établissement
des églises judaïque, grecque et latine, aux-
quelles le pape Jean VIII ajouta l'esclavonne
pour les mêmes raisons; parce qu'il est impos-
sible d'apprendre une langue nouvelle à tout
un peuple, mais il n'est pas impossible de
faire une fidèle version des Ecritures et du
service.
Comme ces versions sont néanmoins très-
difficiles, l'Eglise ne s'est jamais engagée d'en
faire ou d'en autoriser de nouvelles, toutes les
?.Ui DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-DEUXIÈME.
fois que l'ancien langage s'altérait. Ces altéra-
tions se font insensiblement plutôt en une pro-
vince qu'en une autre dans le même royaume,
plutôt dans l'usage du petit peuple que dans
les personnes de qualité, plutôt entre les igno-
rants qu'entre les gens de lettres. Ainsi quand
on serait résolu de faire de nouvelles versions,
autant de fois que le langage précédent n'est
plus intelligible, il serait très-difficile de faire
un juste discernement des pays et des temps
auxquels cette innovation serait nécessaire.
Enfin, les versions fidèles et exactes sont si
longues à faire et à autoriser, qu'on peut dire
en quelque façon que la langue change en
moins de temps qu'il n'en faut pour donner
crédit à une nouvelle version.
Lors donc que la religion est déjà établie,
c'est un moindre mal de conserver l'ancien
langage, quoique peu entendu; mais lorsqu'il
faut planter la religion dans un pays barbare,
il faut quelquefois se résoudre à essuyer les
dangers des translations nouvelles. C'est peut-
être pour cela que ce même pape, Jean VIII,
défendit à l'archevêque de Pannonie, de célé-
brer encore la messe en esclavon , parce que la
Pannonie était peut-être déjà convertie (Episl.
xcv).
III. Il ne faut pas aussi dissimuler qu'on a
tâché d'aller au-devant des divisions et des
schismes que la diversité des langues pourrait
introduire dans l'Eglise. L'unité des cœurs et
des esprits se conserve bien mieux dans l'uni-
formité d'un même langage. Aussi, lorsque
Dieu voulut rompre la bonne intelligence en-
tre des hommes qui en abusaient pour immor-
taliser leur insolence, il ne fit que diviser et
diversifier leurs langues. C'est pour cela que le
pape Jean VIII commandait qu'on lût toujours
l'Evangile en latin, et puis en esclavon dans la
messe esclavonne. C'est pour cela que, comme
le pape Nicolas 1er l'a remarqué, dans Constan-
tinople même on lisait premièrement l'épître
et l'évangile de la messe en latin, et puis en
grec.
« Ecce quotidie, imo vero in prœcipms festi-
vitatibus inter graecam linguam, velut quid-
dam pretiosum, banc romanam linguam mis-
centes, etc. Constantinopolitana Ecclesia tectio-
iiriii apostolicam et evangelicamistiusdictione
lingiue in stationibus fertur primitus recitare,
sicque demum propter Grsecos graeco sermone
utique ipsas lectiones pronuntiare (Epist. vin).»
La même coutume s'observait à Rome, de
lire l'évangile et l'épître en grec et en latin
aux jours des fêtes solennelles, pour faire re-
marquer l'union des deux Eglises, outre les
monastères de Rome, où tout l'office se faisait
en grec par des religieux grecs : tel fut celui
de Saint-Praxède que le pape Pascal I" fonda,
et y établit une congrégation de moines grecs ,
« quee die noctuque graecre modulations psal-
modia? laudes omnipotenti Deo persolveret. »
Ajoutons encore cette remarque que dans la
succession de tant de siècles, et dans la foule
de tant de nations qui ont été converties à la
foi cette concession du pape Jean VIII est
très-singulière et peut-être unique et sans
exemple. On peut inférer de là que les peuples
nouveaux ne sont jamais en droit de rien pré-
tendre de semblable, quoiqu'il soit toujours au
pouvoir de l'Eglise d'user de ses dispenses ,
quand elle le juge à propos. Mais si l'histoire
du temps passé est une leçon pour l'avenir, on
ne pourra jamais tirer à conséquence l'exemple
des Esclavons, ni l'opposer à une infinité d'au-
tres nations à qui on n'a point permis après
leur conversion le chant public des offices de
l'Eglise en leur langue.
IV. Anastase, bibliothécaire, nous apprend
ailleurs que le pape Léon IV institua l'octave
de l'Assomption, avec des veilles solennelles.
« Vigiliis sacris matutinisque cum omni clero
pernoctans laudibus in basilica ejusdem Domi-
née nostrœ (De divin. Offi., c. i). » Alcuin nous
a représenté la manière dont on veillait la nuit
de la Nativité de Notre-Seigneur.
La veille de Noël, on disait la messe à l'heure
de none, après on chantait vêpres, ensuite on
allait manger. A l'entrée de la nuit le pape
entrait dans l'église de Sainte-Marie, y chantait
les vigiles et matines, c'est-à-dire laudes et en-
suite la messe de la nuit. Après quoi il allait
chanter une autre messe de la nuit à Sainte.
Anastasie. De là il allait à Saint-Pierre, où il
continuait l'office de la nuit avec les chanoines
de Saint-Pierre qui l'avaient commencé à
l'heure ordinaire, avec l'invifatoire; au lieu
que le pape n'avait point dit d'invitatoire aux
veilles et aux matines qu'il avait chantées dans
l'église de Sainte-Marie.
Alcuin ajoute que c'est pour cela que l'anti-
phonaire romain marquait pour cette nuit un
office double : « Unde etiam duplà officia in
Romanorum antiphonariis bac nocte descri-
bunlur. »
C'est donc là l'origine des fêtes et des offices
ORIGINE DE QUELQUES PARTICULARITÉS DE L'OFFICE DIVIN.
217
doubles, lorsqu'on les célébrait deux fois on
un môme jour en deux différentes églises.
Origine très-ancienne, paisqu'Alcuin semble
attribuer ces anciennes cérémonies à l'Eglise
romaine. Prudence, avant lui, dans la descrip-
tion qu'il a faite de la passion de saint Pierre
et de saint Paul, et de la célébration de leurs
fêtes, axait insinué que l'office se célébrait
deux fois ce jour-là, parce que le pape allait
d'abord à l'église de Saint-Pierre et ensuite à
celle de Saint-Paul, et célébrait l'office dans
ebacune de ces églises le même jour. Voici les
termes de Prudence : « Transtiberina prius
solvit sacra perxigil sacerdos; mox hucreeur-
rit duplicatque nota. Hœc didicisse sat est
Rompe tibi : tu domum reversus, diem bife-
slum , si colas, mémento (Pétri Stepbanon). »
Cet auteur appelle diem bifestum ce que nous
appelions duplicem festum.
Revenons à Alcuin. Cet auteur remarque
(Cap. xxviii], que dans l'Eglise de Rome on
éteignait toutes les lumières le vendredi saint
à l'heure de sexte, et qu'on les rallumait à
l'heure de noue, pour représenter l'éclipsé du
soleil au temps de la Passion.
A l'égard de ce qu'il ajoute de la messe des
présanctifiés du même jour du vendredi saint,
où sans consacrer, le prêtre consume le pain
consacré du jour précédent avec du vin qui
ne se consacre point , on pourrait douter si
cette addition n'est pas effectivement une addi-
tion étrangère et d'un siècle postérieur à celui
d'Akuin. puisque le cardinal Humbert com-
battit avec tant de force la messe grecque des
présanctifiés' , dans la dispute qu'il eut avec
eux à Constantinople, environ l'an 1050.
On pourrait néanmoins dire que les Ro-
mains ne regardaient pas cette cérémonie
sacrée, comme une messe, mais comme la
communion simple du piètre, avec lequel tout
le peuple communiait aussi , comme le dit
le même Alcuin : « Sanctiticatur vinum non
consecratum per sauctificatum panem. Tune
communicant omnes cum silentio et expleta
sunt universa. »
V. La règle de Crodogangus ordonne aux
ebanoines de faire . en s'éveillant, les mêmes
prières qui se font au commencement des
nocturnes ou des veilles de la nuit; ce qui
donne lieu de conjecturer, qu'on a fait dans la
suite des temps en public et en commun, ce
que chaque particulier pratiquait auparavan
en secret.
« Nocturnis boris cum ad opus divinum de
nocte surrexerit clerus, primum signum sibi
sanctœ Crucis imprimat , per invocationem
sanctae Trinitatis; deinde dicat versum, Do-
mine, labia mea, aperies, et os meum annuntia-
bit laudem tuam. Deinde psalmum, Deus in
adjutorium meum intende, totum cum gloria.
Et tune provideat sibi corpoream necessitatem
natura?, et sic ad oratorium festinet, psallendo
psalmum, Ad te, Domine, levavi animam
meam, etc. (Cap. xiv). » Chacun se prosterne
en arrivant au cbœur, et adore Dieu en esprit,
attendant que le signe ayant été donné on
commence le ebant des louanges divines.
VI. En hiver, on ne se levait selon cette
règle qu'à deux heures après minuit : « A ka-
lendis Novembribus usque in Pascha, octavo
hora noctis surgendum est, ut môdice amplius
de média nocte pausentur, et jam digesti ad
vigilias surgant (Cap. xv). » On prolongeait
et on raccourcissait l'office selon le temps qui
restait jusqu'au jour, au gré de l'évêque ou du
supérieur : «Utquadraginta aut quinquaginta
psalmos possint cantare, secundum quod vi-
sum fuerit, et hora permiserit (Can. xlii). »
VII. Le concile de Francfort défendit le culte
des nouveaux saints qui se glissait facilement
dans les églises particulières, en un temps où
il n'y avait point encore de loi ni de coutume
qui réservât au pape seul l'autorité de canoni-
ser les saints. « l t nulli novi sancti colantur,
aut invocenlur, nec memoriœ eorum per vias
crigantur ; sed hi soli in Ecclesia venerandi
sunt. qui ex autoritate passionum et vitœ me-
rilo electi sunt. »
Ce canon fait connaître que l'Eglise rendait
un culte public, non-seulement aux martyrs,
« ex autoritate passionum, » mais aussi à des
confesseurs illustres, « vitae merito. »
Il n'était pas besoin d'une grande discussion
pour les martyrs, mais il y avait des recher-
ches à faire et des surprises à éviter pour la
canonisation des confesseurs , et ce furent ces
difficultés et les abus populaires tant de fois
condamnés par les conciles qui obligèrent enfin
l'Eglise de se reposer sur son chef de toutes les
diligences et de toutes les informations qui
sont nécessaires pour un sujet d'une si grande
conséquence.
Photius, patriarche de Constantinople, mon-
tra bien qu'il n'avait ni le pouvoir légitime, ni
la religion nécessaire pour cette divine fonc-
tion quand il canonisa, par une lâche et sacri-
248 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGT-DEUXIÈME.
lége flatterie. Constantin, fils aîné de l'empe-
reur, lui dédiant des temples et des monastères.
Nicétasquiaécritlavie du patriarche Ignace
déteste avec raison cette impudente flatterie.
« Quem Photius audacissimus in gratiam im-
peratoris per se in Sanctorum censum rela-
tum, templis cœnobiisque ad aucupandam ho-
minum gratiam colère niliil veritusest. »
Mil. Le chapitre ou l'assemblée générale
des abbés de France qui se tint, sous Louis le
Débonnaire, l'an 817, ordonna qu'à l'office des
Morts on ne dirait point l'invitatoire ni le Glo-
ria. «Ut psalmus invitatorius et gloria pro defim-
etis non dicatur (Can. lxviu, lxix, lxxiv). «Qu'on
lirait le martyrologe dans le chapitre après
prime , puis on lirait un article de la règle ou
le sommaire de quelque homélie : « Ut ad ca-
pitulum primitus martyrologium legatur, et
dicatur versus, deinde régula, aut homilia
quselibet legatur, deinde : Tu autem, Domine,
dicatur. » Qu'on dirait à la messe Sanctus de-
bout et le Pater noster à genoux. « Ut ad mis-
sam Sanctus stantes, et Pater noster genulle-
ctentes dicant. »
Hérard, archevêque de Tours, a remarqué,
dans son capitulaire aux curés, que le prêtre
célébrant ne doit commencer la récitation se-
crète du canon de la messe qu'après qu'il a
lui-même achevé dé chanter le Sanctus avec
le peuple. Car le peuple chantait le Kyrie, le
Sanctus, le Pater, et le Symbole; les psaumes
n'étaient chantés que par les clercs.
« De oratione Dominica et Symbolo , ut me-
moriter omnes teneant, et Gloria Patri, ac
Sanctus, atque credulitas , et Kyrie eleison , a
cunctis reverentur canatur. Psalmi similiter
distincte a clericis. Et ut Sécréta presbyteri
non inchoent, antequam Sanctus finiatur, sed
cum populo Sanctus cantent (Cap. xvi). »
Valafride Strabon a cru que l'on ne com-
mença de chanter le symbole à la messe qu'au
temps et à l'occasion de la condamnation de
l'hérésie d'Elipand, évèque de Tolède, et de
Félix, évêque d'Urgel; et il a estimé qu'on
préféra le symbole du concile de Constanti-
nople à celui de Nicée, parce qu'on le jugea
plus propre à l'harmonie du chant (Cap. \xu .
On pourrait avoir eu aussi égard à ce que le
symbole de Constantinople est plus étendu que
celui de Nicée.
Ce même auteur (Cap. xxi) rapporte que le
pape Léon célébrait quelquefois sept, huit ou
neuf fois la messe en un même jour. C'est ce
même pape Léon qui donna la licence de chan-
ter le symbole dans les lieux où c'était la cou-
tume, quoiqu'on ne le chantât pas à Rome, mais
qu'on le récitât seulement comme il le con-
fesse lui-même dans la conférence qu'il eut
avec deux évèques envoyés par Charlemagne
l'an 809.
IX. L'auteur de la vie de saint Odon , abbé
de Cluny, raconte le changement qui se fit
aux offices de saint Martin de Tours. Les an-
tiennes étaient si courtes, que l'office entier
ne répondait pas à la longueur des nuits. Ils y
remédiaient en réitérant l'antienne après cha-
que verset des psaumes, mais cette réitération
était également pénible et ennuyeuse.
« Ol'fieii antiphona* brèves sunt, et ejus tem-
poris longiores noctes ; volentes officium ad
lucem usque protendere, unamquamque anti-
phonam per singulos psalmorum versus re-
petendo canebant. Fiebat nempe eis labor im-
probus (Surius, Nov. die xvm, c. v). »
Enfin, ils contraignirent saint Odon, malgré
toutes ses excuses, de leur composer des an-
tiennes plus longues et un office entier qui
j m t remplir la longueur de ces saintes nuits.
Le canon xxxn du concile in Trullo fait
mention de la messe de saint Jacques, premier
évèque de Jérusalem et frère du Seigneur.
Balsamon ajoute que l'Eglise d'Alexandrie
conserve aussi une liturgie particulière qu'elle
prétend être de saint Marc , mais qu'il est
étrange que ces deux églises ne se soient pas
conformées à toutes les autres qui se sont atta-
chées à la liturgie de saint Basile et à celle de
saint Chrysostome.
11 raconte qu'un jour il en porta lui-même
ses plaintes au synode et à l'empereur au
temps que le patriarche d'Alexandrie, étant
venu à Constantinople, prétendait y célébrer
la messe selon les cérémonies et la forme
d'Alexandrie. Ce qu'on l'empêcha de faire , et
on lui fit promettre de ne plus l'entreprendre.
Le même Balsamon tâche de prouver par le
canon i.xxxv des Apôtres et par le lix de
Laodicée que ni saint Jacques, ni saint Marc
n'ont jamais composé ces liturgies, puisqu'elles
n'ont pas été mises au rang des ouvrages des
Apôtres et des Ecritures canoniques dans ces
deux canons (Balsamon, in suppl., p. 1115;
Juris Orient., t. i, p. 362, 363).
Il infère de là que toutes les Eglises doivent
se rendre imitatrices de celle de Constantinople
qui est la nouvelle Rome , et embrasser les
LA FERVEUR DES LAÏQUES POUR LES OFFICES DIVINS.
219
messes de saint Basile et de saint Gliryso-
stome, puisque les lois ordonnent que dans les
matières qui ne sont point réglées par aucune
loi, la coutume de Rome doit servir de loi.
« Quamobrem onuies Ecclesia? Dei sequi de-
bent inorem nova? Borna1, nimiruin Gonstanti-
nopolis. Ait enim caput Basilicon. De quibus
scripta lex non est , morem quo Roma utitur ,
servari oportet. »
X. Quant à la langue dont la liturgie doit
être écrite, Balsamon se relàcbe un peu plus,
et il soutire que les Syriens et les Arméniens
fassent le divin service en leur langage, puis-
que, selon l'Apôtre, toutes les nations et toutes
les langues sont invitées à connaître et à bénir
Dieu , pourvu que toutes ces nations aient des
versions tidèles de la liturgie grecque : « Pro-
pria dialecto sacra confident, exemplaria con-
suetarum sanctarum preciun habentes non
evariantia, ut desumpta ex Contaciis, Graeca-
nicis litteris eleganter descriptis (Ibidem ,
p. 365). »
Finissons une matière qui d'elle-même se-
rait infinie, et qui n'est pas d'ailleurs des plus
importantes pour instruire les bénéflciers de
leurs obligations. Tout ce que nous en pour-
rions dire pourrait peut-être satisfaire la curio-
sité des ecclésiastiques, sans augmenter leur
zèle et leur piété (1).
(1) Oq sait que le souverain pontife officie personnellement trois
fois dans l'année. Outre les cardinaux-diacres qui l'assistent, il y a
deux sous-diacres, un latin et un grec pour la lecture de l'épitre,
dans ces deux langues, et deux diacres aussi, un grec et un latin,
pour le chant de l'évangile. Voici du reste le récit officiel de Can-
cellieri déjà cité : « Le sous-diacre latin, servi par nn maître des cé-
a remontes, prés du trône où le pape s'est babillé, cbante l'épitre en
i latin, avec un livre qui, par les anciens fut appelé Apostolits,
« Cornes Byeronîmi, lectionariusy epislolarium. Il s'arrête au même
o lieu pour attendre que le sous-diacre grec l'ait chantée en grec
a dans le chœur, pour aller, tous les deux, le premier à droite, le
• second à gauche, baiser le pied du pape. » Après que le cardinal-
diacre a chanté l'évangile en latin, Cancellieri ajoute : « Le diacre
« grec, après après avoir fait les génuflexions ordinaires, porte le
t livre des évangiles au milieu de l'autel, il va baiser le pied du
■ pape, retourne à l'autel, et, à genoux, il dit dans son idiome :
« Munda cor meum. Il se lève, prend le missel, et, ayant le sous-
« diacre grec à la gauche, il retourne au trône, assisté toujours d'un
• maître des cérémonies, se met à genoux, demande en grec la bé-
« nédiction au pape, qui lui répond en latin, et lui donne la triple
a bénédiction ; il va au lieu destiné pour chanter l'évangile grec ; le
« sous-diacre grec lui répond au commencement et à la fin dans le
• même idiome; lorsqu'il a fini, les sous-diacres latin et grec vont
■ faire baiser au pape les livres des évangiles. » (Dr Andké.,i
CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROISIÈME.
LA FERVEUR DES LAÏQUES MÊMES POUR LES OFFICES DIVINS, POUR LES FRÉQUENTES COMMUNIONS.
POUR LES JEUNES, POUR LA CONTINENCE, SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. Assiduité des laïques aox offices divins, selon les conciles
et les capitnlaires de France.
II. Selon le concile VII.
III. Particulièrement les jours de dimanche, les fêtes, et en
carême.
IV. Assiduité des empereurs et des rois aux offices divins.
V. Et des autres grands du monde.
VI De la fréquente communion des laïques.
VU. Suite du même sujet. Divers degrés de ferveur et de re-
lâchement.
VIII. On commence de donner la communion dans la bouche
aux laïques Communion des enfants.
IX. Pratiques de l'Eglise grecque.
X. Obligation des laïques mariés de garder la continence aux
jours de communion, de dimanche, de fête et de jeûtie.
XI. Suite du même sujet.
XII. Des jeûnes. Diverses règles des jeunes, et divers carê-
mes dans l'Eglise latine.
XIII. Divers usages de l'Eglise latine pour les jeunes du mer-
credi, du vendredi, du samedi, des veilles. Les jeunes et les
demi-jeùnes.
XIV. Pratiques rigoureuses de l'Eglise grecque pour les jeûnes.
XV. Des longs jeûnes avant Noël, l'Assomption et la fête des
apôtres. Adoucissements.
I. Pour détruire encore plus les fausses dé-
fiances, dont quelques esprits se sont laissé
prévenir, que l'obligation des heures cano-
niales n'a pas toujours été si précise ni si pres-
sante que nous la faisons passer à présent,
nous avons jugé à propos de dire quelque
chose de la fervente piété des laïques mêmes,
pour la psalmodie et pour les offices divins.
Charlemagne commanda que dans toutes les
écoles des évéchés et des monastères les en-
fants apprissent les psaumes , la note et le
chant : « Ut schola; legentium puerorum fiant.
2o0 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROISIÈME.
psalmos, notas, cantus , computum discant
(An. 789. Capitul. Aquisg. c; lxxii).»
L'évèque Théodulphe, d'Orléans, ordonne
à tous les fidèles : 1° De prier Dieu au moins
deux fois le jour, le matin et le soir, et de le
faire dans l'église, si elle n'est pas loin : « Ha?c
facianl, quibus basilica? locus prope est, in
basilica; qui vero in itinere aut in agris, etc.
(Capitul. Theod., c. xxn, xxi). »
2° D'employer tout le jour du dimanche en
prières et à la messe, sans se donner de relâ-
che que pour les nécessités de la nature. « Ut
prœter orationes et missarum solemnia, et ea
qua? ad \escendum pertinent, nihil aliud fiât.»
3° De ne rien omettre de ces prières, quoi-
qu'on soit en chemin ou sur mer. « Nam etsi
nécessitas fuerit navigandi, sive itinerandi,
licenlia dalur, ita duntaxat, ut bac occasione
missœ et orationes non prœtermittantur. »
4° De venir à l'église dès le samedi à vêpres,
d'y revenir pour les vigiles ou pour les mati-
nes, et enfin pour la messe solennelle. « Con-
veniendum est sabbato die cum luminaribus
cuilibet christiano ad ecclesiam conveniendum
est ad vigilias, sive ad matutinum oflicium ;
currendum est etiam cum oblationibus ad mis-
sarum solemnia. »
5° De se rendre à l'église pour vêpres et pour
la messe tous les jours de jeûne, avant que de
prendre sa réfection : « Concurrendum est ad
missas, et auditis missarum solemnibus, sive
vespertinis officiis, largitis eleemosynis ad ci-
bum accedendum est (Ibid., c. xxxix;. »
Le capitulaire que les évêques firent en l'an
802 Cap. vin) obligea tous les curés non-seu-
lement à chanter toutes les heures du service
divin, mais aussi a les sonner, afin d'avertir
les peuples de faire leurs prières à Dieu en ces
mêmes temps. « Ut omnes sacerdotes horis
corn pètent ibus diei et noclis, suarum soncnt
signa ecclesiarum, et sacrata Deo célèbrent of-
ficia, et populos erudiant, quomodo aut quibus
Deus adorandus est horis. »
Voilà encore quelque vestige de l'ancienne
piété des premiers siècles, où il est constant
que la distinction de ces heures consacrées à la
prière était commune à tous les fidèles et n'é-
tait pas pour les seuls ecclésiastiques.
Aussi le concile VI de Paris (Can. xi) se
plaint avec beaucoup de raison de l'indévolion
présente des fidèles qui ne viennent à l'église
que les dimanches, et leur représente ce qu'O-
rigène reprochait aux plus relâchés d'entre les
fidèles de son temps, que tous les jours sont
consacrés à Dieu, et que c'est une piété judaïque
de n'adorer Dieu qu'à des jours réglés et en
petit nombre. « Dicite mini vos, qui tantum-
modo festis diebus ad Ecclesiam convenitis,
caeteri dies non sunt festi? Non sunt dies Do-
mini? Judéeorum est dies certos et raros ob-
servare solemnes, etc. »
IL Le concile VII général (Can. h) fait con-
naître à tous les fidèles leur obligation de sa-
voir les psaumes et de les réciter souvent,
encore que ce devoir regarde encore plus par-
ticulièrement les ecclésiastiques, et surtout les
évêques, qui doivent être la règle de tous les
autres bénéficiers.
« Quoniam psallentes Deo repromittimus, in
justificationibus tuismeditabor, non obliviscar
eloquiorum tuorum; omnes quidem Christia-
nos hoc salutare servare oportet ; eos autem
pnocipuequi sacerdotalemdignitatem obtinent.
Quamobrem decernimus, quemlibet quidem,
qui ad episcopalem gradum est provehendus,
psalterium omnino nosse, ut ex eo omnem
quoque suum clerum ita institui moneat.»
Balsamon demande pourquoi, de tant de dif-
férentes connaissances dont l'évèque doit être
enrichi, ce canon ne fait instance que pour le
psautier; mais la résolution de cette question
n'est pas fort difficile. Il est évident que les
bénéficiers et surtout les évoques doivent s'ap-
pliquer particulièrement à la prière comme à
la plus essentielle de toutes leurs obligations,
et connue à celle qui ne souffre ni délai ni
interruption.
De là vient aussi que le formulaire d'instruc-
tions que le droit oriental donnait aux abbés,
leur enjoignait que la première chose à quoi
les religieux s'appliqueraient, fût d'apprendre
le psautier et tout le service. « Faciendum
maximo tibi studio, ne qui tondentur, in alia
quavis monasterii functione prius versentnr,
quam recte psalterium edidicerint ( Juris
Orient., tom. i, pag. i.'J8). »
111. Le concile deFrioul (C. xm) tenu en 791,
sous le patriarche Paulin, oblige tous les fidèles
de consacrer à la prière tout le jour du diman-
che, qui commence depuis les vêpres du sa-
medi; et pour pouvoir s'y appliquer avec la
liberté et la pureté qui est due à un si saint
exercice, il les exhorte de garder continence
avec leurs femmes : « Abstinere primum om-
nium ah omni peccato, et ab Omni opère car-
nali, etiam a propriis conjugibus, et abomni
LA FERVEUR DES LAÏQUES POUR LES OFFICES DIVINS.
2M
opère terreno, et nihil aliud vacare, nisi ad
orationem. »
Le pape Nicolas fit la même réponse aux
Rulgares, ajoutant que si l'on ne consacre en-
tièrement à la prière les jours de dimanche et
les fêtes, il serait plus utile de les employer au
travail des champs ijue de les perdre dans une
lâche et voluptueuse oisiveté.
« Idcirco diebus festis ab opère mundano
cessandum est, ut liberius ad Ecclesiam ire,
psalmis et hymnis et canticis spiritalibus insi-
stere. orationi vacare, oblationes offerre, mémo-
riis Sanctorum communicare, elo([iiiis divin is
intendere,eleemosynasindigentibusministrare
valeat christianus. Quœ omnia si quis negli-
gens orationi tantum vacare noluerit, etc..
melius illi fuerat laborare manibus suis, etc.
(Can. xi), a
Le concile de Tribur ne consacre pas seule-
ment à la prière tous les jours de dimanche et
les fêtes, « Tantummodo Deo vacandum, »
mais aussi tout le carême et tous les jours de
jeûne, faisant une défense très- expresse de
poursuivre aucun procès durant ce saint temps
destiné à nous réconcilier avec Dieu. « Diebus
quadragesima? et jejuniorum devotissime jeju-
nandum , et omni intentione est orandum ,
atque unicuique pro facultatibus suis eleemo-
synae tribuendre, et nullae lites vel contenliones
habendae (Can. xxxiii). »
Le Prophète a condamné l'avarice et la fu-
reur de ceux qui ne semblent jeûner que pour
avoir plus de loisir de poursuivre leurs parties,
« Ecce ad lites et contentiones jejunatis. »
On sait que tous les jours de la semaine,
pour les ecclésiastiques, sont autant de fériés,
c'est-à-dire autant de fêtes, qu'il ne faut pas
profaner par des occupations terrestres. Ori-
gène nous a appris que ce n'a été que le ralen-
tissement de la première ferveur des fidèles
qui a fait la distinction des fêtes et des autres
jours.
Charlemagne nous réitéra encore l'ancienne
ordonnance des conciles aux curés de chanter
et de sonner toutes les heures canoniales, afin
d'exciter tous les lidèles aux mêmes devoirs.
« Ut sacerdotes signa tangant lioris canonicis,
et illorum offieium agant, sive diurnale, si\e
nucturnale, quia scriptum est : Sine intermis-
sione orate, et idcirco non dimittant horas
canonicas(CapitulareCarol. Mag., l.vi. c. lus ...
Ce commandement de l'Apôtre, deprier sans
cesse, n'est pas pour les ecclésiastiques seule-
ment, mais pour tous les fidèles. C'est aussi
pour cette raison que, pour les avertir des de-
voirs de cette piété universelle, on sonne les
cloches avant que de commencer les offices du
jour et de la nuit.
De là provenait la liberté que les laïques
avaient encore de chanter des psaumes dans
l'église et même des répons . quoiqu'en cela
même il y eût toujours quelque chose qui fût
singulièrement réservé aux clercs. « Laicus
non débet in ecclesia lectionem recitare, nec
alléluia dicere, sed psalmum tantum, aut re-
sponsoria, sine alléluia (Ibid., I. v, c. 49).»
Réginon montre que l'ancienne pratique
était d'obliger tous les lidèles d'assister a mati-
nes, à la messe et à vêpres, tous les dimanches
et tous les jours de fête. «Et si ad matutinas
et ad missam et ad vesperas lus diebus imprœ-
termisse omnes occurrant ÎL. h, c. 75). »
IV. Les plus grands princes étaient aussi les
plus religieux à observer les règles de l'ancienne
piété , et à se trouver à tous les offices de l'E-
glise. Eginard et le moine de saint Gai , nous
ont déjà appris que Charlemagne était lui-même
fort versé dans la science des lecteurs et des
chantres , et qu'il chantait tout bas les psau-
mes dans l'Eglise.
Nous avons appris que l'église du palais
impérial était celle où les divins offices se célé-
braient avec plus de solennité et plus d'exac-
titude , et qu'elle servait de règle et de modèle
à toutes les autres églises du royaume. Cette
chapelle du palais et les offices qui s'y célé-
braient tous les jours , sont des preuves cons-
tantes de l'assiduité des princes à s'y trouver.
Eginard fait assister Charlemagne aux offices
du jour et de la nuit. « Ecclesiam mane et
vespere, item nocturnis boris et sacrificii tem-
pore, quoad eum valetudo permiserat, impigre
frequentabat. »
Le moine de saint Gai nous a représenté
Charlemagne comme le modérateur du chant
et des offices de sa chapelle royale. Il nous a
même assuré qu'un ecclésiastique n'eût osé
paraître devant lui, s'il n'eût su bien chanter
et bien lire. Enfin il nous a appris de quels
habits il se prémunissait contre le froid et les
injures de la nuit , quand il allait à matines ;
quelle était l'assiduité des ecclésiastiques à l'y
accompagner aussi bien qu'aux offices du matin
et à la messe.
« Gloriosissimus Carolus ad nocturnas laudes
pendulo et profundissimo pallie-, cujus jam
232 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROISIÈME.
usus et nomen recessit, utebatur. Expletis vero
hymnis matutinalibus, ad caminatamreversus,
imperialibus vestimentis pro tempore orna-
batur. Cuncti vero clerici ita parati ad antelu-
cana veniebant ofiicia, ut vel in ecclesia vel in
|)orticu, qua3 tune curlicula dicebatur, impe-
ratorem , ad missarum solemnia processurum
vigilantes expectarent (De Ecelesiasliea cura
Caroli llagni., 1. 1, c. 33). »
Louis le Débonnaire s'est presque attiré de
justes reproches par l'extrême passion d'une
occupation très-louable, à savoir la psalmodie
et l'étude des Ecritures. Thégan assure qu'il
entendait parfaitement le grec, qu'il parlait
très-bien le latin, qu'il avait approfondi tous
les sens de l'Ecriture ; enfin que s'il eut trop
de créance aux mauvais conseillers, qui abu-
sèrent enfin de sa facilité , cela ne vint que de
son excessive application à la lecture et à la
psalmodie. Ce discours de Thégan pourrait
bien tenir de. ce langage, qui est si ordinaire
aux courtisans, quand ils parlent des dévots.
Voici ses paroles: « Lingua graeca et latina
valde eruditus, sed graecam magis intelligere
poterat, quam loqui : latinam vero sicut natu-
ralem aequaliter loqui poterat. Sensum vero in
omnibus Seripturis spirilalem , ac moralem ,
nec non et anagogen optime noveral. Omnia
prudenter et caute agens, nisi quod consiliariis
suis magis credidit quam opus esset, quod ei
fecit psalmodiée occupatioet lectionum assidui-
tas (Cap. xix, xx). »
In autre historien nous fait voir une assi-
duité tout extraordinaire de ce prince aux
offices divins pendant le saint tempsdu Carême,
en sorte qu'en tout cet espace de temps consa-
cré à la pénitence, il ne se donnait pas la liberté
de monter une fois ou deux à cheval, quoique
cet exercice fût et si innocent et si nécessaire
pour la conservation de sa santé. « Et qui soli-
tus erat hoc tempus psalmorum decantatione,
orationum instantia, missarum celebratione,
eleemosynarum liberalitate, cum summadevo-
tione totum solemne reddere, ita ut vix uno,
a ut diiobus diebus propter exercitationem
equitationi indulgeret, etc. (DuChesne, tom. u,
p. 318). »
La censure de Thégan pourrait rendre sus-
pect et inutile l'exemple de ce grand prince, et
pour empêcher cela, il faut lui opposer le juge-
ment d'Agobard, archevêque de Lyon, qui lut
l'un des plus Apres persécuteurs de Louis le
Débonnaire, et qui lit paraître plus de passion
et plus d'emportement pour sa déposition.
Agobard certainement ne jugeait pas qu'une
assiduité excessive au service divin eût attiré
sur ce malheureux prince la tempête dont il
fût battu, puisque lui écrivant à lui-même sur
les désordres de son gouvernement, il le loue
néanmoins de sa fervente piété dans le chant
des psaumes et des cantiques de l'Eglise. «Re-
cordamur namque ardentissimœ religionis ve-
strœ , quam cognovimus semper in assiduitate
orationum, in psalmis, et hymnis et canticis
spiritualibus , cantantem et psallentem Deo in
corde puro, etc. (De divisione Imper. Gallic.
inter ha»redes Lud. Imp,). »
Paul, diacre, rend ce glorieux témoignage à
Luitprand, roi des Lombards, qu'il fut le pre-
mier des rois qui , après avoir bâti une cha-
pelle royale dans son palais, y fonda un chapi-
tre de clercs et de prêtres, pour y chanter
devant lui les divins offices. « Intra suum quo-
que palatium orationum Domini Salvatoris
anlificavit. Et quod nulli alii reges habuerant,
sacerdotes et clericos instituit, qui ei quotidie
divina officia decantarent (L. vi, c. 17).»
Ditmar a remarqué que l'empereur Othon I",
se rendait avec pompe et en procession, accom-
pagné d'évêques, et de tout le clergé avec les
croix, les reliques et les encensoirs, aux offices
divins, à vêpres, à matines et à la messe , sans
en sortir jamais avant la fin. Ce qu'il faisait
fous les jours solennels.
« Solebat in solemnitatibus universis ad ve-
speram , et ad matutinum atque ad missam ,
cum processioneepiscoporumvenerabili, dein-
deque cœterorum online elericorum, cum cru-
cibus, Sanctorumque reliquiis ac thuribulis
ad ecclesiam usque deduci, hicque starc aut
sedere, usque dum finita sunt universa. (De
geslis Regum Angl., 1. n, pag. 45). »
Guillaume de Malmesbury assure que le roi
d'Angleterre Alfred , qui commença à régner
en 872, divisait les vingt-quatre heures du jour
en trois parties égales, en donnant huit à la
prière et à la lecture, huit aux nécessités du
corps, huit aux affaires de son Etat. « Viginti
quatuor horas, qui inter diem ac noctem jugi-
ter rotantur, ita dividebat, ut octo horas in
scribendo et legendo et orando , octo in cura
corporis , octo in expediendo regni negotio
transigeret. »
Ce roi, vraiment chétien, faisait mettre dans
sa chapelle un cierge , qui brûlait jour et nuit
et qui marquait toutes les heures, de quoi le
LA FERVEUR DES LAÏQUES POUR LES OFFICES DIVINS.
233
chapelain devait l'avertir. Enfin , il avait tou-
jours le livre des offices divins dans son sein .
afin d'y donner tous les moments qu'il avait de
loisir, et de bien employer tout le temps que
l'embarras d'un grand Etat lui laissait libre.
« Illud insolitum et inauditum, quod semper
sinu gestabat libellum , in quo diurni cursus
psalmi continebantur, ut si quando vacaret,
arriperet, et vigilanti oculo percurreret. »
V. La piété des seigneurs particuliers répon-
dait à celle des rois. Témoin le comte d'Aurillac
saint Gérald, dont saint Odon, abbé de Cluny ,
a écrit la vie. Ce pieux seigneur assistait tous
les jours aux offices du matin ou de la nuit, et
ensuite à la messe. « Post nocturnas laudes, si
quolibet proficiscendum erat, missarum subse-
quebatur solemnitas (L. i, c. S). »
Un jour de dimanche, par un malheur
étrange, il ne put entendre la messe : pour ré-
parer cette faute, qui était très-involontaire , il
récita le même jour tout le psautier, et il s'ac-
coutuma depuis à le réciter presque tous les
jours. «Ex bocjamsibi consuetudinem statuit.
ut psàlterium pêne quotidie recitaret. »
C'était une chose surprenante, comment sans
se refuser aux occupations nécessaires et aux
devoirs de sa charge, il pouvait donner tant de
temps à l'oraison et au chant des psaumes, soit
en public, soit en particulier.
« Tantopere lectionibus audiendis, et vicis-
sim orationibus, nunc cum aliis, nunc semo-
tim erat inteutus, ut mirum sit, quomodo vel
tantum studium in his habere potuerit , vel
tantam psalinorum summam semper explere
voluerit. Praesertim cum alias occupationes
interdum expedisset. Non enimeratobstinatus,
ut causis necessariis se nimiumabsentaret;sed
his pro opportunitate paululum intentus, mox
ad degustatam psalmodia dulcedinem sese con-
citus recolligebat (L. h, c. 9). »
Il passa un jour de fête solennelle dans la
célèbre abbaye de Soleminiac, et quoique l'of-
fice s'y fit avec une longueur affectée à cause
de la solennité : « Fratres solemnisare cœpe-
runt officium, ut moris est, in longum prote-
lantes; » ce ne furent pour lui que de bien-
heureux moments.
Quelque part qu'il allât, il avait avec lui des
ecclésiastiques, avec lesquels il célébrait les
offices du jour et de la nuit. « Copia clerico-
rum semper eum comitabatur, cum quibus
in divino opère jugiter insudabat. Nocturno
tempore cunctos in oratorio diutius prœvenire
solebat : quo expleto soins remanere solitus
erat I.. u. C 16 . »
Se trouvant un dimanche en voyage, il
ne voulut souffrir qu'on se mit en chemin
qu'après l'heure de none passée. « Retinuit
eos , dicens, quod ob reverentiam Dominici
Dei saltem usque ad nonam demorarentur.
(Cap. 21). »
Il s'écartait un peu de la compagnie, lors-
qu'il allait à cheval, pour pouvoir plus libre-
ment réciter les psaumes : « Porro mos erat
illi , ut cooperto capite solus equitaret, quo
psalmodia; liberius vacaret. »
Les langueurs mêmes de sa dernière mala-
die ne purent ralentir sa ferveur, il allait aux
offices de la nuit dans l'église, il y entendait
deux messes , l'une du jour , l'autre des Morts,
et quand les approches mortelles de la der-
nière heure l'eurent entièrement abattu . il
faisait encore chanter l'office dans sa chambre
par ses chapelains, et le chautait lui-même
avec eux.
« Per omne vero sui languoris tempus, ita
fatiscentesaddivinumobsequiumimpellebatar-
tus, ut nec unum quidem nocturnale officium
nisi in ecclesia pateretur celebrare. Missam
vero unam diei competentem , et alteram co-
ram altari positus audiret, etc. Ingravescere se
senliens, jussit ut nocturnale coram se capel-
lani peregissent, episcopo cum suis in ecclesia
illud célébrante : cum psallentibus autem et ipse
psallebat, donec post matutinale officium om-
nes etiam horas diei compleret ( L. ni, c. G,
7). »
VI. Ce n'est pas dans le seul point de la ré-
citation des psaumes que l'ancienne ferveur
des fidèles s'est relâchée , on en peut encore
bien remarquer d'autres dont nous allons par-
courir en passant quelques-uns. pour prouver
que les laïques imitaient les clercs et les moi-
nes, non-seulement par l'assistance à l'office
divin, mais encore par d'autres actes de piété.
Ils communiaient autrefois presque tous les
jours que les prêtres célébraient la sainte
messe. C'était là le dernier acte de piété par où
finissait l'office de l'Eglise. Mais cette habitude
d'assister à l'office et surtout de communier
est bien ralentie, ce qui a fait que l'Eglise s'est
trouvée dans la nécessité de marquer des temps
dans l'année auxquels les fidèles seraient tenus
de communier, et cette obligation est enfin au-
jourd'hui réduite à une fois par an et fixée au
temps des Fêtes de Pâques.
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE UEATRE-YINGT-TRftlSIEME.
Au temps de Charlemagne on communiait
encore au moins trois fois chaque année. Le
précepte en fui renouvelé dans le concile 111 de
Tours, tenu en 813. « Et si non fréquentais ,
vel ter laïci homines in anno communicent ,
nisi forte quis majoribus quibuslibet crimini-
bus impediatur (Can. l, capilul. 1. u, c. 45).»
Cette exception des pénitents doit toujours
être présupposée, mais aussi a-t-elle besoin
elle-même d'une autre exception qui la limite,
car les pénitents, même du temps de Charle-
magne, communiaient tous le Jeudi Saint , en
exceptant seulement ceux qui étaient atteints
des crimes les plus énormes.
C'est ce que nous apprenons du concile II de
Chalons, tenu en 813. « In Ccena Domini a qui-
busdam perceptio Eucharistiae negligitur, quae
quoniam in eadem die ab omnibus fidelibus,
exceptis bis, quibus pro gravibus criniinibus
inliibitum est, percipienda sit , ecclesiasticus
usus demonstrat ; cum etiam pœnitentes eadem
die ad percipienda corporis et sanguinis Domi-
nici sacramenta réconciliât (Can. xlvii, Addit..
1. m. c. 38). »
Si les pénitents même communiaient une fuis
l'an , on ne doit pas douter que les fidèles ne
participassent plus souvent à cette nourriture
céleste.
Théodulphe, évêque d'Orléans , ordonne la
communion générale de tous les fidèles tous
les dimanches du Carême , le Jeudi, le Ven-
dredi, le Samedi Saint et le jour de Pâques.
« Singulis diebus Dominieis in Quadragesi-
ma, prœter hosqui excommunicati sunt, sacra-
menta corporis et sanguinis Christi sumenda
sunt. et in Ccena Domini, et in Parasceve, et in
vigilia Paschae, et in die Resurrectionis Domini
penitus ab omnibus communicandum, et ipsi
dies paschalis hebdomadœ omnes aequali reli-
gione colendi sunt (Capitulare Theod., c. il .»
Ce |>rélat ajoute que comme il ne faut pas
s'approcher de cette divine table sans beaucoup
de préparation, aussi on ne peut s'en priver
longtemps sans beaucoup de danger : « Sicut
periculosum est, impurum quemque ad tantum
sacramentum accedere ; ita periculosum est ab
hoc prolixo tempore abstinere. »
Ainsi les fidèles doivent prendre un tempé-
rament, et comme un milieu entre les excom-
muniés, à qui on ne permet la communion
qu'à certains jours, et les personnes religieuses
qui mangent ce pain céleste presque tous les
jours : a Salva ratione eorum, qui excommu-
nicati, non quando eis libet, sed certis tempo-
ribus communicant , et religiosis quibuscum-
que sancte viventibus , qui pêne omni die id
faciunt ^Cap. xliv). »
Charlemagne avait taché de porter tous les
fidèles à communier tous les Dimanches et
toutes les Fêtes solennelles. « Et omnes per
dies Dominicos et festivitates praclaras , sacra
Eucharistia communicent, nisi quibus absti-
nere prœceptum est [Capital., 1. v, c. 182). Et
ailleurs : « Placuit ut fidèles, etc. Si fieri potest,
omni Dominica die communicent, nisi crinii-
nali peccato et manifeste impediantur , quia
aliter salvi esse non possunt quoniam Domi-
nus dixit : Oui manducat meam carnem, etc.
(L. vi, c. 157). »
Il est sans doute que ce grand et religieux
prince soutenait ses lois par ses exemples.
Louis le Débonnaire, son fils, fut averti de ce
devoir par les évêques du concile VI de Paris,
de l'an 829, afin que, par son exemple, ses cour-
tisans se rendissent dignes d'une plus fréquente
participation de l'Eucharistie.
« De perceptione vero sacri corporis et san-
guinis Domini nostri Jesu Christi nihilominus
monemus, ut quod Christianœ religioni ex] le-
dit, et sicut vobis a Patribus nostris admonitum
est in aliis conventibus, quando possibile fue-
rit, faciatis et vestro exemplo, vobis famulan-
tes, ut hoc faciant, instruatis (Can. xx). »
Hérard , archevêque de Tours, désirait que
les laïques communiassent au moins de trois
dimanches l'un, ou de quatre l'un, c'est-à-dire
une fois le mois. « Ut populus prœdicetur, ut
oblationes Deo offerant, et ut tertia Dominica ,
vel quarta communicent, abstinentes se a luxu-
ria prôpriisque uxoribus, et reliquis illicitis ,
nisi forte criminalibus culpis sint impliciti (An.
dccclviii, Cap. un, Capitulare Herardi). »
VII. Jonas, évêque d'Orléans, déplore la né-
gligence et l'irréligion de ceux qui ne commu-
niaient que trois fois chaque année, aux trois
principales fêtes, et ne considéraient pas que le
défaut de nourriture peut donner la mort à
l'âme aussi bien qu'au corps, et que les assem-
blées qui se font à l'Eglise n'ont été instituées
que pour rendre nos hommages à Dieu et nous
unir à lui par la communion du corps de son
propre Fils.
« Sunt item plerique, quod valde periculo-
sum, et congrua émendatione dignum est, qui
ab hoc sacramento partini incuria, partira de-
sidia adeo se subtrahunt, ut vix in anno nisi
LA FERVEUR DES LAÏQUES POIifl LES OFFICES DIVINS.
sub tribus lantura festis praeclaris,potiusquam
ex devotione faciant : aescientes, aut scire no-
lentes, qnod sicut corpus sine cibo et potu, ita
et anima sine spiritali cibo inoritur.» El un peu
plus bas: «Gum igiturconventuschristiaixu uni
ad ecclesiam ideo praecipue insti tutus sit, ut
inter liymnorum et laudum soleinnia, partici-
patio corporis et sanguinis Domini celebretur ,
etc. (De institutione laicali, 1. u. c. 18). »
Amalarius proteste dans une de ses lettres
que les anciens canons obligeaient tous les fidè-
les qui entraient dans l'église de communier
ou dédire une juste cause de leur conduite, à
moins de quoi on les excommuniait; que Gen-
nadius à la vérité conseille la communion tous
les Dimancbes, mais que c'est peut-être qu'il
ne disait pas lui-même la messe tous les jours,
autrement il n'eût pas donné ce conseil. Enfin,
qu'il vaut mieux suivre saint Augustin que
Gennadius et se rendre digne de communier
tous les jours.
Je ne m'arrêterai pas ici à examiner si Ama-
larius a bien pris le sens de saint Augustin, ou
celui de Gennadius, ni à développer si le parti
qu'Amalarius a embrassé est le meilleur. lime
doit suffire d'indiquer ici quels ont été dans ce
siècle les sentiments des docteurs et les mœurs
des fidèles. Et ce n'est que dans cette vue que
nous rapportons ses propres termes.
«Praecipitur in canonibus, utomnes ingre-
dientes ecclesiam, communicent : quod si non
communicaverint, dicant causam quare non
communicent : et si rationabilis extiterit, indul-
geatur illis : sin autem , excommunicentur.
Comperi te anchoram mentis tua) fixisse in pe-
lago, et non in portu ; fixisti illam inGennadio
Massiliensi episcopo. Hortor ut potius figas
illam in portu tutissimo , Augustino scilicet ,
testiiicato per universas Ecclesias. Hortatus est
te Gennadius, ut praecipue per dies Dominicos
commun ices. Eorte non eratconsueludo illius,
ut per singulos diesmissamcelebraret. Si enim
esset, non bortaretur per solos Dominicos dies
potissimum communicare, etc. Quapropternon
rite communicamus per singulos dies Domini-
cos, et potest tieri, ut Deo placeamus per sin-
gulos dies unius hebdomadae, in quibus gu-
stare et videre fas est, quam dulcissitltominus
(Spicileg., tom. vu, p. 172). »
11 est donc certain que les empereurs, les
prélats, et les personnes éclairées faisaient leurs
efforts pour leur conserver , ou pour renou-
veler la fréquente communion des premiers
siècles, exhortant les fidèles de vivre avec une
pureté qui les rendit dignes de communier
tous les jours, ou au moins tous les Dimanches
et toutes les Fêtes, ou si cela ne se pouvait, au
moins tous les mois; mais qu'on ne soutirait
pas que personne se dispensât de communier
les trois principales Fêtes de l'année, Noël,
Pâques et la Pentecôte, la communion d'une
fois l'année au Jeudi Saint, étant réservée aux
pénitents.
G'est ce qu'on peut encore voir, outre les
preuves précédentes dans Reginon, et dans les
formulaires anciens des exhortations syno-
dales, que les évèques faisaient à leurs curés
(Kegino. L. i, c. 58. Appendix Baluzii ad Regi-
nonem, p. 605, 013).
VIII. Ge fut peut-être au même temps que la
communion devenant moins fréquente qu'elle
n'avait été dans les siècles passés , on com-
mença à ne la plus donner dans la main des
fidèles, mais de la porter dans leur boucbe.
C'est le canon d'un ancien concile rapporté
par Reginon , qui commanda aux curés de
donner la communion dans la bouche même
des laïques. Ainsi il y a lieu de croire que les
diacres, les sous-diacres, et les autres clercs
recevaient encore l'Eucbaristie dans sa main ,
selon l'ancien usage. « Nulli laico aut feminae
Eucbaristiam in manibus ponat, sed tantum
in ore, cum bis verbis , corpus et sanguis Do-
mini prosit tibiad remissionem peccatorum et
ad vitam aeternam (Regino. L. i, c. 199).
L'autre coutume de communier les enfants
après le baptême, et dans leurs maladies, dont
on voit encore des preuves, dans les capitu-
laires de Gharlemagne : « Ut presbyter semper
Eucbaristiam habeat paratam, utquandoquis
infirmaverit, aut parvulus infirmus fuerit,
statim eum communicet, ne sine commu-
nione moriatur (Capitulare Carol. Mag. L. i,
c. 1013). » Cette coutume, dis-je, ne fut abolie
que vers le temps du pape Pascbal II, à la fin
du onzième siècle.
IX. Quant à l'Eglise Grecque, le concile in
Trullo avait bien rétabli l'ancien usage de re-
cevoir l'Eucbaristie dans la main, condamnant
la vaine affectation de quelques personnes
riches qui la recevaient dans des vases d'or
pour se distinguer des pauvres , par une ridi-
cule ostentation de leurs richesses. Mais il
semblequ'au temps de Balsamon la coutume s'y
-était aussi introduite de recevoir l'Eucharistie
dans la bouche.
25G DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROISIÈME.
C'est ce qu'il insinue lui-même sur ce Canon.
a Ne mireris, nec causam rogaveris propter
quam in quibusdam ecclestis datur laicis san-
ctum Christi corpus , nec eis in manu datur,
ut hoc canone continetur. Recta enim fides et
ltei timor et ab omni suspicione aliéna pietas
hoc tradidit, non laicorum indignitas iCan.
ci). »
Il paraît parce passage, que ce n'étaient que
les laïques qui ne recevaient plus l'Eucharistie
dans la main , et ce n'était même que dans
quelques églises qu'on avait changé l'ancien
usage. Il se pourrait bien faire que parmi les
Latins mêmes ce changement ne se fût fait
d'abord que dans un petit nombre d'Eglises.
D'où vient que Ralsamon dit que les laïques
mêmes s'entredonnent l'Eucharistie : « Latini
autem azyma assidue in sinu ferentes ,
etiamsi sint laici, ea non solum sihi, ut sacia-
menta irnpertiunt, sed etiam aliis (In Can. tvni.
Conc. Trull.) »
X. La continence des personnes mariées était
une suite, ou une préparation nécessaire à
l'Eucharistie. Elle devait aussi être religieuse-
ment observée aux jours de dimanches, aux
jours de fêtes et aux jours de jeûne.
Ralsamon dit que, parmi les Grecs, si un
homme âgé de trente ans, et ayant des enfants
de l'une de ses deux premières femmes, en
épousait une troisième, il était privé pour
quatre ans de la communion, et après sa récon-
ciliation même, il ne pouvait communier que
trois fois chaque année, le jour de Pâques, le
jour de la Dormition, ou de l'Assomption de la
Vierge et le jour de Noël.
Cet auteur prouve ailleurs la nécessité de
cette continence par l'Apôtre, qui interdit le
commerce conjugal aux temps consacrés à la
prière, et par les paroles même du sacrifice,
« Sancta sanctis (In Can. xiv. Rasilii. In Sup-
plément, p. 1123). » Il ajoute la réponse syno-
dale du patriarche Luc, qui ordonna la conti-
nence de trois jours avant la communion, et
décerna des peines contre ceux qui consom-
maient leur mariage, le jour même qu'ils
l'avaient contracté. « Palriarcha Lucas syno-
daliter pronuntiavit, debere tribus ante diehus
a corporali congressu sejungi conjuges , qui
sunt divinorum sacramentorum futuri parti-
cipes. Sed et sponsos, qui ipso die matrimonii
ad rem veneream coeunt, pcenis subjecit (Ad
can. iv. Cartbag.). »
Il ajoute aussi la décision canonique du pa-
triarche d'Alexandrie Timothée, qui défend le
commerce conjugal le samedi et le dimanche.
« Decernit debere fidèles a mutuo congressu
ahstinere sabhato et Dominico. » David et
Moïse, par leurs exemples et par leurs préceptes,
avaient autorisé cet usage de joindre la pureté
du corps à la prière et au sacrifice.
Enfin Ralsamon fait voir par la même auto-
rité des Ecritures, des usages de l'Eglise et du
patriarche Timothée, que la continence doit
non-seulement précéder, mais aussi qu'elle
doit suivre le jour de la communion et le jour
des noces, puisque l'on recevait l'Eucharistie le
même jour des noces.
Il avoue néanmoins que cette coutume ne
s'observait plus si religieusement , et qu'il
fallait faire tous les efforts possibles pour la
remettre en vigueur. « Et optamus corrigi,
quod prater divina instituta prœcepta circa
sponsœ deductionem maie sit. Nam postquam
sacra precatione initiati sunt, et divinas sancti-
ficationes promeruerunt, ad carnalem festinant
unionem, in nuptiarum deliciis lascivientes,
saerœ benedictionis vim non considérantes, et
sanctificationum contemptum. Conjuges ergo
quo die divinas participaturi sunt sanctifica-
tiones, non tantum ante earum assumptionem,
sed et post eam citra excusationemcontinenter
se gerere debent. Quod si non faciant, gravio-
ribus subjicientur pœnis (Juris Orient. L. v,
p. 307, 368). »
Si l'on rassemble toutes ces obligations com-
munes à tous les fidèles, de prier sans cesse,
de participer très-souvent au pain céleste, qui
s'appelle aussi le pain quotidien, de joindre la
continence à la prière, à la participation des
sacrements, aux jeûnes : on demeurera, à mon
avis, convaincu que nous n'avons rien fait qui
puisse paraître nouveau ou surprenant, si nous
avons éclairci les obligations du clergé à la
psalmodie, par celle qui y engageait en quelque
façon tous les laïques.
En effet, si les laïques mêmes doivent prier
sans cesse, selon les termes propres de l'Apôtre,
s'ils doivent très-souvent participer à l'Eucha-
ristie, s'ils doivent s'y préparer par la prière et
par la continence; si, selon les canons, les signes
qu'on sonne publiquement des heures cano-
niales, sont institués pour avertir les fidèles de
leur devoir; si tous les jours de fêtes et déjeune
sont sacrés à la prière et à la participation des
sacrements: qui ne demeurera persuadé que
tous les fidèles ont plus de part au sacerdoce et
LÀ FERVEUR DES LAÏQUES POIT, LES OFFICES DIVINS, etc.
257
aux obligations sacerdotales qu'on ne s'imagine
ordinairement.
XL L'Eglise Latine l'a toujours emporté sur
la Grecque, dans l'amour de la chasteté et de la
continence. Théodulphe prescrit la continence
de quelques jours et une longue assiduité à la
prière avant la communion. « Aliquandiu ab
opère conjugali abstineat, eleemosynis et ora-
tionibus insistât, et sic ad tautum sacramentum
accédât (Capitulare Tlicod., c. xliv). »
Ce sont presque les mêmes termes des eapi-
tulaires, soutenus de l'exemple de David, qui
ne mangea des pains sacrés qu'après quelques
jours de continence. « Ut videlicet abstinens
aliquot diebus ab operibus carnis , praparet se
ad percipiendum tantum sacramentum, exem-
plo David, qui nisi se confessus fuisset absti-
nuisse ab opère conjugali ab heri et nudius
tertius, nequaquam panespropositionisasacer-
dote accepisset (Capitol. Car. Magn., 1. 20,
C. XL). »
Par la même raison, la continence de quel-
ques jours est nécessaire après le mariage, tant
par la vénération qu'on doit à ce grand sacre-
ment, que parce que d'ordinaire il est confirmé
et comme scellé par L'Eucharistie. « Et biduo
vel triduo orationibus vacent, et castitatem
custodiant, ut bonœ soboles generentur (L. 7,
c. ccccLxui).»L'arcbevèque Hérard en ordonne
autant dans son capitulaire (Cap. lxxxix).
L'évèque, taisant sa visite, devait s'informer
si les curés instruisaient les peuples du temps
qu'ils devaient s'abstenir du mariage. « Si
illud etiam admoneat, quibus lemporibus con-
jugati se abstinere debent a propriis uxoribus
(Keginon., 1. i, c. lix). »
Les livres pénitentiaux imposaient vingt
jours de pénitence à ceux qui ne s'étaient pas
purifiés par une continence d'environ une
semaine avant la communion. « Communi-
casti de sacrificio Domini , et non prius absti-
nuisti ab uxoris amplexu , quinque aut septem
diebus, diesvigintipœniteas(Ibid., lib. i, c.ccc,
pag. 146). »
XII. La continence et l'oraison ayant tant de
rapport avec les jeûnes et les fêtes , il faut dire
un mot en passant des uns et des autres. Théo-
dulphe décide nettement que ce n'est pas
jeûner utilement le carême, si l'on ne s'abstient
des sensualités de la chair, si l'on ne s'éloi-
gne de toute sorte d'inimitiés et de procès, si
Ton ne vaque uniquement à la prière, aux
veilles, à l'aumône.
Th. — Tome II.
«In his jejuniorum diebus nuUœlites,nullœ
contentiones esse debent. Abstinendum in lus
esta conjugibus, et caste et pie vivendum,
quia nibil pêne valet jejuniuni, quod conjugali
opère polluitur, et quod orationes , vigiliaî, et
eli eiuos\ na' i iinendanl I apilulare
Theod., c. xlu, xi.iu). »
Et afin qu'on ne se persuade pas que les
jours déjeune n'étaient pas encore en si grand
nombre qu'ils ont été depuis, je ne remarque-
rai ici qu'un article des capitulaires de Cbar-
lemagne, où il prescrit trois carêmes chaque
année, outre le vendredi de toutes les se-
maines, et en quelques endroits même le sa-
medi.
« Item admonëant sacerdotes , ut jejunia
tria légitima in anno agantur, id est, quadra-
ginta dies ante Nativitatem Domini, et quadra-
ginta ante Pascha, ubi décimas anni solvimus,
et post Pentecosten quadraginta dies. Quan-
quam enim nonnulla ex hiscanonicapriventur
autoritate, nobis tamen omnibus simul pro-
pter consuetudinem plebis et parentum no-
strorum ; morem hune observare convenit.
Praeter haec autem légitima tempora jejunio-
rum, omni sexta feria propter passionem
Domini jejunetur. Sed et sabbati dies a pleris-
que , propter quod in eo Cbristus jacuit in
sepulcro, jejunio consecratus habetur (L. 6,
C. CLXXXIV). »
On ne peut dissimuler ce que ce prince avoue
si franchement , que les quarante jours de
jeûne avant Noël et après la Pentecôte, n'étaient
pas fondés sur les anciens canons ; mais il est
remarquable , comme cet empereur le con-
fesse, que le long usage de quelques siècles, et
l'observation uniforme de tant de peuples en
avait fait comme une loi.
La règle de Crodogangus ordonne aussi ces
trois carêmes , mais en sorte que le second ne
consiste qu'en l'abstinence de la viande : « A
Pentecoste vero usque ad Nativitatem sancti
Joannis Baptistœ similiter bis in die reflciant,
et carne abstineant. A Nativitate vero sancti
Joannis usque ad Transitum sancti Martini ,
sicut antea bis in die reflciant, quarta et sexta
feria a carne abstineant (Cap. xxxv). »
Voilà comment lejeûneancien de laquatrième
et de la sixième fériés s'était aussi changé en
une simple abstinence de chair. Le troisième
carême, qui est ce que nous appelons l'A vent,
s'observait avec un jeûne plus régulier, car on
jeûnait jusqu'à l'heure de none, a l'imitation
il
288 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROISIEME.
des anciens demi-jeûnes. « Ab ipso Transita
sancti Martini us<ine ad Natalem Doniini a
carne omnes abstineant, et usque ad nonam
jejnnent. »
Depuis Noël jusqu'au carême on jeûnait
encore jusqu'à noue le lundi, le mercredi ei le
vendredi ; on s'abstenait de chair le mercredi
et le vendredi. «Et post Natalem Doniini usque
ad capot quadxagesimae secunda et quarta et
sexta feria in refectorio ad nonam reficiant ;
reliquis diebus duabus vicibus in refectorio
refici;int. A carne vero quarta et sexta feria liis
temporibus abstineant. » Enfin s'il tombait un
jour de tète dans un de ces jours d'abstinence,
le prieur pouvait permettre qu'on mangeât de
la viande. «Et si dies festusin bis diebus feriis
talis evencrit , si permiserit prior, carnem
manducent pro infirmitate. »
Quant au vrai carême oh jeûnait jusqu'après
vêpres : depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte on
s'abtenait seulement de viande le mercredi.
«A Pascba usque ad Pentecosten, bis in die
canonici reficiant, et carnem manducandi
licentiam habeant, nisi pœnitentes , prseter
timtuin quartam sextamque l'eriam. »
Il faut ici remarquer : 1° que ces trois ca-
rêmes étaient d'une obligation plus pressante
pour les chanoines, c'est-à-dire pour les ecclé-
siastiques que pour les laïques; ainsi on pour-
rail juger avec assez d'apparence, que les deux
derniers n'étaient que de conseil pour les laï-
ques; 2" la seule abstinence de chair les mer-
credis et les vendredis après Pâques jusqu'à la
Pentecôte, et durant le second carême après la
Pentecôte, passait pour une espèce de jeune ;
3° les jeûnes de l'Avent jusqu'à none, aussi
bien que ceux du lundi, mercredi , vendredi
en hiver qui étaient tout semblables, étaient
comme une image des demi-jeûnes de l'an-
cienne Eglise; 4° s'il est vrai que les lundis
depuis Noël jusqu'au carême, on ne man-
geait qu'après none, sans qu'on lût obligé de
s'abstenir de viande , cette manière de jeûner
semble fort singulière, et néanmoins les pa-
roles semblent en être fort claires; 5° les
grandes fêtes qui arrivaient en ces jours de
demi-jeûnes , c'est-à-dire le mercredi et le
vendredi, ou bien durant l'Avent, donnaient
|,i liberté de manger de la chair ; 6° et
néanmoins cela même passait pour une con-
descendance , ainsi il est assez probable que
les plus rigoureux observateurs des canons s'en
abstenaient.
XIII. Ratram, moine de Corbie, qui réfuta
les invectives des Grecs contre les Latins, nous
apprend que dans les deux Eglises d'Orient et
d'Occident, les uns jeûnaient, les autres ne
jeûnaient pas le mercredi et le vendredi, sans
que les uns condamnassent les autres; que
ceux de Constantinople n'étaient asservis à ce
jeûne ni par aucune loi, ni par aucune cou-
tume ; au contraire ceux d'Alexandrie et de
l'Orient jeûnaient exactement ces deux jours
toutes les semaines. « Alexandrin! quarta
sextaque feria jejunant, et reliqui per Orientem
cliristiani; cum constet Constantinopolitanos
quarta sive sexta sabbati ut jejnnent, nuila
loge vel consuetudine constringi ( L. iv ,
c. m). »
Dans la Grande-Bretagne on jeûnait tous les
vendredis, sans condamner les autres occiden-
taux qui ne jeûnent point. « In lnsula Britan-
nica omni sexta sabbati jejunatur, nec tamen
excommunicantur ab eis, qui per Occidentem
illo die non liabent consuetudinem jeju-
nandi. »
Cette diversité provient manifestement de ce
que dès les trois premiers siècles, les demi-
jeûnes du mercredi et du vendredi ont été
libres dans l'Occident, et ont été d'obligation
dans l'Orient.
Constantinople se conforma à l'Occident
plutôt qu'à l'Orient, parce qu'elle était au
milieu. Dans l'Occident le jeûne qui était libre,
devint nécessaire en quelques provinces par
une longue et exacte observation, au moins
celui du vendredi ; dans les autres provinces le
jeûne devint peu à peu nécessaire, mais en
même temps il se changea en simple privation
de chair.
Ralhérius, évoque de Vérone, nous découvre
bien d'autres espèces de demi-jeûnes, en retar-
dant la réfection des pénitents de trois heures
après celle des autres fidèles ; c'est-à-dire
jusqu'à midi, ou jusqu'à none, ou jusqu'à
vêpres, puisque les autres mangeaient ou à
l'heure de tierce, ou à midi, ou à l'heure de
none. « lia ut si caeteri fidèles rendante tertia
hora, nos sexta : si i 11 ï sexta, nos noua : si illi
noua, nos usque ad vesperam jejunemus (Spic,
t. ii, p. 241). » Il parle apparemment d'un pays
chaud, où en été on dîne de fort bonne heure
pour prévenir les ardeurs du midi.
Mais voici bien d'autres particularités dont le
même auteur nous instruit, quant au jeûne et
quant à la continence qui l'accompagnait. « In
LA FERVEUR DES LAIQUES POUR LES OFFICES DIVINS, etc.
259
Adventu Domini, nisi festivitas intercédât, qua-
tuor hebdomadibus a carne noveritis abstinen-
ilum, et coilu. lu Natale Domini viginti diebus
ac noctibus a coitu etiain licito omnino cessan-
dum.SimiuterinOclavisPaschae etPentecostes,
Letaniarum, et oiniiiuni feslivilatum \igiliis,
sexlis etiain teriis, prsecipue autem omnibus
diebus vel aoctibus Dominicis I'. 249). »
Voila comment les personnes mariées devaient
«ivre en continence tous les jours de jeûne et
de fête , et même plusieurs autres jours, au
temps des lûtes solennelles.
Cet auleuravertil les fidèles de jeûner jusqu'à
l'heure de none, tous les jours de la semaine
sainte . et même le samedi saint d'attendre
jusqu'après la messe, qui ne peut commencer
qu'une heure après none.
Si les fêtes de la Vierge ou des Apôtres, ou
des patrons d'une église arrivent en carême
ou aux jours des Quatre-Temps, on rompt le
jeûne. « Si festivitas, quae non sit sanctae Dei
genitricis Maria?, ant Apostolorum evenerit in
Quadragesima, vel Quatuor Temporum jeju-
niis, magis jejunium tenendum, quam festivi-
tatem celebrandam scitote , nisi forte illius
sancti sit celebritas, qui in eadem paroebia
jacet. »
Cet auteur se donne la liberté de se moquer
de la simplicité des Grecs, qui jeûnaient tous
les jours du carême jusqu'à la nuit. « Vitupe-
ramus et illorum ridieulosam nimium stulti-
tiam, qui contra concessam nona hora diei
omnibus sumendi quidlibet licentiam. usque
ad noctem quotidie jejunium eligunt protelare,
ut nocte quasi cum licentia ventrem valeant
ingurgitare ilbid., p. 283 . »
Il paraît de là qu'au temps de Ratberius,
c'est-a-dire avant l'an mil, les jeûnes du ca-
rême même se rompaient après-midi avant
none, puisque c'est un ett'ort de mortification
qu'il exige pendant la semaine sainte, de jeûner
jusqu'à l'beure de uone.
De toutes ces citations on pourrait bien con-
clure, qu'on ne jeûnait pas la veille de la Pen-
tecôte, et néanmoins il fallait bien qu'on y
jeûnât au moins en quelques endroits, puisque
les capitulaires de Cbarlemagne en ordonnent
expressément le jeune : « Ut adnuntient pre-
sbyleri eodem modo sicut vesperascente sab-
bato sanctum Pascba celebratur, et ipsum diem
Pentecostes similiter celeberrimum habeant,
ut sanctum Pascba', et jejunium, et missam, et
baptismum (L. m, Capit., c. clxxxvu).
Al li m, évéque de Verceil, qui vivait en même
temps que Ralherius, ordonne à ses clercs de
jeûner sept semaines pleines avant Pâques,
pour se distinguer des laïques. «Septem heb-
domadas plenas ante sanctum Pascha omnes
clerici in sortem Domini vocali a carne jeju-
ni'iit (Capitulare Altonis, c. i.mv et lxx), » Les
laïques ne jeûnaient que si\ semaines tout au
plus, ils y ajoutaient les quatre jours depuis le
mercredi des Cendres; les clercs devaient com-
mencer le jeûne au Dimanche de la Cminqua-
gésime.
Ce prélat semble exempter du jeûne le
jeudi, ce qui a eu lieu autrefois en quelques
Eglises; mais il recommande un jeûne rigou-
reux le mercredi, le vendredi et le samedi, à
moins qu'ils ne s'y rencontre quelque fête so-
lennelle.
o Quarta vero, et sexta. et septima feria pra
caeteris jejunandum est, etc. Qui istis tribus
diebus in crapula, vel epulis absque magna
interveniente festivitate, vel necessitate fuerit,
videtur Dominum crucifigere, etc (An. 950). »
Enfin, ce prélat montre ailleurs (Epist. iv)
que s'il faut célébrer avec joie tous les diman-
ches de l'année, dans le souvenir de la résur-
rection du Fils de Dieu, il est également néces-
saire de jeûner tous les vendredis en mémoire
de sa passion. Voila comme tant de pratiques
modernes commençaient à s'établir, ou étaient
déjà établies dans l'Eglise.
Saint Odon, abbe de Cluny, dit que le saint
comte Ci raid donnait bien à manger à ses
hôtes des le matin, mais qu'il ne mangeait ja-
mais qu'après tierce, et les jours de jeûne après
none. « Cum hospites reficere nonnunquam
mane fecisset, ipse tamen non ante boram
diei tertiam vel in jejunio ante nonam reficie-
bat L. vin vitae S. Gerald., cap. xui et xv). » Il
gardait l'abstinence de chair trois jours la se-
maine : s'il y survenait une fête, il remettait
l'abstinence à un autre jour. Si un jour de
jeûne tombait le Dimanche, il jeûnait le sa-
medi.
Ce n'était donc pas encore une coutume qui
eût fait loi, de prévenir le samedi les jeûnes
qui tombent le dimanche. Cela provenait peut-
être de ce (iue les Romains et leurs imitateurs
jeûnaient tous les samedis, ainsi ils n'avaient
lias besoin de transférer au samedi le jeûne du
dimanche.
« Tribus feriis in hebdoinada, et omni tem-
pore quod abstinente dieatum est, a carnali-
260
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROISIÈME.
bus abstinebat. Si tamen in eisdem feriis festi-
vitas annualis evenisset, abstinentiam ita sol-
vehat, ut in qualibet absoluta feria, ad vicem
illins quam solverat, itidem abstîneret. Si vero
jejunium die Dominica evenisset, praecedenti
sabbato solemnitatem jejunii persolvebat. »
XIV. Les Orientaux ont été les plus zélés et
les plus rigoureux pour le jeûne. Balsanion ra-
conte que le patriarebe de Constantinople Luc,
déclara que les jeûnes du mois d'août et de
l'Avent devaient être rigoureusement gardés
par la loi de la tradition non écrite, qu'ainsi il
fallait jeûner depuis le premier jour d'août
jusqu'à l'Assomption et depuis le M novembre
jusqu'à Noël, et que les infirmes demanderaient
dispense à l'évêque, afin de diminuer ce nom-
bre de jours.
« Patriarcha dixit, quod cum bi jejunii dies
non declarentur ab ulla scriptura, cogimur
sequi non scriptam ecclesiasticam traditionem,
et debemus jejunare a primo die Augusti, et a
quartadecima mensis Novembris. Sin autem
propter corporalem imbecillitatem id solvere
cogamur, episcopali permissione dies declarati
in angustum redigentur ; Dam id quoque pla-
cuitex non scripta ecclesiastica traditione In
Interrog. quorumdam monaehorum). »
Balsamon fait néanmoins assez connaître
dans un autre endroit, que ces jeûnes de tra-
dition non écrite, étaient plutôt de conseil que
de précepte.
Cet auteur, après avoir déclaré qu'il faut
jeûner avec des viandes sèches, qu'on appe-
lait xéropbagies , tout le carême . tous les
mercredis et les vendredis; que les malades
pourront manger du poisson, mais non pas de
la chair aux jours de jeûne, quand il leur en
coûterait la vie, si ce n'est les mercredis et les
vendredis entre Pâques et la Pentecôte, les
samedis et les dimanches du carême ; il ajoute
que le canon apostolique ne faisant point men-
tion des autres jeûnes, des Apôtres, de l'As-
somption et de Noël, ces jeûnes n'étaient pas
encore passés en loi, et il était pourtant louable
de les observer.
« Si quis lidelisnon jejunat in Quadragesima.
et omni quarto die, et Parasceve, nam et in iis,
similiter ut in quadragesima aridis vesci jussi
sumus : si est quidem clericus. deponalur, si
vero laicus, segregetur. Excipe milii eos qui
œgrotant. Hi enim si per pistes jejunium ser-
vant, eis venia datur. Per carnem autem non
solvet quis quemcumque quartum diem et
Parasceven, exceptis pascbalibus et aliis con-
cessis, etiamsi extremum spiritum agat, etc. »
Et un peu après, « Sed et si in aliis jejunii die-
bus, scilicet sanctorum Apostolorum, Dormi-
tionis Deiparœ et Natalis Christi jejunaverimus,
pudore non afficiemur (In Can. Apost). »
Il tire la même conclusion d'un autre canon,
qui défend de célébrer la sainte messe aux
jours de jeûne ; ainsi il ne la permet que les
samedis et les dimanches du carême. Car la
messe des présanctifiés n'est pas un sacrifice,
mais une oblation réitérée du sacrifice du jour
précédent. « Prœsanctificatorum ministcrium
incruentum sacrificium non dicimus, sedobla-
tionem prius oblati et perfecti sacrifiai. (In
Can. Trull. ni). » Cela eut été étendu aux
aubes carêmes, s'il y en eut eu plus d'un,
d'une obligation étroite. « Nota ex hoc quod
proprie una est Quadragesima ; si enim alia
fuisset, cautuni esset , ne in illa fieret perfe-
ctum sacrificium, sed per praesanctificata. »
XV. Il faut donc avouer que le long jeûne
qui précédait les fêtes de Noël, de l'Assomption,
et des Apôtres, car Balsamon vient de faire
mention de celui-ci. était encore arbitraire au
temps du concile in Trullo, et que, depuis, la
longue coutume, en fit comme une loi.
Le même Balsamon remarque que le jeûne
du carême consistait en xéropbagies, et à
s'abstenir du vin, quoique quelques-uns bor-
nassent les xéropbagies à la seule semaine
sainte. Ce n'est pas l'avis de Balsamon, qui
n'en excepte que les samedis et les dimanches.
(In respons. Timoth., p. 1064. In can. l. Lao-
dicen.)
Le patriarche d'Alexandrie Théophile, sur la
difficulté proposée de la veille de la Théophanie,
ou de Noël, qui tombait un Dimanche, au-
quel les canons défendent de jeûner, résolut
qu'on pourrait manger quelques dattes en
attendant les offices du soir, et qu'ainsi on gar-
derait le jeûne sans jeûner.
Les Grecs ne jeûnaient pas le mercredi et le
vendredi de la semaine qui précède le carême,
ni de celle qui suit le jour de Pâques ; ce n'est
pas qu'en ces jours ils pussent manger de la
chair; car quand ils eussent couru risque de
la vie, ils ne le pouvaient non plus qu'en
carême; et balsamon assure que plusieurs
synodes avaient refusé ces dispenses. « Non
permiitetur cuiquam etiamsi extremum agat
spiritum in magna Quadragesima carnibus
vesci; vidimus enim hoc diversis temporibus
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN, etc.
->(>!
synodice petitum esse, et non esse concessum.
(Apud Balsamon., p, L067. lu can. Apost., 66.
Supplem., pag. 11-20). »
Les xérophagies s'observaient donc aussi le
mercredi et le vendredi : les plus relâchés
commençaient à user d'huile, et à maDger des
huîtres et d'autres poissons à coquille en ces
saints jours, ce que Balsamon assure être contre
la loi. Ainsi il condamne le relâchement qui a
depuis prévalu dans l'Orient. « Aridis vesci de-
bemus omni quarta et sexta l'eria. Qui ergo
sine morbo cum oleo et testaceis piscibusje-
junant, faciunt contra legem ; multo autem
magis qui in quartis feriis pisces come-
dunt. »
Voila les premiers commencements de la
pratique plus relâchée des derniers siècles : on
commença à manger des huîtres et d'autres
poissons semblables, qui sont les moindres ;
après on mangea même du poisson, mais le
mercredi seulement, comme au jour le moins
révéré : de là on passa aux autres jours, et aux
autres poissons, qui n'ont point de sang.
Quelques-uns, au contraire, prétendaient
qu'aux jours des xérophagies, il ne fallait
boire que de l'eau, à quoi Balsamon semble
s'opposer, comme à une chose qui ne se trouve
pas dans les canons (Bals. Supplem., p. 1125).
Enfin, Balsamon raconte qu'une personne de
qualité ayant voué de jeûner tous les mardis,
voulu! aussi jeûner le jour de Noël, qui était
échu en un mardi.
L'empereur demanda au patriarche Luc une
décision synodale sur cette question, et il fut
résolu qu'on ne devait en façon quelconque
jeûner le jour consacre au Seigneur, et qui est
comme le propre jour de Pâques : que par
conséquent le vœu était nul, comme contraire
aux canons (In Can. Basil. 29).
Les réponses du même Balsamon (Juris
Orient., tom. î, pag. 388) qui sont contenues
dans le droit oriental, nous apprennent encore
que les Grecs mangeaient de la viande , au
moins ils en goûtaient les mercredis et ven-
dredis des semaines du carême prenant , du
fromage, et des douze jours, pour s'opposer à
quelques pratiques superstitieuses des héréti-
ques; et qu'ils en mangeaient encore avec plus
de liberté la quatrième et la sixième lérie, de
la semaine de Pâques, dont chaque jour est
révéré comme un jour de dimanche.
Enfin, quant aux autres jeûnes, Balsamon
dit qu'il n'y a que sept jours qu'on soit obligé
de jeûner avant les fêtes des Apôtres, de Noël
de la Transfiguration, et de l'Assomption; si
les coutumes particulières des lieux augmen-
tent ce nombre de jours, elles en sont loua-
bles ; mais il n'y a de peines décernées que
contre ceux qui ne jeûnent pas une semaine
entière avant chacune de ces fêtes (1).
(1) Aujourd'hui encore, les vendredis et samedis de l'Avent sont les curés, la faculté de dispenser de l'abstinence des samedis qui ne
jours de jeûne obligatoire à Rome. sont pas jours de jeune. (Dr ANDRÉ )
On sait que Pie IX a accordé à tous les évèques et ceux-ci à tous
CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATRIEME.
DE L OBLIGATION A RECITER I. OFFICE DIVIN. PREUVES TIREES DES EXEMPLES,
DEPUIS L'AN V11L JUSQU'A PRÉSENT.
1. Suite des matières qui ont été traitées, et de celles qui res-
tent à traiter.
I!. Exemple illustre de saint Tagnron, archevêque de Mag-
debourg.
Ht. Exemple de saint Séverin, évèque de Cologne, tiré de
Pierre Dauiien. Preuves tirées de cet exemple pour l'obligation
de réciter les heures canoniales.
IV. Autre preuve de Pierre Damien.
V. Exemple d'Ives, évèque de Chartres.
VI. De saint Volstan, évèque de VVorcester.
VU. Oe saint Thomas, archevêque de Cantorbéry.
VIII. Du pape Léon IX.
IX. De saint Hugues, évèque de Lincoln.
X. De saint Dominique.
202 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATRIÈME.
II. Des premiers missionnaires apostoliques de l'ordre de
saint François. . . . ., ..
XII. Ce furent eux qui donnèrent cours au bréviaire qui était
propre à la chapelle du pape.
XIII. Réflexions sur cela, pour en conclure 1 obligation des
heures canoniales.
XIV. Exemple de saint François Xavier.
XV. D'Albert le Grand, d'un saint cardinal, et de saint Charles.
I. Nous avons déjà parlé amplement de l'obli-
gation des ecclésiastiques à réciter les offices
divins ; nous ne croyons pas néanmoins devoir
finir cette matière sans L'approfondir encore
davantage ; c'est pourquoi je me propose de faire
voir : 1° que cette obligation est plus ancienne
qu'on ne s'est quelquefois imaginé, par les
exemples des grands hommes, et par les canons
réitérés de plusieurs conciles; 2° je viendrai à la
solennité des offices dans les églises cathé-
drales et collégiales, ou même dans les parois-
siales ; 3° il faudra ensuite dire quelque chose
de l'office de la sainte Vierge, et de celui des
morts; 4° enfin, nous parlerons aussi de
l'échange qu'on a fait pour les ignorants, a qui
on a déterminé au lieu du psautier et des
heures canoniales, un nombre réglé d'Oraisons
Dominicales et de salutations angéliques.
II. Commençons par la récitation des heures
canoniales en particulier, et faisons voir, pre-
mièrement par des exemples célèbres, qu'on
l'a toujours regardée comme d'une obligation
très-étroite. Ditinar, évèque de Mersebourg, fai-
sant l'éloge d'un saint archevêque de son temps,
c'était Tagmon de Magdebourg, assure qu'il
disait tous les jours le psautier et la messe, si
quelque dangereuse maladie ne l'en empêchait.
« Nisi infirmitas obsisteret, omni die missam
et psalterium cantavit (Baron., an. loil,n. 2).»
Pierre Daniien raconte l'histoire d'un reli-
gieux qui fut repris par un ange travesti en
pèlerin, de ce que le jour précédent, étant las,
il avait dit ses complies après s'être couché
sur son lit. « Jacendo horas canonicas comple-
verat. » Les paroles de l'ange furent, « Comple-
torium in lecto, nec salus est, nec profectus
(Baron., an. L062, n. 82). »
III. Le même Pierre Daniien en ajoute une
plus étonnante du saint évèque de Cologne,
Séverin, qui apparut a un clerc de son église,
lorsqu'il traversait une rivière, et l'assura qu'il
souffrait les flammes dévorantes du purga-
toire, pour avoir récité ses heures canoniales
toutes ensemble dès le matin , lorsqu'autre-
fois, étant dans le palais impérial, il était tout
le jour occupé aux affaires publiques.
« Quia dum in aula regia constitutus, impe-
rialibus me consiliis vehementer applicui, ca-
nonise synaxis officia, per distincta horarum
spatia non persolvi. Mane quippe omnia coa-
cervans simul, tota die negotiis ingruentibus
secura libertate vacabam. Ob banc itaque ne-
gligentiam horarum, ardoris hujus fero sup-
plicium (Baron., ibid., n. 83). »
11 faut remarquer : 1° Que ce saint prélat
étant appliqué au conseil d'Etat et aux affaires
de l'empire se fût apparemment dispensé des
heures canoniales, s'il eût jugé qu'elles n'é-
taient de nulle obligation ; 2° si la récitation
en eût été purement arbitraire, ce n'eût pas
été une faute qu'il eût fallu expier par un si
rigoureux châtiment, de ne pas réciter chaque
heure séparément en son propre temps. Et au
contraire, s'il était d'un devoir si précis de ré-
citer toutes les heures en leur temps propre,
il était d'une obligation bien plus indispen-
sable de les réciter en quelque manière que ce
fut ; 3° il n'y avait pas de nécessité si pressante
d'assister aux heures canoniales du chœur,
comme de les réciter au moins en secret. Et
ceux dont les occupations étaient une excuse
canonique , pour se dispenser du chœur, ne
laissaient pas d'être obligés de réciter l'office
en particulier.
Quand cette histoire pourrait être révoquée
en doute, au moins on ne peut nier que Pierre
Daniien, qui en est l'auteur, ne présupposât
comme une vérité certaine et incontestable
dans son siècle, que ceux même qui ne pou-
vaient assister aux offices du chœur et qui
étaient engagés dans les affaires les plus im-
portantes, ne pouvaient néanmoins se dispen-
ser de la récitation secrète des heures cano-
niale?. A quoi Pierre Damien ajoutait, et il le
prouvait par cet exemple, qu'ils devaient les
reciter chacune séparément en son temps
propre. Voici ses paroles : « Distinguenda sunt
ergo per momenla temporum ecclesiasticae in-
stitutionis ofticia, et sub magna divini timoris
ac reverentiae dicenda sunt disciplina (Damia-
nus, 1. n, epist. xv). »
Enfin, l'autre histoire que Pierre Damien y
ajoute d'un moine exorciste, à qui l'énergu-
mene reprocha qu'il disait ses complies dans
son lit, « Tune ille es. qui sub cotlo quotidie
completorium insusurras ? » Celte histoire ,
dis-je, continue encore celte vérité, que les
moines et les clercs étaient dans les mêmes
obligations pour la récitation de l'office, et que
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN, etc.
2G3
l'on ne s'en dispensait pas pour 1rs affaires ou
pour les indispositions corporelles qui dispen-
saient du chœur.
IV. Le même Pierre Damien a fait un traité
qui porte pour titre Dominus vobiscwn, où ce
savani homme l'ait voir que ces termes ne doi-
vent pas être ni omis ni changés par reu\ qui
récitent l'office en particulier, parce <|u'ils sont
alors même dans une union très-sainte et
dans nue présence très-véritable avec tout le
corps de L'Eglise : cet ouvrage tout entier est
une preuve de cette récitation secrète de l'of-
fice divin, surtout quand il y rapporte l'exem-
ple du souverain Pontife, de tous les évèques
et de tous les prêtres qui \ usent des mêmes
termes.
s Gertum est enim, quod neque beatissimus
Apostolicse Sedis antistes, cum videlicet obse-
quente ministre privata Deo reddit obsequia,
neque quisquam omnino pontiûcum, vel ca-
tliolicorum aliquis sacerdotum, bis verbis ad
alterum singulariter utitur (Cap. xiu). »
V. Ives de Chartres nous apprendra peut-
être à garder des mesures justes dans les con-
séquences qu'on pourrait tirer du récit de
Pierre Damien, à l'occasion de saint Séverin,
évêque de Cologne.
Ce religieux et savant canoniste déplore
bien à la vérité le malheur qui lui était com-
mun avec tous les évêques de son temps,
d'être si embarrassés des affaires tumultueuses
du monde, qu'a peine pouvaient-ils respirer
pour goûter un peu la suavité de l'oraison,
mais il leur était impossible de dire toujours
les heures canoniales aux temps déterminés.
" Nus enim publicorum negotiorum tumulti-
bus occupati, cum ipsis compescendis tota die
laborando suffieere non possimus , interme
quietis suavitalem vix aliquando admittimus.
Haro et canonicum pensum determinatis ho-
ris solvere prœvalemus (Epist. xcix. Baron. ,
an. 1095). »
Ce saint prélat disait souvent ses heures
hors des temps, mais non pas toujours. Il cé-
dait a la nécessité inévitable de quelques af-
faires extraordinaires. Au lieu que saint Séve-
rin semblait s'être fait comme une loi et une
habitude de ce petit dérèglement. Mais enfin
dans quelque accablement d'affaires que se
trouvassent ou Ives de Chartres ou les plus
saints évoques de son temps, ils ne se dispen-
saient au plus que du temps des heures cano-
niales, mais non pis des heures mêmes. Les
termes mêmes Canonicum pensum en mar-
quent L'obligation.
VI. Guillaume de Malmesbury assure que le
pieux cl savant Bède n'interrompit jamais la
récitation de son office, menu; dans les lan-
gueurs de sa dernière maladie. « 'lotis dîebus,
prœter debitum psalmodia' pensum, assiduis
lectionibus gravedinem valetudinSs decipere
nitebatur (De gestisRegum Angl., 1. i, p. 23).»
Le même auteur raconte comment saint
Wolstan, é\éque de Vorcester, étant appelé au
concile ou au conseil, qui ne le menaçait de
rien moins que de la déposition, au lieu de
penser à défendre son innocence , célébra
l'heure de sexte, parce que c'en était le temps,
« Nondum cantavimus horani sexlam, cante-
mus ergo. Prius faciamus Dei senitium, et
post agilabimus hominuni litigium (L. m ,
p. Ilis. au. luT-2). » Aussi la simplicité sou-
tenue de l'invisible secours qu'il venait d'im-
plorer, demeura victorieuse de tous ses adver-
saires.
Ce saint prélat disait tous les jours la messe,
le psautier tout entier et les offices courants
des Saints. «Quotidie missam cantans, ad débat
psalterium , omniumque sanctorum memo-
rias, quorum toto anno singula solemnia sue-
cedunt, singulis in septem divisis, per septem
non omittebat horas (De gestis Pont. Angl.,
1. iv, p. 280). » Ce qui semble dire que non-
seulement il récitait toutes les heures cano-
niales séparément, mais qu'il ajoutait le psau-
tier aux offices des Saints; « Ut qui quotidie
psalterium cum orationibus non minoris nu-
meri evolveret post missam. » Aussi dans ses
voyages il trompait agréablement le temps en
chantant des psaumes sans se lasser. « Equo
quoeumque vadens psalterium frequenta-
bat, orationales versus qui occurrebant, ad fa-
slidium concantantis crebro repetens. »
Cet historien fait toutes ces curieuses remar-
ques, parce qu'il y a quelque chose de singu-
lier et au delà du devoir commun de réciter
l'office divin.
VII. Saint Thomas, archevêque de Cantor-
béry (an. H 64), récita premièrement tout son
office et de la nuit et du jour avant que d'en-
trer dans cette assemblée fameuse de Nor-
tbampton, où il devait défendre les libertés
de l'Eglise au péril de sa vie. « Nocturnis vi-
giliis cum summa devotione peractis , etc.
ïotumque officium cum ad id pertinentibus
complevit, etc. » Cela se peut entendre de la
264 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATRIÈME.
messe. Mais les heures de tierce et de sexte
semblent jointes à la messe, comme il parait
par le narré du second concile de Lyon, où le
pape n'entra qu'après avoir dit tierce et sexte,
parce que c'était un jour de jeûne. « Dixit ter-
tiam et sextant quia erat dies jejeunii (An 127i.
Conc, tom. », par. i., p. 955, 1)31). »
Henri, évoque de Liège, fut déposé dans ce
concile par le pape Grégoire X, qui nous ap-
prend, dans la lettre qu'il lui écrivit, qu'un
des crimes dont il était chargé était l'omission
des heures canoniales. « Quid plura? Horas
canonicas, maxime cum eas nescias, etillitte-
ratus existas, in anima' tuse periculum pneter-
mittens, etc. »
C'était donc un crime d'omettre la récita-
tion de l'office, et c'était ensuite une irrégula-
rité de ne savoir pas lire ou de ne savoir pas
même par cœur le psautier. Aussi le concile
de Coyac , en Espagne , voulut que tous les
clercs sussent le psautier. « Ut archidiaconi
taies clericos constilutis quatuor temporihus
ad ordines ducant, qui perfecte totum psalte-
rium, hymnos et cantica, epistolas, evangelia,
et orationes sciant (An. 1050. Can. v). »
Parmi cent accusations criminelles qu'on
forma contre le pape Jean XXIII dans le con-
cile de Constance (Scss. u), où il fut enfin dé-
posé, on n'oublia pas celle-ci qu'il avait né-
gligé de dire ses heures canoniales , ou en
public ou en particulier. « Missis et vesperis
papalibus intéresse non curavit. Horas cano-
nicas dicere sprevil. »
VIII. Au contraire, l'auteur de la vie du
pape Léon IX lui donne presque la même in-
fatigable application aux offices divins, (pie
nous avons déjà vu attribuer à saint Wolstan,
évêque (l'Angleterre.
« Nocturnis horis paululum smnni sumebat,
reliquumque noctis spatium, cum integri de-
cantatione psalterii , ac innumera genuum
intlexione excurrebat. Idem quoque psalte-
rium per singulos repetens dies, cum obla-
tione diviui sacrificii, cursum multiplicium
orationum indefesse transigebat (Surins, die lit
April. li). »
Ainsi ce saint pape disait tous les jours deux
fois le psautier , outre un grand nombre
d'autres prières. Saint Anlonin, archevêque de
Florence, disait le psautier tontes les bonnes
fêles et l'office des morts deux fois la semaine,
outre l'office ordinaire de chaque jour, l'office
de la Vierge cl les psaumes pénitentiels.
« Mitto nunc, quod pneler horarum munus,
quo seplies Deus quotidie laudatur, cos etiam
psalmos, qui pœnitentias dedicantur, tum lita-
nias ac Deiparae Virginis horas, cum etiam
liceret, nullo uni|uam die destitit, quin se-
dulo recitaret. Mitto nunc quod recurrentibus
hëbdomadis bis se m per defunetorum animas,
usitato illo psalmorum, quo passim utimur,
oflicio expiabat (Surins, die 2. Maii, c. xiv).»
IX. Nous ne lisons pas que l'incomparable
saint Hugues, évêque de Lincoln, prolongeât
les heures canoniales par des récitations par-
ticulières du psautier. Mais il les chantait ou
il les récitait durant le jour et la nuit, en leur
propre temps, avec une fidélité et une exacti-
tude inimitables.
Un jour même qu'il était en campagne avec
d'autres évèques, ces prélats ayant pris résolu-
tion de. se lever et de partir plus matin qu'à
l'ordinaire pour prévenir les embûches de
quelques voleurs, ce saint aima mieux dire
ses matines avec sa lenteur et sa dévotion or-
dinaires; puis se mettant tout seul en chemin,
il ùv ila tout seul le danger où tous les autres
s'étaient précipités par leur empressement.
« l'reces canonicas statuto persolvebat tem-
pore, nec induci poterat, ut aut pneveniret
illud , aut dillerret. Contigit aliquando cum
prselatis quibusdam et clericis infesta loca
equitare, etc. Omnium una sententia fuit, ut
ante lucem surgerent et iler suspectum in te-
nebris conficerent , etc. Quibus ille : Et quo
ibimus, inquit, matutinis precibus noudum
absolutis? etc. Qui capit, capiat; et qui timet,
timeat ; ego hinc non exiho , douce solito
more pièces matutinas persolvero. Mira res.
Soins episcopus postquam laudes Deo traclim
admodum obtulit, lieet cum suis per eanideni
viani equitare t, nihil mali passus est, alii in
periculum, quod cavere moliebanlur, incide-
îiint (Surius, die 17. Novein, e. xxu). »
Thomas de Chantepré, évêque suffragant de
Tournay, fait mention du pieux évêque de
Hildeseim Conrad, qui se levait la nuit pour
dire ses matines, et passait de la prière à l'é-
tude pour préparer ses prédications. « Ad ma-
tulinas intempestœ noctis silentio surrexerat,
illisque dictis resedil adstudium, facturus in
die scrmoneni (Cantiprat., 1. i, c. 3, n. 3). »
X. Saint Dominique n'était pas moins ponc-
tuel à observer les heures de ce pieux devoir
même dans ses voyages , non-seulement du-
rai: I le jour, mais aussi durant la nuit.
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN, etc.
ïîi;ï
« Quando extra monasterium erat, audito
primo siguo nocturnariun precum , surgelât
et fratres exeitans, cura mulla devotione to-
tum divinum officium absolvebat , horis et
temporibus suis, tum noeturuis, tum diurnis :
ni 1 1 il penitus omittens. Persoluto coropletorio
etiam in itinere positus cum soeiis, silentium
uon minus servabat , quam si esset in mona-
sterio (Surius die 5. Aug., c. m, 1. îv). »
XI. Cette multitude d'exemples montre clai-
rement que les évoques, les clercs et les reli-
gieux ne croyaient pas pouvoir, sans crime,
se dispenser de cet office de piété, même pen-
dant leurs voyages, et dans l'embarras de leurs
plus importantes occupations.
Ce furent apparemment les religieux de
saint François et de saint Dominique qui ayant
les premiers d'entre les communautés régu-
lières, entrepris de fréquentes courses apos-
toliques par tout le monde, donnèrent cours à
ces petits bréviaires qui ont été depuis en usage.
Le religieux Franciscain qui rendit compte
à son général de son voyage dans la Chine,
en l'an 1305, demanda qu'on lui envoyât les
livres du chant et des offices de l'Eglise, parce
qu'il n'avait porté avec lui qu'un bréviaire où
les leçons étaient accourcies, et un petit mis-
sel. « Quia non habeo nisi breviarium portatile
cum lectionibus brevibus, et parvum missale
(Rainald.j an. 1305, n. 20). »
XII. Il y en a même qui prétendent que le
terme de bréviaire ne vient que de l'office
divin abrégé, qui y était contenu , et qui parut
plus commode aux premiers Franciscains pour
leurs missions apostoliques que l'office plus
étendu.
Radulphe, doyen de Tongres, dit que ce fut
l'office qu'on chantait dans la chapelle du
pape à Saint-Jean de Latran, et qu'on abrégeait
très -souvent , selon la foule extraordinaire
d'affaires dont le pape et les cardinaux se trou-
vaient accablés. Qu'au reste, dans toutes les
autres églises de Rome les offices divins étaient
beaucoup plus longs.
« Clerici capellares, sive de mandato papse,
sive ex se officium romanum semper brevia-
bant, et sonpe alterabant, prout domino papae
et cardinalibus congruebat observandum. Et
istud officium breviatum secuti sunt fratres
minores. Inde est quod breviaria eorum et
libros officii intitulant secundnm consuetudi-
nem Romanaj curne ( De canonum observ.,
c. xxn). »
Enfin le pape Nicolas III ordonna que dans
toutes les églises de Rome on fit à l'avenir le
même office, et qu'on se servit des mêmes
livres que les cordeliers, avant banni tous les
anciens livres du chant et des offices.
« Sciendum quod Niçolaus papa III, de gé-
nère Ursinoruin,quicœpitannoDomini 1-277,
fecit in Ecclesiis urbis amoveri anliphonarios,
gradualia, nussalia, et alios libros officii anti-
quos quinquaginta, et mandavit, ut de caetero
Ecclesia? urbis uterentur libris et breviariis
fratrum minorum, quorum regulam etiam
confirmavit. Inde hodie in Roma omnes libii
sunt novi, et Franciscain. »
XIII. Ce récit de Radulphe donne sujet aux
réflexions suivantes : 1° ni les papes, ni les car-
dinaux, ni les autres officiers de la cour ro-
maine, ne s'exemptaient jamais des offices
divins qu'on chantait dans la chapelle, quel-
que embarras d'affaire qui leur survint. On
accourcissait les offices, mais on ne les omet-
tait jamais; 2° les missionnaires apostoliques
ne se dispensaient pas non plus de la récita-
tion de l'office ; 3" les ecclésiastiques et les
religieux se jugeaient engagés dans la même
obligation de réciter les heures canoniales ;
i" l'office des cordeliers fut emprunté d'abord
de la chapelle du pape, mais ayant été ensuite
approuvé par Nicolas III, il devint l'office com-
mun de toutes les églises de Rome, et enfin ce
fut le bréviaire de l'Eglise romaine; 5" la li-
berté même qu'on se donna d'abréger les
offices est une preuve de l'étroite obligation
où l'on se croyait être de réciter les heures
canoniales parmi les occupations les plus pres-
santes.
XIV. Il ne faut pas priver l'incomparable
missionnaire de ces derniers siècles, saint
François Xavier, de l'éloge qu'il a si justement
mérite dans cette matière. Quoiqu'il eût d'a-
bord obtenu la permission d'user du bréviaire
nouveau du cardinal Quignon, qui était en-
core plus court que l'ancien, c'est-à-dire que
celui des cordeliers , il ne voulut jamais user
de cette indulgence , quoique de tous ses pré-
cieux moments dépendit le salut de tant
d'âmes.
« Nuper novum ternarum lectionum brevia-
rium, sanctœ Crucis dicebatur, occupatorum
hominum levamen, editum erat; ejusque usus
Francisco propter occupationes ab initio con-
cessus. 111e tamen quanivis ingentibus curis
negotiisque distentus nunquam permissa uti
266 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINCT-CINQUIÈME.
voluitlieentia,vetusquebreviariumnovenarum
lectionum haud paulo Iongius, perpetuo reci-
tavit; ut qui jucundissime cum Deo ageret,
ciini eodem quam dintissime colloqueretur
(Turselin., vitae Xaverii, ult. 1., c. v). »
XV. Les occupations et les études n'empê-
chaient pas Albert le Grand de réciter tout le
psautier presque tons les jours : « Multis annis
fere quotidie cum tamen in cathedra theologiae
regeret, tantum de die ac nocte orationibus in-
cùmbebatj ut psalterium Davidicum legeret,
et interdum dictis boris, contemplationi di-
vinae insudaret (Cantiprat., 1. n, c. i.vii). »
Cobelin fait mention d'un saint cardinal qui
employait tous les jours six heures à dire son
bréviaire: «Preces horarias nonabsorbebat, ut
facimus plerique omnes. Testor hoc sacratissi-
mum in qno suinus templum , singulis diebus
scx illum horas solitum consumere in offiaio
exsolvendo (Rainald., an. I 't<;:!, n. 1 12). »
Le cardinal de Pavie fait l'éloge du cardinal
de Saint-Pierre, qui ne cessa jamais de dire
son office pendant les langueurs même de sa
dernière maladie, jusqu'à ce qu'il eût entière-
ment perdu la parole : « Horas canonicas non
ante dimisit, quam a voce est ipse dimissus
(Epist. cxxxvi). »
Saint Charles, archevêque de Milan, au rap-
port de Ciossano, récitait le matin avec ses
ecclésiastiques matines et prime , après un
quart d'heure d'oraison mentale, puis ils di-
saient le reste de l'office aux heures conve-
nables (Ciossan., 1. n, c. m; et I. in, e. u). Les
autres de ses ecclésiastiques qui n'étaient pas
obligés au grand office, récitaient le matin tous
ensemble le petit office de la Vierge jusqu'à
vêpres, qu'ils disaient après avec complies en
son propre temps.
Ce saint prélat affecta toujours de lire son
office, sans en rien dire par cœur, et il ne
manqua point de le réciter, que le jour de sa
mort, auquel il l'entendit réciter au pied de
son lit par un de ses camériers. Ce sont les
termes de Ciossano.
CHAPITRE QUATRE-VINGT-CINQUIEME.
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN. PREUVES TIRÉES DES LOIS ECCLÉSIASTIQUES,
DEPUIS L'AN MIL JUSQU'A PRÉSENT.
I. Divers canons des conciles, jusqu'à l'an treize cent, qui
présupposent ou qui affermissent cet'e nécessité.
II. Autres canons des, conciles depuis l'an treize cent jusqu'au
concile de Haie. Quand on cessa à Paris de chanter matines à
minuit.
III. Canons des conciles depuis le concile do Bàle jusqu'aux
conciles de Milan de saint Charles.
IV Règlements des conciles de Milan, et des conciles de
France, qui les ont suivis.
V. De ceux dont le bénéfice est insuffisant.
VI. Des infirmes et des voyageurs.
VII. De l'échange des heures canoniales en autres prières.
VIII. Quand on y a exprimé la salutation angélique.
IX. Quelles heures on doit dire avant la messe.
X. De quel droit est l'obligation des heures canoniales.
I. Je passe des exemples aux lois, qui font
remarquer encore plus précisément celte obli-
gation.
Le concile de Londres, en 1200 (Can. i), n'or-
donne pas qu'on célébrera les heures cano-
niales, mais présupposant cette loi immuable
et aussi ancienne que l'Eglise, il commande
qu'on les récite avec piété et sans précipitation :
« Similiter et omnes horas et oinnia officia
aperte et distincte dicantur, ita quod ex festi-
natione niiuia non syncopentur, vel prœci-
dantur. »
Le concile de Paris, en 1212 (Can. h), défen-
dit aux prélats d'entendre matines de leur lit.
pendant que leur santé leur permettait de se
lever, et de réciter leurs heures avec leurs ec-
clésiastiques : « Statuimus ne dtun fuerint
sani, et incolumes, in lectis jacentes, audiant
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN, etc.
!67
matulinas, et ne dum coram ois officia divina
celebrantur, saecularibus negotiis, vel confa-
bulationibus occupentur. »
Le concile de Latran , en 1215 Can. xvii .
blâma l'irréligion scandaleuse de quelques
prélats et des ecclésiastiques qui, après avoir
donné toute la nuit, ou à leurs vains divertis-
sements, ou au sommeil, se lèvent à peine au
chant des oiseaux et disent à la hâte les heures
canoniales du matin toutes ensembles : « Circa
comessationes et confabulationes illicitas fere
medietatem ooctis expendunt, et somno resi-
duum relinquentes, vi\ ad diurnum concen-
tum avium excitantur, transcurrendo undique
continuata syncopa matutinum.»
Ce concile ordonne ensuite que les offices
de la nuit et du jour soient célébrés en leur
propre temps, et sans précipitation. « Ut divi-
num officium diurnum pariter et nocturnum,
quantum eis Deus dederit, studiose célèbrent
et dévote. »
1° Ce canon suppose l'obligation ancienne et
indispensable de s'acquitter des divins offices.
2° Il suppose que les offices de la nuit se
disaient encore la nuit par toute l'Eglise. 3" Il
condamne comme une faute énorme l'indévo-
tion de quelques particuliers, qui récitaient les
nocturnes seulement le matin au point du jour.
4° Et qui joignaient les laudes, et peut-être aussi
prime avec les Nocturnes. 3° Enfin, il ordonne
que les offices de nuit se disent la nuit, et ceux
de jour pendant le jour, aux beures réglées.
Car c'est le sens véritable de ce canon.
Innocent III délégua pour informer de la
conduite de l'évèque de Néopatre, accusé de
plusieurs crimes, et entre autres, de ne point
réciter les heures canoniales, et ne les point
faire réciter en sa présence : « Nec ut tenelur,
per seipsum horas canonicas Deo reddit,nec
coram eo ipsas facit per ministres Ecclesiae de-
cantari [Regist. xiv, epist. 98). »
Ce même pape confirma une compagnie de
pauvres volontaires laïques, qui faisaient réso-
lution de garder les conseils évangéliques, et
de dire sept fois le jour quinze fois le Pater, le
Credo, et s'ils savaient lire, le Miserere; el
comme il y en avait quelques-uns d'entre eux
qui étaient déjà clercs, ceux-ci devaient dire
les heures canoniales. « Septies orantes in die,
quindecies Pater noster, et Credo in Deum, ac
Miserere mei Deus, qui litterari fuerint, decanta-
bunt ; et clerici prout eos convenit, canonicas
horas Domino Deo solvent [Reg. xv, ep. 80). »
Ces dernières paroles, « Clerici prout eos
convenit, canonicas horas solvent. » montrent
assez nettement que la récitation des heures
canoniales était une des obligations des clercs.
Les conciles particuliers continuèrent depuis
fort souvent le décret du concile de Latran.
Entre autres, celui d'Oxford en 1222, et le
synode de Bayeux en 1300.
Les statuts des abbés de la province de Nar-
bonne, en 12-20, ordonnent aux moines qui sont
dans les ordres sacrés de porter un bréviaire
ou un psautier quand ils seront en voyage.
« Monachi in sacris ordinibus constitua , in
longo itinere profecturi, sine breviario, vel
psalterionon mittantur (Can. VI, xix; Spieileg.,
tom. vi, p. 33). »
Cela nous fait voir que l'obligation de réciter
le bréviaire, au moins en particulier, était
attachée aux ordres sacrés, et que le psautier,
dans les siècles précédents, était la même chose
que ce que nous appelons le bréviaire dans ces
derniers siècles, nu en tenait la place.
Le concile de Latran parle en général des
évêques et des ecclésiastiques ; mais il ne déter-
mine pas que ce soient seulement ceux qui
sont dans les ordres sacrés, ou les bénéficiera,
qui ayent une obligation inévitable de réciter
les heures canoniales.
Le synode de Cologne en 1-280, fit cette dis-
tinction longtemps après, entre les clercs
sacrés ou les bénéficiers et les autres clercs in-
férieurs sans bénéfice, sans néanmoins exemp-
ter entièrement de ce devoir les moindres
clercs sans bénéfices, mais liant à ce devoir
d'un lien plus étroit ceux qui avaient des béné-
fices, ou qui étaient dans les ordres sacrés,
a Nullus horas canonicas et horas de Domina
nostra ulla unquam die distincte et discrète
dicere praMermittat, maxime qui est in sacris
ordinibus, vel beneficiis constitutus. »
Le synode de Nimes en 1284, obligea les
clercs excommuniés même, de réciter leurs
heures en particulier, s'ils étaient dans les or-
dres sacrés. « Debent extra Ecclesiam nihilo-
minus dicere officium sub silentio clerici
excommunicati majori excommunicatione, si
sunt in sacris ordinibus constituti. »
Jacques de Vitry met la récitation, ou le
chant des heures canoniales entre les princi-
pales obligations des curés. « Horas canonicas
tanquam juge sacrificium in odorem suavitatis
cum humilitate et devotione offerre { Hist,
Oecid., c. xxxiv . »
268 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-CINQUIÈME.
Il veut que les curés disent les offices de la
nuit pendant la nuit. « Procuret in quantum
eommissi sibi gregis permittit frequens mini—
sterium, ut nocturnum ofticium noctu pera-
gatur : » que les offices du jour se disent à
leurs heures réglées, et qu'on ne fasse pas du
jour la nuit, ou de la nuit le jour. « Diurnum
autem cerlis et determinatis horis de die per-
ticiatur. Non eniin débet divinum officium
confundere , neque noctem in diem conver-
tere. »
Ce cardinal permet seulement aux curés,
dans la nécessité, de prévenir le temps et
d'avancer les heures, mais non de les différer
plus tard. « Conceditur tamen eis ratione fre-
quentis administralionis, ad cautelam tempus
determinatum quandoque prssvenire , non
autem absque magna et urgente necessitate
praeterire. »
C'est du temps réglé pour chaque heure
canoniale qu'il parle, et non pas des heures ca-
noniales, quand il dit qu'on peut le prévenir,
et non le passer, ou attendre encore plus tard.
« Tempus determinatum pnevenire quandoque
conceditur, non autem absque magna necessi-
tate praeterire. »
Cria nous suffit que ce pieux et savant car-
dinal n'a pas estimé que les curés pussent
jamais être si occupés qu'ils n'eussent pas le
loisir de prier, puisque la prière au contraire
doit être le céleste assaisonnement de toutes
leurs occupations saintes, et leur soutien dans
tous leurs travaux.
II. Les ordonnances synodales d'Angers, en
131 i, après avoir institué l'octave de la Tous-
saint, avec le consentement du synode et du
chapitre, marquent les leçons du chapitre ni
de la Sagesse, qu'on continuera jusqu'à la lin
de l'octave ; et ceux qui n'ont point de Bible,
prendront les leçons du commun. « Qui autem
bibliam non habent, facient lecturam de com-
mun! martyrum. » Cette dernière clause ne
peut regarder que ceux qui récitent les heures
canoniales en particulier.
Ces mêmes ordonnances, en 4262, avaient
enjoint aux curés de dire leurs matines et les
heures canoniales ensuite dès le matin, pour
prévenir les occupations qui peuvent leur arri-
ver.
Le concile de Palence en 1322, nous met
devant les yeux la manière dont les évêques
disaient leur office canonial avec leurs ecclé-
siastiques. « Horus canon icas cum suis clericis
attente recitent Spicileg., tom. u, p. ïti:>) : »
ce qui est bien différent des offices de l'église
cathédrale, où ils doivent assister quand ils le
peuvent. « Et in ecclesiis suis cathedralibus di-
vina officia solemniter célèbrent, nisi légitime
fuerint impediti (Can. vi). »
Mais le concile de la province d'Auch ,
en 1320, exprime nettement que ce sont les
bénéficiers, les clercs sacrés et les religieux qui
sont obligés aux sept heures canoniales. « Sta-
tuimus quod omnes clerici, in sacris ordinibus
constiluti, et beneficium ecclesiasticum, maxi-
me cum cura obtinentes, et omnes religiosi
clerici ad omnes septem horas canonicas omni
die dicendas, sunt ex debito obligati, nisi eos
infirmitatis gravitas excusant, et quam trequen-
tius ad cas dicendas, ad Ecclesias convenianl,
horis et temporibus consuetis (Concilium Mar-
ciacense, can. xix). »
On sait que tous les clercs étaient autrefois
bénéficiers, ayant tous part selon leur rang aux
distributions des biens et des revenus que
l'Eglise possédait en commun. Ainsi, tous les
bénéficiers sont encore obligés aux heures cano-
niales, par la même loi générale que tous les
clercs y étaient obligés. Mais depuis que la clé-
ricature et même les ordres mineurs ont été
donnés sans bénéfice, on n'a pas usé à leur
égard de la même contrainte, pour la récitation
des heures canoniales, d'où il est enfin arrivé
qu'ils s'en sont dispensés, et qu'on a tacitement
consenti à ce relâchement, en n'obligeant plus
que les clercs majeurs à l'office, à cause de la
haute perfection de l'état sacerdotal où ils sont
élevés.
11 faut juger de la même manière de l'assis-
tance aux offices publics de l'Eglise. Ce fut là
d'abord la première obligation des clercs. On
toléra que dans les nécessités inévitables on
pût s'acquitter de l'office en particulier; depuis
cette indulgence passa en loi commune pour
tous ceux à qui leur bénéfice n'imposait pas
une obligation particulière d'être présent au
chœur.
Le canon que nous venons de citer, tend à
rétablir les choses dans leur première perfec-
tion. Mais le concile de Tortose, en Espagne,
en l'an 1429 (Can. îv), s'en explique bien plus
clairement : « Ne divinae servitutis census ,
quem de Eructu labiorum suorum efferre tene-
lui i|uilibi't clericus, ecclesiasticum beneficium
possidens, vel in sacris ordinibus consti tutus,
dum per oecupationes alias conventui Ecelesi;c
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN, etc.
269
interesse non valet, ex defectu breviarii omit-
tatur, provide duximus statuendum, ut per
locoruni ordinal in< ad babendum propria bre-
viaria cogantur, nullusque de caetero in diaco-
num ordinetur, qui non habeat breviarium. »
Il est à croire qu'il faut lire in subdiaconnm,
puisqu'on ne peut douter que le sons-diaconat
ne fût depuis longtemps au nombre des ordres
sac ivs.
Comme l'ancienne discipline attachait tous
les clercs à quelque église, il ne faut pas s'éton-
ner s'ils étaient aussi tous obligés d'y assister
aux heures canoniales, et si ces canons suppo-
sent que ce n'est que par l'incompatibilité de
leurs occupations que quelques-uns en sont
dispensés, et qu'ils satisfont a leur devoir par
la récitation particulière de l'office; il s'en faut
donc beaucoup que ceux-là n'ayent bien ren-
contré, qui se sont imaginé que ce n'avait été
que la célébration publique des offices dans
l'Eglise, qui eût été ordonnée par les canons.
Ce fut véritablement celle-là qui fut premiè-
rement et ordonnée et pratiquée généralement
par tous les clercs, et ce n'a été qu'une sage
condescendance, qui a voulu que la plupart
pussent s'acquitter de ce devoir, par la récita-
tion secrète, et que les moindres clercs sans
bénéfices fussent quittes entièrement de ce
devoir. Mais bien loin de faire servir ces véri-
tés à combattre ou à affaiblir l'obligation de
l'ofûce divin , il faut avouer au contraire
qu'elles en sont des preuves invincibles et des
fondements inébranlables.
En effet, il est évident que, dans les premiers
temps, non-seulement les clercs qui sont dans
les ordres sacrés étaient obligés d'assister à
l'office, mais encore ceux qui sont dans les or-
dres mineurs, puisqu'originairement ils étaient
tous bénéficiers. Ainsi ils étaient tous obligés à
l'office canonial et solennel qu'on célèbre dans
L'Eglise. D'où il suit que la récitation parti-
culière du bréviaire est d'une obligation très-
étroite, puisque c'est à quoi se sont enfin
réduites tant d'autres obligations plus grandes
et [dus étendues.
Avant que de passer au concile de Bàle, il
est bon de remarquer, avec le continuateur de
Nangis, que ce fut en 1358 que les chanoines
commencèrent à Paris de ne plus chanter les
nocturnes à minuit. Comme le royaume était
tombé dans une horrible confusion par la perte
de la bataille de Poitiers et la prison du roi
Jean, le régent lit faire des défenses partout
Paris de sonner les cloches depuis vêpres jus-
qu'au jour du lendemain, afin de ne pas trou-
bler ceux qui faisaient la garde.
Les chanoines prirent de là occasion de réci-
ter leurs matines après compiles; la seule ca-
thédrale garda l'ancienne régularité. » Tune
cauiinici post completorium suas cantabanl ce-
leriter matutinas, quas antea consueverant hora
noctis média' signis solemuiter pulsatis devo-
tius perorare. »
III. Le concile de Bàle, en 1435 (Sess. xxi,
eau. v] a parlé de ce pieux tribut de louanges,
comme tant d'autres conciles plus anciens, en
supposant l'obligation générale des bénéficiers
et des clercs majeurs, et enjoignant qu'on s'en
acquittât avec piété. « Quoscumque bénéficiâ-
tes seu in sacris constituais, cum ad horas ca-
nonicas teneantur, admonet haec synodus, ut
sive soli, sive associati, diurnum nocturnum-
que officium reverenter, verbisque distinclis
peragant. » C'est une marque de l'antiquité im-
mémoriale de ce devoir, qu'aucun concile ne
l'ait institué, mais qu'ils en aient tous parle en
le présupposant.
Le concile de Latran, en 1514 Sess. ix),
oblige à la restitution des fruits tous les béné-
ficiers qui n'auront pas dit leur office six mois
après avoir été pourvus de leur bénéfice.
Entre les articles de la réformation du clergé,
dressé par le cardinal Campége, légat en Alle-
magne en 15-21, on lit celui-ci (Art. xxvn), qui
enjoint aux prélats de faire observer par les ar-
chidiacres, et par les doyens ruraux, qui sont
ceux d'entre les bénéficiers qui manquent a un
devoir si essentiel de la piété ecclésiastique; de
leur faire restituer les fruits et même de les
priver de leurs bénéfices, s'ils persistent dans
une négligence et une irréligion si damnable.
La raison qui y est alléguée, c'est que, selon les
canons, les bénéfices ne sont donnés qu'alin
qu'on s'acquitte fidèlement de l'office. « Cum
bénéficia propter officia juxta patrum sanctio-
nes dari consueverint, etc. »
Le concile de Sens, en 1528, renouvela le ca-
non du concile de Bàle, et défendit en même
temps à tous ceux qui assistent au chœur de
réciter leurs heures en secret en même temps
que les autres chantent, parce qu'ils doivent
eux-mêmes chanter les louanges divines, et
ne doivent pas troubler ceux qui sont appli-
qués à ces divins cantiques. « Nemo ibidem
cum hora1 in communi cantantur, légat, yel
dicat privatim officium. Nam non solum ofli-
270 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-CINQUIÈME.
cinm, quo obnoxius est, clioro subtrahit, sed
et alios psallentes perturbât (Can. xvui, xix . o
Le concile de Cologne en 1336 (Part, n, c. 8)
exprima la nécessité de l'attention, et d'une at-
tention fervente que les autres canons suppo-
saient : « Non sufflceril pièces istas horarias
utcnmque praemurmurasse, sed ut conciliari
constitutione cautum est, presbyter ex intimo
all'ectu, elevataque mente in Deuin solum, no-
cturnum hoc diurnumque suœ servitutis pen-
sum exsolvat. »
Il réitéra la même défense du concile de
Râle, de ne point réciter ses heures au chœur,
pendant que les autres chantent; mais il ex-
cepta de celte loi ceux qui sont engagés à quel-
que ministère qui les force de se hâter. « Quem
tamen aliud offieium ecclesiasticum, aut pu-
blicum alio statim rapiet, ut nisi legens preces
horarias, teinpestiveabsolvere haud posait, hac
lege teneri noluimus (Part, ni, c. 5). »
IV. Le concile Ier de Milan, en 1565 (G. n),
ajouta au décret du concile de Latran, sous
Léon X, que c'était manquer à l'office et ren-
dre son bénéfice impétrable que d'y manquer
deux fois en quinze jours. « Offieium omittere,
ut beneficio privari possit, is jure dicatur, qui
qnindecim dierum spatio bis illud omiserit. »
Et que ceux mêmes qui étaient dans les ordres
sacrés sans bénéfice, s'ils manquaient â ce juste
tribut de prières, outre le crime dont ils se
rendaient coupables devant Dieu, devaient être
recherchés et châtiés par l'évêque. « Praeter
grave peccatum, quod committunt, graviter
etiam ab episcopisin eos animadvertalur. »
Le concile III de Milan en 1573, (Can. x), réi-
téra ces mêmes ordonnances, s'appuyant sur
une bulle de Pie V sur ce sujet, suivant la-
quelle il ordonna aux mêmes évoques de faire
sentir la même sévérité à ceux qui, ayant des
pensions sur des bénéfices, ne diront pas l'of-
fice de la Vierge. « Ad cujus etiam constitulio-
nis prœscriptum, eum item mulctet, qui pen-
sionem habens canonicarum borarnm offieium
de B. Maria Virgine dicere omiserit. »
Le concile IV de Milan, en 1570 (Can. n), dé-
clara que les légères maladies, même avec
fièvre, ne dispensaient ni de l'obligation du
bréviaire, ni de la restitution des fruits. « Me-
minerit se febri, morbove aliquo, vel adversa
valetudine leviter aliquando laborantem, non
justam propterea excusationem habere, etc. »
Ce même concile (Can. xu) ordonna que tous
ceux qui étaient entretenus aux dépens de l'E-
glise, fussent au moins obligés de réciter l'of-
fice de la Vierge, ou le chapelet, s'ils étaient
tout à fait ignorants.
Le concile de Rouen, en 1581, avertit ceux
qui étaient obligés à l'office, que le bréviaire
du cardinal de Sainte-Croix avait été défendu
par le pape (De cultu divino in génère). Celui
de Bordeaux en 15S3 renouvela une partie des
statuts des conciles de Milan, surtout pour la
peine de privation des bénéfices contre ceux
qui manqueraient deux fois en quinze jours à
dire leur office, et pour obliger les pension-
naires à l'office de la Vierge.
Le concile de Mexico en 1385 (L. m, fit. i, §3),
ordonne aux évêques une heure d'oraison men-
tale tous les jours. Celui d'Avignon, en 15'Ji
(Can. xxxiv), enjoignit aux clercs qui ont pen-
sion sur des bénéfices, de dire l'office de la
Vierge, suivant la bulle de Pie V. Le concile
d'Aquilée, en 1596 (Can. xii, voulut que les
clercs sacrés fussent sévèrement punis par l'é-
vêque, s'ils manquaient à réciter les heures
canoniales, quoiqu'ils n'eussent point de béné-
fice, parce que c'est toujours un grand crime
de manquer à ce devoir religieux : « Oniniuo
intelligant, omittendo horas canonicas se mor-
taliter peccare , nec prœtextu beneficii non
adepti excusare posse. »
Les pensionnaires sont aussi obligés à la ré-
citation de l'office de la Vierge, sous peine de
péché mortel et de restitution des fruits. « Pen-
sionarios serio monitos esse volumus, eos ad
offieium B. Maria' Virginis quotidie recitan-
dum teneri ; praeter peccatum mortale, quod
committunt, si omiserint, reslitutionis onere
obstrictos declaramus. »
Enfin le concile de Narbonne, en 1609, obli-
gea les évêques à une heure d'oraison mentale
chaque jour.
V. Il est bon de remarquer que les canons
que nous venons de citer imposent à tous les
bénéficiers généralement l'obligation des heures
canoniales, sans en excepter aucun, et sans
avoir égard au revenu du bénéfice.
C'est aussi la résolution des plus habiles ca-
nonistes, fondée sur la décrétale Conquer-ente
de cleric. non résident. d'Alexandre III , qui
oblige à la résidence ceux qui possèdent les bé-
néfices de moindre revenu. « Sicut non excu-
satur a residentia, ex eo quod ex beneficio vila;
necessaria non percipiat, ita nec excusatur ab
horis dicendis. Imputet sibi si beuefieiuni non
sit competens, quia nihilominus tenebitur ad
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DIVIN, etc.
-271
horas, ex quo se fecit ad hoc intilulari. » Ce
sont les termes de l-'agnan sur ce chapitre
Tagn., in 1. 1, part, i, p. 39 .
VI. Nous avons dit que ni les maladies lé-
gères, ni les voyages ne dispensaient personne
de ce pieux devoir. En voici de nouvelles
preuves.
L'auteur de La vie de sainte Lutgarde raconte
comment cette sainte prédit à ses religieuses
les châtiments dont elles étaient menacées,
parce qu'elles ne récitaient les heures cano-
niales dans l'infirmerie qu'avec beaucoup de
négligence. « Saepe reprehenderat moniales in
valetudinario manentes, quod paru m attente
pi isolverent horas canonicas, divinitus insli-
tutas, etc. Cuin se intîrinœ sorores iu valetudi-
nario manentes in dicendis precibus canonicis
correxissent, pestis illa penitus sopita est (Can-
tipratens., 1. ni. c. 10, circa an. 1200). »
11 parait de là que les religieuses infirmes
recitaient les heures canoniales toutes ensem-
ble dans l'infirmerie. Ce qui se confirme par
la constitution de Benoit XII, qui régla tous les
monastères des bénédictins, et enjoignit à tous
ceux qui ne pourraient pas être présents au
chant publie des offices divins dans l'église , à
cause des prédications , ou des études , ou des
autres charges où ils sont occupés, de s'assem-
bler dans un autre lieu aux heures réglées pour
réciter l'office divin.
« Cœterum. qui ad chorum, vel ad ecclesiam
accedere nequiverint, pnedicationi, lectioni.
studio, seu administrationibus, vel officiis suis
aut piis. sive licitis operibus, de licentia illius,
ad quem eaui dare pertinent, occupaU, in luco
aliquo congruo et honeslo, debitis horisjuxla
possibilitatempluressimulconveniant, et débite
dicant divinum officium, et quotidianum pen-
sum exsolvant débita? servitutis. »
Les statuts du même ordre de saint Benoit,
dressés pour la province de Narbonne, et ap-
prouves par Grégoire IX, en \-2~2ti. ordonnèrent
qu'on donnât un bréviaire, ou un psautier à
tous les religieux qui entreprendraient un grand
voyage. « Ut monachi in sacris ordinibus con-
stitua, in longo itinere profecturi, sine brevia-
rio, vel psalterio, nonmittanturvSpicileg.. tom.
vi, pag. 33). »
Voilà où l'on s'est réduit depuis qu'on a né-
gligé d'exiger de tous les clercs qu'ils sussent
leur psautier par cœur, avant que de les or-
donner. Car on voit ici que le psautier tient
lieu de bréviaire. C'était en effet l'ancien bré-
viaire, et les conciles ordonnaient aux clercs,
non pas de le porte] . mais de le savoir par mé-
moire, afin de pouvoir s'acquitter de leur of-
fice, mais hors de l'église.
VII. Si ce dernier statut ne parle que des
moines qui sont dans les ordres sacrés, c'est
parce que dans toutes les communautés reli-
gieuses on avait changé la récitation des heures
canoniales, en un certain nombre de Pater et
Ave, pour ceux qui n'avaient pris aucune tein-
ture des lettres.
La règle des Templiers, qui fut dressée en
1 1 -27 dans le concile de Troyes, les obligea aux
heures canoniales, qu'elle échangea néanmoins
en oraisons dominicales, quand ils seraient
absents et occupés à la guerre.
Apres que les religieux vaudois eurent re-
noncé à leurs anciennes erreurs, le pape Inno-
cent III confirma leur règle , dont voici un ar-
ticle. « Orationi juxta horas canonicas septies
insistentes dicendo quindeciesPo/e/' noster, in-
super Credo in Deum, et Miserere mei Deus, et
orationes alias. Cum autem ex magna parte
clerici simus, et pêne omnes litterati, lectioni
et exhortationi, doctrines et disputationicontra
omnes errorum sectas. decrevimus desudare ,
etc. (Innoc. III. Begist. xm, Epist. lxxviii). »
Il y aurait cela d'étonnant, qu'étant clercs et
ayant assez de littérature pour traiter de la
controverse avec les hérétiques, on leur per-
mette de faire cet échange des heures cano-
niales, s'il ne paraissait d'ailleurs que c'étaient
plutôt des laïques ou des clercs séculiers, asso-
cies et dévoués à la pratique des conseils évan-
géliques, que de véritables religieux. Mais
quand ils auraient été de vrais religieux, cette
tolérance eût ete bientôt révoquée. Car dans une
autre lettre qui fut depuis écrite, ce pape laissa
cette disposition pour ceux qui n'étaient pas
clercs, obligeant les clercs aux heures cano-
niales. « Et clerici, prout eos convenu , cano-
nicas horas Domino Deo solvent (Regist. xv,
epist. lxxx . »
Les premiers disciples de saint François com-
pensaient par l'oraison mentale les heures ca-
noniales, qu'ils ne pouvaient pas encore réciter
faute de livres. « Pro eo quod nondum eccle-
siasticos libros habebant , in quibus possent
horas canonicas decantare (Can. iv). »
G'est ce qu'en dit saint Bonaventure dans la
vie de ce saint, qui dit la même chose dans sa
règle, où il ajoute la mesure que les frères
laïques devaient garder pour suppléer a chaque
272 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-CINQUIÈME.
heure canoniale par la réitération des oraisons
dominicales. « Clerici faciant divinum offi-
cinm , secundum ordinem sanctae Romanae
Ecclesiae exceplo psalterio. exqno habere pote-
runtbreviaria. Laici vero dicant viginti quatuor
Pater noster pro matntino, pro laudibus quin-
qne , pro prima , tertia , sexta et nona , pro
qualibet istaruin borarnm septem, pro vesperis
antem duodeeim, pro completorio septem ; et
orent pro defnnctis, etc. (Cap. m). »
On peut bien faire remarquer en passant
que, selon cet article de la règle des Francis-
cains, Radulplie doyen de Tongres, n'a peut-
être pas eu tant de sujet de les accuser d'avoir
choisi pour eux et d'avoir ensuite autorisé et
répandu par le monde l'oftice plus court de la
chapelle du pape.
Au contraire, saint Ronaventure, expliquant
cet article de la règle, demande pourquoi saint
François, destinant ses enfants à l'étude et à la
prédication, les a chargés d'un office aussi
long qu'est celui de l'Eglise de Rome. « Quare
S. Francisais, ex quo fratres suos volebat in
pra'dicatione et studio per consequens exer-
ceri, tam oneroso, tam prolixo officio onera-
\it?»
A cette demande, il donne une réponse éga-
lement digne de l'auteur de la règle, et de son
interprète : Que si l'Eglise romaine étant char-
gée de la sollicitude et du soin de toutes les
Eglises, a choisi le plus long office, parce
qu'elle a cru avoir d'autant plus besoin de
prier ; il faut aussi juger que , non-seulement
les particuliers, mais aussi les communautés
doivent multiplier leurs prières à proportion
que leurs occupations s'augmentant, ils ont
plus de besoin du secours du ciel.
Les statuts de Hugues V, abbé de Cluny, en-
joignent à ceux qui sont éloignés du monas-
tère de réciter leurs heures en leur temps , et
s'ils ne savent pas les psaumes par cœur, de
dire un nombre certain de Pater. « Universi
ubicumque constiluti , suœ servitutis pensum
non negligant r^ddere, maxime borarum re-
gularium. Nescientes psalmos, pro singulis
horis Orationem Dominicain septics dicant,
pro malitunis septies septem , pro vesperis ter
seplem (Bibl. Clun., p. li(>2). » Cet échange se
trouve presque semblable pour les frères con-
vers dans l'ordre de Prémontré (Bibl. Pràemdn-
strat., p. 825).
Mil. Dans ce dernier endroit il est fait aussi
mention de Y Ave Maria , sans l'insérer néan-
moins dans ces prières d'obligation pour les
clercs et pour les convers. La même prière se
trouve aussi souvent recommandée dans la
compilation des conciles d'Angleterre, aussitôt
après l'an 1200 et dans les constitutions d'Odon,
évêque de Paris (Concilia Spelman., tom. u ,
p. 138, 100, 210).
Jules II, continuant la règle des chevaliers
de Christ, en Portugal, leur donna l'office de
la Vierge à réciter, et pour ceux qui ne sau-
raient pas lire, soixante Pater et autant A' Ave
partagés en autant de temps et aux mêmes
temps s'il se pouvait que les heures canonia-
les. Mais comme cela n'arriva qu'en l'an 1505,
on pourra trouver dans le grand bullaire d'au-
tres statuts pareils , beaucoup plus anciens
(Rainald., an. 1505, n.O; Rullar., tom., p. 229,
253, 'ill, 322; tom. u, p. 305).
IX. 11 ne me reste plus que les décrets qui
prescrivent quelles sont les heures canoniales
qu'on est obligé de dire avant la messe. Odon ,
évêque de Paris, ordonne qu'on dira matines
et prime. « Nullus antequam matutinasdixerit
canonicas et primam, pra'sumat aliqua neces-
sitate celehrare missam (Cap. v, § 10); » Inno-
cent IV fit le même règlement pour l'île de
Chypre, sans y comprendre prime : « Sacer-
dotes dicant horas canonicas more suo, sed
missam celehrare priusquam officium matuti-
nale compleverint, non prsesumant(Anno 123-1,
epist. x). »
Comme ce règlement regardait les Grecs de
file de Chypre aussi bien que les Latins, il en
faut conclure que les Grecs étaient sujets aux
mêmes lois de l'office que les Latins.
Le Synodicwn de l'île de Chypre qu'on a
publié avec les conciles comprend aussi prime
avant la messe. Le synode de Nîmes, en 1284 ,
ne parla point de prime. Le concile de Valla-
dolid, en 1322, n'en parla pas non plus. Le sy-
node de Bayeux, en 1300, se sert des mêmes
termes qu'Odon, évêque de Paris, et joint
prime avec matines (Conc, tom. h, part. 2,
pag. 2380; Rainald., an. 1322, n. 18).
Tout cela se doit entendre de l'office qui se
récite en particulier. Car le concile de Lam-
beth, dans la province de Cantorbéry, en 1330,
parlant de la messe paroissiale, ordonne qu'elle
ne se dise qu'après avoir dit tierce. « Nullus
sacerdos parochialis présumât missam cele-
hrare, antequam matutinale persolverit offi-
cium, id est primam ac tertiam de die. »
X. On sait que la coutume a prévalu pour
DE L'OBLIGATION DE RECITER L'OFFICE, etc.
273
ne point obliger à prime avant la messe. Mais
ces lois ecclésiastiques montrent clairement de
quelle nécessité on a toujours cru qu'il était
(Ir réciter l'office.
Le compilateur des décrétâtes grégoriennes
remonte jusqu'au concile d'Agde, duquel est
tire le chapitre Presbyter. « De celebratione
missarum. »
Fagnan, sur ce même chapitre, croil que
cette obligation est du droit di\in positif pour
les clercs sacrés : « Ratione sacri ordinis cle-
rici lenentur ad lioras dicendas de jure divino
positivo, » et du droit naturel pour les bénéfi-
ciers : « Viventes de patrimonio Crucifixi ad
hoc tenentur de jure divino naturali. »
Il cite des canonistes qui ne pensent pas que
le pape même en puisse dispenser. Il en cile
d'autres qui obligent tous les clercs mineurs,
appuyés sur les canons anciens, qui ne font
nulle distinction. 11 faut confesser que la cou-
tume contraire a prescrit contre pour les clercs
mineurs sans bénéfice ; mais il est certain que
ers mêmes clercs doivent satisfaire en quelque
autre manière à l'intention du droit divin et
humain qui dévoue tous les cœurs à la piété el
a la prière.
Saint Thomas s'explique le plus nettement
de tous : « Clericus ex hoc ipso quod est cleri-
cus, et pnecipue in sacris ordinibus constitutus,
tenetur dicere horas canonicas. Yidcnturcnini
taies specialiter esse assumpti ad laudem divi-
nam. Scd in quantum est clericus beneficiatus
in hac ecclesia, tenetur dicere officium secun-
dum modum illius ecclesia (Quodlib. (i, q. i>,
art. v2 ; et q. i, q. 1 , a. 1 ; et q. 3, q. 13 , a. 2 ;
et q. 5, q. H, a. 1). »
Concluons qu'il s'en faut beaucoup que l'o-
bligation des offices ne soit plus étroite dans
ces derniers siècles qu'elle n'a été dans les pre-
miers (1).
(I) A la suite du Concordat et pour sa mise à exécution, le cardi-
nal-légat Caprara porta plusieurs décrets. D'après celui du 10 avril
1902, les chapitres établis dans les nouveaux diocèses de France doi-
vent réciter, psalmodier et chanter les heures canoniales et les of-
fices, et faire eu même temps le service de leur église. D'un autre
côté, dans un rapport adressé à l'Empereur le 12 février 1807, Por-
tails annonçait qu'il avait prescrit aux évèques que l'intention de
l'Empereur était que l'office canonial lut exactement célébré dans
toutes les cathédrales. « L'archevêque de Paris, continue-t-il, vient
u d'ordonner cette célébration, et, depuis samedi dernier, l'office ca-
a nonial est entièrement rétabli comme on le célébrait dans les plus
<i beaux temps du christianisme. Tant qu'à Paris on ne récitait pas
<i l'office, je n'osais inviter les évèques des chapitres des autres dio-
n cèses à le réciter; aujourd'hui que l'antique discipline des églises a
d repris à Paris son premier lustre, je vais y ramener tous les autres
« chapitres de France. » L'office canonial fut célébré en entier dan?
les chapitres pendant plusieurs années. Mais depuis longtemps ils se
bornent à la messe chantée et aux vêpres suivis des Compiles. On
comprend qu'avec le personnel si re-treint des chapitres actuels, on
ne peut pas exiger davantage. Qu'est-ce en effet qu'un chapitre de
neuf chanoines seulement sans les nombreux mansionnaires qui or-
naient les anciens ? Craignant sans doute que ces fantômes de cha-
pitres, composés de si peu de chanoines, infirmes ou âgés pour la
plupart, ne marchassent toujours plus avant dans la voie des retran-
chements des parties de l'office canonial, le gouvernement publia une
circulaire ministérielle, le 11 septembre 1810, dans laquelle nous li-
sons : u II est dans l'ordre que l'office canonial soit célébré dans les
«i diverses églises cathédrales. 11 est du devoir des chanoines d'y as-
« sister exactement. Si l'office n'était pas célébré, il serait à craindre
a que le gouvernement ne supprimât les suppléments de traitement
« accordés aux chanoines par les départements, d
En supprimant la plupart des fêles anciennement observées, le
Saint-Siège voulut que dans aucune église rien ne fût innové dans le
rite et l'ordre des offices et cérémonies en usage ce jour-là. Le dé-
cret du cardinal-légat du 9 avril 1802 statua néanmoins que l'Epipha-
nie, la Fête-Dieu, la fêle de saint Pierre et du patron seraient solen-
nellement célébrées le dimanche qui suivrait. Dans une instruction
du 22 janvier 1801, il décida que les offices des fêtes renvoyées au
dimanche suivant devraient être récités par le clergé, tant en particu-
lier que dans les églises, et la messe célébrée le jour où ces fêtes
arrivaient. Le dimanche on célébrerait une messe solennelle de la
fête transférée avec une seule oraison, suivant la rubrique des messes
votives. C'est ce qu'on observe aujourd'hui dans tous les diocèses de
France. (Dr André.)
CHAPITRE QUATRE-VINGT-SIXIEME.
DE L'OBLIGATION A RÉCITER L'OFFICE DANS LE CIIOEIR; DE L'OFFICE DE LA VIERGE,
ET DE L'OFFICE DES MORTS.
I. Le premier usage et la première obligation, a été de célé-
brer tous lis offices eu commun.
II. on les célébrait tous les jours, même dans les paroisses
de campagne.
III. Ou y récitait au moins les heures canoniales.
IV. Les offices de la nuit se célébraient à minuit. Preuves.
V. On ne se levait pas trois fois pour les trois nocturnes.
VI. Les chapitres des cathédrales ayant été si longtemps oc-
cupes par des religieux, on s'y levait a minuit.
VII. Ou y chantait l'office par co'iir.
Th. — Tome II.
is
«571
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-SIXIÈME.
VIII. De l'office de la Sainte Vierge.
IX. De l'office des Morts. De quelle obligation sont ces deux
offices.
\. ordonnances plus accommodantes des derniers temps pour
les heures des offices divins.
I. On ne doute pas que ce n'ait été le pre-
mier usage de l'Eglise de célébrer en commun
toutes les heures canoniales et de ne dispen-
ser de ce devoir public que ceux qu'une inévi-
table nécessité appellerait en même temps à
d'autres fonctions sacerdotales. Comme tous
les clercs étaient ordonnés sous le titre d'une
église, et avec un général asservissement d'y
résider et d'y exercer quelque ministère sa-
cre, ils étaient absolument obligés de s'\ as-
sembler pour les heures canoniales.
Saint Bernard le dit clairement dans la lettre u,
à un bénéficier. « Bénéficia ecclesiœ tua
sunt. Recte, quia surgis ad vigilias , vadis ad
missas, horis chorurnnocturnisdiurnisque fré-
quentas, lîenefaeis, sic Ecclesiae praebendam
gratis non accipis (Epist. n). »
Ce n'était pas seulement dans les églises ca-
thédrales ou collégiales, mais aussi dans les
paroisses; ce n'étaient pas seulement les cha-
noines, mais absolument tous les ecclésiastiques
de chaque paroisse, qui devaient s'y assembler
pour la célébration des heures réglées de l'of-
fice divin.
Le synode de Worcester, en I2'i() (Can. xnl,
exprime fort nettement cette obligation com-
mune de tous les prêtres de chaque paroisse.
•' Prœcipimus, ut omues capellani, qui iu una
parochia commorantur, sinuil intersint otcon-
veniant matutinis et vesperis, et aliis horis
canonicis, in ecclesiis celebrandis, etmissis, et
maxime dédie, nisi causa rationabili tuerint
impediti : nec aliquis celebret, nisi quousque
prima fueril canonice compléta. »
II. Le concile de Béziers, en 14 ii; (Can. xxx),
veut qu'on célèbre l'office divin dans toutes les
paroisses, a De ruralibus ecclesiis hoc manda-
mus inviolabiliter observari, ut in eis divinum
officiuin frequentetur , ni' Iraudenlur anima'
defunctorum, etc. »
Le concile de Bude , en L27!) ( Can. xi.v), est.
encore plus formel ; il est \iai qu'il semble se
contenter que tous assistent a matines, a la
messe et a vêpres : mais nous verrons qu'il y a
des communautés religieuses, cl même des
plus célèbres pour leur régularité , où toutes
les petites heures ne se disent qu'en parti-
culier.
« Duximus statuendum , quod prœpositi ,
canonici, plebani, et alii Ecclesiarum redores,
et clerici universi , in praeposituris, canonicis,
et plebanatibus , rectoriis et aliis ecclesiis in
quibus beneliciati existant , vel a quibus
ecclesiastica recipiunt stipendia, residentiam
facientes , horis canonicis, ad minus matutinis,
missawel vesperis intersint, eu m ad hoc si nt eis
ecclesiastica bénéficia deputata, ut de ipsis ho-
neste debeant vivere , ac Deo et dictis Ecclesiis
in ipsis divinis officiis cum reverentia deser-
vire. »
Les ordonnances synodales de Pierre, arehe-
\equo de Rouen, en 1-230 (Synod. Rotom., pag.
2 ï-2), s'expliquent encore plus nettement :«Praî-
cipimus, quod quilibet sacerdos in parochia
sua seu capellanus in capella sua dicat matu-
tinas de nocte, et omneshoras horis compe-
tentibus. Et pulset horis debitis ad quamli-
bet horam. Et prœcipimus , quod dicant eum
nota. »
III. Le synode d'Exeter, en L287 (Can. xxi),
dissipera jusques aux moindres apparences des
difficultés qu'on pourrait nous opposer. Car il
dit en termes formels qu'on ne peut pas , à la
vérité chanter les heures canoniales dans les
églises paroissiales, avec la même exactitude
ponctuelle des temps et des heures propres,
comme dans les cathédrales ou collégiales ;
mais qu'on les y chantera les jours de fête , on
les récitera les jours de férié, et qu'on ne dira
la messe qu'après matines et prime.
« Et quia canonicœ horœ secundum tempo-
t uni interstitia, in ecclesiis parochialibus, sicut
in cathedralibus et collegiatis nequennl decan-
tari: Prœcipimus, utpresbyteri parochiales ab
ecclesiis suis recederc non praesumant , donec
festis diebus ante missam, vel posi canonicas
horas decantaverint, vel saltem legerint absque
cantu, cum dies fuerit feriandus. Proviso, quod
missam sacerdos prius non celebret , donec
matutinas et primam solverit creatori. »
On se relâche donc seulement en deux points
en laveur des paroisses, en leur permettant de
se dispenser dé la rigoureuse observation des
intervalles entre les heures diverses, ei en souf-
frant que les jours ouvriers on récite seulement
l'office.
IV. Il est même fort probable que, dans le*;
grandes el nombreuses paroisses, on observait
a la ligueur la distinction propre du temps
pour chaque heure canoniale.
Vincent de Beauvais parlant de saint Ed-
mond, alors célèbre professeur de l'université
l>i: L'OBLIGATION A IVKCITKII L'OFFICE, etc.
de Paris, et depuis archevêque de Caniorbéry,
il dit que des qu'il eut passé de l'école des arts
à celle de la théologie, il se rendit tous les
jours à l'église de Saint-Médéric, pour y assis-
ter à matines, qui se chantaient à minuit et à
vêpres.
«Etquipriusdum in artibusregeret.in marie
missas audire consueverat : nunc ad religionis
augmentuni média nocte matutinas in ecclesia
sancti Mederici Parisius audiehat. Et sicut
orandi gratia ecclesiam adiit média nocte, sic
ipsam adiré oh causam consimilem hora stu-
duit vespertina (Hist. univers. Paris., tom. m.
pag. toi). »
Il ne faut pas s'imaginer que ce fût uni,'
sainte singularité de l'église de Saint-Médéric
à Paris, de célébrer l'office de la nuit à l'heure
de minuit. Toutes les paroisses, au moins la
plupart, en usaient de même.
Rathérius, évêque de Vérone, exhorte tous
ses curés à faire de même, dans la lettre syno-
dale qu'il leur adresse. « Omni nocte ad no-
cturnes surgite, cursum vestrum certis bons
decantale Ohserv. in Rob. Pullum.. p. 403). »
Le concile de Ravenne. en 1-280 (Cap. \ .
suppose que les offices de la nuit se chantent la
nuit : « Campanae horarum in nocte et die
fantum pulsentur, quod omnes confratres se
possint parare ad intrandum Ecclesiam. »
Saint Antonin, archevêque de Florence, qui
mourut en 1459, se levait toujours la nuit pour
réciter ses matines avec ses clercs, avec une
diligence si exacte, qu'il prévenait même le
signe de son église cathédrale : « Surgebat
noctu semper, adeoque sollicite, ut signum
matutini ofticii cathedralis ecclesia' praeveniret :
cumque divinum officium cum suis clericis
magna cum attentione et mentis devotione per-
solvisset, etc. Rainald., an. 1459, n. 33). »
Ce [président Guimier, dans son commen-
taire sur la Pragmatique, sur le titre : Quali-
ter horœ canonicœ sint (licencia; extra cho-
rum , dit qu'autrefois on se levait trois diverses
fois la nuit pour chanter les trois nocturnes a
diverses heures, mais enfin qu'on ne se leva,
et on ne les chanta plus qu'à minuit, ce qu'il
assure être encore observé par plusieurs com-
munautés religieuses, et par l'Eglise de Paris.
uConsultum est. ut média nocte saltem oiniies
surgerent, et totum noctis ofûcium decantare-
tur. quod adbuc multi religiosi observant, et
Ecclesia Parisiensis. »
Il entend parler de l'église cathédrale [de
Paris, qui était alors apparemment la seule,
dans cette grande ville, qui eût conservé cette
ancienne piété.
Probus ajoute au même endroit, qu'en l.VO
on parla de remettre cet office de minuit au
point du jour, mais que la plus grande et la
plus saine partie du chapitre s'opposa avec fer-
meté à ce relâchement, et résolut qu'on ne
délibérerait jamais plus sur une piété si bien
établie. « Yotum illorum per majorem et sa-
niorem capituli partem sancte et laudabiliter
fuit repulsam passum, et conclusum, ne dein-
ceps fiât verbum in contrariuin. »
Je ne répéterai pas ici ce qui a été dit dans
les chapitres précédents du chant des nocturnes
pendant la nuit.
V. ,1e ne sais comment il a pu tomber dans
l'esprit de Guimier qu'on se soit autrefois levé
trois différentes fois chaque nuit pour chanter
les trois nocturnes de l'office divin.
L'office férial, qui est le plus ancien et le
plus autorisé, ne prescrit qu'un nocturne pour
tous les jours de la semaine, excepté le di-
manche. Les communautés les plus immobiles
dans leurs saintes constitutions ne se sont ja-
mais levées qu'une fois la nuit.
Par communautés les plus immobiles, j'en-
tends parler des Bénédictins, à qui la règle de
ïainf Benoît ne prescrit rien de semblable,
quoiqu'elle règle fort exactement tous leurs
offices; et des Chartreux, dont Pierre le Véné-
rable, abbé de Cluny, nous a fait une si admi-
rable peinture dans une de ses lettres. Ils
récitent prime, tierce, sexte, none et compiles
dans leurs cellules, au son de la cloche; ils ne
s'assemblent à l'église que pour matines et
vêpres, excepte les grandes fêtes qu'ils chantent
toutes les heures canoniales au chœur, et ils
célèbrent la messe aussi bien qu'au dimanche
(Petrus Clun., de Miraculis, 1. n, c. 28).
Saint Thomas a cru la même chose que Gui-
mier (S. Thomas, in i ad Corinth., c. 14; lect.
m ; mais le cardinal Baroiu'us n'en parle qu'en
doutant Baron., an. rit. u, n. 09). En effet,
les passages des Pires qu'il rapporte ne le
prouvent aucunement, et celui de saint Basile,
qui semble le plus formel, s'entend certaine-
ment tle vêpres, de complies, de l'office de mi-
nuit et de laudes au matin. Enfin Pierre Da-
mien. voulant faire répondre les quatre heures
canoniales de la nuit à celles du jour, nomme
ces quatre mêmes que je viens de nommer
(Damian., 1. de horis Canonic, c. vi).
276 DL1 SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-SIXIÈME.
VI. Le docle Camuzat remarque que ce fut
en l'an 1082 que le chapitre du la cathédrale
de Troyes se sécularisa, partagea lus dîmes
avec l'évêque 3 et, pour conserver quelque
marque de la régularité ancienne et de la vie
commune qu'il avait si longtemps gardée avec
l'évêque, un convint que lui et ses successeurs
seraient obligés de donner a manger à tout le
chapitre les quatre lionnes tètes de l'année, ce
qui fut depuis changé en une petite somme
d'argent.
Mais la dernière marque de la régularité' an-
cienne de ce chapitre, savoir, de se lever à mi-
nuit pour l'office des nocturnes, dura jusque
après l'an 1364. On à encore l'acte capitulai re
de cette année où celte pratique fut confirmée.
« Ordinatum quod de cœtero maintins, proiil
bactenus fuit consuetum, média in nocte can-
tabuntur. »
Il parait par la que la plus grande partie des
chapitres des églises cathédrales, ayant été
occupée par des religieux dans les onzième ,
douzième et treizième siècles, l'usage de chan-
ter l'office à minuit y a été ou conservé, ou in-
troduit pendant ce temps-là.
Les exemples que nous venons d'alléguer
montrent qu'une si religieuse pratique ne put
être abolie quand les simples ecclésiastiques
reprirent la place des moines dans ces cha-
pitres.
Je remarquerai ici en passant ce que nous
lisons dans les anciennes coutumes du monas-
tère de Cluny, (pie, comme les nuits étaient
longues, on y faisait aussi de fort longues lec-
tures de l'Ecriture et des Pères.
En quelques endroits, on lisait tout Isaïe en
six nuits pendant l'Avent; après quoi on lisait
les lettres de saint Léon sur le mystère de l'In-
carnation, et les sermons des Pères, surtout de
saint Augustin, sur le même sujet. « Me au-
diente aliquando sex privatis noctibus perlege-
balur Isaias (Spicilegii, loin, iv, p. 33). » On
lisait toute l'épîtn de saint Paul aux Romains
eu deux nuits fériales- quelques livres de l'E-
criture ne se lisaient qu'au réfectoire. De là
vient qu'on commence présentement quelques
livres dans l'office de la nuit sans les achever.
Cela commença lorsqu'on remit ces offices au
matin, et qu'on lit les matines des nocturnes.
.le ne dois pas oublier cette remarque, de
l'abbé de Foucarmont, que ce fut le chapitre
général de Ci teaux, en 1429, qui commença à
ôter l'usage des heures inégales, auxquelles
saint Renoît avait ajusté le temps précis des
heures canoniales et auxquelles l'ordre de (li-
teaux s'était jusqu'alors assujéti; et, établissant
l'usage des heures égales, il ordonna qu'on di-
rait les matines aux jours de férié précisément
à deux heures, et aux jours de fêle a une heure
après minuit, parce que la règle veut qu'on les
dise aux jours de fêle plus matin qu'aux autres
jours.
VIL Je ne sais si ce ne serait point un reste
louable des pratiques monastiques dans quel-
qin s cathédrales, où il n'est pas permis d'avoir
des livres et où l'on chante tout par cœur.
Le concile de Narbonne, en 1551 (Cap. xlv),
défendit aux chanoines de tenir entre leurs
mains quelque livre que ce soit pendant l'of-
fice, même leur bréviaire. « In choro nullnm
Iibiutn etiam precuin, imo ipsum quidem bre-
\iarum teneant et legant. »
Comme les religieux ont été les plus rigides
observateurs de la loi ecclésiastique, qui obli-
geait tous les clercs à apprendre le psautier
par mémoire, ils pourraient avoir été autrefois
les auteurs de cette pratique de chanter l'office
divin par cœur.
VIII. Il faut passer à l'office de la Sainte
Vierge. L'auteur de la vie de saint Bruno, ins-
tituteur des Chartreux, assure que le pape Ur-
bain II y obligea tous les ecclésiastiques dans
le concile de Clermont. « Urbanus II in con-
cilie Claromontensi beatissimœ matris Dei pro-
cès horarias a toto clero dicendas instituit (Su-
rins, die (J Oct., c. xxi). »
Baronius croit que ce fut pour obtenir une
assistance particulière du ciel pour la conquête
de la Terre Sainte (Raronius, an. 1095, n. 50;
Id., an. 1056, n. 9). Pierre Damien nous ap-
prend que longtemps auparavant ce même of-
fice' se récitait dans plusieurs monastères d'Ita-
lie, outre les heures canoniales. « I"t cuin horis
canonicis quotidie R. Marias semper Virginis
officia dicerenlur (Damian. 1. vi., ep. xxix ,
xwii, el I. de Horis. Canon., c. xn). »
Le cardinal P.ona assure qu'on garde à Rome
un commentaire manuscrit de Pierre Diacre,
sur la règle de Saint-Benoît, ou \\ es! dit que
le pape Zaeharie enjoignit aux monastères de
Saint-Benoît de joindre les heures canoniales
de la Vu ige a celles du jour, et que le premier
instituteur de cet office fui le pape Grégoire II
(Bona de divin, psal., c. xn). Ainsi cet office
aurait été mis en usage environ l'an 720.
Jacques de Vitry se contente de convier les
DE L'OBLIGATION DE RÉCITER L'OFFICE, etc.
277
curés à la récitation de l'office de la Vierge,
quoiqu'il semble les obligera l'office des Morts
pour ceux donl les pieuses libéralités ont fondé
ou doté leur église. « Sufficit àutera sacerdoti,
canonicis horis B. Mariae Virgin is horas super
erogando causa devotionis addere. Officium
insuper pro defunctisnon débet omittere. Non
minus enini quantum ad hoc obligatur mor-
tuis. quorum eleeniosynas ren-pit, t[uam vivis,
quorum curam in animam suam suscepit
(llist. Occ, c. xxxi v'j. » Nous parlerons ensuite
de l'office des Morts.
Les constitutions d'Eudes, évêque de Paris,
supposent qu'on y dit les heures de la Vierge
(Cap. v, n. II). Le synode de Worcesler, en
l-2io, fait mention des chapelains institués
pour l'office de la Vierge. Le synode de Colo-
gne, en 1280 (Cap. xvm), dans le chapitre pré-
cédent a obligé tous les clercs, surtout les
clercs des ordres sacrés, à l'office de ta Vierge.
Je serais trop long si je voulais parcourir tonds
les églises et toutes les congrégations, soit ré-
gulières, soit séculières, où l'office de la Vierge
a été récité.
Il suffira de remarquer que cette dévotion
était si universellement pratiquée, soit dans le
chœur, soit en public, soit par les particuliers,
que lescanonislesont été fort partages sur cette
question, les uns étant d'avis que l'office de la
Vierge n'était nullement d'obligation, si la loi
ou la coutume particulière de quelque église
ne t'avait ainsi prescrit, et d'autres au contraire
le jugeant être de précepte pour tous ceux qui
sont obligés au grand office.
L'opinion des derniers se fondait sur le com-
mandement du concile de Clermoot et du
pape Urbain II, soutenu de la coutume univer-
selle, qui lient lieu de loi toute seule (Fagnan.,
in 1. ni Décrétai., part, u, pag. -2'»7, 298). »
Enfin Pie V, par sa constitution, termina ce
différend, en déclarant qu'il n'\ avait point de
pèche d'omettre l'office de la Vierge, si ce n'é-
l.i il que les règlements pai ticuliers de quelque
communauté l'eussent rendu nécessaire. Ce
pape par une autre bulle obligea les clercs qui
ont des pensions sur des beneliees a dire l'of-
fice de la Vierge, sous peine de restitution.
IX. Le cardinal Bona assure que dans le mo-
mastèrede ( ry piaf 'errata en Italie on conserve
V manuscrit grec de saint Jean Damascène, où
les offices de la Sainte Vierge sont réglés et di-
versifiés pour toute l'année (De divina Psalm.,
e. xii, xiii). Ce qui confirme le récit deVin-
eenl de Beauvais, que ce saint recitait tous les
jours les heures canoniales de la Vierge (Spe-
cul. Ilislor., I. xvii, e. 103). Ainsi les Crées
auraient commencé presqu'en même temps
que les Latins de rendre cet hommage de piété
a la mère du Fils de Dieu. Abraham Ecchel-
lensis assure que l'office des morts est fort com-
mun parmi les Maronites, les Melchites, les
Cophtes, et les autres sectes chrétiennes de
l'Orient, qui le tiennent comme de tradition
apostolique (In notisad librum Hebed Jesu, de
Scriptoribus Chaldieis., p. 165)(t).
Parmi les Latins Amalarius parle de l'office
des Morts, et comme il le range en meilleur
ordre, quelques-uns l'en ont fait auteur. Mais
il y a de l'apparence qu'il est encore plus an-
cien (Amalar., 1. iv, de Ofti. Eccl., c. xi.ii;
et I. de Online Antiph., c. lxv, lxvi, lxxix).
Pierre Damien parle d'un religieux qui di-
sait tous les jours l'office des Morts, au lieu de
celui du jour ou de celui des saints : « Fraler
quidam non quotidiano non certe solemni san-
ctoruin. sed solo utebatur et delectabatur offi-
cie defunctorum (Damian., 1. ni, epist. 10;
1. \i. epist. 30). » Il ne laissa pas d'obtenir lui-
même miséricorde après sa mort.
Il insinue dans un autre endroit (De Ordine),
que les ermites récitaient ordinairement, outre
l'office ordinaire, le psautier pour les morts.
« Juxtamorem eremi psallerium pro defunctis
exoluit (Eremit., Opuscul. xiv). » Mais il nous
apprend ailleurs que les solitaires récitaient
les heures canoniales de la même manière que
les cénobites, j ajoutant outre cela le psautier
pour les morts, avec neuf leçons, dont on en
récitait trois après cinquante psaumes. « Psalte-
i nui! pro delunctis ciiin novem lectionibus di-
citur, tribus nimirum per quinquagenos psal-
mos ( (puscul. x\ . c. is, tom. m). »
Le synode de Worcesler, en 1240, ordonne
l'office des Morts les jours de fériés, les simples
et les demi-doubles, avec neuf psaumes et trois
leçons, excepte le temps de Pâques, qu'il n'y
a que trois psaumes. Le synode d'Exeter, en
1287, enjoint l'office des Morts aux curés,
(1)11 s'agit ici du monastère grec de Grotta-Ferrata, près de Fras- C'esl lui fait que nous avons constaté nous-mème. Sa bibliothèque
cati ou Tusculum, un des évéchés Buburbicaires de Rome. Cette est extrêmement riche en manuscrits orientaux. Son église est ornée
abbaye, de l'ordre île Saint-Basile, fondée par saint Nil, en 1005, ,1e peintures murales admirao.es, dues au pinceau du Dominiquin
est encore aujourd'hui très-florissante. On s'y rend .}<• Marino par et <1 Antiibal Carrache. Durao le xve siècle, le célèbre cardinal grec
de Longues allées d'arbres. Les offices ne s'y célèbrent qu'en grec. Bessarion, moine basilien , y séjourna constamment. (Dr André.)
27S DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEPTIÈME.
excepté les fêtes de neuf leçons, et le temps de
Pâques. Au reste, quoique saint Thomas ait net-
tement décidé que l'office des Morts n'est pas
d'obligation , si ee n'est par des lois et des fon-
dations particulières dans quelques Eglises,
les canonistes n'ont pas laissé d'en douter et de
le mettre en question ( Quodlib., vi, qu. .">,
Art. 2).
Ce que nous avons dit de l'office de la Vierge,
et de celui des Morts , pourra encore servir à
confirmer l'obligation certaine et indispensable
de réciter le grand office ( Guimier, in Pragm.
Tit.; Quomodo Offie. diu sit celeb.). Cette obli-
gation a été si notoire et si incontestable, que
les canonistes n'en ont pas même formé de
doute, et quelques-uns d'entre eux ont étendu
cette obligation encore plus loin.
X. Je finirai ce chapitre par l'ordonnance
accommodante d'Etienne Poneher, qui fut fait
évèque de Paris en 1503. Elle nous apprendra
ce qui se pratiquait déjà avec la permission des
évêques. Il permit à ceux qui ne sont pas reli-
gieux de dire matines à quatre ou cinq heures
du matin ; none, vêpres et complies à deux ou
trois heures aprèsjmidi. a Yosquireligiosi non
estis , non omittatis loco mediœ noctis, du
mane circa quartam aut quintam nocturnum
persolvere ofticium (Synod. Paris., pag. 155).»
11 permet même à ceux qui sont occupés à
des exercices utiles, de dire les matines dès le
soir précédent , ou de dire tout leur office le
matin jusqu'à vêpres, réservant au soir la réci-
tation de vêpres et de complies. « Permittimus
necessitatis causa , ut matutinas diei sequentis
possitis dicere sero praeeedente : aut mane to-
tum ofticium successive dicere usque ad ve-
speras; et sero vesperas cura completorio, si
utilibus negotiis occupati estis , ut studio , aut
processionibus, vel peregrinalionibus; sed si
ex somnolentia, aut deliciis facitis, sine peccato
facere non potestis. »
Je n'ai pu omettre cette ordonnance dans un
traité historique. Ceux qui n'agréeraient pas un
si grand relâchement doivent considérer que
l'utilité ou la nécessité des occupations qu'on a
peut être si grande, qu'elle fait une juste com-
pensation de ce dérèglement; et qu'a moins de
cela, ce prélat ne garantit point, au contraire
il condamne la liberté qu'on se donne.
CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEPTIÈME.
L ASSISTANCE AL' CHOEUR, OU LA RECITATION DES HEURES CANONIALES, FAMILIÈRE AUX LAÏQUES
MÊMES, EN FRANCE ET EN ANGLETERRE, APRÈS L'AN MIL.
I. Exemples admirables du roi Robert.
II. El de saint Louis. Il assistait à tous les offices. 11 y faisait
assister ses enfants. Il les récitait en particulier. Les saintes
chapelles étaient pour cela.
III. Exemple de la princesse Isabelle sa sœur.
IV. Règlements de quelques conciles.
V. Exemples de Simon de Montfort, et de Godefroy de
Bouillon.
VI. Apologie de saint Louis.
Ml- Kxemple du saint comte d'Aurillac Gérald.
VIII. D'Elzéar, comte de Provence.
IV H'' quelques princes du sang.
\. Exemples de Guillaume le Conquérant, loi d'Angleterre.
XI. Du roi Richard d'Angleterre.
XII. Distribution merveilleuse du temps d'Alfred, roi d'An-
gleterre.
I. Il y a si peu Lieu de douter que la récita-
tion de l'office canonial n'ait été d'obligation
pour les clercs , qu'on ne peut même nier
que les laïques ne se soient acquittés de ce
devoir.
Comme la France a toujours été la plus re-
ligieuse de toutes les parties de la chrétienté,
je commencerai par elle à montrer combien
c'a été une dévotion commune entre les sécu-
liers mêmes, ou d'assister aux offices com-
muns de l'Eglise, ou de les réciter en parti-
culier.
Glaner, parlant des temps du roi Robert,
montre que c'était encore la coutume que le
peuple accourait avant le jour à l'église pour
assister à matines. » Cuni una noctium custo-
DE L'ASSISTANCE AU CHOEI R.
279
des majoris Ecclesise ex more exurrexis-
sent, atque ipsius ecclesiae portas, quibusque
ad matutinales laudes properantibus aperuis-
sent, etc. I.. 11, c. s . »
II. Le grand et admirable saint Louis, roi
de France, obtint permission de faire porter
I Eucharistie dans son vaisseau sur mer. eu
il taisait chanter les heures canoniales, avec
la messe même, excepté le canon, parles
piètres et les ministres, vêtus en habits de
cérémonie. « Ubi quotidie divinum offlcium
solemniter audiebat . videlicet omnes horas
canonicas, et praeter canonem, quœ perline-
bant ad missam, sacerdote et miuistris sacris
vestibus indutis, secundum quod congruebat
diei [Du Chesne, tom. v, p. 360, "207 . »
Ce saint roi faisait assister les princes, ses
enfants, dès leur jeunesse, a toutes les heures
canoniales, surtout à complies, avec lui tous
les soirs après son souper, où il faisait chanter
l'antienne de la Vierge, qui eut depuis cours
dans le reste de l'Eglise, et ensuite on donnait
l'eau bénite Enfin il obligeait ses fils a réciter
en particulier l'office de la Vierge.
« Volebat etiam quod pueri , jam adultae
petati propinqui, quotidie non soltim missam,
sed et matutinas ac boras canonicas cum
cantu audirent, et quod ad audiendum ser-
mones secum adessent. Volebat etiam quod
singuli litteras addiscerent, et boras beat;eVir-
ginis decantarent, ac ut essent semper cum
ipso ad completorium, quod post cœnam su un
quotidie solemniter decantari faciebat. In fine
cujus specialis antiphona 11. Maria' alla voce
cantabatur. Dicto vero completorîo cum pue-
ris in caméra revertebatur , et aqua benedi-
cta a sacerdote circa lectum suum et per
cameram aspersa , residebant pueri circa
ipsum, etc. » C'est ce qu'en dit Nangis.
Le palais de l'empereur Tbéodose le Jeune,
qui passait en son temps pour un sanctuaire
de picte , et presque pour un monastère ,
cédera sans doute a celui de saint Louis .
si nous y ajoutons encore ce que raconte le
même Guillaume de Nangis, qu'il entendait
tous les jours chanter tout l'office canonial
et celui de la Sainte Vierge, ou qu'il le recitait
en particulier avec son chapelain, aussi bien
que l'office des Morts, outre deux ou trois
messes qu'il entendait tous les jours.
« Omnes horas canonicas, etiam de beata
Virgine cum cantu quotidie audire volebat :
etiamsi eas in itinere equitando audire con-
tingeret, nihilominus eas inter se et capella-
num suum lam de die. quam de beata VirgiDe
submisse dicebat. Insuper officium Mortuo-
rum quotidie cum Qovem lectionibus, etiam
m festis quantumcumque solemnibus dicebat
cum capellano suo. Haro accidebat, quiu quo-
tidie1 duas missas audirct, et fréquenter très,
vel quatuor Ibid., p. 369 . »
Un autre moine de Saint-Denis ajoute ([n'al-
lant en voyage il disait secrètement avec son
chapelain les heures canoniales en leur temps
propre; que pendant ses maladies il faisait
reciter l'office du jour et de la Vierge par
deux religieux auprès de son lit, disant lui-
même alternativement son verset, ou substi-
tuant un clerc à sa place, si la violence du
mal lui était la liberté de la voix ; enfin qu'il
faisait chanter ses matines fort matin, et s'y
trouvait avant tous les autres. « Quantumcum-
que infirmus aliquando : boras solemniter can-
t ni faciens, in capella babebat duos religiosos,
vel alios, qui horas juxta lectum suum de
beata Maria dicebant, dicens cum eis versus
sibi contingentes, etc. Ibid.. p. K)0). »
Nangis et cet autre moine de Saint-Denis
ont tiré mot a mot ce que nous avons rapporté
d'eux, de l'écrit de Geoffroy de Beaulieu, do-
minicain et confesseur de ce saint roi : d'où il
[tarait que les jeunes enfants apprenaient a
lire dans les livres de l'office de la sainte
Vierge, et n'apprenaient à lire que pour s'ac-
quitter de ce glorieux tribut de la piété chré-
tienne. Car c'est le sens véritable des paroles
de cet auteur.
Il paraît encore que les enfants des princes
et des souverains mêmes , quelque jeunes
qu'ils fussent , assistaient aux offices de l'é-
glise , et disaient en particulier celui de la
Vierge. Ce même auteur raconte Ibid.. p. lis,
i-56 que ce saint roi s'accoutuma durant quel-
que temps à se lever à minuit, à chanter ses
matines avec ses chapelains dans sa chapelle,
et a prier ensuite autant de temps que les
matines duraient dans l'église cathédrale.
« Aliquanto tempore in consuetudinem duxit,
circa mediam noctem surgere ad matutinas a
capellanis suis et clericis in capella canlandas,
ut post matutinas rediens, etc., tamdiu in ora-
tione permanere volebat, quantum duraverant
in Ecclesia matutinœ. »
M lis comme ce grand roi se levait aussi
fort matin . pour s'appliquer aux affaires de
son Etat : « Sed cum ipsum nibilominus opor-
280 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT SEPTIEME.
teret propter instantia negotia ad primam sur-
gere satis mane, elc, » ces veilles furent si
préjudiciables à sa santé , qu'il fut enfin
obligé de céder aux sages avis de ceux qui lui
conseillèrent de se lever pour matines , en
sorte que, peu après les avoir achevées, ce fût
le temps d'entendre prime, la messe et les
autres heures. « Discretorum consilio et pre-
cibus adquievit, videlicet quod ad matutinas
surgeret tali hora, quod post modicum spa-
tium primam et missas et horas cœteras conti-
nue posset audire. »
Nous apprenons de là: 1" Quel fut le but des
saintes chapelles, dans le palais des souverains
et des grands princes. Car c'était uniquement
pour y chanter les heures canoniales, où les
princesetleur famille assistaient ordinairement.
2° On y chantait encore l'office de la nuit vers
minuit au temps de saint Louis. 3° L'office y
était plutôt achevé que dans les églises cathé-
drales. i° Il y a apparence qu'on y changeait
le temps des heures du jour, pour s'accom-
moder au loisir du prince.
Guillaume de Chartres, jacobin (Ibid., p. 468),
qui a aussi écrit la vie de ce saint roi, dont il
fut chapelain, raconte que durant sa captivité
même, et dans la prison, il disait tous les jours
le grand office, selon l'usage de Paris, et celui
de la Vierge aux heures propres, outre la
messe sans canon, étant assisté d'un prêtre
jacobin, et d'un clerc, qui était lui-même.
« Quantumcumque in illo gravis ergastulo
carceris arctaretur, divinum tamen officium
secundum morem Parisiensis Ecclesia?. matu-
tinas scilicet et horas canonicas tam de die,
quain de beata Virgine, et totum officium
missa\ absque sacramenti consecralione, exsol-
vebat uoris competentibus (Anno 1250). »
111. Isabelle, sœur de saint Louis, suivait de
bien pies Sun frère. « Elle se levait pour dire
« ses matines, grand pièce devant le jour, et ne
« se recouchait point, et était continûment en
h oraisons jusques a haut midi, etc. Elle ne
« parlait point quand elle disait ses heures, ni
« devant prime, ni puis qu'elle avait dit com-
« plie, s'y elle n'était malade. »
Ce sont les propres termes de celle qui a
écrit sa vie, qui fut sa demoiselle suivante, cl
depuis troisième abbesse de l'abbaye de Long-
champs, que cette sainte princesse avait fondée.
Il en faut encore ajouter ces paroles : « Elle
« elait jusqu'à noue en étude des saintes Ecri-
« tures, si comme de la Bible et des saints
u Evangiles, et des autres vies des saints, car
« elle entendait moult bien le latin, et si bien
« l'entendait , que quand les chapelains l'y
« avaient écrites ses lettres, qu'elle faisait faire
« en latin, elle les amendait, quand il y avait
v aucun faux mot (Du Cange, après la vie de
« saint Louis). »
IV. C'était à mon avis cette intelligence de la
langue latine, qui était encore alors très-com-
mune, qui faisait qu'un fort grand nombre de
laïques assistaient aux offices de l'Eglise, ou les
récitait en particulier.
Aussi le concile de Toulouse, en l'an 1229
(Can. xiv), voulant remédier aux désordres où
les hérétiques de ce temps-là avaient précipité
un grand nombre de fidèles, par la lecture trop
licencieuse des livres de l'Ecriture, et des
versions nouvelles qu'ils faisaient débiter, il
excepta de sa défense le psautier, le bréviaire et
les heures de la Vierge.
« Prohibemus ne libres veteris Testamenli,
aut novi , laici permittantur habere, nisi forte
psalterium, vel breviarium pro divinis officiis,
aut horas beata1 Maria» aliquis ex devotione
habere velit. Sed ne pramiissos libres habeant
in vulgari translatos, arctissime inhibemus. »
Ce même concile (Can. xxv) ordonna aux
fidèles d'assister à tout l'office les Dimanches
et les fêtes. « Ex intégra praedicationem et
divinum officium audiant ; » et aux vêpres
même du samedi.
V. Le pieux et invincible Simon de Montfort,
si fameux par ses victoires sur les hérétiques
albigeois de Toulouse, assistait tous les jours à
la messe et à toutes les heures canoniales, per-
suadé qu'il était que c'était par ses prières
qu'il engageait le Dieu des victoires à le favo-
riser. «Cumessetin bellisstrenuissinius, onini
tamen die missam et horas canonicas omnes
audiebat, semper sub arniis, semper in peri-
culo (Anno I-21J; Rigord. in Philip. Aug.). » .
C'est ce qu'en dit Rigord. Guillaume de
Tyr assure que l'illustre chef de nos croises
Godefroy de Bouillon, avait emmené avec lui
dans son expédition sacrée une troupe de reli-
gieux, pour lui réciter les offices divins aux
heures du jour et de la nuit. « De clauslris
lu ni' disciplinais monachos insignes adduxe-
rat, qui toto itinere horis diurnis et nocturnis
ecclesiastico more divina i II i ministrabant offi-
cia Vuill. Tyr., 1. ix, c. 0). » Mais cela re-
garde l'Orient.
VI. Il parait par les apologies même de
DE L'ASSISTANCE Al' CHOEUR.
281
Guillaume de Saint Amour, que non-seule-
iiu'iil Ifs gens de cour, mais quelques ecclé-
siastiques et quelques docteurs aussi ne par-
laient j>as avec assez de respect de l'assiduité
admirable de saint Louis aux offices «le l'église,
même aux jours fériaux. « Melius est regibus
et principibus facere judicium etjustitiam, ad
quse tenentur, eliam omissis solemnitatibus
divinorum ot'liciorum in diebus profestis, quae
ipsos a praedictis impediunt, etc. (Vuillelmus,
de sancto Amore, p. 96). »
Mais ce grand roi faisait voir par son applica-
tion infatigable aux affaires qu'il ne donnait à
la filière que le temps que les autres donnaient
au jeu et au divertissement. Aussi se plaignait-
il agréablement qu'on trouvât mauvais de lui
voir donner à la prière le temps dont on eût
trouvé bon qu'il eût donné le double à la chasse
et au jeu. « Si in duplo tempore poneret in lu-
dendo ad aléas et currendo per silvas pro ve-
nationibus et aucupiis, nemo seraper his loque-
retur. »
VII. Saint Gérald, comte d'Orillac, dont saint
Odillon, abbé de Clunv a écrit la vie, alliait
aussi fort saintement les affaires à la prière. Il
assistait tous les jours à matines et ensuite a la
messe. « Post nocturnas laudes si quolibet pro-
ficiscendum erat, missarum subsequebatur
solemnitas. » Il disait presque tous les jours le
psautier. « Consuetudinem statuit, ut psalte-
rium penequolidie recitaret. » Il avait toujours
une troupe d'ecclésiastiques a sa suite, avec
lesquels il chantait les psaumes : « Copia cle-
ricorum semper eum comitabatur, cumquibus
in divino opère jugiter insudabat (Bibl. Ohm.,
p. 73, '.»•'>, 98, 106). »
Il aimait à s'écarter de la compagnie pour
vaquer plus librement à la divine psalmodie.
c< Mos illi erat, ut cooperto capite soins equi-
taret, quo psalmodia? liberius vacaret. » Ses
maladies ordinaires ne l'empêchaient pas «le se
rendre aux oftices du jour et de la nuit dans
l'église. « l'er omiie sui languoris tempos, ita
laliscentes ad divinum obsequium impellebat
artus, ut nec unum quidem nocturnale ofQcium
nisi in ecclesia pateretur celebrare. »
Entin, quand la violence du mal lui eut été
le pouvoir de marcher, il récita tous les jours
son office avec si 's clercs, au même leinps qu'on
le chantait dans l'église, ce qu'il continua le
jour même qu'il mourut. « Jussil ul noctur-
nale connu se capcllani peregissent, episcopo
eum suis in ecclesia illuni célébrante. CuiH
psallentibus aulem etipse psallebat, donec post
matutinale offieium omnesquoque boras diei
compleret. Tum vero completorium linieus,
etc. »
Mil. Le comte Elzéar de Provence ne fut
pas moins fidèle à réciter tous les jours les
heures canoniales du bréviaire romain. « Quo-
tidie preces canonicas pro Romanae Ecclesia?
ri tu et consuetudine persolvit (Surius, die Tt
Sept.,c. xx) (L).
L'abbé Guibert rend ce témoignage à sa
pieuse mère, qu'elle ne manquait presque
point aux offices de la nuit, qu'elle assistait
toujours a ceux du jour, et qu'elle s'occupait
sans cesse avec ses chapelains aux divins can-
tiques. « Nocturnis officiis, vix aut nunquam
deerat, eum diurnis temporibus communia
Dei populo frequentaret. Sic equidem utcapel-
lanorinn studium indesinens nunquam pêne
apud ipsam a Dei laudis celebritate vacaret !l>e
vita sua, 1. i, c. 12). »
IX. C'était pour assister tous les jours aux
divins offices, que Philippe, duc de Bour-
gogne, fonda sa sainte chapelle, et y entretint
« une musique ordinaire, qui égalait celle des
« rois, et qui chantait tous les jours en sa mai-
ci son tout le service d'une église cathédrale.
« Il \ avait vingt et un chapelains, etc. (Labou-
« leur, dans sa vie). » Le duc d'Orléans, qui
fut tué à Paris par le duc de Bourgogne, en-
tendait la messe et « et disait tous les jours le
bréviaire. »
Son apologiste tâcha de repousser la i li-
sante de ceux qui l'accusaient d'hypocrisie. Il
nous suffit de dire que l'hypocrisie même ren-
drait un fidèle témoignage que les seigneurs
et les princes pieux s'acquittaient ordinaire-
ment de ce devoir (Histoire de Charles Ml,
I. \\\ m, c. 10 .
L'ancien éloge de Charles Vil, roi de France,
composé par un auteur anonyme, témoigne
(1) On croirait qu'il s'agit, ici d'un comte de Proveoce du nom
d'Elzéar. Ce serait une erreur. 11 s'agit de saint Elzéar de Sabran, né
à Anscuis, en Provence, mort en 1323, et canonisé par Urbain V
environ cinquante ans après son décès. Il mourut a Pans, tandis qu'il
était ambassadeur de Robert II, roi de Naples et comte de Provence,
Son corps fut transporté dans l'église des Frères-Mineurs de la ville
d'Apt eu Provence, où se trouvait le tombeau de ses aïeux. Il pra-
tiqua la virginité dans le mariage, et sa pieuse compagne, sainte
Delphine, fut également accordée à la vénération des fidèles par
Urbain V. 11 existe, dans la bibliothèque publique de la ville d'Albi,
une vie manuscrite de saint Elzéar de Sabran et de sainte Delphine,
écrite en provençal pendant le .vive siècle, quelques années après
leur trépas.
(Ur ANDRÉ.)
282 1)1! SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEPTIÈME.
« qu'il oyait tous les jours trois messes, c'est
«à scavoir une grande messe courte et deux
» liasses messes, et disait ses heures chaque
"jour sans \ faillir Histoire de Charles VII,
« par Godefroi). »
X. Si de France nous passons en Angleterre,
nous trouverons d'abord que la même piété y
passa aussi autrefois avec le roi Guillaume le
Conquérant. Ce valeureux prince entendait
tous les jours la messe et l'office canonial tout
entier. « Diebus singulis missa? assistebat, ma-
tutinos hymnos et vespertinos diligenter cum
horis regularis (Anno 1086). »
Guillaume de Malmesbury rend le même
témoignage à la piété de ce prince. « Religio-
nem Christianam quantum ssecularis poterat,
ita frequentabat, ut quotidie missae assisteret,
vespertinos et matutinos hymnos audiret (Mal-
mes., 1. m, reg. Angl.). »
Ce même historien, exposant les désordres
étranges de l'Angleterre, qui lui avaient enfin
attiré la colère du ciel et l'avaient fait tomber
sous la puissance des princes normands, n'a
pas omis l'oubli et le mépris des offices divins.
« Optimales gukc et veneri dediti, Ecclesiam
more christiano mane non adibant, sed in cu-
biculo et inter uxorios am plexus, matutina-
i uni solemniaet missarum a festinante presby-
tère auribus tantum libabant. »
Matthieu Pans dit la même chose, et semble
avoir emprunté les termes propres de Guil-
laume de Malmesbury. Ce furent là les armes
invincibles de Guillaume le Conquérant pour
subjuguer l'Angleterre et la tenir ensuite as-
sujétie à ses lois. Ce furent là aussi les véri-
tables causes qui firent déclarer le ciel pour
un prince religieux contre des princes et des
peuples irréligieux et efféminés.
Le saint évêque de Worcester Wolstan, qui
vivait en même temps, ne se contentait pas de
l'éternelle psalmodie qui occupait son cœur et
sa bouche; il punissait sévèrement ses domes-
tiques s'ils avaient manqué même aux offices
de la nuit, et exhortait tout ce qu'il y avait
d'honnêtes gens à garder l'ancienne coutume
de réciter le bréviaire, leur faisant lui-même
quelquefois l'office de chapelain, et leur réci-
tant matines. « Si quis ministrorum, vel te-
niulentia, vel somnolentia victus, matutinis
non affuisset, acri ferulae ictu in illum ulcisci.
Postremo personas honestiores per se exci-
tando, ipse matutinas eis cantare (Malmesb.,
de gestis pontilicum, p. 280). »
H n'envoyait nulle part le moindre de ses
officiers laïques qu'il ne lui prescrivît de faire
sept fois la prière par jour, pour répondre aux
sept heures canoniales, où il le? faisait assister
dans la ville. « Laicum nullum de suis quo-
quam misit, cui non preces septies in die di-
cendas injungeret : hoc asserens, ut sicut cle-
rici septem horas, ita laici septem orationes
Dm libarent (Surius, die 9 Januar., c. x). »
XL Le valeureux Richard, roi d'Angleterre,
qui remplit l'Orient et l'Occident de la frayeur
de son nom , était toujours le premier levé
pour se rendre à l'église , dont il ne sortait
point qu'il n'eût entendu tout l'office canonial
et la messe. « Ipse enim mane consurgens quo-
tidie. primum quœrebat regnum Dei, et jusli-
tiam ejus, et ab ecclesia non discedebat, donee
more ecclesiastico oinne divinum perageretur
officium. Gloriosum siquidem est in principe,
quotidianos actus suos, et ab eo incipere, et
iinire in eo qui est principium sine principio,
et judicat fines terra (Roger., p. 753). »
Henri III, roi d'Angleterre, entendait tous
les jours trois messes à note, outre les messes
basses où il assistait (Valsing., t. î, p. I ; t. 2,
p. 67). Saint Louis l'exhortait quelquefois à
employer une partie de ce temps à entendre la
prédication, à quoi il répondait qu'il aimait
mieux voir plus souvent son ami que d'en-
tendre parler de lui.
XII. Ces rois, qui étaient originaires de
France, avaient aussi emprunté de la cour de
France cet air de piété. Mais après tout, ils
eussent trouvé un modèle achevé de la piété
royale dans l'ancien roi d'Angleterre Alfred,
dont nous avons parlé ci-dessus au chapitre
i.xxxiii, num. 4 (1).
I A tous «os exemples, nous pouvons ajouter celui de Stanislas,
roi de Pologne, père de la reine «le France, Marie Leczinska. Oo
sait qu'il était souverain de la Lorraine et qu'il résidait à Lunéville.
Voici donc ce que nous lisons dans an réi it de lî i-, publié dans la
Revue des SociV'fV's savantes, t. m, p. L'57 : « Le roi entend tous les
« jours une grand'messe sans musique, et immédiatement après une
» I etite en musique. Sa Majesté se prosterne par terre, se tenant les
■i liras tçuilns une partie de la messe, i Notre siècle a vu quelque
chose de plus beau encore. Charles-Emmanuel IV, roi de Sardaigne,
apn i i t/écu sur le ir ■ en \r.n religieux, abdiqua, apri ta
' lotilde di Fiance, son épouse, arrivée le 8 mars 1802,1a
couronne royale en faveur de son frère, Victor-Emmanuel 1er, con-
tinua de mener une vie toute céleste, cl le 11 janvier 1815, entra
comme novice de la compagnie de Jésus, an noviciat de Saint-André,
sur le mont Quirinal, à Rome, au moment où Pie Vil venait de ré-
tablir cette société religieuse. Il mourut le 7 octobre 1819, dans sa
petite cellule de simple jésuite, comme meurent les saints. Nous
sommes convaincus que Victor-Emmanuel II, en se remémorant ce
magnifique exemple de l'un de ses prédécesseurs, se dira plus d'une
fois Quid i lest homini si mundum universum lucretur, animas
vero stuc detrimentum patiatur? n
(Dr Ani.i,i .
DE L'ASSIS! Wi I M CHOEI EL
283
CHAPITRE QUATRE-VINGT-HUITIÈME.
L'ASSISTANCE Al CHOEUB ET LA RÉCITATION DES HEl'RES CANONIALES ENCORE COMMUNE PARMI
LES LAÏQUES, DANS LITALIE ET LES AITRES PARTIES DE LA CHRÉTIENTÉ.
I. Pierre Damien exhorte tous les laïques à la récitation des
heures canoniales, comme à une dette.
II. Exemples et règlements des conciles d'Italie.
III. Exemples des empereurs d'Allemagne et des impératrices.
IV. Les particuliers mêmes avaient des oratoires domestiques
où l'on récitait tout l'office.
V. Exemples des rois et des reines d'Espagne.
VI. Exemples des empereurs et des princes orientaux.
VII. Exemples des peuples d'Orient.
VIII. Rapport de la prière avec la continence des clercs.
I. Pierre Damien s'entretenant un jour dans
le palais épiscopal de Ravenne. avec une per-
sonne de qualité, et lui donnant diverses ins-
tructions de piété, n'oublia pas celle qui fait
le sujet de ce discours, que tous les fidèles de-
vaient tous les jours rendre à Dieu ce tribut
religieux des heures canoniales. « Tandem ad
hoc processit oratio, ut assererem, canonica
septem horarum officia ab omnibus christia-
nis fidelibus Deo quotidie quasi quoddam ser-
vitutis pensum debere persolvi. »
Il fit depuis un petit ouvrage sur ce sujet,
qu'il envoya a la même personne pour soutenir
ce qu'il avait avancé, et il l'intitula des heures
canoniales. De Bons Canonicis.
Il y a fait voir que ces paroles de l'Ecriture,
et ces préceptes de prier sept fois le jour el de
prier sans cesse, s'adressent a tous les fidèles
et non pas au clergé séparément, et que c'est
par les heures canoniales qu'on s'acquitte de
cette obligation.
Après cela il convie tous les fidèles à réciter
l'office, soit aux champs, soit à la ville, en réci-
tant les psaumes propres, si on a un psautier,
ou en réitérant plusieurs fois un même psaume
si on n'en a point; enfin en disant plusieurs
fois l'Oraison Dominicale, si l'on ne sait pas
lire. « Nimirum si sunt psalmi, numerus im-
pleatur; si tinustantum, prout canon postulat,
iteretur. Quod si expers es omnimodo littera-
rum, sola Oratione Dominica poteris implere
quod optas Cap. vu). »
Mais ce savant et pieux écrivain ne craint
point après tous ces tempéraments, de dire que
ce n'est pas un service gratuit, mais un devoir
nécessaire, et une dette qu'il faut nécessaire-
ment acquitter. « Haee itaque christianae servi-
tutis officia, non obsequium , sed debitum
députa, et non voluntati, sed nécessitât! prorsus
ascribe. »
II. 11 est difficile après cela que cette dévo-
tion n'ait régné longtemps dans l'Italie.
Le père du grand saint Charles disait son
office tous les jours à genoux (Giossano. 1. i.,
c. 1). Mais le commun des fidèles s'était déjà
bien ralenti de cette ancienne ferveur, lorsque
saint Charles même, dans son concile IV de
Milan en 157(1, se contenta d'avertir les peuples
que le concile IV d'Orléans avait autrefois com-
mandé à tous les fidèles de prier plusieurs fois
chaque jour, et d'ordonner aux évêques de faire
tous leurs efforts pour rétablir la prière du soir
et du matin, soit dans l'église, ou en particu-
lier, et dans les champs même (Conc. Med. IV.
c. xxiv).
III. Si nous passons en Allemagne nous y
apprendrons que l'empereur Lothaire enten-
dait tous les matins trois messes, témoin Léon
d'Ostie dans la chronique du Mont-Cassin.
« Nempe sub imperii chlamyde cœlesti mili-
tabat régi. Nain ut ipse testis sum, in expe-
ditione constitutus, summo diluculo missam
pro deftmctis, dehinc pro exercitu , tertiam
postremo diei missam audiebat (Clir. Cassin.,
1. îv, c. 125). »
On ne peut pas douter que l'impératrice
Agnès ne récitât tous les jours son psautier, ou
lebréviaire, puisqu'elle consulta Pierre Damien,
si ce n'était point profaner une prière si sainte
que celle du psautier, d'en méditer quelque
chose, même dans le temps qu'on satisfait aux
nécessités de la nature. « Utrum liceret homini
inter ipsum debiti naturalis egerium, aliquid
iiiininare psalmorum (Baronius , an. 1062,
n. 96; et an. 973. n. I, 2). » Ce qui était une
preuve certaine de L'application sans relâche
284 DU SECOND OtiDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-HUITIÈME.
de celle pieuse princesse à ia prière et à la réci-
tation des psaumes. « Ut ne ad brève quidem
punctum a ili\inis obticescere laudibus ac-
quiesçât. » Ce sont les paroles de Pierre
Damien.
C'était suivre de bien près l'empereur
Otbou I". lequel, selon Vitikind, assistait tous
Ks jours a tout l'office, « Juxiamorem diluculo
de lecto consurgens, nocturnis et matutinis
laudibus intererat, etc. Missarum deinde officiis
celebratis. etc. vespertinis laudibus interfuit. »
L'impératrice Hatfaildesa mère avait inpiré par
ses exemples à ce saint empereur cette assiduité
au service divin, selon le même auteur.
11 est vrai que la règle de l'ordre militaire,
c'est-à-dire de la chevalerie, qui était propo-
sée à tous ceux qu'on faisait chevaliers, exi-
geait simplement qu'ils entendissent tous les
jours la messe, comme il parait de l'acte ori-
ginal de la cérémonie où Guillaume, roi des
Romains, fut premièrement t'ait chevalier, en
l'an 1247. « Ista itaque régula est militarisor-
dims; in primis cum devota recordatione Do-
minicae Passion is missam quotidie audire [Gol-
dast. Const. Imp., tom. ni. p. Ion . »
Mais le concile d'Altheim, où le roi Conrad
d'Allemagne fut présent, et dont le canon est
rapporté dans nos décrétâtes . nous apprend
que plusieurs particuliers donnaient la liberté
à quelqu'un de leurs esclaves* afin qu'étant
ordonné prêtre il leur récital les heures cano-
niales C. .Niilliis. De servis non ordin. .
Ce concile ordonne que ce prêtre sera de-
pose, s'il refuse de rendre ce service religieux
a celui qui l'a affranchi. « Si quis de servis
suis quemquam donaverit liberlale, et ipsum
m presbyterum fecerit ordinari; ille autem
postea in superbiam elatus . domino suo ca-
nonicas boras psallere noluerit , accusatus
apud episcopum, qui ordinavit eum, degra-
detur. »
|\ . Il résulte de la que ce n'étaient pas seu-
lemenl les grands princes ou les souverains
i)iu fondaient des saintes cbapeUes et des cha-
pitres dans leurs palais ou dans l'enceinte il"
leurs châteaux; mais que les seigneurs parti-
culiers aussi avaient des oratoires domesti-
ques ei > faisaient ordonner un prêtre, non
pas simplement pour y célébrer tous les jours
la sainte messe, mais pour leur chauler ou ré-
citer chaque jour l'office canonial.
En voici encore une preuve admirable hue
de la vie de sainte Hedvuge, duchesse de Po-
logne, où il est dit qu'elle se rendait à l'église
aux offices de la nuit et du jour, et qu'elle
n'imitait pas tant d'autres seigneurs moins
Ici vents, qui entendaient chanter l'office dans
leurs chapelles particulières.
« Divina officia . quœ publiée peraguntur,
nolebat privatim domi , aut in conclavi suo
audire. ut soient nonnunquam principes et
magnâtes; sed semper in ecclesia preces no-
cturnas, quas matutinas vocant, itemque ve-
spertinas et missam, atque alias Dei laudes
coram se volebat cum cantu solemniter cele-
brari. Itaque ad signum precum nocturna-
rum, mox cum juncta sibi familia ad eccle-
siam properabat (Surius, die xv Octobr.). »
Thomas de Chantepré nous apprend que l'u-
sage était encore d'apprendre à lire aux jeunes
enfants dans un psautier (Cantiprat. , 1. i,
c. v23, n. 3). La fille d'un homme assez pauvre
demandant à son père un psautier, il lui dit
d'aller premièrement apprendre à lire chez la
maîtresse des filles nobles, et qu'après cela
elle ne manquerait pas de psautier. C'était une
défaite. Mais la fille également simple et pieuse
s'en alla à l'école des filles nobles, et ayant
pris en main un psautier, par un étrange
miracle, au même instant elle sut lire et lut.
Le bruit de ce miracle s'étant répandu, ce fut
a l'envi à qui lui donnerait un psautier.
Cet usage d'apprendre a lire dans le psau-
tier. « Vade ad magistram, queâ tilias diviluui
psalterium docet, » vient fort probablement
de l'ancienne assiduité des laïques pour les
heures canoniales, comme il a été dit ailleurs.
V. Quant a l'Espagne, le concile de Coyac, en
1050 Can. vi), se contenta d'enjoindre a Ions
les fidèles d'assister aux vêpres du samedi et à
tout l'office du Dimanche, c'est-à-dire à ma-
tines, a la messe et à toutes les heures ca-
noniales du jour. « Ut omnes Christiani die
sabbati advesperascente ad ecclesiam concur-
rent, et Domi nica matutina, niissas, et onines
ho ras audiant. » Mais les rois, les princes et
les personnes île qualité ne donnaient pas des
bornes si étroites a leur piété.
IViiliiiauil. surnommé leGrand, roi de l.eon
e1 de Castille, assistait à toutes les heures de
l'office du jour et de la nuit, chaulant lui-
même avec les ecclésiastiques les divins can-
tiques, et taisant même quelquefois l'office de
chantre. Ce prince, qui se signala partant de
sanglantes batailles gagnées sur les Maures,
savait bien de qui il tenait toutes ces victoires,
DE L'ASSISTANCE AI CI KHI R.
28a
et à qui il eu devait rendre grâces. « Eccle-
siam vespere et mane , aocturnisque tioris
et sacrificii tempore frequentabat , interdum
cum clericis in Dei laudibus modulando, in-
terdum etiam vices cantoris explebat An. 1065,
I. vi, de rébus Bisp., c. 13). » Voilà ce qu'en
dit Roderic, archevêque du Tolède. Jean, roi
d'Aragon et de Sicile, qui commença de ré-
gner l'an K58, se fit admirer par la même
assiduité à l'office divin. « Quotidie rébus di-
vinis, et sacris interfuit (Marinaeus Siculus,
III». xu). »
Mais il ne se peut rien ajouter à ce que les
historiens rapportent de l'incomparable Isa-
belle, reine de Castille et d'Aragon. Elle pre-
nait plaisir d'entendre bien prononcer le latin,
au temps même qu'elle ne l'entendait pas.
Mais enfin, après avoir mis fin a quelques
guerres, elle s'adoima à la grammaire latine,
nonobstant l'accablement des affaires, et y fit
de si grands progrès que dans l'espace d'une
année elle acquit l'intelligence des orateurs
latins et la faculté même de les interpréter.
« Quamobrem scientiae cupidissima , bellis in
Hispania jam confeetis, etsi multis magnisque
negotiis occupata : grammaticae tamen lectioni-
bus operam dédit. In (juibus per unius anni
spatium tantum profecit, ut non soluni latinos
pratores intelligeret, sed etiam libres interpre-
tari facile poterat (Marinaeus, 1. xxi). »
Cette vertueuse princesse était toujours pré-
sente aux offices de sa chapelle, elle corrigeait
elle-même toutes les fautes qui se faisaient en
la prononciation, enfin elle ne manqua jamais
de dire toutes les heures de l'office canonial.
« Semper enim sacris rébus et divinis olticiis
aderat. In quibus si quis forte sacerdotum suo-
rum,(|ui sibi rem divinam celebrabant, aut
lieras canonicas et psalmos canebant, errasset
in syllaba, persentiebat, et tanquam magistra
discipulum admonebat. Quac praeter multas
extraordinarias et votivas orationes, horarium
quoque sacerdotum more «juctidie persol-
vebat. »
VI. Il est temps de passer de l'Occident à
l'Orient, et nous ne pouvons le faire plus heu-
reusement qu'avec Godefroy, duc de Bouillon,
qui mérita de conquérir la Palestine e1 la
sainte cité, plutôt par ses prières que par ses
armes. Ce pieux prince mena avec lui en
Orient un bon nombre de saints religieux ,
avec lesquels il célébrait les divins offices pen-
dant tout le voyage. « Adduxerat peregrina-
tionem ingressurus, de claustris lune disci-
plinais, monachos viros religiosos, et sancta
conversatione insignes, qui toto itinere boris
diurnis el nocturnis, ecclesiastico more divina
illi ministrabant officia VuiUelm. Tyr., I. i\.
c. 9). » Ce prince religieux trouva la même
pratique de piété entre les princes chrétiens
de l'Orient.
I.a princesse Anne C.onmene taisant une ad-
mirable peinture de son aïeule, mère de l'em-
pereur Alexis, nous l'a représentée dans une
assiduité et une application continuelle aux
offices du jour et de la nuit (Alexiad., I. m,
p. x.s. 89). « Pleramque noctis parlem divinis
liyinnis. juxta descrîptionem ecclesiaslicam in
diurna toto anno pensa dispensais . intègre
reddendis ac celebrandis insumebat. Tliiu non
exiguum spatium somno detractum fundendis
l»i i \ atis ad Deum precibus et caetera religioni
dabat, etc. Solebat avia mea non totum nego-
tiis sœcularibus diem impendere , sed statis
quotidie boris sacris operam dare, saerificio-
que liturgico juxta usum cauonicum intéresse
Pai hym. in Andron., 1. n, c. 3*2). »
Il serait inutile de nous arrêter à un plus
grand nombre d'exemples , puisqu'on peut
voir dans le livre de Codin De o/ficiis ( 'onstan-
tinopolitanis (Cap. VI et seqq.), non-seulement
les jours de fêtes, où l'empereur venait en cé-
rémonie à l'église et y assistait à toutes les
heures canoniales, matines, prime, tierce,
sexle, noue et vêpres, mais aussi la ditlérenee
de ces jours solennels d'avec les autres, aux-
quels il assistait sans pompe et sans cérémonie.
« Vigilia Nativitatis, imperatore ad matuti-
nmn seeundum usitatam sibi consuetutinem
non egresso, sed , etc. In quotidianis niatu-
tini et vesperarum eircumslationibus , post-
ipiam, etc. At in niagnis festis, etc. Canuntur
igitur horae ut moris est, prima, tertia, sexta,
noua, etc. »
Vil. On peut dire avec vérité, quoique ce
soit a notre confusion, que les chrétiens orien-
taux îles derniers temps, et du temps présent,
ont été et sont encore plus fidèles à cet ancien
usage de piété «pie les Latins. Il y a parmi eux
un grand nombre de laïques qui récitent tous
les jours avec beaucoup d'exactitude leur hor-
loge, nom qu'ils ont donné à leur bréviaire
et aux heures canoniales , qu'ils récitent au
temps propre de toutes les heures, quoiqu'elles
soient moins éloignées les unes des autres
que parmi les Latins. Les jours de fête et de
280 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE OUATRE-VINGT-NEUVIÈME.
dimanche tout le peuple vient à l'église dès
les deux heures après minuit , et assiste à
toutes les heures du jour (Chytraeus, xxi).
Le père Jérôme Dandini , dont on nous a
depuis peu traduit le voyage du Mont-Liban,
dit que parmi les Maronites, « le peuple se
trouve présent aux offices aussi bien (pie
les prêtres qui y sont obligés à cause de leur
caractère, et ils chantent tous ensemble les
mêmes heures. Il y a toujours un grand con-
cours de peuple à minuit (Ch. xxv). »
Le traducteur ajoute dans ses savantes notes
que « les Maronites retiennent encore aujour-
d'hui l'ancienne coutume de chanter l'office
divin dans les églises , et personne ne s'en
dispense. Car les laïques croient y être au-
tant obligés (pue les ecclésiastiques. »
Le père Vansleben, qui vient de nous don-
ner la belle et curieuse histoire de l'Eglise
d'Alexandrie, nous y exprime le sentiment et
la pratique des Cophtes en ces termes : « La
récitation des prières que nous appelons
l'office est dans leur sentiment une chose
très-nécessaire et un devoir très-juste, et
même un de leurs auteurs dit que les
laïques aussi bien que les clercs sont obligés
de dire tout l'office. Mais un autre dit qu'ils
ne sont obligés qu'à trois heures, à celle du
coucher du soleil, à celle de l'aube du jour
et a tierce l'art, n . eh. Ilij. » C'est-à-dire a
vêpres, a matines et à la messe, à laquelle on
joint tierce.
Ce sentiment des nations séparées depuis
tant de siècles de l'Eglise latine, montre quel
a été autrefois le consentement de toutes les
Eglises avant cette séparation.
VIII. Après avoir parlé du célibat des clercs
et de leur obligation à réciter l'office divin, je
ne puis mieux finir ces deux matières et ces
deux obligations que par une lettre d'ives de
Chartres à Galon, évèque de Paris.
11 dit en termes formels que la cléricature a
été instituée pour la psalmodie et pour la célé-
bration continuelle des louanges divines : de
quoi il est impossible que les clercs s'acquit-
tent, s'ils sont engagés dans les chaînes et
dans les servitudes du mariage. Si les laïques
mêmes, pour prier un peu de temps, se sépa-
rent pendant ce temps du commerce conjugal,
les clercs consacrés à une psalmodie conti-
nuelle doivent aussi se dévouer à une éter-
nelle continence.
« Ad hoc enim instituta et clericalis militia,
ut psalmodiœ et hymnodiae quotidianum Deo
ofierat sacrificium ; quod offerre jure non po-
terit, cui ut plus placeat uxori, quam Deo,
lenocinante uxore, et fallente carnis voluptate,
operam dare necessarium erit. Cum enim se-
cundum Apostolum non concedatur laicis
orare nisi eo tempore quo continent : quanto
magis semper debent continere, qui tam pro
suis, quam proaliorum delictis jubentur orare
iEpist. ccxxj ! »
CHAPITRE QUATRE-VINGT-NEUVIEME.
dus hopitaux et des bénéficiers 01 i y étaient attachés, depuis les commencements
de l'église jusques au temps de ciiarlemac-ne.
I. Liaison des matières déjà traitées, et de celles qui restent à
traiter.
II. Combien la magnificence des hôpitaux a été glorieuse à la
religion chrétienne. Saint Basile en ht bâtir un des plus magnifi-
ques qui fol jamais.
III. Le gouverneur de la province en conçut de la jalousie.
IV. Le concile de Calcédoine déclare les hôpitaux et les clercs
qui les gouvernent soumis aux évéques.
V Saint Chrysostome en bâtit un fort somptueux.
vi. H proposa au peuple de Constanlinople le dessein de
noonir tous les pauvres aux dépens du public en commun.
Vil. L'hospitalité recommandée par saint Paul aux évéques.
Pourquoi et comment saint Chrysostome s'en dispensa.
VIII. Un l.àiil ensuite une espèce d'hôpital pour cela.
IX. Les évéques avaient autorité sur les hôpitaux, et comme
fondateurs et comme directeurs nés des aumônes des lidèles.
DES HOPITAUX ET DES BÉNÉJICIERS, etc.
287
V On passe à l'Eglise latine. Où saint Augustin exerce l'hos-
pitalité chez lui.
XI. Raison de la diflérence de sa conduite et de celle de saint
Chrysostome.
XII. 11 y a eu des hôpitaux fondés par des laïques. Celui de
Pammaque à Rouie.
XIII. Celui de saint Jérôme à Rethléem.
XIV. Celui de Fabiole pour les malades.
XV. Hospitalité des laïques.
XVI. L'évèque avait la souveraine autorité dans les hôpitaux,
mêmes fondés par les laïques.
XVII. Histoire de ceux qui servaient eux-mêmes dans les hô-
pitaux qu'ils avaient fondés.
XVIII. 11 y avait souvent des communautés religieuses jointes
aux hôpitaux.
XIX. Les laïques qui fondaient des hôpitaux ne le faisaient
qu'avec la direction des évèques.
XX. On en chassait tous ceux qui vivaient mal.
XXI. Plusieurs hôpitaux étaient quelquefois confondus en un,
non pas toujours.
XXII. Les bénéficier liraient leur nom de l'hôpital qu'ils gou-
vernaient.
I. Après avoir parlé des communautés ec-
clésiastiques et religieuses et de leur obliga-
tions, il faut passer aux autres sortes de béné-
fices, qui se distinguent des autres par 1rs
charges qu'on impose au\ bénéficiers.
Parlons d'abord des hôpitaux, qui sont des
communautés de pauvres, qui ont été souvent
joints, ou même confiés à des communautés
religieuses.
II. Saint Grégoire de Nazianze se rit de
Julien l'Apostat, et de son affectation a imiter
et à communiquer aux païens tous les usages
ingénieux de la piété et de la charité chré-
tienne, particulièrement les hôpitaux : xaTa-rû-yta
xai ïsvwva;.
Ce divin orateur a peint ailleurs (Orat. m),
avec les plus belles couleurs de son éloquence,
les hôpitaux que saint Basile avait fait bâtir
hors de sa ville épiscopale avec une magnifi-
cence surprenante, persuadant aux riches d'y
contribuer, non-seulement de leur superflu,
mais même de ce qui pouvait leur être néces-
saire.
« Pulchra res est benignitas, et pauperum
alendorum studium . atque humante infirmi-
tati opem ferre. Pauluin extra civitatem pe-
dem effer, ac novam civitatem conspice, illud,
inquam, pietatis promptuarium, commune lo-
cupletum a'iarium, in quod non modo redon-
dantes, ac superflus opes, sed jam necessaria;
quoque facilitâtes propter illius cohortationes
reconduntur (itTwxorpoçîa) (Orat. xx). »
11 fallait tpie l'étendue et la magnificence de
cet hôpital fût extraordinaire, puisque saint
Grégoire le compare a une nouvelle ville.
L'auteur de la vie de saint Grégoire de Na-
zianze noas assure qu'il avaiteu lui-même
bonne part à cet admirable trophée de la charité
de sainl Basile pour les pauvres. 11 nous apprend
aussi le soin qu'on prit de faire subsister un si
grand ouvrage par des revenus proportionnés.
« Amplissimis sedibus extructis atque annuis
proventibus constitutis, quos a ili\ilibus et co-
piosis hominibus, prudenti oratione ad largi-
tionem impulsis collegerat, a'grotos omnes in
iinniii eoegit, pauperum gymnasia ha-c loca
appellans. Huic in ea re adjutor operisque par-
ticeps fuit Gregorius. »
Il y a bien de l'apparence que c'était un as-
semblage de plusieurs hôpitaux, les uns pour
les malades, les autres pour les pauvres, les
autres pour les passants; peut-être même qu'il
y avait distinction des vieillards, des vieilles
femmes, des veuves , des jeunes filles et des
jeunes garçons, pour mériter le nom d'une
nouvelle ville, et pour pouvoir avec quelque
justice être comparé à ces superbes édifices
«pie la vanité du siècle a tant admirés, et
qu'elle a appelés les sept miracles du monde.
C'est aussi la comparaison que saint Grégoire
en fait (Orat. xx).
III. Mais il faut apprendre de saint Basile
même la pieuse somptuosité de cet édifice,
dont le gouverneur même de la province ,
quoique son ami, conçut même de la jalousie,
et obligea le saint évêque de se justifier d'une
accusation si honorable. Voici ee qu'il lui écrit
de l'hôpital des passants, de celui des malades,
des logements des officiers, des lieux destinés
aux artisans; et enfin des maisons destinées
pour les divers métiers.
« Quid perpetramus mali, dum receptacula
ponimus, peregrinis qui hue advenerint? Et
prœter istos, in eorum usus, quibus opus est
curatione propter infirmitates suas : necessa-
rium lus solatium procurantes nosocomos. me-
ilieos, bajulos, ductores,et cseteros artifices in
prompt u habere debent, etc. Quin et a?des
pneterea alias operibus facieudis requisitas.
(Orat. xx).
IV. Le concile de Calcédoine (Can. vml nous
a fail connaître qu'il y avait plusieurs sembla-
bles hôpitaux dans l'Orient, et qu'on ordonnait
des prêtres et d'autres ecclésiastiques pour en
avoir la conduite, mais c'étaient les évoques qui
nommaient ces prêtres, aussi bien que ceux qui
devaient diriger les monastères. « Clerici qui
praeficiuntur ptochodochiis et monasteriis, sub
episcoporum potestate permaneant. »
-2ss bl SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-NEUVIÈME.
Ce canon et cet exemple de saint Basile ne
nous permettent pas de douter que les évêques
n'en eussent la suprême direction, et même
qu'ordinairement ils n'en fussent eux-mêmes
les fondateurs.
\. Nous en douterons encore moins quand
nous aurons appris de Pallade que saint Chry-
s'ostome . après avoir retranché toutes les dé-
penses superflues et les profusions excessives
des revenus de l'église et surtout de l'évêché,
se servit de l'argent qu'il trouva de rote à bâ-
tir des hôpitaux pour les malades, dont il donna
la surintendance à deux prêtres vertueux. Il y
établit aussi des médecins, des cuisiniers, el
tons Les autres officiers qui ne pouvaient être
mariés.
« Post haec dispensatoris ecclesiastici scripta
relegens, inutilesque Ecclesiae sumptus depre-
liendens, amputari hos protinus jubet. Accessit
et ad solemnes episcopi sumptus inspiciendos,
inveniensque immodicam ])rofusionem, trans-
ferri liane magnificenliam ad infirmoruni so-
latia praecepit. Et cum superessent pecuniae,
nova quoque infirmorum receptacula con-
struit; pra tieieiis liis duos ex sacerdotura nu-
méro religionis summœ viros; et medicos et
coquos et minisfros qui sine uxoribus essent,
eis ad obsequium statuens, etc. (Pallad., in acta
Cluys., c. v., »
Ce saint évé(|iie fut donc le réparateur des
anciens hôpitaux, il en fonda de nouveaux, il
en donna le soin et la direction à des prêtres
qui en furent comme les bénéficiers, il y éta-
blit des officiers qui ne fussent point mariés.
VI. Le zèle et la charité de ce prélat incom-
parable ne s'arrêtèrent pas la. 11 proposa un
jour a tout son peuple d'entreprendre de
nourrir tous les pauvres en commun. 11 sup-
posa que le nombre des pauvres de Constanti-
nople montait bien a cinquante mille. 11 ne
laissa pas de leur faire voir que cette entreprise
était aussi facile que sainte ; et qu'elle serait
même avantageuse en ce point , qu'on dépen-
serait bien moins à nourrir les pauvres en
commun que séparés. Enfin il leur remontra
que si un si petit nombre de fidèles avait pu au
commencement de l'Eglise nourrir tous les
pauvres en commun, la même charité se pour-
rait exercer avec incomparablement plus de
facilité lorsque les chrétiens étaient infiniment
accrus et en multitude et en richesses.
Cet admirable docteur ne craint pas d'avancer
qu'il espère de voir un jour ce grand ouvrage
mis en exécution, et que ce digne monument
de la charité incomparable des chrétiens sera
capable de convertir tout le reste des païens.
Les orages qui s'élevèrent contre ce saint
homme arrêtèrent le cours d'un dessein si
digne de la générosité épiscopale.
» Si in hac via progredimur, credo quod el
lu» futurum sit. Obtemperate mibi solura, et
per ordinem corrigemus negotia; et si Deus
vitam dederit. credo quod statini in banc nos
recepturi simus vitae rationem (Hom. u , in
Acta). »
VII. Saint Paul avait recommandé l'hospila-
lité aux évêques ; saint Clirysostome fut accusé
de ce qu'il mangeait toujours seul. Pallade en
donne la raison. Ce saint évêque était fort in-
firme; souvent il ne mangeait que le soir; ainsi
il ml gêne ses bûtes. Outre cela il ne pouvait
souffrir les dépenses excessives qui eussent été
inévitables dans une aussi grande ville que
Constantinople. Enfin il considérait que l'hos-
pitalité était peu nécessaire à un évêque dans
une ville si riche et si puissante : les laïques y
exerçaient assez libéralement cette vertu ; et
ainsi l'évêque ne devait pas quitter le soin de la
prédication pour s'occuper des pensées et des
inquiétudes du ménage.
« Enim vero qui civitatem optimis legibus
iush uclani habitat, cujusniodi Conslanliuopolis
est, in qua omnes fere hospitales sunt : si sa-
cerdos est, superflue satis verbi relinquit ini-
nisterium , ut opsoniorum computet sumptus
seque imprudens cauponem pro doctore arbi-
Iratur (Pallad., vita Chrys., c. xn, n, xvn, \u,
xm). »
Saint Clirysostome témoigne lui-même néan-
moins , dans sa lettre au pape Innocent, qu'il
avait prié Théophile et tous les autres évêques
d'Egypte de venir loger chez lui. Pallade, qui
rapporte cela, se plaint des prêtres et des dia-
cres de Constantinople qui ne voulurent pas
recevoir chez eux les moines que Théophile
avait chassés d'Egypte, et qui laissèrent cette
gloire à une sainte diaconisse.
Ainsi il esl certain que l'hospitalité s'exerçait
dans Constantinople j mais saint Clirysostome
en évitait ordinairement l'embarras, pour s'oc-
cuper aux autres fonctions de son ministère,
nuire qu'il évitait les dépenses superflues du
bien des pauvres, les voleries des officiers, la
coutume déplorable de traiter plutôt les riches
que fis pauvres. Voilà ce que Palladius déduit
fort au long.
DES HOPITAUX ET DES BÉNÉF1CIERS, etc.
289
VIII. C'est cette même raison qui obligea
enfin les évêques à bâtir des hôpitaux pour les
hôtes et pour les malades.
En elle! . l'hospitalité et la nourriture îles
pauvres les regarde, tant par l'exemple de J.-C.
et de ses Apôtres, que par leur commandement
exprès, et par la conspiration même de tous 1rs
fidèles, qui mettaient aux pieds des Apôtres, ou
entre les mains des ecclésiastiques toutes les
aumônes que l'esprit de charité leur inspirait
de faire : il n'y avait point de moyen plus con-
venable et plus avantageux pour s'acquitter de
ce dessein que de dresser des hôpitaux, et d'y
appliquer la portion des revenus de l'Eglise
qui était destinée à un si saint usage.
Le même Esprit-Saint qui avait porté les
Apôtres à se décharger du soin de nourrir les
pauvres sur les diacres, afin de pouvoir se
donner eux-mêmes avec plus de liberté à la
prière et à la prédication : ce même Esprit,
dis-je, persuada enfin aux évoques de se déli-
vrer des distractions et des inquiétudes de
l'hospitalité, et de l'entretien des pauvres et
des malades en leur bâtissant des maisons pro-
pres pour cela. Durant le règne des empereurs
païens, les évoques avaient le soin et la surin-
tendance des pauvres, des malades, des hôtes,
des veuves et des vierges consacrées à Dieu ; et
de tous ceux qui , vivant dans une retraite
toute sainte, faisaient voir en leur vie comme
les préludes de l'état monastique. Mais la crainte
des persécuteurs ne permettait pas de faire vivre
en communauté toutes ces sortes de personnes.
H. s que l'empire chrétien eut mis l'Eglise en
liberté, ces solitaires qui avaient vécu séparés
commencèrent à bâtir des monastères ; les
vierges et les veuves suivirent bientôt leur
exemple ; les évêques s'efforcèrent de porter le
clergé à vivre eu communauté : enfin on fonda
des hôpitaux pour les pauvres, pour les malades
et pour les passants, afin de les pouvoir entre-
tenir avec plus de commodité et avec moins de
dépense.
L'impératrice Placille, digne femme du grand
Théodose, allait elle-même rendre les plus
humbles services aux pauvres dans les hôpi-
taux de l'Eglise. « Ecclesiarum hospitia liseré,
segrotis in lecto decumbentibus curalionem
adhibere, tractare ollas, jusculum guslare, pa-
tinam illis déferre, frangere panem, offas por-
rigere, eluere pocula, omnia denique alia mu-
nera obire, quae servi et ancillae exequi soient
(Thcodoret., 1. v, c. 18). »
Th. — Tome IL
Voilà les lieux mi les évoques el les empe-
reurs même exerçaient l'hospitalité.
IV II est donc très-certain que les évêques
ont la surintendance sur toutes ces maisons de
charité, puisque les Apôtres furent les déposi
tunes et les dispensateurs du patrimoine des
pauvres ; puisque les évêques leur ont succédé
dans cet exercice de piété aussi bien que dans
tout le reste de leur autorité ; puisque les fidè-
les ont toujours continué de mettre entre les
mains des évêques leurs sacrifices, leurs déci-
mes , leurs prémices , et enfin toutes leurs
saintes libéralités; puisque des revenus de
l'Eglise il yen avait une troisième ou une qua-
trième partie consacrée à l'entretien des pau-
vres dont l'évêque avait la disposition, comme
nous dirons dans la suite ; puisque si la por-
tion de ces revenus affectée à l'évêque était
grande et surabondante, c'est parce que l'apô-
tre saint Paul et les conciles mêmes l'avaient
particulièrement chargé de l'hospitalité ; puis-
que nous voyons que les premiers et les plus
anciens hôpitaux ont été fondés par les évê-
ques, et ont été gouvernés par des prêtres
qu'ils y avaient établis.
X. Nous n'avons encore parlé que des Grecs.
Venons aux évêques et aux prêtres de l'Eglise
latine. Saint Augustin avait un extrême soin
des hôtes, des pauvres et des malades, et il les
secourait très - libéralement des revenus de
l'Eglise.
Possidius en est un bon témoin, mais il ne
dit pas qu'il eût fondé aucun hôpital : il ne
recevait les hôtes qu'à sa table, mais il se con-
tentait de distribuer, ou d'envoyer aux pau-
vres tout ce qui était nécessaire à leur entre-
tien. « Mensa usus est frugali et parca, quae
quidem inter olera et legumina, etiam carnes
aliquando propter hospites, vel quoque infir-
miores continebat (Cap. xx). » Et plus bas: «Ho-
spitalitatem semper exhibuit, etc. (Cap. xxm). »
Et dans la suite : « Pauperum vero semper
memor erat, eisque inde erogabat, unde et sibi
suisque omnibus secum habitantibus eroga-
batur : hoc est, vel ex reditibus possessionum
Ecclesiae, vel etiam ex oblationibus fidelium. »
Saint Augustin témoigne lui-même que cette
nécessité inévitable d'exercer l'hospitalité et
de recevoir à sa table les étrangers et les pas-
sants, l'avait obligé de quitter le premier mo-
nastère qu'il avait fonde aussitôt qu'il eût reçu
la prêtrise, et d'en établir un autre de clercs
dans la maison épiscopale même.
19
290 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGT-NEUVIÈME.
« Perveni ad episcopatum, vidi necesse ha-
bere exhibere humanitatem assiduam quibus-
i|ue venientibus, sive transeuntibus : quod si
non fecissem, episcopus inbumanus dicerer. Si
autem consuetudo ista in monasterio permissa
esset, indecens esset : et ideo volui babere in
ista donio episcopi , meum monasterium cle-
ricorum (Serm. 49 de divers.). »
XI. Palladius remarque, au même endroit
qui a été rapporté, que saint Cbrysostome
voulait qu'on reçût les hôtes et les passants
dans L'hôpital qu'il avait fondé : adventantes
liospites. On pourrait juger, avec quelque vrai-
semblance, que la même charité animait saint
Augustin et saint Clirysostome , quoiqu'ils
exerçassent l'hospitalité en des manières si
différentes (Cap. v).
Saint Clirysostome aussi bien que saint Basile
conservait encore quelques restes de son pre-
mier amour pour la retraite et pour la soli-
tude : ainsi il ne put se résoudre à recevoir tant
de monde à sa table, il aima mieux leur donner
à manger en des lieux destinés à cela.
Saint Augustin témoigna plus d'inclination
pour la vie civile des Apôtres : ainsi il fit de sa
table une école de frugalité aussi bien que de
charité.
Ces deux manières diverses de pratiquer la
même vertu d'hospitalité ont été admirées
et nuitées de tous les évêques des siècles sui-
vants.
XII. Mais il faut avouer de bonne foi qu'il y
a eu des hôpitaux qui ont été l'ouvrage de la
piété des laïques.
Saint Jérôme écrivant à Pammaque sur la
mort île sa femme Pauline, le loue d'avoir
aussitôt embrassé la profession monastique,
d'avoir bâti un hôpital près de Rome, et de
s'être élevé d'abord au comble de la vertu, en
se rendant l'imitateur de l'hospitalité du grand
patriarche Abraham. 11 l'exhorte à imiter
encore Abraham en ce point, à servir lui-
même les pauvres, et après avoir donné à J.-C.
tout ce qu'il avait, à s'y donner encore lui-
inèiue. « Audio te xenodocliiumin portu fecisse
Rornano, etc. Initia transgrederis, statim sum-
mum tenes, prinius inter inonachos, in prima
urbe, primum sequeris patriarcham, etc. Moneo
non solum pecuniam, setl teipsuni Cbristo
offeras, etc. »
XIII. Pammaque était de maison patricienne,
« palricii generis prinius inter primos inona-
chos esse cœpisli, etc. » Ainsi si su charité
n'avait point de bornes, ses richesses étaient
immenses. Mais saint Jérôme fait bien voir
dans la même lettre que la charité trouve dans
elle-même des trésors infinis. 11 assure qu'il
avait bâti lui-même à Bethléem un monastère
et n h hospice, ou un hôpital, dans lequel étaient
reçues les personnes religieuses qui accou-
raient aux lieux saints de tous les endroits du
monde. Aussi envoya-t-il son frère Paulinien
pour vendre tout le reste de leur patrimoine
commun, afin de ne pas laisser un si saint et
si grand ouvrage imparfait. « Nos in ista pro-
vincia aedificato monasterio, et diversorio pro-
pter extructo, ne forte et modo Joseph cum
Maria in Bethléem veniens non inveniat ho-
spitium, lantis de loto orbe confluentibus tur-
bis obruiinur monachoium, etc. »
C'est apparemment du même hôpital qu'il
parle, dans l'épitaphe de la bienheureuse Paule,
a laquelle il en donne la gloire : « Donec
extrueret cellulas etmonasteria, et diversorum
peregriuorum juxta viam conderet mansiones,
in qua Maria et Joseph hospitium non invene-
rant (In Epitaph. Paulae); » à moins de distin-
guer les deux hôpitaux, aussi bien quelesdeux
monastères qui étaient certainement différents,
l'un pour les moines, l'autre pour les filles
religieuses.
XIV. Si Pammaque lut le premier qui dressa
un hôpital en Italie pour recevoir les passants,
Fabiole eut la gloire d'en avoir la première
bâti un très-magnifique pour les malades. Elle
\ employa des richesses immenses, et elle sur-
passa toutes ses libéralités, en s'y consacrant
elle-même au service des pauvres.
« Omnem censum quem babere polerat, erat
autem amplissimus, et respondens generi ejus
dilapidavit et vendidit, et in pecuniam eongre-
gatum usibus pauperum praeparavit, et prima
omnium «so/.gij.eïov instituit, in quo aegrolos col-
ligeret de plateis, et consumpla languoribus
atque inedia miserorum membra fovebat. Quo-
ties niorbo regio et pœdore confectos bumeris
suis ipsa portavit? quoties lavit purulentam
vulneruin saniem, quam alius aspicere non
valebat? prœbebat cibos propria manu, et spi-
rans cadaver sorbitiunculis irrigabat (lu Epi-
taph. Fabiolœ). »
Voilà comme cette sainte dame surmontait
la délicatesse de son sexe et faisait la leçon à
tant de riches qui, pour exercer ces œuvres de
miséricorde, empruntent les mains d'autrui :
« Clémentes pecunia, non manu, » dit ce Père.
DES HOPITAUX ET MES BÉNÉFIC1ERS, etc.
-"il
XV. II t'ait encore ailleurs mention de plu-
sieurs laïques qui s'adonnaienl à l'hospitalité
avec tant de zèle et tant de libéralité, qu'ils
attiraient sur eux la jalousie, et quelquefois
même la persécution des évêques et des prê-
tres.
Au reste, saint Jérôme dit tort sagement que
cette vertu doit être commune aux ecclésiasti-
ques et aux séculiers, niais que les évêques y
doivent exceller par-dessus tous les autres,
parce qu'il suffit aux laïques de donnera man-
ger ii quelques passants; mais c'est le devoir de
l'évêque de n'en exclure aucun de sa table et
de sa maison.
» Si omnes illud de Evangelio audire desii ti-
rant, hospes lui. et suseepistis nie : quanto
magïs episcopus, cujus domus omnium com-
mune débet esse bospitium? Laicus enim
unum.aut duos, aut paucos excipiens, implebit
hospitalitatis ofticium : episcopus nisi omnes
receperit, inbumanus est. »
XVI. Tous ces exemples d'hôpitaux fondés
par des personnes séculières ou religieuses .
mais nullement ecclésiastiques, pourraient fa-
cilement nous surprendre et nous persuader
que les évêques n'y avaient aucune juridiction.
Mais saint Paulin nous apprend fort à propos
que, des que ces maisons saintes étaient consa-
crées à la charité, elles appartenaient a l'Eglise,
et par conséquent elles étaient soumises au
pouvoir et à l'autorité de l'évêque.
Sévère Sulpice avait vendu une partie de ses
héritages, et en avait distribué le prix aux
pauvres. Il avait réservé l'autre partie et en
avait fait un hôpital où il servait lui-même les
pauvres. Son humilité lui persuada qu'il était
bien loin et bien au-dessous de la vertu achevée
de saint Paulin, qui avait tout vendu et tout
donné sans se rien réserver.
Saint Paulin, au contraire, par une sainte con-
testation d'humilité et de charité, lui remontre
que c'est l'effet d'une plus haute perfection
d'avoir réservé un tonds non pas pour soi, mais
pour l'Eglise; non pas pour le posséder, mais
pour y être possédé lui-même par les pauvres.
« Ideo sine animi captivitate possessor, quia
quse reservasti , Ecclesia te serviente possi-
deat, etc. Illud Apostoli comples, ut habens,
non habeas, quia non tibi, sed non habentibus
habens, domus tua1 hospes es, ut sit hospitum
domus, etc. Tuoruni confamulus vernulorum,
temporale habitaculum lui tecti, non ut pater-
familias usurpas, sed ut mercenariusvelinqui-
Linus mânes, stipendium quasi precariœ man-
sionis Domino pensitans, de socia et corporis
tui. et animi servilute Epist. ad Severum). »
XVII. Paliadius raconte une histoire toute
semblable de deux livres tort riches, dont l'un
vendil tout et distribua tout aux églises et aux
pauvres, vivant d'un métier qu'il apprit, et
s'occupant tout entier de la prière. L'autre
fonda un monastère et un hôpital, où il rece-
vait tous les pauvres et tous les passants (Hist.
Laos., c. xv, xvi).
Le saint abbé Pambon voyant ses religieux
divisés sur la préférence de ces deux frères ,
leur apprit que. quoique leur conduite fût si
ili\erse, leur mérite était égal; l'un ayant imité
l'hospitalité d'Abraham, et l'autre ayant été
i nllanmié du zèle et de la ferveur d'Elie. -Mais,
dans toutes ces rencontres il faut généralement
supposer que l'Eglise possédait toutes ces mai-
sons dédiées au soulagement des pauvres ,
comme nous l'a appris saint Paulin, en parlant
a un illustre fondateur : a Ecclesia te serviente
possidet. »
XVIII. Il ne sera pas hors de propos de faire
encore celte réflexion que plusieurs des exem-
ples et des auteurs rapportés dans ce chapitre,
nous ont fait voir les monastères et les hôpi-
taux joints ensemble. Les religieux avaient
apparemment l'intendance de ces hôpitaux, et
on ne doute pas qu'en ces temps-là ils ne
fussent parfaitement assujétis à l'autorité des
évêques. Il faut donc conclure la même chose
de ces hôpitaux. Il y eut dans les siècles sui-
vi nt- des hôpitaux où l'on observait les règles
monastiques.
XIX. Il est encore bien juste de remarquer
que, si les évêques ont fondé des hôpitaux,
ce furent le plus souvent les libéralités des
laïques qui leur en donnèrent le moyen.
Car . saint Basile , dans une de ses lettres
(Epist. cccxcu), après avoir parlé de son hô-
pital des pauvres, iîtuxotpoçswv, donne cette règle
importante, que ceux qui se dépouillent de
leurs biens ne doivent pas les dispenser eux-
mêmes, parce qu'ils ne peuvent pas faire le
discernement des vrais pauvres , mais qu'ils
doivent en commettre l'emploi et la distribu-
tion à celui qui est chargé du soin des pauvres.
777w£wv GIXGVGUSW ij.-iTT.I-Vjv.i-tôi.
Il y avait donc un économe des pauvres,
constitué sans doute par l'évêque, qui était
ordinairement le dépositaire des libéralités
extraordinaires de ceux qui renonçaient au
292 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-NEUVIÈME.
monde et à tous leurs biens. Saint Basile lait
voir que cette police avait pris sa naissance
avec l'Eglise même , lorsque les fidèles ven-
daient leurs héritages , et voulaient que les
Apôtres en fussent les souverains dispensa-
teurs.
XX. Cette considération est de quelque poids
pour soumettre tous les hôpitaux au pouvoir
et à la direction de l'évèque. En voici une
autre qui ne doit pas être négligée. Le même
saint Rasile est d'avis qu'on chasse des hôpi-
taux les infirmes dont la vie est scandaleuse,
parce qu'on doit regarder la personne de J.-C.
dans celle des pauvres qu'on sert; ainsi ils ne
méritent pas cet honneur, si leurs mœurs sont
contraires à la loi de J.-C. (Reguke brevior.,
c. clv).
Ces termes de saint Rasile Toïsèvrâ l^oy/ia àj-
p<BOTo« , pourraient faire croire que les ma-
lades étaient mêlés avec les passants dans son
hôpital. Or ce discernement des bons et des
mauvais pauvres n'appartient proprement
qu'aux ecclésiastiques.
Il y avait donc un économe des pauvres qui
était certainement établi par l'évèque, entre
les mains de qui étaient déposés tous les biens
et tous les effets de ceux qui renonçaient au
monde. Saint Rasile parle de cela depuis sa
première origine, lorsqu'il propose pour mo-
dèle l'exemple des premiers fidèles qui ne dis-
tribuaient pas eux-mêmes leurs biens aux
pauvres et n'en faisaient pas des largesses aux
uns plutôt qu'aux autres, mais qui les met-
taient aux pieds des Apôtres pour en disposer
à leur discrétion , suivant le besoin qu'ils sa-
vaient que les pauvres en pouvaient avoir.
XXI. Au reste si saint Rasile avait destiné un
même hôpital aux pauvres passants et aux
malades, on ne peut pas avoir la même pensée
de saint Chrysostome qui distingue manifeste-
ment l'Eglise et la maison affectée au soulage-
menldeshôteset des passants. «Est domicilium
commune Ecclesiae, quam vocamus hospitalem
Seviova (In Acta tom xlvi). »
11 dit la même chose ailleurs, où il repré-
sente les dépenses prodigieuses que faisait
l'H^lise de Constanlinople, ayant tous les jours
trois mille pauvres à nourrir, et outre cela
envoyant de quoi faire subsister les prisonniers,
les passants, les lépreux, et enfin tous les misé-
rables. « Jam numerus eorum in calalogo ad-
scriptus, ad tria millia ascendit, et prœterea
multis, (jui in carcere habitant, auxiliatur
Ecclesia, multis in hospitali, xçwSoxw» laboranti-
bus, multis advenis, multis leprosis, etc. (In
Malth. tom. lxvii). »
XXII. Toutes ces différentes sortes d'hôpi-
taux donnaient des noms et des qualités hono-
rables aux bénéficiers qui en étaient chargés.
Théodore, lecteur (L. m), dit que Cennadius
fut fait patriarche de Constantinople par la
faveur d'Acacius, orphanotrophe, ou préfet de
l'hôpital des orphelins. Saint Epiphane dit
qif Eustache, évêque deSébaste, se montra trop
favorable à Aerius, quand il le fit prêtre, et lui
donna l'intendance de l'hôpital Xenodochii,
qu'on appelle dans le l'ont PtochotropMum
(Hœres. lxxv).
Saint Rasile, aprèsavoir fait l'éloge d'un de
ses chorévêques, dit qu'il est économe d'un
hôpital, TTTw/crp&^sïov tôv irap' aùxcù cîxovofi.oâfi£VGy. SOZO-
menedit que Théophile voulait faire monter sur
le trône de Constantinople, au lieu de saint
Chrysostome, un de ses prêtres nommé Isidore,
qui était grand hospitalier d'Alexandrie. i-KWfo-
Nous traiterons en peu de mots, dans les
chapitres xcm et xciv, ce qui s'est passé à ce
sujet dans le sixième et le septième siècle de
l'Eglise.
DKS HOPITAUX SOIS CHÀRLEMAGNE.
203
CIIAriTRE QUATRE-VINGT-DIXIÈME.
DES HOPITAUX Dl TEMPS DE CHARLEMAGNE.
I. Tous les monastères de religieux, de religieuses et de cha-
noinesses doivent avoir des hôpitaux.
II. Chaque êvêché devait aussi en avoir.
III. Diverses espèces d'hôpitaux.
IV. Les pauvres qui ont de la santé doivent travailler.
V. Les hôpitaux étaient mis sous la protection des évèques
et des rois, aûn que le temporel leur fût conservé.
VI. un craignait que les princes n'en donnassent l'adminis-
tration à des laïques et à des dissipateurs.
Vil. Trois manières diverses de gouverner les hôpitaux, par
raine autorité des évèques, par les héritiers des fonda-
teurs, et par des communautés religieuses.
VIII. L'autorité des évèques et la protection des rois y do-
minait toujours.
IX. Les administrateurs étaient quelquefois des séculiers, mais
la loi générale était qu'ils ne pouvaient se rien approprier du
bien des pauvres.
X. La police la plus régulière était d'en commettre l'adminis-
tration aux diacres.
XL La police des Grecs conforme à celle des Latins.
I. Le règlement que le concile d'Aix-la-Cha-
pelle en 816 Ann. 28) dressa pour les chanoi-
nesses, nous fera sans doute admirer l'ardeur
de la charité ecclésiastique pour les pauvres.
Chaque monastère doit avoir : 1° Un lieu pour
recevoir tous les survenants près de la porte
du monastère. « Quanquam ail portam mona-
sterii locus talis sit rite habendus, in quo ad-
ventantes quique suscipiantur. »
2° Un hôpital pour les pauvres, joignant
l'Eglise, où les prêtres et les autres ministres
destinés à servir les chanoinesses , célèbrent
les offices divins. « Juxta Eeelesiam in qua
presbyteri cuiii ministris suis divinum expient
oftieitim, sit hospitale pauperum. »
3" Un lieu dans le monastère même, où les
veuves et les pauvres femmes fussent logées et
entretenues. « Sit etiam intra monasterium
receptaculum , uhi viduae et pauperculae tan-
tummodo recipiantur. et alantur. »
4° Les dîmes des terres de l'abbaye, de tous
ses revenus, de quelque nature qu'ils pussent
être, et des oblations ou des présents qu'on
faisait au monastère, étaient consacrés à l'hô-
pital des pauvres. « Exceptis deeimis, qua1 de
ecclesiao villis ibidem conferuntur ; de rébus
Ecclesiœ prout facullas suppetit , eidem depu-
tetur hospitali,unde pauperes ibidem recreen-
tur et foveantur. Sed et de oblationibus , qusc
Qdelibus sanctimonialibus deferuntur, déchue
dentur ad eorumdem sustentationem paupe-
rum. B II est apparent que les autres monas-
tères, soit de religieuses, soit de religieux, ou
de chanoines ne répandaient pas moins libéra-
lement sur les pauvres les trésors de leur cha-
rité, puisqu'on ne pouvait douter que tous les
biens de l'Eglise, quels qu'ils pussent être, ne
fussent le patrimoine des pauvres. «Oblationes
fidelium, patrimonia pauperum,» comme il
est dit dans ce même canon.
5° L'hôpital des pauvres était commis à un
administrateur, qui devait être autant ennemi
de l'avarice , qu'amateur de l'hospitalité , et
qui ne devait rien détourner à son usage du
patrimoine des pauvres de J.-C. « Talis prasit,
qui et avaritiam oderit et hospitalitatem dili-
gat, etc. Is eui hospitale committitur, nequa-
quam res pauperum in suos usus retorqueat. »
II. Ers évèques ne cédaient pas aux monas-
tères dans l'exercice de l'hospitalité. Le con-
cile d'Aix-la-Chapelle tenu en 836 'Can. ni),
ordonna des hôpitaux à tous les évèchés, aussi
bien qu'à tous les monastères. « Placet ut
deinceps in singulis civitatibus monasteriis
juxta moduni reruni hospitalitas ordinetur ad-
venientium. »
Il est clair que ce canon doit être entendu des
hôpitaux des passants. Car quoique les évèques
et les abbés reçussent autrefois les hôtes à leur
talile et dans leur maison, ils furent enfin con-
traints de faire bâtir des hôpitaux pour les y
recevoir avec plus de commodité et plus
d'ordre.
C'est de ces hôpitaux pour les passants que le
concile de Meaux. en si:, Can. xl), nous ap-
prend deux choses remarquables : 1° Que les
saints religieux d'Irlande en avaient fondé et
doté un grand nombre dans la France; 2° qu'il
y avait dansées hôpitaux des congrégations de
clercs ou de religieux. Ce concile adresse ses
plaintes au roi contre ceux qui avaient usurpé
294 Dr SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIXIÈME.
tous les fonds de ces hôpitaux , et en avaient
chassé même ces pauvres religieux qui y
avaient été reçus des leur jeunesse.
« Sed et hospitalia Scotorum , quae sancli
liomines, gentis illius in lioc regno construxe-
runt, et rébus pro sanctitate sua acquisitis am-
pliaverunt ah eodem hospitalitatis oflîeio fun-
ditussuntalienata. Etnonsolumsupervenientes
in eadem hospitalia non recipiuntur, verum
etiam ipsi qui ah infantia in eisdem locis sut»
religione Domino militaverunt, et exinde eji-
ciuntur, et ostiatim mendicare coguntur. »
Les évoques des provinces de Reims et de
Rouen firent la même remontrance a Louis de
Germanie, ajoutant que les administrateurs de
ces hôpitaux devaient être soumis aux évoques
et ne rien faire sans leur avis. « Sed et Recto-
rihus monasteriorum, et xenodochiorum, id est
liospitalium praecipite, ut sicut canonica docet
autoritas, et capitula avi et patris vestri pra>
cipiunt, episcopis propriis sint subjecti,et mo-
nasteria atque hospitalia sibicommissaipsorum
regant consilio (Concil. Gall., tom. m, p. l-2i.
cap. x). »
Il est probable que ces hôpitaux de passants,
« Hospitalia peregrinorum , sicut sunt Scoto-
rum, » étaient particulièrement destinés a re-
cevoir ceux qui faisaient le pèlerinage de Rome.
Cette dévotion était alors fort ordinaire, sur-
tout aux Irlandais. C'est ce qui les obligeait
eux-mêmes de dresser des hôpitaux pour ceux
de li ur nation. Les évoques ne laissaient pas d'y
exercer leur autorité.
Le concile de 'foui de l'an 859 (Can. xxiv),
implora la protection des rois sur toutes sortes
d'hôpitaux, comme étant de leur fondation, ou
au moins sous leur sauvegarde. « Hospitalia
peregrinorum et aliorum, a piis imperatoribus
praeparata, ab omni usu et libitu humanse te-
meritatis absoluta restaurentur. »
III. Les capitulaires de Charlemagne font la
distinction, et donnent même la définition de
toutes ces sortes différentes d'hôpitaux , de
même qu'ils étaient en vogue dans l'Orient:
XenodocMum , pour les passants ; Ptochotro-
phium, pour les pauvres ; JNosoéomium , pour
les malades; Orphanotrophium , pour les or-
phelins; Geruntocomium, pour les vieillards;
Brephotrophium , pour les enfants (CapituL,
1. 24, c. xxiv). »
IV. Mais celte multitude d'hôpitaux n'empê-
chait pas qu'on obligeât au travail les pauvres
qui en avaient les forces. Charlemagne, après
avoir commandé que chaque fidèle nourrît un
pauvre, et qu'on ne souffrît plus de mendiants
publics , défendit en même temps de donner
l'aumône à ceux qui peuvent travailler.
« De mendicis qui per patrias discurrunt ,
volumus ut unusquisque fidelium nostroruin
suum pauperem debeneficio, aut de propria
familia nutriat, et non perraittat aliubi ire
mendicando. Et ubi taies inventi fuerint, qui
sibi manibus laborent, nullus eis quidquam
tribuere pnesumat(L. i, c. 114). »
V. Ces différentes manières d'hôpitaux n'é-
taient pas partout distinguées de même. On les
confondait souvent en un seul.
Tel était apparemment l'hôpital que Hincmar,
archevêque de Reims, fonda et dota pour les
pèlerins et pour les pauvres; il le commil à
ses chanoines, et il lui assigna de grands fonds
et fit confirmer parle roi, aussi bien que par
tous les évêques de sa province, la donation
qu'il lui faisait , afin qu'aucun de ses succes-
seurs n'entreprît jamais de la révoquer, et de la
diminuer le moins du monde, ou d'en retirer
aucune contribution.
« Canonicis quoque hujus Remensis Eccle-
sise hospitale constituit, ad susceptionem pere-
grinorum vel pauperum, congruis ad id rébus
depUtatis , cum consensu coepiscoporum Re-
mensis diœceseos , atque subscriptionibus eo-
rumdem , ea conditione, ut nullo unquam
tempore quilibet episcopus, vel quœlibet per-
sona easdem res cuiquam in benefieium dare.
vel in alios usus quoeumque modo abstrahere
praesumat; neque aliquem censum vel redhi-
bitionem exinde accipiat : sed lotuni quidquid
ex ipsis rébus juste acquiri potuerit: in usus
pauperum, atque canonicorum secundum mo-
dum dëscriptum in privilegio, a se et c;eteris
episcopis conlirmato , expendatur. Super hoc
quoque constituto, regiœ âutoritatis praece-
ptum a Carolo rege fieri atque firmari obtinuit
(Flodoard., bist. Rem., 1. m, c. x). »
C'est un point assez remarquable qu'on met-
tait tel hôpital sous la protection des mis
mêmes, afin que ni les rois leurs successeurs,
ni les évêquesà venirne pussent jamaisen faire
comme d'un lie! la récompense d'un gentil-
homme ou d'un homme de guerre, ou, par des
exactions injustes, en diminuer les revenus,
qui étaient destinés par le fondateur, et par-
tons les évêques de la province, à l'entretien
des passans, des pauvres et des chanoines qui
en étaient les administrateurs. Or il ne faut pas
DES HOPITW'X Sors GHARLEMAGNE.
205
douter que les autres fondateurs de ces mai-
sons de charité ne prissent les mêmes précau-
tions contre les mêmes dangers.
VI. Les hôpitaux, aussi bien que les monas-
tères, ayant été mis sens la protection des rois
par les personnes particulières qui les avaient
fondes, le concile de l'a\ie prend de là occasion
d'avertir les rois et les empereurs que. si au
lieu de détendre ces sacres monuments de la
piété des fidèles, ils les oppriment eux-mêmes
et en donnent le maniement et la disposition à
d'autres qu'à ceux qui sont marqués par les
canons, ils doivent d'autant [dus appréhender
la vengeance du ciel qu'ils n'en appréhendent
point des autres souverains de la terre.
« Suggerendum est beatissimis imperalori-
1ms. quia lu. qui monasteria et xenodochia sub
defensione sacri palatii posuerunt, ideo fecisse
probantur, quod a nullo melius, quam a sura-
mis potestatibus protegenda crediderint. El si
ea contra décréta institutorum, personisquibus
non licet dederint, ipsi impugnatorës effi-
ciuntur, qui propugnare debuerunt; et caven-
dum summopere principibus, ut qui nunc
minime judicantur, ne in fuluro judicio ab
omnipotent] Deo graviusjudicentur, secundum
Aposlolum . etenim horrendum est incidere in
manus Dei viventis (lin. \\ . »
VII. Ce canon . aussi bien que quelques au-
tres, nous insinue en passant que les rois don-
naient les administrations des hôpitaux aussi
bien que les abbayes. L'Eglise se mettait moins
en peine, de s'opposer à ces nominations des
rois qu'a leur inculquer la nécessite indispi a-
sable de ne nommer que des personnes pi' uses
et fidèles, conformément aux canons.
Nous concluons de ce canon, en y joignant
celui qui précède immédiatement, qu'il y avait
trois manières diverses de gouverner les hôpi-
taux. Les uns étaient en la pleine disposition des
évoques, parce que les fondateurs les leur
avaient absolument assujétis; et alors les évo-
ques nommaient les directeurs de ces hôpitaux.
Les autres étaient simplement sous la protec-
tion de l'Eglise, et ayant pour administrateurs
les parents ou les héritiers du fondateur. I évo-
que avait une intendance et une autorité su-
prême sur leur gouvernement et sur leur con-
duite. Il y en avait qui fiaient gouvernés [ai-
des communautés saintes, et l'évêque avait le
même droit de veiller sur toute leur adminis-
tration.
Si les héritiers ou les parents du fondateur
faisaient quelque entreprise préjudiciable à
l'établissement de l'hôpital, l'évêque la répri-
mai! de son autorité, ou il implorait la toute-
puissante protection du roi, comme du garde
et du défenseur universel de toutes les Eglises.
« He xenodoelnis statuimus, ut quae in episco-
porum sunt potestate, secundum dispositionem
eorum qui institueront, gubernentur. Quae au-
tem suh defensione quidem sunt Ecclesiœ, sed
juxta institutorum décréta, per haeredes, vel
per tenentes, qui religiosam vitam duxerint,
régi debent ; procuret episcopus, ut ab eis non
negligantur; et si in aliquo malee tractationis
obnoxii reperiunlur, eeclesiasticœ subjaceant
disciplina'. Quod si ha?redes sive clerici , sive
saeculàres testatoris institutionem supprimera
vel obscurare nitantur, et inter se xenodochii
substantiam dividere , nuntietur sacratissimo
imperatori, ut ejus autoritate hujusmodi trans-
gressorum nequitia coerceatur (Ibid., c. xv . »
VIII. Apres cela on ne peut douter que tous
les hôpitaux ne fussent généralement sous l'au-
torité de l'évêque et sous la protection du sou-
verain, quoiqu'il y eût en cela divers degrés,
selor>que les fondateurs les avaient eux-mêmes
plus particulièrement soumis, ou à l'évêque, ou
a leurs héritiers, ou à une communauté reli-
gieuse, ou à l'empereur.
IX. On ne peut douter non plus que les admi-
nistrateurs des hôpitaux ne fussent souvent des
séculiers , ou par le don des empereurs, ou par
la concession de l'évêque, ou par la disposition
des fondateurs, qui avaient donné celte qualité
a leurs successeurs ou à leurs héritiers. Mais la
loi indispensable des administrateurs, quels
qu'ils puissent être, est celle qui a été marquée
au commencement de ce chapitre par le con-
cile d'Aix-la-Chapelle, de ne s'approprier rien
de ce qui a été donné aux pauvres : « Nequa-
quara res pauperum in suos usus retorqueat. »
X. On pourrait dire néanmoins avec raison
que la police la plus canonique était de donner
la bénédiction et l'administration des hôpitaux
aux ecclésiastiques, et surtout aux diacres
Epist. lxxxviii, xciv. cxxxvi).
Ce lut la pratique la plus universelle et la
plus ancienne de l'Eglise d'apporter aux pieds
des Apôtres, c'est-à-dire des évêques, et ensuite
de faire administrer et distribuer par des dia-
cres tout ce que la charité des fidèles a destiné
a la nourriture des indigents. Aussi Anastase
Bibliothécaire, dans les vies des papes, surtout
dans celles d'Adrien I" et de Léon III, fait
296 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-ONZIÈME.
mention d'une infinité de diaconies. à Rome,
qui étaient des maisons saintes et richement
dotées pour l'entretien des pauvres.
XI. Ou trouve aussi plusieurs lettres de l'ho-
tius adressées a un diacre administrateur d'un
hôpital : Xenodocho orpkanotropho. .Mais nous
admirerons Lien plus la conformité de la disci-
pline des deux Eglises dans ce que Cedrénus
raconte de l'empereur de Constantinople Cons-
tantin Monomaque, qui fonda un monastère
dans lequel il y avait divers hôpitaux, l'un poul-
ies vieillards, l'autre pour les passants, le der-
nier pour les pauvres. Ainsi l'administration
des hôpitaux, dans l'une et l'autre Eglise, était
souvent commise à des communautés de
moines ou de chanoines.
CHAPITRE QUATRE-VINGT-ONZIEME.
DES HOPITAUX DEPl'IS LAN MIL.
I. Les hôpitaux étaient le plus souvent des communautés re-
ligieuses, où les pauvres mêmes vivaient en religieux. Preuves
tirées des décrétâtes des papes.
II. Preuves tirées des conciles de France, d'Angleterre et
d'Italie.
III. Exemples de ces communautés religieuses dans Tes hô-
pitaux, en Angleterre, en France et en Italie.
IV. 11 en était de même dans l'Orient.
V. Les papes et les conciles ont mis les hôpitaux dans la dé-
pendance des évêques.
VI. Les clercs ne peuvent en être bénéficiera, les laïques
peuvent en être administrateurs.
VII. Règlements du concile de Trente et des conciles suivants
pour soumettre les hôpitaux à l'évèquc, et lui rendre les admi-
nistraleurs comptables.
VIII. Diverses ordonnances de nos rois sur cette matière.
IX. Nouvelles remarques sur le concile de Trente.
I. On ne doutera pas que les hôpitaux ne
doivent être mis au nombre et au rang des bé-
néfices quand on aura bien compris les deux
premières vérités que nous avançons : I" Qu'on
\ vivait en communauté et qu'on y célébrai!
les divins offices; 2° qu'ils étaient dans une
entière dépendance des évoques, comme ayant
été ordinairement fondés par leurs libéralités .
ou enfin des fonds et îles revenus de l'Eglise.
Alexandre III unit l'hôpital de Compiègne à
l'abbaye de la même ville, parce que les mo-
nastères avaient ordinairement des maisons
poui s recevoir les pauvres et les passants.
" Nn- attendentes quod monasteria et alia reli-
giosa loca hospitaies domos ad receptiones
pauperum habere solebant, etc. Epist. ix . »
Le concile III de Latran, en 1 179 Can. xxni .
sous ce même pape, ordonna que les lépreux
auraient une église, un cimetière et un cure à
part dans les lieux où leur communauté serait
assez nombreuse pour cela. « l bieumque tôt
sinnil sub communi vita fuerint eongre-
gati, etc. » Ils menaient donc la vie commune;
et ensuite ce concile les exempte de payer les
dîmes. « Ut de hortis et nutrimentis anima-
lium suorum décimas tribuere non cogah-
tur. »
Urbain III (Epist. v) donna, en 11X7, un pri-
vilège au grand maître et aux frères porte-
croix, admagistrum et fratres cruciferos, qui
gouvernaient l'hôpital de Boulogne. Ce privi-
lège est tout semblable à ceux des commu-
nautés religieuses , avec pouvoir de recevoir
des sujets et de fonder de nouvelles maisons
de leur ordre.
II. iMais le concile de Paris, en lï\-2 (Part. 3,
c. ix), s'expliqua bien plus clairement sur la
nature et l'état des hôpitaux, soit des lépreux,
soit des malades, soit des passants, quand il
ordonna que si les revenus étaient suffisants
on y vécût en communauté, on y gardât la
désappropriation, la continence et l'obéissance
au supérieur; on y portât l'habit de religion .
on n'y souffrît pas que le nombre des sains
eveédàt celui des malades ; enlin qu'on en
chassât toutes les personnes mariées, si elles ne
voulaient \ vivre dans L'habit et la profession
religieuse.
« De domibus leprosorum, et hospitalibus
infirmorum et peregrinorum, salubri consilio
statuimus, ut si facilitâtes loci patiantur quod
DES HOPITAUX DEPUIS L'AN MIL.
207
ibidem manentes, possint vivere de eommuni,
competens eis n gula statuatur, cujus substan-
tia in tribus articulis maxime continetur; sci-
lieet, ut proprio renuntient, continentiœ vo-
tuni emittant, et pnelatosuo obedientiam fide-
lem etdevotam promittant, et habitu religioso,
non saeculari utantur. Cuni autem pauci sani
possent mullis infirmis ministrare, indignum
est, ut numerus sanorum ibidem manentium
excédât numerum inûrmorum, aut peregri-
norum. »
EL après avoir condamné le mauvais artifice
des personnes mariées qui se retiraient dans
ces hôpitaux pour décliner la juridiction sécu-
lière, ce concile leur ordonne d'en sortir, ou
de prendre l'habit de religion. « Statuimus ut
in habita religionis religiose vivant, vel de do-
mibus ejiciantur. »
Saint Edmond, archevêque de Cantorbéry,
supposait bien qu'on menait la vie commune
et religieuse dans tous les hôpitaux, quand il
fit cette constitution entre plusieurs autres l'an
1230. « Prœcipimus, quod qui volunt domuni
hospitalem, seu xenodochium fundare de novo,
regulam et institutionem a nobis accipiant, se-
cunduni quod vivant regulariter et religiose
(Can. xxxv). »
Le concile de Ravenne, en 1311 (Can. xxv),
condamna les laïques qui avaient saisi les hô-
pitaux et les maladreries, déclarant que pour
en être pourvu et pour les conserver, il fau-
drait être religieux, tonsuré, vivant en conti-
nence, résidant et exerçant l'hospitalité.
« Neç aliqui instituantur in eis, uec ea qui
habent, valeant detinere, nisi siiit religiosi et
sine uxore, et taies quod profiteantur perpetuo
ibidem pauperibus deservire, et tonsuram, et
hospitalitatem teneant, et residentiam faciant
in eisdem. »
111. Entre les additions qui se trouvent à la
fin de Matthieu Paris, on nous a donné la fon-
dation de l'hôpital de Saint-Julien, par les ab-
bés de Saint-Albans en Angleterre, et la règle
qui tut prescrite tant aux prêtres et aux chape-
lains, qu'aux lépreux même de cet hôpital.
C'< tait à l'abbé de Saint-Albans, ou à son archi-
diacre, d'\ admettre les frères (Auctarium ad-
ditamentorum. p. 101).
On ne pouvait j recevoir un lépreux marié,
si sa femme ne faisait profession religieuse, ou
si son grand âge ne lui faisait accorder la li-
berté de demeurer dans le monde, avec un
vœu simple de perpétuelle continence. Ils
étaient tous vêtus d'une soutane el d'une robe
longue el fermée par devant; il devait y avoir
au moins cinq prêtres, cl le nombre s'en de-
vait augmenter avec les revenus. Les prêtres
récitaient matines, laudes, prime, tierce, sexte.
et la messe basse dès le point du jour; après
cela les chapelains ayant assemblé les lépreux,
récitaient les heures canoniales et chantaient
la messe : l'hebdomadier chantait ensuite la
messe, qui était suivie de noue. Après le dîner,
les prêtres et les lépreux s'assemblaient pour
vêpres et compiles. Les jours des grandes fêtes
on chantait tout l'office. Les lépreux pouvaient
tester du tiers de leurs biens, les deux autres
tiers appartenaient à l'hôpital.
Ceux qui ont donné au public la compila-
tion curieuse du Monasticon Anglicanum, nous
ont fourni quantité d'exemples pareils.
L'évèque de Londres, l'an 1340 (Monasticon
Anglican., t. u, p. 390;, rétablit dans sa pre-
mière forme un hôpital de treize frères lé-
preux, qui ne pouvaient rien posséder en pro-
pre, ne pouvaient être mariés; et s'ils l'étaient,
ils ne pouvaient être reçus dans L'hôpital, si
leur femme n'entrait en religion ou ne faisait
vœu de continence, étant déjà fort avancée en
âge : ils devaient assister à matines et à la
messe, ou, au lieu de matines, ils devaient dire
tous les jours treize fois le Pater et Y Ave, et
pour chacune des six autres heures canoniales,
sept fois le Pater et Y Ave : enfin ils devaient
vivre dans unv entière dépendance de l'admi-
nistrateur séculier ou du maître de l'hôpital et
de l'abbesse du monastère qui l'avait fondé, à
laquelle ils promettaient d'obéir.
Voici quelques termes de leur profession :
a Ego N. dater leprosus, promitto Deoetjuro
ad haec sancta Evangelia, quod castus ero, et
abbalissie obediens , nihil proprium possi-
debo, etc. (Ibid., p. .114). »
Il y avait de ces hôpitaux où il j avait des
frères et des sœurs, c'est-à-dire des religieux
et des religieuses dont le premier devoir était
d'assister aux offices divins. « Omnes contra-
ires, sorores, inflrmi, in quolibet die primo
ingrediantur ecclesiam , audiendum septem
horas canonicas et missam. » Je laisse un
grand nombre d'exemples semblables.
Etienne, évêque de Noyon, réduisit en 121S
le nombre des religieux de son hôpital, fonde
par son prédécesseur, à cinq prêtres, deux
clercs, cinq convers laïques et treize sœurs,
sans qu'on pût jamais excéder ce nombre, ni
298 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-ONZIEME.
recevoir aucun de nouveau qu'après une an-
née de noviciat, et en exigeant de lui les trois
\<i'ii\ de religion : a In utroque sexu in habitu
laicali per annum probelur, etc. Tria vota obe-
dientise, castitatis, et renuntiationis proprieta-
tis hu militer emittat (Spicileg., t. xvm, p. 33i
et seqq.). »
Le même prélat dressa une règle pour cet
hôpital , et la lit confirmer par le pape Ho-
noré III. Gérard, évoque de Noyon, en 1221,
voulut qu'il y eût jusqu'à vingt sœurs (Spicileg.,
t. xii, [>. 54, 63, 68). Guillaume, évoque de
Noyon, augmenta le nombre des prêtres jus-
qu'à six. En 1233, Geoffroy, évoque d'Amiens,
continua l'ordre et la règle des prêtres et des
sœurs de l'hôpital d'Amiens, avec la même
obligation du noviciat, des trois vœux de reli-
gion, de l'office divin, et des autres exercices
monastiques.
En 1239, les comte et comtesse de Flandres
et de Ruinant érigèrent un hôpital a Lille, avec
une communauté de frères et de sœurs qui
doivent chanter l'office divin devant les ma-
lades. « Capellani et clerici horas et missasin
ipso hospitali coram infirmis cantabunt. »
En 1246, le légal du pape régla l'hôpital de
lleauvais sur la même forme que celui d'A-
miens.
Innocent III fonda, en l'an 1204, le célèbre
hôpital de Sainte-Marie in Saxia à Rome, y
établissant en même temps l'ordre régulier de
l'hôpital du Saint-Esprit à Montpellier. « Sta-
Inenles ut regularis ordo, qui secundum Deum
et inslitutionem fratrum bospitalis saneli Spi-
ritus in eodem loco per nos instituais esse di-
guoscitur, perpetuis ibidem temporibus invio-
labiliter observetur. »
Entre ces religieux, ce pape veut qu'il > en
ait toujours au moins quatre qui soient dans
les ordres, qui président aux offices divins et à
l'administration des sacrements. « Quatuor ad
minus sint clerici, regulam ejusdem hospitalis
professi, qui divinis vacent officiis et intendant
eccIesjasticissacramentis(BuL, i, p. 75, 150). »
Ce pape unit ces deux hôpitaux, en sorte
qu'ils ne lissent qu'un corps et n'eussent qu'un
grand maître, qui fût élu à Home, si son pré-
décesseur mourait au delà des monts, ou a
Montpellier, s'il mourait au deçà. Honnie IV
désunit ces deux hôpitaux, et Nicolas IV ac-
cepta la soumission volontaire de l'hôpital du
Saint-Esprit de Montpellier, avec toutes ses dé-
pendances, a celui de R e l'an 1291.
Et pour revenir en France, le même pape
confirma, en 1209, l'établissement d'un hôpital
à Caen, où était une communauté sous la règle
de saint Augustin. « Religiosam vitam eligcn-
tibus, etc. Ut ordo canonicus qui secundum
Deum et regulam B. Augustini in eodem loco
institutus esse dignoscitur, ibidem perpetuis
temporibus observetur (Innoc. III. Regist. xm,
ep. i.i). »
Le pieux Gerson représenta au roi Charles VI,
dans un de ses sermons, que l'Hôtel-Dieu de
Paris, où les frères, les sœurs et les malades
montaient alors à cinq ou six cents, ne pou-
vaient plus subsister sans l'influence de ses
royales libéralités ; que les prêtres et les frères
y faisaient l'office avec beaucoup de piété, que
les sœurs joignaient la vie contemplative a
l'active. « Omitto loqui de fratribus, presbyte-
ris ctaliis qui tam diligenter faciunt divinum
servitium, non vacando principaliter alteri rei.
Sorores sunt deditae post vitam activam, vitae
contemplative (Gersonius, t. iv, p. 9oi). »
Je dirai en passant ce qu'il ajoute, quoique
cela soit hors de mon sujet : que celle maison
sainte était alors incommodée, parce qu'on lui
devait plus de deux mille livres : elle en devait
deux mille cinq cents; enfin n'ayant que deux
mille livres de revenu, elle en dépensait trois
mille.
En voilà assez pour le premier point que
nous avions entrepris d'établir, que dans les
anciens hôpitaux, de quelque nature qu'ils
fussent, on observait la vie commune et régu-
lière, on récitait ou chantait les heures cano-
niales, on faisait ordinairement profession mo-
nastique. Ce qui se doit entendre de ceux qui
étaient un peu nombreux, comme il a été
remarqué ci-dessus par Alexandre III (Du
Chesne, I. v, p. 325, 135). Ainsi il n'est pas à
croire qu'on fil l'office canonial dans toutes les
léproseries de France, quand il y en avail
jusqu'à deux mille, au temps du roi Louis VIII,
père de saint Louis, comme il paraît par son
testament. Saint Louis ne fait mention, dans le
sien, que de huit cents léproseries.
Il faut néanmoins avouer que le cardinal
Jacques de Vitry donne bien de l'étendue à
celte vie régulière, et au chant des heures cano-
niales dans les hôpitaux et les léproseries de
toutes les contrées de l'Occident.
Voici ses paroles : « Sunt insuper alise tara
virorum, quam mulierum saeculo renuntian-
lium et regulariter indomibus leprosorum, vel
DES HOPITAUX DEPUIS L'AN MIL.
299
hospitalibus , pauperum viventium alisi|iio
sestimatione et Dumero certo in omnibus Occi-
denlis regionibus congregationes, pauperibus
et infirmis humiliter et dévote ministrantes.
Vivuntautem secundum S. Augustini regulatn,
absque proprio et in comniuni, sub unius
majoris obedientia, et babitu regulari suscepto
perpetuam Domino promittunt continentiam.
Horascanonicas quantum hospitalitatis studium
et pauperum Christi ministerium permittunt,
diebus et noctibus audire non omittunt Hist.
Oecid., c. \xix). »
Ce cardinal ajoute que ces communautés, au-
trefois si saintes, étaient tombées dans un
étrange relâchement, et que l'entrée même y
était presque toujours simoniaque. « Omnes
1ère per simoniam recipiunt. »
Nous ne serons pas surpris, après cela, si ces
congrégations ont été la plupart dissipées, et
si le temporel de ces hôpitaux a été si souvent
expose en proie à l'avarice sacrilège des
laïques.
IV. J'ajouterai seulement que les hôpitaux de
l'Orient étaient à peu près de même nature, si
nous en jugeons par celui dont Anne Comnène
nous a fait une si admirable peinture dans son
Alexiade. C'était l'empereur Alexis Comnène,
son père, qui en était le fondateur : toutes suites
d'âges, de sexes, de condition- y étaient reçus,
même les soldats estropiés : le nombre en mon-
tait jusqu'à dix mille; mais il y avait d'un côté
un clergé fort nombreux, et de l'autre un mo-
nastère de religieux : «Clerusascriptus magnus
et multus, numerosissimumque insignium
virorum collegium, ritu legitimo Deo iniui-
strantium, etc. Cantorum et cantatricum cœtus
perpetui, etc. Magna adbihita providentia, ne
(liacunissisdeesset aliquid (Baronius, an. 1054,
11. "iT . o
Curopalate dit que l'empereur Constantin
Monomaque avait bâti un monastère joint à
un hôpital pour toutes sortes de mis. Tables.
« Monasterium et in se ipso constructa bospitia
ad alendos senes hospites et mendicos, laude
digna sunt.»
Guillaume de Tyr dit qu'il y avait dans Jéru-
salem, avant nos croisades, un hôpital joint a
un monastère soumise l'abbé du monastère des
moines latins, et dédié à saint Jean l'Aumônier,
patriarche d'Alexandrie. « Xenodochium in
honore I!. Joannis Eleemos. Alex, patriarchae,
ad cura m abbatis monasterii respiciens Vuil-
lelm. Tyr., 1. i, c. 10; 1. xvu, c. 3). »
C'est de cet hôpital de Saint-Jean l'Aumonier
que les hospitaliers ou les chevaliers de Saint-
Jean de Jérusalem ont tiré leur nom.
V. Je viens a la seconde partie de ce chapitre,
qui regarde la dépendance essentielle que les
hôpitaux ont des évêques.
Le texte des décrétâtes y est formel. « De
xenodochiis et aliis similibus locis per sollici-
tudinem episcoporum, in quorum diœcesi exi-
stunt, ad easdem utilitates, quibus constituta
sunt. ordinentur (C. De Xenodochiis. Extra.
De religios. domibus. C. Ad bac. Ibidem). »
Urbain IV, qui était français de nation, dil la
même chose : « Si Iocus ad hospitalitatis usum
et pauperum provisiouem fuerit sicut moris
est. autoritate pontiûcis destinatus, cum sit
religiosus, non débet mundanis usibus depu-
tari. »
Ce qui a été dit dans la première partie de
ce chapitre, peut servir à établir celle-ci. que
les hôpitaux sont dans la dépendance des évê-
ques dans le diocèse desquels ils sont cons-
truits. En effet, les évêques seuls ont pu insti-
tuer ou des chapitres ou des monastères dans
les lieux consacrés à l'hospitalité; et un hôpital
fondé sans l'autorité de l'évêque serait un lieu
profane.
Aussi Durand, évêque de Mende, proposa au
pape Clément V et au concile de Vienne, de
faire rétablir toutes ces différentes sortes d'hô-
pitaux, qui empruntaient leurs noms des botes,
des pauvres, des malades, des orphelins, des
vieillards, des enfants, ou de les faire établir
par les évêques. « Dissipata reformentur : et
ubi non fuerunt, de novo episcopali providen-
tia constituantur l'art, m, tif. 19). »
Guimier dit fort sagement qu'un hôpital
fondé sans l'autorité de l'évêque serait un
lieu profane, et ne jouirait pas des privilèges
des lieux sacres. a Hospitale constructum sine
autoritate episcopi, non dicitur Iocus pins et
religiosus, nec gaudet privilegio priorum In-
connu In pragm. sanct. ïit. De tabula pen-
dente in choro). »
VI. Ce n'est pas que les hôpitaux puissent
passer pour des bénéfices affectés aux ecclésias-
tiques. Clément V C. Per litteras. De Praebend.
in Clément. . déclara au contraire qu'ils n'é-
taient point compris dans les mandements du
pape ou de ses légats pour faire pourvoir les
pauvres clercs de quelque bénéfice. Ce pape
défendit, au nom du concile de Vienne, de
donner jamais les hôpitaux à des clercs sécu-
300 DU SECOND OliDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-ONZIÈME.
liers en titre de bénéfice, condamna la coutume
qui aurait pu s'en établir, à moins que le fon-
dateur ne l'eût ainsi ordonné.
« Nullus ex locis ipsis sancularibus clericis in
beneficium conferatur, etiamsi de consuelu-
dine, quam reprobamus penitus, boc fuerit
observatum, nisi in illorum fundatione secus
constitutum fuerit (C. Quia coutingit. De relig.
domib. in Clément.). »
Ce n'est pas aussi que les hôpitaux ne puis-
sent être administrés par des séculiers. Au con-
traire, la même Clémentine semble supposer
que ce sont des laïques qui en sont les admi-
nistrateurs, et elle ordonne seulement que ce
soient des gens de probité et d'expérience,
quoiqu'elle laisse aussi la liberté d'élire un
ecclésiastique pour principal administrateur.
Mais ce pape reconnaît les évèques comme les
souverains administrateurs des hôpitaux, eu
leur enjoignant d'interposer leurautorité pour
les faire rétablir, si les collateursou proviseurs
ordinaires négligent de le faire. Enfin cette
décrétale exhorte les supérieurs des hôpitaux
des ordres militaires, ou des communautés
religieuses, à faire exercer l'hospitalité avec
toute l'effusion d'une charité vraiment chré-
tienne.
Le concile de Paris, en -1 3-iG (Can. ix), or-
donna que ces décrétâtes anciennes et nou-
velles, c'est-à-dire, Grégoriennes et Clémentines,
« Antiquae constitutiones et novae canonicae,
tara in antiquis Decretalibus, quaminCIemen-
linis. » fussent exactement observées. Les
hôpitaux de France étaient donc entièrement
sous la juridiction des évèques jusqu'à ce
temps-là.
Le concile d'Arles en 1260, (Can xm), voyant
que des clercs et des laïques même obtenaient
des brefs du pape, ou des brevets des princes
pour se faire pourvoir de l'administration des
hôpitaux , dont ils détournaient ensuite les
revenus à leur profit particulier, ordonna que
les évèques, à l'avenir, les commettraient à
des religieux qui, vivant en communauté, el se
contentant d'être nourris et vêtus, emploie-
raient le reste des revenus à l'entretien des
pauvres, et rendraient compte tous les ans a
l'évêque. « Aliquo religionis habitu assumpto,
vilain âgant communem, et annis singulisra-
tionem de omnibus reddant. »
VIL Le concile de Cologne,en L536, après
avoir dit que les lois et les canons ordonnaient
la construction de toutes sortes d'hôpitaux pour
les âges et les états divers, ajoute que c'est aux
évèques à veiller à l'exécution , puisque les
évangiles et les épîtres de saint Paul ont chargé
si particulièrement les évèques du soin des
pauvres.
« Cura1 nostne imminebit, ut ejusmodi loca,
ubi constituta sunt, sarta tecta teneantur; ubi
vero dissipata sunt, instaurentur, reformen-
turque; denique ubi necdum constituta sunt,
episcopali nostra providentia œdificentur. Pau-
perum enim curam nobis Christus prsscipuam
esse voluit, et horum toties meminit divinissi-
mus Paulus apostolus (Part, i, c. 1). »
Ce concile (C. v) défend aussi bien de rece-
voir dans les hôpitaux les pauvres valides que
de les laisser mendier. Les maisons de charité
destinées pour cela étaient encore alors in-
connues.
Le concile de Trente (Sess. 7, c. xv) a com-
mis aux évèques tout le soin de veiller sur les
administrateurs des hôpitaux , renouvelant la
décrétale quia contingit, du concile de Vienne.
Il a voulu que les administrateurs , soit
laïques ou ecclésiastiques, rendissent compte
tous les ans à l'évêque, si ce n'est que le con-
traire fût expressément contenu dans la fon-
dation : que si, par la coutume ou par privilège,
ou enfin par quelque statut particulier, les
comptes se rendaient à d'autres personnes, on
fût toujours obligé d'y faire intervenir l'évêque
(Sess. 22, C. IX.)
Enfin il a donné aux évèques le pouvoir de
disposer, pour l'avantage des pauvres, en la
meilleure manière qu'ils le pourraient, des
fonds et des revenus des lieux non sujets aux
réguliers, où l'hospitalité ne se garde plus ,
ajoutant qu'à l'avenirces administrations d'hô-
pitaux ne soient plus confiées à la même per-
sonne que pour trois ans, à moins que le
contraire ne lût déterminé par la fondation
Sess. 25, e. vin).
Je ne m'arrêterai pas à rapporter les décrets
des conciles de Milan sur ce sujet (Conc. Med. i,
par. m, c. i).
L'assemblée de Melon, en 1579, renouvela le
décret du concile de Vienne, qui commet les
évèques pour empêcher que les revenus dis
hôpitaux ne soient divertis a d'antres usages ,
voulu! qu'on leur en rendit compte et remarqua
que le concile de Trente avait fait le même
règlement pour les fabriques des églises ; enfin
il défendit d'v recevoir les pauvres qui peuvent
travailler (Tit. de Hospitalib.),
DES ÎIOI'ITAIX DEPI'IS LAN MIL.
'M|
Le concile de Rouen, en 1581, déplora le
malheur des temps qui avaient vu ravir aux
évêques premièrement, L'intendance des fabri-
ques des églises, et ensuite celle des hôpitaux,
pour la donner à des laïques qui en étaient très-
évidemment plutôt les dissipateurs, que les
administrateurs.
« Sicut fabricarum ecclesiasticarum regimen
episcopis primum fuit ablatum, et ad laicos
translatum, ita posterius portio pauperum in
leprosarias et hospitalia diversi generis divisa,
demanibusepiscoporumetaliorumclericorum,
ad laicorum administrationein transiit. Sed
quanto Ecclesiarum et pauperum bono utra-
que commutatio contigerit, res ipsa loquitur.
A plerisque enim laicorum dilapidantur posses-
siones, etc. (Tit. deEpiseoporumoffic.,n.30 . o
C'est-à-dire qu'originairement tous les biens de
l'Eglise étant administrés par les évêques et
par les économes ecclésiastiques, la portion
qui en était destinée pour les réparations de
l'église, et celle des pauvres, était administrée
par les mêmes évêques et par les mêmes éco-
nomes, sans que les laïques s'en mêlassent.
Ensuite ce concile exhorte ces administra-
teurs laïques à s'acquitter de leur devoir,
les oblige à restituer ce qu'ils ont détourné à
d'autres usages , souhaite que ces administra-
tions deviennent triennales et comptables , et
que le pape nomme les évêques mêmes pour
réformer les hôpitaux où il y a des religieux
et des religieuses, mais où la régularité est très-
mal observée.
Le concile de Bordeaux en 1583 (Can. xvm),
renouvela presque les mêmes décrets du concile
de Trente, aussi bien que celui de Bourges en
1584. L'un et l'autre bannit des hôpitaux les
pauvres valides, aussi bien que celui de Nar-
bonne, en 1009. Celui de Toulouse, en 1590
(Can. xxxvm), ajouta aux décretsdu concile de
Trente une partie de ceux de saint Charles
dans ses conciles de Milan ; ce qu'il commença
par la publication du décret du concile de
Trente (Sess. 22, c. vin), qui soumet à la visite
de l'évèque, comme délégué du Saint-Siège,
tous les hôpitaux qui ne sont pas sous la pro-
tection immédiate des rois.
Bochel n'a pas marqué le temps du synode
d'Evreux, qui, après avoir déploré la dissipation
cruelle des hôpitaux et des fabriques dont
l'administration était commise aux laïques par
les ordonnances des rois, commande aux curés
de déclarer excommuniés ipso facto, dans leurs
prônes, tous les administrateurs d'hôpitaux ou
de fabriques, qui aliènent, ou emploient à
d'autres usages ce qui a été consacré a la nour-
riture des pauvres; de leur apprendre qu'ils
sont obligés à restituer, eux et leurs héritiers ;
enfin de défendre aux confesseurs de les ab-
soudre autrement qu'avec cette condition
(Bochel., Décret, i. Eecles. Gall.,pag. 316 .
VIII. Le roi François Ier, en 1543, chargea
ses officiers et les magistrats royaux de s'infor-
mer du revenu des maladreries. et, en cas que
les administrateurs ne fissent pas leur devoir,
d'en nommer d'autres qui seraient pourvus par
le grand aumônier (Bochel.. pag. 880, etc.).
En 1544, il exempta les maladreries et les hô-
pitaux de payer les décimes ou dons gratuits,
pourvu qu'ils ne fussent pas érigés en titre de
bénéfices. En 1545, il obligea les administra-
teurs a mettre tous les titres de fondation
entre les mains des juges royaux, qui prive-
raient de leur charge ceux qui y auraient mal-
versé.
Les cardinaux, les évêques et plusieurs sei-
gneurs s'opposèrent à la vérification de ces
édits,qui soumettaient absolument aux magis-
trats royaux, et retiraient de la juridiction des
évêques toutes les maladreries et les hôpitaux.
Le parlement ne laissa pas de passer outre,
permettant seulement aux évêques d'envoyer
quelques députés pour assister de leur part aux
comptes qui se rendaient aux juges royaux,
mais sans pouvoir s'opposer à leurs procédu-
res. L'ordonnance de ce même roi, en 1536,
voulut que les mendiants valides fussent con-
traints, même par châtiments, a travailler, et
que les invalides fussent distribués dans les
hôpitaux.
Le roi Henri II, en 1553, confirma tous ces
édits par une nouvelle déclaration. François II.
en 1560 et 1561, ne confirma pas seulement les
édits de son père et de son aïeul, qui obli-
geaient les titulaires mêmes ou benéficiers des
hôpitaux à se contenter d'un revenu certain et
réglé par les juges royaux, laissant tout le reste
pour les pauvres ; mais il régla cette somme à
cent quarante livres au plus, et il comprit aussi
les religieux et les religieuses des hôpitaux
dans la même obligation de se contenter, pour
leur nourriture et pour leurs vêtements, d'une
somme qu'ils recevraient des administrateurs.
Tous ces édits ou arrêts se fondaient sur la
décrétale du concile de Vienne dont' il a été
parlé ci-dessus. Et il est vrai qu'elles supposent
309 ltl' SECOND ORDRE I>ES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-ONZIÈME.
que ce sont des administrateurs laïques qui
gouvernent les hôpitaux, mais il ne paraîl pas
qu'elle les transfère de la juridiction des évè-
ques à celle des magistrats séculiers.
L'ordonnance de .Moulins, en 1566, art. 73,
outre qu'elle pressa l'exécution des édits précé-
dents, ordonna que chaque ville ou village
nourrirait ses pauvres, et que les habitants y
sciaient contraints par le maire ou les éche vins,
sans qu'ils pussent aller mendier ailleurs.
L'ordonnance de Blois. en 1579, art. 65, re-
nouvela les précédentes et défendit que les ec-
clésiastiques ou gentilshommes ne pussent être
commis pour gouverner les revenus des hôpi-
taux, mais de simples bourgeois, marchands
ou laboureurs Mémoires du Clergé, tom. ni,
lit. 4).
L'ordonnance de 1629, art. i-2. veut qu'on
fasse travailler les pauvres valides, et que les
invalides soient enfermés dans des hôpitaux,
où on les nourrira.
On peut voir dans Giossano (Lib. iv. c. 9),
1 1 rection que lit saint Charles d'un hôpital
pour les pauvres invalides, qu'il renferma, et
à qui il procura non-seulement un entretien
suffisant pour le corps, mais, ce qui était en-
core plus nécessaire, des secours spirituels
pour leur salut ; outre que, par cette institution
charitable, il délivra la ville et les églises d'une
foule importune de mendiants.
IX. Comme la lin de ces ordonnances et l'in-
tention de nos rois a été toute sainte, il ne faut
pas tant déplorer le retranchement qui a été
fait de l'autorité ecclésiastique que le mauvais
usage que les ecclésiastiques faisaient de ces
administrations, ou la négligence des évêques
à 5 remédier, puisque ce sont là les causes vé-
ri tables de ce retranchement.
Le concile de Trente a laissé les administra-
teurs laïques: ainsi il ne choque pas ces ordon-
nances ; mais il a rendu aux évêques toute, ou
presque toute leur ancienne autorité, en leur
donnant le droit de visite et de se faire rendre
compte dans toutes sortes d'hôpitaux.
(Test a quoi il faut espérer que l'usage du
royaume s'accommodera enfin. Si ce concile
ne ilonne nul pouvoir aux évêques sur les hô-
pitaux, que les particuliers peuvent ériger sans
l'intervention des évêques, et qui ne sont par
conséquent que des lieux profanes, les évêques
ne laissent pas d'y exercer d'ailleurs leur auto-
rite selon le même concile (Sess. xxu, c. 9 .
puisqu'après la mort du fondateur, ils doivent
veiller sur l'exécution de leur pieuse volonté; ils
doivent contraindre les exécuteurs négligents à
taire leur devoir, après cela ils deviennent eux-
mêmes les exécuteurs; enfin ils peuvent obli-
ger les administrateurs de leur rendre compte
tous les ans. selon le concile, à moins qu'il y
eût une clause contraire dans la fondation (Fa-
gnan. , 1. m, Décret., part, n, p. 20:2, etc.,
306, etc.i » (1).
] Il n'est pas inutile de savoir que sous le nom générique d'hô-
pitaux étaient compris plusieurs sortes de lieux pieux dont on ren-
ia désignation dans les auteurs et qu'il est important d'expli-
quer. Le S m ctaitualieuoù les pauvres pèlerins, v. \
étaient hébergés gratuitement; le Plochotrop/num donnait
ia nourriture aux pauvres, aux mendiants, aux indigents; le Bve-
photrophium recueillait tous les petits enfants des pauvres et les
sait; VOrj.tmuotrophium était le refuge des orphelins; le
Gerontoeomium recevait les vieillards et les infirmes de la vieillesse;
omtunt était le lieu destiné aux malades; le Goptophronium
était une maison u6i, dit un canoniste, feminœ debilium svslenta-
trices habitant. 11 y avait encore les Léproseries destinées à ce genre
de maladie, et 1 I ries où l'on distribuait des secours en na-
ns les pauvres. Outre l'ordre de Saint-Jean-de-Dieu, con-
l service des hôpitaux, il y avait encore l'ordre des Jésuates,
fondé par saint Jean Colorobin, qui desservait les hôpitaux, et dans
ses couvents se livrait à la pharmacie et distribuait gratuitement des
.t tous Les pauvres. Sur la demande de la république de
, qui voulait s'approprier les biens considérables des Jésuates
pour la guerre contre les Turcs, Clément IX supprima cet ordre
en 1G6£. Il possédait plusieurs maisons à Rome, entre autres le cou-
vent et la belle église des sainte Jean et Paul sur le mont Ccelius.
i itaux , comme les monastères et les évèchés, pouvaient
être curés primitifs, et alors la paroisse était régie par un vicaire
H 1 à portion congrue, à la nomination des recteurs de l'hô-
pit I, sans i'.ibscr par le concours requis pour les cures.
La révolution a complètement sécularisé les hôpitaux, et le clergé,
qui les avait presque tous fondés, n'a plus aucune part d'action dans
. es établissements. En abolissant les dimes, l'Assemblée nationale,
par décret du 11 août et 21 septembre 1789, ordonna que désormais
l'Etat pourvoierait à l'entretien des hôpitaux. Par un autre décret de
décembre 1789, elle confia l'inspection et l'amélioration de ces éta-
- nts aux administrations départementales. Le 16 juillet 1791,
la Convention réunit l'actif et le passif des hôpitaux au domaine na-
tional. Aujourd'hui tous les hôpitaux et hospices publics sont des
établissements civils, quelles que soient leur origine et leur destina-
tion. Dans les départements, ces établissements charitables sont sous
la direction des préfets, dans les communes, sous la direction d'une
commission de cinq membres nommés par le préfet. On a eu telle-
ment peur de l'action du clergé dans ces asiles ouverts à toutes les
souffrances, que, même dans les bureaux de bienfaisance des com-
munes rurales, le curé ne fait pas partie de la commission adminis-
trant à l'exercice du culte dans les hôpitaux, d'après une circu-
laire ministérielle du 11 septembre 1803, leurs chapelles peuvent
cire érigées en cures, ou en succursales, ou en chapelles domestiques.
Les frais du culte doivent être affectés sur les revenus généraux de
l'établissement. Le service intérieur des hôpitaux peut être confié à
urs de charité, sur la présentation et la surveillance de la
ssion administrative de l'établissement.
(Dr André.)
DES BASILIQUES ET DKS CHAPELLES, i n
303
CHAPITRE QUATRE-V1X( iT-DOUZIKMK.
DES BASILIQUES ET DES CHAPELLES DES MARTYRS, DES ORATOIRES DANS LES CHATEAUX ET |i\\s
LA MAISON DES GRANDS, PENDANT LES PREMIERS SIÈCLES DE L'ÉGLISE.
I. Cinq sortes de bénéfices qui se distinguent par les lieux où
les bénéficiers sont attachés.
II. Du garde de la confession, ou du tombeau des martyrs à
Rome.
III. Des chapelles ou des mémoires des martyrs, eu Orienl et
en Occideut.
IV. Les prêtres avaient souvent ces charges, même les moines.
V. Preuves du concile de Calcédoine.
VI. Qui soumet tous ces bénéficiers à l'évêque.
VII. Il y avait aussi des églises dans les châteaux et dans les
maisons de campagne.
VIII. Il fallait que ces églises fussent fréquentées.
IX. Saint Chrysostome exhortait tous les riches à bâtir des
chapelles et à avoir des chapelains dans leurs maisons des champs.
X. On célébrait les divins mystères et l'oftice dans ces cha-
pelles.
XI. Les cimetières étaient la même chose que les chapelles
des martyrs.
XII. On eut dévotion de se faire enterrer dans les chapelles
des martyrs. Saint Augustin approuve cette dévotion.
XIII. Profond respect des fidèles, selon saint Jérôme, pour ces
oratoires des martyrs.
XIV. Oratoire portatif de Constantin dans les armées.
XV. Oratoires pour enterrer les solitaires, qui étaient les mar-
tyrs de la pénitence.
XVI. Dès le temps de saint Antoine.
I. Le sixième canon du concile de Calcédoine
a distinguo cinq sortes de bénéfices, par l'atta-
chement que les bénéficiers devaient avoir à
l'Eglise à laquelle leur ordination les asser-
vissait.
Ce concile commande que les ordinations ne
se lassent jamais autrement qu'en liant et
assujétissant les ecclésiastiques à l'église d'une
ville, ou d'un village, ou à la chapelle d'un
martyr ou à un monastère. « Nisi specialiter
in ecclesia civitatis , aut pagi, aut in martyrio,
aut in monasterio (Can. vi). » Dans un des ca-
nons suivants, il l'ait dépendre de l'évêque
les clercs des monastères et des hôpitaux.
« Clerici monasteriorum et ptochodochiorum
(Can. vin). »
Voilà cinq lieux différents qui sont autant
d'espèces différentes de bénéfices. Nous avons
parlé des paroisses des villes et des villages en
parlant des curés. Nous avons traité des béné-
ficiées commis au gouvernement des hôpitaux,
et à la direction des monastères mêmes. 11 ne
nous reste donc plus qu'à découvrir la nature,
l'origine et les devoirs de la cinquième espèce
de bénéficiers attachés aux chapelles ou aux
oratoires des martyrs : ce qui nous engagera a
dire aussi quelque chose des autres oratoires
qui étaient, ou dans les maisons des particu-
liers, à la campagne, ou dans le palais des
princes.
II. Le concile romain, sous le pape Sylvestre,
si nous en croyons les abrégés qui en ont été
publiés, et qui ont été cités il y a plus de neuf
cents ans, parle de l'ordre de ceux qui étaient
commis à la garde des tombeaux des martyrs.
et le relève même au-dessus du sous-diaconat.
« Si quis desiderat in Ecclesia militare . aut
proficere , sit prius ostiarius, lector, exorcista
per tempora, quae episcopus constituerit.
Deinde acolythus annis quinque, subdiaconus
annis quinque, custos martyrum annis quin-
que, diaconus annis quinque, presbyter annis
tribus. »
Cette règle d'interstices est rendue justement
suspecte, par l'extrême dissemblance qu'elle a
avec celle du pape Sirice, et des papes suivants,
dont il a été parlé ci-dessus. Mais comme ce
décret ne laisse pas d'être très-ancien, et qu'il
est rapporté en mêmes termes dans la vie du
pape Sylvestre, qui se lit dans le livre ponti-
fical , nous avons toujours sujet de croire que
ce bénéfice de garde des tombeaux des mar-
tyrs était de grande considération.
Selon le même livre pontifical , le pape
Léon I" mit des gardes aux tombeaux des Apô-
tres : « Super sepulcra Apostolorum ex clero
roniano custodes constituit, quidicuntur cubi-
cularii. »
III. Le concile de Gangres (Can. xx), re-
tranche de la communion ceuxqui témoignent
de l'aversion et du mépris pour les sépulcres
des martyrs, les assemblées qui s'y l'ont, et les
sacrifices qu'on y célèbre, uûvoÇeis, XsiTou^îa«, u.-<i-
u.%;. Voilà constamment un oratoire qui peut
30 i DU SECOND" ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-DOUZIÈME.
passer pour un bénéfice; mais il ne paraît pas
qu'il y eût des prêtres ou d'autres ecclésias-
tiques qui fussent particulièrement destinés à
y faire Le service divin. Il se pouvait faire que
lévêque y envoyait ceux qu'il jugeait à propos
aux jours de leur fête.
Le concile V de Carthage (Can. xiv), or-
donne que les évêques abattent tous ces autels
et tous ces monuments de martyrs, » altaria
quae passim per agros aut vias lanquam mé-
morise martyrum constituuntur, » s'il n'y a
des marques et des preuves certaines, ou des
reliques d'un vrai martyr, ou de l'histoire et
du lieu de son martyre. Cela nous porterait
encore plus à croire qu'il n'y avait point d'ec-
clésiastiques affectés à desservir ces lieux, et
qui pussent en être appelés les bénéfieiers. Le
pape Célase condamne aussi ces oratoires de
faux martyrs (Epist. ix).
IV. Mais le concile de Calcédoine (Conc.
Calced., act. i), nous montre nettement qu'au
moins en Orient il y avait des prêtres et d'au-
tres ecclésiastiques singulièrement appliqués
à ces mémoires des martyrs. On relut dans ce
concile les Actes du concile tenu à Constanti-
Dople, sous le patriarche Flavien, où il est sou-
vent parlé d'Abramius, prêtre d'un de ces monu-
ments dans les faubourgs de Constantinople.
« Preshyler inartyrii quod es! in Septimo A.ct.
iv.) » Mais dans un autre endroit du même
concile de Calcédoine, il est parle d'une troupe
tout entière de bénéfieiers. « Elpidius monu-
mentorum Procopiensium custos est, u.-m-.'.-.j-
i*l tmv npoxomcu. Eutychius in marlyrio Cele-
rinae est. Theodorus in memoriis habitat,
l*6jAipiTYi5 l<rcîv. Ilypses in monumentis habitat,
liabens duo vel tria nomina in xyloeireo;
p.£u.op(TYiç, £■/,(■« 5ûo a, -rpia ôvo'jiaTtt. Paulus habitat
solitarie in monumento ; [jidvaç ùnli àç p.E[io'pisv.
Caudentius habet quinque nomina in monu
mentis. »
Il est vrai que c'étaient des religieux, mais
ils étaient aussi pour la plupart prêtres, et ils
avaient des fidèles sous leur conduite, comme
il paraît par ces termes, « duo nomina, quin-
que nomina. » Ainsi on ne peut nier que ce
ne lussent des bénéfieiers. Les archimandrites
demandèrent seulement que ces moines qui
vivaient seuls, et qui desservaient ces oratoires
des martyrs, ne pussent porter le nom d'abbé
ou d'archimandrite. « Ut non se dicant archi-
mandritas, qui in monumentis habitant. »
V. Les canons de ce concile dissiperont in-
failliblement tous Us doutes, et lèveront toutes
les difficultés qui pourraient rester. Car les
Pères de ce concile (Can. vi), défendent d'or-
donner des prêtres , des diacres, ou quelque
ecclésiastique que ce soit, sans l'attacher et
l'assujétir au service d'une église, ou dans la
ville, ou dans un village, ou dans une chapelle
des martyrs, ou dans un monastère. £; p.r> ;.Woç
ev exxAinaia ■
ùç, ï, xto|j.'/i;, y, fAapTuptM, y, pwvoumpitt.
Il y avait donc des prêtres , des diacres , et
d'autres ecclésiastiques qu'on ordonnait non-
seulement pour les églises des villes et des
villages , mais aussi pour les oratoires con-
sacrés aux martyrs, et pour les monastères ; et
ils étaient tous indifféremment obligés de ré-
sider et de servir dans ces lieux, auxquels ils
étaient comme consacrés.
VI. Ce même concile (Can. vm) soumet in-
dispensablement à la juridiction de Ï'évêque,
les clercs qui ont la conduite des hôpitaux et
des monastères. Si xxvipuwî ~&i im>yfim, x%\ ™» acvao-
rcfiuv. Enfin, ce concile (Can. x .ordonne que les
clercs qui ont été transférés d'une église à une
autre, ne puissent plus toucher aux revenus
de leur première église , ou des chapelles des
martyrs, ou des hôpitaux qui lui sont soumis.
Ces hôpitaux sont de deux sortes dans ce canon,
les uns pour les pauvres, les autres pour les
[cassants ; ïftcù^eûùv, yi £&vo$oxeid>v.
VII. Le concile I" de Tolède (Can. v) blâme
les prêtres, les diacres, les sous-diacres et les
autres clercs qui n'assisteront pas à l'office di-
vin qu'on célèbre dans l'église d'une ville, ou
d'un château, ou d'un village, ou d'un ha-
meau : « In loco in quo ecclesia est, aut ca-
stello, aut vico, aut villa, » s'ils se trouvent ou
présents, ou peu éloignés de ces lieux.
VIII. Ces châteaux, où ce canon permet de
célébrer les saints mystères, étaient apparem-
ment des lieux fréquentés par un nombre con-
sidérable de peuple, car le concile de Laodicée
(Cap. lviii) avait défendu de dire la sainte
messe dans les maisons des particuliers. « Quod
non oportet in domibus oblationes celebrari
ab episcopis vel presbyteris. » On pourrait néan-
moins répondre que ce concile ne parle que des
maisons de la ville, et non pas de celles de la
campagne.
IX. Car saint Chrysostomc a employé les
plus pressantes exhortations pour obliger les
personnes de qualité de bâtir et de doter des
églises, bu des chapelles dans leurs maisons de
campagne, et d'y avoir un prêtre, un diacre,
DES BASILIQUES ET DES CHAPEJ LES, btc.
305
ou d'autres ecclésiastiques pour > célébrer le
terrible et saint sacrifice tous les dimanches,
pour y chanter l'office du matin et du soir,
pour y bénir la table, pour y instruire les en-
fants et les domestiques; enfin, pour y attirer
par leurs prières toutes les bénédictions du
ciel. Ce Père ne se contente pas de les j ex-
horter, il en fait un commandement; il ne
veut pas qu'en ait égard, ni qu'on s'en excuse
sur la proximité d'une autre église; entiu il
juge que les aumônes mêmes ne doivent pas
être préférées à une œuvre si sainte et si né-
cessaire.
« Oro ac supplico, et gratiam peto, imo et
legem pono, ut aullus qui habet villam. appa-
reat, carere ecclesia. Ne mini dixeris, prope
est, in vicinia est, magnus est sumptus. non
magnum coinmodum : Si quid habes insu-
mendum in pauperes, illuc insume. Melius
illuc, quam ibi. Educa magistrum, educa dia-
conum et sacerdotalem ordinem, etc. Yenera-
bilis erit et presbyter postea, et ad securitatem
agri conducet. Preces illic perpétua? propter
te, laudes et synaxes propter te; oblatio per
singulos dies Dominicos. Quale est matutinis
vespertinisque hymnis prœsentem esse, et si-»
mul prandentem sacerdotem videre, etc. An
parum est in sanctis oblationibus nomen tuum
referri, etquotidie pro villa preces ad Deum
fieri? (In Acta., hom. xvm) »
Enfin ce saint et éloquent Père les presse de
se joindre au moins deux ou trois pour bâtir
et pour renter une de ces églises dans leurs
maisons des champs. « Et si quidem très fue-
rint domini. in commune conférant : si autem
unus, et aliis viciais suadeat. »
X. Il est sans doute que ce conseil ou ce
commandement de saint Chrysostome fut l'o-
rigine d'un fort grand nombre d'églises et de
bénéfices à la campagne, ou quoiqu'on ne cé-
lébrât l'auguste sacrifice que les jours de di-
manche, on y chantait néanmoins tous les
jours, au moins au soir et au matin, les louanges
de Dieu, et les fidèles y assistaient. C'est de ces
sortes de lieux qu'on peut entendre les canons
des conciles de Calcédoine et de Tolède qui ont
été rapportés.
XI. Le même saint Chrysostome nous ap-
prend ailleurs que les chapelles des martyrs ci
les cimetières étaient la même chose, parce
que c'était le lieu où les corps des martyrs
étaient ensevelis, et où ils dormaient du som-
meil des justes, en attendant le jour tant dé-
siré de leur résurrection glorieuse. A quoi il
faut ajouter que les fidèles avaient une extrême
passion de se faire enterrer auprès des saints
martyrs, afin de participer a leurs mérites et
aux sacrifices qui se faisaient sur leurs tom-
beaux : a Cujusrei gratis in hoc martyrio con-
gregamur? quia hic mortuorum multitudo sita
est. <)b id etiam ipse locus cœmeterium appel-
latur; ut discas mortuos qui hic siti sunt, non
morluos esse, sedsomnoconsopitosesse etdor-
mire (Tom. v, serm. xu, pag. 182). »
Socrate dit que les fidèles d'Alexandrie fuyant
la communion de l'évêque arien Georges ,
firent leurs assemblées et leurs prières dans un
cimetière (Socrate, 1. n. c. xxm).
XII. Saint Augustin a écrit un livre merveil-
leux sur ce même sujet : De cura pro mortuis
gerenda, où il reconnaît que la piété de ceux
qui se faisaient enterrer dans les Basiliques des
Martyrs , n'était pas sans fondement , parce
qu'il n'y a nul doute qu'ils n'aient part aux
prières et aux sacrifices qui s'y font même en
général pour tous les morts (Cap. iv,v. etc.). Ce
même Père donne le nom de Cimetière aux
mémoires ou aux oratoires des martyrs (Epist.
lxiii).
XIII. Saint Jérôme parle aussi des Basiliques
(1rs Martyrs et des sacrifices qu'on y offrait par
toute la terre. Car voici comme il réfute Vigi-
lance, qui s'était insolemment emporté, aussi
bien qu'autrefois Eunomius, contre cet usage
de l'Eglise : « Maie facit ergo Romanus epi-
scopus, qui super mortuorum hominum Pétri
etPauli, secundum nos ossa veneranda, se-
cundum te vilem pulvisculum offert Domino
sacrificia, et tumulos eorum Christi arbitratur
ait nia? Et non solum unius urbis sed totius
orbis errant episcopi. qui cauponem Vigilan-
timn contemnentes , ingrediuntur basilicas
mortuorum (Adversus Vigilan.). »
Le respect pour ces basiliques des martyrs
était si extrême, que saint Jérôme témoigne
qu'il n'osait lui-même y entrer, lorsqu'il pen-
sait q ne la pureté de son âme avait été souillée
par les moindres fautes et les plus vénielles :
« Ego confiteor timorem meum, quando ira-
tus fuero, etaliquid mali in animo meo cogita-
vero, et me nocturnum phantasma deluserit,
basilicas martyrum intrare non audeo. Ita totus
et corpore et animo perhorresco. »
Ainsi, quoiqu'Optat eût assuré, dans son
troisième livre, qu'on avait commencé d'ense-
velir dans les églises : « Cum aliqui in basilicis
Tu.
Tob. II.
20
306 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-TREIZIÈME.
sepeliri cœpissent, etc., » il semble faire con-
naître, dans le sixième, qu'il y avait des cime-
tières proches des basiliques pour la sépulture
des fidèles. Car il reproche aux donatistes de
n'avoir usurpé les basiliques que pour se ren-
dre maîtres de tous les cimetières : « Ad hoc
basilicas invadere voluislis, ut vobis soliscimi-
teria vindicetis, non permittenles sepeliri cor-
pora catholica. »
Voilà comme le respect empêchait plusieurs
de se faire enterrer dans les basiliques des
martyrs.
XIV. L'oratoire portatif de l'empereur Cons-
tantin ne doit pas être oublié, puisqu'il y avait
un nombre considérable d'ecclésiastiques qui
y faisaient le divin office, et qui accompa-
gnaient toujours ce pieux empereur dans toutes
ses campagnes. Eusèbe, Socrate, Sozomène et
Théodoret en ont parlé comme d'un trophée
de l'Eglise qui triomphait de ses ennemis
(Socrate, 1. 1, c. xi\).
XV. Voici une autre sorte d'oratoire fort sur-
prenante. Théodoret dit que le solitaire Marcien,
faisant briller de toutes parts les rayons de son
incomparable vertu, plusieurs lui bâtirent des
oratoires, <JTEy.oùçEùxTr,pi«)ç, pour l'y attirer : ceque
le saint ayant appris, il lit jurertrois de ses con-
fidents d'enterrer son corps après sa mort, et
de n'en découvrir le lieu à personne ( Hist.
Relig., c. m). Ainsi son sépulcre étant demeuré
inconnu l'espace de cinquante ans, les oratoires
qu'on lui avait préparés furent consacrés, les
uns aux apôtres, les autres aux martyrs, dont
on y porta des reliques.
Le saint solitaire Maron ne fut pas si heureux
à donner des preuves de son humilité même
après sa mort. Car après une longue contesta-
tion entre les peuples divers qui prétendaient
d'emporter son corps, ceux des villages voisins
l'enlevèrent et lui bâtirent un temple magni-
fique, arwov |ii-fioTov , où ils s'assemblaient pour
célébrer ses louanges et recevoir ses bien-
faits (Ibid. c. xvi).
Jacques exerça sur le haut d'une montagne
toutes les éminentes vertus d'un parfait soli-
taire (Ibid. , c. xxi). On lui bâtit avant sa
mort une grande chapelle dans le village voi-
sin ; et Théodoret même lui prépara un sépul-
cre. Ce saint religieux en étant averti fit pro-
mettre à Théodoret qu'on l'enterrerait sur sa
montagne ; Théodoret y fit transporter son
tombeau, et afin que les pluies et la gelée n'en
gâtassent pas la pierre, il y bâtit une petite
chapelle. Jacques, pour ne pas Souffrir que ce
fût là son mausolée, y assembla des reliques
des prophètes, des apôtres, et des martyrs, pour
habiter avec les saints après sa mort, et pour
ressusciter un jour en leur compagnie. « Cum
sanctorum populo habitare cupiens, et cum
eis resurgere (Ibid., c. xxiv). » Zébinas se lit
admirer durant sa vie par ses austérités, et
après sa mort par les fréquents miracles qu'il
faisait dans un grand temple qu'on lui avait
bâti, aTY.y.ov fi-E-j-Earov.
XVI. Saint Jérôme dit que le lieu de la sé-
pulture de saint Antoine fut inconnu, selon les
ordres qu'il en avait donnés, de peur qu'on n'y
bâtît une église. « Ne Pergamus qui in illis
locis ditissimus erat, sublato ad villam suam
sancti corpore , martyrium fabricaret. » On
rendit à ces admirables solitaires les mêmes
honneurs qu'aux martyrs, parce qu'ils furent
les martyrs de la pénitence (In vita Hilario-
nis).
CHAPITRE QUATRE-VINGT-TREIZIEME.
DIFFÉRENTS TITRES DE DIVERS BÉNÉFICES : HOPITAUX, ORATOIRES, CHAPELLES EN ORIENT
ET EN ITALIE, AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. D'où vient le terme de titre, selon saint Grégoire.
II. Divers bénéfices, diverses sortes d'hôpitaux et de monas-
tères eu Orient.
III. Diverses sortes d'oratoires.
IV. Hôpitaux, où il y avait des administrateurs, d'autres où il
y avait des clercs ordonnés pour cela.
DES DIFFÉRENTS TITRES DES BÉNÉFICES.
307
V. On ne devait point célébrer ni baptiser dans les oratoires
dumestiques que par dispense, et elle devait être très-rare.
VI. Des oratoires du palais épiscopal et du palais impérial.
Quels oratoires pouvaient passer pour des bénéfices.
VII. VIII. Des oratoires, en Italie, servis par des prêtres pro-
pres, ou par des prêtres envoyés par l'é.vêque, ou par des
moines, pour la commodité des dames ou des évêques.
IX. Tous les monastères n'avaient pas encore de prêtres de
leurs corps.
X. XI. XII. Autres oratoires, qui étaient bénéfices simples,
mais qui obligeaient à résider. On ne les refusait pas aux pau-
vres pri
XIII. Autres oratoires qui ont été changés en cures. D'où
vient le patronage des laïques. Qu'est-ce qu'un prêtre cardinal?
XIV. Diverses remarques de saint Grégoire sur les hôpitaux.
Les administrateurs étaient des ecclésiastiques, des prêtres, des
diacres, des abbés.
XV. Des prêtres qu'on ordouuait pour les monastères des re-
Ugieux et des religieuses.
XVI. Les administrations des hôpitaux ne se pouvaient vendre
non plus que les bénéfices.
XVli. Des prévôts des monastères.
XVIII. XIX. Ils étaient nommés par les évêques. Les abbés
les choisirent ensuite.
XX. Des prieurs et des doyens.
I. Plusieurs sortes de titres et de bénéfice!;
se sont présentés dans les chapitres précédents,
que nous n'avons pu toucher qu'en passant et
qu'il Faut examiner dans celui-ci, avant que de
passer aux monastères et aux abbayes, dont
nous avons aussi découvert la liaison très-
étroite avec les séminaires et les chapitres.
Le terme de titre était dans l'usage ordinaire
au temps du grand saint Grégoire, et on s'en
servait pour exprimer les voiles, ou pannon-
ceaux qu'on attachait aux maisons et aux terres
qu'on appropriait au fisc du prince ou à l'Eglise.
Ce pape ayant appris que le défenseur Cons-
tance avait injustement mis cette enseigne de
l'église à la maison d'un notaire, « Domum ade-
fensore irrationabiliter titulatam, » il la fit ôter,
et commanda qu'on rendît la maison a la veuve
du notaire défunt : « Deposito titulo domum
restituas [L. i, ep. 63,. » Les clercs mineurs,
qui étaient les dispensateurs du patrimoine de
l'Eglise, se donnaient souvent cette liberté, et
commençaient à faire éclater leurs prétentions
sur quelques fonds de la ville ou de la cam-
pagne, en y attachant ces enseignes de l'Eglise.
Ce saint condamna cet abus dans un concile
romain, dont voici les termes : « Consuetudo
nova in Ecclesia bac et valde reprehensibilis
erupit, ut cum redores ejus patrimonii urbana.
vel rustica praedia. juri illius competere posse
suspicantur, tiscali more titulos imprimant :
atque hoc quod competere pauperibus œsti-
mant, non judicio . sed manibus défendant
(L. îv, ep. -il . » 11 prononce ensuite anathème
contre ceux qui en useront à l'avenir de la
suite, sans forme de jugement, sua sponte.
Mais il tant venir aux titres particuliers des bé-
néfices.
II. Commençons par l'Eglise grecque, puis-
que c'est par elle que nous avons fini le cha-
pitre précédent. Justinien, disant qu'il faut
r< gler sur les mêmes lois tous les lieux qui
appartiennent à l'Eglise, et tous les hôpitaux,
il en nomme plusieurs espèces : « Inam exi-
stimamus oportere legislationem imponereom
nibus sanctissimarum Ecclesiarum, xenodo-
chiorum, nosocomiornm, ptochotrophiorum ,
monasteriorum , brephotrophioruin , geron-
tocomiorum et totius sacrati collegii rébus
Novell, vu). »
Voilà des églises, des abbayes et des hôpi-
taux de cinq sortes : pour les passants, pour les
malades, pour les pauvres, pour les enfants,
pour les vieillards. 11 en nomme ensuite les
bénéfîciers : « Nec aliquem xenodochum, aut
ptochotrophum, aut nosocomum, aut orpha-
notrophum, aut brephotrophum, aut geronto-
coniuin, aut monasterii virorum vel mulierum
abbatem vel abbatissam. » Aux cinq hôpitaux
précédents il ajoute celui des orphelins, et, un
peu plus bas, il ajoute aux monastères ceux
qu'il appelle Asceteria. Il y nomme aussi les
économes, comme il fait très-souvent ailleurs,
aussi bien que les sacristains, qu'il appelle
Cimeliarchas, y^û.^*, auxquels il donne le
rang de prêtres (Nov. xl.)
Saint Jean l'Aumônier, patriarche d'Alexan-
drie, fonda des hôpitaux pour les passants, pour
les malades, pour les pauvres. Il destina sept
maisons pour y faire accoucher plus commo-
dément celles qui étaient pauvres, et pour y
nourrir leurs enfants (Baronius, an. 610, n. 8).
III. Ce même empereur défendit, par une
autre constitution, tous les oratoires domesti-
ques où l'on faisait célébrer les divins mys-
tères, n'eu permettant que pour y faire des
prières en particulier, et réservant la célébra-
tion des divins mystères aux églises publiques:
« Urationis solius gratia, et nullo celebrando
penitus eorum, quae sacri sunt niysterii, hoc
eis permittimus (Nov. lviii). »
Il permet néanmoins les oratoires séparés,
pourvu que l'on obtienne des ecclésiastiques
de l'évèque diocésain pour y célébrer le saint
sacrifice : « Invidia enim nulla est, si velint
citra haec habere habitacula qutedam, et in eis
tanquam in sacris orare, aliis autem omnibus
abstinere : nisi tamen in eis voluerint aliquos
308 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINCT-TREIZIÈME.
invitare clcricos , hic quidem sanctissimœ ma-
joris Ecclesiœ, et sub ea sanctissimaruni do-
înuum, voluntate ac probatione sanctissimi
arcbiepiscopi ad hoc deputatos : in |>ro\incia
vero Deo amabilium episcoporum (Nov. cxxxi,
c. 8). » Où il faut remarquer que ce prince
ne veut pas qu'on ordonne des clercs ou des
prêtres pour ces chapelles particulières, mais
que l'évêque députe quelques-uns de ceux qui
sont déjà ordonnés dans les églises publiques,
pour y aller célébrer.
IV. Justinien semble néanmoins supposer
ailleurs que, comme il y avait plusieurs églises
dans une ville dont l'évêque gouvernait le
temporel, ou par lui-même, ou par son clergé :
« Vel per seipsum, vel per venerabilem cle-
rum, » il y avait aussi des oratoires dont le
temporel n'était administré que par le clergé
propre, qui y faisait le service : « Si quidem ve-
nerabilia esse contigerit oratoria, cum volun-
tate majoris partis ibidem divina celebrantium
clericorum, vel œconomi (Nov. cxx, c. C). »
Enfin il dit que le temporel des hôpitaux de-
vait être manié par les directeurs qui en
doivent rendre compte aux évêques, de qui ils
tiennent ou leur promotion, si ce sont de sim-
ples officiers; ou leur ordination, s'ils sont ec-
clésiastiques ou même prêtres : « In prsesentia
episcopi, a quo pneponuntur, aut ordinantur,
wpopoùOtorrtti t, xeiporovoûrrai. »
V. Dans le VI" concile général parut Anastase,
prêtre et moine des oratoires du patriarche de
Constantinople : « Anastasio presbytère et mo-
nacho oratoriorum venerubilis hujus patriar-
chii (Act. 2). » C'étaient apparemment ou des
oratoires, ou des monastères qui appartenaient
plus particulièrement au patriarche de Cons-
tantinople, et qui relevaient plus immédiate-
ment de lui.
Le concile in Trullo (Can. xxxi) nous montre
que la déclaration de Justinien n'avait pas été
observée touchant les oratoires. Quoiqu'ils fus-
sent compris dans la maison des grands, il y
avait des ecclésiastiques qui y célébraient les
divins mystères, et même qui y donnaient le
baptême , avec la permission de l'évêque :
a Clericos qui in oratoriis, quse sunt intrado-
mos, sacra faciunt, vel baptizant, hoc illius loci
episcopi sententia facere debere decernimus. »
Les évêques ne doivent donner cette per-
mission que très-rarement pour le baptême,
puisque ce concile défend ensuite qu'on ne
donne plus le baptême dans les oratoires do-
mestiques. « In a'de oratoria quae est intra do-
mum, baptismusnequaquam peragatur (Can. l,
Justinian. nov. 58). »
Ce règlement fut fait contre les demi-euty-
chiens, qui célébraient les sacrements dans ces
oratoires en secret. De là vient que ce canon
veut qu'on porte les enfants qu'il faut baptiser
dans les églises catholiques. « Ad catholicas
ecclesias accédant. »
Les archimandrites s'étaient plaints, dans le
concile de Constantinople, sous Menas, de ces
assemblées schismatiques des Sévériens : « In
propriis domibus ac suburbiis altaria erigunt
et baptisteria, in oppositum veri al taris, et
sancti fontis. » Justinien condamna toutes ces
entreprises des hérétiques, dans une de ses
novelles.
VII. L'incomparable patriarche d'Alexandrie,
Jean l'Aumônier, célébrait souvent dans son
oratoire domestique, « In oratorio cubiculi sui
perfectam fecit synaxim (Cap. xxv, xxxviu,
xli). » Il célébrait seul dans son oratoire avec
un seul ministre et en présence d'un seigneur
irréconciliable avec ses ennemis, quand, ayant
dit eux trois les quatre premières demandes de
l'oraison dominicale, il se lut, et fit taire son
ministre, laissant dire la cinquième à ce sei-
gneur, afin de prendre aussitôt l'occasion de
l'exhorter à une parfaite réconciliation , ce
qu'il lit. Enfin, ce saint patriarche, voulant
empêcher le peuple de sortir de l'église avant
la fin de la messe, leur remontra que, pouvant
dire la messe dans l'évèché, il ne descendait
que pour eux à l'église : « Ego propter vos de-
scendu in sanctam ecclesiam , nam poteram
facere mihimet niissas in episcopio. »
Il est vrai que ces chapelles ne pouvaient pas
passer pour des titres de bénéfice, non plus que
celles des maisons particulières, soit que les
laïques seuls y fissent leurs prières, ou que
l'évêque y envoyât extraordinairement les
ecclésiastiques des autres égides pour y offi-
cier; mais on ne peut nier qu'il ne faille mettre
au nombre des bénéfices les oratoires dont
parle le concile in Trullo, où il y avait des
clercs uniquement occupés à y faire le divin
service, et où il ne leur est défendu que de
donner le baptême.
Il est aussi difficile de refuser ce rang aux
chapelles qui étaient dans le palais impérial,
car, Théophane dit qu'Héraclius se fit couron-
ner, avec l'impératrice sa femme, par le patriar-
che Sergius, dans la chapelle du palais impé-
DES DIFFÉRENTS TITRES DES BÉNÉFICES.
309
rial, où il le maria aussi, ivr» tm-nç >£> «s à-p >
2t»ç«vou Ivto irax«TK». Cette chapelle était dans le
palais même, et partant bien différente de
cette église de Notre-Dame qui en était pro-
che, et que l'empereur voulait détruire pour la
transporter ailleurs, selon le même Théophane,
et bâtir en sa place une fontaine magnifique et
un logement pour ceux de la faction bleue :
« In ejus solo fontis macliinam. et venetœ l'a-
ctionis sedilia extruereannitebatur. » Le patriar-
che, pressé par l'empereur de faire i|ueli|ue
prière qui excusât ou autorisât ce transport,
répondit que l'Eglise avait des prières pour
bâtir des églises et les consacrer, mais non pas
pour les profaner ou pour les détruire. Mais
enfin, le patriarche ne pouvant plus résister
à la majesté impériale, glorifia Dieu de sa
patience incompréhensible, « Dixit patriarcha :
gloria Deo, qui etiam hœc patitur, jugiter, nunc
et semper, et in saecula saeculorum. Amen. »
A près quoi on ruina l'église, et on la transféra
ailleurs.
Cette histoire s'est trouvée sur notre chemin,
elle m'a paru trop singulière pour être omise,
et si elle n'est pas tout à fait en rapport avec
notre sujet, elle n'en est pas aussi fort éloignée.
VU. Le pape saint Grégoire le Grand nous
fera voir une conformité assez grande entre
les Latins et les Grecs sur la fondation des nou-
veaux bénéfices. Fne dame illustre voulut bâtir
un oratoire dans la ville de Rimini et le dédier
à la sainte Croix. Ce pape écrivit à l'évêque de
Rimini d'examiner premièrement s'il n'y avait
point eu de corps enterré dans ce lieu, de rece-
voir ensuite la donation de tous les biens de
celte dame, dont elle se réservait néanmoins
l'usufruit îles deux tiers, de consacrer l'ora-
toire sans messe solennelle et sans y établir de
piètre titulaire , si ce n'es! que cette dame lui
demandât un prêtre pour y célébrer la messe
et j faire lui seul tout le service , excepté le
baptême.
« Praedictum oratorinm absquemissis publi-
as solemniter eonsecratis, ita ut in eodem loco
nec futuris temporibus baptisterium construa-
tur , nec presbyterum constituas cardinalem.
Et si missas forte maluerit fieri sibi , a dile-
ctione tua presbyterum noverit postulandum :
quatenus nihil alias a quolibet sacerdote alio
ullatenus praesumalur (L. u, epist. 9; 1. mi.
ep. 7-2. 85; 1. vin, ep. 3 ; 1. x, ep. 12; 1. îx,
ep. 12).»
Voilà une chapelle sans ecclésiastiques, ou
bien avec un seul prêtre que l'évêque y envoie
pour y célébrer la messe , tous les revenus
ayant été unis a la inense capitulaire. (In peut
voir plusieurs exemples pareils dans les lettres
de ce saint pape, aussi bien qu'un oratoire do-
mestique de l'évêque de Narny, où il célébrait
la messe en particulier, « In episcopii oratorio
missas fecit (Homil. :t" in Evang.).»
Le formulaire pour l'érection d'une chapelle
ou d'un oratoire public, sans prêtre titulaire
se lit dans les lettres du pape Pelage, prédéces-
seur de saint Grégoire, qu'Holsténiusadonnées
dans la collection romaine.
Je me contente de citer à la marge les autres
lettres de saint Grégoire, où il parle des oratoi-
res , dont les uns avaient des prêtres particu-
liers et les autres n'en avaient point.
VIII. Voici un autre exemple un peu «Titrè-
rent et qui fera néanmoins mieux comprendre
le premier. Les prêtres à qui on avait confié
l'église de Saint-Pancrace , manquant souvent
d'y célébrer la messe lesjours de dimanche que
le peuple y accourait, « ita ut venientes Domi-
nico die populi , missarum solemniaaudituri ,
non invento presbytero murmurantes redirent
(L. m, ep. 18), » le pape saint Grégoire donna
cette église à des moines et à leur abbé Maure,
leur donnant en même temps toutes les terres
et les revenus ou le casuel de cette église, « ut
terras prafatae ecclesiœ, et quidquid illuc in-
traverit , seu de reditibus ejus accesserit, mo-
nasterio debeat applicari.» Ce terme introverti,
d'où est venu Yintrasta moderne des Italiens ,
m'a paru comprendre le casuel d'un lieu de
dévotion. Il les chargea en même temps de
faire l'office divin devant le corps du saint et
d'y faire dire la messe par un prêtre , auquel
ils donneraient son entretien et logement dans
le monastère , « ut peregrinum illic debeas
adhibere presbyterum , qui sacra missarum
possii solemnia celebrare ; quem tamen et in
nionasterio tuo habitare, et exinde vitae subsi-
dia habere necesse est. Sed et hoc prœ omnibus
cura1 tuae sit. ut ibidem ad sacratissimum cor-
pus B. Pancratii quotidieopus Dei proculdubio
peragatur. »
Voilà encore tous les biens d'une église unis
a une communauté qui ne donne que son en-
tretien au prêtre bénéficier.
IX. Cela nous apprend que tous les monas-
tères n'avaient pas encore des prêtres de leurs
corps. La nécessité les y obligea enfin. Aussi ce
saint pape écrivit à l'évêque de Païenne, en
310
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGT-TREIZIÈME.
Sicile , d'y faire élire un d'entre les religieux
du monastère qui était dans sa ville, et de l'or-
donner prêtre, afin que les religieux ne fussent
pas obligés ou de sortir de leur monastère ou
d'y appeler des étrangers : « Eum qui ad hoc
ministerium de eadem congregatione , cujus
vita, mores et actio , tanto possint ministerio
convenire, sine mora debeas consecrare; qua-
tenus nec ille de monasterio suo pro hac causa
egredi, necextraneum sibi ad peragendum sa-
crum opus , debeatadducere (L. v, ep. il ; 1.
îv, ep. -i3; 1. Il, ep. 56).»
Mais comme ces oratoires des religieux n'é-
taient que pour leur usage, et non pas pour le
public , ce pape défendit d'y dire des messes
publiques, c'est-à-dire où le peuple assistât, et
d'y souffrir de baptistère.
X. Jean, évêque de Syracuse, étant en procès
avec le patrice Vénantius, refusa son offrande à
l'autel et défendit qu'on célébrât la messe dans
sa maison. Le patrice envoya des gens armes
qui firent un étrange dégât dans la maison de
l'évèque. Le pape en étant averti leur manda
de poursuivre leurs différends par les voies ré-
glées de la justice, sans rompre la paix , ni
blesser la charité, et il manda particulièrement
à l'évèque de recevoir les offrandes du patrice,
et non-seulement de permettre qu'on dît la
messe dans sa maison , mais aussi de l'y aller
dire lui-même et y célébrer un double sacrifice
de paix.
a Adhortamur, quatenus oblationesejusom-
nino in dulcedine, et Deo placita debeatis sin-
ceritate suscipere, et in domo ipsius missarum
peragi mysteria permittatis, ut sicut scripsimus,
si forte voluerit , per vos debeatis accedere et
celebrando apud eum missas, priorem gratiam
reformare. »
Il n'est pas à croire que ces chapelles domes-
tiques des grands fussent fondées. Ce pape ne
l'eût pas oublié, car écrivant à l'évèque de
Saintes de la fondation qu'on voulait faire d'une
église en l'honneur de saint Pierre, saint Paul,
saint Laurent et saint Pancrace , où il y avait
treize autels, « atque illic altaria tredecim pro-
curasse » , il lui mande avant toutes choses d'y
procurer une fondation suffisante pour ceux
qui y serviront. « Provisuri ante omnia , ut
servientibus ibidem non debeant alimoniarum
déesse suffragia (L. v, ep. 50). » Nous en avons
cité plusieurs autres endroits sur le premier
passage tiré des lettres de ce pape.
XL l'ne dame de la Campanie avait un ora-
toire dans son château, qui était apparemment
un titre de bénéfice; car le prêtre qui le des-
servait ayant été élu pour l'évêché de Surrento,
le pape saint Grégoire voulut qu'on l'envoyât à
Rome pour l'examiner et qu'on demandât pour
cela l'agrément de cette dame , mais qu'on ne
laissât pas de l'envoyer quoiqu'elle refusât son
consentement , puisque le bien public mérite
sans doute d'être préféré à la satisfaction d'un
particulier.
« Presbyterum oratorii S. Severini , quod in
castro Luculano situm est, elegerunt, etc. Ad
nos transmitti débet, etc. Ne gloriosa filia no-
stra Clementina hoc moleste suscipiat, ad eam
tua experientia pergat, et eum ejus voluntate
hoc faciat. Sin vero reniti fortasse voluerit, hue
eum sine mora transmitte ; quia animi filiorum
nostrorum ita pacandi sunt , ut tamen aniina-
rum utilitas non debeat prœpediri ( L. vin,
ep. 18). »
Ce prêtre était certainement arrêté et fixé au
service et au titre de cette chapelle, mais le
pape n'avait pas perdu le pouvoir de l'en reti-
rer, pour le faire monter sur le trône épisco-
pal.
XII. C'étaient là sans doute des bénéfices
simples, parce qu'il n'y avait point de paroisse
ni de peuple, ni de charge d'âmes, mais ceux
qui en étaient pourvus ne laissaient pas d'être
obligés à la résidence et au service de l'autel.
En voici d'autres exemples.
Le pape saint Grégoire écrivit au prêtre
Candide, en France, a qui il avait commis le
gouvernement du patrimoine de saint Pierre,
répandu en divers endroits de la France, pour
lui recommander un prêtre français, nommé
Aurélius, qui était allé à Rome, pour deman-
der au pape un de ces bénéfices, qui étaient de
sa collation en France, parce qu'ils étaient
dans les terres patrimoniales de l'Eglise ro-
maine, soit que ce fût un oratoire, soit que ce
fût une abbaye; car, comme nous avons
vu , on mettait des prêtres séculiers dans
les abbayes. « Aurélius presbyter e Gallia-
rum partibus veniens, petiit, ut sicubi in
possessionibus R. Pétri Apostolorum principis,
oratorium autlocus, qui presbytero, vel abbate
indiget, inveniri potuerit, d debeat commitli
(L. ix, ep. 65). » Ce pape écrivit à Candide, afin
de pourvoir Aurélius lorsque l'occasion se pré-
sentera, de l'une de ces deux sortes de béné-
fices simples, afin que ce pauvre prêtre y trou-
vât un honnête entretien, et le fruit de 1
IVLS DIFFÉRENTS TITRES DES BÉNÉFICES.
311
libéralité du pape. « Quatenus et ipse subsidium
vitse praesentis inveniat , et nos inveniamur
petitioni illius paraisse. »
Ce pape n'eût pas apparemment accordé
avec la même facilité un bénéfice cure à un
homme qui l'eût demandé, et qui ne l'eût de-
mandé que pour y trouver sa subsistance cor-
porelle. Mais , pour ces sortes de bénéfices
simples, il croyait sans doute que c'était une
action de charité de les conférer à des prêtres
qui sont pauvres, et dont la vie ne déshonore
pas le caractère.
XIII. C'était encore indubitablement un titre
véritable d'un bénéfice simple, lorsque ce pape
écrivit à révoque de Firme- de consacrer un
oratoire dans le château d'un comte qui l'avait
bâti et doté, avec ordre d'y établir un prêtre
cardinal, c'est-à-dire titulaire et fixe, qui y dit
la messe pour le seigneur du lieu, et pour le
peuple qui s'assemblerait.
« Presbyterum quoque te illic constituere
volumus cardinalem, ut quoties praefatus con-
ditor fieri sibi missas fortasse voluerit, vel fide-
liumeoiicursusexegerifiùliilsit quod ad missa-
rum sacra exhibendasolemniavaleatimpédire.»
i° Ce prêtre recevait le revenu des fonds
assignés à cette chapelle. 2° Le consentement
du pape intervenait pour l'érection de ces nou-
veaux bénéfices dans les évèchés d'Italie. 3° Ce
prêtre célébrait des messes en particulier, pour
le fondateur seul, autant de fois qu'il le souhai-
tait, sans que le peuple y assistât. 4° Le peuple
y pouvait assister , parce que les paroisses
n'étaient peut-être pas encore aussi fréquentes
qu'on eût désiré à la campagne. 5° En confron-
tant ce passage, où on établit un prêtre cardi-
nal, avec les précédents où il est défendu d'en
établir un, on voit évidemment ce que c'est
qu'un prêtre cardinal, au sens de saint Gré-
goire, ce qu'il faut étendre aussi aux évêques
et aux diacres cardinaux. Le prêtre que l'évêque
envoyait pour dire la messe dans ces oratoires à
chaque fois que le fondateur le désirait, n'était
pas cardinal, parce qu'il n'était pas titulaire,
ni fixe, ni résidant perpétuellement dans cette
chapelle, ni n'en retirait pas les revenus, étant
simplement nourri des distributions qu'il rece-
vait de l'évêque, comme les autres clercs. Mais
celui dont il est parlé dans cette lettre , est
prêtre cardinal de cette chapelle, parce qu'il y
est fixé, il y réside, il en tire les revenus, y
domine sur le clergé, s'il y en a, y fait seul
tous les offices.
Une partie de ces oratoires bâtis par des
seigneurs sont enfin devenus des paroisses,
parce que les laboureurs et les autres gens de
la campagne s'en sont approchés, y ont bâti et
en ont fait des villages. De là est venu le
patronage lai des gentilshommes et des sei-
gneurs, comme nous dirons plus bas en son
lieu. Ainsi il n'a pas été inutile de nous étendre
un peu sur ce sujet des bénéfices simples, qui
n'ont pas dégénéré, mais qui ont acquis leur
juste perfection quand ils sont devenus des
cures.
XIV. Il y avait dans ces hôpitaux des ora-
toires, c'est pourquoi nous avons trouvé plus à
propos d'en traiter ici que dans le chapitre
précédent ; et ces oratoires ont tant de rapport
et sont tellement unis à ces hôpitaux, qu'il est
très-difficile de les en séparer. II y avait des
hôpitaux dans les monastères; il y avait des
monastères dans les hôpitaux : et dans les uns
et dans les autres il y avait des oratoires. Les
choses qui sont si fort unies peuvent aisément
se confondre dans les discours.
Saint Grégoire assure : 1° Que ceux qui en
sont chargés doivent rendre compte de leur
administration a l'évêque. « Tibi singulis qui-
busque lemporibus rationes suas xenodochi
subtiliter reddant L.m.ep. 34 j. » C'est ce qu'il
écrit à Janvier, métropolitain de Cagliari, en
Sardaigne.
2° Qu'on n'en doit donner la charge qu'à des
personnes pieuses et expérimentées, mais ecclé-
siastiques, parce que si c'étaient des laïques,
les juges séculiers pourraient les appeler en
justice, et par les chicaneries du barreau, dis-
siper tous les biens que la charité des fidèles y
a consacrés à Dieu. « Taies in eis ordinentur,
qui vita, moribus atque industria inveniantur
esse dignissimi. Religiosi dun taxât, quosvexandi
judices non habeant potestatem. Xe si taies
personae fuerint, quas in suum possint evocare
jndicium, vastandarum rerum debilium, quas
illic rejacent, pra?beatur occasio. »
3° Cet évèque négligeant les hôpitaux, le
pape excuse sa vieillesse, mais il en charge
l'économe et l'archiprêtre de Cagliari.
4° C'étaient souvent des diacres ou des sous-
diacres qui étaient les administrateurs des
hôpitaux. « Persona Crescentii diaconiquia no-
bis ignota est, prima nobis cura fuit requirere
quemadmodum xenodochium, cui prœfuerat,
gubernasset : ut ex minimis, qualis esse posset
in maximo, nosceremus (L. h, ep. 39). »
31-2 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-TREIZIÈME.
L'hôpital d'Autan fut néanmoins confié aux
soins d'un abbé, qui était aussi prêtre, parce
qu'il v avait aussi un monastère joint à l'hô-
pital (L. h, ep. 1 i ; 1. ii, ep. 10). Ce pape parle
encore ailleurs du diacre Florentin, adminis-
trateur d'un hôpital, et du sous-diacre Antoine ,
qui gouvernait un hôpital à Rome, « Xenodo-
chus, xenodochii prtefectus (L. x, ep. 43 ; 1. vu,
ep. 27). »
XV. Il est certain que ces administrations
d'hôpitaux pouvaient passer pour des bénéfices
simples que l'évêque conférait à des prêtres,
des diacres et des sous-diacres, qui étaient néan-
moins obligés à une résidence fort rigoureuse.
Je ne sais si on peut mettre au même rang
les postes de ces prêtres qui servaient dan? les
monastères, comme ce pape nous a déjà fait
voir, et dont il parle en beaucoup d'autres en-
droits (L. vu, ep. 16; 1. v, ep. 60).
Il écrivit à l'évêque de Naples de faire la dé-
dicace d'un nouveau monastère, et d'y envoyer
ses prêtres pour y dire la messe autant de fois
qu'il serait nécessaire; mais il fit en même
temps défense et à lui et à ses prêtres, de rien
prétendre sur les revenus du monastère. « Et
quoiies necesse fuerit a presbyteris Ecclesiœ
tuœ in loco sancto deservientibus celebrentur
sacrificia venerandamissarum, ita ut in eodem
monasterio nec fraternitas tua, nec presbyteri
sibi existiinent vindicari. Si quid illic pro
diversorum devotionecommoditatisaccesserit;
cum monacliis in eodem locodebeat proficere,
quidquid a fidelibus offerri contigerit. »
Ces prêtres n'étaient nullement bénéficiers
de ces monastères, puisqu'ils n'avaient nulle
part, ni aux offrandes, ni aux revenus. Il faut
dire le même des moines qu'on ordonnait
prêtres dans un monastère, avec cette obliga-
tion d'y résider toute leur vie, et d'y célébrer
la messe quand il en serait besoin : a Quem
sibi de congregatione duxerint eligendum ,
debeas presbyterum ordinare, atque eum nec
in ecclesia, nec in alio loco observare, sed illic
jugiler permanere, exnostra quoque autorilate
constituas. Quatenus et ille dum alibi non
fuerit oecupatus, in officio suo assiduus possit
et utilis inveniri, et congregatio quae sibi eum
postulat ordinari, quoties necesse fuerit ipso
sacrifiai solcnmitatein célébrante, valeal refo-
veri (L. vu. ep. 95). »
Remarquons en passant : 1° Qu'il n'y avait
au plus qu'un prêtre dans ces monastères.
2* Qu'il n'y disait pas la messe tous les jours,
mais dans le besoin, « quoties necesse fuerit. »
3° Que les monastères d'Occident s'éloignèrent
bien plus longtemps des fonctions de la cléri-
cature que ceux d'Orient. 4° Que ce prêtre re-
ligieux n'était simplement ordonné que pour
célébrer la messe dans le monastère , sans
qu'il dût ou qu'il pût s'engager dans d'autres
fonctions ecclésiastiques.
Le pape Crégoire III, au rapport d'Anastase
Bibl., ordonna que dans l'église de Saint-Pierre
de Rome les offices de la nuit seraient célébrés
par les moines, et les messes par les prêtres
hebdomadiers : et que le pape enverrait des
prêtres pour célébrer la messe dans les cime-
tières où reposent les martyrs, aux jours de
leurs fêtes, y envoyant en même temps des
lampes pour y veiller, et des hosties pour l'eu-
charistie.
XVI. Je passerai de l'Orient et de l'Italie aux
autres églisesd'Occident, après avoir remarqué
que l'empereur Justinien défend de donner à
l'argent, mais au mérite, toutes les administra-
tions des hôpitaux, aussi bien que les autres
bénéfices. « Ne quis episcopus, chorepiscopus,
presbyter, etc. Sed nec œconomus, nec defensor,
nec xenodochus, nec ptochotrophus, nec or-
phanotrophus, nec brephotrophus, nec quis-
quam ptochio prœficiendus fiât per largitionem,
sed per judicium et probationem illius locis
cpiseoporum (Cod. 1. i de Episcop. et Cleric,
leg. 42). »
XVII. Il faut encore ajouter cette remarque
que les prévôtés étaient déjà établies dans les
monastères : c'était la même chose que les
prieurés. Ce n'étaient que des administrations,
mais les bénéfices aussi ne passaient alors que
pour ce qu'ils sont originairement , c'est-
à-dire pour des administrations perpétuelles.
Les prévôts et les prieurs étaient les intendants
principaux des monastères après les abbés.
L'abbé Jean demanda à saint Crégoire la
permission d'ordonner Boniface pour prévôt.
« Petiit dilectio tua, ut frater Ronifacius in
monasterio luo a te debeat ordinari praepositus
(L. il, ep. 3; Ind. u, 1. îv, ep. 4). »
Ce pape manda ailleurs qu'on donnât à un
abbé négligent un prévôt vigilant et indus-
trieux, pour suppléer à ses défauts. Il envoya
un religieux de Rome pour être prévôt dans
une abbaye de Naples, et pour y être ensuite
fait abbé, si sa conduite le faisait paraître digne
de cette charge (L. vu, ep. 92). Ce pape parle
dans ses dialogues des prévôts vigoureux de
DES DIFFÉRENTS TITRES DES BÉNÉFICES.
.113
quelques monastères, qui en maintenaient la
discipline contre le relâchement îles abbés
même, qu'il appelle très-souvent, selon le lan-
gage des Grecs, les pères des monastères, Patres
monasteriorum(L. i, c. 1. 7. Le terme syriaque
d'abbé a la même signification.
Saint Isidore semble principalement charger
les prévôts du soin du temporel. « Ad praepo-
situm pertinet sollicitudo monachorum, actio
causai ami, cura possessionum, satio agrorum,
plantatio et cultura vinearum, diligentia legum,
conslructio aedifleiorum, opuscarpentarioruni,
seu fabrorum. »
La partie suivante de cet ouvrage nous fera
voir ces prévôts entièrement appliqués au tem-
porel, en sorte que cette charge fut quelquefois
usurpée et exercée par des laïques.
XVIII. Mais il faut revenir à la première let-
tre de saint Grégoire que nous avons citée. Elle
nous montre que le prévôt était ordonné aussi
bien que l'abbé, et que le consentement de
l'évêque y était nécessaire. On pourrait encore
justifier cela par d'autres lettres de saint Gré-
goire (L. vi, ep. 10); mais il suffit de dire que
saint Benoît même le dit formellement dans
sa règle, où il se plaint de l'insolence de quel-
ques prévôts qui s'élevaient contre les abbés,
dans les lieux où c'étaient les mêmes prélats,
ou les mêmes abbés qui ordonnaient les abbés
et les prévôts. « Sœpius contingit ut per ordi-
nationem praepositi scandala oriantur, dum
icstimantes se secundos abbates, dissensiones
faciunt, maxime in î l lis locis, ubi ab eodem
sacerdote vel ab eisdemabbatibus, qui abbatem
ordinant, ab ipsis etiam et praepositus ordi-
natur (Cap. lxv). »
Pour prévenir ce désordre, saint Benoît sou-
haite que l'abbé se passe de prévôt, et qu'il se
serve de plusieurs doyens en la place du pré-
vôt, afin que l'autorité étant partagée, elle en
soit inoins redoutable. « Perdecanosordinetur
omnis utilitas monasterii. Dl dum pluribus
committitur, unus non superbiat. » Si l'on juge
ne pouvoir absolument se passer de prévôt, il
faut que ce soit l'abbé qui le choisisse avec le
conseil des plus vertueux d'entre ses religieux.
« Quemcumque elegerit abbas cum consilio
fratrum limentium Deum , ordinet ipse sibi
prœpositum. »
XIX. (Tétaient donc primitivement les é\è-
ques qui nommaient et lesabbés et les prévôts.
Comme l'élection des abbés fut enfin accordée
aux monastères par un privilège qui, devenant
commun, passa aussi enfin en droit commun ;
aussi le choix du prévôt fut pareillement aban-
donné avec le temps à l'abbé et à sa congréga-
tion. Les abbés dont parle saint Benoît, qui
ordonnaient des abbés et des prévôts, étaient
vraisemblablement ceux qui avaient Tonde
d'autres monastères qu'ils conservaient tou-
jours dans leur dépendance, par cette marque
d'autorité.
XX. Le terme même de prieur n'a pas été
inconnu à saint Grégoire, pour les monastères
de l'un et de l'autre sexe : « Ut ad prioratus
locum pertingeret , etc. 111e prioris obtinet
locum, etc. (L. iv, ep. iv, 1. vi, ep. x). » Nos
conciles de France ont quelquefois parlé des
prévôts : le concile II de Tours (Can xiv).
« Abbate aut praeposito gubernante. » Saint
Benoît vient de nommer les doyens. Nous
parlerons plus au long ci-après de ces dignités
de prévôts, de doyens et de prieurs, qui passè-
rent des monastères aux chapitres des églises
cathédrales et collégiales.
Saint Jérôme et Cassien ont souvent parlé
des doyens, Decmii, à qui l'abbé confiait la con-
duite de dix moines. Saint Augustin en parle
aussi, quand il dit que chaque moine remettait
entre leurs mains le travail de ses mains :
« Opus suum tradunt eis quos decanos vocant,
eo quod sint dénis pra-positi (August. De Morib.
Eccles. 1. i, c. 31);» que les doyens disposaient
de tout le temporel : « Decani cum magna sol-
licitudine omnia disponentes, etc ; » et qu'ils
étaient comptables à l'abbé. « Rationem red-
dunt uni quem patrem vocant. » Le terme de
Pater signifie en latin la même chose que celui
A'Abbas en syriaque.
Nous avons en peu de mots expliqué les
fonctions des doyens , pourquoi ils sont ainsi
appelés, quel pouvoir ils ont sur le temporel,
et à qui ils doivent rendre compte de leurs
administrations (1).
(1) On peut dire qu'un principe incontestable ressort victorieuse-
ment de tout le droit canonique, à savoir : la perpétuité des béné-
fices quand ils sont possédés par le clergé séculier. Les religieux, au
contraire, liés par le vœu d'obéissance, ne sont jamais inamovibles
dans leurs bé:iéfice>, prieurés, doyennés , prévôtés. Les bénéfices
simples eux-mêmes étaient possédés à titre perpétuel des que le titu-
laire était un prêtre séculier. Quant aux bénéfices-cures, outre tous
les textes de l'ancien droit, le concile de Trente les a. par un canon
spécial, déclarés perpétuels : Suum peculiarem PERPE TDUMQUE
m. Le concile n'a fait qu'une exception, c'est lorsque une pa-
roisse a un curé-primitif, monastère, évèché ou hôpital, alors ce
curé primitif nomme, [jour l'administration de la paroisse, un vicaire
ou perpétuel, ou amovible. Mais encore ici l'Eglise a plus d'une fois
exprimé le désir que ces paroisses fussent administrées par des vi-
31 l DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE niATfŒ-YINGT-Ql'ATORZIÈME.
CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATORZIEME.
DIFFÉRENTS TITRES DE DIVERS BÉNÉFICES : HOPITAUX, ORATOIRES, CHAPELLES EN FRANCE
ET EN ESPAGNE, AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Il y avait en France des oratoires qui étaient vraiment des
bénéfices, et en quelque façon des collégiales.
II. Trois sortes de chapitres, dans les cures, dans les oratoires
ou basiliques, et dans les cathédrales.
III. Les chanoines de la cathédrale se faisaient pourvoir de
ces basiliques.
IV. Les oratoires des seigneurs aux champs, convertis en pa-
roisses.
V. Ils fondaient quelquefois des paroisses et des petits cha-
pitres.
VI. On exigeait autrefois un plus grand nombre d'ecclésiasti-
ques dans chaque église.
VII. L'autorité des évêques maintenue contre les patrons
laïques.
VIII. Des cellules et des petits couvents dépendant des ab-
bayes, changés enfin en bénéfices simples.
IX. Hopilaui érigés par le pape et par le concile V d'Orléans,
avec des imprécations étonnantes contre toutes les puissances
séculière! qui i a usurperaient les droits.
X. Hopitam unis à des monastères.
XL Divers endroits de Grégoire de Tours, pour confirmer
tout ce qui a été tiré des conciles.
XII. Et pour faire connaître des bénéfices simples pour tous
les ordres inférieurs, avec obligation de résider.
XIII. Bénéfices simples en Espagne pour tons les ordres.
I. Les mêmes diverses sortes de bénéfices
ont eu cours dans la France et dans l'Espagne.
Le concile d'Agde permit les oratoires dans
la maison des seigneurs à la campagne, pour y
entendre la messe avec leur famille, mais avec
obligation d'aller l'entendre ou dans l'église de
la ville, ou dans les paroisses des champs aux
jours solennels de Pâques, de Noël, de l'Epi-
phanie, l'Ascension, la Pentecôte, la Nativité
de saint Jean, et autres jours solennels.
« Si quis extra parochias, in quibus legitimus
est, ordinariusque conventus, oratorium in
agro uabere voluerit, reliquis festivitatibus, ut
ibi missas teneat, propter fatigationem familiœ,
justa ordinatione permittimus. Pascha vero, etc.
Clerici vero, etc. (Can. xxi; Aurel. i, c. 2b). »
On pourrait douter si les prêtres et les autres
ecclésiastiques qui desservaient ces oratoires
étaient véritablement titulaires et bénéflciers.
Le concile d'Epaune (Can. xxv), nous lèvera
ce doute en nous apprenant que si dans ces
chapelles on avait mis des reliques ou des
corps saints, et qu'on y eût assigné par consé-
quent des revenus suffisants pour les ecclésias-
tiques qui y devaient faire l'office, c'étaient
alors de vrais bénéflciers.
a Saerorum reliquis in oratoriis villaribus
non ponantur, nisi forsitan clericos cujuscum-
que parochiœ vicinGS,esse contingat, qui sacris
cineribus psallendi frequentia famulentur.
Quod si illi defuerint, non ante proprii ordi-
nentur, quam eis competens victus, et vestistu
substantia deputetur. »
Ceux qui étaient expressément ordonnés
pour chanter les divins offices dans ces ora-
caires-perpétueb. Il n'y a plus en France aucun curé-primitif; pour-
quoi dooc jusqu'à ce jour a-t-on vu plus de trente mille paroisses
rurales régies par des vicaires amovibles au moindre caprice? Pour-
quoi? Hélas! il faut en trouver la raison uniquement dans le bannis-
sement systématique du droit canonique pendant soixante ans, et
qui a été remplacé par l'arbitraire. Nous avons démontré dans notre
livre Les /où de l'Eglise sur la nomination. In mutation et la révo-
cation des curés (situation anormale de l'Eglise de France), que ni
le Concordat, ni même le gouvernement, dont nous avons cité les
décrets, n'admettaient cet étrange abus qui s'est introduit en France
ger un curé sur des demandes bureaucratiques. Nous n'en
dirons donc rien ici. Qu'il nous soit seulement permis, pour la dé-
fense du droit canonique et des lois de l'Eglise, de réduire à sa va-
leur un fait dénaturé ou peu compris par quelques-uns de nos canonistes
français et dont ils ont tiré une conclusion fausse. — De tous temps,
disent-ils, en ne citant pas les documents, le diocèse de Séville, en Es-
pagne, n'a eu que des curés amovibles au gré de l'archevêque; donc,
il n'est pas contraire à l'esprit de l'Eglise qu'il y ait des curés amo-
vibles. Eh bien! nous avons fouillé nous-méme dans les recueils de
la Rote, nous a\ons examine l'affaire de Séville, qui avait donné
heu à de vives et nombreuses réclamations de la part des curés, et
nous y avons vu, d'après le rapport de l'auditeur de Rote chargé de
cette affaire, que les fondateurs des paroisses de Séville avaient
stipulé, en les dotant, que tous les curés seraient dan* la main du
prélat , ce qui constituait réellement des bénéfices dits manueh.
Mais pour peu qu'on soit versé dans le droit canonique, on sait que
les volontés des fondateurs d'un bénéfice sont souveraines, quand
ellessont équitables, et qu'elles constituent un principe de droit. Aussi,
en donnant le siècle dernier, sa décision sur l'affaire de Séville, la Rote
reconnut et proclama de nouveau ce principe en disant : tanto magis
quia cum archiepiscopits habeat hanc facultatem (de changer les
curés ad nutum), a JUBE, Or, quel est l'évéque français qui pos-
sède un tel droit stipulé par des fondateurs qui n'existent pas? Où
sont les fondateurs des paroisses rurales de France qui, en 1601,
consacrèrent un droit qui serait canonique, s'ils l'avaient Stipulé,
mais qui, dans l'espèce, n'est qu'un déplorable abus? Voilà donc ré-
duit à sa juste valeur le fait de Séville dont on a usé et abusé un peu
trop dans ces derniers temps. Qu'on n'oublie pas ce principe de droit :
Non enim bénéficia dantur ad tempus. Nous pouvons affirmer que
la Rome de nos jours ne diffère pas, sur ce point important, de la
manière de penser et de décider de la Rome du passé.
(Dr ASDRE.)
DES DIFFÉRENTS TITHES DES BÉNÉFICES.
311
toires des champs, et qui vivaient des revenus
assignés dans la fondation , étaient assurément
bénéficiers, et ils y composaient comme une
espèce de collégiale. Ce sont ceux que le con-
cile II d'Orléans a mis au rang des bénéficiers
avec les abbés et les curés, leur défendant à
tous, aussi bien qu'aux ermites reclus, de don-
ner des lettres de licence, ou de recommanda-
lion, pour passer d'un diocèse en un autre :
«Abbates, martyrarii, reclusi, presbyteri, apo-
stolica dare non présumant (Conc. Aurel. II,
c. xiu). d Ce pouvoir était réservé aux évêques.
Ceux qui sont ici appelés Martyrarii étaient
ces chanoines députés pour officier continuelle-
ment devant les reliques des martyrs. Je les
appelle chanoines à cause de la psalmodie qui
faisait leur principale occupation, aussi bien
que de nos chanoines présentement. Car en ce
temps-Là le nom de chanoine était bien plutôt
donné aux prêtres et aux diacres qui servaient
dans l'église cathédrale, ou dans les paroisses
du diocèse.
Voici les termes du concile de Clermont
(Can. xv). qui peuvent servir à confirmer le
règlement ci -dessus rapporté du concile
d'Agde : « Si quis ex presbyteris, aut diaco-
nis, qui neque in civitate, neque in parochiis
canonicus esse dignoscitur , sed in villulis
habitans , in oratoriis ofticio sancto deser-
viens, etc. »
II. Cependant dans ce canon et dans les pré-
cédents , on peut remarquer trois sortes de
chapitres qui se formaient , et qui ont pris
depuis un merveilleux accroissement, et pour
le nombre, et pour les richesses. Outre le cha-
pitre des cathédrales, lorsqu'il y avait dans les
paroisses un nombre suffisant d'ecclésiasti-
ques, et assez de revenu pour leur subsistance
honnête, il ne faut pas douter qu'ils n'y célé-
brassent tous les jours les divins offices, puis-
que nous voyons qu'on en députait quelques-
uns pour les aller tous les jours réciter devant
les corps des martyrs dans d'autres oratoires :
« Qui sacris cineribus psallendi frequentia fa-
mulenlur.» Il se formait donc là des chapitres,
et il s'en formait encore d'autres de ces ecclé-
siastiques qu'on ordonnait singulièrement
pour ces oratoires.
III. C'étaient quelquefois des basiliques qu'on
bâtissait et qu'on fondait au lieu d'oratoires,
pour y honorer les corps des martyrs, soit dans
les villes, soit dans la campagne; et les reve-
nus y étaient si considérables que les chanoines
de la cathédrale s'en faisaient pourvoir : « De
lus clericorum personis, quae de civitatensis
ecclesiae oflieio, monasteria, diœceses vel basi-
licas, in quibuscumque locis positas, id est,
sive in territoriis , sive in ipsis civitatibus sus-
cipiuntordinandas, etc (Aurel. III, Can.xvm).»
Ces chanoines quittaient leurs chanoinies
pour être pourvus ou de l'administration d'un
monastère ou d'une paroisse, ou d'une basili-
que ou oratoire. Mais soit dans les oratoires,
soit dans les basiliques, les patrons lais ou fon-
dateurs n'y pouvaient admettre que les clercs
que l'évêque avait institués.
« Ut in oratoriis domini praediorum minime
contra votuni episeopi adquem territorii ipsius
privilegium noscitur pertinere, peregrinos cle-
ricos intromittant, nisi forsitan quos probatos
ibidem districtio pontificis observare prœce-
perit. » Ce terme observare montre une rési-
dence et une application continuelle aux offi-
ces, comme nousallons encore voir(Auiel. IV,
can. vui).
IV. Ces oratoires n'ont pas seulement donné
naissance à des chapitres, mais aussi à des [pa-
roisses dans les champs. « Si quae parochiae in
potentum domibus constitutae sunt, ubi obser-
vantes clerici ab archidiacono civitatis admo-
niti, etc. (Ibid., c. xxvi). » Ces curés et autres
ecclésiastiques qui desservaient les paroisses du
patronage des seigneurs , ne laissaient pas
d'être soumis à la juridiction et aux droits de
l'archidiacre, contre lequel s'ils emploient l'au-
torité du seigneur, cette félonie est punie
d'excommunication.
V. C'était néanmoins d'abord une église pa-
roissiale que les seigneurs fondaient quelque-
fois dans leurs terres ou dans la cour de leur
château, et ils devaient la doter suffisamment
pour la subsistance des clercs qui y faisaient
l'office, a Si quis in agro suo, aut habet, aut
postulat habere diœcesin, primus et terras ei
deputet sufticienter, et clericos, qui ibidem
sua officia impleant, ut sacratis locis condigna
reverentia tribuatur (Ibid., can. xxxu). »
Ce concile ne prétend pas que la dotation de
la paroisse doive être simplement suffisante
pour le curé; il ordonne qu'elle suffise à plu-
sieurs ecclésiastiques, parce qu'il en faut plu-
sieurs pour faire l'office, « qui officia sua im-
pleant, » et pour rendre le culte solennel qui
est du aux autels. « Ut sacratis locis condigna
reverentia tribuatur. »
VI. Si nous faisons un peu de réflexion sur
316 DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATORZIÈME.
ces paroles, et suetout sur les canons précédents
qui ont exigé un nombre de clercs pour officier
et pour psalmodier dans les oratoires, dans les
basiliques, et partout où il y avait des reliques
des martyrs, nous jugerons avec beaucoup de
fondement que les anciens Pères et conciles
faisaient rendre plus d'honneur aux autels
divins et aux saintes reliques que nous ne fai-
sons en ce temps, et faisaient ordonner et en-
tretenir un plus grand nombre d'ecclésiasti-
ques dans toutes les églises, soit paroissiales,
soit simples oratoires ou basiliques.
Il faut néanmoins confesser en même temps
que les ecclésiastiques, se contentant alors de
leur simple entretien, un médiocre revenu
pouvait en entretenir un plus grand nombre.
Le concile II de Tours (Can. xix) nous repré-
sente bien cette multitude de clercs dans les
églises, quand il ordonne que l'archi prêtre
rural aura près de lui pour témoin de sa vie un
des sous-diacres, ou un des lecteurs, et qu'il
lui en faut sept pour chaque jour de la se-
maine: « Septem intersnbdiaconos vel leclores
ha beat, qui vicissimseptimanascumillo facere
procurent. » Il est vrai qu'au défaut des clercs
il lui permet de prendre des laïques.
VIL Les contestations qui s'élevèrent entre
les évêques et les seigneurs patrons et fonda-
teurs des paroisses, des oratoires et des basili-
ques, donnèrent malière à plusieurs décrets
des papes et des conciles, pour maintenir ces
bénéficiers dans l'obéissance de l'évêque et de
l'archidiacre.
Le concile de Cbàlon, tenu en 650 (Can. xiv),
renouvela le statut du concile IV d'Orléans, et
déclara que non-seulement les bénéficiers de
ces oratoires étaient soumis à la correction de
l'archidiacre, mais que l'évêque avait un pou-
voir absolu de disposer des revenus et des of-
fices divins, dont on était convenu à la fonda-
tion de ces chapelles.
Le pape Zacharie passa plus avant : il voulut
qu'un n'y mît plus de prêtre cardinal, c'est-à-
dire de bénéficier fixe el titulaire, mais que
l'évêque y envoyât un prêtre quand on le de-
manderait, pour y dire la messe, se servant
pour cela des termes propres de saint Grégoire,
rapportés dans le chapitre précédent (Epïst. ix).
Ce moyen était plus propre à rétablir l'autorité
des évêques de France, à qui ce décret était
adressé, mais il y a bien de l'apparence qu'il s
ne le, mirent pas en exécution.
Les oratoires étaient autrefois d'autant plus
fréquents qu'on ne célébrait jamais deux mes-
ses en un même jour sur un même autel. Le
synode d'Auxerre le dit clairement: « Non lieet
super uno altario in una die duas missas di-
cere. » Surtout il était défendu de célébrer sur
le même autel après unévêque. a Nec in altario,
ubi episcopus missas dixerit, ut presbyter in
illa die missas dicat. »
Il y a aussi bien de l'apparence qu'il n'y
avait ordinairement qu'un autel dans chaque
église. Ainsi Anastase, bibliothécaire, a eu rai-
son de remarquer que le pape Dieudonné ins-
titua une seconde messe. « Hic constiluit se-
cundam missam in clero.»
Il y avait néanmoins quelquefois plusieurs
autels dans une même église. Témoin saint
Crégoire, qui écrivit à Palladius, évêque de
Saintes, que puisqu'il avait bâti une église avec
treize autels : « Ecclesiam construxisse, atque
illic tredecim altaria collocasse (L. v, ep. 50), »
et qu'il n'avait pas les reliques nécessaires
pour leur consécration, il lui en enverrait de
Rome. »
VIII. Il faut dire un mot des monastères et
des hèipitaux.
Le concile Ier d'Orléans (Can. xxn) défendit
aux religieux de se séparer de leur congréga-
tion, et de bâtir de nouvelles cellules à l'écart
sans la permission de leur évêque et de leur
abbé. « Nullus monachus congregatione mo-
nasterii derelicta, ambitionis et vanitatis im-
pulsu, cellulam construere sine episcopi per-
missione, vel abbatis sui voluntate prasumat.»
Les conciles d'Adge (Can. lviu) etd'Epaune
(Can. x) avaient fait la même défense : «Cellulas
novas, aut congregatiunculas monachorum abs-
que notifia episcopi prohibemus institui. »
Dans tous ces canons, par les termes de
Cellulœ aut connreçjatiunculœ, on entend ces
petits couvents ou ces cellules qui furent d'a-
bord des bénéfices en règle, dépendants de
l'abbaye principale qui en avait été la matrice,
et qui enfin par le cours des années sont deve-
nus des bénéfices simples pour les ecclésias-
tiques, parce que nous verrons dans la suite
qu'on les sécularisa, à cause qui; les moines
s'\ déréglaient trop facilement.
Le même concile d'Adge (Can. xxvu) défen-
dil de bâtir aucun monastère nouveau sans la
permission de l'évêque.
IX. Quant aux hôpitaux, le concile V d'Or-
léans confirma l'érection et la fondation de
celui de Lyon par les libéralités du roi Childe-
DES DIFFÉRENTS TITRES DES BÉNÉFICES.
317
bert et de la reine sa femme, défendant aux
évêques de Lyon de rien prétendre sur les re-
venus, les fonds , ou les esclaves que la libéra-
lité des rois, ou la piété des fidèles y aurait
donnés , et leur enjoignant au contraire de
prendre un soin tout particulier de les entre-
tenir et même de les augmenter, afin que les
malades et les passants y fussent reçus avec
charité; enfin prononçant un anathème ou
une imprécation redoutable contre ceux qui,
par des usurpations injustes, deviendraient les
meurtriers des pauvres, quelque grande et rele-
vée que pût être leur condition ou leur puissance.
J'ai rapporté un peu plus an long le sens de-
ce canon Can. xv), pour montrer la confor-
mité avec la lettre du grand saint Grégoire,
qui confirma quelques années après la fonda-
tion de l'hôpital d'Autun, et usa ou de la même
imprécation, ou de la même menace des ana-
thèmes de l'Eglise contre les usurpateurs des
biens consacrés à la nourriture des pauvres,
quelque haut rang qu'ils pussent tenir dans le
monde.
Il est fort vraisemblable que ce furent les
rois mêmes qui firent ajouter à ces décrets ec-
clésiastiques ces menaces foudroyantes, afin
que les rois mêmes successeurs de leur cou-
ronne, plutôt que de leur piété, n'entreprissent
pas de révoquer les largesses qu'ils avaient
faites pour la dotation de ces hôpitaux.
Voici les termes du concile d'Orléans: «Quod
si quis quolibet tempore. cujuslibet potestatîs,
vel ordinis persona contra hanc constitutionem
nostram venire tentaverit, aut aliquid de con-
suetudine vel facultate xenodochii ipsius abstu-
lerit; ut xenodochium, quod avertatDeus, esse
desinat, ut necator pauperum irrevocabili ana-
themate feriatur. »
X. Les hôpitaux étaient souvent unis à des
monastères, dont les religieux ou les religieuses
avaient la direction, sous l'autorité de 1 "évo-
que : « Ut monachi et ancillae Dei monaste-
rialesjuxta régulant saucti Benedicti, cœnobia
vel xenodochia sua ordinare, gubernare, et
vivere studeant. b Voilà ce qu'en dit le concile
de Leptines, tenu en 7 13.
On pourrait dire que ce canon ne s'entend
que des appartements qui étaient destinés pour
les hôtes et pour les passants dans tous les mo-
nastères qui exerçaient l'hospitalité. Mais la
lettre de saint Grégoire le Grand (1. u, ep. x ,
sur la confirmation de l'hôpital d'Autun. bâti
et fondé par la reine Brunehaut et l'évèque
Syagrius , nous montre manifestement que
c'était un hôpital uni à une abbaye dont l'abbé
gouvernait l'hôpital, et devait être nommé p ir
le roi avec le consentement des moines [Surius
die lii.Maii).
XL Grégoire de Tours dit que le village
d'Issoire et la basilique où reposait le corps de
saint Austremoiue. èvêquede Clermont, avaienl
été gouvernés par le diacre Cautin . qui fut de-
puis évéque de Clermont : « Cautinus qui Ar-
venuc urbis episcopus datus est, in diaconatu
suo ecclesiam vici illius rexit (De glor. Coufess.,
c. xxxi. »
Nous avons dit, en parlant de l'office divin,
(jue saint Césaire, archevêque d'Arles, avait
donné ordre que les malades de l'hôpital pus-
sent l'entendre (De glor. Mart., 1. i, c. GC).
Domnole, évèque du Mans, fonda un hôpital
qui était eu même temps un monastère de
vingt-quatre religieux qui devaient servir les
pauvres et les passants.
Saint l'atrocle, martyr, n'avait qu'un petit
oratoire à Troyes, où il n'y avait qu'un lecteur :
« Erat super eum parvulum oratorium, in quo
unus tantum clericus serviebat. » Mais après
avoir recouvré l'histoire de sa vie, on y bâtit
une basilique où l'on célébrait sa fête tous les
ans. Dans le Limousin, les reliques du martyr
saint Georges étaient honorées dans un ora-
toire de bois par la psalmodie continuelle de
quelques clercs : « Pauci clerici conserto li-
gneis tabulis oratorio, Dominum assidue pre-
cabantur (L. i. c. 101 ; 1, n, c. 5 . »
Lue riche dame bâtit une cellule sur le tom-
beau de saint Julien, martyr. « Cellula quam
supra sepulcrum martyris matrona constru-
xerat. » Cet oratoire est appelé une cellule,
parce qu'apparemment ce fut un moine qui fut
destiné pour y faire les fonctions ecclésiasti-
ques : ce qui n'était pas sans exemple. « Mona-
chus ipsius loci, dum de adventu solemnitatis
gauderet, et singulos quosque ad cellaiioluin
basilics promptissimus invitaret . hortans ut
omnes in basihea fideliter vigilarent, etc. Festi-
vitate ovans clericus, etc. Can. xxxv . »
Ce bénéficier est tantôt appelé clerc, et tantôt
moine. On lui donnait le nom de Martyr arius,
comme dévoué au culte d'un saint martyr, et
cette charge était donnée quelquefois a un
diacre qui était comme le sacristain de l'Eglise.
« Post obitum proserii martyrarii , Urbanus
diaconus hujus basilics ordinatur aedituus (Can.
XLVI . B
31S DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE Ql'ATRE-YINGT-UlTNZIÈME.
La chapelle de Cande , où saint Martin mou-
rut, porta aussi le nom de cellule: a Cellula
Condatensis , ubi vir beatus transiit. » Et
ailleurs: «Cellula iu qua lectus beati viri ha-
betur. »
Le saint abbé Romain , prévoyant que Dieu
ferait plusieurs miracles après sa mort par son
entremise , ne voulut pas être enterré dans
l'église du monastère, de peur que le repos des
religieux ne fût troublé par le concours des
peuples (Hirac. lieati Mart., 1. n, c. 19, 45.
Vitae Patr., c. i). On l'enterra doncsurune col-
line où l'on bâtit aussitôt un grand temple.
« Super ejns sepulcrum deinceps ingens tem-
plum a-dificatum est, in quod ingens frequen-
tia populi diebus singulis occurrit ( Ibid., c
l :. . »
Saint Sénoeh abbé , natif de Thifauge, en
Poitou , se bâtit un petit monastère en Tou-
raine, où, avec trois autres moines, il chantait
continuellement les louanges de Dieu. « Col-
lectis tribus monachis Domino assidue ser-
vieltat. »
XII. Tous ces exemples, tirés de Crégoire de
Tours, nous mettent devant lesyeuxunegrande
diversité de bénétices, les uns pour des reli-
gieux , les autres pour des ecclésiastiques, sans
charge d'âmes, et par conséquent simples et
néanmoins exigeant résidence, lesunspourdes
lecteurs, les autres pour des diacres, mais la
plu pari n'ayant autre origine que la piété et la
libéralité des fidèles pour faire honorer les sa-
crés dépôts des martyrs , et même des confes-
seurs,qui commencèrent enfin, quoiqu'un peu
tard , à être publiquement honorés comme
les martyrs de la charité et de la pénitence.
Les saints évèques comme saint Martin, et
les solitaires comme saint Romain, donnèrent
commencement à cette pieuse et louable inno-
vation que le ciel autorisa si manifestement
par le nombre innombrable des miracles qui
se firent à leurs tombeaux.
XIII. Le concile de Tolède (Can. u), tenu au
temps du pape saint Grégoire, déclara que l'é-
vèque ne toucherait plus au revenu des églises
que les particuliers auraient fondées sur leurs
terres, mais qu'il appartiendrait entièrement
au prêtre qui y ferait l'office ; ou si le revenu
n'était pas suffisant pour un prêtre, au diacre ;
enfin si le revenu ne suffisait pas à l'entretien
d'un diacre, on y ordonnerait un portier, pour
y veiller à la propreté du lieu saint, et y allumer
les lampes toutes les nuits.
«Ne quisquam autistes infrasuam parochiam
Dei aulam inquirat, et munificus ille qui san-
ctam Dei sedificaverit ecclesiam, quod ibidem
pro suo h;crede largitus est, eodem loco pre-
sbyter secundum priorum canonum instituta
deserviens, habeat. Etsi presbyterum ea facul-
tas habere non permittit, vel diaconus institua-
fur. Certe si minor est census, ostiarius a
sacerdote sit electus, qui nitorem infra sinus
sanctae Ecclesia1 faciat, qui et sanctarum reli-
quiarum luminaria omni subsequenti nocte
accendat. »
Voilà des bénéfices simples pour tous les
ordres sacrés ou inférieurs, selon leur revenu,
et l'obligation de la résidence qui était pour
lors imposée indistinctement à tous.
CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUINZIÈME.
IH:s CELLES, DES ORATOIRES ET DES EGLISES DES RELIGIEUSES , DES PETITES ABBAYES, DES EGLISES
11APTISMALES, DES CHAPELLES, DES ORATOIRES DES PARTICULIERS ET DES CHAPELLES DOMESTIQUES,
SOLS CHARLEMAGNE.
I. Des celles et des oratoires des religieuses.
II. He leurs églises.
III. Des petits chapitres qui s'en sont formés.
IV. Des petites abbayes.
V. Des églises baptismales.
VI. Ika. chapelles domestiques; on les soulTrait difficilement.
Vil. Diverses sortes de chapelles.
VIII. Des chapelains qui desservaient ces chapelles.
DES CELLES, DES ORATOIRES, etc.
319
IX. Des annexes ou succursales îles panu-si -.
X. Des chapelles qui relevaient des chapitres.
XI. Des chapelains des oratoires domestiques; l'évêque les
donnait.
XII. Leur avilissement dans la France.
I. Saint Roniface, archevêque de Mayence,
donne le nom de titres et de celles aux églises.
« Per titulos et cellas nostras, plusquam tri-
ginta ecclesias vastaveruut. »
Le terme île celle est ordinairement réservé
aux petits monastères. Les monastères axaient
des oratoires domestiques, selon le concile de
Francfort : « De monasterio. ubi corpora san-
ctornm sunt, ut habeat oratorium intra elau-
slrum. ubi peculiare officium, et diuturnorn
liât (Epist. iv ad Steplian. II. Pap., eau. xv . »
Il est encore bien plus certain que les mo-
nastères des tilles n'avaient que des oratoires
domestiques, puisque les canons déclarent si
souvent que ni les laïques, ni les clercs n'y
pourront entrer, et que le prêtre même en
sortira après avoir célébré la sainte messe
(Concil. Gall., tom. n. p. -252). Voici un capilu-
laire du même Charlemagne.
« Ut nullus in monasterio puellarum , vel
ancillarum bei intrare présumât, nec presby-
ter, nec diaconus, nec subdiaconus, vel cleri-
cus, aut laieus, nisi tantum presbyter ad mis-
sam celebrandam , qui, missa celebrata, stalim
exeal Ibidem, c. v . »
C'était une espèce de bénéfice pour ce prêtre
dont l'évêque disposait comme de tous les au-
tres. « Juxta quod episcopus ipsius parochiae
ibidem ordinarit. » Mais comme ces prêtres ne
pouvaient pas résider dans ces monastères, ils
étaient attachés à d'autres églises, d'où ils ve-
naient célébrer la sainte messe dans ces ora-
toires de religieuses.
Voici ce qu'eu dit le concile de Mayence
(Cap. xxvi), célébré en 813. « Ut presbyteris
per monasteria puellarum opportune tempore
liceat missarum solemnia celebrare, et iterum
ad proprias ecclesias redire. »
II. Mais enfin on se résolut de donner une
église et une maison au prêtre, au diacre, au
sous-diacre, et aux autres clercs qui servaient
les religieuses, afin qu'ils y célébrassent les
divins offices, outre la messe qu'ils allaient
chanter dans l'oratoire domestiqueMu couvent,
pendant laquelle les filles mêmes chantaient
en chœur (Conc. Tur. III. c. xxix . C'est la
constitution du concile d'Aix-la-Chapelle (Cap.
xxvn) dans la règle des chanoinesses.
« Presbyteris qui iu monasteriis puellaribus
missarum solemnia celebrare debent, extra
monaslerium sit locus et ecclesia, ubi eiim
ministris suis habitent, et divins servitutis ob-
sequium expleant; et nonnisi statuto tempore
monasterium ingrediantur puellarum, et eum
eis diaconus tantum et subdiaconus , et non
amplius ibi immorentur. nisi in missarum ce-
lebrationibus adsanclimoniales publiée facien-
dis. Quibus rite celebratis illico foras egredian-
tur, sanctimoniales namque vélo ante [iosito,
ut moris est , horas canonicas et missarum
solemnia célèbrent. »
On conjecture aisément de là que si les égli-
ses des religieuses sont depuis devenues publi-
ques, c'a été parce que l'on a transféré leur
messe solennelle et leur chœur de l'oratoire
domestique dans cette église extérieure . qui
n'avait été destinée d'abord qu'au cierge qui
les servait.
III. Il y a même bien de l'apparence que de
ce clergé destiné à servir les monastères de
religieuses, il s'en est quelquefois formé des
chapitres et des paroisses, comme il parait en-
core en tant d'endroits. Il s'est aussi formé de
petits chapitres de quelques celles qui relevaient
des abbés. Car quoique les celles fussent ordi-
nairement habitées par un petit nombre de
moines qui relevaient d'une abbaye , il y en
avait néanmoins qui n'étaient que pour des
chanoines, c'est-à-dire pour de simples ecclé-
siastiques qui ne laissaient pas de vivre dans
la dépendance des abbés réguliers.
Cela se voit fort clairement dans un statut
des abbés de France assemblés avec leurs moi-
nes à Aix-la-Chapelle, en -SI". « Ut abbatibus
liceat habere cellas, in quibus aut monachi
sint, aut canonici, et abbas provideat, ne minus
de monachis ibi habitare permittat. quam sex
(Cap. xliv). »
Il y a grand fondement de croire que ces
celles n'avaient été originairement que pour
des moines, et que ces moines s'étant facilement
relâchés, à cause de leur petit nombre et de
l'éloignement de l'abbé, ils prirent première-
ment la vie et ensuite le nom même des cha-
noines. Mais on ne peut douter que plusieurs
bénéfices et prieurés simples ne soient enfin
provenus de ces celles de chanoines, et même
de celles des moines, lorsqu'étant au-dessous
du nombre de six, on leur substitua des ecclé-
siastiques, comme nous le ferons voir dans la
suite de cet ouvrage.
IV. Au contraire, ces celles passèrent quel-
3-20 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE:VFNGT-QDINZIÈME.
qtiefois pour de petites abbayes, gardant tou-
jours leur première dépendance des anciens
abbés, et recevant d'eux l'investiture.
C'est ce qui nous est insinué dans le concile II
de Soissons. « Ut missi nostri per singulas pa-
rochias, una cum episcopo parochia? ipsius,
requirant de capellis, et abbatiolis. et casis Dei
in benetieium datis, ([iialis census inde exeat,
ut Ecclesia de qua sunt exinde vestituram
habere possit (Cap. ni). Ces chaises-Dieu, Casœ
iJri. étaient les mêmes que les celles.
Le capitulaire de Cbarles le Chauve à Eper-
nay, en 846, nous découvre l'origine des obé-
diences. C'étaient des termes , dont les moines
prenaient le soin les uns après les autres, pour
venir reprendre l'esprit de piété et de régula-
rité dans le monastère. On condamne l'abus
nouveau de laisser trop longtemps un même
moine dans ces fermes, parce qu'il en devenait
titulaire.
Voici l'article tvil de ce capitulaire. « Nec
sub pnetextu obedientiie diutius villicationibus
inserviant : sed regulariter obedientiam vicis-
situdine sua peragentes, secum, ut de S. Rene-
dicto legitur, in monasterio habitent, atque
seipsos recolligant. »
(l'étaient ces celles, ou ces petites abbayes, à
qui on donnait aussi le nom de Montreuil,
Monasteriolum.
Voici ce qu'on en lit dans un capitulaire de
Louis le Débonnaire: « De monasteriolis puel-
lannn, in quibus nnllus ordo borne conversa-
tionis tenetur. De monasteriolis etiam diversis
in missatico Alberici (Concil. Gall., tom. u. |>.
4(ïi, 157). »
Cela a bien du rapport avec le capitulaire de
Charlemagne: «De monasteriis minulis. ubi
nonnanes sine régula sedent, etc. » Où l'on voit
qu'il y en avait aussi pour les religieuses, et
que le dérèglement s'y glissait d'autant plus
facilement que leur nombre était plus petit.
Enfin une vieille chronique nous apprend que
l'abbé Hugues, tils de Charlemagne, faisait
régulièrement la visite des celles dépendantes
th' son abbaye. « Cum secundum morem abba-
tial sua' cellas causa providentiae et admoni-
tionis circuiret (Du Cbesne, tom. Il, p. -2-29;. »
V. Je passe aux églises baptismales que le
concile de Vernon (Can. vu ), distingua des au-
tres, insinuant en même temps que le nombre
n'en devait pas être grand , et que c'était à l'é-
vêque a les designer. « Et pnblicum baptiste-
riuin in nulla parochia esse debeat, nisi ubi
episcopus constituent. » Sur quoi il faut remar-
quer que, si c'est l'évèque seul qui a l'autorité
de déclarer quelles sont les églises baptismales,
il s'ensuit que tous les diocésains entrent dans
l'Eglise par lui, et lui sont absolument soumis,
comme au père commun de tous ses diocé-
sains.
Le concile de Pontyon, tenu en 876 (Can. h),
dit que ces églises étaient appelées Plèbes: «Et
ut ecclesias baptismales, quas plèbes appellant
Ecclesiae filii instaurent. » Elles sont appelées :
T/tit/i baptismales dans Flodoard (L. n , c. 19).
VI. Je passerai aux églises paroissiales après
avoir parlé des chapelles. Les capitulaires de
Charlemagne font foi que ce religieux empe-
reur ne voulut pas qu'on fit des chapelles dans
son palais même, sans la permission des évè-
ques : « Plaeuit nobis, ut sicut ab episcopis ad-
moniti fuimus, ne capella? in nostro palatio,
vel alicubi , sine permissu episcopi, in eu jus
est parochia, fiant ( L. i, c. clxxxii ; 1. v, c.
cexxx). »
delà s'entend des chapelles où l'on doit célé-
brer le divin sacrifice. Car les autres sont libres
à toutes sortes de personnes, comme il le remar-
que lui-même en un autre endroit.
Cet empereur marque ailleurs la cérémonie
qui se pratiquait lorsqu'on bâtissait une église
nouvelle; l'évèque y plantait premièrement
une croix, puis il traitait avec les fondateurs
du fonds et des revenus qu'ils assignaient à
l'église, pour l'entretien de ceuxqui en auraient
la garde. « Nemo ecclesiam sediGcet, antequam
civilatis episcopus veuiat, et ibidem crucem
figat publiée , et ante prceflniat qui sediôcare
vult , quod ad luminaria , et ad custodiam, et
stipendia custodum sufficiat, et fada donalione
sic, domum sedificei(L. v, c. ccrxix). » Or quoi-
que l'évèque eût consenti à la construction
d'une chapelle, et à la célébration qui s'y devait
faire de la liturgie, ce même empereur ne
soullrait point qu'on l'y célébrât les jours de
diniaiiclie, ou les jours de fêtes, auxquels tous
les fidèles doivent se réunir dans les églises
paroissiales. « Ut in diebus Festis vel Dominicis
omnes ad ecclesiam veniant, et non invitent
presbyteros ad donios suas ad missam facien-
dani (Concil.- Gall., tom. Il, p I.V7, c. ix). »
Os oratoires domestiques devaient aussi être
dotés s'ils étaient consacrés, c'est-à-dire si l'on
y célébrait la sainte messe : « Ut qui orato-
rium consecratum habet, vel habere voluerit,
per consilium episcopi de suis propriis rébus
DES CELLES, DES ORATOIRES, etc.
321
ibidem largiatur : et propterea î 11 i vici cano-
nici non sint neglecti (Ibid., p. 2i6, c. xv). »
Le sens de ces dernières paroles est le même
que celui du capitulaire précédent : qu'on ne
néglige pas les paroisses auxquelles on doit se
rendre les jours de Dimanche et de fêtes pour
assister au terrible sacrifice. On pourrait en-
core les entendre des dîmes qui doivent tou-
jours être payées aux anciennes églises, quoi-
qu'on en ait bâti d'autres plus proche, et sur le
fonds même dont on paye les dîmes, confor-
mément à un autre capitulaire.
« Quieumque voluerit in sua proprietate ec-
clesiam a-dificare, una cumconsensu et volun-
tate episcopi, in cujus parochia fuerit, licen-
tiam habeat. Verumtamen omnino pro\ iden-
dum est, ut alise Ecclesiœ anliquiores propter
banc occasionem nullatenus suam justitiam,
aut decimam perdant, sed semper ad antiquio-
res Ecclesias persolvantur (Ibid., p. 252, c. m;
Et 1. ii Capit., c. xxxvi, et conc. Mogutil.,
an. 813, c. lxi). »
VIL II y avait donc de deux ou trois sortes
de chapelles : les unes étaient des églises bâties
par des particuliers sur leurs propres fonds,
et ce sont celles où l'évèijue devait première-
ment arborer une croix ; les autres étaient des
chapelles domestiques, et il y en avait en-
core de deux manières : les unes pour les
prières particulières de la famille, et pour cel-
les-là ni l'agrément de l'évêque, ni la dotation
n'était point nécessaire : les autres, pour le
divin sacrifice, et pour celles-là il fallait avoir
le consentement de l'évêque, qui devait aupa-
ravant les faire doter. « Qui in domo sua ora-
torium habuerit, orare ibi potest. Tamen non
potest in eo sacras facere missas, sine permissu
episcopi (Capitulare, 1. v, c. 230). »
Les termes de ce capitulaire nous marquent
encore évidemment que la consécration de ces
oratoires domestiques ne se faisait que par la
célébration du divin sacrifice, avec la permis-
sion de l'évêque.
Quant aux autres églises ou chapelles de la
campagne, Hérard, archevêque de Tours, en
remarque la cérémonie comme elle a été ex-
posée ci-dessus : « De aedificationibus ecclesia-
rum , ut nullus antea fundamentum jaciat,
donec episcopus veniat, et in medio crucem
figat, et sic accepta dote, construendi licenliam
tribuat. »
Je ne dis rien des chapelles que les religieux
faisaient bâtir dans leurs cimetières, comme
on peut voir dans la vie du saint abbé d'Aniane
Benoît, ou qui leur servaient elles-mêmes de
cimetière et en portaient le nom, comme il pa-
rait dans la vie d'Egil, abbé de Fulde (Sœcul.
Bened. iv, p. 200, 238).
Ces chapelles n'avaient point de bénéficier
destiné à les desservir. Ainsi, elles ne vont pas
à mon sujet. Elles étaient néanmoins des ima-
ges des cimetières des premiers siècles, dont
il a été parlé ci-devant.
VIII. Or, ces chapelles avaient leurs chape-
lains, c'est-à-dire, des prêtres qui les desser-
vaient. Le concile de Metz , tenu l'an sss
(Can. m), défendit aux prêtres d'avoir plusieurs
églises, si ce n'est qu'ils eussent déjà une cha-
pelle lorsqu'on leur donna la conduite d'une
cure, ou qu'il y eût quelque chapelle attachée
à l'église paroissiale, a Unusquisque presbyter
unam solummodo habeat ecclesiam, nisi forte
antiquitus habuerit capellam, vel membrum
adjacens sibi, quod non expedit separari. » Il
est fait mention du prêtre de la chapelle de
saint Marcellin, dans un concile de Chàlons,
célébré en 887.
Il faut confesser néanmoins queç'avaientété
autrefois les prêtres de la paroisse qui allaient
célébrer la messe dans les chapelles. Cela a
déjà paru ci-devant, quand il a été dit qu'il ne
fallait pas, lesjours de fête et de dimanche, con-
vier les prêtres à venir célébrer la messe dans
les oratoires domestiques.
Hincmar en donne encore une preuve quand
il défend d'unir à d'autres églises, en façon de
chapelles, les autres églises qui avaient eu des
prêtres propres. « Neque ecclesias illas, quae
ex antiquo presbyteros habere solitœ fuerunt,
aliis ecclesiis quasi loco capellarum subjiciatis
(Conc. GalL, tom. m, p. 6-13, c. vu). »
Il est évident que les chapelles sont ici oppo-
sées aux églises qui ont leurs prêtres particu-
liers, et que de donner deux églises à un seul
prêtre, c'était réduire l'une à la condition des
chapelles.
Aussi, Hincmar commande ensuite qu'on lui
fasse un registre des églises ou des titres qui
ont toujours eu des prêtres, ce sont les cures,
et des chapelles qui en dépendent. « l'nusquis-
que vestrum describat omnes ecclesias et titu-
los, quse antiquitus presbyteros habuerunt, et
capellas antiquitus illis subjectas, et mihi scri-
pto renuntiate. » Il voulut même avoir un
dénombrement de toutes les chapelles domes-
tiques.
Th. — Tome II.
21
322 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUINZIÈME.
Hincmar fait encore ailleurs la même défense
aux curés de demander aux seigneurs les cures
vacantes qui leur étaient voisines, ou même
les chapelles saus sa permission : a Yicinus
presbyter ne ecclesiam illam obtineat, quae
titulus per se constans antea extitit, sed neque
capellam , sine consultu nostro ( Hincmar.,
tom. i, p. 713, 716). » Et lorsqu'il marque aux
doyens ruraux les articles divers dont ils de-
vaient l'informer touchant toutes les églises
du diocèse , voici comme il les distingue en
paroisses et en chapelles : « Fer singulas matri-
ces ecclesias et per capellas parochiœ nostnr. »
IX. On peut bien donner le nom d'églises,
annexes et succursales, à quelques-unes de ces
chapelles. Le même Hincmar témoigne que
celle dont il eut une si longue contestation
avec l'évèque de Laon, son neveu, était unie à
une église paroissiale : « Ipsa capella a longo
tempore unita fuit Ecclesiae sitse in Juvineai ;a
villa, el parochiœ illi subjecta (Tom. n, p. 38'.»,
390). » Les dîmes étaient données au curé qui
y célébrait ou y faisait quelquefois célébrer la
messe; on priva les habitants de cette grâce,
quand ils refusèrent de donner les dîmes au
curé; on en lit des plaintes, mais Hincmar
assure que pendant cet interdit on ne refusa ni
le baptême, ni la communion à personne.
a Nulli baptismus , vel communio est dene-
gata. »
On pourrait, delà, conjecturer qu'on admi-
nistrait le baptême, aussi bien que l'eucharis-
tie, dans ces chapelles. Ce qui facilita sans
doute, dans la suite du temps, le changement
ipii s'en lit en des églises paroissiales.
X. II y avait aussi de ces chapelles qui rele-
vaient des chapitres. Telle était la chapelle de
saint Martin, dans le comté de Reaune, <pie
l'évèque d'Autun, à la prière ou à la présenta-
tion de son chapitre, donna à deux clercs, à
condition de payer tous les ans les droits syno-
daux à l'évèque, et le cens de cinq écusd'orau
chapitre. «Per consensum canonicorum, duo
clerici teneant, dum advixerint, ea ratione, ut
synodalia persolvant débita, et censum quin-
que solidorum, usibus canonicorum inferre
non negligant(Appendixad Iteginon. Raluzii).»
XI. Mais il faut avouer que le plus grand
nombre de chapelains fut de ceux qui n'étaient
ordonnés (pie pour célébrer la messe dans les
oratoires particuliers des personnes de qua-
lité.
Le concile de Pavie, qui fut tenu l'an 850
(('.an. xvui), loua la piété de ceux qui, ne se pou-
vant passer de ces oratoires, ne recevaient les
prêtres que de la main de leur évêque. « Do-
cendi sunt sœculares viri, ut si in domibus
suis mysteria divina jugiter exerceri debeant ,
quod valde laudabile est, ab his tamen tracten-
tur, qui ab episcopis examinai] fuerint, et ab
ordinatoribus suis commendatitiis litteris comi-
tati probantur, etc. »
XII. Il y a lieu de croire que dans la France
on n'en usait pas avec cette louable modération
des Italiens, qui mérita l'approbation de ce
concile.
Agobard, archevêque de Lyon, nous a laissé
une pitoyable peinture des indignités, des pro-
fanations et des outrages dont on déshonorait
le royal sacerdoce de J.-C, en la personne de
ces chapelains de grands seigneurs. Les per-
sonnes les moins qualifiées se piquaient même
quelquefois d'en avoir pour exiger d'eux des
services indignes de leur personne et de leur
ministère. « Quando increbuit consuetudo im-
pia, ut pêne nullus inveniafur anhelans, et
quantulumcumqueproficiensad honores, et glo-
riam temporalem, qui non domesticum habeat
sacerdotem, non cui obediat, sed a quo inces-
santer exigat licitam simul atque illicitam
obedientiam, non solum in divinis officiis, ve-
rum etiam in humanis (Epist. ad Rernardum
Coep. de privilegio et jure Sacerdotii). »
S'il y avait de l'impiété à faire servir une
dignité si sainte à la vanité des hommes, il y
en avait encore davantage à exiger de ces prêtres
des services aussi honteux que sont ceux que ce
même prélat représente dans la suite de son
discours. « Ha ut plerique inveniantur, qui
aut ad mensas ministrent, aut vina misceant,
aut canes ducant, aut caballos, quibus feminse
sedent, regant, aut agellos provideant. »
Aussi, comme les honnêtes ecclésiastiques
avaient une juste aversion de ces bassesses, les
seigneurs ne se mettaient pas en peine ni de
la doctrine, ni de la probité de ceux qu'ils pré-
sentaient aux évoques pour être ordonnés; un
esclave, un vassal, un villageois leur suffisait
pour remplir cette place dans leur maison.
« Quando illos volunt ordinari presbyteros ,
rogant nos, aut jubent, dicentes: Habeo unum
clericionem, quem mihi nutrivi de servis meis
propriis , aut beneliciariis, aut pagensibus ,
volo, ut ordines eum mihi presbyterum. »
Après cela, ils croyaient se pouvoir dispenser
de se mêler avec la foule des fidèles dans les
PRATIQUE DES GRECS TOUCHANT LES ORATOIRES.
;j-23
grandes églises, pour y assister aux offices, et
pour y entendre la prédication, a Ut habeant
presbyteros proprios, quorum occasione dese-
rajûtecclesias, sermones, et officia publica (I).»
(1) Nous ne saurions trop le répéter, l'oubli total du droit cano-
nique a introduit en France un jargon réellement inintelligible. Dans
l'article 9 du présent chapitre, Thomassin donne une idée véritable
de la succursale. Dans tous les temps et dans tous les lieux une
succursale n'a été qu'une chapelle de secours bâtie dans le ter-
ritoire d'une paroisse dont l'étendue était trop considérable et
où uq vicaire du curé administrait les sacrements et célébrait la
messe. On ne pouvait pas y faire la communion pascale ni célébrer
les mariages. Ordinairement le service divin ne s'y faisait pas aux
quatre grandes fêtes de l'année, où tout le peuple devait se rendre à
la paroisse. Par quelle aberration donne-t-on aujourd'hui le nom de
succursale aux trente mille paroisses rurales de la France, vu qu'elles
sont de vraies paroisses, tout à fait indépendantes, n'étant chapelles
de secours d'aucune paroisse, n'ayant pas un vicaire à leur tête, mais
un vrai curé : Te solum verum pastorem agnoscant, disent les lettres
de provision? pourquoi donc ce contre sens? Nous l'avons dit dans
notre livre pr<
On entend dans le droit par e'glise matrice, une paroisse trop con-
sidérable dans laquelle, pour de justes raisons, 1 evéque fait une dis-
membration avec laquelle il crée une nouvelle paroisse qui est assu-
jétie à une petite redevance annuelle dite de matricitét comme
d offrir un beau cierge au jour de la fête du patron de la paroisse d'où
elle a été dismembrée.
(Dr ANDRE.)
CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEIZIÈME.
PRATIQUE DES GRECS TOUCHANT LES ORATOIRES ET LES AUTELS PORTATIFS, DU TEMPS
DE • ■ ■ - ÎT SES SUCCESSEURS.
I. Règlements pour la fondation des oratoires et des chapelles
dans l'Orient.
II. On y baptisait et on y célébrait les sacrés mystères, même
sans la permission des évèques.
III. Quoiqu'on ne le put contre leurs défenses.
IV. Parallèle de la police des Grecs et de celle des Latins en
ce point.
V. Les évèques ne pouvaient jamais célébrer que dans les
églises dédiées.
VI. On ne pouvait fonder de monastères pour moins de trois
moines.
VII. Les oratoires et les chapelles ne se consacraient point
par les évèques, et on n'y mettait point de reliques des mar-
tyrs, parce que cela est suppléé par les nappes sacrées.
VIII. Ces nappes sacrées tenaient lieu d'autels portatifs; c'é-
taient des pièces de la nappe de l'autel qui avait été consacré.
IX. Les aumôniers des empereurs célébraient à la campagne.
X. Nouveaux règlements pour empêcher que les oratoires ne
dépeuplent les églises.
I. Nous recueillerons dans ce chapitre les
lois et les pratiques de l'Eglise grecque, sur les
mêmes matières qui ont été traitées dans les
deux chapitres précédents.
Photius remarque dans son Nomocanon
(Nomocan., tit. m, c. 14), que les constitu-
tions novelles de Justinien ne permettaient
point de bâtir d'église ou d'oratoire, t&mîpiev,
t, ÈxxXr.aiav, sans être convenu avec l'évêque de
la dotation nécessaire pour l'entretien des
lampes, pour la célébration de la liturgie, pour
les réparations des bâtiments, et pour la nour-
riture des ministres.
L'évêque commençait par arborer une croix,
avec les prières marquées pour cela; si le fon-
dateur mourait avant la consommation de l'ou-
vrage, les économes de l'évêque poursuivaient
en justice les héritiers, pour les contraindre de
l'acbever.
Chacun pouvait avoir outre cela un oratoire
pour y prier avec sa famille en particulier;
mais s'il faisait célébrer les divins mystères
dans sa maison de ville ou de campagne sans
avoir demandé des ministres sacrés à l'évêque,
sa maison était confisquée à l'Eglise.
II. Le concile in Trullo (Can. xxxi) avait
permis de baptiser et de sacrifier dans les ora-
toires domestiques, pourvu que ce fût avec le
consentement de l'évêque qui députait des mi.
nistres de son église cathédrale.
L'empereur Léon le Sage permit à toutes
sortes de prêtres d'administrer le baptême et
d'offrir le divin sacrifice dans ces oratoires do-
mestiques, présumant que la défense du con-
cile in Trullo n'avait été faite que pour empê-
cher les laïques ou les hérétiques même qui
faisaient quelquefois semblant d'être catholi-
ques et d'être prêtres, de surprendre les pères
de famille, et de s'ingérer dans le ministère
sacré (Novell, iv et xv).
Cet empereur dit que toutes les hérésies
3-21 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEIZIÈME.
ayant été éteintes de son temps , « cum nunc
ilivina gratia omnes perverste opiniones sint
profligatae», et n'y ayant plus de sujet de crain-
dre que les. pères de famille prennent des laï-
ques pour des prêtres, il est juste de permettre
ces fonctions saintes à quelque prêtre que ce
puisse être, surtout depuis que non-seulement
les personnes puissantes, mais les plus médio-
cres même , ont des oratoires dans leur mai-
son, quoiqu'ils ne puissent pas tous fournir à
la dépense d'un prêtre qui leur soit propre et
particulier. « Si quidem cum divina gratia in
omnibus non modo potentiorum, verum etiam
tenuiorum domibus sacraria Deo erecla sint :
et vero sumptus reliquat) ue ad rem familiarem
necessaria, sacerdotibus non possint similiter
ab omnibus suppeditari. »
Il arrive de là très-souvent, dit cet empe-
reur, que ces personnes manquent d'entendre
la messe, etqu'on manque aussi de l'offrir pour
la mémoire des morts. « Persœpe divinorum
mysterioruni expertes manent, et sacra delu-
bra sacrificiis defraudantur ; quia verisimile
etiam est, nonnunquam defimctorum memoria
instante , ob defectum sacerdotis praesentem
mémorise diem nullo sacriticio facto elabi. »
III. Ainsi, après ces lois de Léon, la permis-
sion de l'évèque ne fut plus nécessaire pour
avoir des prêtres qui célébrassent le sacrifice non
sanglant dans ces oratoires domestiques. Mais
Balsamon(Incan. xxxi, Trull.), ajoute fort a pro-
pos qu'on ne laisserait pas de déposer celui qui
aurait célébré dans ces oratoires contre la dé-
fense de l'évèque; quoique lorsque l'évèque ne
faisait pas une défense expresse, on présumait
une permission tacite, qui était comme envelop-
pée dans la nappe consacrée par l'évèque, dont il
fallaitdaus l'Orient couvrir tous les autels où l'on
voulait célébrer, si ces autels n'avaient pas été
consacrés par l'évèque.
(Test pour cela, dit cet auteur, qu'on a donné
cours à ces nappes saintes, qui tiennent lieu
d'autels portatifs, et que l'évèque consacre afin
qu'il paraisse que c'est avec la dépendance et
l'agrément de l'évèque que les prêtres offrent
le sacrifice.
« Sed quamvis b;ec sic babeanl, si quis a re-
gionis antistite sacriticare. vel baptizare in ora-
torio probibitus fuerit, is vero qui taie quid
fecerit, deponetur, née ei novelhe proderunt.
Is autem qui non est expresse probibitus, vide-
tur etiam tacite ex episcopi sententia boc facere.
l'ropterea enim, ut est verisimile, excogilata
sunt superaltaria, àmfuww, et fiunt ab antisti-
tibus regionis, utponantur supra sanctas men-
sas oratoriorum, et sufficiant, ut ostendatur ex
episcopi permissione fieri sacrificium. »
IV. Cette police est assurément bien diffé-
rente de celle de l'Occident. On n'y fait pas de
si grandes instances pour l'assistance aux
grandes églises et aux messes de paroisse , on
y applaudit à la multiplication des oratoires
domestiques, on y célèbre même le baptême ,
il suffit que l'évèque n'y contredise pas pour
y faire célébrer tel prêtre qu'on voudra. Ce
sont peut-être des relâchements de la discipline
des Grecs.
Mais on peut aussi considérer que les Grecs
ayant constamment observé leur ancienne pra-
tique de ne souffrir qu'un autel dans chaque
église et de ne célébrer qu'une messe par jour
tout au plus dans chaque église et à chaque
autel , il était presque impossible que tous les
fidèles assistassent au sacrifice de la messe.
Ainsi les personnes médiocrement accommo-
dées avaient des oratoires dans leur maison et
appelaient des prêtres pour y offrir.
Les Latins ont été plus rigoureux pour ne
pas souffrir cette multiplication infinie d'ora-
toires et de sacrifices en particulier ; mais
aussi ils n'ont pas observé l'ancienne unité de
l'autel et du sacrifice dans chaque église. Il est
vrai que cette unité d'autel et de sacrifice s'é-
tait établie dans le berceau de l'Eglise, lorsque
les fidèles n'étaient pas encore si multipliés.
Mais les Grecs aussi pouvaient s'imaginer que
la réunion de tous les fidèles dans l'église ma-
trice, soit cathédrale, soit paroissiale, et leur
présence à la messe solennelle n'était plus si
facile , ni même si possible , après que le
nombre des fidèles s'est accru à l'infini.
Enfin quelque jugement qu'on porte de ces
pratiques diverses, il est certain que, dans le
temps présent même, les Grecs conservent
encore les mêmes sentiments et les mêmes
usages, d'avoir un nombre presque innom-
brable de chapelles et de petites églises, et de
n'y célébrer qu'une messe par jour dans cha-
cune. D'où il suit qu'ils se mettent peu en
peine de faire assembler tous les fidèles aux
messes solennelles ou paroissiales des grandes
églises.
V. Quelque inclination que les Grecs eussent
pour les oratoires particuliers, il était néan-
moins très-expressément défendu aux évêques
d'y célébrer jamais les divins mystères , parce
PRATIOIE DES GRECS TOI*( IIANT LES ORATOIRES.
3-2~
que c'eût été rabaisser la majesté de l'épisco-
pat. « C;eterum antistites sacra non faciunt in
oratoriis quœ non sunl dedicata, quoniam an-
listitis autoritas dignitasque deprimitur , si
non sit templum in quo aposlolice colloca-
tur, etc. » C'est ce qu'en dit Balsamon In
Can. xvii Synodi m .
Ce n est pas tout. Quelques-uns étaient d'a-
vis qu'il (allait déposer les évoques qui eussent
sacrifié dans ces chapelles. Mais le patriarche
Luc réprima les emportements de ce zèle in-
discrel . et déclara qu'il était bien juste de
punir ces évoques qui oubliaient jusqu'à ce
point la dignité de leur caractère, mais non
pas de les déposer. « Alio modo talem punien-
dum. sed non per depositionem. »
VI. I.e même Balsamon dit ailleurs que ce-
lui qui voulait fonder mi monastère devait,
outre la construction des bâtiments, assigner
un revenu suffisant pour son entretien de lui-
même et de trois moines, puisqu'un monas-
tère ne peut être habité par moins de trois
religieux, « Sed quia monasterium a tribus ad
minimum monachis constituitur, cogelur, etc.
In Can. xvu Synodi vu . » Ce qu'il confirme
par une novelle de l'empereur Léon.
Mais il ajoute qu'il n'en est pas de même
pour les oratoires dont l'évêque seul règle la
dotation, a Cogetur offerre quod satis est ex
episcopi examinatione Xovel. xi\ . » que plu-
sieurs même en bâtissent sans la participation
de l'évêque ; que ce n'est qu'à Constantinople
où le chartopbylace ne permet point qu'on bâ-
tisse d'église hors de la ville, sans une assigna-
lion exacte de tous les revenus nécessaires.
VII. Enfin Balsamon assure qu'il n'y a pas
sujet de s'étonner si les chapelles ne sont point
consacrées par l'évêque ni par le dépôt sacré
des reliques des martyrs, parce que tout cela
est suppléé par les nappes saintes qui ont été
consacrées par l'évêque durant la cérémonie de
la dédicace d'une église. Ainsi ces nappes sont
comme autant d'autels consacres, qui se peu-
vent très-commodément transporter.
C'est aussi pour cela qu'on les appelle Anti-
mensia, comme étant les images et les repré-
sentations de la table sacrée ou l'Agni au cé-
leste est sacrifié. « Proplerea enim antimensia
appellata sunt. quod multas hujusmodi men-
sas exprimant et référant, qune sanctam Domi-
nicain mensam perficiunt Can. vu). »
Aussi le VIL concile ne parle que des tem-
ples et non des oratoires, quand il ordonne
qu'on portera des reliques des martyrs dans
cenx que les iconoclastes avaient consacrés,
sans ces sacres dépôts; et qu'à l'avenir on dé-
posera les prélats qui dédieront des églises
sans les reliques des martyrs.
MIL 11 est remarqué dans le droit oriental
(Juris Orient., t. i, p. -2'.» . l Que ces nappes sa-
crées servaient aussi pour les oratoires qu'on
dressait dans les navires. Apres quoi on pou-
vait y célébrer les mystères de la liturgie et
du baptême. « Vel in domuncula navigii ali-
cujus, Deo dedicata, sanctisque imaginibus
ornata. »
-2° Que le patriarche Nieéphore décida qu'on
pouvait transporter ces nappes consacrées d'un
évèché et d'une province en un autre, aussi
bien que le saint chrême.
3° Que si par mégarde on les lavait elles ne
perdaient point leur consécration.
■4° Que ces nappes consacrées n'étaient autre
chose que les fragments de celle qui avait
servi a couvrir l'autel de l'église, pendant que
l'évêque en faisait la dédicace. « Antimensia
scimus facta, postquam autistes per se opera-
tus fuerit dedicationem, et ex panno substrato,
ac circumvolvente mensam. in trusta dissecto.
et picto, sacerdotibus dari ; nec posse sine his
sacrificare (Ibid., p. 239). »
:, i In couvrait de ces nappes saintes les autels
qui n'avaient point été consacrés ou dont on
doutait s'ils l'avaient été. a Antimensia non in
omnibus sanctis mensis poni necesse est. sed
in iis de quibus incertum est, eonsecrat;e sint,
nec ne (Ibid., p. 330). »
0° Enfin. Jean, évoque de Citre, nous ap-
prend, dans ses réponses à Cabasilas, que le
terme d' Antimensia, usité parmi les Crées,
vient du latin Mensa : et que leur consécra-
tion provenait de ce que le divin sacrifice y
avait été fait durant les sept premiers jours de
la dédicace d'une église. Car on n'en pouvait
faire qu'au temps de la dédicace des églises.
IX. Voilà la discipline des Grecs touchant
les autels portatifs et les oratoires domesli-
ques. Avec cette différence, néanmoins, que
tout ce qui a été dit des autels portatifs et des
oratoires où l'on célébrait la messe et où l'on
baptisait, est encore confirmé par Balsamon,
comme étant en usage de son temps; et il
ajoute encore que les aumôniers elles clercs de
li chapelle de l'empereur célébraient les divins
mystères à la campagne, quelque part qu'ils
se trouvassent, sous un pavillon de soie : « Sic
326 DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE QUATRE-VINGT-SEIZIÈME.
enim et clerici qui sunt in imperatorum co-
mitatufin campis solitariis sacra rite facere
censentur, sub solo bombycino, quod est Ec-
clesiae destination, tentorio (Ibid., p. 369). »
X. Quant à la solitude que la multitude des
oratoires particuliers causait aux églises pu-
bliques, le patriarche Alexis tâcha d*y remé-
dier, quelque privilèges que les seigneurs de
qualité prétendissent avoir des patriarches ou
des évêques, défendant d'y recevoir la foule
du peuple, ou d'y donner le baptême, ou d'y
faire les offices de l'Eglise, excepté la sainte
messe qu'on y peut dire les jours de fête et de
Dimanche (Ibidem, p. 258). (1).
(1) D'après la législation actuelle, il y a aujourd'hui des chapelles
publiques et des chapelles domestiques. Les premières sont , ou
chapelles vicanales, ou chapelles de secours, ou chapelles de tolé-
rance. Les chapelles domestiques sont , ou à des établissements pu-
blics, ou à de simples particuliers. Il y a en outre les chapelles de
la cour qui constituent le diocèse du grand-aumônier de France.
D'après les articles organiques 41 et 62, aucune chapelle publique ou
domestique ne peut être établie sans une autorisation du gouverne-
ment. Cette autorisation leur donne l'existence civile et les rend
aptes à posséder. Quand une chapelle domestique appartient à un
établissement, elle ne peut servir qu'à l'établissement et nullement
au public. La demande d'une chapelle domestique doit être faite par
l'évéque, et, d'après un décret impérial du 22 décembre 1812, accom-
pagnée de la délibération des administrateurs de l'établissement, de
lavis du maire et de celui du préfet. Le même décret statue que les
chapelles privées ne pourront être accordées que pour des motifs
graves, et pour la durée de la vie de la personne qui aura obtenu
la permission ; que les particuliers qui auront des chapelles à la cam-
pagne ne pourront y faire célébrer la messe que par des prêtres au-
torisés par l'évéque ; que l'évéque n'accordera cette permission
qu'autant que cette faveur ne nuira pas au service curial ; que les
chapelains des chapelles rurales ne pourront administrer les sacre-
ments que sous la surveillance et l'autorité du curé. Sous le gouver-
nement ae la Restauration, les particuliers n'eurent plus besoin, pour
ouvrir une chapelle privée, que de l'autorisation de l'évéque, tou-
jours avec la condition que cela ne nuirait en rien aux droits et pré-
rogatives du curé de la localité.
En dégageant l'érection d'un oratoire privé des prétentions civiles
et en le bornant à l'autorisatioa épiscopale, c'était, de la part du
pouvoir, un acte très-rationnel. Mais ce n'était pas encore bien ca-
nonique, car partout on sait , excepté en France , d'où le droit
canonique avait disparu, que les évêques n'ont pas le pouvoir d'ac-
corder un oratoire privé. C'est une concession réservée au pape.
Ecoutons sur ce point les lois de l'Eglise. La décrétale Quoniam
Sancta de Clément XI, du 15 septembre 1703 porte ceci : o Moder-
nis tamen temporibus innotuit sanctissimo Domino nostro quod non-
nulli episcopi sub pnetextu privilcgîorum... per hujusmodi privile-
giorum dilationem, seu potius excessum et abusum in nonnullis duc-
cesibus, pnesertim regni Neapolitani, ea sibi licere putant, quae
permissa non sunt, quinimo prohibita... Quamobrem ad abusus hu-
juscemodi eliminaudos, expresse déclarât, episcopis, etiamsi digmtate
cardinalatus fulgentibus, neque sub pr^textu privilegii clausi in cor-
pore juris, nec alio quoeumque titulo, ullo modo licere extra domura
propria: habitationis in domibus laicis erigere altare, ibique sarro-
sanctum missae sacnficium celebrare seu celebrari facere. o Antérieu-
rement la sacrée congrégation du concile avait déclaré à l'archevêque
de Bologne, le 10 mars 1615 : a Episcopos non posse concedere licen-
tiam celebrandi in oratoriis privatis ; n et peu après, par un autre dé-
cret, elle déclara nulles et non avenues toutes les concessions de ce
genre accordées par les évêques (Apud Ferraris, biblioth. canonica, etc.
vo Oratorium, no 27). Le pouvoir de l'évéque n'est légitime que
dans l'octroi d'un oratoire public, fût-il même dans une maison pri-
vée, pour cela il faut que l'accès en soit permis à tout le monde. Nous
croyons que la connaissance des lois de l'Eglise sur ce point impor-
tant et le règne du droit canonique parmi nous opéreront bien des
changements dans certaines prétentions telles que celle formulée par
le dernier rituel du diocèse de Belley : « Nous n'entendons donner
o la permission d'avoir une chapelle domestique qu'à ces condi-
« tions... » Le seul rôle de l'évéque dans l'octroi d'une chapelle do-
mestique est de vérifier l'induit du souverain pontife, et de s'assurer
que le local est dans les conditions exigées par les saints canons. Dès
ce moment il accorde la licence d'exécuter l'induit apostolique, licence
qui dure tant que la décence du lieu et des meubles sacrés est cons-
tatée. Clément XI, dans sa décrétale précitée, et Benoit XIV, dans
une encyclique aux évêques de Pologne, ont posé les conditions que
doit avoir le local destiné à servir d'oratoire privé. On trouvera ces
deux documents dans l'excellent canoniste Ferraris.
On entend par chapelles de secours des églises dont l'ouverture a
été autorisée pour faciliter le service paroissial aux fidèles éloignés de
la paroisse. C'est la fabrique qui, après une délibération motivée ,
adresse à l'évéque la demande d'une chapelle de secours, en indi-
quant par quelle ressource elle pourvoiera à son entretien. L'évéque
transmet le dossier au gouvernement, qui autorise. Une fois l'autori-
sation donnée, la chapelle de secours peut recevoir des dotations qui
sont acceptées par la fabrique de la paroisse, elle peut percevoir des
dons volontaires et des quêtes, et appliquer le tout à la dépense du
culte dans la chapelle. C'est ainsi que l'a décidé une circulaire minis-
térielle du 25 février 1819.
Les chapelles vicariales sont , ou desservies par un chapelain
nommé par l'évéque, ou par un vicaire de la paroisse de qui elles
dépendent et autorisé à résider daDS le lieu où elles se trouvent, ou
par les vicaires à tour de rôle qui s'y transportent lorsque le besoin
l'exige. Dans le premier cas, le vicaire est vraiment curé et ne relève
que de l'évéque. La commune qui a obtenu cette chapellenie rurale,
doit prendre l'engagement, d'après une ordonnance royale du 25
août 1819, d'entretenir l'église et d'assurer au chapelain-vicaire un
traitement de 300 à 500 francs, de telle sorte qu'en les réunissant
aux 350 francs qu'il recevra du gouvernement, il ait une congrue qui
soit suffisante pour vivre.
D'après le décret impérial du 22 décembre 1812, les hospices, les
prisons, les maisons de détention et de travail, les écoles secondaires
ecclésiastiques, les congrégations religieuses, les lycées et les col-
lèges, les pensionnats de filles ou de garçons, sont dans le cas d'avoir
un oratoire particulier. (Dr André.)
DES DÉFENSEURS.
327
CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-SEPTIÈME.
DES DÉPENSEURS, PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES DE L'ÉGLISE.
I. Des défenseurs. Si dans l'Orient ce furent des clercs mi-
neurs.
II. Ce furent ordinairement des prêtres.
III. Dans l'Occident ce furent des laïques; on les demanda
aux empereurs, afin de poursuivre les causes de l'Eglise et des
pauvres.
IV. 1,'évèque les nommait.
V. Il y avait déjà des défenseurs des villes.
VI. Nouvelles preuves qu'ils furent d'abord choisis d'entre les
laïques.
VII. Après on ne conféra plus cette dignité qu'à des clercs
mineurs.
I. Nous traiterons dans ce chapitre des béné-
ficiers qui se distinguaient par leurs offices ;
nous commencerons par les défenseurs, dont
la dignité fut aussi ordinairement confiée à des
prêtres dans l'Orient. Il n'en était peut-être pas
de même dans les commencements. Car saint
Epiphane (Hœres. 72) rapporte une confession
de foi souscrite par le clergé d'Ancyre, où après
quatre prêtres, un diacre, un sous-diacre et
un lecteur , on lit encore le nom d'un défen-
seur.
11 est vrai que le terme grec r.™-irr,; est bien
différent de «Swo; , qui est celui que tous les
conciles ont employé pour exprimer les dé-
fenseurs.
Dans le concile d'Ephèse (Act. 5) il est parlé
d'un prêtre d'Antioche nommé Asphalius, qui
était défenseur pour l'église d'Antioche dans
(lonstatltinople, àtS'ucà &ï il Kuv<7TavTivoT;'//.ei -% -:*-;-
u.d'3. rS« aùrîi? iiocXr.crîa;, c'est-à-dire qu'il était le
syndic des causes que les églises et les pauvres
d'Antioche pouvaient avoir à Constantinople.
II. Le défenseur est appelé ixS'awt, et c'est un
prêtre qui fait cette fonction, dans l'action 3
du concile de Constantinople, tenu sous Flavien
et relu à Calcédoine : « Presbyter et defensor
Joannes. »
Le concile même de Calcédoine ordonne au
défenseur de l'Eglise de Constantinople d'en-
joindre à tous les clercs et à tous les moines
vagabonds de sortir de la ville, et s'ils n'obéis-
sent, de les en chasser (Conc. Calced., act. I ,
can. xxiii). On peut de là conjecturer quel était
l'office et le pouvoir du défenseur.
III. Dans l'Eglise occidentale , le concile de
Milève iCon. Milev., c. xvi), ordonna qu'on de-
manderait à l'empereur des défenseurs versés
dans les affaires pour prendre la défense des
intérêts de l'Eglise contre les artifices et les
violences de ses ennemis devant les tribunaux
des juges séculiers.
« Placujt ut petatur a gloriosissimis impera-
toribus, ut jubeant judicibus, dan petitos sibi
defensores scholasticos, qui in actu sint, vel in
officio defensionum causarum ecclesiasticarum,
more sacerdotum provinciie, ut iidem ipsi, qui
defensionem ecclesiarum susceperint, habeant
facultatem pro negotiis ecclesiarum, quoties
nécessitas flagitaverit, vel ad obsistendum cal-
lide decipientibus, vel obrepentibus , vel ad
necessaria suggerenda, ingredijudiciumsecre-
taria. »
Ces défenseurs étaient donc comme les syn-
dics des causes de l'Eglise et les avocats des
pauvres.
Voici ce qu'en dit le concile V de Carthage :
« Ab imperatoribus visum est postulandum,
propter aftlictionem pauperum, quorum mole-
stiis sine intermissione fatigatur Ecclesia, ut
defensores eis adversus potentias divitum cum
episcoporum provisione delegentur (Conc. Car-
thag. V, c. ix; conc. African., can. xlii, lxix). »
IV. Ainsi les ecclésiastiques, parla sainteté de
leur profession, ayant un extrême éloignement
de comparaître devant les tribunaux des sécu-
liers, même pour s'y défendre lorsqu'on les
attaquait : et les pauvres, les veuves, les orphe-
lins, étant destitués du crédit, de l'adresse et
des iiio\ens nécessaires pour défendre leurs
causes, soit civiles, soit criminelles, les évêques
demandèrent aux empereurs chrétiens des s\n-
dics pour les uns et pour les autres, afin de les
328 DU SECOND ORDRE DES CLERCS.- CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-HUITIÈME.
protéger contre la puissance des riches, et les
défendre devant les juges contre les poursuites
artificieuses de leurs parties. 11 fallait pour cela
que. ces défenseurs fussent soutenus de l'auto-
rité impériale, «Petaturabimperatoribus, etc.,»
et qu'ils fussent nommés par les évêques,
« Cum episcoporum provisione delegentur. »
V. Ces défenseurs ecclésiastiques furent créés
à l'imitation des défenseurs civils des villes
dont il est si souvent parlé dans le code, « de
Defensoribus civitatum. » C'étaient comme les
tribuns du peuple des moindres villes, avec
pouvoir de juger des causes soit civiles, soit
criminelles moins importantes, et de renvoyer
les plus importantes aux magistrats supérieurs.
VI. Ces défenseurs ne furent d'abord que
des laïques dans l'Occident, puisqu'on a re-
cours à l'empereur pour les obtenir, et qu'on
demande qu'ils soient experts dans les chicanes
du barreau, « Scholasticos, qui in actu sint, »
et qu'ils aient entrée dans la cour des juges,
« lngredi judicum secretaria. » Ce que les
évêques et surtout ceux d'Afrique, ne jugeaient
pis être convenable à la profession sainte des
ecclésiastiques. Enfin le pape Zozime ledit net-
tement, o Sane ut etiam defensores Ecelesiae,
qui ex laicis fiunt, supradicta observatione te-
neantur, si meruerint esse in ordine clericatus
(Epist. î). »
VII. Nous verrons, dans le siècle suivant, que
dans l'Occident même on les choisit d'entre
les ecclésiastiques, et on a déjà pu observer
que dans l'Orient ils ont toujours été du corps
du clergé.
Le concile de Calcédoine nous a fait voir un
prêtre défenseur; et lorsqu'il a commandé au
défenseur de faire sortir de Constantinople tous
les moines et les clercs fainéants, il n'eût pas
donné ce pouvoir à un laïque. Enfin, ce con-
cile (Can. u), défend d'ordonner pour de l'ar-
gent, non-seulement les évêques, les chorévè-
ques, les prêtres, les diacres, et tous les autres
qui sont dans le clergé ; tûv èv tû xXinpu : mais
aussi les économes, les défenseurs, les man-
sionnaires, et tous les autres qui sont dans le
canon ou dans la matricule, ii sx«ç ti à t&û y.w>.,-.
Or, la charge d'économe était affectée dans
l'Orient aux ecclésiastiques et même aux prê-
tres. Il faut donc conclure de même des défen-
seurs.
Le pape Gélase commença dans l'Occident à
mettre les défenseurs entre les clercs inférieurs.
« Continuo lector vel notarius, aut cerle defen-
sor etfectus, post très menses existât acolytlius
(Epist. ix, c. 2). »
Si les actes qui portent que saint Sébastien
fut fait défenseur de l'Eglise sont bien certains,
ce terme avait alors une autre signification.
CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-HUITIÈME.
DES DÉFENSEURS ET DES VIDAMES; AUX SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME SIÈCLES.
I. Les défenseurs étaient vraiment bénéficiers.
IL Le pape les commettait a la garde du patrimoine de
l'Eglise.
III. Et à une infinité d'autres emplois bien plus importants.
IV. Leur propre emploi était la défense des pauvres.
V. Suint Grégoire leur communique les privilèges du collège
des uolaires ou des sous-diacres.
VI. Les anciens papes en usaient de même.
VIL Ils furent bientôt élevés à la clèncature.
VIII. Des défenseurs dans l'Orient.
IX Leurs fonctions.
X. Des défenseurs civils de chaque ville.
XI Combien les évêques fuyaient de comparaître devant les
tribunaux séculiers.
XII. MU. XIV. Des vidâmes et des majordomes.
I. Les défenseurs ne tenaient pas le moindre
rang d'honneur et de puissance entre les offi-
ciers de l'Eglise. Ils étaient indubitablement
comptés entre les bénéficiers de l'Eglise, puis-
que saint Grégoire pape ayant appris que le dé-
fenseur Fantin avait souffert que le moine Jean
lui laissât la moitié de son bien par son testa-
ment, il l'en fit à la vérité mettre en posses-
sion, mais il lui fit faire commandement de ne
jamais rien recevoir de personne, et de se con-
tenter de la solde de l'Eglise, «Contestare eum,
DES DÉFENSEURS ET DES VIDAMES.
329
ut hoc facere ulterius non prsesumat. Sed pro
labore suo statue ( 1 1 1 i l! accipiat, ut ei vacuus
suus labor esse non debeat; et hoc meminerit,
ut qui Ecclesia? stipendiis subsistit, ad lucra
propria non anhelet (L. i, ep. xlii). »
II. Ce pape commettait quelquefois les dé-
fenseurs à la garde et à la culture du patri-
moine de l'Eglise romaine. D'où vient qu'ayant
appris que le défenseur Urbicus était mort re-
devable à l'Eglise d'une grande somme, à la-
quelle tout son bien ne pouvait pas satisfaire,
ce généreux pape laissa jouir ses enfants du
patrimoine entier de leur père, et leur remit
tout ce qu'ils devaient à l'Eglise, sans qu'ils
puissent jamais en être recherchés Lib. u,
ep. xxi).
III. Mais voici des emplois plus considérables.
Une abbesse ayant dissipé les biens de son ab-
baye, ce pape commit le défenseur Fantin pour
l'examiner et savoir d'elle à qui elle avait
donné le patrimoine des pauvres (L. iv. ep. iv).
Une religieuse ayant quitte l'habit monastique
pour s'abandonner aux plaisirs trompeurs du
siècle, il écrivit à son évêque et au défenseur
Sergius de lui faire reprendre son habit et de
la faire rentrer dans son monastère (L. vu ,
ep. x, îx). Il manda au défenseur Fantin de
prendre la défense d'une dame qui s'était mise
sous la protection de l'Eglise, « Ecclesiastica se
petiit tuitione defendi , » contre deux per-
sonnes qui l'opprimaient et l'empêchaient de
jouir de ses biens, lui enjoignant ou de les
accommoder, ou de leur faire choisir des ar-
bitres pour terminer leurs différends, ou de la
protéger en quelque autre manière que ce pût
être (L. vu, ep. lxxxiv).
Pierre, évêque d'Otrante, ne pouvant se faire
payer par un débiteur ingrat et insolent, ce
pape écrivit à Serge, défenseur, de contraindre
ce débiteur, ou à satisfaire à l'Eglise, ou à
choisir des arbitres, a Alioquin mora cessante
ad electorum te compellente accédât judicium
(L. vu, ep. cvi). »
Un évêque de Sicile ayant pillé l'épouse qu'il
devait plutôt enrichir, et ayant tourné à son
profit tout ce qu'il devait employer aux répa-
rations des églises, saint Grégoire manda à
Romain, défenseur en Sicile, « Defensori Si-
ciliae, » d'examiner cette affaire avec l'évèque
de Syracuse, et s'il pouvait convaincre ce mer-
cenaire de ses vols, de le contraindre à resti-
tuer. « Cum fratre et coepiscopo Joanne Syra-
cusano residens , subtili inquisitione nu jus
rei veritatem riinamini. etc. L. vin, ep. 1). »
Basile, évêque en Sicile, s'embarrassait de
procès, perdait le temps et laissait avilir sa di-
gnité après les tribunaux des magistrats sécu-
liers. Ce pape écrivit au même Romain, dé-
fenseur, de l'obliger à retourner dans son dio-
cèse, et de ne lui donner pas seulement cinq
jours de trêve, à moins que de se rendre lui-
même coupable du même désordre.
« Perlatum est ad nos Basilium episcopum
velut unum de laicis in causis secularibus oc-
cupari, et praetoriis inutiliter deservire. Qu;c
res quoniam et ipsum vilem reddit, et reve-
rentiam episcopalem annihilât, statim ut evpe-
rientia tua hoc praeceptum susceperit, eum ila
ad revertendum districtaexecutionecompellat,
quatenus ei illic te insistente, quinque diebus,
sub qnalibet excusatione immorari non li-
ceat, etc. (L. vin, ep. xi). »
Ces termes districta exécutions font voir que
ces ofliciers du Siège Apostolique, quoiqu'ils
ne fussent que dans les ordres mineurs, avaient
néanmoins uue autorité fort ample et fort re-
doutée, comme exécuteurs des ordres du pape,
ou comme ministres du pape, qui est l'exécu-
teur et le conservateur général des canons.
Cela paraîtra encore dans la lettre de ce saint
pape à Boniface, défenseur en File de Corse,
où il le blâme d'avoir souffert qu'il y eût dans
cette île deux évèchés vacants; lui ordonne d'y
faire au plus tôt élire desévèques, et d'envoyer
a Rome les élus; il lui commande encore de
s'opposer vigoureusement à ceux qui oppri-
ment les pauvres et à ceux qui tirent les ecclé-
siastiques devant les juges séculiers; de ne
plus souffrir cet abus , de forcer ceux qui
ont quelque différend avec les clercs, de recou-
rir au jugement de l'évèque, ou si l'évèque
leur est suspect, à l'arbitre que l'évèque ou
que lui-même nommera, du jugement duquel
l'évèque et lui seront exécuteurs (L. ix, ep.
LXXIVJ.
Ce pape chargeait ces défenseurs des causes
des clercs, même auprès des évèques, en sorte
néanmoins qu'ils n'entreprissent rien ni contre
la justice, ni contre l'autorité des évêques.
« Apud episcopum non defensor culpae, sed
potius intercessor existe. Ut uniuscujusque
episcopi reverentia, et clericorum disciplina
per defensionis tuse experientiam minime sol-
vatur. d
Ces commissions montrent de quelle impor-
tance était la dignité des défenseurs de l'Eglise
330 DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-HUITIEME.
romaine, d'où il est aisé, en gardant une juste
proportion, déjuger quelle était leur autorité
dans toutes les autres Eglises (Baron., an. 598,
n. 18, 19). Mais voici un autre exemple qui
nous en persuadera encore plus fortement. Les
évêques d'Espagne avaient déposé l'évéque de
Malaga, qui en fit retentir ses plaintes jusqu'à
Rome. Ce pape y envoya le défenseur Jean,
qui. ayant fait rejuger la chose, rétablit l'é-
véque déposé, et déposa les auteurs injurieux
de sa déposition.
C'est Jean Diacre qui le dit en peu de mots
dans la vie de ce pape. « Joannes defensor ejus
juesu in Hispanias cognitor destinatus, Ja-
nuarium episcopum civitatis Malacitanœ, ab
episcopis suis compatriotis depositum, propria1
sedi restituit, et depositores ejus cum eo, qui
in locum ejus obrepserat, pari sententia con-
demnavit L. u, c. 11). »
1\ . Voilà les grandes et extraordinaires com-
missions dont on chargeait les défenseurs, et
dont on peut facilement comprendre quelle
devait être leur capacité, pour répondre à
l'importance de ces emplois. Quant aux pou-
voirs et aux obligations ordinaires de leur
charge, nous les apprenons du même saint Gré-
goire, dans la formule qu'il leur adressait en
les investissant de cette dignité.
« Si nulli condition!, vel corpori teneris ob-
noxius. nec fuisti clericus allei ius civitatis, aut
in nullo libi canonum obviant statuta, offirium
Ecclesiae defensorum accipias, ut quidquid pro
pauperum commodis tibi a nobis injunctum
fuerit, incorrupte et vivaciter exequaris, etc.
(L. iv, ep. 2.'>; 1. ix, ep. 33; 1. vu, ep. 17). »
Ainsi le but de leur première institution
avait été la défense des pauvres et du patri-
moine des pauvres, et par occasion les papes
leur commettaient un nombre infini d'autres
causes qui se rencontraient dans les mêmes
provinces. Aussi ce pape déclare en un autre
endroit que les défenseurs sont les ministres
et les exécuteurs universels des ordres du pape.
b Quia defensorum ofûcium in causis Eccle-
sia?, et obsequiis noscitur laborare pontificum
(L. vu, ep. 17). »
V. C'est ce qui obligea ce pape à communi-
quer au collège des défenseurs les mêmes pri-
vilèges que ses prédécesseurs avaient accordés
aux notaires ou aux sous-diacres : « Consti-
tuentes, ut sicut in scliola notariorum atque
subdiaconorum per indultam longe rétro | -
tilicum largitatem sunt regionarii constiluti ;
ita quoque in defensoribus septem, qui ostensa
suae experientiae utilitate placuerit honore re-
gionario decorentur. Quos quolibet per absen-
tiam pontificis, et sedendi in conventu clerico-
rum habere licentiam, et honoris sui privilégia
in omnibus statuimus obtinere (Ibidem). »
Ces paroles nous font remarquer en passant
que les notaires et les sous-diacres, aux privi-
lèges desquels les défenseurs sont ici associés,
étaient les mêmes et ne faisaient qu'un corps.
D'où l'on peut confirmer ce que nous avons ci-
devant avancé, que les notaires étaient ordi-
nairement sous-diacres, et que le primicier des
notaires était aussi le premier des sous-diacres
et de tous les clercs inférieurs.
VI. Le pape Pelage, avant saint Grégoire, et
suivant les exemples de ses prédécesseurs,
employait aussi les défenseurs comme les exé-
cuteurs des mandements du Siège Apostolique,
les conservateurs de l'immunité des clercs qui
ne pouvaient être jugés que par leur évêque,
et les défenseurs intrépides de l'autorité des
évêques, pour l'observance inviolable des ca-
nons. Voilà ce que ce pape écrivait aux évêques
et ce qu'il recommandait a ses défenseurs (Col-
lect. Romana. Holst., pag. 23<î, 237).
VIL Le pape Zozime nous a montré ci-dessus
que les défenseurs laïques aspiraient à la cléri-
cature. Ils en furent bientôt honorés; et nous
venons de voir que saint Grégoire leur donna
séance entre les clercs, dans le même rang et
les mêmes avantages qu'avaient les notaires et
les sous-diacres ; dans leur ordination il exi-
geait qu'ils ne fussent atteints d'aucune irré-
gularité canonique, « Si nullo tibi canonum
obviant statuta ; » qu'ils ne fussent clercs d'au-
cune autre église, « Nec fuisti clericus alterius
civitatis; » qu'ils jugeassent les causes des
clercs avec les évêques, et ne souffrissent point
que les laïques entreprissent de juger les clercs.
Enfin Jean Diacre proteste que ce saint pape
congédia tous les officiers laïques de son palais,
et qu'il n'en voulut plus avoir que d'ecclésias-
tiques, entre lesquels il nomme les défenseurs.
Grégoire de Tours, dans la vie de saint (.ail,
parle de Julien, prêtre et défenseur (Vite Pa-
Inmi, c. vi).
MIL 11 n'est pas moins certain que l'Eglise
orientale avait ses défenseurs , et qu'ils y
étaient honorés de la cléricature, et le plus
souvent même des ordres supérieurs.
Le concile de Calcédoine Can. iv) met l'of-
fice des défenseurs entre ceux que l'évéque doit
DES DÉFENSEURS ET DES VIDAMES.
331
conférer gratuitement, aussi bien que les saints
ordres, s'il ne veut être accusé d'une infâme
simonie : « Si œeonomum aut defensorem, aut
paramonarium promoveat episcopus. »
Ce même concile (Can. xxm) donne aux défen-
seurs une juridiction qu'il n'aurait pas confiée
à des laïques, de faire sortir de Gonstantinople
tous les clercs et tous les moines vagabonds.
Le concile de Gonstantinople (Act. 1) sous Menas,
fait mention de deux prêtres et défenseurs de
Constantinople. Dans le concile de Mopsueste
(Collât, v), dont on lut les actes dans le Ve con-
cile général, on fit paraître un diacre défenseur.
Dans le VIe concile général (Act. 8, 10), il est
parlé d'un diacre de Constantinople, qui était
notaire et défenseur de la marine : Defensor
navium «xoux£oco«.
IX. L'office des défenseurs paraît fort claire-
ment dans ce qui est rapporté par l'auteur de la
vie de saint Jean l'Aumônier, patriarche d'A-
lexandrie.
Cet incomparable père des pauvres ayant ap-
pris que quelques-uns de ceux qui gémissaient
sous la cruelle persécution des riches ne pou-
vaient approcher de lui, par la crainte de ses
chanceliers et des défenseurs qui l'environ-
naient : « Et volentes adiré eum, timoré can-
cellariorum , et Ecelesia: defensorum, atque ei
aslantium prohiberentur (Cap. v) ; »
Il se résolut à donner deux fois la semaine
des audiences publiques, où il était seul avec
un de ses défenseurs; et après avoir écouté les
plaintes des pauvres, il faisait incessamment
exécuter par ses défenseurs ce qu'il avait or-
donné pour leur soulagement; défendant à ces
défenseurs de rien manger, jusqu'à ce qu'ils
eussent mis à exécution ce qui leur était com-
mandé pour la protection des pauvres : « Qui-
bus et confestim quod dignum erat, per Ec-
clesiœ defensores faciebat, et prœcipiebat, ut
nemo eorum gustaret, quousque ordinarent
capitulum. »
X. Comme on ne peut douter que ces défen-
seurs de l'Eglise n'eussent beaucoup de rap-
port aux défenseurs des cités, il est à propos de
dire quelque chose de ceux-ci.
On ne pouvait en élire que des catholiques,
et ils devaient être élus par les évèques, par le
clergé et par les habitants de la ville (Cod. 1. i,
de Episc; Audi, leg.; xix. Nov. xxxvi, c. vu).
Dans les villes où il n'y avait point de juge, le
défenseur en faisait l'office, et ceux qui ne vou-
laient pas lui confier leurs causes, pouvaient
recourir à l'évêque ou se faire juger par Tru-
que et le défenseur conjointement. Le défen-
seur civil était le père des pauvres, et il devait
les garantir de toutes sortes d'oppressions.
« Ut in primis parentis vicem plebi exhibeas,
descriptionibus rusticos urbanosque non patia-
ris aftligi; oflicialium insolentiœ etjudicum
procacitati salva revereutia pudoris occurras ;
ingrediendi, cum voles, ad judicem, liberam
habeas facultatem (Cod. de Defens. Civit., 1. iv). »
Tous ces devoirs et tous ces pouvoirs étaient
communs aux défenseurs civils et aux défen-
seurs ecclésiastiques , comme il paraît par la
confrontation des lois impériales et des canons
des conciles d'Afrique.
XL Possidius rapporte, dans la vie de saint
Augustin, qu'undes disciples de ce grand saint
ayant été fait évèque de Calame , et faisant un
jour la visité de son diocèse, il fut dépouillé et
cruellement outragé par une irruption violente
des donatistes. Le défenseur de l'Eglise en porta
ses plaintes aux juges séculiers contre l'évêque
donatiste de Calame. a De qua re ne pacis Ec-
clesia1 amplius impediretur profectus, defensor
Ecclesiae inter leges non siluit ( Can. xu). L'é-
vêque donatiste comparut, et nia qu'il fût héré-
tique. Alors l'évêque catholique se vit obligé
de comparaître aussi lui-même, pour convain-
cre l'hérétique de ce qu'il était : « Oborta est
nécessitas ut recedente Ecclesiœ defensore , a
catbolico episcopo resisteretur, eteonvinceretur
quod esse se fuisse negaverat. »
Voilà pourquoi les défenseurs de l'Eglise
avaientobtenu desempereurs la liberté d'entrer
dans l'audience des juges; parce que les évo-
ques ne voulaient pas comme avilir la sainteté
et la majesté de l'épiscopat, par la poursuite
des causes même les plus justes devant les
juges séculiers, eux que J.-C. a établis juges
dans toute son église.
Les défenseurs étaient donc comme les syn-
dics, et cet évèque de Calame ne comparut que
dans l'inévitable nécessité où il s'agissait de la
foi. Baronius a rapporté, en l'an 65-2, un testa-
ment d'Hadoindus, évèque du Mans , où il est
parlé de son défenseur. Cet office n'était donc
pas tout à fait inconnu à la France.
XII. Nous ne trouverons peut-être pas de lieu
plus propre pour parler des vidâmes, Yiceclu-
mini. C'était apparemment comme un inten-
dant , ou majordome ; aussi saint Grégoire
semble joindre ces deux dignités, quoique dis-
tinctes , Vlcedumiuus , Majordomus , et nous
332 DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-HUITIÈME.
assurer que leur office était d'avoir l'inten-
dance de toute la maison de l'évèque, de veiller
sur les domestiques, et de recevoir les hôtes.
Ce fut la commission qu'il donna à Anthémius
sous-diacre en Campante, Subdiacono Campa-
niœ, d'obliger l'évèque Paschasius à prendre
un vidame et un majordome . ou s'il diffé-
rait davantage, d'en faire élire un par son
clergé.
« Volumus utmemoratusiraternoster Pascha-
sius . et viccdoniinum sihi eligat et majorem-
domus; quatenus possil vel hospiiibus super-
venientibus , vel causis qmc eveniunt, idoneus
et paratus existere. Si vero et negligentem
euin prospicis, et ea quœ diximus implere dif-
ferentem, omnis clerus ejus adhiberi débit, ul
communi consilio ipsi eligant, quorum per-
sonœadeaquœ diximus valeantordinari. (L. iv.
ep. lxvi). » Ces derniers termes font connaître
que c'étaient deux charges distinctes, mais
approchantes l'une de l'autre.
Ce pape ne trouva pas bon qu'un évèque
exerçât lui-même ces offices, « qui per semet-
ipsum sibimet majordomus et vicedominus
permanebat, » dit Jean Diacre dans sa vie (L. u,
ci îv), parce que les occupations pastorales
d'un évèque demandent qu'il s'y applique tout
entier, et qu'il se décharge autant qu'il pourra du
soin des choses temporelles. Le pape avait lui-
même son vidame. car Anastase. bibliothécaire,
dans la vie du pape Vigile, dit que ce pape ren-
voya de Sicile à Rome le prêtre Ampliatus, qui
était son vidame. « Ampliatum presbyterum et
vicedominum suum. » Entre les lettres de saint
Roniface, apôtre d'Allemagne, il y en a une qui
lui fut écrite par le vidame du Siège Aposto-
lique , « Renedictus episcopus et vicedominus
sanctre Sedis Apostolicse iEpist. cxlv). »
J'aurais eu de la peine à croire qu'on appli-
quât un évèque aux fonctions de vidame. Ces
paroles le disent néanmoins fort clairement.
Saint Grégoire le Grand écrivit une lettre à
Protasius, évèque d'Aix, où il lui dit qu'il doit
être bien informé de ce qui regarde l'Eglise
d'Arles, puisqu'il y a autrefois exercé la charge
de vidame. «Qui in Ecclesia ipsa tune tempo-
rinus curani vicodomini gerebatis L. v, ep.
i.\ . «
Dans le concile de Rouen (Concil. Gall., tom.
i, p. 509), où saint Ansbert, évèque de Rouen,
donna un fameux privilège au monastère de
Jumiége; après les souscriptions des évèques et
des abbés, on lit celle de Girard . vidame de
l'évèque de Rouen, « Girardus gloriosus vice-
dominus antefati magni pontificis Du Chesne,
tom. î. p. HN3 ; » et ensuite celle des trois ar-
chidiacres.
XIII. La règle du Maître explique en passant
quels étaient les exercices de la charge de \i-
dame et de majordome. « Sicut in hominisdomo
ut securus sit de omnibus praeparandis, Domi-
nus rei ordinat majores familia? , quos vicedo-
niini minores timeant, id est vicedominum.
Mllicum, salutarium et majorem domus. Sic
in domibus divinis, id est in Eeclesiis, etc.
Cap. xxi, § U). »
Il est donc certain. 1° que ces deux offices de
vidame et de majordome avaient beaucoup de
rapport ; 2° que c'étaient des ecclésiastiques, et
même le plus souvent des prêtres qui étaient
vidâmes; 3° que c'étaient des charges ecclé-
siastiques , d'où vient qu'il n'est resté en
France que des vidamies relevant des évè-
chés.
XIV. Le pape avait aussi son vidame, comme
nous avons dit , et il s'est bien pu faire que
comme les vidâmes étaient des ecclésiastiques
qualifiés, celui du pape ait été un évèque. Le
pape Zacharie députa vers le roi des Lombards
Luitprand, l'évèque Benoit qui était son vidame,
et dont nous avons déjà parlé. « Renedictum
episcopum et vicedominum, atque Ambrosium
primicerium notariorum ( Raronius, an. 71!.
n. 13). » C'est ce qu'en dit Anastase Biblio-
thécaire.
Ce n'est pas à moi à censurer la conduite
d'un si saint pape ; mais pour contenter ceux
qui estiment que c'était assurément avilir la
majesté de l'épiscopat , je dirai que le grand
saint Grégoire, qui rétablit dans le palais pon-
tifical l'ancien usage de n'y souffrir que des
clercs ou des moines , ne mit jamais au
nombre et au rang de ses officiers les évè-
ques , qu'il regardait comme ses frères et ses
cohéritiers dans la succession de l'apostolat.
DES DÉFENSEURS ET AUTRES DIGNITÉS, etc.
333
CHAPITRE QUATRE- VINGT-DIX-NKl' VI KME.
des défenseurs et des autres dignités de l eglise grecque; des defenseurs et des vidames
de l'église latine, sous l'empire de ciiarlemagne.
I. Différence de la juridiction des chartophylaces d'avec celle
des défenseurs.
II. Les pouvoirs des défenseurs laïques.
III. Il y en avait d'ecclésiastiques.
IV. Quelles étaient les grandes dignités de l'Eglise de Constan-
linople.
V. On leur rendit les mêmes honneurs qu'aux dignités de
l'empire.
VI. Ou n'en pouvait être dépouillé que par un jugement ca-
nonique.
VII. D'où vient cette conformité avec les ordres.
VIII. Mais Pévéque peut forcer les clercs trop amateurs du
repos d'accepter ces charges.
I\. Manière différente de conférer les ordres et les dignités.
X. Nombre des dignités dans l'Eglise de Constantinople.
XI. Des docteurs.
XII. Des défenseurs de l'Eglise latine.
XIII. Des vidâmes.
XIV. Ils étaient ecclésiastiques.
XV. Leurs fonctions.
I. Il s'éleva, au temps de Balsamon, une vio-
lente contestation entre le premier défenseur,
icpurécSixoç , et le chartophylace , sur la juridic-
tion que le défenseur prétendait dans les causes
des moines et des clercs, et de leurs pèleri-
nages, quoique le chartophylace fût en posses-
sion d'en juger.
Balsamon, qui prit le parti du chartophylace,
fit voir (pie l'autorité du grand défenseur ne se
pouvait étendre que sur ceux dont on atta-
quait injustement la liberté, pour les faire re-
tomber dans les fers de la servitude, et sur
ceux qui avaient eu recours à l'asile sacre des
temples : « Ut iis qui opem ecclesiasticam li-
bertatis causa implorant, per jurisdictionem
suam subveniat : ac reliquorum ad Ecclesias
confugieiitium causas tueatur ) Juris Orient.,
tom. i, p. 456, etc. ). »
Il montra que le canon du concile de Calcé-
doine, dont le défenseur tirait tant d'avantage,
ne parlait que des défenseurs laïques, u'y en
ayant point encore alors d'ecclésiastiques ; celui
de Carthage ne parle non plus que des défen-
seurs laïques, et ne leur commet que la pro-
tection des pauvres.
II. Ce même auteur dit ailleurs (In Can.
Carth. LXXYiii), que la novelle de Justinien per-
mettait aux évèques, aux clercs et aux honnêtes
bourgeois l'élection des défenseurs, pour juger
les moindres causes, soit criminelles, soit pé-
cuniaires, pour défendre les pauvres contre
l'oppression des personnes puissantes, et pour
réprimer les collecteurs des impôts publics,
quand ils excèdeut les bornes qui leur sont
prescrites : « Et reprimant publieorum exac-
tores, qui plusquam par est exigunt. » Ces
défenseurs étaient laïques et n'étaient en charge
que deux ans ; enfin ils furent entièrement
éteints.
Le patriarche de Constantinople continua
d'ordonner des défenseurs, et un grand défen-
seur; les autres évèques se contentèrent d'élire
un grand défenseur. Tous ces privilèges attri-
bués par la novelle de .iustinien furent abolis :
« A solo Constantinopolis episcopo («ppa-fî^ovrai.
Cbaracterem accipiuntdefensores, et qui primi
defensores dicuntur. A reliquis autem antisti-
libus soli primi defensores, etc. »
Toute la juridiction du grand défenseur fut
réduite à juger les causes des libertés : « Soins
primus defensor sanctissimœ Dei magna? Ec-
clesise et qui ei subsunt defensores, solas liber-
latum causas judicant. » Tous les autres droits
que les défenseurs prétendaient n'étaient
fondés que sur cette méprise : de n'avoir pas
distingué les défenseurs laïques, dont parle
iustinien dans sa novelle, et les ecclésiasti-
ques qui furent institués d'entre les clercs.
III. C'est peut-être pour distinguer les défen-
seurs ecclésiastiques des laïques, que dans le
concile VII (Act. iv) il est fait mention de
Photin, qui avait composé la vie du patriarche
Jean le jeûneur, et qui était prêtre et défenseur
ecclésiastique, baù.-noUx&ou>ç- H paraît aussi par
les actes du concile VIII (Act. 2) que les prêtres
étaient souvent revêtus de la dignité de défen-
seurs.
IV. 11 faut avouer néanmoins que le grand
défenseur même n'était pas compté entre les
334 DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-NEUVIÈME.
grandes dignités de l'Eglise de Constantinople.
Il y en avait cinq <jue lialsamon compare aux
cinq organes des sens, qui composent et qui
ornent le chef de l'Eglise. On les appelait exo-
catacèles, et c'étaient comme les cardinaux du
patriarche de la nouvelle Rome.
Voici l'ordre que Ralsamon leur donne. Le
grand économe, le grand sacellaire, le grand
sacristain, le chartophylace, et le sacellaire.
i u.i"yo.ç c*.xovo'[j.o;, 6 ^£^*Ç coxeXÂâpiGÇ, c (x£*^a; oxEUûtfûXo.!;,
i jcaproçuXaÇ, 5 mx&Kux; (Juris Orient., p. 456.) Le
grand économe avait soin des fonds et des
terres de l'Eglise. Le grand sacellaire était
chargé des monastères de la ville de Constan-
tinople et de Péra, qui était le treizième quar-
tier de Constantinople. Le grand sacristain était
dépositaire des vases sacrés et des reliquaires
de l'église. Le sacellaire avait le soin de veiller
sur les églises, et sur les emphitéoses (Act. 4.)
Nous avons assez parlé du chartophylace. Nous
traiterons plus bas de l'économe.
Le titre même de grand sacristain, ou scévo-
phylaee, fait assez connaître qu'il y en avait
plusieurs, et que celui-ci était le plus considéré.
Dans le concile VII, il est parlé d'un moine qui
était diacre, notaire et scévophylace des ora-
toires qui relevaient immédiatement du pa-
triarche. Entre les lettres de Photius, il y en a
qui sont adressées à un archevêque, qui était
en même temps scévophylace (Epist. xcv,
GXXVII, (XXXXI, CLXXX1V, ccx).
V. lialsamon prétend que les dignités de
l'Eglise patriarcale de Constantinople méri-
taient les mêmes titres d'honneur et le même
rang que les dignités de l'empire, depuis que
le grand Constantin avait honoré l'Eglise de
Rome de ce privilège : « Statuit licere papa?
liomano iisdem dignitatibus suos honorare
clericos, quihus etiam imperator eos qui sihi
subsunt, et esse sacram synodum qualem et
senatum imperatorium (In Nomoca. Phot.,
tit, 2, c. xxxvi ; tit. 8, c. i). » Il ajoute que ce
même avantage n'appartient pas aux autres
églises patriarcales ou métropolitaines, parce
que c'est la seule nouvelle Rome qui jouit des
privilèges de l'ancienne.
La donation de Constantin n'est pas un fon-
dement assez solide pour soutenir les préten-
tions de Ralsamon; mais on peut dire, avec
une extrême vraisemblance, que le clergé de
Rome et de Constantinople était dans une an-
cienne possession de tous ces avantages, quand
cette fabuleuse donation parut au monde, et
trouva d'abord tant de créance dans les esprits.
On n'eût pas fait un changement si considé-
rable, et où il y avait de part et d'autre des
intérêts si contraires dans la police sacrée et
civile, sur une donation dont il n'avait jamais
été fait aucune mention. Mais la révolution des
siècles et le long usage ayant peu à peu intro-
duit et autorisé tous ces avantages des dignités
ecclésiastiques, on se laissa facilement persua-
der que Constantin avait donné commence-
ment à une chose dont on ne savait pas
l'origine. Ainsi ce n'a pas été une fausse dona-
tion, qui a comblé tout le clergé de tous ces
titres avantageux, mais c'a été leur longue et
ancienne possession qui a fait trouver tant de
créance à cette donation.
VI. Ces dignités ecclésiastiques étaient ap-
pelées par les GreCS oocpixia, àpxovrixà, àÇiu|i.aTa
(Ralsamon. in can. vu Synodi G). Ceux qui les
possédaient n'en pouvaient être dépouillés que
par un jugement canonique et non pas au gré
de l'évêque. Ainsi ces dignités avaient cet avan-
tage commun avec les ordres sacrés , desquels
elles étaient comme inséparables (In Syn. Car-
thag., can. xxxiv).
C'était pour les mêmes crimes qu'on était
privé des ordres et de ces dignités. Il n'était
pas même au pouvoir de l'évêque de faire in-
jure à celui qui était depuis longtemps pourvu
d'une dignité , en lui préférant un autre plus
jeune. C'étaient les canons, les lois et le mérite
qui devaient régler toute cette police.
« Nota quod episcopisdatum est clericos suos
ad majores gradus provehere , non autem ad
minores deprimere. Quemadmodum nec ipsos
ignominia afficere, in sacrorum graduum con-
fundendis ordinibus, et eum qui fuit heri for-
tasse magistratus , supra omnes antiquiores
magistratus collocando ; vel eum qui ne fuit
quidem omnino magistratus, per promotionern
in majori loco constituendo. Similiter nota
quod ecclesiastica officia non sunt episcoporum
potestatis, tit dicunt nonnulli ; sed canonum
autoritatis et dignitatis , sicut nec reliquorum
ordinum jura, scilicetdiaconorum,sacerdotum
et reliquorum. Nisi enim ita esset , non eum
distinctione , scilicet propter inobedientiam ,
clerici suis gradibus exciderent ; sed seu bene ,
seu maie , quando vellent episcopi hoc lieri.
Hoc autem sanctis Patribus minime visum est.
Pneterea nota, quod nulla est differentia cleri-
calus et offlcii. Ex eadem enim causa movetur,
qui lmbetoflicium,exquasacerdosetdiaeonus.»
DES DÉFENSEURS ET AUTRES DIGNITÉS, etc.
•m:,
Voilà ce qu'en dit Balsamon, qui ajoute que
les moines étant compris sous le nom du clergé,
tout ce qui a été dit se doit étendre aux oflices
des monastères. « Praeterea nota, quod quoniam
sub clericorum nomine etiam monachi conti-
nentur, recte accipietur canon etiam ad mini-
slros monasteriorum. »
VII. Il n'est pas difficile de découvrir la pre-
mière origine de cette admirable conformité
entre les ordres et les dignités ou les oflices
ecclésiastiques. Tous les ordres étaient autant
d'offices et de dignités, comme il paraît encore
dans l'épiscopat. Quand les besoins nouveaux
de l'Eglise donnèrent commencement à de
nouveaux offices , on leur donna d'abord des
noms et des titres qu'on ne distingua pas des
ordres tels que sont ceux de lecteur, d'acolyte,
de cliantre, et peut-être même de sous-diacre.
Les offices qui furent ajoutés ensuite furent
distingués des ordresàcause du long intervalle
qui s'était écoulé ; mais comme les ordres
mêmes étaient toujours des offices, ces nou-
veaux offices furent réglés par les mêmes lois
et les mêmes canons que les anciens. Ainsi
tous ces points de police étaient communs aux
ordres et aux offices ou aux dignités.
Il fut donc arrêté : 1° Que l'évêque pouvait
bien faire monter un clerc plus haut contre sa
volonté, mais il ne pouvait point le rabaisser à
un degré inférieur, si son crime n'avait mérité
ce châtiment.
2° Qu'il ne pouvait pas dans le même degré
d'ordre ou d'office donner rang aux nouveaux
avant les anciens.
3° Qu'il ne pouvait point élever à un office
plus éminent celui qui n'en avait jamais pos-
sédé, en lui postposant ceux qui étaient déjà
dans les offices inférieurs.
Les mêmes règles avaient lieu dans les di-
gnités et les offices monastiques, parce que les
canons comprenaient assez ordinairement l'état
monastique dans le corps du clergé, au moins
dans ces siècles du temps moyen où la clérica-
ture était si commune parmi les religieux.
VIII. Balsamon ne croit pas qu'on puisse
forcer un ecclésiastique à se soumettre à l'é-
lection qu'on a faite de lui pour l'épiscopat ,
parce que ce refus peut ne provenir que d'une
honnête pudeur et d'une louable modestie (In
can . Carthag., c. xxxiv). Mais comme ou l'amour
du repos ou l'avarice peuvent quelquefois arrê-
ter les ecclésiastiques et les empêcher d'obéir
à l'évêque qui les appelle à un ordre ou à un
office plus élevé , les canons permettent à l'é-
vêque d'user d'une autorité souveraine dans
ces occurrences.
Ainsi si un diacre refuse l'office de référen-
daire ps<peptv$èpie« ou de docteur S:î*jxaX'.;, comme
étant trop pénible ; si le premier défenseur,
KgM»Tsi&uco$ , ne veut point accepter la charge de
sacristain, u-M-n^f», parce que les revenus en
sont moins considérables ; si un lecteur re-
fuse un rang plus haut, mais plus laborieux ;
dans toutes ces diverses espèces la désobéis-
sance est justement punie, parce qu'elle ne
vient que de l'avarice ou de la paresse.
Enfin Balsamon croit que l'évêque doit user
de cette autorité suprême dans les nécessités
pressantes de son Eglise, mais que s'il en use
hors de la nécessité, on ne laisse pas de lui de-
voir obéir, parce qu'il ne fait que suivre l'or-
dre et la règle des canons dans les promotions
ecclésiastiques.
IX. On peut observer la distinction que nous
avons faite des ordres et des offices , dans la
cérémonie même qui se pratique en les confé-
rant.
Les évèques, les chorévêques, les prêtres, les
diacres et les sous-diacres sont ordonnés par
l'imposition des mains, x«po™«nrr<« (Balsamon.,
in can. u, Calced). Ce sont les ordres les plus
anciens, comme l'imposition des mains est la
plus ancienne des cérémonies. Les chantres ,
les lecteurs, les présidents, à i?/,-.---i;, et quelques
autres reçoivent la tonsure en forme de croix,
ce qui s'appelle mpja-jU, character. Enfin les éco-
nomes, les cartulaires, les mansionnaires, -.%■.%-
|iovâpioi, et quelques autres sont promus, -y/ax-
■,'.;-%:, sans aucune imposition de mains.
La tonsure , selon le langage des Grecs , se
peut bien appeler en quelque manière imposi-
tion des mains, ■iy.y-.'.r.->. ; mais ce nom ne peut
convenir à la promotion simple, qui s'appelle
-y:;û.r..
X. 11 ne faut pas oublier la constitution de
l'empereur Héraclius, qui régla le nombre des
clercs et des officiers de l'Eglise de Constanti-
nople, à savoir, deux syncelles , douze chance-
liers , dix défenseurs , douze référendaires ,
douze gardes des vaisseaux sacrés, dont quatre
devaient être prêtres , six diacres et deux lec-
teurs.
Cela est rapporté dans le droit oriental de
Leunclavius , où sont aussi nommés plus en
détail, en un autre endroit, tous les officiers de
l'Eglise de Constantinople distribués en six
330 DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-NEUVIÈME.
ordres (Juris Orient., 1. i, p. 79). Le premier
comprend les cinq grands officiers dont Balsa-
mon a parlé ci-dessus , et le grand défenseur
leur est joint ensuite dans le même ordre. Le
second ordre contient ces noms : « Protonola-
rius, logotheta, castrensis , referendarius, a
commentariis (Ibid. , p. 304, 305, 327). » Dans
le troisième se trouvent ceux-ci : « Hieromne-
mon, suggeslor, doctor Evangelii, doctor Âpo-
stoli, doctor Psalterii. »
Je laisse les trois autres classes. Mais les
réponses de Jean, évècjue de Citre, à Cabasilas,
archevêque deDurazzo, nous éclairciront beau-
coup de difficultés sur ce sujet. Il assure que
la première de toutes les dignités était celle du
grand économe. La seconde du grand sacel-
laire, ou du préfet de la grande chapelle, i i-i
-i; uE-ji/r; bbxéUwç. La troisième du seévophylaee.
La quatrième du char tophy lace. La cinquième
du petit sacellaire, ou du préfet de la petite cha-
pelle, S èni rfe u:y.-ti; aaauXkiK. La sixième du grand
défenseur, dont la charge ne fut élevée d'un
rang inférieur à ce premier ordre que par le
patriarche Xiphilin. Ce sont là les six qu'on
appelle exocatacèles.
Ce prélat fait ensuite le dénombrement des
autres offices inférieurs, entre lesquels il n'ou-
blie pas celui du second diacre, -: Sarapèuuv ™v
Jhomvmv, qui était comme le vice-gérant de
l'archidiacre, et qui avait des fonctions fort
importantes. Il dit que les patriarches se don-
naient beaucoup de liberté à changer l'ordre
des offices inférieurs, sans jamais toucher aux
supérieurs ; qu'il y avait d'autres offices qui con-
venaient principalement aux prêtres, comme
celui de catéchiste, d'orphanolrophe, ou de
père des orphelins, et de périodeute ou de
visiteur.
M. 11 faut passera l'Eglise latine, aprèsavoir
riirore ajouté ce mot des docteurs, dont nous
avons déjà fait mention entre les officiers du
patriarche de Constantinople.
Balsamon dit qu'il n'appartient qu'aux évo-
ques de prêcher et d'enseigner les peuples, et
ipie par conséquent les docteurs qui l'ont celle
fonction à Constantinople, ne la font que par
ordre el par commission du patriarche. Aussi
ont-ils un rang fort honorable dans l'Eglise,
comme représentant la personne du patriarche,
outre les distributions qu'ils reçoivent en ar-
gent et en blé.
« Populura docere solis est datum episcopis,
et magna; Ecclesiaj doclores patriarche, jure
docent, etc. Proximi post ofûciales assideant
patriarche, tanquam ejus personam représen-
tantes. Audimus enim eum qui pontifias locum
tenet, maxima gerere semper officia (Ibid.
p. 143). »
Enfin la qualité de docteur était un degré
pour monter aux plus hautes dignités de
l'Eglise. « Per docendi munera, provehantur ad
Officia, àpxovrtxa. »
XII. L'Eglise romaine a toujours continué
d'avoir ses défenseurs. Il en est fait mention
dans la lettre du pape Etienne III aux rois
Charles et Carloman (Epist. m).
Les capilulaires deCharlemagne (L. v, c. 31)
renouvellent le canon de Carthage, pour de-
mander aux empereurs des défenseurs, c'est-à-
dire des protecteurs des pauvres contre les
violences des riches. Ils supposent ailleurs
que les curés même de la campagne ont leur
défenseur.
Les jugements des procès sont commis aux
présidents des villes, ou aux défenseurs (Ibid.,
c. ix et ccxxxiv). Il est vrai que tout cela se
peut entendre des défenseurs laïques, et non
des ecclésiastiques, qui n'étaient pas alors con-
nus dans la France. En effet, c'est de ceux-là
dont il s'agit dans le canon de Carthage.
Enfin il est constant, par un autre endroit des
capitulaires , (pie les défenseurs des Eglises
n'étaient autres que leurs avocats, ou leurs
avoués, qui leur étaient donnés par le prince
afin de les protéger. « Pro Ecclesiarum cansis,
ac necessitatibus earuni, atque servorum Dei,
exeeutores, veladvocati, seu defensores, quoties
nécessitas ingruerit, a principe postulentur, et
ah eo fîdeliter ac libenter juxta canonicas san-
cliones fidelissimi dentur (L. vu, c. 308). »
MIL Nous parlerons plus au long ailleurs
des avocats des églises, mais comme la fonction
des vidâmes avait beaucoup de rapport à celle
des défenseurs, c'est ici le lieu d'en traiter.
Le concile de Reims tenu en 813 (Can. xxiv),
ordonne qu'on établisse dans les monastères des
chanoines ou des réguliers, des prévôts et des
vidâmes, conformément aux canons et à la
règle de saint Benoît. « Ut praepositî et vice-
doinini secundum régulas, vel canones consti-
tuantur. »
Le concile de Mayence tenu en 813 (Can. l),
fit le même décret, où il nous montre en même
temps la convenance de tous ces offices de
vidâmes, de defenseurset d'avocats. « Omnibus
igitur episcopis, abbatibus cunctoque clero
DÉS DÉFENSEIUS ET Al'TKES DIGNITES.
i ;;
omnino prsecipimus, vicedominos, praepositos,
advocatos, sive defensores bonos babere, non
malos, etc. »
Enfin les abbesses avaient aussi leurs vi-
dâmes, qui devaient se trouver, avec tous les
autres vidâmes ecclésiastiques, dans l'assemblée
annuelle de la province, où les intendants du
prince convoquaient tous les évèques, les abbés,
les comtes et les autres officiers de leur dépar-
tement, pour y examiner tous les dérèglements
de la police ecclésiastique et civile, et pour y
apporter les remèdes les plus efficaces.
C'est ce que nous lisons dans un capilulaire
de Louis le Débonnaire : « Volumus ut medio
Maio eonveniant missi, unusquisque in sua
legatione, cura omnibus episcopis, abbatilms.
comitibus ac vassis nostris. Advocatis nostris,
ac vicedominis abbatissarum , nec non et
eoruni . qui propter aliquam inevitabilem ne-
cessitatem ipsi venire non possunt ad locum
nnum. Et in eo conventu primum Christian ae
Religionis et ecclesiastici ordinis collatio fiât.
Deinde inquirant missi nostri ab universis,
qualiter unusquisque eorum officium sibi
commissum administre^ etc. (Conc. Gall., t. i,
p. 158). »
XIV. On pourrait douter si ces vidâmes
étaient ecclésiastiques ou séculiers : mais il me
semble qu'il est bien plus vraisemblable qu'ils
étaient ecclésiastiques. Ils sont ordinairement
joints aux prévôts qui étaient ecclésiastiques.
La maxime des conciles et des Pères était de
faire plutôt administrer par des clercs les biens
de l'Eglise que par des laïques.
Enfin les vidâmes sont associés aux archi-
prètres, aux archidiacres et aux curés dans un
autre capitulaire du même empereur, et par-
tagent avec eux la gloire d'être les coopérateurs
du sacré ministère des évèques. « Quales sint
(1) Qu'on veuille réfléchir sur ces paroles de Thomassin dans l'ar-
ticle 6 : o Ceux qui possédaient ces dignités, n'en pouvaient être
<i dépouillés que par un jugement canonique, et non pas au gré de
€ l'évèque. » Toute la législation de l'Eglise est admirablement ré-
sumée dans ces mots. Jamais aucun bénéficier n'a été privé de son
bénéfice saDS une procédure canonique. Ce n'est pas sans une pro-
fonde douleur qu'on se rappellera un jour qu'en France, grâce à la
disparition du droit canonique, on a, pendant près de soixante ans,
jeté sur le pavé, sans ressources, sans amis, sans abri, livré au dé-
sespoir, un grand nombre de prêtres privés SANS JUGEMENT de
leur bénéfice paroissial, et voués au mépris souvent injuste, sous le
nom absurde de prêtre interdit. Mais un prêtre ne peut qu'eue
suspendu provisoirement de son office par sentence épiscopale ex
informata conscientia. Pour le priver de son bénéfice ou le déposer,
il faut absolument, sous peine de nullité, une procédure canonique.
Bénissons donc la divine Providence qui, en rapprochant le clergé
français de Rome, dans les dernières vicissitudes, en a rapporté le
droit canonique qui remplacera tous les arbitraires.
On sait qu'il y avait trois sortes d'avoueries ou avocaties ecclésias-
tiques. L'une était appelée forensis, pour défendre les intérêts d'une
paroisse, d'un évêché ou d'un monastère devant les tribunaux ; la
Th. — Tome II.
adjutores ministerii episcoporum, id est chore-
piscopi, archipresbyteri, archidiaconi et vice.
(loin in i, el presbyteri per parochias eorum
(Ibid., p. 166). »
XV. Le vidante exerçait sur les laïques et sur
les vassaux de l'Eglise la même autorité «pie
le prévôt exerçait sur les clercs. Cela paraît
clairement dans Hinemar, qui donne des exem-
ples de cette distinction de pouvoirs (Binon.,
t. h, p. :ji7, 706).
Les vidâmes étaient comptables aux évèques,
d'où vient que le roi Charles le Chauve, étant
piqué de quelques termes de la lettre du pape
Nicolas, lui écrivit que les rois de France
n'étaient ni d'humeur, ni de condition à être
traités comme des vidâmes d'évêques: « Reges
Francorum, non episcoporum vicedomini, sed
terrae domini fuimus. »
Le vidame était quelquefois lui-même avocat
ou avoué d'une église, et en ce cas je ne sais
s'il ne faut point se relâcher, et confesser que
les vidâmes étaient déjà quelquefois des laïques.
Tel était Radulphe.ou Raoul, vidame et avocat
de l'Eglise de Reims, avec lequel l'archevêque
Ebbon travailla pour remettre sous la juridic-
tion et le domaine de l'Eglise les laboureurs
qui s'en étaient séparés. «Mancipia, velcolonos
quosdam Ecclesia? desertores, tam per seipsum,
quain per Radulphum vicedominum et Eecle-
siae advocatum apud judices publicos legibus
evirulicatos et obtentos, ecclesiastico juri re-
stituit (Flodoar., 1. i, c. 19, hist. Rem.). »
Au contraire Théodore, évêque et vidame
de l'Eglise romaine dont il est parlé dans la vie
d'Etienne IV, nous donne sujet de croire que
dans ce temps-là les vidâmes, en Italie, étaient
ordinairement choisis d'entre les ecclésiasti-
ques (l).
seconde armata, parce que, dit un canoniste : a Si quid contentio-
nis inter ecclesias, laicosve prœpotentes, aut etiam inter episcopos et
monasteria oriretur, duello omnis decisio committebatnr. a La troi-
sième avouerie était appelée œconomica, parce qu'elle se bornait à
l'administration des biens de l'Eglise. Il y avait enfin au-dessus de
tout cela l'avouerie de protection qui était exercée par quelque puis-
sant prince. On sait que le chef du Saint-Empire, l'empereur d'Alle-
magne, portait, parmi ses litres, celui à'avoué ou protecteur de l'E-
glise, dont il recevait l'investiture au jour de son couronnement, par
l'épée que le pape allait prendre sur le tombeau de saint Pierre,
levata de corpore Pétri, et qu'il plaçait dans la main droite de
l'empereur, comme symbole de sa haute fonction de protecteur de
l'Eglise. Ce titre fut invoqué à la fin du siècle dernier, au milieu
d'une des plus grandes tempêtes qu'ait éprouvée la barque mystique,
a Jamais, très-auguste empereur, écrivaient à François II les cardi-
n naux réunis à Venise pour élire un successeur à Pie VI, mort pri-
« sonuier à Valence, jamais la sainte Eglise de Dieu n'a été, p;r la
u vicissitude des choses, plongée dans un aussi grand deuil, au pied
a du trône de son défenseur et de son protecteur [Mémoires du Ciir-
» dinal Coiisalvi, t. i, p. 206). t>
(Dr ANDRÉ).
22
338
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENTIÈME.
CHAPITRE CENTIEME.
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLERS, PENDANT LES Hl'IT PREMIERS SIÈCLES DE L'ÉGLISE.
I. Des syncelles pendant les cinq premiers siècles.
II. Le pape saint Grégoire ne souffre plus dans le service des
papes que des ecclésiastiques et des religieux, pour être les
témoins de leur vie et les imitateurs de leur vertu. Le concile
romain l'ordonne ainsi.
III. Ce pape y exhorte les autres évèques.
IV. Il ne souffre lui-même dans son palais que des clercs ou
des moines.
V. Edit du roi d'Italie, pour obliger les ecclésiastiques à avoir
un syncelle.
VI. Les conciles d'Espagne ordonnent la même chose.
VII. Et ceux de France aussi.
VIII. Exemples tirés de Grégoire de Tours.
IX. Syncelles de l'Eglise grecque; leur nombre et leur émi-
nente dignité.
X. De la dignité des conseillers.
XI. XII. XIII. Surtout dans l'Eglise romaine.
XIV. Et dans celle d'Alexandrie.
I. Il faut demeurer d'accord que ces noms de
syncelles, et de conseillers, ne sont que des
noms d'offices, plutôt que de bénéfices; mais
comme les bénéfices mêmes n'ont été ori-
ginairement que des offices, et (pie les offices
ont été, dans la longue suite des siècles, érigés
en bénéfices, nous n'avons pas cru les pouvoir
passer sous silence.
Les syncelles étaient ceux qui demeuraient
dans la même chambre, ou dans la même cel-
lule avec les évèques, pour être les témoins de
toutes leurs actions, même dans le particulier.
Tel était apparemment le prêtre Anastase, qui
avait suivi Nestorius d'Antioche à Constanti-
oople, où il continua de vivre avec lui dans la
même familiarité et confidence. « Erat fami-
liaris Nestorii Anastasius presbyter qui una
cum illo profectus erat Antiochia. Hune Ne-
storius magnoin honore habebat, ejusquecon-
silio in rébus gerendis utebatur ( Socrat.,
1. vu, c. 32). » Mais tels étaient indubitable-
ment ceux que le diacre Iscbyrion alléguait
pour témoins des crimes dont il avait accusé
Dioscore , archevêque d'Alexandrie , dans le
concile de Calcédoine. « Per nominatos a me
testes, syncellos ejus constitutos qui bactenus
cum ipso degunf et comitantur (Act. 3). »
Agoraste était un de ces syncelles de Dios-
core, comme il paraît par la requête présentée
contre lui dans le même concile par le laïque
Sophronius, qui demanda qu'on le produisît
pour le convaincre comme le témoin et le
compagnon des effroyables excès de Dioscore.
« Agorastum unum ex cooperatoribus cjus
insaniae, et syncellum ejus existentem jubete
adduci. »
Dans l'action G du concile de Constanti-
nople, sous Flavien, Eusèbe, évoque de Dory-
lée, accusateur d'Eulychès, demanda qu'on fit
comparaître Narsès, prêtre et syncelle d'Euly-
chès. Ces exemples nous apprennent en même
temps les devoirs et l'utilité des syncelles. Car
comme les abbés et les moines avaient quel-
quefois d'autres moines dans la même cellule,
pour s'éclairer l'un l'autre, et ne rien faire en
particulier, dont ils pussent rougir en public :
les mêmes étant ensuite appelés à l'épiscopat,
conservèrent ces mêmes inspecteurs de leur
vie secrète, pour être à jamais ou les censeurs de
leurs défauts, ou les témoins de leur inno-
cence, ou les accusateurs de leurs crimes.
Sozomène remarque qu'Acace, évêque de
Béroée, se fit admirer avec justice, ne fermant
jamais ni sa maison, ni sa chambre, afin de
pouvoir toujours être surpris par les citoyens
et par les étrangers, ou plutôt pour s'engager
lui-même à ne jamais rien faire, où il pût
rougir d'être surpris (Sozom., 1. i, c. 7).
Saint Jérôme semblait avoir donné le même
conseil à Népotien. « Taies habeto socios, quo-
rum contubernio non infameris. Si lector, si
acolytus, si psaltes te sequitur, non ornentur
veste, sed moribus.»
Il faut néanmoins observer cette différence
entre les syncelles des évèques , et surtout des
patriarches, et ceux des moindres ecclésiasti-
ques, que les premiers étaient des dignités, des
charges et des bénéfices si considérables, que
la suite des siècles nous les fera voir avec ad-
miration dans le comble de l'honneur et de
la puissance , comme les grands-vicaires des
évèques et des patriarches, et assez souvent
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLERS.
.::m
leurs successeurs; au lieu que les autres ne re-
tiraient d'autre avantage de cette charge que
l'édification réciproque qu'ils donnaient à leurs
confrères, et qu'ils en recevaient.
I I . Saint Grégoire pane ordonna, dans un sy-
node romain, que les pontifes romains ne se-
raient plus servis dans leur chambre par déjeu-
nes séculiers, mais par des ecclésiastiques, ou
même par des religieux qui fussent les témoins
de leur conduite secrète, et qui profitassent de
leurs exemples. « Verecundum mos torporem
indiscretionis involvit, ut hujus sedis pontili-
cilius ad sécréta cubiculi servitia laid pueri. ac
sœculares obsequautur ; et ornais pastoris vita
esse discipulis semper debeat in exemplo. ple-
rumque clerici, qualis in secreto vita sit sui
pontificis nesciunt, quam tamen, ut dictum est,
pueri sciunt sœculares. De qua re praesenii de-
creto constituto ut quidam ex clericis, vel
etiam ex monachis electi, minislerio cubiculi
pontilicalis obsequantur, ut is qui in hoc loco
est regiminis, habeat testes taies, qui vitam
ejus in sécréta conversatione videant, et ex
visione sedula exemplum profectus sumant
(L. iv, ep. 14). »
Ce décret ne regarde véritablement que les
pontifes romains, mais les mêmes raisons et
les mêmes obligations sont communes à tous
les évèques. Car tous les évèques sont pasteurs,
et par conséquent leur vie doit être comme un
flambeau brillant toujours exposé aux yeux de
leurs disciples : a Cum pastoris vita esse disci ■
pulis semper debeat in exemplo. »
Il importe à tous les évèques que le plus se-
cret de leur vie et de leur conduite domesti-
que soit éclairé par des témoins irréprocha-
bles, et éclaire par ce moyen tout leur diocèse.
« Ut is qui in loco est regiminis habeat testes
taies, qui vitam ejus in sécréta conversatione
videant, et ex visione sedula exemplum profe-
ctus sumant. »
III. C'est de ces ecclésiastiques inséparables
de leur évèque que le même saint Grégoire
semble parler à Sérénus, évèque de Marseille,
en lui faisant une réprimande aussi juste que
charitable, de ce qu'il souffrait en sa compa-
gnie et dans le secret même de sa familiarité
un prêtre criminel et impénitent, ce qui était
autoriser le crime même et l'impénitence.
a Pervenit ad nos quod dilectio tua malos
homines libenter in sua societate recipiat, adeo
ut presbyterum quemdam, qui postquam lapsus
est, et in sua adhuc dicitur iniquitatis pollu-
tione versari, familiarem habeat. Quod quidem
nos ex toto non credimus; quia qui talem reci-
pit, scelera non corrigit, sed magis aliis talia
perpetrandi videtur dare licentiam (L. ix ,
ep. 9, 49). » C'est approuver les crimes que de
n'en pas éloigner les auteurs. « Considéra quam
periculosum sit ante oculos Dei, si per eum a
quo plectenda sunt crimina, nutriri vitia vi-
deantur. »
Ce saint pape avait déjà fait auparavant le
même reproche à Jean le Jeûneur, patriarche
de Constantinople, à l'occasion de son syncelle,
à qui cette haute dignité et la faveur du pa-
triarche qui en est inséparable, n'était qu'un
instrument pour se nuire à lui-même, en nui-
sant impunément à tous ceux qui devaient
espérer son appui et sa protection.
a Credo quod mihi familiaris vester ille ju-
venculus rescripsit, qui adhuc de Deo nihil
didicit, qui viscera charitatis nescit, qui ab
omnibus accusatur, qui insidiari quotidie di-
versorum mortibus dicitur per occulta testa-
menta, etc. Mihi crede, frater, ipsum prius cor-
rige, ut ex his qui vobis vicini sunt, et ii qui
vicini non sunt, exemplo melius emendentur
(L. h, ep. 53). »
IV. Jean Diacre, nous a appris, dans la vie de
ce saint pape, combien exactement il pratiquait
lui-même ce qu'il avait fait résoudre dans ce
concile, et ce qu'il exigeait des autres évèques
avec tant de sévérité. Il écarta du palais ponti-
fical tous les laïques, et n'admit dans sa famille
que d'excellents ecclésiastiques et de saints re-
ligieux. « Remous a suo cubiculo saecularibus,
clericos sibi prudentissimos conciliarios fami-
liaresque delegit (L. h, c. 2, 12). »
Après avoir nommé quelques-uns de ces
ecclésiastiques, dont le mérite singulier éclata
dans les grands emplois qu'ils eurent ensuite,
cet auteur vient aux moines que cepapeappro-
cha de sa personne, et associa à son clergé
dans le palais apostolique. « Monachorum
vero sanctissimos sibi familiares elegit, inter
quos, etc. »
Les apôtres d'Angleterre et plusieurs saints
évèques sortirent de cette incomparable société,
que ce saint pape éclairait jour et nuit, pré-
tendant lui-même en être éclairé. « Cum qui-
bus Gregorius die noctuque versatus , etc.
(L. xn, ep. 10). »
Je ne puis m'empècher d'ajouter ici que
Datien, métropolitain d'Arménie, ayant de-
mande à saint Grégoire des enfants égaux en
340
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENTIÈME.
âge et en beauté, pour en faire un présent à
l'empereur, ce pape, bien loin de lui en en-
voyer, lui écrivit que pour lui il aimait mieux
en avoir de difformes que de beaux. « Mei si-
miles, videlicet déformes qusero. » Une dispo-
sition si chaste de la maison épiscopale est un
rempart invincible contre les attaques de la
calomnie.
V. Nous lisons dans Ennodius une ordon-
nance royale, où il est commandé aux évèques,
aux prêtres et aux diacres, d'avoir toujours un
autre ecclésiastique pour compagnon insépa-
rable, et pour témoin de toutes leurs actions
les plus secrètes; que si leur pauvreté est un
Obstacle à cette précaution, ils serviront eux-
mêmes de compagnon et de témoin à quelque
autre. « Nullum ergo sacerdotum antiquis et
modernis legibus obsequentem , nullumque
levilarum sine bene probata volumus in quo-
cumque loco manere persona. Vel quein sub-
stantif exilitas non permiserit babere consor-
tt ni , ipse cancellaneus fiât alterius (Opusc,
cap. vu). »
Dieu voit notre innocence, mais les nommes
doivent en être persuadés, et ils le seront s'ils
en sont témoins. C'est un crime aux ecclésias-
tiques de ne pas faire tout ce qui leur est pos-
sible pour écarter les soupçons mêmes du
crime. Ils sont coupables des injustes défiances
cl des plus noires calomnies qu'on forme contre
eux, s'ils ne tâchent de les prévenir, encore
plus pour le salut des autres que pour leur
propre réputation. « Multos habeat aetuuin
conscios, qui Deo débet innocentiam. Videanl
œmuli, quia qui testes habet, vult probari.
Celle vel si mens sit recti conscia, vindicla
dignus est, qui alii existit causa periculi. »
Ce pii nce ne fit cette ordonnance qu'avec le
consentement du Siège Apostolique : « Aposlo-
licae Sedis D. Pétri vel praesulis ejus autoritate
papœ siil)iii\i. » Et ce fut même à l'occasion
des infâmes accusations qu'on avait formées
contre le pape Symmaque, que cet édit fut
fait : « Cum Apostolicse Sedis prœsulera , et
omnium pêne Ecclesiamm gubernacula tra-
ctantem per proximi tumultus incendium, ini-
mieorum rabies tali ore momordisset. »
Le cardinal Daronius attribue cette constitu-
tion a Laurens, archevêque de Milan (Baronius,
an. :>(i-2, n. :i-^, 503; n. 13, 11).
Les louanges qu'Ennodius et que Baronius
même après lui, ont données au roi Théodoric,
touchant l'estime et l'amour même qu'il avait
pour l'Eglise romaine, peuvent bien le faire
juger digne d'avoir fait cet édit, qui ait été en-
suite soutenu d'une ordonnance épiscopale.
D'ailleurs, ces paroles du titre, « Prœeeptum
quando jussi sunt omnes episcopi cellulanos
babere, » conviennent beaucoup mieux àl'édil
d'un prince, qu'à l'ordonnance d'un évèque.
Mais il nous importe peu d'approfondir qui fut
l'auteur de cette ordonnance, Théodoric ou
Laurens. Le titre convient mieux à Théodoric ,
l'ordonnance à Laurens.
VI. Comme cette déclaration royale suppose
des lois précédentes qui aient ordonné ces
mêmes précautions à l'innocence et a la répu-
tation des évèques et des clercs majeurs, nous
trouvons dans le concile de Girone , en
Espagne, deux canons qui prescrivent à tous
lec clercs majeurs d'avoir toujours un garde
et un témoin inséparable de leur probité.
C'est principalement pour ceux qui avaient
été mariés que cette ordonnance était faite,
pour mettre leur continence ta couvert, ou des
tentations, ou des médisances : « Placuit a pon-
tifice usque ad subdiaconatum, post suscepti
honoris officium si quis ex conjugitis fuerit
ordiuatus, ut semper alterius fratris utatur
auxilio, cujus testimonio vita ejus debeat cla-
rior apparerc (Can. vi). »
Mais ce concile ne laissa pas de commander
à tous les autres ecclésiastiques qui avaient
famille, quoiqu'ils n'eussent point de femmes,
d'être toujours accompagnés d'un fidèle témoin
de leur conduite. « De bis qui sine uxorihus
onlinantur, et familias domus habent, habito
secuin pro vita? conversatione fratre in testi-
monium, etc. (Can. vu). »
Le concile IV de Tolède (Can. xxu) renou-
vela la même ordonnance pour les trois ordres
supérieurs. Voici pour les évèques : « Ut dein-
ceps cxrludatnr oninis nefanda suspicio , aut
casus. et ne detur ultra saecularibus obtre-
ctandi locus, oportet episcopos testimoninm
probabilium personarum in conclavi suo ba-
bere, ut et Deo placeant per conscientiam pu-
ram, et Ecclesia: per optimam famam. »
Quant aux piètres et aux diacres, ce concile
les oblige, ou de vivre en communauté avec
leur évèque, si leur santé ou leur âge le leur
permet, ou d'avoir dans leur maison un autre
ecclésiastique, comme un invincible rempart
contre la calomnie. « Non aliter placuit, ut
quemadmodum antisles, ita et presbyleri at-
que levitte, quos forte infirmitas aut retatis
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLIONS.
3il
gravitas in conclavi episcopi manere non sinit.
ut iidem in cellulis suis testes vitœ habeant,
vitamque suam sicut nomine, ita et meritis
teueant Can. xxni). »
Enfin ce concile (Can. xxiv) renferme |
les mêmes raisons tous les clercs inférieurs
dans un séminaire. « Omnes in uno conclavi
eommorentur, deputari probatissimo senioii,
(plein magistrum doctrina et testem vitœ ba-
beant. »
VII. Le concile II de Tours (Can. xu) nous
représente dans la France les mêmes règle-
ments qu'on pratiquait en Espagne. Car si l'é-
vêque a été marié, il est toujours, après son
ordination, accompagné d'une armée céleste
de maints ecclésiastiques, qui le rendent inac-
cessible aux attaques de la chair, aussi bien
qu'a la malignité des calomniateurs : « Et lieet
Deo propitio, testimonio clericorum suorum
castus vivat, quia cum illo tam in cella, quam
ubicumque fuerit, sui habitent, eumque pre-
sbyteri et diaconi , vel deinceps clericorum
turba juniorum Deo autore conservent, etc. »
Si Tévêque n'a point été marié, ou s'il est
veuf, les ecclésiastiques ne laissent pas d'être
en garde continuelle auprès de lui , et d'en
écarter toutes les femmes étrangères. « Ha-
beant ministri ecclesiœ , utique clerici, qui
episcopo servi unt, et eum custodire debent,
licenliam extraneas mulieres de frequentia
cohabitationis ejicere (Can. xiu). »
Ces clercs qui sont au service de l'évêque,
selon les termes de ce concile, « clerici qui
episcopo serviuut, » ne sont nullement désho-
norés par ce ministère. Si l'évêque est l'image
vivante de J.-C, si la royauté de son divin
sacerdoce réside principalement en lui , ceux
qui le servent, même dans son particulier, sont
les princes de sa cour; et ils sont aussi émi-
nents par-dessus les princes de la terre, que la
royauté céleste de J.-C. est infiniment rehaus-
sée par-dessus tous les empires du monde.
Le concile romain, sous saint Grégoire, se
servit des mêmes termes : « Ad sécréta cubi-
culi servitia. » Aussi ce concile de Tours sem-
ble nous montrer que la piété des évêques rie
France avait prévenu les règlements de ce pape,
et n'admettait plus que des clercs au service
des évêques.
Enfin ce concile de Tours (Can. xix) oblige
les archiprêtres, même de la campagne , a se
faire aussi toujours accompagner par quelques
clercs mineurs, soit aux champs, soit chez eux.
« Seu in vico manscrit, seu ambulaverit, unus
lector canonicorum suorum aul certus aliquis
de numéro clericorum cum illo ambulet, et in
cet la. ubi ille jacet, lectum babeat, pro testi-
monio. »
VIII. Grégoire de Tours nous enseigne la
pratique de ces décrets. Parlant d'Ethérius,
évêque de Lisieux, il le fait coucher dans une
même chambre où étaient couebés avec lui un
grand nombre de clercs, slnstrato suoquievit,
habens circa lectum suum multos lectulos cle-
ricorum (L. vi, c. 36), » Il est vrai que cet
évêque redoutait alors avec raison les embû-
ches de ses ennemis, mais cela ne l'obligea
apparemment qu'à augmenter le nombre de
ses gardes.
Le prêtre et le diacre qui ont écrit la vie de
saint Césaire, dont ils avaient été les disciples
et les syncelles , protestent qu'étant couebes
dans sa même chambre, ils l'ont souvent ouï
durant la nuit, pendant son sommeil, parler
avec la même ferveur que lorsqu'il prêchait
dans son église, du redoutable jugement que
Dieu doit faire des hommes à la fin des siècles,
et de la félicité sans fin des bienheureux.
« Nos ipsi vel conservi nostri, qui in cella
ipsius manserunt, sciunt quae diximus , etc.
Fréquenter in sopore positus de future judicio,
vel de éeterno praemio prsedicabat (L. n, c. ~2,
3).» Le diacre seul parle de lui-même dans h:
chapitre suivant. « Cum in cella ipsius diaconus
in servitio illius ad judicium delectus essem,
curam me inter reliqua de nocturnis horis
jusserat habere. »
C 'était donc l'usage commun de parler des
prêtres même et des diacres, de dire qu'ils
étaient au service de l'évêque, mais l'exemple
même de ceux-ci montre manifestement que
ces serviteurs étaient effectivement les disciples
comme saint Grégoire les a aussi appelés dans
le premier passage que nous en avons rapporté.
IX. Comme l'origine du nom de celle, x&xwv,
et de syncelle est venue de la Grèce, la dignité
des syncelles y a été aussi sans comparaison
plus éminente, et leur puissance plus redouta-
ble. Au lieu que les papes et les autres évêques
d'Occident en avaient plusieurs dont fout le
pouvoir ne consistait qu'à rendre témoignage
de leur vie et profiter eux-mêmes de leur doc-
trine et de leur sainteté , les patriarches grecs
n'avaient qu'un syncelle, ou, entre plusieurs
syncelles, ils avaient un protosyncelle qui
devint enfin le confident de leurs conseils
312
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CENTIÈME.
et l'unique dépositaire de leur autorité.
Ainsi lessyncelles paraissent toujours comme
les premiers ministres du patriarche durant sa
vie, et ordinairement ils leur succèdent après
leur mort.
Un des accusateurs de Dioscore, patriarche
d'Alexandrie, dans le concile de Calcédoine
(Act. 3) , promit de prouver tous les chefs de
son accusation par les syncelles propres de
Dioscore : « Per nominatos a me testes, syn-
cellos ejus constitutos, qui hactenus cum ipso
degunt et comitantur. » Un autre accusateur
du même Dioscore nomma son syncelle Ago-
raste comme le complice de ses crimes :
« Unum ex cooperatoribus ejus insaniœ , syn-
cellum ejus existentem. »
Le patriarche d'Alexandrie avait peut-être
alors plusieurs syncelles, mais lorsque le diacre
romain Dioscore écrit au pape Hormisde que
Jean, patriarche de Constantinople, étant mort,
le prêtre Epiphane, qui avait été son syncelle ,
lui avait aussi été donné pour successeur : «In
eujus locum Epiphanius quidam presbyter ,
quondam syncellus ejus successit (Post ep.
lxx Hormisd.) ; » et lorsque le synode de Cons-
tantinople nomme, dans sa lettre synodale au
pape Héraclien , prêtre de la grande église de
Constantinople et syncelle d'Epiphane, patriar-
che : « Cohabitator patriarche Epiphanii », il
ne parait qu'un syncelle. Il est vrai que dans
la conférence des catholiques avec les Sévé-
riens, en l'an .h!v2, on nomme Héraclien et Lau-
ivns prêtres et syncelles du patriarche Epi-
phane. Dans le concile romain, sous Martin Ier,
il est parlé d'Etienne, prêtre, syncelle et char-
tophylace du patriarche Sergius (Consult. iv).
Anastase Bibliothécaire, dans son histoire,
raconte comment l'impie Léon d'Isaurie, épiant
les occasions de déposer le saint patriarche de
Constantinople, Germain, parce qu'il avait
trouvé en lui un invincible défenseur des
saintes images, corrompit Anastase, son disciple
et son syncelle, en lui promettant son trône pa-
triarcal pour le prix de sa trahison. « Habuit
in hoc comparticipem discipulum ejus et syn-
cellum Anastasium , cui spopondit , utpote
impietatis sua; consentaneo, throni cum adul-
terum successorem futurum. » Germain s'étant
démis lui-même, cet Anastase lui succéda.
Ce même auteur, aussi bien que Théophane,
avait dit auparavant que Jean le Cappadocien,
de syncelle, devint lui-même patriarche de
Constantinople après la mort de Timothce , et
eut aussi pour successeur Epiphane, son syn-
celle. Il n'en faut pas davantage pour faire voir
l'élévation et le pouvoir des syncelles. Aussi,
les patriarches furent forcés, avec le temps, de
les multiplier jusqu'à un si grand nombre ,
qu'ils en eurent eux-mêmes de la honte , et le
patriarche Serge les réduisit à deux, par une
constitution insérée dans le droit oriental (L. n).
L'ambition des ecclésiastiques et la facilité
excessive des patriarches ne put se contenir
dans ces bornes ; le nombre des syncelles se
multiplia encore sans mesure, mais on donna
au premier et au plus éminent la qualité de
protosyncelle.
Il ne faut pas oublier que le saint et invin-
cible patriarche Taraise, de Constantinople,
eut le déplaisir de voir tous ses syncelles cor-
rompus par l'empereur , devenir ses espions
et ses ennemis domestiques , comme nous
l'apprend l'auteur de sa vie.
X. On a bien pu remarquer, dans ce qui a
été dit des syncelles, que c'étaient les conseil-
lers, Consiliarii, du pape, des patriarches et
des évêques. C'est donc ici le lieu de dire quel-
que chose de cette dignité de conseillers.
Jean Diacre donne cette qualité aux syncelles
du pape saint Grégoire le Grand : « Remotis a
cubiculo suo sœcularibus, clericos sibi pruden.
tissimos consiliarios familiaresque delegit
(L. n, vita ejus, c. 14, 1-1). »
C'étaient ces saints ecclésiastiques et ces
excellents religieux qui composaient le conseil
secret de ce grand pape, et qui ayant les pre-
miers foulé aux pieds toutes les grandeurs du
monde, ayant renoncé aux plaisirs trompeurs
des sens , et s'étant entièrement consacrés à la
sagesse du ciel et à la perfection évangélique ,
faisaient régner ce même esprit de réforme et
de sainteté dans tous leurs conseils et dans
toutes leurs résolutions.
« Arcessebantur pontificalibus profundis
consiliis prudentes viri, quos perhibui, polius
quam potentes; et a paupere philosophia intrin-
secus quid potius aut potissimum in unoquo-
que negotio sequendum videretur, artitîciosis
argumentationibus rationabiliter inquirente,
dives inertia, qua; modo se de sapientibus pari
sorte ulciscitur, prœ cubiculi foribus despica-
bilis remanebat. »
Saint Grégoire parle lui-même de ses con-
seillers et des autres personnes savantes de la
ville de Rome, dont il prenait les avis dans les
affaires importantes et embarrassées. « Neces-
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLERS.
343
sarium visum est nobis, tam cum consiliariis
nostris, quam cum aliis hujus civitatis doctis
viris, quid esset agendum, de lege tractare.
Qui tractantes respouderunt, etc. (L. vu, ind. 2,
ep. vu). »La réponse de ces hommes savants de
Rome et de ces conseillers domestiques du
palais pontifical, fut l'oracle qui émana de la
bouche de ce saint et savant pape. Les grands
officiers de l'empire avaient aussi leurs con-
seillers (L. i, ep. 36).
XI. Pour montrer que c'était véritablement
un office et une dignité, et non pas un nom,
ou une qualité superficielle, il ne faut que rap-
porter le commencement de la lettre que le
Saint-Siège écrivit en Angleterre sur la Pâque,
lorsque le pape Jeau IV n'était encore qu'élu
pape et non encore consacré. Car voici les
noms et les titres de ceux qui écrivirent la
lettre : « Hilarius archipresbyter et servans
locum saneta? Sedis Apostolicœ, Joannes Dia-
conus et in nomine Dei electus. item Joannes
priinicerius et servans locum sanctae Sedis
Apostolicœ, et Joannes servus Dei consiliarius
ejusdem Apostolica:' Sedis (Beda, 1. h, c. xix).»
La qualité que prend ce dernier, de serviteur
de Dieu, nous fait croire qu'il était religieux.
Aussi Jean Diacre nous a assuré que les con-
seillers de saint Grégoire étaient en partie
clercs, et en partie religieux. Or cette sous-
cription montre évidemment que comme les
qualités d'archiprètre, de diacre, de primicier
étaient des dignités effectives et permanentes,
il faut faire le même jugement de celle de con-
seiller.
XII. Le même Bède, qui a inséré cette lettre
dans son histoire, parle ailleurs de l'archidiacre
de Rome, Boniface, qui était aussi conseiller
du Siège Apostolique, et fort habile dans toutes
les sciences ecclésiastiques; aussi le célèbre
Wilfrid le mit au nombre de ses disciples, dès
qu'il fut arrivé à Rome.
« Venions vero Wilfiidus, Romam, pervenit
ad amicitiam viri sanctissimi et doctissimi Bo-
nifacii scilicet archidiaconi, qui etiam consilia-
rius erat aposlolici papae, cujus magisterio qua-
tuor Evangeliorum libres ex ordine didicit.
computum Pascha? rationabilem, et alia multa
quœ in patria nequiverat, ecclesiasticis disci-
plinis accommoda, eodem magistro tradente
percepit L. v, c. xx). »
Voilà quelle était l'abondance de toutes les
sciences ecclésiastiques dans ces sources admi-
rables , où le pape même avait recours. Il est
raconté, dans les actes du concile II de Nicée,
que le pape Benoit II tâcha de faire rentrer
dans la créance catholique l'hérésiarque Ma-
caire, pour le faire ensuite remonter sur le
trùne d'Antioche Baronius. ann.GK.">, n. 8). Et
il lui envoya pour cela son conseiller, c'est-à-
dire le plus savant de sa cour. Car entre toutes
les dignités ecclésiastiques, celle de conseiller
est sans doute celle qui demande plus de
science et plus de sagesse.
XIII. Anastase, bibliothécaire, rapporte, dans
la vie du pape Serge I", que ce pape ayant
résisté avec une fermeté inflexible aux pres-
santes instances que lui faisait l'empereur Jus-
tinien II, de recevoir les canons du concile
in Trullo, cet empereur, irrité de ce refus, fit
enlever de Borne et conduire à Constantinople
Jean, évêque de Porto, etlioniface, conseiller
du Siège Apostolique : « Bonifacium consilia-
rium Apostolica? Sedis,» comme les auteurs de
cette vigoureuse résistance du pape.
Je ne sais si cet abbé Jean , dont il est parlé
dans la lettre de saint Maxime, martyr, au prêtre
Marin, et qui y est appelé Symponus , n'aurait
point aussi été conseiller du pape Honorius,
puisque ce fut lui qui dicta la lettre de ce pape,
qu'on flétrit dans le sixième concile général, et
qui en donna une interprétation favorable,
protestant que ce pape n'avait jamais eu dessein
de s'opposer au dogme des deux volontés de J.-C.
XIV. Si le concile de Xicée a regardé, dans son
sixième canon, l'Eglise romaine comme le mo-
dèle de toutes les autres, il est aussi à croire
que les autres évèques avaient leurs conseil-
lers, aussi bien que le Siège Apostolique. Je nie
contenterai d'ajouter un témoignage admira-
ble de Léontius, évêque de Chypre, dans la vie
de saint Jean l'Aumônier, patriarche d'Alexan-
drie, que le même Anastase Bibliothécaire tra-
duisit en latin . et qu'il dédia au pape Nicolas
(Anast. Bibliot. Collect., p. 33, cap. xxxi).
Voici ce qu'il dit des dignes conseillers de ce
saint patriarche. « Ad voluntatem ejus, quœ
tota in Deo erat, misit ei Deus viros sapienles,
et semper memorandos Joannem et Sophro-
nium. Consiliarii enim erant veraciter boni ,
quibus et tanquam Patribus indiscrète obedie-
lj.it et gratias agebat, tanquam constantibus
maxime, et viriliter agentibus militibus, pro
pietate religionis. Etenim sancti Spiritus virtute
freti, etc. »
Voilà une excellente peinture des conseillers
d'un évêque.
3 ; i
DE SECOND ORDRE DES CLERCS. CHAPITRE CENT-UNIÈME.
CHAPITRE CENT-UNIEME.
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLERS, DEPUIS L AN HlIT CENTS IUSQTJ EN L AN MIL.
I. On travaille en France à donner des syncelles à tous les
évèques, à l'imitation du grand saint Grégoire.
II. On y travaille aussi en Italie.
III. Les syncelles étaient des moines ou des ecclésiastiques,
mais plutôt des ecclésiastiques dans l'Occident.
IV. C'étaient très-souvent des moines daus l'Orient.
V. c'étaient quelquefois des espions que l'empereur donnait
aux patriarches.
VI. Les syncelles succédaient souvent aux patriarches.
VII. Les princes, les évèques, les archevêques briguèrent
alors le syncellat.
VIII. D'où il arriva que les syncelles prirent séance au-dessus
des métropolitains.
IX. Des conseillers des princes, au conseil desquels on traite
les causes de l'Eglise.
X. Manière admirable dont Charlemagne en usait.
XI. lue partie de ces conseillers étaient ecclésiastiques.
XII. Trois sortes de conseils, selon Hincmar, où les ecclésias-
tiques avaient part.
XIII. C'était dans l'un de ces conseils, où souvent les évè-
chés se donnaient.
XIV. Si les empereurs et si Charlemagne eurent des syncelles.
XV. Des conseillers des papes.
XVI. De ceux qui étaient appelés Deliciosi, Favoris.
1. Les syncelles étaient, comme nous avons
dit, les témoins éternels, et les compagnons
inséparables des évèques , dont ils observaient
la conduite la plus secrète, dans leur palais et
dans leur cabinet.
Mais cette coutume si sainte s'étant comme
abolie, les Pères du concile VI de Paris travail-
lèrent à la renouveler, par les exemples de saint
Augustin et de saint Ambroise, et par les dé-
crets du grand saint Grégoire, dans un concile
romain.
Ce grand pape bannit les laïques de son pa-
lais , et voulut que les pontifes ne fussent a
l'avenir, ni servis , ni observés dans leur con-
versation domestique que par des ecclésiasti-
ques capables de profiter de la vie toute édi-
fiante et toute sainte de leur pasteur.
Voici le décret du concile romain qui fut tenu
sous ce saint pape. « Pnrsenti decreto consti-
iuto, ut quidam ex clericis, vel etiam ex mo-
nacbis electi, ministerio cubiculi pontificalis
obsequantur, ut is qui in loco est regiminis ,
habeat testes taies, qui vitœ ejus in secreto
conversationein \uleant, et ex visione sedulu
exempluni profectus sumant. »
Le concile de Paris de l'an 829 (Can. xx ) ,
témoigne une extrême douleur de ce qu'une
coutume si sainte avait été négligée par quel-
ques évèques, qui vivaient seuls dans leur cabi-
net sans la présence de ces témoins , que leur
piété eût pu édifier. « Sed quia nonnullos socios
ordinis nostri , sine bis personis, quas sua
religiosa conversatio testes habere, et quibus
exemplum bonum debuit praebere, cubicula
secreti soi didicimus incolere, id non sine ma-
gna turbidaque indignatione ferre potuimus
(Capitulare Car. Mag., 1. v, c. clxxiv). »
Enfin ce concile (Can. xxi) ne fit pas paraître
moins d'indignation contre les prélats qui se
plaisaient davantage à converser avec les laï-
ques qu'avec les ecclésiastiques : « Non cum
clericis , sed potius seorsum cum laicis et qui-
busdam familiaribus suis sermocinari et con-
vivari delectantur. »
IL L'évêque devait donc toujours être accom-
pagné ou de ses ecclésiastiques, ou de quelques
saints religieux, non-seulement en public, mais
en particulier aussi dans le plus secret de
son palais , afin d'avoir toujours des témoins
de son innocence, et des disciples de sa piété.
Ce décret fut encore renouvelé dans le con-
cile de Pavie qui fut tenu en 850 (Can. [).
« Oportet igitur, ut cubiculo episcopi et secre-
tioribus quibuslibetobsequiis sinceraopinionis
sacerdotes et clerici assistant , qui vigilantem ,
orantem , sacra eloquia scrutantem episcopum
suum jugiter attendant, ejusque sanctae con-
versationis testes, imitatores, et ad Dei gloriam
pnedicatores existant. »
Cela nous marque que la vie de l'évêque en
particulier, ne devant être qu'une vigilance,
une prière, une méditation des Ecritures infa-
tigable , il était nécessaire qu'elle eût des
témoins, des imitateurs et des panégyristes,
pour la gloire de Dieu, et pour l'édification des
peuples.
III. Saint Grégoire a donné ou des clercs, ou
des moines pour faire cette fonction de syn-
DKS SYNCELLES ET DES CONSEILLERS.
315
celles auprès de l'évèque. En effet, le pape
Léon 111 assure, dans une de ses lettres, qu'Au-
gustin, apôtre d'Angleterre, avait été lui-même
syucelle de saint Grégoire : « Augustino syn-
cello suo Epist. i). » Mais les conciles que nous
venons de citer semblent nous persuader que
cette charge était réservée aux ecclésiastiques,
« Sacerdotes et clerici. »
Les aumôniers et les chapelains des évoques
peuvent bien avoir été un reste des anciens
syncelles. Témoin saint Udalric, évêqued'AugS-
bourg, qui avait toujours avec lui un de ses
clercs dans son carrosse, pour réciter ensemble
les psaumes , outre les prêtres qui l'accompa-
gnaient, pour pouvoir célébrer la sainte messe
avec plus de pompe et de solennité.
« Sedebat in solio super carpentum compo-
sito, de humerulis plaustri in ferro pendente,
et cum eo unus clericus de capellanisejus, qui
cum eo totos dies psalmos decantasset. Comi-
tari semper cum illo aliquos suos presbyteros
prudentissimos, etdecapellanistantum utquo-
ti'lie servitium Dei décore perflcere potuisset,
praecepit (Surius, Julii die 4, c. iv . »
IV. Les patriarches et les évèques orientaux
élevaient ordinairement des moines à cette di-
gnité de syncelles, ce qui parait en la personne
de Jean et de Thomas, moines et prêtres, qui
assistèrent au concile II de Nicée, avec la qua-
lité de légats des trois sièges, des patriarches
d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, dont
ils étaient les syncelles.
Dans le concile VIII général (Nicen. Syn. n,
act. m et îv, act. i), Elie, religieux et syncelle
«lu patriarche de Jérusalem, parait aussi entre
les autres présidents du concile. Comme les
patriarches et les évèques d'Orient étaient or-
dinairement choisis d'entre les moines, il ne
faut pas s'étonner si leurs plus intimes confi-
dents étaient aussi de même profession.
V. Mais il ne faut pas se figurer que ces syn-
celles fussent toujours les amis les plus sin-
cères et les plus fidèles confidents des prélats.
L'auteur de la vie de saint Taraise, patriarche
de Constantinople, raconte comme l'empereur,
pour se venger de lui, lui donnait des syn-
celles qui étaient autant d'espions dangereux,
qui observaient toute sa conduite, et celle de
ceux qui l'approchaient, avec un esprit rempli
d'aigreur et de malignité.
« Iniperator Magnum oppressif Tarasium
multis tentationibus, ei adhibens custodes, qui
nomine quidem usi sunt syncellorum, mori-
bus vero longe aberant a pielate. Quos nisi as-
sumpsisset, et nisi pereorum oculos Iransisset,
non licebat cuiquam ad divinum et sapientem
pastorum principem accedere, et ea qua3 vi-
debantur eloqui (Surius, die -2.j Feb., vi ,
xxxv). »
VI. Ce n'était pas sans raison que les empe-
reurs s'intéressaient pour donner des syncelles
au patriarche de Constantinople. parce que
c'était ordinairement le premier des syncelles
qui succédait au siège patriarcal. Léon le
Philosophe ayant arraché de son trône le pa-
triarche Nicolas, qui l'avait excommunié,
substitua en sa place le saint religieux Euthy-
mius, syncelle du patriarche et père spirituel
de l'empereur An. 901).
Le même Léon avait fait, longtemps aupara-
vant, son frère Etienne, patriarche de Constan-
tinople, de syncelle qu'il était, comme avant
cela Théophile, empereur, avait donné à un
nommé Jean la qualité de syncelle, pour le
préparer à celle de patriarche.
Tous ces exemples sont tirés de Cédrénus et
de Curopalate, qui racontent aussi comme l'em-
pereur romain, après avoir fait couronner ses
deux aînés, Ut raser son troisième fils nomme
Tbéophylacte, le faisant ordonner clerc et sous-
diacre par le patriarche, et ensuite syncelle :
« Reliquum Theophylactum patriarcha radit
in clericum et subdiaconum ac syncellum dé-
signât; cum prius in sanctuarium intrasset,
oflicium subdiaconi gerens. »
Cet auteur semble insinuer qu'il fallait être
sous-diacre pour être admis au rang des syn-
celles. Mais il distingue fort clairement l'ordi-
nation du sous-diaconat, de la promotion à la
dignité de syncelle. Xxk>otov>ioô« '•i--à:%,.:,:,, --.■.■Lv.-
piaapLSvGC tmrps£tàmm
Dans la suite de l'histoire, ces auteurs font
voir que cette qualité de syncelle n'était re-
cherchée, par les fils même des empereurs, que
comme un degré au patriarcat; car ce Théo-
phylacte monta dans la suite du temps sur le
trône patriarcal de Constantinople.
Je ne m'arrêterai point à rapporter ici d'au-
tres exemples tirés de ces mêmes auteurs ou
des autres historiens. Ceux que nous avons
rapportés sont plus que suffisants pour justifier
ce que nous avons dit.
MI. Depuis que les enfants et les frères des
empereurs se crurent honorés de la dignité de
syncelle , les évèques et les métropolitains
même y aspirent , quelque incompatibilité
346
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-UNIÈME.
qu'on pût se figurer entre des qualités si diffé-
rentes et des fonctions si éloignées.
Les mêmes auteurs font mention d'Etienne,
syncelle et pontife de Nicomédie; ils racontent
aussi comment l'empereur romain Argyre fit
trois syncelles métropolitains ou trois métropo-
li tains syncel les: celui d'Ephèse, comme parent
du patriarche ; celui de Cysique , comme son
ancien favori ; et celui d'Euchaïres, comme pa-
rent de son favori. « Fecit très syncellos metro-
politas (Cedren., p. 536, 593, 602, 624, 686). »
11 donna cette même dignité de syncelle à
Jean, autrefois secrétaire de l'empereur Basile,
mais qui avait déjà rasé ses cheveux, et lui
donna en garde la sœur de l'impératrice sa
femme.
Et quoique ce dernier trait ne vienne pas di-
rectement au sujet que nous traitons , nous
avons néanmoins cru le devoir rapporter. Nous
ferons même voir ci-après que dans l'Occident
cette charge a été en plusieurs rencontres don-
née à des évêques.
VIII. On ne sera pas surpris après cela si les
syncelles prirent leur rang et leur séance au-
dessus des métropolitains.
Ce ne fut pas sans que ces prélats fissent écla-
ter leur juste indignation contre une nouveauté
si scandaleuse, mais à laquelle ils avaient peut-
être eux-mêmes contribué, en briguant la la-
veur des princes pour s'élever au-dessus d'eux-
mêmes, en se rabaissant a la dignité de syncelles.
« Die I'cntecostes sacro tumultuatum est ob
sessionem in sacro officio, metropolitis non fe-
rentibus superiore loco ipsis sedere syncellos
(Cedren., pag. 723). »
Depuis que les métropolitains crurent s'éle-
ver en se revêtant du syncellat , les syncelles
regardèrent aussi les métropolitains comme
leurs inférieurs.
La faveur des empereurs peut encore avoir
servi à cette élévation des syncelles au-dessus
des métropolitains. Le protosyncelle se trouva
enfin le premier ministre de l'empire. «Orientis
duces se ad primarium syncellum conferunt ,
tune reipub. gubernatorcm, eoqueapud impe-
ratorem intercessore utuntur(lbid., p. 796). »
IX. La qualité de conseiller n'a pas peu de
rapport à celle de syncelle, comme nous avons
dit ci-dessus ; mais je ne comprends pas dans
ce discours les conseillers des princes, comme
l'abbé de Saint-Denis Fulrad est appelé conseil-
ler du roi Pépin, dans la lettre du pape Etienne
à ce roi. m Fulradus presbyter et abbas, consi-
liarius rester (Epist. ni).» Charlemagne, dans
son capitulaire d'Aix-la-Chapelle de l'an 789 ,
dit qu'il a délibéré de toutes choses avec les
évêques et avec ses conseillers, « considerans
una cura sacerdotibus et consiliariis nostris. »
Dans l'histoire de la réception du pape Léon
III par Charlemagne , les évêques sont distin-
gués du conseil du prince et ont le dessus, « ex
omni parte archiepiscopis, episcopis et ceteris
sacerdotibus venientibus una cum régis consi-
lio, omnibusque eximiis Francis (Conc. Gall.,
tom. h, p. 20, 130, 227, 238). »
Dans la consultation sur les curés soupçonnés
du crime d'impureté , sans qu'on pût les en
convaincre, la résolution fut enfin prise sur la
réponse des évêques, du clergé et des conseil-
lers du roi. « Née non et nostrorum episcopo-
rum omnium, ceterorumque sacerdolum et
Ievitarum autoritate et consensu, atque reli-
quorum lidelium et cunctorum nostrorum eon-
siliariorum consultu definitum est. »
Il semble résulter de ces passages que les
évêques étaient distingués du conseil du roi,
non pas comme en étant exclus, mais comme
étant au-dessus de tous les autres membres du
conseil.
En effet, les évêques du concile VI de Paris,
tenu en 829 (Can. xxvi), conjurèrent avec les
dernières instances l'empereur Louis le Débon-
naire, de choisir des conseillers et des ministres
qui pussent soutenir le poids et l'importance
d'une si grande charge. « Quatenus consiliarii
et dignilatisvestranninistri.custodesque anima;
vestra? et corporis , qui debent esse intra re-
gnum aliis bonitatis decus et exemplum, chari-
latem , pacem et concordiam invicein habeant
(Ibidem, p. 552, 592). »
La même remontrance fut encore faite en
mêmes termes par le concile II d'Aix-la-Cha-
pelle, célébré en 836 (Can. xn), qu'ils seraient
les vrais conseillers du roi et de l'Etat, si, par
leur concorde et par leur sagesse, ils conser-
vaient la paix et la tranquillité publique. « Tune
enim veri consiliarii, verique adjutores vestri
et totius regni salubriter esse potuerunt, si
unanimes extiterint. »
X. Mais il ne se pouvait pas faire que le nom
de conseillers du roi ne fût aussi communiqué
aux ecclésiastiques, puisqu'ils tenaient déjà la
première place dans ses conseils.
Le concile tenu à Sainte-Macre, en 881 }
(Can. vin), sous les rois Louis et Carloman,
assura ces deux princes que l'empereur Cuarle-
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLERS.
317
magne avait toujours auprès de sa personne
trois de ses principaux conseillers d'Etat, les
appelant par tour les uns après les autres;
qu'il délibérait avec eux sur toutes les particu-
larités qui se présentaient, et sur toutes les
pensées qui lui venaient en l'esprit, et qu'il
avait soin d'écrire sur des tablettes, soit le jour,
soit la nuit ; enfin, il prenait ses dernières
résolutions dans l'asseniblée de ses Etats, ou se
trouvaient tous ses conseillers, et travaillait en-
suite à les exécuter.
« Carolus Magnus nullo unquam tempore
sine tribus de sapientioribuset eminentioribus
consiliariis suis esse patiebatur : sed vicissim
per successiones, ut eis possibile foret, secum
habebat; et ad capitium lecti sui tabulas cum
graphio habebat, et qua? sive in die, sive in
nocte de utilitate sanctœ Ecclesiœ, et de pro-
fectu ac soliditateregnimeditabatur, ineisdem
tabulis adnotabat ; et cum eisdem consiliariis
quos secum habebat, inde tractabat.Etquando
ad placitum suum veniebat, omnia subtiliter
tractata. plenitudini consiliariorum suorum
monstrabat, et eommuni consilio illa ad effe-
ctumperducereprocurabat (Conc. G ail., tom. ni,
p. 514). »
XL II n'est pas exprimé dans ces paroles
qu'une partie de ces ministres du conseil de
Charlemagne fut d'ecclésiastiques, et l'autre
de seigneurs laïques. Mais on le peut bien
conjecturer par l'assemblée annuelle de tous
les conseillers, où les évèques et les abbés te-
naient toujours le premier rang, et ne faisaient
peut-être pas le moindre nombre.
On en peut encore tirer une preuve du
conseil que ce concile donne ensuite à ces
deux rois, d'avoir toujours auprès d'eux des
conseillers tirés du clergé et de la noblesse, de
les changer tous les mois, et de les appeler
successivement les uns après les autres, pour
traiter avec eux de toutes les affaires impor-
tantes de l'Etat et de l'Eglise. « Quœsunms
cum consilio et auxilio' fldelium vestrorum ,
eligite qui vobiscum per singulos menses de
utroque ordine consiliarii maneant, quibus
aurem et cordis et corporis libenter accommo-
detis, quique vos Deum timere, et Ecclesiam
ac rectores ejus doceant honorare. »
Thégan dit que la source de tous les mal-
heurs de Louis le Débonnaire fut le trop de
créance qu'il avait à ses conseillers, et la per-
nicieuse coutume de choisir les évèques d'entre
les esclaves : « Nihil indiscrète faciebat, prœ-
terquam quod consiliariis suis magis credidit,
quam opus esset, etc. Quia janidudum illa
pessima consuetudo erat, ul ex vilissimis servis
summi pontilices fièrent, etc. » Et plus bas :
o Summopere cavendum est, ne amplius ti.it,
ut servi sint consiliarii sui : quia si possunt,
hoc maxime construunt. ut nobiles opprimant.
(Du Chesne, tom. n, p. 279, 284). »
Cela montre clairement que les évèques
tenaient les premiers rangs dans les conseils
de cet empereur, et qu'il y avait toujours quel-
que jalousie entre eux et la noblesse, qui cher-
chait même dans leur naissance les sujets de
les décréditer.
Hincmar, archevêque de Reims, écrivit au roi
Louis le Bègue, qui l'avait appelé pour prendre
ses avis sur le gouvernement de l'Etat et de
l'Eglise, que le salut ou la perte de l'un et de
l'autre dépendait entièrement des bons ou des
mauvais conseillers que les rois choisissaient
selon qu'ils étaient eux-mêmes bons ou mau-
vais. « Legimus quia boni reges constituti,
bonos sibi consiliarios adhibuerunt. et per
bonos reges et bonos consiliarios, regnorum
populi multa bona habuerunt : et per malos
reges et malos consiliarios regnorum populi
multa mala sustinuerunt (Ibid., pag. 475 ; Du
Chesne, tom. m, p. -246). »
Les annales Bertiniennes distinguent les deux
conseils ou assemblées où les conseillers du
roi étaient appelés, l'une particulière, l'autre
générale, comme il a déjà été remarqué de
Charlemagne. « Carolus in PurificationesancUe
Maris cum suis consiliariis placitum in mona-
sterio sancti Dionysii peragens, ibidem Pasclia
Dominicain celebravit. Générale quoque pla-
citum idus Junii tenuit in villa Duciaco, ubi
et annua doua sua accepit (An. 874). »
XII. Mais Hincmar a admirablement déve-
loppe toute cette matière, dans le traité qu'il a
fait de l'éducation du roi Carloman, et de
l'ordre du palais. Car il distingue d'abord les
deux assemblées, où les principaux du clergé
et de la noblesse se trouvaient, les anciens pour
donner conseil, les jeunes pour le recevoir et
pour l'exécuter.
« Consuetudo erat, ut non sœpius sed bis in
anno. duo placita tenerentur. Un uni quando
ordinabatur status totius regni, etc. In quo
placito generalitas universorum majorum ,
tara clericorum, quam laicorum conveniebat :
seniores propter consilium ordinandum. ju-
niores propter idem consilium suscipiendum.
3i«
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-UNIÈME.
Cicterum propter dona generaliter dandaaliud
placitum cum senioribus tantum et praecipuis
consiliariis babebatur : in quo jam futur! anni
status tractari jam incîpiebatur (Hincmar.,t. n,
p. 211). »
Voilà deux assemblées annuelles pour les
affaires d'Etat ; dans la première, les ecclésias-
tiques et les barons étaient reçus, sans qu'il
fût nécessaire qu'ils eussent été honorés de la
qualité de conseillers d'Etat : « Generalitas
universorum majorant, tamclericorum, quam
laicorum conveniebat. » Dans la seconde, on
n'appelait que les seigneurs et les conseillers
d'Etat. « Aliud placitum cum senioribus tan-
tum, et prœcipuis consiliariis habebatur. »
Ces conseillers étaient choisis d'entre les
ecclésiastiques et les laïques les plus sages, les
plus vertueux, et les plus incorruptibles dans
la fidélité qu'ils devaient au roi et à l'Etat.
« CoDsiliarii autem tam clerici, quam laici,
taies eligebantur, qui primo Deum timerent,
deinde talem fidem haberent, ut excepta vita
aeterna nihil régi et regno pncponerent. »
La maxime la plus essentielle pour ces con-
seillers était le silence inviolable des proposi-
tions et des résolutions qui avaient été faites :
« Consiliarii hoc principaliter inter se consti-
lutiini habebant, ut nullus prodere debuisset ,
etc. Seu in annum, seu in perpetuum sub
silentio matière necesse fuisset (L. xxi). » C'est
pour cela que ce conseil fut appelé secret el
qu'on L'appela même silentium, silence.
Paul Diacre, dans son histoire mêlée, dit que
Léon, empereur, assembla son silence, c'est-à-
dire son conseil contre les saintes images, où il
appela le patriarche Germain. « Impius Léo
silentium contra sanctas et venerabiles cele-
bravit imagines , advocato quoque Germano
patriarcha. »
De là vient que le nom de silentiaires a la
même signification que celui de conseiller,
comme on voit dans une ancienne vie de saint
Augilbert: «Sibi Carolus eumdem silenliarimii
staluit, ut in quo compererat prudente altitu-
dinem, ejus consilio eomponeret tolius regni
utilitatem (Du Cliesne, tom. u, p. 357). »
llincmar ajoute que cette assemblée de con-
seillers ne travaillait à terminer les causes el
les différends des particuliers qu'après avoir ré-
solu toutes les affaires d'Etat. « Praefatorum
consiliariorum intentio, qnando ad palatium
convocabantur, in hoc pnecipue vigebat , ut
lion spéciales, vel singulares quascumque cau-
sas ordinarent, quousque illa, quœ generaliter
ad salutem , vel statum régis et regni pertine-
bant, ordinata habuissent. »
Enfin, dans les accidents imprévus où l'on
ne pouvait convoquer ni la grande assemblée
des Etats, ni le conseil de ceux qu'on appelait
proprement conseillers , il y avait un autre
conseil des officiers du palais qui suppléait à
leur défaut, parce que tous ces officiers avaient
été nourris dans les conseils et dans le manie-
ment des affaires.
C'est ce que dit Hincmar au même endroit,
où il ajoute que dans ce conseil étroit l'arclù-
cbapelain avait la première place avec le comte
du palais et le chambellan (Pag. 123, 206). 11
avait dit auparavant qu'il avait vu, étant encore
jeune, le sage Adélard, abbé de Corbie, tenir le
premier rang entre les premiers conseillers de
Cliarlemagne. « Adalardum monasterii Corbeia?
abbatem inter primos consiliarios primum in
adolescentia mea vidi. a
XIII. On peut conclure, de ce qui a été dit ,
que les ecclésiastiques avaient la première place
entre les conseillers du prince , soit qu'on les
considère dans les états généraux du royaume,
qu'on appelait alors placita et qu'on appela
parlements sous la troisième race de nos rois,
ou dans la petite assemblée des Etats, qui por-
tait aussi le nom de placitum , soit enfin dans
le conseil privé ou étroit, qui n'était composé
([lie des officiers ordinaires du palais.
C'est apparemment de ce dernier ordre de
conseillers qu'il faut entendre ce qu'on lit assez
souvent dans les anciens historiens , que les
évêchés étaient donnés de la volonté du roi et
de l'avis de ses conseillers. C'est ainsi que, selon
les annales de Fulde, fut élu le successeur de
Iiaban , archevêque de Mayence. « Magis ex
voluntate régis et consiliariorum ejus , quam
ex consensu et electione cleri et populi (An.
886). »
Loup, abbé de Ferrières, écrivit à l'archevê-
que de Lyon qu'il ne devait point faire de dif-
ficulté de sacrer celui à qui le roi Cbarles le
Chauve avait donné l'évêché d'Autun, de l'avis
de ses conseillers : « In hoc probatissimorum
ejus consiliariorum acquiescit consensus (Episl.
I.XXXl). »
Cette dernière considération pourra servir à
justifier cette qualité et cette fonction de con-
seillers dont les évèques et les autres ecclésias-
tiques élevés au-dessus du commun étaient
honorés auprès des rois. La personne des rois
DES SYNCELLES ET DES CONSEILLERS.
349
étant sacrée, et leur conseil étant comme un
sanctuaire où se traite une partie des plus gran-
des affaires de l'Eglise, des intérêts et des loi- de
laquelle les rois sont les gardes et les défen-
seurs , on ne peut douter que cette qualité de
conseillers d'Etat ne soit très-conforme à la
profession ecclésiastique, et que la fonction
n'en soit très-avantageuse, et même nécessaire
à l'Eglise.
XIV. Quelques savants ont cru que les em-
pereurs d'Orient avaient eu leurs syncelles,
aussi bien que les patriarches. Ces conseillers
que Charlemagne avait toujours auprès de lui,
et ceux du troisième ordre dont nous avons
parlé, qui résidaient toujours dans le palais,
avaient beaucoup de rapport à ces syncelles im-
périaux.
En effet, il ne se peut faire que les syncelles
ne deviennent enlin les conseillers et les mi-
nistres de ceux à qui ils sont attachés. Aussi
Elodoard ne donne point d'autre qualité que
celle de conseiller à Haganon, seul ministre du
roi Charles le Simple. « Propter Haganonem
consiliarium suum L. iv. c. 15). »
XV. Je passe aux conseillers du pape, don
la qualité de conseiller s'est peut-être commu-
niquée aux autres cours des princes chrétiens.
Cette qualité a été indubitablement plus an-
cienne dans la cour de Rome que dans toutes
les autres, comme on peut le juger par ce qu'il
a été dit. Un vieil exemplaire du traité de Gen-
nadius des écrivains ecclésiastiques, fait saint
Prosper conseiller du pape Léon. « Prosper
homo Aquitanicœ regionis, consiliarius papae
Leonis , etc. (Baluzius in Notis ad Lupuin
Ferrar., p. 477). »
Anastase Bibliothécaire dit que le pape
Etienne III envoya en Toscane, vers le roi
des Lombards Didier. Christophe, son conseil-
ler , Consiliarium , avec l'abbé Fulrad , con-
seiller du roi de France. Dans la vie du pape
Etienne IV. il fait voir ce même Christophe,
conseiller et primicier, comme un rempart in-
surmontable opposé au schisme qui s'était
formé dans l'Eglise romaine.
Nicolas [•■ envoya en France le nonce ou
légat Arsène, qui était évêque, à qui il donna
le litre de son conseiller, « Consiliario nostro. ■>
Le pape Adrien II y envoya les évèques Paul
et Léon ses conseillers. « Delectos consiliarios
nostros (Epist. xxv ; ep. xvi. xvui, xi\ . » Il y
envoya une autre fois un prêtre cardinal avec
une qualité fort approchante. « Presbyterum
cardinalis nostri , dilectumque familiarem
nostrum (Act. I). » Les deux évèques et le
diacre que ce même pape envoya au con-
cile VIII général, furent appelés conseillers
dans la lettre adressée au concile. « Consiliarios
nostros. »
Le pape Jean VIII, écrivant au roi de France
Louis le Bègue, le déclara son confident et son
conseiller, en la même manière que l'avait été
son père, l'empereur Charles le Gros. « Te
quoque, carissime lîli, ad vicem genitoris ?e-
stri domini Caroli perpetui imperatoris Augusti
a secretis constitue meum consiliarium (Ep.
rxxxvu). » Ce titre fut encore donné par ce
pape à des évèques (Epist., clxix, clix. ci .
XVI. Comme ce pape joint en une de ses
lettres la qualité de délicieux ou de favori. Deli-
ciosus, à celle de conseiller, j'ai cru que c'était
ici le lieu d'en dire un mot. Ce sont ces légats
que ce pape honore de ces deux titres : « Deli-
ciosis, consiliariis nostris (Epist. cci, ccciu,
lxxui. » Et ailleurs : « Joanni duci. delicioso,
fideli, et misso nostro (Ep. xix . » Et encore
ailleurs : « Gaudericum et Zachariam epi-
scopos, deliciosos, et consiliarios nostros vobis
direximus. »
Nicolas Ier envoya en France deux évèques
pour y assembler un concile, et y présider en
qualité de légats du Siège Apostolique , selon
que le roi Charles le Chauve l'avait demandé ;
il les honore de ce même nom « : Sanctissimos
episcopos, deliciosos nostros. »
Anastase Bibliothécaire attribue cette même
qualité a Alcuin, à l'égard de Charlemagne:
o Albinus deliciosos ipsius régis. » C'est dans
la \ie du pape Adrien 1er.
350
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DEUXIÈME.
CHAPITRE CENT-DEUXIEME.
DES SYACELLES, DES MONITEURS, DES CONSEILLERS ET DES CONFESSEURS, EN UN MOT DES PRINCIPAUX
OFFICIERS OU BÉNÉFICIERS DE L'ÉGLISE GRECQUE, APRÈS L'AN MIL.
I. Décrets des anciens conciles, touchant les syncelles, ou les
moniteurs secrets et domestiques des évêques.
il. Décrets des conciles de Milan sur le même sujet.
III. Exemples de saint Charles et du grand cardinal Ximenès.
IV. Ces conseillers domestiques des évèques étaient les plus
propres à succéder aux grands bénéfices.
V. Des syncelles en particulier, et des autres dignités de l'E-
glise grecque en général.
VI. Continuation du même sujet.
VII. Des évèques et autres ecclésiastiques conseillers des roi;.
VIII. Des évèques, des ecclésiastiques et des religieux qui ont
été confesseurs des rois.
IX. Continuation du même sujet.
I. Le concile de Londres, en 1102, où prési-
dait saint Anselme, archevêque de Cantorbéry,
ordonna que les évèques eussent toujours au-
près d'eux des personnes vertueuses, pour être
les témoins de leur conduite. « Et ut semperet
ubiqne houestas personas habeant, testes con-
versationis siue. »
Le concile de Paris, en 121-2 (Can. i), où pré-
sidait un cardinal légat, nous a fait une pein-
ture excellente des domestiques des évèques,
surtout de ceux qui sont les compagnons insé-
parables et les témoins de leur vie. « Statui-
mus etiam , ut pnelati socios habeant intégra
opinionis et fam;e habitu compositos, œtate
grandeevos, fide claros, et competentibus scien-
tiis eruditus, et cubicularios honestos, qui
juxta canones, sint testes vitse ipsoruni, et suo-
rum couscii seeretorum (Part. 4-, c. x). » Il ne
leur fallait pas de moindres qualités, pour être
dignes de la société et de la confidence des
évêques.
Le cardinal légat du royaume de Chypre,
en 1248 j enjoignit aux dignités du chapitre
d'avoir toujours deux clercs pour leur tenir
compagnie dans la maison, et aux chanoines,
d'en avoir un. « Ut persona duos clericos non
assisios, et canonicus unum in domo seeum
teneant, qui eos associent, et ex qnibus nume-
rus servientium in Ecclesia augeatur. »
Ces témoins domestiques ne pouvaient être
ni ebanoines, ni demi-chanoines, ce qui est
entendu par ce terme Assisii. Jean, archevêque
de Nicosie , renouvelant cette constitution, en
1320, inculqua particulièrement cette clause :
o Mandamus quod canonici omnes, tam perso-
nales, quam alii suos clericos tenere debeant,
sicut fuit alias constitutum ; dummodo taies
teneant, qui alias in dicta Ecclesia non sint
benefieiati, nec intitulât! (Can. xiv). »
Le concile de Râle renouvela, dans la ses-
sion xxiue, le statut de saint Crégoire le Grand
sur ce sujet, engageant le pape, les cardinaux
et les évèques , à avoir toujours dans leur
ebambre même des clercs ou des moines, pour
être les témoins de leurs actions.
« Tam summus pontifexet cardinales, quam
cœteri episcopi constitutionem beatiGregorii in
concilio generali editam servarestudeantcujiis
ténor hic est, quam ha?c sancta synodus inno-
vât. Ctim pastoris vita, etc. Statuimus, ut qui-
dam ex clericis, vel etiam ex monachis elecli,
in ministerio cubiculo pontifical] obsequanttir,
ut his qui in loco regiminis est, taies habeant
testes, qui veram ejus in secreto conversatio-
nem videant, et ex sedula visione exemplum
profectus sumant. »
Le concile de Râle renouvela encore le dé-
cret du pape Pascal. « Paschalis etiam papa ,
verba advertant. Episcopi lectioni et orationi
vacent; et semper presbyteros et diaconos, aut
alios boni testimonii clericos habeant; ut
secundum Apostolum et sanctorum Patrum
instituta possint irreprehensibiles inveniri. »
Othon, cardinal évêque d'Augsbourg, tenant
son synode diocésain, en 1548, pria tous ceux
qui assistaient au synode, avec beaucoup d'ins-
tance, de lui donner des moniteurs qui l'aver-
tissent des fautes qu'il pourrait commettre dans
le gouvernement de son Eglise. « Urgendo
petiit, ut monitores ex se deligerent, qui se de
his admonerent, quœ se fortasse circa officii
sui, suorumque ministiorum negligentem aut
improvidam curam, seu administrationem la-
teant. »
DES SYNCELLES ET DES MONITEURS, etc.
351
II. Après le concile de Trente, saint Charles
lit ordonner dans son VIe concile de Milan, que
chaque évêque choisirait dans sa ville épisco-
pale deux prêtres, dont la vertu, la suffisance
et le zèle fussent au-dessus du commun, pour
l'avertir de toutes Jes fautes qu'il peut com-
mettre, surtout contre le concile de Trente et
contre les conciles provinciaux de Milan; enfin
ce saint archevêque obligea les Pères du con-
cile de choisir un évêque, entre ceux de la
môme province, auquel ils pussent communi-
quer par lettres toute la conduite de leur dio-
cèse, et dont ils pussent emprunter les lu-
mières.
« Duos sibi sacerdotes pietatis zelo flagrantes,
spiritalique usu peritos ac prudentes, pro con-
scientiae su;e religione secreto in civitate deli-
gat. Quorum sacerdotum officium in primis
sit, episcopum assidue omni eharitateetliumi-
litate, omnique débitée observantiœ officio pri-
vatim sincère admonere, quidquid in eo vel
desiderari, vel opus esse viderint , cum ad
omnds disciplina?, tum vero ad sacriTridentini
nostrorumque conciliorum provincialium per-
fectam atque absolutam executionem. Ob eam
etiam causam aliquem provinciae episcopum
item deligat, qui aliquando per litteras, pasto-
ralis administrationis suse rationes, consiliaque
ineat , etc. (Acta Eccl. Mediol., pag. 310 ,
610). »
Le concile III de Milan, en 1S73 (Cap. xix),
avait déjà exhorté les évêques à instituer non-
seulement dans leur ville, mais aussi dans tout
leur diocèse, une confrérie de personnes zélées
qui en fussent comme les censeurs publics, et
dont le principal devoir fût d'exercer la correc-
tion fraternelle.
Le concile VI de Milan enjoignit aux évê-
ques de ne voyager jamais sans être accompa-
gnés d'un diacre et d'un sous-diacre.
Le concile de Rouen, en 1581 (Cap. xxiu,
tit. de Episcop.) , ordonna aux évêques de
retenir quelques ecclésiastiques auprès de
leur personne , pour être les témoins du se-
cret et du particulier de leur vie. a De or-
dine cleri aliquos sibi retineant episcopi , ad
siium ministerium, qui ad eorum mensam
libres ad pietatem et aedificationem spectantes
legant , atque aliis de eorum conversatione
fidèle testimonium prœbeant. »
Enfin le conciled'Aix en 1585 (Tit. de Episc),
exhorta les évêques à avoir le plus qu'ils
pourraient d'ecclésiastiques dans leur maison,
qu'il y en eût au moins deux dans les ordres
sacrés, dont l'un fût prêtre, afin que ce lût
autant de spectateurs, de témoins et d'imita-
teurs de leur vie toute sainte et apostolique :
« Qui omnes vigilanlem, orantem, in opéra
misericordise iucumbentem , ac divinarum
Scripturarum mysteria scrutantem episcopum
studiosius attendant, ac ejus actionum et sanctse
couversationis quasi testes si ni et imitato-
res. »
III. Saint Charles avait auparavant exécuté
ce qu'il fit depuis ordonner dans les conciles
de Milan, « prenant douze camériers, presque
« tous prêtres et docteurs, entre lesquels il y en
« avait deux fort signalés en piété, lesquels il
« voulait être témoins continuels jour et nuit
« de toutes ses actions. 11 avait aussi deux
« moniteurs secrets : c'étaient deux ecclésias-
« tiques de vertu, auxquels il avait commandé
« de l'avertir de tous ses défauts. Ce qu'il fit
« depuis ordonner dans son VIe concile provin-
« cial. » Ce sont à peu près les termes de
Giossano (Giossano, 1. u, c. 3).
Eadmer assure que saint Anselme, arche-
vêque de Cantorbéry, n'était et n'allait jamais
nulle part qu'avec ses moines et ses clercs.
« Nullo loco, vel tempore sine suis monachis,
vel clericis erat (Eadmer., de vita sancti An-
selmi). » C'était pratiquer par avance le conseil
que saint Rernard donna depuis à l'évêque de
Genève : « Ronos in consilio, bonosin obsequio,
bonos habeas contubernales, qui vite et ho-
nestatis tuae et custodes sint et testes (L. n,
Rernard., ep. 82). »
Il faut revenir à nos temps. Le grand car-
dinal Ximenès étant fait archevêque de Tolède,
retint dans son palais dix des plus habiles et
des plus saints religieux de son ordre pour le
même dessein. Mais il garda cette maxime in-
violable, de ne leur communiquer jamais rien
des affaires qui eussent pu troubler la tran-
quillité de la vie religieuse, de ne s'entretenir
jamais avec eux que des règles saintes de la
vie spirituelle ; de les conserver dans son palais
avec la même régularité et la même retraite
que dans leurs cloîtres ; enfin de n'en élever
jamais aucun, non plus que de tous les autres
religieux de son ordre, aux charges ou aux
dignités de l'Eglise, quoiqu'il eût en sa disposi-
tion toutes les faveurs et toutes les grâces de la
reine Isabelle. Comécius, qui rapporte cela
dans sa vie, conte fort agréablement les sur-
prises et les emportements de ceux dont il
352
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT- DEUXIÈME.
trompa les espérances par une conduite si im-
prévue et si sainte (L. 1 Hisp. Illus., toni. i,
p. 943).
IV. Il faut avouer que si cette manière d'agir
était sainte, elle n'en était pas moins singu-
lière. Car ce sont les syncellesqui sont ordinai-
rement montés aux plus hautes dignités. Nous
allons le vérifier dans l'Eglise grecque, après
avoir dit que Pierre de Dlois en est un bon
garant pour l'Eglise latine. « Clericos pontiti-
cum frequentius elegit Dominus in sacer-
dotes. » En effet, la maison d'un saint évoque
n'est-elle pas la plus excellente école du monde
pour en former d'autres?
Cet auteur en est un témoin irréprochable,
lorsqu'il dit que les ecclésiastiques qui compo-
saient la famille de l'archevêque de Cantor-
béry étaient tous également savants et ver-
tueux; aussi, c'était par leurs conseils que
toutes les questions épineuses d'Angleterre
étaient décidées.
« lu domo domini mei Cantuariensis epi-
scopi , viri litteratissimi sunt, apud quos inve-
nitur omnis rectitude justitiae, onmis cautela
providentiae, omnis forma doctrinae. Isti post
orationem et ante comesîionem in leclione, in
disputatione , in causarum decisione jugiter
se exercent. Omnes qu;estiones regni nodosae
referuntur ad nos (Epist. vi). »
C'étaient donc ces syncellesqui composaient
le conseil de l'évéque. Nous parlerons ensuite
des conseillers après avoir dit quelque chose
des syncelles grecs.
V. Curopalate raconte, qu'en 1030, la contes-
talion survenue à Constantinople enlre les mé-
tropolitains et les syncelles sur la préséance,
jeta tout le monde dans la confusion et dans
le trouble pendant le divin et terrible sacrifice,
le jour même de la Pentecôte, les métropoli-
tains n'ayant pu se résoudre qu'avec une
extrême peine à céder aux syncelles. « Fuit
die Pentecostes perturbatio quaedam in sacris
celebrandis, quod non consensissent métropo-
litain episcopi sedere ante se syncellos in con-
sessu (Baron., an. 103). »
Le savant Janus A Costa a remarqué que
Zonare et Cédrénus font succéder les syncelles
aux patriarches, de même que parmi les Turcs
le chérit succède toujours au calife : « Ut seri-
phoscalipha defunctosucceditapudTurcas, sic
olim syncellus apud nos patriarchœ defuncti
locum occupabat (A Costa in (i, 9; I. i Dec). »
Dans la lettre des évêques grecs au pape
Crégoire X, écrite au temps du concile II de
Lyon, en 1-274, il est fait mention de toutes les
dignités du clergé de Constantinople. « Magnus
œconomus, proteedicus, logotheta, castrisius,
referendarius, qui super judicia, qui super
sécréta, qui super sacrum et dona apostolica,
qui primicerius patriarchalium notariorum,
qui princeps ecclesiarum, qui super petitiones
qui rememoratorii , qui ostiarii, qui patriar-
cales notarii, qui protopapie (Concil. gen.,
t. il, part. 1 ; pag. 009, 073). »
Ils sont nommés un peu diversement dans
la lettre que le pape leur écrivit. « Arehidia-
cono et universo clero, œconomo, sacella-
rio, proteedico, logotheta, castrisio, referenda-
rio,didascalo, primicerio, ipominisco, ostiariis,
et notariis omnibus ; nec non decano, archi-
diacono, diaconis, et cantoribus et lectoribus
universis. »
Je n'ai pas été fâché de nommer toutes ces
sortes de dignités, d'offices ou de bénéfices île
l'Eglise grecque. Mais il est vrai que les syn-
celles n'y sont point compris, parce qu'ils ne
faisaient en quelque façon qu'une même per-
sonne avec le patriarche.
Dans les actes du concile de Florence (Conc.
gen., tom. du, pag. 35, 234, 300, 1170), on
trouve les scévophylaces, les chartophylaces, le
protosyncelle et le vicaire du patriarche d'A"
lexandrie, qui était un religieux, et peut-être
son confesseur, car c'est la signification de ce
terme 7WEuu.aTixbç.
Siméon, archevêque de Thessalonique , a
donné une explication fort courte de ces di-
vers offices (L. de sacris Ordinat., c. xm).
II dit que l'économe prend soin des fonds
et des revenus de l'Eglise, et des distributions
qui s'en font. Le grand sacristain, Magnus sa-
cellarius, est chargé des monastères, afin d'y
maintenir l'ordre et la piété. Le garde des vais-
seaux sacrés a soin des vases et des orne-
ments de l'église. Le chartophylace préside aux
prêtres, aux ordinations, aux mariages, a la
juridiction contentieuse de l'évéque, aux Char-
tres; enfin il est lui seul la main droite et le
bras du prélat, « in summa totus est episcopi
dextera. » Le petit sacristain, Sacello prœposi-
tus, veille sur toutes les églises de la ville pour
y faire observer la décence et la discipline ca-
nonique. Le premier défenseur, Proteedicus,
prend soin de ceux qui reviennent de l'aposta-
sie, de faire le procès aux coupables, et de pro-
téger les innocents.
DES SYNCELLES ET DES MONITEURS, etc.
353
Ce prélat finit par une forte et juste invec-
tive contre ceux qui donnaient la chargé de
père spirituel, c'est-à-dire de confesseur, à des
moines <jui n'étaient pas prêtres.
Ln effet, la discussion et L'absolution des
crimes n'appartenant primitivement qu'aux
évêques, et parleur délégation, ou en leur ab-
sence aux piètres, comment ce pouvoir tout
apostolique et tout divin peut-il être commu-
nique a des moines qui ne sont point prêtres ?
« Similis ratio est de oftîcio spiritualis paterni-
tatis. lllinl conferendum non est monachis
idiotis, nullam prorsus ordinationem habenti-
lius. Nain adeo sacratissimum hoc est, solis ut
episcopis conveniat, etc.»
VI. Le concile tenu à Constantinople. en
161-2, où les Grecs condamnèrent les erreurs
du calvinisme, que le faux patriarche Cyriile
avait tâché d'y répandre : ce concile, dis-je,
nous fait voir ces dignités ou ces offices dans
les souscriptions :
a Pra?dicator Evangelii , Magnus archiman-
drita magna? Ecclesi;e, Magnus prolosyngellus
magna1 Ecclesiae, Magnus logotheta, Magnus
œconomus, Magnus sacellarius, Magnuscharto-
phylax , Magnus ecclesiarcha , Nomopbylax,
Minor sacellarius , d paxtxxîni, Protecdicus, Pro-
tonolarius, Magnus primicerius, Dicaeophylax,
Magnus i u terpres, Logotheta, A comnientariis,
Protapostolarius, Notarius [Gonc, tom. x\. p.
17-21). »
Voilà les offices et les bénéfices de la grande
église de Constantinople. Il faut juger des autres
avec proportion. Je ne crois pas qu'il y ait lieu
de douter que celui qui est ici nommé Proto-
syngellusne soit le même que le prolosyncelle.
VIL Comme les protosyncelles et les syn-
celles même étaient les conseillers nés, pour le
dire ainsi, des patriarches et des évêques, il
ne sera pas mal à propos de parler ici des
conseillers. Rigord dit qu'en 1-2(19, Pierre,
é\èque de Paris, et le frère Guérin, conseiller
du roi Philippe-Auguste : « Frater Garinus
Philippi régis consiliarius. » firent faire des
informations secrètes contre les sectateurs des
extravagances de l'impie Amalric.
Jean, archevêque de Cantorbéry, écrivant en
1-281, au roi d'Angleterre, Edouard 1", adressa
en même temps sa lettre à ses conseillers de
lettres : « Régi ac ejus consiliariis litteratis. »
Le style de ce temps-là eût presque demandé
qu'on eut traduit : à ses conseillers -clercs.
Pierre de Cugnères n'était pas de ce rang-là,
lui qui esl appelé Miles consiliarius régis, dans
les actes de l'assemblée sous le roi Philippe de
\ ,<l..is, l'an 1329.
Dans l'assemblée de Francfort, en 1409, il
est porte que le roi des Romains, Etupert, s'y
trouva avec ses conseillers : «Fuit ihi rex cum
suis consiliariis. » C'était apparemment un
conseil mi-parti d'ecclésiastiques et île laïques.
puisque c'est aussi la disposition du corps de
l'empire. Au moins il est certain que dans le
concile de Constance, en 1 i 1 7 Sess. 35. 30),
l'évêque de Conqua et le gouverneur de Gui-
puscoa sont nommés conseil/ers du roi de Cas-
tille. In cordelier y porta la même qualité.
Dans le concile de Tortose, en 1429, un
docteur en droit canon et civil, est nommé
conseiller du roi d'Aragon. Le concile de Râle
écrivit aux prélats et aux seigneurs conseillers
du roi , en France : « Reverendis in Chrislo
patribus, et illustrions ac magnifias dominis
consiliariis régis christianissimi (Append. i,
epist. 22). »
Il y aurait quelque sujet de croire que ce
seraient les conseillers d'Etat qu'il faudrait en-
tendre dans toutes ces allégations.
Le roi Canut d'Angleterre écrivit à ses mi-
nistres et à ses conseillers d'Etat : « Praecipio
meis consiliariis, quibus regni concilia cre-
didi , » de faire observer inviolablement la
justice (Raron., an. 1027, n. 2 . »
Longin, parlant du roi Casimir de Pologne,
dit que cet Etat et le concile du royaume est
composé d'évèques et de palatins : « Pontifici-
bus intérim et palatinis, ex quibus maxime
universum corpus consilii apud Polonos con-
cinnatur (Idem, an. 1041. n. 5). »
Léon d'Ostie assure que l'évêque d'Aichtet
était le conseiller, c'est-à-dire le premier mi-
nistre de l'empereur Henri II : « Gebeardus
tune episcopus Aistetensis, gente Noricus, vir
singulari prudentia , gerendarumque rerum
peritissimus, régis consiliarius eratTdem, an.
1053, n. 3). »
Saint Rernard se plaignit à l'évêque de Sois-
sons, et à Suger, abbé de Saint-Denis, de quel-
ques violences du roi Louis le Jeune, comme à
ses conseillers et à ses ministres : a Dignum
duxi vobis, qui de concilio ejusestis insinuan-
dum, etc. Quidquid mali fecerit, merito non
régi juveni, sed consiliariis senibus imputatur
(Epist. xxu). »
Charlemagne avait laissé cet illustre et reli-
gieux exemple à son auguste postérité. L'auteur
Tu.
Tome II.
-23
334
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DEUXIÈME.
de la vie de saint Àngilbert dit que ce prince
l'ayant fait son archi chapelain , le fit aussi son
silentiaire, c'est-à dire son ministre, ou son
conseiller d'Etat : « Ha>c tanta dilectio ad hoc
processif, ut eum secretorum conscium, et
primatem capellauorum faceret. Sihi quoque
eumdem silentiarium statueret; ut in quo
eompercrat prudentiœ altitudinem, ejus con-
silio componeret totius regni utilitatem (Bo!-
land., Februar., tom. tu, p. 98 .» Nous parle-
rons plus has d'Angilbert.
Cette qualité de conseiller, quoiqu'elle fût
attribuée ados ecclésiastiques, n'était pourtant
pas ecclésiastique de sa nature. Nous n'en
avons aussi parlé qu'en passant, et parce qu'il
semble qu'elle ait passé de l'Eglise au palais
des princes, et que d'abord elle a été plus ordi-
nairement attribuée aux évêques et aux autres
ecclésiastiques ; ce qui fait, qu'étant une di-
gnité qui tire son origine de l'Eglise, elle doit
y être naturellement rapportée.
VIII. Il y a de l'apparence que ces évêques,
ou abbés* on simples religieux qui étaient ho-
norés de la qualité de conseillers d'Etat, étaient
aussi quelquefois les confesseurs des princes ;
et, connue nous avons vu, les protosyncelles
étaient quelquefois en même temps les confes-
seurs des patriarches ; enfin les Grecs n'ont
pas omis ci-dessus les confesseurs, ou pères
spirituels, quand ils ont fait le dénombrement
des oflices ou des bénéfices de l'Eglise : c'est
pourquoi il sera bon de remarquer ici briève-
ment quelque cbose toucbant les confesseurs
des grands.
Après que le concile d'Orléans, en lot"
(Conc, tom. ix, p. 84ft), eut condamné deux
nouveaux hérésiarque?) la reine Constance, qui
y assista avec le roi Robert, saintement indi-
gnée que son confesseur fût un de ces mal-
heureux ecclésiastiques qui s'étaient laissé
infecter de ce dangereux poison, et qui avaient
ensuite été dégradés et condamnés au feu ,
lui arracha l'œil avec le sceptre qu'elle tenait
en main.
Les rois et les reines avaient déjà leurs con-
fesseurs particuliers, et ils les recevaient du
choix mi de l'agrément de l'évêque ou de l'ar-
chidiacre, s'il en faut croire un canon qu'on
attribue au concile île Clennont. en 1095 (Rai-
nald., an. 1239, n. (J(i). «Ut nullus princeps
capi llanuin habeat, nisi quem sihi episeopus
sans, aut archidiaconus procuratorem aninuc
delectum constituât (Can. xiv). »
Le roi Louis le Gros mourut entre les mains
de l'évêque de Paris et de l'abbé de Saint-Vic-
tor, qui était son confesseur ordinaire, ocui
faniiliarius conlitebatur », dit Suger.
Geoffroy, jacobin, qui nous a laissé l'histoire
de la vie de saint Louis, témoigne qu'il avait
été son confesseur durant environ vingt ans, et
qu'il avait très-souvent ouï sa confession géné-
rale (C. v, xvi). En l'absence de son confesseur.
il se confessait à son chapelain, avec lequel il
récitait son office (Du Chesne, tom. v, p. Ut;,
i.'.l .
Cet auteur assure que saint Louis eut tou-
jours deux confesseurs après son retour de
la Palestine, l'un cordelier, l'autre jacobin,
afin que l'un suppléât en l'absence de l'autre,
et pour témoigner la tendresse de son amour
pour ces deux ordres religieux. « Postquam de
transmarinis partibus est reversus , semper
duos voluit confessores, ununi de online Fia-
trum Minorum. et alium de ordine Prœdica-
torum, etc. »
En 1224, le pape nomma l'évêque de Troyes,
l'abbé de Marmoutier, et le confesseur du roi
saint Louis, pour réformer l'ordre de Cîteaux,
dont l'abbé était brouillé avec celui de Clair-
vaux (Monast. AngL, tom. h, pag. 701).
Il est fort vraisemblable que c'était par son
propre choix que ce saint roi avait pris ses con-
fesseurs, et néanmoins le roi Philippe son fils
obtint de Grégoire IX un bref, qui lui permet-
tait de choisir un confesseur à son gré, ou sé-
culier ou régulier, et de le changer quand il le
jugerait à propos. « Presbyterum srecularem ,
seu religiosum in confessorem tuum eligere,
et illo dimisso. alium quoties expédient, assu-
mere valeas Uainald., an. 1272, n. 59}: »
Boniface VIII cita à Rome le confesseur jaco-
bin du roi Philippe le Bel, en l'an 1303, lors-
qu'il se fut brouillé avec ce roi. C'est ce même
jacobin que Clément V lit cardinal, avec un
autre jacobin, confesseur du roi d'Angleterre,
l'an 1305, au rapport de Sponde, en la même
année (Hist. du différend, pag. 99, 121; Bai-
nald., n. 23).
Magnus, roi de Suède, obtint du pape Mar-
tin IV, en 1281, le pouvoir de choisir un con-
fesseur. En 1317, Jean XXII, entre plusieurs
privilèges accordés au roi Edouard d'Angle-
terre, lui permit de choisir un confesseur qui
pût l'absoudre même des cas réservés (Bainald.,
an. 1305, n. I i • L'an 1318, le roi et la reine de
Sicile obtinrent le même privilège du même
DES SYNCELLES ET DES MONITEURS, etc.
?>">">
pape, avec une indulgence à l'article de la
mort (Rainald., n. 49; idem, 17).
Nos rois continuèrent de prendre des con-
fesseurs jacobins jusqu'en l'an 1387, que Jean
de Monteson, jacobin, ayant avancé à Paris et
soutenu avec opiniâtreté quelques propositions
scandaleuses contre l'immaculée Conception
de la Vierge, nonobstant les censures de l'évè-
que de Paris et du pape, cet ordre souffrit une
longue persécution , et on les obligea enfin à
les rétracter. Le confesseur du roi même, qui
était un jacobin et évêque d'Evreux, fut un de
ceux qu'on força de se rétracter ; le roi le con-
gédia, et depuis nos rois ne prirent plus de
confesseur de cet ordre (Hist. de Charles VI,
1. vin, c. I -i).
Hariana dit qu'en 1379, le roi Henri de Cas-
tille voulut mourir et être enterré avec l'habit
de jacobin, et que les rois prenaient toujours
leurs confesseurs de cet ordre (Mariana, 1. xvu,
c. 21; Hist. illust., tom. i, p. 936). La grande
reine Isabelle avait un hiéronymite pour confes-
seur. L'ayant fait archevêque de Grenade, elle
prit François Ximenès, franciscain, qu'elle fit
depuis archevêque de Tolède, et qui ne voulut
point accepter la charge de confesseur qu'à
condition de ne point demeurer à la cour.
IX. Cette autorité que les évêques s'étaient
autrefois réservée de donner des confesseurs
aussi bien que des chapelains, aux seigneurs
particuliers, n'était pas inutile pour l'affermis-
sement de la discipline.
Jean, archevêque de Cantorbéry, ayant obligé
tous les bénéficiers qui avaient des bénéfices
incompatibles, de se contenter du dernier, il
obligea en même temps les confesseurs de 1rs
avertir, que sans cela, ils seraient incapables
de toutes sortes de dignités ecclésiastiques, et
de leur ordonner pour leur pénitence la resti-
tution des fruits; enfin, il les menaça eux-
mêmes d'excommunication, s'ils entreprenaient
de donner l'absolution à ceux qui n'obéiraient
pas à cette ordonnance (Conc, tom. u, part, t,
p. 1,63).
Je ne rapporterai pas tout ce que Conestagio
raconte des jésuites qui furent confesseurs du
roi Dom Sébastien et du roi cardinal Henri de
Portugal. On sait assez combien les confesseurs
des grands, aussi bien que leurs ministres,
sont exposés aux traits de la médisance. Mais on
ne peut douter de la vérité de ce que les histo-
riens d'Espagne racontent du sage et généreux
conseil de l'évêque d'Osme, confesseur de l'em-
pereur Charles -Quint, lorsque cet empereur
délibéra dans son conseil de la manière dont il
devait traiter son prisonnier de guerre, le roi
François Ier (Hisp. illust., tom. H, p. 1066, 1667,
1109; Rainald., an. 1525 , n. 28; Sponde.,
an. 152.%, n. 5).
Quoiqu'un conseil si sage et si chrétien fût
éludé par l'emportement et la fureur du duc
d'Albe, celui qui le donna n'en recueillera pas
moins de gloire ilans le souvenir et dans l'ad-
miration de la postérité, qui le regardera tou-
jours comme le plus illustre et le plus parfait
modèle de ceux qui rempliront jamais ces péril-
leuses et importantes charges.
Je parlerai encore des confesseurs des rois
dans un des chapitres suivants (1).
(1) Cette sage et pieuse pratique, tant recommandée par les anciens
canons, ainsi que l'a démontré Thomassio, que les évéques eussent
auprès d'eux des syncelles ou témoins de leur vie, et les clercs ma-
jeurs, des moniteurs ou surveillants vivant en communauté avec eux,
a été, dans cts derniers temps, en partie ressuscitée dans plusieurs
diocèses, où l'on a prescrit la vie commune entre les curés et leurs
vicaires. Voici un décret du concile provincial d'Avignon de 1S19,
titre VI, chapitre v : u Hortamur quoque episcopos comprovinciales
nostros, ut quam primum fieri poterit, ad communem vitam ineun-
dam parochos et vicarios perducere studeant ; bonum enim est et
jucundum habilare fratres in unum. b Cette très-sage prescription
qui, bien exécutée et soutenue par une chanté et ferveur réciproques,
aurait pu amener les plus heureux résultats et préserver les jeunes
prêtres de beaucoup de dangers, a été abandonnée, dans cette pro-
vince, après des tentatives infructueuses. Toujours est-il que le déciet
du concile que nous venons de citer nous prouve que l'esprit et l'in-
tention de l'Eglise n'ont pas changé en ce qui concerne les moyens à
prendre pour prémunir le clergé contre des entraînements regretta-
bles, le mettre à l'abri des calomnies, et lui conserver le zèle et la
sainteté de sa vocation.
En ce qui touche les confesseurs des rois, on trouvera de bien
précieux documents sur cette matière dans un livre publié en 1855
par le gouvernement sous ce titre : Privilèges accordés à la cou-
ronne de France par le Saint-Siège, publiés d'après les originaux
conservés aux archives de l'Empire, in-lo de 412 pages. — Bulle de
Clément VI accordant aux rois et reines de France le droit de choi-
sir pour leur confesseur tel prêtre qu'ils voudront ; autre bulle du
même accordant aux confesseurs des rois et des reines le droit de
les absoudre des cas réservés au Saint-Siège ; autre bulle du même,
leur accordant le pouvoir de commuer les vœux des rois et reines de
France, et de leur donner à l'article de la mort l'absolution générale,
uuctorilale apostolica. H y a encore un gTand nombre de pouvoirs
spéciaux accordés aux confesseurs des rois, qu'il serait superflu de
relater. (Dr André.)
3.')G
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-TROISlEME.
CHAPITRE CENT-TROISIEME.
DES PH1MICIEKS, PltlMlCLERCS, SACRISTAINS, SCÉVOPHYLACES, TRÉSORIERS, ETC.,
DANS LE MOYEN AGE.
I. II. Du primicicr des notaires, à Constauliuople.
III. Et dans l'Eglise de Ruine.
IV. El dans celle de France.
V. VI. A Home, le primicier était le chef du bas clergé, et il
gouvernait le Saint-Siège vacant, avec le premier des prêtres cl
le premier des diacres.
VII. VIII. En Espagne, le primiclerc était le chef du bas
clergé.
IX. D'où vient qu'on commença de nommer les clercs par le
nom de leur dignité plutôt que de leur ordre.
X. Pourquoi le bas clergé commença d'avoir un chef défé-
rent de l'archidiacre.
XI. XII. XIII. XIV. Des sacristains, trésoriers, scévophylaces.
XV, Des mansionnaires.
XVI. Des hebdomadiers, et de ceux qui avaient le soiu d'en-
terrer les morts.
I. Les priniiciers et les secondiciers viennent
d'être plusieurs fois nommés : il en faut dire un
mot, et leur joindre dans ce même chapitre les
sacristains, les trésoriers, les scévophylaces ou
gardes de vaisseaux sacres.
II. Quand le diacre ou archidiacre de Cons-
tantinople, en même temps qu'il était promo-
teur des conciles, a été nommé primicicr des
notaires, il estasse/, clair qu'il était comme le
président du collège des notaires, et par consé-
quent il était écrit le premier dans le catalogue,
à quoi servaient alors des tables de bois cou-
vertes de cire, sur lesquelles on écrivait. Voilà
d'où vient le nom de primicicr. Ainsi, dans
toutes les sortes d'offices ou de dignités qu'on
communiquait à plusieurs personnes en un
même temps, le premier était appelé le primi-
cicr. Dans le même concile de Constantinople,
sous Menas (Act. 5), on trouve, parmi les sous-
criptions de quelques suppliques, un prêtre
primicicr de la laure de saint Sahas, et un
simple moine primicier de son monastère.
III. Dans l'Eglise latine, saint Grégoire parle
aussi du primicicr des notaires, Primicerius
notariorum. Il parle ailleurs de son second,
Secundicerius. Patérius même avait eu cette
dignité. « liane epistolam Paterio secundicerio
notario Ecclesiae nostrae scribendam dictavi-
mus, cui et subscripsimus (L. u , ep. 22; I. vi,
ep. 29; 1. ix, c. 22, 33). » Jean Diacre dit de
même: « Patérius notarius, qui ab eo secundi-
cerius factus, etc. (L. n, c. 11). » Ce qui pourrait
être une preuve que ce n'était pas l'antiquité
qui leur donnait ce rang, mais leur mérite et
le jugement du prélat.
IV. L'Eglise de France avait aussi ses primi-
ciers , puisque saint Rémi , archevêque de
Reims, se plaignait que l'évèquc Falco, qui
avait entrepris de créer des archidiacres et un
primicier des lecteurs dans une église qui
n'était pas de son diocèse. « Archidiaconos in-
stitueris, primiceiïum scholae clarissima?, mili-
tisque lectorum (Conc. Gall., tom. i, p. 205).»
Voilà des priniiciers et des secondiciers dans le
collège des lecteurs, dont la dignité est conférée
par l'évèque.
V. Mais que dirons-nous du primicicr qui se
lit dans le titre de la lettre écrite en Angle-
terre, après l'élection et avant le couronnement
du pape Jean IV, où nous lisons en têtel'archi-
pretre, puis Jean, diacre, élu pape, suivi de
Jean, primicier : « Joannes primicerius et ser-
vans locum sanctae Sedis Apostolicae (Raronius,
an. 639, p. G, 7); » et enfin de Jean, conseiller
du Siège Apostolique? Il est certain que ces
quatre dignités gouvernaient le Siège Aposto-
lique, et même l'Eglise universelle, pendant
que le Siège romain était vacant. Cette lettre,
écrite en Angleterre, pour y terminer plusieurs
différends, en est une preuve.
Le saint pape Martin I" confirme manifeste-
ment cette vérité quand il dit, qu'en l'absence
du pape, le Saint-Siège est gouverné par l'ar-
chidiacre, l'archiprêtre et le primicier. « Quia
in absentia poutificis archidiaconus, et archi-
presbylcr et primicerius louum présentant
pontifias (Epist. xv). »
VI. Connue nous n'avons pas remarqué dans
l'Eglise romaine d'autre primicier que celui
des notaires, et que cet office nous a paru si
important que ceux qui en étaient honorés
DES PRIMICIERS, PRIMICLERCS, SACRISTAINS, rrc.
357
étaient aussi chargés des commissions les plus
honorables dans les conciles mêmes, nous pou-
Tons croire avec fondement que le primicier
des notaires passait pour le chef de tout le
clergé inférieur, et ainsi le pape absent était
représenté, et son siège était alors régi par les
trois chefs des trois ordres qui composaient
tout son clergé, c'est-à-dire par l'archiprêtre,
par l'archidiacre et par le primicier; car, nous
avons vu les notaires quelquefois nommés de-
vant les sous-diacres.
Dans la vie du pape Constantin, par Anastase
bibliothécaire, le secondicier même, le défen-
seur et d'autres officiers sont nommés avant
les sous-diacres. Ainsi le primicier des notaires
pouvait bien passer pour le chef du clergé in-
térieur.
Le conseiller du Siège Apostolique, qui est
le quatrième dans la lettre de Jean IV, élu
pape, était un religieux, et ainsi il représentait
le corps des réguliers, qui pouvait être consi-
déré comme un quatrième membre du cli rgé
de Rome, selon les diverses divisions arbi-
traires qu'on y a faites en divers temps.
VII. Nous trouverons peut-être la confirma-
tion de cette vérité dans les conciles d'Espagne.
Le concile de Mérida enjoint à tous les évê-
ques d'avoir dans leurs églises cathédrales un
.uchiprètre, un archidiacre et un primicier,
i|iii v est néanmoins appelé, selon le style d'Es-
pagne, Primiclerus, au lieu de Primicerius.
Voici les paroles du concile . « Sancimus ut
omnes nos episcopi in cathedralibus nostris
ccclesiis, singuli uostrum archipresbyternm,
archidiaconum et primiclerum habere debea-
mus [Can. x . »
Et afin que cette élévation ne leur fit point
oublier le profond respect qu'ils devaient à
l'évêque, qui était l'auteur de leur dignité , et
dont ils étaient comme les créatures, l'obéis-
sance leur est en même temps très-étroitement
recommandée.
On ne peut pas douter que ce primiclerc ne fût
le chef de tous les clercs inférieurs. S'il en
restait encore quelque doute, il serait entière-
ment levé par un canon suivant du même con-
cile (Can. xiv), où il est ordonné que les ri ve-
nus de l'Eglise seront divisés en trois parts,
l'une pour l'évêque, l'autre pour les prêtres i I
les diacres, l'autre pour les autres clercs a qui
la distribution en sera faite par le primiclerc .
selon la connaissance qu'il a de leur travail et
de leur diligence. « Terlia subdiacouibus et
clericis tribuatur; ut a primiclero juxta quod
in olficio eos prœscit esse intentos, ita singulis
dispenserai*. »
Il est donc certain que ce primiclerc était le
président de tous les clercs inférieurs, et des
sous-diacres même, ce qui pourrait nous per-
suader qu'il était lui-même ordinairement
sous-diacre. Car la qualité de primiclerc, de
primicier et de notaire, marquait un office et
non un ordre, et il est certain que cet office
pouvait être donné à un sous-diacre, puisque
nous avons vu dans l'Orient les diacres et les
archidiacres même de Constantinople être en
même temps primiciers des notaires.
VIII. Carcias a donc eu raison, dans les sous-
criptions du concile VIII de Tolède, de lire
Siculus primiclerus, et non pas Primicerius ,
dont la souscription suit celle de l'archiprêtre
de Tolède. Au concile XV de Tolède, le primi-
clerc souscrit aussi après l'archidiacre. Saint
Isidore de Séville nomme aussi le primiclerc
dans sa lettre à l'archidiacre Rraulion, et il y
a de l'apparence qu'il faut aussi lire Primicle-
rus, dans les autres endroits où il parle du pri-
micier, surtout quand il explique au long ses
pouvoirs et sa supériorité sur tous les clercs
mineurs : « Ad primicerium pertinent acolythi,
exorcistœ, psalmistœ, atque lectores, signum
quoque dandum pro officio clericorum, etc.
Pag. 616). » Voilà ce qu'il en dit immédiate-
ment nprrs avoir parlé de l'archidiacre et de
l'archiprêtre.
Après cela, il est indubitable que le primi-
cier qui gouvernait l'Eglise romaine avec l'ar-
chiprêtre et l'archidiacre, pendant l'interrègne
ou pendant les longues absences des papes,
était le chef de tous les clercs inférieurs, dont
le nombre, qui était d'autant plus grand que
leur dignité était moindre, rendait aussi leur
corps fort considérable, surtout si l'on consi-
dère 1rs offices plutôt que les ordres.
IX. Ce furent apparemment les clercs infé-
rieurs qu'on commença de nommer et de con-
naître, plutôt par leurs dignités et leurs offices
que par leurs ordres; d'où naquirent ensuite
tant de titres divers de bénéfices et de di-
gnités.
Il ne faut pas facilement croire que leur am-
bition fut le principe de cette nouveauté : on
leur donnait plutôt ces noms qu'ils ne les pre-
naient. Mais leurs offices étant en beaucoup
plus grand nombre que leurs ordres, et eux-
mêmes paraissant eu beaucoup d'occurrences
3' 8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-TROISIÈME.
dans les fonctions de leur office et de leur di-
gnité plutôt que dans celle de leur ordre, l'u-
sage s'introduisit nécessairement et insensible-
ment de les nommer plutôt par les noms de
leurs dignités que de leurs ordres.
X. L'archidiacre, dans les âges précédents,
avait eu la juridiction et la supériorité immé-
diate sur tous les clercs inférieurs; au lieu que
nous voyons, dans celui-ci que nous dévelop-
pons, cette supériorité résignée à une nouvelle
dignité, qui est celle du primicier.
La raison de ce changement est que l'archi-
diacre avait acquis une nouvelle autorité sur
les prêtres mêmes, sur les paroisses et les curés
de la campagne, sur l'archiprètre même, et
enfin sur tout le diocèse, comme le vicaire-gé-
néral et l'official universel de l'évêque. Or, il
s'en fallait beaucoup que, dans les siècles pré-
cédents, son pouvoir eût eu la même étendue;
ainsi il fut nécessaire de lui donner comme un
substitut, pour l'intendance qu'il avait aupara-
vant exercée sur les clercs inférieurs (L. n,
c. -23).
XI. Quant aux sacristains, Théodore, lecteur,
parle d'un trésorier des vases sacrés qui est
aussi sacristain. Ce Macédonius qui succéda à
Euphémius, patriarche de Constantinople, était
prêtre et sacristain de la grande église.
L'empereur Anastase, qui avait placé Macé-
donius dans cette dignité, le trouva dans la
suite plus zélé à en faire valoir les droits qu'il
ne s'y était attendu; il l'en chassa donc avec
aussi peu de sujet qu'il en avait eu lorsqu'il
chassa son prédécesseur pour le mettre en sa
place. Il donna à ce Macédonius pour succes-
seur l'impie Timothée, prêtre et sacristain de
la même église.
Cyrille, moine, qui a écrit la vie de saint
Euthime, remarque qu'Euthime avait prédit
au prêtre Anastase, chorévêque et sacristain de
l'église patriarcale de Jérusalem, qu'il serait
un jour le chef de cette église patriarcale : ce
qui nous fait voir de quel poids était la dignilé
de trésorier, et qu'on la donnait toujours à des
prêtres.
Jean Diacre, dans la vie de saint Grégoire,
parle de celui qui est appelé Sacellarius. Je ne
sais si ce ne serait point le clerc de chapelle ;
car nous avons dit ailleurs que les évêques
avaient une chapelle domestique dans leur pa-
lais épiscopal.
Anastase Ribliothécaire, dans la vie du pape
Constantin, nomme le sacristain ou clerc de
chapelle, Sacellarius, entre les officiers du bas
clergé qui suivirent le pape à Constantinople.
Ce Sacellarius, ou plutôt Saccellarius pourrait
néanmoins bien être le trésorier du prélat. Car
saint Grégoire même nomme le trésor de l'é-
glise Saccus. En voici les termes : « Nos sac-
culum ecclesiae lucris turpibus nolumus in-
quinare (L. i, Ep. xlii). »
Jean Diacre, dans la vie de ce pape, donne
clairement la qualité de Saccellarius au tréso-
rier de l'église ou à l'aumônier : « Gregorius
juxta consuctudinem prœcepit sacellario , ut
duodecim peregrinos ad prandium invitaret
(L. n, c. xxiii). »
Saint Grégoire dit lui-même que, comme
l'empereur avait un trésorier pour ses armées
d'Italie, il était lui-même en quelque manière
son trésorier pour les profusions qu'il fallait
faire aux Lombards à Rome : « Sicut in Ra-
vennae partibus dominorum pietas apud pri-
mum exercitum ltalia? sacellarium habet, qui
causis supervenientibus quotidiauas expensas
faciat : ita et in hac urbe in causis talibus eo-
nini sacellarius ego sum (L. iv, ep. xxxiv). »
Si ce trésorier était l'aumônier ou le chape-
lain, ce nom peut venir de Sacellum. On peut
néanmoins le dériver du terme de Saccus,
comme il a été dit. Isidore, dans ses origines,
favorise ce dernier sentiment : « Fiscus saccus
est publicus. »
XII. Ceux que saint Isidore, évêque de Sé-
ville, appelle gardes des vaisseaux sacrés :
« Custodes sacrorum , custodes sacrarii , »
étaient bien différents des précédents , car
c'étaient des diacres avancés en âge et d'une
probité reconnue, à qui on confiait le trésor
des vaisseaux sacrés de l'église : « Custodes
sacrarii levita? sunt. Ipsis enim jussum est
custodire tabernaculum, et omnia vasa tem-
pli; quique ab anuo quinquagesimo eligun-
tur, etc. Ne fidem deseraut, etc. (De Offic.
Eccl., 1. n, c. ix). »
XIII. Le même saint Isidore parle en un
autre endroit du trésorier, dont les pouvoirs
sont bien différents : « Ad thesaurarium per-
tinet ostiarii basilicarum ordinatio, incensi
pra'paratio, cura chrismatis conficiendi, cura
baptisterii ordinandi, pneparatioluminariorum
in sacrario et in sacrificiis (Ibid., p. G16, 693). »
Ces portiers, que le trésorier nommait, étaient
apparemment des officiers laïques , bien diffé-
renls des clercs qui sont honorés du nom de
portiers. Ceux que ce même auteur appelle Ba-
DES PRÏMICIERS, PRIMICLERCS, SACRISTAINS, etc.
359
silicanos , étaient aussi vraisemblablement des
biques, (|iii étaient nommés par le primiclerc :
a BasiHeanos ipse constituât, ci matriculam
ipse disponat. »
L'office du trésorier est encore expliqué plus
au long en un autre endroit, où on le charge
du soin des ornements de toutes les basiliques
cm il n'\ avait point de prêtre titulaire.
XIV. Revenons au garde des vaisseaux sacrés.
Le synode assemblé à Mopsueste, dont on relut
les actes dans le V concile général (Act. .'. ,
commanda au scévophylace, Custos vasorum,
ou au ciniéliarque, Cimiliarcha, de produire
les diptyques sacrés de cette église, pour savoir
si le nom de Théodore en avait été effacé, et si
on lui avait substitué celui de saint Cyrille
d'Alexandrie.
Ces deux termes qui se trouvent dans la ver-
sion latine nous feraient douter si c'était un
seul office qui portât ces deux noms de scévo-
phylace et de ciméliarque. Il est marqué que
ce Jean ciméliarque était prêtre, aussi bien
que le ciméliarque de Constautinople, qui est
nommé dans la conférence tenue sous Justi-
ni'ii, entre les catholiques et les sévériens.
Théodore, lecteur, nomme aussi deux prêtres
el scévophylaces de Constantinople, qui furent
faits patriarches (L. u).
Les Grecs se servaient aussi du nom latin de
Saccllarius, comme il est notoire que l'empire
romain s'étant étendu dans l'Orient, et sur-
tout depuis la translation du siège de l'empire
de Home a Constantinople, on y fit aussi passer
beaucoup de termes de la langue latine, et sur-
tout les noms des offices. Car il n'en faut pas
croire Anastase Sinaïle, quand il dit que le
terme de Sacellarius vient du syriaque (Viœ
Dux., c. u) ; à moins que de faire allusion au
terme de saccits. Dans ce sens le terme de
saccus , étant devenu commun à toutes les
nations et à toutes les langues, pour exprimer
la même chose, si on le reprend dans son ori-
gine, il sera vrai de dire, qu'il dérive de la
langue hébraïque ou syriaque , car ce que nous
appelons en latin saccus porte le même nom
chez tous les peuples; mais il n'est pas égale-
ment certain que le mot de trésor public ait la
même signification chez toutes les nations.
XV. Saint Grégoire le Grand fait souvent
mention des Mansionnaires, etde ce qu'il en dit
on pourra conjecturer quel était leur office. Il
raconte que Constance, mansionnairede l'église
de saint Etienne, n'ayant plus d'huile pour y
allumer les lampes , les remplit d'eau , qui
s'alluma de même que si c'eût été de l'huile
(Dial.,l.[, c. 5); que Théodore, garde de l'église
de Saint-Pierre, à Rome, Custos ccclesiœ ,
s'étant levé la nuit pour garnir les lampes,
saint Pierre lui apparut et lui dit : « Colliberte,
quare tam citius surrexisti (L. m, c. 21). »
Ce terme de Collibcrtus, a été donné dans la
basse latinité aux serviteurs des ecclésiastiques,
apparemment comme ayant été affranchis de
la servitude ancienne, et devenus clients d'es-
claves qu'ils étaient . il était déjà en usage du
temps de saint Grégoire.
Enfin ce pape (Ibid., c. xxv), raconte qu'une
fille paralytique priantsaint Pierre de la guérir,
il la renvoya à Abundius, garde et mansion-
naire de son église, Custos ecclesiœ, mânsio-
ii'ir/us. qui lui rendit la santé ; que les gardes
des églises en fermaient les portes, éteignaient
et rallumaient les lampes (Ibid., c. xxiv, xxx
Epist., 1. m. epist. i. . Il est facile de conclure
de la quels étaient les devoirs de ces officiers.
Jean Diacre en parle dans la vie de ce saint
pape, et leur attribue les mêmes offices (L. ni,
c. 58 . Denis le Petit a traduit mansionarhe,
le irapapunopioç da concile de Calcédoine. Il en est
aussi fait souvent mention dans le concile de
Constautinople tenu sous Menas. Et il se pour-
rait bien faire que cet officier, à qui l'on don •
nait le nom de mansi&narius, était le portier.
Saint Paulin proteste que s'il se soumit avec
peine à la prêtrise, à laquelle on le força, ce ne
fut pas par dégoût, parce qu'il avait toujours
désiré de commencer sa conversion par le plus
bas office de l'Eglise. « Ab œditui nomine et
officio optavi sacram incipere servitutem
(Epist. vi). » Il est probable néanmoins que
c'étaient quelquefois des prêtres même qui fai-
saient cette fonction. A peine peut-on douter
que les mansionnaires des Grecs ne fussent prê-
tres.
Saint Jérôme loue le saint prêtre Népotien
du soin et de l'adresse qu'il avait à orner les
églises avec des fleurs, et d'autres ajustements
d'une agréable verdure, a Quod basilicas ec-
clesiae et martyrum conciliabula diversis flori-
bus et arborum comis, viliumque pampinis
adumbravit; utquidquid placebatin Ecclesia,
tain dispositione, quarn visu, presbyteri labo-
rem et studium testaretur (In Epitaphio Nepo-
tiani). »
Tous ces termes T.^^iip^ , Mansionarius,
Mdituus , marquent la résidence que ces offi-
366
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — U1A1MTKE CENT-TROISIÈME.
ciers devaient faire dans l'église qui leur était
commise. Je ne les ai pas appelés sacristains,
parce que ce nom sied mieux au garde des
vases sacrés.
Je n'ai pu exprimer le scévophylace des
Grecs par un autre terme plus propre que
celui de sacristain., parce que cet office n'était
pas connu dans l'Occident, et c'était le diacre
ou l'archidiacre, ou l'évêque même qui en fai-
sait la charge. Car Optât raconte comment Men-
surius, évèque de Carthage, étant obligé d'aller
se présenter aux empereurs païens, confia tous
les ornements sacrés à des vieillards d'une
fidélité éprouvée, à ce qu'il pensait, pour les
rendre à son successeur s'il ne revenait pas ;
il ne revint pas : on rendit, ou plutôt on dut
rendre le tout à Cécilien qui lui succéda (Opta-
tus, contra Parmen., 1. n).
XVI. L'évêque de Chypre qui a écrit la vie de
saint Jean l'Aumônier, patriarche d'Alexandrie,
parle des Hebdomadiers (Cap. xin), et il ra-
conte comment ce suint prélat ayant une fois
interrompu la célébration du sacrifice, entra
dans la sacristie, in cimiliachium, et envoya
vingt hebdomadiers pour chercher un ecclé-
siastique qu'il voulait obliger de se réconcilier
avec lui.
Il est aussi très-probable que c'étaient des
laïques qui étaient officiers de l'église, et ser-
vaient par semaines, comme dans toutes les
règles des moines il est parlé du tour que les
religieux doivent garder entre eux, pour servir
par semaines dans les plus bas offices.
Saint Epiphane a mis au rang des officiers
de l'Eglise, plutôt que des clercs, ceux qui
étaient destinés a enterrer les morts. 11 les ap-
pelle Kmanat , Laborontcs , qui mortuvrum
cadavera curant (Expos, fid., n. 22). Mais il ne
donne pas un autre rang aux portiers que
nous mettons entre les clercs, et saint Jérôme
honore de ce même nom ceux qui sont chargés
du soin des sépultures ; c'est-à-dire, de faire
les fosses, d'ensevelir et d'enterrer les corps et
les mettre en terre. « Clerici quibus id officii
erat, cruentum linteo cadaver obvolvunt. et
fossam uumum lapidibus construentes, ex
more tumulum parant, etc. Recens a clericis
cespes ostenditur, etc. (De muliere septies
icta). »
Voilà ce que saint Jérôme dit de cette femme
qui survécut à ses funérailles, parce que sept
coups d'épée de la main du bourreau n'avaient
pu lui abattre la tète. Or, si les clercs faisaient
ces fonctions pour les victimes de la justice
publique, on ne peut douter des autres fidèles.
On en doutera bien moins quand on appren-
dra du même saint Jérôme que les évèques
ne crurent pas désbonorer leurs têtes couron-
nées en les soumettant au cercueil de la sainte
et illustre Paule. « Translata episcoporum ma-
nibus et cervicem feretro subjicieutibus, cum
alii pontitices lampadas cereosque praeferrent,
alii choros psallentium ducerent in média spe-
lunca eeclesia; salvatoris est posita (In Epitaph.
Paulœ). »
Saint Grégoire, évêque de Nysse, témoigne
qu'ils portèrent, lui et l'évêque du lieu , un
côté du cercueil de sainte Macrine , l'autre
côté étant porté par deux des plus considérés
entre les ecclésiastiques, quoiqu'il y eût sept
ou huit stades jusqu'à l'église des Martyrs, où
on devait l'enterrer, et où ceux dont elle avait
pris naissance étaient déjà enterrés.
11 est donc certain que saint Epiphane et
saint Jérôme ont eu raison de dire qu'il y avait
des clercs dont l'office était d'enterrer les morts
(In vita sanct;e Macrinœ). Car ce n'était pas par
office, mais par l'excès d'une humble piété que
ces évèques s'abaissaient à rendre ces mêmes
devoirs à des personnes d'une sainteté extraor-
dinaire (1).
(I) D'après Gallctti, dans son savant livre del primicero, les pre-
miers dignitaires du sacré palais de Latran, durant l'époque carlo-
vingienne et longtemps après étaient : 1° le primicerius notariorum,
appelé quelquefois primicerius suncttE Sedis. Il avait le gouvernement
de la chancellerie et de la secrétairerie d'Etat, la surveillance de toutes
les autres charges et dignités; c'était réellement ce qu'aujouni bui on
appelle le secrétaire d'Etat avec toutes ses attributions; 2o le srtun-
dicerius, qui éAit le vicaire du premier; aujourd'hui il est appelé
substitut du sectaire d'Etat. On sait que de nos jours l'halu!-
nal Antonelli a pour substitut Mgr Berardi, archevêque de Nicce ;
30 l'Arcariui, chargé de l'administration des revenus publics ; c'était
le ministre des finances; 40 le saccellarius, ainsi appelé du mot
saccellus, bourse, parce qu'il était le payeur général de la milice et
des fonctionnaires, le distributeur des aumônes et des largesses des
5o le protoscriniarius, était le chef des archivistes et le con-
servateur des titres et papiers publics; 60 le primicerius defensorum
était le chef des avocats préposés à la défense des églises, des pau-
vres et des établissements charitables; 7o le nomenclator avait pour
fonction d'annoncer les personnes admises à la table du pape ou in-
troduites à l'audience, de recevoir les pétitions, de les classer, de les
présenter en temps opportun, de soigner les intérêts des veuves et
des orphelins auprès du pape. (Dr André.)
DES CAKTL'LAIKES, CHAUTOPHYLACES, etc.
301
CHAPITRE CENT-QUATRIEME.
DES CARTILAIRES, DES CHARTOPHYLACES, DES BIBLIOTHÉCAIRES, CHANCELIERS, NOTAIRES, DEPUIS
LE COMMENCEMENT DE L'ÉGLISE JUSQl 'a L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. Des notaires pendant les cinq premiers siècles.
II. Délégation des cartulaires par les papes, pour l'exécution
des grandes affaires. On en déléguait aussi d'autres, comme les
défenseurs, les notaires, etc.
III. IV. Du chartophylace des Grecs. Sa préséance sur les
prêtres.
V. Raisons de cette préséance.
VI. Il était aussi bibliothécaire.
VII. Des notaires, leur habileté et leurs importants emplois à
Rome.
VIII. Emplois extraordinaires qu'on donnait aux notaires.
IX. Emplois ordinaires des notaires.
X. Commissions générales et particulières qu'on leur donne,
pour les plus grandes affaires.
XI. Les papes, avant saint Grégoire, en usaient de même.
XII. Digression des leçons, ou des lectures qu'on faisait à Rome
pendant l'office divin.
XIII. Des notaires en France et en Orient.
XIV. Formules de la création des notaires, comme si ç'eus-
sent été des secrétaires d'Etat.
XV. Des chanceliers.
I. Je ne sais si nous devons mettre les no-
taires dans le rang d'offices , plutôt que de
bénéfices, quoiqu'il soit difficile de distinguer
les offices des bénéfices dans les premiers
temps , où tous les bénéfices n'étaient que des
administrations et des offices pour des gens
qui faisaient une communauté. Car ordre, of-
fice et bénéfice n'étaient alors qu'une même
chose exprimée par différents noms.
Les jeunes enfants commençaient ordinaire-
ment leur apprentissage dans la cléricature
par l'office de lecteur ou de notaire. Les no-
taires écrivaient, par notes abrégées, ou les
actes publics, ou les mandements des évèques.
Evodius, évèque, écrivant a saint Augustin,
lui parle d'un jeune enfant qui lui servait de
notaire et de lecteur : « Erat strenuus in notis,
et in scribendo bene laboriosus, studiosus quo-
que esse cœperat lectionis , ut ipse meam tardi.
tatem causa legendi nocturnis lions exhortare-
tur. Nam aliquando tempore noctis mini ipse
legebat, cum omnia siluissent , etc. ( Epist.
August. cclviii). »
Saint Augustin ayant assemblé son clergé et
son peuple, et leur faisant élire le prêtre Era-
dius pour son coadjuteur , fit faire un acte de
cette élection par les notaires de l'église : « A
nolariis eeelesiœ sicuteernitis excipiuntur quae
dieimus, excipiuntur quae dicitis, ecclesiastica
gesta conficimus, etc. (Epist. ex). »
Ennodius, dans la vie qu'il a écrite de saint
Epipbane , évêque de Pavie, raconte que ce
saint évêque, ayant été fait lecteur à l'âge de
huit ans, apprit ensuite et exerça l'office de no-
taire jusqu'à l'âge de seize ans : « Annoruni
fere octo lectoris ecclesiastici suscipit officium,
etc.Notarum in scribendo compendio, et figu-
ras varias membrorum mnltitudinem compre-
hendentes brevi assecutus, in exceptorum nu-
méro dedicatus enituit , cirpitque jam talis
excipere, qualis possit sine bonorum obloeu-
tione dictare. Igitur processu temporis etlabo-
ris ad sextum et decimum œtatisannum divino
fa\ore perductus, cana consilia in annis juieri-
lîbus meditabatur. »
Ces offices de notaires en public ou de secré-
taires en particulier, n'étaient pas seulement
des degrés pour monter aux ordres supérieurs,
mais aussi des études et des exercices pour s'en
rendre capables, comme il paraît par celui dont
parlait Evodius , qui était autant son disciple
que son lecteur et son secrétaire, « nec volebat
praterire leetionem, nisi inlellexisset, et tertio
et quarto repetebat, et nec dimittebat, nisi sibi
apparuisset, quod quœrebat. Ceperam eum non
quasi puerum , et notarium habere, sed ami-
cum quemdam satis necessarium et suavem. »
Cela parait encore mieux par saint Epipbane,
qui acquit la sagesse des vieillards dans les
exercices de sa plus tendre enfance et fut enfin
ordonné sous-diacre à l'âge de dix-huit ans.
« Cana consilia in annis puerilibus meditaba-
tur. » Tant il est vrai que la maison de l'évê-
que était une école de vertu et de sagesse.
Le pape Célase ordonna qu'un moine ne put
être prêtre, s'i n'avait passé par ces offices in-
férieurs de lecteur, ou de notaire, ou de dé-
fenseur , « continuo lector, vel notarius , aut
362
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATRIÈME.
certe defensor cffectus, post très menses existât
aeolythus. »
Ennodius dit que le saint religieux Antoine,
dont il a écrit la vie , fut d'abord mis au rang
des notaires par son oncle, l'évêque de Cons-
tance. « Inter exceptoresecclesiasticos cœlestem
militiam jussit eum ordiri. »
Mais le pape Léon nous apprendra bien mieux
l'importance de cet office, dans les lettres où il
parle de la légation qu'il envoya pour assister
en son nom au second concile général d'Epbèse,
et pour y soutenir la prééminence du Siège
Apostolique. Car il y envoya un évèque , un
prêtre, un diacre et un notaire. « Fratres no-
stros Julianum episcopum et Renatum presby-
terum, et filiuni nostrum Hilarium diaconum,
cuinque his Dulcitium nolarium probata? nobis
lidei misi, qui vice mea sanclo conventui no-
strœ fraternitatis intersint, eteommuni vobis-
< uni sententia?, quœ domino sunt placitura,
constituant Ep. x,13).»
Dioscore et la plupart des autres évèques
orientaux de ce concile se laissèrent aller aux
excès ou de tyrannie, ou de faiblesse que tout
le monde sait, et ensuite le pape saint Léon
et le synode romain envoyèrent a Constauli-
nople deux notaires de l'Eglise romaine, pour
y fortifier les lidèles et en repousser la nouvel le
hérésie (Ep. xxuij. La grandeur et L'impor-
tance de ces emplois font assez voir de quel
poids étaient ces oflices.
L'alliance que nous avons vue si fréquente
entre les notaires et les lecteurs, nous a fait
faire réflexion sur ces paroles de saint Epi-
phane, qui dit que le lecteur n'est pas partici-
pant du sacerdoce, mais qu'il est comme le
scribe de la parole de Dieu. «Quippelectornon
est sacerdos, Iejeù;, sed tanquam divini verbi
scriba ^ft^umln (In exposit. tidei catli., c. xxi .»
Aétius , arebidiacre de Constantinople . prit
très-souvent la qualité de piimicier des no-
taires dans le concile de Calcédoine. Il est
parlé, dans ce même concile, d'un lecteur qui
était aussi notaire. On y lut dans l'action 14
les actes d'un concile d'Antiocbe, où paraissait
un diacre notaire. Ainsi l'office de notaire était
en considération parmi les Crées aussi bien que
parmi les Latins.
IL La dignité des cartulaircs, ou des charto-
pbvlaces, est la plus approchante de celle des
syncelles ou des protosyncelles.
Saint Grégoire envoya en Numidie un de ses
cartulaircs, pour y régler avec les évèques
d'Afrique les affaires de leur Eglise ; et il écri-
vit à Colombe, évêque de Numidie (L. i.
ep. 75) d'assembler un concile dès que son car-
tulaire serait arrivé en Afrique, d'y déposer
l'évêque Maximien, s'il était convaincu d'avoir
favorisé la création d'un évèque donatisle, et
de vider avec le même cartulaire en particulier
tous les autres différends qui pourraient être
survenus.
« Si qua damnatorum quorumdam, vel pri-
vatorum negotiorum versatur intentio, banc
tua fraternitas cum prppdicto cartulario nostro
privatacognitioneperquirat, et inter utramque
partem justitia procedente deûniat (L. n ,
ep. 33). »
Ces cartulaires du pape étaient donc comme
les ministres et les exécuteurs des ordres du
Saint-Siège, et les assesseurs des évèques des
provinces où ils étaient envoyés. Cela parait
encore dans la satisfaction que Maxime, évêque
de Salone, donna enfin au pape saint Grégoire,
qui avait longtemps combattu sa promotion.
Ce fut encore un cartulaire qui en fut le pro-
moteur et le témoin (Reg., 1. vu, in praefat.).
Ce n'étaient pas seulement les cartulaircs de
son Eglise que ce grand pape envoyait dans
tous les royaumes de la chrétienté, pour tra-
vailler à la réforme de la discipline ecclé-
siastique, et à la conservation du patrimoine
de l'Eglise romaine, qui était celui des pauvres,
et qui était aussi répandu presque par toute la
terre, il envoyait aussi des diacres, des sous-dia-
cres, des défenseurs, des notaires, ainsi que Jean
Diacre nous l'apprend daussa vie; maisil ne don-
nait ces importantes commissions qu'à ceux qui
étaient les plus habiles et les plus expérimentés.
«Niliilominus per diversasprovinciasprocusto-
diasaeraereligionis,rebusquepauperumstrenuc
gubernandis, Ecclesiae suae viros industrios ,
rectores patrimoniorum ascivit (L. n. c. 53). »
Cette dignité était donc fort considérée à Rome.
III. La dignité de chartophylace a été encore
d'une plus grande considération dans l'Orient.
Nous avons déjà dit que, dans le concile de
Latranà Rome, sous le pape Martin Ier, il est
parlé d'Etienne, prêtre, yncelle, et chartophy-
lace de Sergius, patriarche de Constantinople.
Dans le sixième concile général (Consult. iv)
on nomme plusieurs de; ceux qui composaient
le conseil, et qui étaient comme les secrétaires
du patriarche de Constantinople; le chartophy-
lace y tient le premier rang.
«Quidam ex secretario, twà« wû awj£Tcu,sanctis-
DES CAKTl'LAIRES, CHAHTOl'HYLACES, etc.
363
simi patriarche Constantinopoleos, id est, Gre-
gorius diaconus et chartophilas , Anastasius
diaconus et notarius, et defensor navium, «XoU-
xSixos.Stepharfus diaconus et caucellarius, KavxeX-
xàf.o;, Dionysiuset cancellarius, Anastasius pre-
sbyter et monachus (Actio 8). »
Ces trois qualités de ctiancelier, de notaire
et de cbartophylace étaient donc différentes, et
étaient même confiées à des diacres; mais celle
de chartophylace l'emporte sur les autres. Aussi
ce même concile (Act. 10), faisant encore plus
bas mention de ces trois officiers, met le char-
tophylace à leur tête, et lui donne le premier
rang immédiatement après les évêques.
Dans les autres sessions de ce même concile
(Act. 12, 13, 14) c'est George, diacre et charto-
phylace , qui tire des chartes de l'Eglise de
Constantinople, les lettres de Sergius et d'Ho-
norius, et les apporte dans l'assemblée du con-
cile, qui les voulait examiner. On l'oblige de
produire tous les originaux qui étaient dans le
chartophylace, ou dans la bibliothèque des pa-
triarches, qui étaient nécessaires pour la justi-
fication ou pour la condamnation des ouvrages
ou des personnes qu'on accusait de l'erreur des
monothéliles.
IV. Nous venons de voir plusieurs diacres,
qui étaient comme les secrétaires du patriarche,
et qui avaient pour chef le chartophylace, nom-
més avant les prêtres, dans les récits mêmes
qui furent faits au sixième concile. C'était peut-
être une marque de la préséance qu'ils avaient
prise au-dessus des prêtres à cause de l'office
ou de la dignité dont ils étaient revêtus.
Le concile in Trullo (Can. vu), qui fut tenu
fort peu d'années après, tâcha de remédiera cet
abus, et défendit aux diacres, de quelque office
ou de quelque dignité qu'ils fussent ornés, de
prendre séance devant les prêtres, si ce n'est
qu'ils fussent envoyés dans quelque autre ville,
par leur patriarche ou par leur métropolitain ,
et qu'ils représentassent sa personne.
« Quoniam in nonnullis Ecclesiis diaconos
officia ecclesiastica, oçtpîxia à.x.'Mtn.a.a-a/.i., habere
didicimus; et ex hoc nonnullos eorum arro-
gantia et licentia fretos ante presbytères se-
dere ; statuimus, ut diaconus etiamsi in digni-
tate, i-i à;i(ou.ïTi , id est, in officio quovis sit
ecclesiastico. aule presbyterumne sedeat, prae-
terquam si proprii patriarchœ vel métropolitain
vices gerens, adsit in alia civitate, super aliquo
eapite. Tune euim ut locum illius implens ho-
nurabitur. »
La peine que ce concile ordonne à l'avenir
contre les contrevenants, est d'être mis les der-
niers dans le rang et l'ordre qu'ils tiennent
dans l'Eglise. Le même règlement est aussi
étendu aux autres ordres, d'où on peut pré-
sumer que les clercs même inférieurs aux
diacres s'étaient aussi quelquefois élevés au-
dessus de leurs supérieurs, par lorgueilque leur
causaient ces offices ou ces dignités dont nous
parlons.
V. Les chartopbylaces, bien loin de déférer à
celte ordonnance , et de céder aux prêtres , se
mirent au-dessus des évêques , et se conser-
vèrent longtemps dans cette usurpation. Ainsi
ou ne peut douter que ce canon que nous
venons de citer, n'ait été fait principalement
contre les chartopbylaces, qui après s'être mis
au-dessus des prêtres, semblaient déjà menacer
les évêques.
Cette élévation insolente des chartopbylaces
au-dessus des prêtres pourrait bien être procé-
dée: 1° de ce qu'ils avaient eux-mêmes été
prêtres, comme nous l'avons remarqué dans
quelques exemples précédents. Ainsi ils précé-
daient les autres prêtres, sans la moindre
ombre d'injustice, quoiqu'ils fussent peut-être
plus jeunes dans le même ordre.
Cette préséance dans le même ordre des
prêtres, qui leur était accordée en vue de leur
dignité, passait ensuite dans leur esprit et dans
l'esprit de plusieurs autres comme un effet de
leur dignité et comme une suite inséparable.
D'où il arriva que les ebartophylaces préten-
dirent ensuite au même honneur, quoiqu'ils
ne fussent que diacres.
Cette usurpation pourrait être provenue :
2° des fréquentes et longues commissions que
les patriarches et les archevêques donnaient à
leurs chartopbylaces et à leurs archidiacres. Ils
s'accoutumaient si bien et eux, et les prêtres
mêmes à cette préséance irrégulière qu'elle
ne leur paraissait plus irrégulière; leurs yeux
et leurs esprits étant accoutumés à n'avoir plus
d'égard qu'à la dignité, sans considérer l'ordre
qu'elle obscurcissait par l'éclat de ses rayons,
et qu'elle faisait perdre de vue.
Enfin cette éclatante dignité ayant une fois
ébloui les yeux des hommes et ayant fait ou-
blier le rang des ordres sacrés, les chartopby-
laces montèrent au-dessus des évêques avec la
même facilité qu'ils s'étaient élevés au-dessus
des prêtres.
VI. Le nom même de cartulaire ou de char-
364
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATRIÈME.
tophylace est une preuve que cet office com-
prenait aussi celui de bibliothécaire. Ce qui a
été dit du sixième concile en est encore une
marque certaine pour l'Eglise grecque.
Constantin Manassès raconte qu'au temps de
Léon d'Isaurie la bibliothèque de Constanti-
nople était gouvernée par douze personnes
d'une science et d'une probité singulières, et que
les empereurs mêmes n'entreprenaient rien
d'important sans les avoir consultées : « Tania
in opinione virtutis erant, ut ne ipsi quidem
imperatores, novi quidquam et inusitati sibi
agendum pntarent, illis in consilium nonadbi-
bitis. » Ces saints et savants hommes défendi-
rent la foi de l'Eglise contre cet empereur
ennemi des sacrées images , et couronnèrent
leur vie par un glorieux martyre.
Quant à l'Eglise occidentale, il n'en est pas
de même ; comme les cartulaires n'y ont
jamais eu le crédit qu'ils avaient dans l'Orient,
aussi on ne leur a point affecté la dignité
de bibliothécaire. Anastase Bibliothécaire dit
que Crégoire II, avant son pontificat, avait été
bibliothécaire n'étant encore que sous-diacre.
« Subdiaconus atque sacellarius factus, biblio-
thecre est î II i cura commissa ; deinde ad dia-
conatus ordinem provectus est. »
VII. Je ne m'arrêterai pas davantage aux chan-
celiers de l'Orient, que nous avons vu à Cons-
tantinople être des diacres et des officiers du
secrétariat sous le chartophylace. Il vaut mieux
venir aux notaires, qui étaient plus connus et
plus ordinaires dans l'une et dans l'autre
Eglise.
Jean Diacre nous a déjà assuré que le pape
saint Crégoire envoyait aussi des notaires de
l'Eglise romaine, avec des commissions extraor-
dinaires pour faire corriger les divers abus qui
se glissaient dans la discipline des provinces
éloignées.
Entre les syncelles ou les confidents de ce
saint pape, le même Jean Diacre a donné rang
à Emilien, notaire, qui recueillit ses quarante
homélies sur les Evangiles, étant assistr de si s
compagnons, et c'était là la propre fonction des
notaires : « Qui quadraginta homilias Kvange-
lii cuin sociis suis excepit; » et a Patérius, no-
taire, qui a fait cet excellent extrait des ouvrages
de ce saint pape (L. u, c. 1 1).
Ces notaires étaient ordinairemont sous-
diacres et régionnaires, c'est à-dire distribués
dans les divers quartiers de Rome, aussi bien
que les diacres légionnaires, avec celte diffé-
rence que les diacres régionnaires étaient char-
gés du soin des pauvres, au lieu que les sous-
diacres, ou notaires régionnaires, avaient été
destinés originairement pour recueillir les
actes des martyrs.
VIII. Rien ne peut mieux apprendre quelle
était te dignité des notaires que les emplois
importants et les commissions extraordinaires
dont le même saint Crégoire les honorait.
Diverses personnes lui ayant porté leurs plaintes
ou leurs accusations contre la conduite de l'ar-
chevêque de Cagliari, en Sardaigne, ce pape
envoya Jean , notaire du Siège Apostolique ,
« sedis nostrœ notarium, » pour éclaireir tous
ces différends et pour obliger cet archevêque
à justifier son innocence (L. u, ep. 34).
Le neveu de l'évêque de Siponto étant accusé
d'avoir violé la fille d'un diacre, saint Cré-
goire y envoya le notaire Pantaléon pour s'en
informer, et si le crime était avéré , obliger
ce jeune homme d'épouser la fille; ou, après
la peine du fouet, le renfermer dans un monas-
tère pour y faire pénitence (L. h , ep. 40 , 12] .
Mais tous les notaires n'étaient pas appelés à
ces grands emplois.
Un sous-diacre de Sicile n'ayant pu se résou-
dre à la continence , qu'on recommençait à
exiger avec plus de sévérité, il se démit des
fonctions du sous -diaconat, et se contenta
d'exercer l'office de notaire. « Usque in obitus
sui tempus. notarii quidem gessit officium,
et a ministerio subdiaconi cessavit (L. m ,
ep. 34). » Ce qui ne se peut entendre que des
fonctions ordinaires des notaires, qui n'étaient
pas si relevées, qu'on ne donnât cet office même
à des enfants encore fort jeunes, dès qu'ils
avaient appris l'art d'écrire , avec la vitesse
admirable et les abréviations étudiées dont ils
faisaient profession.
Saint Grégoire même parle de ces jeunes
notaires. « Irrisioues illas, quas habere notarii
adlmc pueri soient (L. iv, ep. 15) ; » ce qu'on
pourrait néanmoins entendre de ceux qui mit
appris cet exercice, quoiqu'ils n'en aient pas
encore la charge.
IX. Les notaires étaient ordinairement 1rs
secrétaires des évêques, auxquels ils dictaient
leurs lettres. « Hanc epistolam Paterio notario
Ecclesiœ nostrœ subscribendam dictavimus
Dialog., 1, m, c. 10). » Ils écrivaient aussi les
actes publics, comme il paraît par les actes
d'affranchissement et de liberté que ce pape
donna à quelques esclaves de l'Eglise romaine :
DES CARTULAIRÉS, CHARTOPHYLÀCES, etc.
36b
« Libéras ex bac die civesque Romanos effici-
iiuis. etc. Hancmanumissionis paginam Paterio
notario seribeinlani diclavinius , et propria
manu subscripsimus (L. îv , ep. -2'> ; I. \,
ep. \-2). »
X. Outre ces exercices ordinaires, auxquels
les plus jeunes d'entre les notaires pouvaient
satisfaire , d'écrire les lettres, de dresser les
actes publics, de suivre, en écrivant par notes
abrégées, le torrent de l'éloquence d'un évêqué
qui prêche la parole de Dieu, il y avait des
charges extraordinaires qu'on donnait aux plus
expérimentés et aux plus habiles; et il yen
avait même de deux sortes. Les unes étaient
des commissions générales pour veiller dans
toute une province, et pour remédier, par l'au-
torité du Siège Apostolique, aux désordres qui
échappaient à la vigilance des évéques ; les
autres n'étaient que des commissions particu-
lières, pour quelque occurrence singulière.
Le même saint Grégoire, écrivant à Adrien ,
notaire de Sicile, c'est-à-dire, qui avait une
commission générale dans toute la Sicile, lui
dit que si les religieux du monastère du Mont-
Gibel se laissent effectivement aller aux dis-
solutions infamantes dont on lui avait parlé,
et dont il avait écrit à l'évèque , il ne manque
pas d'y apporter un remède prompt et efficace,
et, en corrigeant les défauts spirituels de ce
monastère, de prendre aussi soin de ses inté-
rêts temporels.
« De qua re quia fratri et coepiscopo nostro
Leoni scripsimus, ut requisita veritate, si ita
repèrent, districtissima hoc studeat severitate
corrigere ; necesse quoque est, ut in hac re tua
se experientia ad investigandam veritatem et
puniendum tantum scelus, omnimodo solliei-
tam debeat exbibere (L. vin. ep. 22). »
Mais ce ne fut qu'une commission particu-
lière que donna ce souverain pontife, lors-
qu'ayant envoyé le notaire Pantaléon, pour
prendre soin du patrimoine de saint Pierre,
dans le Milanais, il le chargea encore de faire
promptement ordonner l'évèque élu à Milan.
« 1 1 in ordinando eo qui a vobis electus est,
nulla possit mora contingere. Pantaleonem nota-
rium nostrum transmisimus , qui eum , ut
moris est. annuente consensus nostri autori-
tate, faciat consecrari (L. vin, ep. 6S . »
XL Si le caprice des temps avait laissé les
registres des autres papes aussi entiers que ce-
lui de saint Grégoire, nous y trouverions les
marques de la même conduite dans tous ses
prédécesseurs, aussi bien que dans ceux qui lui
ont succédé. La collection romaine d'Holsté-
uius en fait voir quelques vestiges dans les
débris qu'il en a conservés.
Le pape Pelage envoyant un prêtre de l'Eglise
romaine pour corriger les abus et pour affer-
mir l'unité dans une province éloignée : « Pe-
trum lilium nostrum presbyterum Apostolicse
Stdis. ad corrigenda ea, quae in quaestioncm
veniunt, duxinuis dirigendum, etc. Ad eccle-
siasticam unitatem , ad correplionem exces-
suum, etc. (Collect. Roman., p. 239), » il lui
donna pour adjoint et pour conseiller un no-
taire de la même église : « Huic projectum
notarium sedis noslrœ adjungendum esse cre-
didimus, ut participato consilio, quae rationa-
bilia sunt, exequi non morentur. »
Ges notaires devaient être dans une grande
réputation de prudence et de probité pour
soutenir le poids de tant de grandes affaires, et
l'honneur du Siège Apostolique qui les revêtait
de son autorité : « Faciliorem omnium causa-
rum futurum esse judicantes exitum, si illum
ab Apostolica contigisset publiée Sede trans-
niitti, etc. »
XII. En France, les lecteurs ont souvent fait
l'office des notaires. Le privilège de l'abbaye
de Saint-Denis accordé par Landry, évêque de
Paris, fut écrit et souscrit par un lecteur :
« Austrolenus lector jubente Domno Landerio
episcopo hoc privilegium scripsi et subscripsi
(Du Chesne, Hist. Franc, tom. i, p. 083). »
Grégoire de Tours dit qu'il apprit lui-même
cet art étant encore enfant : « Nihil aliud litte-
rarum prœter notas agnovi, in quarum nunc
studio constrictus aftligor (De glor. Confess.,
c. xl). »
Aussi, il y avait à Rome une école ou un
collège et une compagnie de notaires, dont le
chef ou le primicier avait soin des chartes et
peut-être même de la bibliothèque. Le sous-
diacre Arateur, ayant présenté son poème au
pape Vigile, ce pape le donna en garde au pri-
micier des notaires. « Surgentio viro venera-
bili, primicerio scholae notariorum, in scrinio
dédit Ecclesiœ collocandum. »
Ce poème, qui comprend l'histoireapostolique
en deux livres, fut lu en quatre reprises en
présence du pape et de plusieurs personnes
habiles du clergé, des religieux et du peuple,
dans l'église de Saint-Pierre; l'auteur même le
récitant, l'auditoire en interrompit la lecture
par ses applaudissements, et demanda si sou-
366
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATRIÈME.
vent qu'on relût les pins beaux endroits, qu'on
n'en put lire que la moitié d'un livre à chaque
fois.
Cria nous rappelle le souvenir de la récita-
tion autrefois si fréquente de tant d'excellents
ouvrages dans l'ancienne Rome, si l'on peut
donner de l'excellence aux ouvrages profanes,
qui ne servent qu'à repaître la vanité des
hommes. Mais cela nous fait plus utilement
remarquer les longues lectures des livres saints
qui se faisaient autrefois avec beaucoup plus de
ferveur que dans ces derniers siècles (Bibl. Pa-
trum, tom. vin, p. 70). Nous en avons déjà
parlé ci-dessus, et il faut ajouter que le chan-
gement de la langue vulgaire a peut-être autant
contribué au changement que nous remarquons
que le refroidissement de la piété des fidèles.
11 faut aussi reconnaître de bonne foi que si
dans les oftices divins on ne fait plus ces lon-
gues lectures en langue vulgaire, les instruc-
tions et les prédications sont aussi incompara-
blement plus fréquentes qu'elles n'étaient dans
les premiers siècles.
Cette digression pourra paraître un peu
longue, mais non pas absolument hors d'ceuvre
ni désagréable. Néanmoins, il est temps de la
finir pour revenir à nos lecteurs et à nos no-
taires.
XIII. Les auteurs de la vie de saint Césaire ,
archevêque d'Arles , nous apprennent une
autre charge des notaires, au moins dans
l'Eglise d'Arles, qui était de porter la crosse de
l'évêque : « Clericus cui cura erat baculum
illius portare, quod notariorum officium erat.
(L. il, c. 12). »
La vie du confesseur saint Magne, disciple
de saint Colomban, nous apprend (pie les abbés
avaient aussi une crosse qui est aussi appelée
Camlnita (Apud Surium die G Septembre, xn).
On se servit de celle de cet abbé après sa mort,
pour délier en son nom celui qu'il avait lié
durant sa vie. Mais, dans ces petits emplois,
e< s jeunes ecclésiastiques tiraient de si grands
avantages de la doctrine et des saints exemples
de leurs prélats, qu'ils se rendaient capables
des plus grandes charges de l'Eglise.
Dans le concile de Constantinople (Aet. I),
sous Menas, entre les clercs qui y assistèrent,
on nomme deux diacres, deux notaires et quel-
fines sous-diacres. Le promoteur du concile
était Eupbémius, diacre de Constantinople et
primicier des notaires. Il y est aussi fait men-
tion de Théodore, tribun, notaire et référen-
daire de l'empereur. On y nomme Menas, lec-
teur du Siège Apostolique et secondicier des
notaires, Secundicerius notariorian ; Acace et
Christodore, diacres et notaires de Constanti-
nople. Le même Christodore porte aussi le nom
de secrétaire, oExsETâpic;.
Enfin, il paraît par les actes de ce concile
que l'office de notaire était ordinairement
affecté aux diacres dans l'Eglise orientale ,
quoique dans l'Occident cette fonction fût pour
les moindres clercs. Le promoteur du cin-
quième concile universel était aussi Diodore,
archidiacre de Constantinople et primicier des
notaires (Collât, i, h).
Dans le VI0 concile général (Act. 8, 10), on •
nomme Etienne diacre et notaire, et l'archi-
diacre y est appelé chartophylace. D'où on
pourrait conjecturer que la dignité de charto-
phylace ayant acquis un nouvel éclat, et des
pouvoirs extraordinaires, le premier des diacres
aima mieux en être qualifié que du nom de
primicier des notaires. Il faut néanmoins de-
meurer d'accord qu'on nomme dans ce concile
Act. 2) un lecteur qui était aussi notaire.
XIV. Cassiodore apprend quelle était l'impor-
tance île cette dignité dans l'empire, et de ce
qu'il en dit on peut conclure combien elle était
considérable dans l'Eglise. Les notaires étaient
effectivement les confidents du secret et comme
les secrétaires d'Etat. « Notarii honor tune
dabatur egregiis, dûm ad impériale secretum
laies constet eligi, in quibus reprehensionis
vilium nequeat inveniri (Variarum 1. i, ep. iv;
1. vi, c. 10). »
Le formulaire de la création des notaires
exprime admirablement la sagesse, le secret et
la fidélité incorruptible que leur ministère
demande, « Non est dubium ornare subjectos
principis secretum; dum nullis aestimantur
necessaria posse committi, nisi qui fuerinl fide
magna solidati. Régis consilium solos decet
scire gravissimos. Imitari debent ar'maria, quao
continent monumenta chartarum. Ut quando
ab ipsis aliqua instructio quœritur, tune lo-
quanlur, totum autem dissimulare délient ,
quasi nesciant scientes. »
XV. Les chanceliers n'étaient pas encore
reconnus entre les officiers de l'Eglise latine.
Saint Crégoire écrivit à Vénantius , chancelier
d'Italie, pour lui conseiller de rentrer dans le
cloître dont il était sorti. 11 parle dans un autre
endroit du chancelier d'un ex-préteur. Il dit
ailleurs qu'un exarque d'Afrique lui avait
DES CHANCELIERS, NOTAIRES, etc.
3f",7
envoyé son chancelier pour Irai ter d'une affaire.
« Suuiu ad nos pro eadein causa cancellarium
destinarat (L. i,ep. 33, 67; 1. vi, ep. 2). »
Cassiodore parlant de cet office purement
séculier, dit qu'il tirait son nom du elianecl.
ou du balustre , où ceux qui étaient élevés à
cette dignité se tenaient pour écouter, ou pour
introduire ceux qui demandaient audience du
magistrat. « Militiam domesticam cancellorum
decus altribuit, ut consistorii nostri sécréta
fideli integritate custodias , per te praesentatus
accédât (Varior., 1, n, c. 6). »
Les historiens et les lois nous apprennent
que ce n'étaient originairement que des notai-
res ou des secrétaires, à qui on donna ensuite
de la considération et de l'éclat par les emplois
importants qu'on leur confia (Vopiscus, in Cœ-
rino). »
Les ecclésiastiques ne commencèrent à s'in-
gérer dans cet office séculier que vers le temps
de Cbarlemagne, el le concile 11 de Châlon,en
813, le leur interdit aussitôt. « Presbytères
cancellarios publicos esse decrevimus inhiben-
dum Can. xlivj.» Il est vrai (jue celte défense
n'étant faite qu'aux prêtres . on souffrait que
les autres clercs inférieurs exerçassent cet
office, qui n'était toujours qu'un office public.
Saint Ouen fut chancelier de Dagobert avant
que d'être évêqùe. On l'appelait référendaire.
« Referendarius dicebatur , ad quem publiée
conscriptionesreferebantur,utpereumannulo,
seu sigillo régis confirmarentur. » Ce sont les
termes de l'auteur de sa vie.
La suite de cet ouvrage fera voir une infinité
de chanceliers qui étaient en même temps
évêques.
CHAPITRE CENT-CINQUIEME.
DES CHANCELIERS, DES NOTAIRES, DES CHARTOPHYLACES ET DES BIBLIOTHECAIRES,
DEPIIS CHARLEMAGNE JUSQU'A BOGUES CAPET.
I. Quel élail l'office du chancelier, ou de grand chancelier,
qu'on appela aussi archichancelier.
II. L'arcbichanceher était ordiuairemenl un évèque ou un ar-
chevêque.
III. Des notaires.
IV. Du chartophylace des Grecs. Description de ses pouvoirs.
V. 11 eut enlin séance au-dessus des piètres et des évèques.
VI. Règlement du concile in Trullo sur cela ; en quel temps
commença celte préséance du chartophylace au-dessus des
évèques.
vil. Quels furent les fondements de celte préséance exor-
bitante.
VIII. Pouvoirs des chartophylaces.
IX. Qui s'élèvent par là au-dessus des évêques.
X. Les cardinaux n'avaient pas encore cette préséance
XI. Des protonotaires.
XII. Du bibliothécaire.
XIII. Importance de cette dignité.
XIV. Du bibliothécaire de l'Eglise romaine.
XV. Cet oftice était donné à des évèques.
XVI. Des bibliothécaires dans l'Orient.
1. Sous l'empire de Cbarlemagne, temps au-
quel la dignité de chancelier commençait à
s'accroître, sa fonction était de garder les or-
donnances des princes, et les résolutions des
assemblées générales ou des états du royaume,
d'en fournir des exemplaires aux archevêques
et aux comtes pour être par eux ensuite com-
muniqués aux évêques, aux abbés et aux autres
sujets du prince; enfin il informait le roi du
nom desévêques et des comtes qui avaient pris
un exemplaire de ces ordonnances.
C'est ce que nous apprenons d'un capitulaîre
de Louis le Débonnaire, de l'année 8*23. aVolu-
mus, ut capitula, quai nunc et alio tempore
consultu fideliumnostrorum a nobis constituta
sunt, a cancellario nostro archiepiscopi et co-
mités eorum accipiant, et unusquisque per
suam diœcesin cœteris episcopis, abbatibus, co-
mitibus et aliis fidelibus nostris ea transcribi
faciant,ut in suis comitatibus coram omnibus
relegant, utcunctis nostra ordinatio et volunlas
nota fieri possit. Cancellarius tamen nosterno-
mina episcoporum et comitum, qui ea accipere
curaverint, notet; et ea ad nostram notitiam
368
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-CINQUIÈME.
perlerai, ut nullus hoc pratermittere présu-
mât (Cap. xxiv). »
Le même commandement se lit dans les
capitulaires de Charles le Chauve Tit. su, cil;
tit. xxxi, c. 30).
C'est vraisemblablement du grand chance-
lier, qu'on appelait archichancelier, que cela se
doit entendre, et il faut en même temps re-
marquer, que c'était toujours un eccléeiasli-
que, qui était chargé de cet office. Cela paraît
par les souscriptions du concile de Ponthyon ,
tenu en 870, où, après les évèques et les abbés,
souscrivit l'archichancelier , qui était aussi
abbé : « Gauzlenus abbas et arcbicancella-
rius. »
Adam rapporte, dans son histoire ecclésiasti-
que , un rescrit de Charlemagne, en 788, pour
l'érection de l'évèché de Rrème, souscrit par
l'archevêque de Cologne, chapelain du sacré
palais, o Hildebadus archiepiscopus Coloniensis.
et sacri palatii capellanus recognovi (Adamus.
1. i, c. 9). »
Le père Sirmond assure qu'on voit plu-
sieurs charles de Louis, fils de Roson , qui fut
depuis proclamé empereur à Rome , datées
presque toutes de Vienne, et souscrites par l'ar-
chevêque de Vienne, archichancelier (Concil.
Gall., lom. m, pag. iii. osi'i . En 9-28, Hugues,
roi d'Italie, avait l'abbé Gerlan pour archi-
chancelier (Spicilegii, tom. xu , pag. 119,
153).
Ilincmar, après avoir dit que tout le clergé
du palais était sous la domination de l'archi-
cbapelain, assure que le grand chancelier lui
était comme associé, que c'était celui qu'on
appelait autrefois secrétaire, qu'il avait sous lui
plusieurs autres chanceliers ou secrétaires in-
telligents et fidèles, qui copiaient les ordon-
nances, et en distribuaient les exemplaires sans
faire des exactions odieuses. « Cui sociabatur
siunnius cancellarius, quia secretisolim appel-
labatur, erantque illi subjecti prudentes et in-
telligentes ac fidèles viri, qui prœeepta regia
absi| ne immoderata eu piditatisvenalitatescri fiè-
rent, et sécréta illis tideliter custodirent (Hinc-
mar., tom. u, pag. 207, 317). »
Le même Hincmar dit ailleurs que le roi,
riant irrité contre l'évêque de Laon, fit écrire
par son chancelier au vidame et au prévôt de
l'Eglise de Laon de ne laisser prendre aucune
liait à leur évèque de tous les revenus et de
tous les autres avantages de l'évèché.
De là, on conjecture avec raison que l'abbé
de Saint-Denis, nommé Louis, dont Loup de
Fernères dit qu'il était secrétaire des comman-
dements du roi, « Epistolare in palatio gerens
officium, » était aussi chancelier. Le même
abbé écrivit des lettres à cet abbé de Saint-
Denis Louis, où il lui donne la qualité de
prince des abbés, et il implore sa faveur et sa
protection auprès du roi. L'adresse de ses
lettres est ainsi conçue : Ablation sitmmo
(Ep. xxviu, 32, 9-2).
IL Lorsque le chancelier n'était pas présent,
un des moindres chanceliers ou des notaires
prenait sa place. C'est ce qu'on voit dans un
acte du roi Charles le Simple : « Gaulinus no-
tarius ad vicem Rogeri archiepiscopi recogno-
vit (Raluz., append. ad LupiEpist., pag. 524).»
On ne peut pas douter qu'il n'y eût plusieurs
moindres chanceliers dans le palais, et que ce
n'ait été cette raison qui a fait prendre au pre-
mier la qualité de grand et d'archichancelier.
Un texte d'un vieil historien en fait foi : « Ego
Joseph peccator et sacerdos, quondam Aquila-
norum régis cancellarius, nunc inclyti régis
Ludovici liberalium artium praceplor, atque
ejusdem sacri palatii cancellariorum munere
functus (Du Chesne, tom. m, p. 417). »
Aussitôt que saint Hérébert eut été élu
évèque de Cologne, l'empereur Othon lui écri-
vit comme à son archichancelier, arcliilogo-
thetce (Surius, die 16 Mart., c. vu). L'historien
grec Cinnamus, dans son livre iv, prend aussi
le logothète des Grecs pour le chancelier des
Latins : « Cancellarius quem logothetam Gra-ci
vocant. »
Celui qui souscrit à la place du grand chan-
celier absent, qui est toujours un évèque ou
un archevêque, prend quelquefois lui-même
le titre de chancelier, au lieu de celui de no-
taire (Ribl. Clun., p. 260, 277, 278, et in nolis,
p. 72).
Angelram étant déjà chancelier de l'empe-
reur, fut fait évèque ou archevêque de Metz;
car cette qualité d'archevêque fut conservée
assez longtemps par les évèques de Metz, après
la mort du prince Drogon (Spicilegii tom. ni,
pag. 299). Voici encore une souscription d'un
chancelier en la place de l'évêque archichan-
celier: « Ambrosius cancellarius ad vicem Ilu-
berti episcopi et archicancellarii ( Spicilegii
tom. v, p. 407). »
Ce n'était pas seulement pour écrire, pour
faire copier, pour souscrire et pour distribuer
les ordonnances du souverain, ou des Etats,
DES CHANCELIERS, NOTAIRES, ctc.
369
que le chancelier était établi, mais aussi pour
lus réciter et les publier dans les assemblées
du peuple. Oa voit après quelques capitulaires
de Charles le Chauve : « Et tuuc jussit Gauzle-
num cancellarium ut haec sequentia capitula
in populum recitaret (Du Chesne , tom. n,
p. 466). »
Ce qui a été ici confusément ébauché sera
traité plus au long et avec plus d'ordre dans la
suite de cet ouvrage.
III. Venons aux notaires. Anastase, biblio-
thécaire, dit que la donation que Charlemagne
lit au pape Adrien Ier fut signée par son chape-
lainet notaire : «Carolusrexadscribi jussit, per
.Etherium religiosum , ac prudentissimum ,
capellanum ac notarium suum. »
Le même pape, écrivant à Charlemagne, fait
mention de Radon, protonotaire de Charles et
abbé: « Radonemdileetissimum protonotarium
vestrum atque abbatem (Concil. Gall., tom.
xxix, p. 95). » Une vieille chronique donne à
Eginhard les titres de notaire et d'archicbape-
lain de Charlemagne : «Archicapellanus nota-
riusque imperatoris Caroli (Du Chesne, tom.
m, p. 490). »
Hincmar, rapportant les noms de ceux du
second ordre qui avaient assisté au concile
tenu dans le palais royal de Cressy, nomme
Enée, qui fut depuis évèque de Paris, et qui
était alors notaire du sacré palais : a Notarius
sacri palatii (Hincmar, tom. i, p. 21). » L'em-
pereur Lothaire donne à Hilduin , abbé de
Saint-Denis , la qualité d'archinotaire : « Hil-
duinus abbas nostra? aulae archinotarius.
(Spicileg., tom. ni, p. 115). »
IV. Venons à l'Eglise grecque, qui nous fait
voir, dans le concile VII général (Act. 4), un
diacre nommé Etienne, diacre et référendaire
du conseil du patriarche : « Notarius et referen-
darius venerabilis patriarchici secreti. » Dans
le concile VIII Act. 9), il est aussi souvent fait
mention des diacres, qui étaient notaires ou
sa iniaires, et qui lisaient dans les sessions les
actes publics. Il y est aussi parlé d'un moine
Colomnaire , qui avait été cartulaire.
Il faut à présent passer au chartophylace,
qui était une des plus éclatantes dignités de
l'Eglise de Constantinople.
Anastase, bibliothécaire, nous représente
ses pouvoirs dans une de ses observations sur
le VIIIe concile général (In Act. 2, Synod. vin).
Il assure qu'il a le même office, dans l'Eglise
do Constantinople, que le bibliothécaire dans
Th. — Tome IL
l'Eglise de Rome ; qu'il esi revêtu des orne-
ments du diaconat . et qu'il fait toutes les
fonctions sacerdotales, excepté celles qui sont
propres à la prêtrise ; que c'est lui seul qui
est l'introducteur des évèques et de tous les
autres ecclésiastiques à l'audience du patriar-
che, et aux assemblées ecclésiastiques ; que
c'est lui seul qui présente au patriarche toutes
les lettres qu'on lui écrit, excepté celles des
autres patriarches ; qu'on ne peut être pourvu
ni d'une prélature, ni d'aucune dignité dans
le clergé, ni d'une abbaye, sans être approuvé
de lui, et sans être par lui-même présenté au
patriarche.
« Chartophylax interpretatur chartarum cu-
stos. Fungitur autem officio chartophylax apud
Ecclesiam Constantinopolitanam quo bibliothe-
carius apud Romanos, indutus videlicet infulis
ecclesiasticorum ministrorum, et agens eecle-
siastica prorsus cuncta obsequia, exceptis illis
solis, quœ ad sacerdotale specialiter ac proprie
pertinere probantur officium. Sine illo prœter-
ea nullus prœsulum, aut clericorum a foris
veniens, in conspectum patriarchae intromit-
titur : nullus ecclesiastico conventui praesen-
tatur . nullius epistola patriarchae missa recipi-
tur, nisi forte a ca?teris patriarchis mittatur :
nullus ad prasulatum , vel alterius ordinis
clericorum, sive ad praeposituram monasterio-
rum provehitur, nisi iste hune approbet, et
commendet, atque de illo ipsi patriarchae sug-
gérât, et ipse prœsentet. »
Cet auteur est d'autant plus digne de foi
qu'il était témoin oculaire de ce qu'il écrivait.
Balsamon avait été lui-même chartophylace
et nomophylace de l'Eglise de Constantinople,
avant que de monter sur le trône patriarcal
d'Antioche :et c'est par cette considération que
l'empereur et le patriarche de Constantinople
le chargèrent d'écrire ses commentaires sur
les conciles et sur le Xomocanon de Photius,
pour faire la distinction des règlements que
l'usage contraire avait abolis et de ceux qui
étaient encore en vigueur (lu Nomoc. tit. 3,
c. i). C'est ce qu'il témoigne lui-même dans
la préface de son ouvrage.
Il dit ailleurs que la chartophylace assis-
tait tous les ans à la fête de la procession des
notaires, monté sur le cheval du patriarche, re-
vêtu de blanc, et portant sur sa tête une mitre
précieuse brodée d'or. Il assure encore dans un
autre endroit que le chartophylace ne permet-
tait point aux prêtres étrangers de célébrer les
24
370
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-CINQUIÈME.
divins mystères, s'ils n'avaient des lettres de
l'évêque qui les avait ordonnés (In can. xvi,
Syn. Nicaen.).
S . Mais ce (fu'il y avait de plus singulier et de
plus surprenant dans ladignitédes chartophyla-
ces était la préséance qu'ils avaient au-dessus
des prêtres, quoiqu'ils ne fussent que diacres,et
même au-dessus des évoques, dans toutes les
assemblées qui se tenaient hors du sanctuaire
de l'autel et hors du coucile.
Dalsamon ne peut approuver cet usage qui
blesse si fort les canons, et toutefois il assure
qu'il fut maintenu par une constitution de
l'empereur Alexis Comnène.
« Ut autem nonnulli ex ecclesiasticis diaco-
nis in congregationibus quœ sunt extra sacrum
tribunal, ante sacerdotes, sedeant, fleri vide-
mus. Et existimo hoc fieri propter dignitates
seu officia. Solienim ii qui a patriarcha officiis
ecclesiasticis digni sunt habiti , sedent ante
sacerdotes. Fit autem et hoc praeter ralionem.
At chartophylax in congregationibus quaefiunt
extra synodum, sedet non solum ante: sacer-
dotes, sed etiam ante pontifices, ex constitu-
tione Alexii Comneni, »
Cette constitution oppose à ces évèques, qui
commençaient trop tard a se plaindre de leur
avilissement, la longue possession des charto-
phylaces, le silence et le consentement des
évêques précédents, et des évèques présents
même jusqu'au temps présent, la juste peinede
leur négligence passée, de n'avoir pas conservé
le rang de L'épjseppat, et de s'être trop long-
temps arrête à Constanlinople a faire leur cour
aux dépens de leur dignité (Jus Orient., tom. i,
pag. 1 1 1 .
VI. Le concile in Trullo (Can. vu) trouva un
tempérament a ce desordre, en ordonnant que
les diacres, de quelque office qu'ils pussent
être honorés, ne pourraient prendre séance au-
dessus des prêtres que lorsqu'ils représente-
raient la personne de leur métropolitain ou de
leur patriarche hors de leur église. « Ante pre-
sbyterum ne sedeat, praeter quam si proprii
patriarcha'. vel metropolitani vicemgerens ad-
sil in alia eivilalr. super aliquo capite. Tune
enim ut locum illius implens bonorabitur. »
Les diacres que les papes chargeaient de leur
légation et de la dignité de leur personne dans
les conciles œcuméniques, y prenaient rang au-
dessus, non-seulement des prêtres, mais des
évêques même et des patriarches. Ainsi la
disposition de ce canon était très -juste.
Mais les diacres étaient allés bien plus avant.
Néanmoins comme ce canon se plaint de
l'usurpation que les diacres avaient faite sur
les prêtres et ne parle en façon quelconque
d'une pareille entreprise de leur part contre
les évèques, il y a lieu de croire que cet abus
ne commença qu'après le concile VI, et peut-
être ne commença-t-il qu'après le VIIIe, puis-
qu'Anastase n'a dit mot de cette préséance, en
faisant une description si longue et si curieuse
du ehartophylace.
Quoi qu'il en soit d'Anastase, il est hors de
toute apparence que le concile in Trullo se fut
plus intéressé pour les prêtres que pour les
évèques si les ehartophylaees se fussent déjà
mis au-dessus d'eux.
VII. Dalsamon dit bien que le patriarche de
Constanlinople ayant plusieurs secrétariats ,
celui du ehartophylace était singulièrement
destiné aux affaires de l'évèché de Constanti-
nople comme évèché ; et ainsi on pouvait
donner le nom d'évèché au logis, ou à l'appar-
tement du ehartophylace : « Chartophylacium
recte episcopatus dicetur (In can. ixSyn. vu . »
Aussi le ehartophylace exerçait toutes les
fonctions épiscopales au nom du patriarche; il
excommuniait, il réglait les affaires de con-
science, il donnait les permissions nécessaires
pour ordonner des prêtres et des diacres :
« Omnia patriarche jura exercet , qûae ei con-
veniunt , ut episcopo ; etenim excommunicat ,
animae delicta corrigit , diaconos et sacerdotes
ordinari permittit Ibid., in can. x). »
Le patriarche de Constantinople ayant le
pouvoir de retenir les clercs des autres dio-
cèses sans lettres dimissoires de leurs évèques,
le ehartophylace usait de ce droit en son nom,
et permettait aux prêtres étrangers de célébrer
dans Constantinople.
On pourrait bien encore mettre, entre les
pouvoirs du ehartophylace , les dispenses qu'il
donnait pour contracter des secondes noces,
sans être privé de la communion (In suppl.,
pag. 11-21 .
Mais quelque merveilleux que puissent pa-
raître ces pouvoirs, ils ne passent pas les bornes
de ce qui se peut accorder a un grand vicaire
et à un officiai, qui peut être le dépositaire
universel de la juridiction épiscopale. Ainsi
il n'en résulte aucun droit de précéder les évè-
ques.
Il y a une note dans le droit oriental et dans
l'épitome des canons d'Harménopule (Pag. 27),
DES CHANCELIERS, NOTAIRES, etc.
371
qui dit que ce rang d'honneur au-dessus des
évèques n'a été donné qu'au chariophylace de
Constantinople, lorsqu'il se trouve dans les sy-
oodes des autres provinces , et ne lui a été
donné que par un long usage et par l'édit de
l'empereur Michel. « Soli chartulario conces-
sum est ex longa consuetudine, et ex scripto
Michaelis imperatoris, ut in exteris synodis
etiam ante pontifices sedeat. »
Il y a apparence que le chartophylace ayant
été souvent envoyé à ces conciles par le pa-
triarche, et y ayant été reçu comme représen-
tant la personne du patriarche même, selon le
canon même du concile in Trullo dont nous
avons parlé, il s'accoutuma d'y précéder, non-
seulement les prêtres, mais aussi les évoques ,
dont la résistance ne peut avoir été que très-
faible, parce qu'ils avaient très-souvent besoin
de la faveur du chartophylace auprès du pa-
triarche et de celle du patriarche auprès de
l'empereur.
VIII. Ce n'est pas tout. Le chartophylace était
quelquefois aussi le protosyncelle du patriar-
che, c'est-à-dire son premier ministre. Il était
le chancelier du patriarche, et toutes les bulles
étaient signées premièrement de lui , puis des
autres diacres, notaires du patriarcat. Sa signa-
ture était suivie du sceau en plomb , solita
plumbea bulla. La signature ne pouvait être
commise à un autre pendant que le chartophy-
lace était présent (Juris Ori., t. i, p. w206etseq.)
Il était nommé la main et la bouche du pa-
triarche , ut os , et matins patriarchœ vocetur.
Le patriarche en l'instituant lui pendait au col
son cachet et son anneau , patriarchale bullo-
terium (Ibid. , ex Balsamone , p. 457 , 458 , 459
et seq.). Il lui donnait les clefs spirituelles de
l'Eglise fiour lier et délier, et pour permettre
aux religieux prêtres de confesser ; il lui per-
mettait de faire des instructions publiques aux
fidèles. Enfin sa juridiction était aussi étendue
que celle du patriarche.
Après cela Balsamon conclut qu'il n'est pas
si étrange que le chartophylace étant la main,
la bouche et la langue du patriarche, il ait
séance au-dessus des évèques et des métropo-
litains en plusieurs rencontres, savoir : « lu
electionibus episcoporum ad vacantes Ecclesias,
et in iis publicis congressibus qui extra patriar-
chale tribunal fiunt, imo etiam in festorum
publicis ceremoniis ac conventibus, non solum
intra partes Ecclesiae, verum etiam quovis in
loco. »
IX. Ce furent la les degrés de l'élévation du
chartophylace, c'est-à-dire, d'un diacre au-
dessus des évèques; le concile in Trullo lui
permit de s'asseoir au-dessus des prêtres dans
les autres provinces, quand il représenterait la
personne du patriarche. Par la même raison il
eut droit de prendre séance au-dessus dis
évèques. Ce qu'il pouvait faire dans les pro-
vinces lui parut également faisable à Constan-
tinople.
Enfin la délégation de l'autorité et de la juri-
diction du patriarche, qui ne lui était autrefois
accordée que dans quelques rencontres, étant
devenue et ordinaire et perpétuelle en sa faveur,
il crut avoir toujours droit de précéder les
évèques, parce qu'il représentait toujours la
personne du patriarche, dont il était l'œil, la
bouche et la main. « Omnino fateberis horum
omnium potestatem ei tributam , propterea
quod existimetur esse os, et labra, et manus
quodammodo patriarche, » dit Balsamon au
même endroit.
C'est ce qui donna lieu à ces dissensions scan-
daleuses qui s'élevèrent entre le chartophylace
et les évèques qui relevaient du patriarche de
Constantinople : « Haec quœstio multa diversis
temporibus excitavit scandala. » Le patriarche
était prêt de prononcer en faveur des évèques,
selon le canon deNicée : « Cumque cognitio pa-
triarchalis pontificibusfavens, etc. (Can. xvm), »
lorsque l'empereur Alexis Conmène, par son
édit, maintint le chartophylace dans un rang
que la coutume et la longue possession avait
autorisé.
Balsamon ajoute que, ni la possession, ni
l'édit de l'empereur n'auraient pu prescrire
contre les canons ; mais que les canons mêmes
favorisent le droit du chartophylace, soit que
l'on considère le canon ci-devant cité du con-
cile in Trullo (Can. vu), soit qu'en général on
examine les séances des conciles, où ceux qui
représentent la personne du pape ou des pa-
triarches en prennent aussi la séance au-dessus
des autres évèques.
C'est pour cela, dit-il, que Cyrille, évêque
d'Alexandrie, eut ce haut rang d'honneur dans
le concile général d'Ephèse , comme étant
revêtu de la personne du pape Célestin, qui lui
communiqua en même temps, à lui et à ses
successeurs, la bande d'or (xpuaoûv Xwpov) , dont
l'empereur Constantin avait bonoré le pape
Sylvestre. D'où vient aussi que tous les autres
sacrificateurs de l'Eglise paraissant a l'autel la
.'(7-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-CINQUIÈME.
tête nue, les patriarches d'Alexandrie ont tou-
jours la tète couverte d'un diadème pendant
le sacrifice. « Clinique omnes alii capitibus
apertis res sacras peragant ; soins Alexandrinus
patriarcha rem divinam i'acit, fascia dicta captrl
obvolutus. »
Enfin Balsamon ajoute que les douze cardi-
naux du pape ont aussi quelque part à ses
prééminences, comme représentant son auguste
personne. « Quin etiam duodecim illos cardi-
nalios paprc similiter videmus pileis aureis
ornatos, veluti pipa1 personain représentantes,
ejusque jura fulcientes. »
X. Balsamon ne dit pas dans cet endroit que
les cardinaux du pape précédassent les évèques,
ce qu'il n'aurait pas oublié de dire, si l'usage
en eût déjà été introduit, puisque c'eût été la
plus évidente justification de la préséance que
le eliartophylace prenait au-dessus des évèques.
Mais en disant que les cardinaux représentent
la personne du pape, comme le eliartophylace
représentait celle du patriarche, il nous dé-
couvre le fondement le plus légitime de cette
préséance qui les a enfin tous également élevés
au-dessus des évèques.
Balsamon (Ibidem) achève ce traité du eliar-
tophylace, en faisant voir qu'il est en même
temps l'olïieial du patriarche, par l'exercice de
la juridiction contentieuse, et son grand péni-
tencier, par la direction générale de toutes les
affaires qui regmleut la conscience. Aussi avait-
il pour ces deux sortes de fonctions deux diffé-
rentes sortes d'officiers : les uns étaient les
notaires ou les cartulaires; les autres étaient
appelés épiscopaux, i-w.-v.i.-ià.
XI. Les protonotaires ont été premièrement
institués dans la cour impériale d'Orient, et ont
ensuite passé dans la cour romaine du pape.
Cédrénus en fait souvent remarquer dans la
cour de Constantinople, et leur donne des em-
plois assez importants (Pag. 553, 719, 723).
Puisque Photius écrit à un diacre, qui était
aussi protonotaire, il est à croire que le pa-
triarche avait aussi ses protonotaires aussi bien
.pie l'empereur (Epist. lxxxiu).
XII. Il nous reste à dire un mot du biblio-
thécaire, qui étaitune charge unie dans l'Orient
a celle du eliartophylace; ainsi on peut dire
que le bibliothécaire dans l'Occident, au moins
dans l'Eglise romaine, tenait le lieu du charto-
phylace des Crées, quoiqu'il n'en possédai pas
tous les avantages fConcil. Call., tom. n. p. 330,
426, 559). C'est l'idée que Balsamon et Anasfase
bibliothécaire nous ont donnée ci-dessusde ces
deux offices.
11 ne faut pas s'imaginer que tous les évèques
pussent avoir un bibliothécaire. Les biblio-
thèques et les livres étaient encore trop rares.
L'Eglise romaine avait son bibliothécaire, celle
de Constantinople son eliartophylace. et on ne
lit rien de semblable des autres Eglises.
Xos évèques de France témoignent que pour
dresser la règle des chanoines et des chanoi-
nesses, qui tut autorisée par le concile d'Aix-
la-Chapelle, en 816, ils s'étaient servis des
livres de la bibliothèque royale de l'empereur
Louis le Débonnaire. « Ejusdem piissimi prin-
cipis non modico adjuti juvamine, ejus videli-
cet Iiberalissima largitione copiani librorum
pi,e manibus habentes (In Prafat.). »
Cette règle étant tissue de beaucoup d'excel-
lents passages des Pères et des conciles, le seul
empereur avait pu leur fournir tous ces ou-
vrages. L'original même de cette règle fut
garde dans la bibliothèque royale, pour être
conservé dans sa pureté, et pour en pouvoir
distribuer les copies pures et sans fautes à tous
les métropolitains.
C'est ce que le même empereur Louis écrivit
à l'archevêque de Bordeaux. « Quam canonicae
institutionis formam ideirco pênes palatium
nostrum diligenter scribi fecimus, ut nihil in
se scriptorum vitio depravationis aut detrim-
cationis habens, ad te usque incolumis perfer-
retur, etc. Noveris quia ideo illius exempluni
apud armarium palatii nostri detenlum est,
ut eo probari patenter possit, quis eam incu-
riose transcripserit, vel quis aliquam ejus par-
teni detruncarit. »
Lorsque ce même empereur en 832 fit réfor-
mer parles évèques le monastère de Saint-Denis,
il fit l'aire deux exemplaires de ce règlement,
pour en garder un dans sa bibliothèque, et laisser
l'autre aux religieux : « Duas inde pari tenore
conscriptas firmatiores fieri jussimus, ut una
imperialis aulœ reconditorio, palatinisservetur
excubiis : altéra ab ipsius monasferii custodi-
bus (Concil. Call., tom. m, p. 359, 444). »
Ebon , tpii l'ut depuis archevêque de Reims ,
ne se fut pas plutôt élevé aux ordres sacrés
que Louis, roi d'Aquitaine, qui l'ut depuis em-
pereur, le choisit pour son bibliothécaire,
comme nous l'apprend le fils du même Louis,
empereur, Charles le Chauve, dans sa lettre
au pape Nicolas 1er. « Quern ipse servitio stre-
nuum ingenioque agilem comperiens , non
DES CHANCELIERS, NOTAIRES, f.tc.
373
post multuni temporis bibliotheearium consti-
luit. »
Entre les souscriptions du concile de Pon-
thyon, célébré en 876, on trouve celle d llilduin.
abbé et bibliothécaire.
XIII. L'on ne sera pas surpris d'apprendre
que cette charge île bibliothécaire royal ou im-
périal fut commise à des prêtres ou à des abb< s
d'une vertu incorruptible , si l'on considère
que dans la décision des plus grandes allant s
on avait recours à ces trésors publics de la vé-
rité, soit pour éclaircir la foi , soit pour régler
la morale. Hincmar raconte, dans la préface de
son ouvrage de la Prédestination, que Félix,
évêque d'Urgel , avait été convaincu , sous
l'empire de Charlemagne , d'avoir corrompu
le jeune bibliothécaire du palais d'Aix-la-Cha-
pelle, afin de pouvoir corrompre, par son
moyen, le texte de saint Hilaire.
« Corrupto muneribus juniore bibliotheca-
rio Aquensis palatii, lihrum B. Hilarii rasit, et
ubi scriptum eral , quia in Dei tilio carnis lui-
militas adoratur, immisit , carnis humilitas
adoptatur. »
Il y a bien de l'apparence que ce fut Charle-
magne qui donna commencement à celte bi-
bliothèque impériale d'Aix-la-Chapelle, en 813.
Eginhard assure, dans ses annales, que ce
grand empereur ayant fait tenir cinq conciles
dans les principales villes de la France, une
année seulement avant sa mort, il en conserva
les originaux dans les archives de sa biblio-
thèque. « Quanquam et in archive palatii
cxemplaria illarum habeantur. »
Après que les enfants de Louis le Débonnaire
curent partagé l'empire , les rois de France se
tirent une bibliothèque particulière. Charles le
Chauve avait ordonné a ses aumôniers que si
la mort le prévenait , ils partageassent ses
livres entre deux abbayes et le roi, son lils.
« Et libri nostri qui iu thesauro nostro sunt,
ab illis, sicut dispositum habemus , inter san-
ctum Dionysium et sanclam Mariam in Com-
pendio , et fi hum nostrum dispertiantur
An. 877 ; Du Chesne, tom. u. p. 164 . »
XIV. Quant à l'Eglise romaine , Anastase
Bibliothécaire, raconte que le pape Grégoire II
avait ete premièrement l'ait sous-diacre et sa-
cristain, puis bibliothécaire, et enfin diacre.
d'où il moula sur le tiône apostolique. « Sub-
diaconus atque sacellarius factus, bibliothécœ
est illi cura commissa. deinde ad diaconalus
ordinem provectus est. »
Le même Anastase dit qu'étant chargé du
soin de la bibliothèque romaine, pour satisfaire
aux obligations de son ministère, il s'est cru
oblige de traduire de grec en latin les actes
du concile VII oecuménique. « Praesertim cum
saci;e bibliothecae vestne, cujus niinister vestra
dignatione consisto, ex hoc quod desupermihi
datum est, débiter sim ministrare : si tamen
aemulatus Apostolum , ministerium meum
studeam honorare (In Prafat. vu Synod. ad
Joan. Mil papam). »
Il est rapporté ailleurs, comment, après que
les dix sessions du concile VIII général émeut
été tenues , les légats du Siège apostolique le
chargèrentd'en examiner lesexemp!aires,avant
que de les souscrire , parce qu'il était alors à
Constantinople, comme ambassadeur de l'em-
pereur Louis ; et comme sa charge de biblio-
thécaire l'obligeait à une connaissance exacte
des langues, il trouva «pie les Crées avaient
retranché de la lettre du pape Adrien II tous les
éloges que ce pape donnait à l'empereur Louis.
« Legati Bomanœ Ecclesiœ textum synodi, ne
quid gra?ca levitas falsum in eam conjecerit,
Anastasio sancta1. Sedis Apostolicae bibliothe-
cario inquirendum . antequam subscribant,
committunt. A quo, quia in utrisque lin-
guis eloquentissimus existebat, etc. (In vila
Adriani 11 . »
Anastase raconte tout cela lui-même dans sa
préface sur le concile Mil. adressée au pape
Adrien II, où il ajoute que les légats du Saint-
Siège étant tombes, a leur retour du concile,
entre les mains des voleurs, ils perdirent avec
le reste de leurs papiers les actes de ce concile;
qu'il en avait lui-même apporté jusqu'à Rome
une autre copie; que le pape lui commanda de
la traduire en latin; qu'il s'en était excusé
d'abord sur son incapacité, mais qu'enfin il
avait obéi, après avoir acquis une suffisante
facilité en traduisant d'autres ouvrages grecs
en latin.
« Ad quod opus ego idoneum me esse dene-
gavi, licet in interpretandis ex archive- in lati-
num sermonem scripturis pnesenti tempore
quoddam conamen anipere nitar, et nonnulla
jam ad a'dificationem interpretatus edidisse
dignoscar. » 11 avait néanmoins laissé certains
endroits a des interprètes plus habiles que lui.
o Bara inter preti doctiorienucleandaservavi.»
XV. L'office de bibliothécaire, dont les papes
avaient chargé des sous-diacres, des diacres
des abbés , car Anastase Bibliothécaire était
374
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SIXIÈME.
abbé, monta enfin à un si liant point de gloire,
que les évêques mêmes s'en crurent honorés.
Dans la vie d'Etienne VI il est parlé d'un de
ses parents, nommé Zacharie, qui était évèque
et bibliothécaire. « Zacharia? episcopi, eonsan-
guinei sui, et Sedis Apostolicse bibliothecarii. »
Dans la vie du pape Formose, il est dit que le
pape Jean avait donné la charge de la biblio-
thèque à Zacharie, évèque d'Anagni, et l'avait
fait son conseiller : « Munere bibliothecarii
Apostolicœ Sedis auctum , consiliarium suum
fecit, eique legationes plures credidit. »
La charge de protoscrinaire , dont était
honoré Léon . qu'Othon Ier fit élire pape en la
place de Jean XII, pouvait bien avoir quelque
rapport à celle de bibliothécaire , mais ce n'é-
tait pas la même.
XVI. Parmi les Grecs il y avait aussi, au moins
quelquefois, des bibliothécaires différents des
cliartophylaces. Après le concile VIII (Sess. x),
l'empereur Rasile écrivit au pape Adrien II
pour obtenir de lui la dispense nécessaire pour
quelques-uns des partisans de Photius , afin
de pouvoir conserver leurs dignités : l'un était
Paul bibliothécaire, l'autre un métropolitain.
Dans le concile VII (Act. 4), Etienne, moine et
bibliothécaire du patriarche, piPxiapfaaÇ «5 -■>.-
T-piapxttou, lut quelques passages des anciens
écrivains.
Un des canons de ce même concile (Can. ix)
ordonna de porter à l'évèché de Constantinople
tous les ouvrages impies qu'on avait écrits
contre les saintes images, pour y être conservés
avec les livres des hérétiques.
CHAPITRE CENT-SIXIEME.
DES CHANCELIERS, DES NOTAIRES ET DES BIBLIOTHÉCAIRES, DEPUIS L AN MIL JCSQU A PRÉSENT.
I. Tous ces offices ont beaucoup de rapport, et ont été sou-
vent exercés par la même personne.
II. V.iste étendue de la charge de chancelier de l'Eglise ro-
maine, et des autres chanceliers k proportion.
III. Depuis Charlemagne, les offices de notaire, de chancelier
et d'archicbancelier ont été ordinairement exercés par des ecclé-
siastiques.
IV. Jusque dans le quinzième siècle, les charges de notaire
royal, impérial, apostolique, ont été esercées très-souvent par
des ecclésiastiques, et même par des prêtres.
V. Il eu fut de même presque dans le seizième siècle. Deux
raisons qui ont fait entrer les laïques à la place des clercs dans
ces offices.
VI. Règlements du concile de Trente sur les notaires.
VII. Règlements des conciles qui ont suivi le concile de
Trente.
VIII. Réponse à une objection.
IX. Du rang de noblesse donné aux notaires et aux secrétaires
du roi.
X. De l'office de bibliothécaire à Rome et ailleurs.
XI. Des bibliothécaires de l'Eglise grecque, du chartophylace,
des protono'.aires, des douze docteurs de Constantinople.
I. Les chanceliers, les notaires, les cartulai-
res, les bibliothécaires ont tant de rapport
entre eux, qu'il est impossible d'en parler
sans un peu de confusion et sans tomber dans
des redites.
La charte de la fondation de Bourgueil est
souscrite en l'an 004, par Roger, premier chan-
celier, Protocellarius. Dans le synode romain,
en 1013, entre les souscriptions des cardinaux,
on trouve celle du chancelier du sacré palais.
« Diaconus et cancellarius sacri palatii (Conc,
t. ix, p. 744, 846, 016, 006, 108). »
La bulle de Clément II, qui transféra l'evè-
que de Pesth à l'archevêché de Salerne, lut
souscrite par Pierre, diacre, bibliothécaire et
chancelier du Siège Apostolique. Ce chancelier
a souscrit de la même manière à plusieurs
lettres de Léon IX (Ep. xiv).
Le roi Henri I" de France , faisant sacrer à
Reims son lils Philippe, y revêtit l'archevêque
de Reims de la charge de grand chancelier,
comme ses ancêtres en avaient revêtu les ar-
chevêques précédents. « Subscripsit arebiepi-
scopus, nam ibi constituit eu m summum can-
ccllarium; sicut antecessores sui antecessores
suos fecerant, et ita consecravit cnm in regem
(Du Chesne, t. îv, p. 142). »
Alexandre II donna la qualité de chancelier
.i un sous-diacre de l'Eglise romaine. Mais il
DES CHANCELIERS, NOTAIRES ET BIBLIOTHÉCAIRES.
.'fT.'i
est porté, dans une autre lettre de ce même
pape, que ce sous-diacre n'était que vicaire
d'Annon, archevêque de Cologne. « Per manus
l'etri sanctee Romanae Ecclesise subdiaconi ,
atque cancellarii , vice domni Annonis Colo-
niensis archiepiscopi Lp. m, xl). »
11 \ avait donc plusieurs chanceliers, et le
plus eininent s'appelait le premier, ou le grand
chancelier, ou l'archichancelier. C'est la qualité
que donnait Sigefroy, archevêque de Mayence,
a Hildebrand, archidiacre et archichancelier
du Siège Apostolique, sous le même pape.
k Sedis Aposlolicae archidiacono et archican-
cellario [Conc, t. ix, p. 132 . »
II. Le cardinal Baronius, en parlant de cette
élévation d'Hildebrand a la charge d'archichan-
celier, dit que cette charge embrassait tout le
gouvernement de l'Eglise romaine. « l'eues
quod officium universa Romanae Eeelesiae ad-
ministratio verteretur Baronius. an. [061,
n. 31). » Guillaume de Malmesbury ne donne
pas une moindre idée de cette charge en par-
lant de la création du même chancelier Hilde-
brand.
o Alexander cancellis Apostolorum eum pra?-
fecerat. Circuibat pro sui contuitu officii pro-
vincias, ut perperam acta corrigeret. Accurre-
batur ah omnibus ordinum hominibus. deci-
siones diversorum negotiorum postulantibus.
Cuncta ei submittebatur saecularis potenlia,
tum pro sanctitatis, tum pro ministerii ejus
reverentia. »
Le chancelier de l'Eglise romaine était
comme le visiteur et l'intendant général sur
toutes les Eglises, pour faire justice et pour
retrancher tous les désordres. Saint Bernard
le fait passer pour le chef du conseil, et le
premier ministre du pape. « Cui te consilia-
lium ordinavit Deus. etc., » et pour le princi-
pal défenseur et garde de l'épouse de J.-C.
« Tuas quam maxime fldei et sollicitndini
crédita est Domini tui sponsa, etc. Bernar-
dus , epist. <;<:<. wxiv; Joan. Salisb., in Poli-
crat.).»
Jean de Salisbury n'a pas prétendu donner
l'origine du mot de chancelier, car elle vient
certainement de la porte, a cancellis, que les
chanceliers gardaient autrefois ; mais il a
voulu faire connaître sa puissance et son de-
voir a examiner les lois des princes. « Hic est
qui régis leges cancellat iniquas, et mandata
pii principis aequa facit. »
Les chanceliers des souverains, qui étaient
ordinairement des ecclésiastiques, avaient à
proportion la même autorité pour les affaires
temporelles.
Guibert, i véque de l'arme, était alors chan-
celier de l'empire, et comme il brouillait l'em-
pire avec L'Eglise, l'archevêque de Cologne,
Annon, avant été élu par les princes allemands
pour régent de l'empire, pendant la minorité
du roi Henri, l'an 1062, il déposa d'abord Gui-
bert. et substitua en sa place l'évêque de Ver-
ceil (Baron., an. 1062, n. 17 .
III. Remontant plus haut, on trouve que ce
furent ordinairement des ecclésiastiques, et le
plus souvent des évêques qui ont été les chan-
celiers des souverains. Le testament de Guil-
laume, comte d'Auvergne, pour la fondation
de Cluny, en 910, fut écrit et souscrit par un
diacre en l'absence du chancelier. « Ego Odo
levita ad vicem cancellarii scripsi et subscripsi.»
La charte du roi Louis IV de France, pour
Cluny, en 939, fut souscrite par un notaire, en
l'absence de l'évêque Allant. « Gerardus nota-
rius ad vicem Artaldi episeopi recognovit
lîibl. Clun.. p. 4, ici,, 276, -277, 278 . » En
d'autres chartes du même roi on trouve: «Ro-
gerius cancellariUs ad vicem Acardi recogno-
vit ; » et en d'autres : « Odilo notarius ad vicem
Artaldi archiepiscopi relegit et subnotavit. »
Cela montre qu'il y avait des chanceliers or-
dinaires, mais qu'il y avait aussi un évoque ou
un archevêque qui exerçait la charge d'archi-
chancelier. On trouve des preuves encore plus
évidentes dans les lettres du roi Lothaire, en
960 : >< Gebo humilis qua?stor ad vicem Artoldi
archiepiscopi summique cancellarii cognovit
Ibidem, p. 313, 411 . » Dans celles de Conrad,
roi de Bourgogne, en 992 : « Haimo Valentinus
episcopus archicancellarius Spicileg., tom.xv,
p. 271 . » Dans celles du roi BodoIphe,en 997 :
« liaimundus ad vicem Ansusi episeopi reco-
gnovit. » Dans celles du roi Charles le Simple,
en 91b : « Gostinus regiae dignitatis notarius ad
vicem Herivei archiepiscopi, summique can-
cellarii recognovit, et subscripsit (Histoire de
Tournus, pag. 274, 277, 280). » Dans celles du
roi Rodolphe, en 924 : « Ragenardus notarius
ail vicem Abbonis episeopi. b Dans celles île
Louis d'Outremer, en 941 : « Odilo notarius ail
vicem Henrici episeopi summique cancellarii
recognovit Surins, Martii die 16, e. v . »
L'abbé Rupert raconte, dans la vie de saint
Hérébert, archevêque de Cologne, que ce saint
ayant été choisi par Othon III pour être son
376
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SIXIÈME.
chancelier, cet empereur lui persuada aussitôt
de se faire prêtre. « Et euinsuolateri sociaret,
primumque cancellarium sibi constitueret. A
quo etiam persuasus hic beatus, jugum Do-
mini , scilicet presbyterii honorem alacriter
suscepit. »
Remontant encore plus haut, on voit que
depuis Charlemagne les actes et les registres
publics étaient dressés et souscrits par des
notaires , par des diacres, quelquefois par des
prêtres , ce qui est une preuve constante que
ces notaires étaient des clercs mineurs, dont
l'office était quelquefois exercé dans les ma-
tières importantes par des diacres et par des
prêtres (Pag. 190 et seqq. ; Hist. de Tournus).
Sous Charlemagne : « Ego Auducher nota-
tarius ad vicem Cosleni recognovi et sub-
scripsi. » Sous Louis le Débonnaire : « Ego Du-
randus diaconus ad vicem Helizachar reco-
gnovi et subscripsi.» Sous le roi Charles, en
875 : « Ebbo presbyter ad vicem Cosleni reco-
gnovit et subscripsit. » Sous Charles le Simple
en '.ml. « Erluinus notarius ad vicem Asche-
rici episcopi et archicancellarii (Idem., p. 215;
Spieileg., tom. vi, p. 414). »
C'était donc d'abord un ordre ou un office
ecclésiastique qui avait rang parmi les clercs
inférieurs, et dont l'importance parut si grande
que les diacres, les prêtres, les évêques et les
archevêques même firent gloire d'en exercer
les fonctions sous le titre de chanceliers ou
d'archichanceliers, après que les empereurs et
les rois se furent persuadés que leurs édits ne
pouvaient être ni plus saintement, ni plus au-
thentiquement attestés que par la main et la
souscription sacrée des évêques et des autres
ecclésiastiques.
Ce que nous venons d'avancer se pourrait
confirmer par beaucoup d'autres preuves qui
font encore mieux voir que depuis le temps de
Charlemagne, l'office de notaire s'est élevé par
degrés et a été recherché premièrement par
des diacres, ensuite par des prêtres, enfin par
des évêques sous un titre plus auguste (Recueil
pour l'histoire de Rourgogne, p. '2-2. 24. 16,
54, 186). Les laïques se mêlaient alors rare-
ment de cet office, tant parce qu'ils étaient
tombés dans une profonde ignorance des lettres
que parce que leur fidélité était moins accré-
ditée que celle des ecclésiastiques.
Je me contenterai de citer à la marge des
preuves constantes que 1rs notaires ont été des
clercs, et ont prétendu aux immunités de la
cléricature, quoiqu'ils fussent mariés, jusqu'a-
près l'an 1459. Aussi ils prenaient la qualité de
clercs dans leurs actes propres : Je, clerc tabel-
lion pour Me' le duc de Bourgogne. Et ailleurs :
Clercs et notaires jurés de Besançon, etc. (Ibid.,
p. 283, 287. 295, 460, 607).
Il y a encore un grand nombre d'exemples
où les ducs et les autres grands seigneurs prient
les évêques de dresser eux-mêmes les actes de
grande conséquence, de les signer et sceller,
ou de joindre leur sceau à celui du prince, afin
d'ajouter une foi et une fermeté inviolables à
leurs déclarations.
Cela nous confirme dans la créance que les
empereurs et les rois ont été touchés de cette
même raison, pour employer les diacres, les
prêtres, les évêques et les archevêques, afin de
rendre leurs monuments plus authentiques et
plus inviolables (Ibidem, p. 522, 523, 578, 607).
Sous la première race de nos rois, les chance-
liers, qu'on appelait alors référendaires, furent
tous des laïques, dont on faisait néanmoins
très-souvent des évêques.
Sous la seconde , ce ne furent que des
ecclésiastiques , soit abbés ou évêques , ou
archevêques, qui prirent le nom de chapelains;
d'archichapelains, de grands chanceliers, et
d'archichanceliers ; enfin cette dignité fut
affectée, pendant les cent dernières années de
ces rois, aux archevêques de Reims.
Sous la troisième race , les archevêques de
Reims laissèrent échapper cette dignité, n'en
conservèrent pas même le titre ; et les fonc-
tions, avec le titre de chancelier, furent at-
tribuées souvent à des laïques, souvent à des
évêques, des archevêques , des cardinaux, et
quelquefois à des ecclésiastiques même du
second ordre.
C'est ce que nous verrons dans la suite de cet
ouvrage.
Il faut revenir aux notaires, et les distinguer
des tabellions publics. Puisqu'Innocent III ,
dans son 14e registre, lettre cxxix, confirme la
sentence donnée par l'évêque cardinal d'Ostie
contre les prêtres , diacres et sous-diacres qui
exerçaient l'office de tabellions. « L't presby-
tères, diaconos et subdiaconos, quos ibidem
invenit passim tabellionatus officium exercen-
tes. excommunicationis vinculo innodares. »
Comme cet office ne servait plus alors qu'aux
justices séculières, il ne fallait [dus souffrir que
les clercs des ordres majeurs avilissent leur
caractère en s'y attachant. Mais cela ne regarde
DES CHANCELIERS, NOTAIRES ET BIBLIOTHÉCAIRES.
:i77
que les clercs des ordres majeurs, et les justi-
ces séculières.
Le même pape, dans la lettre xix du regis-
tre 15, reconnaît le protonotaire de la cour
impériale entre les bénéficiers légitimes.
Dans la lettre en , du même livre et les sui-
vantes, il commet à un notaire du Saint-Siège :
a Magistro maximonotario nostro, » les affaires
les plus importantes de l'Eglise de Conslanti-
nople. où il fallait lever des excommunications,
ut examiner l'élection d'un patriarche de Con-
stantinople. Ce qui montre l'importance de
cette dignité.
IV. Les chartes du xve siècle font encore foi
que les clercs étaient en même temps notaires
apostoliques et impériaux, prêtres et docteurs.
En I '07 : « Ego Petrus, clericus Rotomagensis
autoritate apostolicaet imperiali notarius, etc.
Histoire de saint Martin des Champs , p. 211 ,
252 . » En 145"? : « Clerico Parisiensi in jure ea-
nonico licentiato publico, apostolica et impe-
riali autoritate et curiae episcopalis Parisiensis
notario juralo (Sess. i). »
Le concile de Constance créa d'abord quatre
protonotaires pour recueillir les actes du con-
cile : Dans le concile de Tortose , en 1429 , on
voit un docteur en droit canon, et doyen d'un
chapitre , faire la fonction de notaire impérial
et apostolique (Conc, tom. xiï, p. 14, 412,
481, 493, 1700, etc.).
Le concile de Bàle (Sess. ni) comprend les
notaires entre les ecclésiastiques : « Mandat
haec synodus patriarchis , archiepiscopis , epi-
scopis, et aliis Ecclesiarum pitelatis , clericis-
que , notariis et aliis personis ecclesiasticis,
etc. »
Le même concile (Sess. v) nomma plusieurs
notaires pour recevoir ses actes : ils étaient tous
clercs de divers diocèses . et l'un d'eux était
professeur en droit canon.
On peut conclure de là que les protonotaires
créés par le concile et pour le concile de Con-
slantinopleétaientaussi du nombredes ecclésias-
tiques. On lut dans le même Concile plusieurs
procurations des Eglises d'Espagne, expédiées
par des notaires apostoliques qui étaient la
plupart prêtres et quelques-uns docteurs.
Ces notaires apostoliques étaient quelquefois
aussi notaires des cours épiscopales, et les papes
permettaient quelquefois, par un privilège sin-
gulier, aux évèques, de créer des notaires apos-
toliques.
Tel lut le privilège par lequel Clément V
permit à l'archevêque d'Auch de créer deux
notaires apostoliques après un examen rigou-
reux, et après avoir reçu d'eux le serinent
d'être fidèles à l'Eglise romaine, et aux devoirs
de leur profession. Il y a quelque apparence
que ces privilèges furent communiqués à plu-
sieurs prélats.
Les actes du concile de Pulence, en 1322,
furent recueillis par deux clercs notaires apos-
toliques et impériaux. Celui d'Avignon , en
1337, fut recueilli par un clerc d'Agen, notaire
apostolique et impérial. Celui de Tolède, en
1339, fut recueilli par un demi-chanoine de
la même Eglise, notaire de l'archevêque.
« Publiais in civitate et diœcesi Toletana ar-
chiepiscopali autoritate notarius. «Celui de To-
lède, en 135S, fut recueilli par un notaire de
l'archevêque, avec autorité par toute la pro-
vince. « Publiais autoritate archiepiscopali in
civitate et diœcesi et provincia Toletana nota-
rius (Conc. Cener., tom. u, part. 2, pag. 1566,
1707, 1868, 1932, 2031). »
Cela donne quelque fondement à la conjec-
ture de ceux qui pensent que ces notaires af-
fectèrent de se faire pourvoir de ces offices par
les papes et par les empereurs, dont l'autorité
est plus respectée et dans un plus grand nom-
bre de provinces; et ensuite par les archevê-
ques pour être employés dans toute l'étendue
de leur province.
Le concile de Lavaur, en 1368, fut recueilli
par deux notaires : «Apostolica, imperiali et ar-
chiepiscopali autoritate. » C'étaient les notaires
des archevêques de Narbonne et de Toulouse.
Les évêques jugèrent enfin qu'ils devaient non-
seulement examiner , mais munir aussi de
leur propre autorité ceux qui se disaient être
notaires apostoliques et impériaux.
C'est ce qui parait clairement dans le canon
du concile de Salsbourg, en 1386 : « Placuit
nostro sancto concilio, ut nullus se notarium
publicum asserens , in officio tabellionatus
aliquatenus admittatur, nec credatur ejus in-
slrumento, nisi coram loci ordinario, vel ejus
officiali de suo officio faciatplenam fidem, cum
srepeex notariis incognitis etimperitis, grandia
pericula soleant provenire (Can. xvi). »
Quant a la qualité de notaire impérial, elle
était recherchée pour les pays où il restait
encore quelque trace de l'ancienne majesté de
l'empire romain, comme on sait bien que dans
les xn% xiue et xivc siècles elle conservait en-
core quelque ombre de son ancien éclat dans
378
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SIXIEME.
un fort grand nombre de provinces et d'Etats;
ou bien pour les pays où le droit civil romain
avait cours, et où les actes publics se dressaient
selon le droit écrit, comme dans Avignon,
Narbonne et Toulouse.
Les ordonnances de l'archevêque de Nicosie
en Chypre, en l'an 1320 et 1310, furent sigmcs
par les notaires de l'empire et de l'archevêque.
Le concile de Narbonne, en 1374, fut souscrit
par un notaire apostolique , impérial et archié-
piscopal Ibidem, pag. -21-28, 2439, 2510).
V. dans le xvf siècle on peut faire une par-
tie des mêmes réflexions. Dans le concile de
Latrau, sous le pape Léon X, on voit le célèbre
Bembo avec les éloges de clerc de Venise, se-
crétaire du pape et notaire apostolique. On y
voit un piètre île Lisieux, notaire apostolique.
On y voit un notaire du Dauphiné avec ce
titre : « Rublicus autoritatibus apostolica, im-
periali et Delphinali notarius. » On y voit le
grand- vicaire de l'archevêque d'Aix donner
une attestation à un notaire apostolique et
royal : « Esse regium seeretarium, notarium
publicum, apostolica et regia autoritatibus no-
tum. » On y voit un clerc de Burgos en Es-
pagne, docteur en droit canon et civil, et
notaire apostolique (Concil. Gen., tom.xv. pag.
177, 180, 212, 278,280).
Le concile de Cologne , en 1349 , voulut que
l'évêque employât dans ses visites un notaire
qui lui prêtre, OU au moins clerc non marie :
« Adbibeatur notarius qui sit sacerdos, aut
saltem clcrieus non conjugatus Ibidem, pag.
047). » Ce sont la les deux raisons qui ont l'ait
passer les notaires pour de simples officiers, au
lieu qu'autrefois c'avait été un degré ecclésias-
tique , et comme un ordre mineur; et qui ont
enfin fait passer cet office à des laïques.
Comme les prêtres, les diacres et les per-
sonnes relevées en dignité et en savoir ont
trouvé de l'honneur et de l'avantage à exercer
la fonction de notaire, on s'est peu à peu per-
suadé que ce n'était qu'un office dont ils pou-
vaient se revêtir. Les clercs mariés ayant enfin
été comme dégrades et rejetés dans la foule
des laïques, les notaires, quoique clercs, ont
été aussi comme laïques et comme clercs seu-
lement de nom.
VI. Le concile de Trente a fait connaître
combien la charge des notaires était origi-
nairement propre aux ecclésiastiques, lorsque,
pour remédier aux étranges désordres que
cuisait l'ignorance des notaires, il a ordonné
aux évêques de les examiner rigoureusement.
et de les suspendre, ou même de les dégrader
entièrement, s'ils les trouve destitués, ou de la
capacité , ou de la probité nécessaire à leur
profession. En quoi le concile n'a point mis
de différence entre les notaires apostoliques,
impériaux ou royaux. Enfin , le concile (Sess.
xxu, c. 10) affecte des termes dans ce décret
qui témoignent que les évêques avaient déjà
ce pouvoir par leur propre caractère et par le
droit commun ; mais pour affermir davantage
leur autorité, il leur donne encore la qualité
de délégués du Saint-Siège.
« Cum ex notanorum imperitia, plurima
damna, et multarum occasio litium oriatur,
possitepiscopus quoscumque notarios, etiainsi
apostolica, imperiali, aut regia autoritatecreati
fuerint, etiam tanquani delegatus Sedis Apo-
stolica1, examinatione adhjbita, eorum suffi-
cientiam scrutari, etc. »
VIL Le concile de Cambrai, en 1505 (tit. xiv,
c. 7), pour publier ce décret, y a appliqué un
exorde qui semble le limiter aux prêtres et aux
clercs qui étaient notaires : « Quoniam non
pauci in hac provincia reperiuntur presbyteri et
clerici, seu pro talibus sese gerentes, qui se
notarios publicos scribunt et Dominant, quo-
rum imperitia, etc. »
Le concile de Rouen, en 1581 (tit. de Episc.
Offic), soumit à l'examen de l'évêque les no-
taires apostoliques; et comme le pape n'eu
créait presque plus avec pouvoir d'en créer
d'autres, ce concile résolut de prier le pape de
permettre aux évêques de créer des notaires
apostoliques pour leur diocèse : « Quia notarii
apostolici , aut nulli, aut rari admodum nunc
creantur a Sede Romana cum potestate alios
creandi, cum jam in nostris diiecesibus defi-
ciat Iegitimus numerus, ac periculum sit, ne
tandem nulli veri reperiantur ; supplicanduni
SS. D. N. papa1 judicamus, ut episcopis largia-
lur facultatem creandi notarios apostolicos,
tanlum pro sua dicecesi necessarios. »
Le concile d'Aix, en 1585 (Tit. de lus quae
Episc. ut delegatus sed.Apos.), publia le décret
du concile sans limitation.
MIL Je ne sais si tout ce que nous venons
de rapporter, s'accorde bien avec ce que les
canonistes disent sur le chapitre Sicut te.
Extra. \f Clerici. velMonachi, où Innocent III
enjoint aux évêques d'interdire l'office du la-
bellionat aux clercs qui étaient dans les ordres
sacrés, sous peine de privation de leurs béné
DES CHANCELIERS. DES NOTAIRES, DES BIBLIOTHÉCAIRES.
379
fices(Fagnan.,in m partem Décret. ,1. m. p. ill.
et seqq.).
11 paraît assez que les clercs inférieurs ne
sont pas compris dans cette défense. Et pour ce
qui est des ordres sacrés, avec lesquels nous
avons si souvent vn réunir l'office de notaire,
il faut dire, ou qu'on n'a pas déféré à cette
decrétale, ou qu'on a mis différence entre les
notaires et les tabellions ; ces derniers ont été
comme destinés à l'embarras des causes civiles
et criminelles, au lieu que les clercs notaires
n'étaient occupés que des affaires ecclésiasti-
ques, ou au plus des civiles.
En effet, on ne peut pas douter, que pour les
contrats et pour les testaments, on n'ait le plus
souvent employé les notaires ecclésiastiques,
comme plus fermes dans la fidélité de leur
profession, et plus habiles que les autres. Aussi
ces deux points faisaient une partie de la juri-
diction ecclésiastique (Fevret, de l'Abus , 1. iv,
c. 2, n. 51).
Charles VIII et François Ier commencèrent
d'interdire aux notaires apostoliques et épisco-
paux toutes les affaires civiles et temporelles.
IX. Je laisse les règlements du concile Ier de
Milan et du Ve de celui de Mexico et de plu-
sieurs autres , sur les Notaires , Chanceliers ,
Scribes , ou greffiers des cours épiscopales
(Conc. Cener., tom. xv, pag. 285, 093, 1337;
Ihid., p. 1027, 1 100). J'ai déjà parlé ailleurs des
chanceliers des cathédrales et des collégiales,
que les conciles de Tours, en 1583, et de Bour-
ges, en lo8i, confondent avec lesscholastiques
(Histoire de saint Martin des Champs , pag.
544,545).
Nous traiterons ci-dessous plus au long des
archevêques , chanceliers de l'empire et de
divers royaumes. J'ajoute seulement ici,
qu'après la déduction que nous venons de faire,
on ne sera plus étonné d'apprendre que ce
n'ont été d'abord que des nobles qui aient
exercé les offices de notaires , quand cette
charge a été communiquée aux laïques. Car
on ne doute pas que le rang du clergé ne soit
et n'ait toujours été élevé au-dessus de la no-
blesse.
Les auteurs que je cite à la marge, insinuent
que la noblesse, dont jouissent encore les
secrétaires du roi , est émanée de cette même
source. Car ils étaient en même temps notaires.
Fauchet ajoute que les clercs, notaires et secré-
taires du roi comptent dans leurs corps beau-
coup de grands hommes i Fauchet, de l'Origine
des Dignités, e. vu. 54 1. 545). Alain Chartier et
Budé en ont été, et ce fut le premier qui obtint
pour tout le corps des lettres de noblesse du
roi Charles VIII.
\. Quanta l'office de bibliothécaire, que nous
avons vu dans ce chapitre plusieurs fois uni à
celui tle chancelier, et possédé par des diacres
à Rome , il a été exercé par des évèques cardi-
naux dès le onzième siècle.
Jean, évèque d'Albano. souscrit aux lettres du
pape Grégoire V, en 996, en qualité de biblio-
thécaire, et non pas de chancelier. Baronius
rapporte des actes datés en l'an 1012 (Num. 15 ,
par les évèques de Palestrine et de Porto , tous
deux bibliothécaires de l'Eglise romaine. Les
diacres le possédèrent ensuite plus ordinaire-
ment.
On peut voir l'acte daté par Pierre Diacre,
bibliothécaire et chancelier du Saint-Siège en
1047 (Num. 12), chez le même Baronius.
Ainsi les évèques furent simplement biblio-
thécaires, et non pas chanceliers , quoiqu'ils
souscrivissent de même que les chanceliers.
Les diacres ont été bibliothécaireset chanceliers,
ayant quelquefois au-dessus d'eux un archi-
chancelier, comme il parait dans un privilège
de Léon IX. « Per manus Frederici diaconi ,
S. B. E. bibliothecarii, neenon et cancellarii,
vice domini Hermanni archicancellarii, et Co-
loniensis archiepiscopi (Epist. xix). »
Cette charge était retombée entre les mains
des évèques cardinaux, quand Humbert signa
la lettre n du pape Etienne IX, l'an 1057, en
qualité de bibliothécaire.
Il résulte de tout cela , que les charges de
chancelier et de bibliothécaire ont toujours eu
beaucoup de rapport et beaucoup de liaison ;
que les bibliothécaires ont fait longtemps avant
les chanceliers les dates et les signatures des
lettres et des rescrits des papes ; et que les
évèques ont exercé longtemps l'office de biblio-
thécaire. Ce fut encore un diacre cardinal et
bibliothécaire, qui signa la lettre dTrbain 11,
en I09G, aussi bien que la xxxix de Pascal II ,
la ne et xe de Calixte II , et une infinité
d'autres.
Voilà pour l'Eglise romaine. Quant aux
autres Eglises, le concile IV de Milan, en 1576
(Cap. xxn) , nous apprend qu'il y avait vrai-
semblablement des cathédrales, oii il y avait
un bibliothécaire que le chapitre élisait , puis-
que ce concile ordonne que cette pratique soit
conservée, quoiqu'il donne l'autorité a l'évèque
380
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SIXIEME.
d'en nommer un avec le conseil du chapitre,
dans les autres églises.
Je laisse tous les autres règlements que saint
Charles fit faire, pour l'augmentation et la
conservation de ces bibliothèques ecclésias-
tiques.
Le concile de Tours, en 1383, suivit de bien
près saint Charles, et donna le soin de ce trésor
de la science ecclésiastique au doyen, à l'archi-
diacre et au chancelier ou scholastique.
Dans les abbayes la charge de bibliothécaire
était une obédience , c'est-à-dire un office
claustral qu'on ne donnait qu'à un de ceux qui
a^aient été nourris dès leur plus tendre enfance
dans l'abbaye. On appelait la bibliothèque
Armariwm, et le bibliothécaire Armarius.
11 en est parlé dans les coutumes anciennes
de Cluny. « Armarii nomen obtinuit, eo quod
in nianuejus solet esse bibliotheca, quœ et alio
Domine armariumappellatur. Hsecestobedien-
tia, quam ex more nullus meretur, nisi nutri-
tus (Spicileg., tom. iv, p. 185). »
Ces enfants devenaient apparemment les plus
savants, et par conséquent les plus propres a
être chargés de la bibliothèque.
Cet office claustral s'est éteint, et il ne s'est
pas changé en bénéfice, parce que l'amour des
lettres s'est aussi éteint, et ce fut peut-être cet
oubli des lettres saintes qui ruina la discipline
claustrale, el changea les administrations claus-
trales en bénéfices et en titres perpétuels.
XL Quant a l'Eglise grecque, il est probable
que cet office de bihliothéeaire était compris
dans celui de chartophylace, qui était aussi en
même temps le grand chancelier. Il a la pré-
séance sur les évêques, comme représentant la
personne de l'archevêque ou du patriarche.
« Ideo in medio episcoporum sedet, non ut
chai tophylax. Ea enim ratione cathedram inter
episcopos non habet, vel alius aliquis clericus;
sed ut vices agens magni pontificis. Sed et igitur
et per ordinem interrogat episcopos, etc. » C'est
ce qu'en dit l'archevêque de Thessalonique
(Simeon ThessaL, De sacris Ordinal., c. vi).
Codin et les autres qui ont écrit des officiers
de la cour et de l'Eglise de Constantinople, ont
remarqué que les protonotaires étaient les
premiers après les exocatacèles, et que leur
dignité était comme la porte pour entrer dans
celle des exocatacèles. Leur nom fait connaître
qu'ils étaient les premiers des notaires , et
chacun d'eux avait plusieurs notaires dans sa
sujétion.
C'est ici le lieu de rapporter ce que l'évêque
d'Havelberg, Anselme, nous a appris dans ses
dialogues du collège de douze docteurs à Cons-
tantinople, dont le principal était en son temps,
c'est-à-dire au milieu du siècle douzième, Né-
chitez, archevêque de Nicomédie, avec lequel
Anselme fit ces admirables conférences. Ces
douze docteurs étaient dans une haute réputa-
tion de savoir excellemment toutes les sciences
humaines, mais ils étaient encore bien plus
versés dans les lettres saintes. Aussi toutes les
questions importantes étaient soumises à leur
jugement, et leur jugement était reçu comme
un oracle du ciel.
« Fuit archiepiscopus Nechites pracipuus
inter duodecim didascalos, qui juxta morem
sapientum Crœcorum et liberalium artium et
divinarum Scripturarum studia regunt : et
cœterissapienlibus tanquam omnibus préémi-
nentes in doctriua pnesunt, et ad quos omnes
qu.estiones difficillimœ referuntur, et ab eis
solutae deinceps sine retractatione et pro con-
firmata sententia tenentur et scribuntur (Spi-
cileg., tom. xiu, p. 89, 90). »
Ce qui a été dit ci-dessus nous donne quel-
que sujet de croire que ces douze savants
étaient les bibliothécaires mêmes du palais
impérial (t).
(1) Une des plus haules et des plus importantes dignités de l'Eglise
romaine est celle de vice-chancelier. Elle est toujours occupée par le
cardinal titulaire de Saint-Laurent in Domoso, qui habite le magni-
fique et royal palais adjoint à cette belle église. C'est là que trois
fois la semaine se réunissent les olficiers de la chancellerie aposto-
lique au nombre de soixante-douze, et appelés altWèviatevrs, dont
vingt-deux sont dits présidents du parc-majeur, et vingt-deux pr. si-
d< QtE 'lu parc-mineur : ïdeparco dicuntur a loco, dit un canoniste,
. m quo Bi dent, quo tempore munus exercent. » Ils minutent les
lettres apostoliques, les rédigent, les enregistrent, les soussigné ni, se
divisent l« s nombreuses suppliques, 1<-* résument et les présentent.
Pourquoi leur chef, qui est toujours un des cardinaux favoris, est-il
appelé vice-cltunrclicr, au lieu de chancelier? Parce que, <iii le car-
dinal di Luca, ■ il giul.is raiilinalilia ad tantum lasligiuni elevata est,
• ut ion videretuV digoitati cardinaiitis coogruere assumere officium
inferius, sivi prelalilium, quod lamcn pn visionaliter, seu jure cu-
n pisilam coin mi n-liiiK Dis per cardinalem administrai sit incon-
« gruum. » 11 en est de même pour la daterie. Quand cet office est
rempli par un simple prélat, il s'appelle alors dataire, et quand c'est
un cardinal, il n'est que pro-dalaire.
Toutes les affaires bénéficiales, collations, institutions, permutations,
résignalions, sont du ressort de ce tribunal. Les règles de la chancel-
lerie romaine sont fameuses parmi les canonistes. On appelle règles
de la chancellerie certaines constitutions apostoliques que chaque
pape promulgue le lendemain de son intronisation sur les affaires
contentieuses en matière bénéficiait, ou qu'il renouvelle ou modifie
s'il s'agit de celles de ses prédécesseurs. Elles sont ordinairement au
nombre ce septante-deux. Bien que ces règles aient force de loi,
cependant les concordats ont été établis pour leur modification ou
suspension, ou abrogation. Cependant tous les concordats sans excep-
tion ont laissé dans toute sa vigueur la seconde partie de la première
règle de la chancellerie. La voici : n Et reservationem sauetitas sua
» tain ad bénéficia obtenta, quam alla quaecumqile, de quibus ordina-
., ni et alii collalores CONTRA CONC1L11 T1ÏLDENT1N1 DECKETA
DES APOCRISIAIUKS OU NONCES 1)1' SAINT-SIEGE.
381
CHAPITRE CENT-SEPTIEME.
DES APOCRISIÀIRE* »U NONCES Dl SAINT-SIEGE, AVANT LAN II LIT CENT.
I. Ces apocrisiaires du pape approchaient des nonces du siècle
présent dans quelques royaumes.
II. III. IV. Leur délégation pour le patrimoine des pauvres,
pour les conciles provinciaux, pour la réformation des diocèses.
Y VI. Pour régler les religieux.
Ml Ils ne pouvaient rien exiger des évèques.
VIII. IX.. X. Ils devaient protéger les misérables, faire punir
les coupables et rétablir les innocents.
XL XII. XIII. Relever les évoques opprimés par leurs métro-
politains, faire revoir les procès des évèques déposés.
XIV. Faire respecter les évèques, purger leurs évêchés.
XV. XVI. L'archevêché de Ravennes avait son nonce auprès
du pape, et le pape auprès de l'empereur.
XVII. XVHL XIX. Ces nonces étaient comme les yeux et les
mains du pape.
XX. Combien saint Grégoire, pape, était appliqué à conserver
la juridiction des évèques.
XXI. Ces pouvoirs des nonces des papes s'étendaient jusqu'en
Espagne.
XXII. XXIII. On parlera plus bas de la France. Réflexions
générales sur les apocrisiaires.
I. Les apocrisiaires étaient des officiers, on
plutôt des commissaires, dont les charges pa-
raîtront admirablement dans les exemples que
nous allons rapporter de saint Grégoire. C'était
une espèce de légation ou de nonciature; les
nonces du siècle présent font à peu près les
mêmes fonctions dans quelques royaumes. Le
nom d'apocrisiaire, qui est grec, est rendu par
le terme latin responsalis, et il n'est pas mal
exprimé par celui de nonce.
II. Saint Grégoire le Grand écrivit à tous les
évèques de la Sicile que, suivant L'exemple de
ses prédécesseurs, il avait chargé son vicariat,
et revêtu de son autorité dans toute la Sicile,
Pierre, sous-diacre du Saint-Siège, dont la fi-
délité était reconnue hors d'atteinte, puisque
le patrimoine de saint Pierre, dans toute la
Sicile, lui avait été confié; qu'ils devaient donc
assembler tous les ans un concile et y régler
avec le sous-diacre romain, Pierre, tout ce qui
« disposuerunt et disponent in futurum, extendit et ampliavit, et ea
o etiam bénéficia omnia disposition! suse reservavit de qaibus per
o dictos ordinarios CONTRA EJUSDEM CONCILU DECRETORUM
■ FORMAM dispositum fuerit, decernens irritum. » Or, d'après tous
les canonisles, d'après les décisions les plus récentes de Rome, béné-
ficia curata NECESSARIO conferri debent per CONÇUES DM
juxta prcescriptum concilii Tridentini et sancti PU V. Cette salu-
taire prescription est observée partout, excepté en France, sans ce-
pendant que la France ait le moindre droit de se mettre eo dessus et
contre le droit général et imprescriptible. Nous sommes convaincus
que la résurrection du droit canonique parmi nous amènera forcément
le règne de la loi commune et fera disparaître un abus qui n'a pas
sa raison d'être, tel que celui de conférer les cures par voie d'arbi-
traire.
Toutes les affaires consistoriales de la plus haute importance sont
encore du ressort du vice-cbaucelier de l'Eglise romaine. Le premier
de ses officiers est le régent de la chancellerie; c'est lui qui revise
les bulles expédiées et promulguées, et s'assure qu'aucune erreur ne
s'y est introduite. Tous les abbréviateurs de la chancellerie devien-
nent par leur charge membres de la prélature.
Dès les premiers siècles de l'Eglise, les notaires apostoliques furent
à Rome au nombre de sept, pour transcrire les relations des martyrs,
les faits concernant les églises, leurs revenus, leurs titres de dona-
tion. Aujourd'hui leur fonction consiste à enregistrer tous les docu-
ments relatifs aux procès de canonisation, tous les actes des souve-
rains pontifes et des églises. Sixte V, par sa constitution Romanus
Pontifex éleva jusqu'à douze le collège des notaires apostoliques, et
les gratifia de très-grands privilèges. Dès ce moment, ils prirent le
nom de protonotoires apostoliques. Dans les consistoires quatre pro-
tonotaires sont assis sur le seuil du trône pontifical pour dresser un
instrument authentique des affaires en délibération. Les douze proto -
notaires apostolique* sont toujours dans la plus haute prélature. Us
sont appelés protonotarii de numéro particîpantium pour les distin-
guer des protonotaires honoraires appelés proionotarii extra nnme-
ntm ou ad instar particîpantium. C'est ce titre qui est aujourd'hui
assez répandu en France, où nous ue pensons pas qu'il donne droit à
la qualification de Monseigneur, comme on le croit communément.
A Rome seulement ils pourraient prendre celle de Monsignor. En
France, le titre de Monseigneur n'est donné qu'aux évèques et aux
princes du sang. En 1838, Grégoire XVI, en confirmant tous les pri-
vilèges et honneurs des protonotaires apostoliques, les réduisit au
nombre primitif de sept. Enfin, par la constitution quamvis peculia-
res du 9 février 1853, Pie IX confirma le nombre de sept et abolit ou
modifia quelques-uns de leurs privilèges, cum minus, dit la bulle,
opportuna temporibus ac bono publico minus consentanea depreh'm-
damus. Ils ne pourront désormais accorder qu'à quatre personnes le*
grade de docteur en théologie ou en droit canonique, après le* exa-
mens et les thèses requis, comme d'usage. S'ils ne sont pas au moins
cinq pour présider ces examens, ils seront obligés de s'adjoindre des
professeurs de l'université romaine, dite sapience. Us seront obligés
de faire enregistrer dans les archives publiques le diplôme doctoral
qu'ils auront délivré et le transmettre également à la congrégation
des cardinaux préposés aux études. Ils ne pourront plus créer des
docteurs en philosophie, eu médecine, ès-arts et ès-sciences. Us ne
pourront plus créer des protoootaires apostoliques, excepté un seul
chaque année, qui ne pourra être qu'honoraire. Les sept seront,
comme dans le passé, exempts de la juridiction de l'ordinaire, s'ils
habitent hors de Rome. Quant aux protonotaires honoraires dits ad
instar particîpantium, ils seront partout soumis à la juridiction de
l'ordinaire et ne pourront faire usage des ornements pontificaux qu'a-
vec sa permission formelle. Us ne pourront pas, comme les sept,
avoir l'usage de l'autel portatif, mais seulement un oratoire privé
dans leur maison, soumis à la visite de 1 evéque. « Quomam, » dit la
bulle, a vero cousueverunt Romani Pontifices, prater septem protono-
« tarios vulgo participantes appellatos, aliis etiam ecclesiasticis vîris
< hujusmodi honorem déferre, ita tamen, ut licet de participantium
« numéro minime sint, ad eorum instar censeantur, ideirco ut majus,
t inter eos disenmen exstet, volumus... • Ici suit la prescription de
soumission à l'ordinaire. Les seules paroles que nous venons de citer,
et d'autres raisons que nous pourrions alléguer démontrent suffisam-
ment que les protonotaires apostoliques français, aujourd'hui si nom-
breux, doivent laisser exclusivement à nos évèques le solennel Mon-
seigneur. Us peuvent cependant porter les bas violets et la mantel-
letta violette dans les cérémonies religieuses, et un cordon violet au
chapeau.
Dans la haute prélature romaine, il y a encore les référendaires de
382
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SEPTIÈME.
était nécessaire pour la discipline de l'Eglise
ou pour le soulagement des pauvres.
• « Valde necessarium esse perspeximus, ut
sicut prredecessorum nostrorum luit judicium,
ila uni eidemque personse omnia commilla-
mus; ut ubi nos présentes esse non possumus,
nostra |)er eum.cui prœcipimus, reprœsenlelur
autoritas. Quamobrem Petro subdiacono sedis
nostrae, intra provinciam Siciliam, vices no-
stras Deo auxiliante commisimus. Nec enim de
ejus actibus dubitare possumus, cui totum
nostrae Ecclesiae noscimur ])atrimonium com-
misisse , etc. Semel per annum fraternitas vé-
stra conveniat, quatenus quœ ad utilitatem
ipsius provinciae, Ecclesiarumque pertinent,
sive ad necessitatem pauperum opprcssoruni,
eu m eôdem Petro subdiacono nostrae Sedis,
congrua debeatis moderatione disponere (L. i,
ep. 1). »
Voilà la plus parfaite image de ces nonces
anciens. Ils étaient souvent cbargés du soin du
patrimoine de l'Eglise romaine en diverses
provinces; ils représentaient la personne du
papp et étaient revêtus de son autorité pour
toutes les affaires ecclésiastiques : ils étaient
par conséquent exécuteurs de? ordres du pape
et des canons; ils faisaient assembler les con-
ciles provinciaux et disposaient avec les évo-
ques de toute la police de l'Eglise.
III. Ce saint pape manda au même Pierre de
pourvoir aux nécessités d'une femme qualifiée,
qu'on avait enfermée dans un monastère pour
v faire pénitence, et de ne la laisser manquer
de rien ni elle, ni son domestique; de remplir
toutes les Eglises vacantes de bons évêques,
qu'on devait tirer du clergé même des villes ou
des monastères, et envoyer les élus à Rome
avec une exacte information de leur vie ; enfin
de lui donner avis des lieux, où on ne rencon-
trerait personne capable de l'épiscopat. « De
Clero Eeclesiarum, vel de monasteriis, si quid ad
episcopalem locum possint inveniri perspicias,
et ad nos inquisita primitus morum gravitate
transmittas, etc. (L. i, ep. 18). »
IV. Il lui commanda, en une autre rencontre,
de ramasser tous les religieux d'un monastère
qui avaient été dispersés à l'occasion d'une
descente des barbares, et de les réunir tous
sous l'obéissance de leur abbé et de leur évo-
que, auquel il en avait donné avis, afin qu'il
ne crût pas avoir sujet de se plaindre, si l'on
disposait à son insu des affaires de son diocèse.
« Quam rem venerabili Felici ejusdem civitatis
episcopo nos signilicasse cognosce, ne prœter
suam notitiam, in diœcesi sibi concessa, ordi-
natuni quidpiam contristetur (L. i, ep. 39). »
Voici les termes de la lettre de ce pape à
l'évêque Félix : « Quam rem venerationi tuae
innotescendum praevidimus, ne te omisso ali-
quid ordinatum in tua diœcesi contristeris
(Ibid., ep. xxxvm).» Il se contente d'avertir
l'évêque du lieu des ordres dont il a recom-
mandé l'exécution à son nonce.
V. Les religieux du diocèse de Sorrente
[tassaient, contre la disposition des canons, d'un
monastère à un autre, et étaient propriétaires ;
enlin leur impudence allait jusqu'à cet excès
de contracter des mariages sacrilèges. Ce pape
écrivit au sous-diacre Anthémius, muni sans
doute des mêmes pouvoirs , de séparer ces
moines de leurs femmes, de les renvoyer dans
leurs premiers monastères, et de leur faire
garder la stabilité et la désappropriation or-
donnée par leur règle (L. i, ep. xl). Il ordonna
au même Anthémius de mettre à la pénitence
un diacre et d'autres clercs de l'Eglise de Ve-
nafre, qui avaient vendu les vaisseaux sacrés à
un juif, et de forcer le juif à les restituer en
recourant au juge civil (L. i, ep. lxvi).
VI. Il manda au même Pierre, sous-diacre
et nonce en Sicile, de ne point souffrir que les
religieux se dissipassent à la poursuite de leurs
procès et perdissent l'esprit de retraite et d'o-
raison : « Ne distenta mens per varias causa-
rum curas defluat, et ad celebrandum opus
consuetum enervata torpescat (L. i, ep. lxvii) ;
de charger quelque laïque expérimenté de la
procuration de toutes les affaires du monastère,
en lui assignant des gages, et d'acheter à quel-
que prix que ce soit la paix et la tranquillité,
qui est l'âme et le bien inappréciable de la vie
religieuse.
« Ci monasterii ipsius generaliter debeas
constituto solatio commendare negotia. Expedit
enim parvo incommodo a strepitu causarum
servos Dei quietos existere, utetutilitatescelke
la signature de grâce et de justice. La plupart des matières conten-
tieuscs qui se rattachent à ces deux titres sont de leurs attributions.
I irdinairement ils arrivent au cardinalat. Parmi les membres actuels
du Sacré-Collégc, les cardinaux Pentini et Serafim ont été référen-
daire.
La charge de bibliothécaire, de l'Eglise romaine est toujours occupée
par un cardinal qui en porte le titre. 11 a sous ses ordres deux cu-
stodes pris dans la prélature, et plusieurs écrivain», dont deux pour
La langue hébraïque, trois pour la grecque, quatre pour la latine et
un pour la langue arabe. Deux prélats sont en outre préfets des ar-
chives du Vatican.
(Dr ANDRE.)
DES APOCRISIAIRES OU NONCES DU SAINT-SIEGE.
38U
pcr negiigentiam non pereant , et servorum
Dei mentes ad opus Dominicum liberiores
existant. 0
VII. Quelques défenseurs ou notaires de l'E-
glise romaine se faisaient défrayer par les évo-
ques des lieux, dans les courses et les voyages
qu'ils faisaient en Sicile. Ce pape qui employait
le patrimoine de son Eglise à entretenir ou a
soulager les pauvres de toutes les provinces de
l'Eglise, défendit aux évéques de Sicile de ne
plus contribuer en rien à l'entretien de ces
officiers, s'ils n'apportaient des lettres expressé-
ment pour cela, ou du pape même, ou du
nonce, qui était chargé du patrimoine de saint
Pierre.
« Quisquis ille est, si rêvera sedis nostra1 fue-
rit notarius, vel defensor, nisi nostra ad vos
specialiter, vel rectoris nostri patrimonii scripta
detulerit, nullis per nomen Ecclesiœ nostrae
potiatur angariis ; nec aliqua vobis ab eo gra-
vamina imponi permittatis. sed suisutilitatibus
iter suum. propriis, ut novit, disposât expensis.
Nec quemquam ab eo in locis istis patiamini
molestari L. i, ep. lxvih). »
VIII. Ce pape chargeait ses nonces de la pro-
tection des personnes particulières, qui implo-
raient le pouvoir de l'Eglise contre ceux qui
les opprimaient. En leur commettant le patri-
moine de l'Eglise, il leur faisait promettre une
incorruptible fidélité devant le corps de saint
Pierre à Rome : « Memor quod ante sacratissi-
inum R. Pétri apostoli corpus , potestatem
patrimonii ejus acceperis [Epist. lxix, i.xx . >•
IX. Il ordonna une semblable délégation a
un religieux d'Afrique , pour y faire faire le
procèsà un évèque atteint d'un crime effroyable,
et même d'avoir rempli de donatistesson cler-
gé; il lui donna pouvoir d'assembler pour cela
un synode, et d'exécuter incessamment ce qui
y aurait été résolu.
« Quatenus prœfatuin episeopum idoneac
satisfactioni committere non omittas . tuaque
instantia in locis illis fiât ex more concilium,
omnia subtili indagatione perquirantur , et
quœcumque eorum judicio fuerint terminata,
te exequenle modis omnibus compleantur. Ita
ergo te cum omni vivacitate huic causa; volu-
mus pnebere instantiam. ut nulla possit sub-
necti dilatio, etc. (L. i, epist. xxviu). »
X. L'évèque de Salone avait dégradé son ar-
chidiacre en le faisant prêtre, et lui en avait
substitué un autre, donnant plus à une injuste
animosité qu'aux justes défenses que le pape
prédécesseur de saint Orégoire lui avait faites,
de persécuter celui qui n'était coupable (pie
parce qu'il voulait l'empêcher de mal faire, et
d'app nivrirson église pour enrichir ses parents.
Saint Orégoire envoya le sous-diacre Antonio
à Salone. pour faire rétablir l'ancien archi-
diacre, pour déposer le nouvel usurpateur et
obliger l'évèque d'envoyer ses apocrisiaires à
Rome, pour sa justification. « Cum responsales
vestri advenerint (L. il, ep. 16, 37). »
XI. Il écrivit à Colombe, évêque de Numidie,
d'assembler un concile dès qu'Hilaire. son car-
tulaire, serait arrivé en Afrique, d'y déposer et
mettre à la pénitence l'évèque Maximien, s'il
avait vendu sa faveur pour la création d'un
nouvel évèque donatiste , comme il en était
accusé, et de terminer en particulier avec le
même cartulaire tous les autres différends qui
seraient survenus entre les évèques et les
clercs. « Si qua autem inter eos extra crimen
hoc damnorum quorumdam, vel privatorum
negotiorum versatur intentio, hanc tua frater-
nitas, cum prœdicto cartulario nostro, privata
cognitione perquirat. »
XII. L'archevêque de Larasse ayant usé de
son autorité sur Adrien, évêque de Thèbes, son
suffragant, avec plus d'aigreur et d'animosité
que de justice, ce saint pape se crut obligé de
soustraire cet évèque à la juridiction de son
métropolitain, et d'ordonner que s'il survenait
a l'avenir quelque différend entre eux soit
pour la foi, soit en cause criminelle ou pécu-
niaire, il serait vidé ou parl'apoerisiaire, c'est-
à-dire par le nonce du pape résidant à Con-
stantinople, ou par le pape même, si la chose
était d'une grande importance.
« Fraternitas tua ab eo ecclesiaque ejus. om-
nein antehabitœ suae potestatem jurisdictionis
abstineat, et secundum decessoris nostri scri-
pla, si qua causa vel fidei, vel criminis, vel
pecuniaria , adversus praefatum Hadrianum
consacerdotem nostrum potuerit evenire, vel
per eos qui nostri sunt, vel fuerint in urbe
regia responsales si mediocris est, questio,
cognoscatur, vel hue ad Apostolicam Sedem,
si ardua est, deducatur, quatenus nostrae au-
dientiae sententia dedicatur (L. u, ep. 7 .
ind. n). »
Entre tous les apocrisiaires ou nonces du
pape, celui qui résidait ordinairement a Con-
stantinople, ou qui suivait la cour de l'empe-
reur, était certainement le plus considérable ;
saint Orégoire même en avait fait la fonction
384
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CENT-SEPTIÈME.
avant son pontificat, et il paraît bien quelle
estime il en faisait par la commission qu'il
donnait à son nonce de Constantinople , de
vider les différends entre cet archevêque et cet
évêque , en quelque matière qu'il en pût
naître.
XIII. Il commit le sous-diacre Antonin, pour
faire revoir dans un concile, conjointement
avec l'évèque de Salone, le procès de l'évoque
de Raguse, injustement déposé. « Executio-
nem antefati negotii Antonino subdiacono
nostro ex nostra praeceptione mandavimus ,
quatenus ejus inslantia, et quœ sunt legibus,
canonibusque placita decernantur, et décréta
juvante Domino mancipentur effectui (L. u,
iml. 1 1, ep. vin, ix). »
L'évèque de Salone étant mort, ce même
Antonin, intendant du patrimoine apostolique
en Dalmatie, « rector patrimonii in Dalmatia, »
fut commis par ce pape pour faire élire un
nouvel é\èque, pour prévenir toutes les intri-
gues simoniaques, pour envoyer l'élu à Rome,
où il devait être ordonné, pour faire faire l'in-
ventaire de tous les biens de l'Eglise de Salone
et pour empèclier qu'on n'en dissipât rien pen-
dant l'interrègne (Epist. xxu). Au contraire les
Milanais ayant élu un nouvel évêque et en
avant donné avis à ce pape, à qui en apparte-
nait la confirmation, il envoya à Milan le sous-
diacre Jean pour examiner sur les lieux si
l'élection avait été canonique et ensuite y faire
sacrer le nouveau prélat par les évèques de la
province, selon la coutume (Epist. xxix, xxx .
XIV. Un évêque de Campanie étant tombé
dans le mépris de son clergé et de son peuple.
le pape écrivit à Pierre, sous-diacre, d'aller
ciliner ces dissensions et de faire respecter
l'évèque en le faisant aimer 'Epist. xxxiv).
Le peuple de Naples différant trop d'élire un
évèqui', saint Crégoire manda au même sous-
diacre de le contraindre par les censures de
l'Eglise, ou d'en élire un au plus tôt. ou d'en-
voyer à Home des députés pour y faire l'élec-
tion comme chargés de leur compromis. « Si
fortasse admonitionem tuam quolibet modo
differre tentaverint, ecclesiasticum in eos vigo-
ivin exerce (Epist. xxxv). »
XV. Ce pape avait commis la nonciature de
Sardaigne a un sous-diacre et à un défenseur ;
il leur mande d'amener a Rome l'archevêque
Januarius pour \ être examiné sur les accusa-
tions tonnées contre lui : « .lanuariuin sumnia
hue exliibere instantia non omitlas (L. u, in-
dict. 1 1. epist. xxxvi); » d'y amener aussi les
femmes perdues, avec qui un prêtre s'était
perdu de conscience et de réputation. « Uxc
omnia ita efficaciter curabitis adimplere, ut
nulla vos de neglectu culpa respiciat (Epist.
XXXVIIl).»
L'évèque Adrien, dans la province de Co-
rintlie. s'étant parfaitement réconcilié avec son
accusateur, ce pape envoya un diacre de son
Eglise pour reconnaître si cette concorde venait
de l'innocence de l'accusé, ou de la prévarica-
tion de l'accusateur. Il commit Hilaire, moine
d'Afrique, pour y faire tenir un concile contre
les donatistes (L. i, ep. 82).
XVI. L'évèque de Ravenne avait aussi son
nonce auprès du pape, et il était diacre aussi
bien que celui du pape à Constantinople. Lors-
que le pape célébrait, ce nonce avait une place
honorable, et saint Crégoire lui en avait donné
une encore plus honorable que celle dont il
avait joui jusqu'alors. « Recordare in missa-
riim romanarum solemnibus, ubi Ravennas
diaconus stabat, etrequire, ubi hodie stat, et
cognosces, quia Ecclesiam Ravennatem hono-
ra re desidero (L. iv, ep. 15). » Mais comme
l'évèque de Ravenne n'était pas satisfait des
limitations que le pape avait mises pour l'usage
qu'il devait faire du pallium, ce pape écrivit à
son nonce à Constantinople pour savoir si les
métropolitains d'Orient en usaient autrement.
» Tamen bac de re jam diacono nostro Cou -
stantinopolin scripsi, ut inquirere debeat per
omnes, etc. »
XVII. Il commanda au diacre Castorius de
faire des informations exactes de l'évèque de
Pesaro, et s'il le trouvait atteint des crimes
dont on le chargeait, de le faire conduire à
Rome avec les mémoires dressés contre lui; de
veiller sur la vie des autres évèques et de l'a-
vertir des crimes qu'il aura découverts.
a Experientiœ tua1 pra?cipimus, ut de vita
et actibus ipsius subtili indagatione studeat
perscrutari , et si quid fortasse repèrent quod
sacerdotii integritatem valeat maculare, ad nos
eum cum scriptis tuis sub competenti cautela
transmitte, etc. Non solumautemde eo, sed H
de aliorum quoque sacerdolum vita te conve-
nil esse sollicitum. Et si de quolibet sinistruin
quidpiam sentira potueris, nobis renunliare
le-lina, ut actuum pravitas salubriter, cum
Dei solatio, debeat emendari (L. iv, ep. 24). »
Les nonces de ce pape étaient donc comme
les veux clairvoyants de son infatigable vigi-
DES AP0CRISIA1RES <>l NONCES DU SAINT-SIEGE.
385
lance, et comme les inspecteurs universels de
la vie et de la conduite des évêques, îles désor-
dres du clergé, des irrégularités des moines, des
oppressions des laïques; non pas pour acquérir
à Rome une domination universelle, dont le
soupçon même ne peut pas tomber sur nu
pape si saint, si humble et si désintéresse;
mais pour faire régner partout la sainteté des
lois ecclésiastiques et en punir les violations.
Aussi ce pape écrit à l'évêque de Naples que,
s'il diffère d'exécuter ce qu'il vient de lui pres-
crire, son nonce est chargé de ne lui point
donner de trêves. « Porro si tu, quod non opi-
namur, dissimulandum putaveris, rectori pa-
trimonii ecclesiœ nostne qui illic est, vel fuerit
constitutus, noveris esse licentiam, ut quid
sponte postponis, ejus lacère instantia modis
omnibus urgearis (L. v, ep. M). »
Ce même pape manda à huit de ses nonces
en même temps, qui étaient ou défenseurs, ou
sous-diacres, ou notaires, d'empêcher absolu-
ment les évêques d'avoir dans leur palais épis-
copal d'autres femmes que celles qui leur sont
permises par les canons. «Si qui episcoporum,
quos commissi tibi patrimonii finis includit,
cuni mulieribus degunt, hoc omnino com-
pescas, et de cœtero eas illic habitare, nullo
modo patiaris, exceptis eis, quas sacrorum
canonum censura permittit(L. vu, ep. 39). »
XVIII. L'évêque de Reggio étant accusé par
ses propres ecclésiastiques, saint Grégoire com-
mit le diacre Sabin pour examiner cette cause
avec cinq évêques, avec ordre de lui en en-
voyer le résultat.
Il manda au sous-diacre Sabin de s'informer
de la vie d'un prêtre infâme et de l'emprison-
ner jusqu'à ce qu'il lui eut envoyé ses infor-
mations (L. vu, ep. 46, 47) ; de tenir la main à
l'exécution d'un testament en faveur de l'Eglise
et de quelques personnes misérables (L. vin,
ep. 5, 0). 11 ordonna à son défenseur en Sicile
d'empêcher un évêque de s'arrêter plus long-
temps à la poursuite de ses procès, et de le ren-
voyer dans son diocèse en moins de cinq jours
(L. vin, ep. 11).
Ee sous-diacre de Campanie, Anthémius, eut
ordre de mettre sous la protection de l'Eglise
des personnes injustement persécutées, d'en
délivrer d'autres de la persécution de quelques
officiers de l'Eglise même, de faire exécuter au
nouvel évêque de Naples ce que son prédéces-
seur avait marqué de faire, en ne distribuant
pas à son clergé et aux pauvres la portion qui
Tu. — Tome 11.
leur était due des biens de l'Eglise (L. ix,
ep. 1-2, 13,29).
XIX. Si ce pape était zélé pour maintenir
une autorité qui n'avait pour but que l'obser-
vance religieuse des plus saintes lois de l'E-
glise, il ne l'était pas moins pour soutenir
l'autorité des évêques, et pour arrêter les excès
où pouvaient s'emporter ses officiers.
C'est ce qui lui fit écrire à Romain, défenseur
de Sicile, qu'il n'avait pu rétablir les clercs
que leur évêque avait mis à la pénitence, et
qu'il devait les y envoyer ; qu'il n'avait pu se
rendre juge des différends survenus contre les
ecclésiastiques qui ne peuvent être jugés que
parleur évêque ou par son délégué, ou, si
leur évêque leur est suspect, par les arbitres
qu'il fera lui-même choisir aux parties; enfin,
que ce n'est que dans les procès des clercs, ou
des laïques contre leur évêque, qu'il pouvait
se porter pour juge, ou les obliger de part et
d'autre d'élire eux-mêmes des juges, parce
qu'il n'y a point de plus injurieuse violation
des canons que d'affaiblir la juridiction des évê-
ques, sous le vain prétexte de faire garder les
canons. « Nam si sua unicuique episcopo juris-
dictio non servatur, quid aliud agitur, nisi ut
per nos, per quos ecclesiasticus custodiri de-
buit ordo, confundatur (L. îx, ep. 32) ? »
Il dit ailleurs que ce n'est pas l'honorer que
de déshonorer ses frères; son honneur est de
faire honorer les évêques. « IVec honorem esse
deputo, in quo fratres meos honorem suum
perdere cognosco. Tune vere honoratus sum,
cum singulis quibusque honor debitus non ne-
gatur (L. h, ep. 21). »
Les entreprises que les évêques faisaient les
uns sur les autres, étaient encore de ces causes
que le pape jugeait et faisait réparer par ses
nonces, qui ne devaient avertir le pape de ces
désordres qu'après avoir inutilement pressé
les évêques d'y remédier eux-mêmes. « Si qua
de episcopis inordinate acta cognoverit, prius
quidem sécréta ac modesla adhortatione corri-
piat cartularius noster : quoe si ita emendata
non fuerint, nobis celeriter iunotescat (L. n,
ep. -2-2, 30). »
L'évêque Paschase s'occupant à toute autre
chose qu'à ce qui était île son devoir, ce pape
fait une réprimande à Anthème, sous-diacre
de Campanie, de ne lui avoir pas fait des cor-
rections aussi sévères qu'il devait. « Et nihil
habere episcopalis vel genii vel reverentiae ju-
dicetur. Quod si ita est, non sine culpa tua esse
25
38G
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-HUITIÈME.
cognoscas, qui eum objurgare, atque coercere,
ut diguum est, clistulisti (L. n, ep. 31). »
XX. Nous avons déjà parlé de la commission
donnée par ce pape au défenseur Jean, d'aller
eu Espagne revoir le procès d'un prêtre, et
faire revoir celui d'un évêque déposé dans un
nouveau concile; et si l'un et l'antre se trou-
vaient innocents, non-seulement les rétablir
en leur première dignité, mais faire empri-
sonner l'évèque intrus , et mettre pour six
mois en pénitence, dans des monastères, les
évèques qui avaient été les auteurs de l'intru-
sion d'un ambitieux, et de l'injuste déposition
d'un innocent (L. n, ep. 52). Ce défenseur pré-
sida effectivement à ce second jugement, et
prononça selon ses instructions comme délégué
du pape : « Dum ex deputatione, et jussione
apostolici Domni mei papa; Gregorii, ego Joan-
nesdefensorcognitorresedissem, etc. (Ep. lv).»
XXI. Voilà quels étaient les pouvoirs des
nonces, soit ordinaires, soit extraordinaires de
ce saint pape, dans l'Italie, la Sicile, la Sar-
daigne , l'Afrique , la Dalmatie , lTUyrique
oriental, et dans Constantinople même.
Il est aisé néanmoins de remarquer quelque
différence dans cette foule d'exemples qui ont
été confusément entassés les uns sur les autres.
Car ces nonces étaient bien plus Fréquents et
plus appliqués à veiller sur toute la conduite
des évèques, des clercs et des moines dans
l'Italie, dans la Sicile et la Sardaigne, qui
avaient apparemment été autrefois de la métro-
pole de Rome, et qui étaient encore de sa pri-
matie, que dans l'Afrique, l'Espagne, lTUyrique
et les autres provinces plus écartées, où l'Eglise
romaine n'avait point de patrimoine, et où il
n'envoyait ses nonces que dans les besoins ex-
traordinaires.
XXII. Nous n'avons rien dit de la France,
parce que nous avons jugé à propos d'en parler
séparément, et de considérer de quelle manière
ce pape en usait envers nos rois et nos prélats,
ce que nous réserverons à un autre chapitre,
qui suivra celui où nous allons traiter en parti-
culier, et un peu plus au long , tout ce qui
regarde les apocrisiaires ou les nonces des papes
à Constantinople auprès des empereurs.
CHAPITRE CENT-HUITIEME.
DES APOCRISIAIRES OU DES NONCES Dl PAPE QUI DEMEURAIENT A CONSTANTINOPLE
DANS LE PALAIS DE LEMPEREIR, AVANT L'AN HUIT CENT.
I. Importance île cette dignité.
II. Saint Léon, pape, commença d'avoir un nonce à Cons-
tantinople
III. Avec l'agrément de l'empereur.
IV. liaison de cela.
v. L'impératrice Pulchérie chargée elle-même de la légation
du Samt-Siége.
VI. Les autres patriarches avaient aussi leurs apocrisiaires
auprès des empereurs.
VII. Les évèques de Constantinople étaient eux-mêmes comme
les apocrisiaires et les agents de tous les autres évèques à Cons-
t.iiii pie.
VIII. Les évèques et les métropolitains n'y pouvaient avoir des
apocrisiaires ordinaires.
IX. Cela donnait un grand crédit à l'évèque de Constantinople,
d'être l'entremetteur de tous les évèques vers l'empereur.
X. XL Pourquoi Hincmar preud l'origine des apocrisiaires du
temps de Constantin.
XII. Pendant qu'il y eut des empereurs en Occident, ou des
rois en Italie.
XIII. Et pendant le schisme d'Acacius, il ne fallait point de
nonce à Constantinople. Le pape Agapet fut le premier qui en
établit un.
XIV. Il fut depuis ordinaire, et c'était un diacre.
XV. XVI. Conformément au concile de Sardique.
XVII. XVIII. XIX. XX. Suite des apocrisiaires, et leur grand
crédit.
XXI. XXII. Saint Grégoire avait été lui-même apocrisiaire, et
il logeait dans le palais impérial.
XXIII. XXIV. Pouvoir des nonces qu'il envoya.
XXV. Ou désiste et on recommence d'en envoyer.
XXVI. XXVII. Suite des apocrisiaires, dont la plupart furent
faits papes.
NW1II. XXIX. On désiste et on recommence d'en envoyer.
Pourquoi le pape n'envoie que des nonces, quoiqu'on lui de-
mande des légats.
1. Les apocrisiaires ou nonces du pape à Con-
stantinople étaient d'une considération et d'une
DES APOCRISIAIRES 01' NONCES DU PAPE.
:is7
utilité si grande pour toute l'Eglise, qu'ils
méritent bien que nous en reprenions le dis-
cours de plus haut, et crue nous remontions .
s'il se peut, jusqu'à leur origine. Ensuite nous
Ferons voir des apocrisiaires auprès de nos rois,
et auprès des empereurs du sang de Charle-
magne, dans une élévation si grande et un si
haut comble de puissance, que les archevêques
mêmes se croyaient honorés d'en faire les
fonctions. Il est donc nécessaire de découvrir
la source et le progrès de cette dignité.
II. Depuis que les empereurs romains firent
gloire de tenir leur sceptre de J.-C. et que l'E-
glise, pour les intéresser en sa défense, voulut
bien leur communiquer toutes ses plus impor-
tantes affaires, il est certain, et l'histoire ecclé-
siastique en fait foi. que les papes furent sou-
vent obligés d'envoyer des légats à la cour
impériale, mais ces légations étaient extraordi-
naires et limitées, tant pour le temps que pour
les affaires.
Le premier à qui le Saint-Siège ait confié
une légation ordinaire, ou une nonciature au-
près des empereurs, a été Julien , évêque de
l'île de Cos dans l'archipel. Le pape saint Léon
l'établit légat ou nonce, pour résider à la cour
de l'empereur Marcien, après le concile de Cal-
cédoine, et il ne lui donna autre charge ni au-
tre pouvoir que celui de veiller, pour le main-
tien de la foi orthodoxe, contre les erreurs de
Nestorius et d'Eutyehès , contre lesquelles le
patriarche de Constantinople Anatolius ne té-
moignait pas autant de chaleur et de zèle qu'il
eût été à souhaiter.
Dans la lettre que saint Léon écrivit à cet
évêque, après lui avoir défendu de se mêler
des causes qui regardent la juridiction des au-
tres évèques , il lui promit de répondre à tous
ses doutes touchant ses fonctions, et ne lui
laissa que le soin d'entretenir toujours les em-
pereurs dans leur ancienne ferveur contre les
nouvelles hérésies.
« Consulente dilectione tua de his in quibus
pulaveris ambigendum, non deerit relationi-
bus tuismeae responsionis instructio, ut seque-
strata earum actione causarum quae in quibus-
cumque ecclesiis prœsulum suorum debent
coguitione firmari, bac speciali cura mea vice
functus utaris, ne haeresis Nestoriana vel Euty-
cbiana in aliqua parte revirescat, quia in epi-
scopo Constantinopolitano catholicus vigor
non est lEpist. vi). »
III. L'agrément de l'empereur était néces-
saire, puisqu'il ne s'agissait que de ménager sa
bienveillance pour les catholiques , et son zèli
contre les ennemis di la lui. Aussi ce pape lui
m écrivit : «Yicem ipsi meain contra tempo-
ris nostris hœreticos delegavi : ut a comitatu
vestro non abesset exegi , cujus suggestiones
tanquam meas audire dignemini (Epist. i.\u .»
IV. Mais écrivant à l'impératrice Pulchérie,
ce pape touche une autre raison, pour avoir
toujours à Constantinople comme un gage de
sou inviolable fidélité et de ses respects pour
l'empire.
« Gum in causa lidei. vicem ipsi meam eate-
nus delegarim, ut ab ea quae vobis debetur ob-
servantia non recedens. pietati me vestrœ pra>
sentari non desinat, exequens in custodia lidei,
et in ecclesiasticis disciplinis per omnia sollici-
tudinem, et opportunis suggestionibus, quod
universali Ecclesia? prosit insinuans; ut in ipso
nec eathoficis vestrum praesidium , nec vobis
meum desitobsequium (Efiist. lviii). »
Y. II faut dire un mot de la légation dont ce
saint pape avait, quelque temps auparavant,
chargé l'impératrice Pulchérie même, envers
son frère l'empereur Théodose, pour obtenir de
lui un véritable concile, après le faux concile
d'Ephese , afin d'y affermir les fondements de
la foi qui semblaient avoir été ébranlés.
« Quod ut obtinere mereamur, probatissima1
nobis fidei pietas tua. quœ labores Ecclesiœ
semper adjuvat, supplicationem nostram apud
eleinentissimum principem, sibi specialiter a
beatissimo Petro apostolo legatione commissa,
dignetur asserere (Epist. xxvi). »
Les siècles suivants nous feront voir de
grands et de saints rois être chargés et faire
toutes les fonctions de la légation apostolique.
VI. Si le pape Léon avait donné la qualité
d'apocrisiaireà Julien, évêque de Cos, il en au-
rait eu un exemple en la personne d'Anatolius
même, à la négligence duquel il opposait la
vigilance de ce nouveau légat. Car Anatolius,
avant sa promotion, avait été apocrisiaire île
Dioscore, archevêque d'Alexandrie, à Constan-
tinople. Témoin Libérât : « Ordinatusque pro
eo est Anatolius diaeonus, qui fuit Constanti-
nopoli apocrisiarius Dioscori Breviar., c. xu).»
Justinien suppose que les patriarches et les
primats avaient toujours leurs apocrisiaires à
Constantinople, lorsqu'il ordonne aux évèques
de se servir de leur ministère pour faire
vider les procès qu'ils auront à Constantino-
ple, sans y v^nir eux - mêmes , ce qu'ils ne
388
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-HITTIÈME.
peuvent faire sans contrevenir aux lois in-
violables de la résidence.
« Praesertim ciun liceat, si quaedam sint
forte lites sanctissimis Ecclesiis, propter quas
lias oceasiones asserunt ; hoc per eos qui sub
ipso sunt, religiosos clericos, aut apocrisiarios,
aut œconomos movere, et petitiones ad impe-
rium dirigere, impetrare autem sperata. Pro-
pterea sancimus, si quando propter ecclesiasti-
cam occasionem incident nécessitas, banc aut
per eos, qui res agunt sacrarum Ecelesiarum.
quos apocrisiarios vocant, aut per aliquos cleri-
cos bue destinatos, aut œconomos suos notam
imperio facere (Nov. G, c. u et ni). »
Cet empereur nous apprend encore plus net-
tement dans la suite que tous les patriarches,
ou primats, ou chefs de diocèse, entretenaient
toujours à Constantinople un apocrisiaire, et il
ordonne que ce soit par l'entremise de ces apo-
crisiaires, ou par le patriarche même de Cons-
tantinople, que les évoques qui y viendront
avec la permission de leur métropolitain, ou
de leur patriarche, s'ils sont eux-mêmes mé-
tropolitains, se feront introduire devant l'em-
pereur.
« Hue advenientes non présumant per se-
metipsos se prius pronuntiare ad imperium,
sed primitus aut ad Deoamabilem patriarcbain
proûcisci, aut ad uniuscujusque diœceseos ex
qua sunt, apocrisiarios, et cum i psïs conférant
causas, propter quas venerunt, et ingredi ail
imperium ejus, et deinceps imperiali perfrui
asjiectu. »
VII. Ces paroles donnent lieu à deux re-
marques. La première, que les évêques de
Constantinople avaient été originairement les
apocrisiaires et les agents de tous les autres
évêques et de toutes les églises du monde
auprès de l'empereur, depuis que l'empire
chrétien eût établi son trône dans Constanti-
nople.
Rien n'était ni plus naturel, ni plus com-
mode aux autres évêques, que de trouver à
Constantinople l'évêque de la même ville
comme un médiateur, ou introducteur général
de ses confrères ou de leurs envoyésauprès des
empereurs.
Aussi les empereurs renvoyaient ordinaire-
ment a l'évêque de Constantinople le jugement
de blutes les causes pour lesquelles lesévêques
avaient recours à lui ; et Justinien ordonne en-
core que les évêques qui viendront en cour s'y
fassent introduire par le patriarche de Cons-
tantinople, ou par les apocrisiaires de chaque
patriarcat. *
VIII. En effet, la seconde remarque qu'il
faut faire, c'est que ni les évêques, ni les mé-
tropolitains n'avaient pas des apocrisiaires rési-
dents à Constantinople, mais les seuls patriar-
ches, ou exarques, chefs de diocèses.
Justinien le répète encore dans le même en-
droit : « Per religiosos apocrisiarios cujus-
que diœceseos sauctissiniorum patriarcharum
Nov. G, c. m); » et s'il parle ailleurs des apo-
crisiaires, que chaque évèque pouvait envoyer
à Constantinople, ce n'est que des syndics que
chaque evèquey pouvait envoyer, ou àson pa-
triarche , ou à sou métropolitain qu'il faut
l'entendre ; et non de ceux qu'on envoyait à
l'empereur, et qu'on faisait résider en cour.
« Apocrisiarii cujusque Ecclesia.1, qui in regia
civitate degunt , aut ad beatissimos patriar-
chas, aut ad metropolitas a suis episcopis or-
dinati et destinati, etc. (Nov. 133. c. xxv). »
Les actes de saint Porphyre, évèque de Gaza,
nous fournissent des preuves évidentes de ces
deux remarques. Ce saint évèque envoya pre-
mièrement son diacre Marc à Constantinople
vers saint Chrysostome, qui en était archevêque,
pour obtenir de l'empereur Arcade la démoli-
tion des temples des idoles : «Seriptislitterisad
sanctissimum episcopum Constanlinopohta-
num et redditis litteris beato Joanni, etc. Ego
non cessabam quotidie eum admonere, etc.
(Surius, die 2G Febr., cap. xx). »
Tous les temples de Gaza ayant été démolis
par l'ordre qu'en donna cet empereur, excepté
celui de Marnas , Porphyre vint lui-même à
Constantinople, et s'y comporta comme le saint
solitaire Procope lui avait prescrit, s'adressant
d'abord à saint Chrysostome, et se faisant in-
troduire par les amis qu'il avait en cour vers
l'impératrice, parce que son zèle apostolique
l'avait déjà fait tomber dans la disgrâce de la
cour. «Primiunconvenite episcopum Joannem,
ipse enim vobis est consulturus ea, quœ ipsi
revelavif Dominus. Non potest enim loqui in
palatio , quoniam ei irascitur imperatrix Eu-
doxia, etc. Ipse vos eommendabit Amantio cubi-
culario, qui introducet vos ad imperatricem
(Cap. xxvu, xxvm). »
Suis cette disgrâce, il est évident que saint
Chrysostome eût été l'introducteur et le média-
teur de cet évèque vers l'empereur, auprès
duquel il ne laissa pas de faire par ses amis ce
qu'il ne pouvait pas faire par lui-même.
DES APOCRISIAIRES 01' NONCES DU PAPK.
.18!)
Ce seul exemple suffit pour conclure que,
dans toutes les conjonctures semblables , les
évêques qui avaient des affaires en cour usaient
d'une conduite pareille, et que si les évèques
particuliers trouvaient un grand avantage dans
l'appui et la faveur d'un de leurs confrères,
celui de Constantinople n'en trouvait pas un
moindre à se faire autant d'amis, et presque
autant de créatures qu'il y avait d'évèques.
IX. C'est apparemment la raison pour laquelle
les i \èques de Constantinople trouvaient dans
les conciles généraux tant de facilité à se faire
accorder ces degrés extraordinaires d'une nou-
velle élévation, comme il parut dans le premier
concile général de Constantinople et dans celui
de Calcédoine. Quoiqu'il ne pût s'élever que
par leur rabaissement, ils y donnaient néan-
moins les mains sans beaucoup de peine,
parce qu'ils s'acquéraient un puissant protec-
tc ni', et un entremetteur nécessaire dans les
affaires qu'ils avaient en cour.
X. C'est aussi probablement ce qu'a voulu
dire Hincmar Tom. u, p. 2061), quand il a pris
l'origine des apocrisiaires dès le temps que
l'empereur Constantin établit son séjour a
Constantinople. « Apocrisiarii ministerium ex
eo tempore sumpsit exordium , quando Con-
stantinus Magnus sedem suam, in civitate sua,
qua3 antea Byzantium vocabatur, aedifieavit. Et
sic responsales, tam Romana1 sedis , quam et
aliarum praecipuarnm sedium, in palatio pro
ecclesiasticis negotiis excubabant. Aliqnando
per episcopos , aliquando vero per diaconos
Apostolica Sedes hoc officio fungebatur. »
Hincmar n'a dit cela qu'en passant pour in-
diquer la première origine des apocrisiaires
ou des archipelains, qu'on vit ensuite dans la
cour impériale de Charlemagne et de ses des-
cendants , et il faut avouer qu'il a parlé très-
correctement. 11 distingue deux sortes d'apo-
crisiairés, les uns évêques, les autres diacres.
Les é\èques étaient ou apocrisiaires extraordi-
naires, et c'étaient les évèques que l'bistoire
ecclésiastique nous montre avoir été envoyés
par les papes vers les empereurs en mille di-
verses occurrences : ou ordinaires, et c'étaient
les évèques mêmes de Constantinople, comme
nous venons de montrer. Les diacres étaient
les apocrisiaires résidant continuellement à
Constantinople de la part des patriarches, sur-
tout de la part du pape.
XI. Il est vrai qu'Hincmar n'a pas précisé-
ment désigné le temps que les papes commen-
cèrent à envoyer des diacres seulement pour
résilient? ordinaires, ou pour apocrisiaires à
Constantinople; mais c'est aussi ce qu'il n'avait
pas entrepris de faire, et ce qu'il ne Faisait pas à
son sujet. Il ne voulait que justifier par quel-
que image de l'antiquité l'établissement des
arcliichapelains, ou apocrisiaires de nos rois.
qui étaient des évèques, et non pas des dia-
cres.
XII. Pendant qu'il y eut une ombre de l'em-
pire dans l'Occident, et même pendant que
Théodoric et les autres rois golbs dominèrent
puissamment dans Rome et dans l'Italie, les
papes n'avaient pas besoin d'un résident ordi-
naire dans Constantinople, parce qu'ils avaient
plus à démêler avec la cour impériale, ou
royale d'Occident, ou d'Italie, qu'avec celle
d'Orient. Ainsi ils se contentaient d'y envoyer
des ambassades extraordinaires dans les be-
soins, ou d'employer l'évêque de Constanti-
nople : comme nous venons de voir que saint
Léon n'employa Julien, évoque deCos, que
parce qu'Anatolius, évêque de Constantinople,
négligeait étrangement les intérêts de la foi.
Le pape Célestin regardait sans doute Maxi-
mien, évêque de Constantinople. comme son
agent auprès de l'empereur, et pour ainsi dire,
comme l'apocrisiaire de toute l'Eglise, quand
il écrivait à l'empereur Théodose le Jeune
que Maximien avait toujours été comme un
membre de l'Eglise romaine, et que le concile
d'Ephèse l'ayant élu pour succéder à Nesto-
rius, il doit l'écouter et l'appuyer pour la dé-
fense de la foi orthodoxe.
« Fert illi, ac si sui corporis parti, Romana
lestimonium, qua> hune semper inter suos
liilmit ac numeravit, Ecclesia. Unie tabler
electo ad componendum Ecclesia^ stalum, et
omne virus pravœ haeresis radicitus evellen-
dum, obsecramus et poscimus, ut consuestis,
arma praestetis îConcil. Ephes., part, ur, c. -21 . »
Kl quand il écrit au peuple de Constantinople:
« Nostro vobis loquitur ore collega, etc. A
mliis datus est, qui est electus ex nostris
Cap. xxiii). »
XIII. Les démêlés qui survinrent entre les
papes et les évèques de Constantinople. secta-
teurs du schisme d'Acacius , rompirent la
bonne intelligence de ces deux Eglises; mais
Justinien s'élant peu de temps après rendu
maître de Rome, et de la meilleure partie de
l'Italie sur les C-oths. le pape Agapet com-
mença d'établir un de ses diacres pour son
300
DU SECOND ORDRE DES CLERCS.— CHAPITRE CENT-HUITIÈME.
apocrisiaire, son nonce et son. résilient ordi-
naire à Constantinople. Libérât en fuit foi :
« His peractis constituons papa apud impera-
torem apocrisiarium Ecclesiaî suae Pelagium
diaconinn suum, dum in ltaliam reverti dispo-
nit, Conslantinopoli obiit (Cap. xxn). »
Ce pape étant présent a Constantinople, y
découvrant les avantages que les autres pa-
triarches orientaux tiraient des apocrisiaires
qu'ils y entretenaient , et appréhendant peut-
être les anciennes brouilleries des évèques de
Constantinople, jugea fort sagement qu'il était
plus à propos d'avoir lui-même un résident
ordinaire dans cette cour, surtout depuis que
les empereurs de Constantinople étaient deve-
nus les maîtres de Rome.
XIV. Mais d'où vient que ce pape ne laissa
qu'un de ses diacres pour faire la fonction
d'apocrisiaire près de l'empereur? si ce n'est
que les patriarches d'Orient en usaient de
même, comme nous venons de voir par les
exemples d'Anatolius, apocrisiaire de Dioscore
d'Alexandrie; et de Marc, apocrisiaire de Por-
phyre de Gaze; outre que cette légation ou
nonciature étant de longue durée, il n'était
pas juste d'éloigner si longtemps les évêques
de leur diocèse , puisque l'institution des apo-
crisiaires avait été faite au moins en partie pour
obliger les évêques aune rigoureuse résidence.
XV. On pouvait avoir eu égard au concile de
Sardique dans cette institution des diacres
apocrisiaires. Car ce concile avait ordonné aux
évêques qui auraient des affaires à la cour, d'y
envoyer plutôt un diacre que d'y aller eux-
mêmes. « Ter proprium diaconum initiant ,
ministri enim persona non est invidiosa, et quae
concessa fuerint , citius perferri poterunt
(Can. vin). »
Cela ne regarde que les apocrisiaires extraor-
dinaires, mais les mêmes raisons ont encore
plus de poids pour les ordinaires. La personne
et la résidence d'un diacre est de moindre dé-
pense, et moins exposée à l'envie et à la médi-
sance, que celle d'un évèque.
XVI. Le canon suivant du même concile jus-
tifie ce que nous avons avancé de l'évêque de
Constantinople, qu'il était comme I'apocrisiaire
universel de tous les évêques. Ce canon ordonne
que les évêques qui auront besoin de la pro-
tection des empereurs, aient recours par lettres
à l'évêque de là ville où est leur séjour impé-
rial : « Scribens videlicet ad fratres et coepi-
scopos nostros, quiscilicet illotempore inlocis
vel civitatibus agunt, in quibus piissimus im-
perator reinpublicam gubernat (Can. ix). »
XVII. Revenons à Pelage , que le pape
Agapet laissa à Constantinople pour son apo-
crisiaire. Une souscrivit au concile de Conslan-
tinople, sous Menas, qu'après le même Menas,
patriarche de Constantinople , et les autres
évèques italiens avant les évêques grecs. Mais
le pape Vigile, qui l'avait continué dans la
même charge, aussi bien que Sylvère, succes-
seur immédiat d'Agapet; Vigile, dis-je , le dé-
légua pour aller faire le procès à Paul, évêque
d'Alexandrie , ce qu'il fit avec les évêques
d'Antioche , de Jérusalem , et d'Ephèse , que
l'empereur avait délégués avec lui pour cela.
Procope, dans ses anecdotes, fait foi de la délé-
gation de Pelage par Vigile : a Archidiaconus
Roms Pelagius , Vigilii pontificis personam
indutus, etc. »
Libérât rapporte la chose au long : « Misit
imperatorPelagium diaconum et apocrisiarium
primai Sedis Romœ Antiochiam cum sacris
suis, quibus prœcepit, ut cum Ephremio ejus-
dem urbis episcopo , etc. Venirent Cazam, et
Paulo episcopo pallium auferrent, et eum de-
ponerent. Pelagius cum memoratis patriarchis
et episcopis venit Gazam , et auferenles Paulo
pallium, deposuerunt eum (Cap. xxix). »
C'était Pelage même qui avait procuré cet
évêché à Paul ; et avait assisté à son ordination
avec les autres apocrisiaires des patriarches
orientaux : « Paulus unus abbatum Tabennen-
sium monachorum, ad Alexandrinam sedem
ordinatur episcopus , Pelagio inlerveniente
apocrisiario romano, plane orthodoxus. Ordi-
natus est a Mena Conslantinopoli , prsesente
eodem Pelagio responsario Vigilii , et apocri-
siariisEphremii Antiochcni, et Pétri Hierosoly-
morum (Ibidem). »
XVIII. Le crédit des apocrisiaires éclate ad-
mirablement dans ces exemples. Aussi Justi-
nien voulant rétablir Paul , Procope dit que
Vigile ne voulut point révoquer la sentence
qu'il avait prononcée par la bouche de son
apocrisiaire.
La présence des apocrisiaires aux ordinations
des évêques, et aux autres actions importantes,
en était comme une ratification de la part du
prélat qui les avait envoyés. Mais les intrigues et
le crédit de Pelage ne parurent jamais plus que
dans la condamnation des dogmes d'Origène ,
qu'il fit faire à l'empereur Justinien, par un
ressentiment d'animosité , contre Théodore.
DES APOCRISIAIRES OU NONCES DU PAPE.
.101
évèque de Césarée en Cappadoce, qui en était
le défenseur. L'empereur fut bien aise qu'on
lui déférât tant d'autorité dans les matières
de doctrine : « Annuit imperator facilii-
nie, gaudens se de talibus causis judicium
ferre. »
L'évèque de Césarée, par un motif de ven-
geance , proposa les trois fameux chapitres
dont il savait bien que la condamnation ne
déplairait pas moins à Pelage et aux occiden-
taux. Ils furent tous deux assez malheureux
pour réussir dans leur dessein , et s'attirer
l'un l'autre une condamnation réciproque.
« lllud liquere omnibus credo . per Pelagium
diaconum, etTheodorumepiscopum hocsean-
dalum in Ecclesiam fuisse ingressum. »
Quoi qu'en dise Libérât, Dieu ne laissa pas
de tirer d'un plus grand mal un plus grand
bien, et de faire servir les passions des hommes
aux avantages de son Eglise , à la condamna-
tion des erreurs et de leurs auteurs , et à réta-
blissement de son invincible vérité.
XIX. Le crédit que Pelage s'était acquis dans
sa nonciature de Constantinople, fut le degré
par lequel il monta sur le trône de saint Pierre,
après la mort de Vigile. 11 fut appuyé princi-
palement de la faveur de l'empereur Justinien,
qui avait offert au clergé romain de faire Pelage
pape dès le vivant de Vigile, et à qui le clergé
avait promis de l'élire, selon ses ordres, dès
que Vigile serait mort.
« Restitue nobis modo Vigilium, et quando
eum voluerit Deus transire de hoc sa?culo, tu ne
vestra praeceptione nobis donetur Pelagius
archidiaconus nosler. » C'est ce qu'en dit Anas-
tase Bibliothécaire, dans la vie de Vigile.
XX. L'histoire ne nous fournit pas les apo-
crisiaires que Pelage et ses successeurs, Jean et
Benoît, envoyèrent à Constantinople; et nous
ne pouvons pas même assurer s'ils y en envoyè-
rent toujours sans interruption. Pelage 11 y
envoya celui dont parle saint Crégoire , quand
il «.lit que son prédécesseur avait envoyé un
apocrisiaire à Constantinople, selon la coutume,
et lui avait défendu d'assister a la messe du
patriarche Jean le Jeûneur, après qu'il eût
usurpé le nom insolent de patriarche universel :
«Et archidiaconum , quem juxta inorem ad
vestigia dominorum transmiserat, missarum
vobiscum solemnia celebrare prohibuit (L. iv,
ep. 38. 36 ■ »
Quand il dit que Pelage 11 avait envoyé son
apocrisiaire, selon la coutume, juxtamorem, il
nous donne sujet de croire que ses prédéces
seurs en avaient aussi envoyé.
XXL Saint Grégoire fut lui-même envoyé
par le même Pelage, pour faire cette fonction
à Constantinople, après qu'il l'eut ordonné
diacre. Il le dit lui-même: « Cum me in Con-
stantinopolitana civitate Sedis Apostolicae re-
sponsa constringerent Epist. ad Leandrum. iu
prœf. Moral.) » Et ailleurs : « Tempore quo
pro explendis responsis Eeclesioe ad principeni
ipse transmissus sum, etc. Dum jussione pon-
tificis mei in Constantinopolitanae urbis pala-
tio, responsis ecclesiasticis deservirem (Dialog.,
1. in, c. 3-2, 36). »
Ces termes de saint Grégoire nous appren-
nent : 1° Que le nom d'apocrisiaire, qui est
grec, ou de Responsalis, qui est latin, mar-
que la charge qu'ils avaient de recevoir les
réponses , c'est-à-dire , les rescrits des souve-
rains pontifes, et de les exécuter : « Siquidem
pro explendis responsis Ecclesiœ ad princi-
peni transmittebantur; » 2" que lesapocrisiaires
avaient apparemment un appartement dans le
palais impérial : « Dum in Constantinopolitanae
urbis palatio deservirem.» Cela paraîtra en-
core clairement ci-dessous.
XXII. Saint Grégoire étant nonce a Constan-
tinople, après une longue dispute contre le
patriarche de Constantinople Eutychius, sur
la résurrection des corps, et après une longue
dissension, força enfin ce patriarche de ré-
tracter ses erreurs sur ce point de la créance
catholique, et l'empereur Tibère, après les
avoir ouïs lui-même, lit brûler le livre d'Eu-
tychius.
Jean Diacre L. i, epist. 31 a compris som-
mairement le reste des actes de la nonciature
dans ce peu de termes, où il nous renvoie aux
lettres que le pape Pelage lui écrivait. «Quanta
aulem autoritate ministerium sui apocrisia-
riatus impleverit, quanta? reverentia? apud
Augustos extiterit . quantaque sollicitudine
al'tlictoe Italiae succurri saepius fecerit, si quis
p'enius nosse desiderat, epistolas Pelagii ad
eum percurrat. »
Il ne rapporte qu'une de ces lettres, qui
suffit pour nous persuader qu'une des plus
pressantes obligations que les papes imposaient
à leurs nonces, était de procurer du soulage-
ment à la ville de Rome et à l'Italie , et d'obte-
nir un puissant secours contre les Lombards.
XXIII. Saint Grégoire fut fait pape, et sa
nonciature ne fut pas inutile pour faire con-
302
LU' SECOND ORDRE DES CLERCS. - CHAPITRE CENT-HUITIÈME.
sentir l'empereur Maurice à son élection. Il
envoya son apocrisiaire à Constantinople , et
lui défendit de célébrer avec le patriarche Jean,
s'il ne renonçait au titre nouveau et ambitieux
A' œcuménique.
« Et ante per alios responsales meos, et nunc
perSabinianum diaconum, etc. Eum si emen-
dari nollet, Missarum solemnia cum fraterni-
tate vestra celebrare prohibui (L. iv, ep. 38). »
Ces expressions font foi que ces nonces étant
diacres, assistaient en fonction de diacres à la
messe du patriarche, et ainsi ils célébraient
avec lui, si quelque mésintelligence ne le leur
faisait défendre.
Cela est encore plus clair, quand ce pape dit
(L. vi, epist. 30) que pour lui il se faisait as-
sister à sa messe par le diacre du patriarche
Jean à Rome, mais qu'il ne souffrait pas que
le sien assistât ce patriarche à Constantinople :
« Mecum feci eos sacra missarum solemnia
celebrare, quia sicut meus diaconus ad exhi-
benda sanctamysteria illi non débet ministrare,
ita, etc. »
L'évêque de Constantinople avait donc aussi
ses apocrisiaires à Rome. Celui de Ravenne
voulant en envoyer un extraordinaire à Cons-
tantinople, il demanda a saint Grégoire qu'il
le recommandât au diacre Anatolius , qui était
si m nonce près de l'empereur (L. ix, epist. i .
XXIV. Nous avons parlé ci-devant de la
commission que ce pape donna â son nonce
de Constantinople, de juger tous les différends
qui naîtront entre Adrien, évêque de Thèbes,
et .han de Larisse, son métropolitain, à la ju-
ridiction duquel il l'avait soustrait, à moins
que ces différends ne fussent d'une si extrême
importance, qu'il fallût les rapporter au Saint-
Siège (L. ii, ep. vu).
L'empereur avait déjà auparavant délégué
la même cause entre ces deux évêques, à Ho-
norât, diacre de Rome, et a Sébastien, oflicier
de l'empire, et après avoir oui leur rapport, il
avait absous l'évêque Adrien.
XXV. Phocas étant parvenu à l'empire, et
ayant fait ses plaintes à saint Grégoire, de ce
qu'il n'avait point trouvé d'apôcrisiaire de sa
part dans son palais , selon l'ancienne cou-
tume; ce pape lui fit entendre que la dureté
du règne précédent en avait été cause, et avail
donné une si extrême aversion du séjour de
Constantinople, aux ecclésiastiques de Rome,
qu'un ne pouvait trouver personne qui voulût
y aller exercer la nonciature.
« Nain quod permanere in palatio, juxta an-
tiquam consuetudinem Apostolieae Sedis, dia-
conum vestra serenitas non invenit, non hoc
meœ negligentiœ, sed gravissimae necessitatis
fuit. Quia dura ministri omnes hujus nostrœ
ecclesia1 tam contrita asperaque tempora cum
formidine declinarent, atque refugerent, nulli
eorum poterat imponi, ut ad urbem regiam
in palatio permansurus accederet (Liber n,
ep. iv, v). »
L'espérance d'un gouvernement plus favo-
rable fit résoudre saint Grégoire à envoyer en
même temps un défenseur qu'il créa diacre,
pour être son nonce auprès de Phocas : « Unde
eum autore Deo diaconum feci , et sub cele-
ritate transmittere studui, qui cuncta, quae in
bis partibus aguntur, invento opportuno tem-
pore, valeat clementiœ vestrœ suggerere. Pro-
pter quod rogo, ut serenitas vestra ei pias
aures inclinare dignetur. Qualiter enim quoti-
dianis gladiis, et Longobardorum incursioni-
bus, etc. (Raronius, an. 603, n. 3). »
XXVI. De ces termes de saint Grégoire il
est manifeste : 1° que ces apocrisiaires étaient
toujours des diacres, qu'on ordonnait exprès
pour cela; 2° qu'ils demeuraient actuellement
dans le palais impérial de Constantinople ;
3° que les mauvais traitements de l'empereur
Maurice obligèrent enfin saint Grégoire à n'en-
voyer plus de nonces à sa cour; 4° que si ces
nonciatures étaient utiles au pape, à l'Eglise
romaine et à l'Italie, elles n'étaient pas moins
avantageuses aux empereurs, auxquels elles
étaient comme autant de gages de l'amitié des
papes, et de leur soin à maintenir les intérêts
de l'empire dans l'Occident; 5° que la com-
mission de ces nonces ne leur donnait aucune
juridiction , si elle ne leur était donnée par
une délégation particulière, comme nous l'a-
vons remarqué dans quelques cas singuliers.
XXVII. A saint Grégoire succéda Sabinien,
qui avait été son apocrisiaire à Constantinople,
et â Sabinien Boniface III, qui était ce même
apocrisiaire que saint Grégoire avait envoyé à
Phocas.
Le pape Martin I" avait aussi fait les fonc-
tions d'apôcrisiaire à Constantinople, avant son
pontificat, comme le remarque Anastase Bi-
bliothécaire. Mais après les cruautés inouïes
que l'empereur Constant, monothélile, exerça
contre ce saint pontife, et les mauvais traite-
ments que les apocrisiaires du pape Théodore
avaient déjà reçus à Constantinople de la part
DES AP0CR1SÏÀIRES or NONCES Dr PAPE.
393
des empereurs et des patriarches, infectés de
la même erreur, on se désista d'en envoyer
d'autres.
L'empereur Constantin Pogonat ayant rétabli
la foi orthodoxe dans l'Orient, par le moyen du
VP concile écuménique, écrivit à Léon II pour
lui demander le renouvellement de l'ancienne
coutume d'envoyer un apocrisiaire à Constan-
tinople. Ce pape envoya le sous-diacre Cons-
tantin, mais au lieu que l'empereur avait sou-
haité qu'on lui accordât une pleine légation ,
avec pouvoir de décider toutes choses au nom
du pape , il ne lui donna que la commission
ordinaire de la nonciature qui ne consistait qu'à
faire des remontrances à l'empereur, faire sa-
voir ses réponses au pape, et attendre de lui les
résolutions de toutes les affaires.
Voici les paroles de l'empereur : « Hortamur
vestram sanctissimam summitatem , ut quam-
primum mittatdesignatumab eaapocrisiarium
ut is in regia nostra urbe degat, et in emergen-
tibus sive dogmaticis , sive canonicis , ac pror-
sus in omnibus ecclesiasticis negotiis, vestrœ
sanctitatis exprimat ac gerat personam (Conc. vi,
Occ, act. 18). »
La réponse du pape fut rendue en ces ter-
mes : « Prœsentis suggestionis exiguum porti-
torem Constantinum subdiaconum qu/ et im-
per cum legatis prœdecessoris mei interfuit
sanctae synodo inibi celebratae , dignum exce-
jitione censeat vestra regalis magnanimitas ,
ejusque suggestionibus autem pietatis accom-
modet ; ut autem ministrum dignanter susci-
piat. »
Cela nous marque que l'empereur deman-
dait un légat a latere, et que le pape n'envoya
qu'un nonce selon la coutume. Il est vrai que
Constantin n'était que sous-diacre, mais il avait
assisté au concile général avec les autres légats
du pape, ce qui ne s'accordait ordinairement
qu'aux diacres ; et ce pape même prie l'empe-
reur de le recevoir comme un diacre : « Il
ministrum, ùîîtdxovs», digne suscipiat. »
XXVIII. Le concile in Trullo qui fut tenu
peu d'années après le VP concile général,
découvrit les véritables raisons qu'avaient les
empereurs de demander, et les papes de refu-
ser des légats en forme au lieu d'apoerisiaires.
Les empereurs et les patriarches de Constanti-
nople avaient souvent corrompu la fidélité des
légats, et les avaient fait condescendre à des
résolutions aussi injurieuses à l'Eglise que
dommageables à leur conscience.
Il y avait quelques évêques chargés d'une
qualité superficielle de légats du Siège Aposto-
lique, qui souscrivirent aux canons du concile
in Trullo : c'est ce qu'Anastase Bibliothécaire
veut dire. Mais, comme ils n'avaient pas les
pouvoirs des véritables légats, les papes préten-
dirent toujours, avec autant de fermeté que de
justice, que le Siège romain n'avait jamais eu
de part aux canons de ce concile, et qu'il n'y en
aurait jamais.
Voilà ce qui faisait demander aux Crées des
légats ordinaires à Constantinople, et ce qui
donnait aux papes une constance inflexible a
n'en point donner et à envoyer de simples apo-
crisiaires.
XXIX. La persécution des empereurs icono-
clastes rompit bientôt cette bonne intelligence,
et fit qu'on n'envoya plus d'apocrisiaires, qui
ne furent rétablis ensuite qu'a\ee le rétablisse-
ment de l'empire occidental, en la personne et
en la maison de Charlemagne, comme nous
dirons dans la suite.
On vit pourtant encore un apocrisiaire du
pape à Constantinople sous Constantin Copro-
nyme, en 743 (Baron., an. 7 53, n. 30). Mais
lorsque l'empire d'Occident fut rétabli dans sa
splendeur, on a vu les apocrisiaires revivre
pendant quelque temps sous Charlemagne,
comme nous le dirons bientôt (1).
1 II est certain que le pape, comme chef de l'Eglise et pasteur
universel, a le droit d'envoyer des délégués dans toutes les parties du
monde, et il est également incontestable que les souverains et les
peuples doivent recevoir, eu flls soumis à l'Eglise, les envoyés du
souverain pontife. Les avantages qu'ont procurés à la religion les
nonces apostoliques, soit pour la propagation de la saine doctrine,
suit pour le maintien de la discipline et de la paix sont immenses.
" Si à l'époque de mon arrivée à Cologne, en 1786, dit le cardinal
Pacca, dans ses Mémoires historiques sur ses nonciatures, la religion
catholique était presque partout dominante dans les vastes pays du
Rhin ; si le culte divin avait été rétabli dans les lieux d'où l'avait
chassé la prétendue réforme ; si tous les efforts que le protestantisme
faisait depuis deux siècles pour s'introduire dans cette cité catholique
avaient été inutiles; s'il y existait de pieuses ins'.itutions et d'utiles
fondations pour former la jeunesse qui se destinait à l'état ecclésias-
tique et pour convertir les hérétiques; si enfin la discipline était en-
core en vigueur dans la plupart des cloitres, et la science ecclésias-
tique possédée par un bon nombre de membres du clergé, on peut
dire, sans exagération, que cet état prospère était le résultat tout
spécial des soins apostoliques et de la vigilance des nonces ordinaires
à Cologne. • Mais pour obtenir ce résultat, il faudrait que les nonces
apostoliques ne fussent pas comme aujourd'hui les simples ambassa-
deurs du souverain temporel de Rome, mais qu'ils fussent comme
jadis les envoyés du pape, c'est-à-dire avec l'exercice de la juridic-
tion ordinaire qui leur compète. Le cardinal Consalvi, dans le tome il
de ses intéressants Mémoires , raconte les démêlés qu'eut, au
commencement de ce siècle, le Saint-Siège avec les cours d'Autriche
et d'Espagne, relativement à la juridiction des nonces que les lois
josépbines avaient déjà tant annulée, n L'innovation la pius étrange,
dit-il, en parlant de Vienne, fut de vouloir empêcher le nonce de
faire les procédures pour les évêques nommés; et cependant sous
Joaeph, ainsi que sous Léopold, les nonces avaient toujours exercé ce
droit. La cour de Vienne eut la prétention de vouloir que la procé-
dure fut suivie par les évêques; elle défendit très-séverement au
394
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-NEUVIÈME.
CHAPITRE CENT-NEUVIEME.
DES CHAPELAINS ET ARCHICHAPELAINS EN FRANCE ET A CONSTANTINOPLE, DEPUIS CLOVIS
jusqu'à CHARLEMAGNE.
I. La chapelle de nos rois, ainsi dite de la chape ou châsse de
saint Martin qu'on y gardait.
IL Et plusieurs autres reliques, sur lesquelles on faisait les
serments.
III. On les gardait dans un oratoire du palais.
IV. V. S'il est vrai, comme Hincmar veut, que depuis Clovis
nos rois aient eu des archichapelains.
VI. Les évèques étaient les conseillers du roi.
VIL Le palais de nos rois était la plus sainte et la plus sa-
vante école du monde, d'où sortait un grand nombre de saints
évèques.
VIII. Si nos rois avaient dès lors leurs confesseurs.
IX. Des évoques qui jugeaient aux plaids du palais.
X. De l'abbé de l'oratoire du roi.
XL II y avait sous la première race de nos rois un oratoire
dans le palais des rois, avec son clergé.
XII. Des confesseurs des rois.
XIII. Constantin eut un pavillon consacré à Dieu, et des évè-
ques avec lui dans les armées.
XIV. Constance avait toujours des évèques avec lui.
XV. XVI. XVIL Preuves un peu plus fortes que Constantin
avait un oratoire et un clergé propre dans son palais impérial.
XVIII. MX. Autres preuves de cela même tirées de Sozomêne
et d'Eusèbe.
I. Ce que nous allons dire fera voir la liaison
qu'il y a entre les chapelains et les apocrisiaires.
nonce de B'en mêler désormais. i> Heureusement l'habile cardinal
Consalvi démontra que les informations sur les évèques désignés
n'était pas un acte de juridiction, et que c'était une simple procédure
qui consistait à recueillir des témoignages sur les personnes nommées
a répiscopat. Il est en effet naturel de penser que le pape, devant
donner l'institution canonique, veuille rassurer sa conscience et acqué-
rir la preuve que celui qui est nommé est digne de l'épiscopat. Or,
cetie conviction absolue, il ne peut l'acquérir que par l'intermédiaire
de son homme de confiance, tel qu'est son ambassadeur. La cour de
Vienne renonça donc à son exorbitance.
En France, le 17e des articles organiques enlevait au nonce le
droit d'information. Mais il est resté inexécuté. Les mêmes raisons
qui frappèrent la cour de Vienne durent frapper celle des Tuileries.
Cependant ce droit d'information est bien restreint, pour ne pas dire
insuffisant. Le nonce apostolique entend deux témoins amenés par
l'évèque nommé, dresse procès-verbal de leur réponse aux questions
qu'il leur a adressées, et l'expédie à Itome. En France, et croyons-
nous dans les autres Etats, attendu que les gouvernements sont indif-
férents à toutes les religions, le nonce a de la peine à respirer et se
trouve dans une véritable impasse. En effet, il ne lui est pas permis
de communiquer directement avec les évèques. Il est obligé, comme
un ambassadeur ordinaire, de s'adresser au ministre des affaires étran-
gères, et lui remettre les communications qui lui sont envoyées de
Home pour les évèques, afin qu'elles lui soient transmises par le gou-
vernement. C'est ainsi qu'ont été fixées les relations de l'envoyé du
successeur de saint Pierre avec ses frères dans l'épiscopat par une
circulaire ministérielle du 26 février 1824, Mais ce qui est plus re-
grettable encore, c'est que Portalis, dans son Rapport sur les Arti-
cles organiques, a enlevé au nonce la connaissance de l'appel dans
les affaires contentîeuses d'un prêtre qui se croit lésé par son évèque.
n Dans le cas d'appel, dît-il, le pape est tenu, d'après les articles 45
et 16 des libertés de l'Eglise gallicane, de déléguer en France et à
des ecclésiastiques français le pouvoir de vider les causes qui sout
II faut d'abord remarquer que, ni saint Gré-
goire de Tours, ni les auteurs qui l'ont précédé,
n'ont jamais employé le terme de chapelle ou
de chapelain.
Marculphe est le premier qui ait donné le
nom de chapelle à la châsse de saint Martin,
qu'on gardait dans le palais royal, et sur la-
quelle on faisait les serments solennels, dans
les causes qui se terminaient par serment,
a In palatio nostro super capellam domni Mar-
tini, ubi reliqua sacramenta percurrunt, de-
beant conjurare (L. I, c. 38). » Le savant
M. Bignon a fort bien remarqué que les
termes de Capella, Cappa, se prennent ici
pour Capsella, Capsa, d'où est venu le mot de
châsse. « Capellam pro capsa dici, in qua mar-
tyrum ossaconderentur, vel hic locus evincit.»
Le moine de saint Gall, qui a écrit l'histoire
de Charlemagne, dit que les rois de France
faisaient porter avec eux la chape, c'est-à-dire
en jugement. ° Cette exorbitance, qui annule radicalement la juri-
diction sur les personnes ecclésiastiques du représentant du suprême
et infaillible pasteur, est faite pour alarmer la conscience de tout
prêtre qui tient à l'unité, et ne laisse que l'oppression en perspec-
tive pour les inférieurs, et l'arbitraire pour les supérieurs.
Dans sa réponse aux trois archevêques de Cologne, Trêves, Mayence
super nunciaturis apostolicis, Pie VI déclare que le droit d'envoyer
des nonces ordinaires jouissant d'une juridiction stable, est fondé sur
la primauté divine du Saint-Siège. Chez un tel juge, il y a des ga-
ranties d'indépendance.
Aujourd'hui, il y a des nonces apostoliques à Paris, Vienne, Madrid,
Lisbonne, Munich, Bruxelles, Lucerne, Rio-Janeiro-Mexico. Turin et
Naples vaquent pour les raisons que l'on connaît. La grande révolu-
tion française a supprimé les nonciatures de Cologne et de Venise,
jadis si importantes. Sous Pie VI il y eut un essai de nonciature à
Saint-Pétersbourg , et les prélats Archetti et Litta y séjournèrent
quelque temps. Mais cela dura peu d'années. Au commencement de
son pontificat, Pie VII, qui était dans les meilleures relations d'amitié
avec l'empereur de Russie, Paul 1er, en profita pour établir une non-
ciature ordinaire à Saint-Pétersbourg. De grandes difficultés survin-
rent. Aussi on ne put y envoyer qu'un nonce extraordinaire dans la
personne de l'habile diplomate, Mgr Arezzo, archevêque de Séleucie.
« Les ennemis de Rome se remuèrent si activement, dit à ce sujet Je
cardinal Consalvi, qu'ils réussirent à ne le faire accepter que comme
nonce extraordinaire, afin que la cour pût renvoyer la nonciature
quand cela lui plairait. » Sous Pie IX, en 1860, l'empereur Alexan-
dre II demanda activement l'envoi d'un nonce en Russie. Le pape
nomma à cette délicate fonction Mgr Bérardi, archevêque de Nicée.
Mais au moment qu'il allait partir, la cour de Russie imposa de telles
conditions au nonce, et notamment qu'il ne pourrait correspondre
avec les évèques de Pologne que par le canal de la chancellerie
russe, que le Saint-Siège suspendit immédiatement le départ du
nonce. Les choses en sont restées là. (Dr André. J
DES CHAPELAINS ET ARCHICHAPELA1NS.
395
la châsse de saint Martin, quand ils faisaient la
guerre, « Quemdam in capellam suamassum-
psit, quo Domine regesFrancorumproptercap-
pam sancti Martini, quam secuni ad sui tuitio-
nem et hostium oppressioaem jugiter ad bella
portabant, sancta sua appellare solebant !.. i.
c. 4). »
II. La chasse de saint Martin était bien la
principale, mais elle n'était pas la seule qui fût
gardée dans le palais des rois. Mareulphe fait
mention, dans une autre formule, des reliques
que le roi envoyait dans les provinces, afin
qu'on y fît les serments de fidélité qu'on lui
devait ou à son fils, a Per loca sanctorum, vel
pignora, quae illuc pro eodem direximus, de-
beant promittere et conjurare L. i, c. 40 . «
III. Il est indubitable que ces reliques
étaient gardées dans une chapelle ou un ora-
toire du palais des rois, et qu'il y avait des
ecclésiastiques destinés pour y faire le service.
Le grand saint Grégoire et Grégoire de Tours
nous font connaître, par beaucoup d'exemples,
qu'on ne laissait jamais les reliques des Saints
sans leur rendre un culte ordinaire de reli-
gion, et nos conciles mêmes de France nous
apprenant que plusieurs seigneurs particuliers
avaient leurs oratoires domestiques, il est bien
plus apparent encore que les rois avaient aussi
les leurs.
IV. Hincmar assure que depuis que Clovis
eut été baptisé , ce fut un évêque qui fit la
fonction d'apocrisiaire, c'est-à-dire d'archicha-
pelain dans le palais des rois. « Et iu his Ci-
salpinis regionibus, postquam Glodovicus prae-
dicatione B. Remigii ad Christum conversus
et ab ipso baptizatus extitit. per successiones
regum sancti episcopi ex suis sedibus et tem-
pore competenti palatium visitantes, vicissim
hanc administrationem disposuerunt. b
Hincmar semble dire que les évêques ve-
naient les uns après les autres faire la fonction
d'apocrisiaires, ou d'agents universels du clergé
de France dans le palais de nos rois, sans qu'il
y en eût aucun qui fût chargé pour toujours
de cet office. En effet, quand Charlemagne
voulut en avoir un qui résidât ordinairement
dans son palais, il en obtint premièrement la
dispense du concile des évêques français et en-
suite du pape.
V. Hincmar pourrait bien avoir jugé des
premiers siècles de la monarchie française par
les usages du sien. Si cela eût été ancienne-
ment observe, Grégoire de Tours n'aurait pas
apparemment omis une pratique d'une si
grande conséquence. Dans le cours d'une si
longue histoire, il aurait rencontré quelque
action mémorable de ces évêques attachés au
palais. Cependant il ne parle nulle part que
des clercs, des rois et des reines.
Il est vrai que saint Grégoire le Grand écri-
vant à la reine Brunehaut, et lui parlant de
l'évêque d'Autun. Syagrius, témoigne que ce
prélat appartenait, d'une manière toute parti-
culière, a la reine (L. vu, c. 20, 30; 1. vni,
c. 29). Aussi ce pape eut des égards tout parti-
culiers pour lui, il lui donna rang au-dessus
des autres évêques de la province, il lui ac-
corda le pallium, il le chargea du soin d'as-
sembler un concile national : « Curam synodi
fralri coepiscopoque nostro Syagrio, quem ve-
strum proprium novimus. specialiter delegare
curavimus L. vu, ep. exiv). » Mais on ne peut
rien conclure de là, si ce n'est que ce prélat
était ou le favori, ou le confident et le ministre
de la reine. Il n'y a rien qui nous puisse
persuader qu'il fût ou son confesseur ou son
grand chapelain.
VI. Saint Rémi avait conseillé au grand
Clovis de prendre conseil des prélats et des
ecclésiastiques : « Consiliarios tibi adhibere
debes, qui famam tuam possint ornare. Sacer-
dotibus tuis honorera debebis déferre, et ad
eorum consilia semper recurrere. » Mais il ne
s'ensuit pas que si les évêques étaient les con-
seillers des rois, qu'ils fussent aussi leurs cha-
pelains. La qualité de conseiller leur était
commune à tous, au lieu que celle de grand
chapelain devait être affectée à un particulier.
Il est même véritable que Fulrad. qui fut
archichapelain du roi Pépin, fut aussi appelé
son conseiller, tant dans Anastase Bibliothé-
caire, que dans les autres monuments his-
toriques du même temps. Mais il ne s'ensuit
pas non plus, que si les archichapelains sont
conseillers, les conseillers soient aussi archi-
chapelains.
VIL L'ancien et savant écrivain, Ftienne ,
abbé de Liège, a certifié dans la vie de saint
Modoald, évèque de Trêves, que le palais de
nos rois était alors, c'est-à-dire, sous le roi
Dagobert II, la plus sainte et la plus savante
académie qui fût au monde, d'où sortaient les
plus saints évêques, d'où l'on tira un saint
Arnould, évêque de Metz, un saint Cunibert,
évèque de Cologne, saint Rémacle. évêque de
Tongres ou de Liège, saint Modoald. évèque de
396
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-NEUVIÈME.
Trêves, et tant d'autres à qui il fallait faire une
sainte violence et pour les faire entrer dans le
palais des rois, et pour les faire passer de là
sur les plus éminents trônes de l'Eglise ; ils
formaient dans le palais le conseil des princes,
et ils n'en sortaient que pour aller eux-mêmes
gouverner le royaume de J.-C. Ces saints et
illustres conseillers des rois, dont on faisait
ensuite des évèques, pourraient bien avoir été
sinon leurs archichapelains , au moins leurs
chapelains.
Les paroles de cet auteur sont trop belles
pour n'être pas rapportées. « Considerare mine
libet, quale erat illud tempus, quam accepta-
bile, quam serenum, quando regibus quidem
regnantibus, sed reges cum regno justis et
timoratis viris regentibus, justifia, fides, Veri-
tas, modestia caeterseque artes bonté, tam in
bello, quam in pace custodiebantur. Quale.
quam sanctum erat illud palatium, ex quotam
claros, tamque illustres suscipiebat Ecclesia
sacerdotes. Ex quo procedebant sectatores, non
Simonis, sed Pétri : non mercenarii, sed veri
ministri Christi : et qui curias regum non
quœrerent, sed potius a regibus qusererentur;
non ipsi honores per ambitionem appelèrent,
sed inagis oblatos per humilitatem refugerent.
Es quorum numéro, erant enim plurimi, fuit
Arnulpbus Metensis, Cunibertus Coloniensis,
Tungrensis liemaclus, Treverensis noster Mo-
doaldus, etc. Isti sunt plane viri sancti, quorum
lide et sanclimonia Ecclesia corroborata est,
etc. (Apud Suriuni die 12 Mail ; 1. n, c. 9). »
Celui qui gouvernait alors le roi et le
royaume, selon cet auteur, était Pépin l'ancien,
qui avait attiré au palais tous ces grands hom-
mes, d'autant plus dignes et plus capables de
cet honneur et des dignités qui en sont comme
les suites naturelles, qu'ils en avaient plus
d'aversion, et s'y rendaient avec plus de répu-
gnance, toujours prêts d'en sortir avec joie.
Saint Ansbert avait été aussi nourri dans le
palais où il avait été chargé du petit cachet.
« Gerulus annuli regalis, quo privilégia signa-
bantur (Du Chesne, tom. i, p. (i81, 683), » Il
quitta et le palais et l'emploi qu'il y avait pour
aller faire profession religieuse dans l'abbaye
de saint Vandrille, d'où il fut porté sur le trône
archiépiscopal de Rouen, avec une extrême
joie du roi Thierry, qui le contraignit de se
soumettre a cet ordre du ciel, l'ayant lait appe-
ler au château de Clichy. prés de Paris, sous
un autre prétexte, comme s'il eut voulu prendre
conseil de lui dans les importantes affaires qui
se traitaient aux états du royaume, parce qu'il
était son confesseur.
VIII. Si le moine Angrad. qui a écrit la vie
de ce saint, et de qui ceci est emprunté, n'a
point altéré les histoires du temps passé, en y
mêlant les usages du sien, comme il n'arrive
que trop souvent, c'est une chose fort mémo-
rable que dès le temps du roi Thierry Ier, nos
rois eussent leurs confesseurs, et qu'ils prissent
ordinairement leur avis dans les affaires de
conséquence.
« Ansbertum ad aulam regiam ire compellunt ;
rex tune morabatur in villa Clipiaco, ubi con-
ventum magnum populorum habens, de utili-
tate ac tutela regni tractabat , ut ad ejus
consultum , veluti agere consueverat , nam
confessor illius erat, de negotiis regni tra-
ctaret. »
Quoi qu'il en soit, il y a toutes les apparences
du monde, qu'Ansbert était ecclésiastique dans
le palais, lorsqu'il exerçait la charge du petit
sceau, et surtout pour les signatures de grâce.
« Ccepit esse aulicus scribadoctus, conditorque
regalium privilegiorum , et gerulus annuli
regalis quo eadem privilégia signabantur ; »
d'où il fut transporté par une ardente piété dans
le cloître, et du cloître à l'épiscopat.
IX. Je ne dirai rien des évoques qui se trou-
vaient ans plaids du palais, soit avec le roi, soit
avec le comte du palais, pour y terminer les
causes réservées à ce souverain tribunal. C'é-
taient apparemment les évèques qui se trou-
vaient à Paris, pour les affaires particulières de
leurs Eglises.
Nous ferons voir dans la suite de cet ouvrage
que le tribunal du comte du palais était bien
différent de celui de l'archichapelain. Ce que
le moine d'Angoulême rapporte du grand roi
Clovis serait bien plus à notre propos, s'il était
certain que ce roi eût donné, comme il le dit ,
l'évêché d'Angoulême a Aptoniusson chapelain
Nota Bignon. in Marcul., 1. i, c. 25). »
Si l'auteur de la vie de saint Ouen lui a
ilonnè la qualité d'apocrisiaire, « Apocrisiarius
régis Dagoberti, » ce n'est vraisemblablement
que parce qu'il était son chancelier, « Auricu-
larius (Surins, August. die 2t). » Il est vrai
que comme les charges de chancelier et de
notaire n'étaient alors guère exercées que par
des ecclésiastiques, elles pouvaient facilement
s'allier avec celle de chapelain. Aussi dans le
temps de la seconde race de nos rois, il est
DES CHAPELAINS ET ARCH1CHAPELAJNS.
397
souvent arrivé que le même était archichape-
lain et chancelier, on premier notaire. Et cela
pourrait bien être émané de la première lignée.
\. Si les actes de la vie de saint Didier, évêque
de Cahors, sont véritables, le l'ivre et le prédé-
cesseur de ce saint avait été, avant son épisco-
pat, abbé de l'oratoire royal, au temps des rois
Clotaire II et Dagobert. « Uustieus abbatiam
palatini oratorii gessit (Le Cointe, an. Eccles.
Franc., an. 617, n. 7). » Cette qualité fut aussi
en usage sous la lignée de Cbarlemagne (Gall.
Christ., tom. u, p. 100).
On trouve une concession du roi Tbéodoric III
à Aiglibert, évêque du Mans, où il est nommé
archevêque, et il lui est permis de faire battre
monnaie. Il est appelé ailleurs archichapelain
et prince des évèques ; enfin il est dit que le
pape lui accorda le pallium (Le Cointe, an-
Eccles. Franc, an. 083, n. 10, 11). S'il était bien
constant qu'il eût été archichapelain de nos
rois, cela lui aurait apparemment procuré tous
les autres avantages, et les titres d'archevêque
et de prince des évoques, c'est-à-dire premier
évêque de la province. Nous éclaircirons tout
cela dans la suite.
XL II faut demeurer d'accord que toutes ces
preuves n'ont rien de convaincant. Mais dans
un si grand éloignement et dans une si grande
disette d'écrivains, il n'est pas juste d'en exiger
davantage , pour se laisser persuader qu'il y
avait déjà une chapelle dans le palais de nos
rois, avec un clergé qui lui était propre et par-
ticulier, dont on tirait un nombre considérable
de savants et de saints évèques, quand l'incli-
nation des rois favorisait le vrai mérite de
la science, de la vertu et de la religion.
XII. Il nous reste à dire un mot des confes-
seurs des rois. Il est fort probable qu'ils en
avaient déjà un, qui leur était particulièrement
attaché. Outre ce qui en a été dit, voici ce que
le cardinal Baronius a extrait de la vie de saint
Viron, évêque en Ecosse. Il quitta son évêché,
et se retira en France, où Pépin l'ancien l'attira
auprès de sa personne, le choisit pour son con-
fesseur, et commença dès lors à lui communi-
quer les plus grandes affaires qu'on mettait en
délibération.
« Dux Pipinus tanta? eum venerationi habuit
ut tanquam prœsuli anim;e suae, vitœque pa-
trono, propter eximiam sanctitatem , sua illi
peccata contîteri solitus sit; nec erubuerit ad
faciendam confessionem delractis calceis, eum
adiré, ejusque oris imperio parère. Sœpius etiam
volebal eum interesse commirtibus consulta
tionibus majorum Baronius., an. 631, n. n . »
Mil. Passons de l'empire fiançais a celui dis
Crées. L'empereur Constantin allant combattre
Licinius, mena des évèques avec lui, et fit
dresser un oratoire ou un pavillon séparé, où
la croix de J.-C. était gardée avec respect, et où
il allait employer des armes qu'il croyait bien
plus invincibles que celles de ses armées.
Voici ce qu'en dit Eusèbe : « Cum praecatio-
nibus se tune maxime indigere intelligeret ,
sacerdotes Dei secum duxit ; eos velut optimos
aniline custodes adesse coram et secum versari
debere existimans, etc. Etcrucis quidem taber-
îiaculum li\it extra castra, ubi pure et caste
degens, preces ad Deum fundebat; exemplo
veteris illius prophétie , quem tabernaculum
extra castra constituisse, divina testantur ora-
cula (De vita Constant., 1. n, c. -i, 12). »
C'est de laque sortait cet empereur, pour
fondre sur ses ennemis, avec une assurance
certaine de la victoire : « Exinde velut divino
actus impulsu, prosilire extabernaculosolebat,
et signo dato , etc. » Eusèbe remarque cela
encore plus expressément au temps de la guerre
des Perses : « Tabernaculum in speciem eccle-
siœ ambitioso eultu ad bujus belli usum prae-
paravit , in quo prœces ad Deum Victoria'
autorein una cum episcopis fundere decre-
verat. »
Socrate en dit autant (L. iv , c. 56 ; Socrat. ,
1. i, c. 14). Si ce prince avait un oratoire, des
évèques et des ecclésiastiques dans son camp,
comment n'en aurait-il point eu dans son palais ?
Cette conjecture a quelque apparence de proba-
bilité, mais elle est très-incertaine. La nécessité
était toute évidente dans le camp, et elle ne pa-
raît pas de même dans le palais, surtout en un
temps et en un siècle où à peine les moines et
les religieuses avaient des oratoires domesti-
ques. Si Constantin ne fut baptisé qu'aux der-
niers moments de sa vie, et si par conséquent il
n'assistait pas au saint sacrifice, bien loin d'y
participer, quelle apparence y a-t-il qu'il eût
un oratoire et un clergé dans son palais? Il
faut dire la même chose des empereurs du
même siècle, qui affectèrent de ne se faire
baptiser qu'à l'extrémité de leur vie.
XIV. Constance, néanmoins, n'était jamais
sans évèques, et saint Athanase remarque qu'il
n'avait jamais parlé à l'empereur Constance,
seul à seul, mais que l'évêque du lieu avait
toujours été présent : « Neque ille niecum
398
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-NEUVIÈME.
solus unquam verba miscuit, sed semper cum
episcopo ejus loci, ubi agebat (Apolog. i). »
Quelques-uns ont inféré de là que l'évéque
du lieu était l'évéque de la cour, et comme
l'archichapelain des empereurs. Mais nous
avons fait voir, en parlant des apocrisiaires à
Constantinople, que l'évéque de Constantinople
faisait cette fonction de terminer les causes
ecclésiastiques du palais , et d'introduire les
évoques auprès des empereurs.
XV. On peut nous opposer ce qui est rapporté
par Eusebe, que Constantin avait fait mettre
une image de la croix dans une des plus
magnifiques chambres de son palais, et qu'il
attendait de ce signe salutaire une invincible
protection pour sa personne et pour son empire.
« Tantus divini numinis amor imperatoris
animam occupaverat, ut in totius palatii emi-
nentissimo cubiculo. in maxima tabula, quœ
in medio lacunaris inaurati expansa est, signum
Dominiez Passionis ex auro, pretiosisque lapi-
dibus elaboratum infixerit. Atque hoc tanquam
praesidium ac tutelam imperii piissimus prin-
ceps statuisse mibi videtur (De vita Constant.;
1. ni, c. 49). »
C'était une riche représentation de la croix,
et la chambre où elle était pourra passer pour
un oratoire dans le palais; mais Eusèbe ne
parle ni d'autel, ni de prêtres, ni d'évèques, ni
de cierge.
XVI. Il est vrai que dans un autre endroit il
dit (pie l'empereur avait fait comme une église
dans son palais, où il lisait et expliquait lui-
même les Ecritures, et où il faisait des prières
publiques avec ses courtisans. « In palatio
quamdam velut ecclesiam Dei constituit, etc.
Praeibat cunctis qui in ecclesiam illam erant
ascripti, et sacros codices in manus simiens,
oracula a Deo édita altento animo meditabatur;
post haïe solemnes preces cum aulicorum cœtu
recitabat (L. iv, c. 17). »
11 ajoute que Constantin avait donné l'inten-
dance spirituelle de sa maison à des diacres et
à des sous-diacres de grande vertu. « Diaconos
et lleo consecratos ministros, qui vitœ gravi-
tate et reliquis virtutibus ornati essent, totius
domus custodes ordinavit. »
Il faut avouer que tous ces passages, bien
confrontés les uns aux autres, semblent nous
arracher cet aveu qu'il y avait un oratoire dans
le palais impérial de Constantinople, des le
règne de Constantin, quoiqu'on n'y célébrât
point les saints mystères.
XVII. C'est peut-être encore dans cet oratoire
domestique du palais, qu'Eusèbe fit lui-même
ces belles et savantes prédications que Cons-
tantin voulut entendre debout avec le reste de
l'auditoire, sans vouloir jamais s'asseoir, par
un sentiment religieux d'un très-profond res-
pect pour la parole de Dieu (L. iv, c. 33).
C'était certainement dans cet oratoire que
l'empereur Théodose le Jeune chantait les
heures canoniales avec les princesses ses sœurs,
ayant fait de son palais impérial comme un
monastère, et comme un sanctuaire de piété.
« Ejus regia non dissimilis fuit monasterio.
Nam primo diluculo ille ipse cum sororibus
suis hymnos alternatim recitavit. Quin etiam
sacras litteras memoriter recitavit, » dit Socrate
(L. vu, ep. 22).
XVIII. Sozomène assure que ce pieux empe-
reur dressa un oratoire dans son palais, et qu'il
lit toujours porter un pavillon qui ressemblait
à une église dans ses armées, où il faisait célé-
brer les divins mystères par les prêtres et les
diacres qui le suivaient. Ce qui fut imité par
les régiments des armées, qui eurent depuis
un pavillon consacré à la prière, et des prêtres
et des diacres pour y célébrer.
« In palatio extruxit oratorium. Et taberna-
culum ecclesia.1 figuram exprimens, cum con-
tra hostes prœlio contenderet, secum circum-
ferre consuevit, ad eum finem, ut neque sibi
in solitudine vitam agenti, neque exercitui
deesset aedes sacra, in quo quidem deberent
Deum laudibus efferre et sacra mysteria perci-
pere. Nam sacerdotes et diaconi, qui secundum
Ecclesia1 institutum ista mimera obirent taber-
naculum assidue secuti sunt. Ex eo tempore
militares romanorum ordines , singuli sibi
fabernaeulum separatum construxerunt , ba-
hueruntque secum sacerdotes et diaconos, ad
rein divinam faciendam designatos (L. i, c. 8).»
Rien n'est plus précis que ce passage de So-
zomène, mais n'a-t-il rien ajouté de son chef
aux actions de piété de Constantin? N'aurait-il
point attribué a ce grand empereur des faits
par lesquels ses successeurs ont enchéri sur sa
piété? II est assez ordinaire aux écrivains de
donner aux premiers auteurs de quelque action
mémorable, toutes les circonstances et même
les augmentations qui ont été faites par ceux
qui ont suivi leur exemple. Il faut donc de-
meurer d'accord, que cet usage dont parle
Sozomène, était pratiqué au temps qu'il vivait;
mais on le peut soupçonner d'avoir un peu
DES ARCH1CHAPELA1NS OU GRANDS CHAPELAINS.
399
ajusté les coutumes du siècle précédent à celles
de son temps.
XIX. Eusèbe ajoute à cela que les enfants du
grand Constantin obéirent fort religieusement
aux dernières instructions de l'empereur, leur
père, par une application toute entière à la
piété, et en faisant garder dans le palais les
mêmes exercices de la religion qu'on pratique
dans les églises. « Hi pat ris exhortationes longe
superabant, meules semperad pietatem inten-
tas babentes, et Ecelesiœ ritus in ipso palatio
cum suis omnibus observantes. »PalIadenomme
un prêtre, qu'il appelle prêtre du palais, entre
les ecclésiastiques qui eurent part à la persécu-
tion de saint Cbrysostome.
CHAPITRE CENT-DIXIEME.
DES ARCHICHAPELAINS OL' GRANDS CHAPELAINS SOIS L EMPIRE DE CBARLEMAGNE.
I. Les archichapelains furent d'abord des prêtres et desahbés.
II. Ce furent après des évèques.
III. 11 fallut pour cela une dispense du pape et des conciles
de France.
IV. On les nomma archiprètres de France, ou archevêques du
sacré palais. Pourquoi.
V. Ils furent quelquefois en même temps apocrisiaires du
Saint-Siège.
VI. La grande autorité des archichapelains, et les éloges qu'on
leur donnait.
VIL Ce ne furent pas seulement les rois de France qui eurent
des archichapelains.
VIII. Ils avaient le premier rang d'honneur et de puissance
après les rois et les princes de la maison royale.
IX. Hincmar croit que cette charge commença dans le palais
du grand Constantin. Preuves du contraire.
X. Autres preuves.
XI. Cette dignité commença avec la maison et le règne de
Pépin et de Charlemagne,
XII. Si cette charge fut occupée par des diacres.
XIII. Pouvoirs des archichapelains.
I. Fulrad, abbé de Saint-Denis, semble avoir
le premier possédé la qualité d'archichapelain
des rois de France. Nous avons rapporté ci-de-
vant les endroits où il est nommé conseiller du
roi Pépin.
Le pape Adrien Ier, lui donna le titre d'arcbi-
prêtre de France, et ce fut sur son témoignage
et à la prière de Cbarlemagne qu'il envoya le
pallium à Tilpin , archevêque de Reims. «Ad
petitionem gloriosi régis Caroli, prabente tibi
bonum testimonium de sanctitate et doctrina,
Fulrado amabilissimo abbate, Francise archi-
presbytero, pallium secundum consuetudinem
tibi transmisisse nos memoramus, etc. (Flo-
doard., 1. u, c. 17). »
Le roi Pépin avait obtenu auparavant du
pape Paul la permission de retenir dans son
palais l'évèque George et le prêtre Pierre : mais
ce pape lui avait demandé en même temps,
comment sa majesté désirait qu'on disposât de
leurs Eglises en les en retirant.
Voici les paroles de la lettre du pape : a Pra-
celsa Christianitas vestra petiit a nobis Geor-
gium episcopum et Petrum presbyterum in
vestro permanere servitio nos debere conce-
dere. Et quidem pracellentissima vestra beni-
gnitas agnoscat nos jamdudum de boc vestra
obtempérasse voluntati. Pro quodirigile nobis
quid de episcopatu pnedicti Georgii, et de Ec-
clesia, qua» pranominato Petro commissa est,
peragere debeamus ; ne amplius illis amotis in
nimiam neglectus incuriam deveniant (Codicis
Carolini, epist. xxvi). »
IL Cbarlemagne prit depuis Angilram , évê-
que de Metz, auquel il fit encore succéder dans
cette cbarge si importante Hildebold , évèque
de Cologne, après en avoir obtenu la dispense
du pape Adrien I" et des évêques de son
royaume.
Le concile de Francfort de l'an 794 jugea
cette dispense très-canonique, puisqu'elle était
fondée sur les avantages très -considérables
que toute l'Eglise retirait de la résidence con-
tinuelle de cet évêque dans le palais du prince.
« Dixit Dominus rex in eadem synodo, se a
Sede Apostolica, id est, ab Adriano Pontifice
il III
DF SECOND ORDKE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIXIÈME.
licentiam habuisse, ut Angilramnum arehiepi-
scopum in suo palatio assidue haberet, propter
ulilitates ecclesiasticas. Deprecatus esteamdem
synodum, ut co modo sicut Angilramnum ha-
buerat, ita etiam Hildeboldum episcopum ha-
bere debuisset; quia et de eodem , sicut de
Angilramno , apostolicam licentiam habeat.
Omnis synodus consentit et placuit eis, eum
in palatio esse debere, propter utilitates eccle-
siasticas (Can. lv). »
III. 11 fallait une double dispense pour relâ-
cber l'obligation d'un évèque à résider dans
son diocèse, et pour lui permettre de résider
dans le palais du prince. 2° Le roi ne se con-
tenta pas de l'avoir obtenue du pape, il la lit
encore confirmer par le concile national de
son royaume. 3° Elle ne fut accordée, qu'en
vue des avantages que l'Eglise en retirerait.
•4° Le titre de cette dignité n'était pas encore
certain , parce qu'elle était nouvelle. Fulrad
avait été appelé Archiprêtre de France. An-
gilram fut nommé Archevêque dans le canon
de Francfort, et comme la ville de Metz n'était
qu'un évèclié , quelques-uns ont cru que la
seule considération de cette baute dignité dans
le palais lui avait donné le nom d'arche-
vêque.
Mais Codegrang , son prédécesseur, ayant
aussi porté la qualité d'arcbevèque de Metz ,
quoiqu'il n'ait jamais été archicbapelain , et la
même qualité d'arcbevèque ayant été donnée
selon quelques-uns à l 'rbicius même, qui était
évèque de Metz, avant que les Français eussent
conquis ce pays, il est visible qu'Angilram a
été nommé archevêque , parce qu'il était ar-
chevêque, et non parce qu'il était archicbape-
lain (Alcuini Epist. lviii). Codegrang était
proche parent du roi Pépin. Angilram était
entré fort avant dans les bonnes grâces de
Charlemagne. Ce fut ce qui leur fit donner la
qualité d'archevêque de Metz.
IV. Ilihlebold. qui succéda dans la charge
d'archiçhapelain à Angilram , quoiqu'il soit
simplement nommé évèque dans une lettre de
Charlemagne, et dans le canon de Francfort,
est néanmoins appelé archevêque et chapelain
dans la vie de Léon 111, par Anastase Biblio-
thécaire, lorsqu'il dit que Charlemagne l'en-
voya au-devant de Léon qui venait en France :
« Misit in obviani ejus Hildeboldum archiepi-
scopuin et capellanum, et Aschericum comi-
tem. » La qualité d'archevêque lui est donnée,
parce qu'il était effectivement archevêque de
Cologne ; quoiqu'en joignant ce titre avec celui
d'archiçhapelain, on le nommât quelquefois ar-
chevêque du sacré palais.
En etfet, dans le concile de Mayence de 813,
le même Hildebold fut nommé archevêque du
sacré palais, et il fut nommé avant les autres
archevêques dans la préface. « Hildeboldus sa-
cri palatii archiepiscopus , Richolfus et Arno
arehiepiscopi. » Comme le prêtre Fulrad avait
été nommé Archiprêtre de France, à cause de
la charge d'archiçhapelain : ainsi à cause de la
même charge, l'archevêque de Cologne fut
nommé Archevêque du sacré palais. Hais enfin
on revint au titre le plus naturel , qui était
celui d'Ârchichapelain.
On le trouve dans Adémar, lorsqu'il décrit
l'arrivée du pape Etienne IV en France, en 816,
au-devant duquel Louis le Débonnaire envoya
le même Hildebold , « Hildeboldum archica-
pellanum sacri palatii, » et quelques autres
évêques.
La lettre du concile de Crecy à Louis, roi de
Germanie , donna en 858, à l'abbé Fulrad, le
titre de grand chapelain, « Summum capel-
lanum régis Pipini. »
Le même titre est donné par Hincmar à
Cunthaire, archevêque de Cologne, et grand
Chapelain du roi Lothaire ( Concil. Gall. ,
tom. m, p. 157, 159.)
Un concile d'Aix-la-Chapelle de l'an 8iii ,
l'appelle archicbapelain du sacré palais. «Cun-
tharius Agrippinensis archiepiscopus et sacri
palatii archicapellanus (Spicilegii tom. xu ,
p. 122, 123, 126). »
Dans les rescrits de Charles, le plus jeune
tils de l'empereur Lothaire, en 801 et 862, il
parait que Rémi, archevêque de Lyon, était son
giand chapelain. « ftemigius Lugdunensis Ec-
clesiaj antistes , nostrique palatii capellanus
sunimus Tbidem, p. 243). »
V. La lettre du roi Charles le Chauve au
pape Nicolas découvre un point fort remar-
quable, savoir, que l'évèque de Metz Angilram
avait été en même temps archicbapelain de
Charlemagne , et apocrisiaire du Siège Aposto-
lique en France, par une grâce singulière que
Charlemagne avait obtenue du pape.
Louis le Débonnaire avait obtenu le même
avantage, et avait fait tomber les deux mêmes
dignités à Drogon, fils de Charlemagne, arche-
vêque de Metz. « Quae sedes Metensis postula-
tioue avi nostri divae niemoriœ Caroli iinpera-
toris honorari ab Apostolica Sede nierait, et
DES AKCHICHAPELAINS 01' CRANDS CHAPELAINS.
loi
Engilramnus praedecessor istius, summus ca-
pellanus ejus et apocrisiarius Apostolicœ Sedis
in istis regionibus aliquandiu fieret. Et postea
deprecatione sanctœ recordationis Pii Augusti
domni et Genitoris nostri, excellent] genio a
Sede Apostolica in prœfato patruo nostro Dro-
gone venerando episcopo fuerat honorata, nt
nna cum prœdicto ministerio et imperatoris et
ApostolicœSedis, etiam usu pallii potiretur.
Ces deux prélats furent donc en même
temps . et archichapelains des empereurs ,
et apocrisiaires ou légats du Saint-Siège en
France.
VI. Les anciennes chroniques ne donnent
que le nom de chapelain du roi à Fulrad et à
quelques autres, mais les suivantes donnent
celui d'archichapelain du sacré palais à l'abbé
de Saint-Denis Hilduin. à Drogon, évêque de
Metz, et aux autres qui possédèrent la même
charge (Du Chesne, tom. i, p. -23, -28, 70, 281,
349, 364 .
La qualité d'archi prêtre ne convenait pas
aux évèques, celle d'archevêque convenait en-
core moins aux abbés qui étaient pourvus de
cet office, et ne pouvait même convenir à tous
les évèques. Celle d'archichapelain fut estimée
la plus convenable aux uns et aux autres. Mais
lors même que les abbés étaient chargés de
cet office, l'élévation de leur dignité et leur
crédit auprès du prince leur faisait bien don-
ner d'autres éloges par les évèques mêmes qui
recouraient à leur protection.
Frotharius, évêque de Toul, donnait à Hil-
duin, abbé de Saint-Denis, la qualité de père
et de maître , patri et magislro, en le priant
de le faire décharger de quelque service que
le roi exigeait de lui dans les bâtiments de son
palais royal : et protestant qu a moins de cela
il viendrait lui-même conjurer le prince de
souffrir qu'il se démît de son évèché, qu'il ne
croyait pas pouvoir retenir s'il n'y résidait.
« Hœc perpendere dignemini, et a prœdicto
servitio nos iiberare ne pigeatis. Alioquin per
meipsum ad prœsentiam Domini imperatoris
et vestram prœsentiam suppliciter obsecrabo,
ut hoc onus cime pastoralis a me submoveatis
(Ibid.. p. 71-2, 7l(i. 718). »
Le chapitre de Sens écrivit au même abbé
Hilduin, avec ce titre : « Vere sanetissimo, sa-
cris negotiis a Deo prœlato, » pour le conjurer
de faire confirmer la seconde élection qu'ils
avaient faite d'un évêque, puisque c'était aussi
par son entremise qu'ils avaient obtenu le
Th. — Tom. II.
pouvoir delà faire, après «pie l'empereur eut
cassé leur première élection. « Alteram nobis
electionem impetrare ac concedere studui-
stis, etc. Persona quam dicimus sufficere ad
hoc onus ferendum, dignationisvestrœjudicio,
aut sus( ipiatur, aut reprobetur. o Ils écrivirent
sur le même sujet à Eginhard, qui est aussi ap-
pelé archichapelain dans la chronique de Lau-
resham, aEinhardus archicapellanus et nota-
rius imperatoris Caroli (Du Chesne, tom. in,
p. 196, 399). »
L'auteur de la vie de saint Anscharius,
montre l'estime et la vénération qu'on axait
pour cet office, en parlant de Drogon, « Summœ
sanctœque palatinœ dignitatis archicapellanus. »
D'où l'on peut conclure que c'était la première
de toutes les charges et de tontes les dignités
du palais. C'est peut-être encore pour cela
qu'Angilbert est appelé par Alcuin, « Primice-
rius palatii Pipini régis, » et Angilram, évêque
de Melz, « archiepiscopus et sacrac capelhe pri-
micerius (Alcuini ep. xlii, lxxix). b
Loup, abbé de Ferrières, fait encore voir la
prééminence de cette dignité par-dessus toutes
les autres, par les titres qu'il donne à l'abbé
Hilduin. « NobilitatiSj dignitatis et moderalio-
nis apice conspicuo Hilduino, ecclesiasticorum
magistro (Lupus, epist. cxx, xcvii). » Quanta
l'autre lettre, où il l'entretient de l'incertitude
du temps qu'il jouira de cette suprême puis-
sance, elle ne regarde que la mort, qui est la
fin certaine de toutes les grandeurs de la
terre, et dont l'heure est toujours incertaine.
On n'a d'ailleurs guère d'exemples que le
prince destituât ceux qu'il avait honorés de
de cet office. Les conciles mêmes recherchaient
l'appui et le secours de l'archichapelain, comme
il parait par la lettre du concile de Crécv, au
même abbé Hilduin, où Hincmar et les autres
évèques le prient de consentir à l'élection
qu'ils avaient faite d'un de ses disciples pour
évêque de Langres, et d'y faire consentir le roi
« Ohsecrantes hujus in hoc Hilduini consen-
sum, et deprecationem ipsius pro eo ad regem
Flodoard., 1. m. c. 24). »
Agobard, archevêque de Lyon, écrivant à
Hilduin, prélat du sacre palais, a Sacri palatii
antistiti , » et a Vala. abbé de Corbie, qui rési-
dait aussi quelquefois avec lui, qui était tou-
jours résident dans le palais de l'empereur
Louis le Débonnaire, assure qu'ils étaient eux
deux les aides, les conseillers et les ministres
de cet empereur pour les a'uvres de piété.
26
402
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIXIÈME.
« Absque ambiguo vos novi prœcipuos , ac
pêne solos in via Dei esse adjutores christia-
nissiini imperatoris; ac propterea in palaiio
esse unum semper, et alterum fréquenter, ut
in operibus pietatis, quœ absque omni errore
quœrenda, invenienda, tenenda sunt, vos illi
prudentissimis vestris suggestionibus sitis ex-
hortatores, et ut dixi, adjutores. »
Cela marque que ces deux abbés étaient dans
le conseil de conscience et dans le ministère
pour toutes les affaires ecclésiastiques. Aussi,
Agobard s'adresse à eux, afin qu'ils fassent ré-
voquer un édit trop favorable aux Juifs, qu'on
avait surpris à cet empereur.
VII. Ce ne furent pas seulement les rois de
France qui eurent leurs arcbichapelains, mais
aussi tous les autres rois ou empereurs de la
maison de Cliarlemagne. Nous avons déjà vu
un archevêque qui était aussi arcbicbapelain
de Lothaire, roi de Lorraine. Dans les conciles
de Rome, en 853, et de Pavie, en 835, sous
Léon IV, il est fait mention de Joseph, arcbi-
cbapelain de Louis, empereur, petit-fils du
Débonnaire.
Hincmar , arcbevèque de Reims , faisant
diverses remontrances à Louis, roi de Germa-
nie, et lui donnant toutes les instructions né-
cessaires pour saintement régner, n'omit pas
celle-ci : d'avoir dans son palais un prélat sur
lequel il se reposât du soin des affaires ecclé-
siastiques, en la même manière qu'il se déchar-
geait des affaires civiles sur le compte du palais.
« Ut si episcopus pro quacumque necessitale
ecclesiastica, ad vos direxerit, ad quem suus
inissus veniat, per quem quœ ralionabiliter
petierit, obtineat, in palaiio vestro, sicut cornes
palatii est in causis reipublicae, ministerio
congruum constitutum habete (Hincmar., tom.
il. p. 131). »
Ainsi , L'archichapelain était alors comme
l'agent de tous les évèques du royaume auprès
de la personne du prince. Et c'est peut-être
pour cela qu'il fut quelquefois appelé évêque
ou archevêque du palais, quand d'ailleurs il
était évêque : « Arebipalatiuus pra?sul (Spici-
legii, tom. vu, p. 175). »
Agobard écrit que le crédit qu'on a auprès
du prince est un des .plus grands talents, et
dont on rendra a Dieu un compte rigoureux :
(pQuoniam utipsi non ambigitis, tanta fami-
liarilas, quain apud dominum imperatorem
obtinere vos Deus fecit, pro magno vobis la-
lento spiritali ab ipso omnipotenti Domino
eompubabitur (Epist. ad Manfredum , oomitem
Palatii). »
On peut aussi dire que la direction et la
surintendance de toutes les affaires ecclésias-
tiques qui se traitent dans le palais du prince,
est une charge, dont l'étendue est la même que
celle du royaume, et dont l'importance est
tout autre que celle des autres dignités. Mais,
tous les arcbichapelains n'ont pas possédé ou
n'ont pas toujours possédé cette grande puis-
sance, et d'autres qu'eux l'ont quelquefois pos-
sédée. Louis le Débonnaire destitua Hilduin. et
l'envoya en exil en Saxe.
VIII. Revenons à Hincmar, qui a conservé les
extraits du livre que le sage Adélard, abbé de
Corbie, avait composé de l'ordre et du gouver-
nement du palais, « De ordine palatii ; » lui
qui en était très-parfaitement instruit, comme
tenant la première place dans le conseil de
Cliarlemagne. « Inter primos consiliarios pri-
mum. »
Il assure que le gouvernement général étant
partagé d'abord entre celui du palais royal, et
celui du royaume : dans le gouvernement
du palais, après les personnes sacrées du roi,
de la reine, et de leurs enfants, la première
dignité est celle de l'apocrisiaire ou de l'archi-
chapelain.
« Anteposito ergo rege et regina cum nobi-
lissima proie sua, tain in spiritualibus, quam
et in saecularibus, atque corporalibus rébus per
hos ministros omni tempore régis palatium
gubernabatur. Videlicet per apoerisiarium, id
est responsalem negotiorum ecelesiasticorum
(Hincmar., tom H, p. 20G). »
L'archichapelain était donc le premier mi-
nistre, et le premier officier du palais, où il
avait rang au-dessus de tous les princes, hors
le roi, la reine et leurs augustes enfants.
L'origine de cette charge se doit prendre
dans le transport que fit Constantin du siège
impérial à Constantinople. Car il fut nécessaire
après cela que tous les grands évèques du
moule eussent leurs agents auprès de la per-
sonne de l'empereur. « Et sic responsales tam
Romaine sedis, quam et aliarum praecipuarum
sedium, in palaiio pro ecclesiasticis negotiis
e\i ubabant. d
Clovis étant baptisé, durant son règne et ce-
lui de ses descendants, les évèques venaient au
palais successivement les uns après les autres,
et faisaient la même fonction, a Per succes-
siones regum sancti episcopi ex suis sedibus et
DES AHCIllCHAPELAINS OU GRANDS CHAPELAINS.
403
tempore compétent] palalium visitantes, vi-
cissim hanc adininistralionein disposuerunt, »
IX. Cette pensée d'Hincmar ou d'Adélard a
peut-être plus de vraisemblance que de vérité;
L'histoire ne nous apprend pas que des le
temps de Constantin les grands évêques eussent
des apocrisiaires ou des agents ordinaires et
continuels dans le palais de Constantinople.
Les évèques y faisaient eux-mêmes de trop
fréquents voyages, que le concile de Sardique
tâcha de réprimer ; et ce concile même, pour
retrancher ces fréquentations de la cour aux
évèques, rechercha bien divers expédients, mais
il ne s'avisa nullement de celui d'un apocri-
siaire commun à tous les évêques, ou d'apoerî-
siaires partieuliersde chaque évêque., qui fissent
un séjour ordinaire à Constantinople. Au con-
traire, ce concile ordonna aux évèques d'en-
voyer leurs diacres en cour seulement dans les
besoins extraordinaires de leurs Eglises, ou d'y
aller eux-mêmes, en observant les précautions
très-rigoureuses qu'il leur prescrivit, et qu'il
opposa comme autant de barrières contre les
attaques de l'ambition.
Enfin, quand les évèques auraient eu des
apocrisiaires auprèsde Constantin et de ses suc-
cesseurs, il y aurait toujours une extrême
différence entre ces apocrisiaires et les archi-
chapelainsdenos rois. Ces apocrisiaires étaient
choisis et envoyés par les évèques, qui les
rappelaient à leur gré ; au lieu que les archi-
chapelains étaient choisis par les rois, qui se
reposaient sur eux de l'administration des
affaires ecclésiastiques, et les laissaient jouir
de cet office, comme d'un office, et non pas
comme d'une commission pour un temps.
X. Nous avons rapporté ailleurs les règle-
ments que fit Justinien, pour empêcher les
évèques de venir trop souvent en cour, et pour
les obliger, dans les occasions indispensables
d'y venir, de s'adresser premièrement au pa-
triarche de Constantinople, et de lui exposer
leurs affaires, avant que de se présenter devant
sa majesté impériale. C'est encore une preuve
que, quoique le pape et les patriarches eussent
leurs apocrisiaires en cour, les autres évêques
n'en avaient aucun ; et si l'on veut appliquer
par avance la charge d'archichapelain à quel-
que officier de Constantinople qui en fît la
fonction , il faut s'arrêter au patriarche de
Constantinople. C'était le patriarche même qui
était comme l'agent et le médiateur de tous les
évêques de l'empire auprès des empereurs. Les
empereurs leur remettaient le jugement et la
décision de la plus grande partie des affaires
ecclésiastiques, et tous les évêques s'adres-
saient à eus comme aux ministres et aux
médiateurs universels auprès des empereurs.
Il est vrai (pue le patriarche, même avait un
référendaire au temps du concile VIII, qui était
comme son agent vers l'empereur, et à qui le
palais était toujours ouvert.
Voici ce qu'en a remarqué Anastase Biblio-
thécaire , dans une note sur l'action 8 de
ce concile., où ce diacre référendaire parut.
« Patriarcha Constantinopolitanus referenda-
rium quempiam semper habet, qui ejus impe-
ratori omnem denuntiat voluntatem, qui
aditum in palatio semper habet ad référendum
imperatori, quaecumque sunt patriarchae ac
Ecclesiœ necessaria, perquem etiam imperator,
quod placet, patriarchae transmittit. b
Mais ce référendaire était un officier du
patriarche, et non pas de l'empereur. Ainsi on
ne peut le comparer à notre archichapelain.
XL La gloire de cette institution est due
tout entière à la piété de Pépin et de Charle-
magne, qui donnèrent cette charge, comme
Hincmar assure, tantôt à des évêques, tantôt à
des prêtres, et tantôt à des diacres, mais plus
souvent à des prêtres ou à des diacres qu'à des
évêques qui doivent résider dans leurs diocèses,
et à qui les canons défendent le séjour de la
cour.
« A tempore vero Pipini et Caroli interdum
per presbyteros, interdum per episcopos, regia
voluntate, atque episcopali consensu ; per dia-
conos vel presbyteros magis quam per episco-
pos hoc ofticium executum extitit. Quia episcopi
continuas vigilias supra gregem suum debent
assidue exemplo et verbo vigilare, et non diu-
tius secundum sacros canones a suis abesse
parochiis. Nequejuxta décréta ex saeris cano-
nibus promulgata B. Cregorii, praetoria, quae
nunc regia, et usilatius palatia nominantur,
debent inutiliter observare, ne incurranf judi-
cium, ut contra placita canonum sibi in ordi-
natione sua tradita facientes , ipsi se honore
privent ecclesiastico. »
XII. Ce qu'Hincmar dit des diacres, ne se
peut rapporter qu'à ce que nous venons de
raconter du concile de Sardique, ou aux diacres
que les papes envoyaient pour leurs apocri-
siaires, ou nonces dans le palais de Constanti-
nople. 11 n'y a aucun exemple d'un diacre fait
archichapelain. Le rang qu'il avait au-dessus
i04
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-ONZIÈME.
des évêques, la première place entre les officiers
du palais, le souverain pouvoir sur les affaires
ecclésiastiques, la grande déférence que tous
les évêques lui témoignaient, ne sied nullement
à un diacre.
Aussi Hincmar nomme ensuite tous les
archichapelains qui avaient rempli ce poste, et
il n'en compte que six, trois évêques, et trois
prêtres. Il prétend bien que la nomination des
évêques à cette charge était contre les canons,
« de inliciteusurpatis; » mais comme l'obstacle
à. la résidence était un fâcheux inconvénient
pour les évêques, on peut dire aussi qu'on
offensait les lois de l'Eglise et les règles de la
bienséance, en mettant un prêtre au-dessus de
tant d'évêques, et tantd'évêques dans la dépen-
dance d'un prêtre.
XIII. Le grand chapelain, qu'on appelait aussi
le garde du palais, avait sous sa conduite tout
le clergé du palais. « Apocrisiarius, quem no-
strates capellanum, vel palatii custodem appel-
lant, omnem clerum palatii sub cura et dispo-
sitione sua regebat (Ibid., p. 207, 308). »
Il terminait toutes les affaires ecclésiastiques
qu'on portait au palais, et les parties n'avaient
audience des rois que de son consentement,
quand il le jugeait nécessaire : «Ut nec prius
dominum regem absque eorum consultu in-
quietare necesse haberent, quousque illi prœ-
viderent, si nécessitas esset, ut causa ante
regem merito venire deberet. »
Si c'étaient des affaires qu'il fallût ne com-
muniquer qu'au roi, c'était à lui de procurer
celte audience secrète. Tous les différends des
ecclésiastiques et des moines lui étaient com-
mis , a de canonicœ vel monasticae religionis
alternatione. » Tout ce qu'il pouvait décider
lui-même n'était point rapporté au roi : « Et
ea tanlummodo de externis regem adirent, quee
sine illo plenius definiri non potuissent. » Il
était le directeur et le père spirituel de tous
ceux qui demeuraient dans le palais du prince,
ou qui y abordaient : « Omnem consolationem
spiritualem, sive consilium totius palatii qui-
cumque quarcret, apud eum, ut necesse erati
fideliter inveniret. »
Enfin, il assistait toujours au conseil du
prince, et c'est pour cela qu'on n'élevait à cette
dignité que ceux qui avaient toutes les qualités
proportionnées à un emploi si important.
« Apocrisiarius, id est capellanus, vel palatii
custos et camerarius semper intererant ; et
ideirco cum summo studio taies eligebantur,
aut electi instruebantur, qui merito interesse
possent. »
Hincmar dit que les conseillers qui compo-
saient ce conseil, étaient en partie clercs, et en
partie laïques, et qu'on en substituait toujours
de nouveaux en la place de ceux qui mouraient.
Ainsi le grand chapelain présidait à un conseil
composé d'évêques, d'abbés et de seigneurs
laïques où se terminaient toutes les grandes
causes de l'Eglise, comme nous avons vu dans
l'élection d'un évèque de Sens, qui fut rappor-
tée à l'abbé llikluin, archichapelain.
CHAPITRE CENT-ONZIÈME.
DU CLERGÉ DU PALAIS OU DE LA CHAPELLE ROYALE, SOUS LEMPIRE DE CUARLEMAGNE.
I. Le clergé île la chapelle royale ou impériale était sous
l'archichapelain. Sa grande autorité.
II. Il ne devait pas détourner les courtisans d'assister aux of-
fices île leurs paroisses.
III. Ni recevoir les clercs des autres diocèses, sans l'agrément
de leur évêqne.
IV. Il en était de même dans l'Orient.
V. Les clercs de la chapelle royale dépendaient encore de
leurs évêques.
VI Ils étaient souvent élevés par le prince aux évêcliés et
aux abbayes.
VII. Les évêques s'opposaient quelquefois a ces nominations.
VIII. Un tirait du clergé du palais d'excellents évêques!
IX. Il était aussi composé de ce qu'il y avait de plus habile et
de plus saint entre les ecclésiastiques et les religieux.
X. I.a réformation même du clergé et de l'état monastique en
était sortie.
XI. Plusieurs moines dans le clergé du palais.
DU CLERGÉ Dl" PALAIS OU DE LA CHAPELLE ROYALE.
io;>
XII. Les évèques ne résistaient à la promotion des clercs du
palais, que lorsqu'ils étaient incapables ou indignes des prélatu-
res. L'ambition et l'avarice dominent quelquefois les i
palais.
XIII. Divers exemples de ces nominations royales aux prélatures.
XIV. La chapelle royale a pris son nom de la chape de saint
Martin.
XV. Des aumôniers.
XVI. Les offices se célébraient très-pieusement dans la cha-
pelle royale.
XV a. De la chapelle des empereurs de Constantinople.
I. L'archichapelain était le chef et le supé-
rieur du clergé du palais : « Omnem clerum
palatii regebat, » disait Hincmar.
Le concile de Francfort (Can. xxxvm) arrêta
la liberté qu'il s'était donnée, de recevoir à sa
communion les prêtres qui avaient été excom-
muniés par leur évêque : a De presbyteris. qui
contumaces fuerint contra episcopos suos, ut
nequaqûam communicent cum clericis, qui in
capella régis habitant, nisi reconciliati fuerint
ab episcopo suo, ne forte canonica excommu-
nicatio super eos exinde veniat. »
Léon III reconnaissait combien l'autorité de
ce clergé de la chapelle royale était grande,
lorsqu'en 811 il conseilla aux envoyés de l'em-
pereur Charlemagne de faire en sorte qu'on ne
chantât plus le Symbole dans la chapelle royale,
comme effectivement ce n'était point encore
l'usage de le chanter dans l'Eglise romaine ,
les assurant que toutes les autres églises du
royaume se conformeraient à celle du palais,
et que la coutume de chanter le Symbole serait
par ce moyen bientôt abolie dans toutes les
églises qui reprendraient l'ancien usage de le
réciter : « l't paulatim in palatio, quia in sancta
Ecclesia non cantatur , cantandi consuetudo
ejusdem Symboli intermittatur, etc. Si dimit-
tatur a vobis, dimittetur ab omnibus, etc. »
IL Le concile VI de Paris , tenu en 829
(Can. xix , ne trouva pas bon que le clergé du
palais attirât non-seulement le prince, mais
aussi la meilleure partie des seigneurs, et les
empêchât d'assister aux offices solennels des
églises paroissiales ou cathédrales, ce qui les
rendait désertes.
« De presbyteris et capellis palatinis contra
canonicam autoritatem, et ecclesiasticam ho-
nestatem inconsulte habitis, vestram admone-
mus solertiam, ut a vestra potestate inhibean-
tur. Quouiam propter hoc, et honor ecclésia-
sticus % ilior efticitur, et vestri proceres et pala-
tini ministri, in diebus solemnibus, sicut decet,
vobiscum ad missarum celebrationes non pro-
cedunt. »
Nous avons parlé ailleurs de l'obligation
générale de tous les fidèles et de ceux même
qui avaient des chapelles ou des oratoires do-
mestiques, de se rendre, les jours de fêtes so-
lennelles, aux églises communes avec leur
pasteur et avec tout le corps des fidèles. Ce
concile ne jugea pas que les princes mêmes ou
que les courtisans s'en pussent dispenser.
III. Le concile II d'Aix-la-Chapelle, tenu en
836 (Can. xxiii , se plaignit de ce que les prê-
tres de divers diocèses étaient reçus dans le
palais, et s'y arrêtaient sans l'agrément de leur
évêque. a De presbyteris qui in palatio moran-
tur, ut sine proprii episcopi consensu ibi locum
consistendi non habeant,necrecipiantur, etc.»
Le concile ajoute que ce pouvaient être des
prêtres criminels, ou qui même n'eussent ja-
mais été ordonnés. D'où il parait que le clergé
de la chapelle royale était comme sa retraite et
l'asile commun de tous les ecclésiastiques du
royaume, ce qui ne pouvait être sans qu'il s'y
glissât quelques abus que les conciles tâchaient
de retrancher.
Le concile de Meaux de 845 (Can. un), re-
montra au roi Charles le Chauve, que lorsqu'il
désirait donner place dans sa chapelle à quel-
que ecclésiastique, tonsuré, ou instruit dans
les séminaires ou dans les paroisses des évè-
ques, il devait le demander à son évêque et le
faire ordonner par le même évêque, afin que
l'autorité royale entretint une paix et une con-
corde inviolable avec la sainteté des lois ecclé-
siastiques.
a Cum quilibet canonicorum ad regiam ve-
nerit majestatem, et suo se voluerit mancipare
servitio, consensu episcopi, ad cujus diœcesin
pertinere dignoscetur, eum recipiat. Etsi in
ordine clericali eum promoveri voluerit, ma-
nus ipsius impositione, ad ecclesiasticum ordi-
nem si dignus fuerit, consecretur. Quatenus
et divina autoritas vigeat, et regalis dignitas
obsequatur, et salus ordinantis et ordinati at-
que jubentis in omnibus observetur. »
Voilà comment la majesté royale faisait gloire
de se soumettre aux lois divines, comme ce
concile parle après l'empereur Justiuien, c'est-
à-dire aux canons de l'Eglise, et trouvait bon
que les clercs de sa chapelle fussent encore
dans la dépendance de leurs évèques diocésains
pour l'ordination.
IV. Je ne sais si les Pères du concile VII de
Nicée Can. x . eurent le dessein de comprendre
les empereurs mêmes, lorsqu'ils défendirent à
ii h;
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-ONZIÈME.
toutes sortes de prêtres de venir résider à
Constantinople. et de s'attacher aux oratoires
des «rands pour y célébrer la messe, s'ils n'en
avaient obtenu la permission du patriarche de
Constantinople et de leur propre évêque : « Dos
absque proprio episcopo, et Coustantinopolitano
antistite non licet suscipere in qualibet domo,
vel ecclesia. »
Quelque permission qu'ils eussent obtenue,
ils ne pouvaient pas se charger des affaires sé-
culières des grands, sous peine de déposition;
ils devaient plutôt s'occuper à instruire les en-
fants et les domestiques, et à leur expliquer les
divines Ecritures; puisque c'est aussi pour cela
qu'ils ont été honorés du divin sacerdoce,
o Potius autem maneat ad magisterium ta m
puerorum, quam famulorum, relegens eis di-
vinas Scripturas; ad hoc enim etiam sacerdo-
tiurn consecutus est. »
L'office d'interprète, qu'un clerc de la cha-
pelle impériale de Constantinople exerça dans
le concile VIII (Act. 3), traduisant en langue
grecque les lettres latines du pape, n'avait rien
qui fût injurieux à la cléricature. « Interpré-
tante Damiano, regio clero et interprète. »
V. Le savant et zélé Hincmar fournit encore
une preuve de la dépendance du clergé du pa-
lais à l'égard des évêques (Hincmar., t. u,
p. 140). 11 écrivit une lettre aux prêtres, aux
diacres, aux sous-diacres et aux autres clercs de
la chapelle, pour les exhorter à ne plus souf-
frir que leurs officiers exerçassent des violences
et des rapines dans son diocèse, avec menace
d'excommunier ceux qui étaient de son dio-
cèse, et de renvoyer les autres à leurs évoques
pour recevoir d'eux la mémo peine.
« llnde nisi vos correxeritis, quicumque de
mea diœcesi sunt, sine dubio usque ad syno-
dum ab officio et communione privabo; et qui
de mea diœcesi non sunt, de mea pârochia et
diœcesi eos exoommunieabo, et ad suas episco-
pos, qui eos corrigant, atque dijudicent, divina
auloritate redire mandabo. »
Voici l'inscription de la lettre qui nous ap-
prendra de quelles personnes élait composé le
clergé du palais: « Hincmarus episcopus fra-
tribus nostris, presbyteris, diaconibus, subdîa-
conibus, et caeteris clericis, in palatio donmo
nostro régi et donmœ reginae, ac illoruin fide-
Libus ecclesiastico ministeiïo consulentibus. »
VI. Hincmar finit sa lettre par cette dernière
considération, que si ces clercs du palais profi-
tent des avis salutaires qu'il leur donne, ils
mériteront l'amitié et l'estime du roi, qui sera
d'autant plus porté à leur donner des évêchés
ou des abbayes, comme il sera aussi lui-même
plus facile à leur conférer les ordres. « Domino
nostro regi et amabiliores et venerabiliores
eritis, et securius vos ille ecclesiis praeficere,
quando locus evenerit, et nos vos audacius et
amabilius, nutu Dei, et ipsius domini favore,
ordinare valebimus. » Preuve évidente que
le prince choisissait ordinairement les plus
dignes des ecclésiastiques de son palais pour
les élever aux prélatures de l'Eglise.
VII. Il y a néanmoins quelque apparence
que Hincmar, dans cette rencontre, flatta ces
chapelains du roi de ces espérances peu hon-
nêtes, afin de les gagner par l'endroit où ils
étaient le plus sensibles, et qu'il déguisa les
généreux sentiments qu'il faisait paraître quand
il s'en présentait une occasion favorable.
Telle fut celle de l'élection d'un évêque à
Noyon. Les rois Louis et Carloman n'avaient
pas voulu la confirmer, quoiqu'elle fût très-ca-
nonique, parce qu'ils avaient dessein de pour-
voir de cet évêché un ecclésiastique du palais.
Hincmar, qui avait présidé à l'élection, écrivit
sur ce sujet à l'abbé Hugues, avec une fermeté
digne de sa profonde science et de son zèle
très-ardent pour les libertés de l'Eglise (Flo-
doard., 1. m, c. 24).
Cet abbé Hugues dominait dans le conseil
royal, et peut-être était lui-même l'archichape-
lain du palais. Hincmar l'exhorte à donner
aux jeunes rois des précepteurs capables d'une
charge si importante à l'Etat, il se plaint à lui
de ce que le conseiller ou ministre des deux
rois était trop jeune et sans expérience; il lui
rend compte de toute sa conduite dans les af-
faires que les rois lui avaient commises, et
dont l'abbé Hugues même l'avait chargé, a Ut
pnefatis regibus necessarios constituât nutri-
tios, quia nimis juvenem habebant concilia-
rium, etc. Et quid sibi mandalum ex parte re-
gum, vel ipsius Hugonis fuerit, etc. » Preuves
certaines de la suprême autorité dont jouissait
l'abbé Hugues.
Pour revenir à notre sujet, Hincmar lui
proteste que si, dans les élections faites dans
les Eglises de Noyon et de Tournay, il n'a pas
satisfait aux inclinations de la cour, c'est parce
qu'il a suivi les mêmes règles auxquelles il a
conformé toute sa conduite depuis trente-cinq
ans, et qu'il a obéi aux canons qui ordonnent
(lue les évêques soient élus, non pas du palais,
DU CLERGÉ Dl' PALAIS 01' DK LA CHAPELLE ROYALE.
K)7
mais de l'Eglise même qui a perdu son pas-
teur, et que l'on ait égard dans ces élections,
non pas à la faveur du prince ou aux recom-
mandations des courtisans, mais au témoignage
du clergé et du peuple et au jugement du mé-
tropolitain.
« AdjuDgenssacrorum canonum promulgatas
super electione canonica autoritates , et osten-
dens (juod non episcopi de palatio praecipiantur
eligi,sedde propria qualibetEcclesia, et quod de
ordinando episcopo, non régis vel palatinorum
débet esse commendatio, sed cleri et plebis
electio, et metropolitani in electione dijudica-
tio, deinde terreni principis cousensio. et sic
fieri episcoporum manus impositio, etc. (Ib. .»
VIII. Tous les évoques ne témoignaient [kis
dans les occasions cette inflexible fermeté. Les
prélats étaient souvent tirés de la cour et du
palais pour aller gouverner les Eglises. Le suc-
cesseur de Hincmar. le saint et célèbre Foul-
ques fut de ce nombre : a Successit Fulco, vir
valde nobilis, et palatinis assuetus ofiiciis,»
dit Flodoard (L. iv, c. 1).
Il est vrai que le clergé du palais était tou-
jours le plus florissant du royaume et le plus
renommé en science et en piété. Hincmar y
avait été admis, et pendant qu'il était encore
simple ecclésiastique : « Sub canonico babitu
educatus, indeque eductus, in palatio domni
Ludovici imperatoris non modico tempore
mansi, » et depuis qu'il eut pris l'babit de
religion dans l'abbaye de Saint-Denis : a Exin-
de assumptus familiaribus obsequiis praefati
imperatoris, ac episcoporum conventibus, pro
sola obedientia mibi injuncta inserviens, post
aliquot annos monasterii quietem repetii. »
IX. Les abbés et les religieux composaient
toujours une partie du clergé royal du palais ,
afin d'y pouvoir réunir tout ce qu'il y avait de
plus pieux et de plus éclairé dans l'état ecclé-
siastique et parmi les religieux. Nous avons vu
l'abbé Fulrad, l'abbé Hilduin, et peut-être aussi
l'abbé Hugues, pourvus de la ebarge de grand
chapelain. Nous venons d'y voir Hincmar,
étant encore religieux de Saint-Denis.
Dans le concile de Cologne, tenu en 887, sous
l'empire de Charles le Gros, assistèrent plu-
sieurs abbés, et entre autres Folcroy. abbé du
palais d'Aix-la-Cbapelle : « Folcharius, Aquis-
grani palatii abbas. » Louis, abbé de Saint-
Denis, était chancelier ou secrétaire du roi
Charles le Chauve : « Epistolare in palatio ge-
rens oftieium, » dit l'abbé de Ferrieres dans
une de ses lettres 'Lupus, epist. \xvu. x\\ . Le
crédit qu'il avait auprès de ce prince dans le
maniement de toutes les affaires ecclésiastiques,
éclate merveilleusement dans plusieurs autres
lettres de cei abbé, qui le regarde comme le
protecteur de toutes les personnes religieuses
dans les affaires qu'elles ont en cour.
L'abbé Angilbert avait tenu ce même rang
dans la cour de Cbarlemagne; voici comme le
pape Adrien en parle dans une de ses lettres à
ce prince : a Angilbert us , abbas, et munster
capellce, qui pêne abipsis infantiœ rudimentis,
in palatio vestro enutritus est, et in omnibus
consiliis vestris receptus est (Du Cbesne . tom.
ii, p. 351;. » Le père le Cointe a justifié la sup-
position de cette lettre Le Cointe, an. ~'J-2,
796 . Hincmar n'aurait pas oublié de mettre
Angilbert entre les archichapelains s'il l'avait
été. Mais on ne peut douter qu' Angilbert n'ait
passé la meilleure partie de sa vie dans le
palais de Cbarlemagne, et qu'il n'ait passé de
là à l'abbaye de Saint-Riquier. Comme Angil-
bert ne fut jamais archichapelain, il faut con-
clure que plusieurs de ceux qui éclatèrent dans
le palais par leur piété et par leur doctrine, ne
furent jamais chapelains et n'eurent aucune
relation avec l'archichapelain.
L'abbé d'Aniane, Renoît, qui réforma tous les
monastères de France et qui composa la con-
corde des règles, passa la meilleure partie de
sa vie dans le palais impérial, y faisant en
quelque manière la fonction de premier mi-
nistre dans toutes les causes ecclésiastiques.
Voici comme l'auteur de sa vie en parle :
« Quia pro multis causis imperatori necessarius
erat, placuit imperatori, ut non procul a pa-
latio provideret locum aptum sibi, etc. Cœpit
vir Dei palatinas terere fores, etc. Omnes qui
aliorum passi incommoda, imperialia petebant
suffragia, cum ad eum accédèrent, alacriter
susceptos osculabatur, eorumque querimonias
in schedulis impressas, tempore opportuno
offerebat imperatori, etc. Sanctus vir usque ad
obitum suum in palatio régis pro augmenta
fidelium, non pro terrenis rébus persévé-
rait. »
Les deux abbés de Corbie, Adélard et Vala,
occupèrent pendant un temps un des premiers
rangs dans les conseils et dans le palais de
Louis le Débonnaire.
X. On trouvera sans doute moins étrange
que les évèques et les conciles aient souffert
qu'on envoyât quelquefois du palais les pas-
■408
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-ONZIEME.
teins des Eglises épiscopales et abbatiales, si
l'on considère que c'est du clergé du palais que
la réformation du clergé et de l'état monastique
s'était répandue dans tout le royaume.
Nous venons de parler de l'abbé d'Aniane,
qui lut le réformateur universel de tous les
monastères de France. On peut donner la
même louange à l'évêque de Metz Crodogangus,
dont la règle fut le modèle et la source de tout
le rétablissement de l'ancienne piété dans le
clergé. Cependant il avait passé du palais à l'é-
piscopal : « Hic in palatio majoris Caroli, ab
ipso enutritus. ejusdemque referendarius exti-
tit; ac demum Pipini régis temporibus ponti-
ficale decus promeruit (Du Chesne, tom. u,
p. 204). »
XI. Entre les lettres de Cerbert, qui fut de-
puis pape, il y en a qui sont adressées à des
moines du palais : Palatino monacho (Epist.
xxi).
Balsamon tient que dans l'Orient les moines
et les clercs, avec la permission du patriarche
et des évêques, s'attachaient à la cour ou à la
maison d'un grand sans craindre de blesser
les canons, parce que ce n'était pas la cupidité,
mais la cbaritéet l'obéissance qui les engageait
dans ces emplois. « Quidni fiet ex canone ?
Propter banc enim causam patriarcba Lucas
permisit monacho et sacerdoti perpetuo versari
cum logotheta cursus, et una cum eo in prœ-
sidio versari, et scriba; ofQcio fungi. »
Cet auteur conclut de là que les évêques ont
le pouvoir d'appliquer les moines et les clercs
à ces sortes d'occupations, d'où ils peuvent ré-
pandre une odeur de sainteté parmi les laïques;
mais que les rois possèdent cette même auto-
rité avec bien plus de justice : « Nota ergo
quod suasione et probatione episcopali, multo
autem magis regia, et monacbi et clerici sine
prœjudicio facient qua? eis permissa fueriut,
cujusmodicumque ea sint (In Synodum Con-
stantin., can. iv). »
XII. Apres tout cela, les évêques ne laissaient
pas de témoigner beaucoup de répugnance
Lorsque l'élection canonique, qui se devait faire
dans une Eglise vacante était ou prévenue, ou
troublée par la nomination que le prince fai-
sait d'un de ses chapelains.
Outre ce qui a été rapporté de Hincmar et
île sa vigoureuse conduite durant l'espace de
trente-cinq ans. voici comme le concile III de
Valence, tenu en <s:>:> (Can. vu), allie la vi-
gueur avec la condescendance dans ces péril-
leuses rencontres, où il faut ménager la sainte
sévérité des canons et l'autorité souveraine des
rois.
II ordonne que dès qu'un évêché sera vacant,
on demandera au roi la liberté d'élire, et qu'on
élira le plus digne qui se pourra trouver dans
la même Eglise, ou dans le voisinage. Que si le
prince envoie un de ses ecclésiastiques pour
être pourvu, les évêques examineront rigou-
reusement si sa suffisance et la pureté de sa
vie répondent à cette haute dignité, et s'il n'y
a point eu de trafic simoniaque dans sa nomi-
nation. S'ils le trouvent indigne d'un si haut
ministère , le métropolitain et les évoques ani-
meront le clergé et le peuple pour aller faire
leurs remontrances au prince, et iront eux-
mêmes à la cour détourner de l'Eglise une ca-
lamité qui eu attirerait indubitablement beau-
coup d'autres. Les termes de ce canon se
trouvent dans le second tome de cet ouvrage,
livre u , chap. w2-2, num. 7.
Ce concile tâche de conserver à l'Eglise la
liberté des élections , mais si le roi nomme
pour évêques les clercs de son palais, il se rend
à cette nomination, pourvu que la personne
nommée ait les qualités nécessaires pour un si
divin ministère.
Paschase Radbert a excellemment représenté
dans la vie de Vala, abbé de Corbie, les secrets
gémissements , et les plaintes de cet abbé sur
les dérèglements et l'ambition de quelques-uns
des chapelains du prince. Ils ne s'engageaient
dans ces emplois que par des motifs d'ambi-
tion ou d'avarice. On pouvait dire qu'ils n'é-
taient ni clercs ni moines , puisqu'ils n'étaient
sujets ni à un évoque, ni à un abbé. Ainsi
ils n'étaient d'aucun ordre , aussi vivaient-ils
sans ordre et sans règle.
« Pra'sertim et militiam clericorum in pala-
tio, quos capellanos vulgo vocant , quia nullus
ordo est ecclesiasticus . denotabat plurimum.
Qui non ob aliud serviunt, nisi ob honores
Ecclesiarum, et qua^stus sa>culi , ac lucri gra-
tiam sine probatione magisterii atque ambi-
tiones mundi. Quorum itaque vita neque sub
régula est monacliorum , neque sub episcopo
militât canonice, prœsertimcum nulla aliasint
tyrocinia Ecclesiarum , quam sub bis duobus
ordinibus. Aiebat namque idem, quod aut ca-
nonicus quisque esse deberet, aut laicus, aut
monachus. Quod si neutrum ; jam sub nullo
monstratur ordine, quia videntur esse sine ca-
pile ^Sac. Heiied., t. iv, p. 195). »
DU CLERCÉ DU PALAIS OU DE LA CHAPELLE ROYALE.
109
Pascbase ne condamne pas ces emplois, puis-
que le palais des princes chrétiens a toujours
eu ses chapelains et son clergé, et que ces
places ont été si souvent remplies par d'excel-
lents et de saints ecclésiastiques. Mais il avertit
ceux qui s'y engagent de l'extrême danger où
ils sont de n'y être attirés que par une secrète
cupidité des richesses de ce monde et des
dignités ecclésiastiques.
Ce reproche que leur fait Paschase, de vivre
dans une entière indépendance des évéques,
montre qu'on avait mal observé le règlement
contraire, dont il a été parlé, et que le clergé
du palais tâchait de s'affranchir de l'obéis-
sance canonique que tous les clercs doivent
à l'évêque, pour ne relever que de l'archicha-
pelain.
XIII. L'empereur Charles le Chauve déclara
dans le concile de Toul, l'an 859 (Conc. apud
Saponarias), que selon la coutume des rois ses
ancêtres, il avait donné l'archevêché de Sens à
Ganelon, clerc de sa chapelle, avec le consente-
ment des évêques de la province.
« .luxta consuetudinem pnedecessorum meo-
rum regum, YYeniloni tum clerico meo, in ca-
pella raea mihi servienti , qui more liberi cle-
rici se mihi commendaverat , et fidelitatem
sacramento promiserat , consensu sacrorum
episcoporum ipsius metropolis , ad gubernan-
dum commisi, et apud episcopos, quantum ex
me fuit, ut eum ibidem archiepiscopum ordi-
narent, obtùmi. »
Ce clerc de chapelle avait prêté serment de
fidélité au roi. D'où on peut conjecturer que
c'était une loi générale, et que c'était appa-
remment cet engagement qui portait le souve-
rain à confier les places les plus importantes
de l'Eglise de son royaume à ceux qui lui
étaient attachés par un lien si étroit et si saint.
Il y a aussi quelque sujet de croire que les
peuples élisaient plus volontiers ces ecclésias-
tiques du palais royal, tant pour faire une élec-
tion qui ne fût pas contestée par le prince, que
pour flatter le prince dans ses inclinations, en
choisissant ceux qui probablement lui étaient
agréables. C'est ainsi que le clergé et le peuple
de Châlons élurent pour leur évèque Villebert,
prêtre de la chapelle royale : a Quondam saeri
palatii presbyterum (Surins, die l'.> Maii , c. iv,
xiii; Junii die S, c. vi). »
Saint Dunstan s'étant attaché à l'archevêque
de Cantorbéry après qu'il eut reçu les ordres
inférieurs, lut par lui-même présenté au roi
etappliqué ensuite au gouvernement du palais,
et des affaires d'Etat; ce fut par ce degré qu'il
s'éleva à l'archevêché de Cantorbéry.
Saint .Mainverc, évèque de Paderborn, avait
été dès sa jeunesse clerc de chapelle. « Regia
stirpe genitus, evocatus ad palatium, regius
capellanus cflicitur, ut Deo ordinante longius
innotesceret. »
L'auteur de la vie de ce Saint (Cap. i.xxxvii)
outre saint Mainverc , et saint Aribon , évèque
de May en ce , nomme plusieurs autres saints
évêques du même temps, qui joignaient une
inviolable observation des canons au gouver-
nement temporel auprès des empereurs, duquel
la nécessité du temps ne leur permettait pas de
se dispenser. « Secundas imperii partes sancte
et juste administrantes, sacerdotii rigoremnul.
lalenus relaxantes. »
La cour des Othons était riche et féconde en
saints et savants ecclésiastiques. Comme ces
empereurs avaient beaucoup de pouvoir dans
les élections, on peut croire avec quelque fon-
dement qu'une partie des plus excellents évê-
ques d'Allemagne sortirent de leur palais.
Pierre Damien (In vita sancti Roman. ,c. xxvnn
témoigne que ce fut dans l'office même de
clerc de chapelle près de l'empereur Othon que
saint Boniface, proche parent de cet empereur,
conçut ce généreux dessein, qui donna un
apôtre à la Russie, et un martyr à l'Eglise
« Cum in capella regia moraretur, etc. (Surius
die 20 Nov., c. m). »
Saint Bernard , évèque d'Hildesbeim, avait
aussi été attaché au palais de l'empereur Othon
III , dont on le fit ensuite précepteur; il joignit
a cette qualité celle de ministre d'Etat après la
mort de l'impératrice.
Enfin le roi Charles le Chauve ayant nommé,
pour les évèchés d'Autun et de Châlons, deux
clercs de son palais, fit écrire par l'archevêque
de Sens, Ganelon, à Amulus, archevêque de
Lyon, qu'il ne devait faire nulle difficulté de
sacrer ces évêques nommés par le roi, et choi-
sis entre les ecclésiastiques de son palais, puis-
que le pape Zacharie, et le concile de France
sous le légat Boniface, avaient autrefois donné
cette autorité à Pépin. « Non esse novilium
aut teinerarium , quod ex palalio honorabilio-
ribus maxime Ecclesiis rex procurât antistites.
Nam Pipinus, exposita necessitate hujus regni
Zachariœ Romano papa1, in synodo, etc. (Inter
Epist. Lupi, ep. lxxxi). » Ceux qui étaient
envoyés du palais (Ex palatio) pour remplir les
110
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-ONZIÈME.
évêchés, étaient probablement des clercs;
Crodegand , néanmoins , et quelques autres ,
étaient de simples laïques.
XIV. Le moine de Saint-Gall a observé que la
chapelle du roi a tiré son nom de la chape de
saint Martin, que nos rois faisaient toujours
porter dans leurs expéditions militaires, comme
un sanctuaire de religion et un augure de la
victoire.
« Quemdam optimum dictatorem et scripto-
rem Carolus Magnus in capellam suam assimi-
lait, quo nomine Francorum reges, propter
cappam sancti, quam secum ob sui tuitionem,
et bostium oppressionem jugiter ad bella por-
tabant, sancta sua appellare solebant (L. i, c. i;
Du Chcsne, tom. n, p. 103, 105). »
Dans le testament de Charlemagne, le terme
de chapelle est appliqué à tous les vases d'or
et d'argent, aux ornements et aux livres de la
sainte chapelle, dont il ne voulait point qu'on
fît aucun partage : « Capella, id est, ecclesia-
sticum ministerium, etc. (An. 877. Du Chesne,
tom. n, p. 404). »
XV. Charles le Chauve fait mention de ses
aumôniers dans ses capitulaires. et leur or-
donne de faire après sa mort les charités qu'il
leur avait recommandées : « Si nos in Dei,
sanctoruinque ipsius servitio mors prœoccupa-
verit, eleemosynarii nostri, secundum quod
illis commendatum habemus, de eleemosyna
nostra decertent (Capitul. Baluz., p. 21-2, 202,
270). »
Il paraît, par les mêmes capitulaires, que
les évêques, les abbés, les comtes et les gen-
tilshommes avaient aussi leurs aumôniers, et
que tous ces aumôniers n'étaient autres que
les exécuteurs testamentaires. Ainsi, ils n'a-
vaient nul rapport avec les chapelains ni avec
l'archichapelain.
XVI. Les offices de l'Eglise se chantaient
avec une piété exemplaire et avec une sainte
majesté dans la chapelle royale : nous l'avons
déjà fait voir en parlant du chant des psaumes
et des offices de L'Eglise, et de l'assistance édi-
fiante de nos rois à tous ces exercices de reli-
gion. Nous venons de voir le pape Léon, qui
l'ait espérer que toutes les églises du royaume
s,' conformeraient au changement qu'il jugeait
à propos de faire dans les offices de la sainte
chapelle.
Saint Gérard, comte d'Aurillac, avait une
sainte chapelle, pour ainsi parler, déambula-
toire, qui l'accompagnait toujours, et ou il
assistait avec ses ecclésiastiques à la psalmodie
du jour et de la nuit : « Copia vero clericorum
semper eum comitabatur, cum quibus in di-
vino opère jugiter insudabat. Nocturno tem-
pore cunctos in oratorio diutius praevenire
solebat, quo expleto solus remanere solitus
erat Bibl. Clun., p. 95, 100). »
Les approches de la mort ne purent ralentir
les saintes ardeurs de ce comte pour la psal-
modie des offices; il les faisait chanter dans sa
chambre aux mêmes heures qu'on les célébrait
dans l'église : « Jussit ut nocturnale coram se
capellani peregissent, episcopo cum suis in
ecclesia illud célébrante. Cum psallentibus au-
tem et ipse psallebat, donec post matitunale
offieium omnes etiam diei horas compleret. »
C'est ce qu'en raconte saint Odon, abbé de
Cluny, dans la vie de ce saint comte. 11 est
aussi remarqué, dans la vie de saint Udalric,
qu'il menait partout ses chapelains pour célé-
brer avec eux Le divin service.
Ce qui a été dit de la chape de saint Martin,
fait assez connaître que nos rois avaient aussi
une sainte chapelle déambulatoire, qui les ac-
compagnait toujours dans leurs campagnes ,
comme une arche de sainteté et de protection,
et qu'on y chantait toujours les offices divins.
La remarque de Valafride Strabon justifie que
les reliques des saints martyrs étaient aussi
portées avec la chape de saint Martin. Nous
avons ailleurs donné assez de preuves que l'on
célébrait continuellement la psalmodie divine
devant les saintes reliques.
Les paroles de Valafride Strabon confirment
une partie de ce qui a été avancé dans ces
deux chapitres, a Quemadmodum sunt in pa-
latiis comités palatii , qui saecularium causas
ventilant ; ita sunt et illi, quos summos capel-
lanos Franci appellant, clericorum causis prar
lati. Capellani minores ita sunt, sicut hi quos
Vassos Dominicos (lalliea consuetudine nomi-
namus. Dicti sunt autem primitus capel-
lani, a cappa beati Martini, quam reges Fran-
corum , ob adjutorium Victoria: in prœliis
solebant secum habere : quam ferentes et cu-
stodientes, cum cœteris sanctorum reliquiis
clerici capellani cœperunt vocari (De rébus
Eccl., c. xxxi)- »
XVII. La chapelle des empereurs de Con-
stantinople ne pouvait pas être moins privi-
légiée que celle des rois et des empereurs
d'Occident. Il est fait mention en diverses ren-
contres du prêtre du palais et des primiciers,
nr ci.iiitt.i: m: palais nr prince, etc.
ni
ô -î-ot; t'.j koXoitîou, oi sj«u.[iTi)CTiftot (Cedrenus, p. H8j
469, 494.
Les clercs du palais destinés à y chanter les
Offices, £irf. ixy.Ar.aia t',0 itaXariou yi'/J.'.vTs; /.Xr. pucot, VI !-
liaient de leurs maisons des la troisième -s cille
de la nuit pour y faire leur fonction, mais depuis
que les conjurés se furent joints à eux. pour
entrer en même temps dans le palais, et y faire
mourir l'empereur Léon l'Arménien, on les
logea tous dans le palais même.
Le chef de ce clergé impérial était appelé le
protopape du palais,; -p«T-.-x-i; --.■> t.-o.i-.-.j -. c'est-
à-dire le premier prêtre (Ihid., pag. 0-2-2, 642 .
Car le nom de pape signifie père, et un l'a ap-
pliqué ensuite à tous les prêtres et à tous les
curés dans l'Orient.
On conservait aussi dans la chapelle impériale
les reliques des saints avec le bois de la vraie
croix du Sauveur; et dans quelques rencon-
tres le protopape fut envoyé à l'armée avec ce
sacré dépôt de la vraie croix, pour faire jurer
tous les soldats qu'ils mourraient généreuse-
ment pour li défense de la religion et de l'em-
pire, ce qu'ils jurèrent tous a genoux.
Le saint patriarche Polyeucte eut bien de la
peine à souffrir que l'empereur Romain III
du nom, retint dans le clergé du palais un
moine apostat ; quelques excuses que ce prince
lui fit, qu'on l'avait violenté pour le faire en-
trer dans le cloître, après la mort de Romain,
ce moine fut contraint de rentrer dans son mo-
nastère.
Le même patriarche Polyeucte fut encore
obligé de se relâcher de son zèle, qui lui avait
fait interdire sa communion a l'empereur Ni-
céphore, pour avoir épousé sa commère spiri-
tuelle , après que le protopape du palais Stylien
eut juré, quoique faussement, qu'il n'y avait
jamais eu d'alliance spirituelle entre l'empe-
reur et l'impératrice (Pag. 649 .
Eustasius. protopape, ou le premier des prê-
tres du palais -■.,'■,'■.■ owtûv Epio&TCfu», fut fait pa-
triarche après la mort de Sergius (Pag. 717).
CHAPITRE CENT-DOUZIÈME.
IH i LERGÉ DU PALAIS DL' PRINCE, DES CHAPELAINS, AliCIIICHAPELAlNS , AUMONIERS
ET GRANDS AUMONIERS, DEPUIS L'AN MIL.
I. Diverses sortes de chapelains, et divers règlements des con-
ur leurs devoirs et leur dépendance des évéques.
II. Réflexions sur ces canons.
III. Grand pouvoir des évêques sur les chapelains des cha-
pelles royales en Norwége.
IV. Autres preuves de l'autorilé de Fevèque sur ces chape-
lains, de leur fixation dans une église, de leur résidence.
V. Des chapelains des papes et des empereurs.
VI. De ceux des rois de Sicile, d'Angleterre et d'Espagne.
VII. Des chapelains des seigneurs particuliers et des causes
de leur avilissement.
VIII. Des archichapelains et du clergé du palais impérial.
IX. Des grands aumôniers de France, et des confesseurs des
rois.
I. Le concile de Tours, en 1203, ordonna
que les chapelains des châteaux et des places
fortes promettraient par serment d'empêcher
le pillage des biens de l'Eglise, d'obliger les
seigneurs ou les commandants de restituer
tout ce qui aurait été volé, ou d'interdire le
lieu et se retirer eux-mêmes si, en quarante
jours, on ne réparait les pertes qu'on aurait
causées ; enfin qu'on ne pourrait changer ces
chapelains sans en avertir l'archidiacre, afin
qu'il exigeât le même serment de son succes-
seur.
Le concile de Clermont, en lôi>."i Can. x),
avait déjà ordonné que les grands seigneurs
ne pourraient avoir des chapelains qu'avec la
permission de l'évêque diocésain. « L't nullus
presbyter capellanus alicujus laiei esse possit.
nisi coneessione sui episcopi. » Ou selon une
autre édition : o L't nullus princeps capella-
num habeat, nisi quem sibi episcopus suus
aut archidiaconus procuratorem anima.' dele-
ctum-constituat (Can. xvm). »
Le concile de Cologne, en 1-200 ;Can. x , dis-
412
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DOUZIÈME.
tingue les chapelains des rois, des évèques et
des prévôts ; il les oblige tous également à la
résidence dans leurs Eglises, s'ils n'en sont
dispensés par les affaires pressantes de leurs
maîtres ou de leurs Eglises ; d'assister l'évêque
quand il officie; d'être dans les ordres sacrés,
et s'ils sont chapelains de l'évoque, d'être sou-
mis à la juridiction de son premier chapelain.
« Cum in aliquibus Ecclesiis capellani re-
gales, episcopales, ac etiam capellani praeposi-
torum existant, etc. Capellani hujnsmodi resi-
dentiam in suis Ecclesiis tanquam alii fratres
facient , nisi illo tantum tempore , quando
agunt suorum negotia dominorum , atque
etiam si negotia Ecclesia? hoc exposcant. Et
nobis in ecclesia majori, vel alia, si sunt ea
vice présentes, debent adesse in divini cele-
bratione officii et adstare. Et debent hùjus-
modi capellani in sacris esse ordinibus con-
stituti. Super hujnsmodi capellanos episcopa-
les erit noster capellanus, quasi Ioco judicis et
magistri. »
Enfin, ce canon défend aux doyens , aux
scolastiques ou aux chantres, de pouvoir
jamais être chapelains des évèques ou des
rois.
H. Réflexions importantes à faire sur ces ca-
nons : 1° que ces chapelains des rois et des
évèques étaient asservis à une Eglise , selon
l'ancienne discipline ; 2° qu'ils devaient y faire
résidence, selon l'ancien usage de tous les bé-
néfieiers; 3° que les grands ne pouvaient avoir
des chapelains ou des aumôniers que de la
main ou de la concession de l'évêque; 4° que
tous ces chapelains devaient être dans les
ordres sacrés; 5° que le premier chapelain
de l'évêque était comme l'archichapelain et
le supérieur de tous les autres; 6° les béné-
fices simples commençaient alors à se former,
mais on ne les exemptait pas encore tout à l'ait
ni de la résidence ni de l'asservissement à leur
Eglise; 7° les chapelains des châteaux devaient
se regarder comme les gardes et les défen-
seurs du patrimoine de l'Eglise dans tout le
voisinage.
III. Dans la transaction qui fut faite entre le
roi de Norvège, Magiius, et Jean, archevêque
de Nidrosie ou de Drontbein, en fan 1-273, le
roi promit de conserver inviolablement la li-
berté que ses ancêtres avaient laissée aux ar-
chevêques et aux évèques, d'instituer des cha-
pelains dans les chapelles de fondation* ou de
dotation royale, sans attendre le consentement
ou la présentation des rois, ou des autres
laïques.
« Concessit rex , quod a prœdecessoribus
suis est concessum, scilicel ut licitum sit sem-
per archiepiscopis et episcopis, in capellis a
regibus fundatis, vel dotatis, sicut et in aliis
capellis sune provineiœ , instituere idoneas ,
sine ipsorum et aliorum laicorum assensu ,
vel prœsentatione personas (Rainald., n. 20). »
L'exclusion même du patronage laïque dans
les chapelles fondées par les rois et par les
autres seigneurs était bien un usage particu-
lier à la Norvège : mais cela même montre
clairement l'extrême dépendance où était alors
tout le clergé du palais royal et tous les cha-
pelains des grands à l'égard des évèques qui
disposaient de ces charges comme des autres
bénéfices. Les seigneurs laïques n'avaient
garde de prétendre encore à la qualité de col-
lateurs, puisqu'ils ne l'étaient pas même à l'é-
gard de leurs chapelains, et de plus qu'ils ne
jouissaient pas du droit de patronage ordinaire
à leur égard.
IV. L'abbé Guibert fournit une nouvelle
preuve de ces mômes réflexions. Il dit que sa
mère avait deux ecclésiastiques dans sa mai-
son, l'un qui était son chapelain et l'autre le
précepteur de son fils. Ils desservaient une
église qui appartenait k cette dame, selon le
mauvais usage de ce siècle, où les laïques s'é-
taient approprié les églises. « Evocatis ipsa
duobus clericis , capellano suo et magistro
meo, sub eorum custodia in ecclesiam me
deferri prsecipit. Juxta pravitatem vero veteris
usus, ecclesia illa ad jus ejus pertinebat (L. ni,
de vita sua, c. ult.). »
On peut conclure de là et des autorités pré-
cédentes, que tous les chapelains des seigneurs
laïques avaient effectivement quelque chapelle
particulière, pour laquelle ils devaient être
ordonnés ou institués par l'évêque. Ainsi ils
étaient vrais bénéfieiers. Mais on en peut en-
core conclure que les conciles prirent un soin
tout particulier de conserver l'autorité des
évèques dans l'institution des chapelains ,
parce que les laïques en avaient fait comme
leur patrimoine , par une usurpation sacri-
lège, qui avait embrassé la plupart des autres
églises.
Comme ces chapelles appartenaient plus
particulièrement aux patrons laïques qui en
étaient les fondateurs, aussi ils se les appro-
priaient plus opiniâtrement, et il fallut donner
DU CLERGÉ DU PALAIS DU PRINCE, etc.
113
de plus grands combats pour les remettre
dans L'obéissance dos évéques.
Avant le rétablissement de l'autorité do l'ins-
titution épiscopale dans ces chapelles, les sei-
gneurs laïques en disposaient, non pas comme
patrons, mais comme collateurs. Et ce furent
ces premières tentatives de collations usurpées
que les canons renversèrent.
Le pieux et savant Gerson déplorant les dé-
sordres des ecclésiastiques, se plaignait de ce
que les évêques avaient laissé échapper d'entre
leurs mains le pouvoir de destituer, aussi Lieu
que d'instituer les chapelains des princes.
« l hi est quod nullus principum laicorum, ca-
pellanum habeat nisi ah episcopo datum , in
casu ab episcopo deponendum , vel corrigen-
dum (Gerson, tom. i, pag. 205). »
V. Les papes et les empereurs avaient aussi
leurs chapelains. Innocent II voulant retirer
Pierre, diacre et moine du Mont-Cassin, pour
l'attacher à sa maison et à ses intérêts, lui pro-
mettait de le mettre au rang de ses chapelains,
et de pourvoir libéralement à tous ses besoins,
w Se illum inter capellanos suos hahiturum, et
quasque illi necessaria prœbiturum (Chron.
Cassin., 1. iv, c. 11 i, 117. 125). »
L'empereur Lothaire le lit peu après son
cartulaire et chapelain de l'empire, « Chartu-
larium et capeUanum Romani imperii con-
slituit. » Ensuite il écrivit à l'abbé du Mont-
Cassin pour le lui demander , donnant à cet
abbé la même qualité de chapelain, avec plu-
sieurs autres plus magnifiques : o Guibaldo
Cassinensi hierarchae, et Romani imperii can-
cellario, capellano, ac principi pacis. »
Valsingham a parlé de l'avarice infâme d'un
cardinal, qui vendit en Angleterre les choses
les plus saintes, en l'an 381, et entre autres les
qualités, ou offices de chapelain du pape et de
notaire apostolique. « Ad capellanatum domini
papa? tam possessionatos , quam mendicantes
admisit. »
VI. Pierre de Rlois, écrivant au chapelain du
roi de Sicile, lui témoigne avec autant de zèle
que d'éloquence qu'il est de son devoir d'aver-
tir sans cesse ce jeune roi de ne point donner
les évèchés a des personnes indignes d'un si
divin ministère, et de ne point porter ses mains
sur les trésors sacrés de l'Eglise : car étant le
pasteur de ce jeune roi , il ne peut le laisser
perdre sans périr lui-même. « Ovis tua est, et
in periculum tuum ipsius custodiam susce-
pisli (Epist. s). » Il est tres-dangereux de ton-
dre les brebis, et ne pas vriller a leur conser-
vation. « Periculosum est tihi, si in tonsoris
officium concertas ministerium pastorale. »
.Lan Selden , dans ses notes sur l'histoire
nouvelle d'Eadmer,a publié le privilège que
Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre,
accorda, avec l'agrément des évêques d'Angle-
terre, à l'abbaye qu'il fondait, de Saint-Martin
du Bel, dans le lieu où il avait remporté la
plus glorieuse de ses victoires.
Ce privilège contient une exemption entière
de toute l'autorité temporelle, et de la juridic-
tion spirituelle des évêques ; mais quant à
l'exemption temporelle , elle est réglée sur
celle de la chapelle royale. « Sieut mea Domi-
nica capella libéra sit omnino ab omni ej us
exactione (Pag. 11-2, 113).» Ainsi la chapelle
royale semble avoir été alors soumise à la ju-
ridiction spirituelle de l'évèque diocésain (Con-
cil. Angl., tom. u, p. 53, 54).
Eadmer (Histor. Novel., 1. vi , parlant du
mariage du roi Henri I", qui devait se faire
dans le château de Vindsor, dit que l'évèque
de Salisbury, qui était le diocésain, se disposait
a en faire la cérémonie : mais que l'arche-
vêque de Cantorbéry l'emporta sur lui. parce
que le roi et la reine, quelque part qu'ils fus-
sent, le regardaient comme leur curé. « Quod
rex et regina spéciales, acdomestici parocbiani
sunf ipsius. »
Roger raconte comment en 1175 les arche-
vêques de Cantorbéry et d'York étant en diffé-
rend sur la chapelle de Saint-Oswakl à Glocester,
il fut enfin arrêté entre eux que l'archevêque
de Cantorbéry laisserait à cette chapelle la
même exemption de toute sa juridiction, dont
jouissait la chapelle royale. « Quietam clama-
vït et liberam ab omni jurisdictione sua capel-
lam sancti Oswaldi Gloeestria\ sicut Domini-
cain capellam domini régis. »
La chapelle royale était donc alors exem pte de
la juridiction de l'archevêque de Cantorbéry,
quoiqu'il fût le curé particulier des personnes
royales. C'est apparemment de cette exemption
qu'il faut entendre la lettre d'Innocent III, au
roi Jean d'Angleterre : a Super tua non excom-
municanda persona, neque tua interdicenda
capella, nisi de mandato Sedis Apostolicaj
speeiali (Regest. xvi. 1. i, epist. cxxx). »
Les rois avaient recouru à ces privilèges
pour se mettre à couvert des interdits et des
censures que les évêques pouvaient fulminer.
Aussi ce pape exhortait ce roi, dans la même
1 1 i
DU SECOND ORDKE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DOUZIÈME.
lettre . à ne pas contester avec les évêques sur
des points de la juridiction spirituelle, mais
à avoir recours au Saint-Siège.
« Illud regali tua? prudenti» consulimus ad
cautelam, ut cum archiepiscopis et cpiscopis
regni tui contentiose non agas, maxime super
negotiis spiritualibus et ecclesiastico jure cum
ad nos possis habere recursum, perquos multa
poteris honeste perficere, quae boneste non
posses perficere per teipsum ; pro certo confi-
dens, quod nos pctitiones et preces tuas quan-
tum bonestas permiserit, intendimus exau-
dire. »
La demande et la concession de cette immu-
nité pouvaient être non-seulement justes et
raisonnables, mais aussi nécessaires et avanta-
geuses à l'Eglise, puisque le premier qui de-
manda et qui obtint une exemption tout en-
tière pour la sainte chapelle, fut le roi saint
Etienne, apôtre et fondateur de toutes les
Eglises de Hongrie. Rien n'est plus impor-
tant pour le salut des Eglises particulières, que
la bonne intelligence et l'union indissoluble
des rois avec le Saint-Siège, qui est le centre
de l'unité de toutes les Eglises.
11 ne faut pas demander d'exemple plus con-
vaincant que le royaume même d'Angleterre
dont nous parlons. Ceux qui y feront une sé-
rieuse réflexion, demeureront persuadés qu'In-
nocent III ne pouvait lier trop étroitement la
couronne d'Angleterre au Saint-Siège.
Edouard II, roi d'Angleterre, faisant réponse
aux articles du cahier que le clergé de son
royaume lui avait présenté en 1310, y ajouta
ce point important, que de temps immémorial
les clercs de son palais, pendant le temps qu'ils
étaient en service étaient exempts de résider
en leurs bénéfices, sans qu'on put croire que
ce qui était nécessaire pour le prince et pour la
république pût être préjudiciable à la liberté
ecclésiastique.
« Rex et antecessores sui a tempore, cujus
contrarii memoria non existit, usi sunt, quod
clerici suis immorantes obsequiis, dum obse-
quiis illis intenderent, ad residenliam in suis
beneficiis faciendafn minime compellantur.
Nec débet dici tendere in praejudicium eccle-
siasticœ libertatis, quod pro rege et republica
nec sarium invenitur (Concil. ('.en., loin, u,
part. 2, p. 2465). »
Dans les ordonnances de l'archevêque de
Cantorbéry, en lil", il est parlé des patrons
et des bénéfices de fondation royale, qui étaient
chargés de certaines pensions pour les clercs
du palais royal, jusqu'à ce qu'ils les eussent
pourvus de quelque bénéfice : « Clericis régis
in certis annuis pensionibus sunt astricti ,
quousque aliqua bénéficia competentia eis ob-
tulerint, et ipsa acceptaverint. »
On trouve à la tête du concile de Tortose, en
1429 (C. Cum Capella. De privilegiis), plusieurs
lettres du roi Alphonse d'Aragon , et une entre
autres où il casse toutes les lettres que divers
ecclésiastiques avaient surprises pour s'exemp-
ter de la justice des ordinaires, en se faisant
passer pour clercs domestiques du palais. Les
véritables clercs de la chapelle du prince en
étaient donc déjà exempts. D'où il faut conclure
que toutes les chapelles royales avaient obtenu
la communication du privilège de la sainte
chapelle des ducs de Bourgogne, à Dijon, dont
l'exemption est remarquée dans la décrétale
d'Innocent III, au chapitre cum Capella; et
elle consistait en ce que les chanoines de la
sainte chapelle ne pouvaient être ni suspendus
ni excommuniés, ni interdits par les ordinaires.
Le concile de Trente a renouvelé ce chapitre
cum Capella, et l'exemption des chapelains des
rois dans sa session xxiv. chap. xi.
Les ordonnances de l'archevêque de Cantor-
béry, en 1464, défendent au commun des ec-
clésiastiques les chaperons, les cornets et autres
ornements propres aux gradués, aux dignités
et aux prêtres, ou aux clercs de la chapelle
du roi : a Presbyteris et clericis in servitio do-
mini régis. »
VIL Pour ce qui regarde les chapelains des
seigneurs particuliers, Nicolas V répondant, en
1447, à diverses consultations des Saxons,
comme il y en avait une sur les chapelains
qui sont attacbés à des chapelles particulières
où ils célèbrent la messe aux seigneurs du lieu ,
leur fit savoir que cela se pouvait avec la per-
mission de l'évèque, mais qu'il était et bien
plus séant et plus sûr que ces chapelains ne
logeassent pas dans la même maison avec les
laïques.
« An liceat laicis servare unum, vel plures
capellanos, propler Deuin in domo sua borne
vitae recommendatos, qui sibi posent légère,
vel cantare missas in aliqua ecclesia ," sive ca-
pella , sine pnejudicio parochialis ecclesia! ?
Dicendum est quod presbyteri de licentia
episcopi diœcesani boc possint facere : est
DU CLERGÉ DU PALAIS DU PRINCE, etc.
h;.
tanien decentius habitare extra munis laico-
runi propter multa quœ occurrere possunt ex
tali cohabitatione [Rainald., n. 28). »
Voilà comment on s'était déjà relâché de
L'ancien usage; et au lieu que 1rs évoques don-
liaient des chapelains pour desservir les cha-
pelles et pour travailler au salut îles laïques,
on se contenta de demander leur permis-
sion.
C'est peut-être ce changement qui jeta les
piètres dans l'avilissement et dans le mépris,
lorsqu'ils abaissèrent ensuite leur dignité
sainte et éminente a toutes les bassesses qui
sont comme inévitables aux chapelains des
grands, et surtout des dames.
C'est le sujet de la juste plainte du concile de
Cologne, en 1330 (Part, n, c. xxvn) : « Magna
eorum levitas est, in magnam cleri ignomi-
niaui redundans, qui se laicis, atque adeo de-
licatis feminis, ventris causa, in capellanos,
ut appellant, atque anteambulones venditant.
Qui enim debebant esse gregis duces, redigun-
tur in caudam , et sordidissimis quibusque
negotiis alligantur : proh dolorl»
L'ancienne discipline fut mieux maintenue
pour les chapelains des grands dans leurs châ-
teaux, par le concile de Mayence, en 1349
(Cap. xcv). Il ordonna qu'ils seraient institués
par l'évèque et qu'ils lui promettraient, ou à
son archiprêtre, d'obéir à ses ordres, d'assister
aux synodes et aux chapitres du doyen rural,
enfin de ne préjudicier en façon quelconque
aux droits de la paroisse.
« Sacellani nobilium in sacellis castrorum
missas celebrare, aut alia sacramenta conferre,
aut etiam praedicare non présumant, nisi super
eo autoritatem et consensum ordinariorum ob-
tinuerint, et prius manualem promissionem
episcopo , seu loci illius archipresbytero feee-
rint, sein obedientia diœcesani mansuros, et
ad synodos et capitula venturos, et mandatis
ecclesiasticis, secundum justitiam, et quatenus
cos altingimt esse parituros; salvis etiam juri-
bus parochiarum, ad quastalia castra nobilium
pertinere noscuntur. »
VIII. Nous n'avons rien à dire des archicha-
pelains, parce que ce nom et cette dignité
s'éteignirent avec la maison de Charlemague,
tant dans la France que dans l'Allemagne,
Ce n'est pas que les rois et les empereurs
d'Allemagne ne prissent un soin extrême de
remplir le clergé de leur palais de personnes
éniinentes en piété, en zèle et en science, et de
tonner par ce moyen auprès de leur personne
ennuie une pépinière d'évèques. En voici une
preuve mémorable tirée de la vie de saint
Bennon, évêque île Misne, dans le \r siècle :
Henri III, roi d'Allemagne, ayant fait dédier
sa chapelle royale de Gozlar, par Léon IX,
voulut y faire son séjour et le siège de son
empire, et y appela tout ee qu'il y avait dans
l'empire de personnes signalées en vertu et un
capacité : « Quam Ecclesiam cuin imperator
imperii capellam, et canonicos ipsius capella-
nos regios haberi et nominari vellet : exactam
dédit operam, ut viros tanto honore dignos, et
tam litteris, quamsanctae conversations mori-
bus probatos eidem ecclesiae praefleeret. Siqui-
dem illic etiam regni sedem constituerai. Lecti
sunt igilur ex oinni fere Germania viri, cum
doclissiini , tum religionis observantissimi
(Surius, die 16 Junii, c. xi). »
On vivait dans le clergé du palais en congré-
gation. Saint Bennon fut retiré de son monas-
tère par ce roi et par le pape pour en prendre
la conduite; et la discipline y était si exacte-
ment observée , qu'il y eu eut plusieurs qui,
après leur mort, furent canonisés. Comme les
empereurs donnaient encore les évêchés, l'au-
teur de la vie de ce saint en nomme près de
cinquante de cette sainte communauté qui
furent élevés à l'épiscopat.
a Quam laudabilem vero ac sanctam olim
vitam duxerit prima ea Goslariensium canoni-
corum congregatio , docuniento esse potest,
non solum id , quod plures, ex eis divorum
numéro ascripti, plurimi Beatorum appella-
tione, dum adhuc viverent, dignati sunt :
verum illud etiam memoratu dignissimum,
quod cum in potestate imperatorum adhuc
esset episcoporum designatio, pauci aliunde,
quam ex eadem regia, ut dicebatur, capella,
tam sub praedicto Heurico III, quam filio ipsius
IV et nepote V œquivoci nominis regibus, ad
quaecumque etiam episcopia conscenderint. u
Il en nomme ensuite quarante-huit qui, de
prévôts ou de chanoines de cette sainte cha-
pelle, furent faits évoques ou archevêques.
Si j'ai souvent dit qu'un fort grand nombre
d'évèques avaient été tirés du clergé du palais
des empereurs et des rois, j'ai toujours aussi
fait connaître qu'on prenait tous les soins ima-
ginables de ne composer ce clergé que de per-
sonnes qui se distinguassent par une piété et
une capacité singulières. On ne peut douter
que ceux qu'on tirait de h chapelle royale de
llli
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DOl'ZIÈME.
Gozlar ne fussent tels, et ne méritassent les
évêchés par la suite même d'une dignité si
sainte.
Ce clergé impérial de C.ozlar n'ayant été
gouverné que par des prévôts, il est visible que
sous ces trois empereurs on ne parlait plus
d'archichapelains du palais. Dans la vie du
saint et illustre martyr Charles , comte de
Flandres, dans le douzième siècle, il est parlé
de Bertulphe, son archichapelain et son chan-
celier. « Archicapellanus et cancellarius to-
tius Flandrensis curiae (Surius, die 2 Martii,
c. xi y). »
En parlant des chanceliers, nous rencontre-
rons encore quelques archichapelains dans
l'Allemagne. Mais ces exemples, qui sont très-
rares et anciens, ne servent qu'à nous faire
connaître qu'il est difficile que les dignités et
les coutumes anciennes disparaissent tellement
et si généralement, qu'il n'en reste encore
quelques vestiges pendant quelque temps.
Nicéphore Crégoras (L. v, pag. 61 ; I. vi,
pag. 76) rend le même témoignage aux empe-
reurs de Constantinople, qui appelaient à leur
clergé impérial les plus pieux et les plus ha-
biles d'entre les ecclésiastiques, ce qui était
comme un degré pour monter ensuite aux
évêchés, et même à la dignité de patriarche.
IX. Quant à nos rois, on ne parla plus d'ar-
chichapelains depuis Hugues Capet ; ils se
contentaient d'un chapelain et d'un aumô-
nier.
M. du Cange a rapporté les ordonnances
de saint Louis, de Philippe le Bel et de Phi-
lippe le Long, où, entre ceux qui ont cham-
bre dans l'hôtel du roi, sont le chapelain et
l'aumônier. L'ordonnance de Philippe le Bel
porte les chajtclains, les confesseurs et l'aumô-
nier (Glossar., tom. i, pag. 2-27). Ainsi l'aumô-
nier était alors postposé aux chapelains ; mais
cette dignité s'éleva ensuite par degrés.
Depuis Charles VI, ceux qui possédèrent
cette dignité furent le plus souvent élevés à
l'épiscopat. Jean Balue, sous Louis XI, fut fait
non-seulement évoque d'Evreux, mais cardi-
nal. Sous Charles VIII, Jean de Rely, évêque
d'Angers, commença à prendre là qualité de
grand aumônier (Ibidem). Cette qualité ne lui
est pourtant pas donnée ni dans son épitaphe .
rapportée par MM. de Sainte-Marthe, ni dans
son éloge, dressé par M. de Launoy dans son
histoire du collège de Navarre, en l'an 1482
Gallia Christ., tom. n).
Ceofroy de Pompadour, évoque de Périgneux
et ensuite du Puy, posséda la même dignité, et
prit le même titre sous Charles VIII et
Louis XII. Du Tillet a fait le titre de grand au-
mônier bien plus ancien, mais il s'est trompé.
La grande aumônerie a depuis été érigée en
office de la couronne, et n'a été donnée qu'à
des personnes de grand mérite ou de grande
qualité, ou à des cardinaux.
Du Tillet nous apprend , par les archives
mêmes de la couronne, quel était le pouvoir,
et quelles étaient les fonctions du grand aumô-
nier.
Il dit que « par les états des rois Philippe III,
n Philippe le Bel et Philippe le Long, les
« grand aumônier et confesseur du roy avaient
« chacun une chambre, et logeoient en l'hôtel
« du roy, auquel n'yendevoit avoir que quatre
« autres, outre celle de sa majesté. Les rois
« très-chrétiens vouloient avoir nuit et jour
« près d'euxeeuxqui ser voient à leurs âmes, de
« peur des soudains accidents : aussi ces deux
« offices souloient être des plus révérez en ce
« royaume pour la charge qu'ils ont; de laquelle
« bien acquittée, l'utilité provient plus que de
« nulle autre. Le grand aumônier faisoit ser-
ti ment qu'il ne feroit au roy pétition qui ne
« fût juste de piété, et sans autre faveur, ainsi
« qu'il est porté par l'ordonnance de Philippe
a le Bel, en 1290. Par celle de Philippe le
« Long, en 1318, est défendu à tous de s'ingé-
« rer de parler au roi pendant qu'il ovl la
« messe fors à son confesseur, qui lui peut par-
ti 1er seulement des choses touchant le fait
« de sa conscience et salut de son âme : et
« après la messe avant que le roy parte de son
a oratoire, il lui peut parler de ce qui concerne
a le fait de la collation des bénéfices, et non
« d'autre chose. Semblablemcnt le grand au-
(i mônier, après la messe dans l'oratoire, lui
« peut parler seulement des choses touchant le
« fait de l'aumône. Par autre ordonnance de
« Philippe le Long, régent du royaume en i:Jl(i,
« le confesseur a pouvoir de commander les
« lettres des bénéfices, pour être signées et
o scellées, et le grand aumônier celles de l'au-
« mône. Il y a eu plusieurs différends de la
a juridiction et connaissance prétendue par le
« grand aumônier à cause de son office, sur les
« maladrcries et hospitaux du royaume, nième-
« ment étant de fondation royale, pour les
« gouvernement, Visitation et réformation. En
o 1 I5S, au parlement fut confessé que ceux qui
DU CLERGÉ DL l'ALAIS DU PRINCE, etc.
117
« étoient intitulez bénéfices dévoient répondre
o .i Leurs évèques ; et ceux qui étoient gouvernez
« par yens lays, au grand aumônier.Ce qui a de-
« puis été confirmé par plusieurs édits de Fran-
a çois IM(Du Til.,Rec. des rois de Fr.,p. \34 o
Ces termes de du Tillet nous font voir que
la charge de grand aumônier n'a eu nul rap-
port a celle de larchieuapelain sous la race de
Charlemagne.
(1) Le grand aumônier était évèque de la cour et l'un des grands
officiers de la couronne de France. 11 avait seul la surveillance et la
direction de la maison ecclésiastique du roi. Il officiait devant le roi
sans la permission de l'ordinaire, dans quelque diocèse qu'il se trou-
vât. Il nommait les prédicateurs qui devaient remplir les stations a
la cour. Il avait seul la juridiction ecclésiastique sur l'hospice royal
des Quinze -Viogts, fondé pour les aveugles, en vertu d'une bulle
d'exemption accordée par le pape Jean XXIII, le 8 novembre 1441,
que nous lisons dans le volume déjà cité des Privilèges accordes a
la couronne de France par le Saint-Siège. Nous y trouvons égale-
ment une autre bulle de Grégoire XV, du 30 juin 1622, qui soumet a
la juridiction de l'ordinaire toutes les religieuses hospitalières de
France, à l'exception seulement des communautés de Paris, qui les-
tent soumises à la juridiction du grand aumônier de France. Le der-
nier qui occupa cette haute fonction, avant la révolution, fut le prince
Louis de Rohan, cardinal et évèque de Strasbourg, mort en émigra-
tion en 1803.
Un décret impérial du 28 mars 1805 rétablit la grande aumônene
avec les mêmes attributions qu'elle avait jadis. Le grand aumônier
eut de plus la direction des missions françaises dans les pays étran-
gers, et il fut autorisé à recevoir les dons et legs faits aux lazaristes
chargés de ces missions. II présentait au serment de fidélité les évè-
ques nommés; il devait accompagDer l'empereur au service divin et
lui présenter son livre d'heures ; il devait, à certaines fêtes, présenter
à l'empereur le livre des Evangiles à baiser ; il assistait aux prières
du souverain et récitait la bénédiction et les grâces après les repas
solennels. Le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, était le grand
aumônier de l'Empire. Il se fit pape à l'occasion du second ma-
riage. (Voir les Mémoires du cardinal Consahi.)
La restauralion remit le grand aumônier de France dans ses an-
cieDS titres et prérogatives, et nomma à cette dignité le cardinal de
Talleyrand-Péngord, archevêque de Paris.
Le "gouvernement de Juillet laissa dans l'oubli les fonctions et le
titre de grand aumônier.
Le second Empire l'a rétabli, et, afin d'éviter des conflits qui
avaient eu lien quelquefois lorsque ce haut dignitaire occupait un
siège épiscopal autre que celui de la capitale, Napoléon III a nomme
M :r Darboy, archevêque de Paris, grand aumônier de France. On
rail que, sons la restauration, Mgr de 0_uélen, archevêque de Paris,
prétendit que, comme ordinaire, il avait le droit de présider a la cé-
rémonie des obsèques de Louis XVIII, que le cardinal de Croy, ar-
chevêque de Rouen, revendiquait à son tour comme grand aumônier
de France. .
Aujourd'hui, outre le grand aumônier, il y a un premier aumônier,
qui est toujours évèque, et huit aumôniers ordinaires, dits chapelains
de l'empereur.
Par la constitution Commit Provida, des nones de juillet 1741,
Benoit XIV régla les attributions du grand aumônier du royaume de
Naples qui, comme partout ailleurs, était l'évêque de la cour ; mais il
étendit sa juridiction sur les aumôniers des armées de terre et de mer,
des prisons et des hôpitaux et lui soumit tout le personnel qui en dé-
pendait : . Easque corrigere et visitare ac in easdem omnimodam ju-
. risdictionem ordinariam, omnia et singula alia, qua: archiepiscopi et
. episcopi in dicecesibus his de jure vel consuetudine aut alias quo-
. modoUbetfacereautexercereconsueverunt, idem Capellanus Major
Fauchet dit que l'évêque d'Angoulême se
prétendait arcliicliapelain de nos rois, pendant
qu'ils étaient en Aquitaine, par une concession
de Pépin le Bref; mais <[ue Louis le Jeune, ve-
nant en Guyenne, l'empêcha d'user de ce droit,
selon la chronique d'Angoulême Fauchet, Ori-
gine des dignités de France, c. vu) I ■
. in pranominaïas personas non solum in regia Capella et palatio,
. sed in omnibus aliis supra nomioatis ac designat.s locis exercere,
. vel per se, vel per alios ministres et capellanos a se députâtes
. solet. • 11 déclare qu'il lui confirme tous ces droits et privilèges a
cause des conflits qu'ont suscités quelques évèques du royaume. Le
orand aumônier du royaume de Naples est toujours archevêque m
partibus infidelium. L'article 26 du concordat conclu, en 1818, entre
Pie VII et le roi Ferdinand 1er confirme toute sa juridiction en ces
termes : « Curia Capellani Majoris, ejusdemque junsdictio, lis contine-
. bitur limitibus, qui in constitution Benedicli XIV, cujus iniuum
« Convenir, super eadem re praesenbuntur. » f
Le "rend aumônier d'Espagne, qui porte toujourele titre de pa
triarche des Indes, a reçu, en vertu dune bulle de 1681, la juridic-
tion épiscopale sur les armées de terre et de mer. Sur la demande
de Philippe V, roi d'Espagne, le pape Clément XII publia la consti-
tution Q;oniam, du 4 février 1736, pour bien préciser les attributions
du grand aumônier sur toutes les troupes espagnoles et l'exemption
des aumôniers ordinaires de la juridiction des évèques diocésains.
Cette bulle contient vingt articles qui énumèrent tous les pouvoir*
que possède le grand aumônier. ,
Le 28 mars 1746, Benoit XIV attribua les mêmes privilèges et
pouvoirs au grand aumônier de la cour de Sardaigne.
Le 23 mai 1815, Pie VII confirma au grand aumônier de la cour
d'Autriche le privilège obtenu, en 1780, d'être l'évêque de la cour, et
à ses délégués d'être les curés des régiments : . Conceditur facilitas,
. confirmatione et ordinatiooe exceptis, administrandi omnia Eccle-
« sia; sacrameuta, etiam ea, qua; nonnisi per parochialium Ecclesia-
. rum rectores ministrari consueverunt, reliquasque functiones et
. munia parochialia obeundi. . Voilà, croyons-nous, complètement
détaillé tout ce qui concerne la discipline actuelle de l'Eglise, tou-
chant les grands aumôniers des rois.
La chapelle du souverain pontife se compose de chapelains d Aon-
neur et de chapelains ordinaires, d'un prédicateur pris toujours dans
l'ordre des Capucins, du confesseur de la cour, tiré exclusivement de
l'ordre des Servîtes, e-, du sacristain, emploi toujours confie a un
relweux augustin, élevé à la dignité épiscopale sous le titre d e-
vèqne de Porphyre in partibus ; le sous-sacristain est également un
au»ustin; le maître du sacré-palais est un dominicain; il occupe
une très-haute position dans la prélature. 11 y a ensuite les maîtres
de cérémonies, les acolytes, les chantres, portant tous l'habit prelaliçe.
Quoioue le cardinal grand pénitencier ne sou pas de la chapelle,
c'est lui' qui, le jour des cendres, les impose sur la tète du souverain
pontife et des cardinaux. C'est lui encore qui célèbre la messe des
présanctifiés le vendredi-saint, et la messe des Morts le 2 novembre,
en présence du pape et du Sacré-Collège. Lorsque le pape est a
l'a-onie, c'est à lui qu'incombe l'honneur de l'assister et de le fortifier
dans le terrible passage de la vie à la mort. Pour l'accompl.ssemeot
de son office, .1 entend les confessions le dimanche d«s Rameaux a
Samt-Jeao-de-Latran, le mercredi-saint à Saiale-Mane-Majeure, e
jeudi-saint et le vendredi-saint à Saint-Pierre. Il accorde ces jours-la
cent jours d'indulgence à tous ceux qui se présentent pour recevoir
un coup de la verge pénitentielle qu'il tient dans ses mains. On
trouve dans le premier volume des bulles de Benoit XIV, la consti-
tution pastor bonus qui détermine tous ses pouvoirs.
(Dr ANDRE.)
Th. — Tome 11.
27
il8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-TREIZIÈME.
CHAPITRE CENT-TREIZIEME.
DES CARDINAUX JISQU A L AN MIL TROIS CENT.
I. Quand les évèques cardinaux commencèrent à s'élever au-
dessus des autres évèques. Us étaient évèques cardinaux a l'égard
de l'église de Saint-Jean-de-Latran, à Rouie. L'élection du pape
commence à dépendre principalement d'eux.
II. Cette élévation des évèques cardinaux fut nécessaire pour
mettre fin il l'usurpation que les empereurs avaient faite de
nommer les papes. Nouvelles preuves de leur pouvoir en l'élec-
tion du pape.
III. Les Impunies légations commises aux cardinaux, et l'u-
nion étroite '(>- trois membres divers du sacré collège, qui ne
pouvaient se séparer les uns des autres, mirent insensiblement
tous les cardinaux au-dessus des autres évèques, quant à la
séance. Preuves jusqu'à l'an onze cent.
IV. Preuves depuis onze cent jusqu'en douze cent. Paroles
remarquables des cardinaux dans le concile de Reims, sous Eu-
gène III. Us composent le sénat de l'Eglise romaine.
V. Sentiments de Pierre Damien, de saint Bernard, et de
Pierre de Blois, sur l'autorité de cet auguste sénat pour la pro-
pagat !'■ l'Eglise, el pour la réformation des mœurs. ijucls
cardinaux le pape doit cli"i>ir
VI. Suite du progrès de la dignité et de la préséance des
cardinaux jusqu'à l'an douze cent. La persécution que les em-
p reins et les antipapes tirent aux papes, et la fuite des papes
et des cardinaux en France, peut y avoir contribué.
Vil. Dans le treizième siècle, la pourpre des papes fut com-
muniquée aux légats el aux cardinaux, et leur préséance sur les
évèques fut pleinement établie.
VIII. Quels sentiments ou doit avoir de la pourpre des car-
dinaux.
I. Le cardinalat est monté par degrés au
comble des dignités ecclésiastiques, et je ne
doute pas qu'on ne soit bien aise d'en observer
toutes les démarches dans la suite des siècles.
Le concile romain, sous Jean XV, en 993
Cpnc, tort, ix, p. 742, 8, 5, 992), fut souscrit
par les évèques, par les prêtres et par les diacres
de l'Eglise romaine, mais il n'y eut que les
prêtres qui prirent le titre de cardinal : « Pre-
sbyter et canlinalis sancti Sixli, etc. »
Il en est de même du synode romain de
l'an 1015, sous Benoît VIII, où plusieurs autres
évèques souscrivirent non-seulement avant les
prêtres cardinaux , mais aussi avant les évè-
ques selon qu'ils étaient ou archevêques, ou
plus anciens.
Ce qui se passa a Constantinople, en 1054,
entre les apocrisiaires de Léon IX et le patriarche
Michel montre le changemen) qui sciait déjà
l'ait a l'avantage des cardinaux. Ilumbert ,
évêque de Sylva Candida y est nommé cardi-
nal évèque de l'Eglise romaine, et y a rang
avant l'archevêque d'Amalphi. F"ideric, diacre
et chancelier, n'y est point nommé cardinal.
« Hunibertus Dei gratia cardinalis episcopus
sanctte Romanes Ecclesia1, Petrus Amalphita-
norum archiepiscopus, Fridericus diaconus et
cancellarius, omnibus EcclesiœCatholicteflliis.»
C'étaient là les trois apocrisiaires ou légats du
pape.
Pierre Damien ayant été créé évêque cardi-
nal, et écrivant aux autres évèques cardinaux,
les nomme cardinaux de l'Eglise de Latran :
« Venerabilibus in Christo sanclis episcopis,
Lateranensis Ecclesia? cardinalibtts Petrus, etc.
(Baronius, an. 1<>.77, n. 19, L2li). »
Ce n'était donc pas à l'égard de leur église
particulière que chacun de ces évèques était
appelé évêque cardinal: mais à l'égard de
1 1 îglise de Saint-Jean de Latran à Rome, et
c'est pour cela que le cardinal Humbert se
disait cardinal évèque de l'Eglise romaine.
Pierre Damien nous apprend dans la même
lettre que les sept évèques qu'on appelle cardi-
naux étaient attachés à l'église de Saint-Jean
de Latran à Rome, qui était la première église
de Rome, à laquelle on accourait de tous les
endroits de la terre, et où personne ne célébrait
les divins mystères que le pape et ces sept
évèques.
« Lateranensis ecclesia sicut Salvatoris est
insignita vocabulo, qui nimirum omnium ca-
put est electorum, ita mater et quidam apex ac
vertex est omnium per orbem Ecclesiarum.
Usée septem cardinales habetepiscopos, quibus
solis post apostolicum sacrosanclum illud ai-
tare licet àccedere, ac divini cultus mysteria
celebrare, etc. Porro quia ad Lateranense pala-
tium a diversis populis de toto terrarum orbe
confluitur, etc. (Petrus Dam., 1. n, ep. 1). »
L'ancien rituel de l'Eglise romaine, cite par
le cardinal Baronius, témoigne que ces sept
évèques étaient comme les collatéraux et les
aides du pape, parce qu'ils pontifiaient en sa
DES CARDINAUX JUSQU'A L'AN Mil. TROIS CENT.
il!»
place dans l'église de Saint-Jean de Latran, cha-
cun leur semaine. « Htec septem habel cardi-
nales episcopos, hosque dictos episcopos colla-
térales, ilemque et ttebdomadarios , eo quod
singulis hebdomadibus per vices explëant mu-
nus pontiGcis. » Et plus bas : « Praeter septem
collatérales episcopos, erant alii episcopi, «] n i
dicuntur suffragaDei Romani Pontificis, etc. »
Voilà donc pourquoi ces sept évèques sont
appelés évèques de l'Eglise romaine, et évèques
cardinaux de Saint-Jean de Latran. Etce net ail
P as en considération de leurs évêchés propres
qu'ils étaient appelés cardinaux.
Comme il ne peut y avoir qu'un évèque dans
un diocèse, le terme de cardinal ne peut lui
et m venir dans le même sens qu'il convient au
premier et au supérieur de tous les prêtres ou
de tous les diacres qui desservent une paroisse.
<>n les nommait donc évèques cardinaux à
I - - ird de la seule église de Latran. où ils pré-
sidaient et pontifiaient par tour et par semaine,
en l'absence du pape, de la même manière que
les prêtres cardinaux présidaient sur tous les
autres prêtres de la même paroisse.
IL L'autorité éminente de ces évèques cardi-
naux lut excellemment établie dans le concile
romain, sous Nicolas II, en l'an 1059.
Il y fut ordonné qu'ils auraient la principale
autorité dans l'élection des papes, qu'ils pren-
draient les suffrages ou le consentement des
autres cardinaux, du clergé et du peuple même;
que si quelque troupe séditieuse empêchait que
l'élection ne se lit à Morne, ils se retireraient
ou ils jugeraient à propos, et feraient l'élection
avec le clergé et le petit nombre de vertueux
laïques qui s'atLacberaient à eux; enfin, n'y
ayant point de métropolitain qui soit supérieur
et qui (misse confirmer l'élection du pape, ils
suppléeraient et feraient eux-mêmes l'office
du métropolitain.
« Obeunte pontiûce in primis cardinales
episcopi diligentissime simul de electione tra-
ctantes, inox ipsi clericos cardinales adbibeant,
sicque reliquus clerus et populus ad consensum
novœ electionis accédât, etc. Quia vero Sedes
Apostolica cunctis in orbe terrarum prœfertur
Ecclesiis, atque ideo supra se metropolitanum
habere non potest cardinales episcopi procul-
dubio métropolitain vice funguntur; qui vide-
licet electum episcopum ad apostolicicu ininis
apicem provehanl Baronius, an. 1059, n. 23 . «
Outre cette constitution, ce concile fit îles
canons, dont il y en a un qui remet toute
l'élection du pape à la sagesse et au pouvoir
des évèques cardinaux. « Slatutum est, ut ele-
etin Romani Pontificis in potestate cardinalium
episcoporum si L Can. i). »
Dans le concile de Bénévent, tenu en la
même année. Hildebrand, quoiqu'il ne fut que
sous-diacre, est appelé cardinal, et tous les
cardinaux sont nommés avant les arclie\èques
mêmes.
Cette montre et cette déclaration de la dignité
et de la puissance suréminente des cardinaux
ne se faisait pas sans dessein. Il fallait arracher
des mains des empereurs d'Allemagne l'auto-
rité qu'on leur avait laissé prendre d'élire le
pape.
On ne pouvait donc porter trop haut la gran-
deur et le lustre du cardinalat , puisqu'il fallait
l'opposer à l'empire même. C'est ainsi qu'il
faut entendre ce que Pierre Damien écrivit a
Cadalous, évêque de Parme, dont la puissance
impériale avait fait l'antipape Honoré II.
Voici les termes : « Taceamus intérim de
senatu, de inferioris ordinis clero, de populo;
quid tibi de cardinalibusvidetur episcopis,qui
videlicet et Romanum Pontificem principaliter
eligunt, et quibusdam aliis praerogativis, non
modo quorumlibet episcoporum, sed et patriar-
charum atque primatum jura transcendunt
(L. i. ep. 20). » Et un peu plus bas: « Nimirum
cum eleetio illa per episcoporum cardinalium
tieri debeat principale judicium, secundo loco
jure praebeat clerus assensum, tertio popularis
favor attollat applausum, etc. »
Pierre Damien, qui donne ici la principale
autorité d'élire le pape aux seuls évèques car-
dinaux, semble mêler le reste des cardinaux
avec le commun du clergé, et ne leur laisser
non plus qu'au peuple, que la gloire de con-
sentir au choix que les éyêques cardinaux
feront. Les évèques cardinaux se trouvant éle-
vés au-dessus de tous les autres évèques , au-
dessus des primats et des patriarches mêmes;
il ne faut plus s'étonner s'ils commençaient à
prendre leur rang et leur séance au-dessus des
autres évèques.
Les choses ne sont montées au point où nous
les voyons aujourd'hui, qu'avec beaucoup de
lenteur. Ce fut peut-être la société inséparable
des prêtres et des diacres cardinaux avec les
évèques cardinaux qui rendit ce changement
plus lent et plus difficile. Il y aurait eu moins
de difficulté de donner à quelques évèques la
préséance sur les autres; mais d'élever des
rJH
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-TREIZIÈME.
prêtres et des diacres sur La tête couronnée de
tous les évoques du monde, c'est ce qui n'a
I ■ 1 1 se faire qu'avec beaucoup de temps. Enfin
les évoques cardinaux étant montés au-dessus
des autres évêques, ils ont peu à peu attiré au
même degré d'élévation les autres cardinaux
avi c lesquels ils font un même corps et un con-
seil indivisible.
Je reviens a l'élection du pape, qui ne peut
être canonique, si les évêques cardinaux s'y
opposent, selon Pierre Damien : « lllesimonia-
cus est, qui cardinalibus episcopis reelamanti-
bus , inlhronizatus est Baronius, an. 1033,
n. 8). » Il leur associe néanmoins les autres car-
dinaux en qualité d'électeurs, dans la dispute
qu'il a composée entre l'avocat du roi et le dé-
fenseur de l'Eglise romaine: aille prœferendus,
quem cardinales episcopi vocaverunt, quem
clerus eligit, quem populus expetivit. »
III. Les légations n'ont pas peu contribué à
faire monter tous les cardinaux au-dessus des
évêques. Léon d'Ostie (L. m, c. 1-2), raconte
comment Didier, abbé du Mont-Cassin, fut fait
piètre et cardinal, et ensuite, du cardinalat,
créé légat dans une partie de l'Italie.
« l't Slartii mensis jejunio et presbyteri gra-
dum, et cardinalis pariter officium sumat, etc.
Cardinalis presbyter ordinatus, sequenti Domi-
nica abbas quo(|ue consecratus est. Praeterea
de cardinalatus ipsius dignitate et sancti Patris
Benedicti bonorificentia , per totam Campa-
niam et principatum , Appuliain quoque at(jue
Calabriam vicera suam idem apostolicus plena
autoritate commisit [Baronius, an. 1059, n.
10 . »
Il semble que la légation et le vicariat du
pape était comme une suite du cardinalat. Au
moins il est certain que les légations étaient
alors très-fréquentes , et n'étaient ordinaire-
ment commises qu'à des cardinaux. Or on ne
doute pas que les légats n'eussent le pas devant
les évêques. Aussi on peut remarquer, dans ce
passage et dans une infinité d'autres, que le
cardinalat était comme une dignité de l'Eglise
romaine. De là vient qu'ils prenaient quelque-
fois seulement le titre de cardinal du Saint-
Siège.
Cela paraît dans la lettre de celui qui présida
au concile de Tours en 1060. « Stephanus Pétri
Apostolorum principis, et sancts Roniame
Ecclesiae cardinalis, elc, » et dans le concile
d'Aueh en 1068. Si les souscriptions du concile
romain, en 1059, sont véritables, on y voit tous
les évêques, prêtres et diacres cardinaux au-
dessus des autres archevêques ou évêques.
Comme le corps des cardinaux était jaloux
de ne pas se séparer, et que les autres évêques
étaient déjà accoutumés de céder aux évêques
cardinaux, ils cédaient par conséquent aux
autres cardinaux. Ce n'était pas comme à des
évêques qu'ils cédaient aux cardinaux évêques,
mais comme à des cardinaux ; ainsi la dignité
du cardinalat avait celte préséance, et la com-
muniquait aux prêtres et aux diacres cardinaux.
Enfin, les autres cardinaux étaient si souvent
revêtus de la gloire et de la vaste puissance des
légations, qui les mettaient au-dessus des é\é-
ques, qu'on s'accoutumait enfin à leur laisser
cette supériorité d'honneur, même hors du
temps et du district de leur légation.
L'acte de l'élection de Grégoire VII, en 1073,
montre clairement comme tous les trois ordres
des cardinaux ne faisaient qu'un tout indi-
visible. « Nos sanctae Romance et Apostolicae
Ecclesia' cardinales (Gregor. VII Regist., 1. i.) »
Voilà les trois ordres cardinaux, clerici , aco-
lytlii, suàdiaconi, diaconi, presbyteri. C'est là
le reste du clergé de Rome. Prœsentièus epi-
scopis, abbatibus, etc. (Ibid., post Epist. xxi).
C est ainsi qu'il faut entendre le serment
que le prince Richard prêta au pape Gré-
goire VIL « Secundum quod mouitus fuero
a melioribus cardinalibus, et clericis Romanis
et laicis. »
Il faut avouer, néanmoins, que les évêques
reprirent quelquefois leur ancien rang, et se
joignant aux évêques cardinaux, mirent au-
dessous d'eux le reste du sacré collège. Léon
d'Ostie parlant de la création du pape Victor III,
en 1086, semble l'insinuer, a Episcopi et car-
dinales Romanae Ecclesia; ex diversis partibus
Romain confluentes, etc. Una cum episcopis
et cardinalibus Romanis , etc. Congregati epi-
scopi et cardinales et Romani omnes, etc.
(Baron., n. I, 2 . »
Il se pourrait pourtant bien faire que ces
évêques ne fussent que les évêques cardinaux ;
puisque le même auteur, parlant du concile
de Bénévent, en 1087, y fait parler le pape
Victor III, en sorte qu'il attribue son élection
aux évêques, aux cardinaux, aux évêques des
provinces, et au reste du clergé et du peuple.
« Cum uuaiiiini concordia episcopi et cardi-
nales, provincialesque antistites, una cum
Romano clero et populo, par vi ta te m nostram
preefecissent (Baron., n. 11). »
DES CARDINAUX .USOF'A LAN .MIL TROIS CENT.
421
Ce discours du pape est sans doute plus exact
que le récit de Léon d'Ostie. Or, il met les
évêques , c'est-à-dire les évêques cardinaux et
h s autres cardinaux, au-dessus de tous les évê-
ques des provinces.
Le prêtre cardinal Dieudonné dédia, en la
même année 1087, sa compilation du droit
canon au pape Victor III, et au clergé de
l'Eglise de Rome ; c'est-à-dire au sacré collège
(Baron., an. 1087, n. 2-2 ; où d'abord il fait
voir que. dès le temps de saint Cyprien, le
clergé de Rome, même après la mort du pape,
gouvernait l'Eglise universelle, et écrivait des
lettres auxquelles tous les évêques déféraient
avec respect, persuadés que l'autorité des
princes des apôtres Pierre et Paul est immor-
telle, et toujours vivante dans l'Eglise Romaine.
Voila la véritable idée de la grandeur des
cardinaux qui sont ce même clergé qui ne
fait qu'un corps avec le pape, et en qui réside
l'autorité pontificale pendant que le siège est
vacant.
IV. Les auteurs qui ont fait le dénombrement
de ceux qui assistèrent au concile deClermont.
en 1096, sous Urbain II, nomment première-
ment les cardinaux, puis les archevêques et
les évêques. Au contraire, dans le concile de
Latran, sous Pascal II, en 1112, le nom de
cardinal n'est donné qu'aux prêtres et aux
diacres, et les évêques cardinaux, joints aux
archevêques et évêques des provinces, les pré-
cèdent. « Archiepiscopi et episcopi quoque et
presbyteri cardinales, qui interfuerunt ipsi
concilio, hi sunt, etc. »
Gélase II succéda à Pascal II en 1118. et
c'est dans le récit de son élection que Pandul-
phe remarque que c'est aux cardinaux et au
reste du clergé et du peuple d'élire le pape,
mais que les évêques cardinaux n'ont que le
droit d'approuver et de désapprouver l'élection
et d'imposer les mains à l'élu.
a Approbatur ab omnibus, neenon etiam ab
episcopis, quorum nulla est prorsus alia in
electione prœsnlis Romani polestas, nisi appro-
bandi, vel contra, et ad communem omnium
canlinalium primum, et aliorum petitionem,
electomanus soluminodoimponendi (Baronius,
n. 4). »
Voilà comme l'on distinguait alors les évê.
ques, quoique cardinaux, des cardinaux. Ce
qui n'est pas moins clair dans les rescrits d'In-
nocent II, en 1 1 40, contre les erreurs d'Abélard,
que ce pape avait censurées dans le consistoire
des évêques et des cardinaux : « Communicato
fratrum nostrorum episcoporum et cardina-
lium concilio (Baron., n. 10, inter Epist. Ber-
nard., ep. cxciv; Epist. îx, xi. »
Sous le pape Eugène III il n'y avait non plus
que les prêtres et les diacres qui prissent la
qualité de cardinal dans les souscriptions.
Mais quelque distinction qu'on puisse se figu-
rer entre les évêques et les deux autres ordres,
on découvre admirablement leur parfaite union
dans le consistoire où Abélard fut condamné
par le pape, et par tous les cardinaux ensemble
sous Innocent II.
Cette union parfaite se découvre encore plus
dans le concile de Reims, en 1 1 18, où la doc-
trine de Gilbert, évêque de Poitiers, fut exa-
minée. Car saint Bernard ayant présenté au
pape et aux cardinaux un formulaire de doc-
trine de la part des évêques de France, les car-
dinaux jugeant que c'était entreprendre sur
leur autorité que de définir sans eux une ques-
tion qu'ils avaient entamée , ils témoignèrent
au pape avec beaucoup de ressentiment que le
sacré collège des cardinaux étant comme le
pivot sur lequel roule l'Eglise universelle,
c'était un ouvrage insupportable, contre la pri-
mauté même du Saint-Siège, d'avoir fait cette
détermination de doctrine sans leur interven-
tion; que les patriarches mêmes de l'Orient rap-
portaient à leur jugement ces causes importan-
tes : qu'ils voulaient que sa Sainteté arrêtât et
vengeât une audace si inouïe. Cependant c'é-
taient dix métropolitains et plusieurs évêques
de France qui avaient dressé et souscrit ce
formulaire de doctrine. Le pape fit son possible
pour adoucir l'indignation des cardinaux ; et
saint Bernard protesta que c'était simplement
le sentiment des prélats français qu'il avait
présenté, et non pas une décision (Vita S. Ber-
nard., 1. m, c. 5 .
Les paroles des cardinaux au pape sont rap-
portées par Othon, évêque de Freisingen (L. i,
c. 57, de gestis Frider.). « Scire debes, quod a
nobis, per quos tanquam per cardines univer-
salis Ecclesiœ volvitur axis, ad regimen totius
Eeclesiœ promotus , a privato universalis pater
effectus, jam deinceps te, non tuum, sed nos-
trum potius esse oportere. Sed quid fecit abbas
tous et cum eo Callicana Ecclesia? Qua fronte,
quo ausu cervicem contra Romaine Sedis pri-
matum et apicem erexit? Haec est enim sola
quae claudit, et nemo aperit; aperit et nemo
claudit. Ipsa sola de fide catholica discutera
4-22
DU SECOND OKDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-TREIZIÈME.
habens, etc. Certe si in Oriente, utpote Alexan-
drie, vel Antiochiœ coram omnibus patriar-
cbis hujusmodi tractaretur negotium , niliil
iirma stabilitate solidum sine nostra definiri
valeret autoritate. Quinimo juxta antiquorum
patrum inslituta vel exempta, Romano servare-
tur examini terminanduin. Volumus igitur
huic tam temerariie uovitati eeleriter assur-
gas, etc. (Baron., an. 1148, n. 10). »
Voilà les vigoureuses remontrances de ce
sacré sénat, comme le même Olhon L'appelle,
a Sacer cardinalium senatus. » En effet, les
cardinaux se regardaient comme le sénat de
la république chrétienne, et comme les succes-
seurs de cet ancien clergé de Rome avec lequel
les papes délibéraient et concluaient toutes les
affaires importantes, soit pour la foi, soit pour
la discipline, dont les évêques et les patriar-
ches pouvaient bien ailleurs faire des décisions
chacun dans son ressort; mais, comme elles
étaient encore sujettes à l'examen du pape et
du sacré collège, on ne pouvait pas dire qu'elles
eussent été entièrement terminées avant le
jugement du Saint-Siège.
Aussi les cardinaux ne se plaignirent à Eu-
gène que de ce que nos prélats fiançais avaient
eux seuls donné comme une sentence définitive
sur une question qui avait été déjà entamée
dans le consistoire. « Super capitulis, quœ bis
diebus nobis assidentibus agitata surit, tan-
quam liuiliva' sententiae ultimam manum im-
ponendo, nobis inconsultis fidem suant scribere
praesumpserunt (L. n, epist. 2). »
V. Pierre Damien animait autrefois les car-
dinaux, surtout les évêques ses confrères, par
cette considération qu'étant des sénateurs de
l'Eglise universelle, « Spirituales universalis
Ecclesiae senatores, » ils devaient travailler à des
conquêtes spirituelles, afin d'assujétir toute la
terre à l'empire de J.-C. Il leur disait, pour les
encourager davantage, que le sénat chrétien
ne doit pas être moins zélé pour la véritable
gloire du ciel, que l'ancien sénat de Rome l'a-
vait été pour les vaines illusions de la terre.
Saint Bernard ne doutait nullement de l'au-
torité suréminente des cardinaux à retrancher
les scandales et les erreurs, quand il leur écri-
vit pour exciter leur jusle indignation contre
les innovations d'Abélard. « Nulli dubium est
(juin ad mis specialiter spectel tollere scandala
de regno Dei , surgentes succendere spinas,
sedere querelas, etc. Aj;ilc pro loco quem te-
ndis, pro dighitate qua pollelis, pro potestate
quam accepistis (Epist. clxxxvui ; 1. iv de Con-
sider.). »
Il dit ailleurs que ce sont les coadjuteurs et
les collatéraux du pape. «Veniamus ad collaté-
rales et coadjutores tuos. Hi seduli tibi, lu in-
limi sunt. » Il remontre à Eugène III qu'il
n'en doit choisir que de consommés en vertu
et en expérience, et qu'il doit les choisir de
tout le monde, puisqu'ils doivent être les juges
du inonde. « Tuum est undecumque evocare,
et asciscere tibi exemplo Moysi, senes, non juve-
nes, sed senes non tam setate, quam moribus ;
quos tu nosti, quia senes populi sunt. Nonne
eligendi de toto orbe, orbem judicaturi? »
Il lui représente en même temps qu'il ne
doit élever à cette dignité que ceux qui la
fuient: «Pro quo rogaris, sit suspectus. Qui
ipse rogat pro se, jam judieatus est. » Qu'il les
doit choisir comme ceux qui doivent être ses
propres censeurs, en l'éclairant s'il s'égare; le
modérant, s'il s'emporte ; l'excitant, s'il se
relâche. « Qui si vellem aliquatenus deviare,
nonsinerent; fra-narent pnecipitem , dormi-
tantem excitarent. Quorum me reverentia et
libellas extollentem reprimerct, excedentem
corriget, etc. »
Le même saint Bernard parlait des cardi-
naux, quand il exhortait la ville de Pise d'ho-
norer les princes du monde et les juges delà
terre. « Honora mundi principes, qui in le
sunt, et judices terra? (Epist. cl). » Il leur
donne le même éloge parlant au même Eugène :
« lli tibi quotidie assistunt, seniores populi,
orbis judices. » Il ajoute que c'est principale-
ment sur le modèle du clergé de Rome, que le
clergé de toute l'Eglise s'est formé : « Clerum
illum ornatissimum esse decet, ex quo prseci-
pue in omnem Ecclesiam cleri forma pro-
cessif. »
Pierre de Rlois écrivant, en 1154, au pape
Adrien IV, au nom du roi d'Angleterre, lui
donne le même avis d'élire des cardinaux qui
puissent porter avec lui le faix de toute l'Eglise.
« Taies ordinare curetis cardinales, qui omis
vestrum sciant, et velint, etvaleant suppôt (are
(Epist. cixv). »
Anaslase IV, qui avait précédé Adrien, et
succédé a Eugène, avait ordonné que les évê-
ques cardinaux qui pontifient par tour à l'autel
de Saint-Jean de Latran, « Qui sunt ail princi-
palis altaris servitium deputati, » y tiendraient
chapitre une lois la semaine avec les chanoines
réguliers, et corrigeraient tous les désordres
DES CARDINAIX JUSQU'A L'AN MIL TROIS CENT.
423
avec l'autorité du pape même, vice nostra.
C'est peut-être de la que lus cardinaux
prêtres et diacres commencèrent a exercer l'au-
torité episcopale dans leurs enlises. Car les
évèques même cardinaux n'auraient pu exercer
la juridiction episcopale dans Home sans un
semblable privilège (Epist. u). »
VI. Alexandre III nomme toujours les évè-
ques, et ensuite les cardinaux; dans les sous-
criptions il n'y a aussi que les prêtres et les
diacres qui prennent le titre de cardinal (Epist
clxii). »
Il semble néanmoins que ce fut ce pape qui
mit une entière égalité entre les cardinaux,
lorsque, dans le concile III de Latran, en 1 179,
il ordonna que le consentement des deux tiers
des cardinaux serait suffisant; et en même
temps nécessaire pour l'élection du pape : sans
préjudice des autres élections, où il suftit
d'avoir la plus grande partie des suffrages.
La raison que le concile Gan. î donne de
cette différence, est que dans les autres élec-
tions il y a un supérieur qui peut décider tous
les différends ; mais il n'y a point de supérieur
au-dessus de l'Eglise Romaine. « Quod in eis
dubium venerit, superioris poterit judicio
dilliniri. In Romana vero Ecclesia aliquid spé-
ciale constituitur. quia non potest recursus ad
superiorem baberi. »
On ne considérait donc plus les évèques car-
dinaux comme les arbitres et les souverains
modérateurs de l'élection des papes, enfin
commey faisant la fonction des métropolitains.
Ainsi les autres cardinaux ne se distinguant
plus des cardinaux évèques, ils prirent rang
aussi bien qu'eux au-dessus des autres é\è-
ques.
11 y a lieu de conjecturer que la persécution
des antipapes ne contribua pas peu à cette
exaltation des cardinaux. Les véritables vicaires
de .I.-C. ayant été obligés, pendant tout le siècle
douzième, de se retirer dans la France avec
toute leur cour , on s'efforça à l'envi de leur
rendre toutes les déférences les plus respec-
tueuses dont on peut s'aviser, comme pour
relever leur courage abattu , et compatira leur
affliction. Les rois et les prélats furent poussés
d'une sainte émulation à honorer ces augustes
bûtes. Les cardinaux, ne faisant qu'un corps
avec le pape, se trouvaient toujours au-dessus
des autres prélats. Les plus grandes affaires se
traitèrent toujours dans le consistoire ; ainsi
les prélats eurent moins de peine de céder à
leurs juges. Enfin, comme nous le dirons dans
la suite, ces papes honorèrent du cardinalat les
plus illustres de nos évèques, et les engagèrent
par 1 1 à s'intéresser pour le rehaussement d'une
dignité qui faisait toute leur gloire.
Cette préséance n'était pourtant pas encore
entièrement réglée en faveur des cardinaux
l'an 11 90, puisqu'en cette année se fit la
dédicace d'une église de Rome, dont l'inscrip-
tion fait voir en premier lieu les arebevèques
qui y assistèrent, puis les évèques cardinaux,
ensuite les autres évèques, et enfin la cour des
cardinaux sans les nommer , « et tola curia
eardinaliuin iRaronius, an. 1196, n.ult.). »
VIL Le pape avait premièrement communi-
qué sa pourpre aux cardinaux légats. Voici la
peinture qu'eu fait un auteur grec, parlant du
légat qui fut envoyé a Constantinople l'an 1213 :
« Papae prœrogalivas omnes referens, etc. .Vain-
que calceos rubros induebat, neque diversi
coloris indumentisamiciebatur ; quinimo equi
sagulum et frama eodem inficiebantur veneno
(Rainald., n. (i). » On croit que c'est de cet
babillement de pourpre qu'il faut entendre «es
termes de la décrétale d'Innocent III, où il
défend aux patriarches de faire porter leur croix
dans les lieux ou se trouve le pape, ou bien un
de ses légats, revêtu des ornements de la di-
gnité apostolique, « Legatus utens insigniis
apostolica dignitatis(C. Antiquae. De privileg.). »
Innocent IV créa plusieurscardinaux. et leur
donna le ebapeau rouge en 12-1-i. Quelques-uns
disent que ce fut dans le concile de Lyon , et
qu'il ne leur donna cet ornement que pour leur
apprendre qu'ils devaient toujours être prêts
de verser leur sang pour la défense det'Eglise,
qui était alors cruellement persécutée par
l'empereur Frédéric Sponde, anno 1244 , n. 4).
Cette illustre pourpre du royal sacerdoce de
J.-C. pourrait bien avoir été la consommation
de la préférence des cardinaux aux évèques
(Abbat. Fsperg. , Paralipomena . p. 250).
Comme le pape, la communiquant à ses lé-
gats, leur avait donné rang sur tous les autres
prélats de l'Eglise : aussi, lorsqu'il en revêtit
les autres cardinaux, il leur donna la préférence
sur tous les patriarches, archevêques et évèques.
En effet, dans ce concile de Lyon, tout le sacré
collège prit sa séance à la droite et ta la gauche
du pape, au-dessus de tous les autres arebevè-
ques ou évèques. « Ad dexteram et in eminen-
tioribus locis sederunt episcopi cardinales , ex
altéra vero presbyteri cardinales, archiepiscopi
424
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATORZIÈME.
et episcopi post eos (Conc. , tom. n. part, i,
pag. 638, 956). »
Cet habit confondait en quelque façon les
cardinaux avec les légats, et les élevait au
même rang. Aussi Matthieu de Westminster
dit qu'en 1263 le cardinal légat Ottobon vint en
Angleterre avec des vêtements rouges, « Cum
rubeisinAngliam veniensindumentis.» Ilpour-
rait bien se faire, néanmoins, que ces habits
rouges fussent encore propres aux légats seuls.
En effet, le concile de Lyon ne donna aux
cardinaux que le chapeau rouge. Paul II leur
donna le bonnet rouge pour les distinguer des
autres prélats, dans les cérémonies où le cha-
peau n'est pas d'usage. C'est ce qu'en dit le
cardinal de Pavie qui eut part à cette grâce.
a Cardinalibus qui sacris induti vestibus a
prtelatis inferiorum ordinum praeterquam loco
non noscebantur, usum mitrae sericea?, Da-
masceni operis, rubraque capitia induisit, qui-
bus soli antistites Romani antea utebantur
(Comment., 1. n, p. 370). »
Platine, qui fut disgracié par Paul II, dit
que ce pape défendit qu'aucun autre que les
cardinaux usât du bonnet rouge. Il n'a que
trop paru, dans le chapitre où nous avons traité
des habits des ecclésiastiques, combien et le
rouge et les autres couleurs d'éclat étaient
communes entre les ecclésiastiques. Platine
dit que ce pape permit aussi aux cardinaux
d'user de housses rouges pour leurs chevaux
(Sponde., an. 1464, n. 17).
Victorel ajoute encore, dans ses additions sur
Ciaconus, qu'il a vu des médailles de Paul II,
où les cardinaux sont représentés dans le con-
sistoire avec leur chapeau : d'où il conclut
qu'ils portaient ces chapeaux rouges dans les
consistoires, dont ils usent à présent dans les
cavalcades solennelles, jusqu'à ce que Paul II
leur .donna ou plutôt leur réserva le bonnet
rouge. Grégoire XIV, en 1591, donna le bonnet
rouge aux cardinaux religieux de divers ordres
qui n'en avaient porté jusqu'alors que de la
même couleur de leur habit (Sponde., n. 10).
VIII. Ceux qui ont peine d'accorder cette
pourpre et tout le reste de la pompe des car-
dinaux, avec la modestie et l'humilité, qui est
comme l'âme de la religion chrétienne, n'ont
qu'à lire ce que Giossano raconte de saint
Charles (1. vin, c. 3), qui ne regardait sa
pourpre que comme un engagement au mar-
tyre ; qui rendait aux cardinaux et se faisait
rendre a lui-même tous les honneurs et toutes
les déférences ordinaires et extraordinaires ,
par une passion sainte de rendre l'Eglise, la
religion et la piété, plus vénérables parmi les
fidèles. Il était non-seulement exact, mais ja-
loux de se faire rendre par les princes et les
souverains même tous les honneurs dus à sa
dignité de cardinal, par un zèle très-ardent,
mais très-pur et très-désintéressé de faire ré-
vérer J.-C. dans la personne de ses ministres.
Ceux qui regarderont cette pourpre avec les
mêmes yeux que les cardinaux Baronius , Bel-
larmin, de Bérulle et tant d'autres l'ont regar-
dée en la portant, ils la trouveront indubita-
blement non-seulement belle, mais sainte et
toute teinte du sang de J.-C, notre éternel pon-
tife et Rédempteur.
Nangis dit qu'en 1252 Innocent IV donna
le chapeau rouge aux cardinaux. « Per hoc
innuens, quod in persecutione fidei et justifia,
Romana Ecclesia, qua? caput est omnium alia-
rum, prae ceteris débet caput apponere, si ne-
cesse fuerit cruentandum. »
CHAPITRE CENT-QUATORZIEME.
DES CARDINAUX DEPUIS LAN MIL TROIS CENT.
I. Contestation en Anglftern -m l.i ptéséanre 'les cardinaux.
Lellre admirable du pape Eugène IV sur les prééminences des
cardinaux. Il les fait successeurs des apôtres, eu tant qu'ils com-
posaient un sacré collège auprès de J.-C.
II. Gerson, Pierre d'Ailly et Alniahin furent de même avis,
que les cardinaux et les évéques étaient diversement successeurs
des apùlres.
III. Contestations en Pologne sur la préséance des cardinaux.
DES CARDINAUX DEPUIS L'AN MIL TROIS CENT.
12S
IV. Pie II rétablit les évèques au-dessus des protonotaires, qui
avaient pris le pas sur eux.
V. Les rois mêmes ont quelquefois voulu céder aux cardinaux.
VI. C'étaient des honneurs religieux et volontaires de la part
des rois, qui en ont aussi usé comme ils ont voulu.
Vil. Les papes et les cardinaux n'ont eu, et n'ont dû avoir
que des motifs et des vues de piété et de religion en recevant
ces honneurs.
VIII. L'épiscopat a bien des avantages sur le cardinalat.
IX. Des premiers, qui étant déjà évèques ou archevêques, fu-
rent faits cardinaux, évèques ou prêtres.
X. De l'incompatibilité du cardinalat avec les autres évêchés
ou archevêchés. Quand les cardinaux ont commencé à changer
de titres.
XL Quand et comment on a défendu ou permis aux cardinaux
de prendre la protection et les intérêts des royaumes, et d'en
recevoir les bienfaits et les pensions.
XII Singularités remarquables sur la création des nouveaux
cardinaux. Règlements divers et admirables sur cela, surtout des
conciles de Constance et de Bâle.
XIII. Du nombre des cardinaux.
XIV. De la coutume d'envoyer le chapeau.
XV. De l'obligation des cardinaux à résider, et de la compa-
tibilité du cardinalat avec d'autres évèchés.
XVI. Des cxocatacèlcs ou des cardinaux du patriarche de
Constantinople, et de leur séance au-dessus des évèques.
I. Je reviens à la préséance que les cardi-
naux ont sur les évèques , pour remarquer
que dans le concile II de Lyon, en 1274, les
patriarches latins de Constantinople et d'An-
tioche étaient au-dessous de tous les cardinaux
qui avaient aussi au-dessous d'eux tous les
autres primats, archevêques et évèques (Rai-
nald., n. 3).
En 13U2, Clément V envoyant un cardinal
prêtre et l'évêque de Poitiers en Angleterre,
pour y être les médiateurs de la paix entre le
roi et les barons, s'excusa envers cet évêque,
dans les instructions qu'il leur donna, de ce
que l'usage présent l'obligeait de le nommer
après un prêtre, contre la pratique de L'anti-
quité (Rainald., n. "28).
L'an 1-440, le pape ayant nommé au cardi-
nalat l'archevêque d'York, en Angleterre, l'ar-
chevêque de Cantorbéry lui disputa le pas.
Le pape écrivit à l'archevêque de Cantorbéry
qu'il était justement surpris, qu'ayant cédé à
l'évêque de Winchester, après qu'il eût été l'ait
cardinal , il ne voulut pas rendre le même
respect au cardinal d'York : qu'il ne pouvait
pas alléguer pour sa défense que l'évêque de
Winchester était prince du sang, puisque cela
ne l'avait pas empêché de le précéder lorsqu'il
n'était qu'évèque, et de lui céder quand il eut
été fait cardinal : qu'au reste il devait savoir
que l'office des cardinaux avait été institué
par saint Pierre. « Officium ipsum a Beato Pe-
tro ejusque successoribus institulum invenies
(Sponde., n. 31).»
I! lui marqua que, selon Innocent III, ce
qui est ordonné dans le Lévitique, de recourir
au souverain poutit'e et aux prêtres de son
conseil, pour la résolution de toutes sortes de
difficultés importantes, devait s'entendre du
pape et des cardinaux : que le [tape étant le
vicaire et la vivante image de J.-C, le collège
des cardinaux représentait aussi le sacré col-
lège des apôtres auprès de J.-C, comme les
évèques représentaient les mêmes apôtres ré-
pandus par toute la terre, pour la publication
de l'Evangile.
« Ut quemadmodum Christo conversanti in
terris assistebant Apostoli, ita etiam cardina-
lium cœtus apostolicum repraesentans , coram
papa assisterai : reliqui vero episcopi , ubique
d i tl'i isi, Apostolos reprœsentan t ad praedicand 1 1 m
per orbem missos. »
Ce pape dit encore que les cardinaux étaient
les membres du Siège Apostolique, qui ne pou-
vaient être séparés, ni même éloignés du chef;
que la donation de Constantin donnait aux car-
dinaux la qualité de sénateurs, de patrices et de
consuls ; que les empereurs mêmes nommaient
les patrices leurs pères ; que toutes les digni-
tés et suréminences des patriarches et des
archevêques étant émanées du Siège Apostoli-
que, comme les ruisseaux de leur source , et
les branches de leur tronc et de leur racine ;
on ne pouvait trouver mauvais que le même
Saint-Siège eût répandu une nouvelle effusion
de gloire sur les cardinaux qui l'approchent de
si près, qu'on ne pouvait avec la moindre ap-
parence de raison s'opposer à une coutume
immémoriale : « Consuetudo tain vetusta, ut
ejus initiis memoria non extet in contrarium, »
que cette préséance des cardinaux sur les évè-
ques paraissait dans les anciens conciles géné-
raux, surtout dans ceux de Lyon I et II, sous
Innocent IV et Grégoire X.
Ce pape continue, en disant que l'ordre des
évèques était sans doute fort élevé au-dessus
de celui des prêtres et des diacres, mais qu'il
s'agissait ici de la juridiction et non pas de
l'ordre; que par les lois canoniques de la juri-
diction , les archidiacres, quoique seulement
diacres, précédaient et jugeaient les prêtres et
les archiprètres mêmes ; que les grands vicai-
res des métropolitains avaient la même supé-
riorité sur les évèques de la province, et les
évèques simplement élus sur tous les prêtres
d'un diocèse.
Il finit en disant que la dignité des cardi-
420
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATORZIÈME.
n.iiix, qui gouvernent avec le pape l'Eglise
universelle, et jugent même des évêques, était
indubitablement supérieure à celle des pa-
triarches et des autres évèques , qui n'avaient
la conduite que d'une Eglise particulière, et
dont il y avait appel au Saint-Siège.
Voila en abrégé ce que le pape Eugène IV
étala dans la bulle qu'il publia sur ce sujet.
Quoique dans cette bulle il prétend que la
préséance des cardinaux est fort ancienne, il
ne particularise rien néanmoins de plus ancien
que les deux conciles de Lyon.
Ce qui avait précédé ne pouvait passer que
pour des tentatives, des vicissitudes et des al-
ternatives; mais depuis le concile I de Lyon, la
chose était fixe et déterminée, ce qui suffisait
pour taire une coutume immémoriale au temps
du pape Eugène. Pour ces sortes de choses qui
ne regardent que la discipline libre de l'Eglise,
une possession plus que centenaire peut passer
pour immémoriale, et même pour apostolique,
sans qu'il soit besoin que les papes et les con-
ciles s'embarrassent d'une critique épineuse,
pour fixer au vrai les époques de chaque pra-
tique.
II. Quant à la proposition du pape Eugène
que l'office et la dignité des cardinaux est de
la même antiquité que l'Eglise, parce qu'ils
remplissent la place et les fonctions des apôtres
auprès de J.-C. ou de son vicaire, on ne doit
point en être surplis, puisque c'était alors la
doctrine la plus commune des théologiens.
Gerson, qu'on ne peut accuser d'avoir flatté
la cour romaine, le dit formellement. « Status
Surrimi l'ontilicis, ac sacri collegii dominorum
cardinalium, fundatus est in ecclesiastica hie-
ràrchia subco'lesti, immédiate a Christo, nec
hurriàna institutione, seu pnrsumptione potest
destrûi Tom. i, p. Iss). »
Il est bien vraisemblable que Gerson ne ré-
vélait en cela que les sentiments communs de
ceux qui cômpos'ërtënl le concile de Constance.
Cela paraîtra encore plus évidemment par le
traité que Pierre d'Ailly, qui l'ut depuis cardi-
nal, composa dans le concile de Constance
même, en i il", de l'autorité de l'Eglise.
Voici ses paroles, que le pape Eugène semble
avoir entièrement suivies : « Licet nomina pa-
patus cl cardinalatus, tempore Pétri et aliorum
apostolorum non fuerinl in Ecclesiœ ùsu : ta-
men ecclesiastica' potestates dictis nomihibus
désignais, ex tune in apostolis praefulsefUnt,
videlicet papalis dignitas in Petro, et in singu-
lis Apostolis cardinalatus autoritas. Pro cujus
declaratione sciendum est, quod sicut patet ex
decursu histori;e Actuum Apostolorum, eecle-
iasticis historiis ac sanctoruin Patrum decre-
tis, ante divisionem Ai)ostolorum, per quam
ad diversas mundi partes dispersi sunt, Apo-
stoli Petro, tanquam papale officium gèrent i,
assistebant, tanquam cardinalatus ministeiiuin
exercentes; sicut nunc papa* assistunt cardi-
nales, tanquam ejus principales assessores et
consiliarii, atque cooperatores in regimen uni-
versalis Ecclesiœ. Postquam vero Apostoli a
Petro separati, spéciales sibi diœceses sortili
sunt, ex tune episcopale officium exercuerunt
(Ibid., p. 899, <M)l), etc., 906, 007, 749). »
Ce savant théologien infère de là que les
apôtres ont fait la fonction des cardinaux,
avant que de remplir celle des évêques, et
qu'ils ont été cardinaux pour toute l'Eglise,
avant qu'il y eût des cardinaux dans celle de
Rome. « Ex hoc potest inferri, quod Apostoli,
prius cardinales, quam episcopi fuerunt, etc.
Prius fuerunt cardinales orbis, quam urbis. »
Il conclut encore de là, que les cardinaux et
les évêques ont recueilli la succession des apô-
tres, mais diversement. « Senalui Apostolorum
succedit collegium sacrum cardinalium, quan-
tum ad illum statum quo Apostoli coassiste-
bant Petro, antequam lièrent particularium
ecclcsiarum episcopi. Stalui autem Apostolo-
rum, in quantum fuerunt episcopi, succedit
ordo episeoporum. »
Enfin, il infère que c'est là un légitime fon-
dement outre la coutume, pour faire précéder
les évêques par les cardinaux, même par ceux
qui ne sont que diacres, comme les archidia-
cres précèdent les prêtres. Almahin confesse
que ce sont là les sentiments de Pierre d'Ailly,
et il ne s'en éloigne pas.
Ceux qui disputèrent contre les Bohémiens
dans le concile de Râle (Conc, tom. xu,
pag. 1332 et seqq.), suivirent ces mêmes idées
du cardinalat. Les docteurs de Prague, en
I il.'!, avaient déjà proposé cet article à signer
entre plusieurs autres, pour s'opposer aux er-
reurs de Jean lluss : «Quod crédit sicut Roinana
Ecclisia, cujus caput est papa, corpus vero
collegium cardinalium, mauit'esti, ac veri suc-
cessores Pétri principis Apostolorum, et colle-
gii aliorum Apostolorum Christi (Kainald.,
an. 1 113, n. .">; Rainald., an. 1448, n. 8). »
Longtemps avant, c'est-à-dire en 1239, l'em-
pereur Frédéric avait écrit aux cardinaux,
DES CARDINAUX DEPUIS L'AN MIL TROIS CENT.
127
comme aux successeurs des apôtres. Mathieu
Paris rapporté la lettre : o Cum sit Christus
caput Ecclesicé, et in Pétri vocabulo suam fun-
daverit Ecclesiam supra petram, vosAposto-
luruiii statuil successores. o
III. Il faut reprendre le discours des coud s-
lations sur la préséance. Eugène IV ayanl en-
voyé le chapeau de cardinal a l'évêque de Cra-
covie, à la demande du roi de Pologne, l'arche-
vêque primat de Gnesne, et président-né des
Etats, fit difficulté de lui céder. Nicolas V accom-
moda ce différend en l'an 1 149, ni donnant que
le cardinal aurait la préséance . mais qu'il n'o-
pinerait qu'au rang de son évèché. et laisserait
à l'archevêque la jouissance libre de ses préro-
gatives et de ses fonctions dans les Etats.
Ce tempérament ne put empêcher que le
Parlement ou les Etats de Pologne ne lissent
un statut qui défendait de rechercher le cardi-
nalat, ou la légation du Saint-Siège . sans la
permission du roi et du sénat ; et que ces deux
prélats ne viendraient à l'assemblée qu'alter-
nativement , selon que le roi les y appellerait,
sans se trouver jamais ensemble ( Statuts Po-
loniœ., p. 63,64, 421). Néanmoins, dans les
actes publics, le cardinal était nommé et signait
axant l'archevêque primat de Gnesne (Sponde.,
an. 11 49, n. 44 .
IV. Je ne sais quand les protonotaires apos-
toliques avaient commencé de prendre le pas
sur les évêques dans la cour romaine. .Mais je
sais que Pie II rétablit les évèques dans leur
rang, et qu'il le raconte lui-même avec des
termes très-avantageux pour la gloire de l'épis-
copat. Car il avoue qu'il n'y a rien de plus
grand dans l'Eglise, et que le vicaire même de
J.-C. se contente d'être appelé évêque.
« At Pins altitudinem episcopalis eminentiae
animo volvens , qua nihil est in Ecclesia subli-
mius, et quod ipse Romanus Praesul Jesu Chri-
sti vicarius, episcopi nomine contentatur. No-
tariosnonconsuetudme,sedcorruptelaprœlatos
episcopis judicavit, idque deinceps prohibuit,
édita lege. quam totus ferme orbis cnllaudavit
(Comment. Pii II. 1. m, p. 6-4). »
La bulle qu'il en publia, en 1 159, semble
faire connaître que cet abus était venu de la
place de ces notaires, ou protonotaires aposto-
liques dans les consistoires publics . uù ils
étaient les plus proches de la personne du pape,
afin de pouvoir dresser les registres de ce qui
s'y résolvait.
V. 11 n'est pas surprenant que les évêques
cédassenl aux cardinaux en un temps où les
rois mêmes leur cédaient quelquefois sans
peine Conc. i, tom. xi, p. 183). »
Le roi (l'Angleterre écrivant a un cardinal
prêtre en l-2:iô ne mit son nom qu'après celui
du cardinal Cobel., p. 66 . Eau 1293, le roi
Charles de Sicile étant venu à Péruge avec son
Dis Charles Martel , roi de Hongrie, et étant
entré dans le consistoire, il prit séance entre
les évêques cardinaux, et son fils entre les car-
dinaux diacres. « Pontificum Patrem médium,
mediumque secundum, inter [évitas primos, »
dit un poète du temps (Rainald., n. 2). L'an
1295, ees deux rois servirent le pape à table
ayant leurs couronnes sur la tête, et ensuite se
mirent à table avec les cardinaux.
Dans une assemblée qui se tint en' Allemagne
devant l'empereur Frédéric III, l'an I 155 Idem,
n. 6; idem., n. 1) les Allemands se plaignirent
que le cardinal vice-chancelier eût pris séance
à Rome devant le roi des Romains , que le roi
de Hongrie n'eût été placé qu'entre les derniers
cardinaux, et que les électeurs de l'empire
n'eussent pas eu même rang avec les cardi-
naux.
En 1464, le doge de Venise ne fut reçu qu'en-
tre les deux derniers cardinaux diacres Idem,
n. 50). Il en faut croire .-Eneas Sylvius et le car-
dinal de Pavie ;Card. Papi.Comm.. 1. i. p. 360 .
Ce dernier était présent lorsqu'en 1471, le roi
de Danemarck fut reçu à Rome entre les deux
premiers cardinaux, et ne voulut ni se couvrir,
ni s'asseoir qu'après eux : « Inter duos primos
cardinales sessum receptus, non prius sedere,
non prius tegi voluit. quam utrumqueab utro-
que factum esset (Rainald.. idem. n. 2). Pour
rendre le respect qui est dû au sénat de l'Eglise
universelle : « Ut habeatur, inquit, justus ho-
nor summo senatui , » ce prince, le jour du
vendredi saint, ne voulut aller à l'adoration de
la croix qu'après tous les cardinaux.
Le cardinal de Pavie ajoute que ce puissant
roi, à qui les trois royaumes du nord obéis-
saient, fit la leçon aux Italiens mêmes, et leur
apprit jusques à quel point ils devaient honorer
le sacerdoce (Papiensis. Epist. clvi).
VI. Mais ce n'a été que la piété et la religieuse
modestie des rois . qui leur a fait rendre des
déférences si respectueuses au sacré collège.
La coutume n'a pas laissé de s'en établir, et
de s'autoriser. Néanmoins ces pratiques ne
doivent être considérées qu'avec le même esprit
qu'elles ont été introduites; c'est-à-dire, qu'il
428
DL" SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATORZIÈME.
faut être sincèrement persuadé , que ce qui a
réglé ces rangs et ces séances, n'a été ni la pas-
sion démesurée de rehausser les honneurs du
cardinalat, ni la pensée criminelle de rabaisser
les têtes couronnées, mais le seul désir de rele-
ver la gloire du sacerdoce royal du Fils de Dieu
et de ses premiers ministres , au-dessus de ce
qu'il y a de plus grand sur la terre.
Si les princes, si les cardinaux, si les lecteurs
n'entrent dans ces sentiments, quand on traite
ces matières, ils s'abusent eux-mêmes, et jugent
mal de la conduite de l'Eglise , parce qu'ils en
jugent charnellement, au lieu d'en juger selon
les maximes de l'Esprit-Saint qui l'anime.
Saint Charles en jugeait sainement , et il ne
voyait rien que de modeste, de saint et de divin
dans les mêmes choses, où les âmes charnelles
se figurent des monstres chimériques d'ambi-
tion. Aussi quand les rois en ont voulu user
autrement , on s'est tenu à ce qu'ils ont eux-
mêmes réglé.
Le roi Charles VIII de France, en 1495. fut
assis avant tous les cardinaux, ou bien au mi-
lieu d'eux, « Ante eos, seu in medio eoruin
(Rainald., n. 3). «François Ier, en 1515, en usa
comme il lui plut à Doulogne , et envers le
pape, qui lui protesta que c'était à Dieu et non
pas à lui que tous ces honneurs se rendaient :
« Omnia haec in Deum transferens, el Deo om-
nia attribuens (Idem., n. 29, 30) ; » et envers
les cardinaux , qu'il traita comme ses pères et
ses frères : « Sicut patrum et fratrum suo-
rum. » Ce sont les termes du maître des céré-
monies.
VII. Ainsi quand les cardinaux disaient à
Pie II : « Cardinales pares regibus haberi ; » et
quand le même pape créant de nouveaux car-
dinaux , leur disait: «Vos senatores urbis et
regum simileseritis;» ces titres pompeux n'ont
dû être reçus par les cardinaux que dans des
motifs de piété et de religion (Comment. Pii II ;
1. m, p. 66; I. iv, p. '.)'.»; epist. ci.xxx, clxxxi,
cciv, ccv).
11 en faut dire de même de ce que dit le car-
dinal de Pavie : « Collegium quod sacrosan-
ctum in Ecclesia dicimus, regibus anteferen-
iliiin putamus. » Il dit ailleurs: a Cardinalem
R. E. membrum pontificis, cujus dignitas ante-
fertur regibus. » Et en parlant à Paul II : « Si
in lilios Romani praesulis, et in niembra vicarii
Christi, et in eos quos sanctitas veslra ante-
ferri regibus asserit; » tout cela se doit prendre
dans les sentiments purs de la religion, qui se
réjouit de voir tout le faste et toutes les gran-
deurs des hommes s'anéantir devant les images
vivantes de Celui qui étant le Dieu et le roi des
rois s'est anéanti pour eux.
Si ceux à qui ces respects sont rendus, en
ont quelque complaisance humaine, c'est un
Larcin, un sacrilège et une profanation qu'ils
font du sacrifice qu'on rend à Dieu seul, en
leur personne. Si le cardinal de Tournon,
doyen du sacré collège, et les cardinaux de
Lorraine et de Cuise, ne voulurent pas déférer
à ce qui fut prononcé en 1561, à leur désavan-
tage, en les obligeant de céder aux princes du
sang, qu'ils avaient jusqu'alors précédés, il
est juste de croire que ce fut moins par les
vues de leur intérêt propre, que par le zèle
religieux de soutenir la gloire de l'Eglise, et
l'honneur du sacré collège ; parce que tout
cela rejaillit à la gloire du Fils de Dieu, et pour
ne pas succomber sous l'autorité du prince de
Coudé, séduit et entraîné par les ennemis de
la religion et de la foi de ses ancêtres, et qui
néanmoins, l'emportait alors sur les anciennes
prérogatives des cardinaux (Sponde., n. 14).
Qu'on lise la vie de saint Charles par Cios-
sano (L. vin, c. 3; 1. m, c. 5), et on le verra,
lui qui était le plus humble de tous les hom-
mes, distinguer sa personne de sa dignité, et
très-jaloux de se faire rendre par les princes
mêmes tous les honneurs qu'il savait être dus
aux souverains prêtres.
VIII. Mais quoique l'élévation des cardinaux
les ait presque fait perdre de vue, on n'a pas
laissé de leur préférer quelquefois avec raison
Us archevêques et les évêques. Jean XXII as-
sura Philippe de France qu'il avait quelque-
fois accordé le cardinalat à des personnes à
qui il n'eêit pas voulu confier un archevêché.
« Aliquem nominatum ad cardinalatum, quan-
tum in nobis fuit admisimus, quem non sic
admisimus ad archiepiscopalis apicem digni-
tatis (Rainald., an. 1331, n. 32). »
Tout le monde sait que saint Charles pro-
testa souvent, parmi les orages dont il fui agité,
qu'il renoncerait bien plutôt au cardinalat
que de se laisser dépouiller de son archevêché
de Milan.
Les évêques du concile de Latran, sous
Léon X, voyant leur dignité avilie par les nou-
velles entreprises des cardinaux, se résolurent,
ou de ne plus se trouver aux sessions, ou de
n'y répondre que par le terme du reîus,displi-
ect, afin de faire sentir aux cardinaux que
DES CARDINAUX DEPUIS L'AN MIL TROIS CENT.
129
l'autorité ilu concile résidait bien moins <lans
l'éclat de leur pourpre que dans la dignité et
la multitude des évêques : « Quorum consen-
sus potins quam cardinalium, ratione nume-
rositatis facit concilium. » dette adresse leur
réussit (Idem, anno 1514, n. 15, 16; 1515, n. I).
IX. On verra éclater quelque rayon de la
même vérité dans les premiers cardinaux, qui
furent en même temps évêques ou archevê-
ques en diverses Eglises.
On avait bien vu, en 1037, Frideric, qui de
chancelier de l'Eglise romaine, était devenu
moine du Mont-Cassin, être élu et ordonné
abbé de cette célèbre abbaye, et en même
temps ordonné, par le pape Victor II, prêtre
cardinal du titre de Saint-Chrysogone (Baron.,
an. 1057, n. 8). Le pape Nicolas II ordonna en
même temps Didier, abbé du Mont-Cassin, et
prêtre cardinal, en l'an 1039 (Idem, n. 10).
Grégoire VII (L. vu, ep. 7, 8), avait confirmé,
en 1079, l'élection que le monastère de Mar-
seille avait faite de Richard, prêtre cardinal,
pour son abbé. Mais on n'avait point vu de
cardinal posséder un évèché ou un archevêché
dans les provinces, jusqu'au temps d'Alexan-
dre III. Ce pape, pour honorer Conrad, élu ar-
chevêque de Mayence, qui avait abandonné
l'antipape Octavien et l'empereur Frédéric, de
qui il était parent, pour se venir jeter entre
ses bras, le fit évèque cardinal de Sainte-Sa-
bine, et ensuite il le consacra archevêque de
Mayence (Baron., an. 1163, n. 16).
Dans l'accommodement qui se fit entre l'em-
pereur Frédéric et le pape, Conrad souscrivit
avec les autres cardinaux, maisil mit la qualité
d'archevêque de Mayence avant celle d'évêque
cardinal de Sainte-Sabine. Comme il avait pro-
mis au pape de se démettre de l'archevêché
de Mayence, si la paix de l'empire et du sacer-
doce ne pouvait autrement se conclure, il s'en
démit effectivement, et le pape le fit élire arche-
vêque de Salzbourg (Baron., an. 1177, n. 21,
73, 71, 7.') .
Ciaconius a fort bien remarqué que ce fut le
premier de tous les cardinaux qui ait en
même temps possédé deux évèchés, ce qui avait
été jusques alors sans exemple. « Primus om-
nium cardinalium duasecclesiassimulobtinuit,
novo, nec unquam audito exemplo. » Mais
après cela on ne tarda guère à rendre fort
commun ce qui avait été sans exemple.
Le même pape Alexandre III créa Guillaume,
qui était archevêque de Reims, prêtre cardinal
de Sainte-Sabine, et Henry, abbédeClairvaux,
évêque cardinal d'Albano, au rapport (h; Roger,
dans un concile romain tenu en 1179 (Reg. , 1.
i, I. II. Ce Guillaume était beau-frère du roi de
France Louis Vil, et le pape Innocent III lui
donna toujours, dans les lettres qu'il lui écrivit,
les titres d'archevêque de Reims et de cardinal
de Sainte-Sabine, mais le titre d'archevêque
était toujours le premier (Baron., n. 13).
Bigord, en parlant de lui, préfère aussi tou-
jours la qualité d'archevêque à celle de cardi-
nal. Nicolas Trivetdit dans sa chronique qu'en
1-2-2S mourut Etienne, lequel de professeur en
théologie à Paris avait été fait cardinal prêtre
du titre de Saint-Chrysogone, puis archevêque
de Cantorbéry.
Remarquons ici comment la chose a monté ,
comme par degrés, jusqu'au point où nous la
voyons aujourd'hui , que les cardinaux de
Rome sont évêques ou archevêques dans
d'autres royaumes : 1° En donnant ou laissant
le cardinalat à des abbés. 2° En le donnant à
des évêques, mais dans des conjonctures où la
chose était comme inévitable. 3° En dounant à
des évêques ou archevêques le titre d'évêque
cardinal, comme on avait commencé de faire
en la personne de l'archevêque de Mayence.
4° En leur conférant des titres de prêtre cardi-
nal, ce qui était une espèce de renversement ,
qui semblait rabaisser les évêques au rang des
prêtres, en les élevant au-dessus par le car-
dinalat.
En 11X6, Henri de Sully fut fait cardinal de
patriarche de Bourges qu'il était , mais on
n'exprime pas s'il fut fait cardinal évèque, ou
prêtre (Patriarch. Bitur., c. lxvii).
X. En 14*26, Martin V éleva au cardinalat
Jean de Bochelaille, archevêque de Rouen , et
le dispensa de l'engagement qu'il avait à l'Eglise
de Bouen. Mais comme plusieurs prélats refu-
saient le cardinalat, pour n'être pas oblig-és de
quitter leurs évêchés, qui étaient de grand
revenu, le pape permit eu même temps a ce
nouveau prélat de retenir son archevêché sous
le bon plaisir du Saint-Siège. « Ad beneplaci-
tum Apostolicœ Sedis (Marca , de Concord.
prœfat. , n. 14). » L'archevêque n'accepta le
cardinalat que du consentement du roi Henri
d'Angleterre, qui occupait alors Paris et une
partie de la France; et du duc de Bedford,
régent du royaume ; le roi consentit à ce qu'il
pût retenir l'archevêché, étant cardinal, à con-
dition de lui prêter un nouveau serment et de
m DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-UUATORZ1ÈME.
promettre qu'il reviendrait de Rome toutes les
fois que le roi le rappellerait.
Nous devons ce récit avec toutes ses preuves
,i M. de Marca; et il paraît de là que le
cardinalat était encore incompatible avec d'au-
tres prélatures, et que cette incompatibilité ne
pouvait se lever que par la dispense du pape,
et le consentement des rois.
Remarquons, avec Ciaconius, que ce ne fut
que sous Roniface IX et Alexandre V, c'est-à-
dire dans le xv siècle, que les cardinaux com-
mencèrent à changer de titres; ce qui se fit
parce que, durant le scbisme précédent, les
cardinaux de divers partis avaient souvent le
même titre, au lieu que jusques alors , selon
l'ancienne discipline, un diacre cardinal con-
servait toujours son même titre, jusqu'à ce
qu'on le lit piètre, et un prêtre jusqu'à ce
qu'on l'ordonnât évèque.
Sixte IV fut le premier qui, après l'an 1 180,
commença de donner les titres de diacres à des
prêtres, et les titres de prêtres à des diacres.
Enfin, on en est venu jusqu'à donner les titres
de cardinaux diacres a de simples clercs.
XI. L'article le plus important de tous ceux
qui regardent les cardinaux est, qu'étant les
conseillers, les coadjuteurs et les membres,
pour ainsi dire, du chef de l'Eglise, et ayant
par conséquent une obligation de veiller et de
s'intéresser pour l'Eglise universelle : on a
quelquefois jugé qu'ils ne devaient s'asservir,
ni même s'attacher par aucun engagement
particulier aux princes et aux souverains de la
terre.
Urbain VI, immédiatement après son élec-
tion, en 1378, fit une défense très-expresse aux
cardinaux de recevoir aucune pension des
princes ou des républiques, parce qu'on avait
toujours sacrifié la cause publique à ces inté-
rêts particuliers. « Quod suae intentionis non
ci al, quod aliqui ex dominis cardinalibus de
caiern baberent pensiones , seu provisiones,
vel alia lucra illicita a principibus, communi-
talibus , vel alia quacumque persona , quia
propter illa lucra uegotia ecclesiae maie proce-
debant et procédèrent (Rainald., n. toi). »
Martin V. en 1424, défendit aux cardinaux
d'embrasser la protection des princes ou des
royaumes, afin d'avoii plus de liberté à assister
le pape de leurs conseils. « Protectiones re-
guin. principum, comitum aliarumque perso-
naruni sarularium non assumant, assumptas-
que non exerceant, ut liberius ipsi sanctissime
in consiliis ac aliis actibus valeant assistere
(Idem., n. 4). »
Il leur défendit de rien prendre pour la pro-
tection des ordres religieux ou des personnes
particulières, quoiqu'on leur offrît volontaire-
ment. « Pro ordinum religiosoiumque aut
personarum particularium protectione , nibil
pecuniœ percipiant , etiam a sponte olferen-
tibus. »
Le concile de Râle, en 1436 (Sess. xxm), leur
interdit toutes sortes de partialités, et toute
attacbe à un prince contre les autres, leur per-
mettant seulement la protection gratuite des
princes, aussi bien que des autres, surtout des
personnes misérables , dans les seules vues de
la charité.
« Et cuin ei , qui communis est omnium
pater, cardinales assistant, personarum acce-
ptantes fieri, vel advocatos valde indecens est.
Propterea interdicit bœc sancta synodus, ut
tanquam judices collatérales partialitatem nul-
lam accipiant, etiam si de terra partiali ori-
ginem ducant. Nec sint principum aut com-
niunitatuin, seu aliorum contra quenu|uam,
cum pretio, vel sine, partiales protectores, aut
defensores, sed exuti oinnem passionem, in se-
dandis concordia , veljustitia litibus papae as-
sistant. Principum autem et quorumcumque,
praesertim pâuperum ac religiosorum, gratis et
sine ullo quaestu proinovere justa negotia, tan-
quam charitatisopus, persuadet sancta synodus
et eoinnienilat. »
ilhservons ici que Martin V ayant détendu
toutes sortes de protections à l'égard des prin-
ces , comme les jugeant inséparables de la
partialité, ce concile se relâche, et les permet
avec des modifications, comme ne pomaut
s'opposer au torrent d'une longue coutume qui
les avait maintenues.
Le concile V de Latran , sous Léon X ,
en 1514 (Sess. ix), se relâcha bien davantage,
n'exprimant pas même que ces protections
pour les grands dussent être gratuites. Ce
décret n'est qu'une paraphrase du décret du
concile de Bâle a cela près. C'est pourquoi je
n'en rapporterai pas les termes.
Le cardinal de Pavie (Epist. XL, xu, exxvii,
CXI.ll , 1X1. Mil , CI.XXXII , CXI. Il , CCI, XXX, CCCXCIV,
cni.xxxMii, nxi.ij. a souve ni déclamé dans ses let-
tres contre les abus de ces protections lâches et
intéressées, et contre les partialités où les car-
dinaux s'engagent aux dépens de leur honneur
et de leur conscience. Encore n'en a-t-il parlé
DES CARDINAUX DEPITS L'AN MIL TROIS CENT.
;::i
(|iie selon le meilleur usage qu'on en lit de son
temps, et non pas selon l'ancienne rigueur. Il
ne défend pas absolument aux cardinaux de
profiter des bienfaits . et de la Libéralité des
princes, mais seulemement d'en abuser.
Les lettres 70 et 164 du cardinal d'Ossal font
voir combien Clément \ 111 desirait que les
cardinaux ne prissent aucune pension des sou-
verains ; combien les cardinaux étaient par
cette impression portés à les refuser ; enfin
combien ce pape prenait soin de nommer des
cardinaux qui n'eussent aucun engagement aux
princes, et qui n'eussent point d'autres intérêts
que ceux de la liberté de l'Eglise ; quoique ce
pape ne refusât pas de satisfaire aux nomina-
tions des couronnes.
XII. Je ne m'arrêterai pas trop à déduire ce
que l'histoire nous apprend, de quelle manière
on créait autrefois les nouveaux cardinaux, et
quel en était le nombre.
Rainaldus a donné l'extrait d'un rituel de
l'an 1338, qui porte que le mercredi des Qua-
tre-Temps, le pape tenait consistoire, et con-
cluait à la pluralité des voix s'il fallait créer de
nouveaux cardinaux, et jusqu'à quel nombre.
Le vendredi, il se tenait un autre consistoire,
où se faisait le choix des nouveaux cardinaux,
et enfin, le samedi on en faisait la promulga-
tion , et l'ordination, qui commençait par la
dissolution du lien qu'ils avaient avec leurs
premières églises, si c'étaient des prélats qu'on
eût honoré de la pourpre sacrée (Rainald,,
n. 83). Toutes ces circonstances montrent que
le cardinalat était quelque chose de fort ap-
prochant d'un ordre' et d'un bénéfice.
Eugène IV jura, étant pape, les articles qu'il
avait jurés étant cardinal, et entre autres, qu'il
ne ferait point de promotion au cardinalat que
selon les règles du concile de Constance, et du
consentement des autres cardinaux Rainald.,
n. 6).
Le concile de Bâle en 1 136 Sess. xxm), or-
donna qu'aiin que les cardinaux fussent effec-
tivement ce que leur nom fait espérer, l'appui
et le soutien de l'Eglise, « Qui sicut nomine ,
ita reipsa cardines sint, super quos ostia uni-
versalis versentur . et sustentenlur Eccle-
si.e : » ils fussent choisis de tous les royaumes
de la chrétienté autant qu'il se pourrait; qu'il
n'y en eût jamais plus de vingt-quatre; qu'il
n'y en pût avoir au plus que le tiers d'une
même nation, ni plus d'un d'un même dio-
cèse ; que leur science et leur probité ré-
pondîl à leur élévation ; qu'ils eussent au
moins trente ans; qu'il y en eût au moins un
tiers, ou un quart de gradués; qu'il \ en eût
quelques-uns, mais peu des maisons souve-
raines ; que les m \eii\ des papes OU des Cardi-
naux vivants fussent exclus de cette dignité;
que le pape les nommerait, non pas après
avoir ouï en secret les désirs de chaque' car-
dinal, mais par les suffrages écrits du plus
grand nombre des cardinaux; enfin, qu'ils
considéreraient leur pourpre comme une pro-
fession publique de répandre leur sang pour
la défense de l'Eglise : « Cum récipient suae
dignitalis insignia, quorum signilicalio est, ut
pro bono universalis Ecclesne sanguinem pro-
prium si opus sit, non vereantur effundere.
Le décret du concile de Constance contenait
sommairement presque les mêmes articles
Concil. Gen., tom. xn. pag. I 150 .
Avant la création du pape Pie 11, en I 458, les
cardinaux jurèrent plusieurs articles ou ils
n'oublièrent pas celui de la nomination des
cardinaux selon le statut du concile de Con-
stance [Rainald., n. 5 . Us en firent autant a près
la mort de Pie II, avant l'élection de Paul II,
en 1 164 Idem, n. 52 .
Quoiqu'on ait parlé fort diversement de la
conduite de ce pape, il ne se peut rien dire de
plus saint que ce qu'il disait de la nomination
des cardinaux : qu'on pouvait être homme en
d'autres choses, qu'il fallait être ange pour la
provision des autres prélatures , mais qu'il
fallait être un Dieu pour remplir le sacré
collège ; que de nommer un mauvais évêque,
c'était une impiété qui désolait une église ,
mais que d'élire un méchant cardinal, c'était
l'action d'un démon, et d'un ennemi jure de
toutes les églises (Comm. Jacobi card. Papi ,
1. il, p. 371).
« Dicebat in rébus aliis hominem esseposse;
in Ecclesiarum rectoribus creandis angelum;
in collegio augendo Deum pontificem esse
oportere. Qui in altero peccet, impium, qui in
altero, daemonem esse existimandum. In illo
unani Ecclesiarum prostitui . ac viro alieno
conjungi, et non suo : in hoc Ecclesias uni-
versas periclitari Rainald., an. 1471, n. 63 . »
Sixte IV succéda a Paul IL et après sa mort
les cardinaux s'engagèrent et engagèrent en-
core par serment le pape futur, qu'il ne ferait
point de cardinal a la prière, ou du sang même
des souverains, qui ne fût âgé de trente ans,
et qui ne fût, ou docteur, ou suffisamment
43-2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATORZIÈME.
habile ; qu'il faudrait pour cela les deux tiers
des voix des cardinaux, qu'il ne nommerait au
cardinalat tout au plus qu'un de ses parents;
qu'il n'en créerait plus, jusqu'à ce qu'ils fussent
réduits au nombre de vingt-quatre, et que ce
nombre ne serait jamais excédé ; enfin qu'il
les créerait en consistoire, et non pas auricu-
laire ment, et qu'il n'en retiendrait point in
petto, a Nec eos tenebit secreto [Idem, 1484,
n. 31). »
Rainaldus parlant, en l'an 1430, de la nomi-
nation secrète, ou in petto des cardinaux, dé-
couvre les raisons et la manière dont elle se
faisait Idem, n. 5 .
Ces règlements étaient bien adoucis au prix
des précédents, mais on se relâcha bien davan-
tage dans la suite, puisque, dans le concile V
de Latran, sous Léon X, en loi 4 'Sess. rx), il y
a un chapitre fort étendu et fort particularisé
de la réformation des cardinaux, où ces articles
importants sur leur nomination ne sont pas
seulement touchés.
Enfin le concile de Trente, en 1363 (Sess.
xxiv, c. 1), après avoir exposé les règles les
plus saintes qu'il est à souhaiter que le pape
suive dans la promotion des évêques, déclare
qu'il n'est pas moins nécessaire de les observer
dans la nomination des cardinaux, même de
ceux qui sont diacres, et que le pape les choi-
sira, autant qu'il se pourra, de toutes les pro-
vinces de la chrétienté.
XIII. Quant au nombre des cardinaux, on
peut ajouter à ce qui en a été dit qu'en 1331,
le roi de France ayant proposé au pape
Jean \.\II deux Français pour être honorés de
cette éminente dignité, ce pape s'excusa et n'en
admit qu'un, parce qu'il y avait déjà une
vingtaine de cardinaux, dont il y en avait dix-
sepl français : « Quod jam xx cardinales, de
quibusxvii de regno Francise originem traxisse
noscuntur, existant in collegio memorato (Rai-
nald.. n. 33 . »
Après la mort de Clément VI, en 13S2, les
cardinaux résolurent et signèrent qu'on ne
souffrirait plus à l'avenir qu'il y eût plus de
vingt cardinaux Idem, n. 6).
L'an I37S, auquel se fit l'élection d'Ur-
bain VI, le sacré collège n'était composé que
de vingt-trois cardinaux. Le nombre s'en est
considérablement augmenté depuis par les
schismes de ces temps. Urbain VI, se voyant
abandonné de ses cardinaux, qui étaient passés
dans le parti de Clément VII, en créa en un
jour vingt-huit, si l'on en croit ceux qui ont
écrit son histoire. Théodoret de Niem, qui y
était présent, rapporte qu'il n'en créa que
vingt-six.
Cet auteur remarque que Clément VII n'en
créa un si grand nombre que parce qu'il pres-
sentait que plusieurs refuseraient cette charge.
Il s'en explique ainsi : « Nec non simul et vi-
ginti sex cardinales una die creavit, existimans
forte, quod de tanto numéro eorum aliqui hu-
jusmodi cardinalatus fastigium utique acceptè-
rent, prout nec ipsum fefellit opinio, factum
fuit iRainald., an. 1378, n. 10-i). »
C'est donc à l'occasion de ce schisme que le
nombre des cardinaux s'est multiplié au point
que les trois papes avaient chacun leur collège
particulier, comme il est arrivé d'autres fois.
Jean Juvénal des Ursins, archevêque de
Reims, qui a écrit l'histoire de Charles VI, roi
de France, rapporte que l'an 1381, sous le pon-
tificat de Clément d'Avignon, il y avait trente-
six cardinaux : « Cum Clémente Avenione
fuisse cardinales triginta sex. »
Les Pères du concile de Râle, suivant les
errements du concile de Constance, fixèrent le
nombre des cardinaux à vingt-quatre : « Ut
cardinales numerum viginti quatuor non excé-
dant (Sess. u). » On n'a compté que dix-huit
cardinaux dans le conclave où se lit l'élection
de Nicolas V, l'an 1447; on n'en a compté que
quinze dans celui où fut élu Calixte III, l'an
I 155; dix huit dans celui où Pie II fut élu, l'an
14-58; dix-rieuf dans celui où fut élu Paul II,
l'an 1464; on n'en a compté que dix-huit dans
celui où fut élu Sixte IV, l'an 1474; vingt-cinq
dans celui où fut élu Innocent VIII, l'an 1484 ;
on n'en compte que vingt-quatre dans celui où
fut élu Léon \, l'an 1513.
Hors le temps du schisme, on ne s'était donc
pas fort écarté, sur cet article, des décrets des
conciles de Constance et de Râle; car il ne
pouvait pas y a\oir beaucoup de cardinaux qui
s'absentassent du conclave.
Ils étaient si jaloux de leur dignité, qu'ils
faisaient tout leur possible pour empêcher
qu'on en augmentât le nombre, de peur que
l'éclat n'en diminuât, ainsi qu'ils le dirent
eux-mêmes : « Poutifici dixere se numerositate
ipsa vilescere. »
D'un autre côté , les papes ne pouvaient
tenir contre l'empressement des princes qui
leur demandaient cette dignité pour leurs pa-
rents, et pour récompenser le zèle et les ser-
DES CARDINAUX DEPUIS L'AN MIL TROIS CENT.
133
vices île leurs minisires. « Ponlifex non posse
regum ac principum transalpinorum preçes
se effugere aiebai ; nec sui honoris esse uatio-
aes externas praeterire Lib. 1 1^ p. 129 et 130 .»
Ces termes de Pie II, rapportés dans l'his-
toire de sa vie, l'ont voir que les Italiens ont
tout entrepris pour attacher cette dignité aux
gens de leur nation ; et que le pape qui ne
renfermerait pas son affection clans les limites
d'aucune nation était jaloux de porter partout
le titre de père des tidèles, se fit honneur de
favoriser du cardinalat tous les peuples du
nom chrétien.
Les Pères des conciles de Constance et de
Baie, par la réduction qu'ils tirent du nombre
îles cardinaux, n'avaient en vue que de retran-
cher les dépenses excessives qui étaient né-
cessaires pour l'entretien des cardinaux, et qui
pouvaient être à charge à l'empire chrétien.
En effet, dans ces temps où l'on n'avait pas
encore découvert les trésors des Indes, non-
seulement l'or et l'argent, mais une infinité
d'autres choses qui sont de quelque prix parmi
les hommes, et qui sont très-nécessaires à la
vie, étaient très-rares.
Si je voulais m'étendre là-dessus, je n'au-
rais qu'à rapporter tout ce qu'en a dit Rainald
sur les années 1492 et 1503 [Rainald, n. 28
et 5), d'où il résulte que les cardinaux ont tou-
jours été très-jaloux d'être en petit nombre,
dans la crainte de voir diminuer l'éclat de
leur dignité par leur multiplication.
C'est au pontificat de Léon X qu'il faut fixer
la fatale augmentation du nombre des cardi-
naux, qui fut portée à un nombre excessif par
la conspiration que fit, l'an 1517, un cardinal
qui se mit à la tète des conjurés et s'opposa à
l'élection de Léon X.
Léon, se méfiant du reste des cardinaux, en
créa en un jour trente et un de nouveaux. Les
conclaves en devinrent plus nombreux. Celui
oii fut élu Clément VII, l'an 1524, était com-
posé de trente-neuf cardinaux. On peut voir
la suite des conclaves dans les annales de l'E-
glise Rainald., Spond.).
La bulle appelée Compact/, qui fut arrêtée
entre Paul IV et les cardinaux, en 1555, en
fixa le nombre à quarante, et défendit d'en
créer d'autres. Elle permit seulement de rem-
placer aux qui viendraient à décéder. Ce
nombre fut après porté à soixante-dix : nom-
bre qui n'était pas trop grand, pour peu que
l'on considère que le collège des cardinaux est
Th. — Tome II.
le chef du clergé, qu'ils sont les diacres et les
piètres de la première église du monde cl de
tout l'empire chrétien.
Il faul encore observer que le clergé de
Rome n'a pas été moins nombreux au temps
de sou établissement, et pendant la violence
des persécutions survenues depuis , comme
nous l'avons ci-devant fait voir par des preuves
tirées d'Eusèbe. D'ailleurs le clergé de Cous-
tantinople était bien plus nombreux, comme
il est prouvé par les Novelles de Justinien. Il y
a même beaucoup d'églises cathédrales et col-
légiales oii le nombre des chanoines est plus
grand que celui des cardinaux.
Si l'on considère encore la multitude d'af-
faires et de procès qui se portent de toutes
parts au siège de Rome , pour y être décidés
dans la congrégation des cardinaux, ce nom-
bre de soixante-dix ne paraîtra pas certaine-
ment trop grand. D'ailleurs les choses néces-
saires à la vie sont devenues si communes que
ce qu'il faut pour l'entretien des cardinaux ne
monte plus à des dépenses excessives.
Enfin, ce nombre de soixante-dix cardinaux
a fait cesser les réserves des bénéfices, dont
l'Eglise était alors chargée, et l'expérience a
fait voir que l'augmentation du nombre des
cardinaux n'a point diminué l'éclat de leur
dignité.
XIV. La coutume d'envoyer le chapeau aux
absents est nouvelle, puisqu'en 1316 Jean XXII
ayant été prié, par Philippe de France, d'en-
voyer le chapeau à un nouveau cardinal fran-
çais, il s'en excusa sur ce que ce n'était pas la
coutume de l'Eglise romaine : « Quia nec prea-
decessores nostri Romani Pontilices consue-
verunt extra curiam bujusmodi pileos mit-
tere ; » et que depuis le temps de saint Louis
on n'avait envoyé le chapeau qu'à deux nonces
en Angleterre , pour donner plus de poids à
leur dignité et à leurs statuts (Rainald., n. 29).
Clément VI ayant nommé au cardinalat
l'abbé de Saint-Denis , adressa le chapeau
qu'il lui envoyait à trois évoques, avec une
lettre qui -portait que la coutume était d'aller
recevoir le chapeau de la main du pape : « Li-
cet imitanda servant antiquitas, ut ad hono-
rem cardinalatus evectus, non prius capello
rubeo uteretur, quam illum de manu pontili-
cis suscepisset (Rainald., an. 1350, n. ult.). »
Ce pape marquait ensuite qu'il le lui envoyait
néanmoins pour le recevoir de la main de ces
trois évêques, parce qu'il savait qu'il était né-
28
434
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATORZIÈME.
cessaire qu'il passât encore quelque temps
auprès du roi de France, Jean, ce qu'il ne
pouvait refuser aux affaires de ce prince. « Pro
negoliis in quibus rex praesentia tua indigere
se dixit, diebus aliquibus in partibus ipsis de
nostra licentia remanere. »
XV. La raison originaire de toute cette dis-
cipline est que le cardinalat était un bénéfice
d'évèque, de prêtre ou de diacre, obligeant a
résidence, incompatible avec d'autres sembla-
bles bénéfices, et déterminé à un certain nom-
bre de titres ou d'églises dans Rome ou auprès
de Rome. Quand on a commencé à l'envisager
comme une dignité, on n'a pu qu'avec beau-
coup de temps, et en l'espace de plusieurs siè-
cles en séparer toutes ces marques de sa nature
primitive.
Que le cardinalat obligeât à résider et lût
incompatible avec d'autres semblables béné-
fices, cela se voit dans la décrélale d'Inno-
cent III, où il refuse son consentement à l'é-
lection ou ta la demande que le clergé de
Ravenne avait faite d'un prêtre cardinal pour
son archevêque. Ce pape répond que ce cardi-
nal est plus utile à l'Eglise universelle, rési-
liant à Rome ou à Ravenne, même pour des
occasions extraordinaires. « Quod ejusdem car-
dinalis praesentia utilior sit, non soluin Ro-
manae, sed etiam Ecclesis generali, tain apud
Apostolicam Sedem, quam apud Ecclesiam Ra-
vennatem (C. Bonae mémorise. De postulat.). »
En 42(12, saint Louis ayant prié Urbain IV
de lui laisser encore pour un an les arche-
vêques d'Embrun et de Narbonne, qui tra-
vaillaient à accommoder le différend entre la
reine, sa femme, et Cbarles d'Anjou, son frère,
pour le comté de Provence , ce pape s'en ex-
cusa sur les affaires de l'Eglise universelle, où
il ne pouvait se passer de leur assistance, et
pour cela il les créa cardinaux évêques, et les
appela a Rome. Rainaldus a inséré cette lettre
du pape dans ses Annales (Rainald., an. 120:2,
il '.:, .
Le rituel de l'an 1338 fait user le pape de
ces termes, en créant un cardinal prêtre :
« Committimus tibi Ecclesiam sancti Pétri,
cum clero et populo, et capellis suis (Rainald.,
an. L338, n. 87). » C'est la même forme pour
les cardinaux diacres, en retranchant ces pa-
roles : « et capellis suis. »
Les canonistes concluent unanimement du
chapitre Ex r/estis. De clericis non residenti-
bus, que les cardinaux sont obligés à la rési-
dence, tant parce qu'ils ont cbarge d'âmes, et
exercent l'une et l'autre juridiction dans leurs
titres, que parce qu'étant les conseillers et les
aides du souverain Pontife pour le gouverne-
ment de toute l'Eglise, ils ne peuvent satisfaire
à ce devoir s'ils ne résident à Rome (Fagnan.,
in 1. m, part. I. p. 30). Il en faut excepter les
cardinaux qui sont évêques ou archevêques,
que le concile de Trente (Sess.xxm, c. 4) oblige
de résider dans leurs Eglises.
Léon X publia une bulle, dans le concile V
de Latran (Sess. xxvm), contre les cardinaux
qui ne soulagent pas le pape par leur présence
et par leurs conseils, ou qui s'absentent de
Rome sans le congé de Sa Sainteté ou sans un
sujet légitime de dispense.
Paul III en publia une semblable, et après
lui Innocent X, en 4646. 11 y a grande appa-
rence que la longue absence des cardinaux,
pendant les soixante-dix ans que le Saint-Siège
fut arrêté à Avignon, leur fit entièrement ou-
blier la résidence qu'ils devaient à leurs titres,
et qu'après cela leur loi de résidence ne fut
fondée que sur leur obligation d'assister le
Saint-Siège de leurs conseils.
Ainsi, quand le pape les emploie ailleurs au
service de l'Eglise universelle, on doit juger
qu'alors même ils résident, comme adminis-
trateurs généraux de l'Eglise universelle, sous
le Saint-Siège.
Cajetan et le Panormitain n'ont pas fait diffi-
culté de soutenir que le cardinalat était incom-
patible avec un évêché, et que la coutume
contraire ne pouvait être qu'un long abus.
Fagnan ajoute que le style de la cour ro-
maine est conforme à ce sentiment, en ce que
l'on donne les évêchés en commande et non
pas en titre aux cardinaux qui doivent résider
à Rome; mais il confesse en même temps que
l'usage présent est que les évêques, après leur
promotion au cardinalat, retiennent leurs évê-
chés sans dispense, et que le sentiment de la
congrégation du concile est que les cardinaux
peuvent retenir une Eglise cathédrale, même
en titre, mais qu'ils ne peuvent en retenir deux
ni en titre, ni en commande, ni l'une en titre
et l'autre en commande.
Ainsi, ce canoniste ne doute plus que cette
coutume ne fasse un droit légitime, quoiqu'il
souhaite fort sagement que les cardinaux eus-
sent d'ailleurs leur entretien, pour s'occuper
uniquement aux affaires de l'Eglise universelle
et laisser les évêchés à des prélats qui ne s'at-
DES CARDINAEX DEPUIS L'AN Mil. TROIS CENT.
133
tachassent qu'à leur Eglise particulière (Ea-
gnan., in lib. i Décret., part. i. pag. -27'.» .
La bulle d'Urbain VIII, en 1634, obligea les
cardinaux évêques iiui avaient d'autres évêchés
d'j aller résider; ainsi, il sembla déclarer que
ces évêchés affectés aux cardinaux n'étaient pas
incompatibles avec les autres. C'est la coutume
que les cardinaux qui résident à Rome optent
ces Eglises d'évêques cardinaux quand elles
viennent à vaquer. Fagnan le dit ainsi (Idem,
in 1. m, part. I. p. 59).
C'est encore une marque que ce sont des
évêchés d'une autre nature que les autres.
Passons à l'Orient.
XVI. Outre ce qui a été dit dessyncelles. qui
prirent le pas sur les évêques dans l'Orient;
outre ce qui a été dit du chartophylace, qui
emporta la même préséance en quelques ren-
contres, il faut dire la même ebose de tous les
exocatacèles.
Anastase Bibliothécaire, a remarqué dans ses
notes sur le concile VIII (Act. 2), que le patriar-
che Ignace donna la dignité de chartophylace
à Paul, ne pouvant l'élever plus liant, parce que
le pape Nicolas lui avait seulement permis de
l'honorer des plus grandes dignités au-dessous
de l'épiscopat. « Scripserat papa Romanus, ut
alia illum, exceplo sacerdotio, quautacumque
vellet, dignitate, ditaret. »
Ce concile pria le pape de souffrir que ce
chartophylace fût élevé à l'épiscopat. Balsamon
décide la difficulté et marque le temps de cette
innovation quand il dit que ce fut par la cons-
titution de l'empereur Alexis Comuène que les
chartophylaces prirent séance au-dessus des
évêques dans les assemblées qui ne sont pas
synodales. « Qui nunc est chartophylax, in
congregationibus quae fiunt extra synodum, se-
det non solum ante sacerdotes, sed etiam ante
pontiûces, ex constitutione inclyti imperatoris
Alexii Comneni (In Can. xviu) Nicaen.). »
Harménopule attribue cette ordonnance à
Michel Ducas, empereur, qui commença à
régner dix ans avant Alexis Comnène, c'est-à-
dire en 1071. « Sciendum soli majoris ecclesiae
chartophylaci concessum esse, tum ex longa
consuetudine , tum ex constitutione scripta
imperatoris domni Michaelis, ut in conventibus
extra altare ante episcopos sedeat (In Can. vu
Trull.). »
Mais Balsamon a fort bien remarqué que
c'est à cause des offices dont on honorait les
diacres, que ces diacres prenaient séance au-
dessus des évêques. « Et nonnulli ex ecclesias-
ticis diaconis in congregationibus quœ sunt
extra sacrum tribunal ante sacerdotes sedeant,
Geri videmus. Et existimo hoc fieri propter
dignitates, seu officia. Soli enini qui a patriar-
cha officiis ecclesiasticis digni sunt habiti, se-
dent ante sacerdotes (In Can. xvm Nicaen.).»
Ces offices ne furent d'abord que des com-
missions extraordinaires qui revêtaient ces offi-
ciers de l'autorité et de la personne du patriar-
che. La suite du temps changea ces commissions
arbitraires et extraordinaires, en offices et en
dignités perpétuelles et ordinaires comme il est
arrivé aux archidiacres de l'Eglise latine, et
comme il arrive toujours en toutes sortes de
gouvernements et d'Etats. Ainsi, la préséance
au-dessus des évêques demeura aux diacres
officiers du patriarche de Constantinople, et la
préséance au-dessus des prêtres demeura aux
archidiacres de toute l'Eglise latine après qu'ils
furent devenus ordinaires et perpétuels, parce
qu'ils en avaient joui pendant un fort long
temps . étant extraordinaires et révocables.
Comme ce changement d'extraordinaires en
ordinaires et d'amovibles en perpétuels se fit
imperceptiblement et se trouva fait avant qu'un
s'aperçût qu'il se faisait, il en fut de même de
la préséance.
Presque tous les évêques latins se donnèrent
la liberté de créer plusieurs archidiacres et de
les placer au-dessus des prêtres; le patriarche
de Constantinople avait aussi six diacres pour
ses six premiers officiers, qui eurent tous séance
avant les évêques : savoir, le grand économe,
le grand sacellaire, le grand garde des vases
sacrés, le chartophylace, le maître de la cha-
pelle et le premier défenseur. Le chartophylace
n'était que le quatrième dans ce collège des
exocatacèles, c'est-à-dire des cardinaux du
patriarche de Constantinople. Ainsi ceux qui
le précédaient, précédaient aussi les évêques.
Mais Codin le dit nettement de tout ce petit
collège d'exocatacèles; et il donne la raison de
cette préséance : « II ï in sacris concionibus,
seu conventibus cum patriarcha sedent. » Ils
étaient inséparables du patriarche , et ne fai-
saient qu'un corps avec lui. Ainsi ils précé-
daient les évêques.
Celte préséance a été plus remarquée dans
le chartophylace, parce qu'étant chargé de
toute la juridiction du patriarche dont il était
comme le vicaire-général, il avait beaucoup
plus souvent à traiter avec les évêques.
43G
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUATORZIÈME.
Le nom d'exocatacèles pourrait bien être
dérivé de celui de celle, aussi bien que celui
des syncelles; en sorte que les syncelles fussent
ceux qui demeuraient dans la cellule ou dans
le palais du patriarche, et les autres ceux qui
logeaient bors du palais. Il y a d'autres étymo-
logies de ce terme, mais encore moins cer-
taines et moins probables même que celle-ci.
Tout ceci fait voir qu'avant que nos cardi-
naux eussent pris le pas sur les évêques . les
exocatacèles de Constantinople avaient obtenu
la même préséance; et longtemps avant les ar-
chidiacres, avaient pris rang au-dessus des
prêtres dans tout l'Occident. Enfin tous ces
renversements de l'ordre commun sont pro-
venus d'une même source, savoir, des com-
missions qui se changent et qui se changeront
toujours en offices par la longueur du temps,
et transmettent à ces offices le droit de repré-
senter la personne du prélat supérieur.
Ce serait donc sans fondement que les évê-
ques seraient jaloux des exocatacèles du pa-
triarche de Constantinople ou des cardinaux
du pape; car la raison qui a obligé les évêqui s
à mettre les archidiacres au-dessus des prê-
tres, a aussi oblige les patriarches à placer
leurs principaux ministres au-dessus des évê-
ques. Je crois néanmoins qu'il y a moins de
proportion à placer les diacres au-dessus des
évêques que de les mettre au-dessus des prê-
tres : mais la même circonstance peut avoir
exigé l'un et l'autre.
Les patriarches, de même que les évoques,
pouvaient déléguer leurs fonctions et leur au-
torité a leurs ministres et aux diacres. Les
patriarches le pouvaient avec d'autant plus de
fondement qu'ils étaient chargés d'un plus
grand nombre d'affaires. Ces délégations se
sont multipliées et perpétuées; et par la même
raison les délégués se sont insensiblement in-
troduits etsont devenus perpétuels, tant pour les
patriarches que pour les évêques : ce qui était
absolument inévitable ; et ainsi ces délégations
oui été enfin érigées eu offices.
Il y a entre ces délégués des patriarches et
des évêques une différence nécessaire, qui est
que les diacres qui font par délégation les fonc-
tions des évêques onl la préséance devant les
prêtres et non devant les évêques; au lieu que
les diacres qui son! délégués par les patriar-
ches pour faire leurs Fonctions sont au-dessus
des évêques. Il y a encore entre eux une diffé-
rence tirée de leur ancienneté; c'est que les
évêques avaient déjà mis leurs diacres au-
dessus des prêtres six cents ans axant que les
patriarches eussent placé leurs principaux mi-
nistres au-dessus des évêques.
Les vicaires généraux des évêques sont dans
le même cas que les diacres délégués par les
évêques pour faire leurs fonctions.
En effet, ces vicaires généraux peuvent être
tirés du nombre des diacres; c'est pourquoi si
leur délégation, qui n'est aujourd'hui qu'une
commission arbitraire et temporelle, devenait
nécessaire et était changée en un office per-
pétuel, comme l'a été celle des archidiacres, il
arriverait que les diacres qui seraient grands-
vicaires des évêques auraient droit, en vertu
de leur office, de précéder les prêtres qui se-
raient soumis à leur juridiction. Ce ne serait
pas pour élever le diaconat ou pour abaisser la
prêtrise; mais ce serait pour s'accorder avec
les besoins de l'Eglise. Et c'est ce que Balsa-
mon a remarqué ci-dessus, que c'est la qualité
des offices qui attire ces suites.
Harménopule doit aussi avoir fait compren-
dre qu'avant que les empereurs Michel Ducas
ou Alexis Comnène eussent élevé le chartophy-
lace au-dessus des évêques, la coutume avait
déjà fait celte innovation, et ces empereurs ne
firent que la confirmer. Aussi ne trouve-t-on
aucun statut qui donne rang aux cardinaux
au-dessus des évêques, que longtemps après
que la coutume en eût été reçue; et cette sorte
de coutumes se glisse et s'établit si lentement
et si insensiblement , qu'il est impossible d'en
dire au vrai l'origine, et d'en remarquer pré-
cisément les premiers commencements. Il en
est de même dans toutes sortes d'Etals, et on
ne peut s'en prendre qu'à la mutabilité de
noire nature, de laquelle la Providence ne
laisse pas de former des beautés admirables
aux yeux de ceux qui s'élèvent jusqu'à elle avec
respect et sans prévention.
Le moine Blastare, dans sa compilation al-
phabétique des canons et des lois, nous ap-
prend qu'en son temps, c'est-à-dire en 1333,1e
chartophylace précédait encore les évêques
dans les assemblées qui n'étaient pas synodales,
et que celaavail été ainsi réglé par la coutume
ancienne et par la constitution de l'empereur
Manuel : « Soli cliarlopbylaci magna' Ecclesia1
dalur exlonga consuetudine, et ex scripta con-
slilulione inclyti imperatoris Manuelis, in con-
gregationibus quae liunt extra synodum, etiam
ante antistites sedere (Blaslares, litt. S, c. iv).»
DE L'OlilCINE DES CARDINAUX.
137
L'empereur Manuel peut avoir confirmé les
déclarations de ses prédécesseurs Alexis Com-
nène et Michel Ducas, et Blastares aura pu af-
fecter de nommer le dernier Mes empereurs
qui avait donné un nouvel affermissement à
cette ancienne coutume. Dans ces sortes de
pratiques sujettes à tant de changements, les
dernières lois sont toujours les plus authen-
tiques.
Lambert, ancien et habile historien d'Alle-
magne, dit qu'en 10O2, le roi Henri IV d'Al-
lemagne, tenant sa cour de Noël a Goslar, il
s'éleva un très -fâcheux différend entre les
gens de .l'évèque d'Hildesheim , qui était le
diocésain, et ceux de l'abbé de Fulde. Le sujet
en était que l'ancienne coutume était que
l'abbé de Fulde fût assis le premier après
l'évèque de Mayence dans les assemblées d'é-
vèques, et l'évèque d'Hildesheim prétendait
que dans son dio< èse il devait suivre immédia-
tement son métropolitain: s Consuetudo erat
in regno per multos rétro majores observata,
ut semper in conventu episcoporum abbas
Fuldensis archiepiscopo Moguntino proximus
assideret. Episcopus causabalur neminem sihi
intra diœcesim suam post archiepiscopum de-
bere prœferri. »
11 est à croire que ce n'avait été d'abord
qu'une différence volontaire des évoques pour
les abbés de Fulde. qui se changea par la suc-
cession du temps en nécessité.
CHAriTRE CENT-QUINZIEME.
DE L ORIGINE DES CARDINAL X.
I. II. Un évèque, un piètre et un diacre cardinal, n'est autre
que le titulaire et comme l'époux de chaque église, distingué
des autres, qui n'y ont pas la même attache.
111. IV. V. VI. Cela est justiûé par une infinité de preuves
tirées des lettres de saiut Grégoire.
vil. Cela regardait toutes les Eglises, et non pas la seule
Eglise de Rome. Exemples dans l'Eglise de Rome de prêtres et
de diacres, et même de sous-diacres cardinaux.
VIII. IX. Le même style était commun aux anciens papes.
X. Comment il n'y avait point encore d'évèques cardinaux
dans le clergé de Rome, et comment il commença d'y en avoir.
XI. XII. Grande autorité des prêtres et des diacres cardinaux
de Rome, et leur incorporation avec les évèques.
Xlll Leur éminente dignité et leurs obligations proportionnées
à cette élévation.
I. Il faut reprendre ici l'origine de la dignité
du cardinalat et son ancienneté.
Comme cette dignité est devenue aujourd'hui
bien plus éclatante et bien plus recommandable
parmi nous, j'aurais tâché d'en retracer l'ori-
gine avec beaucoup d'exactitude, et l'orner de1
curieuses recherches s'il nous était resté sur ce
sujet plus de monuments de l'antiquité. Mais
ceci a eu le soit des plus grandes choses et îles
plus anciennes, qui est que l'origine nous en
est ordinairement cachée.
II. Le nom de cardinal se lit très-souvent
dans les lettres île saint Grégoire; mais il n'y
est nullement réservé à l'Eglise romaine, et il
n'est [ias même tort facile d'en déterminer pré-
cisément la signification. Rien ne parait plus
probable que d'entendre par un évèque, un
prêtre ou un diacre cardinal, celui qui est le
titulaire et le principal bénéficier d'une église.
Lue église était quelquefois commise à un évè-
que pour un temps seulement, jusqu'à ce qu'il
eût été rétabli dans la sienne, dont il avait été
chassé, ou jusqu'à ce qu'on eût tait l'élection
canoniqued'unévêquedans cette église vacante,
et alors on ne pouvait pas l'appeler évèque
cardinal de celte église, qui lui était simplement
donnée en commande, et dont il n'était pas
titulaire. Si on la lui conférait pour toujours,
sans que de son vivant on pût en élire un
autre; alors il était fait évèque cardinal de
cette église, il y était pour ainsi dire cardina-
lise. Incardinabatur, selon le langage de saint
Grégoire.
11 y avait aussi quelquefois plusieurs prêtres
438
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUINZIÈME.
dans une église, mais il n'y en avait qu'un de
cardinal, c'est-à-dire de titulaire, qui en était
principalement investi, qui l'épousait en quel-
que manière, et qui contractait avec elle une
insép irable union et une obligation très-étroite
d'y résider. Les autres prêtres de la même
église n'étaient que ses aides et pouvaient plus
facilement passer a d'autres emplois.
lien était de même des diacres : de plusieurs
diacres d'une église il n'y en avait qu'un de
cardinal ou principal bénéficier, chargé du
soin de cette église, les autres étant plus à la
main de l'évêque pour toutes les occurrences
diverses, quand il était nécessaire de les en-
voyer ailleurs ou de les appliquer à quelque
autre (onction. Par exemple, les diacres que le
pape ordonnait pour les envoyer nonces à Con-
stantinople, ceux à qui on commettait la con-
duite d'un hôpital ou d'un monastère, n'étaient
pas diacres cardinaux, parce que leur ordina-
tion ne les rendait pas titulaires, et comme
époux inséparables d'une église.
111. Justifions cette proposition par les lettres
de saint Grégoire. L'évêché de Piombino va-
cant, ce saint pape écrivit à l'évêque de Ro-
selle d'aller gouverner cette église en qualité
de visiteur et non pas de titulaire. « Yisitator
■ ni >'ilas : » et d'y ordonner un prêtre Cardinal
et deux diacres. « Ut uiiuin cardinalem illie
presbyterum, et duos debeas diaconos ordi-
nare (L. i, epist. 15 . o t'-e prêtre Cardinal ne
peut être antre que le curé et le principal titu-
laire de cette église, qui était encore plus
née, ssaire pendant la vacance du siège.
L'église d'Aléria étant vacante depuis long-
temps, ce pape la confia enfin à Léon, évêque
en Corse, mais il ne l'en rendit pas évêque titu-
laire ou cardinal quoiqu'il lui écrivît en ces
termes : « Cunctis rébus suprascriptœ ecclesiae,
ut proprium te volumUs uti pontiflcem, usque
ad secundam nostram epistolam (L. i, ep. 76).»
Par sa lettre suivante il ôta cet évêque com-
mandataire, et y établit un évêque Cardinal,
en y transférant Martin, évêque d'une ville de
Corse, entièrement ruinée : « Quoniam eccle-
sia Tamitana, in qua dudum fuerat honore
sacerdotali fraternitas tua decorata, ita est. ho-
stili feritate diruta, ut illuc ulterius spes re-
meandi nulla remanserit; inecclesia Aleriensi,
qiue jam diu pontilicis auxilio destitiila esl,
cardinalem te secundum petitionisluac modum,
bac autoritate constituimus sine dubio sacer-
dotem. »
De ces deux évoques l'un fut fait commen-
dataire pour un temps, l'autre Cardinal ou
titulaire perpétuel de l'église d'Aléria : a Ne-
cessarium duximus Martinum fratrem et coe-
piscopum nostrum ibidem cardinalem consti-
tuere sacerdotem, Leoni verofratri etcoepiscopo
noslro operam ejus visitatiouis injungere (L. i,
ep. 77, 78). »
IV. Januarius. archevêque de Cagliari, avait
reçu dans son clergé le diacre Libérât, ordonné
par un autre évoque. L'ambition de ce diacre
étranger lui fit briguer la première place
entre les diacres de cette église; saint (irégoire
ordonna que pour l'humilier on ne lui donnât
que la dernière, à moins que le prédécesseur
de Januarius ne l'eût fait diacre Cardinal de
son église, ou que Januarius même, après une
longue épreuve de sa vertu, le voulût lui-
même cardinaliser , c'est-à-dire l'approprier
pour jamais à son église, et lui donner la pri-
mauté entre ses diacres ; ce qu'il ne pour-
rait faire qu'après avoir reçu l'agrément de
l'évêque qui avait ordonné Libérât, et qui,
par conséquent , l'eût toujours pu rede-
mander.
« Liberatus. qui diaconi fungi perhibetur
oflicio, si a decessore tuo non est factus cardi-
nalis, ordinatis a te diaconibus nulla débet
ratione prœponi, etc. Liberatum ultimum inter
diaconos stare constitue, etc. Cujus tamen si
obedientia fueris invitatus, et eum post hsec
cardinalem facere volueris, nisi pontilicis sui
concessionem solemni more meruerit, absli-
nendum ab omni ejus incardinalione memine-
ris (L. i, ep. 81). »
Voilà des évèques, des prêtres et des diacres
cardinaux, dans le sens que nous avons exposé.
En voici d'autres semblables. Ce pape témoi-
gna être bien aise que l'évêque Paul fût de-
mandé par ceux de Naples pour être leur
évêque cardinal : « Quod eum cardinalem de-
sideratis habere episcopum. gratulamur (L. u,
ep. fi). » Il demanda néanmoins du temps pour
en délibérer.
Il écrivit à l'évêque de Rimini de consacrer
l'oratoire bâti par une dame illustre, mais de
n'y point établir de prêtre cardinal. « Nec pre-
sbyterum constituas cardinalem (Epist. ix), »
parce que cette dame devait se contenter, ou
d'entendre la messe dans les églises commu-
nes, ou de demander un prêtre à l'évêque,
toutes les fois qu'elle désirerait l'entendre dans
son oratoire (L. vu, ep. 7-2, s.'i; 1. vm, epist. 3,.
DE L'ORIGINE DES CALDINAl'X.
139
Ce prêtre cardinal n'est autre qu'un bénéfi-
cier titulaire.
Y. L'église et la ville de l'évêque Jean ayant
été ruinée, ce pape le cardinalisa dans l'église
de Sipiillaci, à condition que si sa première
église où il avait été premièrement évêque
cardinal se rétablissait, il y retournerait.
« l'ropterea te Joannem ab hostibiis captivatœ
Lusitanœ civitatis episcopum, in Squillatina
Ecclesia eardinalem necesse dnximus consti-
tuere sacerdotem; ila tamen ut si civitatem
illam ab hostibus liberam effici et ad priorem
statum revocari contigerit, ad eam in qua
prius incardinatus es, ecclesiam revertaris. Sin
autein pradicta civitas continua calamitate ca-
pti vitatis premitur in hac in qua a nobis ordina-
tus es, incardinatus debeas Ecclesia perma-
nere (L. u,ep. 25). »
VI. Ceux de Terracine ayant perdu leur
pasteur, demandèrent pour leur évêque cardi-
nal l'évêque de Fondi, dont la ville avait été
désolée par les barbares. Saint Grégoire ac-
corda leur demande, en unissant ces deux évê-
chés en la personne de ce prélat. « Defuncto
Petro pontifiee suo, te eardinalem sibi postu-
lant constitui sacerdotem, etc. Te nostra au-
toritate in Tarracinensi ecclesia eardinalem
constituimus sacerdotem, etc. Sic ut Funden-
sis ecclesia pontifex esse non desinas (L. u,
Ind. 13, epist. xiii). »
l'n prêtre curé ayant été injustement déposé,
ce pape le fit rétablir, et ordonna que celui
qu'on lui avait donné pour successeur fût fait
piètre cardinal dans quelque autre église va-
cante. « In alia quacumque vacante ecclesia
eum volumns cardinari (L. m, ep. 11). »
Fortunat, évêque de Naples, demanda à ce
saint pape le pouvoir de transférer et de car-
dinaliser dans son église un diacre de l'église
de Venafre : « Ut Cratianum Ecclesise Vena-
frana diaconum tiuc concederemus ecclesia1
cardinandum (L. v, ep. 11). » Ce pape l'ac-
corda, parce qu'il n'y avait point alors d'évê-
que dans Venafre. « Habituro licentiam diaco-
num illum, nostra interveniente autoritate,
ecclcsiœ tua constituere eardinalem. » Il or-
donna à l'évêque de Firmo de bénir un ora-
toire, après avoir reçu les contrats et les bien-
faits des fondateurs, et d'y établir un prêtre
cardinal. « Presbyterum te quoque illic consti-
tuere volumus eardinalem (L. ix, ep. 12). »
Il y avait donc de deux fortes d'oratoires,
les uns sans prêtre cardinal, dont l'évêque li-
rait les revenus, et y envoyait un prêtre pour
célébrer les divins mystères quand on le de-
mandait; les antres avec un prêtre cardinal,
c'est-à-dire, que les uns avaient un prêtre ti-
tulaire, et que les autres n'en avaient point.
L'évêque. de Syracuse avail donné la prê-
trise à un .religieux qui était déjà sous-diacre
de sa cathédrale, et l'avait établi comme curé
dans une possession de l'Eglise. Ce religieux
se trouva accablé de mélancolie dans ce nouvel
emploi ; le pape pria l'évêque de l'en retirer, et
de le faire prêtre cardinal de sa cathédrale
(L. ii, ep. 36).
VII. Nous n'avons encore remarqué des car-
dinaux, que des évoques, des prêtres et des
diacres, et même hors de l'Eglise romaine.
Jean Diacre, dans la vie de ce grand pape, nous
en fait voir dans l'Eglise romaine et même
dans le sous-diaconat. Il assure que ce saint
pape, pour remplir les grandes dignités des
autres églises vacantes, n'épargnait pas même
les cardinaux de son église, non plus que les
religieux de son monastère.
« Et si quando nécessitas ordinandi sacerdo-
tis obrepsit, neque cardinales ecclesia? suae,
neque monachos monasterii sui penitus excu-
savit, quo minus illis Ecclesiam regendam
committeret : qui exemplis et verbis pariter
illam aedificare melius potuissent. Nam ut
pauca de multis contingam , ex presbyteris
cardinalibus ecclesia' sua consecravit episco-
pos Bonifacium Regii, Habentium Perusii, et
Donum Messana Siciliae. Ex subdiaconibus
vero Cloriosum Ostiae, Faustum Capuœ, Pe-
trum Trecis, et Castorium Arimini. Solis dia-
conibus Apostolicœ Sedis super hac quodam-
modo parte parcebat; quorum cum decem et
novem plenitudine redundaret, ipse Bonifa-
cium, Florentium et Epiphanium consecravit.»
Voila les prêtres, diacres et sous-diacres
cardinaux de l'Eglise romaine, dont ce saint
pape voulut bien priver son église, pour ne
pas souffrir que les autres fussent plus long-
temps privées de pasteurs.
Le même Jean Diacre remarque que saint
Grégoire ne chargeait jamais aucun de ses
cardinaux d'un évêché sans les y avoir fait
consentir, de peur que cette promotion ne
leur parut plutôt une déposition : « Ne sub hu-
jusmodi occasione, quemquam eliminando de-
ponere viderelur. (L. ni, c. !S, 10). »
11 le prouve par l'exemple d'un sous-diacre
cardinal, qui ne voulut jamais accepter un
■1.10
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-QUINZIÈME.
évêclié pour lequel il avait été élu, et auquel
ce saint pape ne voulut jamais le forcer; et par
la lettre de ce même pape à Jean, évêque de
Syracuse, qu'il prie de faire prêtre cardinal de
son église le religieux Cosme, qui en avait été
premièrement sous-diacre , et que le défunt
évêque avait ordonné prêtre, pour lui donner
une église de la campagne à gouverner, ce que
ce religieux souffrait avec une extrême dou-
leur.
Jean Diacre conclut de là que saint Grégoire
rétablissait dans le cardinalat ceux qui en
avaient été comme dégradés par une promo-
tion forcée à des cures de la campagne. « Item
cardinales violenter in parochiis ordinatos
foréhsibus, in pristinum cardinem Gregorius
revocabat. » Ce qui montre que de son temps
le titre de cardinal n'était donné qu'aux prê-
tres, diacres et sous-diacres des villes épiseo-
pales.
Le pape Zacbarie fait connaître le même
usage de son temps, dans sa lettre à Pépin :
« De presbyteris agrorum, quam obedientiam
debeant exh ibère episcopis et presbyteris car-
dinalibus. » A quoi il rapporte le canon de
Néocésarée, où il est parlé du respect que les
piètres de la campagne doivent aux prêtres de
la ville (Concil. Gall., tom. i, p. 564).
Enfin, pour ce qui est des évêques cardi-
naux, Jean Diacre ne semble donner ce nom
qu'à ceux qui ayant perdu leurs églises, étaient
transférés à d'autres églises vacantes, où ce
pape les cardinalisait. «Civitatum desolatarum
pontiflees Gregorius vacantibus civitatibus in-
cardinare curabat (L. m, c. 15). »
VIII. Tout ce que nous venons de rapporter
de saint Grégoire sur le cardinalat se trouve-
rait sans doute dans les lettres de ses prédéces-
seurs, si la suite de tant de siècles nous eût
conservé leur registre aussi entier que le sien.
Le pape Gélase enjoignit à l'évêque Sabinus
d'ordonner un diacre dans une église dont il
était visiteur et non pas titulaire : « Visitationis
olficio, non potestate, proprii sacerdotis (Colle.
Rom.Holst.,p.208). » Le pape Pelage ordonna
à l'évêque Eleuctérius de bénir un oratoire et
d'en accepter la fondation, sans y établir aucun
piètre cardinal, se réservant le droit d'y en
envoyer un quand il serait besoin d'y célébrer
la messe. « Nec presbyterum constituas cardi-
nalem (Ibidem, p. 251). »
IX. Ainsi on ne peut dire avec vérité que ce
n'était que le style ancien et l'usage ordinaire
de l'Eglise romaine qui a été remarqué dans
les lettres de saint Grégoire, et que, jusqu'à ce
temps-là, le titre de cardinal n'était nullement
affecté au clergé seul de l'Eglise romaine.
Jean Diacre vient de montrer que de son
temps on honorait communément de ce titre
les prêtres, les diacres et les sous-diacres du
Siège Apostolique. Et avant lui, Etienne IV
avait remarqué la même chose dans un décret
de son synode romain.
« Si quis ex episcopis, vel presbyteris, vel
monachis, aut ex laicis contra canonum et
sanctorum Patrum statuta prorumpens , in
gradum majorum sanctœ Romanne Ecclesire,
id est presbyterorum cardinalium, et diaeono-
rum iri praesumpserit, et banc Apostolicam
Sedem invadere quilibet ex supradictis tenta-
verit, et ad summum pontificalem honorem
ascendere voluerit, ipsi et sibi faventibus per-
petuum fiât anathema (Colle. Rom., p. 265). »
Il paraît que dans ce décret la qualité de
Cardinal est affectée aux prêtres et aux diacres
de l'Eglise romaine, sans qu'il soit parlé des
sous-diacres.
Le terme d'évêque Cardinal a été employé
au même sens que nous le prenons dans la
célèbre conférence de Carthage, entre les catho-
liques et les donatistes, au temps de saint Au-
gustin. Pétilien, évêque donatiste, accusant
les catholiques d'avoir multiplié les évêques,
même dans un même lieu, donna le nom de
« Cardinales atque authenticos episcopos» aux
vrais évêques titulaires, et ne regarda les au-
tres, qui étaient surnuméraires, que comme
des images ou des fantômes, imagines.
X. La principale rétlexion qu'il y aurait à
faire sur ces paroles, serait des évêques cardi-
naux. Ni saint Grégoire, ni les autres papes, ni
Jean Diacre, ne nous ont donné le moindre
sujet de conjecturer qu'il y eût des évêques
cardinaux de l'Eglise romaine. Au contraire,
ce décret d'Etienne IV montre évidemment
qu'il n'y en avait point encore. Lorsqu'il dé-
fend aux évêques mêmes, sous peine d'ana-
thème, d'aspirer au degré des prêtres, ou des
diacres cardinaux de Rome, ne nous insinue-
t-il point que les évêques regardaient déjà avec
un œil de jalousie l'éminente dignité des prê-
tres et des diacres du Siège Apostolique, et la
puissance qu'ils avaient d'élire le pape, qu'ils
élisaient ordinairement de leur corps?
On pourrait donc se persuader avec quelque
vraisemblance que les évêques commençaient
DE L'ORIGINE DES CARDINAUX.
t il
déjà à vouloir être associés au clergé de Rouie,
surtout pour l'élection du pape, et i|iie cet
avantage fut réserve aux évêques Les plus pro-
ches île Iimne. qui étaient par conséquent plus
souvent a Rome, et étaient conviés, selon l'an-
cienne coutume, a assister a toutes les délibé-
rations du clergé romain.
Ces évêques voisins s'élant accoutumés du-
rant une longue suite d'années à assister aux
synodes et aux délibérations du clergé supé-
rieur de Rome, commencèrent insensiblement
à ne faire plus qu'un même corps, et à concou-
rir toujours aux décisions importantes, surtout
à l'élection du pape, puisque les suffragants
d'une métropole avaient toujours eu part à
l'élection du métropolitain.
XI. Avant que cette incorporation des évê-
ques voisins avec le clergé romain, et cette
affectation du titre de cardinal aux prêtres et
aux diacres du Siège Apostolique eût été faite,
on ne laissait pas de remarquer une grande et
fort singulière autorité dans le clergé du Siège
Apostolique, et une grande communication de
ce collège illustre avec celui des évêques.
Anastase Bibliothécaire, dans la vie du pape
Anastase II, dit que plusieurs prêtres et autres
clercs se séparèrent de la communion de ce
pape parce qu'il avait communié avec les com-
municateurs d'Acacius, sans avoir pris l'avis
des évêques, des prêtres et du clergé de l'Eglise
catholique : « Multi clcrici et presbyteri se a
communione ipsius ejecerunt, eo quod com-
municasset sine consilio episcoporum , vel
presbyterorum, vel cleri cunctœ Ecclesia? Ca-
thôlicae, diacono, qui communis erat Acacio. »
Le pape Symmaque fut rétabli sur le trône
pontifical par les évêques. les prêtres et les
diacres : « Ab omnibus episcopis et presbyteris
et diaconis, et omni clero vel plèbe redinte-
gratur Sëdi Apostolicae Symmachus. »
Les conciles romains de ce pape se trouvent
souscrits par un grand nombre d'évèques d'Ita-
lie, par soixante-sept prêtres de Rome , quj
marquent tous leur titre ou leur église dans
leurs souscriptions, et enfin par les diacres qui
marquent les régions dans lesquelles on les
avait distribués par toute la ville de Rome.
Dans le IV" concile romain sous ce pape , les
prêtres cardinaux de Rome sont simplement
appelés « Ecclesiarum peromnesRomanœcivi-
tatis titulos presbyteri , homines secundi in
Ecclesia ordinis. » Ce qui fait voir encore que
les diacres n'avaient point de titres, qu'ils
étaient régionnaires et non pas titulaires, c'est-
à-dire partagés et attachés aux sept régions de
la ville, ei non pas à des églises particulières.
Les acclamations de ces conciles se font ordi-
nairement par les évêques et les prêtres. « Ab
universis episcopis et presbyteris acclamatum
est, etc. » Ce qui montre l'alliance des évêques
avec le collège des prêtres de Rome.
Le pape Hormisde adresse' plusieurs Lettres
et en reçoit où sont nommés premièrement
deux évêques, puis deux diacres et ensuite un
prêtre (Ep. lxii, etc. . t'n ordre si souvent
répété ne vient pas du hasard ou de la faute
des copistes. Il y a donc lieu de conjecturer
que ces diacres étaient du clergé de Rome, et
que dans cette légation on leur donnait rang
devant un prêtre qui n'en était pas.
On a pu remarquer, dans tous les conciles
généraux, les prêtres de l'Eglise romaine, et
quelquefois les diacres aussi associés aux évê-
ques, dans la légation du pape et dans la pré-
sidence au concile. Voilà à peu près les origines
de cette association , et pour ainsi dire de
celte incorporation de quelque évèque avec
le clergé de l'Eglise romaine.
XII. Il est vrai que le titre de la dispute de
Rustique contre les Acéphales, lui donne la
qualité de diacre cardinal de l'Eglise romaine ;
mais il y a un juste sujet de douter si ce titre
hors d'oeuvre n'a point été ajouté par une main
plus récente et moins exacte.
Ce savant diacre ne prend pas lui-même le
titre de cardinal dans la préface de son ouvrage,
où il s'excite et s'anime lui-même à une géné-
rosité et à une grandeur d'âmé qui soit pro-
portionnée à la haute dignité et aux étroites
obligations d'un diacre de la plus grande Eglise
du monde.
« Mémento christianum te esse atque diaco-
mim, et hoc summae totius universifatis Eccle-
sia?. Si importabile omis est ordinis, quare ullo
modo adgressuses dignitatem? Semel diaconus
factus, ejus votis obligatus es Deo , alioqui
debuisti prias refutare hujusmodi graduai. »
Voilà l'élévation et en même temps les obli-
gations importantes et indispensables des
diacres de l'Eglise romaine de soutenir la
cause de J.-C. au péril de leur vie. Facundus,
évêque d'Hermiane, en parle en ce sens : « Ve-
nerabiles Pelagius et Anatolius Romani dia-
coni, debitam officio suo etlocosollicitudineni
pro Ecclesia Dei gerentes, etc. (L. iv, c. 3). »
Comme si la suprême dignité du Siège Aposto-
il -1
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SEiZIÉME.
lique rejaillissait jusques sur le clergé supé-
rieur de l'Eglise romaine.
Saint Grégoire semble l'avoir conçu de la
sorte, quand il ne donne d'autre qualité au saint
et illustre Paschase que celle de diacre du
Siège Apostolique : « Paschasius hujusAposto-
licae Sedis diaconus (Dialog., 1. iv, c. 40). »
XIII. En effet, qui peut douter que ce clergé
de l'Eglise romaine, ou ce collège de piètres et
de diacres, ne fût participant de la suprême
gloire du Siège Apostolique , dans la juste
proportion que le clergé de chaque église
épiscopale ou métropolitaine participe aux
avantages de son prélat ?
On en sera pleinement convaincu, pour peu
qu'on fasse réflexion que ce collège des prêtres
et des diacres, depuis l'établissement de l'Eglise
romaine par saint Pierre, gouvernait l'Eglise
romaine, et même l'Eglise universelle avec le
pape; qu'il continuait de la gouverner durant
les interrègnes qui étaient quelquefois longs,
qu'il présidait aux élections des souverains
pontifes, qu'il les élisait ordinairement de son
propre corps, qu'il composait le synode ordi-
naire du pape oii se traitaient toutes les grandes
causes de l'Eglise, soit pour la foi, soit pour la
discipline.
CHAPITRE CENT-SEIZIEME.
DES CARDINAUX SOLS L EMPIRE DE CIIARLEMAGNE.
I. Dans toutes les églises particulières, les évèqucs, les piè-
tres cl les diacres cardinaux étaient ceux qui avaient ces béné-
fices en titre, et non par cornnii-
II. Les évèqucs ne prenaient point encore à Rome de titre de
cardinal, mais les prêtres et les diacres seulement. Quand les
évêques i ommi ncèrent.
III. Diverses manières d'exprimer les trois corps du sacré
collège.
IV. Tous les évêques précédaient encore les prêtres elles
- cardinaux.
\ li. s cardinaux des autres églises.
VI. Un peu avant l'an mil, les évèqucs qu'on appela depuis
cardinaux, étaient nommés évêques romains. Dès le temps du
rm IVpin nn leur avait donné le même nom.
Vil. Les évêques suflïaganls et les chanoines de l'église métro-
politaine font le conseil du métropolitain pendant sa vie, et
tiennent le gouvernail de l'Eglise après sa mort. Les évèqucs,
les prêtres et les diacres cardinaux ont la même relation avec le
pape.
VIII. Les prêtres et les diacres cardinaux ne s'élaient pas en-
core si inséparablement unis aux évêques suiïragants de Rome,
qu'ils eussent part à leur préséance sur les autres évêques.
IX. Des légats.
I. Les Titres Cardinaux étaient dans nos
églises de France les paroisses de la ville ou de
la campagne , érigées en titre perpétuel et
irrévocable, que les évêques ne devaient plus
détruire ni changer. C'est le sens du concile
de Meaux qui fut tenu en 8i.'>(Can. liv). « It
litulos cardinales in urbibus, \tl submbiis
constitutos, episcopi canonice et honesle, sine
retractatione ordinent cl disponant. »
Voilà quels étaient les prêtres et les diacres
de l'Eglise romaine, car cette qualité de cardi-
nal n'était point encore attribuée aux évêques.
Adrien II envoya à Charles le Chauve trois
légats, dont il y en avait deux qui étaient évê-
ques, le troisième était prêtre cardinal : o Pe-
trum religiosum presbyterum cardinis noslri,
dilectumque familiarem nostrum (Epist. xvui,
xix). » Ce n'est pas que ce pape transférant
Actard de l'évêché de Nantes à l'archevêché de
Tours, ne dise qu'il le constitue archevêque
cardinal de Tours, « constituimus eardinalem
melropolitanum et archiepiscopum Turonica?
Ecclesiae; » mais cette expression signifie sim-
plement qu'il lui donne l'archevêché de Tours,
non pas en commande ou par commission ,
mais en titre.
Jean VIII se servit du même terme en trans-
férant Frotarius de Bordeaux à Bourges (Epist.
xih). De là on ne saurait inférer qu'il y eût
encore quelques évêques qu'on nommât cardi-
naux de l'Eglise romaine ; comme il y avait
des prêtres et des diacres qui portaient celte qua-
DES CARDINAUX SOIS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
ii:i
lité, et qui étaient pasteurs des églises de Rome.
au lieu que chaque évêque pouvait être appelé
évêque cardinal de son église, c'est-à-dire vrai-
ment titulaire.
II. Ce fut peut-être Etienne IV qui distingua
sept évêques de tous les autres, qui étaient
également soumis à la métropole de Rome, et
leur donnant le titre de cardinaux, les obligea
de célébrer tous les dimanches les divins
mystères sur l'autel de l'église de Saint-Pierre,
successivement les uns après les autres. « Hic
statuit ut omni Dominico die a septem episcopis
cardinalibus hebdomadariis , qui in Eeclesia
Salvatoris observant, missarum solemnia super
altare B. Pétri celebrarentur(Anast.Bibliot. . »
III. Il se pourrait faire que l'association des
prêtres et des diacres cardinaux avec les sept
évêques aussi cardinaux, eût alors commencé
à se former et que ce fut ce sacré collège à
qui l'auteur ancien des vies des papes donne la
qualité de princes du clergé. « Proceres cleri
Anast. Bibliotb., in vita Leonis III). »
Léon III fut élu par ces princes dit clergé,
par les autres ecclésiastiques, par les personnes
de qualité, et par le peuple de Rome. « A
cunctis saeerdotibus, seu proceribus, et omni
clero, nec non et optimatibus, vel cuncto populo
romano. »
Ces sacrificateurs et princes sont très-proba-
blement les évêques, les prêtres et les diacres
cardinaux, que leur rang et leur dignité dis-
tinguait du reste du clergé.
Cela est encore plus clair dans la suite, où il
est dit que Léon III revenant à Rome, fut reçu
avec une extrême joie des princes du clergé,
de tout le clergé, du sénat et du peuple, a Tain
proceres clericorum . cum omnibus clericis,
quamque optimates. et senatus et populus. »
Dans l'élection de Valentin Ier, les évêques
sont nommément exprimés : « Collectis in
unum episcopis. et gloriosis Romanorum pro-
ceribus. » Dans celle de Serge IL ils sont mêles
indifféremment avec les autres cardinaux :
« Cum proceres. et Romanae urbis optimates.
universusque populus pro eligendo pontifice
in unum coissent. »
IV. Léon IV lit faire le procès dans un con-
cile, à Anastase, prêtre cardinal du titre de
Saint-Marcel, pour avoir été cinq ans sans
résider dans sa paroisse. On rendit cet honneur
à ce cardinal, de le faire citer par trois évêques :
« Per très vocatus episcopos. » A quoi néan-
moins il ne se rendit pas Anast. RibL).
On peut inférer de là que cette éminence du
cardinalat était déjà fort révérée, quoique Ions
les évêques eussent toujours la préséance avant
les prêtres et les diacres cardinaux.
Ce concile même, qui fut tenu en 853, où
Anastase fut déposé, en est une preuve con-
vaincante; car les évêques, au nombre de
soixante -sept. y précèdent et y souscrivent
avant tous les prêtres et tous les diacres cardi-
naux.
V. Dans l'élection de Benoît III. les électeurs
du pape sont exprimés d'une autre manière.
« Clerus et cuncti proceres . » ou bien : « Epi-
scopi cum clero et populo. » Et dans la vie de
Nicolas Ier: a Episcopi , presbyleri, proceres et
optimates. » Dans celle d'Adrien II . le roi des
Bulgares demande un des cardinaux pour être
fait archevêque de Bulgarie. « Aliquem ex car-
dinalibus. »
Jean VIII ordonna que le patriarche deCons-
tantinople ne serait plus élu à l'avenir que
d'entre les prêtres et les diacres cardinaux de
la même Eglise. « Nisi de cardinalibus presby-
teris et diaconibus Constantinopolitanae sedis
(Ep. excrx). » Il donna le même ordre à ceux de
Milan, d'élire le plus digne de leurs diacres ou
prêtres cardinaux. « Qui de cardinalibus pre-
sbyteris aut diaconibus dignior fuerit repertus
(Ep. ccxxi . »
Gautier, évêque d'Orléans, dans ses capitu-
lâmes, chap. ii. commande aux archidiacres de
veiller sur les prêtres cardinaux, c'est-à-dire sur
les curés : « Et perarchidiaconos vita et doctri-
na presbyterorum cardinalium invesligetur. »
Atton, évêque de Verceil, dans son capitu-
laire. chap. xc, ordonne aux curés de s'adresser
au chapitre en l'absence de l'évèque. o Quod si
defuerit , cardinalibus prima? sedis intérim
suggeratur. »
VI. Le titre de cardinal se donnait donc aux
prêtres et aux diacres des autres églises, mais
les évêques ne prenaient point encore cette
qualité dans le sacré collège.
Dans le concile romain qui fut tenu en 963,
sous Othon 1er, où Jean XII fut déposé, tous les
évêques précèdent les cardinaux , les seuls
prêtres ou diacres de Borne se qualifient car-
dinaux , les évêques sutfragants de la métro-
pole de Borne se distinguent toutefois admira-
blement par le titre d'évèques romains.
Voici comment ils sont exprimés dans les actes
du concile : « Tune Romani Pontiflces. episcopi
scilieet suffraganei, et cardinales presbyteri,
i i i
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-SEIZIÈME.
ac diaconi. cum universa plèbe dixerunt, etc. »
L'empereur Otlion en parle ainsi dans sa lettre
au pape Jean : « Dum filios vestros. Romanos
scilicet episcopos, cardinales presbyleros , et
diaconos et universam plebem de vestra absen-
tia percontareinur, etc. »
II est donc évident que les évèques suffra-
gants de la métropole de Rome étaient alors
nommés, non pas évèques cardinaux, mais
Evèques Romains, Pontifes Romains. C'est ap-
paremment en ce même sens que l'évêque
George , envoyé de Rome, fut appelé plusieurs
fois évoque romain dans le concile de Compiè-
gne, sous le roi Pépin. Georgius, episcopus
Romarin* Anno 757 , Conc. Compend. , can.
îx, xi). Ce fut en ce même sens que Charlemagne
consulta Léon III, et les autres évèques romains :
« Consulta Leonis apostolici , cœterorumque
Romanrc Ecclesiœ episcoporum (Capit., 1. v,
cap. 34). o
Pour revenir au concile romain sous Otlion,
il y a encore cela de fort remarquable, qu'on
\ nomme un. lean, sous-diacre cardinal, Cardî?
nalem subdiaconwn. On sera peut-être encore
plus surpris d'y entendre nommer un archi-
acolythe. « Stephanusarchiacolythus, cum om-
nibus acolythis (Luilprand., 1. vi.c. 6, 7,11). »
Mais ces exemples ont été très-rares et sans
conséquence.
VIL Quant à ce rang extraordinaire des éve-
il nos romains, c'est-à dire suffragants de Rome,
qui ont depuis été nommés évèques cardinaux,
il n'y a rien ni de nouveau, ni d'extraordinaire.
On sait que comme un évêque, selon les lois
canoniques, concertait toutes eboses avec le
clergé, c'est-à-dire avec les prêtres et les dia-
cres île son église, ainsi le métropolitain, selon
les mêmes ordonnances de l'Eglise, devait agir
dans toutes les matières importantes avec le
conseil de tous les évèques de sa province.
Il suivait de là, que comme pendant que le
siège épiscopal était vacant, toute l'autorité
épiscopale résidait dans le corps du clergé,
ainsi, lorsque le métropolitain était mort, ses
pouvoirs et ses obligations retombaient sur les
évèques de la province. Mais soit que le siège
soit rempli ou vacant, il est indubitable, selon
les canons, que l'administration île toutes les
affaires de quelque conséquence, appartient
aux évèques delà province et au chapitre de
L'église métropolitaine, qui doivent ou concou-
rir avec le métropolitain , ou suppléer à son
défaut.
VIII. Quelque grande que puisse avoir été
l'élévation des prêtres et des diacres cardinaux,
et quelque étroite liaison qu'ils puissent avoir
eue avec les évèques romains, ou suffragants
de Rome, ces évèques ne se séparaient point
encore du corps des autres évèques; et par
conséquent les prêtres et les diacres cardinaux
ne marchaient encore qu'après tous les évèques.
En effet, il y a toutes les apparences du
monde, que la préséance que les prêtres et les
diacres cardinaux de Rome ont enfin emportée
sur les évèques , est en partie provenue de
l'union très-étroite que les cardinaux ont con-
tractée avec les évèques suffragants, en sorte
que ne faisant plus qu'un corps, il n'ont plus
voulu se séparer, ni dans les séances, ni dans
les souscriptions. Mais cela n'est arrivé que
vers le xue siècle. Tous les conciles romains
tenus avant l'an mil, font foi que tous les évè-
ques précédaient les cardinaux , et que les
diacres cardinaux n'étaient pas même assis
dans ces conciles, mais ils se tenaient debout
derrière le siège des évèques et des prêtres
cardinaux.
IN. On voit bien bors de Rome, en France
et en Orient, des diacres cardinaux de Rome
qui président aux conciles avant tous les évè-
ques; mais c'était en qualité de légats du Siège
Apostolique et comme représentant la personne
du pape.
Les évèques du concile IV de Tours, tenu en
849, reprochèrent à Nomenoy, duc de Bre-
tagne, l'insolence inouïe avec laquelle il avait
refusé de recevoir les légats et les lettres du
Saint-Siège : «Maximum reatum te contraxisse
scimus, quod epistolam Sedis Apostolicaa re-
spuisli, etc. Propterea parati suimis, si vis,
secundo legatum sedis memoratae cum scriptis
toti nuiiido venerandis dirigere. »
C'étaient les rois et les évèques de France
qui axaient demandé au pape l'envoi de ces
légats. Le roi Lothaire demanda depuis au
pape Nicolas qu'il envoyât des légats pour tenir
un concile dans son royaume : « Regalis excel-
lentia vestra nuper apostolatui nostro direxit,
ut pro perficienda synodo missos e latere nostro
dirigere dignaremur (Epist. xix). »
On ne peut douter que les légats apostoliques
qui présidèrent au concile de Ponlhyon, tenu
en 876, n'eussent été demandés par l'empereur
Charles le Chauve, puisqu'il voulut y présider
comme légat du Saint-Siège, persuadé que,
s'il honorait cette légation, la légation ne le
DES CARDINAUX SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
il:,
déshonorait pas : « Imperator dixit, quod
Domnus Apostolicus ci suas vices commisit in
synodo. »
Nous avons déjà rapporté ci-dessusque l'em-
pereur Charlemagne avait obtenu du pape
qVAngilranij son grand chapelain, fût aussi
légat ou nonce du Siège Apostolique en France,
et que Louis le Débonnaire obtînt la même
grâce pour Drogon; ces deux exemples avant
été allégués par Charles le Chauve dans sa
lettre au pape Nicolas, dans les bonnes grâces
duquel ce prince lâchait de rétablir Adven-
tius, évêque de Metz (Conc. Gall., tom. m.
p.243)(l).
(I) Le mode de création des cardinaux a varié avec les siècles.
Aujourd'hui le pape nomme cardinal qui il veut, quand il veut, sans
avoir besoin de l'assentiment des cardinaux. Cependant par conve-
nance il demande leur avis. Il n'y a plus même de forme déterminée
pour la promotion, quoique le cérémonial romain en donne une. Si
celui qui est promu au cardinalat se trouve à Rome, il se transporte,
sans cortège, au palais apostolique ; là, il est reçu par les cardinaux
chefs d'ordre, c'est-à-dire le premier des évoques, le premier des
prêtres et le premier des diacres, et il est introduit devant le souve-
rain pontife, qui pose sur sa tête la barrette rouge. On indique ensuite
le jour du consistoire public pour la livraison du chapeau rouge. Tous
les cardinaux se réunissent dans le lieu du consistoire; le pape, por-
tant la mitre précieuse, monte sur le trône, reçoit l'obédience de tons
les cardinaux, puis les nouvellement promus s'avancent au pied du
trône pour entendre une allocution que leur fait le pape sur les de-
voirs du cardinalat. Après cela, ils baisent les pieds et les mains du
pape; le pape les relève pour leur donner le baiser de paix, les
autres cardinaux leur font de même. On les revêt ensuite des insi-
gnes du cardinalat, et, se mettant à genoux en cercle devant le pape,
ils reçoivent de lui le chapeau rouge. En le mettant sur la tète de
chacun le pape dit : » Ad laudem omnipotentis Dei, et sa ne tas Sedis
o Apostolica? ornamentum, accipe galerum rubrum, insigne singularis
a dignitatis cardinalatus, per quod designatur quod usque ad morlem
« et sanguinis etfusionem inclusive pro exaltatione sanctœ fidei, pace
« et quiète populi christiani, augmento et statu sacrosaocta; Roma-
« nœ ecclesiae te intrepidum exhibere debeas. In nomine Patris, et
o Filii, et Spiritus sancti. Amen. » Le pape leur ferme ensuite la
bouche pour leur apprendre de ne pas révéler les affaifes traitées en
consistoire. Dans le consistoire suivant, le pape leur ouvre la bouche
en disant : o Aperimus vobis os, tam in collationibus, quam in con-
« siliis, atque in electione Summi Pontificis, et in omnibus actîbus,
o tam in consistorio quam extra, qui ad cardinales expectant, et quos
« soliti sunt exercere. In nomine Patris, etc. a Les nouveaux cardi-
naux se mettent alors à genoux devant le trône pontifical, le pape
leur met au doigt un anneau précieux, et leur assigne à chacun un
titre, c'est-à-dire une église, ou presbytérale, ou diaconale, disant :
"Ad honorera Dei omnipotentis, sanctorum apostolorum Pétri et
■ Pauli et S. N. committîmus tibi ecclesiam S. N. cum clero et po-
« pulo et capellissuis secundum formam qua commitli consuevit car-
o dinalibus, qui eamdem ecclesiam habuerunt. »
Il doit y avoir dans le sacré -collège des membres de toutes les
nations catholiques. Il est prescnTaussi que les ordres religieux doi-
vent y être constamment représentés par quatre membres qui gar-
dent bixouleur de leur ordre respectif, à L'exception de la ca,
est toujours rouge. Nous voyons aujourd'hui les cardinaux Guidi,
dominicain; Pitra, bénédictin; Panebianco, cordelier*, dit conventuel
en Italie; Giusto d: Recanati, mineur observantin. Le nombre normal
est de soixante-dix, dont six sont cardinaux évéques, cinquante
prêtres , quatorze diacres. Les cardinaux évéques seuls , comme
occupant les é vécues dits suburbicaires de Rome, sont toujours au
complet. Le nombre des autres ne l'est pas toujours. Les évéchés sub-
urbicaires sont Ostie, Porto et Sainte-Rufine, Tuseulum, Sabine, Pa-
>. Nous avons fait connaître, dans une autre note les
églises diatonales. Pour être complet nous devoos donner la nomen-
clature des églises presbytérales, celles qui sont données aux cardi-
naux prêtres : Sainte-Marie-des-Anges in Tkermis, Sainte-Marie
Transtyberim , Saînte-Balbine , Saint-Laurent in Lucina, Sainte-
Praxède, Saint Pierre ad Yineula, Sainte-Anastasie, Saint-Pierre
in Montorio, Saint-Onuphre. E in Ca\ itet Sainte-Marie
in Via, Saint-Marcel, Saints-Marcellin et Pierre, Saints-Douze Apô-
tres, Saint-Césaire, Sainte-Agnès in Agone, Saint-Marc, Saint-Etienne
m Cœiio monte, Sainte-Marie Transpont ina, Saint-Eusèbe,
Chrysogone , Saints-Quatre Couronnés, Saints-Quirin et Julitte ,
Saiol-Calixte, Saini-Baitbélemy in Insula, Saint-Augustin, Sainte-
Cécile, Saints-Jean et Paul, Saint-Martin in MontibuSj Saint-Alexis,
Saint-Clément, Sainte-Marie de Populo, Saints-Nérée et Achillée
Sainte-Marie de Pace, Sainte-Marie de Ara Cœliy Saint-Sauveur
in Lau.ro, Sainte-Croix in Bierusalem, Saint-Laurent in Panispernay
Saint-Jean unie Portam latinam, Samte-Pudentienne, Sainte-Pnsque,
Saint-Pancrace, Sainte-Sabine, Sainte-Marie super Minervam, Saint-
Charles, Saint-Thomas in Parione, Saint-Jérùme-des-IUyriens, Sainte-
Suzanne, Saint-Sixte, Saint-Matthieu in MeruUina, Très-Sainte-Tri-
nité m monte Pincio.
D'après les canonistes, après la papauté, aucune dignité n'est plus
grande dans l'Eglise de Dieu que le cardinalat. Quoique souvent in-
férieurs aux évéques pour l'ordre, les cardinaux leur sont néanmoins
supérieurs : a praïeminentia non est commensuranda ab ordine, »
disent les canonistes, « sed ab officio et jurisdictione quœ dant digai-
a tatem. o En effet, les évéques ne président qu'à un diocèse, tandis
que les cardinaux sont appelés par le pape au gouvernement de l'K-
glise universelle, et que ce sont eux qui élisent le vicaire de Jésus-
Christ. Le Sacré-Collège est le véritable gremtum de l'Eglise ro-
maine. Le plus ancien des cardinaux-évèques est toujours 1 ■ \
du sacré-collége, d'après une constitution de Benoit XIU. Il prend
alors le titre de cardinal évêque d'Ostte. Les cardinaux, quand même
iis ne seraient que piètres ou diacres, ont juridiction épiscopale dans
la circonscription de leurs titres. Us ont le droit de visite, de correc-
tion, d'excommunication, de suspense et d'interdit. Us confèrent les
bénéfices attachés à leurs églises presbytérales ou diaconales • ils
peuvent procéder contre les bénéficiers coupables, accepter la rési-
gnation ou permutation de ces bénéfices. Dans leurs titres ils peu-
vent donner la solennelle bénédiction, more epUcoporum, licet non
sint episcopi. Les cardinaux qui ne sont que prêtres peuvent dans
leurs églises presbytérales, conférer la tonsure et les ordres mineurs
à tous leurs sujets et familiers. Ils peuvent dispenser des vœux ceux
qui sont soumis à leurs églises comme les évéques dans leurs dio-
cèses. Le droit canonique reconnaît encore aux cardinaux un »rand
nombre de privilèges, comme de n'être pas compris dans un interdit
général, de pouvoir choisir leur confesseur même parmi les prêtres
non approuvés, que nous croyons superflu de mentionner ici.
Le Siège vacant, le sacré-collège ne peut créer des cardinaux ni
des évéques, ni confirmer les évéques élus, ni déposer les évéques
prévaricateurs, ni conférer des bénéfices ; il n'y a rien là que de parfaite-
ment conforme au droit canonique, puisque les chapitres qui héritent
de la juridiction épiscopale ne peuvent pas avoir la collation des béné-
fices. Les chapitres ont même, d'après le droit, un avantage sur le
sacrè-collége , en ce que toute la juridiction épiscopale passe le sié^e
vacant, chez eux, tandis que le Saint-Siège vacant, ni la juridiction
ni la puissance du pape ne passent dans le Sacré-Collège. Les ca-
nonistes donneut pour raison de cette infériorité : ob accelerandam
provisioJiem Ecclesiœ. Cependant les différentes congrégations des
cardinaux conservent leurs pouvoirs, même après la mort du pape
de sorte que le successeur n'a pas à les reconstituer. Mais le sacré-
collège nomme aux votes secrets le grand pénitencier pour remplacer
celui dont les pouvoirs ont expiré à la mort du pape. Le nouvel élu
reste en fonctions jusqu'à l'intronisation du futur pape. L'élection du
pape est tellement la propriété et le droit du sacré-collége, que si
tous les cardinaux mouraient et qu'il n'en restât qu'un seul, celui-là
aurait le droit canonique et absolu d'élire le pape, mais il ne pourrait
se nommer lui-même. Si tous mouraient pendant le conclave, à qui
reviendrait le droit d'élire le pape? La grande majorité des cano-
nistes et les plus marquants disent que ce droit reviendrait au cha-
pitre de Saint-Jean-de-Latran : mater et caput omnium Ecclesiarum
urbis et orbi* ; quelques autres revendiquent ce droit pour le con-
cile général. Comme canoniste, nous sommes avec les premiers, dont
l'opinion nous parait plus coûforme au droit canonique et plus
exempte des plus graves dangers. D'ailleurs le pape est d'abord évê-
que de Rome, et comme tel son élection ne peut appartenir qu'aux
titulaires des églises de Rome, (les cardinaux) ou au chapitre de la
cathédrale de Saint-Jean-de-Latrao,
Les hautes dignités réservées aux cardinaux sont celles de grand
pénitencier, de vice-chancelier de l'Eglise romaine, de prodataire
de camerlingue. Il y a en outre les cardinaux palatins, c'est-à-dire
ceux qui, à raison de leurs fonctions, approchent le plus souvent le
pape. Ce sont le cardinal secrétaire d'Etat, le cardinal prodataire,
le cardiual secrétaire des mémoriaux , le cardinal secrétaire des
brtfs, auxquels Pie IX a ajouté le cardinal préfet des palais apos-
toliques.
Nous devons ajouter ici un mot important sur les insignes du car-
dinalat. Nous l'empruntons aux Mémoires du cardinal Consalvi, ar-
I u,
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-SEPTIÈME.
CHAPITRE CEXT-DIX-SEITIEME.
DES LEGATS PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES DE L EGLISE.
I. Le pape délègue les évèques pour les choses qui sont déjà
de leur pouvoir.
II. Saint Augustin délégué par le pape pour des affaires ec-
clésiastiques dans la .Mauritanie.
III. Saint Léon délègue l'évèque de Constantinople et deux
autres, pour défendre la foi dans Constantinople et dans l'Orient.
IV. V. Le même délégua un évèque en Afrique pour s'infor-
mer, et pour l'informer de la discipline de cette Eglise désolée.
VI. Il délègue Julien, évèque de Cos, pour veiller sur la con-
servation de la foi dans l'Orient.
VII. Ce légat ou nonce auprès de l'empereur n'avait point de
juridiction.
VIII. Le pape Libère envoya autrefois divers légats, qui exer-
cèrent leur juridiction, même dans l'Orient.
IX. Saint Basile en demanda de semblables en son temps.
X. Autres exemples de diverses légations.
XI. Les évèques d'Afrique eurent quelquefois de la peine à
souffrir ces légations de l'Eglise romaine.
XII. Pourquoi ces légats du pape n'avaient pas toujours la
préséance sur les autres évèques.
XIII. Légation de l'évèque d'Astorgue en Espagne.
I. Comme les bénéfices n'étaient autrefois
que des administrations ou des commissions,
il ne faut pas trouver étrange que nous par-
lions ici des légations.
Si ce n'était un titre, c'était au moins une
fonction des bénéficiers, et surtout des évè-
ques. Ainsi, il est de notre devoir d'en parler.
D'ailleurs, quoique les légations ne soient
que des commissions, elles ont néanmoins tant
de rapports avec toute la matière des bénéfices
que nous n'avons pas jugé pouvoir nous dis-
penser d'en parler après avoir parlé des cardi-
naux, à qui elles sont ordinairement confiées.
En parlant des légats du pape, on pourrait
rapporter ici ce qui regarde la délégation que
les papes ont faite quelquefois des évèques du
lieu, pour l'exécution des choses qui étaient
déjà de leur devoir et de leur juridiction ; mais
on ne peut pas dire que ce fût une véritable
délégation : ce n'était qu'une accumulation de
droits et de pouvoirs, quand l'autorité du su-
périeur se joignit à celle de l'ordinaire.
C'est ainsi que Léon chargea Anatolius,
évèque de Constantinople, d'examiner la foi
d'un des prêtres de son église, nommé Atticus,
et de l'obliger à donner par écrit une condam-
nation plus formelle des erreurs d'Eutychès,
dont il n'avait pas encore bien purgé les soup-
çons. Anatolius eut de la peine a digérer cette
commission; mais le pape le pressa de faire ce
que son devoir et les ordres de son supérieur
exigeaient de lui.
« Neque in aliquo honorem tuum lresi, cui
discutienda ea, quae ad me erant perlata, com-
misi, ut scilicet Atticus presbyter, nisi etiam
propriae manus subscriptione damnasset haere-
ticos, a communionis gratia esset alienus
(Epist. lxxvii). »
IL Ce fut une autre espèce de délégation,
lorsque Zozime commit saint Augustin, évèque
d'Hippone, pour aller traiter quelques affaires
dans la Mauritanie. Saint Augustin en parle
ainsi dans une de ses lettres : « Apud Cacsaream
quo nos injuncta nobis a vencrabili papa
Zozimo Apostolicœ Sedis episcopo, ecclesiastica
nécessitas traxerat (Epist. clvii). »
C'était hors du diocèse et même hors de la
province de saint Augustin; il n'était donc
soutenu que de l'autorité du pape, et il n'eût
pas oublié de parler de son métropolitain s'il
eût eu quelque part dans cette affaire.
III. Voici une troisième espèce, où l'évèque
est délégué en partie dans son propre ressort,
en partie dehors. Après le faux concile
rivé à Paris en juin 1801 pour la conclusion du concordat. Nous lisons,
tome 1er, page 328 : o Quoique j'eusse compris que Bonaparte vou-
« lait que je me rendisse aux Tuileries en grande pourpre, je réflé-
< ardinaux ne portaient ce costume que devant le pape,
o et que c'était par abus seulement que certains cardinaux paraissaient
. ainsi vêtus à la cour des monarques dont ils étaient sujets de nais-
o sance. Je résolus donc de n'aller à l'audience qu'en habit noir,
« avec les bas cependant, la calotte et le collet rouges, aiûsi que les
a cardinaux vont ordinairement hors de chez eux, quand ils ne sont
« pas en fonction. »
L'assemblée constituante, par un décret du 21 août 1*90, avait
supprimé les cardinaux français. En 1802, le premier, consul
voulant les rétablir, demanda et obtint du pape cinq chapeaux
pour la France. Par un arrêté consulaire du 26 février J8Û3, il dé-
cida qu'on payerait à chacun d'eux une somme de 45,000 fr., pour
subvenir aux frais d'installation et ceux dits de Propine, en cour de
Rome, s'élevant à environ 15,000 fr. ; plus ils devaient recevoir un
traitement annuel de 30,000 fr., indépendamment de leur autre trai-
tement, pour les mettre en état de soutenir leur digQité. Aujourd nui
ils sont sénateurs de droit. (Dr André.)
DES LÉGATS PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
147
d'Epbèse, saint Léon envoya un évêque et an
prêtre à Constantinople, et leur donna pour
adjoint Anatolius, évêque de Constantinople,
pour êtro tous trois conjointement les exécu-
teurs de ses ordres dans le rétablissement de
la foi ébranlée dans ce faux concile, et pour
les dispenses charitables dont il voulait qu'on
usât envers ceux qui s'étaient laissé entraîner
à ce torrent d'iniquités; se réservant néan-
moins la disposition suprême du traitement
qu'il faudrait faire à Dioscore,qui avait présidé
à ce faux concile, s'il reconnaissait sa faute.
Ce pape en écrivit ainsi à Anatolius, évêque
de Constantinople : « Congruum fuit, fratres
nieos Lucentium episcopum et Basilium pre-
sbyterum destinare, quibus dilcctio tua socie-
tur, ut nihil in lus quee ad universalis EccJesiœ
slatum pertinent, aut dubie agatur, aut segni-
ter; cum residentibus vobis, quibus execu-
tionem nostrœ dispositionis injunximus, ea
possint agi cuncta moderatione, ut nec bene-
volentiaj partes, nec justitiœ negligantur
(Epist. xlvi). »
Une partie de ces affaires regardait l'Eglise
et le diocèse même de Constantinople. Le pape
ordonne particulièrement que quand Dioscore
rentrerait dans son devoir avec tous les auteurs
de tant d'attentats scandaleux , leurs noms ne
soient point récités dans les diptyques sacrées
de l'Eglise de Constantinople, sans un nouvel
ordre de sa sainteté. « Neque prius in ecclesia,
cui te Dominus voluit pnesidere , cujusquam
lalium nomen ad altare recitetur , quam quid
de eis constitui debeat, rerum processus osten-
dat. »
IV. Tous ces légats étaient exécuteurs des
ordres du pape ; mais en voici d'une quatrième
espèce, qui sont de simples inspecteurs pour
s'informer de l'état d'une église, et en donner
avis au Siège Apostolique, qui concertera et
déclarera les moyens les plus propres pour
s'opposera la décadence de la discipline des
Eglises.
Tel fut l'évèque Potentius, que ce pape délé-
gua en Afrique, pour lui en rapporter un
fidèle récit de l'état de cette Eglise , et des dé-
sordres qui y régnaient le plus impunément.
Apres quoi le pape envoya une lettre décrétale
pour arrêter le cours de ces dérèglements.
Voici comme il écrit aux évêques de Mauri-
tanie. « Cum de ordinationibus sacerdotum
quœdain apud vos illicite usurpata , crebrior
ad nos commeantium sermo conferret : ratio
pietatis exegit, ut pro sollicitudine, quam uni-
versie Ecclesia' ex divina institutione impendi-
mus ; rerum tidem studeremus agnoscere :
vicem cura' nostrœ proficiscenti a nobis fratri
et consacerdoti nostro Potentio delegantes,
qui seeundum scripta quœ per ipsum ad vos
direxinms, de episcopis , quorum culpabilis
ferebatur electio,quid veritas habeat, inqui-
reret , nobisque omnia fideliter indicaret
(Epist. lxxxvii). »
V. Ce pape prétend qu'il était de son pou-
voir et de son devoir, sur les simples bruits
qui étaient venus jusqu'à lui des ordinations
irrégulières de quelques évêques d'Afrique,
d'y envoyer faire des enquêtes par des évêques
délégués pour cela. L'état déplorable où la
barbarie des Vandales avait réduit les églises
d'Afrique , rendait cette vigilance du pape
encore plus nécessaire.
Ce légat , quoiqu'évèque , n'avait nulle juri-
diction, il était seulement chargé de s'instruire
des choses qui s'étaient passées, et d'en ins-
truire le pape. Les légats des trois espèces
précédentes avaient une juridiction déléguée
du Saint-Siège ; ceux de la première espèce et
de la troisième avaient encore la leur propre.
VI. En voici une cinquième espèce, dépouil-
lée aussi de juridiction, et néanmoins d'une
autre nature, parce qu'elle en avait quelques
apparences. Le même pape Léon, voyant
qu'Anatolius, évêque de Constantinople, n'était
pas embrasé de ce zèle ardent qui sied si bien
à un évêque, et qui était alors si nécessaire à
un successeur de l'illustre martyr Flavien ,
chargea Julien, évêque de Cos, qui est une île
de l'Archipel, d'une légation limitée à ce seul
point, de veiller à ce que les hérésies nouvel-
les de Nestorius et d'Eutychès, ne lissent point
de progrès dans l'Orient. Il lui en écrit en
ces termes : « Hac speciali cura, vice mea func-
tus , utaris, ne hœresis Nestoriana , vel Euty-
chiana in aliqua parte revirescant ; quia in
episcopo Constantinopolilano catholicus vigor
non est, etc. (Epist. lvi, lvii). »
Il écrivit aussi une lettre à l'empereur Marcien
pour lui faire agréer que l'évèque Julien suivit
toujours la cour, comme délégué du Saint-
Siège contre les nouvelles hérésies , et comme
son nonce auprès de sa majesté. « Vicem ipsi
meam contra temporis nostri hœreticos de-
legavi, atque propter Ecclesiarum pacisque
custodiam, ut a vestro comitatu non abesset,
exegi ; cujus suggestiones , pro concordia ca-
148
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-SEPTIÈME.
tholicae unitatis, tanquam meas, audire digne-
iiiiin. »
La principale fonction de ce délégué était
d'informer le pape et l'empereur de leurs incli-
nations, de leurs demandes et de leurs répon-
ses mutuelles, et surtout de poursuivre auprès
de l'empereur l'exécution des ordres du Saint-
Siège, comme il paraît par une autre lettre de
ce pape, où il parle à cet évêque comme à un
membre de son corps, ou comme à un de ces
légats, qu'on appelle a latere, pour la même
raison.
« Cum in te quamdam mei Constantinopoli-
tani habeant portionem, dignum procommuni
amicitia est, et pro totius Ecclesiœ dilectione,
incessabili te vigore prospicere, ne quid possit
de statu fidei me latere. Quœ ergo \el ad glo-
riosissimum principem , vel ad tuam dile-
ctionem scripsi, ut celerrime tradautur effe-
ctui opportunis suggestionibus élabora (Epist.
1.XM1). »
C'était donc un exécuteur des ordres du pape
dans l'Orient, mais ce n'était que par ses ins-
tances auprès des empereurs qu'il s'acquittait
de cette fonction.
VII. 11 est inutile de demander si ce nonce,
ou ce légat avait été envoyé par le pape à
Constantinople, du gré et du consentement de
l'empereur. N'ayant autre commission du pape,
que de faire toutes les instances possibles au-
près de l'empereur, afin qu'il employât toute
l'autorité souveraine pour faire exécuter les
décrets du Saint-Siège ; comment eùt-il pu
seulement espérer, ou même penser, de pou-
voir contre la volonté de l'empereur, rendre
l'empereur même exécuteur des volontés du
pape ?
Ce pape témoigne clairement à l'empereur
en quoi doit consister toute la charge de son
nonce : 0 Vicem ipsi meain delegavi, ut ab ea
quœ vobis debetur observantia non recedens,
pielati me vestrœ prœsentare non desinat, exe-
quens in custodia fidei, et in ecclesiasticis dis-
ciplinisperomniasoliicitudinem, et opportunis
suggestionibus, quoduniversali Ecclesiœ prosit,
insinuans. ut in ipso, née catholicis vestrum
praesidium, quibus volumus subvenire, nec
vobis meum desit obsequium (Epist. i.vm). d
Il explique encore bien plus clairement les
fonctions de celte charge dans une autre lettre
adressée au même empereur : « .luliano epi-
scopo : Noverit veslra elemcnlialiocme proprie
delegasse, ut quidquid illic ad custodiam fidei
pertincre probaverit, meo nomine vestrœ fidu-
çialiter suggérât pietati, quoniam certus su m
vos ad hœc omnia, vel emendanda, vel defen-
denda, Deo auxiliante sufficere (Epist. ux). »
Ainsi quelque autorité qu'eût le pape sur les
patriarches et les é\èques de l'Orient; quelque
droit qu'il tût de faire réparer les outrages
qu'on avait laits à la foi commune de l'Eglise
dans le faux concile d'Epbese, saint Léon ne
crut pas pouvoir réussir, si l'empereur ne vou-
lait lui-même se rendre comme l'exécuteur
des résolutions du Saint-Siège. Le même. Julien,
en vertu d'un ordre du pape, fut comme
adjoint aux légats du même pape dans le
concile de Calcédoine (Epist. lxxi, inter recens
éditas). »
VIII. Le pape Libère avait autrefois envoyé
deux évêques légats ou ambassadeurs à l'em-
pereur Constance, savoir, Vincent, évêque de
Capoue, et Marcel, évêque en Campanie, pour la
cause de la foi et d'Atbanase. L'empereur ayant
violenté ces légats, et les ayant fait souscrire à
Arles a la condamnation d'Atbanase, ce pape
envoya Lucifer, évêque deCagliari, et Eusebe,
évêque de Verceil, pour lui demander un
concile libre. L'empereur accorda le concile
de Milan, où ces deux généreux prélats ayant
refusé de consentir à l'injuste condamnation
d'Athanase, l'empereur les exila en Orient.
Leur légation n'étant point encore finie, ils en
firent éclater quelques rayons de juridiction
dans les régions les plus éloignées. Lucifer or-
donna Paulin évêque d'Anliocbe, et le donna
pour chef aux catholiques, qui ne pouvaient se
résoudre de communier avec l'évêque Mélèce.
Eusèbe de Verceil fut comme l'adjoint de saint
Athanase dans la convocation et la tenue du
célèbre concile d'Alexandrie. Il y secondait
seulement saint Athanase , parce qu'il n'avait
pas une pleine autorité de légat. Mais ni l'un ni
l'autre de ces deux prélats n'eût pu exercer
cette juridiction dans l'Orient sans la légation
du pape (Marca, Concord., 1. v, c.xv, n. 3, A).
IX. Cette légation était donc accompagnée
d'auto rite et de juridiction, aussi bien que celle
que saint Rasile désirait que le pape envoyât
dans tout l'Orient, pour y rétablir la foi el la
discipline, après le renversement effroyable qui
semblait en avoir été fait dans le concile de
P.imini. Celui à sainl Athanase même que saint
Basile s'expliqua de ce dessein.
« Visum est mibi consentaneum, ut scriba-
tur episcopo Romœ, ut quœ hic geruulur con-
DES LÉGATS PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES DE L'ÉGLISE.
'li'.i
sideret, et sentcntiani suam expromat. Et quo-
niain difficile est . ut commuai ac synbdico
décrète, aliqui illinc mittantur, ipse sua auto-
ritate in ista causa usus, \iros eligat, ad hoc
accommodos , ut mansuetudiue et facilitate
ingenii eos, qui distorti et obliqui apud nos
sunt, eorri gant, apteacdispensatoriesermonem
attemperantes, omniaque secum habentes, qu;e
in Arimino gesta sunt, ad ea rescitidenda, quse
illic per vim gesta sunt Epist. lu), b
X. Ces deux dernières sortes de légations
étaient jointes avec une juridiction fort éten-
due. Mais la dernière était demandée par les
évêques des églises où elle était destinée; ce
qu'on ne peut dire de celle de Lucifer de Ca-
gliari et d'Eusèbe de Verceil.
Le concile de Sardique (Can.Ti) laissa la
liberté au pape d'envoyer les légats dans les
provinces pour juger la seconde instance de la
déposition des évêques qui auraient appelé des
conciles provinciaux : « Ut de latere suo pre-
sbyterum niittat. »
Le pape Gélase traita Acacius, évêque de
Constantinople , comme l'auteur des excès
étranges qui se commirent dans les églises pa-
triarcales d'Alexandrie et d'Antioche , parce
qu'il n'avait pas usé de l'autorité que le Saint-
Siège lui avait déléguée pour les prévenir, ou
pour y remédier. « Cur tanto tempore cum
ista gererentur, vel gerenda cognosceret, non
ad Sedem Apostolicam, a qua sibi curam illa-
rum regionum noverat delegatam, referre ma-
turavit (Epist. xiu) ? »
L'empereur Léon avait commencé de de-
mander au pape Léon qu'il envoyât des légats
à Constantinople, pour y remédier aux effroya-
bles emportements des Eutychiens dans l'O-
rient, surtout dans les Eglises d'Antioche et
d'Alexandrie. Ce pape obéit à cet ordre de l'em-
pereur : « Pnrceptioni veslrae in eo adnitar
obedire, ut aliquos de fratribus meis dirigam ,
etc. Epist. Lxxviii, c); » et envoya les évêques
Domitien et Céminien.
Les papes suivants jugèrent à propos de
commettre pour cela l'évêque même de Cons-
tantinople . mais son excessive condescendance
pour les hérétiques attira enfin sur lui les
foudres du Saint-Siège.
XL Les évêques d'Afrique furent ceux qui
témoignèrent le plus d'aversion des légats que
le pape leur envoyait sans leur consentement.
Zozime leur envoya Faustin , évêque de Po-
tenza, pour leur porter les canons du concile
Tu. — Tome II.
di Nicée, ou de Sardique, et maintenir le droit
des appellations au Saint-Siège. Faustin assista
depuis aux conciles d'Afrique, prenant ordi-
nairement la première place après l'archevêque
di' Cartilage Auiele. el prenant dans les sous-
criptions la qualité de légat de l'Eglise Ro-
maine. Les évêques d'Afrique n'avaient nulle
connaissance du concile de Sardique, quoique
Cratus, archevêque de Cartbage, y eût a-sisle.
Ainsi ils n'avaient garde de comprendre que
le pape avait cité les canons de Sardique sous
le titre de Nicée , parce que tous les canons
étant assez souvent mis de suite après ceux de
Nicée, on les citait quelquefois sous le nom
du concile de Nicée (Conc. African., c. lui et
seq.).
C'est comme Grégoire de Tours a cité un ca-
non du concile de Cangre sous le nom de Ni-
cée. C'est comme on a appelé les canons apos-
toliques, et les constitutions apostoliques. C'est
comme on a appelé les canons arabiques ca-
nons de Nicée : parce que les siècles postérieurs
ont quelquefois ajouté, en suite de quelques
règlements des apôtres et des canons de Nicée ,
les nouveaux règlements et les nouveaux ca-
nons qui se faisaient de temps en temps.
Les Africains ne pouvant donc encore goûter
les appels au pape, bien moins ceux des piètres
qui étaient néanmoins assez probablement
fondés sur le canon de Sardique, qui leur per-
mettait d'appeler au primat voisin ; ils écrivi-
rent au pape Célestin , que les légats que le
Saint-Siège envoyait dans les provinces n'é-
taient autorisés d'aucun canon des conciles :
« Nam ut aliqui tanquam a sanctitatis tuœ
latere mittantur, nulla invenimus Patrum sy-
nodo conslitutum ; » qu'ils espéraient que sa
sainteté rappellerait au plutôt l'évêque Faus-
tin : « Nam de fratre nostro Faustino , securi
sumus, quod eum probitate ac moderatione
tuœ sanctitatis , salva fraterna charitate . ulte-
rius Africa minime patiatur. b
l-ii ti ii , ils marquèrent à sa sainteté qu'ils la
conjuraient de ne plus envoyer de ses ecclé-
siastiques pour exécuteurs de ses sentences,
avec un faste et une terreur plus propre aux
puissances séculières qu'aux ministres de
J.-C. « Executores eliam clericos vestros, qui-
busque petentibus nolite mittere, noliteconce-
dere, ne fumosum lyphum sseculi inEcclesiam
Cbristi videamur inducere. »
XII. Ces exécuteurs des mandements et des
décrets apostoliques étant ecclésiastiques, pou-
29
430
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-HITTIÈME.
vaient bien passer pour des délégués ou des
nonces, avec une juridiction limitée à une seule
cause. Si Faustin n'a eu séance qu'après Aurèle,
évêque deCarlhage, si Eusèbe de Verceil n'eut
séance qu'après saint Athanase dans le concile
d'Alexandrie, c'est apparemment que leur
commission n'était point une pleine légation,
étant limitée à une seule cause.
Il en faut dire autant de Julien , évêque de
Cos, qui n'eut aussi séance au concile de Calcé-
doine, qu'après quinze ou vingt des premiers
évèques, quoiqu'il y souscrive comme légat du
pape, en mêmes termes que les autres trois
légats du pape qui présidaient au concile.
En effet, d'où pourrait venir que Paschasin
et Lucentius, évèques, et Boniface prêtre, tous
trois légats du pape, présidassent au concile
avant tous les patriarches; et que Julien étant
aussi évêque et légat du pape, n'eût place
qu'après les patriarches, et quelques métropo-
litains, si ce n'est que la légation des premiers
était pleine et extraordinaire, ce qui ne se
pouvait dire de celle de Julien, qui était ordi-
naire et limitée en un seul point ?
Mil. 11 n'en fut pas de même de Turibius,
évêque d'Aslorga en Espagne. Le pape saint
Léon lui adressa ses lettres pour la convocation
d'un concile universel en Espagne, au moins
d'un concile provincial en Galice, contre les
priscillianistes, et pour y présider avec deux
autres évèques que ce pape nomme Hydacius
et Ceponius. « Eis concilium synodi generalis
indiximus, etc. Saltem in uno Gallicia- con-
venant sacerdotes, quibus congregatus Hyda-
cius et Ceponius imminebunt, conjuncta cum
eis instantia tua (Ep. xcui). »
Le concile I de Drague nous apprend que
ce concile universel fut tenu. 11 estdit, dans la
préface de ce concile de Drague, que le pape
Léon envoya ses lettres au synode de Galice
par Turibius, notaire du Saint-Siège, Pcr Turi-
bium sedis suœ notarium. Il est tout à fait hors
d'apparence que l'évêque d'Astorga Turibius
ait été nommé par ce concile notaire du Saint-
Siège. C'était un vrai notaire de l'Eglise
Romaine nommé Turibius, par qui saint Léon
envoya sa lettre à Turibius, évêque d'Aslorga,
qui lui avait écrit par un de ses diacres. Selon
la commission du pape, l'évêque Turibius de-
vait au moins présider au concile provincial
de Galice, avec deux autres évèques.
CHAPITRE CENT-DIX-IIUITIEME.
DES LEGATS DEPUIS CLOVIS JUSQU A Cil ARLEM AGN E.
I. Le grand saint Grégoire désirant envoyer un légat en
France pour la réformation Je la discipline, écrivit a la reine
qu'elle l'en priât, afin <|'"' le commun coiisriileuient des princes
et des évèques rendit la légation utile.
II. il avait auparavant envoyé une espèce d'apocrisiaire.
III. Il délégua aussi l'évêque d'Autun, qui avait la confidence
de la cour.
IV. Les guerres rendirent ces efforts inutiles.
V. Ce pape conservait soigneusement les droits do la légation
ordinaire de l'archevêque d'Arles.
VI. Qui était comme un légat perpétuel en France.
Vil. VIII. Autres exemples de celte sage conduite des papes
de n'envoyer des légats que du gré des princes et des évèques.
IX. Les empereurs avaient aussi souvent demandé des légats.
X. XI. Iles légats envoyés en Afrique, et du sujet que les
évèques prirent de s'en plaindre.
XII lies légats envoyés en Angleterre.
XIII. Le pape Martin nomme un légat en Orient avec des
pouvoirs fort amples.
XIV. Comparaison des apocrisiaires et des légats.
XV. Peux sortes de légats au concile IV.
XVI. XVII. XVIII. Limitation des pouvoirs des légats et des
apocrisiaires.
XIX. liéllexions générales sur les légats.
I. Ce n'étaient pas tant des apocrisiaires ou
des nonces que des légats que les papes en-
voyaient en France.
On n'en peut souhaiter d'exemple plus il-
lustre iiue celui du pape saint Grégoire, qui
pria Druneliaut, reine de France, de lui de-
mander et de lui faire demander un légat qui
vint assembler un concile, pour corriger, avec
les évèques du royaume, les déplorables abus
qui s'y étaient glissés.
DES LÉGATS DEPUIS CLOVIS, etc.
i',1
Les é\êques de France étaient dans une
obligation indispensable <le réformer ces dérè-
glements scandaleux : mais, ou leur zèle n'é-
tait pas assez ardent, ou leur crédit n'était pas
assez appuyé pour en venir à bout. L'autorité
du pape, comme souverain pasteur et exécu-
teur universel des canons, était donc néces-
saire; encore le succès eût été fort douteux
s'il n'eût été soutenu du consentement des
évêques du royaume, et de la protection toute-
puissante des rois, comme conservateurs des
canons et défenseurs de l'Eglise. Le pape, qui
était plus jaloux de la gloire de J.-C. et de la
pureté de la discipline ecclésiastique que des
prétentions précises des droits du Saint-Siège,
laissant à part toutes les disputes pointilleuses
qu'on eût pu faire sur cette matière, et ne
tondant l'espérance de réformer l'Eglise de
France que sur la concorde de l'Eglise avec
l'empire, et sur la bonne intelligence du Saint-
Su :ge avec les évêques du royaume, prit une
conduite également pleine de sagesse, de jus-
tice et de charité.
IL II avait auparavant prié les rois et les
évêques de France d'assembler un concile, et
d'y conspirer avec l'abbé Cyriaque, envoyé de
sa part, pour bannir la simonie du clergé de
France, et arrêter les irruptions audacieuses
que les laïques faisaient dans les plus hautes
dignités de l'Eglise.
Voici ce qu'il avait écrit à la reine Brune-
haut : « Petimus ut de hujus pravitalis emen-
datione Deum vobis placabilem faciatis, et ut
nulla deinceps valeat occasione committi, sy-
nodum fieri jussio vestra prsecipiat, ubi pré-
sente dilectissimo filio nostro Cyriaco abbate,
sub districta anathematis interpositione debeat
interdici, etc. L. vu, ep. exiv). »
Cet abbé Cyriaque pourrait passer pour un
de ces apocrisiaires ou nonces, que les papes
envoyaient dans les provinces pour la réforme
du clergé, dont nous avons déjà donné tant
d'exemples. Comme si ce pape se fût défié du
peu de créance qu'il trouverait en F'rance, il
lui avait joint l'évèque d'Autun, qu'il savait
bien avoir le plus de faveur à la cour, pour
presser la tenue de ce concile et en appuyer
les résolutions.
« Curam vero et sollicitudinem ejusdem sy-
"iiodi, quam fiendam decrevimus, fratri nostro
Syagrio, quam vestrum proprium novimus,
specialiter delegare curavimus ; quem peti-
mus, ut et supplicantem libenter audire, et
ope juvare dignemini (Epist. cxm, cxv). »
Il écrivit la même chose aux rois Théodoric
el Théodebert, aux évêques de France etàl'é-
vcque d'Autun en particulier.
III. Celte délégation de Syagrius , évoque
d'Autun, et de L'abbé Cyriaque, demeura sans
« Ile!. Ce saint pape ne s'en rebuta pas. et il
pria la reine de lui demander elle-même un
légat, qui vint suppléer a la négligence des
évêques du royaume, avec l'appui de l'autorité
royale : o Quoniam eos, quorum est locus lur
insequi, nec sollicitudo ad requisitionem . nec
zelus excitât ad vindictam, scriptaad nos ve-
stra discurrant, ut personam si praecipilis, cum
vestrae autoritatis assensu transmittamus, quœ
una cum aliis sacerdotibus, Inec et suhliliter
quaerere, et secundum Deum debeat emen-
dare (L. ix, ep. lxiv). »
La reine Brunehautlit effectivement deman-
der par les seigneurs français un légat au pape,
pour venir mettre la main à la reforme avec
les évêques de France : « Prafati viri magni-
fia filii nostri dato capitulari inter calera pe-
tierunt, quod sihi et vestra prohihuere jussione
mandatum. ut talis debeat a nobis in ( .allias
persona transmitti, quae facta synodo cuncla
quœ contra sacratissimos canones perpetran-
tur, omnipotenti Deo autore, possit corri-
g< re. In qua re gloria? vestra1 curam cognovi-
mus, etc. (L. n, epist. vm; Baronius, an. 605,
n. 16). »
IV. Quoique les guerres qui s'allumèrent
dans toute la France aient empêché l'effet
qu'on devait attendre d'un projet si saint et si
bien concerté , ce que nous venons de dire de
la conduite de saint Grégoire suffit pour per-
suader que ce pape n'eût jamais envoyé des
légats en France, et ne leur eût jamais donné
aucun pouvoir, qu'il ne l'eût auparavant fait
agréer aux rois, de la volonté desquels dépend
l'exécution et le succès.
Je sais que le cardinal Baronius semble avoir
jugé que cette demande que les Français firent
d'un légat n'était qu'une artificieuse politique
pour gagner ce bon pape et le rendre plus ar-
dent à faire la paix entre les empereurs et nos
rois; mais qui ne sait que la plus parfaite imi-
tatrice de la charité est la cupidité?
V. Ce saint et sage pontife pouvait encore
considérer que l'archevêque d'Arles, ayant été
établi légat ou vicaire apostolique dans la
France par ses prédécesseurs, et maintenu par
lui-même dans celte autorité , nos rois ayant
m
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-HUITIÈME.
eux-mêmes demandé et confirmé l'établisse-
ment de cette légation ordinaire dans leur
royaume; ni la bienséance ni la justice ne
permettaient pas qu'on envoyât extraordinai-
rement un nouveau légat, sans l'agrément des
mêmes rois, et sans que l'archevêque d'Arles
et les antres évêques le demandassent.
Saint Grégoire fit bien voir que c'étaient ses
propres sentiments, quand il répondit aux con-
sultations d'Augustin, légat et apôtre d' Angle-
terre, qu'il ne pouvait exercer aucune juridic-
tion sur les évêques de France, parce qu'elle
avait été entièrement commise à l'archevêque
d'Arles.
« In Galliarum episcopos nullam tibi auto-
ritatem tribuimus, quiaab antiquis praedeces-
soruin inconnu temporibus pallium Arelaten-
sis episcopus accepit, quem nos privare auto-
rilate percepta minime debemus. Si igitur
contingat ut fraternilas tua ad Galliarum pro-
vincias transeat, cum eodem Arelatensi epi-
scopo débet agere, qualiter si qua sunt in epi-
scopis vitia corrigantur (L. xu, ep. xxxi). »
VI. L'archevêque d'Arles était donc comme
le nonce et le légat perpétuel du pape en
France; et s'il ne résidait pas continuellement
dans la cour de nos rois, son crédit ne laissait
pas d'y être fort grand, puisque cette dignité
ne lui avait été accordée par les papes qu'à la
demande des rois, connue nous l'avons justifié
ci-devant parles lettres de Vigile et de Pelage.
Il y a plus, c'est que la surintendance géné-
rale sur tous les évêques de France ne pouvait
s'exercer sans une assistance particulière des
rois et sans une communication fréquente avec
leurs ministres. Cette légation était comme at-
tachée à l'Eglise d'Arles. Au contraire, celle
que saint Grégoire donna à Maximien, évoque
de Syracuse, sur toute la Sicile, était purement
personnelle : « Quas vices non loco, sed per-
sonae tribuimus. »
VII. Martin l" employa les prières d'un saint
évêque français, nommé Amand, pour con-
jurer le roi Sigebert de lui envoyer quelques
évêques de son royaume, afin de les joindre aux
légats qu'il voulait envoyer à Constantinople
pour la défense de la foi contre les Monolhé-
lites.
« El Sigebertum prœcellentissimum tilium
nostrum regem Francorum, pro suœ christia-
uilalis remedio consultissime admone atque
precare, dirigere nobis , ex corpore fratrum
nostrorum dilectissimos episcopos, qui Setlis
Apostolicao legatione fungi debeant, et qua; in
nostro concilio peracta sunt, cum synodalibus
apicibus vestris, ad clementissimum priucipem
nostrum, sine dubio asportare (Concil. Gall.,
tom. i, p. 488). »
Il ne s'agissait pas d'envoyer des légats en
France, mais d'envoyer des évêques français
légats à Constantinople, chargés de la légation
apostolique, avec les évêques italiens que le
pape y destinait. En cela le pape n'use que de
prières.
VIII. Nivard, évêque de Reims, célébra un
concile à Nantes, par ordre du pape, dit Flo-
doard : « Romain jussione Pontificis (Concil.
Gall., tom. i, p, W*>, 1. H, c. vu).» Boniface fut
envoyé par les papes Grégoire II et III, légat
en Allemagne, qui était alors sous l'empire de
nos rois; Grégoire 111 lui commanda de tenir
un concile sur les rives du Danube, et le re-
vêtit pour cela de l'autorité apostolique : « De
concilio ut juxta ripam Danubii debeas cele-
brare nostra vice, praecipimus autoritate apo-
stolica (Concil. Gall., tom. i. p. 528).»
Nous avons montré ailleurs que nos rois
avaient eux-mêmes souhaité cette légation, et
Boniface témoigna comment nos souverains
prévenaient le pape, et conjuraient ses légats
de venir dans leur Etat tenir des conciles et
remédier aux désordres. Voici ce qu'il écri\it
au pape Zacharie : « Notum sit paternitati ve-
straequodCarlomannusdux Francorum, me ac-
cersiluin ad se, rogavit in parte regni Franco-
rum , qiue in sua est potestate , synodum inci-
pere congregare, etpromisit se de ecclesiastica
religione aliquid corrigere, et emendare velle
(Concil. Gall., tom. î, p. 530). »
Ce pape accorda cette demande du prince
Carloman et du légat Boniface : «Hoc libenter
concedimus, et fieri praecipimus (Pag. 533). »
Il écrivit dans ce même sens au clergé et aux
seigneurs de France et des Gaules : « Duni sy-
nodus aggregata esset in provinciavestra juxta
nostram commonitionem, mediantibus princi-
pibus vestris Pipino et Carlomanno, peragente
eliam vicem nostram Ronifacio (Pag. 552). »
On lut dans ce synode romain la lettre de Ro-
niface au pape Zacharie, où il rend témoignage
que les évêques de France l'avaient eux-mêmes
prié d'assister, et de présider à leur concile :
« Notum sit paternitati vestrae quia postquam
indigno mibi mandastis in provincia Franco-
rum, sicutet ipsi rogaverunt sacerdotes, conci-
liosyuodali, et conventui prœesse , etc. (P. 573.) s
ItKS LÉGATS DEPUIS CI.OVIS. etc.
î:>:t
Saint Boniface demanda au pape Zacha-
rie qu'il envoyai en France un légal pour
faire assembler les conciles; ce pape De voulut
point en envoyer d'autre pendant la vie de
Boniface, qui était légat ordinaire : « Petisti,
ut sacerdotes a nobis dirigantur, in partibus
Francise et Galliae ad concilia celebranda. Sed
dum tua sanctitas superstes existit, quœ Sedis
Apostolicœ et nostram illic présentât vicem,
aliiim illic dirigere necessarium non est. Con-
cilia vero aggregatis episcopis provincialibus,
ut libi et ubi rectum videtur, celebranda pro-
cura. »
L'état de l'Eglise de France était alors le
plus déplorable qui fût jamais : les papes néan-
moins n'y envoyèrent leurs légats, et les légats
n'y assemblèrent de conciles , ne résolurent
et n'exécutèrent rien qu'avec l'agrément des
princes et le consentement des évêques. Tant
on était persuadé que les contestations sur les
limites de la juridiction ecclésiastique et sécu-
lière, pontificale et épiscopale, étaient et inu-
tiles et interminables, et qu'on ne pouvait es-
pérer de faire réussir les desseins de réformer
L'Eglise autrement que par une parfaite con-
corde du sacerdoce et de l'empire, et par une
entière correspondance entre le siège de Pierre
et les évèques du royaume. Enfin, lorsque ce
pape refuse d'envoyer d'autres légats et d'au-
tres nonces, durant la vie de Boniface, il mon-
tre que ses prédécesseurs pouvaient avoir eu la
même considération pour l'archevêque d'Arles,
qui était aussi légat ordinaire du Saint-Siège
dans les Gaules.
IX. Je ne m'arrêterai pas à examiner si les
papes avaient toujours pressenti la volonté des
empereurs, avant que de leur envoyer leurs
légats; il suffit de remarquer que les empe-
reurs les ont très-souvent demandés, et que
leur légation eût toujours été fort inutile, si
l'empire se fût opposé à leurs desseins.
Saint Léon, écrivant à l'empereur de même
nom. et lui envoyant les légats qu'il avait de-
mandes, nous fait croire que ses prédécesseurs
ont ordinairement agi dans le même esprit :
« Praceplioni vestrae in eo aduitar obedire, ut
aliquos de fratribus meis dirigam, qui apud
vos prasentiaï meae instar exbibeant (Epist.
LXXVIIl). »
X. Le même pape envoya l'évèque Poten-
tius en Afrique, pour s'informer sur les lieux,
et lui faire ensuite son rapport de tous les abus
énormes qui s'étaient introduits dans les élec-
tions des évêques, et dans tous les autres points
de la discipline de l'Eglise.
Voici les termes de la lettre de ce pape aux
évêques de Mauritanie : « Katio pietatis exegiti
ut pro sollicitudine quam universae Ecclesiae
ex ilivina institutioue impendimus , rerum
fidem studi remus agnoscere. Vicem cura no-
stra proficiscenti a nobis fratri,et consacerdoti
Potenlio injungentes, qui secundum scripta
quœ per ipsum ad vos direximus, dé episcopis,
quorum culpabilis fercbatur electio, quid Ve-
ritas haberet, inquireret, nobisque omnia fide-
liter indicaret. Inde quia idem plenissime no-
titiae nostrae cuncta reseravit , etc. ( Epistol.
I.XXXMl). »
Après le retour de Potentius à Rome, le pape
envoya l'évèque David en Afrique, avec une
lettre décrétale qui contenait la décision et la
juste modération qu'il fallait garder, à punir
avec douceur les coupables et à rétablir l'ordre
avec sagesse. Ces évoques furent envoyés par
le pape, sans avoir été demandés par les pré-
lats de la Mauritanie; mais aussi ils n'avaient
d'autre pouvoir que de s'informer de l'état de
l'Eglise, en rendre compte au pape, et rappor-
ter aux évèques d'Afrique les rescrils du pape.
Le crédit que ce pape avait auprès des empe-
reurs ne nous permet pas de douter que si
ceite partie de l'Afrique était encore demeurée
sous leur obéissance, il n'y eût été aussi se-
condé de l'autorité impériale.
XI. Ees évêques d'Afrique avaient toujours
été fort jaloux des libertés de leur Eglise. La
lettre du concile d'Afrique au pape Célestin.
après que l'infâme Apiarius eût confessé tous
les irimes dont on l'avait charge entre autres
plaintes, contenait aussi celle qui regardait les
légats ou les nonces du pape. L'évèque Faustin
y avait été envoyé, pour y porter les canons de
Nicée, ou plutôt de Sardique, qui permettaient
les appels au pape, et pour y assister aux con-
ciles qui se tiendraient pour la cause d'Apiarius,
qui avait appelé. Les prélats d'Afrique s'en
plaignirent, comme si ces légations eussent été
contraires aux canons. Voyez le numéro 11 du
chapitre précédent.
On sait que toutes ces plaintes ne prove-
11 aient que de ce que les canons du concile de
Sardique n'étaient pas connus dans l'Afrique.
En effet, ce concile avait déclaré le pouvoir du
pape a recevoir les appels, et a envoyer des
légats dans les provinces pour y former un
second jugement avec les évèques provinciaux.
454
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-HUIT1ÈME.
C'est donc mal à propos que les novateurs
ont pris de fa occasion de s'élever contre les
souverains pontifes, comme si par l'usurpa-
tion d'une puissance immodérée , ils eussent
donne lieu aux évoques d'Afrique de se soute-
nir contre le Saiot-Siége. Certainement la con-
duite de ces évoques, et la résistance qu'ils pa-
raissent avoir faite au pape fut moins l'effet
d'une vraie corruption et d'un esprit de révolte,
que l'effet d'une profonde ignorance de l'his-
toire ecclésiastique, des conciles et des canons.
Ignorance qu'on peut trouver en quelque ma-
nière excusable dans ceux qui sont au delà des
mers, et à qui, pour raison de la distance des
lieux et des circonstances, on n'avait pu jus-
qu'alors transmettre les monuments de ce qui
s'était passé dans les autres pays.
On ne peut donc pas tirer de ces plaintes des
évoques d'Afrique un juste fondement de don-
ner atteinte à l'autorité des souverains pontifes
puisqu'il est probable que dans la suite les
évêques d'Afrique ont appris d'eux ce qu'ils
ignoraient alors, et qu'ils leur sont redevables
des i anons du concile de Sardique qu'ils ont
adoptes depuis dans leurs collections.
Nous avons rapporté ci-dessus ce qui se
trouve dans les lettres de saint Grégoire, de
l'Eglise d'Afrique, et de ceux que ce pape
y délégua , pour la réformation de la disci-
pline.
Ml. Pour ce qui est de l'Angleterre, nous
avons ailleurs exposé ce qui concernait la léga-
tion d'Augustin. Bède nous apprend «pie le
pape Agathon y envoya Jean, archichantre de
l'église de Saint-Pierre, et abbé du monastère
de Saint-Martin a Rome, pour y enseigner le
cbaiit, et l'ordre des offices selon l'usage de
Rome, et pour s'y informer de tout l'état de la
foi et de la discipline, ce qu'il fit dans un sy-
node où il assista.
» Ipse excepto canlandi vel legendi munere,
etaliud in niandalis ab apostolico papa acce-
perat, ut cujus esset lidei Anglorum Ecclesia
diligenter edisceret, Romantique rediens refer-
ret. Quamobrem collecta pro hoc in Britannia
synodo, inventa est in omnibus (ides catliolica,
datumque illi exemplura ejus Romain perfe-
rendum (L. iv, c. IN). »
Mil. Quant a l'Orient, outre ce qui a été dit
des apocrisiaires, qui étaient comme des légats
ou des nonces ordinaires dans le palais de
Constantinople, les papes y ont envoyé des lé-
gats extraordinaires dans les besoins pres-
sants de l'Eglise, comme on peut voir dans les
Annales de Baronius.
Ils y ont aussi quelquefois commis la léga-
tion du Saint-Siège, et le vicariat apostolique à
des évoques et des archevêques orientaux avec
des pouvoirs très-amples. Telle fut la légation
dont le saint pape Martin I" chargea première-
ment Etienne, évêque de Dorylée, puis Jean,
archevêque de Philadelphie, auquel il enjoignit
de consacrer des évêques, des prêtres et des
diacres dans toutes les Eglises que la barbare
domination des Sarrasins auraient privées de
leurs pasteurs, ou que la faction pernicieuse
des monothélites aurait remplies de faux pas-
teurs.
« lt constituas per omnem civitatem, earuni
quae sedi tum Hierosolymitanœ', tum Antio-
chenae subsunt, episcopos, presbyteros et dia-
conos. hoc tibi praecipientibus nobis ex aposto-
lica autoiitate, quae data est nobis a Domino
perPetrum principem Apostolorum (Baronius,
an. 649, n. (il)). »
XIV. Si j'ai dit que les apocrisiaires du pape à
Constantinople étaient comme des légats ordi-
naires, j'ai suivi au moins l'intention de l'em-
pereur Constantin Pogonat, qui pria le pape
Léon II d'y en envoyer un qui pût repré-
senter sa personne et son autorité dans tontes
les allaites de doctrine ou de discipline. « Ut
in emergentibus , sive dogmaticis, sive cano-
nicis, tic prorsus in omnibus ecclesiasticis ne-
gotiis, vestrœ sanctitatis exprimat ac gerat per-
sonam (Synodi vu, act. 18). »
XV. Les plus importantes de toutes ces léga-
tions étaient celles qui se donnaient à l'occasion
des conciles œcuméniques dans l'Orient, et
entre celles-ci, il semble que la plus mémora-
ble ait été celle qui fut envoyée au concile VI
général pour la condamnation des monothé-
lites. Comme le Siège romain s'était déjà
extrêmement déclaré contre les erreurs et les
personnes des patriarches d'Orient, l'empereur
Constantin Pogonat désira que l'on députât à ce
concile général, non-seulement des légats de la
pari du pape, mais aussi de la part de toutes
les autres Eglises de d'Occident, afin (pie leur
unanime consentement eût plus de poids pour
faire rentrer dans le chemin de la vérité, ceux
qui s'en étaient égarés.
Le pape Agathon ayant assemblé un concile
de tout l'Occident à Rome, députa lui-même
deux prêtres et un diacre, qu'il chargea de si
légation, et lit députer par le reste du concile
DES LÉGATS DEPUIS CLOVIS. i r<
153
trois évêques . pour assister au concile au
nom de tous les Occidentaux. Les légats ilu
pape souscrivirent les premiers au concile .
et les légats du concile occidental ne sous-
crivirent qu'après les patriarches , ou leurs
vicaires, et même après quelques autres mé-
tropolitains.
XVI. Cette préséance incontestable des légats
du pape au-dessus des autres légats de tout
l'Occident, fait voir une grande différence
entre eux et les apocrisiaires du pape. Pelage,
apoerisiaire du Saint-Siège, ne souscrivit au
concile de Constantinople, sous .Menas, qu'après
tous les évêques. Si le même Pelage présida à
l'assemblée, ou au concile de Gaza, où Paul,
patriarche d'Alexandrie, fut déposé, et où se
trouvèrent avec lui les patriarches d'Antioche
et de Jérusalem, et l'évêque d'Ephèse, ce fut
par une commission extraordinaire qui lui
avait été donnée pour cela par le pape Vigile.
Libérât ne fait mention que de la commis-
sion que l'empereur Justin ien donna à Pél ige,
pour aller déposer Paul : a Misit imperator
Pelagium et apocrisiarium Sedis Romae, etc. »
Mais Procope dit nettement dans ses anecdotes
que Pelage était revêtu de la personne de Vi-
gile. Aussi quand Justinien voulut rétablir
Paul, Vigile s'y opposa, comme ne pouvant ré-
tracter son propre jugement.
XVII. La déposition d'un patriarche eût été
d'une trop grande conséquence pour être
comprise dans la commission générale îles
apocrisiaires ou des nonces. 11 fallait une com-
mission toute particulière, ou une légation
spéciale pour cela. Saint Grégoire nousapprend
que les apocrisiaires du Saint-Siège à Constanti-
nople ne pouvaient prononcer que sur les
ail lires d'une médiocre conséquence, et quant
a celles qui étaient fort importantes, ils de-
vaient les remettre au jugement du pape,
a Per eos, qui nostri sunt, vel fuerint in urbe
regia responsales, si medioeris est quaestio, eo-
gnoscatur ; vel hue ad Apostolicam Sedem , si
ardua est, dedueatur, quatenus nostrae audien-
ce senteutia decidatur (L. u. ep. vu). »
XVIII. il est vrai que Constantin Pogonat
avait demandé, comme nous avons remarqué
ci-dessus, que le pape envoyât un apoerisiaire à
Constantinople avec des pouvoirs très-amples;
mais le pape Léon II, dans sa réponse, insinua
assez à l'empereur qu'il c'avait donné à son
apoerisiaire que des pouvoirs ordinaires, qui
consistaient plutôt à proposer ou à rapporter,
qu'a rien décider. Les papes craignaient avec
raison qu< la présence d'un légal à Constanti-
nople n"\ autorisât beaucoup de choses peu
avantageuses au Saint-Siège; comme en effet,
lorsque le concile/// Trullo lit cette foule de
canons, dont il j en a quelques-uns qui sont
diamétralement opposes à la discipline de l'Oc-
cident, les Grecs se vantèrent d'y avoir fait
consentir les légats du pape; mais ce n'était
que ['apoerisiaire du pape qui y avaitassisté,et
Basile, métropolitain de Gortyne en Candie, qui
était légat ordinaire du pape en Orient, et qui
avait déjà assisté, avec cette qualité , au con-
cile VI. Or celte légation ordinaire ne donnait
pas plus de pouvoir que la nonciature des apo-
crisiaires.
XIX. Il résulte de tout ce qui a été dit : 1" Que
les légats qu'on envoyait en Orient n'avaient
d'autre juridiction que celle qu'il fallait néces-
sairement exercer dans le concile, et avec le
concile, ou dans l'affaire particulière pour la-
quelle ils étaient envoyés ; comme il a paru
dans la légation de l'archevêque de Philadel-
phie par le pape Martin.
2° Les apocrisiaires n'avaient de juridiction
que pour les affaires peu importantes.
:i° Les légats ordinaires , comme celui de
Gortyne. n'avaient pas plus d'autorité que les
apocrisiaires.
i" Les légats que saint Grégoire désirait en-
voyer en France pour remédier aux dérègle-
ments du clergé, y auraient sans doute exercé
une fort grande autorité. Mais la lettre que
nous avons rapportée de ce pape, nous découvre
que ce n'était que par une espèce de dévolu-
tion que le pape désirait s'appliquer lui-même
à corriger nos désordres, parce que les évê-
ques français négligeaient de le faire, et qu'en
ce cas même il ne voulait pas l'entreprendre
sans l'agrément de nos rois.
•V Quant aux pouvoirs des vicaires apostoli-
ques, qui étaient archevêques des plus grandes
villes de l'Occident, nous avons assez fait con-
naître ailleurs quels étaient leurs pouvoirs, et
combien ils étaient peu préjudiciables aux
droits des évêques et des métropolitains.
Concluons enfin que les pouvoirs des légats
ont ete fort resserrés dans les six ou sept pre-
miers siècles en comparaison des siècles sui-
vants.
A l'égard du pouvoir des légats sous Clnrle-
niagne et ses descendants, nous en avons tou-
ché en [lassant quelque choseau chapitre cxvi,
456
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-NEUVIÈME.
n. 9, et nous ne nous arrêterons pas à en dire
davantage, quoiqu'une infinité de faits mémo-
rables et de canons pussent nous donner lieu
de nous cfendre beaucoup sur ce sujet; niais
la parfaite intelligence qu'il y avait alors entre
le Saint-Siège et l'empire doit suffire pour
persuader que toutes cboses se passaient dans
ces temps-là de concert entre le souverain pon-
tife et l'empereur.
CHAPITRE CENT-DIX-NEUVIEME.
DES LEGATS APRES LAIS MIL.
I. Après l'au mil les légations apostoliques commencèrent à
être beaucoup plus fréquentes, par la nécessité de remédier à
la simonie et à l'incontinence qui s'était débordée sur le clergé.
Preuves historiques de cela.
II. Les plus saints et les plus savants évêques jugèrent alors
ces légations nécessaires; mais ils voulaient en même temps
que les rois s'opposassent aux entreprises peu canoniques de
quelques légats.
III Les procurations dues aux légats, et de l'abus que quel-
ques-uns d'eui en taisaient.
IV. Les rois prennent de là occasion d'obtenir le privilège, ou
d'établir la coutume que le pape n'envoie point de légats, si on
ne les demande. Preuvesde cela, surtout eu Angleterre.
V. Celle coutume passe dans les autres royaumes. Des rois
qui Ont été ledits du Saint-Siège ou vicaires apostoliques. De la
légation de Sicile.
VI. La nu' loutume s'établit plus tard eu France, parce
qu'elle fut plus respectueuse pour le Saint-Siège.
VIL Bile B'établil aussi en Espagne.
VIII. Limitations des pouvoirs des légats.
IV Des li leurs rendus aux légats.
X. Pouvoirs anciens des légats.
1. Aptes l'an mil cinquante, les légations
commencèrent à cire beaucoup plus fréquentes
qu'elles n'avaient été.
Les papes Léon IX, Alexandre II et Gré-
goire VII ayant trouvé tout le clergé de l'Oc-
cident comme abîmé dans les desordres ef-
froyables de la simonie et de l'incontinence,
tâchèrent d'y remédier par les conciles qu'ils
firent assembler, ou par eux-mêmes, ou par
les légats a latere, qu'ils envoyèrent dans tous
les royaumes de la chrétienté. Il fallut faire le
procès à plusieurs, ou évèques ou métropoli-
tains simoniaques ; il fallut déposer quantité de
moindres bénéficiera incontinents : les métro-
politains n'eussent pas eu tout le zèle, ou toute
l'autorité nécessaire pour cela. Il fut donc l>c-
suiu d'envoyer des légats.
Léon IX commença son pontificat par la
condamnation des simoniaques dans le concile
de Rome, en 1049, où Pierre Damien remar-
que que ce pape fut contraint de n'exécuter les
peines canoniques contre les simoniaques
qu'avec quelque adoucissement, pour ne pas
rendre toutes les églises désertes. Pierre Da-
mien anima ce pape contre l'incontinence,
qui régnait impunément dans le clergé. Ce
pape alla ensuite tenir un concile àMayence et
à Reims, où il renouvela la sévérité des ca-
nons contre les simoniaques et les incontinents.
Dans celui de Reims, on fit même le procès à
quelques évèques, et à des abbés convaincus
de simonie ou d'incontinence.
Victor 11 ayant succédé à Léon IX, en 1055,
et ne pouvant venir en France, y envoya un
légal a latere ; ce fut Hildebrand, qui lut de-
puis Grégoire VII, et qui alors assembla un
concile à Tours, où, selon quelques-uns, qua-
rante-cinq évéi|ues se confessèrent simoniaques,
et déchus de leur dignité; selon d'autres, il n'y
en eut que six qui furent déposés.
En 1059, Nicolas II envoya Pierre Damien
et Anselme, évêquede Lucques, qui fut depuis
Alexandre 11, pour faire la fonction de légats à
Milan, et en exterminer l'incontinence et la si-
monie. Ils le firent avec une sévérité accom-
pagnée de beaucoup de douceur: l'archevêque
même y fut mis en pénitence; et si les Mila-
nais furenl d'abord surpris de voir le légat as-
sis au-dessus de leur archevêque, Pierre Da-
mien dissipa bientôt ces ombrages de jalousie,
en leur faisant voir les préséances incontesta-
bles qu'on avait toujours déférées aux envoyés
«lu pape dans les anciens conciles.
DES LÉGATS APRÈS L'AN MIL.
157
Ces deux papes, Alexandre II et Grégoire VII,
après avnir exercé la fonction de légat, et en
avant reconnu la nécessité par leur propre
expérience, pour remédier à ces deux grands
désordres, envoyèrent des légations encore
plus fréquentes pendant tout le temps de leur
pontificat.
Alexandre II envoyant Pierre Damien, évoque
d'Ostie, légat a latere en France, écrivit à cinq
de nos métropolitains qu'ayant à veiller sur
toute l'Eglise : a Totius univtrsalis Ecclesiae
revendus ac disponendus nobis status ineum-
làt Epist. xxi , » et ne pouvant être présent
partout , il envoie ses légats pour tenir sa
place et travailler à la réformation des Eglises.
Grégoire VII marcha sur ces mêmes traces,
et s'il donna à ses légats l'autorité de convo-
quer les conciles de leur légation, et d'y dépo-
ser les évèques et les métropolitains même, ce
n'était qu'une continuation des pouvoirs des
anciens légats et un point absolument néces-
saire pour arracher les prélats simoniaques
ou impurs du trône qu'ils profanaient.
II. Les plus saints évèques ne doutaient
nullement que ces légations ne fussent alors
entièrement nécessaires pour la réforrnation
des Eglises.
Yves de Chartres le fait bien voir quand il
du aux ministres et aux vicaires de Dieu sur
li terre. « Vos babito cum episcopis communi
consilio, injustis oppressionibus pro persona
vestra resistite, sicut quae l>< i sunt, Deo red-
dant; et quae Caesaris sunt. Caesari reddere non
omittant (Baronius, an. 1100, n. 15). »
Yves ne s'éleva pas avec moins de zèle contre
le même légat, lorsqu'il prétendit que l'arche-
vêque élu de Sens ne pouvait être consacre par
les évèques de sa province, avant que de s'être
présenté à lui (Epist. lxi). Il lui lit voir que
cette prétention était également contraire à
l'usage présent et aux décrets de Léon I", qui
se contenta que l'on fit savoir le nom des prélats
élus à l'évêque de Thessalonique, son légat.
Après cela il avertit ce légat, de la part de tous
les gens de bien , d'exciter les ministres du
pape, au lieu de s'amuser à de petits inconvé-
nients, de s'appliquer à faire cesser tant d'ef-
fn ivables désordres qui demeurent impunis.
« Vellem cum multis mecum pie sentienti-
bus, ut Piomanœ Ecclesia? ministri, tanquam
probati medici , majorions morbis sanaudis
intenderent, etc. Cum per tôt uni pêne mundum
ûagitia et facinora videainus publiée perpetrari
nec ea a vobis aliqua justifia' falce resecari
Epist. lxv). »
Les prélats les plus saints et les plus éclairés
écrit à Pascal II que, la discipline sainte de désiraient l'envoi de ces légats apostoliques
l'Eglise tombant en ruine et personne ne s'in-
téressant pour réparer ces brèches, il est né-
cessaire qu'il envoie des légats, non pas des
cardinaux, qui ne font que passer et ne peu-
vent en passant guérir les profondes plaies de
les jugeaient nécessaires pour la correction des
plus grands abus dont les évèques ne pouv aient
venir à bout, et reconnaissaient leur obligation
et en même temps leur autorité légitime. Tout
cela n'empêchait pas qu'ils ne fissent et qu'ils
l'Eglise, mais des originaires du royaume qui n'exhortassent le roi de faire une juste et vjgou
travaillent sérieusement à un ouvrage si im-
portant, et qui lui rapportent les choses où ils
n'auront pu par eux-mêmes apporter remède.
« Quoniam apud nos videmus quotidie Ec-
clesiam ruentem, et nullam, aut pêne nullam
manum erigentem, etc. Scribere decrevimus,
ut alicui Transalpino legationem Sedis Aposto-
licae injungatis, qui et vicinius subrepentia
mala cognoscat, et ea vel per se, vel per rela-
tionem ad Sedem Apostolicam maturius curare
pncvaleat (Epist. lui). »
Le pape nomma pour son légat l'archevê-
que de Lvon, lequel ayant convoqué un con-
n use résistance aux entreprises ambitieuses
des légats, ou contraires aux canons de l'Eglise
et aux libertés du royaume. L'avarice et les
rapines de quelques légats donnèrent matière
a de bien plus hardies plaintes , et même à de
sanglantes invectives.
Yves de Chartres ne s'en est pas tu, et encore
moins saint Bernard , qui n'a pas balancé
d'écrire au pape Eugène, que le désintéresse-
ment du dernier cardinal légat du Danemark
avait paru comme un prodige dans son siècle.
« Nonne alterius saeculi res est, redisse legatuni
de terra auri sine auro, transisse per terram
cile dans la même année que le pape en avait argenti, etargentum nescisse? (Ivo, epist. lui
déjà assemblé deux, et le roi ayant consulté Hernardus, epist. eexe ; De Consid., 1. iyV „
Yves sur cette affaire; ce prélat lui écrivit, que Le cardinal de l'avie Epist. ci.xn déplore et
cela elant contraire aux canons, le roi devait déteste l'emportement, ou plutôt la fureur du
s'y opposer sans rien perdre du respect qui est légat de Pie 11 en Angleterre, qui arma tout
4S8
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-NEUVIÈME.
ce grand royaume contre son roi légitime
Henri , en faveur de l'usurpateur Edouard,
n'ayant pour cela ni lettres ni commission du
pape, a Sine litteris, sine autoritate papae (Epist.
xdxvii, xnxxv. xriLxxvui, XDLXxxf;. » Il ne s'esl
1. 1- tu des autres passions ou intérêts lâches qui
corrompaient le plus souvent le fruit de ces
légations.
III. L'avarice des légats était voilée du pré-
texte apparent de tirer leur entretien des
églises qui étaient comprises dans leur léga-
tion, à l'imitation des procurations qui sont
dues aux évêques pour leur \isite.
Autrefois Grégoire II avait écrit au clergé et
a la noblesse île France, pour les convier de
contribuer à la dépense de l'archevêque lïoni-
face, légat du Saint-Siège (Epist. îv). Gré-
goire VII ajouta cette clause au serment des
métropolitains quand ils reçoivent le pallium.
« Legatum Romanum eundo , et redeundo
honorilice tractabo, et in suis necessitatibus
adjuvabo. » C'est ce qu'on lit dans le concile
romain de l'an 1079.
Alexandre III régla dans le concile de Latran
en H79 Can. iv), les procurations des arche-
vêques, des cardinaux et des évêques. Celle- des
cardinaux, c'est-à-dire des légats, furentréglées
a la moitié environ de celles des archevêques
et presque a l'égal île celles des évêques.
Innocent III confirma ce règlement dans le
chapitre Procurationes. De Censibus , où il
substitue, au lieu des cardinaux, les légats ou
les nonce;, et condamne à restituer au double
ceux qui auront exigé au delà de la quantité
réglée. Si l'on juge que cette taxe fut un peu
excessive, il ne faut pas s'en prendre aux lé-
gats, qu'il était difficile de taxer plus modeste-
ment en comparaison des évêques et des ar-
chevêques.
IV. Si les légats s'en fussent tenus à la
modestie et à l'équité que le Saint-Siège leur
prescrivait, les rois ne se fussent pas si sou-
venl opposés a leur commission et n'eussent
pas fait une loi comme fondamentale de la
liberté de leurs Etats, de ne point souffrir que
les légats y entrassent sans leur permission.
Grégoire VII écrivit à Hugues, évêque de
Die, son légat, d'assembler un concile avec le
consentemenl du roi de France, s'il se pou-
vait : « Cum consensu et consilio régis Fran-
coium, si fieri potest. » Que si le roi refusait
sou consentement, il le convoquât a Langres,
parce qu'il avait parole du comte Thibaut de
Champagne : « Cornes Tlieobaldus per legalos
suos eamdein nobis promissionem fecit, ut si
rex legatos noslros recipere nollet, ipse cum
summa devotione reciperet (L. iv, ep. xxu). »
Alexandre III pria le roi Louis VII d'agréer
qu'il nommât saint Thomas, archevêque de
Cantorbéry, son légat en France, si les moyens
qu'on prenait pour le raccommoder avec le
roi d'Angleterre ne réussissaient pas : « Dum-
modo regiae voluntati sederet , et beneplacilo
tuo (Epist. xx). » Célestin III donna la légation
à l'archevêque de Cantorbéry Hubert, à la de-
mande du roi et de ses suffragants : « Suppli-
cante Richardo Ariglorum regeetuniversissuf-
fraganeis Cantuariensis ccclesia? (Epist. vu).»
Il se pourrait faire que ce roi n'eût demandé
celle légation pour l'archevêque de Cantor-
béry, que pour exclure les autres légats.
Guillaumede Malmesbury raconte comment
plusieurs légats étant venus en Angleterre et
en ayant plus moissonné d'or qu'ils n'y avaient
semé de piété, le roi envoya des ambassadeurs
et écrivit avec les évêques de son royaume au
pape Pascal 11, pour le prier que, selon l'an-
cien usage depuis saint Grégoire, il n'y eût
plus d'autre légat en Angleterre que l'arche-
vêque de Cantorbéry : « Nolebal rex in An-
gliam praete'r consuetudinem antiquam reci-
pere legatum. nisi Cantuariensem arelnepisco-
pum De gestis Pont. Angl., 1. 1, an. lit"). »
Peu de temps après (An. 111'» . Calixte II
étant monté sur le troue apostolique et s'étanl
rendu à Cisors, après le concile de Reims, il
y accorda au roi Henri d'Angleterre la con-
firmation des anciennes coutumes, et surtout
celle de n'envoyer point de légats qu'à sa de-
mande.
« Rex a papa impetravit, ut omnes consue-
tudincs, quas Pater suus in Anglia et in Nor-
mannia habuerat, sibi coneederet, et maxime,
ut neminem aliqUando legati officio in Anglia
fungi permitteret, si non ipse, aliqua praecipua
querela exigente , quae ab episcopis regni sui
terminari non posset, hoc fieri a papa postu-
laret. » Voila ce qu'en dit Roger.
Cet auteur raconte ailleurs (Pag. 476, •">'> '!,
661 . 700 etseq., 7IS et seq., 7.X>), comment
Alexandre III ayant envoyé un légat en Angle-
terre et aux royaumes du Nord, en l'an H76,
le roi lui envoya demander comment il était
entré dans ses Etats sans son congé. « Cujus
autoritate ausus erit intrare in regnum suum
sine licentia ipsius. » Le légat promit de ne
DES LÉGATS APRÈS L'AN MIL.
159
rien faire contre la volonté du roi, qui le laissa
passer eu Ecosse. « .luravit régi, quod niliil
agerel in legatione sua contra voluntatem ip-
sius. »
En 1 189, le pape ayant envoyé un légat pour
mettre d'accord l'archevêque île Cantorbéry
avec ses moines, le roi l'obligea de s'arrêter à
Douvres, et cependant il termina lui-même ce
différend.
Je ne dirai rien de Guillaume, évèque d'Ely,
chancelier et régent d'Angleterre , pendant
l'absence du roi Richard . qui s'était croisé
pour la Terre-Sainte. Quoiqu'il lut en même
temps légat du Saint-Siège, le frère du roi,
soutenu des évoques et des barons, ne laissa
pas de le bannir d'Angleterre, après une hon-
teuse prison ; le pape prit sa défense, mais les
évêques ne le reconnurent plus, ni pour lég it
ni pour chancelier.
Le pape envoya deux autres légats, en 1 I9v2,
pour accommoder l'évêque d'Ely avec l'arche-
vêque de Rouen, mais ils ne purent jamais se
faire recevoir eux-mêmes dans la Normandie.
Le pape continuant à se déclarer pour un lé-
gal qu'il u'avâil nommé qu'a la demande du
roi, les prélats d'Angleterre appelèrent du lé-
gat au pape, pour empêcher qu'il ne continuât
sa légation.
Cet exemple funeste ne laissera pas de nous
être utile, si nous y apprenons combien il est
quelquefois périlleux de confondre le gouver-
nement civil avec l'ecclésiastique, de vouloir
autoriser un régent du royaume par la qualité
de légat apostolique, et de s'opiniâtrer à impo-
ser un supérieur, quoique revêtu de l'autorité
apostolique, contre le gré de tous les évêques
d'un Etat. Guillaume de Newbridge exprime
excellemment l'incompatibilité de ces deux of-
Qces, ou, pour parler plus doucement, leur
odieuse société.
c< Si quid forte ex saeculari potentia minus
poleral, apostolicœ idipsum potestatis censura
supplebat, etc. Ipsum in Anglia et plusquam
regem experti sunt laici, et plusquam sum-
mum pontificem clerici ; utrique vero tyran-
num intolerabilem. Quippe duplicis occasione
potestatis, duplicem indutus tyrannum, etc.
Procedebat cum mille equis, et plerumque
etiam numerosius. Legationis sua' nomine bo-
spilia a cunctis per Angliam exegit monaste-
riis, etc. (L. iv, c. 1 i, 10). »
L'éloge que Pierre de Rlois a donné à ce lé-
gal aura de la peine de l'emporter sur tant de
témoins de sa mauvaise conduite. La noblesse
d'Angleterre souffrit avec une douleur extrême
que le roi Henri III eûl demandé un légat, en
1237, etqu'il lui rendît des déférences sj basses
cl si indignes de la majesté royale, qu'on l'eût
pris pour un simple vassal du pape, et non
pour un roi. C'est comme en parle Matthieu
Paris, qui n'oublie pas la dépense prodigieuse
du légat.
« Rex se voluntati Lomanorum, praecipue
legati, quem inconsultius advocaverat, man-
cipavit adeo , ut videretur quasi vestigia sua
adorare : affirmans se tam in publico, quam
secreto, sine domini sui papœ, vèl legati con-
sensu, nil posse de regno disponere, transmu-
tare, Vel alienare : ut non rex, sed feudatarius
papa' diceretur. His rex omnium nobilium suo-
rum corda cruentavit. »
I.e concile de Londres, en 1239, fit retentir
ses plaintes sur les procurations exorbitantes du
légat, et jugea que c'était plutôt le roi qui
l'avait demandé qui devait aussi le défrayer.
On peut voir, dans Matthieu Paris, la lettre des
Anglais a Innocent IV, qui fut lue dans le con-
cile de Lyon, en 1245, où ils se plaignaient de
ce que les Italiens remportaient plus eux seids
des plus clairs revenus d'Angleterre que le roi
même, et de ce que !e légat Martin, sans prendre
les habits de légat, en avait fait toutes les exac-
tions, avait conféré les bénéfices vacants, et
s'élait réservé a lui ou au pape ceux qui ne
vaquaient pas encore; ce qui était contraire au
privilège du roi d'Angleterre, par lequel les
papes se sont obligés de n'envoyer jamais de
lirais qu'il ne le demande. « Quo privilegio a
Sede Apostolica specialiter indulgetur, ut ne
quis, etc. »
Matthieu de Westminster dit qu'en 1 ti 47 le
pape envoya un cordelier en Angleterre, qui
fit les mêmes exactions qu'un légat, et que
celait pour éluder artiheieusement le privilège
du roi de ne point admettre de légats s'il ne
les a demandés. « Quia dominus rex privile-
giiim dignoscitur habere, utnonveniatlegatus
in Angliam nisi vocatus, missi sunt jam taies
legati, sophistice transformât] (YVL'st- Monast.,
pari, il, p. 220, 237, 242). »
En 1265, le cardinal légat trouva toutes les
entrées de l'Angleterre fermées pour lui. 11
cita à Boulogne les comtes et les évêques d'An-
gleterre, et fulmina contre eux par contumace;
mais ils n'eurent pas plus de déférence pour
ses censures que pour ses commandements, et
160
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-NELVIÈME.
crurent en être déchargés par un appel au pape
et au concile général. Ce légat étant depuis fait
pape, sous le nom de Clément IV, envoya le
cardinal Otlobon, dont la légation fut si avan-
tageuse et à l'Eglise d'Angleterre et au roi, dont
il excommunia les ennemis.
En 1127, Henri, évêque de Winchester, et
cardinal, ayant été envoyé légat en Angleterre
par Martin V, le duc de Cloeester, régent du
royaume pendant la minorité du roi, lui fît
signifier par le procureur général du roi qu'on
appelait de lui au concile général, parce qu'il
ne pouvait exercer sa légation sans la permis-
sion du roi. Le légat répondit que ce n'était
pas aussi son intention de le faire, ni de blesser
le moins du monde les coutumes ou les liber-
tés anglicanes. « Non esse sui animi legatio-
nem sine permissu regio exercere, neejuribus,
privilegiis , libertatihus aut consuetudinibus
régis aut regni in aliquo derogare, sed ea con-
servais ac defendere (Sponde., anno 1 427 ,
n. 2). »
Si la conduite de quelques légats eût été
moins ambitieuse ou moins violente, ou inoins
intéressée, les rois d'Angleterre n'auraient peut-
être jamais été si jaloux de se conserver dans
ce privilège, de ne point recevoir des légats
s'ils ne les avaient demandes. » Adeo autoritas
liomana apud Anglos avaritia et cupiditate
legatorum viluerat, » dit Hugues de Flavigny
(Bibl. MMSS. Labbei, lom. i, p. -241).
V. Le même privilège passa bientôt d'Angle-
terre en Ecosse, au moins en partie. Clé-
ment III, en UNS, accorda entre autres privi-
lèges à Guillaume, roi d'Ecosse, qu'aucun ne
pourrait exercer la légation en Ecosse , s'il
n'était écossais ou cardinal. « Nulli de cœtero,
qui de regno Scotiœ non fuerit. nisi quem
Apostolica Sedcs propter hoc de corpore suo
specialiter destinaverit, licitum sit in eo lega-
tionis officium exercere (Baron., an. 1I8S,
n. 21). »
Célestin III confirma le même | rivilége
en 1192, comme aussi Honoré III, en 1218
(Idem, n. 2; Rainald., n. 62). En 1237, le roi
d'Ecosse ne voulut en aucune façon laisser
entrer le légat dans son royaume, prétendant
qu'il n'y en avait aucune nécessité. « Nec opus
est, omnia bene se babent. » En 12.'!'.», le roi
laissa faire quelque acte de légation, mais ce
fut. après a\oir exigé du légal un écrit, afin que
cela ne pût être tiré à conséquence. Il est vrai
que le légat se relira secrètement ensuite, sans
prendre congé du roi, et emporta avec lui cet
écrit (Matthœus Paris).
Le cardinal Baronius reconnaît que les papes
avaient donné le même privilège aux rois de
Sicile , de n'envoyer des légats qu'à leur
demande. Mais depuis les rois de Sicile pré-
tendirent eux-mêmes être légats nés et per-
pétuels du pape dans la Sicile par un privi-
lège étonnant , et néanmoins dont on avait
vu quelques exemples. Le cardinal Baronius
tâche de détruire cette légation perpétuelle des
rois de Sicile, par toutes les transactions qui
ont été faites entre les papes et ces rois, où les
papes s'engagent seulement de ne point envoyer
de légat, sans l'agrément des rois, ce qui serait
inutile, si les rois mêmes eussent été légats
nés (Baron., an. 1097, n. 23; 1144, n. 7, et
413G, n. 5).
Il est vrai que saint E'ienne, roi de Hongrie,
fut fait légat apostolique, et en exerça toute
l'autorité : « Ecclesias Dei una cum populis
nostra vice ei ordinandas relinquimus. » C'est
ce que fait dire au pape l'évêque Chartuitius,
dans la vie de ce saint roi (Surins, die 20 Au-
gust., n. 8).
Le roi Bêla de Hongrie, tâcha d'obtenir le
même privilège de Grégoire IX, en 1238, avant
que de s'engager à la guerre contre les Bul-
gares, afin de pouvoir, en qualité de légat, limi-
ter les diocèses, établir de nouvelles paroisses,
créer des évêchés dans l'étendue de ses con-
quêtes, à l'exemple de son illustre et saint pré-
décesseur, le roi Etienne (Rainald., an. 1232,
n. 23).
Mais ce pape ne pouvant se résoudre de
consentir à une continuation qui eût pu rendre
enfin cette légation perpétuelle, lui accorda
seulement de donner la légation à celui que le
roi lui proposerait d'entre ses sujets (Rainald.,
an. 1238, n. 14, 17).
Martin V, en 1 4)8, créa le roi de Pologne,
Ladislas, et Vitold, grand-duc de Litliuanie, ses
vicaires apostoliques dans la Russie et autres
pays voisins où ils devaient aller établir l'em-
pire de l'Eglise et de la vérité.
Henri 11, roi d'Angleterre, avait autrefois
demandé et obtenu du pape le titre et les pou-
voirs de légat apostolique, espérant de s'en
servir pour opprimer l'innocence du saint
archevêque de Cantorbéry, Thomas (Idem,
an. 1118, n. 19, 20). Voyant que les lettres de
sa légation étaient fort limitées, et qu'elles ne
lui donnaient nul pouvoir sur l'archevêque, il
DES LÉGATS APRÈS L'AN Mil.
il il
aima mieux les renvoyer au pape [Script. Ant.
Angl., p. lass .
.Nulle de ces légations ne fut perpétuelle
comme celle de Sieile, ce qui D'empêché pas
que les rois île Sicile ne l'aient défendue contre
les diverses attaques que les papes lui ont don-
nées (Sponde., anno 1571, n. S .
VI. On ne s'étonnera pas. après cela, que la
France' soit en possession du même avantage
que les papes n'y envoyent point de légats,
qu'a la demande ou de l'agrément du roi. Au
contraire, il y a un juste sujet d'étonnement
que Philippe le Bel même prétendit seulement
pouvoir refuser les légats qui étaient légitime-
ment suspects, ou à son auguste personne, ou
à son royaume Pilhou, des Lib. Gall., c. xi,
xu, XLVj i.vii, mu, nx). Voici ce qu'il répondit
aux plaintes de lîoniface sur ce sujet. « Ke-
spondit rex, quod non impedivit, née impedire
intendit legatos, vel alias quaseumque perso-
nas, (juo minus libère ingredi valeant, reguum
siiuin, nisi sibi et regno sint légitima rafione
suspecti, vel alias liabeat justam causain Preu-
ves des libertés de l'Eglise Gall., p. 918, etc. . o
Cela fait voir que la France était demeurée
dans une plus grande déférence pour le Saint-
Siège, et qu'on ne s'opposait pas encore direc-
tement, comme tant d'autres royaumes, à cette
proposition de Boniface VIII. « Quod Roman us
I'ontifex legatos de latere, et non de latere et
nuntios libère mittere potestad quaevis imperia
et régna, absque petitione cujuslibet vel con-
sensu, usu vel consuetudine contrariis nequa-
t|uam obstantibus (R_ainald., an. 1303, n. 34. »
Comme les premières preuves qui ont été
produites de cet article de nos libertés galli-
canes, ne commencent qu'en 1456, il est fort
probable que ce ne furent que les longues con-
testations des papes et des antipapes, pendant
le déplorable schisme d'Avignon, qui obligèrent
les rois et les parlements de France de ne
plus recevoir de légats qui n'eussent la per-
mission du prince, et qui ne laissassent limiter
leurs pouvoirs conformément aux usages et
aux libertés du royaume. On en peut voir les
exemples dans la compilation qui a été faite
des libert. s gallicanes (Preuves des Lib. Gall.,
c. xxiv, p. 1" 1-2, 1021), etc.).
Nous avons ci-dessus montré que les papes
Grégoire Vil et Alexandre III demandèrent le
consentement de nos rois avant que d'envoyer
leurs légats; il en faut conclure que c'était la
bonne intelligence et une déférence réciproque
qui réglai! alors la conduite des papes et de
nos rois entre eux, et qui sera toujours la règle
la plus souhaitable et la plus avantageuse de
part et d'autre entre le sacerdoce et remplie.
C'est apparemment connue il faut entendre
la lettre île Calixte II au roi Louis, où il lui
envoya un légat, a secundum antiquam Aposto-
lica' Sedis consueludinem , pro corrigendo,
quae corrigenda fuerint, etc. Epist. xviu). » Et
l'Extravagante de Jean XXII, où il condamne
la prétention des princes qui ne veulent point
recevoir les légats, s'ils n'ont été envoyés à
leur prière, ou avec leur permission.
On n'entre pas dans les discussions spécula-
tives du droit, mais on s'oppose respectueuse-
nieiit a l'usage qui ne pourrait s'en faire
qu'avec des brouilieries également funestes à
l'Eglise et a l'Etat.
Nous avons fait voir ci-dessus que sous les
deux premières races de nos rois, l'usage avait
été le même que les papes n'envoyaient point
de légats qu'a la demande ou de l'agrément
des rois, ne jugeant pas que sans cette corres-
pondance mutuelle, les légations pussent être
utiles. Celte même raison semble avoir aussi
lieu pour les pouvoirs des légats.
VIL L'Espagne n'a pas été moins curieuse
de se munir contre les trop fréquentes léga-
tions et contre les facultés trop étendues des
légats.
Roger (Pag* 640) raconte comme Alphonse ,
roi de Portugal, en 1187, voyant que le cardi-
nal légat, après avoir dégradé plusieurs abbés,
allait entreprendre la déposition de l'évêque
de Coïmbre. il s'y opposa, et par ses menaces
força le légat de se retirer. « Mandavit ut a
terra sua decederet, vel pedem suum ampu-
taret. »
Covarruvias met en avant l'exemple de la
France et même de la Flandre, depuis que
l'empereur Charles V l'eut acquise, pour auto-
riser la coutume d'Espagne d'examiner les
facultés des légats et des nonces, afin que le
magistrat royal les avertisse des règles qu'il
faut observer pour ne pas troubler la paix de
l'Etat, et des surprises qu'il faut éviter et qu'ils
ne pourraient autrement éviter, étant, comme
ils sont ordinairement, étrangers et peu ins-
truits dans les coutumes d'Espagne.
« Sicut apud Hispanos poteslas legaforum
seu nuntiorum Apostolicae Sedis examinatur,
ut admoneri possint a summo régis pradorio
quibus uti conveniat dispensaliouibus et coin-
4G2
DU SECOND ORDRE DES CLERCS. — CHAPITRE CENT-DIX-NEUYIÈ.ME.
missionibus, ne quid fiât in reipubl. dispen-
dium; cum plerumque nuntii apostolici exteri
sint, nec satis noverint, quœ si nt omnino prae-
cavenda, ne falsis precibus et suggestionibus
decipiantur. Ita et idem fieri solet apudGallos,
teste Carolo Molinseo, in Regul. Cancell. de in-
firmis resign., n. 139 (De jure palronatus,
c. xxxv, 11. 3). »
Du Moulin dit au même endroit qu'il a vu
l'édit de Charles V, où il se donne la même
liberté dans la France. Enfin, Covarruvias
allègue le sentiment du savant et pieux Drié-
don, théologien flamand, qui approuve cette
pratique comme nécessaire, pour prévenir
plusieurs abus, et pour empêcher que les
étrangers ne s'emparent des bénéfices d'un
Etat, ce qui attirerait une infinité de procès et
la désolation des bénéfices. « Propter abusus
tollendos, ne praeficiantur extranei, aut inido-
nei, etc. (L. i, de libert. Christ., p. 283). »
VIII. Cet usage île limiter toujours les pou-
voirs des légats apostoliques n'a commencé en
France qu'au temps de Louis XL Au moins,
les compilateurs des preuves des libertés galli-
canes n'en ont point rapporté d'exemple plus
ancien, c'est-à-dire après la fin du schisme
d'Avignon, pendant lequel on était comme
obligé de se préeautionner contre les légats et
les lettres de tant de compétiteurs de la papauté
(Cap. xxm; Fevret, de l'Abus, 1. m, c. 2).
Alphonse, roi d'Aragon, faisait difficulté de
recevoir le légat de Martin V, en 1 .127, parce
que le schisme n'était pas encore tout à fait
éteint, et il y avait encore un antipape en Ara-
gon Sponde., n. 7, et an. 1 129, n. I, 2).
Si nous remontons plus haut, nous trouve-
rons que nos rois se contentaient de remédier
aux entreprises trop hardies, quand elles arri-
vaient, comme il a paru par le conseil que
Yves de Chartres donna au roi contre le
légat.
Dans le concile tenu à Paris en 1263, l'arche-
vêque de Tyr, légat du pape, avait des lettres
pour exiger le centième de tous les revenus
ecclésiastiques pour secourir la terre sainte; il
fut obligé de remettre ses lettres entre les
mains du roi, et de n'en point user, si ce n'est
contre ceux qui ne voudraient pas obéir à l'or-
donnance de ce concile. Les évêquesdece con-
cile firent eux-mêmes une autre taxe, protestant
que c'était sans avoir égard aux lettres du
légat. « Lx ipsorum praelatorura mera gralia,
non ex \i litterrc a domino papa impetratœ. »
Saint Louis était alors roi de France, et tout
pieux qu'il était, il n'en était pas moins jaloux
de maintenir les droits de la royauté et d'em-
pêcher que le pape ne se mêlât du temporel de
son royaume.
A Costa a remarqué, après Panormitain, que
le titre des décrétales De Officia Legati, ne dit
rien de précis sur les pouvoirs des légats, et
que les papes leur déterminent tous leurs pou-
voirs dans leurs bulles de légation, selon que
les empereurs en usaient autrefois envers les
gouverneurs des provinces, comme il paraît
par la novelle 17 de .luslinien.
L\. Il faut dire un mot des honneurs rendus
aux légats. Quelques-uns murmurèrent, en
Angleterre, de ce que les deux légats avaient
paru avec leurs mitres et leurs croix dans
l'église de Cantorbéry, devant l'archevêqoe,
mais le roi Henri II et les grands du royaume
l'avaient ainsi réglé en l'an 1186 (Script. Ant.
Angl., p. i486). Roger raconte comme dix ans
avant il s'était élevé une étrange contestation
entre les archevêques de Cantorbéry et d'York,
à qui occuperait la droite du légat.
En 12.17 , Matthieu Paris dit que le roi
Henri III alla recevoir le légat sur le bord de la
mer, et, après lui avoir fait une très-profonde
révérence, il l'accompagna jusqu'au milieu de
son royaume. « Rex ei usque ad confinia maris
occurrit, et inclinato ad genua ejus capite, us-
que ad interiora regni deduxit officiose. »
En Espagne, le roi Alphonse d'Aragon, l'an
1 427. alla au-devant du légat avec l'archevêque
de Lisbonne, le reçut tète nue, lui fit la révé-
rence, le baisa, lui donna la droite, quoiqu'a-
près plusieurs refus de la part du légat, le fit
couvrir, lui demeurant découvert (Rainald.,
n. 21). Le roi de Castille, en 1429, donna aussi
toujours la droite au légat, se tenant la tète
découverte, et ne voulut jamais prendre le des-
sus (Ibid., n. M).
En 1494, le roi Alphonse de Naples alla au
devant du légat, voulut lui baiser la main; le
légat ne l'ayant point voulu souffrir, il le baisa
à la bouche; le légat eut toujours la droite,
baisa seul la croix à l'entrée de l'église, fut
encensé seul, quoiqu'il eût fait civilité au roi
Idem, n. 5).
Conestagio assure que Philippe II, roi d'Es-
pagne, suivant la coutume de ses ancêtres,
voulut aller au-devant du légat, qui venait
pour l'affaire du Portugal (Hisp. ill., loin, xi,
pag. 1156).
1>KS LÉGATS APRÈS L'AN MIL.
163
En Hongrie, c'était apparemment la coutume
que les rois donnaient le dessus aux légats,
puisque Léon X se plaignit du cardinal légat
de Strigonie . qui , étant né sujet du roi île
Hongrie, se comportait plutôt comme un cha-
pelain du roi que comme un légat, et ne pre-
nait jamais le dessus. « Nain cum deberet esse
tanquam legatus apostolicus supra regem, etc.
(Rainald., an. 1518, u. 37). » En Pologne, le
roi Casimir alla au-devant du légat avec ses
entants Rainald., an. 1472, n. 36 .
En France, les légats du Saint-Siège n'ont
pas été moins respectes. Godefroy de Bouillon,
duc ou roi de Jérusalem, ne marchait et ne
souscrivait aux lettres qu'après le légat (Baro-
nius, an. 1100, n. 8, 30 . Lorsque l'empereur
Charles V passa par la France, en 1539, on vit
manger à une longue table l'empereur, le roi,
ses deux enfants, le légat, le roi île Navarre,
les cardinaux de Bourbon et de Lorraine, les
ducs de Vendôme, de Lorraine, et quelques
autres princes (Sponde., an. 1539, n. 16 . Ainsi
le légat avait des rois au-dessus et au-dessous
de lui.
Charlotte de la Trémoille, mère du prince de
Condé, abjura l'hérésie entre les mains du car-
dinal légat, à Rouen, dont le cardinal de Gondy
fut un peu mortifié, parce qu'il prétendait elle
le diocésain des princes du sang, comme évê-
que de Paris Idem., an. [596, n. l'.l'i. Du Tillet
confesse que o les légats apostoliques précèdent
« les princes du sang et pairs, pour l'honneur
« du Si. ge Apostolique Tom. si, p. 10). »
X. .le ne me suis pas étendu sur les pouvoirs
anciens des légats. Ils pouvaient convoquer les
conciles de toute leur légation, ils y présidaient
au-dessus des métropolitains; ils pouvaient
suspendre et déposer les évêques et lis métro-
politains mêmes : leur suffrage seul balançait
tout le concile, et alors ils s'en rapportaient au
pape Mare,i. de Concord., 1. vi, c. 30); ilsju-
gcaienl non-seulement par voie d'appel, mais
en première instance aussi, sur les plaintes
qu'un leur faisait Append. conc. Later. III. par.
ult.. c. lxvi'i ; ils faisaient des ordonnances
dans les conciles ; ils conféraient les bénéfices
avant même qu'ils fussent vacants, comme il
paraît par les plaintes que les Anglais eu firent
dois le concile de Lyon, en 1-2 i:> Rainald.,
an. 1217, n. 9; 12-27. n. 50; 1-23-2, n. 2 . Comme
l'usage récent a effacé presque les traces
mêmes et le souvenir de la plupart de ces pou-
voirs, il n'est plus nécessaire de s'y arrêter (1).
(1) La discipline concernant les pouvoirs et l'envoi des légats ont
reçu partout de profondes modifications. Le 4 juin 1801, le cardinal
Consalvi, secréiaire d'Etat, fut nommé légat en France pour aller
traiter la délicate et difficile affaire du concordat, qu'il eut
heur de conclure. Par un bref du 29 novembre 1801, Pie VII nomma
le cardinal Jean-Baptiste Caprara son légat a iatere en France
pour la mise à exécution du concordat, et il lui donna, « pour cette
■ fois seulement, l'autorité et le pouvoir de recevoir lui-même les
u nominations que doit faire le premier consul, pour lesdites .
• archiépiscopales et épiscopales actuellement vacantes depuis leur
o érection, et aussi la faculté et le pouvoir de préposer respective-
a ment en notre nom auxdites églises archiépiscopales et épisco-
« pales, et d'instituer, pour les gouverner, des personnes ecclésias-
« tiques, même n'ayant pas le titre de docteur, après qu'il se sera
« assuré, par un diligent examen et par le procès d'information, que
o l'on abrégera, suivant les circonstances, de l'intégrité de la foi, de
o la doctrine et des mœurs, du zèle pour la religion, de la soumission
« aux jugements du Siège Apostolique, et de la capacité de chaque
« personne ecclésiastique ainsi nommée, le tout conformément à nos
• instructions, n
Peu après, le IS germinal an X, un arrêté consulaire, en autorisant
le cardinal Caprara à exercer ses fonctions de légat pour la spécialité
prescrite par la bulle de nomination, lui défeudit de rien faire contre
les libertés de l'Eglise gallicane et de continuer ses fonctions aussitôt
qu'il en serait avisé par le premier consul ; de rendre publics les actes
de la légation sans l'autorisation du gouvernement ; d'exercer, après
sa légation spéciale, aucun acte dans l'Eglise de France; de conser-
ver les registres et le sceau de la légation, qui seraient remis à un
conseiller d'Etat. Sa iégation dura jusqu'au 30 mars 1808. Déjà l'ar-
ticle deuxième des organiques avait dit : . Aucun individu se disant
a nonce ou légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant
o de toute autre dénomination, ne pourra, sans l'autorisation du gou-
« vernement, exercer sur le sol français, ni ailleurs, aucune fonction
■ relative aux affaires de l'Eglise gallicane, a C'était aller bien loin,
et faire entendre que les légats du pape ne peuvent être que les
délégués de la puissance temporelle, pour faire par son ordre ce
qu'elle n'ose faire elle-même. On sait que la légation du cardinal
Caprara avait pour objet la mise à exécution du concordat conclu, le
14 juillet précédent par le grand et habile cardinal Consalvi. Après
avoir raconté dans ses Mémoires, publiés en 1864, les moyens obrep-
tices et subreptices qu'employa le gouvernement français pour intro-
duire à la suite du concordat les tristes fruits de l'Eglise const
nelle, les articles organiques, il ajoute : . Ces lois, véritablement
« constitutionnelles, renversaient à peu près le nouvel édifice que
« nous avions pris tant de peine à élever. Ce que le concordat sta-
« tuait en faveur de la liberté de l'Eglise et du culte était remis en
• question par la jurisprudence gallicane, et l'Eglise de France de-
■ vait craindre de se voir encore réduite en servitude. Le saint père
■ s'empressa de protester. Afin de montrer très-expressément qu'il
« flétrissait ces lois organiques et qu'il ne voulait pas même leur
» laisser l'apparence d'avoir été approuvées avec le concordat, le
. pape fit imprimer et répandre en tout lieu son allocution au c'on-
• sistoire tenu le jour de l'Ascension (tome 1er, p. 400). » On sait
que dans son allocution le pape appelle les articles organiques des
décrets contraires aux lois de l'E,,Iise. On peut voir encore ce que
le grand cardinal dit de ces articles, frauduleusement placés sous ta
date du concordat, au tome n, p. 377.
Nous avons montré, dans notre livre déjà cité, que le regrettable
empressement des évéques à observer, relativement au ministère pas-
toral, ces articles contraires à la discipline de l'Eglise, ont mené
le ministère pastoral au dernier degré d'avilissement.
Jusqu'à la fin du xvme siècle, les légats du pape reçurent partout
les honneurs dus aux souverains, et les nonces de très-grandes dis-
tinctions. On peut lire dans les Mémoires historiques du cardinal
! sur ses nonciatures, p. 80 et suivantes, la réception vraiment
princicre qui lui fut faite à la cour de Berlin, lorequ'en 1786 il fut
.omme nonce extraordinaire à Frédéric-Guillaume II roi de
Prusse. Venu dans une triste époque en France, l'illustre cardinal
Consalvi ne reçut aucune espèce d'honneur. Grâce à sa courtoisie di-
plomatique et à sa fermeté pleine de politesse, il sut sauvegarder la
nence due à sa haute dignité dans une occasion importante.
Après avoir raconté les peines inouïes qu'il eut pour obtenir un con-
cordat qui ne fût pas une violation de toutes les lois de l'Eglise
comme celui que voulait imposer une volonté inexorable, et avant de
relater un triste et douloureux épisode inconnu jusqu'à ce jour un
faux présenté par un des agents gouvernementaux et donne pour les
conclusions arrêtées, il dit, tome 1er, p. 354 : a Assis aulour de |a
» table, on consacra un moment à la question de savoir qui signerait
464
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE PREMIER.
LIVRE TROISIÈME.
Des Séminaires, des Chapitres, des Couvents et des Congrégations.
CHAPITRE PREMIER.
DIVISION DES BÉNÉFICIERS, ET LEURS DIVERSITÉS PAR d'AITRES CHEFS QUE PAR CELUI DES ORDRES.
I. La première division des bénéfices et des bénéficiers a été
celle que J.-C. a faite lui-même en instituant les évêques, les
prêtres et les diacres.
II. La seconde a été celle de divers degrés dans l'épiscopat
même. Le Fils de Dieu l'a commencée en donnant un chef aux
évêques.
III. La troisième est celle qui a comme démembré du diaco-
nat les ordres inférieurs.
IV. La quatrième, celle des chorévêques, des arebiprètres et
des archidiacres-
V. Ces quatre divisions regardent l'ordre.
Yl. La cinquième et la sixième division ont été prises des
Eglises diverses, ou on a asservi les clercs; et des offices, dont
on les a chargés
VII. La septième et huitième se prennent des collèges des
clercs, et des communautés soit régulières ou ecclésiastiques.
VIII. On a parlé des quatre premières jusqu'à présent; on
parlera ensuite des quatre dernières.
I. Le Fils unique de Dieu s'étant revêlu de
notre nature, et ayant ensuite possédé lui seul
toute la plénitude du sacerdoce, communiqua
cette même plénitude à ses apôtres, sans par-
tage et sans division.
Ce fut néanmoins en exécution de ces ordres
que les apôtres instituèrent des diacres pour le
ministère du sacerdoce, et répandirent même
sur les prêtres une partie de la plénitude du
sacerdoce, en leur donnant la puissance de
quelques fonctions sacerdotales , mais non pas
de toutes. Voilà la première division qui fût
jamais faite des bénéfices.
11. La seconde division fut celle qui se lit de
l'épiscopat même, quand on soumit les évo-
ques les uns aux autres, et qu'au-dessus des
évoques on établit des métropolitains, des exar-
ques et des patriarches.
On aurait pu donner le premier lieu à cette
division et la reconnaître de droit divin, aussi
bien que la précédente, si Ton avait unique-
ment considéré la primauté que J.-C. donna à
saint Pierre sur les autres apôtres, et par con-
séquent à ses successeurs sur les évêques qui
« le premier. 11 semblait à Joseph Bonaparte que cet honneur lui
- .lut dû comme au frère du chef de l'Etat. Je lui 6s remarquer de
« la manière la plus douce et avec la fermeté nécessaire en cette ren-
« contre, que ma qualité de cardinal et de légat du pape ne me pér-
it pas de prendre le second rang dans les signatures à appo-
» scr ; (pie dans l'ancien régime de France comme partout, les car-
. dinaux jouissaient d'une préséance non contestée, et que je ne
• pouvais pas céder en un point, ne regardant pas ma personne, mais
-I la dignité dont j'étais revêtu. Je rends à Joseph cette justice, qu'a-
i prèi quelques difficultés, il lit retraite de fort bonne grâce, et me
i pria de signer le premier. 11 devait signer le second, puis le prélat
« S|>ina, le conseiller t'rélet, le père Caselli, et enfin l'abbé Ber-
o nier, n Plus loin, et après avoir raconté le triste incident que nous
av. .us mentionné, il dit, p. 385 : a Minuit sonnait quand les six n.m-
.. iiiiss.iins apposeront leur signature dans l'ordre indiqué plus
a haut. »
Nous demandons, après uno telle révélation, comment il se fait
que, dans tous les exemplaires du concordat imprimés en France,
môme sous la surveillance de l'autorité ecclésiastique, dans le préam-
bule, le nom de Napoléon Bonaparte est avant celui de Pie VU, et
dans les signatures celui de Joseph Bonaparte avant celui du cardi-
nal-légat Coosalvi, celui de Crétet avant Spina, et Bernier avant le
père Caselli? Nous avons sous nos yeux le texte de douze concor-
dats; dans tous, le nom du pape est avant celui du chef de l'Etat,
qui reçoit le concordat, et la signature du légat apostolique avant
celle du délégué du prince.
Le légat Caprara exerça plus ostensiblement sa légation, et quoique
gêné en tout il reçut cependant quelques honneurs.
En IH.'iG, le cardinal Patrizzi, envoyé légat a latere pour la céré-
monie du baptême du prince impérial, fut conduit à Notre-Dame
comme un souverain, dans un carrosse à huit chevaux, avec une
escorte royale. Mais sa légation fut bornée au fait du baptême.
(Dr André.)
DIVISION DES BÉNÉFICIERS, ET LEURS DIVERSITÉS, etc.
165
sont les successeurs des autres apôtres. Car
enfin, ce n'est qu'un apostolat, ce n'est qu'un
épiscopat : mais c'est un corps qui a un chef
et des membres. La primauté des métropoli-
tains et des exarques ou des patriarches sur les
évoques de leur ressort est certainement une
imitation et peut-être une participation de
cette primauté de saint Pierre sur les apôtres;
mais il est certain qu'elle ne peut aspirer à la
même gloire d'avoir été immédiatement insti-
tuée par J.-C.
III. La troisième division est celle qui se fit
par le démembrement du diaconat et par l'ins-
titution des sous-diacres, lecteurs, exorcistes,
acolytes, portiers, chantres; car c'étaient au-
tant de portions du diaconat.
Cette division n'est pas marquée dans les
lettres saintes comme les deux précédentes.
Ainsi, l'époque n'en peut être marquée au vrai
avec une entière certitude. Au moins, on ne
peut nier que tous ces ordres et tous ces béné-
tices n'aient paru dès le troisième siècle, peut-
être même des le second, comme nous l'avons
montré eu parlant des ordres mineurs.
IV. La quatrième division fut celle qui donna
à l'Eglise des eborévèques, des archiprêtres et
des archidiacres. Tous ces titres paraissent dès
le quatrième siècle; il serait difficile d'en
prendre l'origine de plus haut. On peut en
voir les preuves dans les chapitres où nous
avons parlé de ces dignités.
V. Les quatre divisions précédentes ont été
faites par la seule considération de l'ordre.
Quoique des personnes savantes aient cru que
tous les ordres mineurs n'ont été d'abord que
des offices institués pour soulager les diacres,
c'est toujours par relation aux fonctions des
ordres qu'ils ont été institués, et ils sont effec-
tivement comme des ruisseaux émanés de la
plénitude du diaconat. Les charges de choré-
vèques, d'archiprètres et d'archidiacres ne sont
aussi que des charges et des offices, mais avec
un rapport essentiel aux ordres.
VI. Il se fit après cela deux autres divisions
dans les bénéfices, qui n'eurent plus de rap-
port aux ordres : la première se prit des lieux
mi les clercs étaient asservis par leur ordina-
tion ou parla provision du bénéfice; la seconde
concerna les offices qu'on leur commit. Les
lieux où on les attacha furent des basiliques,
ou des chapelles des martyrs, des oratoires do-
mestiques, des cimetières, des hôpitaux, des
monastères; les charges qu'on leur donna
furent celles d'économe, de défenseur, de no-
taire, de sacristain, de mansionnaire, de syn-
celle, et autres. Je ne parle point ici des curés
et des pénitenciers, parce que ce sont des
charges inséparables de l'ordre de la prêtrise;
ces deux nouvelles sortes de bénéficiers paru-
rent aussitôt après que l'Eglise eut été mise
en liberté par l'empire du grand Constantin.
VU. Dans ces six divisions différentes, nous
considérons chaque bénéficier en particulier.
On peut les considérer comme composant un
corps ou une communauté. On ne peut même
nier que le premier clergé du monde, qui a
été le collège des apôtres, n'ait été un corps
de communauté pendant que le Fils de Dieu a
vécu sur la terre, et dans les premiers com-
mencements de l'Eglise naissante de Jérusa-
lem. Il y a deux sortes de ces compagnies de
bénéficiers : la première est de celles qui com-
posent un corps ou un collège, sans vivre en
communauté, tels que sont présentement les
chapitres des églises cathédrales ou collégiales;
la seconde est de ceux qui vivent en commu-
nauté : telles sont les abbayes et plusieurs con-
grégations purement ecclésiastiques.
VIII. Nous avons parlé ci-devant des quatre
premières sortes de bénéfices, qui ont une
connexion essentielle avec l'ordre. Il nous
reste à traiter des quatre autres dans ce livre.
Nous commencerons par les communautés
soit ecclésiastiques, soit monastiques, parce
que le corps du clergé a été institué par le Fils
de Dieu même dans le collège des apôtres, qui
a été la première, la plus sainte et la plus au-
guste des communautés qui furent et qui se-
ront jamais.
Th. — Tome II.
30
466
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
CHAPITRE DEUXIEME.
DES CONGRÉGATIONS PUREMENT ECCLÉSIASTIQUES ET DES SÉMINAIRES. QUE SAINT AUGUSTIN
EN A ÉTÉ LE PREMIER INSTITUTEUR.
1. Les congrégation? purement ecclésiastiques n'ont commencé
qu'un peu avant la lin «lu quatrième siècle.
il. Il ne pouvait y avoir aucune communauté, soit de clercs
ou île moines, ou Je vierges, au temps des persécutions.
III. Quelle a été la communauté où ont vécu les apôtres et
les premiers fidèles.
IV. Diverses preuves tirées de saint Cyprien et d'Eusèbe, pour
montrer que le clergé des trois premiers siècles ne vivait point
en communauté.
V. Autres preuves des lettres des papes.
VI. Preuves tirées de saint Augustin, qui parle des commu-
nautés des moines et des laïques, sans en reconnaître aucune de
clercs.
VII. Saint Augustin avant son ordination, et étant fait piètre,
vécut avec une communauté de laïques; étant fait évêque, il
dressa une communauté de clercs, ou un séminaire dans son
palais épiscopal.
VIII. IX. Preuves tirées de Possidius, qui a écrit sa vie.
X. Antres preuves que c'était une communauté ou un sémi-
naire de simples ecclésiastiques.
XI. Distinction des clercs et des moines par le même Pos-
sidius.
I. Quelque antiquité qu'on s'efforce d'attri-
buer aux communautés ecclésiastiques, on
n'en trouvera point de fondement solide axant
la lin du quatrième siècle; comme, avant le
commencement de ce même quatrième siècle,
on ne trouvera aucune preuve certaine des
communautés monastiques.
C'est donc dans le quatrième siècle qu'ont
commencé les congrégations des moines,
comme nous montrerons dans la suite, et c'est
vers la (in qu'ont pris naissance les congréga-
tions purement ecclésiastiques : ce que nous
allons faire voir par des preuves incontes-
tables.
II. A moins de s'être étrangement laissé
prévenir, on jugera facilement que, durant les
trois siècles de persécution, il eût été non-
seulement très-périlleux, mais même impos-
sible de formel' aucune communauté, soit île
clercs, soit de moines, soit de filles consacrées
à Itieu.
La tyrannie et l'oppression sous laquelle
gémissait alors toute l'Eglise ne donnait pas
tant de liberté aux fidèles. On n'avait garde de
donner faut île prise à la rage des persécuteurs,
et d'exposer en un seul lieu tout ce que l'Eglise
avait de plus saint et de plus nécessaire pour
sa conservation. La fureur des tyrans eût bien-
tôt renversé tous ces monastères : il nous res-
terait quelque mémoire et quelque témoignage
de leur ruine et de la dissipation de ces saintes
communautés. Lorsque Dioctétien fit brûler
les Ecritures et abattre toutes nos églises, il eût
enveloppé dans la même condamnation tous
les monastères et toutes les maisons de com-
munauté. Cependant, Eusèbe et les autres his-
toriens de l'Eglise n'en écrivent pas un mot.
III. Il faut avouer que J.-C. a vécu en com-
munauté avec ses apôtres, et qu'après son re-
tour dans le sein et dans la gloire de son Père,
les apôtres et les disciples ont mené une vie
commune et ont donné à tous les siècles sui-
vants un divin modèle, sur lequel le clergé
doit se former. Mais ce n'a été que dans la Pa-
lestine où l'Eglise naissante a pu former d'a-
bord un établissement aussi parfait, parce que
les Juifs y avaient obtenu des empereurs ro-
mains une liberté entière et des privilèges
très-favorables pour tout l'exercice de leur reli-
gion; et il y avait, dans la secte des Esséniens,
des communautés où on observait très-ponc-
tuellement presque la même discipline qui a
depuis éclaté avec tant de gloire dans nos mo-
nastères.
Cette communauté toute sainte, dont parle
saint Luc dans les Actes, n'était pas seulement
composée du clergé, c'est-à-dire des apôtres et
des disciples, mais aussi des fidèles laïques :
les personnes mariées et les femmes, les filles
et les enfants en étaient aussi. Ainsi, on ne
peut pas dire que ce fût une communauté
d'ecclésiastiques ; autrement il en eût fallu
bannir les femmes et les laïques.
Le même saint Luc a représenté un grand
nombre d'églises fondées par saint Paul et par
les autres apôtres parmi les Gentils; et il n'eût
pas oublié d'en rendre le même témoignage
DES CONGRÉGATIONS PUREMENT ECCLÉSIASTIQUES, etc.
■if.7
(juc de celle de Jérusalem, si les Gentils con-
vertis eussent pu d'abord se porter au même
comble de perfection où les Juifs s'éle\èrent
au moment de leur conversion. Saint Paul t'ait
connaître, dans ses épîtres, l'état et la police
de plusieurs églises qu'il avait cultivées; ce-
pendant, il n'y paraît nulle part aucune trace
de la vie commune.
Aussi, saint Augustin remarque que c'est
l'avantage que les Juifs avaient remporté des
enseignements et des exercices de vertu pres-
crits par la loi de Moïse, de s'être trouvés
comme disposés a celte haute perfection de la
vie évangélique, dont les Gentils convertis ne
furent nullement susceptibles.
Enfin, cette première communauté des apô-
tres, des disciples et des fidèles ne consistait
que dans la désappropriation que plusieurs
particuliers embrassaient, et dans la distribu-
tion qui se faisait à chacun selon ses besoins ;
mais il était même impossible ou qu'ils fussent
logés, ou qu'ils prissent leur réfection tous en-
semble dans la même maison.
Cette même communauté de biens a été
conservée entre les ecclésiastiques durant les
premiers siècles, et on distribuait à chacun une
portion des revenus de l'Eglise proportionnée
à son besoin, à son rang et à son travail; mais
cela même nous peut servir de preuve qu'on
ne vivait pas en congrégation.
IV. Pour s'en convaincre, il ne faut que se
rappeler de quelle manière se faisait, entre les
ecclésiastiques, la dispensation des offrandes,
des prémices, des décimes et des autres revenus
du clergé, dont il sera parlé dans la troisième
partie de cet ouvrage.
Si le clergé eût vécu en congrégation, on
n'eût pas appelé les clercs sportulantes fratres;
on n'eût pas appelé les distributions qui se fai-
saient tous les mois dirisiones mensurnas; on
n'eût pas distingué les distributions des prêtres
de celles des clercs inférieurs, et on ne les eût
pas adjugées par un privilège singulier aux
jeunes clercs qui s'étaient signalés par la con-
fession du nom de J.-C, sportulis iisdem cum
prcsbyteris honorentur (Cypr., lib. îv, epist. 5;
1. m, ep. 24). Saint Cyprien n'ordonnerait pas
de faire certaines aumônes de la portion qui
lui était échue, de quantilate mea propria
(L. v, c. 28). Eusèbe ne dirait pas que les No-
vatiens attachèrent à leur parti l'évêque Nata-
lis, en lui promettant cent cinquante pièces
d'argent par mois.
Enfin, si le clergé eût vécu en congrégation,
ies constitutions apostoliques ne régleraient
pas les portions inégales qui se devaient faire
des biens de l'Eglise entre les divers ordres des
ecclésiastiques (L. vin, c. 31).
Rien de semblable ne se pratique aujour-
d'hui parmi les ecclésiastiques qui vivent en
commun. Il faut donc conclure que, dans les
premiers siècles, les ecclésiastiques ne vivaient
pas en congrégation; car, dans les congréga-
tions, toutes choses sont communes à tous.
V. Le pape Sirice, dans sa lettre à Himérius,
e\ êqûe de Tarragone, propose un grand nombre
de règlements admirables pour la discipline
du cierge. 11 y parle des moines et des filles
consacrées a Dieu, et de leurs monastères; il y
marque comment il faut élever dès leur en-
fance ceux qui sont destinés à l'état ecclésias-
tique; il n'oublie pas les divers degrés par
lesquels il faut faire passer tous ceux qu'on
veut faire monter aux plus hautes dignités de
l'Eglise. Mais ni dans cette lettre, ni dans toutes
les autres de ce pape ou de ses successeurs, on
ne peut remarquer la moindre apparence du
monde qu'il y eût dès lors des ecclésiastiques
vivant en communauté.
VI. Voici une preuve à laquelle il n'y a point
de réplique. Saint Augustin avait entrepris
d'opposer aux vertus apparentes, trompeuses
et superstitieuses des manichéens la solide
piété, la continence, la pauvreté, les jeûnes et
les autres exercices d'une vie vraiment chré-
tienne, qui se pratiquent dans l'Eglise catho-
lique.
Il fait d'abord une excellente peinture des
monastères de l'Egypte et de l'Orient, habités
les uns par des hommes, les autres par des
femmes, qui vivent en commun, prient en
commun, travaillent et vivent de leur travail :
« In communem vitam sanctissimam, castissi-
mamque congregati, simul aetatem agunt,
viventes in orationibus, in lectionibus, in
disputationibus. Nemoquidquam possidet pro-
prium, operantur manibus, etc. (De moribus
Eccles. cathol.. 1. i, c. 31). »
Il passe ensuite au clergé, et il dit avec raison
que la vertu des ecclésiastiques est d'autant
plus digne d'admiration qu'elle est exposée à
de plus grands dangers : « Quorum virtus eo
mirabilior mihi videtur, quo dilficilius est eam
in multiplici hominum génère, et in ista vita
turbulentiore servare (Cap. xxxu). »
Non-seulement ce saint Père ne parle point
m
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DEUXIÈME.
•le la retraite des clercs dans les communautés;
au contraire, il prend sujet d'admirer d'autant
plus leur piété, de ce qu'elle doit être a l'é-
preuve de tant de tentations qui se rencontrent
dans la conversation du monde. Ce qu'il y a
de plus convaincant, c'est que saint Augustin,
venant enfin aux laïques, assure qu'il en a
connu à Rome et à Milan qui vivaient, priaient
et travaillaient tous ensemble dans une même
maison, sous la direction d'un prêtre : s Vidi
ego diversorium sanctorum Mediolani non
paucorum hominum, quibus unus presbyter
prseerat, vir optimus et doctissimus. Romœ
etiam plura cognovi. in quibus singuli cœleris
secum babitanlibus praesunt, etc., et ipsi ma-
nibus suis se transigunt (Cap. xxxin). »
Il y avait aussi de ces communautés de fem-
mes séculières, sous la conduite de la plus sage
et la plus vertueuse d'entre elles : « Neque hoc
in viris tanlum sed etiam in feminis; quibus
item multis viduis. et virginibus, simul babi-
tanlibus, et lana ac tela victum quaeritantibus,
preesunt singulœ gravissimœ , probatissimae-
que, etc. »
Si saint Augustin eût alors connu tiuel-
(|ue communauté d'ecclésiastiques, il lui eût
sans doute donné un rang honorable dans un
endroit où son sujet le demandait si évidem-
ment.
VII. Saint Augustin écrivit ce livre des
mœurs de l'Eglise catholique avant que d'être
prêtre. Lorsqu'il eut été ordonné prêtre, il
ajouta lui-même au clergé cet ornement qui
semblait lui manquer; et il fit cette admirable
alliance des vertus desecclésiastiquesaveccelles
des solitaires.
Voici ce qu'en dit Possidius dans sa vie: « Fa-
ctus presbyter monaslerium intra Ecclesiam
mos instituit, d cum Dei servis vivere cœpit
secundum modum et regulam sub sanctis Apo-
stolis constitutam. Maxime ut nemo quidquarn
proprium in illa societate baberet; sed ut eis
essent omnia communia, et distribuereturuni-
cuique, prout cuiqueopuserat ; quod jam ipse
prior fecerat, dum de transmarinis ad sua re-
measset (Cap. v). »
Personne n'ignore combien les sentiments
sont partagés sur cet établissement de saint
Augustin. Les uns croienl qu'il fonda un mo-
nastère, et qu'il le peupla de moines. D'autres
le font instituteur des chanoines réguliers. 11
y en a qui pensent qu'il ne fit qu'assembler
des ecclésiastiques pour vivre en communauté
Enfin, quelques-uns le croient avoir été fonda-
teur de deux sortes de congrégations, l'une
monastique, et l'autre purement ecclésiastique.
Sans vouloir terminer ce différend, et sans
perdre le respect qui est dû à tous ceux qui se
sont partagés, par une si louable et si sainte
jalousie, d'avoir saint Augustin pour leur insti-
tuteur, je dirai ce qui me semble plus pro-
bable après une exacte discussion de ce que
Possidius et saint Augustin même ont écrit sur
ce sujet.
VIII. Ce monastère bâti dans l'église , c'est-
à-dire, dans les jardins de l'église ou de l'évè-
ché, comme nous verrons dans le chapitre
suivant. « Monasterium intra Ecclesiam,» dont
parle Possidius . ne me parait autre chose
qu'une assemblée de personnes laïques vivant
en commun , et ne possédant rien en propre.
Possidius dit que saint Augustin avait déjà
commencé cette sorte de vie avant que d'être
prêtre, dès le temps qu'il était repassé en Afri-
que. Or, Possidius avait dit auparavant (Cap. m)
que saint Augustin avait passé environ trois
années avec ses amis, vivant avec ses amis, et
s'occupant de l'oraison , de l'étude, et de bon-
nes œuvres, sans faire connaître le moins du
monde qu'il eût pris l'habit ou l'institut des
moines. « Ferme triennio alienatis a se curis
sœcularibus, cum iis qui eidem adhœrebant,
Deo vivebat, jejuniis, orationibus , bonisque
operibus , in lege Domini meditans die ac
nocte. »
C'était donc alors une communauté de per-
sonnes séculières qui vivaient très-religieuse-
ment, toute semblable à celles de Milan et de
Rome qu'il avait connues , et dont en même
temps il fit la peinture dans le livre des mœurs
de l'Eglise catholique. Après qu'il fut prêtre,
il approcha de l'Eglise cette communauté de
séculiers vertueux . et vivant en commun avec
la même désappropriation que les moines; ce
qui lui a fait donner le nom de Monastère, mais
de monastère joint à l'Eglise, «Monasterium
intra ecclesiam ; » ce qui ne peut proprement
convenir à des moines: caries moines n'étaient
point encore descendus dans les villes, et leurs
monastères en étaient écarlés; tout au plus, ils
n'étaient que dans les faubourgs, comme noiig
dirons ensuite à l'occasion de celui de saint
Ambroise et de saint Martin. Au contraire , les
monastères , ou les congrégations de séculiers
pieux étaient dans les villes, comme à Milan et
à Rome.
DES CONGRÉGATIONS PIÏIŒMENT ECCLÉSIASTIQUES, etc.
169
L'exemple de la primitive Eglise mie saint
Augustin se proposait, fait aussi voir que
c'étaient des séculiers qui vivaient en commu-
nauté, sous la direction des apôtres.
IX. Possidins ajoute qu'après que saint Au-
gustin fut fait évêque, il donna les ordres à
ceux qu'il avait élevés dans ce monastère, et
les ayant transportés dans son évèché, il \
établit un séminaire de clercs qui fut comme
la pépinière dont ensuite il tira quantité d'ex-
cellents hommes qu'il donna aux autres
églises pour y remplir les plus hautes dignités,
et même pour y être honores de l'épiscopai ;
enfin, que ces évéques établirent dans leurs
églises de semblables monastères, et y formèrent
d'excellents ecclésiastiques.
« Proflciente doctrina divina, sub sancto et
cum sancto Augustino in monasterio Deo ser-
vientes. ecclesiœ Hipponensi clerici ordinari
cœperunt, etc. Ac deinde innotescente sancto-
rum servorum Dei proposito, continenlia, et
paupertate profunda, ex monasterio, quod per
illum esse eterescere cœperat, accipere episco-
pos et clericos pax Ecclesiœ atque unitas et
cœpit primo, et postea consecuta est. Nam
ferme decem Augustinus Ecclesiis dédit, etc.
Et ipsi ex illorum sanctorum proposito venien-
tes, monasteria institueront, et caeteris ecclesiis
promotos fratresad suscipiendum sacerdotium
praestiterunt (Cap. xi). »
Possidius donne toujours le nom de monas-
tère à cette sorte de maisons de communauté;
et ne donne jamais celui de moines à ceux
qui y étaient élevés. Au contraire, il les appelle
toujours clercs, et les représente toujours
comme des clercs qu'on formait pour les or-
dres supérieurs, et même pour l'épiscopat. Or
les fonctions des ecclésiastiques étant très-dif-
férentes de celles des moines, il est facile de
juger que la vie monastique n'eût pas été con-
venable a un séminaire de clercs. Aussi est-il
remarqué que saint Augustin vivait avec eux,
quoiqu'étant évêque il tût au-dessus d'eux :
« Sub sancto et cum sancto Augustino Deo
servientes. » Or il sied mieux à un évêque de
vivre et de faire les fonctions de supérieur
immédiat dans une communauté de clercs.
que dans une compagnie de moines. Il sied
mieux à un évêque de conduire, d'instruire et
de former des ecclésiastiques assemblés, que
des solitaires.
Nousjustilierons. dans le chapitre suivant,
par les termes formels de saint Augustin, ce
que nous avons dit ici du transport lait du mo-
nastère qui était dans les jardins de l'évê-
ché au monastère des clercs ou au sémi-
naire , qui était dans la maison épiscopale
même.
X. Possidius remarque plus bas (Cap. xxu ,
ipie saint Augustin usait des habits et des meu-
bles ordinaires, évitant également la mollesse
et l'extrémité opposée; cl n'affectant rien tant
(pie de ne se faire remarquer par aucune singu-
larité. «Vestis ejus et calceamenta, et lectualia
ex moderato et competenti habitu erant, nec
nilida nimium, nec abjecta plurimuin. etc. «
II ajoute que ce saint évêque était toujours
accompagné de ses clercs, qu'il logeait et man-
geait avec eux, et qu'ils étaient tous nourris et
vêtus aux dépens de la communauté, a Cum
ipso semper clerici, una etiam domo ac mensa
sumptibusque communibus alebantur etvestie-
bantur (Cap.xxv). »
Voilà évidemment une communauté d'ecclé-
siastiques avec saint Augustin; cette manière
de se vêtir n'est nullement monastique. C'est
là certainement ce que Possidius appelait un
monastère. Cet auteur ne dit rien qui puisse
donner le moindre sujet de croire qu'il veut
deux communautés, l'une de moines, l'autre
de clercs, et que saint Augustin se partageât
entre elles.
Et comment saint Augustin aurait-il pu se
dérober à ses clercs, pour se donner tout en-
tier a ses moines? Où est-ce que Possidius au-
rait parlé de l'établissement de cette commu-
nauté de clercs, lui qui n'avait pas oublié la
fondation du monastère? Comment ce grand
nombre de saints ecclésiastiques et d'excellents
évèques, dont saint Augustin était le père,
n'aurait-il pas plutôt été tiré du séminaire de
ses clercs, que de son monastère? Peut-on
s'imaginer que saint Augustin dirigeant et for-
mant en même temps deux communautés di-
verses, l'une de moines et l'autre d'ecclésiasti-
ques, réussit si mal dans son travail, que ses
moines fussent plus propres aux dignités et aux
fonctions ecclésiastiques, que ses ecclésiasti-
ques mêmes?
XI. Enfin, Possidius distingue admirable-
ment le clergé et les monastères de saint Au-
gustin, lorsqu'après avoir raconté comment ce
soleil brillant de l'Eglise s'éteignit, il ajoute
qu'il laissa en mourant un clergé très-nom-
breux, et plusieurs monastères d'hommes et
de femmes. « Clerum sufficientissimum et mo-
170
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TROISIÈME.
nasteria virorum ac feminarum continentium
eum suis praepositis plena Ecclesite dimisit
(Cap. ult. . «
Voilà ces monastères divers de l'un et de
l'autre sexe, fondés en divers endroits de son
diocèse. Mais il y avait un monastère unique
où il élevait ce clergé très-suffisant par son
nombre, et par sa capacité extraordinaire, pour
se répandre dans toutes les autres églises, et
leur donner d'excellents ouvriers et même de
très-saints évoques.
CHAPITRE TROISIEME.
OH MONTRE PAR SAINT Al Gl STIN MÊME QU IL VECUT LAÏQUE ET PRETRE DANS UNE COMMUNAUTÉ DE
LAÏQUES; ÉTANT ÉVÈQUE IL EN INSTITUA LE PREMIER UNE DE CLERCS. ON Y FAISAIT VOEU DE
DÉSAPPROPRIATION.
I. Preuves tirées des lettres de saint Augustin.
II. Etant fait évoque, il reconnut qu'un séminaire de clercs
lui était nécessaire.
III. s'il eut deux monastères, l'un dans les jardins de revé-
cue, l'autre tl.i n> l'évêché même.
IV. Depuis qu'il eut érigé Sun séminaire, il ne donna plus les
ordres qu'à ceux qui entraient dans sa communauté. S'ils en
sortaient, il les déposait de la cléricalure. Il changea cette ri-
gueur avant sa mort.
V. P»n invincible fermeté ii ne souffrir personne dans son
clergé, qui n'eut renoncé aux biens de la terre.
\l Que celle désappropriation était un véritable vœu.
VII II n'admettait communément dans son séminaire que des
sous-diacres et îles clercs supérieurs.
VIII. Il usait lui-même des mêmes habillements que ceux de
son séminaire.
IX. One saint Augustin n'a jamais été moine, ni institué des
i nés, iieus il a engagé ses clercs par vœu à la pauvreté évan-
gélique.
X. I.es vœux de continence et d'obéissance étaient attachés à
l'ordre.
XI. Le séminaire de saint Augustin donna des évèques, et
donna naissance à beaucoup d'autres séminaires dans l'Afrique.
XII. Antres preuves de cela.
XIII. Le clergé des églises cathédrales était alors assez nom-
breux pour cela.
XIV. Il n'y eut point de ces congrégations ecclésiastiques ou
séminaires dans l'Orient, mais quantité de monastères, d'où on
tirait les évèques.
XV. Saint Ambroise avait fondé des moines dans un faubourg
île Milan.
XVI. Exemple funeste d'un lecteur du séminaire de saint Au-
gustin, fait évèque.
XVII. Comparaison du séminaire de saint Augustin et des cha-
noines réguliers.
XVIII. Explication de ce que saint Augustin dit des clercs qui
abandonnaient sa congrégation.
XIX. Comparaison de sa congrégation de clercs avec celle
des religieuses, dont il fut aussi l'instituteur.
I. Apprenons de saint Augustin même ce que
l'auteur, de sa vie nous a déjà fait connaître par
tant de preuves certaines ; que la congrégation
qu'il institua n'était composée que de ses ec-
clésiastiques, ou de laïques qu'on élevait pour
l'état ecclésiastique, les uns et les autres possé-
dant tout en commun , et vivant dans une
même maison, et à une même table.
C'est de cette compagnie d'ecclésiastiques,
inséparables de sa personne, qu'il écrit à saint
Paulin: « Resalutant sanctani etsincerissimam
benignitatem tuam conservi mei, qui mecum
sunt (Epist. lix). » Et dans sa lettre à Auré-
lius : « Omnis itaque fratrum cœtus, qui apud
nos cœpit coalescere , etc. (Epist. lxiv). » Et à
l'évêque Possidius: « Domino dilectissimo, etc.
Possidio et qui tecum sunt fralribus , Augu-
slinus et qui mecum sunt fratres, in Domino
salutem (Epist. i.xxiu). » Il n'y a que le clergé
d'un évèque qui puisse faire en cette manière
un même corps avec lui.
Il dit dans une autre lettre qu'il a embrassé
cl qu'il a fait embrasser a d'autres cette pau-
vreté évangélique , qui contient un degré si
liant de perfection : « Ego perfectionem de qua
locutus est Doniinus, \ade, vende oninia qu;e
baltes, etc. vebcinenter adamavi, et sic feci : et
ad hoc propositumquantis possuni viribusalios
exbortor, etin nomine Domini babeoconsorlcs,
qtiibiis boc per nieum ministerium persuasum
est vEpist. lxix). »
II. Il n'y arien de si clair, ni de si convain-
cant, que le discours que ce saint évèque lit un
SAINT AUGUSTIN VECUT EN COMMUNAUTÉ DE LAÏQUES.
171
jour à son peuple, pour l'informer de l'établis-
sement et de la discipline du monastère de ses
clercs . (m de son séminaire. Bède et le concile
d'Aix-la-Chapelle, sous l'empereur Louis le
Débonnaire , ne permettent pas de douter que
ce sermon qu'ils ont cité , soit de saint Augus-
tin.
« Vobiscum hic vivimus et propter vos \ i-
\imus, » dit d'abord saint Augustin (De diver-
sis. serm. 49), ce qui est le caractère propre
des ecclésiastiques, de vivre parmi les lidèles,
et de s'appliquer entièrement a les servir : au
lieu que les moines font profession de fuir le
monde, et ne s'occuper que de Dieu, et de leur
propre salut.
Il continue de représenter la vie commune
qu'il mené avec les siens dans la maison épis-
copale, et la loi indispensable qu'il y fait ob-
server de ne rien posséder en propre : « Nostis
sic nos vivere in ea domo, qua? dicitur domus
episcopi, ut quantum possumns, imitemur eos
sanctos, de quibus loquitur liber Actuum Apo-
stolorum : Nemo dicebat aliquid proprium, sed
erant illis omnia communia. »
Valère, en le faisant prêtre, lui avait donné
le jardin de l'évèché pour y bâtir un monas-
tère : « Dédit mini Valerius hortum illum, in
quo nunc est monasterium. »
Saint Augustin, étant fait évêque, crut être
obligé d'exercer l'hospitalité, et reconnaissant
que la retraite et le silence d'un monastère
ne s'accorde pas bien avec le concours et la
compagnie du monde, il établit un monastère
de clercs dans la maison épiscopale. « Perveni
ad episcopatum, vidi necesse habere episco-
pum exhibera humaniiatem assiduam quibus-
que venientibus sive transeuntibus; quod si
non fecissem, episcopus inhumanus dicerer.
Si autem consuetudo ista in monasterio per-
missa esset, indecens esset. Et ideo volui ha-
bere in ista domo episcopi mecum monaste-
rium clericorum. »
Voilà évidemment un Monastère de clercs,
Monasterium clericorum. Ce qui suffit pour
justifier tout ce qui a été tiré de Possidius
dans le chapitre précédent. Saint Augustin
rapporte aussitôt de quelle manière on vivait
dans ce monastère de clercs, ou dans ce sémi-
naire qui était renfermé dans la Maison épis-
copale, In domo episcopi. On n'y possédait
rien en propre. « Ecce quomodo vivimus.
Nulli licet in societate nostra habere aliquid
proprium. »
III. fin pourrait, avec quelque apparence,
conclure de cet endroit de saint Augustin,
qu'il n'institua son séminaire de clercs qu'a-
près qu'il eut été évêque, afin «l'y pouvoir
exercer l'hospitalité, qui n'eût pas été conve-
nable au premier monastère qu'il avait fondé
étant prêtre, dans le jardin que Valère lui
avait donné. Ainsi il y aurait eu deux monas-
tères, l'un dans le jardin, l'autre dans la mai-
son de l'évèque : l'un bâti par saint Augustin,
encore prêtre, l'autre établi dans la maison
épiscopale, après qu'il eut été fait évêque. En-
tin, l'un consacré à une retraite plus exacte, et
l'autre plus proportionné à la vie des ecclé-
siastiques et à l'hospitalité même que saint
Paul leur ordonne d'exercer.
Ce n'est nullement mon dessein de m'oppo-
ser a ce sentiment, pourvu que cette vérité
demeure constante, que la communauté nou-
velle tme saint Augustin a établie, dont il a
été le père et le premier instituteur, dans la-
quelle il a toujours vécu, au moins depuis son
épiscopat, de laquelle il a tiré tous ces admi-
rables évèques, et ces vertueux ecclésiastiques
qu'il a distribués aux autres églises; que cette
communauté, dis-je, a été composée d'ecclé-
siastiques qui n'y étaient reçus qu'en renon-
çant à tout ce qu'ils avaient pu posséder dans
le inonde.
IV. En effet, depuis l'établissement de ce
séminaire, saint Augustin ne donna plus les
ordres à personne qui ne renonçât à tout ce
qu'il avait en propre, en le donnant aux pau-
vres, ou en le rendant commun au séminaire.
« Noverit charitas vestradixisse me fratribus
meis, qui mecum manent, ut quicumque ha-
bet aliquid, vendat et eroget: aut donet et
commune illud faciat. Ecclesiam habet ; per
quam Deus non piscit (Ibidem). » Et un peu
plus bas : « Certe ego sum, qui statueram, sicut
nostis , nullum ordinare clericum , nisi qui
mecum vellet manere : ut si vellet discedera
a proposito, recte illi tollerem clericatum, quia
desereret sanct;r societatis promissum , cœ-
ptumque consortium. »
Ce saint évêque ne reçut donc plus personne
dans l'état ecclésiastique qui ne s'obligeât de
renoncer à tout et de vivre en commun avec
lui dans son séminaire; et il dégrada des or-
dres qu'ils avaient reçus, et de la cléricature,
tous ceux qui ne voulaient pas persévérer dans
un si saint engagement.
La crainte d'une dégradation si honteuse en
17-2
DES CONGREGATIONS. — CHAPITRE TROISIÈME.
faisait tomber quelques-uns dans une hypo-
crisie encore plus périlleuse ; de sorte qu'ils
possédaient secrètement leur patrimoine, et ne
laissaient pas de vivre dans la communauté ;
saint Augustin ne pouvant souffrir une dissi-
mulation si criminelle, changea de conduite,
et se contenta de retrancher de sa communauté
ces misérables esclaves de leurs cupidités, sans
les priver de la cléricature , et sans les empê-
cher de l'exercer dans les autres diocèses.
« Ecce in conspectu Dei et vestro, niuto con-
silium. Qui volunt habere aliquid proprium,
quibus non sufficit Deus et Eeclesia sua, ma-
neant ubi volunt, etubi possunt, non eis aufero
clericatum. Nolo babere bypocritas, etc. Nolo
(piis habeat necessitatem simulandi. Scio quo-
modo homines ament clericatum. Neinini eum
tollo, nolenti mecum commiiniter vivere. »
V. Saint Augustin ne fit ce changement dans
sa conduite qu'en sa vieillesse. Il le témoigne
lui-même dans ce discours : « Date veniam
loquaci senectuti , etc. Ego sicut videtis, per
setatem jam senui, sed per infirmitatem corpo-
ris olim senex fui (Ibidem). » Ainsi jusqu'à son
extrême vieillesse, non -seulement il n'avait
reçu personne dans son clergé qui ne renon-
çât à toute propriété , mais il avait aussi
dépouillé de la cléricature tous ceux qui ne
voulaient pas être fidèles à ce qu'ils avaient
voué.
Quelque adoucissement que ce divin pasteur
eût apporté a sa conduite, il persista avec une
fermeté inébranlable dans la résolution de ne
laisser exercer la cléricature dans son église à
aucun de ceux qui n'avaient pas renoncé aux
biens de ce monde, ou qui l'ayant fait, avaient
ensuite succombé à leur inconstance et à leur
cupidité.
Cette résolution inviolable de saint Augustin
paraît dans la protestation publique qu'il lit
dans un second discours à son peuple sur le
même sujet: qu'on avait beau armer contre
lui les conciles et les autorités les plus cminen-
tes des églises d'outre-mer, qu'il ne souffrirait
jamais que les fondions ecclésiastiques lussent
exercées dans son église par ceux qui n'auraient
pas été fidèles à la promesse qu'ils avaient faite
de renoncer à tout.
« Modo quia placuit illis socialis Ikcc vita,
quisquis cum hypocrisi vixerit, quisquis in-
ventus fuerit babens proprium , non illi
permitto ut imle facial testamentum, sed delebo
eum de tabula clericorum. lnlerpellet contra
me mille concilia, naviget contra me qua
voluerit, sit certe ubi potuerit , adjuvabit me
Deus, ut ubi ego episcopus sum , illic clericus
esse non possit (De diversis. serm. 50). »
VI. 11 faut détromper ceux qui se sont faus-
sement persuadé que ces ecclésiastiques vivant
en communauté ne s'étaient engagés par aucun
vœu à cette vie commune et à cette désappro-
priation. C'est une erreur qu'il est aisé de
convaincre par saint Augustin même.
Les termes dont il se sert pour exprimer
l'avarice criminelle et l'apostasie de ceux qui
retenaient secrètement quelque cbose en pro-
pre ou qui se séparaient ouvertement de cette
société sainte le prouvent assez. Il les traite
comme des gens qui manquent à leur vœu et
à leur profession, faisant en cela ce qui ne se
peut faire sans une damnable perfidie et sans
renoncer à l'espérance du salut.
« Malum est cadere a proposito, sed pejus
est simulare propositum. Ecce dico, audite :
Qui socielatem communis vita1 jam susceptam,
qua' laudatur in Aclibus Apostolorum deserit,
ac volo suo cadit, et a professione sancta cadit,
etc. Ego scio quantum mali sit, profiteri san-
ctum aliquid, nec implere : Vovete, inquit, et
reddite Domino Deo vestro. Et, Mehus est non
vovere, quam vovere et non reddere. » Et un
peu plus bas : « Professus est sanctitatem ,
professus est communiter vivendi societatem ;
si ab hoc proposito ceciderit , et extra manens
clericus fucerit, dimidius etipse cecidit (Serm.
49, ibid.). »
Toutes ces expressions ne laissent aucun
doute (pie ce ne fussent de véritables vœux.
VII. Quoique saint Augustin parle des clercs
en général dans tous ces discours, et qu'il sem-
ble les comprendre tous dans son monastère
de clercs ; il y a néanmoins quelque sujet de
croire qu'il n'y recevait que des prêtres , des
diacres et des sous-diacres, et que tous les au-
tres clercs inférieurs n'y étaient que rarement,
ou point du tout admis. En voici les preuves.
Saint Augustin semble le dire nettement, en
faisant le dénombrement de tous ceux de son
séminaire qui avaient renoncé à toute pro-
priété : « Nuntio ergo vobis, unde gaudeatis;
quia omnesfratresetclericosmeos,qui mecum
habitant, presbyteros, diaconos, subdiaconos,
et Patricium nepotem meum , taies inveni,
quales desideravi (Ibid, serm. 50). »
Il ne dit pas une seule parole des autres
clercs, ni dans cet endroit, ni dans toute la
SAINT AUGUSTIN VECUT KN COMMUNAUTÉ DE LAÏQUES.
17.1
suite de ce long discours, où il rend compte
au peuple de {mis ses prêtres . diacre- et sous-
diacres en général et en particulier . pour jus-
tifier leur conduite et leur fidélité constante
au vœu de pauvreté auquel ils s'étaient enga-
gés, sans dire un seul mot des lecteurs ou des
autres clercs intérieurs.
Enûn, ces clercs inférieurs étant, connue ils
étaient, en liberté de se marier, il était impos-
sible de les faire vivre en communauté, et de
leur faire pratiquer cette désappropriation.
Cela nous porte à croire que les sous-diacres
mêmes dans l'Afrique gardaient déjà la conti-
nence, aussi bien que les diacres et les piètres.
A moins de cela il eût fallu leur faire promet-
tre la continence en les recevant dans cette
société, et c'est de quoi saint Augustin n'eût
pu se dispenser de nous informer.
VIII. Ajoutons une réflexion tirée de ces
mêmes discours de saint AjUgustio à son peu-
ple. Il y proteste que les habillements dont il
use lui-même ne sont autres, ni plus précieux
que ceux de ses prêtres, de ses diacres et sous-
diacres : et que si on lui en donne en présent
qui soient de plus grand prix, il les fait vendre,
afin que l'argent de la vente soit employé aux
besoins communs du séminaire.
« Nemo det byrrum, vel lineam tunicam,
seu aliquid, nisi in commune; de communi
accipiam mihi i psi ; cum sciam commune me
babere velle. quidquid habeo. Nemo talia of-
ferat, quibus quasi ego solus decentius utar.
Ofi'eralur mihi verbi gratia byrrum pretiosum,
forte decet episcopum, quamvis non deceat
Augustinum. id est, hominem pauperem, de
pauperibus natum, etc. Qualem \estem potest
babere presbyter, qualem potest babere decen-
ter diaconus et subdiaconus, talem volo acci-
pere, quia in commune accipio. Si quis melio-
rem dederit , vendo : ut quando non potest
vestis esse communis, pretium vestis sit com-
mune (Ibid., Serm. l). »
Ces paroles apprennent que le monastère de
saint Augustin n'était composé que de clercs
et de clercs supérieurs, en y comprenant les
sous-diacres : qu'ils étaient tous ^èlus de la
même manière, sans en excepter même leur
saint prélat; que leur habit ordinaire était une
tunique de lin, et ce qu'il appelle Byrrus,
dont nous avons parlé ci-devant ; que tel était
l'habit des prêtres ; que tel avait été l'habit de
saint Augustin lorsqu'il lut fait prêtre ; que
c'était l'habit ordinaire des ecclésiastiques ,
comme l'a dit Possidius dans le chapitre pré-
cédent, et comme nous l'avons prouvé fort au
long ci-dessus, en parlanl des habits des ecclé-
siastiques; et qu'ainsi saint Augustin n'a jamais
porte l'habit des moines.
IX. De ce que nous avons dit on peut tirer
un éclaircissement suffisant contre les deux
extrémités où quelques-uns se sonl précipités :
les uns veulent que saint Augustin ait été
moine, et ait institué des moines; d'autres ne
peuvent souffrir qu'il y ait eu aucune profes-
sion ou aucun engagement par des vœux dans
sa congrégation.
Les premiers ont été assez fortement réfutés
par tout ce qui a été avancé dans ces deux
chapitres, où saint Augustin a toujours affecté
le nom de clercs à sa personne et a ceux de sa
compagnie; au lieu que les moines qu'on ho-
norait de quelque ordre sacré ne quittaient
pas pour cela le nom de moine, qui marquait
une profession si sainte et si honorable aux
yeux des vrais lideles.
Ecrivant a Aurèle, évèque de Carthage. et
lui remontrant qu'il ne fallait pas élever les
moines au-dessus du clergé', il le prie de con-
sidérer qu'ils sont tous deux du corps du
clergé : « Nimis dolendum, si ad tam ruino-
sam superbiam monachos surrigamus, et tam
gravi contumelia clericos dignos putemus, in
quorum numéro sumus, etc. (Epist. lxxm . »
Enfin, saint Augustin déclare lui-même,
dans ses Confessions, qu'il avait conçu le des-
sein d'aller expier ses péchés dans quelque
solitude, mais que Dieu lui avait fait connaître
qu'il voulait le purifier par les emplois ecclé-
siastiques, et lui faire faire son salut en tra-
vaillant à celui de son prochain. «Conterntus
peccatis meis agitaveram in corde, meditatus-
que fueram fugam in solitudinem : sed probi-
buisti me; et confortasti me. Domine, dicens :
bleo Cbristus pro omnibus mortuus est, ut qui
vovunt, jam non sibi vivant, sed ei qui pro
ipsis mortuus est Confess., 1. x, c. ult.). »
En un autre endroit il dit bien qu'il avait
commencé à observer la continence avant que
d'être fait dispensateur des sacrements. « Fa-
ctum est tt antequam dispensator sacramenti
tui fierem : » mais il ne dit nullement qu'il
l'eût fait par l'engagement à la profession mo-
nastique. C'était effectivement en la compagnie
de quelques séculiers qu'il avait commence
cette vie chaste et retirée en son pays, et il la
continua avec les mêmes amis a Hippone, lors-
17 1
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TROISIÈME.
qu'il y fut fait prêtre, comme Possidius l'insi-
nue : étant fait évêque, il dressa un séminaire
de clercs.
X. Quant à Pétrus Aurélius (Aurel., part, u,
pag. 191), Mirée (Mirœus, in notis ad Regulam
Canonic), Clément Renier, et autres, qui es-
timent que les clercs du séminaire de saint
Augustin vivaient sans vieux et sans liens,
comme les pères de l'Oratoire, dit Renier, et
tant d'autres communautés modernes; la lec-
ture simple des deux discours de saint Augus-
tin, dont nous avons tissu tout ce chapitre,
devait les avoir détrompés : puisque ce saint
docteur a exprimé en termes très-formels la
profession et le vœu de pauvreté qu'il exigeait
de tous ceux qui entraient dans son séminaire
et dans son clergé.
S'il n'y a point parlé des vœux de conti-
nence, d'obéissance et de stabilité, c'est que ce
clergé domestique et associé au saint n'était
composé que de prêtres, de diacres et de sous-
diacres à qui leurs propres ordres étaient un
engagement nécessaire au célibat et étaient en
même temps, aussi bien que les ordres infé-
rieurs, comme autant de liens indissolubles
qui les soumettaient a l'empire de leurévèque
et les attachaient à son église.
Nous ferons voir dans la suite que l'ordina-
tion et la cléricature attachaient et soumet-
taient généralement tous les ecclésiastiques à
leurévèque et à son Eglise; ainsi il ne fallait
point d'autre vœu d'obéissance et de stabi-
lité.
Les ordres supérieurs dans l'Eglise latine
étaient inséparables de la loi du célibat, et le
sous -diaconat commençait à s'élever en ce
rang au temps de saint Augustin. Il ne restait
dune que la pauvreté volontaire, dont saint
Augustin pût faire une règle et une sainte
singularité dans son clergé, et c'est cequ'il fit.
XI. L'exemple d'un prélat aussi saint et
aussi illustre que saint Augustin anima les
autres évêques à se faire à eux-mêmes, et à
leur clergé, de semblables lieux de retraite.
Nous avons déjà vu que Possidius vivait aussi
en communauté avec son clergé.
Saint Augustin le dit évidemment dans les
lettres qu'il lui écrit, aussi bien (pie dans celles
qu'il écrivit à Evodius, a Bénénatus, à SéArère,
,i Novat, auxquels il écrit conjointement avec
leur communauté et sans se séparer lui-même
de la sienne : « Novato, et qui tecuni sunt fra-
tribus, Augustinus, et qui mecum sunt fratres
(August., epist. lxxiii, ci,ccxxiv, eesxxiu,
ccxi., ccxl, ccxi.). »
Saint Paulin assure la même cbose d'Ali pe,
lorsqu'il lui écrit en ces termes : « Nostris in-
vicem salutentur obsequiis et. in clero sancti-
tatis tua? comités, et in monasteriis fidei et
virtutis tun? aemulatores. Nam etsi in populis
ac super populum agas, tamen abdicalione
sa^culi, ac repuisa carnis et sanguinis, deser-
tum tibi ipse feeisti, secretus a multis, vocatus
in paucis. »
Voilà les séminaires du clergé distingués fort
évidemment des monastères. Il fait encore une
fois la même distinction vers la lin de la même
lettre : « Renedictos sanctitatis tua?, comités et
semulatores, in Domino fratres nostros, tam in
ecclesiis, quam in monasteriis, Cartbagini,
Tagastae, Hippone regio et totis parochiis tuis
atque omnibus cognitis tibi per Africain locis,
multo affectu rogamus, etc. »
11 parait de là, et de ce que Possidius a déjà
dit, que ces monastères de clercs se multi-
plièrent beaucoup dans l'Afrique.
XII. C'est encore de ces communautés ecclé-
siastiques que parle Julianus Pomérius (De
vita Contempl., 1. u, c. vin), quand il dit que
Paulin , évêque de Noie , Hilaire , évêque
d'Arles, et tant d'autres saints prélats, après
avoir vendu et distribué aux pauvres tous
leurs fonds et leurs patrimoines, ont pu, sans
iien diminuer de cette liante perfection, pos-
séder les biens et les revenus de l'Eglise pour
assembler et entretenir de saintes congréga-
tions : « Congregandis fratribus alendis , ex-
pedit facilitâtes Ecclesùe possidere , ut uno
soUieitudines omnium in sua societatc viven-
tium sustinente , omnes qui sub eo sunt,
fructuosa vocatione potiantur spiritualiter et
quiète. »
En effet, l'auteur de la vie de saint Hilaire
dit que ce saint prélat apprit à son séminaire,
par ses admirables exemples, comment il fal-
lait renoncer au inonde, vivre de son travail,
jeûner, prier. « Cum prinium speculatoris
snscepit ol'licium in seipso primum monstravit,
quemadmodum congregalio mundum contem-
neret, manuum operibuscontinuis vesceretur,
sanctis paginis inhœreret, jejuniis, vigiliis, etc.
(Surius, die 5 Maii). »
XIII. On pourrait douter si le clergé était
assez nombreux pour former une congrégation
dans chaque église cathédrale. Cette difficulté
a beaucoup plus de poids pour les trois pre-
SAINT AUGUSTIN VÉCUT EN COMMUNAUTE I>E LAÏQUES.
17.".
miers siècles. Au temps de saint Augustin et
dans les siècles suivants, le nombre du clergé
était fort grand dans toutes les villes considé-
rables. Saint Augustin vient de dire qu'on
avait une ardente passion pour entrer et pour
se maintenir dans l'état ecclésiastique. « Scio
quoinodo lioniines ament clericatum. »
Victor, évèque de Vite, dit que le roi des
Vandales exila en une seule fois près de cinq
mille personnes, tant évèques, prêtres et dia-
cres, qu'autres membres de l'Eglise : « QUibus
autem prosequar tluminibus lacrymaruin ,
quando episcopos, presbyleros, diaconos, et
alia Eeclesiœ membra, id est quatuor millia
quadringentos sexaginta unum ad exilium
eremi destinavit? (L. u de persecutione Afri-
cana.) »
On pourrait douter si tous ceux que Victor
appelle membres de l'Eglise étaient ecclésiasti-
ques ou simples fidèles (Ibid., 1. v). Mais il n'y
a pas lieu d'bésiter en ce qu'il dit ailleurs que
le clergé seul de Cartbage montait à cinq cents
personnes ou plus. « Iniversuselerus Ecclesiœ
Carthaginis cœde inediaque maceratur, 1ère
quingenti, Tel amplius. »
On lut dans le concile de Calcédoine un acte
authentique où Ibas, évèque d'Edesse, dit (pie
son clergé était d'environ deux cents ecclésias-
tiques ou davantage. "E<rriv ô nWipo? r,f/.wv Siaxwiov ovo-
(j.i™v,fi.txpw -po;,r! nm jrXeiovwv (Act. X, C011C. Cale). Eli
ellèt, dans les souscriptions du clergé de cette
ville, on voit les noms d'un fort grand nombre
de prêtres, de diacres et de sous-diacres.
XIV. Cet exemple du chapitre ou du clergé
d'Ibas n'a pas été rapporté pour faire croire
que tous ces ecclésiastiques vécussent en com-
munauté. ,1e ne crois pas qu'en tout l'Orient on
ait jamais vu ces congrégations purement
ecclésiastiques. Les prêtres et les ecclésiasti-
ques inférieurs y étant ordinairement mariés,
et le nombre de ceux qui consacraient leur
corps à la continence étant très-petit, parce
que les canons qui la prescrivaient aux clercs
majeurs y étaient très-mal gardés, il n'y avait
ni apparence ni espérance d'y établir jamais
ces saintes sociétés d'ecclésiastiques. Ce défaut
était en quelque façon compensé par un prodi-
gieux nombre de monastères. ■
Saint Basile fut comme l'Augustin de l'O-
rient, mais il ne put assembler que des congré-
gations monastiques (Basilius, in Regulis fus.
disput.. c. xv; et in Regul. brev., c. ccxcn).
Il est vrai qu'il donnait à ses religieux la con-
duite de plusieurs séminaires de jeunes gar-
çons et de jeunes tilles qu'on élevait séparé-
ment, dans des maisons séparées, dans tous les
exercices de la piété chrétienne, et on les y
admettait des leur enfance afin de les disposer,
par une éducation si sainte, à embrasser dans
un âge plus mûr la vie religieuse.
C'étaient donc comme des séminaires qui
servaient à peupler les monastères, comme les
monastères étaient les écoles ordinaires, en
Orient, dont on tirait les évêques.
Socrate dit qu'Alexandre, évèque d'Alexan-
drie, vit un jour saint Atbanase encore enfant,
avec d'autres enfants, contrefaire les divers
ordres et les cérémonies de l'Eglise; qu'il com-
manda ensuite qu'on les élevât et qu'on les
instruisit dans l'Eglise : et Atbanase étant de-
venu grand, il le fit diacre (Socrate, 1. i, c. 11).
Il y avait donc dès lors des séminaires déjeunes
enfants dans les églises.
XV. Saint Ambroise avait fondé un monas-
tère dans les faubourgs de Milan, témoin saint
Augustin même. «EratmonasteriumMcdiolani,
plénum bonis fratribus, extra urbis msenia sub
Ambrosio nutritore (Conf., 1. vm, c. G . » Mais
la seule situation de ce monastère hors la ville
montre bien que ce n'était que pour des moines
qu'il avait été établi ; au lieu que saint Augus-
tin institua le monastère de ses clercs, non-
seulement dans la ville, mais aussi dans sa
maison.
Saint Martin bâtit aussi un monastère à deux
milles de la ville de Tours, dont il était évèque;
mais ce ne fut non plus que pour des religieux
qui habitaient la plupart dans des cavernes
creusées dans la montagne. « Duobus fere
extra civitatem millibus monasterium sibi
slatuit, etc. Discipuli erant oetoginta, etc. ple-
rique sa\o superjecti montis cavato, recepta-
cula sibi fecerant (Severus Sulpicius, I. de vita
Martini, c. vu). »
Ainsi, ni saint Ambroise, ni saint Martin ne
firent cette admirable alliance de la vie ecclé-
siastique avec les vertus de la profession mo-
nastique. Cet avantage était réservé â saint
Augustin, non pas de fonder des monastères,
mais de faire vivre son clergé dans les exercices
des mêmes vertus et des mêmes austérités
qu'on pratiquait dans les monastères.
Il est vrai que toutes les églises s'efforcèrent
à l'envi d'avoir des évèques qui eussent été for-
més de la main de saint Martin, et qui eussent
passé par toutes les épreuves de son monastère :
176
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TROISIÈME.
a Plures ex his postea episcopos vidimus. Quœ
enim esset civitas. aut ecclesia, quœ non se de
Martini monasterio cuperet liabere sacerdotes?
(Ibidem. » Mais on ne peut nier que le sémi-
naire de saint Augustin ne lût encore plus
propre a cultiver de saints ecclésiastiques, et à
former d'excellents évêques, qu'un monastère
où l'on ne fait nullement profession des fonc-
tions sacerdotales, et où l'on fait plutôt profes-
sion de 1' 'S éviter que de les apprendre.
XVI. Saint Augustin dit lui-même que c'é-
tait de son séminaire que les évêques étaient
tirés pour aller prendre le gouvernement des
églises.
Ayant ramené à l'unité de l'Eglise un grand
nombre de donalistes dans la ville de Fussale,
qui était de son diocèse, il voulut y faire ériger
un évèebé nouveau et y consacrer un évêque.
Il y fit venir pour cela le primat de Numidie.
Le prêtre qu'il croyait avoir disposé à accepter
cette importante (barge refusa absolument de
s'y soumettre. « Omnimodo resistendo frustra-
\it Hpist. cclxi). » Saint Augustin ne put se
résoudre à renvoyer le primat, qui était un
vénérable vieillard, sans rien faire, et n'ayant
avec lui qu'un lecteur de son monastère,
nommé Antoine, « In monasterio a nobis par-
xula quiilem a'tate nutriluni . sed praeter le-
ctionis oflicium nullis clericatus gradibus et
laboribus notum, » il le présenta et le lit or-
donner évêque.
Saint Augustin blâme lui-même sa précipi-
tation dans ce dernier choix. Aussi les suites
en lurent funestes et lui causèrent bien du dé-
plaisir. Mais cela est hors de notre sujet. Il
suffit de remarquer que c'est de son séminaire
que saint Augustin tirait les évêques; et si ce
lecteur n'était pas digne d'une si éminente
dignité, le prêtre témoigna assez combien il
en rtait digne par sa fermeté à la refus r.
XVII. Ajoutons ici un mot sur la conformité
de ce séminaire de saint Augustin avec les
chanoines réguliers qui portent le nom. mais
qui fonl encore plus de gloire d'imiter les
vertus de ce saint l'ère.
La ressemblance en est fort grande : de pari
et d'autre ce ne sont que des clercs et des ec-
clésiastiques liés par les trois vœux et vivant
en commun ; au reste, appliqués à toutes les
fonctions propres au clergé. Maison ne peut
nii'i qu'il n\ ait aussi quelque différence entre
eo deux sociétés. Les ecclésiastiques de saint
Augustin n'avaient rien en leur babils qui le
distinguât des autres ecclésiastiques, si ce
n'est la singularité de leur modestie. On ne
servait à leur table que des légumes ; et si on y
voyait quelquefois de la viande, ce n'était que
pour les botes ou pour les infirmes.
On y servait du vin ; et en cela ils étaient
différents des moines à qui l'usage du vin et
de la viande était entièrement inconnu (Pos-
sidius, c. xxn). Il faut encore ajouter à, cela
que le clergé de saint Augustin n'était autre
que le clergé propre de l'église cathédrale vi-
vant en communauté avec l'évêque. Ils ne
vouaient la continence qu'en recevant un
ordre sacré : ils ne promettaient l'obéissance
qu'a leur évêque, qui était leur supérieur
unique et immédiat, et ils la promettaient
aussi dans leur ordination. Ainsi, quant à la
continence et à l'obéissance, ils n'avaient rien
qui ne leur fût commun avec tous les autres
ecclésiastiques. Le seul point qui leur était
propre était la désappropriation etlevoeu qu'ils
en faisaient en consentant à cette condi-
tion, sans laquelle saint Augustin ne les eût
pas ordonnés. Voilà à mon avis les diffé-
rences.
XVIII. J'ai dit qu'ils vouaient la pauvreté
évangélique en recevant l'ordre sacré qui ne
leur était donné qu'avec cette condition. Ce
n'était qu'un vœu implicite et une profession
tacite, semblable à celle par laquelle aujour-
d'hui les sous-diacres s'obligent au célibat par
leur ordination. C'est peut-être ce qui a trompé
ceux qui ont cru que l'on ne faisait point de
vœux dans ce monastère ecclésiastique de saint
Augustin.
Ce saint évêque dit que les clercs qui ont fait
profession de cette perfection particulière :
« Professus est sanctilatem, professus est com-
muniter Vivendi societatem, » ne peuvent s'en
retirer qu'en tombant à demi, car ils ne tom-
bent pas tout à fait, puisqu'ils persévèrent dans
les autres obligations de l'état ecclésiastique :
« Si ah hoc proposito ceciderit, et extra ma-
nens, clericus fuerit, dimidius et ipse cecidit
(De diversis serin. 19, 50). »
De même qu'une vierge qui s'est consacrée
à Dieu peut ne pas s'enfermer dans un monas-
tère ; mais si elle s'y est une fois retirée .elle
n'eu peut sortir sans tomber à demi, quelque
soin qu'elle prenne de sa pureté : « Virgo sacra
etsi nunquam fuit in monasterio, et virgo sacra
est. MU nubere non licet : quamvisesse in mo-
nasterio non coinpellitur. Si autem cœpit esse
SI LES PÈRES GRECS OU IATIXS ONT ÉRIGÉ UCELOUE SÉMINAIIîE.
in monasterio, ot deseruit, et tamen virgo est,
dimidia ruit. »
La profession de stabilité que ces vierges
faisaient, ne consistait qu'a entrer dans le
monastère : Sicœpit esse in monasterio. Après
cela elles n'en pouvaient sortir sans violer
leur profession , quoiqu'elles demeurassent
vierges.
XIX. Cette comparaison de saint Augustin
est tout a fait juste : car ces vierges, après
avoir voué la virginité, vouaient encore la sta-
bilité, et la vie commune avec la pauvreté dans
un monastère, en y entrant : de même que les
clercs, après avoir voué de s'acquitter de toutes
les obligations des ordres qu'ils avaient reçus,
faisaient encore profession de pauvreté , de
vivre en commun, et de persévérer dans le
séminaire, en y entrant.
Ce sont ces filles religieuses à qui saint Au-
gustin adressa sa règle, comprise dans une de
ses lettres, semblable à la vie des clercs du
séminaire , mais proportionnée a elles. Car
outre le vœu de chasteté, « Ut non solum car-
nales nuptias contemneretis , » elles s'obli-
geaient a la vie commune, « Eliam eligerelis
in domo societatem unanimi habitandi, » et à
n'avoir rien en propre : « Non dieatis aliquid
proprium, sed sint vobis omnia communia
Epist. cixi. »
Pour cela elles donnaient au monastère ce
qu'elles avaient possédé dans le monde : ce
que les clercs faisaient aussi le plus souvent,
comme nous dirons ailleurs : « Quae aliquid
babebant in sœculo, quando ingressae sunt
monasterium, libenter velint illud esse com-
mune. »
Enfin, ces saintes vierges ne portaient que
les habits communs, sans se distinguer des au-
tres filles : « Non sit notabilis habitus vester,
nec aiïectetis vestibus placere. sed moribus. »
Il n'en était pas de même de toutes les au-
tres religieuses de ce temps-là; mais saint
Augustin régla celles-ci avec le même esprit
et le même tempérament qu'il avait fait paraître
dans la discipline de son séminaire.
CHAPITRE QUATRIEME.
SI LES AUTRES PEHES GRECS OU LATINS ONT ERIGE QUELQUE SEMINAIRE, OU QUELQUE
CONGRÉGATION DE CLERCS.
I. Eusèbe, évèque de Verceil, composa tout son clergé Je
moines, commit à des moines toutes les fonctions clérical s.
mais il n'érigea point de communauté de clercs.
II. Preuves de cela.
III. Autres preuves.
IV. Il en est île même de saint Basile.
V. Et de saint Epiphane.
VI. Et de saint Athanase.
VII. Autres preuves tirées de saint Jérôme.
VIII. Nouvelles preuves que saint Augustin ne fut jamais
moine.
1\. Des communautés purement ecclésiastiques, on l'on ne
renonçait point aux biens patrimoniaux.
I. Celui qui pourrait disputera saint Augus-
tin avec plus d'apparence la gloire d'avoir allié
la vie cléricale avec la réforme des monastères,
est le grand et célèbre Eusèbe, évèque de Ver-
ceil.
Néanmoins, si nous examinons de près ce
que saint Ambroise a écrit sur ce sujet, nous
reconnaîtrons que cet illustre confesseur ne
s'étudia nullement a garder ce tempérament
et cette médiocrité oii s'arrêta depuis saint
Augustin ; mais il passa outre, et ne se con-
tentant pas de donner à son clergé quelque
teinture, et comme une image des vertus des
solitaires, il leur en fit prendre l'habit, la pro-
fession et l'état, les chargeant en même temps
des fonctions sacerdotales.
Ainsi il faut dire que saint Augustin laissa
son clergé dans l'état ecclésiastique, et n'ajouta
à la vie et à la piété cléricale que la vie en
commun et la désappropriation ; au lieu qu'Eu-
478
DES CONGREGATIONS. — CHAPITRE QUATRIÈME.
sèbe de Verceil établit l'état et la profession mo-
nastiques dans son Eglise. L'un apprit à ses ec-
clésiastiques à imiter quelque chose des vertus
monastiques, dont les laïques se rendaient aussi
fort souvent les imitateurs; l'autre leur lit en-
tièrement embrasser la profession monastique,
sans renoncer aux fonctions du clergé.
II. Ecoutons saint Ambroise : « In Ecclesia
Vercelensi duo pariter exigi videntur ab epi-
scopo, monasterii continenlia, et disciplina
Ecclesia'. Ikec enim primus in occidentis par-
tibus diversa inter se, Eusebius sanctaj mémo-
rial conjunxit, ut et in civitate positus instituta
monachorum teneret, et Ecclesiam regeretje-
junii sobrietate Epist. i.xxxu . »
Voilà manifestement la profession monas-
tique, instituta Monachorum, dans le clergé
de Verceil.
Il dit plus bas : «Haec duo in attentione Chri-
stianorum devotione prastanliora esse quis
ambigat, clericorum officia et instituta mona-
chorum. »
Il n'oublie pas l'abstinence, les jeûnes, le
travail, la prière continuelle des moines; il as-
sure que c'est dans ces saints et pénibles exer-
cices de la vie monastique que saint Eusèbe
acquit cette force et cette patience infatigables
qui le rendirent victorieux de ses persécuteurs.
« Eusebius prior levavit vexillum confessionis.
Ila'c patientia in sancto Eusebio monasterii
coaluit usu,et durions observationis eonsuetu-
diue, bausit laborum tolerantiam. »
Ni saint Augustin, ni Possidius n'ont rien dit
de semblable en parlant des clercs du monas-
tère d'Hippone ; ils n'ont parle que de la vie
en communauté, et de la désappropriation.
Quant au reste, leur vie était la même que
celle des autres ecclésiastiques, a.issi bien que
leur babil.
Saint Ambroise parle presque en mêmes ter.
mes dans un autre endroit. « In bac sancta
Ecclesia eosdem monachos instituit, quos cle-
ricos, etc. Ut si videris monasterii lectulos, in-
star orientalis propositi judices (Serm. lxix). »
Ces! évidemment attribuer au chapitre de Ver-
ceil et la profession des moines, et toutes leurs
austérités.
III. Quand saint Ambroise dit en ces deux
endroits que saint Eusèbe imita et introduisit
dans l'Occident ce qu'il avait vu dans l'Orient,
il fait voir clairement qu'il établit des moines
dans son chapitre. Les monastères avaient
commencé, et s'étaient admirablement multi-
pliés dans l'Orient , avant qu'on en vît dans
l'Occident: mais en tout l'Orient il n'y avait
pas une seule église où les ecclésiastiques vé-
cussent en communauté, et fissent voir dans
leur discipline une image de la vie religieuse.
IV. Saint Rasile. a la vérité, parle en quel-
que endroit des chanoines qui vivent en com-
munauté : -:-.; t'.:j; èy jœivoëîu xavovucci*. Mais
c'est des cénobites qu'il parle, c'est-à-dire, des
moines qui vivaient en commun, au lieu que
les autres vivaient seuls et séparés. Et c'est
dans ses constitutions monastiques qu'il en
parle, où il donne des préceptes admirables à
ces deux sortes de moines, qu'il distingue très-
exactement (Cap. xviii, Constit. Monast. Et
epist. lxiii. cccxcn .
Il les appelle chanoines, xavcmxtùt, comme
observateurs fidèles de la règle qui s'appelle ca-
non, xavwv : X7./-Û; r.v wvtàva tw pi«3 ota^putâtrawreç. En-
fin, il le soumet à un supérieur autre que l'évè-
que. râ /.7.0r-vj7 Evt,, ireiOoWvoi, ce qu'il ne ferait pas,
si ('eussent été des ecclésiastiques semblables à
ceux de saint Augustin , vivant en commu-
nauté avec leur évoque.
Saint Rasile, dans sa lettre ccclxxi, dit qu'il
avait bâti à Césarée une fort belle église, joi-
gnant une maison libre pour l'évêque seul, et
des logements plus bas pour les serviteurs de
Dieu, -■:■■■., fe{»MteuTai« toû Becû : c'étaient des moines,
et saint Rasile remarque lui-même que sa mai-
son était séparée de la leur. Lorsqu'il n'était
encore que prêtre et grand-vicaire, il avait
aussi une compagnie de moines dans sa mai-
son.
Y. Saint Epiphane a excellemment repré-
senté la foi et la police de son temps, dans son
traité de l'exposition de la foi catholique. Il dit
qu'on ne conférait le sous-diaconat et les au-
tres ordres supérieurs qu'à ceux qui avaient
conservé la virginité et l'intégrité de leur corps,
jn*pOsvoi< (Cap. xxi); ou au moins à des moines,
[tovôÇouoi (Cap. xxiii); ou enfin à des gens qui
gardassent continence du vivant de leurs fem-
mes ou après leur mort; il dit ensuite qu'il y a
des moines qui font leur séjour dans les villes,
et d'autres qui demeurent dans des monas-
tères et en des lieux écartés.
De ces deux endroits de saint Epiphane,
nous pouvons conclure : 1° Que dans l'Orient
on lirait ordinairement les plus saints d'entre
les religieux pour les élever aux ordres et aux
dignités ecclésiastiques.
2° Que ces moines qui habitaient dans les
SI LES PÈRES GRECS OU LATINS ONT ÉRIGÉ QUELQUE SÉMINAIRE.
'«79
villes étaient vraisemblablement ers laïques
qui vivaient religieusement et en communauté,
dont saint Augustin a rendu un si illustre té-
moignage. Car saint Epiphane les distingue
des moines qui habitaient dans les monastères.
En effet, les monastères n'étaient point encore
communs dans les villes.
3° Que saint Epiphane n'eût pas passé sous
silence les communautés des simples ecclésias-
tiques, s'il y en eût eu de son temps, puisqu'il
n'a rien oublié de ce qui pouvait rehausser la
gloire de l'Eglise, et surtout du clergé.
L'auteur de la vie de saint Epiphane assure
que ce saint prélat vivait, dans son évêché, dans
la compagnie de quatre-vingts moines. 11 se
met lui-même du nombre: « Eramus in epi-
scopatu omnes monachi octoginta (Cap. i.v). »
Si ce récit est véritable, c'était donc une
communauté de moines, dans Lévêché, et peut-
être même dans les fonctions ecclésiastiques ;
c'était un de ces exemples de l'Eglise orientale
(jue saint Eusèbe, évêque de Verceil, aura pu
imiter : mais ce n'était nullement une société
[jurement ecclésiastique.
Sozomène apprend bien, dans le livre vi,
cliap. v2(i, que dans la ville de Rlnnocornre,
après que plusieurs saints religieux en eurent
été évêques, les clercs vécurent aussi en commu-
nauté, ayant une même maison et une même
table, et ne possédant rien qu'en commun, kw,
os ètf-i tgÏ; aÙTo'Ot kXtoixgU gÏ/.t.ci; ts, kou — ûâ-s^a, xxi t'
ï/j.a -ii-%. Mais cet exemple est singulier et peut-
être unique dans l'Orient, comme il paraît par
les saints Pères de ces premiers siècles, et par
les autres historiens qui ne disent rien de sem-
blable.
VI. Saint Atbanase écrivant au moine Dra-
contius, pour l'exhorter à accepter fépiscopat,
lui représente un grand nombre de ceux qui
onteonservé dans cette dignité éminente toutes
les vertus et les austérités même les plus
grandes de la vie religieuse, à laquelle ils
s'étaient dévoués dès leur jeunesse.
« Neque enim tu solus ex monachis es con-
stitutus , neque solus monaslerio pnefuisti.
Nosli Serapionem monachum esse , et quot
monacborum prœfectum ? Neque a te ignora-
tur, quot monacborum pater fuerit Apollonius.
Nosti Agathonem , et Aristonem. Memor es
Ammonii, cum Serapione. Audisti de Cue, de
Paulo, et aliis multis. » Et |)lus bas : « Licebit
tibi in episcopatu esurire, sitire, vinum non
habere, jejunare fréquenter, etc. Novimus et
episcopos jejunantes. non bibentes vinum. etc.»
Enfin, il l'assure que pour faire cette admi-
rable alliance des vertus religieuses avec les
travaux de l'épiscopat, il n'a qu'à se proposer
la vie île saint Paul et des autres apôtres, dont
les évoques sont les successeurs.
Il parait encore, par celte lettre de saint
Atbanase. qu'on arrachait des monastères un
grand nombre de saints évêques, niais qu'il
n'y avait point en Orient de congrégations
ecclésiastiques où les évêques et leur clergé
imitassent de près la vie commune et les autres
points importants de la discipline monastique.
Car, saint Atbanase n'eût pu s'en taire dans
une occasion si propre et si favorable.
VII. Saint Jérôme, qui était parfaitement ins-
truit de l'état de l'une et de l'autre église, fai-
sant à Népotien une peinture achevée d'un
excellent ecclésiastique, n'avance pas un seul
mot de l'obligation, ou de la coutume, ou de la
bienséance de vivre en communauté avec
d'autres clercs. Il lui donne au contraire divers
préceptes qui supposent une vie retirée et par-
ticulière dans sa maison; par exemple, d'avoir
toujours a sa table des pauvres et des passants,
de ne recevoir point de femme dans sa maison,
et autres semblables.
L'épitapbe que saint Jérôme fit du même
Népotien, après sa mort, apprend qu'étant en-
core jeune il avait désiré avec passion d'aller
visiter les monastères de l'Egypte et de la
Mésopotamie; mais que le respect qu'il avait
pour son oncle l'avait retenu, et qu'il avait
trouvé en sa personne la sainteté d'un évêque
rebaussée par les vertueux exercices d'un
moine. « Cumque arderet aut ad .-Egypti mo-
nasteria pergere, aut Mesopolamiae invisere
clioros, vel certe insularum Dalmatiœ solitu-
dines occupare, avunculum pontificem dese-
rere non audebat, etc. In uno atque eodem et
imitabatur monachum, et pontificem venera-
batur. »
Son oncle l'ayant fait prêtre, malgré toute
sa résistance, il exerçait au dehors les fonc-
tions du sacerdoce, et dans l'évêché il prati-
quait toutes les austérités des solitaires : « Re-
licto foris clerico. postquam domum se contu-
lerat, duritiaesetradiderat monacborum, creber
in orationibus , vigilans in precando , etc.
Mensœ avunculi intererat, etc. »
Cela montre qu'il n'y avait encore nulle
compagnie d'ecclésiastiques vivant en com-
mun, et que les monastères mêmes ne faisaient
180
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE QUATRIÈME,
que commencer de paraître dans l'Occident.
VIII. Finissons par quelques preuves qui
lassent connaître avec encore plus de clarté et
plus d'évidence que la congrégation instituée
par saint Augustin a été purement ecclésias-
tique, et que ce saintévêque n'a jamais été en-
gagé dans l'état monastique, ni avant son
ordination, ni après , ni dans le monastère qui
était dans les jardins de l'église, ni dans le
monastère des clercs qui était dans l'évêché
même.
Ce saint et incomparable docteur a fait voir
tous les états de sa vie en distinguant ses livres
selon les divers états où il les avait écrits. Or,
il assure qu'il a écrit les uns avant le baptême,
« Nondum baptizatus, adhuc cateebumenus ; »
les autres après son baptême, « Baptizatus,
adhuc in ltalia, etc. in Africa constitutus,etc.;»
les autres étant prêtre, aApud Hipponem Re-
giuni presbyter; » enfin les autres étant déjà
évèque, « Episcopus (Relract., lib. i et n). »
Il n'aurait pas omis son état de religieux et les
livres qu'il aurait composés durant cette sainte
profession s'il était véritable qu'il L'eût une fois
embrassée.
Possidius confirme cette preuve lorsqu'il dit
que saint Augustin, peu de jours avant sa der-
nière maladie, fit cette censure très-exacte de
tous ses ouvrages, qu'il avait publies lorsqu'il
était ou laïque, ou prêtre, ou évêque. « Recen-
suit libros, quos primo tempore conversionis
sua1 adhuc laicus , sive quos presbyter, sive
quos episcopus dictaverat (Cap. xxvm). » Ainsi
saint Augustin n'était que laïque quand il
reçut les ordres sacrés.
Il dit ensuite que saint Augustin vécut
soixante-seize ans, dont il en avait passé près
de quarante dans la cléricature ou dans l'épis-
copat. « In clericatu, vel episcopalu ferme
quadraginta. »
Enfin , Possidius dit clairement que saint
Augustin était encore laïque quand on l'enleva
de force pour le faire prêtre. « Solebat laicus,
ut nobis dicebat, ah ois tantum Ecclesiis, quae
non habebant episcopus, suam abstinere prœ-
sentiam. »
Saint Augustin, étant encore prêtre, se dis-
tingue des moines et se met au rang des clercs,
disant qu'à peine d'un moine vertueux on en
peut faire un bon ecclésiastique. « Nimis do-
lendum si ad tam ruinosam superhiam mona-
ihos surrigamus , et tam gravi contumelia
clericos dignos putemus, in quorum numéro
sumus; cum aliquando etiam bonus monacbus
\ix bonum clericum faciat (Episl. lxxvij. »
Les moines mêmes reconnaissaient que toute
la famille de saint Augustin était composée de
clercs : « Omnes filios apostolatus tui dominos
nostros clericos, digneris olficio nostro salu-
tare (Epist. cclvii). » C'est le salut d'un moine
à son clergé. Saint Augustin s'est appelé lui-
même confrère, non-seulement des prêtres et
des diacres, en les nommant « compresbyteros,
condiaconos (Epist. xux, txxviu); » mais aussi
des clercs, en leur écrivant « conclericis (Epist.
lxii, ep. lxviii, cxxxviu). » Il n'a jamais écrit
de la même manière aux moines. Enfin, ni
dans le livre De Opéra Mnnachorum, ni dans
aucun autre, saint Augustin ne s'est jamais
mis au nombre des moines, ni aucun Père
ou écrivain ancien ne lui a jamais donné cette
qualité.
Toutes ces choses ne sont ici déduites que
pour rendre plus indubitable la proposition que
nous avons taché d'élablir, que la congrégation
instituée par saint Augustin était purement
ecclésiastique.
IX. Nous n'avons pu apercevoir, dans tout
ce qui a été dit, aucun vestige d'une commu-
nauté d'ecclésiastiques simples, sans vœux,
c'est-à-dire sans le vœu de désappropriation.
Car la chasteté et l'obéissance étaient des enga-
gements inséparables des ordres, au moins des
ordres supérieurs. 11 faut néanmoins avouer
qu'il y en avait aussi de cette sorte.
Julien Pomère en parle clairement lorsqu'il
blâme l'avarice de ceux qui semblaient n'être
entrés dans ces communautés que pour épar-
gner leur patrimoine; « Propter hoc fortassis
in congregatione viventes, ne aliquos pauperes
pascant, ne advenientes suscipiant, aut ne
suum censum expensis quotidianis imminuant
(De vita Contempl., 1. xi. c. 10). »
Il parle encore de ces communautés ecclé-
siastiques simples et sans vœux , quand il
réprime la vanité de ceux qui prenaient occa-
sion de s'élever au-dessus des autres , de ce
qu'ils payaient à la communauté une pension
proportionnée à la nourriture qu'ils en reti-
raient. « Quod si aliquid de fruclibus suis Ec-
clesiœ, velut pro ipsa expensa sua contulerint,
non se proférant inani jaclantia illis , quos
nihil habentes, pascit et vestit Ecclesia, etc.
(Ibidem). »
La lecture de ce même chapitre fait con-
naître que ces communautés étaient composées
DES SÉMINAIRES AUX SIXIÈME ET SEPTIÈME SIÈCLES.
4SI
de trois sortes de personnes: les unes n'avaient
jamais eu de patrimoines; les autres y avaient
renoncé; les derniers conservaient leur patri-
moine et en faisaient part à la communauté.
Ce furent ces sortes de communautés qu'on
fit revivre dans le ixe siècle., comme nous le
ferons voir dans la suite (1).
(1) Il y a eu dans tous les siècles des tentatives efficaces pour
amener, autant que possible, le clergé séculier à vivre en com-
munauté. Dans le xive siècle, Gérard Groot, né à Deventer en Hol-
lande, institua les clercs de la vie commune. Leur but était de pra-
tiquer la vie des apôtres et des premiers chrétiens, qui n'avaient
qu'un cœur et qu'une âme, et n'avaient rien en propre, mettant tout
en commun. Ils ne s'engageaient par aucun vœu. Ils étaient soumis
aux évèques; c'est pourquoi ils ne suivaient pas tous les mêmes
règlements dans les différentes maisons, car les évéques faisaient tels
changemeDts qu'ils jugeaient utiles, selon le besoin des localités.
En 1639, Barthélémy Holxauser, né près d'Augsbourg, fonda les
clercs séculiers vivant en commun, pour renouveler le ministère pas-
toral et le mettre à l'abri des dangers qu'occasionnent l'oisiveté et
l'isolement. Ils s'engageaient à n'avoir plus d'autre volonté que celle
de l'évêque, pour la distribution des emplois, de sorte qu'il pouvait
disposer d'eux selon qu'il le jugeait à propos pour le plus grand bien
des âmes; la table était commune, les exercices de piété se faisaient
en commun, les revenus des bénéfices étaient également mis en com-
mun. La fin de cet institut était de former de bons pasteurs pour les
villes et les campagnes. Pour pouvoir faire le bien d'une manière
stable, ils prêtaient un serment qu'ils appelaient conventionntl, par
lequel ils s'obligeaient à ne point se séparer du corps de leur propre
mouvement. Les revenus, tant casuels que fixes des bénéfices, étaient
ainsi administrés : premièrement, on prélevait ce qui était nécessaire
pour vivre selon que le requiert la bienséance ecclésiastique, pour
faire des charités raisonnables, assister ses père, mère, frères et
sœurs qui seraient dans le besoin; secondement, le surplus devait
être employé pour l'entretien des prêtres vieux et infirmes, de ceux
qui sont mis en pénitence, de ceux qui n'ont pas un bénéfice suffisant
à pouvoir assister leurs parents dans la pauvreté. Cette salutaire ins-
titution'se répandit en Allemagne, en Pologne, en Hongrie, et même
i diocèse d'Espagne, celui de Girone.
En 1855, on a vu revivre, dans le diocèse de Verdun, les clercs
réguliers de Nutre-Sauveur, fondés jadis par le B. Pierre Fourrier.
Mais comme c'est une véritable congrégation religieuse, nous n'avons
rien à en dire ici, puisqu'elle ne concerne en rien le clergé séi
On peut mettre, parmi les clercs séculiers vivant en communauté,
la très-méritante association de Saint-Sulpice, puisqu'elle du ...
paroisse de Paris et plusieurs grands sémioaires. En effet, le pieux
fondateur, M. Olier, en prenant possession, avec ses ecclésiastiques,
de la paroisse de Saint-Sulpice, voulut que toutes les rétributions
qui provenaient du casuel et du bénéfice fussent mises en commun,
et que chaque ecclésiastique se contentât, selon le désir de l'A
d'avoir sa nourriture et de quoi se vêtir. Il ne manquait qu'une chose
à la pieuse association de Saint-Sulpice, si riche en vertus et en
science théologique, c'était de soumettre ses règles à l'examen et à
l'approbation du Saint-Siège. En 1863, Saint-Sulpice a demandé à
Rome, à la grande joie de tous ses admirateurs, l'approbation de ses
règles, et l'a obtenue, en recevant de Pie IX les éloges les plus mé-
rités. (Dr André.!
CHAPITRE CINQUIÈME.
DES SÉMINAIRES Al X SIXIEME ET SEPTIEME SIECLES.
I. Du séminaire épiscopal des jeunes clercs, en Espagne.
II. Conformité de la conduite de ces séminaires avec la vie
religieuse des moines.
III. Description admirable de ce même séminaire et d'un
autre, où l'évêque vivait en communauté avec tous ses prêtres
et ses diacres.
IV. En France, ces deux séminaires étaient réunis en un dans
la maison épiscopale.
V. VI. Exemples tirés de Grégoire de Tours, des séminaires
où les chanoines vivaient en communauté.
Vil. MU. En Angleterre, la vie de communauté fut établie
par Augustin et par un grand nombre d'évèques qui furent ses
imitateurs.
IX. Peinture merveilleuse du séminaire de saint Grégoire le
Grand dans son palais pontifical, composé de clercs et de moi-
nes très-savants et très-vertueux.
X. Ce grand pape était lui-même le supérieur, le directeur
et le théologien de cet incomparable séminaire.
XI. Les évèques d'Afrique avaient leurs séminaires, même
dans leur exil. Celui de saint Fulgence était composé d'évèques,
de clercs et de moines. Le mariage a banni les séminaires du
clergé oriental.
I. Les séminaires et les congrégations ecclé-
siastiques étaient, comme nous venons de voir,
la retraite et l'école des clercs qu'on ordonnait
dès leur première enfance.
Le concile II de Tolède (Can. i), commande
expressément que ces jeunes enfants qui auront
été tonsurés et ordonnés lecteurs, soient élevés
dans un séminaire, en la présence de l'évêque,
sous la conduite d'un sage directeur, et que si,
à l'âge de dix-huit ans, ils prennent une sainte
résolution de consacrer toute leur vie à la con-
tinence, on les éprouve encore deux ans avant
que de les faire sous-diacres.
« De bis quos voluntas parentum a primis
infanti;e annis in clericatus offlcio, vel mona-
cliali posuit. pariter statuimus observandum,
ut mox cura detonsi, vel ministerio lectorum
contraditi fuerint, in domo ecclesiœ sub episco-
pali pTOsentia a pneposilo sibi debeant erudiri.
At ubi octavum decimum a?tatis suae annum
compleverint, si gratia eis castitatis Deo inspi-
Th. — Tome IL
31
482
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE CINQUIÈME.
rante placuerit, hi tanquam appetitores arctis-
siniœ vitee levissimo Domini jugo subdantur ;
ac primo subdiaconatus ministerium, proba-
tione habita professionis suœ a vigesimo anno
suscipiant. »
II. Ce canon fait remarquer les merveilleux
rapports qu'il y avait alors entre la profession
sainte de ces jeunes clercs et celle des moines.
Il dit que les parents consacraient leurs en-
fants à Dieu, en les dévouant dès leurs pre-
mières années à la cléricature ou au cloître.
Que les jeunes clercs étaient nourris dans un
séminaire comme dans un cloître. Que s'ils
embrassaient la continence à l'âge de dix-huit
ans, on éprouvait encore durant deux ans la
fermeté de cette résolution sainte. Enfin, qu'a-
près cela ils devaient se considérer comme des
personnes engagées à mener une vie austère,
à marcher par le chemin étroit des vertus
évangéliques , et à porter le joug du Seigneur,
que la seule charité rend doux et léger. «Tan-
quam appetitores arctissimae vilœ levissimo
Domini jugo subduntur. »
III. Le concile IV de Tolède (Can. xxi, xxu,
xxiii), fait voir comment un double séminaire,
l'un dans la maison épiscopale même, où l'évê-
que, accompagné de ses prêtres et de ses dia-
cres, répand sur eux et avec eux, sur tout son
diocèse , une odeur de vertu et de piété qui
ferme la bouche à la plus noire médisance.
L'autre dans une autre maison près de l'église,
où tous les jeunes clercs vivent sous la direc-
tion d'un saint vieillard qui ne les perd jamais
de vue, et qui ne veille pas seulement sur leur
personne et sur leur vie , mais aussi sur les
affaires temporelles, s'il en est besoin. Enfin,
s'il y a des prêtres ou des diacres à qui leur
infirmité ou leur grand âge ne permette pas
de vivre en communauté avec l'évêque , ce
concile leur permet de vivre en particulier,
pourvu qu'ils soient accompagnés et éclairés
de quelque autre ecclésiastique qui puisse être,
ou le témoin de leurs vertus, ou le censeur de
leurs vices.
a Ut excludatur deinceps omnis nefand;r-
suspicionis occasio, et ne detur ultra saecula-
ribus locus obtrectandi, oportetepiscopostesti-
moniuin probabilium personarum conversa-
sionis et vitœ in conclavi suo habere, ut et Deo
placeant per conversationem bonam , et eccle-
siœ per optimam famam. Similiter plaçait, ut
quemadmodum antistites , ita presbyteri atque
levitœ quos forte infirmitas aut oetatis gravitas
in conclavi episcopi manere non sinit , ut et
iidem in cellulis suis testes vita? habeant, vi-
tamque suam sicut nomine , ita et meritis
teneant. »
Entre les prêtres et les diacres, il n'y avait
donc que ceux que leur vieillesse ou leur infir-
mité excusait qui pussent se dispenser de de-
meurer et de vivre en communauté avec leur
évèque, « quos forte infirmitas, aut aetatis gra-
vitas, in conclavi episcopi manere non sinit. »
Encore étaient-ils eux-mêmes obligés de se faire
un petit séminaire dans leur propre maison, et
d'y vivre en commun avec un ou plusieurs
ecclésiastiques.
Quant au séminaire des moindres clercs voici
ce que le même concile en ordonne. « Prona
est omnis œtas ab adolescentia in malum. Ob
hoc constituendum oportuit, ut si qui in clero
pubères, aut adolescentes existunt, omnes in
uno conclavi atrii commorentur, ut lubricœ
aetatis annos non in luxuria, sed in disciplinis
ecclesiasticis agant, deputati probatissimo se-
niori , quem et magistrum disciplina?, et tc-
stem vitœ habeant. Quod si qui ex lus pupilli
existunt, sacerdotalitutela faveantur, ut et vita
eorum a criminibus inlacta sit, et res ab inju-
ria improborum. »
Si entre ces jeunes clercs il y en avait d'in-
dociles, on ne les renvoyait pas, pour ne pas
les exposer au torrent de l'iniquité du siècle,
ou même à devenir des apostats de la profes-
sion cléricale , mais on les domptait en les
enfermant dans des monastères. « Qui autem
his prœceptis resultaverint, monasteriis depu-
tentur, ut vagantes animi et superbi severiori
régula distringantur. »
IV. L'Eglise de France n'était pas moins
zélée pour la régularité de ses séminaires,
mais je ne sais s'il y en avait de deux sortes,
comme nous venons de voir qu'il y en avait en
Espagne.
Le concile II de Tours (Can xn), rassemble
les prêtres, les diacres et les plus jeunes clercs
dans la maison de l'évêque, comme une troupe
d'anges qui doivent le garder, et qui ne doi-
vent pas souffrir qu'il y demeure aucune
femme, afin que cette compagnie toute céleste
d'ecclésiastiques ne rencontre rien qui puisse
le moins du inonde souiller sa pureté.
« Licet episcopus Deo propitio clericorum
suorum testimonio castus vivat, quia cum illo
tain in cella, quam ubicumque fuerit, sui
habitent; eumque presbyteri, et diaconi vel
DES SEMINAIRES AUX SIXIÈME ET SEPTIEME SIÈCLES.
183
deinceps clericorum turba junioruni Deo au-
tore conservent : sic tamen propter zelotem
Deum nostrum tain longe absint episcopus et
conjux, mansionis propinquitate divisi, ut nec
hi qui ad spem recuperandam clericorum ser-
vante nutriuntur, famularum propinqua con-
tagione pollùantur. »
Je cloute si ces paroles, « Hi qui ad spem
recuperandam clericorum servitute nutriun-
tur, » se doivent entendre des clercs mêmes qui
sont dans un séminaire, comme une seconde
pépinière de ces divines plantes qui doivent
un jour peupler et enrichir tout le champ de
l'Eglise : ou des esclaves qui les servaient, et
qui en même temps étaient si saintement ins-
truits, qu'on en faisait souvent de très-bons
ecclésiastiques.
Quoi qu'il en soit, ce concile (Can. xiu) veut
que l'évêque ne soit servi el gardé que par ses
ecclésiastiques, auxquels il donne le pouvoir de
bannir toutes sortes de femmes de la maison
épiscopale, qui est aussi la leur, a Habeant mi-
nistri Ecclesia?, ulique clerici, qui episcopo
serviunt, et eum custodire debent, licentiam
extraneas mulieres de fréquent ia cohabitationis
ejicere. »
V. Néanmoins ce canon ne dit pas aussi for-
mellement que celui de Tolède que tous les ec-
clésiastiques sont obligés de se joindre au sémi-
naire de l'évêque. Je ne sais même si l'on peut
rapporter à cela ce qu'a écrit Grégoire de
Tours, de l'un de ses prédécesseurs, nommé
Baudin, entre lequel et lui il n'y a eu que Con-
thaire et Euphronius qui aient occupé ce siège.
« Hic instituit mensam canonicorum. »
Il y a beaucoup d'apparence que ce fut la vie
commune que ce bon évèque institua entre ses
ecclésiastiques, car il les faut tous comprendre
sous ce nom de chanoines (Hist. 1. x). .Nous
serons peut-être persuadés de ces deux propo-
sitions, que tous les ecclésiastiques d'un évè-
que étaient appelés chanoines, et qu'a Tours,
aussi bien qu'ailleurs, ils vivaient en commu-
nauté, si nous faisons réflexion sur ce que le
même Grégoire de Tours dit dans un autre en-
droit du saint abbé Patrocle, qu'ayant reçu la
tonsure de l'évêque de Bourges Arcadius , et
quelque temps après le diaconat, il s'adonna à
une si étroite abstinence, qu'il ne se trouvait
'jamais au réfectoire avec les autres clercs; ce
dont l'archidiacre lui fit une sévère réprimande
lui remontrant que la singularité était toujours
vicieuse dans les communautés (Vitœ Patrum;.
Il est vrai que ce saint ne se rendit pas à ces
remontrances, mais c'est parce qu'il aspirait
et s'exerçait déjà pour la vie des solitaires.
« Ita vacabat jejuniis, ut nec ad convivium
mensa? canonicœ cum reliquis accederet cleri-
cis. Quod audiens archidiaconus , frendens
contra eum, ait : aut cum reliquis fratribus
cibum sume, aut certe discede a nobis. Non
enim rectum videtur, ut dissimules cum his
habere victum, cum quibus ecclesiasticum
implêre putaris ofticium. »
VI. Il y avait donc et en Espagne et en France
des séminaires et des communautés, où tout le
clergé d'une ville vivait avec l'évêque dans une
même maison, mangeait dans le même réfec-
toire, et apparemment, parce que c'est une
suite comme nécessaire , possédait tout en
commun, sans qu'aucun de ces bénéficiers reçût
aucun revenu ecclésiastique, ou aucune distri-
bution en particulier.
En effet, cette table des chanoines, « Mensa
canonica, mensa canonicorum, » dont Grégoire
de Tours vient de parler, n'était entretenue
que des revenus de l'Eglise, et tous les ecclé-
siastiques étant obligés d'y prendre leur réfec-
tion, comme l'archidiacre de Bourges vient de
nous assurer, pourquoi leur eùt-on encore
donné une portion des revenus de l'Eglise,
dont tout le superflu, après l'entretien des
clercs et des églises, est dû aux pauvres ?
VII. Si ce raisonnement ne paraît pas con-
vaincant, on sera peut-être persuadé par
l'exemple de l'Eglise anglicane, lorsqu'Augus-
tin, envoyé parle grand saint Grégoire, lui vint
donner une seconde naissance.
Ce grand pape prescrivant à Augustin les
divines règles sur lesquelles il devait former
cette nouvelle Eglise, lui ordonna de ne pas
faire quatre parts des revenus et des offrandes
de l'Eglise, comme on faisait ailleurs, mais d'y
vivre en communauté avec tous les ecclésias-
tiques que leur ordre ou leur piété avait en-
gagés à la continence, selon sa première prati-
que dans le monastère où il avait été élevé, et
selon la pratique sainte de l'Eglise naissante.
Quant aux autres clercs d'entre les mineurs
qui ne voudront pas se lier à une perpétuelle
continence, il leur donnera leurs distributions,
les laissera marier, et ne laissera pas après cela
de veiller sur eux pour les faire vivre sainte-
ment, dans l'observation des règles ecclésias-
tiques, dans le chant des psaumes, et dans la
fuite de tous les dérèglements du siècle.
484
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE CINQUIÈME.
« Mos Sedis Apostolicae est, ordinatis episco-
pis praecepta tradere, utinomnistipendioquod
acccdit, quatuor debeant fieri portiones, etc.
Sud quia fraternitas tua monasteriireguliseru-
dita, seorsum fieri non débet a clerieis suis in
Ecclesia Anglorum banc débet conversationem
instituere, quae initio nascentis Ecclesia? fuit
Patribus nostris, in quibus nullus eorum, ex
bis qui possidebant, aliquid suiim esse dicebat,
sed erant eis omnia communia. Si qui vero
sunt clerici extra sacros ordines constituti, qui
se continere non possunt, sortiri uxores debcnt,
et stipendia sua exterius accipere. Quia ei de
iisdem Patribus novimus scriptum, quod divi-
debatur singulis, prout cuique erat opus : de
eorum quoque stipendio cogitandum atque
providendum est, et sub ecclesiastica régula
sunt teuendi, ut bonis moribus vivant, et ca-
nendis psalmis invigilent, et ab omnibus illi-
citis et cor, et linguam, et corpus Deo autore
conservent. Commuai autem vita viventibus
jam de fuciendis portionibus, vel exbibeuda
bospitalitate, et adimplenda misericordia, nobis
quid eritloquendum, cumomnequod superest,
in causis piis ac religiosis erogandum est,
Domino docente, quod superest, date eleemo-
synam [Beda, 1. i, c. -27). »
VIII. Apres cela on ne pourra plus douter
que rétablissement de la vie commune entre
les eccli siastiques n'exclue le partage des biens
de l'Eglise, et ne les conserve tous dans la
communauté. On ne doutera pas non plus que
l'Eglise anglicane ne suivit ce modèle de la
perfection évangélique des clercs dans son ré-
tablissement par l'admirable et religieux Au-
gustin, qui répandit sur son clergé les plus
purs rayons des vertus monastiques.
uni peu! douter que le célèbre Tbéodore ne
soutînt une discipline si sainte, lui qui avait
sucé lit lait de la piété et de la vie régulière
dans les monastères d'Orient, et que le pape
Vitalien chargea île l'archevêché de Cantorbéry,
d'où il gouverna si saintement toute l'Eglise
d'Angleterre? Ce fut lui qui porta sur le trône
épiscopal le célèbre Céadda, dont le même
Bède témoigne qu'il avait toujours avec lui un
séminaire de sainls ecclésiastiques: «Fecerat
sibi mansionem, non longe ab Ecclesia, in
qua secretius cum paucis, id est, septem sive
octo fratribus, quoties a labore et ministerio
verbi vacabat, orare ac légère solebat(L. 4,
c. vin, m). »
Céadda avait aussi été tiré d'un monastère,
aussi bien que l'admirable Aidan, qui avait
établi la demeure de l'évèque et de tout son
clergé dans le plus fameux des monastères
d'Angleterre, avec l'abbé et les moines, sur
lesquels aussi l'évèque avait une douce et aima-
ble surintendance. « Si quidem a temporibus
antiquis in insulaLindis farnensiumepiscopus
cum clcro et abbas solebat manere cum mo-
nachis, qui tamen et ipsi ad curam episcopi
familiariler pertinerent. Quia nimirum Aidan.
qui primus ejus loci episcopus luit, cum mo-
nachis illuc et ipse monachus adveniens, mo-
nacbicam in eo conversationem inslituit, quo-
modo et prius beatus pater Augustinus in
Cantia fecisse noscilur, scribentcei révérend is-
simo papa Cregorio, quod et supra posuimus
(■L. iv, c. i.xxxvu). »
Bède dit ailleurs: « Una eademque babitatio
utros(|iie simul tenet , etc. Omnes loci ipsius
antistites usque bodie sic episcopale exercent
offlcium, nt régente monasterium abbate, om-
nes presbyteri, diaconi , cantores, lectores ,
cœlerique gradus ecclesiastici . monacbicam
per omnia cum ipso episcopo regulam servent
(Beda, in vita sancti Cutberti, c. xxi). »
IX. Quant à l'Italie, dont le pape ordonnait
plus communément les évoques, il est fort
probable que les séminaires et les congréga-
tions ecclésiastiques y étaient plus rares, puis-
que saint Grégoire vient de nous assurer que
les papes, cuire les règlements qu'ils prescri-
vaient aux évêques en les ordonnant, leur ap-
prenaient à partager en quatre portions les
revenus de leurs églises, et que ce partage pré-
suppose que les clercs ne vivaient pas en com-
munauté ni entre eux, ni avec leurs évêques.
Il est vrai que le saint évêque de Verceil
Eusèbe avait fait une sainte alliance entre la
vie monastique et la profession cléricale : mais
ce qui a été ci-devant rapporté du pape Céles-
tin, fait bien voir que les papes n'avaient pas
extrêmement favorisé ce mélange de ces deux
professions saintes, mais différentes.
Saint Grégoire, qui signala les commence-
ments de sa conversion par la fondation de six
monastères en Sicile , et d'un septième à Rome
où il se consacra lui-même à Dieu , ne se con-
tenta pas, lorsqu'il fut monté sur le trône apos-
tolique, de faire celte sainte union de la vie
cléricale avec la régulière dans l'Angleterre.
Il la fit, et la fit éclater sur le plus grand théâ-
tre du monde, en vivant lui-même dans son
palais à Rome, comme dans un monastère avec
DES SÉMINAIRES AUX SIXIÈME ET SEPTIÈME SIÈCLES.
i,s:>
une compagnie de clercs, et une troupe de
saints moines, dont l'agréable contusion eût
été capable, si elle eût trouve assez d'imitateurs,
de remettre l'ordre et la discipline dans toutes
les églises du monde.
Jean Diane assure que ce saint pape écarta
tous les laïques de son palais, et n'y admit que
des clercs et des religieux: o Caeterum pru-
dentissimus rector Gregorius remotis a suo
cubicùlo ssecularibus , clericos sibi prudentis-
simos consiliarios familiaresque delegit, inter
quos IVtruin, etc. Mouachorum vero sarictissi-
mos sibi familiares elegit, inter quos, etc. L. u,
c. 11).»
Il nomme quelques-uns de ces illustres
clercs, qui composaient la sainte famille de ce
saint pape : Pierre, diacre, qu'il fait disputer
avec lui dans ses dialogues; Emilien, notaire,
qui recueillit sous lui les quarante homélies
sur les Evangiles; l'atérius, notaire, qui a fait
ces excellents recueils de ses ouvrages; Jean,
défenseur, qui alla en Espagne rétablir l'cvè-
que de Malaga injustement dépose . et con-
damner justement àla même peine les évêqu< s
qui avaient été les auteurs de cette injuste dé-
position; le moine Marinien, qui fut depuis
évêque de Syracuse et vicaire du Siège aposto-
lique en Sicile; Augustin et Mellitus, quifurent
les apôtres d'Angleterre, Claude, abbé du mo-
nastère de Classe, qui composa tant d'ouvrages
sur les recueils qu'il axait faits desdiscours de
ce pape, quoiqu'il s'écartât quelquefois de la
justesse de ses sentiments. « Qui de Proverbiis,
de Canlicis canticorum, de Prophetis, de Libiis
Regum, deque Heptateucho, papa disputante,
multa licet, non eodem sensu composuit. »
X. Voila le plus florissant séminaire etla plus
excellente école de la science ecclésiastique et
des vertus religieuses qui fut jamais. Ce saint
pape en était et le supérieur, et le théologien,
et le directeur; il sanctifiait son palais parla
pureté des vertus claustrales, il n'omettait
rien dans l'Eglise des fonctions ecclésiastiques ;
les [dus saints religieux et les plus savants ec-
clésiastiques lui étaient attaches, comme à leur
père et à leur maître commun , et vivant en
communauté avec lui , ils faisaient revivre à
Rome le siècle d'or de l'Eglise naissante à Jéru-
salem sous les apôtres , et à Alexandrie sous
l'évangéliste Mare.
« Cum quibus Gregorius die noctuque ver-
satus . nihil monasticœ perfectionis in palatio,
nihil ponfificalis institutionis inEcclesiadereli-
quit.Videbanturpassim cumeruditissimiscleii-
cisadhserere pontifia religiosissimi monachi ; et
in diversis professionibus habebatur vita com-
niunis: ita ut talis essel tune sub Gregbrio pê-
nes urbein liomanain ecclesia, qualein banc
fuisse sub Apostolis Lucas, el sub .Marco evan-
gelista pênes Alexandriam Philo commémorât
(Ibid., c. 12). »
XI. Cette réunion de la profession religieuse
avec la vie cléricale ne Hérissait pas moins dans
li s séminaires d'Afrique, où le grand et incom-
parable saint Augustin avait autrefois donne
commencement à tant de congrégations ecclé-
siastiques, dont son séminaire d'Hippone avait
été comme la pépinière.
La cruelle persécution des Vandales n'avait
pu empêcher que les évêques d'Afrique ne
fissent d'abord ou des séminaires, ou des mo-
nastères, dans le lieu même de leur exil, et au
milieu des plus affreuses solitudes. C'est ce
que Ferrand Diacre raconte de l'évêqne Fauste
dans la vie de saint Fulgence : « In eodem
proinde Ioco, ubi relegatus tenebatur, mona-
sterium sibi construxerat. in quo spiritualiter
vivens apud omnes Christianos honorabilis
habebatur (Vita Fulgent. c. iv). »
Saint Fulgence lut son disciple, et ensuite
son imitateur, surtout après avoir été fortifié
de l'exemple, tant du saint évoque de Syracuse
Eulalius, « Qui virtute discretionis super omnia
decoratus, inonachorum professionem singula-
riter diligebat, babens etiam ipse monasterium
proprium, cui semper adheerebat, quoties ab
ecelesiasticis actibus vacabat, » que de l'évêque
Rufinien d'Afrique, qu'il trouva aussi exilé en
Sicile, et vivant comme un religieux dans la
solitude, « Vitam monachi Iaudabiliter gerens
Cap. xil. XIIl). »
Aussi saint Fulgence, après sa promotion à
l'épiscopat, conserva toutes les saintes pratiques
du cloître, et se bâtit aussitôt un monastère :
« Nec ita factus est episcopus, ut esse desisteret
monachus : sed accepta ponlificis dignitate,
professionis praeteritae servavit integritatem ;
servata vero professionis integritas plus ornavit
pontificis dignitalem. In nullo loco visus est
sine monachis habitare. Propterquodacrvibus
Ruspènsibus hoc primum beneficium ordina-
tus episcopus postulavit, ut fabricando mona-
sterio locum congruum darent (Cap. xvm, xix,
xx). »
La vertu de saint Fulgence était trop écla-
tante pour n'être pas persécutée. Son double
■tSti
DIS CONCKÉGATIONS. — CHAPITRE SIXIEME.
séminaire de clercs et de moines l'accompagna
dans son exil : « Comitantibus ergo monachis
simul et clericis, magister egregius utriusque
professionis extitit, etc. » Dans le lieu propre
de son exil il se fil un séminaire d'évèques, de
clercs et de moines, les attirant tous à la
vie commune, à la lecture et à l'oraison en
commun.
o Inter ipsa sane primordia gloriosi exilii,
monasteriumcongregare, paucos secum ducens
monaehos minime potuit ; sine fraterna tamen
congregatione viverenesciens, coepiscopos suos
illuslrem et januarium habitare secum per-
suasif volontés. Quibus unico serviens chari-
tatis affectu, similitudinem magni cujusdam
monasterii, monachis et clericis adunatis sa-
pienter effecit. Erat quippe eis communis
mensa, commune cellarium, communis oratio,
simul et lectio. »
Voilà un exemple d'un séminaire commun
aux évêques, aux clercs et aux moines même
de plusieurs évèchés. Il suffit de dire que les
clercs supérieurs mêmes étaient ordinairement
mariés dans l'Eglise orientale, pour faire com-
prendre que les séminaires de clercs en étaient
bannis. Mais si les évêques grecs imitaient
saint Fulgence, et s'ils faisaient comme lui une
partie de leur séjour dans leurs monastères, ils
en étaient d'autant plus dignes d'admira-
tion.
Ce saint prélat, après son retour dans son
évècbé , continua de demeurer parmi ses
moines, mais en sorte que sa présence ne
diminuait en rien l'autorité et les fonctions de
l'abbé. « Postquam catbedram scdit , adhuc
inler monaehos habitare desideravit. » (1).
(1) Ce qui est dit ici du célibat dans l'Occident, si favorable à
l'augmentation du sacerdoce, nous engage à compléter une note pré-
cédente, relative à la grave question du célibat portée devant les tri-
bunaux civils. Nous terminions eD disant qu'il se manifestait une
tendance qui était de nature à inquiéter les catholiques, et nous en
donnions pour preuve que le tribunal de Périgueux avait porté un
arrêt de partage, c'est-à-dire qu'il fallait revenir sur la question en
s'adjoignant un membre de la magistrature. Les craintes que nous
exprimions se sont réalisées; le tribunal a rendu un arrêt qui auto-
rise le prêtre Brou de Laurière à contracter mariage. Cet arrêt a
porté ses fruits. Le 22 juillet 1864, le tribunal civil d'Angouléme était
réuni pour décider si l'abbé Chatagnon, prêtre interdit, pouvait con-
traindre l'officier de l'état-civil à célébrer son mariage, n Plusieurs tri-
o banaux de première instance, disait l'avocat, ont décidé en faveur
a de la liberté du mariage des prêtres dégagés des devoirs et des
a obligations de leur ministère. Ils leur ont reconnu les droits de
o tous les citoyens, et récemment encore un tribunal voisin, appaite-
o nant également au ressort de la cour impériale de Bordeaux, a
o proclamé le même principe, n Tandis que nous rédigeons cette
note supplémentaire, nous apprenons que le tribunal d'Angouléme a
heureusement rendu un arrêt qui rejette la demande du piètre susdit.
Mais hélas! il n'en est pas moins vrai que d'autres tribunaux ont
légalement ouvert la voie qui peut mener... Dieu sait où.
(Dr André.)
CHAPITRE SIXIEME.
DES SEMINAIRES SOUS L EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. Des séminaires des clercs dans les monastères.
II. Des séminaires dans les maisons épiscopales.
III. Des séminaires dans la maison des curés.
IV. Utilité admirable du séminaire de la maison ou de la ville
épiscopale, pour y appeler lous les curés de la campagne par
bandes, les uns après les autres, pour y être instruits et embra-
sés d'une ardeur nouvelle.
V. llèglements pour les séminaires des jeunes gens dans les
monastères.
VI. Tous ces séminaires étaient les mêmes que les écoles.
VII. Les plus nombreux étaient ceux des monastères.
VIII. Et le nombre des enfants de la première qualité y était
fort grand.
1. Il y avait deux sortes de séminaires ,
comme l'on a pu reconnaître par ce qui a été
dit ci-dessus. Les uns étaient dans les monas-
tères, les autres dans les évêchés.
Hincmar dit qu'il fut nourri dès sa plus
tendre enfance dans un monastère , avec l'ha-
bit des chanoines, c'est-à-dire des clercs; qu'il
en fut tiré pour entrer dans le palais de
l'empereur Louis ; mais qu'enfin s'étant résolu
de renoncer à toutes les vaines espérances du
siècle , il entra dans le monastère de Saint-
Denis , qui avait embrassé depuis peu la
réforme ; cet auteur nous montre évidemment
par là qu'il y avait dans les monastères des
séminaires d'ecclésiastiques.
« Qui in monasterio, ubiab ipsis rudimentis
infantile sub canonico habitu edueatus, inde-
que eductus, in palatio Donini Ludovici impe-
DES SÉMINAIRES SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAONE.
487
ratons non modico tempore mansi. Conversis
autem ad regularem vitam et hahitum fratri-
bus in monasterio Sancti Dionysii, ubi nutritus
fueram , in illud , sœculum fugiens , sine spe,
vel appetitu episcopatus, aut alicujus prœla-
tionis , iliutius degui (Hincmar., tom. n,
pag. 304). »
Il parait clairement que les jeunes enfants
étaient nourris dans les monastères, avec l'ha-
bit ecclésiastique, comme dans des séminaires,
pour se former à la vie cléricale, ou à la pro-
fession monastique.
II. Quant aux autres séminaires qui étaient
dans la maison même de l'évêque, on ne peut
pas les représenter en termes plus formels que
le concile III de Tours (Anno 813, can. xu) ,
lorsqu'il ordonne que ceux qu'on destine à la
prêtrise passeront auparavant un temps consi-
dérable dans le palais épiscopal pour y être
instruits des devoirs du divin sacerdoce, et pour
être éclairés et examinés de plus près et plus à
loisir, avant que d'être élevés au comble d'une
si haute et si sainte dignité.
« Sed priusquam ad consecrationem pre-
sbyteratusaccedat, maneatinepiscopio,discendi
gratia officium suum tandiu. ilonec possint et
mores et actus ejus animadverti : et tune si
dignus fuerit, ad sacerdotium promoveatur. »
III. Les premiers de ces séminaires étaient
pour les jeunes enfants, dans lesquels on ébau-
chait les premiers traits de la piété chrétienne
et de la vie cléricale ; les seconds étaient poul-
ies clercs plus avancés en âge, et qui avaient
déjà fait quelque progrès dans la vertu; aux-
quels par conséquent on préparait des dignités
et des charges plus hautes dans l'Eglise. On
peut encore mettre dans le premier rang les
séminaires des jeunes clercs, que les curés de
la campagne formaient dans leur maison, et
dont ils se servaient dans le service divin de
leur paroisse.
Théodulplie, évêque d'Orléans, ordonne à
ses curés d'amener avec eux au synode deux
ou trois de leurs clercs : « Necnon duos, aut
très clericos, cuni quibus missarum solemnia
celebratis, vobiscum adducite, ut probetur,
quam diligenter, quam studio se Dei servitium
peragalis (Capitul. Theodulph., c. iv).»
C'était donc tout ce qui regardait le service
divin dont ces jeunes clercs devaient être ins-
truits dans la maison des curés de la campagne.
IV. Voici une autre utilité des séminaires que
les évèques entretenaient dans leur palais ou
au moins dans leur ville épiscopale. Tous les
curés de la campagne y étaient appelés par
tour et par bandes, les uns après les autres.
afin de laisser toujours dans les paroisses au-
tant de ministres qu'il en était besoin pour
l'administration des sacrements et pour la cé-
lébration des divins offices. L'évêque, ou par
lui-même, ou par l'organe des personnes sa-
vantes, enseignait à ces curés, assemblés au-
près de lui, toutes les vérités et toutes les
pratiques les plus essentielles et les plus im-
portantes, pour s'acquitter saintement de leur
divin ministère, par de fréquentes conférences
touchant les saintes lettres, les canons, les of-
fices divins , la pratique des sacrements, leurs
prédications, leur vie et leurs mœurs.
C'est ce qui fut ordonné dans lescapitulaires
de Charlemagne : « Statutum est, ut omnes
presbyteri paroebiœ ad civitatem per turmas
et per hebdomadas ab episcopo sibi constitutas
conveniant discendi gratia : ut aliqua pars in
parochiis presbyterorum remaneat, ne populi
et Ecclesia3 Dei absque ofûcio sint; et aliqua
utilia in civitate discant, ut meliores ad paro-
chias demum et sapientiores atque populis uti-
liores absoluli revertantur. Et ibi ab episcopo,
id est in civitate, sive a suis bene doctis mini-
stris bono animo instruanturdesacrislectioni-
bus , et divinis cultibus, et sanctis canonibus,
quœ prœdicare et facere debent, etc. (L. vi.
c. 163). »
Ainsi ces séminaires de la maison ou de la
cité épiscopale servaient à former les prêtres
et les curés, avant qu'on leur confiât cet ordre
divin et cette charge si pénible, et à les sou-
tenir dans la suite de leur administration , par
ces fréquentes retraites qu'ils venaient faire
par troupes, pour se renouveler dans l'esprit
et dans la ferveur du sacerdoce.
V. Quant aux séminaires des monastères,
Crodogangus n'a pas oublié, dans sa règle des
chanoines, tous les règlements nécessaires pour
bien conduire ceux qui étaient en la disposi-
tion des chanoines réguliers.
Le concile d'Aix-la-Chapelle, tenu en 816
(Cap. cxxxv), sous Louis le Débonnaire, a
emprunté les propres termes de celte règle eu
cet article, aussi bien qu'en plusieurs autres.
Rien n'importe plus que de donner un bon et
sage directeur à cette jeunesse , dont l'âge
bouillant s'emporterait facilement à des excès.
Il ne suffit pas de réprimer la chaleur et les
emportements de leurs passions, il faut les ins-
488
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE SIXIÈME.
truire de toutes les sciences ecclésiastiques, il
faut en faire de dignes ministres de l'autel :
« Quallter ecclesiasticis doctrinis imbuti, et
armis spiritualibus induti, Ecclesise utilitatibus
decenter parère, et ad gradus ecclesiasticos
quandoque digne possint promoveri.»
L'âge de ces jeunes plantes est exprimé par
ces termes : « Pueri et adolescentes, qui in
congregalione sibi commissa nutriuntur vel
erudiuntur. d C'était uniquement pour le
clergé qu'on les élevait, comme il parait par
les mêmes termes et par les suivants : « Ita
jugibus ecclesiasticis disciplinis constringan-
tur. » La manière de les instruire dans un
môme dortoir , sous la direction d'un sage
vieillard : aOmnes in uno conclavi atrii com-
morentur, deputato probatissimo seniori, » y
est tirée mot à mot du canon xxm du con-
cile IV de Tolède.
VI. Il y avait donc plusieurs sortes de ces
séminaires de jeunes clercs : les uns dans les
monastères des moines, d'autres dans les mo-
nastères des chanoines, d'autres dans les mai-
sons des évêques, d'autres enfin dans les pa-
roisses des villes, ou à la campagne, dans les
maisons des curés; et ces derniers n'étaient
pas tant de véritables séminaires que des om-
bres imparfaites ou des images de séminaires.
Il faut avouer que ces séminaires de jeunes
clercs étaient les mêmesque les écoles, comme
il paraît par un capitulaire de Louis le Débon-
naire, concerté avec les évêques : « Inter nos
pari consensu decrevimus , ut unusquisque
episcoporum inscholis habendis, et ad utilita-
tem Ecclesise militibus Christi preeparandis et
educandis, ab bine majus studium adhiberet
(Capital. Car. Magn. Addit., 1. H, c. 5). »
On ne doutera plus que ces écoles ne fussent
uniquement destinées a former des ecclésias-
tiques, et par conséquent que ce ne fussent de
vrais séminaires, si l'on considère la suite de
ce même décret , qui oblige tous les prélats,
quand ils viendront au concile provincial, d'y
amener avec eux au moins quelques-uns de
ces jeunes soldats qui doivent un jour remplir
lis premières charges de la milice céleste de
l'Eglise : « Ut quando ad provinciale episeopo-
ruin eomilium ventum fuerit, unusquisque
rectorum scholasticos suos eidem concilio
âdessefaciat, quatenus et ceeteris ecclesiis noti
sint, et ejus solers studium circa divinum cul-
tum omnibus manifestum liât. »
Le concile VI de Paris, tenu en 8-2!) (Can. xxx),
sous le même empereur, se plaignit quelques
années après de la négligence des prélats et de
l'inexécution de cette ordonnance de Louis le
Débonnaire : « Super hac ejusdem principis
admonitione, imojussione. » Ce concile re-
nouvela le commandement de faire venir au
concile provincial quelques-unes de ces nou-
velles plantes cultivées dans les séminaires.
VU. Mais quelque soin que l'on prit pour
instituer ou pour maintenir les écoles ou les sé-
minaires dans les évèchés, on trouva plus de
facilité et à les établir et à les conserver dans
les monastères.
Dans la fondation de l'abbaye de Saint-lii-
quier, qui se fit au temps de Cbarlemagne, on
trouve que le nombre des religieux devait être
au moins de trois cents, outre cent jeunes en-
fants qui portaient le même habit, étaient
nourris à la même table et assistaient aux
mêmes offices, étant partagés en trois bandes,
chacune de cent religieux et de trente-trois
petits enfants qui devaient s'assembler toutes
pour chanter les heures canoniales et ensuite
se succéder les unes aux autres pour partager
entre elles le chant perpétuel du chœur et le
repos.
« Trecentos monacbos regulariter victuros
constituimus. Centum etiam pueros scholis
erudiendos, sub eodem habitu et victu statiii-
nius, qui fratribus per très choros divisis in
auxilium canendi et psallendi intersint, etc.
(Chronici Cenlnlensis, 1. u, c. xi ; Spicileg.,
tom. iv, p. 469). «
VIII. Tous ces enfants n'étaient donc cultivés
dans les écoles et dans les séminaires que
pour être incorporés au clergé ou à l'ordre
monastique. Aussi en portaient-ils dès lors
l'habit et assistaient-ils aux mêmes offices.
Il est rapporté, dans la suite de cette même
chronique (Ibid., 1. m, c. xvi) , que les enfants
des comtes, des ducs et des rois mêmes étaient
nourris dans ce monastère, « In hoc enim cœ-
nobio duces, comités, filii ducum , filii comi-
luin , filii etiam regum educabantur. Omnis
sublimior dignitas quaqua versumperregnmn
Franeorum posita , in sancti Ricarii monà-
sterio se parentem habere gaudebat. » D'où on
peut conclure que quelques-uns de ces enfants
qui étaient cultivés dans ces séminaires n'é-
taient pas destinés pour la cléricature.
Cette difficulté se lève sans peine, si l'on
considère que de la famille royale de Chai le-
magne même il y en eut plusieurs qui embras-
DES SÉMINAIRES SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
189
seront la profession religieuse ou la cléricature.
Ainsi on ne peut douter que les entants des
plus grandes maisons ne se partageassent entre
la profession des armes et la milice ecclésias-
tique. Au moins les parents destinaient quel-
ques-uns de leurs enfants à l'état ecclésiastique,
et les faisaient entrer dans ees doux engage-
ments, comme nous dirons en un autre endroit,
quoiqu'il lût peut-être libre à ces enfants de
rompre ces liens quand ils avaient atteint les
premiers rayons de leur propre liberté.
Enfin, cet endroit même de la chronique de
Saint-Riquier ne faisant mention de cette foule
dé haute noblesse dans ce monastère qu'au
sujet de l'abbé, qui était en même tempseomte
et paraissait souvent avec ses troupes à la tête
des armées; ce vain éclat d'une dignité sécu-
lière;, quoique peu convenable à la profession
religieuse , ne laissait pas de pouvoir servir
d'attrait aux vaines prétentions des grands du
siècle, m Tali ratione quidam uostratum abba-
tum comités insimul erant et abbates, et géné-
rasse parentilitatis lumîne emicabant, et sacrae
régula? servatores, in ipsis etiam exercituum
turmis, ante Dei oculos babebantur. »
Les comtes dont il est ici fait mention n'é-
taient pas des comtes séculiers qui eussent pris
le titre seul d'abbés en se saisissant des biens
de l'abbaye; mais c'étaient des abbés réguliers
et proies qui portaient le nom de comtes et eu
faisaient les fonctions. «AbbasergoHeligaudus,
simuîque cornes, cum hujus cœnohii modéra-
tor existeret, etc. Si aliquisquaerat, cur nostras
rector, abbas et cornes insimul extiterit , etc. o
Il nous reste encore quelque chose à dire sur
les séminaires depuis l'an mil ; mais nous en
parlerons ci-après (1).
(1) Un historien d'Italie, Bossi, tome in, p. 153, constate que, dès
le ve siècle, il y avait en Italie, chez tous les curés, des espèces de
petits séminaires. Voici ses paroles : « Presso le chiese parrochiali
« erano perô state instituite per tutta ITalia al principio de! secolo
q quinto alcuoe scuole, nelle quali i giovanetti dovevano es-ere in-
« struiti nei primi elementi délie scienze. o
Les séminaires avaient disparu dans la tourmente révolutionnaire,
mais lors de la conclusion du concordat, le souverain pontife exigea
leur rétablissement, quoique le gouvernement les abandonnât aux se-
cours et aux ressources de la divine Providence. Voici ce que dit
L'article 11 : « Les évèques pourront avoir un chapitre dans leur ca-
* thédrale, et un séminaire dans leur diocèse, sans que le gouverne-
u ment s'oblige à les doter. » Dans son décret du 9 avril L802, exé-
cutif du concordat , le cardinal-légat Caprara disait : a Tous les
o archevêques et évéques qui seront préposés aux églises de la nou-
«i velle circonscription, devront, conformément à ladite convention,
u travailler, selon leurs moyens et leurs facultés, à établir, en con-
a formité des saints canons et des saints conciles, des séminaires où
a la jeunesse qui veut s'engager dans le service clérical, puisse être
a formée à la piété, aux belles-lettres, à la discipline ecclésiastique.
u Ils doivent donner à ces séminaires, ainsi érigés et établis, selon
jugeront devaut Dieu être le plus convenable et le plus utile
o à leurs églises, des règlements qui fassent prospérer l'étude de
a leurs sciences, et qui iosînuent en toute manière la piété et la
a bonne discipline, d
De son côté, le gouvernement, oubliant que le concordat autorisait
les séminaires, exige, dans l'art. 11 des organiques, que les évéques
lui demandent l'autorisation d'établir des séminaires. Dans l'art. 23,
il va plus loin encore; il veut que les règlements faits par les évé-
ques pour leurs séminaires soient soumis à L'APPROBATION du
premier consul. On voudra bien ne pas perdre de vue que nous
avons dit, dans une note antérieure, comment Pie VII et le cardinal
Consalvi jugeaient lesdits organiques.
En 1804, le gouvernement annonça, par l'organe de Portalis, que
a la dotation des séminaires ne pouvait qu'être à la charge de l'Etat. »
En conséquence, il fut alloué à chacun de ces établissements une
somme de 150,000 francs pour frais de premier établissement, une
bibliothèque et un certain nombre de bourses et de demi-bourses.
L'article 3 du décret de 1807 statua que les bourses seraient de
400 francs, et les demi-bourses, de 200 francs. Nous croyons qu'il y
a aujourd'hui 2,526 bourses, réparties entre les diocèses, suivant leur
étendue et leur population. Par une ordonnance du 5 octobre 1811,
Louis XVIII autorisa la création des petits séminaires, a Les arche-
« vèques et évèques de notre royaume, dit l'article 1er, pourront
o avoir, dans chaque département, une école ecclésiastique dont ils
n nommeront les chefs et les instituteurs, et où ils feront élever et
« instruire dans les lettres des jeunes gens destinés à entrer dans les
s grands séminaires, a
D'après le droit canonique, si les revenus du séminaire sont insuf-
fisants, tous les bénéficiers, évèque, chanoines, curés, sont obligés,
sous peine de censures et des autres peines du droit, à s'imposer une
taxe spéciale prescrite par le concile de Trente. La sacrée congréga-
tion du concile est encore explicite sur ce point. Par la constitution
Crédita nobis, Benoit XIII a fixé que la taxe du séminaire serait de
trois à cinq pour cent du revenu du bénéfice, qu'elle serait détermi-
née par l'évéque, assisté de deux députés du chapitre, et de deux
députés du corps des curés, choisis par l'assemblée synodale. Si, au
contraire, les ressources du séminaire sont suffisantes, le saint con-
cile décide que la taxe du séminaire doit être ou diminuée, ou sup-
primée, in totum vel pro parte remittatur (Cap. xvm, sess. ï.vim).
C'est le cas où se trouvent les séminaires en France qui, soit par les
bourses du gouvernement, soit par leurs biens-fonds ou leurs capi-
taux, out des ressources suffisantes. Mais ici une question de droit se
présente naturellement. Est -il permis, comme on le fait dans bien
des séminaires, de faire souscrire aux jeunes prêtres des obligations
de solder des annuités pour dédommager le séminaire de la gratuité
ou demi-gratuité qu'ils ont eue pendant leurs études cléricales ? No is
disons hardiment non avec le droit. En effet, ou ces jeunes gens
sont boursiers, ou ils sont élèves gratuits, c'est-à-dire alimentés aux
frais de l'établissement. L'article premier du décret du 3 août 1808,
prescrit qu'il sera dressé tous les trois mois un état nominatif des
boursiers, et adressé au préfet. Or, de quel droit forcerait-on ceux
qui ont payé leur pension au séminaire avec la bourse qui est sur
leur tète, à payer par des annuités ce qu'ils ne doivent pas? En de-
hors de ces bourses, qui ont leur destination déterminée, les sémi-
naires ont des revenus provenant soit de legs pieux, soit de quêtes,
soit de leurs immeubles, soit de rentes qui constituent la dotation
ou le patrimoine des clercs pauvres qui doivent former, d'après la
volonté formelle du concile de Trente, la portion préférée du personnel
des séminaires : paitperum autem filios prœcipue eligi vult (Cap. xvm,
sess. xxiii de Reform.). Eh bien! de quel droit encore forcerait-on
ces derniers à payer par des annuités ce qu'ils ne doivent nullement,
puisqu'ils ont soldé leur pension avec leur patrimoine, spécialement
destiné à eux? DiBs des instructions annexées à la constitution Cré-
dita?, Benoit XIII pose, au no 3, cette question qu'il espère voir
résoudre affirmativement partout : Quoi sunt clerici gui, ob egesta-
tem suam, GRATUITO alantur? 11 est évident que l'esprit et la
volonté de l'Eglise sont que les pauvres clercs soient élevés gratuite-
ment dans les séminaires, puisque leurs revenus constituent leur dota-
tion. Nous ajoutons que le droit offre le moyen rescissoire de l'obli-
gation injuste qu'on leur a fait souscrire. On n'a qu'à voir tous les
canons du titre xl, livre 1er du corps du droit : De iis guœ vi me-
tusve causa fiunt.
(Dr André.)
490
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE SEPTIÈME.
CHAPITRE SEPTIEME.
I>l ( I.ERGÉ 01 Dl CHAPITRE DES ÉGLISES CATHÉDRALES PENDANT LES CINQ PREMIERS SIECLES.
I. La plus grande partie des églises du monde ne suivirent
l'exemple de Verceil, ni de saint Augustin, et ne réduisirent
point leur clergé en communauté.
II. Les prêtres et les diacres de la ville épiscopale ne lais-
saient pas de faire un corps et un collège, qui gouvernait sous
l'évêque et avec l'évêque tout le diocèse".
III. IV. Preuves des conciles et des papes.
V. Ils assistaient aux conciles romains.
VI. Et aux coociles universels.
Vil. C'était le sénat et le concile des évêqucs dans l'Eglise
grecque et latine. Preuves.
VIII. La différence de cet ancien clergé d'avec les chapitres
du temps présent.
IX. Prééminences de cet ancien clergé. 11 dominait sur les
prêtres de la campagne. 11 était composé en partie d'évèques.
Preuves.
X. Autres preuves.
XI. Un évêqne déposé ne pouvait garder le rang de prêtre.
XII. Les conciles n'ont paru rabaisser les prêtres, que parce
que cet ordre approche extrêmement de celui des évèques.
XIII. Après la mort des évèques, le clergé gouvernait le
diocèse.
Xl\. Et en leur absence aussi.
XV. Avec quel honneur l'évêque doit traiter les prêtres et les
diacres.
I. Eusèbe de Verceil, qui avait associé par un
zèle inconcevable deux extrémités aussi oppo-
sées que les constitutions monastiques et les
fonctions du clergé, eut plus d'admirateurs que
d'imitateurs.
Le tempérament que saint Augustin avait
pris en ne changeant rien de l'état ecclésiasti-
que, et lui communiquant seulement quelques
traits et comme quelques rayons de la piété sin-
gulière des religieux, eut un succès plus favo-
rable.
Nous avons appris de lui-même, et de Possi-
dius, que ces monastères de clercs ou sémi-
naires semultiplièrentextrêmement dans l'Afri-
que. .Mais l'histoire ne nous apprend pas si
les autres provinces furent touchées d'un exem-
ple si saint et de l'amour effectif d'une institu-
tion si salutaire; au contraire, elle ne nous fait
que trop justement appréhender que cette
lumière brillante, qui commençait d'éclater
dans la réforme du cierge d'Afrique , n'ait été
presque aussitôt éteinte et comme étouffée dans
sa naissance, par la tempête effroyable et par
l'inondation des Vandales , qui conquirent et
désolèrent toute l'Afrique.
Ainsi dans l'Orient, et presque dans tout l'Oc-
cident, le bonheur et la grâce de la vie com-
mune, de la pauvreté évangélique, et des
autres conseils de perfection , ne s'est trouvée
que dans les monastères ;etc'estordinairement
de là que quelques étincelles en ont volé jus-
que dans le clergé, non pas pour y former des
communautés entières, mais pour y inspirer
l'amour de la perfection dans le cœur de quel-
ques particuliers.
On ne peut douter que la piété extraordi-
naire des évèques et du clergé de France ne
fût écoulée des monastères de Saint-Martin et
de Lérins. Nous dirons ailleurs comment cette
sorte de congrégations ecclésiastiques fut renou-
velée sous l'empire et par les soins de Charle-
magne et de ses successeurs.
II. Mais quoique les chapitres des églises ca-
thédrales ne vécussent pas en communauté,
ni entre eux, ni avec leurs évèques durant ces
cinq premiers siècles, ils ne laissaient pas de
former un corps, et un même corps avec leurs
évèques, et de partager avec eux les soins et le
gouvernement des diocèses , ou plutôt de les
gouverner avec eux sans division et sans par-
tage, avec une parfaite dépendance de leurs
prélats, avec une concorde inviolable entre
eux, et une autorité entière sur les fidèles.
Les prêtres et les diacres des villes épisco-
pales faisaient le clergé supérieur, a qui nous
donnerons par avance le nom de chapitre, et
ne formaient qu'un corps et comme un conseil
avec leur évêque, ayant indivisiblement avec
lui et sous lui le gouvernement de tous les
autres ecclésiastiques et de tous les fidèles du
diocèse.
III. Le concile de Nicée (Can. m) défend aux
évèques, aux prêtres et aux autres clercs, de
souffrir dans leurs maisons des femmes, quoi-
que parentes, qui puissent rendre leur conver-
DU CLERGÉ OU DU CHAPITRE DES ÉGLISES CATHÉDRALES.
191
sation le moins du monde suspecte. Il défend
aux évêfjues , aux prêtres et aux diacres de
passer d'une église à L'autre (Can. xv) . Enfin
voyant i[ue les diacres s'élevaient au-dessus
des prêtres, il leur ordonne de se ressouvenir
de leur rang, et de se regarder comme minis-
tres des évêques et comme inférieurs aux prê-
tres (Can. xvni), quoiqu'il ne leur refuse pas
l'intendance et la juridiction sur les autres
clercs et sur les laïques.
Ainsi ce clergé de prêtres, supérieur aux
diacres et aux laïques, était dans un sens égal
a l'évêque et en même temps son inférieur et
soumis à sa juridiction. C'est ce qu'on appelle
aujourd'hui chapitre, nom qui lui a été donné
depuis longtemps.
Le concile d'Antioche donne à ces trois or-
dres le titre de présidents dans l'Eglise : « Si
quis eorum qui praesunt Ecclesiae aut episcopus
aut presbyter, aut diaconus : d ti? tô>v tcpge<itw™v
(Can. i).
Le même concile (Can. xxu) défend aux
évêques d'établir des prêtres et des diacres
dans les églises qui ne sont pas de leur diocèse.
La raison est que ces ordres sont supérieurs et
comme impératoires, s'il est permis de parler
ainsi ; au lieu que les autres ordres ne don-
nent que de simples fonctions d'administra-
tion.
Le concile de Sardique (Can. xm) ne veut
pas qu'on précipite les néophytes, en les pous-
sant aux hautes dignités des évêques, des prêtres
et des diacres, c'est-à-dire, à ce clergé qui est
appelé clergé par excellence, et qui est des-
tiné pour être employé au gouvernement de
l'Eglise.
Le concile de Valence dégrade les évêques,
les prêtres et les diacres qui auront été con-
vaincus, ou qui par une humilité fausse et in-
discrète se seront accusés eux-mêmes de quel-
que péché mortel au temps de leur ordination,
de sorte qu'ils ne soient plus censés faire partie
de ce clergé qui doit gouverner l'Eglise avec
l'évêque.
Dans les actes du concile d'Ephèse (Part, i,
conc. Ephes., c. xxxiii, xxxiv, et act. 1, ibid .),
on trouve plusieurs lettres écrites par saint
Cyrille aux prêtres et aux diacres , c'est-à-dire
au clergé, et au peuple d'Alexandrie. Le con-
cile d'Ephèse écrit aux prêtres, aux économes et
aux autres clercs de Constantinople, pour leur
apprendre la déposition de Nestorius. 11 écrit
aussi au clergé et au peuple de Constantinople.
Saint Cyrille y blâme Nestorius d'avoir excom-
munié le clergé des prêtres et des diacres, qui
s'opposaient a la publication de ses erreurs :
/.ri.yi wyiov irpeapimpuM xai Siaxàvov (Act. [II).
Dans une autre session le même concile
écrit à ses confrères les prêtres, aux diacres, à
tout le clergé et au peuple de Constantinople
(Epist. catholic, ibid. ; et en un autre en-
droit, aux prêtres et aux diacres de Constanti-
nople et aux évêques qui s'y rencontreront.
Saint Epiphane dit que Marcion vint à Rome,
après la mort du pape Hygin, et tâcha d'y sur-
prendre les prêtres qui gouvernaient alors cette
Eglise, et qui avaient été disciples des apôtres.
« Seniores adiens, qui ab apostolorum disci-
pulis edocti , adhuc supererant, etc. Sanctis-
simi illi Dei Ecclesiae presbyteri et docto-
res, etc. (Epiphan., h. xni, n. 1, 2). »
Tout cela fait connaître qu'il y a eu un
clergé qui était comme le sénat de la ville épis-
copale, lequel gouvernait le diocèse avec l'é-
vêque et qui en son absence le gouvernait
pour lui. Ce qui est une véritable description
d'un chapitre d'une église cathédrale.
IV. Le pape Sirice condamna Jovinien et sa
nouvelle hérésie dans une assemblée de ses
prêtres et de ses diacres, qu'il appelle son pres-
bytère : a Facto ergo presbyterio , constitit
christianae legi esse contraria, etc. Omnium
nostrum , tain presbyterorum, quam diacono-
runi, quam etiam totius cleri una suscitata
fuit sententia (Epist. u). » Saint Ambroise re-
çut cette sentence du pape et la confirma par
un synode de sa province, et récrivit au pape :
« Quos sanctitas tua damnavit, scias apud nos
quoque secundum judicium tuum esse dam-
na tos. »
Je ne dirai rien ici des décrétâtes de ce pape
et de ses successeurs, pour la punition des
prêtres et des diacres qui souillaient le sacer-
doce par leur incontinence ; nous en parlerons
en un autre endroit plus commodément.
Le pape Félix prononça une sentence de dé-
position contre le faux évêque d'Antioche,
Pierre Cnaphée, et il la prononça en son nom
et au nom de tous ceux qui soutenaient et qui
gouvernaient avec lui le Saint-Siège apostoli-
que, c'est-à-dire de ses prêtres et diacres :
« Firma sit haec tua depositio a me et ab bis
qui una mecum apostolicum thronum regunt
(Epist. iv).»
Ce même pape témoigne, en un autre en-
droit, que l'éminence des évêques, des prêtres
192
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE SEPTIÈME.
et des diacres est incontestablement ce qu'il y
a de plus haut et de plus excellent dans l'Eglise.
« Utergoab Ecclesiœsummitatibusinchoemus,
quos episcopos, presbytères vel diaconos fuisse
constiterit, etc. (Epist. vu). »
Ce qui a déjà été dit fait voir que les évo-
ques, les prêtres et les diacres composaient un
collège distingué de tous les autres corps de
l'Eglise, réglé par îles lois plus parfaites , et
réuni dans l'exercice des pouvoirs les plus
éminents de l'Eglise, et par conséquent dans
lés délibérations qui y étaient nécessaires.
V. Ce que nous avons dit des papes Sirice et
Félix fait manifestement connaître que les prê-
tres etles diacres de l'Eglise romaine assistaient
aux conciles romains avec les évêques qui se
rencontraient fortuitement à Rome, y délibé-
raient et concluaient avec le pape toutes les
affaires importantes qui étaient portées au tri-
bunal de la première Eglise du monde.
Il faut faire le même jugement des autres
Eglises, soit métropolitaines, ou épiseopales,
et de la manière que les affaires, tant spiri-
tuelles que temporelles, s'y traitaient et s'y
résolvaient par l'union et la conspiration de
tout le clergé supérieur, c'est-à-dire des prêtres
et des diacres, avec leur évèque.
Dans le concile romain, sous le pape lli-
laire où on traita de la translation d'un évè-
que d'E pagne d'une église en une autre, outre
le pape et les évêques, les prêtres et les diacres
de l'Eglise romaine y assistèrent aussi , les
prêtres assis, et les diacres debout : « Residen-
tibus etiam universis presbyteris, adstantibus
quoque diaconibus. » Les acclamations s'y
firent aussi par les évêques et par les prêtres,
soit pour confirmer la sentence du pape, soit
pour lui souhaiter une heureuse vie, et une
longue prospérité. « Ab universis episcopis et
presbyteris acclamatum est; ut disciplina ser-
vetur, ut canones custodiantur, rogamus. Ili-
lario vita, etc.»
Au concile 111 romain (Act. 1 et i, etc.) sous
le pape Félix 111, tous les prêtres de Rome sous-
crivirent; et la présence des diacres y est aussi
marquée. « Astantibus quoque diaconibus. »
11 en est de même du concile II , tenu à Rome
sous le pape Gélase. Les prêtres y font aussi les
acclamations solennelles, conjointement avec
les évêques.
VI. Plusieurs prêtres et plusieurs diacres
assistèrent au concile de Calcédoine (Conc.
Calced., act. I), y tenant la place de leurs évo-
ques, opinant et souscrivant en leur nom.
Léon même y avait envoyé pour y présider en
si place deux évêques, et un prêtre de son
Eglise de Rome.
Ce pape avait envoyé un peu auparavant au
concile d'Ephèse (Concil. Ephes., act. 1), avec
un évèque et un prêtre, le diacre Hilaire, qui
qui s'y opposa avec une grandeur de courage
digne du rang qu'il tenait dans la première
Eglise du monde, a toutes les entreprises tyran-
niques de l'impie Dioscore, et y arrêta tout le
progrès de l'eutychianisme par cette seule pa-
role, Contradicitur.
Bésula , diacre , assista au vrai concile d'E-
phèse, de la part de l'archevêque de Carthage.
Plusieurs autres évêques y assistèrent aussi, et
y souscrivirent par des prêtres et des diacres
de leurs Eglises qu'ils y avaient envoyés en leur
nom. Le prêtre Philippe y exerçait aussi la
fonction de président et de légat au nom du
Saint-Siège apostolique, avec deux évêques.
On sait que les vicaires du Saint-Siège aux con-
ciles de Nicée et de Sardique, avaient aussi été
des prêtres de l'Eglise de Rome, conjointement
avec des évêques.
VIL Si les prêtres et les diacres étaient appe-
lés par les évêques à la délibération et à la
résolution des plus importantes difficultés que
l'on traitait dans les conciles particuliers, et
avaient quelque part même dans les conciles
œcuméniques, on ne peut douter, après cela,
que les affaires ordinaires de chaque diocèse ne
se gouvernassent par leur conseil sous l'auto-
rité suprême de l'évêque.
Le concile IV de Carthage a expressément
commandé que l'évêque , non-seulement ne
donne les ordres à personne sans avoir pris
l\t\ is de son clergé : « Ut episcopus sine con-
silio clericorum suorum clericos non ordinet
(Can. xxu) ; » mais aussi qu'il ne prononce sur
aucune affaire qu'en l'assemblée de son clergé;
à moins de cela sa sentence est déclarée nulle.
« Ut episcopus nullus causam audiat absque
piaesentia clericorum suorum : alioqui irrita
erit sententia episcopi, nisi clericorum senten-
lia contirmetur (Can. xxm). »
Saint Augustin dit que si l'évêque seul pou-
vait dégrader les clercs , le clergé et les prêtres
qui étaient en dignité pouvaient excommunier
les laïques. « Quam facile de gradu clericorum
quisque ab episcopo, vel de congregatione lai-
corum, sive ab episcopo, sive a clero, vel quo-
cumque prœposito, cui est potestas, cxiini-
DU CLERGÉ 01' Dl' CHAPITRE DES ÉGLISES CATHÉDRALES.
493
tur (August. contra Parmen., lib. 3, cap. n . «
Sévère Sulpice remarque que saint Martin
confiait l'examen et le jugement des causes
a ses prêtres pour s'occuper lui-même de la
prière avec plus de liberté : « Cum quidam in
alio secretario presbyteri sederent , \el salula-
tionibus vacantes, vel audiendis negotiis occu-
pât!, Martinum vero usque in eam horam, qua
solemnia populo agi consuetudo deposceret, sua
solitudo cohibebat [Dialog. -2 . »
Saint Jérôme dit que c'était vraiment le
sénat de l'Eglise : « Et nos babemus in Eccle-
sia senatum nostrum, cœtum presbyterorurn
Hieron., in c. m Isaia?;. » Saint Basile dit la
même chose : - ■ -... '■.-., t«j -...-.yj-i-; ■.-.•j /.%-% ri,-i
-■:,.:■, Basil, épis t., i ccxix .
Saint Cyprien communiquait jusqu'aux
moindres choses a ses prêtres et à ses diacres,
et il délibérait avec eux sur tous les points
importants de sa conduite, (''est avec les prê-
tres et les diacres qu'il veut qu'on traite de
quelle manière il faut recevoir les pénitents :
o Deinde sic coUatione conciliorum cum epi-
scopis, presbyteris, diaconis. confessoribus pa-
riter astantibus laicis facta, lapsorum tractare
rationem L. i, ep. n; 1. n, ep. vu; 1. rv, ep. u . »
Si les confesseurs avaient parti cette délibé-
ration, c'était la victoire qu'ils avaient rem-
portée sur les ennemis de la foi qui leur avait
acquis ce privilège extraordinaire.
Ce saint prélat avait fait, dès le commence-
ment de sou épiscopat , la sage et sainte ré-
solution de ne rien faire sans l'avis de ses
prêtres et de ses diacres : « Ad id vero quod
scripserunt compresbyleri nostri, soins rescri-
1m iv nibil potui.cum a primordio episcopatus
mei statuerim nibil sine consilio vestro et sine
consensu plebis mea privatim sententia gerere
(L. m, ep. x . »
Il leur communiquait toutes les ordinations
et toutes les promotions qu'il faisait , comme
quand il éleva le prêtre et le confesseur Numi-
dicus à la dignité de prêtre ou de chanoine de
Carthage. Car c'était une grande élévation
d'être incorporé au chapitre ou au clergé de
la cathédrale : « Admonitos nos et instructos
sciatis dignatione divina , ut Numidicus pre-
sbyter ascribatur presbyterorurn Carthaginen-
sium numéro; et nobiscum sedeat in clero,
luce clarissima confessionis illustris (L. iv,
ep. x). »
Ce n'est donc pas sans raison que saint
Ignace dit que les prêtres sont les conseillers
de l'évêque, qu'ils ont séance pris de lui, et
qu'ils ont succédé au sénat apostolique.
i-'.5T .- . Epist. ad Trallianos .
VIII. Ce que nous venons de dire montre
clairement que le clergé supérieur de chaque
ville épiscopale composait un corps et formait
le conseil de l'évêque, gouvernant avec lui et
sous lui tout le temporel et le spirituel du
diocèse.
Voila la nature deschapitn s i n ces premiers
siècles : voila leurs occupations, voila le rang
et l'autorité sublime qu'ils avaient. Ils ne vi-
vaient pas en communauté, non plus qu'à
présent; mais ils possédaient en commun tous
les revenus de l'église, chacun en recevant I. s
distributions manuelles proportionnées à son
ordre et à son travail, comme nous dirons en
son lieu. Ils étaient liés entre eux et avec leur
évêque par une société très-étroite et très-
nécessaire . pour le maniement de toutes les
affaires spirituelles et temporelles du diocèse
ou de la province.
La différence la [dus considérable de ces an-
ciens chapitres d'avec ceux de ces derniers
siècles est en ce que les anciens chapitres :
1° n'étaient composés que de prêtres et de
diacres; 2° ces prêtres et diacres étaient les
curés et les pasteurs de toutes les paroisses de
la ville épiscopale; ou s'il n'y avait point de
paroisses distinguées de la cathédrale, ils en
exerçaient toutes les fondions; 3° leur ordina-
tion même était ce qui leur donnait cette qua-
lité, cette charge et celte autorité.
Le presbytérat et le diaconat, aussi bien que
l'épiscopat, était non-seulement un ordre,
mais aussi un bénéfice, et un bénéfice chargé
du soin des âmes à proportion de l'ordre. Le
clergé de l'Eglise romaine n'est encore à pré-
sent composé que de prêtres, et de diacres car-
dinaux, titulaires des anciennes paroisses de
Rome, et concourant, sous le pape et avec le
pape, dans les consistoires, pour la résolution
de toutes les affaires qui ressentissent à Rome.
Et ce clergé de l'Eglise romaine est dans le
temps présent l'image vivante et le parlait
modèle du clergé ancien de toutes les villes
épiscopales.
Socrate dit qu'après la mort d'Atlicus, évê-
que de Constantinople, les prêtres Philippe et
Proclus étaient les plus favorisés des nobles :
mais que Sisinnius, qui était le prêtre ou curé
d'une église du faubourg ou tous les ans le
i'.V.
DES CONGRÉGATIONS.
CHAPITRE SEPTIEME.
peuple allait célébrer la fête de l'Ascension,
l'emporta sur eux, et succéda à Atticus par la
faveur du peuple ; ce qui montre que les cures
composaient le chapitre, et que les prêtres ou
chanoines avaient des églises particulières pour
lesquelles ils étaient ordonnés. « Sisinnius
presbyter non in ulla ecclesia intra urbem
ordinatus, sed in suburbio, etc. (Socrat.,L vu,
C. -26). »
Hilaire, sur la première lettre de saint Paul à
Timotbée, dit que dans chaque cité il doit y
avoir un évêque, sept diacres, et un nombre
de prêtres, afin qu'il yen ait deux pour chaque
église : « Septem diaconos, aliquantos presby-
teros, ut bini sint per ecclesias. » Saint Augus-
tin fut d'abord le seul prêtre de Valérius ; et
lui, étant évêque, eut neuf prêtres dans son
chapitre, outre les diacres. Voyez sa lettre cent-
onzième.
IX. Les prêtres et les diacres de la ville épis-
copale avaient une éminence et une supériorité
sur les prêtres et les diacres de la campagne,
c'est-à-dire sur les curés des paroisses des
champs. Aussi le concile de Néocésarée (Can.
xui), défend aux prêtres ou aux curés de la
campagne de célébrer la messe dans l'église
cathédrale, l'évèque ou les prêtres de la ville
étant présents : que s'ils sont tous absents, il le
leur permet.
Pour l'honneur du clergé de la ville, dis
évêques y étaient souvent comme associés par
divers accidents, et ils ne se croyaient pas dés-
honorés de rentrer dans une si auguste com-
pagnie, dont ordinairement ils avaient été
tirés, et qui avait tant de part aux pouvoirs,
aux fonctions et à l'éclat de la dignité épisco-
pale.
Le concile d'Ancyre (Can. xvm) déclare que
les évêques qui n'auront pu se faire recevoir
dans les villes pour lesquelles ils avaient reçu
cet auguste caractère , pourront entrer dans la
même compagnie de prêtres , t« -jco^tejcv, de
laquelle ils étaient sortis, et y jouir des hon-
neurs et des avantages de l'épiscopat, pourvu
qu'ils demeurent unis et soumis à l'évèque
diocésain.
Le concile de Nicée (Can. vin) ordonna que
les évêques novatiens se réunissant a l'Eglise,
dont ils s'étaient séparés, conserveraient leur
rang et leur dignité, s'il n'y avait point déjà
un évêque catholique dans la même ville : que
s'il y en avait un, ils auraient rang parmi les
prêtres, et l'évèque catholique pourrait leur
accorder même le nom et les honneurs de
l'épiscopat.
Le. concile d'Antioche (Can. xvm), accorde
les honneurs et les fonctions de l'épiscopat,
tv;; Ti(L»i« xai râ; Xtiroup-yia;, à ceux qui auront été em-
pêchés, par des obstacles insurmontables, de
prendre possession de leurs évêchés.
X. Ce n'étaient pas ces deux seuls accidents
qui réduisaient les évêques à être incorporés
dans le clergé des églises cathédrales : de
n'avoir pu surmonter les obstacles qui traver-
saient la prise de possession de leur évêché, et
de se rencontrer dans une ville, où il y avait
déjà un évêque catholique ; en voici un troi-
sième qui est accompagné des marques d'une
piété extraordinaire. On ordonnait souvent des
évêques contre leur volonté ; leur extrême
humilité, et l'amour de la retraite l'emportait
quelquefois sur les lois de l'obéissance; ainsi
on les laissait jouir du nom, des avantages
et du rang d'évêque dans la compagnie des
prêtres.
Tel fut Eustathe, métropolitain de Pamphylie,
à qui le concile d'Ephèse (Act. 7) adjugea tous
cesavantages : «Sed quia ad versus ej us animum
a rébus gerendis alienum non admodum de-
certareoportuit, sed miserari polius senem, etc.
Justum reciumque defînimus; ut nomen reti-
neat episcopi et honorem et communionem :
mot honor t^.t,, exprime tous les émoluments
temporels, qui consistaient alors en distribu-
tions plus amples.
Enfin, ce concile défend seulement à Eustathe
de donner les ordres, et de sacrifier par sa
propre autorité, |«i XEtpoT&vsïv \ù\ tou Upoup-ytïv Éclata; ai
eevTîaç ; le consentement de l'évèque du lieu
étant nécessaire pour l'une et l'autre de ces
deux fonctions.
XL Nous ne pouvons pas mettre dans ce
même rang les évêques que leurs crimes
avaient rendus dignes dedéposition. La sainteté
de la prêtrise ne souffre pas qu'on en juge
dignes ceux qui sont indignes de l'épiscopat.
Ainsi ceux que Pho'ius, évêque de Tyr, avait
ordonnés évêques, ayant été dépouillés de
l'épiscopat, et renvoyés à l'ordre des prêtres
par Eustache, évêque de Béryth, les légats du
pape et les autres évêques du concile de Calcé-
doine (Act. 4), cassèrent cette sentence, et
déclarèrent que selon les lois de l'Eglise, c'était
un sacrilège, tepoooXïa, de condamner un évêque
pour quelque crime, et le laisser dans les fonc-
DU CLERGÉ 01" Kl" CHAPITRE DES ÉGLISES CATHÉDRALES.
i'i:,
tions de la prêtrise, qui sont incompatibles
avec le crime. Ce concile en fit un canon exprès.
« Episcopum in presbyteri gradum deducere,
sacrilegium est i.Can. xxix). »
Ce n'est pas de ces évoques déposés qu'il faut
entendre ce que les évèques catholiques du
concile d'Ephèse (Act. i , disaient de plusieurs
des partisans de Nestorius, que c'étaient des
évèques sans évêchés, et évèques de nom seule-
ment : « Ne civitates quidem obtinent, sed solo
Domine sont episcopi ; » car on les distingue
expressément de ceux qui avaient été déposés.
Il est donc plus probable que c'étaient des
évèques réduits au rang des prêtres en l'une
des trois manières que nous venons de mar-
quer.
XII. Le clergé des églises cathédrales se sen-
tait comblé d'honneur par la coutume ordi-
naire que les évèques fussent tirés de son corps,
par le retour de tant d'évèques dans ce même
corps, et par la grande part qu'il avait au gou-
vernement de tout le diocèse ; et cet honneur
pouvait enfler le cœur des moins modestes, et
leur faire oublier la dépendance dans laquelle
ils doivent être à l'égard de leur évèque.
C'est ce qui a obligé les conciles à faire tant
de canons pour défendre aux prêtres de rien
entreprendre sans l'agrément de l'évêque. Ces
canons, qui semblent rabaisser les prêtres, re-
haussent effectivement leur éminente dignité.
En effet, ce sont autant de marques évidentes
qu'une bonne partie de la puissance des évè-
ques leur était commune avec les prêtres, à la
réserve de cette dépendance essentielle dans
laquelle sont les prêtres à l'égard de leur évè-
que. Le concile d'Arles : « Ut presbyteri sine
conscientia episcoporum nihil faciant (Arelat..
an. xix . » 11 y a une infinité de canons pa-
reils (Apost.. c. xxxviii, Laodic. lvii .
XIII. Enfin le clergé de la ville épiseopale,
après la mort de l'évêque, gouvernait tout seul
le diocèse, ayant appris du vivant de l'évêque
à le gouverner conjointement avec lui. Le
clergé de Rome fit bien voir qu'il était chargé
de toute la conduite de l'Eglise romaine pen-
dant la vacance du Saint-Siège, lorsqu'il écri-
vit en ces termes au clergé de Carthage :
« Et cum incumbatnobis, qui videmurpra?-
positi esse, et vice pastoris custodire gregem ;
si négligentes inveniamur, dicetur nobis, quod
et antecessoribus nostris dictum est, qui tam
négligentes praepositi erant, quoniam perditum
non requisivimus, et errantein non correxi-
miis, etc. (Epist. m apud Cyprianum . » Et
en une autre lettre : a Omnes enim nos decet
pro corpore totius Ecclesiae, cujus per varias
quasque provincias membra digesta sunt ,
excubare Epist. xm\ . o
Voici à ce sujet deux réflexions aussi justes
que nécessaires : 1° Que le clergé ou chapitre
ayant à régir tout le diocèse après la mort du
prélat et en son absence, il est absolument né-
cessaire qu'il ait appris à manier le gouvernail
durant la vie et en la présence île l'évêque ;
2° Que cela s'entend non-seulement d'un
diocèse particulier, mais aussi d'un archevê-
ché , d'une église primatiale ou patriarcale, et
de l'Eglise romaine même, qui a une inten-
dance générale sur toute la chrétienté. Si le
clergé de Rome parle comme portant le poids
et la sollicitude de toutes les églises du inonde,
saint Cyprien lui parle dans le même sens
dans les lettres qu'il lui écrit.
Il faut néanmoins avouer que, pendant que
le siège était vacant, le clergé réservait les af-
faires les plus importantes à l'évêque qui
devait succéder.
C'est ce que témoigna le même clergé de
Rome : « Quanquam nobis différends hujus
rei major nécessitas incumbat. quibus post
excessum Fabiani nullus est episcopus pro-
pter rerum et temporum difflcultates constitu-
tus Epist. xxxi). » Et un peu plus bas : « Ante
constitutionem episcopi. nihil înnovandum
putavimus. ut intérim dum episcopus dari a
Deo nobis sustinetur. in suspenso eorum causa
teneatur, qui moras possunt dilatione sus-
tinere. »
XIV. Les évèques, en quittant leurs diocèses,
ne donnaient point de bornes au pouvoir de
leur clergé, mais les canons, la coutume et la
modestie réservaient beaucoup de choses aux
évèques.
Saint Ignace écrit en cette sorte aux prêtres
d'Antioche : « Presbyteri pascite euni, qui in
vobis gregem : usquequo ostendat Deus eum
qui vobis principabitur. » Saint Cyprien écrit
à ses prêtres et à ses diacres : « Oftîcium meum
vestra diligentia prœsentet , et faciat omnia
quae fierioportet circa eos. etc. L. ni. ep. vi .»
Et en une autre lettre : « Hortor et mando ut
vos vice mea fungamini circa ea gerenda, quae
administratio religiosa deposcit (Ibid., ep. x .s
Par ces lettres de saint Cyprien, et par plu-
sieurs autres, nous voyons que l'évêque étant
obligé de s'absenter de son diocèse, legouver-
49G
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE SEPTIÈME.
nement était ordinairement dévolu au cha-
pitre ou au clergé tout entier, sans qu'on y
distinguât un grand -vicaire à qui l'évêque
l'eût particulièrement confié.
Les lettres de saint Cyrille ( L. i, ep. 4) et
même de tout le concile général d'Ephèse,
adressées aux prêtres, aux économes et aux
autres clercs de Constantinople sur la déposition
de Nestorius , confirment qu'en l'absence et
après la mort des évoques, le corps entier du
chapitre prenait le maniement des affaires.
Cela est tout à fait certain après la mort des
évêques; l'on ne manquerait peut-être pas
d'exemples qu'en leur absence ils substituaient
un grand -vicaire.
Saint Cyprien écrivit au prêtre qui gouver-
nait 1 evêché de Léon etd'Astorgue en Espagne,
et au diacre qui gouvernait celui de Mérida
pendant l'absence des évêques. Saint Hilaire
témoigne néanmoins lui-même dans son livre,
qu'il écrivit et qu'il donna à l'empereur
Constance, qu'étant exilé, il gouvernait son
Eglise par ses prêtres. « Licet in exilio perma-
nens, et Ecclesiae adhuc per presbyteros meos
coininunioiiein distribuens. »
XV. Aussi saint Ambroise représente admi-
rablement aux évêques qu'ils doivent consi-
dérer tous les ecclésiastiques , surtout les
diacres, comme les propres membres de leur
corps, et les employer avec les sentiments
d'estime et d'amour que cette union si étroite
leur doit inspirer : « Episcopus ut membris
suis, utatur clericis et maxime ministris, qui
sunt vere tilii : quem cuique viderit aptuin
muneri, ci deputet. (Offic, I. h, c. 27). »
Ce Père dit ailleurs que l'évêque peut quel-
quefois regarder, non-seulement les prêtres,
mais les diacres mêmes comme ses pères;
et si leur science , leur sainteté et leur mé-
rite leur a acquis une estime et une vénéra-
tion extraordinaire dans l'esprit des fidèles, il
doit en concevoir de la joie et croire que ce
qui fait l'éclat et l'ornement de son église ne
peut qu'être très-honorable à celui qui en est
le père et le pasteur.
« Sed et sacerdotein convenit presbytero vel
ministro déferre, ut parenti, etc. Neque offendit
sacerdotein, si aut presbyter, aut minister, aut
quisquam de clero, aut misericordia, aut jeju-
nio, aut integritate, aut doctrina, aut lectione
existimationem accuniulet suain. Gratia enim
ecclesiœ, laus doctoris est (Idem, c. xxiv). »
C'est dans ce sentiment que saint Augustin
écrivait autrefois que l'épiscopat était à la
vérité au-dessus de l'ordre des prêtres, mais
que l'évêque Augustin était en beaucoup de
manières au-dessous du prêtre Jérôme :
« Quanquam secundum honorum vocabula,
quae jam Ecclesiae usus obtinuit, episcopatus
presbyterio major sit; tamen in nmltis rébus
Augustinus Hieronymo minorest (Epist. xix).»
Saint Jérôme exprime excellemment ce que
les évêques et les clercs doivent se rendre et
attendre les uns et les autres : « Episeopi
sacerdotes se esse noverint, non dominos :
honorent clericos, quasi clericos, ut et ipsis a
clericis, quasi episcopis honor deferatur. Scitum
illud est oratoris Domitii : cur ego te, inquit,
liabeam ut principem, cum tu me non habeas
ut senatorem (Epist. ad Nepotianum). »
Il ajoute que l'évêque et les prêtres sont
comme Aaron et ses enfants, ne faisant tous
qu'une même famille sacerdotale et un même
sacerdoce. « Quod Aaron et filios ejus, hoc
episcopum et presbyteros esse noverimus. l'nus
Dominus, unniii templum , unum sit etiam
ministerium. »
Voilà la vraie image des chapitres et de leur
union avec le prélat. Elle paraît encore dans
l'ordonnance du concile IV de Carthage (Can.
xxxv) , où il est dit que, bien que la chaire de
l'évêque dans l'église soit élevée au-dessus des
chaires des prêtres, l'évêque doit reconnaître
dans le particulier qu'ils sont tous ses collègues.
« Ut episcopus in Ecclesia et in consessu pre-
sbyterorum sublimior sedeat : intra domum
vero collegam se presbyterorum esse cogno-
scat. »
Je dirai dans la suite, en quel temps et en
quelles églises on donna des prêtres et le plus
souvent des évêques visiteurs et intercesseurs,
pour gouverner les évêchés vacants.
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHEDRALES.
497
CH UTTTîE HUITIEME.
DES CHAPITRES DES EGLISES CATHEDRALES DEPUIS CLOVIS JISQU A CIIARLEMAGNE.
I. Alliance des chapitres avec les monastères et les séminaires.
H. La plupart îles séminaires dont il a été parlé, étaient les
chapitres même des cathédrales.
III. IV. V. Divers rédt-uienls des conciles de France pour les
chapitres. Les curés et les bénéficier simples y étaient en
quelque façon associés. D'où vient le nom de chanoine. Les
fon.ls de l'église étaient donnés aux chanoines à usufruit.
VI. VII. VIII. Les cures et les abbayes leur étaient confiées-
Ce n'est que la matricule ou le canon. Les prêtres jugeaient
avec l'évèque.
IX. En Espagne, les prêtres et les diacres composent les cha-
pitres, et assistent aux conciles.
X. Les curés sont transférés à la cathédrale, demeurant curés
primitifs. Pourquoi les chanoines de la cathédrale sont au-dessus
des curés.
XI. En Italie, les chapitres étaient composés de prêtres et de
diacres ; ils assistaient au concile, ils faisaient le conseil de
l'évèque; on tirait les évêques de leurs corps.
XII. Le collège des cardinaux est un parfait modèle des an-
ciens chapitii -.
XIII. Du chapitre de la grande église de Constantinople; le
nombre des clercs de tous les ordres fixé par Justinien ; ils of-
ficiaient dans toutes les églises de la ville par tour.
XIV. Autres chapitres de l'Orient. On y vieillissait dans le
diaconat.
XV. Du nombre des diacres.
XVI. Antres règlements sur le nombre des clercs de la grande
église de Constantinople.
XVII. A Rome, il y avait des congrégations monastiques pro-
che des grandes églises, pour y aller célébrer l'office canonial
du jour et de la nuit.
I. Les chapitres des églises cathédrales ont
été autrefois si unis aux séminaires des clercs
et aux monastères des religieux, qu'il nous a
été impossible, "dans le chapitre précédent, de
traiter l'un de ces trois sujets, sans y envelop-
per les deux autres. Il faut donc ajouter ici ce
«[ii i regarde plus particulièrement les cha-
pitres ou le clergé des églises épiscopales, afin
de passer ensuite aux monastères.
IL Si l'on considère sans prévention ce que
nous venons de dire des séminaires, on ne
doutera pas que ce ne fussent là les véritables
chapitres, et les seules compagnies qui compo-
saient tout le clergé des grandes Eglises.
Le concile IV de Tolède veut que tous les
prêtres et les diacres demeurent et vivent en
commun avec l'évèque, sans en excepter d'au-
tres que ceux à qui leur grand âge ou leur
infirmité ne permettra pas de persévérer dans
Th. — Tome IL
cette vie commune , et fait vivre tous les moin-
dres clercs dans une même maison proche de
l'Eglise. l'eut-on concevoir qu'il y eût un autre
clergé ou un autre chapitre que celui-là? Et
quand le concile II de Tours ordonne à l'évè-
que de vivre dans sa maison avec ses prêtres,
ses diacres et ses clercs inférieurs, sans y souf-
frir aucune femme, n'est-ce pas là tout le cler-
gé de cette ville épiscopale? Grégoire de Tours
ne leur donne-t-il pas le nom de chanoines,
« Mensa? canonicœ . mensa canonicorum, » et
ne les fait-il pas vivre en communauté?
Il est vrai qu'on n'y voit point encore ni doyens
ni prévôts, ni d'autres dignités, mais seule-
ment des prêtres, des diacres et des clercs; mais
on ne peut douter que ce n'ait été la première
figure des chapitres. Nous avons vu un prévôt
qui conduisait le séminaire des plus jeunes
clercs; nous avions déjà remarqué ailleurs un
arcliichanlre; nous avons parlé des arebiprê-
tres et des archidiacres. Voila les dignités du
chapitre qui n'étaient effectivement que des
offices ou des administrations.
Mais peut-on rien de plus convaincant que
ce qui a été rapporté de l'Eglise anglicane réta-
hlie par saint Grégoire et par saint Augustin,
pour montrer que le chapitre et tout le clergé
de la cathédrale n'étaient autre chose que cette
congrégation d'ecclésiastiques qui n'avaient
tous qu'une même maison et une même table
avec l'évèque ?
Cela n'est guère moins clair dans le récit
que Eerrand fait des évoques d'Afrique, et sur-
tout de saint Fulgence, qui avait réuni dans
une même maison, à la même table., à la même
étude, aux mêmes lieux et aux mêmes heures
de prière des évêques, des ecclésiastiques et des
moines. Il est vrai que c'était dans son exil en
l'île de Sardaigne, mais on peut juger parla de
ce qu'il fit en Afrique après son retour.
Sans qu'il soit besoin de recourir aux con-
jectures, le même auteur de sa vie assure que
la douceur d'Hildéricdans les commencements
32
-498
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE HUITIÈME.
de son règne après la mort de son père , ayant
rappelé tons ces illustres bannis dans leurs
églises, saint Fulgence incorpora en quelque
manière son clergé avec son monastère, en
remplissant de sus moines toutes les places va-
cantes de son clergé.
« Clericorum vero si quadefuerunt ministe-
ria reparans, probatos sibi multos ex fratribus
monachis ad ecclesiasticammilitiani transtulit,
ibi quoque charitati consulens, ut dum paene
omncs clericos ex illo monasterio ordinal, an-
tiquae faniiliaritatis monente notitia, nulla lis
aliquando monachos et clericos ventilaret
(Can. xxix). »
III. Mais ces séminaires ou ces chapitres vi-
vant en communauté étaient rares.
En France saint Rigobert fut le premier des
archevêques de Reims qui mit son chapitre
en communauté : « Primus fertur commune
eis instituisse aerarium. » Ce sont les paroles
de Tauteur de sa vie chez Bollandus. Mais cela
n'arriva qu'après l'an "ou.
Le concile d'Agde (Can. xxn), distingue les
prêtres et les autres ecclésiastiques de la -ville
et de la campagne:" Civitatensessivediœcesani
presbyteri, veî clerici. » Le concile HdeVaison
(Can. x\u l'ait la même distinction des prêtres de
la cité et Mes champs, eu leur donnant à tous
le pouvoir de prêcher. « Ut non solum in eivi-
tatibus,sed etiam in omnibus parochiis ver-
bmu Eaciendi daremus presbyteris potesta-
teni. »
Le concile de Clennont (Can. xv les distingue
aussi, et leur donne à tous la qualité de cha-
QOine aussi bien qu'aux diacres : « Si quis ex
presbyteris, au! diaconis, qui neque in Givitate,
neque in parochiis canonicus esse dignoscitur,
sed in villulis babitans , in oratoriis officio
sancto deserviens, etc. »
Ce concile distingue les bénéficiera qui
servent dans les oratoires particuliers; et qui
sont comme des bénéficiers simples, des béné-
Qciers curés, à qui il donne le nom de cha-
noines; et il oblige ces bénéficiers de venir
passerlesjours des fêtes solennellesavecl'évêque
dans l'église cathédrale : » Praecipuas solemni-
tates nullatenus alibi, nisi cum episcopo suo in
civitate teneat. »
De ce canon il faut conclure trois choses :
I" que les curés des paroisses des champs,
prêtres et diacres, s.inl appelés chanoines, « in
parochiis canonicus; » 2° que les curés de la
\ille épiscopale sont compris dans les termes
tout semblables avec les prêtres et les chanoines
de la cathédrale; et ainsi ils composaient le
chapitre de la cathédrale. 3° Que les bénéficiers
simples du diocèse étaient aussi en leur ma-
nière du corps du chapitre, puisqu'ils devaient
s'y rejoindre aux jours des grandes solen-
nités.
IV. Le concile III d'Orléans (Can. n) prive du
nom et des distributions des chanoines tous
les ecclésiastiq nés qui ne rendront pas à l'évêi rue
l'obéissance qu'ils lui doivent, et à leur Eglise
l'assistance qu'ils lui ont promise. « Inter
reliquos canonicos clericos, ne hac licentiaalii
vitientur, nullatenus habeantur neque ex rébus
ecclesiasticis, cum canonicis stipendia aut nm-
nera ulla percipiant. »
Ainsi on appelait chanoines tous les bénéfi-
ciers qui avaient part aux revenus el aux
distributions de l'église, et qui étaient écrits
pour cela In i'anonc , c'est-à-dire dans la
matricule de l'église. Ce qu'on ne pouvait pas
dire de ceux qui desservaient les oratoires ou
les chapelles domestiques des grands, de la
main desquels ils recevaient aussi ce qui était
nécessaire pour'leur entretien, et qu'ils n'aban-
donnaient que les jours des grandes fêtes ,
parce que les grands étaient obligés, aussi bien
qu'eux, de les venir passer avec I'évêque.
V. Au reste, ce concile (Can. xvn), montre
manifestement que le clergé de la ville épisco-
pale était comblé des laveurs et des bienfaits
de I'évêque ; c'est à ceux de ce corps que
I'évêque donnait des fonds et des ferres de
l'église pour en jouir comme usufruitiers pen-
dant leur vie, à condition que I'évêque pouvait
les échanger pour d'autres de même valeur,
et même les leur ôter entièrement , si leur
désobéissance venait à mériter ce châtiment.
« Si quid a clericis, de decedentium sacer-
dotum munificentiis habetur vel possidetur,
deinCeps a successoribus nullatenus auferatur,
ita ut qui decessorum largitatibus gaudent,
officia ecclesiœ, obedientiam et affectum sacer-
dotibus pnebeanl, etc. Si episcopo placuerit
commutare, sine accipientis dispendio in locis
aliis commutetur. »
Voilà les prébendes des chanoines de lacathé-
drale, qui commençaient a se former par les
libéralités arbitraires des évêques que leurs
successeurs ne pouvaient pas révoquer que par
un échange, ou par une sentence juridique
contre un chanoine incorrigible. « Si con-
tumacia accipientis extiterit, crit in arbilrio
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES.
199
prœsidentis, utrum vel qualiter debeant revo-
cari. »
Le concile V d'Orléans défendit de donner
les ordres ou de conférer des bénéfices pendant
que le siège épiscopal est vacant : « Nullus aut
in civitate, ant per parochias ordinare clericos
praesumat. » C'est comme si ce canon défen-
dait au chapitre, à qui l'administration de
l'église vacante par la mort de l'évêque est
dévolue, de conférer ni ordres, ni aucun bé-
néfice, lui enjoignant de veiller à taire élire
promptement un évêque qui remplisse les
fonctions épiscopales.
VI. C'était à ses chanoines que l'évêque don-
nait ordinairement les cures, les abbayes et les
autres bénéfices de la ville ou de la campagne,
avec pouvoir de les laisser jouir en même
temps d'une partie des revenus de leurs cha-
noinies, au cas que les revenus de l'autre bé-
néfice ne fussent pas suffisants.
J'ai employé le nom d'abbaye, non pas que
l'ecclésiastique fût abbé, car il y avait toujours
un abbé ou une abbesse dans le cloître; mais
l'ecclésiastique était l'administrateur de l'ab-
baye et en retirait du revenu, à peu près
comme un abbé coinmandataire ou comme
vicaire-général de l'évêque pour tout ce qui
regardait cette abbaye. Ce n'était qu'une admi-
nistration, et c'était néanmoins un vrai litre et
un véritable bénéfice, parce que, comme nous
ferons voir ensuite, ceux qui en étaient pourvus
n'étaient nullement amovibles au gré de l'é-
vêque.
« De bis vero clericorum personis, quœ de
civitatensis Ecclesiœ officie- monasteria, diœ-
ceses, vel basilicas, in quibuscumque locis po-
sitas, id est, sive in territoriis, sive in ipsis
civitatibus, suscipiunt ordinandas : in potestate
sit episcopi, si de eo quod ante de ecclesiastico
munere habebant, eos aliquid,avit nihil exinde
habere voluerit. Quia unicuique facilitas
suscepti monasterii . diœcesis vel basilicœ
débet plena ratione sufûcere (Ibidem , can.
xvi n). »
VIL Le concile IV d'Orléans Can. xm) fait
jouir des privilèges et des immunités de la
cléricature tous les clercs qui sont écrits dans
la matricule de l'Eglise : « Quorum nomina in
matricula ecclesiœ teneantur inscripta. » On
effaçait de cette matricule les noms des incor-
rigibles; et, après qu'ils avaient fait pénitence,
on les y rétablissait, comme nous l'apprend le
concile d'Agde : « Cum eos pœnitentia cor-
rexerit, rescripti in matricula gradum suum
dignitatcinque recipi.tnt (Can. n). »
Ce terme de matricule, outre le catalogue
des clercs, signifie aussi le trésor et les revenus
de l'église, où avaient part tous ceux dont les
noms étaient écrits dans ce catalogue. Le
synode d'Auxerre (Can. m) le dit assez claire-
ment : « Quicumque votum habuerit, in eccle-
sia vigilet, et matricul.e ipsum votum, aut
pauperibus reddat. »
Le concile de Tours (Can. xxm) appelle canon
le livre des offices de l'église; mais on sait que
ce terme se prenait aussi pour le catalogue des
clercs, aussi bien que celui de matricule.
Le terme de canon était un terme de guerre
très-usité parmi les historiens, pour signifier la
provision de vivres qui se donnait aux soldats,
et le rôle de ceux qui avaient part à celte pro-
vision.
VIII. Le concile II de Tours (Can. vu) ne
permet pas à l'évêque de déposer un archiprêtre
sans l'assemblée de tous les autres prêtres :
" Sine omnium suorum compresbyterorum
consilio. » Cette assemblée de prêtres semble
être le chapitre, qui est juge avec l'évêque de
son chef, c'est-à-dire de l'archiprêtre. Il n'était
pas juste que les diacres et les autres clercs
intérieurs devinssent les juges d'un prêtre.
Nous avons déjà expliqué les canons de ce
concile qui parlent du clergé, c'est-à-dire des
prêtres, des diacres et des autres clercs qui
étaient avec l'évêque dans l'évèché, comme
dans un séminaire. Ce concile (Can. xixj donne
dans un autre canon le nom de chanoine aux
clercs mineurs et aux lecteurs qui accom-
pagnent les archiprètres à la campagne : unies
lector canonicorum suorum. Perpétue, évêque
de Tours, adressa son testament : Presbyteris,
diaconibus et clerîcis Ecclesiœ meœ (Spicilegii,
toin. v, p. 105 .
Mais il ne se peut rien dire de plus beau que
ce que nous lisons dans le livre ni des poésies
saintes de Fortunat, sur les louanges du cha-
pitre de Paris, composé de l'évêque, des prêtres
et des diacres, continuellement appliqués au
chant des divins offices : « Celsa Parisiaci cleri
reverentia pollens, Ecclesiœ genius, gloria,
munus, honos, carminé Davidico divina poe-
mata pangens cursibus assiduis dulce revolvit
opus. Inde sacerdotes, leviticus hinc micat
ordOj illos cauities, hos stola pulchra tegit. In
medio Germanus adest autistes honore, etc. »
IX. En Espagne, le concile I de Drague fut
500
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE HUITIÈME.
tenu clans l'église métropolitaine de cetle ville,
les évêques, les prêtres, les diacres y étant avec
le reste du clergé : « Considentihus simul
episcopis, praesentibus quoque presbyteris,
astantibusque ministiïs, vel universo clero. »
Voilà le clergé de la ville qui assiste au con-
cile.
Mais le concile VI de Tolède l'Can. rv), faisant
un règlement concerté sur ce sujet, n'y admet
qu'un certain nombre de prêtres et de diacres
choisis, parce que ce sont les évêques, les prê-
tres et les diacres qui font le véritable corps
de la hiérarchie ecclésiastique.
« Posl Lngressum omnium episcoporum,
atque consessum, vocentur deinde presbyteri,
(|uos causa probaverit introire. Post hos ingre-
diantur diaconi probabiles, (|uos ordo poposce-
rit intéresse, el enroua fada île sedibus episco-
porum, presbyteri a tergo eorum resideant.
Diacones in conspectu episcoporum stent. »
Si les conciles sont les images de l'Eglise
universelle, les chapitres sont aussi la repré-
sentation de chaque Eglise particulière. Ainsi,
comme l'Église se ressemble parfaitement à
elle-même, comme les évêques, les prêtres et
les diacres étaient les membres du concile, ils
l'étaient aussi des chapitres de chaque Eglise.
Et il ne fallait pas s'étonner qu'on admit les
diacres au conseil de l'évèque ou du chapitre
qui gouvernait tout le diocèse, puisqu'ils étaient
reçus dans les conciles généraux, où on réglait
l'Eglise universelle.
Lorsque le concile de Mérida Can. v) défendit
de députer des diacres pour tenir la place des
évêques dans les conciles provinciaux, ce rè-
glement fut un règlement nouveau, contraire
a l'ancienne discipline de l'Eglise, et je crois
qu'on n'y déféra pas. Les diacres avaient tou-
jours été et furent encore dépuis les vicaires-
généraux des évêques; ainsi, ils pouvaient bien
représenter leurs personnes dans les conciles.
Quant aux canons qui détendent aux diacres
de s'asseoir en présence des prêtres, ils doivenl
s'entendre des diacres en leur propre rang,
mais non pas des diacres quand ils tiennent la
place de leur évêque. Quelle apparence y a-t-il
que les diacres de l'Eglise romaine, qui repré-
sentaient la personne du pape et qui présidaient
aux conciles œcuméniques, avec les évêques et
lis prêtres envoyés de Rome, ne fussent pas
assis dans le concile?
\. Ce concile de Mérida Can. xu) permit aux
évêques do transférer les curés de lu campagne
à leur église cathédrale quand ils le jugeraient
a propos, en les laissant être comme curés pri-
mitifs de leur première cure, dont ils conser-
vaient encore une partie des revenus, laissant
l'autre aux prêtres et aux diacres qu'ils substi-
tuaient en leur place, avec l'aveu de l'évèque,
cl sur lesquels ils avaient toujours une autorité
fort grande.
« l't omnes episcopi provincin? uostra? si vo-
luerint, de parochianis presbyteris ac diaco-
nihus cathedralem sihi in ecclesia principali
laci re, maneat per omnia licentia. Et quamvis
ah episcopo suo sti pendu causa per bonam
obedientiam aliquid accipiant, ab ecclesiis ta-
men in quibus consecrati sunt, vel a rébus
earum extranei non maneant : sed pontifieali
electione. presbyteri ipsius ordinatione, pre-
sbyter alius instituatur, qui sanctum offlcium
peragat,et discretione prioris presbyteri victus
et vestitus rationabiliter illi ministretur, ut non
egeat. »
Il y a quelques remarques à faire sur ce ca-
non : I" Que les revenus des curés étaient ordi-
nairement plus grands que ceux des chanoines,
puisque nous voyons ici que les curés des pa-
roisses ont de la peine à se résoudre de passer
à l'église cathédrale; et, si l'on donne aux
évêques le pouvoir de les y contraindre, ce
n'est qu'en leur laissant la meilleure partie de
leur premier revenu. Nous avons aussi déjà vu
que l'évèque, pour favoriser quelques-uns de
ses chanoines, les transférait dans les cures.
2 Oue ce coucile donne le nom de eathe-
dralis aux chanoines; et cathedralem facere,
c'est faire un chanoine.
3' Que, quoiqu'il semble d'abord que l'office
des curés soit sans comparaison plus important
que celui des chanoines, ce n'est pas néanmoins
sans raison que ce concile permet aux évêques
de transférer les meilleurs curés et d'en faire des
chanoines dans leur Eglise cathédrale, en sub-
stituant dans leur cure un autre prêtre ou curé
qui n'aura qu'une pension congrue. La raison en
est que les chanoines sont comme les membres,
les yeux et les mains de l'évèque, et font avec
lui un conseil et comme un sacré sénat qui
gouverne tout le diocèse. Or, on ne peut douter
que l'intendance générale sur toid le diocèse ne
soit d'une importance toute autre que celle d'une
seule paroisse. Et c'est peut-être aussi la raison
pour laquelle ce nouveau chanoine demeure
toujours le curé primitif de sa première cure,
parce que le chapitre et l'évèque sont efîecti-
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES.
:,oi
vernent les principaux directeurs de toutes les
Eglises du dio<
: Que ce concile ne parle que îles prêtres el
des diacres que l'évêque peut transférer dans
son chapitre,, parce que les chapitres n'étaient
composés que de prêtres el de diacres;
V Qu'enfin ce concile renouvelle le décret
du pouvoir des évoques pour donner quelques
fonds aux clercs, pour reconnaître leur piété
et leur exactitude aux offices, avec pouvoir de
les reprendre si ces clercs les laissent dépérir
entre leurs mains. Voilà encore les commen-
cements des prébendes.
XL Venonsà l'Italie où saint Grégoire, pape,
fait bien voir que les chapitres n'étaient pas
fort nombreux, quand il ordonne à l'évêque
qu'il envoie pour visiter l'Eglise de Piombino,
destituée de pasteur, d'y ordonner un prêtre
cardinal et deux diacres, et d'ordonner outre
cela trois prêtres pour toutes les paroisses du
diocèse : «Ut unum cardinâlem illic preshy-
terum, et duos debeas diacones ordinare. In
parocbiis vero praefatae Ecclesiae très similiter
presbytères (L. i, ep. 15).» C'est tout le secours
qu'on donne à cette Eglise qui n'avait pas si li-
ment de prêtres pûur y donner le baptême. Je
laisse les autres exemples pareils.
Ce souverain pontife écrit « aux prêtres, aux
diacres et au clergé de Milan, » sur l'élection
de leur évéque (L. n, ep. xxix; 1. iv, ep. xxiu).
Il ordonne ailleurs qu'après que l'élection de
l'évêque sera faite , cinq des plus anciens prê-
tres et autant d'anciens diacres viennent à
Home en demander la confirmation : « Quinque
de prioribus presbyteris, et quinque de prœ-
cedentibus diaconibus (L. v, c. xu). »
Ce pape, donnant lui-même la liberté à un
esclave, fit signer avec lui à l'acte d'affran-
chissement trois des anciens prêtres et trois
diacres de son Eglise : « Propria manu cum
tribus presbyteris prioribus, et tribus diaconi-
bus pro plenissima iîrmitate subscripsimus. »
En une autre rencontre, pour donner à un
abbé le pouvoir de faire un testament, il con-
sulta premièrement et fit intervenir à l'acte
qu'il en donna à quelques évoques qui se trou-
vèrent à Rome, les prêtres, les diacres et le
clergé de Home : « Considentibus episcopis, et
presbyteris. etc. Astantibus etiam diaconis et
clero. etc. Ut cum fratribus filiisque noslris,
quid statuendum sit. deliberare possimus, etc.
Quœ nobis cum fratribus filiisque nostris in
commune visa sunt (L. îx, ep. xxu . »
Il ne juge pas ailleurs que les procédures
d'un évéque puissent être juridiques, si ses
mandements ne sont souscrits par ses prêtres
et par ses diacres : « Mahdato legaljter facto,
tuis ac presbyterorum seu diaconorum in testi-
monium subscriptionibus roborato (L. n, ep.
xv, i.x; I. n. ep. lix). »
Il fait voir en un autre endroit que les cha-
pitres étaient les pépinières ordinaires d'où
l'on tirait les évêques, quand il écrit au mé-
tropolitain de Cagliari qu'il ne doil pas entiè-
rement dépeupler son propre chapitre , en
tirant de là un trop grand nombre d'évêques
pour les autres Eglises : « Sic tamen ut non
omnes ad episcopatum de Ecclesia ipsius eli-
gantur. Nam sic eum convenu alias ordinare,
ut Ecclesia1 siue de personis, quœ in ea possint
proficere, necessitatem non faciat: »
Enfin ce saint pape ayant à faire plusieurs
règlements considérables pour la réformation
de l'Eglise de Home, il les fit dans une assem-
blée synodale d'évêques et de ses prêtres, en
présence des diacres et du reste de son clergé :
« Gregorius, cum episcopis omnibus, et Ro-
maine Ecclesiœ presbyteris residens, astantibus
diaconibus et cuncto clero (Cône. III Roman.,
sub Gregor. II.» Il n'y eut pourtant que les
évêques et les prêtres qui souscrivirent.
Le pape Martin Ier en usa de même pour con-
damner les patriarches monothélites d'Orient :
« Sedentibus episcopis et presbyteris, astanti-
bus diaconibus et clero universo (Epist. n). »
Ce saint pape écrivant à toute l'Eglise de Jéru-
salem, adressa sa lettre aux évêques, aux prê-
tres, aux diacres, aux moines, après son grand
concile romain , et mit la même adresse à sa
lettre synodale, adressée à l'Eglise universelle :
«Episcopis, presbyteris, diaconis, abbatibus,
monachis. »
Les adresses des lettres de Grégoire II sont
les mêmes, aussi bien que les souscriptions de
son concile romain, à la réserve des souscrip-
tions des diacres qui y sont ajoutées après
celles des prêtres.
XII. Le chapitre de l'Eglise de Rome , que
nous avons depuis appelé le collège des car-
dinaux, est le plus parfait modèle de l'ancienne
discipline sur ce sujet. On a pu ci-devant re-
marquer qu'il était principalement composé
des prêtres et des diacres du clergé de Rome ;
que le pape y délibérait avec eux de toutes les
affaires importantes, non-seulement de son
Eglise, ou de son évèché particulier, mais aussi
502
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE HUITIÈME.
de l'Eglise universelle ; que les évêques qui se
trouvaient fortuitement à Rome y étaient
aussi appelés ; que ces prêtres et ces diacres
avaient aussi place dans les conciles romains.
Enfin l'autorité aussi bien que le zèle de cet
illustre clergé parut admirablement sous Eu-
gène 1 r, lorsqu'on craignit qu'il ne se relâchât
de cette constance invincible de ses prédéces-
seurs contre les patriarches monolhélites. Dans
cette occasion le clergé , secondé du peuple de
Rome, fit une sainte violence à ce pape, qui
apparemment n'en était point fâché, pour ne
pas souffrir même qu'ilreçût la lettre synodale
dePierre, patriarche de Constantinople, ni qu'il
dît la messe avant que d'avoir promis de ne la
point recevoir.
C'est ce qu'en dit Anastasé Bibliothécaire :
« Et accensus populus et elerus eo quod talem
synodicam direxisset; minime est suscepta,-sed
cum majore streprtu est a sancta Dei Ecelesia
projecta: utetiam nec eumdem Papam dîmhV
teret populus et elerus missas celebrare in ba-
siliea sanclae .Maria' ad praesepe, nisipromi-
sisset Pontifex minime eam aliquando susci-
peic. »
Le nom de chanoines, qui était commun à
tous les clercs, fut enfin particulièrement affecté
à ceux de I Eglise principale. Nous en remar-
querons le temps ailleurs, niais saint Boniface,
archevêque de Mayiiee. le donne encore com-
munément à tous. « Coepiscopis, presbyteris,
diaconibus, canonieis clericis. etc. Epist. vi).»
Comme cette application fut assez nouvelle,
elle n'a pas eu de lieu dans le principal clergé
de Home.
Mil. Quant a l'Eglise grecque, Justinien
nous apprend que. comme il n'y avait eu d'a-
bord qu'une église à Constantinople. lorsqu'on
\ , ii ajout i ensuite trois autres, les ecclésias-
tiques de l'ancienne église allaient partout
desservir ces églises nouvelles : a Quoniam
quidem non proprios clericos, neque unaqui-
dem harum trium habeat basilicanini . sed
communes sunt. et sanctissimœ majoris eccle-
siae, et earum, et omnes eifeumeuhtes , seeun-
diuii quemdam ordinem eteircum ministeria
in eis célébrant (Novel. 3, 6 et 16 . o
Cet empereur détermine dans celte consli-
tution le nombre des clercs de la grande église
de Constantinople qui doivent aussi faire les
divins offices dans les trois autres , savoir,
soixante piètres, cent diacres, quarante diaco-
oisses, quatre-vingt-dix sous-diacres, cent dix
lecteurs, vingt-cinq chantres, ce qui fait le
nombre de quatre cent vingt-cinq clercs, ou-
tre les cent portiers.
Comme les clercs des moindres églises ou de
la ville . ou du diocèse de Constantinople, bri-
guaient la faveur des grands pour se faire
transférer dans la grande église de cette ville
impériale , l'empereur condamne et défend
cette infâme avarice, et déclare que les clercs
ne sont pas moins obligés par les canons de
persévérer constamment dans la même église
où ils ont été ordonnés ..que les moines dans
les monastères où ils ont fait profession.
« .Nain si super venerabilîbus monasteriis
prohibemus ex alio monasterioad aliud trans-
migrare, multo magis neque reverendissimis
clericis hoc permittimus, lucri et negotiationis
habere demonstrationem, hujusmodi horum
desiderium judicântes. »
Cet empereur défend d'ordonner de nou-
veaux clercs dans les Eglises, jusqu'à ce que
leur nombre soit réduit à ce qui a été déter-
miné, et d'en ordonner au delà du nombre
qui a été réglé par les fondateurs, sur le pied
du revenu qu'ils y assignaient. 11 ajoute que
s'il est nécessaire de remplir le nombre et la
place vacante d'un clerc, il vaut mieux la
remplir de l'un de ceux qui sont ailleurs sur-
numéraires , que d'en ordonner un nou-
veau.
Tous ces règlements sont d'une extrême
conséquence dans les Eglises et dans les temps
où tous les biens sont possédés en commun par
une congrégation ecclésiastique. Aussi ces
mêmes règles ont été renouvelées dans toutes
les compagnies monastiques desderniers siècles,
pour empêcher le nombre excessif qui eût en-
lin attire la ruine des monastères.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans ces
constitutions de Justinien est cette unité pri-
mitive de l'Eglise et du clergé de chaque \ille,
où l'on ne peut concevoir que la chose se soit
passée autrement. Et c'est sans doute de la
qu'est venue la primauté, l'autorité et la juri-
diction ancienne des chapitres des cathédrales
sur toutes les autres églises de la ville, con-
jointement avec l'évêque.
Kn ellct, originairement toutes les Eglises
particulières ne sont que des écoulements et
comme des démembrements de l'ancien clergé
de l'église cathédrale, qui autrefois desservait
lui seul toutes les églises, allant célébrer les
stations, tantôt dans l'une et tantôt dans l'autre,
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES.
503
ou \ envoyanl tantôt les uns, et tantôt les autres
de son corps.
XIV. Le clergé île Constantinople assista au
concile qui s'y tint sens Agapet et .Menas :
« Pressente venerabili clero regiœ eivilatis. »
Au concile de Mopsueste, qui fut relu dans la
vc session du V' concile général, les prêtres,
les diacres, les sous-diacres, les lecteurs de la
même ville y assistèrent aussi. On y reçut la
déposition de Jean, qui n'était encore que
diacre, quoiqu'il eût passé quarante ans dans
le clergé. Thomas diacre y en avait passé qua-
rante-neuf, un autre Jean, diacre, cinquante.
En tout on y reçut la déposition de onze piètres
et de cinq diacres, et il est à croire que ce cha-
pitre n'était pas plus nombreux. Mais il n'a pas
été inutile de remarquer qu'il y en avait plu-
sieurs dans les chapitres qui vieillissaient dans
le diaconat, sans être jamais élevés à la prê-
trise.
XV. Le concile In Trullo s'est mis en peine
de justifier la constitution de Justinien, et
l'usage de plusieurs Eglises, où il y avait plus
de sept diacres, quoique les apôtres n'en eussent
d'abord élu que sept, et que le concile de
Néocésarée eut ordonné (pie dans les plus
grandes villes on n'excédât pas ce nombre, qui
avait été comme consacré par l'exemple de
l'Eglise naissante. Mais ce concile n'a pas
mieux rencontré dans cet article que dans quel-
ques autres.
Il prétend que les sept diacres dont il est
parlé dans les Actes n'étaient que pour l'admi-
nistration du temporel, et nullement pour les
sacrements (Can. xm). Nous avons justifié ci-
devant le contraire par les saints Pères. Le
plus court eût été de dire que les apôtres
créèrent autant de diacres qu'il en était besoin
pour l'état présent de toute l'Eglise de Jéru-
salem. Le concile de Néocésarée jugea que ce
nombre était encore suffisant pour le nombre
présent des fidèles dans chaque Eglise ; mais
que depuis il avait été nécessaire d'en élire un
nombre beaucoup plus grand, parce que la
multitude des fidèles était incomparablement
plus grande.
XVI. Il faut revenir aux chapitres des Eglises
orientales. Le patriarche Sergius fit faire une
constitution à l'empereur Iléraclius, en l'aiiots.
afin de s'en servir comme d'un bouclier pour
repousser les importunes sollicitations des
grands, qui demandaient pour leurs amis, ou
place dans son clergé, ou même des offices
qui étaient déjà remplis par d'autres : ce qui
diminuait beaucoup les revenus de l'Eglise, en
augmentant excessivement le nombre de ceux
à qui il fallait donner des distributions. « Adeo
quidem, ut inde diariorum quantitas, quae
ipsis datur, magnopere excrescat (Baronius,
an. (ils, n. 4). »
Cet empereur permet donc au patriarche et
à son clergé de fixer le nombre des ecclésias-
tiques, tant de l'église cathédrale que de deux
autres, qu'on peut appeler collégiales dans
Constantinople, avec défense après cela d'en
recevoir davantage, et d'excéder jamais ce
nombre une fois déterminé, si ce n'est que
quelqu'un donnât à l'église, ou poursoi-mème,
ou pour un autre, quelque fonds considérable;
car en ce cas il sera reçu par-dessus le nombre
ordinaire, sans admettre néanmoins jamais les
personnes irrégulières. « Ordinem sacrorum
canonum nihilominus observando. »
XVII. Je n'ai pas parlé dans ce chapitre des
congrégations monastiques qui étaient origi-
nairement destinées par les propres fondateurs
des monastères à aller célébrer les offices divins
du jour et de la nuit dans les églises cathé-
drales et collégiales voisines, dont les ecclésias-
tiques étaient titulaires.
Anastase Bibliothécaire en parle souventdans
la vie dis papes, et dans celle de Grégoire III
il fait mention de ces monastères fondés au
voisinage pour aller tous les jours et toutes les
nuits célébrer l'office canonial dans les églises
de Saint-Pierre, de Saint-Paul, de Saint-Jean de
Latran, de Saint-Chrysogone.
« Construxit monasterium circa titulum
sancti Ctu ysogoni, constituons ibi abbatem et
monachorum congregationem, ad persolven-
das Deo laudes in eodem titulo diurnis no-
cturnisque temporibus, ad instar officiorum
beati Pétri apostoli, segregatum videlicet
monasterium a jure polestatis presbyteri dicti
tituli. »
Cela fut sans doute imité dans quelques lieux
de l'Occident, et de là on voit l'union des moines
avec les chapitres.
504
DES CONGRÉGATIONS. - CHAPITRE NEUVIÈME.
CHAPITRE NEUVIÈME.
DES CHAPITRES SOIS L'EMPIRE DE CHAKLEMAGNE.
I. On appelait chanoines ceux qui avaient pour règle les ca-
nons de l'Eglise ; et on donnait le nom de réguliers à ceux qui
suivaient la règle de saint Benoit.
II. Pépin et Charlemagne commencent à presser tous les ec-
clésiastiques de vivre en communauté dans dos cloîtres, et à
suivre la règle de l'èvêquede Metz, Crodogangue..
III. Les conciles font des ordonnances pour cela.
IV. L'exécution ne put s'en faire aussitôt dans toutes les
Eglises, faute de revenus temporels.
v. Ressemblance de ces congrégations de chanoines avec les
abbayes de moines.
\\. Il se forma des congrégations de chanoines hors d. s ca-
thédrales, par te relâchement de quelques moines, à qui ou
permit de se séculariser et de vivre en chanoines.
VII. Preuves qu'il y avait des congrégations de chant s
outre les chapitres des cathédrales et les communautés de
moines.
VIII. Nouvelles preuves de ce qui a été avancé dans le nom-
bre sixième
1\. [.;, ,, ■...!,. ,|,. i;r,,di.t..iii:.Mie lui commune aux chapitn
cathédrales et aux chanoines des collégiales; aussi bien que
celle du concile d'Aix-la-Chapelle, sous louis le Débonnaire.
X. Nouvelles instances pour mettre tous les chapitres en com-
munauté.
XI. L'évèque y vivait avec les chanoines.
Ml. Ce chapitre vivant en communauté avec l'évèque, faisait
son conseil, et était vraiment le même que l'ancien clergé, qui
gouvernait les diocèses avec l'évèque et sous l'évèque
MU. Nouvelles preuves !
XIV. Fondation de nouvelles collégiales, outre celles dont il a
été parlé.
E II y a eu deux sortes de chapitres, les uns
composés de chanoines , les autres de moines ;
ceux-ci dans un monastère, sous la direction
d'un ahbé, et ceux-là vivant aussi en commu-
nauté, sous la puissance de révoque.
Le concile de Vernon (Can. xi), sous le roi
Pépin, en 7.'>.'>, distingue admirablement ces
deux sortes de communautés religieuses. « De
illis hominihus, qui dicunt quod se propter
Deum tonsurassent, et modo res eorum vel
pétunias habent, et nec sub manu episcopj
sunt, nec in monasterio regulariter vivunt;
placuit ut in monasterio sint sub ordine regu-
lari , aut sub manu episcopi sub ordine eano-
nico. »>
On ne peut pas donner la qualité de régu-
liers aux tli anilines, dont il est parlé dans ce
canon, puisqu'ils sont opposés aux moines, à
qui la qualité de réguliers y esi affectée : ces
ternies: « Regulariter vivunt, sub ordine re-
gulari , » ne conviennent qu'aux moines. Ce
qui vient de l'observance de la règle de saint
Benoît; les chanoines tiraient leur nom de la
profession qu'ils faisaient de vivre selon les
canons. C'est la le véritable sens de ces pa-
roles, « Sub ordine regulari,sub ordine cano-
nico. »
Voilà la véritable origine du nom de cha-
noines pendant le siècle de Charlemagne, car
dans les siècles précédents, il est plus vrai-
semblable que ce nom était attribue à tous
ceux qui étaient écrits sur la matricule de
l'église, (pion appelait aussi de ce nom
xaxûv ; comme en étant les bénélîciers. Enfin ,
voilà le sens primitif de ce ternie de réguliers,
qui a i li' depuis étendu au delà de ses ancien-
nes bornes.
Si j'ai confondu les monastères avec les cha-
pitres, c'est parce que plusieurs chapitres ont
été composés de moines qu'on avait substitués
à la place des chanoines dont la conduite n'a-
vait pas paru assez édifiante. J'en donnerai les
exemples ci-après : remarquons toujours ici
que le même concile fait mention de clercs qui
vivaient sous la discipline de leur abbé, et qui
étaient aussi immédiatement soumis à l'évèque
diocésain. Par ces derniers on peut entendre
avec quelque fondement les moines, qui avaient
passé dans le clergé, et qui dépendaient encore
en quelque manière de leur abbé , et dont on
pouvait considérer les maisons comme des
monastères. C'est peut-être de ces compagnies
de clercs qu'il faut entendre un autre canon
du même concile. «Ut clerici conductores non
sint, nisi pro causa Ecclesiarum , ordinante
episcopo suo, vel abbate (Can. xvi). »
II. Charlemagne garda la même distinction
des moines et des chanoines, mettant au rang
des chanoines absolument tous les ecclésias-
tiques qu'on commençait de contraindre, par
une douce et sainte violence, à vivre en com-
munauté.
« Canonici observantia ordinis vel mona-
chi proposito consecrationis, etc. Scholae per
DES CIIAPHÏiES SOIS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
505
singula monasteria, vel episcopia liant, etc.
Qui se voto monachicae vitae constrinxerunt,
monachiceel regulâriter vivant, etc. Similiter
qui ad clericatuni accedunt, quod nos uomi-
namus canonicam vitam. volumusut illi ca-
nonice secundum suam regulam vivant, et
episcopus eornm regat vitam, sicut abha nio-
nachorum Capitular. Aquisgran., an. 789,
can. ixxu. lxxiu . »
Ces deux articles du capitulaire d'Aix-la-
Chapelle, de l'an 780, méritent deux réflexions
de conséquence. La première, que la clérica-
tniv et la profession de chanoine passait pour
une même chose. « Qui ad clericatuni acce-
dunt. quod nos canonicam vitam nomina-
mus. » Cela venait de l'obligation à laquelle
on avait assujéti tous les clercs de vivre en
communauté.
La seconde que Charlemagne propose aux
chanoines, c'est-à-dire à tous les clercs, de vivre
selon leur règle, c'est-à-dire, selon les canons,
a Volumus ut illi canonice secundum suam
regulam vivant. » Ainsi on pourrait s'imaginer
que ce fut là l'origine de ce nom de chanoines
réguliers. Je doute néanmoins de cette origine,
et les canons que nous rapporterons dans ce
traité feront voir le contraire. Mais il y a beau-
coup de sujet de croire que cet empereur fait
allusion à la règle des chanoines, composée
par Crodogangus, évèque de Metz, sous le
r^gne du roi Pépin son père, et qu'il en or-
donne l'observance générale à tous les ecclé-
siastiques.
En effet, Paul Diacre assure que ce fut Cro-
dogangus qui donna commencement à la
vie commune des clercs, qui les assembla dans
des cloîtres semblables à ceux des monastères.
et qui leur donna une règle. « Hic clerum
adunavit, et ad instar cœnobii intra claustro-
rum septa conversari te cit. Normamque eis
instituit, qualiter in ecclesia militare deberent
(Du Chesne, bistor. Franc, tom. n. p. 204 . d
Charlemagne confirme nos réflexions précé-
dentes dans un canon suivant, où il prescrit
à tous les clercs de vivre en vrais religieux, ou
eu vrais chanoines. « Ut illi clerici, qui Qngunt
habitu vel nomine monachos esse, etnon sunt,
onmimodis videntur esse corrigendi, ut vel
veri monachi sint, vel veri canonici [Capitular.
Aquis., c. lxxvii .»
Le concile de Francfort (Can. xxvu met les
clercs sous l'évêque ou sous l'abbé « De cleri-
cis, ut iiullus eos post hacc retinere audeat,
postquam episcopus. aut abhas suus eos
père voluerit. »
Le concile VI d'Arles, tenu eu 815 Can. \i ,
distingue les chanoines des réguliers, qui sont
les moines : « Providendum episcopo qualiter
canonici vivere debeant, riec non et monachi,
ut secundum ordinem canonicum, vel regula-
reni vivere studeant. »
III. Mais le concile de Hayence, tenu en 813
Can. ix!. assujétit généralement tous lesclercs
à la vie canoniale, c'est-à-dire, à la vie com-
mune dans un même cloître, et a la règle de
Crodogangus.
« In omnibus igitur, quantum humana fra-
gilitas peruiittit : decrevimus, ut canonici
clerici canonice vivant, observantes divina:>
Scripturae doctrinam et documenta Patrum. et
ut simul manducent et dormiant, ubi bis fa-
cilitas id faciendi suppetit, vel qui de rébus
ecclesiasticis stipendia accipiunt, et in suo
claustro maneant, et obedientiam secundum
canones suis magistris exhibeant, etc. Discre-
tionem esse nolumus inter eos qui dicuntur
sœculum reliquisse, et adhuc saeculum sectan-
tur. Placuit igitur sancto concilio, ut ita dis-
cernantur, sicut in régula clericoruni dictum
est. »
La règle des clercs expressément nommée :
« Régula clerieorum.» était aussi marquée par
ces autres expressions: a Observantes divinae
Scripturae doctrinam, et documenta suictorum
Patrum, etc. obedientiam secundum canones
exhibeant (Ibid. Can. xx . » Parce que la règle
de Crodogangus n'est qu'un tissu des Ecritures,
des canons, des ouvrages des Pères, et surtout
de la règle de saint Benoit. Car on ne peut
douter que cette Règle des C/ercs ne soit celle
de Crodogangus . puisque ce même canon du
concile de Mayence renferme le chapitre lxiv
de la règle de Crodogangus.
IV. Mais il ne faut pas oublier la limitation
que ce concile même met a son ordonnance.
Quoique Charlemagne et les conciles eussent
fait des décrets pour obliger .tous les ecclésias-
tiques à vivre en communauté dans un même
cloître, cela ne put être généralement observé,
parce qu'il ne se trouva pas partout un fonds
suffisant pour faire subsister ces nombreuses
communautés.
Paul Diacre dit que Crodogangus commença
à établir la vie commune entre ses chanoines
par l'assignation des revenus qui étaient né-
cessaires pour leur entretien : « Quibus anno-
500
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE NEUVIÈME.
nas vitaeque subsidia sufficienter largitus est,
ut perituris vacare negotiis non indigentes:
divinis soluinmodo officiis excubarent. »
Tous les évêques ne purent pas d'abord en
faire de même, et c'est le sens de cette restric-
tion du concile de Mayence : « Ubi his facilitas
id faciendi suppetit, vel qui de rébus ecclesia-
sticis stipendia aecipiunt. »
On n'obligeait doue à entrer dans ces socieb is
saintes , où l'on imitait la vie commune des
moines, que ceux qui avaient suffisamment de
quoi s'entretenir, ou des fruits de leurs béné-
fices, ou des revenus de la communauté.
V. Ce même concile de Mayence (Can. xx)
nous apprend que l'extrême ressemblance qu'il
y avait entre ces deux sortes de communautés
des chanoines et des moines, avait rendu le
nom de monastère commun aux sociétés de
chanoines : « Perspiciant missi loca monâste-
riorum, canonicorum pariteret monachorum,
similiterque puellarum. »
La clôture y devait être la même : « Omnia
necessaria infra monasterium exerceantur, ut
non sit nécessitas clericis, vel monacbis va-
gandi foras, etc. Claustrum firmum habeant,
in quo salvaii possint animée, in ois connno-
rantium sub disciplina canonica, vel regu-
lari. »
Le supérieur des chanoines portait aussi le
nom d'abbé, comme il parait par le canon sui-
vant : «Episcopus sciât, persingula monasteria,
quantos quisque abbas canonicos habeat in
monasterio suo : et hoc omnino ambo pariter
provideant, ut si monachi lieri voluerint, re-
gulariter vivant; sin autem, canonice vivant
omnino (Can. xxi). »
Ainsi non-seulement les noms de monastère,
d'abbé et de règle, étaient communs aux so-
ciétés de moines et de chanoines, mais les
choses mêmes signifiées par ces mots.
VI. Ge dernier canon fournit le sujet d'une
remarque qui n'est pas à négliger : c'est qu'a-
vant rétablissement de ces congrégations clé-
ricales, il j avait .plusieurs ecclésiastiques qui
suivaient de près la manière de vivre , la re-
traite, la solitude, la pauvreté des moines, et
le nombre en était devenu si grand, que le
nom, la tonsure et la profession îles clercs et
des moines se confondaient assez souvent ,
connue nous l'avons remarqué en plusieurs
rencontres. Or autant ce mélange apparent
avait été utile d'abord aux ecclésiastiques
qui joignaient a la sainteté de leur ministère
la pureté des vertus monastiques; autant dans
la suite du temps il devint dangereux au règle-
ment des monastères, où les moines commen-
cèrent à prendre les mêmes libertés qu'on
pardonnait aux clercs, comme ne se distin-
guant pas eux-mêmes des clercs. Ainsi les
moines voulaient vivre en clercs, et les clercs
se couvraient de l'apparence trompeuse des
moines, et ce n'étaient plus ni de vrais clercs
ni de vrais moines.
(Test cet abus auquel Charlemagne et ce
concile voulaient remédier par ces canons et
par cet exact discernement entre les monas-
tères des chanoines et ceux des réguliers.
Le père Le Cointe a montré, eu l'an 8-20, que
dans saint Martin de Tours, les moines étaient
devenus chanoines, vivaient en chanoines et en
portaient le nom, ayant aussi un abbé chanoine,
quoiqu'a Corniéry il y eût cinquante moines
qui (disaient leur abbé , avec l'agrément de
l'abbé de Saint-Martin.
Ce même concile de Mayence (Can. xxn)
condamna à la prison les clercs vagabonds, qui
n'étaient soumis ni à l'évêque ni a un abbé :
« Neque sub episcopo, neque sub abbate, cle-
rici vagi, sive acephali , sine canonica, vel
regulari vita. »
Sous ce mot de clercs on entend encore les
moines aussi bien que les ecclésiastiques. Et il
semble que le nom de clerc était quelquefois
comme général, embrassant les chanoines et
les moines, et alors le nom de chanoine ne se
donnait qu'aux vrais clercs qui étaient simple-
ment ecclésiastiques.
Le concile II de Reims, qui fut tenu la même
année 1813. « Lecti sunt canones, ut quisque
canonicus legem vitamque suam minime igno-
raret. Lecta est régula sancti Benedicti, ut ad
memoriam reduceretur abbatibus, etc. (Can.
MU, IX). »
VII. Nous n'avons pas encore pleinement
prouvé qu'il y avait des chapitres de deux
sortes, outre les cloîtres des moines, les uns
sous l'évêque et dans les églises cathédrales,
les autres sous un abbé, observant la vie com-
mune et la règle des chanoines. En voici une
preuve incontestable, tirée du concile III de
Tunis, tenu en 1813, qui distingue en trois
canons différents ces trois genres de commu-
nautés religieuses, et remarque leur propre
caractère et leurs différences essentielles.
Le canon xxui parle des chanoines qui com-
posent le chapitre de L'évêché, et vivent en
DES CHAPITRES SOIS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
m
communauté avec l'évêque dans un même
réfectoire et un même dortoir, l'évêque four-
nissant tout ce qui est nécessaire à leur subsis-
tance : m Canonici et clerici civitatum, qui in
episeopiis conversantur, consiileravinius ut in
claustris habitantes, simul omnes in uno dor-
mitorio dormiant, simulque in uno reficiantur
refectorio, quo facilius possintad horas cano-
nicas celebrandas oçcurrere, ac de vita et de
conversatione sua admoneri et doceri : victum
ac vestimentum juxta facultatem episcopi aeci-
piant, ne paupertatis occasione per diversa va-
gari cogantur, etc. »
Le canon xxiv contient la description des
chanoines assemblés sous un abbé : « Simili
modo et abbates monasleriorum, in quibus ca-
nouica vita antiquitus fuit, vel nunc videtur
esse, sollicite suis provideant canonicis, ut ha-
beant claustra et dormitoria in quibus simul
dormiant, simulque reliciantur, horas canoni-
cas custodiant, victum et vestitum juxta quod
poterit abbashabeémt, quo facilius ad Dei servi-
tium possint constringi, sintque abbates sibi
suhdilis bene vivendo duces et prsevii, etc. »
Enfin, le canon xxv regarde les moines, sou-
mis universellement à la règle de saint Benoit.
a Monasteria monachorum, in quibus olim
régula patris Bencdicti conservabatur, etc.»
La vie commune, le cloître, le même réfec-
toire et le même dortoir, le chaut réglé des
heures canoniales, le droit d'être vêtu et nourri
des revenus de la communauté, étaient des
avantages communs à ces deux sortes de cha-
noines.
Leur différence essentielle était la soumission
immédiate des uns à l'évêque, des autres à
l'abbé, et la demeure des uns dans la cité et
dans la maison épiscopale, «Canonici et clerici
civilatuni, nui inepiscopiisconversantur, etc.;»
des autres hors des villes épiscopales, au moins
hors des maisons des évèques.
VIII. Comme il est libre à chacun de suivre
ses conjectures, et que le danger n'en peut être
grand , si l'on demeure toujours bien per-
suadé que ce ne sont que des conjectures, et
non pas des vérités certaines; je ne craindrai
point de proposer ici celle qui m'est tombée
dans l'esprit en cherchant l'origine de ces
congrégations des chanoines hors de l'évèché
et sous des abbés.
Il y a quelque vraisemblance qu'elles avaient
été autrefois de vrais monastères sous la règle
de saint Colomban, ou de saint Césaire , saint
A ii ii lien, saint Benoit et tant d'autres qui eurent
vogue, etque le relâchement s' y étant glisse, ces
chanoines commencèrent a \ vivre plutôt en
clercs qu'en religieux, surtout quand ces deux
noms commencèrent a n'être plus guère dis-
tingués ; et enfin quand Pépin et Cbarlemagne
commencèrent à réformer tous les corps ecclé-
siastiques, on leur donna le choix de \ivre à
l'avenir en moines ou en chanoines , c'est-à-
dire, de suivre la règle de saint Benoit, ou celle
de Crodogangus.
Voici les preuves de cette proposition. Le ca-
non xxiv du même concile 111 de Tours parle
évidemment des monastères où la vie cano-
niale avait été autrefois gardée, et il ordonne
qu'on l'y rétablisse. «Abbates monasteriorum,
in quibus canonica vita antiquitus fuit. »
Le canon suivant est bien plus clair; il dit
qu'il y a des monastères où la règle de saint
Benoît est entièrement abolie, et où les abbés
vivent plutôt en chanoines qu'en religieux :
« Monasteria in quibus régula beau' Bencdicti
penitus abolita negligitur, etc. Aliqua sunt in
quibus pauci sunt monachi, qui prœdicti patris
regulam suis abbatibus promissam habeanl,
quippecum ipsi abbates magis canonice, quam
monachice inter suos conversari videntur. »
Il est donc probable que quelques-uns de
ces monastères où les abbés et les moines s'é-
taient depuis longtemps si fort relâchés que
leur vie approchait plus de celle des chanoines
que de celle des moines, passèrent enfin pour
des monastères de chanoines, et furent insen-
siblement sécularisés.
Cbarlemagne reprochait aux chanoines de
Saint-Martin de Tours leur inconstance et leur
légèreté, qui leur faisait tantôt prendre le nom
de chanoines, tantôt celui de moines. « Ali-
quando enim monachos, aliquando canonicos,
aliquando neutrum vos essedicebatis Epist, ad
Albinum tom. i. Capitul. Baluzii). »
Le concile de Vernon donna à ces sortes de
moines relâchés le choix des deux professions,
de chanoines, ou de moines, « Placuit ut in
monasterio sint sub ordine regulari ; aut sub
manu episcopi, sub ordine canonico. »
Cbarlemagne leur donna encore le même
choix dans le capitulaire d'Aix-la-Chapelle.
« Illi clerici , qui se fingunt habitu vel Domine
monachos, et non sunt, corrigendi omnimodis
videntur, ut vel veri monachi sint. vel veri ca-
nonici. »
Le concile de Mayence enjoint à l'évêque de
Ï08
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE NEUVIÈME.
visiter tous les monastères de son diocèse . et
d\ examiner avec l'abbé tous les religieux, afin
de leur l'aire déelarer nettement s'ils \eulcnt
vivre selon la règle des moines, ou selon la
discipline des chanoines. « Hoc pariter provi-
deant episcopus et abbas , ut si monachi fieri
voluerint, regulariter vivant : sin autem cano-
nice vivant omnino. » C'est évidemment leur
donner la liberté de se séculariser. Tous ces
passages ont été rapportés ci-dessus.
Personne ne se mit en peine alors d'exami-
ner et de vérifier l'origine et lu fondation de
chaque monastère, pour voir si dès le com-
mencement on y avait établi et observé ensuite
la règle monastique. On se reposa presque par-
tout sur cette maxime, qu'il vaut mieux avoir
des chanoines vivant bien , que des moines
scandaleux. Après cela on ne doit pas s'étonner
si les titres d'abbé et le nom de monastère sont
devenus communs aux sociétés purement ec-
clésiastiques.
IX. Ce fut certainement pour le clergé de son
église cathédrale et de tout son diocèse que
Crodogangus dressa sa règle. La préface et
tout le tissu de cette règle en fournil une in-
imité de preuves. Il résulte de la que ce fut
aussi principalement pour cet ancien clergé de
l'Eglise que le concile d'Aix-la-Chapelle, tenu
en 826 sous Louis le Débonnaire, inséra toute
cette règle dans ses canons, sans faire mention
de l'auleui', comme Crodogangus avait effleuré
toute la règle de saint Benoît, sans avoir dit un
seul mot de lui.
Il est recommandé aux évoques de ne pas
recevoir un nombre excessif de clercs dans leur
congrégation, mais de se proportionner aux
revenus et aux forces qu'ils ont pour les nour-
rir et pour les conduire. On les exhorte à ne
pas donner entrée dans leur chapitre aux seuls
esclaves de leur Eglise, sur lesquels ils puissent
exercer une domination plus impérieuse , quoi-
qu'ils ne doivent pas d'ailleurs exclure ces es-
claves s'ils ont du mérite (Conc.Aquisg., ci 18,
ll'.t).
Comme Pévêque Crodogangus et le concile
d'Aix-la-Chapelle se servent ordinairement du
terme de « Prœlatus et prsepositus, » qui peut
être commun aux évêques et aux abbés, on
peut de là conjecturer que toute celte règle
convient également aux congrégations des
chanoines qui résiliaient dans les églises cathé-
drales sous la direction immédiate desévêqùes
et a celles qui avaient des abbés.
En effet, le concile de Meaux , tenu en 845
(Can. un) sous Charles le Chauve, distingue
bien ces deux sortes de chanoines, les uns dans
la cité épiscopale, les autres dans les monas-
tères, mais il leur prescrit aux uns et aux
autres les mêmes règles.
« Ct canonici in civitate vel monasteriis,
sieut constitutum est, in dormitorié dormiant,
et in refectorio comedant, et tam sani quam
infirmi canonice vestiantur, atque in claustris
horis congruisdegant.et sub custodiacanonica
lectionibus et cœteris divinœ instilutionis
insistant officiis. »
Cela fait voir que la vie et la discipline des
chapitres des églises cathédrales était aussi ré-
gulière et la même que celle des autres cha-
noines, qui vivaient dans des monastères sous
la direction d'un abbé.
X. La suite de ce canon est une preuve cer-
taine qu'on avait ordonné à tous les évêques
d'établir cette régularité de la vie commune
dans tous leurs chapitres. Il y est dit que si
quelque prélat n'a pu encore le faire, faute de
moyens ou d'une place commode, il doit avoir
recours au roi, suivant la constitution de Louis
le Débonnaire, afin que les trésors de la libé-
ralité et de la piété royale suppléent à la pau-
vreté et à l'impuissance de l'Eglise : « Si vicina
episcopio terra de fisco fuerit, regia liheralitas
eamdem terrain ad servorum Dei babitacula
construenda largiri dignetur (Capitul. Car.
Mag., 1. iv, c. 50). »
XL Ce voisinage de l'église cathédrale et du
monastère des chanoines était absolument né-
cessaire, afin que l'évêque y pût vivre dans la
même communauté et dans la même régula-
rité que ses chanoines.
Cela paraît dans les canons qui ont donné à
l'évêque, dans ces congrégations, la même
place et la même fonction que les abbés rem-
plissaient dans les leurs; mais en voici une
décision formelle dans le concile de Ponthybn,
sous Charles le Chauve : « Ut episcopi in civi-
talibus suis proxîmum ecclesiae suœ claustrum
instituant, in quo ipsi cum clero secundum
canonicam regulam Deo militent (An. 876,
can. vin). »
XII. Hincmar ne fui pas des moins zélés
pour l'établissement de la vie commune dans
son chapitre; il augmenta le nombre de ses
chanoines, et il donna plus d'étendue à leur
cloître par les bienfaits du roi : «Praeceptum
Caroli de via, cjme impediebat ad claustrum
DES CHAPITRES SOUS L'EMPIRE DE CHARLEMACNE.
509
canonicoruni sanctœ Remensis Ecclesiœ ampli-
lîcanduni, quoniam et numerum eorumdem
canonicorum augmentaverat, idem domnus
Hincmarus obtinuit (Flodoard., I. m, c. 10). »
Mais ce que je trouve de plus remarquable,
c'est i|ue ce savant et expérimenté prélat gou-
vernait son Eglise en prenant les avis de son
chapitre, comme de l'ancien conseil des évo-
ques (Il)id., c. xxiv).
En voici un exemple pour le temporel. L'é-
glise de Reims avait des terres en Thuringe;
un abbé demandait de les tenir à cens. Hincmar
ne voulut rien conclure sans le conseil de ses
chanoines. « Abhas snb censu sibi dari pelebat.
Sed Hincmarus Id agere sine clericorum suo-
rnm consilio rennens, mandat ut easdem ad
custodiendum intérim suscipiat, el descriptio-
nem earumdem sihi mittere studeat, et postea
qnod cnm eeclesiasticorum consilio ministro-
rum rationabilins consideraverit, ei remanda-
turus sit. »
Deux chanoines s'étant lâchement séparés
de leur sainte congrégation, l'archevêque écri-
vit au prévôt et aux autres chanoines, Prœpo-
sito et çœteris fratribus Ecclesiœ Remensis, de
quelle manière il fallait les recevoir une se-
conde fois, et comment il les fallait traiter.
« Pro receptione Odalardi et Valterii, qui
ab ipsa congregatione irregulariter discesse-
rant, etc. (Ihid., c. xxviu). » Il leur écrivit
encore pour faire la même grâce au diacre
Adalgaudus , en faveur de qui le roi même
avait employé ses prières : « Pro quo rex etiam
Ludovicus precatorias ei per eunulem direxe-
rat. »
En effet, l'évêque vivant en communauté
avec ses arebiprêtres, ses archidiacres, ses cha-
noines et tous les officiers de son Eglise, il est
impossible que ce ne fût de leur conseil qu'il
gouvernât le temporel et le spirituel de sou
Eglise. Le chapitre même avait l'autorité de
faire le procès aux prêtres et aux diacres qui
en étaient les membres.
C'est ce qui est clairement résolu dans les
capitulaires de Charlemagne : « Si quis episco-
pus damnatus a synodo, vel presbyter aut dia-
conus a suo capitulo, ausi fuerint de sacro
ministerio aliquid contingere, non liceat ei
restitutionis spem habere (L. vu, c. 0). »
Loup, évêque de Châions, accusé d'avoir or-
donné prêtre un diacre de Reims, se justifia
sur l'ordre qu'il avait reçu du roi Charles de
faire les fonctions épiscopales dans la métro-
pole vacante de Reims, et sur ce que l'archi-
diacre et les autres chanoines de Reims lui
avaient présente ceux qu'ils désiraient qui
fussent ordonnés.
« Quo circa cuni epistola regia, ut ipsum
Halduinum presbyterum ordinaret, atque in
Altivillari monasterio abbatem sacraret, archi-
diaconus Remensis Ecclesiœ, cum aliis commi-
nistris, tam canonicis, quam monachis illi
obtulerit, quemque ad votum praefati principis
et offerentium ordinaverit. Inde judicatum
esta synodo eumdeni episcopum nihil danina-
tionisde illius ordinatione attigisse (Flodoard.,
1. m, c. 2). »
Quoique Flodoard dise que la lettre du roi
ordonnait à cet évêque de Châions d'exercer
les fonctions épiscopales dans un évèché va-
cant : « Jussus est regiis litteris Caroli régis,
ut quia metropolis Remorum Ecclesia pastore
carebat, in confectione chrismatis, aliisque
negotiis ecclesiasticis, pro sui possibilitate con-
sidère procuraret. » il est certain néanmoins
que ce ne pouvait être que le clergé de l'Eglise
vacante qui lui donnât une juridiction légi-
time; et c'est ce que fit le clergé de Reims,
c'est-à-dire les dignités et les chanoines qui
composaient le chapitré : a Archidiaconus, cum
aliis comministris, tara canonicis, quam mo-
nachis. »
Le chapitre succédait donc à la juridiction
après la mort de l'évêque, et de là on peut
conclure qu'il l'avait pu exercer avec lui pen-
dant sa vie.
XIII. La règle de Crodogangus nomme l'ar-
chidiacre le primicier, Primiciarius , et le
prévôt Prœpositus, entre les dignités qui com-
posent et qui gouvernent les chapitres (Reg.,
1. i, c. 347). Ainsi, on ne peut douter que les
chapitres ne fussent cet ancien clergé qui fai-
sait le conseil de l'évêque, el dont le concile
de Carthage, rapporté par Réginon, dit que
l'évêque ne pourra rien aliéner sans son con-
cile et ses prêtres :« Ignorante concilio, et
presbyteris suis (Conc. Carthag., can. xxxiu).»
Aussi Aldric, archevêque de Sens, ayant à
faire un changement considérable dans son
église , en communiqua le dessein à ses cha-
noines et même aux moines et aux laïques,
pour prendre leurs avis : « Idcirco una cum
consilio fratrum nostrorum, canonicorum vi-
delicet et monachorimi, nec non et fidelium
laicorum, visum est nobis, etc. (An. 834; Spi-
cileg., tom. u, pag. 580). »
;;io
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE NEUVIÈME.
Jonas, évêque d'Autun, assignant de nou-
veaux fonds pour la subsistance des cinquante
chanoines de son église, ne voulut rien faire
que par le conseil des prêtres, des diacres et
des autres membres de son clergé, qui étaient
ces mêmes chanoines : « De facultatibus eccle-
siae cui deservio , canonicorum cœtui mihi
commisso aliquod subsidium conferre stu-
dui, etc. Secundum canonicam autoritatem
adhibito consensu presbyterorum, diacono-
rum, ac totius sequentis ordinis ejnsdem Eccle-
sièe, ob divini cultus amorem super addere
studui eis, etc. (Spicileg., tom. vin, pag. 142,
an. 858). »
Ces chapitres et ces corps de chanoines suc-
cédèrent a l'ancien clergé de l'église, qui fai-
sait le conseil éternel de l'évêque, ou plutôt
c'était ce même clergé réuni plus étroitement
dans un même cloître et vivant en commu-
nauté avec son évêque. On le comprendra faci-
lement, si l'on considère les inscriptions des
lettres, semblables à celles que nous avons rap-
portées ci-dessus de saint Augustin, d'Alipe et
de quelques autres évêques d'Afrique , qui
écrivaient à leurs confrères les autres évêques,
conjointement avec les communautés de clercs.
qui leur étaient comme incorporées. En voici
un exemple du clergé de Paris, associé avec
plusieurs autres communautés religieuses .
écrivant à l'archevêque de Sens , à son clergé,
aux autres évêques de la même province . et
à leur clergé.
« Religiosissimis patribus et fratribus, Gue-
niloni metropolitano Senonicse sedîs antistiti ,
et uiiiverso clero ejus, et caeterarum Ecclesia-
rum praesulibus, quœdiœcesismemorata' sedis
ceiisentur, cunclisque in eis Deo famulantibus
clerus matris Ecclesiae Parisiorum et fratres
cœnobii sancti Dionysii et sancti Germani , et
beatae Genovefae, ac Fossatensis, diversorum-
que monasterium unaniniitas (Epist. xcxm,
inler Epist. Lupi Ferrar.). »
Nous apprenons de là trois vérités impor-
tantes. La première , que le clergé de chaque
évêque faisait un corps inséparable du même
évêque, entrant en communication avec lui de
tous ses conseils et de toute sa conduite.
La seconde, que le clergé de l'Eglise métro-
politaine est préféré dans celte inscription aux
évêques de la même province, parce qu'il ne
fait qu'un même corps avec le métropolitain,
et succède même à l'autorité et à la juridiction
du métropolitain sur les évêques sull'ragants,
lorsque le siège du métropolitain est devenu
vacant.
La troisième est que les abbayes célèbres
entrent aussi en société avec l'évêque et le
clergé dans les conseils et le gouvernement
du diocèse. Cela se voit dans cette lettre, où
il s'agissait de l'élection d'un nouvel évêque
de Paris.
Cela se justifie encore par ce que nous venons
de rapporter d'Aldric . archevêque de Sens,
lorsqu'il proteste lui-même agir avec le conseil
de ses frères, c'est-à-dire, des chanoines et des
moines. « Cum consilio fratrum nostrorum,
canonicorum videlicet et monachorum. » Mais
cela paraîtra encore plus dans les chapitres
suivants, où nous ferons connaître les rapports
et les alliances des moines avec les chapitres et
les chanoines.
XIV. 11 reste une difficulté à résoudre, savoir
si tous les chapitres ou congrégations de cha-
noines hors des églises cathédrales ont été des
monastères, où, au lieu des anciens moines
déréglés, on a fait un établissement de cha-
noines ou d'ecclésiastiques bien réglés en sécu-
larisant les anciens moines parunesage et cha-
ritable condescendance.
Nous avons dit que tel avait été le commen-
cement, ou plutôt le renouvellement des cha-
noines vivant en congrégation hors des cathé-
drales dans le siècle de Charlemagne ; mais
nous n'avons pas nié qu'il n'y ait eu ensuite
plusieurs fondations immédiates de ces sortes
de chapitres dansdes églises collégiales, comme
elles ont été depuis appelées.
Charles le Simple fonda un chapitre de
douze chanoines dans le palais d'Attigny.
« Capella in qua duodecim ordinis ecclesia-
stici viros stalnimus. qui diu noctuque divina
horis competentibus fréquentent officia, etc.
ad usufructuarios mensœ canonicorum, de ré-
bus nostris ibidem contulimus, etc. (Bâluzius,
in Append. ad Lupum, p. $23). » Le roi soumit
ce chapitre à l'abaye de Compiègne, en sorte
qu,e le prévôt et le doyen de l'abbaye de Com-
piègne nommeraient un doyen et un trésorier
dans cette sainte chapelle, et que ce trésorier
offrirait tous les ans à l'abbaye deux cierges de
douze livres de cire.
Charles le Chauve, imitant la piété de Charle-
magne son aïeul, qui avait fondé un chapitre
à Aix-la-Chapelle, « In palatio Aquensi capel-
lam construxisse, et clerieos inibi constituisse
(An. 876 ; Spicileg., tom. x, p. 157, etc.),»
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES DEPUIS LAN MIL.
r.ll
fonda aussi lui-même l'abbaye royale de Com-
piègne, el 3 assigna des revenus suffisants pour
cent chanoines, « Atque clericos ibi numéro
centum decrevimus, » auxquels ildonna toutes
les exemptions nécessaires pour les conserver
dans la retraite et la tranquillité de la vie sainte
des chanoines. « Similiter etiam totius silentii,
et quietudinis canonicœ ibi morem observan-
diim, etc. Eique liberam canonicx licentiam
tribuimus. »
Etienne, évêque de Clermont, fonda dans la
paroisse de Lésigny un chapitre de douze cha-
noines, sous la dépendance de l'abbé et des
chanoines de Saint-Julien de Brioude. « Duo-
decim constituanlur canonici, etc. (An. '.Hi-2 ;
Spicileg., tom. si, p. 290). »
CHAPITRE DIXIEME.
DES CHAPITHES DES ÉGLISES CATHEDRALES DEPUIS L AH MIL.
I. Les chapitres n'étaient autrefois composés que de prêtres et
de diacres, qui faisaient te conseil de l'évéque.
II. Les sous-diacres y entrèrent, quand le sous-diaconat fut
déclaré être un ordre sacré.
III. Les chanoines qui ne sont pas sous-diacres, n'ont ni voix,
m ce au chapitre.
IV. Le concile de Trente désire que tous les canonicats aient
r.n ordre sacré anm
V. Le sacré collège des cardinaux, parfait modèle des an-
a chapitres.
VI. Les chanoines sont encore les conseillers nés des évèques.
Ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas, conjointement ou •
-in les décrétâtes, et selon le concile de Trente.
VII. Un pouvoir des évèqnes et des chapitres il juger et a
punir les chanoines.
VIII. Autres pouvoirs des évèques et des chapitres, séparé-
ment ou conjointement.
1\. Hé l'assistance des chapitres au concile provincial.
X. Ce que le chapitre peut, pendant que le siège épiscopal
est vacant.
XI. Ce qu'il ne peut pas.
XII. Dévolution au chapitre.
XIII. Grands-vicaires du chapitre.
XIV. Du nombre des chanoines.
XV. De l'augmentation de ce nombre, et de la création des
chanoines surnuméraires.
XVI. Des degrés divers entre les chanoines.
XVII. Des prébendes données à des communautés régulières.
I. Comme la hiérarchie instituée par le Fils
de Dieu est composée d'évêques, de prêtres et
de diacres, aussi les chapitres n'étaient autre-
fois composés que de prêtres et de diacres, qui
faisaient le conseil de l'évéque. Pascal II pres-
crivant a l'évéque de ComposteUe la manière
de régler son Eglise, lui ordonne d'y établir
des prêtres et des diacres cardinaux, qui soient
comme ses conseillers et ses aides. «Cardinales
in Ecclesia tua presbyteros, seu diaconos taies
constitue, qui digne valeant commissa sibi ec-
clesiastici regiminisonerasustinere (Epist. x).»
II. Comme l'on commença, au temps d'Ur-
bain II. de mettre le sous-diaconat au rangdes
ordres sacrés, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, on
communiqua aussi aux sous-diacres les avan-
tages les plus considérables des chanoines ,
savoir, la séance dans les sièges hauts, et la
voix ou le droit de suffrage dans le cha-
pitre.
Les deux conciles de Béziers, en 1-233
(Can. xiii , et en 1246 (Cau. xxn), publièrentee
même statut : « Inhibemus, ne aliqui cano-
nici sffculares, stallum in choro vel vocem
habeant in capilulo, nisi fueriut in sacris or-
dinibus constituti : nisi ex causa cum eis fue-
rit ab episcopo dispensatum. »
On parle dans ce canon en mêmes termes
qu'aux siècles passés, « in sacris ordinibus
constituti ; » mais ces termes avaient com-
mencé d'avoir plus d'étendue que par le passé
parce qu'on y comprenait les sous-diacres.
III. Le concile de Valence, en 1-2 lis vCan. iv),
renouvela les peines canoniques contre les
chanoines qui refuseraient de se faire ordonner
sous-diacres, diacres ou prêtres, dans les be-
soins de leur Eglise, « quando nécessitas hoc
requit it. » Celui de Saumur en 1233 (Can. xxxi,
xlviii , voulut qu'on privât des prébendes sacer-
dotales les chanoines qui refusaient de rece-
voir la prêtrise.
512
DES CONGRÉGATIONS. - CHAPITRE DIXIÈME.
Ces dispenses, que les conciles de Réziers
avaient permises à l'évêque, semblent être
défendues par le concile d'Avignon de 1337,
qui détend absolument de faire entrer dans le
chapitre, sous quelque prétexte que ce soit,
ceux qui n'étant pas sous-diacres, ne peuvent
y avoir de voix, soit dans les chapitres des cathé-
drales, soit dans ceux des collégiales. « Cum
nullus cathedralis vel collegialis ecclesiœ ca-
nonicus, nisi sit subdiaconus, vocem de jure
in capitulo habeat, etc. »
Le concile de Ravenne, en 1314- (Can.i), n'a-
vait pas non plus permis de dispenser d'un
statut si raisonnable, déclarant néanmoins que
cette règle ne comprenait pas les communautés
monastiques. « Solummodo in sacris ordinibus
constituti, et non alii ad capitula vocentur, et
vocem habeant in capitulo. Et haec intelligi-
mus de saecularium clericorum capitulis, non
de conventibus religiosorum. »
La profession religieuse peut tenir lieu d'un
ordre sacré pour des délibérations capitulaires.
Mais il ne faut pas omettre que ce concile a
reconnu que les chanoines tenaient la place des
apôtres et des disciples à l'égard de l'évêque, qui
est comme le vicaire de J.-C. « Apostolorum et
discipulorum vicem hic tenet. »
L'Allemagne n'avait pas observé ce règle-
ment avec la même exactitude que la France
et l'Italie. C'est aussi de quoi se plaignit le
concile de Mayence, en 1549 (lxxxvi), assurant
que la décadence spirituelle et temporelle des
chapitres n'était provenue (pie de ce qu'on
avait admis dans le chapitre et au droit de suf-
frage les plus jeunes chanoines, qu'on appelait
damoiseaux, domicellares.
Voici ses termes : « Non sine magna ratione
majores nostri, ju mores canonicos, quos domi-
cellares vocant, non statim ut bénéficia acce-
perint, ad capitula admilti, sed ad tempus sub
jugo prœlatorum detineri voluerunt, etc. »
Comme en Espagne on appelle infants lesflls
des rois, et infanlado les terres de leur apa-
nage; en Aragon, ils avaient autrefois appelé
infançons les nobles du premier rang. Aussi
en France on donnait le nom de vaslet, connue
vasselet, ou de dan/eau et damoiseau, aux en-
fants des seigneurs, en leur jeunesse, surtout
aux cadets OU puînés; les demoiselleries étaient
les terres atléctées à ces puînés. Les chapitres
appliquèrent ce même terme avant le sous-
diaconat, aux jeunes chanoines qui étaient
autrefois appelés juniores, et leurs bénéfices
junior aïus, comme ce canon même l'insinue
(Gomecius, 1. vm de gestis Ximenii; Ilieron.
Btanca, Hispan. ill., tom. m, pag. "-27 ; Ville-
llanlouin ; Les Observât, de Ducange, p. 27 i;
Histoire de Tournus, pag. 197).
Le concile de Trente (Sess. xxu, can. 4) con-
firmant ce statut, y comprit les églises régu-
lières aussi bien que les autres, et n'y souffrit
aucune dispense. « Quicumque in catbedrali,
vel collegiata, sœculari, aut regularia ecclesia
divinis mancipatus officiis, in subdiaconatus
online saltem constitutus non sit, vocem in
capitulo non habeat, etiam si hoc sibi ab aliis
libère fuerit concessum. »
IV. Mais ce concile (Sess. xxiv, can. 12) ap-
procha l'état des Eglises cathédrales bien plus
près de leur première origine, quand il or-
donna qu'on y affectât un ordre sacré à tous les
canonicats et à toutes les portions, en sorte
qu'il y en eût au moins la moitié de prêtres, sans
déroger aux coutumes particulières encore plus
louables, qui exigent que tous les chanoines,
ou la plus grande partie soient prêtres; cette
distribution doit être faite par l'évêque et par
les chanoines.
« In omnibus Ecclesiis cathedralihus omnes
canonicatus ac portiorïes habeant annexum or-
dinem presbyterii, diaconatus, vel subdiaco-
natus. Episcopus autem cum consilio capituli
designet ac distribuât, proutviderit expedire,
quibus quisque ordo ex sacris annexus in po-
sterum esse debeat, ita tanien ut dimidia sal-
tem pars presbyteri sint; cseteri vero diaconi,
aut subdiaconi. Ubi vero consuetudo laudabi-
lior habet, ut plures, vel omnes sint presbyteri
omnino observetur. »
Ce décret du concile de Trente fut reçu dans
le concile de Tolède, en 1566 (Can. ix),et dans
celui de bordeaux, en 1583 (Can. xvn). Celui
de Bourges, en 1584 (Tit. xxxiv, c. 2), ordonna
seulement que les chanoines seraient obligés
de recevoir le sous-diaconat, dans la première
année de leur réception, quand ils en auront
atteint l'âge. Ce qui semble supposer qu'on ne
les recevra chanoines qu'en âge d'être faits
sous-diacres dans un an.
Enfin, le concile de Bordeaux, en 1624
(Can. x) veut que dans les rangs et les séances
des chanoines on ait plus d'égard a leur ordre
sacré qu'à leur réception ; en sorte néanmoins
que dès que ceux qui avaient été reçus fort
jeunes, auront reçu la prêtrise, ils reprendront
le rang de leur réception avant les prêtres,
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES DEPUIS L'AN MIL
513
plus anciens prêtres qu'eux, mais moins an-
ciens chanoines.
Je ne sais si cela s'aaonle bien avec ce que.
dil Eagnan, que dans les églises cathédrales et
dans les basiliques de Rome, si un prêtre est
pourvu d'un canonicat affecté aux sous^diacres
il ne célébrera jamais solennellement, niais il
fera les fonctions du sous-diacre, et n'aura
séance au chœur qu'après les chanoines diacres
[Fagnan., 1. 1 décret., par. il. pag. 377), de
même que dans le sacré collège les cardinaux
qui sont pourvus des titres de diacres ne pren-
nent séance qu'après les cardinaux urètres,
quoiqu'ils soient eux-mêmes d'ailleurs prêtres,
ou évêques et archevêques.
V. C'est néanmoins le sacre collège des car-
dinaux qui doit être regardé comme le plus
achevé modèle des chapitres de l'église dans
les siècles de sa plus pure discipline. Il n'est
composé que d'évêques, de prêtres et de
diacres, qui sont les sénateurs et les conseillers
nés du pape.
C'est pour cela que les siècles suivants de
l'âge moyen ayant fait entrer dans les chapitres
un grand nombre de jeunes clercs, dont la
principale occupation était le chant solennel
des offices divins dans le chœur, on a été enfin
obligé de distinguer dans les chapitres des
cathédrales deux sortes de chanoines, savoir,
les jeunes, pour la divine psalmodie seulement;
et les autres, savoir, les eleressacrés pour com-
poser le sénat et le conseil de l'évêque.
Ainsi on peut dire que le concile de Trente
a heureusement réuni les avantages des pre-
miers siècles, lorsque les chan lines étaient des
prêtres et des diacres, qui composaient le sénat
et le synode perpétuel de l'évêque , avec ceux
des siècles moy< ns. où la plus divine de toutes
les fonctions, c'est-à-dire la psalmodie solen-
nelle des cantiques divins, a été aussi la plus
continuelle occupation îles chanoines.
En l'an 1630, la congrégation du concile lui
consultée sur le chapitre de la cité de Siponto
en Italie, où il y a des cures sans autres curés
que les dignités et les chanoines de la cathé-
drale, qui ont chacun une cure distinguée des
autres, excepté l'archidiacre qui dessert les
cures de ceux qui sont absents ou morts (Bar-
bosa de Paro, p. I, c. il, n. 30).
La congrégation du concile ne changea rien
à cette disposition si conforme à la plus an-
cienne discipline de l'Eglise, où les curés de
la ville composaient le clergé de la cathédrale,
Th. — To.me 11.
et le conseil .le l'évêque. Elle déclara seule-
ment que le même âge nécessaire pour les
cures, serait aussi nécessaire pour ces dignités
et pour ces canonieals.
VI. Selon le nouveau droit même les cha-
noine- sonl encore les conseillers nés des évê-
ques. Le concile d'Elue, en 1065, renvoie les
causes au jugement de l'évêque et des chanoi-
nes. " Emendet ad judicium episcopi et canoni-
corum, etc. Querela ad episcopum, velad ejus
canonicos liât. »
Calixte 11 défendit aux archiprêtres et aux
archidiacres d'interdire les cures sans l'agré-
ment de l'archevêque et du chapitre : « Praeter
archiepiscopi et totius capituli vestri commune
coiiciluim Kpist. xmï. »
Alexandre 111 remontra excellemment au pa-
triarche de Jérusalem que ne composant qu'un
même corps avec ses chanoines, dont il était le
chef, et eux les membres, il était surprenant
qu'il prît conseil d'autres que d'eux, et qu'il
instituât, ou destituât des abbés, des abbesses,
et d'autres bénéficiers, sait" leur avis.
a Novit plenius tua? discretionis prudentia,
qualiter tu et fratres lui unum corpus sitis : ita
quod tu caput, et fratres tui membra esse com-
probentur. Unde non decet omissis membris,
te aliorum consilio, in Ecclesise tua' negotiil
uti; cum id non sit dubium, et honestati tu»,
et sanctorum l'atrum institulionibus contraire.
In no tu if autem auribus nostris, quod tu sine
consilio fratrum tuorum, abbates, abbatissas,
et capteras personas ecclesiasticas instituis (t
destituis.ele. (Append. Conc. Lateran. III. par.
ult., c. xviii. C. Novit. et (',. Quanto, De lus quae
fiunt a Pr.i 1. sine consen. Capituli . »
Le synode d'Augsbourg, en 1548 (flan, m),
affermit les ordonnances synodales de l'évêque
par le consentement du chapitre : « Approbante
cathedralis ecclesiœ nostrae venerabili capitulo,
statuimus et ordinamus ut, etc. »
Le cardinal Polus. dans les articles qu'il
dressa pour la réformation du cierge d'Angle-
terre, reconnaît que les chanoines n'ont été
institués que pour être les conseillers et les
coadjuteurs des évêques et pour chanter les
louanges de Dieu : « Cum canonicatus et prse-
bendas in Ecclesia instituendi ralio et causa
hœc fuerit, ut qui ad eos assumuntur, episcope
assistant, eumque in muneris sui t'unctione,
consilio et opéra adjuvent, et in divinis offieiis
celebrandis Ecclesiae inserviant (Décret. 3). »
Le concile de Trente Sess. xxiv. cap. xn: qui
33
514
DES CONGREGATIONS.
CHAPITRE DIXIÈME.
appelle les chanoines le sénat de l'Eglise, a si
fortement renoué cette bonne intelligence et
cette communion réciproque de toutes les
affaires importantes entre l'évêque el le cha-
pitre, que le grand saint Charles se crut obligé
de s'opposer, avec son concile V de Milan
(Cap. xr), à ceux qui voulaient la porter trop
loin, et asservir l'évêque à suivre toujours le
sentiment de son chapitre. II déclara que cette
nécessité n'avait lieu que dans les espèces où
elle est exprimée par le concile.
« l'hi Tridentina synodo, aut provincialibus
conciliis constitutum est, de capituli clerive
consilio aliquid agendum esse, non propterea
tamen illud sequendi necessitatem sibi impo-
sitam esse episcopus existimet , nisi in iis
tantum, de quibus inspeciatim nominatimque
cautum est. »
Le concile de Bordeaux en I5SI (Tit. de
Epise. et Capit., n. 28), usant de la même pré-
caution, déclara que puisque l'Eglise cathédrale
tirait son nom de la chaire épiscopale, il était
ridicule d'en vouloir donner la souveraine
autorité an chapitre, parce qu'elle appartenait
à l'évêque connue au chef, dont les chanoines
dépendaient comme ses membres. « Déclarât
hœc sancta synodus, pracipuam in ipsisEccle-
siis autoritatem ad episcopos pertinere. Eosque
consilio el opéra capitulorum et dignitatum
juvari debere, ut membrorum capiti cohœren-
tium et obsequentium. »
C'est un malheur déplorable que, dans une
partit; des Eglises cathédrales, les choses ne
soient plus en un état que les évêques puissent
appeler les chanoines a leur conseil, el être
mutuellement présents à leurs délibérations et
a leurs chapitres.
Aussi le concile de Rouen, en 1581, dans les
propositions et les demandes qu'il tit au pape,
n'oublia pas celle-ci : que les exemptions des
chapitres étant un obstacle invincible à tous
les efforts qu'on peut faire pour corriger les
abus qui se sont glissés clans les Eglises cathé-
drales, comme l'archevêque de Rouen avait
obtenu du pape l'union d'un canonicat et d'une
prébende avec sa crosse, afin de pouvoir assister
et présider comme il taisait au chapitre comme
chanoine, Sa Sainteté accordât aussi à tous les
pvêques de la province la même faveur, alin
de présider comme chanoines a toutes les
assemblées capitulaires, et y réformer tous les
désordres. « Nain antea archiepiscopi nostri
impetraverunt a sede Romana huilas ad unien-
dum canonicatum et prsebendam archiepisco-
patui, ut ita archiepiscopus tanquam canonicus
intraret capitulum quoties vellet et in ipso
pnesideret : quo jure etiam nu ne utitur. Sup-
plicant humillime episcopi sanctitati siue, ut
dignetur omnibus ejusdem provincial episcopis
bullam communem conferre, ad uniendum
episcopatui canonicatum, etc. » Le pape répon-
dit que dans le besoin il ne refuserait pas la
même grâce à chaque évêque en particulier.
Quoique cet archevêque n'eût séance dans le
chapitre qu'à cause de la prébende unie à l'ar-
chevêché, il y présidait néanmoins et faisait
valoir cette autorité de préséance pour la réfor-
malion du chapitre. « Ad ingrediendum capi-
tula, et eis prœsidendum in ipsisque refor-
mandum omnia. »
Les canonistes veulent au contraire que l'é-
vêque, dans son propre chapitre, ne prenne
séance qu'après le président, quand il y assiste
comme chanoine , et non pas comme évêque
(Fagnan., in 1. m Décret., pars i, pag. 251). Ils
avouent néanmoins qu'il faut s'en tenir â la
coutume. Or, qui doute que ce ne soit une
coutume, ou un statut beaucoup plus louable,
quand l'évêque entre dans le chapitre, de don-
ner rang au chef avant tous ses membres?
La décrétale Postulastis, de amcessioiie
Prœbendœ , fait bien mention de celte double
manière dont les évoques assistent au chapi-
tre comme évoques, ou connue chanoines,
mais elle n'exprime pas quelle séance il > prend;
m ce n'est qu'on veuille conclure qu'il n'y
préside pas quand il n'y assiste que comme
chanoine, de ce (pie si le chapitre néglige île
((inférer dans le temps, le pouvoir de conférer
esl dévolu a l'évêque.
Le titre particulier des décrétâtes, qui traite
de cette matière , De his quœ fiunt a prœlato
sine consensu capituli (L. ni, c. x), déclare
nulles les aliénations , les institutions ou des-
titutions d'abbés, d'abbesses et d'autres béné-
ficiées, les confirmations ou concessions que
l'évêque fera sans le conseil de son chapitre.
« Cu m eorum consilio , vel sanioris partis
cadem peragas et pertractes, et quœ statuenda
siint, statuas, et errata corrigas et evellenda
dissipes et evellas. »
L'évêque ne peut donc aussi faire des ordon-
nances, ni conclure les affaires importantes,
ni corriger les abus sans l'avis de son chapitre.
11 ne peut donner des églises paroissiales â des
monastères, parce que ce sont autant d'aliéna-
DES CHAPITRES DES ÉGLISI S CAllILHUALES DLTITS L'AN .MIL.
515
tions. Les abbés ou les autres chefs '1rs églises
collégiales qui ont droit do présentation ne
peuvent présenter aux évêques .-ans le consen-
tement de leur chapitre , a moins d'être soute-
nus d'un privilège ou d'une coutume ancienne
qui leur donne ee droit. Enfin , les procureurs
des chapitres descathédrales doivent être reçus
dans les conciles provinciaux pour y délibérer
surtout des affaires qui les regardent.
I>ans le titre suivant des décrétâtes il est dit:
que les églises ne pourront être mises en inter-
dit que par L'évêque et le chapitre; et que l'e-
vêque pourra, avec la plus grande partie du
chapitre, imposer quelque taxe sur tous les
chanoines pour les réparations de l'église, no-
Qobstànf la résistance du moindre nombre
Innoc. III, Reg. i, epist. ccxxxi .
Un des articles de la plainte que le chapitre
d'Angoulême fit au pape Innocent 111 contre
son évêque fut qu'il confirmait les abbés élus,
et terminait les causes difficiles sans le consen-
tement des chanoines. « Confirmât abbales et
tractât causas difficiles, sine canonieorum as-
sensu. » Le pape manda a l'archevêque de
Bourges d'en informer.
Le concile de Trente a souvent ordonné aux
évêques d'agir avec le conseil de leur chapitre
comme pour établir un lecteur de théologie ;
pour déterminer les ordres sacrés qui doivent
être attachés a chaque canonicat , pour régler
les offices du chœur; pour régler l'état des re-
venus du séminaire ; pour chercher les moyens
les plus innocents d'augmenter les fonds elles
revenus des canonicats trop pauvres Sess. 5,
c. i; Sess. -21, c. xu; Sess. 23, c. xvm; Sess. 24,
c. xv).
Ce qu'il y a de plus important, c'est que le
concile de Trente veut que la préséance et le
premier rang d'honneur soit toujours donné à
l'évêque même dans le chapitre, « In capitulo
prima sedes; » que l'évêque puisse assembler
lui-même le chapitre quand il le jugera à pro-
pos, pourvu que ce ue soit pas pour délibérer
de quelque matière qui regarde ses intérêts.
« Qui si aliquid canonicis ad deliberandum
proponant, nec de re ad suum, vel suorumcom-
modum speetaute agalur, episcopi ipsi capitu-
lum convocent, vota exquirant, et juxtaeaeou-
cludant Sess. 25, c. vi . »
En l'absence de l'évêque , ce n'est pas son
grand-vicaire , mais le doyen du chapitre qui
exerce ces pouvoirs, selon ce concile.
Quant au reste le concile laisse aux chapitres
toute l'autorité et toute la juridiction qui peut
leur appartenir, surtout pour l'administration
de leur temporel. « Caoteris autem in rébus,
capituli jurisdictio et potestas, si qua eis com-
petit, et bonorum administratio , salva et in-
tacta omnino relinquatur. »
Ainsi les chapitres des cathédrales ayant droit
de faire des statuts pour les choses qui les con-
cernent proprement, selon le droit commun et
selon la résolution de la congrégation du con-
cile, on demande s'ils peuvent y apposer des
peines. La même congrégation répondit, en
1607, qu'ils le pouvaient , non pas par voie de
juridiction, mais par une espèce de convention
à laquelle ils s'engagent eux-mêmes, pourvu
que ces peines soient telles que des particu-
liers puissent eux-mêmes se les imposer; en-
core leurs successeurs n'y sont nullement en-
gagés , si l'évêque n'a confirmé les statuts
[Fagnan., in 1. i Décret., part, i, pag. 1-29,130).
VIL Selon les décrétâtes mêmes (C. Qualiter
et quanto. De accusât. , les évêques ne peu-
vent juger les causes criminelles qu'avec le
conseil des chanoines de la cathédrale. «Cm, mi
Ecclesiœ senioribus. » Il est vrai qu'aujourd'hui
les chanoines, ou par ignorance, ou par négli-
gence, ont laissé prescrire les évêques contre
eux, et par la coutume légitimement pres-
crite, les évêques jugent seuls les causes cri-
minelles.
« Sed hodie forte propter ignorantiam cano-
nieorum , comniuniter episcopi contra eos
praseripserunt , ut ipsi soli absque capituli
eonsilio de criminibus inquirant , et jurisdi-
ctionem exerceant.et valet talis prœscriptio,
seu consuetudo. »
Ce sont les termes de Fagnan, qui ajoute que
nonobstant cela, dans les chapitres exempts,
l'évêque ne pourrait taire le procès à un cha-
noine criminel qu'en gardant les formes pres-
crites par le concile de Trente iSess. 25, c. s i ,
c'est-à-dire , conjointement avec deux chanoi-
nes choisis par le chapitre même au commen-
cement de chaque année (Fagnan.. ibid., 1. v,
pag. 123; Sext., 1. i.tit. i, c. ni). Caria congré-
gation du concile a déclaré que ce décret du
concile de Trente, pour les deux chanoines
adjoints à l'évêque , ne regardait que les
chapitres exempts. Si quelques chapitres de
France ne se conforment pas a ces réponses de
Fagnan et de la congrégation du concile , c'est
que le concile de Trente n'y est pas encore en-
tièrement reçu, ni pratiqué.
516
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIXIÈME.
Selon Innocent III (C. Irrefragabili. De offic.
ordin.) et le concile de Latran, la coutume peut
avoir acquis aux chapitres des cathédrales là
juridiction etlc droit de corriger les chanoines;
s'ils négllgenl de le faire après avoir été avertis
et après avoir reçu un terme de l'évêque, le
droit en est dévolu à l'évêque même. « Ex-
cessus canonicorum cathedralis Ecclesiae, qui
consueverunt corrigi per capitulum, in illis
Ecclesiis. quàe talem consuetudinem hactenus
habuerunt, etc. »
Les canonistes conviennent que la juridic-
tion de l'évêque se peut prescrire par les cha-
pitres, par les abbés et par les autres prélats
inférieurs. Les évêques mêmes, réduisant leurs
chanoines en communautés, donnèrent appa-
remment a leurs supérieurs toute l'autorité
nécessaire pour corriger h s inférieurs. Cela
se faisait d'abord sans formalités et sans bruit,
les formalités et les censures s'y sont peu à peu
introduites, etc'estcettejuridiction de fulminer
des censures que la coutume a acquise aux
chapitres.
Nous avons autant de preuves et autant
d'exemples de celle vérité qu'il y a de commu-
nautés naissantes; les évêques ne s'\ mêlent
pour la correction des crimes que pour sup-
pléer a la négligence des supéi ieurs ; le temps
court, la prescription se forme, et les peines,
au commencement arbitraires, passent enfin
en peines canoniques.
Mais le concile île Trente (Sess. vi, c. i), a
bien changé la disposition de cette décrétale,
qui ne permettait a l'évêque de' punir les cha-
noines coupables que lors de la négligence des
chapitres.
Ce concile (Sess. xxv, c. fi) donne à l'évêque
le pouvoir de visiter et de corriger son chapitre
et tous ses chanoines, sans avoir égard a leurs
privilèges ou coutumes, autant de fois qu'il en
sera besoin, « qnoties opus fuerit; » et par
conséquent sans attendre la négligence du cha-
pitre et sans monition précédente, en prenant
les adjoints qu'il lui plaira, ou n'en prenant
point du tout. » l'er se, vel illis, quibus vide-
bitur àdjunctis. »
Hors de la visite , l'évêque ou son vicaire
peut faire le procès criminel aux chanoines,
avec le conseil et le consentement, de deux
autres chanoines que le chapitre doit élire pour
cela au commencement de chaque année, sans
délérer à quelque privilège ou à quelque cou-
tume contraire qu'on pût lui opposer, selon la
décision de la congrégation du concile (Fagnah.,
in 1. i décret., part, xi, pag. 447).
Suivant le droit des décrétâtes, si l'évêque
assistait au chapitre comme en étant le chef et
le président, la négligence du chapitre à corri-
ger les chanoines ne faisait point retomber ce
pouvoir entre ses mains, mais entre celles du
métropolitain. S'il y assistait comme simple
chanoine, h' chanoine accusé pouvait appeler
du chapitre à lui, et par la négligence du cha-
pitre le droit de juger lui était dévolu, parce
qu'en ce cas on distinguait en lui les deux per-
sonnes distinctes de chanoine et d'évêque. En
ce cas même de dévolution , l'évêque ju-
geait des chanoines avec le conseil du cha-
pitre.
Mais depuis le concile de Trente (Sess. xxv,
c. 6), dans tous les chapitres d'Italie qui sont
entièrement soumis à la juridiction de l'évêque,
les chanoines sont d'abord jugés par l'évêque
sans attendre la dévolution de ce droit parla
négligence du chapitre. Et dans les chapitres
d'Espagne, qui sont tous exempts, l'évêque peut
aussi d'abord juger les causes criminelles des
chanoines avec deux ou trois adjoints.
VIII. Quelque juridiction que l'évêque ait
sur h; chapitre et sur les chanoines, le chapitre
peut néanmoins punir de quelque peine légère
les irrévérences, les désobéissances et les au-
tres fautes des chanoines, des prêtres habitués
et autres membres de la même Eglise, sans
procédure juridique, par simple voie de cor-
rection. « Non contentiose, non cognitionaliter,
sed correctionaliter, » comme parlent les ca-
nonistes.
Le chapitre Cum contingat, de foro compe-
tenti, y est précis. On en peut voir des exem-
ples en France dans Fevret. Ces peines doivent
être légères. Ainsi ce ne peuvent être ni ex-
communications , ni emprisonnements. J'ai
déjà dit que cet usage a commencé et com-
mence toujours nécessairement avec les com-
munautés ou congrégations naissantes, qui ne
pourraient autrement subsister.
Il paraît, par un décret du concile IV de La-
tran (Can. vu), sous Innocent III, que les cha-
noines mettaient quelquefois leur église en
interdit, ce dont l'évêque pouvait se plaindre
au métropolitain, et célébrer même dans l'é-
glise, si la cause n'en avait pas été notoirement
juste et raisonnable. On en voit des exemples
dans le Sexte, tiré du concile I de Lyon (De
Sentent, excomm. in Sexto).
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES DEPUIS LAN .Mil.
:.17
Le concile II de Lyon Can. \\ u modéra ci t
usage par de sages tempéraments.
La décrélale de Célestin III C. Quœsivit. De
lus quae Qunl a majori parte capituli fail voir
qu'un chanoine particulier, par une audace
incroyable, entreprenait quelquefois d'in-
terdire l'église cathédrale, sans le consente-
ment de l'évêque et du reste du chapitre. Ce
sont apparemment ces emportements qui mil
l'ait abolir ces pratiques téméraires et péril-
leuses,dont la naissance n'avait pu être qu'une
usurpation.
11 n'en est pas de même du pouvoir des
évêques de juger et châtier leurs diocésains,
sans prendre conseil de leur chapitre ; ce que
Boniface VIII déclare pouvoir être une cou-
tume et une prescription canonique, « :lum
tainen sil prœscripta canonice consuetudo lu
Sexto, 1. i, lit. iv, c. .! . »
En effet, connue les évêques sont avant les
chapitres, et que la juridiction est essentielle
à leur caractère, comme ils ont été < ux-mêm s
pour ainsi dire les créateurs de leurs chapitres.
et ipi'ils ont réglé dans les conciles la part
qu'ils leur devaient donner de leur autorite ,
il ne faut pas regarder la prescription dont
parle ce pape connue une coutume qui aug-
mente la puissance des évêques aux dépens de
celle des chapitres, niais comme un retour et
un reflux d'un ruisseau dans la source dont il
était émané.
Le concile provincial de Reims s'étant plu-
sieurs fois assemble a Saint-Quentin, l'an 1-23-2,
et avant soumis a l'interdit tous les diocèses
de la province, afin d'obliger le roi de faire
réparer les injures et les dommages qu'on
avait l'ait souffrir à l'évêque de Beauvais. les
chapitres de la même province, secrètement
sollicités par le roi, s'opposèrent à cet interdit,
comme n'ayant point été appelés a ces con-
ciles, et le firent enfin révoquer.
Le siège métropolitain de Reims étant va-
cant en 1271, Milon, évêque de Soissons, indi-
qua le concile provincial a Saint-Quentin, se-
lon la coutume de cette province. Le chapitre
de Reims, dont on n'avait pas demandé le con-
sentement, s'y opposa et le retarda jusqu'à ce
que ce différend eût été terminé.
Le concile provincial de Reims assemblé à
Compiègne, en 1-277. résolut nue tous les évê-
ques de cette province s'assembleraient une
t'ois tous les ans a Paris, dans la quinzaine de
la Pentecôte, pour délibérer entre eux et con-
certer les moyens les plus propres et les plus
efficaces pour défendre leur autorité contre les
chapitres de leurs cathédrales, qui ne tendaienl
qu'à les inquiéter par des procès, des interdits
et autres voies semblables.
IX. Il parait par laque les chapitres, selon
le droit commun, ne sont pas seulement du
conseil de chaque évêqne en particulier, mais
aussi de tous les évêques assemblés dans le
concile provincial. Cela s'entend des chapitres
des cathédrales, quoique les autres v aient
aussi quelquefois été appelés.
Innocent 111 voulut que les églises collégiales
depiil issenl aussi quelques-uns de leurs corps,
pour être présents au concile IV de Latran,
parce qu'on devait y traiter d< s affaires qui re-
gardaient aussi leur temporel Conc. gêner.,
tom. u, p. 1-2 i .
Le légat du Saint-Siège qui présida au con-
cile de Rude, (ii 1279, y fit assister et consentir
non-seulement les chapitres des cathédrales et
collégiales, mais aussi li s supérieurs des reli-
gieux de Cîteaux, de Saint-Benoît, de Prémùn-
tré, de Saint Augustin, des Dominicains, des
Cordeliers et tics autres ordres, parce qu'ils
étaient tous intéressés a la réforme générale
qui s'y faisait des Eglises du royaume.
Mais ce même récit, qui l'ait voir la nécessité
de taire assister les procureurs des chapitres
îles Eglises cathédrales au concile provincial.
montre en même temps combien il a été né-
cessaire que les évêques aient lait éclaircir les
différentes matières où ils devaient avoir voix
décisive ou seulement consultative.
Cette question tut agitée avec beaucoup de
chaleur dans la seconde congrégation du con-
cile de Reims, en 1S83; et enfin il fut conclu,
et les procureurs des chapitres demeurèrent
eux-mêmes d'accord que les chapitres n'avaient
un suffrage décisif que pour les matières qui
regardaient leurs exemptions, leur juridiction,
leurs droits et privilèges et leurs intérêts tem-
porels; mais que. pour toutes les autres, ils
avaient seulement voix délibérative.
X. Cette matière sera traitée plus au long à
l'endroit où nous parlerons des conciles pro-
vinciaux. Il faut passer aux pouvoirs du cha-
pitre pendantque le siège épiscopal est vacant.
Grégoire IX déclare que c'est au chapitre à
confirmer ou a annuler les élections qui se
l'ont dans les monastères pendant que l'évêché
est vacant.
Boniface VI11 décide que, si l'évèque a été
518
DES CONGRÉGATIONS.
CHAPITRE DIXIÈME.
pris par les païens ou par les schismatiques,
l'administration spirituelle ou temporelle du
diocèse est dévolue au chapitre, et non pas a
l'archevêque, de même que s'il était mort (C.
Cum olim. De majorit. et obed.). Ce pape dé-
clare que l'archevêque ne peut donner de visi-
teur ou administrateur à une église vacante,
si ce n'est que le chapitre s'acquitte avec trop
de négligence de ce devoir [C. Si Episcopus. De
suppl. neglig. Praelat. In Sexto).
Les cardinaux étant en possession d'une ju-
ridiction comme épiscopale dans leurs titres,
Honoré III [C. Ecdesiœ. Ibidem) voulut bien
que les chapitres y succédassent, après leur
mort, à toute leur autorité, excepté celle de
corriger, d'excommunier et de suspendre, qu'il
se réserva pour le bien de la paix : « Exceplo
quod de correctione, et excommunicatione et
suspensione ipsorum, pro hono pacis, nostrac
providentiae rtservatus [C.Hisquœ. De majorit.
et obed.). »
Ainsi, les autres chapitres succèdent a la
juridiction contentieuse des évêques et au pou-
voir de fulminer les censures. Cela est encore
plus clair dans le chapitre Episcopali , de
rnajoritate et obedientia, in Sexto, où il est
dit que le chapitre peut absoudre de toutes les
excommunications donl l'évêque même absou-
drait. Dans la décrélale Ad abolendam. De
hœreticis, le chapitre fait le procès aux héré-
tiques, le siège épiscopal vacant.
Les chapitres ne succèdent pas néanmoins
au droit de conférer les hénétices, puisque Bo-
niface Mil répond que le visiteur ou adminis-
trateur, c'est-à-dire le grand-vicaire nommé
par le chapitre, ne peut conférer les hénétices
qui sont de la collation de l'évêque: «Bénéficia
tamen quae ad collationem pertinent episcopi
conferre non potest, si ah alio quam a Romano
pontifice fuerit deputatus [C. Ecclesiaj, ut su-
pra . »
Mathieu Paris dit qu'en 1243, comme quel-
ques-uns mettaient en doute si, le siège romain
vacant, les cardinaux étaient dépositaires de
l'autorité pontificale, les cardinaux écrivirent
une lettre qui leva ce doute : « Nos autem pê-
nes quos potestas residet, Apostolica Sede va-
cante, etc. »
U conte, en la même année, comme les
moines bénédictins qui composaient le chapitre
.le la cathédrale de Cantorbéry lancèrent une
sentence de suspension et d'excommunication
contre l'évêque de Lincoln et ses partisans,
pendant que le siège primatial était vacant, pré-
tendant avoir ce droit par le droit commun et
par un privilège particulier. L'évêque en ap-
pela au pape, qui manda au chapitre de lever
ces censures adcautelam et sans préjudice.
L'évêque d'Angers étant mort l'an 1290, le
chapitre d'Angers envoya au roi et au chapitre
de Tours, dont le siège était aussi vacant, pour
obtenir permission d'élire : « Tractaverunt de
mittendoad capitulum Turonense, pro petenda
licentia eligendi , proul fuerat consuetum
(SpiciL, tom. x. pag. -2.V2, 254, 255, 262, 266,
268, 269). » La permission devait être deman-
dée, au cas qu'on y fût obligé : « Si ad hoc ca-
pitulum Andegavense teneretur. » Le chapitre
de Tours ne voulut pas passer cette condition.
Ainsi, la permission fut demandée ahsolument
et accordée : « Petiit simpliciter et pure licen-
tiam eligendi a capitule Turonensi, quamvis
mandatum conditionale haberet. » L'élection
ayant été faite, ils en demandèrent encore la
confirmation au chapitre de Tours. Le doyen
et le chapitre de Tours examinèrent l'élu et
l'élection, et donnèrent ensuite l'acte de leur
confirmation : « Nos de élection is et electi me-
ritis plenius cognito et disensso, et eis dili-
genter examinatis, electionem ipsam quam
invenimus fore canonicam, et electum pnr-
dictum autoritate metropolitana confirma-
mus. » Enfin, ils mandèrent aux évêques de
la province de se trouver a Angers le dimanche
avant la Pentecôte, pour y ordonner le nou-
veau prélat : « Vobis et vestrum cuilihet auto-
ritate metropolitana mandamus, qualenus An-
degavis intersitis Dominica, etc. »
Dans la compilation des constitutions an-
ciennes des rois d'Angleterre, publiées à Lon-
dres en 1672 (Autiquœ Constitue Regum
Angl., p. 1016), on trouve celle d'Edouard, qui
agrée l'élection faite d'un évêque, et confirmée
par l'offlcial du chapitre métropolitain de Cas-
sel, en Irlande, pendant que l'église de Cassel
était vacante, cet officiai axant en même temps
cassé l'élection faite d'un autre contre les ca-
nons.
Le concile de Trente défend aux chapitres
de donner des lettres dimissoires pour les
ordres dans la première année que le siège est
vacant, quelque privilège ou quelque coutume
qu'on puisse alléguer, si ce n'est pour ceux qui
sont pressés de recevoir les ordres dans l'année
par la nature de leur bénéfice.
Le même concile (Sess. vu, c. 10) ordonne
DES CHAIMTKES DES ÉCI.ISES CATHEDRALES DEPUIS L'AN MIL.
,l«.t
au chapitre de l'Eglise vacante d'élire un éco-
nome pour l'administration du temporel, s'il
en est chargé, et un grand-vicaire ou officiai
pour le spirituel. Le métropolitain suppléera
au défaut ou à la négligence du chapitre Sess.
xxiv, e. 16). S'il s'agit d'une église métropoli-
taine, ce sera le plus ancien évêque de la pro-
vince : et s'il est question d'une église exempte,
ce sera l'évêque le plus proche qui choisira un
économe et un grand-vicaire, si le chapitre
néglige de le faire. Enfin, le nouvel évêque
fera rendre compte à l'économe, au grand-vi-
caire et aux autres qui se sont mêlés de l'ad-
ministration du diocèse vacant.
Ainsi le concile de Trente n'a rien diminué
de l'autorité que les chapitres avaient aupara-
vant, lors de la vacance ; et bien qu'ils ne puis-
sent pas conférer les bénéfices de la collation
des évêques, ils peuvent en autoriser les per-
mutations selon la glose sur la Clémentine
J\V concessione, de rerum permutations, et
en recevoir les résignations selon l'Extrava-
gante, Execrabilis de Prœbendis , dont voici
les termes : « Ordinarios intelligimus episco-
pos , vel ecclesiis cathedralibus vacantibus ,
capitula earumdem. »
Le chapitre, qui peut instituer les bénéficiers
que l'évêque instituerait, ne peut conférer les
bénéfices qu'il conférerait. « Etsi capitulum
sede vacante bénéficia, quae ad collationem
cpiscopi pertinent, conferre non posset, prae-
senlatos tamen a patronis , potest admittere
si sunt idonei, et eos instituera in benefi-
ciis, etc. (C. Etsi capitulum. De Institutionibus
in Sexto). » La raison est qu'il a été juste de
réserver les fruits de Févêché vacant à l'évê-
que futur. Or, la collation des bénéfices est
comptée entre les fruits. 11 a été bon de reser-
ver au prélat le choix de ceux qui doivent être
les principaux coadjuleurs de son ministère. Il
a été nécessaire de laisser le diocèse en un état
où il ressente le besoin pressant qu'il a d'un
pasteur Spicil., tom. x).
Les pouvoirs du chapitre d'une métropole
vacante sont excellemment représentes dans
l'exemple précédent de l'élection de l'évêque
d'Angers, en 1290. Le chapitre d'Angers de-
manda au chapitre de Tours, dont le siège
était vacant, la permission d'élire un évêque.
Le chapitre île Tours donna ci tte permission,
confirma l'évêque élu, reçut la visite qu'il lui
rendit, et qu'il était obligé de lui rendre trois
mois après sa consécration. Tout cela se fit, au-
toritate metropolitana, dont le chapitre était dé-
positaire. L'archevêque de Tours avant été élu
ci confirmé, mais étanl encore arrêté à Home,
le concile provincial fut assemblé par le cha-
pitre, par ordre exprès du pape adressé au
chapitre.
Mais il ne se peut rien ajouter au suprême
pouvoir qu'exerça le prieur du chapitre de
Canlorbéry, après la mort de Gautier, qui en
avait été le cinquante-unième archevêque :
ce fut comme le couronnement et le triomphe
de l'autorité îles chapitres.
Les antiquités de la Grande-Bretagne [Anno
l.'i-27) nous en parlent ainsi : » Hic paucis men-
sibus omnem illam intermediam jurisdictio-
nein anle intermissam, plene exercuit, atque
renovavit. De clericis ad ecclesiastica bénéficia
prœsentatis et patronorum jure diligenter in-
quisivit, electiones contirmavit, intestatorum
boni administranda commisit, provocantium
appellationes recepit, visitavit, procurationes
recepit, synodum celebravit. Clerum ex man-
data regio ad parlamentum citavit ; contuma-
ces et in suain jurisdictionem committentes
coercuit; bénéficia vacanfium sodium contu-
lit, omniaque ad archiepiscopalem jurisdictio-
nem per singulas species tam exquisite exer-
cuit, ut nihil fuerit praetermissunt, prêter
episcnpornm consecrationeiu ; quam cum sua
autoritate peragere non poteral , episcopo
Londinensi mandavitet injunxit, ut suffraga-
neis congregatis, Menenensemet Pangorensem
episcopos tum electos et sua autoritate coniir-
matos consecraret. Quibus sic consecratis, in
testimonium et fidem consecrationis, litteras
conventus sigillo sigillatas dédit; excitata hoc
modo et agnita Cantuariensis conventus, sede
vacante, potestate (Hallier, de Ecoles. Hier. ,
pag. 347). »
Ce n'est donc pas sans raison que la rote a
reconnu que le chapitre pouvait faire la visite,
recevoir les procurations, connaître des crimes,
même hors de la visite (Fagnan., in 1. î décret.,
part, xi, pag. 508). Mais voici une remarque à
faire.
Le roi d'Angleterre Edouard 1er, peu avant
l'an 1300, ayant nommé à l'an hidiaconé de
Dublin, vacant en régale, le prieur et le cha-
pitre de la Sainte-Trinité de Dublin lui firent
représenter que la coutume était, que lors de
la vacance du siège métropolitain, les archi-
diacres leur fussent présentés , et reçussent
d'eux l'administration spirituelle du diocèse
520
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIXIEME.
qu'ils avaient accoutumé d'avoir. « Gum archi-
diaconi Dublinenses qui pro tempore fuerint,
coosuevissent in dieti archiepiscopatus vacatio-
nibus praesentari eisdem, et ab ipsis jurisdi-
ctionern spiritualitatis civitatis et diœcesis
Dublioensis, quam iidem arcbidiacooi vacante
sede habere consueverunt , recipere Constit.
Anl. regum AngL, pag. 184 . » La question fut
examinée, el enfin le prieur et le chapitre de la
Trinité estimèrent à propos de déférer à la
nomination que le roi avait faite de l'archi-
diacre en régale.
Cette coutume m'a paru remarquable. Car
les archidiacres exerçant leur juridiction sur
tout le diocèse pendant la vie de l'évêque, el
cette juridiction étant devenue ordinaire de
déléguée qu'elle était, il semblait assez naturel
qu'après la mort de l'évêque le diocèse vacant
demeurât soumis à leur même juridiction.
D'ailleurs le clergé et les chapitres sont en droit
et en possession, depuis les premiers siècles, de
gouvernei les diocèses et les Eglises pendant
leur m uvage.
C'était donc un accommodement fort raison-
nable d'allier ces deux puissances et de confier
à l'archidiacre le vicariat du chapitre. Si le
chapitre de la Trinité n'était pas celui de la
cathédrale de Dublin, comme il semble paraître
dans cet acte, c'est une particularité surpre-
nante ; el il serait difficile de rien trouver
ailleurs de semblable ou d'approchant, si ce
n'est ce qui a été dit ailleurs de l'abbé de l'île
Barbe, à Lyon, qui gouvernait autrefois le dio-
cèse vacant.
La régale n'a pas peu apporté de change-
ments à la disposition du droit commun dans
les royaumes où elle a été autorisée. Comme
cet ouvrage regarde la discipline de l'Eglise
universelle , j'ai cru y devoir rapporter les
décrétâtes mêmes et les décrets du concile de
Trente, qui n'ont plus, ou qui n'ont pas encore
cours dans la France. Et si je ne marque pas
quels sont ces décrets auxquels noire usage est
contraire, c'est que souvent nous en usons
diversement en divers temps et en divers
parlements.
M. Quoique la juridiction épiscopale, après
la mort îles évoques, retombe naturellement
aux chapitres, il y a pourtant quelques modifi-
cations exprimées dans le droit.
i Les pouvoirs qui n'appartiennent à l'é-
vêque que par un droit délégué, ne peuvent
appartenir au chapitre durant la vacance. Les
pouvoirs ordinaires eten mêmetempsdélégués,
ce que le concile de Trente exprime ou insinue
par ce terme etiam, passent de l'évêque au
chapitre, selon les résolutions de la congréga-
tion du concile Fagnan., ibid. .
2° Les collations des bénéfices qui sont du
droit de l'évêque doivent être réservées au suc-
cesseur.
:i Les aliénations des biens ne peuvent se
faire par les chapitres, conformément au con-
cile d'Ancyre, rapporté au canon Siqua de ré-
bus, i-2. <j". -1.
V Ni les translations d'un clerc d'une église
a une autre, parce que ce sont comme des
aliénations, selon le chapitre Fraternitatem,
dist. 71.
5° Les chapitres ne peuvent donner des di-
missoires pour les ordres ou la tonsure, dans
la première année que le siège épiscopal est
vacant, si ce n'est à ceux qui sont obligés de les
recevoir parle bénéfice qu'ils possèdent déjà,
ou qu'on leur présente, lui cela le concile de
Trente a modifié la décrétale de Bouiface VIII,
qui permettait absolument aux chapitres des
cathédrales vacantes, de donner les permissions,
de recevoir et de donner les ordres. « Sede va-
cante capitulum, seu is ad quem administralio
spiritualium noscitur pertinere, dare possunt
licentiam ordinandi C. Cum nullus. De temp.
ordinat., in Sexto). » La congrégation du con-
cile déclara, en 1588, que: si l'évêque était no-
toirement hérétique, il se faisait la même dé-
volution au chapitre Fagnan., ubi supra, p. 509 ;
que si les chanoines étaient dispersés hors du
lieu de leur résidence, la permission d'un seul
résiliant suffisait, parce que les droits du cha-
pitre se conservent en un seul membre; que si
l'on ne peut aborder les chanoines pour avoir
des dimissoires, il tant recourir non au métro-
politain ni a l'évêque le plus proche, mais au
pape.
G" Le chapitre ne succède pas aux pouvoirs
de l'ordre épiscopal, il ne s'en fait pas non
plus de dévolution au supérieur, mais le cha-
pitre nomme des évêques pour exercer ces
fonctions d'ordre. Ainsi on peut dire en un
sens qu'il s'en fait une dévolution au chapitre.
7 Le chapitre ne succède pas non plus à la
juridiction de l'évêque sur ses liel's , comme il
est manifeste dans le chapitre Ycmm. De foro
competenti. La raison est qu'il n'est pas à pro-
pos que le seigneur ail des vassaux qu'il ne
voudrait pas avoir. Et c'est la même raison qui
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES DEPUIS L'AN MIL.
.vil
réserve à l'évèque Cutur la collation des béné-
fices.
S" Le chapitre ne succède pas a la juridiction
de l'évèque excommunié ou suspendu pour
ses crimes ou pour son incapacité Fagnan.,1. in
décret. I, part. I, p. 240, 241, 257, 258). Ladévo-
lution s'en fait alors au pape seul et immédia-
tement. C'est l'usage de l'Eglise, auquel le droit
n'est point contraire, et en cela même il passe
pouretreconforme.il n'en est pas de même
quand l'évèque est notoirement hérétique. Car
le siège est alors véritablement vacant, et non
pas seulement interprétativement , connue
parlent les canonistes. Et par conséquent le
chapitre succède.
9° Le chapitre ne succède point à la juridic-
tion volontaire de l'évèque, niais seulement à
la nécessaire : ce qui est encore une autre rai-
son qui lui ùte la collation des bénéfices, dont
la collation appartenait à l'évèque seul. La
seconde règle de la chancellerie réserve au
pape seul tous les bénéfices qui vaquent jusqu'à
la prise de possession de l'évèque nouveau.
Cette règle n'est pas reçue en France.
10" Les chapitres ne succèdent point au droit
de donner des indulgences.
Outre ce qui a été dit, les canonistes ont cru
pouvoir conclure des textes des décrétâtes que
les chapitres pouvaient, pendant que le siège
épiscopal est vacant, recevoir les résignations
des bénéfices, en faire les permutations, taire
les unions des Eglises, approuver les confes-
seurs, faire échange des dernières volontés des
mourants, ou les faire exécuter, juger des
causes du mariage, donner les dispenses que
l'évèque donnerait, assister ou donner à un
prêtre le pouvoir d'assister à la célébration
d'un mariage pour le rendre valide, exiger le
secours charitable, faire la visite du diocèse,
donner le pouvoir d'absoudre des cas réservés
à l'évèque, administrer lui-même la juridiction
épiscopale pendant les huit jours que le concile
donne pour nommer un grand-vicaire; au lieu
d'un grand-vicaire que le concile lui ordonne
de nommer, en nommer deux ou plusieurs, si
c'est une coutume immémoriale (Barbosa, de
Dignit., c. xi. u;. S'il y a en cela quelques points
de la juridiction volontaire, ce sont autant
d'exceptions a la règle générale.
XII. Le droit commun reconnaissait une
autre espèce de vacance interprétative du siège
épiscopal, savoir : si l'évèque différait plus de
trois mois ou a se faire confirmer après son
élection, ou a se faire consacrer après sa con-
firmation, ou à demander le pallium, au cas
que ce fût un archevêque, après sa consécra-
tion. Ces trois, ou ces neuf mois écoulés, le
chapitre prenait l'administration du diocèse,
comme le siège étant vacant, et étail en pou-
voir aussi bien que dans l'obligation d'élire un
autre évêque.
Les élections ayant été presque abolies par
les concordats que les princes chrétiens ont
faits avec le pape, le concile de Trente Sess.
xxih, c. 2) a ordonné que si les évêques ne se
faisaient sacrer trois mois après leurs provi-
sions, ils sciaient obligés a restituer les fruits;
s'ils lardaient encore trois mois après cela, ils
seraient privés de leurs excelles. « Ecclesiis
ipso jure sint privati. »
L'ordonnance de Blois ne lit qu'une inter-
prétation de ce décret dans son article 8e.
Les évêques seront tenus de se faire sacrer
dans trois mois après leurs provisions obte-
nues; autrement sans autre déclaration, seront
tenus de rendre les fruits. Et si, dans trois
autres mois en suivant, ils ne se sont mis en
devoir de ce faire, ils seront entièrement pri-
vables du droit desdites églises, sans autre
déclaration, suivant les saints décrets.
Le terme du concile privati, étant expliqué
par celui de l'ordonnance privables, il résulte
que le chapitre doit user des formalités et des
monilions juridiques pour déclarer le prélat
élu, premièrement privé des fruits, et ensuite
de l'évêché même. Le chapitre de Toulouse
n'ayant pas gardé ces formes quand il déclara
le siège archiépiscopal vacant, et le cardinal
de la Valette privé de l'archevêché, il eut le
déplaisir de voir sa procédure cassée. Voyez
Ciron sur le titre Desupplendaneglig. Prœlat.
Mil. Le droit n'oblige nullement les cha-
pitres à nommer un grand-vicaire ou un offi-
ciai pour exercer sa juridiction. Au contraire,
les deux chapitres Si episcopus, et ecclesiœ, in
Sexto, de supplend. neglig. Prœlat. semblent
présupposer que le chapitre l'exercera immé-
diatement.
Mais le concile de Trente (Sess. xxiv, c. 16)
ordonne aux chapitres de nommer un grand-
vicaire ou un officiai dans les huit premiers
jours de la vacance, ou de confirmer l'ancien ;
à moins de cela le pouvoir et le devoir tout
ensemble en est dévolu au métropolitain. El si
c'est une Eglise métropolitaine ou exempte,
c'est le plus ancien évêque de la province ou le
.Y>2
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIXIÈME.
plus proche à qui ce droit est dévolu. Enfui le
vicaire nommé ou confirmé par le chapitre
est comptable au successeur de toute son admi-
nistration.
La congrégation du concile a déclaré en
diverses rencontres, <iue le concile ne permet-
tait aux chapitres que la nomination d'un seul
grand-vicaire, puisque dans le même chapitre
où il trouve bon qu'on élise un ou plusieurs
économes, a uuuin vel pluies, » il dit simple-
ment qu'ilélira un grand-vicaire Fagnan., 1. 1,
part. ii. p. S09, .MO). Mais si c'est une coutume
immémoriale, dans quelques chapitres, d'en
nommer deux, on ne juge pas que le concile
ail voulu y déroger.
Elle a aussi déclaré que ces grands-vicaires
peuvent toujours être révoqués par les cha-
pitres pourvu qu'ils en nomment d'autres dans
huit jours. Enfin elle a déclaré que l'exercice
de la juridiction résidant dansle vicaire-général,
c'esl a lui a se donner des substituts quand il
est absent et non pas au chapitre, et le cha-
pitre ne peut sans lui nommer les visiteurs du
diocèse.
C'esl une preuve après tant d'autres qui ont
été touchées ci-dessus, que les chapitres ont
droit de visite dans tout le diocèse durant la
vacance, quoique quelques-uns en aient douté.
Les arrêts mêmes du parlement de Paris sont
favorables a ce droit (Fevret, 1. m. c. 3, n. 38).
Si le concile a obligé les chapitres à nommer
un grand-vicaire, c'a plutôt été en affermissant
l'usage ordinaire qu'en en établissant un nou-
veau. Le concile de Tolède, dès l'an 1347 (Can.
ni), suppose que c'est un usage commun.
« Episcopi suffrâganti nostri, vel sede vacante
vicarii per capitulum deputati. » Les canonistes
parlent le même langage.
C'est peut-être aussi plutôt le dessein du
concile d'enjoindre aux chapitres d'élire un
vicaire en huit jours, que de leur enjoindre
d'en élire. un. Car si les évêques mêmes avaient
partout des vicaires-généraux, il était bien plus
nécessaire que les chapitres en eussent, parce
qu'il leur élait bien plus difficile de s'en
passer.
Mais comme on a douté si les évoques pou-
vaient exercer immédiatement leur justice con-
tentieusè, <m a peut-être aussi formé le même
doute sur les chapitres. El comme il est certain
que les évêques ont ce pouvoir, il pourrait si;
faire aussi que l'obligation des chapitres à
non, uni- un grand vicaire ne les privai pas eux-
mêmes du droit d'exercer immédiatement leur
autorité quand ils le jugent à propos.
XIV. Le nombre des chanoines était ordinai-
rement fort grand , puisque Pierre de ltlois
souhaite avec passion et ne désespère pas de
voir son église collégiale de lîlois rétablie dans
son premier éclat, et le nombre des chanoines
monter jusqu'à quatre-vingts. « Numerum
canonicorum usqtie ad octogenariuni crescere
(Epist. lxxviii). »
Les cathédrales ne cédaient pas aux collé-
giales. Et il est à croire que le nombre était
d'autant plus grand, que les biens de l'Eglise
étant encore possédésen commun, suffisaient à
l'entretien d'un bien plus grand nombre de
chanoines, qui se contentaient aussi que la
communauté pourvût à leur» besoins, sans
excès et sans supertluité.
Lors même que les fonds et les revenus de
celle communauté ecclésiastique eurent élé
partagés, on ne laissa pas d'y recevoir encore
les chanoines en la manière qu'on reçoit pré-
sentement dans les congrégations religieuses,
sans en avoir déterminé le nombre. Et lors-
que le nombre des chanoines excédait celui
des prébendes, ou l'on partageait une pré-
bende entre deux chanoines, ou bien les der-
niers reçus attendaient la première prébende
qui viendrait à vaquer.
Ces expectatives et ces partages de prébendes,
qui n'avaient paru d'abord que comme des
moyens innocents d'entretenir un grand nom.
bre île chanoines, attirèrent avec le temps de
fâcheuses conséquences, qui portèrent les con-
ciles à faire ces trois décrets : qu'on ne divise-
rait plus les prébendes, qu'on ne donnerait
point d'expectatives , et qu'on fixerait clans
toutes les églises le nombre des chanoines.
Voici les canons du concile de Château-Gon-
tier, en 1231 (Can. vi, vu), sur ces trois arti-
cles. « Statuimus quod ubi non est certus
nuiiicrus canonicorum , staluatur ; ne fiât Ec-
clesiarum sectio, vel prœbendarum, sed cum
integritate conferantur. Nec aliquis de cœtero
in ecclesia cathedrali instituatur ad vacaturam
pnebendain. »
Ces canons furent renouvelés et confirmés
dans le concile de Sauniur, en 1253 (Can: x).
Le concile de Lalran (Can. vin), sous Alexan-
dre III, avait simplement ordonné qu'on ne
conférât point de prébende avant qu'elle va-
cillai, et qu'on la conférât dans les six premiers
mois qu'elle vaquerait. Cela ne déterminait
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES DEPUIS LAN MIL.
523
point le nombre des chanoines. Innocent III
fait évidemment connaître qu'il y avait des
Eglises en son temps où ni les prébendes n'é-
taient point séparées, m le nombre îles cha-
noines réglé : « Utraque pars confessa est, quod
in prœdicta Ecclesia non erant distincts prœ-
bendae, née canonicorum numerus erat certus
Caput Ex parle. De concessione praeben-
dis). »
Aussi ce pape ordonne qu'on reçoive dans
cette Eglise de nouveaux chanoines, si ses
moyens le permettaient, ci Si Astensis Ecclesiœ
suppetant facilitâtes, o D'où il résulte qu'on
devait recevoir aidant de chanoines dan- ces
chapitres que le revenu de la communauté en
pouvait entretenir.
Ce pape décide ailleurs que les prébendes
étant distinguées dans le chapitre de Trente,
et un nouveau chanoine y ayant été reçu de-
puis peu. on devait au plus tôt lui conserver
une prébende, o Cum ex quo receptus es in
eanoniemn, non debeas carere praebenda C.
Cum super. Ibidem . »
Il y avait des églises où le nombre avait été
fixé dans la fondation même, selon ce pape.
« l'rimam ordinationem ejusdem eeclesi;e
fuisse, ut in ea tredecim essent personne, pra>
]iositus scilicet cum duodecim fratribus C.
Lilteras, ibid.i. » D'où il résulte que la fixation
du nombre des chanoines vint, ou de la fonda-
tion ou du partage des prébendes, ou enfin des
dangereux inconvénients qui naissaient d'un
nombre excessif de chanoini s.
Le concile de Ravenne, en 1317 Can. v), dé-
plore encore l'ambition et l'avarice insatiable
de ceux qui faisaient recevoir leurs proches
dans les éulises cathédrales ou dans les monas-
tères, par des intérêts tout à fait charnels.
Aussi l'archevêque défend d'y recevoir per-
sonne les trois années suivantes sans la per-
mission de l'évèque ou du métropolitain, afin
que pendant ce temps-là on puisse réyler le
nombre à proportion des revenus.
« Praesente approbante concilio statuimus,
quod de cadero nullus instituatur vel recipia-
tur in fratrem et canonicum alicujus cathe-
dralis ecclesia'. vel coUegiatae, vel monachum
alicujus monasterii, vel canonicum regularem
sine licentia speciali ordinarii loci, ac metro-
politani. Hoc statutum durare volumus usque
ad ti'iennium , seu sequens concilium, infra
quod cestiinatioiieshonoi'um et redituum fient,
ita quod pro eoruui facultatibus competens
numerus ministrantium poterit taxari et sta-
tui, proul jura requirunt. »
Il est a remarquer dans ce canon : I' qu'on
y traite de la même manière de la réception
des chanoines et des moines ; - que [es biens
étaient encore également possédés en com-
mun parmi les uns et les autres; '■'< que la
règle du nombre des chanoines et des moines
est la proportion des revenus de chaque Eglise.
Aussi un canon suivant du même concile
Can. mu porte que si le nombre des cha-
noines réguliers ou des collégiales est déter-
miné, il est encore bien plus juste de régler
celui des cathédrales, et que par conséquent
chique église fixera le nombre de ses cha-
noines selon ses moyens: « juxta facultatem
ecclesiarum, » sans pouvoir l'augmenter sans
h permission de l'ordinaire, « nisi jusla de
causa, et de licentia ordinariorum suorum, »
ni le diminuer sans l'intervention du même
ordinaire, qui le fera lui seul où d en a le pou-
voir. « rbi ad eos solos spectat. »
Les évêques surchargeaient d'un nombre
excessif de chanoines et de clercs les églises
on ils avaient droit de les instituer. Aussi ce
canon déclare nulles toutes ces nominations
au-dessus du nombre réglé, et condamne les
évêques de fournir eux-mêmes a la dépense
de ceux qu'ils ont nommé contre ce statut.
Le concile de faïence, en 1322 Can. ix . fit
la même ordonnance. « In Ecclesiis tôt secun-
dum canones instituendi sunt clerici , quot
possunt de earum reditibus commode susten-
tari, etc. » Le concile de Nicosie, en Chypre,
en 1340 (Can. vi , se contenta de priver les
chanoines surnuméraires de voix et d'aumusse,
jusqu'à ce qu'ils eussent été pourvus de la pré-
bende qu'ils attendaient.
XV. Ce fut une règle générale et invariable
de proportionner le nombre des chanoines aux
revenus el aux fonds des KeJises, et de l'aug-
menter a proportion qu'ils augmentaient.
Innocent III, parlant du chapitre de Ferrare,
qui avait fait confirmer par le Saint-Siège le
statut par lequel il axait fixé le nombre de ses
chanoines, déclare qu'on a inséré ou qu'on a
dû insérer, comme c'est la coutume, dans ce
statut et dans la confirmation, cette clause né-
cessaire et universelle, si ce n'est que les re-
venus de l'Eglise s'augmentassent si fort avec
le temps qu'ils fussent suffisants pour un plus
grand nombre. « Cum in constitutione prœ-
dicta cl confirmatione Sedis Apostolicae, vel
52 i
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIXIÈME.
fuerit, vel esse debuerit, sicut consuevit, ex-
pressum. Nisi in lantum excrescerent Ecclesiœ
facilitâtes . guod pluribus possent sufficere
competenter C. Cum M. Ferrariensis. De Con-
sfitutionibus). »
C'est une maxime si essentielle et si inva-
riable, qu'on doit augmenter le nombre des
chanoines à proportion que les revenus aug-
mentent, qu'on n'a nul égard aux statuts con-
traires ni aux confirmations qu'on peut en
avoir obtenues du Saint-Siège, ou bien l'on
suppose qu'elle y a été sous-entendue, parce
qu'enfin elle a dû selon la coutume, 5 être
exprimée.
Le fondement de celte police est que le re-
venu de l'Eglise, étant originairement le pa-
trimoine de J.-C. et des pauvres, il doit être
distribué selon la mesure du besoin, et non
pas selon les excès du luxe et de la super-
Quité,
Aussi les deux sortes de canons que je viens
de citer, et qui ordonnent de fixer le nombre
des chanoines, et de ne point diviser en deux
une même prébende, disent clairement que ce
n'est que pour empêcher que les chanoines ne
tombent dans la mendicité, qui déshonorerait
leur dignité. Ceux qui se donneront la peine
de lin- ces canons au long y trouveront cette
raison exprimée.
Celait aussi pour cette même raison qu'on
défendait de partager une prébende entre plu-
sieurs, parce que la prébende n'avait été que
de ce qui pouvait être nécessaire à l'honnête
entretien d'un ecclésiastique. Les prébendes
avaient été d'abord de pain et de vin, c'est-à-
dire des distributions manuelles en espèces,
ce qui ne pouvait guère excéder la mesure
du nécessaire. On donna le même nom aux
fonds qu'on laissa prendre aux clercs parti-
culiers, parce que ces fonds leur tenaient lieu
de prébende.
Les canonistes conviennent à la vérité qu'on
n'est obligé de créer de nouvelles prébendes
et d'augmenter le nombre des chanoines que
des revenus qui sont demeurés communs a
tout le chapitre, et non pas de l'augmentation
de chaque prébende, qui n'est due qu'à l'in-
dustrie particulière du chanoine (Fagnan., in
I. 1, part. 1, p. I •'>•'> . .Mais celte superllmle d'une
sorte de bien qui est essentiellement le patri-
moine des pauvres, ne paraît pas facile à ac-
corder avec ce sentiment : si ce n'est qu'on
dise que la création île nouveaux canunicals
n'est pas la seule manière de bien et sainte-
ment ménager le superflu des biens ecclésias-
tiques et qu'on satisfait à l'obligation indis-
pensable de ces sortes de biens, en donnant
exactement tout le superflu aux pauvres.
Le décret du concile de Trente de ne rece-
voir pas dans les monastères un plus grand
nombre que celui qui peut être entretenu des
revenus et des aumônes ordinaires doit aussi
s'entendre , supposé que les revenus ne reçoi-
vent pas une augmentation si notable qu'elle
soit suffisante pour un plus grand nombre.
La congrégation du concile ayant déclaré
que l'évèque peut créer des chanoines sur-
numéraires, et le chapitre ayant toujours ce
même droit, la première prébende qui vient
ensuite à vaquer est toujours due au surnu-
méraire ; non qu'on ait pu la lui promettre,
c'eût été un pacte simoniaque et nul; non
qu'il puisse l'exiger, il n'y a aucun droit par
justice ; mais parce (pie les canons ont destiné
les premières prébendes vacantes ou les reve-
nus communs et superflus aux chanoines sur-
numéraires (Fagnan., ibid. pag. I, s. Et in
tom. m. part. 1. p. 138, 127). Au reste ce pou-
voir de l'évèque est un reste de son ancien
droit île recevoir les chanoines dans sa com-
munauté.
Or, il est sans doute que le consentement
du chapitre est nécessaire, afin que l'évoque
puisse augmenter le nombre des chanoines,
soit que le nombre eût été réglé ou qu'il
ne l'eût pas été. S'il avait été confirmé par le
Saint-Siège, il ne le pourrait, à moins que les
revenus de l'église eussent été augmentés ,
suivant la décrétait' d'Innocent III, que nous
avons citée (Ibidem). Enfin, celte nomination
de chanoines surnuméraires ne doit pas être
faite sans raison ; il faut les former et les assu-
jétir à tous les offices de l'Eglise, et n'en pas
nommer un nombre disproportionné à celui
des anciens chanoines.
Quanl au droit de ces chanoines surnumé-
raires , d'avoir séance dans les hauts sièges,
d'avoir voix au chapitre et de participer aux
distributions, il n'y a point de règle certaine,
si ce n'est la coutume de chaque chapitre ou
l'intention de ceux qui autorisent cette nou-
velle création de chanoines (Ibidem, in 1. 111,
part. 1, p. \-21, 128).
Le concile de Trente (Sess. xxiv, c. 15) ayant
donné aux évèques le pouvoir d'augmenter
par diverses voies le revenu des canonicals,
DES CHAPITRES DES ÉGLISES CATHÉDRALES DEPUIS L'AN MIL.
525
tant des cathédrales que dos collégiales, dans
les lieux où il n'est pas suffisant, même avec
les distributions; et ayant voulu que eela se
lit du consentement du chapitre ; ayant même
permis d'en diminuer le nombre pour en aug-
menter le revenu, e'est une preuve certaine
que ce concile a voulu que dans toutes ces
sortes d'affaires l'Eglise agît de concert avec le
chapitre.
L'ordonnance de lîlois, dans l'article -2.">, a
confirmé ce pouvoir des évoques, à augmenter
le revenu des chanoines ou en en diminuant le
nombre, ou en y unissant des bénéfices simples
non réguliers, pourvu que le nombre des cha-
noines demeure toujours suffisant pour le ser-
vice divin.
Le concile V de Milan [Acta Eccles. Med.,
p. 2(i9, 270), défendit de créer des chanoines
surnuméraires, si ce n'est dans la nécessité et
fort rarement. « Si quos aliquando, ut jure
permissum est , canonicos supranumerarios
creari contigerit, id justis solum causis ac pêne
necessariis . iisdem comprobatis, et perraro
quidem fieri staluimus. »
Quand les bénéficiers de la même Eglise
sont élevés au rang de chanoines surnumé-
raires, ils ne peuvent pas alors même se dis-
penser des services qu'ils devaient auparavant
a l'église. Si ces services étaient incompatibles
avec la dignité de chanoines, il n'eût pas fallu
les élever à un si haut rang.
XVI. Ees chapelains, les vicaires, les por-
tionnaires, les demi-chanoines et les surnu-
méraires sont comme les substituts et les
coadjuteurs des chanoines. Le concile de Bé-
névent, en 1091 Can. n), abolit les chapelains
qui s'étaient multipliés contre le statut du
chapitre, et sans le gré de l'évêque. « Capel-
lanos, qui contra statut u m numerum in ec-
clesiis sine consensu sui episcopi militaverint,
interdicimus, etc. »
Entre les statuts de l'Eglise de Lyon, en l'an
1251 (Concil. Gêner., tom. n, p. -253, i . ou
trouve cette distinction entre les chanoines.
« Sunt in eadem ecclesia majores canonici ,
et alii minores prœbendarii, et iterum duo-
decim capellani ; quorum nul lus in sua in-
stitulione percipit benefkium temporale, prae-
terquam quotidianam refectorii distributio-
nem. »
Le concile I de Cologne, en 1536 (Can. xi),
témoigne aux vicaires, qu'étant les vicaires
des chanoines, pour assister au chœur, quand
leurs infirmités ou leurs occupations pres-
santes ne leur permettent pas de s'\ trouver,
ils doivent satisfaire à une obligation si sainte
el si précise, ou être privés non-seulement des
distributions, niais aussi des gros fruits.
« Incipiant intelligere cur vicarii dicanfur,
superpelliceis quoque utantur. Cujus enim
vices gèrent , nisi canonicis adjutores accé-
dant, horum nimirum qui vel adversa va-
letudine detenti, vel negotiis necessariis avo-
cati interesse non ppssunt, etc. Suspensionis
pœna etiam a fructibus, nedum quotidianis
illis qui distrihuunlur, sed a grossis quoque
pro culpae modo animadvertendum in non pa-
rentes. »
Le concile de Cambrai, en 1565 (Cap. \\ ,
voulut que ces vicaires destinés à chanter les
heures canoniales, « Vicarii qui canonicas ho-
ras in choro canant, » fussent prêtres, ou dans
les ordres sacrés, ou au moins lecteurs, et. s'il
se pouvait, liés à la continence.
C'était peut-être une singularité île l'Eglise
cathédrale de Paris d'avoir des clercs destinés
pour chanter les offices de la nuit et du matin.
qu'ils appelaient pour cela clericos matutinales.
(tu peut voir l'acte par lequel le chapitre aug-
menta leurs appointements, en l'an 1260
il. allia Christ., tom. i. p. Uli, iiT .
L'Eglise de Chartres et quelques autres
avaient des clercs marguilliers, clericos matri-
cularios, outre les chanoines et les clercs du
chœur, clericos de choro Analect. Mab., t. n.
p. 577).
Les portionnaires et demi-portionnaires des
chapitres d'Espagne ont souvent prétendu
avoir les mêmes avantages que les chanoines,
sui tout dans les cathédrales, où ils ont entrée
dans le chapitre pour délibérer de certaines
affaires où ils sont intéressés; mais la congré-
gation du concile a toujours répondu qu'ils" ne
sont nullement compris ni dans les honneurs,
ni dans les privilèges des chanoines, et qu'ils
ne peuvent prétendre que ce que la coutume
particulière de chaque chapitre leur a accordé
Fagnan., 1. i Décret., part, u, pag. ."i, 6).
XVII. .le parlerai ailleurs des chanoines
laïques. Disons ici un mot des prébendes que
l'évêque et le chapitre de la cathédrale accor-
daient aux autres communautés régulières,
pour se les incorporer en quelque manière, et
pour les engager plus étroitement, par un lien
si gracieux, a se maintenir dans la pureté de
la vie régulière.
&6
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIXIÈME.
Il y a là-dessus (rois principaux points à re-
marquer: l°Que Les autres communautés reli-
gieuses avaient îles prébendes dans le chapitre
de la cathédrale, et qu'elles en devenaient par
là comme les membres.
2° Que c'était un doux et fort engagement
pour les lier plus étroitement à la régularité
de la discipline, parce que cette prébende leur
avait été donnée en vue de leur régularité
passée.
3° Que le chapitre de la cathédrale observait
alors la vie commune et la régularité reli-
gieuse, ce qui le portail a s'unir et s'incorporer
toutes les communautés religieuses.
Tout cela paraît admirablement dans la lettre
du pape Grégoire VII aux chanoines de la col-
légiale de Saint-Martin de Lucques,où il les
exhorte à reprendre la vie commune et l'ob-
servance régulière , et les oblige à rendre
à Pévêque la prébende qu'ils en ont reçue :
« Monep ut communem vitam vivatis, et ut
omnia bona vestra in communem utilitatem
redigantur, et communiter expendanlur : aut
si id facere recusatis, Ecclesia? praebendam in
manu episcopi ad Ecclesiae utilitatem reddatis
(L. vi, ep. 2 . »
Alexandre III, écrivant au doyen et au cha-
pitre de Paris, ordonne, comme ils l'avaient
souhaité, que les prébendes affectées aux com-
munautés ne puissent être conférées à d'autres
particuliers : « Cum quaedam monasteria et
ecclesiae praebendas habeant in ecclesia ve-
stra, etc. (Conçu., loin, x, pag. 1855). »
Nous traiterons ailleurs plus au long de
cette matière (I).
fl La révolution, qui a fait le tour de l'Europe, a fait subir des
ides dans les chapitres de tous les pays catholi-
es puissants et princiers chapitres d'Aile-
i mi sait que les différentes principautés ecclésiastiques de la
Germanie avaient sous leur domination cinq millions de suji ts ré-
partis dans les plus riches provini es. 0 c'él lient les chapitres qui,
outre leurs grasses prébendes, élisaient ces princ» s-évêqu< s ou arche-
souverains temporels dans leurs diocèses. Où sont les riches
chapitri ■ lique Espagne, dont les prébendes offraient des
j . I Consalvi fui nommé, en 1807, par
le roi d'Espagne, à an canonicat de la cathédrale de Cordoue, qui
, Mémoires, n, p. 281 . L;i plu-
pari ,|,. ,-,.., chapitres avaient un personnel de quatre-vingt à ci nt
■ -, Ainsi, dans noire France, le chapitre de Laon
pose ii> quatre ringt-quatre membres, celui de Soissons, d
jnq, La plupart des chapitres avaient une puissance tempo
,-. H,, effective. ' ■ ■■ Soleure était co-si igneur de
la ville m illi ■ . ffi ■'■ "'''s Suisses, ni, p. 13 .
La nom ; : 00P- '■ ' plupart des
d'Allemagne étaient héré
dans cert ' s- Ailleurs le chapitre avail une
partie ,i. que l'autre. Le Saint-Siège avait
... Durant le xvin« siècle, la plupart des chapitres
se perpétuaient, pour ainsi dire, eux-mêmes. Chaque chauoii i
mait un coadjuteur qui lui succédail de plein droit Nous tirons d'un
document authentique et officiel, le liber ix conclusionum de l'ancien
chapitre de Carpentras, une de ces nominations, parce qu'elle tombe
sur un nom historique, M. d'Orléans de Lamotte, le célèbre évéque
Dans l'assemblée du 5 novembre 1702, le chanoine Devil-
lario prit ainsi la parole : « Je me donnais autrefois l'honneur de
■ vous proposer que je voulais faire un coadjuteur et vous en dc-
« mander vos sentiments, e( ayant eu votre agrément sur la propo-
vous fis de la personne de M, Louis-François-Gabriel
d'Orlëai < Lamotte, j'envoyai ma procuration à Rome, -
n de laquelle mondit tte a obtenu des bulles
B qU'ii V0U3 ; résente, prie d'en faire faire la lecture, de l'ad-
,ii forma dignum^ le faire mettre en possession de ladite
« coadiutorerie et faire tous les actes nécessaires. » Et plus bas :
a Die 20 aug. 1708. M. Louis-François-Gabriel d'Orléans dejjLamotte,
,i f| ,|,. cette ville el coadjuteur-chanoine dans cette église, vous
te d< bullei nues de Mgr le vice-légat d'Avignon pour
« le canonicat, prébende théologale, et vous prie d'en faire la lec-
.. de L'admi tire à su profession de foi, le faire mettre en pos-
léralement tous actes nécessaires. ■
Voici ce qu'on entend endroit canonique par le forma dignum
mentionné plus haut. Le pape accordait certains canooicats avec un
bref appelé forma du/num, parce qu'il contenait celte clause : Qua-
: tfur. Celui qui était ainsi pourvu présentait ce
ai( t'ex) uteurde ce mandat apostolique,
en ce sens qu'il lui appartenait de vérifier et de constater si le pourvu
était réellement idoine à occuper le bénéfice vacant. S'il n'y avait
contre lui aucun motif d'indignité, alors le bref était exécutoire et le
pourvu devait être immédiatement installé comme chanoine. Cette
nomination n'était conditionnelle que dans l'exécution, elle était ab-
solue dans sa substance. Du moment que celui qui était pourvu in
forma dîgnitm <-tait trouvé réellement digne, dès ce moment, habebat,
• i mme disent les canonistes, non solum jus ad rem, sed etïam in
i ■ i FfJ simple clerc pouvait être pourvu d'un canonicat in forma di-
ynum avec la condition de recevoir les ordres sacrés en temps op-
portun.
En opposition à tous les principes de droit canonique, le congrès
schématique d'Ems, tenu en 1785 par quelques archevêques d'Alle-
magne, dis ut dans son article huitième : » Le reins ou ta < oncessîon
■ de la résignation in favorem, dépend uniquement du BON PLAI-
SIR de tou évéque, contre lequel aucun recours ultérieur ne sau-
: ii* avoii lieu. > Un i anoniste de bon aloi dit, au sujet de cet ar-
l'.n ;i peu tout le chapitre sera composé de favoris de
n i . rèque Alors l'épiscopat sera un petit état oriental, i ù la
ince n'auront plus lieu. La dominatio in cleri$t
■ i al ii il Paul avait une si grande aversion, sera la plus chère pré-
a rogative de! i vèques. Ce pouvoir donné aux évêques est contre
: i droit canonique, n [Apud Mémoires historiques
du cardinal l 'ai i a . p. 21 lî
Aujourd'hui, généralement et plus particulièrement en France, les
i h ipitrcs ne sont plus que l'ombre dis anciens chapitres, dont ils ont
cependant tous les droits canoniques. Examinons-les dans les diffé-
rentes nations de l'Europe. Voici l'article 3 du concordat bavarois de
1817 : " Ordinal capitula Ecclcsiarum metropolitanarum et suffraga-
u nearum j et constituât in prioribus duas dignilates et decem canoni-
■ cbs, in posterioribus item duas dignitates cum oeto canon
Art. 1Û : « Sanctitas sua conferet prœposituram in eccleshs metropo-
o litanis el cathedralibus, ad decanatus autem nominationem babebit
o rex, qui etiam nominat ad catiomcatus in mensibus papalibus; in
-. aliis sex mensibus nominabit in tribus primis arebiepiscopus vol
a i piscopus, et m .dus tribus capitulum. •
Le concordat napolitain de 1818 sauvegarde aussi les droits du
Saint-Siège. Art. 10 : « Canonicatns libéras collationis in capitulis,
■ respective conferenlur a Sancta Sede et ab episcopis, scillcet sex
a primi anni mensibus a Sancta Sede, aliis vero sex mensibus ab epi-
-, Prima dignitas semper erit liberœ collaiionis sancta; Sedis. »
i e i oncordat prussien de 1821 est remarquable sous le point im-
portant qu'il confère aux chapitres l'ancien droit d'élire l'évèque.
Art. 12 : « Constituitur numerus dignitatum et canonicorum in singu-
« lis metropolitanis et cathedralibus. i> Art. .1 : « Quilibet ad canoni-
- i atus et dignitates assequendas constitutus esse débet in majonbus
i ordînibus, qui saltem per quinquennium utdem Ecclesia* operam
« noverit, vel in sacra theologia aut in jure canonico doctoratus lau-
« ream rite fuerit cousecutus. » L'article 1 établit que la nomination
chanoines appartiendra six mois au pape et six mois aux évê-
qui i, La première dignité est toujours réservée au pape. Art. 5 ! « Ca-
i pitulis facultas tnbuitur, ut in singulis illarum sedium vacaiionibus
consueli trimestris spatium dignitates et canonici capitulariter
regati novos antistites ex ccclesiasticis quibuscumque viris re-
gni Borussici incolîs ad formam SS. canouum eligere pos-
o si nt . d
L'article \ du concordat belge de 1828 accorde ce même droit aux
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES, etc.
527
CHAPITRE ONZIEME.
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES. DES CHANOINES RÉGI LIERS ; ET DE LA VIE COMMUNE
DANS LES CHAPITRES DES CATHÉDRALES ET DES COLLÉGIALES, APRÈS L'AN MIL.
I. En quel temps la vie commune recommença dins les col-
lèges ecclésiastiques. Ce fut pour bannir l'incontinence où le
clergé était tombé. Décrets des conciles et des papes Nicolas H I
et Alexandre II pour cela.
II. Réflexions sur ces décrets. On n'obligeait point les clercs
à une entière désappropriation.
III. De là naquirent deux sortes de congrégations, les unes se
désappropriant seulement des biens de l'Eglise, les autres même
de leur patrimoine.
IV. Les laïques même imitèrent relie léfonnation du clergé.
V. Saint Romuald avait ébauché ce même dessein.
VI. La désappropriation des bénéfices était alors d'autant plus
facile à persuader, que la séparation des bénélices était encore
très-nouvelle ; et plusieurs les avaient ou usurpés, ou achetés.
VII. Cette réformation se fit lentement. Vus de Chartres y
contiibua et établit lui-même une communauté de clercs régu-
liers.
VIII. Quand on donna à ces chanoines le nom et la règle de
saint Augustin.
IX. Ce que ce fut que cette règle.
X. Ce renouvellement de la vie commune dans les chapitres
des cathédrales, fut de peu de durée, quoique quelques-unes la
conservèrent.
XI. Surtout celles qui étaient composées de moines.
XII. Quelques grands prélats de ces derniers temps ont lâché
de la renouveler.
XIII. Les évêques ont été 1rs fondateurs de la plupart de ces
communautés. Leur autorité suffisait pour ériger les églises col-
légiales.
XIV. Elles se multipliaient aussi d'elles-mêmes.
XV. Rapport des chanoines réguliers aux moines.
I. La vie commune a été observée durant
plusieurs siècles dans les églises collégiales
aussi bien que dans les cathédrales.
L'historien Adam (L. h, c. 33, 34, 35) re-
marque que l'archevêque de Hambourg Unuan
fut le premier en ces quartiers-là qui assembla
une compagnie de chanoines, les commu-
nautés ayant été jusqu'alors comme mêlées et
composées en partie de moines et en partie de
chanoines : « Unuanus primus omnium con-
gregaliunes ad canonicam regulam traxit, quœ
ante quidem mixta ex monachis et canonicis
conversatione degebant (Baronius, an. 1013.
n. 7). »
Mais ce fut sous Nicolas II ou sous Alexan-
dre Il qu'on rétablit et qu'on multiplia les
communautés régulières des chanoines, soit
dans les cathédrales, soit dans les collégiales.
Le clergé s'étant effroyablement relâché dans
tout l'Occident, et s'étant comme abîme dans
la saleté d'une incontinence presque univer-
selle, on ne jugea pas pouvoir y rétablir la
pureté et la continence qu'en séparant les
clercs supérieurs du commerce contagieux du
monde et les renfermant dans des cloîtres,
pour y joindre à la dignité du sacerdoce les
vertus de la vie commune et religieuse.
Cela paraît avec évidence dans le canon de
deux conciles romains, sous ces papes, en 1059
et en 1063 (Can. iv), où, après avoir parlé des
chapitres, sans parler des nominations aux canonicats : a In vacatio-
« nibns sedium episcopalium, capitula îllarum ecelesiarum ex candi-
o datis, de quorum aominibus pmis rc\ certtor l'actus fuerit, et quos
a régi gratos cognoverint, arehiepiscopum vel episcopum eligant. o
L'article 22 du concordat autrichien de 1855 dit : « Dans toutes
o les églises archiépiscopales et épiscopales, Sa Sainteté conférera la
a première dignité, à moins qu'elle ne soit de patronage laïque, auquel
o cas, au lieu de la première, ce sera la seconde. Aux autres digni-
« tés et prétiendes canoniales, Sa Majesté continuera de nommer,
« excepté à celles qui sont à la libre collation de 1 evéque, ou sou-
3 an droit de patronage légitimement acquis. En qualité de
i chanoines desdites églises, on n'admettra que les piètres pourvus
i ilc> qualités prescrites généralement par les canons, et qui se seront
a appliqués avec honneur au soin des âmes, aux affaires ecclésias-
liq les ou à l'enseignement des sciences sacrées. 11 ne sera plus né-
u cessaire de justifier de titres de noblesse, à moins que l'acte de
«i fondation n'en exige. Quant à la louable coutume de conférer les
« canonicats au concours public, partout où elle est eu vigueur on la
n maintiendra soigneusement. » Art. 23 : n Dans les églises métro-
« politaines et épiscopales, partout où ils manquent, on établira le
« plus t6t possible un pénitencier et un théologal selon le mode pres-
« crit par le concile de Trente (Sess. v, cap. I ; sess. xxiv, cap. vin}.
Les évoques conféreront lesdites prébendes, conformément aux
a canons du même concile et aux décrets apostoliques sur la rna-
« tière. «
D'après le concordat espagnol de 1851, les chapitres sont composés
du doyen, premier siège po\t pontificalemj de quatre dignités, sa-
voir : archiprètre, archidiacre, grand chantre et ëcolâlrc : il y aura de
plus les trésoriers dans les métropoles ; puis de quatre chanoines avec
office annexé, savoir : le magistral, le théologal, le lecteur, le péni-
tencier; puis de vingt-cinq chanoines ordinaires et de vingt-quatre
bénéficiers pour les métropoles, et de vingt chanoines ordinaires et
de seize bénéficiers pour les cathédrales. Le gouvernement nomme à
la dignité de doyen des chapitres. Les canonicats qui ont un office
annexé sont conférés, par voie de concours, par les prélats et les
chapitres. Les autres chanoines sont nommés alternativement par
le gouvernement et les prélats respectifs. Les bénéficiers sont
nommés alternativement par le gouvernement , les évêques et
les chapitres. Le pape nomme à la dignité de grand chantre
dans tous les chapitres. Le siège vacant, le chapitre ne nomme
qu'uti seul vicaire capitulaire ou officiai, ainsi que le prescrit le droit.
On voit que le personnel des chapitres d'Espagne est encore respec-
table et permet de célébrer les offices avec pompe. Avant la révo-
tion espagnole, le nombre des chanoines des métropoles, cathédrales
et collégiales était de 4,384; il est réduit aujourd'hui à 1,912. Les
canonicats reçoivent du gouvernement un traitement de 1,500 à
528
DFS CONGRÉGATIONS, — CHAPITRE ONZIÈME.
prêtres et des diacres, qui furent les seuls des-
quels on exigea rigoureusement le célibat dans
ce nouveau rétablissement de L'ancienne disci-
pline, "ii l.s exhorte ensuite, môme avec com-
mandement, de se réunir tous dans l'obser-
vance de la vie commune, telle que fut la vie
du clergé dans les temps apostoliques.
« Et praecipientes statuimus, ut lii praedicto-
rum ordinum , qui praedecessoribug nostris
obedientes, castitatem servaverint, juxta Eccle-
sias. quibus ordinati sunt, sicut oportet reli-
giôsos clericos, simul manducent et dormiant,
et quidquid eis ab Ecclesia competit, commu-
niter habeant. Et rogantes monemus, ut ad
apostolicam communem vilam summopere
peryenire studeant, quatenus perfectionem
i rancs. On voil que nous sommes loin du beau canonicat de
Cordoue, de 2&.000 francs, donné au cardinal Consalvi en L807.
Passons maintenant à nos pauvres et chétffs chapitres de France,
de neuf membres. Le concordat ne dit que ces
Laos l'article 11 : * Les évèques pourront avoir un chapitre
« dans leur cathédrale, sans que ie gouvernement s'oblige à le do-
it ter. » Malgré cela, la pensée bien arrêtée du gouverneun ■ ait
de les doter, mais lorsqu'il aurait réalisé son projet des articles orga-
niques tendant à établir le gouvernement personnel absolu dans
chaque diocèse. Canon iste, nous devons faire connaître les lois de
Il i en cette matière, comme dans les autres. Le card
pr.ira, exécuteur du concordat, par son décret du 10 avril I-
gea canoniquement les chapitres : « In eaque ecclesia N. capitulum
'i e\ digoîtatibus et canonicis secundum numerum ut infra, •, Lu
n dirm prssficienduni erigimus et instituimus. » Par le même décret,
le plénipotentiaire du souverain pontife accorda à l'évéqae, pour
cette première fois seulement et comme une faveur spéciale, l'autori-
sation de nommer, pour ta première fois seulement, a toutes les di-
■ .i to i- les canonicats : « ut dignitates omnes etiam princi-
« pales et canonicatus pro prima hac oice idoneis ecclesiasticis viris
« libère et LICITE conferre possit. » Voilà le droit canonique ; l'é-
véqae reçoit de l ant< rite compétente la faculté de pouvoir, pour une
foÎB seulement, nommer lui temeul les dignités et cha-
noines de son chapitre. Malheureusement les articles organiques vin-
kplacei le pape par César, pour dicter des 1ms à l'E|
le-- choses marchent en France comme oti sait. Or, comme canoniste
. »ns humblement si de telles nominations ni licites ?
par tous les auti |ue le pape et les i
eux-mêmi s ont leurs droits dans les Dominations capitulaires, La i-.-
-, un peu anormale des chapitres préoccupe dépuis longtemps
ornes qui sont convaincus que 1 Eglise a tout à gagner dans le
retour au droit canonique. En 1855, il parut une brochure
marquable de e logique, écrite dans un très-bon esprit,
sous ce titre significatif : Questions &w l'état actuel des chanoines et
pitres en France, ce qu'ils sont, ce qu'ils doivent être d'après
le droit par tint- réunion de chanoines. La conclusion débute ainsi :
o II nous semble qu'après cette courte revue, il est impossible de ne
» pas se convaincre que les chapitres, eu France, n'ont plus rien de
:,..., s chapitres autrefois existants dans notre pays,
ci ceux du reste de la chrétienté, ni avec la législation ordi-
i nui. qui doi ortes d'institutions. » La brochure ne parle
pas des nominations.
Parmi les énormités anticanoniques des articles organiques, une des
plus révoltantes fut celle de l'article 36 qui annulait complètement la
n des chapitres pendant la vacance du siège, et ne leur permet-
de m mmer un vicaire capitulaire pour gouverner le diocèse,
laissant ce droit et ce pouvoir aux vicaires-généraux de l'évéque dé.
font. Comme on réclama de partout contre cette énormité, par un
décret du 28 février 1810, le gouvernement rapporta l'article 36 des
organiques, et publia l'article 6 de ce décret : « En conséquence,
i pendant les vacances des sièges, il sera pourvu, conformément aux
s lois canoniques, au gouvernement des diocèses. Les chapitres pre-
« senteront à notre ministre des cultes les vicaires -généraux qu'ils
' auront élus, pour leur nomination être reconnue par nous, n Nous
irions trop répéter qu'il dépend un peu des évèques de
faire annuler tous ces tristes articles organiques dont un si grand
nombre ont été déjà abrogés et sont tombés en désuétude.
En vertu du décret exécutoire du 10 avril 1802 du cardinal légat,
les chapitres n'ont-ils pas le droit de présenter à l'évéque des candidats
pour les canonicats vacanl î I idemment ce décret ne déroge en rien
aux lois de L'Eglise sur ce point. L'évéqae doit mettre au concours
tous ses prêtres les deux canonicats du pénitencier et du théo-
. Mitent. , depuis quel, , la France s'est rap-
■ de Hume, et cette affe< tue ise i ffusion de la tille vers la mère
amènera inévitablement parmi nous le règne du droit canonique et des
lois de l'Eglise à la place des arbitraires, du gouvernement personnel
et absolu, du césarisme dans le sanctuaire.
Pour êlre complet sur cet article, nous devons dire qu'en 1863, le
gouvernement français a repris l'antique usage de doter huit cha-
chapitre de Saint-Jean-de-Latran, à Rome, qui son) à i
nomination. Voici sur ce fait des renseignements authentiques :
Henri IV, après son abjuration et la solennelle absolution qui lui
fut donnée jiar Clément VIII, sous le portique de la basilique (ie
Saint-Pierre, le 17 septembre 1595, se fit le bienfaiteur de l'église de
Saint- Jean-de-! atran et lui concéda, en 1604, l'abbaye de Saint-
Pierre-de-Clairac, au diocèse d'Agen. Pour éterniser ce souvenir et
les liens étruits qui unirent toujours depuis les princes de la famille
aînée des Bourbons à cette basilique, le chapitre fit placer, sous un
des portiques du temple, la statue en bronze du « bon Henri. »
C'est à partir de cette époque que les rois de France substituèrent
dans leurs rapports avec les cardinaux le titre de «i Mon cousin, n a
celui de : « Cher ami, » employé jusqu'alors. Ce ne fut qu'après
Henri [V que le titre de chanoine de Saint-Jean-de-Latran fut donné
aux souverains de la France. Ils furent même parfois appelés : a proto-
chanoines, » comme ayant le droit d'occuper la première stalle au
chapitre.
On sait peu de choses sur l'abbaye de Chirac, les papiers et les
monuments ayant été dispersés el détruits a plusieurs reprises diffé-
rentes, dans la guerre contre les Albigeois, et plus tard dans les luttes
sanglantes contre le protestantisme. La Gallia Christiana m us ap-
prend que le dernier abbé de cette abbaye fut D. Jean II de Teillac,
q ;. abdiqua au mois de septembre 1601, moyennant une pension an-
nuelle de deux mille livr< ■ - i ette . i><i .■..■■■ n iv pruv, ipiV j.,ii i.i
qu'Henri IV fit à la même époque de l'abbaye au chapitre
de Saint-Jean-de-Latran. Suivant les condiiii mpi éi par le do-
nateur, les revenus de l'abbaye devaient se partager en deux parts :
l'une d'elle devait être répartie entre les ( hanoines, les bénéficiaires
i I le 'I' rgé de la basilique, et l'autre affectée à huit nouveaux cha-
noines désignés par Henri IV et les rois de France ses successeurs
ab Benrico et successoribus 'jus Francorum regibus). Le chapitre
outre, à faire célébrer, tous les ans, deux messes so-
lennelles à l'autel majeur, pour Henri IV et les rois de Fram
// o et regibus Francorum . CJne somme de 150 scudis, prélevée
sur la première portion des revenus, devait être distribuée entre tous
les pré! Ci s présents à la cérémonie.
Les revenus de l'abbaye supprimée furent plus tard r. mpla* is par
une rente annuelle de vingt-quatre mille livres, qui fut fidèlement
payée jusqu'à la première révolution. La restauration reprit les an-
ciennes traditions et se lit un devoir de demeurer U bienfaitrice de
la première église de la chrétienté. La révolution de 1S30 vint de
nouveau interrompre le service de celte rente. En 1863, après d'assez
longues n< gociations, le gouvernement français a décidé de suivre les
errements du passé et de compter annuellement les 24,000 livres au
chapitre de Saint-Jean-de-Latran.
Si nos renseignements ne nous trompent pas, les conditions con-
venues sont à peu de choses près, celles du passé. Six mille francs
seront affectes au culte.
Des 18,000 francs restants, 9,000 seront répartis entre les cha-
m î, les bénéficiers et le clergé de l'église, suivant les règles ca-
noniques, et le reste sera employé à doter huit chanoines du chapitre
au choix du gouvernement français. Des deux messes solennelles im-
posées par la fondation primitive, l'une a toujours continué a être
célébrée, malgré l'interruption du service de la rente, chaque année
le 6 novembre, par le chapitre de l'archibasilique pour le repos de
lame de Henri IV et de ses successeurs. C'est la seconde messe qui
sera désormais dite pour l'empereur des Français. On a choisi cette
année le 20 avril, parce que ce jour coïncide avec l'anniversaire de
la naissance de Napoléon III.
Le chapitre de Saint-Denis fut créé par le premier Empire, il fut
reconstitué par Louis XVIII ; mais il était toujours privé de l'institu-
tion canonique, ce qui n'en pouvait faire qu'une communauté de
■ et non un chapitre.
Enfin, en 1843, Louis-Philippe finit par où l'on aurait dû commen-
ci ; il sollicita et obtint du Saint-Siège une bulle qui le constitua vé-
ritablement chapitre et chapitre exempt. Le grand aumônier est son
primicier j il est ensuite composé de dix chanoines-évèques non rési-
dants, de vingt-quatre chanoines de second ordre,
(Dr André.)
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES, etc.
529
consecuti, cum his qui centesimo fructu di-
tantur, in cœlesti patria mereantur ascribi. »
II. L°Ce lut donc là le commencement du ré-
tablissement de la vie commune clans tous les
chapitres, pour remédier au débordement de
l'incontinence, qui s'était universellement ré-
pandue dans tout le clergé. C'est ce qui est
insinué par ces paroles: «Ut bi qui obedienles
praedecessoribus nostris, castitatem servave-
rint, etc. »
-2 Ce ne fut pas un simple conseil, ce fut un
commandement : « Praecipientes staluimus. »
3° Ce commandement fut universel pour
lout l'Occident; car ces conciles romains étaient
composés de plus de cent évèques, et tous les
papes du même siècle travaillèrent, dans ces
conciles universels, a bannir un désordre qui
s'était universellement répandu dans tout le
clergé de l'Europe.
V' Ce canon rétablit la vie commune, pour
faire loger et manger ensemble tous les béné-
ficiers; mais, quant à la désappropriation des
biens temporels, elle est restreinte aux revenus
de leurs bénéfices, et la liberté de jouir en
particulier de leur patrimoine leur est laissée :
« Et quidquid eis ab Ecclesia competit, com-
muniter habeant. » Nous avons montré ci-
dessus que la règle qui fut dressée pour les
chanoines, sous l'empereur Louis le Débon-
naire, avait gardé le même tempérament, leur
laissant la libre jouissance de leur patrimoine.
5° Il semble néanmoins que ce canon exhorte
enfin les chanoines à une parfaite régularité,
dont la désappropriation entière est comme
l'aine, lorsqu'il leur propose l'exemple des
apôtres et du clergé apostolique et qu'il se sert
seulement du terme d'exhortation et de prière :
« Rogantes monemus, etc. »
III. Aussi, après ce concile, on vit dans toute
l'Eglise une réformation générale dans la plus
grande partie des chapitres, les uns se conten-
tant d'obéir à ce qui avait été commandé, et
possédant, dans les saintes délices de la vie
commune, les fonds et les revenus des églises
cathédrales ou collégiales sans partage; les
autres embrassant même ce qui n'était que de
conseil, et renonçant à tous les biens de la terre
pour commencer une vie toute céleste dans les
congrégations des chanoines réguliers. Ce
furent la les deux manières différentes de la
■vie commune qui se multiplièrent alors dans
l'Eglise.
IV. Les laïques mêmes sentirent quelques
Th. — Tom. IL
étincelles de ce divin feu et de cette ferveur
religieuse. Bertolde raconte (pic. dans toute
l'Allemagne, un for! grand nombre de laïques
s'assemblèrent dans les monastères des clercs
ondes moines pour y vivre sous leur conduite,
dans l'observance exacte de la discipline, après
s'être donnés eux-mêmes avec tous leurs biens.
« His temporibus in regno Teutonicorum
communis vita multis in locis floruit, non so-
lum in clericis et monachis religiosissime
commorantibus, verum etiani in laicis, se
suaque ad eamdem communem vitam devo-
tissime otferentibus. Qui etsi habitu nec clerici,
nec inonachi viderentur, nequaquam tamen
eis mentis dispares fuisse creduntur, etc.
Nempe ipsi abrenuntiantes sœculo, se et sua
ad congregationes tam clericorum, quam mo-
nachorum regulariter viventium devotissime
contulerunt : ut sub eorum obedientia com-
muniter vivere, et eis servire mererentur (Ba-
ronius, an. 1091, n. 4, •'>. 6). »
Urbain II prit la défense de ces fervents imi-
tateurs de l'Eglise primitive contre les insultes
des médisants : « Eamdem conversationem di-
gnissimam, quod in primitive Ecclesi e forma
impressa est, judicantes, approbamus, confir-
mamus, etc. »
Celte dévotion s'étendit jusque dans les vil-
lages, où des troupes innombrables de toutes
sortes de personnes et de jeunes tilles mêmes,
renonçant aux vanités et aux délices trom-
peuses du monde, menèrent une vie toute
religieuse sous l'obéissance des prêtres.
V. Mais il faut reprendre le discours des
communautés ecclésiastiques, dont on avait
déjà vu quelque renouvellement au temps et
par les soins de saint Romuald, selon le témoi-
gnage de Pierre Damien dans sa vie : « Con-
stitua itaque vir sanctus plures canonicos et
clericos, qui laicorum more, sicculariter habi-
tabant, pnepositis obedire, et commuuiter in
congregatione vivere docuit Cap. xx\ . s
VI. 11 était d'autant plus facile de faire con-
sentir les chanoines et les autres bénéficiers à
cette désappropriation des biens de l'Eglise et
à cette vertueuse et délicieuse manière de les
posséder en commun, que la séparation et le
partage des fonds était encore alors une inno-
vation, et peut-être même assez souvent une
usurpation.
Cela paraît clairement dans la lettre de Gré-
goire VII aux chanoines de Lyon, qu'il convie
à imiter l'exemple de leur doyen, qui avait re-
34
j30
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE ONZIÈME.
nonce à tous les bénéfices qu'il avait acquis
sans leur consentement : « Prudenti ac salubri
consilio ductus, obedientias Ecclesiae caeteraque
bénéficia, quœsinecommuni consensu fratriun
acquisiverat, in manus nostras sponte renun-
tiavit , et se ulterius non intromissurum pro-
misit (L. vi, ep. 36). »
Voilà un exemple de cette première division,
pour ne pas dire dissipation, qui se fit des
fonds de l'Eglise entre les chanoines, quelque-
fois par violence et sans le consentement du
chapitre, quelquefois avec un consentement
acheté à prix d'argent, comme il est dit dans
la même lettre : « Tarn bis qui furto subduxe-
runt, quam bis qui obedientias, vel Ecclesiae
dispensationes pretii pactione adepti sunt. »
Enfin ce pape ajoute que, pour prévenir ces
usurpations, ou avait quelquefois fait entendre
le tonnerre de l'excommunication, mais que
l'avarice avait été sourde et impénétrable à
toutes ces terreurs.
La simonie n'avait pas moins honteusement
ni moins impunément inondé toute la face de
l'Eglise que l'incontinence. Ce second désordre
donna occasion à un grand nombre de saints
ecclésiastiques de renoncer aux bénéfices que
leurs parents leur avaient acquis, même à leur
insu, par un commerce infâme, et à se ranger
dans le port tranquille et assuré des commu-
nautés régulières.
Tel fut le célèbre Matthieu, qui fut depuis
cardinal évêque d'Alhano , qui, dans cette
appréhension si juste, résigna tous ses béné-
fices entre les mains de son évêque et se jeta
dans l'ordre de Cluny, ne croyant pas son salut
assez assuré dans l'état des chanoines, où il ne
voyait pas encore reluire la pureté et le désin-
téressement si nécessaires à l'état ecclésias-
tique (Bibl. Cluniac, p. 1303).
« Videbat institutis illis clericorum nihil
prope religionis inesse, niulta ibi simulari ,
pauca in veritate geri , ambitione, cupiditate ,
aemulationecunctainterturbari, et sub tonsura
vel habitu clericali, rectiusmercenarios, quam
canonicos posse vocari. » Voilà comme en
parle Pierre le Vénérable, abbé de Cluny.
Vil. Ces reproches n'étaient alors que trop
véritables, et il est à croire que ce furent
autant de piquants aiguillons qui poussèrent
les chapitres à la réformation parfaite et à la
vie commune. Un si grand changement ne
pouvait néanmoins se faire qu'avec beaucoup
de peine et en beaucoup de temps.
Aussi, Yves, évêque de Chartres, déplore avec
beaucoup de raison que la vie commune à
laquelle universellement tous les clercs de va ici il
se porter par tant d'obligations, fut encore si
rare et si peu commune qu'il semblait qu'elle
eût été généralement proscrite de toute la
terre.
« Hae sententiae apostolicae nullum clericum
a vita communi excipiunt, nec civilis, nec su-
burbanae ecclesiae presbyterum. Quod vero
communis vita in omnibus ecclesiis pêne defe-
cit, tam civilibus, quam diœcesanis, non auto-
ritati, sed desuetudini etdefectuiadscribenduin
est ; refrigescente charitate, quae omnia, vult
habere communia ; et régente cupiditate, quae
non quaerit ea, quae l>ei sunt et proxinu", sed
tantum quœ sunt propria (Epist. ccxv). »
Ce saint évêque ne se contenta pas de donner
des larmes à ce relâchement, il donna tous ses
soins à rétablir la vie commune et régulière
entre les chanoines. Il réforma lui-même le
monastère de Saint-Quentin de Béarnais, dont
il était prévôt; il en fit comme une pépinière,
dont il tira un grand nombre de chanoines
réguliers, qu'il envoya à divers évêques, pour
y fonder d'autres semblables colonies de la vie
régulière.
C'est ce qui l'a l'ait passer pour le restaurateur
des chanoines réguliers de Saint-Augustin.
Vincent de Beauvais, saint Antonio et Onuphre
lui donnent cette gloire en l'an 1078. « Sub
ipso cœpit reflorere canonicus ordo primum
ab Apostolis, postea ab Augustino regulariter
institutus. »
Mil. Ces auteurs pourraient bien s'être trom-
pés s'ils ont prétendu que les chanoines régu-
liers d'Yves de Chartres s'autorisèrent du nom
glorieux, ou d'une règle de saint Augustin. Il
n'en paraît pas le moindre vestige dans toutes
ses lettres. La lettre 286 des dernières éditions
ne se trouve pas dans les anciennes; et elle
donne sujet de douter qu'une main étrangère
ne l'ait fabriquée.
En 1090, Gérard, évêque de Cabors, mit des
chanoines réguliers dans sa cathédrale et les
fonda, mais ce fut sans parler de la règle de
saint Augustin. Il avoue lui-même que la chose
était très-nouvelle. « Cujus rei cum nulla, vel
rarain partibus nostrisinvenirem vestigia, etc. »
Aussi Sigebert dit simplement que l'ordre
des chanoines institué par les apôtres, et réduit
à la vie régulière par saint Augustin , com-
mença à refleurir sous Yves de Chartres. « Ca-
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES, etc.
.vu
nonicus ordo primum alj Apostolis, postea a
M. Augustino episcopo regulariter institutus,
sub Vvone cœpit reflorere (Spicileg. vin ,
p. 161). » Encore cela se doit entendre de la
France. Car nous avons déjà vu que saint
Honiuald et puis le concile romain sous Alexan-
dre II, avaient renouvelé la ferveur ancienne
de la vie régulière ; mais ce fut toujours sans
parler de saint Augustin.
Il n'y a pas de réplique a la preuve qu'on peut
tirer de l'établissement des chanoines réguliers
d Yves de Chartres, alors prévôt de Saint-Quen-
tin île Béarnais, dans l'église de Saint-George à
Troyes.
Philippe, évèque de Troyes, fit cet établisse-
ment en 1085 avec le consentement de son
chapitre, ayant fait venir Yves même, avec
quelques-uns de ses chanoines , et ayant reçu
de lui la règle, non pas de saint Augustin, niais
de l'église de Saint-Quentin deBeauvais. * Dom-
no itaque Yvone abbate Trecis in capitule» B.
Pétri résidente, hœc ratio approbata est ex
utraque parte , ut fratres sancti Georgii a san-
cto Petro sua teneant . a beato autem Quintino
regulam (Spicilegii, t. xi. p. 302). » C'est-à-dire
que ce nouveau collège de chanoines réguliers
dépendrait pour le temporel de la cathédrale
de Troyes, et pour les règlements spirituels de
Saint-Quentin de Beauvais.
Si , dans l'acte d'association qui fut fait en
1-2-28 , entre les abbés de Saint-Jean-en-Vallée
de Chai très et Saint-Quentin de Beauvais, il est
dit qu'Yves de Chartres avait l'ait fleurir l'église
de Saint-Quentin sous la règle de saint Augus-
tin, c'est qu'on parlait alors selon le langage
du temps, et on le faisait avec d'autant plus de
justice, qu'Yves de Chartres avait fait pratiquer
les mêmes observances de la règle de saint
Augustin (Ibidem., p. 307).
Le prêtre Bertold dit , qu'en 1095, Lutolf,
doyen de Toul, institua près de cette ville une
abbaye de chanoines réguliers sous la règle de
saint Augustin, ce qui fut conflrméparle pape
Urbain II. « Clericos secundum regulam B.
Auguslini vivere professos congregavii , etc.
Domiuus Urbanus papa tirmissime decrevit, ut
clerici illius loei regulam sancti Augnstini in
perpetuum custodiant. »
Il est aussi vrai que peu de temps après l'au-
teur contemporain de la vie de saint Gebehard,
archevêque de Salzbourg, assure que Conrad ,
archevêque de la même ville, avait réduit à la
régularité les chanoines de saint Augustin.
« Majoris Ecclesiae clericorum vitam in melius
informavit, et communem vitam canonicorum
sancti Augustini illi initias il [Baronius, an.
Mil. n. -25 . »
Avant cela, Urbain II écrivant à l'évêque ou
à l'abbé Roger, de Soissons , suppose qu'il y
avait des chanoines de saint Augustin. « Pro-
posai veslri ordinem secundum regulam B.
Augustini, etc. (Epist. xviii, Append.). »
Voici encore la règle de saint Augustin dans
la lettre du pape Innocent II, a l'abbé de Saint-
Menue, a Chàlons. « Xullus ibi nisi regularis
canonicus , et secundum B. Augustini regulam
subrogelur Epist. xu '.»
Le concile de Reims en 1131(Can.vi, ix)oùle
même Innocent II présida, distingua tous les
réguliers en deux règles, celle de saint Benoit
pour les moines , et celle de saint Augustin
pour les chanoines , défendant également aux
uns et aux autres d'étudier aux lois ou à la
médecine. « Spreta beatorum magistrorum
Benedicti et Augustini régula. »
Le concile II de Latran, sous le même pape,
employa les mêmes termes. Le pape Anastase IY
parle en mêmes termes des chanoines régu-
liers de Saint-Jean de Latran à Borne. « Ordo
canonicorum ibi secundum B. Augustini re-
gulam noscitur institutus (Epist. xi). »
On rapporte des privilèges et des lettres d'Ur-
bain II et de Pascal II pour les abbés et l'ab-
baye des chanoines réguliers, qui ont pris leur
nom de l'église de Saint-Rufî, dans le diocèse
d'Avignon, quoique l'abbaye de Saint-Buff, qui
est le chef d'ordre, soit à Yalence, en Dau-
phiné.
Anselme, évèque d'Havelberg, parle dans ses
dialogues de ces chanoines, et les met sous la
règle de saiut Augustin.
« Aug'iistinus Hipponensis episcopus, colle-
ctis non falsis fra tribus vita apostolica praeele-
git vivere, quibus etiam régulas vivendi in
communi prœscripsit. Cujus vestigia sequens
quidam religiosissimus N. de sancto Ruflb in
Burgundia tempore l'rbani papac surrexit,
qui collectis in eadem canoniea professione
fratribus totam illam provinciam primo illu-
minavit (L. i, c. 10; Spicileg., tom. xin. p. 111,
93). »
Il parle ensuite de la congrégation de saint
Norbert. « Surrexit in eadem professione Nor-
bertus tempore Gelasii papae. »
Cet évèque renferme ailleurs tous les moines
sous la règle de saint Benoît , et tous les cha-
332..
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE ONZIÈME.
noines réguliers sous celle de saint Augustin.
« Nec monachos qui sub régula beati Rene-
dicti militant; nec canonicos qui sub régula
beati Augustini apostolicam vilain gerunt ,
imitantur. »
Ce prélat dédia ces dialogues au pape Eu-
gène III, et alors on ne doutait point que les
chanoines réguliers ne se fussent tous déclarés
pour la règle de saint Augustin.
Jacques de Vitry parlant de la fondation de
Saint-Victor à Paris par le roi Louis le Gros en
1 1 13, comme on le prétend, il la met aussi sous
la règle de saint Augustin. « Supra flrmum et
stabile fundamentum regulœ sancti Augustini
(Histor. Occ, c. xxiv). »
Saint Rernard distingue dans ses lettres les
chanoines de saint Augustin d'avec les moines
de saint Renoît (Epist. h, m). Et au commen-
cement de son livre des préceptes et des dis-
penses, il parle des règles de saint Rasile , de
saint Augustin et de saint Renoit.
Etienne de Tournay a de la peine à com-
prendre comment les Grammontois se disent
chanoines, ne suivant pas la règle de saint Au-
gustin.
Il n'y a donc plus lieu de douter que ce n'ait
été environ l'an 1100 qu'on a commencé à
revêtir l'ordre des chanoines réguliers, du nom
et de la gloire de saint Augustin, ce qu'on n'a-
vait pas fait dans le neuvième siècle.
La raison en était évidente, et ce fut peut-
être une chose concertée, pour distingue ries
chanoines réguliers de ces derniers siècles
d'avec ceux du temps de Louis le Débonnaire
et du concile d'Aix-la-Chapelle, qui leurdressa
une règle. Ceux des derniers siècles faisant
profession de renoncer à tous les biens de la
terre, étaient en cela les parfaits imitateurs du
clergé de saint Augustin, ce qu'on ne peut pas
dire de ceux du neuvième siècle, qui pouvaient
ne pas abandonner leur patrimoine.
IX. C'est peut-être aussi ce qu'on a entendu
par la règle de saint Augustin. En effet, il ne
dressa jamais de règle particulière pour son
clergé, se contentantdela règle et de l'exemple
des apôtres , où il faisait voir très-clairement
et la vie commune et la désappropriation par-
faite. Mais on était bien aise d'opposer cette
règle, plutôt pratiquée qu'écrite par saint Augus-
tin, à la règle des chanoines propriétaires du
neuvième siècle, qui fut apparemment plus soi-
gneusement écrite que pratiquée.
Après cela on peut bien avoir donné le nom
de la règle de saint Augustin à quelques consti-
tutions postérieures, ou d'Yves de Chartres, ou
de quelque autre zélé propagateur de la même
réforme. Par exemple , quand le concile de
Montpellier, en 1244 (Can. xxvi, xxvn) défend
aux* chanoines réguliers de quitter leurs sur-
plis, si ce n'est pendant leurs maladies, ou en
d'autres nécessités exprimées par la règle , et
de ne porter jamais de fourrures à cheval, sui-
vant la règle de saint Augustin. « Superpelli-
ceis semper utantur, nisi erit de permissione
régulée, etc. juxta regulam R. Augustini, etc.»
Ce sont des règlements postérieurs, qu'on a
autorisés dece nom spécieux, parce quec'étaient
les pratiques des plus parfaits imitateurs de
saint Augustin.
Ces règlements ne se trouvent en façon quel-
conque dans la lettre cent neuvième de saint
Augustin, qui contient la règle qu'il donna
aux religieuses qui vivaient sous la conduite
de sa sœur.
Le père Hugues Médard a remarqué que ce
fut le célèbre abbé Renoît qui compila la con-
corde des règles sous l'empire de Louis le Dé-
bonnaire, qui, changeant quelques termes dans
cette lettre écrite à des religieuses, en fit une
règle propre à des religieux ou à des chanoines
réguliers, de même qu'il avait tâché d'ajuster
à des religieux les règles que saint Césaire et
Aurélien, archevêques d'Arles, avaient écrites
pour des religieuses. Mais il ne paraît point, ni
qu'au temps de Louis le Débonnaire, ni qu'à
celui d'Yves de Chartres, cette lettre ou règle
de saint Augustin eût été proposée aux cha-
noines réguliers de saint Augustin. L'abbé
Renoît, ce fameux compilateur de la concorde
des règles ne pensa seulement pas à fabriquer
ou à proposer les règles à d'autres qu'à des
religieux. S'il est vrai, comme on le dit, qu'il
y ait tant de manuscrits où cette lettre cent
neuvième de saint Augustin ne soit pas telle
que nous l'avons dans nos éditions communes,
ce pourraient bien être des manuscrits posté-
rieurs à ce fameux compilateur de la concorde
des règles.
Le pape Renoît XI publia, en l'an 1339, dans
une de ses bulles, toutes les constitutions des
chanoines réguliers, répandus dans une infi.
mité d'églises cathédrales et collégiales par tout
le monde ; mais cette lettre de saint Augustin
n'y a point de part (ConciL, tom. u, part. 2,
pag. 1799, etc.).
X. S'il est vrai que Gênais, archevêque de
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES, rtc.
533
Reims, ayant réparé l'église de Saint-Denis de
Reims, y ait établi des chanoines réguliers
suivant la règle de saint Augustin en 1067,
connue on a cru le vérifier par les chartes de
cette abbaye : « Canonicos ibi constitui beati
Augustini ordinern regulamque profitentes
Desnos, in canonico regul.. I. m. c. 32), » ce
sera là une des premières occasions où cette
règle ail été mise en vogue.
Il est tort vraisemblable que cet archevêque
ne lit que communiquer à l'abbaye de Saint-
Denis les règles de son église cathédrale, où la
régularité et la vie commune étaient exactement
observées, et où l'on ne s'en relâcha qu'en 1 I9S.
Car ce fut alors que le savant et zélé Etienne
de Tournay écrivit une lettre si pressante au
doyen de Reims pour le détourner de la réso-
lution qu'on y avait prise d'abandonner la vie
commune et partager entre les chanoines le
patrimoine de leur communauté (Epist. clx).
Ce partage avait déjà été fait dans une grande
partie des cathédrales de France, et il importait
d'autant plus que l'Eglise de Reims ne se laissât
pas dépouiller de cette prééminence de sainteté,
qui la rehaussait au-dessus de toutes les autres.
« Singulari quodam privilegio ecclesia Re-
mensis inter alias Galliarum Ecclesias emine-
bat. perseverans cum Apostolis in communione
panis et oratione. etc. Scio mansuetudinem
domini Remensis archiepiscopi tantam esse, ut
facile cedat. maxime cum generalis Ecclesiae
Gallicans consuetudo , singulares portiones
canonicis suis distribuendas concédât etappro-
bet, et summi Pontiûcis autoritas non recla-
met. »
En l'an 1136. Hugues, évèque d'Auxerre.
donna à ses chanoines plusieurs paroisses avec
leurs dîmes, à condition que. pendant tout le
carême, ils vivraient en communauté dans le
réfectoire. « Ea conditione ut per singulos
annos tota quadragesima inrefeetoriocommu-
niter comedant (Spicileg., tom. xiii, p. 314). »
C'étaient des vestiges de la vie commune entre
les chanoines des cathédrales que les évêques
tâchaient de rétablir.
Si. avant 1200, la coutume générale des
églises cathédrales du royaume de France avait
déjà abandonné la vie commune et avait auto-
risé le partage des prébendes entre les cha-
noines, il faut donc reconnaître que ce renou-
vellement de la vie apostolique n'y avait duré
qu'une centaine d'années. Mais il est certain
que la vie commune s'était conservée dans plu-
sieurs cathédrales de France et ailleurs, depuis
plusieurs siècles, et avant le décret d'Alexan-
dre II, qui la renouvela dans les lieux où elle
s'i tait éteinte.
Telle était l'Eglise de Reims, comme nous
venons de voir, et celle de Resançon, comme
nous apprend Pierre Damien , qui dit que
l'archevêque y avait un logement près de
l'église, si écarté du commerce du monde,
qu'il pouvait passer pour une sainte solitude ;
que de l'autre côté de l'église, les chanoines
avaient leur cloître, qui était une école des
plus saintes études et des exercices de la \ie
régulière.
« Claustrum post absidam ecclesiae tuo dun-
taxat habitaculo dedicatum, ubi tam private,
tam remote studio potes orationis ac lectionis
insistere, ut eremitica videaris solitudine non
egere. Alterum quoque claustrum, ubi candi-
dus clericorum tuorum cœtus. lllic velut in
cœlestis Athena? gymnasio, sacrarum Scriptu-
rarum erudiuntur eloquiis, etc. (L. ni, ep. s . »
Le même Pierre Damien fait ailleurs une
admirable peinture de la vie pénitente de la
communauté de ses chanoines dans l'église de
Vélétry L. m , ep. 10). L'évêque et la plus
grande partie du chapitre de Relley, impétrè-
rent une bulle d'Innocent II, en 1 11-2, pour
établir la communauté des biens et la règle de
saint Augustin dans leur église Gall. Chris!.,
tom* il, p. 361; tom. m, pag. 787, 967, etc.).
Le même Innocent II confirma, en 1137, l'éta-
blissement que l'évêque de Nice avait fait des
chanoines réguliers dans sa cathédrale, et or-
donna qu'on n'y pourrait même élire d'évêque
qui ne fût chanoine régulier. « Nemo ibi prê-
ter regularis episcopus ordinetur. »
Jean, évêque de Séez, soutenu de l'autorité
du pape Honoré III. de l'archevêque de Rouen
et du roi Henri, d'Angleterre, établit, en 1131,
les chanoines réguliers, tirés de Saint-Victor,
de Paris, dans son église cathédrale. Arnulphe,
évêque de Lisieux, frère de Jean, écrivit ensuite
une lettre sur ce sujet au pape Alexandre III,
où il l'assure qu'avant cette réformation treize
chanoines avaient peine de subsister dans
l'église de Séez, où présentement il y en avait
trente-six réguliers. Le successeur de Jean
tâcha de renverser la régularité qu'il avait éta-
blie; il prétendait que les réguliers n'étaient
pas capables d'exercer les charges d'archidiacre
qui sont élevées a une si grande juridiction.
Arnulphe travailla à prémunir et à affermir le
o3-i
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE ONZIÈME.
pape contre les artifice? de ce prélat relâché
[Arnulphus, ep. xm. sxvi .
Gérald, évêque île Cahors, établissant des
chanoines réguliers en son église, en 1090,
avec l'agrément de l'archevêque de Bourges
et du comte de Toulouse, déclare que c'était
une chose très-nouvelle et sans exemple dans
ces quartiers. Aussi, n'y parle-t-il point de la
règle de saint Augustin : «Cujus rei cuin rai a.
vel nulla pêne in partibus nostris invenirem
exempla, undecumque non sine labore clericos
bonae opinionis in unum aggregavi (Spicileg.,
toni. vin, p. ltil). »
Saint Laurens, archevêque de Dublin, établit
aussi des chanoines réguliers dans son Eglise.
Le grand saint Thomas, archevêque de Cantor-
béry, trouvant son chapitre composé de reli-
gieux depuis tant de siècles, prit lui-même
l'habit et la règle de chanoine régulier (Surins,
die 24 Nov., c. il). Le compilateur de la bi-
bliothèque de Prémontré prétend que les
églises patriarcales , les métropolitaines et
épiscopales, surtout celles de France, ont été
gouvernées autrefois par les chanoines régu-
liers (Bibl. Praem., p. 96, etc.).
Nangis dit qu'en H29 saint Norbert, arche-
vêque de Magdebourg, mit les chanoines régu-
liers de son ordre en la place des séculiers.
Guillaume de Tyr ( Liv. ix, cliap. 9 dit que
Godefroy de Bouillon ne l'ut pas plus tôt maî-
tre de la ville de Jérusalem qu'il y fonda et
dota un chapitre semblable à ceux de l'Oc-
cident.
Jacques de Vitry, dans le chap. .">s de l'His-
toire de Jérusalem, dit que l'église patriarcale
île Jérusalem, qui est celle du Saint-Sépulcre,
était desservie par des chanoines réguliers de
Saint-Augustin, qui avaient un prieur au lieu
d'un abbé et à qui appartenait le droit d'élire
le patriarche.
Kl. Le nombre n'a peut-être pas été moindre
des églises cathédrales remplies par des moi-
nes : Augustin et Laurens, apôtres d'Angle-
terre, étaient moines, et y mirent dans tous les
évèchés des religieux au lieu des chanoines :
« lu episcopiis suis vice canonieorum, quod
\i\ in aliis terris invenitur. monachos pie con-
stituerunf (Ordericus, 1. iv). » Deux cents ans
après, les Danois firent une irruption dans
l'Angleterre et y renversèrent toutes les églises.
Cette désolation dura presque jusqu'au temps
de saint Dunstan, qui lit venir en Angleterre
saint Abbon, abbé de Fleury, avec d'autres
saints religieux, pour rétablir l'état monastique
dans les églises d'Angleterre.
Le renouvellement de la discipline ne se fit
néanmoins proprement qu'au temps de Guil-
laume le Conquérant et de l'archevêque Lan-
franc. Ce fut alors que le pape Alexandre H
écrivit à cet archevêque pour s'opposer à l'au-
dacieuse entreprise de ceux qui voulaient ban-
nir les moines de toutes les cathédrales et leur
substituer des clercs.
« Moliuntur de ecclesia S. Salvatoris in Do-
robernia, quae est metropolis totius Britanniae
monachos expellere, et clericos ibi constituere;
et ut in omni sede episcopali ordo monachorum
extirpetur, quasi in eis non vigeat autoritas
religionis (Ordericus Vitalis.an. 1070, p. 316). »
Ce pape ajoute les décrets de ses prédéces-
seurs qui ont établi et confirmé l'ordre mo-
nastique dans toutes les églises d'Angleterre
(Epist. xxxix, Alex. 11).
Jean de Salisbury a peut-être un peu exagéré
les mésintelligences fréquentes entre les arche-
vêques de Cantorbéry et les moines de la ca-
thédrale. Robert du Mont dit, en ll.M, que
de dix-sept évêchés d'Angleterre, il y en avait
huit dont les cathédrales étaient possédées par
des moines, une par des chanoines réguliers,
ce qu'il était difficile de trouver ailleurs : « In
octo eorum sunt monachi in episcopalibus se-
dibus; hoc in aliis provinciis, ut nusquam,aut
raro invenies (Epist. ccxxvn). »
J'avoue que ces colonies de moines, dans les
chapitres des cathédrales, n'ont pas été si fré-
quentes ailleurs que dans l'Angleterre; mais il
est aussi tres-véritable que la vie commune et
la régularité exacte qu'on y observait était fort
peu différente de l'état monastique. Le concile
de Cologne, en 1536, fait descendre la discipline
régulière des chanoines de celle des moines:
« Sint reipsa ut sunt nomine canonici, id est
regulares. Neque enim clam est, primam
eorum originem, monastieae fuisse disciplina
Part, ni, c. 4). »
Le sens de ce canon n'est pas que les moines
aient précédé les chanoines dans toutes les
églises; mais c'est que la première règle de
Crodogangus. qui lut dressée pour les cha-
noines, n'était presque autre chose que la
règle de saint Benoit accommodée a l'étal
ecclésiastique.
Baronius confesse que L'église île Saint-Jean
de Latran, a Rome, qui est la cathédrale du
pape, a été occupée par les religieux du Mont-
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES, et.:
:,3;>
Cassin jusqu'à Innocent II ; elle fut depuis
donnée aux chanoines réguliers.
Les évêques <lu concile de Langres, en 1 1 Hi,
obligèrent les chanoines réguliers de Saint-
Etienne de Dijon de quitter la solitude de la
campagne, où ils s'étaient retirés cU puis quatre
ans par un amour passionné de la retraite, et
de retourner dans leur église. Les conciles de
Reims et de Latran. en 1131 et lt.'tit, traitèrent
les chanoines et les moines avec la même sé-
vérité, en leur détendant également l'étude des
lois et de la médecine.
Le concile de lïéziers, en 1-233 (Cap. xiv),
propose aussi bien aux chanoines réguliers
qu'aux moines l'obligation indispensable de la
pauvreté, la chasteté et l'obéissance : « Abdi-
calio proprietatis. continentia carnis, obedien-
tia regularis. » Le concile de Salzbourg, en
1271 (Can. v), après avoir proposé aux moines
les plus importantes de leurs règles, en fait en
même temps une loi pour les chanoines régu-
liers : « H;ee eadem in canonicis regularibus.»
XII. Le discours de la vie commune parmi
les chanoines nous a insensiblement jetés dans
toutes ces digressions, qui peuvent néanmoins
passer pour des preuves convaincantes de ce
que nous voulions établir. Les grands évêques
des derniers siècles ont fait les derniers efforts
pour persuader à leurs chapitres de se réunir
tous dans un corps de communauté Gomecius,
de gestis Ximenii. I. i).
Le cardinal Ximenès n'eut pas plus tôt été
sacré qu'il fit proposer cette manière aposto-
lique de vivre en communauté à son chapitre
de Tolède : « Ut canonici, et eorum socii, qui
portionarii dicebantur, ad vitae communitatem
redirent. » Au moins il demanda que les offi-
ciers de l'autel qui sont en semaine demeu-
rassent pendant ce temps-la retirés dans un
lieu de retraite. Les chanoines appréhendèrent
que ce vigoureux prélat, qui était passionné
pour le renouvellement de l'ancienne disci-
pline, « restituendae veteris disciplinas cupidis-
simus, » et qui travaillait actuellement à une
exacte réformation de tous les monastères
d'Espagne, n'eût forme un semblable dessein
à leur égard; mais ce sage prélat se contenta
de les exhorter à reprendre l'institution des
chanoines réguliers de Saint-Augustin, qu'ils
avaient quittée, sans vouloir user de contrainte,
ni pour cet article, ni pour celui des officiers
de l'autel.
Saint Charles, archevêque de Milan, témoigna
une passion ardente à son chapitre de vivre en
communauté avec eux . après avoir réuni tous
les revenus de l'évêché avec ceux du chapitre
en une mense commune, afin d'être ensuite
distribués selon les besoins de chacun. Les
lettres du pape Eugène III faisaient foi que,
sous l'archevêque Obert, le chapitre de Milan
vivait dans cette régularité parfaite. Dom Bar-
thélemy-des-Martyrs, archevêque de Drague,
fit la même proposition à son chapitre avec
aussi peu de succès.
XIII. On aura pu observer, dans ce qui a été
dit jusqu'à présent, que les évêques ont été les
plus ordinaires fondateurs des communautés
régulières dans leurs chapitres et des autres
églises collégiales de leur diocèse. Pierre Da-
mien loue l'archevêque de Besançon de ce que
non-seulement il contenait tous les chanoines
de sa cathédrale dans la régularité du cloître,
mais il bâtissait en même temps deux autres
églises collégiales. « Praeter istas, duas alias
noviter canonicas uno simul eodemque tem-
pore construis (L. ni, ep. 8. 10; ep. 15). »
Pierre Damien avait lui-même réduit son
chapitre de Vélctry a la vie régulière. Alexan-
dre Il confirma la fondation qu'avait faite
l'évêque de Passau, en Allemagne, d'une église
et d'une maison de chanoines réguliers.
Calixte II confirma toutes les fondations sem-
blables de l'évêque de Bamberg. « Abbatias vero
et regulares canonicas per industriam tuam in
religionis ordine stabilitas, nulli honiinum fas
sit in posterum immutare (Baronius, an. 1124,
n. 2, ep. vin). »
Ces exemples montrent évidemment que les
évêques fondaient ces abbayes et ces églises
collégiales de leur propre autorité, et que l'on
ne recourait au pape que pour empêcher que
les évêques futurs ou d'autres violents usurpa-
teurs ne renversassent ou ne jetassent dans le
relâchement ces sanctuaires de piété. Etienne
de Tournay s'adressa au pape Alexandre III
afin qu'il réprimât par son autorité les cha-
noines séculiers qui menaçaient de faire vio-
lence aux chanoines réguliers de Blois.
« Oritur juxta eos et utinam non contra,
quaedam plantatio singularium , seu ssecula-
rium, canonicorum, quos utrum Pater ccelestis
plantaverit , needum scimus. Placeat oculis
benevolentiœ vestrœ Pater, ut jura regularium
non minuant sa'culares, ut filioruin panes non
comedant alieni (Synod. Paris., Hist. univ.
Paris., tom. vi, p. 374, ep. lxxxv). »
536
DES CONGRÉGATIONS. - CHAPITRE ONZIÈME.
Le concile de Cologne; en L260 [Can. vu),
rétablit la vie commune et régulière parmi les
chanoines de toute la province. Les prélats de
ce concile usèrent du pouvoir que leur carac-
tère leur donnait, et qui leur était encore con-
firmé par une décrétale du droit nouveau, qui
permet aux évèques de contraindre les cha-
noines de leurs églises de joindre tous leurs
revenus, de vivre en communauté dans une
même maison, et de proportionner leur nombre
aux moyens et aux charges de leur église.
« Statuimus, ut facultatibus ecclesiarum ve-
strarum , proventibus et expensis diligenter
inspectis, certum in eis valeatis ponere nume-
rum clericorum , et statuere ut bona eorum
veniant in commune, in una domo vescantur,
atque sub uno tecto dormiant et quiescant. Si
qui vero contradictores extiterint, licitum vobis
sit per suspensionem officii et beneficii, aut
graviori etiam pœna si opus fuerit, ad hanc eos
observantiam compellere , appellatione non
obstante (C. Quoniam de vita et honest. Cleri). »
Cette décrétale est plus vraisemblablement
de Grégoire VII que des autres papes du même
nom, et elle cessa d'être en vigueur quand la
ferveur que ce pape, successeur d'Alexandre II
et de Nicolas II, avait tâché d'entretenir, se fut
ralentie.
En 1 135 Guérin, évêque d'Amiens, fonda un
collège de chanoines réguliers dans une église
d'Amiens qui relevait du chapitre, et le sou-
mit avec son prévôt au doyen du chapitre,
« Sub decano majoris ecclesia?, » en sorte que
le prévôt appelât le doyen à son secours, quand
il en aurait besoin : « Guipas corrigat, et in
quibus necesse fuerit, coadjutorem, sibi deca-
num adhibeat (Spicileg., tom. su, p. 159, 162). »
En 1145, l'évéque d'Amiens fit de ce prieuré
une abbaye dont l'abbé dépendrait toujours
du chapitre.
Les chanoines prévenaient quelquefois par
leur fervente piété les sollicitations de leur
évêque, et se soumettaient au joug de la ré-
forme, comme il paraît du chapitre de Romans
en Dauphiné, et de Saint-Sornin ou Saturnin à
Toulouse, par les lettres de Grégoire VIL qui
confirma toutes leurs saintes résolutions sur ce
sujet (L. ii, ep. 59; 1. ix, ep. 2'.)). On peut
aussi voir les lettres d'Innocent II, pour une
semblable réforme, dans Saiut-Menge de Chà-
lons (Epist. xu).
Les canonistes nouveaux traitent cette ques-
tion : si l'autorité du pape est absolument
nécessaire pour l'érection d'une église collé-
giale.
Plusieurs l'estiment nécessaire, mais ils
avouent eux-mêmes qu'il y en a plusieurs
autres d'un avis contraire, aux sentiments des-
quels la Rote même se conforma en l'an 1625
(Barbosa, De Can. et dig., c. u, n. 8). Jean du
Bellay, cardinal évêque de Paris, érigea en cha-
pitre et en église collégiale le collège de Saint-
Nicolas du Louvre, qui n'était effectivement
qu'un collège d'étudiants (Synod. Paris., Ilist.
univ. Paris., tom. vi, p. 374). Il était mani-
festement soutenu du chap. Quoniam. De ho-
nestate Clericorum , où le pape reconnaît ce
pouvoir dans les évoques.
Sous le roi Edouard I" d'Angleterre, l'évéque
de saint Davids, en la principauté de Galles,
érigea une collégiale avec l'agrément de ce
roi. En 1286, l'évéque de Durham érigea une
riche paroisse en l'église collégiale, ce qui fut
confirmé par le roi Edouard I" (Constitut. An-
tiquae Reg. Ang., p. 325, 460, 462).
Quelques-uns disent que la congrégation du
concile a déclaré que ce pouvoir était réservé
au pape (Barbosa. De Off. ep., part. 3, alleg. 68).
Rebuffe se contente de dire que la coutume
est de faire intervenir l'autorité du pape pour
l'érection des collégiales. « Hocsoletlieri papse
autoritate, licet quidam dicant fieri posse
episcopi autoritate (Rebuf., Prax. de erect. in
Colleg.). »
Les chapitres mêmes des cathédrales ont été
autrefois institués et fondés par les évèques et
par les princes temporels, comme il a été sou-
vent montré ci-devaot, et comme on pourra
l'observer dans la suite. Quand l'évéque Gérold
d'Aldembourg eut lait consentir le duc de Saxe
à la translation de son siège épiscopalà Lubcck,
ils y établirent tous deux un chapitre de douze
chanoines et un prévôt, et leur assignèrent tics
prébendes, au temps du pape Adrien IV (Hel-
mod., 1. i, c. 89).
XIV. Les congrégations régulières de cha-
noines envoyaient aussi des colonies nouvelles
dans les pays les plus éloignés, à la demande
des rois et des évèques. Absalon évêque de Ros-
cbild en Danemark, en obtint une de l'abbaye
de Sainte-Geneviève à Paris, pour son diocèse ,
comme il est raconté dans la vie de Guillaume,
abbé de Roscbild, qui lut un de ceux qui
y lurent envoyés (Baron., an. 1161, n. 18).
Innocent 111 prit sous sa protection les cha-
noines de Valerford, en Irlande, qui étaient de
DES CHAPITRES DES ÉGLISES COLLÉGIALES, etc.
537
la réforme de Saint-Victor de Paris (Regest.
xiii, epist. 80;.
L'histoire de l'abbaye de Saint-Martin de
Tournay assure que saint Norbert fonda cent
abbayes de son ordre en l'espace de trente ans
(Spicil., loin, xn, p. 449). 11 en fonda même
dans la Palestine. Il serait surprenant que des
chapitres de chanoines eussent fondé des mo-
nastères pour des moines, si le pape Urbain II
n'avait vérifié lui-même que le monastère de
Corméry avait été fonde par les chanoines de
Saint-Martin de Tours, et que par conséquent
les nouveaux abbés de Corméry devaient tou-
jours venir prendre la crosse du tombeau de
saint Martin. « Canonicorum studio fuisse a'di-
ficatum (Conc. Gen., tom. x. pag. 602). »
L'abbaye de Saint-Vast. à Arras, ayant au
contraire un petit chapitre de chanoines dans
sa dépendance et dans sa même exemption, et
les abbés ayant obtenu du Saint-Siège l'union
de cette mense à la leur , en faisant desservir
cette église par des religieux, Innocent III con-
firma la résolution plus pieuse d'un autre abbé,
d'y rétablir des chanoines séculiers et de leur
fournir des revenus suffisants. « Ad amplian-
dum cul tu m divini nominis. canonicos saecu-
lares prout ibidem quondam fuerant , in ea
ordinare desideras (Innoc. III, 1. i, ep. 166 . »
XV. Ces chanoines avaient la prééminence
sur les monastères de leur fondation, mais, en
général, tout l'ordre des chanoines a eu la
préséance et le rang d'honneur sur les moines
comme faisant une partie du clergé. Abélard a
traité cette question dans une de ses lettres, à
l'avantage des moines contre les chanoines ré-
guliers (Epist. m).
Ce qu'il dit néanmoins ne regarde que la
perfection suréminente des vertus et des austé-
rités monastiques. Et cela n'empêcha pas
Pie IV de terminer ce différend en faveur des
chanoines, quand il prononça que les chanoines
de Saint- Jean de Latran, dans toutes les proces-
sions cl dans toutes les actions publiques, pren-
draient le dessus comme ecclésiastiques ; mais
que les abbés de leur corps et ceux des béné-
dictins en particulier prendraient rang dans
les conciles et ailleurs selon l'antiquité de leur
promotion [Sponde., anno 1564, n. 18).
Aussi le concile d'Autun. en 1U77 xix, q. 3,
c. Nulius Abbas . défendit aux moines d'attirer
à leur société ceux qui étaient déjà engagés
dans celle des chanoines réguliers.
Nous avons déjà dit que le concile de
I.angres. en 11 Ki Coneil.. loin. x. pag. 850,
I 138), rappela dans leur premier institut les
chanoines réguliers de Saint-Etienne de Dijon,
qui, depuis quatre ans, s'étaient retirés dans
une solitude. Calixte II et Anastase IV ont
défendu aux chanoines réguliers de sortir de
leurs congrégations sans l'agrément de leurs
supérieurs, même pour entrer dans une société
plus austère.
C'est apparemment Urbain II qui fut le pre-
mier auteur de cette modification dans un
décret rapporté par Gratien. Car le concile
d'Autun (xix. q. 3), sous Grégoire VII, défendit
absolument aux moines de recevoir les cha-
noines réguliers ; Urbain II ajouta : « Sine
abbatis totiusque eongregationis permissione. »
Il est vrai que Gratien rapporte au même
endroit un autre décret du même Urbain 11,
qui défend absolument aux chanoines réguliers
de se faire moines , si ce n'est pour expier
quelque crime : « Ne quis canonicus régulai is
professus, nisi quodabsit, publiée lapsus fiierit,
inonachus efficiatur. » Mais cette matière me
mènerait trop loiu, et elle n'est pas autrement
de mon sujet.
Je remarquerai seulement que nonobstant le
décret d'Urbain II, le pape Innocent III permit
que dans la nécessité un moine très-vertueux
fût fait abbé d'un monastère de chanoines ré-
guliers en Orient, à condition qu'il ne prendrait
jamais les ordres sacres, de peur que cette élé-
vation ne lui enflât le cœur et ne le rendit moins
supportable a ses inférieurs (Extra, de setat.
ordin., c. s. 10; A Costa, ibidem .Aussi dans le
besoin les canons permettaient d'élire pour
abbés les clercs des ordres mineurs. « Ita vide-
licet quod ad sacres ordines non ascendat; cum
instante necessitatis articulo possit in abbatem
assumi etiam in minoribus ordinibus consli-
lutus. »
Dans une décrétale suivante ce pape permit
à un chanoine régulier qui s'était fait moine,
et qui, par le conseil deson métropolitain, était
revenu daus son premier couvent, d'en prendre
la conduite en qualité d'abbé, quoique Urbain II
eût défendu et puni ces changements d'un
ordre à un autre [i).
\\) L'ordre des chanoines-réguliers de Saint-Ruf prit naissance maison y attenant, en 1038, à quatre chanoines de sa cathédrale qu,
dans une chapelle rurale dédiée à ce saint, premier évéque d'Avi- voulurent suivre une règle très-sévère. Dans le xn« siècle, cet ordre
gnon, chapelle que Benoit, évéque de cette ville, accorda, avec une prit une grande extension, surtout lorsque l'anglais Brakespear, abbé
538
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DOUZIÈME.
CHAPITRE DOUZIEME.
DE i'ORIGINE DES ABBAYES ET DES .MONASTÈRES.
I. Paulj Vnl im el Hilarion ont commencé la vie et la pro-
fession monastique dans l'Orient.
II. Preuves de saint Jérôme.
III. Preuves de saint Athanase, qui porte le monachisme dans
l'Italie.
IV. V. Cela est confirmé par saint Jérôme.
VI. Saint Martin couiiii-'ium les monastères en France.
VII. Saint Augustin en Afrique.
Vin. Saint Basile dans le Pont.
IX. En quel sens on a quelquefois pris l'origine de la vie mo-
nastique des apôtres, de Jean-Baptiste, d'Elie.
\. Ce furent des modèles des mêmes vertus, mais non pas
du même état^ ni de la même profession monastique.
XI. Ml. Preuves de cela.
XIII. Comment on se faisait moine.
XIV. De s mit Grégoire de Nazianze et de saint Basile.
XV. De saint Chrysostome.
XVI. De saint Augustin. Ces Pères avaient pratiqué les aus-
térités monastiques, sans en embrasser l'état, et sans en faire
pn ■ sioD.
XVII Saint Antoine ne laisse pas d'être l'auteur de cet institut,
quoiqu'il eût été ébauché par d'autres.
I. Les monastères, les prieurés et les abbayes
ont un rang si honorable entre les bénéfices,
que nous ne pouvons pas nous dispenser d'en
parler et d'en découvrir l'antiquité, leur liaison
avec l'état ecclésiastique, et enfin leur dépen-
dance des évèijiies.
Quant à l'origine des monastères, nous avons
déjà assez fait connaître qu'elle ne peut pas
avoir précédé la paix de l'Eglise et l'empire de
Constantin. La fureur des tyrans se serait sans
doute déchargée sur ces sanctuaires de la pieté
chrétienne, et si l'histoire avait passé sous
silence leur établissement, elle n'aurait pu taire
leur ruine. 11 faut donc avouer de bonne foi,
avec saint Jérôme et les anciens Pères, que la
profession monastique n'eut son commence-
ment qu'avec l'empire de Constantin.
Paul, Antoine et Hilarion donnèrent naissance
à cette institution si sainte dans l'Egypte et
dans la Palestine, et de là elle se repandit
comme un torrent de bénédictions dans tout le
de Saint-Ruf, eut été nommé cardinal-légat en Suède et en Norvège.
ïl établi! dans les régions scandinavi maisons de son ordre
qui furent florissantes jusqu'à l'époque de la réforme. Lorsqu'en 1 153,
le cardinal Brakespear monta sur le trône de saint Pierre, si us Le
nom d'Anastase IV, Tordre des chanoines de saint Ruf s'étendit en
i et en Italie. Un document c.>nser\c par dom Marti
antig. rit. Eccles.t tome m, p. 99) nous démontre les grandes austé-
rités de cet ordre. 11 est recommandé que, lorsque des novices se pré-
senteront, on leur fasse connaître l'esprit de la règle : « Et intérim
euturei3 paupertas loci, aspentas domus, severitas disciplinée,
0 et quantus labor sit, in illius professionis observatione, quain gravis
u casus in transgressione, etc. p Lorsqu'euîin ils avaient revêtu l'habit
1 le surplis canonical, ils devaient a'attendre a une vi
dure : u Et in omnibus motibus suis signum habere humilitatis, caput
« submittere, terrain aspicere, rnemor esse dlius publicani qui non
at oculos suos levare in cœlum. » En 1210, les Albigeois
rent de fond en comble l'église et l'abbaye de Saint-Ruf, dont
le plus aujourd'hui qu'un fragment de chapelle et du clocher.
Les chanoines-réguliers de Saint-Ruf se transportèrent alors à Va-
1 i - u ils publiaient un prieuré. Cette maison, devenue dans la
suite un magnifique palais abbatial qui sert aujourd'hui (11- préfecture,
fat le chef d'ordre i la ri idônce de l'abbé général jusqu'en 177,'i,
où une bulle du souverain pontife éteignit et sécularisa l'ordre des
chanoines de Saint-Ruf, en mettant leurs biens à la disposition des
i
1 ':i ut qu'il y avait un très -grand nombre de congrégations diffé-
loines-réguliers, dont les principaux, après ceux de
Saint-Ruf, étaient les Prémootrés, les Génovéfams de L'abbaye de
Saint-Victor de Pans, les Antonins, les Grandmontains,les cha
de Sainte-Croix, en Portugal, de Latran el de Saint-Sauveur, en
Italie, des Célestes a Venise. Les révolutions, qui ont désolé l'Eu-
puis la fin du xvme siècle, ont détruit partout les chanoines-
réguliers. Il n'en existe plus actuellement que six monastères eD
Allemagne, à B losternenbourg , Neustift , Vorau , Hersogenbourg,
1 berg, Saint-Pollen, ayant en tout environ trois cent= mem-
bres appartenant, croyons-nous, a l'ordre des chanoines-réguliers de
Saint-Sauveur. 11 reste en outre douze abbayes de Prénmntrés à
Prague, Saaz, Ighau, Reicbenberg, Olmtttz, Tepl, Solau, Deutsch-
brod, "VYiltau, Schlœgt, Géras, Neureusch, ayant en tout trois cent
cinquante membres.
En 1819, un décret pontifical unit la congrégation des chanoines-
réguliers de Bologne à celle de Latran, et prescrivit que désormais
cette congrégation, ainsi unie, s'appellerait l'ordre des chanoines-
réguliers du Saint-Sauveur de Latran. Le cardinal Paccafut nommé
exécuteur de la bulle pour la révision de la règle qui fut solennelle-
ment approuvée, en ltjlO, par le pape Grégoire XVI, après que la
, : congrégation des évèques et réguliers eut résolu les six ques-
tions suivantes qui fureur posées : 1° doit-on et comment approuver
les nouvelles constitutions des chanoines-réguliers du Saint-:-., iveui
de Lalran, présentées par le P. Vincent Tizzaoi, vice-procur> >ur gé-
néral de l'ordre? Affirmative juxta modum\ 2<> convieuî-il d'ad-
mettre les modifications proposées par le R. P. abbé général ? Affir-
mative; 3o doit-on ajouter que, pour l'aliénation des biens meubles
. et immeubles, on doit s'en tenu- a L'extravagante Ambitioseej
nonobstanl -es antiques privilèges? Affirmative; 4« doit-on expri-
mer que pour l'expulsion des sujets indignes, on doit observer le dc-
rbain VIII, renouvelé par Innocent XII'.' Affirmative; 5» si
l'on doit déclarer que pour l'érection de nouvelles maisons dites
chanolnies, on doit s'en tenir a La constitution instaurandœ d'Inno-
cent X? Affirmai ter ; 60 S'il y a heu a d'autres changements? Ad
eminentissimum ■ 1 œfectwm cum Emo pom nte.
Tous les eanonistes savent que l'extravagante Ambitiosœ susmen-
tionnée se trouve parmi les extravagantes communes au livre du
a; 1:1' pour titre : De rébus Eccle&iœ non alienandis. Elle est
du pape Paul ■!- KUe défend, sous de très-graves censures, d'aliéner,
d'hypothéquer, d'inféoder, de grever les biens ecclésiastiques, ex-
cepté dans les cas permis par le droit; de vendre et d'aliéner, sous
quelque titre que ce soit, les meubles précieux des églises, les objets
d'art, que leur rareté, leur valeur ou leur antiquité recommandent,
li s tableaux, les ornements anciens, les livres rares, les vases remar-
quables, les reliques, les arbres des jardins qui produisent un re-
venu.
DE L'ORKÎINE DES ABBAYES ET DES MONASTÈRES.
i39
reste de lu terre. Saint Jérôme propose celte
question de l'antiquité de la vie monastique,
au commencement de la vie de saint Paul, et
il la termine en laveur de ee même saint Paul
et «le saint Antoine, dont celui-là donna le
progrès et l'éclat a cette profession sainte.
« Inter multos ssepe dubitalum est, a quo
potissimum monachorum eremus habitari
cœpta sit. Quidam enim altius repetentes, a
beato Elia et Joanne sumpsere principium.
Quorum et Elias plus nobis videtur fuisse,
quam inonachus; et Joannes ante prophetare
cœpisse quam natus est. Alii autem in qua
opinione vulgus omne consentit, asserunt An-
toniuin hujus propositi caput fuisse. Quod ex
parle verum est. Non enim tam ipse ante omnes
fuit, quam ab eo omnium incitata sunt studia.
Amatlias vero et Macarius discipuli Antouii,
quorum superior magistri corpus sepelivit,
etiam nunc affirmant, Paulum quemdam The-
baeum priacipem istius rei fuisse; quod non
tam Domine, quam opinione nos quoque coni-
probanius. »
Il est donc vrai que Paul fut le premier
solitaire ; mais n'ayant point eu de disciples,
il laissa a Antoine la gloire d'avoir donné
commencement a ces écoles saintes d'une vie
toute céleste.
II. Si saint Antoine fut . premier père et le
fondateur des monastères d'Egypte, saint llila-
rion le fut de ceux de la Syrie. Témoin le
même saint Jérôme dans la vie de ce saint :
a Necdum tune monasteria erani in Palaestina,
née quisquam monachum ante sanctum Hila-
rionem in Syria noverat ; ille fundator et eru-
ditor hujus conversalionis et studii in hac
provincia fuit. Habebai Doniinus Jésus in
.E^ypto seneni Antonium. habebat in Palaestina
Hilarionem juniorem. »
III. Saint Athanase écrivit la vie de saint
Antoine ; et l'ayant fait connaître à Rome, lors-
qu'il y vint lui-même, ce fut comme une
Le décret précitédtJrbain VIII et d'Innocent XII, de 1691, prescrit
les conditions requises pour l'expulsion d'un religieux incorrigible.
Il en faut cinq : la récidive dans un crime grave, comme la fornica-
tion, le vol; la monïuon ou la réitération d'un châtiment infligé pour
l'amendement du coupable; information de la procédure selon les
formes prescrites dans chacun des ordres religieux in ordine ad ex-
pulsionem ; la carcération formelle du coupable in jejunio et pœni-
tentia; l'incorrigibilité notoire et juridiquement prouvée. Quand on
dit que !a procédure doit être selon les formes prescrites par les
constitutions de chaque ordre, cela veut dire, d'après les canonistes,
que les motifs de l'expulsion doivent être juridiquement prouvés,
c'est-à-dire démontrer que le coupable a été puni trois fois anté-
rieurement pour crime grave ; ou, s'il en a commis un de ceux qui
nécessitent l'expulsion, qu'il a reçu avant la procédure trois moni-
tions canoniques, et que nonobstant tout cela il s'est endurci dans le
mal. Ou peut voir ces deux décrets dans Ferraris, vo Ejecti a Reli-
gione.
Le droit canonique étant négligé en France depuis près d'un siècle,
nous croyons faire une chose éminemment utile en complétant nos
notes par tous les renseignements scientifiques de nature à
chez tous nos lecteurs une connaissance parfaite du droit et de ses
'.es décrets précités ordonnent que la procédure contre
un religieux coupable se fasse selon les formes prescrites par les
constitutions de chaque ordre ; nous croyons très-utile d'en donner
Nous avons sous les yeux un petit volume ;res-:are e:
très-curieux, imprimé à Rome en 1667, avec ce titre : Practica crt-
minalis ad sancte administrandam justitiam in ordine fratrum mi-
norum regnlaris obse>-vantiœ, generali capitulo romano, anni 1639
probante et mandante. Il y est traité du juge ordinaire et délégué,
des accusateurs, des défenseurs, etc. Les juges ordinaires sont le gé-
néral, le commissaire général, le provincial, le gardien. Parmi les cas
de récusation des juges, il y a celui-ci : a Qui reos extrajudicialiter
o gravaverint. » Le jugement doit avoir lieu par suite d'acci
de dénonciation ou d'enquête. Quand c'est par dénonciation, on doit
faire précéder le jugement d'une monition charitable, a Accusator
ir qui per testes idoneos ad probationem légitimant coram
o praelato se obligat. » Ne peuvent être accusateurs ni annonciateurs
judiciaires, les infâmes, les calomniateurs, les ennemis nûri suam
proseguantnr injuriam, les laïcs. Le corps du délit est actuùlis
delieti inspectio. U y a ensuite rénumération de tous les crimes
sujets à procédure criminelle. Nous y trouvons celui-ci . o qui
o in morbuin GALLICUM ir.ciderit ex delicto. * Celui qui est tombé
dans cette honte « declarandus est perpetuo inhabilis ad omoia offi-
c cia et suffragia ordinis ac eiiam ad audiendas confessiones. » Parmi
les différentes peines nous trouvons la prison^ qui doit être i reclu-
u sio in obserato loco, sine corda et caputio; » les galères i qu?e
« quoad sacerdotes corn mu tari potest in reclnsionem intra erga-
" stulum. » Voici un autre crime et son châtiment : o Qui convictus
« fuerit suspectam domum intrasse actumve carnalem sollicitasse,
« mox ab eo loco perpetuo exulari débet et bîmestri carceri man-
o cipari. s
Il y a un chapitre consacré à la torture : ° Tanquam ÎDstrumentum
a subsidiarium ad eruendam veritatem. » Les instruments de la tor-
ture sont : r/ircer, funis, taxi/ti, sibili, ignis. Pour des crimes très-
graves, on peut infliger la corde pendant une heure; mais alors il
faut se faire assister d'un médecin « qui liget, et deposito brachia
o laxata componat. d Lorsqu'il s'agit du fouet * nudi cum solis femo-
« rahbus, manibus ligati, per tria intervalla, flagellis, superioris arbi-
o trio dire torqueri possiot, ac pane et aqua macerari... sibili et
« taxilli ad tempus duorum miserere, » Si le crime est un de ceux
qui outragent la nature o ob detestationem nefandi crimmîs reus igné
« torquendus est, ad cujus conspectum cogatur tenere pedes lardo
« inunctos, brevîssimo tamen tempore, ne reddatur ad ambulandum
* inhabilis. » . Nous terminons ces détails de procédure criminelle
mooasiîque, en disant que les chanoines-réguliers du Saint-Sauveur
de Latran, qui l'ont amenée, avaient un grand nombre de maisons
en Italie, et ne possèdent plus, par suite de la révolution, que l'ab-
baye annexée à la magnifique église de Saint-Pierre-aux-Liecs, à
Rome.
• a que dans leur réorganisation par Grégoire XVI, en 1811,
la sacrée congrégation a exigé qu'ils se conformassent exactement à
la constitution instaurandœ d'Innocent X. Comme un canoniste ne
doit rien laisser d'obscur et d'inexpliqué, nous allons résumer cette
bulle comme nous avons fait des autres qui sont mentionnées dans
la même affaire. En 1652, Innocent X pour obvier au relâchement de
la discipline monastique, publia cette constitution pour supprimer en
Italie tous les petits couvents. Leur personnel étant insuffisant,
dit dans le préambule, la discipline se relâche, les divins offices ne
se célèbrent plus, la dissipation et l'esprit du monde s'introduisent par
l'oisiveté et font de ces petits couvents des lieux de désordre. Leur
nombre excessif, au lieu d'être un bien, augo mal. s Cum-
a que conventus sive loca parva hujusmodi in effrœna:am quasi excre—
« verint multi'-udinem, hinc licet omnibus intelligere quœcumque
n reformations remédia cassa fore et irrita. ■ En conséquence, par
autorité apostolique, il supprime tous les petits couvents, de quelque
ordre ou institut que ce soit dont le personnel trop peu nombreux ne
suffit pas à l'observation de la règle et de la décence religieuse. Cha-
cun des couvents supprimés en recevra l'avis immédiatement, et les
religieux seront tranférés dans d'autres maisons de chaque ordre res-
pectif. Les églises et les couvents supprimés res'ent interdits sous
peine de censures pour les violateurs. Désormais il sera rigoureuse-
ment défendu de fonder, établir ou recevoir un couvent quelconque
sans l'approbation expresse du Saint-Siège, qui prononcera, après un
examen rigoureux des choses fait par la congrégation des évéques et
réguliers.
(Dr André.)
540
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DOUZIÈME.
semence céleste qui remplit toute l'Italie de
ces divines plantes, qu'on n'avait encore vues
que dans l'Orient. C'est ce que le même saint
Jérôme dit dans l'épitapbe de Marcelle, qui fut
la première qui embrassa cette profession.
« Nulla eo tempore nobilium feminarum
noverat Romae propositum monachorum, nec
audebat propter rei novitatem, ignominiosum,
ut tune putabatur, et vile in populis nomen
assumere. Haec ab Alexandrinis sacerdotibus
papaque Alhanasio et postea Petro, qui perse-
cutionein hsereseos Arianae déclinantes, quasi
ad tutissimum communionis suae portum Ro-
main confugerant, vilam beati Antonii adbuc
lune viventis, monasteriorumque in Thebaide
Pachomii, et virginum ae viduarum didicit
disciplinam. Nec erubuit profiteri, quod Christo
placere cognoverat. »
Saint Jérôme vint quelque temps après à
Rome, et il ne contribua pas peu à en faire
comme une autre Jérusalem, par la multipli-
cation toute miraculeuse qui s'y fitdeces mai-
sons consacrées à la pénitence. C'est ce qu'il
écrit à sainte Principie.
« Suburbanus vobis ager pro monasterio
fuit, et rus electum pro solitudine : mùltoque
ita vixistis tempore, ut ex imitatione vestri,
conversatione multaruro, gauderemus Romam
factam Jerosolymam. Crebra virginum mona-
steria, monachorum innumerabilis multiludo,
ut pro frequentia servientium Heo, quod prius
ignominiae fuerat, esset postea gloriae. »
IV. Saint Jérôme dit que celle sainte pro-
fession était nouvelle à Rome, et que sa nou-
veauté l'exposait au mépris et aux insultes des
gens du monde. Il rend le même témoignage
dans sa lettre à Paule, sur la mort de sa fille
Blésille. « Quousque genus deteslabile mona-
chorum non urbe pellilur. » Pammaque fut
un des premiers qui préféra la glorieuse igno-
minie de la croix a la honteuse vanité du
siècle : et étant très-illustre par sa noblesse, il
chercha une gloire plus solide dans l'obscurité
de la vie monastique.
Saint Jérôme s'en explique ainsi, en le con-
solant sur la mort de sa femme Pauline. « No-
bis posl dormitionem somnumque Paulinae
Pammachium monachum Ecclesia peperil
posthumum, et Patris et conjugis nobilitate
patritium. Nostris temporibus Roma possidet,
quod inundus ante nescivit. Tune lari sapien-
tes, potentes, nobiles christiani. Nunc multi
monachi, sapientes, potentes, nubiles, quibus
cnnclis, Pammachius meus sapientior poten-
tior, nobilior èpxio<rrpâTin-jo« , monachorum , etc.
Huis hoc crederet, ut consulum pronepos inter
purpuras senatorum . surva tunica pullatus
incederet. »
Nous parlerons en son lieu de l'hôpital que
Pammaque bâtit, et du conseil que saint Jé-
rôme lui donna, d'être le parfait imitateur d'A-
braham, en servant les pauvres de ses propres
mains. Nous avons aussi parlé ci-devant du
monastère de Milan, sous saint Ambroise, etde
celui de Vereeil , fondé par le fameux Eusèbe,
évêque de Vereeil.
Y. Toutes les îles de la mer de Toscane se res-
sentirent du bonheur de l'Italie ; ce furent à
l'avenir autant de colonies de saints religieux.
Le même saint Jérôme en est témoin dans l'é-
pitaphe de Fabiole : « Quod monasterium non
illius opibus sustentatum est ; Augusta mise-
ricordiae ejus fuit Roma. Peragrabat ergo in-
sulas, et totum Etruscum mare : Volscorumque
provinciam, et reconditos curvorum littorum
sinus, in quibus monachorum consisluntehori
vel proprio corpore, vel transmissa persancfos
et lideles viros munifleentia circuibat. » Et
avant lui saint Ambroise. « Mare est ergo se-
cretum temperantiae , exercitium conlinentiae,
etc. »
VI. Saint Martin bâtit son premier monastère
à Milan, d'où ayant été chassé par la persécu-
tion des Ariens, il se retira dans l'île Gallinaire :
il revint en France, et bâtit son second mo-
nastère près de Poitiers, où il était venu se
rejoindre à saint Hilaire. Enfin, étant fait évê-
que de Tours, il bâtit le célèbre monastère de
Marmoutier, à deux milles de la ville ( Sever.
Snlp., in vita R. Mart., c. iv, v).
Ce fut là le commencement des monastères
de la France, si l'on n'aime mieux donner cette
gloire à l'île et au monastère de Lérins, d'où
Sidoine Apollinaire fait sortir tant de saints
évêques de France et tant d'excellents religieux
Lai ni. 16 cl 1. vin, ep. xiv, 1. ix, ep. m). Mais
saint Honoré , qui lut depuis évêque d'Arles,
ayant été le fondateur de l'illustre monastère
de Lérins, il faut avouer que les monastères de
sainl Martin étaient plus anciens d'environ cin-
quante ans.
VIL Nous avons déjà parlé en un autre en-
droit des monastères que saint Augustin fonda
dans son évèché. Possidius assure qu'il en laissa
plusieurs de l'un et de l'autre sexe ; et on peu!
conclure de là qu'il donna vogue en Afrique à
DE L'ORIGINE DES ABBAYES ET DES MONASTEKES.
541
ces colonies de la vie pénitente. « Clerum suf-
Qcientissimum et monasteria virorum ac fe-
minarum continentium cum suis prapositis
plena Ecclesiœ dimisit lu vita Aug., c. ult. . »
Ce saint docteur opposant aux vertus fausses
et affectées des manichéens la piété sincère et
la perfection achevée des solitaires de l'Eglise
catholique, ne propose que ceux de l'Egypte
et de l'Orient. Si cette sainte institution eût eu
cours dans l'Afrique, lorsqu'il écrivait ce livre,
il n'eût pas été chercher si loin de quoi repous-
ser ces ennemis de la vérité. « Unis nescit
su mina? continentiae hominuni christianorum
multitudinem per totuni orbem in dies magis
magisque diffundi, et in Oriente maxime atque
«lEgypto, quod vos nullo modo potest latere
De moribus Eccles. Cathol.j c. xxxi . »
VIII. Repassons à l'Orient . où l'on faisait a
saint Basile le glorieux reproche d'avoir donné
cours à la vie monastique dans la Cappadoce.
« Accusamur vero et hujus, quod hommes ha-
beamus pietatis studiosos, gwdtscs, qui mundo
renuntiarint. Ego vero vitam impenderem . ut
possent mihi haec delicla impingi ; haberem-
que apud me viros. qui me doctore hoc pietatis
studium amplexi hactenus fuissent. Nunc au-
tem et in .Egyplo et in PaUestina et in Mesopo-
tamia audio talem esse virorum quorumdam
virlutera, etc. »
IX. Après avoir montré comme le berceau
de la profession monastique dans toutes les
partiesdumonde.il ne sera pas difficile île
comprendre quelle a été la pensée de ceux qui
en ont pris le commencement de plus haut et
ont dit que les premiers chrétiens et les apôtres
mêmes en avaient été les auteurs : quelques-
uns sont remontés jusqu'à saint Jean-Baptiste ,
et jusqu'à Elie même.
Cassien le dit ouvertement: « Cœnobitarum
disciplina a tempore prœdicationis apostolicae
sumpsit exordium. Nam talis extitit in Iliero-
solymis onmis illa credentium multitudo, etc.
Voilât. IX, e. v. »
11 assure, dans la suite de son discours, que
la plupart des fidèles s'étant depuis un pm
relâches . et ayant voulu conserver la foi de
J.-C. dans l'état du mariage et sans renoncer
à leurs biens, il y en avait eu un nombre con-
sidérable qui , n'ayant rien diminue de cette
première ferveur , s'étaient retirés dans des
solitudes, et y avaient continué la succession
de ce saint institut jusqu'au temps de Paul et
d'Antoine.
« Istudergosolumîuil antiquissimum mona-
chorumgenusquod non modo tempore sedetiam
gratia primum est, quodque per annos pluri-
mos solum inviolabile ; usque ad ahbatis Pauli
vel Antonii duravit aetatem. »
X. Je ne sais si Cassien pourrait bien prou-
ver que les premiers fidèles de l'Eglise de Jéru-
salem renonçaient au mariage aussi bien qu'à
leurs héritages. L'autre point est plus vraisem-
blable, qu'il y a toujours eu depuis quelques
particuliers qui ont vécu dans la retraite, et y
ont pratiqué toutes les vertus des véritables
solitaires.
Comme on est remonte au-dessus de saint
Antoine jusqu'à saint Paul ermite . on puni-
rait aussi monter encore plus haut . et former
la suite de celle sainte institution, qui remplit
les trois premiers siècles. Mais à dire la vérité
cet enchaînement est imaginaire . l'histoire ne
nous apprend rien de cette continuation . elle
n'est appuyée que sur des conjectures. Il faut
ajouter que ces solitaires écartés des trois pre-
miers siècles n'ont point formé de disciples,
n'ont point ouvert d'écoles, n'ontdressé aucune
règle, n'ont pu se distinguer par aucune sorte
d'habits, n'ont point formé de corps diffé-
rent du clergé et des laïques; ce qu'on ne
peut pas opposer à saint Antoine et à ses imi-
tateurs.
XI. Quand on voudra parler avec justesse, il n'y
aura autre chose a dire, si ce n'est que les moi-
nes véritables établis parsaint Antoine ont trouvé
dans les premiers chrétiens, dans les apôtres,
dansJ.-C. même, dans saint Jean-Baptiste, dans
Elie, Elisée, et les anciens prophètes, un mo-
dèle admirable des vertus qu'ils ont excellem-
ment pratiquées. Mais les vertus sont com-
munes aux moines, au clergé, à tous les fidèles
et aux saints du Vieux Testament. Pour trou-
ver des moines, il faudrait outre cela rencon-
trer une règle , une communauté , un habit
particulier, un état distingué des autres , des
exercices réglés et uniformes, des écoles, des
colonies ; et c'est ce qu'on ne trouve point qu'a-
près saint Antoine. C'est ainsi qu'il faut enten-
dre saint Cyrille, évèque de Jérusalem . et les
autres Pères, qui ont (ait passer Elie et saint
Jean-Baptiste pour instituteurs de la vie mo-
nastique (Cyrill. Hierosol., Catech. 3; Gregor.
Nyss. in Cant. homil.T et 15 .
XII. Saint Jérôme s'est entièrement déclaré
pour cette manière d'expliquer la pensée et les
expressions de ces Pères. Après avoir fait une
542
DES CONGRÉGATIONS.
CHAPITRE DOUZIÈME.
peinture très-exacte de la vie et des exercices
des moines d'Egypte, il dit en même temps que
Paul et Antoine en ont été les auteurs et les
instituteurs , et que tels étaient autrefois Jean-
Baptiste, Elie , Jérémie , tels étaient les Essé-
niens . dont Philon et Joseph ont si admirable-
ment représenté les exercices. Paul et Antoine
ne seraient pas les auteurs d'une profession
qui aurait été commencée et élevée jusqu'au
comble de la gloire par tant de grands hom-
mes, plusieurs siècles axant eux.
Saint Jérôme veut donc seulement dire que
tous ces grands hommes avaient éclaté dans
les mêmes vertus . et avaient comme ébauché
ce grand et admirable dessein. « Taies Philo
Platonici sermonis imitator, taies Josephus ,
Grœcus Livius, in secunda Judaicae captivitatis
historia, Esseuos refert. Hujus vite autor
Paulus, illustrator Antonius, et ut ad superiora
conscendam , princeps Joannes Baptista fuit.
Talem virum Jeremias deseribit, etc. (Ad Eu-
stoch., de custodia virgin.). »
Je ne veux pas m'engager dans cette ques-
tion épineuse, si les Esséniens de Philon et de
Joseph étaient chrétiens : ce serait une digres-
sion trop longue et trop éloignée de mon sujet.
Il me suffit d'avoir fait connaître, au cas même
qu'ils le fussent . comment Paul et Antoine ne
perdraient rien de leur avantage.
Ajoutons encore ce passage de saint Jérôme
sur ce même sujet, dans sa lettre à Paulin,
« De instilutfone monachi. Episcopi et presby-
teri babeant in exemplum Apostolos, et aposto-
licos viros ; nos auleni habeamus propositi
nostri principes, Paulos et Antonios, Julianos,
Hilarionem, Macarios. Et ut ad Scripturarum
autoritatem redeam, noster princeps Elias,
noster Elisais, nostri duces tilii prophetarum,
etc. De lus sunt etilli filii Rechab, etc. »Et dans
sa lettre à Rustique : « Filii prophetarum.
quos monachos in veteri Testainento legi-
miis. »
XIII. Arrêtons-nous un peu à ce que saint
Jérôme écrivit à la vierge Principie, fille de
sainte Marcelle, qui embrassa avec sa mère la
profession monastique, en se retirant seule-
ment en sa maison de campagne, et prenant
un habit brun et modeste, aussi bien que Pam-
maque : « Suburbanus vobis ager pro mona-
sterio fuit, et rus electum pro soîitudine, etc.
Quis crederet utconsulum pronepos furva lu-
nica pullatus incederet. »
Voilà tout le mystère de la profession monas-
tique de ces dames et de ces seigneurs, dont la
noblesse et les richesses répondaient à la gran-
deur de Rome et de l'empire romain.
Saint Athanase fait commencer à saint An-
toine la vie religieuse de la même manière, en
se retirant dans une maison des champs près
de la ville. 11 n'est pas hors d'apparence que
c'est ainsi que quelques-uns d'entre les saints
Pères ont été moines au commencement de
leur conversion.
XIV. Saint Grégoire de Nazianze, au rapport
de saint Jérôme, s'étant dépouillé de son évê-
ché. se retira à la campagne, où il imita la vie
des moines. « Vivo se episcopum in loco suo
ordinans , ruri monachi vitam exercuit (In
Script. Eccl.). » Mais ce saint évêquc enseigne
lui-même dans l'éloge de saint Basile la fidèle
compagnie qu'il lui avait autrefois tenue dans
les plus pénibles exercices de la vie religieuse :
o Hinc illi tunica una et pallium unum , et
stratushumi lectus, vigilias etsuavissimacaena,
panis et sal, quod commune utriusque nostrum
studium fuit Orat. xx). »
Il raconte après cela comment saint Basile
bâtit en un même endroit deux sortes de monas-
tères différents , appelant les uns Asceteria et
Monasteria, pour ceux qui s'abîmaient dans la
contemplation et dans une solitude très-pro-
fonde, et destinant les autres pour les exer-
cices de ceux qui vivaient en communauté,
Twv xqlyovuûot xai p-i-i'ï^uv (Orat. X\l).
Il montre ailleurs la même distinction dans
les monastères d'Egypte. 11 témoigne en un
autre endroit à saint Basile qu'il ne pouvait
penser qu'avec une extrême douleur, et avec
beaucoup de regret, aux premières délices qu'ils
avaient tous deux goûtées dans les solitudes du
Pont, aux veilles, aux chants des psaumes, à
l'oraison continuelle, à l'étude des Ecritures,
au travail des mains, à la culture des arbres,
et à tant d'autres occupations également saintes
et délicieuses.
« Quis psalmodias illas et vigilias dabit.et
quis diurnas operum vices et labores , quis
lignorum comportationes, et Iapidicinas, quis
arborum consitiones et irrigationes, quis pla-
tanum illam auream et Xercis platano prœs-
tantiorem, in qua non rex , sed monachus .
|w>vtt<Trr,î, luxu diffluens sedebat quam egoplan-
lavi. Apollo rigavit, hoc est, excellentia tua,
Deus autem in honorem nostri auxit (Epist.
xni). »
L'auteur de la vie de saint Grégoire donne
DE L'ORIGINE DES ABBAYES ET DES MONASTÈRES.
543
sujet de croire qu'en cet endroit il parle de la
retraite qu'il fit avec s.'inl Basile dans les soli-
tudes du Pont . après qu'ils eurent Ions deux
été ordonnés prêtres malgré leur extrême ré-
sistance. Saint Amphiloque vivait alors dans la
même solitude. Saint Grégoire se jeta encore
une fois dans la retraite, après avoir renoncé à
l'évèelié de Sasime. Enfin, après qu'il eut aussi
abandonné la conduite de l'Eglise de Constan-
tinople, il se relira dans sa maison de campa-
gne, où il passa le reste de sa vie très-sainte-
ment, mais sans renoncer à une partie de son
patrimoine, qu'il avait réservée (Greg. Nanz.,
carm. in Monachos hypocritas).
C'est ce qu'il dit lui-même qu'on lui repro-
chait, quoique fort injustement : « Dicens me
divitem et copiosum esse, ut qui hortum el
otium, et mediocrem ion te m habeam, etc. Nos
si fontem , vel hortulum , vel umbrosum ne-
musculum possideamus, id delicias interpre-
tamini. »
Enfin, ce divin théologien a levé toutes les
difficultés dans le poème de sa vie, où il déclare
qu'après avoir délibéré sur la manière de vie
qu'il choisirait, entre la retraite des moines, et
la vie embarrassée des \illes, il prit un milieu.
afin d'être utile aux autres sans se perdre
lui-même: « Media inter illos, hosque procedo
via meditans ut isti, commodum illoruinaemu-
lans. »
Ainsi quand l'auteur de sa vie dit qu'il
aima toujours mieux être moine que mon-
dain , pauvre que riche , il l'entend de la vie
retirée , et non pas de la profession monasti-
que.
XV. Saint Chrysostome passa six années dans
une affreuse solitude, et y ayant ruiné sa santé
par son assiduité à la prière et à l'étude, par
ses mortifications , et surtout par ses veilles
continuelles, il fut obligé de reprendre la vie
commune et de revenir à Antioche , où il fut
bientôt ordonné diacre, etcinq ans après, quel-
que résistance qu'il fît, Flavien l'éleva a l'or-
dre des prêtres.
«In juventulis flore vicinos occupât montes,
ibique eongressus seni cuidam Syro, sese illi
socium dédit, imitatus vitœcontinentiam dnri-
tiamque propositi. Mansit autein apud illum
annos quatuor, etc. Postea solus remotiorem
eremum petiit, ibique speluncœ inclusus, bien-
nium fere peregit. Quo in tempore jugiter
ferme sine somno persistens, Scripturas san-
ctas penitus edidicit, etc. Ecclesiasticum rur-
sus occupai portum. Id autem divina provi-
dentia factum scimus, quse hune ad Ecclesiœ
utilitatem, ab exercitatione imrriodica, infir-
mitatis occasionibus repellit, ut impeditusaegri-
tudine, sp&luncis renuntiare cogeretur. Hinc
jam a Meletio diaconus ordinatus, etc. (Pallad.
de vita Chrysostom., c. v). »
Voilà en quelle manière! saint Chrysostome
a élé, et n'a jamais été moine. Il l'a été, parce
qu'il en a pratiqué durant quelque temps les
austérités incroyables, et il ne l'a jamais été,
parce qu'il ne s'y est engagé par aucune pro-
fession : il les a quittées quand il a jugé que sa
sauté ne pouvait plus les supporter, il n'a peut-
être pas changé d'habit, il n'a pas renoncé à
son patrimoine.
C'est, à mon avis, de la même manière, que
saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint
Amphiloque, saint Augustin, ont aimé el imité
les vertus de la vie monastique, sans en faire
une véritable profession. C'est vraisemblable-
ment ce que saint Jérôme voulait faire enten-
dre, quand il a dit, des dernières années de
saint Grégoire de Nazianze : « Ruri monachi
vitam exercuit. » Les laïques et les clercs
peuvent consacrer une partie de leur vie aux
exercices laborieux des moines , sans être
moines. Car on ne peut être véritablement
moine, si l'on ne se dévoue pour toute sa vie
à cette sainte profession , et si l'on ne renonce
entièrement à tout ce que l'on possédait sur la
terre.
XVI. Je ne sais s'il faut mettre Sévère Sulpice
dans ce même rang, car il retint une partie de
ses grands biens, et il en fit un hôpital, où il ser-
vait lui-même les pauvres, comme nous avons
déjà dit. Mais il n'y a nul sujet de douter que
telle n'ait été la retraite de saint Augustin,
lorsqu'il se retira dans l'Afrique et dans sa
maison des champs aussitôt après son baptême.
Certainement il n'embrassa jamais l'état mo-
nastique, quoiqu'il en pratiquât tous les exer-
cices avec ses amis.
« Placuit ei percepta baptismi gratia cum
aliis civibus et amicis suis Deo pariter servien-
tibus, ad Africain et propriam domum agros-
que remeare. Ad quos veniens, et in quibus
constitutus : ferme triennio, et a se jam aliéna-
is curis saecularibus, cum iis, qui eidem ad-
haerebant, Deo vivebat, jejuniis, orationibus,
bonisque operibus, in lege Domini meditans
die ac nocte (Possid., c. m). »
XVII. Ç'avaient été les premiers commence-
i ■ i i
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
ments de saint Antoine, de se retirer en sa
maison dus champs, ou tout proche. « lnci-
pii'iis etiam ipse in locis paululum a villa
remotioribus manebat, » dit saint Athanase
(Cafî. ii, in ejus vita). L'exemple lui en avait
été frayé par plusieurs autres : « Nondum tam
crehra erant in .-Egypto monasteria, neque
omnino quisquamaviam solitudinem noverat;
sed ([uieumque in Christi servitute sibimetipsi
prodessecujiiebat, non longe a sua villula se-
paratus instituebatur. Erat in agello vicino
senex quidam vitam solitariam a prima seeta-
tus aetate. Hune Antonius cum vidisset, aemu-
latus est ad bonum. »
Saint Antoine ne s'arrêta pas à ces commen-
(1) L'annaliste espagnol dom Manriquez prétend que l'ordre monas-
tique de Saint-Benoit a compté jusqu'à quarante-sept mille abbayes
ou prieurés. C'est peut-être un peu exagéré, mais le savant Blan-
chini, annotateur d'Anastase le bibliothécaire, nous apprend qu'à
Rome seulement, pendant les ixe et .v.e siècles, il y avait quarante
abbayes d'bommes et vingt de femmes; qu'il y avait en outre soixante
églises desservies par des chanoines-réguliers. Parmi ces abbayes,
quatre, Sainte-Praxède, Saint-Sabas, Sainte-Cécile, Saints-Etienne et
Cassien, étaient habités par des religieux: grecs de l'ordre de Saint-
Basile, qui célébraient tous les offices dans la langue de saint Jean
Chrysostome.
La plupart de ces abbayes acquirent un degré de puissance et de
richesses considérable. En Angleterre, avant la réforme, les abbés
étaient lords de la chambre des pairs, et on les appelait abbés-souve-
rains. En Allemagne, un grand nombre d'entre eux étaient princes
do Saint-Empire et seigneurs temporels de vastes provinces. Le plus
grand des historiens modernes, Jean de Muller, dans son Histoire
ii .us montre l'étonnante puissance des abbayes de l'Hel-
vétie. L'abbesse de Zurich était co-souveraine du canton, l'abbesse
de Glaris était dame du lieu, l'abbé de Schaflbuse en était aussi co-
seigneur, celui de Murbach était souverain de Lucerne, et l'abbé de
Masmunter l'était de Mulhausen. En faisant connaître les utiles tra-
vaux des moines, il détaille les richesses territoriales de l'abbaye
d'B tut. rive, près de Fribourg, qui dépassent tout ce qu'on peut ima-
giner. 11 nous apprend ailleurs que l'abbaye d'Engelberg avait qua-
rante villages sous sa domination, celle de Weltingen, des fiefs im-
menses dans le pays de Baden. « L'évéque de Coire et l'abbé de
« Disentis, dit-il, tome vi, p. 255, sont les plus grands seigneurs de
t la Rhétie. n
En Italie, les abbayes du Mont-Cassin, de Bobbio, de Farfa, de
Camaldoli, de Monte-Virgine, de la Cava, de Vallombrosa et autres
avaient des possessions territoriales immenses. En France, Cluny,
céments. Il se distingua des Pères de l'Eglise,
dont nous venons de parler : il passa jusqu'au
comble de la perfection de la vie monastique,
il en ouvrit le premier les écoles, dont la ré-
putation se répandit et attira des imitateurs de
tout le monde ; par là il l'emporta sur tous
ceux qui avaient avant lui comme ébauebé
cette institution admirable, et mérita le glo-
rieux titre de père et d'instituteur des soli-
taires.
SainUérôme l'en a appelé illustrateur, parce
qu'il a considéré ce que saint Athanase vient
de dire du grand nombre de ceux qui avaient
marché devant lui (1).
Citeaux, Anchin, Jumiéges, Saint- Germain-des-Prés et bien d'autres
encore étaient des fiefs considérables. Les Hyéronimites en Espagne
et les Cisterciens étaient en possession de petites provinces.
Mais ce furent principalement ces prospérités temporelles qui ame-
nèrent la décadence monastique. Vainement l'Eglise tenait la main
à des réformes continuelles; bientôt les réformes avaient besoin
elles-mêmes d'être réformées. Les détracteurs de l'état monastique
oublient trop que, quoique vouée à la perfection, la vie religieuse est
cependant composée d'hommes, c'est-à-dire de ces pauvres créatures
dont le Saint-Esprit a dit : Sensus enim et cogitatio humani cordis
in malum prona sunt au adoiescentia sua (Gen. VI, 5). Avec la dé-
cadence morale, la dépopulation s'était faite partout. En 1788, la cé-
lèbre abbaye de Lérins et ses prieurés n'avaient plus en tout que
cinq moines [Bist. du Monast. de Lérùa, il, p. 311). Un journal
de 1789, Les Veillées d'un Français, no 111, nous apprend que les
quelques bénédictins de la maison de Saint-M—un-des-Champs, à
Paris, offrirent à l'assemblée nationale, au nom de leur maison et de
leur ordre, l'abandon de leurs biens et de leurs couvents, moyennant
une pension de quinze cents livres pour chaque religieux. Parmi nos
manuscrits, nous possédons les lettres adressées, le 16 juillet 1791,
par les chartreux de Bonpas, près d'Avignon, à l'assemblée natio-
nale, pour déclarer qu't'k meurent d'enoie de reprendre leur liberté
et de rentrer dans le siècle.
Le bill de 1535 détruisit six cent quarante-cinq maisons religieuses
en Angleterre. La révolution française ferma onze cent quarante-sept
abbayes des différentes branches bénédictines et des prémoutrés.
Nous croyons que dans toute l'Allemagne il ne reste plus qu'une
trentaine d'abbayes de bénédictins. La révolution espagnole a détruit
les trois cent vingt abbayes et les seize chartreuses de ce royaume.
Eu Italie, tout aujourd'hui est converti en caserms. Il n'y a plus en
France, en Belgique et en Angleterre, que quelques abbayes cister-
ciennes de la réforme de la Trappe. (Dr André.)
CHAPITRE TREIZIEME.
ALLIANCE DE L'ÉTAT MONASTIQUE AVEC LES ORDRES ET LES FONCTIONS ECCLÉSIASTIQUES,
PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES DE L'ÉGLISE.
1. Les monastères et les abbayes ne feraient pas des bénéfices
sans cette alliance de la cléricature et du monacliistnc.
il. Preuves de l'antiquité de cette alliance par les papes et
les conciles.
III. C'étaient les ordres supérieurs auxquels on élevait les
moines.
IV. Saint Pacome et ses religieux faisaient la fonction des
lecteurs, sans avoir été ordonnés.
ALLIANCE DE L'ÉTAT M0NAST1Q1 E. etc.
545
V. Combien ce saint homme voulait que les religieux s'éloi-
gnassent par eux-mêmes des saints ordres.
VI. Combien les moines étaient tentés d'y aspirer.
Vit. Dans les déserts, les moines avaient des églises et des
prêtres '11' leurs corps.
VIII. Quelle modération i ni \' ustin voulail qu'on gardât,
en n'appelant aux ordres que les plus vertueux d'entre les
moines.
IX. I.j profession monastique n'effaçait pas l'irrégularité.
X. Un évêque ne h tonner le moine 'l'un autre.
XI. Saint Augustin condamne également l'ambition des ini -
qui recherchent, et l'opiniâtreté île ceux qui fuient les ordres.
XII. Diverses autorités des autres Pères, pour engagrr lis
moines dans !
XII. Rufln au lieu du clergé, dans son église
magnifique du Chesne.
XIV. Comment les moines passèrent de la solitude aux fau-
bourgs des villes.
XV. Suite du môme sujet.
XVI. Combien ils eurent de crédit dans les plus grai
faires de l'Eglise.
XVII. Réponse à une objection.
XVlïI. Deux manières diverses d'appeler les moines à la clé-
ricature.
XIX. Ils ne changeaient pas d'état, ni n'étaient pas affranchis
des observations pieuses par la cléricalure.
I. Los monastères ne pourraient pas trouver
place entre les bénéfices, si les dignités et les
ordres ecclésiastiques ne pouvaient leur être
accordés. Mais cette profession toute sainte
n'eut pas plutôt éclairé la terre de ses rayons,
que les évêques les plus zélés pour la pureté
de la discipline de l'Eglise n'eurent point de
plus forte passion que celle de faire cette al-
liance si avantageuse de la sainteté monastique
avec les saints ordres.
II. Le pape Sirice témoigna ce désir ardent
par ces paroles : « Monacltos quoque, quos ta-
men morum gravitas, et vite ac fidei institu-
tio sancla commendat, clericorum officiis ad-
gregari. et optamus et volumus (Ep. 1. c. 3 . »
Il est vrai que ce pape ne faisait nulle g tue
des interstices à ces saints religieux : mais les
autres papes ne furent pas si rigoureux, comme
nous l'avons prouvé ailleurs par une lettre du
pape Gélase (Gelas., ep. ix).
Aussi saint Dalmace , prêtre et archiman-
drite de Constantinople, qui avait passé qua-
rante-huit ans sans sortir de son monastère,
parut à la tète de tout le clergé de Constanti-
nople, et écrivit en cette qualité au concile
œcuménique d'Ephèse quand il fallut se dé-
clarer pour la défense de saint Cyrille contre
Nestorius et Jean d'Antioche (Concil. Ephes.,
Epist. Catholic).
Dans le concile de Constantinople, où saint
Abundius, évêque de Lomé, et les autres en-
voyés du pape Léon reçurent la confession de
foi des évêques et des religieux, les archi-
Tn. — Tome II.
mandrites furent nommés après les prêtres,
avant 1rs diacres, comme étant eux-mêmes
prêtres, au moins la plus grande partie. « Iie-
verendorum episcoporum, presbyterorunij ar-
chimaiiilntai mu . diaconorum ai- totius cleri
professiones cognovimus (Tom. m conc, an.
450). » L'empereur Théodose le Jeune écrivit
a l'archimandrite Barsumas pour lui donner
ordre de se trouver au concile d'Ephèse au
nom de tous les archimandrites d'Orient. « Lo-
cum tenentem omnium Orientis archimandri-
tanim Conc. Calced., act. 1;. »
A l'action t du concile de Constantinople,
tenu sous Flavien , comparut Abrahamius,
prêtre et archimandrite, avec trois autres reli-
gieux diacres du monastère d'Eutychés, prêtre
et archimandrite. Dans l'action :. (Ibidem),
l'on menace Eutychès de le déposer et de le
priver tant de la prêtrise que de la supériorité
de son monastère, ce qui fut enfui exécuté; et
à cette sentence souscrivirent, après les évê-
ques, dix-huit prêtres et archimandrites, un
diacre archimandrite, un moine archiman-
drite. Le tte allaite ayant été portée au second
concile d'Ephèse II. idem . les religieux d'Eu-
tychés écrivirent a ce concile pour la justifica-
tion d'Eutychés; la lettre est souscrite par un
prêtre, dix diacres, trois sous-diacres et plu-
sieurs autres religieux.
A la session iv du concile de Calcédoine, on
fit aussi comparaître dix-huit prêtres et archi-
mandrites. On y lut aussi une lettre écrite à
l'empereur Marcien par plusieurs archiman-
drites suivis d'un grand nombre de clercs :
« A minimis archimandritis, et ah omnibus
comitibus suis in Christo, et reliquis clericis,
et monachis et laicis. » Saint Epiphane nomme
les moines après les évêques, avant les prê-
tres, en parlant du schisme de Mélèce (Epiph.,
bar. lxviii).
III. Dans tous ces exemples les moines fai-
saient un corps distingué du cierge et des laï-
ques, toujours préféré aux laïques, quelquefois
nu 'e avec le clergé : les archimandrites ou
abbés étaient presque toujours prêtres ; il y
avait dans un seul monastère un nombre con-
sidérable de prêtres, de diacres et de sous-
diacres, sans qu'il soit parlé des ordres infé-
rieurs, auxquels la longue pénitence et la vie
religieuse pouvaient peut-être suppléer en un
temps où on ne les donnait pas toujours tous
a la même personne.
IV. En voici un exemple qui pourra servir
35
:,4G
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
de preuve. Saint Pacôme, ce père de tant de
solitaires, voyant un village voisin désolé, où
les laboureurs étaient entièrement privés de
la lecture des Ecritures et des divins mystères,
persuada à l'évêque d"\ bâtir une église, et,
en attendant qu'on y ordonnât des clercs, il
y allait lui-même avec ses religieux le samedi
et le dimanche, et il y lisait les divines Ecri-
tures.
« Cuiu needum essent ordinati clerici, qui
solemnia plebi peragerent, ipse ad liorain con-
ventus ecclesiae cum monachis occurrebat, sa-
lutiferas plebi paginas relegens, quia nondum
ibidem lectores fuerant constituti, nec alii cle-
rici, qui ministeria sacra célébra rent. Quamdiu
ergopresbyteret reliquus ordo clericoram abe-
ral. Pacomius veniebat, et sic alacriterac in-
verecunde lectoris implebat officium Vita S.
Pacom., apud Rosveid., c. xxvi . «
Saint Pacôme taisait donc l'office de lecteur.
quoiqu'il n'en eût pas reçu l'ordre; et Dieu
donna tant de bénédictions a son zèle, que plu-
sieurs païens se convertirent. « Unde plures
institution ejus, ab errore conversi facti sunt
Christiani. »
V. Ce saint nomme ne souffrit point que les
religieux s'ingérassent dans les fonctions du
sacerdoce : il faisait venir des villages voisins
des prêtres pour célébrer les divins mystères
aux jours solennels, et pour donner la sainte
communion aux frères; s'il s'en rencontrait
néanmoins quelques-uns d'entre eux qui eus-
sent auparavant été ordonnés prêtres, il s'en
servait volontiers pour exercer ces divines
fonctions; mais il ne jugeait pas qu'un reli-
gieux pût désirer les premiers rangs d'hon-
neur. ou les saints ordres, sans une ambition
criminelle. « Cogitatio feralis ambitus, si in
mentes irrepserit monachorum, ut vel primi
cupiant esse vel clerici Cap. xxiv. ibid. . » Ce
directeur incomparable lit néanmoins paraître
sa sagesse toute divine dans une rencontre
mémorable Cap. x\ . ibid. ,1. »
Un religieux prêtre et père de plusieurs reli-
gieux, importuné par les instances pressantes
de l'un d'eux, qui souhaitait avec une passion
démesurée d'être élevé a la dignité des clercs,
vint consulter saint Pacôme. Ce saint lut d'a-
xis d'accorder ace religieux indiscret la dignité
dont il était indigne, et gagner par cette sage
condescendance celui qu'un relus, quoique
très-juste, porterait au desespoir. La chose
réussit comme il l'avait jugé. Ce religieux sa-
tisfait d'avoir obtenu ce qu'il avait passionné-
ment désiré, se reconnut, et vint remercier le
saint, en lui témoignant qu'il était redevable
de son salut a son extrême douceur, qui l'avait
délivré d'une tentation à laquelle il eût suc-
combé.
VI. Cassien représente en quelque endroit
les artificieux déguisements dont le démon se
sert pour faire désirer aux religieux les digni-
ii - il les fondions ecclésiastiques. « Nonnun-
quamvero clericatus gradum, et desiderium
presbyterii vel diaconatus immittit(DeCœnob.
Instit., 1. il. c. II. 1S i. » C'était le diaconat
seulement . ou la prêtrise, qu'un religieux
pouvait ambitionner; car nous avons vu que,
sans être ordonnés, ils faisaient quelquefois
les fonctions des moindres ordres ; aussi parle-
t-il ensuite de l'un de ces solitaires, séduit
par le démon de l'orgueil, qui fut surpris dans
sa cellule lorsqu'il s'exerçait tout seul, et qu'il
contrefaisait le sacré ministère du prêtre et du
diacre a l'autel.
Ces exemples font voir que les solitaires ne
croyaient nullement que leur état lût incom-
patible avec la prêtrise, quoique leur humilité
les dût éloigner de la pensée de ces hautes
dignités.
VII. Le même Cassien Collai, m, c. I) fait
ailleurs l'éloge du saint abbé l'apbnuce, qui
avait vécu dans la solitude depuis son enfance
jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans, y exerçant
le divin ministère de la prêtrise, et y avait
élevé au diaconat un admirable religieux,
nommé Daniel, ayant plus d'égard à sa vertu
qu'a son âge. Il voulut le faire aussi son suc-
cesseur dans les fonctions de la prêtrise, et il
le fit ordonner de son vivant. Dieu en disposa
autrement, et Daniel mourut avant l'apbnuce,
sans avoir exercé la prêtrise, parce que son
humilité l'emporta sur son mérite; et quoi-
qu'il fut prêtre, il se contenta de servir de dia-
cre â l'apbnuce.
" Optans sibimet successoreni dignissimum
providere : superstes eum presbyterii honore
provexit. Qui lamen prioris humilitafisconsue-
tudinem non omittens, nihil unquam sibi illo
présente, de sublimions ordinis adjectione
donavit : sed semper abbate Paphnucio spiri-
I îles bostias oftérente, hic velut diaeonus, in
prioris ministerii permansit officio (Collât, iv,
c. lu »
Il y avait donc des églises, dans ces affreuses
solitudes, où les moines s'assemblaient et y
ALLIANCE DE L'ÉTAT MONASTIQUE, etc.
,17
avaient des prêtres et des diacres de leurs
corps. Cela paraît encore par ce que le même
Cassien raconte ailleurs, que Théophile, arche-
vêque d'Alexandrie, leur avant envoyé des
lettres circulaires où, si Ion la coutume, il leur
annonçait en quel jour on célébrai! la fête de
Pâques, et où, par occasion, il invectivait contre
l'erreur des Anthropomorphe s. ces solitaires,
|ilus vertueux que savants, en lurent si scan-
dalises, (|n'ils se résolurent de refuser leur
communion à Théophile; et les plus habiles
d'entre eux crurent user île beaucoup de mo-
dération s'ils se contentaient de ne pas souffrir
la lecture de ces lettres.
De quatre églises et de tous les prêtres qui
étaient dans la solitude de Scété, il n'y eut que
Paphnuce, qui en gouvernait une. dont la sim-
plicité éclairée souscrivit à la doctrine de l'ar-
chevêque Théophile.
Cassien raconte tout cela comme en ayant
été le témoin oculaire : « Denique et ab liis
qui erant in eremo Scythi commorantes quique
perfectione ac scienlia, omnibus qui erant in
-Egvpti monasteriis, praeeminebant, itaest lurc
epistola refutata, ut praeter abbatem Paphnu-
tiuni, nostras congregationis presbyterum,
nullus eani caeterorum presbyterorum, qui in
eadem eremo aliis tribus ecclesiis prœsidebant,
nec legi quidem aut recitari in suis conven-
tibus prorsus admitterent Collât, x, c. w2). »
VIII. Saint Augustin ne put souffrir sans une
extrême douleur qu'Aurèle, archevêque de
Carlhage, admit aux ordres ceux qui s'étaient
enfuis des monastères; mais il témoigna assez,
dans la lettre qu'il lui en écrivit, qu'autant
il avait de ressentiment qu'on fit entrer dans
le clergé ceux qui n'avaient pas eu assez
de vertu pour persévérer dans les monastères,
autant il aurait de joie d'y voir appeler ceux
qu'une vertu longtemps éprouvée dans les
exercices de la pénitence en aurait rendus
dignes.
« Non est ista via danda servis Dei, ut se fa-
cilius putent eligi ad aliquid melius, si facti
fuerint détériores. El ipsis enim facilis lapsus,
etordini clericorum lit indignissima injuria,
si desertores monasteriorum ad militiam cle-
ricatuseligantur; cumex iisqui in monasterio
permanent, non tamen nisi probatiores atque
meliores iu clerum assumere soleamus (Epist.
lxxvi). »
Il ajoute que tant s'en faut que d'un mauvais
religieux ou puisse faire un bon ecclésiastique,
qu'au contraire il est très-véritable que les
meilleurs religieux ne sont pas propres à l'état
ecclésiastique, si leur piété n'est soutenue de
la science, et si leur conduite passée aussi bien
que bue vie présente n'est irréprochable.
« Nimis dolendum, si ad tam ruinosam su-
perbiam monachos surrigamus, et tam gravi
contumeliaclericosdignos putemus, in quorum
numéro sumus : cum aliquando etiam bonus
monachus vix bonum clericum faciat, si adsit
ei sufficiens conlinenlia, et tamen desit in-
structio necessaria, aut personœ regularis inte-
gritas. »
IX. Il faut, en passant, remarquer deux
choses dans cet endroit de saint Augustin : la
première, qu'il se met lui-même au nombre
des clercs, et nullement en celui des moines,
ce qui justifie ce que nous avons dit sur ce
sujet; la seconde est que, quelque grande que
puisse être la piété présente d'un religieux,
elle ne suffit pas puni' effacer les irrégularités
qu'il pourrait avoir contractées avant sa con-
version, et pour le rendre capable des saints
ordres.
C'est ce que saint Augustin entend par ces
paroles : « Si desit personne regularis integri-
tas. » Ainsi, ce Père déclare qu'un saint reli-
gieux peut être irrégulier pour les ordres en
deux manières : ou par le défaut de science,
« si desit instructio necessaria, » ou par quelque
crime commis après le baptême.
Ajoutons cette troisième remarque, que les
moines déserteurs étaient tlès lors condamnés
par les docteurs de l'Eglise, comme ayant re-
noncé a l'espérance de leur salut. Car Aurèle
n'avait admis ces moines fugitifs à la cléri-
catureque dans la créance qu'il avait que saint
Augustin, leur évêque, avait agréé leur des-
sein; et saint Augustin proteste qu'étant sortis
du cloître contre ses ordres, ils ne peuvent
passer que pour des infâmes apostats.
« Desertores monasteriorum, etc. Sed de
istis credo arbitrata si t beatitudo tua, quod no-
stra voluntate, ut suis potius conregionalibus
utiles essent, de monasterio recessissent. Sed
falsum est, sponte abierunt, sponte deserue-
runt, nohis quantum potuimus, pro eorum
sainte retinentibus. »
X. Saint Augustin assure, dans la même
lettre, que les évêques d'Afrique avaient réglé
cette affaire en son temps : « Antequam de bac
re aliquid in concilio statueremus. » Ce fut, à
mon avis, le concile Y de Caçthage (Can. xiu)
ii8
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
qui fit ce règlemenl : « Si quis de alterius mo-
nasterio repertum, vel ad clericatum promo-
vere voluerit, vel in suo monasterio majorem
monasterii constituere ; episcopus qui hoc fe-
ceril , a caeterorum communione sejunctus,
suœ tantum plebis communione contentus
sit. »
Ce canon et l'occurrence pour laquelle il fut
fait montrent combien les évêques d'Afrique
étaient passionnés pour rencontrer entre les
moines des personnes dignes des fonctions sa-
cerdotales, et combien ils étaient jaloux que
ceux qui avaient été formés dans leurs monas-
tères ne leur fussent pas enlevés par les autres
évêques. Car ce statut fait manifestement con-
naître que les moines d'un diocèse étaient aussi
bien attachés a leur évêque propre que les
clercs; d'où il s'ensuivait que les autres évêques
ne pouvaient les employer sans une usurpation
criminelle.
XI. Mais saint Augustin n'a jamais mieux fait
connaître ses sentiments sur ce sujet que dans
sa lettre a Eudoxius, prêtre et abbé du monas-
tère de l'île Caprarie Epist. lxxxi). 11 lui l'ait
voir que les clercs et les moines sont les mem-
bres d'un même corps, qui partagent lellemenl
le repus el le travail entre eux. que l'avantage
qui revient de l'un et de l'autre leur est com-
mun à tous; au reste, que les religieux doivent
autant s'éloigner de l'ambition qui fait recher-
cher L'éclat et la dignité des saints ordres, que
de la paresse qui en lait refuser le travail,
lorsque l'Eulise les y appelle, elle qui a le droit
de leur commander.
« l'iiuin corpus sub uno capite sumus, ut et
vos in nobis negotiosi, et nos in vobis otiosi
sumus. Exhortamur in Domino, ut propositum
vestrum custodiatis, el usque in finem perse-
veretis. Ac si qua operam vestram Ecclesia
mater desideraverit, nec elatione avida susci-
piatis, nec blandiente desidia respuatis. »
XII. Sainl Jérôme dit que, lorsque sainte
Paule visitai! les déserts arides et infructueux,
mais très-fertiles en piaules célestes, une mul-
titude infinie de moines alla au-devanl d'elle
par honneur, entre lesquels il y en avait un
grand nombre dont le diaconat et la prêtrise
rehaussaient l'éminente vertu: « Occurrente
sibi sancto et venerabili episcopo [sidoro con-
Eessore, et turbis innumerabilibus monacho-
rum, ex quibus multos sacerdotalis et leviticus
sublimabat gradus (In Epitaphio Paul.).»
Nous avons dit ailleurs comme saint Jérôme
fut ordonné prêtre, et comme son extrême hu-
milité, qui le rendait si digne de ce divin mi-
nistère, l'empêchant d'en faire l'exercice, son
frère Paulinien fut ordonné prêtre par saint
Epiphane dans son monastère de Bethléem.
Nous avons aussi rapporté les paroles admi-
rables de saint Ambroise sur l'alliance et la
réunion qu'Eusèbe, évêque de Verceil, avait
faite de la dignité de l'état ecclésiastique avec
la sainteté de la vie religieuse, c'est-à-dire de
ce qu'il y a de plus grand avec ce qu'il y a de
plus saint dans l'Eglise.
Nous avons aussi touché la lettre de saint
Athanase à Dracontius, où il l'exhorte de ne
pas préférer son repos et son intérêt particulier
a l'avantage publie de l'Eglise, qui l'appelait
du cloître à l'épiscopat, et il lui propose un
nombre fort grand de saints évêques qui, ayant
passe leurs premières années dans la religion,
avaient enfin couronné toutes leurs vertus par
la charité et la sollicitude épiscopale. Nous
avons montré que les monastères de Saint-
Basile, dans l'Orient, aussi bien que ceux de
Saint-Martin, à Tours, et de Saint-Honoré, à
Lérins, en France, avaient été comme des sé-
minaires où s'étaient formés les plus saints
évêques de l'Eglise.
Pallade, dans la vie de saint Chrysostome,
parle du célèbre [saac, prêtre et abbé de cent
cinquante moines, dont Théophile en avait
choisi sept ou huit pour les faire évêques (Pal-
lad., c. xv). Un autre en avait deux cents, dont
plusieurs lurent aussi ordonnés évêques. Si
ces saints religieux étaient estimés digues de
l'épiscopat el s'ils y étaient si souvent appelés,
on ne peut douter qu'on ne les honorât encore
plus souvent de la prêtrise et du diaconat. Je
ne dis rien des autres ordres, pour la raison
que j'ai touchée et que saint Jérôme vient de
continuer.
XIII. Sous l'empire d'Arcade, Rufin bâtit un
palais magnifique aux faubourgs de Calcédoine:
on l'appela le Chesne ou la Chesnaye. II y fit
construire, avec une somptuosité qui répondait
à ses grandes richesses, un superbe temple en
l'honneur des apôtres saint Pierre et saint
Paul, avec un monastère dont les moines de-
vaient composer le clergé de cette église :
« Monachos etiam in vicino collocavit, qui cle-
riini ecclesia' supplerent, u tt; ixxXwiiii ni tùm?»
i-ix-.'.y, (Sozom., lib. vm, c. 17).»
XIV. Ainsi, les moines passèrent des déserts
à la ville pour y sanctifier les autres par leur
ALLIANCE DE L'ÉTAT MONASTIQUE, etc.
5t9
exemple, eux qui avaient auparavant quitté la
ville pour se sanctifier dans les déserts par de
continuels exercices de prières et d'austérités.
En effet, il «tait bien juste qu'après avoir
amassé dans la solitude les pn cieux trésors de
la sainteté, leur charité les portât à venir ré-
pandre dans la ville ces mêmes trésors, et à les
communiquer à leurs frères.
Saint Jérôme avait écrit à Paulin, en lui tra-
çant les règles de la vie religieuse, que. s'il
aspirait a l'état ecclésiastique, il devait faire
son séjour dans les villes, afin de faire son sa-
lut en travaillant a celui de ses frères: niais
que. s'il se voulait consacrer à la profession
monastique, ce nom seul devait lui inspirer
l'amour de la solitude, comme il lui en impo-
sait l'obligation : « Si officium vis exercere
presbyteri, si episcopatus tevel opus,vel honos
forte delectat, vive in urbibus, et castellis, et
aliorum salutem fac luerum anima' tuœ. Sin
autem cupis es*e quod diceris, monachus, id
est, soins, quid fuis in urbibus, qua? utique
non sunt solorum habitacula, sed multorum
De institutione Monachi ad Paulinum). »
Il dit la même chose dans sa lettre ad Iins/1-
cum monachum de vivendi forma. Ht. écrivant
a Héliodore: «Clerici in suis urbibus commo-
rantur. » Et a Marcelle: «Tantam frequentiam
hominum saltem invitum videre, a proposito
monachorum et quiète aliéna sunt. » Et dans
l'épitaphe de Fabiole: aPeragrabat insulas et
reconditos curvorum littorum sinus, in quibus
monachorum consistunt cliori. »
Voila sans doute l'institution primitive et la
règle générale des solitaires. Mais la loi de la
charité est la souveraine dispensatrice de toutes
les autres lois, et c'est elle qui contraignit les
évêques d'appeler les solitaires dans les villes.
de les engager dans les fonctions et dans les
dignités ecclésiastiques, et de les obliger, par
ce moyen, à répandre sur tous les fidèles ces
trésors spirituels dont ils s'étaient enrichis
dans la solitude.
XV. Saint Chrysostome nous apprend que ce
fut une occasion extraordinaire qui lit descen-
dre ces saints religieux de leurs montagnes
dans la ville d'Antioche, pour la délivrer de
l'épouvante extrême où elle était des juges et
dis magistrats, qui y avaient établi un tribunal
effroyable contre une multitude de criminels.
i i - saints parurent comme des auges accourus
du ciel : « Undique confluxerunt, velut a
quidam de cœlo profeeti; erat cernere tune
civitatem , similem redditam de cœlo. » Ils
parlèrent aux juges avec une fermeté si géné-
et avec une charité si engageante, qu'ils
les désarmèrenl Homil. xvu . ad Popul.
Antio. .
Ce même saint axait jugé ailleurs que les
monastères ne devaienl pas être tort éloignés
des ville-, pour n'être pas aussi trop éloignés
des commodités de la vie dont ils ne peuvent
se passer : •< l't. ii loci neque ita multum ah
hominum conspectu remoti, solitudinis tamen
olium . quietemque habeant De Sacerdoc,
1. vi, c. 6). »
Saint Augustin plaça son premier monastère
dans l'enceinte de l'église, comme dit l'o^si-
dius. ou. comme il l'explique lui-même, dans
les jardins de l'évêché Conf., 1. vin, c. 6 . 11
dit que saint ^robroise avait un monastère a
Milan, hors les murs de la ville, « extra urbis
mœnia. » Il assure ailleurs qu'il y avait des
monastères à Cartuage : « Cum apud Cartha-
ginem monasteria esse cœpissent I.. i Retract.,
c. -21
XVI. L'auteur de la vie de saint Grégoire de
Nazianze nous apprend que le père de ce divin
théologien, étant évêque de Nazianze et s'étant
laissé surprendre par les artificieux déguise-
ments des hérétiques, il se souilla de leur
communion et souscrivit à leur doctrine. Tous
les moines du pays se séparèrent aussitôt de
sa communion, et une grande partie du peuple
suivit leur exemple. Alors le fils vint au se-
cours du père, le porta à reconnaître sa faute
et a en demander pardon; et. après lui avoir
fait faire une confession sincère de la foi ca-
tholique, il le réconcilia avec les moines et
avec le peuple.
Cet exemple fait voir, aussi bien que celui de
Dalmace dont nous avons parlé, l'intérêt que
les religieux prenaient aux allure- de l'Eglise
leur crédit et leurs services importants dans
des rencontres périlleuses.
Théodoret(L. iv. c. xxiv, xx\) a décrit les
illustres combats du céli bre solitaire Aphraates,
et île plusieurs autres qui quittèrent la solitude
pour venir s'opposer a la persécution des Ariens
soutenus de l'autorité de l'empereur Valens. Il
ajoute que saint Antoine leur en avait donné
m pie au lemps de Constance, venant lui-
même a Alexandrie pour soutenir la loi et la
personne d'Atb les \riens. « Reli-
cta soliludine totam illam circuibat urbem ,
qua omnes doceret, tum Athanasium prœco-
.Y.li
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE TREIZIÈME.
nem veritatis, tum Arianos veritatis hoslesesse
Theodor. Lect., I. i). »
Daniel Slylile ne témoigna pas moins de
vigueur quand il descendit de sa colonne pour
s'opposer aux violentes attaques que le tyran
Basilisc donnait à la loi orthodoxe, en con-
damnant le concile de Calcédoine. Les moines
mêlés parmi le peuple donnèrent la terreur à
l'impie Anastase, lorsqu'il persécutait l'Eglise
avec le plus de fureur (L. if). Evagriu s rapporte
les lettres que l'empereur Léon écrivit à tous
les métropolitains et à tous les célèbres soli-
taires, Siméon Stylite, Baradat, Jacques, pour
avoir d'eux une nouvelle confirmation de la foi
du concile de Calcédoine (Evag., I. II, C 9).
Le même historien avait raconté plus haut
(L. i, c. 13), comment Siméon Stylite, par l'ar-
deur et l'intrépidité de son zèle, avait obligé
l'empereur Théodose de révoquer les ordres
qu'il avait donnés pour faire rebâtir les syna-
gogues des Juifs.
XVII. Toutes ces occurrences singulières
n'( mpèchent pas que saint Jérôme n'ait «lit en
général que L'office des moines n'est pas d'en-
seigner 1rs peuples , mais de pleurer leurs
péchés : « Monachum se esse, non loquendo et
dîseursando, sed tacendo e! sedendo noverit.
Monachus non doctoris,sed plangentis habet
oflicium ; qui vel se , vel mundum lugent
(Apolog. ad Domnion., advers. Vigilant.).» Cela
s'entend quand l'Eglise ne les appelle point à
des emplois ecclésiastiques.
XVIII. Remarquons en passant que la pro-
motion îles moines a la cléiicalure se faisait de
deux laçons : à la demande du monastère, ou
selon le besoin des évêques; en les laissant dans
le monastère ou en les en retirant et les alla-
chant a une église cathédrale ou paroissiale.
La première de ces promotions les laissai! dans
le même engagement aux fonctions monas-
tiques ou ils étaient auparavant ; la seconde
les asservissait uniquement aux fonctions du
sacerdoce.
Saint Jérôme parle île la première, quand il
écrit à Héliodore : «Quodsi tequoqueadordi-
nem elericorum pia fratrum blandimenla sol-
licitant, gaudebo de ascensu, sed timebo de
lapsu (De vita Erem.). » Il parle de la seconde
en écrivant au moine Rustique : « Cum ad
perfectam aetatem veneris, et te vel populus,
vel pontifex civitatis in clerum elegerit, agito
qice clerici sunt, et inter ipsos sectare rnelio-
res, quia in oiniii conditione et gradu, optimis
niixta sunt pessima. »
Il esl aisé d'appliquer celte distinction à tous
les autres exemples qui sont rapportés dans ce
chapitre, et de se détromper d'une opinion
aussi fausse qu'elle est commune, que l'ordi-
nation émancipait pour ainsi dire de la profes-
sion monastique.
XIX. Leur une conviction encore plus grande
de la vérité que nous avançons, on peut allé-
guer l'exemple de trois excellents religieux,
Ruses, Euloge et Lazare;, qui furent ordonnés
évêques, non pas pour aller gouverner un dio-
cèse, mais pour l'aire voir en leurs personnes
une éminente vertu couronnée de la plus écla-
tante de toutes les dignités. « Creabuntur epi-
scopi non urbis alicujus. sed honoris causa,
qui veluti vitae pie anteactse compensatio in
propriis monasteriis illis deferebantur. » C'est
ce qu'en dit So/omeiie (L. VI. C. 34).
Ceux qui défèrent avec peine à ce récit de
Sozomène auront plus de créance pour le pape
Innocent Ier, qui oblige à l'observance de la
règle monastique et surtout de la continence,
les moines qui passaient du cloître à la cléii-
calure. « De inonachis qui diu murantes in
monasteriis, si postea ad clericatus ordinem
pervenerint, non debere eos a priore proposito
deviare, etc. Quod diu servavit, in meliorj
gradu positus, amittere non débet (Epist. u,
c. 10). »
Quant a l'histoire que rapporte Sozomène,
ou pourrait y ajouter celles que nous axons
citées ailleurs de Théodoret , touchant ces
saints solitaires que des évêques ordonnèrent
prêtres, sans espérance qu'ils en lissent jamais
les fonctions. Théodoret parle de Darses, évo-
que d'Edesse. Saint Dasile lui écrivit deux
lettres (L. iv, c. 15, cp. cccxxvi, cccxxvii) ,
mais on n'a nulle preuve que ce soit celui dont
parle Sozomène.
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQ1 E, etc.
551
CHAPITRE QUATORZIÈME.
ALLIANCE IIE LKTAT ECCLÉSIASTIOl E AVEC. CEI II DES MOINES. IN ITALIE ET EX INGLETERRE , DAMS
LE SECOND M.E DE I. El. LISE. C'EST-A-DIRE DEPUIS CLOVIS JUSQU'A CHABLEMAGNE.
I. Cette alliance est également avantageuse à l'uu et à l'autre
II. En quel cas saint Grégoire permettait aux clercs qui s'é-
taient faits moines île rentrer dans leurs églises Que la vie des
clercs embrassait les vœui et les pratiques saintes du cloitre,
d'une manière excellente.
III. Tous les moines ne pouvaient pas prétendre aux ordres, si
à la pénitence s ne lignaient l'innocence, c'est-à-dire l'i
tion des crin n s.
IV. vutres preuves de cela même. La vie monastique tenait
lieu, ou du sous-diaconat pour quelques-uns, ou au nu
interstices qu'il eût fallu garder.
V. La sainteté de la vie religieuse était une excellente prépa-
ration au sacerdoce.
VI. Les religieux u des prètn -
VU. Alliance admirable du monachisme et de la cléricature
dans le palais pontifical de saint Grégoire : ce séminaire aposto-
lique et le collège des cardinaux fut alors une seconde pépiuière
d'évéques.
VIII. Sainl Equice et saint Benoit joignirent les travaux de la
prédication aux rigueurs de la vie uastin
IX. X. XL La cli profession monastique.
Tout le c.ergé d'Angleterre, à l'exemple d'Augustin, fut long-
temps composé de moines Boniface IV,'
synode romain, que les moines sont ca[iaLl'
tions sacerdotales.
XII En Irlande, li
die. successeur de saint Colomban.
I. L'alliance de La cléricature avec la pro-
fession monastique a paru assez, dans les cha-
pitres précédents, par le fréquent retour qu'il
a fallu faire sur l'état des monastères. Ajou-
tons ici ce qui reste a dire sur une société si
sainte et également avantageuse aux ecclésias-
tiques et aux religieux, avant que de passer
aux autres chefs qui ne regarderont plus que
l'état monastique.
II. Saint Grégoire ne permettait pas que les
clercs qui s'étaient jetés dans les monastères
en pussent sortir pour rentrer dans leurs pre-
mières églises, à moins que leur évèque. tou-
ché de leur extraordinaire piété, les retirât du
cloître pour leur conférer la prêtrise et les at-
tacher au service de quelque église.
« Si quos a clericatu in monachicam con-
versionem venire contigerit, non liceat eis ad
eamdem,vel aliam ecclesiam denuo remeare ;
nisi talis vitœ monachus fuerit, ut episcopus,
cui ante militaverat, sacerdotio dignum prse-
viderit, ut ab eo debeat elegi, et inloco, quo
judicaverit, ordinari (L. i, ep. xl).»
Ce pape se met peu en peine de l'obligation
de ce nouveau curé pour l'observance des
vœux et de la profession religieuse. Les ecclé-
siastiques ne retirant que leur simple entretien
rie leurs bénéfices, et gardant la continence
inséparable des ordres majeurs, ne différaient
pas beaucoup îles religieux pour la chasteté et
pour la pauvreté évangélique; au teste, quant
à l'obéissance, ils la rendaient tout entière
à l'évêque. La stabilité dans une église était
équivalente à celle des moines dans leurs mo-
nastères. Enfin, la Relit/ion et la conversion
a urs, que les moines promettaient alors
dans leur profession, au lieu des trois vœux,
n( des termi s que nous avons déjà vu fort
souvent dans les canons leur être communs
avec les ecclésiastiques. Et certes, l'observa-
tion ponctuelle îles canons était très-propre
pour leur procurer les vertus désignées par
ces termes, aussi bien (pue les règles des mo-
nastères.
III. L'évêque d'Orviéto manquant de prêtres,
le pape lui donna la permission qu'il deman-
dait, d'ordonner prêtres quelques-uns d'entre
ses moines avec le gré de leur abbé, et après
avoir bien examine s'ils n'étaient point char-
ges de quelque crime qui les rendit irrégu-
liers : « Ne quod absit, hic honor, et illis
pœna, et \obis incipiat esse peccatum L. v,
ep. xxvn). »
Il ordonna aussi à l'évêque de Palerme de
donner la prêtrise au religieux du monastère
de Saint-Herme que ses confrères choisiraient
pour leur dire la messe dans leur couvent,
pourvu que ses mœurs répondissent à une
si haute dignité : « Cujus vita, mores, et actio
tanto possit ministerio convenire Ep. xll. »
Ces deux exemples suffiront pour montrer
que . si la majesté du sacerdoce honorait la
sainteté religieuse, et si en revanche la sain-
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE QUATORZIÈME.
teté des cloîtres relevait la dignité de la cléri-
cature, il y avait néanmoins une sainteté et
une pureté dans les saints ordres qui ne pou-
vait pas être confiée a toutes sortes de reli-
gieux. En effet, ceux qui entraient dans la
religion pour y expier par les larmes de la pé-
nitence les crimes de leur jeunesse, qui les
eussent rendus incapables des ordres, ne pou-
vaient jamais y aspirer, quelque fervente et
quelque longue qu'eût été leur pénitence dans
les monastères. C'est ce que nous justifierons
dans la suite.
Outre la sainteté du cloître, celle de l'inno-
cence était nécessaire pour les saints ordres,
c'est-à-dire, l'exemption des crimes canoniques
qui étaient soumis a la pénitence publique
dans les premiers siècles, et qu'on commença
vers le sixième siècle a expier par une péni-
tence secrète, quand ils étaient secrets, mais
auxquels la même irrégularité était toujours
invariablement att ictaée.
IV. Saint Grégoire le dit dans une lettre, où
il veut qu'avant que d'élire un nommé Oppor-
tunus, on examine s'il n'a point autrefois com-
mis de crime contre les canons. » Et si nulla
ci ernnina, quae per legis sacne regulam morte
mulctanda sont, obviant, » et que l'eu ayant
reconnu innocent, me l'exhorte ou a se faire
moine, ou a recevoir le sous-diaconat, et de se
purifier encore quelque temps dans les saints
exercices de cet ordre avant que île passer aux
ordres sacrés, et enfin a Pépiscopat. « Tune
hortandus est, ut vel monachus, vel a vobis
subdiaconus fiât. El post aliqiiaiituin temporis,
si Deo placuerit, ipse ad pastoralem curam de-
lnat prnmoveii (I.. IX, ep. 13). »
Pour disposer un homme de bien à l'épisco-
pat, on doit, suivant ce passage, l'exhorter ou
de se taire iue, ou de recevoir le SOUS-dia-
conat. Ainsi, l'état monastique est mis dans le
même rang des ordres mineurs et même du
sous-diaconat qui commençait a être un ordre
majeur, en tant que ce smit comme deux
diverses suites de noviciat pour se préparer
aux ordres majeurs et a la sainteté même de
l'épiscopat.
Aussi, ce pape insinue par ces paroles que si
Opportunus, dans le choix qu'on lui proposait,
préférait l'état monastique, cela lui tiendrait
lieu du sous-diaconat, et on lui conférerait en-
suite le diaconat et les antres ordres sacrés.
Nous avons touché ailleurs quelques exem-
ples, et nous pourrons dans la suite en allé-
guer encore d'autres, de cette omission des
ordres mineurs, pour ceux qui s'étaient exercés
quelque temps dans les pénibles travaux de la
vie monastique. Si l'on ne juge pas à propos de
dire que la vie religieuse tient lieu pour quel-
ques-uns des ordres mineurs, il faudra dire
qu'elle huait lieu au moins des interstices,
qu'il eût fallu garder en exerçant les ordres
mineurs.
Enfin, ce pape ajoute que, si Opportunus se
trouve avoir été autrefois souillé de quelque
crime canonique, il ne doit plus penser qu'à
entier dans un monastère pour y consacrer le
reste de ses jours à la pénitence. « Si quae vero
gravia obviant, inulto magis admonendus est>
ut saeculum relinquat, et luec perfectius dé-
licat. »
Il y avait donc deux sortes de personnes dans
les monastères. Car ceux qui y avaient apporté
l'innocence y acquéraient une perfection qui
les approchait infiniment du sacerdoce; mais
ci u\ qui \ entraient pour y pleurer h s crimes
qui les eussent rendus incapables du sacer-
doce n'y trouvaient non plus le remède de
leur irrégularité dans la pénitence que ceux
qui faisaient la pénitence publique dans les
églises.
V. Ce n'est pas seulement pour arriver au
sacerdoce , mais c'est aussi pour en exercer
saintement le saint ministère que la profession
religieuse est un moyen très-propre et très-
excellent. Aussi, ce pape conjure un évêquede
France de ne pis arracher de son monastère
un religieux a qui il avait autrefois donné la
cléricature, et qu'il avait depuis ordonné diacre
de ce monastère; parce que de le tirer du
cloître pour le transférer dans son église,
celait le retirer du port pour le jeter dans les
vagues impétueuses des affaires de l'Eglise.
« Ut qui a turbulento saecularium curarum
tuinultu se segregans, quietis desiderio por-
Iniii monasterii appetiit, rursumin ecclesiasti-
caruin curarum non debeat perturbationibus
implicari ; sed in Dei laudibus permittatur
secure ah bis omnibus reinanere, ut postulat
(L. x, c. 3'.*). » De là vient que le pouvoir des
évoques a retirer du cloître ceux qu'ils des-
tinaienl aux ordres n'était pas sans limites.
VI. Nous avons ci-dessus fait voir plusieurs
monastères où il n'y avait point de prêtres, et
où l'évêque en envoyait un pour dire la messe
quand l'abbé le demandait. .Nous y en avons
aussi vu d'autres où l'un des religieux élu par
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE, ETC.
553
ses confrères était ordonné prêtre et y célé-
brait la messe, non pas tous les jours, mais
quand il était nécessaire, « quoties necesse
fuerit (L. x, ep. 54). »
Ce ne lut pas seulement pour observer plus
étroitement la solitude que les religieux se
résolurent enfin d'avoir un prêtre de leur corps,
mais aussi pour se délivrer de la tyrannie des
clercs qui, sous le prétexte apparent de la
direction spirituelle des monastères, en dissi-
paient le temporel.
C'est de quoi le même saint Grégoire se
plaint à l'évêque de Ravenne : « Pervenerat ad
nos monasteria in Ravennae partibus constiluta
onuiino clericorum vestrorum dominio prœ-
gravari, ita ut occasione quasi regiminis, ea,
quod dici grave est, velut in proprietate possi-
deant (L. vi, ep. 40). »
Ce pape lait ensuite une défense générale
aux ecclésiastiques d'entrer dans les monas-
tères, si ce n'est pour y prier, ou pour y dire
la messe, quand ils en seront pries par les
religieux. « Nullam deinceps m eis clerici, vel
hi qui in sacro sunt ordine constituti, ob aliud
babeant, nisi orandi tantummodo causa, licen-
tiam accedendi, aut si forte ad peragenda sacra
missarum fuerint invitati mysteria. »
Enfin, ce pape défend à tous les religieux
qui auront été tirés du cloître pour les ordres
sacrésde neplus jamais s'ingéreraprèscela clans
les affaires du monastère.
\ II. Mais quelle alliance plus parfaite et plus
magnifique de la cléricattire et du cloître que
celle qui &e fit dans le palais de cet incom-
parable pape, qui y conserva toujours un
nombre considérable d'excellents religieux,
avec l'élite des plus pieux et des plus savants
ecclésiastiques, et qui tira de ce monastère,
que nous pouvons appeler épiscopal et aposto-
lique, un grand nombre de saints évoques, et
même d'apôtres , pour les envoyer faire de
nouvelles conquêtes sur l'empire du démon,
et étendre au delà des mers le royaume de
J.-C.
Nous avons déjà parlé de ce séminaire de
clercs et de moines dans le palais apostolique,
et nous avons dit que c'est de là que ce pape
envoya Augustin et les autres collègues de son
apostolat en Angleterre.
Ce saint pape voulut bien informer les
orientaux mèmesde la mission de ces religieux,
dont le ciel avait continué l'apostolat par les
mêmes miracles qui faisaient admirer les
apôtres. « Ut monasterii mei monaclïum ad
praedicationem evangelii transmittere debuis-
sem, etc. Il apostolorum virtutes in signis
quae exhibent, imitai i videantur, etc. (L. vu,
ep. 30). »
Il envoya de temps en temps de nouveaux
renforts de moines en Angleterre, 1rs tirant
tous de son monastère apostolique, c'est-à-dire,
de sa propre maison (L. ix, ep. 52). C'est ce
qu'en dit Jean Diacre : « Augustinum cum aliis
domus sua' monasterii monacliis in Britan-
niam evangelizaudi gratia destinavit (L. n,
c. 33) . »
Cet auteur remarque dans un autre endroit
que ce pape regarda le sacré collège de ses
cardinaux et son monastère comme deux sémi-
naires d'évêques, et qu'il en tira effectivement
de l'un et de l'autre un grand nombre d'excel-
lciils prélats, qu'il envoya en diverses églises
pour y exercer le ministère apostolique avec la
même sainteté qu'ils avaient vu éclater dans
le treme apostolique de Lierre. « Et si quando
nécessitas ordinandi sacerdotes obrepsit, neque
cardinales ecclesiae sua', neque monaclios ino-
nasterii sui penitus excusavit, quo minus illis
ecclesiain regendam committeret, qui exemplis
et verbis pariter illam sedificare melius potuis-
sent (L. ni, c. 7). »
Après avoir nommé ceux d'entre les cardi-
naux à qui ce pape donna des évècbés, il vient
aux moines tle son monastère : « At vero ex
monacbis monasterii sui Mari nianum Ravennae,
Maximianum Syracusis, et Sabinum Callipoli
praesules ordinavit. Sed et Augustinum pênes
Anglos a Galliarum episcopis ordinari prœce-
pit ; per quem ad episcopatum in eadem gente
monachi ejusdem patris tempore diverso pro-
vecti sunt, Mellitus , Justus , Laurentius et
Paulinus. »
VIII. H est bien probable que ces saints reli-
gieux ne tirent pas leur apprentissage dans la
conversion d'un nouveau inonde, et qu'ils
avaient fait leurs premiers essais aux environs
de Lomé, en prêchant dans les villages et a la
campagne.
Le célèbre Equitius, dont il semble que saint
Crégoire ait été ou le disciple, ou l'imitateur
dans la fondation et dans la police de ses mo-
nastères, joignait les pénibles travaux de la
prédication avec les austérités de la vie reli-
gieuse.
Saint Crégoire, témoin de ce fait, tâcha
d'augmenter le zèle d'Equitius , et porta sa
55 i
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE QUATORZIÈME.
charité à courir par toutes les villes, bourgs,
\ illages, châteaux et maisons, pour y répandre
le sacre l'eu dont il était enflammé et dont il
avait si heureusement embrasé ses monastères.
« Tantus illum fervor ad colligendas Deo
animas accenderat, ut sic monasteriis prœesset,
quatenus per ecclesias, per castra, per vicos,
per singulorum quoque fidelium domos eir-
cumquaque discurreret, et corda audientium
ad aiuorem patriae cœlestis excitaret [Dialog.,
1. i. c. ï. et 1. h. c s. 19). »
Qui peut douter que l'exemple de ce grand
saint n'animât ses religieux du même zèle,
et que saint Grégoire, qui rapporte dans ses
dialogues la mission que ce saint reçut du ciel
et les miracles qu'il lit pour justifier sa con-
duite, qui paraissait extraordinaire, n'ait été
convié lui-même par de si mémorables exemples
à employer ses moines aux fonctions des
apôtres, dont ils imitaient de si près les vertus.
IX. Saint Grégoire raconte, dans le même
ouvrage, les victoires que saint Benoît remporta
par scs prédications sur les restes de l'idolâtrie :
« Commorantem circumquaque multitudinem
praedieatione continua ad tideni vocabat. » Et
ailleurs : « Viens erat. in quo non niinima
multitudo bominum ab idolorum cultu, Bene-
dicti fuerat exhortatione conversa. » Saint
Çolomban convertit aussi a la loi beaucoup de
païens, selon l'auteur de sa vie.
X. Boniface IV. qui lut le quatrième pape
après saint Grégoire, déclara, dans un concile
romain, que c'était avec plus d'animosité que
de science que quelques-uns avaient clouté si
l'on pouvait commettre à des religieux les
fonctions sacerdotales. « Neque pœnitentiam,
neque christianilatem largiri , neque absolvere
posse per sacerdotali olficio injunctam po-
testatem. »
Ce pape réfute cette erreur, dont la jalousie
('•lait plutôt la mère que l'ignorance, par les
exemples de saint Grégoire pape, d'Augustin
d'Angleterre, de Martin de Pannonie , qui
n'eussent pas épousé des églises si la profession
monastique leur en eût donné l'exclusion. « Qui
nequaquam annulo pontificali subarrarentur,
si quia monachi fuerunt, praedictis uti prohi-
berentur (Collectio Roinana Holstenii). »
Enfin ce pape conclut que si les prêtres, soit
d'entre les moines, soit d'entre les chanoines,
« Sacerdotes monachi, atque canonici, » sont
les anges du Seigneur , les religieux étant
montes a un plus haut point de contemplation,
semblent composer un ordre supérieur d'anges
et mériter le rang des chérubins, dont les six
ailes que l'Ecriture leur donne semblent être
représentées par la disposition de l'habit mo-
nastique.
Cette comparaison de l'habit religieux avec
les ailes des chérubins était fort au goût des
écrivains de ce siècle-là, surtout des Grecs.
XI. Nous avons déjà dit ci-dessus que le pape
Zacharie donna la cléricature et en même temps
l'habit de moine à Rachis, roi des Lombards,
pénitent. « Clericusque ellectus monachico
inductus est babitu. » Nous avons rapporté
un grand nombre d'exemples de cette nature,
où il semble qu'on confondait en quelque
manière la cléricature avec le monachisme.
XII. Ce que nous avons dit suffit pour
l'Angleterre, où il paraît que la vie monastique
fut introduite par Augustin dans tous lesevè-
chés et dans les chapitres. Mais il ne faut pas
oublier ce que Bède raconte du monastère de
saint Çolomban, apôtre des Irlandais, dont
l'abbé était prêtre et avait la surintendance,
non-seulement des autres monastères, mais
aussi de toute la province, et, ce qui est plus
surprenant , des évèques mêmes qui avaient
bien voulu avoir cette déférence pour les suc-
cesseurs de l'apôtre de leur nation.
« llabere solet ipsa insula rectorem semper
abbatem presbyterum, enjus juri, et omnis
provincia, et ipsi etiam episcopi ordine inusi-
tato debeant esse subjecti ; juxta exemplum
primi doctoris illius qui non episcopus, sed
presbyter extititetmonachus (Reda, 1. m, c. i;
Baron., an. 165, n. 32). »
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE, etc.
CHAPITRE QUINZIEME.
miiami: de l'état ecclésiastique ivec le monastique, en france, en Espagne, en ifrique
et en orient, ai x sixième, septième et huitième siècles.
I. Les conciles de France appellent les i
sacerdotal.
II. Le monastère de Lérins était encore une pépin»
ïèques.
III. Luxeuil était un séminaire de missionnaires. Sainl i
i I donné l'exen
IV. Le monastère de Lobes avait un de ses religieux
pour pi c plus d'autoi
V. On passe de France en Espagne, et on y voit les c
3 pour élever les abbés au-dessus des diacres, et quel-
. même au-dessus des prêtres.
VI. En Afrique, saint Fulgence .justifie l'alliance donl nous
l.n Oi <nt. il y avait un fort grand nombre de prêtres
et de diacres dans les monastères.
VII. VIII. Les règles monastiques sur ce sujet. Parallèle des
pratiques anciennes et nouvelles de l'Oi l'Occident :
elles sont toutes louables, quoique contraires ; il est nié vrai
que les nouvelles ont quelquefois paru meilleures aux
l\. Les clercs ne pouvaient se faire moines sans la permis-
. H- pouva :
X. La règle di sainl Benoil reçoil sans p es infé-
rieurs, mais non pas les prêtres. Pourquoi.
XI. Les pn reçus. Comment.
XII. Ils ne marchent qu'après l'abbé, quoique laïque.
I. La même union sainte et avantageuse du
clergé et îles cloîtres s'établit et se fortifia aussi
dans les autres relises.
Dans celle de France , le concile d'Aude
(Can. xxvn) , défend d'ordonner les moines
vagabonds dans les villes ou dans les pan :
si leur abbé ne rend témoignage de leur bonne
vie. Si l'évèque manque de clercs et qu'il sou-
haite en avoir d'entre les moines, il ne le peut
que du gré de l'abbé. « Si necesse fuerit cle-
ricum de monachisordinari, cum consensu et
voluntate abbatis prœsumal episcopus. »
Les conciles IV et V d'Orléans furent sous-
crits par des abbés qui tenaient la place de
leurs évêques. Le concile de Tours ordonna
(me les évêques qui ne pourraient pas assister
en personne au concile provincial y enver-
raient des abbés ou des prêtres en leur place,
"nommant toujours les abbés devant les prêtres.
Au synode d'Auxerre plusieurs abbés sous-
crivent avant tous les prêtres ou curés.
IL L'abbaye de Lérins continua d'être la
mère et l'école d'une bonne partie des évêqu< s
de France. C'est le témoignage qu'en rend
sainl Césaire, archevêque d'Arles : « Beata et
felix insula Lirinensis, quae cum parvula et
plana esse videatur, innumerahiles tamen
moules ad cœlum misisse cognoscitur. Haec est
quae eximios nutrit monachos, et praestantis-
simos per omnes provincias erogal saçerdotes.
Ac sir quos accipit filios, reddit paires ; et quos
nutrit parvulos, reddit magnos; quos velut
tireurs accepit, reges facif Hom. 25). »
Saint Césaire était lui-même une de ces
divines montagnes que celle île avait élevées
jusqu'au ciel, et c'était dans cet illustre novi-
ciat qu'il avait appris toutes ces célestes vertus
qu'il lit depuis éclater sur le trône éminent de
l'Eglise.
III. Si le monastère de Lérins envoyait des
évêques a la plus grande partie d< s provinces,
celui de Luxeuil fournissait des missionnaires
à la campagne. Car saint Ettstase, qui en fut
abbé après saint Colomban, dont il avait été le
disciple, suivant les ordres qu'il eu avait reçus
de ce céleste maître, entreprit la conversion
des peuples voisins, qui étaient ensevelis dans
lr- profondes ténèbres de l'hérésie, ou même
de l'idolâtrie.
Le succès favorable de ces premières tenta-
tives l'encouragea et le porta à pousser ses
victoires jusques dans la Bavière, où il fit de
grands progrès, et en laissa la poursuite aux
chefs et aux soldats qu'il avait formés pour
cela. « Beversus Euslasius ad Luxovium, ma-
gislri sui praxeptum implore parât , ut gentes
quae vicinae erant, fidei pabulo nutrirentur.
Progressus ergo Warascos praedicando conver-
tit populos, etc. ad Boias tendit, etc. ( Vita ejus
c. iv, apud Surium, 29 Mart. »
Sainl Gai ne fut pas moins célèbre entre les
disciples de saint Colomban, ni moins ardent
à imiter son zèle pour la conversion des infi-
dèles. Sainl Colomban l'en chargea lui-même,
parce qu'outre la langue latine il parlait aussi
celle de ces peuples barbares qui languissaient
encore dans la nuit de l'idolâtrie. » Columba-
556
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE QUINZIÈME.
mis beato Gallo id injunxit ofheii, ut populum
ab errore idololatriœ ad cultum Dei exhorta-
tione salutari revocaret; quia ipse banc a Do-
mino gratiam meruit, ut non solum latins,
sed etiam barbaries locutionis cognitionem
non parvam haberel Vita ejus, c. vi Sur., die
L6 ctobr.). »
Soit que cette connaissance d'une langue
barbare lui \înt du ciel ou qu'il l'eût acquise
par l'étude, c'était une marque d'un mission-
naire apostolique. On sait qu'une partie des
monastères de France qui se formèrent dans
la suite embrassèrenl la règle de saint Colom-
ban et le prirent pour le divin modèle de leur
vie et de leur conduite. 11 faut conclure de là
qu'ils ne négligèrent pas le salut des peuples,
en travaillant à leur propre sanctification. Or,
on ne peut douter que la prédication ne soit
la plus apostolique et la plus éminente de
toutes les fonctions ecclésiastiques, et qu'on
ne peut la communiquer aux religieux sans
les admettre dans toutes les dignités de la clé-
ricature.
Il ne faut pas s'étonner après cela si un an-
cien auteur a écrit que le monastère de
Luxeuil était une pépinière d'évêques aussi
bien que d'abbés : « Quis locus, vel civitas non
gaudeat, ex beati viri disciplina rectorem ba-
bere pontificem, vel abbatem? Le Cointe, ad
an. 612, n. 22 . »
IV. Les abbés de l.obbe. célèbre abbaye près
deTuin, dans le pays de Liège, ont été long-
temps évêques, sans autre fonction épiscopale
que celle de prècber aux peuples barbares et
idolâtres, depuis que saint Ursmar y porta ces
deux qualités d'évêque et d'abbé , au temps de
Pépin l'ancien.
Voici les paroles de l'auteur de la vie de ce
saint apôtre des Flamands : « Dicendum pau-
cis, cur dictus sil episcopus, cum Lobia non
sitsedes episcopalis. Quia enim intentus eral
semper lucrandis animabus, et quia multi bar-
baries gentis, ni supradicti Flandrenses, ad-
nuc detinebantur vanis idololatriœ supersti-
tionibus . prœdicandi tantum gratia . sicut
competebat rudimentis novellœ fidei, est or-
dinatus episcopus. Quod factum quoque de
gancto Amando legimus. A quo etiam locus
Lobiensis tantum dignitatem est adeptus, par-
tim ob hoc . partim quia locus regius regia
munificentia esl constructus, ut nulli commit-
leretur, nisi primum esset ordinatus episco
pus. Quœ dignitas perduravit etiam in multos
successores , qui leguntur fuisse episcopi et
abbates ( Du Chesne, Histor. Franc, tom. i,
p. 688 . »
Les exemples semblables qui ont été ci-de-
vant, et qui seront encore allégués dans le pro-
grès de cet ouvrage ne nous permettent pres-
que pas de douter de ce récit. Mais ce qui
suit chez le même auteur ne mérite peut-être
pas la même créance : que c'est de là que
l'abbé de Lobbe a conservé le droit d'user des
ornements propres aux évêques, et d'en exer-
cer la juridiction; si ce n'est que cet auteur
eût voulu dire que les papes qui ont accordé
ces privilèges aux abbés de Lobbe, ont eu
quelque égard à la dignité des anciens abbés
qui y avaient été durant quelque temps or-
donnes évêques.
V. Dans l'Espagne, le concile d'Huesca (An.
598), ordonna que tous les évêques tinssent
tous les ans leur synode diocésain avec les
abbés, les prêtres et les diacres de leur dio-
eese. pour les confirmer tous dans l'observance
religieuse des lois ecclésiastiques. « An nuis
vicibus unusquisque nostrum omnes abbates
monasteriorum , vel presbyteros et diaconos
sua' diœcesis congregare praecipiat, et omnibus
regulam demonstret, etc. »
Les abbés prennent ici leur rang avant tous
les prêtres, aussi bien que dans le synode
d'Auxerre et dans quelques antres conciles que
nous avons cités. Le concile de Mérida (Gan. n)
nomme les prêtres ou les curés avant les abbés,
en leur enjoignant à tous de recevoir avec
honneur la visite de l'évèquc. Le concile III de
Brague (Gan. vu) , place les abbés entre les
prêtres et les diacres, en les exemptant tous
également des châtiments corporels. « Qui gra-
dus jam ecclesiasticos meruerunt, id est pre-
sbyteri, abbates, seu Ievitae, exceptis graviori-
bus et mortalibus culpis, nullis debeant verbe-
ribus subjacere. »
11 est bon de remarquer ici (pie la qualité
d'abbé est mise entre les degrés ecclésiastiques,
entre la prêtrise et le diaconat. Le concile XIII
de Tolède en use de même (Gan. u).
Les abbés souscrivirent an XV avant les
prêtres, et ils y souscrivirent en leur nom, au
lieu que les prêtres n'y souscrivaient qu'au
nom des évêques qui les avaient envoyés. La
même chose parait dans le XVI".
Le concile XII de Tolède l'an. iv) con-
damna la violence du roi Vamba, et en
même temps la facilité excessive de l'évêquede
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE, etc.
Mérida à obéir à ce roi, en érigeant un évêché
nouveau dans le monastère du saint confi sseur
Piménius, qui avait été en même temps abbé el
évêque du monastère de Dume. Ce nouvel
évêché lui cassé, mais nous n'avons pas laissé
de trouver des monastères dont les abbés étaient
évêques . et nous en rencontrerons encore
d'autres dans la suite de cet ouvrage.
VI. Ce que nous avons dit ci-dessus de saint
Fulgencc nous doit suffire pour l'Eglise d'Afri-
que, et pour être pleinement persuadés que
l'état ecclésiastique n'y recevait pas peu d'avan-
tage de son étroite alliance avec la profession
religieuse. 11 faut doncvenir à l'Eglise grecque,
où nous rencontrons d'abord un très-grand
nombre d'archimandrites et de r< ligieux de la
seconde Syrie, qui envoyèrent une requête au
pape Hormisde pour implorer son secours
contre l'hérésie qui taisait d'étranges ravages
dans l'Orient, et ils nous font voir par leurs
souscriptions qu'ils étaient tous ou prêtres ou
diacres t'ost ep. xxu Hormisd. . Les archi-
mandrites, qui paraissaient en très - grand
nombre dans les actions 1 et 5 du concile de
Constantinople , sous Menas, sont aussi tous
dans les ordres sacrés.
Avouons après cela que si l'humilité îles
solitaires les a souvent éloignes de la prêtrise
lors même qu'ils étaient abbés et pères de plu-
sieurs monastères, les évêques n'ont pas laissé
de les honorer du sacerdoce contre leur vo-
lonté, et d'honorer en même temps le clergé
de la société de personnes si saintes.
C'est ce qui parait clairement dans la vie du
divin Sahas, qui donna naissance à tant d'il-
lustres entants et à tant de célèbres monastères,
et qui ne voulait néanmoins ni monte;'." lui-
même, ni laisser monter aucun des siens aux
degrés éminents de la cléricature, jugeant que
la seule pensée d'une si grande élévation était
incompatible avec la modestie religieuse. « Ut
qui nec ipse auderet suscipere dignitatem sa-
cerdotii, nec alicui alii ex eis quibus praeerat,
rem permittebat. Ita enim statuebat, sacerdo-
tium esse semper monachis causam ambitionis
(Vitaejus, c. xxuapud Surium, Decem. die I . »
L'évêque de Jérusalem ne laissa pas de lui
conférer la prêtrise et de lui attirer par ce
moyen une vénération plus grande et une
obéissance plus prompte de la part de ses reli-
gieux qui ne lui étaient pas encore assez sou-
mis.
VIL II est donc à croire qu'il y a eu une
sainte contestation entre les évêques et les
plus saints religieux, ceux-ci fuyant les saints
ordres avec tous les innocents artifices dont
ils se pouvaient aviser, et les évêques au con-
traire leur déclarant une sainte guerre pour
les y forcer.
La règle de saint Aurélien Cap. xi.vi) ne per-
mi I a l'abbé que l'ordination d'un prêtre, un
diacre et un sous-diacre d'entre ses religieux,
s'il le juge nécessaire. La règle du Maître
Cap. lxxxiii), ordonne de recevoir dans les
monastères les prêtres qui voudront s'y reti-
rer, niais comme des étrangers, en leur taisant
faire les offices et dire les collectes dans les
églises pour honorer leur caractère, mais sans
leur donner aucune part au maniement du
temporel, de peur qu'ils ne donnassent l'exclu-
sion aux abbés mêmes, comme à des laïques :
« Ne et ipsi obtentu honoris de ratiociniis, vel
dominatione monasterii, utpote laicos abbates
i xcludant. »
Les évêques et le clergé n'étaient pas encore
bien revenus de leurs prétentions fondées sur
leur ancienne possession de tout le temporel
des églises de leur diocèse. Ainsi, durant quel-
ques siècles, ce ne fut pas sans peine et sans
beaucoup de précaution que les monastères
conservèrent les revenus et les offrandes que
la libéralité des fidèles leur donnait. Enfin,
cet article de la règle du Maître veut que
l'abbé exhorte doucement ses prêtres à tra-
vailler de leurs mains, aussi bien que les
autres religieux: et. s'ils ne se rendent pas à
ces douées semonces, qu'il les prie de s'en re-
tourner dans leurs églises.
VIII. Toutes ces circonstances de n'être reçus
que comme des étrangers, peregrinorum loco ,
de n'être jamais admis au gouvernement du
temporel, d'être un sujet de continuelles dé-
fiances à l'abbé même, comme n'étant que
laïque, et enfin ce danger d'être renvoyé à son
église; toutes ces circonstances, dis-je, semblent
nous persuader que ceux qui étaient déjà prê-
tres, s'ils venaient à se retirer dans les monas-
tères, n'y étaient jamais parfaitement incor-
porés et peut-être même n'y faisaient point de
profession .
En effet, il était difficile de bien cimenter
celte union d'un prêtre avec une compagnie
toute composée de laïques. Saint Grégoire nous
a aussi appris ci-dessus que si un religieux était
appelé aux saints ordres hors du cloître, il ne
pouvait plus après cela se mêler des affaires du
558
l)i:S Ci)Ni,i;K(.ATIuXS. — CHAPITRE quinzième.
monastère. Mais il est à croire que tout cela
n'avail lieu que dans l'Occident pendant que
les abbés mêmes n'étaient pas clercs, el qu'au-
cun île leurs religieux n'entrait encore dans la
cléricature. Car, dans l'Orient, où nous avons
mi tous les abbés et même plusieurs simples
religieux élevés aux ordres sacrés, toutes ces
jalousies eussenl été trop mal fondées.
Il est même très-plausible que dans l'Occi-
dent même les abbés furent tous ordonnés
prêtres avant la lin du vu' siècle, puisque nous
les avons vus, dans les synodes diocésains et
dans les conciles provinciaux, tenir rang le plus
souvenl avant les cures et les prêtres, au moins
précéder toujours les diacres. La police même
du siècle de saint Grégoire sur ce sujet nousa
paru fort embarrassée. Car les monastères ne
pouvaient pas se passer de prêtres, et néan-
moins ils étaient forcés d user contre eux de
toutes les précautions imaginables. Ainsi, ils
trouvèrent enfin par leur propre expérience,
que le meilleur parti pour eux était d'avoir des
prêtres de leur corps,
C'est ce qui commença à se pratiquer .
comme saint Grégoire même nous l'a montré.
.Mais ce saint pape sembla mettre la dernière
main a cette parfaite communication du sacer-
doce aux religieux, quand il les envoya en
Angleterre faire les [onctions non-seulement
sacerdotales, mais aussi apostoliques.
Si la première disposition des monastèn s
où il n'y avait point de prêtres mérite de
justes louantes, la police suivante, qui leur
en a accordé, en mérite encore plus, puisque
les pressantes et indispensables nécessités, tant
des monastères que de l'Eglise, ont enlin con-
traint les plus sages et les plus saints d'entre
les papes et les évêques de faire ce change-
ment, et de faire exercer le ministère aposto-
lique à ceux qui embrassaient avec plus de
ferveur les conseils et les vertus apostoliques.
Il en est de même de la demeure des an-
ciens religieux loin des villes, dans les soli-
tudes écartées : elle avait ses avantages, mais
le changement qui s'est l'ait a été encore plus
avantageux à l'Eglise, puisque saint Chrysos-
tome et saint Augustin ont jugé, avec tant
d'autres saints évêques, qu'il était plus utile
que ces flambeaux de sainteté éclairassent les
villes, et embrasassent le clergé même du l'eu
sacré' dont ils brûlent.
Cessons de regretter les bonnes et saintes
pratiques île l'antiquité , lorsque l'antiquité
même, qui en apercevait aussi les inconvé-
nients, les a changées, et ne peut les avoir
changées que pour d'autres encore meilleures.
Ces! une prévention plus commune que rai-
sonnable d'estimer les usages parce qu'ils sont
anciens : si les plus anciens étaient les meil-
leurs, ils n'auraient pas été changés par les
anciens Pères mêmes . après un juste balan-
cement des biens et des maux qui les accom-
pagnaient.
IX. Ce fut après cette parfaite communica-
tion de la cléricature aux religieux que le con-
cile IV de Tolède (Can. il déclara aux évêques
qu'ils ne devaient pas s'opposer aux saintes
résolutions de leurs ecclésiastiques, lorsqu'ils
désiraienl embrasser la profession monastique
pour s'y consacrer à la contemplation des vé-
rités du ciel et à la perfection de la vie évan-
gélique. «Clericiqui monachorum propositum
appetunt, quia meliorem vitam sequi cupiunt,
liberos eis ab episcopo in monasteriis largiri
oportet ingressus, nec interdici propositum
eoruin , qui ad contemplationis desiderium
transire nituntur. »
Ce canon suppose une vérité incontestable :
que les ecclésiastiques étaient par leur ordina-
tion si étroitement attaches et comme asservis
à l'évêque qui les avait ordonnés et a l'église
pour laquelle il les avait ordonnés, qu'ils ne
pouvaient en aucune façon rompre ce dou-
ble lien sans se rendre transgresseurs de
la foi qu'ils avaient promise à leur église et
de l'obéissance qu'ils avaient vouée à leur
évêque. Ainsi ils ne pouvaient passer dans
des monastères sans le consentement des évê-
ques.
Mais ce concile oblige les évêques de ne pas
refuser une permission si juste, qui ne dimi-
nue pas le nombre de leurs sujets, mais qui
en augmente le mérite, et qui les rend d'au-
tant plus utiles à l'Eglise qu'elle les rend plus
vertueux et plus saints. Quelque jugement
qu'en puissent porter les yeux de la chair,
ceux qui sont les plus saints sont aussi les
plus utiles à l'Eglise, quoiqu'ils semblent ne
rien faire ; et l'activité destituée de vertu et
de sainteté fut plus de bruit (pie de profit de-
vant les yeux de la Vérité éternelle.
X. Saint Benoît ordonna dans sa règle qu'on
ne se rendit pas facilement à la demande des
prêtres qui désireraient d'être reçus dans ses
monastères, « Xon quidem ei citius assentiatur
(Cap. i.x) ; » mais qu'on se rendît enfin à leur
CONTRIBUTION DES ÉVÉQUES A L'ÉTAT MONASTIQUE.
559
constante persévérance à frapper à la porte ,
après leur avoir déclaré qu'ils seraient obligés
à l'observation exactede la règle. Il leur donne
séance après l'abbé.
Quanl aux autres clercs, il ne commande pas
qu'on leur tasse les mêmes difficultés, il ne
leur assigne leur place que dans un rang mé-
diocre entre les autres moines . et il leur tait
promettre l'observation de la règle et la stabi-
lité, ce qu'il semblait n'avoir pas si expressé-
ment exigé des prêtres. « Clericorum autem si
quis eodem desiderio monasterio sociari vo-
luerit, loco mediocri collocetur. Et ipse tamen
se promittat de obstrvatione regulœ, vel pro-
pria stabilitate. »
Les religieux recevaient plus difficilement
les piètres dans leur société que les autres
clercs. Leur grande élévation et leur engage-
ment plus étroit a l'Eglise taisait que les moi-
nes n'osaient les recevoir, encore moins les
refuser, ils n'osaient leur faire faire profession
de garder la règle , et encore moins les en
dispenser. Mais quant aux autres clercs inté-
rieurs , ne leur donnant qu'un rang médiocre
entre les moines, ils montraient bien qu'ils ne
mettaient pas une si grande différence entre
eux et les religieux. Aussi avons-nous vu que
les évoques mêmes voulaient bien que les
années passées dans la vie monastique tinssent
lieu des exercices des ordres mineurs pour se
disposer au diaconat et à la prêtrise.
XI. Aussi saint Benoît passant ensuite à ceux
que l'abbé choisit entre ses plus excellents re-
ligieux pour les honorer des ordres sacrés , il
ne parle que de la prêtrise et du diaconat,
comme présupposant que leurs longs exercices
du cloître suppléeront avantageusement au
défaut du sous-diaconat et des autres ordres mi-
neurs. « Si quis abbas sibi presbyterum vel
diaconum ordinare petieril , de suis eligat, qui
dignus sil sacerdotio fungi Can. i.xiiï. »
Ce saint législateur déclare a ce nouveau
prêtre que la dignité qui l'élève ne doit pas
l'enller; que pour être prêtre, il en e&l encore
plus soumis à la règle; que l'abbé, quoique
laïque, a droit de lui commander ; enfin que sa
mauvaise conduite pourrait bien forcer ses
frères de le traiter, non pas comme un prêtre,
niais connue un rebelle. « Ordinatus caveat
elationem, necquidquam présumai, nisi quod
ei ab abbate praecipitur; sciens se multomagis
diseiplin;e regulari subditum , etc. Quod si
aliter prœsumpserit , non ut sacerdos, sed ut
rebellisjudicetur. »
XII. Quelque respect que ce saint homme
portât aux piètres, il ne les l'ait pourtant mar-
cher qu'après l'abbé, qui n'est pas seulement
dans les ordres , et les soumet à sa juridiction
claustrale. « Concedatur ei post abbatem stare
et benedicere, aut missas canere, si tamen
jusserit ei abbas. Sin alias, nullatenus aliqua
prœsumat (Cap. i.x; ad an. 518). »
Le père Le Cointe a rapporté un exemple
d'un laïque que les moines ne voulurent pas
admettre à la communion chez eux , ni à la
messe. Les dimanches même , les moines qui
avaient été ordonnés prêtres avant leur pro-
fession célébraient le service divin; mais ils
n'y admettaient que les religieux et non
pas les laïques, ils les renvoyaient à leurs pa-
roisses.
CHAPITRE SEIZIEME.
COMRIEN LES EVEQUES ONT CONTRIBUE A LA PROPAGATION DE L ETAT MONASTIQUE , ET A LA MULTI-
PLICATION DES MONASTÈRES. DIVERSES PARTICULARITES DE LA PROFESSION MONASTIQIE, DEPITS
CLOVIS jusqu'à CHARLEMAGNE.
I. Les monastères n'ont pu s'établir qu'avec la permission
des évêques.
II. III. Ils ont été la plupart fondés et dotés de leurs libéra-
lités, en France, en Espagne.
IV. V. VI. En Italie, en Angleterre, en Afrique.
VII. VIII. En Orient.
IX. X. XI. Diverses lois de Justinien pour les monastères,
pour la réception des esclaves, pour l'élection des abbés, pour
560
DES CONGREGATIONS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
les procès, pour les religieuses, pour les églises des moines,
pour les généraux.
Xll li - - résolutions du grand saint Grégoire sur les
mêmes matières.
XIII. Hes généraux d'ordre, ou de plusieurs monastères.
XIV. Des anac.hu i
I. La propagation de? monastères et des or-
dres religieux, qui s'est faite par la faveur et
les bienfaits des évêques, est une marque glo-
rieuse de leur admirable alliance avec l'état
ecclésiastique.
Le pape Symmaque (Epist. m) répondit aux
consultations de saint Césaire, archevêque
d'Arles, que les fonds qui avaient été donnés à
l'Eglise n'en pouvaient être aliénés, quoiqu'on
en pût donner la jouissance aux clercs d'un
mérite extraordinaire pendant leur vie, ou aux
monastères : « Nisi forsitan aut clericis, hono-
runi meritis, aut monasteriis religionis intuitu
[Cap. i). »
Les conciles d'Agde Can. xxvn et d'Epone
(Can. x) défendirent qu'on ne bâtît aucun mo-
nastère et qu'on n'instituât aucune compagnie
nouvelle de religieux sans la permission et
l'approbation de l'évêque : « Nisi episcopo per-
mittente, aut probante, etc. Cellas novas aut
congregatiunculas monachorum absque no-
titia episcopi prohibemus institut. »
II. Le concile III de Tolède (Can. ni. iv) per-
mit aussi aux évêques de donner à des monas-
tères quelques fonds de leur église, pourvu
qu'elle ne fût pas incommodée de cette libé-
ralité : « Si quid vero, quod utilitatem non
gravet Ecclesite pro suffragio monachorum,
vel ecclesiis ad suam parochiam pertinentibus
dederunt, flrmum maneat. »
Ce même concile permet encore ci l'évêque
d'établir un monastère dans quelqu'une de ses
églises paroissiales, et non-seulement d'y unir
tous les rexenus de cette paroisse, mais encore
d'y donner quelque fonds de son église cathé-
drale, pourvu qu'en enrichissant ses enfants il
n'appauvrisse pas son épouse : « Si episcopus
unam de parochianis ecclesiis suis monasterium
ditare voluerit, ut in ea monachorum regula-
riter congregatio vivat, hoc de consensu con-
cilii soi habeat licentiam faciendi. Sit stabile,
si de rébus Ecclesine sua> eidem loco aliquid
donaverit. quod detrimentum Ecclesiac non
exhibeat. »
Comme il pouvait y avoir du doute dans le
discernement des fonds et des libéralités qui
incommoderaient ou n'incommoderaient pas
l'église cathédrale, le concile IX de Tolède dé-
clara que l'évêque pourrait donner jusqu'à la
cinquantième partie des biens de son église au
monastère qu'il fonderait dans son diocèse,
jugeant que c'était une juste médiocrité pour
accommoder le monastère sans incommoder
l'Eglise. Si, au lieu d'un monastère, l'évêque
voulait gratifier une autre église où il aurait
choisi sa sépulture, ce concile ne lui permet
que la donation de la centième partie des biens
de sou église, avec cette condition qu'il ne
pourrait faire que l'une de ces deux libéra-
lités, et non pas toutes les deux ensemble :
« Monasterio non amplius quam quinquagesi-
niaiu partem dare debebit ex rébus Ecclesiœ
cui prœsidet. Ecclesiae vero, quae monasticis
non informabitur regulis, aut quam pro suis
magnitieare voluerit sepulluris, non amplius
quam centesimam partem conferre lice-
bit, etc. »
En voilà assez pour montrer combien les
évêques étaient passionnés pour la fondation
et la multiplication des monastères dans leurs
diocèses, combien les conciles ont travaillé
pour modérer ces profusions, et combien ils
ont été favorables aux nouveaux établissements
des monastères.
III. Saint Isidore, évèque de Séville, qui fut
le père des monastères d'Espagne aussi bien
que de leur règle, assure qu'après les exemples
d'Elie, d'Elisée, des prophètes et de Jean-
Baptiste, Paul et Antoine, Hilarion et Macaire
furent les premiers instituteurs de l'état mo-
nastique : « Conversationis hujus nobilissimi
principes, Paulus et Anlonius, etc. De Eccles.
Oflic, 1. il. c. 1S). »
Il dit qu'il y a six différentes espèces de
moines, dont il y en a trois aussi louables que
les trois autres méritent d'être décriées; que
les anachorètes ne peuvent se hasarder à cette
parfaite solitude, qui ne se rassasie que des
eaux célestes de la contemplation; qu'après
s'être exercés l'espace de trente années dans
l'obéissance et dans les austérités du cloître.
On peut connaître par là de quelle nature
furent les abbayes que ce saint évêque fonda.
Saint Fructueux, évèque de Drague, dressa
aussi une règle pour les moines, et il fonda lui
seul trois monastères, selon les auteurs de sa
vie. Le concile de Tolède, qui ne permettait
aux évêques d'en doter qu'un des fonds ou des
revenus do leur cathédrale, ne leur défendait
pas d'en fonder autant d'autres qu'ils vou-
draient, soit de leur patrimoine ou des moyens
CONTRIBUTION DES ÉVÉQUES A L'ÉTAT MONASTIQUE.
561
infinis et du trésor inépuisable île leur ingé-
nieuse charité.
IV. Saint Aurélion et saint Césaire, évêques
d'Arles, ont aussi composé des règles et sans
doute fondé plusieurs monastères en France.
Saint Césaire vit avant sa mort pins de deux
cents religieux sons la conduite de sa sœur,
sainte Césarie, dans le monastère qu'il leur
avait fonde à Arles (Cyprianus in vita Caesarii).
Saint Ouen, évêque de Rouen, peupla tout
son diocèse d'un si grand nombre de ces
saintes colonies, qu'on eût cru qu'il ne voulait
pas imiter la Thébaïde de l'Egypte, mais la
surpasser; il en répandait même dans toutes
les provinces de la France, ne donnant point
de bornes à l'amour d'un bien qui n'en a
point.
« Ardebat summo studio monasteria et loca
sacra peromnesFranciœprovinciasconstruendi
maxime vero in propria diœcesi; ubisanemulta
cœnobia, eaque ampla et nobilia a fundamentis
condidit; non pauca vero priorum antistitum
et abbatum desidia negleeta instauravil, etc.
Tantus ibi erat numerus cœnobiorum diversi
sexus, puta monacliorum et monacharum, quae
ad ejus institutionem, tanquam divinae sationis
messes quajdam , subito enituere , ut multi-
tudine et religione ^Egypti monasteria , ab
Antonio quondam instituta , œquare vide-
retur. »
Voilà le père de tant de magnifiques monas-
tères qu'on admire encore dans le diocèse de
Rouen (Surins, Aug. die 24). Saint Eloy, évè-
que de Noyon , n'eut pas moins d'ardeur pour
la construction des monastères. 11 en fonda un
de religieuses à Noyon, mais ses disciples, en
suivant ses célestes conseils, en bâtirent un foit
grand nombre dans tout le royaume, où plu-
sieurs d'entre eux furent évoques.
« Sed et alia multa monasteria, quaeque ejus
opère, quaeque vero institutione a discipulis
ejus constructa, bodie intra Galbas noscuntur :
nain multi ex discipulis ejus ecclesias condide-
runt, multi monasteria salubriter rexerunt,
multi etiam in regimen episcopale sublimali ,
Ecclesiis pnefuerunt (S. Audoenus in vita sancti
Eligii, 1. u, c. v). »
Saint Uomnole, évèque du Mans, fonda plu-
sieurs abbayes dans son évèché des revenus
et des fonds de sa cathédrale (Surius, die 1G
Maii).
V. Saint Grégoire confirma la fondation du
monastère et de l'hôpital d'Autun, faite par
Th. — Tome II.
Syagrius , évêque de la même ville, et par la
reine lîruneliaut. « Quod in ci vita te Angusto-
dunensi a Syagrio episcopo , et exccllenlissima
filia nostra regina constructum est, etc. (L. n,
ep. x). »
Si les évêques deFrance peuvent passer après
ces exemples pour les fondateurs de la plus
grande partie des monastères de ce royaume,
saint Grégoire les surpassait autant en cette
sainte ferveur qu'en l'éminence de sa dignité.
Les six monastères de Sicile et le septième de
Home qu'il bâtit et dota d'abord au commen-
cement de sa conversion sont une assez grande
preuve des richesses inépuisables de sa charité
envers cette portion choisie du troupeau de
J.-C. Les monastères n'étaient plus pauvres dès
qu'il était informé de leur pauvreté (L. i, epist.
XIII, xlii, liv).
L'empereur Maurice ayant fait une loi pour
fermer la porte de tous les cloîtres à ses sol-
dats, ce saint pape y apporta un sage et juste
tempérament, en commandant qu'on les y
reçût, pourvu qu'ils ne fussent point compta-
bles des deniers publics , et qu'ils témoignas-
sent une sérieuse résolution de se convertir
par une épreuve , ou un noviciat de trois ans,
avant que de recevoir l'habit de religion.
Ce saint pape (L. vu, epist. xi), envoyant une
troupe de ses admirables religieux en Angle-
terre, non-seulement y rétablit la foi dans les
conquêtes des Anglais sur les Bretons, mais y
renouvela la pureté de la foi et de la discipline
dans les monastères des Bretons même , où le
nombre des moines était si prodigieuxque Bède
assure que le seul monastère de Iiancor était
divisé en sept bandes, dont chacune avait ses
supérieurs et n'était pas composée de moins de
trois cents religieux , qui vivaient tous du tra-
vail de leurs mains.
« In monasterio Iiancor tanins fuisse fertur
numerus monacliorum , ut cum in septem
portiones esset cum prapositis sibi rectoribus
monasterium divisum , nulla liarum portio
minus quam trecentos hommes haberet , qui
omnes de Iabore manuuin suarum vivere sole-
bant (Hist. AngL, 1. u, c. u). »
VI. Les évêques d'Afrique n'avaient pas ou-
blié que saint Augustin avait donné commen-
cement aux monastères dans leur vaste conti-
nent. L'évèque chez lequel saint Fulgence fit
sa première retraite avait bâti un monastère
dans le lieu de son exil (Ferrand., in vita Ful-
gent., c. îv, xn).
36
562
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE SEIZIEME.
L'évêque de Syracuse qu'il visita en allant a
Rome, avait aussi un monastère ou il allait
goûter les délices et la paix de l'esprit, après
l'embarras île ses occupations épiscopales.
« Monachorum professionem super omnia dili-
gebat, babens etiam ipse monasterium pro-
prium, cui semper adhaerebal, quoties ab
ecclesiasticis vacabat Cap. xm. xix). »
lu autre évêque, banni de l'Afrique, vivait
en moine dans une île voisine. Saint Fulgence,
après sa promotion à l'épiscopat, donna ses
premiers soins a bâtir un monastère. Enfin,
étant exilé dans la Sardaigne, il bâtit un
monastère a se> dépens près de Cagliari, et il y
vécut avee quarante religieux, jusqu'à son re-
tour en Afrique Cap. xx, xxvn).
NIE Lecélèbre patriarche d'Alexandrie saint
Jean l'Aumônier bâtil deux monastères nou-
veaux dans Alexandrie, et les dota des revenus
de l'évêché, ne croyant pas que le patrimoine
des pauvres puisse être plus libéralement dis-
tribué qu'a eeux qui se sont dévoués à la pau-
vreté évangélique. Il n'exigea d'eux que les
offices solennels de vêpres et des veilles de la
mut. et il éprouva que le sacré repos de ces
solitaires es! plus utile a l'Eglise que le travail
apparent de beaucoup d'autres Vitacjus, c. H .
A l'exemple de ces religieux, toute la ville
d'Alexandrie commença à chanter durant les
nuits les louanges de Dieu, et se transforma
comme en un grand et vaste monastère. « Et
ad similitudinein monasterii ex his civitas pêne
vivit, in diversis locis pervigiles hymnodias
Deo referens. »
VIII. Justinien commence ses ordonnances
sur la police des monastères, par la permission
que l'évêque doit donner de les bâtir, par les
prières qu'il doit taire lui-même, et la croix
qu'il doit arborer en mettant les premiers
fondements. « Si quis monasterium sedificare
voluerit, episcopum advocet, ille manus exten-
dat ad cœlum et per orationem locum eonse-
cret Deo, figens in eo crucem, sicque incboet
rcdiflcium (Novel. v, c l). »
En voilà assez pour justifier que dans toutes
les provinces de l'Eglise, les évoques ont été
les Pères et les fondateurs de la plus grande
partie, et en quelque manière de tous les
monastères. Et aûn de toucher en passant quel-
ques points importants de la profession monas-
tique de ces mêmes siècles, rapportons ici
quelques articles qui furent arrêtés à ce sujet
par cet empereur.
IX. Justinien prescrit dans la même novelle,
que les laïques feront un noviciat de trois ans
avec leur habit et leurs cheveux de laïques,
avant île recevoir l'habit et la tonsure des
moines, c'est-à-dire, avant de faire pro-
fession : la règle de saint l'acôme ordonnait
la même chose; mais saint Antoine recevait
d'abord à la vêture et à la profession religieuse.
Ce! empereur veut qu'on reçoive même les
esclaves, et que l'esclavage saint du souverain
seigneur où ils entrent, les affranchisse delà
servitude des hommes. « Sive servi sint, non
inquietari, migrantes ad communeni omnium
cœlestem Dominum, et arripiantur in liber-
tatem. Nam si multis casibus etiam ex lege
boc lit, et talis quœdam libellas dalur ; quo-
modo non praevalebit divina gratia, talibus eos
absolvere vinculis? Nov. v, c. 2) »
Il ne veut pas même que les maîtres de ces
esclaves puissent les arracher du monastère
durant les trois années de leur noviciat, si leur
prétention n'est fondée que sur la servitude.
Il enjoint aux moines de manger tous dans
le même réfectoire, et de dormir tous dans un
même dortoir, sans séparations, en des lits dif-
férents, a la réserve des contemplatifs, â qui
on donne le nom d'anachorètes et d'amateurs
du repos, f,<jux«iTai, Quiescentes (Cap. m). S'ils
sortent du monastère après leur profession,
les biens qu'ils y avaient apportés y demeurent
et ne leur sont jamais rendus (Cap. iv, v, \i .
Enlin l'abbé doit être élu, non pas par les re-
ligieux, mais par l'évêque, qui aura plus d'é-
gard au mérite et â la capacité qu'à l'antiquité
ou à l'âge (Cap. ix).
X. Quant a l'élection de l'abbé, cet empe-
reur la remit depuis aux suffrages des reli-
gieux, après avoir promis en présence des
saints évangiles d'élire le plus digne, qui de-
vait ensuite être ordonné ou installé par l'é-
vêque [Novel. (\xiii. c. 34, 35). Il voulut aussi
dans ses dernières constitutions qu'on rendit
aux maîtres leurs esclaves, s'ils les redeman-
daient durant les trois années de leur noviciat;
niais qu'après leur profession ils fussent en-
tièrement affranchis, à condition néanmoins
de retomber dans leur première servitude, si
le libertinage les faisait sortir du monastère.
Il permit de donner des cellules a part a ceux
a qui leur âge et leurs infirmités auraient
rendu la vie commune intolérable C. xxxvi).
Il défendit a l'avenir les monastères com-
muns aux deux sexes, et sépara partout les
CONTRIBUTION DES ÉVÊQOES A L'ÉTAT MONASTIQI !..
5G3
religieux dos religieuses. Il ordonna que l'c-
vêque examinerait le prêtre ou le diacre que
les religieuses auraient élu pour leur porter
la sainte communion e1 se charger de leurs
affaires ; que s'il n'était pas encore ('levé à ces
ordres sacrés ei qu'il en l'ut digne, l'évèque
les lui conférerait et le chargerait du soin du
monastère . sans néanmoins qu'il \ pût de-
meurer. « Feminis autem quemeumque ipsœ
elegerint, sive presb^ terum, sive diaconum, ad
faciendum responsum, aut sanctam eis com-
munionem portandam , sanctissimus episco-
pus, sub quo sunt. deputet, quem recta' fidei
et bonse vitac esse cognoveril. Sin vero, etc. »
Ce ne furent donc plus les réguliers qui gou-
vernèrent les religieuses après celte séparation
des monastères doubles. Elles n'étaient diri-
gées que par un prêtre ou un diacre, qui leur
apportait la communion et prenait soin de
li 1 1 1 si affaires, ayant été élu par elles et con-
firmé par l'évèque.
Si un religieux quitte son monastère pour
se rengager dans la vie séculière, outre qu'il
est privé de toutes les charges qu'il avait pos-
sédées, l'évèque et le magistrat le feront ren-
trer dans son monastère; et, s'il en sort encore
une fois, le gouverneur de la province le sai-
sira et l'enrôlera entre les plus bas officiers de
la justice Cap. xlii).
XI. Enfin cet empereur Xovel. cxxxm, e. -2,
4, 5), après avoir proteste qu'il ne travaille
qu'à faire observer les canons, pour rompre
tout le commerce des jeunes religieux avec les
personnes séculières, ordonne que, s'il y a une
église publique dans leur monastère, ils n'y
viendront que pour assister a la messe . et
qu'il ne paraîtra dans l'église que quatre ou
cinq vieillards qui auront pissé leur vie dans
les exercices du cloître, et auront mérité ou la
prêtrise ou le diaconat ou quelqu'un des autres
ordres, afin que leur conversation toute sainte
avec les séculiers et leurs entretiens de la vie
spirituelle répandent un parfum céleste qui
fasse juger de la piété de tout le monastère.
Les exarques . c'est-à-dire les généraux des
monastères dans les endroits où il y en aura.
comme à Constantinople , veilleront à l'obser-
vation rigoureuse de la discipline monastique,
et feront visiter les monastères par leurs apo-
crisiaires; comme aussi les archevêques, les
évoques et les métropolitains par les défen-
seurs de leurs églises. Enfin l'empereur même
sera le censeur commun des abbés et des évè-
ques, et fera éclater sur eux son zèle et sa
juste indignation, s'ils ne châtient rigoureu-
sement tous les violements de ses constitu-
tions.
« Monastcriorum exar-chus, si qnis perloca
fuerit, sicul in bac felicissima civitate, bav
sollicite curet, et mittat apocrisiarios per mo-
nasteria, etc. Sed etiam uniuscujusque civita-
tis episcopus, etc. Sive patriarcha, sive metro-
polita, etc. Neque enim imperium despiciet
hœc negligi , neque retinebit indignationem
adversus abbatem, neque contra loci episco-
pum, et sub eo positos defensores, si hœc non
observaverint, etc. »
XII. Les lettres de saint Crégoire L. i. ep.
xxxiu, xxxix, xi, xi.vin l'eut voir les saints
emportements de son zèle pastoral, pour rap-
peler les moines dans les cloîtres dont ils
étaient sortis, pour arrêter leurs courses vaga-
bondes de monastère en monastère et de pro-
vince en province, pour empêcher les femmes
d'habiter proche des monastères, pour déchar-
ger les religieux de la poursuite des affaires et
des procès et en charger un séculier habile
avec des gages réglés.
« Ei monasterii ipsius generaliter debeas
constituto solatio eommendaro negotia. Expe-
dit enim parvo incommodo a strepitu causa-
rum servos Dei quietos existere, ut et utilitates
cellœ per negligentiam non pereant, et servo-
rum Dei mentes ad opus Dominicum liberio-
res existant L. i, ep. lxvii . » Et dans une
lettre à un abbé : « In causis istis procurato-
rem institue, et tu ail leclionem atque oratio-
uem vaca (L. u, ep. m). »
Il porte les religieux a l'hospitalité, à l'au-
mône, et, avant toutes choses a payer leurs
dettes. « De hospitalitale esto sollicitas quan-
tum potes, îargire puiperihus : ita tamen ut
s» rves, quod Floriano restitui débet. » Il oblige
les religieux de s'appliquer a la lecture. « In
ipsis fratribus monasterii lui quos video, non
invenio eos ad leclionem vacare (L. u, epist.
xxui . »
Il a un soin merveilleux de faire ordonner
par les évèques les abbés (pie les religieux
d'un monastère avaient élus. Il soutient cou-
rageusement contre l'empereur Maurice que
rentrée des monastères doit être libre et aux
comptables publics, en les acquittant de leurs
obligations . et aux soldais, puisqu'il y en a
plusieurs qui ne peuvent aller au ciel que par
la voie du cloître. « Et plerique sunt qui nisi
MCI
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE SEIZIÈME.
omnia reliquerint, salvari apud Ueiim nullate-
nus possunt (L. n, ep. lxii). »
Il défend aux moines de tenir des enfants
sur les sacrés fonts, d'être parrains et d'avoir
des commères : « Sibi commatres facere (L. u,
ep. xl). »
II maintient dans la sainte liberté des en-
fants de Dieu, ceux qui n'avaient abandonné
leurs maîtres, soit ecclésiastiques ou séculiers,
que pour n'être plus esclaves de J.-C. dans la
profession monastique où ils avaient été reçus
après une longue probation. « Ut ab btimano
servitio liber recédât, qui in divino obsequio
districtiorem appétit servitutem (L. iv, epist.
XL1V). »
Il prend un soin extrême à maintenir les
monastères dans la possession des autres mo-
nastères qui leur avaient été unis par leurs
fondateurs (L. vin, ep. xxxix) ; et à ne pas
laisser recevoir dans le clergé les moines que
leurs maîtres n'avaient mis en liberté qu'à
condition d'entrer et de persévérer dans un
monastère (L. vu, ep. xxxi, xxwi).
Il s'emploie à faire rentrer par force dans
les cloîtres ceux qui avaient apostasie (L. xu,
ep. xx) : ce qui nous fait croire que l'expé-
rience avait déjà fait connaître qu'il ne fallait
plus ni cbasser les moines incorrigibles, ni les
laisser aller dans les précipices où leur égare-
ment les porterait, quoique saint Benoît eût
ordonné de mettre liors du monastère ceux
qu'on n'avait pu corriger ni par l'excommu-
nication ni par les peines corporelles, et de ne
les y plus jamais recevoir s'ils en sortaient, ou
s'ils méritaient d'en être cbassés pour la troi-
sième fois (Cap. xxviii, xxix).
Le concile premier d'Orléans, canon xix,
ordonna qu'avec l'aide de l'évêque les moines
fugitifs fussent emprisonnés, « sub custodia
revocentur. » Le concile II de Tours, canon xv,
excommunie les moines fugitifs qui se sont
mariés, jusqu'à ce qu'ils retournent au cloître.
Le concile de Poitiers, tenu pour paeifier les
religieuses de l'abbaye de sainte Radegonde,
soumit au dernier anatbème les religieuses
fugitives. Le concile Y de Paris, canon \u,
excommunia tous les apostats jusqu'à leur re-
tour au monastère.
Mil. On a pu observer dans ces diverses
lettres de saint Grégoire, qu'il y a maintenu
l'exécution de la meilleure partie des règle-
ments qu'avait renouvelés l'empereur Just iiiien.
Les généraux des monastères étaient aussi
rares dans l'Occident, qu'ils étaient ordinaires
parmi les Orientaux. Je dis les généraux des
monastères, et non pas les généraux d'ordre,
parce que leur pouvoir s'étendait sur tous les
monastères d'une certaine règle, en quelque
pays qu'ils fussent répandus. Et ces généraux
des monastères ne se trouvaient que dans
l'Orient.
J'avoue qu'il est parlé dans la vie de saint
Colomban de ces arebimandrites, qui avaient
jusqu'à mille abbés sous leur obéissance :
« Ita ut mille abbates sub uno archimandrite
esse referantur. » Mais c'est des Orientaux
qu'on parle dans cet endroit, le mot d'archi-
mandrite le montre encore, aussi bien que ce
nombre prodigieux d'abbés, qui ne s'est jamais
vu dans l'Occident.
Si saint Grégoire a fait voir un monastère
uni et soumis à un autre ; si saint Fulgence a
établi une parfaite société entre deux monas-
tères, cela ne remplit pas l'idée d'un général.
Mais l'auteur de la vie du grand Eutycbius,
qui fut depuis patriarebe de Constantinople,
dit positivement, qu'étant encore religieux et
abbé, il fut fait catholique, c'est-à-dire général
de tous les monastères d'une métropole. «Totius
monacborum cœtus in ea provincia guber-
nandi provinciam cepit, exquo catbolicus, seu
generalis appellatus est (Cap. xv). »
Marian, abbé de Saint-Delmace à Constan-
tinople, et exarque de tous les monastères
situés dans cette ville impériale, est nommé
dans l'action première du concile de Constan-
tinople, sous Menas. On y nomme aussi Serge,
prêtre et visiteur, Periodeutes ; Léonce, abbé
et vicaire de tout le désert ; Sopbronius, archi-
mandrite, est le premier de tout le désert. Paul,
envoyé du monastère de Saint-Maron , qui
était le premier de la seconde Syrie (Act. 5);
Alexandre, exarque des monastères de Constan-
tinople.
XIV. Quant aux solitaires qui vivent seuls, le
concile in Trullo (Can. xu, xlii) en a parlé dans
le même sens que l'empereur Justinien dans
les constitutions ci-devant citées, condamnant
ceux à qui cette solitude n'est que le voile d'une
làclie fainéantise, d'une ignorance extrême et
d'un détestable libertinage; et rebâtissant avec
de très-justes éloges la vertu des autres, qui
après de longues épreuves dans la vie com-
mune des cloîtres, se sont entin abîmés dans la
méditation des Ecritures, et dans les chastes
délices de la contemplation.
ALLIANCE DE L'ETAT MONASTIQUE AVEC LE CLERGÉ.
56g
Le concile VII de Tolède Can. viij en a parle
dans les mêmes sentiments. Ce lui aussi dans
le même esprit que le concile d'Agde (Can.
xxxviu) voulut que les cellules séparées qu'on
donnerait à ces religieux d'une vertu consom-
mée lussent dans l'enceinte du monastère, et
sous la puissance de l'abbé. « Intra eadem
monasterii septa, sub abbatis potestate separa-
tas cellas babeant. »
CHAPITRE DIX-SEPTIEME.
ALLIANCE DE L'ÉTAT MONASTIQUE AVEC LE CLERGÉ SOLS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. L'un et l'autre état a ses obligations essentielles.
II. Les moines élevés anx dignités du clergé, conservent les
pratiques de la sainteté monastique, qui ne sont pas incompa-
tibles avec leur nouvel état.
III. Les moines compris dans le clergé. Si les abbés étaient
prêtres. S'ils pouvaient donner la cléricature.
IV. Les moines destinés à faire l'office divin dans les princi-
pales églises de Rome.
V. On leur confie les cures.
VI. Un abbé en droit de gouverner un archevêché, lorsque
l'archevêque était absent ou décédé.
VII. Grand pouvoir des moines dans le tribunal de la péni-
tence.
VIII. Tous les religieux appliqués aux confessions ne se relâ-
chaient pas de la sainte sévérité des canons.
IX. Plusieurs curés relevaient des abbayes. De ceux qui quit-
taient leurs cures pour se faire moines.
X. Des évèques qui embrassaient la profession monastique.
XI. Celui qui avait fait vœu de se faire religieux, ayant été
après cela élu et consacré évèque, entre en religiou, et après
avoir fait profession reprend le gouvernail de son église.
XII. Un saint prêtre passionné pour les personnes et les
exercices des moines.
XIII. Dans l'Orient, les évêques tirés du cloître en gardaient
l'habit et les exercices.
XIV. Il est faux que la cléricature ou l'ordination relâche
les liens et les obligations de l'état religieux.
XV. Relâchement des nouveaux Grecs.
XVI. Multitudes des moines dans les conciles généraux.
XVII. Ce furent les religieux qui travaillèrent le plus a la
conversion des infidèles.
I. A cause de l'étroite alliance qui a toujours
été entre la profession ecclésiastique et la reli-
gieuse, Cbarlemagne fait conjointement res-
souvenir les uns et les autres de leur profes-
sion et de leur vœu. « Ut clerici et monaehi in
suo proposito, etvoto quod Deo promiserunt,
permaneant (Capitulai-. Aquisg., an. 789,
c. xxv 1). »
II avait en vue le concile de Calcédoine (Con-
cil. Caleed., c. mi), qui interdit également aux
uns et aux autres la milice et toutes les digni-
tés séculières. Constituimus neque ad militiam
neque ad dignitatem sa?culareni venire. »
IL Ce prince renouvela encore le décret d'In-
nocent Ier , qui commande aux moines, lors-
qu'ils seront appelés aux dignités saintes de la
cléricature, de ne rien retrancher des austérités
et des saints exercices de la profession monas-
tique. « Item in decretis lnnocentii papae de
eadem re, ut monachus si ad clericatum pro-
veliatur, propositum monachicae professionis
non amittat (Ibid., c. xvn).»
III. Le concile de Francfort (Can. vi) donue
rang aux moines entre les clercs, ordonnant à
l'évêque de recourir à son métropolitain, et
ensuite au roi s'il s'aperçoit que son autorité
ne soit pas assez respectée par ses sujets. « Si
non obedierit aliqua persona episcopo suo de
abbatibus, presbyteris, diaconibus, subdiaco-
nibus, monacbis, et ca?teris clericis. »
Les moines sont mis dans le même corps du
clergé dans un canon suivant (Can. xix), qui
leur défend également l'entrée des tavernes.
« It presbyteri, diaconi, monaehi, et clerici
tabernas ad bibendum non ingredianlur. »
Les abbés commencèrent à être plus ordi-
nairement élevés au sacerdoce. La règle de
saint l.euoît ne supposait pas que l'abbé fût
toujours prêtre quand elle ordonnait, que si un
prêtre était reçu dans la religion, il n'aurait
rang qu'après l'abbé. « Concedatur ei post ab-
batem slare et benedicere (Can. lx). »
Le concile d'Aix-la-Cbapelle, tenu en si 7
('.an. î.xn'. voulut que l'abbc, le prévôt et le
doyen donnassent la bénédiction au lecteur,
.-,(;■;
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
quoiqu'ils ne fussent pas prêtres. « Abbas,
pnepositus, vel decanus, quamvis presbyteri
non sint , lectoribus benedictionem tri-
buant. »
Le concile romain, sous le pape Eugène I",
en 827 (Can. xxvn , ordonna que les abbés
seraient prêtres, afin de pouvoir plus efficace-
ment corriger et expier les fautes de leurs inté-
rieurs. « Sacerdolalem quoque honorem sint
adepti , ut peccantium sibi subjectorum fra-
trum valeant omnimodis refrenare et ampu-
tare commissa. »
Le grand nombre d'exemples contraires qui
se trouvent dans l'histoire, est une preuve
constante que ce canon fut mal observé.
Le concile VII œcuménique permit à l'abbé
de conférer la tonsure cléricale et l'ordre de
lecteur aux religieux de son obéissance, s'il
était prêtre et s'il avait lui-même été béni par
l'évêque. On voit dans cette concession une
preuve évidente que tous les abbés n'étaient
pas prêtres , mais que plusieurs d'entr'eux
l'étaient. Rathérius, évêque de Vérone, défen-
dit à ses curés, dans l'instruction synodale qu'il
leur fit, de faire des clercs sans sa permission.
a Clericum nemo vestrum sine licentia facial
oostra. »
.Nous avons dit ailleurs que les conciles de
Carthage permettaient aux curés de faire des
chantres , et déclaraient que les chantres
avaient place entre les clercs. Ainsi, ce concile
aurail accordé aux abbés prêtres ce que d'au-
tres conciles avaient permis aux curés.
Agobard met les abbés au nombre des pas-
teurs qui ont l'intendance spirituelle des âmes.
Ainsi la bienséance semble demander qu'ils
soient prêtres. «In noniine pastorum et recto-
rum intelligantur abbates et prœpositi atque
presbyteri De modo Reg. Eccl.). Ce sont la les
pasteurs subalternes sous l'évêque, les abbés
pour les moines, les prévôts pour les chanoines
et les curés pour le reste des lidéles.
IV. Grégoire III fonda des monastères près
<]<■< églises de Saint-Chrysogone et de Saint-
Jean-de-Latran a Rome, pour chanter les divins
offices du jour el «le la nuit dans ces églises,
de la même manière qu'on les célébrait dans
Saint-Pierre, sans dépendre du curé ou du
recteur. « Constituens ibidem abbatem et mo-
nachorum congregationem ad persolvendas
Deo laudes in eodem titulo, diurnis atque no-
clurnis temporibus, instar officiorum ecclesiœ
beali Pétri apostoli, segregatum videlicet a
juré poteslatis presbyteri pnedicli tituli (Anasf!
Bibliot.). »
Dans l'église même de Saint-Pierre les offices
étaient célébrés par une semblable congréga-
tion de moines, et les messes et lient solennel-
lement chantées par les prêtres et le clergé.
« Ut in oratorio nomini connu dicato intra
ecclesiam beati Pétri apostoli, sub arcu princi-
pali. a monachis vi;:ilia' eelebrarentur , et a
presbyteris hebdomadariis missarum solem-
nia. »
Etienne IV. avant que d'être pape, avait
été admis dans l'église de Saint-Chrysogone et
dans sa congrégation mêlée de moines et de
clercs. « Fllicque clericus atque monacbus est
effectus. »
Adrien I ' renouvela l'ancienne coutume qui
s'était un peu relâchée, que deux congréga-
tions différentes de moines vinssent chanter
les offices divins dans Saint-.iean-de-Latran :
« Officia célébraient, hoc est, matutinani ho-
ram, primam, lertiani. sextam, sed et nonam,
etiam et vespertinam. »
V . On confia même le gouvernement des
cures aux religieux, comme il paraît par le
concile de Mayence An. 847), sous l'arche-
vêque Raban. « Nullus monachorum aliquid
proprietatis habeat; et res sa'eulares, quibus
renuntia\it, nullatenus sibi usurpet; nec paro-
chias ecclesiarum accipere prœsumat, sinecon-
sensu episcopi. De ipsis vero titulis in quibus
constituti fuerinl, rationem episcopo vel ejus
vicario reddant, et convocati ad synodum ve-
inant. »
Toutes ces précautions d'assister au synode
de l'évêque, de lui rendre compte ou à ses
grands-vicaires, de l'administration de leur
cure, et de ne s'y point ingérer s'ils ne sont
appelés par l'évêque, montrent bien que le
nombre de ces moines chargés de la conduite
des paroisses était considérable.
VI. Ledrad, archevêque de Lyon, écrivant à
l'empereur Charles, lui raconte comment il a
réparé l'abbaye de l'île Barbe, dans la Saône, et
y adonné une congrégation de quatre-vingt-dix
moines, un abbé digne de succéder à tant
d'illustres abbés qui avaient régi ce monastère,
qu'il lui a accordé la même puissance de lier
et de délier que ses predeeesseurs axaient
obtenue des anciens archevêques et lui a
encore confirmé l'ancienne prérogative dont
les abbés précédents axaient joui, de gouver-
ner le diocèse de Lyon pendant l'absence des
ALLIANCE DE L'ÉTAT MONASTIQUE AVEC LE CLERGÉ.
567
archevêques, ou pendant que l'Eglise était
veuve.
« Abbati tradidimus poteslatem ligandi e1
sol vend i, uti habuerunl praedecessoressui,cla-
rissimi viri, qui ipsum locum rexerunt. Quos
Eucherius, Lupus atque Gencsius caeterique
episcopi Lugdunenses, ubi ipsi deerant, aut
non poterant adesse, mittebanl cognituros,
utrum catbolica Qdes rêcte crederetur, ne Eraus
bseretica pullularet. Quibus in tantum erat
commissa cura, nt si Ecclesia Lugdunensis
viduaretur proprio patrono, ipsi in cunctis
adessent redores et consolatores, quousque
Ecclesia a Domino dignissimo illuslraretur
pastore Agobardi opéra). »
VII. Quant au pouvoir de confesser el d'ab-
soudre, le concile VI, tenu à Paris en s-2[.*, en
condamnant la passion démesurée qu'on avait
de se confesser aux religieux plutôt qu'aux
évêques, qu'aux curés ou aux autres prêtres
séculiers, nous apprend que les laïques, les
religieuses et enfin les ecclésiastiques même
avaient une même ardeur de n'avoir point
d'autres confesseurs que des moines.
Ce concile (Can. \i vw se plaint avec justice,
parce qu'il ne parle que des religieux dont le
pouvoir d'absoudre avait été limité par 1rs
évoques dans leur cloître, et deslaïques qui ne
préféraient la direction des religieux que pour
éviter la sévérité des lois canoniques de la pé-
nitence, dont les évêques et les curés étaient
plus sévères observateurs.
« Nullo modo quippe nobis convenue vide-
tur, ut monachus relicto monasterio suo, id-
circo monasteria sanctimonialium adeat, ut
confitentibus peccata sua modum pœnitentise
imponat. Nec etiam illud videlur nobis con-
gruum, ut clerici et laici episcoporum et pre-
sbyterorum eanonicorum judicia déclinantes.
monasteria monachorum expetant, ut ibi mo-
nacbis sacerdotibus confessionera peccatorum
suorum faciant. Prœsertim ciim eisdem sacer-
dotibus monachis id facere t'as non sit, exceptis
lus d un taxât, qui sut» monaslico online secum
in monasteriis degunt. Illis namque peccato-
rum confessio est facienda, a quibus subiude
et modus poenitenliae, et consilium salutis ca-
piatur : et a quibus posl tempora pœnitentiee
peracta, secundum canonicam institutionem ,
si episcopus jusserit, reconciliatio mereatur. »
VIII. Les justes plaintes de ce concile ne re-
gardentque ces deux abus inexcusables. Les re-
ligieux prêtres n'ayant reçu des évêques la puis-
sance des clefs que pour délier les moines du
même couvent, se donnaienl la libelle d'éten-
dre ce même pouvoir sur les laïques, sur les
clercs ei sur les religieuses. On n'accourait à
eux que pour se soustraire à la longue sévérité
des canons pénitentiaux, dont les évêques et
les prêtres séculiers étaient mieux instruits, et
plus jaloux de leur observance religieuse.
Mais comme ce n'étaient que des défauts
particuliers en général, on peut dire que les
religieux des lois soulageaient les évêques et
les curés d'une partie des affaires qui regar-
daient le tribunal de la pénitence. En effet, le
saint abbé .Nil ne parut-il pas plus exact et
plus sévère que les évêques, lorsque la prin-
cesse de Capoue l'ayant appelé à elle pour se
confesser d'avoir l'ait tuer par ses enfants un
comte qui était leur parent, mais dont la puis-
sance leur donnait de la jalousie , il répondit
d'abord qu'elle se devait adresser aux évêques
qui sont les seuls dépositaires des clefs du
ciel : «Ego peccator sum, nec habeo potesta-
tem ligandi atque solvendi, vade ad episcopos
qui haec judicare possunt : et quodeumque
tibi dixerint illi , facito. » Elle repartit que
les évêques lui avaient ordonné de dire
trois fois la semaine le psautier, et de faire
quelques aumônes : « Prœceperunl ut psalte-
rium legerem ter iu hebdomada, et eleemo-
synas facerem indigentibus (Apud Surium, die
26 sept., c. xv,. » l'.e saint lui représenta, que
cela ne sulïisail pas, si pour satisfaire aux pa-
rents de celui qu'elle avait fait mourir, il ne
leur mettait entre les mains un de ses enfants,
auteur de cet exécrable 'homicide. Elle s'en
excusa, et le saint lui prédit une longue suite
de calamités qui allait fondre sur sa tète.
Il ne faut pas croire que ce saint abbé vou-
lut exposer le fils de cette princesse a la ven-
geance de ses ennemis ; il s'assurait ou de leur
générosité, ou de son crédit auprès d'eux; il
savait que le sacrement de pénitence avec ses
suites a ete quelquefois respecté, comme un
asile encre plus vénérable que celui des tem-
ples. Enfin, il se peu! faire que ce lui un
temps . ou un lieu où les homicides même
s'expiaient encore par des amendes pécu-
niaires.
Apres tout, il faut avouer que les saints ont
quelquefois des vues que les autres hommes
n'ont pas, et qu'il faut respecter leur conduite
et leurs résolutions dans des rencontres singu-
lières, où nous ne pourrions pas les imiter.
568
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
Voici un autre exemple d'une inflexible sé-
vérité dans la personne de saint Roinuald ,
abbé et instituteur desCamaldules. Il condamna
à la vie monastique le favori de l'empereur
Othon, nommé Tbamnus, pour y expier le par-
jure, dont il avait usé pour attirer le sénateur
romain Crescent entre les mains de l'empereur
qui le fit mourir contre la foi qu'il avait pro-
mise. « Quia Tliamnus et fraudis conscius, et
perjurio tenebatur obnoxius, idcirco a beato
Romualdo justus est relinquere saeculum. »
E'empereur n'en fut pas quitte pour per-
mettre à Tliamnus d'obéir au saint: s'étant
lui-même confessé à saint Romuald, il se sou-
mit à la pénitence qui lui fut imposée, d'aller
les pieds nus de Rome à l'église de Saint-Mi-
chel sur. le mont Gargan , de s'enfermer dans
le monastère de Classe à Ravenne, durant tout
le carême, de s'y adonnera la psalmodie et au
jeûne, de porter le cilice, et de coucber sur une
natte. Enfin, il promit à saint Romuald de
quitter l'empire et de prendre l'habit de la
religion dans un monastère. « Promisit beato
Romualdo, quod imperium relinquens, mo-
nachicum susciperethabitum ; etcui innumeri
morlales erant obnoxii, jam ipse pauperculo
fratri cu'pitessesubjeetus (Surius, die 11» Jiinii,
C. XXV, xxvi). »
Si le relâchement de quelques moines atti-
rait à eux quelques-uns de ceux qui aimaient
mieux qu'on flattât leurs plaies que de les gué-
rir ; la fermeté inexorable de plusieurs autres
semblables à saint Nil et à saint Romuald ,
était un puissant attrait pour tous ceux qui ne
croyaient pas que le salut éternel leur pût
coûter trop cher, et qui attendaient des conseils
plus sincères, plus sévères et plus désintéressés
de ceux qui, renonçant a toutes lesillusions du
siècle, s'étaient eux-mêmes consacrés à une
rigoureure pénitence.
IX. On sait assez que plusieurs paroisses avec
leurs églises, ayant, été assignées à des monas-
tères pour leur fondation et pour l'entretien des
religieux, les prêtres de ces paroisses relevaient
des abbés. Tel était celui dont Loup, abbé de
Ferrières, écrivait à l'archevêque de Sens.
« Hic presbyter ex eeclesia sancti Pétri et nostra,
etc. (Epist. i.xxmi). » Nous parlerons ailleurs
plus au long de cette matière.
Tels étaient encore ces deux autres prêtres
ou curés, qui se résolurent à embrasser la vie
monastique en quittant leurs Eglises ; l'arche-
vêque de Sens Ganelon ne voulut point accepter
leur démission, que l'abbé Loup ne lui eût
justifié par les canonsquecela se pouvait faire.
Ce savant abbé commença sa lettre par lui pro-
tester que la chose n'avaitjamais été seulement
mise en doute.
« Vestra prudentia relinquendi suos eis titu-
los copiam negavit facturant , ut liberius et
districtiusinstitutionernB.Benedictisequantur,
nisi forte nostra parvitas auctoritateni vobis
depromat, absque vitio posse lieri. Id tainetsi
nunquam in controversiam vocatum,velaudie-
rim, vel magislra lectione compererim , etc.
(Epist. xxix). »
Il lui représente ensuite que J.-C. ayant con-
vié les laïques mêmes à la perfection des con-
seils évangéliques, il n'était pas séant à un
évêque d'en détourner les prêtres. « Ab eaigi-
tur perfectionc quam Deus eliam laicis pro
posuit , absit ut summoveat sacerdotes. » Que
c'est Dieu même qui est l'auteur de la dissolu-
tion du mariage spirituel du pasteur et de son
Eglise, quand il l'appelle à un état de plus
grande vertu : qu'il n'y a presque point de mo-
nastère où on ne voie quelque curé qui s'y
est retiré, comme en un port assuré après les
orages du siècle : « Jam vero de presbyleris
quid dicain, eiim nullum fere monachorum
reperiatur monasterium , quo non aliqui
eorum, sœculi tumultus déclinantes, conecs-
serint. » Que l'archevêque de Sens Aldric s'é-
tait résolu à rentrer dans sa première retraite
du monastère de Ferrières, d'où il avait été
tiré, et l'eût fait si la mort ne l'eût prévenu;
enfin que la règle de Saint-Renoît, à qui saint
Grégoire le Grand a donné de si grands et de
si justes éloges, permet à l'abbé de recevoir
des prêtres dans son monastère, ce qui est une
marque certaine que cetle conduite n'est point
contraire aux canons : «Cum beatus Gregorius
regulam Palris Benedicti approbat, eadem
aiiteni régula sacerdotes cum ofticio susci-
piendos censet, etc. »
X. Quant à l'article des évêques qui passent
du cloître à l'épiscopat, le pape Nicolas, écri-
vant à l'archevêque de Sens Egilon, lui fait
bien connaître que le décret d'Innocent I, que
nous venons de citer, n'avait encore rien perdu
de sa vigueur, et qu'il devait joindre au plus
saint et au plus élevé ministère de l'Eglise
toutes les pratiques saintes et les observances
religieuses dont il avait fait auparavant pro-
fession dans son monastère.
«Tuuin prœterea,f rater carissime,propositum
ALLIANCE DE L'ÉTAT MONASTIQUE AVEC LE CLERGÉ.
569
observa, et qui dia in monasterio moratus es.
a prislino voto divertere noli. Quod enim diu
in liuniili babitu custodisti, profeclo indecens
esl, in potiori positus dimiseris ordine, hue
ipsum sancta quoque Scriptura, venerandisque
deeretis pleniter edocentibus (Concil. t. ail.,
toni. ni. p. 373). '>
Charlemagne renouvela le même décret
d'Innocent dans ses capitulaires : « Item in
deeretis Innocentii papa', ut monaehus si ad
clerieatum proveliatur, propositum monachicae
professionis non amittat (Capitulare, 1. i.
c. 27). »
XI. Saint Bembert. malgré toutes ses résis-
tances, ayant été élu archevêque de Brème dès
le jour de la mort de saint Anscbarius, son
prédécesseur, il ne crut pas, après sa consé-
cration même, être dispensé du vœu qu'il avait
fait d'entrer en religion aussitôt après le décès
de saint Anscbarius, sous la discipline duquel
il avait été élevé. Les évèques mêmes qui l'a-
vaient consacré jugèrent qu'il devait accomplir
son vœu ; il ne perdit pas un moment de temps
et il alla faire profession dans le monastère de
Corbie, en Allemagne, promettant à Dieu l'o-
béissance, la conversion des mœurs et la sta-
bilité, selon la règle de saint Benoît, autant
que ces saints exercices seraient compatibles
avec les travaux et les occupations de l'épis-
copat.
« Tenebatur jam olim Bembertus voto ejus-
modi obstrictus, ut post sancti Anscharii
obitum, mox et propositum et habitum mo-
nasticum amplecteretur. Quamobrem commu-
nicato cum pontifieibus qui ipsum consecra-
rant consilio, statim ut ordinatus fuit, ad nova;
Corbeia' monasterium properans, illius profes-
sionis babitumex toto suscepit. Conversationis
auteni illius professienem ita fecit, ut obedien-
tiam, et conversionem moruin, et slabilitatem
secundum regulam sancti Benedicti exhiberet,
quatenus labores et occupationes suscepti epi-
scopatus perniitterent (Surius, die i Febr.,
c. x). »
En effet, il prit un religieux avec lui, dans
son évècbé, pour apprendre de lui les exercices
saints de la vie religieuse. Ce qui mérite une
attention particulière dans cet exemple, c'est
la distinction que cet évèque fit entre L'habit
et les exercices de la vie monastique. Pour
l'habit, il le prit constamment pour ne jamais
le quitter : « Illius professionis habitum ex
toto suscepit; » mais, pour les exercices, il ne
s'\ engagea qu'avec ce tempëramenl néces-
saire, in tant qu'ils ne seraienl point incom-
patibles avec le.; fonctions de l'épiscopat.
Je rapporterai ailleurs la lettre du pape In-
nocent III. où il donne la même résolution de
ce cas et oblige l'évêque d'aller accomplir son
m m de religion.
Saint Bernard, évèque d'Hildesheim, se
voyanl près de finir la sainte et illustre carrière
de son épiscopat, voulut prendre l'habit mo-
nastique dans une chapelle, dans laquelle il se
lit porter peu de temps après, pour quitter le
monde dans le même lieu où il y avait re-
noncé: «Tactus infirmitate ullima, cum adesse
exitus sui horam sensisset, in eamdem capel-
lam se ferri praecepit, justum esse asserens,
ibidem vitae terminum sorliri, ubi ssc'uli abre-
nuntiationis babitu se contigisset insigniri (Su-
rius, die 20 Nov., c. xliii; 1 1 De gestis Pontif.,
Angl.). »
Guillaume de Malmesbury raconte comment
Odon, évèque de YVilton, en Angleterre, refusa
autant qu'il lui fut possible l'archevêché de
Cantorbéry, sur ce que l'on n'en avait encore
jamais élu qui ne fût moine : « Nullum enim
ad id tempus, nisi monachili schemate indu-
tum, archiepiscopum sedisse. » Enfin, Odon
fut forcé par le roi et par les évêques d'accepter
cette prélature; mais, sans perdre un moment,
il passa la mer, vint faire la profession monas-
tique à Fleury, et repassa en Angleterre pour
gouverner son archevêché : « Transito mari
apud Floriacum monachilia accepit, frugi
homo et prudens, ut nec favorem civium ri-
deret , nec priscam consuetudinem décolo-
ra re t. »
XII. Ces exemples font voir que tous ces
saints prélats étaient bien persuadés que l'épis-
copat, qui est un état de la plus haute perfec-
tion, n'a rien d'incompatible avec la profession
que les religieux font de la perfection des con-
seils évangéliques.
Le saint prêtre et martyr d'Espagne Eulogius
était encore bien persuadé de l'excellence de
cet admirable mélange de la vie cléricale avec
les exercices du cloître, lui qui, sans avoir
jamais fait profession du monachisme, en pra-
tiqua toutes les vertus, alliant toutes les austé-
rités monastiques aux divines fonctions du sa-
cerdoce.
«Ita clerieatum agens proprium, ut regu-
larem ordinem non dimitleret alienum : ita
monachis adhœrens, ut monaehus probaretur :
570
DES CONGRÉGATIONS. - CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.
ita in clero degens, ut monachus vmeretur,
utrobique aptus adcurrens, el utrarumque
professiones unus sufûcientissime complens :
currcbat saepius ad cœnobiorum sacratissimos
grèges. Sed ne proprium ordinem contemnere
putaretur, ad clerum iterum remeabat: in quo
dum aliquod tc-ui |»us persisteret, ne virtus
animi curis saecularibus enervaretur, iterum
monasteria repetebat (Surins, die II Marlii,
c. III!. »
XIII. Si nous [lassons en Orient, nous y trou-
verons une alliance incomparablement plus
étroite entre ces deux professions saintes. Les
patriarches et les évêques étaient ordinairement
tires d'entre les moines, et il y a une infinité
d'exemples de ceux qui sont rentrés dans le
cloître pour y finir encore plus saintement une
sainte carrière.
Le patriarche Paul, à qui Taraise succéda,
s'elait retiré dans un monastère el j avait pris
l'habit de la religion : « In numerum mona-
chorum se retulit, mutato amiclu ( \ ita Tarasii
Suri., uien. Febr., die -2'>, c. v). »
Le patriarche Ignace était moine; mais l'au-
teur de sa vie, Nicétas, assure que le scélérat
et infâme Photius, qui le détrôna, de laïque
qu'il etail. se lit lui-même patriarche, prenant
tous les ordres en l'espace de six jours : le pre-
mier jour il se fit moine, le second lecteur, le
troisième sous-diacre, le quatrième diacre, le
cinquième prêtre, et le sixième évêque el pa-
triarche : « Prima die monachus ex laico, se-
cundo lector, etc. »
Ce seul exemple ne suffit point pour per-
suader, que tous les évêques orientaux fissenl
la même profession religieuse avant que délie
ordonnés évêques, afin de s'engager a une
éternelle continence, a laquelle les autn s ec-
clésiastiques et les prêtres même ne s'obli-
geaienl pas. La seule consécration de l'épisco-
pal elait assez suffisante pour imposer aux
évêques la lui d'une inviolable chasteté.
Il y avait de la différence entre les évêques
qui passaient du cloître sur le dune de l'Eglise
et ceux qui n'avaient jamais l'ail profession. Le
concile VIII général Can.xxviC les distingue
lorsqu'il ordonne a ceux-ci de n'user du pal-
liuiu que dans h s temps et ies lieux déterminés
pour cela : el qu'il commande à ceux-là de con-
server dans l'épiscopat le même habit qu'ils ont
reçu et qu'ils ont porté étanl moines, et de
joindre à cet habit de sainteté toute la régularité
de vie qui doit l'accompagner.
« Illos autem qui reverenter monachicara
vitam sectati sunt, episcopalem meruerimt ho-
norem, conservare schéma et ainictum mona-
chicorum indumentorum , et ipsam beatam
vitam decernimus , et nullus omnino habeat
potestatem deponere jam dictum schéma .
propter typhum el arrogantem voluntatem, ne
[ier hoc inveniatur propriorum transgressbr
pactorum. »
Ce concile ne crut pas qu'un religieux qu'on
appelait a la dignité épiscopale, pût omettre
les pratiques saintes de la religion, ou en quit-
ter l'habit, sans se rendre coupable d'une va-
nité et d'une présomption indigne de ce dou-
ble état , et sans devenir prévaricateur des
vœux et des saintes promesses qu'il avait faites
a Dieu.
Il n'est donc pas véritable que tous les évê-
ques commençassent leur ordination par se
faire moines. Photius en usa artilicieusement
de la sorte, pour rendre plus pardonnable la
précipitation inouïe avec laquelle il recevaii
tous les saints ordres.
On n'exigeait pas des moines les mêmes
intervalles entre les ordres sacrés, qu'on de-
mandai! aux laïques. On supposait une longue
course dans les austérités de la règle monas-
tique, et on jugeait qu'elle pouvait compenser
ce qui manquait aux interstices des ordres.
Ainsi ce que Photius faisait . ne pouvait passer
que pour un déguisement, et une illusion con-
forme à son génie.
XIV. On peut juger partout ce discours com-
bien est éloignée, non-seulement de la vérité,
mais encore de la vraisemblance, l'idée de ceux
qui oui pensé que la vocation à la cléricature
dégageait entièrement les moines de l'état mo-
nastique, et de tous les liens sacrés qui l'ac-
compagnent.
Ajoutez àcela la novelle de Justinien , rap-
portée dans le Nomocanonde Photius ( Tit 9,
c. xxix ) qui interdit le mariage aux clercs mi-
neurs, s'ils ont été auparavant religieux. «Si
monachus, clericus factus fuerit, ne audeatad
matrimonium accedere . etiamsi eum gradum
sil assecutus, in quolicetclericisuxoresducere,
scilicet cantoris et lectoris. »
Ainsi, l'ordination d'un moine étaitune aug-
mentation de beaucoup d'obligations nouvelles
sans aucune diminution des précédentes, qui
n'étaient point incompatibles avec la cléri-
cature.
XV. Quant aux prêtres qui se faisaient reli-
ALLIANCE MF. L'ÉTAT MONASTIQUE AVEC LE CLERGÉ.
571
gieux , le patriarche Michel les resserra tous
dans leur monastère , quoique la coutume eut
été de ne les point retrancher, ni du corps, ni
des fonctions des autres ecclésiastiques.
« Cum enim mosesset, ul qui ex laieis sa-
cerdotibus monachi i'acti fuerant, et ad sacer-
dolum ministerium prius adscripti eranl .
etiam post vitam monasticam in ministrorum
corpore et catalogo permanerent, et una cum
laieis sacerdotibus versarentur ; sanctissimus
dominus noster Michael longam hanc consue-
tudinem habuit pro nihilo, et statnit ut ex
laieis solum sacerdotibus minisleria consta-
rent, monachi autcm in suis monasteriis assi-
derent (Juris Orient., tom. i, |). 230. Balsamon
in Nomocan., tit. i. c. 3). »
Si ce lut un zèle pur et religieux qui porta
ce patriarche à en user de la sorte, j'en laisse
le jugement a d'autres. Mais il nous parait que
la coutume immémoriale avait été que les bé-
néticiers, les curés, et enfin toutes sortes de
clercs conservassent leur rang, leur séance,
leurs fonctions dans les chapitres et dans tout
le clergé, après qu'ils avaient ajouté à la di-
gnité cléricale la sainteté de la profession reli-
gieuse. Ce mélange de clercs et de moines a
duré plus longtemps dans les chapitres et dans
tout le cierge de l'Occident.
XVI. Dans le concile VII général , presque
tous les légats du pape et des autres patriar-
ches absents étaient des religieux. Dans l'ac-
tion i de ce concile (Can. xiv . après les sous-
criptions des évêques, on trouve celles d'une
multitude incroyable d'abbés et de moines ,
qui avaient été les défenseurs invincibles des
sacrées images et les colonnes vivantes de la
foi de l'Eglise. Ainsi ce n'est pas sans raison
que ce concile donna ou confirma aux abbés
qui étaient piètres, et qui avaient été bénis
par leur évêque , le pouvoir de conférer les
ordres mineurs aux religieux de leur couvent.
Dans le concile Ylll gênerai Act. 9 . plu-
sieurs moines remplirent aussi la place des
patriarches absents, et entre autres Joseph,
archidiacre et vicaire du patriarche d'Alexan-
drie.
XVII. Il ne faut pas omettre l'apostolat de
tant de saints religieux qui travaillèrent a la
conversion des peuples barbares du Nord, et
en furent les premiers évêques.
L'histoire ecclésiastique d'Adam, chanoine
de Brème Cap. ix, xu , xiv. xxvn, xxviu ,
xxx\ ii. apprend que Louis le Débonnaire ayant
fonde l'abbaye de Corbie, en Allemagne, el
l'ayant peuplée d'une colonie de religieux de
Corbie. en France, en tira un saint religieux
nommé Ansgarius, pour l'envoyer prêcher en
Danemark et aux autres peuples du .Nord. Le
succès eu fut si heureux qu'Aiisgarius lut sa-
cre archevêque d'Hambourg, et continua de
gouverner cette nouvelle église en qualité de
légat du Saint-Siège. Il s'associa son disciple
le diacre Rimbert, et pendant que les .Nor-
mands et les Danois désolaient la France et
l'Allemagne, ces deux apôtres allèrent subju-
guer a l'empire de J.-C. leur état propre, le
Danemark et la Suéde, par de saintes et admi-
rables représailles. Les années les plus nom-
breuses n'osaient paraître devant les Normands
pendant que ces deux intrépides missionnaires
traversaient les mers et allaient conquérir a
J.-C. leur propre pays.
« Et quia vastatio Normanorum, vel Dano-
rum excedit omnem crudelitatem , eo plus
mirum, quod sancti confessores Dei Ansgarius
et Rimbertus per tanta pericula maris et terne
illas gentes intrepidi adibant et prœdicabant,
ante quarum impetum nec armati reges aut
potentes Francorum populi subsistera poterant
(Ibidem, c. xxxvui. xxxix;. »
Saint Rimbert joignit toujours aux travaux
de l'épiscopat les austérités delà vie religieuse,
et fit agréer aux empereurs qu'Adalgarius, re-
ligieux de Corbie, lut son coadjuteur pendant
les incommodités de sa vieillesse, et son suc-
cesseur après sa mort. Après une longue cl
glorieuse course de travaux le pape Nicolas I"
permit a Adalgarius de prendre pour son coad-
juteur et pour son successeur Hoger, moine
de Corbie (C. xli, xi n . (les saints archevêques
donnèrent enfin des pasteurs et des évêques
au Danemark, à la Suède et à la Norvège.
Nous avons parlé ci-devant de la mission de
saint Bomface et des autres disciples de saint
Romuald dans la Russie. On pourrait ajouter
beaucoup d'autres exemples. En voila assez
pour faire connaître que l'Eglise n'a pas eu
sujet de se repentir d'avoir confié les fonctions
apostoliques aux plus saints d'entre les reli-
gieux , puisque c'est a eux qu'elle est rede-
vable de la conversion de tant de nations infi-
dèles.
Saint Boniface et saint Lulle, archevêque de
Mayence, et avant eux saint Suvibert et saint
Luidger, avaient été les apôtres de l'Allemagne
et l'avaient accoutumée a recevoir et a donner
572
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
des prélats, d'autant plus propres à prêcher
l'Evangile . qu'ils en pratiquaient plus exacte-
ment les conseils par les engagements de la
profession monastique.
Arnolfe , religieux de Saint-Ëmmeram de
Ratisbonne, raconte dans le second livre de la
vie de saint Emmeram , que Uévêché de Ratis-
bonne était alternativement confié à un cha-
noine et à un moine, qui résidait et faisait la
fonction d'abbé dans le monastère de Saint-
Emmeram. C'était une institution admirable
pour allier l'état ecclésiastique avec le monas-
tique, et c'était l'apôtre de l'Allemagne, saint
Boniface qui en était l'auteur.
a E\ eo tempore quo primum a Bonifacio
Aposlolica Sedis vicario juxta décréta canonum
in Bojoaria ordinabantur episcopi , vicissim
sibi succedebant in bujus episcopatu monacbi
atque canonici ; ita ut si antecessor esset cano-
nicus, fleret successor monachus, et iterum
buic antecessori succederet canonicus. Hœc
consuetudo usque ad nostra permansit tem-
pora. »
CHAPITRE DIX-HUITIEME.
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE ET Dl MONASTIQUE APRES LAN MIL.
I. Les chapitres et les évèchés même affectés à des reli-
gieux. Les abbés nécessairement prêtres.
II. Le pape Urbain 11 déclare que la sainteté de l'état mo-
nastique rend les religieux d'autant plus dignes et plus capa-
bles de l'administration des sacrements.
III Diverses marques de l'alliance étroite de la cléricature
et du monachisme.
IV. Autres marques tirées des conciles de Constance et de
Trente.
V. I.a charité pastorale des évêques et des curés, peut les
élever à un plus haut degré de perfection que les austérités
du cloître.
VI. I.a conspiration des congrégations religieuses avec les
évêques, a quelquefois étouffé les schismes formés dans l'E-
glise.
Vil. Les plus éminenls trùnes de l'Eglise ont été très-sou-
vent remplis par des religieux. Les souverains et les plus
grands prélats ont cru être honorés et sanctifiés par l'habit mo-
nastique.
VIII. Contre les excès d'un moine trop grand admirateur de
la perfection d. smi . -t.*t.
l\. Conformité de l'Eglise grecque.
X. Sentences nobles de saint Bernard sur celle matière.
I. Les bénéfices étant en partie séculiers, ou
purement ecclésiastiques, et en partie réguliers
ou monastiques, nous n'avons pu nous dispen-
ser de dire quelque chose de l'alliance de ces
deux élats , qu'il est nécessaire de distinguer,
mais qu'il serait aussi réciproquement dange-
reux de trop séparer.
Le concile de Bourges en 1031 (Can.xxm,
x\i\, xw '., renouvela les lois et les obligations
communes des clercs, et des moines de ne pou-
voir passer d'une église ou d'un monastère où
ils ont été attachés, « ubi prius titulati sunt, »
à un autre, sans la permission de l'évéque ou
de l'abbé, et de ne pouvoir abandonner leur
état, obligeant les moines fugitifs de reprendre
leur habit ; et si les abbés refusaient de les re-
cevoir, de se joindre aux ecclésiastiques, « ma-
neat cum clericis in monasteriis , vel apud ec-
clesias. »
Alexandre II écrivit à Lanfranc, archevêque
de Cantorbéry, pour maintenir lesmoines dans
le chapitre de Cantorbéry et dans ceux de plu-
sieurs autres cathédrales d'Angleterre, contre
les ecclésiastiques qui avaient conjuré leur
perte (Epist. xxx).
Eadmer raconte comment les évoques que
Guillaume le Conquérant avait établis dans les
évèchés d'Angleterre , de l'ordre clérical ,
avaient formé cette conjuration , contre les
chapitres d'Angleterre remplis par des moines,
et que Lanfranc fit revenir le roi de ce dessein
et obtint ce privilège du pape Alexandre II
pour l'église deCantorbérj [Eadm. llist. Nov.,
1. i).
Le concile d'Aragon en 1062 , confirma l'an
d'en usage que les évêques de Jacca ou d'Hues-
ca, qu'on appelai! évêques d'Aragon, fussent
toujours élus d'entre les religieux du monas-
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE ET DU MONASTIQUE.
573
tère tic saint Jean de la Pegna. Sandoval a
inséré dans sa notice des évêques de Pampe-
lune, le privilège de Sanclie, roi d'Aragon en
1023, qui porte que les évêques de Pampelune
soient toujours élus du monastère de Saint-
Sauveur de Leire (Mariana., 1. viu,c.xiv). C'est
la remarque du père Cossart sur ce concile
d'Aragon.
Le concile de Poitiers en 1078 (Can. vu) or-
donna que les al)l)és fussent prêtres, ou qu'ils
perdissent leurs abbayes. a Ut abbates et decani,
qui presbvteri non sunt, presbvteri fiant, aut
praelationes amitlant. » 11 suffisait que les ar-
cbidiacres fussent diacres , et néanmoins l'ar-
cbidiacre précéda vingt et un abbés dans le
concile de Londres en 1075. Ainsi les chapitres
étaient souvent composés de moines, les évê-
ques étaient choisis d'entre les moines, les
abbés doivent être prêtres.
Les chapitres étaient aussi quelquefois mêlés,
ou mi-partie de ebanoines et de moines. Dans
l'église de Saint-Ambroise de Milan, il y avait
deux collèges , l'un de chanoines , l'autre de
moines, qui faisaient l'office successivement
l'un après l'autre dans la même église. Il y eut
quelque différend pour les heures, et ils s'en
rapportèrentau jugement du pape Innocent III.
Ce Souverain Pontife prononça en 1-201, que
ces deux collèges étaient très-anciens dans cette
église, « a longissimis rétro temporibus; » qu'il
n'y avait nulle raison de soumettre l'un à l'au-
tre; et que les moines devaient célébrer leur
service immédiatement après la fin de chaque
office des chanoines ( ltalia sacra., tom. iv,
p. 1091).
L'église de Nardo, en Italie, fut autrefois un
monastère de moines Crées, puis de bénédic-
tins mêles avec des chanoines , ce qu'on croit
être une marque que ce fût autrefois une ca-
thédrale ltalia sacra, tom. i, p. 1111 . En 1207,
le cardinal légat évêque d'Albano, réforma
celte maison, y établit dix moines et dix cha-
noines séculiers, les uns d'un côté du chœur
les autres de l'autre, et donna des prébendes
aux chanoines, le reste des biens demeurant
à l'abbé et aux moines. En 1 U3, Jean XXIII
érigea cette église en cathédrale.
Longin dit qu'en 1059 mourut Aaron, le-
quel, de moine de Cluny, avait été fait abbé
dans un nouveau monastère de Thiniec, en
Pologne, et ensuite archevêque de Cracovie.
Avant sa mort il avait donné ce privilège aux
abbés de Thiniec, qu'ils seraient chanoines nés
dans l'Eglise de Cracovie , et assisteraient aux
offices en surplis et aumusse. « In Ecclesia Cra-
co\iensi sit caiionicus natus. etc. »
IL Ce fut peut-être celte effusion de la gloire
et des avantages du sacerdoce sur l'état mo-
nastique qui alluma la jalousie de quelques
esprits emportés, qui commencèrent a publier
que les sacrements administrés par les moines
ne pouvaient être valides.
Urbain II prit la défense des religieux dans
le concile de Nîmes, l'an 1096 (Can. u. m, iv),
remontrant à ces ridicules calomniateurs que
saint Grégoire, pape, qu'Augustin d'Angle-
terre, que saint Martin de Tours, avaient été
moines, et n'en avaient pas été moins habiles
pour administrer les divines clefs de l'Eglise.
Que saint Benoit obligeait les moines à renon-
cer aux vanités du siècle, non pas à la clérica-
ture. Que les clercs n'étaient pas moins obligés
que les moines d'être morts à tout l'éclat et à
toutes les illusions du monde. « Quod quidem
apostolicis documentis, et sanctorum institu-
as, non solum monachis ; verum canonicis
summopereimperatur, ut mortui mundosint.»
Il montre après cela que les dignes minis-
tres des sacrements sont ceux qui approchent
le plus de la vie et de la sainteté des apôtres,
par le renoncement de toutes les choses de la
terre. « Itaque videtur nobis, ut bis, qui sua
relinquunt pro Deo, dignius liceat baptizare,
communionem dare, pœnitentiam imponere,
nec non peccata solvere, etc. Censemus eos
qui apostolorum liguram tenent, praedicare,
baptizare. communionem dare, suseipere pœ-
nitentes, peccata solvere. »
Les siècles suivants se sont conformés à ces
décisions du pape Urbain II. lies que nous
eûmes conquis la Palestine, toutes les commu-
nautés régulières de l'Occident y furent trans-
plantées et commencèrent à y travailler a la
conversion des Tartares, des autres infidèles et
des chrétiens schismatiques.
La nation des Tartares dont le roi. après
avoir tué le prêtre Jean, qui dominait toute
l'Asie et était chrétien, en avait épousé la fille,
paraissant le mieux disposé à recevoir les vé-
rités célestes de l'Evangile, saint Louis y envoya
des Jacobins et des Cordeliers (Canti. prac. ,
1. u, c. liv. n. 11 i. Vincent de Beauvais et
les autres historiens ont traité des missions
apostoliques confiées ensuite aux mêmes reli-
gieux dans tout l'Orient (Vinc. Bell. Specu.
Hist., 1. xxxi).
:>7i
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIX-HUITIÈME.
Depuis la découverte des Indes occidentales
lis religieux ont en la pins grande part aux
pénibles travaux de la prédication évangélique
parmi tant de nations barbares et idolâtres. On
a été cl un est encore forcé de leur y confier la
pins grande partie des cures. Et on peut admi-
rer après cela la providence de l'Epoux immor-
tel de l'Eglise, lequel voulant assujétirun nou-
veau monde tout entier à son Eglise, a suscité
pour cela depuis quelques siècles tant d'illus-
tres communautés régulières, et leur a inspiré
une ardeur tout autre qu'aux anciennes, ei
des constitutions mômes, qui les engagent à
travailler au salut des fidèles, et à la conver-
sion des infidèles.
III. Dans le coneile de Windsor, en 1 1 1 A, on
éleva à l'archevêché de Cantorbéry, Radulphe,
évêque île Rochester, après avoir protesté que
depuis Augustin, tous les archevêques avaient
été moines exepté un, qui pour cela et pour
d'autres crimes avait été déposé par le pape.
Mathieu Paris, en l'an 1-2-2*, dit qu'il fut dé-
cidé a Rome que les moines de Coventry. et
les chanoines de Lichfield éliraient alternati-
vement l'évêque de Coventry, quoique jus-
qu'alors les moines seuls eussent élu.
Guillaume de Malmesbury ditque Odon eut
peine à si' soumettre a son élection pour l'ar-
chevêché de Cantorbéry, parce qu'on n'y avait
encore vu que des moines ; il y tut Forcé] mais
il se vint premièremenl faire moine àFleury
en France. Harsfeldius dil la même chose des
évêques de Durham, dans le xi° siècle.
Le coneile de Londres, en 1238 Can. xiv),
ordonna que selon les anciens décrets du pape
Innocent I", les moines qui seraient appelés
à la cléricature, ne relâcheraient et ne change-
raient rien a la régularité de leur vie. « Non
délient aliquatenus a priore proposito de-
viare, etc. Quod diu servaverunt, id in altiori
gradu positi ainittcre. non dehent. » La cléri-
cature est sans doute \m degré plus haut et
plus éminent que l'état monastique; mais il
est admirablement rehaussé par la sainteté et
les austérités de la vie religieuse.
Alexandre III, après avoir résolu que les
gens mariés ne pourraient taire profession
monastique, si leurs femmes ne la faisaient
aussi, dit ensuite que celte règle est d'autant
plus indispensable pour les ecclésiastiques des
ordres sacres, que leur état esl plus relevé que
celui des religieux. « Cum igilur senatus sa-
crorum clericorum longe praeemineat cœtui
monachorum. ita ut aliquando bonus mona-
chus, vix bonum clericum faciat, nullus con-
jugatorum est ad sacros ordines promovendus
nisi.ete. (Àppend. Conc. Later., par. v, c. (î). »
IV. Le concile de Constante, en I H5 Sess.
vin , condamna une proposition de Wicleff
entre plusieurs autres, qui combattait la per-
fection de l'état religieux, comme si c'eût été
un obstacle et une limitation opposée aux vo-
lontés de Dieu, et à ses divers desseins sur les
âmes. « Si quis ingreditur religionem priva-
lam. redditur ineptior et inhabilior ad obser-
vantiam mandatorum Dei. »
Dans le concile de l'aie, en 1 133, le docteur
Kaltheisen, jacobin, fit voir par un discours
fort long, et fort étudié, que l'état des reli-
gieux avait succédé à celui des apôtres, et en
retraçait une image vivante et éternelle dans
l'Eglise, non pas dans la direction et la surin-
tendance sur toute l'Eglise; car il dit que ce
sont les cardinaux qui les représentent dans
cet état; ni dans la conduite particulière de
chaque diocèse; car en cela les évêques leur
ont succédé, mais quant â la sainteté d'une vie
religieuse cl pénitente.
Il faut même demeurer d'accord que le con-
eile de Trente (Sess. xxiii, c. lu) a reconnu
dans les abbés une participation du pouvoir
épiscopal. en leur permettant de donner la
tonsure et les ordres mineurs à leurs reli-
gieux.
V. Mais il est vrai, en général, que les fonc-
tions hiérarchiques sont dans une éminence
de gloire et de sainteté â laquelle les religieux
n'ont pas toujours cru devoir aspirer; et, si
ceux qui les exercent ne peuvent pas en même
temps mener une vie aussi pure et aussi atta-
chée à la contemplation que les pins saints
religieux, la charité qui les porte à sacrifier les
inlirèts de leur propre sanctification au salut
de leur prochain est elle-même une compen-
sation surabondante de sainteté, qui les élève
peut-être beaucoup au-dessus des plus parfaits
religieux. Au moins, c'est ce que les religieux
doivent croire; c'est ce que saint Bernard pu-
bliait hautement, quand il tâchait de réprimer
la vanité des moines indiscrets qui s'élèvent
au-dessus des évêques et des curés, dont la vie
n'est pas si mortifiée que la leur.
« Memincrit scriptum : Melior est iniquitas
xiri.qnani mulier benefaciens. Nain tu quidem
in tui custodia vigilans, bene facis : sed qui
juvat multos, et melius facit et virilius. Quod
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQUE ET DU MONASTIQUE.
575
si implore non sullieil, absque aliqua iniqui-
tate, itl est, absque quadam inœqualitate vitae
et conversation is stiœ, mémento quia charitas
operit multitudinem peccatorum. Hase dicta
sint contra gèminam tentationem, qua sœpe
viri religiosi episcoporum vel ambire gloriam,
vel excessus temere judicare diabolicis instiga-
tionibus incitantur (In Cantica serin, su). »
VI. Les coogrégations religieuses, animées
de ce même esprit de saint Bernard, se tenaient
très-étroitement unies et assujéties aux évê-
ques, épousant leurs intérêts avec un zèle plein
de sagesse dans toutes les occasions impor-
tantes.
On peut voir les lettres de Hugues, abbé de
Pontigny, de saint Bernard, abbé de Clairvaux,
d'Etienne, abbé de Cîteaux,et de tous les abbés
de sa congrégation, adressées au pape Honoré II
et au roi de France Louis le Jeune, pour taire
rétablir dans les bonnes grâces de ce prince
l'évêque de Paris, contre lequel il avait t'ait
éclater son indignation. Ils rendirent, peu de
temps après, le même office à l'archevêque de
Sens (Baronius, an. Ilv27).
Dans le schisme d'Anaclet contre Innocent II,
ils donnèrent un grand poids à l'affermissement
de la paix et de l'unité de l'Eglise, en se décla-
rant, avec toutes leurs diverses congrégations,
pour Innocent. C'est ce que nous apprenons de
saint Bernard.
« Itaque Camaldulenses , Vallosombrani ,
Carthusienses, Cluniacenses, et qui de majori
monasterio sunt, mei quoque Gistercienses,
Castemblenses, Cadumenses, Tironenses, Sa-
viniacenses, universitas denique et unanimitas
fratrum, tam clericorum, quam monachorum
regularis Vitœ, probataeque conversationis, se-
quentes episcopos, tanquam grèges pastores
suos, lnnocentio flrmiter adhaerent (Baronius,
an. 1 130, epist. c.xxvi). »
L'auteur contemporain de la vie de saint
Anthelme, évêque de Belley, dit la même
chose dans une autre occasion semblable :
« Intérim praeeuntibus Carihusianis ac Cister-
ciensibus Alexander pontif'ex aGallis, Hispanis,
Britannis brevi receptus est (Sur., die 2GJun.)»
Vil. Après tout ce que nous avons dit. on ne
trouvera pas étrange que Pierre le Vénérable,
abbé de Cluny, ait écrit que toutes les chaires
épiscopales, patriarcales, et le Siège Apostolique
même étaient le plus souvent remplis par des
moines, qui n'y montaient que par les degrés
de l'élection et du mérite.
a Quid indecens si religiosce Ecclesiœ reli-
giosus, sapiens, litteratus monachus, inde in
pontificem electus est, unde épiscopales, ar-
chiépiscopales, patriarchales, et ipsa omnium
vertex Ecclesiarum, Vpost&licaet Romana Se-
di s, patres sibi assuniere coiisueverunt (I.. i,
e|). 29). »
Guillaume, roi d'Angleterre, demanda à
saint Hugues, abbé de (ibmy, six des religieux
pour être les oracles et les lumières vivantes
de son conseil, dans la disposition des évêchés
et la conduite des églises de son royaume :
'< Supplicando, ut sex ci personas dirigerai ex
I raf ri luis nostris, quorum consilio agere possel ,
quidquid illi de Ecclesiis ordinandis foret
agendum, eisque rectoribus constitutis, securus
esset de ovibus custodiendis atque regendis
(Bibl. Clun., p. i.VI). » Le refus qu'en fit ce
saint abbé n'est pas moins digne d'admiration
que la demande du roi.
L'empressement qu'un prince marque d'a-
voir auprès de lui de tels ministres et de tels
conseillers, lui l'ait certainement beaucoup
d'honneur; mais un abbé mérite infiniment,
lorsqu'il retient ses vertueux moines dans leur
sainte et tranquille solitude, et ne les aban-
donne point aux appâts trompeurs d'une vie
tumultueuse et aux dangereux écueils de la
cour.
Le roi Louis le Gros prit l'habit de Saint-
Benoît et fit profession avant sa mort. Suger,
abbé de Saint-Denis, qui en fut témoin, dit que
les archevêques en faisaient autant : « Videant
qui monasticit paupertati derogant, quoniodo
non solum archiepiscopi , sed et ipsi reges,
transitons vitam aeternam praeferentes , ad
singularem monastici ordinis tutelam securis-
sime confugiunt Baron., an. 1136, n. 12). »
Henri, frère du roi Louis le Jeune, se fit
moine de Citeaux, et aussitôt après on l'élut
évêque de Béarnais (An. 11 49, n. 11). Bernard,
abbé de Bonneval.dans la vie de saint Bernard
(L. n, c. 7), nomme un pape, deux cardinaux
et un grand nombre d'évêques qui étaient déjà
sortis de Clairvaux.
Saint Anselme, archevêque de Cantorbéry,
ayant appris que l'évêque de Paris avait arraché
de Saint-Martin-des-Champs le chantre de son
église, qui s'y était retiré pour y faire profession
monastique, lui écrivit une lettre pleine de
doctrine et de liberté (h. m. ep. 12, 13), lui
remontrant que le grand saint Grégoire et le
concile IV de Tolède avaient prescrit des règles
376
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIX-HUITIEME.
bien contraires à l'action qu'il venait de faire,
voulant qu'il fût toujours libre aux ecclésias-
tiques de s'engager dans une profession et dans
une vie plus écartée des orages du siècle :
« Qui meliorem vitam sequi cupiunt, liberos
esse debere ab episcopis (Regest. xvi, ep. U-2). »
Innocent III écrivit à l'évêque de Genève
que, s'il avait autrefois voué de se faire reli-
gieux et que si, tardant d'accomplir son vœu, il
avait été appelé à l'épiscopat, il devait s'en dé-
mettre pour aller accomplir son vœu; après
quoi, si on l'élisait encore une fois, il pourrait
consentir à cette élection : « Consulimus, qua-
tenus si tuain onmino sanare conscientiam
desideras, regimen resignes Eeclesiœ memo-
ratœ, ac reddas Altissimo vota tua : in boc tibi
gratiam facjentes, quod si capitulum ejusdem
Gebennensis Ecclesiœ te postmodum canonice
duxerit eligendum, concedimus ut electionem
recipias taliter de te faclam. »
VIII. La vertu a besoin d'un contre-poids de
peur qu'elle ne se perde et ne s'anéantisse en
s'éievant trop ; aussi la Providence a permis,
que l'estime excessive que des religieux ont
conçue pour la sainteté de leur état, les ait
portés à des extrémités très-fâcheuses, qui ont
pu par leur guérison aussi servir de correctif à
tous les autres.
Matthieu (Irabon, jacobin de Weimar en
Saxe, publia au temps du concile de Cons-
eillée , que la pratique des conseils évan-
géliques étaii propre et particulière a les
pratiquer ailleurs sans péché; et que par con-
séquent ('clail un crime de renoncera tous les
biens de la terre, et de les distribuer aux pau-
vres, si l'on ne s'engageait en même temps
dans quelque religion approuvée. Le concile
de Constance (Tom. i, p. O^s, etc.) l'obligea à
rétracter toutes ces erreurs, et le savant Ger-
son écrivit un petit traité contre lui, où il
montre que la religion chrétienne est la véri-
table religion, que J.-C. l'a parfaitement prati-
quée sans vœux, qu'on peut en pratiquer
même tous les conseils sans vœu ; que les reli-
gions monastiques ne sont pas tant des étals
de perfection, que des voies et des instruments
pour L'acquérir : » Melius nominarentur vi;c
quaedam, vel instrumenta, scu dispositiones ad
perfectionem acquirendam, quam status per-
fectionis. » Enfin, que le pape, les cardinaux
et les prélats peuvent et doivent observer plus
parlaitt nient la religion chrétienne que les
moines, puisqu'ils sont dans un état qui exige
une vie entièrement parfaite. « Quia sunt in
statu perfectionis exereenda?. »
IX. Quant à l'Eglise grecque, Nicéphore
Grégoras rapportant l'élection du patriarche
de Constantinople Niphon, dont il fait gloire
d'avoir été disciple, dit qu'aussitôt sa femme
entra en religion, et que lui-même n'eût pas
osé monter sur le trône patriarcal sans avoir
pris l'habit monastique : « Et ipse reverentia
Sedis babitum monasticum induisset (L. vu),»
si l'empereur ne l'eût empêché, parce que les
médecins avaient jugé que la délicatesse de
sa complexion demandait absolument qu'il
mangeât de la Aiande. Les autres évèques
Grecs étaient aussi, et sont encore présente-
ment tirés des cloîtres.
Comme les prêtres et les diacres grecs se
sont en quelque façon donné l'exclusion de
l'épiscopat par leur incontinence, ils se sont
jetés eux-mêmes dans la nécessité de n'avoir
que des moines pour évèques. Mais ce n'est
pas la continence seule, c'est toute la suite des
austérités claustrales, que les évèques grecs
font monter avec eux sur le siège épiscopal ,
comme il paraît ici de l'abstinence de la
viande.
On peut voir dans l'Andronic de Pachymère
au liv. i, chap. 34 et au liv. u, chap. 28, le
chagrin des clercs, qui ne pouvaient tout au
plus monter qu'à la prêtrise, tous les évèchés
étant réservés aux moines.
X. Toutes ces marques d'alliance très-étroite
de la cléricature avec l'état monastique sont
comprises en quatre ou cinq paroles de saint
Bernard, qui fut la gloire des moines, mais
qui n'en fut jamais le flatteur. Il dit que l'or-
dre monastique a commencé avec l'Eglise, ou
plutôt que c'est par là que l'Eglise a com-
mencé : « Ordinem nostrum qui primus fuit
in Ecclesia, iino a quo cœpit Ecclesia : cujus
Apostoli institutores, cujus bi quos Paulus
tam saepe sanctos appellat, inchoatores extite-
runt (Apolog. ad Cuill. Abb.). »
Il parait par ces termes, que selon la pensée
de ce saint et savant Père, les apôtres ont fait
les premiers profession, non -seulement de
l'état ecclésiastique par les divines fonctions
du sacerdoce, mais aussi en quelque façon de
l'état religieux, par la pratique rigoureuse des
conseils évangéliques. Ainsi ces deux états de
la cléricature et du monachisme ayant été si
alliés dans leur première origine, il ne se peut
que dans la succession des siècles , ils ne
ALLIANCE DE L'ÉTAT ECCLÉSIASTIQJUE ET DU MONASTIQUE.
5TJ
conservent entre eux des rapports et des cor-
respondances admirables pour leur gloire et
leur conservation commune.
Olhon, évêque de Freisingen, a cru que
c'était celle foule d'ordres monastiques et de
saints religieux, qui anvlail les traits de la
colère de Dieu si justement irritée contre le
débordement de tant de crimes par tonte la
terre. « Ex peceatorum nostrorum multitudine
liand din stare posse miindnin putarennis, nisi
sauctorum merilis verae civitatis Dei civium,
quorum in ti>t<> orbe copiosa varie et pulchre
distincta Qorerent collegifi, suslentaretur. l>i-
versos religiosorum ordines, quorum, ut di\i,
sanctitate a nnseiieordissiino judice malignitas
niiiihli suppoftaretur, silentio prœterire incon-
gruum arbitramur ; ut tantôrum malorum
turbulentiao, clarorum virorum gesta insignia
inelani et articulum ponainns (Chron., I. vil,
c. 34). (1)»
(1) Rien ne sera plus capable de faire toucher du doigt l'alliance
de Pétat ecclésiastique et du monastique, que Thomassin a dévelop-
pée et suivie si savamment, rçu< le relevé suivant, qui nous ;i c< ûtté
d'immenses recherches. Voici donc, à travers les âges de l'Eglise, la
nomenclature des papes qui ont appartenu aux instituts religieux. A
Lion de ceux qui sont connus de tout le monde pour avoir été
moines , nous joindrons les autorités. L'armée est celle de leur
mort.
Saint Téleephore, 139, anachorète (Anast. BibL, T, col. 183).
Saint Denis, 269, moine (/<*., col. 133 et 131).
Saint Grégoire le Grand, 604, bénédictin (Ciacc, Eist. Pont.).
Saint Adéodat, 67G, moine du monastère de Saint-Erasme, au mont
Cœiius [Prèf. d'Anast.t col. 91).
Saint Agathon, 682, moine du couvent de Saint-Equitius [Ciacc.,
Anast.).
Saint Léon II, 683, chanoine régulier (Ciacc).
Benoit II, 685, chanoine régulier de Latran (ld.).
Sergius I^r, 701, chanoine régulier [Itl.).
Saint Grégoire II, 731, bénédictin (ld.).
Saint Grégoire 111,711, bénédictin (ld.).
Saint Zachane, 752, abbé du monastère de Saint-Chrysogone, à
Rome [Luitpr., col. 1077 .
Etienne IV, 772, bénédictin, abbé de Saint-Chrysogone [Anast.,
col. 1150).
Pascal Ier} 821, bénédictin, abbé du monastère de Saînt-Elienne,
près Saint-Pierre (Anast.).
Eugène II, 827, chanoine régulier (Ciacc. j.
Grégoire IV, 814, bénédictin [ld.).
Sergius II, 817, chanoine régulier [ld.).
Léon IV, 855, bénédictin du monastère de Saint-Martin, prés
Saint-Pierre (Anast.).
Formose, 896, chanoine régulier (ld.).
Jean IX, 900, bénédictin {Ciacc).
Benoit IV, 903, chanoine régulier de Latran (ld.).
Léon V, 903, bénédictin (ld.).
Landus, 911, chanoine régulier de Latran (ld.).
Léon VII, 939, bénédictin. Il l'atteste lui-même dans une de ses
ettres (Patrol. de Migne, t. cxxxn, col. 1017).
Sylvestre II, 1003, bénédictin.
Sergius IV, 1012, bénédictin [Ciacc).
Clément 11, 10 16, bénédictin (Dom Gaetani , pre'f. à Saint Pierre
Dantien, patrol., t. extv .
Saint Léon IX, 1054, bénédictin (S. Pet. Dam. I, col. 179).
Etienne X, 1058, bénédictin, abbé du Mont-Cassin (Bossi, Stor.
d'Ital., xtv, p. 277).
Alexandre II, 1073, chanoine régulier (Ciacc).
Saint Grégoire Vil, 1085, bénédictin.
Victor III, 1087, bénédictin (S. Pet. Dam., t. il, col. C87, Aligne).
Urbain II, 1095, bénédictin [S. Pet. Dam., col. B67).
I 11, llin. bénédictin [S. Pet. Dam. H, col. 867 .
Gélase il, 1119, bénédictin [Ciacc).
Innocent 11, 1113, chanoine régulier de Latran (ld.).
Lucius II, 1145, chanoine régulier de la basilique de Sainte-
Croix [id.). .
Eugène III, 1153, cistercien, disciple de saint Bernard.
Anasta<-e III, 1153, chanoine régulier de Saint-Ituf (Bétyot).
Adrien IV, 1159, chanoine régulier de Saint- Ruf, près d'Avi-
gnon (ld.).
Lucius III, 1185, chanoine régulier de Latran (Ciacc).
Grégoire VIII, 1187, cistercien d'après dom Lenain, (Bist. de Ci-
teaux, vu, p. 325 ; prémonlré d'après Hurter, inst. de VEgL,\\%
p. 173, suivi par Lequeux, anttq. relig. de Soissons et de Laon, il,
p. B3 .
Clément III, 1191, chanoine régulier de Latran (d'arc).
Célestin IV, 1212, cistercien de l'abbaye de Hautecombe en Sa-
voie (Dom Guéranger, saint Louis et la papauté).
Urbain IV, 1261, cistercien (Béraud, Bist. des comtes de Cham-
pagne, il, p. 91).
Innocent V, 1276, dominicain (Eêlyot et autres).
Nicolas IV, 1292, franciscain [Wading. ann. ord. S. Franc).
Saint Célestin V, 1294, célestin.
Benoît XI, 1304, dominicain {Baron., Ann. Kcrl.).
Benoît XII, 1312, cistercien (Baluze).
Clément VI, 1352, bénédictin (ld.).
Urbain V, 1372, bénédictin de l'abbaye de Saint-Victor de Mar-
seille (W.).
Alexandre V, 1 110, franciscain [Ann. Eccl.).
Eugène IV, 1147, chanoine régulier des Célestes, à Venise (Opéra
D. Barthol. a Martyr.).
Sixte IV, 1181, franciscain.
Jules II, 1513, chanoine régulier de Saint-Ruf (Allié, Eist. de
Lérins, i, 352).
Paul IV, 1559, tbéatin.
Saint Pie V, 1572, dominicain.
Sixte -QuiDt, 1590, franciscain.
Benoit XIU, 1730, dominicain.
Clément XIV, 1774, cordelier du couvent des Saints-ApOtres, à
Rome.
Pie VII, 1823, bénédictin de l'abbaye de Saint-Paul, à Rome.
Grégoire XVI, 1846, camaldule de l'abbaye de Saint- Grégoire, à
Rome.
Peut-être avons-nous fait quelques omissions, mais nous croyons
qu'elles sont rares. Dom Gaetani, dans son épitre dédicatoire à Paul V,
pour l'édition des œuvres de saint Pierre Damien, ne craint pas d'af-
firmer que tous les papes, jusqu'en 1114, ont été béné.lictins.
(Dr ANDRÉ.)
lu. — Tome 11.
37
DES CONGREGATIONS. — CHAPITRE DIX-NEUVIÈME.
CHAPITRE DIX-NEUVIEME.
LA SUCCESSION RFXIPROQUE DES MOINES Al X CHANOINES, ET DES CHANOINES AUX MOINES,
SOUS l'empire DE CHARLEMAGNE.
I. Exemples de la succession des moines aux chanoines in-
corrigibles.
II, III. Autres exemples en France.
IV. Et en Angleterre.
V. Suite de ces exemples en Angleterre.
VI. Toutes les cathédrales d'Angleterre virent des moines
dans leurs chapitres, au lieu des chanoines qui avaient eux-
mêmes succédé à des moines, et ces moines à des chanoines.
VII. Par quels degrés d'autorité se faisaient ces change-
ments.
VIII. Eu Allemagne et en Italie les chanoines substitués aux
moines.
IX. Des chanoines de saint Augustin.
X. Plusieurs aimeraient mieux se soumettre à la règle des
moines qu'à celle des chanoines.
I. La succession réciproque des chanoines
aux moines et des moines aux clianoiues, ébau-
chée dans les précédents chapitres , mérite
encore quelques éclaircissements qui ont été
réservés pour celui-ci.
Adalbéron, évèque de Metz, après avoir souf-
fert avec beaucoup de patience les effroyables
dérèglements des chanoines de Saint-Aruould,
de Metz, après des avertissements et des mena-
ces , les ayant reconnus entièrement incorri-
bles; « ut qui illorum mores et vilam incorri-
gibilem noveram, » enfin il les chassa et mit
des moines en leur place, ayant pris l'avis de
son clergé, des abbés et des laïques même.
« Denique consultu nostroruni clerieorum,
scilicet abbatum utriusque ordinis, atque fide-
liuin luicorum, praefecimus ibi abbatem, cujus
institutionibus in reliquum adventantes inibi,
online monastico erudirentur (Concil. Gall.,
loin, m, p. §82). » Le roi Odon et toute l'église
de Metz y donna son consentement. « Cum
consensu ducis nostri Odonis totiusque nostraj
ecclesiœ. »
Adalbéron, qui fut parent et disciple du pre-
mier Adalbéron, étant archevêque de Reims,
lit confirmer par un concile d'évêques (An. 983.
Ibidem, p. 598), un semblable changement,
qu'il avait fait dans l'abbaye de Mosom, où il
substitua de saints moines, à des chanoines
scandaleux, comme ces mêmes chanoines
avaient autrefois succédé à des religieuses qui
y avaient été premièrement établies.
« 111e Mosomi cœnobialis locus, ab exordio
sanctimonialium vitœ aptatus, postmodum
vero canonicorum ordine ab Heriveo praede-
cessore nostro inelius informatus, sed nefandis
usibus utrobique negligenter incultus, etc.
Quo comperlo, abhibito lidelium nostroruni
diligenti consilio, liquido perpendens eumdem
locuin in canonicali ordine stare non posse,
ibidem monasticoj religionis vitani ordinato
abbate conslitui. »
L'archevêque Tilpin de Reims, avait aussi
rétabli des moines en la place deschanoines de
l'abbaye de saint Rémi de Reims : « In cœnobio
denique sancti Remigii monachos ordinasse,
ac monastica vita eos tradilurinstituisse ; cum
canonicos pritis idem cœnobiuni à tempore
Gibehardi abbalis, qui eanidem eongregatio-
nem ob amorein Dei et sancti Remigii reperitur
adgregasse, ad hoc usque tempus habuisse
feratur (Flodoard., 1. n, c. 17). »
Flodoard ne rapporte cela que sur le bruit
commun, ainsi il n'y a pas une entière certi-
tude que l'abbaye de saint Rémi de Reims, ait
été premièrement fondée pour des chanoines,
auxquels il est certain que Tilpin fit succéder
des moines.
11. On pourrait s'imaginer qu'il était déjà
arrivé à l'abbaye de saint Rémi, un même
changement que celui qui arriva depuis à
celle de son fameux disciple saint Thierry. Car
Flodoard dit qu'en son temps les clercs avaient
pris la place des moines dans la célèbre abbaye
de saint Thierry. « Horum denique beatoiuin
monasteriiini patrum, pro monachis modo cle-
ricos habet (L. i, c. 25). » Mais une vieille
chronique dit que l'archevêque de Reims Adal-
béron chassa les chanoines de cette abbaye, et
y mit des moines. « Canonicos e loco ejieiens,
monachos restituit (Du Chesne, t. ni, p. 438). »
Le même Flodoard raconte dans sa chroni-
LA SUCCESSION RÉCIPROQUE 1>LS MOINES, etc.
519
que, comment Alton), archevêque de Reims, fit
sortir les eci lésiasliques du monastère de saint
Basole. el y ut entrer îles moines. « Monachos
niittit. ex pulsis clericis qui serviebant ilii. «
Hugues Capet, avanl de parvenir a la cou-
ronne, n'étant encore que du< <li s Français,
tit transporter avec pompe dans l'église de
saiul Barthélémy, qui était alors desservie par
des chanoines, les sacrés corps des saints pré-
lats Samson, Magloire, Macut, Sénateur, parce
que c'était la chapelle royale, a II in regali
capella, etc. In qua canonicorum ordo divi-
num celebrabat officium (Anno952. DuCbesne,
t. il, p. 618 . » Mais ce même duc augmenta
ensuite cette église et la taisant dédier sous les
noms de saint Barthélémy et de saint Magloire,
il en donna l'administration a des moines,
avec pouvoir d'élire toujours un abbé de leur
corps : « In qua etiam monachos ad divinum
officium peragendum instituit, quibus semper
abbatem ex propria congregalione praeesse,
tam regali, quam sacerdotali autoritate stabi-
livit (Idem, t. ni, p. 31-2). »
Son fils, le roi Robert, arrêta à Orléans ceux
qui voulaient transporter en Bretagne la plus
grande partie du corps de saint Samson, el tit
mettre ce sacré dépôt dans l'église de Saint-
Symphorien (Ibidem, p. 345, 346). Enfin, ce
même roi donna et assujélit à son abbaye de
Saint-Magloire, de Paris, l'église consacrée en
l'honneur du même saint dans le pays de Léon,
en Bretagne.
Une autre chronique remarque que Sal-
vator, évêque d'Aleth, c'est-à-dire de Saint-
Malo, en Bretagne, n'avait porté à Paris que la
moitié du corps de saint Samson avec le corps
entier de saint Magloire (Ibid., 349 .
On peut, après cela, aisément concilier les
prétentions de ceux d'Orléans et du prieuré de
Saint-Sauve, a Montreuil en Ponthieu, qui
pensent avoir le corps de saint Samson, aussi
bien que l'abbaye de Saint-Magloire, à Paris.
Cette digression m'est pardonnable.
111. L'empereur Louis le Débonnaire avait
aussi substitué des moines en la place des cha-
noines de la Celle . c'est-à-dire de l'abbaye
d'Andaye : «Cella vocata Andagium, quae olim
inh ibitatoribus ordinis canonici tloruit, etc.
Monachos incolas loci illius esse voluit (Ibid.,
p. 394 . »
La chronique de saint Vandrille raconte
comme le duc de Normandie transféra l'abbé
Mainard de l'abbaye de Saint-Vandrille à celle
de Saint-Michel-du-Mont, dont il chassa 1rs
chanoines [Spicilegii, tom. m. p. -J'>(> .
La chronique de l'abbaye de Senone l'ail loi
qu'un duc de Lorraine chassa les moines pour
établir des chanoines séculiers : « Canonicos
sseculares; » mais qu'un de ses successeurs,
plus religieux que lui. y rétablit soixante-dix
ans après les moines, qui en avaient ete les
premiers possesseurs Ibid., p. 300).
IV. Si, dans l'Angleterre, on commença plus
tard à subroger les moines aux clercs dans les
églises cathédrales et collégiales, on le fit aussi
avec une ferveur et une vitesse incroyables.
Saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry,
ne pouvant plus souffrir la scandaleuse incon-
tinence des chanoines et des curés, obtint du
pape Jean XIII et du roi un pouvoir général
de chasser tous les chanoines incontinents, et
d'établir en leur place des moines.
« Ordo clericalis ea tempestate plurimuni
erat corruptus, et canonici cum presbyteris
plebium voluptatibus carnis plus œquo inser-
viebant. Quod maluin Dunstanus corrigere
cupiens, autoritate Joannis ApostoHcœ Sedis
antislitis, apud regem obtinuit, quatenus cano-
nici, qui caste vivere nollent, Ecclesiis quas
tenebant . depellerentur ; et monaclii loco
eorum intromitterentur (An. 970, Osbertus in
vita Dunst.. die 19 Maii, c. xxxviu). »
Saint Osval, évêque de Worcester, avait déjà
commencé cette sainte et nécessaire réforme
par un artifice aussi ingénieux que charitable.
Ne pouvant user de son autorité avec succès
sur ses chanoines, qui étaient des plus illustres
familles et qu'il ne pouvait chasser, il fit bâtir
auprès de son église cathédrale une autre
église de la Sainte-Vierge, où il commença à
célébrer les divins offices avec un nombre suf-
fisant de moines. La piété de ce saint prélat et
la vie exemplaire de ses religieux achevèrent
bientôt de discréditer les chanoines; quelques-
uns d'entre eux embrassèrent la même profes-
sion monastique; enfin le nombre des autres
diminua si fort en peu de temps , que cette
nouvelle église se trouva bientôt être la cathé-
drale.
« Quia clericos nec a pravitate convertere,
nec inde.eoquod nobilesapud sa?culum, atque
potentes erant. quivit eliminare, construxit
ecclesiae contiguain ecclesiam, in qua ipse cum
monachis, quos se proposuerat adunaturum.
Christo serviret. Religio itaque monachorum
contemptum clericis peperit, et vulgi conven-
580
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE DIX-NEUVIÈME.
tumab eis alienatum si l>î assiduum fecit. Quid
plura? Numerus clericorum passim minuitur,
monachorum conventus in dies augetur. Qui-
dam insuper ex ipsis clericis conversi, numéro
illorum additi sunt. Hoc modo Sedes Pontifi-
calis mutata est in ecclesiam I». Maria? semper
virginis (Ibid., c. xxvn). »
V. Mais après que saint Dustan eût pro-
nonce n l ;»ii « • t irrévocable contre les chanoi-
nes incontinents, Athelvold, évêque de Win-
chester, fid le premier qui signala son zèle
pour le faire exécuter dans son chapitre. Il fit
faire un grand nombre d'habillements monas-
tiques, et les ayant fait apporter dans le chœur
après la messe, il annonça à ses chanoines in-
corrigibles, l'inévitable nécessité ou de quitter
leurs bénéfices, ou de prendre cet habit de
religion. « Paratis complurimis monachorum
cucullis, etc. Aul disciplinai]] in pnesenti ap-
prehendetis. aut loci istius beneficiis hinc eli-
minati cedetis(An.975). » Les uns se résolurent
généreusement a la vie religieuse, les autres
quittant l'Eglise, recoururent à la protection
du roi qui convoqua le concile de Winchester,
avec L'archevêque Dunstan (Ibid., c. xxxix).
L'archevêque demeura inflexible, mais ayant
de la peine a résister aux prières du roi qui
s'était laissé loucher de compassion, une \oix
du ciel termina la contestation, prononçant
qu'un ne pouvait changer sans une injustice
évidente, ce qui avait été ordonné avec tant de
justice. « Tune subito crucilixi Dei imago ,
signo crucis in edito douais aflixa, audientibus
cunctis dixit : non liet, non fief, jmlicastis bene,
mutaretis non bene. »
Les enfants malheureux de ces pères impies,
renouvelèrent quelque temps après leurs pré-
tentions dans le synode de Gaine, où la fermeté
inexorable de Dunslan leur ferma encore la
bouche, et la chute miraculeuse du plancher
sur lequel ils étaient, mit lin à toutes ces dis-
putes.
En peu d'années, on fonda en Angleterre
qiiaranic-huit monastères en partie sur les
ruines des chapitres des chanoines abolis. « Et
alii pluies cleriei horuni siiuilcs, desuisEccle-
siis ejecti sunt, et inonachi in eorum locuin
siibstituti. Aucta est igitur religio per Angliam
in lanluin, ut quadraginta et octo monasteria
monachis vel sanctimonialibus instituerentur,
cooperantibus Dunstano , Osvaldo et Atlicl-
voldo An. '.t7(.t; ibid., c. cnvin). »
M. Le nombre des évèchés d'Angleterre
étant assez petit, on ne peut douter que ce
nombre de quarante-huit monastères nouvel-
lement établis, ne comprît les chapitres de plu-
sieurs églises cathédrales.
II y a aussi peu de fondement de douter que
la plus grande partie de ces chapitres n'eussent
été composés de religieux, depuis qu'Augustin,
apôtre d'Angleterre, donna comme une seconde
naissance a toute l'Eglise de cette grande île.
Etant religieux, et n'étant accompagné «pie de
religieux, il est bien plus probable qu'il établit
la vie commune et religieuse dans le clergé de
toutes les cathédrales. Ainsi , ce fut comme
une révolution ou une circulation perpétuelle
et alternative de l'état clérical et de l'état mo-
nastique dans les chapitres. Car la première
fondation des églises se fit par des ecclésias-
tiques.
La renaissance de ces mêmes églises sous le
moine Augustin, se fit par des moines. Le relâ-
chement des siècles suivants avait insensible-
ment métamorphosé ces moines en chanoines;
l'impureté scandaleuse des chanoines y fit
rappeler les moines, comme nous venons de
voir, et nous verrons ci-après comment les
moines laissèrent enfin la place aux cha-
noines.
Il est rapporté dans la vie de saint Snvihert,
comment le saint archevêque d'York, Eghert,
le lit chanoine de son église, où l'on imitait
d'assez près les moines. « lllum canonicum
ordinans, etc. In quo conventu tam stricte
monaslicis se disciplinis mancipavit, etc. (Su-
rins, die I Marti i, c. iv). »
Ces chanoines retenaient encore les pratiques
des anciens religieux, et faisaient comme un
mélange de la vie des moines et de celle des
ecclésiastiques, ce qui était comme un milieu
pour passer d'une extrémité à l'autre.
VIL L'auteurde la vie de saint Osvald raconte
plus précisément par quels degrés d'autorité il
fallut mettre à exécution ces réformes de cha-
pitres. Le roi, le pape, l'archevêque, le concile
national concoururent à une même fin et les
évêques furent exécuteurs.
« Auctoritate Joannis papae Dunstanus archie-
piscopus coacto generali concilio , statuit ut
canonici omnes, presbyteri, diaconi, subdia-
coni , aut caste viverent, aut Ecclesias quas
tenebant, dimitterent. Habebat autem regem
Edgarum bac in re fidelem adjutorem, etegre-
gium delensorein. Poi rohujusdecreti executio
demandata est Osvaldo Vigorniensi, et Ethelu-
LA SUCCESSION RÉCIPROQUE DES MOINES, etc.
581
voldo Vintoniensi episcopis (Apud Surium ,
Octob. die 15). »
VIII. L'auteur de la vie de sainl Meinvert,
évêque de Paderborn , propose encore uri
exemple de ce mélange dont nous avons parle,
de moines et de chanoines dans un même cha-
pitre, dans l'église de Brème. L'archevêque
Lubentius n'y agréant pas cette contusion de
deux professions différentes, acheva d'éteindre
ce qui restait de la discipline monastique.
« Primus omnium congregationem, quae antea
quidem mixta ex inonachis et canonicis con-
versatione degebat , ad canonicam regulam
traxil Surius Junii die v, c. 2-2!. »
Voilà comment les chanoines ont pris quel-
quefois naissance dans les cathédrales mêmes
du relâchement des anciens moines. Car il y
avait bien plus de facilité à séculariser des
moines débordés qu'à les réformer.
C'est ce que dit excellemment Rathérius,
évêque de Vérone, lorsqu'il substitua des clercs
aux moines déhanchés d'une abbaye de sa
dépendance. « Cum perarduum sit monacho-
rum propositum, et talibus ineonvenienlissi-
muin : sicut enim monacho nihil sanctius, ita
nihil est hypocrita sceleratius : relicto impos-
sibili, ad possibilia me conferre operam dedi
(Spicileg., tom. u, pag. 2.'î(i). »
Ce prélat établit donc dans ce monastère au
lieu des moines, trois prêtres, un diacre, un
sous-diacre et quelques petits clercs, afin qu'on
y célébrât tous les jours la sainte messe et l'of-
fice canonial du jour tout entier. « Ut inibi
nullo die missa deesset, liymnos in memoriam
antiquae consuetudinis, in iaudibus matutinis,
prima, tertia, sexta, nona, vespera et comple-
torio, quae omnia ad horam debitam exbiberi
decrevi, cantarent. »
J'ai remarqué cela en passant, pour montrer
qu'on ne laissait pas d'assujétir un fort petit
nom lire de chanoines au chant de l'office cano-
nial tout entier.
I\. La chronique de l'abbaye de Senonc,
parle d'un monastère de religieuses dans l'évê-
ché de Toul, où en leur place on mit des reli-
gieux bénédictins, auxquels enfin succédèrent
des chanoines de saint Augustin. « Ibidem mo-
nachos instituit episcopus sub norma sancti
Benedicti ; quibus postea indeexpulsis, ordinis
sancti Augustini canonici , sicut usque nunc
ibidem permanent, sunt inthronizati (Spicileg.,
tom. in. p. 2NÏ.. 31 il. »
Voilà la première mention des chanoines de
sainl Augustin. Cela sérail très-remarquable si
celle chronique était d'une autorité ou d'une
antiquité un peu moins contestée. Il y est dit
dans la suite (An. 942) que Frédéric, duc de
Lorraine, avant substitue des moines a des cha-
noines dans une de ses abbayes, le peu de salis-
faction qu'il eut des moines, l'obligea peu de
temps après, d'y rappeler leschanoines. «Quia
facta monachorum satis expertus erat, canoni-
cos saeculares ibidem, sicut usque adhuc per-
manent, instituit (Pag. 309). »
X. Quoique ces révolutions semblent avoir
été alternatives , on peut dire avec vérité que
les conciles, les papes, les grands évêques
et les princes ont été plus favorables à la ré-
formation qu'à la sécularisation des chapitres.
Lors même que Louis le Débonnaire eùl fait
dresser la règle des chanoines par le diacre
Amalarius, et qu'il l'eût fait canoniser, pour
ainsi dire, par le concile national d'Aix-la-
Chapelle, de l'an sic, une partie desplus célè-
bres abbayes . où la vie canoniale s'était intro-
duite, aimèrent mieux rentrer dans leur pre-
mière origine , qui était la profession monas-
tique, que d'embrasser cette nouvelle règle des
chanoines.
Le moine Ademaren parle ainsi : «Anno S10
Ludovicus jussit lieri regulam canonicis, excer-
plani de diversis Patrum Scripturis, decrevit-
que eain observandam a canonicis. Ut sicut
monacbi respiciunt ail librum regulae sancti
Benedicti, sic perlegant canonici inter se librum
vite clericorum. Quem librum Amalarius dia-
conus ab imperatore jussus, collegitex diversis
doctorum sentenliis. Dédit ei imperator eopiam
librorum de palatio suo (Ademarus). »
Le soin que prit cet empereur d'envoyer
cette règle dans toutes les villes épiscopales, et
dans tous les monastères des chanoines , « Per
omnes civitates et monasteria canonici ordi-
nis, n'empêcha pas que l'abbaye célèbre de
Lerrieres, ne quittât la profession d( s chanoines
pour reprendre celle des moines.
c'est ce qu'en dit Loup, abbé de Ferrières :
« Certe Ferrariensis monaslerii quondam no-
l)i I is abbas et presbyter Sigulfus, qui usque ad
senium canonico habitu laudabiliter vixerat,
sponte se potestate exuit, et nostram , hoc est
monachicam religionem assumpsit, atque do-
uée diem obiret , suo passus est subjici disci-
pulo, quem ipsius voluntate, ac fratrum con-
sensu , imperator Ludovicus memorato loco
abbatem prœfecerat (Epist. xxix). »
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGTIÈME
Huit ans seulement après la mort de Louis
le Débonnaire, les chanoines de Saint-Martial
de Limoges obtinrent de Charles le Chauve le
pouvoir de se réformer et de se faire moines :
« Omnes canonici postraverunt se ad pedes
ejus , postulantes dari sibi licentiam se fieri
monachos in eodem loeo. Rex vero Deogratias
agens (Ademarus
Le savant Hinemar avait été chanoine dans
la célèbre abbaye de Saint-Denis, et enfin
il s'y fit moine , quand la réforme y eut été
introduite (Hinemar., ep. xxvi. ad Nicol. Pap.).
CHAPITRE VINGTIEME.
OIE TOI TES CES CONGREGATIONS DE CHANOINES NE S ENGAGEAIENT POINT A LA PAUVRETÉ
VOLONTAIRE, SOIS L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE.
I. t> qui a été proposé se prouve par la règle de Crodo-
gangus.
II. Autres preuves de la même règle, qui permet aux cha-
noines de posséder en propre leur patrimoine et leurs distri-
butions.
III. Nouvelles preuves tirées du concile d'Aix-la-Chapelle,
qui distingue les moines des chanoines par la désappropriation.
IV. Explication du canon de ce concile, qni semble per-
mettre aux chanoines propriétaires de prendre leurs distribu-
tions.
V. Autres preuves du même concile.
VJ l 'reines des capitulaires.
VII. Les chanoines n'étaient pas nou plus obligés à la sta-
bilité.
VIII Ni.mrlli. preuves qui' Puis ces chanoines pouvaient
être propriétaires.
IX. De là vient qu'on ne les appela jamais chanoines de saint
Augustin.
X. On ne les appelait peut-être pas encore chanoines ré-
guliers.
I. Nous sommes enfin parvenus à cette ques-
tion importante, savoir si ces congrégations
ecclésiastiques , dont nous venons de parler,
soit dans les chapitresdes cathédrales, soit dans
lus abbayes particulières , joignaient à la vie
commune le dépouillement de tous les biens
patrimoniaux, et la profession ou le vœu de la
pauvreté volontaire.
Le renoncement volontaire a tous les biens
de la terre et la désappropriation n'ont jamais
ete une loi ou une obligation précise de tons
les chanoines.
La règle de Crodogangus en fournitdes preu-
ves, qui ne semblent pas soutint' de réplique. 11
y est ordonné, que si l'on donne a un prêtre,
ou a un autre ecclésiastique quelque somme
d'argent, ou quelque aumône, pour sa messe
ou pour la confession , ou pour le chant des
psaumes, il pourra la retenir pour son utilité
particulière, et en faire ce qu'il voudra. Mais
si l'aumône en général est faite pour toute la
communauté, aucun particulier ne pourra se
l'approprier.
a Si aliquis uni sacerdoti pro missa sua, vel
pro confessione, aut clerico pro psalmis et
hymnis , seu pro seipso , vel pro quolibet caro
suo . aut vivente , aut mortuo, aliquid in elee-
mosyna dare voluerit ; hoc sacerdos vel défi-
nis a tribuente accipiat, et exindequod voluerit
faciat. Si autem a tribuente ad omnes sacer-
dotes aliquid in eleemosynadatunifuerit, banc
eleemosynam communem habeant, et psalmo-
diant vel missas pro illo miséricorde faciant
[Cap. xlii). »
Il ne se pouvait rien dire de plus contraire
a la désappropriation. En voici une autre
preuve , qui n'est pas moins convaincante. La
règle expose à ceux qui ont du bien en parti-
culier, soit de leur patrimoine, soit des fonds
de l'Eglise, l'ancienne obligation que les saints
Pères leur ont proposée . de ne rien recevoir
des distributions qui se donnent a ceux qui
composent la communauté. On ne défendait
dune pas aux chanoines d'avoir des fonds de
l'Eglise en usufruit, ou des terres patrimoniales
en propriété.
« Sanctorum Patrutu sentenlis docent, cle-
ricos non divitiarum sectatores esse, nec res
Ecclesiarum inofficiose accipere debere. Inde
dicil Prosper : Oui Ecelesiaj serviunt, et ea qui-
DES CONGRÉGATIONS DE CHANOINES, etc.
583
bus opus non habent , ant libenter accipiunl .
aut exigent, nimis carnaliter sapiunt (Ibidem,
c. IV). »
Nous avons déclaré ailleurs, que saint Pros-
per. ou plutôt Julien Pomére, parle dans cet
ouvrage des clercs propriétaires, qui pouvaient
néanmoins en quelque façon s'égaler à la Vertu
et au mérite des pauvres volontaires , en ser-
vant l'Eglise gratuitement et en abandonnant
aux pauvres le salaire qu'ils auraient pu atten-
dre de leur travail.
II. La règle de Crodogangus continue à s'ex-
pliquer encore plus nettement sur le même
sujet. « Hi vero qui nec suis rébus abundant ,
nec Ecclesiae babent possessiones, et magnam
utilitatem Ecclesiae conferunt, accipient in ea-
nonica congregatione victum et vestimentum
et eleemosynarum partes , quia de talibus in
libro Prosperi dicitur. etc. »
Ce sont donc les véritables pauvres entre les
chanoines a qui les distributions d'habits et
d'aliments sont justement dues, et non pas
ceux à qui leur patrimoine ou leur bénéfice
fournit suffisamment pour toute leur dépense.
11 y avait un fondement encore bien plus
raisonnable de se plaindre de la sordide avarice
de ceux qui , possédant d'ailleurs de grands
biens et ne rendant aucun service à l'église.
ne laissaient pas de recevoir des distributions
plus grandes que les autres qui étaient pauvres
et qui travaillaient avec un zèle infatigable
pour l'Eglise. Ce désordre était fort ordinaire,
ainsi la pauvreté volontaire n'était de nulle
obligation parmi ces chanoines.
« Solet in plerisque canonicorum congréga-
tionibus irrationabiliter atque indiscrète tieii.
ut nonnulli clerici, qui et diviliis aftluunt, et
aut parum aut nihil utilitatis Ecclesiae confe-
runt, majorent caeteris divinum strenue pera-
genlibus officium , annonam accipiant. Cum
hoc ita fieri debere, nunquam nec in auctoritate
Scripturarum nec in traditionibus patruin
]iossit inveniri (Ibidem, c. 7). »
III. Mais comme on pourrait nous répliquer
que la règle de Crodogangus ne fut jamais
universelle pour tous les chanoines, venons à
celle du concile d'Aix-la-Chapelle, de l'an 810,
que Louis le Débonnaire fit dresser générale-
ment pour tous les chapitres et pour tous les
monastères où il y avait des chanoines.
Il faut d'abord remarquer que les mêmes
articles et les mêmes termes que nous venons
d'alléguer de Crodogangus y sont renfermés.
On en peut donc tirer les mêmes pleines en
général, pour tous les chanoines vivant en
communauté. Mais en voici encore de nouvelles
et de plus expresses.
Ce concile déclare en termes formels, que la
différence des moines et des chanoines consiste
principalement en ce point, que les chanoines
peuvent posséder des fonds et des revenus et
par conséquent se nourrir et se vêtir un peu
plus commodément . porter du linge, manger
de la viande ; ce qui n'est pas permis aux
moines.
« Quanquam enim canonicis. quia in sacris
canonibus illis prohibitum non legitur, liceat
liniim induere, carnibus vesei, dareetaccipere,
proprias res et Ecclesiae , cum humilitate et
justifia habere, quod monachis, qui secundum
regularem institutionem , artiorem ducunt
vitam, penitus inhibitum est Concil. Aquis-
gran., c. 115). »
Ce concile ajoute que les moines ayant re-
noncé à tout ce qu'ils eussent pu posséder en
particulier, ils doivent plus abondamment être
assistés dans toutes leurs nécessités que les
chanoines, qui jouissent en même temps de
de leurs biens propres et des revenus ecclé-
siastiques.
« Et quia nihil sibi proprium reliquerunt
monachi . manifestum est illos copiosioribus
Ecclesi;e sumptibns, quam canonicos, qui suis
et Ecclesiœ utuntur rébus, indigere. Unusquis-
que enim, ut ait Apostolus, proprium donum
habet a Deo (Ibidem . »
IV. Il y a bien un chapitre dans ce concile
d'Aix-la-Chapelle de 810 (Cap. cxx), qui semble
permettre aux chanoines qui ont du bien en
propre, ou des bénéfices, de recevoir encore du
chapitre leurs aliments et leurs portions des
aumônes. « Proinde qui et suas et Ecclesiœ
habent facilitâtes, et utilitatem Ecclesiae aut
interius, aut exterius conferunt, accipiant de
congregatione cibum et potum. et partes elee-
mosynarum. et bis contenti sint, ne plus acci-
pientes, pauperes gravare videantur. »
Mais il y a beaucoup de fondement de croire
que ce texte est corrompu. 1° C'est un sens et
un règlement tout contraire à celui de la règle
de Crodogangus, dont il a été tiré.
2° II n'est pas moins contraire à l'autorité et
aux paroles formelles de saint Prosper, qui y
sont alléguées ensuite comme en étant le fon-
dement. « Perpendentes Prosperi sententiam,
qua dicitur. Qui sua possident, et dari sibi ah-
584
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
quid volunt, sine grandi peccato suo, unde
pauper victurus erat, non accipiunt. »
.'!" .N'est-ce pas choquer le sens commun que
d'exhorter ceux qui ont du patrimoine et des
fonds même de l'Eglise, de se contenter de
prendre leur nourriture et leurs distributions
en argent de la mense commune, et de ne rien
demander davantage?
4° Dans la suite, il est dit que ceux qui ren-
dent des services considérables à l'Eglise, et
qui, d'ailleurs, ne possèdent chose quelconque,
doivent recevoir de l'Eglise leur nourriture,
leurs habillements et leurs portions des au-
mônes. Ainsi, ce serait comme égaler ceux qui
n'ont rien du tout à ceux qui possèdent beau-
coup, et leur donner un droit égal aux distri-
butions de l'Eglise. Ce qui est manifestement
contre l'intention du concile.
5° Il est vrai que ces derniers reçoivent non-
seulement leur nourriture, mais aussi leurs
habillements, ce qui n'est pas exprimé des
premiers qui sont riches. Mais il est difticile de
croire que ce soit en ce point là seulement que
le concile désire que les chanoines riches
épargnent la mense commune qui est consa-
crée aux nécessités des pauvres.
V. Je reviens aux preuves de l'état de ces
chanoines propriétaires. En voici encore une
aussi claire que les précédentes, tirée du cha-
pitre h2-2 de ce concile d'Aix-la-Chapelle, de
l'an 816.
Il ordonne aux chanoines qui possèdent
des biens héréditaires et jouissent outre
cela de l'usufruit de quelques terres de
l'Eglise, d'ouvrir les trésors de leur charité, et
de les répandre sur les pauvres au temps de
famine et de stérilité, sans qu'ils puissent pour
cela par uni! folle présomption, se préférer à
ceux que l'Eglise nourrit, parce qu'ils sont
vraiment pauvres.
« Uni vero et suis et Ecclesia! abundant ré-
bus, instante sterilitatis lempore, eis quos pau.
peres pascit Ecclesia, suis facultatibus cum
caritate et humilitate suffragari procurent. Non
lamen ob id se superbiendo extollant, quia si-
cut in libre Prosperi legilur : Non se debent
bujusmodi inani jactantia pneferre bis, quos
nihil habentes pascit ac vestit Ecclesia (Cap.
r.xxu). »
VI. Je laisse les autres arguments qui ont
déjà élé cités de la règle de CrodogangUS, dont
les mêmes termes sont insères dans ce concile
depuis le chapitre 115 jusqu'au L2o.
Le concile de Vernon, tenu sous le roi Pépin,
l'an 755, parlant des clercs qui possédaient leurs
biens héréditaires, « Et modo res eorum, vel
pecunias habent, » leur ordonne bien de ren-
trer dans les monastères ou dans les maisons
des évoques, pour y vivre en congrégation avec
les autres sectateurs de leur même profession,
mais il ne leur commande point de renoncer
à tout ce qu'ils possédaient, avant que d'entrer
dans la maison ou dans la congrégation de
l'évêque.
Au contraire, il y a un article des capitu-
laires de Charlemagne, qui suppose évidem-
ment qu'il y a des chanoines qui ont des bé-
néfices, c'est-à-dire des fonds de l'Eglise dont
ils doivent retirer tout ce qui est nécessaire
pour leur entretien, afin de soulager la con-
grégation dont les revenus sent destinés à as-
sister les nécessiteux.
« Volumus atque praecipimus, ut sicut syno-
dali atque canonica autoritate a pastoribus
sanctee Ecclesia; saepissime admoniti sumus,
ut canonici clerici, qui in civitatibus, vel in
monasteriis degunt , qui bénéficia habent ,
unde vie tu m et vestimentum habere possunt,
ut his juxla Apostolum eontonti sint, et sti-
pendia fratrum , mule pauperiores et ni qui
assidue in preedictis locis Domino famulantes
excubaul, atque ibi assiduum divinum explens
oflicium, vitam sustinent, nequaquam assu-
mant, aut in suis usibus convertant. Sciinus
enim quia absque periculo atque dispendio
animarum suarum hoc nullatenus facere pos-
sunt. Si quis luec statuta contempserit, utrius-
que careat, id est, et beneficio et praebénda,
atque si gradibus fruitur ecclesiasticis , ipsis
privetur (Addit., 1. m, c. 7G). »
Ce chapitre semble faire allusion au concile
d'Aix-la-Chapelle, quand il y est dit : Si/nodnli
(iittoritiite admoniti sumus. Et de la il faut
inférer que le concile d'Aix-la-Chapelle n'a
nullement permis aux chanoines, qui ont du
bien d'ailleurs, de recevoir encore leur por-
tion des distributions et des aumônes.
Il est bien vrai que ce chapitre ne parle que
de ceux qui ont des bénéfices ecclésiastiques,
mais les deux chapitres suivants étendent la
même obligation sur ceux qui n'ont pas re-
noncé à leur patrimoine, empruntant les ter-
mes propres de saint Prosper : « Quod habet
Ecclesia, cum omnibus nihil habentibus habet
commune, née aliquid inde eis, qui sibi de
suo suflicuml, convenit erogare. Quando nihil
DES CONCRECATIONS DE CHANOINES, etc.
58S
aliml sit habentibus dare, quam perdere. Nec
illi (|iii sua possidentes, dari silli aliquid vo-
tant, sine grandi peccato suo, 1 1 1 1 < 1 < ■ pauper
viclus erat, accipiunl Ibid., c. lxxvii, lxxvii i .»
Tous les chanoines pouvaient donc avoir des
bénéfices et posséder du patrimoine.
Vil. Si nous passons de la pauvreté à la sta-
bilité, nous ne trouverons pas qu'elle lui d'une
obligation plus précise pour les chanoines.
Le même concile d'Aix-la-Chapelle, de l'an-
née 816, blâme la conduite ambitieuse et im-
prudente de quelques évêques qui recevaient
plus de chanoines dans leur église qu'ils n'en
pouvaient entretenir. D'où il arrivait ensuite
que les chanoines n'étant pas assistés dans
leurs nécessités, sortaient de la congrégation,
cl s'abandonnaient à des dissolutions scanda-
leuses. « Hi taliter adgregati , dum a praelatis
stipendia necessaria non accipiunt, claustra
societatemque caeterorum relinquentes, effi-
ciuntur vagi, et lascivi, gulœ et ebrietali et
caeteris suis voluptatibus dediti ; quidquid sibi
libitum est. faciunt. »
On ne traite point d'apostats ceux qui sont
sortis de ces communautés, parce quelles sont
libres et volontaires.
Et les évêques congédiaient aussi quelque-
fois ceux qu'ils y avaienl reçus, mais ils ne
devaient pas le taire par le mouvement seul
d'une sordide avarice : « Nec eos quos ralio-
nahiliter gubernare possunt, causa avaritiœ
abjiciant (Ibid., et c. cxixl. » C'est pourquoi
ce même concile déteste la conduite déraison-
nable et impérieuse des prélats qui ne taisaient
entrer dans leur chapitre que les esclaves de
leur église, afin d'avoir plus de liberté de les
traiter avec empire, et de les priver de leurs
distributions ; la seule crainte d'être encore
traités comme des serfs, ou d'être même ren-
voyés dans leur premier esclavage, étant ca-
pable d'arrêter toutes les plaintes qu'ils eussent
pu taire d'un traitement si injurieux, m Tiuien-
tes ne aut severissimis verberibus alticiantur,
aui humaine servituti denuo crudeliter addi-
cantur.» l>es chanoines qui eussent fait profes-
sion dans une religion régulière u'eussenl pas
même pu appréhender d'être renvoyés dans
les chaînes de la servitude.
Nous parlerons dans la suite des chanoi-
nesses, dont le même empereur Louis lit dres-
ser la règle par le même concile d'Aix-la-Cha-
pelle : et nous montrerons par les termes
formels de leurs constitutions, qu'on ne les
obligeait point de renoncer a leur patrimoine.
De la on conclura sans peine que les chanoines
\ étaienl encore bien moins contraints.
VIII. (in peu! aussi faire quelque réflexion
sur ce que les évêques de ce concile disent
dans la préface que l'empereur les a exhortes
a faire un corps des ordonnances el des règles
de s chanoines, qui sont répandues dans tous
les ouvrages des sainls Pères et dans les ca-
nons des conciles. « Adjunxil monendo, ut
quia canonieorum vita sparsim in sacris cano-
nibus et in sanctorum Patrum dictis erat in-
dita . aliquam ex iisdem sacris canonibus et
sanctorum Patrum dictis institutionis Ibrmam
excerperet, etc. » Or les règles de la vie cléri-
cale . qui sont parsemées dans les canons et
dans les saints Pères, n'imposent aucune obli-
gation aux ecclésiastiques, ni de vivre en com-
mun, ni de renoncer a ce qu'on a de propre.
Pour demeurer pleinement convaincu de
cette vérité, il ne faut que considérer l'obli-
gation indispensable que le même empereur
imposa a tons les évêques de faire observer
celte règle. Formulam canonicœ institutionis,
et d'établir la vie commune dans tous leurs
chapitres, ne leur donnant qu'une année pour
exécuter parfaitement tout ce que ce concile
avait prescrit Concil. i.all., tom. n, p. i-2<; .
Après quoi il envoya ses intendants pour ob-
server la ponctualité ou la négligence de cha-
que évêque a obéira une ordonnance si sainte.
» lt cum nos hujus rei gralia inquirendse
missos nostros per imperium nostrum desli-
naverimus, etc. » Lt il déclara qu'il appellerai^
en cour les évêques négligents pour leur faire
souffrir la peine qu'ils méritaient : « Quicum-
que ille est, ante prœsentiam noslram venire
festinet . quatenus a nobis juxta quantitatem
culpœ digne corrigatur. » Or il y eut eu autant
d'injustice que de témérité . île contraindre
absolument tous les ecclésiastiques et tous les
chanoines au renoncement de leur patrimoine,
a la désappropriation entière, a la stabilité en
une congrégation.
IX. Apres cela on comprendra sans peine la
raison pour laquelle les chanoines dont il est
traité dans les conciles, les capitulaires et les
règles que nous venons de citer, ne sont jamais
appelés chanoines de saint Augustin. On n'a-
vait garde de leur donner ce nom.
I" Parce que la congrégation des clercs que
saint Augustin assembla dans sa maison épis-
i opale, faisait une profession rigoureuse de la
:m
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGTIÈME.
pauvreté volontaire, comme il a été montré
ailleurs , ce qui ne convenait pas aux cha-
noines dont nous parlons présentement.
2° Nous venons de voir que la règle de Cro-
dogangus l'ut compilée des canons, des écrits
des Pères en général, et surtout de la règle
de saint Benoît qui lui a servi comme de mo-
dèle. Ainsi saint Augustin y a eu très-peu de
part.
3° La règle du concile d'Aix-la-Chapelle
(Conc. Aquisg., C. CXH) qui est la même que
celle que le diacre Amalarius composa et que
ce concile autorisa, est presque la même que
celle de Crodogangus. Ainsi, saint Augustin n'y
a rien institué, et il faudrait plutôt donner
cette gloire à saint Benoît.
4° Et l'empereur et le concile protestent ou-
vertement que la règle doit être compilée des
canons et des écrits des saints Pères en général.
En effet, saint Jérôme, saint Prosper, saint Isi-
dore, saint Grégoire le Grand y sont bien plus
souvent allégués que saint Augustin.
5° Il est vrai que les sermons de saint Augus-
tin qui contiennent l'institution de son sémi-
naire, y sont insérés et que la désappropriation
de tous les membres de sa sainte société y est
rapportée. Mais c'est une simple allégation, ou
plutôt une narration continue de ce que lit
saint Augustin, sans aucune ordonnance parti-
culière du concile pour rendre cette même
pratique universelle dans tout le clergé.
6° Au contraire, ces sermons de saint Augus-
tin t'ont voir comment lui-même dans la plus
grande ferveur de son zèle, n'obligea pourtant
pas tous les ecclésiastiques a vouer la pauvreté
évangélique. Mais, laissant en leur liberté ceux
qui étaient déjà dans la cléricature, il réso-
lut seulement de ne donner à l'avenir les
ordres qu'à ceux qui se dévoueraient à la vie
commune avec lui et à la désappropriation de
toutes choses. « Ego sum, qui statueram nul-
lum ordinare clericum, nisi qui mecuin vellet
manere. L't si vellet discedere a proposito,
recte illi tollerem clericatum, quia desereret
sancla; societatis promissum. »
7" Mais, dans la suite du temps ce saint pré-
lat jugea plus à propos de laisser jouir de la
cléricature ceux qui voudraient conserver la
possession de leur patrimoine. « Ecce inuto
consilium. Oui volunt habere aliquid pro-
prium, quibus non sufficit Deus et Ecclesia
ejus, maneant ubi volunt, aut ubi possunt, non
eis aufero clericatum. »
Enfin, rien n'est plus clair dans ces deux
sermons de saint Augustin que la profession
de pauvreté et de stabilité que saint Augustin
proposait à tous les ecclésiastiques qui embras-
saient la vie commune avec lui et la nécessité
inviolable de garder ce qu'ils auraient promis
à Dieu. Au lieu que cette désappropriation
n'est jamais proposée, bien moins imposée aux
ecclésiastiques, dans la règle de Crodogangus,
ou dans celle du concile d'Aix-la-Chapelle.
Il est donc certain que toutes ces congréga-
tions de chanoines, qui donnèrent tant d'éclat
au siècle de Charlemagne, soit dans les cha-
pitres des églises cathédrales, soit dans les mo-
nastères particuliers sous les abbés, n'eurent
jamais aucune attache particulière ni à la règle
ni au nom de saint Augustin, et on peut dire
même qu'elles n'observèrent jamais ce qui
était le plus essentiel dans les congrégations
autrefois établies par saint Augustin , qui était
la désappropriation.
Cela se peut encore confirmer par la profes-
sion ouverte que tous les moines faisaient en
même temps, de suivre la règle de saint Benoit,
comme nous dirons dans un des chapitres sui-
vants. Pourquoi n'eùt-on pas dit aussi an moins
en quelque rencontre, que les chanoines com-
battaient sous la règle, ou sous les auspices de
saint Augustin. Cependant c'est ce qui ne se
trouve en aucun endroit.
X. Quant au titre de chanoines réguliers , il
n'était pas non plus en usage. Au contraire, la
qualité de chanoines séculiers semble leur être
donnée dans l'assemblée des abbés et des moi-
nes, que le même empereur Louis le Débon-
naire convoqua l'année d'après à Aix-la-Cha-
pelle. « Ut nullus plebeius , seu clericus saecu-
laris in monasterio ad habitandum reeipiatur
nisi voluerit fieri monachus (Auno 817, can.
xlii ). »
Ces termes de Clerc Séculier comprennent
tous les chanoines, auxquels il n'est pas permis
de demeurer parmi les moines.
DES CHANOINES ET DES RELIGIEUX PROPRIÉTAIRES.
:>st
CHAPITRE VINGT-UNIEME.
DES CHASOINES ET DES RELIGIEUX PROPRIETAIRES, APRES LAN MIL.
Nécessité de traiter cette matière.
II. Peines contre les moines propriétaires.
III. Pierre Damien tâche de les étendre à tous les chanoines.
IV. On lui oppose la règle dressée par le concile d'Aix-la-
Chapelle, sous Louis le Débonnaire, et il s'emporte contre elle,
n'en connaissant pas les auteurs.
V. Pierre Damien faisait un précepte de ce que les papes ne
proposaient que comme un conseil.
VI. Commencement de la règle et des chanoines réguliers de
saint Augustin.
VII. Comment les moines devinrent propriétaires , cl quels
remi di s on \ apporta.
VIII. Défenses de donner des obédiences ou des petits prieu-
rés à vie. De colorer son pécule de la permission de l'abbé.
De donner de l'argent aux moines pour leurs habits.
1\. Mauvaises défaites condamnées- Sentiments de Gerson.
X. Règlements du concile de Trente et des conciles qui
l'onl suivi sur ce sujet.
XI. Résolutions de la congrégation du concile contre les
pensions à vie, les meubles en propre, etc.
XII. Réponse à deux objections tirées des décrétalcs et des
arrêts des parlements.
I. Si la communauté des biens et de la vie
était exactement observée, on ne verrait jamais
de religieux, ni de chanoines réguliers pro-
priétaires.
La manière de posséder les biens de l'Eglise
en communauté, est la nature primitive et ori-
ginaire de tous les bénéfices : les bénéfices,
divisés comme ils sont présentement . ne sont
provenus que des partages qu'en ont fait pre-
mièrement les clercs, et ensuite les moines
propriétaires.
Il importe donc de bien connaître comment
dans la suite des siècles la division des biens et
la propriété se sont diversement établies.
II. Le concile de Londres , sous Lanfranc en
1075 priva de la communion même après leur
mort, et de la sépulture les moines proprié-
taires impénitents, (le concile ne parle que des
moines, mais les deux conciles romains, sous
Nicolas II et sous Alexandre II, en I056et 1063,
dont le canon a été cité ci-dessus comme le
fondement de la vie commune, imposèrent à
tous les clercs majeurs l'obligation deladésap-
propriation, en même temps que celle de la vie
commune. « Simul manducent et dormiant, et
quidquid eis ab Ecclesiacompetil, communiter
habeant. »
Voilà le statut qui fut fait de ne posséder
qu'en commun les biens d'Eglise : « praeci-
pientesstatuimus. » Mais à ce précepte le même
canon ajoute un conseil , de renouveler et
retracer en eux-mêmes une parfaite image de
la vie apostolique , qui fait profession de renon-
cer a tous les biens de la terre. « Rogantesmo-
nemus, ut ad apostolicam communem vitam
summopere pervenire studeant. »
III. Pierre Damien, emporté par la sainte
ardeur de son zèle, écrivit au pape Alexandre 11,
pour le porter à bannir absolument toute sorte
de propriété d'entre les chanoines, sans distin-
guer les chanoines réguliers d'avec les autres.
« Fratres canonieiordinis (L. i, epist. xvi . » 11
lui suffit que les chanoines vivent en congré-
gation pour être engagés à une entière abné-
gation des biens de la terre, de quelque nature
qu'ils puissent être.
Ce saint et zélé prélat, après avoir rapporté
sur ce sujet ce que saint Augustin avait prescrit
aux ecclésiastiques de son séminaire , qui fai-
saient tout son clergé, ajoute cette suite comme
naturelle, que tous les chanoines qui vivent en
communauté ne peuvent rien posséder en
propre. « In quibus sancli viri verbis evidenler
ostenditur. quia clericus. qui pecuniam possi-
del, ipse Christi possessio, vel hareditas esse,
vel Deum baereditate possidere non potest.
Quod tamen non de clericis omnibus dicimus
sed de bis specialiter qui canonico censentur
nomine, et vivunt in congregatione. »
Aux autorités de saint Augustin, tirées de
ses deux sermons « de moribus Clerieorum, »
Pierre Damien ajoute celles de saint Jérôme et
de saint Prosper, qui ne sont pas moins évi-
dentes ni moins fortes pour la désappropriation
des clercs.
IV. Mais il y avait des communautés de cha-
noines qui opposaient a ces passages des Pères,
et a ces prétentions rigoureuses de Pierre
Damien, la règle du concile d'Aix-la-Chapelle,
(lui fut dressée l'an 816, par les soins de l'em-
pereur Louis le Débonnaire, et qui permet de
588
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGT-UNIÈME.
distribuer entre les chanoines quelque somme
d'argent, « parte eleçmosynarum, » outre le
vêlement et la nourriture.
Comme ces chanoines disaient simplement
que c'était leur règle qu'ils ne faisaient pas écla-
ter, ou qu'ils ignoraient peut-être eux-mêmes
l'autorité du concile. dèsévêqueset de l'empe-
reurqui en avaient été les auteurs, Pierre Damien
se donna la liberté de taire des invectives
contre cette règle du concile oUAix-là-Chapelle,
de l'an 816, et de dire qu'il respectait les pas-
sages des Pères qui 5 étaient allégués, mais
qu'il ne pouvait souffrir les relâchements qui
y sont autorisés, de donner une quantité exces-
sive et extraordinaire de pain, de \in et de
viande a chaque particulier, et de faire des dis-
tributions d'argent entre les chanoines.
0 Cum hœc canonicis objicimus, ipsis regulae
sua1 librum nobis protinusobjiciunt, ad regulae
su e auctoritatem redeunt ; eaque sihi proprie-
talis peculium concedente, pati se praejudicium
patiuntur. Quam nimirum regulam nos nec
funditus improbamus , nec auctoritatem illi
oinnino tribuimus. Probamus inquantum san-
ctis Ecclesiae doctoribus consonat, abjicimus
atque conspuimus, in quantum authenticis
eorum institutis non concordat. »
Je ne rapporterai pas ici les paroles aigres
de Pierre Damien contre cette règle. S'il en
avait connu les aut< urs, il l'aurait sans doute
épargnée, et en aurait au moins attribue les
adoucissements à une charitable condescen-
dance. S'il avait examine de plus près les pas-
sages des Pères qu'il allègue, il aurait aperçu
que saint Augustin se garda bien de vouloir
assu.jétir tous les clercs du reste de l'Eglise à
la même règle et a la même désappropriation
à laquelle il obligeait les siens ; que saint
Jérôme ne parle nullement des clercs vivant
en congrégation, puisque ce ne fut que Paint
Augustin qui donna commencement à cet
institut; enfin que suint Prosper ne dépouille
pas les clercs de leur patrimoine et ne les resserre
point dans la vie commune, mais il les oblige
seulement à ne pas toucher aux revenus ecclé-
siastiques . destinés au soulagement des pauvres,
s'ils ont du patrimoine.
Je ne m'arrête pas à une vision qui est allé-
guée en passant dans une lettre écrite par les
religieux de saint Bernard, et rapportée par
Horstius dans le chapitre \i de son introduction
aux œuvres de ce saint. Elle porte que l'empe-
reur Louis le Débonnaire ouit une voix qui lui
dit qu'il avait répandu un poison dans l'Eglise.
« \enenqm Ecclesiae addidisti. » La lettre
même de ces religieux n'applique cela qu'aux
grandes richesses dont ce prince combla l'E-
glise. « Qui praecipue ditavit Ecclesias. » Cela
ne touche point les clercs à qui on permet de
garder leur patrimoine. Apres tout, ce n'est
qu'une vision dont il n'a été parlé qu'environ
trois cents ans après la mort de cet empereur.
V. Il n'y avait donc que saint Augustin qui
eût établi dans son clergé ce que Pierre Damien
et les papes de son siècle tachaient d'introduire
dans tout le clergé de l'Eglise occidentale, la
continence, la vie commune, la désappropria-
tion tant des biens héréditaires que des revenus
ecclésiastiques ; mais les papes ne le proposaient
que comme un conseil. Pierre Damien taisait
un précepte de l'abnégation du patrimoine.
a Si quid tibi de propriis reservasti, audi Apo-
stolum terribiliter objurgantein , cur, inquit,
tentavit satanas cor tuum, mentiri te Spiritui
sancto, ut fraudares de pretio agri, etc. »
VI. Ce lut aussi alors qu'on commença à
opposer la règle de saint Augustin, tirée de ses
deux discours que Pierre Damien cite et qu'il
nomme De moribus Clericoritm, à l'ancienne
règle des chanoines, composée par les évêques
du concile d'Aix-la-Chapelle, «le l'an 816.
Connue il fallait opposer une régie à une
autre, on donna le nom de règle a ces deux
sermons de saint Augustin. Pierre Damien ne
parle seulement pas de la lettre cent neuvième
de saint Augustin, bien loin de l'opposer à la
règle relâchée îles chanoines propriétaires.
Ce fut aussi en ce même temps que l'ordre
des chanoines se partagea en deux sortes de
communautés . les unes suivant la règle du
concile d'Aix-la-Chapelle, et les autres celle de
saint Augustin.
Quelque instance que Pierre Damien put
taire auprès de ce pape : « Ut baec apud inobe-
dientium clericorûm . imo nummicolarum
rebellionem efficaciter valeant, sanctus aposto-
latus vestri vigor impellat. » Ce pape et ses
sueei sseurs, animes de l'Esprit-Saint qui anime
toute l'Eglise, n'ont jamais voulu l'aire un
commandement de nécessité de ce qui n'avait
été qu'un conseil de perfection dans tous Tes
premiers siècles de l'Eglise.
Les chanoines qui renoncèrent a toute pro-
priété commencèrent alors à prendre le nom
de réguliers, comme sectateurs de la règle de
saint Augustin, c'est-à-dire comme imitateurs
DES CHANOINES KT DES RELIGIEUX PROPRIÉTAIRES.
589
delà vie commune et de la désappropriation
que ce grand prélat commença de faire prati-
quera son clergé. Pierre Damien montre que
ce tci nie était déjà commun en ce sens là dans
un autre |>etit ouvrage de commuai vita Cano-
nicm mu .
Voici ses paroles pour exhorter fous les cha-
noines à vivre en réguliers, puisque ce sonl
deux termes de même signification, l'un grec,
l'autre latin. « Plane quo pacto quis valeal dici
canonicus, nisi sit regularis? Quomodo mona-
elius. nisi juxla vim sui nominis, sit etiam siu-
gularis? Volunt siquidem canonicum, lioc est
regulare nomen habere, se<i non regulariter
vivere. »
La règle des chanoines consistait autrefois
dans les canons des conciles. Ce fut après cela
celle du concile d'Aix-la-Chapelle, presque la
même que celle de Crodogangus. Ils en étaient
appelés chanoines. Ceux qui enfin se dévouè-
rent à celle de saint Augustin, en tirèrent le
nom de réguliers. De même que la règle de
saint Benoit qui eut cours après et avec tant
d'autres, mérita enfin toute seule le nom de
règle.
(le sont enfin ces deux règles de saint Denoît
et de saint Augustin qui ont l'ait donner le
titre de réguliers aux moines et aux chanoines
qui y sont engagés.
VII. Il s'en fallait beaucoup qu'il ne fût au
pouvoir de ces papes, de faire renoncer tous
les ecclésiastiques à la propriété tant de leur
patrimoine que des biens ecclésiastiques. Les
moines mêmes, par l'irruption des Normands
et la désolation générale qui s'en était suivie
de toutes les églises et de tous les monastères,
ayant été dispersés de toides parts, étaient déjà
auparavant devenus propriétaires.
Après ce naufrage universel de la régulai lié,
lorsqu'ils retournèrent à leurs abbayes, ce ne
fut que le nouvel ordre de Cluny qui retraça
l'image de l'ancienne perfection monastique,
tous les autres religieux se contentèrent de
pallier leur avarice du prétexte spécieux de la
permission de leurs abbés, prétendant que la
règle de saint Benoit leur permettait de possé-
der tout ce qu'ils possédaient avec l'agrément
de leur abbé. «Régula, inquiunt, jubet, ut nihil
babeat monaehus , quod abbas non dederit,
aut permiserit. Abbates vero nostri taies sunt,
ut nostra non curent, et ob id permittunt nos
habere quae indigemus Bibliot. Clun., p. 42
43, ,'»! , 215). » La pauvreté des monastères
désolés était le prétexte apparent ^-> richesses
particulières et illicites des moines.
Ce ne fut pas seulement dans les monastères
de France, mais dans ceux d'Italie aussi que le
foirent de la propriété avait débordé. Inno-
cent 111 travailla a la bannir du monastère de
Subioco., |ires de Rome, renouvelanl les ancien-
nes peines el les précautions du grand saint
Grégoire, el protestant que bien loin que les
abbés (lussent permettre aux moines de possé-
der quoique ce fût, le pape même ne le pou-
vait pas (Rainald., an. 1202, n. 7).
On ne pouvait pas plus efficacement renver-
ser le prétexte trompeur de la permission des
abbés, dont les moines couvraient leur avarice.
« Nec œstimet abbas, quod super habenda pro-
prietate possit cuni aliquo monacho dispensare :
quia abdicatio proprietatis, sicut et custodia
castitatis adeo est annexa régula' monachali,
ut contra eam nec summus pontifex possit li-
centiam indulgere (C. Cum ad. de statu Mona-
eborum . »
VIII. Il est probable que la défense que fait
la même décrétale, de donner des obédiences
a des moines pour toute leur vie, n'est qu'une
suite de la désappropriation prescrite par la
règle. « Nec alicui committatur obedientia per-
petuo possidenda, tanquam in sua sibi vila
locetur, sed cum oportuerit amoveri, sine con-
tradictione qualibet revocetur Ibidem). »
Les abbés étaient perpétuels, les obédien-
tiaires ne pouvaient l'être, parce que les abbés
ne possédant rien qu'avec la communauté, ils
ne pouvaient pas devenir propriétaires, mais
les obédientiaires étant ou seuls, ou avec un,
ou deux autres moines, ils devenaient facile-
ment propriétaires, si on tardait de les rap-
peler.
Cela est clairement marqué dans une autre
décrétale du même Innocent III. « Deobedien-
tiis et reditibus quorum curani gesserunt pecu-
nia congregata (Ç. quanlo. De Oflicio Ordi-
nariij. » Cette décrétale fait foi que ce désordre
était commun aux moines et aux chanoines
réguliers. « Monachi, canonici et alii régu-
la res, etc. »
Alexandre III avait été une cause innocente
de cette propriété criminelle, lorsque dans le
concile de Latran il permit aux abbés de laisser
posséder quelque chose aux moines qui avaient
des administrations, où ces moyens semblaient
nécessaires. « Qui vero peculium habuerit, nisi
ah abbate fuerit ei pro injuncta administralione
590
DES CONGRÉGATIONS. — CHAP1TKE VINGT-l'NIÈME.
permissum, a commimione removeatur altaris,
et, etc. C. Monachi. De statu Monacho). »
Clément III cita dans une décrétale le canon
du concile de Latran et la règle de saint
Augustin contre les chanoines réguliers pro-
priétaires (C. Super, quodam. Ibidem). Mais le
concile de Pans, en 1-212 (Part, n, c. 1), au-
torisa bien plus ouvertement un petit relâche-
ment dont les suites ordinaires ne pouvaient
être que très-dangereuses, quand il permit aux
prieurs de posséder ce qui était nécessaire pour
leur administration, et aux moines, ou cha-
noines particuliers, de garder ce que leurs
prélats leur permettraient ou leur donneraient.
« Id praecipue cupimus statuendum, quod in
régula beati Augustini, et beati Benedicti con-
stat esse statutum. Priores tamen et admini-
strationem habentes ad communem usum
habere possunt ea, qute pertinent ad suam ad-
ministrationem. »
Cet article ne serait pas périlleux, si ce
n'étaient que des prieurs conventuels, qui ne
possédassent rien que pour l'usage de leur
communauté, Ad communem usum ; au lieu
que les obédienciers, ou simples prieurs,
n'ayant point de communauté, semblent ne
posséder que pour eux-mêmes. Mais l'article
suivant est bien plus fâcheux : « Claustralis
quoque aliquid modicum potestad suum usum
habere ; ita tamen si praelatus suus ei specia-
liter dederit, vel concesserit. »
Ce concile sembla interpréter mollement la
décrétale d'Innocent III, ci-dessus alléguée,
qui avertissait les supérieurs réguliers de ne
pas s'élever au-dessus du Saint-Siège, en don-
nant des dispenses qu'il ne croit pas lui-même
pouvoir donner.
Les canonistes disent que le pape peut bien
tirer quelqu'un de l'état monastique dans
l'état ecclésiastique et lui permettre après cela
de posséder, mais qu'il ne peut pas faire que
l'état monastique soit compatible avec la pro-
priété et la possession des biens terrestres. Ce
concile jugea que le simple image de fort peu
de chose, avec dépendance de l'abbé, ne ren-
dait pas les réguliers propriétaires. Cela pour-
rait passer sans contestation, si les relâchements
en demeuraient où ils commencent. En effet,
ce concile (Part, m , c. 6) condamna l'usage
pernicieux de quelques monastères de filles, où
on leur donnait en argent de quoi se nourrir
et se vêtir, et on leur donnait si peu, qu'elles
étaient contraintes de chercher le reste ail-
leurs : ce qui était la ruine inévitable de la
pauvreté et de toute la discipline religieuse.
C'est pourquoi il y est ordonné ensuite de leur
fournir en commun la nourriture et les vête-
ments, et de n'en recevoir qu'autant que les
revenus du monastère peuvent en entretenir.
Le concile de Montpellier, en 1214 (Can.
xviu , défendit cet abus de donner de l'argent
pour les habits, connue une occasion de pro-
priété : « Quia ex hoc datur materia proprium
retinendi. » 11 ordonna qu'il y eût un drapier,
c'est-à-dire un officier, entre les religieux ou
chanoines , qui fournit des vêtements. « In
omni monasterio vel canonica regulari certi
redditns deputentur, de quibus, per inaiius
unius, qui eos fideliter colligat, fratribus pro-
videatur de vestimenlis. »
Mais comme si ce concile se fût aperçu des
conséquences pernicieuses du relâchement que
le concile de Paris avait toléré, il déclara que
les prélats réguliers ne pouvaient permettre ni
aux moines ni aux chanoines d'avoir quoique
ce fût en propriété. « Nullus monachus , vel
canonicus regularis proprium babeat , née
etiam de sui abbatis, vel prioris licentia ; cum
ipsis hujusmodi dare licentiam non possent. »
Quant aux obédiences ou prieurés simples,
ce concile reconnaît que ce n'est pas être pro-
priétaire qire de les tenir par ordre des supé-
rieurs pour un temps seulement. « Quod si
aliquam obedientiam île sui majoris praeceptp
teneant, donec illa seeundum loci consuetudi-
nem expendantur, talis regularis non dicilur
propler hoc proprium retinere. »
Cela semble insinuer que les revenus de l'o-
bédience étaient employés, pour les dépenses
de l'abbaye, par l'ordre de l'abbé. En effet, ce
même concile (Can. xxvin), défend aux régu-
liers tle prendre une église, c'est-à-dire un bé-
néfice pour leur prébende., c'est-a-dire pour
leur entretien. « Nullus monachus vel cano-
nicus regularis, a sua, vel alia ecclesia , vel
persona ecclesiastica, ecclesianr , vel aliquid
aliud recipiat, vel teneatpro prœbenda. »
Le concile d'Oxford, en 1222 (Can. xun), dé-
fendit de donner de l'argent pour les vête-
ments, ordonnant d'établir pour cela un ca-
mérier, Camerarium. Il défendit encore aux
moines et aux chanoines de tester, puisqu'ils
n'ont rien de propre ; de tenir à ferme des
terres, des églises ou des monastères; enfin de
tenir des prieurés pour toujours ou pour un
trop long temps.
DES CHANOINES ET DES RELIGIEUX PROPRIÉTAIRES.
591
En effet, c'est le sens de ces paroles : « Ne
alicui nionaclio , vel canonico regulari , qui
non sit obedientialis, custodia monasterii com-
mittatur; ita quod ex longa ipsius mora, vel
conversatione scandalum orialur(Can. xlvii).»
C'était tellement la nature des obédiences
ou des prieurés, de n'être donnés que pour un
temps assez court, que le terme Obedientialis
signifiait un prieur révocable au gré du supé-
rieur ou au terme réglé (Spicileg., tom. vi,
pag. 3-2).
Les statuts des abbés de l'ordre de saint Be-
noît, de la province de Narbonne, en 1226,
qui furent confirmés par Grégoire IX, ordon-
naient à tous les obédienciers et à tous les
prieurs de rendre compte tous les ans au cha-
pitre général, et de se démettre de leur charge
entre les mains de l'abbé qui les rétablirait,
s'ils avaient été fidèles dans leur administra-
tion. « Renuntient absolute administrationibus
suis, etiarti non requisiti in manu abbatis, ab-
bales restituant eos, quos, etc. »
Le concile de Béziers, en 1233, renouvela la
décrétale d'Innocent III, déclarant aux supé-
rieurs claustraux que , la désappropriation
étant essentielle à l'état des réguliers, les ab-
bés et les papes même n'en pouvaient pas
dispenser. Le concile de Cognac, en 1238 ^Can.
xiv), réitéra le canon du concile de Montpel-
lier, en 1211 (Can. xx, xxiv), y ajoutant une
défense aux abbés de donner des dispenses sur
la propriété.
Le concile deChâteau-Gontier, en 1231 (Can.
sxvi), et celui de Saumur, en 1235 (Can. xvi),
déclarent nulles toutes ces dispenses données
par les abbés, sous quelque prétexte que ce
soit. «Ne monacbi, nisi sint in administra-
tione constituli, babeant aliquo colore posses-
sionem, vel aliquam proprietatem etiam de li-
centia abbatum; cum licentia abbatis cis in
hoc non valeat suffragari. »
Celui de Chàteau-Gontier, en 1268 (Can. v),
sembla céder à la violente passion de l'avarice
des moines, leur défendant seulement d'avoir
de l'argent ou d'autres richesses en dépôt hors
de l'abbaye.
Le concile de Tours, en 1239 (Can. xi), con-
damna l'abus de donner de l'argent aux régu-
liers pour leurs habits ou pour leurs aliments;
celui de Londres, en 1268 (Can. xlii, xuv>,
ajouta à cela la défense de tenir des fermes.
Les constitutions de Benoît XII, en 1339
(Cap. xxvi, xxxvi), pour toutes les congréga-
tions des chanoines réguliers de saint Augus-
tin, même pour celles des églises cathédrales,
renouvela les mêmes défenses, leur permet-
tant d'imposer des pensions annuelles sur les
prieurés et autres bénéfices do leur dépen-
dance, si le revenu ordinaire des camériers ei
autres officiers et administrateurs n'était pas
suffisant pour fournir des habits, des aliments
et toutes les nécessités semblables aux cha-
noines. Et quant aux chanoines ou convers
propriétaires, toutes leurs acquisitions leur
sont ùtées dès leur vivant, et adjugées a la
mense commune. Mais quant aux obédiences,
prieurés, administrations et autres bénéfices,
on ne les limite plus à un temps déterminé,
bien moins les déclare-t-on révocables au gré
du supérieur. Ce qui est sans doute un relâ-
chement d'autant plus déplorable, que ce pape
désespérait d'y pouvoir remédier.
IX. Ce fut un relâchement bien plus exor-
bitant, lorsque le chapitre général des béné-
dictins d'Angleterre a Westminster, en l'an
1422 (Conc. General., tom. xu, p. 350), après
avoir condamné les moines et les abbés pro-
priétaires qui avaient des fonds et des biens
autres que ceux du monastère; après avoir
proscrit la dangereuse coutume de donner de
l'argent aux religieux pour leur nourriture et
leurs habillements ; permit néanmoins après
cela aux religieux de recevoir et de garder de
l'argent pour leurs nécessités particulières ,
pourvu que ce fût du gré du supérieur, et avec
obligation de lui en rendre compte, autant de
fois qu'il le demanderait, et au moins une fois
l'an , en sorte que tout ce qui se trouverait de
reste à la fin de l'année serait abandonné à la
disposition du supérieur.
Ce chapitre reconnut bien que c'était une
violation manifeste de la règle, mais il jugea
que le désordre serait encore plus grand , si
l'on entreprenait de le retrancher, et qu'il fal-
lait tolérer un moindre mal pour en éviter un
plus grand. « Illud juris consilium esse perle-
gimus, propler vitandum nialum majus minus
tolerare. »
Entre les œuvres de Gerson on trouve un
traité contre les chanoines réguliers proprié-
taires, où ces condescendances des évèques et
des chapitres généraux ou provinciaux des ré-
guliers sont proposées comme un asile peu
assuré des propriétaires Tom. i, p. 659, 660).
L'auteur de cet ouvrage leur répond, que la
négligence des prélats qui ont toléré ces abus
.0-2
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VJXCT-l'XIÈME.
[T«mpëéhe pas que ce ne soient toujours des
abus, et qu'ils ne soient d'autant plus à déplo-
rer, qu'ils sont devenus comme irrémédiables;
et que la permission «les abbés ou l'indulgence
des chapitres ni' peut cire regardée comme
une dispense légitime, tandis que la décrétale
d'Innocent III fera éclater a leurs yeux celle
brillante vérité, que le pape même ne peut pas
dispenser les réguliers de la désappropriation
qu'ils ont si solennellement vouée.
X. Le concile de Trente (Sess. xxv, c. 2),
après avoir défendu aux réguliers de posséder
aucuns biens meubles ou immeubles, même
au nom du couvent, déclare que les supérieurs
ne peuvent leur permettre ni l'usage, ni 1 usu-
fruit, ni l'administration, ni la commande
d'aucun bien stable ; que les administrateurs
du bien des monastères doivent toujours être
révocables au gré du supérieur, et que l'usage
que les supérieurs permettront des biens
meubles répondra a la pauvreté et à la mo-
destie dont les religieux doivent faire gloire.
« Nec deinceps liceat superioribus bona sta-
bilia alicui regulari concedere, etiain ad usum
fructum , vel usum, adminislrationem vel
comniendam. Adniinistratio autem bonorum
monasteriorum , seu conventuum, ad solos
officialcs eorumdem, ad nutum superiorum
amovibiles perlineat. Mobilium veto usum ila
superiores permiltant, ut eorumsupellexstatui
paupertalis, quam professi sunt, conveniat,
nibilque superflui in ea sit : nibil etiain quod
sit necessarium, eis denegetur. »
Le concile de Cambray, en 1565, (Part, xviu,
c. 10), après avoir défendu de donner en
argent, aux religieux, de quoi se nourrir ou de
quoi se vêtir, commande aux supérieurs d'ôter
aux officiers tous les droits et tous les émolu-
ments qu'ils onlusurpés, d'ôter aux particuliers
tout l'argent qu'ils peuvent avoir de leurs
amis, de leurs proches, ou de leur industrie,
et de le faire servir aux besoins de la commu-
nauté.
« Rescindant super superiores et aboleant
prorsus universa illa emolumentaet jura, quœ
antiquo more quibusdam monasteriorum offi-
cialibus concedi solebant. Breviter onmis illa
pecunia vel res, quam monachus, vel monialis
acquirere sive labore, sive induslria, sive aini-
corum liberalitate, seu denique qualibet alia
occasione possit, superiori mox tradatur, Lia
ut ail nutum ejus, tanquam res communis
expendatur. »
il y a bien de l'apparence que les prélats de
ce concile jugeaient que ces règlements^ sages
et si exacts étaient entièrement conformes au
statut et a l'intention du concile de Trente.
Le concile 1 de Milan, en 1565 (Cap. vin), ne
fui pas moins sévère pour bannir la propriété
des monastères de filles, surtout pour les pré-
sents, qu'elles ne peuvent recevoir sans l'agré-
ment de la supérieure, qui ne leur doit jamais
permettre de garder elles-mêmes de l'argent;
Le concile IV de Milan, en 1576 (Cap. xi), con-
firma la même chose.
Le concile de Malines, en 1570 (T. De Regu-
laribuset Monial., n. I), condamna les pensions
et les revenus que les réguliers et les reli-
gieuses se réservent, ou qu'on leur donne du-
rant leur vie, aussi bien que les grandes
sommes d'argent que les officiers amassent
sous divers prétextes. « Pensioncsautem vitales,
aut redilus perpeluos nulli permittantur reci-
pere, neque liceat eis ratione offleiorum, vel
ministeriorum pecuniam corradere, aut con-
servare, etiamsi in piosusus convertere velint,
omnia in communes usus convertantur. »
Le concile de Rouen, en 1581 (T. De Mona-
steriis, c. xi, xn), se donna la liberté d'apporter
quelque adoucissement au décret du concile
de Trente, en permettant au supérieur de don-
ner quelque fonds à vie à un religieux, pour le
cultiver et l'améliorer, en sorte que tout le
profit reviendra au monastère : « Attamen po-
test alicui tanquam officiario; ad lempus, aut
ad vitam rem committere, cujus conditionem
faciat meliorem, et acquirat non sibi, sed nio-
nasterio. »
Mais ce concile fait bien voir, immédiatement
après, que ce n'est qu'une charitable et néces-
saire condescendance qui l'a l'ait relâcher sur
ce point, par l'appréhension d'un plus grand
désordre : « In bis exequendis et reformandis
prudentia et mansuetudine opus est, ne fran-
gamus potius, quam corrigamus, quae in pra-
vum longa consuetudine induruerunt. »
Ce même concile ordonne ensuite que tous
les prieurs, bénéficiers et ofliciers claustraux
soient amovibles : « Hos amovibiles decet esse,
sicut omnes ofliciarios claustrales. »
Le concile de Bordeaux, en 1583 (Can. xxv),
n'approuva point qu'on donnât aucun fonds à
vie à aucun régulier, et il condamna peut-être
les pensions à vie quand il ordonna que les
biens meubles mêmes donnés par les parents
seraient rendus au supérieur et employés aux
DES CHANOINES ET DES RELIGIEUX PROPRIÉTAIRES.
393
nécessités communes du monastère : « Bona
mobilia, parentum et amicorum liberalita|e
donata , teneantur superiori tradere . ut in
commune conferantur et conventui addican-
tur. »
Ce sont presque les termes propres du con-
cile de Trente, continués dans l'assemblée de
Mehm, en 1579 : « Immobilia, vel mol)ilia
bona, statim superiori tradantur, conventuique
incorporentur. »
XI. Le chapitre, « Monaelii. de statu Mona-
chorum , » a paru à Navarre permettre le
pécule aux réguliers avec la permission de
leurs supérieurs; ce canoniste a même jugé
que le concile de Trente n'avait rien changé
dans cette disposition du droit commun. Mais
le chapitre Monachi ne permet le pécule qu'à
ceux qui ont quelque administration où il est
nécessaire pour les dépenses communes du
monastère, et alors ce n'est plus un pécule ou
un bien en propre. Et la congrégation du con-
cile a absolument rejeté ce pécule, et desap-
prouve l'opinion de Navarre après le concile
de Trente (Fagnan.. in 1. m décret., part. 1,
p. 336, et part. -2, p. 10 ï, 163 .
L'opinion de Navarre n'a pas laissé d'avoir
encore après cela des sectateurs et des appro-
bateurs du pécule des moines, sous le bon
plaisir des supérieurs. Fagnan a fort exacte-
ment traité cette question contre ces canonistes
relâchés, et a fait voir que le droit commun
des décrétales ne leur était aucunement favo-
rable, mais que le concile de Trente leur était
entièrement opposé.
En effet, ce concile défend aux réguliers de
posséder des biens meubles ou immeubles,
même avec la permission de l'abbé et au nom
du couvent : « Possidere etiara nomine con-
ventus mobilia vel immobilia (Ibidem, p. 170,
171, 173); » il commande que d'abord tous ces
biens soient donnés et incorporés au couvent :
« Conventui incorporentur, » et qu'ensuite le
supérieur puisse permettre l'usage des meubles
sans superfluité et sans indigence.
La congrégation du concile a clairement
décidé que les supérieurs ne pouvaient per-
mettre aux religieux l'usage simple des biens
meubles superflus, et qu'ils se trompaient et
trompaient les autres quand ils se vantaient
de pouvoir donner ces dispenses. Elle a décidé
que, si une religieuse s'était réservé une pen-
sion annuelle à vie pour son usage particulier,
cette pension était acquise au monastère, et
devait être incessamment remise entre lis
mains de l'abbesse . pour être 'employée pre-
mièrement pour les nécessités de cette reli-
gieuse, et ensuite pour celles de tout le mo-
nastère.
« Censuit congregatio liane pecuniam an-
nuam, non obstante reservatione jam quaesi-
tam esse monasterio, ideoque deferen'dam esse
reclaad manus abbatissae, quae primum pro-
spiciat necessatibus monialis oratricis, et quod
reliquum fuerit, in usus tolius monasterii
convertat. »
On a diversifié et coloré en mille façons dif-
férentes ces pensions annuelles pour des reli-
gieuses : la congrégation du concile lésa toutes
censurées, comme contraires au concile de
Trente, et sujettes aux peines canoniques des
piopriétaires.
La congrégation des évoques et des réguliers
a joint son zèle à celui de la congrégation du
concile, et elles ont défendu conjointement la
réception des novices dans plusieurs monas-
tères de tilles jusqu'à ce que la communauté et
la désappropriation y fussent parfaitement ré-
tablies Ibidem, pag. 173, 174).
Enfin, Clément VIII, en 1600, publia un dé-
cret par lequel, expliquant le concile de
Trente, ou y ajoutant, il condamna tous ces
déguisements des réguliers piopriétaires, leur
commandant d'incorporer aux biens de la
communauté, et d'y confondre pour les usages
communsdetout le monastère, tout ce que les
particuliers pourraient avoir en meubles, ou
immeubles, en argent, en revenus, en aumô-
nes, en dons, en salaires de prédications ou de
leçons, sans que les supérieurs en pussent ja-
mais dispenser.
« Bona immobilia, aut mobilia, pecunia,
proventus. census,etc. statim superiori tradan-
tur, conventuique incorporentur, atque cum
ca?teris illius bonis, reditibus, pecuniis, ac pro-
ventibus confundantur, quo communis inde
victus ac vtslitus omnibus suppeditari pos-
sit, etc. Nulla quorumeumque superiorum di-
spensalio, nulla licentia , quantum ad bona
immobilia, vel mobilia, fratres excusare possit
quo minus culpœ et peenœ ab ejusdem conci-
lii decretis impositœ et ipso facto incurrendœ
obnoxii sint, etiamsi superiores asseverent hu-
jusmodi dispensationes aut licentias concedere
posse; quibus in ea re lîdem minime adhiberi
volimius. »
XII. Il est facile d'inférer de toutes ces réso-
Tu. — Tome IL
38
594
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGT-UNIÈME.
lutions noa-seulemcnt de Clément VIII ou de
la congrégation du concile, et du concile
même de Trente, mais aussi de tant d'ancien-
nes décrétâtes et des canons de conciles qu'on
a rapportés ci-dessus : que si le pape Inno-
cent 111 se déclara pour la validité de la pro-
fession de celle qui ne l'avait laite qu'à condi-
tion de demeurer dans sa propre maison avec
tous ses biens , « ut in domo propria cum
omni substantia sua remaneret (C. Insinuante.
Qui clerici, Tel voventes), » ce ne fut que parce
que cette condition demeurait nulle, comme
étant contraire à l'essence de la profession re-
ligieuse.
C'est ainsi que la congrégation du concile a
expliqué cette décrétale, contre l'avis de plu-
sieurs canonistes, en cassant si souvent les
pensions que les religieuses s'étaient réservées
en faisant profession (Fagnan., in 1. îv Décret.,
p. 51). En effet, comment Innocent III aurait-
il pu dire que le pape même ne pouvait dis-
penser les réguliers de la désappropriation, s'il
avait jugé que chaque régulier s'en pouvait
dispenser lui-même, en se réservant des fonds
ou des pensions?
Enfin quand les décrétâtes ne seraient pas
aussi précises qu'elles le sont, le décret du
concile de Trente ne soutire point de réplique,
quand il défend aux supérieurs de donner à
leurs religieux quelque bien stable, soit en
usufruit ou en commande, ou pour l'usage
simple.
Si les parlements de ce royaume ont sou-
vent confirmé ces pensions réservées à des re-
ligieux et à des religieuses, comme on peut voir
dans les auteurs français qui traitent de cette
matière, on pourrait dire que, puisque tant de
canonistes, surtout avant le concile de Trente,
n'ont pas désapprouvé cet usage , il n'est
pas étrange que des juges séculiers aient été
dans le même sentiment , surtout si l'on fait
réflexion sur tant de différents relâchements
que nous avons montré avoir été tolérés par
quelques conciles mêmes sur ce sujet (Mémoi-
res du Clergé, tom. n, par. 3, pag. 105; Le
Prêtre, Cent, i, c. lxiv; Fevret, de l'Abus,
I. îv, c. (i, n. lti; Louét, tom. n, pag. 20, 21).
Mais il est peut-être plus juste de penser
que ces cours souveraines n'ont fait attention
que sur l'obligation des parents à payer fidè-
lement ces pensions alimentaires, fondées sur
le droit naturel même, et ont laissé aux supé-
rieurs ecclésiastiques le pouvoir de faire en-
suite exécuter les saints décrets, qui veulent
que ces pensions soient incorporées a la mense
commune du monastère, pour être employées
aux usages communs de tous les religieux.
Ainsi, il n'y a rien d'incompatible entre ces
arrêts et les ordonnances ecclésiastiques.
Les canonistes se sont un peu plus relâchés
en faveur des chanoines réguliers, qui occu-
pent un bon nombre d'églises cathédrales en
Espagne, surtout en Catalogne, et qui ont cha-
cun leurs prébendes séparées. Ils leur per-
mettent d'avoir l'administration et l'usage seu-
lement de ces biens, parce qu'ils ne peuvent
en avoir le domaine , et les obligent en même
temps, sous peine d'une transgression crimi-
nelle de la pauvreté qu'ils ont vouée, d'être
toujours disposés de s'en dépouiller, et de les
remettre à leur supérieur quand il le rede-
mandera.
« Canonicus qui portionem possidet, ita ut
non sit animo paratus etiam ad superioris nu-
tum relinquere, peccat manifeste contra votum
solemne paupertatis, et tenetur diclam porlio-
nem restituere (Harbosa. De dignitat. et Canon.
c. i) (I). ».
(1) Tous les canonistes sont d'accord que, après le décret du concile
de Trente, les réguliers de l'un ou de l'autre sexe ne peuvent, même
avec la permission de leurs supérieurs geuéraux qui se prétendraient
autorisés à l'accorder, avoir un pécule q elconque, et que ceux qu'
se prévaudraient d'une telle permission, tomberaient in cttlpnm et
pamam du concile de Trente. Il y a dans le corps du droit, titre de
slatn monachomm, une terrible sanction pénale contre le moine chez
lequel on trouverait, après sa mort, un pécule quelconque : « Quid
«. si proprietas apud quempiam inventa fuerit in morte? Ipsn cum eo
a in ii^'num perditionis extra monasterium in sterquilinio subterretur
« secundum quod B. Gregorius narrut m dialogo se fecisse. u Nous
devons maintenant citer le canon Afonachi, allégué par Thomassin
dans l'article 11, et si mal interprété par Navarre. Il se trouve dans
le même litre susmentionné : » Er qui in extremis cum peculio in-
■ ventus fuerit, et digue non pœnituerit, nec oblatïo pro eo fiât, nec
-• inter fratres recipiat sepulturam, quod etiam de universia religiosis
" prscipimus observari. o Quoi qu'en disent quelques canonistes, dont
nent nous estimons la valeur et le poids, il y a dans le
même titre, canon Super quorfam, la réfutation formelle de leurs dé-
■ isiona modérées, relativement aux chanoines réguliers; le voici en
entier : n Super quodam canonico regulari, qui in articulo mortis
« agens licet a priore suo commonitus proprium, quod contra regu-
" lam latenter habuerat, noluit resignare, et sic diem clausit extre-
» mum, et fuit inter alios fratres traditus sepulturae... Inquisitioni tuse
« respondemus, quod ille canonicus non fuit tantum chnstiana se-
« pultura privandus, verum etiam si sine maximo scandalo potuit
» fieri, de îpsa projici dignus Ecclesia. Hoc autem cum forte conti-
u gerit, in similibus est faciendum. » La désappropriation des reli-
gieux est tellement dans l'esprit de l'Eglise, qu'une constitution
d'Innocent XII, de 1692, intitulée liomanus Poniifpx, défend, même
au graud pénitencier, d'absoudre celui qui aurait reçu d'un religieux
un présent de la valeur de dix écus, avant que cette valeur n'ait été
restituée au couvent auquel appartient le donateur. Si la valeur dé»
passait dix écus, outre la restitution, celui qui l'aurait reçue serait
rigoureusement obligé à faire une aumône considérable.
Cependant le droit canonique autorise les supérieurs réguliers à
imposer une pension sur les bénéfices amovibles annexés à leurs
couvents et administrés par des vicaires séculiers. D'après tous les
canonistes, une pension « est jus percipiendi partem fructuum ex
■ alieno beneficio aucloritate superioris ecclesiastici cuipiam clerico
DES PAROISSES ET DES CURES COMMISES, ktc.
.y.i:
CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
DES PAROISSES ET DES CURES COMMISES AUX CHANOINES RÉGULIERS ET AI X MOINES.
I. Divers règlements des conciles et des papes touchant
les cures données ou otées aux religieux.
II. Deux raisons pour les leur commettre, l'incontinence des
clercs et l'usurpation des églises par les laïques. Deux raisons
pour les leur ôter, le silence des cloîtres et la fuite de dé-
pendre des évèques.
III. Diverses décrétâtes des papes jnsqu'au concile de Trente.
IV. Divers règlements des conciles sur le même sujet des
moines chargés d'une cure.
V. Les chanoines réguliers peuvent être curés.
VI. Ce droit leur étant contesté, il leur est confirmé par
Yves de Chartres et par les conciles. Avis salutaires d'Yves
de Chartres.
\ll. Les chanoines réguliers curés avaient un compagnon,
et pouvaient être corrigés et destitués par leur abbé.
YI11. Suite du même sujet, si les curés réguliers peuvent
être rappelés par leur abbé.
IX. Règlements du concile de Trente, et des papes qui l'ont
suivi, sur les bénéfices dont les réguliers sont capables.
X. Résolution de quelques difficultés.
I. Après avoir parlé, dans les précédents
chapitres, de la désappropriation imposée aux
moines et aux chanoines réguliers, voyons à
présent s'ils peuvent posséder des cures. Ur-
bain II , voyant -qu'on voulait déclarer les
moines habiles et incapables de l'administra-
tion des sacrements et des fonctions hiérar-
chiques, prit leur défense et prétendit que les
plus parfaits imitateurs de la pauvreté et des
autres vertus des apôtres sont aussi les plus
dignes ministres des fonctions apostoliques.
Le concile de Rouen, en 1072 C. xtu , con-
damna les moines, aussi bien que les clercs et
les laïques qui achetaient les cures. Ainsi, les
moines possédaient des cures. « Emuntur et
venduntur curœ pastorales, scilicet ecclesi;e
parochianœ, tarri a laicis, quam a clericis, in-
superetiama monachis; quod ne amplius fiât,
interdictum est. »
On pourrait néanmoins entendre ce canon
en sorte que les laïques et les moines fussent
les vendeurs, et non pas les acheteurs des
cures. On trouve dans la suite d'un autre con-
cile de Rouen, tenu en 1074, la défense de
donner des cures aux moines : « Ut nullo mo-
nacho parochia regenda committatur. »
Le concile de Winchester, en Angleterre, fit
la même défense en 1070 : « Si quis monachus
etiam canonice susceptus fuerit, non perniit-
tatur ecclesiis publiée deservire (Can. v). »
Le concile de Poitiers, en 1078 (Can. v, vi),
voulut bien que les abbés et les moines pussent
administrer le sacrement de pénitence, pourvu
que ce fût avec la permission de l'évêque :
« Ut nullus abbas, monachus, vel quilibet
alius peenitentias injungat, nisi quibus proprius
episcopus hanc curam dederit. » Mais cela
s'entend dans leurs monastères.
Quant aux cures qu'on leur a remises, on
leur permet seulement d'en tirer les revenus
et d'y entretenir un prêtre qui soit comptable
à l'évêque du soin des âmes : « Reditus bene-
ficiaque obtineant, presbyter tamen de cura
animarum episcopo respondeat. »
Le concile de Lillebonne, en 1080 (Can. xii),
fit le même règlement, permettant au curé ou
de vivre dans le monastère avec les religieux,
prenant soin que l'église soit honnêtement
entretenue; ou, s'il ne veut pas vivre avec les
religieux, l'abbé lui donnera une honnête
subsistance; et s'il refuse de le faire, l'évêque
l'y contraindra. « Quod si presbyter ctim mo-
nachis vivere noluerit, etc. » Le même règle-
ment doit avoir lieu dans les églises des cha-
noines.
Le concile de Poitiers, en 1 100, interdit aux
moines toutes les fonctions curiales : « Ut nul-
lus monachorum parochiale ministerium pre-
sbyterorum, id est, baptizare, prœdicare. pee-
nitentiam dare praesumat. »
11. Tous ces exemples montrent évidemment
que ce n'était nullement l'usage de l'Eglise que
les moines prissent la conduite des églises pa-
roissiales, quoiqu'il y eût deux circonstances
i justa de causa concessum. » Mais, d'après plusieurs décisions de la
Rôle, un religieux ne peut conserver une pension sur un bénéfice
devenu vacant par sa profession solennelle à l'un des ordres approu-
vés. Cependant il pourrait, par dispense apostolique, conserver une
pension sur son ancien bénéfice, à la condition que cette pension
serait à l'usage de son couvent reconnu pauvre. (Dr André.)
590
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
particulières qui semblaient alors les y en-
gager :
1° Les curés s'étant laissés aller à un torrent
d'incontinence, rien ne paraissait plus conve-
nable que de subroger en leur place des reli-
gieux.
2° Les séculiers, qui s'étaient emparés des
églises et de leurs biens dans les confusions
déplorables de la déroute de l'empire de Char-
lemagne, commençant à restituer ces églises
aux religieux, il était comme naturel que les
religieux en commissent la conduite à quelqu'un
de leur corps.
Les canons que je viens de citer furent faits
dans ces sortes de conjonctures, néanmoins les
évoques demeurèrent fermes dans l'ancienne
police de l'Eglise , de ne point charger les
moines de la conduite des paroisses, par deux
autres considérations.
La première est une opposition et une espèce
d'incompatibilité entre les fonctions curiales
et les exercices du cloître. Car on peut bien
allier l'état et les exercices des chanoines avec
la régularité monastique ; mais cette alliance
est sans comparaison plus difficile entre le
silence et la retraite d'un religieux et l'effusion
de la charité d'un curé.
La seconde est l'indépendance que les reli-
gieux commencèrent alors d'affecter à l'égard
des évoques par les privilèges apostoliques. En
effet, cette condition fut toujours imposée par
les évoques, quand ils permirent que les laïques
donnassent les églises paroissiales aux moines,
que l'abbé présenterait aux évèques un prêtre
séculier qui leur rendrait compte de sa conduite.
III. Calixte II, dans le concile I de Latran, en
11-2-2, défendit aux religieux toutes les fonctions
curiales. « Interdicimus abbatibus et monachis
publicas pœnitentias dare, et inlirmos visitare,
etunctionesfacere,etmissaspublicascantare.»
Alexandre III semble distinguer deux sortes
d'églises, dont les unes appartenaient de plein
droit aux moines, et les autres ne leur appar-
tenaient pas d'une manière si étroite. Et c'est
dans celles-ci seulementqu'il les obligea, dans
le concile III de Latran, en 1179 (Can. ix, x),
de présenter à l'évèque des prêtres qui leur
fussent responsables du soin des âmes.
« In ecclesiis suis quœ ad eos pleno jure non
pertinent, instituendos presbytères episcopis
pressentent, ut eis de pleins cura respondeant,
etc. » Et dans le canon suivant : « Monacbi
non singuli per villas et oppida, seu ad quas-
cumque parochiales ponantur Ecclesias, sed in
majori conventu, aut cum aliquibus fratribus
maneant (C. Monachi. De statu Monacho-
rum). »
Innocent III, après avoir cité ce canon du
concile de Latran, déclare que les anciens
canons permettaient aux moines la conduite
des paroisses à cause du ministère de la prédi-
cation qui est toujours privilégié, et dont ils
étaient les plus capables. « Et per antiquos
canones etiam monachi possunt ad ecclesiarum
parochialium regimen in presbyteros ordinari,
ex quo debent praedicationis officium, quod
privilegiumest, exercere (C. Quod Dei timorem.
lbid.). »
Ces décrétâtes d'Alexandre III et d'Innocent III
ont partagé les canonistes en deux sentiments
différents : les uns voulant que les moines ne
puissent être curés sans une dispense du pape,
qui seul peut dispenser du décret du concile
de Latran; les autres, au contraire, concluant
du concile de Latran même, que pourvu qu'un
moine ait un compagnon de son ordre, l'évèque
et son abbé peuvent lui confier une église
paroissiale.
Ce dernier sentiment est sans doute plus
conforme aux décrets de ces deux papes, mais
cela s'entend des paroisses distinctes du mo-
nastère. Car si la cure est dans l'église même
du monastère, Urbain III décide nettement que
L'abbé doit présenter à l'évèque un prêtre sé-
culier qui gouverne la paroisse, et lui enrende
compte; n'étant ni amovible, ni punissable
que par l'évèque. « In ecclesiis ubi monacbi ha-
bitant, populus per monachum non regatur, sed
capellanus qui populum regat, ab episcopoper
consilium monachorum instituatur, ita ut ex
solius episcopi arbitrio , tam ordinatio ejus,
q'uam depositio et totius vitœ pendeat conver-
satio (C. In Ecclesiis. De capellis Monacho-
rum). »
En l'an l-23i, l'abbé de Saint-Ouen à Rouen,
obtint du pape Alexandre IV le privilège de
laire desservir par un de ses religieux la cure
qui était dans son église abbatiale.
IV. Voilà quelle a été la police et le droit des
décrétales jusqu'au concile de Trente. Etienne,
évêque de Tournay, se plaint dans une de ses
lettres des moines de Saint-Hertin, qui desser-
vaient une de ses cures, ou par des vicaires an-
nuels et à gages, ou par eux-mêmes, ce qu'il
avait défendu dans un de ses synodes selon les
canons : « Per seipsos , quod sacris canonibus
DES PAROISSES ET DES GERES COMMISES, etc.
.-.'.»-
inhibitum est, parochialia ministrant (Epist.
ccV »
Le concile de Cognac en 1:238 (Can. xxix) dé-
fend aux moines l'administration des cures
sous peine d'excommunication, si ce n'est dans
la nécessité et avec la permission de l'évêque
et de l'abbé : « Nisi in necessitate, cum abbatis
et ipsius diœcesani licentia. » Le concile de
Tours, en 123'J Can. xuii, dit de même : « Ne
monachi in ecclesiis parochialibus deserviant,
nisi ab episcopo in casibus permissis curam
receperint animarum. »
Le synode de Nîmesen 1-2SI renouvela toutes
ces règles. Le concile de Cologne en I 123 Can.
xii; frappa d'anatbème les curés ou 1rs vicaires
qui commettraient la conduite de leurs pa-
roisses à des moines mendiants, ou uon men-
diants, s'ils ont le moyen de la confier a d'au-
tres. « Modo alter idoneus commode haberi
poterit, dolo et fraude seclusis. »
Les constitutions du cardinal Campége pour
la réformation du clergé d'Allemagne Cap.
xu), confirmèrent cette exclusion des moines,
même des exempts, de toute sorte de euros ,
hors les cas de nécessité. On y permit néan-
moins de laisser gouverner par des religieux les
cures unies à des monastères, et si proches, ([lie
le religieux qui les dessert peut vivre en moine
temps dans le monastère , et y observer la ré-
gularité monastique. « Ecelesiaj tamen suis
monasteriis unitae,usqueadeopropinqua3,quod
religiosi earumdem curam habituri, in mo-
nasterio sub debitaque obedientia stare pos-
s:nt, modo sint habiles et idonei, per hujus-
modi religiosos provideri possint 'Cap. xui). »
Enfin, on s'y relâcha encore en faveur des
monastères si pauvres, qu'ils manquent des
choses nécessaires , pourvu que le religieux curé
soit absolument soumis à l'évêque. « In quoque
permittimus de monasterio , quod tain tenue
est, ut débitant sustentationemhaberenequeat:
volentes religiosos qualitercumque exemptes,
curata bénéficia habentes. ordinario loci esse
subjectos. »
Le concile de Cologne, en 1530 (Part, iv, c.
xiu), voulut que les cures unies aux monas-
tères fussent administrées par des prêtres sé-
culiers ; mais en protestant que ce serait une
dureté intolérable de priver les cures d'un
curé religieux qui serait d'une érudition et
d'une vertu singulières. « Non tamen tam duri
hic erinuis , quominus interdum viros mona-
sticos , quos singulari vide exempte , et do-
ctrinal salutaris disseminatione insignes com-
periemus, apud ecclesias parochiales relicturi
ei confirmaturi simus. »
Le concile de Trêves en L"HÔ Can. xu) laissa
aux moines les cures, qui sont si voisines de
leur monastère, auquel elles sont unies, qu'elles
ne les empêchent pas d'j résider et d'y vivre
avec la communauté.
V. Quant aux chanoines réguliers , le pape
Urbain 11 permit à l'abbé de Soissons de don-
ner à ses chanoines l'administration des cures
dépendantes de son abbaye, sans rien diminuer
des droits de l'évêque. «Pi sesentium litterarum
autoritate concedimus , ut in parochianis ec-
clesiis, quœad vestruni inonasterium pertinent,
ngiilares vobis liceat claustri vestri clericos
ordinare, qui ecclesiis ipsis serviant. et populi
adjacentis parochiam , salvo episcopi jure de-
bito. sollicite procurare non negligant Epist.
xmii . »
Cette concession semble nouvelle, car s'il eût
été ou ordinaire ou libre d'en user de la sorte,
cet abbé n'eût pas eu recours au pape, ou il ne
lui eût au plus demandé que la confirmation de
l'usage commun. La raison est que l'ordre
des chanoines réguliers était alors fort nou-
veau.
Mais cette grâce singulière se communiqua
bientôt a tout l'ordre des chanoines réguliers.
Le concile de Poitiers, en 1100, auquel prési-
daient les légats de Pascal II, successeur d'Ur-
bain II, leur permit généralement à tous d'ad-
ministrer les sacrements du baptême et de la
pénitence, de prêcher et d'enterrer les morts :
ce sont les fonctions curiales, avec l'agrément
de l'évêque. « Ut clericis regularibus jussu
episeopi sui . baptizare, praedicare, pœniten-
tiam dare, mortuos sepelire liceat. »
Le canon suivant (Can. x) défend aux moines
ces mêmes fonctions,» Parochiale ministerium*
presbyterorum , » et met par la une grande
différence entre les moines et les chanoines
réguliers.
VI. Cette question avait été agitée avec cha-
leur de part et d'autre, s'il fallait permettre
aux chanoines réguliers d'administrer des
cures.
Yves, évèque de Chartres, fut consulté sur ce
point par quelques chanoines réguliers du
diocèse d'Orléans, auxquels il répondit, comme
il nous parait par sa lettre à l'évêque d'Or-
léans même, qu'au commencement de l'Eglise
on ne commettait le soin des âmes qu'a des
598
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
clercs vivant en communauté: «In primitiva
Ecclesia nullus constitutus est rector anima-
rum , nisi de communi vila assumptus Epist .
(i w . » Ce qui est vrai du temps que les apô-
tres et tous les fidèles vivaient en communauté
selon le récit de saint Luc. Il ajoute d'autres
décrétâtes anciennes , d'où il conclut que tous
les clercs devraient vivre en commun : « Hae
sententia? apostolicae nullum clericum a com-
muni vita excipiunt, nec civilis , nec subur-
bana> ecclesiœ presbyterum. »
Enfin , il conclut de là qu'on ne peut confier
la conduite des âmes plus sûrement et plus
saintement qu'a ceux qui ont renoncé à toutes
les illusions du siècle, pour ne s'occuper que
des pensées et de l'amour de l'éternité. Mais
cette charge importante ne doit être commise
qu'à ceux dont la vie et la doctrine est au-des-
sus du commun . et elle ne peut leur être
commise que par l'évêque.
« Nemo rectius custos praeponitur vita1 alié-
née, quam qui prius custos est factus vita' sua?,
etc. Non tamen ad lioc offlcium alii assumendi
sunt, nisi quos vita et doctrina commendat ;
et episcopalis autoritas ad hoc agendum ido-
neos probat. »
Ce pieux prélat donna le même avis à une
communauté de chanoines réguliers du diocèse
de Limoges, leur déclarant qu'ils ne pouvaient
charger des cures que ceux de leur corps qui
avaient donné des preuves plus éclatantes de
leur sagesse, de leur piété et de leur fermeté
contre les tentations du siècle, auxquelles le
soin d'une paroisse semble les exposer de
nouveau.
« Si qui ergo sunt in collegio vestro \iri
prudentes et maturi, et igné tentationum exa-
minai . quibus hoc omis imponi videtis eos
ante prsesentiam episcopi, ut ab eo curas ani-
marum suscipiant. etc. Epist. xcmj. »
Ce second avertissement qu'il leur donne, de
présenter à l'évêque ceux de leur corps qu'ils
destinent a des cures, fait croire que l'évêque
de Limoges, qui avait fait une ordonnance
synodale pour exclure de l'administration des
cures les chanoines réguliers, n'y avait été
porté que par l'indépendance qu'ils semblaient
affecter.
Yves de Chartres dit fort sagement, dans la
même lettre, que cet évêque aurait beaucoup
mieux fait de convier tous les ecclésiastiques
a la vie régulière que d'exclure les réguliers
des fonctions ecclésiastiques. « Qui rectius
fecisset , si omnes sacerdotes ad regularem
vitam invitasset, quam regulariter viventes a
domioiearum ovium custodia penitus remo-
visset (Ibidem). »
Mais après tout, ce saint et sage prélat témoi-
gne excellemment à ces chanoines réguliers
que celte exclusion, quelque humiliante qu'elle
paraisse pour leur corps, ne laisse pas de leur
être fort salutaire : ainsi elle doit leur être fort
agréable. Car qu'y a-t-il de plus souhaitable et
de plus avantageux que de n'être point charge
des autres et n'avoir à répondre que de soi-
même ? « Vos enim eo per viam Dei expeditius
inceditis, si alienorum criminum deprimentes
fasciculos cum quolidianis vestrorum exces-
suum lapsibus non portetis. »
Ce fut donc à ces sortes de contestations
qu'on voulut mettre fin dans le concile de Poi-
tiers, dont nous venons de parler. Aussi on y
ordonna que ce ne serait que de la main des
eu ques que les chanoines réguliers prendraient
la conduite des paroisses. Ce droit était déjà si
bien établi, au temps de Pierre de Blois, qu'il
en fait une règle générale et une distinction
solennelle entre les moines et les chanoines.
« Cmnobitae quos monachos appellamus, ne
alter alterius onere premeretur, singularem
quisque sui custodiam elegerunt. Inde est quod
nec baptizare, nec aliis prœdieare, nec pœni-
tentias injungere eis licet. Vos autem aposto-
lorum multitudinis, quorum cor est unum, et
anima una, vobis et aliis providere potestis et
debetis (Serm. 36). »
Vil. Etienne, abbé de Sainte-Geneviève, et
depuis évêque de Tournay, demanda à l'évêque
de Chartres une décharge de quelques exactions
nouvelles pour une de ses paroisses qui était
gouvernée par deux chanoines réguliers : « In
qua duo canonici regnlares curam parochiae
gerentes, Deo deserviunt (Epist. cxxxvi). »
.Nous apprenons de là que dans chaque cure
il y devait avoir au moins deux chanoines ré-
guliers pour prévenir les relâchements ou les
dangers auxquels est exposé celui qui est seul.
Ce célèbre abbé nous apprend un point bien
plus important dans une de ses lettres au pape,
où il le conjure de maintenir l'usage ancien,
que les chanoines réguliers appliqués à. des
cures pussent être corrigés, et même rappelés
dans le monastère quand l'abbé le jugerait
nécessaire.
« Verum perhibemus testimonium, quod ab
exordio nostri ordinis, parochiales canonicos
DES PAROISSES ET DES CIRES COMMISES. ETC.
599
nostros, in episcopatibus in qui bus sunt, libère
et absque contradictione, pro necessitate vel
utilitate Ecclesiarum nostrarum, vel pro sua-
rum correptione culparum consuevimus amo-
vere, et in claustrum reducere, et quoties res
urgebat, excommunicare (Epist. clxx). »
L'occasion de cette plainte était l'insolence
inouïe de quelques religieux curés qui avaient
gagné l'évêque de Soissons et s'étaient munis
de sa protection et du prétexte de l'attache sin-
gulière que les curés doivent avoir à leur évê-
quc pour ne pouvoir être ni corrigés, ni arra-
chés de leurs cures par leur abbé.
Cela mettait une étrange confusion et une
indépendance très-dangereuse dans l'ordre des
chanoines, et faisait autant d'abbés et autant
de chefs indépendants qu'il y avait de curés.
« Si pestis ista convaluerit, péril ordo cano-
nicus, pereunt et sanctorum Patrum regularia
inslituta, sol vuntur fines et funes obedientia',
et erunt collegiis nostris tôt abbates, quot pre-
sbyteri parochiales. »
VIII. Innocent III, dans une décrétale citée
au numéro 3 de ce chapitre, dit bien que les
chanoines réguliers peuvent être commis a
gouverner des cures, pourvu qu'ils aient un
compagnon du même ordre avec eux, pour
être leur soutien et leur aide dans l'observance
de la régularité, si cela se peut commodément.
« l't exercens plebani officium, si commode
fieri poterit, unum canonicum regularem te-
cum habeas ad cautelam : cujus in bis quœ
Dei sunt et regularis observante, tam con-
sorlio. quam solatio perfruaris (C. Quod Dei
timorem. De statu Monachorum . » Mais il ne
détermine pas si l'abbé pourra retirer ces curés
et en substituer d'autres, quand il le jugera
nécessaire pour leur amendement ou pour les
besoins de son abbaye.
Urbain III décide cette difficulté pour les
cures qui sont dans les églises mêmes des
moines, ou il les oblige de présenter un prêtre
séculier à l'évêque. qui aura seul le pouvoir de
l'instituer et de le destituer : « Ita ut ex solius
episcopi arbitrio, tam ordinatio ejus, quam
dispositio, et totius vitae pendeal conversatio
C. in Ecclesiis. De Capellis Mon.). » Mais cela
ne regarde que les curés séculiers dans les
églises des monastères, ce qui est tres-dif-
ferent des curés réguliers dans les paroisses
qui relèvent des abbayes , ou même dans
celles qui n'en relèvent pas ; car c'est de
celte' seconde espèce que parlait Innocent III
dans sa décrétale : Quod Dei timorem.
Le concile de la province de Rouen, a l'onl-
Audemer, en 1-270 (Can. xxiv), prit un tempé-
rament fort juste, ce semble, pour accorder les
divers intérêts de l'évêque et de l'abbé dans
les différends de cette nature : ce fut que l'é-
vêque ne donnerait la conduite de la cure aux
chanoines présentés par l'abbé qu'après un ri-
goureux examen et après avoir reçu promesse
de l'abbé qu'il ne les retirerait jamais sans l'a-
grément de l'évêque; enfin que, si l'abbé lais-
sait vaquer la cure, plus de quarante jours,
l'évêque y pourrait mettre un prêtre séculier :
« nu, nique eorum praelati, postquam ipsi ab
episcopo recepti fuerint ad curam animarum,
eos sine conscientia episcoporum suorum, ab
eis non valeant amovere, etc. »
C'était reconnaître que ces curés réguliers
sont effeclivement amovibles ou révocables a
la volonté des abbés, mais engager les abbés à
n'user de ce pouvoir, que le droit leur donnai),
qu'avec la participation et le consentement des
évêques.
IX. Par le droit établi depuis le concile de
Trente, les chanoines réguliers conservent tou-
jours le même pouvoir de tenir des cures,
puisque le concile de Trente ne les en a exclus
qu'après qu'ils ont passé d'un ordre à un autre.
Car cette inconstance doit faire craindre que
ce ne soit le libertinage qui les pousse, plutôt
que le désir sincère de leur salut. Ainsi, il y a
eu raison de leur défendre tous les bénéfices
séculiers; car les réguliers sont toujours laissés
aux réguliers par le concile : « Taliter transla-
tus, etiamsi canonicorum regularium fuerit,
ad bénéficia sa>cularia etiam curala. omnino
incapax existât (Sess. xiv, c. lu, 11). »
Ce texte du concile fait voir que les cha-
noines réguliers, hors de ce cas d'instabilité,
peuvent se charger même des paroisses sécu-
lières, et non pas seulement des régulières,
c'est-a-dire de celles qui sont unies à leur
ordre.
Si ce concile (Sess. vu, c. 7) permet aux évê-
ques de mettre des vicaires perpétuels dans les
paroisses unies aux églises collégiales, Pie V
y dérogea par une bulle qui permit aux cha-
noines réguliers et aux mendiants de nommer
pour ces cures unies des vicaires amovibles de
leur corps, les faisant approuver par l'évêque.
11 est vrai que cette bulle fut depuis réduite
aux termes du concile de Trente; mais, en 1575,
le cardinal Borromée ayant mis un vicaire se-
600
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME.
entier perpétuel an lieu du régulier dans une
de ces églises, le pape le fit prier d'y en re-
mettre un régulier et amovible, s'il s'y en
trouvait de capable (Fagnan., in 1. m, part. 2
Décret., p. Ils" .
Apres cela, Grégoire XIII ne laissa pas de
publier une constitution, en 1581, par laquelle
il défend aux réguliers de prendre des cures
séculières, même pour un temps, même avec
la permission de leur général, sans dispense
du Saint-Siège. Les chanoines réguliers de-
mandèrent d'être dispensés de celte constitu-
tion, et ils fuient refusés.
La congrégation du concile déclara ensuite
que les évèques ne pouvaient pas commettre
des cures à des réguliers sans la dispense du
pape, qui oe devait être accordée qu'aux ins-
tantes prières de l'évêque pour les nécessités
de son église : « Quae dispensatio non videtur
concedenda, nisi instante episcopo, pro neces-
sitate, vel utilitate ecclesiae (Ibidem). »
Les réguliers sont bien moins capables des
bénéfices séculiers non cures, que des cha-
noinies ou des bénéfices simples. On leur a
toujours plus volontiers commis les bénéfices
cures, à cause de la prédication, dont ils étaient
les plus capables. Le droit ancien même défen-
dait aux réguliers les bénéfices séculiers.
Alexandre III déclare qu'ils ne peuvent tenir
des églises séculières sans contrevenir à leur
vœu et devenir propriétaires: « Xec amplius
in ecclesiis saecularibus debent assumi , nec
contra votum, quod Domino fecerunt, venire
probentur (C. Super eo. De regulanbus). »
Aussi, la congrégation du concile ayant con-
senti qui-, dans la nécessité et avec dispense du
pape, un moine fût commis à une cure, elle
ordonna en même temps que, sa nourriture
déduite, tout le reste des revenus fût donné
aux nécessités de l'Eglise ou des pauvres.
Grégoire XIII, consulté en 1378 par la con-
grégation même du concile, décida qu'un cha-
noine régulier même était incapable d'un bé-
néfice simple, parce que, quoique le concile de
Trente ne l'eût pas défendu, la défense du droit
commun ancien n'était pas révoquée (Fagnan.,
ibid.).
(I) Depuis Thomassin , la discipline qui autorisait les chanoines
réguliers à occupi r des rures, a changé. Benoit XIV, par la consti-
lulion Quod imcrulabili, déclara que les chanoines réguliers de La-
tran et de Sainl-Sauveur étaient incapables de concourir pour les
,ùr.s.p">r les prébendes de U.c. .< .-ni t-t de pénitencier, d'acquérir
des bénéfices simples ou des pensions. Il est absolument dé-
fendu auxdits chanoines réguliers qui seraient pourvus d'une cure de
.. , cloître. Mais si, p. îor», et par dispense
Ce que nous avons dit ne regarde pas les
églises et les cures du Nouveau-Monde, où
Pie Y permit, en 1567, a la demande du roi
d'Espagne, que les moines pussent remplir les
cures, puisque le défaut de prêtres séculiers y
avait déjà rendu cet usage et ordinaire et an-
cien ilîullaiii, t. n).
X. La déerétale In Ecclesiis, de capellis Mo-
nachorum ne permettait pas aux réguliers
d'exercer la cure dans l'église du monastère
même, mais il fallait y établir un prêtre sécu-
lier.
Les canouistes avaient déjà remarqué l'inob-
servance générale de ce statut (Idem ibid.,
p. 221). Aussi le concile de Trente (Sess. xxv,
c. -2 , supposant que, selon la coutume, un ré-
gulier est chargé de cette cure, il le soumet
absolument a la juridiction de l'évêque pour
tout ce qui regarde la conduite des âmes et
l'administration des sacrements.
11 paraît d'abord étrange que les décrétales
eussent permis aux réguliers de prendre des
cures séparées du monastère, et leur eussent
défendu celle du monastère même. Cependant
cette décision n'était pas sans quelque fonde-
ment. Il est certain qu'un religieux ne peut
pas à toute heure sorlir hors de son monastère,
pour aller assister ou visiter ses paroissiens,
sans blesser la régularité, le silence et la soli-
tude du monastère; mais, quand il est une fois
relâché et logé hors du monastère par les voies
canoniques, il ne peut plus être un sujet de
scandale à qui que ce soil.
C'est la raison pour laquelle les décrétales
ont défendu aux réguliers de posséder des
cures situées dans leurs monastères, et qu'elles
leur ont permis de posséder des cures situées
ailleurs.
Le concile de Tours, en L583 (Cap. xvi), dé-
clara aux religieux mendiants qui, par dispense
du pape, ont été chargés de quelque cure au
défaut des clercs séculiers, qu'ils sont toujours
obligés à leurs vœux, leur habit et leur ton-
sure il).
apostolique, ils étaient autorisés à occuper des cures, dans ce cas, ils
ne seraient pas tenus de porter l'habit canonical, ni de s'adjoindre
un compagnon ce leur ordre. Mais, du moment qu'il résignerait son
e paroissial ou qu'il en serait privé par sentence juridique, le
chan me régulier serait obligé de rentrer dans son couvent.
Par la constitution Oite>oso, du 5 septembre 1750, le même Be-
noit XIV autorisa les chanoines réguliers prémontrés d'occuper des
des vicairies perpétuelles fans aucune dispense apostolique.
LA POLICE DES MONASTÈRES, LES LAURES, etc.
601
CHAriTRE VINGT-TROISIEME.
LA POLICE DES MONASTERES, LES LAURES, LES CELLES. LES SUPERIEURS GENERAUX,
PENDANT LES CINQ PREMIERS SIÈCLES.
I. Saint Jérôme veul que la police des monastères se règle
sur relie île l'Eglise.
II. Il y avait des supérieurs, des supérieurs subalternes, des
doyens.
III. Trois différentes sortes de moines selon saint Jérôme.
IV. Quatre sortes de moines selon C3ssien. On ne parvient
à la contemplation des solitaires, que par les vertus de la vie
commune.
V. Les lanres étaient des cellules séparées, aux environs du
monastère. Combien ces solitaires étaient utiles à l'Eglise.
VI. Il y avait des laures sans monastère.
VII. Des cellules séparées condamnées même dans ces der-
niers siècles.
VIII. Le concile de Vannes les condamne.
IX. Pourquoi on y défend à un abbé d'avoir plusieurs mo-
nastères.
X. Des généraux d'ordre.
XI. Pourquoi les évèques n'en avaient nulle jalousie.
XII. Autres preuves qu'il y avait des congrégations monas-
tiques sous un abbé général.
I. La police dos monastères a été formée sur
celle de l'Eglise, et les plus saints et les plus
illustres enfants de cette divine mère ont aussi
été ses plus fidèles imitateurs.
C'est ce qui a fait conclure à saint Jérôme
que la discipline des religieux qui vivent en
commun, sous les ordres et l'obéissance d'un
supérieur, était et la plus sûre et la plus ache-
tée, parce qu'elle était plus ressemblante à
celle de l'Eglise, qui est l'ouvrage de la sagesse
et de la sainteté éternelles.
« Singuli Eeclesiarum episcopi, singuli ar-
cbipresbyteri, singuli arcliidiaconi, et omnis
ordo ecclesiasticus suis rectoribus nitilur. Hue
tendit oratio, ut doceam, te non tuo arbitrio
dimittendum, sed vivere debere in monasterio
sub unius disciplina patris, consortioque mul-
torum. Pra?positum monasterii timeas ut do-
minum, diligas ut patrem (Ad Ilustic. Monaco,
de vivendi forma). »
II. Ces religieux vivant en commun avaient
donc un supérieur qui les gouvernait; comme
leur nombre était quelquefois excessif, ce supé-
rieur général avait comme des assistants, des
prévôts, des doyens, qui partageaient avec lui
le soin de son troupeau.
« Prima apud eos confcederatio est, obedire
majoribus, et quidquid jusserint facere. Divisi
sont per decurias, atque centurias; ita ut no-
vem bominibus decimus prœsit, et rursus de-
cem pra?positos sub se centesimus habeat.
Manent separati, sed junctis cellulis, » dit le
même saint Jérôme (Ad Eustoch., de virgin.
servan.).
Cette subordination de supérieurs sous un
supérieur général est une imitation encore
plus parfaite de la police ecclésiastique.
III. Mais saint Jérôme dit, dans le même en-
droit, qu'il y avait deux autres sortes de moines,
outre ces cénobites. Les uns vivaient seuls dans
les affreuses solitudes, et on les appelait à cause
de cela anachorètes, comme de parfaits soli-
taires. C'était là le comble de la perfection
monastique; mais il fallait y monter par les
En fait, avant la révolution, en France, en Allemagne et en Bel-
gique, il y avait beaucoup de cures desservies par les prémontrés.
On ne doit pas perdre de vue que, d'après le droit canonique tout
entier, les curés religieux sont nécessairement amovibles, parce qu'ils
sont liés par leur vœu d'obéissance. Dans la constitution Cum alias,
Benoit XtV n'a fait que résumer le droit antérieur, quand il a dit :
« Si ob defectum sacerdotum sœcularium beneficiis curalis prœfîcian-
■ tur regulares, hi tanquam amovibiles ad nutum, possunt, nulla ex-
« pressa causa, ab ordinano vel eliam a superiore regulari removeri. n
Mais tout le droit nous apprend que, lorsque une cure est occupée
par un prêtre séculier, il dewent par son titre seul inamovible, et ne
peut être dépossédé que par une procédure canonique. Le droitcanoni-
tl'ie n'admet de curé amovible que lorsqu'il y a dans une paroisse un
curé primitif comme chapitre, évêque, monastère, hôpital, ou lorsque
les fondateurs des paroisses ont expressément stipulé qu'elles seraient
entre les mains de l'évèque. Or, on entend par fondateurs des pa-
roisses ceux qui les font construire et les dotent de biens-fonds pour
leur entretien et celui de leur clergé. C'est le cas du diocèse de
Séville allégué naguère pourjusuûer ce qui ne peut pas l'être.
(Dr André.)
60-2
DES CONGRÉGATIONS.
CHAPITRE VINGT-TROISIÈME.
degrés de la vie cénobitique et par tous ces
admirables exercices de loutes les vertus aus-
tères- (|ui se pratiquent dans les communautés.
Les derniers, qu'on nommait en Egypte remo-
both et qui étaient les moins vertueux, se reti-
raient deux ou trois ensemble, ou peu davan-
tage, mais sans règle et sans supérieur, mettant
seulement en commun une partie du prix de
leur travail pour manger tous ensemble. Cette
indépendance dans laquelle ils vivaient était
une source féconde de désordres.
« Hi bini vel terni, née multo plures simul
habitant, suo arbitratu ac ditione viventes : Et
de eo quod laboraverint, in medio partes con-
ferunt, ut babeant alimenta communia. Habi-
tant autem quamplurimi in urbibus et castellis;
et quasi ars sit sancla, non vita, quidquid ven-
diderint, majoris est pretii. Inter bos sœpe
sunt jurgia, etc. »
Il est bon de remarquer les défauts de cette
troisième sorte de moines, parce que, dans ces
derniers siècles même, on a été obligé d'en
abolir les restes.
IV. Cassien, qui a fait la description de ces
trois sortes de moines, a donné aux deux pre-
mières les louanges qui leur sont si justement
dues, et s'est emporté avec le même zèle contre
la dernière. Il dit qu'en Egypte on les appelait
sar abattes, parce qu'ils faisaient profession de
ne recevoir la loi de personne et de vivre en
leurs propres maisons, ou bien deux ou trois
ensemble dans des cellules auxquelles ils don-
naient le nom de monastères.
«Districtionem cœnobii déclinantes, bini vel
terni in cellulis commorantur, non contenti
abbatis cura atque imperio gubernari, sed hoc
prœcipue procurantes, ut absoluti a seniorum
jugo, exercendi voluntates suas, vel quo pla-
cuerit evagandi, agendive quod libitum fuerit,
babeant libertatem, etc. » Et au même endroit :
« Aut in suis domiciliis sub privilegio hujus
nominis iisdem obstricti occupationibus persé-
vérant, aut construentes sibi cellulas, easque
monasteria nuncupantes, suo in eis jure ac li-
bella te consistunt, etc. (Collât, is, c. vu). »
Cassien ajoute une quatrième sorte de
moines, qui n'est qu'une dépravation de la
seconde. C'étaient des anachorètes qui com-
mençaient par où ils devaient finir, qui se je-
taient seuls dans la solitude avant que d'avoir
appris à mortifier leurs passions dans les mo-
nastères réglés, et qui, par ce renversement
indiscret, cachaient plutôt leurs vices dans les
déserts qu'ils ne les corrigeaient. « Porro virili-
tés non occullatione vitiorum, sed expugna-
tione pariuntur Ibid., c. vin). »
Le saint abbé Paul lit un renversement bien
plus merveilleux lorsqu'il revint dans la société
des monastères, après avoir passé vingt ans
tout seul dans une solitude à laquelle il ne
s'était engagé qu'après avoir vécu trente ans
dans tous les vertueux exercices des cénobites.
Cet admirable solitaire, par un sentiment d'une
humilité incroyable, pensait avoir encore des
passions immortifiées qu'on ne peut bien dom-
pter que dans la vie commune; et, en tout
cas, il jugeait qu'il était plus sûr de s'attacher
humblement à un état médiocre, que d'aspirer
à une élévation périlleuse. « Minus est prae-
sumptae sublimions professionis difficultate
periculum. Melius enim est devotum in mino-
ribus, quam indevotum in majoribus profes-
sionibus inveniri (Collât. 19, c. n, m). »
Enfin, Cassien ajoute que le comble de la
perfection consiste à allier les vertus et les
avantages de ces deux genres de vie si divers
et si excellents des parfaits solitaires et des cé-
nobites. Tels ont été les Macaire , les Papb-
nuce, Moïse et tant d'autres qui se sont partagés
entre la contemplation et l'action, et qui, tan-
tôt se sont abîmés dans les saintes délices de
la solitude, tantôt se sont sacrifiés à la charité
et au salut de leurs frères. « Is vere non ex
parte perfectus est, qui et in eremosquallorem
solitudinis, et in cœnobio intirmitates fratrum
eequali magnanimitate sustentât (lbid.,c. ix). »
V. Ce fut dans ce dessein qu'on dressa des
laures et des monastères en un même lieu,
afin que les plus parfaits vécussent dans les
laures qui étaient des cellules séparées les unes
des autres, et que les plus jeunes apprissent
dans les monastères, comme dans les écoles de
toutes les vertus, à mortifier leurs (tassions
déréglées; enfin, pour faire que les solitaires,
passant de fois à autre de leurs cellules dans
les monastères, eussent le moyen de s'élever a
ce haut point de la perfection achevée qui em-
brasse tous les avantages de ces deux merveil-
leuses perfections. Tel fut le monastère du saint
et admirable abbé Cérasime, accompagné d'une
laure de soixante et dix cellules, dont la des-
cription nous a été donnée par l'ancien auteur
de la vie du bienheureux abbé Euthyme.
« Hic ergo magnus Gerasimus, qui Jordanis
solitudinis civis fuit simul et patronus, cum
maximam illic lauram , quae non pauciores ,
LA POLICE DES MONASTÈRES, LES LAURES, etc.
1103
quam septuaginta anachorètes habebat, con-
struxisset, et praeterea cœnobium in medio
ejus optime collocasset; curabat, ut qui intro-
ducebantur quidem monaehi , marièrent in
cœnobio et vitam monasticam exercèrent. Qui
autemcrebrisetlongisselaboribusexercuerant,
et ad perfectionis mensuras jam pervenerant,
eos in iis, qiue vocantur, cellis, eollocans, sub
hac jubebat vivere régula, ut quinque dies
hebdomadae unusquisque in sua cella sileret,
nihil guslans, quod esset esculentum, nisi pa-
nem et aquam et dactylos. Sabbato autem et
Dominica venientes in eeclesiam, cum partiei-
parint sanctifieata, cocto uterentur in cœnobio,
et sumerent pat um vini ^Surius, die -20 Januar..
cap. lvh . »
Saint Augustin a pris la défense de ces par-
faits anachorètes contre l'audace inconsidérée
de ceux qui les croient être inutiles a l'Eglise,
ne voyant pas que leurs prières et leurs exem-
ples sont d'une incroyable utilité, et comme
autant de trophées de la véritable Eglise sur
toutes les sectes profanes. Aussi, ce Père les
oppose aux Manichéens qui ne pouvaient avoir
chez eux que de fausses images de ces éminen-
tes vertus. « Videntur nonnullis res humanas
plus quam oporteret deseruisse, non intelli-
gentibus quantam nohiseorum animus in ora-
tionibus prosit, et vita ad exemplum, quorum
corpora \idere non sinimur. »
Celle réponse est encore bien plus efficace
contre ceux qui accusent d'inutilité lous les
religieux et les communautés qui ne s'appli-
quent pas au salut du prochain, quoique etlec-
tivement leurs exemples, leurs prières et leurs
charités contribuent beaucoup à l'édification
des lideles, et que Ruffin n'ait pas craint de
dire que le monde ne subsistait que par leurs
prières : « Ut dubitari non debeat ipsorum
mentis adlmc stare mundum (Ruffin. Prolog,
in 1. ii, de vitis Patrum). »
VI. Ce sont la les merveilleuses inventions
de l'ingénieuse piété des solitaires pour joindre
les divers degrés de vertu et de perfection qui
ne semblaient pas être compatibles dans la
même personne. Les laures n'étaient pas tou-
jours accompagnées d'un monastère , mais
c'était une règle invariable qu'il fallait avoir
fait dans les monastères un apprentissage long
et laborieux de toutes les plus austères vertus
avant que d'être admis dans les laures. Le
grand Eulhyme avait lui-même dressé une
aUre avec cinquante cellules, pour autant de
solitaires, et on y célébrait tous les jours le
sacrifice du divin Agneau. « Ccepit prospéra et
felix esse laura, et ejus amplilicari multitudo,
et deductus est fratrum numerus ad quinqua-
ginta, et unicuique eorum fuit aedificata cella,
et quotidie sacra peragebantur mysteria (lbid.,
c. xxxu). B
Le jeune Sabas se présenta à Euthyme pour
être reçu dans sa laure; quoique Euthyme, par
une lumière du divin Esprit, prévît les grands
progrès que Sabas ferait un jour dans les voies
de la plus haute perfection, il l'envoya néan-
moins, selon la coutume, dans un monastère.
Sabas, dans la suite du temps, bàlit lui-même
des monastères et des laures, mais il ne recul
personne dans les laures qu'après de longues
épreuves dans les monastères.
« Xulli imberbi licebat omnino lauram in-
gredi. Cum autem vidisset hic divinus pater
eum qui renuntiaverat, et regulam monastica?
institutionis didicisse, et recte mentem suam
posse cuslodire, et a mente sua expulisse om-
nem rerum mundanarum memoriam. ei prae-
bebat cellam in laura, si corpus haberet infir-
muin. Si vero esset fortis et robustus, ei jube-
bat cellam aediticare (Vita S. Sabae, c. ix, xxxvi,
xci; Surius, die o Decemb.). »
Saint Jérôme a remarqué les austérités des
monastères dans son premier livre contre Jovi-
nien : « Sordidam tunieam. nudos pedes, eiba-
rium panem, aquœ potum. » Et dans le second
livre : «Tune pexa tunica et nigra subucula
vestiebaris, sordidatus et pallidus, et callosam
opère gestitans manum. Nudo eras pede. »
Saint Augustin parlant des moines en géné-
ral , dit qu'ils s'abstiennent du vin et de la
viande. « Xon solum a carnibus et vino absti-
nent, etc. »
VIL II n'est pas difficile de juger à laquelle
de ces sortes de différentes vies se peuvent rap-
porter les monastères, les abbayes, les prieurés
et les autres bénéfices réguliers des siècles
derniers.
Les cellules séparées et indépendantes ont
été abolies, aussi bien que les petits monastères,
comme approchant beaucoup de ces sarabaïtes
anciens que saint Jérôme et Cassien avaient
dépeints avec des couleurs si noires. Il est resté,
et il se forme tous les jours des solitaires qui
vivent seuls, sans supérieur et sans autre règle
que leur propre volonté ; mais il est facile de
tirer cette conséquence de ce que nous avons
dit que le zèle de nos évêques à ne pas les souf-
601
DES CONGRÉGATIONS. — CHAPITRE VINGT-TROISIÈME.
frir est animé du même esprit que celui des
anciens Pères. Il ne reste donc que le mélange
et le tempérament des cénobites et des soli-
taires, qui paraissent évidemment dans quel-
ques ordres des derniers siècles, ou la seule
profession des cénobites qui se voit dans la
plupart des autres.
VIII. Le canon du concile de Vannes a com-
pris en peu de mots la meilleure partie de ce
que nous venons dédire. « Servandum quoqtie
de monachis, ne eis ad solitarias cellulas liceat
a congregalione discedere : nisi forte probatis
post emeritos labores (L. 1, De moi ib. Eccles.
Catli., c. xxxi). »
Ce concile ajoute qu'on pourra permettre
aux infirmes des cellules séparées, où on leur
relâche quelque chose de la dureté de la règle,
pourvu que toutes ces cellules soient renfer-
mées dans l'enceinte du monastère. « Aut pro-
pter infirmitatis necessitatem asperior ab abba-
tibus régula remittatur. Quod ita demum fiet;
ut intra eadem monasterii septa manentes, ta-
men sub abbatis potestate separatas haberc
cellulas permittanlur. »
IX. Le canon suivant de ce concile (Can. vin)
donne ouverture pour un autre point qui nous
reste à éclaircir ; il défend à un abbé d'avoir
plusieurs abbayes sous le nom de cellules ou
de monastères. « Abbatibus quoque singulis,
diversas cellulas aut plura monasteria habere
non liceat, nisi tantum propter incursum hosti-
litatis, intra muros receptacula collocare. »
Ces lieux de retraite dans les villes ont enfin
été changés en monastères. Mais ce concile
semble ne pas approuver une chose qui était
commune à tous ces fameux et illustres soli-
taires. Car, combien de monastères fonda An-
toine dans l'Egypte, combien Pacùme dans la
Thébaïde, Hilarion dans la Palestine, Théodose,
Eulhyme, Sabas ne fondèrent-ils pas un nom-
bre presque innombrable de laures et de mo-
nastères, et n'en furent-ils pas les supérieurs
généraux durant leur vie?
X. La vie du bienheureux Poslumius ap-
prend que ce saint homme fut père de cinq mille
solitaires; mais que le grand Antoine en avait
laissé cinquante mille sous la conduite et la
direction de Macaire. « Idem Macai ius nb illu-
stri viro Antonio monachorum fere quinqua-
ginta millia suseepeiat gubernanda (Rosveid.,
vitae Patrum). »
Sé\ère Sulpice, dans son second dialogue,
dit qu'il y avait deux ou trois mille religieux
assez connus par le seul nom de Tabennes,
remarquables par leurs austérités extraordi-
naires (De vit. Patr., 1. n, c. 3). Il dit que dans
la ville d'Oxirinque, il y avait plus de monas-
tères que de maisons, qu'à toutes les heures
du jour et de la nuit on y faisait retentir les
louanges de Dieu, et qu'il y apprit lui-même
de l'évèque du lieu qu'il y avait vingt mille
vierges consacrées à l'Agneau sans tache et dix
mille religieux. Il ose même avancer que les
solitudes d'Egypte ne sont pas moins peuplées
de moines que les villes d'habitants. « Quanti
populi habentur in urbibus, tantse pêne haben-
tur in desertis multitudines monachorum. »
Enfin, il assure avoir vu le prêtre Sérapion,
père de plusieurs monastères, et supérieur
d'environ dix mille religieux. « Sed et in re-
gione Arsenoite Serapionem quenidam presby-
terum vidimus , multorum monasteriorum
patrem, sub cujus cura plura et diversa mona-
steria, quasi decem millium habeantur mona-
chorum (Ibid., c. xvui). »
Théodoret envoya sa lettre au pape Léon
par deux de ses prêtres et par l'exarque de ses
monastères. « Per Alipium monachorum quj
apud nos sunt exarehum (Ep. cxiu, cxvi). »
XL Tous ces exemples ne permettent pas de
douter qu'un seul abbé ou supérieur général
ne fut très-souvent chargé d'un fort grand
nombre de monastères, qui faisait comme un
seul corps et une congrégation dont il était le
chef. Les évèques ne concevaient point de ja-
lousie contre ces saintes et nombreuses socié-
tés, ou parce que leurs vertus étaient encore
plus miraculeuses que les miracles mêmes que
Dieu faisait par leur entremise; ou parce que
leur humilité et leur soumission étaient
extrêmes envers leurs supérieurs ecclésiasti-
ques; ou parce qu'ils n'habitaient encore ordi-
nairement que les solitudes; ou enfin parce
que ne vivant presque que du travail de leurs
mains, quelque étendue que pussent avoir ces
royautés spirituelles, elles étaient plus capables
de donner de l'admiration que de l'envie.
Au reste, chaque monastère de ces congré-
gations, soumis à un abbé général, avait son
abbé particulier. Ainsi, ces généralités d'ordres
monastiques n'avaient rien de contraire au
canon du concile de Vannes, qui défend à un
abbé particulier d'avoir sous sa conduite immé-
diate deux abbayes.
XII. La règle de saint Pacôme, dont parle
saint Jérôme, et Palladius, dans son Histoire
LA POLICE DES MONASTÈRES, LES LAURES, etc.
oos
lausiaque, celle d'Osiésius son disciple, qui se
lit encore dans la bibliothèque des Pères, celle
des célèbres Macaires (car il y eu a eu deux),
celle de saint Basile, qui est la plus étendue et
la plus achevée, aussi bien que la plus certaine
de toutes, contenue dans ses constitutions mo-
nastiques et dans ses règles étendues et abré-
gées; toutes ces règles, dis-je, sont encore un
argument certain qu'il y avait des congréga-
tions ou des associations de plusieurs monas-
tères réunis sous l'obéissance d'un seul abbé
général.
FIN DU TOME DEUXIEME.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME.
PREMIERE PARTIE
QUI TRAITE : i" DU PREMIER ORDRE DES CLERCS. — 2» DU SECOND ORDRE.
— 3° DES CONGREGATIONS MONASTIQUES.
LIVRE DEUXIEME.
i il est traité du second ordre des Clercs, savoir : des Chorévêques, des Archiprêtres, des Vicaires-Généraux,
des Pénitenciers, des Officiaux, des Curés, des Diacres, des Ordres mineurs, de la Tonsure, des Habits des
clercs, du Célibat, de l'Office divin, etc.
Chapitre Trente-Hcitième. — De la tonsure el de la
couronne des ecclésiastiques en Espagne et en Angle-
terre, aux sixième, septième et huitième siècles. 1
Chap. XXXIX. — De la tonsure et de la couronne clé-
ricale en France et en Italie, à Rome et en Orient,
aux sixième, septième et huitième siècles. 7
Chap. XL. — De la tonsure et de la couronne des clercs
sous l'empire de Charlemagne et celui de ses succes-
seurs. U
Chap. XLI. — De la tonsure et de la couronne des clercs
dans l'Eglise latine, après l'an mil. 20
Chap. XL1I. — De la tonsure et de la couronne des clercs
dans l'Eglise grecque. De la tonsure des laïques dans
l'une et l'autre Eglise, après l'an mil. 25
Chap. XL1II. — De l'habit civil des ecclésiastiques en
Occident, pendant les cinq premiers siècles. 30
Chap. XI. IV. — De l'habit civil des ecclésiastiques en
Orient, pendant les cinq premiers siècles. 37
Chap. XI.V. — Des habits consacrés au service des au-
tels, dans les cinq premiers siècles. 10
Chap. XI. VI — De l'habit clérical dans la vie civile, dans
l'Occident et dans l'Orient, aux sixième, septième et
huitième siècles. 46
Chap. XL VIL — Des habits des clercs à l'autel, dans les
sixième, septième et huitième siècles. 49
Chap. XLVIII. — Des habits communs des ecclésiasti-
ques, sous l'empire de Charlemagne. 54
Chap. XI.IX. — Des habits sacrés des ecclésiastiques,
sous l'empire de Charlemagne et de ses successeurs. 58
Chap. L. — Des habillements des clercs dans la vie ci-
vile, depuis l'an mil jusqu'à l'an mil trois cent. 63
Chap. LI. — Des habillements des ecclésiastiques dans la
vie civile, depuis l'an mil trois cent jusqu'au siècle
présent. C9
Chap. LU. — De l'habit ecclésiastique dans l'Eglise, de-
puis l'an mil jusqu'à présent. 79
Chap. LUI. — Du pallium desOrienlaux au Moyen Age. 84
Chap. LIV. — Du pallium des Lalins pendant les huit
premiers siècles. 88
Chap. LV. — Du pallium de l'Eglise latine dans les huit
pi emiers siècles. 93
Chap. LVI. — Du pallium des Latins et des Grecs sous
l'empire de Charlemagne. 98
Chap. LV1I. — Du pallium depuis l'an mil jusques à
présent. 105
Chap. LVIII. — Des croix, des crosses, des anneaux, des
autres ornements propres aux évèques, aux archevê-
ques et aux patriarches, pendant les siècles du Moyen
Age. 112
Chap. LIX. — De la croix des archevêques après l'an mil. 121
Chap. LX. — Du célibat des bénéliciers dans l'Eglise
orientale, pendant les cinq premiers siècles. 128
Chap. LX1. — Du célibat des bénéficiers dans l'Eglise
latine, pendant les cinq premiers siècles. 131
TABLE DES MATIÈRES.
607
Chap. LXII. — Du célibat des clercs en Fnincc, aux
sixième, septième et huitième siècles. 110
Chap. LXIil. — Du célibat des clercs en Espagne, en
Italie et en Orient, aux sixième, septième et huitième
siècles. I >■>
Chap. LX1V. — Du célibat de? benéficiers sous l'empire
de Charlemagne. I">0
CHAP. LXV. — Du célibat des clercs après l'an mil. 156
Chap. 1 XVI. — Des clercs mariés après l'an mil. 162
CHAP. 1.WI1. — De l'âge nécessaire pour l'état ecclé-
siastique, pour les ordres et les bénéfices pendant les
cinq premiers siècles. 167
Chap. LXVIll. — De Page nécessaire pour la cléricature
et pour les ordres, aux sixième, septième et huitième
siècles. i"l
Chap. LX1X. — De l'âge nécessaire pour la cléricature,
pour les ordres sacrés et les bénéfices, sous Charle-
magne. 173
Chap. LXX. — De l'âge nécessaire pour la cléricature.
pour les ordres et pour les bénéfices, après l'an mil. 175
Chap. LXXI. — Du chant et de la récitation des offices
divins dans l'Eglise grecque, pendant les cinq premiers
siècles. 185
Chap. LXXII. — Des origines de l'office divin dans
l'Orient, et de l'obligation de le réciter même en parti-
culier. 190
Chap. LXXI1I — Les origines de l'office canonial dans
l'Occident, el l'obligation de le réciter, au moins en par-
ticulier, pendant les cinq premiers siècles. 19o
Cuap. LXXIV. — La piété des séculiers à assister aux
offices du jour et de la nuit, ou à les réciter en parti-
culier. D'où l'on conjecture l'obligation plus pressante
des clercs, pendant les cinq premiers siècles. 203
Chap. LXXV. — L'origine de l'office canonial en France,
et l'obligation des clercs à le réciter, au moins en par-
ticulier, aux sixième, septième et huitième siècles. 208
Chap. LXXVI. — Origine de l'office canonial en Espagne
et en Afrique , et obligation de le réciter, au moins
en particulier, aux sixième, septième et huitième siè-
cles. 214
Chap. LXXVII. — Les origines de l'office divin, et
l'obligation de le réciter, en Angleterre et en Italie, aux
sixième, septième et huitième siècles. 219
Chap. LXXVIII. — L'origine de l'office divin et l'obli-
gation de le réciter, dans l'Orient et dans l'Occident;
preuves tirées des règles monastiques et des lois
nales, aux sixième, septième et huitième siècles. 224
Chap. LXX1X. — L'assiduité des laïques aux offices di-
vins, d'où on peut encore conclure celle des ecclésias-
tiques, aux sixième, septième et huitième siècles. 228
Chap. LXXX. — Des chantres et du chant des offices di-
vins sous Charlemagne. 2:34
Chap. LXXXI. — De l'obligation des benéficiers à chanter
ou à réciter l'office divin, au moins en particulier,
sous l'empire de Charlemagne. 240
Chap. LXXXII. — Origine de quelques particularités des
offices divins, sous l'empire de Charlemagne. 245
Chap. LXXXIII. — La ferveur des laïques mêmes pour
les offices divins, pour les fréquentes communions,
pour les jeûnes, pour la continence, sous l'empire de
Charlemagne. 249
Chap. LXXX1V. — De l'obligation à réciter l'office
divin. Preuves tirées des exemples, depuis l'an mil
jusqu'à présent. 261
Chap. LXXXV. — De l'obligation à réciter l'office
divin. Preuves tirées des lois ecclésiastiques, depuis
l'an mil jusqu'à présent. 266
Chap. LXXXVI. — De l'obligation à réciter l'office dans
le chœur ; de l'office de la Vierge, et de l'office des
morts. 273
Chap. LXXXV1I. — L'assistance au chœur, ou la récita-
tion des heures canoniales , familière aux laïques
mêmes, en France et en Angleterre, après l'an mil. 278
Chap. LXXX VIII. — L'assistance au chœur et la récita-
tion des heures canoniales encore commune parmi les
laïques, dans l'Italie et les autres parties de la chré-
tienté. 283
Chap. I.XXXIX. — Des hôpitaux et des benéficiers qui
j étaient attachés, depuis les commencements de
l'Eglise jusques au temps de Charlemagne. 286
Chap. XC. — Des hôpitaux du temps de Charlemagne. 293
Chap. XCI. — Iles hôpitaux depuis l'an mil. 296
Chap. XCII. — lies basiliques et des chapelles des mar-
tyrs, des oratoires dans les châteaux et dans la maison
des grands, pendant les premiers siècles de l'Eglise. 303
Chap. XC1I1. — Différents titres de divers bénéfices :
hôpitaux, oratoires, chapelles en Orient et en Italie,
aux sixième, septième et huitième siècles. 306
Chap. XC1V. — Différents titres de divers bénéfices :
hôpitaux, oratoires, chapelles en France et en Espagne,
aux sixième, septième et huitième siècles. 314
Chap. XCV. — Des celles, des oratoires et des églises
des religieuses, des petites abbayes, des églises baptis-
males, des chapelles, des oratoires des particuliers et
des chapelles domestiques, sous Charlemagne. 318
Chap. XCVI. — Pratique des Grecs touchant les oratoires
et les autels portatifs, du temps de Charlemagne et de
ses successeurs. 323
Chap. XCVII. — Des défenseurs, pendant les cinq pre-
miers siècles de l'Eglise. 327
Chap. XCVI1I. — Des défenseurs et des vidâmes, aux
sixième, septième et huitième siècles. 328
Chap. XC1X. — Des défenseurs et des autres dignités de
l'Eglise grecque ; des défenseurs et des vidâmes de
l'Eglise latine, sous l'empire de Charlemagne. ' 333
Chap. C. — Des syncelles et des conseillers, pendant les
huit premiers siècles de l'Eglise. 338
Chap. CI. — Des syncelles et des conseillers, depuis
l'an huit cent jusqu'en l'an mil. 344
Chap. CIL — _ Des syncelles, des moniteurs, des con-
seillers et des confesseurs, en un mot, des principaux
officiers ou benéficiers de l'Eglise grecque, après l'an
mil. 350
Chap. OU. — Des piimiciers, primiclercs, sacristains,
scévophylaces, trésoriers, etc., dans le Moyen Age. 356
Chap. CIV. — Des cartulaires, des chartophylaces, des
bibliothécaires, chanceliers, notaires, depuis le com-
mencement de l'Eglise jusqu'à l'empire de Charle-
magne. 301
Chap. CV. — Des chanceliers, des notaires, des charto-
phylaces et des bibliothécaires, depuis Charlemagne
jusqu'à Hugues Capet. 367
Chap. CVI. — Des chanceliers, des notaires et des bi-
bliothécaires, depuis l'an mil jusqu'à présent. 374
Chap. CV11. — Des apocrisiaires ou nonces du Saint-
Siège, avant l'an huit cent. 381
Chap. CVIII. — Des apocrisiaires ou des nonces du pape
qui demeuraient à Conslantiiiople dans le palais de
l'empereur, avant l'an huit cent. 3S6
Chap. CIX. — Des chapelains et archichapelains en France
et à Constantinople , depuis Clovis jusqu'à Charle-
magne. 394
Chap. CX. — Des archichapelains ou grands chapelains
sous l'empire de Charlemagne. 399
Chap. CXI. — Du clergé du palais ou de la chapelle
royale, sous l'empire de Charlemagne. 404
Chap. CX1I. — Du clergé du palais du prince, des cha-
pelains, archichapelains, aumôniers et grands aumôniers,
depuis l'an mil. 411
Chap CXII1. — Des cardinaux jusqu'à l'an mil trois
cent. 418
Chap. CXIV. — Des cardinaux depuis l'an mil trois cent. 424
Chap. CXV. — De l'origine des cardinaux. 437
G08
TABLE DES MATIERES.
Chat. CXVI. — Des cardinaux sous l'empire de Charle-
magne. 442
Chap. CXVII. — Des légats pendant les cinq premiers
siècles de l'Eglise. 446
Chap. CXV111. — Des légats depuis Clovis jusqu'à Cbar-
lemagne 450
Chap. CXIX. — Des légats après l'an mil. ;:,u
LIVRE TROISIEME.
Des Séminaires, des Chapitres, des Couvents et des Congrégations.
Chapitre premier. — Division des bénéficiers, et leurs
diversités par d'autres chefs que par celui des ordres.
Chap. II. — Des congrégations purement ecclésiastiques
et des séminaires. Que saint Augustin eu a été le pre-
mier instituteur.
Chap. III. — On montre par saint Augustin même qu'il
vécut laïque et prêtre dans une communauté de laï-
ques; étant évèque il en institua le premier une de
clercs. On y faisait vœu de désappropriation.
Chap. IV. — Si les autres Pères grecs ou latins ont
érigé quelque séminaire, ou quelque congrégation de
clercs.
Chap. V. — Des séminaires aux sixième et septième
siècles.
Chap. VI. — Des séminaires sous l'empire de Charle-
magne.
Chap. VII. — Du clergé ou du chapitre des églises cathé-
drales pendant les cinq premiers siècles.
Chap. VIII. — Des chapitres des églises cathédrales
depuis Clovis jusqu'à Charlemagne.
Chap. IX. — Des chapitres sous l'empire de Charle-
magne.
Chap. X. — Des chapitres des églises cathédrales depuis
l'an mil.
Chap. XI. — Des chapitres des églises collégiales. Des
chanoines réguliers ; et de la vie commune dans les
chapitres des cathédrales et des collégiales, après l'an
mil.
Chap. XII. — De l'origine des abbayes et des monastères.
Chap. XIII. — Alliance de l'état monastique avec les
461
466
477
481
486
490
197
504
.",11
.'.27
538
ordres et les fonctions ecclésiastiques, pendant les cinq
premiers siècles de l'Eglise. 544
Chap. XIV. — Alliance de l'état ecclésiastique avec celui
des moines, en Italie et en Angleterre, dans le second
âge de l'Eglise, c'est-à-dire depuis Clovis jusqu'à Char-
lemagne. 551
Chap. XV. — Alliance de l'état ecclésiastique avec le mo-
nastique, en France, en Espagne, en Afrique et en
Orient, aux sixième, septième et huitième siècles. 555
Chap. XVI. — Combien les évèques ont contribué à la
propagation de l'état monastique, et à la multiplication
des monastères. Diverses particularités de la profession
mniiastique, depuis Clovis jusqu'à Charlemagne. 559
Chap. X\ II. — Alliance de l'état monastique avec le
clergé sous l'empire de Charlemagne. 565
Chap. XVIII. — Alliance de l'état ecclésiastique et du
monastique après l'an mil. 57'
Chap. XIX. — La succession réciproque des moines aux
chanoines, et des chanoines aux moines, sous l'empire
de Charlemagne. 5".
Chap. XX. — Que toutes ces congrégations de chanoines
ne s'engageaient point à la pauvreté volontaire, sous
l'empire de Cliarlemague. 582
Chap. XXI. — Des chanoines et des religieux proprié-
taires, après l'an mil. 587
Chap. XXII. — Des paroisses et des cures commises aux
chanoines réguliers et aux moines. 595
Chap. XXIII. — La police des monastères, les laures,
les celles, les supérieurs généraux, pendant les cinq
premiers siècles. 601 ,
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
Bar-le-Duc. — Typographie Louis GutiiiN, rue de la Rochelle, 49-51.
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denuo excusi et ad noslra usque tempora perducli ab augcstino theiner,
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