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Full text of "Ancienne & nouvelle discipline de l'Eglise"

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ANCIENNE  &  NOUVELLE 


DISCIPLINE  DE  LEULIKE 


PAlî  LOUIS  THOMASSLX 

Prêtre  de  l'Oratoire 
NOUVELLE   ÉDITION,    REVUE,    CORRIGÉE   ET   AUGMENTÉE 

PAR  M.  ANDRÉ 

Curé  Je  Vaucluse,  docteur  en  <lr.»it  canonique,  membre  Je  plusieurs  sociétés  savantes 


TOME    DEUXIEME 


LU    SECOND   ORtiKE    DES   CLERCS.    —    DES    CONGREGATIONS. 


feX 
!  1937 

1864 

v.2 
r.  1 
ROBA 


BAR'LF-DIt,  L.  (il'ÉRIX.  ÉDITEI'R.  —  PARIS,  rie  de  Grenelle-Saint-Gehmain.  II. 


^ 


M  dci:c  LXIV 


JJ 


£4 


ANCIENNE  &  NOUVELLE 


DISCIPLINE  DE  L'ÉGLISE 


TOME  DEUXIEME 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/anciennenouvelle02thom 


ANCIENNE  &  NOUVELLE 


DISCIPLINE  DE  L'ÉGLISE 


PAR  LOVIS  T-HOMASSIX 

Prêtre  de  l'Ôni 
NOUVELLE    ÉDITION,    REVIE.    CORRIGEE   ET    AUGMENTÉE 

RAR  M.  ANDRÉ 

Curé  de  Vauclusc,  docteur  en  droit  canonique,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes 


TOME    DEUXIÈME 


DL    SECOND    ORDRE    DES   CLERCS.    —    DES    CONGREGATIONS. 


'^=^Ûi 


BAR-LE-DUC,  LOl'IS  GUÉRIN,    IMPRIMEUR-EDITEUR 

PARIS,   RUE  DE   GREXELLE-SaIXT-GERMAI.N  ,    il 
M  DCCC  LXIV 


ANCIENNE  ET  NOUVELLE 


DISCIPLINE    DE    L'ÉGLISE 


TOUCHANT  LES  BÉNÉFICES  ET  LES  BÉNÉFICIERA. 


PREMIERE   PARTIE 


QUI  TRAITE  :  1°  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  2°  DU  SECOND  ORDRE. 
—  3°  DES  CONGRÉGATIONS  MONASTIQUES. 


LIVRE  DEUXIEME 

Où  il  est  traité  du  second  ordre  des  Clercs,  savoir  :  des  Chorévêques,  des  Archiprêtres,  des  Vicaires-Généraux, 
des  Pénitenciers,  des  Officiaux,  des  Curés,  des  Diacres,  des  Ordres  mineurs,  de  la  Tonsure,  des  Habits  des 
clercs,  du  Célibat,  de  l'Office  divin,  etc. 


CHAPITRE  TRENTE-HUITIEME. 


DE    LA   TONSURE    ET   DE    LA   COURONNE    DES    ECCLÉSIASTIQUES   EN    ESPAGNE    ET   EN    ANGLETERRE, 
AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET    HUITIÈME    SIÈCLES. 


I.  Ce  ne  fut  que  vers  le  sixième  siècle  que  la  distinction  des 
clercs  et  des  laïques  dans  la  tonsure  et  dans  l'habit  fut  parfai- 
tement établie. 

II.  Les  cheveux  longs  défendus.  Grani. 

III.  Différence  de  la  tonsure  des  clercs  d'avec  celle  des  péni- 
tents et  des  moines. 

IV.  Tous  les  clercs  devaient  avoir  tout  le  haut  de  la  tète 
tondu  de  près,  et  un  simple  tour  de  cheveux  tant  soit  peu  plus 
long,  au  bas  de  la  tète.  C'était  là  leur  tonsure  et  leur  couronne. 

V.  On  ne  pouvait  renoncer  à  la  tonsure  de  la  pénitence  ou  de 
la  religion. 

VI.  La  tonsure  était  commune  aux  pénitents  et  aux  moines; 
la  couronne  était  réservée  aux  clercs. 

VII.  Le  sens  mystérieux  de  ce  retranchement  de  cheveux. 

VIII.  On  ne  rasait  encore  aucune  partie  de  la  tête. 

IX.  De  la  tonsure  de  saint  Paul,  selon  les  Anglais,  ou  des 
Orientaux. 

Tn.  —  Tome  II. 


X.  De  celle  de  saint  Pierre,  selon  les  mêmes  Anglais,  on  des 
Occidentaux. 

XI.  La  première  était  celle  des  moines. 
XII  Excellentes  règles  sur  cette  diversité. 

XIII.  La  tonsure  de  Simon  le  Magicien. 

XIV.  Quatre  différentes  sortes  de  couronnes  ou  de  tonsures. 

XV.  Dont  il  y  en  a  deux  d'approuvées.  Comment  on  les  a  at- 
tribuées aux  apôtres. 

XVI.  XVII.  Quand  et  comment  les  moines  ont  ajouté  la  cou- 
ronne cléricale  à  leur  tonsure. 


I.  Ce  ne  fut.  que  clans  le  sixième  et  septième 
siècle  qu'on  commença  plus  particulièrement 
à  distinguer  les  clercs  des  laïques  par  la  ton- 
sure et  par  l'habit. 


I 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-HUITIÈME. 


11  n'a  guère  moins  fallu  de  deux  cents  ans, 
après  1rs  persécutions  finies  et  la  paix  rendue  à 

I  Eglise,  pour  bien  établir  cette  différence 
entre  deux  professions  si  diverses.  Durant  les 
orages  de  la  persécution,  cette  distinction  eût 
été  dangereuse.  Après  le  calme  rendu,  il  fallut 
un  espace  de  temps  considérable  pour  faire  un 
changement  si  important  et  si  universel  dans 
toute  L'Eglise. 

Il  ne  faut  ni  exiger,  ni  attendre  des  conclu- 
sions et  des  réponses  absolument  précises  dans 
une  matière  aussi  flottante  que  celle-ci.  Les 
changements  se  sont  faits  en  divers  temps,  en 
divers  pays,  et  ils  se  sont  faits  avec  tant  de  len- 
teur qu'il  est  très-difficile  d'en  donner  au  juste 
les  époques  précises. 

II.  Commençons  par  la  tonsure  et  par  les 
canons  des  conciles  d'Espagne  qui  en  parlent. 
Le  concile  de  Barcelone,  tenu  en  3  H),  défendit 
aux  clercs  de  porter  les  cheveux  longs  et  de 
raser  leur  barbe.  «  Ut  nullus  clericorum  co- 
main  nutriat,  aut  barbam  radat  (Can.  m,  vi).» 

II  commanda  aux  pénitents  de  tondre  leurs 
cheveux.  «  Pœnitentes  viri  tonso  capiie,  etc. 
'Can.  lxxvi).  » 

Le  célèbre  Martin,  archevêque  de  Brague, 
avait  un  peu  mieux  remarqué  la  forme  de  la 
tonsure  cléricale  dans  un  canon  de  sa  compila- 
tion. «  Non  oportet  clericos  comam  nutrire,  et 
sic  ministrare,  sed  attonso  capiie,  patentibus 
auribus,  etc.  »  Celte  circonstance  des  oreilles 
découvertes  nous  montre  combien  il  fallait 
porter  les  cheveux  courts.  Mais  en  tout  cela  il 
ne  paraît  point  encore  de  couronne,  ni  aucune 
partie  de  la  tête  rasée. 

Le  concile  de  Brague,  célébré  en  563  (Can. 
xi,  xii),  défend  seulement  aux  clercs  de  porter 
de  grands  cheveux.  «  Placuit  ut  lectores  in 
Ecclesia  habitu  saxulari  ornati  non  psallant, 
neque  granos  gentili  ritu  dimittant.»  Ce  terme 
grani signifie  les  longs  cheveux  de  la  tète,  ou 
une  longue  barbe.  Saint  Isidore  de  Séville 
nous  le  fait  assez  voir  dans  ses  origines.  «  Non- 
nulke  gentes  non  solum  in  vestibus,  sed  et  in 
corpore  aliqua  propria  sibi  quasi  insignia  vin- 
dicatif, ni  videmus  cirrhos  Germanorum,  gra- 
nds et  cinnabar  Gothorum  (L.  xix).  » 

Ce  n'es!  donc  pas  dans  les  babils,  mais  dans 
les  cheveux  qu'il  faut  chercher  cet  ornement 
superflu,  qu'il  appelle  Granos,  pour  les  Goths 
d'Espagne,  aussi  bien  que  celui  qu'il  nomme 
Cirrhos,  pour  les  Allemands.  Sidonius  Apolli- 
naris  faisant  le  tableau  d'un  Goth,  lui  donne 


aussi  de  longs  cheveux ,  «  Aurium  legulœ , 
sicut  mos  gentis  est,  crinium  superjacentium 
Qagellis  operiunlur  (L.  i,  epist.  2).  »  Mais 
Arnoul,  évèque  de  Rochester,  nous  explique  bien 
plus  clairement  ce  terme,  quand  il  rend  raison 
pourquoi  on  donnait  le  pain  céleste  trempé  dans 
le  sang  de  J.-C,  au  lieu  de  présenter  le  calice. 

«  Nos  carnem  Domini  intinguinius  in  san- 
guine, etc.  Evenit  enim  fréquenter,  ut  barbati 
et  prolixos  babentes  granos,  dum  poculum 
inter  epulas  sumunt,  prias  liquore  pilos  infi- 
ciant,  quam  ori  liquorem  infundant.  Praeterew 
si  imberbes  et  sine  granis  et  mulieres  ad  sumen- 
dam  communionem  sanctam  conveniant,  quis 
sacerdotum  poterit  tam  provide  ministrare,  ut 
infundens  nihil  effundat  (Spicileg.,  tom.  n, 
p.  435)?  » 

III.  Le  concile  III  de  Tolède  (Can.  xi),  ordonna 
de  ne  point  donner  la  pénitence  aux  hommes 
qu'auparavant  on  ne  leur  coupât  les  cheveux: 
«  Sive  sanus,  sive  intirmus  sit,  pritis  eum  ton- 
drai, et  sic  pœnitentiam  ei  bradât,  »  et  de  faire 
changer  d'habit  aux  femmes  avant  que  de  la 
leur  accorder  :  «  Non  accipiat  pœnitentiam, 
nisi  prius  mulaverit  habituai.  »  Ou  prétendait 
empêcher  par  ce  moyen  les  fréquentes  rechutes 
des  pénitents.  Il  n'est  pas  à  croire  que  cette 
tonsure  des  pénitents  fût  la  même  que  celle  des 
clercs,  puisque  la  pénitence  et  la  cléricature 
étaient  deux  choses  si  étrangement  éloignées 
l'une  de  l'autre,  et  en  quelque  manière  incom- 
patibles. 

Le  concile  IV  de  Tolède,  tenu  en  033  (Can. 
xli),  lève  cette  difficulté  en  faisant  voir  claire- 
ment la  tonsure  des  clercs,  qui  mérita  le  nom 
de  couronne,  et  par  conséquent  infiniment 
distincte  de  celle  des  pénitents.  Car  la  tonsure, 
c'est-à-dire  les  cheveux  fort  courts  de  tout  le 
haut  de  la  tête  étaient  comme  couronnés  par 
un  cercle  de  cheveux  plus  longs  et  plus  bas 
qui  les  environnait. 

«  Omnes  clerici,  vel  lectores,  sicut  levilœ  et 
sacerdotes,  detonso  superius  toto  capite,  infe- 
rius  solam  circuli  coronam  relinquant;  non 
sicui  hue  usque  in  Galliciae  partibus  facere  lec- 
tores videntur,  qui  prolixis,  ut  laici,  coinis,  in 
solo  capitis  apice  modicum  circulum  tondent. 
Ritus  enim  iste  in  Hispania  hue  usque  haereti- 
corum  fuit.  Unde  oportet,  ut  pro  amputando 
Ecclesiœ  scandalo,  hoc  signum  dedecoris  aufe- 
ratur  ;  et  una  sit  tonsura  vel  babitus,  sicut 
totius  Hispaniœ  est  usus.  Qui  autein  hoc  non 
cuslodieril,  lidei  Catholicœ  reus  erit.  » 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


IV.  Ce  canon  du  concile  de  Tolède ,  qui 
mérite  une  attention  particulière  .  nous  ap- 
prend :  1°  Que  les  clercs  intérieurs,  aussi  bien 
que  les  diacres,  les  prêtres  et  les  é\*  'qui  >  a\aient 
une  tonsure  qui  leur  découvrait  tout  le  haut 
de  la  tète,  «  delonso  superius  toto  capite,  »  et 
qu'il  ne  leur  restait  qu'un  tour  de  cheveux, 
comme  un  cercle,  ou  comme  une  couronne, 
«  Inferius  solam  circuli  coronam  relinquant.  » 

Voilà  quelle  était  la  ligure  de  la  tonsure  et 
de  la  couronne  cléricale. 

2°  Que  tous  les  ecclésiastiques,  depuis  les  lec- 
teurs jusqu'aux  évêques,  devaient  porter  la 
même  couronne  et  la  même  tonsure.  Car  le 
terme  de  sacerdotes  avait  déjà  commencé  à 
comprendre  les  prêtres  aussi  Lien  que  les  évo- 
ques, comme  celui  de  lecteurs  semblait  renfer- 
mer tous  les  clercs  inférieurs. 

3°  Ce  canon  suppose  que  les  évêques,  les 
prêtres  et  les  diacres  avaient  toujours  usé  dune 
tonsure  et  d'une  couronne,  telle  qu'elle  est  ici 
prescrite,  et  même  tous  les  clercs  inférieurs 
des  autres  provinces  d'Espagne,  excepté  de  la 
Galice,  où  les  lecteurs  ne  portaient  qu'une 
très-petite  couronne  au  haut  de  la  tète,  laissant 
quant  au  reste  croître  leurs  cheveux  comme 
les  laïques.  «  Prolixis,  ut  laici,  comis,  in  solo 
capitis  apice  modicum  circulum  tondent.  » 

Enfin,  après  avoir  condamné  cet  abus,  et 
avoir  obligé  tous  les  moindres  clercs  à  porter 
la  tonsure  et  la  couronne  semblable  à  celles 
des  prêtres  et  des  évêques,  ce  concile  déclare 
que  si  les  clercs  s'opiniàtrent  à  vouloir  suivre 
les  hérétiques  d'Espagne,  dont  ils  ont  imité 
l'abus,  on  les  traitera  aussi  comme  des  héré- 
tiques. 

V.  Ce  même  concile  parle  un  peu  plus  bas 
(Can.  lv),  de  ceux  qui  se  sont  tonsurés  eux- 
mêmes,  pour  se  mettre  en  pénitence:  «  Acci- 
pientes  pœnitentiam  totonderunt  se,  »  ou  qui 
ont  été  tonsurés  par  leurs  parents  et  en  même 
temps  dévoués  a  la  vie  monastique,  «  qui  de- 
tonsi  a  parentibus  fueriut,  aut  sponte  sua 
amissis  parentibus  seipsos  religioni  devove- 
rint  ;  »  et  il  ordonne  (Can.  vu  ,  que  s'ils  aban- 
donnent la  religion  ou  la  pénitence,  l'évèque 
les  forcera  d'y  rentrer  :  «  comprehensi  a  sacer- 
dote  ad  cultum  religionis  revocenlur.  »  Le 
même  décret  est  renouvelé  dans  le  concile  VI 
de  Tolède  (Can.  u  . 

Le  concile  XII  de  Tolède  ne  permit  pas  que 
ceux  à  qui  on  avait  donné  la  tonsure  et  la  péni- 
tence au  lit  de  la  mort,  et  ayant  perdu  le  sen- 


timent ,  pussent  ,  étant  revenus  en  santé  , 
profaner  la  sainteté  de  cette  profession  par  une 
vie  séculière.  «  Quatenus  a  se  lousurae  venera- 
bile  signum  expellant,  et  habitum  religionis 
abjiciant.  »  Ce  canon  défend  bien  aux  prêtres 
du  donner  l'habit  et  la  tonsure  de  la  pénitence 
ou  de  la  religion  aux  malades  qui  ne  la  deman- 
dant pas.  mais  il  ne  permet  pas  à  ceux  qui  l'ont 
reçue,  même  sans  la  demander,  d'en  violer  les 
lois,  prétendant  qu'il  en  est  comme  du  baptême 
qu'on  donne  aux  enfants. 

VI.  Il  ne  sera  pas  inutile  d'avoir  découvert  la 
tonsure  des  pénitents  et  des  religieux ,  afin  d'en 
remarquer  la  différence  d'avec  celle  des  ecclé- 
siastiques :  car  les  pénitents  et  les  religieux  sont 
simplement  tonsurés,  mais  ils  ne  portent  point 
de  couronne,  parce  que  la  couronne  est  la 
marque  et  l'ornement  du  sacerdoce  royal  de 
J.-C.  et  de  ses  ministres. 

Isidore,  évêque  de  Séville,  dit  que  la  partie 
supérieure  de  la  tête  où  la  tonsure  a  été  faite 
représente  la  tiare  sacerdotale  qui  était  ronde, 
et  représentait  la  moitié  d'une  sphère  ou  d'un 
globe;  et  que  le  cercle  de  cheveux  qu'on  laisse 
au  bas  de  la  tête  est  comme  le  diadème  royal 
dont  les  souverains  bandaient  leur  tète. 

La  tonsure  des  ecclésiastiques  est  donc  une 
marque  honorable  de  leur  dignité  royale  et 
sacerdotale  tout  ensemble,  au  lieu  que  celle 
des  pénitents  et  des  religieux  est  une  preuve 
de  leur  état  humble  et  humiliant.  «  Quod  vero 
detonso  capite  superius,  inferius  circuli  corona 
relmquitur.  sacerdotium  regnumque  Ecclesiœ 
in  eis  existimo  figurari.  Tiara  enim  apud  vete- 
res  constituebatur  in  capite  sacerdotum.  Hœc 
ex  bysso  confecta,  rotunda  erat,  quasi  spluera 
média,  et  hoc  significatur  in  parte  capitis  tonsa. 
Corona  autem  latitudo  aurei  est  circuli,  quœ 
regum  capita  cingit.  Utrumque  itaque  signum 
exprimitur  in  capite  clericorum,  ut  impleatur 
etiam  quadam  corporis  similitudine  ,  quod 
scriptum  est,  Petro  apostolo  docente,  vos  estis 
genus  electum,  regale  sacerdotium  (De  Offie. 
Eccl.,  1.  ii,  c.  4).  » 

VII.  Il  est  certain  que  ce  retranchement  de 
cheveux  signifie  dans  les  ecclésiastiques,  aussi 
bien  que  dans  les  pénitents  et  les  religieux,  le 
renoncement  de  toutes  les  vanités,  les  pompes, 
les  voluptés  et  toutes  les  superfluités  du  siècle  : 

Est  autem  in  clericis  tonsura  signum  quod- 
dam,  quod  in  corpore  figuratur,  sed  in  animo 
geritur  ;  scilicet  ut  hoc  signo  in  religione 
vitia  resecentur,  et  criminibus  carnis  nostrœ 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-HUITIEME. 


quasi  crinibus  exuamur    Ibidem,  can.  iv  .  ■ 
pénitent;  se  privent  des  choses 
dont  ils  ont  al  -t  une  satisfaction  pour 

leurs  faut  el  une  précaution  pour 

l'avenir:  ainsi  c'est  plutôt  un  sujet  d'humilia- 
tion que  de  gloire;  au  lieu  que  les  eccl 
tiques  qui  ont  porté  l'innocence  dansce  sublime 
état.  Lissent  les  choses  de  la  terre  par  un  géné- 
reux mépris  et  pir  une  vertu  et  une  grandeur 
d'âme  vraiment  royale,  se  mettent  au-dessus 
tontes  les  -     réées,  pour  régner  d"ès 

cette  vie  avec  J.-C.  dont  le  règne  n'est  j    - 
ce  monde,  quoiqu'il  soit  dans  ce  monde  même 
le  Roi  des  rois. 

VHI.  Si  les  conciles  d  Espï ...  et  Isidore  qui 
serri  de  leurs  propres  termes,  n'ont  parlé 
que  de  la  tonsure,  sans  faire  le  moins  du 
monde  connaître  que  l'on  rasât  la  tête,  ou  le 
haut  de  la  tète  de;  clercs .  il  faut  aussi  remar- 
quer qu'ils  parlent  en  mêmes  termes  des  péni- 
tents et  des  :  .  rx.  L  rasoir  n'y  paraît  ja- 
mais. Et  le  même  saint  Isidore  le  montre 
encore  bien  plus  clairement  dans  sa  r  . 
"  Nullus  monachorum  comam  nutrire  dé- 
bet, etc.  Tondere  ergo  débet  iste,  quando  et 
omnes,  imo  et  sirnul.  ac  pariter  omnes  Cap. 
xn  .  » 

IX.  Enfin,  cet  auteur  assure  que  saint  Paul 
donna  l'exemple  de  la  tonsure,  quînd  il  suivit 
lui-même  l'exemple  des  Nazaréens,  comme  il 
parait  dans  le;  A  -  DeOffic.  Eccl.,  1.  u.c.;. 
Mais  cela  même  nous  apprend  que  ce  ne  fut 
que  dans  cette  rencontre  particulière  que  saint 
Paul  en  usa  de  la  sorte,  et  que  hors  d'une  si 

••  fût  jamais  résolu, 
non  plus  que  les  autres  apôtres. 

-idore  semble  au  même  endroit  Lire  saint 
Pierre  le  premier  auteur  de  la  tonsure  cléri- 
il  ne  faut  l'entendre  que  de  la  modestie 
des  cheveux,  dont  cet  A  sans  doute 

le  maître  et  le  modèle,  aussi  bien  que  de  toutes 
:tus  chrétiennes,  et  des  marques  exté- 
rieures  mêmes  qui  doivent  accompagner  la 
■>•  1  tu. 

\.  Les  Anglais  ont  poussé  bien  plus  loin  ce 
sentiment,  de  reconnaître  saint  Pierre  et  saint 
Paul  pour  les  auteurs  et  les  premiers  institu- 
teurs de  la  tonsure  cléricale.  Ayant  été  1 
temps  partagé;  entre  eux  sur  les  questions  <t 
11;  pratique;  de  1 1  fête  -  et  de  1 1  ton- 

sure cléricale  ;  les  catholique;  qui  se  confor- 
maient aux  sentiments  et  aux  us  - 
ne  manqu  s'autoriser  de  l'exemple 


et  de  l'institution  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul. 

e  nous  raconte  que  le  Lmeux  Théodore. 
né  en  Tarse  de  Cilicie.  et  parfaitement  instruit 
dans  les  lettres  grecques  et  latines,  saintes  et 
profanes,  ayant  quitté  son  monastère  en  Orient 
uit  venu  à  Rome,  fut  choisi  r<ar  le  pape 
pour  être  envoyé  en  Angleterre,  et  y  gouverner 

i  a  qualité  d'archei 
11  fut  premièrement  ordonné  sous-diacre  à 
Rome,  puis  il  attendit  l'espace  de  quatre  mois 
que  ses  cheveux  fussent  crûs,  afin  qu'on  pût 
ensuite  lui  faire  la  tonsure  et  la  couronne,  à 
la  mode  de  Rome  et  de  l'Occident,  car  il  n'avait 
reçu  que  la  tonsure  de  saint  Paul,  à  la  mode 
Orientaux.  Apres  cela  le  pape  Vjtalien  lui 
donna  tous  les  ordres  sacrés,  a  Qui  subdia- 
■  ;  ordinatus.  quatuor  expectavit  menses. 
donec  illi  coma  cresceret  .  quo  in  coronam 
tonderi  po;set.  Habuerat  enim  tonsuram  more 
Orientalium  sancti  Pauli  apo;tolï.  Qui  ordina- 
tus  a  Vitaliano  papa,  etc.  Beda,  hi;t.  i.  Angl., 
I.  iv.  C.  1  .  » 

XI.  II  e;t  très-probable  que  cette  couronne 
orientale .  qu'on  autorisait  du  nom  de  saint 
.  était  celle  des  moine;  qui  avaient  toute 
la  tète  rase,  ou  tondue  également  partout  et 
de  fort  près,  sans  ce  cercle  ou  cette  couronne 
de  cheveux  qui  e;t  propre  aux  clerc;. 

terme;  de  Rede  semblent  le  dire.  Car. 
i  Théodore  était  moine;  or  les  moines  rasaient 
toute  leur  tète,  ou  la  tondaient  de  près,  comme 
nous  avons  dit,  sans  qu'il  soit  jamais  parlé 
d'un  tour  de  cheveux  qui  leur  reste,  et  qui  leur 
fasse  comme  une  couronne. 

)n  laissa  croître  le;  cheveux  a  Théodore 
durant  quatre  mois,  afin  de  pouvoir  après  cela 
lui  faire  une  tonsure  couronnée  d'un  cercle  de 
io  in  coronam  tonderi  posset.  » 
Rien  ne  convient  mieux  à  ce  que  nous  avan- 
çons. 
3°  Cette  tonsure  totale  se  pouvait  appeler 
beaucoup  de  vraisemblance  la  tonsure  ou 
la  rasure  de  saint  Paul,  qui  se  fit  couper  les 
cheveux  à  Jérusalem  à  la  mode  des  Nazaréens, 
qui  coupaient  et  consacraient  à  Dieu  tous  leurs 
cheveux  sans  en  rien  réserver.  On  sait  assez 
d'ailleurs  combien  ouvertement  les  anciens 
moines  faisaient  gloire  de  se  dire  les  imitateurs 
des  anciens  Nazaréens,  et  les  disciple;  de  saint 
Paul  dans  son  parfait  dépouillement  de  toutes 
choses,  dans  ses  pénitences,  et  le  travail  de  ses 

QS. 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


XII.  Le  même  Bède  rapporte  plus  bas  une 
vision  miraculeuse  où  saint  Pierre  et  saint 
Paul  apparurent  le  premier  tonsuré  comme  un 
clerc,  le  second  avec  une  longue  barbe.  oUnus 
quidem  attonsus  erat  ut  clericus,  alius  barbam 
babebat  prolixam.  Dicebantque  quod  unus  eo- 
rum  Petrus,  alius  vocaretur  Paulus  L.  iv, 
c.  14).  a 

Il  se  peut  bien  faire  que  cet  enfant  crut 
avoir  vu  les  apôtres  dans  cette  vision  en  la 
même  manière  qu'ils  étaient  ordinairement 
représentés  dans  leurs  tableaux,  ou  que  les 
apôtres  même  pour  se  faire  connaître  voulu- 
rent apparaître  avec  la  figure  que  les  peintres 
leur  donnent  ordinairement.  Mais  les  catholi- 
ques anglais  ne  doutaient  nullement  eu  ce 
t<  mps-là  que  saint  Pierre  n'eût  été  tonsuré  de 
la  même  façon  qu'on  l'était  à  Rome  de  leur 
temps  !..  n .  c.  -2-2  . 

L'abbé  Ceolfrid,  dans  la  savante  lettre  qu'il 
écrit  sur  ce  sujet,  et  qui  est  rapportée  par  le 
même  Bède,  ne  doute  point  à  la  vérité  que  les 
apôtres  n'aient  été  différents  entre  eux  dans  la 
tonsure  :  o  Et  quidem  scimus,  quia  nec  Apo- 
stoli  omnesunoeodemque  sunt  modo  attomi.» 
et  que  les  tonsures  de  tant  de  différentes  Egli- 
ses du  momie  ne  soient  aussi  diverses  entre 
elles  dans  le  siècle  présent  même,  l'unité  es- 
sentielle n'étant  autre  que  celle  de  la  foi  et  de 
la  charité  :  «  Ne  que  mine  Ecclesia  Catholica 
sieut  una  fuie,  spe  et  charitate  in  Deum  con- 
sentit, ita  etiam  una  atque  indissimili  totum 
per  orbem  tonsura  sibi  forma  congruit;  a  que 
Job  coupa  ses  cheveux  dans  son  affliction  :  ainsi 
il  les  portait  Ion;:'  dans  la  prospérité  ;  Joseph  au 
contraire  les  coupa  en  sortant  de  la  prison,  où 
illes  avait  laissés  croître  ;  que  les  anciens  Pères 
ne  sont  jamais  entres  dansaucune  contestation 
sur  le  sujet  de  la  tonsure,  «  Cum  nunquam 
Patribus  Catholicis,  sieut  de  Paschae  vel  tîdei 
diversitate  conflictus,  ita  etiam  de  tonsursedif- 
ferentia  fegatur  aliqua  fuisse  controversia  ;  a 
que  ce  n'est  donc  qu'un  point  de  discipline  in- 
différenten  lui-même:  aTonsurae  discrimen 
non  nocet,  quibus  pura  in  Deum  fides  et  cha- 
ntas in  proxinium  sincera  est.  » 

.M  lis  après  avoir  supposé  toutes  ces  vérités 
incontestables,  ce  savant  abbé  déclare  qu'il  ne 
croit  pas  qu'on  puisse  douter  qu'entre  toutes 
les  tonsures  qui  peuvent  avoir  cours  dans  l'E- 
glise, ou  dans  tout  le  monde,  il  ne  faille  pré- 
férera toutes  les  autres  celle  de  saint  Pierre, 
et  préférer  toutes  les  autres  à  celle  de  Simon 


le  Magicien.  «Nullam  magis  sequendam  jure 
dixerim;  ea  quam  in  capite  suo  gestabat  Pe- 
trus ;  o  surtout  si  l'on  considère  que  la  ton- 
sure de  saint  Pierre,  couronnée  d'un  tour 
de  cheveux,  est  une  marque  glorieuse  de  la 
passion  deJ.-C.  el  nue  image  de  sa  couronne 
d'épines.  «  Neque  ob  id  lantum  in  coronam 
attondemur,  quia  Petrus  ita  attonsus  est.  sed 
quia  Petrus  in  memoriam  Dominicae  Passionis 
ita  attonsus  est,  etc.  Oportel  eos,  qui  vel  mo- 
naehi  votum  vel  gradum  clericatus  habent, 
formam  quoque  coronae,  quam  Dominus  in 
passione  sua  spineam  portavit  in  capite  suo. 
quemque  in  capite  per  tonsuram  praeferre.a 

C'est  encore  comme  une  éternelle  protesta- 
tion de  vouloir  prendre  part  a  la  honte  glo- 
rieuse et  à  la  sage  folie  de  la  croix  de  J.-C. 
«  Ut  se  etiam  irrisiones  et  opprobria  pro  illo 
libenter  ac  prompto  animo  sufferre,  ipso  etiam 
frontispicio  doceant.  a 

Enfin  c'est  pour  aller  au-devant  de  celte  cou- 
ronne incorruptible  de  gloire  que  nous  atten- 
dons, et  pour  laquelle  nous  nous  séparons  de 
toutes  les  vanités  du  siècle  :  a  Ut  coronam 
vitœ  a?tern;ï  se  semper  expectare,  proque  hu- 
jus  perceptione  etadversa  se  mundi,  et  pro- 
spéra conte  in  nere  désignent.  » 

XIII.  Quant  à  la  couronne  qu'on  blâmait  en 
Angleterre  .  et  qu'on  y  attribuait  à  Simon  le 
Magicien,  comme  contraire  à  celle  de  saint 
Pierre,  ce  même  abbé  nous  la  dépeint  un  peu 
plus  bas.  et  il  nous  fait  voir  que  ce  n'était 
que  le  demi-tour  de  cheveux  sur  le  front, 
le  reste  manquant,  qui  devait  entourer  le  der- 
rière de  la  tète. 

«  Tonsuram  Simonis  quis  non  cum  ipsa  ma- 
gia  detestetur  ;  quae  aspectu  in  frontis  quidem 
superficie  coron;e  videtur  speciem  pneferre  ; 
sed  ubi  ad  cervicem  considerando  perveneris, 
decurtatam  eam,  quam  te  videreputabas  inve- 
nies  coronam  ;  ut  merito  simoniacis  et  non 
christianis  talem  habitum  convenue  cognoscas, 
qui  in  praesenti  quidem  vita,  a  deceptis  bomi- 
nibus  putabantur  digni  perpetu;e  gloria  coro- 
na", sed  in  ea  quae  banc  sequitur  vita,  non 
solum  omni  spe  coronœ  privati ,  sed  seterna 
insuper  sunt  pœna  damnati.  » 

Il  était  difficile  de  faire  une  peinture  plus 
naïve  et  plus  ressemblante  de  cette  demi-cou- 
ronne sur  le  devant  de  la  tète,  qui  semblait 
figurer  que  les  disciples  de  cet  hérésiarque' 
n'avaient  que  les  apparences  de  la  piété,  et  ne 
pouvaient  espérer  que  la  gloire  du  siècle  pré- 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-HUITIÈME. 


sent,  n'ayant  rien  de  solide  dans  le  secret,  ni 
rien  à  espérer  dans  le  siècle  à  venir.  Le  cercle 
entier  de  la  couronne  marque  l'éternité  de  la 
vie  sans  fin  qu'elle  fait  espérer;  celle  qui  n'a- 
chève pas  le  cercle  est  un  funeste  augure  du 
contraire.  «  Qui  ad  coronam  te  vitae,  quœ  ter- 
minum  neseiat,  tendere  credis,  quid  contrario 
fidei  tua:  habitu  terminatam  in  capite  coronae 
imaginem  portas.  » 

Si  c'est  cette  tonsure  dont  le  moine  Agrestius 
fit  nu  reproche  aux  défenseurs  de  saint  Colom- 
ban  dans  le  concile  de  Màcon,  en  027,  c'est  ce 
que  je  n'oserais  ni  assurer,  ni  nier.  Entre  les 
lettres  du  martyr  Boniface,  la  quarante-qua- 
trième est  d'Athelme,  abbé  d'Angleterre,  tis- 
sue  des  mêmes  raisons  de  l'abbé  Céolfrid  et 
des  paroles  de  saint  Isidore  de  Sévile. 

XIV.  De  ce  que  nous  venons  de  dire  on  peut 
conclure  que  de  quatre  différentes  manières 
de  couronnes  et  de  tonsure,  il  y  en  a  deux 
d'infâmes,  une  tolérée,  l'autre  autorisée. 

Celle  que  les  anglais  attachés  aux  cérémo- 
nies romaines,  détestaient  et  attribuaient  par 
conséquent  à  Simon  le  Magicien,  sans  autre 
fondement  à  mon  avis  que  de  ce  qu'elle  était 
contraire  a  celle  qu'on  croyait  être  de  saint 
Pierre,  celle-là,  dis-je,  vient  de  nous  être  re- 
présentée assez  clairement.  Celle  que  les  clercs 
inférieurs  de  la  province  de  Galice  avaient 
empruntée  des  anciens  hérétiques  d'Espagne, 
et  dont  nous  avons  rapporté  la  condamnation 
par  le  concile  IV  de  Tolède  pourrait  passer 
pour  la  même  que  celle  de  nos  jeunes  clercs 
dans  le  siècle  présent  ;  mais  si  elle  en  approche 
par  le  seul  petit  cercle  du  haut  de  la  tête,  elle 
en  est  très-différente  par  la  modestie  des  che- 
veux. Car  ce  que  le  concile  de  Tolède  con- 
damne le  plus  justement,  ce  sont  les  longs  che- 
veux que  les  lecteurs  du  royaume  de  Calice 
portaient  a  la  façon  des  laïques.  «  Prolixis  ut 
laicicomis.  » 

II  est  vrai  que  ce  concile  veut  que  les  moin- 
dres clercs  portent  la  tonsure  et  la  couronne 
aussi  grande  que  les  évoques,  et  que  notre 
pratique  est  fort  éloignée  de  cela.  Mais  c'est  à 
quoi  il  faut  rapporter  ce  que  l'abbé  Céolfrid 
vient  de  nous  apprendre,  que  jamais  l'Eglise 
n'a  prétendu  introduire  dans  ces  sortes  de  pra- 
tiques une  uniformité  générale  et  qu'elle  ne 
désapprouve  pas  la  différence  qu'on  met  entre 
les  choses  de  leur  nature  indifférentes,  et  celles 
qui  sont  essentielles  à  la  religion. 

XV.  Après  ces  deux  manières  de  couronne 


et  de  tonsure,  qui  n'ont  pas  été  approuvées,  il 
en  reste  deux  qui  ont  mérité  d'être  attribuées 
l'une  à  saint  Pierre  et  à  l'église  d'Occident, 
l'autre  à  saint  Paul  et  à  l'Eglise  Orientale. 
Quant  à  cette  attribution,  il  y  a  toutes  les  ap- 
parences du  monde  qu'elle  n'est  provenue  que 
de  la  maxime  de  saint  Jérôme,  qui  veut  bien 
que  chaque  Eglise  mette  ses  anciennes  prati- 
ques au  rang  des  traditions  apostoliques.  En 
etfet,  dès  que  l'antiquité  d'un  usage  est  telle 
(ju'on  en  a  oublié  le  commencement,  on  se 
laisse  insensiblement  aller  à  la  créance,  qu'elle 
a  pris  naissance  avec  lEglise  même,  de  ceux-là 
même  qui  ont  donné  commencement  à  chaque 
Eglise.  Grégoire  de  Tours  attribue  aussi  à  saint 
Pierre  la  première  institution  de  la  couronne, 
ou  de  la  tonsure  comme  nous  le  dirons  dans  le 
chapitre  suivant. 

XVI.  Enfin  l'abbé  Céolfrid  a  remarqué  que 
non-seulement  les  clercs,  mais  les  moines  aussi 
doivent  porter  la  tonsure  de  saint  Pierre,  avec 
un  cercle  de  cheveux  qui  fait  comme  leur  cou- 
ronne ou  leur  diadème.  Cela  s'était  donc  déjà 
introduit  dans  l'Angleterre  ;  car  il  est  certain 
que  ce  n'était  pas  la  coutume  des  religieux 
d'Espagne.  Les  conciles  de  Tolède  n'ont  donné 
de  couronne  qu'aux  clercs,  ils  ont  donné  aux 
religieux  la  tonsure  seulement  de  même  qu'aux 
pénitents;  saint  Isidore  l'a  dit  en  termes  formels 
dans  sa  règle  ;  et  il  l'a  assuré,  encore  plus  clai- 
rement quand  il  a  dit  que  la  couronne  mar- 
quait la  royauté  du  sacerdoce  de  l'Eglise.  Ce 
n'est  donc  qu'aux  clercs  qu'il  a  donné  la  cou- 
ronne. 

XVTI.  Mais  cette  pratique  de  couronner  d'un 
tour  de  cheveux  la  tète  des  moines,  est  appa- 
remment venue  de  ce  que  dans  ce  même  temps 
les  religieux  entrèrent  presque  tous  dans  la 
cléricature,  surtout  en  Angleterre,  où  les  suc- 
cesseurs d'Augustin  et  de  ses  confrères  furent 
presque  tous  religieux  aussi  bien  qu'eux,  et 
ayant  été  les  prédicateurs  et  les  Pères  de  l'E- 
glise anglicane,  ils  firent  un  très-saint  et  très- 
avantageux  mélange  de  la  profession  monasti- 
que et  de  la  cléricature.  Aussi  nous  allons  voir 
qu'en  ces  mêmes  vi%  vne  et  viue  siècles  la  ton- 
sure monacale  était  souvent  donnée  au  lieu  de 
la  cléricale  ;  pour  entrer  dans  le  clergé,  on 
commençait  par  se  faire  moine,  les  moines 
étaient  appelés  clercs,  et  la  profession  monas- 
tique suffisait  pour  faire  l'office  de  lecteur 
dans  l'église. 

Au  reste,  si  nous  disons  que  la  coutume  de 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


raser  la  tète  a  passé  des  moines  aux  clercs,  et 
que  celle  de  laisser  un  tour  de  cheveux  a  passé 
des  clercs  aux  moines,  comme  nous  le  dirons 


encore  dans  le  chapitre  suivant,  il  est   visible 
qu'en  cela  il  n'y  a  nulle  contrariété. 


CHAPITRE   TRENTE-NEUVIEME. 


DE    LA    TONSURE    ET   DE    LA    COURONNE    CLERICALE    EN    FRANCE    ET   EN    ITALIE.    A    ROME    ET   EN    ORIENT, 
AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET    HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  La  tonsure  des  clercs  ne  consistai!  qu'à  avoir  les  cheveux 
couils. 

II.  on  tondait  ceux  qu'on  faisait  clercs  ou  moines. 

III.  Ainsi  la  tonsure  des  clercs  et  des  moines  semblait  être  la 
même. 

IV.  Selon  le  langage  de  ce  temps-là,  on  devenait  clerc  par  la 
tonsure  mouacale. 

V.  Preuve  tirée  de  Grégoire  de  Tours,  que  les  clercs  avaient 
une  couronne  outre  la  tonsure.  Les  moines  l'avaient  aussi  lors- 
qu'ils étaient  clercs,  mais  non  pas  les  pénitents.    • 

VI.  Preuves  que  le  haut  de  la  tète  était  même  rasé.  Voilà 
pour  la  France. 

VII.  En  Italie,  la  même  tonsure  et  la  même  couronne  était  en 
usage  pour  les  clercs  et  les  moines. 

VIII.  On  tonsurait  aussi  les  bas  ofûciers  qui  gouvernaient  le 
temporel  de  l'Eglise. 

IX.  L'antiquité  de  la  tonsure  ou  de  la  couronne  pourri 
provenir  de  la  glorieuse  ignominie  que  les  ennemis  deJ.-C.  lui 
avaient  fait  souffrir. 

X.  Preuves  qu'on  ne  rasait  point  encore  la  tète  dans  les  pre- 
miers siècles. 

XL  XII.  Dans  l'Orient,  la  tonsure  était  en  même  recomman- 
dation. 

XIII.  On  ne  tonsurait  point  les  clercs,  sans  leur  conférer  quel- 
qu'un des  ordres  inférieurs. 

XIV.  Quand  les  Grecs  ont  parlé  de  la  couronne. 

XV.  Comment  ils  l'ont  prise  pour  une  tradition  apostolique  ; 
et  comment  il  est  vraisemblable  qu'elle  a  passé  des  moines  aux 
clercs. 

XVI.  Autres  preuves  que  la  couronne  n'est  pas  des  quatre 
premiers  siècles. 

I.  Continuons  le  même  discours  de  la  ton- 
sure et  de  la  couronne  cléricale  et,'  passons 
d'Angleterre  en  France. 

Le  concile  d'Agde,  tenu  en  506  (Can.  xv  , 
oblige  les  pénitents  à  couper  leurs  cheveux  et 
changer  d'habit  :  «  Si  comas  non  deposuerint, 
aut  vestimenta  non  mutaveiint.  abjiciantur.  » 
Il  ordonna  aux  archidiacres  de  couper  les  che- 
veux  aux  jeunes  clercs  qui  les  porteront  trop 
longs,  malgré  toute  leur  résistance.  «  Clerici 
qui  comam  nutriunt,  ab  archidiacono,  etiamsi 
noluerint ,  inviti  detondeantur     Can.  xx  .  » 


Voilà  l'ancienne  modestie  dans  les  cheveux 
courts,  mais  on  n'y  parle  point  de  couronne. 

IL  Grégoire  de  Tours  dit  que  le  grand  Clovis 
fit  tondre  le  roi  Chararic  et  son  fils  et  leur  fit 
donner  les  ordres  sacrés.  «  Vinctos  totondit,  et 
Chararicum  quidem  presbvterum  ,  filium  vero 
ejus  diaconum  ordinari  jubet  (L.  n,  c.  -il).  » 
Childebert  et  Clotaire,  enfants  du  grand  Clovis, 
envoyèrent  demander  à  leur  mère,  sainte  Clo- 
tilde.  si  elle  aimait  mieux  qu'on  tuât  ses  petits- 
fils,  enfants  de  Clodomire,  ou  qu'en  les  tondant 
on  les  dégradât  de  la  royale  noblesse  et  qu'on 
les  égalât  au  peuple;  «  Dtrum  incisa  caesarie, 
ut  reliqua  plebs  habeantur  an  certe  bis  inter- 
l'eetis,  etc.  (L.  m.  c.  1S  .  »  Cette  sainte  reine 
ne  pensant  rien  moins  qu'à  ce  qui  arriva,  ré- 
pondit dans  le  transport  de  sa  douleur,  qu'elle 
aimait  mieux  les  voir  privés  de  la  vie  que  des 
marques  de  leur  royale  naissance,  «  Satins 
mihi.  si  ad  regnum  non  erigunlur,  mortuos 
eos  videre.  quam  tonsos.  » 

Ces  princes  impitoyables  se  défirent  de  deux 
de  leurs  neveux,  le  troisième  nommé  Clodoald 
s'échappa  et  se  coupant  lui-même  les  cheveux, 
il  prit  la  cléricature et  ensuite  la  prêtrise,  où  il 
mérita  une  couronne  et  une  royauté  immor- 
telle :  «  Sibi  propria  manu  capillos  incidens, 
clericus  factus  est,  etc.  (L.  iv,  c.  i).  »  Le  frère 
du  comte  de  Rretagne  se  fit  tonsurer  pour  être 
fait  évèque  de  Vannes,  puis  laissant  croître  ses 
cheveux  et  reprenant  sa  femme,  il  voulut  suc- 
céder à  son  frère  qui  était  mort  dans  la  comté  ; 
mais  les  évêqoes  l'excommunièrent. 

«  Tonsuratus  et  episcopus  ordinatus  est,  etc. 
Apostalavit  et  demissis  capiliis,  uxorem  quam 
post  clericatum  reliquerat,  cum  regno  fratris 


8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-NEUVIÈME. 


simul  accepit,  sedabepiscopisexcommunicatus 

est  (L.  v,  c.  .'),  I  i).  »  Et  plus  bas,  «  Mundericus 
tonsuratus,  et  episcopus  ordinatus  est.  »  Et 
plus  bas,  «  Meroveus  tonsuratus  est,  mutataque 
veste,  qua  clericis  uti  mos  est,  presbyter  ordi- 
natur.  »  Et  plus  bas  encore,  «  Ille  in  eodem 
loco  conversus,  tonsurato  capite,  fidelissimus 
monachus  nunc  habetur  (L.  vi,  c.  G,  9).  »  Et 
plus  bas,  «  Radecbisilus  dômus  régis  major, 
tonsuratus  ,  gradus  quos  clerici  sorliuntur, 
ascendens,  etc.  »  Et  en  parlant  des  princes  de 
la  maison  de  Clovis  ,  «  Utregum  istorum  mos 
est,  crinium  tlagellis  per  terga  demissis,  etc. 
Clotarius  jussit  tonderi  comam  capitis  ejus, 
dicens ,  hune  ego  non  generavi  (L.  xxiv, 
c.  28).  »  Et  ailleurs,  «  Marius  referendarius, 
subito  lateris  dolore  detentus,  caput  totondit, 
atque  peenitentiam  accipiens  ,  etc.  (L.  vu, 
c.  '.il).  »  El  en  un  autre  endroit,  «  Nicetius 
cornes  praeceptionem  a  Chilperico  acceperat,  ut 
tonsuratus  civitati  illi  sacerdos  daretur.  »  Et 
plus  bas,  «  Episcopus  suscepto  puero,  totondit 
comam  ca]iitis  ejus,  deditque  eum  archidia- 
cono  Ecclesiae  suœ,  etc.  (L.  x,  c.  8,  29).  »  Et 
plus  bas,  a  Cum  jam  degeret  cum  memorato 
antistite  Aredius,  tonsurato  jam  capite ,  etc. 
Ex  familia  propria  tonsuratos  instituit  mona- 
chos  ;  caenobiumqne  fundavit.  o 

III.  De  cette  confusion  étudiée  de  passages  il 
parait  assez  clairement  qu'il  y  avait  aussi  une 
confusion  de  tonsures  entre  les  ecclésiastiques 
et  les  moines. 

Grégoire  de  Tours  se  sert  toujours  des  mêmes 
termes  pour  les  exprimer  et  il  serait  difficile 
qu'en  un  si  grand  nombre  d'endroits  il  ne  se 
fût  rencontré  quelque  occasion  d'en  insinuer 
la  différence.  Les  princes  de  la  maison  royale 
de  Clovis  se  distinguaient  du  reste  du  monde 
par  la  longueur  extraordinaire  de  leurs  che- 
veux. 

Les  autres  personnes  séculières  les  portaient 
aussi  fort  longs.  Les  ecclésiastiques  et  les  moi- 
nes se  les  faisaient  tondre  afin  de  les  avoir  tou- 
jours fort  courts  et  témoigner  par  là  le  retran- 
chement des  supei  Unités  du  monde  :  le  concile 
d'Agde  ordonne  seulement  de  couper  les  che- 
veux trop  longs  aux  jeunes  clercs. 

Au  reste  ci:  que  j'ai  dit  et  ce  que  je  pourrai 
dire  ensuite  de  la  tonsure  et  de  la  couronne 
des  clercs. qui  el.iil  sinisent  confondue  avec  celle 
des  moines,  ne  paraîtra  pas  si  étrange,  si  l'on 
considère  que  l'Eglise  avait  pu  permettre  des 
lors  aux  abbés  de  donner  la  tonsure  cléricale  à 


leurs  religieux  ;  comme  il  est  indubitable  que 
les  conciles  œcuméniques  mêmes  leur  ont 
dans  la  suite  des  siècles,  ou  donné,  ou  confirmé 
cette  puissance.  Mais  comme  tous  les  abbés 
n'ont  pas  joui  de  ce  privilège  ;  aussi  les  moines 
recevaient  souvent  la  tonsure  des  évoques. 
Enfin  comme  tous  les  moines  profès  n'étaient 
pas  clercs,  et  qu'ils  avaient  tous  néanmoins  la 
tonsure  monastique,  cela  nous  force  toujours 
de  reconnaître  quelque  différence  entre  la  ton- 
sure des  clercs  et  celle  des  moines  et  par  con- 
séquent entre  la  tonsure  des  moines  qui 
étaient  clercs  et  celle  de  ceux  qui  ne  l'étaient 
pas. 

Il  y  a  néanmoins  bien  d'autres  exemples  où 
les  abbés  donnent  la  tonsure  et  la  cléricature 
tout  ensemble  à  leurs  religieux.  Grégoire  de 
Tours  parlant  de  l'abbé  qui  reçut  saint  Gai 
dans  son  monastère,  «  Tune  abbas  puerum 
clericum  fecit  (De  vitis  Patr.  c.  5).  »  J'en  dirai 
davantage  ailleurs.  J'ajouterai  seulement  ici 
cette  circonstance  curieuse  qui  se  lit  dans  la 
vie  de  saint  Maur ,  que  quand  il  tonsura  le 
jeune  Flore,  après  lui  le  roi  et  tous  les  Sei- 
gneurs lui' coupèrent  aussi  chacun  une  partie 
de  ses  cheveux  :  «  Rex  primus  post  eum  de 
coma  capitis  ejus  totondit  ;  deinde  quicumque 
ex  optimatibus  ejus  voluit  (Cap.  iv).  » 

La  règle  de  saint  Aurélien  marque  une  autre 
singularité  notable;  on  enfermait  dans  quelque 
chasse  ou  reliquaire  des  saints  une  partie  des 
cheveux  coupés  ou  pour  les  consacrer,  ou 
plutôt  pour  servir  de  témoignage  contre  les 
violateurs  d'une  si  sainte  cérémonie.  «  Si  quis 
laïeus  tonsurandus  est,  de  capillis  illitisincon- 
fessionem  mittatur,  ut  ei  in  testimonio  sit.  » 

IV.  Voyons  si  les  autres  ouvrages  du  même 
Grégoire  de  Tours  nous  confirmeront  dans  la 
même  pensée  de  l'indistinction  de  la  tonsure 
cléricale  et  de  la  monacale.  En  parlant  du 
monastère  de  saint  Maurice ,  il  dit  qu'une 
femme  y  offrait  son  fils  à  l'abbé,  pour  y  rece- 
voir la  cléricature,  c'est-à-dire  pour  y  être  fait 
moine.  «  Mulier  filium  unicum  ad  monaste- 
rium  adducens,  abbati  tradidit  erudiendum  , 
videlicet  ut  factus  clericus ,  sanctis  mancipa- 
relur  officiis.  Verum  cum  jam  spiritalibus  esset 
eruditus  in  litteris,  et  cum  reliquis  clericis 
in  choro  psalleret  canentium ,  etc.  (De  glor. 
Mar.  t.  x,  c.  76).  » 

Parlant  ailleurs  d'un  bénéficier  qui  desser- 
vait une  chapelle,  il  L'appelle  tantôt  moine, 
tantôt  clerc  :  «  Monachus  ipsius  loci,  etc.  Fes- 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


9 


livitate  ovans  clericus,  etc.  Ingressus  promptua- 
rium  clericus,  etc.  (L.  il,  c.  3b  .  »  El  ailleurs, 
«  Purulum  ex  familia  Ecclësiœ  Turonicae,  Im- 
miliatis  capillis  huic  monasterio  cessimus'(De 

glor.  Conf.  c.  22,  32).  »  Et  plus  lui?,  «  Ex  con- 
sensu  pari  vir  tonsuratusad  clericatum,  puella 
vero  religiosum  induit  vestimentum.  »  Et  dans 
un  autre  ouvrage,  un  maître  consacra  à  saint 
Martin  son  esclave,  s'il  guérissait  à  son  tom- 
beau :  «  In  illo  die  absolutus  a  mei  servitii  vin- 
culo,  incisis  capillis  tuo  servitio  delegetur,  etc. 
Tonsurato  capite  et  accepta  libertate  ,  ibidi  m 
Domini  usibus  deservivit  [Du  Mirac.  I!.  Mart. 
1.  ii,  c.  i.  53  .  »  Et  ailleurs  parlant  d'un  autre, 
«  Ad  monasterium  sibi  proximum,  humiliatis 
capillis,  ac  presbyter  ordinatus  (Vitœ  l'atrum, 
c.  v).  »  Et  parlant  ailleurs  de  saint  Portien  qui 
fut  relâché  miraculeusement  par  son  maître  . 
afin  de  pouvoir  entrer  dans  un  monastère, 
»  Exin  beatus  Portianus  clericus  factus,  tanto 
virtulis  cumulo  est  prselatus ,  ut  decedente 
abbate  ipse  succederet.  » 

Ce  fut  l'abbé  même  du  monastère  qui  le  fit 
clerc,  comme  il  paraît  par  toute  la  suite  du  dis- 
cours et  comme  on  peut  encore  connaître  par 
l'exemple  de  saint  Gai,  dont  Grégoire  de  Tours 
dit  formellement  que  l'abbé  le  fit  clerc,  en  le 
recevant  dans  son  monastère.  «  Nu  ne  abbas 
piierum  clericum  fecit,  etc.  Quem  cum  Quin- 
tianus  episcopus  ad  idem  monasterium  veniens 
cantantem  audisset,  etc.  (Ibid.  e.  vi,  ix.  >.\  .  o 
Et  parlant  ailleurs  de  l'abbé  saint  Patrocle, 
«  Accessit  ad  Biturigse  urbis  episcopum  pe- 
tiitque  comam  capitis  tonderi,  adscirique  se  in 
ordinem  clericorum.  »  Et  plus  bas  (C.  x\  . 
«  Senoeh  Pictavi  pagi  quem  Theipbaliam  vo- 
cant,  oriundus  fuit,  et  conversus ad Dominum, 
clericusque  factus  monasterium  sibi  insti- 
tuit.  » 

V.  Tous  ces  passages  nous  persuaderaient 
sans  doute,  que  l'Eglise  de  France  n'avait  pas 
encore  ajouté  la  couronne  à  la  tonsure  cléri- 
cale, si  le  même  Grégoire  de  Tours  ne  nous 
faisait  une  description  achevée  de  l'une  et  de 
l'autre,  en  parlant  de  la  naissance  de  saint  Ni- 
cetius  ou  Nizier,  évèque  de  Trêves. 

Il  rapporte,  que  quand  il  vin!  au  monde,  sa 
tète  parut  d'abord  sans  cheveux,  à  la  réserve 
d'un  petit  filet  de  cheveux  qui  l'entourait 
comme  un  diadème,  en  sorte  que  l'on  crut  que 
c'était  un  heureux  présage  de  la  profession 
cléricale,  qu'il  devait  un  jour  embrasser. 

«  Igitur  sanctus  Nicetius  episcopus,  ab  ipso 


ortus  fui  tempore  clericus  designatusest.  Nam 
cum  partu  fuissel  effusus,  omne  caput  (jus,  ut 
ist  consuetudo  uascentium  infantium,  a  ca- 
pillis iiudum  cernebatur  ;  in  circuitu  vero 
modicorum  pilorum  ordo  apparuit,  ut  putares 
ab  eisdem  coronam  clerici  fuisse  signatam. 
Exinde  a  studiosissimis  enutritus  parentibus, 
litteris  institutus,  abbaticuidam  in  monasterio 
commendatur;  in  quo  loeo  ita  se  devotum  ex- 
hibuit,  ut  migrante  abbate  ipse  succederet 
(Ibid.  c.  xvu).  » 

Voilà  un  témoignage  certain,  que  dans  le 
sixième  siècle  tous  les  clercs  de  l'Eglise  galli- 
cane n'étaient  pas  seulement  tonsurés,  mais 
qu'ils  portaient  aussi  une  couronnne,  c'est-à- 
dire  un  Irès-petit  tour  de  cheveux  au  bas  de  la 
tète,  comme  Grégoire  de  Tours  vient  de  le  dé- 
crire et  comme  nous  lavons  déjà  remarqué 
dans  les  Eglises  d'Espagne  et  d'Angleterre.  Il 
faut  en  même  temps  demeurer  d'accord  que 
la  même  couronne  accompagnait  la  tonsure 
des  moines  ,  puisque  nous  voyons  que  saint 
Nizier  entra  aussitôt  qu'il  le  put  en  religion, 
sans  s'opposer  au  céleste  présage  de  sa  cléri- 
cature,  et  que  nous  avons  par  tant  d'exemples 
fait  voir  le  mélange  de  la  cléricature  avec  la 
profession  monastique. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  tonsure  des 
pénitents,  qui  ne  pouvaient  être  faits  partici- 
pants de  la  cléricature,  et  qui  par  conséquent 
ne  pouvaient  pas  prétendre  à  l'auguste  cou- 
ronne du  royal  sacerdoce  de  l'Eglise. 

Grégoire  de  Tours  parle  indifféremment  de 
la  couronne  des  clercs  et  des  moines,  quand  il 
dit  que  saint  Pierre  l'institua  comme  une  mar- 
que d'humilité.  «  Apostolus  ad  humilitatem 
docendam  caput  desuper  tonderi  inslituit  (De 
glor.  Mar.  L.  i.c.28.  L.  vin,  nist.  c.20).»  Il  dit 
ailleurs  que  l'évêque  de  Cahors  ayant  été  ex- 
communié et  mis  à  la  pénitence,  on  lui  défen- 
dit de  couper  ses  cheveux  ou  sa  barbe.  «Neque 
capillum  neque  barbam  tonderet.  »  Le  pape 
Vigile  laissa  aussi  croître  ses  cheveux  et  sa 
barbe  à  Constantinople,  si  nous  en  croyons  la 
lettre  des  ambassadeurs  de  France. 

Saint  Loup,  archevêque  de  Sens,  ayant  été 
rappelé  de  son  exil  par  le  roi  Clolaire,  parut 
devant  lui  avec  une  barbe  longue  et  de  longs 
cheveux,  qui  étaient  les  marques  de  son  altlic- 
tion  et  de  ses  austérités  :  «  Caput  intonsum, 
barbamque  minime  rasam,  ob  cumulandum 
abstinentia;  rigorem  :  »  Le  roi  en  fut  touché  et 
commanda  qu'on  lui  coupât  la  barbe  et  les 


in 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-NEUVIÈME. 


cheveux.  «  Jubet  eum  honorifice  tractari,  co- 
mamque  et  barbam  tonderi  Baron.  An.  C3J, 
n.  i  .  » 

Ainsi  cet  usage  de  raser  la  barbe  et  une  par- 
tie des  cheveux,  qui  avait  été  autrefois  une 
marque  saintement  affectée  d'une  ignominie 
glorieuse  qu'on  souffrait  avec  joie  pour  J.-C. 
était  alors  devenue  dans  l'estime  même  des 
hommes ,  une  marque  de  grandeur  et  de  joie  , 
dont  les  prélats  exilés  étaient  privés,  ou  se  pri- 
vaient eux-mêmes  pendant  leur  affliction,  et 
qu'ils  reprenaient  dan?  leur  rétablissement. 

VI.  Saint  Ouin,  évêque  de  Rouen,  dans  la  vie 
de  saint  Eloi,  évêque  de  Noyon,  semble  faire 
descendre  des  apôtres  la  tonsure  cléricale , 
«  Sub  sa^culari  habita,  vel  sub  venerabili  et 
apostolica  tonsione  (Cap.  xxxi).  »  L'auteur  de 
la  vie  de  saint  Ouin  dit  que  saint  Eloi  et  lui , 
furent  tonsurés  tous  deux  ensemble  :  «  Clerici 
tonsuram  accepit,  uno  eodemque  tempore 
etiam  Eligio  comam  ponente  Can.  \  .  » 

Saint  Césaire  étant  encore  enfant,  se  fit  ton- 
surer  par  son  évêque,  et  deux  ans  après  alla  se 
faire  religieux  à  Lérins,  «  Petens  utablatis  sibi 
capillis  mutatoque  habita,  divino  ipsum  anti- 
stes  servitio  manciparet  (Cap.  i).  »  Saint  Corbi- 
nien,  évêque  de  Frisingue,  se  fit  raser  la  tète 
et  la  barbe  et  couper  les  cheveux  le  jour  même 
qu'il  devait  mourir,  et  après  avoir  célébré  le 
divin  sacrifice,  il  expira.  «Ex  more  abluens 
corpus,  capillos  sibi  tonderi  fecit,  et  caput  et 
barbam  radi  (Cap.  xxx).  » 

Ce  passage  ajouté  à  ce  que  Grégoire  de  Tours 
nous  disait  de  saint  Nizier  au  jour  de  sa  nais- 
sance, pourrait  donner  a  croire  que  le  haut  de 
la  tète  des  clercs  était  non-seulement  tondu, 
mais  aussi  rasé.  Car  saint  Corbinien  pour  rafraî- 
chir sa  tonsure  et  sa  couronne  se  fit  raser  la 
tête  et  tondre  les  cheveux,  «  caput  radi,  capil- 
los tonderi;  »  Ce  qui  ne  se  peut  entendre  qu'en 
coupant  plus  courts  les  cheveux  qui  faisaient 
le  tour  de  la  couronne,  et  rasant  tout  le  haut 
de  la  fête.  Et  en  ce  sens,  Grégoire  de  Tours 
aura  fait  la  comparaison  fort  juste  de  la  tête 
des  clercs  avec  celle  de  saint  Nizier,  qui  n'avait 
point  de  cheveux  du  tout  au  haut  de  la  tète, 
non  plus  que  les  autres  enfants  qui  naissent, 
mais  qui  avait  un  filet  de  cheveux  en  cercle  au 
bas  de  la  tête,  ce  que  les  enfants  n'ont  pas.  Ce 
ne  sont  pourtant  là  que  des  conjectures. 

VIL  M  nous  reste  a  parler  de  l'Eglise  de 
Home  et  d'Italie,  afin  de  passer  ensuite  en 
Orient. 


Jean  Diacre,  dans  la  vie  du  grand  saint  Gré- 
goire, nous  a  décrit  une  image  peinte  de  ce 
saint  pape  qui  était  demeurée  à  Rome.  Je  n'en 
rapporterai  que  ce  qui  regarde  sa  barbe  et  ses 
cheveux  :  «  Barba  paterno  more  subfulva  et 
modica,  ita  calvaster,  ut  in  média  fronte  gemel- 
los  cincinnos  rarusculos  habeat,  et  dextrorsum 
reflexos  :  corona  rotunda  et  spatiosa,  capillo 
subnigro  et  decenter  intorto,  sub  auriculœ 
médium  propendenle  (L.  iv,  c.  83).  »  Voilà  la 
couronne  cléricale  et  les  oreilles  à  moitié  dé- 
couvertes. 

Grégoire  II ,  dans  un  concile  romain  de 
l'an  721  (Can.  xvu),  soumil  à  t'anathème  les 
clercs  qui  portent  de  longs  cheveux  :  «  Si  quis 
ex  clericis  relaxavcrit  comam,  anathcma  sit.  » 

Le  pape  Zacharie  renouvela  ce  canon  dans 
un  concile  romain  de  l'an  713.  Anastase,  biblio- 
thécaire dans  la  vie  du  pape  Zacharie,  dit  que 
ce  pape  donna  l'habit  de  moine  à  Rachis,  roi 
des  Lombards,  en  le  faisant  clerc.  sAcceptaque 
a  sanctissimo  papa  oratione,  clericusque  effec- 
tus  monachico  indutus  est  habita  eum  uxore 
et  filiis  (Can.  vin).  »  La  tonsure  cléricale  et 
monacale  y  était  donc  confondue. 

11  est  vrai  que  nous  avons  dit  ci-devant  que 
le  pape  Vitalien  après  avoir  donné  le  sous-dia- 
conat au  moine  grec  Théodore,  lui  laissa  croî- 
tre les  cheveux  durant  l'espace  de  quatre  mois, 
afin  de  pouvoir  ensuite  le  tonsurer  et  lui  faire 
la  couronne  à  la  mode  des  occidentaux.  Mais 
c'est  parce  que  Théodore  était  tonsuré  à  la 
façon  de  l'Orient,  sans  couronne,  et  apparem- 
ment tout  rasé. 

VI H.  Le  grand  saint  Grégoire  se  plaint  qu'en 
France  les  personnes  plongées  dans  la  boue  du 
siècle,  se  faisaient  tout-à-coup  tonsurer  pour 
être  faits  évêques.  «  Defunctis  episcopis  tonsu- 
rantur,  et  fiunt  repente  ex  laicis  sacerdotes 
(L.  vu,  Ep.  3).  »  Il  défend  ailleurs  de  ne  tonsu- 
rer les  moines  qu'après  deux  ans  de  noviciat, 
«  Ut  eos  quos  ad  convertendum  susceperint, 
priusquam  hienniuin  in  conversatione  com- 
pleant,  nullo  modo  audeant  tonsurare  (L.  vin, 
Ep.  23).  » 

11  commande  de  rendre  à  une  femme  son 
mari  qui  s'était  l'ail  religieux  sans  son  consen- 
leinent.  et  avait  déjà  été  tonsuré  :  «  Etiainsi 
jam  tonsuratus  est,  reddere  debeas  (L.  ix, 
Ep.  fi).  »  Mais  il  n'est  pas  facile  de  savoir  qui 
sont  ceux  qu'il  appelle  Tonsuratores  dans  la 
Sicile,  et  a  qui  il  défend  de  prendre  le  nom  de 
défenseurs;  s'il  n'entend  ceux  à  qui  il  avait 


DE  LA  TONSFRE  ET  DE  LA  COURONNE. 


Il 


donné  le  pouvoir  de  tonsurer  les  laïques,  elles 
appliquer  après  cela  aux  fonctions  les  plus 
basses  du  temporel  de  l'Eglise  (L.  ix.  ep.  17). 

Voici  ce  qu'il  écrivit  à  Pierre,  sous-diacre,  qu'il 
avait  chargé  du  soin  du  patrimoine  de  l'Eglise 
romaine  dans  la  Sicile  :  «  Si  vero  de  laicis 
Deum  timentibus  inveneris,  ut  tonsurari  de- 
beant,  et  actionarii  sub  rectore  fieri,  omnino 
patienter  fero  (L.  xii,  ep.  30).  » 

Ce  recteur  était  celui  qui  était  particulière- 
ment chargé  de  tout  le  patrimoine  de  l'Eglise 
de  Rome  dans  la  Sicile,  c'était  toujours 
un  ecclésiastique  qui  avait  besoin  d'être  assisté 
de  plusieurs  autres  officiers  subalternes ,  aux- 
quels on  donnait  la  tonsure,  parce  que  le  bien 
de  l'Eglise  n'était  gouverné  que  par  des  clercs, 
comme  nous  avons  dit  ailleurs.  Je  sais  que 
ceux  que  saint  Grégoire  appelle  Tonsuratores , 
ont  été  pris  quelquefois  pour  les  auteurs  ou 
exécuteurs  de  quelques  exactions  violentes. 
Mais  cela  n'est  pas  de  notre  sujet. 

Il  vaut  mieux  remarquer  que  de  tondre  les 
laïques  mêmes  qui  étaient  au  service  de  l'Eglise, 
c'était  une  marque  de  leur  sujétion  et  de  leur 
appartenance  très-étroite  à  l'Eglise.  Anastase, 
bibliothécaire,  dit  que  l'empereur  Constantin 
Pogonat  envoya  au  pape  Renoît  II,  les  cheveux 
de  ses  deux  fils,  «  mallones  capillorum ,  » 
comme  de  précieux  gages  de  leur  attachement 
et  de  leur  amour  pour  l'Eglise  romaine. 

Paul,  diacre,  raconte  que  Charles,  prince  des 
Français,  envoya  à  Luitprand,  roi  des  Lombards 
son  fils  Pépin,  afin  que  lui  coupant  lui-même 
les  cheveux,  il  l'adoptât  en  quelque  manière 
pour  son  fils.  «  Carolus  princeps  Francorum 
Pipinum  filium  suum  ad  Luitprandum  direxit, 
ut  ejus  juxta  morem  capillum  susciperet.  Qui 
ejus  caesariem  incidens,  ei  pater  effectus  est, 
multisque  eum  ditatum  regiis  muneribus,  geni- 
tori  remisit  (Baron.,  An.  084,  n.  vu).  » 

Quand  cet  auteur  dit  que  cela  se  lit  selon  la 
coutume,  «  juxta  morem,  »  il  nous  apprend 
que  c'était  une  manière  assez  ordinaire  d'adop- 
ter des  enfants  en  leur  coupant  les  cheveux. 
C'est  donc  à  peu  près  de  la  même  manière  que 
les  laïques  de  Sicile  par  la  tonsure  étaient 
comme  appropriés  à  l'Eglise.  L'origine  de  cet 
usage  parmi  les  laïques  fidèles,  n'était  peut- 
être  qu'une  imitation  de  la  tonsure  ecclésias- 
tique. 11  se  pourrait  faire  aussi  qu'il  fût  émané 
de  quelques  coutumes  assez  approchantes  qui 
avaient  eu  cours  autrefois  entre  les  gentils. 

Anastase,  bibliothécaire,  dit  que  quand  ceux 


de  Spolette  et  de  Rieti.  rentrèrent  dans  l'obéis- 
sance de  l'Eglise  romaine  sous  Adrien  Ier,  ils  se 
firent  tonsurer  à  la  mode  des  Romains.  «Omnes 
more  Romanorum  tonsurati  sunt.  »  Ce  que 
Ciaconius  explique  de  la  sorte,  «  Perpétuant 
Romanae  Ecclesiae  fidem  et  obsequium  jurave- 
runt,  deposito  capillo  et  barba,  quod  apud  eam 
gentem  deditionis  verœ  maximum  signum 
erat.  » 

IX.  Je  ne  sais  si  c'est  de  la  couronne  exté- 
rieure qu'Ennodius  voulait  parler,  comme  d'un 
symbole  de  la  royauté ,  quand  il  écrivait  au 
pape  Symmaque,  «  Dum  Sedem  Apostolicam 
coronae  vestrœ  cura  moderatur,  et  caelestis  im- 
perii  apicem  regitis.  »  Grégoire  de  Tours,  croit 
que  c'est  plutôt  une  marque  d'humilité  que 
saint  Pierre  affecta  dans  la  tonsure ,  qu'une 
image  de  royauté  sacerdotale  :  «  Petrus  Apo- 
stolus  ad  humilitatem  docendam  ,  caput  desu- 
per  tonderi  instituit ,  qui  Romœ  catiiedram 
locavit.  (Deglor.  Mart.,  1.  i.  —  L.  v,  ep.  10. 
c.  28).  » 

Saint  Cyprien  remarque  cette  difformité  dans 
les  cheveux,  comme  une  peine  dont  les  persé- 
cuteurs tachaient  de  déshonorer  les  martyrs 
qui  jugeaient  au  contraire,  qu'il  ne  pouvait  y 
avoir  une  couronne  qui  leur  fût  plus  glorieuse, 
que  d'être  déshonorés  pour  J.-C.  «Caput  semi- 
tonsum  detestabilis  et  tetra  deformitas  apud 
Gentihs  Epist.  lxxvii).  » 

En  effet,  Suétone  met  entre  les  extravagances 
malicieuses  de  l'empereur  Caius  ,  d'avoir  pris 
plaisir  de  raser  la  tète  de  ceux  qui  tiraient 
vanité  de  leur  belle  chevelure.  «  Pulchros  et 
comatos  ,  quoties  sibi  occurrerent,  occipitio 
raso  deturpabaf  Cap.  xxxv).  »  Philostrate  dit 
que  Domitien  fit  couper  la  barbe  et  les  cheveux 
à  Apollonius  de  Tyane,  pour  le  tourner  en  ridi- 
cule. Si  la  couronne  cléricale  a  été  aussi 
ancienne  que  quelques-uns  le  prétendent,  il 
est  plus  apparent  que  ce  soit  de  cet  amour  des 
humiliations  qu'elle  ait  pris  commencement, 
et  d'une  sainte  horreur  de  tout  ce  qui  nourrit 
la  vanité  et  le  luxe  des  séculiers. 

X.  Mais  il  est  presque  indubitable  qu'au 
moins  on  ne  se  rasait  pas  la  tète  dans  ces  pre- 
mi<  rs  siècles.  En  effet,  outre  que  dans  tous  les 
passages  que  nous  avons  cités  dans  ce  chapitre 
et  dans  le  précédent ,  il  n'est  parlé  que  de  la 
tonsure,  et  qu'il  n'y  est  fait  aucune  mention 
que  les  clercs  se  rasassent  la  tête .  saint  Jérôme 
nous  apprend  que  cela  ne  se  pratiquait  point 
de  son  temps  (Cap.  xxxvii,  n.  0  . 


1-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  TRENTE-NEUVIÈME. 


C'est  sur  L'endroit  où  Ezéchiel  défend  aux 
prêtres  de  l'ancienne  loi  de  se  raser  la  tète,  ou 
de  laisser  croître  leur?  cheveux,  et  leur  prescrit 
une  tonsure  qui  tienne  le  milieu  entre  ces 
deux  extrémités  vicieuses  :  «  Caput  suum  non 
radent,  neque  comam  nutrient,  sed  attonde- 
bunt  capita  sua  :  »  et  c'est  ce  que  les  eccle-i.r- 
tiques  doivent  pratiquer  lu  Ezech.,  c.  ii  . 

Voici  l'explication  que  saint  Jérôme  donne 
sur  ce  passage  d'Ezéchiel  :  «  Perspicue  d(  mon- 
stratur,  nec  rasis  capitibus,  sicut  sacerdotes 
cultoresque  Isidis  ac  Serapidis  nos  essedebere, 
nec  rursus  comam  demittere ,  quod  proprie 
Iuxuriosorum  est,  barbarorumque  et  militan- 
liuiu,  sed  ut  bonestus babitus sacerdotum facie 
demonstretur.  Discimus  nec  caMtium  nova- 
cula  esse  faciendum,  nec  ita  ad  pressum  ton- 
dendum  caput,  ut  rasorum  similes  esse  videa- 
mur,  sed  in  tantum  capillos  demittendos,  ut 
opertum  sit  caput.  » 

Le  grand  saint  Grégoire,  pape,  rapporte  dans 
son  pastoral,  partie  n,  chapitre  vu,  les  menus 
paroles  d'Ezéchiel,  et  leur  donne  le  même  sens 
presque  en  mêmes  termes  que  saint  Jérôme  : 
«Sacerdotes  reetc  caput  prohibentur  radere, 
et  comam  nuliire.  Capilli  in  capite  sacerdotis 
et  servanlur.  utcutem  cooperiant,  et  resecan- 
tur.  ne  oculos  clau'dant.  Part,  n,  c.  7).  » 

XI.  Saint  Jérôme  nous  a  conduits  dans 
l'Orient,  où  la  tonsure  des  clercs  n'était  pas 
moins  religieusement  observée. 

Le  concile  in  Trullo  (Can.  xxi),  permet  aux 
ecclésiastiques  qui  ont  (te  dégradés  pour  cri- 
mes, de  continuer  de  porter  la  tonsure  cléricale, 
pourvu  que  leur  sincère  et  fervente  pénitence 
1rs  rende  dignes  de  ce  caractère  d'honneur  et 
de  sainteté:  a  moins  de  cela  il  les  condamne  à 
porter  les  cheveux  comme  les  laïques,  puis- 
qu'ils préfèrent  la  vie  de  la  terre  à  celle  du 
Ciel. 

«  Si  quidem  ad  conversionem  sua  sponte 
respicientes,  peccatura  délient,  propter  quod  a 
gratia  exeiderunt,  et  ab  eo  se  penitus  aliènes 
efficiunt, clerici  habitu  tondeantur;  tû  t<s xxiipou 
xEipttrôuoxv  trpws.™.  Sin  autem  non  sua  sponte  hoc 
elegerint,  comam  sicut  laïci  nutriant,  utpote 
qui  mundanam  conversation em  vitae  cselesti 
prsetulerint.  » 

Cela  nous  montre  que  la  tonsure  cléricale 
devait  être  accompagnée  d'une  vie  sainte, 
parce  que  ce  retranchement  des  superfluités 
mondaines  marque  une  vie  toute  céleste,  ta? 

oùpavcù  X'"T.Î. 


XII.  Ce  même  concile  (Can.  xxxn)  condamna 
la  pratique  des  arméniens  qui  faisaient  exercer 
l'office  de  chantres  et  de  lecteurs  à  des  gens 
qui  n'étaient  pas  encore  tonsurés.  «  Etiam  non 
tonsos,  sacros  cantores  et  divinae  legis  lectores 
constitui.  »  Et  il  ordonna  qu'on  commençât 
par  leur  donner  la  tonsure,  avec  la  bénédiction 
épiscopale.  «Nisi  sacerdotali  tonsura  usus  fue- 
rit,  UpaTixîi  xoufâ,  et  benediclionem  a  suo  pastore 
canonice  susceperit.  » 

XIII.  Le  célèbre  Eulycbius  qui  fut  depuis 
patriarche  de  Constantinople  ,  ne  reçût  l'ordre 
de  lecteur  qu'après  avoir  été  tonsuré.  L'auteur 
de  sa  vie  remarque  que  cet  ordre  a  été  comme 
consacré  parle  Fils  de  Dieu  même,  lorsqu'il  lut  le 
livre  de  la  loi  dans  l'assemblée  des  juifs.  «  Pri- 
mum  spiritalem  lectorisgratiamaccepit,  quam 
Dominus sanctifîcavit.  Accepto  enim  libro  legit, 
et  cuiii  illum  plicuisset,  ministro  reddidit.  Nec 
illud  pr.eteiniiUendum  est,  quod  primum  ca- 
pillos  in  sacra  œde  deposuit  (Surius,  die  6., 
April.  c.  x).  » 

Ces  paroles  et  celles  du  canon  précédent  nous 
semblent  insinuer  que  l'on  ne  donnait  pas  la 
tonsure  sans  donner  en  même  temps  l'ordre 
de  lecteur,  ou  quelque  autre  ordre  inférieur. 
Car  c'était  encore  une  loi  inviolable  de  n'or- 
donner personne,  qu'en  le  consacrant  à  une 
église  ou  à  un  monastère  pour  y  exercer  les 
fonctions  de  quelque  ordre.  Or,  la  tonsure 
seule  n'est  accompagnée  ou  suivie  d'aucune 
fonction. 

Justinien  ne  nous  permet  pas  de  douter  de 
cette  connexion  nécessaire  de  la  tonsure  avec 
quelque  ordre,  quand  il  dit  que  les  fondateurs 
des  Eglises  ou  des  bénéfices  y  ont  sans  doute 
toujours  assigné  des  revenus  proportionnés  au 
nombre  des  prêtres,  des  diacres,  des  diaco- 
nesses, des  sous-diacres,  chantres,  lecteurs  et 
portiers  qui  devaient  y  servir;  «  Etiam  cogita- 
verunt,  ut  expensas  sufficientes  darent,  quan- 
tos  quidem  competens  esset  presbyteros  per 
unamquamque  Ecclesiam,  quantos  diaconos, 
masculos  et  feminas,  quantos  subdiaconos,  et 
rursus  cantores  atque  lectores  et  ostiarios  con- 
stitui (Novell,  m).  » 

Cet  empereur  déterminant  le  nombre  des 
ecclésiastiques  ou  des  bénéficiers  de  la  grande 
Eglise  de  Constantinople,  n'omet  aucun  de 
ces  ordres,  mais  il  n'admet  aucun  clerc  sim- 
plement tonsuré,  n'en  ayant  peut-être  jamais 
eu  la  pensée,  tant  la  chose  était  encore  incon- 
nue. Ce  qui  parait  encore  clairement  par  l'au- 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


13 


thentique  ajoutée  au  code  :  «  presbytères  et 
diaeonos,  et  subdiaconos,  cantores  ei  lectores, 
quos  omnes  clericos  appellamus,  etc.  Cod.  I,  i, 
leg.  33).  » 

XIV.  Le  Patriarche  de  Constantinople  Ger- 
main qui  se  signala  par  sa  constance  invincible 
contre  les  empereurs  iconoclastes,  nous  a 
appris  tout  ce  que  les  Crées  de  cet  âge  moyen 
ont  pensé  de  plus  beau  sur  la  tonsure  et  la 
couronne  des  clercs ,  et  de  plus  conforme  aux 
usages  de  Rome.  En  effet,  c'est  ici  où  nous 
commençons  de  trouver  plus  clairement  et 
plus  précisément ,  non-seulement  la  tonsure  . 
mais  aussi  cette  couronne  qui  figure  la  royauté 
des  prêtres,  aussi  bien  que  leur  dépouillement 
de  toutes  les  choses  terrestres,  et  leur  confor- 
mité à  la  croix  de  J.-C.  dont  les  épines,  ks 
humiliations  et  les  souffrances  ont  fait  la  cou- 
ronne. 

Je  sais  que  cet  ouvrage  est  attribué  par  quel- 
ques-uns à  un  autre  Germain,  patriarche  de 
Constantinople,  qui  vivait  au  commencement 
du  douzième  siècle.  Mais  j'ai  mieux  aimé  me 
tenir  au  sentiment  le  plus  commun,  parce  que 
tout  ce  que  je  rapporte  de  cet  auteur  me  parait 
avoir  beaucoup  de  conformité  avec  les  senti- 
ments qui  avaient  cours  au  temps  de  L!ède  ,  et 
des  autres  écrivains  du  même  siècle. 

Voici  les  paroles  de  cet  auteur  :  «  Tonsura 
capitis  sacerdotis,  et  rotunda  ejus  pilorum  mé- 
dia seclio,  vice  coronae  est  spinete ,  quam 
Christus  gestavit.  Duplex  corona  circumposila 
capiti  sacerdotis  ,  ex  capillorum  significatione  ; 
imaginem  refert  venerandi  capitis  apostoli 
Pétri.  Qiut  cum  missus esset ad  prœdicationem 
Domini  et  Magistri,  ei  tonsa  est  ab  iis,  qui  ejus 
sermoni  non  credebant,  ut  illuderetur  ab  ipsis; 
eique  magister  Christus  benedixit  .  et  infa- 
miam  in  honorem  ,  illusionem  in  gloriam 
convertit,  et  posuit  super  caput  ejus  coronam 
non  ex  lapidibus  pretiosis,  sed  lapide  et  petra 
iidei  effulgescentem  super  aurum,  et  lapides 
pretiosos.  Vertex  enim,  ornatus  et  corona  duo- 
decim  Iapillorum  Apostolis  sunl  :  petra  vero 
sanctissinius  apostolus  est,  primus  hierarcha- 
rum  Christi  (in  Tbeoria  Mystica  Bibl.  PP. 
tom.  12.  p.  379).  » 

XV.  Voilà  donc,  comme  il  paraît  par  ces 
termes,  la  même  créance  répandue  dans  l'Oc- 
cident et  dans  l'Orient  ,  sur  la  maxime  très- 
véritable  de  saint  Jérôme,  que  toutes  les  prati- 
ques et  les  traditions  anciennes  de  l'Eglise  sont 
apostoliques,  parce  que  l'autorité  apostolique 


réside  éternellement  dans  l'Eglise.  En  effet  les 
personnes  savantes  dans  l'antiquité  ne  peuvent 
douter,  qu'autan!  que  la  modestie  dans  les 
cheveux  courts  a  été  recommandée  aux  clercs 
des  la  naissance  de  l'Eglise,  ce  qui  s'appelle 
la  tonsure,  autant  la  couronne,  ou  ce  tour  de 
cheveuxqui  entoure  le  bas  de  la  tête  a  été  incon- 
nue dans  les  quatre  ou  cinq  premiers  siècles. 
Les  moines,  pour  attirer  sur  eux  la  risée  des 
gens  du  monde,  et  écarter  l'admiration  qui  eût 
si  justement  suivi  leurs  divines  vertus,  se  fireut 
d'abord  tondre  ou  raser  la  tète  d'une  manière 
bizarre  et  surprenante.  Ayant  été  appelés  aux 
dignités  saintes  de  la  cléricature ,  ils  ne  crurent 
pas  devoir  quitter  les  premières  pratiques  de 
leur  sainte  profession  :  les  ecclésiastiques  les 
plus  parfaits  se  rendirent  à  l'envi  imitateurs  de 
ces  saints  religieux  :  ils  imitèrent  leurs  habits 
et  leur  tonsure  :  ils  voulurent  aussi  bien 
qu'eux  tirer  leur  gloire  du  mépris  et  des  humi- 
liations. J.-C.  tt  ses  apôtres  ayant  servi  de  risée 
au  inonde ,  et  ayant  attaché  les  véritables  hon- 
neurs et  les  récompenses  éternelles  à  cette 
glorieuse  ignominie  ,  le  clergé  voulut  se  con- 
former a  lui.  Saint  Paulin  nous  a  dépeint 
ailleurs  les  moines  à  demi-rasés,  et  affectant 
cette  honorable  difformité  :  «Casta  deformitate 
capillum  ad  cutem  csesi,  et  inœqualiter  semi- 
tonsi.  et  destituta  fronte  prserasi  :  »  Salvien  en 
a  approché  :  «  Monachus  recisis  comarum 
fluentium  jubis  ad  cutem  tonsus  (  L.  8.  de 
Provid).  » 

La  couronne  que  les  Anglais  attribuaient  à 
Simon  le  magicien,  et  qu'ils  reconnaissaient 
pourtant  avoir  été  portée  par  un  grand  nombre 
de  saints  religieux  et  de  saints  ecclésiastiques 
de  leur  pays,   comme  Bède  nous  a  fait  voir, 
cette  couronne,  dis-je,  ne  ressemblait  pas  mal 
à  l'idée  qui  se  forme  des  termes  que  nous  ve- 
nons de  rapporter  de  saint  Paulin.  Il  s'est  pu 
faire  qu'après  que  cette  couronne,  qui  avait 
été  honteuse  aux  yeux  des  hommes  charnels, 
fût  devenue  vénérable  à  tout  le  monde,  parce 
qu'on  s'y  accoutuma,  et  que  tout  le  monde  se 
trouva  converti  à  la  foi  chrétienne,  on  jugea 
à  propos  de  la  conserver,  de  l'achever  pour 
ainsi  dire,  et  d'en  faire  un  monument  éternel 
de  l'amour  que  tous  les  vénérables  ecclésias- 
tiques ont  pour  la  croix  et  les  opprobres  de 
Jésus-Christ. 

En  ce  sens,  il  est  véritable  qu'elle  représente 
Ja  couronne  d'épines  de  J.-C,  et  qu'elle  figure 
les  ignominies  que  saint  Pierre  avec  tous  les 


li 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTIEME. 


autres,  et  par-dessus  tous  les  autres  a  souffert 
pour  J.-C.  Et  en  voilà  assez  pour  justifier  tout 
ce  qui  a  été  «lit  sur  ce  sujet  par  les  Anglais, 
par  les  Français,  par  les  Espagnols  et  par  les 
Grecs  durant  les  sixième,  septième  et  huitième 
siècles. 

XVI.  Saint  Denis  a  traité  de  la  tonsure  des 
religieux  et  en  a  rendu  les  raisons  mystérieuses 
qui  regardent  le  renoncement  à  toutes  les  illu- 
sions du  siècle;  mais  il  n'a  point  parlé  du  tout 
de  cette  conformité  à  la  couronne  d'épines  du 
Fils  de  Dieu,  ou  aux  glorieuses  humiliations 
de  saint  Pierre  (Crclest  Hierar.,  c.  vi).  Il  ne  l'eût 
pas  assurément  oubliée,  si  ces  pieuses  pensées 
eussent  eu  déjà  quelque  vogue.  Il  ne  parle 
point  non  plus  de  ce  tour  de  cheveux  qui  fait 
une  espèce  de  diadème  ;  il  dit  seulement  que 
le  prélat  coupe  les  cheveux  en  forme  de  croix 
et  en  invoquant  les  personnes  de  l'adorable 
Trinité  :  «  Sacerdos  eum  signo  crucis  consig- 
nans  tondet,  très  Personas  divinae  Beatitudinis 
invocando.  » 

11  ne  parle  que  de  la  tonsure,  et  fait  proba- 
blement juger  qu'on  n'usait  point  du  rasoir, 
comme  saint  Jérôme  l'a  déjà  montré.  Ce  fut 
donc  un  peu  plus  tard  qu'on  commença  dans 
l'Occident  à  raser  la  tète  des  religieux,  et  a 
leur  imitation  des  ecclésiastiques,  en  leur  lais- 
sant un  tour  de  cheveux  au  lias  de  la  tète,  et 
de  l'Occident   cette  pratique  passa  enfin  en 


Orient,  où  auparavant  on  ne  parlait  que  de 
couper  les  cheveux  sans  les  raser  et  sans  cou- 
ronne. Martin,  fils  de  l'empereur  Anthémius, 
s'étant  révolté  contre  l'empereur  Zenon,  et 
ayant  élé  trahi  des  siens,  fut  tondu  et  fait 
piètre  /..j-o  i--.'):J.r.v-.;,  dit  Evagrius  (L.  m,  c.  26). 
Glycas  et  Cédrénus,  parlant  d'IIéraclius  et  en 
faisant  la  peinture,  ils  nous  le  représentent 
avec  une  longue  barbe  et  de  grands  cheveux, 
avant  son  élévation  a  l'empire;  mais  dès  qu'il 
fut  monté  sur  le  trône  il  coupa  ses  cheveux  et 
rasa  sa  barbe,  parce  que  telle  était  la  coutume 
des  empereurs.  «  Fuit  fulvo  crine,  barba  lata 
atque  prolixa.  Sed  imperator  factus,  extem- 
plo  comam  totondit,  ac  mentum  rasit,  qui  est 
imperatorum  habitus  (Baroniusan.uTO,  n.  5). s 

Il  y  a  toutes  les  apparences  possibles  que 
les  empereurs  grecs  en  cela  imitaient  leurs 
prédécesseurs  les  empereurs  romains  d'Occi- 
dent ;  mais  il  faut  conclure  de  la  que  si  les  em- 
pereurs mêmes  de  Constanlinople  en  usaient 
alors  de  la  sorte,  les  Grecs  de  l'âge  suivant 
eurent  grand  tort  de  faire  un  crime  au  clergé 
occidental  de  ce  qu'ils  rasaient  leurs  barbes. 
Les  fastes  d'Alexandrie,  parlant  de  Justinien, 
assurent  qu'il  rasait  sa  barbe,  et  que  c'était 
l'usage  des  Romains  :  «  Justinianus  eratmenlo 
rasus,  ritu  Romanorum.  » 

Constantin  Pogonat,  ou  le  Barbu,  fut  ainsi 
surnommé  parce  qu'il  laissa  croître  sa  barbe. 


CHAPITRE  QUARANTIEME. 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE  DES  CLERCS  SOUS  L  EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE 
ET  CELUI  DE  SES  SUCCESSEURS. 


I.  Les  clercs  et  les  moines  étaient  tonsurés,  c'est-à-dire  qu'ils 
portaient  lis  cheveux  courts  dans  l'une  et  l'autre  I 

II.  La  tonsure  monacale  tenait  quelquefois  lieu  de  la  cléricale. 
Ml.  I.» mes  rasèrent  an^i  quelquefois  leur  tête,  et  peut- 
être  l<  s  clen  -  aussi  dans  la  Grèce. 

IV.  Les  clercs  de  l'Eglise  latine  ne  rasaient  que  le  haut  de  la 
or  faire  l'image  d'une  tiare  sacerdotale  et  d'un  diadème 
royal. 

v.  Pourquoi  ils  rasaient  leur  barbe. 

VI.  Suite  du  même  sujet.  Pratique  des  Grecs.  Indifférence  de 
i  ea  pratiques. 


Vil.  Différentes  tonsures  des  laïques,  des  moines  et  des  clercs. 

VIII.  La  tonsure  monacale  cesse  de  pouvoir  passer  pour  la 
couronne  cléricale,  apiès  le  temps  du  c. mille  \  1 1  ■ . 

1\.  Diverses  preuves  qu'il  y  avait  alors  des  clercs  à  simple 
tonsure,  sans  aucun  ordre,  dans  l'Orient. 

X.  Preuves  qu'il  y  en  avait  aussi  dans  l'Occident. 

XI.  Explication  des  tenues  grecs  qui  signifient  la  tonsure. 

I.  Etienne  II  étant  à  Cressy,  en  France,  pro- 
nonça anathème  contre  les  clercs  et  les  moines 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


15 


qui  portaient  les  cheveux  trop  longs,  o  l't  nul- 
lus  clericus,  aut  monacbus  comam  laxare  prar 
suin.it,  aut  anathema  sit  (Coocil.  GalL,  t.  n, 
p.  I".  Can.  xvin.»  Los  moines  et  les  «Kits 
étaient  donc  simplement  tonsurés,  c'est-à-dire 
qu'ils  avaient  les  cheveux  courts.  Ce  qui  paraît 
encore  par  le  concile  île  Mayence  de  l'an  813 
Can.  xxin  .  «  Et  sive  in  canonico,  sive  in  mo- 
nacliico  online  nullus  tondeatur  sine  légitima 
se  ta  te.  »  Lu  clerc  était  diocésain  de  l'évêque 
qui  lui  avait  coupé  les  cheveux  :  «  Nostra  in 
parœcia  inslruelus  et  detonsus  (Ibid.  pag.  666, 
667).  » 

La  même  tonsure  était  en  usage  parmi  les 
Grecs,  d'où  vient  que  le  pape  Nicolas  Ir,  ré- 
pondant aux  invectives  des  Grecs,  leur  oppose 
qu'eux-mêmes  tonsurèrent  d'abord  un  laïque 
et  le  Grent  patriarche  :  «  Ex  laico  subito  ton- 
suram  ac  monachum  faetum.  ad  episcopatus 
apicem  provehant   Epist.  lxx)  » 

Cette  tonsure  qui  était  propre  aux  clercs  et 
aux  moines  parmi  les  Grecs,  était  bien  diffé- 
rente de  celle  de  ces  laïques  dont  il  est  parlé 
dins  une  lettre  d'Adrien  I"  à  Charlemagne, 
où  il  lui  raconte  comment  Arichise,  duc  de 
Bénévent,  s'est  mis  sous  la  protection  de  l'em- 
pereur de  Constantinople,  et  a  promis  de  n  in- 
former ses  babils  et  ses  cheveux  a  la  mode  des 
Grecs  :  «  Promittens  se  sub  imperatoris ditione 
futurum,  et  Graecorum  vestitu,  atque  tonsura 
usurum  (Ibid.,  p.  202).  » 

Les  Lombards  et  leurs  sujets  avaient  aussi 
une  mode  particulière  de  porter  les  cheveux. 
D'où  vient  que  lorsqu'ils  rentrèrent  dans  l'obéis- 
sance du  pape  Adrien  I",  ils  coupèrent  leurs 
cheveux  ;i  la  façon  des  Romains  :  «  lu  fîde 
ponlificis  jurantes,  more  Romanorum  tonsu- 
rati  sunt,  etc.  Post  praestitum  sacramentum 
omnes  more  Romanorum  tonsurati  sunt.  » 
Les  Lombards  laissaient  croître  leurs  cheveux 
sans  bornes,  les  Romains  ne  leur  laissaient 
qu'une  longueur  médiocre,  les  ecclésiastiques 
les  avaient  fort  courts. 

II.  11  est  encore  remarquable,  dans  les  textes 
que  je  viens  de  citer,  que  la  tonsure  des  clercs 
et  des  moines  était  la  même.  Aussi,  dès  qu'on 
se  faisait  moine,  la  même  tonsure  était  suffi- 
sante pour  la  cleriealure.  Anastase,  bibliothé- 
caire, dit  que  le  prince  Carloman  reçut  la  clé- 
ricature  du  pape  Zacharie,  à  Rome,  et  se  relira 
ensuite  dans  un  monastère,  où  il  promit  de 
persévérer  jusqu'à  la  mort.  «  Atque  in  speeiali 
habitu  se  fore  respondens  perinansurum,  cle- 


ricatus  jugum  a  pontifiee  suscepit,  etc.  Pro- 
feclus  est  in  monasterium,  in  quo  et  ftnire 
vitam  jure  professus  est  jurando.  » 

Rachis,  roi  des  Lombards,  reçut  du  même 
pape  l'habit  de  religion  avec  la  clé;  ieafuro  : 
«  Accepta  a  sanctissimo  papa  oratione,  cleri- 
cusque  etl'ectus,  monachico  indulufe  est  ha- 
bitu. »  Etienne  IV.  étant  encore  jeuue,  avait 
été  clerc  et  moine  en  même  temps  dans  le 
monastère  de  saint  Chrysogone,  à  Rome  :  «  In 
monaslerio  sancti  Chrysogoni  clericus  atque 
mou  ichus  est  efleclus.  » 

En  effet,  puisque  les  abbés,  qui  étaient  prê- 
tres et  qui  avaient  été  bénis  par  l'évêque,  pou- 
vaient créer  des  lecteurs  dans  leurs  monas- 
tères, ils  pouvaient  a  plus  forte  raison  donner 
la  tonsure  cléricale  à  leurs  religieux  en  les 
recevant  dans  leur  monastère.  Mais  comme 
tous  les  moines  étaient  tonsurés  comme  moi- 
nes, et  que  tous  les  moines  n'étaient  pas  lec- 
teurs, il  faut  reconnaître  au  moins  après  le 
VIIe  concile  une  couronne  ou  une  tonsure  clé- 
ricale entre  les  moines  mêmes,  différente  de 
la  monacale. 

III.  Les  moines  rasèrent  enfin  leurs  cheveux 
aussi  bien  que  leur  barbe,  mais  cela  leur  te- 
nait lieu  de  la  tonsure  cléricale.  Le  chapitre 
général  des  abbés,  sous  Louis  le  Débonnaire, 
régla  lesjoursqueles  moines  se  feraient  raser. 
«  Ut  in  quadragesima  nisi  in  sabbato  sancto 
non  radantur;  in  alio  autem  tempore  semel 
per  xv  dies  radantur,  et  in  octavis  Paschœ 
(Capit.  Carol.  Mag.,  add.  1.  î.  c.  G).  » 

Réginon  ne  laisse  pas  de  confondre  cette  ton- 
sure monastique  avec  la  cléricale  :  «  Clericus 
quem  progenitores  tradiderunt  monasterio,  et 
in  Ecclesia  legit,  nec  uxorem  ducere  nec  mo- 
nasterium  deserere  poterit.  Sed  si  discesserit, 
reducatur.  Si  tonsuram  dimiserit,  rursuni  ton- 
deatur In  Append.  u,  c.  37  .  » 

Hincmar  est  dans  le  même  sentiment  quand 
il  parle  de  la  pénitence  du  prince  Pépin  :  a  Re- 
conciliatus  tonsuram  clericalem  accipiat,  etha- 
bitum  monasticum  recipiat,  etc.  (Tom.  n, 
p.  831).  » 

On  pourrait  même  douter  si  les  ecclésias- 
tiques de  la  Grèce  ne  rasaient  point  aussi  tout 
à  fait  leur  tète,  au  lieu  que  les  Latins  n'en 
rasaient  que  le  sommet,  et  laissaient  le  reste 
couvert  de  cheveux,  afin  de  pouvoir  taire  le 
divin  service  la  tète  nue,  et  non  pas  la  tète 
couverte  d'un  drap,  comme  les  Grecs  étaient 
obligés  de  faire,  pour  défeudre  leur  tète  rasée 


16 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTIÈME. 


contre  la  violence  du  froid.  Ce  que  le  moine 
Ralram  semble  nous  apprendre,  en  répondant 
aux  reproches  des  Grecs  contre  les  Latins. 

a  Hinc  igitur  considèrent  elerici,  qui  barbas 
quidem  nutrientes,  atvero  caput  penitus  ca- 
pillis  ornai  ex  parie  nudant,  yel  vini  frigoris 
mI  calons  ferre  non  valentes,  vel  potins  hu- 
jusmodi  deturpationem  babitus,  utcumque 
celare  volentes,  capila  veste  cooperiunt,  an 
contra  praeceptum  Apostolicnm  venire  com- 
probentur.  Siquidem  negare  non  possunt, 
contra  sententiam  Pauli  se  facere,  dicentis, 
Omnis  vir  orans  velato  capite,  deturpat  caput 
suum  (L.  iv.  c.  5).  » 

IV.  Mais  quant  aux  Latins,  le  même  Ratram 
assure  que  s'ils  rasaient  leur  barbe,  ils  se  con- 
tentaient de  porter  leurs  cheveux  courts,  n'en 
rasant  que  le  plus  haut,  et  laissant  modeste- 
ment croître  le  reste  en  forme  de  couronne, 
afin  de  représenter  le  diadème  royal  du  sacer- 
doce de  Jésus-Christ  dont  ils  sont  revêtus,  par 
ce  cercle  de  cheveux,  et  la  tiare  pontificale  par 
la  partie  de  la  tête  qui  est  rasée. 

«  Hune  niorem  sequentes  elerici  Romano- 
rum,  sive  cunctarum  fere  per  Occidentem  Ec- 
clesiarum  ,  barbas  radunt  et  capila  tondent, 
accipientes  formam,  tam  ab  eis  qui  in  veteri 
Testamento  Nazaraei  dicebantur ,  quam  ab  eis 
qui  in  novo  Testamento  talia  l'eeisse  leguntur. 
Sed  non  penitus  capillis  capila  nudant,  veruin 
pro  parte,  significantes  tali  schemate,  tam  re- 
gale decus,  quam  insigne  sacerdotale.  Siqui- 
dein  regibus  decus  est  proprium  coronas  ca- 
pite ferre.  Pontifices  autem  in  templo  tiaras 
capite  portabant.  Et  tiara  quidem  hemisphœrii 
gerit  similitudinem,  coronaverocirculi  gerens 
figuram,  caput  assolet  ambire.  Loquitur  Pe- 
trus,  vos  autem  genus  electum,  regale  sacer- 
dotium.  Quod  siguifleare  volentes,  elerici  Ro- 
manorum  si\e  Latinorum,  in  verticis  nuda- 
tione,  tiara'  similitudinem  figurant,  per  quam 
sacerdotale  decus  insinuant.  Porro  reliqua  pars 
capillorum  caput  ambiens,  neque  tamen  ver- 
tieem  contingens,  speciem  coronœ  représen- 
tât, qua  regalis  dignitas  ostentatur.  Sic  utraque 
bac  specie  regale  sacerdotium  designatur.  » 

Enfin  il  ajoute  que  non-seulement  l'histoire 
fait  foi  que  plusieurs  d'entre  les  apôtres  et  les 
disciples  eurent  la  barbe  rasée  ,  mais  que  les 
images  mêmes  de  saint  Pierre  rendaient  le 
même  témoignage,  le  représentant  toujours 
avec  la  barbe  rase. 

V.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable 


dans  cet  auteur,  c'est  la  distinction  qu'il  fait 
du  sommet  de  la  tête,  qui  est  tout  à  fait  sans 
cheveux,  et  qui  représente  la  tiare  pontificale, 
dont  la  forme  était  une  demi-sphère,  d'avec  le 
reste  de  la  tête  couvert  d'un  tour  ou  d'une 
couronne  de  cheveux,  qui  suffisait  pour  dé- 
fendre du  froid  et  du  chaud,  et  qui  figurait  la 
couronne  royale. 

Tout  cela  est  emprunté  d'Isidore,  évêque  de 
Séville,  dont  Enéas,  évêque  de  Paris,  a  inséré 
les  propres  termes  dans  sa  réplique  aux  mêmes 
invectives  des  Grecs.  A  quoi  il  ajoute  que  si 
les  clercs  de  l'Occident  rasent  leur  barbe,  outre 
les  raisons  mystérieuses  qui  marquent  l'abné- 
gation intérieure  et  le  retranchement  de  toutes 
les  superfluités  du  siècle,  on  peut  encore  dire 
que  cela  se  fait  par  un  amour  louable  de  la 
propreté  et  de  cette  netteté  qui  sied  bien  aux 
ecclésiastiques.  «  Ob  munditiam  utique  hoc 
agunt,  quam  expressius  Ecclesiasticum  expetit 
et  deposeit  ministerium,  etc.  Munditia  minis- 
trorum  Christi  pro  radendis  barbis,  inlicita  re- 
secando,  débet  prastantius  splendescere  in 
operibus  bonis,  et  omnimodis  carere  sordibus 
mentis  simul  et  corporis.  » 

Enée  repousse  cette  accusation  ridicule  des 
Grecs  par  une  juste  réprimande  qu'il  leur  fait 
de  leurs  grands  cheveux,  qui  sont  manifeste- 
ment condamnés  par  l'Apôtre.  Il  y  a  de  l'appa- 
rence qu'il  ne  parle  que  des  laïques;  leurs 
clercs  ne  s'étaient  pas  encore  émancipés  jusqu'à 
ce  point. 

M.  Les  laïques  pourraient  bien  avoir  imité 
la  tonsure  cléricale  lorsqu'ils  envoyaient  leurs 
enfants  pour  déposer  les  premières  dépouilles 
de  leur  tête  entre  les  mains  de  ceux  qu'ils  dési- 
raient avoir  pour  pères  spirituels.  Paul,  diacre, 
dit  simplement  que  Charles  Martel  envoya  son 
fils  Pépin  à  Luilprand,  roi  des  Lombards  (Hist. 
Longo.,  1.  v,  c.  53),  qui  devint  son  père  en  lui 
coupant  les  cheveux:  «  Ut  ejus  juxta  morem  ca- 
pillum susciperet.  Qui  ejus  cœsariem  incidens, 
ei  pater  effectus  est  (Du  Chesne,  t.  n,  p.  223).» 
Mais  une  vieille  chronique  dit  formellement 
qu'il  devint  sou  père  spirituel,   «  ut  ei  juxta 

rem  ex  capillis  tonderet,  et  fieret  ei  pater 

spiritalis.  Quod  et  fecit.  » 

Ceux  qui  donnent  à  Charlemagne  une  longue 
barbe,  n'ont  pas  emprunté  cela  d'Eginard,  qui 
n'en  dit  rien,  non  plus  que  les  autres  histo- 
riens, et  ils  n'ont  pas  non  plus  consulté  les 
médailles  et  les  vieux  portraits  qui  le  repré- 
sentent toujours  sans  barbe. 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


17 


Saint  Adalbert,  évèque  et  martyr,  pensant  à 
se  travestir  pour  gagner  plus  facilement  les 
barbares,  se  résolut  d'abord  à  laisser  croître 
ses  cheveux  et  sa  barbe,  o  Vestimeota  mute- 
mus,  clericam  aequalem  pendentibus  capillis 
crescere  sinamus,  tonsae  barbée  comas  prodire 
non  prohibeamus,  etc.  (Surius  April.,diexxni, 
c.  28).  »  Au  contraire,  Rabanus  Maurus  parlant 
d'un  diacre  apostat ,  lui  donne  aussitôt  une 
grande  barbe  :  «  Quotidie  in  synagogis  satanae 
barbatus  et  conjugatus  (L.  adv.  Jud.,  c.  42).  » 

Paul,  diacre,  assure  que  les  Lombards  avaient 
pris  ce  nom  de  leur  longue  barbe,  qu'ils  ne 
coupaient  jamais,  laissant  croître  leurs  che- 
veux  par  devant,  quoiqu'ils  les  coupassent  en- 
tièrement au  derrière  de  la  tète  (L.  iv,  c.  7). 
Adrien  Ier  dans  une  lettre  écrite  à  Charle- 
magne,  dit  qu'Arichis,  roi  des  Lombards,  se 
liant  et  se  soumettant  à  l'empire  grec,  et  pro- 
mettant de  se  tondre  et  de  se  vêtir  à  la  mode 
des  Grecs  (Epist.  88)  ;  l'empereur  de  Constan- 
tinople  accepta  ses  offres,  et  lui  envoya  deux 
ambassadeurs  avec  des  vêlements  à  la  grecque, 
une  épée,  un  peigne  et  des  ciseaux. 

L'auteur  de  la  vie  de  l'illustre  martyr  saint 
Etienne  le  jeune,  s'est  emporté  lui-même,  lors- 
que pour  repousser  les  emportements  de  Cons- 
tantin Copronyme,  qui  avait  fait  raser  tous  ses 
courtisans,  en  dérision  de  la  longue  barbe  des 
moines,  il  prétend  que  c'était  un  attentat  com- 
mis contre  la  nature  et  contre  les  saintes  let- 
tres (Surius  die  xxvm,  Nov.  c.  26).  Il  eut  bien 
mieux  fait  si  avec  Ratram  il  eut  reconnu  l'in- 
différence de  ces  sortes  d'usages  et  l'utilité 
même  de  leur  diversité  en  divers  temps  et  en 
diverses  Eglises,  pour  être  une  marque  éter- 
nelle de  leur  indifférence  et  de  leur  distinction 
d'avec  les  règles  éternelles  et  immuables,  ou 
de  la  foi  ou  de  la  vertu.  Voici  les  paroles  du 
moine  Ratram  :  «  Quid  enim  refert  ad  justitiœ 
non  tantum  perfectionem,  verum  etiam  in- 
cboationem  ,  barbae  detonsio ,  vel  conservatio  ? 
(Ratramn.,  1.  iv,  c.  5.)  » 

VIL  Continuant  d'éclaircir  les  pratiques  de 
l'Eglise  grecque  sur  cette  matière,  justifions 
d'abord  ce  qui  a  été  avancé  ;  que  les  parents 
mêmes  coupaient  les  cheveux  à  leurs  enfants, 
en  les  donnant  à  l'Eglise  pour  y  être  appliqués 
aux  offices  les  plus  bas  et  les  plus  proportion- 
nés à  leur  âge.  Le  saint  confesseur  Nicétas  en 
est  lui-même  une  preuve  :  «  Cum  illum  pater 
totondisset,  ut  Anna  Samuelem,  Deo  ipse  eum 
dicavit ,   et    omnino  adduxit ,    ut  aeditui  lo- 


cum  interea  teneret  (Surius  die  20.  ApriL).  » 

Balsamon  condamne  en  plusieurs  rencon- 
tres l'usage  qui  s'était  introduit  de  faire  exer- 
cer la  fonction  de  lecteurs  à  ceux  qui  n'avaient 
été  tonsurés  que  de  la  tonsure  monacale;  il 
autorise  son  opinion  par  la  réponse  d'un  concile 
de  Constantinople  sous  le  patriarche  Nicolas, 
conformément  au  canon  du  concile  in  Trullo, 
et  du  concile  u  de  Nicée  (Balsam.,  pag.  32,  227, 
228).  Mais  après  cela,  il  ne  laisse  pas  de  con- 
fesser que  l'opinion  et  la  pratique  contraire 
avait  encore  lieu  en  quelques  Eglises. 

«Sed  etmonacbosquinonbabentepiscopales 
coronas,faucGûpi$a  npxiepaTixwssed  monacbicam  ton- 
suram,  (tova^uenv  ùjtoxoupàvj  dicunt  nonnulli  posse 
in  suggestu  légère  Apostolum ,  et  reliqua , 
quemadmodum  et  clerici,  tanquam  monacha- 
lis  tonsura  utique  sufficiat  pro  tonsura  a  cleri- 
cali.  Mihi  autem  videtur,  etc.  (In  can.  Trull. 
33).  »  Et  ailleurs,  «  Nota  htec  propter  mona- 
clios,  qui  episcopalem  tonsuram  non  susce- 
pere,  et  in  suggestu  inordinate  legunt,  etc.  (In 
can.  Laod.  15).  » 

La  pratique  n'était  pas  encore  non  plus  abo- 
lie de  faire  lire  les  Ecritures  dans  l'église  par 
des  jeunes  enfants,  qui  n'avaient  reçu  l'habit 
noir,  qui  était  l'habit  clérical,  et  la  tonsure, 
que  de  la  main  de  leurs  propres  parents  : 
«  Quoniam  .  inquiunt  Patres,  videmus  nonnul- 
los  a  pueritia  nigris  vestibus  indutos,  tanquam 
Deo  consecratos,  tonsuraque  accepta,  non  per 
sui  episcopi  manuum  impositionem,  audentes 
postquam  ad  œtatem  pervenerint ,  divinas 
Scripturas  in  suggestu  légère,  etc.  (In  can.  xiv 
Synodi  7).  » 

Mil.  On  ne  peut  disconvenir  que  lesévêques 
n'eussent  un  grand  fondement  de  s'opposer  à 
cette  prétention,  et  même  à  cette  longue  pos- 
session des  religieux,  et  de  mettre  une  grande 
différence  entre  la  tonsure  de  la  religion  et 
celle  de  la  cléricature.  Car  l'Eglise  a  toujours 
distingué  ces  trois  degrés  du  sacerdoce,  de  la 
cléricature  et  du  monachisme,  Uço.tou$k,  *>.s:.«ù;, 
iaxtims,  comme  parle  le  concile  in  Trullo. 

Balsamon  expliquant  le  canon  de  ce  concile, 
dit  que  le  sacerdoce  est  pour  ceux  qui  exercent 
leur  ministère  dans  le  sanctuaire,  et  qui  reçoi- 
vent ce  pouvoir  par  l'imposition  des  mains  de 
l'évèque,  comme  les  évêques,  les  prêtres,  les 
diacres  et  les  sous-diacres  (In  Can.  lxxvii). 

Les  clercs  sont  ceux  qui  servent  dans  l'Eglise 
hors  du  sanctuaire ,  comme  les  lecteurs,  les 
portiers  et  autres.  Les  moines  sont  ceux  qui 


Th.  —  Tome  IL 


18 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTIÈME. 


ont  reçu  la  tonsure  monacale,  car  ceux  qui 
ont  reçu  la  tonsure  de  la  main  des  évêques, 
s'appellent  clercs.  Voici  les  paroles  de  Balsa- 
mon  :  «  Canon  facit  differentiam  inter  sacris 
initiatos,  clericos  et  ascetas.  Sacrati  sunt,  qui 
in  sacro  tribuuali,  qui  et  manuum  impositione 
ordinantur,  episcopi  scilicet ,  sacerdotes,  dia- 
coni  et  hypodiaconi.  Clerici  sunt,  qui  extra 
sacrum  tribunal  in  templis  deserviunt,  ut  le- 
ctores,  ostiariiet  alii.  Ascetœ  autem,  monachi, 
qui  episcopalem  characterem  non  accepere, 
sed  solum  tonsuram  monachalem.  Monachi, 
enim  qui  episcopalem  tonsuram  accepere,  di- 
cuntur  clerici.  » 

Voila  l'état  des  choses  dans  l'âge  moyen  et 
dans  les  siècles  suivants.  Mais  au  quatrième etau 
cinquième  siècles,  lorsque  la  tonsure  des  clercs 
n'était  encore  qu'une  pratique  de  modestie,  et 
que  ce  n'étaient  pas  toujours  les  évêques  qui 
faisaient  cette  première  tonsure ,  on  n'avait 
garde  d'exiger  des  moines,  qui  étaient  rasés  de 
beaucoup  plus  près  que  les  clercs,  qu'ils  ajou- 
tassent la  tonsure  cléricale  à  la  monacale.  Il 
est  vrai  aussi  qu'en  ce  temps-là  ce  n'était  pas 
la  tonsure  seule  qui  donnait  entrée  dans  le 
clergé,  on  n'y  entrait  que  par  quelqu'un  des 
ordres  mineurs. 

Il  était  donc  très-raisonnable  que  dans  cet 
âge  moyen,  auquel  la  tonsure  cléricale  sans 
aucun  ordre  est  devenue  l'entrée  de  la  clérica- 
ture,  elle  ait  été  réservée  aux  seuls  évêques, 
qui  la  confèrent  et  ont  permis  dans  le  con- 
cile vu  aux  abbés  de  la  conférer  à  leurs  reli- 
gieux. Car  rien  n'est  plus  juste  que  de  réserver 
aux  évêques  seuls  le  pouvoir  d'introduire  au 
clergé  ou  d'en  exclure. 

IX.  Or,  que  dans  les  siècles  dont  nous  par- 
lons, il  y  eut  des  clercs  simplement  tonsurés, 
sans  aucun  ordre  mineur,  en  voici  des  preuves 
fort  évidentes.  Balsamon  distingue  la  clérica- 
ture  du  lectorat  :  «  Qui  tonsune  signaculum 
acceperunt,  et  postea  in  lectorum  ordine  con- 
stituti  sunt,  etc.  (In  can.  02.  Apost.).  »  Et  ail- 
leurs :  «  Nota  quod  simul  ac  acceperunt  aliqui 
tonsura  characterem  a  manu  antistitis,  eos 
pro  clericis  habet  canon.  Audivi  enim  nonnul- 
los  dicentes,  non  esse  lectorem,  nec  dici  cleri- 
cum,  qui  non  sit  in  templi  cleruin  relatus,  sed 
solain  liabeat  tonsuram  (In  can.  Trull.  33).» 

Il  répète  la  même  chose  ailleurs  en  mêmes 
termes,  mais  il  y  ajoute  aussi,  que  dès  que  la  ton- 
sure a  été  reçue  de  la  main  de  l'évêque,  on  peut 
lire  les  Ecritures  dans  l'église  (In  can.  xiv  Sy- 


nodi  7).  Et  ainsi  on  pourrait  dire  que  la  ton- 
sure et  l'oftice  de  lecteur  se  conféraient  en 
même  temps.  «  Aperte  ostenditur,  quod  quando 
quis  ton  sur  ae  manuum  impositionem  (xeipoeeoîew 
ÈitocoupiSos  susceperit  ab  antistite,  is  est  protinus 
clericus  ;  ut  cui  etiam  in  suggestu  légère  sit 
permissum.  » 

Mais  aussi  dans  le  même  endroit  Balsamon 
nous  fournit  une  autre  manière  de  clercs  sans 
ordre,  de  ceux  qui  recevaient  de  l'évêque  l'ha- 
bit de  la  cléricature  sans  être  tonsurés.  Il  pré- 
tend même  que  cette  prise  d'habit  les  enga- 
geait irrévocablement  dans  l'état  ecclésiastique, 
sans  qu'ils  pussentjamais  y  renoncer.  «  Mihi  au- 
tem videtur,  quod  qui  etiam  nigris  simpliciter 
vestibus  fuerit  indutus  ab  epbcopo,  ut  clericus 
fieret ,  amictum  amplius  mutare  non  potest, 
ut  qui  Deo  consecrari  proposuerit,  et  ideo  nec 
suain  Deo  pollieitationem  rescindere,  nec  san- 
clum  habituni  ludificari  (Ibiil.).  » 

Il  parle  encore  ailleurs  de  ceux  qui  ont  été 
tonsurés  et  qui  n'ont  jamais  lu  dans  l'Eglise, 
que  quelques-uns  excluaient  du  clergé  par 
cette  raison  qu'ils  n'avaient  jamais  lu  :  mais 
Balsamon  prétend  qu'ils  sont  vraiment  clercs, 
et  qu'ils  ont  lu  au  moins  par  forme,  quand  on 
les  a  tonsurés,  l'épître  de  saint  Paul  à  Timo- 
thée  :  «  Fili  Timothee,  sobrius  esto  in  omni- 
bus, etc.  (In  can.  Carthag.  93).  » 

Il  faut  venir  à  une  autre  preuve  qui  ne 
souffre  point  de  réplique.  Balsamon  distingue 
avec  saint  Basile  les  clercs  supérieurs  (In  can. 
li,  Basil.),  qui  étaient  dans  les  hauts  rangs,  in 
gradu .  it  £a6,u.w,  et  qui  recevaient  l'imposition 
des  mains  de  l'évêque  dans  leur  ordination, 
comme  les  prêtres,  les  diacres  et  les  sous-dia- 
cres ;  d'avec  les  clercs  inférieurs,  dont  le  mi- 
nistère se  donnait  sans  imposer  les  mains,  èv  è/ju- 
j'.îot,:»  OiïT.fEdia,  et  qui  recevaient  simplement  le 
caractère  ou  le  signe  de  croix  de  la  main  de 
l'évêque  ,  8ù  p»;  oçpa-f i£o;,  tels  étaient  les  lec- 
teurs, les  chantres  et  les  portiers.  Mais  après 
ces  deux  rangs  de  ceux  qui  entraient  dans 
l'Eglise  par  l'imposition  des  mains  ou  par  le 
signe  de  la  croix,  Sa  ^tforovCaç,  ï.  J;à  a^pa."^^;,  Bal- 
samon en  admet  un  troisième  de  ceux  qui  re- 
cevaient seulement  la  tonsure  de  la  main  de 
l'évêque  ou  d'un  abbé,  et  il  soutieut  qu'ils 
étaient  clercs,  soumis  aux  mêmes  peines,  et 
capables  des  mêmes  privilèges  et  des  mêmes 
immunités  que  les  autres  clercs,  quoiqu'elles 
fussent  souvent  violées  en  leurs  personnes. 

«  Et  luec  quidem  de  clericis  per  ordinatio- 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


10 


nem,  vel  cbaracterem  in  ecclesiasticis gradibus 
constitutis,  SA  xtiforovîaç,  Sût  (Kf^iSoç.  Si  quis  autem 
ab  episcopo,  vel  monasterii  prœfecto  tonsuram 
solam  babens  in  crimen  incident,  isne  aliquo 
modo  punietur?  Solutio.  Et  talis  quoque  est 
clericus,  et  condeinnabitur  ut  reliqui  clerici. 
Prohibebitur  eniui  quodvis  opus  exercere,  cu- 
jusmodi  exercent  qui  habent  tonsuras  ;  quem- 
admoduni  non  conscendet  in  tribunal,  non 
leget  in  ambone,  ad  sacerdotalem  gradum  non 
promovebitur,  etc.  Miror  quoniodo  qui  solas 
habeant  tonsuras,  et  peccantes  examinante,  et 
oiuniuo  ut  laici  puniuntur.  Vidi  enim  hoc  per 
abusum  fieri.  » 

Balsamon  ayant  mis  tous  les  ordres  majeurs 
dans  le  premier  rang,  et  ayant  nommé  les 
ordres  inférieurs  des  lecteurs ,  des  chantres  et 
des  portiers  dans  le  second,  s'il  met  après  cela 
un  troisième  rang  de  ceux  qui  n'avaient  que  la 
tonsure  de  la  main  de  l'évèque,  ou  de  l'abbé, 
et  s'il  les  établit  dans  le  corps  du  clergé,  s'il 
leur  en  accorde  même  les  privilèges,  comme 
il  est  évident  par  le  passage  que  nous  venons 
de  rapporter,  on  ne  peut  nier  après  cela  qu'il 
n'y  eût  des  clercs  à  simple  tonsure,  sans  aucun 
ordre. 

Il  est  bien  vrai  que  l'état  et  les  privilèges  de 
ces  clercs  simplement  tonsurés,  n'étaient  pas 
encore  bien  affermis,  et  qu'on  les  punissait 
souvent  comme  des  laïques,  mais  il  nous  suffit 
que  Balsamon  déclare  que  c'était  un  abus  et 
une  entreprise  violente  contre  les  droits  de  la 
cléricature.  Que  si  entre  les  privations  dont 
ces  clercs  étaient  punis  pour  leurs  crimes, 
Balsamon  dit,  qu'ils  ne  liront  plus  au  jubé  de 
l'Eglise,  «  non  legerent  in  ambone,  »  il  faut 
reconnaître  qu'étant  clercs,  quoiqu'ils  ne  lus- 
sent pas  ordonnés  lecteurs,  ils  ne  laissaient  pas 
délire  quelquefois  publiquement  dans  l'église, 
peut-être  lorsqu'il  ne  se  trouvait  point  de  lec- 
teur présent.  On  en  sera  peu  surpris  si  l'on 
considère  ce  que  Balsamon  dit  ailleurs,  que 
dans  plusieurs  églises  de  Constantinople  les 
laïques  avaient  des  offices  propres  aux  clercs  , 
et  l'administration  même  des  monastères  : 
«  Habent  laici  et  complura  etiam  monasteria, 
et  clericorum  officia  (lu  Can.  Trull.  xxxiii.   » 

Voilà  donc  deux  sortes  de  clercs,  vraiment 
clercs,  et  néanmoins  sans  aucun  ordre,  que 
Balsamon  nous  découvre  ;  les  uns  qui  avaient 
reçu  de  la  main  de  l'évèque  l'habit  ecclésias- 
tique, les  autres  qui  avaient  outre  cela  reçu  de 
lui  la  tonsure ,  mais  ni  les  uns  ni  les  autres, 


n'avaient  reçu  aucun  des  ordres  inférieurs, 
non  pas  même  celui  de  lecteurs.  Zonare  avait 
prévenu  Balsamon  dans  ces  mêmes  sentiments, 
de  désapprouver  les  clercs  qui  n'étant  que 
tonsurés,  faisaient  l'office  de  lecteurs,  sans  en 
avoir  reçu  l'ordre,  et  de  reconnaître  que  cet 
usage  avait  prévalu  en  beaucoup  d'églises. 

a  Qui  vero  nec  manuum  impositione  désigna- 
nts, nec  in  lectorum  album  relatus  sit,  qualis 
illorum  est  ratio,  qui  a  teneris  Deo  sepositi, 
nihil  aliud  quam  coronam  in  capite  gestant, 
ab  eo  sacram  scripturam  de  suggestu,  in  con- 
ventu  populi  pronuntiari  ,  quaedam  ordinis 
perturbatio  est.  Id  igitur  ne  fiât  in  posterum, 
decernit  synodus  In  Can.,  xrv  Synodi  vu.)  » 

X.  L'Occident  avait  aussi  en  même  temps  ses 
clercs  simplement  tonsurés,  sans  aucun  des 
ordres  inférieurs.  Le  concile  de  Meaux,  tenu  en 
845  Can.  lviii  .  semble  en  parler  :  «  Canoni- 
corum  autem,  qui  in  parochiis  tonsurantur,  et 
erudiuntur  ,  interdum  etiam  et  ordinantur 
sine  autoritate,  etc.  » 

C'était  aussi  cette  simple  tonsure  cléricale 
sans  ordre,  que  le  pape  Zacharie  donna  au 
prince  Carloman  :  «  Clericatusjugum  suscepit 
a  pontifice;  »  et  au  roi  des  Lombards  Rachis  : 
«  Clericusque  effectus,  monachico  indutus  est 
habitu.  »  C'était  cette  même  cléricature  simple 
que  le  faux  pape  Constantin  se  fit  donner  par 
force  par  un  évêque  :  «  Compulerunt  eum,  ut 
orationem  clericatus  eidem  Constantino  tri- 
bueret,  etc.  Orationem  clericatus  illi  tribuit,  et 
ita  clericus  effectus,  etc.  [Anastas.  Ribl.)  » 

Adrien  I  r  avait  reçu  la  même  simple  ton- 
sure par  le  commandement  du  pape  Paul  : 
«  Eum  clericari  jussit,  quem  notarium  regio- 
narium  in  Ecclesia  constituens,  etc.  (Idem  in 
vita  Stephani  IV.)  » 

Hincmar  dit  manifestement  que  Carloman 
ayant  été  consacré  à  Dieu  dès  son  enfance  par 
le  roi  Charles  le  Chauve ,  son  père,  fut  fait 
clerc,  et  après  cela  élevé  par  degrés  à  tous  les 
ordres,  jusqu'au  diaconat  :  «  A  pâtre  sacro  al- 
tari  oblatus,  et  in  clericum  tonsus,  in  parochia 
veto  Meldensi  ab  episcopo  ejusdem ci vitatis  per 
singulos  gradus  usque  ad  ordinem  diaconatus 
provectus  Tom.  2,  p.  355.)  » 

Le  concile  VIII  général  (Can.  v)  ne  déclare 
capables  de  l'épiscopat  que  ceux  qui,  animés 
d'un  esprit  d'abnégation  sincère,  se  seront  faits 
clercs  ou  moines,  et  auront  ensuite  passé  par 
tous  les  ministères  sacrés  des  ordres  inférieurs 
et  supérieurs  :  «  Fiat  clericus,  aut  monacbus, 


20  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


et  omnem  gradum  ecclesiastieiim  transigeas, 
ita  ut  in  gradu  lectoris  annum  compleat;  in 
subdiaconi  duos  ,  etc.»  Voilà  un  quoi  les  deux 
Eglises  convenaient. 

Ce  sont  peut-être  ces  couronnes  dont  Hinc- 
mar  parle,  ou  plutôt  dont  parle  l'empereur 
Arcade  dans  une  loi  citée  par  Hincmar,  «  non 
per  coronatos ,  sed  per  advocatos.  (Hincmari 
quatemiones  ad  Carolum  regem  pag.  401,  post 
conc.  Duziac.  Cellotii.)  »  Alcuin  dit  que  cette 
couronne  de  cheveux  marque  les  emplois  des 
clercs  dans  le  maniement  des  choses  tempo- 
relles, comme  le  sommet  de  la  tête ,  qui  est 
rasé,  marque  l'abnégation  volontaire  des  su- 
perfluités  du  siècle. 

«  Superiorem  capitis  partem  rasorio  renova- 
mus,  cum  forti  sollicitudine  superfluas  cogita- 
tiones  ab  animo  resecamus.  In  inferiori  parte 
coronam  portamus  capillorum,  cum  ea  quae 
secundum  mundum  necessario  gubernanda 
sunt,  cum  ratione  concorditer  coaequamus. 
(De  divinis  Offlciis,  c.  xxxvu.)  »  Ces  mêmes 
termes  se  lisent  dans  Amalarius,  et  dans  les 
auteurs  suivants  de  ces  mêmes  siècles. 

XI.  Si  les  Grecs  ont  donne  les  noms  de  <jv?*v; 
sigillum ,  y.E.fcWa,  manuum  imposition  à  la 


tonsure  cléricale,  aussi  bien  que  celui  de  ca- 
ractère, c'est  parce  que  l'évêque  coupait  les 
cheveux  en  forme  de  croix,  comme  on  peut 
voir  dans  les  rituels  grecs.  Ainsi  c'était  un 
signe  de  croix  imprimé  en  façon  d'un  carac- 
tère, ce  qui  ne  se  pouvait  sans  une  imposition 
des  mains,  qu'ils  appelaient  xapraria  pour  la 
distinguer  de  l'imposition  des  mains,  qu'ils 
nommaient  x«p°«vîa,  avec  laquelle  l'évêque  con- 
férait les  ordres  supérieurs. 

Il  paraît  par  cette  remarque,  que  le  signe 
de  la  croix  et  l'imposition  des  mains  mpparfîç  et 
xeiporeaict  étaient  comme  inséparables ,  et  se 
prenaient  souvent  pour  une  même  chose.  Il  y 
a  même  des  preuves  assez  considérables  pour 
justifier  que  l'ancienne  façon  de  bénir  était 
simplement  d'élever  la  main,  ou  de  l'imposer, 
à  quoi  on  a  joint  ensuite  le  signe  de  la  croix; 
et  enfin  on  a  compris  l'imposition  des  mains 
dans  la  formation  du  signe  de  la  croix. 

Cette  remarque  favorise  ceux  qui  ont  pensé 
avec  beaucoup  de  fondement,  que  si  la  confir- 
mation se  donne  avec  la  chrismation  et  le 
signe  de  la  croix,  cette  cérémonie  comprend 
l'imposition  des  mains,  qui  était  l'ancienne 
manière  de  conférer  ce  sacrement. 


CHAPITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


DE   LA   TONSURE  ET   DE   LA  COURONNE   DES  CLERCS   DANS   L'ÉGLISE   LATINE,   APRÈS  L'AN   MIL. 


I.  Règlements  des  conciles  et  des  papes  du  onzième  siècle, 
sur  la  tonsure,  la  couronne  et  la  coutume  de  raser  la  barbe. 

II.  Règlements  du  douzième  siècle  sur  le  même  sujet. 

III.  Règlements  du  treizième  siècle. 

IV.  Règlements  du  quatorzième  et  du  quinzième  siècles.  Pro- 
digieuse diminution  de  la  couronne. 

V.  Lettre  pastorale  de  saint  Charles,  et  un  décret  de  son  cin- 
quième concile  de  Milan  pour  l'obligation  de  raser  la  barbe. 

VI.  Diverses  remarques  historiques  sur  le  même  sujet. 

I.  Le  meilleur  ordre  dans  cette  matière  sera 
de  n'en  point  garder,  mais  de  faire  quelques 
réflexions  utiles  et  curieuses  sur  les  canons 
qui  en  traitent,  suivant  l'ordre  des  siècles,  afin 
de  remarquer  les  nouvelles  précautions  qu'on 
a  prises  dans  le  progrès  du  temps. 

Le  concile  de  Bourges  en  1031  (Can.  vu), 


obligea  généralement  tous  les  clercs,  depuis  le 
plus  haut  rang  jusques  au  plus  bas,  à  porter  la 
barbe  rase  et  la  couronne  sur  la  tête,  faisant 
consister  en  cela  la  tonsure  cléricale  :  «  Ton- 
suram  ecclesiasticam  habeant,  hoc  est,  barbam 
rasam,  et  coronam  in  capite.  »  Le  concile  de 
Coyac  en  Espagne,  en  1050  (Can.  m),  dit  de 
même  pour  les  prêtres  et  les  diacres,  «  Sem- 
per  coronas  apertas  habeant,  barbas  radant.  » 
Le  concile  de  Rouen,  en  1072  (Can.  n),  frappe 
d'anathème  les  clercs  qui  ne  portent  point  de 
couronne  :  «  Qui  coronas  benedictas  habue- 
runt,  et  reliquerunt,  usque  ad  dignam  satis- 
factionem  excommunicentur.  » 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


21 


Grégoire  VII  fait  bien  voir  qu'il  regarde  la 
coutume  de  raser  la  barbe  comme  partie  de  la 
tonsure  cléricale  parmi  les  occidentaux,  lors- 
qu'il se  justifie  auprès  du  gouverneur  de  l'île 
de  Sardaigne  de  ce  qu'il  avait  contraint  l'ar- 
chevêque de  Cagliari  de  se  raser  pour  se  con- 
former à  toute  l'Eglise  d'Occident;  et  qu'il  le 
conjure  de  contraindre  tout  le  clergé  d'obéir  à 
la  même  loi,  sous  peine  de  confiscation  de  tous 
leurs  biens  au  profit  de  l'Eglise.  «  Coegimus , 
ut  quemadmodum  totius  Occidentalis  Ecclesiœ 
clerus  ab  ipsis  fidei  Christiana?  primordiisbar- 
bam  radendi  morem  tenuit,  itaet  vesterarchie- 
piscopus  raderet,  etc.  Omnem  tua?  potestatis 
clerum  barbas  radere  facias.  atque  compellas, 
etc.  Res  quoque  renuentium  publiées ,  etc. 
(L.  vin.  Ep.  x).  » 

Le  concile  de  Lilleboune  en  1080  (Can.  xui  , 
met  à  l'amende  les  clercs  qui  sont  sans  cou- 
ronne. «  Si  clericus  coronam  suam  denu'se- 
rit.  »  Le  concile  de  Poitiers  en  1100  (Can.  i) 
réserva  aux  évêques  seuls  le  pouvoir  de  faire 
ou  de  donner  la  couronne  cléricale,  si  ce  n'est 
que  les  abbés  continueraient  de  la  donner  à 
leurs  religieux.  »  Ut  nullus  prœter  episcopum 
coronas  benedicere  prsesumat  exceptis  abbati- 
bus,  qui  illis  tantummodo  coronas  faciant , 
quos  sub  régula  B.  Benedicti  militaturos  sus- 
ceperint.  »  D'où  il  paraît  assez  probable,  que 
la  couronne  monacale  tenait  quelquefois  lieu 
de  la  cléricale,  et  qu'il  n'en  fallait  pas  d'autres 
aux  religieux  pour  être  élevés  à  la  cléricature. 
Aussi  ce  canon  dit  clairement  que  cette  cou- 
ronne était  commune  à  tous  ceux  qui  faisaient 
profession  monastique. 

IL  Le  concile  de  Londres  en  110-2  (Can.  xu  . 
se  contenta  d'exiger  des  couronnes  larges  et  vi- 
sibles, sans  parler  de  la  barbe ,  «  Ut  clerici  pa- 
entes  coronas  babeant.  »  Ce  qui  est  commun 
à  beaucoup  d'autres  conciles  ;  et  néanmoins  le 
concile  de  Toulouse  en  1119  (Can.  x)  enveloppe 
dans  la  même  excommunication  les  moines 
apostats,  et  les  clercs  qui  laissent  croître  leur 
barbe  et  leurs  cheveux.  «  Si  quis  ecelesiastieœ 
militise  titulo  insignitus,  monachus,  vel  cano- 
nicus,  aut  quilibet  clericus,  primam  fidem 
irritant  faciens,  retrorsum  abierit,  aut  tanquam 
laicus  comam  barbamque  nutrierit,  Ecclesia; 
communione  privetur,  donec  preevaricationem 
suam  digna  satisfactione  correxerit.  » 

Le  concile  de  Londres  en  1173  (Can.  îv),  en- 
joint à  l'archidiacre  de  couper  les  cheveux  aux 
jeunes  clercs,  malgré  leur  résistance,  selon 


l'ancien  concile  d'Agde  ;  «  Clerici  qui  comam 
nutriunt,  ab  archidiacono  etiam  inviti  ton- 
deantur.  »  Le  concile  d'York  en  1 191  (Can.  in) 
ne  se  contenta  pas  de  cela;  mais  il  voulut  aussi 
qu'on  fît  perdre  leurs  bénéfices  à  ceux  qui 
s'opiniàtreraient  à  ne  porter  ni  la  tonsure,  ni 
la  couronne.  «  Clerici  qui  ab  episcopo  coronam 
susceperunt,  tonsuram  babeant,  et  coronam  : 
quam  si  habere  contempserint,  ad  hoc  benefi- 
ciorum,  si  qua?  babeant,  privatione  cogan- 
tur.  » 

III.  Le  concile  de  Paris  en  1212  (Can.  î)  sou- 
haita que  les  clercs  se  distinguassent  des 
laïques,  même  dans  la  manière  de  couper  leurs 
cheveux,  sans  les  laisser  pendre  plus  d'un  côté 
que  de  l'autre,  et  les  coupant  en  rond.  «  Inbi- 
bemus,  ne  clerici  tonsuram  babeant  similem 
laicali.  sed  rotundam  et  circularem,  etirrepre- 
hensibilem.  » 

Mais  le  concile  de  Montpellier  en  1214,  fit 
une  peinture  excellente  de  la  couronne  des 
clercs,  qui  ne  peut  porter  le  nom  de  couronne 
avec  vérité,  si  ce  n'est  que  la  partie  inférieure 
et  supérieure  de  la  tète  étant  rasée,  le  rond  de 
cheveux  qui  reste  entre  deux,  ne  représente 
pas  mal  une  couronne. 

Les  chanoines  réguliers  la  portent  présente- 
ment de  même,  et  ils  la  portaient  sans  doute 
alors  aussi  ;  et  c'est  ce  qui  a  obligé  ce  concile 
(Can.  iv)  de  ne  mettre  aucune  différence  en  ce 
point  entre  les  chanoines  réguliers  et  les  sécu- 
liers. «  Ut  clericus  cathedralis,  vel  conventualis 
ecclesia1.  vel  alius  qui  de  beneficio  ecelesiastico 
vivit,  talent  tonsuram  ferat,  qua;  gradum  non 
habeat,  seddirigaturin  garant,  itaquod  capilli, 
qui  propter  inferiorem  et  superiorem  rasuram 
rémanent,  propter  suam  rotunditatem  merito 
possint  dici  corona.  » 

Enfin,  ce  concile  (Can.  xxm)  désire  que  les 
moines  portent  des  couronnes  encore  plus 
amples  que  celles  des  chanoines.  «  Dt  canonici 
regulares  amplas  coronas  portent,  et  monachi 
amplissimas.  Itaque  duorum  digitorum  vel 
trium  amplus  sit  monachis  circulus  capillo- 
rum.  » 

Le  concile  d'Oxford  en  1222  (Can.  xxxm),  re- 
connaît qu'il  peut  y  avoir  des  conjonctures 
périlleuses,  où  il  est  juste  que  les  clercs  cachent 
leur  tonsure.  «  Honeste  tonsi  et  coronati  in- 
cedant,  nisi  forte  justa  causa  exegerit  habitum 
tiansforinare.  »  Grégoire  IX  prononce  ana- 
thème  dans  une  décrétale  contre  les  clercs  qui 
laissent  croître  leurs  cheveux.  «  Si  quis  ex  cle- 


22 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


ricis  comam  relaxaverit.  anathema-sit  (C.  Si 
quis.  De  vita  et  honest.  Cler.).  » 

Le  concile  de  Cuàteau-Gonthier ,  en  1232 
(Can.  xxu)  ordonna  aux  évèques  de  faire  en- 
tièrement raser  les  clercs  débauchés,  pour  effa- 
cer en  eux  toutes  les  marques  de  la  cléricature 
qu'ils  déshonoraient.  «  Clerici  ribaldi,  maxime 
qui  goliardi  nuncupantur,  prœcipiantur  ton- 
deri,  ac  etiam  radi,  ita  quod  non  remaneat  in 
eis  clericalis  tonsura.  » 

Le  synode  de  Yorcester,  en  1240  (Can.  xxi), 
remarque  que  la  couronne  devait  être  plus 
grande  dans  les  ordres  supérieurs,  «  Ne  comam 
nutriant,  sed  circulariter  et  decenter  tondean- 
tur,  coronam  habentes  decentis  amplitudinis, 
secundum  quod  exegerit  ordo  ,  quod  fuerint 
insigniti.  »  Le  concile  de  Cologne  en  1200 
(Can.  iv),  veut  qu'on  rase  le  haut  de  la  tète,  et 
c'est  ce  qu'il  appelle  couronne.  «  Habeant  et 
suas  coronas  compétentes  et  eas  radere  non 
omittant.  » 

Le  concile  de  Lambeth  en  12G1  déclara  dé- 
chus du  privilège  clérical ,  ceux  qui  auraient 
honte  de  porter  la  couronne  ,  qui  est  la  glo- 
rieuse image  de  celle  que  le  Fils  de  Dieu  a 
portée  pour  nous  ,  quand  il  s'est  chargé  de  la 
confusion  et  de  la  peine  de  nos  péchés.  «  Non 
erubescant  ipsius  portare  stigmata,  qui  pro  eis 
spineamnon  dedignatus  est  portare  coronam.» 

Le  concile  de  Salzbourg  en  1274  (Can.  h) 
veut  que  la  tonsure  des  prêtres  soit  telle  que 
leurs  oreilles  soient  découvertes  ,  les  autres 
clercs  à  peu  près  de  même ,  outre  la  cou- 
ronne qui  est  au  haut  de  la  tète.  Voilà  les  cho- 
ses réduites  presque  au  même  état  où  elles  sont 
à  présent.  «  Sacerdotes  taliter  tondeantur,  ut 
pateant  eis  aures.  Caeteri  inferioris  ordinis  cle- 
rici in  tonsura  non  multum  discrepent  ab 
eisdem  ,  coronam  desuper  congruentem  ha- 
beant. » 

Le  Concile  de  Pontaudemer  en  1279  (Can. 
xx)  ordonne  que  si  après  trois  monitious  les 
clercs  ne  se  résolvent  à  porter  la  couronne  , 
ceux  qui  ne  sont  pas  mariés  perdront  l'immu- 
nité de  leurs  biens;  ceux  qui  sont  mariés  outre 
cela  ne  seront  point  affranchis  des  corvées  des 
seigneurs  temporels  ,  et  les  uns  et  les  autres 
seront  assujétis  au  tribunal  séculier  pour  les 
causes  criminelles. 

Le  concile  de  Rude  en  1279  (Can.  i)  enjoi- 
gnit aux  évèques  de  porter  la  tonsure  circu- 
laire et  la  couronne  semblable  à  celle  des  reli- 
gieux, tant  pour  pouvoir  avec  plus  d'autorité 


ranger  à  leur  devoir  les  autres  ecclésiastiques, 
que  parce  que  l'épiscopat  est  un  état  plus  reli- 
gieux qu'aucune  religion.  «  Prœlati  coronam 
et  tonsuram  patentibus  omnino  auribus  circu- 
larem,  juxta  regularium,  seureligiosorum  ge- 
neralem  consuetudinem  approbatam  ,  cum 
nulla  religio  pontifical]  religione  sit  major,  de 
caetero  déférant.  » 

Le  synode  de  Nîmes  en  1284  déclara  aux 
clercs  mariés  que  pour  jouir  du  privilège  clé- 
rical, il  fallait  qu'ils  portassent  la  tonsure  et  la 
couronne  publiquement.  «  Publiée  portent  co- 
ronam et  tonsuram.  »  Le  synode  d'Exeter  en 
1287  (Can.  xvn)  défendit  de  couvrir  la  cou- 
ronne avec  une  espèce  de  coiffe  ou  de  calotte  : 
«  Clerici  patentibus  auribus  incedant,  coronas 
habentes  spheericas  et  décentes,  quas  insulis 
cooperire  prohibemus  sub  pœna  statuti  legati 
Ottoboni.  « 

IV.  C'était  donc  un  infâme  artifice  de  quel- 
ques clercs  irréligieux,  de  ne  laisser  jamais  pa- 
raître leur  couronne  ,  comme  s'ils  eussent 
rougi  de  la  royauté  même  de  J.  C.  dont  cette 
couronne  est  une  marque  et  une  participation, 
si  nous  en  croyons  le  concile  III  de  Ravenne  en 
1314  (Can.  x)  «  Coronam  condecentem  por- 
tent, per  quam  designetur  regalis  esse  generis, 
et  sperare  se  assequi  debere  partem  hœreditatis 
divinse.  » 

Ce  concile  ajoute  que  les  clercs  sacrés  et  les 
chanoines  soit  des  cathédrales  ou  des  collé- 
giales ,  doivent  porter  la  couronne  plus  large 
que  les  autres  et  couvrir  leur  tète  d'un  bonnet 
ou  d'une  aumusse  qui  descende  jusqu'aux 
oreilles.  «  Capita  cooperiant  pileo,  vel  biretto, 
vel  armutia  oblonga  ad  aures.»  Ce  qui  montre 
qu'il  y  a  bien  de  la  différence  entre  se  couvrir 
la  tête  et  cacher  sa  couronne. 

Le  concile  d'Avignon  en  1337  (  Can.  xlvi  ) 
priva  de  la  centième  partie  de  leurs  revenus 
les  bénéficiers ,  et  mit  à  l'amende  les  au- 
tres clercs  qui  manqueraient  de  faire  raser 
tous  les  mois  leur  barbe  et  leur  couronne. 
«  Quam  tonsuram  singulis  mensibus  radi  fa- 
cere  teneantur.  » 

Le  concile  de  Londres  en  1342  (Can.  n)  dé- 
cerna auesi  des  peines  contre  les  clercs  qui  lais- 
saient croître  leur  barbe  et  méprisaient  la  cou- 
ronne qui  est  l'augure  de  celle  du  ciel ,  et  une 
marque  de  la  haute  perfection  du  sacerdoce. 
«  Coronam,  quœ  regni  caclestis,  et  perfectionis 
est  indicium,  déferre  contemnunt,  etc.  Barbis 
prolixis  inceduntj  etc.  » 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


23 


Le  concile,  de  Palence  en  1388  (Can.  m) 
obligeant  les  clercs  mariés  à  porter  la  tonsure 
cléricale,  s'ils  voulaient  jouir  de  l'immunité 

du  for,  voulut  que  le  modèle  de  la  grandeur 
de  la  couronne  fut  marqué  sur  les  portes  des 
grandes  églises.  Elle  est  environ  de  quatre 
doigts  de  diamètre. 

Le  concile  de  Tolède  en  1 473  (  Can.  xiv) 
dégrada  du  privilège  clérical  les  clercs  mariés 
et  les  autres  aussi,  s'ils  ne  portaient  la  cou- 
ronne de  la  largeur  d'un  réal.  «  Tonsuram 
quantitatis  unius  regalis.  »  Ce  qui  montre  une 
prodigieuse  diminution  dans  la  couronne  clé- 
ricale ,  dans  les  cent  années  qui  se  sont  écou- 
lées entre  ces  deux  conciles. 

Le  concile  de  Latran  sous  Léon  X  en  1514 
(  Sess.  ix  )  en  rabat  encore  bien  davantage , 
car  il  se  contente  que  les  moindres  clercs  ne 
laissent  croître  ni  leur  barbe,  ni  leurs  cheveux. 
«  Non  comam,  non  barbam  nutriant.  »  Le 
concile  de  Sens  en  1528  (  Can.  xxiv  )  en  de- 
mande davantage,  «  nec  comam  relaxent,  nec 
barbam  nutriant  ;  sed  tonsuram,  coronam,  seu 
rasuram  habeant ,  secundum  ordinem  suum 
honeste  rasam.  »  Celui  de  Mayence  de  même 
en  1549  (  Can.  lxxiv  ).  a  Barbam  non  nutriant, 
tonsuram  et  coronam  déférentes.  «  Celui  de 
Narbonne  en  1331  (  Can.  xv,  xlv  ).  «Barbam 
radant  saltem  semel  in  mense ,  clerici  sacros 
ordines  consecuti,  maxime  canonici,  etc.  » 

Le  concile  V  de  Milan  en  1579  (  Can.  iv  )  or- 
donna que  la  couronne  des  prêtres  aurait 
quatre  pouces  de  diamètre  ,  celle  des  diacres 
trois  ,  celle  des  sous-diacres  à  peu  près  de 
même,  celle  des  autres  ordres  deux  pouces.  Le 
concile  I  de  Milan  en  1565  (Can.  xxm  )  n'avait 
prescrit  que  de  ne  pas  nourrir  une  longue  barbe 
et  d'en  raser  ou  couper  ce  qui  croit  sur  la  lè- 
vre supérieure,  à  cause  du  sacrifice  de  l'autel  : 
«  Comam  et  barbam  ne  studiose  nutriant,  etc. 
Barba  ab  super  ore  labro  ita  recidatur ,  ut  pili 
in  sacrificio  missae  Cbristi  corpus  et  sanguinem 
sumentem  ne  impediant.  »  Les  ordonnances 
d'Eustaebe  du  Bellay,  évêque  de  Paris,  au 
temps  du  concile  de  Trente  ,  veulent  que  les 
curés  assistent  au  synode,  «  Tousura  et  barba 
rasi.  (Synod.  Paris.,  pag.  294  ).  » 

Le  concile  de  Beims  en  1583  (  Can.  xm,  xvi 
fit  le  même  décret,  conseillant  néanmoins  de 
raser  tout  à  fait  la  barbe,  «  Barbam  aut  om- 
nino  non  gestent,  quod  magis  probamus,  aut 
saltem,  etc.»  Le  concile  de  Tours  en  1583 
«  Barbam  honeste  decurtare.  »  Mais  quant  aux 


moines,  «  Monachi  omnes  coronam  magnam 
in  capite  habeant  et  barbam  rasam.  Celui  d'Aix, 
en  1585,  se  conforma  au  premier  de  Milan. 
Celui  de  Mexique.  «  Comam  non  nutriant,  bar- 
bam novacula  radant.  vel  ita  recidant,  ut  nibil 
seculare  remaneat,  quod  populo  ludibrio  esse 
possit  (L.  ni,  tit.  5,  §  2).  » 

Le  concile  de  Tolose,  en  1590  (Can.  iv),  régla 
les  couronnes  des  divers  ordres,  un  peu  moin- 
dres que  les  conciles  de  Milan.  Le  concile 
d'Avignon,  en  1564  (Can.  xxxu),  voulut  qu'on 
renouvelât  la  couronne  tous  les  huit  jours,  et 
quant  à  la  barbe  il  s'en  tint  au  décret  des  con- 
ciles de  Milan.  Le  concile  d'Aquilée,  en  1596 
(Can.  xi),  s'y  conforma  aussi.  L'assemblée  de 
Melun,  en  1579,  parla  en  ces  termes.  «Barbam 
nutrire  canonicos  parum  honorificum  est,  imo 
promis  indecens  est,  cum  nec  clericorum  ulli 
liceat.  « 

Y.  On  peut  lire  l'admirable  lettre  pastorale 
que  saint  Charles  écrivit  à  son  clergé,  pour 
obliger  tous  les  prêtres  et  tous  les  ecclésiasti- 
ques à  faire  raser  leur  barbe  selon  le  décret 
du  concile  de  Carthage  IV,  et  du  pape  Gré- 
goire VII,  et  selon  l'usage  de  toute  l'Eglise 
Occidentale,  jusqu'à  nos  jours,  surtout  de  celle 
de  Milan,  dont  les  peintures  anciennes  font  foi, 
aussi  bien  que  quelques  prêtres  fort  âgés  et 
rigoureux  observateurs  de  l'antiquité  (Acta 
Eccles.  Mediolan.,  p.  1061). 

Ce  saint  archevêque  fit  une  ordonnance  dans 
son  Ve  synode  diocésain,  qui  est  comme  un 
abrégé  de  sa  lettre  pastorale;  «Barba;  radendœ 
institutum  a  Patribus  in  concilio  Carthaginensi 
sancitum,  quodque  ex  summi  pontificis  Gre- 
gorii  VII  litteris  longe  antiquissimum  esse 
perspeximus,  jam  olim  in  omni  fere  Ecclesia, 
et  in  nostra  hac  Ambrosiana  ad  hrec  usque 
tempora,  ut  nos  vidimus  a  plerisque  sacerdo- 
tilms  antiquœ  sanctioris  disciplinée  studiosis 
conservatum,  ac  deinceps  nostris  litteris  per  nos 
ad  usum  consuetudinemque  revocatum;  ita  in 
perpetuum  retineri  praecipimus  acmandamus, 
ut  unusquisque  sacerdos  et  clericus ,  quocu ni- 
que gradu  dignitateve  prseditus,  barbam  radat 
(Ibidem,  p.  382).  » 

L'évèque  de  Novare  qui  a  écrit  la  vie  de  ce 
saint,  remarque  fort  judicieusement  que  ce 
saint  et  sage  prélat  ne  fit  cette  ordonnance 
qu'après  qu'il  en  eut  rendu  l'observance  pres- 
que générale,  par  ses  remontrances,  par  sa 
lettre  pastorale  qui  ne  contenait  que  des  rai- 
sons et  des  exhortations  sans  commandement. 


21 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-UNIÈME. 


enfin  par  son  exemple;  à  quoi  il  fut  principa- 
lement porté  par  le  désir  d'arracher  de  l'esprit 
des  ecclésiastiques  la  vaine  complaisance  qu'ils 
ont  à  imiter  les  modes  et  les  changements  très- 
fréquents  des  personnes  séculières  dans  ces 
sortes  de  vanités.  «  Jamdudum  id  se  cupere 
ostenderat,  tu  m  ut  corruptelam  sacrorum  ho- 
minum  tolleret,  qui  profanas  militaresque  bar- 
barorum  formas  et  earum  fréquentes  levesque 
mutationesindecore  admodum  imitantnr;  tum 
ut,  etc.  (Surius,  die  Nov.  4,  l,  iv,  c.  9).  »  Gios- 
sano  dit  la  même  chose  (  Giossan.,  1.  iv  , 
c.  x). 

VI.  Jules  II  fut  le  premier  des  papes  qui 
laissa  croître  sa  barbe,  quoique  les  médailles 
des  premières  années  de  son  pontificat  le  repré- 
sentent encore  rasé,  selon  la  coutume  des  an- 
ciens papes  (Sponde.,  an.  1503,  n.  8).  Le  cardinal 
d'Avignon  s'opposant  à  la  création  de  Ressa- 
rion  pour  pape,  n'oublia  pas  cette  nouveauté 
d'élire  un  néophyte  grec,  qui  n'avait  pas  seu- 
lement encore  rasé  sa  barbe  ;  «  Nondum  bar- 
bam  rasit  Ressarion,  et  nostrum  caput  erit? 
(Gobelin.,  1.  i,  p.  24).  » 

Gerson  conte  entre  les  relâchements  des 
ecclésiastiques  de  son  temps  qu'on  ne  portait 
plus  ni  les  cheveux  courts,  ni  la  barbe  rase. 
«  Ubi  ne  clerici  comam,  barbamve  nutriant, 
etc.  (Gerson.,  tom.  i,  p.  206).  »  Au  contraire, 
Pierre  Damien  se  plaint  que  les  clercs  ne  se 
distinguent  plus  des  laïques  par  la  pureté  de 
leurs  mœurs,  mais  par  leur  barbe  rase  seule- 
ment. «  Ut  eos  a  saecularibus  barbirasium  qui- 
dem  dividat,  sed  actio  non  discernât  (Damian., 
1.  vin,  ep.  xv).  Et  ailleurs  exprimant  le  mépris 
que  les  séculiers  faisaient  des  évoques  et  des 
prêtres,   «  Presbyterum  vel  episcopum  abire 


prospiciunt,  barbirasos  se  videre  fatentur  (L.  i 
ep.  n).  » 

Saint  Rernard,  pour  représenter  le  déborde- 
ment des  nouveaux  hérétiques  de  son  temps , 
et  de  leur  clergé,  a  Clerici  ac  sacerdotes,  eccle- 
siis  populisque  relictis,  inlonsi  et  barbati  apud 
eos  inter  textores  et  textrices  plerumque  in- 
venti  sunt  (Serm.  67  in  Cant.).  »  Nicétas  Cho- 
niates  parlant  du  patriarche  latin  de  Constan- 
tinople  Thomas,  «  Malis  ita  rasis  ut  quemad- 
modum  in  impuberi  puero  nullum  pili 
vestigium  cerneretur  (Rainald.,an.  1206,  n.6).» 
Chalcondile  assure  que  tous  les  clercs  de  l'Occi- 
dent se  rasaient,  «  ltali  et  Occidentales  pêne 
omnes  barbam  radunt  (Chai.,  de  Reb.  Turc).  » 

Matthieu  Paris  raconte  que  l'armée  de  Guil- 
laume le  Conquérant  avait  paru  aux  espions  de 
son  ennemi  une  armée  de  prêtres,  parce  qu'ils 
étaient  tous  rasés.  «  Omnes  exercitus  illius 
milites  presbyleros  videri,  eo  quod  faciem  to- 
tam  cum  utroque  labro  rasam  haberent  (Paris, 
in  Prologo).  »  Les  actes  de  Guillaume,  évo- 
que d'Angers,  racontent  comment  la  veille  de 
son  sacre,  il  se  fit  raser  la  barbe  et  la  couronne. 
«  Rasa  barba  et  corona,  ablutoque  capite  ,  etc. 
(Spicileg.,  tom.  x,  p.  289).  » 

Rien  n'est  plus  surprenant  que  la  résolution 
d'un  concile  de  la  province  de  Rourges,  ou  une 
des  circonstances  de  l'interdit  fulminé  sur  un 
pays  entier,  fut  que  ni  les  clercs,  ni  les  laïques 
ne  raseraient  point  leur  barbe,  et  ne  couperaient 
point  leurs  cheveux  que  les  princes  ne  se  fus- 
sent soumis  à  l'Eglise.  «  Nemo  clericorum  aut 
laicorum  tondeatur,  neque  radatur,  quousque 
districti  principes,  capita  populorum,  sancto 
per  omnia  obediant  concilio  (Ribl.  Mss.  Lab- 
bœi,  tom.  n,  p.  792).  » 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


<  IIAPITRE   QUARANTE-DEUXIÈME. 


DE    LA    TONSURE    ET   DE    LA   COURONNE    DES    CLERCS    DANS   L  EGLISE    GRECQUE.    DE    LA    TONSURE 
DES  LAÏQUES   DANS   L'UNE    EL    L'AUTRE   ÉGLISE,    APRÈS    L'AN    MIL. 


I.  Double  tonsure  des  jeunes  clercs  parmi  les  clercs. 

II.  De  la  couronne  des  moines. 

III.  De  la  manière  que  les  Grecs  ordonnent  les  clercs. 

IV.  Ridicules  emportements  des  Grecs  sur  ce  que  les  Latins 
rasaient  leur  barbe. 

V.  Suite  des  mêmes  emportements  jusqu'après  le  concile  de 
Florence. 

VI.  Convenance  et  disconvenance  des  Grecs  et  des  Latins. 

VII.  Les  lois  ecclésiastiques  et  les  canons  des  conciles  contre 
les  laiques  passionnés  pour  leurs  grands  cheveux. 

VIII.  Cet  usage  efféminé  était  venu  des  nations  du  Nord. 

IX.  De  la  tonsure  des  Polonais. 

X.  Les  lois  romaines  et  chrétiennes  effacèrent  les  usages  des 
nations  du  Nord. 

I.  Les  Grecs  ont  deux  sortes  de  tonsure,  l'une 
qu'un  simple  prêtre  donne  aux  jeunes  enfants, 
avec  l'habit  noir,  ce  qui  n'est  qu'une  destina- 
tion à  l'état  ecclésiastique,  et  non  pas  une  en- 
trée au  clergé.  Aussi  ces  enfants  n'en  reçoivent 
aucun  nouveau  pouvoir.  L'autre  est  celle  que 
l'évêque  confère,  et  qui  estinséparablede  l'ordre 
des  lecteurs. 

Le  canon  XIV  du  concile  de  Nicée.  comme 
il  a  été  dit  ailleurs,  réprima  l'audace  précipitée 
de  ceux  qui  n'ayant  encore  reçu  que  la  pre- 
mière de  ces  tonsures  avaient  entrepris  de  faire 
la  fonction  de  lecteurs  dans  l'église. 

Voici  comme  Ralsamon  exprime  le  sens  de 
ce  canon.  «  Quoniam,  inquiunt  Patres,  videmus 
nonnullos  a  pueris  nigris  vestibus  indutos, 
tanquam  Deo  consecratos,  tonsuraque  suscepta, 
non  per  sui  episcopi  manuum  impositionem, 
audentes,  postquam  ad  œtatem  pervenerunt, 
divinas  Scripturas  in  suggestu  légère  non  cano- 
nice,  statuimus  ne  hoc  fiât,  etc.  Neve  quis  divi- 
nas Scripturas  aliter  in  ambone  légat,  quam  si 
tonsurae  characterem  acceperit,  per  episcopa- 
lem  manuum  impositionem.  » 

Cet  auteur  a  observé  plusieurs  fois,  que  ceux 
qui  n'avaient  eu  que  la  première  tonsure ,  de 
quelque  manière  que  ce  put  être  ,  étaient  mis 
au  rang  des  clercs,  et  étaient  véritablement  des 
clercs  à  simple  tonsure,  qui  n'avaient  aucun 
des  ordres  mineurs.  C'est  la  raison  pour  la- 


quelle ils  n'avaient  pas  le  pouvoir  de  lire  les 
Ecritures  dans  l'Eglise. 

II.  La  tonsure  des  moines,  selon  ce  mémo 
canon  (Can.  xiv  ,  ne  donne  pas  non  plus  le  pou- 
voir de  lire  les  Ecritures  dans  l'Eglise.  «  Hoc 
ipsum  in  monachis  servandum  censuimus.  » 
Quoique  ce  canon  même  permette  aux  abbés 
qui  sont  prêtres,  de  faire  des  lecteurs  d'entre 
leurs  religieux,  Innocent  III,  consulté  par  un 
archevêque  de  Rouen  sur  cette  difficulté,  «  Cum 
laici  ad  monasteria  convolantes,  a  suis  abba- 
tibus  tonsurentur ,  requisisti ,  an  clericatus 
ordo  in  tonsura  hujusmodi  conferantur?  (Sy- 
nod.Rotom..  page  201),»  ne  laissa  pas  de  répon- 
dre que,  par  cette  tonsure  les  abbés  conféraient 
la  cléricature ,  si  les  conditions  remarquées 
par  le  VIIe  concile  s'y  rencontraient. 

Ce  ne  sera  peut-être  pas  une  digression  désa- 
gréable, si  nous  remarquons  ici  que,  selon 
quelques  auteurs,  saint  François  avait  laissé 
d'abord  ses  religieux  avec  de  grands  cheveux 
pendants  et  avec  un  habit  de  berger,  mais 
S.  Ronaventure  changea  leur  habit  et  leur 
ordonna  la  tonsure  en  la  manière  qu'on  la  voit 
présentement. 

Saint  Ronaventure  s'oppose  néanmoins  lui- 
même  à  ce  conte,  et  il  assure  que  ce  fut  Inno- 
cent III  (hist.  univ.  Paris.,  tom  m,  page  362) 
qui  approuvant  la  règle  de  saint  François  ,  et 
chargeant  les  laïques  même  d'entre  ses  reli- 
gieux de  prêcher  la  pénitence  aux  fidèles,  leur 
fit  faire  de  petites  couronnes,  afin  de  leur 
donner  plus  de  liberté  et  plus  de  crédit  dans 
le  ministère  de  la  prédication.  «  Approbavit 
regulam,  dédit  depœnitentiaprfedicandaman- 
datum,  et  laicis  fratribus  omnibus,  qui  servum 
Dei  fuerant  comitati,  fecit  coronas  parvulas 
fieri ,  ut  verbum  Dei  libère  pradicarent  (Le- 
genda  sancti  Francisci,  c.  3).  » 

Revenons  à  l'Eglise  grecque  :  Ralsamon  ajoute 
au  même  lieu  que  ceux  qui  ont  reçu  l'habit 


20 


Dl"  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-DEUXIÈME. 


unir  (le  la  main  des  évêques,  ne  peuvent  plus 
se  rengager  dans  l'état  des  laïques .  non  plus 
que  les  moines,  mais  ce  sujet  sera  traité  ailleurs 
pins  au  long. 

III.  Siméon,  archevêque  de  Thessalonique, 
ut  la  description  des  ordinations  grecques 

(De  sacris  ordinal.,  c.  2),  et  commençant  par 
celle  du  lecteur,  il  fait  bénir  un  habit  noir  par 
I'évêque,  et  en  revêt  le  nouveau  clerc  ;  L'évêque 
Le  bénit  ensuite  trois  fois  avec  le  signe  de  la 
croix,  et  il  lui  coupe  les  cheveux  en  forme  de 
croix  en  invoquant  la  Trinité  sainte.  «  Tondet 
episcopuscapillos  capitis  ejus  in  figuram  crucis, 
etc.    Ihid.  c.  i).  » 

Enfin  après  avoir  imposé  les  mains,  et  prié 
sur  celte  nouvelle  tonsure,  il  lui  l'ait  lire  un 
chapitre  de  l'Apôtre,  s'il  fuit  un  lecteur,  ou  un 
psaume  ,  s'il  fait  un  chantre.  Après  cela  ce  lec- 
teur ou  ce  chantre  exerce  presque  toutes  les 
fonctions  de  nos  ordres  mineurs.  Surtout  de- 
puis que  l'office  du  député  ou  de  l'acolyte  a 
été  aboli,  ce  qui  était  une  charge  qu'on  don- 
nait avant  le  lectorat. 

Je  ne  m'amuserai  pas  à  examiner  si  c'est  la 
seule  cérémonie  de  la  tonsure  qui  fait  les 
clins  parmi  les  Grecs  aussi  bien  que  parmi 
les  Latins,  depuis  plus  de  six  cents  ans,  ou  bien 
si  c'est  l'ordre  de  lecteur  qui  se  confère  en 
même  temps.  En  effet,  comme  la  tonsure  et  le 
lectorat  sont  inséparables  dans  l'Eglise  grecque, 
il  importe  peu  de  savoir  si  c'est  de  l'une  seule- 
ment de  ces  deux  cérémonies  saintes,  ou  de 
toutes  les  deux  ensemble  que  dépend  la  qualité 
et  le  rang  éminent  de  la  cléricature  (Eucholog. 
Goarti.,  p.  240). 

Les  Grecs  n'ont  pas  eu  moins  de  conformité 
avec  les  Latins  pour  la  couronne  cléricale,  que 
pour  la  tonsure.  Sous  le  pape  Jean  XX11 ,  en 
1330,  on  apprit  que  les  géorgiens  entre  les 
diverses  sectes  des  chrétiens  orientaux,  avaient 
des  pratiques  fort  singulières  et  celle-ci  entre 
les  autres,  que  les  clercs  y  portaient  une  cou- 
ronne ronde,  el  (pic:  celle  dis  laïques  était 
carrée.  «  Clerici  eorum  rotondas  habenl 
coronas,  laici  vero  quadratas  Bzovius,  an. 
1330.  n.  57  .  » 

IV.  Ce  n'a  donc  été  que  la  pratique  des 
Latins  de  raser  leur  barbe,  qui  a  choqué  les 
Grecs.  Nous  avons  déjà  touché  ce  qui  se  passa 
sur  ce  sujet  au  temps  de  Photius.  Cette  même 
plainte  se  renouvela  dans  le  onzième  siècle,  et 
dans  la  célèbre  dispute  du  cardinal  Ilnmbcrt , 
contre  les  Grecs,  dans  Constantinople  même. 


L'extravagance  et  l'emportement  des  Grecs  pour 
un  sujet  si  in  lifférent ,  et  après  tout  si  frivole  , 
allait  jusqu'à  exclure  de  leur  communion  les 
Latins,  au  rapport  du  même  cardinal  Humbert; 
«  Capillos  capitis  et  barba:  nutrientes  ipsi,  eos 
qui  comam  tondent,  et  secundum  institutio- 
nem  Romanae  Ecclesiœ  barbas  radunt,  in  com- 
munione  non  recipiunt  Raronius  ,  an.  1054, 
n.  24).  » 

Pierre,  patriarche  d'Antioche.  prit  la  défense 
de  l'Eglise  latine  dans  cette  occasion,  et  écrivit 
a  Michel  Cérulaire,  patriarche  de  Constantinople 
qui  avait  rallumé  toutes  ces  vieilles  contesta- 
tions, pour  lui  montrer  que  si  les  Grecs  por- 
taient le  haut  de  la  tête  rasé,  et  préféraient 
cette  couronne  à  celle  des  rois  même,  quoique 
ce  ne  fût  qu'une  image  de  celle  que  les  païens 
firent  à  saint  Pierre ,  par  une  insolente  mo- 
querie .  les  latins  pouvaient  bien  raser  leur 
menton,  parce  que  les  infidèles  firent  encore 
cet  outrage  au  même  prince  des  Apôtres.  «  Nos 
etenim  etiam  eoronam  in  capite  gestamus  pro 
veneratione  procuïdubio  principis  Apostolorum 
Pétri ,  super  quem  Dei  Ecclesia  est  superœdi- 
licata.  Quod  enim  impii  illi  ad  contumeliam 
illius  sancti  excogitaverunt ,  hoc  nos  pie  ad 
gloriam  et  honorem  ipsius  facimus.  Romani 
quidem  barbam  radentes  (Ibid.  .  » 

Pierre  de  Rlois  donne  la  même  raison  de 
ces  cérémonies  sacrées  (  In  c.  i  Job).  » 

V.  Il  est  étrange  qu'une  nation  aussi  spiri- 
tuelle que  la  nation  grecque,  ait  pu  s'opiniàtrer 
si  longtemps,  et  s'emporter  avec  tant  de  chaleur 
dans  une  dispute  aussi  déraisonnable,  et  pour 
un  sujet  aussi  léger. 

Au  temps  du  concile  de  Florence  ce  feu  se 
ralluma,  et  Gennadius,  patriarche  de  Constan- 
tinople ,  qui  fit  l'apologie  de  ce  concile,  repro- 
cha aux  Grecs  qu'il  fallait  bien  que  la  doctrine 
et  la  police  des  Latins  leur  eût  paru  à  eux-mê- 
mes entièrement  irréprochable,  puisqu'ils 
n'attaquaient  que  ces  pratiques  innocentes. 
«  Romanum  tantum  Pontificem  reprehendere 
vultis.  Ouare?  Quia  latinus  et  barbam  radit, 
atque  quarta  feria  et  parasceve  oleum ac pisces 
comedit.»Et  plus  bas,  »  Non  quia  peccatorest, 
refugitis  ci  obedire,  sed  quia  latinus  est,  et 
barbam  tondit  (Gennad.  Ex.  pos.  pro  Cou. 
Flor.,  c.  :..  S:  et.  i.  c.  13.)» 

Dans  le  concile  deLatransouslepapeLéonX, 
en  1514,  l'archevêque  de  Gnesne  lit  voir  un 
dénombrement  des  erreurs  des  Ruthéniens 
ou  des  Moscovites,  qui   sont  les  mêmes  que 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


27 


celles  des  Crées,  où  celle-ci  n'est  pas  omise. 
«  Dicunt  Christi  fidèles  peccare  mortaliter, 
quod  barbas  radant  et  manducant  suffocata,  etc. 
(Rainald.,  n.  82).  » 

VI.  Je  passerai  aux  laïques  de  l'une  et  de 
l'autre  Eglise ,  après  avoir  touché  ces  diffé- 
rences entre  le  clergé  grec  et  latin.  1°  Quoique 
les  Grecs  distinguent  la  tonsure  d'avec  le  pre- 
mier ordre  mineur,  il  ne  les  sépare  pourtant 
pas.  Ainsi  il  n'y  a  point  de  clerc  parmi  eux  qui 
ne  soit  au  moins  lecteur,  ou  chantre. 

2°  Quoiqu'ils  aient  les  mêmes  ministères  de 
nos  quatre  ordres  mineurs,  ils  les  commettent 
tous  ou  aux  lecteurs,  ou  aux  chantres,  ou  aux 
sous-diacres,  comme  il  a  paru  ci-dessus ,  et 
comme  on  peut  le  voir  dans  le  traité  de  Siméon , 
archevêque  de  Thessalonique. 

3°  Le  sous-diaconat  est  encore  parmi  eux  entre 
les  ordres  mineurs,  comme  il  est  manifeste  par 
le  même  traité ,  d'où  vient  que  selon  cet  arche- 
vêque, les  évèques  grecs  le  confèrent  hors  du 
sanctuaire  ,  aussi  bien  que  l'ordre  des  lecteurs 
ou  des  chantres. 

4°  Les  chantres  et  les  lecteurs  semblent  ne 
faire  qu'un  seul  ordre  parmi  eux,  puisque  toute 
la  différence  de  leur  ordination  ne  consiste 
qu'en  ce  qu'après  l'ordination  faite ,  l'un  lit 
une  leçon  des  épîtres  de  saint  Paul,  et  l'autre 
chante  un  psaume.  En  effet,  lire  et  chanter  les 
louanges  de  Dieu  ne  sont  qu'une  même  chose, 
et  souvent  le  lecteur  chante,  le  chantre  lit,  la 
lecture  même  est  un  chant  modéré  ;  le  chant 
n'est  qu'une  lecture  animée.  On  ne  savait  à 
Alexandrie,  selon  saint  Augustin,  si  le  chantre 
lisait,  ou  s'il  chantait,  tant  son  chant  approchait 
d'une  simple  lecture. 

5e  Les  Grecs  n'ont  pas  été  si  rigides  obser- 
vateurs que  les  Latins,  ni  de  la  tonsure  ,  ni  de 
la  couronne.  Car  quoique  la  cléricature  com- 
mençât parmi  eux  par  la  tonsure,  ils  n'étaient 
pas  après  cela  si  scrupuleux ,  ou  si  religieux  à 
porter  les  cheveux  courts. 

On  ne  remarque  pas  non  plus  que  leurs  ca- 
nons, ou  leurs  écrivains  soient  aussi  empressés 
que  dans  l'Eglise  latine  pour  la  couronne , 
quoiqu'ils  fissent  profession  de  la  porter. 

En  revanche  les  Grecs  ont  bien  de  l'avantage, 
en  ce  que  leurs  bénéfices  n'ont  pas  été  pour 
ainsi  dire  prostitués  aux  simples  clercs,  ou  aux 
lecteurs,  comme  il  est  arrivé  dans  l'Eglise  latine, 
qui  a  néanmoins  fait  des  efforts  pour  remédier 
à  un  désordre  si  visible,  comme  nous  le  ferons 
voir  dans  la  suite. 


VIL  Passons  donc  aux  laïques,  sur  lesquels 
il  s'est  toujours  fait  un  rejaillissement  de  la  piété 
de  ecclésiastiques  .  et  dont  l'exemple  aussi  en 
échange  peut  imprimer  une  salutaire  con- 
fusion aux  clercs,  peu  amateurs  de  la  régu- 
larité. 

Le  concile  de  Rouen  en  1096(Can.  vi)  défendit 
aux  séculiers  même  les  cheveux  trop  longs, 
sous  peine  d'être  privés  de  l'entrée  de  l'Eglise, 
etdela  sépulture  ecclésiastique.  «  Nullus  homo 
comam  nutriat,  sed  sit  tonsus,  sicut  decet 
christianum  alioquin  a  liminibus  sanche  ma- 
tris  Ecclesiae  sequestrabitur,  nec  sacerdos  ali- 
quis  divinum  ei  officium  faciet,  vel  ejus  sepul- 
turae  intererit.  » 

Le  concile  de  Londres  en  1102  (Can.  xxni) 
donna  une  mesure  réglée  aux  cheveux ,  en 
sorte  que  les  yeux  et  les  oreilles  fussent  à  décou- 
vert. «  Ut  criniti  sic  tondeantur,  ut  pars 
aurium  appareat,  etoculi  non  tegantur.»  Saint 
Anselme  (Ansehn.,  1.  3.  Ep.  C>2,)  nous  apprend 
que  dans  ce  concile  on  interdit  l'entrée  de 
l'Eglise  à  ceux  qui  refusaient  de  couper  leurs 
longs  cheveux;  «  De  his  qui  tonderi  nolunt, 
dictum  est,  ut  Ecclesiam  non  ingrederentur  ; 
non  tamen  prœceptum  est,  utsi  ingrederentur, 
cessarent  sacerdotes  :  sed  tantum  annuntia- 
rent  illis,  quia  contra  Deum  ,  et  ad  damnatio- 
nem  suam  ingrediuntur.  » 

Eadmer  dit  que  saint  Anselme,  après  avoir 
prêché  avec  beaucoup  de  force  contre  ces 
longs  cheveux,  en  mit  plusieurs  en  pénitence 
le  premier  jour  des  cendres,  et  refusa  les  cen- 
dres et  l'absoute  à  tous  ceux  qui  refusèrent  de 
le?  couper.  «  A  cinerum  susceptione.et  a  suae  ab- 
solutionis  susceptione  suspendit  (Eadmer.  hist. 
Nov.,  1.  i,etc.)  »  Cet  auteur  dit  qu'après  la  mort 
de  saint  Anselme  cette  folle  passion  s'enflamma 
encore  plus  qu'auparavant. 

Le  moine  Orderic  nous  a  découvert  l'occa- 
sion qui  obligea  les  conciles  à  armer  tonte  la 
sévérité  des  canons  contre  cette  mollesse  des 
laïques  dans  leurs  cheveux,  et  dans  leurs  habil- 
lements. Il  raconte  comment  après  la  mort  du 
pape  Grégoire  VII,  de  Guillaume  le  Conquérant 
et  tie  quelques  autres  princes  religieux,  les 
peuples  s'étaient  abandonnés  à  un  relâchement 
universel,  et  à  des  ajustements  inouis  jus- 
qu'alors ;  des  manches  pendantes,  des  queues 
traînantes,  des  souliers  cornus,  de  grands 
cheveux,  de  longues  barbes,  faisant  servir  à 
leur  impureté  les  marques  anciennes  de  la 
pénitence  (An.  1089.  p.  682.  Scriptor.  Norm.) 


28 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-DEUXIÈME. 


En  effet,  les  pénitents  laissaient  croître  leur 
barbe  et  leurs  cheveux,  pour  marquer  le  deuil 
et  la  tristesse  salutaire ,  qui  expiait  les  joies 
criminelles  de  leur  vie  passée.  «  Femineam 
nunc  mollitiem  petulans  juventusamplectitur, 
etc.  Nu  tri  un  t  comas,  utmeretrices.  Olim  pœni- 
tenles ,  et  capti  et  peregrini  usualiter  intonsi 
erant,  longasque  barbas  gestabant,  indicioque 
tali  pœnitentiam  pra?tendebant.  Nunc  vero  pêne 
universi  populares  cerriti  sunt,  etbarbatuli, 
palam  manifestantes specimine  tali,  quod  sor- 
dibus  libidinjs  gaudent,  etc.  » 

Ce  même  auteur  met  une  invective  atroce 
dans  la  bouche  de  l'évêque  de  Séez  en  pré- 
sence du  roi  d'Angleterre,  contre  ce  même 
désordre ,  où  les  mêmes  raisons  et  plusieurs 
autres  sont  poussées  avec  beaucoup  de  force. 
«  Omnes  femineomorecriniti  estis  :  quod  non 
decet  vos,  qui  ad  similitudinem  Dei  facti  estis 
et  virili  robore  perfrui  debetis.  Paulusait,  vir 
si  comam  nutriat,  ignominia  est  illi,  etc.  Ro- 
mani Pontifices,  aliique  antistites  temerariam 
usurpationem  in  synodis  suis  ex  autoritate 
divina  eondemnaverunt,  etc.  Ecce  squallorem 
peenitentise  eonverterunt  in  exercitium  luxu- 
riœ  (An.  1104.  pag.  816).  » 

Ce  qu'il  dit  des  papes  et  des  conciles  se  doit 
apparemment  rapporter  au  concile  de  Cler- 
montsousUrltain  H,  dont  nous  n'avons  peut-être 
pas  les  canons  entiers,  mais  d'où  le  concile 
de  Rouen  ci-dessus  rapporté  a  emprunté  les 
siens. 

VIII.  Il  est  vrai  qu'autrefois  la  noblesse 
d'Espagne  se  distinguait  des  roturiers  par  la 
longue  chevelure  ;  selon  le  témoignage  de 
Mariana  au  temps  du  roi  Leuvigilde,  «Majorum 
instituto  atque  more  ,  nobilitas  promissa  cœsa- 
rie  continebatur  (L.  5.  c.  xiv).  »  Et  ailleurs, 
sous  le  roi  Yamba ,  «  Rex  ponere  ca>sariem , 
qua  nobilitatis  insigne  continebatur,  et  decal- 
vari  satis  habuit  (L.  0.  c.  xm).  » 

Ditmar  raconte  qu'à  l'entrée  de  l'empereur 
Henri  à  Rome  en  101  A,  de  douze  sénateurs  qui 
l'accompagnèrent,  il  y  en  avait  six  sans  barbe. 
«  Sex  rasi  barba,  alii  prolixa  mystace  incede- 
bant  (Raronius,  an.  1014.  n.  i).  » 

Ces  longs  cheveux  de  la  noblesse  ancienne 
des  Yisigoths  d'Espagne  étaient  les  restes  des 
coutumes  qu'ils  n'avaient  encore  pu  entiè- 
rement effacer  du  lieu  de  leur  première  ori- 
gine. Il  en  faut  dire  autant  de  celle  de 
France. 

Ces  nations  septentrionales  s'étant  trouvées 


dans  le  climat  de  l'empire  romain  ,  s'accoutu- 
mèrent insensiblement  à  la  manière  de  vivre 
des  Romains,  suivirent  leurs  lois,  et  ensuite 
celles  du  christianisme.  C'est  pourquoi  ces 
peuples  retranchèrent  la  superfluité  de  leur 
chevelure  :  et  si,  dans  la  manière  de  se  mettre, 
ils  n'imitèrent  pas  parfaitement  la  simplicité  et 
la  modestie  des  clercs,  du  moins  ils  en  appro- 
chèrent beaucoup. 

Radevic  nous  l'ait  voir  dans  l'empereur  Frédé- 
ric premier,  l'image  d'un  empereur  romain  et 
le  modèle  de  toute  la  noblesse  civilisée  par  l'u- 
sage des  lois  romaines  et  des  lois  ecclésiasti- 
ques. 

Voici  le  tableau  de  l'empereur  romain  qu'on 
pourrait  prendre  pour  celui  du  pontife  ro- 
main, tant  il  s'était  répandu  de  modestie  sur 
la  personne  même  de  l'empereur,  qui  servait 
de  modèle  à  toute  la  noblesse  et  à  toutes  les 
personnes  de  condition.  «  Aures  vix  super  ja- 
centibus  crinibus  operiuntur,  tonsore,  pro  re- 
verentia  imperii,  pilos  capitis  et  genarum  assi- 
dua  succisione  curtante  (L.  u,  de  gestis  Fride- 
rici,  c.  70).  » 

Ce  ne  peut  être  que  par  une  bizarrerie  des 
modes  diverses  parmi  tant  de  nations,  que  les 
ambassadeurs  persans  à  Rome  sous  Pie  II,  pa- 
rurent presque  rasés  comme  nos  moines,  si 
nous  en  croyons  Gobelin.  «  Persici  oratores  in 
more  nostrorum  monachorum,  servata  capil- 
lorum  parva  corona,  totumeaputtonsum.  Ejus 
qui  ex  Mesopotamia  venit,  pari  modo,  sed  in 
vertice  summo  parvus  manipulus  visebatur, 
quemadinodum  gentiles  gestasse  flamines  in 
pileo  lerunt  (L.  v.  p.  127.  Rainald.,  an.  1 160. 
n.  101).  »  Mais  ce  qui  a  été  ci-dessus  rapporté 
des  Géorgiens  mérite  une  considération  toute 
particulière  ;  savoir  que  les  laïques  y  portaient 
des  couronnes  carrées,  comme  celle  des  clercs 
était  ronde. 

Il  n'en  faut  pas  dire  davantage  pour  justifier 
le  décret  du  concile  de  Tours  en  1583  (Cap.  v), 
qui  renouvela  l'ancienne  excommunication  du 
concile  de  Constantinople  in  Trullo ,  contre 
ceux  qui  affectaient  des  ajustements  artificieux 
dans  leur  chevelure,  pour  entretenir  une  va. 
nité  scandaleuse  parmi  les  fidèles.  «  Ideoque 
ex  concilii  generalis  Constantinopolitahi  in 
Trullo  habiti  decreto,  excommunicationi  sub- 
jacere  eos  omnes  diffinimus,  quicapillos  ad  vi- 
dendum  detrimentum  scite  excogitatis,  nexi- 
bus  adornant,  et  componunt,  et  inflrmis  ani- 
mis  escam  ea  ratione  objiciunt.  » 


DE  LA  TONSURE  ET  DE  LA  COURONNE. 


ç>9 


IX.  Cette  digression  sur  les  laïques  nous  re- 
mettra dans  notre  sujet,  par  L'exemple  mémo- 
rable de  la  nation  polonaise,  à  qui  Benoît  IX 
donnant  pour  roi  le  prince  Casimir,  qu'il  tirait 
de  l'abbaye  de  Cluny,  où  il  avait  fait  profes- 
sion, et  le  dispensant  des  obligations  du  diaco- 
nat ,  il  leur  imposa  en  échange  une  partie  des 
marques  de  la  cléricature. 

En  effet,  il  les  obligea  de  couper  leurs  grands 
cheveux,  qui  étaient  comme  les  restes  de  leur 
ancienne  barbarie  et  de  s'accommoder  à  la 
tonsure  de  toutes  les  provinces  de  l'empire  ro- 
main dans  l'Occident,  c'est-à-dire  à  leur  ma- 
nière si  chrétienne  et  si  conforme  aux  pré- 
ceptes de  l'apôtre  saint  Paul,  de  porter  les  che- 
veux courts,  en  sorte  que  les  oreilles  ne  fussent 
pas  tout  à  fait  cachées.  Voici  les  paroles  de 
Longin  dans  son  histoire  de  Pologne.  «  Ca?sa- 
riem  capitis  et  comam  barbaro  more  non 
nutrire  ,  sed  auribus  patentibus  instar  reli- 
giosorum    latinarum    nationum    tonsuratum 


caput  gestare  (Baronius,  an.  1041. n.  M).  » 

Nous  dirons  dans  la  suite  comment  il  les 
obligea  aussi  de  porter  comme  une  étole  en 
certains  jours  de  grandes  fêtes. 

X.  En  voilà  assez  pour  ne  plus  douter  que  la 
longueur  démesurée  des  cheveux  n'ait  été  un 
usage  des  nations  barbares,  qui  fondirent  du 
Nord  dans  l'Italie,  dans  l'Espagne  .  dans  la 
France  et  dans  l'Angleterre,  où  elles  apprirent 
par  leur  salutaire  mélange  avec  les  Romains 
déjà  civilisés  et  encore  plus  avec  les  chrétiens, 
dont  la  police  est  toute  céleste,  de  retrancher 
ces  vaines  superfluités  pour  se  conformer  à  la 
voix  de  la  nature  et  au  précepte  de  saint  Paul. 
La  tonsure  des  ecclésiastiques  ne  fut  d'abord 
que  la  marque  du  retranchement  des  choses 
superflues  :  cette  même  modestie  dans  la  che- 
velure, fut  dans  le  commencement  commune 
à  tous  les  laïques  qui  se  distinguaient  par  leur 
piété.  On  y  ajouta  la  couronne  par  des  raisons 
dont  nous  avons  parlé  ci-dessus  (I). 


(1)  A  l'exception  de  certains  ordres  religieux  qui  portent  autour 
de  la  tête  rasée  un  cercle  de  cheveux,  la  tonsure  des  clercs  n'est 
plus  aujourd'hui  qu'un  rond  au  sommet  de  !a  tête,  plus  ou 
moins  large,  selon  l'ordre.  Mais  une  particularité  que  l'on  ignore 
généralement,  c'est  que  le  souverain  pontife  a  seul  conservé  le  grand 
cercle  de  cheveux.  Ferraris,  savant  canonîste  du  xviire  siècle,  constate 
ce  fait  :  o  Amplior  tonsura  solet  deferri  a  summo  pontifice,  qui  etîam 
impraesentiarum  retinet  coronam  a  primordiis  Ecclesiae  usitatam. 
(Prompta  biblioth.  canonica,  jurid.  mor.  Ferraris,  vo  clericus,  art.  1, 
no  52).  d  Nous  constatâmes  nous-même  en  1832  cette  particularité 
sur  la  vénérable  tête  du  pape  Grégoire  XVI.  C'est  un  cercle  de  che- 
veux semblable  à  celui  des  religieux.  Les  portraits  des  premiers  papes 
sont  tous  représentés  avec  l'antique  couronne  de  cheveux. 

Jusqu'en  1814,  le  gouvernement  exigeait  en  France  que  les  évé- 
ques  lui  présentassent  la  liste  de  cens  qu'ils  appelaient  à  la  tonsure, 
qui  est  l'initiation  cléricale  qui  les  dispensait  du  service  militaire. 
Aujourd'hui  les  évéques  peuvent  admettre  tous  ceux  en  qui  ils  trou- 
vent les  signes  d'une  vocation  certaine,  sans  être  soumis  à  cette  es- 
pèce àeplacet  du  pouvoir.  C'est  l'article  26e  des  organiques  qui  avait 
établi  cette  réserve.  Le  voici  :  «  Les  évéques  ne  pourront  ordonner 
a  aucun  ecclésiastique  s'il  ne  justifie  d'une  propriété  produisant  au 
o  moins  un  revenu  annuel  de  trois  cents  francs,  s'il  n'a  atteint  lage 
n  de  25  ans,  et  s'il  ne  réunit  les  qualités  requises  par  les  canons  reçus 
o  en  France.  Les  évéques  ne  feront  aucune  ordination  avant  que  le 
s  nombre  des  personnes  à  ordonner  ait  été  soumis  au  gouvernement 
o  et  par  lui  agréé.  » 


Durant  le  xvme  siècle,  une  révolution  s'opéra  dans  la  chevelure 
des  clercs.  A  l'exemple  des  laïques,  ils  adoptèrent  d'immenses  per- 
ruques et  l'usage  de  la  poudre.  Les  souverains  pontifes  s'élevèrent 
promptement  contre  cet  usage  mondain.  Par  un  édit  du  1  mai  1701, 
Clément  XI  frappa  de  suspense  ipso  facto  tout  prêtre  qui  ferait 
usage  de  la  perruque  dans  les  églises  de  Rome  ;  le  20  décembre  1724, 
BeDoit  XIII  renouvela  cette  pénalité  et  y  ajouta  une  amende.  Les 
conciles  provinciaux  et  les  synodes  diocésains  furent  unanimes  à 
proscrire  la  perruque  et  la  poudre.  Parmi  ceux  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  nous  croyons  devoir  citer  celui  d'Alexandrie  en  Piémont, 
tenu  en  1732,  parce  qu'il  dépeint  parfaitement  cette  mode  disparue 
aujourd'hui  :  «  Multo  magis  prœcipimus,  »  dit  ce  synode  au  chap.  x 
de  vit.  et  honest.  cleric.  a  ne  quis  ex  clericis  comam  nutriat  vel  con- 
cinet  vel  coma  fictitïa  utatur,  neque  pulvere  Cyprio  aspergat  ;  quod 
si  nécessitas  postulaverit  comam  fictitiam,  nonnisi  praevia  concessione 
nostra,  et  omnino  eamdem  juxta  concessionis  formam  adhibebunt, 
ita  ut  in  hac  materia  peccantes  habendi  sunt  tanquam  in  tonsura  non 
incedentes,  iisdem  pœnîs  puniendi.  o  Plusieurs  théologiens  et  cano- 
nistes  taxaient  de  péché  mortel  le  port  de  la  perruque  :  a  Utinam 
criniti  clerici,  »  s'écrie  l'un  d'eux,  a  et  eorum  confessarii  serio  consi- 
déraient delationem  comae  in  ministris  sacris  esse  peccatum  mortale 
(Apud  Ferraris,  v»  Comafictitia).  »  L'usage  de  la  poudre  a  subsisté 
encore   usque  vers  1820  chez  certains  vieux  ecclésiastiques. 

(Dr  A^dré.) 


30 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


CHAPITRE   QUARANTE-TROISIÈME. 


DE   L  IIAEIT    CIVIL   DES   ECCLESIASTIQUES    EN    OCCIDENT.    PENDANT    LES    CINQ    PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Le  pape  Célestiu  blâme  les  évèques  de  France,  de  ce  que 
prenant  les  habits  de  moines,  ils  se  distinguaient  des  laïques, 
autrement  que  par  la  vertu. 

II.  Ce  changement  avait  été  fait  en  France  par  des  moines 
qu'on  avait  faits  évèques. 

III.  Salvien  fait  voir  que  les  moines  étaient  le  sujet  de  la 
risée  du  monde  à  cause  de  leur  habit  ;  ce  qui  ne  convient  pas 
au  clergé. 

IV.  Les  décrétales  des  papes  marquent  tous  les  devoirs  des 
clercs,  sans  jamais  parler  de  leur  habit. 

V.  Le  concile  IV  de  Carthage  ne  leur  recommande  que  la 
modestie  des  habits. 

VI.  Autres  preuves  tirées  de  Julien  Pomère  et  de  saint  Jé- 
rôme. De  l'habit  des  moines.  En  quoi  consistait  le  luxe  des 
habits  des  clercs. 

Vil.  Iles  habits  des  moines  et  des  clercs. 

VIII.  Excessive  sévérité  des  pélagiens,  qui  ne  plait  pas  à  saint 
Jérùme. 

IX.  Quel  fut  l'habit  de  religion  dont  fut  revêtu  saint  Germain, 
quand  un  le  fit  clerc. 

\.  C'était  mi  habit  de  moine.  Grand  nombre  d'évêques  dans 
les  Gaules  qui  joignaient  alors  la  profession  monastique  à  l'é- 
piscopat. 

XI.  Combien  l'ordonnance  du  pape  Célestin  était  raisonnable 
et  juste,  quoique  nos  évèques  n'y  déférèrent  point. 

XII.  Les  raison?  de  n'y  point  déférer  dans  cette  rencontre, 
étaient  aussi  très-justes  et  très-raisonnables. 

MIL  Combien  il  était  important  que  les  évèques  donnassent 
de  grands  exemples  du  mépris  des  vanités  du  monde. 

XIV.  La  vie  commune  qu'ils  menaient  avec  leurs  clercs  était 
une  nouvelle  raison  pour  cela. 

XV.  Nouveaux  exemples  de  saint  Fulgence. 

XVI.  De  saint  Augustin. 

XVII.  De  saint  Cyprien.  Nouvelles  preuves  du  même  saint 
Cyprien  et  de  Tcrtullien. 

XVIII.  Sommaire  de  ce  qui  a  été  dit. 

I.  Nous  avons  prouvé  qu'il  n'y  avait  point 
durant  les  cinq  premiers  siècles  de  clercs  sans 
ordres,  différents  des  laïques  par  leur  tonsure 
seulement;  venons  à  l'habit,  et  montrons  <|ue 
les  ecclésiastiques  n'enavaient  point  dans  la  vie 
civile  qui  les  distinguât  des  séculiers.  Com- 
mençons d'abord  par  une  autorité  si  claire  et 
si  puissante,  qu'il  n'y  ait  point  de  réplique. 

Le  pape  Célestin  écrivit  en  l'an  'r28  aux  évè- 
ques des  provinces  de  Vienne  et  de  Narbonne, 
pour  les  blâmer  d'une  nouveauté  superstitieuse 
qui  s'était  glissée  dans  leur  clergé,  où  les  ec- 
clésiastiques commençaient  de  porter  un  man- 
teau et  une  ceinture,  au  lieu  de  la  tunique  et 
de  la  toge  romaine,  qui  était  l'habit  ordinaire 
des  clercs,  aussi  bien  que  des  laïques.  Ce  grand 


pape  leur  remontre,  que  ce  n'est  pas  à  la  lettre 
qu'il  faut  pratiquer  ce  qu'on  lit  dans  l'Evan- 
gile, de  se  ceindre  les  reins;  qu'il  ne  faut  pas 
se  distinguer  des  laïques  par  les  habits,  mais 
par  la  sainteté  des  mœurs  :  enfin  qu'il  ne  faut 
pas  par  de  nouvelles  superstitions  corrompre 
la  discipline  que  tant  de  saints  évèques  ont 
autorisée. 

a  Didicimus  quosdam  Domini  sacerdotes,  su- 
perstitioso  potius  cultui  inservire,  quam  men- 
tis vel  fidei  puritati.  Amicti  pallio  et  lumbi 
praecincti,  credunt  se  scriptura1  fidem  non  per 
Spiritum,  sed  per  lilteram  completuros.  Nam 
si  ad  hoc  ista  prsecepta  sunt,  ut  taliter  serva- 
rentur  :  curnon  liunt  pariter,  qua?  sequuntur, 
ut  lucernne  ardentes  iii  manibus  una  cum  ba- 
culo  teneantur.  » 

Après  leur  avoir  montré  que  c'est  l'amour 
de  la  chasteté  qui  nous  est  recommandé  dans 
le  sens  véritable,  de  ces  paroles  de  l'Evangile, 
«  Habent  suum  ista  mysterium,  etc.  »  il  leur 
déclare  en  quoi  il  faut  mettre  la  différence  du 
clergé  et  du  commun  des  fidèles  :  «  Discer- 
nendi  a  plèbe  vel  caeteris  sumus  doctrina,  non 
veste;  mentis  puritate,  non  cultu.  » 

Ces  paroles  prouvent  évidemment,  que  ce 
u'était  ni  par  les  cheveux,  ni  par  les  habits  que 
l'on  reconnaissait  les  ecclésiastiques.  Enfin  il 
condamne  cette  nouvelle  coutume  comme  une 
superstition  et  une  injure  faite  aux  anciens 
Pères  et  aux  premiers  évèques  de  l'Eglise. 
«  Unde  hic  habitus  in  Ecclesiis  gallicanis,  ut 
tôt  annorum  tantorumque  ppntificum  in  alte- 
ruin  habitum  consuetudo  vertatur,  etc.  Nam 
si  incipiamus  studere  novitati,  traditum  nobis 
a  Patribus  ordinem  calcabimus,  ut  locum  su- 
pervacuis  superstitionibus  faciamus.  » 

II.  Ce  grand  pape  nous  apprend  dans  la 
même  lettre ,  que  cette  innovation  avait  été 
faite  par  des  moines  qui  avaient  été  faits  évè- 
ques et  avaient  voulu  conserver  dans  l'épisco- 
pat  l'habit  de  leur  première  profession.  «  .Nuit 
mirum   si  contra  ecclesiasticum   morem  fa- 


DE  L'HABIT  CIVIL  1>ES  ECCLÉSIASTIQUES. 


::i 


ciunt,  qui  in  Ecclesia  non  creverunl  :  sed  alio 
venientes  itinere,  secum  haec  in  Ecclesiam, 
qua?  in  alia  conversatione  habuerant,  intule- 
ruiit.  » 

Il  ajoute  que  celte  manière  extraordinaire 
de  se  vêtir  est  peut-être  supportable  à  des 
moines  qui  vivent  dans  la  solitude  ;  mais  que 
les  évoques  des  Gaules  ne  peuvent  point  en 
user  sans  condamner  leurs  prédécesseurs,  ou 
sans  se  condamner  eux-mêmes  en  les  aban- 
donnant. «  Habeant  tamen  istum  forsitan  cul- 
tum,  morem  potius  quam  rationem  sequentes, 
qui  remotioribus  habitant  locis ,  et  procul  a 
cœteris  degunt.  Unde  bic  habitus  in  Ecclesiis 
Gallicanis,  etc.  »  Il  conclut  enfin  par  ces  mots  : 
«  Non  est  imponendum  oculis,  sed  mentibus 
infundenda  praecepta  sunt.  » 

III.  Salvien  nous  a  fait  voir  ci-devant  com- 
bien les  personnes  séculières  avaient  en  hor- 
reur les  moines  qui  passaient  quelquefois  par 
les  grandes  villes,  couverts  d'un  manteau  et  la 
tête  rasée  :  «  Palliati,  et  recisis  usque  ad  cutem 
comarum  jubis.  »  Voici  comme  il  parle  ail- 
leurs à  un  moine  relâché  qui  n'avait  que  l'ex- 
térieur d'un  solitaire  :  «  Licet  religionem  ve- 
stibus  simules,  licet  fidem  cinguloafferas,  licet 
sanctitatem  pallio mentiaris.  (AdEccl.  C.atbed., 
1.  iv).  » 

Si  cette  différence  d'habits  rendait  les 
moines  ridicules  aux  yeux  des  hommes  char- 
nels, le  clergé  n'avait  garde  de  l'affecter,  puis- 
qu'il fait  profession  de  gagner  et  d'attirer  tout 
le  monde.  Saint  Paulin  nous  a  aussi  fait  voir 
dans  le  chapitre  XXXVII,  les  solitaires  vêtus 
de  la  même  manière,  «  veste  succincti,  sagulis 
palliati  (Epist.  vu)  ;  »  et  il  fait  gloire  au  même 
endroit  de  s'attirer  par  cet  habit  le  mépris  du 
monde  :  «  Hujusmodi  hominum  et  vultus,  et 
habitus,  et  odor  nauscam  illis  facit,  quibus 
odor  mortis  est  in  odorem  vita?  (Epist.  x).  » 

Il  remercie  ailleurs  celui  qui  lui  avait  en- 
voyé un  habit  convenable  à  la  profession  qu'il 
faisait  de  solitaire  :  c'était  un  manteau  de  poil 
de  chameau  :  «  Pallia  camelorum  pilis  texla.  » 
11  lui  envoie  en  échange  une  tunique  de  peaux 
d'agneau  :  «  Tunicam  de  tenero  agnorum  vol- 
ière contextam  (De  habitu  Monach.,  1.  i.  c.  I, 
etc.)  »  Voyez  ce  que  dit  Cassien  des  ceintures 
et  des  autres  habits  propres  aux  solitaires. 

IV.  Je  viens  à  d'autres  preuves.  Le  pape  Si- 
rice  a  marqué  avec  une  exactitude  admirable 
dans  une  de  ses  lettres,  tous  les  devoirs  et  toutes 
les  démarches  de  ceux  qui  se  dévouent  à  l'état 


ecclésiastique.  Il  veul  que  dès  leur  enfance  ils 
reçoivent  le  saint  baptême  et  en  même  temps 
l'ordre  des  lecteurs  :  il  leur  permet  ensuite  de 
se  marier  ;  et  pourvu  qu'ils  vivent  chastement 
et  chrétiennement  jusqu'à  l'âge  de  trente  ans, 
il  permet  qu'on  leur  donne  l'ordre  <t  qu'on 
leur  fasse  exercer  les  fonctions  des  acolytes  et 
des  sous-diacres.  Il  ne  les  oblige  à  la  conti- 
nence que  lorsqu'on  les  élèvera  au  diaconat. 

Outre  que  ce  pape  ne  parle  ni  de  la  tonsure, 
ni  de  l'habit  propre  et  singulier  du  cierge; 
quelle  apparence  y  a-t-il,  que  tous  ces  clercs 
qui  vivaient  dans  le  mariage  au  milieu  de  leur 
famille,  fussent  autrement  vêtus  que  les  plus 
modestes  d'entre  les  autres  chrétiens  (  Siric. 
Epist.  i.  c.  9,  10)  ?  Le  pape  saint  Léon  parle  en 
quelque  endroit  de  l'habit  particulier  des 
vierges  qui  se  consacraient  à  Dieu  :  «  Puellse 
(|u;e  virginitatis  propositum  atque  babitum 
susceperunt  (Epist.  xcn.  c.  19).  »  Mais  ni  lui,  ni 
aucun  des  anciens  papes  n'a  parlé  en  aucun 
endroit  de  l'habit  propre  des  ecclésiastiques. 

V.  Le  concile  IV  de  Carthage  (Can.  xlv),  n'a 
rien  oublié  des  devoirs  importants  de  tous  les 
ecclésiastiques.  Aussi  n'a-t-il  pas  omis  de  leur 
recommander  la  modestie  dans  leurs  habits  et 
dans  leurs  souliers  ;  mais  cela  suffit  pour  nous 
persuader  que,  ni  pour  la  couleur,  ni  pour  l'é- 
toffe, ni  pour  la  forme  des  habits,  les  clercs 
n'avaient  rien  qui  les  distinguât  des  laïques, 
si  ce  n'est  une  modestie  et  une  fuite  singulière 
de  la  vanité  du  monde.  «  Clericus  professio- 
nem  suam  et  in  habitu,  et  in  incessu  probet  : 
et  née  vestibus  ,  nec  calceamentis  decorem 
quaerat.  »  Dans  les  habits  aussi  bien  que  dans 
la  démarche,  le  clerc,  selon  ce  canon,  ne  doit 
rien  affecter  que  la  simplicité. 

VI.  Julien  Pomère  nous  a  dépeint  ceux  que 
ce  canon  semble  avoir  notés,  à  cause  de  leurs 
robes  traînantes  et  de  leur  démarche  molle  et 
atrectée.  «  Taceo  de  illis,  qui  undante  lapsa- 
bundi  corporis  motu,  defluentibus  in  talos  ve- 
stimentis  incedunt,  et  vagis  Iaterum  flexibus 
quodammodo  fluctuantes,  etc.  (De  vita  Con- 
templ.,  lib.  h,  c.  A).  »  Voilà  tout  ce  qu'on  pou- 
vait blâmer  dans  les  habits  des  ecclésiastiques, 
en  un  temps  où  tous  les  honnêtes  gens  étaient 
vêtus  de  long  ,  et  où  les  personnes  vertueuses 
ne  pouvaient  se  signaler  que  par  la  modestie 
et  la  simplicité. 

Saint  Jérôme  nous  enseigne  la  même  vérité. 
«  Si  leclor,  si  acolylhus,  si  psaltes  te  sequitur, 
non  ornentur  veste,  sed  moribus  :  nec  calami- 


32 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


stro  crispent  comas ,   sed   pudicitiam   habitu 
poUiceantur  [Ad  Nepoti  de  vita  Cleric).  » 

Un  peu  plus  bas  dans  la  même  lettre,  ce  sa- 
vant Père  fait  clairement  voir  que  l'habit  noir 
n'était  pas  encore  ordonné  aux  ecclésiastiques; 
il  leur  détend  même  de  s'en  servir,  aussi  bien 
que  d'un  habit  dune  éclatante  blancheur. 
«  Vestes  pullas  aeque  devita,  ut  candidas  :  or- 
natus,  ut  sordes  pari  modo  fugiendae  sunt  : 
quia  alterum  delicias,  alterum  gloriam  re- 
dolet.  » 

Cette  blancheur  éclatante  était  une  marque 
d'une  excessive  délicatesse  :  l'habit  noir  était 
réservé  aux  moines  et  aux  pénitents;  et  c'eût 
été  une  humilité  affectée,  et  une  véritable 
vanité  à  de  jeunes  ecclésiastiques  de  s'en  re- 
vêtir. 

Saint  Jérôme  les  exhorte  à  prendre  le  milieu, 
et  à  se  faire  reconnaître  par  une  médiocrité  qui 
n'ait  rien  de  remarquable.  Il  n'approuve  pas 
même  qu'ils  s'abstiennent  de  porter  du  linge, 
si  leur  amour  pour  la  pauvreté  évangélique,  et 
leur  vie  mortifiée  ne  répond  à  cela. 

a  Non  absque  amictu  lineo  incedere,  sed 
pretium  vestium  linearuni  non  habere,  lauda- 
bile  est.  Alioqui  ridiculum  et  plénum  dedeco- 
ris  est,  referto  marsupio,  quod  sudarium,  ora- 
riumque  non  habeas,  gloriari.  »  A  quoi  il  faut 
ajouter  ce  qu'il  dit  ailleurs  :  «  Quid  prodest 
circa  collum  ad  abstergendos  sudores  linteolum 
non  habere,  quidjuvat  esse  |unoxCt»>v«î,  et  prae- 
ferre  habitu  paupertatem  ;  cum  marsupium 
nostrum  universa  pauperum  turba  suspiret?  » 

Voici  de  quelles  couleurs  ce  même  Père  (In 
Miclueam,  c.  m)  dépeint  ailleurs  les  ecclésias- 
tiques qui  faisaient  voir  la  vanité  de  leur  àme, 
et  la  disposition  de  leur  cœur  dans  le  luxe  de 
leurs  habits  et  dans  le  soin  qu'ils  prenaient  de 
friser  leur  cheveux.  «Omnis  bis  cura  de  vesti- 
bus ,  si  bene  olente  ;  si  pes  laxa  pelle  non  fol- 
leat.  Crines  calamistri  vestigio  rotantur  :  digiti 
annulis  radiant  :  et  ne  plantas  humidior  via 
spargat,  vix  imprimunt  summa  vestigia.  Taies 
cuin  videris,  sponsos  magis  existimato,  quant 
clericos  (Ad  Eustoc,  ad  custodia  virginit.).  » 

VII.  Les  commencements  même  de  la  con- 
version de  Népotien  furent  bien  autres  :  il  est 
vrai  qu'il  changea  d'habit,  mais  ce  ne  fut  que 
pour  en  prendre  un  plus  modeste  en  se  confor- 
mant a  L'usage  de  sa  province,  et  en  évitant 
aillant  la  saleté  que  la  mollesse.  «  Ralteo  po- 
sito  mutatoque  habitu,  quidquid  castrensis 
pcculii  fuit,  in  pauperes  erogavit.  Excepta  vili 


tunica,  et  operimento  pari,  quo  tecto  tanlum 
corpore  frigus  excluderet,  nihil  sibi  amplius 
reservavit.  Cultus  ipse  provinciae  morem  se- 
quens  :  nec  munditiis,  nec  sordidis  notabilis 
erat  (In  Epitaph.  Nepotian).  » 

Ce  Père  semble  prescrire  aux  moines  un  ha- 
bit plus  vil  et  plus  pauvre,  et  qui  les  rendant 
méprisables  au  monde,  témoigne  aussi  le  mé- 
pris qu'ils  en  font.  «Si  mouachus  esse  vis,  sor- 
dida?  vestes  candidae  mentis  indicia  sunt.  Vilis 
tunica  contemptum  saeculi  probet  ;  ita  dun- 
taxat  ne  animus  tumeat  ;  habitus  sermoque  dis- 
sentiant  (Ad  Rusticum  Mona.).  »  En  parlant 
d'Asella.  «  Tunicam  fusciorem  induta  (Epist. 
ad  Marcellam.).  »  Et  écrivant  à  Eustoquie, 
«  Vestis  nec  satis  munda,  nec  sordida  et  nulla 
diversitate  notabilis,  ne  ad  te  obviam  prœter- 
euntium  turba  consistât,  et  digito  monstreris 
(Ad  Eustoc.).»  Et  parlant  d'une  veuve.  «Vestis 
fuscior,  pulla  tunica,  minus  cum  humi  jacuerit 
sordidatur.  Soccus  vilior,  cingulum  laneum, 
etc.  (Ad  Marcel.  deRlsesilla).  » 

Mais  en  écrivant  à  Pammaque,  il  montre 
bien  que  les  moines  affectaient  de  se  faire  mé- 
priser du  monde  par  leurs  habits,  ce  qui  n'eût 
pas  été  convenable  aux  ecclésiastiques  qui  ne 
doivent  pas  rebuter  les  malades  qu'ils  veulent 
guérir  (Ad  Pamma.  de  obituPaulina?).«Quishoc 
crederet  ut  consulum  pronepos  ,  inter  purpu- 
ras senatorum,  furva  tunica  pullatus  ince- 
deret,  et  non  erubesceret  oculos  sodalium ,  ut 
deridentes  se  derideret?  Est  confusio,  quaa 
ducit  ad  mortem,  et  est  confusio,  quae  ducit 
ad  vitam.  Prima  virtus  est  monachi  contem- 
nere  hominum  judicia ,  et  semper  Apostoli 
recordari ,  dicentis  :  Si  adhuc  hominibus  pla- 
cerem,  Christi  servus  non  essem.  » 

VIII.  Les  pélagiens  se  portaient  à  un  excès 
que  saint  Jérôme  même  ne  peut  souffrir,  lors- 
qu'ils voulurent  censurer  la  modestie  même  et 
la  propreté  simple  des  habits.  Voici  ce  que  saint 
Jérôme  leur  répond.  «  Adjungis  gloriam  ve- 
stium et  ornamentorum  Deo  essecontrariam. 
Quœ  sunt,  rogo,  inimicitiœ  contra  Deum,  si 
tunicam  habuero  mundiorem  :  si  episcopus  , 
presbyter,  et  diaconus  et  reliquus  ordo  eccle- 
siasticus  in  administratione  sacrificiorum  can- 
dida  veste  processerint?  Cavete  clerici,  cavete 
monachi,  viduae  el  virgines,  periclitamini , 
nisi  sordidasvos  atquepannosas  vulgus  aspexe- 
rit(L.  i,  advers.  Pelag.).» 

Ces  paroles  de  saint  Jérôme  nous  découvrent 
que  si  les  ecclésiastiques  avaient  quelque  chose 


DE  L'HABIT  CIVIL  DES  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  singulier  dans  leurs  habits,  ce  n'était  qu'à 
l'autel  ;  et  alors  même  c'était  une  blancheur 
et  une  propreté  extraordinaire  qu'ils  affectaient 
par  un  respect  singulier  pour  le  sacrifice  de 
l'Agneau  sans  tache.  Au  reste,  les  clercs,  les 
moines  et  les  religieuses  n'étaient  nullement 
obligés  d'attirer  sur  eux  le  mépris  du  peuple 
par  la  saleté  de  leurs  habits,  quoique  quelques- 
uns  l'aient  fait  par  un  instinct  particulier,  et 
par  un  amour  extraordinaire  des  croix  et  des 
injures. 

IX.  Il  est  vrai  que  le  prêtre  Constance, 
dans  la  vie  de  saint  Germain,  évèque  d'Auxerre, 
dit  que  saint  Amateur  lui  donna  l'habit  de  re- 
ligion en  le  faisant  clerc  :  «  Cœsariem  ejus  ca- 
piti  detrahens,  habitu  religionis,  rejectis  sa?cu- 
laribus  ornamentis,  cum  promotionis  honore 
induit  [Surius,  Julii  diexxxi).  »  Mais  cet  habit 
de  religion  n'est  autre  qu'un  habit  modeste. 
Sidonius  a  usé  du  même  terme  en  ce  sens,  où 
parlant  du  courtisan  Maxime  qui  avait  em- 
brassé l'état  ecclésiastique,  il  nous  le  repré- 
sente en  cette  sorte.  Habitus  viro,  gradus,  pu- 
dor, color,  sermoreligiosus(L.  iv,  epist. xxiv).» 
En  tout  cela  il  ne  pouvait  y  avoir  qu'une  mo- 
destie singulière. 

X.  Il  y  aurait  aussi  quelque  fondement  de 
croire  que  cet  habit  de  religion  serait  un  habit 
monastique  :  car  ce  mot  de  religion  est  souvent 
pris  pour  la  profession  des  pénitents,  ou  des 
moines.  C'est  en  ce  sens  que  Salvien  l'a  employé, 
«  Sub  specie  religionis ,  vitiis  saecularibus 
mancipati,  etc.  Divini  cultus  habitu  m  magis 
quam  actum  existi mantes,  vestem  tantummodo 
exuere,  non  mentem  L.v,  de  gubernat.  Dei).  » 

La  suite  de  son  discours  montre  clairement 
qu'il  parle  de  ceux  qui  ne  faisaient  qu'une 
fausse  pénitence,  après  s'être  plongés  dans  des 
crimes  dont  l'énormité  les  rendait  irréguliers, 
et  incapables  des  rangs  et  des  dignités  ecclé- 
siastiques. Ainsi  saint  Amateur  aurait  donné  à 
saint  Germain  un  habit  de  religion,  parce  que 
les  saints  évêques  de  ce  temps-là  joignaient 
quelquefois  la  vie  monastique  avec  les  fonc- 
tions épiscopales. 

Sévère  Sulpice  le  dit  nettement  de  saint  Mar- 
tin. «  l'bi  Martinum  in  veste  bispida,  nigro 
pcndulo,  pallio  circumtectum  viderunt,  etc. 
(Dialog.  ii,  de  vita  S.  Martini).  »  Et  en  un  autre 
endroit  :  «  Idem  constantissime  perseverabat, 
qui  prius  fuerat;  eadem  in  corde  ejus  humili- 
tas,  eadem  in  vestituejus  vilitas  erat  :atque  ila 
plenusautoritatis  et  gratiœ,  implebat  episcopi 


dignitatem,  ut  non  tamen  propositum  mona- 
clii  virtutemque  desereret  (Lib.  de  vita  Mar- 
tini, c.  vu,  epist.  m).  » 

Ce  manteau  était  propre  aux  moines,  qu'il 
appelle  ailleurs,  Agmina  palliata.  Sidonius  as- 
sure la  même  chose  de  Fauste,  qu'ayant  été  tiré 
du  monastère  deLérins  et  élevé  à  l'épiscopat,  il 
n'avait  rien  changé  de  l'austérité  de  sa  vie  pré- 
cédente. «  Nil  ab  abbate  mutalus  per  sacerdo- 
dotem  ;  quippe  cum  nova-  dignitatis  obtentu, 
rigorem  veteris  disciplinée  non  relaxaveris 
(Lib.  ix,  epist.  ni.  Ihid.,  epist.  ix).  »  Fauste 
n'était  pas  le  seul  qui  réunit  par  une  piété 
extrordinaire  deux  conditions  si  éloignées; 
témoin  le  même  Sidonius  en  une  autre  lettre 
qu'il  lui  écrit  :  «  Legi  volumina  tua,  qiue  Rio- 
chatusantistesetmonachus,  atque  istiusmundi 
bis  peregrinus,  Britannis  tuis  pro  te  reportât 
(L.  îx,  epist.  ix).  » 

Mais  le  même  saintGermain,  dont  nous  par- 
lons, justifie  par  sa  conduite  l'explication  que 
nous  avons  donnée  aux  termes  dont  se  sert 
l'auteur  de  sa  vie.  Dès  le  premier  jour  de  son 
épiscopat,  il  se  conforme  entièrement  à  l'aus- 
térité des  moines  les  plus  réformés  et  pour  sa 
table  et  pour  ses  habits.  «  Ex  ea  veto  die,  qua 
sacerdotii  sumpsit  exordium,  nunquam  panem 
frumenti,  non  vinum, non acetum,  nonoleum, 
non  legumen,  vel  salem  accepit.  Indumentum 
cuculla  et  tunica  indiscretis  fuere  temporihus. 
Nam  neque  hyeme  accessit  adjectio,  neque 
aestate  levamen  admissum  est.  Quod  utrumque 
tandiu  usui  fuit,  nisi  forte  donatum  est,  donec 
attritione  nimia  solveretur,  cilicio  semper  in- 
terius  inhaerente  (Surius,  Julii  die  xxxi).  » 

On  ne  peut  douter  que  ce  ne  fût  joindre  les 
austérités  des  solitaires  avec  la  dignité  de  l'é- 
piscopat. Ce  saint  évèque  étant  mort,  voici  le 
partage  qui  se  fit  de  ses  habits,  entre  ceux  qui 
crurent  pouvoir  recueillir  de  ces  précieuses 
dépouilles  les  restes  de  sa  sainteté  :  «  Cucullam 
cum  interiori  cilicio  Petrus  episcopus  usurpa- 
vit.  Sex  vero  antistites,  ut  aliquid  monimenti 
ex  successione  sanctitatis  acciperent,  disrum- 
pere  quod  superfuerat,  maluerunt.  l'nus  pal- 
lium,  alter  cingulum  accepit.  Duo  tunicam, 
duo  sagulum  diviserunt.  »  Voilà  comment 
l'héritage  d'un  pauvre  et  saint  évèque  en  enri- 
chit plusieurs. 

XI.  Ce  que  nous  venons  de  rapporter  de 
saint  Martin,  de  Fauste.  de  Riochatus,  de  saint 
Germain,  montre  manifestement  que  plusieurs 
évêques  de  France  faisaient  gloire  de  porter 


Tu.  —  Tome  II. 


34 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


l'habit  des  plus  austères  solitaires,  et  d'être  en 
même  temps  les  imitateurs  de  leur  vie  péni- 
tente. Si  de  ces  quatre  évêques  les  trois  pre- 
miers avaient  été  appelés  de  la  profession  reli- 
gieuse à  l'épiscopat,  on  ne  peut  pas  avoir  la 
même  pensée  de  saint  Germain.  .Nous  avons 
donc  en  lui  un  exemple,  non  pas  d'un  évèque 
qui  conserve  dans  cette  éminente  dignité  les  lia- 
bits  et  les  exercices  des  solitaires,  parmi  lesquels 
il  avait  été  élevé  :  mais  d'un  homme  de  grande 
qualité,  qui  étant  traîné  plutôt  qu'élevé  à  l'épis- 
copat, embrasse  en  même  temps  tout  ce  qu'il 
y  a  de  plus  humble  et  de  plus  mortifiant  dans 
la  vie  religieuse. 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  c'est  contre 
ces  saints  évêques  et  leurs  imitateurs,  que  le 
pape  Célestin  écrivit  la  lettre  par  laquelle 
nous  avons  commencé  ce  chapitre.  Ces  évêques 
portaient  effectivement  les  habits  que  ce  pape 
désapprouve,  pallium,  cingulum;  et  le  reste 
des  vêtements  des  moines.  Aussi  les  trois  pre- 
miers étaient  étrangers  en  France,  comme  le 
pape  le  remarque.  La  lettre  de  ce  saint  pape  ne 
laisse  pas  d'être  très-raisonnable  et  très-con- 
forme aux  lois  ecclésiastiques. 

Nous  avons  vu  que  l'habit  des  moines  était 
le  sujet  de  l'aversion  et  des  railleries  de  la  plu- 
part des  peuples,  dont  les  yeux  n'étaient  pas 
encore  accoutumés  à  ces  honorables  marques 
de  l'humilité  chrétienne.  La  profession  mo- 
nastique n'avait  commencé  qu'avec  l'empire  de 
Constantin.  Ces  solitaires  sortaient  en  ce  temps- 
la  fort  rarement  de  leurs  déserts.  Les  évêques 
étaient  plus  anciens  que  les  moines  d'environ 
trois  cents  ans.  Ils  ne  devaient  donc  pas  chan- 
ger leur  ancienne  manière  de  s'habiller,  ni  se 
distinguer  de  leurs  confrères,  pour  se  confor- 
mer à  une  profession  nouvelle,  et  à  une  sorte 
d'habit  choquante,  quoique  sainte. 

11  n'y  avait  donc  rien  de  si  juste,  en  parlant 
généralement,  que  ce  que  le  pape  Célestin  or- 
donnait, de  conserver  l'ancienne  coutume,  ne 
faire  aucune  innovation,  se  revêtir  comme  les 
anciens  évoques,  ne  pas  différer  des  autn  s  évê- 
ques du  monde,  n'affecter  pas  les  habits  qui 
rebutent  ceux  (pie  l'on  doit  attirer;  enfin,  ne 
pas  faire  montre  dans  les  villes  de  ce  qui  n'a 
été  introduit  que  pour  La  solitude. 

Ml.  Mais  comme  lis  raisons  et  les  circons- 
tances particulières  l'emportent  quelquefois 
sur  les  maximes  générales,  ces  saints  évoques 
de  fiance  crurent  alors  que  ce  ne  serait  pas 
déshonorer  l'épiscopat  que  dele  revêtir  des  mar- 


ques d'une  pénitence  et  d'une  humilité  toute 
extraordinaire.  Salvien  ne  parle  que  des  afri- 
cains et  de  ceux  de  Cartilage,  quand  il  dit  que 
la  vue  et  la  présence  des  moines  qui  passaient, 
leur  donnait  de  l'horreur.  Il  eût  dit  de  même 
des  Gaules,  s'il  eût  pu  le  faire  sans  blesser  la 
vérité. 

Saint  Martin  avait  donné  tant  d'admiration, 
tant  d'estime,  et  tant  d'amour  à  toutes  les  Gau- 
les, que  nous  pouvons  croire,  sans  crainte  de 
nous  tromper,  qu'il  leur  avait  inspiré  la  véné- 
ration pour  tous  les  moines,  et  pour  toute  leur 
profession.  On  avait  tiré  de  son  monastère  un 
grand  nombre  d'évêques.  Il  en  était  aussi  sorti 
un  fort  grand  nombre  du  monastère  de  Lérins. 
Tous  ces  saints  religieux  avaient  saintement 
allié  les  vertus  épiscopales  avec  les  pénitences 
et  les  mortifications  des  solitaires. 

Les  peuples  des  Gaules  ne  pouvaient  après 
cela  regarder  les  moines  qu'avec  un  extrême 
respect,  et  il  s'en  fallait  beaucoup  qu'ils  ne 
crussent  que  l'habit  et  la  vie  des  moines  dés- 
honorât l'épiscopat.  L'évèque  Cresconius  a  cru 
au  contraire,  dans  son  abrégé  des  canons,  que 
le  pape  Célestin  n'avait  défendu  aux  ecclésias- 
tiques les  habits  monastiques,  que  comme  une 
singularité  affectée  par  un  esprit  de  présomp- 
tion (Cresconius  in  Rreviario,  can.  cxxxi). 

C'est  pour  cela  qu'il  joint  ce  décret  de  Céles- 
tin avec  le  canon  du  concile  de  Gangres,  qui 
blâme  l'affectation  orgueilleuse  de  quelques 
moines  dans  leurs  habits.  «  De  his  qui  palliis 
utuntur,  et  ideirco  superbiunt  :  »  il  n'est  pas 
nécessaire  de  justifier  ces  évêques  de  France, 
dont  nous  parlons,  de  cette  singularité  pré- 
somptueuse. 

XIII.  Si  les  peuples  au  contraire  étaient  le 
plus  souvent  scandalisés  du  luxe  et  de  la  vanité 
des  évêques  et  des  autres  ecclésiastiques  :  qui 
peut  douter  qu'ils  ne  fussent  au  contraire  édi- 
fiés de  la  piété  singulière  de  ceux  qui  ne  met- 
taient leur  gloire  que  dans  un  entier  mépris 
de  la  glbire  et  du  faste?  Saint  Jérôme  nous  re- 
présente un  de  ces  évêques  plus  curieux  de  ces 
ornements  extérieurs  que  des  vertus  qui  sont 
les  véritables  ornements  de  l'âme. 

«Si  quis  episcopatum  desiderat,  bonumopus 
desiderat  :  opus,  non  dignitatem  :  laborèm , 
non  delicias  :  opus  per  quod  humilitate  decre- 
scat,  non  intumescal  fastigio,  etc.  Sunt  quidam 
ignorantes  mensuram  suam.et  tantae  stolidita- 
tis  acvecordiae,  ut  et  in  motu,  et  in  incessu,  et 
in  habitu,  et  in  sermone  communi,  risumspe- 


DE  L'HABIT  CIVIL  DES  ECCLÉSIASTIQUES. 


ctantihus  prrrbeant  :  et  quasi  intelligentes  . 
quid  sit  ornatus,  comunt  se  vestibus  etmun- 
ditiis  corporis,  et  lautioris  mensae  epulas  pa- 
rant; cum  omnis  istiusmodi  ornatus  et  cultus 
sordibus  fœdior  sit  (Tom.  n,  epist.  ad  Ûcea- 
numl.  » 

Si  cette  mollesse  et  ces  ajustements  étaient 
aux  fidèles  un  juste  sujet  de  scandale,  ce  leur 
était  au  contraire  un  objet  fort  édifiant  quand 
ils  voyaient  les  évèques  revêtus  de  toutes  les 
vertus  et  de  Thabit  même  des  solitaires.  Tel 
était  saint  Hilaire ,  évèque  d'Arles  ,  dont  l'au- 
teur de  sa  vie  rend  ce  témoignage  :  «  Cum 
primum  speculatoris  suscepit  officium  ,  in 
seipso  primum  monstravit ,  quemadmodum 
congregatio  mundum  contemneret ,  corpus 
despiceret,  unius  tegmine  tunicse  sestatis  ardo- 
rem  et  biemis  rigorem  contenta  toleraret,  etc. 
(Surius,  die  o  Maii).  » 

XIV.  Cet  exemple  de  saint  Hilaire  nous  fait 
remarquer  une  nouvelle  preuve  de  ce  que 
nous  avons  avancé  et  comme  une  nécessité  in- 
dispensable à  ces  saints  évèques  de  conserver 
dans  Tépiscopat  l'habit  de  la  religion.  Non-seu- 
lement ils  avaient  été  portés  du  cloître  sur  le 
trône  de  l'Eglise,  mais  ils  vivaient  aussi  étant 
évèques  en  communauté  avec  leurs  clercs  dont 
la  vie  était  ou  toute  semblable  à  celle  des  moi- 
nes, ou  très-peu  différente,  comme  nous  fe- 
rons voir  dans  la  suite. 

Ainsi  l'auteur  de  cette  vie  remarque  fort  ju- 
dicieusement que  saint  Hilaire,  dès  le  premier 
jour  de  son  épiscopat,  donna  l'exemple  et  se 
rendit  lui-même  comme  la  règle  vivante  qu'il 
voulait  qu'on  suivît  dans  cette  sainte  congré- 
gation de  clercs  dont  il  était  le  cbef  et  le  père. 
Nous  dirons  plus  bas  quels  en  étaient  les  exer- 
cices, et  combien  ils  approchaient  de  l'état  mo- 
nastique pour  les  veilles,  les  jeûnes  et  le  tra- 
vail des  mains. 

XV.  Tel  était  encore  saint  Fulgence,  pour  ne 
pas  nous  arrêter  dans  la  France  seule,  et  pour 
ne  pas  l'accuser  elle  seule  d'avoir  peu  scrupu- 
leusement observé  la  décrétale  du  pape  Céles- 
tin.  Ferrand,  diacre,  nous  fait  connaître  com- 
bien ce  saint  évèque  de  Ruspe,  en  Afrique, 
était  persuadé  que  c'était  honorer  Tépiscopat 
que  de  l'accompagner  de  toute  l'austérité  des 
solitaires. 

«  Orario  quidem,  sicut  omnes  episcopi,  nul- 
latenus  utebatur.  Pellicio  cingulo  tanquam 
monachus  utebatur.  Sic  studio  humililatisam- 
bitioneni  vestium  corporalium  fugiens,  ut  nec 


ipsa  calceamenta  suscipiens  clericorum  ,  etc., 
fréquenter  nudis  pedibus  ambulabat.  Casu- 
lain  pretiosam,  vel  superbi  coloris  nec  mona- 
chos  suos  babere  permisit,  nec  ipse  babuit. 
Subtus  casulam  nigello  vel  lactinio  paliio  cir- 
cumdatus  incessit.  Quando  temperies  aeris  invi- 
tabat,  solo  paliio  intra  monasterium  estcooper- 
tus.  Nec  deposiio  saltem  cingulo  soinnum 
petivit.  In  qna  tunica  dormiebat,  in  ipsa  sacri- 
ficabat,  etc.  (Ferrand.  Diacon.,  in  vila  S.  Ful- 
gent.,  c.  xviii,  xix).  » 

Ferrand  n'a  pas  oublié  la  raison  de  cette 
conduite,  qui  est  que  ce  saint  évèque  avait  été 
tiré  du  monastère  à  Tépiscopat,  et  voulut  pas- 
ser tout  le  temps  de  son  épiscopat  avec  des 
moines,  comme  nous  le  dirons  ensuite. 

XVI.  Saint  Augustin  vivait  aussi  en  commu- 
nauté avec  ses  ecclésiastiques,  et  on  ne  peut 
douter  qu'il  ne  leur  fit  observer  dans  leurs 
habits  cette  sage  médiocrité,  dont  il  faisait  lui- 
même  profession ,  jugeant  que  la  véritable 
humilité  était  également  ennemie  et  de  la  jus- 
tesse et  de  la  négligence  trop  affectée. 

«  Vestis  ejus  et  calceamenta  et  lectualia  ex 
moderato  et  competenti  babitu  erant,  nec  ni- 
tida  nimium,  nec  abjecta  plurimum  :  quia  lus 
plerumque  vel  jactare  se  insolenter  homines 
soient,  vel  abjicere.  »  Et  plus  bas  :  «  Cum  ipso 
semper  clerici  una  etiam  domo  ac  mensa , 
sumptibusque  communibus  alebantur,  et  ve- 
stiebantur  (Possid.,  in  vita  August.,  c.  xxn  , 
xx  v).  » 

C'est  ainsi  que  ce  saint  homme  pratiquait 
admirablement  et  faisait  pratiquer  à  son  clergé 
ce  qu'il  avait  fait  ordonner  dans  le  canon  du 
IVe  concile  de  Cartilage,  que  nous  venons  d'al- 
léguer. Possidius  ne  dit  pas  que  saint  Augustin 
ou  ses  clercs  fussent  vêtus  comme  les  moines  , 
aussi  il  ne  l'avait  jamais  été,  et  quoique  le  sé- 
minaire où  il  vivait  en  commun  avec  ses  clercs 
soit  quelquefois  appelé  un  monastère  par  lui- 
même  et  par  les  auteurs  du  même  temps,  nous 
montrerons  dans  la  suite  qu'on  n'y  faisait  nul- 
lement profession  de  la  vie  monastique,  quoi- 
qu'on en  pratiquât  les  vertus.  Nous  dirons  plus 
bas,  que  les  vêtements  communs  de  saint 
Augustin  et  de  son  clergé,  étaient  «  Linea  et 
byrrus.  » 

Il  dit  ailleurs  lui-même,  que  les  habits  de  lin 
étaient  sous  ceux  de  laine,  et  que  la  seule 
tunique  de  laine  paraissait  dehors.  «  Lana  car- 
nale  aliquid,  linum  vero  spiritales  significat 
quia  in   ordine  vestimentorum  interiora  sunt 


36 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-TROISIÈME. 


linea  vestimenta ,  lanea  -vero  exteriora  (Vide 
Serm.  217,  de  temp.,  et  45,  de  Diversis).  » 
Un  peu  plus  bas  il  donne  le  nom  de  tunique  à 
cet  habit  de  laine. 

XVII.  Pontius,  diacre  de  saint  Cyprien,  nous 
a  appris  quels  étaient  les  habits  de  ce  saint  évè- 
que,  en  nous  décrivant  comment  il  s'en  dé- 
pouilla en  se  présentant  au  bourreau  qui  allait 
le  décoller  :  «  Expoliavit  se  byrro,  et  dédit  car- 
nificibus.  Dalmaticam  vero  tradidit  diaco- 
nibus,  et  stetit  in  lineis,  expectans  spicula- 
torem.  » 

La  discussion  exacte  de  ces  habits  nous  arrê- 
terait trop  longtemps ,  et  nous  aurions  de  la 
peine  à  en  donner  uri  éclaircissement  qui  sa- 
tisfît les  plus  curieux.  Mais  sans  approfondir  la 
chose,  on  ne  peut  guère  douter  que  l'habit  de 
dessus,  qui  fut  le  premier  dont  il  se  dépouilla, 
ne  lui  fût  commun  avec  tous  les  laïques,  puis- 
qu'il le  donna  lui-même  aux  bourreaux,  et  que 
les  auteurs  profanes  parlent  tous  du  même 
habit,  en  marquant  les  vêtements  communs 
entre  les  Romains. 

Ajoutons  à  cela  la  maxime  également  sage 
et  pieuse  du  même  saint  Cyprien,  que  les  chré- 
tiens devaient  faire  connaître  la  profession 
qu'ils  faisaient  d'une  vertu  éminente,  par  la 
sainteté  de  leur  vie,  et  non  pas  par  la  singu- 
larité de  leur  habit  :  «  Nus  qui  philosophi, 
non  verbis,  sed  factis  sumus  .  née  vestitu  sa- 
pientiam ,  sed  veritate  praeferimus  (Cyprian. 
De  bono  patientise) .  »Tertullien  assure  que  tous 
les  chrétiens  ne  diffèrent  en  rien  des  païens 
pour  les  habits,  et  les  autres  choses  différen- 
tes :  «  Hommes  vobiscum  degentes,  ejusdem 
\ ictus,  habitus,  instructus  (Tertul.  Apolog., 

C.  XLll).  » 

Une  autre  édition  de  Pontius  exprime  plus 
distinctement  la  modération  de  saint  Cyprien 
dans  ses  habits,  toute  pareille  à  celle  de  saint 


Augustin  :  «  Nec  cultus  fuit  dispar  a  vultu  ; 
temperatus  et  ipsede  medio  :  non  illum  super- 
bia  ssecularis  intlaverat  ;  nec  tamen  prorsus  af- 
fectata  penuria  sordidarat  :  quia  et  hoc  vestitus 
genus  a  jactantia  minus  non  est,  quam  osten- 
tata  taliter  ambitiosafrugalitas  (Surius,  diexiv 
Septemb.).  » 

XV III.  Pour  finir  ce  chapitre  que  nous  avons 
destiné  à  l'Eglise  latine,  par  où  nous  l'avons 
commencé,  il  faut  conclure  que  l'ordonnance 
du  pape  Célestin  était  la  plus  juste  et  la  plus 
sainte  règle  du  commun  des  ecclésiastiques, 
qui  ne  devaient  se  signaler  dans  leurs  habits 
que  par  la  modestie  et  par  une  sage  médiocrité, 
qui  fuit  également  les  deux  extrémités  contrai- 
res du  trop  et  du  trop  peu. 

Mais  sans  blesser  cette  règle  générale,  ceux 
qui  avant  leur  ordination  avaient  été  formés 
dans  les  monastères,  et  ceux  d'entre  les  évo- 
ques qui  voulaient  mener  une  vie  commune 
dans  une  congrégation  de  leurs  ecclésiastiques 
ou  de  moines,  non-seulement  ne  pouvaient 
être  blâmés  sans  injustice,  mais  ils  se  fus- 
sent au  contraire  attirés  de'justes  reproches,  s'ils 
eussent  fait  du  sacerdoce  ou  de  l'épiscopat 
même  un  prétexte  de  mollesse  et  de  relâche- 
ment. 

Quel  blâme  n'eût  pas  mérité  cet  évèque,  dont 
parle  Cassien,  qui  avait  passé  trente-sept  ans 
dans  les  austérités  de  la  solitude,  s'il  s'en  fût 
relâché  ,  parce  qu'on  l'appelait  à  l'état  de  la 
plus  haute  perfection  qui  soit  dans  l'Eglise  ?  Il 
n'eut  garde  aussi  de  le  faire.  Cassien  dit  de 
lui  :  «  Archebius  raptus  de  anaehoretarum 
cœtu ,  et  episcopus  Panephisi  oppido  datus, 
tanta  districtione  omni  aevo  suo  propositum 
solitudinis  custodivit,  ut  nihil  de  praeteritae 
humilitatis  tenore  laxaverit,  aut  de  adjecto  sibi 
honore  blanditus  sit  (Collât,  u,  c.  2).  » 


DE  L'HABIT  CIVIL  DES  ECCLÉSIASTIQUES. 


37 


CHAPITRE  QUARANTE-QUATRIÈME. 


DE   L  HABIT    CIVIL    DES   ECCLESIASTIQUES    EN    ORIENT,    PENDANT    LES    CINQ    PREMIERS   SIECLES. 


I.  L'habit  civil  des  clercs  en  Orient  était  le  même  que  celui 
e    laïques,  mais  plus  modeste.  Preuves  tirées  d'Eusèbe. 

II.  Autres  preuves  de  divers  auteurs;  que  la  couleur  blanche 
était  plus  ordinaire  que  la  noire,  selon  l'usage  des  Romains. 

III.  IV.  Autres  preuves  de  cela  même. 

V.  VI.  Preuves  tirées  des  Saints  Pères,  que  les  clercs  n'a- 
vaient point  d'habit  civil  particulier. 

Vil.  Preuve  tirée  de  saint  Denis,  qui  décrit  l'habit  et  la  ton- 
sure des  moines,  sans  parler  de  l'habit  et  de  la  tonsure  des 
clercs. 

VIII.  Autres  preuves  et  exemples  tirés  de  Théodoret. 

IX.  Preuves  tirées  du  concile  de  Gangres.  Explication  des  ha- 
bits dont  il  y  est  parlé. 

X.  Suite  de  la  même  explication. 

I.  Dans  l'Eglise  grecque  ,  durant  ces  cinq 
premiers  siècles  autant  que  les  ecclésiastiques 
s'étudiaient  à  s'éloigner  des  vices  qui  régnent 
dans  les  personnes  séculières,  autant  ils  se  con- 
formaient à  eux  dans  les  habits  et  dans  la  vie 
civile ,  sans  y  affecter  d'autre  différence  que 
celle  que  la  modestie  y  pouvait  mettre. 

Eusèbe  fait  dire  à  Origène  (L.  vi,  c.  19), 
qu'Héraclas,  prêtre  d'Alexandrie  s'étant  forte- 
ment adonné  à  l'étude  de  la  philosophie  profane 
en  avait  aussi  pris  l'habit,  (çtXo'aoçov  xv&xap&n  oxàp*  , 
et  qu'il  le  portait  encore.  Il  dit  ailleurs, 
que  l'empereur  Constantin  conviait  à  sa  table 
les  saints  évêques  ;  parce  que  les  regardant 
des  yeux  de  la  foi,  il  ne  considérait  pas  leurs 
habits  qui  étaient  vils  et  abjects;  mais  il  les 
voyait  eux-mêmes  tous  revêtus  et  tous  péné- 
trés de  la  divinité  :  «  Mensa:  ipsius  adhibeban- 
tur  homines  vestitu  quidem  et  externo  habitu 
despicabiles  :  sed  quos  ille  minime  despi- 
cabiles  judicabat;  quippe  qui  non  externam 
hominum  speciem ,  sed  Deum  ipsum  intro- 
spiceret  [De  vita  Constant.,  1.  i,  c.  42).  » 

Le  manteau  des  philosophes  était  commun 
à  tous  les  laïques  qui  voulaient  en  user;  et  le 
même  Eusèbe  parle  ailleurs  du  martyr  Edesius, 
qui  l'avait  toujours  porté  (L.  de  Martyribus 
Palest.,  c.  5).  Ce  vil  habit  des  évêques  que 
Constantin  voulait  honorer  de  sa  table,  ne  nous 
fait  voir  que  leur  amour  pour  la  pauvreté, 
dont  ces  philosophes  faisaient  une  espèce  de 
profession  par  ce  manteau. 


II.  Socrate  nous  embarrasse  un  peu  plus 
quand  il  dit,  que  l'évêque  des  Novatiens,  Sisi- 
nius,  passait  pour  un  homme  mol  et  délicat, 
parce  qu'il  était  vêtu  de  blanc;  mais  qu'il  se 
justifia  fort  adroitement,  parce  que,  comme 
on  lui  demandait  pourquoi  il  usait  d'un  habit 
peu  séant  à  un  évêque,  et  où  il  était  écrit 
qu'un  évêque  doit  s'habiller  de  blanc  :  il  ré- 
pondit ,  qu'il  n'était  écrit  nulle  part  que  les 
ecclésiastiques  doivent  porter  des  habits  noirs  ; 
mais  que  l'Ecriture  nous  apprend  que  J.-C, 
Moïse  et  Elie,  parurent  revêtus  d'une  admi- 
rable blancheur,  et  que  Salomon  conseille 
d'être  toujours  vêtu  de  blanc.  «  Sint  tibi  vesti- 
menta  alba   L.  vi,  c.  20).  » 

Si  cette  histoire  est  véritable,  il  en  faut  con- 
clure que  le  clergé  commençait  à  s'attacher  a 
la  couleur  noire  :  mais  cela  ne  regarde  que  la 
couleur,  la  forme  de  l'habit  était  d'ailleurs 
commune;  et  il  parait  même,  par  le  rapport  do 
Socrate,  que  la  couleur  noire  n'était  pas  encore 
universellement  reçue.  Théodore,  lecteur,  dit 
qu'Acacius,  évêque  de  Constantinople,  pour 
faire  éclater  le  deuil  de  l'Eglise  dans  la  persé- 
cution atroce  qu'elle  souffrait  du  tyran  Basilic, 
se  couvrit  de  noir,  et  en  couvrit  aussi  son 
siège  épiscopal  et  l'autel.  «  Seipsum,  et  sedem, 
et  altare  nigris  amicivit.  » 

III.  Le  moine  Cyrille  nous  fournit  une  autre 
preuve  très-évidente  dans  la  vie  de  cet  incom- 
parable père  de  tant  de  solitaires,  Euthymius 
(Surius,  die  xx  Januar). 

Ce  grand  saint,  abordant  Anastase,  garde  des 
vases  sacrés,  ou  sacristain  de  la  grande  Eglise, 
le  salua  et  l'entretint  comme  si  c'eût  été  le 
patriarche  même  de  Jérusalem,  et  comme  on 
l'avertit  que  ce  n'était  pas  le  patriarche,  parce 
qu'il  était  vêtu  d'un  habit  de  soie,  et  de  cou- 
leur fort  éclatante,  dont  le  patriarche  n'avait 
pas  la  coutume  d'user  :  «  Vestes  ejus  splendid;e 
et  sericte  erant ,  quas  quidem  non  est  fas  Jero- 
solymorum  patriarcbam  induere  :  »  Le  saint 
répondit  qu'il  avait  vu  Anastase  vêtu  de  blanc 


38 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-QUATRIÈME. 


de  la  même  manière  que  le  patriarche  avait 
coutume  de  s'habiller.  Ce  qui  était  un  pré- 
sage  qu'Anastase  devait  être  porté  à  cette  di- 
gnité. «  Hune  vidi  candida  veste  indutum, 
quali  decet  indui  patriarcham.  » 

Cela  nous  montre  que  le  noir  n'était  nulle- 
ment ordonné  aux  ecclésiastiques,  puisque  les 
patriarches  et  les  bénéficiers  éminents  en  di- 
gnité usaient  de  la  couleur  blanche  et  d'autres 
couleurs  éclatantes. 

IV.  Palladius,  dans  le  dialogue  de  la  vie  de 
saint  Chrysostome,  dit  que  ce  saint  prélat,  un 
peu  avant  de  mourir,  s'habilla  de  blanc  afin 
de  faire  répondre  son  habit  à  l'innocence 
de  sa  vie.  a  Vitie  suaedigna  candida  vestimenta 
quaesivit,  exutusque  prioribus,  easibi  induit.  » 
On  voit  par  là  que  les  couleurs  étaient  indiffé- 
rentes. 

V.  Saint  Grégoire  de  Nazianze  se  décrivant 
lui-même  dans  le  poème  de  sa  vie,  dit  que  les 
prélats  qui  ne  lui  ressemblaient  pas,  ne  purent 
le  souffrir  dans  le  siège  épiscopal  de  Constanti- 
nople,  à  cause  de  la  pureté  et  de  la  frugalité 
de  sa  vie,  parce  qu'il  était  toujours  fort  pauvre- 
ment vêtu. 

Faisant  ailleurs  l'éloge  de  saint  Bazile  et  par- 
lant de  son  amour  incroyable  pour  la  pauvreté, 
il  assure  que  ce  grand  archevêque  n'avait 
qu'une  tunique  et  un  manteau  :  ™  h  xiftûmov,  xaï 
TfiPavwv  (Orat.  xx)  :et  il  proteste  plus  bas,  qu'en 
toutes  ces  sortes  de  choses,  ce  grand  homme 
n'affectait  aucune  singularité.  Il  remarque 
dans  une  autre  oraison  la  rudesse  de  ses  habits, 
■rii;  é<j6t,tc;  jjloû  to  toux™v  (Orat.  25)  :  Et  encore 
ailleurs,  to  éaflnjj.a  toOto  tô  TfO^ivov  (Orat.  xxvu). 

En  tout  cela  il  ne  parait  pas  que  les  plus 
saints  évêques  aient  recherché  autre  chose 
dans  leurs  habillements  que  la  modestie ,  la 
simplicité,  et  quelquefois  même  la  pauvreté. 

VI.  Saint  Atbanase  écrivit  une  lettre  admi- 
rable au  moine  Dracontius,  qui  ne  pouvait  se 
résoudre  à  accepter  l'épiscopat  auquel  ses  ver- 
tus l'avaient  fait  élire ,  dans  la  crainte  qu'il 
avait  que  cette  élévation  ne  fût  incompatible 
avec  la  sainteté  de  la  vie  religieuse,  pour 
laquelle  il  avait  un  très-ardent  amour.  Saint 
Athanase  lui  remontra  qu'il  pourrait  pratiquer 
toutes  les  vertus  de  La  religion,  et  en  ajouter 
encore  d'autres  plus  excellentes  dans  la  charge 
cl  dans  les  fonctions  d'un  évêG&é,  que  plusieurs 
très-saints  solitaires  avant  lui  lui  en  avaient 
donné  l'exemple,  ayant  passe  de  la  solitude  à 
l'épiscopat,  el  ayant  soutenu  les  vertus  de  l'un 


de  ces  étals- par  celles  de  l'autre.  Mais  saint 
Athanase  ne  parla  point  du  changement  d'habit . 

VII.  Saint  Denys  a  fait  une  description  fort 
exacte  de  la  consécration  d'un  moine.  Il  n'y  a 
pas  oublié  la  cérémonie  mystérieuse  de  lui 
faire  quitter  l'habit,  aussi  bien  que  la  vie  et 
l'esprit  du  siècle,  et  de  le  revêlir  de  l'habit  de 
la  religion,  pour  lui  apprendre  à  mener  une 
vie  nouvelle;  la  tonsure  précédait,  accompa- 
gnée de  l'invocation  de  la  sainte  Trinité  : 
«  Sacerdos  eum  signo  crucis  consignando  ton- 
det,  très  personas  divinœ  beatitudinis  invo- 
cando,  omnique  veste  detracta,  alia  eum  induit. 
(Eccles.  Hieron.,  c.  vi).  » 

Avant  que  de  venir  à  l'explication  des  céré- 
monies saintes  qui  regardent  les  moines,  ce 
savant  théologien  (Cap.  v,  ibid.)  s'était  étendu 
fort  au  long  sur  les  ordinations  des  clercs; 
mais  il  n'y  avait  pas  dit  un  seul  mot  de  leur 
tonsure,  ni  de  leur  habit  particulier.  Il  est  vrai 
qu'il  n'y  parle  que  des  diacres,  des  prêtres  et 
des  évêques;  mais  la  raison  en  est  manifeste  , 
il  ne  reconnaissait  que  ces  trois  ordres  pour 
être  d'un  établissement  divin,  et  pour  être  les 
parties  essentielles  de  la  hiérarchie  ecclésias- 
tique. 

VIII.  Théodoret  dit  que  saint  Jacques,  évêque 
de  Nisibe,  se  soumit,  quoique  par  force,  au 
poids  de  la  dignité  épiscopale  dont  on  le  char- 
gea ;  mais  que  ce  changement  d'état  n'en  ap- 
porta aucun  ni  a  la  manière  de  vivre,  ni  aux 
habits  dont  il  avait  auparavant  usé  parmi  les 
moines  dans  la  solitude  :  «  Montanam  illam  in 
habitationem  eum  mutasset,  urbanamque  non 
ex  animi  sententia  suscepisset ,  nec  cibum 
mutavit,  nec  vestitum  ;  sed  mutatis  locis  vitaî 
institutio  nullam  cepit  mutationem  (Hist.  Re- 
lig.,  c.  i).  » 

Si  les  ecclésiastiques,  ou  les  évêques  eussent 
eu  quelque  sorte  de  vêtement  qui  leur  eût  été 
propre  et  particulier,  on  eût  peut-être  fait  plus 
de  difficulté  de  souffrir  que  ces  saints  religieux 
préférassent  l'habit  des  solitaires  à  celui  des 
évêques,  ou  des  clercs.  Mais  comme  ils  n'en 
avaient  aucun  qui  ne  leur  fût  commun  avec 
les  honnêtes  gens  du  monde  qui  se  vêtaient  à 
la  romaine,  ou  du  moins  à  la  manière  des 
Orientaux  qui  ont  toujours  été  vêtus  de  long , 
on  avait  moins  de  peine  à  souffrir  que  les  soli- 
taires qui  étaient  faits  évêques,  conservassent 
bs  babils,  aussi  bien  que  les  austérités  de  la 
vie  religieuse.  Théodoret  assure  dans  la  même 
histoire  que  le  saint  solitaire  Âphtonius  ,  après 


DE  L'HABIT  CIVIL  DES  ECCLÉSIASTIQUES. 


30 


avoir  passé  quarante  ans  clans  les  monastères  . 
fut  appelé  à  l'épiscopat,  et  ne  voulut  rien  chan- 
ger, ni  de  ses  habits,  ni  de  sa  nourriture.  «  Cum 
annos  amplius  quadraginta  choro  praefuisset , 
sedem  ascendit  pontificalem,  nec  pallium  inu- 
tans  asceticum,  tw  imanaà»  maôpav,  nec  tunicam 
caprarum  e  |>ilis  contextam;  cibisque  iisdem 
utens,  qùibus  ante  episcopatuin  vescebatur 
(Ibidem,  c.  v).  » 

Ces  saints  religieux,  après  avoir  vieilli  clans 
la  solitude,  eussent  rougi  de  changer  ou  d'ha- 
bit, ou  de  vie.  Ainsi  dans  l'Orient,  aussi  bien 
que  dans  l'Occident,  une  bonne  partie  des  évê- 
ques  se  trouva  insensiblement  engagée  dans 
l'état  monastique,  et  l'épiscopat  tout  entier  en 
emprunta  beaucoup  de  choses  dans  la  suite  du 
temps.  Ceux  qui  n'acceptaient  l'épiscopat  que 
dans  la  résolution  de  revenir  dans  la  solitude  , 
comme  Abrahames ,  n'avaient  garde  de  rien 
changer  à  leur  habit,  ou  ta  leur  manger. 

Enfin  Théodoret  ne  nous  a  appris  ces  illustres 
exemples  de  vertu,  qu'après  les  avoir  imités 
(Ibidem,  c.  xvu  .  Car,  étant  obligé  de  repousser 
les  calomnies  dont  il  était  attaqué,  il  s'est  rendu 
lui-même  ce  témoignage  .  qu'il  avait  été  retiré 
avec  violence  du  monastère  où  il  avait  passé  sa 
jeunesse,  et  que  dans  l'épiscopat  il  n'avait  rien 
possédé  de  propre  que  les  haillons  dont  il  était 
vêtu  :  «  Praeter  panniculos  quibus  amictus 
sum,  nihil  volui  possidere  (Epist.  lxxxiv).» 

IX.  Le  concile  de  Gangres  prononce  ana- 
thème  contre  les  moines  qui  ne  se  contentent 
pas  de  s'habiller  d'une  manière  singulière  en 
portant  le  manteau,  irepiptaaicv,  Pallium,  comme 
si  la  sainteté  était  attachée  aux  vêtements  : 
mais  par  une  sotte  vanité  méprisent  les  autres 
qui  usent  des  habitsqu'on  appelle  Vr  :-.,:.  byrrhos. 

Ce  canon  nous  apprend  que  les  moines  seuls 
pouvaient  affecter  un  habit  particulier,  pourvu 
qu'ils  ne  condamnassent  pas  les  autres  :  mais 
que  tous  les  autres  fidèles,  sans  en  excepter  les 
ecclésiastiques,  portaient  les  habits  qui  étaient 
dans  l'usage  commun  de  la  vie.  i-i  i/Jx  xomi ,  ■/.%'■. 

Si  cet  habit  commun  que  le  canon  appelle 
f,r>;  iCan.  xu),  est  le  Byrrhus  des  latins, 
comme  la  convenance  des  mots,  et  la  conspi- 
ration des  anciens  interprètes,  semble  nous  le 
persuader;  nous  en  concilierons  avec  justice 
que  les  habits  de  saint  Cyprien  ,  lorsqu'il  fut 
décollé  au  fapportde  Pontius,  étaient  les  mêmes 
que  ceux  du  commun  du  peuple.  «  Ibi  lacerno 
se  byrrho  expoliavit,  et  genua  in  terrain  flexit, 


el  cum  se  dalmatica  expoliasset,  in  linea  reman- 

sit.  » 

Les  pins  savants  ont  reconnu  que  lacerna  ri 
byrrhus  étaient  la  même  chose;  ainsi  Pontius 

a  joint  ces  deux  mots  :  c'était  l'habit  de  dessus 
pour  le  commun,  au  lieu  de  la  robe  que  les 
honnêtes  gens  portaienl  alors  plus  ordinaire- 
ment; ainsi  ce  fut  le  premier  habillement  dont 
saint  Cyprien  se  dépouilla.  Il  quitta  ensuite  sa 
dalmatique  que  tout  le  monde  sait  avoir  été  un 
habit  profane,  et  assez  ordinaire  entre  les  Ro- 
mains. Après  cela,  saint  Cyprien  demeura  avec 
sa  tunique  de  lin  seule,  in  linea,  et  reçut  la 
mort  en  cet  état. 

Saint  Augustin  dit  que  les  évèques  portaient 
de  ces  sortes  d'habits,  qu'il  appelle  Byrrhus,  de 
grand  prix;  mais  qu'il  n'eût  pas  été  séant  pour 
lui  d'en  porter  de  même  prix,  parce  qu'il  était 
pauvre,  et  qu'il  était  né  de  parents  pauvres. 
a  Byrrhum  pretiosum  forte  decet  episcopum, 
quamvis  non  deceat  Augustinum  :  id  est,  homi- 
nem  pauperem,  de  pauperibus  natuni  (De  di- 
vers. Sermon,  l).  »  Il  portait  donc  de  ceux  qui 
étaient  communs  à  tous  les  clercs,  comme  il 
m  irque  au  même  endroit. 

Sévère  Sulpice  nous  apprend  aussi  que  cet 
habit  était  commun  à  tous  les  ecclésiastiques, 
lorsqu'il  se  plaint  avec  tant  de  justice  de  ceux 
qui  vivent  et  qui  s'habillent  plus  mollement 
après  qu'ils  ont  été  mis  au  rang  des  clercs, 
«  Si  quis  clericus  fuerit  effectus,  dilatât  conti- 
nuel fimbrias  suis,  vestem  respuit  grossiorem, 
indumentum molle  desiderat.  Atque  lueccharis 
viduis,  et  familiaribus  tributa  mandat  virgini- 
bus,  illa  ut  byrrhum  rigentem,  haec  ut  fluen- 
tem  texat  laeernam  (Dialog.  i,  c.  14).  » 

Cet  auteur  ne  dit  pas,  que  ces  ecclésiastiques 
déréglés  refusassent  de  porter  l'habit  propre 
des  clercs;  mais  il  les  blâme  de  ne  vouloir  plus 
user  des  habits  grossiers  qu'ils  portaient  aupa- 
ravant, comme  si  l'état  ecclésiastique  leur  avait 
inspiré  la  délicatesse. 

X.  Si  ces  Pères  nous  apprennent  donc  que 
le  Byrrhus  était  un  habillement  commun  à 
tous  les  ecclésiastiques,  et  si  le  canon  du  con- 
cile de  Gangres  nous  montre  clairement  que 
c'était  l'habit  commun  des  laïques;  il  est  aisé 
d'en  conclure  qu'il  n'y  avait  aucune  distinction 
d'habits  entre  les  laïques  et  les  ecclésiastiques. 

Je  n'ajouterai  plus  pour  l'éclaircissement  de 
ce  canon,  qu'un  passage  de  Cassien,  qui  nous 
fait  voir  la  différence  qu'il  y  avait  entre  les 
habits  des  mornes  qu'on  appelait  Pallia,  ou 


40 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


4/'//V»'/es;etceuxdes  séculiers  qu'on  nommait 
Planeticas,  ou  Byrrhos.  a  Post  ha?c  angusto 
palliolo,  tam  amictus  humilitatem,  quam  vili- 
tatem  pretii,  compendiumque  spectantes,  colla 
pariter,  atque  humeros  tegunt  :  quae  mafortes 
tam  nostro,  quam  ipsorum  nuncupantur  elo- 
quio.  Et  ita  planeticarum   atque  byrrhorum 


pretia  simul  ambitionemque  déclinant  (L.  i, 
de  habitu  Monaehi,  c.  7).  » 

Voilà  les  noms  et  les  différences  des  babits 
des  moines  et  des  séculiers;  les  uns  sont  étroits 
et  grossiers,  les  autres  sont  plus  amples  et  de 
prix  (1). 


(1)  A  tous  ces  habits  primitifs  des  clercs  et  des  moines,  nous  pou- 
vons ajouter  ceux  que  nous  avons  recueillis  nous-mème  soit  dans 
les  Vit,*  Patrum  publiées  par  Rosweide,  soit  dans  d'autres.  C'est 
d'abord  le  palliolum  de  saint  Germain  de  Paris,  la  tunique  de  saint 
Athanase,  le  stîcharium  d'un  évéque  grec,  le  pileus  qui  couvrait  le 
sommet  de  la  tète  d'un  moine,  le  camelauchium  d'un  autre  pour  se 
voiler  la  face,  le  iebiton  de  saint  Pacôme,  qui  était,  selon  Rufin, 
vestit  linen  instar  Colobii,  Vependytes  pelliceus  de  saint  Hilariou, 
Yeraciestes  d'un  autre  moine,  qui  était  cousu  à  l'aiguille,  Vamphi- 
balus  albus  que  saint  Rémi  légua  à  son  successeur,  Vesophorium 
de  Jean  l'aumônier,  vêtement  de  dessous,  le  caracalla  de  saint 
Alban.  Quant  au  Lacernum  birritm,  voici  ce  que  dit  Rosweide  dans 
son  Onomastic.on  :  «  Quod  vero  habent  acta  LACERNUM  BIRRUM, 
vox   B1RRUM  ad   colorem    pertinet  ;    nam   notât  Festus  in    veibo 


BIRRUM  apud  antiquos  rufum  colorem  dictum  esse  birrum.  Ac 
proinde  lacernam  rufi  fuisse  coloris.  Sive  dicere  velimus  LACERNUM 
BIRRUM,  hoc  est  sericum,  Bs^ous  enim  veteres  dixere  serica,  ut 
Zonaras  et  Theodorus  interprétantes  duodecimum  canonem  Gan- 
grengis  concilii  tradunt.  •  D'après  tous  les  glossaires,  le  cofobium 
était  une  espèce  de  coulle  longue  sans  manche.  Tout  cela  ne  fait  que 
fortifier  l'observation  de  Thomassin,  à  savoir,  que  dans  les  cinq  pre- 
miers siècles  le  clergé  séculier,  obligé  de  se  mêlera  la  société,  n'avait 
aucun  vêtement  particulier  ni  pour  la  forme,  ni  pour  la  couleur, 
mais  portait  la  toge  romaine,  si  digne  et  si  convenable,  et  que  ce  fut 
surtout  dans  les  Gaules  que  les  évèques,  voulant  peut-être  imiter 
saint  Martin,  leur  grand  modèle,  prenaient  généralement  les  vête- 
ments des  moines.  (Dr  André.) 


CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIEME. 


DES   HABITS   CONSACRES   AU    SER.VICE    DES    AUTELS,    DANS   LES   CINQ   PREMIERS   SIECLES. 


I.  Il  y  a  toujours  eu  des  habits  propres  au  service  des  autels, 
quoiqu'ils  se  soient  multipliés  avec  le  temps. 

II.  De  la  lame,  ou  couronne  pontificale  de  saint  Jean. 

III.  De  celle  de  saint  Jacques. 

IV.  V.  De  la  mitre  de  nos  anciens  évèques. 

VI.  On  conjurait  les  évèques  par  cette  couronne.  De  celle 
que  Constantin  donna  à  Sylvestre.  De  celle  que  le  pape  Célestin 
donna  à  saint  Cyrille. 

Vil   Des  accompagnements  de  cette  couronne  pontificale. 

VIII.  Du  pallium  ou  manteau  impérial  que  Constantin  com- 
muniqua aux  évèques. 

IX.  Si  c'était  le  manteau  des  grands  pontifes  païens. 

X.  Du  pallium  des  évèques  grecs. 

XI.  De  l'étole  des  diacres. 

XII.  Pourquoi  on  l'appelle  Orarium. 

XIII.  Elle  fut  destinée  d'abord,  aussi  bien  que  le  manipule,  à 
essuyer  le  front. 

xiv.  Décret  du  pape  Etienne,  pour  la  distinction  des  habits 
sacrés  et  civils. 

XV.  Preuves  de  saint  Jérôme  pour  les  mêmes  distinctions. 

XVI.  Des  chasubles,  chappes,  dalmatiques,  communes  à  la 
vie  civile  et  à  l'autel. 

XVII.  Des  aubes,  aussi  communes,  mais  appropriées  à  l'autel 
p:ir  leur  blancheur  et  leurs  enrichissements. 

XVIII.  Pourquoi  le  pallium  et  l'étole  ne  sont  plus  que  des 
bandes. 


I.  Il  y  aurait  du  danger  qu'on  n'inférât  de 
ce  qui  a  été  dit  que  les  babits  du  sacrifice  et 


des  offices  divins  étaient  aussi  les  mêmes  que 
ceux  du  commerce  civil ,  si  nous  ne  prévenions 
une  conséquence  si  fàcbeuse  et  si  peu  vraisem- 
blable. 

Après  avoir  donc  bien  balancé  toutes  choses 
de  part  et  d'autre,  nous  disons  que  l'Eglise  a 
toujours  eu  des  ornements  et  des  habits  propres 
uniquement  destinés  à  l'usage  des  autels  et 
aux  divins  offices,  quoiqu'il  y  eût  aussi  plusieurs 
de  ces  habits  qui  avaient  un  extrême  rapport 
avec  les  babits  communs,  et  que  toute  cette 
multitude  de  vêtements  sacrés  ne  se  soit  for- 
mée, et  ne  se  soit  augmentée  que  dans  le  cours 
de  plusieurs  années ,  et  même  de  plusieurs 
siècles. 

Jean,  diacre,  qui  a  écrit  la  vie  de  saint  Gré- 
goire, pape,  prétend  que  la  tunique  de  saint 
Jean  que  l'on  conservait  si  religieusement  à 
Rome,  était  un  ornement  sacerdotal  de  saint 
Jean  l'évangéliste,  lorsqu'il  célébrait  les  terri- 
bles mystères.  «  Evangelistam ,  qui  per  lot 
an  nos  post  passionem  Domini  pontificium  ge- 


DES  HABITS  CONSACRES  AE  SERVICE  DES  Al'TELS. 


il 


rens,  missarum  solemnia  frequentissimc  cele- 
brabat,  sine  sacerdotalibus  esse  vestibus  nëqua- 
quam  potuisse  E.  m,  c.  59).  » 

Ce  point  demanderait  un  garant  qui  fût 
encore  d'un  plus  grand  poids  que  Jean,  diacre. 
On  est  persuadé  que  le  Fils  de  Dieu  institua  son 
divin  sacrifice  avec  les  habits  communs,  et  que 
ses  apôtres  furent  en  cela  même  ses  imitateurs, 
au  moins  pendant  que  la  table  sacrée  fut  jointe 
à  la  table  commune.  Cela  ne  s'accorde  pas  avec 
la  conjecture  de  Jean,  diacre. 

II.  Eusèbe  dit  que  saint  Jean  étant  pontife, 
porta  une  lame  sur  le  front.  Cela  est  tiré  d'une 
lettre  de  Polycrate,  évêque  d'Ephèse,  qui  débite 
les  traditions  de  son  Eglise,  m  -i-%>.'.-,  t.v. -.::/.<■,,-. 
(L.  m,  c.  31;  1.  v,  c.  24).  Saint  Jérôme  en  dit 
autant,  et  il  fait  connaître  que  c'était  comme 
prêtre  de  J.-C.  et  non  pas  comme  pontife  de  la 
loi  qu'il  portait  cette  lame  mystérieuse,  autre- 
fois propre  au  grand  pontife  des  Juifs,  a  Supra 
pectus  Domini  recubuit,  et  pontifex  ejus  fuit; 
auream  laminam  in  fronte  portans  (De  script. 
Eccles.).  » 

Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  reconnaître 
que  dès  la  naissance  de  l'Evangile,  les  apôtres 
et  leurs  successeurs  les  évoques,  ont  célébré 
les  divins  mystères  avec  des  ornements  uni- 
quement destinés  à  la  célébration  des  fonctions 
pontificales,  quoiqu'ils  n'eussent  pas  d'abord 
ni  tous,  ni  les  mêmes  ornements  que  l'usage 
de  tant  de  siècles  a  depuis  introduits. 

III.  Saint  Epiphane  parlant  de  Jacques, 
frère  du  Seigneur  et  premier  évêque  de  Jéru- 
salem, assure  sur  la  foi  d'Eusèbe  et  de  saint 
Clément  d'Alexandrie,  qu'il  portait  aussi  une 
lame  sacerdotale  sur  son  front  comme  une 
marque  de  l'auguste  sacerdoce  de  J.-C.  dont  il 
était  revêtu. 

«Sed  et  bracteam  eidem  in  capite  gestare  li- 
cuisse,  Eusebius,  Clemens,  et  alii  idonei  scripto- 
res  commentariis  suis  testatuin  reliquerunt. 
Quocircasacerdos,uldiximus,JesusCbristus  Do- 
minus  noster  in  œternum  fuit;  secundum  ordi- 
nem  Melchisedeeh ,  idemque  rex  secundum 
superiorem  ac  cœlestem  ordinem.  ut  una  cum 
lege  sacerdotium  transferret,  etc.  In  Davidis 
solio  considet  Christus,  propterea  quod  Davidis 
regnum  transtulit,  idque  ipsum  una  cum  pon- 
tificatu  servis  suis  induisit,  hoc  est  Ecclesia? 
Catholicœ  pontificibus   Epiph.,  ha?res.  xxi\  .  » 

Cette  lame  d'or  était  donc,  selon  saint  Epi- 
pbane,  sur  le  front  de  ces  deux  apôtres  comme 
un  ornement  sacré ,  qui   marquait  tout  en- 


semble et  le  sacerdoce  et  la  royauté  spirituelle 
que  J.-C.  a  exercés  sur  la  terre,  et  dont  il  a 
laissé  la  succession  tout  entière  et  perpétuelle 
a  ses  apôtres  et  à  son  Eglise. 

IV.  11  faut  remarquer  que  Polycrate,  évêque 
d'Epbèse,  et  Clément,  prêtre  d'Alexandrie,  qui 
ont  rendu  ce  témoignage  à  saint  Jean  et  à  saint 
Jacques,  sont  d'autant  plus  dignes  de  foi, 
([n'ayant  vécu  vers  la  tin  du  second,  et  au 
commencement  du  troisième  siècle  de  l'Eglise, 
ils  n'étaient  pas  fort  éloignés  des  temps  où  ces 
apôtres  avaient  fleuri,  et  avaient  pu  conver- 
ser avec  leurs  propres  disciples. 

Ces  divins  apôtres  étant  aussi  remplis  qu'ils 
lrt aient  de  l'idée  de  l'auguste  majesté  du  sacer- 
doce de  J.-C.  dont  ils  étaient  les  dépositaires, 
et  voyant  que  les  pontifes  de  la  loi  mosaïque 
avaient  des  habillements  tout  particuliers  pour 
exercer  leur  sacerdoce  prophétique,  par  l'ordre 
exprès  qu'ils  en  avaient  reçu  de  Dieu,  ils  ne 
pouvaient  manquer  de  revêtir  aussi  le  sacer- 
doce de  l'Eglise  de  quelques  ornements  parti- 
culiers qui  en  fissent  révérer  la  sainteté.  Car 
quoique  le  sacerdoce  de  l'Eglise  se  soit  élevé 
au-dessus  des  ombres  et  des  figures  de  la  loi, 
il  ne  possède  néanmoins  et  ne  représente  en- 
core la  vérité  que  sous  des  signes  sensibles. 

V.  C'est  peut-être  à  l'imitation  de  cette  lame 
ou  de  cette  couronne  des  Apôtres  que  nos  an- 
ciens évêques  des  premiers  siècles  avaient  une 
mitre  ou  une  couronne  sur  la  tète,  pendant  la 
célébration  des  mystères. 

Ammien  Marcellin  raconte  que  le  tyran 
Mascizel  ayant  été  surmonté  dans  l'Afrique 
par  Tbéodose,  et  voulant  gagner  ses  bonnes 
grâces,  lui  renvoya  les  étendards  militaires  et 
une  couronne  sacerdotale  qu'il  avait  pris  sur 
les  nôtres.  «  Militaria  signa,  et  coronam  sacer- 
dotalem  cum  cœteris  quœ  interceperat,  nihil 
cunctatus  restituit,  ut  praeceptum  est  (Am- 
mian.  Marcell.,  1.  xxix.  Baron.,  an.  Chr.  3i, 
n.  298).  » 

Il  est  fort  probable  que  cette  lame  pontifi- 
cale, dont  saint  Jean  ornait  sa  tète,  était  atta- 
chée à  une  couronne  ou  à  une  mitre.  Enno- 
dius  a  fait  un  épigramme  sur  saint  Ambroise, 
où  il  le  représente  avec  sa  mitre.  «  Sacra  redi- 
mitus  gestabat  lucida  fronte  distincta  gem- 
mis.  »  Eusèbe  haranguant  les  évoques  qui  as- 
sistaient à  la  dédicace  de  l'Eglise  de  Tyr,  leur 
donne  à  tous  des  couronnes  et  des  habits  sa- 
cerdotaux :  «  Amici  Dei  et  sacerdotes,  qui  sa- 
cra timica  talari  induti,  et  cœlesti  glorise  co- 


42 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


rona  decorati  ,   et  sacerdotali  sancti  Spiritus 
veste  amicti  cstis  (L.  x,  c.  &).  » 

Saint  Grégoire  de  Nuzianze  joint  aussi  la 
couronne  sacerdotale  avec  les  ornements  pon- 
tilicaux,  parlant  de  la  cérémonie  où  on  le  fit 
évêque,  «  Idcirco  me  pontificem  ungis,  ac  po- 
dere  cingis,  capitique  cidarim  imponis.  » 

VI.  Ce  ne  serait  pas  sans  beaucoup  d'appa- 
rence qu'on  dirait  que  cette  couronne,  par  la- 
quelle on  conjurait  si  ordinairement  les  évè- 
ques,  comme  il  a  été  dit  dans  le  chapitre  où 
nous  avons  parlé  de  la  tonsure  et  de  la  cou- 
ronne cléricale,  était  cette  même  couronne 
que  nous  venons  de  voir  si  bien  établie.  Les 
Grecs  des  temps  moyens  ont  cru  que  le  pape 
Célestin  avait  permis  l'usage  de  la  couronne 
ou  de  la  mitre  pontificale  aux  évèques  d'A- 
lexandrie, lorsqu'il  en  accorda  l'usage  à  saint 
Cyrille,  afin  de  le  faire  présider  en  son  nom 
au  concile  œcuménique  d'Ephèse.  Balsamon 
même  a  été  dans  ce  sentiment. 

Il  est  vrai  qu'il  a  cru  que  c'était  un  bienfait, 
et  un  article  de  la  donation  de  Constantin,  qui 
accorda  au  pape  Sylvestre  les  marques  de  la 
dignité  impériale,  et  entr'autres  la  couronne. 
Il  y  a  peu  de  vraisemblance  en  tout  cela.  Ce 
que  nous  avons  dit  de  l'usage  de  la  couronne 
sacerdotale,  avant  l'empire  de  Constantin,  est 
mieux  fondé  que  tout  ce  qu'on  avance  de  la 
donation  de  Constantin.  Mais  de  ces  imagina- 
tions des  Grecs  et  des  préjugés  dont  étaient 
prévenus  les  fabricateurs  de  la  donation  de 
Constantin,  il  résulte  que  tout  le  monde  était 
prévenu  de  cette  pensée ,  que  les  évèques 
avaient  eu  dès  les  premiers  siècles  quelque 
usage  d'une  couronne  royale,  devenue  en  leur 
faveur  sacerdotale. 

Voici  ce  que  Ralsamon  dit  de  cette  conces- 
sion faite  par  le  pape  Célestin  à  saint  Cyrille, 
archevêque  d'Alexandrie.  «Hujus  quoque  lem- 
poris  patriarcha  Alexandrinus  jus  babet  ex 
hoc  edicto,  ut  eu  m  Phrygio  celebret.  Habuit 
autem  banc  facultatem  sanctus  Cyrillus  Ale- 
xandrinus a  Romano  papa  Ciclestino,  quando 
coacta  est  synodus  Ephesina  adversus  Nesto- 
rium.  Cum  non  posset  Cielestinus  adesse 
Ephesi,  et  judicare  Nestorium,  visum  est  ut 
sancto  Cyrille  a  Cœlestino  permitteretur  huic 
synodo  praesidere.  Ut  itaque  constaret  eum 
babere  jus  et  autorilatem  papa; ,  sedit  cum 
Pbrygio,  et  condemnavit  Nestorium.  » 

V  11.  Après  avoir  affermi  par  tant  de  preuves 
la  couronne  des  pontifes  de  J.-C,  il  faut  venir 


aux  autres  ornements  qui  en  sont  comme  les 
accompagnements  naturels. 

En  effet,  qui  peut  se  persuader  que  les 
apôtres  ou  leurs  successeurs  qui  ornèrent  leur 
tête  d'une  couronne,  pour  honorer  le  sacrifice 
de  l'Agneau  dominateur  de  la  terre,  n'aient 
point  pensé  à  la  loi  de  la  bienséance,  qui  vou- 
lait que  le  reste  des  vêtements  répondit  à  ce 
précieux  habillement  de  tète.  Aussi  Eusebe  et 
Grégoire  de  Nazianze  viennent  de  joindre  la 
couronne  avec  l'habit  magnifique  du  sacer- 
doce. 

Le  Fils  de  Dieu  parait  dans  l'Apocalypse  avec 
ce  même  habit,  vestitum  podere,  lorsqu'il  y 
parait  avec  pompe.  Les  habits  longs  étaient  sans 
doute  communs  à  tout  l'empire  romain;  mais 
on  y  distinguait  ceux  de  l'usage  commun,  et 
ceux  qui  n'étaient  employés  que  dans  les  céré- 
monies. Les  prêtres  et  les  lévites  du  vieux  tes- 
tament n'étaient  pas  distingués  des  autres  israé- 
lites  dans  les  habits  du  commerce  civil;  mais 
ils  l'étaient  entièrement  dans  les  vêtements  de 
cérémonie  et  de  religion.  L'Eglise  a  emprunté 
bien  d'autres  choses  de  la  synagogue. 

VIII.  Entre  les  libéralités  que  Constantin  fit 
à  l'Eglise,  on  peut  bien  compter  les  manteaux 
ou  les  chappes  de  prix  qu'il  donna  aux  évèques 
pour  officier  avec  plus  de  pompe  aux  jours 
solennels.  Ce  n'est  que  par  occasion  que  Théo- 
doret  a  fait  mention  de  l'étole  sacrée  que  Cons- 
tantin avait  autrefois  donnée  à  Macaire,  évêque 
de  Jérusalem,  afin  qu'il  la  portât  lorsqu'il  don- 
nerait solennellement  le  baptême  (Theodoret, 
1.  ii,  c.  27).  Cyrille,  évêque  de  Jérusalem,  la 
vendit  depuis,  un  comédien  l'acheta  et  s'en 
revêtit  en  jouant  sur  le  théâtre;  cette  impiété 
lui  coûta  la  vie,  car  il  tomba  en  jouant  son 
personnage,  et  mourut  de  sa  chute.  Cependant 
sur  ce  récit,  l'empereur  Constance  s'aigrit 
étrangement  contre  saint  Cyrille.  «Sacram  sto- 
lam,  Upàv,  aureis  filis  contextam  ,  quam  impe- 
rator  Constantinus  Macario  dederat,  etc.  » 

On  peut  douter  si  cette  ehappe  était  de  celles 
que  les  évèques  portaient,  étant  seulement 
plus  riche,  à  cause  que  l'empereur  en  faisait 
un  présent  à  l'Eglise;  ou  bien  si  c'était  vrai- 
ment un  manteau  impérial,  dont  ce  pieux 
prince  voulut  honorer  la  royauté  spirituelle 
des  pontifes  chrétiens,  et  honorer  en  même 
temps  l'empire,  en  faisant  rejaillir  sur  la  per- 
sonne sacrée  des  empereurs  quelques  rayons 
de  la  majesté  du  sacerdoce  par  cette  commu- 
nication d'ornements  pompeux. 


DES  HABITS  CONSACRES  AU  SERVICE  DES  Al'TELS. 


13 


IX.  Si  l'on  prenait  ce  dernier  parti,  on  pour- 
rait en  conjecturer  que  ce  furent  là  les  com- 
mencements du  pallium  des  archevêques , 
puisqu'on  ne  peut  nier  que  ce  ne  fût  toujours 
avec  l'agrément  des  empereurs  que  les  papes 
mêmes  l'ont  donné  durant  quelques  siècles. 
Théodoret  ne  parle  que  de  ce  manteau  impérial 
donné  à  Févèque  de  Jérusalem,  parce  qu'il  ne 
s'est  pas  présenté  d'occasion  de  parler  d'autres 
semblables  libéralités  faites  par  cet  empereur. 

II  ne  faut  pas  non  plus  ni  omettre,  ni  rejeter  la 
conjecture  de  ceux  qui  croient  que  ce  manteau 
impérial,  communiqué  aux  pontifes  chrétiens, 
était  celui-là  même  que  les  empereurs  romains 
avant  leur  conversion  avaient  emprunté  des 
grands  pontifes  païens,  dont  ils  prenaient  eux- 
mêmes  la  qualité. 

Saint  Grégoire  de  Nysse,  dans  le  discours  qu'il 
a  fait  sur  saint  Théodore  martyr,  remarque 
que  les  empereurs  avaient  pris  avec  l'office 
l'habit  des  grands  pontifes  qui  était  une  pour- 
pre plus  sombre  et  moins  éclatante.  Tout  le 
monde  sait  que  les  empereurs  chrétiens,  jus- 
qu'à Gratien ,  portèrent  la  même  qualité  de 
grands  pontifes. 

X.  Mais  il  n'importe  lequel  de  ces  deux  sen- 
timents on  voudra  suivre  :  11  en  résultera  tou- 
jours que  dans  les  cérémonies  saintes  on  usait 
d'autres  habits  que  des  communs,  soit  qu'ils 
fussent  imités  des  pontifes  de  la  gentilité,  ou 
empruntés  des  empereurs,  ou  enfin  qu'ils  fus- 
sent plus  anciens  que  les  empereurs  chrétiens. 

On  lit  dans  la  bibliothèque  de  Photius 
(Cap.  cclvi),  des  actes,  où  il  est  dit  que  Métro- 
phane,  évêque  de  Constantinople,  désigna  pour 
son  successeur  Alexandre,  en  présence  de  l'em- 
pereur Constantin,  en  remettant  sur  l'autel  son 
pallium,  ou  sa  chappe,  ùpipôpuw,  et  comman- 
dant qu'on  le  remît  entre  les  mains  d'Alexandre 
(L.  i,  ep.  136). 

Isidore  de  Damiette  nous  a  fait  une  descrip- 
tion assez  exacte  de  cet  ornement  pontifical, 
quand  il  dit  que  l'évèque  célèbre  en  étant 
revêtu,  qu'il  est  de  laine,  et  non  de  lin,  qu'il 
lui  couvre  les  épaules,  et  qu'il  représente  la 
brebis  égarée  que  le  divin  pasteur  rapporte  sur 
son  dos. 

XI.  Quant  aux  autres  habillements  sacrés,  ce 
même  Père  dit  que  le  linge  avec  lequel  le 
diacre  servait  au  sacrifice,  nous  représente 
celui  dont  le  Fils  de  Dieu  se  ceignit  pour  laver 
et  pour  essuyer  les  pieds  de  ses  apôtres  (Ibidem). 
Saint  Grégoire  de  Nazianze  avait  déjà  remarqué 


que  tout  le  clergé  était  re\ètu  d'ornements 
blancs  et  éclatants  pendant  les  divins  offices. 
«  Ministri  in  splendidis  vestibus  astabant,  ful- 
goris  an  gel  ici  imagines.  » 

Saint  Chrysostome  approprie  particulière- 
ment aux  diacres  ces  étoles  très-blanches  et 
voltigeantes  à  la  façon  des  ailes  des  anges. 
«  Recordamini  tremendorum  mysteriorum  et 
ministrorum  divini  sacrifie»,  tenuibus  linteis 
super  sinistros  humeros  impositis  angelorum 
alas  imitantium  .  et  per  Ecclesias  discurren- 
tium  (Hom.  de  filio  prodigo).  »  C'est  cette 
étole  que  le  concile  de  Laodicée  appelle  àfàpm, 
et  qu'il  interdit  aux  sous-diacres  et  autres 
ministres  inférieurs. 

XII.  L'explication  de  ce  terme  qui  est  latin 
d'origine ,  nous  fera  fort  à  propos  passer  à 
l'Eglise  latine.  Les  Latins  nommaient  orarhem 
ce  que  nous  appelons  un  mouchoir.  Saint  Am- 
broise  faisant  l'éloge  funèbre  de  son  frère 
Satyre,  dit  que  pour  éviter  le  naufrage  il  se 
jeta  dans  la  mer  après  avoir  enveloppé  la  divine 
Eucharistie  dans  un  de  ces  linges,  et  s'en  être 
enveloppé  le  col.  «  Etenim  ligari  fecit  in  orario, 
et  orarium  involvit  in  collo,  atque  ita  se  deje- 
cit  in  mare.  » 

Le  même  saint  Ambroise  dit  qu'on  jetait  des 
mouchoirs  :  «  quanta  orariajactantur,  »  sur  les 
corps  des  saints  Gervais  et  Protais,  nouvelle- 
ment découverts,  pour  les  conserver  ensuite 
comme  autant  de  reliques  miraculeuses  (Epist. 
lxxxv).  Vopiscus  dit  que  l'empereur  Aurélien 
fit  une  magnifique  largesse  au  peuple  romain 
de  tuniques  de  lin  et  de  mouchoirs.  «  Donasse 
etiam  populo  Romano  tunicas  albas  manicatas 
ex  diversis  proviuciis,  et  lineas  Afras,  atque 
.Egyptias  puras;  ipsumque  primum  donasse 
oraria  populo  Romano ,  quibus  uteretur  ad 
favorem.  » 

XIII.  11  ne  faut  pas  trouver  étrange  que  les 
étoles  blanchesvolantesetde  lin, que  saint  Chrv- 
sostome  vient  de  nous  faire  voir,  et  qui  faisaient 
l'ornement  propre  des  diacres  dès  le  temps  du 
concile  de  Nicée,  n'eussent  été  originairement 
que  des  mouchoirs  ou  des  linges  pour  essuyer 
la  sueur  et  la  pituite;  puisque  tous  les  auteurs 
anciens  et  modernes  conviennent  que  ce  que 
nous  appelons  le  manipule,  n'avait  été  dans  les 
commencements  qu'un  mouchoir,  ou  un  linge 
destiné  au  même  usage. 

L'étole  des  diacres  et  le  manipule  des  sous- 
diacres,  ont  eu  la  même  origine  et  le  même 
sort.  Ce  n'ont  été  que   des   linges   destinés 


44 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-CINQUIÈME. 


d'abord  à  l'usage  que  nous  avons  dit,  ou  à 
quelque  autre  approchant.  Par  le  respeet  qu'on 
portait  au  sacrifice,  on  les  a  tellement  enrichis 
avec  le  temps,  qu'on  en  a  fait  des  ornements 
riches  et  honorables,  et  on  a  été  obligé  de  subs- 
tituer en  leur  place  d'autres  mouchoirs. 

C'est  ainsi  que  le  manipule,  Mappula-,  fut 
substitué  pour  servir  de  mouchoir  après  que 
l'orarium  eût  changé  de  nature,  et  le  manipule 
ayant  été  aussi  enrichi  d'or  et  de  broderie  avec 
le  temps,  et  étant  devenu  un  ornement  de 
parade,  on  a  pris  d'autres  mouchoirs  com- 
muns. 

XIV.  11  ne  faut  pas  inférer  de  là  que  les  vête- 
ments sacrés  ont  été  les  mêmes  que  les  civils; 
puisqu'H  paraît  au  contraire  que  les  ornements 
civils  même  n'ont  pu  approcher  des  autels, 
sans  devenir  sacrés,  et  incommunicables  après 
cela  aux  usages  profanes.  C'est  manifestement 
ce  que  dit  le  décret  du  pape  Etienne  qui  mou- 
rut en  200.  «  Hic  constituti  sacerdoteset  levitas 
vestibus  sacratis  in  usu  quotidiano  non  uti,  et 
nisi  in  Ecclesia  tantum  (Raron.,  an.  2(30, 
n.  0).  » 

Valafride  Strabon  cite  ce  décret  du  pape 
Etienne,  qui  est  tiré  du  livre  pontifical, et  il  en 
conclut  qu'avant  ce  pape  on  célébrait  avec  les 
habits  communs.  «  Vestes  sacerdotales  per  iri- 
crementa  ad  eum  qui  nunc  habetur,  aucta  sunt 
ornatum.  Nam  primis  temporibus  communi 
indumento  vestiti,  missasagebant,  sicut  et  hac- 
fenus  quidam  orientalium  facére  prohiben- 
tur.  » 

Je  crains  que  cette  conclusion  ne  soit  un  peu 
trop  étendue;  car  quoique  la  suite  des  siècles 
ait  et  enrichi  et  multiplié  les  ornements  sacrés, 
quoique  les  ornements  sacrés  aient  beaucoup 
de  rapport  avec  les  anciens  habillements  des 
Romains,  des  Grecs  et  des  Orientaux;  ce  que 
nous  avons  dit  est  néanmoins  plus  que  suffi- 
sant pour  montrer  qu'avant  le  pape  Etienne,  et 
depuis  la  naissance  même  de  l'Eglise,  on  affecta 
toujours  quelque  singularité  dans  les  vête- 
ments qui  servaient  au  sacrifice. 

XV.  Saint  Jérôme  expliquant  un  passage 
d'Ezécbiel,  montre  clairement  la  distinction 
des  habits  communs,  d'avec  ceux  qui  servent 
à  la  religion.  «  Per  qua?  discimus  non  quoti- 
dianis,  et  quibuslibet  pro  usu  vitae  communis 
pellutis  vestibus  nos  ingredi  debere  in  sancta 
Sanctorum,  sed  munda consçientia et  mundis 
vestibus  tenere  Domini  sacramenta,  etc.  Porro 
Religio  divina  allerum  habitum  habet  in  mi- 


nisterio ,  alterum   in  usu  vitaque  communi 
(In.  c.  44  Ezechiel.).  » 

Il  est  vrai  que  ce  Père  semble  mettre  la  prin- 
cipale différence  entre  ces  deux  sortes  d'habil- 
lements dans  la  propreté  et  la  blancheur  plus 
éclatante  de  ceux  qui  servent  à  l'Eglise,  ce  qui 
est  un  symbole  de  la  pureté  de  la  conscience 
de  tous  les  ministres  de  l'autel.  «  Munda  con- 
sçientia, mundis  vestibus  tenere  Domini  sacra- 
menta. » 

Voici  comme  il  parle  encore  ailleurs  sur  ce 
sujet.  «  Si  episcopus,  si  presbyter,  diaconus  et 
reliquus  ordo  ecclesiasticus  in  adnhnistratione 
sacrificiorum  candida  veste  processerit  (Contra 
Pelagi.,  I.  î).  » 

XVI.  11  était  difficile  de  trouver  d'autres 
différences  dans  les  siècles,  où  le  commun  des 
hommes  était  vêtu  de  long,  où  le  luxe  et  la 
commodité  avaient  inventé  et  mis  en  usage 
toutes  les  vérités  imaginables  dans  les  habits 
longs,  où  les  tuniques  de  lin,  aussi  bien  que 
celles  de  laine  avaient  été  dans  l'usage  com- 
mun. 

Il  était  alors  certainement  difficile  d'affecter 
au  ministère  des  autels  quelque  habillement 
que  ce  fût,  qui  n'eût  déjà  été  profané  par  les 
séculiers.  Aussi  tous  les  habits  du  sacré  minis- 
tère se  trouvaient  avoir  le  même  nom  et  la  même 
forme  que  ceux  dont  on  se  servait  dans  la  vie 
civile.  Et  néanmoins  on  s'étudiait  à  y  mettre 
quelque  différence,  ou  par  la  blancheur  extraor- 
dinaire, ou  par  la  propreté  et  la  somptuosité, 
comme  on  le  peut  voir  dans  ce  que  saint  Jérô- 
me vient  de  nous  dire  des  habits  blancs  de  tout 
le  clergé  à  l'autel ,  et  dans  ce  riche  manteau, 
dont  Constantin  fit  présent  à  Macaire  de  Jéru- 
salem. 

Cassien  opposant  la  pauvreté  des  habits  dont 
usaient  les  moines  à  la  somptuosité  de  ceux 
des  séculiers  ,  parle  de  ces  derniers  en  cette 
sorte  :  «  Et  ita  planeticarum  atque  byrrorum 
pretia  simul  ambitionenvjue  déclinant  (L.  i. 
De  habitu  Mona.,  c.  7.)  Si  cette  sorte  d'habille- 
ment, planetica,  était  commune  aux  laï- 
ques, celle  de  casula  ne  l'était  pas  moins.  Voici 
comme  Ferrand,  diacre,  parle  de  saint  Fulgencc 
et  de  ses  religieux  dans  la  vie  de  ce  saint:  «Casu- 
lam  pretiosam  vel  superbi  coloris nec  monachos 
suos  habere  permisit.  Subtus  casulam  nigello, 
vel  lactinio  pallio  circumdatus  incessit.  Quando 
temperies  aeris  invitabat,  solo  pallio  intra  mo- 
nasterium  est  coopertus  Cap.  18).» 
Voilà  pour  les  habits,  dont  il  usait  dans  la 


DES  HABITS  CONSACRES  AU  SERVICE  DES  AUTELS. 


« 


maison ,  voici  pour  ceux  de  l'autel.  «  In  qua 
tunica  dormiebat,  in  ipsa  sacrificabat;  et  in 
tempore  sacrificii  mutanda  esse  potius  corda, 
quam  vestimenta  dicebat.  a 

Cette  singularité  de  saint  Fulgence  peut 
servir  de  preuve,  que  la  coutume  ordinaire 
était  de  prendre  des  habillements  propres,  et 
tout  différents  à  l'autel.  Et  quant  à  cette  tunique 
que  saint  Fulgence  ne  changeait  point ,  cela 
n'est  marqué  par  Ferrand  que  pour  nous  faire 
remarquer  l'extrême  pureté  de  saint  Fulgence 
qui  était  exempte  de  toutes  les  impuretés  invo- 
lontaires même  de  la  nuit.  Les  autres  qui  n'a- 
vaient pas  le  même  don  du  ciel ,  changeaient 
même  de  tunique  avant  de  prendre  les  habits 
sacerdotaux  pour  la  célébration  des  mystères. 

Nous  dirons  dans  la  suite,  que  c'a  été  par  une 
raison  semblable  qu'en  quelques  lieux  on  intro- 
duisit l'usage  d'une  première  aube  sans  man- 
ches, pour  ne  pas  mettre  les  habits  sacerdotaux 
immédiatement  sur  les  habits  communs.  Jean, 
diacre,  qui  a  écrit  la  vie  de  saint  Grégoire } 
pape,  dit  qu'on  voyait  à  Rome  la  peinture  de 
Gordien,  père  de  ce  grand  pape,  revêtu  d'une 
dalmatique,  et  d'une  chasuble  par -dessus. 
«  Cujus  Cordiani  habitus  castanei  coloris  pla- 
neta est,  sub  planeta  dalmatica    L.  iv.  c.  83.)  » 

Le  cardinal  Baronius  conjecture  de  là,  que 
Gordien  avait  reçu  les  ordres  sacrés  avant  la  lin 
de  sa  vie.  Mais  c'est  deviner  ;  et  on  sait  assez 
d'ailleurs  que  tous  ces  habillements  divers , 
«  Casula,  planeta,  dalmatica,  penula,  »  étaient 
dans  l'usage  commun  des  séculiers.  Aussi  ce 
savant  cardinal  laisse  enfin  la  chose  douteuse, 
si  Gordien  est  vêtu  dans  cette  peinture  en  séna- 
teur, ou  en  diacre.  «  Attentius  tu  considéra, 
quem  reddat  piclura ,  senalorem ,  vel  diaco- 
num.  » 

XVII.  II  n'est  pas  moins  certain,  que  les 
aubes  venaient  aussi  de  l'usage  commun.  Vo- 
piscus  nous  a  appris  ci-dessus,  qu'Aurélien  fit 
une  libéralité  au  peuple  de  ces  sortes  d'habil- 
lements, «  Tunicas  albas,  manicatas,  ex  diver- 
sis  provinciis,  et  lineas  Afras,  atque  .Egyptias 
puras.  »  C'était  apparemment  une  de  ces  aubes 
d'Afrique  dont  saint  Cyprien  demeura  vêtu 
lors  de  son  martyre,  puisque  Pontius  dit, 
o  Stetisse  in  linea.  »  C'est  peut-être  une  de  ces 
tuniques  que  le  prêtre  Népotien  laissa  par  tes- 
tament à  saint  Jérôme  :  «  Tunica,  qua  utebar 
in  ministerio  Christi  (Hieron.  Epist.  ad  He- 
liod.).  » 

Il  y  avait  de  ces  aubes  qui  étaient  simples 


et  sans  broderie,  puras  dit  Vopiscus.  11  y 
en  avait  qui  étaient  relevées  d'or,  de  soie,  ou 
de  quelque  autre  matière  précieuse.  Il  ne  faut 
pas  douter  que  les  plus  précieuses  ne  fussent 
réservées  à  l'autel.  Aussi  Optât  raconte  que 
l'empereur  avait  envoyé  des  ornements  aux 
églises.  Et  qui  doute  que  ces  ornements  ne  fus 
sent  dignes  de  la  magnificence  impériale* 
«  Misisse  ornamenta  domibus  Dei.  » 

Le  même  Vopiscus  (L.  2.)  nous  a  appris  la 
manière  d'orner  ces  aubes  de  lin,  en  y  appli- 
quant tout  autour  des  bordures,  des  franges, 
ou  des  passements  de  pourpre,  ou  de  quelque 
matière  précieuse:  et  y  en  appliquant  même 
jusqu'à  deux,  trois,  quatre  et  cinq  rangs,  ce 
qui  faisait  aussi  diversifier  leurs  noms.  «  Et 
quidem  aliis  monolores,  aliis  dilores,  trilores 
aliis,  et  usqueadpentalores,  qualeshodie  lineae 
sunt  (In  Aureliano).  »  Le  concile  IV  de  Car- 
tilage (Can.  xli)  défendit  aux  diacres  de  por- 
ter l'aube  hors  le  temps  du  sacrifice,  ou  de  la 
lecture  qui  se  fait  dans  l'église.  «  Ut  diaco- 
nus  tempore  oblationis  tantum,  vel  lectionis, 
alba  utatur.  » 

On  peut  conjecturer  de  là,  que  les  évoques, 
et  les  prêtres  portaient  leur  aube  même  hors 
du  temps  du  sacrifice;  peut-être  durantlechant 
des  divins  offices  dans  l'église  ,  peut-être  hors 
de  l'église  même  dans  le  commerce  civil,  pour 
se  distinguer  du  commun  des  hommes,  et  s'en- 
gager eux-mêmes  à  faire  éclater  la  sainteté  du 
sacerdoce  dans  toutes  leurs  conversations  avec 
les  autres  hommes.  Cela  sera  encore  plus  clair 
dans  les  siècles  suivants.  Il  ne  faut  pas  oublier 
la  tunique  blanche  et  éclatante  que  saint  Chry- 
sostome  donne  aux  diacres  ,  «  Tunicam  indui 
Caildidissimam.  i.vi/.-.-i  xywnimm  xai  à-ccTixpov-*  (Ho- 
mil.  83.  in  Math.)  » 

XVIII.  Ces  passements  ou  bandes  de  quelque 
matière  plus  précieuse ,  qui  faisaient  le  prix  et 
l'ornement  des  habits  de  cérémonie,  en  la  ma- 
nière que  Vopiscus  vient  d'en  parler,  peuvent 
servir  à  nous  donner  quelque  éclaircissement 
sur  l'étole  des  diacres,  et  sur  le  pallium  des 
archevêques.  Il  y  a  cela  de  commun  entre 
l'étole  et  le  pallium ,  que  l'un  et  l'autre  sont 
naturellement  un  juste  habit,  qui  puisse  cou- 
vrir tout  le  corps;  (Car  le  mot  de  stola  se  prend 
dans  l'écriture,  dans  Joseph,  et  dans  les  auteurs 
profanes  pour  un  habillement  entier)  et  ne 
sont  plus  aujourd'hui  que  de  simples  bandes 
fort  étroites.  Comme  l'enrichissement  et  le  prix 
de  ces  vêtements  ne  consistait  que  dans  ces 


46 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SIXIÈME. 


bandes  de  pourpre  ou  de  broderie ,  on  les  a 
détachées  du  reste  qui  n'était  qu'un  habit  com- 
mun, pour  les  porter,  ou  pour  les  envoyer  plus 
commodément. 

L'auteur  de  la  donation  de  Constantin  l'avait 
fort  bien  compris  ,  quand  il  faisait  donner  au 
pape  Sylvestre  par  l'empereur  Constantin  cette 
sorte  d'ornement  impérial.  «  Nos  sancto  ipsius 
capiti  radiantissimum  lorum  imposuimus.  » 
Voilà  la  couronne  ou  le  diadème.  Voici  le 
pallium  ,  a  Lorum  et  humerale ,  quod  Impe- 


ratoriœ  Majestatis  collumcingit.  »  Le  manipule 
est  devenu  quelque  chose  d'approchant.  On  n'a 
laissé  que  la  longue  bande  qu'on  avait  enri- 
chie, et  on  en  a  retranché,  aussi  bien  que  de 
l'étole,  tout  le  reste  du  litige. 

.l'avoue  que  je  n'ai  pu  encore  deviner  com- 
ment nous  avons  appliqué  le  mot  stola ,  au 
linge  qu'on  appelait  avec  raison,  «  Orarium  et 
sudarium ,  »  parce  qu'il  servait  à  essuyer  la 
sueur  du  visage.  «  Ad  detergendum  oris  su- 
dorem.  » 


CHAPITRE   QUARANTE-SIXIEME. 


DE    L  HABIT    CLÉRICAL   DANS    LA    VIE    CIVILE,    DANS   L  OCCIDENT   ET   DANS    L  ORIENT, 
AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET    HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Dans  la  France,  l'habit  civil  des  ecclésiastiques  était  déjà 
distingué  de  celui  des  laïques  dans  les  sixième  et  septième 
siècles. 

II.  III.  Il  était  plus  modeste  et  toujours  long. 

IV.  Les  évèques  avaient  toujours  un  habit  de  lin  ;  les  prêtres 
en  prenaient  un  de  lin  en  prêchant  ;  les  moines  n'en  avaient 
que  de  laine. 

V.  Les  habits  impériaux  ont  été  communiqués  aux  rois  et 
aux  évèques. 

VI.  VII.  En  Italie,  saint  Grégoire  distingue  toujours  les  clercs 
des  laïques  par  l'habit.  Les  nations  barbares  avaient  mis  en 
vogue  les  habits  courts.  L'Eglise  romaine  a  conservé  fidèlement 
l'habit  et  le  langage  romain. 

VIII.  Ces  expressions  si  fréquentes  de  l'habit  des  ecclésiasti- 
ques et  des  séculiers,  montre  que  cette  distinction  n'était  pas 
ancienne,  puisqu'elle  était  inconnue  aux  quatre  ou  cinq  pre- 
miers siècles. 

IX.  X  En  Orient,  on  peut  faire  la  même  remarque,  on  n'y 
distinguait  l'habit  des  clercs  que  par  la  modeslie. 

I.  L'habit  clérical  accompagne  la  tonsure  ,  et 
on  ne  peut  douter  qu'il  ne  fût  distingué  de 
celui  des  personnes  séculières  dans  les  vie  et 
VIIe  siècles.  On  l'a  déjà  pu  remarquer  en  quel- 
ques passages  ci-devant  rapportes. 

Le  concile  d'Agde  (Can.  xx)  après  avoir 
réglé  la  tonsure,  vient  aux  habits  des  clercs, 
et  y  prescrit  la  même  modestie  :  «  Vestimenta 
vel  calceamenta  etiam  cis,  nisi  qua?  religionem 
deceant,  uli  vel  habere  non  liceat.  » 

Le  concile  I  de  Màcon  (Can  v)  défend  aux 
ecclésiastiques  l'usage  des  habits  séculiers,  sur 
tout  des  militaires,  et  le  port  des  armes,  sous 


peine  de  la  prison ,  et  d'un  jeûne  de  trente 
jours  au  pain  et  à  l'eau.  «  Ut  nullus  clericus 
sagum  ,  aut  vestimenta  vel  calceamenta  ssecu- 
laria ,  nisi  quœ  religioni  deceant,  induere  pra> 
sumat.  Quod  si  post  hanc  definitionem  cleri- 
cus aut  cum  indecenti  veste,  aut  cum  armis 
inventus  fuerit,  a  seniore  ita  coerceatur,  uttri- 
ginta  dierum  inclusione  detentus,aquatantum 
et  modico  pane  diebus  singulis  sustentetur.  » 

L'usage  des  habits  courts  s'introduisait  et 
s'augmentait  d'un  jour  à  l'autre;  ce  canon 
semble  les  défendre  aux  clercs,  en  leur  inter- 
disant le  savon,  Sagum,  et  les  affermissant 
dans  l'usage  de  la  toge  romaine. 

II.  Le  concile  de  Narbonne  en  589  (Can.  i) 
défendit  aussi  aux  ecclésiastiques  les  habits  de 
pourpre,  dont  les  personnes  les  plus  qualifiées 
usaient  aussi  bien  que  les  magistrats,  et  dont 
la  modestie  ne  permettait  pas  aux  ecclésiasti- 
qin  s  de  se  servir.  «  Ut  nullus  clericorum  ve- 
stimenta purpurea  induat,  qua»  ad  jactanliam 
pertinent  mundialem  ,  non  ad  religiosam 
ilignitatem.  Ut  sicut  est  devotio  in  mente,  ita 
et  ostendaturin  corpore.  Quia  purpura  maxime 
laicorum  potestate  prœdictis  debetur,  non 
religiosis.  » 

Ces  deux  règles  méritent  bien  d'être  remar- 
quées. 


DE  L'HABIT  CLÉRICAL  DANS  LA   VIE  CIVILE. 


47 


1°  Que  la  pourpre  doit  servir  aux  laïques 
mêmes,  non  pas  pour  orner  leur  personne, 
mais  pour  faire  respecter  leur  dignité,  et  la 
portion  de  l'autorité  royale,  dont  ils  sont  dépo- 
sitaires pour  le  bien  publie. 

2°  Que  la  dignité  des  ecclésiastiques  doit  se 
distinguer  et  se  faire  honorer  plutôt  par  la 
modestie  que  par  la  pompe  des  habits,  parce 
que  la  vertu  de  leur  âme ,  et  l'amour  cju'ils 
ont  pour  l'humilité  et  pour  la  pauvreté,  doit 
rejaillir  jusque  sur  leur  corps.  «  Ut  sicut  est 
devotio  in  mente, ita  et  ostendatur  incorpore.» 

III.  Le  concile  de  Liptines  tenu  en  743  (C.  7) 
défendit  encore  les  habits  courts  aux  prêtres 
et  aux  diacres,  sans  y  comprendre  les  moindres 
clercs,  à  cause  des  désordres  effroyables  du 
huitième  siècle,  auxquels  on  ne  pouvait  pas 
entièrement  remédier.  «  Ut  presbyteri ,  vel 
diaconi,  non  sagis  laicorum  more  ,  sed  casulis 
utantur,  ritu  servorum  Dei.  »  C'est  le  même 
sens  du  canon  III  du  concile  de  Soissons  tenu 
en  744.  «  Nec  laicorum  habitum  portent  omnes 
clerici.  » 

Le  concile  tenu  par  l'apôtre  d'Allemagne 
Boniface  ,  joignit  ces  trois  défenses  ,  des  habits 
courts,  des  habits  militaires,  et  des  habits  pom- 
peux. «  Interdiximus  servis  Dei,  ne  pompatico 
habitu,  vel  sagis,  vel  armis  utantur  (Bonifiât., 
epist.  105.)  » 

IV.  Le  pape  Zacharie  répondant  aux  consul- 
tations de  Pépin  ,  encore  maire  du  palais,  or- 
donne à  l'évêque  d'user  d'habits  proportionnés 
à  sa  dignité  et  que  les  prêtres  ou  les  curés  relè- 
vent aussi  leur  fonction  par  un  ornement  plus 
riche,  lorsqu'ils  prêcheront  la  parole  de  Dieu, 
mais  qu'en  particulier  ils  fassent  voir  sur  leur 
corps  que  la  modestie  règne  dans  leur  cœur. 

«  Et  nos  ab  apostolica  autoritate  subjun- 
gimus,  ut  episcopus  juxta  dignitatem  suam 
indunientis  utatur,  simili  modo  et  presbyteri 
cardinales,  plebi  quidem  sibi  subjeetae  prse- 
clariori  veste  induti,  debitum  praedicationis 
persolvant  :  et  in  secreto  propositum  servent 
suicordis,  ut  qui  videt  in  abscondito  Deus, 
reddat  illis  in  palam.  Non  enim  nos  lionor 
commendat  vestium,  sed  splendor  animarum. 
(Conc.  Gall.,  tom.  i,  p.  503).  » 

Quant  aux  moines,  ce  pape  ne  leur  permet 
que  des  habits  de  laine,  selon  leur  règle,  soit 
dans  le  particulier,  soit  dans  les  offices  de 
l'Eglise.  «  Monachi  vero  lanea  indumenta, 
juxta  normam  et  regulam  monasticœ  disci- 
plina' ,  atque  traditionem  sanctorum  proba- 


bilium  I'atrum,  sine  inlerniissione  utantur. 
Ce  pape  ajoute,  que  le  Fils  de  Dieu  figurant 
les  vertus  monastiques  dans  ses  Apôtres ,  leur 
défendit  d'avoir  deux  sortes  de  tuniques,  et 
partant  ne  leur  laissa  qu'une  tunique  de  laine, 
et  non  de  lin.  «  Apostolis  quippe  divinum  da- 
tum  est  mandatum,  duas  tunicas  non  habendi. 
Tunicas  dixit  Christus,  utique  laneas,  non 
lineas.  »  Il  semble  donc  que  ce  pape  défend 
aux  moines  les  tuniques  de  lin,  ou  les  aubes, 
et  les  accorde  aux  prêtres  pendant  qu'ils  prê- 
chent, au  lieu  qu'il  les  laisse  auxévêques,  sans 
les  en  jamais  dépouiller. 

V.  Grégoire  de  Tours  rapporte  que  Clovis  se 
revêtit  dans  l'église  de  saint  Martin  de  Tours 
d'une  tunique  de  pourpre,  d'une  robe  et  d'une 
couronne  impériale  que  l'empereur  Anastase 
lui  avait  envoyées  avec  les  patentes  du  consulat. 
«  Ab  imperatore  Anastasip  codicillos  de  consu- 
latu  accepït,  et  in  basilica  B.  Martini  tunica  blat- 
tea  indutus  est  et  chlamyde,  imponens  vertici 
diadema,  etc.  Tauquam  consul  et  Augustus 
(L.  il,  c.  38).  » 

Les  empereurs  firent  donc  part  aux  rois 
chrétiens  aussi  bien  qu'aux  évoques  de  leurs 
ornements  impériaux,  et  la  pourpre  n'était 
alors  accordée  que  comme  une  participation 
de  la  dignité  impériale.  Mais  ce  même  auteur 
dit  plus  nettement  ailleurs  qu'il  y  avait  un 
habit  tout  propre  et  particulier  aux  clercs,  et 
qui  les  distinguait  aussi  bien  que  leur  tonsure  : 
«  Meroveus  tonsuratus  est,  mutataque  veste, 
qua  clericis  uti  mos  est ,  presbyter  ordinatur 
(L.  v,  c.  14).  » 

VI.  Saint  Grégoire  fait  voir  avec  la  même 
évidence  la  diversité  d'habits  entre  les  ecclésias- 
tiques et  les  laïques  :  «  Paulum  clericum,  qui 
despecto  habitu  suo,ad  laicam  reversus  vitam, 
ad  Africain  fugerat,  prœvidimus  pœnitentiam 
dari  (L.  m,  epist.  24).  »  Et  ailleurs,  «  Dum  ad 
ecclesiasticum  habitum  veniunt,  etc.  Dum  in 
ecclesiastico  habitu,  non  dissimiliter  quam 
vixerant,  vivunt,  nequaquam  student  saeculum 
fugere,  sed  mutare  (L.  vu,  epist.  11).  » 

Les  femmes  même,  ou  les  veuves  des  prêtres 
avaient  un  habit  particulier  :  «  Abbalissa  mo- 
naebica  veste  indui  noluerat,  sed  in  vestibus, 
quihus  loci  illius  utuntur  presbytera?,  per- 
manserat(L.  vu,  epist.  7,  07,  Hl,  US).  » 

Les  évoques  doivent  châtier  les  clercs  qui 
sont  en  faute,  sans  épargner  leur  habit  :  «  Quos 
apud  vos  habitus  sui  magis  officium  commen- 
det,  quam  excuset.  » 


48  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SIXIÈME. 


Il  dit  ailleurs,  «  Neophytus  mine  est,  qui  re- 
pente in  religionis  habita  plantains,  ad  am- 
biendos  sacros  honores  irrepserit.  »  Et  ailleurs 
encore,  «  Quidam  instinctu  inanis  gloriae  il- 
lecti,  ex  laico repente  habitu  sacerdotii  honorem 
arripiunt.  » 

Jean  diacre,  dans  la  vie  de  ce  saint  Pape,  dit 
qu'entrant  dans  l'état  monastique  il  laissa  l'or 
et  la  soie,  «  relictis  sericis,  auro  gemmisque 
radiantibus  togis,  etc.  (L.  i,  c.  6,  25).  »  11  en 
eût  fait  autant  pour  l'état  ecclésiastique  où  le 
pape  Renoist  l'éleva  quelque  temps  après  en  le 
faisant  diacre,  et  où  il  approcha  encore  plus  de 
la  sainteté  des  anges  par  la  pureté  de  ses  mœurs, 
que  par  la  blancheur  de  ses  habits.  «  Ut  in 
ecclesiasticae  hiérarchise  ministerio  videretur 
divinis  angelis  non  solum  nitore  habitus, 
verum  etiam  claritate  morum  probabilium 
quodam  modo  eoiequari.  » 

VII.  Mais  rien  n'est  plus  beau  ni  plus  formel 
que  ce  que  le  même  Jean,  diacre,  dit  de  toute 
la  maison  de  ce  saint  pontife,  d'où  il  bannit 
tous  les  laïques,  et  où  il  n'admit  que  des  clercs, 
tous  vêtus  à  la  romaine  et  tous  parlant  la  langue 
de  Rome.Enefiet,  les  habits  courts  des  laïques 
tiraient  leur  origine  des  nations  étrangères, 
aussi  bien  que  la  barbarie  de  la  langue.  «  Nullus 
pontifici  famulantiuin  a  minimo  usque  ad 
maximum,  barbaruin  quidlibet  insennone  vel 
habitu  prœferebat.  Sed  togata,  Quiritum  more, 
seu  trabeata  latinitas  suum  Latium  in  ipso 
Laliali  palatio  singulariter  obtinebat  (L.  u, 
c.  13).  » 

11  ne  pouvait  rien  dire,  ni  de  plus  vrai,  ni  de 
plus  juste  ;  puisqu'il  est  certain  que  c'est  la 
seule  Eglise  romaine  qui  a  résisté  avec  une 
fermeté  invincible  au  torrent  de  la  barbarie, 
qui  a  conservé  la  langue  latine  dans  sa  pureté, 
qui  a  gardé  l'habit  long  des  Romains,  et  qui 
peut  encore  porter  avec  vérité  ce  titre,  «  Gen- 
temque  togatam.  » 

VIII.  Le  même  saint  Grégoire  parlant  aux 
séculiers,  les  désigne  par  leur  habit,  «  Vos 
quos  sa>cularis  habitus  tenet  (Hom.  iv,  in 
Evang.).  »  H  se  plaint  que  la  vie  des  clercs  ne 
répond  pas  à  leur  habit:  «  In  sancto  habitu 
constituti,  dum  exteriora  sunt  quœ  exhibent, 
quasi  sanctuarii  lapides  loris  jacent,  etc.  Mundi 
hu.jus  opéra  peragunt,  et  tamen  de  religioso 
habitu  culmen  honoris  qu;erunt  (Hom.  xvn).  » 
Et  au  contraire,  «  Nonnulli  et  srceularem  habi- 
tum  gerunt,  et  saxularem  animuin  non  habent 
(Hom.  lvi).  »  Et  ailleurs  parlant  de  lui-même, 


«  Dumadhucessem  juvenculus,atquein  saxu- 
lari  habitu  constitutus,  etc.  (Dial.,l.iv,  c.  40).» 

Ces  expressions  n'étaient  nullement  en  usage 
dans  les  siècles  précédents,  et  étant  devenus  si 
ordinaires  dans  les  vi,  vu  et  viu  siècles,  c'est 
une  marque  que  c'est  aussi  en  ce  temps  que 
les  ecclésiastiques  se  sontdistinguésdes  laïques, 
non-seulement  par  la  modestie  de  leurs  habits 
comme  auparavant,  ou  par  une  pieuse  affecta- 
lion  de  s'approcher  de  l'habit  des  moines, 
mais  principalement  par  les  habits  longs,  qui 
leur  sont  demeurés,  les  laïques  en  ayant  pris  de 
courts,  lors  de  l'inondation  des  nations  bar- 
bares. 

La  sainteté  de  la  vie  des  religieux  ayant  enfin 
surmonté  le  torrent  de  l'iniquité  du  siècle,  et 
ayant  rendu  vénérables  les  marques  mêmes 
qu'ils  avaient  affectées  pour  s'attirer  le  mépris 
et  les  humiliations,  le  clergé  qui  n'avait  pas 
encore  pu  suivre  tout  à  fait  la  même  route 
pour  ne  devenir  pas  inutile  aux  laïques,  s'ap- 
procha de  plus  en  plus  de  ces  saintes  pratiques 
des  moines,  et  dans  la  tonsure  et  dans  les 
habits. 

C'est  peut-être  pour  cela  que  l'habit  ecclésias- 
tique a  été  appelé  par  les  conciles  un  habit  de 
religion.  «  Religionis  habitus,  vestimenta  quœ 
religionem  deceant,  etc.  » 

Le  saint  religieux  et  évèque  Gilbert  aima 
cette  louable  simplicité  dans  les  habits,  qui 
imite  de  plus  près  la  nature,  et  laisse  les  laines 
dans  la  couleur  que  le  Créateur  leur  a  donnée. 
«  Vestimenlis  utebatur  communibus,  ita  tem- 
peranter  agens,  ut  horum  neque  munditiis, 
neque  sordibus  esset  notabilis.  Unde  usque 
hodie  in  eodem  monasterio  ejus  exemplo  ob- 
servatur,  ne  quis  varii  aut  pretiosi  coloris 
habeal  indumentum,  sed  ea  maxime  vestium 
specie  sint  contenti,quam  naturalis  oviurn  lana 
ministrat  (Reda  in  ejus  vita.  c.  16).  » 

Martin,  archevêque  de  Rrague,  dans  sa  fa- 
meuse compilation,  exprime  nettement  l'obliga- 
tion des  clercs  à  porter  un  habit  long.  «Etsecun- 
dum  Aaron  talarem  vestem  induere,  ut  sint  in 
habitu  ordinato  (Cap.  lxvi).  » 

IX.  Disons  un  mot  de  l'Orient,  où  les  clercs 
avaient  aussi  à  la  campagne  et  à  la  ville  un  ha- 
bit qui  leur  était  propre,  avec  défense  de  se 
servir  de  l'habit  de  séculier.  «  Nulluseorum,  qui 
in  cleri  catalogum  relati  sunt,  vestem  sibi  non 
convenienteminduat, neque  in  civitatedegens, 
neque  iter  ingrediens,  sed  utatur  vestibus, 
quœ  iis  qui  in  clerum  relati  sunt,  attributs 


DES  HABITS  DES  CLERCS  A  L'AUTEL. 


19 


fuere.  Si  quis  autem  taie  quid  fecerit,  una 
septimana  segregetur  Can.  xxvn).  » 

C'est  le  concile  in  Trullo  qui  punit  d'une 
suspension  d'une  semaine,  les  clercs  qui  auront 
pris  l'habit  des  laïques  et  laissé  celui  qui 
leur  est  propre,  soit  dans  la  ville,  soit  aux 
champs. 

X.  Justinien  Xov  124,  c.  44)  défendit  aux 
laïques  de  porter  l'habit  des  moines,  surtout 
aux  comédiens  ;  et  déclara  les  évèques,  et  tous 
les  ecclésiastiques  juges  et  vengeurs  des  ou- 
trages qu'on  ferait  à  un  si  saint  habit.  11  ne  lit 
pas  cette  défense  aux  ecclésiastiques,  parce 
que  dès  lors  une  partie  des  plus  saints  évèques 
étaient  choisis  d'entre  les  moines  et  en  por- 
taient l'habit.  Il  défend  de  donner  l'habit  de 
religion  aux  personnes  inconnues,  qu'après 
une  épreuve  ,de  plusieurs  années.  Saint  Denis 
découvre  les  raisons  mvslérieuses  du  nouvel 


habit  qu'on  donne  à  celui  qui  entre  en  reli- 
gion  Eccl.  Hierar.,  c.  6  . 

Mais  ni  cet  empereur,  ni  ce  Père  ne  disent  un 
seul  mot  du  changement  d'habit  que  doit  faire 
un  laïque  pour  entrer  dans  l'état  ecclésias- 
tique. Il  y  eût  eu  autant  de  sujet  d'en  parler  et 
d'en  faire  voiries  sens  mystiques  que  de  l'habit 
des  moines. 

C'est  encore  une  conjecture  fort  probable 
que  l'habit  ecclésiastique  en  ce  temps-la  n'était 
autre  que  l'habit  long  des  séculiers,  mais  mo- 
deste, qui  leur  est  enfin  demeuré  par  les 
changements  que  les  laïques  ont  fait,  et  font 
encore  tous  les  jours  en  leur  manière  de 
s'habiller. 

Comme  les  nations  barbares  du  septentrion 
ne  s'étaient  pas  débordées  dans  l'Orient,  l'habit 
long  y  fut  plus  longtemps  en  usage  parmi  les 
laïques  mêmes. 


(  IIAriTRE  QUARANTE-SEPTIEME. 


DES   HABITS    DES   CLERCS   A    L  Al  TEL,    DANS    LES   SIXIEME,    SEPTIEME    ET    HUITIEME    SIÈCLES. 


I.  Les  habits  consacrés  aux  fonctions  sacrées,  ont  été  de  plus 
en  plus  distingués  des  autres,  en  somptuosité  et  en  antiquité. 

II.  Saint  Grégoire  le  Grand  accorda  au  clergé  de   fi 
l'usage  des  mappules,  ou  des  manipules  qui  avaient  été  propres 
à  l'Eglise  de  Rome. 

III .  IV.  11  accorda  à  diverses  Eglises  l'usage  des  chaussures 
magnifiques,  des  aubes,  des  dalmatiques. 

V.  De  deux  sortes  de  chasubles,  les  unes  pour  l'autel,  les 
autres  de  l'usage  commun. 

VI.  Des  a 

VII.  Quels  étaient  les  habillements  sacrés  propres  à  chaque 
ordre.  Diverses  manières  de  porter  l'étole. 

Mil.  Distiuclion  des  habits  sacrés  et  profanes. 

1\.  Significations  mystérieuses  des  habillements  sacrés. 

X.  Retlexious  édifiantes  sur  la  manière  dont  saint  Fulgeuce, 
évéque  de  Rnspe,  en  usait  pour  ses  habillements  communs  et 
sacrés. 

I.  Les  habits  et  les  ornements  consacrés  au 
service  divin  ont  été  aussi  de  plus  en  plus 
distingués  de  ceux  qui  servaient  aux  ecclésias- 
tiques dans  l'usage  commun.  .Mais  quoiqu'or- 
dinairement  on  affectât  toujours  quelque  sin- 
gularité sainte  dans  les  ornements  qui  servaient 
à  l'autel,  il  y  avait  néanmoins  plusieurs  su  ries 
d'habils  somptueux  qu'on  y  apportait  de  la 


vie  civile.  Or  ce  sont  ces  habits  empruntés 
d'abord  de  l'usage  commun,  qui  devinrent  enfin 
propres  aux  ministres  de  l'autel  par  leur 
somptuosité,  aussi  bien  que  par  leur  antiquité, 
après  que  les  séculiers  eurent  changé  leur 
manière  ancienne  de  se  ^ètir. 

IL  Rome  était  la  capitale  et  de  l'empire  et  de 
la  religion  ;  c'est  d'elle  aussi  que  se  répandirent 
dans  le  reste  de  l'Occident  plusieurs  usages 
divers  dans  les  habits  consacrés  à  l'autel. 

Saint  Grégoire  le  Grand  eut  de  la  peine  à 
accorder  aux  premiers  diacres  de  l'église  de 
Ravenne  de  se  servir  de  certains  linges  ou 
manipules,  en  assistant  leur  évèque  au  service 
de  l'autel,  et  il  protesta  à  ce  prélat  que  c'avait 
été  contre  la  volonté,  et  nonobstant  les  opposi- 
tions du  clergé  de  Rome  qu'il  lui  avait  accordé 
celte  grâce,  ce  privilège  ayant  été  réservé  au 
seul  cierge  de  l'Eglise  romaine. 

«  Quod  pro  utendis  a  clero  vestro  mappulis 
scripsistis.auostrisestclericis  fortilerobviatum, 


Tu. 


Tome  II. 


50 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SEPTIÈME. 


dicentibtis  nulli  hoc  unquam  alii  cuilibet  Ec- 
clesi;p  fuisse  concessum.  Sed*rios  servantes 
honorem  fraternîtatîs  tuœ,  lic'et  contra  volun- 
tatem  cleri  nostri,  tamen  primis  diaconibus 
vestris,  quos  nobis  quidam  testificati  sunt, 
etiam  ante  eis  usos  fuisse,  in  obsequio  duntaxat 
tuo  mappulis  uti  permittimus:  alio  autem 
temporc,  vel  alias  personas  hoc  agere,  ve- 
henientissime  prohibenius  (L.  h,  ep.  54,  S§  .  » 

L'évèque  de  Ravenne  répondit  à  saint  Gré- 
goire que  les  prêtres  et  les  diacres  de  Ravenne 
pouvaient  bien  user  de  cet  ornement,  puis- 
qu'ils en  avaient  usé  à  la  vue  de  tout  le  clergé 
de  Rome,  lorsque  la  nécessité  des  affaires  ecclé- 
siastiques les  y  avait  appelés,  et  que  les  moin- 
dres églises  des  environs  de  Rome  en  usaient  de 
même  :  et  il  envoya  en  même  temps  à  Rome  les 
originaux  des  privilégesaccordés  jusqu'alors  par 
le  Siège  apostolique  aux  évèques  de  Ravenne. 
«Nam  cum  hocminoribus  circaurbem  ecclesiis 
licitum  sit,  poterit  etiam  apostolatus  domini 
mei,  si  venerubilem  clerum  prima;  Apostolieœ 
suae  Sedis  requirere  dignatur,  modis  omnibus 
invenire  (EpistL).  » 

Nous  dirons  ailleurs  qu'Alcuin,  Raban  et 
Amalarius  sont  demeurés  d'accord  que  cet 
ornement  de  linge  servait  de  mouchoir.  «  Map- 
pula  qua  pituitam  oculorum  et  narium  deter- 
gitnus.  Sudarium,  ut  eo  detergamus  $u- 
dorem.  » 

Saint  Grégoire  même  nous  confirme  dans  la 
même  pensée,  quand  il  parle  dans  ses  Dialo- 
gues de  certaines  religieuses  qui  firent  présent 
à  un  moine  de  quelques  mouchoirs.  «  Ab  an- 
cillis  Dei  mappulas  accepisti.  »  Si  c'était  là 
l'origine  et  l'usage  de  ces  manipules,  il  y  a 
quelque  sujet  de  s'étonner  comment  les  églises 
de  Rome  et  de  Ravenne,  le  pape  saint  Grégoire 
et  l'archevêque  de  Ravenne  contestèrent  avec 
tant  de  chaleur  sur  un  sujet  de  cette  nature. 
Mais  il  faut  apprendre  de  la  même  que  les 
petites  choses  ne  sont  plus  petites  dès  qu'elles 
sont  consacrées  à  la  religion  (L.  n  Dial.,  c.  19). 

On  a  agité,  et  on  a  résolu  dans  des  conciles 
généraux  des  pratiques  qui  ne  paraissent  pas 
aux  yeux  de-  la  chair  de  plus  grande  consé- 
quence. Ce  sont  comme  les  franges  de  la  robe 
de  J.-C.  ou  de  son  Eglise,  qui  ont  toujours 
quelque  chose  de  miraculeux  et  de  divin ,  et 
qui  méritent  notre  vénération. 

III.  I.e  même  saint  Grégoire  défendit  aux 
diacres  de  Catane  en  Sicile,  d'user  d'une  chaus- 
sure plus  magnifique  que  l'ordinaire ,   parce 


que  ses  prédécesseurs  n'en  avaient  permis  l'u- 
sage qu'aux  diacres  de  Messine.  «  Calceatos 
compagis  procedere,  etc.  Quod  solis  diaconis 
Ecclesiae  Messanensisa  pnedecessoribus  nostris 
oliin  non  dubitatur  esse  concessum  (L.  vu, 
ep.  xxviu).  »  Les  historiens  romains  ont  parlé 
de  cette  chaussure  royale  ,  qu'ils  appellent 
(  'ompagum  reghan. 

Capitolin  parle  de  la  chaussure  énorme  de 
Maximin,  «  Calceamentum  ejus,  id  est,  com- 
pagum  regium  constat  pede  majus  fuisse  ho- 
minis  vestigio.  »  Trebellius  Pollio,  en  parlant  de 
Calien, empereur,  «Caligasgemmatasadnexuit, 
cutii  compagos  reticulos  appellaret.  » 

Revenons  à  saint  Grégoire.  Il  écrivit  à  l'é- 
vêque  de  Syracuse,  que  si  les  sous-diacres  de 
Sicile  usaient  des  tuniques  de  lin,  c'était  parce 
que  l'Eglise  romaine,  leur  mère,  le  leur  avait 
permis.  «  Unde  habent  hodie  Eeelesia;  vestrœ, 
ut  subdiaconi  lineis  in  tunicis  procédant,  nisi 
quia  hoc  a  matre  sua  Romana  Eeelesia  perce- 
perunt  (L.  vu,  ep.  lxiv)  ?  »  Il  accorda  à  Aré- 
gius,  évèque  de  Gap,  en  France,  l'usage  des 
dalmatiques  qu'il  avait  demandé  pour  lui  et 
pour  son  archidiacre,  et  les  lui  envoya  de 
Rome.  «  Charitatis  tuœ  bona  revocantes  ad 
aninium,  Inijus  autoritatis  nostrœ  série,  pe- 
tita  concedimus,  atque  te,  et  arehidiaconum 
luum  dalmaticarum  usu  decorandos  esse  con- 
cedimus ;  easdemque  dalmaticas  transmisi- 
mus  (L.  vu,  ep.  cxu).  » 

Jean,  diacre,  dans  la  vie  de  ce  pape,  dit 
qu'allant  à  cheval,  et  suivant  la  procession,  il 
était  reconnaissable  par  la  foule  de  ceux  qui 
l'accompagnaient,  vêtus  de  chasubles  et  de 
tuniques  de  lin.  «  Cumque  ex  planetatorum 
mappulatorumque  processionibus  magnum 
pontificem  cognovissent,  etc.  (L.  n,  c.  43; 
L.  m,  c.  W)).  »  Il  dit  plus  bas  que  les  tuniques 
étaient  à  manches  étroites,  et  qu'on  en  apporta 
une  à  ce  saint  pape,  qu'on  disait  avoir  été  à 
saint  Jean  l'apôtre  ;  mais  que  la  dalmatique 
était  à  larges  manches,  comme  il  paraissait 
par  celle  de  Paschase,  diacre  de  l'Eglise  de 
Rome. 

Cet  auteur  nous  a  retracé  dans  ses  écrits  les 
peintures  de  Gordien,  père  de  saint  Grégoire, 
avec  une  dalmatique  et  une  chasuble  par  des- 
sus. «  Cujus  habitus  castanei  coloris  planeta 
est,  sub  planeta  dalmalica  (L.  iv,  c.  83,  8i).  » 
Et  celle  de  saint  Grégoire  même  vêtu  en  pon- 
tife, avec  une  dalmatique,  une  chasuble  par 
dessus,  et  le  pallium.  «  Planeta  super  dalmati- 


DES  HABITS  DES  CLERCS  A  L'AUTEL. 


51 


cam  castanea,  evangelium  in  sioistra,  modus 
crucis  in  dexlra,  etc.  Pallio  mediocri.  » 

IV.  Il  résulte  de  ces  autorités,  (|iie  si  la  tuni- 
que, la  dalmatique  et  la  chasuble  avaient  été 
autrefois  des  habits  communs  aux  laïques,  et 
encore  bien  plus  aux  ecclésiastiques  dans  leur 
usage  civil  ,  ils  sont  enfin  non-seulement 
devenus  propres  aux  ecclésiastiques,  mais  en- 
core uniquement  consacrés  au  ministre  des 
autels.  Il  resuite  encore  que  L'Eglise  romaine  a 
été  celle  de  laquelle  les  autres  Eglises  ont  tâché 
d'obtenir  par  privilège  la  communication  des 
principaux  ornements  du  divin  service. 

Ces  habillements  antiques  et  somptueux  s'é- 
taient conservés  plus  longtemps  dans  la  capitale 
de  l'empire  :  l'usage  même  y  avait  été  plus 
fréquent.  La  magnificence  des  habits  impériaux 
avait  aussi  été  communiquée  plus  abondam- 
ment à  l'Eglise  de  Rome.  Ainsi  c'est  d'elle  que 
tous  ces  rayons  de  gloire  se  sont  répandus  dans 
le  sacerdoce  royal  de  toutes  les  autres  Eglises. 
L'auteur  de  la  vie  de  saint  Césaire,  archevê- 
que d'Arles,  raconte  que  ce  saint  prélat  étant 
allé  à  Rome,  le  pape  Symmaque  lui  accorda 
l'usage  des  dalmatiques  pour  ses  diacres,  à 
l'imitation  des  diacres  de  l'Eglise  romaine. 
«  Diaconos  ejus  période  ut  Romanœ  Ecclesiae 
diacanosdalmaticis  utivoluit  (L.  i,'c.  20.  21).  » 
Le  synode  d'Auxerre  est  encore  une  autre 
preuve  que  les  dalmatiques  n'étaient  pas  en- 
core communes  à  tous  nos  diacres,  quand  il 
leur  défend  de  se  couvrir  des  parements  d'au- 
tel. «  Non  licet  diacono,  vélo  vel  palla  scapulas 
suas  involvi  (Can.  xu,  xm).  » 

V.  Le  même  saint  Césaire  étantde  retour  de 
Rome  en  France,  et  n'ayant  rien  à  donner  à 
un  pauvre,  il  lui  donna  la  chasuble  dont  il  se 
servait  aux  processions,  et  son  aube  pascale, 
lui  commandant  de  les  vendre  a  un  ecelésiasti- 
que.  «  Casulam  qua  in  processionibus  ute- 
batur,  et  albam  paschalem  profert  ,  datque 
egeno,  jubetque  ut  vendat  uni  ex  clero  (L.  n, 

C.    10;.» 

Cette  chasuble  était  apparemment  consacrée 
au  service  des  autels;  mais  en  voici  une  autre 
du  même  saint,  qui  était  de  l'usage  civil,  puis- 
qu'il la  portait  ordinairement  par  la  ville. 
«  Ambulans  per  plateam  civitatis,  vidit  contra 
in  foro  hominem,  qui  a  d;emonio  agebatur. 
In  quem  cum  attendisse^  liabens  manum  sub 
casula,  ut  a  suis  non  videretur,  crucem  contra 
euni  fecit.  » 

Si  ces  deux  habillements  avaient  de  la  res- 


semblance comme  ils  avaient  le  même  nom, 
certainement  celui  de  l'autel  surpassait  l'autre 
en  richesseet  en  magnificence.  On  peut  douter 
duquel  de  ers  deux  ornements  il  faut  entendre 
Grégoire  de  Tours,  quand  il  parle  du  diacre 
qui  profanait  insolemment  la  chasuble  d'un 
saint  évêque,  la  portant  et  sur  son  lit  et  dans. 
les  places  publiques.  «  Hoc  habens  in  lectulo, 
hoc  habens  in  foro  Vit.c  Patrum,  c.  vm).  » 

Le  concile  de  Liptines  (Can.  vu)  commande 
aux  ecclésiastiques  de  porter  des  habits  longs, 
qu'il  appelle  du  même  nom  que  les  chasubles. 
a  Non  sagis  laicorum  moresed  casulis  utantur, 
ritu  servorum  Dei.  »  Cela  nous  montre  que 
quelques-uns  des  habits  sacrés  ont  été  encore 
longtemps  communs  à  l'usage  civil,  quant  à  la 
forme,  quoiqu'ils  fussent  toujours  distingués 
par  une  pieuse  affectation  de  propriété  et  de 
magnificence. 

VI.  Le  même  Grégoire  de  Tours  parle  de  l'é- 
lévation miraculeuse  en  l'air  de  l'anneau  et  du 
mouchoir,  qu'il  appelle  orarium,  de  deux  mar- 
tyrs. «  Orarium,  etc.  Candor  lintei,  etc.  Huic 
sui  dat  jiignus  oris.  ut  ferunt  orarium  De  glor. 
Mart.  1.  ii,  c.  93,  103).  »  Il  touche  ailleurs 
l'école  des  diacres,  en  parlant  de  saint  Vincent, 
«  Levitico?  stolae  candore  in  Ecclesia  micans.  » 
Il  fait  paraître  ailleurs  les  chœurs  des  prêtres 
et  des  diacres  en  aubes  blanches.  «  Erat  sacer- 
dotum  et  levitarum  in  albis  vestibus  non  mi- 
niums chorus  (De  glor.  Confess.,  c.  xx).  » 

Le  concile  de  Narbonne,  en  589  (Can.  xn), 
ordonna  aux  diacres,  aux  sous-diacres  et  aux 
lecteurs,  de  ne  point  quitter  l'aube  avant  la  fin 
de  la  messe.  «  Nec  diaconus,  aut  subdiaconus 
vel  lector,  antequam  missaconsummetur,  alba 
se  praesumat  exuere.  » 

L'aube  était  donc  déjà  commune  même  aux 
ordres  inférieurs,  au  moins  dans  la  France. 
Saint  Isidore  semble  ne  donner  les  aubes 
qu'aux  diacres  à  l'autel.  «  Qui  propterea  albis 
induti  assistant,  ut  cœlestem  vitam  habeant, 
candidiquead  hostias,  immaculafique  accédant 
(De  Offic.  Eccl.,  1.  u,  c.  3).  »  .Néanmoins  le 
concile  de  Brague  Can.  ix  les  reconnaît  être 
aussi  communes  aux  sous-diacres,  quand  il 
ordonne  aux  diacres  de  ne  plus  porter  leurs 
étoles  sous  leurs  tuniques  ,  c'est-à-dire  sous 
leurs  aubes,  parce  que.  les  portant  de  la  sorte, 
ils  ne  peuvent  être  distingués  des  sous-diacres. 
«  Quia  in  aliquantis  hujus  provincia' Ecclesiis, 
diacones  absconsis  inf'ra  tunicam  utuntur  ora- 
riis,  ita  ut  nihil  differre  a  subdiacono  videan- 


52 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-SEPTIÈME. 


tur,  de  cactero  superposito,  sicut  decet,  utantur 
orario.  *> 

Cette  circonstance  nous  apprend  que  l'étole 
n'était  encore  que  de  linge,  et  qu'elle  était 
assez  étroite,  puisqu'on  la  cachait  si  facilement 
sous  l'aube. 

VII.  Mais  le  concile  IV  de  Tolède,  nous  ap- 
prend bien  plus  particulièrement  quels  étaient 
les  ornements  sacerdotaux  propres  à  chaque 
ordre. 

Il  ordonne  qu'en  rétablissant  dans  leurs 
ordres  ceux  qui  en  ont  été  injustement  dépo- 
sés on  leur  rendra  les  ornements  sacrés  dont 
on  les  avait  dépouillés,  à  savoir  :  l'étole,  l'an- 
neau et  la  crosse  à  l'évèque  ;  l'étole  et  la  cha- 
suble au  prêtre  ;  l'étole  et  l'aube  au  diacre;  au 
sous-diacre  la  patène  et  le  calice;  et  aux  autres 
ordres  ce  qu'on  leur  avait  mis  en  main  dans 
l'ordination.  «  Si  episcopus  recipiat  coram 
altario  de  manu  episcopi  orarium  ,  annulum 
et  baculum,  si  presbyter,  orarium  et  planetam  ; 
si  diaconus,  orarium  etalbam  ;  si  subdiaconus, 
patenam  et  calicem,  etc.  (Can.  xxvui).  » 

Ainsi  dans  le  ressort  des  évèques  de  ce  con- 
cile, les  sous-diacres  et  les  ordres  inférieurs  ne 
portaient  point  encore  d'aubes,  ni  les  diacres 
de  dalmatiques  :  l'étole  était  commune  aux 
trois  ordres  supérieurs,  la  chasuble  était  un 
vêtement  affecté  aux  fonctions  de  l'autel. 

L'aube  n'était  point  restituée  au  prêtre  ou  à 
l'évèque,  Lorsqu'il  était  rétabli,  de  même  qu'on 
ne  la  leur  ôtait  point  lorsqu'on  les  déposait, 
parce  que  l'aube  était  un  habillement,  dont  ils 
se  servaient  non-seulement  à  l'église,  mais  à 
la  ville,  à  la  campagne  et  dans  leurs  maisons. 
Mais  comme  les  diacres  n'avaient  droit  de  se 
revêtir  de  l'aube  que  quand  ils  célébraient,  on  la 
leur  ôtait  lorsqu'on  les  déposait,  et  quand  on 
les  rétablissait  dans  leurs  fonctions  on  la  leur 
rendait.  Cela  nous  est  clairement  indiqué  par 
les  termes  de  ce  canon. 

Ce  même  concile  (Can.  xl)  défend  aux  dia- 
cres de  se  servir  de  deux  étoles,  puisque  l'évè- 
que et  le  piètre  n'en  portent  qu'une  :  «  Orariis 
duobus  nec  episcopo  quidem  lied,  uec  presby- 
tero  uti,  quanto  inagis  diacono,  qui  minister 
eorum  est.  »  Il  ordonne  au  diacre  de  porter 
l'étole  sur  l'épaule  gauche,  afin  que  son  bras 
droit  soit  libre  pour  exercer  ses  fonctions. 

L'étole  était  donc  encore  assez  large,  et  elle 
enveloppait  le  bras  gauche  des  diacres.  «Unuin 
igitur  orarium  oportet  levitam  gestare  in  sini- 
stre humero,  propler  quod  orat,  id  est  pnedi- 


cat.  Dextram  autem  partem  oportet  habere 
liberam,  ut  expeditus  ad  ministerium  sacerdo- 
tale decurrat.  » 

Cette  suite  de  paroles  donne  lieu  de  conjec- 
turer  que  les  diacres  d'Espagne  avaient  com- 
mencé d'user  de  deux  étoles,  comme  de  deux 
écharpes,  les  faisant  croiser  sur  leur  estomac, 
et  que  ce  concile  ne  leur  en  laissa  qu'une. 

A  l'égard  de  décider  si  c'est  de  là  qu'est 
venu  l'usage  de  cette  large  étole ,  dont  on  se 
sert  aujourd'hui,  mais  très-rarement,  ou  si 
l'usage  nous  en  est  venu  d'ailleurs,  c'est  ce  que 
je  ne  puis  faire.  Chacun  s'en  peut  rapporter  à 
son  propre  jugement. 

Enfin,  ce  concile  nous  apprend  que  l'étole 
n'était  encore  que  de  linge,  qu'on  avait  com- 
mencé d'enrichir  d'or  et  de  broderie  ;  ce  qu'il 
défend  a  l'avenir.  «  Caveat  igitur  amodo  le- 
vita.geminouti  orario,  sed  uno  tan  tu  m  etpuro, 
nec  ullis  coloribus,  aut  auro  ornato.  » 

Il  n'est  pas  facile  d'expliquer  ces  paroles  de 
ce  canon,  «  propter  quod  orat,  id  est  prœ- 
dicat;  »  il  n'y  a  nulle  apparence  que  le  diacre 
prêchât  en  forme  dans  l'Eglise. 

11  est  bien  plus  probable  d'entendre  cette 
prédication ,  ou  de  la  lecture  de  l'évangile 
pendant  le  sacrifice,  ou  de  la  prononciation 
que  le  diacre  faisait  à  haute  voix  d'une  partie 
des  exhortations  et  des  prières  du  même  sacri- 
fice :  ce  qui  s'appelait  et  s'appelle  encore  Prœ- 
conium,  le  Prône.  C'était  une  espèce  de  prédi- 
cation qui  donnait  droit  au  diacre  d'avoir  un 
linge,  orarium,  pour  avoir  lieu  d'essuyer  la 
sueur  de  son  ïisage.  Saint  Crégoire  le  Crand 
faisait  quelquefois  des  présents  de  quelques 
mouchoirs  à  diverses  personnes  (L.  vi,  epist. 
xxvu,  xxxvn).  Il  les  appelle  toujours  oraria. 

VIII.  Tous  ces  canons  font  bien  voir  que  ces 
ornements  étaient  propres  à  l'autel,  et  que  les 
ecclésiastiques  n'en  usaient  que  dans  les  fonc- 
tions saintes  du  sacrifice.  C'est  ce  que  le  con- 
cile III  de  Rrague,  remarque  encore  plus 
clairement,  quand  il  prononce  une  sentence 
de  déposition  contre  ceux  qui  emploieront 
les  vases  ou  les  ornements  sacrés  aux  usages 
de  la  vie  commune.  «  Ah  officio  deponatur, 
qui  ecclesiastica  ornamenta,  vêla  vel  quaMibet 
aha  indumenta  aiqueustensiliasciendoinusus 
suos  transtulerit.  » 

Et  quand  il  ordonne  à  l'évèque  et  au  prêtre 
de  ne  jamais  célébrer  le  terrible  sacrifice  sans 
porter  l'étole  sur  les  deux  épaules,  croisée 
devant  l'estomac.  «  Non  aliter  accédât,  quam 


DES  HABITS  DES  CLERCS  A  LAl'TFL. 


orario  utroijne  humero  circumseptus,  sicut  et 
tempore  ordinationis  suœ  dignoscitur  conse- 
cratus;  ita  ut  de  uno  eodemque  oratio  cervi- 
cem  pariter  et  utrumque  humerum  premens, 
signum  in  suo  pectore  praeferat  crucis  (Can. 
m,  iv).  » 

IX.  Ces  dernières  paroles  nous  montrent  que 
la  figure,  la  disposition,  la  couleur  et  la  ma- 
tière des  habillements  sacrés  ne  laisse  pas  de  , 
contenir  des  significations  mystérieuses,  quoi- 
que l'origine  de  leur  usage  soit  venue  de  quel- 
ques rencontres  et  de  circonstances  bien  di- 
verses. L'étole,  par  sa  blancheur,  convient  à  la 
pureté  des  anges.  Lorsqu'elle  voltigeait  sur 
l'épaule  du  diacre,  elle  marquait  leurs  ailes  et 
leur  activité. 

L'étole  croisée  sur  l'estomac  des  prêtres,  leur 
apprend  à  porter  l'amour  de  la  croix  dans  le 
plus  profond  de  leur  cœur.  Si  elle  entoure 
leurs  épaules,  et  pend  également  de  part  et 
d'autre ,  cela  marque  leur  confiance  et  leur 
fermeté  inébranlable  dans  la  pratique  des  ver- 
tus sacerdotales ,  parmi  les  adversités  et  les 
prospérités  du  siècle.  «  Sacerdos  orario  utro- 
que  humero  ambiatur,  scilicet  ut  qui  imper- 
turbatus  praeeipitur  consistere,  inter  prospéra 
et  adversa,  virtutuni  semper  ornamento  utro- 
bique  circumseptus  (Ibidem).  » 

L'Eglise  est  un  monde  nouveau  et  mystérieux, 
dont  il  est  bien  plus  véritable  que  du  monde 
matériel,  que  les  moindres  parties  qui  le  com- 
posent, ont  une  éloquence  muette,  mais  claire 
et  intelligible  pour  faire  entendre  les  merveilles 
de  l'éternité. 

X.  Je  finirai  ce  chapitre  par  une  relation 
édifiante  de  la  manière  toute  sainte  dont  Fer- 
rand,  diacre,  dit  que  saint  Fulgence  s'habillait 
pendant  son  épiscopat. 

La  dignité  episcopale  ne  lui  fit  rien  retran- 
cher des  austérités  de  la  vie  monastique.  «Non 
ita  factus  est  episcopus,  ut  esse  desisteret  mo- 
nachus  (In  ejus  vita,  cap.  xvm).  »  Jamais  il  ne 
porta  d'habit  de  pris  ;  il  n'eut  jamais  qu'une 
tunique,  il  ne  se  servit  jamais  de  l'étole  des 
évêques.  Il  ne  quitta  jamais  la  ceinture  des 
moines.  Il  n'usa  jamais  des  souliers  ni  des 
chaussures  des  clercs.  Il  n'eut  jamais  de  cha- 
suble précieuse ,  et  n'en  souffrit  point  à  ses 
moines.  11  ne  craignit  point  de  porter  à  l'autel 


la  même  tunique  avec  laquelle  il  avait  couché, 

(tant  persuade  que  la  sainteté  du  terrible  sa- 
crifice de  l'Agneau  céleste  demande  plutôt  le 
changement  des  cœurs  que  des  babils. 

«  Nusquam  pretiosa  restimenta  quœsivit. 
I  ua  lantuni  vilissima  tunica. sive  perœstatem, 
sive  per  hiemem  est  patienter  indutus.  Orario 
quideiii  sicut  omnes  episcopi  nullatenus  ute- 
batur,  pellicio  cingulo  tanquam  monachus  ute- 
batur.  etc.  Nec  calceanu  nia  suscipiens  clerico- 
l'iim.  etc..  casulam  pretiosam,  vel  superbi 
coloris,  nec  ipse  habuit,  nec  suos  monacbos 
babere  permisit.  etc.  In  qua  tunica  dormiebat, 
in  ipsa  sacrificabat  ;  et  in  tempore  sacriûcii 
mutanda  esse  corda  potins  quam  vestimenta 
dicebat.  » 

C'était  l'amour  de  la  pureté  et  l'horreur  des 
impuretés  même  involontaires  des  songes  qui 
jetait  quelquefois  les  saints  religieux  dans  le 
scrupule  de  porter  à  l'autel  la  même  tunique 
avec  laquelle  ils  avaient  reposé  la  nuit.  Saint 
Fulgence  en  usait  autrement,  parce  que  sa  pu- 
reté n'était  pas  même  susceptible  des  sugges- 
tions ou  des  illusions  impures.  Au  reste,  cet 
amour,  non-seulement  de  la  modestie,  mais 
de  la  pauvreté  que  ce  saint  prélat  faisait  écla- 
ter, même  dans  les  ornements  du  sacrifice, 
nous  apprend  excellemment  que  si  la  somptuo- 
sité des  habillements  sacrés  honore  la  religion 
et  édifie  les  peuples,  l'éclat  de  la  pauvreté  a 
encore  quelque  chose  de  plus  brillant  et  de 
plus  édifiant  aux  yeux  purs  des  âmes  éclairées. 

Mais,  soit  qu'on  honore  Dieu  par  la  magnifi- 
cence des  ouvrages  admirables  dont  il  est  le 
créateur,  soit  qu'on  révère  J.-C.  par  des  mar- 
ques éclatantes  de  la  pauvreté  évangélique,  on 
affecte  et  on  a  toujours  affecté  de  mettre  quel- 
que différence  entre  les  habillements  consacrés 
à  l'autel  et  ceux  de  l'usage  civil,  quoiqu'il  y  en 
ait  eu  plusieurs  qui  ont  passé  de  l'usage  com- 
mun au  service  des  autels. 

Ainsi  Jean  ,  diacre  ,  a  eu  raison  de  dire  dans 
la  vie  de  saint  Grégoire  ,  que  saint  Jean,  l'apô- 
tre, n'a  pu  exercer  un  si  long  pontificat  sans 
avoir  des  ornements  propres  à  son  divin  sacer- 
doce. «  Per  tôt  annos  pontificium  gerens  et 
solemnia  frequentissime  celebrans  sine  sacer- 
dotibus  esse  vestibus  nequaquam  potuit  (L.  ni, 
C.  39).  » 


54  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


CHAPITRE  QUARANTE-HUITIEME. 


DES    HABITS   COMMUNS   DES   ECCLÉSIASTIQUES,    SOIS    L'EMPIRE    DE   CUAKLEMAGNE. 


I.  Règlement  du  concile  d'Ais-la-Chapelle  sur  les  habits  mo- 
destes des  ecclésiastiques. 

II.  Des  habillements  communs  aux  religieux  et  aux  clercs. 

III.  Les  prêtres  portaient  l'aube  et  l'étole  même  dans 
ivil. 

IV.  Des  habits  des  chanoines  et  des  moines. 

V.  Quels  étaient  les  habillements  de  Charlemagne  et  des 
laïques  en  France. 

VI.  Habillement  des  ecclésiastiques  en  Italie. 

VU.  Et  dans  l'Eglise  grecque,  où  l'on  interdit  l'or  et  la  soie  à 
tous  les  ecclésiastiques. 

VIII.  La  vanité  se  cache  quelquefois  sous  les  habits  vils,  et 
l'humilité  n'est  pas  toujours  incompatible  avec  l'or  et  la  soie. 


I.  Le  concile  d'Aix-la-Chapelle,  sous  Louis  le 
Débonnaire,  en  81(5 ,  qui  donna  des  roules  aux 
chanoines ,  avec  le  dessein  qu'elles  fussent 
observées  par  tous  les  ecclésiastiques,  donna 
d'abord  une  nouvelle  vigueur  à  ces  deux  an- 
ciennes maximes. 

1°  Qu'ils  doivent  faire  luire  dans  leurs  habits, 
dans  leur  démarche,  dans  leur  manière  même 
d'aller  à  cheval ,  l'humilité  qui  doit  régner 
dans  leur  cœur.  «  Ut  humilitatem  qUam  corde 
gestant,  actu,  habitu,  incessu,  ipsa  etiamequi- 
tatione  religiosissime  demonstrent  ,  puisque 
velint  sancta  conversatione  eximiisque  mori- 
bus,  quam  ornatu  vestium  fulgere.  Si  enim 
more  conjugatorum  in  se  ornandis,  ûitore 
vestium ,  phaleris  equorum ,  caeterisque  hu- 
manse  vanitatis  rébus  abusi  fuerint,  in  quo 
eorum  conversatio  a  laicorum  dislare  videbi- 
tur  (Can.  cxxiv)  ?  » 

2°  Qu'ils  doivent  éviter  toute  singularité  et 
ne  se  rendre  remarquables  par  aucun  excès 
""  de  propreté,  ou  de  négligence.  «Non  enim 
specialiter  praesumi  débet  ab  aliquo,  quod  non 
generaliter  teneatur  ab  omnibus,  i,|  est,  nec 
plusjusto  cultior  vestis,  nec  insolita  atqué  de- 
formis.  Quia  in  utroque  illorum,  aut  elationis, 
aut  certe  simulationis  noxa  patescet.  » 

•I  parait  de  là  que  les  honnêtes  gens  allaient 
'"'""'  vêtus  de  long;  ainsi,  il  n'était  pas  be- 
soin de  recommander  aux  ecclésiastiques  de 
porter  des  habits  longs:  il  sufÈsait  de  leur  in- 
culquer la  modestie,  la  pauvreté  et  fhumililé 


qui  sont  le  vrai  caractère  des  ecclésiastiques. 
Mais  comme  les  ecclésiastiques  commençaient 
à  porter  une  cueulle.  qui  était  le  propre  habil- 
lement des  moines,  ce  concile  leur  défend  d'en 
user  à  l'avenir  s'ils  ne  veulent  embrasser  la 
profession  monastique. 

«  Reprehensibilem  apud  plerosque  canoni- 
cos  inolevisse  comperimus  usum,  eo  quod, 
contra  morem  ecclesiasticum,  cucullas  quibus 
solis  monacbis  utendum  est,  induant  ;  cum 
utique  illorum  habitum  penitus  usurpare  non 
debeant,  a  quorum  proposito  quodammodo 
distant  (lbid.,  can.  xxv    » 

IL  Ce  concile  (Can.  x)  nous  apprend  bien 
que  les  religieuses  étaient  vêtues  de  noir. 
«  Quid  prodest  nigris  vestibus  indui,  etade- 
tractione  linguam  non  cohiberi?»  Et  on  pour- 
rait conjecturer  que  c'était  aussi  la  couleur  des 
habits  des  religieux*  et  peut-être  même  des 
chanoines ,  puisque  ces  religieuses  n'étaient 
apparemment  aussi  que  des  chanoinesses. 

L'assemblée  des  abbés,  qui  se  tint  l'année 
d'après  ,  c'est-à-dire  en  817,  ne  régla  rien  sur 
ks  habits  des  religieux,  si  ce  n'est  que  toutes 
leurs  chapes  seraient  fermées  par  devant, 
excepté  celle  qui  était  de  fourrures,  parce  qu'à 
peine  eût-on   pu  la  vêtir  si  elle  n'eût  été  ou- 

Verle  par  devant.  «  l't  monachi  cappas  discon- 
SUtas, praeter villosas,  non  habeant  (Can.  lxi).» 

La  chape  était  un  habit  propre  aux  ecclésias- 
tiques, aussi  bien  qu'aux  moines  ,  et  il  ne  faut 
pas  douter  qu'elle  était  également  fermée  ou 
cousue  par  devant.  Les  laïques  n'en  pouvaient 
pas  porter,  non  plus  que  les  ecclésiastiques,  de 
cottes  ou  de  manteaux.  C'est  ce  qu'on  peut  voir 
dans  le  concile  de  Metz  qui  fut  célébré  en  888 
(Can.  vi).  «  Ut  nemo  clericorum  arma  porlet, 
vel  indumenta  laicalia  induat,  id  est,  cottos, 
vel  mantellos  sine  cappa  non  portet;  et  la  ici 
cappas  non  portent,  a 

Ces  cottes  et  ces  manteaux  étaient  des  habits 
courts  qui  ne  descendaient  pas  jusqu'aux  ta- 
lons; ce  qui  faisait  que  les  ecclésiastiques  n'en 


DES  HABITS  COMMUNS  DES  ECCLÉSIASTIQUES. 


58 


pouvaient  pas  porter  sans  avoir  en  même 
temps  leur  chape,  c'est-à-dire  leur  habit 
long.  Et  quoique  les  honnêtes  gens  entre  les 
laïques  se  servissent  encore  d'habits  longs  ,  ils 
étaient  néanmoins  différents  de  la  chape  des 
religieux  et  des  ecclésiastiques. 

III.  Entre  les  clercs ,  les  prêtres  se  distin- 
guaient par  l'étole  qu'ils  portaient  toujours, 
même  à  la  campagne.  Le  concile  de  Mayence , 
de  l'an  813  (Can.  xxviu.  Capitul.  Carol.  Mag., 
1.  i,  c.  81) ,  avait  confirmé  cet  usage  pour  rele- 
ver la  dignité  du  sacerdoce  :  «  Presbyteri  sine 
intermissione  utantur  orariis,  propter differen- 
tiam  sacerdotii  dignitatis.  » 

Le  formulaire  des  visites  cpiscopales,  que 
Réginon  nous  a  conservé,  ordonne  que  I'évè- 
que  s'informe  si  les  curés  portent  toujours  leur 
étole,  même  en  faisant  leur  voyage ,  et  s'ils 
n'ont  pas  pour  l'autel  une  aube  différente  de 
celle  dont  ils  se  servent  pour  l'usage  commun. 
«Si  sine  stola ,  vel  orario  in  itinere  incedat. 
Si  absque  alba  ,  aut  cum  illa  alba,  qua  in  suos 
usus  quotidie  utitur,  missam  cantare  prœsu- 
mat  (L.  i,  c.  62,  <i(i).  » 

L'aube  et  l'étole  étaient  donc  des  habits,  ou 
des  ornements  que  le  prêtre  ne  quittait  ja- 
mais ,  même  dans  le  commerce  civil  (L.  vi, 
c.  333). 

Il  cite  ailleurs  le  même  règlement  sous  le 
nom  du  concile  de  Tribur,  qui  ajoute  que  l'ou- 
trage fait  à  un  prêtre  en  chemin  sera  puni  bien 
plus  rigoureusement  s'il  avait  son  étole.  «  l't 
presbyteri  non  vadant,  nisi  stola,  vel  orario 
induti.  Et  ut  si  in  itinere  presbyteri  spoliantur, 
vel  vulnerantur,  aut  occiduntur  non  stola  in- 
duti, simplici  emendatione  sua  solvantur.  Si 
autein  cum  stola,  tripliciter.  » 

Les  anciennes  instructions  synodales  des 
évêques  aux  curés  réitèrent  souvent  ce  mande- 
ment ,  d'avoir  pour  l'autel  une  aube  différente 
de  celle  qui  sert  dans  les  usages  civils.  «Nullus 
in  alba  qua  in  suos  usus  utitur,  prœsumat can- 
tare missam  (Append.  Baluzii  ad  Reg.,  p.  G03, 
607,  613).  » 

Les  Capitulaires  de  Charlemagne  donnent 
une  autre  raison  pour  obliger  les  prêtres  à  ne 
jamais  quitter  leur  étole,  qui  était  une  marque 
de  leur  chasteté.  «  Ut  sacerdotes  slolas  portent 
propter  signum  castitatis  sicut  decretum  est 
(L.  v.  c.  169  .  »  D'où  l'on  peut  conclure  que 
l'étole  et  l'aube  étaient  les  deux  ornements 
qui  distinguaient  les  prêtres  des  autres  ecclé- 
siastiques. Les  diacres  mêmes  ne  pouvaient 


p. 'itcr  ['aube  qu'au  ministère  sacré  des  autels, 
selon  le  canon  du  concile  de  Cartilage  :  «Ut 
diaconus  tempore  oblationis  tantum,  vel  lectio- 
nis,  alba  utatur  (Can.  x\)  » 

Je  ne  sais  s'il  faut  en  croire  l'auteur  de  la 
vie  île  saint  Maur,  qui  dit  que  ce  saint  abbé 
porta  l'étole  pendant  toute  l'année  de  son  or- 
dination, parce  que  la  coutume  était  telle. 
«  Stolam  juvia  morem  indesinenter  primo  to- 
rchât anno.  » 

IV.  Il  sera  encore  plus  aisé  de  juger  des  ha- 
bits des  chanoines  ou  des  ecclésiastiques  par 
ceux  que  les  Capitulaires  de  Charlemagne  nous 
apprennent  avoir  été  ordinaires  aux  moines,  et 
que  leur  abbé  même  devait  leur  fournir  ;  en 
voici  le  dénombrement  : 

«  Camisias  duas,  tunicas  duas,  cucullas  duas, 
cappas  duas  unusquisque  monachorum  ha- 
beat  ;  quibus  vero  necesse  est ,  addatur  et  ter- 
tia.  Et  pedules  quatuor  paria,  femoralia  duo 
paria  ,  roecum  unum  ,  pelliceas  usque  ad  talos 
duas,  fasciolas  duas,  vuantas  in  aestate,  rauffu- 
las  in  hieme  vervecinas,  calciamenta  diurna 
paria  duo,  subtalares  per  noctem  in  aestate 
duas  ,  in  hieme  vero  soccos  (Addit.  i,  c.  22).  » 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  ce  règlement 
fut  fait  pour  un  pays  froid.  La  règle  de  Crodo- 
gangus  particularise  une  partie  de  ces  mêmes 
habits  pour  les  chanoines,  a  la  moitié  desquels 
elle  veut  qu'on  donne  tous  les  ans  des  chapes 
et  des  tuniques  de  laine  neuves,  à  savoir  aux 
anciens  qui  donneront  aux  plus  jeunes  celles 
qu'ils  quittent.  «  Illa  dimidia  pars  cleri  qui  se- 
niores  fuerint ,  annis  singulis  accipient  cappas 
novas,  et  vestes  laneas  novas,  et  alia  pars  dimi- 
dia cleri,  illas  cappas  et  vestes  veteres,  quas 
illis  seniores  sui  singulis  annis  reddunt,  acci- 
pient (Cap.  xli).  » 

Je  laisse  les  autres  habits  de  dessous  dont  il 
est  parlé  ensuite.  Les  autres  règlements  que 
Crodogangus  donna  aux  chanoines  pour  la 
modestie  de  leurs  habits  ont  été  empruntés  de 
lui  par  le  concile  d'Aix-la-Chapelle  et  nous  les 
avons  rapportés  ci-dessus  (Cap.  xnu). 

On  peut  tirer  cette  conséquence  de  ces  pas- 
sages que  nous  venons  d'alléguer,  que  des  ha- 
bits des  moines  la  seule  cuculle  était  défendue 
aux  chanoines  et  que  la  chape  était  un  habit 
commun  à  tous  les  moines,  aux  chanoines,  aux 
curés  et  aux  ecclésiastiques  en  général ,  à  qui 
le  manteau  était  aussi  universellement  dé- 
fendu, aussi  bien  que  la  cotte,  comme  étant 
des  habillements  affectés   aux    séculiers.    La 


Ml 


DU  SECO>D  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-HUITIÈME. 


forme  des  chapes  paraît  encore  dans  celles  des 
religieux  Bénédictins. 

Depuis  ce  temps-là  les  ecclésiastiques  ont 
donc  quitté  leurs  chapes,  et  ont  pris  le  man- 
teau des  laïques,  et  même  leurs  cottes,  quand 
ils  se  servent  de  casaques.  Il  est  néanmoins 
bien  probable  que  lorsque  les  ecclésiastiques 
commencèrent  à  user  de  manteaux  ou  de 
cottes,  ils  se  firent  encore  remarquer  par  la 
modestie  des  couleurs  dont  ils  les  portèrent, 
évitant  celles  dont  l'éclat  serait  propre  à  entre- 
tenir la  vanité.  C'est  ce  que  le  pontifical  ro- 
main leur  prescrivait.  «  Nullus  vestrum  rubeis 
aut  viridibus,  aut  laicalibus  vestibus  utatur 
(Baluzius  in  Append.  ad  Regin.,  p. 643).  » 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Odon  a  remarqué 
que  les  moines  ayant  été  chassés  de  leurs  mo- 
nastères par  les  irruptions  et  les  violences  ef- 
froyables des  Normands,  et  s'étant  retirés  parmi 
leurs  parents,  après  que  leurs  habits  monasti- 
ques furent  usés,  ils  en  prirent  d'autres  de  cou- 
leur bleue  :  «  Fracta  vestimcnta  cum  quibus  de 
monasterio  exierant ,  denuo  non  induebantur 
similia,  sed  colorata,  quœ  nos  vulgo  dicimus 
blava  (Bibl.  Clun.,  p.  42,  43).  »  C'est  peut-être 
du  clergé  qu'ils  empruntèrent  cette  couleur 
bleue,  ou  bien  le  clergé  l'emprunta  en  même 
temps  qu'eux  des  séculiers. 

Le  même  saint  Odon,  abbé  de  Cluny,  ra- 
conte que  le  comte  Gérald  ,  au  commence- 
ment de  sa  conversion,  s'habilla  comme  les 
ecclésiastiques,  d'un  habit  de  lin  et  d'un  habit 
de  fourrure  par  dessus.  «  Vestimentis  autem 
pelliceis  super  vestibus  lineis  utebatur,  quia 
genus  istud  indumenti  soient  clerici  vicissim 
et  laici  in  usum  habere  (Ibid.,  p.  89).» 

Les  laïques  usaient  aussi  de  ces  sortes  d'ha- 
bits ,  mais  les  couleurs  en  étaient  différentes  , 
aussi  bien  que  le  prix. 

Le  même  saint  Odon  raconte  ailleurs  qu'un  re- 
ligieux qui  portait  un  capuchon  bleu  fut  sévè- 
rement châtié  pour  cet  excès  ;  et  il  assure  que 
les  laïques  mêmes  étaient  scandalisés  de  voir 
que  les  religieux  affectassent  d'user  de  couleurs 
éclatantes.  «  Eis  igitur  qui  in  humilitatis  ha- 
bilu  jactantiam  coloris  quaerunt,  illud  prophe- 
ticum  congruit,  lions  mulieris meretricis facta 
est  tibi  (Pag.  235).  » 

V.  Eginhard  nous  apprend,  dans  la  vie  de 
Charlcmagne,  quels  étaient  les  habits  ordinaires 
des  laïques  en  France,  et  ce  qu'il  en  dit  ne  sera 
pas  inutile  pour  nous  éclaircirsurla  forme  et  la 
couleur  deceux  dont  usaient  Les  ecclésiastiques. 


«  Veslitu  patrio,  id  est,  Francisco  utebatur; 
ad  corpus  camisiam  lineam,  et  feminalibus 
lineis  induebatur,  deinde  tunicam  quœ  limbo 
serico  ambiebatur,  et  tibiâlia.  Tum  fasciolis 
crura,  et  pedes  calceamentis  constringebat,  et 
ex  pellibùs  lutrinis  thorace  confecto,  humeros 
ac  pectus  hyeine  muniebat ,  sago  veneto  ami- 
ctus  et  gladio  semper  accinctus,  etc.  l'eregrina 
induinenta  quamvis  pulcherrinia  respuebat, 
exceplo  (iuod  semel  Adriano  pontifice  petente, 
et  iterum  Leone  supplicànte,  longa  tunica  et 
chlamyde  accinctus,  calceis  quoque  Romano 
more  formatis  induebatur  [Du  Chesne,  tom.  n, 
p.  102).  » 

Voilà  deux  sortes  de  tuniques  ou  de  soutanes, 
l'une  longue  et  l'autre  plus  courte.  Celle-là 
qui  était  la  romaine,  était  vraisemblablement 
celle  des  ecclésiastiques ,  et  l'autre  celle  des 
séculiers.  Ce  sayon  violet  est  ce  qu'on  ap- 
pelle ci-dessus  une  cotte  ;  nos  casaques  ou  jus- 
taucorps en  approchent.  C'est  ce  qui  était  dé- 
fendu aux  ecclésiastiques,  comme  étant  un 
habit  militaire.  Les  bandes  ou  éeharpes  sup- 
pléaient au  défaut  du  haut  de  chausse  de  drap, 
car  les  caleçons  étaient  de  toile,  «  feminalibus 
lineis.  »  Les  jarretières  sont  les  restes  de  ces 
bandes.  Il  mettait  encore  un  habit  par  dessus 
les  fourrures ,  ce  que  les  ecclésiastiques  imi- 
tèrent ensuite  avec  leur  surplis. 

Le  moine  de  Saint-Gall  fait  une  description 
un  peu  différente  des  habits  de  cet  empereur. 
Je  n'en  prendrai  que  ce  qu'il  dit  de  son  man- 
teau royal ,  dont  la  forme  était  néanmoins 
commune  à  tous  les  Français  :  «  Ullimum  ha- 
bitas eorum  erat  pallium,  canum  vel  sapphi- 
rinum,  quadrangulum,  duplex,  sic  formatum, 
ut  cum  imponeretur  humeris,  ante  et  rétro 
pedes  tangeret ,  de  lateribus  vero  vix  genua 
contegeret  (Ibid,  pag.  121).  » 

Il  ajoute  que  les  Fiançais  commençant  à  se 
conformer  aux  Caulois,  quittaient  peu  à  peu 
ce  manteau  long  violet,  et  prenaient  leur  saye 
mi  leur  cotte,  «  virgata  sagula,  »  comme  un 
habit  plus  commode  et  plus  propre  à  la  guerre. 

VI.  Comme  le  climat  de  l'Italie  est  plus 
chaud,  le  pape  Zacharie  ne  prescrit  aux  évê- 
ques ,  aux  prêtres  et  aux  diacres  en  allant  par 
la  ville  et  aux  champs  qu'une  soutane,  où  une 
tunique  longue,  ne  les  en  dispensant  que  dans 
des  longs  voyages. 

Voici  ses  termes  et  son  décret  dans  un  con- 
cile tenu  à  Rome  l'an  743.  (Can.  m)  :  «Ut 
episcopus,  presbjter,  et  diaconus  saeculari  in- 


DES  HABITS  COMMUNS  DES  F.CCU.  SI  ASTIQUES. 


:,7 


(liiiiiciito  minime  utantur,  nisi  u1  condecel  . 
tunica  sacerdotali.  Sed  nec  dum  ambulaverit 
in  civitale,  aut  in  via,  aut  in  plateis  sine  ope- 
rimento  praesumat  ambulare,  praeter  si  in  iti- 
nere  longo  ambulaverit.  »  Alton  a  inséré  ce 
décret  dans  son  capitulaire. 

\  II.  Il  est  temps  de  passer  à  l'Eglise  grecque, 
où  le  concile  VII  général  condamne  toute  la 
pompe  et  tout  l'éclat  des  habits  dans  la  per- 
sonne des  évoques  et  des  ecclésiastiques  .  les 
soumettant  aux  peines  canoniques,  s'ils  conti- 
nuent d'en  user,  ou  d'user  de  poudres  et  de 
parfums.  «  Omnis  jactantia  et  ornatura  eorpo- 
ralis  aliéna  est  a  sacrato  ordine.  Eos  ergo  epis- 
copos,  vel  clericos  qui  se  fulgidis  et  claris  ves- 
tibus  ornant,  emendari  oportet.  Quod  si  in  hoc 
permanserint,  epitimio  tradantur.  Similiter 
eos  qui  unguentis  inunguntur.  (Can.  xv  .  » 

L'impiété  des  iconoclastes  s'était  particuliè- 
rement déchaînée  contre  la  modestie  des  ha- 
bits noirs  et  vils  des  religieux  ,  qui  étaient  les 
plus  invincibles  défenseurs  des  saintes  images. 
Ce  concile  décerne  les  mêmes  peines  contre 
ceux  qui  n'auront  pas  du  respect  et  de  la  vé- 
nération pour  cet  habit  pauvre  et  vil,  dont  la 
vertu  s'est  revêtue  ;  il  déclare  que  toute  la  su- 
pertluité.  c'est-à-dire,  tout  ce  qui  est  au  delà 
de  la  nécessité  des  habits,  est  justement  blâ- 
mable :  que  les  anciens  ecclésiastiques  se  ren- 
daient vénérables  par  la  modestie  de  leurs  ha- 
bits, et  n'usaient  jamais  de  soie,  ni  de  couleurs 
éclatantes ,  parce  que  l'Ecriture  relègue  la 
mollesse  des  habits  dans  le  palais  des  rois. 

«  Igitur  si  inventi  fuerint,  deridentes  eos, 
qui  vilibuset  religiosis  vestimentis  amictisunt, 
per  epitimium  corrigantur.  Priscis  enim  I  m- 
poribus  omnis  sacratus  vir  cum  mediocri  ac 
vili  veste  conversabatur.  Omne  quippe  quod 
non  propter  necessitatem  suam,  sed  propter 
venustatem  aecipitur,  elationis  habet  calum- 
niam  ,  quemadmodum  magnus  ait  Basilius. 
Sed  nequeex  sericis  texturis  vestem  quis  varia- 
tam  induebat  ;  neque  apponebat  variorum 
colorum  ornamenta  in  summitatibus  vesti- 
mentorùm.  Audierant  autem  ex  deisona  lin- 
gua,  quia  qui  mollibus  vestiuntur,  in  domibus 
regum  sunt.  » 

On  ne  peut  nier  que  ce  ne  soit  là  une  con- 
damnation manifeste  des  habits  de  soie,  de 
tous  les  ornements  d'or,  de  toutes  les  couleurs 
d'éclat  dans  la  personne  des  ecclésiastiques.  En 
effet,  le  grand  patriarche  Taraise,  de  Constan- 
tinople,  ôta  à  tout  sou  clergé  les  ceintures  d'or, 


le  habits  de  soie  et  de  pourpre,  el  le  rendit  sans 
comparaison  plus  majestueux,  el  plus  vénérable 
par  la  modestie  et  par  L'humilité .  qui  sont  1rs 
véritables  et  les  plus  précieux  ornements  des 
personnes  religieuses. 

Voici  ce  qu'en  dit  l'auteur  de  sa  vie:  «  Multis 
ex  iis,  qui  erant  relati  in  numerum  clerico- 
ruin  .  qui  suos  lumbos  zonis  cingebant  aureis, 
et  ornati  erant  variis  et  pretiosis  veslibus  seri- 
ceis,  aurum  quidem  ademit;  fecit  autem  sue- 
cingere  lumbos  cingulis  contextis  ex  puis 
caprarum.  Iisvero  quitoti  corpori  contextas  tx 
iisdem  tilis  purpureas  vestes  habebant,  excogi- 
tatlunicasremotasacuriositate  nimiaetdeliciis 
ut  quss  essent  veslitus  honestus,  et  convenirent 
iis  qui  Deo  servire  statuerunt ,  et  profitentur 
humilitatem  Surius,  Febr.  die  xxv,  c.  14).» 

Balsamon  remarque  sur  ce  canon  que  quel- 
ques-uns prétendaient  en  éluder  l'autorité .  en 
disant  qu'il  n'avait  été  fait  que  pour  être  op- 
posé aux  insultes  outrageuses  des  Iconoclastes, 
et  que  celte  raison  n'ayant  plus  de  lieu,  il  fal- 
lait reconnaître  que  la  magnificence  des  habits 
ne  contribuait  pas  peu  à  faire  respecter  le 
clergé  par  les  laïques  et  à  donner  plus  d'estime 
de  la  religion.  Mais  on  leur  répliqua  que  ce 
canon  était  d'une  étendue  et  d'une  autorité 
sans  bornes,  et  que  l'observance  en  devait  être 
exacte  et  éternelle  dans  les  siècles  à  venir, 
enfin  que  les  violements  n'en  seraient  pas  im- 
punis. «  Audiverunt  se  uon  recte  dicere.  Est 
enim  canon  universalis;  et  quœ  in  eo  scripta 
sunt,  debent  in  sœcula  saeculorum  observari  ; 
et  vim  suam  obtinere  :  et  qui  praeter eum  vilam 
instituunt.  recte  punientur,  nisi  corrigantur.» 

Mil.  Il  est  vrai  que  cet  auteur  fait  ailleurs 
celte  réflexion  judicieuse,  que  ce  n'est  pas  sans 
raison  que  le  concile  de  Gangres  a  prononcé 
anathème  contre  les  moines  superstitieux  qui, 
par  une  orgueilleuse  complaisance  en  leurs 
habits  vils  et  pauvres,  condamnent  les  ecclé- 
siastiques qui  portent  des  habits  de  soie ,  non 
pas  par  un  esprit  de  vanité  et  de  mollesse,  mais 
par  une  condescendance  nécessaire,  qui  sem- 
ble exiger  qu'on  donne  cela  à  la  dignité,  sous 
le  poids  et  les  servitudes  de  laquelle  on  gémit 
devant  Dieu. 

a  Eos  ergo  qui  propter  arrogantiam  et  hypo- 
crisin  pannos  induunt.  et  eos  qui  beros,  seu  ex 
serico  vestes  contextas ,  propter  possessions 
honorem,  non  propter  mollitiem  vel  arrogan- 
tiam ferunt.  contemnunt,  canon  anathemali 
subjicit.  (In Can.  xu.  Concil.  Gangrensisj.  » 


58  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIÈME. 


CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIÈME. 


DES   HABITS  SACRÉS    DES  ECCLÉSIASTIQUES,    SOUS    L'EMPIRE    DE    CHARLEMAGSE    ET    DE    SES   SUCCESSEURS. 


I.  Défense  d'employer  les  habillements  sacrés  à  l'usage  civil. 
Quels  étaient  ces  habillements  sacrés  dans  l'Eglise  latine. 

II.  Leur  magnificence. 

III.  C'étaient  autrefois  des  habits  communs. 

IV.  l'es  dalmatiqnes  et  des  chasubles  repliées  des  diacres  en 
certains  jours. 

V.  rie  la  magnificence  des  habits  sacrés. 

VI.  Divers  usages  de  l'Eglise  grecque. 

Vil.  Les  habits  impériaux  accordés  au  sacerdoce  par  l'empe- 
reur Constantin,  dans  sa  prétendue  donation. 

VIII.  Du  sac,  du  phanolion,  des  ornements  de  pourpre. 

IX.  Des  ornements  propres  aux  patriarches  et  aux  évèques. 

X.  Raisons  mystérieuses  de  ces  ornements  et  de  plusieurs 

autres. 

XI.  Des  chasubles,  des  sacs,  des  étoles  larges  et  étroites. 
XU.  Du  manteau  et  du  pallium. 

XIII.  Autres  remarques  du  paihum  des  Grecs. 

I.  Des  habits  communs  des  ecclésiastiques, 
il  faut  venir  à  ceux  qui  servent  à  l'autel. 

Théodulphe,  évêque  d'Orléans,  renouvela 
dans  son  capitulaire  (Can.  xvm)  les  anciennes 
défenses  de  faire  servir  aux  usages  communs 
les  calices,  les  patènes  et  les  autres  vaisseaux- 
sacrés,  pour  ne  pas  imiter  l'impiété  sacrilège 
de  Balthazar,  à  qui  une  semblable  profanation 
ne  coûta  rien  moins  que  la  vie  et  l'empire. 

Il  n'est  pas  permis,  suivant  Réginon  (Pag.  27), 
de  célébrer  la  sainte  messe  avec  la  même  aube 
qui  servait  aux  usages  communs  :  «  Si  absque 
alba,  aut  cum  illa  alba ,  qua  in  suos  usus  quo- 
tidie  utitur,  missam  cantare  praesumat.  » 
Riculphe,  évêque  de  Soissons  (Cap.  vu),  avait 
tait  la  même  défense  dans  son  capitulaire  : 
«  Hoc  oninimodis  prohibemus,  ut  nenio  illa 
alba  utatur  in  sacris  mysteriis,  qua  in  quoti- 
diano  vel  exteriori  usu  induetur.  » 

Les  anciennes  instructions  synodales  des 
évèques  à  leurs  curés  répètent  cette  même  dé- 
fense, et  représentent  tous  les  habits  sacerdo- 
taux :  «  Nullus  cantet  sine  amictu,  alba,  stola, 
fanone,  casula,  et  hœc  vestimenta  nitida  sint , 
et  ad  nullos  usus  alios  sint.  Nullus  in  alba  qua 
in  suos  usus  utitur,  praesumat  cantare  missam 
(Append.  Baluzii  ad  Regin.,  pag. 603,  Go7.)»  Et 
dans  un  pontifical  romain:  «  Missam  jejuni 
tantum,  et  non  in  vestibus  communibus,  sed 


sacris  ,  amictu,  alba,  cingulo,  manipulo,  stola, 
et  casula,  vestimentis  nitidis,  qua;  ad  alios  usus 
non  serviant.  » 

On  ne  défendrait  pas  de  se  servir  de  ces 
habits  sacrés  dans  le  commerce  civil,  s'ils  n'y 
avaient  servi  autrefois,  et  si  quelques-uns 
moins  respectueux  ne  les  y  eussent  encore  fait 
servir.  Pour  les  approprier  encore  davantage  à 
l'autel  ,  on  les  enrichissait  d'or  et  de  bro- 
derie, comme  il  nous  paraît  par  le  testament 
de  Riculphe,  évêque  d'Elne. 

«  Amictos  cum  auro  quatuor,  albas  quinque, 
très  claras,  et  planas  duas.  Roquos  quatuor, 
unum  purpureum  cum  auro;  zonas  quinque, 
imam  cum  auro  et  gemmis  pretiosis,  et  alias 
quatuor  cum  auro  ,  stolas  quatuor  cum  auro, 
unam  ex  illis  cum  tintinnabulis,  et  manipules 
sex,  unum  ex  iis  cum  tintinnabulis  :  casulas 
episcopales  optimas  très,  annulum  aureum, 
unum  cum  gemmis  pretiosis,  et  wantos  paria 
unum.  » 

II.  Les  reines  mêmes  consacraient  leurs 
royales  mains  à  ces  pieux  et  magnifiques  ou- 
vrages ,  comme  il  paraît  par  la  lettre  que  la 
reine  Ermentrude,  femmede  Charles  le  Chauve, 
écrivitàPardulus,  évêque  de  Laon  :  «Stolœcu- 
jus  imposuistis  laborem,  libenter  experiri  cu- 
rabimus,  etnoxitim  studehimus  otium  evitare. 
(Lupus  Ferrar.,  epist.  lxxxix).  » 

Eginhard  témoigne  que  l'empereur  Charle- 
magne  fournit  des  vases  et  des  ornements  à 
l'église  avec  une  somptuosité  qui  égalait  sa 
piété  et  son  zèle,  en  sorte  qu'il  ne  permettait 
pas  seulement  aux  portiers  qui  sont  dans  le 
dernier  rang  du  clergé,  défaire  leurs  fonctions 
pendant  le  service  divin,  s'ils  n'étaient  revêtus 
d'ornements  ecclésiastiques  différents  des  ha- 
bits communs. 

«  Sacrorum  vasorum  ex  auro  et  argento  ves- 
timentorumque  sacerdotalium  tantam  in  ec- 
clesia  copiam  procuravit,  ut  in  sacriliciis  cele- 
brandis ,  ne  janitoribus  quïdem  qui  ultimi 
ecclesiastici  ordinis  sunt,  privato  habitu  mi- 


DES  HABITS  SACRÉS  DES  ECCLESIASTIQUES. 


59 


oistrare  necesse  fuisset.  ^Du  Chesne,  tom.  u, 
pag.  103.)  » 

III.  D'où  il  parait  encore  que  la  coutume  de 
célébrer  le  sacrifice  avec  les  habits  communs 
s'abolissait  peu  à  peu  et  par  degrés  jusqu'aux 
moindres  ministres  de  l'Eglise.  Ce  qu'on  peut 
encore  confirmer  parce  que  le  moine  de  Saint- 
Gall  raconte  du  même  empereur Charlemagne, 
qu'il  allait  à  la  chasse  avec  un  habit  fourré  de 
peau  de  brebis  de  même  prix  à  peu  prés  que 
celui  avec  lequel  saint  Martin  célébrait  autre- 
fois la  messe  :  «  Carolus  habebat  pellicium  ber- 
bieinum,  non  multum  amplioris  pretii,  quam 
erat  roccns  ille  sancti  Martini ,  quo  pectus  am- 
bitus,  midis  brachiisDeo  sacritkium  obtulisse, 
astipulationedivina  comprobatur.  (L.n,  c.  lu  .» 

En  effet  tous  ces  termes  :  «  Alba,  Casula, 
Cappa,  Stola,  »  étaient  les  noms  des  habits 
communs,  aussi  bien  que  ceux  des  dalmati- 
ques  et  des  palliums,  dont  le  même  Charlema- 
gne fit  présent  aux  églises  épiscopales  d'Angle- 
terre, afin  qu'on  offrit  à  Dieu  des  prières  pour 
le  repos  de  l'âme  du  pape  Adrien  :  «  Aliquam 
benignitatein  de  dalmaticis  nostris  ,  vel  palliis 
ad  singulas  sedes  épiscopales  direximus,  in 
eleemosynam  donmi  apostolici  Adriani.  (Du 
Chesne,  tom.  Il,  p.  223,  3C9.)  » 

Les  dalmatiques  étaient  des  habillements 
royaux  aussi  bien  que  le  pallium,  comme  nous 
en  assurent  les  Annales  de  Fidde ,  quand  elles 
représentent  Charles  le  Chauve,  empereur, 
avec  les  habits  des  empereurs  de  la  Grèce  : 
«  Nam  talari  dalmatica  indutus ,  et  balleo  de- 
super  accinctus,  pendente  usque  ad  pedes,  etc.» 

IV.  Alcuin  dit  que  les  dalmatiques  lurent 
substituées  parle  pape  Sylvestre  aux  coules, 
colobia  ,  qui  n'avaient  point  de  manches  : 
«  l'sus  dalmaticarum  a  beato  Sylvestro  insti- 
tuas est.  Nam  antea  colobiis  utebantur.  Colo- 
biiiui  vëfô  est  vcstis  sine  manicis.  Cum  ergo 
nuditas  bracbiôrum  calparetur,  a  beato  Syl- 
vestro dalmaticarum  repertus  est  usus.  Est 
autrm  vestimentum  in  modum  crucis.  (Dedi- 
vinis  Offic,  c.  xxxix.)  » 

Cela  peut  servir  à  expliquer  ce  que  le  moine 
deSaint-Call  vient  de  nous  dire  que  saint  Mar- 
tin avait  autrefois  dit  la  messe  ayant  les  bras 

nus. 

Le  même  Alcuin  ajoute  que  les  dalmati- 
ques avaient  les  manches  fort  larges,  et  qu'aux 
jours  que  le  diacre  n'usait  point  de  la  dalmati- 
que, il  ne  ceignait  le  corps  avec  la  chasuble, 
pour  être  plus  dispos  aux  fonctions  de  son  mi- 


nistère, et  pour  montrer  qu'il  est  l'exécuteur 
universel  des  mandements  de  l'évêque  :  «  Dia- 
conus,  qui  non  est  indutus  dalmatica,  casula 
circumcinctus  legit ,  ut  expedite  possit  inini- 
strare;  vel  quia  ipsiusest  ire  ad  comitatum, 
propter  instantiam  necessitatis.  » 

Ce  passage  d'Alcuin  mérite  une  réflexion 
toute  particulière  ,  parce  qu'il  nous  développe 
la  raison  d'un  usage  fort  singulier  dans  l'Eglise. 
Le  diacre,  au  lieu  de  la  dalmatique,  qu'il  quitte 
presque  tous  les  dimanches  de  l'A  vent  et  du 
Carême  ,  se  couvre  d'une  chasuble,  mais  en  la 
façon  qu' Alcuin  le  représente,  s'en  ceignant  le 
corps,  afin  d'être  plus  libre  cl  plus  dégagé  dans 
l'exercice  de  ses  fonctions.  «  Casula  circum- 
cinctus legit.  » 

Il  est  vraisemblable  que  ceux  qui  n'ont  pas 
agréé  cette  mode  de  se  ceindre  avec  la  chasuble 
ont  inventé  l'étole  large,  qui  tint  lieu  de  la 
chasuble  pliée  et  ceinte  à  l'entour  du  corps. 
Ainsi  la  dalmatique  ayant  été  originairement 
un  habit  impérial,  ou  au  moins  d'une  émi- 
nente  dignité ,  on  ne  trouva  pas  bon  que  les 
diacres  s'en  servissent  tous  les  jours,  et  aux 
jours  qu'on  la  leur  ôta,  on  leur  rendit  la  cha- 
suble, qui  était  l'ancien  ornement. 

V.  Revenons  à  la  magnificence  et  à  la  somp- 
tuosité des  vases  sacrés  et  des  ornements 
sacerdotaux.  Saint  Odon,  abbé  de  Cluny,  ne 
désapprouve  que  la  vanité  de  ceux  qui  ne  sont 
passionnés  que  pour  cet  éclat  extérieur  qui 
frappe  les  yeux  des  hommes  charnels ,  et  qui 
négligent  en  même  temps  de  purifier  leur 
cœur,  pour  se  rendre  agréables  aux  yeux  de  la 
vérité  éternelle.  «Nonnullivanitatisstudiodediti 
auratis  et  accuratis  vestibus  ,  et  vasis  pretiosi 
metalli  ad  hoc  sanctum  mysterium  celebran- 
dum  delectantur.  Qui  bene  quidem  facerent, 
si  corda  sua  pariter  in  divinis  oculis  ornaient. 
(Collât.,  1.  u,  c.  34.)  » 

Il  faut  donc  référer  à  la  gloire  de  Dieu  toute 
celte  pompe  extérieure  de  riches  ornements, 
qui  réveillent  en  nous  le  souvenir  et  l'amour 
des  véritables  richesses  de  la  pieté  intérieure. 
«  Qui  auteni  pulchritudini  vasorum  ,  vel  ve- 
slium  studet,  ad  solius  Dei  laudem  in  faciat.  » 
Quant  aux  religieux  propriétaires,  qui  amas- 
sent des  trésors  pour  les  consacrer  à  l'autel , 
c'est  avec  beaucoup  de  justice  que  ce  saint 
abbé  blâme  ce  désordre .  et  proteste  que  ces 
offrandes  ne  peuvent  être  agréablesàCelui  au- 
quel ils  avaient  voué  le  trésor  incomparable  de 
la  pauvreté  volontaire. 


co 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIÈME. 


VI.  Venons  aux  Grecs.  Ignace,  patriarche  de 
Constantinople,  voulut  être  enterré  avec  la 
chape  ou  la  chasuble  de  saint  Jacques,  qu'on 
lui  avait  envoyée  de  Jérusalem  :  «  Veneranduni 
Jacobi  fratris  Domini  superhumerale  (=-.;..; 
cum  venerationeilli  induunt.  quod  antealiquot 
annos  Hierosolymis  sibi  missum,  etc.  In  vita 
Ignatii).  » 

C'était  l'évèque  de  Jérusalem,  qui  avait  en- 
voyé cet  estimable  présent  au  patriarche  Ignace. 
par  ceux  même  qu'il  envoyait  au  concile  VIII 
général  pour  y  tenir  sa  place  en  qualité  de 
légats.  Voici  les  tenues  de  sa  lettre,  qui  se  lit 
dans  la  première  session  de  ce  concile.  «  Pode- 
rem  et  superhumerale  cum  mitra,  pontilicalem 
stolam  sancti  Jacobi  apostoli ,  primi  archie- 
piscoporum  ,  quani  antecessores  mei  patriar- 
chae  circumamicti  semper  in  sancta  sanctorum 
ingrediebantur,  sacerdotio  fungentes,  qua  et 
ego  ipse  indutus  sum,  transmisi.  etc.  » 

L'auteur  de  la  vie  du  même  saint  Ignace, 
remarque  que  Photius,  faux  patriarche  de  Cons- 
tantinople .  pour  attacher  plus  étroitement  les 
prélats  à  son  infâme  parti ,  bénissait  des  cha- 
subles et  des  étoles,  (âfuxBôpa.,  ûpapw.)  et  leur  en  fai- 
sait des  présents.  «  Humeralibus,  et  orariis  et 
aliis  status  sacerdotalis  coemptis  insignibus, 
secreto  preces  super  eaquasdam,  si  tamen  pre- 
ces,  et  non  potiusdiracexecrationes  appellandse 
sunt,  pronuntiabat,sicque  ea  singulis  loco 
muneris  largitionisque  dabat.  » 

Le  patriarche  Ignace,  dans  la  session  II  du 
concile  Vlll  (Ait.  i.  Synod.  vin  ,  rendit  la 
chasuble  ou  le  pallium  aux  évêques  qu'il  réta- 
blissait en  leur  dignité,  dont  ils  avaient  mérité 
d'être  dépouillés  par  leur  attache  criminelle 
au  parti  de  Photius.  «  Sumens  patriarcha 
supcrhumeralia ,  tradidit  eis.  »  Les  prêtres 
complices  du  même  crime  furent  rétablis  en 
recevant  leur  étole  :  «  Susceperunt  a  patriar- 
cha oraria  sua.  » 

VII.  La  donation  prétendue  de  Constantin, 
rapportée  par  Ralsamon,  sur  le  Nomocanon  de 
Photius.  fait  accorder  au  pape  tous  les  orne- 
ments impériaux,  qui  sont  les  mêmes  que  ceux 
du  royal  sacerdoce  de  l'Eglise  :  Praeterea  etiam 
diadema,  seu  coronam  capitis  nostri;  siinul 
etiam  lorum  ,  et  superhumerale ,  quod  impe- 
ratorium  collum  circumdat  ;  et  simul  etiam 
purpuream  chlamydem,  et  tunicam  coccineam 
etindutnenta  regia,etc.  »  Cette  libéralité  se 
répand  sur  tout  le  clergé,  a  qui  sont  accordés 
tous  les   pompeux    ornements  des  sénateurs 


romains  :  «  Clericos  sanctae  Romanse  ecclesiœ 
ornari  decernimus ,  et  illam  habere  amplilu- 
dinem  et  majestatem,  quaornatus  erat  magnus 
noster  senatus,  seu  patritii  et  consules  et  reli- 
quae  dignitates.  » 

Cette  donation  ne  fut  pas  fabriquée  pour 
donner  quelque  chose  au  pape,  ou  à  ses  cardi- 
naux, mais  pour  donner  une  origine  plus 
haute  et  plus  éloignée  à  tous  les  avantages 
dont  ils  étaient  déjà  en  possession.  Il  nous 
suffit  de  remarquer  que  tout  le  monde  était 
bien  persuadé  que  les  plus  riches  habillements 
du  sacerdoce  de  l'Eglise  avaient  été  commu- 
niques par  les  princes  temporels  qui  voulaient 
honorer  ces  honneurs  mêmes ,  et  donner  un 
nouvel  éclat  à  ces  ornements  royaux ,  en  les 
approchant  de  la  royauté  sacerdotale  et  céleste 
de  l'Eglise. 

Le  patriarche  de  Constantinople  prétendit  à 
ces  mêmes  ornements  impériaux  du  pape, 
parce  que  le  concile  I"  de  Constantinople  com- 
muniqua à  la  nouvelle  Rome  les  avantages  de 
l'ancienne.  Mais  cette  prétention  ne  réussit  pas, 
comme  le  dit  Ralsamon  au  même  endroit.  Le 
droit  dont  tous  les  patriarches  d'Alexandrie 
ont  usé  après  saint  Cyrille  de  porter  le  phry- 
gium,  c'est-à-dire,  la  mitre  précieuse ,  a  été 
mieux  fondé,  au  rapport  de  Ralsamon  au  même 
endroit,  parce  que  le  pape  Célestin  l'avait  ac- 
cordé à  saint  Cyrille,  en  le  faisant  présider  en 
sa  place  au  concile  œcuménique  d'Ephèse  (In 
Nomocan.,  tit.  8.  c.  i.) 

VIII.  Dans  le  droit  oriental,  Cabasilas,  arche- 
vêque de  Durazzo,  demande  si  l'on  peut  ajou- 
ter au  sticharion  ,  et  au  phaenolion  de  pourpre 
les  figures  des  rivières  et  des  croix  en  brode- 
rie qu'on  ajoute  aux  ornements  épiscopaux 
blancs  :  et  si  l'ornement  qu'on  appelle  le  sac, 
peut  être  fait  de  pourpre.  L'archevêque  de 
Bulgarie,  Demétrius  Chomaténus  lui  répond 
que  les  ornements  de  pourpre  sont  toujours 
simples  dans  l'Eglise,  et  qu'on  n'y  ajoute  ni 
fleuves,  ni  croix.  (Tom.  i,  p.  318.)  Quant  au  sac, 
comme  les  pontifes  n'en  usent  que  les  jours  de 
Pâques,  de  Pentecôte  et  de  Noël,  il  ne  peut  pas 
être  de  pourpre,  puisque  la  couleur  de  pourpre 
est  destinée  a  marquer  le  deuil,  et  n'est  em- 
ployée dans  l'Eglise  qu'aux  jours  de  jeûne  et 
aux  mémoires  des  morts. 

«  Interrog.  An  consentaneum  sit,  in  purpu- 
reis  pontificalibus  vestimentis  poni ,  quemad- 
modum  et  in  albis,  in  stichario  quidem  flu- 
mina  (cmx<*p«»ï  çwvoXuw) ,  in  phaenolio  autem  cru- 


DES  HABITS  SACRÉS  DES  ECCLÉSIASTIQUES. 


(il 


ces;  et  an  purpureus  saccus  fieri  debeat? 
Respons.  Consuetudo  Ecclesiae  pontifîcalia  pur- 
purea  indumenta  simplavult  esse,  et  sine  prae- 
dietorum  lluniiinun  cruciumque  adjectione. 
Saccum  autem  purpureum  nequaquam  novit; 
quandoquidero  saccus  in  tribus  duntaxat  anni 
celebribusdominicis  festis  suum  usum  praebet 
niinirum  magno  Paschatis  Doininico,  Pente- 
coste  et  Natali  Christi.  Hoc  igitur  satis  plenam 
fidem  facit ,  saccus  ut  sit  purpureus,  necesse 
non  esse.  Cura  etiam  sint  Inclus  insigne  pur- 
purea  bujusmodi  vestimenta.  In  solis  enim 
jejunii  diebus  et  mortuorum  memoriis.  » 

IX.  Entre  les  réponses  de  Balsamon  à  Marc, 
patriarche  d'Alexandrie  ,  en  voici  une  à  notre 
sujet.  (Ibidem,  pag.  381,  -2.)  Comme  les  orne- 
ments qui  sont  propres  aux  patriarches  ne 
peuvent  être  communiques  aux  évoques  ,  tels 
que  sont  le  sac  et  le  polystaurion  ,  c'est-à-dire 
la  chape  parsemée  de  croix  :  ainsi  les  habil- 
lements sacrés  qui  sont  réservés  aux  évèques 
ne  doivent  point  être  usurpés  ni  par  les  curés, 
ni  par  les  abbés. 

«  Int.  Licitum  est,  sacerdotes,  quisuntabba- 
tes  vel  protopapœ,  et  pontiflees  super  manieis 
et  supergenualibus  insigniri,  an  estvetitum? 
Resp.  Supermauicarum ,  et  supergenualiuin 
sacratissimus  amictus ,  solis  pontiûcibus  at- 
tributus  est ,  velut  figuram  obtinentibus 
Domini  et  Dei  Salvatoris  nostri  Jesu  Chri- 
sti. Indeque  peccata  etiam  hominum  renrit- 
tunt,  aliaque  majora  ad  imitationem  Christi 
faciunt,  quae  sacerdotibus  data  non  sunt. 
Quare  nec  supermanicarum ,  nec  superge- 
nualium  merebuntUr  amictum.  Nam  super- 
manicae  figura  sunt  manicarum,  quibus  erant 
constrictœ  manus  Domini  et  Dei  noslri  Jesu 
Christi  ,  quando  ad  volunlariam  passionem 
contendebat.  Supergenuale  autem  figura  est 
lintei,  quod  induit  Dominus ,  cum  discipu- 
lorum  pedes  lavit.  Quemadmodum  igitur  quae 
pàtriarcbis  per  indumenta  gratiœ  tributae  sunt, 
ulli  alii  non  dantur  episcopo.  saccus  videlicet 
et  polystaurion  ;  eos  enim  hiscedecorariplacuit 
utpote  quorum  nomina  referuntur  in  sacris 
ad  extrema  usque  orbis  habitabilis  :  sic  et  epis- 
copis  concessa  privilégia  sacerdotibus  non 
dabuntur,  ne  Ecclesiasticorum  privilegiorum 
fiât  confusio ,  et  Creatori  dicat  creatura ,  exa> 
quor  tibi.  » 

X.  Outre  les  raisons  générales  de  la  bien- 
séance et  de  la  magnificence  des  fonctions 
sacerdotales,  dont  il  fallait  imprimer  le  respect 


et  la  vénération  dans  les  esprits  du  vulgaire, 
il  y  avait  encore  des  raisons  mystérieuses  qui 
autorisaient  l'usage  de  tous  ces  sacrés  orne- 
ments, comme  nous  venons  d'apprendre.  2°  Il 
>  avait  des  ornements  particuliers  et  plus  riches 
affectés  aux  dignités  supérieures.  3°  Il  y  avait 
des  couleurs  affectées  à  certains  offices.  1"  Et 
tout  cela  était  déjà  d'une  grande  antiquité  au 
temps  que  ces  auteurs  écrivaient,  c'est-à-dire 
avant  le  douzième  siècle. 

Saint  Cerraain,  patriarche  de  Constantinople, 
qui  vivait  au  commencement  du  huitième 
siècle,  nous  fait  encore  bien  mieux  connaître 
la  nature  ,  la  forme  et  les  significations  mysté- 
rieuses de  tous  ces  ornements  sacrés.  Il  dit  que 
l'étole  (g-Ox)  représente  l'habillement  d'Aaron 
qui  descendait  jusqu'aux  pieds,  et  si  elle  est 
rouge,  c'est  pour  faire  ressouvenir  de  l'huma- 
nité de  J.-C.  trempée  dans  son  propre  sang. 
Les  prêtres  revêtus  d'étoles  représentent  les 
séraphins  avec  leurs  ailes.  Les  diacres,  par  la 
légèreté  des  ailes  de  leurs  étoles  imitent  l'acti- 
vité et  les  courses  des  anges.  La  tunique  blan- 
che marque  l'éclat  et  l'innocence  de  la  vie 
céleste  des  ecclésiastiques.  Les  cordons  de  la 
tunique  figurent  les  liens  dont  J.-C.futchargé. 
Le  «  peritrachelium,  »  qui  environne  le  col,  et 
«  l'epitrachelium,  »  qui  descend  sur  les  deux 
épaules,  figurent  les  chaînes,  la  croix  et  le  ro- 
seau du  Fils  de  Dieu  dans  sa  passion.  La  cein- 
ture marque  sa  divinité  et  son  empire.  La 
chasuble  représente  la  robe  de  pourpre  dont 
J.-C.  fut  revêtu.  Le  pallium  de  l'archevêque 
figure  l'étole  du  grand  prêtre  Aaron.  Le  pal- 
lium des  évèques  signifie  la  peau  de  la  brebis 
égarée;  les  croix  dont  il  est  chargé  montrent 
la  nécessité  de  se  joindre  au  Fils  de  Dieu  pour 
porter  sa  croix. 

XL  Le  çsXiiviov  ou  oawo'xiov  des  prêtres  grecs, 
à  (juoi  répond  le  terme  latin  «  penula,  »  n'est 
autre  chose  que  la  chasuble  des  Latins,  en  forme 
de  sac,  n'ayant  qu'une  ouverture  au  milieu 
pour  passer  la  tète  ,  et  du  reste  couvrant  tout 
le  corps,  telles  qu'étaient  les  anciennes  chasu- 
bles, qu'il  fallait  replier  sur  les  bras  de  part  et 
d'autre.  La  chasuble  des  prêtres  était  ou  violette, 
c'est-à-dire  de  pourpre,  pour  les  jours  déjeu- 
ne, ou  blanche  pour  le  reste  de  l'année  :  celle 
des  évèques  était  enrichie  de  croix.  Mais  cette 
distinction  rapportée  par  Siméon  de  Thessa- 
lonique,  était  postérieure  au  temps  de  Balsa- 
mon, qui  vient  de  réserver  aux  patriarches  le 
Polystaurion. 


ti-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUARANTE-NEUVIÈME. 


Le  sac  était  un  ornement  impérial ,  commu- 
niqué ensuite  aux  patriarches  et  aux  métro- 
politains,  ayant  effectivement  la  figure  d'un 
sac,  sans  manche  et  sans  plis,  pressant  le  corps 
de  près;  les  patriarches  même  ne  le  portaient 
qu'aux  trois  plus  grandes  fêtes  de  l'année. 
Codin  assure  que  les  empereurs  en  usaient  aux 
jours  solennels,  a  Quando  imperator  fert  stem- 
ma,  aliud  indumentum  non  gestat,  prœter 
saccum  et  diadema.  (  De  officiis  aulœ  Const., 
c.  vi.  » 

L'étole  commune  aux  prêtres  et  aux  diacres 
était  appelée  «  orarium  ;  les  prêtres  la  portaient 
sur  les  deux  épaules  et  la  laissaient  flotter  de 
part  et  d'autre  ,  sans  la  lier.  Les  diacres  ne  la 
portaient  que  sur  l'épaule  gauche.  Mais  les 
prêtres  avaient  encore  une  étole  qui  leur  était 
propre,  qu'on  appelait  «  epitrachelium  ;  »  elle 
était  plus  large  que  l'autre  étole,  et  on  la  liait 
devant  l'estomac.  Enfin  sur  l'étole  commune 
le  mot  à-poç  était  écrit  ou  hrodé  trois  fois ,  ce 
qui  n'était  pas  dans  l'épi trachelium.  Ce  que  le 
patriarche  Germain  a  appelé  «perifraehelium.» 
ne  semble  être  autre  chose  que  l'étole  étroite 
des  prêtres. 

XII.  Il  y  avait  encore  un  manteau,  |Mwîua«, 
qui  était  commun  aux  empereurs  et  aux  évè- 
ques.  Codin  parle  souvent  de  celui  des  empe- 
reurs, «  imperator  induit  super  saccum  et 
diadema  mandyamaureum.  flbid.,  c.xvu.  »  Il 
n'a  pas  oublié  celui  des  évêques ,  «  episcopi 
ad  honorem  imperatori  habendum  profecti, 
veneranlur  illum,cum  mandyis  suis  fluvios 
habentibus  :De  officiis  Eccl.  Const.,  c.  xx.)  » 

Ce  manteau  était  une  chape  très-ample  et 
flottante  de  toutes  part  si  l'étoffe  ou  la  broderie 
était  à  ondes,  et  outre  cela  il  y  avait  au  haut 
quatre  pièces  ajoutées .  et  vers  le  milieu  des 
rubans,  de  couleur  rouge  ou  blanche;  et  tout 
cela  figurait  ces  torrents  de  grâce  et  de  sagesse 
qui  doivent  couler,  selon  l'Evangile,  du  ventre 
de  ceux  qui  ont  reçu  la  plénitude  de  l'Esprit- 
Saint  du  sacerdoce.  C'est  ainsi  que  l'explique 
Siméon  de  Thessalonique. 

Le  pallium  se  donnait  aux  évêques  quand 
on  les  ordonnait;  l'étole  large  aux  prêtres, 
l'étole  étroite  aux  diacres,  le  sticharion  aux 
sous-diacres.  On  leur  ôtaitcesmêmesornements 
en  les  dégradant.  Nous  avons  déjà  remarqué 
que  le  patriarche  Ignace  ,  en  rétablissant  les 
évêques  et  les  prêtres,  rendit  le  pallium  aux 
seconds.  Lorsque  le  pape  ou  antipape  Léon 
déposa  Benoît V,  pape,  et  l'abaissa  au  rang  des 


diacres,  il  lui  ôta  la  chasuble  et  l'étole,  «  Omni 
pontificatus  et  presbyteratus  honore  priva- 
mus.  »  Nous  reviendrons  à  la  matière  du  pal- 
lium ,  après  avoir  remarqué  ,  que  le  o  stictaa- 
rium  »  des  Grecs  (cTix«f>«w<rroix*Plo'0  était  l'aube 
des  Latins,  et  était  commune  aux  sous-diacres 
et  à  tous  les  ordres  supérieurs. 

Le  patriarche  Germain  nous  a  assuré  qu'il 
était  blanc.  Siméon  de  Thessalonique  en  dit 
autant.  Codin  fait  cette  peinture  de  l'archi- 
diacre du  palais.  «  Gestans  consuetum  sibi  sti- 
charium,  et  super  ipsum  pbelonem,  casulam, 
non  autem  epitrachelium ,  sed  orarium.  (De 
officiis  Eccl.  Const.,  c.  îx).  »  N'étant  que  diacre, 
il  ne  pouvait  pas  porter  l'étole  large;  mais 
parce  qu'il  était  l'archidiacre  du  palais,  il  por- 
tait par  privilège  la  chasuble.  Les  sticharions 
étaient  de  couleur  de  pourpre  ou  violette  en 
carême,  excepté  aux  jours  de  l'Annonciation, 
des  Palmes  et  du  grand  samedi,  selon  le  même 
Codin. 

XIII. Le pôlystoriufn,  dont  il  a  été  aussi  parlé, 
n'est  autre  chose  que  le  pallium,  ou  omopho- 
rion  des  évêques.  Ce  n'est  qu'une  bande  large 
environ  de  quatre  doigts  ou  un  peu  plus ,  qui 
environne  le  col,  et  descend  devant  l'estomac 
par-dessus  la  chasuble,  jusqu'au-dessous  des 
genoux,  toute  parsemée  de  croix  (L.  i,  ep.  136). 
On  le  donne  à  tous  les  évêques  de  l'Eglise 
grecque  quand  on  les  ordonne  ,  et  Isidore  de 
Péluse  dit  qu'il  est  tissu  de  laine  et  non  de  lin, 
afin  de  représenter  plus  proprement  la  brebis 
égarée,  que  le  bon  Pasteur  rapporte  sur  ses 
épaules. 

Le  VHP  concile  général  fit  une  sévère  répri- 
mande aux  évêques  qui  portaient  ce  pallium  , 
en  toutes  sortes  de  lieux  et  de  temps ,  «  quovis 
tempore  divini  sacrificii,  aut quacumqué èecle* 
siastica  functione,  »  au  lieu  que  les  canons  ne 
leur  permettent  d'en  user  qu'à  des  temps  et  des 
lieux  réglés,  «  certis  statisque  temporibus  et 
locis.  » 

Isidore  de  Péluse  a  remarqué  que  pendant 
qu'on  récitait  l'évangile,  qui  est  la  parole 
vivante  du  Pasteur  éternel,  l'évêque  déposait 
le  pallium  entre  les  mains  d'un  diacre,  et  Si- 
méon de  Thessalonique  dit  qu'il  ne  le  repre- 
nait que  pour  communier  au  corps  et  au  sang 
de  J.-C.  Dans  les  messes  où  l'on  ordonnait  un 
évèque,  le  célébrant  portait  le  pallium  durant 
la  cérémonie  de  l'ordination. 

Voilà  ce  qui  se  dit  communément  du  pallium 
ou  de  polystaurion  des  Grecs.  Zonare  néan- 


DES  HABILLEMENTS  DES  CLERCS  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


Oit 


moins  assure  que  les  évêques  de  Césarée  , 
d'Ephèse,    de  Thessalonique  et  de  Corinthe 

ayant  été  déclarés  exarques,  c'est-à-dire  primats 
ou  petits  patriarches,  ce  fut  comme  une  suite 
nécessaire  de  leur  laisser  porter  le  polystau- 


rion  dans  leurs  églises.  «  Quibus  eliam  proptc- 
rea  prorogative  nomme  polystauria  in  suis 
ecclesiis  gestare  permissum  est  [In  Can.  xvu, 
Calced.).  »  Nous  tâcherons  dans  la  suite  île  con- 
cilier ces  contrariétés. 


CHAPITRE  CINQUANTIEME. 


DES   HABILLEMENTS   DES   CLERCS   DANS   LA   VIE   CIVILE,   DEPUIS   LAN  MIL  JUSQU  A  L  AN'   MIL  TROIS   CENTS. 


I.  Règlements  des  conciles  du  onzième  siècle  sur  la  couleur, 
la  figure  et  l'étoile  des  babits  des  ecclésiastiques. 

II.  Règlements  du  douzième  siècle  sur  le  même  sujet. 
lli.  Règlements  du  treizième  siècle  sur  la  même  matière. 

IV.  Explication  des  canons  du  coucUe  de  Latran  sous  Inno- 
cent III. 

V.  Ces  décrets  confirmés  par  d'autres  conciles. 

VI.  Les  dalmatiques  défendues. 

VU.  Nouveaux  règlements  contre  les  habits  courts  ou  ouverts. 

VIII.  Divers  règlements  des  conciles  d'Allemagne. 

IX.  Confirmation  de  tous  les  canons  précédents  contre  les 
habits  ou  trop  courts  ou  trop  longs  ;  ouverts  par  les  côtés,  ou 
par  devant  ;  de  soie,  ou  de  fourrure  précieuse  ;  de  couleur  verte, 
ou  rouge;  avec  des  manches  simples,  ou  brodées. 

I.  Suivant  l'ordre  que  j'ai  gardé  dans  les 
précédents  chapitres,  je  me  propose  de  par- 
courir par  siècles  les  règlements  des  conciles, 
sur  les  habillements  des  clercs,  et  de  rappeler 
plusieurs  fois,  mais  brièvement,  les  mêmes 
remarques.  Cela  me  parait  beaucoup  plus  court 
et  beaucoup  plus  utile,  que  de  répéter  souvent 
les  mêmes  canons  sur  des  remarques  différen- 
tes. 

Le  concile  de  Coyac,  en  Espagne,  en  l'an  KXiO 
(Can.  m),  ordonna  seulement  aux  clercs  de 
porter  un  habit  séant  à  leur  profession,  et  d'une 
couleur  seulement.  «  Yestimentum  unius  colo- 
ris et  competens  habeant.  »  Il  paraît  par  laque 
la  couleur  noire  n'était  pas  encore  ou  d'usage 
ordinaire  ou  de  nécessité,  et  qu'il  suffisait  que 
les  ecclésiastiques  usassent  d'habits  de  couleurs 
modestes,  et  n'en  affectassent  pas  même  la 
diversité.  Et  c'est  peut-être  la  signification  de 
ce  terme  competens. 

D'autres  pourraient  s'imaginer  que  cet  habit 
bienséant  à  un  clerc ,  serait  l'étole  pour  les 
piètres,  puisque  Rathérius,  évèque  de  Vérone, 
dans  sa  lettre  synodale,  les  oblige  de  n'aller 


jamais  sans  étole.  «  Nullus  sine  stola  in  itinere 
incedat,  nullus  induatur  vestimentis  laicalibus 
(Conc,  tom.  ix,  p.  1-27-2). 

Le  concile  de  Melfi,  dans  la  Fouille,  en  1089 
(Can.  xni),  défendit  aux  clercs  les  habits  décou- 
pés et  somptueux.  «  Scissis  vestibus  clericos 
abuti  ullerius  prohlbemus ,  et  ne  pomposis 
exuviis  induantur.  »  Ce  sont  peut-être  là  des 
habits  propres  aux  laïques  que  Rathérius  dé- 
fendait aux  clercs.  En  effet  ,  l'habit  long 
était  encore  si  commun  entre  les  laïques  que 
les  conciles  ne  jugeaient  pas  qu'il  fût  besoin 
d'en  faire  une  loi  pour  les  clercs,  surtout  en 
Italie. 

II.  Ce  n'étaient  donc  que  des  habits  modestes 
qu'on  leur  recommandait  de  porter,  soit  pour 
les  étoffes,  soit  pour  les  couleurs,  soit  enfin 
pour  les  découpements.  Le  concile  de  Londres, 
en  1 10-2  (Can.  x)  :  «Ut  vestes  clericorum  sint 
unius  coloris,  et  calceamenta  ordinata.  »  Un 
autre  concile  de  Londres,  en  1 127  (Can.  xn), 
défendit  aux  abbesses  les  fourrures  précieuses, 
ne  leur  laissant  que  celles  d'agneau  ou  de  chat. 
«  Nulla  abbatjssa  vel  sanctimonialis  carioribus 
utatur  indu  mentis,  quam  agninis,  vel  cattinis.  » 

La  règle  qui  fut  dressée  dans  le  concile  de 
Troyes,  en  11-28(C.  lxix),  pour  les  chevaliers  du 
Temple,  ne  leur  permit  des  chemises  de  lin  que 
depuis  Pâques  jusqu'à  la  Toussaint,  et  ce  fut 
par  une  dispense  à  cause  des  grandes  chaleurs 
de  l'Orient;  le  reste  de  l'année  ils  n'en  pouvaient 
avoir  que  de  laine.  «  Cuique  una  camisia  linea 
tantum,  non  ex  debito,  sedexgratiadetur,  alio 
fempore  laneas  habeant  camisias.  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1138  (Can.  xv), 


et 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTIEME. 


défendit  aux  religieuses  toutes  les  fourrures 
précieuses,  «  Variis,  seu  grisiis,  sabellinis,  mar- 
terinis,  hereminis.  beverinis  pellibus  et  annu- 
lis  aureis  uti  sanetimoniales  prohibemus.  » 

Ce  sont  vraisemblablement  ces  mêmes  super- 
fluités  que  le  concile  II  de  Latran,  sous  Inno- 
cent II,  en  H39  Can.  iv),  défendit  aux  ecclé- 
siastiques, aussi  bien  que  les  habits  coupés  et 
les  couleurs  éclatantes.  «  Nec  in  superfluitate, 
scissura,  aut  colore  vestium,  intuentium  offen- 
dant  aspectum,  episcopi  et  clerici,  etc.  » 

Les  mêmes  termes  furent  répétés  dans  un 
canon  du  concile  de  Reims  sous  le  pape  Eu- 
gène III,  en  1 148  (Can.  n),  avec  ordre  aux  évê- 
ques  de  priver  de  leurs  bénéfices  ceux  qui 
n'obéiraient  pas  à  une  loi  si  juste.  Saint  Ber- 
nard  fit  une  hardie  remontrance  à  ce  pape  sur 
l'inobservance  toujours  impunie  de  ce  canon. 
«  Vide  si  non  aeque  ut  prius,  pellicula  discolor 
sacrum  ordinem  décolorât;  si  non  ut  prius 
scissura  enormis  pêne  inguina  nudat ,  etc. 
Nempe  habitu  milites,  quœstu  clericos,  actu 
neutrum  exhibent  (Bern.  de  confid.,  1.  m).  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1 173,  recommanda 
seulement  la  modestie  et  l'honnêteté  des  habits 
et  des  chaussures.  «  Vestimentis  vel  calceamen- 
tis,  nisi  quae  honestatem  et  religionem  deceant, 
uti  non  liceat.  » 

Le  concile  d'York,  en  I L94  (Can.  vi),  défendit 
aux  prêtres  les  chapes  à  manches,  comme  peu 
séantes  à  leur  rang.  «  l't  sacerdotes  non  in 
cappis  manicatis  incedant,  sed  in  vestibus  suo 
ordini  congruis.  » 

Le  concile  de  Montpellier,  en  1193,  sembla 
souffrir  des  manches,  mais  il  en  bannit  les  or- 
nements d'or  ou  d'argent,  et  ordonna  aux  prê- 
tres, et  même  aux  diacres  et  aux  sous-diacres, 
selon  l'ancienne  coutume,  de  porter  tous  leurs 
habits  fermés  par  devant,  si  ce  n'est  qu'allant 
a  cheval,  ils  fussent  nécessités  d'en  user  autre- 
ment. 

«  Manicas  vestimentorum  suorum  quotidiano 
lilo  non  consuant,  nec  argenti,  vel  alius  metalli 
laminas  ipsis  apponant,  etc.  llli  quoque  qui 
sunt  in  sacerdotio  constituti ,  clausa  semper 
ferant  indumenta,  nisi  in  equitando  aliud  fa- 
cere  compellantur ,  etc.  Contirmavit  legatus 
consuetudinem  locorum,  et  ne  interniitteretur, 
sub  anathematis  intermiiiatione  prohibuit,  tjui- 
bus  clerici  etiani  in  minoribus,  subdiaconali 
et  diaconali  ordini  bus  constituti,  clausa  con- 
sueverunt  hactenus  vestimenta  déferre.  » 

Il  se  pourrait  bien  faire  que  j'aui'ais  mal 


exprimé  le  sens  de  ce  canon,  et  qu'il  faudrait 
l'expliquer  selon  le  vieux  style,  ou  par  ces  ter- 
mes. «  qui  sunt  in  sacerdotio  constituti  ;  »  il 
faudrait  entendre  tous  les  ordres  sacrés,  et  par 
conséquent  ce  seraient  les  ordres  mineurs  qu'on 
exprimerait  ensuite.  En  effet,  rien  n'a  été  si 
souvent  inculqué  à  tous  les  ecclésiastiques  que 
cette  obligation  de  porter  leurs  babils  longs 
fermés  de  tous  côtés.  Ce  sont  ces  ouvertures  ou 
ces  découpements  qui  ont  été  condamnés  dans 
tous  les  conciles  ci-dessus  rapportés,  et  qui 
nous  restent  encore  à  citer. 

Ainsi  il  y  a  de  l'apparence  que  non-seulement 
les  tuniques  que  nous  appelons  soutanes,  mais 
aussi  les  chapes  qu'on  portait  par -dessus, 
quand  on  allait  en  ville,  étaient  fermées  de 
tous  côtés.  Ce  qui  s'entend  aussi  des  surplis  et 
des  manteaux. 

Eudes  de  Sully,  évêque  de  Paris,  dans  ses 
constitutions,  en  parle  ainsi.  «  Prohibeturuni- 
versis  sacerdolibus  sine  amictu,  scilicet  cappa, 
vel  pallio,  vel  superpellicio,  et  comité  clerico 
vel  laico  intrare  domos  aliénas,  aut  discurrere 
per  vicos  et  plateas,  et  ne  babeant  cappas  ala- 
tas,  et  vestes  inordinatas.  » 

Ces  chapes  à  ailes  sont  probablement  les 
chapes  à  manches  que  nous  venons  aussi  de 
voir  condamner  dans  le  concile  d'York.  La 
chape  était  donc  aussi  bien  sans  manches  que 
celle  dont  on  use  encore  dans  l'Eglise,  mais 
toute  fermée  par  devant,  comme  la  chasuble, 
qui  était  une  chape  close  de  tous  côtés,  comme 
on  le  voit  encore  dans  toutes  les  anciennes 
sacristies.  Cet  évêque  de  Paris  s'explique  encore 
plus  nettement  dans  un  article  suivant,  contre 
les  chapes  à  manches  qu'il  défend  aux  curés 
et  à  leurs  prêtres.  «  Prohibetur  sacerdotibus, 
ne  habeant  capellanos  habentes  cappas,  mani- 
calas  sicut  nec  ipsœ  personœ  debent  babere 
(Art.  xiu,  xxxiv).  » 

Les  constitutions  de  C.allon,  qu'on  avait  cru 
évêque  de  Paris,  mais  qu'on  a  reconnu  depuis 
être  ce  légat  du  pape  Innocent  III,  en  France, 
dont  parle  Higord  en  1208;  ces  constitutions, 
dis-je,  défendent  fort  expressément  ces  chapes 
à  manches ,  les  chapes  fourrées  et  les  vête- 
ments de  couleur  rouge  ou  verte,  sans  excepter 
de  celte  défense  les  archidiacres,  les  prévôts, 
les  archiprêtres  et  les  doyens  qui  commen- 
çaient apparemment  à  se  distinguer  par  cette 
singularité  affectée. 

«  Prohibemus  ne  sacerdotes  de  cœtero  cappis 
manicatis  utantur;  et  ne  constituti  iu  sacris 


DES  HABILLEMENTS  DES  CLERCS  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


>;:, 


ordinibus  manicas  consutitias,  sotulares  rostra- 

tos,  vestesque  rubri  coloris  habeant,  etc.  Deçà- 
nis  quoque,  archipresbyteris  et  archidiaconi- 
bus,  ne  vestes  rubri  coloris,  vel  virides  babere 
praesumant,  etc.  Ne  cappas  foratas  habeant 
manicatas  (Can.  m,  iv).  » 

III.  Le  concile  d'Avignon  (Can.  xviii),  qu'on  a 
placé  en  l'an  1:209,  défend  aux  chanoines  régu- 
liers les  étoffes  de  soie  et  de  couleur,  et  les 
chapes  à  manches.  Mais  aux  ecclésiastiques 
séculiers,  il  ne  défend  que  la  soie,  le  rouge,  le 
vert  et  les  habits  ouverts  par  devant.  Ce  qui 
fait  voir  comme  peu  à  peu  on  se  relâche  en 
quelques  articles. 

En  effet,  on  avait  d'abord  défendu  en  géné- 
ral à  tous  les  ecclésiastiques  de  porter  des 
chapes  à  manches  et  toutes  les  couleurs  un 
peu  trop  brillantes  ;  ici  on  ne  défend  ces  cha- 
pes à  manches  qu'aux  chanoines  réguliers,  et 
de  toutes  les  couleurs  on  ne  défend  à  tous  les 
ecclésiastiques  que  le  rouge  et  le  vert  ;  enfin 
pour  les  étoffes  on  ne  leur  défend  que  la  soie. 

Le  concile  de  Montpellier,  en  121  i  Can.  i.  m  , 
ordonne  à  l'évèque  de  porter  toujours  un  habit 
long,  un  rochet  de  lin  par-dessus  quand  il  sort 
de  chez  lui  à  pied  ou  qu'il  parait  chez  lui  en 
cérémonie,  outre  le  manteau  ou  la  chape  liée 
par  devant  avec  des  rubans. 

a  Episcopus  talaribus  vestimentis  et  camisia 
linea  super  alios  pannos,  extra  domum  suam 
si  pedes  vadat,  semper  utatur.  Et  idem  obser- 
vât in  domo,  cum  curiam  publiée  cum  extra- 
neis  tenet.  Chlamidem  quoque  talarem  habeat 
super  scapulas  consutam  more  Romano ,  vel 
cum  laqueis  constrictam  super  pectus  ita  ut 
laquei  ante  pectus  palmi  longitudinem  non 
excédant.  » 

Et  quant  à  tous  les  ecclésiastiques,  ce  concile 
leur  interdit  les  souliers  et  les  habits  rouges 
ouverts,  les  manches  cousues,  les  chapeaux  four- 
rés, les  chapes  à  manches,  surtout  que  l'habit 
de  dessus  ne  soit  point  ouvert  par  devant. 

«  Nullus  clericus  indumentis  vel  caligis  ru- 
beis,  vel  viridis  coloris,  vel  manicisconsutitiis, 
vel  capellis  forratis,  vel  annulo,  vel  cappa  uta- 
tur manicata.  Archidiaconi  vero,  decani,  can- 
tores,'et  alii  qui  in  Ecclesiis  cathedralibus,  vel 
conventualibus  obtinent  personatus,  superio- 
rem  vestem  sive  lanea  sit .  sive  linea ,  clausam 
habeant  et  talarem.  Quod  et  observari  volumus 
a  clericis  cnram  habentibus  animarum.  » 

Remarques  à  faire  sur  ces  canons  :  1°  Les 
couleurs  verte  et  rouge  ne  sont  point  interdites 


aux  évoques,  mais  seulement  aux  autres  clercs, 
en  quelque  dignité  qu'ils  puissent  être.  Le 
rouge  n'était  donc  point  encore  réservé  aux 
cardinaux,  et  les  évoques  en  usaient  quelque- 
fois, comme  nous  les  avons  vu  user  du  vert 
jusqu'à  nos  jours. 

2°  On  commence  à  exprimer  que  les  babils 
des  ecclésiastiques  doivent  descendre  jusqu'à 
terre,  ce  qui  est  une  marque  que  les  honnêtes 
gens  du  siècle  commençaient  à  se  vêtir  assez 
souvent  de  court,  ce  qui  portait  les  ecclésiasti- 
ques à  se  donner  la  même  liberté,  contre  l'an- 
cien usage,  que  les  Romains  avaient  fait  passer 
dans  toutes  les  provinces  de  l'Occident,  et  qui 
n'avait  encore  pu  s'effacer. 

3°  Cet  habit  de  dessus  qui  doit  être  fermé 
par  devant,  et  qui  est  ou  de  laine  ou  de  lin, 
nous  apprend  que  les  chapes,  dont  il  est  ici 
si  souvent  parlé ,  étaient  de  la  même  figure 
que  les  surplis,  qu'elles  descendaient  jusqu'aux 
talons,  et  qu'elles  étaient  fermées  de  tous  côtés  ; 
aussi  bien  que  les  surplis. 

4°  Non-seulement  les  surplis,  les  chapes,  et 
tous  les  habits  de  dessus  devaient  être  fermés 
de  tous  côtés,  mais  aussi  les  tuniques  ou  les 
soutanes,  au  moins  pour  les  chanoines  régu- 
liers, puisqu'on  s'était  déjà  relâché  sur  ce  point 
pour  les  autres  ecclésiastiques. 

Voici  le  décret  de  ce  même  concile  sur  les 
chanoines  réguliers  :  «  Tunicas  non  habeant 
curtas,  vel  apertas  ab  anteriori,  vel  posteriori 
parte,  sed  longas,  et  clausas.  » 

IV.  Le  concile  de  Latran,tenu  sous  Inno- 
cent III  en  1215  (Can.  xvi),  répandra  beaucoup 
de  lumière  sur  tout  ce  qui  a  été  dit.  On  y  or- 
donne que  les  habits  de  dessus  ne  soient  ni 
trop  longs,  ni  trop  courts,  ni  verts,  ni  rouges, 
et  qu'ils  soient  fermés  de  tous  côtés.  «  Clausa 
déférant  desuper  indumenta,  nimia  brevitate, 
vel  longitudine  non  notauda.  Pannis  rubeis  aut 
viridibus  non  utantur.  Cappas  manicatas  ad 
ilivinum  officium  intra  Ecclesiam  non  gérant, 
sed  nec  alibi  qui  sunt  in  sacerdotio,  vel  perso- 
natibus  constituti,  nisi  justi  causa  timoris  exe- 
gerit  habitum  transformari.  » 

Ceci  ne  regarde  que  les  clercs;  ainsi  les 
évêques  pouvaient  user  d'habits  rouges  ou 
verts. 

Les  chapes  à  manches  ne  sont  ici  défendues 
que  dans  l'église,  pendant  l'office,  ce  qui  s'y 
observe  encore  exactement.  C'est  un  adoucis- 
sement, car  les  canons  plus  anciens  ne  rece- 
vaient pas  cette  limitation.  Il  est  vrai  que  ce 


Tu. 


Tob.  IL 


C6 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTIÈME. 


canon  les  défend  encore  aux  prêtres ,  et  à  tous 
ceux  qui  sont  en  dignité ,  même  hors  de  l'é- 
glise ;  mais  il  leur  permet  d'en  porter,  quand, 
pour  éviter  quelque  péril,  il  est  juste  en  quel- 
que façon  qu'ils  se  travestissent,  et  qu'ils  pren- 
nent une  chape  à  manches ,  comme  les  sécu- 
liers. 

Ne  paraît-il  pas  de  là  que  les  chapes ,  dont 
il  est  parlé  dans  tous  ces  canons,  étaient  les 
mêmes  dans  l'usage  civil  et  dans  l'Eglise  ? 
Ainsi  de  celles  qui  restent  aujourd'hui  dans 
l'Eglise,  ou  peut  conjecturer  quelles  étaient  les 
autres.  Il  y  avait  cette  double  différence  entre 
celles  des  ecclésiastiques  et  des  laïques,  que 
celles  des  ecclésiastiques  devaient  être  sans 
manches,  et  fermées  de  tous  côtés. 

Ce  canon  passe  ensuite  aux  évêques,  à  qui 
il  ordonne  de  porter  toujours  dans  l'église  et 
en  public  leur  rochet  de  lin .  si  ce  n'est  qu'ils 
soient  religieux.  Car  ils  doivent  en  ce  cas  por- 
ter l'habit  delà  religion.  «Pontitices  in  publico 
et  in  ecclesia  superindumentis  lineis  omnes 
utantur;  nisi  monachi  fuerint,  quos  oportet 
déferre  habitum  monachalem.  » 

Cet  habit  de  lin  sur  la  tunique,  qui  est  de- 
meuré aux  évoques  et  aux  chanoines  réguliers, 
était  autrefois  commun  à  tous  les  ecclésiasti- 
ques, au  moins  aux  ordres  sacrés;  on  laissa 
ensuite  la  liberté  d'en  prendre  un  de  laine  en 
sa  place  :  enfin  le  commun  des  ecclésiastiques 
l'a  tout  à  fait  quitté  hors  de  l'église.  Cela  se 
doit  conclure  des  canons ,  où  il  en  a  été  parlé 
ci-dessus. 

Ce  canon  passe  au  manteau  des  évêques, 
qu'il  ne  peut  souffrir  tel  qu'on  le  porte  pré- 
sentement, tout  ouvert  et  sans  agrafe.  «  Pal- 
liis  diffibulatis  non  utantur  in  publico,  sed 
vel  post  collum ,  vel  ante  pectus  bine  inde 
connexis.  » 

V.  Ce  décret  fut  renouvelé  dans  plusieurs 
conciles  particuliers ,  et  surtout  l'article  des 
chapes  fermées  ,  pour  les  ecclésiastiques  qui 
sont  en  quelque  dignité.  Comme  dans  le  con- 
cile d'Oxford  en  1-2-2-2  (Can.  xxxu)  et  dans  celui 
de  la  même  ville  en  1-2:17  (Can.  xiv).  «  Cappis 
clausis  utantur  in  sac  ris  ordinibus  constituti, 
maxime  in  ecclesia,  et  coram  prselatis  suis,  et 
in  conventibus  clericorum,  et  ubique  in  paro- 
chiis  suis,  qui  cum  animarum  cura  Ecclesias 
susceperunt.  »  D'où  on  peut  confirmer  toutes 
les  réflexions  précédentes. 

l.e  concile  de  Tours,  en  1-239  (Can.  in),  laissa 
le  choix  d'une  chappe  clause,  ou  d'un  manteau 


qui  passait  apparemment  des  évêques  aux  prê- 
tres, et  était  fermé  de  tous  côtés.  «  Ne  sacerdo- 
tes  in  publico  procédant,  nisi  in  cappis  clausis, 
vel  mantellis.  »  On  y  ajoute  que  la  robe  qui  se 
met  sur  la  tunique  doit  aussi  être  fermée. 
«  Clausa  etiam  habeant  supertunicalia.  »  Je 
l'explique  d'une  robe  à  manches,  qui  se  portait 
dans  sa  maison  comme  le  manteau,  où  la 
chape  close  sans  manches  se  portait  en  public, 
ainsi  que  ce  même  canon  en  fait  foi.  Or  que 
cette  robe  eût  des  manches ,  on  le  voit  dans  le 
concile  de  Cognac  en  1238  (Can.  xxv).  «  Ne 
supertunicale  déférant  regulares,  nisi  clausum 
et  etiam  manicatum.  » 

Le  synode  de  Worcester,  en  1-240,  publia 
ces  statuts,  comme  aussi  la  défense  de  la  soie, 
de  la  couleur  verte  et  de  la  rouge.  Les  défenses 
de  la  soie  devenaient  plus  fréquentes  ,  parce 
que  la  soie  se  rendait  aussi  plus  commune, 
ayant  été  auparavant  très-rare,  même  entre 
les  laïques. 

Le  concile  d'Albi  en  1254  Can.  lxiv), ne  put 
endurer  que  les  Juifs  continuassent  de  porter 
des  chapes  rondes,  semblables  à  celles  des 
ecclésiastiques  :  «  Clerici  cappis  rotundis  ex 
more  utuntur.  »  11  leur  ordonna  donc  d'en 
porter  avec  des  manches  qui  fussent  aussi  lon- 
gues que  les  chapes  mêmes  ,  et  sans  plis. 
«  Cappas  portent  deinceps  Judœi  manicatas  , 
ita  quod  maniese  lon^e  sint  adeo  sicut  cappœ, 
nec  in  eisdem  manicisplicaturasitaliquaatque 
ruga.  » 

Le  concile  d'Arles,  en  la  même  année  1260 
(Can.  rai),  défendit  aussi  aux  Juifs  les  chapes 
rondes  et  closes,  comme  étant  propres  aux 
piètres.  Le  concile  de  Cologne  en  1-260  (Can.  iv) 
condamna  les  habits  ouverts  par  le  côté  ; 
«  aperlura  vestium  a  latere.  »  C'était  une  nou- 
velle manière  d'éluder  les  canons. 

VI.  Le  concile  de  Cognac,  en  1260  (Can.  m), 
défendit  les  dalmatiques  aux  prêtres  et  aux  di- 
gnités du  clergé,  ne  leur  permettant  que  les 
chapes  et  les  robes  fermées,  a  moins  que  quel- 
que nécessité  ne  donnât  lieu  ta  une  juste  dis- 
pense. «  Presbyteri  et  caetrae  dignitates,  perso- 
natus  ,  administrationes  habentes ,  dalmaticis 
non  utantur,  sed  cappis  clausis,  et  supertuni- 
calia clausa  portent  ;  nisi  in  parte  ista  pro- 
babilitas,  vel  nécessitas  ipsos  reddiderit  excu- 
satos.  » 

Ces  dalmatiques  ne  sont  apparemment  que 
des  chapes  à  manches,  plus  courtes  que  les 
autres  chapes,  et  ouvertes  par  les  côtés,  telles 


DES  HABILLEMENTS  DES  CLEBCS  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


67 


que  les  portent  les  diacres  et  les  sous-diacres, 
mais  les  prêtres  n'en  portent  jamais.  Les  or- 
donnances synodales  d'Angers,  en  1264,  défen- 
dirent aux  archidiacres,  aux  archiprêtres,  et 
aux  doyens  de  porter  des  chapes  à  manches, 
ou  des  tahards,  si  ce  n'était  en  temps  de  pluie, 
o  Cappas  manicatas,  vel  tabarda  non  déférant, 
nisi  sit  tempus  pluviale.  »  Ces  tahards  étaient 
donc  des  habits  de  campagne  pour  le  temps  de 
pluie.  C'est  d'où  est  venu  dans  l'office  de  l'E- 
glise l'usage  des  chapes  qu'on  appelle  en  latin 
Pluvialia,  et  qui  diffèrent  des  tabards  en  ce 
qu'elles  n'ont  point  de  manches. 

VIL  Le  concile  de  Londres,  en  1-2(18  (Can.  v), 
renouvela  les  anciens  statuts  que  tous  les  clercs 
majeurs,  en  dignités  surtout,  portassent  des 
chapes  closes,  si  ce  n'est  qu'en  voyage  ils  s'en 
dispensassent  avec  raison ,  «  nisi  forte  causa 
itineris,  vel  alia  causa  justa  honestam  aliam 
vestern  gérant.  »  Mais  que  tous  les  clercs  se 
distinguassent  des  laïques  par  des  habits  qui 
descendissent  au  moins  jusqu'à  mi-jambes. 
«  Clerici  universi  vestes  gérant  saltem  ultra 
tibiarum  medietatem  attingentes.  »  Les  peines 
contre  les  violateurs  de  ce  décret  vont  à  la  pri- 
vation de  leurs  bénéfices. 

Le  concile  de  Chàteau-Contier  en  la  même 
année  12(>8  (Can.  vi)  commanda  aux  archidia- 
cres, aux  archiprêtres,  et  aux  doyens  ruraux 
d'user  de  chappes  closes  dans  les  lieux  de  leur 
juridiction. 

Voilà  comme  l'usage  des  chappes  s'abolissait 
peu  à  peu ,  étant  réservé  aux  seules  dignités, 
et  puis  aux  seuls  lieux  de  leur  juridiction. 

VIII.  Le  concile  de  Salzbourg  en  1-27 1  (Can.  u) 
défendit  les  ceintures  d'or,  ou  d'argent ,  les 
habits  ouverts  par  les  côtés,  «  Vestes  non  défé- 
rant nisi  clausas,  quas  omnino  prohibemus  a 
latere  aperiri  ;  »  et  les  ceintures  sur  l'habit  de 
dessus,  «  Nec  procédant  in  publicum  circum- 
cincti  veste  suprema.  » 

Le  concile  de  Saumur  en  1276  défendit  aux 
moineset  aux  chanoines  réguliers  les  fourrures 
précieuses,  de  petit-gris,  de  vert,  d'écureuil  et 
autres.  Mais  le  concile  de  Bude  (Can.  îv),  où 
présidait  un  légat  du  Saint-Siège  en  1279  nous 
développera  sans  doute  beaucoup  de  difficultés, 
et  justifiera  plus  clairement  les  conjectures  que 
nous  avons  hasardées.  Il  y  est  ordonné  que  les 
évêques  allant  à  cheval,  ou  à  pied  en  public 
porteront  des  chapes  rondes,  et  par -dessus 
leur  rochet  blanc,  le  manteau  agrafé  derrière 
le  col,  ou  devant  l'estomac,  tiendra  lieu  de 


chape  .  parce  que  par  ce  moyen  il  est  fermé 
de  tous  côtés. 

«  Prselati  cum  equitant,  vel  etiam  in  publico 
pédestres  incedunt,  habeant  et  déférant  eami- 
sias  albas,  sive  rosetas  ;  quas  semper  sub  cap- 
pis ,  sive  mantellis  ,  ante  pectus  ,  vel  post 
collum  hinc  inde  connexis  déférant,  in  pu- 
blico, etc.  (Can.  n).  » 

Ce  rochet  était  une  aube  qui  descendait  jus- 
qu'à terre,  comme  les  termes  l'insinuent.  Si  ce 
ternie  Rosetas  signifient  qu'elles  peuvent  cire 
de  couleur  de  rose,  c'est  ce  que  je  ne  sais  pas. 
Il  est  toujours  certain  que  le  manteau  com- 
mençait à  prendre  la  place  de  la  chape  close, 
avec  la  restriction  qui  y  est  marquée;  c'est-à- 
dire  que  par  le  moyen  des  agrafes  il  fut  fermé 
de  tous  côtés. 

On  permit  même  de  porter  des  manteaux 
tant  soit  peu  plus  courts  dans  les  grands  voya- 
ges de  nécessité,  quand  il  fallait  aller  en  cour, 
ou  à  l'armée,  avec  des  capuches  qui  en  étaient 
séparés,  et  qui  ne  se  mettaient  qu'en  temps  de 
pluie. 

«  Permittimus  autem  quod  possint  habere 
mantellos  rotundos,  sive  tabarda  longitudinis 
moderat;e,  eosque  déferre,  cum  capuliis  sepa- 
ratis  ah  eis,  tempore  pluvioso,  nivoso,  seu 
pruinoso  ;  et  cum  ad  exercitus ,  seu  curationes 
aut  expeditiones  ex  certis  et  necessariis  causis, 
a  sacris  canonibus  minime  reprobatis  eos  con- 
tigerit  proficisci.  » 

Ce  même  canon  défend  ensuite  les  riches 
fourrures  aux  chanoines  sous  leurs  chapes  ou 
manteaux;  «sub  mantellis,  vel  cappis.  »  Le 
canon  suivant  défend  aux  dignités,  aux  cha- 
noines, aux  curés,  aux  prêtres,  les  manches 
cousues,  et  les  robes  ouvertes,  «  Manicas  ne 
déférant  consutitias.nec  togas,sive  guarnacias, 
seu  supertunicalia ,  aut  quaecumque  alia  vesti- 
menta  desuper  portent  aperta  ,  sed  ipsa  supe- 
riora  indumentacircumcircausquead  fimbrias 
déférant  clausa.  » 

Voilà  donc  les  robes  qu'on  appelle  supertuni- 
calia et  togas,  mais  sans  manches  cousues  ou 
pendantes,  et  fermées  de  tous  côtés  jusqu'à 
terre.  Les  collets  sont  encore  prohibés,  si  ce 
n'est  aux  manteaux  de  campagne.  «  Nulla  col- 
laria,  nisi  forte  in  tabardis,  vel  mantellis  ad 
equitandum,  circumcirca  omnino  rotunda.  » 
Enfin  on  détend  les  boutons,  ou  agrafes  d'or 
el  d'argent  :  «  Bottones,  sive  fibulas  aureas  vel 
argenteas,  etc.  (Can.  lxii).  » 

Enfin  ce  concile  commanda  aux  chanoines 


08 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTIÈME. 


réguliers  de  se  distinguer  des  autres  ecclésias- 
tiques, en  portant  toujours  des  surplis,  ou  des 
tuniques  de  lin,  ou  bien  des  chapes  closes, 
comme  les  moines  doivent  toujours  porter 
leurs  chapes.  «  Canonici  regulares  sine  super- 
pelliceis,  vel  tunicis  lineis,  seu  cappis  clausis 
non  incedant.  » 

On  peut  voir  par  là,  quelle  était  la  forme  des 
chapes  fermées  de  laine  pour  les  moines,  et 
de  lin  pour  les  clercs.  Elles  étaient  taillées  et 
fermées  comme  le  sont  les  surplis  d'aujour- 
d'hui :  car  quoique  le  temps  ait  apporté  beau- 
coup de  changement  dans  ces  surplis,  par  rap- 
port à  la  longueur,  puisqu'anciennement  ils 
allaient  jusques  à  terre,  ou  en  a  néanmoins 
conservé  la  forme. 

IX.  Le  synode  de  Cologne  en  1280  (Cap.  i,  m) 
condamna  les  habits  trop  courts, ou  trop  longs, 
de  couleur  verte  ou  rouge,  et  les  manches  ou 
les  souliers  ouvrés  :  «  Pannis  rubeis  aut  viri- 
dibus,  manicis  aut  calceis  consutitiis  non  utan- 
tur.  » 

Les  chapes  à  manches  y  sont  défendues  aux 
religieux ,  et  encore  plus  aux  religieuses.  Il 
m'était  échappé  de  dire  que  le  concile  de  Lon- 
dres, en  1268  (Can.  v),  défendit  aux  clercs  les 
habillements  de  tête  ,  qu'ils  appelaient  des 
coiffes  :  «  Nec  nisi  in  itinere  constituti,  insu- 
las,  quas  vulgo  coifas  vocant,  portare  présu- 
mant. » 

Le  concile  de  Lambeth,  en  1581  (Can.  xxul, 
réitéra  la  même  défense,  parce  que  les  mauvais 
ecclésiastiques  s'en  servaient  pour  cacher  leur 
couronne ,  comme  s'ils  rougissaient  des  mar- 
ques glorieuses  d'une  céleste  royauté.  «  Tena 
coronas  abscondunt,  quasi  caelestes  radios  re- 
pellentes,  etc.  Legatus  contra  portantes  infulas, 
aut  tenas,  statuit  ut,  etc.  » 

Le  synode  d'Exeter,  en  1287  (Cap.  xvu),  fit 
la  même  défense,  «  Coronas  déférant  sphœricas, 
quas  infulis  cooperire  prohibemus  sub  prcna 
Oltoboni  legati,  etc.  » 

On  couvre  aujourd'hui  la  couronne  d'une 
calotte  sans  craindre  aucune  de  ces  peines, 
parce  que  cette  calolte  n'est  point  une  marque 
qu'on  rougit  du  sacerdoce.  Tout  le  monde  sait 
que  la  calotte  n'est  employée  aujourd'hui  que 
pour  garantir  du  froid .  et  non  pour  cacher  ou 
pour  dissimuler  son  état. 

On  condamne  aussi  dans  ce  synode  les  ha- 
bits verts,  ou  rouges,  oude  soie,  ou  de  diverses 
couleurs,  ■  Induant  se  clerici  vestibus  unius 
coloris  et  non  varii,  nec  permixti.  »  On  y  obli- 


gea les  prêtres  à  porter  des  chapes  ou  des 
robes  fermées,  «  Cappis  et  supertunicis  utantur 
clausis.  » 

Enfin  tous  les  clercs  sacrés  qui  n'auraient 
pas  les  moyens  d'avoir  une  chape  ou  un 
manteau  sur  leur  tunique,  furent  obligés  de 
porter  au  moins  un  habit  long  de  dessus  fermé 
de  tous  côtés,  a  Superindumentis  saltem  utan- 
tur clausis.  ut  a  laids  discernantur.  » 

Quoique  les  habits  '.courts  se  rendissent  de 
jour  à  autre  plus  communs  entre  les  laïcs,  il  y 
en  avait  néanmoins  encore  un  fort  grand 
nombre  qui  conservaient  l'ancien  usage  des 
habits  longs  à  la  romaine. 

Ce  n'est  pas  que  ces  laïques,  qui  conser- 
vaient l'ancien  habit  ne  portassent  un  habit 
long  comme  les  ecclésiastiques;  mais  cet  ha- 
bit, quoique  long,  avait  plusieurs  différences. 
Quelques  ecclésiastiques  attachés  aux  amuse- 
ments du  siècle,  comme  il  s'en  trouve  toujours 
faisaient  tous  leurs  efforts  pour  anéantir  ces 
dilférences,  et  laïques  d'inclination  ils  vou- 
laient l'être  encore  par  leurs  habits.  Les  évê- 
ques  et  les  synodes  s'y  opposaient. 

L'habit  long  des  laïques  était  fendu  et  ouvert 
de  tous  côtés,  et  les  ecclésiastiques  mondains 
affectaient  que  leur  habit  le  fût  aussi,  quoique 
l'Eglise  l'eût  défendu  et  eût  multiplié  pourcela 
ses  anathèmes,  Ce  n'est  pas  qu'il  soit  impor- 
tante la  religion  qu'un  habit  soit  ou  fendu,  ou 
cousu,  mais  il  importe  à  l'Eglise  qu'un  clerc 
ne  paraisse  pas  se  repentir  de  l'état  qu'il  a  em- 
brassé; qu'il  n'aime  pas  mieux  ressembler  aux 
laïques  qu'aux  ministres  de  J.-C,  et  qu'il  ne 
manifeste  pas  des  inclinations  séculières  par 
une  affectation  à  porter  l'habit  séculier. 

C'était  par  la  même  raison  qu'on  défendit 
les  chapes  à  manches  ,  chapes  qui  déjà  com- 
mençaient à  faire  discerner  les  laïques  d'avec 
les  ecclésiastiques.  Le  synode  de  Chichester,  de 
l'an  1289,  les  proscrivit  comme  des  marques 
d'un  luxe  et  d'une  vanité  toute  séculière  : 
«  Ne  cappis  manicatis  vel  aliis  indumentis  le- 
vitatis  et  lascivia?  notam  praetendentibus  utan- 
tur publiée.  »  Ce  n'est  pas  qu'il  y  eût  du  luxe 
ou  de  la  vanité  à  porter  des  manches  ;  mais  il 
y  en  avait  certainement  dans  les  ecclésiastiques 
qui  ayant  honte  de  l'habit  de  leur  état  vou- 
laient suivre  les  modes  qui  s'introduisaient 
parmi  les  laïques. 

Puisque  les  canons  étaient  si  sévères  pour 
condamner  de  légèreté  et  de  luxe  les  manches 
des  chapes,  à  plus  forte  raison  en  condam- 


DES  HABILLEMENTS  DES  ECCLESIASTIQUES  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


69 


naient-ils  les  couleurs  trop  recherchées,  connue 
le  rouge  et  le  vert,  les  fentes  décousues,  les 
manches  postiches,  les  souliers  brodés  et  autres 
ornements  inutiles.  C'est  l'esprit  du  synode  de 
Saintes,  de  l'an  1298  (Can.  i),  lorsqu'il  con- 
damne «  sotulares  consutitios  etmanicas.  » 

L'histoire  de  l'ahhaye  de  Saint-Martin-de- 
Tournay  nous  fait  remarquer  que  dans  le 
onzième  siècle  l'habit  ordinaire  de  tous  les 
ecclésiastiques  était  Liane,  comme  celui  des 
moines  était  noir.  «  Cum  monachorum  niger 
sit  hahitus,  clericorum   vero  candidus  (Can. 


xxxiu  et  c.xxiu;  Spicileg.,  tom.  xu,  p.  .îOri).  » 
Pour  trouver  cela  exactement  vrai,  il  faut  se 
rappeler  le  temps  où  les  moines  d'Occident 
étaient  presque  tous  sous  la  règle  de  saint  Be- 
noît :  il  faut  prévenir  la  naissance  des  reli- 
gieux de  Citeaux ,  qui  ont  été  appelés  les 
moines  blancs,  et  qui  sous  ce  nom  se  sont 
beaucoup  multipliés  dans  le  monde.  On  pour- 
rait aussi  soupçonner  que  les  clercs  dont  il 
est  parlé  dans  ce  passage  ne  sont  pas  différents 
des  chanoines  réguliers. 


CHAPITRE   CINQUANTE-UNIEME. 

DES    HABILLEMENTS   DES    ECCLÉSIASTIQUES    DANS   LA    VIE   CIVILE,    DEPUIS   L*AN   MIL   TROIS   CENTS 

JUSQU'AU   SIÈCLE   PRÉSENT. 


I.  Règlements  des  conciles  du  quatorzième  siècle  sur  les  ha- 
bits longs,  d'une  couleur,  fermes  de  tous  cotés,  les  robes  traî- 
nantes, les  bonnets,  les  aumusses. 

II.  Suite  du  même  sujet.  Des  habits  pour  la  campagne,  des 
robes  boutonnées,  des  longs  chaperons,  des  soutanelles. 

III.  Règlements  des  conciles  du  quinzième  siècle.  Adoucisse- 
ments pour  les  habits  fendus,  pour  les  manches  pendantes.  Des 
habits  des  évêques. 

IV.  Règlements  des  conciles  du  seizième  siècle.  Décrets  de 
saint  Charles  sur  les  habits  de  soie,  les  soutanelles,  le  manteau, 
le  mautelet,  le  chaperon,  la  couleur  noire  des  habits. 

V.  Du  chapeau  et  du  chaperon. 

VI.  Des  collets,  des  manchettes,  de  la  couleur  noire,  des 
bonnets  ronds  et  carrés.  Des  chapeaux. 

VII.  Les  rois,  les  grands,  les  nobles  portaient  autrefois  l'ha- 
bit long  ou  romain,  qui  était  celui  des  ecclésiastiques.  Preuves. 

VIII.  Nouvelles  preuves. 

IX.  Remarques  générales  sur  ce  qui  a  été  dit. 

X.  Règles  d'uniformité  parmi  ces  diversités  et  ces  chan- 
gements. 

I.  Nous  n'avons  presque  pas  rencontré  dans 
le  chapitre  précédent  aucun  règlement  des 
conciles,  ou  des  prélats  d'Italie  pour  les  vête- 
ments communs  des  ecclésiastiques.  On  peut 
croire  que  les  anciens  usages  s'y  conservaient 
plus  exactement,  comme  dans  le  lieu  de  leur 
naissance  ,  et  dans  !e  propre  séjour  de  la  mo- 
narchie et  de  l'Eglise  romaine. 

Ce  furent  aussi  des  légats  envoyés  de  Borne 
qui  vinrent  en  Angleterre,  en  France  et  en  Al- 
lemagne, rétablir  les  anciens  habits  de  la  gra- 


vité romaine  et  de  la  modestie  cléricale.  Enfin 
le  seul  concile  de  Latransous  Innocent  III  a  été 
la  règle  de  tous  les  statuts  qui  se  sont  depuis 
répandus  et  confirmés  dans  le  reste  de  l'Occi- 
dent. 

Commençons  par  l'Italie.  Le  concile  de  Ba- 
venne,  en  1314  (Can.  x),  pour  distinguer  les 
clercs  des  laïques,  ordonne  aux  clercs  des  ha- 
bits longs  clos  de  toutes  parts,  et  d'une  couleur 
permise  par  les  canons.  «  Nec  vestimenta  alte- 
rius  coloris,  quam  jure  permissi,  qu;e  desuper 
clausa  sint,  atque  talaria.  »  Ils  doivent  couvrir 
leur  tète  d'un  bonnet,  ou  d'une  aumusse  jus- 
qu'aux oreilles.  «  Capita  cooperiant  pileo  vel 
birelto,  velarmutia  oblonga  ad  aures.  »  Enfin 
les  dignités,  les  chanoines,  les  curés  et  les 
prêtres  ne  doivent  point  paraître  en  public  sans 
chape,  ou  sans  manteau,  a  Cappas  vel  chla- 
mydes  portent.  » 

A  la  campagne  on  leur  permet  des  robes 
longues,  qui  avaient  apparemment  des  man- 
ches :  «  saltem  tabardos  talares  portent.  » 
Dans  l'église  il  doivent  porter  des  chapes 
noires,  ou  des  surplis  blancs.  «  In  ecclesia 
utantur  cappis  nigris,  vel  saltem  cottis  albis.  » 
Ce  qui  sert  à  entendre  quelles  étaient  les 
chapes  de  l'usage  civil. 


70 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-UNIÈME. 


Le  concile  de  Rayonne,  en  1317  (Can.  iv), 
répète  les  mêmes  statuts,  si  ce  n'est  qu'il  per- 
met les  robes  tabardos  dans  la  ville  même. 
Colvener,  dans  ses  notes  sur  Thomas  de  Chan- 
tepré,  dit  que  tabard  est  un  mot  flamand,  et 
signifie  une  robe  qui  descend  jusques  aux 
talons. 

Le  concile  de  Sens,  en  1320  (Can.  îv),  défen- 
dit les  souliers  rouges,  verts  ou  blancs,  et  les 
aumusses  de  velours.  Le  concile  de  Palence, 
en  Espagne,  en  13-22  (Can.  vi),  défendit  aux 
évoques  même  les  habits  de  soie,  et  les  robes 
même  à  cheval,  où  il  ne  leur  laisse  que  la 
chape  et  le  rochet  de  lin.  «  Succas  lineas  in 
publico,  et  cumeos  equitare  contigerit,  nulla- 
tenus  tabardos,  sed  cappas  déférant  et  capellos 
su;e  dignitati  congruentes.  » 

Le  concile  de  Tolède,  en  1324  (Can.  n),  con- 
damna les  robes  traînant  jusqu'à  terre  : 
«  Nullus  clericus  supertunicale  vel  tabardum 
déferai  ita  longum,  quod  si  ad  pedes  contingat 
nullatenus  tamen  per  terrain  traliatur  ;  cum 
hcec  non  honestas,  sed  supertluitas  et  indecen- 
tia  censeatur.  »  11  condamna  les  manteaux 
traînants  des  clercs  :  oClerici  ne  mantellos  seu 
chlamydes  nimia  longitudine  notandos,  etc.  » 

Le  concile  de Tarragonne,  en  133«(Can.Tar., 
1.  m.  tom.  i),  régla  les  personnes  et  les  temps 
des  babils  de  deuil.  «  Ne  clericus  in  sacris  or- 
dinibus  constituais,  induat  se  de  nigro,  seu  de 
vestibus  lugubribus  per  inortem  alicujus,  nisi 
fuerit  pater,  vel  mater,  l'ra  ter  aut  soror,  aut 
dominus,  quas  etiam  ultra  duos  menses  por- 
tare  non  possit.  » 

Le  concile  général  de  Vienne  condamna  les 
habits  de  diverse  couleur,  «  virgatam  vel  par- 
titam  vestem  (In  Clément,  m,  tom.  i,  c.  2) ,  » 
mais  il  avait  permis  les  épitoges,  ou  robes, 
pourvu  qu'elles  ne  fussent  (tas  si  courtes  et  que 
l'habit  de  dessous  parût  notablement.  «  Epito- 
gio  seu  tabardo  foderato  usque  ad  oram,  et  ita 
brevi  ,  quod  vestis  inferior  notabiliter  videa- 
tur.  » 

Renoît  XII ,  prescrivant  une  règle  aux  cha- 
noines réguliers  de  saint  Augustin,  en  1339, 
nous  apprend  que  les  chapes  étaient  confon- 
dues avec  les  manteaux,  et  portaient  le  nom  de 
cloches  et  rotondes,  à  cause  de  leur  figure, 
étant  fermées  de  tous  côtés,  et  descendant  jus- 
qu'à terre,  au  lieu  que  les  robes  ou  tabards 
étaient  plus  courts  et  à  manches. 

«  Ne  extra  septa  portent  alias  vestes,  super 
babituin,  quam  cappas,  seu  mantellos  hone- 


stos,  vel  redontellos,  sed  clochias  talares,  etc. 
Vestis  superior  habitui  proxima,  sit  rotunda 
per  circuitum,  et  non  scissa,  etc.  Abusum  man- 
ticarum,  seu  tabardorum,  notabilem  haben- 
tium  brevitatem  prohibentes,  etc.  (Can.  xix).» 

Dans  l'église,  le  chapitre  et  le  réfectoire  ils 
doivent  porter  l'aumusse  au  lieu  de  capuche; 
au  reste  et  l'aumusse  et  le  capuche  doivent 
être  de  même  couleur  que  la  cloche,  et  de  la 
même  étoffe  si  l'aumusse  est  d'étoffe. 

IL  Le  concile  d'Avignon,  en  1337  (Can.  xlii), 
commanda  aux  chanoines,  aux  dignités,  aux 
curés  et  aux  chapelains,  de  porter  les  habits  de 
dessus  fermés,  et  d'une  longueur  raisonnable, 
avec  des  manches  rondes  et  honnêtement  lon- 
gues, et  avec  des  capuches  médiocrement  ou- 
verts, o  Vestes  superiores  clausas,  non  nimia 
brevitate  notandas,  cum  manicis  decenter  lon- 
gis  pariter  et  rotundis;  ac  capitiis  seu  capsanis 
vulgariter  appellatis,  notabiliter  non  aperlis 
aut  magnis.  » 

Voila  donc  l'habit  de  dessus  vestis  superaria 
distingué  de  celui  de  dessous  ,  ou  de  la  tuni- 
que, que  nous  appelons  soutane ,  subtanea 
vestis.  2°  Les  manches  sont  permises,  parce 
que  cette  distinction  n'était  plus  nécessaire, 
les  laïques  étant  presque  tous  vêtus  de  court. 
3°  C'est  pour  distinguer  les  prêtres,  les  cha- 
noines et  les  dignités,  d'avec  les  autres  clercs 
inférieurs,  qu'on  leur  ordonne  de  porter  des 
habits  de  dessus  fermés  de  tous  côtés ,  soit 
dans  l'église,  soit  dans  les  lieux  où  ils  ont  ju- 
ridiction. 

Tous  ces  changements  se  peuvent  encore 
mieux  découvrir  dans  le  concile  de  Londres, 
en  1342  (Can.  n),  où  l'on  défend  aux  clercs  les 
habits  militaires  fort  étroits  avec  des  manches 
fort  larges  et  pendantes,  «  habita  superiori 
stricto  notabiliter,  cum  excessive  longis,  vel 
latis  manicis,  cubitos  non  tangentihus,  sed 
pendulis,  etc.  epitogiis ac clochis  furratis,  etc.» 
Au  contraire  on  leur  permet  des  robes  ouver- 
tes et  à  manches,  et  même  quand  ils  vont  aux 
champs  des  habits  courts  :  «  Nolumus  prohi- 
bera quin  clerici  apertis  et  patentibus  super- 
tunicis  aliter  mensibus  nuncupatis,  cum  ma- 
nicis compotentibus  ,  etc.  Du  m  per  patriam 
iter  faciunt,  brèves  et  strictas  vestes,  etc.  » 

Le  concile  de  Paris,  en  1346  (Can,  n),  inter- 
dit aux  clercs  les  souliers  rouges  et  verts,  les 
aumusses  de  velours,  les  habits  froncés  et 
et  trop  ouverts,  les  inanches  trop  longues,  les 
boucles  d'argent  aux  souliers.  «  Vestibus  frons- 


DES  HABILLEMENTS  DES  ECCLÉSIASTIQUES  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


71 


satis,  nimium  fissis  sotularibus  ad  boucletas 
argenteas ,  sive  longis  manicis  vel  corne- 
tis,  etc.  » 

Le  concile  d'Angers,  en  1365  (Can.  xii,  xiu), 
s'opposa  à  une  nouvelle  vanité  ;  au  lieu  des 
chapes  ou  des  manteaux  fermés  on  commen- 
çait d'en  porter  de  boutonnés  :  «  Cum  fuerif 
ordinatum  in  concilio  Turonensi,  ne  presby- 
teri  prodeant  in  publicum  sine  cappis  vel 
mantellis  clausis,  et  quod  etiam  portent  clausa 
supertunicalia,  etc.  Nos  prohibemus,  ne  vestes 
brèves,  vel  botonatas  ante  pectus  in  publico 
déférant.  » 

On  défendit  aussi  aux  ecclésiastiques  les 
boutons  et  la  longueur  excessive  des  chaperons. 
«  Née  caputia  cum  longa  cornèta,  sed  brevi  et 
honesta,  et  botonibus  in  caputiis  non  utan- 
tur.  b  Enfin,  on  mit  à  L'amende  les  plus  petits 
clercs  qui  portaient  des  chaperons  boutonnes, 
ou  des  habits  qui  ne  desceiuleraient  pas  au 
moins  jusqu'au  genou.  «  Vestes  longas,  ad  mi- 
nus usque  ad  genu  propendentes.  » 

Le  concile  de  Lavaur,  en  1368  (Can.  xlvii  . 
«  Vestes  superiores  clausas  déférant,  nisi  con- 
tingeret  equitarë,  ne  caputia  déférant,  boto- 
nata,  nec  beccas  longas,  et  strictas  manicas 
supertunicales  taies  déférant,  quod  non  possint 
de  inhonestate  notari.  » 

Je  ne  sais  si  par  ces  mots  Beccas  longas  il  ne 
faut  point  entendre  ce  qu'on  appelait  alors 
Chape!  à  6ec,  parce  qu'il  avançait  d'un  côté  en 
pointe  pour  faire  ombre  au  visage.  Aussi  on 
l'appelait  umbella,  muntm,  et  l'usage  semblait 
en  être  venu  de  l'Italie  et  delà  Grèce. 

Le  concile  de  Salzbourg,  en  1386  (Can.  vi), 
défend  aux  clercs  de  paraître  en  public  sans 
chaperon,  ou  sans  bonnet;  «Nec  sine  caputio 
capitis,  birreto,  capello,  vel  pileo  cooperto 
praesumant  in  ecclesiaseuin  publico  incedere, 
cum  hochonestatem  non  deceat  clericalem.  » 

Il  est  malaisé  de  deviner  si  tous  ces  noms 
signifient  une  même  chose.  Mais  il  est  clair 
que  dans  l'église  et  en  public  dans  la  ville  on 
usait  du  même  chaperon,  ou  du  même  bon- 
net. 

Le  concile  d'York  (Can.  vu)  condamna  les 
soutanelles  en  ville,  «  Vestes  publiée  déferre 
prcesumpserunt,  deformiter  deeurtatas,  mé- 
dium tibiarum  suarum,  seu  genua  nullate- 
nus  attingentes.  » 

III.  Martin  V.  dans  le  concile  de  Constance, 
eu  1418  (Sess.  xnn  ,  condamna  les  manches 
pendantes,  les  habits  traînants  et  fendus  der- 


rière et  par  les  côtés,  av<  c  des  fourrures  à  ces 
ouvertures.  «  Manicas  ad  cubitum  pendentes, 
et  longas  cum  sumptuosa  superfluitate  vestes, 
etiam  tissas  rétro,  et  in  lateribus,  cum  fodera- 
turis  ultra  oram  excedentibus  etiam  in  lis- 
suris,  etc.  » 

Voilà  où  toutes  les  Eglises  occidentales 
s'étaient  alors  réduites,  en  se  relâchant  de  tant 
de  luis  et  de  tant  de  défenses,  qui  ont  été  rap- 
portées dans  le  chapitre  précédent;  on  ne  parle 
plus  de  chapes,  on  ne  défend  plus  les  manches, 
ou  ne  se  met  pas  en  peine  de  rendre  les  man- 
teaux semblables  aux  chapes,  on  ne  se  met  plus 
en  peine  de  distinguer  les  robes,  les  manteaux 
et  les  chapes,  on  se  contente  d'habits  longs, 
modestes  et  fermés  de  tous  côtés. 

Le  concile  de  Saltzbourg,  en  1 120,  (Can.  vi), 
ajouta  encore  quelque  chose  aux  adoucis- 
sements de  ce  canon,  permettant  de  faire  un 
peu  ouvrir  les  habits  par  devant,  pour  marcher 
plus  commodément  dans  la  ville,  et  de  les 
ouvrir  devant  et  derrière  pour  aller  à  cheval, 
a  Aperturas  a  latere  omnino  non  habentes,  nec 
rétro:  ab  anteriori  tainen  parte  propter  ma- 
jorem  ambulandi  commoditatem  ad  altitu- 
dinem  unius  palmae  cum  média  vestes  non 
prohibemus  aperire.  Vestes  etiam  ad  equitan- 
dum  deputatas  ante  et  rétro  poterunt  honeste 
tamen  aperire.  »  Mais  on  ajouta  aussi  cette 
défense,  de  porter  des  habits  trop  justes,  et 
pressés  contre  le  corps,  ordonnant  d'en  porter 
d'un  peu  plus  amples  et  a  plis:  «  Non  strictas 
et  corpori  bene  adjacentes,  sed  bene  amplas  et 
aliquantum  plicatas.  » 

Le  même  statut  du  concile  de  Constance  fut 
réitéré  dans  celui  de  Copenhague,  en  1423. 

Le  concile  de  Paris,  en  1  -129  (Can.  ix),  n'obli- 
gea les  évoques  à  porter  le  rochet  que  dans 
l'église,  et  d'une  longueur  médiocre  :  «  l'tantur 
in  ecclesia  vestibus  lineis ,  seu  rochetis,  non 
nimia  brevitate,  seu  longitudine  notandis.  »  Il 
leur  enjoignit  aussi  de  porter  leur  chapeau 
pontifical  quand  ils  vont  à  cheval  par  la  ville, 
comme  c'est  l'usage  de  la  cour  romaine.  Enfin, 
il  défendit  aux  ecclésiastiques  les  soutanes  de 
couleur  rouge,  ou  verte,  ou  traînantes,  ou 
ouvertes,  si  ce  n'est  jusqu'au  genou.  «  Nec 
scissas  a  parte  posteriori,  seu  anteriori,  nisi 
usque  ad  genua.  » 

Les  mêmes  lois  furent  prescrites  dans  le 
concile  de  Tortose  en  Espagne,  en  1429  Can.i), 
avec  celte  addition  qu'aucun  ne  portera  des 
fourrures  de  vair,  ou  de  petit-gris  aux  habits 


72  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-UNIÈME. 


et  aux  chaperons,  si  ce  n'est  les  prélats,  les 
docteurs,  les  licenciés,  les  nobles,  les  chanoines 
des  cathédrales,  et  ceux  qui  ont  quelque  di- 
gnité. «  Etquod  praelatis,  doctoribus ,  magi- 
stris,  Iicentiatis  et  nobilihus,  et  cathedralium 
ecclesiarum  canonicis,  dignitatemque  vel  per- 
sonatum  obtinentibusduntaxatexceptis,  nullus 
audeat  in  vestibus  aut  caputiis  foderaturam 
portare  de  variis,  vel  grisis,  etc.  » 

Le  concile  de  Râle  (Appendic.  i,Conc,  Basil., 
c.  4),  proposa  les  mêmes  règles,  de  n'user 
point  de  couleurs  vertes,  ni  rouges,  point  de 
manches  pendantes  au  coude,  point  d'ouver- 
tures derrière,  ni  devant,  ni  à  côté  des  habits 
longs,  point  de  lourrures  aux  extrémités. 

Le  concile  de  Frisingue,  en  1440  (Can.  iv), 
défendit  le  rouge  et  le  vert,  voulut  que  l'habit  de 
dessus  couvrît  entièrement  ceux  de  dessous,  et 
fût  fermé  de  tous  côtés,  enfin  qu'on  portât  le 
bonnet  sur  la  tète,  et  lecbaperon  sur  les  épaules 
quand  on  irait  par  la  ville.  «  Birreturn  capiti 
superpositum,  cum  caputio  humeris  imposito 
portare,  ipsis  in  publico  deambulantibus.  » 

Le  concile  de  Rouen,  en  1445  (Cap.  xxxu),  dé- 
fendit les  longues  cornettes  aux  ebaperons  : 
«  Ne  longas  et  amplas  cornetas  in  suis  caputiis 
déférant,  sed  brèves  et  décentes.  » 

Le  concile  de  Tolède,  en  1473(Can.v,vi,  vin), 
obligea  les  évoques  de  porter  toujours  le  rochet 
en  public  ;  «  veste  linea  snperiori  in  publico 
semper  utantur  ;  »  leur  défendit  les  habits  de 
soie  ;  défendit  aux  ecclésiastiques  qui  sont  ou 
dans  les  ordres  sacrés,  ou  bénéficiers,  les  habits, 
les  chaussures  et  les  souliers  verts,  rouges  ou 
blancs.  Enfin,  il  interdit  à  tous  les  clercs  des 
ordres  sacrés  ou  bénéficiers,  de  porter  jamais 
des  habits  de  deuil,  sur  de  grandes  peines. 
«  Ulterius  luctuosas  vestes  induere  clerici,  in 
sacris  ordinibus  constituti,  vel  beneficiati  non 
audeant.  »  En  général  il  déclara  les  clercs 
déchus  du  privilège  clérical,  s'ils  portaient  des 
habits  de  diverses  couleurs,  ou  qui  ne  descen- 
dissent pas  jusqu'à  mi-jambe.  «  Vestem  supe. 
riorem  non  virgatam,  neque  partitam,  ad  me- 
dietatem  tibiac,  vel  fere  declinantem  défé- 
rant, etc.  » 

Le  ordonnances  synodales  de  Paris,  en  1495 
(Synod.  Paris.,  p.  68,  69,  77,  80,  81,  295,  297), 
défendent  aux  curés  de  porter  le  chapeau 
quand  ils  portent  le  Saint-Sacrement  aux  ma- 
lades; elles  ne  leur  permettent  que  le  capuchon 
ou  l'aumusse. 
Etienne  Pencher,  qui  fut  fait  évêque  de  Paris 


en  1503,  défendit  absolument  le  chapeau  à 
tous  les  ecclésiastiques,  même  dans  la  ville.  A 
quoi  il  ajouta  un  renouvellement  des  anciens 
règlements,  contre  les  couleurs  éclatantes,  et 
les  habits  trop  longs  ou  trop  courts.  Eustache 
du  Bellay  défendit  encore  les  chapeaux  par  fis 
rues  mêmes  de  la  ville,  et  commanda  que  les 
habits  fussent  de  couleur  noire,  ou  appro- 
chante :  oNigii  coloris,  aut  ad  nigruin  proxime 
accedentis. 

Le  concile  de  Latran,  en  1514,  sous  Léon  X 
(Sess.  ix),  obligea  les  cardinaux  de  ne  point 
souffrir  dans  leur  maison  de  bénéficier,  ou  de 
clerc  sacré,  avec  des  habits  de  diverses  cou- 
leurs, ou  de  prêtre  dont  l'habit  ne  descendît 
jusqu'à  terre. 

IV.  Le  concile  de  Sens,  en  1528  (Can.  xxui, 
xxiv),  ordonna  que  l'habit  des  ecclésiastiques 
fût  entièrement  fermé  :  «  Vestitus  clericorum 
non  sit  expectoratus,  sed  a  collo  desuper  un- 
dique  clausus,  a  manicis,  lateribus,  et  rétro.  » 
Qu'il  ne  pût  être  de  soie,  si  ce  n'était  pour  les 
ducs  ou  princes.  Qu'il  ne  fût  ni  vert,  ou  rouge, 
ni  froncé  ou  varié,  enfin  qu'il  descendît  jus- 
qu'à terre.  Le  concile  de  Mayence,  en  1540 
(Can.  lxxiv),  dit  :  «  Ne  vestes  varii  coloris  ;  velut 
virgatas,  aut  fimbriatas,  aut  discissas  déférant, 
sed  talaribus  utantur .  » 

Le  concile  de  Trente  (Sess.  xiv  ,  c.  6),  n'a 
recommandé  aux  clercs  que  la  bienséance,  la 
modestie  dans  leurs  habits,  et  1  eloignement  de 
se  conformer  aux  laïques. 

Le  concile  de  Narbonne,  en  1551  (Can.  xv), 
défendit  les  habits  de  soie,  si  ce  n'est  aux  évo- 
ques, aux  abbés  et  aux  dignités  éminentes,  les 
manches  ouvertes,  les  sontanelles,  si  ce  n'est 
à  la  campagne  ;  les  chemises  froncées,  et  les 
couleurs  extraordinaires,  il  enjoignit  surtout 
aux  curés  de  porter  toujours  en  public  le 
bonnet  rond  et  le  chaperon.  «  Pileo  rotundoet 
ephestri  sive  capitio  praeipue  parochi,  etc.» 
Le  grand  saint  Charles,  dans  ses  conciles  de 
Milan  (Conc.  i  Mediolan.,an.  1565, c.  xvn,xxin), 
ne  permit  aux  évoques  ni  la  soie,  ni  les  four- 
rures de  prix,  ni  de  paraître  sans  rochet  en 
public,  ou  sans  mozette  en  particulier.  Il  ne 
permit  aux  ecclésiastiques  que  la  couleur 
noire,  si  ce  n'est  que  la  dignité  dont  ils  sont 
revêtus  en  demandât  une  autre.  «  In  onini 
vestitu  color  tantum  niger  adhibeatur,  nisi 
fortasse  alium  colorem  requirat  dignitatis 
gradus.  »  Point  de  soie,  point  de  calotte,  si  ce 
n'est  pour  les  infirmes,  et  sans  attaches  :  «  Re- 


DES  HABILLEMENTS  DES  ECCLÉSIASTIQUES  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


7.1 


tieulum  ant  subbirretum  ut  vocant,  ne  ferant, 
nisi  valetudinis  causa,  et  sine  redimiculis 
(Conc.  Mediolan.,11,  c.34,  au.  1569  .  »  l'oint  de 
chemises  froncées  ou  ouvrées  au  bras  et  au 
col.  Les  habits  longs  jusqu'à  terre,  point  de 
soutanelles,  si  ce  n'est  en  voyageant,  point  de 
manteau  court,  si  ce  n'est  en  temps  de  pluie. 
et  sur  la  soutane.  Lemantelet  plus  court  que  la 
soutane,  n'est  permis  qu'aux  prélats,  abbés  et 
protonotaires.  Le  manteau  de  même  longueur 
que  la  soutane  est  accorde  aux  chanoines  et 
aux  docteurs.  Il  est  détendu  à  ceux  qui  ne  sont 
pas  encore  tonsurés  de  prendre  l'habit  clérical 
sans  la  permission  de  l'évêque  par  écrit.  «  Ne 
cuiquam,  antequam  prima  tonsura  is  initietur 
clericalem  habitum  sumere  liceat,  sine  epi- 
sco|)i  concessu,  eoque  scripto  dato  (Conc.Medio- 
lan.,  m,  au.  1573,  c.  10  .  » 

Les  curés  des  villes  et  des  gros  bourgs 
doivent  porter  le  chaperon  sur  l'épaule  en 
public,  pour  se  distinguer  des  autres  ecclé- 
siastiques. 

Les  évêques  doivent  porter  leur  rochet  et 
leur  camail  même  à  la  campagne  dans  leur 
diocèse,  même  avec  la  soutanelle  et  le  manteau 
court;  ils  doivent  se  vêtir  de  noir  aux  jours  de 
jeûne,  et  de  violet  en  un  autre  temps  (Conc. 
MedioL,  iv.  part.  2,  c.xv,  part.  3,  c.  i). 

Il  est  défendu  à  tous  les  ecclésiastiques  de 
prendre  des  habits  de  deuil,  même  pour  la 
mort  de  leur  propre  père.  «  Ne  parenlum  gui- 
dera obitu  vestes  lugubres  more  laicorum 
induat  (Conc.  MedioL,  v,  c.  -4).  » 

L'évêque,  dans  son  propre  diocèse,  ne  doit 
paraître  devant  un  cardinal,  un  légat,  un 
visiteur  apostolique,  ou  devant  son  métropoli- 
tain, qu'avec  un  mantelet  par-dessus  son 
rochet.  «  Ne  rochetum  detectum  ferat,  sed  su- 
periori  veste  contegat  Ibid.,  c.  h).  » 

Le  pape  Sixte  IV.  envoyant  un  légat  en 
France,  l'avait  chargé  de  faire  recevoir  en 
France  l'usage  du  mantelet  :  Non  incedendo 
eu  m  roquetis  diseoopertis  in  praesentia  supe- 
riorum  suornm,  et  cardinalium  (Rainald., 
an.  1 183,  n.  36  .  »  Mais  nos  évêques  ne  se  ren- 
dirent pas  à  cette  coutume,  qui  leur  paraissait 
nouvelle  et  étrangère  dans  ce  royaume. 

Voilà  les  premiers  conciles,  où  la  couleur 
noire  soit  prescrite  aux  ecclésiastiques,  le 
violet  réserve  aux  évêques,  l'habit  clérical  in- 
terdit avant  la  tonsure,  la  calotte  défendue,  le 
chaperon  commandé  aux  cures:  les  habits  de 
deuil   avaient  déjà  été  interdits  aux  clercs. 


L'usage  du  mantelet  n'a 'pas  passé  en  France. 

Le  concile  de  Malines,  en  1570,  ordonna 
aux  clercs  qui  sont  dans  les  ordres  sacres,  de 
ne  paraître  en  publie  qu'avec  un  bonnet  sacer- 
dotal, et  un  habit  long,  e  l'ileum  sacenlofalcin 
et  vestero  gestent  talarem.  » 

Le  concile  de  Reims,  en  1583,  voulut  que 
tous  les  clercs  portassent  une  soutane  jusqu'à 
terre,  sous  le  manteau  long  ou  court,  point 
de  chemise  froncée,  point  de  chapeau  dans 
l'église,  ni  même  par  la  ville,  si  ce  n'est  en 
n  auvais  temps.  «  Galero  nunquam  quidem  in 
timplis,  in  plateis  vero  et  viis  publicis,  nisi 
propter  aeris  intemperiem  non  utantur.  » 

V.  Tous  les  canons,  où  l'usage  des  chemises 
plissées  et  froncées  est  défendu  aux  clercs,  se 
doivent  a  mon  avis  entendre  de  ces  plis  que 
l'on  porte  au  col  et  aux  mains,  à  l'extrémité  de 
la  chemise,  à  l'endroit  où  on  la  relevait  ancien- 
nement. Nous  en  portons  aujourd'hui  qui  ne 
tiennent  plus  aux  chemises,  qui  sont  des 
collets  au  col,  et  des  petites  manchettes  aux 
mains.  Il  n'y  a  pas  même  longtemps  que  l'on 
ne  portait  que  des  collets  ,  et  ces  petites  man- 
chettes qui  tenaient  aux  chemises  se  relevaient 
sur  l'extrémité  des  manches  de  l'habit  de  laine 
ou  de  lin,  pour  en  essuyer  les  sueurs  et  la 
poudre. 

Ce  sont  ces  manchettes  plissées  que  l'on 
défend  ici,  et  que  les  clercs  exacts  observateurs 
de  l'ancienne  discipline  se  défendent  volon- 
tairement. 

Au  commencement  du  dix-septième  siècle 
de  l'Eglise  il  y  avait  beaucoup  d'ecclésiastiques 
qui  s'interdisaient  l'usage  de  ces  sortes  de 
manchettes. 

Ilyaen  effet  dans  ces  plis  quelque  chose 
qui  approche  trop  de  la  vanité,  et  dont  les 
ecclésiastiques  doivent  s'éloigner,  obliges  qu'ils 
sont  par  la  sainteté  de  leur  état,  d'éviter  plus 
soigneusement   les  vanités  mondaines. 

Voilà  la  première  distinction  du  chapeau  et 
du  bonnet  ou  du  chaperon.  Les  chaperons 
avaient  été  communs  aux  clercs  et  aux  laïques 
comme  l'unique  habillement  de  tète  pour  la 
vie  civile.  Ils  couvraient  la  tète,  et  pendaient 
encore  sur  les  épaules. 

Nous  venons  de  voir  qu'on  sépara  ces 
deux  parties,  dont  ils  étaient  composés,  puis- 
qu'on obligea  les  curés  de  porter  le  chaperon 
sur  l'épaule.  Les  laïques  avaient  retenu  le 
bonnet  qui  couvrait  la  tète,  et  avaient  laissé 
cette  autre  partie  qui  entourait  le  cou  et  pen- 


74  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-UNIÈME. 


dait  su  ru  ne  épaule.  Les  clercs  se  distinguèrent 
en  conservant  ces  deux  parties  séparées;  et 
cette  distinction  fut  enfin  toute  propre  aux 
pasteurs,  aux  docteurs  et  à  d'autres  personnes 
extraordinaires,  parce  que  le  commun  des 
ecclésiastiques  se  conforma  aux  laïques,  ne 
retenant  que  le  bonnet.  Les  laïques  s'avisèrent 
enfin  de  porter  le  chapeau  dans  la  ville  même, 
quoique  ce  n'eût  été  qu'un  habit  de  campagne 
contre  le  mauvais  temps.  Alors  on  commença 
à  faire  une  loi  pour  les  ecclésiastiques  de  porter 
le  bonnet,  et  non  pas  le  chapeau  dans  la 
ville. 

Voilà  l'éclaircissement  des  deux  statuts  que 
nous  venons  de  rapporter  des  conciles  de  Malines 
et  de  Reims. 

VI.  Les  décrets  des  conciles  de  saint  Charles 
furent  bientôt  répandus  dans  les  royaumes 
voisins  de  l'Italie. 

Le  concile  de  Rordeaux,  en  1583  (Can.  xxi), 
ne  défendit  pas  seulement  la  soie  et  les  chemises 
froncées  au  cou  et  aux  mains,  ou  brodées  : 
«  Indusia  ad  collum  et  ad  manus  crispata,  et 
in  multipliées  sinus  contracta,  aut  arte  elabo- 
rata  ne  déférant  :  »  mais  aussi  toutes  les  au- 
tres couleurs  hors  la  noire,  si  ce  n'est  pour  des 
personnesélevées  en  dignité.  aAlteriusvequam 
nigri  coloris,  nisi  causa  dignitatis  id  eis  liceat.  » 

Je  ne  parle  plus  des  habits  longs,  parce  que 
depuis  environ  l'an  1300,  le  commun  des 
laïques  ayant  quitté  les  habits  longs,  il  a  tou- 
jours depuis  fallu,  par  de  fréquents  décrets, 
arrêter  l'impétuosité  des  ecclésiastiques  à  imiter 
les  séculiers,  et  à  préférer  la  commodité  à  la 
bienséance. 

Depuis  la  fin  du  concile  de  Trente  et  le  con- 
cile de  Milan,  on  ne  s'amuse  plus  à  défendre  le 
vert,  le  rouge  et  les  autres  couleurs  d'éclat,  on 
commande  absolument  la  couleur  noire. 

On  ne  défend  pas  les  collets  et  les  manchettes 
à  plis,  mais  on  défend  les  chemises  froncées  au 
cou  et  aux  mains,  ce  qui  est  la  même  chose,  si 
ce  n'est  que  lescolletset  les  manchettes  tenaient 
autrefois  à  la  chemise,  et  on  a  mieux  aimé 
depuis  les  en  séparer. 

Les  collets  plats  et  les  manchettes  sans  plis  et 
toutes  unies ,  ont  paru  moins  contraires  aux 
anciens  canons  depuis  l'an  1  450,  ou  1500.  Aussi 
on  leur  a  donné  plus  d'approbation. 

Les  soutanelles  ont  été  permises  en  certaines 
rencontres  dans  les  concilesci-dessus  rapportés. 
Saint  Charles  en  usa  lui-même  dans  ses  pèle- 
rinages, selon  Giossano  (Giossano.,  1.  vi,  c.  6). 


Les  mêmes  choses  se  peuvent  remarquer 
dans  le  concile  de  Tours,  en  1583  (Can.  xm,  iv). 
«  Camisiis  in  collo  et  pugnis  rugosis  uti  non 
Iicet.  Togis  talaribus,  non  tamen  sericeis,  nec- 
non  birretis,  non  vero  galeris,  prreseriim  in 
ecclesia  utantur.  » 

Quand  on  interdit  l'usage  du  chapeau,  prin- 
cipalement dans  l'église,  c'est  une  marque 
qu'on  se  relâche  en  quelque  façon  et  qu'on 
souffre,  quoiqu'avec  peine  qu'on  le  porte  dans 
la  ville. 

Le  concile  de  Rourges,  en  1581,  défend 
encore  les  manches  pendantes  et  coupées,  les  ha- 
bits de  soie  et  d'autre  couleur  que  de  la  noire  ; 
les  chemises  glissées  au  cou  et  aux  mains  ; 
«  lndusiis  ad  collum  vel  manus  crispatis  aut 
exquisite  elaboratis  non  utantur.  »  Enfin,  le 
chapeau  est  défendu  hors  du  mauvais  temps. 
«  l'ileum  quadratum ,  sive  birretum  semper 
gérant  in  ecclesia,  et  extra  ecclesiam  nisi  quo- 
ties  caeli  injuria  urgebit  (Tit.  xxv,  c.2, 3,  4,  5).» 
Voilà  le  bonnet  carré  ;  Pasquier  a  remarqué 
que  ce  fut  peu  avant  son  temps,  que  de  rond 
on  le  fit  carré. 

Le  père  Molinet,  dans  sa  dixième  réflexion 
sur  les  chanoines,  remarque  que  dans  les  tapis- 
series de  Sainte-Geneviève,  en  1845,  les  novices 
et  les  jeunes  religieux  n'ont  que  des  bonnets 
ronds,  et  les  anciens  des  carrés.  On  sait  qu'une 
communauté  très-célèbre  ,  qui  fut  instituée 
dans  le  même  temps,  garde  encore  la  même 
distinction. 

Les  auteurs  de  la  vie  de  saint  Charles  ont 
remarqué  le  temps  auquel  ce  saint  prélat  per- 
suada au  clergé  de  Venise  de  laisser  l'ancien 
bonnet  rond,  et  de  prendre  le  bonnet  carré 
(Giossano.  1.  vi,  c.  m).  Ces  mêmes  ordonnan- 
ces empruntées  des  conciles  de  saint  Charles, 
se  peuvent  encore  lire  dans  le  concile  d'Aix, 
en  1585  (Tit.  de  Honestate  etvita  Cleric).  On  y 
souhaita  que  l'évèque  portât  son  chapeau  pon- 
tifical sur  son  bonnet  (cela  vient  du  temps  que 
les  bonnets  étaient  ronds),  ou  qu'il  le  fit  porter 
devant  lui  par  un  officier  (Tit.  de  Par.,  c.  m, 
iv).  On  voulut  aussi  qu'il  désignât  quelque 
marque  d'honneur  pour  distinguer  les  curés 
des  autres  prêtres  en  public. 

Le  concile  de  Toulouse  ,  en  1590  ,  leur 
assigna  pour  cela  le  chaperon  dans  les  ac- 
tions publiques.  11  renouvela  aussi  la  dis- 
tinction et  la  règle  précédente  du  bonnet  carré 
et  du  chapeau.  «  Nusquain  aut  in  eccle- 
sia, aut  per  urbeni  absque  quadrato  birreto 


DES  HABILLEMENTS  D-ES  ECCLÉSIASTIQUES  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


73 


clerici  conspiciantur,  nisi  autduriôri  frigore, 
aut  ferventiori  aestu  aut  nimboso  aère,  etc.  » 
L'assemblée  de  Melun,  «  l'ileos  et  non  galeros, 
milittim  aut  sœcularium  more,  geslare  haud 
dedignentur.  » 

C'est  donc  des  soldats  que  l'on  a  tiré  l'usage 
des  bonnets  qu'on  appelle  en  latin  «  gale  ri,  » 
qui  étaient  des  bonnets  de  peaux  faits  en  forme 
de  casque.  Ainsi  ce  terme  «  galerus,  »  comme 
celui  de  «  galea  »  qui  signifie  casque,  tire  son 
origine  des  peaux  de  cbats,  que  l'on  appelle 
ainsi  en  grec.  Ce  sont  les  soldats  qui  s'en  sont 
servi  les  premiers  pour  se  garantir  des  injures 
du  temps  et  dans  d'autres  besoins  pressants. 

Cetusageapasséensuiteauxlaïques, et  d'abord 
ta  ceux  qui  habitaient  la  campagne.  Enfin  la  dé- 
mangeaison qu'ont  les  clercs  d'imiter  les  laïques 
leur  a  fait  adopter  l'usage  de  ces  bonnets,  qu'ils 
n'ont  d'abord  portés  qu'à  la  campagne,  puis 
ensuite  à  la  ville  contre  la  disposition  des  con- 
ciles, qui  leur  en  avaient  interdit  l'usage,  de 
peur  que  les  clercs  ne  passassent  des  habille- 
ments des  soldats  à  leurs  inclinations. 

Le  concile  de  Mexico,  en  1585,  permit  de 
porter  le  deuil  pour  deux  mois  seulement,  à  la 
mort  du  père  ou  de  la  mère,  pourvu  que  ce  ne 
fût  pas  tout  à  fait  à  la  manière  des  séculiers 
(L.  m.  tit.  5,  c.  vi).  Le  concile  d'Avignon,  en 
159-4  (Can.  xxxn),  obligea  les  clercs  sacrés  et 
les  bénéficiers  de  porter  au  moins  une  sou- 
tanelle  et  par-dessus  un  habit  long  jusqu'à 
terre. 

Le  concile  d'Aquilée,  en  1396  (Can.  xi),  con- 
damna les  collets  des  chemises  à  plis  :  «  Col- 
laria  camisiarum  quocumque  modo  crispata, 
seu  lactucata  damnamus,  »  et  toutes  les  cou- 
leurs, excepté  la  noire,  «  Colores  alios  quos- 
cumque  prohibemus.  »  Le  concile  de  Narbonne 
(Can.  xli),  en  1607.  «  Veslium  omnium  color 
sit  niger.  » 

On  voit  donc  que  c'est  après  le  concile  de 
Trente,  et  après  saint  Charles  que  la  couleur 
noire  s'est  universellement  établie,  et  on  a 
presque  toujours  excepté  les  dignités  privilé- 
giées sur  ce  point.  Les  défenses  de  la  soie  sont 
devenues  plus  fréquentes  vers  ces  derniers 
temps,  parce  que  la  soie  s'est  rendue  plus  com- 
mune. Nous  en  avons  aussi  vu  les  prélats  quel- 
quefois exceptés,  mais  les  conciles  de  saint 
Charles  et  ceux  de  la  France  qui  les  ont  pris 
pour  modèles,  n'ont  pas  agréé  cette  exception. 

Le  concile  de  Bordeaux,  en  16-21  Can.  xiii  , 
défendit  encore  la  soie  à  tous  les  ecclésiastiques 


sans  exception,  «  cujuscumque  dignitatis,  sta- 
tus et  eonditionis  existant.  » 

VIL  Après  avoir  parcouru  la  suite  des  siècles 
et  des  conciles  pour  y  remarquer  les  divers 
changements  qui  s'y  sont  faits  de  temps  en 
temps,  il  ne  sera  pas  inutile  présentement  de 
confirmer  par  de  nouvelles  remarques  les 
points  les  plus  importants  qui  y  ont  été  avancés 
et  comme  touchés  en  passant. 

Ce  qui  a  été  dit,  que  ce  fut  environ  l'an  1300 
que  le  commun  des  séculiers  même  de  qualité 
commença  plus  ordinairement  à  se  vêtir  de 
court,  d'où  vint  que  les  conciles  commencèrent 
aussi  à  ordonner  plus  souvent  aux  clercs  les 
habits  longs,  et  à  négliger  d'autres  différences 
qu'on  avait  auparavant  affectées  pour  distinguer 
les  clercs  des  laïques,  c'est  sans  doute  le  point 
le  plus  important  et  qui  mérite  le  plus  d'être 
fortifié  de  nouvelles  preuves. 

Jean  XXII  nous  en  fournit  une  excellente 
dans  la  remontrance  paternelle  qu'il  fit  au  roi 
de  France  Philippe,  sur  ce  qu'il  avait  quitté  les 
habits  longs,  dont  ses  augustes  prédécesseurs 
avaient  toujours  usé.  «  Pulchrum  crederemus 
aut  congruum,  si  ad  excellentis  regalis  orna- 
tum,  epitogium  longum  ex  nunc  indueres,  ut 
te  tais  in  hoc  progenitoribus conformares  (Rai- 
nald.,  an.  1317,  n.  &).  »  Ce  sont  les  termes  de 
la  lettre  de  ce  pape  au  roi.  On  pourrait  croire 
que  le  roi  profita  des  avis  charitables  du  pape, 
puisque  plus  de  cinquante  ans  après  le  jeune 
roi  Charles  VI,  fut  aussi  blâmé  de  l'éloigne- 
ment  qu'il  témoignait  avoir  des  habits  longs. 

Voici  comme  en  parle  le  moine  de  Saint- 
Denis  qui  a  écrit  sa  vie,  de  la  traduction  de 
M.  le  Laboureur.  On  le  blâme  aussi  de  n'avoir 
pas  gardé  la  gravité  de  ses  ancêtres,  qui  ne  se 
montraient  guères  qu'en  leurs  habits  royaux, 
d'avoir  pris  à  regret  le  long  manteau,  et  la 
tunique  trainante  jusques  sur  les  talons,  et 
d'avoir  préféré  aux  marques  de  la  majesté 
royale  la  bigarrure  de  toutes  sortes  d'étoffes  de 
soie,  qui  ne  le  distinguait  pas  assez  de  ses  cour- 
tisans, et  qui  le  rendait  trop  attaché  à  leurs 
modes  (L.  vm,  c.  2,  an.  1388). 

Ce  passage  ne  parle  certainement  que  des 
temps  et  des  habits  de  cérémonie,  où  il  est 
vrai  que  les  rois  se  montraient  encore  en  habit 
long.  Au  moins  de  ce  texte  il  paraît  que  les 
courtisans  avaient  quitté  les  habits  longs  dans 
l'usage  commun. 

Voici  précisément  le  temps  où  ce  change- 
ment d'habits  se  fit.  Le  continuateur  de  la 


7G 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-UNIÈME. 


chronique  de  Nangis,  dit  en  l'an  13  iO,  que  ce 
fut  en  ce  temps-la  que  les  Français,  surtout  les 
nobles  et  les  riches  bourgeois,  commencèrent  à 
porter  des  barbes  longues  et  des  habits  courts 
el  si  pressés  contre  leurs  corps,  qu'ils  se  ren- 
dirent ridicules  au  petit  peuple. 

«  In  temporibus  istis  incceperunt  homines,  et 
specialiter  nobiles,  utputa  nobiles  scutiferi,  et 
eorum  sequaces,  sicut  aliqui  burgenses,  et 
quasi  omnes  servientes.  sei[)SOS  in  vobis  et  ba- 
hitu  deformare.  Nam  gestare  eœperunt  robas 
curtas,  et  ita  brèves,  quod  quasi  eorum  nates 
et  pudenda  confusibiliter  ap|)arerent.  Quae  fuit 
res  in  populo  salis  mirabilis,  quia  antea  ho- 
nestius  incesserant.  Rarbas  longas  omnes  viri 
ut  in  pluribus  nutrire  eœperunt.  lllum  autem 
modum  quasi  omnes,  exceptis  illis  qui  erant 
de  sanguine  regio  in  Francis  receperunt  :  qui 
quidem  modus  derisionem  in  commuai  plèbe 
non  modicam  generavit.  » 

Voilà  donc  le  temps  de  ce  changement.  Le 
petit  peuple  avait  déjà  pris  des  habits  courts; 
les  nobles  en  prirent  alors  ,  et  les  prirent  si 
courts  et  si  pressés  qu'ils  furent  un  sujet  de 
risée.  Les  princes  du  sang  ne  changèrent  pas 
sitôt.  Mais  apparemment  ils  ne  tardèrent 
guères,  puisque  sous  le  roi  Charles  VI,  les 
habits  longs  n'étaient  plus  d'usage  que  dans 
les  cérémonies. 

Or  que  l'habit  long  ne  fut  plus  qu'un  habit 
de  cérémonie,  c'est  ce  que  la  même  histoire 
nous  apprend  dans  l'entrevue  du  même  roi 
avec  le  roi  d'Angleterre.  En  effet  on  délibéra 
d'abord  en  quel  habit  ils  s'aboucheraient;  et 
le  roi  d'Angleterre  ayant  répondu  qu'il  lie 
fallait  point  de  façons,  ni  d'habits  superflus 
pour  une  entrevue  d'amitié,  le  roi  prit  un 
habit  court,  qui  ne  passait  pas  le  genou,  mais 
la  robe  du  roi  d'Angleterre  lui  battait  le  talon 
(L.  xvi,  c.  7).  L'an  1403,  le  roi  alla  rendre 
grâces  à  Dieu  en  l'église  Notre-Dame  de  Paris 
du  rétablissement  de  sa  santé,  mais  on  eût  eu 
encore  plus  de  joie  de  l'y  voir  en  habit  royal, 
comme  il  est  de  la  décence  de  la  majesté  pour 
faire  différence  entre  lui  et  les  seigneurs  de  sa 
cour  (L.  xxiu,  c.  1.) 

11  est  évident  que  l'habit  long  n'était  plus 
qu'un  habit  de  cérémonie,  surtout  pour  les 
rois  et  que  les  personnes  de  qualité  étaient  re- 
tombées dans  l'ancien  usage  des  Gaulois  avant 
1rs  modes  romaines,  qui  avait  fait  donner  le 
nom  de  «  ('.allia  Braccata  »  au  royaume  que 
nous  habitons.  Car  «  I.racca  »  est  un  manteau 


court,  ou  un  habit  court  qui  couvre  le  corps 
jusqu'au  dessus  du  genou.  C'est  ce  (pue  veut 
dire  Martial  dans  ces  vers,  «  Dimidiasque  nates 
Gallica braccha tegit  (Catel.  hist.  du  Langued., 
p.  7).  »  Et  Suétone,  quand  il  parle  des  Gaulois 
que  Jules  César  fit  sénateurs  :  «  In  curia  Galli 
braccas  deposuerunt,  latum  clavum  sumpse- 
runt.  » 

Charlemagne  n'usait  communément  que  de 
cette  soutanelle,  ou  tunique  courte,  à  la  mode 
des  Français  si  nousen  croyons  Eginhard  :  «Ves- 
titu  patrio,  id  est  Francico  utebatur,  ad  corpus 
camisiam  lineam,  et  feminalibus  lineis  indue- 
batur.  Deinde  tunicam,  quae  limbo  serico  am- 
biebatur,  etc.  » 

C'était  probablement  une  tunique  courte , 
puisqu'aussitùt  après  le  même  historien  raconte 
que  ce  ne  fut  que  par  complaisance  pour  deux 
papes,  et  deux  fois  seulement,  que  ce  grand 
prince  étant  à  Rome  s'habilla  à  la  romaine,  en 
prenant  une  tunique  longue  et  une  longue 
veste  par-dessus.  «  Peregrina  indumenta , 
quamvis  pulcherrima  respuebat,  née  unquani 
eis  indui  patiebatur  ;  excepto  quod  Roma; 
semel  Adriano  pontifice  petente  ,  et  iterum 
Leone  successore  ejus  supplicante,  longa  tunica 
et  chlaniyde  accinctus  induehatur  (Du  Chesne, 
tom.  n,  p.  102). 

Il  est  'difficile  de  n'en  pas  croire  Eginhard  ; 
mais  je  ne  sais  aussi  comment  l'accorder  avec 
le  moine  de  Saint-Gall,  qui  faisant  la  descrip- 
tion des  babils  de  Charlemagne  à  la  française, 
lui  donne  un  manteau  blanc  ou  bleu,  comme 
carré  long,  qui  allait  jusqu'aux  pieds  devant  et 
derrière,  et  par  les  côtés  il  ne  descendait  que 
jusqu'au  genou.  «  Ultimum  habitus eorum erat 
pallium  canum,  vel  sapphirinum  quadrangu- 
lum  duplex,  sic  formatum,  ut  cum  impone- 
retur  humeris,  ante  et  rétro  pedes  langeret,  de 
lateribus  vero  vix  genua  contegeret.  » 

Je  ne  suis  pas  assez  habile  pour  bien  démê- 
ler ces  difficultés.  C'est  peut-être  ce  manteau 
carré  longqu'Eginbard  appelle  une  tunique.  Il 
se  peut  faire  aussi  qu'au  temps  de  Charlema- 
gne les  Français  ne  fussent  pas  encore  ni  bien 
dépaysés,  ni  bien  naturalisés  aux  modes  ro- 
maines, car  c'est  comme  on  peut  appeller  les 
gallicanes.  Aussi  Charlemagne  donna  toujours 
une  pleine  liberté  de  vivre  selon  la  loi  ro- 
maine, ou  selon  la  loi  salique,  c'est-a-dire 
française. 

Depuis,  la  nation  française  se  romanisapour 
ainsi  dire  de  plus  en  plus,  surtout  par  une  sin- 


DES  HABILLEMENTS  DES  ECCLESIASTIQUES  DANS  LA  VIE  CIVILE. 


77 


gulière  communication  avec  l'Eglise  romaine  ; 
puisque  l'empire  romain  ne  subsistait  plus 
dans  l'Occident.  Tous  les  honnêtes  gens  s'ha- 
billèrent de  long  ;  le  moine  Orderic  se  plaint 
même  de  la  longueur  superflue  des  queues  traî- 
nantes. «  Humum  pulverulentam  interularnm 
et  palliorum  superfluo  syrmate  verrunt  llist. 
Norman.,  1.  vm,  p.  682).  » 

VIII.  Je  reviens  à  nos  rois,  pour  dire  que 
Charles  VII,  ayant  appris  le  décès  de  Charles  VI, 
son  père,  assista  le  lendemain  à  la  messe  revêtu 
d'une  longue  robe  et  mantel  d'écarlate  rouge 
fourré  d'hermine,  ainsi  que  les  conseillers  de 
la  cour. 

Ce  sont  les  termes  deMonstrelet,  en  l'an  11-2-2, 
desquels  il  faut  tirer  cette  conjecture,  que  l'an- 
cien habit  royal  était  le  même  que  fut  depuis 
et  qu'est  encore  à  présent  celui  des  conseillers, 
ou  des  présidents  du  parlement,  et  des  chance- 
liers de  France. 

Philippe  le  Bel  cédant  son  palais  à  la  justice, 
orna  en  même  temps  de  la  pourpre  et  des 
autres  marques  de  la  royauté,  ceux  qu'il  ren- 
dait dépositaires  de  l'autorité  et  de  la  juridic- 
tion royale.  C'est  aussi  le  même  temps  auquel 
nous  avons  remarqué,  que  nos  rois  commen- 
cèrent à  se  vêtir  plus  ordinairement  de  court. 

Alain  Charlier  parlant  de  l'entrée  du  roi 
Charles  VII,  dans  Bouen,  habille  le  chancelier 
des  vêtements  royaux  :  Devant  le  roi  était 
messire  Guillaume  Juvénaldes  Ursins,  chance- 
lier de  France,  vêtu  en  habit  royal,  de  robe  et 
chaperon  fourrés  ,  et  un  mantel  d'écarlate. 
Matthieu  de  Coucy  se  sert  presque  des  mêmes 
termes  sur  le  même  sujet  :  Le  chancelier  vêtu 
de  robe,  manteau  et  chaperon  d'écarlate,  fourré 
selon  l'état  royal. 

Voilà  comme  les  habits  longs  a  la  romaine, 
qui  étaient  ceux  même  de  la  cléricalure,  sont 
devenus  des  habits  de  cérémonie  pour  les  rois, 
ayant  été  auparavant  leurs  habits  ordinaires. 
même  après  que  les  autres  séculiers  eurent 
choisi  des  habits  courts,  et  comme  par  les  rois 
ils  furent  communiqués  aux  magistrats,  qui  les 
portent  encore,  et  entre  lesquels,  au  moins 
dans  les  cours  de  parlement,  il  y  eut  originai- 
rement un  nombre  d'ecclésiastiques  égal  à 
celui  des  laïques. 

On  sait  que  les  archevêques  et  évèques  pairs 
de  France  portent  encore  un  manteau  royal  de 
pourpre  violette  fourré  d'hermine.  Quant  aux 
pairs  ecclésiastiques  se  trouvant  au  parlement, 
ils  avaient  par  bienséance  et  modestie  leurs 


manteaux  et    chaperons    d'écarlate    violette, 

fourrés  aussi  d'hermine,  habillement  donné 
par  nos  rois  aux  recteurs  de  l'université  de 
Paris  Boulé.  Ilist.  Univer.,  Paris.,  tom.  i, 
p.  100).  C'est  ce  qu'en  dit  André  Pavin. 

Il  se  peut  bien  faire  aussi  que  les  fourrures 
que  nous  avons  vues  ci-dessus,  si  souvent  inter- 
dites aux  ecclésiastiques,  aient  été  accordées 
par  nos  rois  aux  membres  de  l'université, 
comme  un  rayon  de  la  majesté  royale. 

L'histoire  de  Prémontré  nous  apprend  que 
l'on  donnait  autrefois  un  bonnet  rouge  à  tous 
les  docteurs  en  théologie  de  l'université  de 
Paris,  un  bonnet  noir  aux  docteurs  en  décret, 
et  que  le  bonnet  rouge  es1  demeuré  aux  seuls 
docteurs  en  théologie  de  l'ordre  de  Prémontré 
(Biblioth.  Praemonst.,  p.  993). 

IX.  D'autres  pourraient  se  persuader  que 
ces  fourrures  et  ces  couleurs  extraordinaires 
sont  restées  après  tant  de  défenses,  ou  parce 
qu'il  demeure  toujours  quelques  restes  des 
anciens  usages,  ou  parce  qu'on  a  jugé  qu'il  y 
avait  de  justes  causes  de  tolérer,  ou  d'autoriser 
ces  exceptions  singulières.  Quant  à  la  couleur 
noire,  quoique  nous  n'en  ayons  point  vu  de 
lois  expresses  et  universellement  reçues  qu'a- 
près le  concile  de  Trente,  il  est  certain  néan- 
moins que  l'usage  en  était  déjà  établi  parmi  les 
ecclésiastiques,  qui  faisaient  plus  particulière- 
ment gloire  de  la  modestie  de  leur  profession. 

L'ordre  des  Théatins  fut  établi  en  E'i-21,  sous 
le  nom  de  Clercs  réguliers,  comme  ne  faisant 
profession  que  de  la  vie  cléricale ,  et  de  se 
vêtir  simplement  comme  les  clercs  :  «  Sub  so- 
lito  et  communi  habitu  clericoram  (Sponde, 
anno  15-24,  n.  13).  »  On  n'y  voit  ni  collet,  ni 
manchettes,  parce  que  les  canons  défendaient 
les  chemises  plissées  au  col  et  aux  mains. 

Saint  Philippe  de  Néri,  après  le  milieu  du 
même  siècle,  instituant  sa  congrégation,  con- 
nue sous  le  nom  de  l'Oratoire,  trouva  que  le 
commun  des  pieux  ecclésiastiques  s'abstenant 
selon  les  canons  de  chemises  plissées  ou 
froncées  aux  mains  et  au  cou,  avait  pris  un 
collet  plat  et  tout  uni,  se  conforma  à  eux.  On  a 
ajouté  depuis  les  manchettes  plates. 

Enfin  les  laïques  ayant  porté  la  vanité  des 
collets  au  delà  des  bornes,  plusieurs  ecclésias- 
tiques pieux  ont  cru  se  distinguer  encore  assez 
d'eux,  en  portant  des  collets  plissés,  mais 
courts  et  modestes. 

X.  En  tout  cela  on  peut  observer  la  constance 
et  l'uniformité  merveilleuse  de  l'Eglise  et  de 


78 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-UNIÈME. 


ses  plus  saintes  lois,  parmi  les  diversités  innom- 
brables et  les  changements  continuels  des  pra- 
tiques extérieures. 

En  effet,  nonobstant  cette  yariété  presque 
infinie,  qui  a  paru  dans  les  étoffes,  dans  les 
figures  et  dans  les  couleurs  des  habits  ;  nonob- 
stant que  les  mômes  choses  aient  été  si  long- 
temps défendues,  et  puis  permises;  ou  si  long- 
temps permises,  et  puis  défendues;  ou  enfin 
en  même  temps  permises  et  défendues  selon  la 
diversité  des  pays  et  des  personnes,  on  peut 
dire  avec  vérité  que  l'esprit  de  l'Eglise  a  tou- 
jours été  le  même,  et  ses  saintes  lois  ont  tou- 
jours été  immuables. 

1°  Elle  a  toujours  eu  une  extrême  aversion 
du  penchant  que  les  mauvais  ecclésiastiques 
avaient  à  se  conformer  aux  séculiers.  Elle  n'a 
pas  condamné  les  habits,  mais  la  honte  crimi- 
nelle de  ceux  qui  rougissaient  du  sacerdoce, 
ou  de  la  cléricalure,  et  la  mauvaise  affectation 
de  paraître  séculiers,  après  avoir  renoncé  au 
siècle. 

2°  Elle  a  toujours  condamné  la  vanité  et  la 
supertluité  des  habits  ;  elle  a  toujours  recom- 
mandé la  modestie  et  l'amour  de  l'humilité. 
Selon  que  les  modes  du  monde  changent,  ce 


ne  sont  plus  les  mêmes  choses  qui  sont  ou 
vaines  ou  séculières.  Ainsi  on  les  souffre  après 
les  avoir  condamnées,  sans  avoir  rien  changé 
dans  les  maximes  constantes  de  la  piété  et  de 
la  modestie. 

3°  Elle  a  toujours  distingué  les  choses  exté- 
rieures d'avec  l'attache  qu'on  y  avait  ;  et  quel- 
que innocentes  ou  indifférentes  qu'elles  fus- 
sent, elle  a  jugé  que  l'attache  qu'on  y  avait 
pouvait  être  fort  criminelle. 

En  effet,  tout  ce  que  la  Providence  a  créé 
pour  l'usage  de  l'homme  est  pur  et  bon  en  soi. 
Tout  est  utile  et  pur  à  celui  qui  a  la  chanté, 
et  qui  sait  se  renfermer  dans  les  bornes  d'une 
juste  médiocrité.  Au  lieu  que  rien  n'est  pur 
entre  les  mains  de  l'ambitieux,  qui  renversant 
l'ordre  et  la  fin  pour  laquelle  toutes  choses  ont 
été  créées,  veut  en  avoir  une  entière  jouis- 
sance, lorsqu'il  ne  doit  qu'en  user  simplement  : 
ce  qui  fait  que  conduit  par  ses  désirs  immodé- 
rés il  attache  son  affection  à  des  choses  viles 
et  périssables,  quoiqu'il  ait  été  créé  pour  n'ai- 
mer que  des  choses  élevées  et  éternelles  :  un 
Dieu  seul  qu'il  doit  adorer  dans  toute  l'étendue 
de  son  cœur  et  de  ses  forces  (I). 


(1)  Depuis  la  révolution,  le  pouvoir  civil,  ayant  cru  qu'il  pouvait 
remplacer  les  conciles  et  les  papes,  a  touché  à  tous  les  points  de  la 
discipline  pour  les  régler  à  sa  manière.  Naturellement  la  question 
des  habits  ecclésiastiques  et  du  costume  ne  pouvaient  échapper  à  sa 
sollicitude.  Voici  ce  que  disent  les  Organiques  : 

Art.  42.  «  Les  ecclésiastiques  useront,  dans  les  cérémonies  reli- 
o  gieuses,  des  habits  et  omements  convenables  à  leurs  titres;  ils  ne 
i  pourront  dans  aucuD  cas,  ni  sous  aucun  prétexte,  prendre  la  cou- 
«  leur  et  les  marques  dislinctîves  aux  évéques. 

Art.  13.  «  Tous  les  ecclésiastiques  seront  habillés  à  la  française  et 
■  en  noir. —  Les  évéques  pourront  joindre  à  ce  costume  la  croix 
«  pastorale  et  les  bas  violets.  » 

Ceci  nous  prouve  de  nouveau  que  le  gouvernement,  en  se  faisant 
canomste,  n'est  pas  toujours  exact  dans  ses  expressions;  car  il  faut 
dire  croix  pectorale.  Eu  second  lieu,  en  voyant  les  anomalies  qui 
eu  résultent,  il  finira  tût  ou  tard  par  comprendre  que  les  Organiques 
n'ont  plus  leur  raison  d'être.  En  effet,  par  le  premier  de  ces  deux 
articles,  les  protonotaires  apostoliques,  aujourd'hui  si  nombreux  en 
France,  ne  pourraient  pas  porter,  dans  les  cérémonies  religieuses, 
la  manlelletta  violette  qui  leur  compète.  Les  chanoines  de  la  métro- 
pole d'Avignon  commettraient  un  délit  journalier  en  se  revêtant  de 
leur  grande  cappa  magna  rouge  cardinalice.  On  voit  que  l'article  43 
proscrit  la  soutane.  Et  cependant  quel  est  le  prêtre  employé  dans  le 
ministère  qui  oserait  sortir  avec  l'habit  à  la  française,  quand  sur- 
tout les  statuts  diocésains  lui  prescrivent  rigoureusement  la  soutane  ? 
L'habit  à  la  française,  orné  d'un  petit  mantelet,  n'est  plus  porté 
qu'à  Rome  par  la  prélature,  qui  y  ajoute  les  culottes  courtes,  les  bas 
violets,  les  souliers  à  boucles  d'argent  et  le  chapeau  triangulaire. 
Pour  être  juste,  nous  devons  ajouter  qu'un  arrêté  du  ministre  des 
cultes  du  4  janvier  1801,  autorisa  les  évéques  et  les  prêtres  à  porter 
la  soutane,  mais  seulement  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions.  Pour 
rendre  difficile  l'apparition  de  la  soutane  que  le  clergé  désirait  vive- 
ment, Portalis,  dans  une  circulaire  du  3  juillet   1802,  avait  déjà  dit  : 

■  Un  ecclésiastique  qui,  hors  des  lieux  où  il  est  autorisé  à  la  porter, 

•  conserverait  sa  soutane,  contre  le  vœu  de  la  loi  qui  l'autorise  seu- 
«  lemeni  à  porter  V habit  noir,  n'aurait  aucun    moyen    régulier   de  se 

•  plaindre  d'une  insulte  ou  d'un  propos  que  la  malveillance  pourrait 

■  se  permettre  contre  son  costume,  o 

Apres  avoir  cité  les  articles  12  et  43  des  Organiques  que  personne 
n'observe,  nous  allons  mentionner  les  statuts  de  tous  les  diocèses  de 
France  que  tout  le  monde  met  en   pratique  avec  joie.  Comme  ils 


sont  tous  uniformes  sur  la  question  du  costume  ecclésiastique,  en 
transcrire  un,  c'est  les  transcrire  tous.  On  ht  dans  le  titulus  secundus, 
art.  iv,  des  Décréta  Synodi  diœcesanœ  Aveninnensis  de  l'année  1852: 
«  Clerici  omnes  diœeesis  nostras  singulis  diebus  gérant  in  loco  resi- 
dentia;  vestem  talarem  nigri  coloris.  Decet  prsterea  ut,  juxta  consue- 
tudinem  apud  nos  receptam,  adhibeant  tibialia  nigra,  braceas  bre- 
viores ,  seu  infra  genu  adscriptas,  cingulum  circa  renés,  ad  collum 
fasciolas  (Gallice  rabat)  denique  pileum  ex  triplici  latere  saltem  mo- 
dice  erectum  (Gallice  tricorne),  d  La  postérité  aura  ainsi  une  des- 
cription exacte  du  costume  ecclésiastique  au  xix«  siècle.  11  n'est 
peut-être  pas  inutile  de  dire  ici  que  le  rabat  est  un  ornement  spécial 
au  clergé  français.  Ni  l'Espagne,  ni  l'Italie,  ni  l'Allemagne,  ne  con- 
naissent cet  appendice. 

Nous  ne  serions  pas  complets  si  nous  omettions  une  question  re- 
lative au  costume  ecclésiastique  qui,  à  la  demande  de  deux  évéques, 
a  été  portée  devant  les  tribunaux.  —  Peut-on  défendre  à  un  prêtre 
suspens  ou  interdit,  de  porter  la  soutane?  En  1838,  le  tribunal  de 
Muret,  sur  la  plainte  de  l'archevêque  de  Toulouse,  condamna  un 
clerc  tonsuré  à  15  francs  d'amende,  pour  «  avoir  persisté  à  porter  la 
soutane  qu'il  avait  originairement  le  droit  de  porter.  »  Tout  en  le 
condamnant,  le  tribunal  reconnaissait  u  qu'il  ne  s'était  permis  depuis 
qu'il  la  portait,  aucun  acte  de  nature  à  aggraver  sa  faute,  o  Parmi 
les  considérants,  il  y  en  a  un  qu'il  est  important  de  citer  textuelle- 
ment sans  le  discuter  :  >  Considérant  que  la  qualité  de  clerc  tonsuré 
i  ne  peut  donner  aucun  droit  à  porter  l'habit  ecclésiastique,  puisque 
a  la  tonsure  n'est  pas  un  ordre,  mais  une  simple  préparation  aux 
a  ordres.  »  Aucun  canoniste  n'admettrait  cette  décision. 

En  1851,  il  fut  question  d'aller  bien  plus  loin  encore.  Il  s'agissait 
de  faire  défense,  par  voie  judiciaire,  à  un  prêtre  suspens,  de  porter 
la  soutane,  parce  que  «  les  statuts  du  diocèse  défendent  aux  prétrei 
interdits  de  porter  l'habit  ecclésiastique.  ■  C'est  là  tout  simplement 
une  de  ces  exhorbitances  extra-judiciaires  qu'on  ne  trouve  qu'en 
France.  Mais  un  curé  suspendu  ne  cesse  pas  d'être  curé,  et  un  prêtre 
interdit  est  toujours  prêtre.  Pour  le  priver  de  son  titre  et  de  sa  qua- 
lité, pour  pouvoir  le  dépouiller  du  costume  ecclésiastique  et  invo- 
nuer  le  bias  séculier,  il  faut  nécessairement  une  sentence  de  déposi- 
tion selon  les  règles  canoniques.  La  suspense  ou  l'interdit  ne  font 
perdre  d'autre  privilège  que  celui  de  pouvoir  exercer  temporairement 
son  ordre  ovi  son  office.  Nous  citerons  ici  les  paroles  d'un  canonista 
du  siècle  dernier,  aussi  savant  que  prudent.  L'évèque  Joseph  Mara- 
viglia,  dans  son  Praxis  prudentiœ  episcopalis,  dit  ces  sages  paroles  ; 


DE  L'HABIT  ECCLÉSIASTIQi'E  DANS  L'ÉGLISE. 


79 


CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIÈME. 


DE   L  HABIT   ECCLESIASTIQl  E   DANS    L  EGLISE,    DEPUIS   LAN    MIL  JUSQU'A   PRESENT. 


I.  Les  habits  impériaux  communiqués  au  sacerdoce. 

II.  Qui  les  communique  ensuite  a  quelques  princes  de  la  terre. 

III.  Suite  du  même  sujet  des  habits  communs  à  l'empire  et  au 
sacerdoce. 

IV.  Des  aubes,  des  surplis  et  des  chapes. 

V.  Suite  du  même  sujet.  Divers  règlements  et  divers  usages. 

VI.  VII.  Des  bonnets,  des  aumusses  et  des  chaperons. 

VIII.  De  la  mitre. 

IX.  De  l'étole  et  de  la  tonsure  des  Polonais. 

X.  Si  l'étole  est  une  marque  de  juridiction. 

I.  Léon  IX,  écrivant  à  l'empereur  Michel,  de 
Constantinople,  environ  l'an  1050,  inséra  dans 
sa  lettre  une  partie  de  la  prétendue  donation 
de  Constantin,  qui  avait  alors  grand  cours  par 
tout  le  inonde,  parmi  les  Grecs  mêmes. 

Par  ce  passage  la  plupart  des  habits  et  des 
ornements  impériaux  sont  communiqués  au 
pape  et  aux  ecclésiastiques  de  l'Eglise  romaine. 

La  facilité  qu'on  eut  de  donner  crédit  à  cette 
pièce  supposée,  et  l'audace  même  de  l'auteur 
inconnu  de  la  supposition,  ne  provint  que  de  ce 
que  ces  sortes  d'habits  majestueux  étaient  déjà 
en  usage  parmi  les  ecclésiastiques  de  Rome  ; 
et  on  était  persuadé  que  ç'avaient  été  autrefois 
les  habits  impériaux  que  les  empereurs  chré- 
tiens avaient  voulu  rehausser  d'un  nouvel 
éclat,  en  les  communiquant  au  royal  sacerdoce 
de  J.-C. 

IL  Les  souverains  pontifes  ont  ensuite  quel- 
quefois répandu,  sur  les  souverains  mêmes, 
quelques  rayons  de  la  majesté  impériale,  en 
leur  distribuant  les  ornements  propres  du  sa- 
cerdoce. Alexandre  II,  en  1068,  envoya  à  Ura- 
tislas,  duc  de  Bohème,  une  mitre  pour  en  or- 
ner sa  tète,  selon  qu'il  l'avait  demandé,  quoique 
l'usage  n'en  eût  jamais  été  permis  aux  laïques. 
C'est  ce  que  nous  apprenons  de  la  lettre  de 


Grégoire  VII  au  même  duc  :  «  Ad  signum  in- 
finité dilectionis,  quod  laicœ  personœ  tribuî 
non  consuevit,  niitram  quam  postulasti,  direxi 
(L.  i.  epist.  xxxvui).  » 

Alexandre  III,  entre  autres  privilèges  qu'il 
donna  comme  autant  de  marques  de  sa  recon- 
naissance envers  la  république  de  Venise  , 
accorda  au  doge  l'ombelle,  qui  approche  du 
chapeau  pontifical.  «Eidem  principi  umbellam 
concessit,  galero  pontificio persimile  ornamen- 
tum  (Baronius,  an  1177,  n.  5).b  Cette  ombelle 
ou  parasol  était  le  chapeau,  ou  le  couvre-chef 
des  empereurs  de  Constantinople,  qu'ils  appe- 
laient du  même  non  muHt™. 

Charles  V,  roi  de  France,  avait  coutume  de 
porter  un  chapeau  pointu  semblable  à  cet  om- 
belle ou  parasol.  Ce  qui  fait  voir  que  les  orne- 
ments et  les  vêtements  des  princes  ecclésiasti- 
ques ou  séculiers  étaient  anciennement  les 
mêmes;  et  dans  la  suite  des  temps  ils  ont  été 
réservés  spécialement  pour  la  célébration  de 
l'office  divin. 

III.  Le  patriarche  de  Constantinople  portait 
aussi  le  manteau,  la  tunique  et  le  couvre-chef 
de  lin.  Témoin  Nicétas,  quand  il  parle  du  pa- 
triarche Cosme  :  a  Ut  aliquando  pallium  et  tu- 
nicam,  et  lineam  calyptram  capitis  pauperibus 
distribueret.  » 

Les  auteurs  de  l'histoire  Byzantine  font  foi 
que  les  empereurs  de  Constantinople  portaient 
le  même  habillement  de  tète,  qu'ils  appelaient 
retotîiov,  wxîamflpa ,  et  qui  ne  différait  de  celui  des 
autres  seigneurs,  sinon  qu'il  était  de  pourpre 
et  orné  d'or  et  de  perles  (Du  Gange,  diss.  xxiv, 
sur  l'Hist.  de  saint  Louis). 


t  Extra  casus  statutos  a  jure  canonico  et  a  summis  pontiûcibus,  nul- 
lam  habent  episcopi  jurisdictionem  degiadandi  seu  deponendi,  nec 
devenire  possunt  ad  degradationem  et  traditiooem  curiae  sEeculari, 
Disi  auctoritate  a  jure  canonico  expresse  concessa,  quœ  in  certis  casi- 
bus  nunquam  intelligitur  concessa.  «  Or,  les  crimes  qui  entraînent  la 
déposition  ou  la  dégradation,  et  par  conséquent  la  défense  de  porter 
le  costume  ecclésiastique,  sont  l'adultère,  le  concubinat,  la  simonie, 
le  stupre,  l'inceste,  le  vol,  le  parjure,  l'homicide,  l'hérésie,  le  faux, 
juridiquement  prouvés.  Donc,  on  ne  peut  pas  interdire  à  un  piètre 
suspendu  par  sentence  ex  informata  conscientiu  de  porter  la  sou- 
tane. Les  statuts  diocésains  qui   promulguent  une  tell»  peine  dépas- 


sent leur  droit  et  leur  pouvoir  ;  car  enfin,  on  ne  saurait  trop  le  répéter, 
dans  un  pays  où  depuis  plus  de  soixante  ans  le  droit  canonique  est 
complètement  mis  à  l'écart  et  remplacé  par  l'arbitraire,  un  prêtre 
suspendu  n'est  pas  un  prêtre  déposé.  La  première  punition  est  tempo- 
raire et  ne  peut  durer  que  quelques  mois,  tandis  que  la  seconde  ne 
peut  s'infliger  que  juridiquement,  et  après  une  procédure  en  forme 
devant  l'ofncialité.  Il  faut  en  outre  qu'on  ne  perde  pas  de  vue  que 
la  sentence  ex  informata  conscientia  ne  peut  sévir  que  contre  des 
délits  occultes,  et  la  procédure  canonique  que  contre  des  crimes  ho- 
toires  qui  se  prouvent  par  débats  contradictoires. 

(Dr  André.) 


80 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIÈME. 


Otton  III  offrit  à  l'autel  le  manteau  impérial 
dont  il  clait  revêtu,  et  où  tous  les  mystères  de 
l'Apocalypse  étaient  représentés  en  broderie. 
«  Mantum,  quo  tegebatur  coronatus,  in  quo 
oiunis  Apocalypsis  opère  phrygio  erat  auro  in- 
signita  (Raron  ,  an.  1091,  n.  19).  » 

Cette  espèce  de  manteau  est  la  même  dont 
il  est  si  souvent  parlé  dans  la  vie  des  papes, 
qui  en  étaient  revêtus  au  même  instant  de 
leur  élection.  C'est  cette  cbape  de  pourpre 
dont  parle  Pierre  Damien  à  l'antipape  Cada- 
lous,  «  Habes  nunc  forsitan  mitram ,  babes 
juxta  morem  Romani  pontiflcis  rubeam  cap- 
pam.  Cave,  etc.  (Raron.,  an.  HHil,  n.  U).  » 

Pierre,  diacre,  dans  la  cbronique  du  Mont- 
Cassin,  dit  qu'Alexis,  empereur  de  Constanti- 
nople,  envoya  à  saint  Renoît  un  manteau  de 
pourpre,  dont  l'abbé  du  Mont-Cassin  fit  un 
pluvial.  «  Pallium  purpureum  optimum,  de 
quo  abbas  pluviale  faciens,  etc.  (L.  IV,  c.  29).  » 
11  ne  faut  pas  oublier  que  les  empereurs 
d'Allemagne  ont  encore  conservé  cette  reli- 
gieuse pratique,  de  prendre  les  babits  impé- 
riaux, qui  sont  les  mêmes  que  ceux  du  diacre 
aux  offices  de  la  nuit  de  Noël,  et  de  chanter 
la  septième  leçon  de  matines  (Sponde,  an.  1377, 
n.  tri). 

Nous  en  rapporterons  ci-dessous  les  exem- 
ples, où  il  paraîtra  qu'on  n'a  nullement  douté 
que  les  babits  impériaux  ne  fussent  les  mêmes 
que  ceux  du  sacerdoce;  et  que  les  habits,  qui 
sont  devenus  propres  à  l'autel,  n'aient  été 
autrefois  en  partie  ceux  même  de  l'usage 
commun. 

IV.  L'aube  était  un  habillement  de  l'usage 
commun,  pour  tous  les  ecclésiastiques,  au 
moins  dans  les  ordres  sacrés,  comme  elle  l'est 
encore  pour  les  évoques  et  pour  les  chanoines 
réguliers,  qui  ont  été  plus  fidèles  observateurs 
d'une  pratique  autrefois  universelle. 

Outre  les  preuves  qui  en  ont  été  remarquées 
ci-dessus,  en  voici  une  fort  manifeste,  tirée  de 
la  lettre  de  Rathérius,  évêque  de  Vérone,  aux 
prêtres  de  son  diocèse,  où  il  leur  ordonne  d'a- 
voir une  aube  toute  particulière  pour  la  célé- 
bration de  l'auguste  sacrifice,  outre  celle  de  la 
vie  eivile.  «  Nullus  cum  alba  qua  in  suos  usus 
utitur,  praesumat  missam  cantare  (Inter  obser- 
vationes  ad  Robertum  Pullum,  p.  403).  » 

Comme  c'était  alors  principalement  par  celte 
aube,  que  les  clercs  se  distinguaient  des  laï- 
ques, qui  étaient  aussi  bien  qu'eux  vêtus  de 
long,  il  était  de  la  bienséance  qu'ils  la  por- 


tassent toujours.  Mais  cet  usage  ayant  été  aboli, 
et  la  distinction  des  clercs  d'avec  les  laïques, 
se  remarquant  par  tant  d'autres  choses,  on  a 
jugé  contraire  à  la  bienséance  de  porter  le  sur- 
plis, qui  a  succédé  à  l'aube,  hors  de  l'église. 
C'est  aussi  ce  qui  a  été  défendu  par  le  concile 
de  Reims  en  1583  (Can.  ni,  v).  «  Ut  sine  super- 
pellicio  et  almutio  in  ecclesia  comparere  , 
plane  irreligiosum  est  ;  sic  illa  ad  loca  publica 
rerum  venalium  déferre  ,  prorsus  indeco- 
l'iim  ac  sordidum  esse  ,  nemo  est  qui  non 
videat.  » 

Le  concile  de  Rouen,  en  1072,  enjoignit  aux 
doyens  ruraux  et  aux  curés  de  prendre  leurs 
aubes,  pour  faire  avec  décence  la  distribution 
des  saintes  huiles,  et  pour  baptiser.  On  voit 
bien  par  là  que  le  surplis  a  succédé  à  l'aube 
dans  les  occasions  semblables.  Il  en  est  de 
même  des  offices  du  chœur,  où  Ton  assistait 
avec  des  aubes.  En  effet,  si  les  surplis  étaient 
encore  aussi  longs  qu'ils  ont  été,  à  peine  les 
distinguerait-on  des  aubes.  En  voici  une  preuve 
bien  constante. 

Nicolas  III,  en  1278,  réglant  les  offices  et  les 
habits  des  chanoines  de  Saint-Pierre  à  Rome, 
confirme  leur  ancienne  coutume  de  porter  des 
surplis  simples  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Tous- 
saint, <«  Lineis  togis  superpelliceis,  sive  cottis 
absque  cappis  utantur,  quod  hactenus,  ut  acce- 
pirnus,  fieri  consuevit.  »  Et  depuis  la  Toussaint 
jusqu'à  Pâques  de  porter  des  chapes  de  serge 
noire  par-dessus  leur  surplis.  «  Super  super- 
pelliceas  liueas  déférant  cappas  nigras  de  sergia 
simplices  (Rainald.,  an.  1208,  n.  79).  »  Les  ter- 
mes latins  «  Togœ,  cottae,  lineae,  »  signifient 
des  aubes  qui  descendent  jusqu'aux  talons. 

Cette  diversité  entre  les  habits  du  chœur 
pour  l'été  et  pour  l'hiver  est  ancienne,  comme 
il  paraît  par  celte  lettre  de  Nicolas  III,  où  il 
faut  encore  remarquer  la  différence  des  cha- 
pes des  chanoines  d'avec  celles  des  bénéficiers 
du  bas  chœur.  Les  chapes  chorales  des  cha- 
noines peuvent  être  fourrées  et  ouvertes  par- 
devant  depuis  la  ceinture  jusqu'en  bas  :  «  Fo- 
deratas,  acingulovel  circa,  ex  parte  anteriori 
fissas  inferius  et  apertas.  » 

Celles  des  bénéficiers,  au  contraire,  doivent 
être  entièrement  fermées,  si  ce  n'est  qu'elles 
peuvent  être  tant  soit  peu  ouvertes  devant  l'es- 
tomac ,  et  au  bas ,  pour  pouvoir  avancer  le 
bras.  «  Ipsi  super  clausa  vestimenta  clausas 
cappas  habeant,  non  apertas,  modica  duntaxat 
in  fine  cappre  et  anle  pectus  apertura  dimissa, 


DE  L'HABIT  ECCLÉSIASTIQUE  DANS  L'ÉGLISE. 


si 


per  quant  brachium  possil  extrahi  juxta  mo- 

rem.  » 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Bennon,  évêque 
de  Misne,  semble  faire  Burchard,  jadis  évêque 
de  Misne,  auteur  de  celte  distinction  de  chapes 
chorales  pour  ses  chanoines.  «  Primus  pallio 
nigro  linea  veste  superinjecto  ilios  uti  docuit 
(Apud  Surium.  die  xvi.  Junii  .  »  Mais  ce  n'était 
qu'aux  jours  de  jeûnes  qu'on  portait  ces  cha- 
pes noires.  «  Praecipuae  esurialibus  quadrage- 
simœ  diebus.  » 

Le  concile  de  Ravenne,  en  1317  Can.  iv), 
donne  le  choix  de  la  chape  ou  de  l'aube  dans 
l'église.  «  In  ecclesiis  utantur  cappis,  vel  cottis 
albis.  o 

Le  concile  de  Lavaur  en  1368  (Can.  xlvi), 
obligea  les  abbés,  les  prieurs,  les  prévôts,  les 
doyens .  les  archidiacres  et  les  chanoines  de 
porter  les  chapes  noires  depuis  la  Toussaint 
jusqu'à  Pâques,  excepté  les  jours  qu'ils  portent 
des  chapes  de  soie  :  «Déférant  cappas  nigras, 
exceptis diebus  quibus cappis  sericis  uti  soient.» 

Le  concile  de  Bàle  (Sess.  xxi,  c.  3  ;  can.  xm 
exprima  la  longueur  des  surplis  qu'on  avait 
commencé  d'accourcir,  et  qui  descendaient  en- 
core plus  basque  la  moitié  des  jambes  :  «  Horas 
canonicas  dicturi,  cum  tunica  talari,  ac  super- 
pelliceis  mundis ,  ultra  médias  tibias  longis. 
vel  cappis,  juxta  temporum  ac  regionum  di- 
versitatem,  ecclesias  ingrediantur.  »  Ce  qui  fut 
répété  en  mêmes  termes  dans  le  concile  de 
Soissons  ,  en  1456  ,  et  dans  celui  de  Sens 
en  1528. 

On  pourrait  douter  si  ces  anciens  surplis 
avaient  des  manches .  tant  parce  que  ce  n'é- 
taient que  comme  des  chapes  de  lin.  or  les 
chapes  n'avaient  point  de  manches  .  que 
parce  que  c'est  la  différence  que  le  concile  de 
Narbonne,  en  1551  [Can.  \i  .  semble  mettre 
entre  le  surplis  et  le  rocbet  :  «  Presbyteri  om- 
nes  supparo,  aut  linea,  non  manicata  veste, 
sive  roqueto  induti  assistant.  » 

Le  premier  concile  de  Milan  (Can.  l)  ne 
nous  laisse  pourtant  pas  douter  qu'au  moins 
dans  l'Italie  le  surplis  n'eût  des  manches,  dont 
li  largeur  le  distinguât  du  rocbet  :  «  Superpel- 
licia  latis  sint  manicis,  non  angustis  instar 
rocheti.  » 

Y.  Le  concile  de  Tours,  en  1383  (Can.  xm  , 
veut  encore  que  les  surplis  descendent  plus  bas 
qu'à  mi-jambe  :  «  Super pell ici is  ultra  médias 
tibias  propendentibus,  vel  cappis,  cujusque  Ioci 
servafo  more.  » 

Th.  —  Tome  IL 


Mais  le  concile  d'Aix.  en  1585,  défend  abso- 
lument les  surplis  sans  manches ,  et  nous  ap- 
prend parla  qu'autrefois  ils  avaient  été  sans 
manches, au  momsenquelqurs,  -lises, comme 
étant  des  chapes  de  lin  :  «  Superpellicea  etiam 
manicas  habeant.  Illa  autem  quae  manicis  ca- 
rent,  et  quae  non  superpellicioram ,  sed  man- 
tilium  potius  nomine  digna  sunt,  omnino  pro- 
hibemus  (L.  m.  tit.  v,  c.  7).  » 

11  est  remarquable  que  ce  concile  veut  (pie  les 
chanoines,  aux  jours  qu'ils  portent  la  chape, 
usent  de  rocbets  sous  la  chape.  Enfin,  le  con- 
cile de  Mexico  blâme  les  surplis  curieusement 
ouvragés,  ou  brodés,  et  si  courts,  qu'ils  ne  des- 
cendent pas  sous  le  genou  :  «  Superpellicia 
recte .  aliove  eleganti  artificio  elaborata,  aut 
adeo  contracta,  ut  infra  genu  non  dimittantur, 
ne  induant.  » 

Il  nous  reste  une  difficulté  à  éclaircir  sur  la 
lettre  du  pape  Nicolas  III .  où  nous  avons  vu 
qu'il  avait  réglé  les  offices  et  les  habits  des 
chanoines  de  Saint-Pierre  de  Rome.  Car  hors 
des  heures  de  l'office  divin  il  ne  leur  permet 
pas  d'être  dans  l'église  sans  un  habit  décent, 
qu'il  exprime  en  ces  termes  :  «  Saltem  succas 
habeant,  et  super  eas  chlamydes ,  ante  pectus, 
vel  post  collum  annexas.  » 

Je  ne  sais  s'il  ne  faut  point  lire  Saccos ,  au 
lieu  de  Succas.  Au  moins  il  y  a  bien  de  l'ap- 
parence que  ce  terme  ne  signifie  autre  chose 
que  ce  surplis  sans  manches,  qui  est  encore  en 
usage  en  quelques  endroits ,  et  que  l'on  vient 
de  défendre  dans  le  concile  d'Aix.  Je  ne  sais  si 
saint  Charles  ne  l'eut  point  aussi  condamné, 
puisqu'il  suppose  que  celui  dont  le  prêtre  doit 
se  vêtir  avant  que  de  prendre  l'aube  pour  cé- 
lébrer la  messe  ,  doit  avoir  des  manches.  (Acta 
Eccles.  MedioL,  pag.7  10.  Mais  enfin  ces  surplis 
sans  manches  sont  encore  en  usage  dans  plu- 
sieurs églises,  surtout  pour  les  porter  sous  la 
chape. 

Il  est  même  fort  probable  que  c'était  l'ancien 
surplis,  comme  une  chape  de  lin.  Siméon, 
archevêque  de  Thessalonique .  le  représente 
comme  le  premier  ornement  de  la  cléricature, 
et  comme  une  cbemise  de  lin  :  «  Propriam  or- 
dinis  sui  vestem  habet  lector,  quae  camision 
vocatur,  habetque  phenolii  parvi,  vel  sticharii 
ex  lino  figuram.  (De  sacris  ordinat.  c.  n.)  » 

On  sait  que  le  mot  latin  Camisia  signifie 
l'aube,  dont  les  lecteurs  effectivement  s'habil- 
lent quelquefois.  Ce  surplis  dont  saint  Charles 
a  souhaité  que  le  prêtre  s'habillât  avant  que  de 


82  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-DEUXIÈME. 


prendre  l'aube,  me  semble  n'être  autre  ebose 
que  cette  aube  commune  à  tous  les  clercs,  et 
qu'ils  devaient  porter,  au  moins  les  clercs  sa- 
crés, même  dans  la  vie  civile.  Ratbérius  faisait 
le  même  commandement,  quand  il  ordonnait 
d'avoir  une  aube  pour  le  sacrifice,  distinguée 
de  la  commune.  Or  le  même  Siméon  ,  de 
Tbessalonique  ,  parlant  du  grand  phenolium 
des  prêtres,  assure  qu'il  n'a  point  de  man- 
ches et  qu'il  représente  un  sac.  Le  terme  latin 
cotta  est  demeuré  dans  notre  langue.  Car 
nous  appelons  une  cotte  d'armes  ,  et  par  là 
même  nous  faisons  connaître,  que  les  surplis 
descendaient  jusqu'à  terre. 

Un  des  plus  anciens  qui  ail  parlé  du  surplis, 
est  Etienne  de  Tournay  :  «  Superpelliceum 
novum,  candidum,  talare  (Epist.  cxxm.)  »  Il 
ne  différait  guère  de  l'aube  s'il  couvrait  les  ta- 
lons. Honorius  l'appelle  «  vestes  albœ,  laxie, 
talares.  »  Il  ajoute  que  les  sénateurs  usaient  de 
ces  sortes  d'habillements,  et  que  c'est  delà 
qu'ils  sont  entrés  dans  l'Eglise  :  «  Hujusmodi 
vestibus  etiam  senatores  usi  sunt,  ex  quibus  in 
ecclesiasticum  usum  transierunt  (Gemma  Ani- 
mae.  1.  i,  c.  r.cxxxn.)  » 

M.  Rallier  (De  sacris  elect.,  pag.  1070)  croit 
que  la  tunique  de  lin,  in  linea,  avec  laquelle 
saint  Cyprien  fut  décapité,  était  la  chemise 
commune  et  non  pas  un  habillement  sacré  ou 
ecclésiastique,  puisqu'au  temps  des  persécu- 
tions il  n'eût  pas  été  de  la  prudence  de  se  dis- 
tinguer des  païens  par  les  habits.  Il  importe 
donc  peu  de  confesser  que  toutes  ces  tuniques, 
chemises,  aubes  ou  surplis  de  lin,  étaient  à  peu 
près  de  même  matière  et  de  même  forme,  mais 
la  destination  en  était  fort  différente. 

VI.  Je  passe  du  surplis  au  bonnet,  ou  à  l'au- 
musse.Le  concile  de  Ravenne,en  1317(Can.iv), 
ordonne  aux  ecclésiastiques  de  couvrir  leurtête: 
«Pileo,  vel  birretto,  vel  armutia  oblonga  ad  au- 
res.  »  Mais  cela  s'entend  de  l'usage  commun  et 
non  pas  des  offices  divins.  Ainsi  l'habillement 
de  tète  n'était  pas  différent  dans  l'église,  ou 
hors  de  l'église  ,  ni  même  entre  les  laïques  et 
les  ecclésiastiques.  Il  est  probable  que  le  cha- 
peron et  l'aumusse  étaient  d'abord  la  même 
chose ,  qu'on  appelait  caputium,  parce  qu'il 
couvrait  la  tête,  et  armutia,  parce  qu'il  couvrait 
aussi  les  épaules.  Néanmoins  on  en  fit  après  la 
distinction,  puisque  le  concile  de  Râle  (Sess. 
xxiu,  c.  i.)  défendit  d'assister  à  l'église  avec  le 
chaperon,  obligeant  les  ecclésiastiques  d'y  por- 
ter leur  aumusse  ou  leur  bonnet  :  «  Non  ca- 


putia,  sed  almutias,  vel  birretta  tenentes  in 
capite.  » 

La  chronique  de  Flandre  (Cap.  cv)  parlant  de 
l'empereur  Charles IV,  quand  il  vint  à  Paris  et 
que  le  roi  Charles  V  lui  alla  au-devant  hors  de  la 
ville,  dit  «que  l'empereur osta  aumusse  etcha- 
peron  tout  jus,  et  le  roy  osta  son  chapel  tant 
seulement.  »  Le  continuateur  de  Nangis  dit 
que  :  «  L'empereur  osta  sa  barrette  et  son  cha- 
peron, et  aussi  le  roy.  » 

Il  parait  de  là  (Can.  xiii)  1°  Que  la  barrette 
et  l'aumusse  étaient  la  même  chose,  aussi  bien 
que  le  chaperon  et  le  chapeau,  si  ce  n'est  (pie 
ce  qu'on  appelait  alors  caputium,  et  que  nous 
avons  depuis  appelé  chapeau,  servait  à  couvrir 
la  tête  par-dessus  l'aumusse.  2"  Que  les  sécu- 
liers et  les  rois  même  couvraient  leur  tête 
d'une  aumusse.  Ainsi  l'aumusse  était  com- 
mune aux  laïques  et  aux  clercs  (Can.  m). 

Le  concile  de  Soissons,  en  1  456,  renouvela 
le  même  règlement  du  concile  de  Râle.  Le  con- 
cile de  Sens,  en  1528,  changea  les  termes  en 
faisant  ce  statut  :  «  Caputia,  almutias,  vel  bir- 
reta  tenentes  in  capite.  »  Le  concile  de  Colo- 
gne, en  1536  (Tit.  de  Canonicis,  c.  xiv.)  «  Sit 
vestis  talaris,  sint  pilei,  qui  birreta  vocantur, 
sint  camisiœ.  »  Le  concile  de  Reims,  en  1583  : 
«  Sine  superpellicio,  almutio,  etaliis  canonico- 
rum  insignibus  inecclesia  comparere,  omnino 
irreligiosum  est,  etc.  » 

II  faut  néanmoins  remarquer  que  ces  termes 
ne  se  prennent  pas  toujours  dans  le  même  sens, 
on  les  confond  quelquefois,  et  les  aumusses  sont 
enfin  devenues  le  vêtement  des  chanoines,  qui 
les  distingue  des  autres  ecclésiastiques,  ce  qui 
est  une  innovation  des  derniers  siècles. 

Voici  vraisemblablement  ce  qui  y  a  donné 
occasion.  Presque  tous  les  laïques  ayant  quitté 
toutes  les  couvertures  dont  ils  avaient  coutume 
de  se  servir  ne  se  couvraient  plus  la  tête  qu'a- 
vec des  chapeaux  ,  et  réciproquement  les  cou- 
vertures dont  se  servaient  les  gens  de  campagne 
et  les  voyageurs  avaient  passé  en  usage  dans  les 
villes. 

Le  concile  de  Tours  (Cap.  xm)  en  la  même 
aimée  :  «Birreta  tenentes  in  capite,  vel  caputia, 
juxta  temporum  et  regionum  diversitatem.  » 
Il  y  avait  donc  quelque  diversité  entre  les 
Eglises,  et  peut-être  même  qu'en  divers  temps 
on  usait  de  l'aumusse ,  ou  du  chaperon.  Ce 
même  concile  (C.  xiv)  ne  laissa  que  le  bonnet 
aux  curés  dans  l'église  ,  leur  défendant  le 
chapeau  :  «  Cum  birrelis,  non  vero  galeris.  »  Ce 


DE  L'HABIT  ECCLESIASTIQUE  DANS  L'ÉGLISE. 


83 


mol  birretum  avait  apparemment  déjà  pris  la 
signification  de  bonnet  carré,  et  ainsi  le  terme 
de  caputium  pourrait  bien  signifier  ou  l'au- 
musse  ou  le  capuchon  de  la  chape  chorale  en 
hiver. 

Cette  conjecture  peut  se  fonder  sur  le  con- 
cile de  Bourges,  en  1584  Titul.  xn.  c.  ni)  : 
«  Horas  canonicas  dicturi,  cum  lunica  talari, 
superpelliceis  mundis  ,  almutiis,  pileis  qua- 
dratiSj  vel  cappis  nigris  pro  temporum  et  re- 
gionum  diversitate  ulanlur.  » 

VU.  Si  nous  n'avons  pu  remonter  bien  haut 
pour  découvrir  l'origine  de  ces  habillements 
de  tète  propres  à  l'Eglise,  c'est  que  l'usage  n'en 
est  nullement  ancien. 

Ce  fut  en  l'an  1-213,  que  les  religieux  de  l'E- 
glise métropolitaine  de  Cantorbéry  impétrèrent 
du  pape  Innocent  IV.  le  privilège  de  couvrir 
leur  tête  d'un  bonnet,  pendant  les  divins  of- 
liees.  parce  qu'y  ayant  assisté  jusqu'alors  tète 
nue ,  ils  en  avaient  souvent  contracté  de  fâ- 
cheuses maladies. 

«  Vestris  supplicationibus  inclinati  ,  vobis 
utendi  pileis,  vestro  ordini  congruentibus , 
cum  divinis  interfueritis  offlciis,  concedimus 
libeiam  faeullatem,  ita  tamen  quodin  lectione 
evangeliea,  et  elevatione  corporis  Domini  Jesu 
Christi,  et  in  aliis  débita  reverentia  observetur 
(Rainald.  an.  1243,  n.  il.)  » 

II  y  a  donc  quelques  endroits  de  l'office  divin 
où  les  ecclésiastiques  doivent  être  découverts, 
savoir  pendant  la  lecture  de  l'évangile  et  à  l'é- 
lévation du  corps  de  Notre-Seigneur. 

Cette  exception  se  trouve  remarquée  dans 
les  constitutions  du  légat  du  Saint-Siège  dans 
le  concile  de  Nicosie  en  Chypre,  en  l'an  1313, 
pour  tous  les  prêtres  qui  célèbrent  :  «  Post 
ablutionem  manuum  nibil  oninino  teneant  in 
capite  propter  frigus,  vel  aliud  :  îiam  facerent 
magnam  irreverentiam.  atque  intolerabilem 
sacramento  (n.  13-2  .  » 

Si  le  pape  traite  ici  les  clercs  plus  douce- 
ment que  le  légat  du  Saint-Siège  ,  c'est  appa- 
remment parce  que  les  clercs,  auxquels  le  pape 
écrivait,  habitaient  un  climat  très-froid  et  très- 
malsain  ;  au  lieu  que  le  légat  du  pape  écrivait 
aux  habitants  de  l'île  de  Chypre,  qui  est  un 
climat  fort  doux  et  fort  tempéré. 

VIII.  La  mitre  des  évèques  ne  fut  pas  non 
plus  d'abord  un  ornement  propre  et  particulier 
pour  les  offices  divins.  Innocent  II,  après  avoir 
dominé  une  audience  favorable  au  saint  évè- 
que  d'Irlande,  Malachie,  prit  la  mitre  de  dessus 


sa  tête,  et  la  mit  sur  celle  de  ce  saint  prélat  : 
«  Tollens  mitram  de  capite  suo.  imposuit  ca- 
piti  ejus.i)  Baroiiius  rapportant  ces  parole-  de 
Bernard  dans  la  vie  de  saint  Malachie.  \  ['(■mar- 
que fort  bien  que  le  pape  avait  toujours  la 
mitre  quand  il  donnait  audience  :  «  Mus  nam- 
que  erat.  nonnisi  mitratos  Romanos  pontifices 
ad  audientiam  admittere  petentes  audiri.  Ba- 
ronius  an.  1 137.  n.  3S.)  » 

Cela  se  confirme  par  la  lettre  des  Arnaldistes 
de  Rome  a  Conrad  ,  roi  des  Romains,  où  ils 
rassurent  que  le  pape  a  fait  sa  paix  avec  le 
prince  de  Sicile,  en  lui  accordant  le  sceptre  et 
l'anneau,  la  dalmatique,  la  mitre  et  les  san- 
dales :  «  Concordiam  inter  Siculum  et  papam 
hujusmodi  esse  accepimus.  Papa  concessit  Si- 
culo  virgam  et  annulum  ,  et  daknaticam,  et 
miiram  atque  sandalia.  An.  1144,  Olho  Fri- 
sing.  de  gestis  Frid.  1.  n.  c.  28.  » 

IX.  Quand  Benoit  IX  accorda  aux  Polonais 
la  dispense  du  prince  Casimir,  diacre  et  reli- 
gieux de  Cluny,  pour  lier  plus  étroitement 
toute  cette  nation  a  l'Eglise,  il  les  obligea  de 
porter,  toutes  les  fêtes  de  Notre-Seigneur  et 
de  la  Sainte  Vierge,  non  pas  une  étole  ,  mais 
un  linge  blanc  pendant  à  leur  col,  à  la  façon 
d'une  etole.  «  Panno  linteo  albo  in  stolse  mo- 
dum  dependente  cervicem  exornare  (Baronius, 
an.  loti.  n.  11).» 

(  sont  les  paroles  de  Longin  dans  son  his- 
toire de  Pologne ,  qui  dit  aussi  que  ce  pape 
obligea  en  même  temps  les  Polonais  de  couper 
leurs  cheveux  selon  la  coutume  des  autres  na- 
tions  latines.  Il  faut  s'en  tenir  là  sans  s'arrêter 
à  la  chronique  de  Cluny,  qui  veut  que  c'ait 
été  la  tonsure  des  moines  de  Cluny  et  l'étole 
des  diacres.  «  Perpetuo  portarent  tonsuram  ad 
modum  Cluniacensium,  et  in  signum  diaconi 
stolam  ad  modum  diaconi  déferrent  j  Bibl. 
Clun.,  pag.  1616  .  <> 

Les  Polonais  firent  depuis  relâcher  cette 
double  obligation  en  fondant  un  monastère 
de  l'ordre  de  Cluny  [Voyez  ci-devant  c.  xlii, 
n.  9). 

X.  Quant  à  l'étole,  il  semble  qu'on  l'ait  af- 
fectée plutôt  à  l'administration  des  sacrements 
qu'à  exercer  ou  faire  remarquer  la  juridiction. 
Le  concile  de  Rouen,  en  1072  Can.  v),  défend 
aux  prêtres  de  donner  le  baptême  s'ils  n'ont 
l'aube  et  l'étole.  «  Indutus  alba  et  stola.  » 

Les  ordonnances  synodales  de  Rouen  (Sy- 
nod.  Rotom.,  pag.  22k  450  ,  tant  anciennes 
que  nouvelles,  font  assisteras  curés  au  synode 


84 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-TROISIÈME. 


avec  l'étole.  Il  est  vrai  que  la  lettre  synodale 
de  Rathérius,  évêque  de  Vérone,  à  ses  curés, 
leur  commande  de  porter  toujours  l'étole, 
«  Nullus  sine  stola  in  itinere  iucedat  (Conc. 
tom.  9,  pag.  127-2).  Mais  l'étole  semblait  signi- 
fier dans  cet  endroit  les  habits  propres  aux 
ecclésiastiques.  Aussi  il  suit  immédiatement 
après,  «  Nullus  induatur  vestimentis  laica- 
libus.  »  Tout  au  plus  l'étole  serait  propre  à  un 
curé,  mais  elle  ne  serait  pas  une  preuve  de  sa 
juridiction,  puisqu'il  la  porte  hors  de  sa  cure 
même.  In  itinere. 

Les  constitutions  synodales  d'Eudes,  évêque 
de  Paris,  et  celles  de  plusieurs  autres  de  ses 
successeurs  font  assister  les  curés  aux  synodes 
de  l'évêque  en  aube  et  en  étole  au  temps  de 
Pâques,  en  surplis  et  en  étole  en  automne 
(Tom.  x,  Conc,  p.  18(M  ;  Synodicum,  Paris,  3, 
256,294).  Le  concile  de  Bude,  en  1279(Can.xix), 
leur  donne  aussi  l'étole  dans  les  synodes.  Le 
synode  de  Cologne,  en  1 280,  donne  l'étole  dans 
le  synode  aux  abbés,  aux  prieurs,  aux  archi- 


prètres  et  aux  doyens  seulement.  Le  synode  de 
Nimes,  en  1284  (Cap.  i),  n'en  donne  point  non 
plus  aux  curés. 

Le  premier  concile  de  Milan,  en  1565,  or- 
donna que  les  sacrements  fussent  toujours 
administrés  en  surplis  et  étole  :  «  Sacerdotes 
in  sacramentorum  ordinatione  semper  super- 
pellicium  et  stolam  adhibeant.  » 

Le  concile  V  de  Milan  ,  en  ir>79  (Cap.  x), 
prescrivit  aux  confesseurs  réguliers  de  n'enten- 
dre les  confessions  qu'en  surplis  et  en  étole.  Le 
concile  de  Rouen,  en  iriSI  (Can.  xxxn),  fit  assis- 
ter les  curés  au  synode  en  surplis  et  en  étole. 
Celui  de  Reims,  en  1583,  fit  le  même  statut. 
Le  concile  d'Aix,  en  1585,  renouvela  le  décret 
du  concile  V  de  Milan. 

Les  usages  des  diocèses  peuvent  être  divers, 
et  il  peut  y  en  avoir  où  l'étole  est  une  marque 
de  juridiction.  Mais  ce  que  nous  venons  de 
dire  suffit  pour  croire  que  le  nombre  n'en  est 
pas  grand  ,  au  moins  il  n'est  pas  le  plus 
grand. 


CHAPITRE   CINQUANTE-TROISIEME. 


DU   PALLIUM    DES   ORIENTAUX  AL    MOYEN   AGE. 


I.  II.  Description  du  pallium.  C'était  comme  l'investiture  des 
patriarches  et  des  métropolitains.  Coutume  singulière  de  l'Eglise 
d'Alexandrie. 

III.  IV.  Dans  la  déposition  ils  étaient  aussi  privés  du  pallium. 

V.  VI.  VII.  11  est  douteux  si  tons  les  évéques  grecs  usaient 
du  pallium,  et  s'ils  s'en  servaient  dans  tous  les  offices  divins.  Il 
est  probable  qui;  Ions  les  évéques  in  avaient  l'usa  i  . 

VIII.  Les  patriarches  donnaient  le  pallium  aux  métropolitains, 
de  qui  les  évèques  le  recevaient  ensuite. 

IX.  11  n'était  donné,  au  moins  durant  quelques  siècles,  qu'avec 
quelque  dépendance  des  empereurs. 

\.  Les  patriarches  n'exerçaient  pas  les  fonctions  pontificales 
sans  le  pallium. 

M.  La  pratique  de  ces  derniers  siècles  pourrait  en  être  venue. 
Réfutation  de  ceux  qui  ont  dit  que  le  pallium  n'avait  été  qu'un 
bienfait  artificieux  des  papes,  pour  jeter  les  archevêques  dans 
une  servitude  et  une  dépendance  plus  étroite  du  Siège  romain. 

I.  Le  pallium  des  arebevèques  mérite  bien 
d'être  traité  dans  des  chapitres  séparés.  Nous 
en  allons  parler  par  rapport  à  l'Eglise  grecque, 


et  nous  ajouterons  ici  quelques  remarques  sur 
les  ornements  sacrés  de  cette  Eglise. 

II  faut  d'abord  observer  qu'il  paraît  que  le 
pallium  même  a  été  et  plus  ancien  et  plus  com- 
mun dans  l'Eglise  grecque  que  dans  la  latine. 
Isidore  de  Painiette  en  fait  la  description,  et  il 
dit  qu'il  est  de  laine  plutôt  que  de  lin,  afin  que 
l'évêque  qui  en  est  revêtu  représente  plus  naï- 
vement le  Pasteur  éternel,  qui  s'est  chargé  de 
la  nature  propre  et  de  toutes  les  infirmités  de 
ses  brebis  raisonnables. 

«  Episcopi  pallium  .  ù^tpôpwv  ex  lana,  non  ex 
lino  contextum  ,  ovis  illius  quam  Dominus 
aberrantem  quœsivit,  inventamque  humeris 
suis  sustulit,  pellem  significat.  Episcopus  enim 
qui  Christi  typum  gerit,  ipsius  munere  fungi- 


DU  PALLUM  DES  ORIENTAUX. 


s: 


tur,  atque  etiam  ipso  habitu  illud  omnibus 

ostendit,  se  boni  illius  ac  magni  pastoris  imi- 
tatorem  esse,  qui  gréais  infînnitates  si bi  feren- 
das  proposuit  (L.  i,  ep.  I  16  .  » 

Les  actes  de  Métrophane  et  d'Alexandre,  rap- 
portés par  Photius,  dans  sa  bibliotlièque  Gap. 
ccxxxvi),  rapportent  que  Métrophane,  évéi[tie 
de  Byzance,  déclara  pour  son  successeur  le 
prêtre  Alexandre,  absent,  en  la  présence  el  à 
la  prière  de  l'empereur  Constantin,  mit  son 
pallium  sur  l'autel  et  commanda  qu'on  le  lui 
gardât.  «  Pallium,  àfuxfôçim,  sacra  mensse  depo- 
nit,  praecipiens  illud  successori  servari.  » 

II.  Libérât  dit  que  l'ancienne  coutume 
d'Alexandrie  était  que  celuiquidevaitsuccéder 
à  l'évêque  défunt  veillât  sur  son  corps,  mît 
sur  sa  tète  la  main  droite  du  défunt,  et  après 
l'avoir  enterré  se  revêtit  du  pallium  de  saint 
Marc,  après  quoi  il  était  intronisé.  « Consue- 
tudo  est  Alexandrin'1,  illum  qui  defunctosucce- 
dit.  excubias  super  defuncti  corpus  agere,  ma- 
niunque  dexteram  ejus  capiti  suo  imponere,  et 
sepulto  manibus  suis,  accipere  collo  suo  beati 
Marci  pallium,  et  tune  légitime  sedere  (Brevia- 
rii,  c.  xx  .  » 

Ce  même  auteur  remarque  que  le  pape  Félix 
ayant  fulminé  la  sentence  de  déposition  contre 
le  patriarche  Aeacius,  de  Constantinople,  il  ne 
se  trouva  qu'un  religieux  du  monastère  des 
Acœmètes,  qui  eut  le  courage  de  l'attacher  à 
son  pallium  lorsqu'il  s'avançait  pour  célébrer 
la  messe,  après  quoi  il  se  retira.  «  Chartam 
damnationis  dum  ingrederetur  ad  celebranda 
sacra,  suspendere  in  ejus  pallio  et  discedere 
(Cap.  xvm).  » 

Enfin  cet  auteur  (C.  xxiu)  dit  que  Pelage, 
m  une  du  pape  à  Constantinople  vint  par  ordre 
de  l'empereur,  à  Caze,  où  il  déposa  Paul,  évè- 
que  d'Alexandrie,  en  lui  étant  le  pallium.  «  Et 
auferentes  Paulo  pallium,  deposuerunt  enni, 
el  ordinaverunt  pro  illo  Zoilum.  »  On  peut  voir 
d'autres  exemples  pareils  dans  cet  auteur. 

III.  Justinien  ayant  élevé  Eutychius  au  pa- 
triarcat de  Constantinople,  il  fut  ordonné  ni 
recevant  le  pallium  et  se  revêtant  tout  ensemble 
de  la  personne  de  J.-C.  portant  son  troupeau 
fugitif  sur  son  dos,  et  donnant  la  paix  à  son 
peuple.  «  Ovis  errantis  typum  super  liumeros 
tullit,  in  sedem  sublimem  ascendit,  in  soliose- 
det,  atque  pastorum  principem  Christum  in 
cœlos  revertentem  imitatur,  dicens,  pax  omni- 
bus (Surins,  c.  xix,  xxvi.  Aprilis  G).  » 

Ce  saint  prélat  fut  ensuite  banni  de  son  siège 


et  il  passa  auparavant  toute  la  journée  pros- 
terné devant  les  autels  avec  sou  pallium  : 
«  Constitit  aide  altare.  solitisque  \estibus  et 
superhumerali  indutus,  quod  semper  secum 
babebat,  usque  ad  vesperam,  precationibus  in- 
cubuit.  » 

Ces  paroles,  «quod  semper  secum  babebat.  » 
semblent  insinuer  que  ce  saint  patriarche 
portait  toujours  sou  pallium,  comme  nous 
avons  déjà  remarqué  que  saint  Césaire  portait 
même  par  la  ville,  en  se  promenant,  sa  cha- 
suble ;  et  le  concile  de  Liptines  a  donné  aux 
prêtres  les  chasubles  comme  l'habillement  or- 
dinaire. 

IV.  Car  il  faut  concevoir  le  pallium,  l'omo- 
phorion  et  la  chasuble,  comme  un  habillement 
qui  embrassait  et  environnait  tout  le  corps, 
depuis  le  col  jusqu'aux  talons,  sans  manches  et 
n'étant  ouvert  que  pour  y  passer  la  tète,  en  la 
même  manière  que  les  anciennes  chasubles  de 
cent  ou  deux  cents  ans  nous  le  font  paraître,  et 
telles  que  seraient  encore  nos  chapes,  si  elles 
étaient  fermées  par  devant.  La  plus  grande 
différence  des  chasubles  communes  et  de  celles 
qui  servaient  à  l'autel,  du  pallium  des  évèques 
et  de  la  chasuble  des  prêtres,  venait  de  la 
somptuosité  des  unes  et  de  la  simplicité  des 
autres. 

Constans  étant  venu  à  Borne,  au  temps  du 
pape  Vitalien,  offrit  à  l'autel  des  ornements 
enrichis  d'or  et  de  broderie,  qui  servirent  à  la 
messe.  Celui  qui  a  écrit  la  vie  de  ce  pape,  leur 
donne  le  nom  de  pallium.  a  Obtulit  super  altare 
pallium  auro  textile,  et  celebrahr  sunt  missœ.  » 
Dans  la  vie  du  pape  Agathon,  il  est  dit  que  le 
VP  concile  général  déposant  l'hérétique  mono- 
thélite,  Macarius,  patriarche  d'Antioche,  lui  fit 
ôter  son  etole  :  «  Orarium  auferri  prœcepit,  etc. 
Orarium  abstulit.  »  Mais  il  en  vaut  mieux 
croire  les  actes  du  concile  même,  qui  assurent 
qu'on  lui  ôta  son  pallium.  «  Nudetur  circum- 
posilo  ei  pallio (Act.  vin).  » 

V.  Saint  Germain  ,  patriarche  de  Constanti- 
nople, n'a  pas  oublié  le  pallium  dans  la  des- 
cription qu'il  fait  de  tous  les  ornements  sacer- 
dotaux .  «  Humerai''.  ..i-.--.;.-.v,  est  pontificis,  ad 
exemplum  stobe  Aaron.  quam  gestabant  léga- 
les pontilices.  sudariis  longis  hevo  humerocir- 
cumponentes,  ad  significandum  jugum  man- 
datoruinChristi.  Hunierale  autemquoepiscopus 
circumdatur,  signiticat  ovis  pellem,  quam  er- 
rantem  cum  Dominus  invenisset  super  suis 
humeris  assumpsit.  etc.  Habet  autem  et  cru- 


80 


Dl'  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-TROISIÈME. 


ces,  quia  Christus  super  luunero  ipse  quoque 
gestavit  crucem   In  Theoria  rerum  Eccl.).  » 

Ces  dernières  paroles  nous  apprennent  que 
les  Grecs  avaient  déjà  parsemé  de  croix  leur 
pallium,  et  lui  avaient  donné  le  nom  de  ^o.-j- 

oraùpEov. 

VI.  Mais  ce  que  ces  paroles  nous  font  remar- 
quer de  plus  considérable,  est  que  le  pallium 
dans  la  Grèce  était  commun  à  tous  les  évêques 
et  n'était  apparemment  réservé  ni  aux  patriar- 
ches, ni  aux  archevêques,  ou  aux  métropoli- 
tains. Saint  Germain  et  Isidore  de  Damiette 
disent  simplement  et  généralement  que  le  pal- 
lium est  l'ornement  le  plus  éclatant  des  évê- 
ques, qui  se  met  par-dessus  tous  les  autres,  qui 
les  distingue  des  ordres  inférieurs,  et  qui  les 
revêt  en  quelque  manière  de  la  personne  du 
souverain  pontife  et  du  Pasteur  éternel  J.-C. 

Il  n'est  pas  aussi  sans  apparence  que  les  évo- 
ques grecs  usaient  du  pallium  à  tous  les  divins 
offices,  et  que  les  Latins  n'ayant  reçu  le  pal- 
lium que  plus  tard  et  par  le  bienfait  du  pape, 
ils  l'ont  reçu  aussi  avec  des  limitations  que 
nous  allons  remarquer,  mais  que  nous  montre- 
rons en  même  temps  avoir  été  rehaussées  par 
des  avantages  très-considérables. 

VIL  <>n  pourrait  néanmoins  douter  si  les 
évêques  grecs  usaient  du  pallium  dans  tous  les 
offices.  Isidore  de  Damiette  assure  qu'ils  le 
quittaient,  même  dans  la  messe  solennelle, 
pendant  qu'on  lisait  l'évangile,  comme  défé- 
rant cet  honneur  au  souverain  Pasteur,  qui  est 
alors  présent  et  fait  entendre  lui-même  sa  di- 
vine voix  à  ses  chères  ouailles.  «  Dum  ipse 
verus  pastor  per  adorandorum  evangeliorum 
apertionem  accedit,  tum  assurgit  episcopus,  et 
imilationis  habitum  deponit,  Dominum  ipsum 
pastoralis  artis  ducem  et  Denm  et  Uerum  ad- 
osse significans  (L.  i,  ep.  136  .  » 

Saint  Grégoire  ayant  défendu  à  Févêque  de 
Ravenne,  d'user  du  pallium  hors  des  jours  et 
des  ofiices  solennels  destinés  à  cela,  pour  adou- 
cir la  peine  que  cet  évêque  témoignait  ressen- 
tir de  cette  limitation,  ce  saint  pape  écrivit  à 
son  nonce,  à  Constantinople,  qu'il  s'informât  si 
les  métropolitains  de  l'Orient  qui  avaient 
trente  ou  quarante  suffragants,  en  usaient  au- 
trement, a  Sicubi  iste  usus  est.  ut  in  letaniis 
ciim  palliis  ambulent.  Absit  ut  per  me  Raven- 
natis  honor  Ecclesiae  in  aliquo  imminui  videa- 
tur    L.  îv.  ep.  tri).  » 

Ce  pape  qui  avait  lui-même  été  nonce  à 
Constantinople  avant  son  pontificat,  et  qui  \ 


avait  bien  pu  remarquer  toutes  les  différences 
de  la  discipline  des  deux  Eglises,  était  persuadé 
que  les  mêmes  limitations  de  l'usage  du  pal- 
lium étaient  reçues  dans  l'une  et  dans  l'autre 
Eglise.  Nous  n'avons  pas  la  réponse  qu'il  reçut 
de  son  nonce,  mais  puisque  ces  limitations 
n'ont  pas  été  ôtées,  on  peut  bien  en  conclure 
que  les  églises  d'Orient  étaient  en  ce  point  dans 
le  même  usage  que  celles  d'Occident,  puisque 
ce  pape  protestait  qu'il  ne  voulait  rien  refuser 
à  l'évêque  de  Ravenne  de  ce  qui  était  en  usage 
parmi  les  métropolitains  d'Orient.  Le  con- 
cile VIII  œcuménique  nous  rendra  cette  limi- 
tation des  lieux  et  des  temps  bien  plus  certaine, 
comme  il  paraîtra  dans  la  partie  suivante  de 
cet  ouvrage. 

VIII.  On  pourrait  encore  douter  si  les  patriar- 
ches orientaux  n'envoyaient  point  aussi  le  pal- 
lium à  leurs  métropolitains,  comme  les  métro- 
politains le  donnaient  aux  évêques  dans  leur 
consécration.  Saint  Grégoire  envoya  le  pallium 
aux  évêques  de  la  première  Justinienne  ,  de 
Corinthe,  de  Nicopolis,  qui  étaient  métropoles 
dans  les  provinces  orientales  du  ressort  du 
patriarcat  d'Occident,  et  où  la  discipline  était 
apparemment  un  peu  plus  approchante  de 
celle  de  l'Orient  (L.  iv,  epist.  7,  s,  55,  5l>;  1.  v, 
ep.  7). 

Le  même  pape,  pour  régler  les  prétentions 
de  l'évêque  de  Ravenne  sur  l'usage  du  pallium 
lui  écrivit  qu'il  s'informerait  par  son  nonce  de 
la  coutume  des  métropolitains  du  patriarcat 
de  Constantinople  .  comme  s'il  supposait  que 
ces  métropolitains  recevaient  le  pallium  du  pa- 
triarche de  Constantinople,  comme  celui  de  Ra- 
venne le  recevait  du  pape.  Enfin,  nous  dirons  ail- 
leurs que  Photius,  patriarche  de  Constantinople, 
envoyait  encore  des  palliums  aux  évêques  de 
son  parti,  pour  les  lier  toujours  plus  étroite- 
ment  à  ses  intérêts. 

IX.  .Mais  ce  qui  ne  peut  pas  être  mis  en  doute, 
c'est  que  le  pallium  était  donné  dans  l'Orient, 
aussi  bien  que  dans  l'Occident ,  avec  quelque 
dépendance  de  l'empereur,  au  moins  durant 
quelques  siècles.  Le  pallium  était  originaire- 
ment un  habit  impérial,  dont  les  empereurs 
chrétiens,  par  un  effet  de  piété  singulière, 
avaient  voulu  honorer  la  royauté  du  sacerdoce; 
c'est  pourquoi  on  leur  rendit  durant  un  temps 
considérable  cette  déférence,  et  comme  cette 
reconnaissance  de  leur  bienfait.  Libérât  dit 
qu'Antime  se  voyant  déposé  du  siège  patriar- 
cal de  Constantinople,    par  le    pape   Agapet, 


DU  PALLIUM  DES  ORIENTAUX. 


S7 


rendit  son  pallium  à  l'empereur,  et  se  retira; 
«  Antimus  videns  se  sede  pulsum,  pallium 
quod  habuit,  imperatoribus  reddidit,  et  disces- 
sit  (Breviar.,  c.  xxi).  » 

Saint  Grégoire  s'entremit  vers  l'empereur, 
en  faveur  d'Anastase,  évoque  d'Antioche,  afin 
de  lui  obtenir  la  liberté  de  venir  à  Rome,  et 
l'usage  du  pallium  pour  y  célébrer  pontificale- 
ment.  «  Suggestionem  apud  piissimos  dominos 
summis  precibus  plenam  feci,  utvirum  beatis- 
simum  Anastasium  patriarcham  concesso  usu 
pallii  ad  beati  Pétri  Apostolorum  principis  li- 
mina,  mecum  eelebraturum  missarum  solcm- 
nia.  transmittere  debuissent,  quatenus  si  ei  ad 
sedera  suam  minime  reverti  lieeret ,  saltem 
mecum  in  honore  sno  viveret  (L.  i,  ep.  57).  » 

X.  Ajoutons  encore  cette  dernière  réflexion 
sur  les  paroles  précédentes  de  ce  pape,  qui  tâ- 
chait d'obtenir  de  l'empereur  l'usage  du  pal- 
lium pour  l'évêque  d'Antioche  exilé,  afin  qu'il 
pût  célébrer  solennellement  la  messe  et  exer- 
cer les  autres  fonctions  pontificales  :  «  Missa- 
rum solenmia  celebrare,  etc.,  in  honore  suo 
vivere,  etc.»  Les  patriarches  et  les  métropolitains 
ne  pouvaient  donc  pas  faire  les  fonctions  pon- 
tificales s'ils  n'avaient  le  pallium.  Ce  qui  se 
peut  encore  conclure  de  ce  que  le  pallium  était 
l'ornement  propre  du  pontife,  comme  la  cha- 
suble du  prêtre. 

Aussi  quand  on  déposait  un  patriarche  ou 
un  métropolitain,  on  lui  ôtait  le  pallium.  Enfin 
le  patriarche  envoyait  le  pallium  aux  métropo- 
litains, comme  la  confirmation  et  le  sceau  de 
leur  élection  et  de  leur  ordination.  «  Ratam 
nos  ejus  consecrationem  habere  ,  diligentes 
pallium  indicamus,  »  disait  saint  Grégoire,  pape 
(L.  iv,  ep.  7,  S),  de  l'évêque  de  la  première 
Justinienne. 

De  là  il  paraît  d'où  est  venu  la  règle  et  la 
coutume  que  les  archevêques  ne  peuvent  exer- 
cer aucune  action  pontificale  et  solennelle 
avant  que  d'avoir  reçu  le  pallium,  quoique  les 
simples  évèques  le  puissent  d'abord  après  leur 
consécration.  On  parlera  ailleurs  de  cela  un 
peu  plus  au  long. 

Nous  observerons  seulement  ici  que  l'usage 
du  pallium  est  très-ancien.  Ce  qui  détruit 
absolument  l'opinion  de  ceux  qui  prétendent 
que  c'est  une  innovation  du  droit  nouveau 
introduite  pour  rabaisser  la  puissance  et  la  di- 
gnité des  métropolitains  et  les  soumettre  plus 
étroitement  au  pape. 

XI.  C'est  une  imagination  qui  n'a  point  d'au- 


tre fondement  que  l'inconsidération  de  ceux 
qui  l'ont  avancée.  Ils  soutiennent  sans  aucune 
preuve  que  les  papes  ont  depuis  quelques  siè- 
cles imposé  cette  servitude  aux  métropolitains 
par  une  passion  secrète  et  artificieuse  de  do- 
miner et  de  les  rendre  plus  dépendants  du 
Saint-Siège  ;  et  cela,  sous  prétexte  que  la  plé- 
nitude de  la  puissance  ne  leur  est  donnée 
qu'avec  le  pallium,  et  qu'ils  la  tiennent  de  la 
même  main  qui  leur  donne  cet  ornement. 

Mais  nous  venons  de  voir  :  1°  Que  le  patriar- 
che même  d'Antioche  ne  pouvait  pontifier 
qu'avec  le  pallium  ,  du  temps  même  de  saint 
Grégoire. 

2°  Une  autre  raison  :  c'est  que  l'empereur 
ne  se  serait  pas  vraisemblablement  entremis 
pour  envoyer  à  Rome  les  évèques  d'Orient 
pour  les  assujétir  à  une  nouvelle  servitude. 

3°  Que  le  pallium  ne  se  donnant  que  lors- 
qu'on consacrait  ou  qu'on  confirmait  les  mé- 
tropolitains, il  n'est  pas  étrange  que  la  cou- 
tume se  soit  introduite  de  ne  faire  aucune 
fonction  pontificale  avant  la  consécration  ou  la 
confirmation,  et  que  cette  coutume  une  fois 
établie  ait  subsisté,  même  lorsque  l'on  n'a  plus 
envoyé  le  pallium  qu'après  la  consécration  et  la 
confirmation. 

4°  Que  le  pallium  était  l'ornement  propre  et 
particulier  des  pontifes,  tous  les  autres  leur 
étant  communs  avec  les  ordres  inférieurs.  Or 
il  n'est  ni  nouveau,  ni  étrange  que  celui  qui 
est  ordonné  ne  fasse  ensuite  les  fonctions  de 
son  ordre ,  sans  le  propre  habit  du  même 
ordre. 

5°  Pourquoi  ôterait-on  le  pallium  aux  pa- 
triarches et  aux  métropolitains  qu'on  dépose  ? 
Et  en  quoi  se  distingueraient  les  vrais  métropoli- 
tains de  ceux  qui  ont  été  déposés  s'ils  exer- 
çaient sans  cet  ornement  les  fonctions  propres 
de  leur  dignité  ? 

6°  N'est-il  pas  et  plus  juste  et  plus  honorable 
à  l'épiscopat  de  recevoir  ces  marques  d'une  di- 
gnité toute  divine  du  vicaire  de  J.-C.  que  de  la 
main  ou  de  l'agrément  des  empereurs,  comme 
c'était  au  commencement  la  coutume  ?  Si  les 
métropolitains  s'abstenaient  alors  des  fonc- 
tions pontificales  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent 
reçu  le  pallium  des  empereurs,  est-il  étrange 
que  la  même  coutume  se  soit  conservée  après 
que  les  successeurs  de  Pierre  ont  été  les  distri- 
buteurs de  ces  marques  royales  du  sacerdoce 
chrétien. 

7"  Le  pallium  n'a  été  donné  dans  l'Occident 


88  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  CINQUANTE-QUATRIÈME. 


ni  par  les  empereurs,  ni  par  les  papes,  qu'à  la 
demande,  aux  instances,  aux  plus  pressantes 
sollicitations  des  rois  et  des  évèques. 

Ce  n'était  donc  pas  le  dessein  des  papes  d'in- 
troduire de  nouvelles  servitudes  dans  l'épis- 
copat,  mais  de  satisfaire  à  la  passion  des  souve- 
rains et  de  leurs  évèques,  et  de  répandre  de 
tous  côtés  sur  les  évèques  la  gloire  et  les  orne- 
ments de  la  royauté  du  sacerdoce.  Il  y  a  bien 
plus  d'apparence  que  les  évèques  passionnés 
d'avoir  le  pallium  se  sont  abstenus  des  fonc- 
tions pontificales  jusqu'à  ce  qu'ils  l'eussent 
reçu.  A  moins  de  cela,  ils  n'avaient  qu'à  se 
passer  du  pallium  et  demeurer  dans  le  rang  et 
dans  la  coutume  des  anciens  métropolitains, 
qui  n'en  eurent  jamais  dans  l'Occident  durant 
les  quatre  ou  cinq  premiers  siècles. 

Nous  allons  voir  que  les  papes  ne  donnèrent 
d'abord  le  pallium  qu'à  un  très-petit  nombre 
de  métropolitains  ,  dont  bien  loin  de  diminuer 
le  pouvoir,  ils  l'augmentaient  au  contraire  fort 
extraordinairement  en  leur  donnant  la  qualité 


de  légats  et  de  vicaires  du  Siège  apostolique. 
Nous  avons  montré  que  cette  délégation  ac- 
compagnée du  pallium  était  ordinairement 
personnelle  et  accordée  à  la  demande  des  rois. 

Si  les  successeurs  de  ces  métropolitains  pri- 
vilégiés ont,  par  leurs  pressantes  instances  et 
par  la  faveur  des  souverains,  obtenu  la  conti- 
nuation du  même  privilège  ;  si  les  autres  mé- 
tropolitains d'Occident  ont  enfin  eu  part  après 
quelques  siècles  et  après  de  longues  poursuites 
à  la  gloire  de  cet  ornement  royal  qui  les  dis- 
tingue des  autres  évèques,  ils  ne  doivent  s'en 
prendre  qu'à  eux-mêmes  si  ces  marques  de 
royauté  se  trouvent  ensuite  accompagnées  de 
quelque  servitude. 

La  royauté  même  attire  des  servitudes  et  le 
diadème  est  suivi  de  ebaînes  d'or.  Les  métro- 
politains eux-mêmes  ont  fait  la  coutume,  qui 
s'est  insensiblement  ebangée  en  loi,  de  s'abste- 
nir des  fonctions  pontificales  avant  que  d'avoir 
reçu  le  pallium. 


CHAPITRE  CINQUANTE-QUATRIÈME. 


DU    PALLIUM     DES    LATINS    PENDANT    LES    HUIT    PREMIERS    SIECLES. 


I.  II.  Saint  Césairc  est  le  premier  qui  ait  obtenu  le  pallium 
des  papes.  Ses  successeurs  dans  l'archevêché  d'Arles  conti- 
nuèrent  de  le  demander  et  de  l'obtenir.  11  était  nécessaire  cpie 
les  rois  le  demandassent,  et  que  l'empereur  de  Gonstanliuople 
y  consentit. 

III.  Réfutation  d'un  auteur  nouveau,  qui  conclut  de  là  que  la 
France  relevait  encore  de  l'empire. 

IV.  V.  VI.  Pourquoi  le  consentement  des  empereurs  ne  fut 
pas  toujours  demande  par  1rs  papes. 

Vil.  VIII.  Le  vicariat  et  la  légation  du  Saint-Siège  apostolique 
accompagnail  souvent  le  pallium. 

IX.  Le  pallium  était  donné  sans  suspendre  ces  métropolitains 
des  i itious  pontificales,  jusqu'à  ce  qu'ils  l'eussenl  reçu. 

\  Explication  du  canon  du  concile  de  Maçon,  qui  lit  celle 
limitation.  l>u  pallium  français. 

I.  Du  pallium  des  Orientaux  nous  sommes 
insensiblement  tombés  à  celui  des  métropoli- 
tains d'Occident. 

Le  pape  Synimaque  semble  avoir  été  le  pre- 
mier qui  ait  donné  le  pallium  à  un  métropo- 
litain français.  Ce  fut  à  saint  Césairc,  évoque 


d'Arles,  qu'il  l'accorda,  et  puisque  les  lettres 
en  ont  été  perdues,  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il 
l'accorda  de  la  même  manière  que  le  pape  Vi- 
gile, faisant  gloire  de  mareber  sur  ses  pas,  le 
continua  à  Auxanius,  son  successeur.  Car  Vigile 
(Epist.  h)  témoigne  qu'il  ne  fait  que  suivre 
Synimaque  :  «  Ut  agenli  vices  nostras  pallii 
non  desit  otnatus,  usum  tibi  ejus,  sicut  pra> 
decessori  tuo  praedecessor  noster  sancta?  recor- 
dationis  Symmachus  legitur  contulisse,  beati 
Pétri  sancta  autoritate  concedimus.  » 

Ce  pape  ne  dit  pas  qu'il  accorde  le  pallium  à 
Auxanius,  comme  les  papes  ses  prédécesseurs 
l'avaient  accordé  aux  précédents  évèques  d'Ar- 
les, mais  comme  Synimaque  l'avait  donné  à 
Césairc.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Césaire  dit 
la  même  chose  (L.  i,  c.  20). 

II.  Or  Vigile  ne  donna  le  pallium  à  Auxa- 


ne  iwllilm  des  latins. 


nius  qu'après  ses  instantes  prières,  qu'après 
l'entremise  du  roi  Childebert,  et  enfin  après 

a\nir  eu  l'agrément  de  l'empereur  de  Cons- 
tantinople. 

Voici  ce  que  ce  pape  écrivit  à  Auxanius 
(Epist.  1)  :  «  De  lus  quae  charitas  vestra,  tam 
de  usu  pallii,  quam  de  aliis  sibi  a  nobis  petiit 
debere  concedi ,  libenti  boc  animo  etiam  in 
praesenti  facere  sine  dilatione  potuimus,  nisi 
eu  m  Christianissimi  Domini  filii  nostri  impe- 
ratoris,  hoc  sicut  ratio  postulat,  voluissemus 
perficere  notitia.  Ut  et  vobis  gratior  prœstito- 
rum  causa  reddatur.  dum  quae  postulastis, 
cum  consensu  christianissimi  principis  refe- 
runtur,  et  nos  honorem  fldei  ejus  servasse 
cum  competenti  reverentia  judicemur.  » 

Dans  la  lettre  suivante  (Epist.  u  ,  écrite 
après  avoir  obtenu  le  consentement  de  l'em- 
pereur par  l'entremise  de  Bélisaire,  ce  même 
pape  avertit  Auxanius  de  ce  qu'il  doit  faire 
à  l'égard  de  l'empereur  et  de  l'impératrice. 
«  Oportet  fraternitatem  vestram  Deo  preces 
effundere,  ut  clementissimos  principes  Justi- 
nianum  atque  Theodoram  sua  semper  pro- 
tectione  custodiat,  qui  pro  his  vestra?  charitati 
mandandis,  suggerente  patricio  Belisario,  pro 
quo  item  vos  convenit  exorare,  pia  praebuerunt 
devotione  consensum.  »  Quant  à  la  demande 
et  au  consentement  du  roi  Childebert,  voici  ce 
qu'il  en  écrit  :  «  Sicut  nos  pro  tua?  charitatis 
affectu,  et  pro  gloriosi  filii  nostri  Childeberti 
régis  mandatis,  vices  nostras  libentissima  vo- 
luntate  contulimus,  etc.  » 

Mais  quelque  bienséance,  ou  quelque  néces- 
sité qu'il  y  eût  d'avoir  le  consentement  de 
l'empereur  et  du  roi,  c'était  néanmoins  par 
l'autorité  apostolique  que  ce  pape  accordait  le 
pallium  :  «  Beati  Pétri  sancta  autoritate  conce- 
dimus.  » 

111.  Un  docteur  nouveau  a  prétendu  que  la 
nécessité  du  consentement  de  l'empereur  était 
une  marque  de  la  dépendance  du  royaume  et 
des  rois  de  France  à  l'égard  des  empereurs  de 
Constantinople ;  d'où  vient  aussi,  dit-il.  que 
saint  Grégoire  donna  le  pallium  à  saint  Léan- 
dre,  archevêque  de  Séville,  sans  y  faire  men- 
tion de  l'agrément  de  l'empereur,  parce  que 
les  rois  Golhs  d'Espagne  ne  le  reconnaissaient 
plus;  au  lieu  que  le  pape  Vigile  lit  consen- 
tir l'empereur  a  ce  qu'on  envoyât  le  pallium  aux 
evèques  de  France. 

Ce  docteur,  ou  trop  passionné  pour  l'Espa- 
gne, ou  trop  animé  contre  la  France,  eût  pu 


se  détromper  de  cette  Fausse  imagination,  s'il 
eût  fait  attention  a  la  lettre  que  nous  venons 
de  citer.  Le  pape  y  exhorte  Auxanius,  en  re- 
connaissance de  ce  bienfait,  de  travailler  avec 
une  sollicitude  vraiment  épiseopale  a  entrete- 
nir la  bonne  intelligence  qui  était  entre  le  roi 
Childebert  et  l'empereur.  ><  llorlamur,  ut  sa- 
cerdotali  opéra  inter  gloriosissimum  xirum 
Childebertum  regem.  et  antedictum  clemen- 
tissimum  principem  .  concepts:  gratis  docu- 
menta paterna  adhortatione  servetis.  »  11  écri- 
vit la  même  chose  à  Aurélien  ,  successeur 
d' Auxanius,  dans  l'évêché  d'Arles.  «  Inter  cle- 
mentissimum  principem  et  gloriosissimum 
Childebertum  regem  gratis:  intacts?  feedera 
custodire  Epist.  v).  Cette  paix  et  celte  bonne 
intelligence  s'entretient  entre  des  égaux  ou 
entre  des  princes  mutuellement  indépendants, 
non  pas  entre  les  souverains  et  leurs  vassaux. 

Cet  auteur  eût  mieux  rencontré  s'il  eût  dit 
que  le  pape  étant  encore  sujet  de  l'empereur, 
aussi  bien  que  la  ville  et  les  environs  de  Borne, 
lui  rendait  ce  témoignage  de  déférence  de  le 
consulter  dans  les  affaires  importantes,  de  ne 
pas  communiquer  sans  son  agrément  le  pal- 
lium, qui  était  une  effusion  de  la  gloire  et  de 
la  majesté  impériale,  et  avait  été  primitive- 
ment un  bienfait  des  empereurs  ;  de  ne  pas 
dispenser  lui  seul  des  lois  impériales  qui  in- 
terdisaient aux  particuliers  sous  de  grandes 
peines  l'usage  des  habits  impériaux  :  enfin  de 
ne  pas  faire  des  grâces  extraordinaires  et  par 
ce  moyen  s'unir  par  de  nouveaux  liens  à  des 
évèques  et  à  des  souverains,  dont  l'empereur 
pouvait  concevoir  de  la  jalousie,  sans  l'en  avoir 
averti. 

Il  aurait  pu  dire  aussi  avec  raison  que  l'on 
gardait  encore  quelques  mesures  avec  l'empe- 
pereur  dans  la  disposition  ecclésiastique  des 
pays  qui  venaient  nouvellement  d'être  sous- 
traits de  son  obéissance  ,  et  dans  la  création 
d'une  nouvelle  autorité  dont  devaient  relever 
non -seulement  les  évèques  du  royaume  de 
Childebert,  mais  d'autres  aussi,  que  le  métro- 
politain d'Arles  avait  accoutumé  d'ordonner, 
et  qui  n'étaient  peut-être  pas  encore  soumis  à 
Childebert  ou  soustraits  à  la  domination  impé- 
riale. 

C'est  une  conjecture  qui  se  tire  naturelle- 
ment de  la  chose  même,  puisque  le  pape  Vi- 
gile adresse  sa  lettre  du  vicariat  apostolique 
d'Arles  à  ces  deux  sortes  d'évèques.  «  Uniyer- 
sis  episcopis,  qui  sub  regno  Childeberti  régis 


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DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-QUATRIÈME. 


constituti  sunt  :  sed  et  liis  qui  ex  antiqua  con- 
suetudine  ab  àrelalensi  consecrati  sunt ,  vel 
consecrantur  anlistite  Epist.  m).  » 

Enfin  cet  auteur  eût  mieux  raisonné  s'il  eût 
dit  que  le  pape  ne  pouvant  donner  le  pallium 
et  le  vicariat  apostolique  à  l'archevêque,  sans 
lui  donner  rang  et  séance  entre  les  patriar- 
ches ,  après  les  grands  patriarches  ,  avec  les 
archevêques  de  Thessalonique,  de  la  nouvelle 
Justinienne,  etc. ,  en  reculant  derrière  eux 
tous  les  aidres  métropolitains  dans  un  concile 
général  ;  il  était  au  moins  de  la  bienséance 
de  ne  pas  faire  une  innovation  si  considérable 
dans  la  disposition  générale  de  l'Eglise,  sans 
en  prendre  l'avis  des  empereurs  qui  avaient 
eux-mêmes  très-souvent  des  déférences  si  res- 
pectueuses pour  l'Eglise. 

Nous  en  dirons  davantage  sur  ce  sujet  contre 
les  ridicules  prétentions  de  cet  auteur,  dans  la 
suite  de  ce  discours. 

IV.  Ce  même  pape  accorda  son  vicariat 
apostolique  à  Aurélien,  successeur  d'Auxanius, 
et  lui  envoya  le  pallium  en  même  temps,  avec 
charge  d'entretenir  la  paix  entre  l'empereur  et 
le  roi  Childebert,  et  d'écrire  une  lettre  de  re- 
mercîment  à  Bélisaire,  qui  avait  aussitôt  averti 
le  pape  du  consentement  de  l'empereur,  et 
avait  épargné  la  peine  de  ce  long  voyage  à 
celui  qu'Aurélien  envoyait  pour  cela  à  Cons- 
tantinople.  «  Qui  homini  vestro  laborem  ad 
clementissimum  principemabstulit  transeundi, 
sed  inox  ut  responsum  recepit ,  nobis  suis 
litteris  indicavit  Epist.  m.)  »  Le  roi  Childebert 
avait  demandé  cette  grâce  pour  Aurélien  non 
pas  à  l'empereur,  mais  au  pape.  «  Childeberti 
régis  voluntas  accessit.  » 

V.  Pelage  Ie'  (Epist.  vi ,  vu)  accorda  le 
pallium  a  Sapaudus,  évêque  d'Arles,  avec  le 
vicariat  apostolique,  après  que  le  roi  Childe- 
bert et  Sapaudus  l'eurent  demandé  par  lettres 
et  par  des  envoyés  exprès,  o  Lilterasnostrascon- 
sacerdoti  Sapaudo  secundum  petitionem  ve- 
stram  direximus,  usum  pallii  pariter  conceden- 
tes.  »  Et  dans  sa  lettre  a  Sapaudus:  «  Pariter 
libi  pallium  dirigentes,  ut  in  tanti  loci  fastigio 
constitutus,  praeclaroquoque  habitudecoreris.» 
En  effet  il  était  par  là  établi  le  premier  évêque 
du  royaume,  comme  lieutenant  du  pape.  «  Ut 
Sedis  nostrse  vicarius  institutus,  ad  instar  no- 
strum.  in  C.alliarum  partibus  primi  sacerdotis 
locum  obtineas.  » 

VI.  Ce  pape  ne  fait  nulle  mention  de  l'empe- 
reur, ou  parce  que  la  même  bonne  intelligence 


ne  subsistait  plus  entre  lui  et  le  roi  Childebert, 
ou  parce  qu'il  jugeait  que  le  consentement  une 
fois  donné  à  ses  prédécesseurs  et  aux  prédé- 
cesseurs de  l'évêque  d'Arles  devait  suffire,  ou 
parce  que  tous  les  évêques  que  cette  légation 
soumettait  à  l'évêque  d'Arles,  étaient  sous  la  do- 
mination du  roi  Childebert. 

Saint  Grégoire  envoya  aussi  le  pallium  à 
Virgilius,  évêque  d'Arles,  qui  avait  employé 
pour  cela,  non-seulement  ses  prières,  mais 
aussi  celles  du  roi  Childebert.  a  Quod  juxta 
antiquum  morem  usum  pallii  ac  vices  Sedis 
Apostolicœ  postulasti ,  absit  ut  aut  transitoriœ 
potestatis  culmen,  aut  exterioris  cultus  orna- 
mentum  in  vicibus  nostrisacpallio  quaesisse  te 
suspicer,  etc.  Libenti  animo  postulata  conce- 
dimus,  neautquidquam  vobisdedebito  honore 
subtrahere ,  aut  praecellentissimi  filii  nostri 
Childeberti  petitionem  contempsisse  videamur 
(L.  îv,  ep.  50  53.)  »  Et  dans  sa  lettre  au  roi  : 
«  Virgilio  vices  nostrasjuxta  antiquum  morem, 
et  excellentiee  vestrae  desiderium  eommisimus.» 

Il  n'est  point  ici  parlé  du  consentement  de 
l'empereur,  pour  accorder  le  pallium  à  l'évê- 
que d'Arles ,  mais  quand  ce  même  pape  le 
donna  à  Syagrius  évêque  d'Autun  (L.vn.  ep.  5), 
il  fit  savoir  à  la  reine  Brunehaut  que  l'empe- 
reur avait  agréé  cette  nouvelle  grâce  qu'on 
faisait  a  un  évêque  dont  les  prédécesseurs  n'en 
avaient  jamais  joui.  «  Propter  quod  et  serenis- 
sinii  donini  imperatoris ,  quantum  nobis  dia- 
conus  noster  qui  apud  eum  responsa  Ecclesiœ 
faciebat,  innotuit,  prona  voluntas  est,  eteoncedi 
hoc  om  ni  no  desiderat.  » 

C'est  la  véritable  raison  pourquoi  ce  pape 
attendit  le  consentement  de  l'Empereur  pour 
donner  le  pallium  à  l'évêque  d'Autun  ,  et  ne 
l'attendit  pas  pour  l'évêque  d'Arles;  que  le 
pallium  avait  été  donné  aux  prédécesseurs,  et 
en  quelque  façon  à  l'Eglise  de  l'évêque  d'Arles, 
ce  qu'on  ne  pouvait  pas  dire  de  l'évêque 
d'Autun. 

Concluons  donc  aussi  que  si  le  pallium  a  été 
donné  par  saint  Grégoire  à  saint  Léandre,  évê- 
que de  Séville,  avec  la  légation  et  le  vicariat 
apostolique ,  sans  demander  l'agrément  de 
l'empereur  de  Constanlinople ,  c'est  parce  que 
ce  n'était  qu'une  continuation  d'un  ancien 
bienfait.  Car  avant  saint  Grégoire  le  pape  Siin- 
plicius  avait  accordé  la  même  légation  aposto- 
lique à  l'évêque  de  Séville, et  le  pape Hormisde 
avait  fait  la  même  faveur  à  Salluste,  évêque  de 
la  même  ville. 


DU  PALLUM  DES  LATINS. 


91 


Cela  donne  un  juste  fondement  de  croire 

que  les  autres  papes  n'avaient  pas  refuse  la 
même  grâce  aux  autres  évêques  de  Séville.  En 
effet,  quoique  ces  grâces  semblassent  être  per- 
sonnelles, et  que  chaque  évêque  dût  les  obtenir 
par  ses  instantes  prières ,  le  pape  néanmoins 
confessait  en  les  accordant  .  que  ce  n'était 
qu'une  continuation  et  une  suite  de  l'honneur 
dont  les  évêques  du  même  siège  avaient  joui , 
comme  on  a  pu  remarquer  ci-devant,  et  comme 
saint  Grégoire  même  témoigne  dans  la  formule 
de  la  concession  du  pallium  (L.  x.  ep.  56.) 
Enfin  ,  il  proteste  lui-même  en  envoyant  le 
pallium  à  Léandre,  qu'il  ne  fait  que  se  confor- 
mer à  l'ancienne  coutume.  «  Antiquae  parère 
consuetudini  L.  vu.  ep.  27.  )  » 

De  tout  cela  il  paraît  combien  le  docteur 
Flamand  s'est  éloigné  de  la  vérité,  dans  les 
conjectures  qu'il  a  tirées  de  cette  diverse  con- 
duite de  saint  Grégoire  pour  les  palliums  de  la 
France  et  de  l'Espagne.  En  effet,  si  saint  Gré- 
goire a  envoyé  à  l'archevêque  de  Séville  le 
pallium,  sans  en  prendre  avis  de  l'empereur^ 
il  en  a  usé  de  même  pour  l'archevêque  d'Arles. 
Sa  conduite  a  donc  été  semblable  pour  les  deux 
royaumes,  et  on  n'en  peut  pas  tirer  de  consé- 
quences contraires  pour  la  dépendance  ou  l'in- 
dépendance de  l'empereur. 

Si  ce  saint  pape  a  demandé  le  consentement 
de  l'empereur  pour  le  pallium  del'évêqued'Au- 
tun  ,  et  non  pas  pour  celui  d'Arles,  ces  deux 
évêques  étant  également  dépendants  du  roi 
Childebert,  et  également  indépendants  de  l'em- 
pereur, il  faut  chercher  une  autre  raison  de 
cette  diversité  de  conduite,  et  celle  que  nous 
avançons  est  tout  à  fait  vraisemblable.  A  quoi 
il  faut  ajouter  que  le  même  pape  Grégoire 
étant  presse  par  l'évêque  de  Vienne  de  lui  don- 
ner le  pallium,  il  lui  lit  réponse  qu'il  n'avait 
trouvé  dans  les  chartes  de  Rome  aucun  exem- 
ple du  pallium  donné  aux  précédents  évêques 
de  Vienne  ;  que  si  dans  les  chartes  de  l'Eglise 
de  Vienne  il  en  trouvait ,  qu'il  l'en  informât 
(L.  vu.  ep.  lie. 

Vil.  Or,  qu'il  fallût  employer  les  plus  pres- 
santes prières  ponr  obtenir  le  pallium  ,  outre 
les  preuves  qui  en  ont  déjà  été  rapportées,  le 
pape  saint  Grégoire  le  dit  fort  clairement  à  la 
reine  Brunehaut,  l'assurant  qu'on  ne  l'accorde 
qu'à  un  grand  mérite,  et  à  de  fortes  sollicitations, 
o  Maxime  quia  et  prisca  consuetudo  obtinuit, 
ut  honor  pallii  nisi  exigentibus  causarum  me- 
ritis ,  et  fortiter  poslulanti  dari  non  debeat.  » 


C'est  pour  cela  qu'il  veut  que  Syagrius, 
évêque  d'Autun.  en  fasse  lui-même  la  demande 
et  la  fasse  faire  par  d'autres  évêques:  «  Facta 
cum  aliquantis  episcopis  suis  petitione,  etc. 
il.,  vu.  epist.  5.]  »  Gommesice  saintpape  avait 
prévu,  et  avait  tout  ensemble  voulu  prévenir  la 
médisance  de  ceux  qui  ont  dans  ces  derniers 
siècles  décrié  le  pallium.  comme  le  joug  d'une 
servitude  nouvelle  ,  artificieusement  inventée 
pour  asservir  à  Rome  les  métropolitains. 

Au  contraire,  le  pallium  ne  fut  donné  qu'aux 
instantes  prières  des  souverains,  aux  poursuites 
des  évoques,  si  l'on  excepte  et  Syagrius  d'Au- 
tun, et  l'évêque  d'Ostie,  à  qui  Anastase  biblio- 
thécaire dit  que  le  pape  Marc  permit  d'en  user 
en  consacrant  les  papes,  et  Aiglibert  évêque  du 
Mans,  favori  et  archichapelain  du  roi  Thierry  III. 
que  le  père  le  Ceinte  prouve  avoir  reçu  le  pal- 
lium en  685,  avec  la  qualité  d'archevêque  , 
c'est-à-dire,  la  préséance  et  la  primauté  entre 
les  évêques  de  la  province  de  Tours,  comme 
Syagrius  avait  obtenu  une  pareille  prééminence 
dans  sa  province  avec  le  pallium. 

Si  l'on  excepte  donc  ces  trois  prélats ,  le  pal- 
lium ne  fut  donné  hors  de  l'Italie ,  et  les  pays 
voisins,  qu'aux  légats  du  pape,  c'est-à-dire,  à 
un  seul  métropolitain  de  tout  un  royaume , 
qui  bien  loin  de  se  voir  par  là  plus  dépendant 
et  plus  limité  dans  ses  pouvoirs,  se  voyait  au 
contraire  élevé  à  un  nouveau  comble  de  gloire 
et  de  puissance,  devenant  le  primat  et  comme 
le  patriarche  de  tout  un  royaume. 

VIII.  En  effet  nous  voyons  que  conjointement 
avec  le  pallium,  des  papes  donnèrent  aux  arche- 
vêques d'Arles,  de  Séville,  de  Cantorbéry,  de 
Mayence,  le  vicariat  ou  la  légation  apostolique, 
qui  était  une  participation  de  la  puissance  pa- 
triarcale du  pape  sur  les  métropolitains.  Les 
métropolitains  eux-mêmes  ont  recherché  avec 
ardeur  d'être  aussi  honorés  du  pallium,  et  en- 
core a-t-il  fallu  trois  ou  quatre  siècles  pour 
le  leur  rendre  commun  à  tous.  Nous  avons 
assez  parlé  ailleurs  des  primaties  ou  des  vica- 
riats apostoliques  de  divers  royaumes  de  l'Oc- 
cident, et  nous  avons  montré  que  ce  n'était  qu'à 
ces  métropolitains  qu'on  envoyait  le  pallium. 
Il  est  vrai  que  saint  Grégoire  et  ses  succes- 
seurs envoyèrent  deux  palliums  en  Angleterre, 
pour  Cantorbéry  et  pour  York;  mais  il  est 
aussi  certain  que  ces  deux  métropolitains  avaient 
réciproquement  des  droits  patriarcaaux,  puis- 
que le  survivant  faisait  élire  et  ordonnait  le 
successeur  de  l'autre. 


92 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-QUATRIÈME. 


Un  autre  exemple  du  pallium  donné  à  de 
simples  métropolitains  ,  est  contenu  dans  la 
Iettredu  papeZacharie  àsaint  Boniface(Epist. iv) 
où  il  donne  le  pallium  à  trois  métropolitains, 
G  ri  mon,  Abel  et  Artbert.  Encore  peut-on  dire 
que  ces  métropolitains  étaient  en  même  temps 
chargés  des  missions  apostoliques,  et  de  la  con- 
version des  gentils. 

Confessons  néanmoins  que  ce  sont  là  les 
commencements  de  la  communication  du 
pallium  à  de  simples  métropolitains:  cela  n'ar- 
riva qu'au  milieu  du  huitième  siècle  (An.  744.) 

IX.  Je  ne  dirai  rien  ici  des  pouvoirs  extraordi- 
naires que  le  pape  accordait  avec  le  pallium  et 
le  vicariat  apostolique.  Nous  en  avons  assez 
parlé  dans  le  chapitre  des  archevêques  et  des 
primats  ou  exarques.  On  peut  recourir  aux 
lettres  que  nous  avons  citées,  et  on  peut  dire  en 
un  mot  que  c'était  une  communication  de  l'au- 
torité patriarcale. 

Ce  n'est  donc  pas  là  ce  qui  augmentait  l'au- 
torité du  pape  ,  ni  qui  diminuait  celle  des  mé- 
tropolitains; mais  l'autorité  du  pape  se  com- 
muniquait aux  métropolitains,  qui  en  vertu  de 
la  dignité  de  primat  dont  ils  étaient  revêtus, 
pouvaient  connaître  in  partibus,  c'est  adiré 
sur  les  lieux,  de  plusieurs  causes,  qu'il  aurait 
fallu  sans  cela  porter  au  Saint-Siège:  ce  qui 
augmentait  et  affermissait  la  liberté  des  Eglises, 
dont  les  causes  se  jugeaient  sur  les  lieux. 

C'est  donc  en  vain  que  l'on  traite  l'usage  du 
pallium  de  servitude;  en  effet,  quoique  les  mé- 
tropolitains fussent  obligés  de  subir  le  juge- 
ment de  l'exarque,  avant  que  de  subir  celui 
du  pape  ,  ce  n'était  pas  une  nouvelle  servitude 
que  l'on  imposait  aux  métropolitains,  puisque 
des  la  naissance  de  l'Eglise  ils  avaient  été  assu- 
jétis  au  jugement  du  concile  provincial;  mais 
c'était  plutôt  étendre  la  liberté  du  primate!  du 
diocésain,  et  rétablir  son  ancienne  autorité. 

Enfin  ,  pour  revenir  à  ces  épitres  des  papes, 
dont  nous  avons  parlé  ci-dessus,  on  ne  peut 
remarquer  dans  toutes  ces  lettres  aucun  ves- 
tige qui  nous  indique  que  le  pallium  ait 
apporté  aucune  altération  à  l'autorité  et  aux 
droits  des  métropolitains. 

Ce  sont  les  évoques  qui  se  sont  eux-mêmes 
réduits  à  ces  usages.  Car  c'est  le  concile  I  de 
Màcon,  tenu  en  r>8 1 ,  qui  défend  à  l'archevêque 
dédire  la  messe  sans  avoir  son  pallium.  «Ut 
archiepiscopus  sine  pallie»  missas  dicere  non 
praesumat.  »  Il  n'y  avait  alors  que  le  métropo- 
litain d'Arles  qui  eût  le  pallium,  et  qui  pût 


porter  la  qualité  d'archevêque  :  aussi  ce  canon 
ne  parle  qu'au  singulier,  et  se  sert  du  mot 
d'archevêque ,  et  non  pas  de  celui  de  métro- 
politain. 

X.  Il  y  en  a  qui  veulent  que  ce  canon  com- 
prenne tous  les  métropolitains,  et  ne  parle  que 
d'un  pallium  qui  fût  commun  et  propre  à  tous 
les  métropolitains  de  France,  différent  de  celui 
de  Rome  ,  et  qui  en  tirent  une  preuve  de  ce 
que  ce  canon  commande  l'usage  du  pallium  à 
toutes  les  messes,  au  lieu  que  celui  de  Rome  ne 
se  devait  porter  qu'à  certains  jours  solennels 
(Marca  Concord.,  I.  vi,  c.  7.)  Mais  ils  devraient 
nous  avoir  donné  quelques  autres  preuves  de 
ce  pallium  français,  différent  du  romain.  Car 
il  n'en  paraît  ailleurs  aucun  vestige.  Ils  de- 
vraient nous  avoir  montré  que  ce  pallium 
français  était  propre  et  particulier  aux  métro- 
politains, et  interdit  aux  autres  évêques. 

Pourquoi  Syagrius  aurait-il  recherché  si  pas- 
sionnément le  pallium  romain  pour  se  distin- 
guer des  autres  évêques ,  pouvant  le  faire  par 
le  pallium  français?  Comment  les  autres  évê- 
ques de  France  n'auraient-ils  jamais  demandé 
ou  extorqué  ce  pallium  français?  Et  pourquoi 
ce  canon  [se  sert-il  du  mot  'd'archevêque  ,  qui 
n'était  point  encore  donné  aux  métropolitains? 

Quant  à  la  limitation  de  certains  jours  solen- 
nels, on  ne  la  trouvera  point  dans  les  lettres 
des  papes  Symmaque,  Vigile,  Pelage,  qui  ont 
envoyé  le  pallium  aux  archevêques  d'Arles,  et 
c'est  peut-être  le  sens  et  le  dessein  de  ce  canon 
de  leur  prescrire  l'usage  ordinaire  du  pallium 
à  la  messe ,  parce  qu'ils  n'ignoraient  pas  que 
l'usage  en  était  limité  pour  d'autres  à  des  jours 
extraordinaires. 

Il  est  vrai  que  saint  Grégoire  limita  l'usage 
du  pallium  à  la  messe  et  dans  l'église  ,  en  l'ac- 
cordant à  l'évêque  d'Arles,  mais  ce  ne  fut  que 
quelques  années  après  ce  concile  de  Màcon. 
Enfin,  quand  cette  supposition  serait  véritable, 
il  faudrait  après  cela  n'être  plus  surpris,  si 
lorsque  les  métropolitains  de  France  ont  pour- 
suivi et  enfin  obtenu  le  pallium  romain,  la 
même  limitation  qu'ils  avaient  eux-mêmes 
établie  pour  le  pallium  français,  est  demeurée 
de  ne  point  faire  de  fonctions  pontificales  sans 
le  pallium. 

Forlunat  parle  bien  du  pallium  orné  de  croix 
de  l'évêque  de  Tours  :  «  Pallianam  meruit, 
sunt  quae  cruce  textile  pulchra  (L.  u.  c.  3)  ;  » 
mais  il  ne  dit  pas  que  ce  pallium  lût  propre 
aux  métropolitains. 


nu  PALL1UM  I>K  L'ÉGLISE  LATINE. 


'.Ci 


CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIÈME. 


M    PALLIE. M    DE    L  EGLISE    LATINE    DANS    LES    HUIT    PREMIERS   SIECLES. 


I.  Comment  le  vicariat  apostolique  de  l'archevêque  d'Arles 
était  avantageux  à  la  France.  11  fut  enveloppé  dans  les  ruines 
de  la  maison  de  Clovis.  Boniface  rétablit  l'épiscopat  en  France, 
en  donnant  le  pallium  à  tous  les  métropolitains,  et  les  faisant 
tous  primats  en  un  sens. 

II.  Interprétation  peu  favorable  que  quelques-uns  ont  donnée 
à  ce  changement  de  police. 

III.  Elle  est  réfutée  par  toutes  les  circonstances  qui  font  voir 
que  le  pallium  n'était  point  suivi  d'une  nouvelle  servitude  envers 
le  pape. 

IV.  Combien  cette  nouvelle  police  était  nécessaire  à  l'Eglise 
de  France,  et  comment  les  évèqnes  de  France  la  dt- 
enx-mèmes. 

V.  Combien  les  métropolitains  de  France  avaient  d'intérêt  à 
ne  pas  souffrir  les  archevêques,  ou  des  primats  entre  eux  et  le 
pape. 

VI.  On  examine  la  promesse  d'obéissance  au  pape,  que  Bo- 
niface fit  faire  aux  évêques  de  France. 

VII.  Que  la  promesse  que  les  métropolitains  font  en  recevant 
le  pallium,  d'obéir  au  pape  selon  les  canons,  n'est  pas  une  nou- 
velle servitude. 

VIII.  Les  archevêques  d'Arles  promettaient  la  même  observa- 
tion des  canons  en  recevant  le  pallium. 

IX.  Justification  du  serment  qu'on  commença  longtemps  après 
d'exiger  des  métropolitains. 

X.  Que  saint  Grégoire  avait  toujours  protesté  que  le  génie  et 
l'âme  du  pallium  était  une  observation  inviolable  des  canons,  et 
qu'il  avait  pour  cela  exigé  des  promesses  qui  approchaient  bien 
du  serment. 

XI.  La  forme  du  pallium. 

I.  Tous  les  métropolitains  de  France  obtin- 
rent enfin  du  pape  Zacharie  que  le  pallium 
leur  fût  communiqué  en  l'an  ~i1,  et  ils  réso- 
lut rut  dans  un  concile,  où  saint  Boniface  pré- 
sida, de  le  demander,  et  de  promettre  en  même 
temps  une  obéissance  exacte  aux  ordres  du 
Siège  apostolique. 

Voici  les  termes  de  la  lettre  de  Boniface 
écrite  en  Angleterre.  «  Decrevimus  in  nostro 
synodali  conventu,  etc.  Sancto  Petro  et  vicario 
ejus  Telle  subjici,  synodum  per  omnes  annos 
congregare,  metropolitanos  pallia  ab  illa  sede 
quttrere,  et  per  omnia,  praecepta  Pétri  canonice 
sequidesiderare.  »  Et  un  peu  plus  bas:  «l'nus- 
quisqne  episcopus  si  quid  in  sua  diœcesi  emen- 
darenequiverit,  itideminsynodocoram  archie- 
piscopo  et  palam  omnibus  ad  corrigendum  insi- 
nuet,  etc.  Omnesepiscopi  debent  metropolilano, 
et  ipse  Romano  pontifici,  siquid  de  corrigendis 
populis  apud  eos  împossibile  est.  notum  facere, 


et  sic  alieni  lient  a  sanguine  animarum  perdi- 
tarum  Epist.  <  \  .  % 

On  tire  de  ces  termes  une  conséquence  in- 
faillible, qui  est,  que  le  nom  d'archevêque  et  le 
pallium  fut  alors  communiqué  à  tous  les  mé- 
tropolitains. On  ne  peut  pas  dire  que  le  vicariat 
du  Saint-Siège,  qui  avait  jusqu'alors  accom- 
pagné lé  pallium.  leur  fut  aussi  communiqué, 
mais  avec  le  pallium  on  leur  donna  une  par- 
tie de  cette  puissance  primatiale,  en  tant  qu'on 
les  exempta  de  la  sujétion  du  vicaire  apostoli- 
que, et  on  les  fit  immédiatement  relever  du 
pape.  Aussi  avons-nous  vu  que  par  cette  raison 
les  archevêques  d'Arles  ont  dominé  durant 
plus  d'un  siècle  sur  tous  les  métropolitains  de 
la  couronne  de  France. 

Les  rois  trouvaient  leur  compte  dans  l'établis- 
sement de  cette  nouvelle  dignité,  qui  arrêtait 
dans  leur  royaume  un  grand  nombre  de  causes 
qu'il  eût  fallu  porter  à  Rome,  et  qui  donnait  à 
la  France  comme  un  patriarche  propre,  et  un 
concile  national.  Mais  si  les  rois  et  les  archevê- 
ques d'Arles  y  trouvaient  leur  avantage,  et 
employaient  pour  cela  tant  de  pressantes  ins- 
tances, comme  nous  avons  vu,  les  métropoli- 
tains qui  devenaient  les  sujets  d'un  de  leurs 
égaux  et  de  leurs  confrères  n'en  étaient  pas 
vraisemblablement  fort  satisfaits. 

Les  longues  et  sanglantes  guerres  durant  la 
décadence  de  la  maison  du  grand  Clovis  ayant 
non-seulement  éteint  le  vicariat  apostolique, 
ou  l'exarchat  d'Arles,  mais  aussi  presque  dé- 
truit l'épiscopat  du  royaume  ;  saint  Boniface, 
qui  avait  été  envoyé  en  France  pour  y  rétablir 
la  discipline,  donna  une  autre  forme  à  l'épis- 
copat, en  l'exemptant  de  ces  vicaires  apostoli- 
ques, ou  primats  et  déclarant  tous  les  métro- 
politains primats  en  ce  sens  véritable,  qu'ils 
ne  relèvent  d'aucun  autre  primat,  comme  nous 
l'avons  déclaré  ci-dessus. 

II.  Voilà  les  raisons  et  les  motifs  du  change- 
ment qui  se  fit  alors  dans  la  police  ecclésiasti- 
que de  la  France,  par  la  communication  du 


'.Il 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIÈME. 


nom  d'archevêque  et  du  pallium  à  tous  les  mé- 
tropolitains. Ainsi  ce  ne  peut  être  qu'un  raison- 
nement plus  hardi  que  solide,  de  dire  que 
Roniface  força  les  métropolitains  de  France  de 
quitter  leur  pallium  français,  et  de  demander 
celui  de  Rome,  pour  les  engager  par  ce  nou- 
veau lien  à  une  nouvelle  servitude  envers  le 
pape,  à  qui  ils  commençaient  de  faire  un  nou- 
veau serment  d'ohéissance  en  recevant  le 
pallium. 

En  effet,  les  Français  ayant  résolu  de  deman- 
der au  pape  Zacharie  trois  palliums,  pour  les 
métropolitains  de  Rouen,  de  Reims  et  de  Sens, 
tardèrent  de  faire  cette  demande ,  comme 
s'ils  eussent  pressenti  les  chaînes  où  ils  s'en- 
gageaient; le  pape  témoigna  être  surpris  de  ce 
retardement,  et  Roniface  ne  sut  quelles  excuses 
lui  en  faire. 

«  De  eo  quod  jam  pneterito  tempore  de  ar- 
chiepiscopis  et  de  palliisa  Romana  Sede  peten- 
disjuxtapromissa  Francorum,  sanctitati  vestrœ 
notum  feci,  indulgentiam  Sedis  apostolicœ 
tlagito:  quia  quod  promiserunt,  tardantes  non 
impleverunt,  et  ventilatur,  et  quid  inde  per- 
ficere  veliut,  ignoratur.  » 

III.  Ce  ne  sont  là  que  des  imaginations  mal 
fondées.  En  effet,  comment  Roniface  seul,  à 
qui  le  pape  n'avait  donné  aucun  pouvoir  sur 
les  évèques  de  France,  pouvait-il  forcer  les 
évèques  de  France  à  une  chose  si  désavan- 
tageuse? Comment  pouvait-il  lui  seul  ou  forcer, 
ou  séduire  un  synode  national,  et  où  les  princes 
et  les  grands  seigneurs  s'assemblaient  en  même 
temps  et  dans  la  même  ville  avec  les  évèques? 
«  Decrevimus  in  nostro  synodali  conventu,  etc. 
(Bonifac,  epist.  cv).  »  Comment  pouvait-il 
forcer  les  rois  et  les  princes  de  France  de  con- 
sentir à  ce  nouvel  asservissement  de  leurs 
évèques  ?  Mais  comment  les  princes  étaient-ils 
si  aveuglés  dans  leurs  intérêts,  et  pour  le  dire 
ainsi,  si  fort  enchantés,  qu'ils  employassent 
les  prières  vers  Roniface,  et  lui  donnassent  un 
prompt  secours  pour  déshonorer  leur  Etat? 
«  Synodum  congregandam  ethortandamjussu 
pontificis  Romani  et  rogalu  principum  Fran- 
corum et  (lallorum  sub  spe  restauranda)  legis 
Christi  suscepi.»  Comment  le  prince  et  duc 
des  Français  Carloman  aurait-il  établi  lui- 
même  Roniface  archevêque  sur  tous  les  évèques 
de  Germanie  ?  «  Ordinavimus  per  civitates 
episcopos,  et  conslituimus  super  eos  arclùe- 
piscopum  Bonifacium,  qui  est  missus  sancli 
Pétri  (Conc.  Liptin.,  c.  i).  Comment  le  même 


Carloman  aurait-il  lui-même  prié  Boniface  de 
venir  tenir  un  synode  en  France,  où  il  n'avait 
nulle  juridiction,  puisque  le  pape  ne  lui  avait 
commis  que  la  Germanie  ?  Le  pape  Zacharie 
consentit  à  cette  prière  et  permit  à  Boniface  de 
tenir  ce  concile  en  France,  n'ayant  jamais  eu  la 
pensée  de  l'envoyer  pour  cela. 

Voici  ce  qu'il  écrit  à  Boniface.  a  De  eo  quod 
nobis  intimasli,  quod  te  Carlomannus  filins 
noster  ad  se  rogavit  accedere,  ut  in  urbe  regni 
Francorum,  in  sua  ditione  constituta, synodum 
celebrare  debeas,  et  hoc  libenter  concedimus 
et  Qeri  prsecipimus  (Epist.  i).  » 

Ce  pape  prescrit  ensuite  à  Boniface  ce  qu'il 
doit  traiter  dans  ce  concile,  mais  il  n'y  paraît 
pas  la  moindre  trace  de  ces  artificieux  desseins 
d'accroître  sa  domination. 

IV.  Mais  il  faut  apprendre  de  la  lettre  même 
de  Boniface  à  ce  pape,  l'état  déplorable  de 
l'Eglise  de  France  en  ce  temps,  pour  y  découvrir 
les  véritables  raisons  qui  portèrent  ce  saint 
archevêque  à  y  faire  les  règlements  qu'on 
tâche  île  noircir.  11  assure  que  depuis  soixante 
ou  soixante  et  dix  ans  la  discipline  ecclésiasti- 
que était  foulée  aux  pieds  et  comme  anéantie 
dans  la  France;  que  depuis  plus  de  quatre- 
vingts  ans  on  n'y  avait  point  tenu  de  concile,  et 
on  n'y  avait  point  vu  d'archevêque;  que  les 
é\ relies  avaient  été  donnés  à  des  laïques, 
ou  à  des  ecclésiastiques  coupables  des  impuretés 
les  plus  criminelles,  et  d'une  vie  toute  sé- 
culière. 

«  Carlomannus,  dux  Francorum  synodum 
me  rogavit  cougregare,  et  promisit  se  de  ec- 
clesiastica  religione,  quœ  jam  longo  tempore, 
id  est,  non  minus  quam  per  sexagintavel  sep- 
tuaginta  annos  calcata  et  dissipatafuit,  aliquid 
corrigere  et  emendare  velle.  Franci  enim,  ut 
seniores  dicunt.  plusquam  per  tempus  octo- 
ginta  annorum  synodum  non  fecerunt  ;  nec 
archiepiscopum  ,  habuerant ,  nec  Ecclesiae 
canoniea  jura  alicubi  fundabant  vel  renova- 
bant.  Modo  autem  maxima  ex  parle  per  civitates 
episcopales  sedes  tradita1  sunt  laicis  ad  possi- 
dendum,  vel  adulteralis  clericis,  scortatoribus, 
et  publicanis  sœculariler  ad  perfruendum.  » 
Voilà  la  peinture  effroyable,  et  le  funeste 
état  de  l'Eglise  de  France  en  ce  temps-là.  Car- 
loman voulut  remédier  à  ces  désordres  :  il 
demanda  secours  à  Boniface,  et  jugea  avec  lui 
qu'il  fallait  commencer  par  rétablir  les  conciles 
et  les  archevêques,  ou  les  métropolitains. 
Quand  Boniface  dit  que  depuis  quatre-vingts 


DU  PALLIUM  DE  L'ÉGLISE  LATINE. 


ans  la  France  n'avait  point  eu  d'archevêque, 
«necarchiepiscopumhabuerunt,  »  on  pourrait 
croire,  avec  quelque  fondement,  qu'il  entend 
parler  de  l'extinction  du  vicariat  apostolique 
de  l'évêque  d'Arles,  qui  était  le  seul  archevê- 
que en  Fiance,  connue  légat  et  vicaire  du 
Siège  apostolique.  Ainsi  pour  rétablir  l'Eglise 
dans  son  premier  état,  puisque  la  ruine  de  ce 
vicariat  avait  été  suivie  de  la  ruine  entière  de 
la  discipline  de  l'Eglise, il  fallait  ou  demander 
un  autre  archevêque,  légat  et  vicaire  du  pape, 
ou  renouveler  le  plus  ancien  usage  ,  que 
chaque  métropolitain  ressortissait  immédiate- 
ment du  pape. 

Il  semble  que  les  Français  aimèrent  mieux, 
au  moins  après  la  mort  du  légat  Boniface, 
rentrer  dans  leur  ancienne  police ,  qui  ne 
mettait  rien  entre  le  pape  et  les  métropolitains. 
Ainsi  chaque  métropolitain  devenait  primat  en 
sa  manière  par  son  exemption  de  tout  autre 
primat  que  du  pape.  Le  pallium  était  une 
marque  fort  convenable  de  cette  nouvelle 
exemption,  qui  pouvait  porter  le  nom  de 
primatie. 

Voilà  ce  qui  lit  résoudre  les  évêques  du 
concile  à  demander  au  pape  des  palliums  pour 
tous  les  métropolitains.  Ils  n'en  avaient  peut- 
être  d'abord  demandé  que  pour  trois,  mais 
après  ils  jugèrent  plus  à  propos  de  les  égaler 
tous.  «  Métropolitains  pallia  ab  illa  sede  quœ- 
rere.  »  Et  c'est  peut-être  ce  changement  de 
résolution  qui  lit  le  retardement  dont  le  pape 
et  Boniface  furent  en  peine. 

Le  pallium  étant  accordé  à  tous  les  métro- 
politains, ils  entraient  tous  dans  l'obligation 
commune  d'avertir  le  pape  de  tous  les  désor- 
dres qu'ils  ne  pourraient  pas  corriger,  ce  qui  fai- 
sait auparavant  un  des  devoirs  particuliers  de 
l'archevêque  d'Arles,  auquel  les  métropoli- 
tains recouraient  dans  leur  impuissance,  et  lui 
au  pape.  Et  c'est  ce  que  disait  Boniface  ci- 
dessus  :  «  Omnes  episcopi  debent  metropolitano, 
et  ipse  Bomano  pontiflci  si  quid  de  corrigendis 
populis  apud  eos  impossibile  est,  notum  facere 
(Epist.  x).» 

V.  Or  que  les  évoques  et  les  métropolitains 
de  France  considérassent  comme  un  point  im- 
portant de  leurs  libertés,  de  ne  plus  souffrir 
de  primat  ou  de  métropolitain  entre  les  autres 
métropolitains  et  le  pape  ;  c'est  ce  que  nous 
justifierons  dans  la  suite.  Nous  ferons  même 
voir  une  résistance  vigoureuse  et  invincible  de 
la  part  de  ces  évoques  à  toutes  les  tentatives 


que  les  papes  et  nos  rois  ont  fait  de  temps  en 
temps  pour  établir  de  nouveaux  primats  ou 
vicaires  apostoliques  dans  ce  royaume. 

Les  évêques  de  France  pouvaient  encore  con- 
sidérer dans  cette  rencontre  l'exemple  de  l'E- 
glise anglicane,  oi'i  il  n'y  avait  que  deux  ar- 
chevêques ou  métropolitains  également  hono- 
rés du  pallium,  et  également  dépendants  ou 
indépendants  l'un  de  l'autre.  Ils  pouvaient  se 
ressouvenir  que  saint  Grégoire  pape  donnait 
le  pallium  aux  métropolitains,  dont  il  était  le 
consécrateur  ordinaire  :  de  Bavenne,  de  Milan, 
de  Salone,  de  Païenne,  de  Syracuse,  de  Ca- 
gliari,  quoiqu'ils  fussent  de  simples  métropo- 
litains, sans  primatie  et  sans  vicariat  aposto- 
lique. Enfin,  Anastase  bibliothécaire  dit  que 
Grégoire  III,  prédécesseur  de  Zacharie,  donna 
le  pallium  à  l'évêque  de  Vienne  Vilicarius,  et 
le  lit  archevêque  :  «  Pallio  dato  archiepisco- 
pum  constituit.  »  Cet  archevêque  demeura  ce 
qu'il  était,  un  simple  métropolitain. 

VI.  Quant  à  la  suggestion  que  Boniface  fit  pro- 
mettre au  Siège  apostolique,  il  est  ridicule  d'en 
prendre  le  moindre  ombrage.  Car  ce  fut  tout 
le  concile,  ce  furent  tous  les  évêques,  et  non 
pas  les  métropolitains  seuls  qui  promirent  cette 
soumission.  «  In  nostro  synodali  conventucon- 
fessi  sumus  fidem  catholicam,  et  unitatem  et 
subjectionem  Bomamc  Ecclesia'  fine  tenus  ser- 
vare,  sancto  Petro  et  vicario  ejus  velle  sub- 
jici.  » 

Cela  est  commun  à  tous  les  laïques,  à  tous 
les  ecclésiastiques,  à  tous  les  évêques,  en  tous 
lieux  et  en  tout  temps.  Il  n'y  a  rien  là  qui  ait 
un  rapport  particulier  aux  métropolitains  ou 
au  pallium,  ou  aux  nouvelles  obligations  que 
le  pallium  leur  impose.  Et  quelle  est  l'Eglise, 
qui  est  l'archevêque  ou  le  métropolitain  qui 
ne  se  reconnaisse  soumis  au  pape  comme  au 
vicaire  de  J.-C?  Les  patriarches  de  l'Orient  ne 
pouvaient  pas  et  ne  prétendaient  pas  même 
être  exempts  de  cette  suggestion  au  chef  vi- 
sible de  l'Eglise,  dont  ils  sont  les  membres. 

VIL  Si  après  cela  on  ajoute  :  «  Métropolita- 
ins pallia  ab  illa  sede  quœrere,  pracepta  sancti 
Pétri  canonice  sequi  :  »  c'est  plutôt  un  nouvel 
avantage  et  une  nouvelle  liberté,  qu'une  servi- 
tude qu'on  procure  aux  métropolitains.  On  leur 
donne  à  tous  ce  que  les  rois  n'avaient  pu  obte- 
nir durant  cent  ou  deux  cents  ans,  que  pour  le 
seul  archevêque  d'Arles,  et  pour  un  évêque 
d'Autun;et  on  les  affranchit  de  la  sujétion  que 
leurs  prédécesseurs  avaient  eue  à  l'archevêque 


96 


DU  SECOND  ORDI'.E  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-CINQUIÈME. 


d'Arles.  Si  on  ajoute  qu'après  cela  ils  obéiront 
canoniquement  aux  ordres  du  Saint-Siège,  il 
est  vrai  que  c'est  une  suite  du  pallium  .  mais 
est-ce  une  servitude  nouvelle?  n'est-ce  pas  plu- 
tôt une  loi  qui  est  née  avec  l'Eglise,  et  qui  est 
le  fondement  solide  de  toute  la  discipline  de 
l'Eglise,  que  les  inférieurs  doivent  obéir  à  leurs 
supérieurs,  et  que  tous  les  hommes  doivent 
être  soumis  aux  puissances  que  Dieu  a  mises 
sur  leurs  têtes?  11  est  toujours  sous-entendu 
que  les  commandements  des  supérieurs  seront 
conformes  aux  lois  et  à  l'équité  ,  mais  ce  con- 
cile, pour  dissiper  tous  les  ombrages  qu'on  en 
pourrait  prendre,  remarque  en  termes  formels 
que  cette  obéissance  des  métropolitains  au  pape 
est  réglée  par  les  canons.  «  Prœcepta  sancti 
Pétri  canonice  sequi.  »  Et  le  pape  Zacharie  ne 
protestait-il  pas  lui-même,  que  les  ordonnances 
du  Siège  apostolique  sont  toujours  conformes 
aux  canons?  «Nec  enim  ab  bac  apostolicaSede 
illa  diriguntur,  quae  contraria  esse  Patrum  . 
sive  canonum  statutis  inveniantur  (Epist.  i,  ad 
Bonifac).  » 

Cette  obéissance  aux  canons,  et  aux  ordon- 
nances canoniques  des  papes  .  peut-elle  être 
appelée  une  nouvelle  servitude  ?  N'est-elle  pas 
plutôt  le  fondement  invariable  de  la  véritable 
liberté ,  aussi  bien  que  de  toute  la  discipline 
sainte  et  divine  de  l'Eglise?  Les  fidèles,  en 
obéissant  à  leurs  pasteurs,  les  ecclésiastiques 
à  leurs  évêques,  les  évêques  à  leur  métropoli- 
tain, donnent-ils  en  cela  des  témoignages  d'une 
triste  servitude  ?  N'est-ce  pas  la  véritable  et 
l'unique  liberté  d'obéir  aux  lois,  et  à  ceux  qui 
commandent  selon  les  lois  ?  Et  si  l'on  brise  ces 
sacrés  liens,  ne  retombe-t-on  pas  dans  une 
effroyable  confusion,  et  dans  une  pitoyable  ser- 
vitude ? 

VIII.  On  ne  pouvait  pas  donner  le  pallium  à 
tous  les  métropolitains,  sans  les  obliger  à  une 
observation  exacte  des  canons  et  des  décrets, 
puisque  cette  obligation  avait  été  imposée  par 
les  souverains  pontifes  à  tous  les  archevêques 
d'Arles,  et  à  tous  ceux  à  qui  le  pallium  avait 
été  envoyé.  Qu'on  lise  toutes  les  lettres  des 
papes  adressées  aux  métropolitains,  à  qui  ils 
envoyaient  le  pallium  avec  leur  légation  ou 
vicariat  apostolique,  on  y  trouvera  partout  une 
obligation  plus  étroite  d'observer  et  de  faire 
observer  les  canons  ,  et  d'entretenir  une  plus 
grande  correspondance  avec  les  papes,  poul- 
ies avertir  de  toutes  les  infractions  des  canons, 
auxquelles  ils  n'auront  pu  remédier.  Cepen- 


dant cette  obligation  nouvelle  n'avait  pas  em- 
pêché les  rois  et  les  métropolitains,  je  dirai  les 
empereurs  mêmes, de  rechercher  avec  instance 
le  pallium  et  ces  légations  qui  l'accompa- 
gnaient. 

IX.  Si  l'on  fait  consister  la  prétendue  servi- 
tude dans  le  jurement,  qu'on  a  depuis  exigé 
des  métropolitains  dans  la  réception  du  pal- 
lium, on  pourrait  dire  que  si  le  jurement  est 
nouveau ,  l'obligation  en  est  aussi  ancienne 
qu'indispensable ,  d'obéir  aux  canons  et  aux 
ordres  dune  autorité  supérieure,  divinement 
établie.  Les  nouvelles  maladies  ne  nous  for- 
cent-elles pas  tous  les  jours  de  recourir  à  de 
nouveaux  remèdes  ?  Et  quelle  plus  étrange 
maladie  que  celle  d'une  Eglise ,  où  depuis 
quatre-vingts  ans  ou  environ,  toute  la  disci- 
pline canonique  était  renversée?  On  n'assem- 
semblait  plus  de  synodes,  on  ne  créait  plus  de 
métropolitains ,  tous  les  évêchés  étaient  aban- 
donnés à  des  laïques,  ou  à  d'infâmes  adultè- 
res. Cette  maladie  n'était-elle  pas  assez  nou- 
velle et  assez  grande  pour  y  apporter  quelque 
remède  nouveau  ?  Et  quel  remède  plus  propre 
à  tant  de  plaies  mortelles  dans  la  discipline  de 
l'Eglise,  que  de  lier  par  de  nouvelles  chaînes 
les  métropolitains  à  l'exécution  des  canons, 
et  à  la  correspondance  avec  le  pontife  du 
siège  de  Pierre,  qui  est  le  conservateur  de  la 
discipline  de  l'Eglise  et  l'exécuteur  des  ca- 
nons ? 

X.  Il  faut  se  ressouvenir  que  le  pallium  n'est 
pas  un  ornement  profane  pour  éblouir  les 
yeux  et  pour  flatter  la  vanité  des  prélats  ambi- 
tieux. C'est  un  habit  éclatant,  qui  avertit  et  qui 
engage  ceux  qui  le  portent  de  s'élever  encore 
plus  au-dessus  des  autres  prélats,  par  l'éclat  de 
leur  vertu,  et  par  une  grandeur  de  courage 
vraiment  royale,  à  maintenir  inviolablemenl 
les  lois  saintes  de  l'Eglise. 

Saint  Grégoire  pape  menaçait  (L.  i,  ep.  xiv, 
xv)  l'évèque  de  Salone  de  lui  ôter  le  pallium 
s'il  ne  réparait  une  faute  qu'il  avait  commise, 
après  quoi  il  lui  faisait  craindre  l'excommuni- 
cation. 11  écrivait  a  l'évèque  de  Ravenne ,  qui 
s'opiniàtrait  à  porter  le  pallium  hors  du  temps 
de  la  messe,  et  par  les  rues  de  la  ville,  que 
l'humilité  est  ce  qui  orne  le  plus  les  évêques  : 
«  Decorari  pallio  volumus,  forsitan  moribus 
indecori,dum  nihilin  episcopali  cervice  splen- 
didius  fulget,  quam  humilitas  (L.  u,  ep.  liv).» 
Il  mandait  à  l'évèque  de  Milan,  que  l'humilité 
el  l'obéissance  étaient  comme  le  génie  et  l'âme 


DU  PALLH'M  DE  L'ÉGLISE  LATINE. 


07 


du  pallium  :  «  Peto  ut  dum  hoc  palliura  susci- 
pitis,  ejus  honorem  ac  genium  ex  humilitate 
vindicemus  (L.  m,  ep.  i).  » 

Lorsqu'il  envoya  le  pallium  à  l'évêque  de  la 
première  Justinienne,  il  lui  écrivit  en  même 
temps  un  sommaire  de  toutes  les  vertus  é|iis- 
copales  (L.  iv,  ep.  vm).  Il  blâma  L'évêque  de 
Ravenne  de  n'être  pas  excité  à  l'amour  solide 
des  vertus  intérieures,  par  l'éclat  extérieur  de 
ses  habits  :  «  Invenio  quia  honor  episcopatus 
vestri ,  totus  foris  in  ostensione  est,  non  in 
mente  (Ep.  xv).  »  Il  écrivit  à  Virgile,  évêque 
d'Arles,  qu'il  devait  orner  l'ornement  même 
de  son  pallium  par  une  vigilance  infatigable, 
par  une  piété  tout  extraordinaire  ,  par  un  zèle 
du  salut  des  âmes  vraiment  apostolique.  «  Sed 
jam  nunc  studio  majori  res  indiget  ;  ut  cutn 
honor  crescit,  etiam  sollicitude  proficiat;  et 
erga  cœterorum  custodiam  etiam  vigilantia 
excrescat  ,  vitae  quoque  mérita  subjectis  in 
exemplum  veniant,  et  nunquam  sua  per  sus- 
cepti  honoris  gratiam ,  sed  lucra  caelestis  pa- 
triae  vestra  fraternitas  exquirat  (Ep.  l,  li, 
lui).  » 

En  envoyant  ce  pallium  et  à  l'archevêque  et 
au  roi  qui  l'avait  demandé,  il  les  obligeait  en 
même  temps  de  remédier  aux  désordres  qui 
avaient  cours  dans  le  royaume,  dont  il  s'était 
fait  instruire.  Il  en  usait  de  même  envers  l'évê- 
que de  Corinthe.  Il  promettait  l'usage  du  pallium 
à  Marinien,  évêque  de  Ravenne  (Ep.  lv),  pour 
s'en  servir  à  la  messe,  et  quatre  fois  l'an  seule- 
ment aux  processions  par  la  ville ,  à  condition 
que  ce  lui  serait  un  nouvel  aiguillon  pour  s'avan- 
cer dans  les  vertus  pastorales.  «  Ut  sicut  a  no- 
bis  hujusmodi  decoris  usum  ad  sacerdotalis 
officii  honorem  largiente  Domino  percepisti, 
ita  etiam  morum  atque  actuum  probitate  ad 
Cbristi  gloriam  susceptum  adornare  contendas 
officium  (Ep.  liv).  » 

Ces  termes  sont  employés  dans  sa  lettre  à 
l'évêque  de  Syracuse  (L.v,  ep.  xvm).  Il  exige  la 
même  réformation  des  désordres  de  l'Eglise 
(L.  vu,  ep.  v),  en  accordant  à  la  reine  Brune- 
haut  un  pallium  pour  l'évêque  d'Autun  ;  et 
écrivant  à  l'évêque  d'Autun  même  :  «  Pallii  te 
usu  praevidimus  honorandum  ;  quod  tamen  ita 
tibi  dandum  esse  decrevimus,  si  prius  per 
synodi  defmitionem  emendari  promiseris,  quae 
corrigenda  manda vim us  (L.  vu,  ep.  exiu).  » 

Voilà  non  pas  un  jurement  à  la  vérité,  mais 
une  promesse  que  ce  pape  exige  de  faire  corri- 


ger dans  un  synode  les  abus  et  les  dépravations 
de  la  discipline  ecclésiastique  du  royaume  , 
avant  que  de  lui  accorder  le  pallium.  Quand  il 
aurait  exigé  un  serment ,  quel  sujet  aurait-on 
de  se  plaindre  d'un  zèle  si  louable  ?  Les  laïques 
montaient  aux  évêchés,  ou  vendaient  à  prix 
d'argent  les  dignités  les  plus  saintes  de  l'Eglise, 
était-ce  un  grand  mal  d'exiger  une  promesse, 
ou  même  un  serinent  de  corriger  de  si  grands 
maux?  Et  par  le  serment  d'obéissance  au  Saint- 
Siège  ,  le  pape  Zacbarie  et  saint  Boniface  n'en- 
tendaient que  cette  sorte  d'obéissance  aux  dé- 
crets du  Saint-Siège. 

Le  même  pape  envoyant  le  pallium  à  saint 
Léandre  ,  évêque  de  Séville,  déclare  que  s'il 
n'y  ajoute  pas  les  devoirs  de  ceux  qui  le  reçoi- 
vent, c'est  parce  que  saint  Léandre  s'en  acquit- 
tait avant  que  de  l'avoir  reçu.  «  Transmisso 
pallio  valde  debui  qualiter  vobis  esset  viven- 
dum  admonere,  sed  locutionem  supprimo, 
quiaverba  moribus  anteistis  (L.vu,ep.cxxvi).» 
Il  dit  en  un  mot  à  l'évêque  de  Salone,  que 
l'âme  et  l'esprit  du  pallium,  c'est  la  justice  et 
l'humilité  :  «  Hujus  indumenti  honor,  humi- 
litas  atque  justifia  est  (Ep.  cxxx).  » 

Il  envoie  le  pallium  à  l'évêque  de  Païenne, 
à  condition  de  faire  respecter  le  chef  de  l'E- 
glise, et  observer  les  canons  :  c'est  le  sommaire 
de  ce  que  fit  Boniface.  «  Illud  autem  admone- 
raus,  ut  apostolicœ  Sedis  reverentia  nullius 
prnesumptione  turbetur.Tunc  enini  status  meni- 
brorum  integer  manet,  si  caput  fidei  nulla 
pulset  injuria,  et  canonum  manet  incolumis 
atque  intemerata  semper  autoritas  (L.  xi,  ep. 

XLIV).  » 

XL  Au  reste  Jean  Diacre,  dans  la  vie  de  ce 
saint  pape, montre  bien  que  le  pallium  prenait 
déjà  de  son  temps  la  figure  qu'il  a  présente- 
ment. «  Pallium  ejus  bysso  candentecontextum, 
nullis  acubus  perforatum,  sic  ipsum  circa  sca- 
pulas  devolutum ,  non  autem  confixum ,  sicut 
vetustissimis  musivis  vel  picturis  ostenditur 
(L.  iv,  c.  80,  84.)  »  Alcuiu  confirme  la  même 
pensée,  quand  il  compare  le  pallium  au  ratio- 
nal  d'Aaron,  «  pro  rationali  nunc  (Alcuinus,  1. 
de  divin.  Offic).  » 

Je  ne  me  suis  point  arrêté  à  réfuter  la  dé- 
crétale  prétendue  du  pape  Pelage,  rapportée 
par  Gratien  (Grat.  Décret.,  ci,  c.  1),  et  que  Bur- 
chard  et  Anselme  attribuent  à  Damase.  Ces 
deux  chapitres  en  contiennent  une  réfutation 
tout  à  fait  convaincante. 


Tu.  —  Tome  II. 


98 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIEME. 


Dl!   PALLIUM    DES   LATINS   ET   DES   GRECS   SOIS   L  EMPIRE   DE   CHARLEMAGNE. 


I.  Que  dans  l'Orient,  le  pallium  n'était  pas  commun  à  tous  les 
évêques.  Preuves  du  concile  VIII. 

II.  Nouvelles  preuves  tirées  de  ce  que  le  pallium  avait  été 
d'abord  un  ornement  impérial,  communiqué  au  pape  et  aux  pa- 
triarches. 

III.  Autres  preuves  de  Luilprand. 

IV.  Et  de  saint  Grégoire,  pape. 

V.  Diverses  réllexions  pour  accorder  les  contradictions  appa- 
rentes. 

VI.  Quand  les  Latins  eurent  pris  Constantinople,  on  ordonna 
que  les  patriarches  mêmes  recevraient  le  pallium  du  pape. 

VII.  Puisque  c'était  l'investiture  d'une  dignité  sacrée,  il  était 
plus  de  la  bienséance  de  la  recevoir  du  pape  que  des  empereurs. 

VIII.  Réfutation  de  ceux  qui  ont  cru  que  l'on  avait  imposé  un 
nouveau  joug  aux  métropolitains  dans  le  concile  V11I,  en  les 
obligeant  au  pallium  et  à  un  serment  au  pape. 

IX.  Nouvelles  preuves  contre  cette  doctrine.  Combien  les  em- 
pereurs, les  rois,  les  métropolitains,  les  évêques  témoignaient 
d'empressement  pour  le  pallium. 

X.  Suite  des  mêmes  preuves. 

XI.  Les  évêques  mêmes  firent  de  grandes  instances  pour 
avoir  le  pallium  ;  à  quoi  les  métropolitains  s'opposèrent. 

XII.  De  la  forme  du  pallium  et  des  privilèges  qui  l'accom- 
pagnaient. 

I.  Ce  qui  reste  à  dire  du  pallium,  mérite  un 
chapitre  à  part  ;  nous  commencerons  par  les 
pratiques  de  l'Eglise  orientale,  que  nous  avons 
commencé  de  débrouiller  dans  le  chapi- 
tre un. 

Nous  y  avons  remarqué  que  selon  l'opinion 
de  quelques  personnes  très-savantes,  le  pallium 
était  un  ornement  commun  à  tous  les  évêques 
d'Orient,  et  qu'ils  en  étaient  honorés  au  temps 
même  et  dans  la  cérémonie  de  leur  ordination. 
Ce  sentiment  ne  laisse  pas  d'être  combattu 
par  des  gens  savants,  et  par  des  preuves  consi- 
dérables. 

Le  concile  VII  général,  qui  est  le  quatrième 
de  Constantinople  célébré  en  869  (Can.  xvn), 
ordonne  que  les  anciens  patriarches  soient 
maintenus  dans  leur  ancienne  autorité  de  pou- 
voir convoquer  à  leur  concile  tous  les  métro- 
politains qu'ils  ordonnent  ou  qu'ils  confirment 
en  leur  envoyant  le  pallium. 

«  Hœc  synodus  tam  in  seniori  et  nova  Roma, 
quant  in  sede  Antiochiae  et  Hierosolyinoruin 
priscam  consuetudinem  decernit  in  omnibus 
conservari,  ita  ut  earum  prœsules  universorum 
metropolitanorum  ,  qui  ab  ipsis  promoventur. 


et  sive  per  manus  impositionem,  sive  per  pal- 
lii  dationem  episcopalis  dignitatis  firmitatem 
accipiunt,  habeant  potestatem  ad  convocandum 
eos  ad  synodalem  conventum.  » 

Il  semble  qu'on  peut  conclure  de  ces  paro- 
les, que  le  pallium  était  réservé  pour  les  mé- 
tropolitains ,  aussi  bien  dans  les  patriarcats 
de  l'Eglise  grecque ,  comme  dans  celui  de 
Rome ,  et  que  les  patriarches  le  donnaient  ou 
l'envoyaient  aux  métropolitains  de  leur  res- 
sort, comme  l'investiture  de  leur  dignité. 

En  effet,  quelle  apparence  y  a-t-il,  que  le  pa- 
triarche pour  investir  un  métropolitain  de  sa 
dépendance,  ne  lui  envoyât  qu'un  ornement 
commun  à  tous  les  évêques  ? 

On  tire  la  même  conséquence  d'un  autre  ca- 
non du  même  concile  (Can.  xxvu) ,  qui  défend 
aux  évêques,  à  qui  le  pallium  a  été  accorde, 
d'en  user  hors  des  temps  et  des  lieux  où  il 
leur  a  été  permis  d'en  user.  «  Ita  ut  episcopi, 
quibus  concessum  est  palliis  uti  certis  tempo- 
ribus,  ineisdem  temporibuset  locis  iis  induan- 
tur.  »  Ce  n'étaient  donc  pas  tous  les  évêques, 
à  qui  cet  ornement  était  accordé. 

Si  cette  conséquence  ne  paraît  pas  convain- 
cante, au  moins  on  demeurera  persuadé,  que 
si  le  pallium  eût  été  un  habillement  commun 
à  tous  les  évêques,  dont  on  les  eût  revêtus 
dans  leur  consécration  même,  on  ne  se  fût  ja- 
mais avisé  d'en  restreindre  l'usage  a  un  petit 
nombre  de  jours,  et  à  certains  temps  seulement 
de  la  liturgie.  Les  prêtres  et  les  diacres  ne  sont 
point  limités  à  certains  jours  et  à  certains 
temps  pour  porter  l'étole  ou  la  chasuble,  qui 
est  l'ornement  propre  de  leur  ministère.  Pour- 
quoi aurait-on  donné  des  limites  plus  étroites 
aux  évêques? 

II.  Si  le  pallium  a  été  d'abord  un  ornement 
impérial  dont  les  patriarches  aient  été  pre- 
mièrement favorisés,  et  dont  ils  aient  depuis 
obtenu  des  empereurs  la  communication 
aux  plus  éminents  d'entre  les  métropolitains, 
et  enfin  à  tous  les   métropolitains  ,  comme 


ne  PAixini  des  latins  et  des  grecs. 


-.1!) 


nous  l'avons  montré  dans  la  partie  précédente 
de  cet  ouvrage,  il  est  certain  qu'en  l'accordant 
aux  métropolitains,  on  a  pu  leur  en  limiterl'û- 
sage  à  certains  jours  ;  au  lieu  que  les  patriar- 
ches n'y  observaient  aucunes  limites.  Mais  on 
ne  met  point  de  semblables  bornes  a  un 
pouvoir  qui  est  comme  naturel  et  ordinaire. 

Lorsque  les  métropolitains,  dont  il  est  parlé 
dans  le  VIIIe  concile,  avaient  été  ordonnés 
par  les  évèques  de  leur  province,  avaient-ils 
reçu  le  pallium  dans  leur  ordination?  s'ils 
l'avaient  reçu,  pourquoi  en  fallait-il  recevoir 
encore  un  autre  du  patriarche,  comme  une 
marque  de  leur  continuation?  Et  comment  les 
eût-on  confirmés,  en  leur  donnant  ce  qu'ils 
avaient  déjà?  Si  ces  métropolitains  ne  rece- 
vaient  point  de  pallium  en  recevant  l'ordina- 
tion des  évèques  de  leur  province,  comment 
peut-on  se  persuader  que  le  pallium  fût  donné 
aux  évèques,  et  ne  fût  pas  donné  aux  métropo- 
litains au  temps  de  leur  consécration  ? 

III.  Il  est  difficile  que  Luitprand  se  soit 
trompé,  étant  ausji  savant  qu'il  était,  et  ayant 
été  témoin  oculaire  de  ce  qui  se  passait  dans 
la  Grèce,  quand  il  a  écrit  que  le  patriarche 
Théopbylace  de  Constantinople  obtint  du  pape 
la  permission  pour  lui  et  pour  ses  successeurs, 
de  porter  le  pallium  sans  attendre  la  permis- 
sion des  pontifes  romains,  d'où  s'introduisit 
une  nouvelle  coutume,  que  tous  les  évèques 
d'Orient  usèrent  enfin  du  pallium.  «  Tum  ipse 
tum  successores  ejus  absque  paparum  permissu 
palliis  uterentur.  Ex  quo  turpi  commercio 
mos  inolevit,  ut  non  soluni  patriarches,  sed 
etiam  episcopi  lotius  Grœciœ  palliis  uterentur 
(An.  93o,  apud  Baron.).  »  Le  pallium  n'avait 
donc  point  été  commun  jusqu'alors  à  tous  les 
évèques. 

IV.  Saint  Grégoire  le  Grand  réprima  l'ambi- 
tion de  l'archevêque  de  Ravenne,  qui  portait  le 
pallium  même  hors  de  l'église  aux  jours  des 
litanies  et  des  processions  publiques,  en  lui 
opposant  la  pratique  générale  des  métropoli- 
tains de  l'Orient,  et  de  ceux  même  qui  avaient 
trente  et  quarante  évèques  sous  leur  juridic- 
tion. «  Qui  sub  se  etiam  tricenos  et  quadrage- 
nos  episcopos  habent  (L.  iv,  epist.  xv). 

Ce  grand  pape  ne  parle  que  des  métropoli- 
tains, et  il  ne  refuse  pas  de  se  conformer  quant 
à  l'usage  du  pallium  aux  pratiques  reçues 
dans  l'Eglise  grecque.  Ce  même  pape  envoya 
le  pallium  aux  métropolitains  de  la  Grèce  qui 
relevaient  de  son  patriarcat,  comme  à  ceux  de 


la  première  Justinienne,  de  Corinthe,  de  Nico- 
polis,dela  même  manière  qu'il  l'envoyait  à 
ceux  d'Occident  (L.  îv,  epist.  lv,  lvi;  1.  v, 
en.  mi). 

Si  les  autres  métropolitains  et  si  les  évèques 
du  reste  de  l'empire  oriental  n'eussent  pas  été 
assujétis  à  une  discipline  semblable,  ceux  du 
ressort  du  patriarche  d'Occident  eussent  eu 
bien  de  la  peine  à  se  soumettre  à  ces  servitudes 
extraordinaires. 

Comment  les  évèques  grecs  du  ressort  du 
pape  eussent- ils  souffert  d'être  absolument 
privés  d'un  ornement  qu'on  recherchait  avec 
tant  de  chaleur,  s'ils  eussent  vu  tous  les  au- 
tres évèques  grecs  jouir  universellement  de 
celte  faveur?  Comment  les  papes  eussent-ils 
été  si  réservés  à  accorder  le  pallium  aux  seuls 
métropolitains,  si  les  moindres  évèques  grecs 
en  eussent  eu  l'usage  libre?  Comment  eussent- 
ils  choisi  un  ornement  commun  à  tous  les 
évèques  grecs,  pour  distinguer  les  archevêques 
occidentaux  qu'ils  voulaient  honorer  de  la 
charge  de  vicaire  et  de  légat  du  Siège  Apostoli- 
que? Enfin,  eùt-il  fallu  faire  intervenir  toute  la 
puissance  et  la  faveur  impériale  pour  faire 
donner  le  pallium  à  quelques  archevêques  pri- 
vilégiés de  l'Occident,  s'il  eût  été  accordé  in- 
différemment  à  tous  les  évèques  grecs? 

V.  Il  y  a  donc  beaucoup  d'apparence,  1°  Que 
les  Grecs  eurent  aussi  bien  que  les  Latins,  dès 
les  premiers  siècles,  un  pallium,  ou  une  chape 
épiscopale,  qui  distinguait  les  évèques  des  prê- 
tres, ou  par  sa  forme,  ou  par  sa  somptuosité  ; 
et  que  c'est  de  ce  pallium  commun  qu'on  doit 
expliquer  les  passages  qu'on  allègue  :  c'est  ce 
qui  est  appelé  ù|toœopt<w  ,  superhumerale  ;  c'est 
ce  que  Balsamon  distingue  nettement  du  poly- 
staurion  qu'il  appelle  jkuwXui  KoXuamxupîcav  ,  don- 
nant à  l'un  et  à  l'autre  séparément  des  si- 
gnifications mystérieuses,  et  voulant  (pie  le 
polystaurion  figure  la  gloire  et  le  triomphe  de 
la  croix. 

2°  Que  le  pallium  orné  de  croix,  qui  n'était 
qu'une  bande  en  façon  de  collier,  qui  se  mettait 
par-dessus  la  chape  ordinaire  des  évèques,  et 
qui  était  une  imitation  de  ces  bandes,  lora 
segmenta,  dont  les  empereurs  s'ornaient  eux- 
mêmes,  et  dont  Constantin  fait  part  au  pape 
dans  sa  prétendue  donation  ;  que  ce  pallium,  dis- 
je,  ne  fut  d'abord  accordé  qu'au  pape  et  aux  pa- 
triarches, et  dans  la  suite  du  temps  aux  plus 
illustres  d'entre  les  métropolitains,  et  à  ceux 
que   le   pape   honorait  de  la  commission  de 


100  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


légat  et  de  vicaire  apostolique,  tant  en  Orient 
qu'en  Occident  :  avec  cette  différence,  que  le 
pape  et  les  patriarches  usaient  continuellement 
du  pallium,  sans  aucunes  limites  ni  de  jours, 
ni  du  temps,  au  lieu  que  les  métropolitains 
n'en  avaient  qu'un  usage  fort  limité.  Balsamon, 
dans  l'endroit  que  je  viens  de  citer  (Balsam.,  in 
Jure  Orient.,  torn.  i,  p.  447),  veut  que  les  pa- 
triarches portent  toutes  les  marques  de  leur 
dignité,  quelque  part  qu'ils  se  trouvent  hors 
de  leur  patriarcat,  même  à  Constantinople, 
comme  ne  faisant  tous  qu'un  seul  chef  de 
l'Eglise. 

3°  Que  depuis  que  le  pallium  orné  de  croix 
fut  devenu  commun  à  tous  les  métropolitains, 
et  que  les  évêques  mêmes  en  impétrèrent  quel- 
quefois l'usage  dans  l'Occident  et  l'eussent 
tous  emporté  sans  la  vigoureuse  résistance  des 
papes,  comme  nous  allons  dire,  les  évêques 
grecs  se  donnèrent  tous  la  liberté  d'en  user, 
et  en  extorquèrent  une  permission  forcée  du 
pape,  ou  iirent  semblant  de  l'avoir  obtenue. 

Avec  cette  distinction  on  peut  accorder  toutes 
les  autorités  qui  semblent  d'abord  se  détruire 
les  unes  les  autres. 

Les  preuves  que  je  viens  d'avancer  parais- 
sent avoir  plus  de  poids  que  celles  qui  ont  été 
alléguées  ci-devant  pour  l'opinion  contraire. 
J'ai  tâché  dans  la  préface  de  justifier  ce  balan- 
cement, et  cette  manière  tlottante  de  traiter 
quelques  matières  qui  sont  extraordinaire- 
ment  embrouillées.  11  est  souvent  plus  à 
propos  de  suspendre  que  de  hâter  son  juge- 
ment. 

VI.  Lorsque  les  Latins  eurent  conquis  l'em- 
pire oriental  au  temps  d'Innocent  III,  ce  pape 
ordonna,  dans  le  concile  de  Latran  IV,  que  les 
patriarches  orientaux  recevraient  le  pallium 
du  pape  et  le  donneraient  après  cela  à  leurs  suf- 
fragants.  «  Postquam  a  Romano  pontilice  rece- 
perint  pallium,  licenteretipsi  suissuffraganeis 
largiantur.  »  C'est-à-dire  que  les  victorieux 
établirent  dans  l'Orient  la  police  des  Eglises 
occidentales  sur  ce  point  important  pour  faire 
remarquer  la  subordination  et  la  correspon- 
dance de  tous  les  membres  à  leur  chef.  Aupa- 
ravant les  patriarches  grecs  ne  recevaient  le 
pallium  que  de  leurs  consécrateurs,  ou  ils  ne  le 
recevaient  que  de  l'empereur. 

Libérât  dit  que  l'ancienne  coutume  d'Alexan- 
drie était  que  le  nouveau  patriarche  mettait 
sur  son  col  le  pallium  de  saint  Marc,  après 
avoir  achevé  les  funérailles  de  son  prédéces- 


seur ,  et  prenait  aussitôt  possession  de  son 
trône  :  «  accipere  collosuo  beati  Marci  pallium, 
et  sic  sedere  ;  »  qu'Anthime  ayant  été  déposé 
par  le  pape  Agapet,  rendit  son  pallium  aux 
empereurs  et  se  retira,  «  videnssesede  pulsum 
pallium  imperatoribus  reddidit  et  discessit 
(Cap.  xxi).  »  Il  est  vraisemblable  qu'il  le  remit 
entre  les  mains  de  ceux  de  qui  il  l'avait  reçu 
(L.  i,  epist.  27). 

Saint  Grégoire  pria  l'empereur  de  souffrir 
qu'Anastase,  patriarche  d'Antioche,  vînt  faire 
son  séjour  à  Rome,  en  lui  laissant  l'usage  du 
pallium,  puisqu'il  ne  voulait  pas  lui  laisser  la 
liberté  de  résider  dans  Antioche.  «  Concesso 
usu  pallii,  etc.  »  Et  tant  d'autres  exemples  rap- 
portés ci-dessus,  où  il  a  paru  que  dans  l'Occi- 
dent même  les  papes  ne  donnaient  le  pallium 
qu'avec  l'agrément ,  et  avec  dépendance  des 
empereurs. 

C'était  donc  plutôt  une  libéralité  des  empe- 
reurs que  des  papes  dans  l'Orient. 

VII.  11  faut  néanmoins  demeurer  d'accord 
que  si  le  pallium  a  été  reçu  de  la  main  des 
empereurs  dans  les  temps  où  plusieurs  habits 
du  sacerdoce  n'étaient  pas  encore  bien  distin- 
gués des  habillements  communs,  il  y  a  eu  non- 
seulement  de  la  bienséance,  mais  aussi  de  la 
nécessité  que  lorsque  ces  habillements  sont 
devenus  sacrés  et  purement  ecclésiastiques,  la 
distribution  en  ait  été  faite  par  le  pape  et  par 
les  patriarches  plutôt  que  par  les  empereurs. 

Au  reste  si  les  prélats  considèrent  que  les 
papes  et  les  rois  sont  les  vicaires  de  J.-C.  sur  la 
terre,  les  uns  pour  les  choses  ecclésiastiques,  les 
autres  pour  les  temporelles,  ils  tiendront  bien 
autant  à  honneur  de  recevoir  ces  marques 
d'honneur  et  cette  investiture  du  souverain  pon- 
tilicat,  de  la  main  du  pape,  que  de  celle  des 
souverains  de  la  terre. 

VIII.  On  a  avancé  que  ce  fut  le  concile  VIII, 
général,  tenu  à  Gonstantinopleen  8U'J(C.  xvu), 
qui  imposa  une  nécessité  odieuse  aux  métro- 
politains de  demander  le  pallium  au  pape,  et 
de  promettre  en  même  temps  une  soumission 
et  une  obéissance  au  Siège  Apostolique,  dont 
on  n'avait  point  parlé  dans  les  siècles  précé- 
dents. 

Mais  1°  le  canon  de  ce  concile  qui  a  été  rap- 
porté ci-dessus,  n'ordonne  point  aux  métropo- 
litains de  demander  le  pallium,  mais  seule- 
ment que  les  métropolitains  se  rendront  au 
concile  du  patriarche,  duquel  ils  reçoivent  leur 
confirmation  en  recevant  le  pallium ,  ou  bien 


DU  PALLIUM  DES  LATINS  ET  DES  GRECS. 


101 


en  recevant  de  lui  l'ordination  même  épisco- 
pale. 

2°  Ce  concile  proteste  qu'il  ne  fait  que  con- 
tinuer l'ancienne  coutume  sans  rien  innover 
«  antiquam  consuetudinem  jubet  servari.  » 

3°  Ce  canon  donne  aux  autres  patriarches  la 
même  autorité  qu'au  pape  sur  les  métropoli- 
tains de  leurs  ressorts.  «  Tarn  in  seniori  et  nova 
Borna,  quam  in  sede  Antiochiae,  etc.  » 

i"  Les  auteurs  mêmes  de  cette  nouvelle  ré- 
flexion reconnaissent  que  cette  même  profession 
d'obéissance  et  de  soumission  au  Saint-Siège 
avait  été  introduite  plus  de  cent  vingt  ans  avant 
par  le  légat  Boniface,  dans  le  célèbre  concile 
qu'il  tint  en  France  (An.  742}-.  Comment  aurait- 
on  voulu  établir  dans  un  concile  de  Constanti- 
nople  ce  qui  était  déjà  reçu  et  pratique  depuis 
plus  de  cent  vingt  ans  en  Europe?  Et  les  Grecs 
eussent-ils  facilement  donné  les  mains  à  un  si 
considérable  agrandissement  de  l'autorité  du 
Siège  apostolique? 

5°  Cette  obéissance  était  limitée  aux  canons, 
«  per  omnia,  praecepta  Pétri  canonice  sequi.  » 
Boniface  même  n'en  avait  point  fait  d'autre  au 
pape  Zacbarie  pour  l'archevêché  de  Mayence. 
«  Sicut  praedecessorum  vestrorum  pro  autori- 
tate  sancti  Pétri  servi  devoti ,  et  subditi ,  obe- 
dientes  et  subditi  sub  jure  canonica.  »  Or,  ce 
n'est  pas  une  servitude  nouvelle  que  de  se 
soumettre  aux  canons.  La  promesse  en  était 
nouvelle;  mais  y  eut-il  jamais  une  nécessité 
plus  pressante  de  donner  de  nouveaux  remèdes 
à  de  nouvelles  maladies  que  celle  où  l'Eglise 
de  France  se  trouva  après  le  débordement 
effroyable  de  toutes  sortes  de  désordres  qui 
accompagna  ou  qui  causa  la  ruine  de  la  mai- 
son de  Clovis? 

6°  Plusieurs  ont  fait  un  article  capital  de  nos 
libertés  de  cette  observance  étroite  des  canons, 
et  ont  cru  que  les  anciennes  franchises  de  l'E- 
glise gallicane  consistaient  principalement  dans 
l'observation  rigoureuse  des  anciens  canons. 

7°  Le  peu  de  déférence  que  les  Français 
avaient  eu  pour  le  VU6  concile  général,  et  pour 
toutes  ses  ordonnances,  ne  pouvait  faire  conce- 
voir aux  Romains  qu'une  faible  espérance  de 
les  assujétir  aux  canons  du  VHP  concile.  En 
effet,  ni  le  décret  du  culte  des  images  qui  fut 
renouvelé  dans  ce  VHP  concile,  ni  les  autres 
canons  qui  y  furent  concertés  ne  furent  reçus 
en  France  que  longtemps  après.  Ainsi  ce  n'est 
pas  à  ce  concile  qu'il  faut  attribuer  le  nouveau 
serment  dont  il  est  question. 


IX.  Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  sur  la 
matière  «lu  pallium  ,  recevra  de  nouveaux 
éclaircissements,  en  parcourant  ce  qui  en  est 
rapporté  dans  les  conciles  et  les  autres  actes 
de  l'Eglise  gallicane. 

Le  pape  Adrien  I"  envoya  le  pallium  à 
l'archevêque  de  Reims,  Tilpin,  à  la  demande 
du  roi  Charlemagne.  pour  lui  confirmer  tous 
les  droits  de  sa  métropole.  «  Ad  petitionem 
régis  Caroli,  pallium  secundum  consuetudi- 
nem tibi  transmisimus,  cum  privilegio  ut  me- 
tropolis  Ecclesia  Remensis  in  suo  statu  mane- 
ret,  etc.  Neque  aliquis  tuas  parochias  aut 
ecclesias  vel  civitates  subtrahere  audeat,  etc. 
(An.  77-2,  Flodoar.,  1.  n,  c.  17).  » 

Le  pallium  était  donc  comme  le  sceau  du 
droit  métropolitique,  avec  cet  autre  privilège 
de  ne  pouvoir  être  jugé  en  dernier  ressort  que 
par  le  pape  :  «  Et  te,  aut  futuris  temporibus 
Remensem  episcopum  et  primatem  illius  diœ- 
cesis  non  praesumat,  neque  valeat  aliquis  un- 
quain  de  episcopatu  dejicere  sine  canonico 
judicio,  et  neque  ullo  judicio,  sine  consensu 
Romani  Pontificis,  si  ad  hanc  sanctam  sedem 
Romanam,  quae  caput  esse  dignoscitur  orbis 
terne  appellaverit  in  ipso  judicio.  Sed  in  sola 
subjectione  Romani  Pontificis  permanens,  diœ- 
cesin  et  parochiam  Remensem,  nostra  atque 
beati  Pétri  fultus  in  ista  sanctaSede  autoritate, 
secundum  sanctos  canones  et  hujus  sanctœ 
Sedis  praeceptiones.  itastudeasgubernare,  etc.» 

Cette  sujétion  au  siège  romain ,  qui  était 
comme  une  suite  du  pallium,  était  donc  un 
privilège  que  les  métropolitains  recherchaient 
avec  chaleur,  c'était  un  affermissement  de  leur 
autorité,  appuyée  sur  celle  du  pape,  c'était  un 
affranchissement  de  toute  autre  supériorité 
que  de  celle  du  pape,  c'était  l'exemption  de  ne 
pouvoir  être  jugé  en  derrière  instance  que  par 
le  pape,  c'était  enfin  un  nouvel  appui,  pour 
gouverner  leur  province  dans  l'exacte  disci- 
pline des  canons. 

Au  reste,  ce  pape  chargea  en  même  temps 
l'archevêque  Tilpin  de  faire  des  informations 
de  la  vie  et  des  mœurs  de  Lullus,  archevêque 
de  Mayence, afin  de  lui  envoyer  aussi  le  pallium, 
après  avoir  reçu  de  lui  une  confession  de  la  foi 
catholique  :  «  Ut  si  aptus  fuerit,  manu  sua 
subscriptam  catholicam  et  orthodoxam  fidem 
per  missos  suos,  cumlitterisac  testimonio  tuo, 
seu  aliorum  epïscoporum  ,  quos  tecum  esse 
mandavimus,  ad  nos  dirigat,  ut  pallium  illi 
secundum  consuetudinem  transmittamus.  » 


102 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


Le  pape  n'exigeait  donc  encore  qu'une  con- 
fession de  foi  des  métropolitains,  à  qui  il  en- 
voyait le  pallium ,  avec  une  information  des 
mœurs,  qu'il  faisait  faire  par  les  évêques,  qu'il 
nommait  sur  les  lieux  mêmes. 

Le  même  pape  (An.  786),  accorda  le  pallium 
à  l'archevêque  de  Rourges  Ermembert  de 
la  même  manière.  1°  à  la  prière  du  roi  Chai  - 
lemagne,  «  pro  niniio  vestro  regali  ex  intimo 
cordis  amore,  etc.  (Concil.  Gall.,  tom.  il,  p.  73, 
73,  113).  »  2°  En  assujétissant  cette  Eglise  a  la 
seule  Eglise  romaine,  «  sub  jure  sanclœ  Ro- 
manae  Ecclesia'degenti.»  3"  Pour  gouverner  son 
Eglise  selon  les  canons,  «  ut  ministerium  sibi 
connnissum  digne  valeat  et  canonice  dispen- 
sare. 

Nicolas  1er  envoya  le  pallium  à  Egilon,  ar- 
chevêque de  Sens,  à  l'instance  du  roi  Charles 
le  Chauve,  qu'il  conjura  en  même  temps  de 
faire  rendre  à  cette  Eglise,  et  à  toutes  les  autres 
Eglises  de  son  royaume,  tout  ce  qui  leur  avait 
été  ravi  pendant  les  longs  désordres  de  la 
guerre.  «  Unde  et  pallium  secundum  consue- 
tudinem  utendum  ei  secundum  postulationem 
vestram  direximus  (Concil.  Gall.,  tom.  ni,  p. 
273,  274).  »  En  écrivant  sur  le  même  sujet  à 
l'archevêque  Egilon,  il  ne  lui  recommande  rien 
tant  que  l'exécution  des  canons. 

Le  concile  de  Troyes  célébré  en  807,  composé 
de  six  archevêques  et  de  plusieurs  évêques,  où 
Hincmar,  archevêque  de  Reims  présidait,  de- 
manda au  même  pape  le  pallium  pour  WTfad, 
archevêque  de  Rourges.  Le  roi  Charles  le 
Chauve  y  joignit  ses  instances,  «  ut  fulelissi- 
niuni  servum  vestrum  Wlfadum  pallio  aposto- 
Licae  autoritatis  exornando  decoretis,  et  deeo- 
rando  confirmetis.  »  Le  pape  Adrien  II,  qui 
avait  cependant  succédé  à  Nicolas,  accorda  ce 
pallium,  «  postulantibus  vobis ,  ut  Wlfadus 
pallii  usu  more  decessorum  suorum,  nostne 
autoritatis  largitione  decorari  potuisset,  me- 
rito  condescensionis  aures  accommodavimus 

(lbid.,C  CCCLXXXV,  CCCLXVII,  CCCLXIX,  CCCLXX1.)» 

Le  même  Adrien  II  ayant  appris  que  L'Eglise 
de  Nantes  avait  été  entièrement  détruite  par 
les  Normands,  écrivit  au  roi  et  aux  évêques  du 
concile  de  Soissons,  de  donner  un  autre  évêché 
vacant,  quand  ce  serait  même  une  métropole, 
à  l'évêque  de  Nantes  Aclardus,  auquel  il  en- 
voya cependant  le  pallium,  comme  une  juste 
récompense  des  exils,  des  prisons  et  des  chaînes 
qu'il  avait  souffertes  pour  la  foi  de  L'Eglise, 
déclarant  néanmoins  que  ce  serait  un  honneur 


attaché  ci  sa  personne,  et  non  pas  à  l'Eglise, 
dont  on  l'investirait.  «Quodnon  aliter  illi,  nec 
cuilibet  absque  metropolitis  concederemus , 
nisi  multoties  hune  exilia,  mare,  vincula  pas- 
sum,  eliamad  capRalem  sentenliam  fréquenter 
tractum  fuisse  comperissemus,  etc.  ut  pro 
exilio  et  catena,  pallii  ornamenta,  non  ad  Ec- 
eleskc  cui  incardinandus  est,  perpetuum  ins- 
titutum  sed  ad  suum  speeialem  celtique  tem- 
poris  usum.  » 

Ce  pallium  fut  accompagné  du  même 
privilège,  qui  a  déjà  été  remarqué,  de  ne  pou- 
voir être  jugé  par  le  pape,  «  ut  nullus  metro- 
politanorum  antistitum,  seu  cacterorum  epi- 
scoporum,  in  controversia  criminis,  si  sedeni 
appellaverisApostolicam,  velejusspecialiexpe- 
tieris  audiri ,  vel  discuti  fortassis  examine, 
prsesumat  de  te  proferre,  non  nostro  praemisso 
decreto  judicinm,  sed  Apostolica'  Sedis  tan  tu  m 
reserveris  examinandus,  vel  judicandus  in- 
cunctanter  arbitrio;  cujus  videlicet  decreto  vel 
largitate  vacanli  Ecclesiœ  incardinatus  vel  pal- 
liatus  esse  diguosceris.  » 

X.  Jean  V1I1  donna  le  pallium  à  l'évêque 
d'Autun  Adalgarius  en  faveur  de  l'empereur 
Charles  le  Chauve,  «  quem  vestri  amoris  causa, 
ipsiusque  morum  probitate  moti,  palliatum  ad 
vos  remittimus  (Ibid.,  p.  434).  » 

Il  y  a  apparence  qu'il  ne  l'exempta  pas  pour 
cela  de  la  juridiction  de  son  métropolitain, 
comme  saint  Grégoire  le  Grand  n'en  avait  pas 
autrefois  affranchi  Syagrius,  évoque  de  la  même 
ville,  en  lui  accordant  la  même  grâce.  Ainsi  ce 
fut  une  grâce  extraordinaire  qu'on  lit  à  l'évê- 
que Actardus,  de  le  soustraire  de  l'autorité  de 
son  métropolitain. 

Le  même  Jean  VIII  différa  d'envoyer  le  pal- 
lium à  Wilibert ,  archevêque  de  Cologne,  jus- 
qu'à ce  qu'il  eût  reçu  de  lui  une  confession  de 
foi  entière,  où  il  fût  fait  mention  des  conciles 
universels,  et  des  constitutions  des  papes  selon 
la  coutume,  «  decrélalium  ponlifleum  Roma- 
norum  constitutorum,  secundum  morem  fece- 
ris  mentionem  (An.  XN3.  Ibid.,  p.  520).  »  Il  ne 
lui  parle  point  du  serment. 

Hincmar  ayant  été  accusé  de  se  servir  du 
pallium  a  d'autres  jouis  qu'a  ceux  qui  sont  dé- 
terminés pour  cela,  se  justifia  auprès  du  pape 
Nicolas  I™  (Tom.  n,  p.  311),  en  l'assurant  qu'à 
peine  le  porlàit-il  en  d'autres  jours  qu'à  L'âques 
et  à  Noël,  parce  que  les  affaires  de  l'Eglise  et 
de  l'Etat  l'arrêtaient  hors  de  son  diocèse  dans 
les  autres  temps  qu'il  est  permis  d'en  user. 


DU  PALLIFM  DES  LATINS  ET  DES  GRECS. 


103 


Qu'il  n'avait  demandé  le  pallium  que  connue 
l'ornement  propre  des  métropolitains,  et  non 
pas  pour  en  tirer  gloire  :  «  Non  eniin  usum 
pallii  esse  meae  dignitatis  puto,  sed  genii  sedis 
metropolis  esse  cognosco.  »  Que  si  le  pallinm  le 
met  au-dessus  des  autres  évêques  de  sa  pro- 
vince ,  cette  élévation  n'est  pas  celle  de  la  vertu, 
qui  nous  approche  le  pins  de  Dieu,  «  et  si  ex- 
cellentiorem  cœteris  Remorum  provineiac  se- 
dibus  metropolim  sedem  pallii  usus  demonstrat 
in  oculis  hominum  ;  non  tamen  majorem  me 
facit  in  oculis  Domini.  » 

Il  y  a  pourtant  quelque  sujet  de  se  défier  de 
la  sincérité  de  Hincmar  dans  cette  réponse, 
puisque  Flodoard  nous  apprend  qu'il  avait  au- 
trefois employé  l'autorité  de  l'empereur  Lo- 
thaire,  pour  obtenir  du  pape  Léon  IV  la  liberté 
d'user  tous  les  jours  du  pallium.  Ce  que  ce 
pape  lui  accorda  en  l'assurant  qu'aucun  arche- 
vêque n'avait  obtenu,  ni  n'obtiendrait  jamais 
une  pareille  grâce. 

«  Per  interventionem  Lotharii  imneratoris 
pallium  ad  quotidianum  suscepitusumaquarto 
Leone  papa,  a  quo  jam  aliud  perceperat  in  dé- 
signais sibi  solemnitatibus  débite  fruendum. 
Quem  quotidianum  pallii  usum  nulli  unquam 
archiepiscopo  se  concessis^e,  vel  deinceps  con- 
cessurum  esse  idem  papa  in  epistola  tune  ad 
euin  directa  testatur  (Flodoard.,  1.  m,  c.  x).  » 

C'est  peut-être  la  concession  extraordinaire 
de  ce  pallium  pour  tous  les  jours  que  le  pape 
Nicolas  désapprouvait,  ou  même  il  la  révoquait 
en  doute. 

XL  Si  un  métropolitain  avait  tâché  de  parti- 
ciper au  singulier  privilège  des  patriarches,  de 
porter  le  pallium  tous  les  jours  ;  les  évêques  se 
crurent  d'autant  mieux  fondés  à  demander  la 
communication  du  pallium  des  métropolitains, 
que  leur  demande  n'était  pas  sans  exemple. 

Foulques,  archevêque  de  Reims,  ne  laissa  pas 
de  s'en  plaindre  dans  ses  lettres  au  pape  For- 
mose,  lui  découvrant  la  secrète  ambition  des 
évêques,  qui  ne  tendaient  qu'à  s'exempter  de 
la  juridiction  des  métropolitains,  c'est-à-dire 
au  renversement  général  de  la  discipline  de 
l'Eglise,  et  le  conjurant  de  ne  rien  accorder 
d'extraordinaire,  sans  le  consentement  général 
des  métropolitains,  qui  se  sont  si  justement 
intéressés  dans  cette  cause. 

«  Subnectit  de  quibusdam  episcopis  Gallia- 
rum.  qui  sibi  pallium  indebite  a  Roinana  pos- 
cebant  sede  .  metropolitanos  suos  lali  spernen- 
tes  tenore  ;  asserens   quod  res  eadem  ,  nisi 


prudenti  praecauta  foret  sollicitudine,  confu- 
sionem  non  mediocrem  generaret  Ecclesiae , 
magnumque  ebaritati  dispendium  valeret  in- 
ferre. Fnde  tatn  se,  quamomnem  precari  dicit 
Ecclesiam,  ne  cito  alicujus  irrationabili  peti- 
tioni,  sine  generali  assensu  et  litteris  consentiat. 
Ne  per  hoc  ecclesiastic;e  dignitatis  bonor  vile- 
scere  incipiat,  si  res  indebita,  quse  temere  affe- 
ctatur,  inconsulte  tradatur.  (Flodoard,  1.  m, 
c.  i.)  » 

Enfin,  ce  même  archevêque  Foulques  fit  in- 
tervenir le  crédit  de  l'empereur  Charles  le 
Gros,  pour  obtenir  du  pape  le  pallium,  avec  la 
confirmation  de  tous  les  droits  et  de  tous  les 
avantages  de  la  métropole  de  Reims.  «  Scripsit 
et  ad  eumdem  imperatorem  pro  percipiendo  a 
Sede  Romana  pallio,  roborandisque  datis  olim 
a  Romanis  Pontifîcibus  Ecclesiœ  Remensi  pri- 
vilegiis  (L.  m,  c.  v).  » 

Le  roi  Carloman,  fils  de  Louis,  roi  de  Ger- 
manie, obtint  du  pape  Jean  VIII  le  pallium 
pour  l'archevêque  Théomar.  «  Pallium  vestra 
petitione  inclinati,  consuetudinaliterdirigentes 
Theomaro  archiepiscopo.  (Joan.,  vin,  Ep.Lxui). 
l'empereur  Otbon  s'employa  sans  doute  pour 
faire  donner  le  pallium  au  saint  archevêque  de 
Cologne,  auquel  il  écrivit  en  ces  termes  après 
son  élection  :  «  Otho  imp.  Aug.  Hereberto  ar- 
chilogothetœ  gratiam  et  Coloniam,  et  pallii 
cubitum  unum,  »  où  il  fait  allusion  à  la  qua- 
lité d'archichancelier,  qui  est  attachée  au  siège 
épiscopal  de  Cologne  et  à  la  figure  du  pallium 
(Surins,  in  ejus  vita.  Mart.  die  16,  c.  vu).  Saint 
Rruno,  évêque  de  Cologne,  obtint  aussi  le  pal- 
lium avec  cette  singulière  prérogative,  d'en 
user  autant  de  fois  qu'il  le  jugerait  à  propos. 

Voici  comme  en  parle  Fauteur  de  sa  vie  : 
a  Legatus  Roma  rediit,  portans  sacrum  habi- 
tum,  ab  universali  Pontifice  missum,  pneten- 
dentem  jugum  Domini  suave,  et  onus  ejus 
levé,  et  ipsum,  quod  sub  eo  dispensatur,  hu- 
m ile  ministerium,  quod  verba  Domini  testan- 
tur.  dicentis ,  Qui  major  est  vestrum  ,  erit 
miiiistervesler,  et  privilegium  apostolicai  subli- 
mitatis  autoritate  traditum;  quod  et  eodem 
pallio  pra-ter  consuetudinein  sacerdos  Domini, 
quoties  vellet,  indui  permissus,  etc.  (Apud  Su- 
rium,  die  2.  Octobr.,  c.  vu).  » 

Enfin,  saint  Dunstan,  archevêque  deCantor- 
béry,  alla  lui-même  demander  le  pallium  à 
Rome,  et  le  pape  le  lui  donna  comme  une 
transfusion  de  l'autorité  apostolique ,  en  le  fai- 
sant légat  du  Saint-Siège  eu  Angleterre  :  «Slola 


104 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SIXIÈME. 


Apostolus  pro  quavenerat,  decentissimeillum 
decoravit.  Sicque  delegata  ei  legatione  Aposto- 
licœ  Sedis,  etc.  (Apud  Surium,  die  19  Maii, 
c.  xxrx).  » 

Théodulphe,  évêque  d'Orléans,  fut  envoyé 
par  l'empereur,  Louis  le  Débonnaire,  au-devant 
du  pape  Etienne  avec  les  archevêques  de  Co- 
logne et  d'Arles.  Ce  fut  là  probablement  où  il 
fut  lionoré  du  pallium  par  ce  pape,  comme  il 
le  témoigne  lui-même  dans  ses  vers  : 


Solius  illud  opus  Romani  prasulis  exlat, 
Cujus  ego  accepi  pallia  sancta  manu. 

(L.  iv.  Car.  5.) 


Ce  fut  en  suite  de  ce  privilège  que  Théodul- 
phe fut  appelé  archevêque  dans  plusieurs 
chartes  de  l'empereur  Louis  le  Débonnaire 
(Le  Cointe,  anno  SIC»,  n. 20). 

J'ai  déjà  dit  ci-dessus  en  parlant  des  pou- 
voirs du  métropolitain,  que  Galon  ,  évêque  de 
Metz,  fut  le  cinquième  prélat  de  cette  Eglise, 
qui  obtint  le  pallium  du  Saint-Siège.  Urbicius 
avait  été  le  premier;  Crodegangus,  fils  de  la 
sœur  du  roi  Pépin  ,  le  second;  le  troisième  An- 
gilram;  Drogon,  fils  de  Charlemagne.  C'était 
ce  qui  faisait  prendre  la  qualité  d'archevêque 
à  ces  évêques  de  Metz  (Spicileg.,  tom.  xu, 
pag.  215.)  Bertolphe,  archevêque  de  TrèveSj 
s'emporta  contre  Calon  et  l'obligea  enfin  de  se 
priver  de  l'usage  du  pallium.  En  quoi  il  nous 
donne  lieu  de  croire  que  ses  prédécesseurs 
n'avaient  pas  été  trop  satisfaits  de  voir  leurs 
suffragants  user  du  pallium,  mais  ils  avaient 
cédé  à  la  nécessité  et  à  l'autorité  des  princes. 

De  tous  ces  exemples  on  conclura  sans  peine 
qu'il  n'yapas  la  moindre  apparence  du  monde 
que  le  VHP  concile  général  ait  imposé  une 
nouvelle  loi  aux  métropolitains  de  demander 
le  pallium,  et  de  faire  en  même  temps  profes- 
sion par  écrit  d'une  nouvelle  soumission  au 
Saint-Siège. 

1°  Si  les  empereurs  et  les  rois  s'employaient 
depuis  longtemps  pour  faire  donner  le  pallium 
aux  métropolitains,  comment  peut-on  se  figu- 
rer que  le  VIIIe  concile  ait  imposé  cette  nou- 
velle nécessité  aux  métropolitains  ? 

2"  Si  les  empereurs  et  les  souverains  ont  con- 
tinué après  le  même  concile  de  faire  les  mêmes 
offices  aux  métropolitains  auprès  du  Saint- 
Siège,  comme  nous  venons  de  le  justifier,  ce 
n'était  donc  pas  une  fâcheuse  nécessité  à  la- 
quelle on  les  eût  asservis. 


3°  C'étaient  les  métropolitains  mêmes  qui 
interposaient  les  sollicitations  des  rois  et  des 
empereurs  pour  faire  réussir  leurs  poursuites. 
Comment  se  persuadera-t-on  donc  que  la  con- 
trainte et  la  servitude  étaient  attachées  au 
pallium  ? 

4"  Les  papes  se  seraient-ils  rendus  si  difficiles 
à  accorder  le  pallium,  an  point  qu'il  fallût  que 
les  princes  interposassent  leur  autorité,  si  ce 
huitième  concile  général  avait  prescrit  aux 
métropolitains  de  le  demander  ? 

5°  Les  souverains  eussent-ils  poursuivi  avec 
tant  d'ardeur  un  ornement  qui  attachait  les 
évêques  de  leurs  Etats  au  pape  par  des  liens 
et  des  asservissements  nouveaux?  Les  métro- 
politains auraient-ils  achevé  la  servitude  avec 
tant  de  brigues  et  tant  de  poursuites  ? 

0°  Les  métropolitains  ne  se  contentaient  pas 
des  avantages  ordinaires  du  pallium  :  ils  tâ- 
chaient de  se  distinguer  de  leurs  propres  con- 
frères, par  l'usage  ordinaire  de  ce  collier  sacré. 
Il  s'en  fallait  donc  beaucoup  qu'ils  ne  le  regar- 
dassent comme  la  marque  de  leur  asservisse- 
ment. 

7"  Les  évêques  mêmes  faisaient  leurs  efforts 
pour  avoir  part  à  un  honneur  si  recherché. 

8°  Les  papes,  en  accordant  tant  de  fois  le 
pallium  ,  n'ont  jamais  exigé  cette  nouvelle 
profession. 

9°  Le  savant  Hincmar  avait  assez  de  courage 
et  assez  d'adresse  pour  s'opposer  à  cette  in- 
novation, s'il  s'en  fût  aperçu,  et  il  s'en  fût  in- 
failliblement aperçu  ,  s'il  y  eût  eu  quelque 
fondement  de  le  croire. 

XII.  Finissons  cette  matière  par  ces  deux  ré- 
flexions, dont  l'une  regarde  la  forme,  et  l'autre 
les  libertés  du  pallium.  L'empereur  Othon  sou- 
haitait à  un  saint  archevêque  une  coudée  du 
pallium,  pallii  cubitum  union  :  parce  que  ce 
n'était  pas  le  manteau  impérial  tout  entier 
qu'on  envoyait ,  mais  une  partie  seulement, 
composée  de  bandes  et  de  croix,  qu'on  appli- 
quait sur  le  pallium,  ou  sur  la  chasuble  ordi- 
naire. 

Le  livre  d'Alcuin  ou  attribué  à  Alcuin,  des 
divins  offices,  nous  donne  la  même  idée  du 
pallium;  il  le  compare  à  la  lame  d'or  qui  pen- 
dait sur  le  front  du  grand  prêtre  de  la  syna- 
gogue, et  qui  s'appliquait  sur  sa  mitre.  «  Pal- 
lium archiepiscoporum  super  omniaindumenta 
est,  ut  lamina  in  fronte  pontificis.  »  Il  dit  que 
c'esl  comme  un  collier  semblable  à  celui  dont 
on  honorait  autrefois  ceux  qui  avaient  rem- 


DU  PALLIUM  DEPUIS  L'AN  MIL. 


LOS 


porté  quelque  victoire.  aPallium  signiiicattor- 
quem,  quem  solebant  légitime  certantes  acci- 
pere.  »  Voilà  la  première  réflexion. 

La  seconde  est,  que  cet  ornement  royal  ayant 
d'abord  été  donné  au  pape  et  aux  patriarches 
seuls,  c'était  une  marque  indubitable  de  leur 
éminenle  dignité  et  de  leur  supériorité  au-des- 
sus des  autres  évèques,  comme  si  eux  seuls 
eussent  possédé  avec  plénitude  la  royauté  du 
sacerdoce  de  J.-C. 

Quand  les  papes  communiquèrent  quelques 
rayons  de  leur  puissance  patriarcale  à  ceux 
qu'ils  établissaient  légats  et  vicaires  apostoli- 
ques dans  quelques  royaumes  particuliers,  ils 
leur  accordèrent  en  même  temps  le  pallium, 
comme  une  marque  de  cette  puissance  nou- 
velle qui  leur  était  donnée  sur  d'autres  métro- 
politains. Ils  envoyaient  aussi  le  pallium  aux 
métropolitains  qui  relevaient  immédiatement 
du  Saint-Siège,  et  qui  en  ce  sens  étaient  pri- 
mats; d'où  il  arriva  que  les  vicariats  apostoli- 
ques étant  venus  à  s'éteindre,  le  pallium  com- 
mença à  être  donné  à  tous  les  métropolitains, 
comme  une  preuve  de  leur  indépendance  de 
tout  autre  primat. 

C'est  ce  qui  causait  cette  ardeur  extrême  que 
les  arebevèques  faisaient  paraître  pour  obtenir 
le  pallium,  comme  la  couronne  du  souverain 
sacerdoce  et  du  droit  mélropolitique.  C'est  ce 
qui  poussa  quelquefois  les  évéques  à  deman- 
der aussi  le  pallium  ,  afin  de  s'exempter  du 
joug  et  de  l'obéissance  de  leurs  métropolitains. 
C'est  ce  qui  porta  les  arebevèques  à  s'opposer 


vigoureusement  à  toutes  ces  tentatives  faites 
par  des  évèques  amateurs  de  l'indépendance. 
C'est  enfin  ce  qui  allumait  cette  passion  ardente 
des  archevêques,  de  ne  point  souffrir  de  li- 
mites dans  l'usage  du  pallium,  ni  pour  les 
lieux,  ni  pour  les  jours,  afin  de  s'approcher 
toujours  davantage  du  suprême  pouvoir  des 
patriarches,  qui  ne  quittaient  jamais  cet  orne- 
ment sacré  de  leur  autorité  souveraine. 

Après  cela  on  croira  sans  peine  que  rien 
n'est  plus  contraire  non-seulement  à  la  vérité, 
mais  aussi  à  la  vraisemblance,  que  de  s'ima- 
giner qu'il  a  fallu  faire  intervenir  l'autorité 
du  VHP  concile  général,  pour  contraindre  les 
arebevèques  à  demander  le  pallium  ;  ou  que 
les  papes  se  sont  servis  adroitement  de  cet  ar- 
tifice pour  faire  croire  que  le  droit  des  métro- 
poles était  un  pur  bienfait  du  Saint-Siège. 

Toute  l'iiistoire  fait  foi  au  contraire  que  les 
papes  ont  été  très-réservés  adonner  le  pallium, 
qu'il  a  fallu  interposer  l'autorité  des  empereurs 
et  des  rois  pour  l'obtenir,  que  les  métropoli- 
tains en  ont  été  très-passionnés,  comme  d'une 
marque  et  de  leur  indépendance  à  l'égard  des 
primats,  et  de  la  dépendance  de  leurs  suflra- 
gauts  à  leur  égard. 

Raban  a  joint  ces  deux  réflexions  en  ce  peu 
de  paroles  :  «  Super  bœc  omnia  summo  ponti- 
fia propter  apostolicam  vicem ,  pallii  honor 
decernitur;  quod  genus  indumenti  crucis  si- 
gnaculum  purpureo  colore  exprimit,  ut  ipso 
indutus  pontifex,  a  tergo  et  pectore  crucem  ha- 
beat  ;L.  de  Ordine  Antipbonarii).» 


CHAriTRE  CINQUANTE-SEPTIEME. 


DU    PALLIUM    DEPUIS    L  AN    MIL    JUSQUES    A    PRESENT. 


I.  Les  points  les  plus  importants  dont  il  sera  traité  dans  ce 
chapitre.  Refus  du  pallium  à  un  prélat  indigne. 

II.  Les  ornements  impériam  communiqués  au  sacerdoce. 

III.  Dans  la  donation  de  Constantin,  les  bandelettes  du  pallium 
distinguées  de  la  chape. 

IV.  Combien  la  coutume  était  ancienne,  d'aller  demander  le 
pallium  à  Rome,  dans  trois  mois,  au  moins  dans  un  an. 

V.  Occasions  diverses  pour  se  relâcher  de  cette  loi. 

VI   VII.  VIII.   Combien  est  ancienne  la  coutume  que  les  ar- 


chevêques se  suspendent  de  toutes  les  fonctions  pontificales, 
jusqu'à  ce  qu'ils  aient  reçu  le  pallium.  Cette  coutume  vient  de 
l'empressement  des  archevêques  mêmes  pour  avoir  le  pallium. 
Preuves  et  exemples. 

IX.  Réflexions  sur  la  décrétale  d'Innocent  III  sur  ce  sujet. 

X.  Si  tous  les  évèques  grecs  ont  eu  le  pallium.  Décrétale  du 
même  pape. 

XI.  Relierions  sur  le  concile  VIII,  et  sur  I.uilprand. 


106 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIÈME. 


I.  Comme  le  pallium  des  archevêques  de- 
mande des  éclaircissements  particuliers,  il  en 
faut  donner  ici  de  nouveaux,  que  nous  tirerons 
de  ce  dernier  âge  de  l'Eglise. 

Nous  retoucherons  premièrement  à  son  ori- 
gine. Nous  examinerons  ensuite  la  nécessité  de 
l'aller  recevoir  à  Rome,  et  après  nous  passe- 
rons à  la  loi  qui  défend  les  fonctions  métro- 
politaines aux  archevêques  avant  que  de  l'avoir 
reçu. 

Enfin,  nous  traiterons  du  pallium  des  évo- 
ques grecs,  après  avoir  dit  que  cet  ornement 
sacré  a  toujours  continué  d'être  le  symbole 
d'une  autorité  éminente,  accompagnée  d'une 
éminente  vertu.  Aussi  Guillaume  de  Malmes- 
bury,  dans  l'histoire  de  Guillaume  le  Conqué- 
rant, assure  que  Malger,  archevêque  de  Rouen, 
ne  put  jamais  obtenir  le  pallium,  parce  qu'il 
était  adonné  à  la  chasse  et  à  d'autres  folles  dé- 
penses. «  Tota  vita  pallii  usu  caruit,  quod  ne- 
garet  Sedcs  Apostolica  hujus  honoris  privile- 
gium  homini,  qui  sacratum  negligebat  offi- 
cium.  » 

II.  Léon  IX  inséra  dans  sa  lettre,  écrite  en 
1033  au  patriarche  Michel  de  Constantinople, 
une  partie  de  la  donation  de  Constantin,  où 
entre  les  marques  de  la  majesté  impériale  com- 
muniquées aux  pontifes  de  l'Eglise,  le  pallium 
n'est  pas  omis  non  plus  que  la  mitre.  «  Deinde 
diadema,  videlicet  coronam  capitis  noslri  si- 
mulque  phrygium,  neenon  et  superhumerale, 
videlicet  lorum,  quod  impériale  circumdare 
assolet  collum,  verum  etiam  et  chlamydeni 
purpuream,  atque  tunicam  coccincam,  et  om- 
nia  imperialia  indumentaconferentes  ei,  etc.  » 

L'auteur  de  cette  pièce  supposée  ne  trouva 
du  crédit  par  le  inonde,  que  parce  que  les  pon- 
tifes étaient  en  possession  immémoriale  de  tous 
ces  ornements  majestueux  ;  et  parce  qu'effecti- 
vement ils  étaient  communs  à  l'empire  et  au 
sacerdoce  ,  et  avaient  appartenu  à  l'empire 
avant  que  d'être  communiqués  aux  évoqués. 

Nous  avons  parlé  de  la  mitre  dans  le  cha- 
pitre i.u,  et  ce  qui  en  a  été  dit,  fait  bien  voir 
qu'elle  était  considérée  comme  une  marque 
de  royauté,  puisque  les  papes  en  honoraient 
des  souverains  comme  d'un  nouveau  sceau  de 
leur  souveraineté.  Roger  a  remarqué  qu'au 
sacre  de  Richard  I",  roi  d'Angleterre  en  1189, 
on  revêtit  premièrement  ce  roi  d'une  tunique, 
puis  d'uni!  dalmatique,  qui  étaient  des  orne- 
ments royaux,  a  Induerunt  eum  vestimentis 
regalibusj  primo  lunica,  deinde  dalmatica.  » 


Les  ornements  impériaux  ont  donc  été  com- 
muniqués au  sacerdoce. 

III.  Mais  il  importe  extrêmement  de  remar- 
quer dans  le  passage  de  la  donation  que  nous 
venons  de  citer,  la  distinction  affectée  entre  les 
bandes,  auxquelles  nous  donnons  le  nom  de 
pallium,  «lorum  quod  impériale  circumdare 
assolet  collum,  »  et  la  chape,  à  laquelle  ces 
bandes  sont  appliquées,  et  sans  laquelle  elles 
n'auraient  pas  la  moindre  apparence  d'un 
manteau,  «  et  chlainydem  purpuream.  » 

Il  est  donc  à  croire  que  ces  deux  parties  du 
pallium  étaient  déjà  séparées,  et  que  le  pape 
n'envoyait  que  les  bandes  qui  en  étaient  le 
plus  riche  ornement,  et  qu'il  était  aisé  d'appli- 
quer sur  la  chape  ou  sur  la  chasuble  ordi- 
naire. Je  passe  au  second  point. 

IV.  Glabert  raconte  comment  le  pape,  voyant 
l'Eglise  de  Lyon  déchirée  par  l'ambition  dé- 
mesurée d'un  grand  nombre  de  compétiteurs, 
nomma  pour  archevêque  saint  Odilon,  abbé  de 
Cluny,  lui  envoyant  le  pallium  et  l'anneau. 
«  Mittens  pallium  simul  et  annulum.  impera- 
vit  eumdem  prœdictae  civilati  fore  archiepisco- 
pum  (An.  103i,  Glaber,  1.  v,  c.  4).  »  Ce  saint 
abbé  refusa  cette  dignité,  et  garda  ces  précieux 
dépôts  pour  l'archevêque  futur  qui  fut  nommé 
par  le  roi  Henri.  «  Pallium  et  annulum  susci- 
piens  futuro  reservavit  pontifici.  » 

C'était  pour  secourir  l'Eglise  de  Lyon  dans 
cette  pressante  nécessité,  que  le  pape  envoya 
le  pallium,  puisque  les  archevêques  devaient 
l'aller  eux-mêmes  demander  à  Rome ,  selon 
l'usage  reçu. 

Lanfranc  ayant  été  élu  archevêque  de  Can- 
torbéry,  Hildebrand,  archidiacre  de  Rome,  lui 
écrivit  qu'on  lui  eût  envoyé  le  pallium,  s'il  y 
eût  eu  un  seul  exemple  dans  ce  siècle-là  d'une 
pareille  dispense,  «  sialicui  archiepiscoporum 
vestris  temporibus  hoc  concessum  fuisse  vidis- 
semus(Epist.  vi,  inter  epist.  Lanfr.).  »  Le  reste 
de  la  même  lettre  l'ait  voir  qu'on  n'obligeait 
les  métropolitains  d'aller  à  Rome,  que  pour  y 
conférer  avec  eux  des  obligations  de  l'épisco- 
pat  et  des  besoins  publics  de  l'Eglise.  «  Unde 
necessarium  nobis  videtur ,  vos  Aposlolorum 
limiiia  visilare,  quatenus  de  hoc  et  caeteris  una 
nobiscum  efficaeius,  quod  oportuerit,  consu- 
lere  valeamus,  atque  statuera.  » 

Lanfranc  reçut  à  Rome  du  pape  Alexandre  II 
le  pallium  ordinaire  des  archevêques;  mais 
par  un  privilège  tout  particulier,  le  pape  lui 
donna  encore  son  pallium  propre,  avec  lequel 


DU  l'ALLU.M  DEPITS  L'AN  MIL. 


107 


/ 


il  célébrait  la  messe  (An.  1071,  Eadm.,  Novor., 
1.  i,  vita  Lanfr.,  c.  xn).  Longtemps  avant  Lan- 
franc,  saint  Elpheg,  archevêque  de  Caatorbéry, 
était  allé  à  Rome  demander  le  pallium:  «  Cum 
iter  versus  lîomam  pro  pallio  Uabendo  arripe- 
ret,  etc.  Accepta  a  papa  pallio,  etc.  »  Ce  sont 
les  termes  d'Osbert,  dans  la  vie  de  ce  saint 
prélat  (An.  1006,  apud  Surium,  die  19  april.). 
Grégoire  VII  fit  savoir  à  l'évêque  de  Vérone 
que  c'était  une  loi  de  ses  prédécesseurs  :  «  An- 
tecessorum  nostrorum  decrevit  autoritas,  nisi 
prsesenti  personne  pallium  non  esse  conceden- 
dum(Gregor.  VII,  1. 1,  ep.  xxiv,  l.rx,  ep.  i,  xx).  » 
Ce  pape  blâma  fort  l'archevêque  de  Rouen  de 
trop  différer  de  venir  prendre  le  pallium  à 
Rome.  «  Non  credimus  te  ignorare,  quam  di- 
stricte  Patrum  censura  in  eos  judicandum  sta- 
tuent, qui  post  consecrationem  suam  per  très 
continuos  menses  pallium  obtinere  lepuerint.  » 
Il  menaça  Lanfranc  de  suspension,  s'il  n'allait 
recevoir  le  pallium  à  Rome.  Saint  Fulbert, 
dans  sa  lettre  xlviii,  assure  l'archevêque  de 
Tours  qu'il  doit  différer  les  exercices  de  son 
ministère,  s'il  a  différé  par  sa  négligence  de 
demander  le  pallium. 

Pierre  Damien  justilia  à  l'impératrice 
Agnès,  épouse  de  l'empereur  Henri  II,  le  refus 
qu'on  lui  faisait  d'envoyer  le  pallium  à  l'ar- 
chevêque de  Mayence,  sur  ce  que  l'ancienne 
tradition  ordonnait,  que  les  métropolitains 
vinssent  recevoir  la  consommation  de  leur  di- 
gnité dans  le  lieu  même  où  en  est  la  source. 
«  Pontifices  ex  antiquae  traditionis  usu  ad  apo- 
stolorum  debent  limina  properare,  et  hoc  sine 
quo  métropolitain  esse  non  possunt,  signum 
consummamke  su;e  dignitatis  accipere  (L.  vu, 
cpist.  iv).  » 

11  est  hors  de  doute  (pie  le  pallium  a  été  sou- 
vent envoyé  dans  les  provinces,  mais  ce  savant 
cardinal  répond  que  c'est  parce  qu'il  y  avait 
alors  des  légats  du  Saint-Siège  qui  examinaient 
les  métropolitains  avant  que  de  leur  donner  le 
pallium,  et  recevaient  d'eux  les  protestations 
deleur  union  avec  le  Saint-Siège  apostolique. 
«  Legati  vice  papse  eos  examinabant.  »  Témoin 
Syagrius,  évoque  d'Aulun,  qui  ne  reçut  cette 
dignité  qu'après  avoir  été  examiné  par  l'apo- 
crisiaire  Candide  :  «  Nisi  Candidum  qui  apocri- 
sarii  fungebaturoffieio,  adiret,  sicque  accipiens 
pallium,  dignam  in  legalo  suo  Romano  ponti- 
fici  reverentiam  exhiberet.  » 

Enfin  ,  Pierre  Damien  cite  la  décrétale  du 
pape  Damase,  qui  dépouilla  de  leur  dignité  les 


archevêques  qui  tarderaient  plus  de  trois  mois 
après  leur  ordination,  de  faire;  leur  profession 
de  foi  et  de  demander  le  pallium  au  pape. 
«  Papa  Damasus  hoc  decrevit,  ut  quisquis  me- 
tropolitanorum  ultra  très  menses  post  ordina- 
tionem  suam  Romano  Pontifiei  fidem  suam 
exponere,  et  pallium  flagitare  distulcrit,  com- 
missa  careat  dignitate.  » 

V.  Saint  Anselme,  successeur  de  saint  Lan- 
franc dans  le  siège  de  Cantorbéry,  nous  ap- 
prend par  son  propre  exemple,  combien  cette 
police  était  alors  nécessaire  pour  la  conserva- 
tion de  l'inviolable  unité  de  l'Eglise. 

Le  roi  d'Angleterre  s'étant  déclaré  pour  l'an- 
tipape Guibert  contre  Urbain  II  (An.  1094),  et 
ne  pouvant  souffrir  que  ce  saint  prélat  eût 
d'autres  sentiments  que  les  siens  dans  une  ma- 
tière d'aussi  grande  conséquence,  ne  voulut 
point  lui  permettre  d'aller  à  Rome,  pour  y  de- 
mander le  pallium.  a  Pro  stola  sui  archiepisco- 
patus  eundi  Romani  ad  papam  Urbanum,  li- 
centiam  humiliter  petiit  (Baronius,  an.  1095, 
n.  57).  »  Le  roi  envoya  lui-même  demander  le 
pallium  à  Rome,  on  le  lui  envoya  dans  l'espé- 
rance de  le  gagner;  Anselme  le  reçut  ayant  les 
jiieds  nus,  et  vêtu  pontificalement.  «  Venienti 
et  sacrum  insigne  in  vase  argenteo  deferenli, 
ab  archiepiscopo  nudipede,  sed  sacerdotalibus 
vestimentis  indutooecursum  (Eadmer.,  Novor., 
1.  n).  »  Voilà  ce  qu'en  dit  Eadmer  dans  sa  vie. 

11  dit  ailleurs  qu'Anselme  reçut  le  pallium, 
non  pas  des  mains  du  roi,  mais  en  le  prenant 
de  dessus  l'autel.  La  même  chose  se  voit  dans 
les  lettres  de  saint  Anselme,  dans  l'une  des- 
quelles il  reconnaît,  que  s'il  passait  la  première 
année  de  son  épiscopat  sans  aller  à  Rome  et 
sans  demander  le  pallium,  il  mériterait  d'en 
être  déposé  :  «  Si  metropolilanus  sacratus  epi- 
scopus  per  totum  primum  annum,  nec  papam 
viventem,  nec  pallium  requiro,  juste  ab  ipso 
honore  removendus  sum  (Anselm.,  1.  m,  ep. 
xxiv  ;  1.  iv,  ep.  n).  »  Dans  une  autre,  il  prie  le 
pape  d'envoyer  le  pallium  à  l'archevêque 
d'Vork,  qui  désirait  beaucoup  d'aller  le  rece- 
voir à  Rome,  mais  le  roi  et  les  princes  s'oppo- 
saient à  ce  voyage. 

Le  roi  d'Angleterre  ayant  laissé  vaquer  le 
siège  de  Cantorbéry  l'espace  de  cinq  ans  après 
la  mort  de  saint  Anselme,  par  des  raisons  bas- 
ses d'intérêt  et  d'avarice,  enfin  Radulphe  fut 
élu ,  qui  était  déjà  évêque  de  Rochester.  Le 
chapitre  de  Cantorbéry  pria  le  pape  Pascal  II 
d'agréer  cette  translation ,  et  d'envoyer  le  pal- 


108 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIÈME. 


lium  à  Radulphe,  dans  une  nécessité  si  pres- 
sante de  son  Eglise,  outre  les  infirmités  corpo- 
relles dont  il  était  accablé.  «  Ipsemet  tanta 
corporis  imbecillitate  gravatur,  ut  non  sine 
magno  periculo  sui .  et  detrimento  omnium 
nostrum  valeat  hoc  tempore  vestigiis  vestris  se 
pnrsentare  (Post.  Ep.  cciv.  Paschalis  II).» 

Ives,  évêquede  Chartres,  écrivit  au  pape  pour 
le  même  sujet,  l'assurant  que  Radulphe  avait 
résolu  d'aller  adorer  les  tombeaux  des  apôtres, 
selon  les  canons  ,  mais  que  ni  sa  santé  languis- 
sante, ni  l'état  de  l'Eglise  d'Angleterre  ne  le  lui 
permettaient  point .  et  qu'il  n'y  eut  jamais  une 
plus  juste  cause  de  dispense.  «  Hic  in  propria 
persona  Sedem  Apostolicamvisitare,  secundimi 
majorum  instituta  deliberavit,  sed  eumpartim 
corporis  débilitas  impedivit,  partim,  etc.  Cum 
aliqua  dispensatione  subveniatislanguenti  Ec- 
clesiœ,  et  propter  necessitatem,  etc.  (An.  11 I  i, 
Ivo  Epist.  c.cl).  » 

Quelque  fréquentes  que  fussentles  occasions 
d'une  légitime  dispense  ,  on  ne  laissait  pas 
d'aller  en  personne  à  Rome  pour  le  pallium. 
Thibaud  .  abbé  du  Bec,  ayant  été  élu  arche- 
vêque de  Cantorbéry  en  1138,  s'en  alla  lui- 
même  recevoir  le  pallium  de  la  main  du  pape. 

Ce  fut  dans  le  même  temps  que  saint  Mala- 
chie  fit  le  voyage  de  Rome,  pour  obtenir  le 
pallium  à  son  Eglise  et  à  une  nouvelle  métro- 
pole. «  Maxime  quod  metropolicae  sedi  deerat 
adbuc ,  et  deraeral  ab  initio  pallii  usus ,  quod 
est  pleniludo  honoris  (Anno  1138.  Mattli.  Pa- 
ris). »  C'est  ainsi  qu'en  parle  saint  Bernard 
danslaviede  ce  saint.  Guillaume  de Tyr  assure 
en  la  même  année ,  que  les  archevêques 
de  Tyr  allaient  en  personne  demander  le 
pallium  à  Rome.  «  More  prœdecessorum  suo- 
rum.  » 

Saint  Thomas  de  Cantorbéry  n'avait  garde 
d'aller  demander  le  pallium  ,  lui  qui  résistait 
avec  tant  de  fermeté  à  la  violence  qu'on  lui 
faisait  pour  le  faire  archevêque  (Baronius,  an. 
1IC.-2,  n.  21  .  Le  pape  Alexandre  111  lui  envoya 
le  pallium  de  Montpellier,  où  il  était  alors,  au 
rapportde  Jean  de  Salisbury  (Baron.,  an.  1 127, 

n.  91). 

Les  légats  du  même  Alexandre  III,  portèrent 
en  Danemark  le  pallium  pour  l'archevêché  de 
Luden,  au  saint  évêque  de  Roschild  Absalon, 
avec  de  terribles  menaces  d'excommunication 
s'il  persistait  a  s'opposer  à  l'élection  unanime 
qu'on  avail  laite  de  lui,  pour  remplir  le  pre- 
mier siège  du  royaume.  «  0  novam  et  inaudi- 


tam  curice  munificentiam  !  Recusanli  pallium 
ingestum  est,  insignequequod  petentibus  a?gre 
praestari  potest ,  répugnant]  violenter  impri- 
mitur.  »  Voilà  ce  qu'en  dit  Saxon  le  gram- 
mairien (Saxo  Grammat.,  1.  xiv). 

Il  est  aisé  de  conclure  que  l'impossibilité 
d'aller  recevoir  le  pallium  à  Rome  a  été  si 
fréquente,et  que  les  dispenses  ont  été  si  souvent 
nécessaires,  que  cette  loi  ecclésiastique  a  été 
presque  abolie  dans  les  deux  siècles  même , 
où  l'on  a  témoigné  plus  de  zèle  pour  la  faire 
observer.  En  effet,  le  fondement  de  cette  loi 
n'était  établi  que  sur  une  prétendue  décrétais 
que  Gratien  et  Ives  rapportent  comme  du  pape 
Pelage  (D.  100)  et  Innocent  III  après  eux,  mais 
dont  Burchard,  Anselme  et  la  Pannormie  font 
le  pape  Damase  auteur. 

Les  correcteurs  romains  du  décret  ont  re- 
marqué cette  diversité ,  et  nous  ont  fait  juste- 
ment conjecturer  que  c'est  plutôt  une  suppo- 
sition du  faux  Isidore.  Aussi  dans  tout  le  titre, 
«  De  usu  et  autoritate  Pallii  »  des  décrétâtes 
grégoriennes,  il  n'y  a  pas  un  seul  mot  qui 
tende  à  obliger  les  métropolitainsd'aller  deman- 
der eux-mêmes  le  pallium  à  Rome,  quoiqu'il 
y  soit  marqué  qu'un  métropolitain  ne  peut 
prêter  le  sien  à  un  autre  ,  ni  le  laisser  à  son 
successeur,  mais  qu'il  doit  être  enterré  avec 
celui  qui  en  a  été  orné. 

Roger  (Anno  1070)  racontecommeStigard  fut 
chargé,  entre  autres  crimes ,  quand  on  le  dé- 
posa ,  d'avoir  usé  du  pallium  de  l'archevêque 
Robert,  sur  qui  il  avait  usurpé  le  siège  de 
Cantorbéry. 

VI.  Je  viens  au  troisième  point  qui  est  le 
plus  délicat ,  c'est-à-dire  ,  à  la  défense  de  con- 
sacrer des  évêques,  ou  de  célébrer  des  conciles 
avant  que  d'avoir  reçu  le  pallium. 

Nicolas  Ier  assure,  dans  sa  réponse  aux  Bul- 
gares ,  que  c'était  une  coutume  reçue  parmi 
toutes  les  nations  de  la  chrétienté.  «  Archie- 
piscopum  episcopi  simul  congregati  consti- 
tuant: sane  intérim  in  throno  non  sedenfem, 
et  prœter  corpus  Christi  non  consecrantem  , 
priusquam  pallium  a  Sede  Romana  recipiat  : 
sicut  (ialliarum  omnesetCermania?  etaliarum 
regionum  archiepiscopi  agere  comprobantur 
(Cap.  lxxiii).  » 

On  ne  peut  pas  dire  que  ce  pape  en  ait  fait 
une  loi.  C'est  un  simple  témoignage  qu'il 
rend  de  ce  qui  se  pratique  par  tout  le  monde. 

11  y  a  en  effet  toutes  les  apparences  possibles 
que  ce  furent  les  archevêques  mêmes  qui,  ayant 


DU  PALLIUM  DEPUIS  L'AN  MIL. 


100 


considéré  le  palliuin  comme  la  plénitude  et  la 
consommation  de  l'honneur  et  du  rang  qu'ils 
possèdent  et  l'ayant  recherché  avec  tant  de  pas- 
sion qu'ils  l'ont  enfin  tous  obtenu  .  ils  se  sont 
abstenus  eux-mêmes  de  toutes  les  fonctions 
métropolitaines  .  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  reçu 
le  pallium:  et  d'une  longue  coutume  ils  se  sont 
fait  une  loi. 

Vil.  11  se  pourrait  faire  que  celte  coutume 
eût  passé  de  l'Orient  dan?  l'Occident,  puisque 
le  concile  VIII  œcuménique  (Can.  xyiii  sup- 
pose que  tous  les  métropolitains  ont  reçu  la 
consommation  de  leur  dignité,  ou  par  l'impo- 
sition des  mains  de  leur  patriarche,  ou  par  le 
pallium  qu'ils  ont  reçu  de  lui. 

«  Tain  in  seuiore  et  nova  Roma  ,  quam  in 
sede  Antiochhe  et  Hierosolymorum  priscam 
consuetudinem  deeernit  inomnibus  conservari, 
ita  ut  earum  prasules  metropolitanorurn  uni- 
Yersorum,  qui  ah  ipsis  promovenlur,  et  sive 
per  manus  impositionem,  sive  per  pallii  datio- 
nem,episeopalisdignilatisaceipiuntfirmitatem, 
habeant  potestatem.  etc.  » 

Comme  la  consécration  des  métropolitains 
semblait  appartenir  aux  patriarches,  de  même 
que  celle  des  évèques  était  réservée  aux  métro- 
politains, ce  canon  semble  insinuer  que  les 
patriarches  grecs  ne  pouvant  pas  consacrer  en 
personne  tous  les  métropolitains  de  leur  res- 
sort, ils  envoyaient  le  pallium  à  ceux  qu'ils  ne 
consacraient  pas,  comme  une  marque  de  la  su- 
périorité de  celui  qui  l'envoyait,  et  de  la  dépen- 
dance de  celui  qui  le  recevait. 

Dans  l'Occident  le  pape  n'avait  jamais  pensé 
à  se  réserver  l'ordination  de  tous  les  métropo- 
litains ;  le  pallium  n'avait  été  introduit  qu'en- 
viron l'an  cinq  cent,  et  n'avait  été  d'abord 
communiqué  qu'à  un  très-petit  nombre  d'ar- 
chevêques, que  le  pape  honorait  du  vicariat 
apostolique.  Ce  fut  environ  le  temps  du 
VIIIe  concile  que  tous  les  métropolitains  11m- 
pétrèrent  et,  conformément  a  ce  canon,  ils  don- 
nèrent cours  eux-mêmes  a  cette  coutume  de  ne 
le  point  prévenir  par  aucune  fonction  de  leur 
ministère. 

VIII.  En  effet  si  le  pallium  est  la  marque  de 
la  plénitude  de  la  puissance  pontiticale,  c'est 
une  suite  comme  naturelle  de  ne  point  exercer 
cette  puissance,  sans  en  avoir  reçu  les  marques 
glorieuses,  qui  en  sont  comme  l'investiture. 
D'ailleurs  l'ancienne  loi  étant,  comme  nous 
l'avons  appris  du  grand  saint  Crégoire,  que  le 
pallium  ne  se  donnât  qu'après  de  pressantes 


instances,  lorsque  les  archevêques  en  furent  si 
passionnés  qu'ils  l'impétrèrent  tous,  ils  auraient 

eu  mauvaise  grâce  de  demander  avec  empres- 
sement les  marques  d'une  dignité  qu'ils  au- 
raient déjà  exercée. 

C'est  sur  ces  principes  que  raisonnait  le  pape 
Léon  IX(Epist.  iv),  quand  il  écrivait  que  l'ar- 
chevêque de  Carthage  était  le  seul  qui  ordon- 
nât des  évèques  en  Afrique,  parce  qu'il  était 
aussi  le  seul  qui  reçût  le  pallium  de  Home. 
«  Solus  pallium  in  Africa  ab  Apostolica  Sede 
habere  solet,  unde  et  episcopos  consecrandi 
principale  et  antiquum  jus  retinet.  » 

Alexandre  II  (Epist.  iv),  marque  aussi  la  né- 
cessité de  porter  le  pallium  en  conférant  les 
ordres,  et  en  consacrant  les  églises.  «  Quoties 
ordinationem  vel  consecrationem  ecclesiarum 
celebramus.  » 

Grégoire  VII  défendit  à  l'archevêque  de 
Rouen  d'ordonner  des  évèques  ou  des  prê- 
tres, et  de  dédier  des  églises  avant  que  d'avoir 
reçu  le  pallium  ,  le  blâmant  d'avoir  né- 
gligé de  rendre  cette  déférence  aux  anciens 
statuts  de  l'Eglise.  «  Quia  sanctorum  Patrum 
statuta  parvipendisti,  nullum  deinceps  episco- 
pum,  vel  sacerdotem  ordinare,  seu  ecclesias 
praesumas  consecrare,  donec  honoris  tui  supple- 
mentum,  pallii  videlicet  usum ,  ab  hac  sede 
impetraveris  (L.  ix,  epist.  1).  » 

Cette  sentence  rigoureuse,  en  apparence,  est 
pourtant  pleine  de  douceur,  si  l'on  a  égard  au 
décret  soit  de  Damase,  soit  de  Pelage,  qui  était 
alors  en  crédit  par  le  monde,  et  qui  privait  de 
leur  dignité  les  archevêques  qui  tardaient  plus 
de  trois  mois  après  leur  ordination  de  deman- 
der le  pallium.  Ce  pape  cite  ce  décret  sans  en 
nommer  l'auteur. 

Pascal  II  écrivit  à  l'archevêque  de  Pologne 
que  la  coutume  de  l'Eglise  universelle  ne  per- 
mettait pas  aux  métropolitains  de  consacrer 
des  évèques,  ou  assembler  des  conciles,  avant 
que  d'avoir  été  ornés  des  marques  de  cette  su- 
prême autorité.  «  In  pallio  plenitudo  concedi- 
tur  pontificalis  officii,  quia  juxta  Sedis  Apos- 
tolicae  et  totius  Ecclesiœ  consuetudinem,  ante 
acceptum  pallium  metropolitanis  minime  licet, 
aui  episcopos  consecrare,  autsynodoscelebrare 
(Baron.,  an.  1102,  n.  8,9).» 

Ce  même  pape  avait  mandé  à  l'archevêque 
de  Palerme  que  la  nécessité  de  prendre  le  pal- 
lium de  dessus  le  corps  de  l'apôtre  saint  Pierre, 
ne  tendait  qu'à  affermir  tous  les  plus  illustres 
membres  de  l'Eglise  dans  une  union   très- 


110  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  CINQUANTE-SEPTIÈME. 


étroite  avec  leur  chef,  ce  qui  n'est  jamais  plus 
nécessaire  que  dans  l'exécution  des  plus  émi- 
nentes  fonctions  de  la  sacrificature.  «  Cum  a 
Sede  Aposlolica  vestra;  insignia  dignitatis  exi- 
gitis,  quœ  a  B.  lantum  Pétri  corpore  assuinun- 
tur;  justum  est  ut  vos  quoque  Sedi  Apostolicœ 
subjectionis  débita1  signa  solvatis,  ijuae  vos  cum 
beato  Petro,  tanquam  meinbra  de  membro 
hœrere,  et  .catholici  capitis  unitatem  servare 
déclarent.  »  Cela  regarde  le  serment  dont  nous 
parlerons  plus  bas. 

IX.  Il  n'y  a  donc  rien  ni  de  nouveau,  ni  de 
surprenant  dans  les  décrétales  d'Innocent  III 
(Extra  de  Elect.,  c.  xxviu),  qui  interdisent 
toutes  les  fondions  pontificales  aux  métropoli- 
tains avant  la  réception  du  pallium,  puisque 
ce  n'est  qu'une  confirmation  des  décrets  de  ses 
prédécesseurs,  depuis  plus  de  trois  cents  ans, 
fondés  sur  la  coutume  universelle  de  l'Eglise. 
Mais  il  est  bon  de  remarquer  la  manière  dont  ce 
pape  se  démêle  d'une  difficulté  assez  embarras- 
sante :  pourquoi  l'archevêque  ne  peut  pas  sans 
pallium  faire  les  fonctions  pontificales  qui  lui 
sont  communes  avec  les  évêques,  et  que  tous 
les  archevêques  exerçaient  librement  avant  que 
l'usage  du  pallium  leur  fut  communiqué. 

Ce  pape  dit  que  quoique  ces  fonctions  lui 
soient  communes  avec  les  évêques,  il  les  exerce 
néanmoins  comme  archevêque.  «  Cum  id  non 
tanquam  simples  episcopus,  sed  tanquam  ar- 
chiepiscopus  facere  \ideatur.  »  C'est-à-dire, 
qu'an  archevêque  ne  peut  jamais  se  dépouiller 
de  la  gloire  et  de  la  majesté  qui  l'environne,  et 
qui  dans  le  ministère  épiscopal  le  rehausse  au- 
dessus  des  évêques,  comme  l'évêque  exerce  les 
fonctions  mêmes  de  la  prêtrise  avec  une  émi- 
nence  et  avec  des  marques  de  supériorité  qui 
le  relèvent  au-dessus  des  prêtres. 

Ceux  qui  ne  seront  pas  satisfaits  de  cette  rai- 
son, pourront  s'arrêter  à  celle-ci  qui  est  plus 
historique,  et  qui  a  été  touchée  ci-devant  : 
savoir  que  ce  furent  ou  les  patriarches,  qui  ont 
autorisé  cette  preuve  de  leur  autorité  sur  les 
métropolitains,  en  les  obligeant  de  recevoir 
d'eux  ou  la  consécration  ou  le  pallium  ,  de 
même  que  les  métropolitains  se  sont  maintenus 
dans  le  droit  d'ordonner  les  évêques,  ou  de  leur 
donner  des  ordonnateurs  ;  ou  que  ce  furent 
les  archevêques  mêmes  qui  introduisirent  cet 
usage,  qui  a  passé  en  loi  au  temps  qu'ils 
avaient  tant  d'ardeur  pour  le  pallium. 

Enfin  s'il  est  vrai,  comme  il  faut  le  présumer, 
que  ces  archevêques  demandaient  cet  orne- 


ment avec  les  mêmes  sentiments  de  piété  et 
de  religion  que  saint  Grégoire  le  Grand  le  don- 
nait, comme  il  est  indubitable  que  saint  Lan- 
franc  ,  saint  Anselme  ,  saint  Elpheg  ,  saint 
Malachie,  saint  Charles  et  tant  d'autres  l'ont 
demandé,  il  ne  faut  pas  s'étonner  s'ils  l'ont 
attendu  avec  patience,  et  s'ils  ont  cependant 
suspendu  tout  leur  ministère  pontifical. 

X.  Venons  au  dernier  article  qui  regarde 
l'usage  du  pallium  dans  l'Eglise  grecque.  On 
doute  s'il  y  était  réservé  aux  métropolitains, 
aussi  bien  que  dans  l'Eglise  latine. 

Innocent  III,  réglant  les  droits  des  quatre 
patriarches  orientaux  dans  le  concile  général 
de  Latran  en  l'an  1218,  use  de  termes  ambigus 
qui  nous  laissent  dans  la  même  incertitude. 
Il  y  ordonne  que  ces  quatre  grands  patriarches 
ayant  reçu  le  pallium  du  pape,  le  pourront 
ensuite  donner  à  leurs  suffragants.  «  Et  ipsi 
suis  suffraganeis  pallium  largianlur  (Extra  C. 
Antiqua.  De  purgatione  canonica).  »  Ce  terme 
de  suffragants  s'applique  plus  ordinairement 
aux  évêques  qui  relèvent  d'un  métropolitain. 
Mais  quelle  apparence  y  a-t-il  que  ce  pape  et 
ce  concile  ne  répande  le  privilège  du  pallium 
que  sur  les  évêques  suffragants  immédiats  des 
patriarches?  Il  faut  donc  comprendre  les  mé- 
tropolitains sous  ce  terme  de  suffragants. 

La  question  est  de  savoir  si  les  évêques  y 
sont  aussi  compris.  Ce  pape  si  savant  aurait-il 
exclu  les  évêques  de  la  signification  d'un 
terme,  qui  à  la  rigueur  n'appartient  qu'à  eux 
seuls  ?  D'autre  part  il  n'y  a  pas  peu  de  diffi- 
culté de  croire  que  ce  pape,  toujours  zélé  pour 
les  pratiques  universelles  de  l'Eglise  latine,  ait 
si  facilement  relâché  un  point  d'une  aussi 
grande  conséquence,  que  de  rendre  tous  les 
évêques  d'Orient  participantsdu  pallium,  qu'on 
avait  à  peine  accordé  à  tous  les  métropolitains 
de  l'Occident,  après  les  efforts  réitérés  de  plu- 
sieurs siècles. 

Quelqu'un  pourrait  s'imaginer  avec  quelque 
vraisemblance  que  ce  pape  affecta  adroitement 
des  termes  à  deux  sens,  afin  de  ne  pas  aban- 
donner ouvertement  la  pratique  des  Latins, 
qui  réserve  cet  avantage  aux  métropolitains, 
et  ne  point  aussi  approuver  l'usage  des  Grecs, 
qui  en  font  part  à  tous  les  évêques,  à  ce  que 
prétendent  des  gens  fort  savants. 

XI.  Le  canon  du  VIII"  concile  général,  qui  a 
été  touché  ci-dessus  (Can.  xiv),  ne  fait  men- 
tion que  des  archevêques  qui  reçoivent  ou  la 
consécration,  ou  le  pallium  des  patriarches.  Le 


DU  l'Ai. LU  M   [VEPl'IS  L'AN  MIL 


1 1 


canon  xxvu  de  ce  même  concile  défend  aux 
évêques  qui  mit  reçu  l'honneur  du  pallium  de 
le  porter  hors  du  temps  et  des  lieux  qu'on  doit 
en  user.  «  Ha  ut  quibus  concessum  est  palliis 
nti.  temporibus  certis,  in  iisdem  temporibus 
il  kwis  iis  induantur,  et  tanto  ac  tali  non  abu- 
tantur  amictu  propter  typhuni,  etc.  » 

Ce  canon  se  trouve  même  dans  l'édition 
grecque  de  ce  concile.  Ainsi  on  ne  peut  douter 
que  parmi  les  Grecs  mêmes,  l'usage  du  pallium 
ne  fût  limité,  aussi  bien  que  parmi  les  Latins, 
à  certains  jours  et  à  certaines  cérémonies  d'une 
plus  grande  solennité.  Ces  termes  mêmes  toù« 
5p tôEvro? ûjjuxpopeîv  isioxrâou«,  «  designalos  ad  super- 
liumeralia  gestanda  episcopi,  »  semblent  insi- 
nuer que  tous  les  évêques  ne  jouissaient  pas 
de  cet  avantage.  Démétrius  Cbomatenus  dé- 
clare qu'on  ne  doit  porter  le  pallium  qu'aux 
fêtes  de  Pâques,  de  la  Pentecôte  et  de  Noël. 

Mais  d'autre  part  Luitprand  rapporte  que  le 
patriarche  de  Constantinople  n'ayant  pu  porter 
le  pallium  jusqu'à  son  temps,  qu'avec  la  per- 
mission du  pape  :  «  Scimus,  imo  videmusCon- 
stantinopolitanum  episcopum  pallio  non  uti, 
nisi  sancti  Patris  nostri  permissu  (Baron,  an. 
93-4),  »  l'empereur  romain,  après  avoir  élevé 
a  cette  dignité  son  fils  Théophylaete.  obtint  du 
pape  Jean  XII  un  privilège  qui  permettait  aux 
évêques  de  Constantinople  de  porter  à  l'avenir 
le  pallium  sans  demander  la  permission  du 
Saint-Siège.  «  Effecit  ut  papa?  nomine  Theo- 
plvylacto  litterac  mitterentur,  quarum  autori- 
tate  tum  ipse,  tu  m  successores  absque  papa- 
rum  permissu  palliis  uterentur.  »  Si  d'un  côté 
les  patriarches  de  Constantinople  s'affranchi- 


rent de  cette  servitude,  les  évêques  aussi  d'au- 
tre part  obtinrent  en  même  temps  le  pallium, 
et  s'égalèrent  en  quelque  façon  à  leurs  métropo- 
litains. «  Ex  quo  turpi  commereio  vituperan- 
dus  mos  inolevit,  ut  non  solum  patriarchae,  sed 
etiam  episcopi  totius  Graeciae  palliis  utantur. 
Quod  quam  absurdum  sit,  censere  opus  non 
est.  » 

Voilà  le  récit  de  Luitprand,  évêque  de  Cré- 
mone, qui  avait  été  lui-même  ambassadeur  à 
Constantinople  dix  ou  douze  ans  après  An.  946  , 
et  qui  y  fut  encore  envoyé  avec  la  même  qua- 
lité une  seconde  fois  (An.  968).  D'où  il  résulte 
que  sur  le  témoignage  de  cet  évêque,  qui  ne 
peut  être  suspect  ni  d'ignorance,  ni  de  mau- 
vaise foi,  nous  pouvons  dire  qu'anciennement 
le  pallium  avait  été  affecté  aux  seuls  métropo- 
litains dans  la  Grèce  même,  mais  qu'ensuite 
tous  les  évêques  l'usurpèrent.  C'est  peut-être 
le  moyen  d'accommoder  ce  différent,  qui  par- 
tage les  savants. 

Au  reste,  le  pallium  des  Grecs,  quoiqu'un 
peu  différent  de  celui  des  Latins,  n'est  pour- 
tant qu'une  bande  ornée  de  croix  qui  entoure 
les  épaules  et  prend  sur  l'estomac,  comme  si 
c'était  un  collier  sacré.  Mais  quelque  privilège 
qu'eût  obtenu  le  patriarche  de  Constantinople, 
il  est  certain  que  les  patriarches  latins  de  tout 
l'Orient  demandèrent  toujours  le  pallium.  In- 
nocent 111  nous  l'a  fait  voir  ci-dessus,  et  avant 
lui,  sous  Innocent  II,  en  113G,  Rodolphe,  pa- 
triarche d'Antioche ,  vint  quitter  à  Kome  le 
pallium  qu'il  avait  pris  de  sa  propre  autorité, 
pour  en  recevoir  un  autre  du  pape.  C'est  ce 
que  Baronius  rapporte  de  Guillaume  de  Tyr  (1). 


(1)  D'après  le  cardinal  Baronio  (ad  annum  336),  le  Phrygmm,  qui 
est  un  ornement  brodé  et  marqué  de  croix,  est  un  insigne  spécial  au 
souverain  pontife,  comme  symbole  de  la  plénitude  de  la  puissance 
et  de  l'honneur.  Les  papes  l'ont  quelquefois  accordé  à  des  métropo- 
litains, comme  pour  attester  qu'ils  étaient  leurs  lieutenants.  C'est  ce 
que  fit  le  pape  saint  Célestin,  dit-il,  à  saint  Cyrille  d'Alexandrie. 
Pourquoi,  demande  le  savant  cardinal,  le  Phrygium,  qui  est  brodé 
avec  des  croix,  s'appelle-t-il  bien  souvent  Pallium ,  quoique  sa 
forme  soit  bien  difTéxente  et  beaucoup  plus  petite  que  celle  des  man- 
teaux ordinaires  ?  Je  l'ignore.  On  peut  conjecturer  cependant  que 
de  même  que  le  Grand-Prêtre  des  Hébreux  portait  un  riche  super* 
humerai,  que  les  autres  prêtres  n'avaient  pas  le  droit  de  revêtir,  de 
même  les  souverains  pontiles  de  la  loi  nouvelle  usèrent  de  l'ornement 
que  nous  appelons  Pallium,  en  souvenir  du  superhuméral.  On  l'ap- 
pela aussi  Phrygium,  parce  qu'il  était  broGé  à  la  mode  phrygienne, 
avec  des  croix.  Les  premiers  pontifes,  en  offrant  le  saint  sacrifice, 
étaient  vêtus  d'une  espèce  de  manteau  brodé,  que  plus  tard  nous 
avons  appelé  chasuble.  Or,  il  a  pu  advenir  insensiblement  que  le 
manteau  devenant  moins  ample,  la  broderie  ou  le  Phrygium  se 
changeât  en  ornement  distinct  qui,  quoique  très-étroit,  conservât  le 
nom  du  tout,  c'est-à-dire  Pallium.  Primitivement,  le  vêtement  qui 
couvrait  les  épaules  et  les  bandelettes  de  l'ornement  de  la  tète  se 
réunissaient  ensemble  et  formaient  à  proprement  parler  le  Pallium 
pontifical.  Plus  tard  et  insensiblement  on  sépara  les  broderies  de  la 
tiare  ou  de  la  mitre,  Phrygium  mitrœ,  des  broderies  étroites  qui 
constituèrent  le  Pallium  ctmme  insigne   spécial  de  la  plénitude  du 


sacerdoce.  Ce  qui  démontre  que  cet  ornement  a  toujours  exprimé 
cette  idée,  c'est  que  dans  toutes  les  peintures  ou  sculptures  des  cata- 
combes où  l'image  de  saint  Pierre  est  représentée,  on  le  voit  tou- 
jours recevant  les  symboliques  clefs  sur  son  manteau  Pallium,  de  la 
main  du  divin  Rédempteur.  Ainsi,  en  définitive,  le  manteau  de  saint 
Pierre  est  l'origine  véritable  du  Pallium  des  souverains  pontifes 
pour  exprimer  leur  toute-puissance,  Pallium  qu'ils  ont  ensuite  ac- 
cordé à  tous  les  métropolitains.  Les  premiers  successeurs  du  saint 
apôtre  conservèrent  religieusement  la  forme  de  son  manteau.  Mais 
peu  à  peu  on  y  ajouta  des  bordures  de  couleur  blanche  entremêlées 
de  croix  brodées.  Le  savant  Blanchini  nous  apprend  que  l'on  trouve 
sur  les  plus  anciennes  mosaïques  de  Rome,  ceiles  du  ive  siècle  des 
papes  avec  celte  riche  bordure  du  manteau  ,  réunie  autour  des 
épaules  et  descendant  jusqu'aux  pieds.  .  Pars  vero,  n  ajoute-t-il 
o  ejusdem  integumenti  seu  pallii  ad  occiput  reflexa,  quœ  constituebat 
capitium  sacerdotale,  cum  ornaretur  eadem  phrygiata  fascia,  retinuit 
idem  ornamentum  phrygii  etiam  quando  capitium  a  pallio  sejunctum 
constituit  mitram  quam  dicimus  pretiosam  :  retinente  etiam  pallio  in 
ora  anteriori  ex  collo  et  humeris  ad  pedes  descendeute  eumdem 
phrygiatum  limbum,  sub  quo  ad  oscula  principum  sanctuarii  exci- 
pienda  manum  porrigit  hierarca  summus.  Fascia  vero  crucibus  phry- 
giata, quae  amoveri  ac  removeri  facilius  posset,  in  sacro  ministerio 
supra  humeros  et  pectus  aptata  fuit,  eaque  retinuit  nomen  PALLII 
cui  aptabatur,  et  iodicalionem  maxims  potestatis  in  munere  sacer- 
dotii  ;  non  secus  ac  LATICLAVIUM,  insigne  potestatis  prœsidis  pro- 
vinciarum  et  magistratuum  majorum  apud  Romanes,  per  eadem  tem- 


\  12         DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


DES    CROIX,    DES    CROSSES,    DES    ANNEAUX,    DES   AUTRES    ORNEMENTS   PROPRES   AUX   ÉVÈQUES, 
AUX    ARCHEVÊQUES    ET   AUX    PATRIARCHES,    PENDANT   LES   SIÈCLES   DU   MOYEN   AGE. 


I.  De  la  crosse  et  de  l'anneau  des  évèques. 

H.  Origine  des  crosses,  leur  somptuosité  et  leur  simplicité. 

III.  De  l'anneau. 

IV.  De  la  croix  pectorale. 

V.  Combien  elle  était  commune,  même  parmi  les  laïque?. 

VI.  De  la  croix  qu'on  porte  devant  les  archevêques.  On  ne  la 
portait  autrefois  que  devant  les  papes  et  ses  légats. 

VII.  Dans  l'Orient  on  portail  des  lampes,  ou  des  flambeaux 
allumés  devant  les  patriarches,  ou  par  religion. 

VIII.  Ou  par  imitation  et  par  concession  des  empereurs. 

IX.  Autres  privilèges  des  patriarches  empruntés  des  empereurs. 

X.  Auxquels  l'Eglise  communiquait  aussi  quelques  avantages 
singuliers. 

XI.  De  la  mitre,  ou  de  la  couronne  des  évèques.  Il  y  avait 
des  mitres  simples  et  de  précieuses. 

XII.  Nouvelles  conjectures  pour  cela. 


I.  Des  palliums  parsemés  de  croix,  passons  à 
la  croix  des  archevêques,  aux  crosses  et  aux 


anneaux  des  évèques  et  aux  autres  semblables 
ornements  ou  accompagnements  de  la  majesté 
pontificale. 

Le  concile  de  Troyes,  tenu  en  8G7  (Concil. 
(■ail.,  tom.  m,  p.  308),  assure  que  les  évèques 
su  (frayants  de  la  province  de  Reims,  qui  avaient 
été  ordonnés  pendant  l'absence  de  l'archevêque 
Ebbon,  reçurent  de  lui,  après  qu'il  eût  été  ré- 
tabli, les  anneaux,  les  crosses  et  les  lettres  de 
leur  confirmation.  «  Omnesque  suffraganei, 
qui  eo  absente  ordinati  faerant,  annulos  et  ba- 
culos  et  suœ  conftrmationis  scripta,  more  gal- 
licanarum  Ecclesiarum  ab  eo  acceperunt.  » 

Dans  le  concile  de  Nîmes,  célébré  en  886 
(Ibid.,  p.  32-2),  où  l'on  déposa  le  faux  arche- 


pora,  quod  erat  genus  togae  clavo  latiori  seu  limbo  ex  purpura  ad  oram 
intextum  ,  nomen  transmisit,  et  indicium  illius  amplioris  potestatis, 
ad  fasciam  purpuream  circa  finem  sœculi  secundi  et  per  subséquentes 
ajtates  supra  numéros  et  pectus  eo  loco  assutam.  »  Dans  le  corps  du 
droit,  chapitre  Cunstantinus  de  la  9Ce  distinction,  nous  trouvons  la 
raison  pourquoi  le  pallium  est  de  couleur  blanche  :  n  Phrygium  vero 
candido  nitore  splendidum  resurrectionem  Dominicain  designans.  » 
De  son  côté,  Isidore  de  Péluse,  dans  la  136«  épitre  de  son  premier 
livre,  nous  explique  pourquoi  le  Pallium  est  confectionné  avec  de 
la  laine  d'agneau  et  non  avec  du  lin  ou  de  la  soie  :  ■  Ex  lana  non 
ex  lino  contextum  est,  »  dit-il,  u  ovis  illius  quam  Dominusaberrantem 
qnsmt  inventamque  humeris  suis  sustulit,  pellem  désignât.  Epi- 
scopus  enim,  qui  Christi  vices  gerit,  ipsius  munere  fungitur,  atque 
etiam  ipso  habitu,  illud  omnibus  ostendit,  se  boni  illius  ac  magni  pa- 
storis  imitatorem  esse,  qui  gregis  infirmitates  sibi  ferendas  proposuit.  > 

Le  Pallium,  d'après  tous  les  canonistes,  est  de  corpore  beali  Pétri 
sumptum,  parce  qu'il  est  béni  et  consacré  par  le  pape  sur  l'autel  de 
saint  Pierre  ;  parce  que  celui  qui  doit  en  faire  usage  le  prend  lui- 
même  ou  par  procureur,  s'il  est  absent,  sur  l'autel  du  prince  des 
ap&tres,  et  parce  que  cet  ornement  est  une  émanation  de  la  plénitude 
de  la  puissance  pontificale  que  Jésus-Christ  confia  spécialement  à 
saint  Pierre  et  à  ses  légitimes  successeurs,  puissance  qui  est  commu- 
niquée à  d'autres  partiellement  et  dont  le  Pallium  est  le  symbole. 
Il  résulte  de  là  qu'un  archevêque  n'a  aucune  juridiction  sur  la  pro- 
vince tant  qu'il  n'a  pas  reçu  le  Pallium  ;  il  ne  peut  pas  même,  d'après 
le  droit,  s'appeler  archevêque  s'il  n'est  muni  de  cet  ornement. 

Le  soin  de  confectionner  et  de  conserver  les  palliums  est  confié 
à  des  sous-diacres  apostoliques.  Les  religieuses  du  monastère  de 
Sainte-Agnès-hors-les-Murs  présentent,  chaque  année,  en  la  fête  de 
la  bienheureuse  martyre,  sur  son  autel,  deux  agneaux  blancs,  pen- 
dant qu'on  chante  VAgnus  Dei.  Deux  chanoines  de  l'église  patriar- 
cale de  Saint-Jean-de-Latran  reçoivent  ces  agneaux  et  les  livrent 
aux  ^us-diacres  apostoliques  qui  sont  chargés  de  les  faire  paitre  jus- 
qu'à l'époque  de  la  tondaison.  La  laine  de  ces  deux  agneaux  est  mê- 
lée à  d'autres  laines  très-blanches  et  filées  immédiatement  pour  con- 
fectionner les  palliums.  Voici  comment  les  décrit  Christophe  Marcelli, 
dans  son  Commentaire  du  Cérémonial  romain  •  a  Latitudine  digito- 
rum  trium  redacta  in  orbem  quatuor  crucibus  nigris  aut  purpureis  in- 
texta  pallia,  ita  ut  velut  stolœ  sacerdotales  humeros  prasulum  am- 
biant a  pectore  et  renibus  particulam  pendentem  habentia  longitudinis 


palmi  et  semis,  et  in  eorum  extremitatibus  laminas  plumbeas  tenues 
ad  parem  latitudinem  in  fine  orbiculatas  nigro  serico  textas,  insu- 
tas  supra  pendenles  particulas  ante  et  post  et  supra  humeros  utros- 
que.  »  Les  palliums  étant  confectionnés,  les  sous-diacres  apostoliques 
les  remettent  aux  chanoines  de  Saint-Pierre,  qui  les  déposent  sur 
l'autel  du  bienheureux  apôtre,  et,  après  avoir  célébré  de  solennelles 
vigiles,  ils  les  reprennent  pendant  la  nuit  et  les  confient  de  nouveau 
aux  sous-diacres  apostoliques  qui  vont  les  enfermer  dans  un  lieu  très- 
décent. 

Le  prélat  qui  doit  être  revêtu  du  Pallium  en  fait  la  demande  au 
souverain  pontife  en  consistoire  par  l'organe  d'un  avocat  consistorial 
qu'il  a  choisi  pour  son  procureur.  Le  pape  interroge  alors  les  cardi- 
naux sur  l'opportunité  et  la  convenance  de  cette  demande,  après 
quoi  il  charge  le  doyen  des  cardinaux-diacres  d'assigner  un  des  pal- 
liums au  pétitionnaire  s'il  est  présent,  ou  à  son  procureur.  On  expédie 
des  lettres  apostoliques  selon  la  forme  ordinaire,  et  le  premier  cardi- 
nal-diacre indique  le  jour  et  le  lieu  de  la  remise  de  cet  ornement 
sacré.  Cette  cérémonie  a  lieu  quelquefois  dans  la  chapelle  privée  du 
cardinal,  mais  plus  souvent  dans  la  basilique  de  Saint-Pierre,  et  avec 
lin  grand  éclat.  Au  jour  fixé,  le  prélat  ou  son  procureur,  muni  de  son 
mandat  en  forme,  se  rend  au  lieu  désigné,  où  il  trouve  le  premier  car- 
dinal-diacre et  un  sous-diacre  apostolique  portant  le  Pallium  déjà  dé- 
signé qu'il  place  sur  l'autel.  Le  prélat,  s'il  est  présent,  revêtu  de  la 
chasuble,  se  met  à  genoux  sur  les  degrés  de  l'autel,  devant  le  cardi- 
nal-diacre debout  au  coté  droit  de  l'autel  où  il  lit  l'Evangile.  Alors 
le  pétitionnaire  prononce  ces  mots  :  «  Ego  N.  electus  Ecclesiœ  N.  in- 
stanter,  instaatius  et  instantissime  peto  mihi  tradi  et  assignari  pal- 
lium de  corpore  B.  Pétri  sumptum,  in  quo  est  plenitudo  pontificalis 
ofticii.  p  Alors  le  doyen  des  cardinaux-diacres  prend  le  Pallium  sur 
l'autel  et  le  place  sur  l'épaule  du  prélat  à  genoux,  en  disant  :  «  Ad 
honorem  omnipotentis  Dei  et  B.  Mariae  semper  Virgiuis  atque  bealo- 
rum  apostolorum  Pétri  et  Pauli,  nec  non  Ecclesise  N.  tibi  commissae, 
tradimus  tibi  pallium  de  corpore  B.  Pétri  sumptum,  in  quo  est  pleni- 
tudo pontificalis  officii  cura  archiepiscopalis  nominis  appellatione,  ut 
utaris  eo  intra  Ecclesiam  tuam  certis  diebus  qui  exprimuntur  in  pri- 
vilegiis  ab  Apostolica  Sede  concessis.  In  nomine  Patris,  et  Filii,  et 
Spirilus  Sancti.  Amen.  »  La  cérémonie  terminée,  le  maître  des  céré- 
monies reprend  le  Pallium,  le  plie  et  le  remet  au  prélat  avec  les 
lettres  patentes. 

Quand  le  Pallium  est  demandé  par  procureur,  celui-ci,  revêtu  du 


DE  LA  CROIX,  DES  GROSSES,  DES  ANNEAUX,  etc. 


il  : 


vêque  <le  Narbonne,  nommé  Selva,  on  déchira 
ses  habits  pontificaux,  oïl  lui  arracha  son  an- 
neau, et  on  lui  rompit  sa  crosse  sur  la  tète. 
«  Scissis  episcopalibus  indumentis,  baculis  eo- 
rum  super  eorum  capita  confractis,  annulis 
cuni  dedecore  a  digitis  avulsis.  » 

II.  Le  moine  de  Saint-Gall  raconte  qu'un  évo- 
que à  qui  on  avait  commis  la  garde  de  la  reine, 
pendant  que  Charlemagne  était  en  campagne 
contre  les  Huns,  eut  envie  du  sceptre  d'or  de 
ce  prince,  afin  de  s'en  servir  au  lieu  de  crosse. 
Charlemagne  apprit  à  son  retour  la  demande 
indiscrète  que  ce  prélat  avait  faite  à  la  reine, 
et  blâma  sa  vanité  d'avoir  voulu,  au  lieu  d'une 
houlette  de  berger,  manier  le  sceptre  impé- 
rial. 

«  Episcopi  contemptores  hujus  mundi  esse 
debuerunt,  et  alios  exemplo  suo  ad  appetenda 
cœlestia  provocare.  Nunc  vero  prae  caeteris 
mortalibus  tanta  ambitione  corrupti  sunt,  ut 
quidam  ex  eis  non  contentas  episcopatu,  quem 
in  prima  Germania-  sede  retinet,  sceptrum  no- 
strum,  quod  pro  significationeregiminisnostri. 
aureum  ferre  solemus,  pro  pastorali  baculo 
nobis  ignorantibus  sibi  vindicare  voluisset 
(L.  i,  c.  19).  » 

Ce  sceptre  étaitde  la  hauteur  de  Charlemagne, 
au  rapport  du  même  auteur  :  «  virgam  auream 
quam  ad  statum  suum  fieri  jussit.  »  Eginhard 
nous  a  représenté  la  taille  avantageuse  de 
Charlemagne,  de  la  hauteur  de  sept  de  ses 
pieds  :  «  Corpore  fuit  amplo  atque  robusto, 
statura  eminenti,  quse  tamen  justam  non  exce- 

surplis,  se  met  à  genoux  et  prononce  ces  mots  :  «  Ego  N.  procu- 
rator  et  procuratorio  Domine,  et  pro  parte  Rev.  in  Christo  Patns  et 
Domni,  Domni  N.  electi  Ecclesise  N.  instanter,  instantius  et  instan- 
tissime  peto  mihi  tradi  et  assignari  pallium  de  corpore  B.  Petn  sum- 
ptum,  in  quo  est  plenitudo  pontiûcalis  officii,  et  promitto  illud  reve- 
renter  portare  eidem  Rev.  Patri  D.  N.  nec  pernoctabo  in  alutuo  loco, 
nisi  una  nocte  tantum,  nisi  preepeditus  fuero  légitime,  et  tune  in  ca- 
thedrali  ipsius,  et  si  non  fuerit  cathedralis,  in  collegiata,  et  si  non 
fuerit  collegiata,  iu  parochiah  ecclesia  remittam  et  honorifice  repo- 
nam,  sic  me  Deus  adjuvet  et  hïec  Sancta  Dei  Evangelia.  •  Le  car- 
dinal-diacre place  alors  le  Pallium  sur  l'épaule  du  procureur  et 
prononce  les  paroles  de  ci-dessus. 

Le  pape  seul  use  du  Pallium  en  tout  temps,  en  tout  lieu  et  tou- 
jours, comme  possédant  la  source  de  la  puissance  ecclésiastique  ;  les 
primats  et  les  archevêques  ne  peuvent  se  servir  du  Pallium  que 
dans  leur  Eglise  ou  leur  province,  et  seulement  en  des  jours  déter- 
minés, parce  que,  dit  le  Droit  :  «  In  partem  sollicitudinis,  et  non  in 
plenitudinem  potestatis  sunt  vocati.  d  Voir  le  chapitre  ad  honorent,  4, 
de  auctor.  et  usupall.  et  le  même  titre  dans  le  Sexte,  chapitre  Ex 
tuarum,  5.  Voici  les  fêtes  où  les  métropolitains  peuvent  porter  le 
Pallium  :  Noël  et  les  deux  fêtes  suivantes,  la  Circoncision,  l'Epi- 
phanie ,  le  Dimanche  des  Rameaux ,  le  Jeudi-Saint ,  le  Samedi- 
Saint  ,  les  trois  fêtes  de  Pâques  ,  l'Ascension  ,  les  trois  fêtes  de 
Pentecôte,  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  la  fête  des  Apôtres, 
les  quatre  fêtes  principales  de  la  Sainte  Vierge ,  saint  Michel  , 
la  Dédicace ,  l'ordination  des  clercs  et  les  fêtes  principales  de 
l'Eglise  métropolitaine.  Tls  ne  peuvent  se  servir  du  Pallium  que  pen- 
dant la  messe.  Divers  textes  du  droit  sont  précis  sur  ce  point.  Ils  ne 
peuvent  le  porter  hors  de  l'église,  jamais  dans  les  processions. 
Quelques   canonistes   pensent  qu'ils   peuvent  le  revêtir  pendant  la 

Tu.  —  Tome    I. 


deret  ;  nam  septem  suorum  pedum  procerita 
tem,  ejus  constat  liabuisse  figuram.  » 

Ce  sceptre  originairement  n'estfautre  chose 
(lue  la  houlette  des  anciens  pasteurs,  qui 
Liaient  en  même  temps  les  rois  de  leurs 
peuplades,  et  les  bergers  de  leur  troupeau. 
Et  c'est  là  la  première  origine  de  la  plus 
ancienne  et  de  la  plus  légitime  royauté  parmi 
les  hommes. 

Ainsi  le  sceptre  royal  n'était  pas  si  éloigné 
de  la  crosse  d'un  évoque,  si  l'ambition  des 
hommes  n'avait  effacé  les  traces  mêmes  de 
l'ancienne  simplicité  des  siècles  d'or,  où  la 
vanité  n'avait  point  encore  donné  de  prix  à 
l'or  même.  Saint  Isidore,  évèque  de  Séville, 
fait  aussi  mention  de  la  crosse  qu'on  donne 
aux  evèques  dans  leur  ordination.  «  Huic  dum 
consecratur,  datur  baculus,  ut  ejus  indicio 
subditam  plebem  vel  regat,  vel  corrigat,  vel 
infirmitates  infirmorum  sustineat  (De  Eccl. 
Offic,  1.  n.  c.  v.  Act.  7).  » 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Césaire  raconte  les 
miracles  qui  furent  faits  par  la  crosse  de  ce 
saint  archevêque,  et  dit  qu'un  clerc  de  l'ordre 
des  notaires  était  destiné  pour  la  porter  : 
«  Clericus  cui  cura  erat,  baculum  illius  por- 
tare, quod  notariorum  officium  erat  (Surius, 
Octob.  die  19,  1.  n,  c.  i).  » 

La  crosse  de  saint  Burchard,  évèque  de  Virs- 
bourg,  n'était  que  de  bois  ;  et  l'auteur  de  sa 
vie  (Vita  ejus,  apud  Surium,  die  19  Octob., 
1.  n,  c.  i)  prend  de  là  occasion  de  louer  sa 
modestie,  et  d'invectiver  contre  l'ambition  que 

tenue  du  concile  provincial.  Ils  s'appuient  sur  les  exemples  de  saint 
Charles  et  de   Benoit  XIII,  lorsqu'il  n'était  qu'archevêque  de  Béné 
vent.  Le  Pallium  étant  un  privilège  personnel  et  local,  le  métropo- 
litain  ne  peut  ni  le  revêtir  hors  de  sa  province,  ni  le  prêter  à  un 
autre  archevêque.  Bien  plus,  un   archevêque    transféré   à  une   autre 
métropole  ne  peut  se  servir  du  Pallium  qu'il  avait  déjà,  mais  il  lui 
en  laut  postuler  un  autre.  Le  droit  est  ici  encore  formel    Un  cano 
niste  dit  a  ce    sujet  :  «  Pallium  datur   person*  sed  contemplatione 
loi  i.      Il  doit  emporter  avec  lui  le  premier  Pallium  dont  il  ne  neut 
plus  taire  aucun  usage,  et  lorsqu'il  meurt,  il  doit  être  revêtu  du  Pal 
hum  de  sa  dernière  Eglise,  et  celui  de  la  première    doit  être   nlaré 
sous  sa  tète.  p 

On  archevêque  qui  aurait  résigné  son  titre  aurait  besoin  d'un  nou 
veau  Pallium  s'il  était  dans  la  suite  renommé  à  l'archevêché  qu'il 
avait  abdiqué.  Si,  après  avoir  obtenu  le  Pallium  par  procureur  un 
archevêque  vient  à  mourir  avant  de  l'avoir  revu,  le  Pallium  'doit 
être  brûlé,  et  les  cendres  placées  dans  la  sacristie.  Un  archevêque 
qui  posséderait  deux  archevêchés  aurait  besoin  de  deux  pilliums  un 
pour  chaque  Eglise.  Un  archevêque  qui  serait  transféré  d'un  arche- 
vêché à  un  évéché  ne  pourrait  jamais  se  servir  du  Pallium 

Les  patriarches  et  les  archevêques  in  partibus  infidelium  ne  jouis 
sent  pas  du  Pallium,  par  la  raison  que  nul  ne  peut  le  porter  hors  de 
sa  province  ;  or,  ces  titulaires  ne  l'habitent  jamais.  Nous  croyons 
par  cette  longue  note,  avoir  complètement  élucidé  une  question  sur 
laquelle  on  n'a  généralement  que  des  notions  peu  claires  Le  droit 
comme  on  sait,  a  un  titre  spécial  là-dessus,  de  auloritate  et  imt 
Pallii.  En  1858,  Pie  IX  accorda  à  l'évèque  de  Marseille  et  à  s 
successeurs,  à  perpétuité,  cet  ornement  des  métropolitains.' 

(Dr  André.) 


114 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIEME. 


quelques  évèques  font  paraître  dans  la  somp- 
tuosité même  de  leurs  bâtons.  «  Virga  sam- 
bucea  semper  nobis  ad  memoriam  reducit 
humilitatis  ejus  exempla.  Unde  constat  quanto 
pretiosior  sit  coram  illo,  qui  humilia  respicit, 
et  alta  a  longe  cognoscit,  pastor  Burchardus, 
cum  sua  pastorali  virga,  modernis  pastoribus, 
qui  pascentes  semetipsos,  \ix  in  ipsis  baculis 
suis  aliqua  carent  pompa.  » 

Je  viens  aux  Grecs,  entre  lesquels  Ralsamon 
ne  semble  donner  la  crosse  qu'aux  patriarches. 
Voici  le  dénombrement  des  ornements  qu'il  dit 
être  affectés  aux  seuls  patriarcbes  :  «  Quoniam 
vero  baculus,  et  saccus,  et  polystaurium,  et 
sticbarium  cum  lilteris  gamma,  patriarchalem 
sanctitatem  solam  nobilitant,  etc.  (Juris  Orient, 
tom.  I,  p.  -440,  447).  » 

11  dit  ensuite  que  ce  bâton  représente  le 
roseau  qu'on  mit  entre  les  mains  du  Fils  de 
Dieu  au  temps  de  sa  passion,  et  qui  lui  servit 
comme  pour  signer  et  pour  confirmer  les 
assurances  de  notre  salut.  «  Raculi  signifi- 
cant  arundinem  illam,  qua1  salutem  humani 
generis  egregie  depinxit,  testis  in  cœlo  fidelis.  » 
Après  cela  on  pourrait  avec  quelque  vrai- 
semblance conjecturer  que  ce  bâton  pastoral 
n'était  originairement  ni  dans  la  main  des  rois, 
ni  dans  celle  des  évêques,  que  le  bâton  com- 
mun pour  s'appuyer,  et  pour  se  fortifier  dans 
les  longues  marches  ;  qu'il  était  peu  précieux 
dans  sa  matière,  et  fort  simple  dans  sa  forme  ; 
qu'on  y  a  dans  la  révolution  des  siècles  attaché 
des  représentations  mystérieuses,  et  qu'après 
cela  on  en  a  fait  les  plus  riches  et  les  plus 
glorieuses  marques  de  la  royauté  spirituelle 
et  temporelle.  Aussi  un  saint  prélat  disait  à  ce 
sujet  qu'autrefois  les  évèques  étaient  tous  d'or, 
et  n'usaient  que  de  crosses  de  bois,  au  lieu  que, 
dans  les  siècles  suivants,  ce  furent  comme  des 
évèques  de  bois,  qui  usèrent  de  crosses  d'or  et 
d'argent. 

Le  bâton  de  l'archidiacre  de  saint  Séverin, 
évêque  de  Cologne,  dont  parle  Grégoire  de 
Tours,  (Greg.  Turon.,  1.  i.  de  Mira.  S.  Martin. 
c.  iv)  n'était  aussi  apparemment  qu'un  bâton 
ordinaire  pour  se  soutenir,  dont  les  archi- 
diacres et  quelques  autres  dignités  des  cha- 
pitres ont  depuis  fait  une  marque  honorable  de 
leur  sacré  ministère. 

L'exemple  de  Photius  prouve  1°.  Que  parmi 
les  Grecs  la  crosse  était  réservée  aux  patriar- 
ches. 2".  Que  primitivement  ce  n'était  qu'un 
bâton,  ordinaire  pour  marcher  plus  commodé- 


ment. Photius  étant  cité  dans  le  VHP  concile 
général,  y  comparut  avec  un  bâton  à  la  main, 
ci  mime  pour  s'appuyer;  mais  on  le  lui  ôta,  de 
peur  que  ce  ne  fût  encore  un  artifice  de  ce 
vieux  fourbe,  pour  paraître  avec  les  marques 
du  pontificat.  «  Tollite  baculum  de  manu  ejus, 
signum  est  enim  dignitatis  pastoralis,  quod  hic 
habere  nullatenus  débet,  quia  lupus  est,  et  non 
pastor.  » 

III.  Quant  à  l'anneau,  le  droit  oriental  ne 
l'attribue  qu'aux  Latins,  et  il  reconnaît  que 
c'est  un  symbole  fort  juste  et  fort  proportionné 
pour  marquer  la  qualité  d'époux,  qui  convient 
aux  évèques  à  l'égard  des  Eglises.  «  Quemad- 
modum  enim  Christus  Ecclesiœ,  mundarum- 
que  et  virginearum  Ecclesiarum  sponsus  est  : 
sic  qui  ubique  sunt  sanctarum  Ecclesiarum 
prasules,  sponsi  appellantur,  accepto  Spiritus 
sigillo,  ut  annulo  (Tom.  i,  p.  321).  »  En  effet 
c'est  comme  il  faut  traduire  ce  passage,  et  non 
pas,  «  annulo  accepto,  ut  Spiritus  sigillo.  »  Les 
évêq ues  grecs,  dans  leur  ordination,  ne  rece- 
vaient donc  point  d'autre  anneau  que  le  Saint- 
Esprit  même. 

optât  semble  faire  allusion  à  l'anneau  des 
évèques,  quand  il  use  de  ces  termes  :  «  Ut 
heeretici  omnes  nec  claves  habeant,  quas  solus 
Pelrus  accepit,  nec  annulum,  quo  legitur  fous 
esse  signatus  (Optât.,  1. i).  »  Et  plus  bas  :  «  René 
revocasti  claves  ad  Petrum ,  bene  subduxisti 
annulum  iis,  quibus  aperire  non  licet  ad  l'on- 
tem.  »  11  ùte  aux  hérétiques  les  marques  de 
l'épiscopat.  Saint  Isidore  parle  aussi  de  l'anneau 
des  évêques,  et  en  donne  les  raisons  :  «  Datur 
et  annulus  propter signum  pontificalis  honoris, 
vel  signaculum  secretorum,  ne  indignis  sacra- 
menta  Dei  aperiantur  (L.  i,  c.  v.  De  Eccles. 
Offic).  »  L'Ordre  romain  et  les  autres  ouvrages 
semblables  en  ont  tous  traité  ensuite. 

IV.  Je  ne  sais  si  les  évèques  anciens  portaient 
aussi  une  croix  pectorale.  Les  légats  des  pa- 
triarches d'Orient  disent  bien  que  lorsqu'ils 
furent  arrivés  à  Constantinople  pour  assister 
au  concile  VIII  général,  l'empereur  leur  mit 
sur  le  col  sa  croix  pectorale,  pour  les  conjurer 
de  n'avoir  point  d'autres  intérêts  que  ceux  de 
la  justice.  «  Imposuit  super  colla  nostra  encol- 
pion  suum  et  dixit  :  Ecce  judicium  Ecclesiœ 
exigat  Deus  a  cervicibus  vestris  in  die  judicii 
(Sess.  G).  » 

Anastase  Bibliothécaire  remarque  sur  cet 
endroit  du  concile  VIII,  que  les  Grecs  portent 
toujours  dans  le  sein  une  croix,  avec  du  pré- 


DES  CROIX,  DES  CROSSES,  DES  ANNEAUX,  etc. 


H5 


deux  bois  de  la  vraie  croix,  ou  avec  des  reli- 
ques des  saints  ;  et  que  c'esl  ce  qu'ils  appellent 
Encolpion  -,  .  i).  «  Encolpion  est,  quod  in 
sinu  portatur.  Colpos  eiiim  grœce,  sinus  latine 
dicitur.  Moris  enini  grsecorum  est,  crucem 
cum  pretioso  ligno,  vel  cum  reliquiis  san- 
ctoruin  ante  pectus  portare,  suspensam  ad 
collum.  » 

Mais  on  ne  peut  pas  conclure  efficacement  de 
là  que  les  évèques  portassent  aussi  la  même 
croix  pectorale.  On  en  pourrait  tirer  une 
preuve  plus  forte  de  ce  que  Rotliald,  évêque 
de  Soissons,  dans  sou  appel  au  pape  Nicolas, 
témoigne  qu'ayant  été  cité  pour  comparaître 
devant  le  roi  et  le  concile,  il  s'y  présenta  avec 
le  livre  des  Evangiles,  et  la  vraie  croix  devant 
l'estomac.  «Ad  locum  transivi,  sacerdotalibus 
vestitus  indumentis  .  sanctum  evangelium,  et 
lignum  sanctœ  crucis  circa  mea  pectora  ge- 
rens  (Post  epist.  xxxvu  Nicolai  I).  » 

Ou  pourrait  encore  se  persuader  que  ce  ne 
fut  quepar  une  précaution  extraordinaire  con- 
tre le  danger  qu'il  allait  courir,  que  ce  prélat 
se  munit  du  livre  des  évangiles  et  du  bois  de 
la  vraie  croix. 

On  ne  peut  douter  qu'au  moins  le  pape  ne 
portât  une  croix  pectorale.  Jean  Diacre  le  té- 
moigne ouvertement  de  saint  Grégoire  le  Grand 
(Lib.  iv  de  vita  ejus,  c.  lxxx),  en  nous  repré- 
sentant les  habits  sacrés  dont  il  était  revêtu 
après  sa  mort  dans  son  mausolée.  «  Pallium 
ejus  et  philacteria,  sed  et  balteum  ejus  con- 
suetudinaliter  osculantur.  » 

Dans  le  même  chapitre  cet  auteur  nous  ap- 
prend que  c'était  un  reliquaire  pendu  au  col, 
qu'il  avait  entendu  par  ce  terme  :  Philacteria. 
«Quod  autem  reliquiarum  philacteria  tenuiar- 
gento  fabricata,  vilique  pallio  de  collosuspensa 
fuisse  videntur,  habitus  ejus  mediocritas  de- 
moustratur.  »  Mais  saint  Crégoiremème  expli- 
que ce  terme  d'une  croix  enrichie  de  reliques, 
et  surtout  du  bois  sacré  de  la  vraie  croix. 
«  Excellentissiino  régi  transmitlere  curavi  phy- 
lacteria,  id  est  crucem  cum  ligno  sanctae  cru- 
cis Domini  et  lectionem  sancti  evangelii  theca 
persica  inclusam  (L.  xu,  epist. vu).  »  Nicéphore, 
patriarche  de  Conslantinople,  envoya  au  pape 
Léon  111  une  de  ses  croix  pectorales ,  ornée  de 
ce  même  bois  sacré  :  «  Synibolum  mediatricis 
iuter  nos  dilectionis  misimus  fraternae  vestrae 
beatitudini  encolpium  aureum,  etc.  Et  intus 
habet  alterum  encolpium  in  quo  sunt  partes 
honorandi  Ligni,  in  ligura  crucis  posit;e.  » 


Ce  ne  serait  pas  sans  fondement  que  l'on  se 
persuaderait  que  cette  coutume  était  particu- 
lière au  pape.  Innocent  111  le  déclare  assez  net- 
tement, lorsqu'il  explique  les  ornements  dont 
le  pape  se  servait  à  l'autel,  et  qu'il  fait  succé- 
der la  croix  à  la  lame  d'or  que  le  seul  grand- 
prêtre  de  l'ancienne  loi  portait. 

«  Romanus  pontifex  post  albam  et  cingu- 
lum,  etc.  Et  quia  signo  crucis  auri  lamina  ces- 
sit  pro  lamina  quam  pontifex  ille  gerebat  in 
fronte,  pontifex  iste  crucem  geri  in  pectore. 
Ideoque  Romanus  pontifex  crucem  quamdam 
insertam  catenulis  a  collo  suspensam ,  sibi 
statuit  ante  pectus,  ut  sacramentum  quod  ille 
tune  prœferebat  in  fronte,  hic  recondat  in  pe- 
ctore (L.  i  Myster.  Miss.,  c.  lui).  » 

Comme  ni  saint  Germain,  patriarche  de 
Constantinople.  ni  Alcuiu,  ni  enfin  tous  les 
autres  qui  ont  expliqué  les  significations  mys- 
térieuses des  ornements  qui  servaient  à  l'autel 
tant  en  Orient  qu'en  Occident  n'ont  fait  aucune 
mention  de  la  croix  pectorale,  c'est  une  preuve 
certaine  qu'elle  n'était  pas  encore  en  usage 
par  une  loi  ou  par  une  coutume  réglée  et  uni- 
forme. 

V.  Il  est  indubitable  d'ailleurs  que  les  évè- 
ques, les  ecclésiastiques  et  les  laïques  en  ont 
souvent  porté  par  un  mouvement  particulier 
de  piété. 

Saint  Chrysostome,  après  avoir  condamné 
toutes  les  superstitions  vulgaires,  conseille 
d'employer  plutôt  la  croix  pour  la  conservation 
des  enfants  :  «  Cum  infanti  nihil  aliud  sit  ad- 
hibendum,  quam  crux  ad  custodiam.  tv,v  à™ 
«•s  «rraipeu  çuXaudin  (In  epist.  i  ad  Cor.,  bom.  XIl).B 
Voilà  peut-être  l'origine  de  ce  terme  Phyla- 
cteria,  qu'on  a  ensuite  déguisé  en  Filateria, 
parce  que  ces  reliquaires  étaient  comme  les 
gardes  et  les  conservateurs  de  ceux  qui  les  por- 
taient. 

Léonce,  évêque  de  Naples  en  Chypre,  dit 
que  Zacharie,  digne  disciple  d'un  aussi  excel- 
lent maître  que  l'avait  été  saint  Jean  l'Aumô- 
nier, patriarche  d'Alexandrie,  n'ayant  plus 
rien  à  donner  à  un  pauvre,  lui  donna  la  croix 
d'argent  qu'il  portait.  «  Abstulit  a  se  quam 
ferebat  cruciculam  argenteam  et  dat  ei  (Vide 
Gretserum  de  Cruce  ,  1.  n,  c.  34.  De  Encolpio 
episcoporum).  » 

Saint  Epiphane  (Hœresi  xv)  a  reconnu  lui- 
même  que  le  terme  de  <puw.rr;?icv  se  prenait 
souvent  pour  ces  préservatifs,  que  les  Latins  ap- 
pelaient amuleta.  Les  anciennes  Glosses    et 


HG 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


celles  d'Isidore  même  en  conviennent.  Le  père 
Possin,  dans  ses  notes  sur  Michel  Paléologue 
de  Pachymère  Pag.  378),  montre  que  les  Grecs 
juraient  sur  leurs  croix  pectorales,  qu'ils  appe- 
laient -:;;*y.y.xT7.,  èptokm%.  Pachymère  raconte 
qu'un  sultan  voulant  donner  à  l'empereur  une 
preuve  convaincante  de  sa  sincérité  dans  la 
religion  chrétienne,  lui  envoya  demander  un 
de  ces  reliquaires,  et  lui  fit  connaître  par  là 
qu'il  révérait  les  saintes  images  IL.  iv,  c.  0). 

Nicéphorus  Grégoras  raconte  comment  le 
vieil  empereur  Andronic  étant  prêt  d'expirer,  et 
n'ayant  personne  qui  put  lui  donner  l'Eucha- 
ristie, mit  dans  sa  bouche  l'image  de  la  Vierge, 
qu'il  portait  toujours  dans  le  sein.  «  Dei  geni- 
tricis  imaginem,  quam  in  sinu  gestabat.  loco 
divinorum  mysteriorum  in  os  inseruit  (L.  ix, 
c.  ult.).  » 

Il  y  a  lieu  de  conjecturer  que  si  les  laïques 
avaient  tant  de  passion  et  tant  de  respect  pour 
ces  croix  et  ces  reliquaires  qu'ils  portaient 
pendus  à  leur  col,  les  évêques  et  les  ecclésias- 
tiques ne  leur  cédaient  point  en  cela.  Voila 
pour  les  Grecs. 

Quant  aux  Latins ,  saint  Jérôme  confirme 
l'origine  du  mot  dePhylacterium.  quand  il  dit 
que  ce  nom  est  donné  dans  l'Evangile  aux 
franges  sur  lesquelles  on  marquait  quelques 
sentences  de  l'Ecriture,  parce  qu'on  était  pro- 
venu de  cette  persuasion  que  c'étaient  autant 
de  préservatifs  certains  contre  toutes  les  atta- 
ques de  l'ennemi  de  notre  salut.  «  Pictaciola 
illa  decalogi,  philacteria  vocabant.  quod  qui- 
cumque  habuisset  ea,  quasi  ob  custodiam  et 
munimentum  sui  haberet  (In  Matt.,  c.  xxm).  » 

Saint  Germain  ,  évèque  d'Auxerre ,  portait 
toujours  son  reliquaire  pendu  à  son  col.  «  Re- 
dimitus  loro  semper .  et  capsula  sanctorum 
reliquias  continente  (Surius,  Julii  die  31,  1.  i, 
c.  10).  »  H  donna  une  médaille  où  la  croix  était 
marquée  à  la  sainte  et  célèbre  vierge  Gene- 
viève, lui  commandant  de  ne  la  quitter  jamais, 
«  /Ereum  minimum  impressione  crucis  exscul- 
ptuin,  muneris  loco  Genovefa?  tradidit,  atque 
semper  collo  suspensum  ob  sui  memoriam 
ferre  pnrcepit  (Ibid.,  c.  xxi).  »  Ce  saint  étant 
mort  en  Italie,  l'impératrice  Placide  reçut 
comme  un  trésor  inestimable  son  reliquaire  : 
«  Solius  benedictionis  haîres  capsulam  cura 
sanctis  reliquiis  regina  suscepit  (L.  u,  c.  21).» 
C'est  ce  qu'en  dit  l'auteur  de  sa  vie. 

Bède  raconte  comment  ce  saint  prélat  étant 
passé  duns  la  Grande-Bretagne,  y  rendit  la  vue 


à  une  fille  aveugle,  en  lui  appliquant  son  reli- 
quaire sur  les  yeux.  «  Adhmrentem  lateri  suo 
capsulam  cura  sanctorum  reliquiis  collo  avul- 
sam  manibus  comprehendit,  eamque  in  con- 
spectu  omnium  oculis  puellœ  applicuit  (L.  i, 
Hist.  Ângl.,  c  xviii).  »  Grégoire,  évêque  de 
Tours,  qui  a  écrit  l'histoire,  écarta  une  tem- 
pête qui  le  menaçait,  en  opposant  aux  foudres 
et  aux  tourbillons  le  reliquaire  qu'il  portait 
toujours  dans  son  sein.  «  Reliquias,  bas  enim 
indesinenter  collo  ferebat,  de  sinu  protrahit, 
et  minacibus  constanter  nubibus  opponit.  » 

Saint  Perpétue,  évèque  de  Tours,  lègue  dans 
son  testament  un  reliquaire  d'argent,  et  une 
petite  croix  d'or  avec  des  particules  de  la  vraie 
croix.  «  Crucem  parvam  auream.  ex  embla- 
smate,  in  qua  sunt  de  reliquiis  Domini  i  Surius, 
die  17  Novemb.,  c.  vin).  »  Le  pape  Nicolas  écri- 
vant aux  Bulgares,  loue  la  dévotion  de  ceux 
qui  portaient  toujours  une  croix  sur  eux,  afin 
de  se  ressouvenir  plus  facilement  de  leurs  obli- 
gations à  mortifier  leurs  passions.  «  Cum  cor- 
pore  gestatur,  ut  et  mente  gestari  debeat , 
lacilius  admonetur  (Resp.  ad  Consul.  Bulg., 
c.  vif.  » 

Concluons  de  tout  cela  que  c'a  été  première- 
ment une  dévotion  générale  et  libre  des  fidèles 
de  porter  des  croix  avec  des  reliques  ;  que  les 
évêques  ont  été  les  plus  zélés  pour  cette  prati- 
que de  piété  ;  que  les  papes  ont  été  les 
premiers  qui  ont  fait  un  ornement  de  céré- 
monie de  ce  qui  n'était  qu'une  dévotion  arbi- 
traire, et  qui  ont  fait  briller  la  croix  à  l'autel 
par-dessus  leurs  autres  ornements  pontificaux, 
comme  il  a  paru  par  saint  Grégoire  le  Grand, 
et  par  ce  qu'en  a  écrit  Innocent  III;  enfin  les 
autres  évêques  ont  été  les  imitateurs  de  ce  qui 
se  pratiquait  dans  la  première  des  Eglises  du 
monde. 

VI.  Cette  croix  pectorale  que  les  évêques 
portent  pendant  les  saints  mystères  est  bien 
dillérente  de  celle  qu'on  porte  devant  les  arclie- 
vêques,  dont  il  nous  faut  maintenant  recher- 
cher l'origine.  L'usage  de  cescroix  qu'on  porte 
en  public,  semble  avoir  commencé  par  les 
processions  publiques ,  où  saint  Chrysostome 
en  fit  porter,  comme  Socrate  et  Sozomène  le 
racontent  L.  vi,  c.  S).  L'auteur  de  la  vie  de 
saint  Porphyre,  évèque  de  Gaze  (L.  vin,  c.  8, 
vila  Porphyr.,  c.  xiv  ,  le  fait  recevoir  en  quel- 
ques endroits  avec  la  croix  et  la  psalmodie. 
«  Occurrerunt  nobis  habentes  signum  vene- 
raudse  crucis,  etipsi  psallentes.» 


DES  CROIX.  DES  CROSSES,  DES  ANNEAUX,  etc. 


117 


Justinien  défendit  dans  une  de  ses  Novelles 
(Nov.  123),  de  faire  aucune  procession  sans  que 
la  croix  y  fût  portée,  pour  ouvrir  le  chemin  a 
la  pieté  des  fidèles.  Comme  on  allait  en  proces- 
sion au-devant  des  personnes  éminentes,  on 
portait  aussi  la  croix  devant  eux.  Ce  fut  de  cette 
manière  que  les  légats  du  pape  Hormisde 
lurent  reçus  dans  quelques  villes  de  la  Crèce, 
comme  ils  écrivirent  eux-mêmes  à  ce  pape, 
«  Episcopuscum  suo  clero  vel  plehe  in  occur- 
sum  nobis  egressus  est,  etc.  Prope  omnes  cum 
cereis,  viri  cum  mulieribus,  milites  cum  cru- 
cibus  in  civitate  nos  susceperunt  (An.  M9.  Post 
ep.  xxxiv  Hormisdae).  » 

Comme  les  marches  solennelles  des  person- 
nes religieuses  se  faisaient  souvent  en  la  forme 
des  processions,  on  y  portait  aussi  les  croix. 
Telle  fut  l'entrée  d'Augustin  et  de  ses  compa- 
gnons dans  l'Angleterre:  quand  ils  se  présen- 
tèrent devant  le  roi,  leur  croix  d'argent  allait 
devant  avec  l'image  de  J.-C.  a  Veniebant  crucern 
pro  vexillo  ferentes  argenteam,  el  imaginem 
Dornini  Salvatoris  in  tabula  depictam,  letanias- 
que  canentes ,  Domino  supplicabant  (Beda, 
l.i,  c.  25).» 

Les  exarques  et  les  palrices  étaient  reçus  à 
Rome  avec  la  même  solennité  des  croix  et  des 
processions  qui  venaient  au-devant  d'eux,  et 
Adrien  1"  lit  le  même  honneur  à  Charlema- 
gne,  roi  de  Fr\nce,  au  temps  que  Rome  rele- 
vait encore  de  l'empire  de  Constantinople. 
«  Laudum  vocibus  Francorum  susceperunt 
regem;  obviam  illi  ejus  Sanctitas  dirigens,  ve- 
nerandas  cruces,  id  est  signa,  sicut  mos  est  ad 
exarchum,  aut  patricium  suscipiendum  ;  eum 
cum  ingenti  honore  suscipi  fecit.  » 

C'est  ce  qu'en  dit  Anastase  dans  la  vie  d'A- 
drien l'r,  qui  raconte  aussi,  dans  la  vie  de 
Léon  IV,  comment  les  sous-diacres  portaient  au- 
devant  de  ce  pape  et  de  ses  successeurs,  quand 
il  sortait  à  cheval,  la  croix  d'or  que  Charlema- 
gne  avait  donnée  à  Léon  III. 

Voilà  les  plus  anciens  vestiges  de  ces  croix 
qu'en  porta  depuis  devant  les  patriarches,  les 
primats  et  les  archevêques.  Mais  ce  n'en  sont 
que  des  vestiges  fort  superficiels,  car  excepté 
L'exemple  de  l'apôtre  d'Angleterre,  Augustin, 
qui  n'était  pas  encore  consacré  évèque,  toutes 
ces  croix  dont  nous  avons  parlé  étaient  portées 
ou  envoyées  par  d'autres  que  par  ceux  à  qui 
cet  honneur  était  rendu.  Entre  les  privilèges 
de  l'Eglise  de  Hambourg,  on  trouve  celui  que 
Léon  IV  accorda  à  l'archevêque  Anscharius, 


chargé  de  la  légation  du  Saint-Siège,  o  Ornari 
quoque  caput  tuum  mitra,  portari  ante  te  cru- 
cern. n 

Le  cardinal  Humhert,  qui  fut  envoyé  légat 
du  Saint-Siège  à  Constantinople  en  1050,  fit 
porter  la  croix  devant  lui  ;  c'était  donc  déjà  la 
coutume  et  le  privilège  des  légats  du  Saint- 
Siège.  Cet  honneur  passa  apparemment  des 
légats  aux  archevêques:  et  c'est  ce  qu'il  faut 
réserver  pour  un  autre  endroit.  Je  me  conten- 
terai d'ajouter  ici  l'exemple  du  grand  saint 
Etienne,  apôtre  et  roi  de  Hongrie,  à  qui  le  pape 
accorda  la  couronne  et  la  qualité  de  roi  en 
même  temps  que  la  croix  et  le  titre  de  légat 
apostolique  dans  tous  les  Etats  qu'il  avait  lui- 
même  conquis  à  J.-C. 

«  lis  auditis  mire  exhilaratus  pontifex,  preci- 
bus  libenter  annuit,  crucemque  ante  regem 
ceu  apostolatus  insigne,  gestandam  adjunxit  : 
Ego,  inquiens,  sum  apostolicus;  at  ille  merito 
Christi  Apostolus  dici  potest,  cujus  opéra  tan- 
tum  populum  sibi  Christus  acquisivil.  Atque 
ea  causa,  quemadmodum  divina  gralia  ipsum 
docebit,  Ecclesias  Dei  una  cum  populis  nostra 
vice  ei  ordinandas  relinquimus  (Surius,  die  20 
Aug.  c.  vm).  » 

Comme  ce  privilège  fut  accordé  au  roi  de 
Hongrie  environ  l'an  1000,  il  est  à  croire  que 
les  légats  du  Saint-Siège  en  jouissaient  aupara- 
vant. 

De  Là  on  peut  conclure  avec  beaucoup  de 
probabilité,  1°  que  la  croix  était  portée  devant 
les  souverains  pontifes,  devant  leurs  légats  et 
ensuite  devant  les  archevêques  en  leur  mar- 
che, parce  qu'on  supposait  que  toutes  leurs 
marches  et  tous  leurs  pas  ne  tendaient  qu'à 
l'établissement  ou  à  l'agrandissement  de  l'em- 
pire de  la  croix.  2°  Que  ce  furent  les  souve- 
rains pontifes;  qui  donnèrent  commencement 
à  cette  coutume,  qui  a  passé  ensuite  à  leurs 
légats,  et  enfin  à  tous  les  archevêques. 

Je  n'ai  point  parlé  de  la  croix  (pie  saint  Wil- 
lebrod,  archevêque  d'Utrecbt,  portait  avec  lui 
en  chemin,  et  qui  lui  fut|  volée  par  un  diacre, 
comme  le  raconte  Alcuin  dans  sa  vie,  «  Crucern 
auream  quam  vir  sanctus  secum  in  itinere 
portare  solebat  (Alcuinus,  pag.'liiO),  »  parce 
qu'il  y  a  de  l'apparence  que  c'était  plutôt  une 
croix  pectorale.  Ce  n'est  que  sur  la  foi  de  Si^o- 
nius  qu'on  a  cru  que  le  pape  Anastase  III,  en- 
tre plusieurs  autres  privilèges,  dont  il  rehaussa 
le  siège  épiscopal  de  Pavie,  permit  à  l'évèque 
de  cette  ville  de  faire  porter  la  croix  devant  lui 


H  8  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


quand  il  se   mettrait  en  chemin  (Baronius , 
an.  910). 

VII.  Dans  l'Orient  c'était  un  honneur  affecté 
aux  patriarches  de  porter  des  cierges  allumés 
et  des  cassolettes  de  parfuns  devant  eux.  Cedre- 
nus  raconte  comme  le  patriarche  de  Constanti- 
nople  Nicéphore  s'en  allant  en  exil  pour  la  dé- 
fense de  la  foi  et  de  L'Eglise,  le_  saint  abbé 
Théophane,  miraculeusement  informé  de  son 
passage,  dont  il  était  fort  éloigné,  alluma  des 
cierges  et  brûla  des  parfums  pour  honorer  sa 
dignité  et  sa  constance,  a  Suffltu  et  cereis  pro- 

SeCUtllS  est.  ©ju'.oiu.a.';'.   v.-v.   y.r.-.'Â;   -yJi-vx-vi.  Am-ni 

xxl  eiaia[«i<n.    (Cedr.,  p.  489).  » 

Saint  Cyrille,  archevêque  d'Alexandrie,  écri- 
vit lui-même  au  clergé  et  au  peuple  d'Alexan- 
drie, qu'à  la  sortie  de  la  première  session  du 
concile  général  d'Ephèse  ,  où  on  avait  con- 
damné et  déposé  Nestorius  ,  les  fidèles  les 
vinrent  recevoir  et  les  accompagnèrent  jusqu'à 
leurs  maisons  avec  des  flambeaux  et  en  brû- 
lant des  parfums.  «  Ut  primum  ex  Ecclesia 
egressi  fuimus,  cum  facibus  et  tœdis  usque  ad 
diversorium  nos  deduxerunt  ;  erat  enim  ve- 
spera.  Multa  etiam  luminaria  accensa,  ita  ut 
nonnulla?  quoque  mulieres  thuribula  gestan- 
tes  antecederent  nos  (Conc.  Ephes.,  act.  1).  » 

Dans  les  accusations  formées  contre  Ibas , 
évêque  d'Edesse,  qui  furent  lues  dans  le  con- 
cile de  Calcédoine,  il  est  parlé  de  la  persécu- 
tion qu'il  avait  excitée  contre  un  homme  de 
bien,  dont  l'innocence  demeura  enfin  victo- 
rieuse, et  qui  fut  tiré  des  prisons  avec  la  joie 
publique  de  tous  les  citoyens  qui  le  reçurent 
avec  des  lampes  et  des  flambeaux,  a  Universa 
civitas  e  custodia  eum  cum  cereis  et  lampadi- 
bus  excepit  (Conc.  Cale,  act.  10).  » 

Le  retour  de  saint  Athanase  à  Alexandrie 
parut  plutôt  un  triomphe  par  la  quantité  de 
flambeaux  et  de  parfums,  et  par  les  applaudis- 
sements de  tout  le  peuple.  C'est  ce  qu'en  dit 
saint  Grégoire  de  Nazianze  (Orat.  xxi),  «  Nain 
quid  publicos  plausus  commemorem.  et  un- 
guentorum  profusiones,  et  totam  urbem  lu- 
mine  coruscantem.  »  Victor,  évêque  d'Afrique, 
dit  que  les  fidèles  venaient  au-devant  des  mar- 
tyrs avec  des  cierges  à  la  main,  a  Manibus 
cereos  gestantes,  suosque  infantulos  vestigiis 
martyrum  projicientes  (  L.  n  ,  de  persec. 
Vand.).  » 

Charlemagne  fut  reçu  dans  la  célèbre  abbaye 
de  Saint-Vincent  du  Voltorno,  en  Italie,  avec 
la  même  cérémonie,  les  religieux  étant  venus 


au-devant  de  lui  avec  des  cierges,  des  lampes 
et  des  parfums,  et  lui  ayant  présenté  la  croix 
à  adorer.  «  Sanctissimi  Patres  cum  collegio 
monachorum  eunt  obviam  cum  cereis.  lampa- 
dibus  et  Universis  thymiatibus,  etc.  Mox  im- 
perator  ante  crucem  prostratus  ,  etc.  (  Du 
Chesne,  Hist.  Franc,  tom.  m,  p.  073).  » 

Il  est  donc  vrai,  ou  du  moins  fort  vraisem- 
blable, que  comme  l'on  porta  d'abord  les  croix 
au-devant  des  personnes  éminentes  ou  dans 
l'Etat  ou  dans  l'Eglise,  à  qui  l'on  voulait  ren- 
dre des  honneurs  extraordinaires,  et  ensuite 
les  mêmes  ecclésiastiques  firent  porter  la  croix 
devant  eux;  ainsi  d'une  coutume  semblable 
d'aller  au-devant  des  personnes  élevées  en  di- 
gnité avec  des  cierges  allumés  et  des  encen- 
soirs, naquit  la  coutume  des  patriarches  de 
faire  porter  devant  eux  des  lampes  et  des  par- 
fums. Les  exemples  que  nous  venons  de  rap- 
porter semblent  autoriser  cette  origine. 

VIII.  D'autres  croient  néanmoins  que  c'a 
été  à  l'imitation  des  empereurs  et  par  une 
communication  des  honneurs  de  l'empire  au 
sacerdoce,  que  les  patriarches  faisaient  porter 
le  feu  devant  eux.  Hérodien  nous  a  appris 
cette  coutume  des  empereurs  romains. 

Balsamon  assure  que  la  fonction  et  l'autorité 
d'enseigner  les  peuples  étant  commune  aux 
empereurs  et  aux  patriarches,  la  lampe  (>.au.-i- 
.  qui  en  est  le  symbole,  est  aussi  éga- 
lement portée  au-devant  d'eux,  mais  que  ce 
n'est  néanmoins  pas  pour  cette  raison  qu'on 
la  porte,  puisqu'on  la  porte  aussi  devant  l'im- 
pératrice, à  qui  saint  Paul  ne  permet  pas  d'en- 
seigner  dans  l'Eglise  non  plus  qu'aux  autres 
femmes;  et  qu'on  ne  la  porte  pas  devant  les 
évêques  ou  devant  les  métropolitains,  excepté 
quelques  métropolitains  qui  ne  relèvent  d'au- 
cun autre  primat  ou  patriarche,  comme  ceux 
de  Bulgarie  et  de  Chypre,  et  quelques  autres 
métropolitains  qui  ont  obtenu  des  empereurs 
ce  privilège.  Il  ajoute  que  l'auguste  ministère 
des  empereurs  répand  sa  lumière  et  ses  bien- 
faits sur  les  âmes  et  sur  les  corps,  au  lieu  que 
celui  des  patriarches  n'étend  ses  influences 
que  sur  les  âmes,  et  celui  des  impératrices  sur 
les  corps  (Juris  Orient.,  1.  vu.  p.  Ui). 

Ainsi  il  a  été  convenable  que  la  lampe  des 
empereurs  fût  ornée  de  deux  couronnes  d'or, 
au  lieu  que  celles  des  impératrices  et  des  pa- 
triarches n'en  ont  qu'une.  «  Quia  vero  irope- 
ratorum  auxilium  ad  illuminationem  et  sta- 
bilimentum  sese  tam  unimi ,  quam  corporis 


DES  CROIX,  DES  CROSSES,  DES  ANNEAUX,  etc. 


no 


porrigit,  amplitudine  patriarcharum  ad  animi 
duntaxat  utilitatem  constricta,  et  consimiliter 
imperatricis  cura  duntaxat  ad  vitae  temporalis 
prosperitatem  extenditur  ;  idcirco  faces  impe- 
ratorum  geminis  aureis  cinguntur  corollis , 
cum  quae  imperatricis  et  patriarcharum  sunt, 
une-  quasi  sepimento  circumdentur.  » 

Enfin,  il  dit  que  si  les  lampes  des  patriar- 
ches brillent  d'or  et  d'argent,  c'est  afin  de  don- 
ner à  tout  le  monde  une  plus  haute  estime  et 
lin  plus  profond  respect  pour  la  religion  et 
pour  le  sacerdoce,  par  cette  égalité  d'honneurs 
entre  les  empereurs  et  les  patriarches.  «  Du  m 
magnam  illam  et  augustam  pompam  solis  im- 
peratoribus  et  patriarchis  exhiberi  vident  (L.  h, 
c.  15).  » 

Le  patriarche  Arsène,  de  Constantinople, 
s'étant'volontairement  retiré  dans  un  monas- 
tère de  Nicée,  laissa  emporter  sa  crosse  et  son 
chandelier  par  les  envoyés  de  l'empereur  Mi- 
chel Paléologue  et  du  synode,  témoignant  qu'il 
se  démettait  sans  peine  de  la  dignité  patriar- 
cale ,  puisqu'il  en  abandonnait  les  marques. 
C'est  ce  qu'en  dit  Pachymère  dans  l'histoire 
de  cet  empereur.  «  Si  missis  ad  eum  cerlis, 
qui  ponlificium  ab  eo  lituum  et  candelabrum 
7ïv  fiaxTupïav  zaixœpLraJo'joov,  ab  eo  poscerent,  utrum- 
que  praberet  ;  banc  restare  viam  explorandae 
ejus  circa  cessionem  sententiœ.  Successu  res 
noncaruit  (Vide  Pacby.,in  Andronico,  p.  461).» 
Ce  qu'on  a  remarqué  des  chandeliers  de 
l'Apocalypse,  qui  sont  les  symboles  des  Eglises 
épiscopales,  a  peu  de  rapport  à  ce  que  nous 
traitons. 

IX.  Car  nul  ne  peut  nier  que  cette  coutume 
de  porter  le  feu  devant  les  patriarches  n'ait 
pris  son  origine  ou  de  ces  témoignages  de  la 
joie  publique  qui  se  rendaient  à  des  personnes 
extraordinaires  dans  des  rencontres  singulières, 
ou  des  communications  mutuelles  qu'il  y  a  eu 
entre  les  empereurs  et  les  évêques,  de  leurs 
plus  éminentes  prérogatives.  Les  patriarches 
prirent  les  souliers  de  pourpre  des  empereurs, 
souscrivirent  de  la  même  encre  qu'eux,  ajou- 
tèrent des  broderies  et  des  images  des  saints  à 
leurs  habillements  de  tète ,  qui  avaient  été 
simples  et  blancs. 

L'excessive  faveur  de  l'empereur  Alexis  Com- 
nène  envers  le  patriarche,  lui  fit  entreprendre 
ce  que  Curopalate  raconte  :  «  Aggressus  est 
etiam  coccotinctainduerecalceamenta,  antiqui 
sacerdotii  morem  hune  asserens  ,  et  oporlere 
bis  uti  archiepiscopum.  Nam  inter  sacerdotium 


et  regnum  nibil  interesse,  vel  admodum  parum, 
et  in  rébus  pretiosioribus  ,  amplius  fortasse  et 
magis  colendum  sacerdotium  (Curopalates,  ini- 
tio  bist.  Glycas).» 

Balsamon  remarque  que  les  empereurs  s'é- 
taient aussi  donné  la  liberté  de  faire  des  ins- 
tructions au  peuple,  de  brider  de  l'encens, 
comme  les  prêtres,  et  de  sceller  avec  la  double 
cire,  prétendant  que  leur  onction  sacrée  leur 
donnait  une  juste  participation  des  avantages 
du  sacerdoce  :  «  Audiant  tam  ad  ampliludinem 
imperatoriam,  quam  patriarchalem  officia  do- 
cendi  pertinere,  propter  unctionis  sacra;  vim 
atque  potestatem.  Hinc  enim  usu  venit ,  ut 
fidèles  principes  et  imperatores  catechetico 
more  cum  christiano  populo  colloquantur,  aut 
suflitum  faciant,  more  sacerdotum,  et  cum 
cera  duplici  obsignent.  M-rt,-/?,™.^  6|uXoû<n, il 6u(nâ>- 

(Tiv,  w;  îepeïç,  i  u.etx  Sucupîou  ucppa-pÇouii   (Juris   Orient., 

pag.  444).» 

X.  Mais  quand  Ralsamon  ajoute  que  les 
autres  ornements  propres  aux  patriarches 
seuls,  sont  la  crosse,  le  sac,  le  polystaurion 
et  la  tunique  chargée  de  lettres  gamma,  il 
nous  donne  sujet  de  croire  que,  comme  les 
patriarches  ont  emprunté  le  sac  des  empe- 
reurs ,  aussi  les  empereurs  ont  imité  le  poly- 
staurion des  pontifes. 

Et  effet,  qui  peut  douter  que  les  évêques 
n'aient  été  les  premiers  à  parsemer  de  croix 
leurs  sacrés  ornements  :  «  Quoniam  vero  ba- 
culus,  et  saccus  et  polystaurium,  plenaque 
tunica  figuris  litteram  gamma  reprœsentanfi- 
bus,  patriarchalem  sanctitatem  solam  nobili- 
tant,  etc.  (Ibidem,  pag.  446,  447).  » 

Aussi  Balsamon  dit,  dans  la  suite  du  même 
discours,  que  le  sac  représente  le  manteau  de 
pourpre  dont  J.-C.  fut  revêtu  par  dérision  de 
sa  royauté,  comme  le  polystaurion  figure  sa 
croix  glorieuse  et  triomphante  :  «  Sacci  pal- 
lium  illud  contumeliœ  atque  opprobrii,  poly- 
stauriorum  phenolia  venerandae  crucis  univer- 
salem  gloriam  atque  potestatem.  raMarauptav  çat- 

vo'Xia. 

XI.  11  nous  reste  un  mot  à  dire  de  la  mitre 
ou  de  la  tiare  pontificale.  Eusèbe  semble  la 
donner  aux  évêques  comme  une  couronne 
royale  :  a  Sacerdotes  Dei,  qui  sacra  tunica  ta- 
lari  induti,  et  cœlesti  gloriae  corona  decorati. 
-m  oOpâviov  rSç  SoÇriç  a-s'çavov  (L.  x  hist.,  c.4).»  Saint 
Grégoire  de  Nazianze  en  parle  aussi  :  «  Idcirco 
me  pontificem  ungis,  ac  podere  cingis,  capiti- 
que  cidarim  imponis  (Orat.  v).  » 


120 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-HUITIÈME. 


Ammien  Marcellin  (L.  xxix)  dit  que  le  tyran 
Mascizel  voulant  regagner  les  bonnes  grâces 
de  l'empereur  Théodose,  lui  rendit  toutes  les 
enseignes  militaires  et  les  couronnes  sacerdo- 
tales qu'il  avait  enlevées  :  «  Militaria  insignia 
cl  coronam  sacerdotalem  cum  cseteris  quae  in- 
terceperat,  nihil  cunctatus  restituit,  ut  pra> 
ceptum  est.  » 

Isidore  de  Séville,  en  parlant  des  liabille- 
ments  dusueerdoee  mosaïque,  semble  avoir  l'ait 
la  peinture  de  la  mitre  :  «  Pileum  est  ex  bysso 
rotuudum,  quasi  sphaera  média  caput  tegens 
saeerdotale,  et  in  occipitio  vitta  constrictura  ; 
Hoc  Grseci  et  nostri  tiaram  vel  galeam  vocant 
(Orig.,  1.  xix,  c.  'M).  » 

Cantacuzène  dit  que  le  patriarche  Jean, 
après  avoir  couronné  l'empereur  Jean,  lils 
d'Andronic,  alfecta  de  s'élever  par  le  faste  des 
habits,  «  habitu  augustiorem  se  feeit,  »  et  non- 
seulement  usa  de  couleur  azurée  dans  ses 
souscriptions  :  «  in  subscriptionibus  cœruleo 
colore  est  usus,»  mais  il  commença  aussi  à 
enrichir  d'or  la  mitre  que  ses  ancêtres  avaient 
portée  de  toile  blanche,  s'ils  n'étaient  pas  reli- 
gieux :  «  ITammeumque  seu  tegmen  capitis, 
quod  antea  patriarchis,  si  de  mouachis  non 
essent,  album  ferre  mos  erat,  tt,v  èm  -%-,  xv^.- 

lr,ç  xxXûnreav  oôov^  Xtuxri  itepieiXïi(ji.pLévïiv,  ipSe  aill'O  illll- 

stravit,  servatoris  nostri  et  Deiparae  et  Joannis- 
Baptistae  depictis  in  eo  iconibus  (1.  m,  c.  30.).  » 

Glycas  fait  encore  bien  voir  que  la  mitre  des 
patriarches  n'était  auparavant  que  de  lin,  lors- 
qu'il parle  du  patriarche  Méthodius ,  à  qui 
l'empereur  Théophile,  renouvelant  la  persé- 
cution contre  les  saintes  images ,  avait  fait 
donner  tant  de  coups  sur  les  joues,  qu'il  fut 
ensuite  obligé  de  les  soutenir  en  liant  par-des- 
sous les  pendans  de  sa  mitre  :  «  Ut  malas  tenui 
quadam  fascia  linea  obligaret.  Unde  mea  qui- 
dem  sententia  mos  inolevit ,  hodieque  durans, 
ut  pontiûces  ab  anteriore  parte  lineas  fascias 
alligatas  habeant.  » 

Ces  extrémités  pendantes  de  la  mitre  ne  sont 
autres  que  celles  qu'Isidore  même  a  touchées 
ci-dessus  ,  qui  servaient  à  lier  et  serrer  la 
mitre;  Méthodius  les  fit  servir  à  un  autre  usage. 
Mais  elles  n'étaient  que  de  lin,  non  plus  que  la 
mitre. 

XII.  Saint  Chrysostome  remarq ne  que  l'an- 
cien grand-prêtre  devait  avoir  la  tête  couverte 
de  sa  tiare,  pour  faire  connaître  que  si  les 
peuples  lui  étaient  soumis,  il  était  lui-même 
soumis  à  une  autorité  suprême  et  éternelle  ; 


mais  que  dans  l'Eglise  on  couvre  la  tête  de 
l'évêque  qu'on  ordonne,  du  livre  des  évan- 
giles, pour  lui  apprendre  que  c'est  là  le  véri- 
table ornement  de  sa  tête,  et  s'il  fait  la  loi  aux 
peuples,  il  la  reçoit  lui-même  du  ciel. 

«  Idcirco  cum  ordinantur  sacerdotes,  evan- 
gelium  Christi  capiti  imponitur,  ut  discat  is 
qui  ordinatur,  verain  se  recipere  evangelii  tia- 
ram :  atque  ut  discat  quamvis  sit  omnium 
caput,  se  tanien  legibus  istis  subjici  :  et  cum 
qui  omnibus  imperet,  legis  imperio  subesse  ; 
eumque  qui  omnibus  dat  mandata,  a  legibus 
mandatum  accipere  (Tom.  vi,  p.  102,  serm.  de 
uno  Legislat.).  » 

On  pourrait  encore  tirer  de  là  une  légère 
conjecture,  que  les  habillements  de  tète  des 
évèques  étaient  très-simples,  et  que  c'est  pour 
cela  que  saint  Clirysostome  ne  s'arrête-  point  à 
en  tirer  des  intelligences  mystérieuses. 

Cela  se  peut  encore  confirmer  par  le  discours 
de  saint  Germain,  patriarche  de  Constantinople, 
sur  les  explications  mystérieuses  de  tous  les 
ornements  pontificaux.  11  commence  par  ceux 
de  la  tête,  et  de  là  il  passe  à  l'aube,  à  l'étole  et 
à  la  chasuble.  Or  il  ne  considère  dans  la  tète 
que  la  double  couronne,  qui  y  est  formée  par 
les  cheveux  qu'on  a  rasés  ou  coupés  au  plus 
haut  de  la  tète,  et  par  ceux  qu'on  a  laissés  aux 
extrémités  d'en-bas;  et  il  dit  que  ces  deux  cou- 
ronnes représentent  celles  de  saint  Pierre,  qui 
furent  toutes  semblables,  après  que  les  enne- 
mis de  la  vérité  l'en  lin  I  rase  par  dérision,  et  que 
Dieu  eût  changé  ces  marques  d'une  imaginaire 
ignominie,  en  des  couronnes  d'une  solide  et 
éternelle  gloire,  où  la  foi  et  l'innocence  brillent 
avec  plus  d'éclat  que  ne  sauraient  faire  ni  l'or 
et  l'argent,  ni  les  pierres  précieuses. 

«  Tonsura  capitis  sacerdolis,  et  rotunda  ejus 
pilorum  média  sectio,  vice  coronae  est^spineœ 
quam  Cbristus  gestavit.  Duplex corona  circum- 
posita  capiti  sacerdotis  ex  capillorum  significa- 
tione,  imaginent!  refert  venerandi  capitis  apo- 
stoli  Pétri,  quœ  tonsa  est  ei  ab  eis  qui  non 
credebant,  ut  illuderetur  ab  ipsis,  eique  ma- 
gister  Cbristus  benedixit ,  et  infamiam  in 
honorera,  illusionem  in  gloriam  convertit,  et 
posuit  super  caput  ejus  coronam  non  ex  lapi- 
dibus  pretiosis,  sed  lapide  et  Petra  fidei.Vertex 
enim,  ornatus  et  corona  duodecim  lapillorum, 
Apostoli  sunt:  Petra  vero  sanctissimus  Apos- 
tolus  est,  prinius  bierarcli arum  Christi  (  In 
Tlieoria  rerum  Eccles.).  » 

Ainsi  cet  auteur  remarque  que  ces  couronnes 


DE  LA  CROIX  DES  ARCHEVÊQUES. 


121 


de  gloire  étaient  bien  plus  brillantes  parla  foi 
et  par  l'innocence  de  ceux  qui  les  portaient, 
que  si  elles  eussent  été  chargées  d'or  et  de 
pierreries. 


Il  n'y  avait  donc  anciennement  ni  or  ni  pier- 
reries sur  les  mitres  des  papes  :  elles  n'étaient 
que  de  toile  sans  aucun  ornement  (1). 


(1)  Ceux  qui  voudront  avoir  de  plus  amples  notions  sur  la  crosse 
épiscopale,  trouveront  dans  le  volume  de  500  pages  qu'a  publié  le 
très- savant  archéologue  comte  Auguste  de  Bastard,  sous  le  titre  de 
Monographie  de  la  Crosse,  toutes  les  descriptions  et  explications  du 
symbolisme  de  cet  ornement  liturgique.  Là,  la  science,  l'histoire,  le 
dogme,  l'art,  la  symbolique,  y  sont  traités  supérieurement.  Dans  ces 
volutes  historiées  ou  à  fleur  épanouie,  dans  ces  nœuds  aux  emblèmes 
variés,  se  cachent  des  sens  que  les  contemporains  comprenaient,  et 
qui  seraient  pour  nous  de  véritables  hiéroglyphes  sans  la  savante  mo- 
nographie de  M.  le  comte  de  Bastard.  Et,  chose  nécessaire  dans  la 
science,  chacune  de  ses  explications  est  appuyée  sur  des  preuves  et 
des  textes.  Tout  le  vestiaire  du  Moyen  Age  n'est  que  l'alphabet  d'une 
langue  mystique.  Nous  signalons  principalement  la  démonstration 
que  nous  pouvons  appeler  mathématique,  qui  trouve,  dans  le  serpent 
des  crosses,  non  pas  l'emblème  du  démon,  ainsi  que  le  veut  l'opinion 
commune,  mais  un  symbole  cher  au  chrétien.  Ainsi  les  salamandres, 
les  dragons,  les  tigres,  les  autruches,  les  onagres,  les  aigles, les  rhinocé- 
ros, les  reptiles,  ont  leurs  bonnes  et  leurs  mauvaises  significations.  La 
mitre  est  aussi  expliquée  dans  ce  savant  livre.  Nous  croyons  bien 
faire  en  citant  une  note  qui  se  rattache  à  notre  sujet.  Après  avoir  in- 
vinciblement prouvé  que  l'illustre  primat  d'Angleterre,  saint  Thomas 
Becket,  est  Français,  né  près  de  Beauvais,  il  ajoute,  en  parlant  des 
nombreuses  reliques  qui  existent  encore  en  France  du  glorieux  mar- 
tyr :  «  A  défaut  de  la  coiffure  épiscopale  de  l'illustre  primat,  nous 
«  possédons,  pour  quelque  temps  encore,  sa  magnifique  chasuble  de 
t  damas,  historie'e  d'aigles  et  de  feuilles  de  vigne,   au  monogramme 

*  du  Christ,  ses  souliers  de  damas  blanc  à  fleurs,  avec  la  croix  d'or, 
»  et  sa  tunicelle  de  soie  pourpre,  garnie  de  clavi  ou  laticlave  antique, 

•  et  de  quatre  petites  sonnettes  ou  grelots.  » 

Voici,  d'après  un  document  officiel  publié  à  Rome  en  1818,  quels 
sont  les  ornements  que  revêt  le  souverain  pontife  aux  trois  solen- 
nités de  Noël,  Pâques,  saint  Pierre,  les  seules  où  il  officie  person- 
nellement : 

■  Ensuite  le  cardinal-diacre  de  l'évangile  lui  lève  la  mitre,  le  for- 
o  mal,  le  manteau  blanc  et  l'étole,  qu'il  donne  au  deuxième  maître 
o  des  cérémonies,  qui  la  remet  au  prélat  sous-sacristain.  Le  même 
o  cardinal-diacre  prend  des  mains  du  prélat  acolyte  le  cordon  avec 
a  la  ceinture  qui  servait  anciennement  à  soutenir  la  bourse,  appelée 
«  saccone,  qu'il  portait  pour  faire  l'aumône.  Cette  ceinture  a  une 
o  espèce  de  manipule  suspendu,  sur  lequel  il  y  a  en  broderie  un 
a  agneau,  avec  une  croix  rouge  ;  il  en  ceint  le  pape  sous  le  cordon 
a  ordinaire,  de  sorte  que  la  ceinture  soit  au  côté  gauche  ;  il  lui  ôte 
o  ensuite  le  cordon  ordinaire,  et  le  donne  comme  auparavant.  11  lui 
o  met  la  croix  garnie  en  gros  saphirs  blancs  montés  à  jour,  avec  des 
i  brillants  tout  autour,  portant  le  nom  de  Pius  pp.   VII  en  lettres 


t  émaillées  sur  la  poitrine.  Il  le  revêt  du  fanon,   lui  met  l'étole,  la 

•  tunique,  la  dalmatique,  les  gants,  la  chasuble,  le  pallium,  et  enfin 
%  la  mitre.  Le  même  cardinal  prend  immédiatement  le  manipule.  Le 

•  cardinal-évèque  assistant  lui  met  au  quatrième  doigt,  appelé  annu- 
a  laire,  un  anneau  d'un  gros  diamant  que  Pie  VI  avait  fait  monter,  ou 

•  bien  un  autre  avec  un  gros  saphir  au  milieu,  avec  deux  émeraudes 
s  brutes  et  des  perles  orientales,  monté  sous  Grégoire  XV.  Tous  ces 
a  ornements  sont  portés  l'un  après  l'autre  au  trône,  par  les  prélats 
a  votants  de  signature  et  les  abréviateurs  du  parc-majeur,  qui  les 
o  reçoivent  de  Mgr  l'évèque  de  Porphyre  m  partibus,   sacristain  du 

•  pape,  et  qui,  revêtu  de  la  chape,  les  prend  sur  l'autel  où  ils  étaient 
a  disposés  en  ordre  (François  Cancellieri,  descriptions  des  chapelles 
o  papales,  1818).  » 

Il  ne  sera  pas  superflu  de  faire  remarquer  ici  que  le  pape  ne  porte 
jamais  la  crosse.  Le  pape  Innocent  III  nous  en  donne  la  raison  dans 
le  corps  du  droit  lui-même.  On  lit  en  effet  dans  le  hvr§  premier,  titre 
De  sacra  unctione,  chapitre  unique  :  a  Licet  Romanus  Pontifex 
non  utatur  baculo  pastorali,  tum  propter  historiam,  tum  propter 
mysticam  ranonem,  tu  tamen  (Innocent  III  écrit  à  un  évèque)  ad  ai- 
militudinem  aliorum  pontificum  poteris  eo  uti.  »  Les  commentateurs 
expliquent  ce  mot  propter  historiam,  parce  que  lorsque  saint  Pierre 
envoya  à  Trêves  deux  de  ses  disciples,  l'un  des  deux  mourut  en 
chemin.  Le  survivant  retourna  à  Rome  pour  raconter  sa  mésaventure 
à  saint  Pierre.  Le  prince  des  apôtres  lui  remit  alors  son  bâton,  en 
lui  disant  d'aller  l'appliquer  sur  le  corps  du  défunt.  Celui-ci  ressuscita. 
Les  deux  disciples  arrivèrent  à  Trêves  et  conservèrent  soigneusement 
le  bâton  pastoral  de  saint  Pierre  dans  cette  illustre  église.  Depuis 
lors,  les  papes  n'ont  plus  fait  usage  de  la  crosse,  excepté  dans  la 
seule  ville  de  Trêves,  lorsqu'il  arrive  qu'un  pape  la  traverse  dans 
ses  voyages.  Quant  à  la  raison  mystique,  voici  ce  qu'en  dit  le  glossa- 
teur  imprimé  avec  le  corps  du  droit  :  a  Quia  baculus  habet  in  sum- 
mitate  recurvationem,  quasi  ad  trahendum,  quod  non  est  necessarium 
Romano  pontifici  ;  quia  nullus  ab  illo  divertere  potest  finaliter;  quia 
Ecclesia  non  potest  esse  nulla;  vel  quia  per  baculum  designatur  cor- 
rectio  sive  castigatio,  ideo  alri  pontifices  recipiunt  a  suis  supenoribus 
baculos,  quia  ab  homme  potestatem  recipiunt.  Romanus  pontifex 
non  utitur  baculo,  quia  potestatem  a  solo  Deo  accipit.  » 

Nos  évèques  aujourd'hui  reprennent  peu  à  peu  les  crosses  histo- 
riées. En  1860,  le  gouvernement  fit  don  à  l'archevêché  d'Avignon 
d'une  crosse  en  vermeil  du  prix  de  4,000  fr.,  portant  à  la  volute  le 
thème,  bien  connu  dans  le  Moyen  Age,  du  couronnement  de  la  Sainte 
Vierge.  D'autres  ont  adopté  les  fleurs  épanouies.  Ce  font  les  plus 
belles  crosses  et  dont  le  symbolisme  est  le  plus  conforme  à  la  signi- 
fication du  bâton  pastoral,  la  verge  fleurie  d'Aaron. 

(Dr  André.) 


CHAPITRE  CINQUANTE-NEUVIÈME. 


DE  LA  CROIX  DES  ARCHEVEQUES  APRES  LAN  MIL. 


I.  Connexion  du  pallium  et  de  la  croix  justifiée  par  plusieurs 
exemples. 

II.  La  croix  fut  d'abord  propre  aux  pontifes  romains. 

III.  Elle  fut  premièrement  communiquée  aux  légats  du  pape. 

IV.  Puis  aux  patriarches. 

V.  Les  cardinaux  ne   peuvent  la  faire  porter  devant  eux, 
mais  aussi  on  ne  peut  la  porter  en  leur  présence. 

VI.  La  croix  communiquée  aux  primats. 


VII.  Puis  aux  archevêques. 

VIII.  Et  enfin  à  tous  les  archevêques. 

IX.  Si  l'on  a  porté  la  croix  devant  les  souverains  et  dans  les 
chambres  des  états  ou  des  parlements. 

X.  Dans  l'Orient,  la  croix  était  plus  propre  aux  empereurs 
qu'aux  archevêques. 

XL  Mais  la  lampe  des  empereurs  était  commune  aux  pa- 
triarches. 


1-2-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-NEUVIÈME. 


I.  Il  eût  fallu  traiter  des  offices  divins  immé- 
diatement après  la  tonsure  et  l'habit  ecclésias- 
tique, puisque  ce  sont  les  trois  obligations  plus 
formelles  des  bénéficiers.  Mais  comme  le  traité 
deshabitsnousa  engagé  au  discours  du  pallium, 
aussi  le  discours  du  pallium  nous  engage  dans 
celui  de  la  croix  des  archevêques  et  des  pri- 
mats. L'évèque  de  Pavie  en  Italie,  qui  jouissait 
du  privilège  singulier  du  pallium  et  de  la 
croix,  en  fut  justement  privé  par  Alexandre  111, 
pour  avoir  suivi  trop  opiniâtrement  le  malheu- 
reux parti  de  l'antipape  Octavien.  «  Papiensem 
episcopum  crucis  et  pallii  dignitate  privavit ,  >< 
disent  les  actes  de  ce  pape  (Baronius,  an.  \  17.'i. 
n.  1-2). 

Grégoire  VII  voulait  bien  qu'on  laissât  le 
pallium  à  l'évèque  de  Dol.  dans  l'accommode- 
ment (ju'il  désirait  qu'on  fît  entre  lui  et  l'arche- 
vêque de  Tours,  sous  l'obéissance  duquel  il 
voulait  absolument  le  remettre.  «  Reservato 
Dolensiepiscopo pallii usu  [Reg.,  I.vn, ep.  15  .» 
Ce  n'est  pas  que  les  prétendus  archevêques  de 
Dol  eussent  toujours  porté  le  pallium.  Car  les 
souverains  pontifes  ayant  été  presque  toujours 
contraires  à  ces  frivoles  prétentions,  n'avaient 
garde  de  le  leur  accorder. 

Au  contraire,  Léon  IX  conclut,  dans  nue  de 
ses  lettres,  qu'ils  ne  pi  uvent  être  archevêques, 
n'ayant  point  de  pallium.  «  Praesertim  cum 
archiepiscopus  sine  sede  civitatis,  sine  pallio 
archiépiscopal i  nequeat  haberi  lEpist.  xiii.  » 

Saint  Anselme  repril  un  évêque  de  Dublin, 
de  ce  qu'il  faisait  porter  la  croix  devant  lui, 
lui  représentant  que  ce  droit  n'appartenait 
qu'aux  archevêque-  qui  ont  été  confirmés  en 
recevant  le  pallium  du  pape.  «  Mando  tibi  ne 
hoc  amplius  facias,  quia  non  pertinet  nisi  ad 
archiepiscopum  a  Romano  pontilice  pallio  con- 
linnatum    L.  m,  ep.  7-2.  et  1.  iv,  ep.  -27).  » 

La  croix  archiépiscopale  était  donc  comme 
inséparable  du  pallium;  ainsi  il  y  a  lieu  de 
croire  que  Grégoire  VII  eût  aussi  accordé  la 
croix  avec  le  pallium  à  l'évèque  de  Dol.  Le 
clergé  de  Londres  se  partagea  un  jour  sur  ce 
différend, si  dès  que  l'archevêque  de  C.antorbéry 
était  ordonné,  il  pouvait  faire  porter  sa  croix  , 
ou  s'il  devait  attendre  qu'il  eût  reçu  le  pallium. 
«  Quidam  dicebant  crucem  posse  portari.  ex 
quo  electus  erat,  et  in  episcopum  consecratus. 
Alii  dicebant.  crucem  non  ferendam,  ante- 
qiiam  pallium  susciperelur.  llli  leges ,  isti 
décrétâtes  sententias  proferebant  (An.  1493, 
Script.  Anti.  llist.  Angl.,  p.  1585).  » 


On  décida  alors  cette  question  sur  l'assu- 
rance qu'un  moine  donna  que  c'était  la  cou- 
tume que  l'archevêque  de  Cantorbéry  fît  porter 
sa  croix  dès  qu'il  était  sacré  :  si  ce  n'était  qu'il 
eût  été  auparavant  évêque  d'une  autre  ville, 
et  que  l'autorité  du  pape  fût  nécessaire  pour 
le  transférer  d'un  siège  à  un  autre. 

IL  En  voilà  assez  pour  justifier  la  liaison  du 
pallium  avec  la  croix,  dont  nous  allons  parler. 
On  eût  bien  pu  opposer  au  sentiment  de  ce 
moine,  qui  l'emporta  alors  plutôt  par  caprice 
que  par  une  mûre  et  sérieuse  délibération , 
que  la  croix  archiépiscopale  n'avait  pas  moins 
été  un  écoulement  de  la  gloire  du  souverain 
pontife  sur  les  autres  métropolitains  que  le 
pallium. 

Benoît  VIII  ayant  été  chassé  de  Rome  par 
un  compétiteur  schistnatique  ,  se  retira  vers 
le  roi  Henri  d'Allemagne,  qui  fut  depuis  em- 
pereur, et  qui  prit  des  lors  sa  croix,  c'est-à-dire 
sa  dignité  sous  sa  protection.  «  Hujus  crucem 
rex  in  suam  suscepit  custodiam  (  Baronius, 
an.  101-2,  n.  6).  »  Ce  sont  les  termes  de  l'histo- 
rien Ditmar. 

Didier,  abbé  du  Mont-Cassin,  étant  élu  pape, 
et  nommé  Victor  III,  fit  tous  ses  efforts  pour 
se  décharger  d'un  fardeau  si  pesant,  en  aban- 
donnant la  croix  et  le  pallium  ,  qui  sont  les 
principales  marques  de  la  papauté.  «  Crucem 
et  chlamydem ,  et  caetera  pontificatus  insiguia 
dimisit  Idem.  an.  1085,  n.  5).  »  L'année  sui- 
vante, qui  fut  1087,  ayant  enfin  consenti  à  son 
élection,  il  reprit  la  croix  et  le  pallium  :  «  Cru- 
cem et  pallium  resumendo  contirmavit  ele- 
ctionem  (An.  1087).  » 

Pierre  Damien  parle  de  deux  antipapes  qui 
faisaient  porter  la  croix  d'argent  devant  eux. 
«  Adeo  ut  crucem argenteamante se gestandam 
imperaret  (Damian.,1.  i.  ep.  ult.  .  »  Enfin,  Ber- 
toldus  de  Constance  a  remarqué  que  dans  le 
concile  de  Clermont Urbain  II  fut  le  seul  qui 
fit  porter  devant  lui  la  croix  pontificale,  comme 
une  marque  de  la  juridiction  souveraine  et 
universelle. 

III.  Les  légats  du  Saint-Siège  ont  été  appa- 
remment les  premiers  a  qui  ce  droit  a  été  pre- 
mièrement communiqué,  comme  étant  les  plus 
vives  images  des  souverains  pontifes,  et  les 
dépositaires  de  toute  leur  juridiction.  Saint 
Etienne,  roi  de  Hongrie,  reçut  avec  la  qualité 
de  légat  du  Saint-Siège  le  pouvoir  de  porter  la 
croix:  «  Crucem  ante  regem  ,  ceu  apostolatus 
insigne,  gestandam  adjunxit  pontifex;  Ego, 


DE  LA  CROIX  DES  ARCHEVEQUES. 


12:1 


inquiens,  sum  apostolicus,  atille  merito  Christi 
Apostolus  dici  potest ,  cujus  opéra  tantum  po- 
puluni  sibi  Christus  acquisivit  '  Surius  ,  die  20 
August.).  » 

Voilà  ce  qu'en  a  écrit  l'auteur  de  sa  vie , 
lV'vèque  Chartuitius.  Michel  Cérùlaire,  patriar- 
che de  Constantinople,  dans  sa  lettre  à  Pierre, 
patriarche  d'Antioche,  dit  que  le  légat  du  pape 
à  Constantinople,  en  1054,  entra  jusques  dans  le 
palais  de  l'empereur  avec  sa  croix  :  «  Cum 
cruce  et  sceptris  regium  ingrediuntur  pala- 
tium.  »  Suivant  ce  qui  a  été  dit  ci-dessus,  on 
peut  justement  entendre  par  ce  mot  de  scep- 
tre, le  bâton  pastoral,  ou  la  crosse  de  l'évèque. 

L'évêque  d'Ely,  qui  fut  légat  a  latere  dans 
l'Angleterre,  donna  occasion  par  son  insuppor- 
table avarice  à  la  raillerie  sanglante  que  Roger 
a  rapportée  ,  que  sa  croix  n'avait  pas  racheté , 
mais  avait  mis  à  rançon  toute  l'Angleterre.  «  Om- 
nes  enim  Ecclesias  Anglias  crux  illa  redemit, 
id  est  ad  redemptionem  coegit;  »  enfin  que 
c'avait  été  la  croix  commune  de  tout  le  royau- 
me. «  Nec  fuit  aliquis  immunis  .  qui  crucis 
illius  stigmata  non  sentiret.  » 

Le  concile  IV  de  Latran,  célébré  sous  Inno- 
cent III,  ne  permettant  pas  même  aux  quatre 
grands  patriarches  ,  de  faire  porter  leur  croix 
en  présence  des  légats  apostoliques,  montre 
bien  que  les  légats  possèdent  cet  avantage  de 
faire  porter  leur  croix  ,  et  d'exercer  leur  juri- 
diction ,  dont  cette  croix  est  la  marque  ,  d'une 
manière  bien  plus  excellente  que  les  patriar- 
ches, comme  représentant  la  personnedupape. 
«  Dominicae  crucis  vexillum  ante  se  faeiant 
ubique  deferri ,  nisi  in  urbe  Romana,  et  ubi- 
cumque  summus  pontifex  praesens  extiterit, 
aut  ejus  Iegatus,  utens  insigniis  apostolicse 
dignitatis  (Baron.,  an.  1101.  n.  26;  C.  An  tiqua 
Extra.  De  purgatione  canonica).  » 

IV.  Ce  sont  donc  les  patriarches  a  qui  ce  pri- 
vilège est  accordé,  après  le  pape  et  ses  légats 
a  latere.  Le  texte  du  concile  de  Latran  que  je 
viens  de  citer  le  dit  clairement.  Mais  ce  n'est 
pas  proprement  le  sens  de  ce  canon.  Et  nous 
allons  faire  voir  que  les  primats  et  presque 
tous  les  archevêques  étaient  déjà  en  posses- 
sion de  cet  avantage.  Ce  n'eût  donc  pas  été 
rehausser  beaucoup  la  dignité  des  patriarches 
que  de  les  égaler  aux  primats  et  aux  métro- 
politains. 

Ce  canon  permet  aux  patriarches,  ou  plutôt 
il  confirme  la  possession  où  ils  sont,  de  faire 
porter  leur  croix  haute ,  non-seulement  dans 


l'étendue  de  leur  patriarcat,  mais  aussi  dans 
toute  la  chrétienté,  excepté  dans  Rome  et  dans 
1rs  lieux  où  se  trouve  le  pape,  OU  quelqu'un  de 
ses  légats.  «  Ubique  nisi  in  ,  etc.  »  On  ne  pou- 
vait pas  donner  une  idée  plus  grande  de  la 
dignité  patriarcale,  que  d'en  faire  éclater  la 
gloire,  et  en  répandre  les  rayons  dans  toutes 
les  Eglises  du  monde  ;  comme  si  les  patriarches 
étaient  les  successeurs  de  cette  infinie  étendue 
de  puissance  et  d'autorité  que  J.-C.  confia  aux 
apôtres,  et  principalement  à  saint  Pierre,  que 
l'antiquité  a  reconnu  comme  le  fondateur  des 
églises  patriarcales. 

Ce  n'est  pas  que  les  patriarches  puissent 
exercer  quelque  juridiction  dans  les  diocèses 
qui  ne  sont  pas  de  leur  ressort  :  il  a  fallu  par- 
tager l'indivisible  héritage  de  J.-C.  entre  les 
pasteurs,  pour  conserver  la  paix  et  la  concorde. 
Mais  il  a  été  bon  qu'il  restât  quelque  marque 
de  la  primitive  institution,  qui  ne  donnait  non 
plus  de  bornes  à  la  juridiction  des  apôtres  qu'à 
leur  charité. 

La  croix  des  patriarches  hors  de  leur  ressort 
n'es  [ias  une  marque  de  juridiction,  puisqu'ils 
n'y  en  exercent  aucune,  et  néanmoins  elle  est 
une  marque  de  supériorité,  puisqu'il  la  faut 
faire  disparaître  en  présence  d'une  autorité  et 
d'une  juridiction  supérieure,  telle  qu'est  celle 
du  pape  et  de  ses  légats. 
«V.  Crégoire  XI  étendit  à  tous  les  cardinaux 
le  même  avantage  des  légats  a  latere ,  de  ne 
pas  laisser  paraître  en  leur  présence  la  croix 
des  patriarches,  et  encore  bien  moins  celle  des 
primats  et  des  archevêques. 

La  raison  qu'en  donne  ce  pape,  est  que  les 
canlinauxreprésentent  le  souverain  pontife, dont 
ils  sont  comme  les  membres,  avec  une  autorité 
universelle  conjointement  avec  lui  dans  toute 
la  chrétienté  :  ce  qui  ne  convient  pas  aux  pa- 
triarches. «  Propter  quod  cardinalium  honori, 
qui  personam  nostram  représentant,  derogatur. 
Nos  igitur  attendentes ,  quod  cardinales  ipsi 
nobiscum  indefessislaboribus  universalia  eccle- 
siastica  onera  sortiuntur,  etc.» 

Il  est  d'abord  surprenant  que  les  cardinaux 
qui  n'ont  pas  droit  de  faire  porter  la  croix  de- 
vant eux,  ayent  le  pouvoir  de  faire  écarler  celle 
des  archevêques.  Mais  ce  pape  a  sagement  con- 
sidéré que  les  cardinaux  étant  comme  les  sur- 
veillants et  les  censeurs  universels  de  toutes 
les  Eglises  du  monde,  quand  ils  sont  réunis  à 
Rome  avec  le  pontife,  il  était  juste  de  leur  im- 
primer un  caractère  de  gloire  et  de  majesté 


U2t 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-NEUVIÈME. 


qui  fit  respecter  partout  ailleurs  en  leur  per- 
sonne une  autorité  si  éminente,  et  si  élevée 
au-dessus  de  toutes  les  autres  juridictions. 

VI.  Je  viens  aux  primats,  entre  lesquels  celui 
de  Rourges  obtint  d'Eugène  III  le  pouvoir  de 
faire  porter  sa  croix  dans  les  deux  provinces  de 
Bourges  et  de  Bordeaux,  qui  relevaient  de  sa 
primatie.  «  Porro  ad  majorem  reverentiam  per 
supradictas  provincias  vexillumDominicaecru- 
cis  ante  vos  deferri  concedimus,  sicut  etiam 
antiqua  praviecessorum  vestrorum  consuetudo 
obtinuit  (Epist.  lxix,  Eugen.  III).  »  Ce  n'était 
donc  qu'une  confirmation  de  l'ancien  droit  des 
primats  de  Bourges. 

L'histoire  de  saint  Thomas,  archevêque  de 
Cantorbéry  (An.  1  Kii),  fait  souvent  mention  de 
la  croix  qu'on  portait  devant  lui ,  et  on  y  voit 
les  sages  et  vigoureuses  remontrances  qui  lui 
furent  faites  par  l'ecclésiastique  qui  portait  sa 
croix,  lorsqu'il  avait  paru  par  une  lâche  com- 
plaisance se  relâcher  de  la  vigueur  inflexible 
des  canons. 

S'étant  animé  d'un  nouveau  zèle,  il  voulut 
lui-même  porter  sa  croix  dans  l'assemblée  de 
Northampton  Conc.Gen.,tom.x,p.l430, 1435), 
où  toute  l'Angleterre  se  souleva  contre  lui.  et 
l'évêque  d'Herford  ayant  voulu  le  soulager  et  por- 
ter sa  croix,  en  lui  disant  :  «  Pater,  desine,  ego 
vice  capellani  crucem  deferam  ante  praesentiam 
vestram ,  »  cet  invincible  prélat  lui  répliqua»: 
qu'il  voulait  la  porter  lui-même  pour  ressentir 
de  plus  près  les  effets  de  sa  protection,  et  pour 
faire  mieux  comprendre  au  monde  qui  était 
Celui  pour  la  gloire  et  les  intérêts  duquel  il 
combattait.  «  Justius  est  me  ipsam  déferre,  sub 
cujus  protectione  tutus  maneo,  et  ejus  viso 
vexillo,  non  est  dubitandum,  sub  quo  principe 
milito.  » 

Si  tous  ceux  qui  tirent  gloire  de  la  croix 
qu'on  porte  devant  eux  étaient  animés  du 
même  esprit  que  ce  saint  archevêque ,  s'ils 
regardaient  toutes  leurs  démarches  et  tous 
leurs  pas  sous  ce  divin  étendard,  comme  autant 
de  marches  pour  établir  l'empire  de  la  croix 
et  pour  faire  triompher  sur  la  terre  l'humilité, 
la  pauvreté,  la  charité  et  toutes  les  divines  ver- 
tus dont  la  croix  de  J.-C.  est  le  symbole  et  la 
source,  il  s'en  faudrait  beaucoup  qu'on  ne  fit 
une  matière  de  faste,  de  vanité  et  de  contesta- 
tion de  cette  croix,  qui  est  le  nœud  de  la  paix 
et  la  maîtresse  de  l'humilité. 

Richard  I",  roi  d'Angleterre,  étant  dans  l'ar- 
chevêché d'York,  l'archevêque  d'York  se  plai- 


gnit à  lui  de  ce  que,  lui  ne  faisant  pas  porter  sa 
croix,  l'archevêque  de  Cantorbéry  faisait  éclater 
la  sienne;  à  quoi  l'archevêque  de  Cantorbéry 
répliqua  que  c'était  le  droit  de  sa  primatie  de 
porter  sa  croix  par  toute  l'Angleterre,  et  qu'il 
était  douteux  si  l'archevêque  d'York  la  pouvait 
porter,  a  Ego  crucem  meam  per  totam  Angliam 
porto,  et  portare  debeo ,  sicut  totius  Angliae 
primas.  Tu  autem  crucem  tuam  non  portas,  et 
forsitan  portare  non  debes.  » 

Peu  de  temps  après  le  roi  se  voulant  faire 
couronner  par  l'archevêque  de  Cantorbéry,  et 
ayant  défendu  â  l'archevêque  d'York  de  s'y 
trouver  avec  sa  croix,  de  peur  qu'il  ne  s'allu- 
mât quelque  contestation  dangereuse  entre 
l'archevêque  de  Cantorbéry  et  lui,  celui  d'York 
aima  mieux  s'absenter.  «  Et  quia  prohibituin 
erat  ei  crucem  suam  portare,  noluit  coronationi 
régis  interesse.  » 

C'est  le  récit  qu'en  fait  Roger,  qui  dit  en  un 
autre  endroit  que  l'archevêque  d'York  avait 
voulu  auparavant  faire  porter  sa  croix  a  West- 
minster, â  quoi  tous  les  évoques  d'Angleterre 
s'opposèrent  :  et  que  dans  le  concile  de  Lon- 
dres, en  1175,  le  clergé  de  l'archevêque  d'York 
fit  ses  protestations  contre  l'archevêque  de 
Cantorbéry,  sur  le  droit  de  l'archevêque  d'York 
à  porter  la  croix  dans  le  diocèse  même  de  Can- 
torbéry :  «  In  quo  concilio  clerici  Rogeri  Ebo- 
racensis  archiepiscopi  calumniati  fuerunt  jus 
Eboracensis  Ecclesi;c  de  cruce  portanda  in 
diœcesi  Cantuariensis  Ecclesia.1  (Rogerius,  pag. 
736,  738,  718).  » 

Le  roi  accorda  enfin  ces  archevêques,  ou 
plutôt  il  les  fit  convenir  de  remettre  ce  diffé- 
rend au  jugement  de  l'archevêque  de  Rouen  et 
des  autres  évêques  de  Normandie  :  «  De  cruce 
portanda,  starent  judicio  Rotomagensis  archie- 
piscopi, et  aliorum  vicinorum  episcoporum  de 
regno  Franciœ.  » 

L'archevêque  d'York  ,  qui  prétendait  une 
égalité  parfaite,  et  comme  une  alternative  de 
primatie  entre  lui  et  l'archevêque  de  Cantor- 
béry, ayant  présenté  au  pape  Alexandre  III  une 
concession  de  son  prédécesseur,  qui  confirmait 
l'ancienne  possession  de  porter  la  croix  par 
toute  l'Angleterre  aux  archevêques  d'York,  il 
la  lui  fit  aussi  confirmer. 

Depuis  le  bienheureux  martyr  Thomas  ayant 
protesté  contre  celte  prétention,  le  même  pape 
défendit  â  l'archevêque  d'York  d'étaler  sa  croix 
dans  la  province  de  Cantorbéry,  jusqu'à  ce  que 
leur  dillérend  eût  été  terminé  par  une  sen- 


DE  LA  CHOIX  DES  ARCHEVÊQUES. 


425 


tence  définitive  (Append.  Conc.  Later.  II, c.  37). 
Mais  l'archevêque  d'York  s'étant  plaint  que,  sans 
forme  de  jugement  le  pape  l'eût  privé  d'un 
droit  dont  il  était  en  possession,  le  même  pape 
révoqua  sa  défense,  et  permit  à  l'archevêque 
d'York  de  faire  porter  sa  croix  par  toute  l'An- 
gleterre, jusqu'à  ce  que  cette  cause  eut  été  en- 
tièrement terminée. 

Les  archevêques  de  Brague  et  de  Compos- 
telle,  en  Espagne,  avaient  depuis  longtemps  un 
semblable  démêlé  ,  parce  que  Drague  préten- 
dait ,1a  primatie,  et  Compostelle  ne  la  cédait 
pas.  Enfin,  Innocent  III  les  mit  d'accord,  en 
leur  faisant  agréer  qu'ils  portassent  récipro- 
quement leur  croix  dans  la  province  l'un  de 
l'autre  :  «  Ut  uterque  per  provinciam  alterius 
universam,  crucem  ante  se  faciat  sine  contra- 
dictione  deferri  (Rainald.,  an.  1197,  n.  51).  » 

Dans  la  compilation  des  Constitutions  des 
conciles  de  Tarracone  ,  imprimée  à  Barcelone, 
en  1557  (Provinc.  Tarrac,  1.  i,  tit.  4),  on  voit 
plusieurs  actes  des  archevêques  de  Tarragone, 
pour  empêcher  l'archevêque  de  Tolède  de 
porter  la  croix,  ou  le  pallium,  ou  de  donner 
des  indulgences  dans  leur  province. 

Innocent  III  ayant  renouvelé  le  vicariat  apos- 
tolique de  l'Eglise  de  Thessalonique,  après  que 
les  Français  se  furent  rendus  maîtres  de  l'em- 
pire de  Constantinople,  donna  à  cet  exarque 
le  pouvoir  de  faire  porter  sa  croix  dans  tous 
les  évèchés  de  sa  dépendance  (  Regist.  xv  , 
epist.  xvni.) 

VIL  Nous  voilà  insensiblement  tombés  à  la 
croix  des  archevêques,  parce  que  la  plupart 
des  primats  ne  le  sont  plus  que  de  nom.  Il  y 
a  lieu  de  s'étonner  comment  Calixte  II,  donnant 
à  l'archevêque  de  Vienne  la  primatie  sur  plu- 
sieurs provinces,  ne  lui  accorda  néanmoins  de 
porter  sa  croix  que  dans  sa  province  particu- 
lière de  Vienne ,  puisque  tous  les  exemples 
précédents  semblent  être  contraires  :  «  Per 
provinciam  suam  crucem  déferre  concedimus, 
etc.  Super  septem  provincias  primatum  obti- 
neat,  etc.  (Epist.  ni).» 

Il  paraît  au  moins,  par  cette  lettre,  que  la 
croix  n'était  pas  encore  accordée  à  tous  les 
métropolitains,  puisqu'on  les  en  honore  par 
des  grâces  particulières.  Il  y  avait  longtemps 
qu'Alexandre  II  avait  confirmé  ce  privilège  à 
l'archevêque  d'Esclavonie  et  de  Dalmatie  : 
a  Crux  etiam  ante  le ,  sicut  ante  pradecessores 
tuos,  per  Dalmatiam  et  Slavoniam  ubique  ge- 
ratur,  (Epist.  îv).  »  Avant  cela,  sous  Léon  IX, 


l'historien  Adam,  parlant  d'un  faux  archevê- 
que ,  le  représente  avec  la  croix  ordinaire 
des  archevêques  :  «  Archiépiscopal!  more  cru- 
cem prase  ferentem  (Baronius,  an.  10.'>0,n.-4).» 

On  pourrait  croire  que  ces  archevêques  des 
nations  entières,  et  surtout  de  celles  qui  étaient 
nouvellement  converties,  comme  étaient  les 
Suédois  dont  Adam  parle,  étaient  ordinaire- 
ment, ou  primats,  ou  légats-nés  du  Saint- 
Siège,  comme  il  a  paru  dans  le  chapitre  où 
nous  avons  traité  de  ces  primats.  Le  terme 
d'archevêque  a  été  pris  longtemps  dans  cette 
signification.  Ainsi  la  croix  leur  était  com- 
mune, parce  que  les  primats  passaient  pour 
de  petits  patriarches. 

Je  ne  vois  pas  de  moyeu  plus  aisé  d'expli- 
quer tant  de  privilèges  particuliers,  que  les 
papes  ont  ensuite  donnés  aux  métropolitains 
les  uns  après  les  autres,  pour  leur  permettre 
de  faire  porter  la  croix  levée  devant  eux. 

Eugène  III  et  Alexandre  III  renouvelèrent 
cette  grâce  à  l'archevêque  de  Cologne  ,  comme 
leurs  prédécesseurs  papes  l'avaient  accordée 
aux  siens  (Epist.  x  ).  Mais  l'archevêque  de 
Salerne  obtint  comme  une  nouvelle  faveur 
d'Alexandre  III  la  même  liberté  de  porter  la 
croix  (Epist.  ni) ,  après  une  mûre  délibération 
des  cardinaux,  comme  le  cardinal  Baronius  le 
montre  par  des  actes  originaux  :  «  Ad  petitio- 
tionem  ipsius  archiepiscopi,  communicato 
fratrum  suorum  concilio,  ipsi  et  successoribus 
ejus  usum  et  dignitatem  portanda  crucis  per 
civitatem  et  totam  suam  parochiam  auctori- 
tate  apostolica  concessit  (Baronius,  an.  1177, 
n.  76).  » 

Innocent  III  donna  le  même  pouvoir  à  l'ar- 
chevêque de  Thessalonique  :  «  Dominicœ  cru- 
cis vexillum  deferendi  per  totam  diœcesin  et 
episcopatus  tibi  subditos,  fraternitati  tua;  li- 
centiam  impertimur  (L.  ni,  epist.  xvm).  » 

Crégoire  IX  usa  presque  des  mêmes  termes 
en  accordant  la  même  chose  à  l'archevêque 
d'Auch  (Rainald.,  an.  1228,  n.  38).  Il  fit  peu 
d'années  après  la  même  grâce  à  l'archevêque 
de  Bordeaux  et  à  celui  de  Messine  (An.  1232, 
n.  26).  La  concession  qu'il  en  fit  ensuite  à  l'ar- 
chevêque de  Gnesne(An.  1238,  n.  61),  contient 
les  pensées  toutes  célestes,  et  les  plus  vives  af- 
fections que  les  prélats  doivent  concevoir  pour 
la  mortification  des  sens,  et  pour  l'intrépide 
défense  des  intérêts  de  la  croix  et  de  la  reli- 
gion, quand  ils  marchent  après  leur  croix. 

«  Considerans  diligenter,  quod  in  cruce  Do- 


126 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CINQUANTE-NEUVIÈME. 


mini  nostri  Jesu  Cliristi  te  oporteat  gloriari, 
pie  desideras  salutiferae  crucis  vexillum  ante 
te  facere  do  oostra  licentia  bajulari,  qui  crucis 
înortifiealionem  jugiter  in  tuo  corpore  debes 
pro  divini  nominis  amore  portare.  Nos  igitur 
attendentes,  quod  non  sunt  tibi  armaturse  cœ- 
lcstis  insignia  deneganda,  qui  contra  persecu- 
tores  Ecclesiœ  certamine  incessanter  labores, 
prœsentium  tibi  auctoritate  conçedimus,  ut 
per  tuain  provinciam  ante  te,  deferri  facias 
crucis  signum,  nisi  cum  Apostolicae  Sedis  le- 
gatus  in  Polonia  fuerit  constitutus.  » 

Innocent  IV  permit  a  l'archevêque  de  Tarra- 
gone  de  faire  porter  la  croix  devant  lui  dans  sa 
province.  «  Cum  legatione  pro  Christo  funga- 
ris,  etc.  (Constitut.  Conc.  Tarrac,  1.  1,  tit.  4).  » 
Ces  paroles  peuvent  signifier  que  le  droit  de 
faire  porter  la  croix ,  avait  passé  aux  archevê- 
ques, à  l'exemple  des  légats  a  latere,  qui,  lors- 
que de  Rome  ils  allaient  dans  les  provinces  de 
leur  département,  avaient  coutume  de  faire 
porter  devant  eux  une  croix,  comme  pour  leur 
servir  de  guide  et  les  conduire. 

VIII.  Il  est  à  croire  que  ce  fut  sous  ce  pape 
que  la  croix  devint  commune  à  tous  les  arche- 
vêques ,  et  qu'elle  fut  ensuite  comme  insépa- 
rable de  leur  dignité.  De  là  vient  qu'il  n'en  est 
point  parlé  dans  les  Décrétales  que  ce  pape  fit 
publier,  quoiqu'il  y  ait  un  titre  exprés  du  pal- 
lium  dont  l'usage  était  commun  à  tous  les  ar- 
chevêques depuis  un  fort  long  temps. 

Dans  les  Clémentines  nous  verrons  un  règle- 
ment sur  la  croix  archiépiscopale,  qui  suppose 
qu'elle  était  du  droit  commun  des  archevê- 
ques. Mais  avant  cela  Alphonse,  roi  de  Castille, 
obtint  une  nouvelle  confirmation  pour  l'ar- 
chevêque de  Séville,  d'un  droit  dont  il  jouis- 
sait déjà,  avec  tous  les  autres  archevêques 
d'Espagne,  de  faire  porter  sa  croix  par  toute 
l'Espagne.  Rainaldus  n'a  pas  donné  l'original 
de  cette  concession  d'Urbain  IV,  mais  voila  le 
précis  qu'il  en  a  fait(Rainald.,  an.  1264,  n.3G). 

11  n'est  pas  facile  d'accorder  cela  avec  le  pri- 
vilège (pie  Martin  V  donna  en  1422  (Marca,  de 
Primat.  Lugdun.,  u.  123),  à  l'archevêque  de 
Tolède,  de  marcher  avec  sa  croix  haute  devant 
lui  par  toute  l'Espagne,  ni  avec  ce  que  raconte 
Gomecius  dans  la  vie  du  cardinal  Ximenès 
(Coince.,  1.  n),  qu'imitant  son  prédécesseur 
Mendoza,  il  portait  sa  croix  haute  par  toute 
l'Espagne,  comme  une  marque  de  sa  primatie, 
si  l'on  ne  dit  que  le  privilège  d'Urbain  IV  avait 
été  mis  en  oubli,  et  qu'un  temps  de  Martin  V 


les  métropolitains  d'Espagne  avaient  resserré 
l'usage  de  la  croix  et  du  pallium  dans  leur 
propre  province.  Je  dis  aussi  du  pallium,  parce 
qu'Innocent  III  avait  déjà  autrefois  blâmé  la 
coutume  des  archevêques  d'Espagne  ,  qui  por- 
taient indifféremment  le  pallium  dans  les  pro- 
vinces de  leurs  confrères  :  «  Cum  consuetudo 
sit  in  Hispania  generalis,  quod  arcbiepiscopi 
extra  suas  provincias  pallio  indifferenter  utan- 
tur.  (C.  Ex.  tuarum.  De  autor.  et  usu  Pallii).  » 

J'ai  dit  ci-dessus  que  Clément  V  avait  sup- 
posé, comme  il  était  très-véritable,  que  tous 
les  archevêques  jouissaient  du  droit  de  taire 
porter  la  croix  dans  leur  province.  C'est  dans 
sa  Déerétale  Archiepiscopo  où  il  leur  permet  de 
porter  leur  croix  dans  les  lieux  même  exempts 
de  leur  province,  aussi  bien  que  d'y  bénir  les 
peuples  et  y  célébrer  les  offices  divins,  même 
avec  la  pompe  pontificale  :  «  Archiepiscopo  per 
quaevis  loca  exempta  surc  provinciœ  facienti 
trausitum  ,  ut  crucem  ante  se  libère  portari 
faciat,  benedieat  populo,  etc.  Duximus  conce- 
dendum.  »  L'assemblée  du  clergé  de  France, 
en  K,::.'),  reçut  et  confirma  l'usage  de  cette 
Clémentine. 

IX.  Quant  à  la  question  si  la  croix  de  l'ar- 
chevêque peut  être  portée  dans  les  chambres 
des  cours  souveraines  et  en  la  présence  des 
rois,  nous  avons  déjà  vu  que  saint  Thomas 
de  Cantorbéry  faisait  porter  et  porta  lui-même 
la  sienne  dans  le  parlement  d'Angleterre;  car 
c'était  effectivement  plutôt  une  assemblée 
d'Etat  qu'un  concile  oii  les  rois  et  les  sei- 
gneurs étaient  présents. 

Nous  avons  vu  aussi  qu'au  couronnement 
du  roi  d'Angleterre,  l'archevêque  d'York  eut 
défense  d'y  porter  la  croix,  parce  que  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry  était  seul  en  possession  de 
l'y  porter.  Il  faut  conclure  de  là  que  ce  même 
archevêque  portait  sa  croix  dans  toutes  les  as- 
semblées solennelles,  et  dans  toutes  les  céré- 
monies royales  d'Angleterre. 

Le  saint  roi  de  Hongrie,  Etienne ,  faisait 
porter  une  croix  devant  lui,  comme  légat  apos- 
tolique. Innocent  111  défendit  aux  patriarches 
de  porter  leur  croix  dans  Rome,  devant  le 
pape  et  devant  ses  légats. 

Les  autres  papes,  dans  les  concessions  de  la 
croix,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus,  ont  in- 
terdit aux  métropolitains  de  la  porter  en  pré- 
sence des  légats  du  Saint-Siège,  dont  l'autorité 
est  supérieure  a  la  leur.  Mais  il  n'y  a  nulle 
limitation  à  l'égard  des  puissances  séculières, 


DE  LA  CHOIX  1>ES  ARCHEYKQFES. 


127 


qui  n'eu  sont  pas  moins  souveraines  dans  leur 
temporalité,  pour  être  soumises  a  La  juridiction 

spirituelle  des  exèques  :  comme  la  juridiction 
spirituelle  des  évêques  n'en  est  pas  moins  sou- 
veraine pour  être  assujelie  a  la  puissance  tem- 
porelle des  mis.  Aussi  le  grand  archevêque  de 
Brague,  Barthélémy  des  Martyrs,  étala  magni- 
fiquement sa  croix  primatiale  dans  l'assemblée 
des  Etats  où  Philippe  II  tut  couronné  roi  de 
Portugal. 

Saint  Charles,  archevêque  de  Milan,  évita 
d'entrer  dans  le  carrosse  du  roi  de  France, 
Henri  111,  parce  qu'il  n'eût  pu  y  faire  porter 
sa  croix  archiépiscopale  avec  la  révérence  qui 
convenait  (Ciossano,  1.  ni,  c.  S).  Il  l'alla 
donc  visiter  à  Monza,  ayant  enjoint  à  celui 
qui  portait  sa  croix  de  ne  bouger  d'auprès  de 
lui.  Ce  même  incomparable  prélat,  étant  allé 
voir  le  duc  de  Savoie  à  Turin,  et  «  voyant  que 
l'archevêque  ne  faisait  point  porter  sa  croix 
quand  il  entrait  au  palais  du  duc,  il  le  reprit, 
lui  disant  qu'en  quelque  façon  que  ce  fût,  il 
devait  toujours  porter  sa  croix,  même  dans  la 
chambre  du  duc   Ibidem,  1.  xxm.  c.  .;  . 

Il  est  vrai  que  le  roi  Louis  XI  ne  reçut  le 
cardinal- légat,  en  118(1,  qu'avec  cette  condi- 
tion, «  de  porter  sa  croix  partout,  fors  en  notre 
présence.  »  Mais  ce  fut,  ou  une  de  ces  délica- 
tesses ,  ou  une  de  ces  défiances  qui  étaient 
particulières  à  ce  prince  Preuve  des  libertés 
de  l'Eglise  Gallicane,  chap.  xxm,  n.  ;i,  c.  vin). 
Aussi  son  fils,  Charles  VIII,  reçut  le  cardinal 
Balue,  légat  en  France,  avec  la  croix  et  toutes 
les  autres  marques  de  sa  légation  :  «  Par  le 
roi,  il  a  été  reçu  à  Lyon  avec  les  insignes  de 
légat,  et  depuis  en  sa  présence,  avec  lesdits 
insignes  comme  la  croix.  » 

L'exemple  que  Fevret  rapporte  de  l'arche- 
vêque d'York,  lequel,  au  rapport  de  Matthieu 
Paris,  fut  chassé  de  la  chapelle  du  roi  avec  sa 
croix,  cet  exemple,  dis-je,  ruine  les  prétentions 
de  Fevret.  Car  c'est  une  preuve  que  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry  portait  sa  croix  dans  la 
chapelle  même,  et  en  la  présence  du  roi  ;  et 
que  c'était  celte  croix  primatiale,  et  nou  pas  la 
présence  du  souverain  qui  faisait  disparaître 
la  croix  de  l'archevêque  d'York. 

Le  même  Fevret  touche  bien  le  différend 
entre  l'archevêque  et  le  parlement  d'Aix,qui 
l'empêcha  de  porter  sa  croix  dans  la  grande 
salle  des  audiences  du  parlement;  mais  il  ne 
dit  pas  ce  qui  fut  réglé  par  le  conseil  du  roi 
(Fevret,  1.  ni,  c.  2,  n.  12] .  Le  conseil  ne  régla 


rien.  Ainsi  si  du  côté,  OU  des  parlements,  ou 
des  princes  et  des  archevêques,  uni  coutume 
contraire  s'est  établie  ,  il  l.iul  confesser  de 
bonne  foi  que  c'est  une  chose  de  police  qui 
peut  changer  avec  le  temps,  et  on  les  ménage- 
ments sont  toujours  justes,  quand  ils  sont 
nécessaires  pour  entretenir  une  inviolable 
concorde  entre   le  sacerdoce   et  l'empire. 

X.  Les  anciens  empereurs  de  Constantinople 
paraissent  dans  leurs  médailles  avec  une  croix 
en  main  ,  et  lorsque  le  père  et  le  fils,  le  fils  et 
la  mère ,  ou  les  deux  frères  empereurs  sont 
dans  la  même  face  de  la  médaille  ,  au  lieu  de 
deux  croix  ils  n'en  tiennent  qu'une  double. 
Sixte  Y  trouva  au  commencement  de  son  pon- 
tificat un  grand  nombre  de  ces  médailles  d'or, 
en  creusant  les  fondements  de  quelques  répa- 
rations  qu'il  faisait  a  l'église  de  Saint-Jean  de 
Latran.  On  y  voyait  les  images  de  Théodose 
l'Ancien  .  d'Arcade  et  d'Honoré  ses  fils  ,  de 
Théodose  le  Jeune,  de  Marcien,  de  Justinien, 
d'Héraclius ,  d'un  côté  ,  et  de  la  croix  de 
l'autre. 

Ce  pape  fit  des  présents  de  ces  médailles  à 
tous  les  princes  chrétiens,  pour  les  animer  a 
l'amour  de  la  croix,  et  en  publia  une  bulle  en 
IS87.  Quelques-uns  ont  cru  que  c'a  été  cette 
Croix  double  des  Crées,  qui  a  été  souvent  imi- 
tée dans  la  structure  de  leurs  églises  à  double 
croix:  enfin  que  les  patriarches  et  les  primats 
se  la  sont  attribuée ,  après  que  nos  croisades 
dans  l'Orient  nous  l'eurent  fait  remarquer 
parmi  les  Crées.  Aussi  l'appelle-t-on  la  croix 
de  Lorraine,  depuis  le  célèbre  chef  de  nos  pre- 
mières croisades,  Godefroi  de  Bouillon.  Il  ne 
parait  pas  qu'on  ait  porté  la  croix  devant  les 
archevêques  grecs.  Et  ce  qui  en  est  dit  dans  la 
lettre  des  Maronites  a  Léon  X,  peut  n'avoir  été 
qu'une  imitation  des  Latins  (  Conc.  General., 
tom.  xiv,  p.  349). 

XI.  Mais  comme  on  portait  une  lampe  allu- 
mée devant  les  empereurs ,  aussi  ce  privilège 
fut  enfin  accordé  au  patriarche  de  Constanti- 
nople. Balsamon  assure  qu'il  avait  été  commu- 
niqué aux  archevêques  de  Bulgarie  et  de  Chy- 
pre ,  et  à  quelques  métropolitains  (  Balsamon, 
in  Méditât,  de  Patriarchis).  Codinena  fait  aussi 
mention,  aussi  bien  que  de  la  chape  parsemée 
de  croix,  qu'ils  appelaient  mïutnéipm,  et  qui 
avaitaussi  passédes  empereursaux  patriarches, 
aux  exarques ,  et  à  quelques  métropolitains. 
Zonare  dit  qu'on  comprenait  quelquefois  sous 
le  nom  d'exarques ,  les  évêques  de  Césarée  en 


128 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTIÈME. 


Cappadoce,  d'Ephèse,  de  Thessalonique,  et  de 
Corinthe  ;  c'est  pourquoi  on  leur  permettait  de 
porter  dans  leurs  églises  cet  ornement  enrichi 
de  croix,  qui  originairement  n'avait  appartenu 
qu'aux  patriarches  et  aux  empereurs.  «  Quibus 
etiam  propterea  praerogativae  nomine ,  poly- 
stauria  in  suis  ecclesiis  gestare  permissum  (In 


Michaele  Paleol.,  1.  n,  c.  15).  »  Pachymère 
raconte ,  que  lorsqu'on  voulut  obliger  le  pa- 
triarche Arsénius  de  Constantinople  de  se  dé- 
mettre, on  lui  redemanda  la  crosse  et  la  lampe 
comme  les  plus  expresses  marques  de  sa  di- 
gnité (1). 


(1)  Toutes  les  fois  que  le  pape  sort,  même  pour  une  simple  pro- 
menade, sa  voiture  est  toujours  précédée  d'un  prélat  monté  sur  une 
mule  blanche  portant  haut  la  croix.  Nous  devons  rectifier  une  erreur 
au  sujet  de  la  croix  papale.  Les  écussons  des  souverains  pontifes  sont 
souvent  représentés  avec  une  croix  à  triple  croisillon.  De  là  on  a  cru 
généralement  que  la  croix  qu'on  porte  devant  le  pape  est  ainsi- 
Mais  c'est  là  tout  simplement  une  erreur.  Cette  représentation  n'a  pas 
d'autre  source  que  le  caprice  et  ta  fantaisie  des  peintres  et  des  ar- 
tistes. La  croix  qu'on  porte  devant  le  pape  est  simple.  De  même» 
quoique  les  écussons  archiépiscopaux  portent  une  croix  à  double 
croisillon,  la  croix  réelle  des  métropolitains  est  simple,  portant 
l'image  du  Sauveur  attaché  sur  l'instrument  de  son  supplice. 

De  nos  jours  encore,  les  légats  du  pape  font  porter  la  croix  haute 
dans  toute  l'étendue  de  leur  légation.  On  en  eut  une  preuve  triom- 
phante à  Paris  en  1856,  lorsque  le  cardinal-légat  Patrizzi  vint  con- 
férer le  baptême  au  prince  impérial.  Voici  ce  qu'en  disait  le  Moni- 
teur :  a  Vers  quatre  heures,   un  mouvement   se   fait  dans  la  foule  ; 


s  bientôt  un  appel  de  tambours  se  fait  entendre  ;  à  quatre  heures  et 
u  demie  on  voit  sortir  des  Tuileries  le  cortège  du  cardinal -légat, 
t  composé  de  trois  voitures  de  la  cour,  que  précèdent  des  escadrons 
<  de  chasseurs  à  cheval  et  de  dragons,  musique  en  tète.  Les  deux 
i  premières  voitures  sont  à  six  chevaux.  Les  prélats  qui  accompa- 
«  gnent  le  cardinal-légat  y  ont  pris  place,  accompagnés  des  cham- 
•  bellans  de  l'Empereur.  Dans  la  première  voiture  était  placée  la 
«  croie  pontificale,  et  dans  la  deuxième  le  chapeau  de  cardinal.  La 
«  troisième  voiture  est  un  carrosse,  attelé  de  huit  chevaux,  conduits 
i  en  main  par  des  valets  de  pied.  Le  cardinal-légat,  en  manteau 
«  rouge,  est  seul  dans  cette   voiture.    S.  Em.    est  accueillie  par  les 

■  acclamations  sympathiques  de  la   population,  auxquelles  il  répond 

■  avec  une  dignité  affable.  » 

En  1844,  Grégoire  XVI,  par  un  bref  spécial,  accorda  à  l'évêque 
d'Alger  et  à  tous  ses  successeurs,  le  droit  de  faire  porter  devant  eux, 
dans  toutes  les  cérémonies,  soit  publiques,  soit  privées,  la  croix  pon- 
tificale, ad  instar  arckiepiscoporum.  Dr  André.) 


CHAPITRE   SOIXANTIEME. 


DU   CÉLIBAT   DES   BÉNÉF1C1ERS   DANS   L'ÉGLISE   ORIENTALE,   PENDANT   LES  CINQ   PREMIERS  SIÈCLES. 


I.  La  loi  du  célibat  est  aussi  ancienne  que  l'Eglise,  pour  tous 
ceui  qui  participent  au  sacerdoce,  à  la  production  et  à  l'immo- 
lation de  l'agneau  céleste. 

II.  Preuve  tirée  de  saint  Epiphane.  On  n'élisait  pour  le  sous- 
diaconat  et  les  autres  ordres  supérieurs  que  des  vierges,  ou  des 
moines,  où  on  les  engageait  à  une  éternelle  continence. 

III.  IV.  Il  y  avait  des  canons  pour  cela. 

V.  L'abus  contraire  était  très-ancien,  mais  il  était  contraire 
aux  canons. 

VI.  Pourquoi  les  conciles  orientaux  ont  affecté  le  silence  sur 
cette  obligation. 

VII.  Autre  preuve  tirée  de  saint  Jérôme,  qui  montre  que  l'i- 
nobservance du  célibat  n'est  point  universelle  dans  l'Orient. 

VIII.  La  source  de  cette  loi  est  la  divine  pureté  du  Verbe 
incarné. 

IX.  Ce  qu'il  faut  croire  des  apôtres. 

X.  Pourquoi  on  élisait  quelquefois  pour  évéques  des  gens 
mariés. 

XI.  Pourquoi  le  célibat  a  été  mieux  observé  pour  les  évêques. 

XII.  Il  y  avait  des  peines  contre  les  violateurs  du  célibat. 

XIII.  Autres  preuves  tirées  d'Eusèbe. 

XIV.  De  saint  Chrysostome. 

XV.  Ce  qu'on  peut  cruire  de  l'histoire  de  Paphnuce  dans  le 
concile  de  Nicée. 

XVI.  Preuves  tirées  des  autres  pères  grecs  :  Clément 
d'Alexandrie,  Isidore  de  Damiette  ,  Cyrille  de  Jérusalem, 
Synésius. 

XVII.  On  oppose  Synésius  à  Socrate. 


XVIII.  Socrate  convient  que  dans  la  Thessalie  le  célibat  était 
observé. 

XIX.  Objection  du  prêtre  Parégorius. 

XX.  De  saint  Grégoire  de  Nazianze. 

XXI.  De  saint  Alhanase. 

I.  Ce  que  nous  avons  dit  de  la  vie  des  clercs 
en  communauté  ,  nous  engage  à  parler  de  la 
continence,  vertu  inséparable  de  ces  heureuses 
sociétés.  Mais  si  ceux  qui  faisaient  profession 
de  la  vie  commune  étaient  en  même  temps 
liés  par  un  vœu  tacite  de  continence,  il  ne 
s'ensuit  pas  que  les  évêques,  les  prêtres  et  les 
diacres  qui  vivaient  séparés  dans  leur  maison 
fussent  exempts  de  la  loi  du  célibat. 

Cette  loi ,  par  rapport  aux  ecclésiastiques 
qui  sont  dans  les  ordres  majeurs,  est  aussi 
ancienne  que  l'Eglise  ;  le  Pontife  éternel  qui  a 
voulu  naître  d'une  Vierge,  et  qui  a  été  lui- 
même  une  hostie  virginale ,  dont  il  a  voulu 
qu'il  se  fit  une  immolation  éternelle  dans  son 
Eglise  par  ceux  qu'il  a  appelés  à  son  divin 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉFICIERS  DANS  L'ÉGLISE  ORIENTALE. 


129 


sacerdoce ,  a  voulu  aussi  que  ses  sacrificateurs 
fussent  ses  imitateurs,  et  offrissent  leurs  corps 
avec  le  sien,  comme  une  victime  chaste  ,  pure 
et  innocente. 

C'est  dans  ce  dessein  qu'il  choisit  des  apôtres 
ou  vierges  pour  toujours  ,  ou  continents  à 
l'avenir  :  c'est  pour  cela  que  les  apôtres  n'élu- 
rent pour  être  dépositaires  et  successeurs  de 
leur  royauté  sacerdotale,  que  des  vierges,  ou 
au  défaut  des  vierges  ,  des  personnes  dévouées 
à  un  célibat  éternel  ;  enfin  c'est  pour  cela  que 
ces  divins  disciples  bannirent  à  jamais  du  sa- 
cerdoce virginal  de  l'Eglise  ceux  dont  l'incon- 
tinence avait  éclaté  par  un  double  mariage. 

Le  sacerdoce  céleste  des  évèques,  des  prê- 
tres et  des  diacres  ayant  été  institué  pour  la 
production,  aussi  bien  que  pour  l'immolation 
d'une  victime,  qui  est  la  chasteté  et  la  virginité, 
aussi  bien  que  la  sainteté  même,  il  n'est 
pas  étrange  que  ces  sacrés  ministres  contrac- 
tent une  obligation  toute  particulière  à  être  ou 
vierges,  ou  continents,  pour  imiter  au  moins 
de  loin  la  virginité  inconcevable  du  Père  éter- 
nel, et  de  la  mère  temporelle  de  cette  même 
hostie  qu'ils  produisent  pour  pouvoir  l'im- 
moler. 

IL  Cette  doctrine  a  été  plus  contestée  dans 
l'Eglise  grecque;  commençons  donc  par  les 
Pères  et  les  docteurs  de  cette  Eglise  à  justifier 
ce  que  nous  venons  d'avancer. 

Saint  Epiphane  assure  formellement  que 
ceux  qui  sont  honorés  du  sacerdoce  doivent 
être  vierges,  ou  au  moins  consacrés  pour  le 
reste  de  leurs  jours  à  la  vie  monastique ,  ou  à 
la  continence  ;  et  qu'il  est  nécessaire  ,  s'ils  ont 
été  mariés ,  qu'il  ne  l'aient  été  qu'une  fois. 
Enfin  il  témoigne  que  les  lecteurs  sont  les  seuls 
qui  puissent  jouir  du  commerce  conjugal  ; 
mais  que  les  sous-diacres ,  les  diacres,  les  prê- 
tres et  les  évêques  ne  le  peuvent  en  façon 
quelconque. 

a  Sacerdotium  ex  virginum  ordine  prœcipue 
constat,  aut  si  minus  e  virginibus,  certe  ex 
monachis  ;  aut  si  minus  monachorum  ordine, 
ex  his  creari  sacerdotes  soient,  qui  a  suis  se 
uxoribus  continent,  aut  secundum  unas  nup- 
tias  in  viduitate  versantur.  Secundis  vero 
nuptiis  implicitus ,  in  Ecclesia  ad  sacerdotium 
non  admittitur,  tametsi  aut  sese  ab  uxore  con- 
tineat ,  aut  si  viduus.  Ejusmodi  inquam  ab 
episcopi ,  presbyteri ,  diaconi ,  et  subdiaconi 
gradu  rejicitur.  Secundum  hos  gradus  lecto- 
rum  ordo  ex  omnibus  ordinibus  eligi  potest, 

Tn.  —  Tome  IL 


hoc  est,e  virginibus,  monachis,  continentibus, 
viduis,  et  iis  qui  honestis  matrimoniis  illi- 
gantur.  Imo  si  nécessitas  fuerit ,  ex  bigamis. 
Quippe  lector  non  sacerdos  est  ,  sed  tanquam 
divini  verbi  scribat.  (Expositio  fidei  CathoL, 
c.  xxi).  » 

Ce  Père  comprend  les  sous-diacres  mêmes 
dans  l'ordre  sacerdotal,  et  il  proteste  qu'on  ne 
les  élit  que  d'entre  les  vierges,  ou  les  conti- 
nents   :      Ev    mifÔEVûv  ,    71     S,    £^XpaTEUO|J.tVWV    TWV    îJiuv 

pvaixwv.  Voilà  la  discipline  de  l'Eglise  univer- 
selle au  temps  de  saint  Epiphane ,  et  surtout 
de  l'Eglise  grecque,  dans  les  lois  de  laquelle  ce 
Père  était  beaucoup  plus  versé. 

III.  Il  dit  ailleurs  que  J.-C.  même  est  le  pre- 
mier instituteur  de  cette  discipline,  et  que  les 
apôtres  en  ont  fait  des  Canons,  et  des  lois. 
«  Cum  sacerdotalia  Christus  mimera  et  orna- 
menta ,  cum  iis  qui  post  unas  nuptias  conti- 
nentiam  servaverint,  aut  in  virginitate  per- 
stiterint,  communicanda  esse  velut  in  quodam 
exemplari  monstraverit:  Aià  râv  «.m  ^0^%^  iT 

xpaTÊud[/.Evov ,  xai    twv  Ëv   TvapÛEvîx  JixôeXgùvtwv.    Id   quod 

Apostoli  deinde  honeste  et  religiose  decreve- 
runt,  per  ecclesiasticam  sacerdotii  regulam  rà 
Èxx>.r,<7iacTixov  xavôva  tt.ç  UpoaûvïK.  (Haeresi  48,  n.  7).  » 

IV.  Il  exprime  en  un  autre  endroit  encore 
plus  précisément  quels  sont  les  ordres  insépa- 
rables de  la  continence  :  «  Quin  eum  qui  adhuc 
in  matrimonio  degit ,  ac  liberis  dat  operam , 
tametsi  unius  sit  uxoris  vir,  nequaquam  tamen 
ad  diaconi ,  presbyteri ,  episcopi  aut  hypodia- 
coiii  ordinem  admittit  Ecclesia.  Sed  eum  dun- 
taxat,  qui  ab  unius  uxoris  consuetudine  sese 
continuent  autea  sit  orbatus,  &m  («âç  fyçaxw»- 
(j-Evov,  r,  xnpeuaavTx,  quod  in  illis  locis  prœcipue  fit 
ubi  ecclesiastici  canones  accurate  servantur 
(Hœresi  59,  n.  4).  » 

Ce  savant  Père  nous  montre,  dans  ces  deux 
différents  endroits,  qu'il  y  avait  même  des 
canons  qui  prescrivaient  le  célibat  aux  clercs 
supérieurs ,  en  y  renfermant  même  les  sous- 
diacres. 

V.  Il  est  vrai  que  ce  Père  reconnaît  au  même 
endroit  qu'il  y  avait  des  Eglises  où  les  prêtres, 
les  diacres  et  les  sous-diacres  n'observaient  pas 
le  célibat,  mais  il  répond  que  c'était  un  abus 
qui  s'était  glissé  contre  les  canons.  «  Respon- 
deo  non  illud  ex  canonis  authoritate  Qeri ,  sed 
propter  hominum  ignaviam  ,  quae  certis  tem- 
poribus  negligenter  agere  solet  (Ibidem).  » 

VI.  Le  canon  xxvi  des  apôtres,  le  x  du  con- 
cile d'Ancyre ,  le  icr  de  Néocésarée ,  le  iv  de 


130 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTIÈME. 


Gangres,  le  xiv  de  Calcédoine,  le  m  de  Nicée, 
paraissent  ne  point  obliger  formellement  les 
clercs  majeurs  au  célibat.  Ils  semblent  même 
leur  permettre  en  quelque  façon,  par  un  silence 
affecté,  le  commerce  de  leur  première  femme, 
sans  leur  donner  néanmoins  la  liberté  de  con- 
tracter aucun  mariage  après  leur  ordination. 
Mais  quand  bien  même  nous  demeurerions 
d'accord  de  tout  cela ,  nous  ne  laisserions  pas 
d'être  convaincus  par  ces  témoignages  si  précis. 
et  si  évidents  de  saint  Epipbane,  qu'il  y  avait 
des  canons  émanés  des  apôtres,  et  fondés 
même  sur  l'exemple  de  J.-C.  qui  ordonnaient 
le  célibat  à  tous  ceux  qui  participaient  au  sacer- 
doce de  l'Eglise. 

Tous  ces  canons  n'approchent  pas  de  la  net- 
teté et  de  l'évidence  avec  laquelle  parle  saint 
Epiphane  ;  ils  ne  disent  nullement  que  l'usage 
du  mariage  précédent  soit  encore  permis  aux 
prêtres  et  aux  diacres  après  leur  ordination  : 
ils  se  contentent  de  défendre  de  contracter  le 
mariage  après  l'ordination  ;  et  ainsi  on  n'en 
peut  tout  au  plus  conclure  autre  chose  qu'une 
condescendance  tacite  qui  épargne  les  abus,  de 
peur  de  les  aigrir  au  lieu  de  les  corriger. 

VII.  Saint  Jérôme  ayant  passé  la  meilleure 
partie  de  sa  vie  dans  l'Orient ,  et  par  consé- 
quent ayant  pénétré  tout  ce  qu'il  y  avait  de. 
plus  secret  dans  les  lois  et  les  mœurs  des  Egli- 
ses grecques,  en  rendra  un  témoignage  que  les 
plus  opiniâtres  ne  pourront  contester.  Or  voici 
ce  qu'il  écrit  contre  Vigilance,  qui  avait  déclaré 
la  guerre  à  la  continence  des  clercs:  «  Quid 
facient  Orientis  Ecclesia?,  quid^Egypti,  etSedis 
Apostolicœ?  Quae  aut  virgines  clericos  acci- 
piunt,  aut  continentes;  aut  si  uxores  habuerint, 
mariti  esse  desistunt  (Advers.  Vigilantium).  » 

Ce  Père  renferme  toute  l'Eglise  dans  le  res- 
sort de  ces  trois  grands  évêques  de  Rome , 
d'Alexandrie ,  et  d'Antioche  ;  et  ainsi  il  nous 
apprend  que  dans  l'Egypte  et  dans  l'Orient , 
aussi  bien  que  dans  l'Occident,  la  loi  de  la 
continence  pour  les  clercs  était  dans  la  même 
vigueur,  et  que  ce  n'ont  pu  être  que  des  parti- 
culiers dont  l'audace  ait  été  détestée  par  saint 
Epiphane;  mais  qu'il  n'y  avait  alors  aucune 
Eglise  d'une  étendue  considérabledans  l'Orient, 
qui  se  fût  relâchée  tout  entière  sur  ce  sujet. 

Aussi  ce  Père  dit  seulement  qu'il  y  avait 
quelques  évoques  autant  indignes  de  ce  divin 
ministère  qu'éloignés  delà  sainteté  qui  doit  l'ac- 
compagner ,  qui  n'ordonnaient  les  diacres 
qu'après  les  avoir  obligés  à   se  marier;   ce 


qu'ils  avaient  appris  de  l'impie  Vigilance  : 
«  Proh  nefas  episcopos  sui  sceleris  discitur 
habere  consortes  :  si  tamen  episcopi  nomi- 
nandi  sunt,  qui  non  ordinant  diaconos,  nisi 
prius  uxores  duxerint.  » 

VIII.  Ce  saint  docteur  remonte  en  un  autre 
endroit  jusqu'à  la  première  source  de  cette 
divine  pureté  si  nécessaire  aux  ministres  de 
l'autel  ;  et  il  nous  apprend  que  c'est  J.-C.  même 
qui  a  choisi  une  vierge  pour  être  sa  mère  ,  et 
a  voulu  que  tous  ceux  qui  auraient  quelque 
part  à  la  fécondité  de  sa  divine  mère,  en  pro- 
duisant son  corps  sur  les  autels,  participassent 
aussi  à  son  incomparable  pureté. 

C'est  pour  cette  raison  que  les  apôtres  ont 
joint  au  sacerdoce  ou  la  virginité,  ou  une 
éternelle  continence  :  et  les  évêques,  les  prê- 
tres, et  les  diacres  sont  toujours  élus  d'entre 
les  vierges,  ou  les  continents.  «  Christus  virgo, 
virgo Maria,  utriusque  sexus  virginitatemdedi- 
cavere.  Apostoli  vel  virgines,  vel  post  nuptias 
continentes  episcopi ,  presbyteri ,  diaconi,  aut 
virgines  eliguntur,  aut  vidui,  aut  certc  post 
sacerdotium  in  sternum  pudici  (In  Apolog. 
pro  libris  advers.  Jovin.)  » 

IX.  On  ne  peut  douter  après  cela  que  la  loi 
qui  prescrit  le  célibat  aux  ministres  de  l'autel 
ne  soit  de  la  tradition  apostolique. 

Saint  Jérôme  assure  que  saint  Paul  était  du 
nombre  des  vierges,  et  il  le  prouve  par  les  pa- 
roles du  même  apôtre,  qui  dit  :  «  Volo  omnes 
vos  similes  mei  esse.  »  Comme  s'il  disait  : 
«  Volo  omnes  homines  similes  mei  esse  ,  ut 
dum  mei  similes  sunt,  similes  fiant  et  Christi, 
cujus  ego  similis  sum    (L.  i  advers.  Jovin.).  » 

Nous  n'avons  point  de  certitude  qu'aucun 
des  apôtres  ait  été  marié,  à  l'exception  de  saint 
Pierre;  le  silence  de  l'Ecriture  pour  les  autres 
apôtres  nous  fait  justement  croire  qu'ils  ne 
l'étaient  pas  :  «  Quanquam  excepto  apostolo 
Petro  non  sit  manifestum  relatum  de  aliis 
Apostolis,  quod  uxores  habuerint,  et  cum  de 
uno  scriptum  sit,  ac  de  caîteris  tacitum,  intel- 
ligere  debemus  sine  uxoribus  eos  fuisse,  de 
quibus  nihil  taie  Scriptura  significet.  » 

Quand  quelques-uns  des  autres  apôtres  au- 
raient été  mariés,  c'aurait  été  dans  la  syna- 
gogue qu'ils  auraient  cessé  d'être  vierges,  et 
cette  perte  n'aurait  pu  être  réparée  dans  l'E- 
glise que  par  la  continence.  «  Qui  ergo  erant 
ex  Juda'is,  virginitatem  quam  in  judaismo 
amiserant,  in  Evangulio  habere  non  poterant.» 
Or  que  les  apôtres  qui  étaient  mariés  eussent 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉFICIERS  DANS  L'ÉGLISE  ORIENTALE. 


131 


quitté  pour  jamais  leurs  femmes,  pour  s'atta- 
cher uniquement  à  J.-C,  saini  Jérôme  le  con- 
clu! de  ces  paroles  de  saint  Lierre  au  Fils  île 
Dieu  :  «  Ecce  nos  reliquimus  omnia,  et  secuti 
sumus  te  ;  »  et  de  cette  réponse  du  Fils  de 
Dieu.  «  Nemo  est  qui  dimiserit  domum,  aut 
fratres,  aut  uxorem ,  etc.  »  D'où  il  conclut, 
«Assumpti  in  apostolatum ,  relinquunt  offi- 
cium  conjugale.  » 

X.  Saint  Jérôme  reconnaît  de  bonne  foi  que 
saint  Paul  a  permis  d'élever  à  l'épiseopat  ceux 
qui  avaient  été  mariés  une  fois  ,  mais  il  dé- 
clare que  ce  n'a  été  que  par  une  condescen- 
dance très-nécessaire  au  temps  de  l'Eglise 
naissante,  où  on  ne  rencontrait  parmi  les  gen- 
tils que  des  personnes  grossières  et  accoutu- 
mées aux  engagements  de  la  chair.  «  Quia 
rudis  ex  Gentibus  constituebatur  Ecclesia,  le- 
viora  nuper  credentibus  dat  prœcepta,  ne  ter- 
riti  ferre  non  possent.  » 

Au  reste,  si  dans  la  suite  du  temps  on  a 
souvent  donné  la  préférence  à  ceux  qui  avaient 
préféré  le  mariage  à  la  virginité,  ce  Père  ré- 
pond que  c'est  peut-être  la  faute  du  peuple 
qui  élit,  et  qui  se  flatte  en  élisant  ses  sem- 
blables; ou  de  l'évèque  qui  se  laisse  emporter 
à  des  considérations  basses  et  à  des  intérêts 
humains. 

XL  Jovinien  même,  quoiqu'ennemi  mortel 
de  la  virginité  et  de  la  continence,  confessait 
néanmoins  qu'un  évèque  était  obligé  au  céli- 
bat par  une  loi  indispensable.  Comme  la  plé- 
nitude du  sacerdoce  se  répand  de  l'évèque  sur 
les  prêtres  et  les  diacres  :  aussi  l'obligation  de 
la  continence  qui  leur  est  commune ,  parce 
qu'elle  naît  de  la  nature  du  sacerdoce,  lie  bien 
plus  étroitement  les  évêques  :  «  Certe  confite- 
ris  non  posse  esse  episcopum,  qui  in  episcopatu 
filios  faciat   Ibidem).  » 

Les  Grecs,  qui  se  sont  honteusement  relâ- 
chés pour  la  continence  des  prêtres  et  des 
diacres  depuis  plusieurs  siècles,  ont  conservé 
au  moins  quelque  reste  de  la  pureté  de  l'an- 
cienne discipline  dans  la  continence  indispen- 
sable de  leurs  évêques.  Il  y  a  quelque  fonde- 
ment de  conjecturer  que  cela  vient  de  ce  que 
les  évêques  faisaient  eux  seuls  presque  toutes 
les  fonctions  sacerdotales  dans  les  premiers 
siècles.  C'étaient  les  évêques  qui  baptisaient, 
qui  célébraient  l'auguste  sacrifice,  qui  récon- 
ciliaient les  pénitents;  et  ce  n'était  qu'à  leur 
défaut  ou  en  leur  absence  que  les  prêtres  sup- 
pléaient. Ainsi  les  évêques  n'ont  pu  rompre  U 


frein  de  la  continence  qui  est  si  étroitement 
unie  au  ministère  sacré. 

Dans  l'Eglise  latine  on  a  célébré  les  divins 
mystères  avec  [dus  d'assiduité  que  dans  la 
grecque.  Ainsi  les  prêtres  et  les  diacres,  dans 
l'Eglise  occidentale,  étant  tous  les  jours  em- 
ployés à  l'immolation  de  la  victime  adorable, 
ils  n'ont  pu  s'y  dispenser  de  la  continence. 
Mais  saint  Jérôme  dit  admirablement  que  si 
les  laïques  ne  peuvent  s'approcher  de  la  com- 
munion et  de  la  prière  qu'après  s'y  être  dispo- 
sés par  la  continence  ,  à  plus  forte  raison  tous 
les  ministres  du  divin  sacrifice  devant  en  tout 
temps  offrir  à  Dieu  leurs  prières  et  celles  du 
peuple,  et  devant  tous  les  jours  célébrer  le  sa- 
crifice virginal  de  l'Eglise,  ils  se  doivent  tou- 
jours conserver  dans  une  éminente  pureté. 
«  Si  laicus  et  quicumque  fidelis  orare  non  po- 
test,  nisi  careat  officio  conjugali  :  sacerdoti 
cui  semper  pro  populo  offerenda  sunt  sacrifi- 
cia,  semper  orandum  est.  Si  semper  orandum 
est,  ergo  semper  carendum  matrimonio.  » 

XII.  Ceux  qui  ont  cru  qu'il  n'y  avait  point 
de  peines  établies  contre  les  clercs  supérieurs 
qui  ne  s'abstenaient  pas  de  la  compagnie  de 
leurs  premières  femmes,  jusqu'à  ce  que  le 
pape  Sirice  publia  sa  célèbre  décrétale  sur  ce 
sujet,  n'avaient  qu'à  considérer  ce  que  saint 
Jérôme  avance  en  ce  même  endroit  :  que  l'é- 
vèque sera  traité  comme  un  adultère,  s'il  est 
surpris  et  convaincu  de  ce  commerce  conju- 
gal. «  Alioqui  si  deprehensus  fuerit.  non  quasi 
vir  tenebitur,  sed  quasi  adulter  damnabitur 
(Ibidem).  » 

On  ne  doute  pas  qu'il  n'y  eût  des  peines 
contre  les  adultères.  Il  dit  ailleurs  que  l'incon- 
tinence de  tous  les  hauts  ministres  de  l'autel 
était  punie  de  la  privation  des  fonctions  sacer- 
dotales :  «  Imo  episcopi  et  presbyteri  et  dia- 
coni,  et  universus  chorus  sacerdotalis  et  levi- 
ticus,  se  noverunt  hostias  offerre  non  posse,  si 
operi  serviant  conjugali  (In  Apolog.  advers. 
Jovin.î.  »,  L'extrême  conformité  qui  se  trouve 
en  ce  point  entre  saint  Epiphane  et  saint  Jé- 
rôme m'a  obligé  de  ne  les  point  séparer. 

XIII.  Eusèbe  n'est  pas  moins  formel  pour  la 
défense  de  cette  loi  ecclésiastique  lorsqu'il  dit 
que  les  docteurs  et  les  prédicateurs  de  l'Eglise 
renoncent  au  mariage  et  à  tout  commerce 
charnel,  enflammés  d'une  passion  plus  sainte 
et  de  l'amour  d'une  fécondité  plus  pure  qui 
les  renJra  les  pères  et  les  maîtres  d'une  mul- 
titude infinie  d'enfants  spirituels. 


132 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTIÈME. 


«  Doctoribus  ac  praedicatoribus  verbi  divini 
maxime  in  praesentia ,  ut  melioribus  studiis 
vacent  liberius,  sejunctus  a  re  uxoria  victus 
adamatur  :  velut  iis  qui  divina  et  incorporea 

sobole  propaganda  occupa ti  teneantur  :  et  non 
unius,  neque  duorum  liberorum,  sed  acerva- 
tim  innuniernbilis  mullitudinis  educationem 
sanclamque  disciplinait!  .  ac  reliquat  insti- 
tuendœ  vitœ  curam  susceperint.  »  Et  un  peu 
plus  bas  :  «  Illis  qui  sacrati  sunt,  toî«  U[»>|«vm« , 
atque  in  Dei  ministerio  cultnque  occupati , 
continere  deineeps  seipsos  convenit  a  com- 
niercio  uxoris  (Demonstr.  Evang.,  1.  i,  c.  9).  » 

XIV.  Saint  Chrysostome  (In  Epist.  i.  ad  Ti- 
motli.  boni.  10),  parle  assez  clairement  sur  le 
même  sujet  :  «  Si  quis  uxorem  duxit,  sollicilus 
est,  quœ  suntmundi,  episcopum  autem  bujus- 
modi  sollicitudine  tangi  minime  convenit, 
quomodo  superius  dixit,  unius  uxoris  virum  ? 
Quidam  illum,  qui  post  uxoris  obitum  consti- 
tuetur  episcopus,  significasse  intelligunt.  Alio- 
qui  licet  eum,  qui  uxorem  habeat,  quasi  non 
babentem  esse.  Tum  nempe  rite  istud  con- 
cessit  pro  tempore  ac  pro  rei  natura,  quae  tune 
inerat.  » 

C'est  le  même  sentiment  que  celui  de  saint 
Jérôme ,  que  bien  que  l'évêque  élu  vive  en 
continence,  c'a  toujours  été  un  accommode- 
ment nécessaire  aux  faibles  commencements 
de  la  conversion  des  gentils,  de  permettre 
qu'on  fit  monter  au  comble  des  dignités  ecclé- 
siastiques ceux  qui  avaient  été  une  fois  asser- 
vis aux  lois  du  mariage. 

Ce  même  Père  dit  ailleurs  (Hom.  u.  de  pa- 
tientia  Job),  que  l'on  n'use  plus  de  cette  indul- 
gence accordée  par  saint  Paul,  parce  qu'il  faut 
que  ceux  qui  sont  honorés  du  sacerdoce  soient 
ornés  d'une  parfaite  chasteté.  Aisi  -yàp  itavreXeï 

XV.  On  a  coutume  d'opposer  au  célibat  des 
ecclésiastiques  l'histoire  de  l'évêque  Paphnuce, 
qui  obligea  les  Pères  du  concile  de  Nicée  de 
ne  point  faire  de  canon  pour  assujétir  les 
évêques,  les  prêtres,  les  diacres  et  les  sous- 
diacres  à  la  continence  avec  les  femmes  qu'ils 
avaient  épousées  avant  leur  ordination,  puis- 
que l'ancienne  tradition  ne  leur  défendait  que 
les  nouveaux  mariages  après  les  ordres  reçus  ; 
mais  Socrate  et  Sozomène  ne  sont  pas  des  au- 
teurs si  irréprochables  ni  de  si  bons  garants, 
surtout  en  un  point  de  cette  conséquence, 
qu'on  soit  obligé  de  les  croire  sur  leur  parole 
(Socrat.,  1.  i,  e.  2;  Sozom.,  1.  i,  c.  23). 


Il  se  peut  faire  que  le  fond  de  l'histoire  soit 
véritable  et  que  Socrate  n'ait  manqué  qu'en  ce 
qu'il  a  ajouté  du  sien.  En  effet,  il  n'est  pas 
hors  d'apparence  que  le  nombre  des  prêtres  et 
des  diacres  incontinents  fût  déjà  si  grand  dans 
l'Eglise  orientale,  au  temps  même  du  concile 
de  Nicée,  que  ces  sages  évêques  jugeassent  plus 
à  propos  de  dissimuler  le  mal  qu'ils  ne  pou- 
vaient guérir. 

On  peut  faire  le  même  jugement  des  con- 
ciles d'Ancyre,  de  Néocésarée  et  de  Gangres, 
qui  n'ont  point  fait  de  règlement  contre  ce  dé- 
sordre, parce  qu'ils  le  jugeaient  irrémédiable. 
Mais  quand  Socrate  dit  que  Y  ancienne  tradi- 
tion de  l'Eglise  défendait  seulement  aux  clercs 
supérieurs  de  se  marier,  mais  ne  leur  ôlail 
pas  l'usage  d'un  mariage  précédent,  nous  en 
appelons  à  Eusèbe.  à  saint  Epiphane  et  à  saint 
Jérôme,  qui  étaient  incomparablement  mieux 
informés  que  lui  des  anciens  usages  de  l'E- 
glise. 

Ainsi  Socrate  a  mis  dans  la  bouche  du  saint 
évêque  Paphnuce  une  harangue  qui  n'en  sor- 
tit jamais.  Ce  saint  prélat  put  juger  avec  tout 
le  concile  et  avec  toute  l'Eglise  grecque,  dans 
les  siècles  suivants,  qu'il  valait  mieux  tolérer 
cet  abus  que  d'exposer  l'Eglise  au  schisme  et 
ces  clercs  à  une  incontinence  plus  criminelle; 
mais  il  ne  put  ignorer  que  ce  ne  fût  un  abus 
et  un  violement  des  anciens  canons  et  de  la 
discipline  plus  pure  établie  par  les  apôtres. 

XVI.  11  faut  encore  remarquer  que  les  autres 
Pères  grecs  n'ont  pas  laissé  de  rendre  témoi- 
gnage au  célibat  des  ordres  supérieurs,  quoi- 
qu'ils n'en  aient  parlé  qu'en  passant. 

Clément  d'Alexandrie  assure  que  les  apôtres 
ne  menaient  des  femmes  en  leur  compagnie 
que  comme  leurs  sœurs,  pour  faciliter  la  prédi- 
cation de  l'Evangile  dans  les  lieux  dont  l'abord 
n'était  libre  qu'à  des  femmes.  «  Reliqui  Apo- 
stoli  pnrdicationi  attendentes,  non  ut  uxores, 
sed  ut  sorores  circumducebant  mulieres,  quac 
una  ministraturse  essent  apud  mulieres,  quœ 
domps  custodiebant,  per  quas  etiam  in  gyna> 
ceum  absque  ulla  reprehensione ,  malave  su- 
spicione  ingredi  posset  doctrina  Domini  (Stro- 
mat.,  1.  m).  » 

Théodoret  prouve  en  divers  endroits  que 
saint  Paul  ne  fut  jamais  marié.  Isidore  de  Da- 
miette  dit  qu'il  y  a  une  espèce  de  chasteté  à  la- 
quelle tous  les  fidèles  sont  obligés,  parce  qu'ils 
ont  tous  quelque  part  au  sacerdoce  et  qu'ils 
sont  tous  les    sacrificateurs  de  leur  propre 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉF1CIEBS  DANS  L'ÉGLISE  ORIENTALE. 


133 


corps,  qui  doit  être  comme  une  'victime  chaste 
et  pure  •  mais  que  les  prêtres  sont  engagés 
dans  une  nécessité  bien  plus  étroite  de  garder 
la  continence,  à  moins  d'être  privés  du  haut 
rang  qu'ils  tiennent,  quoiqu'il  confesse  que 
cette  loi  ecclésiastique  n'est  pas  fort  religieu- 
sement observée  (In  Epist.  i.  ad  Cor,  c.  7.  ;  In 
Ep.  ad  Philip.,  c.  iv). 

«Exhibete  corpora  vestra  hostiam  viventem. 
Non  ad  sacerdotes  solos  scribens,  ut  existimas, 
hax  mandabat,  sed  universic  Ecclesiae.  Unum- 
quemque  enim  ipsorum  bac  in  parte  sacerdo- 
tem  esse  jussit.  Quod  si  castitas  et  pudicitia 
subditos  sacerdotes  ordinat,  libido  proculdu- 
bio  ac  lascivia  sacerdotibus  dignitatem  abro- 
gat.  Atque  boc  quidem  leges  et  ecclesiastica 
instituta  sanciunt.  verum  haud  admodum  ta- 
men  istud  fit.  Quam  autem  ob  causam,  non 
est  meum  commemorare  (L.  m,  epist.  lxxv).» 

Ce  Père  remarque  ailleurs  que  les  femmes 
n'accompagnaient  les  Apôtres  que  pour  les 
entretenir  de  leurs  biens  ;  parce  que  c'eut  été 
une  chose  insupportable  si  les  prédicateurs  et 
les  panégyristes  de  la  virginité  se  fussent 
abandonnés  aux  plaisirs  de  la  chair.  «  Non 
quod  ii  qui  virginitatem  suadebant,  et  caslita- 
tem  pru'dicahant,  ac  virginum  choros  mode- 
rabantur,  cum  mulieribus  consuetudinem  ha- 
berent  :  quis  enim  eos  virginitatem  suadentes 
tulisset,  siquidem  ipsimet  in  voluptatum  cœno 
sese  volutantes  deprehensi  essent  (  L.  m  , 
epist.  clxxvii.  » 

Cette  raison  embrasse  également  les  évo- 
ques, les  prêtres  et  les  diacres  qui  doivent  al- 
lumer dans  le  cœur  des  fidèles,  autant  qu'il 
leur  est  possible,  l'amour  de  la  virginité,  et 
qui  ne  doivent  pas  détruire  par  leurs  exemples 
le  fruit  de  leur  parole. 

Saint  Cyrille,  évèque  de  Jérusalem,  con- 
firme admirablement  bien  ce  que  nous  avons 
répété  plusieurs  lois,  que  la  chasteté  du  sa- 
cerdoce de  J.-C.  est  la  même  que  celle  de  la 
Sainte  Vierge  sa  mère,  et  dérive  de  la  même 
source,  savoir  de  la  chasteté  de  J.-C.  même. 
Et  il  prouve  son  raisonnement  en  disant  que 
les  prêtres  de  J.-C.  ayant  renoncé  ou  dû  re- 
noncer à  tout  commerce  conjugal ,  J.-C.  ne 
peut  pas  en  être  né.  «  Si  qui  apud  Jesum  bene 
fungitur  sacerdotio.  abstinet  a  muliere  :  ipse 
Jésus  quomodo  ex  viro  et  muliere  proditurus 
esset  (Catech.  xu).  »  Ce  Père  parle  avec  beau- 
coup de  justesse,  car  Isidore  de  Damiette  nous 
a  déjà  montré  que  la  loi  du  célibat  était  mal 


gardée  par  plusieurs  prêtres.  Et  nous  l'appre- 
nons encore  de  saint  Grégoire  de  Nazianze , 
lorsqu'il  blâme  la  délicatesse  ou  le  scrupule 
de  ceux  qui  ne  considérant  pas  assez  que  c'est 
J.-C.  même  qui  baptise  et  qui  lave  les  taches 
de  nos  âmes,  ne  voulaient  recevoir  le  baptême 
que  de  la  main  de  l'évéque  ou  d'un  prêtre 
continent.  «  Ne  dicas  :  Baptizet  ne  episco- 
pus,  etc.,  aut  si  presbyter,  saltem  qui  cadebs 
sit.  qui  continentiae  laude,  atque  angelica  Vi- 
vendi ratione  tloreat  (Orac.  xl).  » 

Enfin  Synésius,  en  se  défendant  de  l'épisco- 
pat  par  le  refus  qu'il  faisait  de  se  séparer  de 
sa  femme,  nous  apprend  combien  cette  sépa- 
ration était  indispensablement  exigée  par  les 
lois  ecclésiastiques.  «  Quare  boc  omnibus  pra> 
dico  et  testor,  neque  me  ab  uxore  prorsus 
sejungi  velle,  neque  adulteri  instar  cum  ea 
clanculum  consuescere.  Alterum  enim  nequa- 
quam  prium  est,  alterum  illicitum  (Ep.  cv).  » 

Cette  protestation  n'empêcha  pas  qu'on  n'or- 
donnât Synésius,  parce  que  ce  n'était  qu'une 
défaite  dont  il  se  servait  pour  n'être  pas  chargé 
d'une  dignité  si  périlleuse.  Il  protesta  en 
même  temps  de  ne  pouvoir  se  résoudre  à 
croire  la  résurrection  ;  on  ne  l'eût  pas  ordonné 
si  on  n'eût  été  persuadé  que  ce  n'était  qu'un 
prétexte  et  un  artifice  pour  éviter  une  si  pe- 
sante charge. 

Après  tout,  quand  il  aurait  parlé  sérieuse- 
ment, quant  au  célibat,  c'aurait  été  une  dis- 
pense particulière  de  la  règle,  et  non  pas  une 
dérogation  générale  à  la  loi  commune.  Or  Sy- 
nésius n'aurait  certainement  pas  fait  ces  objec- 
tions à  ceux  qui  devaient  l'ordonner,  s'il  n'a- 
vait été  parfaitement  convaincu  qu'on  ne  pou- 
vait ordonner  évêques  les  ecclésiastiques  ma- 
riés, à  moins  qu'ils  ne  promissent  auparavant 
de  rom  pre  tout  commerce  avec  leurs  femmes,  et 
ne  souscrivissent  à  la  croyance  de  la  résurrec- 
tion. 

XVII.  Et  quand  Synésius  insinue  (L.  v,  c.  21) 
qu'on  regardait  comme  des  adultères  les  évê- 
ques qui  rentraient  secrètement  dans  le  com- 
merce et  la  compagnie  de  leurs  femmes,  il 
nous  fournit  des  armes  pour  repousser  les  ad- 
versaires de  l'Eglise  et  du  célibat,  lorsqu'ils 
se  servent  de  l'autorité  de  Socrate,  qui  dit:  que 
dans  l'Orient  les  évêques  et  les  prêtres  s'abste- 
naient volontairement  de  leurs  femmes,  sans 
y  être  contraints  par  aucune  loi  ecclésiastique, 
et  qu'il  connaissait  plusieurs  évêques  qui 
étaient  devenus  pères  après  l'épiscopat.  Saint 


134 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-UNIÈME. 


Epiphane,  saint  Jérôme,  et  Synésius  méritent 
sans  comparaison  plus  de  créance  que  Socrate, 
et  ils  parlent  aussi  bien  que  lui  de  l'Eglise 
orientale. 

XVIII.  Socrate,  quoique  le  plus  déclaré  de 
tous  contre  le  célibat,  confesse  néanmoins  que 
dans  la  Thessalie,  la  Macédoine  et  l'Hellade,  les 
clercs  étaient  dégradés  de  leur  ordre  s'ils  ren- 
traient dans  le  commerce  conjugal  avec  les 
femmes  qu'ils  avaient  épousées  avant  leur  or- 
dination (Lib.  v,  c.  24).  Il  ne  parle  que  de  la 
Thessalie,  et  quelques  provinces  voisines, 
parce  que  c'était  cette  partie  de  l'Eglise  grec- 
que qui  relevait  du  patriarcat  du  pape. 

Quant  à  ce  qu'il  ajoute,  que  les  plus  illustres 
des  Grecs  s'abstenaient  aussi  de  leurs  femmes 
précédentes,  il  mérite  bien  d'être  cru;  mais 
quand  il  dit  qu'ils  n'y  étaient  obligés  par  au- 
cune loi,  non  pas  les  évêques  mêmes,  dont  il 
dit  que  plusieurs  avaient  eu  des  enfants  durant 
le  temps  de  leur  épiscopat,  nous  avons  justifié 
le  contraire  par  des  témoins  plus  dignes  de  foi 
que  lui. 

XIX.  Saint  Rasile  (Epist.  cxcvm)  commande 
au  prêtre  Parégorius,  tout  septuagénaire  qu'il 
était,  de  mettre  hors  de  sa  maison  une  femme 
qu'il  y  avait  introduite,  tant  pour  satisfaire  au 
canon  de  Nicée,  que  pour  s'acquitter  des  de- 
voirs du  célibat,  %-p.pia.,  et  pour  n'être  pas  une 
pierre  de  scandale  aux  autres  ecclésiastiques. 
Ce  prêtre  n'ayant  pas  été  marié  avant  son  or- 
dination, ou  n'ayant  plus  de  femme,  et  ne  pou- 
vant en  prendre  après  avoir  été  ordonné,  fai- 
sait effectivement  une  profession  inviolable  de 
célibat,  selon  les  lois  de  l'Eglise,  et  l'usage 
même  de  tout  l'Orient.  Ainsi  saint  Basile  dit 


avec  raison  qu'il  était  obligé  à  la  continence, 
et  qu'il  devait  se  faire  servir  par  des  hommes, 
quelque  âgé  qu'il  fût,  lui  interdisant  toutes 
fonctions  sacerdotales  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
obéi. 

XX.  On  nous  objecte  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze  même,  à  qui  son  père  dit  un  jour  qu'il 
était  prêtre  avant  qu'il  vînt  au  monde.  «  Non- 
dum  tut  anni  vilae  totius  tua',  quot  in  sacris 
mihi  sunt  peracti  victimis  (Carm.  de  vitasua  .» 
Mais  il  se  peut  faire  que  ce  ne  fût  qu'une  exa- 
gération. Le  cardinal  Baronius  a  justifié  par  la 
chronologie  que  le  fils  naquit  avant  l'ordina- 
tion du  père.  Enfin,  quand  le  père  aurait  été 
prêtre,  on  sait  que  quand  les  abus  sont  long- 
temps tolérés,  les  gens  de  bien  s'y  laissent 
aussi  quelquefois  aller. 

XXI.  Pour  ce  qui  est  de  la  lettre  de  saint  Atha- 
nase  au  moine  Dracontius,  ce  Père  dit  seule- 
ment qu'il  y  a  de?  évêques  et  des  moines  qui 
n'ont  jamais  été  mariés,  comme  il  y  en  a  des 
uns  et  des  autres  qui  ont  eu  des  enfants,  sans 
doute  avant  leur  engagement.  noxisi  rû*  êmoxoirâv 

gù&£  -|'£*yaij.Ylx7.;,  p.ovoxot  Si  ir&TÉpeç  tÉ](vcw  ve-vovecot  dtte:  xoti 

i—'.'j/.-.-ijz  -?-it%:  7E'/vfc>v. 

Cela  signifie  seulement  que  les  évêques  peu- 
vent avoir  été  mariés,  et  avoir  eu  des  enfants 
avant  l'ordination,  aussi  bien  que  les  moines 
avant  Leur  profession;  et  ou  ne  pourrait  faire 
dire  à  saint  Athanase  que  des  évêques  ont  eu 
des  enfauts  après  leur  consécration,  sans  lui 
faire  dire  aussi  que  les  moines  en  ont  eu  après 
leur  profession:  ce  qui  est  insoutenable;  et  il 
en  resuite  évidemment  qui1,  selon  saint  Atha- 
nase, le  célibat  est  autant  inséparable  de  l'épis- 
copat  que  du  monachisme. 


CHAPITRE  SOIXANTE-UNIÈME. 


DU    CÉLIBAT   DES    BÉNÉFIC1ERS   DANS   L'ÉGLISE   LATINE,    PENDANT   LES    CINQ    PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Divers  règlements  des  conciles  et  des  papes  sur  le  célibat 
des  ordres  majeurs,  même  des  sous-diacres. 

II.  Diversité  de  la  police  des  Grecs  et  des  Latins. 

III.  Preuves  du  célibat  par  saint  Ambroise. 


IV.  Par  saint  Jérôme. 

V.  Combien   on  était  alors  prévenu  de   la  sainteté  et  de  la 
pureté  du  sacerdoce. 

VI.  Preuves  tirées  de  saint  Augustin. 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉFICIERA  DANS  L'ÉGLISE  LATINE. 


135 


Vil.  Di'  Ferrand  et  de  Cresconius. 

VIII.  Circonspection  nécessaire    aux    clercs    à    l'égard  des 
femmes. 

IX.  Défense  de  souffrir  des  femmes   étrangères  dans  leur 
maison,  p:<r  les  coneiles  grecs. 

X.  Par  les  conciles  latins. 

XI.  Par  les  Pères  grecs  et  latins. 

XII.  Précautions  admirables  de  saint  Augustin. 

XIII   Pourquoi  la  continence  des  sous-diacres  n'a  pas  été  uni- 
formément réglée. 
XIV.  Du  célibat  des  lecteurs. 


I.  11  est  temps  de  passer  à  l'Eglise  occiden- 
tale, non  pas  pour  y  établir,  par  l'autorité  des 
Pères  et  des  conciles,  la  nécessité  du  célibat 
dans  les  ordres  sacrés  :  c'est  un  point  si  évident, 
qu'il  ne  peut  y  être  contesté  ;  mais  nous  y 
éclaircirons  quelques  circonstances  de  cette 
discipline,  et  quelques  diversités  qui  peuvent 
muser  de  l'embarras. 

Saint  Epiphane  a  enveloppé  les  sous-diacres 
dans  L'obligation  du  célibat.  Saint  Jérôme  n'y 
a  compris  que  les  diacres  et  les  ordres  supé- 
rieurs. Le  concile  d'Ancyre  (Can.  x)  n'y  com- 
prend que  les  diacres  qui  ont  consenti  parleur 
silence  lorsqu'on  les  ordonnait;  que  s'ils  ont 
réclamé,  et  que  l'évêque  ait  passé  outre,  ce 
concile  ne  les  prive  pas  du  sacré  ministère, 
quoiqu'ils  se  marient,  parce  que  l'évêque 
semble  leur  en  avoir  donné  permission  : 
«  Propterea  quod  bis  episcopus  licentiam  de- 
derit;  »  s'ils  se  marient  sans  cette  licence  ta- 
cite, on  se  contente  de  les  priver  des  fonctions 
de  leur  ordre. 

Ainsi  les  sous-diacres  n'étaient  point  engagés 
au  célibat  ;  l'évêque  pouvait  permettre  aux 
diacres  qui  réclamaient  de  se  marier,  mais 
non  aux  prêtres  :  le  mariage  après  l'ordination 
ne  laissait  pas  d'être  valide,  même  pour  les 
prêtres,  comme  il  paraît  dans  le  concile  de 
Néocésarée  (Can.  1).  II  y  a  une  édition  du  con- 
cile d'Elvire  (Can.  xxxiii)  qui  enferme  les 
sous-diacres  dans  le  nombre  de  ceux  qui  doi- 
vent  garder  le  célibat. 

Les  décrétâtes  du  pape  Sirice  et  du  pape  In- 
nocent ne  comprennent  que  les  évèques,  les 
prêtres  et  les  diacres  dans  cette  obligation.  Il 
en  est  de  même  des  conciles  II,  III  et  V,  de 
Carthage  (Can.  ni),  et  du  Ier  de  Tolède  (Can.  i, 
4).  Le  concile  de  Turin  (Can.  vm)  se  contente 
d'exclure  des  ordres  supérieurs  les  clercs  qui 
auront  eu  des  enfants  de  leurs  femmes  après 
leur  ordination.  Le  concile  d'Orange  (Can.  xxu, 
xxui,  xxiv)  confirme  ce  même  décret  pour  le 
temps  passé;  mais  il  défend  d'ordonner  à  l'a- 
venir des  diacres,  s'ils  ne  promettent  la  conti- 


nence avec  leurs  femmes,  et  les  dépose  s'ils 
sont  infidèles  à  leur  promesse. 

Le  concile  Ier  de  Tours,  tenu  en  461  (Can.  i, 
2),  reconnaît  que  les  décrétâtes  des  papes  ont 
privé  de  la  communion  les  prêtres  et  les  dia- 
cres qui  ne  gardent  pas  la  continence  avec 
leurs  femmes;  mais  les  Pères  de  ce  concile  ju- 
gent à  propos  d'adoucir  cette  peine,  en  les  pri- 
vant seulement  des  fonctions  de  leur  ordre,  et 
de  l'espérance  d'être  promus  à  un  ordre  supé- 
rieur. 

Saint  Léon  oblige  à  la  même  loi  du  célibat 
les  évèques,  les  prêtres  et  les  Ministres  de 
V autel;  et  il  leur  ordonne  de  ne  pas  renvoyer 
leurs  femmes  pour  honorer  le  mariage  ,  mais 
de  vivre  chastement  avec  elles  pour  ne  pas 
déshonorer  leur  sacré  ministère.  «  L'nde  ut 
de  carnali  fiât  spritale  conjugium,  oportet  eos 
nec  dimittere  uxores ,  et  quasi  non  habeant , 
sic  habere  :  quo  et  salva  sit  charitas  conjugio- 
rum  et  cessent  opéra  nuptiarum  (  Epist.  xcn, 
C.  3).  » 

On  ne  peut  donc  nier,  que  dans  l'une  et  dans 
l'autre  Eglise,  les  évèques,  les  prêtres  et  les 
diacres  ne  conservassent  dans  leurs  mêmes 
maisons  les  femmes  qu'ils  avaient  épousées 
avant  l'ordination  des  canons  apostoliques;  le 
III"  canon  du  concile  de  Nicée,  et  plusieurs 
autres  supposent  cette  vérité,  et  il  faut  leur 
donner  la  torture  pour  en  tirer  un  sens  con- 
traire. Mais  dans  une  même  maison  les  appar- 
tements étaient  séparés,  comme  nous  verrons 
dans  les  autres  parties  de  ce  traité  :  et  la  vertu, 
la  conscience,  la  dignité  du  sacerdoce,  les  lois 
de  l'Eglise  étaient  des  retranchements  assez 
forts  pour  mettre  à  couvert  des  tentations  et  de 
la  calomnie  la  continence  et  la  répulation  des 
ecclésiastiques. 

Si  le  pape  Léon,  dans  l'endroit  cité,  nomme 
les  Ministres  de  l'autel  plutôt  que  des  diacres , 
ce  n'est  peut-être  pas  sans  dessein.  Car  en  une 
autre  lettre  il  joint  les  sous-diacres  aux  diacres 
et  leur  impose  la  même  nécessité  du  célibat. 
«  Nec  subdiaconibus  quidem  carnale  connu- 
bium  conceditur,ut  etqui  habent,  sint  tanquam 
non  habentes;  et  qui  non  habent,  permaneant 
singulares.  Quod  si  in  hoc  ordine,  qui  a  capite 
quartus  est,  dignum  est  custodin,quantomagis 
in  primo  ,  vel  secundo ,  vel  tertio  servandum  , 
etc.  (Ep.  lxxxiv,  c.  4).  » 

C'est  le  premier  des  papes  qui  ait  assujéti 
les  sous-diacres  au  célibat;  en  les  appelant 
ministres  de  l'autel ,  qui  est  le  propre  nom  des 


136  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-UNIÈME. 


diacres,  il  semble  témoigner  qu'étant  associés 
à  la  fonction  et  au  nom  des  diacres,  ils  doivent 
aussi  participer  à  leur  chasteté. 

Ce  que  nous  venons  de  rapporter  avec  peu 
de  distinction ,  montre  qu'il  y  avait  quelque 
confusion  dans  la  police  de  diverses  Eglises 
pour  la  continence  des  clercs.  Dans  l'Orient  la 
continence  n'était  pas  si  étroitement  gardée 
que  dans  l'Occident;  on  y  veillait  plus  soigneu- 
sement pour  empêcher  qu'on  ne  contractât  un 
nouveau  mariage  après  l'ordination  ;  on  y 
obligeait  plus  étroitement  les  évoques  à  une 
parfaite  continence  :  on  y  défendait  en  quelques 
provinces  le  mariage  aux  lecteurs  mêmes  et 
aux  psalmistes ,  comme  l'on  peut  voir  dans  un 
canon  du  concile  de  Calcédoine  (Can.xrv);  enfin 
les  sous-diacres  mêmes  y  gardaient  le  célibat, 
mais  non  pas  partout. 

Dans  l'Occident,  au  contraire,  on  eut  peu 
d'égard  au  mariage  contracté  avant  ou  après 
l'ordination,  les  lois  de  la  continence  y  furent 
fort  sévèrement  observées  :  les  sous-diacres  n'y 
furent  pas  ordinairement  soumis,  et  la  décré- 
tale  du  pape  Léon  n'y  eut  pas  de  vigueur;  la 
prêtrise  et  le  diaconat  n'y  furent  pas  des  em- 
pêchements capables  d'annuler  le  mariage 
contracté  après  l'ordination;  enfin,  les  peines 
des  prêtres  et  des  diacres  mariés  et  inconti- 
nents ne  furent  pas  extrêmement  sévères  et  ne 
furent  pas  les  mêmes  partout. 

III.  Après  avoir  parlé  des  papes  et  des  con- 
ciles de  l'Eglise  latine ,  il  est  raisonnable  d'ap- 
prendre ce  que  les  Pères  ont  dit  sur  le  même 
sujet.  Saint  Ambroise  ne  croit  pas  que  les  sa- 
crificateurs et  les  ministres  de  la  divine  hostie 
de  l'Eglise  puissent  se  dispenser  de  la  loi  du 
célibat,  quoiqu'ils  fussent  mariés  avant  l'ordi- 
nation. Mais  il  est  vrai  que  ce  Père  n'étend  cette 
obligation  que  jusqu'aux  diacres,  et  il  ne  parle 
d'autre  peine  contre  les  violateurs  d'une  si 

sainte  loi. 

a  Inoffensum  autem  exhibendum  et  imma- 
culatum  ministerium,  nec  ulloconjugali  coitu 
violandum  cognoscitis ,  qui  integro  corpore 
incorrupto  pudore,  alieni  etiam  ab  ipso  con- 
sortio  conjugali,  sacri  ministerii  gratiam  rece- 
pistis.  Quod  eo  non  praoterii,  quia  in  plerisque 
abditioribus  locis,  cum  ministerium  gérèrent, 
vel  etiam  sacerdotium,  filios  susceperunt  :  et 
id  tanquam  usu  veteri  defendunt,  quando  per 
intervalla  dierum ,  sacrificium  deferebatur. 
Et  tamen  castificabatur  etiam  populus,  per 
biduum  vel  per  triduum,  ut  ad  sacrificium  pu- 


rus  accederet  (De  Officiis,  lib.  1,  caput  ultim).  » 

Voilà  le  prétexte  ridicule  dont  ces  diacres  et  . 
ces  prêtres  incontinents  tâchaient  de  se  cou- 
vrir ;  et  il  nous  servira  au  moins  à  justifier 
notre  conjecture  :  que  l'inobservation  du  céli- 
bat parmi  les  prêtres  grecs  est  venue  de  ce 
qu'ils  ne  célébraient  que  rarement  le  terrible 
sacrifice  de  l'Eucharistie.  Saint  Ambroise 
(  Epist.  xxn)  découvre  la  faiblesse  de  ce  pré- 
texte, en  montrant  que  le  peuple  même  se  pu- 
rifiait durant  trois  jours  avant  que  de  s'appro- 
cher des  autels. 

Ce  même  Père  remarque  ailleurs  que  saint 
Paul  même  semble  insinuer  la  nécessité  du 
célibat  quand,  parlant  des  évêques  ou  des  prê- 
tres, il  dit  :  «  Filios  habentem  subditos.  »  Et 
comme  dit  saint  Ambroise:  «  Habentem  dixit 
filios,  non  facientem.  » 

Enfin,  ces  prêtres  et  cesdiacresincontinents, 
selon  saint  Ambroise,  étaientobligés  de  remon- 
ter jusqu'au  Vieux  Testament  pour  trouver  des 
exemples;  ils  n'en  avaient  donc  point  dans  les 
siècles  passés  de  l'Eglise. 

IV.  Saint  Jérôme  aussi  a  excellemment  réfuté 
ceux  qui  cherchaient  dans  le  Vieux  Testament 
les  défenses  de  leur  incontinence,  o  Si  laicis 
imperatur,  ut  propter  orationem  abstineant  se 
ab  uxorum  coitu  ;  quiddeepiscoposentiendum 
est,  qui  quotidie  pro  suis,  populique  peccatis, 
illibatas  Deo  oblaturus  estvictimas.  Nisi  audis- 
set  Abimelec  ab  heri  et  nudius  tertius  vacasse 
ab  opère  conjugali,  David  et  puerisejus  nequa- 
quam  panes  propositionis  concessisset.  Tan- 
tum  interest  inter  panes  propositionis  et  cor- 
pus Christi.  quantum  inter  umbram  et  corpora, 
etc.  (In.  Epist.  ad  Epbes.,  c.  i).  » 

Ce  Père  conclut  de  là  excellemment  que  la 
chasteté  sacerdotale  doit  être  d'un  degré  et  d'un 
rang  de  pureté  très-haut  et  très-singulier, 
parce  qu'il  doit  avoir  quelque  proportion  à  la 
pureté  incompréhensible  de  la  céleste  Victime 
que  nous  immolons  sur  nos  autels. 

«  Quomodo  igitur  mansuetudo,  patientia, 
sobrietas,  benignitas  praxipue  esse  debent  in 
episcopo,  et  inter  cunctos  laicos  eminentia;  sic 
et  castitas  propria,  et  ut  ita  dixerim  pudicitia 
sacerdotalis;  ut  non  solum  ab  opère  se  im- 
numdo  abslineat  ;  sed  etiam  a  jactu  oculorum, 
et  cogitationis  errore,  mens  Christi  corpus  con- 
fectura,  sit  libéra,  etc.  Sit  episcopus  abstinens 
non  tantum  a  libidinc,  et  ab  uxoris  amplexu  : 
sed  ab  omnibus  animi  perturbationibus.  » 

V.  Ces  paroles  de  .saint  Jérôme  nous  donnent 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉFICIERA  DANS  L'ÉGLISE  LATINE. 


137 


un  juste  sujet  de  conjecturer  que  la  haute 
estime  qu'on  avait  de  la  pureté  ineffable  du  sa- 
crifice de  l'Eglise,  et  la  forte  persuasion  où 
on  était,  que  la  chasteté  des  prêtres  devait  avoir 
quelque  proportion  à  la  sainteté  de  leur  vic- 
time, a  été  la  véritable  raison  de  n'ordonner 
que  fort  rarement  des  peines,  durant  les  pre- 
miers siècles,  contre  les  prévaricateurs  de  la 
loi  du  célibat. 

Il  y  avait  un  si  grand  nombre  de  laïques  qui, 
suivant  les  conseils  évangéliques,  et  persuadés 
par  les  exhortations  de  saint  Paul,  ou  ne  se 
mariaient  point  du  tout,  ou  vivaient  avec  leurs 
femmes,  comme  n'en  ayant  point ,  que  les 
ministres  de  l'autel  eussent  rougi  de  n'être 
pas  au  moins  les  imitateurs  de  ceux  qui  les 
regardaient  comme  leurs  maîtres.  Les  persécu- 
tions étaient  si  fréquentes  et  si;  terribles  contre 
les  ecclésiastiques,  qu'ils  étaient  comme  forcés 
d'obéir  à  saint  Paul,  et  d'user  de  ce  monde 
comme  n'en  usant  pas. 

Les  exemples  des  apôtres  et  des  hommes 
apostoliques  ne  s'étaient  point  encore  effacés 
de  la  mémoire  des  fidèles;  et  c'étaient  comme 
des  lois  animées,  qui  excitaient  les  'prêtres  et 
les  sacrés  ministres  à  les  imiter.  Mais  après  que 
cette  ferveur  se  fut  ralentie,  et  que  la  paix  de 
l'Eglise  et  la  suite  des  siècles  eurent  fomenté 
la  mollesse  et  la  sensualité  des  ecclésiastiques, 
les  conciles  et  les  papes  décernèrent  des  peines, 
afin  que  la  crainte  des  peines  et  de  la  confusion 
fit  garder  une  loi  que  la  seule  charité  avait  fait 
observer  jusqu'alors. 

VI.  Cela  se  peut  confirmer  par  le  discours 
que  saint  Augustin  fait  à  ceux  qui,  après  avoir 
répudié  leurs  femmes,  prétendaient  en  pouvoir 
épouser  d'autres,  n'excusant  leur  incontinence 
que  par  leur  incontinence  même,  et  par  l'im- 
possibilité de  vivre  chastement.  Saint  Augustin 
leur  propose  l'exemple  des  clercs  qui  sont  si 
souvent  entraînés  par  la  violence  du  peuple  et 
forcés  contre  leur  volonté  de  recevoir  les  ordres 
sacrés,  et  après  cela  ne  laissent  pas  de"  sacrifier 
leur  liberté  à  cette  aimable  nécessité  de  garder 
la  continence.  «  Solemus  eis  proponere  etiam 
continentiam  clericorum ,  qui  plerrmque  ad 
eamdem  sarcinam subeundam  capiuntur  inviti, 
eamque  susceptam  usque  ad  debitum  finem, 
Domino  adjuvante  perducunt  (De  adult.  conj., 
c.  ii,  c.  ult.).  » 

Ces  lâches  esclaves  de  leur  impudicité  ré- 
pondaient à  saint  Augustin  que  ces  ecclésiasti- 
ques se  consolaient  facilement,   et  se  résol- 


vaient à  la  continence  par  la  vue  des  honneurs 
qui  accompagnent  l'état  ecclésiastique  :  a  Sed 
illos,  inquiunt,  honor  plurimum  consolatur.  » 
C'était  ou  une  défaite,  ou  une  fausse  imagina- 
tion. 

La  vraie  raison  était  la  forte  impression  de 
Téminence  et  de  la  sainteté  du  sacerdoce  qui 
vivait  encore  dans  les  esprits,  et  qui  ne  leur 
permettait  seulement  pas  de  douter,  si  ayant 
été  violentes,  ils  étaient  obligés  au  célibat.  En 
effet,  s'ils  n'eussent  considéré  que  les  lois,  ils 
eussent  eu  ou  un  prétexte  assez  apparent,  ou 
une  excuse  assez  légitime  dans  la  violence 
qu'on  leur  avait  faite,  pour  demander  une  dis- 
pense pareille  à  celle  que  le  concile  d'Ancyre 
(Can.  x)  avait  accordée  aux  diacres  que  l'é- 
vèque  avait  ordonnés  nonobstant  leur  protes- 
tation. Mais  leur  esprit  était  si  pénétré  et  si 
rempli  de  l'idée  de  la  grandeur  et  de  la  sainteté 
du  sacerdoce,  que  ces  doutes  et  ces  excuses  ne 
leur  tombaient  seulement  pas  dans  la  pensée. 
Or,  bien  loin  de  croire  que  ces  accidents  fus- 
sent rares,  saint  Augustin  assure  qu'ils  étaient 
ordinaires  :  «  Plerumque  capiuntur  inviti.  » 

Cela  peut  encore  beaucoup  servir  à  fortifier 
la  même  pensée  :  Car  s'ils  étaient  parvenus  à 
un  si  haut  point  de  vertu  que  tout  le  peuple 
les  crût  dignes  d'être  forcés,  et  qu'ils  ne  pussent 
eux-mêmes  se  résoudre  à  accepter  les  dignités 
ecclésiastiques,  à  moins  d'être  enlevés  par  une 
force  inévitable,  il  faut  croire  que  leur  estime 
et  leur  vénération  pour  la  sainteté  du  sacerdoce 
était  telle  que  nous  l'avons  représentée  :  car  ils 
ne  fuyaient  cette  dignité  que  par  la  haute  es- 
time qu'ils  avaient  de  la  sainteté  qui  devait 
l'accompagner.  Or  la  continence  n'est  qu'une 
partie  de  cette  sainteté. 

Enfin,  nous  ferons  voir  ailleurs  que  ceux 
qui  se  consacraient  au  sacerdoce  durant  ces 
premiers  siècles  embrassaient  assez  souvent  en 
même  temps  les  conseils  de  la  perfection  évan- 
gélique,  afin  de  ne  pas  rougir  quand,  selon 
leur  devoir,  ilsy  convieraient  les  fidèles.  Ainsi, 
se  chargeant  d'une  fonction  qui  les  obligeait  à 
exhorter  les  peuples  à  la  pauvreté  volontaire, 
à  la  continence  et  à  la  perfection  de  la  vie 
chrétienne,  ils  concevaient  facilement  qu'il 
fallait  soutenir  leur  doctrine  par  leur  exemple 
et  faire,  au  moins  en  partie,  avant  que  d'ensei- 
gner. 

VIL  Ferrand  et  Crisconius,  dans  leurs  com- 
pilations abrégées  des  canons  (Art.  6,  art.  109), 
n'imposent  l'obligation  du  célibat  qu'aux  dia- 


138 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-UNIÈME. 


cres,  aux  prêtres  et  auxévêques.  Nous  dirons, 
dans  la  suite  de  ce  traité,  que  ce  ne  fut  qu'au 
temps  et  parles  ordonnances  de  Justiuien  dans 
l'Orient  et  de  saint  Grégoire  dans  l'Occident, 
que  les  sous-diacres  furent  engagés  dans  la 
même  continence  que  les  ordres  supérieurs. 

L'ordre  des  sous-diacres  passa  alors  du  nom- 
bre des  ordres  inférieurs  à  celui  des  supérieurs, 
et  il  y  a  bien  de  l'apparence  que,  le  nombre  des 
fidèles  se  multipliant,  le  diacre  fut  contraint  de 
se  soulager  d'une  partie  de  ses  fonctions  sur  le 
sous-diacre;  et  ainsi,  lorsque  les  sous-diacres 
commencèrent  à  s'approcher  de  plus  près  du 
ministère  sacré  des  autels,  on  les  obligea  à  une 
pureté  d'esprit  et  de  corps  qui  répondit  a  la 
participation  qu'ils  avaient  du  divin  sacerdoce. 

VIII.  Ce  ne  sera  pas  sortir  de  notre  sujet, 
si  nous  ajoutons  comme  une  suite  naturelle  du 
célibat  des  prêtres,  le  précepte  important  que 
leur  donne  saint  Jérôme,  de  ne  jamais  conseil- 
ler le  mariage  à  personne.  Comme  ils  font  pro- 
fession, non-seulement  de  garder  la  conti- 
nence, mais  aussi  d'en  être  les  panégyristes  et 
les  prédicateurs,  ils  ne  doivent  pas  détruire  par 
leurs  conseils  secrets  et  particuliers  les  divines 
maximes  qu'ils  ont  prêchées  publiquement 
dans  la  chaire  de  la  vérité.  «  Prredicator  conti- 
nentiœ  nuptias  ne  conciliet.  Qui  Apostolum 
legit,  superest,  ut  qui  habent  uxores,  sicsint, 
quasi  non  habeant  :  Cur  virginem  cogit  ut 
nubat?  Qui  de  monogamia  sacerdos  est,  quare 
viduam  hortatur,  ut  digama  sit?  (Ad  Nepo- 
tian.).  » 

Ce  l'ère  passe  bien  plus  avant,  quand  il  veut 
que  la  langue,  qui  est  destinée  à  consacrer 
l'Hostie  virginale  de  notre  divin  sacrifice,  ne 
se  souille  jamais  en  parlant  delà  beauté  des 
femmes.  «  Officii  tui  est,  non  soluin  oculos 
castos  servare,  sed  et  linguam.  Nunquam  de 
formis  mulierum  disputes  (Ibidem).  » 

IN.  Ce  fut  une  obligation  bien  plus  générale 
et  plus  importante,  pour  les  ecclésiastiques,  de 
ne  point  laisser  habiter  de  femmes  suspectes 
dans  leurs  maisons  ;  c'est-à-dire  de  n'y  en  lais- 
ser presque  point  habiter,  puisqu'elles  sont 
presque  toutes  suspectes  au  commun  des  hom- 
mes, qui  n'est  jamais  disposé  à  épargner  les 
clercs. 

Le  concile  d'Anlioehe  qui  condamna  Paul 
de  Samosate,  reprocha  particulièrement  à  ce 
faux  pasteur  l'abus  qui  s'était  autorisé  de  son 
exemple  dans  son  Eglise  d'Anlioehe;  que  les 
prêtres  et  les  diacres  y  avaient  dans  leurs  mai- 


sons ces  femmes,  également  dangereuses  à 
leur  salut  et  à  leur  réputation,  qu'on  appelait 
à  Antioche  buveiocuçtouç ,  subintroductas  (Euseb. 
Hist.,  I.  vu,  c). 

Le  même  terme  est  employé  par  le  concile 
de  Nicée  (Can.  m),  lorsque  la  même  défense 
y  est  réitérée  en  l'étendant  à  tous  les  ecclé- 
siastiques absolument,  et  marquant  les  seules 
personnes  qu'il  leur  est  permis  de  garder 
dans  leur  maison;  savoir,  leur  mère,  leur 
sœur  ,  leur  tante  paternelle  ,  et  les  autres 
personnes  qui  sont  entièrement  hors  de  soup- 
çon. «  Nec  alicui  omnino  qui  in  clero  est  licere 
subintroductam  habere  mulierem,  ouvtî<raxT<w, 
nisi  forte  aut  matrem,  aut  sororem,  autami- 
tam,  vel  eas  tantum  personas,  quae  suspicio- 
nem  efmgiunt.  » 

X.  Le  canon  du  concile  d'Elvire  (Can.  xxvin, 
est  fort  semblable  à  celui  de  Nicée.  Il  embrasse 
aussi  tous  les  clercs,  et  ne  leur  laisse  que  les 
plus  proches  de  leurs  parentes;  encore  veut-il 
qu'elles  soient  consacrées  à  Dieu.  «  Episcopus 
vel  quilibet  clericus  alius,  aut  sororem,  aut 
filiam  virginem  dicatam  Deo  tantum  secum 
habeat,  extraneamvero  nequaquam  secum  ha- 
beat.  » 

Le  concile  1er  de  Carthage  (Can.  m,  iv)  ren- 
ferma  tous  ceux  et  toutes  celles  qui  avaient 
consacré  leurs  corps  à  la  continence,  dans  l'o- 
bligation de  bannir  de  leurs  maisons  toutes  les 
personnes  étrangères.  «  Nullus  igitur,  nullaque 
sanctimoniae  et  virginitati  deserviens,  propter 
blasphemiam  Ecclesiae,  si  vobis  placet,  in 
una  domo  cum  extraneis  penitus  commorari 
debeat.  » 

Le  concile  III  de  Carthage  (Can.  xvn)  renou- 
vela le  canon  de  Nicée,  et  expliqua  un  peu  plus 
en  particulier  quelles  étaient  les  personnes 
exemptes  de  soupçon  avec  qui  les  ecclésiastiques 
pouvaient  demeurer.  «  Ut  cum  omnibus  om- 
nino clericis  extraneae  feminae  non  habitent, 
sed  solae  matres,  avisa ,  materterae,  amibe, 
sorores  et  filiœ  fratrum  aut  sororum,  et  qua> 
cumque  ex  familia  domestica  necessitate,  etiam 
antequam  ordinarentur,  jam  cum  eis  habita- 
bant  :  vel  si  lilii  eorum,  jam  ordinatis  paren- 
tibus,  uxores  acceperint,  aut  servis  non  haben- 
tibus  in  domo,  quas  ducant,  aliunde  duccre 
nécessitas  fuerit.  » 

Ces  deux  conciles  ont  même  défendu  aux 
clercs  de  visiter  les  vierges  ou  les  veuves,  sans 
la  permission  de Jeurs  évêques,  et  la  compagnie 
de  quelque  autre  clerc.  Le  concile  lerdeTolède 


DU  CELIBAT  DES  RÉNÙFIC1ERS  DANS  L'ÉGLISE  LATINE. 


139 


('.an.  m,  xxv)  no  souffrit  point  que  les  lecteurs 
même  pussent  retenir  dans  leur  maison  d'autres 
que  leurs  sieurs.  Le  pape  Sirice  se  contenta 
qu'on  s'en  tînt  au  canon  du  concile  de  Nicée 
(Epist.  i,  c.  1-2;. 

XI.  Les  Pères  grecs  et  latins  ont  invectivé 
avec  beaucoup  de  chaleur  contre  ces  femmes 
étrangères,  qu'on  appelait  aussi  Agapètes, 
comme  si  ce  n'eût  été  qu'un  amour  spirituel. 
Les  commencements  en  avaient  été  tels.  Nous 
avons  dit  que  saint  Basile  menaça  de  l'excom- 
munication le  prêtre  Parégoire,  tout  septuagé- 
naire qu'il  était,  et  le  suspendit  de  toutes  ses 
fonctions,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  mis  hors  de  sa 
maison  celle  qui  le  servait.  Saint  Chrysostome 
lit  plusieurs  discours  contre  ces  Agapètes,  et  les 
arracha  enfin  de  la  maison  des  clercs. 

Saint  Jérôme  a  parlé  'de  cet  abus  avec  plus 
de  zèle  et  plus  d'aigreur  que  tous  les  autres. 
«  t'nde  in  Ecclesias  Agapetarum  pestis  introiit? 
Unde  sine  nuptiis  aliud  nomen  uxorum?  Imo 
unde  novum  concubinarum  genus?  Plus  infe- 
ram,  undo  meretrices  univirae?  Eadem  domo, 
uno  cubiculo  stc-peuno  tenentur  lectuloet  suspi- 
ciosos  nos  vocant,  si  aliquid  extimemus.  Frater 
sororem  virginem  deserit ,  cœlibem  spernit 
germanum,  fratrem  quœritextraneum.  Etcuni 
in  eodem  proposito  esse  se  simulent,  quaerunt 
alienorum  spiritale  consortium,  ut  domi  ha- 
beant  carnale  commercium  (Epist.  xxu  ad 
Eusto.).  » 

XII.  Le  grand  et  admirable  saint  Augustin 
prit  des  mesures  bien  plus  étroites,  dans  une 
matière  si  délicate,  que  celles  qui  avaient  été 
prescrites  par  les  conciles  :  il  ne  laissa  jamais 
entrer,  encore  moins  habiter  de  femme  dans 
sa  maison  épiscopale,  non  pas  môme  sa  sœur 
quoique  consacrée  à  Dieu,  ni  ses  cousines,  ni 
ses  nièces.  Il  disait  que  si  ces  personnes  si  pro- 
ches sont  hors  d'atteinte  et  hors  de  soupçon, 
les  autres  femmes  qui  les  visitent,  ou  qui  les 
servent,  ne  le  sont  pas.  Il  ne  reçut  jamais'  de 
visites  de  femmes,  il  n'en  fit  jamais  sans  se 
faire  accompagner  de  quelques  ecclésiastiques. 
Il  ne  visita  que  dans  l'extrême  nécessité  les 
monastères  des  filles.  Enfin  ilsuivit  fidèlement 
la  maxime  du  grand  saint  Ambroise,  de  ne  se 
mêler  jamais  de  marier  qui  que  ce  fût. 

Possidius  en  parle  ainsi  :  «  Feminarum  intra 
domum  ejus  nulla  unquam  conversata  est , 
nulla  niansit,  née  quidem  germana  soror,  quae 
vidua  Deo  servions,  multo  tempore  usque  in 
diem  obitus  sui  praepositaancillarum  Dei  vixit. 


Sed  neque  patrui  sui  filiae  et  fratri  sui 
filiae  quae  pariter  Deo  serviebant.  Quas  per- 
sonas  sanctorum  episcoporum  concilia  in  ex- 
ceptis  posuerunt.  Dicebat  vero,  quia  et  si  de 
sorore  et  neptibussecuni  commorantibus  nulla 
nasci  possit  mala  suspicio  ;  tanicn  quoniam 
illae  personre,  sine  aliis  secuin  manentibus 
feminis  esse  non  possent,  et  quod  ad  eas 
etiam  a.Yuv  deforis  intrarent,  de  iis  posse  oll'en- 
diculum,  aut  scandalum  infirniioribus  nasci, 
etc.  Et  si  forte  ab  aliquibus  feminis  ut  vido- 
retur,  et  salutaretur,  rogabatur,  nunquam 
sine  clericis  teslibus  ad  eas  intrabat,  vel  soins 
cum  solis  nunquam  est  locutus,  nisi  secre- 
torum  aliquid  interesset ,  etc.  Feminarum 
monasteria  nonnisi  urgentibus  necessitatibus 
visitabat.  Servandum  quoque  referebat  quod 
in  institutis  sanctœ  memoriœ  Ambrosii  compe- 
rerat,  ut  uxorem  cuiquam  nunquam  posceret 
(Cap.  xxvi,  xxvn).  » 

XIII.  Il  faut  ici  remarquer  que  les  sous-dia- 
cres ont  été  ou  liés,  ou  dispensés  de  la  loi  de 
la  continence,  selon  qu'en  diverses  Eglises  ils 
approchaient  ou  n'approchaient  point  des  au- 
tels et  des  vases  sacrés.  Outre  les  lettres  du 
pape  saint  Léon  ci-dessus  alléguées,  qui  le  di- 
sent ouvertement,  voici  un  canon  du  concile  II, 
do  Carthage  (Can.  n),  qui  le  dit  nettement, 
«  ut  condecet  sacrosanctos  antistites  et  Dei  sa- 
cerdoles,  necnon  et  levitas,  vel  qui  sacramen- 
tis  divinis  inserviunt,  continentes  esse.  Omni- 
bus placet  ut  opiscopi,  presbyteri  et  diaconi, 
vel  qui  saeramentacontrectantpudicitiœ custo- 
des, etiam  ab  uxoribus  se  abstineant.  »  C'est-à- 
dire  que  dans  les  lieux  et  dans  les  temps  que 
les  snus-diacres  servaient  à  l'autel,  on  les  obli- 
geait au  célibat,  ou  on  les  en  dispensait  quand 
ils  ne  servaient  jamais  à  l'autel. 

C'est  ce  qui  a  fait  cette  grande  variété  au  su- 
jet du  célibat  dessous-diacres.  Les  papes  Sirice 
et  Innocent  les  en  avait  dispensés.  Léon  I"  les 
y  obligea;  il  ne  fut  pas  obéi.  Saint  Grégoire 
recommença  à  leur  imposer  la  loi  de  la  conti- 
nence :  son  décret  n'eut  pas  de  vigueur,  puis- 
que les  conciles  tenus  à  Rome  sous  Grégoire  II, 
nous  apprennent  qu'à  Rome  même  on  n'exi- 
geait pas  le  célibat  des  sous-diacres. 

Le  concile  de  Vannes,  en  453,  déférant  peut- 
être  à  la  docrétale  nouvelle  du  pape  Léon,  sup- 
pose qu'ils  y  étaient  obligés.  Nous  avons  déjà 
montré  que  cela  n'avait  pas  lieu  dans  le  reste 
de  la  France  ;  le  concile  de  Tours,  tenu  en  401 , 
est  contraire  a  celui  de  Vannes. 


1 10 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DEUXIÈME. 


XIV.  Ce  concile,  qui  ne  s'arrête  pas  même 
aux  sous-diacres,  mérite  une  seconde  remar- 
que, a  Presbyteri,  diaconi  atque  subdiaconi, 
vel  deinceps  quibus  ducendi  uxores  licentia 
non  est.  »  On  pourrait  entendre  les  moines  par 
ce  terme  vel  deinceps.  Mais  ce  concile  (Can.  h) 
ne  serait  pas  le  seul  qui  aurait  étendu  l'obli- 
gation du  célibat  au-delà  même  des  sous-dia- 
cres. Le  concile  d'Elvire  impose  la  nécessité, 
«  omnibus  clericis  positisin  ministerio,  »  selon 
une  édition. 

Le  concile  III  de  Carthage  (Can.  xxxm)  oblige 
les  lecteurs,  quand  ils  ont  atteint  l'âge  de  pu- 
berté, ou  de  se  marier,  ou  de  vouer  la  conti- 
nence. «  Ut  lectores  cum  ad  annos  pubertatis 
venerint,  cogantur  aut  uxores  ducere,  aut  con- 
linentiam  profiteri.  » 

Le  concile  V  de  Cartbage  (Can.  xix)  n'obli- 
gea que  les  trois  ordres  majeurs  au  célibat  ; 


mais  il  ne  désapprouva  pas  la  coutume  des 
Eglises  qui  donnaient  plus  d'étendue  a  cette 
obligation,  «  Cœteros  clericos  ad  hoc  non  cogi, 
scd  secundum  uniuscujusque  Ecclesia?  consue- 
tudinem  observari  debere  (Can.  m).  » 

Le  concile  de  Calcédoine  (Can.  xiv)  témoi- 
gna que  toutes  les  Eglises  ne  permettaient  pas 
aux  clercs  mineurs  de  se  marier.  «  Quoniam  in 
quibusdam  Ecclesiis  concessum  est  lectoribus 
et  psalmistis  uxores  ducere.  » 

Ce  concile  général  a  donc  jugé  plus  à  propos 
de  ne  pas  toucher  aux  règles  et  aux  usages  par- 
ticuliers de  chaque  Eglise  ;  quoiqu'il  y  eût  cer- 
tains points  essentiels  de  discipline  qui  de- 
vaient être  universellement  observés  dans  toutes 
les  Eglises  et  quoique  les  usages  aient  changé 
en  différents  temps,  il  en  est  néanmoins  qui 
ont  toujours  été  observés  par  tous  les  fidèles. 


CHAPITRE  SOIXANTE-DEUXIEME. 


DU    CELIBAT    DES   CLERCS   EN    FRANCE,    AUX    SIXIÈME,    SEPTIÈME   ET    IllITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Règlements  et  précautions  admirables  du  concile  d'Aile 
sur  la  continence  des  clercs.  Ils  avaient  des  appartements  sé- 
pares de  ceux  de  leurs  femmes.  Si  les  clercs  mineurs  déjà  or- 
donnés pouvaient  après  cela  se  marier. 

II.  Confirmation  des  mêmes  règlements  par  d'autres  conciles. 
Si  les  sous-diacres  étaient  obligés  au  célibat.  Pourquoi  on  se 
contentait  de  dégrader  les  clercs  sacrés  qui  se  mariaient. 

III.  Nouvelles  précautions  du  concile  II  de  Tours  :  le  célibat 
des  sous-diacres,  précautions  pour  les  moines  mêmes. 

IV.  Autre  règlement  pour  le  célibat  des  sous-diacres,  qui  ne 
fut  pourtant  pas  universellement  gardé  dans  la  France  pendant 
ces  deux  ou  trois  siècles. 

V.  Admirables  histoires  de  Grégoire  de  Tours  touchant  la 
continence  des  évèques. 

VI.  Elle  était  encore  plus  munie  que  celle  des  autres  clercs, 
contre  les  tentations  et  conlre  la  calomnie. 

Vil.  Chute  de  Genebaud  ;  précaution  merveilleuse  de  saint 
Césaire. 

I.  Le  concile  d'Agde  renouvela  les  décrétâtes 
de  Sirice  et  d'Innocent  contre  les  prêtres  et  les 
diacres  qui  voudraient  rentrer  dans  le  com- 
merce conjugal  avec  leurs  femmes  :  «  Si  dia- 
coni aut  presbyteri  conjugati  ad  thorum  uxo- 
rmn  suarum  redire  voluerint.  » 

Il  défendit  généralement  à   tous  les  clercs 


d'habiter  dans  la  même  maison  avec  des  fem- 
mes étrangères,  ou  de  les  fréquenter  chez  elles, 
«  Nullus  clericorum  extraneœ  mulieri  qualibet 
consolatione  aut  familiaritate  jungatur,  et  non 
solum  in  domo  illius  extranea  mulier  non  ac- 
cédât, sed  nec  ipse  frequentandi  ad  extraneam 
mulierem  habeat  potestatem  (C.  ix,  x,  xi).  » 

Il  ne  leur  permet  d'habiter  qu'avec  leur 
mère,  leur  sœur,  leur  fille,  leur  nièce,  parce 
que  la  sainteté  de  ces  seuls  noms  est  capable 
d'empêcher  tous  les  désordres  et  de  prévenir 
tous  les  mauvais  soupçons,  «  de  quibus  nomi- 
nibus  nefas  est  aliud  quam  natura  constituit 
suspicari.  »  Ce  sont  les  termes  du  concile  de 
Nicée. 

Et  parce  que  ni  les  clercs,  ni  leurs  plus  pro- 
ches parentes  ne  peuvent  pas  se  passer  du  ser- 
vice des  femmes  esclaves  ou  des  affranchies, 
ce  concile  les  bannit  de  l'appartement  des 
clercs.  «  Ancillas  vel  libertas  a  cellario,  vel  a 
secreto  ministerio  ,    et  ab    eadem    mansione 


DU  CÉLIBAT  DES  CLERCS  EN  FRANCE. 


LU 


in  qna  clericus  manet,    placuit   removen.   » 

Le  célibat  n'était  donc  encore  prescrit  qu'aux 
diacres  et  aux  ordres  supérieurs.  Que  si  des 
jeunes  gens  déjà  mariés  se  présentaient  pour 
recevoir  le  diaconat,  avant  que  de  les  ordon- 
ner, l'évêque  leur  faisait  promettre  la  conti- 
nence à  eux  et  à  leur  femme,  et  les  obligeait 
de  prendre  des  appartements  séparés  dans  la 
même  maison.  «  Si  conjugati  juvenes  consen- 
serint  ordinari,  etiam  uxorum  voluntas  ita  re- 
quirenda  est,  ut  sequestrato  mansionis  cubi- 
culo,  religione  prsemissa,  posteaquam  conversi 
fuerint,  ordinentur  ilbid.,  c.  xvi).  » 

Mais  quoique  les  sous-diacres  et  les  autres 
clercs  inférieurs  ne  fussent  pas  obligés  à  la 
continence  avec  celles  qu'ils  avaient  épousées 
avant  leur  ordination,  ils  ne  pouvaient  pas 
néanmoins  se  marier,  au  moins  ils  ne  le  pou- 
vaient pas  tous,  s'ils  étaient  déjà  ordonnés.  Ce 
concile  le  dit  clairement  en  leur  défendant  de 
se  trouver  aux  noces  des  séculiers ,  parce 
qu'eux-mêmes  n'en  peuvent  pas  contracter. 
«  Presbyteri,  diacones,  subdiacones,  vel  dein- 
ceps  quibus  ducendi  uxores  licentia  non  est, 
etiam  alienarum  nuptiarum  évitent  convivia 
(Ibid.,  c.  xxxix).  » 

Il  fallait  donc,  ou  que  le  mariage  fût  abso- 
lument interdit  à  tous  les  clercs  mineurs  après 
leur  ordination,  quoique  l'usage  de  leur  ma- 
riage précédent  leur  fût  libre,  ou  que,  confor- 
mément aux  canons  d'Afrique,  on  obligeât  les 
clercs  mineurs  à  un  certain  âge,  ou  de  se  ma- 
rier, ou  de  faire  vœu  de  continence. 

Enfin,  la  raison  que  le  concile  donne  de  ce 
dernier  article,  qui  défend  aux  clercs  d'assister 
aux  festins  des  noces,  se  peut  étendre  à  tous 
les  points  précédents  de  la  chasteté  si  néces- 
saire aux  ecclésiastiques,  par  le  rapport  qu'ils 
ont  tous  à  la  divine  et  virginale  hostie  qui  est 
immolée  sur  nos  autels.  «  Ne  auditus  et  obtu- 
tus  sacris  mysteriis  deputati,  turpium  specta- 
culorum  atque  verboruni  contagioue  polluan- 
tur.  a 

IL  Le  concile  d'Epaone  (Can.  xx)  défend  à 
tous  les  ecclésiastiques,  absolument,  de  visiter 
des  femmes  après  midi,  supposant  apparem- 
ment que  la  matinée  a  été  employée  aux  of- 
fices et  aux  lectures  ecclésiastiques ,  et  leur 
permettant  néanmoins  de  les  voir  dans  la  né- 
cessité, pourvu  qu'ils  soient  accompagnés  d'au- 
tres ecclésiastiques.  «  Episcopo,  presbytero, 
diacono,  vel  cœteris  clericis,  horis  prœteritis, 
id  est,  meridianis  vel  vespertinis  ad  feminas 


prohibemus  accessum.  Quce  tamen  si  causa 
fuerit ,  cum  presbyterorum  aut  clericorum 
testimonio  videantur.  » 

Le  concile  II  d'Orléans  (Can.  vin)  dégrade  le 
diacre  qui ,  étant  emmené  captif,  s'est  laissé 
forcer  au  mariage,  et  ne  lui  rend  la  commu- 
nion qu'après  avoir  fait  pénitence. 

Le  concile  de  Clermont  (Can.  xm,  xvi),  dit 
que  le  prêtre  et  le  diacre  deviennent  par  leur 
consécration  les  frères  de  celles  dont  ils  étaient 
les  maris,  «  uxoris  prius  sune  frater  illico  effi- 
ciatur  ex  conjuge,  «  et  qu'ils  ne  peuvent  plus 
sans  un  inceste  abominable  avoir  leur  compa- 
gnie :  «  Incesti  quodammodo  crimine  clarum 
decus  sacerdotii  violasse.  » 

Enfin  ce  concile  renouvelle  le  canon  des 
conciles  de  Nicée  et  d'Agde,  pour  ne  pas  souf- 
frir dans  la  maison  des  clercs  majeurs  d'au- 
tres femmes  que  leur  aïeule,  leur  mère,  leur 
sœur  ou  leur  nièce  ;  et  pour  bannir  de  leur 
appartement  toute  sorte  de  femmes.  «  In  cubi- 
culo  etiam  horum  atque  cellario,  vel  familiari 
quolibet  servitio,  neque  sanctimonialis  ulla, 
neque  extranea  mulier ,  neque  ancilla  ullo- 
modo  admittalur.  »  Voilà  ce  que  ce  concile 
ordonne  à  l'évêque,  au  prêtre  et  au  diacre. 

Le  concile  III  d'Orléans  (An.  538,  can.  iv) 
renouvelle  tous  ces  statuts  pour  défendre  l'ha- 
bitation des  femmes  étrangères  dans  la  maison 
des  ecclésiastiques ,  et  il  ne  se  contente  pas, 
comme  les  autres  conciles  déjà  cités,  de  décla- 
rer les  évêques  punissables  s'ils  n'en  punissent 
les  infractions;  il  déclare  encore  que  les  évê- 
ques doivent  être  punis  par  leurs  métropoli- 
tains, et  les  métropolitains  par  les  évêques  de 
leurs  provinces  assemblés,  s'ils  manquent  à 
ces  devoirs.  Mais  ce  que  ce  concile  a  de  plus 
singulier,  est  qu'il  comprend  les  sous-diacres 
dans  la  loi  du  célibat.  «  Nullus  clericorum,  a 
subdiacono  et  supra,  qui  uxores  in  proposito 
suo  accipere  inhibentur,  propria?  si  forte  jam 
habeat,  misceatur  uxori.  Quod  si  fecerit,  depo- 
natur  (Can.  u,  vu).  » 

Si  les  clercs  majeurs  se  marient,  ce  concile 
les  dépose,  et  même  il  les  excommunie  s'ils 
avaient  été  ordonnés  de  leur  bon  gré  et  sans 
faire  de  résistance.  D'où  l'on  pourrait  conjec- 
turer que,  si  l'on  se  contentait  de  déposer  les 
clercs  majeurs  qui  se  mariaient  après  leur  or- 
dination, c'était  parce  qu'on  les  ordonnait  sou- 
vent contre  leur  gré. 

Le  concile  IV  d'Orléans ,  célébré  en  541 
(C.  xvu),  ne  comprit  pourtant  pas  les  sous-dia- 


U2  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DEUXIÈME. 


cres  dans  l'obligation  de  la  continence,  et  se 
conlenta  de  séparer  les  prêtres  et  les  diacres  du 
lit  et  de  la  chambre  de  leur  femme.  «  Dt  sacer- 
dotes,  sive  diaconi  cum  conjugibus  suis  non 
habeant  communem  lectum  et  cellnlain.  ne 
propter  suspicionem  carnalis  consortii  religio 
maculetur.  Quod  qui  fecerinl,  regradentur.  » 

Le  concile  V  d'Orléans,  tenu  en  S 19  Can.  iv), 
semble  renfermer  tous  les  clercs  dans  les  liens 
du  célibat.  «  Si  quis  clericus,  post  acceptam 
benedictionem  cujuslibet  loci  vel  ordinis,  ad 
eonjugalem  thorum  jam  sibi  illicitum  denuo 
redire  praesumpserit,  deponatur,  etc.  » 

Cette  bénédiction  n'est  peut-être  autre  chose 
que  l'imposition  des  mains;  ainsi  elle  n'en- 
ferme que  les  diacres,  les  prêtres  et  les  évê- 
ques,  ou  tout  au  plus  les  sous-diacres,  si  les 
évêques  de  France  avaient  commencé  d'impo- 
ser les  mains  aux  sous-diacres,  selon  l'usage 
nouveau  d'Espagne,  dont  nous  parlerons  dans 
le  chapitre  suivant. 

III.  Mais  le  concile  II  de  Tours,  célébré  en  567 
(Can.  x),  est  celui  qui  s'est  le  mieux  expliqué 
sur  cette  matière,  car  il  défend  aux  sous-dia- 
cres et  à  tous  les  clercs  supérieurs  d'avoir  des 
femmes  étrangères  dans  leurs  maisons,  et  elles 
sont  toutes  étrangères  pour  eux,  si  elles  ne 
sont  ou  leur  mère,  ou  leur  fille,  ou  leur  sœur. 
El  pour  ce  qui  est  de  leur  service,  les  canons 
leur  prescrivant  de  travailler  de  leurs  mains, 
ne  leur  ont  pas  permis  d'être  servis  par  d'au- 
tres personnes. 

«  Xnllus  deinceps  clericorum  pro  occasione 
necessitatis,  aut  causa  ordinandse  domus,  ex- 
traneam  mulierem  in  domo  sua  babere  prœ- 
sumat.  Et  cum  jubeamur  victum  aut  vestitum 
artiflciolo  quaerere,  et  propriis  manibus  labo- 
rare,  quid  opus  est  in  domo  serpentem  inclu- 
dere.  Nullus  ergo  clericorum,  non  episcopus, 
non  presbyter,  nondiaconus,  non  subdiaconus, 
quasi  sanctimonialem aut  viduam,  velancillam 
propriam  pro  conservatione  rerum  in  domo 
sua  stabilire  praesumat;  quae  et  ipsa  extra- 
nea  est.  dum  non  est  mater,  aut  soror,  aut 
filia.  » 

Quant  à  celles  qu'ils  avaient  épousées  avant 
leur  ordination,  elles  devaient  vivre  dans  un 
appartement  séparé,  et  l'évêqùe  surtout,  de- 
vait donner  exemple  aux  autres  ecclésiastiques 
par  l'éloignement  de  l'appartement  de  sa 
femme,  et  par  la  compagnie  des  clercs,  qui  ne 
devaient  jamais  l'abandonner,  non  pas  même 
dans  son  cabinet;  et  à  qui  ce  concile  donne  le 


pouvoir  de  chasser  les  femmes  de  la  maison 
de  l'évêqùe. 

«  Episcopus  coDJugem  ut  sororem  habeat,  etc. 
Et  licet  clericorum  suorum  teslimonio  castus 
vivat,  quia  cum  illo  tam  in  cella,  quam  ubi- 
cumque  fuerit,  sui  habitent,  eumque  presby- 
teri  et  diaconi  vel  deinceps  clericorum  turba 
juniorum  Deo  aulore  conservent;  sic  tamen 
tam  longe  absint  mansionis  propinquitate  di- 
visi.  ut  nec  hi  qui  ad  spem  recuperandam  cle- 
ricorum servitute  nutriuntur,  famularum  pro- 
pinqua  conlagione  polluantur.  »  Et  ensuite  : 
«  Episcopum  episcopam  non  habentem,  nulla 
sequatur  turba  mulierum,  etc.  Cîerici  qui  epi- 
scopo  serviunt,  et  eum  custodire  debent,  ha- 
beant  licentiam  extraneas  mulieresde  frequen- 
tia  cobabitationis  ejicere  (Can.  xu.  xui).  » 

Enfin,  pour  mettre  les  clercs  au-dessus  des 
soupçons  et  de  la  médisance  des  séculiers  qui 
croient  facilement  des  autres  ce  qu'ils  savent 
d'eux-mêmes,  et  pour  se  flatter  dans  leurs  cri- 
mes, ne  veulent  pas  croire  que  les  autres  soient 
meilleurs  qu'eux,  ce  concile  (Can.  xiv)  ordonne 
que  les  ecclésiastiques  ne  coucheront  jamais 
deux  ensemble  dans  le  même  lit.  «  Ne  occasio 
famam  laceret  honestalis.  quiâ  luici,  hoc  quod 
de  se  sciunt,  in  aliis  suspicantur,  etc.  Nullus 
sacerdotum  ac  monachorum  colligere  alium  in 
leclo  suo  prœsumat.  » 

Il  ordonne  aux  moines  découcher  tous  dans 
un  même  dortoir,  sans  aucune  cloison  qui  sé- 
pare leurs  lits,  que  l'abbé  ou  le  vicaire  y  pré- 
side, et  qu'il  y  ait  toujours  deux  ou  trois  reli- 
gieux qui  y  veillent  et  lisent.  «  Ut  dum  duo  vel 
très  vicissim  legant  et  excubent,  alii  consolen- 
tur;  ut  non  solum  sit  custodia  corporum,  sed 
et  surgat  pro  lectione  assidua  profectus  anima- 
ru  m.  » 

Ce  concile  Can.  xix)  comprend  les  sous- 
diacres  dans  la  nécessité  du  célibat,  les  excom- 
muniant et  les  déposant,  aussi  bien  que  les 
clercs  majeurs,  s'ils  sont  surpris  dans  l'incon- 
tinence, o  Si  inventus  fuerit  presbyter  cum  sua 
presbytera.  aut  diâconus  cum  sua  diaconissa, 
aut  subdiaconus  cum  sua  subdiaconissa,  etc.  » 

Et  parce  que,  dans  les  villages,  la  demeure 
des  femmes  dans  la  même  maison  des  clercs 
leurs  maris,  donnait  lieu  aux  soupçons  et  au 
crime  même,  la  précaution  de  ce  concile  fut  : 
que  les  archiprètres  des  paroisses  seraient  tou- 
jours accompagnés  et  veillés  d'un  de  leurs 
clercs,  et  que  les  curés  et  les  autres  clercs  ma- 
jeurs feraient  coucher  leurs  serviteurs  dans 


li['  CÉLIBAT  IIKS  CLEUCS  EN  FRANCE. 


I  '.:; 


l'appartement  de  leurs  femmes;  et  pour  eux, 
ils  auraient  une  chambre  à  pari  pour  5  prier  et 
pour  v  dormir  seuls. 

«  Lnus  lector  canonicorum  suorum,  aut  cer- 
tus  aliquîs  de  aumero  clericorum  cum  archi- 
presbytero  ambulet,  et  in  cella  ubi  ille  jacet, 
lectum  habeat  pro  testimonio.  Reliqui  presby- 
teri  et  diaconi  et  subdiacoui  vicani,  hoc  studio 
se  custodiant,  ut  mancipiola  sua  ibi  maneant , 
ubi  uxores  suae  :  illi  tamen  segregatim  solitarii 
in  cella  jaceaut,  et  oient  et  dormiant.  » 

IV.  Le  synode  d'Auxerre  (Can.  xx,  xxi,  xxn) 
commande  la  continence  aux  sous  -  diacres 
mêmes  après  l'ordination  :  «  Post  acceptam 
benedictionem,  »  leur  défend  de  coucher  dans 
le  même  lit  avec  leur  femme.  «  Non  licet  pre- 
sbytero  post  acceptam  benedictionem  in  uuo 
lecto  cum  presbytera  sua  dormire,  nec  diacono, 
nec  subdiacono.  »  Enfin,  il  ne  permet  pas 
même  aux  veuves  des  clercs  majeurs  de  se 
remarier. 

Le  concile  Ier  deMàcon  'Can.  m,  xi,  1 ,  défend 
à  l'évêque  d'admettre  aucune  femme  dans  sa 
chambre,  s'il  n'est  accompagné  de  deux  prêtres 
ou  de  deux  diacres.  Il  y  a  quelque  doute  s'il 
étend  aux  sous-diacres  la  loi  de  la  continence, 
par  ces  termes  :  «Episcopi,  presbyteri,  vel  uni- 
versi  honoratiores  clerici.  »  Il  y  a  apparence 
que  ce  n'était  encore  qu'une  loi  et  une  pratique 
flottante. 

Le  concile  III  de  Lyon  (Can.  1)  ne  les  y 
comprend  pas.  «  Si  quicumque  uxoribus  juncli 
ad  diaconatus,  aut  presbyteratus  ordinem,  quo- 
quo  modo  pervenerint,  non  solum  lecto,  sed 
etiani  frequentatione  quotidiana  debeant  de 
uxoribus  suis  sequestrari.  » 

Je  ne  sais  même  si  l'ordonnance  du  pape 
saint  Grégoire,  pour  le  célibat  des  sous-diacres 
fut  fidèlement  exécutée,  ou  longtemps  observée 
clans  les  désordres  qui  enveloppèrent  peu  de 
temps  après  l'Eglise,  aussi  bien  que  l'Etat  en 
France  et  en  Allemagne.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que  l'apôtre  d'Allemagne,  Boniface,  dans 
sa  lettre  au  pape  Zacharie,  et  ce  pape  même 
dans  sa  réponse,  ne  se  plaignent  que  de  l'incon- 
tinence des  diacres,  et  ne  font  aucune  mention 
des  sous-diacres  (Zachar.,  ep.  1). 

V.  Grégoire  de  Tours  parlant  du  successeur 
de  saint  Austremoine,  évêque  de  Clermont,  qui 
était  un  illustre  sénateur,  dit  qu'il  se  sépara 
d'abord  de  sa  femme,  mais  qu'enfin  elle  vint 
dans  la  maison  épiscopale;  elle  le  séduisit, 
comme  une  autre  Eve,  et  en  eut  une  fille. 


L'évêque  reconnut  sa  faute,  se  retira  dans  un 
monastère,  n'en  revint  qu'après  5  avoir  l'ail 
pénitence,  et  lit  entrer  la  fille  en  religion. 

"  Uxorem  habens  qua;  juxta  consuetudinem 
ecclesiasticam ,  remota  a  consortio  sacerdo- 
tis,  etc.  Nova  Eva  pergit  ad  domum  ecclesiae 
per  tenebras  noctis,  etc.  Tardius  ad  se  reversus, 
et  de  perpetrato  scelere  condolens.  acturus  pœ- 
nitentiam,  diœcesis  sua'  monasterium  expeliit, 
ibique  cum  gemitu  ac  lacrymis,  quse  commi- 
serat,  diluens,  ad  urbem  propriam  est  rever- 
sus. Nata  filia  in  religione  permansit  (I,.  1 , 
c.  14).  » 

Cet  évêque  avait  usé  de  plus  de  précautions 
que  les  canons  n'en  demandaient  :  il  ne  laissa 
pas  de  tomber,  et  de  nous  apprendre,  par  sa 
chute,  combien  il  a  été  nécessaire  dans  la-suite 
des  siècles  de  renfermer  dans  des  monastères 
celles  dont  les  maris  sont  élevés  aux  ordres 
sacres. 

Sidoine  Apollinaire,  évêque  de  Clermont, 
n'avait  pas  éloigné  sa  femme  de  sa  maison, 
mais  sa  chasteté  fut  hors  des  atteintes  de  la 
médisance,  et  toutes  ses  autres  vertus  furent  le 
sujet  de  l'admiration  de  son  siècle,  surtout  sa 
libéralité  envers  les  pauvres,  dont  Grégoire  de 
Tours  fait  ce  récit  (L.  11,  c.  22)  :  qu'il  distri- 
buait aux  pauvres  sa  vaisselle  d'argent  en  secret 
et  à  l'insu  de  sa  femme,  qui  s'en  fâchait  ,et, 
rendant  aux  pauvres  le  prix  de  ce  qui  leur 
avait  été  donné,  fournissait  à  ce  saint  prélat 
les  moyens  de  réitérer  ses  pieux  larcins. 

«  Cum  esset  magnifies  sanctitatis,  atque  ex 
senatoribus  primis,  plerumque  nesciente  con- 
juge  vasa  argentea  auferebat  a  domo,  et  paupe- 
ribus  erogabat.  Quod  illa  cum  cognosceret , 
scandalizabatur  eum.  sed  tamen  dato  egenis 
pretiô,  species  domi  restituebat.  » 

Ce  même  auteur,  parlant  ailleurs  du  frère  du 
comte  de  Bretagne,  qui  quitta  son  évèché  et 
reprit  sa  femme,  pour  succéder  à  la  comté  de 
son  frère  défunt,  le  traite  d'apostat,  et  assure 
que  les  évêques  l'excommunièrent  :  «  Hic  apo- 
stavit,  et  demissis  capillis,  uxorem  quam  post 
clericatum  reliquerat,  cum  regno  fratris  simul 
accepit.  Sed  ab  episcopis  excommunicatus  est 
(L.  iv,  c.  4).  » 

Ethérieux,  évêque  de  Lisieux,  quoiqu'âgé  de 
soixante  et  dix  ans,  ne  laissait  pas  de  faire  cou- 
cher auprès  de  lui  plusieurs  ecclésiastiques, 
afin  d'avoir  autant  de  témoins  et  autant  d'imi- 
tateurs de  sa  pureté  :  «  In  strato  suo  quievit , 
habens  circa  lectum  suum  multos  lectulos  cle- 


U4 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DEUXIÈME. 


ricorum  (L.  vi,  c.  36.)  »  Bodégisille,  évêque  du 
Mans,  ne  souilla  pas  son  corps,  mais  son  âme, 
par  les  pernicieux  conseils  de  sa  femme ,  dont 
l'avarice  et  la  violence  le  portèrent  à  d'étranges 
excès  (L.  vin,  c.  39). 

Siinplicius,  évèque  d'Autun,  après  son  ordi- 
nation, ne  se  sépara  pas  du  lit  de  celle  qu'il 
avait  jusqu'alors  traitée  comme  sa  sœur,  quoi- 
qu'elle fut  sa  femme.  «  Non  passa  a  stratu  pon- 
tifias submoveri  ,  etc.  (De  Gloria  Conf.  , 
c.  lxxvi).  »  Le  peuple  s'en  scandalisa,  et  se  sou- 
leva contre  eux  la  nuit  propre  de  Noël  ;  mais 
enfin  il  se  laissa  persuader  que  ces  deux  per- 
sonnes très-chastes  pouvaient  être  couchées  dans 
un  même  lit  sans  brûler,  après  qu'il  eût  vu  des 
charbons  allumés  dans  leurs  robes,  sans  qu'elles 
en  fussent  consumées. 

Enfin,  ce  même  auteur  raconte  qu'un  évè- 
que de  Nantes  ayant  séparé  sa  femme  de  son 
lit,  «  Cum  ad  honorera  sacerdotii  accessisset, 
lectulum  juxta  ordinem  institutionis  catholicse 
séquestrant  (Ibid.,  c.  lxxviii),  »  elle  ne  le  put 
souffrir  qu'avec  une  extrême  peine  :  elle  en 
conçut  même  de  la  défiance  ;  mais  enfin  elle 
revint  de  son  égarement,  lorsqu'elle  eut  vu 
sur  l'estomac  de  son  mari  dormant  un  agneau 
d'une  blancheur  et  d'une  beauté  céleste. 

VI.  Quant  aux  autres  clercs,  Grégoire  de 
Tours  les  avertit  d'observer  les  lois  canoniques 
L.  vin,  c.  49),  en  écartant  de  leur  maison 
toutes  les  femmes  étrangères  que  le  concile  de 
Nicée  n'a  pas  jugées  exemptes  de  soupçon  ; 
mais  il  ne  vient  pas  aux  détails  des  violements 
qui  avaient  été  faits  contre  la  chasteté  cléricale. 
Cela  nous  apprend  que  les  fautes  énormes 
contre  la  continence  étaient  très-rares  entre 
les  évoques,  et  que  les  exemples  ont  pu  en  être 
racontés  dans  l'histoire. 

La  sainteté  de  l'épiscopat,  qui  est  la  plénitude 


du  sacerdoce,  les  lois  de  la  continence  plus 
pressantes,  et  encore  mieux  établies  pour  les 
évêques  que  pour  les  autres  clercs,  la  com- 
pagnie des  clercs  qui  les  observait  continuelle- 
ment,  la  vigilance  même  des  peuples  qui 
éclairaient  de  près  leurs  évêques,  et  s'infor- 
maient de  ce  qu'il  y  avait  de  plus  secret  dans 
leur  conduite  domestique,  étaient  autant  de 
liens  indissolubles,  pour  contenir  les  évêques 
dans  les  lois  d'une  exacte  continence. 

VIL  Hincmar,  archevêque  de  Reims,  et  Flo- 
doard  après  lui,  racontent  la  chute  de  Genebaud, 
évêque  de  Laon,  qui  souffrant  les  visites  trop 
fréquentes  de  sa  femme,  «  frequentius  se  visi- 
tare  permisit,  »  en  eut  enfin  un  fils  qu'il  nomma 
Latro,  et  une  fille  qu'il  appella  Yulpecula 
(Vita  S.  Remig.  per  Hincm.,  c.  xli,  xlii,  etc.). 
Si  sa  faute  fut  grande,  sa  pénitence  de  sept  ans 
ne  le  fut  pas  moins,  après  quoi  les  anges  mêmes 
rompirent  la  prison  et  les  chaînes  où  saint 
Remy  l'avait  enfermé. 

Saint  Césaire  ne  laissait  jamais  entrer  de 
femme  dans  sa  maison  épiscopale,  pour  quel- 
que prétexte  que  ce  fût  :  «  Mulieres  intra  do- 
inuiii  Ecclesiae,  non  ad  salutandum,  non  qua- 
libet  alia  causa,  née  religiosœ,  i,ec  propinquœ 
ancillae,  nulla  onmino  feminarum  inlroeundi, 
habuit  licentiam.  Et  vere  sancta,  cauta  et  per- 
fecta  consuetudo,  ut  abscindaturonmis  occasio 
maligna,  sive  sinistra  suspicio  (Surius,  die  27 
Aug.,  c.  xxxi  ;  1.  i,  c.  31,  et  1.  u,  c.  13).  » 

Ce  saint  évèque  ayant  une  fois  salué  et  baisé 
la  fille  d'un  esclave  qu'on  avait  travestie  en 
garçon,  en  eut  de  la  douleur,  quoiqu'elle  fût 
encore  très-petite,  et  pria  Dieu  que  le  baiser 
d'un  évèque  l'éloignàt  à  jamais  du  mariage.  La 
fille  mourut  peu  de  jours  après,  et  alla  jouir 
de  l'Epoux  des  vierges. 


DU  CÉLIBAT  DES  CLERCS  EN  ESPAGNE,  EN  ITALIE,  etc. 


■145 


CHAPITRE  SOIXANTE-TROISIEME. 


DU   CÉLIBAT   DES  CLERCS  EN   ESPAGNE,   EN   ITALIE    ET   EN   ORIENT,   AUX  SIXIÈME,   SEPTIÈME 

ET    HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Pages  précautions  dos  conciles  d'Espagne,  pour  munir  la 
continence  des  clercs,  et  écarter  les  femmes  de  leurs  maisons. 

II.  Les  clercs  mineurs  prdmetlenl  la  continence  à  l'âge  de 
dix-huit  ans.  Les  sous-diacres  sonl  engagés  à  la  continence. 

III.  Le  clergé  des  hérétiques  n'él  lil  pas  lidèle  au  célibat. 

IV.  V.  On  commence  de  séparer  de  leurs  femmes  les  clercs 
sacrés,  el  de  faire  promettre  le  célibat  aux  sous-diacres,  après 
leur  avoir  fait  loucher  les  vases  sacrés,  et  leur  avoir  fait  l'im- 
position des  mains. 

VI.  Les  enfants  des  clercs  majeurs  déclarés  illégitimes,  quoique 
nés  de  leur  femme  légitime. 

VIL  Les  femmes  bannies  de  la  maison  des  clercs,  excepté  la 
seule  mère. 

VIII.  En  Italie,  le  pape  saint  Grégoire  commence  à  obliger  les 
sous-diacres  à  la  continence.  H  veut  que  la  propre  épouse  des 
clercs  majeurs  dans  leur  maison.  Les  veuves  des  clercs  majeurs 
ne  pouvaient  pas  se  remarier. 

IX.  Ce  pape  désire  que  les  évèques  imitent  saint  Augustin  en 
éloignant  de  leur  maison  leurs  plus  proches  parentes. 

X.  Exemple  d'un  curé. 

XI.  Lois  de  Justinien  contre  les  enfants  des  clercs. 

XII.  Ceux  qui  étaient  mariés  ne  pouvaient  être  évèques. 

XIII.  Canons  du  concile  in  Trullo  sur  le  célibat,  contraires  à 
l'Eglise  romaine. 

I.  L'Eglise  d'Espagne  ne  fut  pas  moins  jalouse 
de  la  pureté  inviolable  de  ses  ecclésiastiques. 

Le  concile  de  Tarragone  (Can.  i)  ne  permet 
aux  clercs  de  visiter  leurs  parentes  que  dans  la 
nécessité,  nécessitâtes  ;  rarement  et  pour  très- 
peu  de  temps,  céleri  salutatione ;  eï  en  la  com- 
pagnie d'un  témoin  âgé,  sage  et  irréprochable, 
«  testem  solatii  sui  fuie  et  ajtate  probatum  se- 
cum  adhibeant.  » 

Le  concile  de  Gironne,  tenu  en  517  (Can.  vi, 
vu),  témoigne  bien  que  les  sous-diacres  mêmes 
étaient  obligés  de  garder  le  célibat,  quoiqu'ils 
fussent  mariés  et  qu'ils  confhmassent  d'avoir 
leurs  femmes  dans  leurs  maisons,  quand  il 
leur  ordonne  à  eux  et  aux  clercs  supérieurs 
d'avoir  toujours  un  témoin  domestique  et  insé- 
parable de  leur  pureté.  «  A  pontifice  usque  ad 
subdiaconatum,  si  quis  ex  conjugatis  fuerit  or- 
dinatus,  ut  semper  alterius  fratris  utatur  auxi- 
lio,  cujus  testimonio  \ita  ejus  debeat  clarior 
apparere.  » 

Quant  à  ceux  qui  sont  ordonnés  sans  avoir 
été  mariés  et  qui  ont  famille,  ils  doivent  don- 
ner à  gouverner  leur  temporel, 'non  pas  à  une 

Tu.  —  Tom.  II. 


femme ,  si  ce  n'est  leur  mère  ou  leur  sœur, 
mais  à  un  ami  fidèle.  «  Non  per  feminei  sexus 
personam  quameumque,  eorum  substantia  gu- 
bernetur,  sed  per  amicum  :  nisi  matrem  aut 
sororem  in  domo  habuerint,  secundum  prio- 
t'utii  canonum  statuta.  » 

II.  Le  concile  II  de  Tolède  (Can.  i,  m),  dé- 
clare que  ceux  qui  ont  été  engagés  dans  le 
clergé  dès  leur  enfance  en  recevant  la  tonsure 
et  l'ordre  de  lecteur  :  «  De  lus  quos  voluntas 
parentum  a  primis  infantia?  annis  inclericatus 
ofticio  posuit,  cum  detonsi  mox,  ut  ministerio 
lectorum  contraditi  fuerint,  »  lorsqu'ils  seront 
parvenus  à  l'âge  de  dix-huit  ans ,  seront  in- 
terrogés en  présence  du  clergé  et  du  peuple: 
«  Coram  totius  cleri  plebisque  conspectu.  »  S'ils 
le  promettent,  après  les  avoir  encore  éprouvés 
l'espace  de  deux  ans,  on  les  fera  sous-diacres 
à  l'âge  de  vingt  ans  :  «  Subdiaconatus  ministe- 
rium,  probatione  habita  professionis  suœ  a  vi- 
gesimo  anno  suscipiant.  »  S'ils  choisissent  le 
mariage  on  le  leur  permet,  et  on  leur  promet 
encore  de  les  admettre  aux  ordres  sacrés  si, 
dans  un  âge  plus  avancé,  ils  se  résolvent  de 
renoncer  aux  œuvres  de  la  chair.  «  Ita  ut  cum 
provectac  œtatis  in  conjugio  positi,  renuntiatu- 
ros  se  operibus  carnis  pari  consensu  sponde- 
rint,  ad  sacros  gradus  aspirent.  » 

Ces  derniers  termes  mettent  le  sous-diaconat 
entre  les  ordres  sacrés  :  aussi  la  continence  en 
était  inséparable  ;  et  ce  concile  ne  menace  de 
rien  moins  que  de  la  dernière  excommunica- 
tion les  sous-diacres  et  tous  les  clercs  majeurs 
qui  ne  banniront  pas  de  leurs  maisons  toutes 
sortes  de  femmes. 

III.  Cette  céleste  pureté  était  propre  à  l'Eglise 
catholique,  qui  n'est  la  véritable  épouse  de 
J.-C.  que  parce  qu'elle  est  vierge.  Aussi  le 
concile  III  de  Tolède  (Can.  v),  déplore  le  mal- 
heur des  évèques,  des  prêtres  et  des  diacres, 
qui  étant  rentrés  de  l'hérésie  dans  l'Eglise,  ont 
de  la  peine  à  y  pratiquer  une  vertu  qu'ils 

to 


146 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-TROISIÈME. 


n'avaient  jamais  apprise  :  «  Compertum  esta 
sancto  concilie-  episcopos,  presbytères  et  dia- 
conos,  venientes  ex  lneresi,  carnali  adhuc  de- 
siderio,  uxoribus  copulari.  » 

Ce  concile  leur  défend  très-rigoureusement 
ce  commerce,  leur  ordonne  d'avoir  des  lits  et 
des  appartements  séparés ,  et  leur  conseille 
même  de  se  séparer  de  maison  :  «  Non  sub  uno 
conclavi  maneant,  et  certe  si  suffragatur  virtus, 
in  aliam  domum  suam  uxorem  faciant  habi- 
tare.  » 

Enfin  il  les  renvoie  au  rang  des  lecteurs  s'ils 
n'observent  la  continence.  Quant  aux  anciens 
clercs  catholiques,  le  concile  permet  aux  évê- 
ques,  outre  les  autres  peines  canoniques,  de 
vendre  les  femmes  qu'ils  tiendront  dans  leurs 
maisons  et  d'en  donner  l'argent  aux  pauvres  : 
«  Mulieres  ipsœ  ab  episcopis  venumdate,  pre- 
tium  pauperibus  erogetur.  » 

IV.  Un  concile  suivant  de  Tolède  (Can.  1),  cé- 
lébré en  597,  ne  renferme  pas  les  sous-diacres 
dans  l'obligation  du  célibat.  Le  concile  VI  de  la 
même  ville  (Can.  xxvn,  xlii,  xliii),  veut  que  l'é- 
vèque  fasse  faire  profession  de  continence  aux 
prêtres  et  aux  diacres  qu'il  met  dans  les  cures  : 
aQuando  presbyteri  vel  diacones  per  parocbias 
constiluuntur,  oportet  eos  professionem  epi- 
scopo  suo  facere,  ut  caste  et  pure  vivant.  »  Il 
renouvelle  le  canon  de  Nicée  pour  les  femmes 
qui  peuvent  habiter  dans  la  maison  des  clercs 
et  celui  du  concile  III  de  Tolède,  pour  la 
vente  de  toutes  les  autres  par  l'autorité  de 
l'évèque. 

Le  concile  VIII  de  la  même  ville  (Can.  iv, 
V,  vi)  remontre  aux  évoques  qu'ils  sont  les  yeux 
du  divin  Chef  de  l'Eglise,  qui  est  J.-C.  même, 
et  qu'ils  doivent  en  avoir  la  lumière  et  la  pu- 
reté :  «  Cum  caput  Ecclesia?  sitChristus,  nie- 
rito  in  membris  ejus  intentio  episcoporum, 
officia  peragere  cernitur  oculoruin  ;  »  que  si 
les  prêtres  et  les  diacres  souillent  la  sainteté  de 
leur  ministère  ,  ils  doivent  les  enfermer  dans 
des  monastères  pour  y  faire  pénitence,  ausque 
ad  exitum  vitae  su;e  monasteriis  deputati,  poe- 
nitentiœ  disciplinis  maneant  omnino  sub- 
jecti  ;  »  mais  qu'il  faut  auparavant  les  éprou- 
ver, en  séparant  de  leur  compagnie  tant  leurs 
épouses  que  toute  autre  sorte  de  femmes  , 
et  les  renfermant  dans  des  monastères  :  «  Mu- 
lieres separentur  et  monasterio  tradantur.  » 

Ce  concile  ordonne  enfin  que,  puisque  les 
sous-diacres  couvrent  leur  honteuse  inconti- 
nence de  ce  ridicule  prétexte  qu'ils  n'ont  pas 


reçu  la  bénédiction  de  l'évèque  dans  leur  ordi- 
nation ;  à  l'avenir  l'évèque,  en  les  ordonnant, 
après  leur  avoir  fait  toucher  les  vases  sacrés, 
les  bénira  selon  l'ancienne  coutume  de  quel- 
ques Eglises,  et  qu'après  cela,  s'ils  se  laissent 
aller  à  des  impuretés  criminelles  on  les  con- 
damnera à  faire  pénitence  dans  un  monastère 
jusqu'à  la  fin  de  leur  vie. 

«  Asserentes  hoc  sibi  licere,  quia  benedi- 
ctionem  a  pontifice  se  nesciunt  percepisse. 
Proinde  praecipimus,  ut  cum  iidem  subdia- 
cones  ordinantur,  cum  vasis  ministerii,  bene- 
dictio  eis  ab  episcopo  detur  ;  sicut  in  quibus- 
dam  Ecclesiis  tradit  vetustas  antiqua  et  sacra, 
dignoscitur  consuetudo.  » 

V.  Ce  canon  nous  fait  remarquer  trois  chan- 
gements ,  qui  sont  autant  de  démarches  de 
l'ancienne  discipline  vers  celle  de  nos  derniers 
siècles. 

1°  Les  prêtres,  les  diacres  et  les  sous-diacres 
ne  sont  plus  punis  d'une  simple  dégradation, 
ou  de  la  communion  laïque;  s'ils  rentrent  opi- 
niâtrement dans  le  commerce  conjugal,  ils  n'en 
sont  pas  même  quittes  pour  être  excommu- 
niés; on  les  enferme  dans  des  monastères  pour 
le  reste  de  leurs  jours,  afin  d'expier  par  une 
sérieuse  pénitence  l'énormité  de  leur  crime. 

i"  Les  femmes  des  clercs  sacrés  sont  aussi 
envoyées  dans  des  monastères,  si  elles  ont 
abusé  de  l'honnête  liberté  qu'on  leur  avait 
laissée  après  l'ordination  de  leurs  maris. 

3°  Les  sous-diacres  ne  sont  plus  ordonnés 
qu'après  avoir  promis  de  garder  le  célibat,  et 
avoir  reçu,  comme  le  sceau  de  cette  profession, 
la  bénédiction  de  l'évèque,  c'est-à-dire,  si  je 
ne  me  trompe,  une  imposition  des  mains. 

En  effet,  la  bénédiction  se  donnait  en  impo- 
sant les  mains  :  quoiqu'il  faille  confesser  que 
cette  imposition  des  mains  sur  les  sous-diacres 
n'était  qu'une  simple  cérémonie,  puisque  nous 
la  voyons  si  nouvelle  dans  ce  concile  ;  et  que  si 
elle  était  plus  ancienne  dans  quelques  provin- 
ces, elle  était  toujours  postérieure  au  quatrième 
concile  de  Cartilage,  qui  a  distingué  si  exacte- 
ment toutes  les  ordinations. 

Voilà  comme  le  sous-diaconat  commençait 
à  s'élever  au  rang  des  ordres  sacrés,  par  l'attou- 
chement des  vases  sacrés,  par  l'imposition  des 
mains,  et  par  la  continence. 

VI.  Le  concile  IX  de  Tolède  (Can.  x)  com- 
mença à  décerner  des  peines  contre  les  enfants 
mêmes  des  évèques,  des  prêtres,  des  diacres  et 
des  sous-diacres,  nés  après  leur  ordination, 


DU  CELIBAT  DES  CLERCS  EN  ESPAGNE.  EN  ITALIE,  etc. 


U7 


quoiqu'il?  fussent  nés  de  leurs  femmes  légi- 
times :  «  Vel  ex  ancillœ ,  vel  ex  ingenuae  dete- 
stando  connubio  si  tilios  procreaverint.  »  La 
peine  fut  de  les  déclarer  incapables  de  succéder 
à  leurs  malheureux  pères  et  de  les  condamner 
à  être  esclaves  de  leur  église.  «  Proies  tali  nata 
pollutione,  non  solum  parentum  haereditatem 
nusquam  accipiat,  sedetiam  in  servi  tu  tem  ejus 
ecclesiœ  jure  perenni  manebunt.  » 

VIL  Le  concile  III  de  Braga  (Cari.  v.  De 
Eccles.  Offic,  1.  il,  c.  x)  enchérit  par-dessus 
celui  de  Nicée,  et  ne  se  fiant  ni  aux  sœurs,  ni 
aux  autres  proches,  il  ne  permit  aux  clercs  que 
la  conversation  de  leur  mère  dans  la  même 
maison ,  à  moins  qu'ils  fussent  accompagnés 
d'autres  clercs,  «  absque  honestoetcompetenti 
testimonio,  excepta  sola  matre.  »  Isidore,  évo- 
que de  Séville,  assure  que  les  pères  avaient  fait 
promettre  la  continence  aux  sous-diacres  parce 
qu'ils  touchent  les  vases  sacrés,  «  quia  sacra 
mysteria  contrectant.  s 

VIII.  Disons  un  mot  de  l'Eglise  de  Rome,  et 
puis  nous  passerons  a  celle  d'Orient.  Saint 
Grégoire,  pape,  ne  trouva  pas  bon  que  son  pré- 
décesseur eût  obligé  les  sous-diacres  de  Sicile 
de  se  séparer  de  leurs  femmes,  puisqu'on  ne 
les  y  avait  pas  obligés  au  temps  de  leur  ordi- 
nation. «  Incompetens  videtnr,  ut  qui  usum 
continenlise  non  invenit .  neque  castitatem 
ante  promisit,  compellatur  a  sua  uxore  sepa- 
rari  [L.  i,  epist.  -4-2;  1.  m,  epist.  34).  » 

La  coutume  ne  faisait  point  encore  de  loi 
pour  les  sous-diacres,  parce  qu'elle  n'était  pas 
encore  générale  .  comme  nous  avons  vu ,  et 
comme  saint  Grégoire  même  le  témoigne  en 
disant  que  son  prédécesseur  n'avait  proposé 
aux  sous-diacres  de  Sicile  la  coutume  d'am  une 
autre  Eglise  que  de  l'Eglise  de  Rome,  «  more 
Romanae  Ecclesiœ.»  Et  ailleurs  :  «Ad  similitu- 
dinem  Sedis  Apostolicœ  (L.  ni,  epist.  34).  » 

Ainsi  ce  pape  ordonne  aux  évêques  de  Sicile 
de  ne  plus  ordonner  de  sous-diacres  sans  leur 
faire  promettre  la  continence.  «  nisi  qui  se  vic- 
turum  caste  promiserit  (L.  ni.  epist.  5),  »  et 
de  ne  donner  le  diaconat  à  aucun  des  anciens 
sous-diacres  .  qu'après  avoir  fait  une  bonne 
épreuve  de  leur  chasteté.  Il  obligea  l'évèque 
de  Rège  de  faire  garder  à  ses  sous-diacres  la 
même  loi  qui  avait  été  faite  pour  ceux  de  Sicile 
(L.  i.  epist.  50  . 

Ce  pape  défend  ailleurs  (L.  m,  epist.  20)  aux 
prêtres  de  l'île  de  Corse  de  demeurer  avec  des 
femmes,  «  excepta  duntaxat  matre,  sororc.  vel 


uxore.  quœ  caste  regenda  est.  »  Ce  qui  montre 
que  cette  exception  de  la  propre  épouse  est 
sous-entendue  dans  le  canon  de  .Nicée,  confor- 
mément au  canon  apostolique. 

Le  métropolitain  de  Cagliari,  en  Sardaigne, 
avait  défendu  a  son  archidiacre  de  souffrir  des 
femmes  dans  sa  maison;  le  pape  lui  écrivit  de 
le  déposer  s'il  n'obéissait  à  un  commandement 
si  juste  :  «Cum  mulieribus  habitare  prohibuisti, 
etc.  Nisi  jussioni  tuœ  paruerit,  eum  sacro  or- 
dine  volumus  esse  privatum  (L.  in,  ep.  31).  » 
Après  la  défense  du  prédécesseur  de  saint  Gré- 
goire, un  sous-diacre  de  Sicile  avait  mieux 
aimé  faire  l'office  de  notaire  que  de  quitter  sa 
femme.  Après  qu'il  fut  mort  sa  femme  se  re- 
maria. L'évèque  de  Catane  l'enferma  dans  un 
monastère;  le  pape  l'en  fit  délivrer,  parce  qu'il 
lui  avait  été  libre  de  se  remarier,  puisque  son 
mari  s'était  abstenu  des  fonctions  du  sous-dia- 
conat, et  qu'elle  n'avait  jamais  voué  la  conti- 
nence. D'où  il  faut  conclure  que  les  veuves  des 
clercs  sacrés  ne  pouvaient  plus  se  remarier,  et 
que  si  elles  le  faisaient  on  les  reléguait  dans 
des  monastères. 

IX.  Le  zèle  de  ce  saint  pape  alla  bien  plus 
avant.  Car  il  manda  à  huit  de  ses  clercs  ou  offi- 
ciers, distribués  en  divers  royaumes  pour  la 
conservation  du  patrimoine  de  l'Eglise  romaine, 
de  veiller  sur  les  évêques,  de  ne  pas  souffrir 
des  femmes  dans  leurs  maisons,  «  inuna  domo 
cum  mulieribus  conversari,  exceptis  matre, 
amita  germana,  et  aliis  hujusmodi  de  quibus 
prava  non  possitesse  suspicio  (L.  vu,  epist. 39);  » 
enfin  de  les  exhorter  à  ne  pas  même  recevoir 
dans  leurs  maisons  ces  proches  parentes  que 
les  canons  permettent ,  suivant  le  conseil  et 
l'exemple  du  grand  saint  Augustin,  qui  ne 
voulut  pas  que  sa  sœur  logeât  dans  sa  maison, 
et  dit  que  les  autres  femmes  de  la  compagnie 
de  sa  sœur  n'étaient  pas  ses  sœurs,  «  quse  cum 
sorore  mea  sunt,  sorores  meœnonsunt;»  qu'il 
y  a  de  la  témérité  à  ne  pas  craindre  ce  que 
saint  Augustin  a  appréhendé  ;  enfin  que  le 
moyen  le  plus  sûr  de  ne  pas  se  laisser  aller 
aux  choses  illicites,  est  de  se  priver  même  de 
celles  qui  sont  licites.  «  Incautaepraesumptionis 
est.  quod  fortis  pavet,  minus  validum  non 
timere.  Sapienter  enim  illicite  superat,  qui  di- 
dicerit  etiam  non  uti  concessis.  » 

Enfin,  ce  saint  pape  veut  que  les  évêques 
exigent  ces  mêmes  devoirs  des  clercs  sacrés, 
«  In  sacris  ordinibus  constitutos  ,  »  y  com- 
prenant sans  doute  les  sous-diacres,  mais  avec 


118  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-TROISIÈME. 


cette  réserve  générale  qu'ils  n'abandonnent  pas 
leurs  propres  épouses,  qu'ils  doivent  traiter 
comme  leurs  sœurs.  «  Hoc  tamen  adjecto,  ut 
hi,  sicut  canonica  decrevit  autoritas,  uxores 
quas  caste  debent  regere,  non  relinquant.  »  Ce 
pape  semble  ne  comprendre  pas  les  évoques 
dans  cette  dernière  clause,  parce  que  les  lois 
de  Justinien  ne  permettaient  plus  d'élire  pour 
l'épiscopat  ceux  qui  avaient  encore  leurs 
femmes. 

X.  Ce  grand  pape  raconte  dans  ses  dialogues 
l'histoire  d'un  très-saint  prêtre  et  curé,  qui  ne 
souffrit  jamais  les  approches,  ni  le  moindre 
service  de  sa  femme  depuis  qu'il  eût  été  or- 
donné ,  parce  que  les  saints  s'abstiennent 
même  de  ce  qui  est  permis,  pour  s'éloigner 
d'autant  plus  de  ce  qui  est  défendu  :  «  Habent 
quippe  sancti  viri  hoc  proprium;  nam  ut  sem- 
per  longe  sint  abillicitis,  a  se  pleruinque  etiain 
licita  abscindunt  (DiaL,  1.  îv,  c.  1-2).  » 

Enfin,  ce  saint  prêtre,  après  une  longue  et 
violente  maladie,  étant  près  de  rendre  l'âme, 
et  s'étant  aperçu  que  sa  femme  s'était  appro- 
chée pour  voir  s'il  respirait  encore,  il  recueillit 
le  reste  de  ses  forces  mourantes  pour  en  faire 
un  sacrifice  à  la  pureté,  en  lui  commandant  de 
se  retirer  :  «  Recède  a  me  millier,  adhuc  igni- 
culus  vivit,  paleam  folle.  »  Les  anges  vinrent 
recueillir  cette  âme  dont  la  pureté  était  vrai- 
ment angélique. 

Je  ne  dirai  plus  qu'un  mot  tiré  de  ce  pape, 
qui  nous  apprend  (L.  xi,  epist.  0-2)  que  les 
épouses  des  clercs  sacrés  prenaient  d'abord 
l'habit  de  religieuse  ,  «  Religiosam  mutasse 
vestem,  »  et  si  après  la  mort  de  leur  mari  elles 
en  épousaient  un  autre  on  les  séparait,  «et 
cum  competenti  emendatione,  qui  maie  sociati 
sunt,  disjungantur.  » 

On  distinguait  pourtant  les  femmes  des  prê- 
tres et  des  diacres  d'avec  les  religieuses.  Cela 
paraît  dans  le  concile  romain,  sous  Grégoire  II, 
en  721,  où  l'on  prononce  anathème  dans  trois 
canons  différents,  contre  les  femmes  des  prê- 
tres, contre  celles  des  diacres  et  contre  les 
religieuses  qui  se  marieraient.  «  Si  quis  pre- 
sbyteram,  etc.  Si  quis  diaconam,  etc.  Si  quis 
monacham,  quam  ancillam  Dei  appellamus,  in 
conjugium  duxerit,  anathema  sit.  »  La  même 
peine  devrait  être  ordonnée  contre  ceux  qui 
épouseraient  les  veuves  des  sous-diacres,  et 
néanmoins  ce  concile  n'en  dit  rien. 

Je  ne  sais  si  l'on  ne  pourrait  point  conjectu- 
rer de  la  (jue  la  loi  du  célibat  pour  les  sous- 


diacres  n'était  pas  encore  bien  établie,  quel- 
ques efforts  qu'eût  faits  le  grand  saint  Grégoire 
pour  la  bien  affermir,  et  pour  l'étendre  par- 
tout. 

Cette  conjecture  est  encore  appuyée  sur  le 
concile  romain,  sous  le  pape  Zacharie,  en 
l'an  743,  où  l'on  fit  divers  règlements  pour 
munir  la  continence,  tant  des  évèques,  à  qui 
on  défendit  absolument  de  souffrir  aucune 
femme  dans  leur  palais,  que  des  prêtres  et  des 
diacres,  à  qui  on  ne  permit  que  celles  qui  ont 
été  jugées  exemptes  même  du  soupçon  par  le 
concile  de  Nicée;  mais  on  n'y  dit  pas  un  seul 
mot  des  sous-diacres.  On  y  condamna  aussi  les 
mariages  des  veuves  des  prêtres  et  des  diacres, 
aussi  bien  que  des  religieuses,  sans  parler  tics 
veuves  des  sous-diacres.  Enfin,  on  y  ordonna 
que  l'évêque,  le  prêtre  et  le  diacre  ne  pour- 
raient assister  à  la  célébration  des  saints  mys- 
tères avec  un  bâton  ou  la  tète  couverte  :  «  Nul- 
lus  episcopus ,  presbyter  aut  diacouus  ad 
celebrandum  missarum  solemnia  prsesumat 
cum  baculo  introire ,  aut  velato  capite  altario 
Dei assislere,  etc.» 

Comme  on  ne  parle  point  encore  ici  des 
sous-diacres,  il  est  fort  vraisemblable  qu'on  ne 
les  avait  pas  encore  avancés  aux  fonctions  sa- 
crées de  l'autel,  et  qu'on  n'usait  pas  encore 
d'une  rigueur  extrême  pour  leur  faire  garder- 
ie célibat.  On  peut  ajouter  à  cela  le  capitulaire 
ou  la  compilation  de  canons  que  le  pape  Za- 
charie envoya  en  France,  en  l'an  74i,  où  dans 
l'article  11,  on  n'oblige  au  célibat  que  les 
évèques,  les  prêtres  et  les  diacres,  selon  un 
canon  des  conciles  d'Afrique,  laissant  les  au- 
tres clercs  dans  l'usage  libre  de  chaque  Eglise. 
«  Cœteros  autem  clericos  ad  id  non  cogi,  sed 
secundum  uniuscujusque  Ecclesiœ  consuetu- 
dinem  observari  debere  (Daronius ,  an.  7  ii, 
n.  11).  » 

XL  Je  viens  à  l'Eglise  grecque,  où  l'empe- 
reur Justinien,  joignant  la  vigueur  des  lois  à 
l'autorité  des  canons  qui  ne  permettaient  le 
mariage  qu'aux  chantres  et  aux  lecteurs  , 
condamne  les  clercs  supérieurs  qui  viendront 
à  se  marier,  non-seulement  à  perdre  le  rang, 
les  honneurs,  les  revenus  et  les  fonctions  de 
leur  ordre  et  de  leur  bénéfice,  mais  .aussi  de 
voir  leurs  enfants  déclarés  illégitimes,  comme 
s'ils  provenaient  d'un  mariage  incestueux. 

o  Ouales  quos  leges  ex  incestis  aut  nefariis 
natos  nuptiis  definiunt,  ita  ut  neque  naturales, 
aut  nothi,  seu  spurii  intelligantur  ;  sed  pror- 


DU  CÉLIBAT  DES  CLERCS  EN  ESPAGNE,  EN  ITALIE,  etc. 


119 


sus  et  undique  prohibiti,  et  successionis  geni- 
torum  indigni  :  ac  née  donationem  ab  illis  ca- 
pere  possint,  neque  lii,  neque  lioruin  matres, 
ne  per  interpositas  quidem  personas,  sed  omni- 
bus in  hos  collatis  a  Patribus  beneficiis,  ad 
sanctam  Ecclesiam,  ex  qua  sunt,  qui  talia  deli- 
querunt,  revertentibus.  » 

Voilà  comme  L'empereur,  ajoutant  les  peines 
civiles  aux  canoniques,  déclare  ces  malheu- 
reux enfants  incapables  de  toute  succession, 
donation  ou  fidéi-commis,  et  les  met  au-dessous 
de  tous  les  autres  enfants  illégitimes.  11  renou- 
vela aussi  les  anciennes  lois  des  empereurs, 
pour  défendre  la  demeure  des  femmes  étran- 
gères avec  les  clercs,  et  il  ordonna  que  l'évêque 
fût  déposé  s'il  en  souffrait  quelqu'une  dans  sa 
maison  :  «  Episcopo  nullam  mulierem  secum 
habere  permitlitur,  sed  si  liabere  probetur,  ab 
episcopatu  dejiciatuf,  quo  se  fecit  indignum 
(L.  i  Cod.  de  episc.  et  cler.,  leg.  44,  19).  » 

XII.  Cet  empereur  défendit  d'élire  à  l'épisco- 
pat  les  personnes  mariées,  quelque  mérite 
qu'on  piit  alléguer  :  «  Nulli  permittentes  uxo- 
rem  habenti  talem  imponi  ordinationem,  ne  et 
ipse  cœdat  saeerdotio,  et  ordinantem  similiter 
excludi  procuret.  » 

Il  renouvelle  encore  ailleurs  la  même  dé- 
fense (Novell,  vi,  Nov.  cxxiu,  c.  1,  li,  29),  et 
oblige  les  évoques  de  n'ordonner  jamais  de 
diacre  on  de  sous-diacre  qui  n'ait  point  de 
femme,  sans  lui  faire  promettre  de  vivre  chas- 
tement, et  de  ne  jamais  se  marier.  «  Non  va- 
lente  eo  qui  ordinat,  in  tempore  ordinationis, 
permittere  diaconum  aut  subdiaconum  post 
ordinationem  nxorem  accipere  (Balsamon,  in 
iv  Can.  Apostolicum).  » 

Enfin,  cet  empereur  ne  permet  aux  clercs 
que  la  conversation  des  femmes  marquées  dans 
le  canon  du  concile  de  Nicée,  mais  il  défend 
absolument  aux  évoques  d'en  avoir  aucune 
dans  leur  maison.  «  Episcopum  vero  nullam 
penitus  mulierem  habere,  aut  cum  ea  habitare 
permittimus.  » 

Ces  lois  montrent  que  depuis  longtemps,  ou 
même  que  de  tout  temps  les  évêques  étaient 


obligés  au  célibat,  même  dans  l'Orient.  Ainsi 
Balsamon  a  tort  d'attribuer  cela  au  concile  in 
Trullo.  En  effet,  toutes  les  sectes  des  chrétiens 
orientaux  font  garder  le  célibat  à  leurs  évê- 
ques, et  ne  les  prennent  à  cause  de  cela  que 
d'entre  les  moines. 

XIII.  Le  concile  in  Trullo  (Can.  m,  xn,  xui), 
permet  le  mariage  avant  l'ordination  des  prê- 
tres, des  diacres  et  des  sous-diacres,  mais  après 
l'ordination  il  ne  le  permet  qu'aux  chantres  et 
aux  lecteurs,  conformément  au  canon  aposto- 
lique; il  défend  aux  évêques  d'Afrique,  de  Ly- 
bie,  et  de  quelques  autres  provinces,  de  demeu- 
rer avec  leurs  femmes,  puisque  les  peuples  en 
étaient  scandalisés.  Mais  ce  concile  se  porta  à 
un  grand  excès,  quand  il  invectiva  contre  la 
nécessité  que  l'Eglise  latine  impose  aux  prêtres 
et  aux  diacres,  de  s'abstenir  de  la  compagnie 
des  femmes  qu'ils  avaient  épousées  avant  leur 
ordination. 

Mais  c'est  l'ordinaire,  les  faibles  ont  beau- 
coup de  peine  à  souffrir  la  vertu  des  forts,  et 
les  forts  ne  font  jamais  mieux  paraître  la  gran- 
deur de  leur  âme,  qu'en  souffrant  et  épargnant 
la  faiblesse  des  autres.  L'Eglise  latine  souffrait 
avec  patience  et  avec  charité  l'incontinence  des 
Grecs,  et  les  Grecs  ne  pouvaient  souffrir  l'exacte 
pureté  des  Latins.  Ils  crurent  même  faire  grâce 
aux  prêtres  des  provinces  barbares,  en  leur 
permettant  de  vivre  en  continence  avec  leurs 
femmes,  pourvu  qu'ils  les  écartassent  de  leurs 
maisons  (Can.  xxx).  En  quoi  ils  contrevenaient 
évidemment  aux  termes  formels  du  canon 
apostolique. 

Le  meilleur  règlement  de  ce  synode  fut  d'en- 
fermer, dans  un  monastère  bien  éloigné  de 
levèehé,  celles  dont  les  maris  parleur  consen- 
tement auraient  été  ordonnés  évêques,  ou  de 
les  ordonner  elles-mêmes  diaconisses,  si  leur 
vertu  répondait  à  cette  dignité  (Can.  xlu). 

Ces  canons  montrent  bien  en  passant  que  la 
loi  de  Justinien  de  n'élire  point  d'évêques  qui 
fussent  mariés,  n'avait  plus  de  vigueur;  mais 
on  avait  remédié  par  une  autre  voie  aux  désor- 
dres qu'il  appréhendait. 


d50         DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  SOIXANTE-QUATRIÈME. 


CHAPITRE  SOIXANTE-QUATRIÈME. 


DU   CÉLIBAT   DES   BÉNÉFICIERS   SOIS   L'EMPIRE   DE   CHABLEMAOE. 


I.  Les  conciles  et  les  ordonnances  synodales  commencent  à 
défendre  aux  clercs  supérieurs  la  cohabitation  de  leurs  proches 
parentes  dans  la  même  maison,  quoique  le  concile  de  Nicée  l'eût 
permise. 

II.  La  peine  des  crimes  d'impureté  était  la  dégradation  et  la 
perte  de  tous  les  biens. 

III.  Comme  il  était  très-difficile  de  prouver  ces  crimes,  le 
pape  et  l'Eglise  gallicane  résolvent  défaire  le  procès  aux  prêtres 
convaincus  d'une  conversation  trop  fréquente  avec  des  femmes. 

IV.  Nouvelles  défenses  d'habiter  avec  ses  plus  proches  pa- 
rentes mêmes. 

V.  Les  clercs  mineurs  obligés  à  la  profession  du  célibat  après 
l'âge  de  puberté. 

VI.  Relâchements  des  nouveaux  Grecs,  même  après  leur  ordi- 
nation. Explication  du  canon  du  concile  de  Nicée. 

VII.  Les  Grecs  nouveaux  reconnaissent  que  l'Eglise  a  pu  né- 
cessiter les  évèques  au  célibat.  Ils  auraient  dû  reconnaître  la 
même  chose  des  prêtres  et  des  diacres. 

VIII.  Les  Grecs  confessaient  que  dans  les  pays  nouvellement 
convertis,  le  célibat  des  clercs  était  nécessaire.  Conséquence  de 
ce  principe. 

IX.  Après  l'ordination  d'un  évèquc,  sa  femme  doit  faire  pro- 
fession dans  un  monastère. 

X.  Diverses  remarques  sur  Balsamon  et  Zonare. 


I.  Après  avoir  établi  ci-dessus  la  nécessité  de 
la  continence  dans  les  ordres  supérieurs,  nous 
allons  faire  ici  connaître  la  vigilance  infatigable 
des  canons  pour  faire  observer  cette  loi  si  sainte, 
et  les  précautions  nouvelles  qu'on  a  prises  de 
temps  en  temps  pour  en  faciliter  l'observance. 

Le  concile  de  Nicée  avait  permis  aux  prêtres 
de  pouvoir  loger  dans  la  même  maison  avec 
leur  mère,  leur  sœur  et  avec  leurs  autres  pa- 
rentes, dont  la  proximité  du  sang  était  capable 
d'écarter  tous  les  soupçons  désavantageux. 
Néanmoins  Tliéodulphe,  évêque  d'Orléans,  con- 
sidérant avec  saint  Augustin  qu'à  l'occasion  de 
ces  proches  parentes,  plusieurs  autres  femmes 
pouvaient  fréquenter  la  maison  du  prêtre,  et 
nuire  ou  à  sa  pureté,  ou  à  sa  réputation,  il 
bannit  absolument  toutes  les  femmes  de  la 
maison  des  prêtres. 

«  Nulla  femina  cum  presbytero  in  una 
domo  habitet.  Quamvis  enim  canoncs  matrem 
et  sororem  hujusmodi  personas ,  in  quibus 
nulla  sit  suspicio,  cum  illo  habitare  concédant . 
hoc  nos  modis  omnibus  ideirco  ainputamus, 


quia  in  obsequio  sive  occasione  illarum,  veniunt 
aliœ  femina? ,  quœ  non  sunt  ci  a  f  fini  ta  te  con- 
juncta?,  et  cum  ad  peccandum  illiciunt  (Capi- 
tulais Theod.,  c.  xn).  » 

Le  capitulaire  des  évèques  (Cap.  xv),  en 
l'an  802,  fit  la  même  défense  en  général  aux 
prêtres  :  «  Nec  in  sua  doino,  in  qua  habitat 
sacerdos,  ullam  mulierem  unquam  babitare 
permittat.  »  Il  leur  défendit  en  même  temps  la 
familiarité  de  toutes  les  femmes  qui  ne  sont 
pas  leurs  parentes  :  «  Ut  nullus  sacerdos  extra- 
nearum  mulierum  habeat  familiaritatem.  » 

Le  concile  II  de  Reims,  célébré  en  813 
(Can.  xxvni),  souffrit  ce  que  le  concile  de  Nicée 
avait  permis.  Le  concile  II,  d'Aix-la-Chapelle, 
tenu  en  836  (Can.  xi),  ne  voulut  plus  permettre 
cette  condescendance.  Le  concile  de  Meaux, 
de  845  (Can.  xvi),  conjura  les  rois  qui  loge- 
raient en  passant  dans  les  évêchés ,  d'avoir 
égard  à  la  sainteté  du  palais  épiscopal,  «  pro 
sanctitate  ordinis  episcopalis,  »  de  n'y  point 
attirer  avec  eux  les  femmes,  «  Habitaculis  epi- 
scopalibus  reverenter  inhabitet,  et  non  diver- 
soria  feminarum  magniticentia  sua  et  religio 
venerabilis  ibidem  fieri  permittant.  » 

Si  les  canons  défendent  aux  femmes  l'entrée 
de  la  maison  de  toutes  sortes  d'ecclésiastiques, 
à  plus  forte  raison  le  palais  de  l'évêque,  qui  est 
comme  le  temple  de  la  chasteté,  doit  être  fer- 
mé à  tout  le  commerce  des  personnes  mariées. 
«  Quia  si  secundum  leges  canonicas  in  mansio- 
nes  clericorum  introitus  feminarum  prohiben- 
tur,  quanto  magis  domus  episcopi  ah  hujus- 
modi inhabitatione  et  conversatione,  etiam  et 
a  legitimo  connubio  conjugatorum  débet  im- 
munis esse  et  aliéna.  » 

Enfin,  le  concile  de  Nantes  (Can.  m),  rétablit 
l'ancienne  sévérité,  en  révoquant  la  loi  de  con- 
descendance, plutôt  tolérée  qu'autorisée  par  le 
concile  de  Nicée  :  «  Sed  nec  illas  feminas, 
quas  canones  concedunt,  sacerdos  in  domo  sua 
habeat,  matrem,  amitam,  sororem,  quia  insti- 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉFICIERS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


1S1 


gante  diabolo  etiam  in  illis  seelus  fréquenter 
perpetratum  reperitur,  aut  etiam  in  pedisse- 
quis  illarum.  » 

Si  l'assistance  du  prêtre  est  absolument  né- 
cessaire à  quelqu'une  de  ses  proches  parentes, 
il  doit  la  loger  dans  une  autre  maison  éloignée 
de  la  sienne,  et  étendre  jusque-là  les  influences 
de  sa  charité  :  «  Habeat  in  villa  aut  in  vico  do- 
mum,  longe  a  presbyteri  conversatione  (L.  vu, 
c.  291).  »  Ce  même  canon  se  trouve  dans  les 
capitulaires  de  Charlemagne. 

II.  Comme  les  crimes  d'impureté  sont  ordi- 
nairement ensevelis  dans  les  ténèbres,  le  con- 
cile de  Trosley,  tenu  en  909  (Can.  ix),  ne  voulut 
pas  qu'on  en  fît  aucunes  recherches  contre  les 
curés  dans  leurs  paroisses  :  «  De  concubitu 
presbyteroruin  eu  m  feminis  per  parochianos 
vel  vicinos  cujuscumque  presbyteri  inquirere 
non  laboramus.  »  Ils  cachent  leur  crime,  non- 
seulement  par  la  honte  qui  l'accompagne,  mais 
par  l'appréhension  de  la  peine  inévitable  qui  le 
suit,  d'une  dégradation  sans  ressource,  et  de  la 
perte  de  tout  ce  qu'ils  ont  de  biens  temporels. 
«  Scil  se  non  soluin  .ecclesiasticum  gradum 
amittere,  sed  et  sua  quœlibet  in  saeculo  per- 
dere.  » 

Le  concile  ordonne  donc  de  faire  des  infor- 
mations de  la  fréquentation  des  prêtres  avec 
les  femmes,  et  s'ils  en  sont  convaincus,  ou  s'ils 
l'avouent,  de  les  déposer  sans  retour.  «  Tan- 
tummodo  de  accessu  et  frequentatione  ac  coha- 
bitatione  presbyterorum  contra  canonicum 
interdictum  cuni  feminis  per  taies  homines 
inquiremus,  etc.  Et  si  quicumque  presbyter 
confessus,  vel  legali  ac  regulari  judicio  fuerit 
convictus,  sine  gradus  sui  restitutione  depone- 
tur.  » 

III.  Charlemagne  témoigne  dans  ses  Capitu- 
laires qu'au  temps  du  roi  Pépin  et  de  ses  pré- 
décesseurs, cette  difficulté  avait  été  souvent 
agitée,  touchant  les  curés  suspects  et  même 
diffamés,  qu'on  ne  pouvait  néanmoins  con- 
vaincre ,  sans  qu'on  eût  pu  entièrement  la 
résoudre.  «  Hoc  sœpissime  a  nobis,  et  proge- 
nitoribus  atque  antecessoribus  nostris  saepe 
ventilatum  est,  sed  non  ad  liquidum  hactenus 
definitum  (L.  v,  c.  33,  34).  » 

Cet  empereur  envoya  consulter  le  pape  Léon 
sur  cette  question,  et  cependant  il  enjoignit 
aux  évêques  de  son  royaume  d'y  chercher  tous 
les  éclaircissements  possibles,  afin  de  se  joindre 
au  pape,  et  de  terminer  heureusement  celte 
affaire  :  «  Vos  vicissim  tractate  attentius,  quid 


ex  lus  vobiscum  constituamus,  una  cuni  pne- 
dicti  sancti  Patris  institutionibus.  » 

Enfin,  la  résolution  fut  prise  de  l'avis  com- 
mun el  du  consentement  du  pape,  des  patriar- 
ches et  des  évêques  orientaux  ,  de  ceux  de 
l'Occident,  et  surtout  de  la  France,  des  prêtres, 
des  diacres  et  des  conseillers  d'Etat  entre  les 
laïques  :  ce  que  j'ai  cru  devoir  remarquer  en 
passant,  pour  faire  voir  de  quelle  manière  ces 
difficultés  se  résolvaient  en  ce  temps-là. 

«  Consultu  domni  et  Patris  nostri  Leonis 
apostolici  ,  caeterorumque  Komanœ  Ecclesiae 
episcoporum  et  reliquorum  sacerdotum,  sive 
Orientalium  et  Graeorum  patriarcharum ,  et 
multorum  sanctorum  episcoporum  et  sacerdo- 
tum ,  neenon  et  nostrorum  episcoporum  , 
omniumque  cœterorum  sacerdotum  ac  levita- 
rum  autoritate  et  consensu  :  atque  reliquorum 
fidelium,  et  cunctorum  consiliariorum  noslro- 
rum  consultu  definitum  est,  etc.  » 

La  résolution  fut  que,  selon  les  canons  on 
examinerait  les  accusateurs  et  les  témoins  qui 
déposeraient  contre  les  prêtres  ;  que  si  leur 
nombre  et  leur  poids  était  suffisant,  on  pro- 
noncerait contre  les  prêtres;  s'il  ne  l'était  pas, 
le  prêtre  se  purgerait  par  son  serment,  et  par 
le  serment  de  trois,  de  cinq,  ou  de  sept  de  ses 
confrères,  ou  même  d'un  plus  grand  nombre 
si  l'évêque  le  jugeait  nécessaire,  pour  remé- 
dier aux  soupçons  et  aux  défiances  des  peu- 
ples. 

IV.  Cette  décision  servit  apparemment  plu- 
tôt à  multiplier  les  parjures,  qu'à  retrancher 
les  impudicités.  C'est  ce  qui  fit  recourir  à  ce 
dernier  remède  que  nous  avons  rapporté  du 
concile  de  Trosley,  et  qui  est  emprunté  mot  à 
mot  du  capitulaire  d'Hincmar,  archevêque  de 
Reims.  Ainsi  il  est  bien  plus  ancien  que  ce 
concile,  et  on  commença  peut-être  d'en  user 
aussitôt  après  la  mort  de  Charlemagne.  En 
effet,  Hincmar  le  rapporte  comme  un  usage 
reçu  depuis  longtemps  dans  l'Eglise  (Hincmar, 
tom.  i,  p.  718,  etc.).  Il  y  ajoute  les  précautions 
de  Théodulphe,  fondées  sur  les  paroles  de  saint 
Augustin,  celles  qui  fréquentent  nos  sœurs,  ne 
sont  pas  nos  sœurs  ;  «  Quae  cum  sorore  mea 
sont,  sorores  meœ  non  sunt,  »  et  sur  celles  de 
saint  Grégoire  le  Grand. 

La  précaution  d'un  si  grand  saint  est  pour 
nous  une  grande  instruction  :  on  ne  peut  sans 
présomption  ne  pas  craindre  ce  que  les  plus 
forts  ont  appréhendé;  le  plus  assuré  moyen  de 
ne  se  laisser  point  aller  aux  choses  illicites,  est 


152  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-QUATRIÈME. 


de  s'abstenir  de  celles  qui  sont  licites.  «  Docti 
ergo  viri  cautela,  magna  nobis  esse  débet  in- 
structio.  Nam  inhonestœ  praesumptionis  est, 
quod  fortis  pavet,  minus  validum  non  timere. 
Sapienter  enim  illicita  superabit,  qui  didicerit 
etiam  non  uti  concessis  (Gregor. ,  L.  vu  , 
ep.  39).  » 

De  là  vient  que  Justinien  défend  aux  clercs 
qui  ne  sont  point  mariés  de  souffrir  dans  leurs 
maisons  d'autres  femmes  que  celles  sur  qui 
nul  soupçon  ne  peut  tomber.  «  Clericis  non 
habentibus  uxores  interdicimus  secundum 
divinas  régulas,  etc.  (Nov.  125,  c.  xxix).  » 

Enfin  les  canons  d'Afrique  défendent  aux 
évêques  et  aux  prêtres  de  visiter  ou  de  recevoir 
les  visites  des  femmes,  quelles  qu'elles  puis- 
sent être,  s'ils  ne  sont  accompagnés  de  quel- 
ques ecclésiastiques,  ou  de  laïques  de  probité  : 
«  ubi  aut  clerici  pressentes  sint,  aut  graves  ali- 
qui  Cbristiani.  »  Ce  qui  est  renouvelé  dans 
lesCapitulaires  de  Cbarlemagne  (Capitul.  1.,  vu, 
c.  16). 

Le  même  Hincmar  a  traité  ailleurs  du  même 
sujet,  et  il  a  fulminé  des  sentences  de  déposi- 
tion contre  des  curés  convaincus  de  cette  scan- 
daleuse fréquentation  des  femmes  (Tom.  u, 
pag.  820,  821). 

Le  concile  de  Mayence,  tenu  en  888  (Can.  x), 
sous  le  roi  Arnulphe,  interdit  absolument  aux 
ecclésiastiques  de  souffrir  dans  leur  maison 
leurs  plus  proches  parentes  ;  parce  que  celles 
que  le  concile  de  Nicée  avait  jugées  être  hors 
d'atteinte  et  de  soupçon,  ont  été  pour  quelques- 
uns  un  funeste  sujet  de  scandale  et  de  chute. 
•  «  Ita  ut  quidam  sacerdotum  cum  propriis  so- 
roribus concumbeiites,  fdios  ex  eis  générassent. 
Et  ideirco  constituit  hœc  sancta  synodus,  ut 
nullus  presbyter  ullam  feminam  secum  in 
domo  propria  permittat  ,  quatenus  occasio 
malœ  suspicionis,  vel  facti  iniqui  penitus  aufe- 
ratur.  » 

V.  Enfin  le  concile  d'Augsbourg  (Can.  xi), 
célébré  en  952,  sous  le  règne  d'Otbon  1",  sui- 
vant les  vestiges  desanciens  conciles  d'Afrique, 
ne  se  contenta  pas  de  renouveler  la  loi  du  cé- 
libat pour  les  évêques,  les  prêtres,  les  diacres 
et  les  sous-diacres;  mais  il  obligea  aussi  les 
autres  clercs  de  faire  profession  de  continence 
quand  ils  seraient  parvenus  à  un  âge  plus 
avancé.  «  EpiscopuS,  presbyter,  diaconus,  sub- 
diaconus,  ut  in  multis  conciliis  statutum  est, 
quia  ministeria  divina  contrectant,  ab  uxori- 
bus  abstineant.  Ca'teri  autem  cleiici,  quando 


ad  maturiorem  a'tatem  pervenerint,  licet  no- 
lentes  ad  continentiam  cogantur.  » 

Le  débordement  des  vices  qui  régnent  le 
plus  parmi  quelques  nations,  n'a  jamais  pu  ar- 
rêter le  zèle  de  l'Eglise  pour  la  pureté  de  ses 
ministres.  Aussi  voyons-nous  qu'on  a  fait  tant 
de  sages  lois,  même  en  Allemagne,  pour  obli- 
ger les  clercs  à  mener  une  vie  conforme  à  leur 
état.  Mais  on  pourrait  dire  des  Allemands  ce 
que  Ratbérius,  évêque  de  Vérone,  disait  des 
Italiens,  que  s'ils  étaient  les  moins  chastes  de 
tous  les  ministresde  l'autel,  cela  ne  venait  que 
des  continuels  excès  de  vin  et  de  l'usage  trop 
ordinaire  de  ragoûts  divers,  qui  ne  servent 
qu'à  allumer  et  à  entretenir  le  feu  impur 
d'une  brutale  concupiscence. 

«  Quaerat  aliquis,  curcontemptoivs  canoniese 
legis,  et  vilipensores  clericorumsintmagis  Ita- 
lici?  Quoniam  quidem  libidinosiores  eos,  et 
pigmentorum  venerem  nutrientium  frequen- 
tior  usus,  et  vini  continua  potatio,  et  negligen- 
tior  disciplina  facitdoctorum  (Spicileg.,tom.u, 
pag.  188).  » 

Aussi  ajoute-t-il  que  ces  ecclésiastiques  ne 
se  distinguent  plus  des  laïques  que  par  une  dif- 
férence fort  légère  en  leurs  habits,  par  leurs 
barbes  rasées,  et  par  leur  tonsure.  «  Ut  solum- 
modo  barbirasio,  et  verticis  cum  aliquanta  ve- 
stium  dissimilitudine  nudo,  a  ritu  distare  vi- 
deas  eos  laico.  » 

VI.  Quant  aux  Grecs,  le  moine  Ratram  de 
Corbie  les  pressait  peut-être  avec  un  peu  plus 
de  zèle  que  de  discernement,  quand  il  voulait 
contraindre  absolument  tous  les  clercs  à  la 
continence,  par  une  conséquence  tirée  du  ca- 
non ni  du  concile  de  Nicée.  Comme  ce  canon 
ne  permet  à  aucun  ecclésiastique  d'admettre 
des  femmes  étrangères  dans  sa  maison  ,  Ra- 
tram en  infère  qu'ils  ne  pouvaient  dune  pas 
demeurer  avec  leurs  épouses ,  dont  la  com- 
pagnie est  inséparable  de  celle  des  autres  fem- 
mes. 

«Nam  quisquis  uxorem  duxerit,  non  potest, 
et  prœter  uxorem  alias  etiam  mulieresin  domo 
non  habere;  quibus  uxoria  nécessitas  et  cura 
domestica  suppleatur.  Ubi  vero  cunctarum  in- 
terdicilur  subintroductio  feminarum,  preeter 
omnino  personas,  quse  careant  omni  suspicione, 
manifestum  est  quod  interdicatur  uxoria  etiam 
copula,  qiue  nullo  modo  potest  lieri.  sine  reli- 
quarum  accessione  feminarum  (Ibid.,  pag.  137 
Advers.  opposita  Graec.  1.  i,  c.  6).  » 

On  pourrait  au  contraire  se  défier  avec  rai- 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNÉFICIERS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


|.',:t 


raison  du  relâchement  visible  des  Crées  dans 
le  concile  VII  général,  où  ils  ne  bannissent  les 
femmes  que  des  évêchés  et  des  monastères. 
«  Feminas  eommorari  in  episcopiis  vel  etiam 
monasleriis  omnis  est  olfensionis  materia.  » 
Il  est  vrai  qu'ils  ajoutent  la  peine  de  déposi- 
tion contre  les  violateurs  opiniâtres  de  cette  loi 
(Can.xvn). 

Le  relâchement  des  Grecs  était  allé  bien  plus 
avant.  Au  lieu  qu'auparavant  on  leur  faisait 
promettre  une  éternelle  continence  avant  que 
de  les  ordonner,  ou  on  les  obligeait  de  se  ma- 
rier avant  que  de  recevoir  le  sacerdoce  ;  par 
un  nouvel  abus  qu'ils  avaient  ajouté  à  cet  an- 
cien désordre,  ils  avaient  introduit  la  coutume 
de  leur  donner  encore  deux  années  pour  pou- 
voir se  marier  après  avoir  été  ordonnés  prê- 
tres. «Consuetudoquœ  in  prœsenti  obtinet,  iis, 
quibus  matrimonio  conjungi  in  animo  est, 
concedit,  ut  antequam  uxores  duxerint,  sacer- 
dotes  fieri  possint,  et  deinde  biennium  ad  per- 
ficiendam  voluntatem  jungi  matrimonio  vo- 
lenti  prœstituit  (Léon.,  Const.  m).  » 

C'est  ce  qu'en  dit  l'empereur  Léon,  qui  con- 
damna cette  licencieuse  nouveauté,  déclarant 
qu'après  avoir  reçu  la  consécration  du  divin 
sacerdoce ,  ils  ne  pouvaient  plus ,  sans  une 
extrême  indécence,  se  plonger  dans  la  fange 
des  voluptés  sensuelles,  mais  qu'ils  devaient 
s'élever  et  s'appliquer  entièrement  aux  pures 
et  chastes  délices  du  ciel. 

«  Neque  enim  dignum  est,  ut  qui  spirituali 
ascensu  supra  corporis  abjectionem  et  sordes 
evecti  sunt,  ni  rursum  ad  carnis  sordes  dela- 
bantur.  Sede  diverso  ut  divinum  ministerium 
ex  corporis  sordibus  tanquam  in  altum  ali- 
quem  gradum  conscendat  ,  convenientius 
fuerit.  »  Cette  constitution  se  trouve  insérée 
dans  le  droit  oriental  (Tom.  i  ,  pag.  481  , 
493). 

Ce  raisonnement  de  l'empereur  Léon  n'a 
guère  moins  de  force  pour  séparer  les  clercs 
sacrés  de  leurs  anciennes  femmes,  que  pour 
les  empêcher  d'en  épouser  de  nouvelles. 

11  faut  avouer  néanmoins  que  si  c'était  la 
pureté  ancienne  des  canons,  ce  n'était  pas 
l'usage  que  les  prêtres  et  diacres  grecs  gardas- 
sent la  continence  avec  celles  qu'ils  avaient 
épousées  avant  leur  ordination,  et  quoiqu'en 
dise  Ratram,  le  concile  de  Nicée  n'ôta  aux 
clercs  de  l'Orient  que  ces  sortes  de  femmes 
qu'on  appelait  agapètes,  qui  passaient  pour  des 
sœurs  spirituelles  et  dévotes,  et  qui  ne  s'atta- 


chaient qu'aux  ecclésiastiques   qui   n'étaient 
point  mariés. 

En  effet  ceux  qui  étaient  mariés  n'avaient 
pas  besoin  de  ce  secours  étranger,  et  ne  pou- 
vaient pas  se  couvrir  du  même  prétexte  appa- 
rent pour  introduire  dans  leurs  maisons  des 
tilles  ou  des  femmes  dévotes,  atin  d'en  être 
soulagés  dans  les  affaires  du  ménage.  C'est 
pour  cela  que  ce  concile  ayant  découvert  les 
abus  et  les  désordres  de  ces  sociétés  périlleuses, 
lit  cette  défense  générale  pour  tous  les  clercs, 
sans  mettre  aucune  ditférence  entre  les  clercs 
supérieurs  et  les  inférieurs. 

S'il  eût  été  question  d'ordonner  le  célibat,  le 
concile  n'eût  pas  certainement  enveloppé  les 
clercs  inférieurs  dans  la  même  loi. 

Justinien  l'avait  bien  compris  de  la  sorte, 
lorsque  dans  la  novelle  qui  a  été  citée  ci-des- 
sus par  Hincmar,  et  qui  est  encore  rapportée 
par  Photius  dans  son  nomocanon  (Cap.  xiv, 
tit.  8.  Nomocanonis),  il  exprime  en  ces  termes 
le  sens  du  canon  de  Nicée.  «  Nullus  clericus 
qui  uxorem  non  habet,  habeat  in  domo  sua 
introductitiam,  prœterquam  malrem  et  liliam 
et  sororem  et  alias  non  suspectas.  »  Et  dans  une 
autre  novelle  citée  au  même  endroit  par  Pho- 
tius  :  «  Ne  habeant  diaconialiquas  secum  ver- 
santes, loco  scilicet  sororum,  vel  cognatarum, 
vel  earum  quœ  dilectœ  vocantur.  » 

Dans  le  même  nomocanon  de  Photius  on 
trouve  les  autres  lois  du  code,  qui  joignent  l'au- 
torité impériale  aux  canons  de  l'Eglise,  et  dé- 
clarent que  non-seulement  les  prêtres,  les  dia- 
cres et  les  sous-diacres  qui  se  marient,  sont 
en  même  temps  dégradés,  mais  aussi  les  en- 
fants qui  proviennent  de  ces  conjonctions  in- 
fâmes, sont  privés  de  tous  les  avantages  dont 
jouissent  les  autres,  et  ne  peuvent  rien  rece- 
voir des  biens  de  leur  père,  ni  eux,  ni  leur 
mère,  ni  par  succession,  ni  par  donation,  ni 
par  quelque  autre  voie  que  ce  puisse  être, 
mais  c'est  l'Eglise  qui  succède  a  tous  leurs 
droits. 

«Si  presbyter,veldiaconus,  vel  subdiaconus 
uxorem  duxerit,  canonibus  quidem  tenetur, 
qui  non  minus  valent  quam  leges,  et  a  sacer- 
dotioexcidit  :  Et  qui  ex  nefario  matrimonio 
nati  sunt  lilii,  nec  sunt  naturales,  nec  nolhi  : 
et  neque  per  donalionem  ,  vel  successionem  , 
vil  simulatum  mutui  contractum ,  vel  aliam 
obligationem  a  patribus  accipiunt,  vel  matres 
eorum  :  sed  ea  illorum  accipit  ecclesia  (Tit.  9, 
c.  xxix).  » 


iU         DU  SECOND  OHDHE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-QUATRIÈME. 


Balsamon  s'étonne  comment  cette  loi  n'était 
point  conservée  de  son  temps. 

VII.  Il  tâche  dans  un  autre  endroit  d'accor- 
der le  canon  ve  des  apôtres  avec  le  xne  du 
concile  in  Trullo.  Celui-ci  ne  permet  pas  à 
1  evêque  après  son  ordination  d'habiter  avec  sa 
femme  s'il  était  marié,  et  celui-là  défendait  à 
l'évêque  aussi  bien  qu'au  prêtre  et  au  diacre 
de  mettre  hors  de  leur  maison  la  femme  qu'ils 
avaient  épousée  avant  leur  ordination.  Balsa- 
mon dit  que  les  évêques  du  concile  in  Trullo 
n'ont  pas  eu  dessein  de  détruire  le  canon  apos- 
tolique, mais  de  porter  la  police  dans  l'Eglise 
et  la  pureté  des  ministres  de  l'autel  à  un  plus 
haut  degré  de  perfection  que  n'avaient  pu 
faire  les  apôtres,  qui  n'avaient  pu  former  le 
corps  de  l'Eglise  sans  user  de  beaucoup  de  con- 
descendance. 

«  Ne  contra  apostolicum  v  canonem  facere 
videantur;  qui  episcopis  cum  suis  uxoribus 
post  ordinationem  habitare  permittil,  inférant 
quod  non  divinis  Apostolis  adversantes  hacc 
decernunt,  sed  statum  ecclesiasticum  in  pul- 
chriorem  ordinem  provehi  volentes  :  propemo- 
dum  hoc  dicentes,  quod  divini  quidem  Apo- 
sloli  cum  fides  tanlum  inciperet,  se  in  eos  qui 
ad  ûdem  accedebant,  ita  gerebant,  ut  ad  eorum 
imbecillilatem  se  magis  demitterent.  Cum  au- 
lem  evangelii  praedicatio  sit  nuper  magis  am- 
plilicata,  oportet  et  ponliliees  ad  perfectam 
continentiam  vitam  suam  dirigere.  Si  autem 
episcopis  cum  propriis  uxoribus  habitare  non 
permittitur;  multo  ma^is  nec  Ipsis  tanquam 
uxoribus  uti  permittetur  ;  sed  nec  cis  cum 
alienis  uxoribus  habitare  concedetur,  ut  omne 
offendiculum  amputetur,  lege  novellas  (No- 
vel  \-ï.\)  quae  episcopos  deponendos  decernunt, 
qui  cum  quacumque  muliere  cohabitant  (In 
Can.  xii  Trullan.).  » 

Mil.  S'ilestvrai  qu'avant  le  concile  in  Trullo 
les  évoques  orientaux  pouvaient  user  du  com- 
merce conjugal,  aussi  bien  que  les  prêtres  et 
les  diacres,  comme  Balsamon  le  prétend  (In 
Can.  v  Apostol.  )  et  que  ce  concile  leur  ait  im- 
posé une  loi  inviolable  de  continence ,  pour- 
quoi ne  soufl'riront-ils  pas  que  l'Eglise  latine 
ait  imposé  la  même  nécessité  à  tous  les  clercs 
majeurs  ? 

Si  ce  n'a  été  que  par  un  charitable  accom- 
modement que  les  apôtres  ont  permis,  durant 
l'enfance  de  l'Eglise,  que1  les  ministres  de  l'au- 
tel fussent  mariés,  il  est  donc  certain  que  les 
apôtres  et  tous  les  hommes  apostoliques ,  et 


tous  les  premiers  ecclésiastiques  qui  se  signa- 
laient par  une  piété  et  par  une  austérité  de  vie 
extraordinaire,  vivaient  dans  une  parfaite  con- 
tinence. Pourquoi  ne  croira-t-on  pas  que  cette 
condescendance  n'a  été  ni  pratiquée,  ni  néces- 
saire dans  l'Occident ,  et  que  les  évêques ,  les 
prêtres  et  les  diacres  y  ont  toujours  fait  profes- 
sion d'un  inviolable  célibat  ? 

.Mais  Balsamon  même  nous  fournit  les  rai- 
sons et  les  exemples  qui  détruisent  cette  pré- 
tendue condescendance  des  apôtres,  quand  il 
dit  que  si  les  canons  condamnent  la  dureté 
des  clercs  supérieurs  qui  chassent  leurs  fem- 
mes de  leurs  maisons,  il  en  faut  excepter  les 
ecclésiastiques  des  Eglises  nouvellement  fon- 
dées dans  les  pays  barbares.  «  Excipe  mihi 
sacerdotes,  qui  sunt  in  Ecclesiis  barbaricis  (In 
Can.  xiii  Trullan.).  » 

Il  est  donc  certain  que  l'on  n'a  pu  jeter  les 
fondements  des  nouvelles  Eglises  que  par  le 
ministère  des  évêques  et  des  autres  ecclésias- 
tiques, qui  excellaient  aussi  bien  dans  la  conti- 
iii  nce  que  dans  toutes  les  autres  vertus.  Et  de 
la  il  faut  conclure  que  jamais  la  continence  des 
clercs  n'a  été  ni  plus  nécessaire,  ni  plus  incon- 
testable que  durant  les  trois  premiers  siècles, 
qui  ont  été  le  temps  de  la  fondation  universelle 
des  Eglises. 

Ainsi  quand  le  concile  in  Trullo  (Can.  xxx) 
déclare  que  ce  n'est  que  par  dispensation  qu'il 
permet  aux  clercs  supérieurs  des  Eglises  des 
pays  barbares  de  se  séparer  de  leurs  femmes, 
et  de  vivre  chastement,  c'est  un  ridicule  ren- 
versement des  termes  et  de  leur  signification. 
On  peut  bien  appeler  condescendance  la  liberté 
du  mariage  pour  les  clercs,  mais  une  rigou- 
reuse loi  de  continence  ne  passera  jamais  pour 
une  charitable  dispensation. 

En  effet  Balsamon  ajoute  que  de  sou  temps 
les  Eglises  de  Russie  avaient  renoncé  à  cette 
dispensation  inouïe,  et  usaient  de  la  liberté  du 
mariage  de  la  même  manière  que  les  prêtres 
grecs.  «  Ego  varios  episcopos ,  qui  ex  Russia 
vénérant ,  atque  adeo  ipsum  Alaniae  metropo- 
litanum  de  ea  re  sciscitatus,  accepi  praesentem 
canonem  in  iis  regionibus  loeum  non  habere, 
licet  sint  barbaricae;  sed  queniadmoduni  nostri 
eorum  quoque  sacerdotes  ,  uxores  habere  , 
etiam  post  ordinationem.  » 

IX.  Le  inèine  concile  in  Trullo  (Can.  xlviii) 
ordonna  que  la  femme  d'un  évèque  entrerait 
dans  un  monastère,  éloigné  de  l'évèché,  où 
elle  pourrait  être  ordonnée  diaconisse. 


DU  CÉLIBAT  DES  BÉNEFICIEBS  SOUS  CHARLEMAGNE. 


155 


Balsamon  remarque  fort  sagement:  I"  Que 

si  elle  eût  refusé  son  consentement  à  l'élection 
de  son  mari,  on  n'eût  pu  ni  l'élire,  ni  l'ordon- 
ner ;  2°  qu'il  n'en  est  pas  de  même  de  l'entrée 
en  religion  :  où  le  consentement  de  celui  des 
deux  qui  demeure  dans  le  siècle,  n'est  pas 
nécessaire,  parce  qu'il  conserve  la  liberté  de 
se  remarier. 

C'est  la  loi  de  Justinien  et  la  pratique  des 
Grecs.  Ainsi  celle  qui  a  consenti  à  l'élection  et 
à  l'ordination  de  son  mari  s'est  en  même  temps 
dévouée  elle-même  à  la  profession  monastique. 
Car  de  demeurer  dans  un  monastère  sans  y 
couper  ses  cheveux,  et  sans  prendre  l'habit  de 
la  religion,  c'est  plutôt  une  flétrissure  et  une 
peine  qu'un  honneur:  «Cum  laicoeuim  habitu 
eas  esse  in  monasterio,  supplicii,  non  beneficii 
opus  est  ;  quod  ad  non  parvum  consecrationis 
dedecus  spectat.  » 

De  là  Balsamon  conclut  fort  bien  que  les 
femmes  des  ministres  sacrés  ne  peuvent  plus 
se  remarier,  contre  l'opinion  de  ceux  qui  les 
exemptaient  de  la  profession  religieuse,  et  leur 
permettaient  un  second  mariage.  Mais  il  aurait 
aussi  bien  pu  se  détromper  lui-même,  s'il  avait 
fait  assez  de  réflexion  sur  les  novelles  de  Justi- 
nien, qui  déclarent  incapables  de  l'épiscopat 
tous  ceux  qui  avaient  ou  une  femme,  ou  des 
enfants;  et  conclure  aussi  de  ces  novelles,  qu'il 
cite  dans  le  même  endroit,  qu'il  n'est  pas  véri- 
table qu'avant  le  concile  in  Trullo,  les  évoques 
n'étaient  pas  engagés  à  la  continence.  11  est 
bien  vrai  que  Léon  le  Sage  révoqua  cet  article 
des  novelles  de  Justinien,  mais  cela  ne  change 
pas  l'état  des  choses  avant  le  concile  in  Trullo. 

X.  C'est  encore  une  méprise  du  même  Bal- 
samon, quand,  sur  la  version  grecque  d'un 
canon  de  Cartilage,  qu'il  a  mal  entendue  la 
Can.  iv  Carthag.  ,  il  infère  contre  le  texte 
latin,  qui  est  l'original,  que  dans  l'Eglise  latine 
même  les  clercs  supérieurs  ne  s'abstenaient  de 
leurs  femmes  qu'en  certains  jours,  »>:».  toù;  î$«*k 
Spou?,  pour  se  purifier  et  se  préparer  au  sacrifice 
de  l'hostie  virginale. 

Les  termes  latins  :  secundum  propria  statut  a, 
montrent  évidemment  que  le  mot  grec  y/V--'-  se 
prend  dans  cet  endroit  pour  une  loi,  qui  pres- 
crit la  continence  pour  toujours,  et  non  pas 
pour  un  temps,  pendant  lequel  seulement  on 
soit  obligé  de  l'observer. 

11  ne  rencontre  pas  mieux  ailleurs,  quand  il 
dit  que  non-seulement  on  n'a  pas  gardé  dans 
les  autres  Eglises  un  autre  canon  de  Cartilage, 


qui  ordonne  aux  jeunes  clercs  qui  ont  atteint 
l'âge  de  puberté,  ou  de  se  marier,  ou  de  vouer 
la  continence  (In  Can.  xvi  Carthag.)  ;  mais 
qu'il  ne  croit  pas  qu'on  l'ait  observé  dans 
l'Afrique  même,  comme  étant  contraire  au  xi° 
canon  des  apùtres  ,  qui  laisse  aux  clercs  infé- 
rieurs l'usage  libre  de  leurs  femmes. 

Enfin,  Balsamon  ne  pouvait  pas  ignorer  que 
dans  l'Eglise  latine  il  était  ordinaire  que  les 
clercs  supérieurs  célébrassent  tous  les  jours  le 
divin  sacrifice,  et  il  confesse  lui-même  que 
dans  l'Eglise  grecque  même  plusieurs  sacri- 
fiaient  tous  les  jours  (InSupplem.  p.  1 1-22, 1124). 
Et  néanmoins  par  un  renversement  surpre- 
nant, au  lieu  de  conclure  la  nécessité  de  la 
continence  perpétuelle  de  l'obligation  perpé- 
tuelle de  servir  à  l'autel,  il  infère  au  contraire 
qu'ils  doivent  rarement  sacrifier,  et  seulement 
partout,  pour  favoriser  leur  incontinence. 

Zonare  avait  déjà  débité  toutes  ces  imagina- 
tions ridicules  avant  Balsamon  (  In  Can.  v 
ApostoL),  et  il  n'avait  pu,  non  plus  que  lui, 
reconnaître  combien  les  maximes  des  Grecs 
étaient  contraires  à  elles-mêmes,  quand  ils 
voulaient  qu'on  eût  pu  révoquer  la  longue  to- 
lérance des  évèques  mariés  et  qu'on  n'eût  pu 
user  de  la  même  autorité  à  l'égard  des  prêtres 
et  des  diacres,  en  leur  ôtant,  ou  plutôt  ne  leur 
ayant  jamais  accordé  l'usage  ancien  de  leurs 
femmes  (In  Can.  xu  Trull.]. 

Dans  le  droit  oriental  (Tom.  i,  p.  175,  176), 
on  lit  la  constitution  impériale  d'Isaac  l'Ange 
ou,  a  la  réquisition  des  patriarches  et  des  évè- 
ques, et  conformément  au  canon  xlviii,  du 
concile  in  Trullo,  il  ordonne  que  les  évèques 
soient  déposés,  si  celles  qu'ils  avaient  aupara- 
vant épousées,  ne  se  résolvent  d'entrer  dans 
un  monastère,  d'y  prendre  la  tonsure  et  l'habit 
de  la  religion  :  et  qu'à  l'avenir  ceux  qui  auront 
été  élus  pour  l'épiscopat,  ne  seront  point  con- 
sacrés si  leurs  femmes  n'entrent  auparavant 
et  ne  font  profession  dans  un  monastère. 

Jean,  évêque  de  Citre,  résout  la  difficulté 
d'un  prêtre  et  d'un  diacre  qui  se  font  religieux 
laissant  leurs  femmes  dans  le  monde,  et  après 
cela  sont  éle\és  à  la  prêtrise  ou  à  l'épiscopat, 
sans  que  leurs  femmes  entrent  en  religion.  Il 
ne  trouve  rien  de  surprenant  en  cela,  puisque 
le  canon  vin  de  Néocésarée  déclare  que  si  la 
femme  d'un  prêtre  se  souille  d'un  infâme 
adultère  ,  le  prêtre  en  est  quitte  en  se  séparant 
d'elle   Ibidem,  p.  324). 


15G  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE- CINQUIEME. 


CHAPITRE  SOIXANTE-CINQUIEME. 


DU    CELIBAT   DES   CLERCS   APRES   LAN    MIL. 


I.  On  opposa  d'abord  aux  désordres  de  l'incontinence  une 
loi  générale  du  célibat  pour  tous  les  clercs  sans  exception. 

II.  On  usa  ensuite  d'accommodement,  en  ne  comprenant  pas 
même  les  sous-diacres  dans  la  loi  du  célibat. 

III.  Enfin ,  on  reprit  l'ancien  tempérament  d'y  assujétir  les 
sous-diacres  et  les  clercs  supérieurs  seulement. 

IV.  Après  qu'où  eut  privé  les  prêtres  incontinents  ou  mariés, 
de  leurs  bénéfices,  la  même  sévérité  commença  aussi  à  s'étendre 
sur  les  clercs  inférieurs  mariés,  qu'on  déclara  incapables  de  bé- 
néfices. L'ordre  sacré  fut  aussi  déclaré  être  un  empêchement 
diriment  pour  le  mariage. 

V.  Rétablissement  du  célibat  en  Suède  et  en  Angleterre. 
Quelques  moines  anglais  blâmèrent  la  sévérité  de  l'Eglise, 
comme  si  la  continence  eût  été  propre  a  l'état  religieux  seu- 
lement. 

VI.  on  fait  voir  combien  elle  est  propre  et  nécessaire  au  sa- 
cerdoce. 

VII.  Et  qu'au  contraire,  plusieurs  ordres  militaires,  quoique 
religieux,  en  ont  été  dispensés. 

VIII.  Contre  ceux  qui  s'appuient  sur  l'exemple  des  Grecs. 

IX.  Précautions  nécessaires  pour  la  continence. 

I.  Comme  le  torrent  rie  l'incontinence  s'était 
débordé  sur  le  clergé  pendant  les  dixième  et 
onzième  siècles,  on  travailla  aussi  a  l'arrêter 
par  «les  décrets  très-rigoureux. 

Benoît  VIII  et  le  concile  de  Pavie,  tenu  sous 
lui  en  in-21),  tâchèrent  de  rengager  dans  les  lois 
du  célibat  les  clercs  même  inférieurs.  «  Si 
sacerdotes  legis  mosaicœ  ad  tempos  abstine- 
bant,  qui  ad  tempus  templo  serviebant  :  cur 
episcopis,  presbyteris,  diaconibus,  subdiaconi- 
bus,  et  omnibus  qui  sunt  in  elero,  jugiter  non 
est  abstinendum  quibus  juge  et  verum  est  sa- 
crificium.  » 

Ils  prétendirent  que  les  lettres  des  papes 
Léon  Ier  et  Innocent  ou  Sirice,  comprenaient 
jusqu'aux  moindres  clercs  dans  le  même  en- 
gagement.  Mais  leur  indignation  s'emporte 
principalement  contre  les  clercs  esclaves  de 
l'église,  qui  abusant  de  quelque  femme  libre, 
en  avaient  des  enfants  qui  étaient  libres,  parce 
que,  selon  la  maxime  alors  reçue,  la  condition 
des  enfants  suit  celle  de  la  mère  :  «  Filii  ma- 
trem  sequuntur,  »  et  héritant  des  biens  de 
leurs  pères,  ils  en  Drivaient  l'Eglise,  qui  per- 
dait par  ce  moyen  et  ses  esclaves  et  leurs  héri- 
tages. 

Ce  fut  ce  qui  alluma  le  zèle  de  ce  pape  et  de 


ce  concile,  qui  s'opposèrent  d'un  côté  à  cette 
maxime ,  trop  préjudiciable  aux  intérêts  de 
l'Eglise,  et  de  l'autre  firent  tous  leurs  efforts 
pour  étendre  la  loi  du  célibat  jusqu'aux  moin- 
dres clercs. 

Le  concile  de  Rourges,  en  1031  (Can.  v),  com- 
mande aux  prêtres,  aux  diacres  et  aux  sous- 
diacres  de  quitter  leurs  femmes  ou  leurs  con- 
cubines, à  moins  de  vouloir  être  dégradés,  et 
rabaissés  au  rang  des  lecteurs  et  des  chantres  ; 
et  il  étend  ensuite  la  même  défense  sur  tous 
les  moindres  clercs  :  «  Similiter  nulli  de  elero 
permittimus  deinceps  uxorem  neque  concubi- 
nam  liabere.  » 

Ces  deux  décrets  du  concile  de  Rourges  ont 
d'abord  quelque  apparence  de  contradiction  ; 
d'autant  que  si  ce  concile  renvoie  parmi  les 
lecteurs  les  clercs  majeurs  qui  veulent  garder 
leurs  femmes,  pourquoi  défend-il  après  aux 
lecteurs  d'avoir  ni  femme,  ni  concubine?  Mais 
on  trouve  la  conciliation  île  cette  contradiction 
apparente  dans  la  fin  de  ce  même  canon,  qui 
porte  que  les  clercs  inférieurs  qui  habitent 
avec  leurs  femmes  ne  doivent  point  approcher 
de  l'autel.  D'où  il  faut  conclure  que  le  com- 
merce conjugal  n'était  interdit  qu'aux  clercs 
inférieurs,  qui  approchaient  de  l'autel,  non  pas 
à  ceux  qui  demeuraient  dans  lechœur  avec  les 
chantres,  sans  entrer  dans  le  sanctuaire.  «  Su- 
pradicti  autem  in  choro  tantum  intrent  ad 
îegendum  et  cantandum,  ad  altaris  vero  mini- 
sterium  nullatenus  accédant.  » 

Le  concile  de  Toulouse,  en  1056  (Can.  vu), 
lia  à  la  continence  tous  les  clercs  même  au- 
dessous  du  sous-diaconat,  mais  ce  ne  fut  que 
pour  ne  se  rendre  pas  incapables  des  dignités  et 
des  bénéfices  de  l'Eglise.  «  Placuit  presbyteros, 
diaconos  et  reliquos  clericos,  qui  ecclesiaslicos 
tenuerint  honores,  abstinere  omnimodis  ab 
uxoribus,  vel  reliquis  mulieribus.  Quod  si  non 
fecerint,  honore  simul  et  ofticio  priventur,  et  a 
propriis  episcopis  excommunicentur,  » 

II.  Cette  sévérité  ne  l'ut  pas  de  durée.  Lecon- 


DU  CELIBAT  DES  CLERCS  APRÈS  L'AN  MIL. 


IR7 


cile  romain,  en  lue,:!  Can.  m),  no  comprit  pas 
même  lis  sous-diacres  dans  la  lui  du  célibat, 
mais  les  prêtres  et  les  diacres  seulement,  qui  a 
moins  de  cela  y  lurent  privés  des  fonctions  de 
l'autel  et  de  leur  bénéfice.  «  Quieumque  sacer- 
dos  vel  diaconus,  etc.  neque  partemabecclesia 
suscipiat.  » 

Le  concile  de  Coyac,  en  1030  (Can.  ai),  avait 
déjà  suivi  le  même  tempérament  ou  plutôt  le 
même  relâchement.  «  Presbyteri  et  diacones, 
qui  ministerio  funguntur  Ecclesiae  mulieres 
secum  in  domo  non  babeant,  nisi  matrem  , 
aut  sororem,  ant  amitam,  aut  novercam.  » 

Lan  franc ,  archevêque  de  Cantorbéry,  ne 
désapprouvait  pas  cette  conduite,  quand  il  con- 
seilla a  unévèque,  qui  par  une  inconsidération 
extrême  avait  donné  d'abord  le  diaconat  à  un 
laïque  marié  et  qui  ne  voulait  point  quitter  sa 
femme,  de  lui  ôter  le  diaconat,  de  lui  conférer 
ensuite  et  à  loisir  les  ordres  mineurs,  mais  de 
ne  lui  point  rendre  le  diaconat,  qu'il  ne  vouât 
la  continence.  «  Diaconalus  vero  ordinem  nun- 
quam  recipiat,  nisi  de  reliquo  se  caste  viclu- 
rum  canonicaattestationepermittat  Ep.xxi.)  » 

On  pourrait  croire  que  le  concile  romain, 
en  10"  1,  n'alla  pas  plus  loin,  puisque  l'histo- 
rien Lambert  en  renferme  le  décret  en  ces 
tenues  :  «  Presbyteri  uxores  aut  dimittant,  aut 
deponantur  ;  nec  quisquam  ad  sacerdotium 
admittatur,  qui  non  in  perpetuum  continen- 
tiani  vilamque  ca-libem  profltealur.  »  Le  sacer- 
doce n'appartient  proprement  qu'aux  évèques, 
aux  prêtres  et  aux  diacres. 

L'archevêque  de  Mayence  voulut  publier  ce 
décret  dans  le  concile  de  Mayence,  en  1075,  il 
puisa  lui  en  coûter  la  vie.  Le  concile  de  Win- 
chester, en  1076,  sous  Lanfranc,  n'imposa  le 
joug  de  la  continence  qu'aux  prêtres  et  aux 
diacres  :  «  Deinceps  caveant  episcopi,  ut  sacer- 
dotes,  vel  diaconos  non  prœsumant  ordinare, 
nisi  prius  profiteantur,  ut  uxores  non  ba- 
beant. » 

III.  Ces  deux  extrémités  n'ayant  pas  eu  le 
succès  qu'on  avait  espéré,  l'Eglise  reprit  le  juste 
tempérament  des  siècles  passés,  qui  fut  de  ne 
pousser  la  loi  du  célibat  que  jusqu'aux  sous- 
diacres.  Le  concile  de  Rouen,  en  1072  (Can. 
xxv),  celui  de  Lilebonne,  en  1080  (Can.  ni), 
celui  de  Melfi,  en  1080  Can.  xn),  sous  le  pape 
Urbain  IL  en  demeurèrent  là  :  «  Eos  qui  in 
subdiaconatu  uxoribus  vacare  voluerint,  ab 
omni  sacro  ordine  removemus,  officio  atque 
beneficio  Ecclesiœ  carere  decernimus.  » 


Ce  fut  le  même  décret  du  concile  de  Cler- 
innnt.  en  1095  Can.  ix).  Le  concile  de  Reims, 
i  n  11  is  Can.  ni  .  dil  de  même  :  «  Oui  in  or- 
dine subdiaconatus  et  supra  uxores  duxerint, 
aut  concubinas  habuerint,  officio  atque  eccle- 
siastico  beneficio  careant.  » 

IV.  II  y  a  deux  remarques  importantes  a  faire 
sur  ces  derniers  canons.  La  première  est  que 
ce  fut  là  le  commencement  de  la  police  qui 
s'établit  ensuite,  de  ne  plus  laisser  posséder  de 
bénéfice  aux  clercs  mariés.  Comme  on  priva 
même  les  clercs  majeurs  des  ministères  sacrés, 
et  enfin  de  leur  bénéfice,  s'ils  ne  s'abstenaient 
du  commerce  conjugal,  on  s'engagea  aussi  à 
ne  plus  laisser  posséder  de  bénéfice  aux  clercs 
inférieurs  qui  étaient  mariés. 

La  seconde  est  que  les  conciles  précédents 
s'étaient  contentés  de  priver  des  fonctions  sa- 
cerdotales, et  de  leurs  bénéfices  les  clercs  ma- 
jeurs qui  avaient  épousé  des  femmes,  et  ne 
voulaient  pas  les  quitter;  d'où  il  résulte  que 
l'ordre  sacré  n'était  pas  regardé  comme  un  em- 
pêchement diriment  pour  le  mariage. 

Le  concile  de  Reims,  en  1148  Can.  vu),  où 
le  pape  Eugène  III  présidait,  commença  à  dé- 
clarer que  ce  serait  à  l'avenir  un  empêchement 
diriment  ;  et  qu'on  séparerait  les  clercs  ma- 
jeurs, aussi  bien  que  les  chanoines  réguliers  et 
les  moines,  des  femmes  qu'ils  auraient  prises. 

«  Quia  continentia  et  Deo  placens  munditia 
in  ecclesiasticis  personis  et  sanctis  ordinibus 
dilatanda  est ,  sanctorum  Patrum  et  prœde- 
cessoris  nostri  papœ  Innocentii  vestigiis  inhé- 
rentes statuimus,  quatenus  episcopi,  presby- 
teri, subdiaconi,  regulares  canonici,  moiiachi, 
atque  conversi  professi,  qui  sacrum  transgre- 
dientes  proposition,  uxores  sibi  copulare  prœ- 
sumpserint.  separentur.  Hujusmodi  namque 
eopulalionem,  quam  contra  ecclesiasticam  ra- 
tionem  constat  essecontractam,  matrimonium 
non  esse  censemus.  Id  ipsum  de  sanctimonia- 
libus  pnecipimus.  » 

Si  l'on  compare  ce  canon  aux  précédents,  on 
sera  persuadé  qu'il  est  difficile  de  trouver  des 
preuves  plus  anciennes  de  cet  empêchement 
diriment.  Et  c'est  pour  cela  que  ce  concile,  qui 
était  comme  universel,  proteste  tellement  de 
vouloir  suivre  les  statuts  des  papes  précédents, 
qu'il  ne  cache  pas  le  soin  qu'il  a  d'enchérir 
par-dessus  pour  mieux  affermir  la  loi  de  la 
continence  cléricale  :  «  Continentia  in  sanctis 
ordinibus  dilatanda  est.  » 

C'est  pour  cela  qu'on  y  joint  les  clercs  ma- 


1 58 


M    SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-CINQUIÈME. 


jeurs  avec  les  moines ,  les  moniales ,  et  les 
chanoines  réguliers,  afin  que  l'ordination  de 
ceux-là,  aussi  bien  que  la  profession  de  ceux-ci 
suit  désormais  incompatible  avec  le  mariage, 
puisque  la  profession  de  la  continence  leur  est 
commune  :  «  Sacrum  transgrediuntur  propo- 
situm.  » 

Si  les  canons  cités  avant  celui-ci  traitaient 
indifféremment  les  clercs  sacrés ,  qui  avaient 
pris  des  femmes,  ou  des  concubines,  comme  il 
paraît  par  leur  texte:  c'est  peut-être  qu'on  sou- 
haitail  déjà,  mais  qu'on  n'osait  encore  mettre 
l'ordre  sacré,  entre  les  causes  qui  rendent  nul 
le  mariage  subséquent. 

Le  concile  d'Avranches,  en  1172,  défend  de 
séparer  les  clercs  mineurs  qui  sont  mariés  ; 
mais  il  les  prive  de  tous  bénéfices.  Il  ne  traite 
pas  de  même  les  clercs  supérieurs  :  «  Qui  au- 
tem  a  subdiaconatu  ,  vel  supra  ad  matrimonia 
convolaverint ,  mulieres  etiam  invitas  et  remit- 
tentes  relinquant.  » 

Ces  mêmes  termes  furent  répétés  dans  le 
concile  de  Latran  sous  Alexandre  III,  en  4179, 
et  on  y  ajouta  ce  qui  suit:  «  Nec  hujusmodi 
conjunctio  matrimonium,  sed  contubernium 
est  potius  nuncupandum  (Can.  i  Append. 
Conc.  Later.,Tit.  De  Clericis  matr.  Copul., 
c.  iv).» 

C'est  principalement  dans  ce  concile  de  La- 
tran où  il  paraît  que  les  clercs  mineurs  possé- 
daient des  bénéfices,  qu'on  leur  fit  perdre, 
s'ils  se  mariaient.  Voici  ce  que  ce  pape  Alexan- 
dre III  écrivit  à  l'évêque  de  Londres  :  «  Acce- 
pimus  quod  plerique  in  tuo  episcopatu  degen- 
tes,  cum  essent  in  acolythatus  officio  et  infra 
constituli,  uxores  duxerunt,  et  nibilominus 
Ecclesias,  quas  prius  babebant,  detinere  pré- 
sumant. Unde  quoniam,  etc.  (Ibid.,  c.  in,  5  .  » 

Il  fallut  user  de  condescendance  dans  l'evè- 
ché  d'Héréford  en  Angleterre,  y  souffrir  ce 
que  les  papes  précédents  avaient  souffert ,  en 
laissant  jouir  ces  petits  clercs  maries  de  leurs 
bénéfices,  parce  qu'on  ne  pouvait  les  en  dé- 
pouiller sans  effusion  de  sang  ;  mais  on  s'ef- 
força de  prévenir  ce  désordre  à  l'avenir. 

«  Sane  de  clericis  inferiorum  ordinum  ,  qui 
in  conjugio  constituti ,  diu  ecclesiastica  béné- 
ficia exconcessione  prsedecessorum  nostrorum 
habuere  ,  a  quibus  sine  magno  discrimine ,  ac 
effusione  sanguinis  non  possunt  privari  :  id 
duximus  respondendum,  ut  quia  ibi  barbarica 
gens  et  multitudo  est  in  causa  ,  eos  sub  dissi- 
mulatione   sustineas  ,   ecclesiastica    bénéficia 


tandiu  habita  possidere ,  provisurus  attentius , 
ne  deinceps  clericis  conjugatis  ecclesiastica 
bénéficia  conferantur.  » 

V.  Reprenons  le  fil  de  notre  discours,  pour 
remarquer  que  l'incontinence  avait  passé  si 
avant  dans  la  Suéde,  que  les  prêtres  et  les  curés 
publiaient  hautement  qu'ils  ne  s'étaient  mariés 
qu'après  en  avoir  eu  permission  du  Saint- 
Siège. 

L'archevêque  en  consulta  Innocent  III ,  qui 
lui  répondit  qu'il  ne  pouvait  rien  résoudre  sur 
ce  point,  s'il  ne  voyait  le  privilège.  «  Postu- 
lasti  utrum  sacerdotes  Suetise  in  publicis  de- 
beas  tolerare  conjugiis,  qui  super  hoc  se  asse- 
runt  cujusdam  summi  pontificis  privilegio 
communitos ,  etc.  De  presbyteris  Suetiae  cer- 
tum  non  possumus  dare  responsum,  nisi  vide- 
rimus  privilegium  quod  praetendunt  (Reg.  xvi, 
epist.  1 18).  » 

Il  faut  bien  que  ce  privilège  ait  été  chimé- 
rique, puisque  l'an  P248  le  concile  de  Schening 
en  Suéde  obligea  tous  ces  curés  à  quitter  leurs 
femmes.  Voici  ce  qu'en  dit  Jean  Magnus  arche- 
vêque d'Upsal  :  «  Prima  intenlio  et  cura  car- 
dinalis  Sabinensis  in  hoc  concilio  erat,  revo- 
care  Suecos  et  Gothos  a  schisnnte  Graecorum, 
in  quo  presbyteri  et  sacerdotes  ductis  publiée 
uxoribus  consensisse  videbantur.  » 

On  voit  par  là  qu'il  a  fallu  près  de  deux  cents 
ans  pour  rétablir  la  pureté  dans  l'état  ecclé- 
siastique et  en  bannir  ces  mariages  scanda- 
leux. 

Dans  l'Angleterre,  le  concile  de  Vinchester, 
en  107G  (Conc.  AngL,  tom.  u,  p.  1,  13,  35),  sous 
l'archevêque  Lan  franc,  laissa  les  prêtres  mariés 
avec  leurs  femmes,  et  défendit  seulement  qu'à 
l'avenir  les  curés  ne  tombassent  plus  dans  ces 
impuretés.  Saint  Anselme  remédia  à  ce  mal 
par  des  décrets  contraires,  qu'il  fit  faire  dans 
des  conciles;  mais  ses  bons  desseins  furent 
sans  effet,  parce  que  le  roi  ne  les  appuya  pas. 
«  Nihil  li;ee  omnia  valuere  décréta;  omnes, 
pace  régis,  uti  antea,  suis  gaudent  uxoribus.  » 

Il  est  étrange,  et  néanmoins  il  est  très-véri- 
table que  plusieurs  moines,  par  une  indiscré- 
tion inexcusable,  prirent  le  parti  de  ces  prêtres 
incontinents  et  blâmèrent  la  rigueur  de  Gré- 
goire VII,  qui  les  dégrada  et  défendit  aux  laï- 
ques d'entendre  leurs  messes.  «  Uxoratos  sacer- 
dotes  a  divino  removit  officio,  et  laicis  eorum 
missas  audire  interdixit,  novo  exemplo,  et  ut 
multis  visum  est,  inconsiderato  judicio.  » 

Voilà  comme  en  parle  Matthieu  Paris,  moine 


DU  CÉLIBAT  DES  CLERCS  APRÈS  L'AN  MIL. 


159 


de  Saint-Albans  (Anno  1074  .  11  ne  traite  pas 
avec  plus  de  respect  saint  Anselme  et  le  concile 

où  il  lit  le  même  décret  :  «  Hoc  boimm  qui- 
busdam  visum  est,  etquibusdam  periculosum; 
ne  dum  mnnditias  viribus  majores  expeterent, 

in  immunditias  laberentur  détériores  (An. 
■1102).  » 

Henri  de  Huntindon  parle  en  mêmes  termes 
de  ce  décret  de  saint  Anselme.  Thomas  de  Val- 
singham  ne  s'est  pas  contenté  de  copier  les  pa- 
roles injurieuses  de  son  confrère  Matthieu  Paris 
contre  Grégoire  VII;  mais  il  les  a  soutenues 
d'un  long  raisonnement,  où  il  tâche  mal  à 
propos  d'exagérer  les  désordres  où  la  sévérité 
de  ce  décret  jeta  toute  l'Eglise.  «Ex  qua  re  tam 
grave  oritur  scandalum,  ut  nullius  lueresis 
tempore  sancta  Ecclesia  graviori  schismate 
discissa  sit,  etc.  (In  bypod.  Neustriœ,  an. 
1074).  »  Matthieu,  moine  de  Westminster,  a  ré- 
pété les  mêmes  termes  de  Matthieu  Paris  contre 
le  concile  de  Grégoire  VII  (An.  107  ï . 

VI.  Roger,  historien  d'Angleterre,  jugea 
avec  plus  de  modestie  et  plus  de  sagesse  que 
ce  pape  n'avait  fait  que  remettre  en  vigueur 
les  ordonnances  de  saint  Pierre  même,  de  Clé- 
ment et  des  anciens  Pères,  en  interdisant  le 
mariage  à  tous  les  clercs,  principalement  à 
ceux  qui  sont  dans  les  ordres  sacrés.  «  Ex  de- 
creto  sancti  Pétri  apostoli,  et  sancti  démentis, 
aliorumque  sanctorum  Patrum,  interdixit  cle- 
ricis,  maxime  divine-  mysterio  consecratis, 
uxores  habere  (An.  1071).  » 

Ce  judicieux  historien  n'avait  garde  de  pré- 
férer le  jugement  précipité  de  quelques  reli- 
gieux à  la  décision  de  tant  de  conciles,  qui 
furent  alors  assemblés,  et  au  sentiment  de  tant 
de  papes,  de  tant  de  saints  et  savants  évèques. 

Un  de  ces  évèques,  Othon  deFreisingen,  prit 
occasion,  de  ce  décret  de  Grégoire  VII,  de  re- 
lever la  gloire  de  ce  pape  (Otto  Frisin.  Chron., 
1.  vi.  c.  34).  Voici  l'éloge  qu'il  lui  donne  à  ce 
sujet  :  «  Clericorum  a  subdiaconatu  et  supra 
connubia  in  toto  orbe  Romano  cohibuit.  for- 
naaque  gregis  factus,  quod  docuit  exemplo  de- 
monstravit,  ac  fortis  peromnia  athleta  murum 
se  pro  domo  Domini  ponere  non  timuit.  » 

Ces  religieux  indiscrets  se  flattaient  vaine- 
ment, comme  si  la  pureté  et  la  continence  eût 
été  bien  plus  essentielle  à  leur  état  qu'a  celui 
du  sacerdue.  Mais  Pierre  de  Damien,  quoique 
moine,  n'était  pas  de  cet  avis  quand  il  réfutait 
avec  tant  de  chaleur  et  tant  de  justice  l'opinion 
licencieuse  de  ceux  qui  voulaient  qu'on  usât 


de  dispensation  dans  cette  rencontre.  Il  fit  bien 
voir  que  si  le  Fils  de  Dieu,  aux  jours  de  son 
enfance  et  de  sa  chair  morteUe,  n'a  voulu  être 
touché  que  des  mains  virginales  de  sa  divine 
Mère  et  de  saint  Joseph,  étant  maintenant  dans 
le  trône  de  ses  grandeurs  et  de  sa  gloire,  il  ne 
doit  pas  être  approché  par  des  mains  impures. 
«  Si  Redemplor  noster  tantopere  dilexit  tloridi 
pudoris  integritatem,  ut  non  modo  de  virgineo 
utero  nascerelur.  sed  etiam  a  nutritio  virgine 
tractaretur,  et  hoc  cum  adhuc  parvulus  vagiret 
in  cunis,  a  quibus  nunc  obsecro  tractari  vult 
corpus  suum,  cum  jam  immensus  régnât  in 
cœlis  (L.  ï,  ep.  G).  » 

La  chasteté  des  prêtres  est  donc  de  la  même 
nature,  et  en  quelque  façon  de  la  même  néces- 
sité et  de  la  même  dignité  que  celle  de  la  Mère 
du  Fils  de  Dieu.  «  Nam  quia  Dominicum  cor- 
pus in  virginalis  uteri  templo  coaluit,  nunc 
etiam  a  ministris  suis  continentis  pudicitiae 
munditiam  quaerit  (L.  h,  ep.  10).  »  Ainsi,  ce 
religieux  et  savant  prélat  ne  doute  nullement 
que,  comme  la  dignité  des  prêtres  est  fort  éle- 
vée au-dessus  de  celle  des  moines,  leur  conti- 
nence ne  soit  aussi  plus  éclatante  et  leur  incon- 
tinence plus  criminelle.  «  Xempe  quanto  major 
estpresbytermonachoindignitatisecclesiastieae 
privilégie  tanto  deterior  est  in  peccato  (L.  îv, 
ep.  3).  » 

Quant  aux  clercs  qui  se  laissaient  dépouiller 
de  leur  office  et  de  leurs  fonctions  pour  se 
plonger  avec  plus  de  liberté  dans  les  plaisirs 
sensuels  ,  Pierre  Damien  les  assure  dans  la 
même  lettre  que,  leur  ordre  étant  ineffaçable, 
ils  se  flattent  en  vain  de  l'impunité  de  leur 
crime,  puisque  ce  crime  est  déjà  une  peine  qui 
en  attirera  un  jour  d'autres. 

Il  parait,  de  là,  que  si  on  eût  osé  on  eût  dès 
lors  mis  l'ordre  sacre  entre  les  empêchements 
qui  rompent  le  mariage.  «  Cassa  se  ac  f  ri  vola 
pollicitatione  decipiunt,  si  non  exequentes  of'fi- 
cium,  officio  se  exutos  esse  confidunt.  Licet 
enim  ab  execuiione  cesset  ordo  cujuslibet,  vel 
officium,  in  ordinafo  tamen  nihilominus  per- 
manef  ordinis  sacramentum.  » 

Le  savant  Pétrus  Aurélius  a  admirablement 
traité  cette  matière,  faisant  voir  que  la  chasteté 
des  moines  est  une  image  et  une  imitation  de 
celle  des  prophètes,  de  saint  Jean,  et  tout  au 
plus  des  anges;  au  lieu  que  celle  des  prêtres 
est  une  copie  et  un  écoulement  de  celle  de  l'E- 
glise, de  la  Sainte  Vierge,  de  J.-C.  et  du  Père 
éternel.  Car  c'est  avec  le  Père  éternel,  la  Sainte 


Ifil) 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-CINQUIÈME. 


Vierge  et  l'Eglise  que  les  prêtres,  par  un  en- 
fantement virginal  et  divin,  produisent  J.-C.  et 
ses  membres. 

a  Regularis  castitas  formam  habet,  vel  in 
prophetis  quibusdam  antiquis,  vel  in  Baptista 
prophetis  majore,  vel  denique  in  angelis, 
Joanne  prophetis  majore  majoribus,  Cbristo 
judice.  Episeopalis  castitas,  idemque  de  sacer- 
dotal! judicium  est  formam  habet  in  Ecclesia, 
majore  angelis,  in  virgine  Deipara  majore  Ec- 
clesia, in  Christo  majore  "virgine,  in  Deo  ma- 
jore Cbristo,  Caput  enim  Cbristi  Deus.  Sicut 
Deus  ita  simul  virgo  est,  ut  generet  Filium 
sine  detrimento  virginitatis  et  castitatis;  sicut 
Maria  eumdem  Filium  virgo  et  mater  genuit; 
sicut  Cbristus  intemerata  fœcunditate  videt  sibi 
semen  longœvum;  sicut  Ecclesia  virgo  casta 
est,  desponsa  Cbristo,  et  intacta  virginitate 
sanctam  quotidie  sobolem  Deo  parit,  et  toto 
diffundit  orbe;  sic  episcopi,  sic  sacerdotes  casti 
et  virgines  sunt,  fœcunda  et  uberi  castitate; 
(piiaEcclesiae  foeeunditatem,  qua  filios  procréât, 
ipsi  habent  et  sustinent,  et  cum  fœcunditate 
castitatem  (Petrus  Aurel.,  tom.  il,  p.  311,  312, 
313,  314).  » 

Ainsi,  les  religieux  doivent  céder  à  la  chas- 
teté du  sacerdoce,  comme  étant  d'un  rang  et 
d'un  ordre  supérieur,  et  comme  étant  seule 
formée  sur  ces  divins  originaux.  «  Cedere  de- 
bent  castitati  sacerdotali,  ut  altiori,  prœstan- 
tiiui,  diviniori,  et  summis  castitatis  exempla- 
ribus  similiori ,  et  tanto  aliam  quamlibet 
castitatem  castitate,  quanto  fœcunditate  vin- 
centi.  Solis  enim  episcopis  et  sacerdotibus  da- 
tnm  est,  ut  quemailmodum  sola  Deipara  inter 
mulieres  virgo  et  mater  est,  ita  ipsi  inter  viros 
soli  sint  virgines  et  patres,  neque  tantoc  casti- 
tatis et  virginitatis  imaginem,  nisi  in  solo 
Cbristo  eta'terno  Pâtre  habeant,  non  in  angelis, 
non  in  quibuscumque  creatis  rébus.  » 

Il  s'ensuit  de  là,  au  jugement  de  cet  auteur, 
que  la  bigamie  est  une  irrégularité  et  un  ob- 
stacle, non  pas  pour  le  monachisme,  mais  pour 
les  ordres,  et  une  irrégularité  très-rigoureuse- 
ment observée.  Après  cela  on  s'étonnera  moins 
si  Major  a  cru  que  le  vœu  de  la  continence 
sacerdotale  est  d'institution  divine  ,  et  d'une 
obligation  indispensable  ;  ce  qu'il  ne  croit  pas 
de  la  chasteté  monastique. 

VII.  On  ne  peut  au  moins  douter  que  plu- 
sieurs ordres  de  chevaliers  n'aient  été  des 
ordres  véritablement  monastiques,  et  néan- 
moins exemptés  de  la  loi  du  célibat,  et  aban- 


donnés à  la  liberté  d'un  honnête  mariage. 
Innocent  III  confirma  le  décret  de  son  prédé- 
cesseur Alexandre,  qui  avait  approuvé  et  con- 
firmé l'ordre  des  chevaliers  de  Saint-Jacques 
en  Espagne,  avec  la  liberté  de  se  marier  (Reg., 
xn ,  epist.  xi  ;  Rainald.,  an.  1210,  n.  G.  7  ;  an. 
1223,  n.  54;  Idem  Append.,  tom.  xv,  an.  126); 
Spondan.,  an.  1233,  n.  8;  Rainald.,  Idem,  an. 
1441,  n.  10). 

Ce  pape  déclare  à  ces  chevaliers,  que  bien 
que  quelques-uns  d'entre  eux  gardent  la  con- 
tinence, les  autres  ne  la  gardent  point; ils  sont 
néanmoins  tous  également  obligés  par  la  pro- 
fession religieuse  a  l'obéissance,  à  la  désappro- 
priation  ,  a  la  pénitence,  a  ne  rentrer  jamais 
dans  le  monde,  enfin  a  imiter  les  premiers 
chrétiens  qui  portaient  tous  leurs  biens  aux 
pieds  des  apôtres  ,  sans  avoir  rien  en  propre. 

Honoré  III  confirma  le  même  décret,  leur 
prescrivant  ou  la  chasteté  conjugale,  ou  la 
continence  volontaire.  Jacques  de  Vitry  (Hist. 
Occid.,  c.  xxvi)  donnedes  éloges  aux  chevaliers 
de  l'Epée  en  Espagne  ,  comme  à  des  religieux 
dévoués  à  un  double  martyre  par  la  défense  de 
la  foi ,  et  par  les  austérités  de  la  vie  régulière  : 
«  Geminam  holocausti  hostiam  ad  perfectionis 
cumulum  Domino  offerentes  ,  dum  spiritali 
martyrio  seipsos  abnegantes  sub  unius  majoris 
obedientia  regulariter  vivunt ,  et  nibilominus 
corporale  martyrium  pro  Cbristo  semper  reci- 
pere  parati  sunt.  » 

Leur  règle  était  celle  de  saint  Augustin  ,  ils 
se  levaient  à  minuit  pour  matines,  ils  enten- 
daient tout  l'office  canonial  :  «  Regulam  sancli 
Augustini  in  omnibus  pêne  observant,  in  com- 
muni  viventes  ,  proprium  non  habentes,  etc. 
Ad  matutinas  nocte  consurgunt,  divinum  offi- 
cium  et  omnes  borascanonicas  singulis  diebus 
audiunt.  » 

Après  cela  ce  cardinal  dit  que  le  mariage 
leur  était  libre,  et  que  s'ils  avaient  des  fils  ,  il 
était  en  leur  liberté,  lorsqu'ils  avaient  atteint 
l'âge  de  puberté  ,  ou  de  demeurer  dans  l'ordre 
avec  leur  père ,  par  l'engagement  d'un  vœu 
irrévocable,  ou  de  rentrer  dans  le  siècle  :«Post- 
quam  eorum  filii  ad  annos  discretionis  perve- 
nerint,  si  consenserint  iu  online  cum  pareil- 
tibus  remanere,  ex  tune  voto  obligati  non 
possunt  recédera.  Si  autem  discedere  malue- 
rint,  liberam  habent  egrediendi ,  et  in  sœeulo 
commorandi  potestatem.  » 

Comme  ces  ordres  et  ces  places  de  chevaliers 
ont  aussi  rang  parmi  les  bénéfices  ,  aussi  bien 


DU  CÉLIBAT  DES  CLERCS  APRÈS  LAN  MIL. 


ici 


que  fesabbayes,  cette  petite  digression,  qui  nous 
a  fait  connaître  que  leurs  fonctions  saintes 
n'étaient  point  incompatibles  avec  le  mariage, 
n'aura  pas  été  inutile. 

Urbain  IV.  en  1-201  ,  confirma  un  ordre  tout 
semblable  dans  l'Italie,  appelé  des  chevaliers 
de  la  Vierge  Marie,  auxquels  les  Italiens  don- 
nèrent le  nom  deFratres  gaudentes:  ils  étaient 
obligés  à  la  règle  de  saint  Augustin. 

Eugène  IV  permit  aux  chevaliers  de  Cala- 
trava.  en  Espagne,  de  l'ordre  de  Cîteaux,  de  pou- 
voir se  marier  à  l'avenir,  c'est-à-dire  qu'à  l'ave- 
nir la  profession  de  cet  ordre  ne  contiendrait 
point  le  voeu  de  chasteté  :  «  Ut  illius  ordinis 
professio  noncontineretcastitatem.  »  Ce  que  ce 
pape  accorda  facilement,  parce  qu'il  savait  que 
ces  chevaliers  n'avaient  point  de  part  aux  or- 
dres ecclésiastiques  :  «  Omnes  laicos,  nulli 
ordini  ecclesiastico  astrictos  audiebamus.  » 

Il  résulte  de  là  que  le  mariage  était  dans  la 
pensée  de  ce  pape  bien  plus  incompatible  avec 
les  ordres  sacrés  qu'avec  la  profession  monas- 
tique de  ces  chevaliers. 

Alexandre  VI ,  à  la  demande  du  roi  Emma- 
nuel de  Portugal ,  donna  la  même  licence  aux 
chevaliers  des  ordres  de  Christ  et  d'Avis  de 
l'ordre  de  Cîteaux,  Cisterciensis  ordinis  .  ni  le 
pape,  ni  le  roi  n'espérant  pas  de  pouvoir  autre- 
ment remédier  à  la  vie  licencieuse  et  impure 
de  ces  chevaliers,  qu'en  changeant  leur  vœu  de 
célibat,  en  la  profession  de  chasteté  conjugale , 
comme  parle  le  pape  (Rainald.,  an.  I  199,  n.  31, 
32,  33).  Ainsi  ces  chevaliers  sont  toujours 
religieux  et  font  les  trois  vœux  ordinaires,  avec 
ce  seul  changement,  que  le  vœu  de  chasteté 
conjugale  a  succédé  au  vœu  de  célibat. 

On  peut  voir  dans  les  Annales  de  Cîteaux  la 
vérité  de  ce  que  les  papes  ont  avancé  dans  leurs 
bulles,  que  ces  ordres  de  chevalerie  étaient 
véritablement  de  l'ordre  de  Cîteaux,  comme  des 
religieux  convers  'Annal.  Cisterc,  tom.  n,  pag. 
100,  450,  401,  tom.  m,  pag.  186,  188  . 

Je  sais  qu'Ozorius  et  Mariana  n'ont  pas  ap- 
prouvé ce  relâchement  de  la  continence  reli- 
gieuse dans  ces  ordres  militaires,  et  qu'ils  ont 
protesté  que  le  mariage  qui  semblait  en  devoir 
seulement  bannir  l'impureté,  y  avait  fait  en- 
trer un  torrent  d'autres  dérèglements,  et  avait 
enfin  attiré  la  décadence  de  toute  la  valeur  et 
delà  discipline  ancienne  (Mariana.  1.  v26, c.  13). 
Mais  cela  n'est  pas  de  notre  sujet,  il  nous  suffit 
que  ce  soit  une  preuve  convaincante,  que  le 
vœu  du  célibat  n'est  point  de  l'essence  de  la 


-<ion  religieuse  en  général,  en  tant  qu'elle 
embrasse  aussi  les  ordres  militaires. 

C'est  aussi  ce  qu'en  a  conclu  le  savant  Covar- 
ruvias  :  «  Esse  tria  vota  de  substantia  perfectae 
religionis  constat;  posse  autem  contingere  Ii- 
mitata.  patet,  utvotum paupertatis  intelligatur 
in  particnlari,  non  in  communi.  Item  votum 
continentiœ  quandoque  intelligatur  in  castitate 
conjugali.  ut  in  militibus  sancti  Jacobi,  qui 
profitentur  castitatem  conjugalem  ;  et  nihilo- 
minus  religiosi  sunt ,  et  tria  vota  substantialia 
profitentur,  etc.  (De  condition.  Matrim.,  part. 
ii.  c.  3,  ■  >.  I  .  » 

Au  reste  si  nous  n'avons  point  fait  de  men- 
tion des  ordres  de  chevalerie  en  France,  qui 
soient  tombés  dans  le  même  relâchement,  c'est 
parce  que  les  chevaliers  de  Malte  s'y  sont  tou- 
jours maintenus  dans  la  primitive  profession 
du  célibat,  et  ce  furent  les  seuls  qui  y  parurent 
avec  éclat  depuis  tant  de  siècles. 

Nous  pourrions  mettre  au  rang  des  précé- 
dents l'ordre  militaire  de  Notre-Dame  du  Mont- 
Carmel  Histoire  des  Carmes  Déchaussés  de 
France.  Préface),  uni  avec  l'ancien  ordre  de 
Saint-Lazare,  par  l'autorité  d'Henri  IV  et  du 
pape,  qui  défendit  au  grand-maître  et  aux 
chevaliers  de  se  marier  pour  la  troisième  fois, 
et  plus  d'une  fois  à  une  veuve,  leur  ordonnant 
de  vouer  en  leur  profession  l'obéissance  et  la 
chasteté  conjugale  (C.  Ut  Clericorum.  De  vita 
et  lion.  Cleric). 

VIII.  Si  les  prêtres  incontinents  de  la  Suède, 
dont  il  a  été  parlé  ci-dessus,  autorisaient  leur 
infâme  mollesse  par  l'exemple  des  prêtres  grecs, 
dont  l'Eglise  romaine  souffrait  le  mariage , 
comme  il  parait  par  les  décrétâtes  d'Innocent 
III  C.  Cum  olim.  De  Clericis  conjugat.),  et  de 
Clément  III  C.  Quaesitum.  De  pœnit.  et  remis.)  ; 
et  si  leurs  défenseurs  fondaient  sur  ce  prétexte 
apparent  la  censure  téméraire  qu'ils  faisaient 
de  toute  l'Eglise,  il  n'était  pas  difficile  de  les 
convaincre  d'autant  d'ignorance  que  d'injus- 
tice. 

1°  Parmi  les  Crées  ceux  qui  sont  une  fois  en- 
gagés  dans  les  ordres  sacrés,  ne  peuvent  plus 
se  marier  après  leur  ordination  [De  sacris  Or- 
din.,  c.  m).  Témoin  Siméon  de  Thessalonique, 
a  Lectoribus  et  psaltis  licet  post  susceptum 
sigillum  divinum  legitimo  matrimonio  jungi, 
subdiaconis  autem  non  amplius.  »  Ceux  dont 
nous  parlons  ne  se  prescrivaient  pas  ces  li- 
mites. 

2°  Je  ne  sais  même  s'ils  eussent  obéi  à  la  loi 


Tu. 


Tome  II. 


M 


102 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SIXIÈME. 


de  la  bigamie,  dont  les  Grecs  sont  très-reli- 
gieux observateurs,  ne  permettant  jamais  aux 
clercs  d'épouser  de  secondes  femmes. 

3°  De  plus  les  Grecs  maintiennent  absolument 
la  continence  des  évèques  dans  son  entier,  et 
ne  souffrent  pas  qu'on  y  donne  la  moindre 
atteinte.  Ce  qui  me  donne  lieu  de  croire  que 
la  loi  de  la  continence  des  ecclésiastiques 
n'était  que  pour  le  clergé  supérieur;  surtout 
lorsque  je  me  rappelle  ce  que  j'ai  dit  ci-dessus 
que  les  évéques  et  les  prêtres  n'étaient  pas  dans 
leur  première  origine  fort  distingués  les  uns 
des  autres,  ce  que  néanmoins  il  eût  été  facile, 
et  même  à  propos  de  faire.  Mais  les  prêtres  de 
la  Suède,  aux  faux  raisonnements  de  qui  nous 
répondons,  ne  sont  pas  moins  opposés  à  la 
continence  des  évèques  qu'à  celle  des  prêtres. 
Ainsi  c'est  en  vain  qu'ils  prétendent  autoriser 
leur  incontinence  par  l'exemple  des  Grecs, 
puisque  les  Grecs  ne  souffrent  pas,  comme 
nous  avons  dit,  qu'on  donne  la  moindre  at- 
teinte à  la  continence  des  évèques. 

•1°  Quelle  apparence  y  a-t-il  qu'un  désordre 
naissant  se  veuille  autoriser  de  l'exemple  d'une 
tolérance  prescrite  depuis  tant  de  siècles?  N'est- 
ce  pas  la  règle  invariable  de  toute  la  morale,  et 
de  toute  la  discipline  ecclésiastique,  qu'il  faut 
s'opposer  avec  toute  la  vigueur  et  la  fermeté 
possible  aux  dérèglements  nouveaux,  et  qu'il 
faut  par  une  sage  et  charitable  indulgence, 
tolérer  ceux  qu'une  longue  coutume  et  une 
prescription  immémoriale  a  comme  naturali- 
sés, et  rendus  tolérables? 

Comme  il  est  impossible  qu'une  longue  suite 
de  siècles  n'introduise  quelques  désordres,  il 
n'est  rien  ni  de  plus  injuste  ni  de  plus  perni- 


cieux, que  de  prétendre  que  ce  soit  là  une  rai- 
son légitime  pour  autoriser  toutes  sortes  de 
nouveaux  relâchements. 

IX.  Si  ce  chapitre  n'était  déjà  trop  long, 
j'ajouterais  les  sages  précautions,  dont  les  dé- 
crétâtes ont  muni  la  chasteté  des  ecclésiastiques, 
en  ne  leur  permettant  presque  pas  de  demeu- 
rer dans  une  même  maison  avec  leurs  parentes, 
quoiqu'elles  soient  si  proches  que  le  concile  de 
Nicee  les  avait  jugées  hors  de  soupçon  (Extra 
de  cohabitatione  Cleric.  et  mul.,  c.  î,  ix).  A 
quoi  j'ajouterais  les  défenses  du  premier  con- 
cile provincial  de  Milan  sous  saint  Charles 
(Acta  Ecclesiae  Mediolanensis ,  pag.  19,  449, 
430,  -493),  de  laisser  habiter  dans  les  mai- 
sons ecclésiastiques  des  clercs  majeurs,  même 
leurs  plus  proches  parentes  ,  ou  d'habiter 
eux-mêmes  dans   les  maisons    des    laïques. 

Enfin  j'ajouterai  les  défenses  du  concile  de 
Tours  eu  1383  [Conc.  Tur.,  c.  xiv),  et  de  celui 
de  Rourges  en  1584  (Cône.  Ritur.,  tit.  de  Cano- 
nicis,  c.  vin)  de  louer  aux  laïques,  et  surtout  à 
des  femmes,  les  maisons  propres  et  affectées 
aux  ecclésiastiques.  On  trouvera  dans  les  mé- 
moires du  clergé  des  arrêts  du  parlement  pour 
cela.  Urbain  11,  dans  sa  lettre  à  l'évèque  de 
Chartres,  défendit  aux  chanoines  de  louer  les 
maisons  du  cloître  à  des  laïques  (Spicileg., 
tom.  xiii,  p.  322). 

Giossano  nous  apprend  que  saint  Charles  ne 
parlait  jamais  avec  des  femmes,  non  pas  même 
avec  ses  plus  proches  parentes,  avec  ses  sœurs 
mêmes,  si  ce  n'était  pour  des  choses  néces- 
saires, et  dans  l'église,  ou  en  présence  au 
moins  de  deux  autres  personnes. 


CHAPITRE  SOIXANTE-SIXIEME. 


DES  CLERCS  MARIES  APRES  L  AN  MIL. 


I.  Le  pape  Alexandre  III  commence  à  déclarer  les  clercs  ma- 
riés incapables  de  bénéfices. 

II.  Les  bénéfices  se  dissiperaient  à  moins  de  cela. 

III.  Les  clercs   mariés  commencent  à   déchoir  du  privilège 
clérical. 


IV.  Ils  y  sont  rappelés  à  certaines  conditions. 

V.  Le  concile  de  Trente  confirme  leur  privilège,  en  portant 
l'habit  et  s'attachant  au  service  d'une  église. 

VI.  C'est  les  rétablir  au  même  état  de  la  primitive  Eglise. 

VII.  Distinction  de  trois  temps  divers  pour  les  clercs  mariés. 


• 


DES  CLERCS  MARIÉS  APRÈS  L'AN  MIL. 


103 


VIII.  Pourquoi  le  concile  de  Trente  a  déclaré  les  enfants  inca- 
pables de  bénéfices  avant  l'âge  de  quatorze  ans. 

IX.  Conformité  des  dernières  ordonnances  de  nos  rois  avec  le 
concile  de  Trente. 

I.  Nous  ne  pouvions  pas  rencontrer  un  lieu 
plus  convenable  pour  parler  des  clercs  mariés, 
puisque  la  suite  du  chapitre  précédent  nous  y 
a  insensiblement  engagés.  Il  y  en  a  un  titre 
entier  dans  les  décrétales  Grégoriennes,  où  il 
parait  d'abord  que  ce  fut  Alexandre  III  cpii 
commença  a  déclarer  le  mariage  incompatible 
non  pas  avec  les  ordres  mineurs,  mais  avec  les 
bénéfices. 

Ce  pape  avoue  que  ses  prédécesseurs  ont 
souffert  des  bénéficiers  mariés  dans  les  ordres 
mineurs ,  et  qu'on  ne  pourrait  arracher  ces 
bénéfices  d'entre  les  mains  de  ceux  qui  les 
occupent,  sans  courir  fortune  de  verser  beau- 
coup de  sang  ;  mais  il  ordonne  qu'on  ne  souf- 
frira plus  rien  de  semblable  à  l'avenir. 

«  De  clericis  inferiorum  ordinum,  qui  in 
conjugio  constitua  diu  ecclesiastica  bénéficia 
ex  concessione  pnedecessorum  nostrorum  ha- 
buerunt,  a  quibus  sine  magno  discrimine  ac 
effusione  sanguinis  non  possunt  privari  ;  id 
duximus  respondendum.  Provideas  attentais, 
ne  deinceps  clerieus  conjugatus  ad  ecclesia- 
stica bénéficia,  vel  sacros  ordines,  vel  admini- 
sti  ationes  ecclesiasticas  admittatur  (  Décret., 
1.  m,  tit.  3).  » 

Ce  pape  ajoute  ensuite  que  les  bénéficiers 
qui  se  marieront  à  l'avenir  perdront  en  même 
temps  leur  bénéfice. 

IL  Innocent  III  confirma  ce  décret  fCap.  vi) 
et  il  en  donna  une  raison,  savoir  que  les  fonds 
des  bénéfices  se  dissipaient  entre  les  mains  de 
ceux  qui  ont  famille.  «  Praesertim  ciim  rerum 
ecclesiasticarum  substantia  per  taies  soleat  de- 
perire.  » 

Cette  raison  est  d'une  si  extrême  importance 
(pie  l'on  peut  penser  avec  toute  la  probabilité 
possible,  que  lorsque  les  clercs  mineurs  mariés 
possédaient  autrefois  des  bénéfices,  ils  n'ont 
jamais  possédé  que  des  distributions  manuelles 
qui  étaient  alors  les  bénéfices  ordinaires.  Mais 
depuis  que  les  fonds  mêmes  ont  été  affectés  à 
des  bénéfices,  on  ne  peut  que  très-rarement  et 
par  des  occasions  inévitables  les  avoir  confiés  à 
des  clercs,  dont  la  famille  en  faisait  si  juste- 
ment appréhender  ou  la  dissipation ,  ou  même 
l'aliénation  entière. 

III.  Ce  même  pape  ne  veut  pas  qu'on  con- 
traigne un  clerc  marié  de  porter  la  tonsure,  si 


ce  n'est  pas  la  coutume  du  pays,  qu'on  les  y 
contraigne,  et  si  sa  femme  témoigne  ne  pou- 
voir l'endurer  sans  déplaisir  :  «  Cum  de  con- 
suetudine  terrœ  tuae  clerici  conjugati  non  co- 
ganturinviti  portare  tonsuram  (Cap.  vu,  ibid.).» 
Aussi  bien  quand  ce  clerc  marié  eût  porté  la 
tonsure,  il  n'eût  pas  pour  cela  joui  du  privilège 
clérical  :  «Quoniam  etiam  tonsuratus  nonpotest 
privile gio  clericali  gaudere  (C.  ix,  x).  » 

Honoré  III  les  déclara  ensuite  également  dé- 
chus de  l'immunité  ecclésiastique  pour  leurs 
biens.  Enfin,  ce  pape  ajoute  que  celui  qui  a  été 
simplement  tonsuré  en  jeunesse  et  qui  depuis 
a  embrassé  la  milice,  ne  doit  point  être  forcé  à 
porter  l'habit  ecclésiastique  :  «Non  est  cogen- 
dus  déferre habitum  clericalem  (Spicileg.,  tom. 
vi,  p.  487).  »  Ce  qui  ruine  entièrement  l'an- 
cienne loi  de  la  stabilité  des  clercs  dans  la  clé- 
ricature. 

IV.  Il  parait  clairement  par  les  termes  de  ces 
décrétales,  que  ce  ne  fut  qu'en  ce  temps- là 
qu'on  commença  à  priver  les  clercs  mariés  de 
tous  les  privilèges  de  la  cléricature. 

Le  décret  du  concile  de  Vienne,  qui  est  rap- 
porté dans  les  Clémentines  (Dutillet,  part,  i, 
pag.  449) ,  interdit  aux  clercs  les  métiers  hon- 
teux et  infamants  de  bouchers  et  de  cabare- 
tiers  :  «  Carnificum ,  seu  macellariorum,  aut 
tabernariorum  ;  »  et  si  après  les  monitions 
canoniques  ils  ne  s'en  désistent  pas,  il  les  prive 
absolument  de  tous  les  privilèges  de  la  cléri- 
cature, s'ils  sont  mariés,  tant  pour  leurs  biens 
que  pour  leur  personne  :  «  Si  moniti  ab  his  non 
destiterint,  conjugati  omnino,  in  rébus  et  in 
personis  privilegium  cléricale  amittant  (  C. 
Diœcesanis  de  vita  et  honest.  Cleric).  » 

Ce  décret  suppose  que  ces  clercs  mariés 
jouissaient  encore  du  privilège  double  de  la 
cléricature,  et  que  les  décrets  précédents  n'a- 
vaient pas  été  exécutés.  Boniface  VIII,  renou- 
velant le  statut  d'Innocent  II ,  avait  rendu  ou 
confirmé  aux  clercs  mariés  le  privilège  du  for, 
pour  ne  pouvoir  être  punis  ni  corporellement, 
ni  pécuniairement  par  les  magistrats  séculiers. 
Les  termes  en  sont  presque  les  mêmes  que  ceux 
du  concile  de  Palence  ,  que  nous  allons  rap- 
porter (In  Sexto.  De  Clericis  conjugatis). 

Le  concile  d'Avignon,  en  1337,  renouvela 
cette  Clémentine.  Le  synode  de  Nîmes,  en  1284 
(Can.  xxxvin),  déclara  aux  clercs  mariés  que, 
pour  jouir  du  privilège,  ils  devaient  porter 
l'habit  et  la  tonsure  des  clercs,  n'être  point 
bigames,  s'abtenir  des  métiers  vils  :  «  Clerici 


iGA 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SIXIÈME. 


conjugati  volentcs  gaudere  privilegio ,  coro- 
nam,  etc.  » 

Le  concile  de  Palence,  en  Espagne,  en  1588 
(Can.  m),  fait  jouir  du  privilège  clérical  du 
canon  et  du  for  les  clercs  mariés ,  selon  la 
constitution  d'Innocent  II ,  pourvu  qu'ils  ne 
soient  pas  bigames,  et  qu'ils  portent  l'habit 
des  clercs  et  la  tonsure  aussi  grande  que  ce 
concile  a  pris  soin  de  la  marquer,  c'est-à-dire 
de  la  grandeur  de  celle  que  les  prêtres  portent 
communément  en  ce  temps. 

«  Cum  in  jure  statutum  existât,  quod  clerici 
conjugati,  qui  cum  unicis  et  virginibus  con- 
traxerunt,  si  tonsuram  et  vestes  déférant  cléri- 
cales, privilegium  obtineant  canonis  ab  lnno- 
centio  papa  II  editi,  in  favorem  totius  ordinis 
clericalis,  et  pro  commissis  ab  eis  excessibus 
vel  delictis  non  possinta  saecularibus  judicibus 
personaliter,  aut  etiam  pecunialiter  condem- 
nari.  » 

Le  concile  de  Bourges,  en  4336  (Can.  n),  en- 
joignit  aux  ordinaires  de  châtier  sévèrement 
les  clercs  mariés  qui  quittaient  malicieusement 
l'habit  et  la  tonsure  cléricale.  «  Ordinamus  de 
clericis  conjugatis  dimittentibus  in  fraudem 
babitum  et  tonsuram,  quod  taliter  puniantur 
per  suos  ordinarios,  quod  in  posterum  talia  non 
committant.  » 

Le  concile  de  Pont-Audemer,  en  lv26~,  après 
avoir  averti  les  clercs  mariés  même  de  s'abste- 
nir des  trafics  peu  honnêtes,  et  de  porter  l'ha- 
bit et  la  tonsure  des  clercs ,  se  contenta  de 
punir  leur  désobéissance,  en  les  abandonnant 
aux  seigneurs  temporels ,  pour  exiger  d'eux 
toutes  les  mêmes  charges  que  des  laïques,  et 
aux  juges  civils,  pour  les  châtier  de  leurs  cri- 
mes. «  Circa  conjugatos  aequanimiter  tolerabit, 
quod  domini  seeeulares  ab  ipsis  justitias  débi- 
tas, velut  ab  aliis  exigant,  et  servitia  consueta, 
etc.  Si  in  apostasia  tonsuraet  habitas  clericalis 
permanserint,  et  contingat,  quod  pro  suis  ex- 
cessibus a  saecularibus  judicibus  capiantur  t 
non  praecipiemus  eos  per  censuram  ecclesiasti- 
cam  liberari.  » 

V.  Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxm,  c.  6, 17), 
a  confirmé  la  décrétale  de  Roniface  VIII,  dont 
nous  avons  parlé;  «  In  clericis  conjugatis  ser- 
vetur  constitutio  Ronifacii  VIII,  etc.  »  pourvu 
que  ces  clercs  mariés  portassent  l'habit  cléri- 
cal ,  et  qu'ils  fussent  attachés  au  service  de 
quelque  église,  par  l'ordre  de  l'évèque.  «  Modo 
alicujus  eeclesia*  servitio ,  vel  ministerio  ab 
episcopo  deputati,  eidem  ecclesioe  serviant,  vel 


ministrent,  et  clericali  habita,  ettonsura  utan- 
tur.  »  Ce  qui  fut  inséré  en  mêmes  termes  dans 
le  concile  de  Reims,  en  1564  (Statut,  ix,  x). 

On  inséra  aussi  dans  ce  concile  de  Reims 
l'autre décretdu concile  de  Trente  portanlque,si 
pour  les  fonctions  des  ordres  mineu  rs  on  ne  trou- 
ve pas  des  clercs  observateurs  du  célibat  qui  puis- 
sent les  exercer,  on  commettra  en  leur  place 
des  clercs  mariés,  pourvu  qu'ils  ne  soient  point 
bigames,  et  qu'ils  portent  dans  l'église  la  ton- 
sure et  l'habit  clérical.  «  Quod  si  ministeriis 
quatuor  minorum  ordinum  exercendis  clerici 
caiibes  presto  non  erunt,  suffici  possunt  etiam 
conjugati,  vitse  probatœ  dummodo  non  bigami, 
ad  ea  munia  obeunda  idonei,  et  qui  tonsuram 
et  babitum  clericalem  in  ecclesia  déférant.  » 

VI.  Ces  derniers  statuts  du  concile  de  Trente 
semblent  avoir  établi  en  quelque  façon  les 
clercs  mariés  dans  tous  les  anciens  avantages 
dont  ils  avaient  joui  pendant  les  premiers  siè- 
cles de  l'Eglise.  Car  on  les  attache  à  une  église, 
on  leur  y  donne  une  sainte  fonction,  on  leur 
commet  le  ministère  des  ordres  mineurs ,  on 
les  fait  jouir  du  privilège  clérical  du  for  et  du 
canon,  on  leur  donne  la  tonsure  et  l'habit  des 
clercs. 

Véritablement  on  ne  leur  permet  pas  de  pos- 
séder des  bénéfices,  mais  puisqu'on  les  applique 
et  qu'on  les  asservit  à  exercer  continuellement 
les  fonctions  des  ordres  mineurs,  et  que  cela 
ne  se  fait  pas  sans  quelques  appointements, 
puisque  les  laïques  mêmes  en  recevraient ,  on 
n'a  qu'à  donner  à  ces  appointements  le  nom 
de  distributions  manuelles,  et  ce  seront  des  bé- 
néfices selon  le  style  de  la  primitive  Eglise,  et 
selon  la  pratique  restée  dans  quelques  églises 
particulières,  où  les  revenus  des  canonicats  ne 
consistent  qu'en  distributions. 

Il  faut  donc  interpréter  les  décrétales  ci-des- 
sus alléguées,  en  sorte  qu'elles  n'ôtent  point 
aux  clercs  mariés  les  privilèges  du  for  et  du 
canon,  quoiqu'elles  retranchent  tous  les  autres 
(Fagnan.,  in  C.  Joannes.  De  Clericis  conjuga- 
tis.) Il  est  vrai  que  les  canonistes  doutent  si  leur 
privilège  du  for  s'étend  aux  affaires  civiles,  et 
si  leur  propre  personne  n'est  point  menacée, 
et  que  la  congrégation  du  concile  s'est  plus 
portée  pour  la  négative  (Idem  in  C.  Propo- 
suisti.  De  foro  competenti). 

VII.  Concluons  qu'on  peut  distinguer  trois 
sortes  de  temps  et  de  changements  remarqua- 
bles pour  ces  clercs  mariés. 

Jusqu'à  la  fin  du  XIe  siècle,  ils  ont  participé 


DES  CLERCS  MARIÉS  APRÈS  L'AN  MIL. 


168 


à  tous  les  privilèges  de  la  cléricalure,  et  ils  ont 
possédé  des  bénéfices,  c'est-à-dire  des  distribu- 
lions,  et  mémo  des  petits  fonds  de  peu  d'im- 
portance ,  comme  il  a  paru  dans  les  parties 
précédentes  de  ce  traité. 

Après  le  xie  siècle,  on  commença  à  leur  don- 
ner l'exclusion  de  toutes  sortes  de  bénéfices,  et 
il  est  fort  vraisemblable  qu'on  en  prit  l'occa- 
sion de  ce  que  presque  tous  les  ecclésiastiques) 
ceux  même  des  ordres  majeurs,  étaient  ou  con- 
cubinaires ,  ou  mariés  ,  et  prétendaient  faire 
passer  leurs  bénéfices  à  leurs  enfants,  comme 
une  possession  héréditaire. 

Les  souverains  pontifes  opposèrent  à  ce  dé- 
bordement effroyable  de  l'impureté  et  de  l'ava- 
rice, des  invectives  ardentes  sur  l'incompatibi- 
lité du  mariage  avec  les  fonctions  saintes  de  la 
cléricature.  Ils  déclarèrent  les  gens  mariés  et 
les  enfants  des  prêtres  incapables  de  bénéfices. 

Enfin,  depuis  Bon  if  ace  VIII,  comme  la  même 
raison  n'avait  plus  lieu  ,  on  a  commencé  à 
témoigner  moins  d'aigreur  contre  les  clercs 
mariés,  et  à  rétablir  au  moins  en  partie  leurs 
privilèges. 

VIII.  Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxiu,  c.  6} 
a  déclaré  les  jeunes  clercs  incapables  de  béné- 
fices, avant  l'âge  de  quatorze  ans,  quoiqu'ils 
soient  dans  les  ordres  mineurs.  C'est  un  décret 
évidemment  contraire  aux  anciens  usages  de 
l'Eglise,  où  la  tonsure,  ou  bien  l'ordre  et  le  bé- 
néfice étaient  deux  choses  inséparables.  Cepen- 
dant ce  décret  est  effectivement  très-conforme 
à  l'esprit  de  la  plus  pure  discipline  des  pre- 
miers siècles. 

En  effet,  on  y  donnait  bien  aux  jeunes  clercs 
un  honnête  entretien,  qui  pouvait  passer  pour 
un  bénéfice  manuel;  mais  on  n'avait  garde  de 
les  charger  des  plus  importantes  dignités ,  et 
des  plus  riches  bénéfices  de  l'Eglise.  C'est  pour- 
tant à  quoi  le  concile  de  Trente  a  commence 
de  parer. 

Ce  fut  par  la  même  conformité  aux  inten- 
tions de  la  primitive  Eglise  que,  vers  le  xue  siè- 
cle, on  dépouilla  de  leurs  bénéfices  les  clercs 
mariés. 

IX.  Fevreta  avance  dans  son  traité  de  l'Abus 
(De  l'Abus,  1.  iv,  c.  i,  u.  1)  que  .  ni  la  décré- 
tale  de  Boniface  VIII,  ni  le  décret  du  concile  de 
Trente  qui  le  confirme,  n'ont  point  de  vigueur 
en  France,  où  les  clercs  maries  ne  jouissent 
d'aucun  privilège  clérical,  selon  Du  Moulin,  et 
selon  les  ordonnances  même. 

Du  Moulin  dit  seulement  que  les  clercs  qui 


exercent  la  marchandise,  ou  d'autres  profes- 
sions semblables,  sont  déchus  du  privilège  clé- 
rical, selon  l'ordonnance  de  François  Ier.  «  In 
regno  Franci.e  si  exerceantmercantiasetsaecu- 
lares  status,  nullo  fori  privilegio  gaudent,  ut 
constitutio  regia  anni  1539,  §  i  (Molinanis,  In 
Sextum.  Libro  tertio,  tit.  u,  c.  un.).  »  Or,  l'or- 
donnance de  François  I",  en  1  r> 39  (Art.  iv),  ne 
regarde  pas  plus  les  clercs  mariés  que  les  antres, 
et  elle  les  prive  également  du  privilège  du  for, 
s'ils  s'appliquent  au  trafic,  ou  à  quelque  autre 
profession,  qui  d'elle-même  doive  répondre  à  la 
juridiction  séculière,  sans  préjudice  de  la  juri- 
diction temporelle  et  séculière  contre  les  clercs 
maries  et  non  mariés,  faisant  et  exerçant  états 
ou  négociation,  pour  raison  desquelles  ils  sont 
tenus  et  ont  accoutumé  de  répondre  en  cour 
séculière,  où  ils  seront  contraints  de  ce  faire, 
tant  en  matières  civiles  que  criminelles,  ainsi 
qu'ils  ont  fait  par  ci-devant. 

Il  faut  faire  trois  réflexions  sur  cette  ordon- 
nance ;  1°  Qu'elle  traite  indifféremment  des 
clercs  mariés  ou  non  mariés,  et  ne  déroge  pas 
plus  à  l'immunité  des  uns  qu'à  celle  des  autres. 

2°  Qu'elle  ne  dépouille  de  l'immunité  du  for 
que  ceux,  soit  mariés  ou  non,  qui  exercent  des 
métiers  naturellement  responsables  au  juge 
séculier.  Or,  plusieurs  clercs  non  mariés  peu- 
vent s'y  engager,  et  plusieurs  de  ceux  qui  sont 
mariés,  peuvent  en  être  dégagés,  et  ainsi  ceux- 
là  ne  jouiront  pas,  et  ceux-ci  jouiront  du  privi- 
lège clérical. 

3°  Cette  ordonnance  ne  fait  aucune  innova- 
tion, ainsi  qu'ils  ont  fait  par  ci-devant. 

L'ordonnance  de  Roussillon  ,  en  1563 
(Art.  xxi  ,  renferma  dans  les  sous-diacres  et  les 
autres  ordres  supérieurs  l'immunité  du  for, 
en  quelque  manière  que  ce  soit,  civile  ou  cri- 
minelle, nul  ne  sera  recevable  à  requérir,  par 
vertu  du  privilège  clérical ,  d'être  renvoyé  par 
devant  le  juge  d'Eglise,  s'il  n'est  sous-diacre 
pour  le  moins.  Mais  il  fut  aisé  de  surprendre 
le  jeune  roi  Charles  IX,  dans  les  premières  an- 
nées de  son  règne,  surtout  avant  que  le  con- 
cile de  Trente  eût  été  terminé.  Il  faut  même 
remarquer  que  cette  ordonnance  n'est  pas  plus 
préjudiciable  aux  clercs  mariés  qu'à  tous  les 
autres  au-dessous  du  sous-diaconat. 

Après  que  les  décrets  du  concile  de  Trente 
eurent  été  répandus  par  le  monde  deux  ou 
trois  ans  seulement  après  la  conclusion  de  ce 
concile,  le  même  roi  Charles  IX  répara,  par  son 
ordonnance  de  Moulins,  en  tobG,  le  préjudice 


16t> 


DU  SECOND  OHDUE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SIXIEME. 


qu'il  reconnut  lui-même  avoir  fait  à  l'état 
ecclésiastique  par  son  ordonnance  précédente. 

Les  termes  de  l'article  140  de  l'ordonnance 
de  Moulins  pourraient  passer  pour  une  traduc- 
tion française,  et  pour  une  publication  du  con- 
cile de  Trente  sur  ce  sujet. 

Les  voici  :  En  déclarant  l'article  de  l'ordon- 
nance par  nous  faite  sur  le  privilège  de  cléri- 
cature,  ordonnons  que  nul  de  nos  sujets,  soi- 
disant  clercs  ne  pourra  jouir  dudit  privilège, 
s'il  n'est  constitué  ès-ordres  sacrés,  et  pour  le 
moins  sous-diacre  ou  clerc  actuellement  rési- 
dant et  servant  aux  ofiiees,  ministères  et  béné- 
fices qu'il  tient  en  l'Eglise. 

C'est  donc  une  déclaration  ou  une  réforma- 
tion de  l'ordonnance  précédente.  Elle  ne  met 
point  de  différence  entre  les  clercs  mineurs, 
soit  mariés  ou  non.  Elle  rend  l'immunité  clé- 
ricale du  for  aux  clercs  inférieurs,  pourvu 
qu'ils  soient  actuellement  attachés  à  une  église, 


et  appliqués  a  la  servir  dans  quelque  fonction 
ecclésiastique.  Or,  selon  le  concile  de  Trente  et 
selon  les  conciles  tenus  en  France  après  celui 
de  Trente,  les  clercs  mariés  peuvent  avoir  cette 
attache  et  cette  application  à  une  église  et  à 
quelque  ministère  ecclésiastique  par  ordre  de 
l'évèque. 

Il  est  aisé  de  remarquer  une  parfaite  confor- 
mité entre  les  termes  de  cette  ordonnance  et 
ceux  du  concile  de  Trente.  Si  l'ordonnance 
parle  des  bénéfices,  c'est  en  réservant  le  même 
avantage  aux  ofiiees  et  aux  ministères  actuels 
dans  l'Eglise.  En  effet,  les  anciens  bénéfices 
n'étaient  cfue  des  ofiiees  et  des  administrations, 
et  leurs  revenus  même  n'étaient  que  des  dis- 
tributions. 

Concluons  donc  qu'il  ne  faut  point  avoir 
égard  à  ce  que  disent  Fevret  et  du  Moulin  sur 
ce  sujet  (1). 


(1)  On  sait  que  la  Convention  nationale  abolit  en  France  le  célibat 
ecclésiastique.  Lors  de  la  conclusion  du  Concordat,  la  pensée  secrète 
du  gouvernement  français  était  d'obtenir  du  pape  le  mariage  des 
prêtres.  Ce  fait  si  grave  est  officiellement  attesté  dans  le  bref  de 
Pie  VII  du  27  mars  1808.  Le  souverain  pontife  énumérant  les  torts 
de  l'empereur  Napoléon,  lui  reproche  d'avoir  présenté  à  sa  sanction 
l'abolition  du  célibat  ecclésiastique.  «  La  loi  civile,  avait  du  I 
«  dans  son  rapport  sur  les  articles  organiques,  ne  défend  pas  le  ma- 

■  nage  aux  ministres  du  culte  sous  peine  de  nullité  ;  mais  elle  n'em- 
«  pèche  pas  non  plus  les  ministres  du  culte  de  se  ci  nfbrmer  à  cet 
o  égard  à  la  discipline  de  l'Eglise.  »  Dans  une  lettre  adressée  à  l'Em- 
pereur le  17  juin  1805,  il  disait  encore  :   »  Je  sais  que  dans  les  prin- 

■  cipes  du  nouveau  code  civil,  la  prêtrise  n'est  plus  un  empêchement 
*  dirimant  du  mariage  ;  en  abdiquant  le  sacerdoce,  on  peut  renoncer 
<•  au  célibat.  » 

Cependant  le  gouvernement,  ayant  réfléchi  sur  les  conséquences 
de  tels  principes  qui  tendaient  à  détruire  le  catholicisme,  revint  sur 
ses  idées.  Un  prêtre  du  diocèse  de  Bordeaux  ayant  voulu  contracter 
mariage,  Portalis  fit  défendre  aux  officiers  de  l'état  civil  de  recevoir 
l'ai  tf!  de  sun  mariage.  Dans  sa  lettre  à  l'archevêque  de  Bordeaux,  du 
12  janvier  180G,  il  y  est  dit  :  «  Vous  vous  applaudirez,  sans  doute, 
«  d'avoir  prévu,  autant  qu'il  est  en  vous,  les  intentions  de  notre  au- 
«  gustc  Empereur,  en  vous  opposant  à  la  consommation  d'un  scandale 
o  dont  le  spectacle  aurait  affligé  les  bons  et  encouragé  les  méchants.  » 
Cependant  en  1807  le  gouvernement  se  relâcha  un  peu  de  cette^sage 
maxime,  et  il  autorisa  le  mariage  de  tous  ceux  qui  avaient  renoncé 
au  sacerdoce  avant  le  Concordat. 

Les  tribunaux  ont  eu  à   statuer  plus  d'une   fois  sur  la  très-grave 


question  du  célibat  ecclésiastique.  L'affaire  du  prêtre  Dumonteil  a  eu 
le  plus  de  retentissement,  parce  qu'elle  a  parcouru  tous  les  ressorts 
judiciaires.  Appelée  le  10  juin  1828  devant  le  tribunal  de  la  Seine, 
le  jugement  qui  suivit  débouta  Dumonteil.  Par  suite  de  son  appel  la 
cour  royale  de  Pans  sanctionna,  le  27  décembre  1828,  l'arrêt  du  tri- 
bunal de  première  instance.  Après  la  révolution  de  1830,  Dumonteil 
présenta  une  nouvelle  instance  à  la  cour  royale  de  Paris,  et  le 
Il  janvier  1832,  elle  répéta  son  arrêt  de  1828.  L'affaire  fut  portée 
devant  la  cour  de  cassation  par  Dumonteil,  et  la  cour  souveraine  ren- 
dit, le  2!  février  L833,  un  arrêt  confirmatif  de  tous  les  autres,  décla- 
rant que  tout  individu  promu  aux  ordres  sacrés  ne  pouvait,  même 
en  y  renonçant,  être  admis  à  contracter  mariage;  que  les  officiers 
de  l'état  civil  devaient  refuser  des  mariages  semblables;  que  ni  le 
code  civil,  ni  la  charte  nouvelle,  n'avaient  apporté  à  cet  égard  aucune 
modification  au  droit  ■■■■■  >         int. 

i  1862  a  vu  cette   question  apparaître  de  nouveau. 

Mais  malheureusement  la  magistrature  judiciaire  semble  avoir  fait  un 
premier  pas  s'eloignant  de  la  décision  de  la  cour  de  cassation  de  1833. 
Le  prêtre  Brou  de  Laurière  fit  instance  auprès  du  tribunal  de  Péri- 
gueux,  pour  qui  de  l'état  civil  fût  contraint  à  recevoir  l'acte 
de  son  mariage.  Après  un  torrent  de  faconde  ampoulée,  où  l'avocat 
Jules  Favre  entassa  toutes  les  exagérations  et  les  sophismes,  jusqu'à 
montrer  Grégoire  VU  sortant  de  sa  tombe  pour  soumettre  de  nouveau 
Les  roîs,  les  empereurs  et  les  républiques,  par  le  moyen  du  célibat, 
le  tribunal  de  Péngueux  rendit  uh  arrêt  de  partage,  c'est-à-dire  que 
la  conclusion  resta  indécise.  Ce  premier  pas  est  alarmant  quand  on 
considère  les  suites  qu'il  peut  avoir. 

(Dr  André.) 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POUR  L'ETAT  ECCLÉSIASTIQUE. 


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CHAPITRE  SOIXANTE-SEPTIEME. 


DE    LAGE    NECESSAIRE    POIR    L  ETAT   ECCLESIASTIOl E ,    POIR    LES   ORDRES   ET   LES   BÉNÉFICES, 
PENDANT  LES   CINO.   PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  On  donnait  les  ordres  mineurs  aux  plus  jeunes  enfants,  et 
aussitôt  après  le  baptême.  L'acolytat  et  le  sous-diaconat  à  vingt 
ans,  le  diaconat  à  trente,  la  prêtrise  à  trente-cinq,  l'épiscopat  à 
quarante-cinq.  Preuves  du  pape  Sirice. 

II.  Suite  de  la  même  preuve. 

III.  Du  pape  Zozime. 

IV.  Règlement  des  conciles  de  Cartilage. 

V.  Autres  preuves  des  ordres  mineurs  donnés  à  de  jeunes 
enfants. 

VI.  Autres  preuves.  Dispense  en  faveur  de  saint  Epiphane, 
depuis  évèque  de  Pavie. 

Vil.  Autres  exemples. 

VIII.  L'âge  de  la  prêtrise  réduit  à  trente  ans. 

IX.  Dispenses. 

X.  Ces  dispenses  ne  se  donnaient  qu'à  ceux  qui  fuyaient  et 
l'ordre  et  la  dispense. 

XI.  Comment  on  donnait  alors  des  bénélices  à  de  jeunes 
enfants. 

I.  La  continence  était  autrefois  d'autant  plus 
facile  à  observer  qu'on  faisait  entrer  dans  l'état 
ecclésiastique  les  enfants  dès  leur  âge  le  plus 
tendre,  avant  que  l'air  empesté  du  siècle  eût 
pu  corrompre  leur  première  innocence.  Cela 
nous  engage  à  parler  de  l'âge  nécessaire  pour 
les  ordres  ou  pour  les  bénéfices ,  puisque 
c'étaient  deux  noms  différents  d'une  même 
chose,  ou  au  moins  de  deux  choses  inséparables 
dans  la  police  de  l'ancienne  Eglise. 

Or,  que  l'on  tâchât  de  prévenir  le  venin  de  la 
corruption  du  siècle,  en  faisant  entrer  les  plus 
jeunes  enfants  dans  les  ordres,  c'est  ce  que 
nous  apprend  le  pape  Sirice.  «  Quicumque  ita- 
que  se  Ecclesiœ  vovit  obsequiis,  a  sua  infantia 
ante  pubertatis  annos  baptizari,  et  lectorum 
débet  ministerio  sociari  (Epist.  i,  c.  9).  »  Il  est 
clair  que  le  pape  donne  l'office  de  lecteur  à  des 
enfants  aussitôt  après  le  baptême. 

Il  est  vrai  qu'il  lenr  permet  après  cela  de  se 
marier,  et  quoiqu'ils  le  fussent,  il  les  fait  pas- 
ser jusqu'à  l'âge  de  trente  ans  dans  l'ordre  et 
k-s  exercices  des  acolytes  et  des  sous-diacres; 
à  l'âge  de  trente  ans,  ils  monteront  au  diaconat, 
où  ils  s'obligeront  au  célibat,  et  cinq  ans  après 
ils  recevront  la  prêtrise,  laquelle  ayant  exercée 
durant  dix  ans  avec  une  piété  qui  ait  édifié 
l'Eglise,  ils  pourront  être  élevés  à  l'épiscopat. 


11  est  sans  doute  que  ceux  qui  avaient  reçu  dès 
leur  enfance  une  éducation  toute  sainte  et 
toute  ecclésiastique,  étaient  bien  plus  disposés 
à  consacrer  leur  corps  à  la  continence  quand 
ils  recevaient  l'ordre  de  diacre  à  l'âge  de  trente 
ans. 

La  prêtrise  ne  leur  était  donnée  qu'à  trente- 
cinq  ans,  et  l'épiscopat  à  quarante-cinq.  Ce  sont 
les  termes  formels  de  cette  décrétale  qui  expri- 
ment cet  âge.  «  Usque  ad  tricesimum  aetatis 
annum  acolythus  et  subdiaconus  esse  debebit. 
Post  quae  ad  diaconii  gradum  accédât.  Ubi  si 
ultra  quinque  annos  ministrarit,  presbyterium 
consequatur.  Exinde  post  decennium  episcopa- 
lem  cathedram  poterit  adipisci.  » 

II.  Quanta  ceux  qui  dans  un  âge  plus  avancé 
désiraient  se  consacrer  à  l'Eglise,  ce  même 
pape  déclare  que  dès  leur  enfance  spirituelle  , 
c'est-à-dire ,  dès  qu'ils  auront  reçu  une  nou- 
velle naissance  parle  baptême,  ils  entreront 
dans  la  cléricature,  en  recevant  l'ordre  de  lec- 
teur, ou  d'exorciste  ;  deux  ans  après  on  les  fera 
acolytes,  puis  sous-diacres:  cinq  ans  après  on 
les  ordonnera  diacres  ,  si  leur  vertu  répond  à 
un  rang  si  élevé  :  enfin  leur  piété  croissant  à 
proportion  de  leur  âge,  ils  pourront  être  élus 
pour  la  prêtrise  ou  pour  l'épiscopat,  parle  con- 
sentement unanime  du  clergé  et  du  peuple. 

Ci  la  nous  apprend  que  si  l'enfance  était  pro- 
pre à  cette  bienheureuse  servitude  qui  nous 
fait  porter  le  joug  du  Seigneur,  l'innocence  du 
baptême  y  était  encore  plus  propre  et  plus 
nécessaire.  «  Qui  aîtate  jam  grandaevus ,  ex 
laico  ad  sacrant  militiam  pervenire  festinat , 
ntelioris  propositi  conversatione  provocatus, 
desiderii  sui  fructum  non  aliter  obtinebit,  nisi 
eo  quo  baptizatur  tempore ,  statim  lectorum 
aut  exorcistarum numéro societur  (Ibid., ex).» 

Ce  pape  ne  met  aucun  intervalle  entre  le 
baptême  et  l'ordination,  pour  ne  pas  donner  le 
loisir  aux  vanités  et  aux  illusions  du  monde  de 
se  glisser  dans  le  cœur,  et  de  souiller  l'inno- 


168 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SEPTIÈME. 


ccnce  baptismale  si  désirable  à  l'état  ecclésias- 
tique. 

Ajoutons  encore  cette  réflexion  en  passant 
sur  les  paroles  rapportées  de  Sirice  :  «  Qui 
Ecclesia?  se  vovit  obsequiis ,  et  qui  ex  laico  ad 
sacram  militiam  pervenire  festinat,  etc.,»  que 
ce  n'était  pas  seulement  le  choix  des  prélats, 
ou  l'élection  faite  par  le  clergé  et  le  peuple,  qui 
ouvrait  la  porte  de  la  cléricature ,  mais  que 
plusieurs  personnes  s'y  dévouaient  elles-mêmes 
ou  pour  y  mieux  conserver  l'innocence,  si 
c'étaient  des  enfants,  ou  pour  y  laver  les  taches 
de  leur  vie  passée ,  si  c'étaient  des  personnes 
plus  âgées  :  «  Mêlions  propositi  conversatione 
provocati.  »  Ainsi  quoique  ces  derniers  appor- 
tassent aux  ordres  l'innocence  du  baptême,  ils 
ne  laissaient  pas,  après  cela,  d'expier  par  une 
longue  pénitence  leurs  dérèglements  passés. 

Mais  nous  ferons  ci-après  une  plus  longue 
dissertation  sur  le  zèle  des  fidèles  à  s'engager 
volontairement  dans  l'état  ecclésiastique,  et 
dans  le  même  endroit  nous  remarquerons  une 
chose,  dont  on  ne  peut  pas  douter  avec  raison, 
qui  est  que  l'on  ne  pouvait  contracter  aucun 
engagement,  sans  la  volonté  et  l'autorité  de 
l'évêque  ;  en  sorte  que  les  vœux  faits  sans  sa 
participation  étaient  nuls  et  n'obligeaient  en 
aucune  manière. 

Il  n'y  avait  pour  lors  qu'une  porte  pour  en- 
trer dans  l'état  ecclésiastique  ,  savoir,  l'un  des 
ordres  que  l'on  appelle  mineurs;  et  il  n'y  avait 
alors  que  l'évêque  qui  eût  droit  de  conférer 
quelqu'ordre  ecclésiastique,  même  les  infé- 
rieurs. Mais  l'évêque  ne  refusait  pas  facilement 
ceux  qui,  lois  de  la  régénération  spirituelle, 
demandaient  avec  ferveur  et  une  mûre  déli- 
bération d'entrer  dans  l'état  ecclésiastique. 

III.  Le  pape  Zozime  exprime  d'une  manière 
encore  plus  pressante  cette  nécessité  d'entrer 
dans  la  cléricature  et  dans  les  moindres  ordres 
dès  l'âge  de  l'enfance,  ou  au  moins  dès  le  mo- 
ment qu'on  a  reçu  le  baptême,  afin  que  l'inno- 
cence ne  puisse  encore  avoir  été  ternie  par 
l'air  contagieux  du  siècle. 

«  Hœc  in  singulis  gradibus  observanda  sunt 
tempora  :  si  ab  infantia  ecclesiasticis  ministe- 
riis  nomen  dederit  :  inter  lectores  usque  ad 
vicesimum  aslatis  annum  continuala  observa- 
tione  perduret.  Si  major  jam  et  grandœvus 
accesserit,  ita  tamen  ut  post  baptismum  ,  sta- 
tini  se  divinœ  militiaedesideret  mancipari,  sive 
inter  lectores,  sive  inter  exorcistas,  quinquen- 
nio  teneatur:  exindeacolythusvel  subdiaconus 


quatuor  annis;  et  sic  ad  benedictionem  diaco- 
natus  si  meretur  accédât  :  in  quo  online  quin- 
que  annis  hierere  debebit  ;  exinde  presbyterii 
sacerdotium  poterit  promereri  (Epist.  i,  c. 
3,  2.);  » 

Ce  sont  là  les  intervalles  que  ce  pape  veut 
qu'on  observe  entre  les  ordres  ,  et  ainsi  on  ne 
parvenait  au  sous-diaconat  qu'à  vingt  ans ,  au 
diaconat  qu'à  trente,  à  la  prêtrise  qu'à  trente- 
cinq. En  effet,  le  nom  de  prêtre,  TcpwëuTspoç,  étant 
le  même  que  celui  d'Ancien,  l'âge  devait  répon- 
dre à  la  signification  du  nom.  «  Jam  vero  ad 
presbyterii  fastigium  talis  accédât,  ut  et  nomen 
œtas  impleat,  et  meritum  probitatis  stipendia 
anteacta  testentur.  » 

IV.  Le  concile  lit  de  Cartilage  (Can.  iv)  avait 
défendu  l'ordination  des  diacres  avant  l'âge  de 
vingt-cinq  ans.  Il  ne  faut  pas  omettre  un  autre 
règlement  de  ce  concile  (Can.  xix)  qui  com- 
mande aux  jeunes  clercs,  dès  qu'ils  auront 
atteint  l'âge  de  puberté  ,  ou  de  se  marier,  ou 
de  faire  vœu  de  continence.  «  Placuit  ut  lecto- 
res cum  ad  annospubertatisvcnerint, cogantur 
autuxores  ducere,  autcontinentiam  profiteri.» 

Cette  sage  assemblée  jugeait  que  la  chasteté 
conjugale  pourrait  préserver  ces  jeunes  ecclé- 
siastiques d'une  incontinence  criminelle.  Mais 
après  tout,  quoique  ce  mariage  ne  les  privât 
pas  ni  des  fonctions  de  leur  ordre,  ni  des  avan- 
tages de  leur  bénéfice  ,  il  est  néanmoins  bien 
vraisemblable  que  la  plupart  de  ces  jeunes 
lecteurs  prenait  le  meilleur  parti,  et  renonçait 
pour  jamais  au  mariage. 

V.  En  voici  une  preuve  assez  apparente.  Vic- 
tor, évêque  de  Vite  ,  raconte  le  triomphe  que 
douze  lecteurs  ou  psalmistes  encore  enfants  : 
«  Clericos,  duodecim  infantulos,  vocales,  stre- 
nuos,  alque  aptos  niodulis  cantilenae  (  L.  v, 
vel.  3),  »  remportèrent  de  la  cruauté  détestable 
des  Vandales  dans  l'Afrique,  et  de  tous  les  tour- 
ments qu'on  put  leur  faire  souffrir.  On  éleva 
ensuite  ces  douze  enfants  dans  une  sainte  com- 
munauté qui  n'était  composée  que  d'eux  seuls, 
et  on  les  regardait  comme  douze  jeunes  apô- 
tres :  «  Quos  nunc  Carthago  miro  colit  atfectu, 
et  quasi  duodecim  apostolorum  ,  chorum  con- 
spicitpuerorum.  » 

Si  une  si  sainte  éducation  dans  les  exercices 
des  ordres  inférieurs,  leur  donnait  cette  force 
invincible  capable  de  souffrir  et  de  surmonter 
les  tourments,  elle  leur  faisait  aussi,  à  plus 
forte  raison,  mépriser  pour  l'ordinaire  les  vo- 
luptés des  sens. 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POUR  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQUE. 


10') 


Le  même  Victor,  au  même  endroit,  montre 

que  le  nombre  de  ces  innocents  lecteurs  était 
fort  grand  dans  le  clergé  de  Cartilage:  «  l'ni- 
versus  clerus  Ecclesise  Carthaginis  famé  ine- 
diaque  maceratur,  fere  quiogenti  vel  amplius. 
IntiT  quos  quamplurimi  erant  Iectores  infan- 
tuli,  qui  gaudentes  in  Domino  ,  procul  exilio 
crudeli  traduntur.  » 

VI.  .Mais  comme  l'âge  précis  qui  donnait  en- 
trée dans  la  cléricature  ne  paraît  pas  encore 
assez  déterminé  par  ce  qui  a  été  dit.  il  faut  que 
nous  l'apprenions  d'Ennodius  dans  la  vie  de 
saint  Epipliane,  évèque  de  l'avie. 

Il  raconte  comment  ce  jeune  enfant  fut  fait 
lecteur  à  l'âge  de  huit  ans  :  «  Sub  Crispino 
pontifice  cœlestis  militiœ  tyrocinium  sortitus, 
annorum  fere  octo  lectorisecclesiasticisuscipit 
officium.  »  Il  apprit  aussitôt  à  écrire  par  notes 
abrégées  et  il  fut  sans  doute  mis  au  rang  de 
ceux  :  «  qui  notarum  compendio  et  scribendi 
celeritate  quamlibet  loquentis  pernicitatem 
œquabant;  »  on  les  appelait  notaires  par  cette 
raison.  «  Et  latine  exceptores  etiam  vocabantur 
notarum  in  scribendo  compendia,  et  figuras 
varias  verborum  multitudinem  comprelien- 
dentes  brevi  assecutus,  in  exceptorum  numéro 
dedicatus  enituit.  »  A  l'âge  de  dix-liuit  ans  il 
fut  fait  sous-diacre  :  «  Talisjam  ad  decimum 
octavum  œtatis  suœ  annum  pervenit.  In  quo 
secundo  ab  levitis  numéro  dedicatus,  senum 
cœtibus  puer  adgregatus  est.  » 

Cette  expression  d'Ennodius  nous  marque 
assez  clairement  que  si  Epipliane  avait  été  élevé 
si  jeune  au  sous-diaconat,  c'était  parce  qu'on 
donnait  a  sa  vertu  ce  qu'on  eût  refusé  a  son  âge. 
Ce  fut  encore  l'effet  et  la  suite  du  même  privi- 
!  -  .  que  deux  ans  après  on  le  lit  diacre  :  «  In 
quo  Ole  subdiacoui  ordine,  nihil amplius quam 
bienuio  commoratus ,  meritorum  suorum  sal- 
tibus  eveclus  exilait.  Brevi  post  ad  diaconii 
e\ectus  infulas,  vicesimum  annum  œtatis  as- 
cendit.  facie  necdurn  bene  barbata.  »  Son  évê- 
que  le  chargea  aussitôt  du  soin  des  pauvres  et 
de  tout  le  temporel  de  son  Eglise  ;  enfin  il  le 
considéra  comme  son  œil,  ses  mains,  et  ses 
pieds  :  «  Pesillius  erat,  oculus.  dexfra.  »  Cette 
considération  devait  l'arrêter  plus  longtemps 
dans  le  diaconat,  mais  il  n'y  passa  que  huit  ans. 
et  enfin  Crispin  étant  mort.  Epiphane  lui  suc- 
céda dans  l'épiscopat. 

Le  mérite  extraordinaire  de  ce  saint  a  pu 
précipiter  son  progrès  et  son  élévation  aux  or- 
dres éminents ,  mais  on  ne  peut  pas  faire  le 


même  jugement  de  l'ordre  de  lecteur,  qu'on 
lui  donna  à  l'âge  de  huit  ans.  On  peut  donc  se 
persuader  que  ces  enfants  que  nous  avons  dit 
jusqu'à  présent,  avoir  été  admis,  et  même  sou- 
haites dans  les  lois  canoniques  pour  entrer  dans 
l'ordre  des  lecteurs,  n'étaient  âgés  que  de  huit 
ans  ;  et  on  les  croyait  non-seulement  capables  , 
mais  très-propres  à  exercer  les  ordres  mi- 
neurs, et  à  tenir  les  bénéfices  qui  y  étaient 
attachés. 

VII.  C'est  dans  cette  persuasion  que  Sidonius 
Apollinaris  commence  l'éloge  du  saint  homme 
Jean,  qu'on  venait  d'élire  évèque  deChàlons, 
par  dire  que  dès  son  enfance  il  avait  été  minis- 
tre de  l'autel,  c'est-à-dire  lecteur.  «  Lector  hic 
primum,  sic  minister  altaris,  idque  ab  infantia 
post  laborum  temporumque  progressu  archi- 
diaconus,  etc.  (L.  iv,  ep.  ult.).  »  Voilà  par  quels 
degrés  on  montait  au  comble  des  dignités  ec- 
clésiastiques. 

L'auteur  de  la  vie  du  célèbre  abbé  Euthyme, 
père  de  tant  de  monastères  dans  l'Orient ,  dit 
que  sa  mère  le  présenta  à  l'évèque  de  Mélitence, 
qui  le  baptisa  d'abord ,  lui  coupa  les  cheveux 
et  le  mit  au  nombre  des  lecteurs  :  «  Cum  eum 
baptizasset,  et  pilos  qui  ex  lege  tondeutur  pue- 
ris,  totondisset,  in  gradum  lectorum  eum 
cooptât  Apud  Surium,  die  20  Januar.).  » 

Cet  usage  était  donc  commun  à  l'Orient  et 
à  l'Occident,  de  donner  en  même  temps  le  bap- 
tême et  la  cléricature ,  c'est-à-dire  l'ordre  des 
lecteurs,  aux  plus  jeunes  enfants.  Palladiusdit 
que  Mélèce  baptisa  saint  Chrysostome  et  le  fit 
aussitôt  lecteur.  «  Lavacri  regeneratione  mun- 
datum  ,  lectorem  ordinavit.  »  Saint  Augustin 
semble  autoriser  cette  coutume,  et  il  nous  ap- 
prend outre  cela  le  soin  qu'on  avait  d'instruire 
ces  jeunes  lecteurs.  «  Pueri ,  qui  adhuc  pueri- 
liter  in  gradu  lectorum  christianas  litteras  no- 
runt  (De  consensu  Evang.,  l.i,c.  10).  Saint 
Paulin,  parlant  du  saint  martyr  Félix,  le  fait 
commencer  par  l'office  de  lecteur  en  son  en- 
fance: «  A  puero  instituit  servire  Deo  et  primis 
lector  servivit  in  annis  (Paulin.  Carm.  4).  » 

VIII.  Quant  a  l'âge  de  la  prêtrise,  le  concile 
de  Néocésarée  Can.  u  l'a  déterminé  à  trente 
ans,  parce  qu'en  cet  âge  le  Fils  de  Dieu  fut 
baptisé  et  commença  à  prêcher  :  s  Christus  in 
trigesimo  anno  baptizatus  est  et  cœpit  prœdi- 
care.  »  Pallade  fait  passer  saint  Chrysostome 
cinq  ans  dans  le  diaconat .  douze  dans  la  prê- 
trise, avant  que  d'être  évêque  ;  il  avait  trente- 
huit  ans  quand  il  fut  fait  évèque.  On  peut  con- 


170  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SEPTIÈME. 


dure  de  là  quel  était  son  âge  quand  il  reçut  le 
diaconat  et  la  prêtrise. 

Saint  Rasile  a  fait  un  discours  merveilleux 
sur  les  qualités  et  les  vertus  extraordinaires 
qui  doivent  orner  les  prêtres;  il  n'y  oublie  pas 
la  prudence  et  cette  expérience  qui  ne  s'acquiert 
qu'avec  l'âge,  mais  il  confesse  qu'il  y  a  une  sa- 
gesse toute  divine  qui  n'attend  pas  l'âge,  et 
qu'elle  suffit. 

Saint  Jérôme  fit  en  même  temps  l'apologie 
de  son  frère  Paulinien  et  de  saint  Epiphane 
(In  c.  m  Isaiœ),  qui  l'avait  ordonné  prêtre  à 
l'âge  de  trente  ans,  contre  les  accusations  de 
Jean,  é\èque  de  Jérusalem,  à  qui  cet  âge  ne 
paraissait  pas  assez  mûr  pour  un  ministère  si 
sublime.  Ce  Père  montre  au  contraire  que  les 
preuves  tirées  de  l'un  et  de  l'autre  testament 
étaient  favorables  à  son  frère. 

«  Occidentalium  sacerdotum  commovit  au- 
ras, dicens  eum  adolescentulum  et  pêne  pue- 
rum  in  parochia  sua  Bethléem  presbyterum 
constitutum.  At  a;tas  ejus  beatitudini  tuœ  non 
est  ignota;  et  cum  ad  triginta  annorum  spatia 
jam  pervenerit,  puto  eam  in  boc  non  esse  re- 
prehendendam,  quœjuxta  mysterium assumpti 
hominis  in  Christo  perfecta  est.  Recordentur 
legis  antiquœ,  et  posi  viginti  quinque  an  nos  a 
levitica  tribu  eligi  in  sacerdôtium  pervidebit. 
Aut  si  in  boc  solo  testimonio  hebraicam  sequi- 
tur  veritatem ,  noverit  (riginta  annorum  fieri 
sacerdotem.  At  ne  forsitan  dicat,  vetera  tran- 
sierunt,  et  facta  sunt  onmia  nova,  audiat  cum 
Timolbeo,  adolescentiam  tuam  nemo  contem- 
nat  (Epist.  ad  Theophilum  adv.  error.  Joan. 
Hieroso.).  » 

Enfin,  saint  Jérôme  ajoute  que  l'évêque  de 
Jérusalem  avait  ordonné  lui-même  des  prêtres 
au-dessous  de  l'âge  de  trente  ans. 

IX.  Il  y  a  eu  des  exemples  surprenants  d'un 
âge  fort  disproportionné  aux  dignités  où  l'on 
était  appelé.  Tel  fut  l'exemple  de  saint  Remy, 
qui  fut  élu  archevêque  de  Reims,  à  l'âge  de 
vingt-deux  ans;  il  protesta  lui-même  que  les 
canons  ne  souffraient  pas  qu'en  un  âge  si  peu 
avancé  on  pût  être  chargé  d'un  poids  si  acca- 
blant et  d'une  dignité  si  éminente.  «  Quod  ec- 
clesiastica  régula  banc  setatem  ad  tanlam  non 
admitteret  dignitatem  (Flodoard.,  Hist.  Rem., 
1.  i,  c.  2).  »  Mais  on  jugera  qu'il  était  bien  plus 
utile  à  l'Eglise  d'avoir  un  prélat  qui  eût  toutes 
les  vertus  épiscopales,  quoiqu'il  n'en  eût  pis 
l'âge,  que  d'être  confiée  à  tant  d'autres  qui  en 
ont  l'âge  et  n'eu  ont  pas  les  vertus. 


Ces  exemples  sont  aussi  rares  que  ces  per- 
sonnes sont  extraordinaires.  Pour  le  commun 
des  bommes  il  faut  confesser  que  l'âge  donne 
du  respect.  Le  pape  Zozime  exige  fort  justement 
qu'on  ne  fasse  point  de  prêtre  dont  l'âge  ne 
réponde  à  leur  nom,  «  Ut  et  nomen  a>tas  im- 
pleat  (Epist.  i).  »  Et  saint  Jérôme  confesse  lui- 
même  que  le  nom  d'évêque  marque  sa  dignité, 
mais  que  celui  de  prêtre  montre  son  âge  : 
«  Illud  nomen  dignitatis  est ,  hoc  aetatis  (Epist. 
ad  Océan.).  » 

X.  Il  est  à  remarquer  que  lorsque  ces  grands 
bommes  du  siècle  d'or  de  l'Eglise  étaient  dis- 
pensés de  la  loi  rigoureuse  de  l'âge,  ce  n'étaient 
nullement  eux  qui  demandaient  ces  dispenses. 
Ils  faisaient  les  derniers  efforts  pour  éviter  et  la 
dispense  et  le  sacerdoce,  ce  qui  obligeait  l'Eglise 
à  les  juger  d'autant  plus  dignes  de  l'un  et  de 
l'autre. 

Tels  furent  ceux  que  nous  avons  nommés  : 
saint  Remy  et  saint  Tbéodore  Sicéote,  pour 
l'épiscopat;  Paulinien,  frère  de  saint  Jérôme, 
pour  la  prêtrise;  tel  fut  encore  saint  Gaudence, 
évêque  de  Rresce,  en  Lombardie.  11  fit  la  der- 
nière résistance,  et  opposa  son  défaut  d'âge 
pour  ne  pas  être  fait  évêque  ;  mais  saint  Am- 
broise  et  les  autres  évoques  de  la  province 
usèrenl  d'une  autorité  absolue  sur  lui,  le  me- 
naçant de  l'excommunication  comme  d'une 
juste  peine  de  sa  désobéissance. 

C'est  ce  que  ce  saint  évêque  déclara  lui-même 
dans  le  sermon  qu'il  fit  au  jour  du  sacre.  «  Im- 
peritiœ  meœ  conscius,  et  ictatis  ipsius  imma- 
tura1  ad  sacerdotii  dignitatem,  pudore  deter- 
ritus,  merito  silendi  licentiam  a  sunimis 
sacerdotibus  postulabam,  etc.  Omis  istud  totis 
viribus  conatus  sum  declinare.  Sed  beatus  pa- 
ter  Ambrosius,  caeterique  venerandi  antislites, 
taies  ad  me  epistolas  miserunt,  ut  sine  damno 
anima'  tneae  ultra  jam  resistere  non  valerem  ; 
cui  ab  orientalibus  quoque  episcopis,  nisi 
meum  ad  vos  reditum  pollicerer,  salularis 
communio  negaretur.  » 

Tels  étaient  ces  deux  admirables  frères,  Gré- 
goire Thaumaturge  et  Atbénodore,  dont  Eusèbe 
dit  qu'ils  furent  fait  évêques  dans  le  Pont, 
étant  encore  jeunes.  «  Tantam  et  tam  admira- 
bilem  in  divinis  eloquiis  adepti  sunt  peritiam, 
ut  ambo  àdbuc  admodum  juvenes,  ecclesiarum 
in  Ponto  episcopi  fuerint  constituti.  » 

Saint  Grégoire  de  Nysse  (L.  vi,  c.  30)  nous  a 
appris  l'extrême  résistance  et  la  fuite  de  saint 
Grégoire  Thaumaturge  pour  éviter  l'épiscopat. 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POIR  LA  CLÉRICATCRE,  etc. 


171 


Enfin  tel  aurait  été  saint  Chrysostome,  qu'on 
voulait  taire  évêque  des  l'âge  de  vingt-deux  ou 
de  vingt-quatre  ans,  s'il  n'eût  évité  cette  dignité 

en  la  faisant  tomber,  par  un  artifice  innocent, 
sur  la  tète  d'un  de  ses  amis. 

XL  On  ne  doit  point  être  surpris  qu'on  don- 
nât les  ordres  mineurs,  et  par  conséquent  des 
bénéfices  à  des  enfants  tout  petits,  puisqu'on 
ne  leur  donnait  que  l'ordre  qu'on  leur  faisait 
exercer;  on  le  leur  faisait  exercer  avec  toute 
l'assiduité  possible,  et  le  bénéfice  ne  consistait 


qu'en  des  distributions  suffisantes  pour  leur 
entretien  modeste  et  Frugal.  Samuel  n'était  pas 
si  âgé  quand  il  commença  de  servir  au  temple. 
A  présent  même,  on  élève  et  on  entretient  des 
cillants  aussi  jeunes  pour  le  chant  de  l'Eglise; 
C'est  la  pratique  du  temps  passé.  Cela  n'a 
rien  de  commun  avec  l'abus  que  le  concile  de 
Trente  a  condamné,  en  déclarant  les  enfants 
incapables  de  bénéfices  avant  l'âge  de  quatorze 
ans. 


CHAPITRE  SOIXANTE-HUITIEME. 


de  l'âge  nécessaire  pour  la  cléricature  et  pour  les  ordres,  au  sixième, 
septième  et  huitième  siècles. 


I.  Divers  règlements  Je  l'Eglise  de  France  sur  l'âge  de  la  cléri- 
calure  et  de  chaque  ordre.  Peu  d'uniformité.  Beaucoup  de  dis- 
penses en  faveur  d'une  vertu  consommée  avant  l'âge,  ijuand  on 
a  commencé  d'ordonner  des  prêtres  à  vingt-cinq  ans. 

II.  Règlements  pour  l'Espagne  ;  les  enfants  y  sont  élevés  à  la 
cléricature. 

III.  Il  en  est  de  même  dans  l'Italie. 

IV.  En  Orient,  Justinien  règle  tous  les  âges  des  ordres. 

V.  Le  concile  in  Trullo  fait  aussi  un  règlement.  Un  clerc  ton- 
suré à  cinq  ans,  un  prêtre  ordonné  à  dix-huit. 

I.  Le  concile  d'Agde  (Can.  xvi,  xvn)  régla 
l'âge  des  diacres  à  vingt-cinq  ans,  celui  des 
prêtres  et  des  évêques  a  trente,  égalant  les  prê- 
tres aux  évêques  en  âge,  pour  satisfaire  aux 
saints  Pères,  qui  ont  remarqué  que  comme  le 
nom  des  évêques  marque  leur  dignité,  celui 
des  prêtres  déclare  leur  âge. 

Le  concile  IV  d'Arles  (Can.  i)  renouvelle  ces 
mêmes  règlements  :  «  Ne  laicus  ante  praemis- 
sam  conversionem,  vel  ante  triginta  a?tatis  an- 
nos  episcopatus  vel  presbyterii  honorem  ac- 
cipiat;  »  sur  quoi  il  faut  remarquer  que  la 
particule  vel  ne  donne  pas  l'alternative,  mais 
qu'elle  marque  la  fonction  nécessaire  de  ces 
deux  conditions,  afin  qu'on  ne  s'imagine  pas 
qu'en  entrant  en  religion  ou  eut  dispense 
d'âge.  Cette  conversion  s'entend  de  l'épreuve 
qu'on  fait  des  laïques  dans  la  continence  et 
dans  les  exercices  des  petits  ordres,  avant  que 
de  les  ordonner  diacres. 


Le  concile  III  d'Orléans  (Can.  vi)  le  dit  nette- 
ment :  «  Ne  ullus  ex  laicis  ante  annualem  con- 
versionem vel  notatem  legitimam,  id  est,  vi- 
ginti  quinque  annorum  diaconus,  et  triginta 
presbyter  ordinetur.  »  Le  pape  Zacharie  permit 
a  saint  Boniface.  dans  les  pressantes  nécessités, 
d'ordonner  des  diacres  et  des  prêtres  à  vingt- 
cinq  ans.  «Si  provectœ  aetatis  minime  repe- 
riuntur,  et  nécessitas  exposuit,  a  viginti  quin- 
que annis  etsupralevilaeet  sacerdotes  ordinen- 
tur  Epist.  xin  .  » 

Grégoire  de  Tours  donne  trente  ans  à  saint 
Nizier.  évèque  de  Lyon,  quand  il  fut  fait  prêtre 
(Vita?  Patrum,  c.  vin;.  Saint  Remy  fut  ordonné 
évêquede  Reims  a  l'âge  de  vingt-deux  ans; 
mais  il  allégua  lui-même  les  canons  de  l'Eglise 
pour  s'exempter  d'une  charge  presque  insup- 
portable aux  plus  âgés  et  aux  plus  expérimen- 
tés, et  ce  fut  le  ciel  même  qui  se  déclara  pour 
lui  contre  lui.  et  lui  donnant  dispense  le  força 
de  l'accepter  Hincmar.  in  ejus  vita.  c.  vi,  vu). 
Le  saint  archevêque  Willibrord  voulant  ordon- 
ner Boniface,  cet  admirable  missionnaire  s'en 
défendit,  parce  qu'il  n'avait  pas  encore  cin- 
quante ans  :  «  Quoniam  quinquagesimi  anni 
juxta  canonicae  rectitudinis  normam.  necdum 
plene  reciperet  setatem  (Surius,  die  3  Junii).  » 

Je  ne  sais  d'où  Boniface  tirait  les  preuves  de 


172 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-HUITIÈME. 


la  nécessité  de  cet  âge,  mais  Willibrord  eût 
passé  outre ,  s'il  n'eût  apporté  de  meilleures 
défaites;  et  enfin  le  pape  l'ordonna  évèque, 
sans  attendre  cet  âge  où  la  vertu  est  à  la  vérité 
plus  mûre,  mais  où  les  forces  du  corps  com- 
mencent à  lui  manquer.  Saint  Césaire  fut  fait 
clerc  dès  sa  plus  tendre  enfance,  «  inter  ipsa 
infantiae  rudimenta  (Surins,  Aug.  die  -27,  c.  i, 
xxviu).  i)  Il  n'avait  guères  plus  de  sept  ans. 
Mais  ce  grand  saint  étant  devenu  évoque  d'Ar- 
les, ne  voulut  point  ordonner  de  diacre  qui  ne 
fût  âgé  de  trente  ans.  «  Adjecit  etiam  hoc,  ut 
manquant  in  ecclesia  sua  diaconum  ordinaret, 
ante  trigesimum  aetatis  ejus  annum  (Surius, 
Nov.  die  1,  c.  v).  »  Fortunat,  dans  la  vie  de 
saint  Cermain,  évèque  de  Paris,  parle  de  la 
voix  très-mélodieuse  d'un  clerc  qui  n'avait  que 
dix  ans.  Saint  Léger,  évoque  d'Autun,  fut  or- 
donné diacre  à  l'âge  de  vingt  ans  (Surius,  Oc- 
tob.  die  2). 

II.  Venons  à  l'Espagne,  où  le  concile  II  de 
Tolède  (Can.  i)  permet  aux  parents  de  vouer 
leurs  enfants  à  la  cléricature,  et  aux  évèques 
de  les  tonsurer  et  les  faire  lecteurs  dès  leurs 
plus  tendres  années.  «  A  primis  infantiœ  an- 
nis.  »  Il  ordonne  ensuite  qu'à  lage  de  dix-huit 
ans  on  les  examine,  et  s'ils  promettent  de  vivre 
en  continence,  on  les  ordonne  sous-diacres  à 
vingt-cinq.  Le  concile  IV  de  Tolède  (Can.  xx) 
confirme  ce  règlement  pour  les  diacres  par 
l'exemple  des  lévites  du  Vieux  Testament,  et 
exige  trente  ans  pour  l'ordre  des  prêtres. 

Le  concile  X  de  Tolède  (Can.  vi)  ne  permet 
au  père  et  à  la  mère  de  consacrer  leurs  enfants 
à  la  cléricature  ou  à  la  religion,  que  depuis  leur 
première  enfance,  et  non  par  delà,  «  in  quali- 
bet  minori  œtate,  »  jusqu'à  lage  de  dix  ans  : 
«  Parentibus  sane  filios  suos  religionis  contra- 
dere,  non  amplius  quam  usque  ad  decimum 
aetatis  eorum  annum ,  licentia  poterit  esse.  » 

Après  l'âge  de  dix  ans,  si  les  enfants  sont  of- 
ferts à l'étatecclésiastique ou  religieux  parleurs 
parents,  on  ne  peut  les  forcer  d'y  entrer  ou 
d'y  persévérer  sans  leur  propre  consentement. 
Isidore  de  Séville  dit  que  l'on  n'ordonne  les 
évoques  qu'à  l'âge  de  trente  ans,  pour  imiter 
de  près  l'exemple  du  Fils  de  Dieu,  qui  ne  com- 
mença qu'à  trente  ans  de  faire  la  fonction  la 
plus  épiscopale  de  toute,  qui  est  la  prédication. 
«  Ab  œtate  qua  Christus  orsus  est  praedicare 
(De  Eccles.  Oflic,  1.  il,  c.  5,  7).  »  Il  ajoute  qu'à 
l'exemple  des  lévites,  on  ordonne  les  diacres  à 
vingt-cinq  ans. 


III.  Saint  Grégoire  défendit  de  donner  les  or- 
dres sacrés  à  des  enfants,  «  pueris  ;  »  il  exi- 
gea un  âge  avancé  :  »  nisi  provectiores  œtate 
(L.  u,  epist.  47,  48).  »  Il  est  dit  du  pape  Eu- 
gène Ier  qu'il  avait  été  fait  clerc  dès  son  en- 
fance :  «  Clericus  a  cunabulis,  »  dit  Anastase 
bibliothécaire. 

IV.  Justinien  déclara  que  l'âge  des  évèques 
et  des  prêtres  était  de  trente-cinq  ans,  celui  des 
diacres  et  des  sous-diacres  de  vingt-cinq,  celui 
des  lecteurs  dix-huit  :  il  semble  se  contenter 
ailleurs  que  celui  qui  sera  élu  évèque  ait  plus 
de  trente  ans  (Cod.  de  Episc.  et  Cler.,  1.  ix  et 
Novel.  123,  cap.  i,  xiu  ;  Nov.  137,  c.  n). 

V.  On  lut  dans  le  concile  V  général  les  actes 
d'un  concile  tenu  dans  la  ville  de  Mopsueste, 
par  l'ordre  du  même  empereur  Justinien,  où 
entre  ceux  qui  déposèrent  contre  Théodore, 
autrefois  évèque  de  la  même  ville,  le  piètre 
Thomas  dit  qu'il  était  âgé  de  soixante  ans,  et 
qu'il  en  avait  passé  cinquante-cinq  dans  la 
cléricature  :  il  fut  donc  fait  clerc  à  l'âge  de 
cinq  ans  :  Sexaginta  annorum  sum,  habeo 
vero  in  clero,  licet  peccator  sim,  quinquaginta 
quinque  annos  (Collât,  v).  » 

Par  une  pareille  déduction  on  trouve  qu'un 
autre  Thomas  prêtre  était  entré  dans  le  clergé 
à  l'âge  de  dix  ans,  Jean  Diacre  au  même  âge, 
Thomas  Diacre  à  l'âge  de  dix  ans.  Le  concile 
in  Trullo  (Can.  xiv,  xv)  n'a  fait  que  suivre  les 
constitutions  de  Justinien  pour  l'âge  des  dia- 
cres (Cap.  xn)  ;  mais  il  a  mis  celui  des  sous- 
diacres  a  vingt  ans,  et  celui  des  prêtres  à  trente, 
corrigeant  la  loi  de  Justinien. 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Eutychius,  évè- 
que de  Constantinople,  dit  qu'il  fut  ordonné 
prêtre  à  l'âge  de  trente  ans,  et  qu'on  attendit 
un  âge  encore  plusavancé  pour  le  faire  évèque 
(Surins,  April.  die  0).  Saint  Jean  le  silencieux 
fut  fait  évèque  à  l'âge  de  trente-huit  ans. 

Le  célèbre  Théodore  Sicéote,  qui  fut  depuis 
évèque  d'Anastasiople,  fut  ordonné  prêtre  n'é- 
tant encore  âgé  que  de  dix-huit  ans  (Surius, 
Maii  die  13).  Mais  Théodore,  évèque  d'Anasta- 
siojde,  qui  l'ordonna,  fit  connaître  qu'il  n'avait 
fait  qu'imiter  l'Apôtre,  qui  avait  fait  évèque 
Timothée,  quoiqu'il  fût  encore  fort  jeune,  parce 
qu'il  avait  considéré  que  la  maturité  consom- 
mée dis  vertus  supplée  avantageusement  au 
défaut  de  l'âge  ;  enfin,  que  la  voix  du  ciel  s'é- 
lanl  l'ait  entendre  sur  ce  sujet,  elle  l'avait  em- 
porté sur  les  canons  (Surius,  April.  die  22). 

Théodore  était  déjà  consommé  en  vertu  dans 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POUR  LA  CLÉRICATDRE,  etc. 


171 


cet  âge  tendre,  où  il   fut  fait  prêtre;  et  ayant     anges  font  dans  le  ciel,  de  chanter  sans  inter- 
appris tout  le  psautier  par  cœur,  il  faisait  clans     raption  les  louanges  divines, 
toutes  les  églises  la  même  fonction  que  les 


CHAPITRE   SOIXANTE-NEUVIÈME. 


DE   L'AGE    NÉCESSAIRE   POUR    LÀ    CLÉRICATURE,    POUR   LES    ORDRES   SACRÉS    ET   LES   BENEFICES, 

SOUS   CHARLEMAGNE. 


I.  Diverses  lois  impériales,  pour  l'âge  des  lecteurs  et  des 
chantres  qu'on  reçoit  tout  petits,  des  sous-diacres  à  vingt  ans, 
des  diacres  à  vingt-cinq,  et  des  prêtres  à  trente. 

II.  Les  lois  et  les  canons  sur  ce  sujet  ne  s'observaient  point 
dans  l'Orient. 

III.  Dans  l'Occident  même  on  en  vit  des  violations  très-scan- 
daleuses. 

IV.  Les  capitulaires  et  les  conciles  avaient  néanmoins  renou- 
velé les  anciens  canons. 

I.  L'âge  des  ecclésiastiques,  pour  chaque 
ordre,  n'a  reçu  aucun  changement  dans  les 
deux  ou  trois  siècles  dont  nous  tachons  de  dé- 
mêler la  police.  Les  empereurs  Léon  et  Cons- 
tantin permirent  l'ordination  des  lecteurs  et 
des  chantres,  dès  le  temps  qu'ils  sauraient  lire 
ou  chanter.  «  Lector  designetur  ab  eo  tempore, 
quo  novit  et  potest  légère.  Psaltes  designetur 
abeo  tempore,  quo  canere  noverit  Juris  Orient., 
tom.  ii.  p.  94  .  » 

Photius  dit,  dans  son  Nomocanon,  que  les 
Novelles  de  Justinien  ne  permettent  d'ordonner 
les  prêtres  qu'à  trente  ans.  les  diacres  à  vingt- 
cinq,  les  lecteurs  à  vingt,  les  évêques  à  trente- 
cinq  (Nomocan.,  tit.  i,  c.  28);  mais  qu'une 
autre  constitution  de  Juslinien  se  contente  que 
l'évèque  passe  trente  ans.  Balsamon  ajoute  que 
la  Novelle  de  Justinien  n'exige  que  huit  ans  du 
lecteur,  mais  que  la  même  loi  corrigée  dans 
les  basiliques,  qui  contenaient  les  lois  confor- 
mes à  l'usage,  en  exigeait  dix-huit. 

De  là,  Balsamon  prend  un  juste  sujet  de  se 
plaindre  de  la  dépravation  étrange  de  son  siè- 
cle, où  au  lieu  d'attendre  l'âge  de  dix-huit  ans, 
selon  les  lois,  on  ordonnait  des  lecteurs  âgés 
seulement  de  six  ans,  et  quelques-uns  même 
de  trois  ans;  qu'au  reste,  ce  n'était  qu'une 
faible  défaite  de  dire  qu'on  n'était  pas  obligé 


d'attendre  l'âge  de  dix-huit  ans,  parce  que  les 
canons  n'ordonnaient  rien  de  semblable,  puis- 
que c'est  une  maxime  indubitable  que,  dans 
les  choses  qui  ne  sont  pas  décidées  par  les  ca- 
nons, il  fallait  se  conformer  aux  lois. 

Cette  maxime  des  Grecs  pour  les  choses 
ecclésiastiques  ne  pouvait  s'entendre  que  des 
lois  que  les  empereurs  avaient  faites,  ou  pour 
faciliter  l'exécution  des  canons,  ou  à  la  sollici- 
tation des  évêques,  et  surtout  des  évêques  de 
Constantinople,  comme  il  arrivait  très-souvent, 
ou  bien  des  lois  que  l'usage  de  l'Eglise  avait 
autorisées. 

«  Miror  quomodo  non  exerceatur,  quod  de 
lectorum  aetate  scriplum  est.  Cum  enim  dicat 
lex,  octodecim  annorum  esse  debere  lectorem, 
clerici  lectores  nuncordinantur  sexannos  nati, 
et  nonnunquametiam  tresannos  tantum.  Lege 
canonem  xiv  et  xv  synodi  vi  qui  déposition! 
subjicit  eos,  qui  ordinant  diaconos  et  subdia- 
conos,  ante  complementum  annorum  xxv  etxx 
vel  sacerdotes  ante  annorum  xxx.  Qui  autem 
dicunt  nihit  obesse  eis  qui  ordinant  lectores 
ante  xviu  annos  eorum  completos,  quia  cano- 
nes  nullam  ejus  rei  mentionem  fecerunt,  maie 
dicunt.  Ubi  enim  nihil  defînitur  a  canonibus, 
debemus  sequi  leges  et  ex  similibus  similia  de- 
cidere  (Ibidem  .  » 

Justinien  avait  réglé  l'âge  de  vingt-cinq  ans 
pour  le  sous-diaconat  (Nov.  123);  ce  canon  du 
concile  in  Trullo  le  réduisit  à  vingt  ans  ;  l'em- 
pereur Léon  le  Sage  révoqua  la  novelle  de 
Justinien,  et  confirma  ce  décret  du  concile  VI 
(Constit.  16).  La  raison  qu'il  en  donne  est 
digne  d'un  empereur  qui  a  mérité  le  nom  de 
sage.  C'est  que  chacun  doit  avoir  plus    de 


174 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-NEUVIÈME. 


créance  et  plus  d'autorité  dans  les  choses  qui 
sont  de  sa  charge  et  de  son  ressort.  Ainsi  dans 
les  matières  ecclésiastiques,  les  canons  doivent 
l'emporter  sur  les  lois.  «  Verbum  vêtus,  quod 
de  rébus  suis  dicenti  aures  esse  aperiendas 
monet,  etc.  Dignum  Raque  sacram  legem  de 
rébus  suis  praecipientem  audire  imperatoria 
nostra  majestas  rata,  etc.  » 

II.  Voilà  les  lois  de  l'Eglise,  peu  différentes 
de  l'ancienne,  et  de  la  plus  pure  discipline, 
mais  on  pourra  conjecturer  du  peu  de  fidélité 
avec  laquelle  on  les  observait,  par  ce  qui  a  été 
rapporté  de  lîalsamon  ,  touchant  les  jeunes 
clercs  ,  qu'on  ordonnait  quelquefois  lecteurs 
des  l'âge  de  six  ans,  et  même,  ce  qu'on  aura  de 
la  peine  à  croire,  des  l'âge  de  trois  ans;  et  de 
ce  que  Cédrénus  raconte  du  patriarche  Théo- 
pbylacte,  que  l'empereur  son  père  fit  monter 
sur  le  trône  patriarcal  dès  l'âge  de  seize  ans. 
«  Id  quod  contra  leges  ecclesiasticas  erat,  et 
patriarcha  sub  paidagogis,  proh  indignant)  rem, 
aliquandiu  egit.  » 

Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  ne  fut  pas  dans 
cette  seule  conjoncture  qu'on  crutque  la  faveur 
seule  de  l'empereur  pouvait  donner  du  mérite, 
de  l'âge  et  de  l'expérience,  ou  plutôt  qu'on 
reconnut  que  cela  était  impossible,  et  qu'on 
vit  des  évoques  et  des  patriarches  dans  la  pous- 
sière des  écoles  avec  les  enfants.  Il  est  vrai  que 
Théophylacte  ne  fut  consacré  évêque  qu'à  l'âge 
de  vingt-cinq  ans  ;  et  durant  cet  intervalle  de 
temps,  on  donna  comme  la  garde  du  patriar- 
cat à  Tryphon ,  comme  nous  dirons  ailleurs 
(Cedrenus.  Baronius,  an.  933,  944). 

III.  Peu  d'années  après,  Jean  XII  envahit  la 
papauté  à  Rome,  étant  encore  enfant,  puisque 
l'empereur  lui  donnait  encore  celte  qualité 
dans  un  synode  romain  quelques  années  après, 
«  Puer  est,  facile  bonorum  mutabitur  exemplo 
virorum  (An.  935);  »  et  que  Baronius,  en  sup- 
putant le  temps  que  son  père  se  maria,  conclut 
qu'il  ne  pouvait  avoir  tout  au  plus  que  dix-huit 
ans. 

On  avait  vu  quelques  années  auparavant  une 
chose  encore  plus  monstrueuse  en  France , 
lorsque  le  comte  Héribert  d'Aquitaine  fit  élire 
son  fils  Hugues,  archevêque  de  Reims,  n'étant 
encore  âgé  que  de  cinq  ans.  Abbon,  évêque  de 
Soissons,  Ravon,  évêque  de  Châlons,  le  clergé 
et  le  peuple  de  Reims  consentirent  à  cette  élec- 
tion scandaleuse;  le  roi  Rodolphe  la  confirma, 
et  envoya  le  même  Abbon  au  pape  Jean  X  pour 
obtenir  son  consentement  et  sa  dispense  (An. 


923).  Ce  pape  ne  crut  pas  devoir  refuser  ce 
que  le  roi  et  les  évoques  jugeaient  nécessaire. 

Voilà  ce  qu'en  dit  Flodoard  :  «  Eligunt  Hu- 
gonem  admodum  parvulum,  qui  nec  adhuc 
quinquennii  tempus  explesset.  Rodulphus  rex 
hac  electione  comperta,  prafatorum  episeopo- 
rum  consilio  Remensemepiscopatum  commisit 
Heriberto ,  etc.  Joannes  papa,  interveniente 
Abbone  praesule,  petitioni  eorum  conscnsum 
prabens  ;  episcopium  Remense  Abbono  epi- 
scopo  delegat,  etc.  (L.  iv.  c.  20).  » 

Luitprand  raconte,  dans  son  histoire,  que 
Jean  XII  fut  accusé,  dans  un  concile  romain, 
d'avoir  ordonné  un  évoque  à  l'âge  de  dix  ans. 
«  Et  quod  annorum  decem  episcopum  in  Tu- 
dertina  ci  vitale  ordinaret  (L.  vi,  c.  7).  » 

IV.  Tous  ces  exemples  scandaleux  ne  peuvent 
servir  qu'à  rendre  ce  renversement  des  canons 
plus  exécrable.  Et,  après  tout,  on  ne  peut  nier 
que  les  anciennes  règles  de  la  plus  pure  disci- 
pline sur  ce  sujet  ne  conservassent  toujours 
leur  première  vigueur  depuis  que  Charlemagne 
les  eut  renouvelées  dans  son  capitulaire  d'Aix- 
la-Chapelle,  où  il  ordonna  que,  Conformément 
au  canon  de  Néocésarée,  on  ne  donnât  la  prê- 
trise qu'à  l'âge  de  trente  ans  (Au.  789,  can.  l; 
Capitul.,  1.  i,  c.  49). 

Cela  fut  confirmé  peu  après  par  le  concile 
de  Francfort  :  «  De  presbyteris  ante  xxx  œtatis 
annum  non  ordinandis  (An.  794,  can.  xlix),  » 
et  par  le  concile  111  de  Tours  (An.  813,  can.  xu), 
qui  commanda  que  ceux  qui  seraient  ordonnés 
prêtres  passassent  auparavant  quelque  temps 
dans  l'évèché,  pour  apprendre  les  devoirs  de 
leur  profession  et  donner  des  preuves  de  leur 
piété  et  de  leur  suffisance. 

C'est  ce  qui  nous  donnera  occasion  de  traiter 
ensuite  des  séminaires  où  on  élevait  les  jeunes 
clercs  jusqu'à  cet  âge,  proportionné  à  l'impor- 
tance et  à  la  sainteté  du  ministère  qu'on  leur 
confiait  par  les  saints  ordres. 

Ilincmar  nous  apprend,  par  son  propre 
exemple,  qu'on  y  recevait  les  enfants  dans  un 
âge  fort  tendre  pour  leur  donner  une  éducation 
toute  sainte,  avec  d'autant  plus  de  facilité  qu'on 
aurait  prévenu  toute  la  contagion  des  désordres 
et  des  impuretés  du  siècle,  a  Oui  in  monasterio, 
ubi  ah  ipsis  rudimentis  infantia'  sub  canonico 
habita  educatus,  indeque  eductus,  etc.  (Tom.  h, 
p.  304)  (1).  » 


(l)  Pour  comprendre  ce  qui  est  dit  ici  de  Jean  XII,  il  est  néces- 
saire de  dire  qu'en  931,  Hugues,  roi  d'Italie,  venait  de  démembrer 
Us  Etats  de  l'Eglise,  en  envahissant,  sans  aucun  prétexte,  les  Mar- 


DE  L'ACE  NÉCESSAIRE  POUR  LA  CLÉRICATURE,  etc. 


CHAPITRE   SOIXANTE-DIXIEME. 


DE    I.  AGE   NECESSAIRE    POUR  LA   CLERICATURE,    POUR    LES   ORDRES   ET   POUR    LES    BENEFICES, 

APRÈS   L'AN    MIL. 


I.  Règlements  des  conciles  du  onzième  siècle  sur  l'âge  des 
ordres  sacrés.  Générosité  de  saint  Fulbert. 

II.  Règlements  du  douzième  siècle  sur  le  mime  sujet.  Nobles 
sentiments  de  saint  Bernard  et  d'Hildebert,  évêque  du  Mans. 

III.  Règlements  et  tempéraments  du  concile  III  de  Latran  sous 
Alexandre  III. 

IV.  Règlements  des  papes  et  des  conciles  du  treizième  siècle. 

V.  Dans  le  quatorzième  siècle,  le  concile  général  de  Vienne 
relâche  beaucoup,  entraîné  par  la  coutume,   qui  le  nécessite 

le  s'accommoder  à  elle  plutôt  qu'au  droit 

VI.  Générosité  louable  de  quelques  papes  à  refuser  des  dis- 
penses d'âge  demandées  par  des  princes,  qui  n'étaient  pas  fâchés 
d'être  refusés. 

Vil.  Le  concile  de  Trente  prend  le  milieu  entre  les  adoucisse- 
ments du  concile  de  Vienne  et  la  rigueur  des  anciens  canons. 

VIII.  Promulgation  des  décrets  du  concile  sur  l'âge  dans  les 
conciles  provinciaux  de  Fiance,  et  les  ordonnances  de  nos  rois. 

IX.  Diverses  remarques  des  canonisles  sur  le  droit  des  décré- 
tais, confronté  avec  le  concile  de  Tienie. 

X.  L'âge  de  la  tonsure  et  des  ordres  mineurs. 


I.  Le  concile  de  Toulouse,  en  1056  (Can.  n), 
régla  l'âge  de  trente  ans  pour  les  évèques,  les 
abbés  et  les  prêtres,  et  celui  île  vingt-cinq  pour 
les  diacres,  si  une  piété  et  une  sagesse  extraor- 
dinairement  avancée  ne  portait  aussi  l'évêque 
et  le  clergé  à  prévenir  ce  temps.  «  Nisi  aut 
studio  sanetitatis  ac  sapientiœ  omati,  provi- 
dentia  episcopi  siniul  et  cleri  promoveantur.  » 

Le  concile  de  Rouen,  en  1074  (Can.  vi),  per- 
mit l'ordination  des  sous-diacres  à  l'âge  de 
vingt  ans,  celle  des  diacres  à  vingt-cinq,  des 
prêtres  à  trente,  dans  l'extrême  nécessité  à 
vingt-cinq,  jamais  plutôt.  «  Nullus  ordinetur 
presbyter  ante  triginta  annos  nisi  snmma  ne- 
cessitate.  Sedtamen  presbyter  nullus  ordinetur 
ante  viginti  quinque  annos.  » 


Voilà  les  deux  causes  qui  ont  donné  fonde- 
ment d'abord  à  une  légitime  dispense  pour 
avancer  l'ordination  de  la  prêtrise,  savoir  :  un 
mérite  extraordinaire  et  un  besoin  pressant  de 
l'Eglise.  Mais  ces  dispenses  étant  abandonnées 
à  la  discrétion  des  évêques,  elles  passèrent 
bientôt  en  droit  commun,  parce  qu'elles  se 
rendirent  enfin  tout  à  fait  communes. 

On  en  est  donc  enfin  venu  à  la  loi  de  ne 
point  ordonner  de  prêtre  avant  l'âge  de  vingt- 
cinq  ans;  mais  il  a  fallu  plus  d'un  siècle  pour 
faire  ce  changement  entier. 

Le  concile  de  Melfi,  en  1089  (Can.  iv),  où 
Urbain  II  présida,  permit  d'ordonner  des  sous- 
diacres  à  làge  de  quatorze  ou  quinze  ans;  mais 
il  ne  changea  rien  au  reste. 

Pierre  Damien  prouve  que  le  Eils  de  Dieu 
commença  le  divin  ministère  de  son  sacerdoce 
des  qu'il  eut  été  baptisé,  à  l'âge  de  trente  ans, 
par  la  pratique  constante  de  l'Eglise,  de  n'or- 
donner point  de  prêtres  avant  cet  âge.  «  Nisi 
enim  certa  fides  haberet,  cum  baptismo  Domi- 
num  simul  et  sacerdotium  suscepisse,  ut  quid 
tantopere  canonica  prohiberet  autoritas,  ante 
illius  aetatis  tempus  quo  ipse  baplizatus  est, 
quetnpiam  ad  sacerdotales  insulas  aspirare 
(L.  Oratissimus,  c.  iv)?  » 

Le  saint  et  généreux  Fulbert,  évêque  de 
Chartres,  ne  craignit  point  de  faire  une  très- 
aigre,  mais  très-juste  réprimande  à  son  propre 
métropolitain,  Leuthéric,  archevêque  de  Sens, 
de  ce  qu'il  avait  ordonné  un  évêque  avant 


ches,  l'exarchat  de  Ravenne  et  l'Emilie.  Albéric,  le  puissant  comte 
de  Tusculum,  crut  devoir  suivre  cet  exemple.  Il  s'empara  brutale- 
ment de  Rome  et  de  sa  province,  malgré  les  énergiques  protestations 
du  pape  Etienne  VIII,  et  se  fit  proclamer  prince  de  Home  par  l'urne 
électorale  de  l'époque.  Cependant  il  ne  croyait  pas  pouvoir  posséder 
tranquillement  la  couronne  dans  Rome,  si  un  de  ses  familiers  n'occu- 
pait le  souverain  pontificat,  nisi  aliquis  sibi  bene  notus  Bomanœ 
urbis ponti/icatum  teneret,  dit  ilansi.  Etienne  VIII  étant  un  obstacle, 
Albéric  le  fit  assassiner.  Il  se  rendit  maître  de  l'élection  et  fit  nom- 
mer au  souverain  pontificat  son  propre  frère,  qui  prit  le  nom  de 
Jean  XI.  Quelques  dociles  et  tremblants  instruments  .du  puissant 
Albéric,  prince  des  Romains,  se  succédèrent  en  peu  d'années.  Enfin, 
en  954,  Albéric  mourut  et  laissa  la  principauté  de  Rome  à  Octavien, 
son  fils,  âgé  de  18  ans.  Deux  mois  après,  le  pape  Agapet  II  étant 


descendu  dans  la  tombe,  le  jeune  Octavien  imagina  de  réunir  sur  sa 
tète  la  couronne  de  son  père  et  la  tiare  de  saint  Pierre.  II  se  fit  donc 
nommer  pape  et  prit  le  nom  de  Jean  XII,  pour  déshonorer  la  chaire 
du  prince  des  apôtres. 

Un  peu  plus  d'un  demi-siècle  après,  cette  redoutable  famille  des 
comtes  de  Tusculum  s'empara  de  nouveau,  pour  le  plus  grand  mal- 
heur de  l'Eglise,  du  souverain  pontificat,  et  fit  élire,  en  1033,  un 
jeune  enfant  de  son  sang,  âgé  seulement  de  dix  ans,  puer  decennist 
dit  un  contemporain,  qui  affligea  l'Eglise  de  Dieu  sous  le  nom  de 
Benoit  IX.  Ces  faits  et  d'autres  encore  que  nous  fournit  l'histoire, 
sont  de  nature  à  prouver  surabondamment  l'absolue  nécessité  de 
l'indépendance  de  la  papauté  de  toute  puissance  civile.  On  finira  par 
comprendre  que  les  siècles  ont  bien  fait  en  assurant  un  petit  royaume 
indépendant  au  chef  de  l'Eglise  catholique.  (Dr  André.) 


176  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  SOIXANTE-DIXIÈME. 


Tàge,  et  d'ailleurs  si  incapable  de  ce  divin  mi- 
nistère ([lie  son  troupeau  même  s'éleva  contre 
lui  et  ne  voulut  pas  le  recevoir  (Epist.  xxviu). 
Ce  saint  prélat  donna  encore  un  témoignage 
illustre  de  sa  fermeté  quand  il  refusa  une  di- 
gnité de  sous-doyen  à  l'évèque  de  Senlis,  qui 
la  lui  avait  demandée  ou  pour  lui  ou  pour  son 
frère;  lui  déclarant  qu'il  ne  pouvait  l'accorder 
ni  à  lui,  parce  qu'il  était  évêque,  ni  à  son  frère, 
qui  n'avait  ni  l'âge  ni  la  maturité  nécessaires, 
a  Respondimus,  non  convenire  sibi,  eo  quod 
episcopus  esset,  neque  fratri,  œtate  adbuc  et 
moribus  immaturo  (Epist.  xlvi).» 

Mais  ce  siècle  onzième  ne  vit  rien  de  plus 
scandaleux  que  l'intrusion  d'un  enfant  de  dix 
ou  douze  ans  sur  le  Siège  apostolique,  par  la 
tyrannique  domination  d'AIbéric,  comte  de 
Toscanelle,  qui  l'emporta  sur  les  généreuses 
résistances  des  évoques  cardinaux  (Baronius, 
an.  1033).  La  vie  et  la  fin  de  ce  pape  répon- 
dirent à  ces  commencements  (Claber.,  1.  iv, 
c.  5).  On  le  nomma  Benoît  IX. 

IL  Je  commencerai  au  contraire  le  siècle 
suivant  par  la  dispense  d'âge  la  plus  légitime 
qui  fut  jamais  donnée.  Ce  fut  lorsque  saint 
Malacbie,  depuis  archevêque  d'Irlande,  fut  fait 
diacre  ayant  moins  de  vingt-cinq  ans,  et  prêtre 
en  ayant  moins  de  trente. 

Voici  comment  saint  Bernard  en  parle  dans  sa 
vie,  proposant  cet  exemple  à  l'admiration  plu- 
tôt qu'à  l'imitation  de  tous  ceux  qui  n'auraient 
ni  la  sainteté  de  Malacbie  qui  fut  ordonné,  ni 
la  lumière  et  le  mérite  du  prélat  qui  l'or- 
donna : 

«  Erat  autem  cum  sacerdos  ordinatus  est , 
annos  natus,  quasi  viginti  quinque.  In  qua  ejus 
utraque  ordinatione,  si  quia  praeter  canonum 
formani  processisse  videtur,  ut  vere  videtur, 
siquidem  infra  vigesimum  quintum  annurn 
leviticum  ministerium,  infra  tricesimum  ade- 
ptus  est  saccrdotii  dignitatem  :  donandum  sane 
tuni  zelo  ordinatoris,  tu  m  meritis  ordinali. 
Ego  vero  islud  nec  in  sancto  redarguendum  i 
nec  usurpandum  consule  ei,  qui  sanctus  non 
fuerit.  » 

Saint  Hugues,  qui  fut  depuis  évêque  de  Lin- 
coln ,  fut  fait  diacre  à  l'âge  de  dix-neuf  ans. 
Mais  ce  ne  fut  qu'aux  instances  pressantes  de 
ses  confrères  les  chanoines  réguliers,  parmi 
lesquels  il  avait  été  élevé  dès  l'âge  de  huit  ans. 
«  Cum  Hugo  nonum  decimum  œtatis  aiiniim 
attigisset,  petentibus  instanter  fralribus,  [évita 
ordinatus  est.  In  quo  gradu  cum  mirabiliter 


cunctis  placeret ,  statim  ad  altiora  coactus 
scandit.  Injungitur  ei  cujusdam  parochia; 
administratio,  etc.  (Surius,  die  19  Novemb., 
c.  i).  » 

Ces  paroles  insinuent  assez  clairement  qu'il 
fut  aussi  fait  prêtre  avant  l'âge  canonique,  mais 
que  ce  fut  par  une  sainte  violence  qu'on  fit  à 
sa  modestie  et  par  une  conviction  publique  de 
son  mérite  extraordinaire. 

Au  contraire  Hildebert  étant  encore  évêque 
du  Mans,  non-seulement  refusa  d'assister  à  l'or- 
dination précipitée  d'un  évêque  d'Angers,  élu 
avant  l'âge  réglé  par  les  canons,  mais  il  lui 
écrivit  à  lui-même  une  lettre  admirable,  où, 
avec  une  force  mêlée  de  douceur  et  de  sagesse, 
il  lui  montre  qu'une  trop  grande  jeunesse  est 
plus  propre  à  donner  de  l'appréhension  et  de 
la  défiance  que  du  respect  :  «  In  summis  sacer- 
dotibus  setas  intégra  postulatur,  unde  nec  peri- 
culum  religio  metuat,  nec  reverentiam  dignitas 
amittat  (Epist.  ix,  xu).  »  Qu'Ezéchiel  commence 
sa  prophétie  par  le  témoignage  qu'il  se  rend 
lui-même  d'un  âge  proportionné  à  une  si  su- 
blime fonction.  «  Ezechieli  in  trigesimo  anno 
cœli  aperiuntur  et  prius  aetas  prophétie  descri- 
bitnr,  ut  quibus  annis  pracdicJio  committi 
debeat,  ostendatur.  » 

Le  Fils  de  Dieu  aima  plus  saint  Jean  que 
saint  Pierre,  ce  fut  néanmoins  â  Pierre  qu'il 
donna  la  principauté  du  sacerdoce,  c'est-à-dire, 
à  l'âge  de  Pierre,  pour  laisser  cet  exemple  mé- 
morable à  son  Eglise,  de  ne  point  préférer  les 
jeunes  aux  anciens. 

«  Christus  Joannem  supra  Petrum  dilexit, 
Petro  lamen,  non  Joanni  concesta  est  potestas 
ligandi  atque  solvendi.  Qui  enim  per  Isaiam 
dixerat  :  Auferte  offendicula  de  via  populi 
nui  ;  coram  discipulis  offendiculum  ponere 
noluit,  nec  majoribus  anteponere  juvenem, 
quamvis  eum  prœrogativa  castitalis  sibi  prœ 
ca?teris  fecerat  familiarem.  Detulit  igitur  œtati, 
non  meritis,  nec  proetulit  conjugatum  virgini, 
sed  provectiorem  juniori.  » 

Enfin  le  Fils  de  Dieu  même  écouta  les  doc- 
teurs à  l'âge  de  douze  ans;  à  l'âge  de  trente  ans 
il  fit  lui-même  la  fonction  de  docteur  et  de 
maître.  «  Donec  annorum  defuit  integritas, 
doctor  omnium  fines  discipuli  non  excessit, 
ubi  vero  pleni  dies  accesserunt,  factus  est 
Magister  pro  debilo,  qui  fuerat  discipulus  pro 
exenq>lo.  » 

L'admirable  lettre  de  saint  Bernard  à  Henry, 
archevêque  de  Sens,  nous  fait  bien  voir  coin- 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POUR  LA  CLÉRICATURE,  etc. 


177 


bien  cet  abus  était  fréquent,  que  déjeunes  éco- 
liers ressassent  de  la  poussière  des  classes  sur 
les  trônes  des  plus  hautes  dignités  de  l'Église, 
plus  aises  d'avoir  secoué  le  joug  d'un  pré- 
cepteur que  d'être  devenus  les  maîtres  de 
l'Eglise. 

«  Scholares  pueri  et  impubères  adolescen- 
tuli  ob  sanguinis  dignitatem  promoventur  ad 
ecclesiasticas  dignitates,  et  de  sub  ferula  trans- 
feruntur  ad  principandum  ;  presbyteris  lœ- 
tiores  intérim  quod  virgas  evaserint,  quam 
quod  meruerint  principari  :  nec  tam  illisblan- 
ditur  adeptum,  quam  ademptum  imperium 
(Epist.  xlii).  » 

Cet  intrépide  abbé  écrit  ailleurs  au  cardinal 
Jordan,  afin  qu'il  informe  le  pape  de  la  con- 
duite scandaleuse  de  son  légat,  qui  avait  conféré 
des  bénéfices  à  déjeunes  enfants.  «Formosulos 
pueros  in  ecclesiasticis  honoribus  promovisse , 
ubi  potuit  :  ubi  non  potuit,  voluisse  (Ep.  eexe).  » 

Ce  saint  abbé  n'avait  donc  garde  de  tomber 
dans  une  faute  pareille ,  quand  le  comte  de 
Champagne,  Thibaut,  le  pria  de  faire  donner 
quelques  bénéfices  à  son  plus  jeune  fils  Thibaut. 
Ce  saint  lui  écrivit  :  1°  Que  les  bénéfices 
n'étaient  dus  qu'aux  plus  dignes.  2°  Que  les 
personnes  mêmes  qui  avaient  et  l'âge  et  la  ca- 
pacité n'en  pouvaient  posséder  qu'un.  C'est  une 
ebose  terrible  que  ces  pièges  soient  si  difficiles 
à  éviter,  même  aux  plus  grandes  et  aux  plus 
saintes  âmes  (Epist.  cclxxi).  Ce  saint  abbé  dé- 
plore, dans  une  autre  lettre,  sa  surprise  et  sa 
facilité  de  s'être  employé  une  fois,  contre  sa 
coutume,  pour  un  jeune  homme  qui  poursui- 
vait une  prévôté  (Epist.  cclxxiv). 

Guillaume  de  Neubrige  nous  a  découvert  une 
source  cachée  de  ces  désordres.  Les  évoques 
étaient  bien  aises,  non-seulement  d'obliger  les 
personnes  de  haute  naissance,  en  conférant  des 
bénéfices  à  leurs  enfants  encore  tout  petits; 
mais  aussi  de  faire  tomber  dans  leur  épargne 
tous  les  revenus  de  ces  églises  pendant  la  mi- 
norité des  titulaires,  comme  par  une  espèce  de 
garde-noble. 

C'est  ce  qu'il  assure  de  Roger,  archevêque 
d'York.  «  Pro  personis  spectabilibus ,  quibus 
tanquam  quibusdam  monilibus,  Eboracensis 
olim  refulsit  Ecclesia ,  titulavit  imberbes,  et 
quosdam  etiam  agentes  sub  ferula,  aptos  inagis 
pro  relate  aedificare  casas,  et  plostello  adjungere 
mures,  ludere  par  impar,  equitare  in  arundine 
longa,  quam  personas  gerere  in  Ecclesia  ma- 
gnatum  :  ut  scilicet  usque  ad  anuos  viriles, 

Tij.  —  Tome  II. 


curam  agens  titulatprum ,  universa  perciperet 
commoda  titulorum  (De  rébus  Ang.,  Lib.  m  , 
c.  •">  .  » 

Quant  aux  conciles  tenus  dans  ce  xu"  siècle, 
celui  de  Londres,  en  1125  Can.  vu),  renouvelle 
les  anciens  canons  qu'on  ne  puisse  donner  les 
doyennés,  ni  les  prieurés  qu'a  des  prêtres,  ni 
les  archidiaconés  qu'à  des  diacres.  Ce  qui  fait 
connaître  l'âge  nécessaire  pour  ces  bénéfices. 
Le  concile  de  Clermont,  sous  Urbain  II  (Can.  m), 
avait  ordonné  la  même  chose,  confondant  les 
archiprêtres  et  les  doyens. 

Celui  de  Londres,  en  11*27  (Can.  iv),  apporta 
cet  adoucissement  que  celui  qui  aurait  été  élevé 
à  ces  dignités,  sans  l'ordre  nécessaire ,  serait 
averti  par  l'évêque  de  se  faire  ordonner,  au 
péril  de  perdre  son  bénéfice.  «  Nullus  in  deca- 
num,  nisi  presbyter,  nullus  in  archidiaconum, 
nisi  diaconus  constituatur.  Quod  si  quis  ad  hos 
honores  infra  prsedictos  ordines  jam  designa- 
tus  est.  moneatur  ab  episcopo  ad  ordines  acce- 
dere.  Quod  si  juxta  monitionem  episcopi  refu- 
gerit,  eadem  ad  quam  designatus  fuerat,  careat 
dignitate.  » 

Le  concile  de  Reims,  en  1131  (Can.  vin),  où 
le  pape  Innocent  II  était  présent,  renouvela  ce 
même  règlement,  comprenant  les  prévôts  au 
même  rang  des  doyens,  et  ajoutant  que  ces  di- 
gnités ne  devaient  être  accordées  qu'à  ceux  qui 
étaient  déjà  dans  les  ordres  sacrés ,  et  dont  la 
piété  et  la  science  répondait  à  ce  caractère. 
«  Prohibemus  ne  adolescentibus  vel  infra  sacros 
ordines  constitutis,  sed  qui  prudentiaetmerito 
vitae  clarescant,  prœdicti  concedantur  hono- 
res. »  Ce  qui  fut  confirmé  en  mêmes  termes 
par  le  même  pape  dans  le  concile  II  de  Latran, 
en  1139  Can.  x),  et  dans  le  concile  de  Reims, 
en  1 148,  sous  Eugène  III. 

III.  Mais  le  concile  III  de  Latran,  sous  le  pape 
Alexandre  III,  en  1177,  confirme  tous  ces  règle- 
ments anciens,  qu'on  n'élise  poiut  d'évèque 
qui  n'ait  trente  ans  accomplis  ,  ni  de  doyen  , 
d'archidiacre,  de  curé,  ou  d'autre  bénéficier 
chargé  du  soin  des  âmes,  qui  n'ait  atteint  l'âge 
de  vingt-cinq  ans;  et  qu'on  les  oblige  de  pren- 
dre, l'archidiacre  le  diaconat,  les  autres  la  prê- 
trise dans  le  temps  marqué  par  les  canons , 
à  moins  d'être  exposés  à  perdre  leurs  béné- 
fices. 

Ce  temps  marqué  par  les  canons,  «  Prrefixo 
a  canonibus  tempore  (Can.  xm),  »  est  indubi- 
tablement l'année  même  ;  mais  il  ne  nous  a 
point  paru  dans  quel  concile  cette  détermina- 
it 


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DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIXIÈME. 


tion  précise  a  été  faite.  Les  canons  qni  ont  été 
cités  ordonnaient  seulement  qu'on  les  pres- 
serait de  se  faire  ordonner,  et  que  leur  refus 
serait  un  juste  sujet  de  privation  de  Leur  dignité. 
Il  faut  donc  que  ce  soit  entre  le  concile  de 
Reims,  sous  Eugène  III,  et  le  concile  de  Latran, 
sous  Alexandre  III ,  c'est-à-dire,  entre  1148  et 
1177  que  cette  détermination  a  été  faite,  ou 
c'est  ce  pape  et  ce  concile  même ,  qui  ont  taci- 
tement interprété  et  introduit  la  coutume 
de  prendre  cet  intervalle  pour  l'espace  d'une 
année. 

Je  remarque  en  passant  que,  si  ce  concile 
fait  éclater  son  exactitude  à  faire  ordonner  dans 
l'année  même  ceux  qui  sont  pourvus  de  ces 
dignités,  il  se  relâche  aussi:  i°  En  n'exigeant 
l'âge  de  vingt-cinq  ans  que  des  archidiacres, 
et  non  pas  de  tous  les  diacres  ,  comme  le  por- 
tait l'usage  ancien  ;  2°  en  ne  demandant  plus 
que  l'âge  de  vingt-cinq  ans  pour  les  prêtres, 
au  lieu  de  trente.  En  effet ,  si  vingt-cinq  ans 
suffisent  pour  les  dignités  sacerdotales,  ils  suf- 
firont bien  plus  certainement  pour  tous  les 
autres  prêtres.  3°  Mais  ce  tempérament  était 
nécessaire  en  un  temps  où  les  évêques  s'étaient 
donné  la  liberté  de  donner  les  bénéfices  à  des 
enfants  de  dix  ou  douze  ans. 

Le  même  pape  Alexandre  écrivit  des  lettres 
fort  mortifiantes  à  l'archevêque  de  Cantorbéry 
en  Angleterre,  sur  ce  qu'il  souffrait  que  l'évê- 
que  de  Coventiy  eut  donné  plusieurs  églises 
à  des  enfants  au-dessous  de  dix  ans,  les  faisant 
cependant  gouverner  par  des  laïques.  Ce  pape 
ordonne  que  ces  églises  seront  remises  à  des 
vicaires  ecclésiastiques,  que  ces  sortes  de  pro- 
visions à  l'avenir  seront  nulles,  qu'on  ne  don- 
nera plus  de  bénéfice  qu'à  ceux  qui  auront  au 
moins  quatorze  ans  :  «  Nemini  infra  xiv  an- 
nuin  constituto  personatuin  alicujus  ecclesiœ 
concedere  praesumatis  (C.  Ex ratione  ;  Extra. 
De  a'tate  et  quai,  praefic.)  ;  »  et  qu'à  l'avenir  les 
bénéfices  seront  impétrables,  si,  contre  les  dé- 
crets du  dernier  concile  de  Latran ,  on  les  a 
obtenus  au-dessous  de  quatorze  ans;  enfin, 
que  bien  que  les  canons  ordonnent  qu'on  ne 
puisse  donner  de  cure  qu'à  ceux  qui  sont  déjà 
sous-diacres,  on  peut  néanmoins  par  dispense 
en  pourvoir  ceux  qui  en  peu  de  temps  peuvent 
être  laits  sous-diacres,  étant  déjà  dans  les  or- 
dres mineurs  (  Append.  Conc.  Later.  111, 
Part.  3). 

Ce  même  abus  n'avait  pas  jeté  de  moins  pro- 
fondes racines  dans  la  France.  L'abbé  de  saint 


Menge,  à  Châlons,  écrivit  au  roi  Louis  le  Jeune, 
qui  avait  donné  une  prébende  de  la  cathédrale 
de  Châlons  à  son  neveu,  âgé  seulement  de  sept 
ans,  que  les  chanoines  ne  pouvaient  pas  s'en 
prendre  à  l'âge  de  son  neveu,  puisqu'ils  ne 
pouvaient  ignorer  que  dans  toutes  les  églises 
du  royaume  on  donnait  des  prébendes  à  des 
enfants  moins  âgés  que  de  sept  ans  (Du  Chesne, 
tom.  îv,  p.  008).  Il  ajoute  à  cela  qu'il  avait  vu 
lui-même  donner  une  prébende  à  un  enfant  de 
cinq  ou  six  ans,  par  l'évêque  de  Châlons  et  tout 
le  chapitre. 

Hugues  de  Saint-Victor  témoigne  encore  que 
le  sous-diacre  ne  pouvait  être  ordonné  qu'à 
quatorze  ans,  le  diacre  à  vingt-cinq,  le  prêtre 
à  trente  (Desacram.,  1.  u,  part.  3,  e.  xxi). Voilà 
l'ancienne  discipline,  qui  mettait  peu  de  dif- 
férence entre  le  sous-diaconat  et  les  quatre  or- 
dres inférieurs,  ne  l'ayant  pas  encore  élevé  au 
rang  des  ordres  sacrés. 

IV.  Je  passe  au  treizième  siècle,  et  je  le  com- 
mence par  la  lettre  du  pape  Innocent  III,  où  il 
dépose  l'évêque  de  Mclphi,  en  Italie,  chargé 
entre  autres  cri  mes  d'avoir  donné  les  meilleures 
prébendes  de  son  église  à  ses  neveux,  qui  à 
peine  sortaient  du  berceau ,  et  ne  faisaient  en- 
core que  bégayer.  «  Nepotibus  suis  vagientibus 
in  cunabulis,  licet  ad  plus  vix  valentihus  bal- 
bulire ,  nedum  quod  in  ccclesia  legerent,  vel 
taillaient,  majores  prœbendas  tribuit,  et  béné- 
ficia meliora,  portantibus  aliis  pondus  diei  et 
astus,  et  istis  ,  ubi  non  seminaverunt ,  meten- 
tihus  plena  manu  (Regist.  xv,  Epist.  233).  » 

Ce  même  pape  balance  ailleurs  l'élection 
d'un  évêque,  parce  qu'on  ne  lui  faisait  pas  pa- 
raître qu'il  eût  atteint  l'âge  de  trente  ans.  Ce 
pape  refusa  de  confirmer  l'élection  faite  du 
prévôt  de  Pabenbourg ,  pour  être  fait  arche- 
vêque de  Colocza,  quoiqu'il  fût  frère  de  la  reine 
de  Hongrie;  et  il  témoigna  au  roi  de  Hongrie 
qu'il  avait  été  nécessité  à  ce  refus,  sur  ce  que 
le  prévôt  n'avait  encore  que  vingt-cinq  ans,  et 
n'avait  étudié  ni  en  théologie  ,  ni  en  droit  ca- 
non ;  l'assurant  que  s'il  eût  eu  une  capacité 
médiocre,  et  s'il  eût  approché  de  trente  ans,  il 
eût  donné  la  dispense,  mais  que  dans  cette 
conjoncture  la  dispensatioh  ne  serait  qu'une 
dissipation  des  canons.  «  Si  secus  fiat,.non  dis- 
pensais, sed  dissipatio  est  dicenda  (  C.  Cum 
nobis  extra.  De  electione).  » 

Grégoire  IX  déclara  que  les  jeunes  enfants 
étaient  aussi  incapables  de  tenir  des  bénéfices 
que  de  les  desservir.  «  Cum  illi  sunt  in  Eccle- 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POUR  LA  CLÉRICATLRE,  etc. 


170 


siis  idonei  reputandi ,  qui  servire  possunt  et 
volunt  in  ipsis .  et  pueri  et  beneficiati  qui  non 
possunt  in  eadem  eeelesia  deservire,  in  ea  non 
debent  idonei  reputari  (  Extra.  De  l'nebendis. 
c.  35).  » 

Le  concile  de  Londres,  en  1-237  (Can.  x'j 
défend  d'établir  des  vicaires  dans  les  églises, 
s'ils  ne  peuvent  être  ordonnes  prêtres  aux  pre- 
miers Quatre-temps  ;  et  pour  ceux  qui  étaient 
déjà  nommés,  il  leur  commande  de  se  faire 
ordonner  dans  Tannée.  Le  concile  de  Saumur, 
en  1-253  (Can.  v) ,  enjoignit  aux  archiprètres  et 
aux  archidiacres  de  recevoir  l'ordre  propre  de 
leur  ministère  dans  la  première  année  de 
leur  promotion,  sous  peine  d'en  être  privés. 

Le  concile  de  Bordeaux,  en  1-255  Can.  i)  vou- 
lut que  les  bénéficiera  se  présentassent  à  tous 
les  Quatre-Temps  a  l'ordination,  à  moins  de 
vouloir  être  privés  de  leurs  bénéfices.  «  Prae- 
cipitur  omnibus  clericis  habentibus  ecclesias, 
ut  continuam  faciant  residentiam  in  eisdem, 
et  ad  singula  tempora  ordinum  se  otferant  or- 
dinandos  ;  alioqui  nulla  alia  monitione  prae- 
missa,  suis  beneficiis  noverint  se  privatos.  »  Il 
y  a  apparence  que  ce  canon  doit  s'expliquer  des 
simples  clercs  qui  ont  des  cures,  etqui  doivent, 
dans  la  même  année,  se  faire  conférer  tous  les 
ordres  et  la  prêtrise  même. 

Le  concile  de  Montpellier,  en  1258  (Can.  i), 
appréhenda  au  contraire  un  âge  trop  avancé, 
et  donna  cet  avis  aux  évêques,  lorsqu'une  per- 
sonne âgée  de  vingt  ans  se  présente  à  la  cléri- 
cature,  d'examiner  avec  soin  si  c'est  la  piété 
qui  lui  a  inspiré  ce  dessein,  ou  quelque  intéi  et 
terrestre.  «  lllos  qui  sunt  in  a?tale  viginti  an- 
norum  et  supra.  Cautelam  habeat  ordinator, 
ut  talem  adscribat  militiœ  clericali  ,  qui  ex  de- 
votione  non  per  f'raudem  adscribi  cupiatordrni 
clericali.  » 

Grégoire  X,  dans  le  concile  de  Lyon,  en  1-27 1, 
renouvela  le  décret  d'Alexandre  III,  dans  le 
concile  de  Latran,  et  déclara  les  curés  impé- 
trables,  si  celui  qui  en  esF pourvu  ne  se  fait 
ordonner  prêtre  dans  l'année. 

Voici  le  premier  concile  universel  où  ce 
terme  d'une  année  est  nettement  déterminé. 
«  Infra  an  nu  m  a  sibi  commissi  regiminis  tem- 
pore  numerandum,  se  faciat  ad  sacerdotium 
promoveri.  Quod  si  infra  idem  tempus  promo- 
tus  non  fuerit,  eeelesia  sibi  commissa,  nulla 
etiam  prœmissa  monitione,  sit  praesentis  con- 
stitutionis  autoritate  privalus  (Can.  xm).  » 

Le  synode  d'Exeter,  en  1287   [Gap.  xxxvi), 


défendit  au  contraire  aux  nouveaux  prêtres 
d'exercer  une  cure  la  première  année  de  leur 
ordination,  s'ils  n'y  étaient  déjà  engagés ,  afin 
de  pouvoir,  durant  cette  première  année,  ap- 
prendre cet  art  si  divin  et  si  dangereux  tout 
ensemble  de  conduire  les  âmes. 

Enfin,  le  concile  d'Auch,  en  1300  (Cap.  x), 
déclara  que  ceux  qui  prenaient  une  cure  sans 
avoir  un  dessein  effectif  de  se  faire  ordonner 
prêtres  et  de  la  desservir,  mais  simplement 
pour  en  tirer  le  revenu  d'un  an,  et  puis  la  rési- 
gner, étaient  obligés  de  restituer  les  fruits 
qu'ils  en  avaient  reçus,  et  que  le  patron  qui  les 
avait  nommés  était  également  obligé  d'indem- 
niser cette  église,  outre  le  crime  dont  de  part 
et  d'autre  ils  avaient  noirci  leur  conscience. 

«  Observari  prœcipimus.  quod  nullus  paro- 
chialem  recipiat  ecclesiam,  non  intendens  ad 
sacerdotium  promoveri,  ut  fructus  ex  ea  perci- 
piat  per  annum,  etc.  Ad  restilutionem  eorum- 
dem  tenebitur.  Et  nibilominus  conferens,  qui 
ipsum  non  credebat  ad  sacerdotium  promo- 
vendum,  pra?ter  divinam,  quam  inde  incurrit 
ollensam,  remaneat  ad  servandam  indemnem 
ecclesiam  obligatus.  » 

Ce  concile  défend  enfin  de  donner  la  tonsure 
aux  enfants  ou  aux  gens  mariés,  s'ils  n'entrent 
en  religion  :  «  Infanti,  vel  conjugato  nisi  reli- 
gionem  intrantibus  (Can.  xm).  »  Il  parle  appa- 
remment des  enfants  qui  étaient  offerts  et  con- 
sacrés par  leur  père  à  la  vie  monastique. 

Siméon  ,  archevêque  de  Thessalonique  ,  re- 
marque, dans  son  livre  des  ordinations,  que  les 
évêques  confèrent  le  diaconat  aux  moines , 
quoiqu'ils  n'aient  pas  atteint  l'âge  prescrit  aux 
diacres  par  les  canons,  parce  que  la  profession 
religieuse,  et  leur  captivité  volontaire  sous  les 
ordres  d'un  sage  supérieur,  compense  avanta- 
geusement tout  ce  que  l'âge  pourrait  leur  avoir 
acquis  de  sagesse  et  de  gravité.  «  Si  autem  non- 
nulli  divini  episcopi  discretione  quadam  istos 
annos  in  monachis  sibi  subditis  breviant  et 
contrahunt,  hoc  ideo  fit,  quod  monachis  volun- 
tatem  suam  facere  non  licet ,  sed  aliorum 
(Can.  iv,.  » 

Ce  n'est  pas  là  la  seule  dispense  que  les  évê- 
ques aient  donné  en  cette  matière.  Le  même 
concile  d'Auch  Can.  xm),  leur  défend  de  don- 
ner à  l'avenir  des  cures  ou  des  prieurés,  ou 
quelque  bénéfice  que  ce  soit  qui  ait  charge 
d'âmes,  a  ceux  qui  n'auront  pas  encore  vingt- 
cinq  ans.  Honoré  III  soumit  aux  peines  cano- 
niques l'évèque  d'Orviédo,  en  Espagne,  pour 


180 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIXIÈME. 


avoir  ordonné  un  enfant  de  treize  ans  (Rainald., 
an.  1-217,  n.  85). 

Toutes  ces  dispensations  inconsidérées,  ou 
plutôt  toutes  ces  dissipations  visibles  des  ca- 
nons, dont  nous  avons  rapporté  tant  d'exemples 
dans  ce  chapitre,  ont  enfin  fait  perdre  aux  évo- 
ques et  ont  fait  réserver  au  seul  souverain  pon- 
tife, toutes  les  dispenses  d'âge,  soit  pour  les 
ordres,  soit  pour  les  bénélices. 

boni  face  Mil  donnant  l'évêché  de  Toulouse 
à  saint  Louis  de  la  maison  royale  de  France , 
lui  donna  en  même  temps  dispense  d'âge,  car 
il  n'avait  que  vingt-deux  ans,  mais  ses  écla- 
tantes vertus  et  sa  profession  religieuse  dans 
l'ordre  de  saint  François,  suppléaient  avanta- 
geusement a  ce  défaut  d'âge  (Hist.  univers., 
Paris.,  tom.  m,  pag.  517). 

V.  Passons  au  quartorzième  siècle,  et  au 
concile  de  Vienne  ,  qui  fut  tenu  en  Tan  1311 
(Rainald.,  an.  131 1,  n.  62).  On  s'y  plaignit  avec 
une  sainte  liberté,  et  avec  une  justice  toute 
visible,  des  dispenses  trop  fréquentes  que  les 
papes  donnaient  eux-mêmes  à  des  enfants,  de 
tenir  des  bénéfices,  et  d'en  tenir  plusieurs. 
«  rtrum  taies  tantam  beneficiorum  pluralita- 
tcm  habentes,  periculum  damnationis  evadere 
valeant ,  non  determino  :  sed  a  sapientissimis 
et  perfectissimis  tbeologis,  quorum  opinio  ce- 
lebrior,  non  ignoratur  a  pluribus,  requiratur 
(Quodlibet.  ix,  17,  30).  » 

Henry  de  Cand  pourrait  être  un  de  ces  doc- 
teurs, parce  qu'il  a  traité  celte  question  avec 
beaucoup  d'érudition  et  de  solidité. 

Durand,  évêque  de  Mende,  fit  ses  efforts  dans 
le  même  concile  de  Vienne,  pour  y  remettre 
en  vigueur  les  anciens  canons  sur  l'âge  néces- 
saire pour  les  ordres  et  pour  les  bénéfices.  Mais 
ses  soins  furent  inutiles;  et  le  concile  et  le 
pape  se  laissèrent  entraîner  à  la  coutume  géné- 
rale, qui  s'était  beaucoup  relâchée,  des  anciens 
canons,  et  qui  recevait  les  sous-diacres  à  dix- 
huit  ans,  les  diacres  à  vingt,  les  prêtres  à  vingt- 
cinq. 

C'est  ce  qui  fut  réglé  par  le  concile  même. 
«  Generalem  Ecclesia  observantiam  volentes 
antiquis  juribus  in  bac  parte  praeferri,  decer- 
nimus,  ut  alio  non  obstante  impedimento  ca- 
nonico,  possit  quis  libère  in  deciino  octavo  ad 
subdiaconatus ,  in  vigesimo  ad  diaconatus,  et 
in  vigesimo  quinto  œtatis  sme  anno  ad  presby- 
teratus  ordines  promoveri  Jn  Clément.,  1.  i, 
tit.  (i,  c.  ni).» 

Si  l'on  se  relâche  pour  les  autres  ordres,  en 


même  temps  qu'on  se  rend  plus  rigoureux 
pour  le  sous-diaconat,  c'est  que  le  sous-diaco- 
nat était  rehaussé  à  un  rang  supérieur,  et  on 
croyaitne  pouvoir  plus  sans  danger  de  schisme, 
garder  l'ancienne  rigueur  pour  l'âge  des  ordres 
supérieurs  et  des  bénéfices. 

Le  concile  II  de  Ravenne  Can.  xvi),  en  la 
même  année  1314,  marqua  l'âge  de  quinze  ans 
pour  les  chanoinies  des  églises  cathédrales  ,  et 
celui  de  douze  pour  les  chanoinies  des  collé- 
giales. 

Le  concile  de  Vienne  se  contenta  de  priver 
de  voix  dans  les  chapitres  ceux  qui  ne  seraient 
pas  au  moins  sous-diacres.  «  Nullus  de  caMcro 
in  ecclesiis  cathedralibus  vel  collegiatis  vocem 
habeat  in  capitulo ,  etiamsi  hoc  sibi  ab  aliis 
libère  concedatur,  nisi  saltem  in  subdiacona- 
tus ordine  fuerit  conslitutus  (In  Clément.,  1.  i, 
tit.  5,  c.  n).  » 

Le  concile  III  de  Ravenne,  en  131-1  (Can.  i , 
n,  xn)  fit  la  même  ordonnance,  ajoutant  qu'on 
ne  pourrait  recevoir  le  diaconat  qu'à  vingt  ans, 
le  sous-diaconat  à  seize,  la  prêtrise  à  vingt- 
cinq.  Cette  église  tirait  peut-être  cet  avantage 
de  son  antiquité ,  de  ne  pas  s'asservir  tout  à 
fait  aux  décrets  du  concile  de  Vienne,  qui 
étaient  contraires  à  son  ancien  usage  touchant 
les  sous-diacres. 

Le  concile  d'Angers,  en  1365  (Can.  m),  dé- 
clara les  collations  de  toutes  sortes  de  béné- 
fices nulles,  si  ceux  à  qui  on  les  conférait 
n'étaient  pas  en  âge  de  recevoir  Tordre  sacré, 
que  la  coutume,  ou  le  statut,  ou  la  fondation  y 
avait  attaché.  «  Quae  de  fundatione,  consuetu- 
dine,  vel  statuto  sacras  ordines  requirant.» 

«i.  Je  viens  au  quinzième  siècle,  où  rien  ne 
me  paraît  plus  mémorable,  que  le  refus  que  fit 
le  pape  Pie  II  au  roi  de  France  Charles  VU,  de 
donner  l'évêché  de  Castres  au  comte  de  la 
Marche,  prince  du  sang  royal,  mais  qui  n'était 
encore  âgé  que  de  dix-neuf  ans.  Ce  pape  fit 
adroitement  ressouvenir  le  roi  de  ce  que  lui- 
même,  ayant  autrefois  demandé  et  obtenu  du 
pape  Nicolas  V  un  évèché  pour  une  personne 
qui  n'en  avait  pas  l'âge,  il  avait  lui-même  dé- 
sapprouvé la  facilité  excessive  de  celui  qui 
avait  accordé  ce  qu'il  n'avait  demandé  que 
parce  qu'il  espérait  de  ne  le  point  obtenir. 
«  Quanquam  ego  intercesserim,  nunqnam  pu- 
tavi  tamen  hoc  illum  esse  facturum  (Rainald. 
an.  1 159,  n.  87).  » 

Ce  furent  alors  les  paroles  de  ce  sage  roi,  et 
voici  ensuite  celles  de  Pie  II,  qui  en  infère  fort 


DE  L'ACE  NÉCESSAIRE  POlïi  LA  CLÉIWCATUKE,  etc. 


isi 


justement,  que  les  rois  no  peuvent  pas  quel- 
quefois refuser  leurs  prières  et  leur  interven- 
tion, mais  qu'ils  ne  sont  nullement  fâchés  si  le 
pape  n'écoute  pas  ces  prières  forcées,  et  s'il 
satisfait  plutôt  à  l'intention  des  rois  qu'à  leurs 
paroles.  «  Ostendens  videlieet  qu;e  tua  essel 
rogandi  nécessitas,  et  quod  esse  deberet  Apo- 
stolicœ  Sedis  offlcium.  » 

Cette  lettre  de  Pie  II  est  plus  à  croire  que  celle 
de  Jacques,  cardinal  de  Pavie,  qui  raconte  la 
chose  un  peu  autrement.  Car  il  dit  que  ce  fut 
le  pape  Eugène  IV,  de  qui  le  roi  Charles  VII 
obtint  une  église  métropolitaine  pour  un  jeune 
ecclésiastique,  non-seulement  contre  son  espé- 
rance, mais  aussi  contre  son  intention.  Mais  ce 
savant  et  judicieux  cardinal  en  tire  la  même 
conclusion,  que  les  grands  demandent  souvent 
ce  qu'ils  n'ont  pas  dessein  d'obtenir  :  «  Accidit 
ssepe,  ut  illa  maxime  rogent,  qua>  minimum 
copiant  (Epist.  o.oixxx)  »  :  et  que  par  consé- 
quent la  justice  et  la  conscience  sont  les  seules 
règles  des  grâces  qu'il  faut  accorder  ou  refuser. 
«  Quaerendum  ergo  semper,  quod  rectum  :  et 
conscientia  gratis  prafferenda.  » 

On  trouve  parmi  les  lettres  de  ce  même  car- 
dinal, celle  de  Sixte  IV  au  roi  d'Aragon,  qui 
lui  avait  demandé  l'archevêché  de  Saragosse 
pour  son  fils  illégitime,  âgé  seulement  de  six 
ans  (Epist.  dxii).  Ce  pape  proteste  avec  beaucoup 
de  générosité  que,  ni  lui,  ni  le  sacré  collège  n'a- 
vaient pu  se  résoudre  à  accorder  une  grâce  qui 
devait  jeter  ceux  qui  l'accorderaient  et  celui 
qui  l'obtiendrait,  dans  la  disgrâce  de  Dieu  et 
dans  la  damnation  éternelle.  «  Pati  onmia  pos- 
sumus,  sed  jacturam  anima1  facere,  nec  debe- 
mus ,  nec  possimms  ;  nec  ut  eam  faciamus , 
tuam  piam  intentionem  credimus  velle.  » 

Le  roi,  peu  satisfait  de  ce  refus,  quoique 
très-juste,  laissa  longtemps  vaquer  cette  église. 
Le  pape  la  donna  à  un  cardinal  que  le  roi  tra- 
versa et  persécuta  si  cruellement,  que  le  pape, 
flétrissant  la  gloire  de  sa  première  constance 
par  une  lâche  et  pernicieuse  complaisance , 
donna  enfin  à  cet  enfant  l'administration  per- 
pétuelle de  cet  archevêché. 

Ce  fut  là  le  premier  exemple,  à  ce  que  dit 
Sponde,  de  cette  espèce  de  dispensation,  qui  fut 
plutôt  une  dissipation  des  lois  et  des  canons, 
également  dangereuse  pour  les  rois  et  pour  les 
papes  (Sponde.,  an.  1  i'.'i,  n.  H).  Pie  II  avait  déjà 
offert  au  roi  Charles  Vil  de  nommer  un  admi- 
nistrateur de  l'église  de  Castres,  jusqu'à  ce  que 
le  jeune  comte  de  la  Marche  eut  atteint  l'âge 


de  vingt-cinq  ans.  Cela  était  plus  supportable. 

VIL  Venons  au  seizième  siècle,  où  le  concile 
de  Cologne,  en  1536,  souhaiterait  bien  qu'on 
s'en  tint  plutôt  à  l'âge  requis  par  les  canons 
anciens  qu'aux  adoucissements  du  concile  de 
Vienne  ;  mais  il  s'en  remet  à  la  sagesse  du  con- 
cile futur.  11  demande  qu'au  moins,  selon  le 
décret  du  même  concile  de  Vienne  (Can.  xvin), 
la  science  et  la  piété  répondent,  non  à  l'âge, 
mais  à  la  dignité  du  ministère. 

Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxni,  c.  12,  (j), 
dérogeant  tacitement  au  concile  de  Vienne,  sa- 
tisfit en  partie  aux  désirs  de  celui  de  Cologne, 
en  déterminant  l'âge  de  vingt-deux  ans  pour 
le  sous-diaconat,  de  vingt-trois  pour  le  diaco- 
nat, et  de  vingt-cinq  pour  la  prêtrise,  même 
pour  les  réguliers.  Il  ne  permit  pas  qu'on  pût 
posséder  de  bénéfice  avant  l'âge  de  quatorze 
ans,  ni  des  dignités  chargées  du  soin  des  âmes, 
avant  l'âge  de  vingt-cinq  ans,  se  contentant  de 
vingt-deux  ans  pour  les  dignités  qui  n'ont  point 
de  charge  d'âmes,  soit  dans  les  églises  cathé- 
drales ou  collégiales  (Sess.  xiv,  c.  12). 

VIII.  Le  concile  de  Rouen,  tenu  en  1581, 
représenta  au  pape  Grégoire  Mil  que  plusieurs 
avaient  été  ordonnés  prêtres  et  établis  curés 
avant  l'âge  fixé  par  le  concile  de  Trente,  à 
cause  de  la  difficulté  de  trouver  des  prêtres  : 
«  Propter  raritatem  ac  defectum  sacerdotum 
in  nostra  provincia  »  :  que  plusieurs  cures 
étaient  destituées  de  pasteurs,  et  qu'il  y  en 
aurait  sans  doute  un  bien  plus  grand  nombre 
qui  seraient  abandonnées,  si  le  pape  ne  permet- 
tait aux  évèques  de  donner  dispense  à  ceux  qui 
avaient  déjà  été  ordonnés  avant  l'âge  et  d'en 
ordonner  aussi  à  l'avenir  quelques-uns,  à 
vingt-deux  ou  vingt-trois  ans,  quand  la  né- 
cessité serait  pressante,  et  que  la  capacité  et  la 
probité  suppléeraient  au  défaut  de  l'âge.  La 
réponse  fut  qu'on  accorderait  le  pouvoir  d'user 
de  dispense  pour  tous  ceux  qui  avaient  déjà  été 
ordonnés,  mais  que,  pour  l'avenir,  on  exa- 
minerait la  nécessité  et  l'utilité  de  l'Eglise, 
avant  que  d'accorder  chaque  dispense  particu- 
lière. «  Indulgebitur  facilitas  dispensandi,  cum 
hactenus  promotis.  De  caetero  intellecta  neces- 
sitate,  seu  utilitate  Ecclesiarum,  singulatim  dis- 
pensabitur.  » 

Voilà  les  deux  règles  anciennes  des  dispenses 
canoniques.  1°  Pardonner  plus  facilement  les 
taules  passées,  que  d'en  permettre  à  l'avenir. 
2°  Ne  donner  les  dispenses  qu'à  l'utilité  et  à  la 
nécessité  de  l'Eglise,  non  pas  à  la  cupidité  des 


182 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHANTRE  SOIXANTE-DIXIÈME. 


particuliers.  Mais,  il  paraît  par  ce  récit  que  les 
évêques  avaient  pris  la  liberté  de  donner  des 
dispenses  d'âge  contre  les  décrets  du  concile 
de  Vienne. 

Le  concile  de  Reims, en  L583,  promulgua  les 
statuts  du  concile  de  Trente,  (mon  ne  pourrait 
obtenir  quelque  bénéfice  que  ce  lut,  avant 
l'âge  de  quatorze  ans.  Le  concile  de  Tours,  en 
1583  (Can.  xm),  suivit  le  concile  de  Trente 
(Sess.  xxiv,  c.  12),  dans  l'âge  de  vingt-cinq  ans 
pour  les  dignités  qui  ont  charge  d'âmes,  et  de 
vingt-deux  pour  celles  qui  sont  sans  charge 
d'âmes.  Ce  même  concile  demanda  l'âge  de 
vingt-deux  ans  pour  les  chanoines  des  églises 
cathédrales,  ordonnant  à  ceux  qui  auraient  été 
reçus  à  cet  âge  de  se  faire  ordonner  sous-diacres 
dans  la  même  année,  et  â  moins  de  cela,  de  per- 
dre les  fruits  de  leurs  bénéfices. 

Le  parlement  de  Paris  s'opposa  à  l'exécution 
de  cette  ordonnance  (Le  Prêtre,  Centurie  n,  c. 
74).  Le  concile  de  Trente  ne  s'était  pas  déclaré 
si  précisément  sur  cet  article,  mais  il  avait 
tacitement  autorisé  ce  règlement,  en  ordonnant 
qu'on  attachât  quelque  ordre  sacré  â  toutes  les 
clianoinies,  et  qu'on  ne  pût  être  reçu  clianoine 
sans  se  faire  conférer  du  moins  le  sous-diaco- 
nat en  la  même  année. 

Le  concile  de  Mexique,  en  1585  (L.  i,  tit.  iv, 
c.  2),  défendit  de  donner  la  tonsure  avant  l'âge 
de  quatorze  ans,  si  ce  n'est  â  ceux  qui  ont  servi 
avec  la  robe  et  le  surplis  pendant  deux  ans 
dans  l'église  cathédrale,  et  dont  les  parents  ou 
les  tuteurs  assureront  par  serment  qu'ils  ont 
dessein  de  les  affermir  dans  la  profession  ecclé- 
siastique. «  llli  vero  ante  quartum  decimum 
annum  poterunt  prima  tonsura  initiari,  qui  in 
cathedrali  ecclesia,  clericali  toga  et  superpelli- 
cio  induti,  per  duossaltem  annosdivino  cultui 
inservierunt  :  si  prius  eorum  parentes,  vel  tu- 
tores  propositum  sibi  esse  juraverint,  in  eecle- 
siœ  ministerio  conservandi.  » 

Le  concile  de  Rordeaux,  en  1G24  (Cap.  vi, 
c.  2)  défendit  de  donner  la  tonsure  avant  l'âge 
de  douze  ans.  «  Statuinms  nullum  dcinceps 
admilti  debere  ad  primam  tonsuram ,  quin 
duodecimum  œtatis  suœ  annum  attigerit.  a 

L'ordonnance  des  Etats  d'Orléans  (Ordon. 
d'Orl.,  art.  I,  12)  régla  l'âge  des  évêques  à 
trente  ans;  celle  de  Rlois  (Ord.  de  Rlois,  art.  2, 
2'.))  le  réduisit  â  vingt-sept ,  suivant  le  concor- 
dat, et  quant  aux  autres  ordres,  l'ordonnance 
d'Orléans  défendit  d'ordonnerdes  prêtres  avanl 
l'âge  de  trente  ans.  L'Edil  de  Rlois  dérogea  à 


cet  article  d'Orléans .  en  ces  termes  :  «  Les 
ordres  sacrés  se  prendront  en  l'âge  prescrit  par 
les  constitutions  canoniques ,  savoir  :  l'ordre 
de  sous-diacre  à  vingt-deux  ans,  de  diacre  à 
vingt-trois,  et  de  prêtre  â  vingt-cinq,  nouobs- 
tanl  l'ordonnance  d'Orléans,  etc.  » 

Le  même  Editde  Rlois  (Art.  9)  ordonne  aussi 
que  les  abbés  et  prieurs  conventuels  se  fas- 
sent ordonner  prêtres  dans  la  même  année , 
s'ils  en  ont  l'âge,  et  en  tout  cas  dans  deux  ans, 
à  moins  de  cela  leurs  bénéfices  sont  impé- 
trables,  et  eux  obligésalarestitution  des  fruits. 
Il  fut  dit  dans  laxc  congrégation  du  concile  de 
Reims,  tenu  en  l.M'.i,  que  l'article  de  l'ordon- 
nance d'Orléans,  qui  remettait  l'ordination 
des  prêtres  à  trente  ou  quarante  ans,  ne  ten- 
dait qu'à  faire  qu'il  n'y  eut  plus  de  prêtres. 
aEœ  leges  non  aliud  spectabant,  quam  ne  am- 
plius  ordinarentur  presbyteri.  » 

IX.  Tous  les  canonistes  ont  tiré  une  règle 
fort  remarquable  du  canon  du  concile  de  La- 
tran  sous  Alexandre  111,  qui  est  rapporté  dans 
le  chapitre  «  Cum  in  cunctis,  de  electione.  » 
C'est  que  pour  tous  les  autres  ordres,  et  pour 
tous  les  autres  bénéfices,  il  suffit  que  l'âge 
designé  par  les  canons  soit  commencé,  au 
lieu  qu'il  est  nécessaire  qu'il  soit  accompli  pour 
l'épiscopat. 

Ce  concile  insinue  assez  clairement  cette 
différence.  «Nullus  inepiscopum  eligatur,  nisi 
qui  jnm  tricesinuini  annum  exegerit  setatis 
(Fagnan.,  in  1.  î  Décret.,  part.  2,  pag.  17).  » 
Et  plus  bas ,  «  Inleriora  ministeria,  quœ  cu- 
ram  animarum  habent  adnexam  nullus  susci- 
piat,  nisi  qui  jam  vigesimum  quintum  annum 
setatis  attigerit.  »  Grégoire  XIV  a  déclaré  la 
même  chose  pour  l'épiscopat  dans  sa  bulle, 
«Omis  apostolica?  servitutis,  »  en  l'an.  1591. 

Quelques  canonistes  pensent  que  les  Décré- 
tales  n'avaient  prescrit  aucun  âge  pour  les 
dignités  non  régulières,  et  sans  charge  d'âmes. 
Les  autres  concluent  qu'il  fallait  vingt-cinq 
ans,  d'une  décrétaleduSexte  (In  sexto.  Deaetat. 
et  qualit.,  c.  un.),  qui  permet  à  l'évèque  d'y 
recevoir  par  dispense  ceux  qui  ont  achevé  la 
vingtième  année  de  leur  âge.  Mais  le  concile  de 
Trente  (Sess.  24,  c.  xn)  a  fini  ce  différent,  en  y 
fixant  l'âge  de  vingt-deux  ans ,  que  la  congré- 
gation  du  concile  a  prononcé  devoir  être  ac- 
complis. 

Si  ces  dignités  néanmoins  par  leur  fondation, 
par  la  coutume,  ou  par  une  loi  particulière, 
avaient  la  prêtrise  annexée,  telles  que  sont  au- 


DE  L'AGE  NÉCESSAIRE  POUR  LA  CLÉRICATURÈ,  etc. 


183 


jourd'hui  les  abbayes,  les  doyennés,  Les  pré- 
vôtés et  archiprêtrés,  sans  charge  d'âmes,  l'âge 
de  vingt-cinq  ans  y  serait  nécessaire  Fagnan., 
ibid.,  p.  39,  W).  Cela  ne  serait  pas  de  la  sorte, 
si  la  prêtrise  n'v  est  attachée  que  par  le  droit 
commun. 

La  raison  de  cette  différence,  est  que  le  con- 
cile de  Trente  parle  assez  clairement,  pour 
avoir  dérogé  au  droit  commum;  mais  il  ne  dé- 
roge point  ni  aux  fondations,  ni  aux  coutumes 
ou  lois  particulières.  C'est  aussi  la  résolulion 
de  la  congrégation  du  concile,  dont  la  maxime 
constante  et  générale  est,  que  le  concile  ne 
peul  ignorer  le  droit  commun  ,  ainsi  il  y  dé- 
roge toujours  au  moins  tacitement,  quand  il 
fait  un  statut  contraire  :  mais  n'étant  pas  in- 
formé de  toutes  les  coutumes,  ou  de  toutes  les 
fondations  et  les  ordonnances  particulières,  il 
n'y  déroge  que  lorsqu'il  en  fait  une  déclaration 
manifeste,  au  moins  en  général. 

Quant  à  l'âge  nécessaire  selon  le  droit  com- 
mun pour  posséder  des  canonicats  et  des  pré- 
bendes dans  une  église  cathédrale,  les  cano- 
nistes  ne  sont  pas  moins  divisés,  les  uns  croyant 
que  sept  ans  suffisent,  les  autres  plus  proba- 
blement en  demandant  quatorze,  si  ce  n'est 
que  la  prébende  fut  fondée  pour  un  ministère 
qui  sied  mieux  à  un  enfant,  comme  de  porter 
les  chandeliers.  La  règle  XVII,  de  la  chancel- 
lerie, qui  est  d'Innocent  VIII,  et  qui  est  reçue 
en  France,  demande  quatorze  ans  pour  les  ca- 
nonicats des  cathédrales,  et  se  contente  de  dix 
ans  pour  ceux  des  collégiales. 

Après  le  concile  de  Trente,  il  faut  Irès-cer- 
tainement  au  moins  quatorze  ans;  mais  cet 
âge  ne  sufût  pas  pour  les  prébendes  auxquelles 
ou  la  loi,  ou  la  coutume,  ou  la  fondation  ont 
attaché  un  ordre  sacré  (C.  L't  ii.  In  Clément. 
De  u'tat.  etqualit.  11  est  besoin  que  ceux  qui  en 
sont  pourvus  soient  en  tel  âge  que,  dans  la 
première  année  de  leur  promotion,  ils  puissent 
recevoir  cet  ordre  sacré,  selon  le  concile  de 
Vienne  et  de  Trente  (Conc.  Trident.,  sess.  ii, 
c.  i\  .  Car,  depuis  le  concile  de  Vienne,  la  con- 
nexion d'un  bénéfice  et  d'un  ordre  doit  tou- 
jours s'entendre  de  la  sorte,  qu'on  recevra 
l'ordre  avant  la  un  de  la  première  année  après 
la  provision.  S:  ee  n'est  que  cette  condition  lui 
expressément  marquée  ,  que  le  bénéfice  ne 
serait  donné  qu'à  celui  qui  serait  déjà  prêtre. 

Il  est  bien  vrai  que  le  concile  a  ordonné  aux 
évêques  et  aux  chapitres  d'annexer  l'obligation 
de  quelque  ordre  sacré  à  toutes  les  prébendes  : 


mais  où  cette  distribution  n'a  point  encore  clé 
faite,  la  congrégation  du  concile  a  déclaré  que 
les  canonicats  pouvaient  être  possédés  après 
l'âge  de  quatorze  ans  accomplis;  mais  qu'il 
fallait  faire  de  nouvelles  instances  à  l'évêque 
pour  lui  taire  exécuter  cette  distribution  or- 
donnée parle  concile  (Fagnan.,  ibid.,  pag.  i  :. 
ii.  l.'i  .  Elle  a  même  déclaré  que  si  cette  con- 
dition avait  été  insérée  a  la  fondation  d'un  ca- 
nonicat,  qu'on  pourrait  en  être  pourvu  avant 
l'âge  de  quatorze  ans .  cette  condition  pourrait 
être  observée. 

Enfin,  le  concile  de  Trente  (Sess.  24,  c.  vin), 
avant  ordonné  que  dans  les  cathédrales  on 
établira  un  pénitencier  qui  soit  docteur  ou 
licencié,  et  âgé  de  quarante  ans  accomplis,  ou 
d'ailleurs  le  plus  capable  qui  se  puisse  trouver  : 
«  Annorum  quadraginta,  seu  alias  qui  aptior 
pro  loci  qualitate  reperiatur  ;  »  la  même  con- 
grégation déclare  que  le  défaut  de  l'âge  de 
quarante  ans  n'empêche  pas  que  la  provision 
ne  soit  bonne,  si  d'ailleurs  le  plus  digne  et  le 
plus  capable  a  été  choisi. 

Quant  aux  canonicats  et  aux  prébendes  des 
églises  collégiales,  les  canonistes  conviennent 
que  l'âge  de  sept  ans  suffisait;  mais  avant  le 
concile  de  Trente  une  règle  de  la  chancellerie 
avait  commencé  d'exiger  la  quatorzième  année 
commencée  ;  et  c'est  à  quoi  le  concile  de 
Trente  s'est  tenu ,  étendant  cette  règle  à  tous 
les  bénéfices,  même  aux  canonicats,  où  la  cou- 
tume prive  les  nouveaux  chanoines  de  tous  les 
fruits  pendant  l'espace  de  deux  ans.  Ce  sont  là 
les  déclarations  de  la  congrégation  du  concile 
(Fagnan..  ibid.,  p.  45,  16  . 

Pour  les  chapelles  et  autres  bénéfices  simples 
les  canonistes  demeuraient  presque  d'accord 
que  l'âge  de  sept  ans  suffisait,  mais  le  concile 
de  Trente  a  prescrit  l'âge  de  quatorze  ans, 
quoiqu'on  ait  auparavant  reçu  les  quatre  ordres 
mineurs.  Il  suffit  que  la  quatorzième  année 
soit  commencée,  selon  la  réponse  de  la  congré- 
gation du  concile  ;  mais  aussi  si  le  bénéfice  est 
conféré  avant  quatorze  ans,  la  collation  est 
toujours  nulle,  quoique  le  jeune  clerc  ait 
atteint  ou  passé  cet  âge,  selon  la  même  congré- 
gation [Fagnan.,  ibid..  et  p.  08  .  Si  la  fondation 
portait  autre  chose,  elle  l'emporterait. 

Quant  aux  pensions .  les  enfants  en  étaient 
capables,  si  ce  n'était  qu'une  aumône  pour  leur 
entretien,  ou  pour  les  asservir  à  quelque  office 
dont  cet  âge  fût  capable,  ou  pour  reconnaître 
le  mérite  et  les  services  de  leur  père.  Mais  de- 


181 


DE  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIXIÈME. 


puis  les  bulles  Sacrosancta  et  Ex  proximo  de 
Pie  V,  et  Cum  sacrosanctum  de  Sixte  V.  les 
pensions  sur  les  revenus  ecclésiastiques  ne 
peuvent  plus  être  assignées  qu'à  des  clercs  qui 
portent  la  tonsure  et  l'habit  ecclésiastique,  sous 
peine  d'en  être  privés  ipso  facto,  et  qui  disent 
l'office  de  la  Sainte  Vierge. 

Ainsi  l'âge  de  sept  ans  leur  est  nécessaire,  et 
la  pension  leur  est  donnée  pour  l'office,  aussi 
bien  que  si  c'était  un  bénéfice.  Ce  n'est  pour- 
tant pas  un  bénéfice  :  ainsi  la  congrégation  du 
concile  a  déclaré  que  l'âge  de  quatorze  ans,  que 
le  concile  a  demandé  pour  tous  les  bénéfices, 
n'y  était  pas  nécessaire  (Fagnan.,  ibid.,  p.45,  16, 
47).  Grégoire  XIII,  et  après  lui  la  congrégation 
du  concile  n'ont  pas  laissé  d'étendre  à  ces  pen- 
sionnaires le  privilège  du  for  clérical,  de  même 
que  s'ils  étaient  benéticiers,  par  la  règle  reçue 
qu'il  faut  donner  toujours  de  l'étendue  aux 
faveurs. 

Pour  ce  qui  est  des  dignités  régulières,  l'âge 
de  vingt-quatre  ans  commencé  y  était  néces- 
saire, selon  le  droit  commun,  si  c'étaient  des 
dignités  ayant  charge  d'âmes  et  intendance  sur 
une  communauté,  comme  les  abbayes  et  les 
prieurés  conventuels.  Ce  qui  a  été  confirmé 
par  le  concile  de  Trente.  Que  si  c'étaient  des 
dignités  ayant  charge  d'âmes,  mais  non  con- 
ventuelles, ou  la  charge  d'âmes  était  exercée 
par  un  vicaire,  et  il  suffisait  que  le  prieur  eût 
vïngl  ans  accomplis  :  ou  le  prieur  même 
l'exerçait,  et  alors  il  devait  avoir  vingt-cinq  ans 
commencés.  Enfin,  s'il  n'y  avait  nulle  charge 
d'âmes,  l'âge  de  vingt  ans  suffisait,  il  en  faut 
vingt-deux  après  le  concile  de  Trente,  qui 
comprend  les  dignités  régulières  dans  son 
décret,  selon  la  congrégation  (Fagnan.,  ibid.. 
p.  47,  48.) 

Au  reste,  les  années  dont  il  a  été  parlé  com- 
mencent à  la  naissance,  et  non  pas  au  baptême, 
comme  la  congrégation  du  concile  l'a  déclaré 
dans  l'espèce  d'un  clerc  pourvu  d'une  chanoinie 
sacerdotale,  et  qui  pouvait  être  ordonné  prêtre 
dans  l'année,  si  on  la  commençait  à  sa  nais- 
sance, et  ne  le  pouvait  si  on  la  commençait  à 
son  baptême. 

Enfin,  le  jour  doit  être  fini  dans  les  matières 
odieuses,  telles  que  font  les  prescriptions;  niais 
il  suffit  qu'il  soit  commencé  dans  ces  règles  des 
bénéfices    Ibidem,  p.  •"><).) 

Je  reviens  au \  cures  et  aux  dignités  qui  ont 
charge  d'âmes  ;  et  je  dis  en  distinguant  les 
divers  changements  qui  se  sont  faits  en  divers 


temps  :  1°  que  si  ceux  qui  en  sont  pourvus 
manquent  à  recevoir  la  prêtrise  dans  L'année, 
ils  ne  sont  pas  privés  de  leurs  bénéfices  ipso 
facto,  mais  ils  doivent  en  être  privés  selon  le 
concile  de  Latran,  C.  Cwn  in  ennetis,  de  ele- 
ctione  ;  2°  les  curés  en  sont  privés  ipso  facto, 
selon  le  concile  de  Lyon,  qui  suivit  après, 
C.  Licet  Canon.  De  electione  in  Sexto.  Les 
autres  en  doivent  être  privés  ;  3°  Roniface  VIII 
mit  dans  ce  dernier  rang  les  cures  unies  à  des 
Eglises  collégiales,  C.  Statutitm.  De  elect.,  in 
sexto;  4°  le  concile  de  Constance  (Conc.  Con- 
stanti.,  sess.  -43,1  enveloppa  tous  les  bénéficiers 
dans  une  même  sentence,  et  les  déclara  déchus 
ipso  facto  de  leur  bénéfice,  s'ils  ne  recevaient 
dans  l'année  les  ordres  annexés  à  leur  béné- 
fice. 

Enfin,  le  concile  de  Trente  (Sess.  22.  c.  iv,) 
laissant  les  cures  et  tous  les  autres  bénéfices 
dans  la  même  disposition  du  concile  de  Cons- 
tance, a  beaucoup  adouci  ces  peines  pour  les 
dignités,  canonicats  et  autres  bénéfices  des 
églises  cathédrales  et  collégiales  :  il  les  a  con- 
damnés seulement  aux  peines  de  la  Clémentine 
l'i  ii,  qui  ne  sont  autres  que  la  privation  de 
voix,  et  de  la  moitié  des  distributions,  ce  qui 
suppose  qu'ils  conservent  leurs  bénéfices.  (Fa- 
gnan., ibid.,  53,  M.  55,  56  .  C'est  aussi  la  réso- 
lution delà  congrégation  du  concile. 

X.  Nous  avons  peu  parlé  de  l'âge  requis  pour 
la  tonsure  et  pour  les  quatre  ordres  mineurs, 
parée  que  la  congrégation  du  concile  a  reconnu 
que  le  concile  de  Trente  n'avait  fait  aucun  rè- 
glement sur  cela,  et  qu'il  fallait  s'en  tenir  aux 
anciens  canons.  Et  néanmoins  la  même  con- 
grégation déclara  en  une  autre  rencontre,  que 
pour  la  tonsure  il  fallait  sept  ans  achevés 
(Fagnan.  In  i.  part.  lib.  m,  p.  187,  189,  190.) 

Muant  aux  ordres  mineurs,  la  diversité  est  si 
grande,  et  dans  le  texte  des  canons,  et  dans  les 
sentiments  des  canonistes,  qu'on  n'en  peut  rien 
conclure  de  certain,  et  il  faut  nécessairement 
s'attacher  à  la  pratique  universelle  de  l'Eglise 
comme  à  l'interprète  le  plus  fidèle  des  canons, 
qui  laisse  une  entière  liberté  de  recevoir  les 
ordres  mineurs  au-dessus  de  sept  ans.  A  quoi 
est  conforme  le  pontifical  romain.  «  Prima 
tonsura  et  minores  ordines  ante  septimum 
annum  completum  dari  non  debent. 

Le  moine  Blastares  dit  que,  parmi  les  Grecs, 
les  enfants  sont  ordonnés  lecteurs  dès  qu'ils 
savent  lire.  «  Lector  ordinatur,  quam  primum 
poterit  légère.  (Blastares  littera,  c.  x,  c.  21.) 


DU  CHANT  ET  DE  LA  INCITATION  DES  OFFICES  DIVINS. 


185 


Si  l'on  fait  un  pou  de  réflexion  sur  ce  qui  a 
été  si  invinciblement  établi  ailleurs,  que  durant 
plusieurs  siècles  la  cléricature  ne  se  donnait 
qu'avec  quelqu'un  des  ordres  mineurs,  on 
verra  bien  clairement  la  raison  pourquoi  Ton 
ne  saurait  distinguer  dans  les  canons  l'âge  de 
la  tonsure  d'avec  celui  des    ordres  mineurs. 


Mais  le  concile  de  Trente  ayant  ordonné  que 
les  ordres  mineurs  se  donnent  séparément,  on 
pourrait  les  ménager  sagement  depuis  rage  de 
sept  ans  jusqu'à  celui  du  sous-diaconat.  Mais 
c'est  ce  que  l'Eglise  abandonne  à  lu  sagesse  des 
évêques  (1). 


(1)  Le  concordat  de  Léon  X  et  de  François  I"  accordait  un  privi  - 
ége  à  la  France,  en  ce  que  ses  sujets  pouvaient  être  promus  à 
l'épiscopat  à  l'âge  de  vingt-sept  ans  révolus,  tandis  qu'il  en  fallait 
trente  ailleurs.  Le  concordat  de  1801,  qui  a  aboli  l'ancien,  se  tait 
sur  L'âge  requis  pour  l'épiscopat,  mais  le  16e  des  articles  organiques 
exige  trente  ans.  Le  26e  desdits  articles  prescrit  aux  évêques  de 
n'ordonner  personne  qu'il  n'ait  atteint  l'âge  de  vingt-cinq  ans.  On 
entendait  le  sous-diaconat.  Sur  les  observations  qui  lui  furent  faites, 
le  gouvernement  fit  paraître  un  décret,  le  10  lévrier  1810,  par  lequel 
il  autorisait  la  réception  du  sous-diaconat  à  vingt-deux  ans.  Une  dé- 
cision ministérielle  de  1809  avait  antérieurement  déclaré  que   pour 


conférer  le  diaconat  et  la  prêtrise,   l'évéque  n'avait  pas   besoin  du 
consentement  du  gouvernement. 

L'âge  requis  pour  le  cardinalat  est,  d'après  le  concile  de  Trente, 
celui  de  l'épiscopat.  Cependant,  par  la  constitution  Postquam  verus, 
Sixte-Quint  déclara  qu'on  pouvait  être  nommé  cardinal-diacre  à  l'âge 
de  vingt-deux  ans.  Le  plus  récent  exemple  est  celui  de  l'infant  d'Es- 
pagne, Louis-Marie  de  Bourbon,  nommé,  le  23  octobre  1800,  par 
Pie  VII,  cardinal-diacre  du  titre  de  Sainte-Marie  délia  scala,  à  l'âge 
de  vingt-deux  ans  et  six  mois.  Il  mourut  en  1823,  étant  archevêque 
de  Tolède.  (Dr  Ahdké.) 


CHAPITRE  SOIXANTE-ONZIÈME. 


DU   CHANT   ET    DE   LA   RÉCITATION   DES   OFFICES   DIVINS  DANS   L'ÉGLISE   GRECQUE, 
PENDANT   LES    CINQ   PREMIERS  SIÈCLES. 


I.  Les  mêmes  offices  divins  et  les  mêmes  heures  ODt  été  en 
usage  dès  la  naissance  de  l'Eglise.  Preuve  tirée  des  constitu- 
tions apostoliques. 

II.  Cette  coutume  était  commune  aux  laïques  et  aux  clercs,  el 
ou  récitait  ces  offices  en  particulier,  quand  on  ne  pouvait  le  l'aire 
dans  l'Eglise. 

III.  IV.  Inverses  preuves  qu'on  a  chanté  les  offices  dès  le  com- 
mencement, mais  qu'un  seul  chantre  chantait  les  psaumes,  ou 
plusieurs  chantres  successivement.  Coutume  de  l'Eglise  d'Alexan- 
drie de  lire  plutôt  que  de  chanter. 

V.  Divers  règlements  du  concile  de  Laodicée,  pour  les  heures 
canoniales. 

VI.  Vil.  Description  des  offices  des  monastères,  empruntés  de 
ceux  de  l'Eglise,  portés  à  une  plus  grande  perfection,  et  ensuite 
communiqués  à  l'Eglise,  et  conservés  jusqu'à  présent.  Des 
psaumes  de  l'office  de  lu  nuit,  des  leçons,  «les  collectes. 

VIII.  Autres  pratiques  des  monastères,  retenues  dans  l'Eglise, 

!  Jlre  as-lf  nu  debout. 

IX.  De  réciter  les  heures  du  jour  en  particulier.  De  l'heure  de 
prime,  de  laude. 

X.  Des  vigiles  du  samedi  au  dimanche. 

XI.  Preuves  que  les  fidèles,  les  clercs,  les  religieux  qui  n'a- 
vaient pas  assisté  aux  heures  canoniales  de  l'église,  les  réci- 
taient eu  particulier. 

I.  Après  les  devoirs  importants  et  univer- 
sels tles  ecclésiastiques,  qui  concernent  leur 
tonsure  et  leur  habit;  le  chant  et  les  offices  de 
l'Eglise  sont  le  sujet  qui  se  présente  à  traiter, 
comme  le  plus  lié  à  celui  dont  nous  avons  parlé 
ci-dessus,  el  comme  contenant  la  première  et 


la  plus  essentielle  obligation  des  clercs  et  des 
bénéficier?,  qui  est  de  chanter  ou  réciter  tous 
les  jours  les  louanges  de  Dieu. 

Le  but  de  ce  discours  sera  :  1°  d'exposer  les 
preuves  de  l'obligation  constante  des  clercs  à 
réciter  les  heures  canoniales;  2U  d'entrelacer 
les  particularités  les  plus  remarquables  des  ori- 
gines de  tout  l'ofQce  divin. 

Comme  elles  sont  puisées  dans  les  conciles 
et  dans  les  écrits  des  saints  Pères,  elles  pour- 
ront inspirer  plus  d'estime  et  plus  de  vé- 
nération pour  cet  office  vraiment  divin  :  et 
ainsi  ces  origines  mêmes  pourront  passer  pour 
autant  de  preuves  de  la  même  obligation. 

Commençons  par  la  pratique  de  l'Eglise 
d'Orient  à  ce  sujet. 

L'auteur  des  constitutions  apostoliques  or- 
donne aux  fidèles  de  prier  le  matin ,  l'heure 
de  tierce,  à  sexte,  à  none,  à  vêpres  et  au  chant 
du  coq  :  «  Precationes  facite  mane  tertia,  sexta, 
nona,  vespere,  atque  ad  galli  cantum  (L.  vin, 
c.  34).  »  Le  matin  pour  rendre  grâces  au  Père 
des  lumières  ,  qui  l'ait  luire  le  jour.  A  tierce, 
parce  que  c'est  l'heure  que  l'auteur  de  la  jus- 


186 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-ONZIÈME. 


ticc  fut  condamné  à  mort.  A  sexte,  parce  qu'il 
fut  mis  en  croix  à  midi.  A  l'heure  de  none, 
paire  que  l'auteur  de  la  vie  expira.  Au  soir, 
pour  remercier  l'auteur  du  repos.  Au  chant  du 
coq,  parce  que  le  retour  du  jour  appelle  les 
enfants  de  lumière  au  travail  et  à  l'œuvre  du 
salut  éternel. 

Si  l'évêqne  ne  peut  assembler  les  fidèles  à  l'é- 
glise cause  des  persécutions,  il  les  assemblera 
dans  quelque  maison  :  «  Si  ad  ecclesiam  pro- 
dire non  licuerit,propter  infidèles,  congregabis, 
episcope,  in  domo  aliqua.»  Mais  si  l'on  ne  peut 
s'assembler  ni  dans  l'église ,  ni  dans  aucune 
maison,  chaque  fidèle  s'acquittera  en  particu- 
lier de  ce  pieux  devoir,  ou  l'on  se  joindra  deux 
ou  trois  ensemble  :  «  Quod  si  neque  in  domo, 
neque  in  ecclesia  congregari  poterunt,  psallat 
sibi  unusquisque,  légat,  bref  :  vel  duo  simul. 
aut  très.  Ubi  enirn  fuerint,  inquit  Dominus, 
duo  aut  très  congregati  in  nomine  meo,  ibi 
sum  in  medio  eorum.  » 

II.  Ce  peu  de  paroles  renferme  tout  ce  que 
nous  avons  à  développer  et  à  établir  dans  les 
deux  ou  trois  chapitres  suivants,  où  nous  ferons 
voir  :  1°  que  depuis  la  naissance  de  l'Eglise  il 
y  a  eu  un  office  divin,  composé  à  peu  près  des 
mêmes  heures,  des  mêmes  psaumes,  des  mê- 
mes lectures  spirituelles  qu'à  présent;  2°  qu'on 
l'a  chanté  ou  récité  publiquement  dans  les 
églises  ou  dans  les  oratoires  particuliers,  quand 
on  a  eu  la  liberté  de  s'y  assembler  ;  3°  que 
cette  obligation  regardait  particulièrement  les 
ecclésiastiques  qui  devaient  présider  à  ces  as- 
semblées et  à  ces  prières  publiques  avec  l'évê- 
que  ;  4"  que  les  fidèles  étaient  autrefois  aussi 
compris  dans  la  même  obligation  de  piété  , 
puisque  cette  constitution  apostolique  est 
adressée  à  tous  les  fidèles  en  général;  5°  que 
si  l'on  ne  pouvait  s'assembler  pour  les  offices 
divins,  ni  dans  l'église,  ni  dans  une  maison 
particulière  ;  chacun  était  obligé  de  faire  les 
mêmes  prières  en  secret. 

Ce  sont  là  les  points  les  plus  importants  à 
l'éclaircissement  desquels  nous  ferons  plus 
d'attention  dans  la  discussion  des  Pères  ,  des 
conciles  et  des  historiens  ,  qui  peuvent  nous 
faire  comme  la  chaîne  d'une  tradition  fidèle  et 
non  interrompue. 

III.  Eusèbe  poussant  sa  prétention  sur  les 
Esséens  et  recherchant  curieusement  dans  toute 
leur  discipline  toutes  les  ressemblances  qu'elle 
pouvait  avoir  avec  celle  des  chrétiens  ,  n'a  pas 
oublié  le  chant  des  psaumes  ,  tout  semblable 


à  celui  des  chrétiens  en  Orient.  «  Cùm  unus 
qnispiam  modulate  ac  decenter  psalmum  ca- 
nere  exorsus  fuerit,  capteri  cum  silentio  au- 
scultantes,exlreinasdunta\athynmoium  partes 
concinunt  (  L.  n,  c.  17  ).  » 

Socrate  dit  que  saint  Ignace,  qui  fut  le  troi- 
sième évêque  d'Antioche  après  saint  Pierre  , 
eut  une  vision  des  anges  .  qui  chantaient  a 
deux  chœurs  les  louanges  de  la  Trinité  adora- 
ble et  qu'il  institua  ensuite  la  même  manière 
de  chanter  dans  l'Eglise  d'Antioche,  dont  tou- 
tes les  autres  églises  furent  depuis  les  imita- 
trices (  L.  vi,  c.  8.  ) 

Ce  récit  de  Socrate  n'a  pas  paru  appuyé  sui- 
des fondements  assez  solides. 

Saint  Augustin  nous  assure  que  le  chant  des 
offices  divins  dans  l'église  se  peut  justifier  par 
l'exemple  du  Fils  de  Dieu  même  et  de  ses  Apô- 
tres, dont  la  psalmodie  a  été  attestée  dans  les 
lettres  saintes.  Voici  les  paroles  de  saint  Au- 
gustin :  «  Maxime  illud  quod  de  Scripturis  de- 
fendi  potest,  sicut  de  hymnis  et  psalmis  ca- 
nendis,  cum  et  ipsius  Domini  et  Apostolorum 
habeamus  documenta  et  exempla  et  prœcepla 
(  Ep.  cxix,  c.  18).  » 

Le  Fils  de  Dieu  ayant  donc  chaulé  des  hym- 
nes et  des  psaumes  avec  ses  Apôtres  ,  et  saint 
Paul  ayant  si  souvent  parlé  du  chant  spirituel 
des  psaumes,  il  est  fort  apparent  que  ce  fut  là 
le  commencement  du  chant  dans  l'Eglise  de  la 
Palestine,  où  l'on  était  accoutumé  à  la  psalmo- 
die du  temple  de  Salomon,  et  ensuite  dans  toute 
l'Eglise  Orientale.  Ce  fondement  est  bien  plus 
solide  que  la  vision  de  saint  Ignace  sur  le  rap- 
port de  Socrate. 

Le  même  saint  Augustin  nous  apprend  en  un 
autre  endroit  que  dans  l'Eglise  d'Alexandrie 
on  chantait  les  psaumes  d'une  voix  si  unie  et 
avec  tant  de  simplicité,  que  c'était  presque  lire 
plutôt  que  chanter,  et  le  chantre  pouvait  passer 
plutôt  pour  un  lecteur  que  pour  un  chantre. 
Saint  Athanase  même  avait  confirmé  cet  usage. 
«  Quod  de  Alexandrino  episcopo  Athanasio 
sa?pe  mihi  dictum  commemini, qui  tam  modico 
tlexu  vocis  faciebat  sonare  lectorem  psalmi,  ut 
pronuntianti  vicinior  esset ,  quam  canenti 
(  Confess.,  1.  x,  c.  Xi  ).  » 

IV.  C'est  donc  la  vérité  qu'on  a  chanté  les 
psaumes  dans  l'Eglise  dès  sa  naissance,  aussi 
bien  que  dans  le  temple  de  Jérusalem ,  mais 
qu'il  n'y  avait  qu'un  chantre  qui  consacrât  sa 
voix  à  cette  divine  mélodie,  tout  le  reste  du 
peuple  et  du  clergé  même  priant  en  silence,  et 


DU  CHANT  ET  DE  LA  RÉCITATION  DES  OFFICES  DIVINS. 


187 


chantant  dans  son  cœur  les  mémos  cantiques , 
jusqu'à  ce  que  le  chant  fût  permis  au  reste  du 
clergé  et  au  peuple  par  des  occasions  extraor- 
dinaires, que  nous  rapporterons  dans  ce  cha 
pitre  et  le  suivant.  Alors  on  commença  à 
chanter  à  deux  chœurs,  et  pour  donner  plus 
de  vénération  à  une  cérémonie  si  sainte  et  si 
auguste  ,  on  xoulut  lui  donner  aussi  de  l'an- 
tiquité et  du  merveilleux  par  la  vision  dont 
parle  Socrate. 

Le  peuple  ne  chantait  point  dans  le  temple, 
mais  les  chantres  seuls  que  David  avait  formés 
pour  cela,  ou  leurs  successeurs.  Le  peuple  ue 
pouvait  encore  avoir  appris  le  psautier .  ni 
tout  le  clergé  même,  dans  les  premiers  com- 
mencements. Eusèbe  a  cru  faire  une  peinture 
des  chrétiens,  en  représentant  l'assemblée  des 
Esséens  ,  où  un  seul  chantait,  les  autres  écou- 
taient [Eusebius,  1.  vu,  c.  3Q).  Saint  Athanase 
ne  faisait  chanter  qu'un  chantre,  ou  qu'un 
lecteur  à  la  fois. 

La  lettre  synodale  du  concile  d'Antioche,  où 
Paul  de  Samosate  fut  condamné,  dit  que  ce 
prélat  impie  et  audacieux  ,  par  une  insolence 
inouie,  avait  aboli  les  psaumes,  qu'on  chan- 
tait auparavant  dans  l'Eglise,  pour  y  faire 
chanter  des  cantiques  a  sa  louange.  Cela  est 
bien  plus  faisable,  si  un  seul,  ou  plusieurs  suc- 
cessivement les  uns  après  les  autres,  faisaient 
la  fonction  de  chantres. 

Voila  quelles  étaient  les  psalmodies,  qu'Eu- 
sèbe  dit  avoir  été  rétablies,  avec  tous  les  autres 
ornements  de  l'Eglise ,  quand  Constantin  lui 
eût  donné  la  liberté. 

V.  11  est  vrai  que  Justin,  martyr,  ne  décrit 
dans  sa  seconde  Apologie,  que  la  messe  que 
l'on  célébrait  le  Dimanche;  il  y  parle  de  la  lec- 
ture des  écritures,  et  des  prières  qu'on  y  fait , 
mais  il  ne  dit  rien  du  chant.  Cette  Apologie 
n'était  pas  un  lieu  propre  pour  y  faire  un  dé- 
nombrement de  tous  les  articles  de  la  piété,  et 
de  la  discipline  de  l'Eglise. 

Les  canons  apostoliques  font  mention  des 
chantres  :  ainsi  ils  supposent  le  chant  des  offices 
divins  tels  que  nous  les  avons  rapportés  des 
constitutions  apostoliques. 

Le  concile  de  Laodicée  (Can.  xv,  xvi,  xvu 
ne  veut  pas  que  personne  chante  dans  l'Eglise, 
si  ce  n'est  les  chantres  ordonnés  pour  cela  : 
xavnotti  ■;*>-*•..  Cela  montre,  que  non-seulement 
le  peuple,  mais  le  reste  du  clergé  mémo,  ne 
chantait  point  encore,  quoiqu'il  assistât  aux 
offices.  Le  même  concile  ordonne  qu'on  lise 


l'évangile  le  samedi,  avec  les  autres  livres  de 

l'Ecriture.  Dans  l'Eglise  d'Orient  ou  fêtait  le 
samedi  comme  le  Dimanche.  Nous  ne  lisons 
encore  lo  livre  des  évangiles  que  les  Diman- 
ches et  les  l'êtes.  On  ne  le  lit  point  dans  l'office 
ferial.  Il  ordonne  encore  qu'on  lie  chantera 
point  les  psaumes  de  suite ,  mais  qu'après 
chaque  psaume  on  fera  quoique  lecture.  On 
voulait  par  cette  diversité  reveiller  l'attention. 

Comme  la  lecture  ne  se  faisait  que  par  les 
lecteurs,  ainsi  les  chantres  seuls  étaient  char- 
gés du  chant;  tous  les  autres,  soit  fidèles,  soit 
clercs ,  écoutant  et  adorant  en  silence.  La 
même  coutume  nous  est  demeurée  d'entre- 
couper le  chant  des  psaumes  par  la  lecture 
des  livres  saints. 

Enfin,  ce  concile  (Can.  lix)  défend  de  chan- 
ter d'autres  psaumes  ,  et  de  lire  d'autres 
livres,  que  ceux  du  vieux  et  du  nouveau  Tes- 
tament. Ainsi  on  n'y  mêlait  point  encore  ni 
d'hymnes,  ni  de  vies  de  Saints,  ni  d'homélies 
des  Pères.  La  liturgie  de  none  et  de  vêpres , 
dont  parle  ce  même  concile  (Can.  xvm,  xix), 
est  apparemment  la  messe  qui  se  disait  tantôt 
à  l'heure  de  none,  tantôt  au  soir. 

VI.  La  police  sainte  des  solitaires  nous  don- 
nera quelque  lumière  ,  pour  mieux  com- 
prendre celle  de  l'Eglise  dans  ses  offices.  Car 
ces  admirables  enfants  de  cette  divine  mère 
lui  rendirent  avec  usure  ce  qu'ils  avaient  em- 
prunté d'elle  :  Ils  furent  d'abord  ses  disciples  ; 
mais  elle  fit  gloire  après  cela  de  les  suivre  et 
de  les  imiter. 

Denys  le  Petit,  dans  la  version  latine  qu'il  a 
faite  de  la  vie  de  saint  Pacôme,  dit  que  ce 
saint  solitaire  apprit,  par  une  vision  du  ciel, 
qu'il  fallait  prescrire  à  ses  religieux  douze 
prières  pendant  le  jour,  autant  le  soir,  autant 
la  nuit;  et  ce  saint  jugeant  que  c'était  peu , 
l'ange  lui  répondit,  qu'il  fallait  s'accommo- 
der aux  faibles;  mais  que  les  parfaits  priaient 
sans  interruption  dans  leurs  cellules,  et  y  goû- 
taient en  paix  les  saintes  délices  de  la  contem- 
plation. 

Sozomène  parle  des  disciples  de  saint  Pa- 
côme ,  au  nombre  de  treize  cents  ;  et  des 
autres  moines  jusqu'au  nombre  de  sept  mille, 
qui  chantaient  douze  psaumes  la  nuit,  autant 
le  matin,  autant  le  soir  ^Sozom.,  1.  m,  c.  13). 
L'office  férial  de  la  nuit  contient  encore  le 
même  nombre  de  psaumes  ,  les  quatre  petites 
heures  du  jour  autant,  et  les  vêpres,  avec  les 
complies,  environ  autant. 


188 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-ONZIÈME. 


Mais  il  faut  entendre  Cassien,  qui  a  excel- 
lemment bien  développé  cette  histoire  ,  et 
toutes  ses  circonstances.  Il  raconte  donc,  que 
les  moines  de  la  Thébaïde  et  de  l'Egypte  étant 
partagés  sur  le  nombre  des  psaumes  qu'on 
devait  chantera  l'office  divin  ,  un  ange  revêtu 
de  leur  habit,  leur  apparut  au  commencement 
de  l'office,  chanta  onze  psaumes  qu'on  inter- 
rompit par  autant  de  ces  prières  courtes  et 
ferventes,  qu'on  appelle  Oraisons,  ou  collectes; 
et  ayant  après  cela  chanté  encore  un  douzième 
psaume ,  et  l'ayant  conclu  par  un  Alléluia,  il 
disparut.  11  ne  fallut  pas  d'autre  décision  de 
leur  différend.  Mais  il  faut  rapporter  les  paroles 
propres  de  Cassien  :  elles  nous  apprendront  des 
particularités  très-considérables. 

«  Unus  in  médium  psalmos  Domino  canta- 
turus  exurgit.  Clinique  sedentihus  cunctis,  ut 
est  moris  nunc  usque  in  .Egypti  partibus  ,  et 
in  psallentis  verba  omni  cordis  intentione  de- 
fixis,  undeciin  psalmos orationum  interjectione 
distinctes,  contiguis  versibus  parili  pronun- 
tiatione  cantasset,  duodecimum  sub  Alléluia 
responsione  consummans,  quaestioni  pariter  et 
c;cremoniis  finem  imposuit  (Cassian.  De  Can. 
Noct.  Orat.,  1.  11,  c.  5,  6).  » 

Cassien  ajoute,  qu'on  chanta  depuis  douze 
ps*imes  aux  offices  de  la  nuit  et  des  vêpres, 
«  Tarn  in  vespertinis,  quam  in  nocturnis  eon- 
venticulis  ;  »  on  fit  ensuite  une  addition  ex- 
traordinaire et  libre  pour  ceux  qui  auraient  un 
désir  plus  ardent  d'imprimer  dans  leur  coeur 
et  dans  leur  mémoire  les  saintes  Ecritures. 
Cette  addition  fut  de  deux  leçons,  l'une  de 
l'Ancien,  et  l'autre  du  Nouveau  Testament; 
si  ce  n'est  qu'au  samedi  on  les  prenait  toutes 
deux  du  Nouveau  Testament,  l'une  de  saint 
Paul,  ou  des  Actes ,  l'autre  des  Evangiles  :  ce 
qui  se  pratiquait  aussi  depuis  Pâques  jusqu'à 
la  Pentecôte,  parce  que  c'étaient  comme  autant 
de  jours  de  Fêtes. 

VII.  Nous  remarquerons  sur  ce  fidèle  rap- 
port de  Cassien,  à  la  sainte  curiosité  duquel  rien 
n'avait  échappé  de  toutes  les  coutumes  des 
monastères  de  l'Orient  et  de  l'Egypte  ,  que  les 
psaumes  étaient  chantés  par  un  seul  chantre, 
tous  les  autres  écoutant  et  priant  avec  une 
extrême  attention. 

Comme  l'Eglise  était  plus  ancienne  de  plus 
de  trois  cents  ans  que  l'état  monastique,  ainsi 
que  nous  le  ferons  voir  dans  un  des  chapitres 
suivants,  il  est  évident  que  les  moines  avaient 
imité  en  cela  l'Eglise  où  un  seul  chantre  psal- 


modiait et  tout  le  reste  du  peuple  et  du  clergé 
unissait  sa  voix  pour  le  chant  du  Gloria  Patri; 
et  dans  les  monastères  ,  à  la  fin  de  chaque 
psaume,  le  supérieur  disait  une  collecte. 

C'est  ce  que  Cassien  dit  dans  la  suite  ,  qu'à 
la  fin  de  chaque  psaume  ils  se  levaient  tous 
ensemble  ,  priaient  mentalement  en  peu  de 
temps  ,  puis  se  jetaient  tout  à  coup  à  genoux 
pour  adorer  Dieu,  et  s'étant  aussitôt  relevés,  le 
supérieur  disait  la  collecte.  «  Antequam  tle- 
ctant  genua  ,  paulisper  orant  stantes,  post  hrec 
puncto  brevissimo  procidentes  humi ,  velut 
adorantes tantum  dmnam  clementiam,  summa 
velôcitate  eonsurgunt,  ac  rursus  erecli  expansis 
manibus,  etc.  Cum  is  qui  orationem  collectu- 
rus  est,  e  terra  surrexit,  omnes  pariter  eri- 
guntur  (Ibid.,  c.  vu).  »  Voilà  d'où  vient  le  mot 
de  collecte. 

Cassien  remarque  qu'on  affectait  la  brièveté 
dans  ces  oraisons  mentales  ,  afin  qu'elles  fus- 
sent plus  ferventes  et  moins  sujettes  aux  dis- 
tractions; que  l'on  interrompait  les  psaumes 
qui  étaient  un  peu  longs  par  ces  prières  men- 
tales, et  si  les  jeunes  chantres  continuaient  un 
trop  grand  nombre  de  versets  ,  l'ancien  du 
chœur  faisait  un  signe  et  on  se  levait  pour 
prier  Dieu  en  esprit. 

Cet  auteur  remarque  enfin  qu'on  partageait 
ces  douze  psaumes  en  sorte  qu'un  religieux  en 
chantât  six  et  un  autre  autant,  ou  bien  que 
trois  en  chantassent  chacun  quatre,  ou  quatre 
chacun  trois,  afin  qu'il  n'y  en  eût  jamais  moins 
de  deux ,  ni  plus  de  quatre  qui  chantassent. 
«  Quantalibrt  multitudo  convenerit,  nunqtiain 
amplius psallant  in  synaxi,  quam  quatuor  fra- 
tres.  » 

VIII.  La  plupart  de  ces  usages  sont  encore 
en  vigueur  :  l'office  férial  des  douze  psaumes  , 
d'être  assis  ou  debout  ,  ou  les  uns  assis  et  les 
autres  debout ,  d'affecter  les  lectures  du  Nou- 
veau Testament  aux  jours  de  Fêtes  ou  du  Di- 
manche, de  finir  et  d'interrompre  la  psalmodie 
et  la  lecture  par  des  brièves  prières  mentales , 
par  des  génullexions  et  par  les  oraisons  ou 
collectes;  enfin,  de  couper  les  psaumes  qui 
sont  trop  longs  et  en  interrompre  le  chant. 

On  peut  croire  qu'au  lieu  de  l'oraison  men- 
tale à  laquelle  la  lie  du  peuple  avait  peu  de  dis- 
position, on  a  substitué  en  quelques  endroits 
l'Oraison  Dominicale,  laquelle  se  dit  ordinaire- 
ment tout  bas,  ou  la  doxologie  ,  c'est-à-dire 
l'hymne  faile  en  l'honneur  de  la  sainte  Trinité. 

11  ne  faut  pas  oublier  ce  que  dit  Cassien,  que 


DE  CHANT  HT  DE  LA  RÉCITATION  DES  OFFICES  DIVINS. 


189 


si  ces  saints  solitaires  d'Egypte  étaient  assis , 
Rumillimis  sedibus  insidentes  ,  Ibid.,  c.  xu), 
pendant  que  l'un  d'eux  étant  debout  psalmo- 
diait ;  c'était  par  une  nécessité  inévitable  de  se 
reposer,  paire  qu'ils  avaient  employé  toute  la 
journée  au  travail  des  mains  ,  et  qu'après  l'of- 
fice fini  ils  se  retiraient  dans  leurs  cellules  et 
continuaient  les  prières  jusqu'au  jour ,  faisant 
succéder  à  la  prière  le  travail  manuel.  «  Idem 
rursus  oraiionum  officium,  vélut  peculiare  sa- 
crificium  studiosius  célébrant,  donec  ooeturno 
operiac  meditationi  operatio  diurna  succédât.  » 
Le  peu  de  sommeil  qu'ils  prenaient  avait  pré- 
cédé l'office  de  la  nuit. 

IX.  Le  même  Cassicn  assure  que  les  moines 
d'Egypte  ne  s'assemblaient  dans  l'Eglise  que 
pour  l'office  de  la  nuit  et  de  vêpres  ;  si  ce  n'est 
le  samedi  et  le  dimanche  qu'ils  s'assemblaient 
à  l'heure  de  tierce,  pour  la  messe  et  pour  la 
communion.  Aux  autres  jours  de  la  semaine, 
ils  ne  faisaient  aucune  distinction  d'heures  ; 
maïs  durant  tout  le  jour  ils  s'occupaient  de 
leur  travail,  en  chantant,  lisant  et  méditant 
l'Ecriture. 

Au  contraire,  les  monastères  de  la  Palestine, 
de  la  Mésopotamie  et  de  tout  l'Orient,  distin- 
guaient les  heures  de  tierce,  sexte  et  noue, 
chantaient  trois  psaumes  à  chacune  et  pas- 
saient alternativement  de  la  prière  au  travail, 
et  du  travail  à  la  prière  :  «  Supradictarum  ho- 
rarum  solemnitates  trinis  psalinis  quotidie 
finiuntur,  ita  ut  necessaria  operationis  officia 
spiritualibus  obsequiis  nullatenns  valeant  im- 
pediri  (De  Canonic,  diurnarum  Orationum  et 
Psalm.  modo.  L.  ni,  c.  2,  3,  4  .  » 

Cassien  ajoute  que  l'heure  de  prime  fut 
ajoutée  de  son  temps  clans  les  monastères  des 
Gaules,  et  qu'on  y  assigna  trois  psaumes  et 
les  collectes  :  «  Tribus  psalmis  et  orationibus 
celebratis.  »  Il  l'appelle  :  «  Matutina  canonica 
functio,  »  ce  qui  pourrait  la  faire  prendre  pour 
les  laudes  qu'on  chante  au  matin;  aussi  dit-il 
qu'elle  se  célébrait  avant  le  soleil  levé  :  aUsque 
ad  solis  ortum ,  quo  jam  sine  offensione ,  vel 
lectio  parari,  vel  opus  manuum  possit  assumi.» 

Enfin  ,  Cassien  ajoute  que  ce  sont  là  les  sept 
temps  différents  que  le  divin  auteur  des  psau- 
mes avait  consacrés  à  la  prière,  quand  il  disait  : 
«  Septies  in  die  laudem  dixi  tibi.  »  Pour  trou- 
ver ce  nombre  de  sept,  il  faut  apparemment 
distinguer  les  vêpres  en  deux  offices,  dont  l'un 
est  ce  qu'ils  appelaient  :  Lucernarium ,  et 
l'autre  vêpres,  comme  nous  dirons  ci-après. 


X.  11  faut  dire  un  mol  des  vigiles  qu'on  cé- 
lébrait une  fois  toutes  les  semaines,  la  nuit  du 
samedi  au  Dimanche. 

Cassien  dit  qu'en  hiver  les  nuits  étant  trop 
longues,  on  prolongeait  ces  vigiles  jusqu'au 
quatrième  chant  du  coq  ,  qu'alors  les  religieux 
prenaient  deux  heures  de  sommeil,  afin  de  pou- 
voir avec  plus  de  vigueur  s'occuper  durant  tout 
le  saint  jour  du  Dimanche  aux  mêmes  exer- 
cices de  piété. 

Il  dit  qu'on  partageait  cet  office  de  la  nuit  en 
trois  parties,  afin  de  réveiller  la  piété  par  cette 
distinction,  qu'on  chaulait  trois  psaumes  de- 
bout d'un  chant  alternatif  à  deux  chœurs; 
après  on  s'asseyait  et  on  écoutait  chanter  trois 
autres  psaumes,  par  trois  religieux  différents. 
A  quoi  on  ajoutait  trois  leçons  :  oEas  vigilias 
tripartitis  distinguant  ofliciis,  etc.  Nain  cum 
stantes  antiphonas  très  concinuerunt ,  humi 
post  hœc,  vel  humillimis  sedibus  insidentes, 
très  psalmos  uno  modulante  respondent  :  et 
bis  sub  eamdem  quiète  residentibus,  ternas 
adjiciunt  lecliones  (Ibid.  c.  8).  » 

Cela  approche  extrêmement  de  notre  office 
de  la  nuit  avant  le  Dimanche,  divisé  en  trois 
nocturnes,  avec  dix-huit  psaumes,  et  neuf 
leçons.  Nous  les  appelons  matines  depuis  qu'on 
y  a  joint  l'heure  de  laudes,  qu'on  appelait 
Laudes  matutinœ. 

Cassien  remarque  que  les  monastères  de 
l'Orient  récitaient  à  la  fin  de  l'office  de  la  nuit 
presque  les  mêmes  psaumes  qui  composent 
encore  nos  laudes.  Ainsi  on  peut  dire  que  cette 
partie  de  l'office  divin  ne  leur  était  pas  incon- 
nue, et  que  dès  lors  on  commençait  à  la  join- 
dre avec  les  nocturnes.  Enfin  il  remarque 
qu'on  ne  s'assemblait  qu'une  fois  le  Dimanche 
au  matin,  parce  qu'on  joignait  tierce  et  sexte 
avec  la  messe. 

XL  Quelque  diversité  qu'on  ait  pu  remar- 
quer, il  est  certain  qu'il  y  avait  une  extrême 
convenance  et  une  admirable  uniformité  entre 
tous  ces  monastères  répandus  dans  l'Egypte, 
dans  la  Thébaïde,  dans  la  Palestine,  dans  la 
Mésopotamie  et  dans  tout  l'Orient  :  et  cette  si 
grande  uniformité  d'offices  ne  peut  prove- 
nir que  de  ce  que  ces  saints  religieux  faisaient 
gloire  de  faire  dans  la  solitude  les  mêmes  of- 
fices qu'ils  avaient  vu  célébrer  dans  les  églises. 

2°  Comme  ce  n'étaient  pas  les  seuls  religieux 
engagés  dans  les  saints  ordres  qui  chantaient 
l'office  divin,  mais  encore  ceux  qui  pouvaient 
absolument  passer  pour  laïques,  dans  ces  siè- 


190 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DOUZIÈME. 


clés  de  ferveur  les  laïques  mêmes  s'acquittaient 
de  ce  devoir  de  piété  avec  une  assiduité  fort 
grande,  sans  y  être  obligés.  Rien  plus,  c'est 
que  ni  les  religieux  ni  les  religieuses  ne  faisaient 
aucune  profession  particulière  qui  les  engageât 
a  la  récitation  de  l'office;  ce  n'était  qu'une 
continuation  et  un  renouvellement  de  la  fer- 
veur des  premiers  fidèles  qui  les  réunissaient 
tous  dans  cette  pratique  si  universelle  et  si  in- 
dispensable. 

3°  Ces  religieux  récitaient  dans  leurs  cellules 
les  heures  canoniales  qu'ils  ne  chantaient  pas 
dans  l'église,  et  il  y  avait  des  monastères  oii  les 
quatre  petites  heures  du  jour  ne  se  chantaient 
qu'en  particulier.  C'était  une  marque  de  la 
coutume  pareille  des  fidèles  et  surtout  des 
clercs,  de  réciter  chacun  en  secret  les  heures 
canoniales  qu'ils  n'avaient  pas  chantées  dans 
l'église. 

■ï"  Ruffin  dit  que  les  religieux,  s'entrevisilant 
dans  la  solitude,  récitaient  les  heures  cano- 


niales, soit  du  jour  soit  de  la  nuit,  environ  le 
même  temps  qu'on  les  chantait  dans  les  monas- 
tères. «  Facto  vespere  orationes  et  psalmos  se- 
cundum  consuetudinem  compleverunt;  simi- 
liter  etiam  et  nocte  fecerunt,  etc.  Vespere  ad 
luminaria  addidit  super  consuetudinem  alios 
psalmos,  et  post  complétas  orationes.  dixit  eis, 
etc.  Non  possumus  propter  vos  omnem  cano- 
nem  psallere,  ideoque  repausate  modicum  quia 
de  itinere  fatigati  estis  (Ruffin.  De  vitis  Pa- 
trum,  1.  m,  c.  5). 

Voilà  d'où  vient  ce  terme  d'heures  cano- 
niales du  canon  ou  de  la  règle,  c'est-à-dire  du 
nombre  des  psaumes  prescrit  pour  chaque 
partie  de  l'office  divin  que  les  particuliers  réci- 
taient même  dans  la  solitude,  sans  en  excepter 
les  hôtes  et  les  voyageurs. 

Cette  piété  des  religieux  n'était  qu'une  imi- 
tation de  celle  des  clercs  et  des  plus  fervents 
entre  les  fidèles,  qui  se  sont  rendus  si  recom- 
mandables  dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise. 


CHAPITRE  SOIXANTE-DOUZIEME. 


DES   ORIGINES   DE    L  OFFICE    DIVIN    DAMS    L  ORIENT,    ET   DE    L  OBLIGATION    DE   LE   RECITER 

MÊME    EN    PARTICULIER. 


I.  Témoignage  de  saint  Epiphane  et  de  saint  Clément,  prêtre 
d'Alexandrie. 

II.  De  saint  Basile.  Combien  les  peuples  étaient  affectionnés 
à  l'ofûce  divin. 

III.  De  saint  Grégoire  de  Nysse.  Les  voyageurs  mêmes  réci- 
tnii-ut  l'ol 

IV.  De  saint  Chrysostome. 

V.  Ceux  qui  desservaient  les  oratoires  des  particuliers,  >  ré- 
citaient l'office. 

VI.  Théodorct,  Diodore  et  Flavien  ,  laïques,  introduisent  à 
Antioche  la  coutume  de  faire  chanter  les  psaumes  à  deux  chœurs 
au  peuple  même. 

VU.  On  enseignait  les  psaumes  aux  enfants. 
VIII.  On  s'acquittait  des  heures  canoniales  même  en  parti- 
culier. Exemples. 
I\.  Preuves  de  cela  même. 

X.  Les  moines  qu'on  lit  évêques  auraient  introduit  cette  cou- 
tume dans  le  clergé,  quand  ils  ne  l'y  auraient  pas  trouvée. 

XI.  L'ordination  des  clercs  les  attachait  au  service  d'une 
l'i'li.-r.   Le  premier  service  de  l'église  était  la  prière.  La  prière 

n'était  point  mentale  seulement,  mais  vocale,  et  la  psal 

même.  Exemples.  Obligation  de  restituer,  quand  un  bénéficier 
a  manqué  k  l'office. 


I.  Saint  Epiphane  dit  qu'on  célébrait  dans 
l'église  les  offices  du  matin  et  du  soir,  distin- 
guant avec  soin  la  psalmodie  de  l'oraison  : 
mais  que  les  religieux  s'employaient  tout  en- 
tiers à  la  psalmodie,  à  l'oraison,  à  la  lecture 
des  Ecritures,  et  à  les  imprimer  dans  leur 
mémoire. 

a  Matutinae  laudes  in  Ecclesia  Catholica,  ma- 
tutinaeque  preces  assidue  celebrantur  :  lucer- 
nales  item  psalmi  et  orationes,  etc.  Magna  vero 
ex  parte  monachi  in  decantandis  psalmis  ac 
perpetuis  orationibus,  et  sacrarum  litterarum 
lectionibus,  et  iisdem  memoriter  pronuntian- 
dis  exercent  (Exposit.  fidei  calhol.  c.  23). 

Saint  Clément  d'Alexandrie  (Strom.  1.  vu) 
avait  dit  autrefois  que  s'il  y  en  avait  qui  desti- 
naient à  la  prière  certaines  heures,  comme 


DES  ORIGINES  DE  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


l'.tl 


tierce,  sexfe  et  none,  le  contemplateur  véritable 
priait  sans  interruption  et  lisait  les  Ecritures 
avant  le  repas. 

II.  Mais  il  ne  se  peut  rien  ajouter  à  ce  que 
saint  lîasile  a  dit  à  la  louange  de  la  psalmodie 
ecclésiastique.  Il  assure  que  les  peuples  en 
étaient  si  touchés,  qu'ils  chantaient  continuel- 
lement des  psaumes  dans  leurs  maisons  et 
même  dans  les  places  publiques.  «  Psalmorum 
eloquia  et  domi  cantillant,  et  medio  in  foro 
secum  c.ircumferunt  (In  psal.  i).  » 

Ce  père  parle  ailleurs  des  sept  heures  diver- 
ses qui  étaient  consacrées  à  la  psalmodie  dans 
les  monastères,  à  minuit,  au  matin,  à  tierce,  à 
sexte,  à  none,  à  vêpres,  et  il  remarque  que  la 
prière  du  midi  était  coupée  en  deux,  l'une 
avant,  et  l'autre  après  le  repas,  pour  accomplir 
le  nombre  de  sept  (Tom.  u,  serm.  de  institut. 
Mona.  Et  in  Regulis  fusius  disp.  c.  37). 

On  forma  diverses  accusations  contre  ce  Père 
d'avoir  fait  des  changements  dans  le  chant  des 
psaumes,  en  instituant  des  monastères.  11  ré- 
pondit, dans  sa  lettre  au  clergé  de  Néocésarée, 
qu'il  n'avait  fait  qu'imiter  et  suivre  de  loin  ce 
qui  se  pratiquait  depuis  longtemps  dans  les 
maisons  religieuses  de  l'Egypte,  de  la  Palestine 
et  de  la  Mésopotamie  ;  que  la  psalmodie  était 
uniformément  observée  dans  toutes  les  églises. 
«  Quod  propter  psalmodias  accusamur,  qui  juin 
obtinuerunt  ritus,  omnibus  Ecclesiis  Dei  con- 
cordes suntet  consoni  (Epist.  lxiii).  » 

Il  dit  que  le  peuple  s'assemble  dès  avant  le 
jour  dans  l'église,  et  qu'après  y  avoir  prié  à 
genoux,  il  se  levé  pour  le  chant  des  psaumes  : 
que  tantôt  on  les  chante  à  deux  chœurs,  tantôt 
un  seul  chante  et  les  autres  répondent;  qu'ainsi 
par  intervalle  la  psalmodie  et  l'oraison  s'entre- 
suivent  jusqu'au  jour  :  enfin  qu'à  la  pointe  du 
jour  on  recommence;!  chanter  les  psaumes,  et 
que  cela  se  pratique  dans  l'Egypte,  la  Eybie, 
la  Thébaïde,  la  Palestine,  l'Arabie,  la  Syrie. 

«  De  nocle  populus  consurgens  domum  pre- 
cationis  petit,  etc.  Tandem  ab  oratione  sur- 
gentes  ,  ad  psalmodiam  traducuntur.  Et  aune 
quidem  in  duas  partes  divisi,  alternis  sucei- 
nentes,  psallunt,  nunc  uni  ex  ipsis  hoc  mune- 
ris  dato,  ut  quod  canendum  est  prior  ordiatur, 
reliqui  succinunt,  etc.  Ita  psalmodiœ  varietate 
precibusque  intersertis  noctem  superant.  111  u- 
cescente  vero  jam  die,  omnes  pariter  psalmum 
confessionis  offerunt  Deo.  » 

Si  les  fidèles,  si  les  moines  faisaient  paraître 
tant  d'assiduité  aux  offices  divins ,  que  doit-on 


penser  du  clergé  qui  était  le  modelé  des  uns  et 
des  autres  ? 

Saint  Grégoire  de  Nazianze,  entre  les  vertus 
admirables  de  saint  Basile,  n'oublie  pas  son 
assiduité  et  sa  persévérance  infatigables  dans  la 
psalmodie  :  «  In  jejuniis  et  orationibus  assidui- 
tatem,  insuperabilem  in  vigiliis  et  psalmodiis 
vigorem  (Orat.  21.  Reg.,  cap.  cvn).»  Mais  il  ne 
faut  pas  oublier  l'obligation  que  saint  lîasile 
impose  à  ses  religieux  dans  sa  règle  ,  de 
réciter  leurs  heures  canoniales  en  particu- 
lier, quand  ils  ne  pourront  pas  se  trouver  au 
chœur  avec  les  autres  :  a  Si  enim  corporaliter 
adosse  cum  cœteris  non  occurrat  ad  orationis 
locum  ,  in  quoeumque  loco  inventus  fuerit, 
quod  devotionis  est,  expleat.  » 

III.  Saint  Grégoire  de  Nysse,  dans  la  vie  de 
sainte  Macrine,  sa  sœur,  décrivant  la  vie  des 
religieuses  consacrées  à  Dieu  dans  les  monas- 
tères, assure  qu'on  y  employait  aussi  les  jours 
et  les  nuits  à  prier  et  à  chanter  des  psaumes  : 
«  Perpetuum  precaudi  studium  ,  et  assidua 
psalmorum  decantatio,  quae  nec  die,  nec  nocte 
intermittebatur.  » 

On  ne  peut  douter  que  les  heures  canoniales 
n'y  fussent  observées,  car  il  parle  un  peu 
plus  bas  de  l'office  de  vêpres,  ou  de  la  messe 
qui  s'y  célébrait.  U  parle  aussi  des  nuits  en- 
tières qu'on  passait  à  psalmodier  aux  fêtes  des 
martyrs. 

Mais  que  peut-on  souhaiter  de  plus  beau  et 
de  plus  formel  que  ce  que  le  même  saint  Gré- 
goire de  Nysse  rapporte  du  voyage  qu'il  fit  en 
carrosse,  en  Arabie?  Il  en  avait  fait  comme  un 
monastère,  en  jeûnant,  et  psalmodiant  avec 
toute  la  compagnie  :  «  Vehiculum  nobis  pro 
Ecclesia  et  monasterio  erat  omnibus  per  totam 
viam  simul  psallentibus  et  jejunantibus.  » 

Voilà  les  heures  canoniales  récitées,  ouchan- 
tées  en  particulier,  même  en  faisant  voyage. 
Oui  peut  donc  douter  qu'on  ne  chantât  dans 
cette  église  déambulatoire  les  mêmes  psaumes 
qui  font  la  dévotion  publique  des  fidèles  dans 
l'Eglise,  et  qu'on  était  accoutumé  de  chanter 
dans  les  assemblées  communes. 

IV.  Saint  Chrysostome  ne  se  contenta  pas 
d'obliger  tous  les  clercs  à  se  trouver  aux  offices 
de-la  nuit;  il  y  exhorta  même  les  hommes  du 
siècle,  à  qui  les  occupations  ordinaires  déro- 
bent les  journées  entières,  et  ne  laissent  que 
la  nuit  pour  prier  :  a  Fidèles  quoque  laïcos 
exhortabatur,  vigiliis  noclurnis  in  ecclesia  in- 
sistere  :  uxores  autem  horum  domi  manere, 


19-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DOUZIEME. 


interdiu  orantes  :  ideo  quod  viris  die  otium 
non  esset.  IIa?c  omnia  quosque  negligentiores 
de  clero  contristabant,  totis  noctibus  dorniire 
consuetos   Pal  lad.,  in  vita  Clirysost.,  c.  y).  » 

Il  ne  se  pouvait  rien  dire  de  plusTbrmel, 
j)Oiir  faire  voir  l'obligation  des  ecclésiastiques, 
de  se  trouver  aux  offices  du  jour  et  de  la  nuit 
même  dans  l'église ,  puisque  ce  saint  et  fer- 
vent prélat  tâchait  de  rallumer  le  feu  de  l'an- 
cienne piété  des  fidèles  mêmes,  en  les  conviant 
de  se  rendre  assidus  aux  heures  canoniales,  les 
femmes  à  celles  du  jour  et  les  hommes  à  celles 
de  la  nuit. 

Ce  père  conseille,  en  un  autre  endroit,  de 
faire  succéder  l'oraison  à  la  psalmodie,  et  il 
n'y  oublie  pas  la  lecture  des  Prophètes.  Il  ex- 
plique au  long  pourquoi  on  lit  après  Pâques  les 
Actes  des  Apôtres  (  In  Psal.  il.  Tom.  v.  serm. 
63). 

V.  Le  même  saint  Chrysostome  fait  des  ins- 
tances très-pressantes  aux  riches,  de  bâtir  une 
église,  ou  un  oratoire  dans  leurs  maisons  de 
campagne,  et  d'y  avoir  un  prêtre  et  un  diacre 
qui  y  célèbrent  le  terrible  sacrifice  les  jours  de 
Dimanches,  mais  qui  y  chantenttous  les  jours 
les  louanges  de  Dieu. 

«  Educa  diaconum  etsacerdotalemordinem. 
Preces  illic  perpétua?  propter  te.  Laudes  et  sy- 
naxes  propter  te;  oblatio  per  singulos  dies 
Dominicos,  etc.  Quanta  res  est,  matutinis  et 
vespertinis  esse  hymnis  prœsentem,  etc.  Pa- 
riim  est  pro  villa  quotidie  preces  ad  Deum 
fieri   Ilom.  18.  in  Acta)  ?  » 

En  voilà  assez  pour  nous  persuader,  que 
quoique  ces  sortes  d'églises  fussent  les  moins 
considérées  de  toutes,  les  ecclésiastiques  qui 
les  desservaient  ne  laissaient  pas  d'y  célébrer 
tous  les  jours  la  divine  psalmodie.  De  là  on 
peut  juger  de  l'obligation  des  autres  ecclésias- 
tiques, puisqu'ils  étaient  tous  attachés  et  asser- 
vis à  quelque  église  par  leur  ordination. 

Que  si  ce  Père  dit  ailleurs  qu'on  ne  disait  la 
messe  dans  l'Orient  que  trois  ou  quatre  fois  la 
semaine,  on  doit  conclure  de  là  même,  que  les 
ccclésiastiquesavaientdes  prières  réglées  en  par- 
ticulier pour  les  autres  jours  ,  de  même  qu'en 
tant  de  monastères  où  la  synaxe  et  le  sacrifice 
ne  se  célébrait  que  le  samedi  et  le  Dimanche; 
et  en  quelques-uns  le  Dimanche  seulement 
(Chrysost.  Tom.  v,  serm.  :>-2.  Ineosqui  Pascha 
jejunant.  In  Epist.  i.  ad  Timoth.  hom.  6). 

Enfin,  si  ce  Père  en  un  autre  endroit  attribue 
aux  monastères  la  psalmodie  journalière  des 


nuits,  du  matin  ,  de  tierce  ,  sexte,  none  et  de 
vêpres,  on  peut  bien  en  conjecturer  que  le 
clergé  ne  célébrait  pas  tous  les  joursdans  toutes 
les  églises  toutes  les  mêmes  heures  canoniales, 
puisqu'on  ne  les  célébrait  pas  aussi  toutes  dans 
tous  les  monastères.  Mais  il  faut  croire  qu'alors 
les  clercs,  aussi  bien  que  les  moines,  célébraient 
le  reste  des  heures  canoniales  en  particulier. 
En  effet,  saint  Chrysostome  ajoute  que  des 
vertus  semblables  se  trouvent  dans  l'Eglise. 

«  In  ecclesiis  ejusmodi  quid  invenias.  Neque 
enim  quoniam  illorum  exposuimus  vitam  , 
eorum  qui  intra  ecclesiam  sunt ,  instituta  des- 
picimus.  Plurimi  saepe  hujusmodi  et  in  niediis 
ecclesiis  sunt,  sed  delitescunt.  Non  enim  quia 
circumeunt  domos  et  forum,  despiciendi  sunt. 
Et  hoc  Deus  imperavit:  Judicate  ,  inquit,  pu- 
pillo,  et  justificate  viduam.  » 

Ces  dernières  paroles  s'entendent  des  clercs 
qui  prenaient  la  défense  des  orphelins  et  des 
veuves. 

Palladius  dans  la  vie  de  ce  saint,  parle  bien 
plus  nettement,  quand  il  dit  que  les  quarante 
évèques  de  son  parti  étant  exclus  des  églises , 
célébrèrent  les  vigiles  de  Pâques,  et  les  offices 
dans  leurs  maisons.  «  Reversi  episcopi  vigilias 
intra  sua  diversoria  celebrarunt.  »  Les  prisons 
furent  changées  en  autant  d'églises,  a  Carceres 
in  ecclesiae  faciem  transiere  :  hymni  et  obla- 
tiones  mysteriorum  in  carceribus  agebantur 
(Cap.  9, 10).  » 

11  n'était  donc  pas  nouveau  ni  aux  évêques,  ni 
aux  ecclésiastiques  de  célébrer  en  secret  les 
mêmes  offices  qui  se  disent  solennellement 
dans  l'église. 

VI.  Je  viens  àThéodoret.  qui  nous  apprendra 
des  particularités  très-remarquables  sur  cette 
matière.  Celle  qui  regarde  l'institution  du  chant 
des  psaumes  à  deux  chœurs  à  Antioche,  mérite 
la  première  place.  Voici  comment  cette  institu. 
tion  se  fit  :  Pendant  que  les  ariens  faisaient  les 
derniers  efforts  pour  corrompre  la  pureté  de  la 
foi  catholique  dans  cette  Eglise,  qui  étaiteomme 
la  mère  du  nom  chrétien;  deux  laïques,  d'une 
vertu  éminente.  Diodore  qui  fut  depuis  évèque 
de  Tarse,  et  Flavien  qui  monta  depuis  sur  le 
trône  épiscopal  d'Antioche  même,  s'opposèrent 
avec  une  générosité  et  une  vigilance  infatigable 
à  ce  torrent  d'iniquité;  et  pour  affermir  les 
peuples  dans  la  solidité  de  la  foi  par  les  exer- 
cices de  la  piété,  ils  leur  apprirent  à  chanter 
les  psaumes  a  deux  chœurs. 

«  Mi  duo  quanquam  annumerati  laicis,  tamen 


DES  ORIGINES  DE  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


193 


noctu  et  interdiu  ad  pietatis  studium  omnes  se- 
dulo  excitarunt.  Hi  psallentium  choro  in  duas 
partes  divise-,  hymnos  Davidicos altemis  canen- 

dos  tradiderunt  (Théodoret,  Hist.  1.  u,  c.  24).  » 

Théodoret  ajoute  que  cet  usage  fut  suivi  des 
mitres  églises,  et  passa  jusqu'aux  extrémités  de 
la  terre.  «  Quae  res  primum  incepta  Antiochiœ 
unique  pervasit,  et  ad  ultimas  orbis  terne  par- 
tes pervagata  est.  » 

Ce  récit  a  beaucoup  plus  de  vraisemblance 
que  la  vision  de  saint  Ignace,  rapportée  par 
Socrate.  La  vérité  est  que  les  seuls  cbantres 
d'offices  avaient  chanté  les  psaumes  jusqu'à  ce 
changement  fait  à  Antioche,  le  clergé  et  le 
peuple  ne  réunissant  leurs  voix  que  pour  finir 
les  psaumes  par  le  Gloria  Patri,  ou  par  quel- 
que cbose  semblable  comme  Amen,  Alléluia. 
Mais  à  l'exemple  des  fidèles  d' Antioche ,  on 
commença  partout  ailleurs  à  faire  chanter  les 
psaumes  aux  peuples  mêmes. 

Sozomène  dit  que  les  Ariens  de  Constantino- 
ple  étant  chassés  de  toutes  les  églises ,  firent 
leurs  assemblées  pendant  la  nuit  dans  les  porti- 
ques publics,  et  se  partageant  en  deux  chœurs, 
chantèrent  les  psaumes,  auxquels  ils  entrela- 
cèrent des  motets  qui  étaient  comme  des  som- 
maires de  leur  pernicieuse  créance  (Sozom. , 
1.  vur,  c.  8). 

Saint  Cbrysostome,  pour  animer  davantage 
son  peuple,  établit  le  même  chant  alternatif 
dans  l'église  et  il  y  fut  depuis  conservé.  «  Po- 
pulum  suum  ad  similem  canendi  modum  exci- 
tavit.  »  Et  plus  bas  :  «  Catholici  ex  hac  causa  in 
hune  modum  canere  exorsi ,  in  hune  usque 
diem  ita  perseverarunt.  » 

Nous  dirons  dans  le  chapitre  suivant,  com- 
ment saint  Ambroise  introduisit  la  même  psal- 
modie des  peuples  dans  l'Occident. 

VII.  Je  reviens  à  Théodoret.  11  dit  ailleurs 
qu'on  chantait  le  Gloria  Patri  à  la  liturgie  du 
matin,  à  celle  du  soir,  et  aux  trois  heures  du 
jour,  w  TpiTOfisptov,  c'est-à-dire  à  tierce,  sexte  et 
none  (Epist.  xiv).  Que  pour  faire  retentir  la 
gloire  de  l'adorable  Trinité,  le  clergé  et  le  peu- 
ple joignaient  leurs  voix  (Hist.  1.  u,  c.  2-4). 
Que  la  coutume  était  d'apprendre  d'abord  aux 
enfants  dans  les  écoles,  les  psaumes  de  David 
et  quelques  beaux  endroits  de  l'Ecriture.  C'est 
ainsi  que  le  pieux  Protogène  en  usait. 

«  Ludum  aperuit,  et  pueros  non  modo  ad 
céleri  manu  scribendum  exercuit ,  sed  sacra 
Dei  eloquia  edocuit.  Nam  hymnos  Davidis  tan- 
quam  diclata  illis  proposuit ,  et  eas  apostolicœ 

Th.  —  Tom.  IL 


doctrinœ  sententias  quas  eorum  ingeniis  accom- 
modatas  putabat,  ediscendas  tradidit  (Hist.,  1.  iv, 
c.  l(i).  » 

Ainsi  on  était  toujours  prêt  à  chanter  les 
psaumes,  et  le  même  raconte  que  les  fidèles 
étant  chassés  de  leurs  églises  par  Valens,  ils 
s'assemblèrent  au  pied  d'une  montagne  et  y 
chantèrent  les  hymnes  ordinaires  de  l'office 
divin. 

VIII.  Le  même  Théodoret  raconte  encore 
ailleurs  que  le  célèbre  solitaire  Julien  avait 
prescrit  à  ses  religieux,  après  avoir  chanté  tous 
ensemble  les  offices  de  la  nuit,  de  sortir  deux 
à  deux  le  matin,  et  de  passer  toute  la  journée 
en  priant  Dieu  de  cette  sorte  ;  l'un  chantait  de- 
bout quinze  psaumes  et  l'autre  cependant  ado- 
rait Dieu  à  genoux,  puis  alternativement  celui- 
ci  chantait  debout  un  pareil  nombre  de  psau- 
mes et  l'autre  demeurait  prosterné  adorant 
Dieu.  Ayant  ainsi  passé  la  journée,  ils  s'assem- 
blaient tous  vers  le  soir,  et  après  avoir  pris  un 
peu  de  repos,  ils  chantaient  l'office  de  vêpres 
(Hist.  Reli.,c.  6). 

Cela  nous  montre  qu'on  chantait  et  qu'on 
récitait  les  psaumes  même  en  secret  et  en  parti- 
culier. Cela  parait  encore  dans  la  visite  que  le 
pieux  Avitus  rendit  à  Marcion.  Ces  deux  soli- 
taires, après  quelques  discours  de  piété,  dirent 

ensemble  none,  Ktmri  vm  -ri;;  àvà-nr,;  ÈTiETEXr.aow  XsiToup- 

-jîav;  et  prirent  ensuite  leur  réfection  (Ibid., 
c.  5). 

Publius  n'interrompait  jamais  la  psalmodie 
que  par  l'oraison  ou  la  lecture  des  Ecritures. 
«  Psalmodiam  oratio,  orationem  psalmodia,  et 
utramque  divinorum  lectio  excipiebat  (Ibid., 
c.  5).  »  Il  fonda  deux  monastères,  l'un  de  Grecs, 
l'autre  de  Syriens ,  et  ne  leur  ayant  donné 
qu'une  église  commune,  il  les  faisait  assembler 
pour  la  psalmodie  du  matin  et  du  soir,  afin  de 
chanter  tous  ensemble  les  louanges  de  Dieu  à 
deux  chœurs,  les  uns  en  grec,  les  autres  en 
Syriaque.  Théodoret  dit  que  cette  louable  cou- 
tume durait  encore  de  son  temps. 

IX.  Ces  monastères  étaient  donc  de  ceux  où 
les  petites  heures  du  jour  ne  se  récitaient  qu'en 
particulier,  dont  il  a  déjà  été  parlé. 

Si  les  monastères  entiers  récitaient  en  parti- 
culier les  heures  canoniales  qui  ne  se  chan- 
taient point  en  public,  peut-on  douter  que  les 
particuliers  ne  récitassent  aussi  en  secret  leur 
office  quand  ils  n'avaient  pu  se  trouver  à  l'office 
public  de  l'église?  A  plus  forte  raison  qui  pour- 
rait douter  que  tant  de  solitaires  qui  passaient 

13 


194  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DOUZIÈME. 


ou  toute  leur  vie,  ou  une  grande  partie  dans 
les  déserts  écartés,  ou  seuls,  ou  avec  un  compa- 
gnon seulement,  ne  chantassent  ou  ne  récitas- 
sent toutes  les  heures  en  particulier. 

Nous  en  avons  vu  les  exemples,  aussi  bien  que 
des  voyageurs  et  des  hôtes.  Et  puisque  toutes 
les  autres  vertus  de  la  profession  monastique 
avaient  été  imitées  du  clergé ,  comme  nous  le 
ferons  voir  dans  la  suite,  n'est-il  pas  visible  que 
cette  assiduité  à  la  psalmodie  est  de  ce  nombre? 

Les  premières  lois  de  la  discipline  ecclésias- 
tique ne  furent  que  des  coutumes,  comme  il 
arrive  à  toutes  les  républiques  naissantes.  La 
loi  de  la  charité  en  faisait  plus  faire  que  toutes 
les  autres  lois  n'en  eussent  pu  commander.  La 
coutume  fut  d'abord  dans  l'Eglise  que  les  heu- 
res canoniales  du  matin,  de  tierce,  sexte,  noue 
et  vêpres  se  célébrassent  en  commun  pour  tout 
le  peuple,  à  plus  forte  raison  le  clergé  y  assis- 
tait-il. La  piété  des  fidèles  s'attiédit  avec  le 
temps,  le  clergé  tint  bon.  Les  moines  s'élevè- 
rent avec  une  ferveur  toute  divine,  ils  imitè- 
rent le  clergé  et  enchérirent  par-dessus. 

Quand  la  loi  vivante  de  la  coutume  n'eût  pas 
obligé  le  clergé  à  l'office,  l'exemple  des  moines 
l'y  eût  engagé,  puisqu'on  ne  peut  nier  que 
dans  la  suite  des  siècles  le  clergé  n'ait  imité  en 
plusieurs  choses  les  pratiques  saintes  des  mo- 
nastères. Mais  il  est  certain  que  c'est  au  con- 
traire sur  le  modèle  du  clergé  que  les  religieux 
se  sont  imposé  l'obligation  et  la  manière  de 
réciter  l'office  canonial. 

Les  règles  monastiques,  aussi  bien  que  les 
canons  qui  font  la  règle  du  clergé,  suppo- 
sent plutôt  la  coutume  de  réciter  ou  de  chan- 
ter les  heures  canoniales  qu'elles  ne  l'établis- 
sent. 

X.  Nous  avons  dit  ci-dessus ,  et  nous  ferons 
voir  encore  plus  au  long  dans  la  suite,  qu'une 
infinité  de  saints  religieux  furent  appelés  pour 
remplir  les  chaires  épiscopales.  S'ils  n'y  eussent 
pas  trouvé  les  offices  divins  établis  d'obligation 
dans  le  clergé ,  ils  les  y  auraient  établis  eux- 
mêmes. 

Théodoret  parle  encore  du  divin  Abrahames, 
qui  montrait  encore  après  sa  promotion  à  l'é- 
piscopat,  quelle  avait  été  sa  manière  de  vie  et 
de  prier  dans  la  solitude.  Toutes  les  nuits  il 
chantait  quarante  psaumes,  et  doublait  les 
oraisons  qu'on  avait  coutume  d'entremêler. 
«  Quadraginta  noctu  alternas  hymnodiasexple- 
bat,  interjectaruni  precum  mensurani  conge- 
minans  (Ibid.,  c.  xvn;.  » 


Ce  saint  évêque  chantait  avec  ses  clercs,  ce 
qu'il  avait  auparavant  chanté  aveesesmoineset 
voilà  comment  infailliblement  les  autres  saints 
évèques  tirés  des  cloîtres  eussent  inspiré  au 
clergé  la  psalmodie  continuelle,  s'ils  ne  l'y  eus- 
sent pas  trouvée. 

Le  même  Théodoret  suppose  ailleurs,  que 
les  offices  du  matin  et  du  soir  se  disaient  pu- 
bliquement dans  l'église,  mais  qu'il  n'en  était 
pas  de  même  de  tierce,  sexte  et  none  (Epist.  1.) 
Il  suppose  donc  aussi  qu'on  les  disait  en  par- 
ticulier. 

XL  Concluons  par  la  pi-euve  la  plus  naturelle 
et  la  plus  invincible  de  toutes,  de  l'obligation 
des  clercs  à  s'acquitter  des  heures  canoniales. 
Nous  l'avons  déjà  touchée.  C'est  qu'étant  tous 
par  leur  ordination  attachés  au  service  d'une 
église,  et  la  principale  fonction  des  Eglises  étant 
la  prière,  et  la  prière  mentale  étant  aussi  rare 
et  aussi  courte  dans  tous  les  offices  publics, 
qu'on  sait  qu'elle  a  été  ,  et  au  contraire  la 
prière  des  Eglises  n'ayant  été  autre  que  la  psal- 
modie, il  s'ensuit  évidemment  que  les  clercs 
par  leur  ordination  même  étaient  engagés  à 
ce  devoir  sacré  des  heures  canoniales. 

D'ailleurs  comme  leur  subsistance  tempo- 
relle n'était  qu'une  suite  de  leur  ordination,  et 
une  juste  récompense  de  leur  assiduité  à  servir 
l'Eglise,  il  s'ensuit  que  ceux  qui  manquaient, 
ou  à  la  résidence,  ou  à  l'assiduité  qu'ils  avaient 
promise  aux  offices  divins,  devaient  être  privés 
des  distributions  journalières,  qui  faisaient 
alors  tout  le  revenu  des  bénéficiers. 

Sozomène  nous  a  fait  connaître  l'incompa- 
rable Zenon,  évêque  de  Majume ,  lequel  étant 
âgé  de  près  de  cent  ans,  ne  manquait  jamais 
de  se  trouver  aux  offices  du  matin  et  du  soir, 
à  moins  qu'il  ne  fût  malade  :  «  Natum  plus 
minus  annos  centum,  nunquam  vel  matutinos 
vel  vespertinos  hymnos  neglexisse,  nisi  forte 
morbus  ipsum  impediret  (L.  vu,  epist.  27).  » 

Le  texte  grec  ajoute  que  cet  évêque  ne  man- 
qua à  aucun  office,  et  il  n'exprime  pas  si  c'était 
dans  l'église,  ou  en  particulier  qu'il  s'acquit- 
tait de  ce  devoir.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  mer- 
veilleux est  que  ce  saint  prélat  ne  laissait  pas 
encore  même  dans  ce  grand  âge  de  travailler 
de  ses  mains,  afin  de  fournir  à  ses  nécessités 
et  à  celles  des  pauvres. 

Voilà  quels  étaient  les  anciens  bénéficiers, 
voilà  à  qui  ont  succédé  ceux  qui  trouvent  pré- 
sentement étrange  qu'on  les  oblige  à  réciter  les 
heures  canoniales,  qu'on  leur  fasse  un  crime 


DES  ORIGINES  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


195 


d'y  avoir  manqué,  et  qu'on  les  oblige  île  resti- 
tuer les  fruits  de  leur  bénéfice  pour  le  temps 
qu'ils  vont  manqué.  Leurs  prédécesseurs  réci- 
taient très-fidèlement  toutes  les  heures  de  l'of- 
fice divin,  le  plus  souvent  dans  l'église,  le  reste 
du  temps  eu  particulier;  ils  regardaient  cela 
connue  une  partie  seulement  des  services  qu'ils 
devaient  à  l'Eglise;  ils  ne  prenaient  que  ce  qui 


était  nécessaire  pour  se  nourrir  et  pour  se  vêtir 
des  revenus  de  l'Eglise;  souvent  ils  n'en  pre- 
naient rien  du  tout,  et  s'entretenaient  du  tra- 
vail de  leurs  mains. 

Ce  sont  là  les  règles  et  les  exemples  que  l'an- 
cienne Eglise  proposait  à  tous  les  bénéficiers 
des  siècles  à  venir. 


CHAPITRE  SOIXANTE-TREIZIÈME. 


LES   ORIGINES   DE   L'OFFICE   CANONIAL  DANS   L'OCCIDENT,   ET   L'OBLIGATION   DE   LE   RÉCITER 
AU   MOINS    EN    PARTICULIER,    PENDANT   LES   CINQ    PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Terlullien  parle  des  heures  canoniales,  comme  étant  de 
tradition  apostolique  dans  l'Eglise. 

II.  Saint  Cyprien  les  regarde  comme  une  partie  de  l'observa- 
tion de  ce  précepte  de  prier  sans  cesse. 

III.  Cette  obligation  de  prier  est  essentielle  à  la  religion,  à 
tous  les  chrétiens,  encore  pîus  au  clergé  ;  c'est  là  le  fondement 
de  l'obligation  à  l'office  canonial. 

rv.  Saint  Ambroise  institue  le  chant  des  psaumes  et  des 
hymnes  à  deux  chœurs  par  le  peuple  même. 

V.  Si  ce  fut  le  chant,  ou  le  chant  alternatif  du  peuple  qu'il 
institua. 

VI.  L'obligation  pour  le  clergé  est  d'autant  plus  évidente,  que 
le  peuple  même  chantait  les  psaumes. 

VU.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  la  psalmodie  harmo- 
nieuse de  l'Eglise. 
VUl.  L'office  était  déjà  réglé  k  peu  près  comme  à  présent. 

IX.  Combien  saint  Augustin  juge  la  psalmodie  utile  au  peuple. 

X.  Il  regarde  les  heures  canoniales  comme  propres  à  rallu- 
mer la  ferveur  de  la  prière  continuelle  des  désirs  et  de  l'a- 
mour, à  laquelle  l'Apôtre  nous  oblige. 

\l.  Saint  Jérôme  remarque  la  manière  dont  s'acquittait  de 
l'office  canonial  les  religieux,  les  religieuses,  les  vierges  consa- 
crées à  Dieu  dans  leurs  maisons,  les  veuves  dévotes,  les  jeunes 
filles  qu'on  destinait  à  la  religion. 

XII.  Les  clercs  étaient  encore  plus  étroitement  obligés  de 
prier.  Autres  réflexions  importantes. 

XIII.  Saint  Paulin  et  saint  Sidoine  Apollinaire. 

XIV.  Victor,  évèque  d'Afrique. 

XV.  XVI.  XVII.  Les  conciles  d'Afrique  et  d'Espagne. 

XVIII.  Ceux  de  France. 

XIX.  Exemples  de  quelques  saints  évèques. 

I.  Tertullien  remarque  que  l'histoire  des 
Apôtres  nous  apprend  à  célébrer  les  heures  de 
tierce,  sexte  et  none,  parce  que  le  Saint-Esprit 
descendit  à  l'heure  de  tierce;  saint  Pierre  taisait 
oraison  à  sexte,  et  il  montait  au  temple  à  none. 
Ces  heures  sont  même  remarquables  dans  le 
cours  des  choses  humaines,  a  Tamen  très  istas 
boras  ut  insigniores  in  rébus  humanis,  quae 


diem  distribuunt,  quoe  negotia  distinguunt, 
qua?  publice  résonant  :  ita  et  solemniores  fuisse 
in  orationibus  divinis  (De  jejuniis,  c.  x).  » 

Ce  Père  donne  à  ces  prières  le  nom  d'office. 
Voici  ses  paroles  :  «  Sexta  diei  hora  finiri  offlcio 
huic  possit.  »  Il  semble  aussi  les  comprendre 
sous  le  nom  d'offices  divins,  «  Officia  Dei,  » 
quoique  ce  terme  comprenne  aussi  nos  jeûnes 
et  tous  nos  devoirs  envers  Dieu. 

Il  appelle  aussi  ces  heures  apostoliques, 
comme  étant  émanées  de  la  tradition  des  Apô- 
tres :  «  Horarum  insigniorum,  exinde  apostoli- 
carum,  tertiœ,  sextœ,  nonœ  (Ibid.,  c.  n).  »  Or, 
en  tout  cela,  Tertullien  ne  fait  point  de  réflexion 
particulière  sur  les  obligations  du  clergé.  Ce 
qu'il  dit  embrasse  tous  les  fidèles;  mais  il  ré- 
sulte de  là  même  une  obligation  encore  plus 
étroite  pour  le  clergé.  En  effet,  il  est  visible 
que  les  prières  qui  ne  seraient  que  comme  de 
bienséance  pour  les  laïques  peuvent  être  d'o- 
bligation pour  ceux  qui  sont  entièrement  con- 
sacrés à  l'autel. 

III.  Saint  Cyprien  fait  voir  que  les  heures  de 
tierce,  sexte  et  none  étaient  célébrées  dans  le 
Vieux  Testament  par  les  prières  réglées  des 
personnes  pieuses;  que  celle  de  tierce  a  été 
honorée  de  la  descente  du  Saint-Esprit;  qu'à 
sexte  J.-C.  fut  attaché  à  la  croix;  à  none  il 
expira. 

Après  cela,  ce  Père  ajoute  que  les  fidèles  ont 
des  obligations  très-étroites  de  prier  plus  sou- 


196  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  SOIXANTE-TREIZIÈME. 


vent.  «Sednobis  prseter  Horas  antiquitus  ob- 
servatasorandi;  mmcetspatia  et  sacramenta 
creverunt    (Cyprian.    De    orat.  Dominic).    » 

Qu'ainsi  nous  devons  prier  le  matin,  parce  que 
c'est  le  temps  de  la  résurrection  du  Fils  de 
Dieu;  et  le  soir,  parce  que  le  Soleil  de  justice 
luit  toujours  et  ne  se  couche  jamais  pour  les 
fidèles. 

Enfin  il  conclut  (pie,  J.-C.  étant  le  Soleil  de 
justice  qui  éclaire  nos  esprits  et  qui  échauffe 
nos  cœurs  sans  aucune  interruption,  nous  de- 
vons l'adorer  sans  cesse  et  sans  mettre  aucune 
ditlérence  entre  les  jours  et  les  nuits  :  «  Quod 
si  in  Scripturis  sanctis  sol  verus,  et  dies  verus 
est  Christus,  hora  nulla  a  christianis  cxcipitur, 
quominus  fréquenter,  ac  semper  Deus  debeât 
adorari,  etc.  Quia  filiis  lucis,  et  nocte  dies 
est.  » 

Saint  Cyprien  ajoute  au  même  endroit  : 
a  Nain  et  mane  orandum  est,  ut  resurrectio 
Domini  matutina  oratione  celehretur,  etc.  Re- 
cedente  item  sole  ac  die  cessante,  necessario 
rursum  orandum  est.  Nam  quia  Christus  sol 
verus  et  dies  verus  est,  sole  ac  die  sœculi  rece- 
dcnte,  quando  oramus  et  petimus,  ut  super 
nos  lux  denuo  veniat,  Christi  precamur  adven- 
tum,  lucis  œterme  gratiam  praebiturum.  » 

111.  Avant  que  de  suivre  la  chaîne  de  la  tra- 
dition par  le  témoignage  des  autres  Pères,  il 
est  nécessaire  de  faire  les  réflexions  suivantes  : 
1°  Que  ces  Pères  proposent  ces  cinq  heures  ré- 
glées pour  la  prière,  non  pas  au  clergé,  mais 
à  tous  les  fidèles;  2°  Qu'on  ne  pouvait,  durant 
le  temps  des  persécutions,  célébrer  ces  heures 
canoniales  qu'en  particulier;  3°  Qu'on  ne  les 
propose  que  comme  une  manière  douce  et  ac- 
commodante, pour  obéir  à  la  parole  du  Fils  de 
Dieu  et  de  son  Apôtre,  qui  nous  oblige  de  le 
prier  et  de  le  prier  sans  cesse.  Aussi,  les  heures 
canoniales  sont  comme  des  monuments  publics 
et  des  eflets  de  la  prière  continuelle  de  l'Eglise. 
Cette  obligation  de  prier  sans  cesse,  et  de 
prier  par  intervalles  réglés  n'est  point  fondée 
sur  le  droit  de  recevoir  les  distributions  ou  les 
revenus  d'un  bénéfice  ,  comme  il  est  évident  ; 
mais  elle  est  fondée  sur  l'obligation  indispen- 
sable qu'ont  tous  les  fidèles  de  prier,  et  les 
clejcs  incomparablement  plus  que  les  fidèles. 
Si  l'Eglise  fournit  aux  clercs  leur  honnête 
entretien,  afin  qu'ils  aient  plus  de  loisir  et  plus 
de  liberté  pour  s'appliquer  au  service  des  au- 
tels et  surtout  à  la  prière,  il  est  d'autant  plus 
évident  que  l'obligation  de  prier  ne  provient 


pas  de  la  réception  des  fruits  du  bénéfice  ; 
mais  au  contraire  les  distributions  ont  été  as- 
signées ,  afin  qu'on  s'acquittât  plus  fidèlement 
et  plus  assidûment  du  devoir  de  prier,  qui  est 
si  naturel  à  la  créature  raisonnable,  qui  est 
encore  plus  naturel  aux  chrétiens,  mais  qui  est 
sans  comparaison  encore  plus  essentiel  au 
clergé  et  au  sacerdoce. 

Rien  n'est  donc  plus  juste  que  de  priver  des 
fruits  de  leur  bénéfice  ceux  qui  ne  satisfont 
pas  à  ce  devoir,  non  qu'ils  en  soient  quittes 
pour  cela  :  ils  sont  toujours  très-coupables  d'a- 
voir manqué  à  une  obligation  si  essentielle  à 
leur  état  et  si  importante  au  salut  des  fidèles 
qui  se  reposent  sur  la  piété  et  la  médiation  des 
ecclésiastiques  ;  mais  parce  qu'il  serait  injuste 
que,  ne  priant  pas,  ils  jouissent  d'un  avantage 
qui  ne  leur  était  accordé  que  pour  leur  facili- 
ter la  prière. 

IV.  Ce  sont  là  les  remarques  que  nous  pour- 
rons faire  dans  les  attestations  des  autres  Pères 
que  nous  allons  rapporter. 

Saint  Ambroise  donna  commencement,  dans 
son  Eglise  de  Milan,  au  chant  alternatif  des 
psaumes  par  ie  peuple.  C'est  ce  que  nous  ap- 
prenons de  saint  Augustin  qui  était  alors  à 
Milan  ,  et  qui  en  fut  le  témoin  oculaire,  pour 
faire  passer  jusqu'à  nous  le  respect  et  l'admi- 
ration d'une  institution  si  sainte.  Il  témoigne 
que  la  douceur  de  cetfe  céleste  mélodie  lui 
tira  souvent  les  larmes  des  yeux.  «  Quantum 
llevi  in  hymnis  et  canticis  fuis,  suave  sonantis 
Ecclesiœ  turc  vocibus  commotus  acriter  (Con- 
fess.,  1.  ix,  c.  7).  » 

Il  en  raconte  l'occasion  qui  fut  la  persécu- 
tion de  l'impératrice  Justine  ,  mère  du  jeune 
Valentinien,  séduite  par  les  Ariens,  et  étrange- 
ment animée  contre  saint  Ambroise.  Tout  le 
p'euple  passait  les  jours  et  les  nuits  dans  l'Eglise 
pour  empêcher  qu'on  ne  surprit  et  qu'on  n'ou- 
trageât le  saint  évèque.  Ce  fut  dans  cette  ren- 
contre que,  pour  empêcher  que  le  peuple  ne 
tombât  dans  l'ennui  et  dans  l'abattement,  on 
commença  à  chanter  les  psaumes.  Saint  Au- 
gustin remarque  qu'en  cela  on  imita  l'Eglise 
orientale  ,  et  que  les  autres  Eglises  d'Occident 
imitèrent  bientôt  celle  de  Milan. 

«  Non  longe  cœperat  Mediolanensis  Ecclesia 
genus  hoc  consolationis  et  exhortât ionis  cele- 
brare  ,  magno  studio  fratrum  concinentium 
vocibus  et  cordibus.  Nimirum  annus  erat,  aut 
non  multo  amplius,  cuni  .lustina  Valentiniani 
régis  pueri  mater,  hominem  tuum  Ambro- 


DES  ORIGINES  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


197 


sium  persequeretur,  haeresis  suse  causa,  qua 
fuerat  seducta  ab  Arianis.  Excubabat  pia  plebs 
in  ecclesia.  niori  parata  cum  episcopo  suo, 
servo  tuo.  Tune  hymni  et  psalmi  ut  caneren- 
tur  secundum  morem  orientalium  partiura, 
ne  populus  mœroris  taedio  contabescerel.  in- 
stitutum  est;  et  ex  illa  in  hodiernum  reten- 
tum  ;  multis  jani  ac  pêne  omnibus  gregibus 
tuis,  ac  pur  caetera  orbis  imitantibus.  » 

V.  On  peut  douter  si  ce  qui  fut  institué  par 
saint  Ambroise  dans  cette  occasion  tut  ou  le 
chant  des  psaumes,  qu'on  avait  simplement 
récités  jusqu'aloi'S,  ou  bien  si  ce  fut  le  chant 
des  psaumes  à  deux  chœurs  et  par  le  peuple 
même  ,  supposant  que  dès  le  commencement 
de  l'Eglise  on  avait  tait  chanter  les  psaumes 
par  un  chantre  destiné  à  cela  ou  par  plusieurs 
successivement  les  uns  après  les  autres.  Les 
lettres  de  saint  Augustin  nous  portent  davan- 
tage à  croire  que  ce  fut  le  chant  qu'on  com- 
mença d'instituer  :  «  [nstitutum  utcanerentur 
hymni  et  psalmi.  » 

11  est  d'autre  part  bien  difficile  de  croire 
qu'on  n'eut  fait  que  réciter  les  psaumes  sans 
les  chanter  près  de  quatre  cents  ans  durant 
dans  l'Eglise  latine  ,  puisque  saint  Paul  même 
parle  si  souvent  de  chanter  des  psaumes,  et 
qu'enfin  les  psaumes  sont  des  cantiques. 
Quand  saint  Augustin  ajoute  qu'en  cela  saint 
Ambroise  imita  les  églises  orientales .  il  sem- 
ble avoir  égard  au  chant  alternatif  des  peu- 
ples mêmes  que  Diodore  et  Flavien  avaient 
établi  quelques  années  auparavant  dans  An- 
tioche. 

Le  nombre  d'années  entre  ces  deux  change- 
ments faits  a  Antioche  et  a  Milan  n'est  pas  si 
grand  qu'on  ne  puisse  croire  que  les  deux 
églises  ont  pu  différer  en  cela  durant  ce  petit 
espace  de  temps.  Mais  il  ne  serait  nullement 
croyable  que  les  Orientaux  eussent  ch  nté  les 
psaumes  durant  quatre  cents  ans.  et  que  les 
Latins  n'eussent  fait  que  les  réciter;  Paulin 
marque  expressément  le  chant  alternatif  établi 
par  saint  Ambroise.  Le  mot  Antiphonœ  dont  il 
se  sert  ne  signifiait  alors  que  cela  parmi  les 
Grecs  et  les  Latins.  Et  ce  mot  fait  voir  que 
l'usage  en  venait  aussi  de  l'Orient.  Voici  les 
termes  de  Paulin  :  «  Hoc  in  tempore  primo 
antiphonœ,  hymni ,  ac  vigiliae  in  Ecclesia  Me- 
diolanensi  celebrari  cceperunt.  » 

Quand  saint  Ambroise  même  avoue  qu'il 
composa  des  hymnes  et  qu'il  les  apprit  au 
peuple  pour  les  munir  de  ces  armes  spiri- 


tuelles contre  les  Ariens,  ne  déclare-t-il  pas 
que  le  peuple  apprenait  et  chantait,  non-seule- 
ment les  psaumes,  mais  aussi  des  hymnes  et 
des  chansons  spirituelles?  «  Hymnorum  quo- 
que  inconnu  carminibus  deceptum  populum 
ferunt.  Plane  nec  boc  abnuo.  Grande  carmen 
istud  est,  et  quo  nihil  potentius.  Quid  enim 
potentius .  quam  confessio  Trinitatis.  Facti 
sunt  igitur  omnes  magistri,  qui  vix  poterant 
esse  discipuli  (Opusc.  de  Spiritu  sancto.  Et 
Epist.  xxxu  .  » 

Ce  Père  représente  ailleurs  comme  tous  les 
fidèles  joignaient  leur  voix  pour  faire  résonner 
le  chant  des  psaumes.  «  Bene  mari  plerumque 
comparatur  Ecclesia,  etc.  Responsoriis  psal- 
morum,  cantu  virorum,  mulierum,  virgi- 
num  ,  parvulorum  consonans  undarum  fragor 
résultat  Hexam.,  1.  m,  c.  5).  »  Il  est  vrai  que 
ce  mot  de  répons  pourrait  ne  signifier  que  ces 
extrémités  que  le  peuple  chantait  à  la  fin  des 
psaumes.  Mais  quelle  apparence  que  saint  Am- 
broise fit  chanter  ses  hymnes  au  peuple  et  ne 
lui  fit  pas  chanter  les  psaumes? 

VI.  Il  parait  au  moins  fort  clairement  que  ce 
fut  pour  le  peuple  qu'on  donna  cette  nouvelle 
forme  aux  offices  de  l'Eglise,  aussi  bien  à  Milan 
qu'à  Antioche.  Et  qui  pourrait  se  persuader 
que  ces  grands  et  saints  évèques  n'eussent  pas 
encore  plus  de  zèle  à  animer  leur  clergé  à  la 
prière  et  à  la  psalmodie  continuelle? 

Saint  Ambroise  a  bien  fait  connaître,  dans 
ses  instructions  aux  vierges,  combien  il  dési- 
rait que  les  vierges  consacrées  à  Dieu,  et  par 
conséquent  toutes  les  personnes  que  leur  état 
engage  a  une  profession  particulière  de  piété, 
eussent  une  application  continuelle  à  la  prière 
et  aux  heures  canoniales. 

«  Certe  solemnes  orationes  cum  gratiarum 
actione  sunt  deferenda? .  cum  e  somno  surgi- 
mus,  cum  prodimus,  cum  cibum  paramus 
sumere.  cum  sumpserimus,  et  hora  incensi, 
cum  denique  cubitum  pergimus.  Sed  etiam  in 
ipso  cubili  volo  psalmos  cum  oratione  Domi- 
nica  frequenti  contexas  vice,  vel  cum  evigi- 
laveris,  vel  antequam  corpus  sopor  irriget 
(  De  Virg.,  1.  ni  .  » 

VIL  Voilà  la  manière  sainte  et  aisée  de  prier 
sans  cesse  ,  (pie  ce  Père  proposait  aux  vierges  ; 
il  n'en  proposait  pas  une  moins  parfaite  à  ses 
clercs.  Au  reste  c'est  cet  entrelacement  de 
psaumes,  et  de  l'Oraison  Dominicale  qui  fait 
l'office  divin.  Saint  Jérôme  nous  éclaircira  un 
peu  plus  toutes  ces  matières,  après  que  nous 


198 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-TREIZIÈME. 


aurons  rapporté  ce  que  nous  avons  encore  à 
ajouter  de  saint  Augustin. 

Ce  grand  homme  témoigne  dans  ses  Confes- 
sions que  l'harmonie  du  chant  de  l'Eglise  lui 
inspirait  d'un  côté  des  sentiments  fort  vifs  et 
fort  tendres  de  piété,  mais  que  d'autre  part 
elle  lui  causait  un  plaisir  qui  était  un  piège 
dangereux  en  sa  sensualité.  Cela  lui  faisait 
quelquefois  préférer  la  conduite  sainte  et  judi- 
cieuse de  saint  Athanase,  qui  faisait  chanter  les 
psaumes  d'une  manière  si  simple,  qu'elle  dif- 
férait peu  d'une  lecture  simple.  • 

Enfin  saint  Augustin  s'aperçut  que  l'har- 
monie était  utile  pour  faire  goûter  la  suavité 
des  vérités  du  ciel  aux  âmes  qui  ne  sont  pas 
encore  tout  à  fait  élevées  au-dessus  des  sens , 
mais  qu'il  fallait  se  garder  des  surprises  de  la 
sensualité,  qui  se  recherche  pour  elle-même. 
«  Magis  adducor,  non  quidem  irretractahilem 
sententiam  proferens,  cantandi  consuetudinem 
approbare  in  Ecclesia,  ut  per  ohlectamenta 
aurium  infirmus  animus  in  aiïectum  pietatis 
assurgat  (Confess.,  1.x,  c.  33).  » 

L'Eglise  a  pris  le  tempérament  que  saint 
Augustin  désirait,  de  ne  point  bannir  le  chant 
des  psaumes,  mais  d'en  retrancher  les  exces- 
sives délicatesses.  C'était  à  peu  prés  le  senti- 
ment de  saint  Athanase.  Ce  fut  la  pratique  des 
Eglises  d'Afrique,  selon  le  même  saint  Augus- 
tin, au  moins  de  la  plus  grande  partie,  à  qui 
les  Donatistes  même  reprochaient  leur  gravité 
et  leur  pesanteur  au  chant  des  psaumes  : 
«  Varia  consuetudo  est  ;  et  pleraque  in  Africa 
Ecclesia?  membra  pigriora  sunt  ;  ita  ut  Dona- 
tistœ  nos  reprehendant,  quod  sobrie  psallimus 
in  Ecclesia  divina  cantica  prophetarum  (Epist. 
cxix,  c.  18).» 

Ce  Père  dit  dans  le  même  endroit  que  dans 
les  assemblées  ecclésiastiques ,  le  chant  des 
psaumes  ne  devait  être  interrompu  que  pour 
écouter  les  lecteurs,  ou  les  prédicateurs,  ouïes 
prières  hautes  et  solennelles  des  sacrificateurs 
et  des  diacres. 

Cela  nous  apprend  que  ni  l'épître,  ni  l'é- 
vangile ne  se  chantaient  point,  ni  tout  le  reste 
des  prières  que  les  prêtres  et  les  diacres  font  à 
la  messe.  «  Quando  autem  non  est  tempus, 
cum  in  ecclesia  fratres  congregantur,  suncta 
cantandi,  nisi  cum  legitur,  aut  disputatur, 
aut  antistites  clara  voce  deprecantur,  auteom- 
munis  oratio  voce  diaconi  indicitur.  » 

VIII.  Entre  les  sermons  de  saint  Augustin, 
il  y  en  a  un  où  le  peuple  est  invité  d'assister 


plus  ponctuellement  à  tout  l'office  divin  pen- 
dant le  temps  du  Carême  :  «  Ad  vigilias  matu- 
rius  surgite ,  ad  tertiam ,  ad  sextam,  ad  nonam 
ante  omnia  convenite.  Nullus  se  a  sancto  opère 
suhtrahat.  nisi  quem  inllrmitas,  aut  publica 
utilitas,  aut  forte  certa  et  grandis  nécessitas 
tenuerit  occupatum  (Serm.  :>:>.  De  tempore).  » 

Celui  qui  exhortait  de  cette  sorte  le  peuple , 
ne  pouvait  pas  dispenser  les  ecclésiastiques 
d'une  assistance  encore  plus  exacte  aux  offices 
divins.  Mais  le  peuple  avait  perdu  la  ferveur 
ancienne  de  l'Eglise  primitive,  et  n'assistait 
plus  à  toutes  les  heures  canoniales  de  chaque 
jour  que  pendant  le  Carême. 

Le  même  saint  dit  en  un  autre  endroit  qu'on 
a  commencé  l'office ,  c'était  apparemment  la 
messe,  par  la  lecture  de  saint  Paul;  qu'après 
cela  ils  ont  chanté  tous  ensemble  le  psaume 
xctv,  Venite  exidtemus;  qu'ensuite  on  a  lu 
l'évangile;  qu'il  tâchera  d'ajuster  et  de  propor- 
tionner son  sermon  à  ces  trois  différents  sujets. 
En  un  traité  sur  saint  Jean  il  dit  que  le  livre 
des  Actes  des  Apôtres  se  récite  tous  les  ans 
dans  l'église  après  Pâques  (De  verbis  Apost., 
serm.  10;  Tract.  G.  inJoan.).  Il  parle  encore  ail- 
leurs des  livres  qu'on  devait  nécessairement 
lire  en  certains  jours  (Pnef.  in  Epist.  Joan.). 

IX.  Le  même  saint  Augustin  témoigna  une 
extrême  joie  à  son  peuple  de  ce  qu'il  avait 
enfin  embrassé  la  même  coutume  de  chanter 
les  psaumes,  qui  s'était  déjà  répandue  dans 
les  villes  voisines.  «  Psallendi  consuetudinem, 
quomodo  in  aliis  vicinis  civitatibus  psallebalur 
(Appendice  Syrmundi ,  serm.  .'>  ).  » 

Il  dit  ailleurs  que  les  plus  grossiers  profi- 
tent peu  des  autres  Ecritures;  mais  ils  sont  si 
vivement  touchés  de  la  psalmodie  de  l'Eglise, 
qu'ils  ne  peuvent  s'empêcher  de  chanter  les 
mêmes  psaumes  dans  leurs  maisons,  et  dans 
la  ville  même.  «  Psalmorum  vero  responsa, 
et  intra  domum,  interdum  eliam  in  populo 
publiée canunt  (  Praef.  in  Psal.).  »  Il  dit  au  reste, 
que  cette  union  des  voix  pour  le  chant  des  psau- 
mes porte  les  peuples  à  l'union  des  cœurs 
avec  leurs  ennemis  mêmes.  «  Quis  enim  ul- 
tra inimicum  dicat  cum,  quo  unam  ad  Deum 
psahni  emiserit  vocem.  » 

Il  assure  dans  un  autre  endroit  que  la  prière 
du  peuple  est  pure  et  sainte,  quoiqu'il  n'en- 
tende pas  ce  qu'il  chante  ,  parce  qu'il  est 
bien  persuadé  que  c'est  le  Saint-Esprit  qui  est 
l'auteur  de  ces  divins  cantiques.  «Cantat  popu- 
lus  credens,  nec  pntat  se  maie  oplare,  quid 


DES  ORIGINES  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


190 


dicitur  a  divina  lectione  ;  et  si  paruni  iotelligit, 
crédit  aliquid  boni  esse  ;  quod  cantat  (Tract,  •2-2. 
in  Joan.).» 

X.  Mais  saint  Augustin  n'a  pas  oublié  ni  la 
psalmodie  des  religieux  et  des  religieuses,  ni 
celle  des  ecclésiastiques.  Il  exhorte  les  reli- 
gieuses à  observer  ponctuellement  les  règles 
et  les  rubriques  de  leur  office,  mais  à  chan- 
ter encore  plus  du  cœur  que  des  lèvres. 

«  In  oratorio  nemo  aliud  agat.  nisi  id  ad  quod 
factum  est.  unde  et  nomen  accepit.  Psalmis 
et  hymnis  cum  oratis  Deum,  hoc  versetur  in 
corde,  quod  profertur  in  voce  :  et  nolile  can- 
tare,  nisi  quod  legitis  esse  cantandum  :  quod 
autem  non  ita  scriptum  est,  ut  cantetur  .  non 
cantetur.  » 

Quant  aux  évèques  et  aux  autres  clercs,  en- 
fin à  tous  les  amateurs  de  la  perfection  chré- 
tienne ,  il  leur  dit  que  la  prière  des  désirs  et  des 
gémissements  secrets  d'un  cœur  animé  de  la 
foi,  de  l'espérance  et  de  la  charité,  ne  doit  ja- 
mais être  interrompue  :  mais  que  nous  ne  lais- 
sons pas  de  recourir  à  la  prière  vocale  à  des 
heures  réglées,  pour  nous  exciter  nous-mêmes, 
et  pour  nous  enflammer  encore  davantage. 

«  Inipsaergofide,  et  spe,  et  charitate,  conti- 
nuai desiderio  semper  oramus.  Sed  ideo  per 
certa  intervalla  horarum  et  temporum  etiam 
verbis  rogamus  Deum.  ut  illis  rerum  signis 
nos  ipsos  admoneamus  et  acrius  excitemus  , 
etc.  Ideo  ab  aliis  curis  atque  negotiis,  quibus 
ipsum  desiderium  quodammodo  tepescit ,  cer- 
tis  horis  ad  negotium  orandi  meutem  revoca- 
mus  ,  ne  quod  tepescere  cœperat ,  omnino 
frigescat,  et  penitus  extinguatur,  nisi  crebrius 
inflammetur  (Epist.  cxxi  .  » 

Cela  est  écrit  à  une  sainte  veuve,  mais  saint 
Augustin  se  renferme  dans  la  même  obligation 
sans  doute,  avec  tous  les  clercs  ,  comme  étant 
par  leur  état  dévoués  à  la  prière ,  pour  eux- 
mêmes  et  pour  les  peuples.  Les  Apôtres,  a  qui 
les  ecclésiastiques  succèdent ,  se  déchargèrent 
des  autres  soins,  pour  vaquer  uniquement  à  la 
prière  et  à  la  prédication. 

Ces  heures  réglées  de  la  prière  vocale ,  dont 
parle  saint  Augustin,  sont  évidemment  les  heu- 
res canoniales. 

XI.  Saint  Jérôme  a  tracé  dans  sa  lettre  à 
Rustique,  l'image  d'un  religieux  parfait.  Il  or- 
donne a  ce  moine  d'apprendre  le  psautier  par 
cœur,  et  de  s'occuper  de  la  lecture.  «  Nunquam 
de  manu  et  oculis  tuis  recédât  liber  ;  discatur 
psalterium  ad  verbum  ,  etc.  Dicas  psalmum  in 


online  tuo.  in  quo  non  dulcedo  vocis,  sed  men- 
tis affectus  quaeritur.  » 

Ces  dernières  paroles  font  allusion  à  la  ma- 
nière de  faire  chanter  les  psaumes  à  un  seul 
chantre,  les  autres  écoutant  et  priant  en  silence. 
Ce  Père  prescrivit  a  la  vierge  Démétriade , 
lorsqu'elle  eut  fait  profession  de  virginité,  de 
réciter  les  six  heures  canoniales  du  jour  et  de 
la  nuit,  et  d'apprendre  les  Ecritures  par  cœur. 
«  Prêter  psalmorum  et  orationis  ordinem , 
quod  tibi  horatertia.  sexta.  nona.  ad  vesperum, 
média  nocte  et  mane  semper  est  exercendum  : 
statue  quot  horis  sanctam  Scripturam  discere 
debeas.  » 

On  apprenait  l'Ecriture  par  cœur,  pour  la 
réciter  avec  le  psautier,  et  ainsi  s'acquitter  de 
l'office  divin ,  comme  ce  Père  le  remarque 
encore  dans  la  vie  de  saint  Hilarion  :  «  Scri- 
pturas  sanctas  memoriter  tenens,  post  orationes 
et  psalmos.  quasi  Deo  praesente ,  recitabat.  » 
Il  raconte  ensuite  comme  saint  Hilarion.  étant  à 
la  campagne  un  jour  de  dimanche,  ne  souffrit 
point  qu'on  prîtaucune  réfection  qu'après  avoir 
récité  l'Office.  C'est  ainsi  qu'il  l'appelle.  «  Ore- 
mus,  psallamus,  reddamus  Domino  officium, 
et  sic  ad  vineam  properabitis.  »  Cela  se  faisait 
aux  champs,  hors  de  l'église. 

Saint  Jérôme  distingue  toujours  ces  trois 
parties  de  l'office  canonial ,  les  oraisons .  les 
psaumes  et  la  lecture  des  livres  saints.  A  la 
campagne,  il  ne  parle  point  de  la  lecture,  parce 
qu'on  n'y  pouvait  pas  alors  si  commodément 
porter  des  volumes  de  l'Ecriture. 

Ce  Père,  écrivant  à  La?ta  sur  l'éducation  de 
sa  fille  destinée  à  la  religion,  remarque  toutes 
les  parties,  et  toutes  les  heures  de  l'office  divin 
qui  faisait  la  principale  et  la  plus  sainte  occu- 
pation des  monastères.  «Assuescatad  orationes 
et  psalmos  nocte  consurgere,  mane  hymnos 
canere.  tertia.  sexta ,  nona  hora  stare  in  acie , 
quasi  bellatricem  Christi  .  aecensaque  lucerna 
reddere  sacrificium  vespertinum.!  Orationi  le- 
ctio,  lectioni  succédât  oratio.  » 

Quand  ce  Père  fait  la  description  du  monas- 
tère, et  des  religieuses  que  l'illustre  Paul  avait 
fondé  dans  Jérusalem,  il  leur  prescrit  les  mê- 
mes six  heures  canoniales,  la  même  étude  et  la 
même  lecture  des  Ecritures.  «Mane,  horatertia, 
sexta  ,  nona  ,  vespere  .  noctis  medio  .  per  ordi- 
nem psalterium  cantabant;neclicebat  cuiquam 
sororum  ignorare  psalmos  ;  et  non  de  Scri- 
pturis  sanctis  quotidie  aliquid  discere.  Die  tan- 
luin  Dominico  ad  Ecclesiam  procedebant,  ex 


200 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-TREIZIEME. 


cujus  habitabant  latere  (In  Epitaph.  Paulse).  » 

Il  n'y  avait  point  encore  d'église  dans  ces 
monastères  de  vierges,  elles  n'allaient  à  l'église 
que  le  Dimanche ,  et  cela  leur  était  commun 
avec  beaucoup  de  religieux. 

Eulin ,  saint  Jérôme  témoigne  que  les  reli- 
gieux employaient  le  dimanche  tout  entier,  et 
tout  ce  qui  leur  restait  detempslesautresjours 
après  leur  travail  manuel ,  à  la  prière,  et  à  la 
lecture.  «  Dominicis  diebus  orationi  tantum  et 
lcctionibus  vacant  ;  quod  quidem  et  omni  tem- 
jtore  completis  opusculisfaciunt  (Ad  Eustoch., 
de  custodia  virginit.).  » 

XII.  Si  les  religieux,  si  les  religieuses,  si  les 
vierges  qui  se  consacraient  à  Dieu  par  le  vœu 
de  virginité  dans  leurs  maisons  particulières, 
si  les  veuves  qui  s'adonnaient  à  la  piété,  si  les 
jeunes  filles  qu'on  destinait  dès  leur  tendre 
enfance  à  la  profession  religieuse  ;  si,  dis-je, 
toutes  ces  sortes  de  personnes  récitaient  leurs 
heures  canoniales  du  jour  et  de  la  nuit,  d'où 
provenait  cette  loi,  où  cet  usage  universel, 
attesté  et  soutenu  par  les  saints  Pères ,  si  ce 
n'est,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  de  l'an- 
tienne piété  de  tous  les  fidèles,  qui  se  voyant 
avertis  par  les  divines  Ecritures  de  s'appli- 
quer sans  cesse  à  la  prière,  s'acquittaient  eux- 
mêmes  dans  les  premiers  siècles  de  ce  pieux 
devoir,  autantque  la  nécessité  de  leurs  affaires  le 
leur  permettait?  Il  s'ensuivait  donc  de  là,  1°  que 
tous  ceux  qui  se  dégagaient  de  la  servitude  des 
affaires  du  inonde,  se  trouvaient  en  même 
temps  engagés  à  cette  noble  et  aimable  servi- 
tude, de  prier  sans  cesse  au  moins  par  leurs 
désirs  secrets  vers  la  bienheureuse  éternité,  et 
de  renouveler  l'ardeur  de  ces  désirs  par  les 
heures  réglées  de  la  prière  vocale. 

2°  Ce  n'était  nullement  le  droit  des  distribu- 
tions manuelles,  ou  des  revenus  d'un  bénéfice 
qui  faisait  le  juste  fondement  de  l'obligation 
qu'on  imposait  de  réciter  les  heures  canoniales 
à  la  noble  et  illustre  Démétriade,  à  Eustochie. 
a  la  jeune  fille  de  L;eta,  aux  religieuses  que 
sainte  Paule  avait  dotées,  et  à  tant  de  religieux 
qui  ne  vivaient  que  du  travail  de  leurs  mains. 

3°  Il  est  visible  qu'il  faut  raisonner  de  la 
même  manière  des  ecclésiastiques .  et  que  leur 
état  leur  imposant  une  obligation  infiniment 
plus  étroite  et  plus  indispensable  de  prier,  et 
de  prier  sans  cesse;  puisqu'enfin  tous  ceux  qui 
ont  quelque  part  au  sacerdoce,  sont  les  média- 
teurs entre  Dieu  et  les  autres  hommes  :  ils  ont 
toujours  été  plus  étroitement  obligés  à  la  réci- 


tation des  heures  canoniales,  sans  aucun  égard 
à  leur  bénéfice  ;  quoique  par  une  police  tres- 
sage, l'Eglise  ait  jugé  à  propos  en  leur  donnant 
une  honnête  subsistance,  de  leur  donner  encore 
plus  de  liberté  de  ne  s'occuper  que  du  service 
de  Dieu,  et  que  par  une  justice  pleine  de  pru- 
dence elle  ait  aussi  jugé  nécessaire  de  les  en 
priver,  quand  ils  manqueraient  à  ce  devoir,  et 
de  ne  pas  donner  à  des  clercs  fainéants  et  irré- 
ligieux le  patrimoine  des  pauvres. 

4°  Si  ces  Pères  ont  plus  souvent  parlé  de 
l'obligation  des  heures  canoniales  à  ces  per- 
sonnes dont  nous  venons  de  parler,  qu'aux 
ecclésiastiques,  c'est  parce  qu'elles  devaient  ré- 
citer ou  chanter  ces  offices  divins  en  particu- 
lier, ou  dans  des  oratoires  secrets,  et  il  fallait 
les  instruire  à  cela,  parce  que  ces  institutions 
n'étaient  que  du  même  siècle;  au  lieu  que  les 
offices  divins  se  chantaient  solennellement  dans 
l'Eglise,  et  le  clergé  y  assistait  depuis  quatre 
cents  ans,  et  par  conséquent  on  n'avait  pas 
besoin  d'instructions  nouvelles  pour  des  exer- 
cices de  piété  si  anciens. 

5°  Et  si  toutes  ces  personnes,  moins  étroite- 
ment obligées  à  la  prière,  récitaient  leurs  heu- 
res canoniales  en  secret,  pourra-t-on  se  per- 
suader que  les  ecclésiastiques  ne  les  récitaient 
pas  aussi  en  secret,  quand  la  maladie  et  quelque 
affaire  inévitable  les  empêchait  d'y  assister  à 
l'église  ? 

De  là  vient  cette  forme  des  offices  qui  était 
déjà  presque  aussi  parfaite  et  aussi  achevée 
qu'elle  est  à  présent.  Les  mêmes  heures  cano- 
niales étaient  gardées,  si  ce  n'est  que  les  com- 
piles n'étaient  pas  encore  instituées,  et  les 
laudes  n'étaient  pas  encore  distinguées  de 
prime.  Les  noms  d'ordre  et  d'office  étaient  déjà 
en  usage.  On  mêlait  l'oraison  mentale  avec  les 
psaumes,  et  on  y  entrelaçait  la  lecture  des 
Ecritures.  Enfin,  les  livres  des  Ecritures  étaient 
déjà  affectés  aux  saisons  qui  leur  étaient  pro- 
pres. 

XIII.  Saint  Paulin  fait  aussi  chanter  les  peu- 
ples dans  les  églises  de  France  aussi  bien  que 
les  religieux  dans  les  monastères,  écrivant  à 
VictriciuSj  évêque  de  Rouen  :  «  Ubi  quotidiano 
sapienter  psallentium  per  fréquentes  ecclesias, 
et  monasteria  sécréta  concentu ,  castissimis 
ovium  tuaruni  et  cordibus  delectantur  et  vo- 
cibus.  » 

Saint  Sidoine  Apollinaire,  évêque  de  Cler- 
niont ,  faisant  l'éloge  de  Claudien ,  frère  et 
grand-vicaire    de  saint   Mamert,    évêque  de 


DES  ORIGINES  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


201 


Vienne ,  il  lui  l'ait  exero  r  l'olfice  de  chantre, 
pour  commencer  le  chant  des  psaumes,  distri- 
buer les  leçons  et  les  accommoder  au  temps. 
«  Psalmorum  hic  modulatoret  phonascus,  ante 
altaria  fratre  gratulante,  instruclas  docuit  so- 
nare  classes.  Hic  solemnihus  annuis  paravit, 
(pue  que-  tempore  lecta  convenirent  (L.  iv, 
epist.  11).  » 

Ce  même  auteur  nous  donne  ailleurs  L'idée 
d'un  chœur  de  chantres  composé  de  clercs  et  de 
moines  :  «  Cultu  peracto  vigiliarum,  quas alter- 
nante mulcedine,  monachi  clericique  psalmi- 
cines  concelebraverant  ;  quisque  in  diversa 
secessimus,  prresto  ad  tertiam  futuri,  cum  sa- 
cerdotibusresdivinafacienda  (L.  v,  epist.  17  .  » 

Ce  fut  vraisemblablement  à  l'imitation  des 
moines  que  les  églises  cathédrales  commen- 
cèrent d'avoir  des  ecclésiastiques  en  assez  grand 
nombre  pour  chanter  les  offices  à  deux  chœurs. 
Aussi  le  même  Sidoine  écrivant  à  Fauste,  qui 
d'abbé  de  Lérius  était  devenu  évéque  de  Riez, 
il  le  loue  d'avoir  transporté  dans  cette  église 
l'office  et  le  chant  de  Lérins.  «  Precum  peritus 
insulanarum ,  quas  de  Palaestra  congregationis 
Eremitidis,  et  de  senatu  Lirinensium  cellula- 
norum,  in  urbemquoque,  cujus  Ecclesia?  sacra 
super  inspieis,  transtulisti.  nihil  ab  abbate  mu- 
tatus  in  sacerdotem  (L.  ix,  epist.  3).  » 

Ces  deux  lettres  de  Sidoine  Apollinaire  nous 
font  voir  :  1°  Que  si  au  commencement  les 
moines  avaient  imité  la  psalmodie  de  l'Eglise, 
ils  la  portèrent  ensuite  eux-mêmes  à  un  plus 
haut  point  de  perfection  ;  en  sorte  que  les  évê- 
ques  mêmes ,  surtout  ceux  qui  avaient  vécu 
dans  la  retraite  des  monastères  avant  l'épis- 
eopaf ,  firent  gloire  de  conformer  la  psalmodie 
de  leurs  églises  à  celle  des  monastères. 

2°  Que  ces  prélats  commencèrent  à  élever  un 
grand  nombre  d'ecclésiastiques,  dont  l'occupa- 
tion toute  sainte  était  de  réciter  ou  de  chanter 
tous  les  jours  dans  les  églises  l'office  divin ,  le 
peuple  ne  s'y  trouvant  plus  qu'en  petit  nombre, 
ou  rarement. 

3°  Que  quand  l'usage  n'en  aurait  pas  été  [dus 
ancien,  au  moins  ces  évèques  sortis  des  cloîtres 
auraient  encore  introduit  dans  le  clergé  et 
parmi  les  bénéficiers  la  coutume  et  la  loi  de 
réciter  l'office,  soit  en  public,  soit  en  secret. 

XIV.  Victor,  évèque  de  Vite,  en  Afrique,  dans 
le  dernier  livre  de  la  persécution  des  Vandales, 
raconte  comment  douze  jeunes  lecteurs  souf- 
frirent toutes  les  cruautés  de  ces  barbares  avec 
une  constance  si  admirable  ,  que  le  peuple  de 


Carthage  les  eut  toujours  depuis  en  une  véné- 
ration singulière.  Ces  jeunes  enfants  demeu- 
rèrent depuis  ensemble,  ils  mangeaient  ensem- 
ble ils  chantaient  ensemble  les  psaumes,  et  se 
glorifiaient  ensemble  au  Seigneur.  «  Ina  de- 
gunt,  simul  vescuntur,  pariter  psallunt,  simul 
in  Domino  gloriantur  (Lib.  v).  » 

Cette  communauté  de  douze  jeunes  confes- 
seurs, qui  chantaient  les  psaumes  en  particulier, 
nous  fait  voir  que  le  clergé  commençait  à  se 
former  en  communautés  et  à  prendre  la  psal- 
modie comme  la  plus  ordinaire  fonction. 

Le  même  Victor  remarque  encore  ailleurs 
que  le  peuple  chantait  les  psaumes  aux  veilles 
solennelles  dans  l'église.  «  Jam  ob  celebritatem 
festivitatis  hynmi  nocturni  per  totam  Ecclesiam 
canentepopuloconcrepabantiLib.il).»  Et  quoi- 
qu'il y  eût  déjà  quelques  commencements  de 
ces  communautés  de  chantres,  ce  n'étaient 
effectivement  encore  que  des  commencements. 
Victor,  dans  ces  dernières  paroles,  semble  avoir 
voulu  imiter  celles  de  saint  Jérôme  :  «  Tota 
ecclesia  nocturnis  vigiliis  Christum  Dominum 
personabat  (Epist.  ad  Sabinianum).  » 

XV.  Il  faut  passer  des  Pères  aux  conciles.  Le 
concile  IV  de  Carthage,  qui  a  si  exactement  re- 
présenté l'ordination  et  les  fonctions  de  tous  les 
clercs,  tant  supérieurs  qu'inférieurs,  n'a  pas 
oublié  les  psalmistes,  à  qui  le  prêtre  imposant 
l'office  de  chanter  :  «  Officium  cantandi,  »  disait 
ces  paroles  :  «  Vide ,  ut  quod  ore  cantas ,  corde 
credas  :  et  quod  corde  credis.  operibus  com- 
probes.  » 

Ainsi  les  chantres  seuls  étaient  chargés  de 
l'office  de  chanter,  ou  parce  qu'ils  chantaient 
seuls,  comme  nous  avons  vu  parmi  les  moines, 
ou  parce  qu'ils  commençaient  les  psaumes,  et 
modéraient  pour  ainsi  dire  les  ondes  du  chant 
de  la  multitude,  soit  du  clergé,  soit  du  peuple. 

Ce  même  concile  (Can.  xlix)  priva  de  leurs 
distributions  les  clercs  qui  manquaient  aux 
offices  de  la  nuit.  «  Clericus  qui  absque  corpu- 
sculi  sui  ina?qualitate  vigiliis  deest,  stipendiis 
privetur.  » 

Ce  canon  montre  clairement  :  1°  Que  ce  n'é- 
tait pas  seulement  les  chantres,  mais  aussi  tous 
les  autres  clercs  qui  devaient  assister  aux  of- 
fices. 2°  Que  s'ils  y  manquaient,  on  les  punis- 
sait par  la  privation  de  leurs  distributions  et 
de  tous  les  émoluments  qu'ils  tiraient  île 
l'Eglise. 

Si  l'on  châtie  de  la  sorte  les  clercs  qui  man- 
quent aux  offices  de  la  nuit,  il  est  certain  que 


202 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-TREIZIÈME. 


ceux  qui  s'absentaient  de  ceux  du  jour  étaient 
encore  plus  punissables,  parce  que  leur  faute 
se  pouvait  encore  moins  excuser. 

XVI.  Le  concile  I"  de  Tolède,  tenu  en  l'an 
400,  ordonne  que  les  prêtres,  diacres,  sous-dia- 
cres, et  absolument  tous  les  clercs  qui  se  trou- 
vent dans  les  villes,  villages  ou  châteaux,  où  il 
y  a  une  église ,  assisteront  tous  les  jours  à  la 
messe  sous  peine  de  déposition.  «  Si  ad  eccle- 
siam,  ad  sacrificium  quotidianum  non  accesse- 
rit,  clcricus  non  habeatur.  » 

Cette  peine  paraît  excessive,  et  on  pourrait 
peut-être  expliquer  plus  clairement  ces  paroles  : 
clericus  non  habeatur,  les  prenant  en  même 
sens  que  celles-ci  du  concile  IV  de  Carthage, 
stipendiïs  privetur  (Can.  v). 

C'est  la  même  peine  que  les  lois  des  derniers 
siècles  ont  imposée  en  obligeant  les  bénéficiers 
à  restituer.  En  effet,  dès  que  les  conciles  les 
ont  déclarés  indignes  et  incapables  de  recevoir 
les  fruits  du  bénéfice  lorsqu'ils  n'en  célèbrent 
pas  l'office,  il  est  constant  que  quand  l'Eglise 
ne  redemanderait  plus  ces  fruits,  ils  ne  pour- 
raient pas  les  garder. 

Un  autre  canon  de  ce  concile  (Can.  îx)  nous 
fait  voir  que  les  vierges  et  les  veuves  vouées  à 
Dieu,  chaulaient  les  psaumes  dans  leurs  mai- 
sons avec  un  serviteur  ou  un  jeune  clerc,  qui 
est  appelé  confesseur  ;  mais  ce  concile  le  défend 
à  l'avenir,  si  un  prêtre  ou  un  évêque  n'y  as- 
siste. Et  pour  l'office  de  vêpres,  qu'on  appelait 
lucemarium,  parce  qu'on  le  célébrait  lorsque 
le  jour  finissant,  faisait  allumer  les  lampes,  il 
ordonne  qu'on  ne  le  chantera  que  dans  la 
grande  église  de  la  ville;  ou,  si  c'est  dans  des 
villages,  que  ce  soit  en  présence  de  l'évêque, 
ou  d'un  prêtre,  ou  d'un  diacre.  «  Nulla  pro- 
fessa, vel  vidua  absente  episcopo,  vel  presby- 
tero  in  domo  sua  antiphonas  cum  confessore, 
vel  servo  faciat.  Lucemarium  vero  nisi  in 
ecclesia  non  legatur;  aut  si  legatur  in  villa, 
prœsente  episcopo,  vel  presbytero,  vel  diacono 
legatur.  »  Ce  n'est  pas  la  récitation  domestique 
des  heures  canoniales  qui  est  défendue,  mais 
celle  qui  se  faisait  à  deux  chœurs  et  avec  so- 
lennité. Le  concile  veut  qu'un  des  clercs  supé- 
rieurs y  soit  toujours  présent,  comme  c'est  en- 
core l'usage. 

Si  les  dames  religieuses  étaient  si  attachées 
à  l'office  canonial  et  si  on  ne  voulait  point  leur 
permettre  de  le  célébrer  dans  leurs  maisons, 
surtout  l'office  des  vêpres,  qui  a  toujours  été  le 
plus  solennel,  sans  la  présence  d'un  des  clercs 


majeurs,  que  devons-nous  juger  de  l'assiduité 
des  clercs  pour  le  même  devoir  de  piété  ? 

XVII.  Ferrand  Diacre,  dans  son  abrégé  des 
canons,  cite  les  conciles  d'Afrique  qui  ordon- 
nèrent que  les  prières  solennelles  fussent 
adressées  au  Père  éternel  ;  ce  qui  s'observe 
encore  dans  l'auguste  sacrifice  et  dans  la  plu- 
part des  autres  prières  de  l'Eglise  (Ferrand, 
cap.  c.cxix,  ccxx,  ccxxviu,  ccxxix). 

Il  y  fut  encore  ordonné  qu'on  garderait  la 
même  discipline  pour  tous  les  autres  sacre- 
ments dans  la  province  Byzacène;  il  en  faut 
croire  autant  des  autres  provinces.  «  Ut  una  sit 
in  sacramentis  per  omne  Byzaeium  disciplina  ;  » 
qu'on  ne  lirait  dans  l'église  que  des  Ecritures 
canoniques,  et  qu'on  pourrait  néanmoins  y  lire 
aussi  les  actes  des  martyrs  aux  jours  de  leurs 
fêtes  (Conc.  Carthag.  III,  c.  xlvu). 

Cresconius  cite  aussi  les  canons  de  l'Eglise 
grecque  et  les  conciles  rapportés  ci-dessus  (Cres- 
conius, cap.  CLXVII,CLXVIII,  CLX1X,  CLXX,  CXCIll). 
D'où  on  pourrait  tirer  quelque  conjecture  que 
les  églises  d'Afrique  auraient  emprunté  les 
chantres  de  l'Eglise  grecque,  quoiqu'elles 
n'aient  pu  les  emprunter  qu'après  la  mort  de 
saint  Cyprien,  qui  n'en  a  point  parlé  du  tout, 
n'ayant  pas  oublié  dans  un  si  grand  nombre 
de  lettres  les  autres  ordres  inférieurs. 

XVI IL  Le  concile  de  Vannes,  tenu  en  Breta- 
gne, l'an  463  (Can.  xv),  tâcha  d'établir  l'unifor- 
mité des  offices  dans  toutes  les  églises  de  la 
province  de  Tours.  «Unam  ofliciorum  regulam 
teneamus.  »  Où  il  paraît  que  ce  terme  d'office 
était  déjà  affecté  à  cette  signification.  «  Intra 
nostram  provinciarum  sacrorum  ordo,  et  psal- 
lendi  una  sit  consuetudo.  » 

Cela  était  alors  d'autant  plus  nécessaire,  que 
les  clercs  d'un  diocèse,  voyageant  et  passant  par 
d'autres  diocèses,  y  étaient  reçus  par  le  moyen 
des  lettres  canoniques,  ou  formées,  dans  le 
rang  de  leur  ordre,  parmi  le  clergé,  et  dans 
toutes  les  fonctions  de  l'autel  et  du  chœur. 
Ainsi  il  importait  que  les  offices  du  chœur  et 
de  l'autel  fussent  les  mêmes. 

Le  même  concile  (Can.  xiv)  punit  d'une  sus- 
pension de  sept  jours  les  clercs  qui,  étant  dans 
la  ville,  et  n'étant  point  malades,  manqueraient 
d'assister  à  l'office  du  matin,  a  Matutinis  hym- 
nis.  »  La  raison  du  concile  est  que  c'est  une 
faute  qui  n'est  point  pardonnable  aux  ministres 
de  l'autel  de  manquer  à  un  devoir  si  saint  sans 
nécessité.  «  Quia  ministrum  sacrorum,  ettem- 
pore  quo  non  potest  aboflicio  suo  ulla  honesta 


LA  PIÉTÉ  DES  SÉCULIERS  À  ASSISTER  AUX  OFFICES. 


203 


nécessitas  occupare,  fas  non  est  a  salubri  devo- 
tione  cessai®.  » 

C'est  peut-être  l'office  de  la  nuit,  ou  les  vi- 
giles dont  parlait  le  concile  de  carthage  ,  qu'on 
appelle  dans  ce  concile  de  Vannes  ,  l'office  du 
matin.  Car  nous  n'avons  appelé  matines,  ce 
qu'on  nommait  autrefois  vigiles ,  que  parce 
qu'insensiblement  on  les  a  avancés  de  minuit  au 
matin.  Or  il  se  pourrait  bien  faire  que  la  peine 
de  suspension  :  «  Septem  diebus  a  commu- 
nione  habeatur  extraneus»  comprendrait  aussi 
la  privation  des  distributions. 

Je  laisse  la  lettre  que  saint  Loup,  évèque  de 
Troyes,  et  saint  Eupbrone,  évèque  d'Autun, 
écrivirent  à  Talassius,  évèque  d'Angers,  sur  la 
manière  de  célébrer  les  veilles  de  Noël  et  de 
Pâques. 

XIX.  Les  conciles  s'efforçaient  davantage,  de 
faire  assister  les  clercs  aux  offices  de  la  nuit  ou 
du  matin,  parce  qu'on  y  manque  toujours  plus 


souvent.  Les  grands  évèques  se  rendaient  aussi 
plus  assidus  à  cet  office.  Ennodius  assure  que 
saint  Epiphane  .  évèque  de  Pavie,  assistait 
toujours  aux  offices  divins,  prévenait  toujours 
les  lecteurs,  même  aux  vigiles,  n'en  sortait 
jamais  qu'après  la  fin  ,  et  y  assistait  toujours 
debout,  sans  changer  jamais  de  place. 

Saint  Séverin,  apôtre  de  Hongrie,  chantait 
matines  et  vêpres  en  commun  avec  les  autres , 
et  récitait  le  reste  des  heures  canoniales  en  se- 
cret dans  son  oratoire. 

Il  est  probable  que  les  occupations  de  son 
apostolat  l'obligeaient  d'en  user  de  la  sorte.  «A 
discipulorumsuorumcellula  non  longius  habi- 
tabat,  cura  quibus  matutinas  orationes  et  pro- 
priam  noctis  principio  psalmodiam  solemniter 
adimplebat.  Reliqua  vero  orationum  tempora 
in  parvo  complebat  oratorio  ,  quo  manebat 
(Surius,  die  3.  Januar...  c.  xxxix).  » 


CHAPITRE   SOIXANTE-QUATORZIÈME. 


LA  PIETE  DES  SECULIERS  A  ASSISTER  AUX  OFFICES  DU  JOUR  ET  DE  LA  NUIT,  OU  A  LES  RECITER  EN' 
PARTICULIER.  D'OU  L'ON  CONJECTURE  L'OBLIGATION  PLUS  PRESSANTE  DES  CLERCS,  PENDANT  LES  CINQ 
PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  L'obligation  à  la  prière  est  la  plus  universelle  et  la  plus 
indispensable. 

II.  C'est  le  premier  et  le  plus  essentiel  de  tous  les  devoirs  des 
ecclésiastiques. 

III.  On  le  prouve  par  l'obligation  que  les  saints  Pères  ont 
imposée  aux  laïques  de  prier,  et  de  prier  toujours.  Tertullien, 
saint  Jérôme,  Cassien,  saint  Augustin. 

IV.  Saint  Ambroise.  Ces  Pères  veulent  que  les  laïques  prient 
souvent,  prient  pendant  la  nuit,  récitent  les  psaumes,  assistent 
aux  offices. 

V.  Saint  Chrysostome  exhorte  les  laïques  à  lire  les  Ecritures, 
surtout  celles  du  Nouveau  Testament. 

VI.  Et  à  chanter  des  psaumes  nuit  et  jour.  Saiut  Basile.  Saint 
Epiphane. 

Vil.  Exemple  admirable  de  l'empereur  Théodose  le  Jeune  et 
de  tout  son  palais. 
VIII.  De  sainte  Macrine. 

I.  La  prière  étant  le  plus  saint  et  le  plus 
indispensable  de  tous  les  devoirs,  je  ne  dirai 
pas  des  ecclésiastiques  ,  mais  de  tous  les  chré- 
tiens, quelle  apparence  y  a-t-il  que  les  ecclé- 
siastiques n'y  fussent  obligés  par  aucune  or- 


donnance de  J.-C.  ou  des  Apôtres ,  ou  de 
l'Eglise? 

Le  Fils  de  Dieu  n'a-t-il  pas  commandé  à  ses 
apôtres ,  à  ses  disciples  et  à  tous  les  fidèles  de 
prier,  et  de  prier  sans  interruption  ?  N'en  a-t-il 
pas  donné  l'exemple  ?  Le  grand  Apôtre  n'a-t-il 
pas  exhorté  les  chrétiens  à  prier  sans  cesse  ? 
Saint  Luc  ne  nous  apprend-il  pas  que  ce 
divin  apôtre,  dans  la  prison  même,  chantait  des 
psaumes  à  minuit  ?  Ne  nous  assure-t-il  pas 
que  les  apôtres  se  déchargèrent  du  soin  du 
temporel ,  afin  de  s'occuper  entièrement  à  la 
prière  et  à  la  prédication  ?  Saint  Etienne,  qui 
fut  un  de  ces  admirables  diacres  qui  soulagè- 
rent les  apôtres  du  soin  des  choses  tempo- 
relles, ne  paraît-il  pas  dans  les  mêmes  Actes 
un  homme  d'oraison,  et  élevé  même  jusqu'à 
un  très-haut  degré  d'oraison ,  où  le  Fils  de 


204       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-QUATORZIEME. 


Dieu  se  montra  à  lui  dans  le  trône  de  sa 

gloire  ? 

On  sait  que  les  prières  ordinaires  des  Is- 
raélites dans  le  Temple,  et  ailleurs  ,  étaient  les 
psaumes  de  David.  Ainsi  on  ne  peut  douter 
que  l'Eglise  naissante  de  la  Judée  n'ait  conservé 
iinc  si  sainte  coutume. 

Il  est  donc  très-apparent  que  l'on  ne  fit  au- 
cun canon  qui  obligeâtes  clercsà  l'office  cano- 
nique durant  ces  premiers  siècles ,  parce  que 
l'esprit  de  piété ,  et  l'amour  de  la  prière  était 
encore  dans  sa  première  ferveur  ;  et  il  n'y  avait 
personne  qui  ne  regardât  l'obligation  de  prier 
comme  la  plus  douce,  et  en  même  temps  la 
plus  indispensable  de  toutes. 

Comme  les  lois  ne  se  font  que  pour  remédier 
aux  désordres  qui  se  sont  élevés,  et  que  le  juste 
trouve  toutes  les  lois  écrites  dans  le  fond  de 
son  cœur,  on  n'a  recouru  à  l'autorité,  aux  lois, 
et  aux  canons,  que  lorsque  cette  première  ar- 
deur a  commencé  de  se  ralentir. 

II.  C'est  une  défaite  ridicule  de  dire  que  les 
ecclésiastiques  avaient  les  occupations  propres 
de  leurs  ordres ,  et  qu'elles  leur  ont  été  re- 
commandées par  les  canons,  sans  qu'il  y  soit 
parlé  de  la  récitation  ,  ou  du  chant  des 
psaumes. 

Rien  loin  de  croire  que  la  prière  doive  céder, 
ou  être  postposée  aux  autres oteeupàtionsj  quel- 
que saintes  et  quelque  importantes  qu'elles 
puissent  être  :  qu'au  contraire  les  Apôtres  vou- 
lurent être  soulagés  des  autres  occupations  , 
pour  s'adonner  entièrement  à  la  prière  et  à  la 
prédication,  et  a  la  prière  avant  la  prédication. 
«  Orationi  et  ministerio  verbi  instantes  erimus 
i.\ct.  vi,  v.  4).  » 

Un  exemple  si  illustre  a  autorisé  cette  ma- 
xime, qui  a  depuis  toujours  été  incontestable 
parmi  les  Pères  et  les  personnes  de  piété,  que 
la  prière  est  la  première  de  toutes  les  occu- 
pations non-seulement  des  évèques  et  des 
prêtres,  qui  ont  succédé  aux  fonctions  aposto- 
liques ,  mais  aussi  de  tous  les  ecclésiastiques  : 
qu'elle  doit  précéder  toutes  les  autres  occupa- 
tions :  qu'elle  doit  les  accompagner  ,  les  régler 
par  ses  divines  lumières,  et  les  soutenir  par 
ses  puissantes  influences. 

Quoique  dans  quelque  rencontre  particulière, 
et  dans  une  pressante  nécessité,  l'on  doive 
laisser  ou  interrompre  la  prière  pour  secourir 
le  prochain  ,  cela  n'empêche  pas  que  ce  ne  soit 
une  règle  générale  et  invariable  dans  la  con- 
duite et  dans  la  vie  des  ecclésiastiques,  que  la 


prière  fervente ,  fréquente  ,  ou  même  conti- 
nuelle doit  être  la  plus  importante  et  la  plus 
indispensable,  aussi  bien  que  la  plus  sainte  et 
la  plus  délicieuse  de  leurs  occupations. 

III.  Or  que  l'esprit  et  l'amour  de  la  prière  fût 
si  ardent  dans  les  ecclésiastiques  des  premiers 
siècles,  que  ce  soit  là  la  véritable  raison  qui  a 
empêché  les  conciles  d'en  faire  des  canons,  et 
des  commandements  exprès  :  c'est  ce  qu'il  sera 
facile  de  justifier  par  les  témoignages  des  saints 
Pères,  lorsqu'ils  racontent  les  mœurs  et  la 
conduite  des  laïques.  Saint  Luc  ne  dit-il  pas 
de  tous  les  fidèles,  qu'ils  persévéraient  dans  la 
prière?  «  Erant  persévérantes  indoctrina  Apo- 
stolorum,  et  communicatione  fractionis  panis, 
et  orationibus  (Act.  n,v.  42).  » 

Tertullien  nous  apprend  que  les  personnes 
mariées,  et  les  femmes  mêmes  se  levaient  la 
nuit  pour  prier  :  «  Cum  per  noctem  exurgis 
oratum.  »  Et  un  peu  plus  bas  :  «  Unde  suffi- 
ciam  ad  enarrandam  felicitatem  ejus  niatri- 
monii;  quod  Ecdesia  conciliât,  etc.  Simul 
orant.  etc.  Sonant  inter  duos  psalmi  et  hymni, 
et  inutuo  provocant,  quis  melius  Deo  suo  ca- 
not. Talia  Christus  vidons  et  audiens  gaudet. 
Ubi  duo,  ibi  duo  et  ipse  (Ad  uxor.,  1.  n).  » 

Si  les  laïques  vivaient  ainsi,  que  devaient 
faire  les  clercs  qui  étaient  leurs  directeurs?  Si 
les  personnes  mariées  vivaient  de  la  sorte,  s'ils 
chantaient  des  hymnes  et  des  psaumes  le  jour 
et  la  nuit,  s'ils  faisaient  de  leur  maison  une 
église,  que  jugerons-nous  des  ecclésiastiques 
qui  leur  donnaient  des  instructions  si  saintes? 
Détruisaient-ils  par  leurs  exemples  lesbons  en- 
seignements qu'ils  leur  donnaient?  Si  les  clercs 
mariés  vivaient  île  la  sorte,  que  faut-il  penser 
des  diacres,  des  piètres  et  des  évèques,  et  de 
tous  ceux  qui  étaient  les  sacrificateurs  de  leurs 
propres  corps  par  la  continence? 

Tertullien  dit  ailleurs  que  les  fidèles  com- 
mençaient et  finissaient  leur  repas  par  la 
prière;  que  durant  le  repas  ils  s'entretenaient 
des  Ecritures,  ou  ils  chantaient  des  hymnes  à 
la  louange  de  Dieu  ;  enfin  qu'ils  prenaient  de 
telle  sorte  leur  nourriture  durant  le  jour, 
qu'ils  pussent  se  lever  la  nuit  pour  prier: 
«  Ita  saturantur,  ut  qui  meminerint  etiam  per 
noctem  adorandum  Deum  sib)  esse.  » 

Saint  Jérôme  écrit  à  la  sainte  vierge  Eusto- 
chie  qu'il  faut  se  lever  deux  ou  trois  fois 
toutes  les  nuits,  et  interrompre  son  repos  par 
des  prières  réitérées,  et  par  la  méditation 
des  Ecritures.  «  Noctibus  bis  terque  surgen- 


LA  PIÉTÉ  DES  SÉCULIERS  A  ASSISTER  AUX  OFFICES. 


205 


dum,  et  rcvolvenda  quœ  de  Scripturis  memo- 
ritor  retinemus  (Ad  Eustocb  ,  de  custodia  vir- 
ginit.).  » 

Le  même  Père  écrivant  à  Marcelle,  pour 
l'inviter  de  venir  à  Bethléem,  lui  assure  que 
les  laboureurs  mêmes  y  sont  si  avancés  dans  la 
piété,  que  l'oraison  et  le  chant  des  psaumes 
accompagne  toujours  leur  travail.  «  lu  Cliristi 
vero  villula  tota  rusticitas,  et  extra  psalmos 
silentium  est.  Quocumque  te  verteris,  arator 
stivam  tenens,  alléluia  décantât.  Sudàns  mes- 
sor  psalmis  se  avocat,  et  curva  attendens  falce 
vitciu  vinitor,  aliquid  Davidicum  canit.  Hœc 
sunt  in  liac  provincia  carmina,  hae,  ut  vulgo 
dicitur,  amatoriae  cantiones  (Epist.  ad  Marcell. 
ut  commigrèt  Bethl.).  » 

Si  les  vignerons  et  les  laboureurs  étaient  si 
savants  et  si  affectionnés  au  chant  des  psaumes, 
et  s'ils  en  faisaient  le  soulagement  de  leur  tra- 
vail ,  on  n'aura  pas  de  peine  à  croire  après  cela, 
que  les  ecclésiastiques,  et  ceux-mêmes  d'entre 
eux  qui  exerçaient  quelque  métier,  eussent  la  • 
même  application  à  la  prière.  Ce  Père  dit  ail- 
leurs, que  les  femmes  doivent  chanter  les 
psaumes  dans  leurs  maisons  :  a  Quis  ignorât 
psallendum  esse  feminis  in  cubilibus  suis,  et 
absque  virorum  frequentia  ,  et  congregatione 
turbarum  (L.  i,  adv.  Pelag.).  » 

Cassien  nous  a  appris  que  les  moines  d'E- 
gypte ne  s'assemblaient  pas  dans  l'église  pour 
les  heures  canoniales  de  l'office  du  jour,  mais 
qu'ils  travaillaient  tout  le  jour  en  chantant  des 
psaumes  (L.  ni,  c.  2).  Le  même  Cassien  parle 
ailleurs  de  la  sainteté  miraculeuse  d'un  paysan 
qui  commençait  et  finissait  toujours  son  travail 
de  la  journée  par  aller  à  l'église,  pour  attirer 
par  la  prière  des  bénédictions  du  ciel  (Collât, 
xiv.  c"). 

Saint  Augustin  remarque  dans  une  explica- 
tion des  psaumes,  que  tout  le  peuple  était  si 
instruitdes  Ecritures,  que  son  auditoire  le  pré- 
venait quelquefois  par  un  doux  murmure  dans 
les  allégations  qu'il  en  faisait  pour  son  sujet. 
«  Jam  respondelis  et  audio  murmur  bene  te- 
nentium  Scripturas.  Deus  qui  hoc  scripsit  in 
cordibus  vestris,  confirmet  et  in  factis  veslris 
(In  Psal.  lxxxv).  » 

Ce  Père  composa  un  psaume  abécédaire,  sui- 
vant les  lettres  de  l'alphabet,  pour  apprendre 
aux  peuples  mêmes  les  points  de  la  créance 
catholique,  contre  les  donatistes  qui  les  envi- 
ronnaient de  toutes  parts.  Les  Pères  grecs, 
comme  nous  avons  déjà  dit,  en  usèrent  sou- 


vent de  la  sorte  contre  les  Ariens  ;  l'expérience 
ayant  appris  aux  Pères  latins  et  grecs  que  le 
chant  des  psaumes  et  des  hymnes  était  le 
moyen  le  plus  propre  pour  instruire  le  peuple, 
l'animer  et  l'encourager.  Il  dit  dans  ses  confes- 
sions que  sa  mère  allait,  tous  les  jours  deux 
fois  à  l'église,  au  soir  et  au  matin,  pour  prier 
et  pour  entendre  la  parole  divine,  a  Mane  et 
vespere,  ut  te  audiret  in  sermonibus  tuis,  et 
tu  illam  orationibus  suis  (L.  v,  c.  (.t).  » 

IV.  Saint  Ambroise  dit  qu'il  faut  avoir  re- 
noncé à  l'être  même  et  à  la  nature  de  l'homme, 
pour  commencer  ou  finir  le  jour  sans  chanter 
quelques  psaumes  :  puisque  les  oiseaux  mêmes 
ne  manquent  pas  en  ce  temps-là  de  bénir  leur 
créateur,  et  à  nous  y  exhorter  par  la  mélodie 
de  leur  chant.  «  Quis  enim  sensum  hominis 
gerens  non  erubescat,  sine  psalmorum  celebri- 
tate  diem  claudcre;  cum  etiam  minutissimae 
aves  solemni  devotione  et  dulci  carminé  ortus 
dierum  acnoctium  prosequantur  (Hexam.,  1.  v. 
c.  xu).  » 

lui  un  autre  endroit  il  tâche  de  porter  tous 
les  fidèles  à  imiter  l'exemple  du  roi  David,  en 
consacrant  une  partie  des  nuits  à  la  prière  et  à 
l'étude  des  Ecritures  :  «  Surgebat  noctis  medio 
David,  «ut  Domino  confiteretur,  tu  totam  no- 
ctem  sopori  existimas  deputandam?  Tune  ma- 
gis  tibi  orandus  est  Dominus,  etc.  Non  dormia- 
mus  ergo  totis  noctibus,  sed  maximam  partem 
earum  lectioni  et  orationibus  deputemus  (In 
Psal.  c.  cxvin,  Oct.  7).  » 

Il  ne  peut  souffrir  qu'on  épouse  d'autres  que 
des  catholiques,  avec  qui  on  peut  se  lever  la 
nuit  pour  la  prière  :  «  Simul  ad  orationem  nocte 
nobis  surgendum  est,  et  conjunctis  precibus 
obsecrandus  Deus  (De  Abraham,  1.  i,  c.  ult.).» 

11  dit  ailleurs  que  le  jour  ne  suffit  pas,  qu'il 
faut  encore  partager  les  nuits  entre  le  repos  et 
la  prière,  qu'il  faut  prier  à  minuit,  et  que 
l'exemple  de  J.-C.  nous  y  convie.  «  Non  satis 
est  dies  ad  deprecandum,  surgendum  est  et 
nocte,  et  média  nocte.  Ipse  Dominus  perno- 
ctavit  in  oratione,  ut  te  proprio  ad  deprecan- 
dum invitaret  exemplo  (Ibid.  Octon.  8).  » 

Si  ce  saint  Père  proposait  ces  règles  aux  laï- 
ques, peut-on  douter  qu'il  ne  les  suivît  lui- 
même,  et  qu'il  n'y  assujétit  son  clergé  ?  Ce 
qu'il  dit  ailleurs  n'est  pas  moins  beau,  ni 
moins  pressant  :  «  Qui  rogat  itaque,  semper 
roget.  Et  si  non  semper  precatur,  paratum 
semper  habeat  precantis  affectum.  Pernocta- 
bat  in  oratione  Jésus,  statuenstibi  imitationis 


206        DU  SECOND  ORDKE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-QUATORZIÈME. 


exemplum,  etc.  Et  tu  surge  vel  média  nocte, 
si  non  potes  tota  semper  nocte  vigilare,  ut 
dum  oras  nocte,  veri  solis  pectori  tno  splendor 
irradiet.  Quia  omnis  anima,  quœ  Christuin 
cogitât,  in  lumine  semper  est(Ib.  Octon.  19).  » 
Et  un  peu  plus  bas  :  «  Prœveni  orientem  so- 
lem,  etc.  An  nescis  homo  quod  primitias  tui 
cordis  ac  vocis,  quotidie  Deo  debeas?  » 

En  un  autre  endroit,  après  avoir  exborté 
tous  les  fidèles  à  la  prière  du  matin ,  pour 
rendre  grâces  à  Celui  qui  veille  pour  nous 
pendant  que  nous  dormons,  et  qui  nous  reçoit 
comme  dans  son  sein,  pour  nous  y  faire  goûter 
la  douceur  du  repos,  et  les  délices  d'une  paix 
profonde  :  a  Ut  ego  securus  dormiam,  ille 
pervigilat  :  Ipse  enim  nos  Deus  ituros  cubi- 
tum  quodam  gremio  quietis  suscipit,  et  the- 
sauro  pacis  reconditos  servat  (Serin,  in  Ma- 
lach.)  :  »  11  veut  qu'on  finisse  la  journée  par 
la  récitation  du  psautier,  afin  que  ce  soit  comme 
un  chant  de  triomphe  après  avoir  combattu 
durant  le  jour ,  et  surmonté  les  ennemis  de 
notre  salut,  et  que  le  repos  de  la  nuit  soit 
comme  la  récompense  de  notre  victoire.  «  Sed 
et  cum  vespera  diem  claudit,  ipsidebemus  per 
psalterium  laudem  dicere  ,  et  gloriam  ejus 
modulata  suavitate  concinere  ;  qua  operum 
nostrorum  consummato  certamine,  veluti  vi- 
ctores  requiem  mereamur,  et  laboris  quœdam 
palma  sit  soporis  oblivio.  » 

Enfin  la  ferveur  de  ce  Père  s'étend  jusqu'à 
exhorter  les  fidèles  de  consacrer  les  jours  et 
les  nuits  à  la  prière,  à  l'imitation  de  ces  oi- 
seaux, dont  la  nuit  même  ne  peut  interrompre 
les  louanges  qu'ils  chantent  à  leur  céleste  bien- 
faiteur. «  Imitare  minutissimas  aves  ,  mane  et 
vespere  creatori  gratias  referendo.  Et  si  es  de- 
votior,  imitare  lusciniam,  cui  quoniam  ad  di- 
cendas  laudes  dies  sola  non  sufficit ,  nocturna 
spatia  pervigili  cantilena  decurrit.  Et  tu  igitur 
laudibus  tuis  diem  vincens,  operi  tuo  adde  no- 
cturna curricula,etinsomnemsuscepli  laboris 
industriam,  psalterii  série  consolare.  » 

11  eût  été  honteux  de  faire  aux  laïques  des 
exhortations  si  fortes  et  si  pressantes ,  si  les 
ecclésiastiques  et  si  les  diacres ,  les  prêtres  et 
les  évoques  même  n'eussent  rien  pratiqué  de 
semblable.  Enfin  ce  Père,  dans  sa  préface  sur 
les  psaumes,  fait  clairement  voir  que  la  prière 
des  psaumes  était  commune  à  tous  les  âges,  à 
tous  les  sexes,  à  toutes  les  conditions,  en  tous 
lieux,  en  tous  temps  et  en  toutes  rencontres. 
«  Psalmus  nocturni  pavoris  solatium,  diurni 


laboris  requies,  institutio  incipientium,  perfe- 
ctorum  confirmatio,  etc.  Domi  psalmus  canitur, 
foris  recensetur.  » 

V.  Les  Pères  de  l'Eglise  grecque  ont  été  ani- 
més du  même  esprit,  et  ils  ont  aussi  porté  les 
peuples  à  la  même  assiduité  à  la  récitation  des 
psaumes  et  à  la  lecture  des  Ecritures. 

Saint  Chrysostome  expliquant  ces  paroles  de 
saint  Paul  :  «  Commonentes  vos  ipsos  in  psal- 
mis,  hymnis  et  canticis  spiritualibus,  etc,  »  il 
en  conclut  que,  selon  l'Apôtre,  les  gens  du 
monde  doivent  aussi  avoir  un  amour  et  une 
application  toute  particulière  aux  Ecritures  : 
«  Auditc  quicumque  estis  mundani  et  uxori 
prœestis  et  liberis,  quomodo  vobis  quoque 
maxime  mandet  légère  Scripturas  :  et  non  levi- 
ter,  nec  temere,  sed  magno  studio  ac  diligen- 
tia  (In  ep.  ad  Coloss.  hom.  ix).  » 

Ils  doivent  au  moins  se  rendre  familiers  les 
livres  du  Nouveau  Testament,  qui  leur  seront 
comme  de  célestes  médicaments  qui  guériront 
toutes  les  maladies  de  leur  âme,  ou  comme  les 
armes  avec  lesquelles  ils  repousseront  tous  les 
efforts  de  leurs  ennemis  spirituels;  enfin  la 
source  de  tous  les  maux  ne  vient  que  de  L'in- 
différence qu'on  a  pour  les  Ecritures. 

a  Si  nullos  alios  vultis,  novum  quidem  certe 
Testamentum  vobis  parale,  Apostolorum  Actus, 
Evangelia,  magistros  perpetuos.  Si  dolor  acci- 
dent, tanquam  in  medicamentorum  apothecam 
aspice,  illinc  mali  accipe  consolationem.  Hoc 
est  omnium  malorum  causa,  nescire  Scriptu- 
ras. Absque  armis  imus  ad  bellum,  et  quo- 
modo oportet  esse  salvos  (In  Epist.  ad  Heb. 
hom.)?  » 

Il  remarque  ailleurs  que  le  lecteur  lisait  les 
Ecritures  au  peuple  dans  l'église  deux  ou  trois 
fois  toutes  les  semaines.  Il  y  a  une  infinité 
d'autres  endroits  où  ce  saint  docteur  aemployé 
son  admirable  éloquence  à  persuader  aux  laï- 
ques et  même  aux  artisans  la  lecture  des  livres 
saints. 

VI.  Mais  comme  la  lecture  des  Ecritures  n'est 
qu'une  partie  de  l'office  divin,  et  que  la  prière 
et  la  psalmodie  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  impor- 
tant, voyons  comment  saint  Chrysostome  a  fait 
connaître  aux  laïques  leur  obligation  à  s'y 
adonner  sérieusement.  Il  ne  leur  permet  pas 
de  s'en  exempter  même  durant  la  nuit. 

«  Non  ideo  facta  est  nox,  ut  per  totam  dor- 
mianius,  et  otiosi  simus.  Testantur  hoc  et  opi- 
fices,  nautœ,  negotiatores.  Ecclesia  Dei  mediis 
surgit  noctibus.  Surge  et  tu,  et  vide  astrorum 


LA  PIÉTÉ  DES  SÉCULIERS  A  ASSISTER  AUX  OFFICES. 


207 


choream,  obstupesce  admirabilem  Dei  dispen- 
sationem.  Ad  viros  et  ad  mulieres  milii  «ermo 
est,  flectegenua,  ingemisce,  ora,  etc.  Siteccle- 
sia  iloinus  ex  viiis  mulieribusque  coDstituta  . 
etc.  Si  tibi  tilii  sunt.  excita  et  filios,  et  fiât  mo- 
dis  omnibus  domus  noctu  ecclesia.  Si  autem 
teneri  sunt  et  vigiliam  ferre  nequeunt ,  unam 
et  alteram  orationem  faciant,  et  iteruni  sinito 
quiescere  In  Acta.  boni.  26).  » 

C'est  ainsi  que  ce  Père  veut  que  les  séculiers 
s'efforcent  d'imiter  l'Eglise,  où  on  célèbre  du- 
rant la  nuit  les  louanges  de  Dieu;  il  n'épargne 
ni  les  maris,  ni  leurs  femmes,  ni  les  plus  ten- 
dres enfants  ;  il  veut  qu'ils  fassent  de  leur 
maison  une  église.  Il  commande  ailleurs  qu'on 
prie  à  toutes  les  heures  du  jour  :  «  Imo  vero 
singulis  boris  precatio  est  ad  Deum  adhibenda  ; 
et  in  ea  diei  cursus  conficiendus.  Hibernovero 
tempore  plurimam  noctis  partem  in  precibus 
traducamus,  et  magno  cum  timoré  genua  Ile- 
ctentes,  precationi  operam  demus  (Cbrysosto- 
mus,  tom.  i,  hom.  67  ;  tom.  n.  de  Anna.  hom.  i  ; 
tom.  ni  ;  In  psalm.  il  ).  » 

Saint  Basile  a  exigé  des  personnes  séculières 
la  même  assiduité  a  la  prière.  «Ne  patiarevitœ 
totius  dimidium  nullo  tuo  usu  tibi  prœripi  , 
dum  stupido  somno  lentescis.  Quin  tu  potins 
ipsam  tibi  dispertito  noctem,  in  somnum  atque 
orationem  (  Basilius,  tom.  i  ;  In  martyrem  Ju- 
littam  hom.).» 

Saint  Epipbane  dit  que  l'Eglise  catholique 
recommande  à  ses  enfants  avec  instance  de 
prier  sans  cesse  jour  et  nuit  avec  une  ferveur 
infatigable  :  «  Preces  ad  Deum  assidue  fun- 
dere  ,  easdemque  frequentissimas  et  sedulas , 
genibus  intérim  opportuno  tempore  flexis,  no- 
ctes  ac  dies  prœcipit  (Epiph.,  de  expos,  fidei  ca- 
thol.).  » 

VIL  Socrate  dit  que  l'empereur  Théodose  le 
Jeune  avait  changé  son  palais  en  un  monastère; 


dès  le  point  du  jour  il  y  chantait  les  psaumes 
alternativement  avec  ses  sœurs,  il  apprenait 
par  cœur  les  divines  Ecritures,  il  en  conférait 
avec  les  évèques  avec  autant  de  suffisance  que 
s'il  eût  été  l'un  d'entre  eux;  enfin  il  assembla 
une  bibliothèque  de  livres  saints  et  de  leurs 
interprètes  avec  autant  de  diligence,  mais  avec 
plus  de  piété  que  le  roi  d'Egypte  Ptolémée. 

«  Ejus  regia  non  dissimilis  fuit  monasterio  ; 
Nam  primo  diluculo  ipsemet  cum  sororibus 
suis  hymnos  alternatim  decantavit.  (Juin  etiam 
sacras  litteras  memoriter  pronuntiavit.  Cum 
episcopis  periude  ac  si  sacerdos  jam  olim  fuis- 
set  designatus,  de  eisdem  disseruit.  Libros  tum 
qui  sacra  Dei  eloquia  complectebantur  ,  tum 
quiabeorumdeminterpretibusconscriptierant, 
multo  diligentius  quam  olim  Ptolemœus  Phi- 
ladelphus  in  unum  colligendoscuravit  (  L.  vu, 
c.  -2-2  ).  »  Ce  sont  les  parties  qui  composent 
l'office  divin  ,  le  chant  des  psaumes  et  la  lec- 
ture des  Ecritures  et  des  saints  Pères,  qui  les 
ont  exposées. 

VIII.  Saint  Grégoire  de  Nysse,  dans  la  vie  de 
sa  sœur  sainte  Macrine,  nous  assure  que  dès 
sa  plus  tendre  enfance  elle  apprit  la  sagesse  de 
Salomon  et  le  psautier,  dont  elle  récitait  les 
psaumes  aux  heures  réglées,  ou  pour  mieux 
dire  à  toutes  les  heures,  en  se  levant  et 
se  couchant,  avant  et  après  son  repas,  en 
commençant  et  finissant  ses  études.  «  Erat 
psalmorum  haudquaquam  ignara,  praefini- 
tamque  eorum  partem  statutis  temporibus 
pnecurrebat ,  etc.  »  Macrine  instruisit  son  frère 
Pierre  qui  fut  depuis  évêque,  en  la  même 
manière  qu'on  l'avait  élevée  elle-même. 

J'espère  faire  voir  dans  les  chapitres  lxxix, 
lxxxiii,  et  autres  de  ce  livre  un  grand  nombre 
de  personnes  séculières,  à  qui  ni  le  mariage, 
ni  le  tumulte  des  affaires  n'ont  pu  faire  omettre 
la  récitation  de  l'office  divin. 


208 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  SOIXANTE-QUINZIÈME. 


CHAPITRE  SOIXANTE-QUINZIÈME. 

L'ORIGINE   DE   L'OFFICE   CANONIAL   EN   FRANCE,   ET   L'OBLIGATION   DES   CLERCS  A   LE  RÉCITER. 
AU   MOINS  EN   PARTICULIER.    AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME   ET   HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Les  conciles  d'Agde,  d'Orléans  et  d'Epaune  obligent  tous 
les  clercs  à  assister  aux  offices. 

II.  111.  Pourquoi  les  Eglises  d'une  province  devaient  se  con- 
former aux  offices  de  la  métropole.  Diverses  parties  de  l'office, 
les  mêmes  qu'aujourd'hui. 

IV.  V.  Règlement  admirable  du  concile  II  de  Tours,  pour  le 
nombre  des  psaumes  à  matines,  selon  les  saisons  de  l'année,  à 
vêpres,  a  sexte. 

VI.  Diverses  preuves  tirées  de  ce  concile,  pour  l'obligation  de 
réciter  l'office  en  particulier. 

VII.  V11I.  Autres  preuves  de  cette  même  obligation  tirées  des 
autres  conciles. 

IX.  Autres  preuves  tirées  de  Grégoire  de  Tours  qui  reniait 
ses  heures  canoniales,  même  la  nuit  et  en  voyage.  Défenses  de 
faire  les  vigiles  dans  les  maisons  particulières,  et  de  manger 
après  minuit. 

X.  XI.  Diverses  remarques  sur  les  offices  divins. 

XII.  XIII.  Nouvelles  preuves  de  Grégoire  de  Tours,  pour  l'o- 
bligation de  l'office  qu'on  récitait  en  particulier,  et  aux  heures 
propres,  et  de  nuit  même. 

XIV.  Nouveaux  exemples  et  nouvelles  preuves  de  la  même 
obligation,  avec  diverses  particularités  des  heures  canoniales. 

XV.  Ferveur  et  ponctualité  admirable  de  saint  Germain,  évê- 
que  de  Paris,  à  réciter  son  office. 

I.  Le  concile  d'Agde  ,(Can.  xxx)  ordonne  ou 
suppose  que   les  mêmes  offices   se  chantent 
dans  toutes  les  églises,   avec  des   psaumes  à 
deux  chœurs,  auxquels  tous  les  ecclésiastiques 
assisteront,  et  qui  seront  terminés  par  des  col- 
lectes, ou  oraisons  :  «  Quia  convenit  ordinem 
Ecclesiœ  requaliter  ab  omnibus  custodiri,  stu- 
dendum  est,  ut  sicut  ubique  sit,  et  post  anti- 
phonas  collectiones  per  ordinem  ab  episcopis 
vol  presbyteris  dicantur  :  »  qu'on  ajoutera  des 
hymnes  propres  à  tous  les  jours  de  la  semaine 
à  "matines  ou  laudes  et  à  vêpres:  «  Et  hymni 
matutini  vel  vespertini  diebus  omnibus  decan- 
tentur  :  »  qu'après  les  hymnes  on  ajoutera  des 
versets  et  des  répons  tirés  des  psaumes  :  «  Et 
in  conclusione  matutinarum,  vel  vespertina- 
rum  missarum  posthymnoscapitellade  psalmis 
dicantur.  »  Enfin,  qu'au  dernier  des  offices  qui 
terminerait  le  jour,  après  lacollecteou  oraison, 
l'évêque  bénirait  le  peuple.  Car  cette  béné- 
diction publique  dans  l'église  était  encore  ré- 
servée à  l'évêque.  «  Et  plebs  collecta  oratione 
ad  vesperam  ab  episcopo  cum  benedictione 
dimittalur.  » 


Le  concile  Ier  d'Orléans  (Can.  sxvi)  réserve 
encore  à  l'évêque'cette  bénédiction  :  «  Cum  ad 
celebrandas  missas  convenitur,  etc.  Ubi  epi- 
scopus  fuerit,  benedictionem  accipiat  sacer- 
dotis.  »  Mais  ce  même  concile  (Can.  xxvm), 
après  avoir  parlé  de  la  célébration  des  roga- 
tions, donne  aux  évèques  le  pouvoir  d'y  faire 
assister  les  clercs,  et  de  punir  les  désobéissants, 
ce  qui  se  doit  apparemment  étendre  à  tous  les 
offices  de  [l'église,  o  Clerici  vero  qui  ad  hoc 
opus  sanctum  adesse  contempserint,  secundum 
arbitrium  episcopi  ecclesiae  suscipiant  disci- 
plinam.  » 

Mais  cette  obligation  des  clercs  est  marquée 
bien  plus  clairement  dans  le  concile  d'Epaune 
(Can.  xxv)  :  «  Sanctorum  reliquia?  in  oratoriis 
villaribus  non  ponantur,  nisi  forsitan  clericos 
cujuscumque  parochiae  vicinos  esse  contingat, 
qui  sacris  cineribus  psalleudi  frequentia  famti- 
lentur.  » 

Ainsi  comme  on  ne  pouvait  consacrer  d'autel, 
qu'on  n'y  enchâssât  les  reliques  des  martyrs, 
il  ne  pouvait  y  avoir  d'autel  ou  d'église,  qu'il 
n'y  eût  un  office  réglé,  et  des  bénéficiers  assi- 
dus à  y  assister  :  «  Psallendi  frequentia.  » 

IL  Ce  même  concile  (Can.  xxvu)  déclare  que 
toutes  les  églises  d'une  province  doivent  se 
conformer  aux  offices  de  la  métropolitaine  : 
«  Ad  celebranda  divina  officia  ordinem,  quem 
metropolitani  teneut  provinciales  observare 
debebunt.  » 

Comme  ces  offices  devaient  avoir  été  concer- 
tés et  examinés  clans  le  concile  provincial , 
selon  les  canons  d'Afrique,  et  comme  tous  les 
évêques  de  la  province  s'assemblaient  deux  fois 
l'an  dans  les  conciles,  enfin  comme  ils  devaient 
beaucoup  fréquenter  leur  métropolitain ,  et 
qu'il  fallait  durant  ce  temps-là  assister  aux 
offices  de  l'église,  toutes  ces  raisons  rendaient 
l'uniformité  des  offices  presque  nécessaire  dans 
la  même  province. 
Le  concile  11  de  Vaison  nous  montre  pour- 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


209 


tant  que  chaque  province  taisait  gloire  d'em- 
prunter et  d'ajouter  à  ses  oftices  ce  que  les 
autres  avaient  d'excellent.  Ce  concile  Can.  m, 
iv.  v  ordonne  qu'à  l'imitation  de  Rome,  de 
l'Italie  et  de  l'Orient,  on  chantera  avec  une 
pieuse  et  mélodieuse  réitération  le  Kyrie  elei- 
son à  matines ,  à  la  messe  et  à  vêpres.  «  Ad 
matutinum.  ad  missas  et  ad  vesperas;  »  qu'on 
dira  le  Sanctus  aux  messes  soit  du  matin , 
soit  du  soir  ou  du  carême,  soit  des  morts  :  «  In 
omnibus  missis,  seu  in  matutinis,  seu  in  Qua- 
dragesimalibus,  sive  in  illis,  quae  pro  defuncto- 
rum  commemoratione  fmnt;  »  qu'on  récitera 
le  nom  du  pape  à  la  messe  ;  enfin  qu'on  ajou- 
tera au  Gloria  Patri  le  Sicut  erat .  suivant 
l'exemple  de  Rome,  de  l'Italie,  de  l'Afrique  et 
de  l'Orient. 

Cela  fait  voir  que  si  l'on  ne  se  conformait 
pas  entièrement  aux  offices  romains,  du  moins 
qu'on  s'en  approchait  toujours  de  plus  en  plus; 
en  effet,  toutes  les  raisons  qui  déterminaient 
une  province  à  suivre  certaines  pratiques,  exci- 
taient toutes  les  églises  de  l'Occident  à  les  em- 
brasser, afin  qu'il  n'y  eût.  autant  que  cela  se 
pouvait,  qu'une  manière  uniforme  dans  les 
mœurs  et  dans  la  célébration  de  l'office  partout 
l'Occident. 

III.  Ce  concile  commence  à  distinguer  la 
messe  des  autres  offices,  et  d'appliquer  singu- 
lièrement au  divin  sacrifice  ce  mot  qu'on 
donnait  indifféremment  à  tous  les  offices  de 
l'église.  Le  concile  III  d'Orléans  (Can.  xxiv)  fit 
aussi  la  même  distinction,  ordonnant  que  la 
messe  se  dirait  à  l'heure  de  tierce  aux  princi- 
pales fêtes,  afin  que  l'évèque  put  plus  commo- 
dément se  trouver  ensuite  à  vêpres. 

IV.  Mais  le  concile  II  de  Tours,  tenu  en  307. 
fit  un  règlement  bien  plus  important  pour  le 
nombre  des  psaumes  de  chaque  heure  cano- 
niale. 

Il  ordonna  que  dans  l'église  de  Saint-Martin 
et  dans  toutes  les  autres,  «  tam  in  ipsa  sancta 
basilica,  quam  in  ecclesiis  nostris  »  .  on  chan- 
terait tous  les  jours  de  fête  à  matines  douze 
psaumes  avec  six  antiennes,  «  sex  antiphonœ 
binis  psalmis  »  ;  que  cela  s'observerait  tout  le 
mois  d'août,  parce  qu'il  y  avait  des  fêtes  à  cha- 
que jour ,  «  toto  Augusto  manicationes  fiant , 
quia  festivitates  suntetmissae  sanctorum  (Can. 
xviii).»  Que  les  autres  mois  suivants  les  oftices 
de  la  nuit  seraient  plus  longs,  à  proportion  que 
les  nuits  devenaient  plus  longues.  Ainsi  en 
septembre  on  chanterait  sept  antiennes,  cha- 


Tu. 


Tome  IL 


eu  ne  avec  deux  psaumes,  «  Septem  antiphonœ 
explicentur  binis  psalmis»;  en  octobre  huit 
antiennes,  chacune  avec  trois  psaumes,  «Octo- 
bris  octo  ternis  psalmis  »  ;  en  novembre  neuf 
antiennes;  en  décembre  dix  antiennes,  cha- 
cune suivie  de  trois  psaumes,  «  Novembri  no- 
vem  ternis  psalmis  ,  Decembri  decem  ternis 
psalmis».  Autant  en  janvier  et  février  jusqu'à 
Pâques  ;  ainsi  toutes  les  matines  du  Carême 
étaient  de  trente  psaumes,  distingués  par  dix 
antiennes. 

On  ne  défendait  pas  d'ajouter  à  ce  nombre 
ou  d'en  diminuer,  pourvu  que  ce  fût  la  sagesse 
et  la  piété,  non  pas  l'indiscrétion  ou  la  paresse 
qui  tissent  ce  changement.  «Sedut  possibilitas 
babet,  qui  facit  amplius  pro  se,  et  qui  minus, 
ut  poluerit.  »  Mais  ce  concile  ne  peut  souffrir 
qu'aux  autres  mois  de  l'année  on  dise  moins 
de  douze  psaumes  à  matines  ,  tant  parce  que 
l'ange  du  ciel  détermina  autrefois  ce  nombre 
aux  solitaires  de  l'Orient ,  comme  nous  avons 
dit  ci-devant  .  que  parce  que  l'office  de  sexte 
étant  de  six  psaumes,  et  celui  de  vêpres  qui  se 
disait  à  douze  heures,  c'est-à-dire  à  la  dernière 
heure  du  jour  et  qu'on  appelle  pour  cela  Duo- 
decima,  étant  de  douze  psaumes  ,  on  ne  pou- 
vait pas  en  donner  moins  à  matines. 

o  Superest  ut  vel  duodecim  psalmi  expedian- 
tur  ad  matutinum  .  quia  Patrum  statuta  prae- 
ceperunt ,  ut  ad  sextam  sex  psalmi  dicantur 
cum  Alléluia,  et  ad  duodecimam  duodecim  , 
itemque  cum  Alléluia,  quod  etiam  angeloosten- 
dente  didicerunt.  Si  ad  duodecimam  duodecim 
psalmi,  cur  ad  matutinum  non  itemque  vel 
duodecim  explicentur.  » 

V.  Il  faut  remarquer  dans  les  termes  de  ce 
canon  :  1°  Que  le  terme  de  Matutinum  se  pre- 
nait déjà  dans  l'usage  qui  nous  est  resté  pour 
l'office  de  la  nuit,  qu'on  célébrait  avant  le  jour. 

2°  Que  les  psaumes  étaient  aussi  déjà  distin- 
gués des  antiennes,  qui  n'étaient  plus  que  des 
motets  qui  servaient  à  les  entrecouper  deux  à 
deux,  ou  trois  à  trois.  Car  originairement  chan- 
ter des  antiphones  n'était  autre  chose  que 
chanter  les  psaumes  à  deux  chœurs. 

3°  Cet  usage  nous  est  demeuré  de  composer 
les  matines  fériales  de  douze  psaumes  et  de  les 
couper  deux  à  deux  par  six  antiennes. 

■4°  Si  ce  concile  ne  parle  pas  des  laudes,  pri- 
me, tierce,  none,  c'est  ou  qu'elles  n'étaient  pas 
encore  instituées  à  Tours,  ce  qui  est  difficile  à 
croire,  ou  bien  qu'on  ne  les  chantait  pas  en 
public,  car  il  y  avait  des  monastères  où  les  pe- 

14 


-210 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-QUINZIÈME. 


tites  heures  ne  se  disaient  qu'en  particulier  , 
ou  enfin  que  ce  concile  ne  parle  que  des  heures 
et  des  offices  auxquels  il  veut  faire  quelque 
changement.  Aussi  il  ne  parle  de  sexte  et  de 
vêpres  que  par  occasion  ,  afin  d'en  tirer  des 
preuves  pour  régler  les  matines. 

VI.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  considérable  dans 
ce  canon,  c'est  l'affectation  de  ces  évêques  à 
imiter  les  offices  des  solitaires.  Ainsi  comme  on 
ne  peut  douter  que  les  religieux  ne  récitassent 
en  particulier  les  offices  qu'un  obstacle  invin- 
cible les  avait  empêchés  de  chanter  avec  les 
autres  au  chœur,  il  faut  conclure  La  même 
chose  des  bénéôciérs. 

Le  concile  s'en  explique  assez  clairement, 
en  commandant  à  celui  qui  dira  moins  de  douze 
psaumes  à  matines,  de  jeûner  ce  jour-là  au 
pain  et  à  l'eau  :  «  Quicumque  minus,  quam 
duodecim  psalmos  ad  matutinum  dixeiït,  je- 
junet  usque  ad  vesperam,  panem  cum  aqua 
manducet,  et  non  sit  il  1  ï  altéra  in  illa  die  ulla 
refectio.  » 

Tous  ces  termes  montrent  évidemment  qu'on 
n'y  parle  que  d'un  particulier.  En  effet,  tout 
un  chœur  ne  peut  pas  un  jour  plutôt  qu'un 
autre  diminuer  le  nombre  des  psaumes ,  et 
être  puni  d'une  semblable  peine.  Ce  qui  suit 
montre  encore  clairement  qu'il  ne  s'agit  que 
des  particuliers  :  «  Et  qui  hoc  facere  contem- 
pserit,  una  hebdomada  panem  cum  aqua  man- 
ducet. »  11  n'est  pas  même  sans  apparence  que 
c'est  à  la  ferveur  ou  à  l'indévotion  des  particu- 
liers qu'il  faut  appliquer  ces  paroles  précé- 
dentes :  «  Et  possibilitas  habet,  qui  facit  am- 
plius,  pro  se,  et  qui  minus,  ut  potuerit.  » 

Cette  liberté  ne  peut  guère  convenir  qu'à 
des  particuliers  en  secret.  Et  quelle  apparence 
y  a-t-il  que  l'on  punit  si  rigoureusement  ceux 
qui  diminueraient  au  chœur  le  nombre  réglé 
des  psaumes ,  et  qu'on  laissât  impunis  ceux 
qui,  n'assistant  pas  au  chœur,  ne  feraient  ab- 
solument aucune  prière?  il  est  vrai  que  tous 
les  clercs  assistaient  aux  heures  du  chœur,  et 
que  leur  nombre  était  grand,  comme  ce  con- 
cile même  nous  apprend,  par  l'ordre  qu'il 
donne  (Can.  îv),  que  depuis  le  halustre  jus- 
qu'à l'autel,  on  n'admette  que  les  clercs  qui 
composent  le  chœur  des  chantres  :  «  Pars  illa 
que  a  cancellis  versus  altare  dividitur,  choris 
tantum  psallcntium  pateat  clericorum.  »  Mais 
il  était  impossible  que  de  ce  grand  nombre  de 
clercs  il  n'y  en  eût  toujours  que  leurs  occupa- 
tions  ou   leurs  infirmités  empêchaient  de  se 


trouver  aux  offices  publics  ,  et  il  n'est  pas 
croyable  qu'on  les  tînt  légitimement  dispensés 
de  la  loi  indispensable  de  la  prière. 

Les  offices  publics  de  l'Eglise  n'étant  insti- 
tués que  pour  porter  à  la  prière  tous  les 
fidèles  et  encore  plus  les  ecclésiastiques  ,  c'eût 
été  une  affectation  de  parade  et  de  pompe,  de 
faire  tant  de  lois  pour  les  prières  publiques,  et 
mettre  entièrement  en  oubli  celles  qui  se  doi- 
vent faire  en  secret. 

VIL  Je  ne  sais  si  on  pourrait  appliquer  à 
cela  le  canon  du  concile  II  d'Orléans  (Can. 
xiv)  :  «  Clerici  qui  officium  suum  implere  de- 
spiciunt,  aut  vice  sua  ad  ecclesiam  venirc  de- 
trectant,  loci  sui  dignitate  priventur.  » 

Ce  terme  d'office  était  déjà  singulièrement 
consacré  aux  heures  canoniales,  comme  il  a 
été,  et  comme  il  sera  encore  aisé  de  le  remar- 
quer. Mais  il  est  certain  que  le  concile  II  de 
Vaison  (Can.  ï),  n'aurait  pas  si  instamment 
recommandé  à  tous  les  curés  d'élever  dans 
leurs  maisons  autant  de  jeunes  lecteurs  qu'ils 
pourront  ;  de  leur  apprendre  le  psautier,  de 
leur  faire  lire  l'Ecriture,  et  de  les  instruire 
saintement  dans  la  loi  du  Seigneur,  s'il  n'a- 
vait eu  dessein  que  ce  fussent  là  les  moyens  et 
les  aides  les  plus  propres  pour  les  appliquer  à 
la  prière  et  à  l'œuvre  de  leur  salut,  afin  qu'ils 
pussent  un  jour  travailler  aussi  au  salut  des 
autres. 

«  Juniores  lectores  quantoscumque  sine 
uxore  habuerint,  secum  in  domo  recipiant,  et, 
eos quomodo  boni  patres,  spiritaliternutrientes, 
psalmos  parare,  divinis  leclionibus  insistere,  et 
in  lege  Domini  erudire  contendant,  ut  et  sibi 
dignos  successores  provideant,  etc.  » 

VIII.  Le  même  concile  II  de  Tours  (Can.  xix), 
après  avoir  déposé  les  clercs  majeurs  qui  au- 
ront violé  la  continence  avec  leurs  femmes, 
leur  permet  néanmoins  d'assister  aux  offices 
avec  les  lecteurs.  «  Eo  permisso,  ut  iuter  lecto- 
res in  psallentium  choro  colligatur.  » 

Ces  paroles ,  aussi  bien  que  celles  qui  ont 
déjà  été  rapportées,  «  Chori  psallentium  cleri- 
corum, »  font  voir  que  ce  n'étaient  encore  que 
les  lecteurs,  les  psalmistes  et  les  autres  clercs 
inférieurs  qui  chantaient  les  divins  offices.  Or, 
qui  pourra  croire  que  l'obligation  de  la  divine 
psalmodie,  qui  est  la  plus  sainte  de  toutes,  ne 
fût  que  pour  les  derniers  et  les  plus  jeunes  du 
clergé? 

Il  faut  donc  reconnaître  que  bien  que  par 
office  ce  fussent  proprement  les  clercs  mineurs 


DE  L'ORIGINE  DE  L'QEFICE  CANONIAL,  etc. 


311 


qui  fussent  chargés  de  la  psalmodie  publique, 
comme  n'ayant  presque  pas  d'autre  occupation, 

les  clercs  majeurs  ne  laissaient  pas  de  s'y  trou- 
\cr  quand  ils  n'étaient  pas  occupés  ailleurs,  ou 
de;  faire  les  mêmes  prières  en  particulier,  après 
leurs  occupations  finies,  comme  étant  les  plus 
étroitement  obligés  de  s'occuper  de  la  prière. 

IX.  Durant  la  tenue  du  concile  de  Tours  a 
Paris,  en  l'année  577,  Grégoire  de  Tours  qui  y 
assistait,  et  de  qui  nous  en  avons  l'histoire,  dit 
que  Frédégonde  l'envoya  visiter  une  nuit  dans 
sa  maison,  après  qu'il  y  eut  dit  ses  nocturnes 
ou  ses  matines  :  «  Ea  vero  nocte  decantatis 
noctumalibus  Imnnis.  ostium  mansiouis  no- 
slr.i'  gravibus  audio  verberibus  cogi,  missoque 
puero  nuntios  Fredegundis  régime  adstare  co- 
gnosco  (L.  v,  hist.  c.  19).  » 

Voilà  donc  un  évèque  de  Tours,  qui  étant  à 
Paris,  y  récite,  ou  y  chante  en  particulier  ses 
heures  canoniales,  même  durant  la  nuit.  11  est 
si  vrai  que  les  ecclésiastiques  étaient  accoutu- 
més de  s'acquitter  durant  la  nuit  même  de  ces 
devoirs  de  piété  que  les  laïques  mêmes  en  pri- 
rent occasion  de  célébrer  les  veilles  de  fêtes, 
c'est-à-dire  les  veillées  de  la  nuit  en  prières 
dans  leurs  maisons,  et  c'est  ce  que  le  synode 
d'Auxerre  (Can.  ni,  v)  défendit  aux  laïques  à 
cause  des  désordres  qui  s'y  étaient  glisses. 
«  Non  lieet  compensos  in  domibus  propriis, 
nec  pervigilias  in  festivitatibus  sanctorum  fa- 
cere.  »  Comme  il  défendit  pour  le  même  sujet 
de  boire  ou  de  manger  après  la  veillée  des 
grandes  fêtes  durant  la  nuit  :  «  In  illa  nocte 
non  licet  post  mediam  noctem  bibere  (Can.  nj.  » 

Je  reviendrai  à  Grégoire  de  Tours,  quand 
j'aurai  dit  ce  qui  me  reste  à  dire  des  conciles. 

X.  Le  concile  de  Narbonne,  tenu  en  l'an  589 
(Can.  ii),  commanda  de  couper  les  psaumes 
trop  longs,  en  entrelaçant  le  Gloria  Patri.  11 
défendit  aux  diacres,  sous-diacres  et  lecteurs 
île  quitter  leur  aube  avant  la  fin  de  la  messe  : 
«  Ne  diaconus,  subdiaconus,  lector,  antequam 
missa  consuminetur,  alba  se  prtesumat  exuere 
(Can.  xu).  »  S'il  ne  comprend  pas  les  prêtres 
dans  cet  ordre,  c'est  qu'il  suppose  qu'ils  y  assis- 
tent tous  en  chasuble.  Mais  ce  concile  (Can.  xi) 
parle  assez  clairement  de  la  récitation  de  l'office 
pour  les  prêtres  et  les  diacres. 

«  Qui  vero  diaconus  aut  presbyter  fuerit  lit- 
teris  iueruditus,  et  desidiose  légère,  vel  implere 
officinal  distulerit,  et  in  ecclesia  ad  omnia  uti- 
lis  non  fuerit,  ab  slipendio  rejiciendum  et  in- 
clinanduin.  quoadusque  curvalus  impleat,  et 


defendat,  quod  esse  cognoscilur.  Ad  quid  erit 
in  ecclesia  Uei,  si  non  fuerit  ad  legendum  exer- 
citatus?  <■  Ces  paroles,  «  légère  et  implere  offi- 
cium,  »  me  paraissent  assez  probablement  se 
devoir  expliquer  de  la  récitation  des  divins  offi- 
ces. 

XL  Le  concile  de  Màeon  tourna  en  ridicule 
les  accusations  formées  contre  saint  Colomban, 
sur  ce  qu'il  disait  à  la  messe  un  plus  grand 
nombre  d'oraisons  que  ne  portaient  les  règles 
communes,  et  il  jugea  que  c'était  plutôt  le 
louer  que  l'accuser,  de  dire  qu'il  priait  plus 
Dieu  que  les  autres. 

Saint  Avit,  évèque  de  Vienne,  a  parfaitement 
expliqué  et  justifié  le  terme  de  messe,  Missa, 
terme  qui  a  été  autrefois  employé  pour  signi- 
fier tous  les  offices  de  l'Eglise.  Car  ce  mot  était 
ordinaire  parmi  les  Romains,  dans  le  palais 
même  des  grands,  lorsqu'on  congédiait  l'assem- 
blée, et  on  l'a  pris  ensuite  pour  l'assemblée 
même  :  «  In  eeclesiis,  palaliisque  sive  pneto- 
riis  missa  fieri  pronuntiatur,  cum  populus  ab 
observatione  dimittitur.  Nam  genus  hoc  nomi- 
nis  etiam  in  scecularibus  autoribus  invenietis 
(Epist.  î).  » 

XII.  Mais  il  est  temps  de  revenir  à  Grégoire 
de  Tours,  qui  nous  apprendra  quelque  chose  de 
plus  important  pour  notre  dessein  principal, 
qui  est  de  faire  voir  les  fondements  de  l'an- 
cienne obligation  des  clercs  et  des  bénéfieiers  à 
réciter  le  divin  office  (Hist.,  I.  i,  c.  31).  11  dit 
que  dès  la  première  fondation  de  l'Eglise  de 
Bourges,  on  y  apprit  aux  clercs  la  psalmodie  : 
«  Ex  bis  ergo  pauci  admodum  credentes,  clerici 
ordinati,  ritum  psallendi  suscipiunt  (L.  u , 
c.  2-2).  » 

11  dit  ailleurs  que  saint  Sidoine  Apollinaire, 
évèque  de  Clermont,  fit  un  jour  tout  l'office 
par  cœur,  parce  qu'on  lui  avait  soustrait  le 
livre  dont  il  se  servait.  «  Ablato  sibi  nequiter 
libello,  per  quem  sacrosancta  solemnia  agere 
consueverat,  ita  paratus  a  tempore  cunctum 
festivitatis  opus  explicuit,  ut  ab  omnibus  mira- 
retur;  »  que  ce  grand  homme  avait  composé 
un  livre  d'offices,  «  de  missis  ab  eo  compositis 
(L.  m,  c.  5).  »  Il  parle  ailleurs  du  chant  perpé- 
tuel des  psaumes  dans  le  monastère  d'Agau- 
num,  ou  de  saint  Maurice,  «  Psallentium  ibi 
assiduum  instituens  (L.  iv,  c.  6).  » 

Un  prêtre  orgueilleux  faisant  une  peinture 
avantageuse  de  sa  vie,  n'oublie  pas  le  chant 
continuel  des  psaumes  depuis  sa  jeunesse  ; 
«  Nostis  me  ab  initio  œtatis  meie  semper  reli- 


•21-2  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-QUINZIÈME. 


giose  vixisse,  vaeasse  jcjunii*.  eleemosynis  dele- 
ctatum  fuisse,  continuatas  ssepius  exercuisse 
vïgilias,  psallenlio  vero  jugi  crcbra  perslitisse 
statione  nocturna.  » 

Mais  il  me  semble  qu'on  ne  peut  rien  souhai- 
ter de  plus  évident  que  ce  qu'il  dit  de  ces  deux 
évèques,  qui  ayant  été  relâchés  de  l'exil  que 
leur  vie  débordée  leur  avait  fait  justement 
souffrir,  vécurent  durant  quelque  temps  dans 
les  sentiments  et  dans  les  saintes  pratiques  de 
la  pénitence,  passant  le  jour  et  la  nuit  à  réciter 
le  psautier.  «  In  tantum  compuncti  surit,  ut  vi- 
derentur  nunquam  a  psaHentio  cessare,  cele- 
brare  jejunia,  eleemosynas  exercere.  librum 
Davidici  carminis  explere  per  diem,  noctesque 
in  hymnis  et  lectionibus  meditando  deducere.  » 
Us  se  replongèrent  bientôt  après  dans  leurs 
premières  débauches,  et  ne  récitant  plus  leur 
office,  ils  semblaient  avoir  oublié  Dieu  :  «  Nulla 
prorsus  de  Deo  erat  mentio,  nuiras  omnino 
cursus  mémorise  habebatur,  etc.  Clericisin  Ec- 
clesia  matutinas  celebrantibus,  ni  pocula  mis- 
cebant,  etc.  (t.  v,  c.  20).  » 

On  sait  que  ce  terme  Cursvs ,  signifiait  tout 
l'office  divin  ou  les  heures  canoniales.  Cet  au- 
teur se  sert  ordinairement  du  terme  Officium 
(L.  v,  c.  32).  En  parlant  d'une  église  souillée 
par  un  sanglant  combat,  et  où  l'office  divin 
cessa,  «  Lochs  officium  perdidit.  » 

Le  pieux  évêque  Crégoire,  étant  à  Paris,  et 
logeant  près  de  l'église  de  Saint-Julien,  y  allait 
toutes  les  nuits  chanter  ses  heures  nocturnes 
vers  le  minuit  :  «  Nos  média  surgentes  nocte, 
ad  reddendas  Domino  gratias,  etc.  Ingressi 
sumus  explere  cursum,  etc.  Nobis  psallen- 
tibus,  etc.  (L.  ix,  c.  G).  »  Ce  qui  nous  montre 
que  les  ecclésiastiques  qui  étaient  hors  de  leurs 
églises,  ne  se  croyaient  pas  pour  cela  dispensés 
de  l'office  divin. 

Il  dit  en  un  autre  endroit  qu'Injuriosus,  qui 
fut  le  quinzième  évêque  de  Tours  ,  ordonna 
qu'on  dirait  à  l'avenir  tierce  et  sexte  dans  l'é- 
glise; ce  qui  nous  fait  croire  qu'auparavant  on 
ne  les  disait  qu'en  particulier,  comme  il  se 
pratiquait  en  plusieurs  monastères  :  «  Hic  in- 
stitua tertiam  et  sextam  in  ecclesia  dici,  quod 
modo  in  Dei  nomine  persévérât  (L.  x).  » 

Nous  en  saurions  davantage  si  les  malheurs 
du  temps  ne  nous  avaient  fait  perdre  les  livres 
que  ce  pieux  évêque  avait  écrits  sur  le  psau- 
tier et  sur  les  offices  de  l'Eglise  :  «  In  psalterii 
tractatum  librum  unumcommentatussum,  de 
cursibus  ecclesiasticis  librum  unum  condidi 


(De  gloria  Martyrum,  1.  n,  c.  1,  75,  86).  » 
XIII.  Ce  même  saint  prélat  parle  souvent 
dans  ses  ouvrages  des  miracles  de  saint  Martin, 
et  de  la  gloire  des  martyrs,  ou  des  confesseurs, 
ou  des  vies  des  saints  Pères,  des  vigiles,  des 
psaumes  et  des  hymnes  qu'on  y  chantait,  du 
cours,  du  chant  continuel  de  quelques  églises, 
des  leçons,  des  passions  des  martyrs,  de  la  ré- 
citation ou  du  chant  d'une  partie  de  l'office 
avant  la  célébration  de  la  messe  :  «  Lecta  igi- 
tur  passione,  cum  reliquis  lectionibus,  quas 
canon  sacerdoialis  invexit,  tempus  ad  sacrifi- 
cium  offerendum  advenit;»  des  messes  du  ma- 
tin, qui  supposaient  les  vigiles  de  la  nuit  :«  Ré- 
novant solemnia  et  tota  nocte  in  vigiliis  excu- 
bant,  mane  autem  facto  dum  missarum  solem- 
nia celebrarentur  (Cap.  xc)  ;  »  de  la  psalmodie 
continuelle  des  clercs,  en  quelque  petit  nombre 
qu'ils  fussent  :  «  Cum  portitores  reliquiarum 
sancti  Cregorii  ad  locum  quemdam  Lemovicini 
termini  advenissent,  ubi  jam  pauci  clerici  con- 
sertoligneis  tabulis  oratorio,  Dominum  assidue 
precabantur ,  mansionem  postulant  ;  susce- 
ptique  bénigne,  noctem  cum  cseteris  fratribus 
psallendo  deducunt  (C.  ci).  » 

Voilà  un  petit  oratoire  où  quelques  clercs 
prient  continuellement,  récitant  leur  office  aux 
heures  du  jour  et  de  la  nuit. 

Il  est  vrai  que  cet  auteur,  parlant  d'un  prêtre 
qu'il  pensa  être  noyé,  dit  bien  qu'il  avait  at- 
taché et  pendu  à  son  col  le  livre  des  Evangiles, 
ou  son  missel,  son  calice  et  sa  patène,  sans 
parler  de  son  bréviaire  (De  glor.   Confess., 
c.  xxn  ).  Mais  s'il  disait  tous  les  jours  la  messe, 
comme  ces  paroles  le  témoignent,  comment  le 
pouvait-il    sans  avoir  auparavant  fait  la  psal- 
modie ordinaire?  Confessons  donc  que  c'est 
pour  cela  que  les  clercs  devaient  savoir  le 
psautier  par  cœur,  moins  pour  les  offices  de 
l'Eglise ,  où  l'on  avait  des  livres,  que  pour  la 
récitation  qui  s'en  faisait  en  particulier,  ou  en 
voyageant,  en   un  temps  où  les  livres  étaient 
plus  rares  et  moins  commodes  à  porter,  qu'ils 
ne  le  sont  dans  ces  derniers  siècles  :  «Sacerdos 
pelago  operitur ,  habens  ad  collum  cum  evan- 
geliorum  libro  ministerium   quotidianum,  id 
est  ,   patenulam   parrain  cum  calice   (  Ibid., 
c.  xxxi).  »  Or  que  les  bénéficiers  qui  voya- 
geaient s'acquittassent  fidèlement  des  heures 
et  de  prières  canoniales,  même  durant  la  nuit, 
outre  les  exemples  qui  en  ont  été  rapportés, 
en  voici  un  autre  du  même  auteur  :  «  Quidam 
presbyter  solitarius  itercarpens,  ad  hospitio- 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


2l.'t 


lum  cujusdam  pauperis  Linianici  raansionem 
expetiit  :  qua  accepta,  juxta  morem  sacerdo- 
tuin  nocle  ab  statu  suo  eonsurgens,  orationi 
adslitit.  » 

Ces  paroles  ,  «  juxta  morem  sacerdotum  ,  » 
sont  à  remarquer.  Elles  nous  disent  clairement 
que  c'était  la  coutume  de  tous  les  prêtres  de  se 
lever  la  nuit  pour  la  prière,  même  lorsqu'ils 
étaient  en  voyage.  Combien  est-il  donc  plus 
certain  qu'ils  s'acquittaient  encore  plus  ponc- 
tuellement des  beures  canoniales  du  jour  , 
lorsqu'ils  ne  pouvaient  assister  aux  assemblées 
et  aux  chants  publics  de  l'Eglise? 

Je  passe  beaucoup  d'autres  endroits  qui  ser- 
viraient à  confirmer  les  remarques  déjà  faites , 
parce  que  je  ne  touche  qu'en  passant  tout  ce 
qui  ne  regarde  pas  l'obligation  des  ecclésias- 
tiques à  l'office  et  à  la  psalmodie  (C.  xxxviu, 

XLVII,  LXXI,  CVl). 

XIV.  Je  n'omettrai  pas  ce  que  dit  saint  Gré- 
goire de  Tours  de  saint  Ambroise,  qui  ne  vou- 
lait point  que  le  lecteur  commençât  les  leçons 
qu'il  ne  lui  en  eût  fait  signe  :  «  Cui  celebranti 
testa  DominiccC  diei  erat  ista  consuetudo ,  ut 
venions  lector  cum  libro,  non  ante  légère  prae- 
sumeret,  quam  sanclus  nutu  jussisset  (De 
Mirac.  B.  Mart.,  I.  i,  c.  5).  Après  qu'on  eût  lu 
la  leçon  des  prophètes  ,  avant  qu'on  commen- 
çât celle  de  l'Apôtre ,  il  arriva  un  jour  que  ce 
saint  évêque  s'endormit,  et  enfin  on  l'éveilla 
en  lui  disant,  «Jubeat  dominus  lectori  leelio- 
nem  légère,  »  etc.  Voilà  les  bénédictions  qu'on 
donne  aux  lecteurs  pour  lire,  et  ,1a  permission, 
ou  le  commandement  qu'ils  en  demandent. 

Il  distingue  ailleurs  les  vigiles  qui  sont  les 
nocturnes,  des  matines,  qui  sont  les  laudes, 
et  se  disent  le  matin:  «  Vigilias  implevimus, 
mane  autem  facto,  signo  ad  matutinas  com- 
moto,  revers!  sumus dormitum  (L.  n,  c.  1,  49). 
Mais,  pour  ne  pas  m'éloigner  trop  de  mon  des- 
sein principal,  ce  saint  évêque  raconte  que 
saint  Portien  ayant  été  fait  clerc  et  puis  abbé, 
il  vint  un  jour  à  la  cour  du  roi  Thierry  qui  pas. 
sait  en  Auvergne,  pour  obtenir  de  ce  prince 
quelque  soulagement  aux  pauvres  (Vitœ  Pa- 
trum,  c.  v).  Un  grand  seigneur,  un  matin,  le 
priant  de  prendre  du  vin ,  il  s'en  excusa  sur  ce 
qu'il  n'avait  pas  encore  fait  la  révérence  au  roi 
et  qu'il  n'avait  pas  encore  récité  son  office , 
«  Quod  uecregi  dignuin  pnebuisset  occursum, 
et  quod  bis  omnibus  potius  erat,  nec  dum 
adhuc  Domino  psalmorum  decantatiouem  de- 
bitam  exolvisset.  » 


Saint  Call,  évêque,  étant  prêt  de  rendre  l'âme 
(Ibid.,  c.  vi  ),  demanda  ce  qu'on  chantait  à 
l'église,  et  l'ayant  appris  il  recita  lui  seul  tout 
l'office  de  matines,  et  l'ayant  achevé  dit  adieu 
aux  assistants,  et  s'en  alla  continuer  au  ciel 
une  louange  éternelle.  «  At  ille  psalmo  quin- 
quagesimo  et  benedictione  decantata,  et  alle- 
luyatico.  »  Voilà  les  laudes  composées  du  Mise- 
rere ,  du  Benedieite  omnia  opéra,  et  des  trois 
psaumes  suivants  que  David  même  a  marqués 
d'un  Alléluia;  «  Cum  capitello  expleto  ;  »  voila 
le  petit  chapitre  de  l'Ecriture  qui  suit.  «  Con- 
summavit  officium  totum  temporis  matutini  ; 
quo  jam  exlremo  perfunctus  officio  ,  spiritum 
emisit,  etc.  » 

Saint  Grégoire ,  évêque  de  Langres,  demeu- 
rant ordinairement  à  Dijon  près  du  baptistère,  y 
allait  seul  toutes  les  nuits  réciter  son  office, 
«  Nocte  de  strato  suo  nullo  sentiente  consur- 
gens,  ad  orationem  Deo  tantum  teste  pergebat, 
ostio  divinitus  reserato,  attente  psallebat,  etc. 
Psallentium  per  trium  fere  horarum  spatium 
audiebalur,  etc.  Impleto  cursu  revertens  ad 
lectulum,  etc.  (Ibid.,  c.  vu).  »  Et  parlant  d'un 
jeune  solitaire  :  «  Cum  eodem  sene  duos  vel 
très  annos  faciens  ,  psalterium  mémorise  com- 
mendavit,  etc.  (C.  xn).  »  Et  ailleurs  parlant  de 
saint  Nizier,  évêque  de  Trêves:  «  Lectis  lectio- 
nibus  quas  canon  sanxit  antiquus,  oblatis  mu- 
neribus  super  al  tare  Dei ,  ait  sacerdos,  non  hic 
hodie  missarum  solemnia  consummabuntur  , 
nisi  communione  privati  prius  abscedant  (C. 
xvu).  » 

Enfin  on  ne  peut  rien  voir  de  plus  clair  sur 
l'obligation  des  clercs  à  apprendre  le  psautier 
que  ce  qu'il  dit  de  saint  Léobard  :  «  Cum  reli- 
quis  pueris  ad  scholam  missus,  quempiam  de 
psalmis  mémorise  commendavit,  et  nescieus  se 
clericum  esse  futurum,  jam  ad  Dominicum 
parabatur  innocens  ministerium  (Cap.  xx).  » 

Tout  ce  que  nous  venons  de  rapporter  dans 
les  trois  nombres  précédents  est  tiré  de  Gré- 
goire de  Tours. 

XV.  Nous  ne  pouvons  omettre  ce  qui  est  rap- 
porté de  saint  Germain,  évêque  de  Paris. 

Ses  voyages  ne  l'empêchaient  pas  de  réciter 
son  office,  les  rigueurs  de  la  saison,  la  pluie  et 
la  neige  ne  l'empêchaient  pas  de  le  réciter  la  tète 
nue  :  «Qui  equitans  in  itinere,  semper  de  Deo 
aliquid  aut  verbo  contulit,  aut  cantavit.  Cur- 
su m  nudocapite  dicens,  etiamsi  nix,  aut  imber 
urgeret  (Surius,  die  28.  Maii,  c.  lxxviii,  lxxix, 
lxxxu).  »  11  récitait  les  heures  de  la  nuit  dans 


214 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SEIZIÈME. 


son  oratoire,  avec  les  siens  qu'il  prévenait  assez 
souvent  par  une  longue  psalmodie,  avant  que 
de  les  éveiller,  sans  que  la  rigueur  du  froid  pût 
attiédir  les  ardeurs  de  sa  dévotion  :  «  Quantam 
vigiliarum  cûrain  sempër  impenderit,  quis 
enarrct,  aut  quis  toleratos  algores  ardore  fidei 
pradicet,  etc.  Qui  celebrata  vigilia  remeans 
ad  lectuhnn.  quasi  nihil  egerit,  tune  primum 
reliquos  excitabat.  »  Dés  les  trois  heures  du 
matin  il  entrait  dans  l'église  et  n'en  sortait 
point  que  tout  le  service  ne  fût  achevé  :  «  Tcr- 


tia  noctis  hora  ecclesiam  ingrediens,  non  est 
egressus  ulterius  psalleutium  al)  ordine,  donec 
claresceute  jam  die  decantatus  solemniter  cur- 
sus universus  consummaretur  ex  canone.  » 
Toutes  ces  expressions  sont  anciennes  et  font 
foi  de  la  vérité  de  cette  histoire. 

11  est  difficile  que  ceux  qui  ne  sont  point 
préoccupés j,  puissent  se  persuader,  après  cela, 
qu'on  ne  regardât  alors  le  chant  ou  la  récita* 
tion  des  heures  canoniales,  que  comme  une 
dévotion  libre  et  arbitraire  (i). 


(1)  Saint  Agricol,  moine  de  Lérins,  monta  sur  le  siège  épiscopal 
d'Avipnon  en  638.  Or,  voici  ce  que  la  Chronoloqia  Lirhirnsù  dit  de 
ce  saint  évèque  :  «  Voluit  horas  canonicas  et  divina  officia,  mysteria 
deinceps  in  eadem  ecclesia,  eodem  modo  quo  soient  in  mbnasterhs, 
alternis  videlicet  cantibus  recitan  :  nondum  enim  in  bis  partibus  in- 
valuerat  ille  mos,  quem,  aliquot  ante  annos  Damasus,  pontifex  ma.\i- 


rnus,  invexerat,  posteaque  Pipious  rex  in  intimam  Galliam,  Roma 
intulit,  cuin  Avenione  d:u  viguisset.  »  L'bistoire  ecclésiastique  a  en 
effet  constaté  que  l'usage  de  chanter  à  deux  chœurs  les  messes  et  les 
divins  offices,  par  l'organe  de  tous  les  fidèles,  commença  dans  la 
cathédrale  d'Avignon  dans  la  moitié  du  vile  siècle.      (Dr  ANDRE.) 


CHAPITRE  SOIXANTE-SEIZIEME. 


ORIGINE    DE    I.  OFFICE    CANONIAL    EN    ESPAGNE    ET    EN    AFRIQUE,    ET    L  OBLIGATION    DE    LE    RECITER 
AU   MOINS   EN    PARTICULIER,    AUX   SIXIÈME,    SEPTIÈME   ET   HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Diverses  remarques  sur  les  parties  de  l'office,  el  les  preu- 
ves de  l'obligation  de  le  réciter,  tirées  de  saint  Isidore,  évi  que 
de  Sévillc. 

II.  III.  Autres  remarques  et  autres  preuves  tirée?  îles  conciles 
d'Espagne.  De  l'uniformité  des  offices,  imitation  des  moines,  et 
de  l'office  divin. 

IV.  Le  concile  IV  de  Tolède  veut  que  toute  l'Espagne  soil 
uniforme  dans  ses  offices.  L'unité  d'un  concile  national  rendait 
cela  presque  nécessaire. 

V.  Ce  même  concile  rétablit  les  hymnes  que  le  concile  de 
Drague  avait  bannies  des  offices  divins. 

VI.  VII.  Les  conciles  nationaux  et  œcuméniques  ayant  réglé 
les  cérémonies  et  les  rubriques  de  l'office  canonial,  au  moins  en 
partie,, uons  devons  n'avoir  pour  elles  que  des  senliments  de 
respect. 

VIII.  IX.  Nouvelles  preuves  de  l'obligation  à  réciter  l'office 
divin,  tirées  du  même  cuncile. 

X.  Et  du  VII1  de  Tolède. 

XI.  Distinction  du  Lucèrnarium,  Sonus  et  vêpres. 

XII.  Séminaires  des  jeunes  chantres  dans  les  cures. 

XIII.  Uniformité  d'office  dans  chaque  paroisse  îles  champs. 

XIV.  XV.  De  l'Eglise  d'Afrique,  l'assistance  aux  offices  du 
chœur,  et  la  récitation  en  particulier. 

1.  Venons  à  l'Espagne,  et  tâchons  d'y  décou- 
vrir les  origines  de  l'office  ou  des  heures  cano- 
niales .  et  particulièrement  les  vestiges  de 
l'obligation  des  clercs  à  s'y  trouver  en  public, 
"ii  à  les  réciter  en  particulier. 


Le  mélange  et  la  confusion  de  ces  origines 
et  de  ces  preuves  ne  sera  ni  désagréable,  ni 
inutile,  et  on  se  laissera  plus  facilement  per- 
suader de  l'obligation  de  s'acquitter  d'un  of- 
fice, dont  toutes  les  parties  ont  une  origine  et 
une  institution  si  ancienne,  si  sainte  et  si  solen- 
nelle dans  les  Pères  et  les  conciles. 

Isidore ,  évèque  de  Séville ,  montre  très- 
clairement  que  le  terme  d'office  était  déjà 
affecté  au  même  usage  qu'au  temps  présent, 
dans  le  chapitre  entier  de  Officiis,  où  il  com- 
mence de  la  sorte  :  «  Officiorum  plurima  snnt 
gênera,  sed  pra-cipuum  illud,  quod  in  sacris 
divinisque  rébus  babetur  (Origin.,  1.  vi,  c.  10).» 
Et  aussitôt  il  vient  à  l'office  de  Vêpres  et  de 
Matines,  puis  à  la  Messe,  parce  qu'elle  suivait 
toujours  l'une  ou  l'autre  de  ces  psalmodies  lon- 
gues et  solennelles. 

Voici  ce  qu'il  ajoute  du  çhteuT,  des  antipho- 
nes  el  îles  répons:  «  Chorus,  quod  initio  îhrriô- 
iliini  côrônae  cirbààràs  starent  et  ita  psallcrent, 
antiphonas  choris  alternatim  psallt utibus.  Rc- 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


215 


sponsorios  Mali  tradiderunt,  ubi  alio  desinente 
alter  respondet.  Inter  responsorios  autem  et 

antiphonas  hoc  ditlert,  quod  in  responsoriis 
unus  versum  dicit,  in  antiphonis  autem  versi- 
bus  alternant  chori.  » 

Il  parle  ensuite  des  heures  canoniales;  et 
bien  loin  d'en  dispenser  ceux  qui  ne  peuvent 
assister  au  chœur,  au  contraire  il  prétend  que 
l'oraison  doit  être  continuelle  et  sans  interrup- 
tion en  particulier,  mais  qu'on  a  institué  ces 
heures  ou  ces  offices  afin  que  si  nos  occupa- 
tions nous  faisaient  quelquefois  oublier  ce  de- 
voir, le  plus  saint  et  le  plus  important  de  tous, 
l'heure  et  le  temps  nous  en  lissent  ressouvenir. 
«  Dictum  est.  sine  intermissione  orate.  Sed 
hoc  in  singularibus.  Nain  est  observatio  qua- 
rumdam  horarum  communium  ,  quae  diei  in- 
ter spatia  signant,  terlia,  sexta  et  noua.  Simili- 
ter  et  noctis.  Sed  ideo  orandi  hœ  horae  divisa; 
suut.  ut  si  forte  aliquo  fuerimus  opère  de- 
tenti,  ipsuiu  nos  adofticiumtempus  admoneat, 
etc.  Exceptis  utique  et  aliis  legitimis  oralio- 
nibus.  quae  sine  ulla  adinonitione  debentur  in 
ingressu  lucis,  ac  noctis,  sive  vigiliarum.  » 

11  confirme  tout  cela  ailleurs  et  ajoute  que 
saint  Ambroise  imita  le  premier,  dans  l'Occi- 
dent, le  chant  alternatif  à  deux  chœurs,  ou  les 
antiphones  des  Orientaux,  qui  s'étaient  eux- 
mêmes  rendus  imitateurs  des  séraphins.  11 
ajoute  encore  qu'au  commencement  de  l'E- 
glise, le  chant  des  psaumes  approchait  plus 
d'une  simple  lecture  que  du  chant ,  mais  qu'a- 
vec le  temps  on  avait  taché  d'élever  à  Dieu  les 
âmes  charnelles  par  l'harmonie  des  voix. 

«  Primitiva  Ecclesia  ita  psallebat,  ut  modico 
flexu  vocis  faceret  psallentem  resonare,  ita  ut 
pronuntianti  vicinior  esset  quam  canenti.  Pro- 
pter  carnales  autem  in  ecclesia,  non  propter  spi- 
ritales  consuetudo  est  instituta  canendi  :  ut 
qui  verbis  non  compunguntur,  suavitate  mo- 
dulaminis  moveantur  (De  offic.  Eccles.,  1.  î, 
c.  5,  7,  8).  » 

Saint  Isidore  entend  de  toute  l'Eglise  primi- 
tive ce  que  saint  Augustin  n'a  dit  que  de  l'E- 
glise d'Alexandrie  (L.  x,  Confess.,  c.  33).  Mais 
ce  qu'il  dit  me  parait  bien  probable  (De  offle. 
Eccles.,  I.  i,  c.  19,  etc.).  Il  parle  ensuite  des 
heures  de  tierce,  sexte,  none,  vêpres,  com- 
plies,  des  vigiles  ou  nocturnes,  des  matines  ou 
laudes,  que  Gassien  dit  n'avoir  été  instituées 
que  de  son  temps  dans  le  monastère  de  Beth- 
léem. | 
Ce  Père  dit  ailleurs  que  saint  Léandre,  évo- 


que de  Séville  avait  beaucoup  composé  et 
beaucoup  travaille  sur  les  offices  de  l'Eglise. 
«  In  toto  psalterio  duplici  éditions  orationes 
conscripsit.  In  sacrifiais  quoque  ,  laudibus 
et  psalmis  multa  dulcisona  composait  (De 
Script.  Eccles.,  c.  x\\  n  .  » 

Saint  Isidore  a  composé  une  règle  pour  les 
moines .  où  il  remarque  tout  le  détail  de  leurs 
heures  canoniales  liegul.  Mon.,  c.  vi  .  Mais  ce 
saint  prélat  n'a  pas  oublié  l'article  le  plus  im- 
portant, qui  est  l'obligation  des  clercs  à  s'occu- 
per continuellement  de  la  psalmodie  et  des 
louanges  de  Dieu,  soit  au  chœur,  soit  ailleurs, 
lorsque,  prescrivanl  des  règles  générales  à  tous 
les  clercs,  il  leur  dit:  a  Postremo  in  doctrina, 
in  lectionibus,  psalmis,  hymnis,  canticis,  exer- 
citio  jugi  incumbant  (De  offic.  Eccles.,  1.  n, 
c.  -2  .  s 

dette  application  continuelle  à  la  prière ,  est 
attacher  non  pas  au  chœur,  mais  à  la  nature  et 
à  l'esprit  de  la  cléricature. 

II.  Venons  aux  conciles  d'Espagne.  Celui  de 
Tarragone  en  517  (Can.  vu  )  ordonne  que  dans 
les  paroisses  de  la  campagne  le  prêtre  et  le 
diacre  feront  l'office  alternativement,  chacun 
sa  semaine ,  avec  cette  condition  néanmoins 
que  tout  le  clergé  s'assemblera  le  samedi  au 
soir  et  le  dimanche  ,  et  que  tous  les  jours  ils 
diront  vêpres  et  matines. 

«  De  diœcesanis  Ecclesiis  vel  clero  id  placuit 
definiri,  ut  presbyteri  vel  diaconi,  qui  inibi 
constiluli  sunt  cum  clericis  septimanas  obser- 
vent, id  est,  ut  presbyter  unam  faciat  hebdo- 
madam  .  qua  expleta ,  succédât  ei  diaconus 
simililer,  ea  scilicet  conditione  servata ,  ut 
omnis  clerus  die  sabbati  ad  vesperam  sit 
paratus,  quo  facilius  die  Dominico  solemnitas 
cum  omnium  praseutia  celebretur,  ita  tamen 
ut  omnibus  diebus  vesperas  et  matutinas  célè- 
brent. » 

Ce  canon  nous  fait  voir  que  dans  toutes  les 
églises  des  paroisses  champêtres  il  y  avait  au 
moins  un  prêtre  et  un  diacre,  qu'il  y  avait  ou- 
tre cela  un  nombre  assez  grand  d'autres  clercs 
inférieurs  pour  faire  un  clergé  qui  pût  se  par- 
tager et  assister  aux  offices  par  semaines  alter- 
natives, enfin  qu'on  y  célébrait  tous  les  jours 
matines  et  vêpres.  11  n'est  pas  probable  qu'on 
y  dit  tous  les  jours  la  messe,  puisque  le  diacre 
seul  faisait  les  offices  d'une  semaine  sans  le 
prêtre. 

111.  Le  concile  de  Girone  (Can.  x)   suppose 
aussi  qu'on  dira  tous  les  jours  matines  et  vè- 


216 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SEIZIÈME. 


près,  quand  il  commande  qu'on  y  ajoute  la 
récitation  de  l'oraison  dominicale  à  voix  haute 
par  l'officiant,  à  l'imitation  des  religieux  comme 
il  paraît  par  la  règle  de  saint  Benoît.  «  Pla- 
cuit  observari ,  ut  omnibus  diebus  post  matu- 
tinas  et  vesperas  oratio  Dominica  a  sacerdote 
proferatur.  »  Ce  concile  ordonna  aussi  que  tous 
les  offices  se  feraient,  dans  toute  la  province 
Tarragonaise  ,  de  la  même  manière  qu'ils  se 
faisaient  dans  la  métropole. 

Le  concile  de  Lérida  (Can.  i),  après  avoir  pro- 
noncé une  sentence  irrévocable  de  déposition 
contre  les  clercs  atteints  d'un  grand  crime,  ne 
les  dispense  pas  pour  cela  de  l'assistance  aux 
offices  dans  le  chœur  des  chantres,  dès  le  mo- 
ment qu'ils  auront  été  reçus  à  la  communion. 
a  Attamen  in  choro  psallentium  a  tempore 
receptœ  communionis  intersint  (Can.  n).  » 

Le  concile  I  deBrague  (Can.  i,  n)  ordonne  la 
même  uniformité  d'offices  dans  toutes  les 
Eglises  de  sa  province,  et  ne  veut  pas  qu'on  y 
apporte  de  la  diversité  par  le  mélange  des  pra- 
tiques diverses  des  monastères  :  «  Placuit  om- 
nibus communi  consensu,  utunus  atque  idem 
psallendi  ordo  in  matutinis,  vel  vespertinis 
officiis  teneatur,  et  non  diversœ  ac  privatae, 
neque  monasteriorum  consuetudines  cum  ec- 
clesiastica  régula  sint  permixta?.  » 

11  est  donc  clair  que  plusieurs  pratiques 
s'étaient  coulées  des  monastères  dans  les  ofticcs 
de  l'Eglise,  mais  que  ce  concile  n'approuva 
pas  la  variété  excessive  que  cela  avait  causé 
dans  sa  province.  On  y  ordonna  aussi  (Can.  m) 
que  l'évêque  et  le  prêtre  salueraient  le  peuple 
de  la  même  manière,  et  avec  ces  mêmes  termes 
empruntés  de  l'Ecriture,  «  Dominus  sit  vobis- 
cum.  »  le  peuple  répondant ,  «  Et  cum  spiritu 
tuo;»  parce  que  telle  était  la  tradition  des 
Apôtres,  et  la  pratique  de  tout  l'Orient ,  à  la- 
quelle il  fallait  s'attacher,  et  non  pas  aux  in- 
novations des  Priscillianistes.  «  Sicut  et  ah 
ipsis  Apostolis  traditum  omnis  retinet  Oriens. 
et  non  sicut  Priscilliana  pravitas  permuta\it 
(Can.  iv,  v).  » 

Pour  mieux  établir  l'uniformité  du  service 
divin,  ce  concile  ordonna  qu'on  garderait  par- 
tout l'ordre  et  le  rit  que  Profuturus,  arche- 
vêque de  Brague,  avait  reçu  du  Saint-Siège, 
o  Ut  eodem  ordine  missae  celebrentur  ab  om- 
nibus, quem  Profuturus  quondam  hujus  me- 
tropolitana?  Ecclesia'  episcopus  ab  ipsa  Apo- 
stolicae  Sedis  autoritate  suscepit  scriptum.  » 

Enfin  ce  concile  (Can.  xi ,  xn)  défendit  aux 


lecteurs  de  chanter  dans  l'église  en  habit  sécu- 
lier, «  ut  lectores  in  Ecclesia  in  saeculari  liabitu 
ornati,  non  psallant  ;  »  (nous  avons  vu  qu'ils 
devaient  être  vêtus  d'aubes  )  :  et  de  ne  point 
mêler  des  hymnes  ou  des  poésies  dans  les 
offices  de  l'Eglise,  où  les  canons  ne  permettent 
que  la  lecture  des  divines  Ecritures  de  l'un  et 
l'autre  Testament.  «  Ut  extra  psalmos,  vel  ca- 
nouicarum  Seripturarum  veteris  et  novi  Testa- 
menti,  nihil  poetice  compositum  in  ecclesia 
psallatur  ,  sicut  et  sancti  pra'cipiunt  cano- 
nes.  » 

Cette  rigueur  était  particulière  à  cette  Eglise, 
car  dans  la  France,  dans  l'Italie  et  ailleurs  on 
chantait  des  hymnes  composées  par  saint  Am- 
broise,  par  saint  Hilaire  et  autres. 

IV.  Le  concile  IV  de  Tolède  (Can.  n)  qui  était 
national ,  et  embrassait  toutes  les  provinces 
d'Espagne,  et  celles  des  Gaules  qui  étaient  sous 
la  domination  des  rois  goths,  étend  bien  plus 
loin  cette  uniformité  d'offices.  Car  il  l'établit 
dans  toutes  ces  provinces  et  dans  l'Etat  des 
Goths. 

«  Unus  ordo  orandi,  atque  psallendi  nobis 
per  omnem  Hispaniam  atque  Galliam  observe- 
tur,  unus  modus  in  missaruin  solemnitatibus, 
unus  in  vespertinis,  matutinisque  officiis;  nec 
diversa  sit  ulla  in  nobis  ecclesiastica  consue- 
tudo,  qui  in  una  tide  continemur  et  regno. 
Hoc  enim  et  antiqui  cauones  decreverunt,  ut 
unaquaque  provincia  et  psallendi  et  mini- 
strandi  parem  consuetudinem  contineat.  » 

Il  est  vrai  que  les  anciens  canons  n'avaient 
établi  la  conformité  du  chant  et  des  offices 
qu'entre  les  Eglises  d'une  province  sous  une 
même  métropole.  Mais  les  Pères  de  ce  concile 
se  servent  néanmoins  fort  sagement  de  ces 
canons  pour  mettre  la  même  uniformité  entre 
toutes  les  provinces  et  les  métropoles  d'un 
royaume  ;  parce  que  tous  ces  évèques  et  tous 
ces  métropolitains  ne  faisant  plus  qu'un  corps, 
et  s'assemblant  tous  dans  des  conciles  natio- 
naux, ils  semblent  réduire  en  une  seule  pro- 
vince toutes  les  provinces  du  même  royaume. 

Quand  on  ne  considérerait  que  la  tenue  du 
concile  national,  tous  les  évèques  et  tous  les 
métropolitains  y  doivent  assister  aux  mêmes 
oitices,  célébrer  les  mêmes  solennités,  concou- 
rir tous  à  la  célébration  et  au  chant  d'une 
même  messe  solennelle;  ettouteela  ne  se  peut 
si  chacun  d'eux  est  accoutumé  à  un  chant,  à 
un  rit  et  à  un  ordre  différent.  Cet  inconvénient 
tout  visible  a  obligé  les  conciles  provinciaux 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  CANONIAL,  etc. 


217 


d'introduire  les  mêmes  offices  de  la  métropole 
dans  toute  la  province. 

C'est  aussi  cette  même  raison  qui  semble 
forcer  le  concile  national  à  ordonner  la  même 
unité  dans  toutes  les  provinces  d'un  Etat.  Nous 
serions  mieux  persuadés  de  la  nécessité  de  ce 
règlement  si  l'on  obligeai!  encore  tous  les  ecclé- 
siastiques qui  se  trouvent  dans  une  ville  d'assis- 
ter aux  offices  de  l'église  avec  le  clergé  de  la 
ville,  de  célébrer  la  messe  commune  dans  leur 
rang  et  dans  leur  ordre,  et  de  ne  point  commu- 
nier autrement. 

Nous  verrons  en  son  lieu  que  cette  même 
raison  a  quelquefois  fait  concevoir  le  dessein 
d'établir  l'office  et  l'ordre  romain  dans  toute 
l'Eglise.  Cela  eût  déjà  eu  lieu  dans  l'Espagne, 
si  l'office  romain  eût  été  aussi  bien  reçu  et  éta- 
bli à  Tolède,  comme  nous  l'avons  déjà  vu  à 
Brague. 

V.  Les  évèques  de  ce  même  concile  IV  de 
Tolède  firent  plusieurs  autres  règlements  con- 
sidérables :  qu'on  bénirait  le  cierge  pascal  le 
Samedi  saint  dans  les  provinces  gallicanes , 
comme  on  le  bénissait  dans  celles  d'Espagne, 
afin  de  garder  l'unité  :  «  Dignum  estutpropter 
unitatem  pacis,  in  (iallicanis  Ecclesiis  conser- 
vetur  (Can.  ix).  »  Qu'on  ne  s'abstiendrait  pas 
seulement  de  l'alleluia  durant  la  Semaine- 
Sainte,  mais  durant  tout  le  carême  |(Can.  xi). 
Qu'on  chanterait  les  hymnes  reçues  dans 
l'Eglise,  ce  qu'ils  justifient  par  l'exemple  de 
J.-C.  et  des  apôtres,  qui  en  ont  chanté,  par 
l'autorité  de  saint  Hilaire  et  de  saint  Ambroise, 
qui  en  ont  composé  ;  par  l'exemple  du  Gloria 
Patri  et  du  Gloria  in  excelsis. 

En  cela  ils  font  éclater  le  dessein  qu'ils 
avaient  de  réfuter  le  canon  du  concile  de  Bra- 
gue, dont  nous  avons  parlé,  qui  avait  été  tenu 
pendant  la  domination  des  Suèves  en  Portugal, 
dont  les  rois  goths,  s'étant  ensuite  rendus  les 
maîtres,  les  évèques  de  l'empire  des  (.oths 
voulurent  abolir  ce  que  les  Suèves  avaient  de 
particulier,  et  mettre  l'uniformité  dans  l'Eglise 
de  toute  l'Espagne,  comme  elle  était  déjà  dans 
l'Etat. 

Enfin,  ces  évèques  déclarent  que  le  Gloria 
Patri  ne  se  répète  dans  les  répons  que  dans 
les  jours  consacrés  à  une  sainte  joie,  dans  les 
autres  on  reprend  le  commencement  :  «  Hœc 
est  discretio,  ut  in  lœtis  sequatur  gloria,  in 
tristioribus  repetalur  principium  (Can.  xvi).  » 
Enfin  que  l'Apocalypse  sera  lue  tous  les  ans 
après  Pâques,  comme  un  livre  que  les  conciles 


et  les  papes  ont  reconnu  être  de  Jean  l'évangé- 
liste  (Can.  xvn). 

VI.  Nous  passerons  aux  autres  conciles  d'Es- 
pagne, après  avoir  fait  deux  ou  trois  réflexions. 

La  première  est  que  si  ces  conciles  natio- 
naux s'occupent  à  faire  des  règlements  qui  ne 
regardent  que  les  cérémonies,  et  les  rubriques 
de  l'office  divin,  il  ne  faut  pas  se  persuader  que 
ces  grands  hommes  s'occupent  à  des  choses 
trop  menues  et  trop  indifférentes.  Il  faut  au 
contraire  demeurer  convaincus  que  ce  ne  sont 
nullement  de  petites  choses,  puisqu'elles  font 
une  partie  de  l'occupation  des  conciles  natio- 
naux. 

L'assemblée  des  apôtres,  rapportée  par  saint 
Luc  dans  les  Actes,  fit  un  règlement  des  céré- 
monies. Le  concile  de  Nicée  fit  un  règlement 
pour  fixer  le  jour  de  la  Pâque,  et  en  faire  con- 
venir toutes  les  Eglises ,  ce  qui  n'était  aussi 
qu'une  cérémonie,  de  même  que  le  décret  du 
même  concile  de  ne  point  prier  à  genoux  au 
jour  du  dimanche,  ou  depuis  Pâques  jusqu'à  la 
Pentecôte.  Les  autres  conciles  suivants  n'ont 
pas  pu  suivre  de  plus  excellents  modèles. 

VII.  La  seconde  réflexion  est  que,  quoique 
nous  n'ayons  pas  toutes  les  origines  de  toutes 
les  cérémonies  ou  rubriques  de  l'office  divin, 
et  que  nous  n'ayons  pas  voulu  remarquer 
toutes  celles  que  nous  avons  en  main,  de  peur 
qu'une  ennuyeuse  longueur  ne  rendît  notre 
travail  inutile  ;  cet  échantillon  que  nous  en 
donnons  pourra  suffire,  pour  faire  conjecturer 
du  reste,  et  pour  persuader  les  esprits  raison- 
nables, que  ce  n'est  le  plus  souvent  que  notre 
ignorance  qui  produit  en  nous  le  peu  d'estime, 
pour  ne  pas  dire  le  mépris  de  ces  sortes  de 
choses.  Ce  qui  nous  paraît  quelquefois  ou  for- 
tuit, ou  indifférent,  ou  bizarre,  parce  que  nous 
n'en  remontons  pas  jusqu'à  la  source,  a  été 
concerté  et  conclu  dans  de  grands  conciles  avec 
autant  de  sagesse  que  de  piété,  puisque  l'esprit 
de  sagesse  et  de  piété  en  était  et  l'âme  et  le  pré- 
sident. 

VIII.  La  troisième  réflexion  est  que  ce  IVe  con- 
cile de  Tolède  n'a  pas  oublié  le  point  impor- 
tant, qui  fait  le  principal  sujet  de  ces  recher- 
ches. Après  avoir  fortement  établi  la  bien- 
séance et  la  nécessité  d'insérer  l'oraison  domi- 
nicale et  quotidienne  dans  les  offices,  ce  con- 
cile fulmine  la  peine  de  déposition  contre  ceux 
qui  l'omettront  dans  leurs  offices,  soit  en 
public,  soit  en  particulier,  a  Quisquis  ergo 
sacerdotum,    vel    subjacentium   clericorum , 


218 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-SEIZIÈME. 


liane  orationem  Dominicain  quotidie  aut  in 
publico,  aut  in  privato  oflicio  pneterierit,  pro- 
pter  superbiam  judicatus,  ordinis  sui  oflîcio 
mulctetur  (Can.  x).  » 

Il  ne  se  peut  rien  dire  de  plus  formel.  Cet 
oflice  en  particulier,  «  privatum  officium.  » 
distingué  du  public,  ne  peut  être  autre  chose 
que  la  récitation  secrète  de  l'office,  ou  l'on 
répète  souvent  l'oraison  dominicale.  On  ne  le 
peut  entendre  de  la  messe,  tant  parce  qu'on  ne 
la  disait  pas  tous  les  jours,  au  moins  par  obli- 
gatioBJ  que  parce  que  la  messe  peut  encore 
être  moins  dite  en  particulier  que  l'office,  et 
enfin  parce  que  ce  canon  enveloppe  avec  les 
prêtres  tous  les  autres  clercs  ou  béneliriers 
qui  ne  peuvent  dire  la  messe.  «  vel  subjacen- 
lium  clericorum.  » 

IX.  La  quatrième  et  dernière  réflexion  sera 
que  si  les  bénéficiera  sont  déposés  pour  avoir 
omis  l'oraison  dominicale  dans  la  récitation 
secrète  de  leur  office,  à  plus  forte  raison  ils  en- 
coureront  la  même  peine,  s'ils  manquent  à 
s'acquitter  de  cette  récitation.  Il  faut  dire  au 
contraire,  que  ceux  qui,  pour  quelque  juste 
cause,  peuvent  sans  encourir  aucune  pleine 
s  exempter  de  dire  leur  office,  peuvent  aussi 
impunément  se  passer  d'y  insérer  l'oraison 
dominicale. 

X.  Le  concile  VIII  de  Tolède  (Can.  vin  n'est 
guère  moins  formel  sur  cette  obligation,  lors- 
qu'il s'emporte  d'une  si  sainte  et  si  juste 
indignation  contre  les  ecclésiastiques,  qui  ne 
sau'iitpas  les  choses  qui  sont  tous  les  jours 
en  usage,  savoir  le  psautier,  les  cantiques,  les 
hymnes. 

«  Ut  nec  in  illis  probentur  instructi  eompe- 
tenter  ordinibus,  qui  quotidianos  versantur  in 
usus.  Proinde  sollicite  decernitur,  ut  nullus 
cujuscumque  dignitatis  ecclesiasticœ  deinceps 
percipiat  gradum,  qui  non  totum  psalterium, 
vel  canticorum  usualium  et  hymnorum,  sive 
baptizandi  perfecte  noverit  supplementum.  » 

XI.  Le  concile  de  Mérida  (Can.  n)  déclara  les 
trois  parties  de  l'office  «le  vêpres  ,  le  Lucn  i>>*- 
r/nm,  le  Sonw.  et  entre  deux  les  vêpres  pro- 
prement dites.  aiVespertrao  tempore  post  lu- 
men oblatum  ,  prius  dicitur  vespertinum  , 
quam  sonus  in  diebus  feslis.  »  On  allumait  la 
lumière  en  cérémonie,  comme  nous  faisons  le 
Samedi-Saint ,  et  avec  une  prière  semblable. 
en  remerciant  Dieu  de  la  véritable  ri  éternelle 
lumière  qui  est  .1.-0.  Puis  on  disait  vêpres,  et 
•  pi  c>,  aux  jours  de  fête  et  au  temps  pascal,  on 


chantait  à  haute  voix  le  Sotius,  qui  n'était  com- 
posé que  du  Psaume  Venite  exultemus  , 
comme  Oareias  le  justifie  par  le  missel  moza- 
rabique. 

XII.  Le  concile  de  Mérida  (Can.  xvm)  com- 
manda aux  curés  des  paroisses  des  champs  de 
nourrir  autant  qu'ils  pourraient  de  jeunes 
clercs,  à  proportion  du  revenu  de  leurs  églises, 
et  de  les  tirer  d'entre  les  esclaves  de  l'église, 
afin  de  s'en  servir  pour  faire  le  service  et  dire 
l'office  divin. 

«  Parochiani  presbyteri ,  juxta  ut  in  rébus 
sibi  a  Deo  creditis  senliimt  habere  virtutem, 
de  ecclcsia1  suffi  famili;e  clericos  sibi  faciant, 
quos  per  bonam  voluntatem  ita  nutriant,  ut  et 
officium  sanctum  peragant,  et  ad  servitium 
suum  aptos  eos  habeant.  Hi  etiam  viclum  et 
vestitum  dispensatione  presbyteri  merebuntur, 
et  domino  ac  presbylero  suo,  alque  utilitati  ec- 
clesiae  fidèles  esse  debebunt.  » 

XIII.  Le  concile  de  Tolède  XI  (Can.  m),  re- 
nouvelle l'ancien  décret  que  toutes  les  églises 
d'une  province  feraient  les  mêmes  offices  qu'on 
faisait  dans  la  métropolitaine.  Ce  qui  nous 
montre  clairement  qu'on  n'avait  pu  faire  exé- 
cuter le  canon  du  concile  IV  de  Tolède,  qui 
ordonnait  la  même  uniformité  dans  toutes  les 
provinces  de  l'empire  des  Goths  en  Espagne  et 
dans  les  Gaules. 

La  raison  qu'on  apporte  ici  est  que  le  métro- 
politain ayant  communiqué  le  sacerdoce  à  ses 
sutiïagants,  doit  aussi  leur  apprendre  tous  les 
devoirs  du  sacerdoce  :  «  Sic  enim  justum  est, 
ut  inde  unusquisque  sumat  régulas  magisterii 
unde  honoris  consecrationem  accepit.  Ut  juxta 
majorum  décréta,  sedes  quae  unicuique  sacer- 
dotalis  mater  est  dignitatis,  sit  et  ecclesiasticie 
magistra  rationis.  » 

Cette  même  raison  a  été  quelquefois  alléguée 
par  les  anciens  papes  qui  ont  usé  presque  des 
mêmes  termes,  pour  convier  toutes  les  églises 
à  l'ordre  et  à  l'office  romain,  puisque  le  siège 
de  Pierre  a  toujours  été  la  source  et  l'origine 
du  sacerdoce. 

Enfin,  ces  Pères  obligent  les  abbés  et  les 
abbayes,  outre  les  offices  singuliers  que  l'évê- 
que  leur  aura  accordés,  de  célébrer  les  autres 
offices  publies,  c'est-a-dire  vêpres,  matines,  et 
la  messe  de  la  même  manière  qu'on  les  célé- 
brait dans  l'église  cathédrale.  «Abbatibus  sane 
indultis  ofliciis,  qua'  juxta  voluntatem  sui  epi- 
SCopi  regulariter  illis  implenda  sunt,  calera 
officia  publica,  id  est,  vesperani,  matutinuni, 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  ItIVIN,  etc. 


2I'J 


sive  missam  aliter  quant  in  prineipali  ecclesia, 
celebrare  non  liceat.  » 

Il  y  avait  donc  dans  les  monastères  deux 
sortes  d'heures  canoniales,  les  unes  se  récitaient 
en  particulier,  et  les  autres  en  public;  celles-ci 
devaient  être  les  mêmes  que  celles  île  la  métro- 
pole; celles-là  devaient  seulement  être  approu- 
véesdel'évèque.  Voila  doncencorc  une  récitation 
de  ^'office,  au  moins  en  partie  qui  se  faisait  en 
secret.  Mais  il  faut  ici  encore  remarquer  une 
raison  nouvelle  de  cette  conformité  nécessaire 
d'office,  a  cause  de  l'assistance  des  peuples  qui 
se  joignaient  au  chant  de  l'Eglise  ,  et  mêlaient 
leur  voix  avec  le  clergé.  Ainsi  la  diversité  des 
offices  ne  pouvait  apporter  (pie  de  la  confusion 
et  du  trouble  à  leur  piété. 

XIV.  Le  voisinage  nous  convie  de  joindre 
l'Eglise  d'Afrique  à  celle  d'Espagne.  Ferraud, 
diacre,  nous  apprend  dans  la  vie  de  saint  Ful- 
gence,  que  ce  saint  évèque  ne  se  trouvait  pas 
toujours  aux  oflices  de  la  nuit  avec  le  reste  du 
chœur,  mais  qu'il  les  prévenait  ordinairement, 
et  qu'il  les  célébrait  toujours  en  particulier 
par  l'oraison,  la  méditation,  la  lecture,  l'étude. 

«  Antequam  vigilise  nuntiarenlur  a  fratri- 
bus,  ipse  semper  corde  et  corpore  vigilans,  aut 
orabat,  aut  legebat,  aut  dictabat,  aut  cuicum- 
que  spiritali  meditationi  solus  vacabat;  quia 
se  per  diem  filiorum  Ecclesiœ  necessitatibus 
occupari  jugiter  sciebat.  Ad  agendas  eu  m  ser- 
vis Dei  vigilias  interdum  descendebat,  sed  pri- 
vatas  apud  se  vigilias,  studiis  quibusdixi  multo 
laudabilius  exercebat  (Can.  xvin).  » 


Nous  apprenons  de  là  les  justes  raisons  des 
évêques,  de  se  dispenser  quelquefois  de  l'assis- 
tance aux  offices  divins,  lorsque  les  impor- 
tantes occupations  et  les  besoins  de  leur  peuple 
consument  toute  leur  journée.  Mais  nous  ap- 
prenons aussi  qu'ils  ne  se  dispensent  pas  pour 
cela  delà  prière,  ou  de  l'office.  Enfin  ce  que  dit 
Eerrand.,  de  ce  saint  évèque,  pourrait  nous 
persuader,  avec  assez  d'apparence,  que  saint 
Fulgence  était  dans  les  mêmes  sentiments  du 
grand  saint  Charles,  archevêque  de  Milan,  qui 
dit  un  jour  que  la  règle  ou  la  nécessité  de 
dormir  sept  heures  n'était  pas  pour  les  évê- 
ques. 

XV.  Ce  saint  eveque  n'était  pas  moins  zélé  pour 
faire  que  tous  ses  ecclésiastiques  s'appliquas- 
sent a  la  psalmodie  et  à  la  prière  (Ibid.,  c.  xxi.x). 
C'est  pour  cela  qu'il  leur  défendait  l'embarras 
des  affaires  du  monde,  il  les  faisait  loger  prés 
de  l'église,  s'occuper  du  jardinage,  du  chant 
des  psaumes,  de  la  lecture,  enfin  il  les  obligeait 
de  ne  point  manquer  à  matines,  à  vêpres  et  aux 
veilles  ou  offices  de  la  nuit. 

«  Summam  quoque  diligentiam  prabuit,  ne 
quis  clericus  negotiis  sœcularibus  occupatus , 
ab  officio  ecclesiastico  diulius  vacaret;  jubens 
omnes  non  longe  ab  ecclesia  domos  habere, 
manibus  propriis  horlum  colère,  psallendique 
suaviter  aut  pronuntiandi  curam  maximam 
gerere,  etc.  Quotidianis  vigiliis  matutinis  et 
vespertinis  orationibus  adesse  praecipiens  om- 
nes. » 


CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME. 


LES   ORIGINES    DE   L'OFFICE    DIVIN,    ET   L'OBLIGATION    DE    LE    RÉCITER   EN    ANGLETERRE   ET   EN    ITALIE, 
AIX   SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET    HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  Application  merveilleuse  îles  éyèques  et  de  tous  les  ecclé- 
siastiques d'Angleterre,  au  ôtiant  et  à  la  récitation  des  offices 
divins*. 

II.  Quand  celle  obligation  n'aurait  pas  été  dans  le  clergé  avant 
les  cloîtres,  les  i -luiires  des  moines  la  lui  auraient  communiquée. 

III.  Les  occupations  les  p"Tus  pressantes  ne  portaient  pas  les 
saints  évÊqùes  à  s'en  dispenser. 


IV.  Les  offices  d'Anglelerre  étaient  émanés  de  ceux  de  Rome. 

V.  Suis  que  les  papes  les  y  eussent  engagés. 

VI.  On  passe  en  Italie.  Pourquoi  saint  Grégoire  interdit  aux 
diacres,  et  réserva  aux  sous-diacres,  la  fonction  des  chantres. 

VU.  Obligation  de  savoir  par  cœur  le  psautier,  et  par  consé- 
quent de  réciler  l'office. 
VIII.  Du  martyrologe  et  autres  parties  du  service  diviu. 


220        DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME. 


IX.  Saint  Grégoire  ne  voulant  pas  qu'on  lût  ses  ouvrages  dans 
l'église. 

X.  On  y  lût  sa  vie  longtemps  après  sa  mort. 

XI.  Preuves  tirées  des  autres  papes  pour  l'obligation  des 
offices. 

I.  Nous  passerons  d'Afrique  en  Italie  après 
avoir  dit  un  mot  de  l'Eglise  anglicane,  qui  n'a 
été  formée  que  sur  celle  de  Rome. 

L'apôtre  d'Angleterre  Augustin  apprit  par  la 
réponse  de  saint  Grégoire  à  ses  consultations 
le  soin  extrême  qu'il  devait  avoir  d'appliquer 
tous  les  ecclésiastiques  à  la  psalmodie.  «  De 
clericorum  stipendio  cogitandum  est,  et  sub 
ecclesiastica  régula  sunt  tenendi  ;  ut  bonis 
minibus  vivant,  et  canendis  psalmis  invigilent 
(Reda,  hist.  Angl.,  1.  i,  c.  27  ;  1.  in,  c.  5).  » 

Le  saint  évèque  d'Angleterre  Aidan,  ne  se 
contentait  pas  d'obliger  ses  ecclésiastiques  à 
une  psalmodie  et  à  une  lecture  continuelle, 
qui  sont  les  deux  parties  essentielles  des  offices 
de  l'Eglise  :  il  imposait  la  même  loi  à  tous  les 
laïques  de  sa  famille  :  c'est  à  quoi  il  les  appli- 
quait en  toutes  sortes  de  lieux  et  en  toute  sorte 
de  temps,  en  public  et  en  particulier.  Si  le  roi 
lui  faisait  quelquefois  l'honneur  de  le  faire 
manger  à  sa  table,  ce  qu'il  évitait  néanmoins 
autant  qu'il  lui  était  possible,  il  y  allait  accom- 
pagné d'un  ou  deux  ecclésiastiques,  et  sortait 
au  milieu  du  repas  pour  aller  s'acquitter  de  son 
office  et  pour  vaquer  à  la  lecture. 

«  In  tantum  autem  vita  illius  a  nostri  tem- 
poris  segnitia  distabat,  ut  ômnes  qui  cum  eo 
incedebant,  sive  adtonsi,  sive  laici ,  meditari 
deberent  :  id  est,  aut  legendis  scripturis,  aut 
psalmis  discendis  operam  dare.  Hoc  erat  quoti- 
dianum  opus  iilius,  et  omnium  qui  cum  eo 
erant  fratrum,  ubicumque  locorum  devenis- 
sent.  Et  si  forte  evenisset,  quod  tamen  raro 
evenit,  ut  ad  régis  convivium  vocaretur,  intia- 
bat  cum  uno  cIerico,aut  duobus,  et  ubi  paulu- 
lum  reficiebatur,  accelerabal  ocius  ad  legen- 
dum  cum  suis,  sive  ad  orandum  exivit.  » 

II.  Il  est  vrai  que  saint  Aidan  avait  passé  du 
cloître  à  l'épiscopat,  mais  dès  les  premiers 
siècles  de  la  liberté  de  l'Eglise  on  a  vu  une 
foule  de  saints  religieux  monter  sur  les  trônes 
de  l'Eglise,  et  remplir  les  plus  haules  dignités 
du  clergé  :  et  ce  serait  une  raison  invincible 
quand  il  n'y  en  aurait  pas  d'autres,  pour  nous 
persuader  qu'ils  y  auraient  introduit  la  sainte 
coutume  de  chanter  tous  les  jours  l'office 
canonial  en  public,  ou  de  le  réciter  en  secret. 

Le  même  Rède  dequi  tout  ceci  est  tiré,  parle 
ailleurs  de  saint  Egbert,  religieux  anglais,  qui 


se  bannit  pour  jamais  de  sa  patrie,  et  voua  de 
n'y  plus  rentrer,  et  de  réciter  tous  les  jours 
tout  le  psautier,  outre  les  heures  canoniales. 
«  Quod  praeter  solemnem  canonici  temporis 
psalmodiam,  si  non  valetudo  corporis  obsi- 
steret,  quotidie  psalterium  totum  in  memoriam 
divina?  laudis  decantaret  (L.  m,  c.  2"  ).  » 

Saint  Wilbrord  et  ses  compagnons,  dans  sa 
mission  apostolique,  en  semant  dans  les  pays 
barbares  la  doctrine  évangélique,  passaient  la 
meilleure  partie  du  temps  à  la  psalmodie  et  au 
terrible  sacrifice  de  l'Agneau  céleste  :  «  Qui  cum 
cogniti  esseut  a  barbaris,  quod  alterius  essent 
religionis,  nam  hymnis  et  psalmis  semper  et 
orationibus  vacabant,  et  quotidie  saerificium 
Deo  victimae  salutaris  offerebant,  habentes  se- 
cum  vascula  sacra,  et  tabulam  altaris  vice  de- 
dicatam  (L.  v,  c.  u).  » 

III.  Ce  n'est  pas  tant  cet  autel  portatif  que  je 
veux  remarquer,  ou  cette  divine  ardeur  de 
célébrer  tous  les  jours  le  divin  sacrifice,  même 
en  courant  les  pays  inconnus  et  barbares  , 
que  cette  fidèle  exactitude  à  ne  jamais  omettre, 
ni  le  chant,  ni  la  récitation  de  l'office  sacré , 
parmi  les  plus  pressantes  et  les  plus  em- 
barrassantes occiqiations  de  l'apostolat,  ou  de 
l'épiscopat. 

Wilbrord  et  Aidan  faisaient  la  fonction  des 
apôtres  en  annonçant  J.C.  à  ceux  qui  n'avaient 
jamais  ouï  parler  de  leur  céleste  Rédempteur  ; 
saint  Fulgence  passait  les  journées  entières, 
comme  nous  venons  de  voir,  à  terminer  les 
différends,  ou  à  guérir  les  blessures  intérieures 
de  ses  diocésains.  Cependant  ces  hommes  apos- 
toliques sachant  bien  que  les  apôtres,  témoin 
saint  Luc  dans  les  Actes,  avaient  prolesté  de  se 
partager  entre  la  prière  et  la  prédication,  et 
qu'ils  avaient  appris  cette  importante  leçon  de 
leur  divin  Maître,  ils  ne  croyaient  pas  que  les 
plus  pressantes  fonctions  de  l'épiscopat  les 
pussent  jamais  dispenser  de  la  prière,  qui  en 
est  la  première  et  la  plus  |>ressante,  aussi  bien 
que  la  plus  sainte. 

IV.  Concluons  ce  que  nous  avons  à  dire  de 
l'Eglise  anglicane  et  de  ses  offices,  par  le 
témoignage  que  le  même  Rède  rend,  qu'ils 
étaient  originairement  émanés  de  l'Eglise 
romaine,  à  laquelle  il  nous  faut  passer. 

Un  saint  abbé  d'Angleterre  étant  allé  à  Rome 
obtint  du  pape  Agathon  qu'il  envoyât  en 
Angleterre  Jean,  archichantre  de  Saint-Pierre 
de  Rome,  pour  enseigner  à  son  monastère,  et 
par  le  moyen  de  celui-ci  à  tous  les  autres 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


-2-21 


monastères  de  la  Grande-Bretagne,  le  chant, 
l'ordre  et  les  cérémonies  des  offices  romains, 
aussi  bien  que  le  cours  des  fêtes  et  des  solen- 
nités annuelles,  selon  les  usages  de  l'église  de 
Saint-Pierre  de  Rome. 

«  Quatenus  in  monasterio  suo  cursum  ca- 
nendi  annuum ,  sicut  ad  sanctum  Petrum 
Romœ  agebatur,  edoceret,  etc.  ordinem ritum- 
que  canendi,  etc.  Et  ea  quae  totiusannicirculus 
in  celebratione  dierum  festorum  poscebat 
(L.  iv,  c.  18),  »  C'est  presque  autant  que  s'il 
avait  dit  en  un  mot  qu'on  portât  le  bréviaire  et 
le  missel  romain  pour  être  suivi  dans  les 
monastères  d'Angleterre.  Cela  est  prouvé  par 
ce  qui  est  dit  ensuite,  que  tous  les  autres 
monastères  d'Angleterre  vinrent  prendre  des 
leçons  de  cet  archichantre  romain. 

V.  Nous  voilà  insensiblement  arrivés  à  l'E- 
glise de  Rome  et  d'Italie.  Et  pour  ne  point 
quitter  si  tôt  les  ruisseaux  qui  s'en  sont  écoulés 
en  Angleterre,  ajoutons  à  la  remarque  précé- 
dente, que  ce  furent  les  Anglais  qui  deman- 
dèrent au  pape  Agathon  la  communication  des 
offices  de  Rome,  et  non  pas  ce  pape  qui  les  leur 
prescrivit.  Aussi  le  grand  saint  Grégoire  avait 
plutôt  conseillé  à  l'apôtre  des  Anglais,  Augustin, 
de  ne  pas  se  restreindre  dans  la  seule  imita- 
tion de  l'Eglise  romaine,  mais  de  recueillir 
tout  ce  qu'il  pourrait  remarquer  de  plus  saint 
et  de  plus  excellent  dans  l'Eglise  de  France,  et 
dans  toutes  les  autres,  et  de  transporter  dans  sa 
nouvelle  Eglise  d'Angleterre  tout  ce  saint  et 
riche  butin. 

«  No  vit  fraternitas  tuaRomanœEcelesiœcon- 
suetudinem,  in  qua  se  meminitenutritam.  Sed 
mihi  placet,  ut  sive  in  sancta  Romana,  sive  in 
Galliarum,  sive  in  qualibet  Ecclesia  aliquid  in- 
venisti,  quod  plus  omnipotenti  Deo  possit  pla- 
cere,  sollicite  eligas,  et  in  Anglorum  Ecclesia 
infundas.  Non  enim  pro  locis  res,  sed  pro  rébus 
bonis  loca  nobis  amandasunt.  Ex  singulis  ergo 
quibusque  Ecclesiis  quae  pia,  quae  religiosa, 
quœ  recta  sunt,  elige,  et  hax  quasi  in  faseicu- 
lum  collecta,  apud  Anglorum  mentes  in  con- 
suetudinem  depone  (Gregor.  Reg.,  1.  xn,  epist. 
xxxi  ;  Beda,  1.  i,  c.  27).  » 

VI.  Ce  même  pape  défendit,  dans  un  synode 
romain,  que  les  diacres  ne  fissent  plus  l'office 
de  chantres,  parce  que  c'était  alors  l'office  des 
sous-diacres,  ou  des  clercs  inférieurs,  et  de  s'ap- 
pliquer au  chant  et  de  s'étudier  à  une  mélo- 
die qui  inspirât  la  dévotion  aux  cœurs  des 
fidèles,  au  lieu  que  les  diacres  devaient  s'oc- 


cuper tout  entiers  à  la  prédication  de  l'Evan- 
gile, et  a  assister  les  pauvres. 

C'est  de  l'étude  du  chant,  dont  il  faut  en- 
tendre ce  décret,  et  de  l'application  a  rendre 
sa  voix  harmonieuse ,  pour  se  bien  acquitter 
des  devoirs  d'un  chantre,  ce  qui  ne  convenait 
pas  aux  diacres,  et  non  pas  ou  de  l'assistance 
aux  divins  offices  dans  l'église,  ou  de  la  récita- 
tion en  secret. 

«  In  Romana  Ecclesia  duduniestconsuetudo 
valde  reprehensibilis  exorta,  ut  quidam  sacri 
altaris  ministri  cantores  eligantur,  et  in  diaco- 
natus  ordine  constituti.  modulationi  vocis  in- 
serviant,  quos  ad  prœdicationis  ofticium,  elee- 
mosynarumque  studium  vacare  congruebat. 
Lnde  fit  plerumque  ut  ad  sacrum  ministerium 
dum  blanda  vox  qua?ritur,  quaeri  congrua  vila 
negligatur;  et  cantor  minister  Deum  moribus 
stimulet,  cum  populum  vocibus  delectat(L.  iv, 
epist.  i  1  .» 

Ces  deux  offices,  de  minisire,  c'est-à-dire, 
de  diacre  et  de  chantre  étaient  incompatibles 
selon  les  lois  de  la  bienséance  et  de  la  modes- 
tie. Il  ne  sied  pas  mal  à  des  jeunes  enfants,  ou 
à  des  jeunes  clercs  de  faire  retentir  la  douceur 
harmonieuse  de  leur  voix  dans  l'église  en  chan- 
tant les  louanges  de  Dieu  :  mais  il  n'est  nulle- 
ment bienséant  à  un  diacre,  qui  est  avancé  et 
en  âge  et  en  dignité,  de  faire  paraître  qu'il  fait 
sa  principale  étude  de  ces  délicatesses  du 
chant. 

a  Qua  inreprœsentidecretoconstituto,  ut  in 
bac  sede  sacri  altaris  ministri  cantare  non  de- 
beant ,  solumque  evangeliae  lectionis  ofticium 
inter  missarum  solemnia  exsolvant.  Psalmos 
vero  ac  reliquas  lectiones  censeo  per  subdiaco- 
nos,  vel  si  nécessitas  fuerit,  per  minores  ordi- 
nes  exhiberi.  » 

Dans  l'Orient  il  y  avait  un  ordre  particulier 
des  Psalmistes ,  et  les  lecteurs  y  faisaient  aussi 
ordinairement  la  même  fonction  de  chan- 
tres ;  dans  l'Afrique  et  en  beaucoup  d'autres 
endroits  de  l'Occident,  on  instituait  des  psal- 
mistes, et  les  lecteurs  se  joignaient  à  eux,  aussi 
bien  que  plusieurs  autres  clercs  inférieurs. 
Mais  à  Rome,  comme  il  paraît  par  ce  passage 
que  nous  venons  de  rapporter,  la  fonction  des 
psalmistes  fut  réservée  par  saint  Grégoire  aux 
sous-diacres,  et  ce  n'était  qu'à  leur  défaut 
qu'on  y  appelait  les  autres  moindres  clercs. 

En  quoi  il  faut  observer  que  la  dignité  de 
chantre  devenait  tous  les  jours  plus  relevée, 
de  manière  que  la  récitation  et  le  chant  des 


222       Dl'  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME. 


offices  divins  s'est  trouvé  dans  la  suite  la  prin- 
cipale fonction  dans  les  chapitres  des  églises 
cathédrales.  Car  au  lieu  des  lecteurs,  on  des 
psalmistes,  qui  avaient  été  autrefois  au-dessous 
des  lecteurs,  ce  pape  n'admet  ordinairement 
que  des  sous-diacres  à  l'office  des  chantres, 
et  ce  n'est  pas  sans  peine  qu'il  l'interdit  aux 
diacres. 

Cela  fait  voir  que  dès  ce  temps-là  on  com- 
mençait à  laisser  introduire  dans  les  églises 
cathédrales  une  nouvelle  discipline,  qui  est 
parvenue  aux  points  où  nous  la  voyons  aujour- 
d'hui. 

VII.  Le  même  pape  saint  Grégoire  ne  voulut 
pas  ordonner  évèque  le  prêtre  Jean  parce  qu'il 
ne  savait  pas  le  psautier,  et  témoignait  par  là  le 
peu  d'amour  qu'il  avait  pour  la  prière  et  pour 
la  piété.  Or  si  les  diacres  ne  pouvaient  pas  faire 
l'office  de  chantre  dans  l'église,  les  prêtres  le 
pouvaient  encore  moins.  Pourquoi  ce  pape 
exige-t-il  donc  avec  tant  de  sévérité  que  les 
prêtres  et  lesévèques  ne  soient  point  ordonnés, 
s'ils  ignorent  le  psautier ,  si  ce  n'est  parce 
qu'ils  sont  obligés  de  le  chanter  ou  de  le  réciter 
soit  dans  l'église,  soit  hors  de  l'église?  «Sed 
nec  Joannem  presbyterum  psalmôrum  nescîum 
praesumpsimus  ordinare,  quia  haec  eum  res 
minus  sui  profecto  habere  studium  demonstra- 
hat  (L.  îv,  epist.  îri).  » 

Ceux  de  Bagnarea  avaient  élu  le  diacre  Jean 
pour  leurévêque.  Saint  Grégoire  ne  voulut  pas 
l'ordonner  qu'il  n'eût  été  informé  de  son  ap- 
plication à  la  prière ,  et  s'il  servait  le  psautier! 
«  El  si  nihil  est,  quod  ei  canonice  possit  obsi- 
stere,  requirendum  quoque  est,  si  in  opère  Dei 
studium  hahuit,  vel  psalmos  novit.  Et  si  talis 
fuerit,eum  ad  nos  cum  testificationis  epistola 
dirigat ,  etc.  » 

L'Abbruzze  manquant  d'évèque  depuis  long- 
temps, ce  même  saint  pape  fut  d'avis  d'y  or- 
donner un  nommé  Opportunus,  à  cause  de  sa 
piété  singulière  ,  et  de  sa  ferveur  dans  la 
prière  et  la  psalmodie  :  «Sed  quia  Opportunus 
mihi  in  morihus  suis,  in  psalinodiœ  studio,  in 
amore  orationis  valde  laudatur  et  religiosam 
vitam  oinnino  agere  dicifur  ,  hune  volumus, 
ut,  etc.  (L.  m,  epist.  xxxiv  ;  1. 1\,  epist.  xui).  » 

Enfin,  l'évêché  d'Ancône  étant  vacant,  ce 
ini  nie  pape  rejeta  un  archidiacre .  quoique 
savant  dans  les  Ecritures  :  «  Scriptura'  quidein 
sàcrsë  scientiàm  habere,»  parce  que  son  âge 
trop  avancé  le  rendait  incapable  de  soutenir  le 
poids  de  l'épiscopat (L.  xn,  epist.  vi).  Il  hésita 


sur  le  diacre  Rustique,  parce  que  bien  qu'il  fût 
très-vigilant  il  ignorait  le  psautier  :  «  Rustinis 
autem  diaconus  ejusdem  Ecclesia;,  qui  simili- 
ter  fuerat  electus,  vigilans  quidem  homo  dici- 
tur,  sed  quantum  asseritur,  psalmos  ignorât.» 
Dans  la  difficulté  de  trouver  un  évèque  ac- 
compli, ce  pape  voulut  être  informé  combien  il 
s'en  fallait  que  le  diacre  Rustique  ne  sût  tout  le 
psautier:  «Sed  efiam  de  Rustico  diacono,  quan- 
tos  psalmos  minus  teneat,  perscrutandum  est. » 

VIII.  En  voila  ce  me  semble  assez  pour  prou- 
ver l'obligation  des  bénéficiers  à  s'acquitter  du 
divin  office  ,  que  ce  pape  semble  avoir  excel- 
lemment appelé  l'œuvre  de  Dieu,  Opus  Dei. 

Le  sacramentaire  île  ce  saint  pape,  et  ce  que 
nousavons  dit  ci-devant  de  son  application  et  de 
sou  assiduité  personnelle,  à  faire  apprendre  le 
chant  aux  jeunes  clercs,  nous  font  connaître 
la  haute  estime  et  l'ardent  amour  qu'il  avait 
pour  cette  divine  fonction. 

Le  même  pape  saint  (irégoire  nous  apprend, 
dans  un  autre  endroit,  qu'on  lisait  à  Rome 
un  martyrologe  où  étaient  marqués  les  noms 
des  martyrs,  avec  le  lieu  et  le  jour  de  leur 
martyre,  mais  non  pas  les  Actes.  Ainsi  on  n'y 
lisait  pas  encore  les  vies  des  Saints  dans  l'of- 
fice :  «  .Non  tamen  in  eodem  volumine  quis 
qualiter  sit  passus  indicatur,  sed  tantummodo 
nomen,  locus  et  dies  passionis  ponitur  (L.  vu, 
C.  xxix).  » 

H  dit  ailleurs  que  la  coutume  de  dire  Alléluia 
hors  de  la  cinquantaine  de  Pâques,  était  venue 
de  Jérusalem  à  Rome  au  temps  du  pape  Da- 
mase,  par  le  moyen  de  saint  Jérôme  :  «  Ut  Al- 
léluia hic  diceretur,  de  Hierosolymorum  Ec- 
clesia ex  beau'  Hieronymi  traditione  tempore 
beatas  mémorise  Damasi  papse  traditur  tractum 
(L.  vu,  epist.  lxiv).  »  Qu'il  n'avait  fait  que  re- 
nouveler l'ancienne  coutume  de  faire  aller  les 
sous-diacres  avec  des  tuniques  de  lin  seule- 
ment, sans  autre  ornement,  in  lineis ■  fun/'eis. 
Une  dans  l'Eglise  grecque  tous  les  fidèles  en- 
semble disaient  le  Kyrie  eleison,  au  lieu  qu'à 
Rome  les  clercs  le  disaient  et  le  peuple  répon- 
dait, et  qu'on  y  disait  autant  de  fois  Christe 
eleison  :  qu'aux  simples  fériés  on  disait  le 
Kyrie  eleison  d'un  chant  plus  étendu,  niais 
qu'on  n'ajoutait  pas  le  Gloria  in  excelsis.  Qu'on 
disait  l'Oraison  Dominicale  à  la  messe,  parce 
que  la  messe  que  les  Apôtres  disaient  ne  con- 
tenait que  celte  divine  prière,  et  la  consécration 
du  corps  de  Celui  qui  l'a  instituée.  Qu'au  reste 
à  Rome  c'est  le  prêtre  seul  qui  la  dit,  au  lieu 


DE  L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


"223 


que  tout  le  peuple  la  chante  chez  les  Grecs. 
Enfin  ce  pape  proteste  qu'il  a  rétabli  les  an- 
ciennes coutumes,  et  s'il  en  a  institué  de  nou- 
velles, ce  n'a  été  que  parce  qu'il  les  a  jugées 
très-utiles  ,  et  qu'il  est  toujours  prêt  à  imiter  à 
Rome  tout  ce  que  les  autres  moindres  Eglises 
pourront  avoir  de  bon.  «  Si  quid  boni,  vel 
Constantinopolitana,  vel  alia  Ecclesia  habet, 
ego  et  minores  mcos,  quos  ab  illicitis  prohibeo, 
in  bono  imitari  paratus  sum.  » 

IX.  L'humilité  de  ce  pape  ne  put  souffrir 
que  l'évéquc  de  Havenne,  Marinien,  fit  lire  les 
commentaires  sur  Job  aux  veilles  ou  aux  offices 
de  la  nuit.  Il  jugea  plus  à  propos  qu'on  y  lût 
les  commentaires  sur  les  psaumes,  comme  plus 
propres  à  instruire  les  peuples. 

«Quia  frater  etcoepiscopusmeus  Marin ianus 
legi  commenta  beati  Job  publiée  ad  vigilias 
facial,  non  grate  suscepi,  quia  non  est  illud 
opus  populare,  et  rudibus  audiloribus  impedi- 
mentum  magis,  quam  provectum  générât.  Sed 
die  ei,  ut  commenta  psalmorum  legi  ad  vigi- 
lias  faciat,  quae  mentes  secularium  prœcipue 
ad  mores  informant  (L.  ix,  epist.  xxn).  » 

Outre  cette  raison,  il  en  ajoute  une  autre 
qui  le  touchait  plus  vivement,  qu'il  ne  voulait 
pas  que  de  son  vivant  ses  ouvrages  se  rendissent 
si  publics.  «  Neque  enim  volo,  dum  in  lue 
carne  sum,  si  qua  dixisse  me  contigit,  ea  facile 
hominibus  innotesci.  » 

C'est  ce  qui  l'oblige  de  se  plaindre  que  son 
Pastoral  eût  été  communiqué  à  L'empereur  de 
Constantinople,  et  que  le  célèbre  Anastase, 
é vaque  d'Antioche,  l'eût  traduit  en  grec.  «  Et 
sicut  mihi  scriptum  est,  ei  valde  placuit,  sed 
mihi  valde  displicuit,  ut  qui  meliora  habent, 
in  minimis  occupentur.  » 

Enfin,  ce  même  pape  saint  Grégoire  ayant 
appris  que  l'abbé  Claude  avait  recueilli  et  mis 
par  écrit  ce  qu'il  lui  avait  oui  dire  de  beau  sur 
les  Proverbes,  sur  le  Cantique  des  cantiques, 
sur  les  Prophètes,  sur  les  livres  des  Rois  et  sur 
l'Heptateuque,  dans  l'espérance  de  lui  lire  un 
jour  ces  recueils  et  les  lui  faire  corriger,  il  se 
les  fit  lire,  et,  ayant  trouvé  que  ses  sentiments 
y  avaient  été  altérés  en  beaucoup  de  choses,  il 
donna  ordre  qu'on  en  retirât  soigneusement 
toutes  les  copies  qui  s'en  étaient  faites  et  qu'on 
les  lui  rapportât.  «  Quae  cum  mihi  legisset.  in- 
veni  diclorum  meorum  sensum  valde  inutilius 
in  multis  fuisse  permutatum.  Unde,  etc.  » 

X.  Jean  Diacre,  qui  écrivit  la  vie  de  ce  saint 
pape,  dit  que  l'ordre  lui  en  fut  donné  par  le 


pape  Jean  .pendant  les  veilles  ou  les  offices  de 
la  nuit  qui  précède  le  jour  de  sa  fête.  Comme 
on  \  eut  lu  la  vie  de  saint  Paulin,  évèque  de 
Noie,  écrite  par  ce  saint  pape  dans  ses  Dia- 
logues, le  pape  Jean  ne  put  plus  endurer  qu'on 
n'eût  pas  écrit  la  vie  d'un  saint  qui  avait  donné 
à  la  postérité  celle  de  tant  d'autres,  surtout 
après  qu'il  eut  appris  que  les  Saxons  mêmes  et 
les  Lombards  eu  avaient  une,  quoique  tort 
abrégée. 

Ce  savant  diacre  acheva  le  premier  livre 
dans  l'année  même  que  le  commandement  lui 
en  avait  été  fait;  il  le  lut  tout  entier  la  nuit  de 
la  veille  de  la  fête  du  même  saint  Grégoire, 
en  présence  de  tout  le  peuple  et  du  pape  même, 
qui  l'approuva  et  commanda  de  le  publier. 
«  Tarn  imperiosis  autoritalibus  tandem  com- 
pulsus,  vix  primuni  libruin  Gregorianœ  vitae 
compleveràm,  qûando  hune  in  ejusdem  vigiliis 
annua  vertigine  revolutis  tua  probavit  pariter 
ac  publicavit  autoritas  (Pra;fatio  vitœ  Greg. 
papa1).  » 

C'est  de  cette  manière  qu'on  lisait  les  vies  et 
les  ouvrages  des  saints,  et  qu'on  passait  les 
nuits  entières  dans  l'église,  en  mêlant  si  agréa- 
blement et  si  saintement  la  lecture  et  la  psal- 
modie. 

XL  Si  nous  avions  les  vies  et  tous  les  ou- 
vrages des  autres  papes,  nous  en  tirerions  de 
grandes  lumières  pour  l'éclaircissement  du 
sujet  que  nous  traitons.  Le  pape  Hormisde  eut 
soin  de  faire  apprendre  le  psautier  à  son  clergé. 
On  a  encore  le  même  soin  dans  les  monastères 
les  plus  réformés.  Ce  n'est  et  ce  ne  peut  avoir 
été  que  dans  la  vue  de  l'obligation  de  réciter 
ou  de  chanter  tous  les  jours  l'office  canonial. 
«  Hic  composuit  clerum  et  psalmis  erudivit 
(ExlibroPontif.l.» 

Grégoire  II ,  envoyant  des  missionnaires 
apostoliques  en  Bavière,  leur  donna  une  ample 
instruction,  dont  le  premier  article  est  d'établir 
dans  le  clergé  de  cette  nouvelle  église  le  chant, 
la  psalmodie,  les  offices  de  l'Eglise  romaine  : 
«  Ministris  quorum  canonicam  adprobaveritis 
promotiomm.  sacrificandi  et  ministrandi,  sue 
eliam  psallendi  ex  figura  et  traclitione  Aposto- 
licae  et  Romanœ  Sedis  ordine  tradetis  potesta- 
tem,  etc.  Qualiter  unusquisque  sacerdos,  seu 
minister,  sacra  missarum  solemnia,  sive  cœtera 
diurnarum  et  nocturnarum  horarum  officia, 
sive  etiam  lectionum  sacrarum  novi  atque  ve- 
teris  Testamenti  ordinabilia  pranheamenta  stu- 
deat  observare,  secundum  traditum  Apostolicœ 


2-24        DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-HUITIÈME. 


Sedis  antiquitus  ordinem  disponetis  (Capitulare 
Cregorii  II).  » 

Grégoire  III,  dans  le  Livre  pontifical,  est 
appelé  savant  dans  les  Ecritures,  habile  dans 
la  langue  grecque  et  latine,  très-versé  dans  les 
sens  mystérieux  du  psautier,  qu'il  savait  par 
cœur.  «  In  divinis  Scripturis  sufficienter 
instructus,  graca  latinaque  lingua  eruditus, 
psalmos  omnes  memoriter  per  ordinem  reti- 
nens,  et  in  eorum  sensibus  subtilissima  exerci- 


tatione  limatus  (Ex  libro  Pontif.;   Baronius, 
an.  741,  n.  7).  » 

Je  ne  pense  pas  que  Valafride  Strabon  ait 
raison  d'inférer  de  là  que  peu  de  personnes 
savaient  alors  le  psautier;  mais  cela  est  remar- 
qué par  Anastase,  parce  que  c'était  alors  une 
condition  qu'on  exigeait  pour  les  ordres  supé- 
rieurs. Ceux  qui  ne  savaient  pas  entièrement 
le  psautier  se  servaient  de  livres. 


CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-HUITIEME. 


l'origine  de  l'office  divin  et  l'obligation  de  le  réciter,  dans  l  orient  et  DANS  L  OCCIDENT; 

PREUVES   TIRÉES    DES    RÈGLES    MONASTIQUES    ET    DES    LOIS    IMPÉRIALES,    AUX    SIXIÈME,     SEPTIÈME    ET 
HUITIÈME   SIÈCLES. 


I.  II.  Description  de  tous  les  offices  de  l'Eglise,  selon  la  règle 
de  saint  Benoit. 

III.  Tout  le  psautier  se  récitait  chaque  semaine. 

IV.  Obligation  de  réciter  l'office  en  particulier  et  aux  heures 
propres,  pour  les  voyageurs  et  autres  absents. 

V.  Preuves  de  cette  même  obligation,  tirées  des  autres  règles 
monastiques. 

VI.  Preuve  que   cette  obligation   aurait   passé  du  cloître  au 
clergé,  quand  elle  n'y  aurait  pas  déjà  été. 

VII.  La  même  obligation  dans  les  monastères  d'Orient. 

VIII.  Loi  admirable  de  Justinien  sur  cette  obligation. 

IX.  Diverses  réflexions  sur  cette  loi.  Elle  comprenait  tous  les 
clercs,  parce  qu'ils  étaient  tous  bénéficiers. 

X.  Pourquoi  les  anciens  conciles  n'ont  pas  exprimé  la  récita- 
tion secrète  des  offices. 

XI.  Le  concile  in  Trullo. 

XII.  La  règle  de  saint  Pacome. 


I.  On  peut  sur  ce  sujet  tirer  une  infinité  de 
belles  remarques  de  la  règle  de  saint  Benoît,  et 
des  convenances  admirables  de  nos  offices  avec 
ceux  que  ce  divin  père  des  monastères  établit 
dans  son  ordre.  Nous  en  rapporterons  ici  les 
principales. 

Il  commence  les  offices  par  Deus  in  adjuto- 
rium,  etc.  et  Domine  labia,  etc.;  puis  le  psaume 
Venite  exultemus,  qu'on  chante  alternative- 
ment, cum  Antiphona,  ou  qu'un  seul  chante  : 
suit  l'hymme,  qu'il  appelle  Ambrimanum,  du 
nom  de  son  auteur  :  puis  six  psaumes  chantés 
alternativement,  le  verset,  la  bénédiction  de 
l'abbé.  On  s'assied  ensuite,  et  on  lit  trois  leçons 


qu'on  entrecoupe  de  trois  répons,  au  dernier 
desquels  on  ajoute  le  Gloria  Patri,  au  com- 
mencement duquel  tout  le  monde  se  lève 
(Cap.  m). 

Les  leçons  doivent  être  ou  des  Ecritures  de 
l'un  et  de  l'autre  Testament,  ou  des  expositions 
des  saints  Pères.  On  recommence  à  chanter 
encore  six  psaumes,  après  quoi  on  récite  une 
leçon  de  l'Apôtre  par  cœur,  Lectio  Apostoli 
sequatur  ex  corde  recitanda.  On  fi; tissait  par  le 
verset,  et  par  Kyrie  eleison  (Cap.  x). 

Voilà  les  nocturnes  de  l'hiver.  Les  nuits  de 
l'été  étant  plus  courtes,  au  lieu  de  trois  leçons 
on  n'en  disait  qu'une  du  Vieux  Testament,  et 
un  répons,  le  reste  était  tout  semblable;  car 
on  n'omettait  jamais  les  douze  psaumes.  Les 
nocturnes  ou  vigiles  du  samedi  au  dimanche 
étaient  bien  plus  longues,  car  après  les  six  pre- 
miers psaumes  on  lisait  quatre  leçons,  et 
autant  encore  après  les  six  autres  psaumes  avec 
leurs  répons,  et  le  Gloria  au  dernier.  On  ajou- 
tait trois  cantiques  du  vieux  Testament,  et 
après  le  verset  et  la  bénédiction  de  l'abbé  sui- 
vaient quatre  autres  leçons  du  Nouveau  Testa- 
ment, leur  répons,  le  Te  Deumlaudamiis,  puis 
l'abbé  lisait  une  leçon  de  l'évangile,  tout  le 
monde  étant  debout,  Cum  honore  et  tremore 
stantibus  omnibus  ;  puis   un  hymne ,  après 


L'ORIGINE  DE  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


-22? 


lequel  on  commençait  les  matines,  c'est-à-dire, 
les  laudes,  qui  se  devaient  dire  au  point  du 
jour.  Mox  maintint',  qui  iiicipienti  lace  agendi 
suât  (Cap.  vin). 

IL  Les  laudes  du  Dimanche  étaient  presque 
les  mêmes  que  celles  que  nous  disons  encore 
en  carême.  Le  psaume  Deus  misereatur  nostri 
se  récitait  tout  droit,  sine  antiphona  in  dire- 
ction, puis  on  chantait  le  Miserere,  Confite- 
mini  ,  Deas  Deus  meus  ad  te  de  lace.  Le 
Benedicite.  et  les  trois  psaumes  suivants.  Bene- 
dictiones  et  Laitdes.  puis  le  chapitre  par  cœur, 
le  répons,  l'hymne,  le  verset,  le  Benedictus  et 
le  Kyrie.  Lectio  una  de  Apocalypsi  ex  corde,  et 
Besponsorium  et  Amlirosianum .  versus,  canti- 
cum  de  Evangelio,  litania  et  completum  est. 

Le  prieur  doit  dire  à  la  lin  des  vêpres  et  de 
laudes  l'oraison  dominicale  à  voix  haute,  pour 
inculquer  à  tous  les  frères  et  pour  leur  obtenir 
du  ciel  la  concorde  et  le  pardon  mutuel  des 
offenses,  «  Liane  agenda  matutina  vel  vesper- 
tina  non  transeat  aliquando.  nisi  in  ultimo  or- 
dine  Oratio  Doniinica  omnibus  audientibus  di- 
catur  a  prière,  propter  scandalorum  spinas. 
quae  oriri  soient  in  monasterio.  ut  convenu' 
per  ipsius  orationis  sponsionem,  qua  dicunt, 
dimitte  ?wôis,  etc.,  sicut  et  nos,  etc.  purgent  se 
ab  hujusmodi  vitio.  » 

Les  sept  heures  canoniales  du  jour  sont  ma- 
tines, prime,  tierce,  sexte,  none,  vêpres,  com- 
piles. Les  nocturnes  à  minuit.  Les  quatre  petites 
heures  sont  composées  de  même  ,  du  Deus  in 
adjutorium.  l'hymne,  trois  psaumes,  une  leçon, 
un  verset ,  le  Kyrie  .  Lectio  una ,  Versus ,  et 
Kyrie  eleison,  et  Missœ  sint  (Cap.  xvi,  xvu).  Ces 
termes  Missœ  sint ,  signilient  la  même  chose 
que  ceux  dont  il  s'était  déjà  servi  :  «  Et  com- 
pletum est.  »  11  n'y  a  pas  moins  de  conformité 
a  vêpres  et  a  complies. 

III.  Ce  que  ce  saint  législateur  a  eu  le  plus 
à  cœur  a  été  qu'on  récitât  tout  le  psautier  et 
tous  les  cantiques  dans  le  cours  de  chaque  se- 
maine ,  puisque  les  saints  Pères  du  désert  le 
récitaient  chaque  jour.  «  Si  cui  sorte  hœc  dis- 
tributio  psalmorum  displicuerit ,  ordinet .  si 
melius  aliter  judicaverit:  dum  omnimodis  id 
attendatur,  ut  ornai  hebdomada  psalterium 
ex  integro  numéro  centum  quinquaginta  psal- 
morum psallatur.  Cum  legamus  sanctos  patres 
nostros  uno  die  hoc  strenue  implevisse,  quod 
nos  tepidi  utinam  septimana  intégra  persol- 
vamus  (Cap.  xviu).  » 

Il  permet  qu'on  récite  simplement  les  quatre 


petites  heures  du  jour,  au  lieu  de  les  chanter 
aux  endroits  où  la  communauté  n'est  pas  nom- 
breuse. «  Si  major  congregatio  fuerit,  cum 
antiphonis:  si  vero  minor,  in  directnm  psal- 
lantur  fCan.  xvu).  »  Les  occupations  du  jour  et 
le  travail  faisaient  absenter  plusieurs  frères 
pendant  le  jour,  et  ils  ne  pouvaient  se  rendre 
assidus  qu'aux  vêpres,  aux  nocturnes  et  aux 
laudes,  qui  étaient  d'ailleurs  les  heures  les  plus 
solennelles  .  et  ainsi  on  les  chantait  toujours  à 
douille  chœur. 

IV.  Mais  ce  qu'il  nous  importe  le  plus  de 
remarquer,  c'est  l'obligation  qu'avaient  tous 
ceux  qui  ne  pouvaient  pas  assister  au  chœur 
avec  leurs  frères ,  de  s'acquitter  du  même  de- 
voir, soit  que  le  travail  les  arrêtât  à  la  campa- 
gne, soit  qu'ils  fussent  engagés  dans  un  long 
voyage.  L'œuvre  de  Dieu  devait  interrompre 
le  travail  de  leurs  mains,  et  la  psalmodie  aux 
mêmes  heures  réglées  devait  les  délasser  pen- 
dant leurs  voyages. 

Voici  les  ternies  de  la  règle  :  o  Fratres  qui 
omnino  longe  sunt  in  labore  ,  et  non  possunt 
occurrere  hora  competenti  ad  oratorium,  et 
abbas  hoc  perpendit.  quia  ita  est.  agant  ibidem 
opus  Dei ,  ubi  operantui ,  cum  tremore  divino 
llectentes  genua.  Similiter  qui  in  itinere  directi 
sunt,  non  eos  praHereant  honc  constitutœ  ;  sed 
ut  possunt.  agant  ibi,  et  servitutis  pensum  non 
negligaut  reddere  Cap.  i.  .  » 

Comme  les  offices  divins  des  monastères  ont 
été  formés  sur  ceux  de  l'Eglise ,  il  est  aussi 
fort  vraisemblable  que  cette  obligation  des 
\oyageurs  et  des  autres  absents,  à  s'en  acquitter 
en  particulier  aux  mêmes  heures,  est  venue 
d'une  pareille  obligation  commune  à  tous  les 
clercs.  Et  c'est  peut-être  principalement  pour 
cela  que  les  uns  et  les  autres  devaient  savoir  le 
psautier  par  cœur,  parce  que  l'usage  et  le  se- 
cours des  livres  leur  était  bien  plus  facile  dans 
l'église  qu'à  la  campagne. 

V.  Les  autres  règles  de  saint  Césaire,  de  saint 
Aurelien,  de  saint  Ferréol ,  du  Maistre,etde 
tant  d'autres,  pourraient  nous  fournir  un  grand 
nombred'excellentes  instructions,  si  nous  n'ap- 
préhendions d'être  trop  longs  (  Le  Cointe  ,  ad 
an.  536,  n.  o2;  an.  5i!S,  n.  39). 

Celle  de  saint  Césaire  veut  que  les  religieuses 
travaillent  de  leurs  mains,  pour  éviter  le  som- 
meil pendant  les  offices  de  la  nuit,  hormis  les 
dimanches  et  fêtes ,  où  celles  qui  sont  assou- 
pies, doivent  se  tenir  debout.  Celle  de  saint 
Colomban  parle  de  certains  monastères,  où  les 


Tu.  —  Tome  II. 


1j 


22G       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  S01XANTE-DIX-HLTT1ÈME. 


offices  delà  nuit  se  chantaient  à  quatre  reprises: 
c'étaient  les  trois  nocturnes  et  les  laudes  du 
matin  (Reg.  Columb.,  c.  vu). 

Celle  de  saint  Ferréol  confirme  admirable- 
ment ce  que  nous  venons  de  dire  ,  qu'on  les 
obligeait  tous  à  apprendre  les  psaumes  par 
cœur,  afin  de  les  réciter  dans  la  campagne  , 
même  en  menant  paître  les  troupeaux.  «Oniuis 
qui  nomen  vult  monaclii  vindicare,  litteras  ei 
ignorare  non  liceat.  Uuin  etiam  psalmos  totos 
memoria  teneat,  neque  se  quacumque  excusa- 
tione  defendat ,  quo  minus  sancto  hoc  studio 
capiatur.  Similiter  etiam  lus  qui  pastores  pe- 
coruni,  ut  moris  est,  de  congregatione  mitten- 
tur,  curœ  erit  vacare  psalmis,  ut  caeteri  (  Reg. 
Ferreol,  c.  xvi  ).  » 

La  règle  du  Maistre  explique  admirablement 
l'ordre  que  les  religieux  doivent  garder  en 
voyageant  pour  s'acquitter  des  prières  canonia- 
les aux  heures  réglées.  Elle  leur  permet  de  les 
abréger  quand  ils  ne  peuvent  autrement  éviter 
de  s'éloigner  trop  de  la  compagnie  des  laïques 
qui  leur  est  nécessaire  (  Cap.  lvi  ). 

Mais  la  loi  générale  est,  que  ni  le  chemin,  ni 
le  travail  ne  peuvent  les  dispenser  de  cet  aima- 
ble tribut.  «  lu  nubilo  vero  die  ,  cum  radios 
suos  sol  mundo  absconderit,  sive  in  monaste- 
rio,  sive  in  via,  sive  in  agro,  perpensatione 
borarum  tninsarta,  fralres  sestiment, et quaevis 
bora  sit,  consuelum  tamen  compleatur  offi- 
cium.  Et  sive  ante,  sive  rétro  a  certa  hora  di- 
ctum  sit,  consuetum  hors  opus,  tamen  non 
pratereat,  sed  agatur.  » 

VI.  Quand  les  religieux  n'auraient  pas  em- 
prunté du  clergé  cette  loi  inviolable  de  ne  point 
se  dispenser  des  offices  divins  pendant  leurs 
voyages  ,  ils  la  lui  auraient  au  moins  commu- 
niquée. Saint  Césaire  même  nous  montrera 
par  son  exemple  que  ce  nombre  innombrable 
de  clercs  qui  avaient  été  tirés  du  cloître  ,  por- 
tait dans  le  clergé  les  mêmes  pratiques  saintes 
qu'ils  y  avaient  apprises. 

C'est  ce  que  nous  apprend  l'auteur  de  la  vie 
de  ce  saint ,  qu'ayant  été  tiré  de  Lérins  et  or- 
donné prêtre  dans  l'église  d'Arles,  il  continua 
d'y  pratiquer  tout  ce  qu'il  avait  appris  dans  la 
retraite  de  Lérins.  «  Pi  imum  diaconus,  deinde 
presbyter  ordinatur  ,  nec  unquam  tamen  ca- 
nonicam  monachi  modulationem,  nunquam 
Lerinensium  fratrum  instituta  reliquit(Sunus, 
die  27  Aug.,  1.  i,  c.  -4  ).  » 

La  suite  de  la  vie  de  ce  saint  évêque  fait  voir 
qu'il  ne  manquait  point  toutes  les  nuits  de  ré- 


citer ses  nocturnes  avec  son  diacre  à  l'heure 
réglée,  et  qu'il  ordonna  qu'à  l'avenir  les  clercs 
chanteraient  tierce,  sexte  et  none  en  public  , 
afin  que  les  pénitents  et  les  laïques  y  pussent 
assister  (L.  u,  c.  3  ;  1. 1,  c.  6).  Les  clercs  les  ré- 
citaient donc  auparavant  en  particulier. 

VIL  Les  monastères  d'Orient  ont  toujours 
été  considérés  comme  la  source  des  vertus  et 
des  constitutions  monastiques.  Ces  deux  arti- 
cles de  faire  apprendre  à  tous  le  psautier  et  de 
réciter  les  heures  canonialesquelque  part  qu'on 
se  trouvât  y  étaient  observés  avec  une  très- 
exacte  fidélité. 

L'admirable  saint  Sabas  avait  un  monastère 
pour  ses  novices  qui  venaient  de  quitter  le 
monde,  pour  les  accoutumer  à  la  vie  religieuse 
et  leur  faire  apprendre  le  psautier.  «  Parvo 
cœnohio  extructo,  cum  ei  prœfeeisset  viros  in- 
dustrios,  hoc  habitandum  tradidit  eis  qui  e 
mundo  recens  ventitabant,  donec  ipsum  psal- 
terium  didieissent,  et  se  exercuissent  in  alia 
monachorum  vite  institutione  (  Cap.  xxxvi, 
Surius,  die  S  Decemb.  ;  cap.  xcviu).  » 

Lorsque  ce  saint  reçut  pour  son  disciple  le 
jeune  Cyrille  de  la  main  de  ses  parents,  c'est 
celui  qui  a  écrit  sa  vie,  la  première  chose  qu'il 
lui  recommanda  ce  fut  d'apprendre  le  psau- 
tier, u  Hic  exhinc  est  meus  discipulus.  Do- 
ceatur  ergo  psalterium.  Eo  enim  opus  ha- 
beo.  » 

L'exactitude  que  ce  saint  homme  exigeait  de 
ses  religieux  à  réciter  leur  office  dans  les  pays 
les  plus  éloignés,  et  parmi  les  plus  fâcheux 
embarras  d'affaires  parait  fort  clairement  par 
celle  qu'il  pratiqua  lui-même  dans  la  cour  de 
Juslinien  à  Constantinople.  Il  y  était  venu  pour 
des  affaires  de  la  dernière  importance  ,  et  il  y 
avait  trouvé  l'empereur  très-favorable  à  ses 
désirs.  Dans  le  temps  même  que  l'empereur 
en  délibérait  dans  son  conseil  avec  saint  Sabas 
même,  qu'il  y  avait  appelé,  ce  saint  homme  se 
déroba  à  l'heure  de  tierce  et  alla  réciter  son 
office  à  l'écart,  o  Cum  jam  venissel  hora  tertia 
relicto  imperatore,  Deo  seorsum  reddebat  pre- 
ces  solitas,  vacans  sacris  divini  David  psalmis 
(Cap.  XCVl).  »  L'un  de  ses  disciples  ayant  pris  la 
liberté  de  lui  dire  qu'il  ne  fallait  pas  quitter 
l'empereur  au  moment  qu'il  travaillait  avec 
tant  de  bonté  pour  lui,  ce  saint  homme  lui  ré- 
pondit avec  autant  de  naïveté  que  de  sagesse 
que  l'empereur  faisait  ce  qu'il  devait,  et  lui 
donnait  exemple  de  faire  aussi  son  devoir. 
«  Non  est  hoc  alienum  ,  inquit,  o  fili.  Nam  et 


L'OKICINE  DE  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


227 


ipse  facit,  quod  ci  convenit,  et  nos  omnino  id 
quod  debemus.  » 

VIII.  Ce  même  empereur  Justinien  lit  une 
constitution  par  laquelle  il  obligea  tous  les 
clercs,  connue  étant  tous  liés  à  quelque  église, 
d'y  chanter  les  divins  oflices  de  la  nuit ,  du 
matin  et  de  vêpres,  puisque  les  laïques  s'y  trou- 
vaient souvent  eux-mêmes  sans  y  être  forcés 
par  d'autres  raisons  que  celles  de  leur  propre 
salut,  puisque  les  fondateurs  n'avaient  doté  ces 
églises  que  pour  y  entretenir  une  éternelle 
louange  de  Dieu  ;  enfin  puisque  les  ecclésiasti- 
ques ne  doivent  pas  paraître  ecclésiastiques  ou 
bénéliciers  par  la  seule  cupidité  de  s'enrichir 
des  revenus  de  l'église. 

a  Sancimus  ut  omnes  cleriei  ,  per  singulas 
ecclesias  constituti  ,  per  seipsos  psallant  no- 
cturna,  et  matutina,  et  vespertina  ,  ne  ex  sola 
ecclesiasticarum  rerum  consumptione  cleriei 
appareant;  nomen  quidem  habentes  clerico- 
nmi,  rem  autem  non  implentes  cleriei ,  circa 
liturgiam  Domini  Uei.  Si  enim  multi  laicorum 
ut  suœ  animas  consulant,  ad  ecclesias  confluen- 
tes ,  studiosi  circa  psalmodiam  ostenduntur, 
quomodo  non  fuerit  indecens,  clericos  ad  id 
ordinatos  ,  non  implere  suum  inunus  ?  Qua- 
propter  omnimodo  clericos  psallere  jubemus  , 
et  ipsos  inquiri  a  Deo  amantissimis  pro  tem- 
pore  episcopis,  et  duobus  primis  prèsbyteris 
cujusque  ecclesia1,  etabeoqui  vocatur  archon, 
vel  exarchus,  et  ab  eedico,  sive  defensore  cu- 
jusque ecclesiae,  et  eos  qui  inventi  non  fuerint 
inculpate  in  liturgiis  persévérantes,  extra  cle- 
rum  constitui.  Nain  qui  constitueront,  vel  fun- 
darunt  sanctissimas  ecclesias,  pro  sua  sainte  et 
communis  reipublicaBreliquerunt  illis  substan- 
tias,  ut  per  eas  debeant  sacrae  liturgiœ  lîeri,  et 
ut  in  illis  a  ministrantibus  piis  clericis  Deus 
colatur  (Cod.  lib.  i,  leg.  -il).» 

IX.  Il  a  été  nécessaire  de  rapporter  toute 
cette  constitution  impériale  ,  quelque  longue 
qu'elle  puisse  paraître  à  ceux  qui  n'y  font  pas 
toutes  les  réflexions  qu'elle  mérite. 

Il  y  faut  considérer  :  1°  Qu'elle  embrasse  ab- 
solument tous  les  ecclésiastiques  et  tous  les 
bénéliciers  parce  que  leur  ordination  les  atta- 
chait tous  à  quelque  église  ,  et  dans  chaque 
église  on  faisait  pour  le  moins  ces  trois  oflices 
différents  tous  les  jours  à  vêpres  ,  la  nuit  et 
le  matin.  Les  paroles  de  la  constitution  disent 
clairement  tout  cela  et  nous  en  avons  ailleurs 
donné  assez  de  preuves. 

2°  Que  si  cette  constitution  ne  parle  pas  des 


clercs  qui  ne  peuvent  assister  aux  oflices  pu- 
blics, ou  parce  qu'ils  sont  malades  ,  ou  parce 
que  les  affaires  de  leur  église  les  en  fontabsen- 
ter,  les  raisons  qu'elle  rapporte  font  assez  voir 
ce  qu'il  en  faut  juger.  Mais  puisque  les  absents 
ou  par  indisposition,  ou  pour  affaires,  ne  lais- 
sent pas  d'être  entretenus  du  revenu  de  l'église, 
il  est  juste  que  par  leurs  prières  ils  tâchent  de 
satisfaire  à  l'intention  des  fondateurs  qui  ont 
moins  considéré  la  pompe  et  l'éclat  du  service 
de  l'église  qui  se  fait  en  public,  que  les  larmes, 
les  gémissements ,  et  les  prières  secrètes  des 
bons  ecclésiastiques,  qui  peuvent  attirer  les 
bénédictions  du  ciel  sur  eux  et  sur  toute  l'E- 
glise. 

3°  Si  cette  loi  n'oblige  pas  à  restitution  les 
bénéficiées  qui  ont  manqué  à  l'office,  c'est 
que  leurs  revenus  ecclésiastiques  ne  consis- 
taient encore  qu'en  distributions  manuelles, 
qui  se  consumaient  en  même  temps.  Mais  en 
les  privant  de  leur  bénéfice  ,  elle  montre  bien 
qu'on  ne  peut  avec  justice  retenir  les  revenus 
de  l'église,  et  ne  pas  s'acquitlerdela  plus  indis- 
pensable charge  qui  est  la  prière. 

4°  Celte  loi  dit  formellement  et  excellemment 
tout  ensemble ,  que  l'essence  et  l'âme  de  la 
cléricature,  c'est  la  prière  des  heures  canoniales; 
ainsi  ceux  qui  la  négligent  n'ont  que  le  nom 
d'ecclésiastiques,  «  Nomen  quidem  habentes 
clericorum,  rem  autem  uon  habentes  cleriei, 
circa  liturgiam  Domini  Dei.  » 

5°  Elle  montre  bien,  par  le  nombre  des  sur- 
veillants qu'elle  établit,  combien  elle  prend  à 
cœur  l'assistance  aux  offices.  Elle  ordonne  que 
l'évêque,  les  deux  premiers  prêtres,  wpuToitpeopû- 
tejgi  Siw,  le  doyen  de  chaque  église  particulière, 
qui  est  appelé  ArchonoyExarckus,  et  le  défen- 
seur prennent  ce  soin.  Enfin  cette  loi,  et  dans 
les  termes  dont  elle  use,  et  par  les  raisons 
qu'elle  emploie,  embrasse  absolument  tous  les 
clercs  et  tous  les  bénéficiers ,  sans  excepter 
aucun,  dans  l'obligation  des  divins  offices. 

Cela  nous  fait  dire  que  cette  obligation  n'a 
jamais  été  ni  plus  universelle ,  ni  plus  étroite 
qu'en  ce  temps-la  ,  où  plusieurs  personnes 
plus  hardies  que  savantes  de  ce  siècle  ,  se 
sont  persuadées  qu'il  était  difficile  de  la  trou- 
ver. 

Cette  loi  enferme  tous  les  clercs,  parce  qu'a- 
lors ils  étaient  aussi  en  même  temps  tous  béné- 
ficiers, et  elle  les  condamne  à  être  déposés  s'ils 
manquent  à  ce  devoir.  Si  l'on  répond  qu'il  n'y 
est  parlé  que  du  chant  des  offices  publics,  c'est 


228       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME. 


encore  un  autre  point  d'une  sévérité  plus 
grande,  que  tous  les  clercs  fussent  obligés  non- 
seulement  aux  offices ,  mais  aussi  aux  offices 
publics  de  la  nuit  aussi  bien  que  du  jour. 

Eneffetil  est  certain,  par  le  texte  de  cette  loi, 
par  plusieurs  preuves  répandues  jusqu'à  pré- 
sent dans  tout  cet  ouvrage  ,  et  par  celles  qui 
nous  restent  à  déduire  en  leur  temps,  que 
l'on  ne  bâtissait  aucune  église  qu'en  même 
temps  on  ne  la  dotât  suffisamment  pour  y 
entretenir  un  nombre  de  clercs  qui  y  fissent 
l'office  :  et  qu'on  n'ordonnait  point  de  clerc  qui 
ne  fût  en  même  temps  asservi  à  une  église  et  à 
ses  offices. 

X.  C'est  la  véritable  raison  pourquoi  on  a  si 
rarement  parlé  en  ces  premiers  siècles,  et  qu'on 
a  fait  si  peu  de  canons  pour  la  récitation  se- 
crète des  offices.  Tous  les  clercs  étant  obligés 
par  leur  ordination  à  résider  dans  une  église 
et  y  assister  aux  offices,  on  se  mettait  peu  en 
peine  de  régler  les  cas  particuliers  où  on  ne 
pouvait  pas  y  assister.  Mais  depuis  qu'une 
grande  partie  du  clergé  s'est  cru  dispensée  de 
la  résidence  dans  une  église,  et  que  plusieurs 
églises  ont  été  fondées  sans  qu'on  y  fondât 
l'office  canonial  de  tous  les  jours  ,  il  a  été  né- 
cessaire de  s'expliquer  plus  clairement  aux 
bénéliciers  de  leur  obligation  â  satisfaire  ,  au 


moins  par  leurs  prières  secrètes,  aux  charges 
de  leurs  bénéfices,  et  aux  intentions  des  fon- 
dateurs. 

XI.  Le  concile  in  Trullo  (Can.  lxiii)  défend 
de  lire  dans  l'église  les  fausses  histoires  des 
martyrs,  et  insinue  par  là  qu'on  y  lisait  celles 
qui  étaient  bien  avérées.  11  recommande  aussi 
la  modestie  dans  le  chant,  et  qu'on  n'y  lise 
rien  qui  ne  soit  propre  à  l'église  (Can.  lxxv). 
Enfin  il  défend  d'ajouter  au  trisagion  ces  pa- 
roles :  «  Qui  crucifixus  es  pro  nobis,  miserere 
nobis,  »  pour  ne  pas  imiter  l'impie  Pierre  le 
Foulon,  qui  avait  fait  cette  innovation  (Can. 
lxxxi). 

XII.  La  règle  de  saint  Pacôme  prescrit  aux 
moines  absents  la  récitation  des  heures  cano- 
niales quelque  part  qu'ils  se  trouvent.  «  Et  si 
in  navi  fuerit,  vel  in  monasterio,  et  in  agro, 
et  in  itinere,  et  in  quolibet  ministerio,  orandi 
et  psallendi  tempora  non  pnetennittet  (Cap. 
cxi.ii).  » 

Celle,  de  saint  Rasile  dit  la  même  chose  :  «  Si 
quis  circa  cellarium  vel  coquinam,  vel  alia  hu- 
juscemodi  opéra  occupatus  est,  et  non  occurrat 
adesse  ordini  psallentium  vul  ad  orationem,  etc. 
Si  corporaliter  non  occurrerit  adesse  cuni  ese- 
teris,  ad  devotionis  locum,  inquocumque  loco 
fuerit,  quod  devotionis  est  expleat  (Cap.  cvn).» 


CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-NEUVIEME. 

l'assiduité  des  laïques  aux  offices  divins,  d'où  on  peut  encore  conclure  celle  des 
ecclésiastiques,  aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles. 


I.  Les  laïques  assistaient  aux  offices  du  jour  et  de  la  nuit. 

II.  Us  n'entraient  point  dans  le  clurtir,  si  ce  n'est  pour  com- 
munier, et  l'empereur  pour  faire  son  offrande. 

III.  Pourquoi  saint  lîasilc  n'imita  pas  saint  Ambroise. 

IV.  V.  Diverses  preuves  de  Grégoire  de  Tours,   pour  l'assis- 
tance du  peuple  aux  offices  du  jour  et  de  la  nuit. 

VI.  VII.  Vives  instances  de  saint  Eloi  et  de  saint  Césaire  pour 
cela. 

VIII.  Et  pour  porter  les  laïques  à  la  lecture  des  livres  saints. 

IX.  Saint  Césaire  fait  dire  à  l'église  tierce,  sexte  et    DOoe 
pour  le  peuple. 

X.  XI.  XII.  XIII.  Autres  preuves  de  divers  auteurs. 

XIV.  XV.  On  passe  dans  l'Orient,  et  on  y  remarque  la  même 
assiduité  du  peuple  aux  offices.  Pourquoi  on  institua  plus  tard 


dans  l'église  le  chant  de  tierce,  sexte  et  noue,  où  les  laïques 
ne  pouvaient  pas  aisément  se  trouver. 

1.  Les  laïques  mêmes  faisaient  paraître  une 
assiduité  aux  offices  divins  qui  nous  persuade 
encore  mieux  de  celle  des  ecclésiastiques. 

Saint  Jérôme,  pour  exprimer  la  conversion 
des  Huns,  aussi  bien  que  des  autres  nations 
barbares,  à  la  religion  chrétienne,  dit  qu'ils 
apprenaient  le  psautier.  «  Hunni  psalterium 
discunt  (Epist.  vu).  »  Il  suffisait  donc  d'être 


L'ASSIDUITÉ  DES  LAÏQUES  AUX  OFFICES  DIVINS,  etc. 


22'J 


fidèle  pour  être  obligé  au  culte  divin  par  une 
psalmodie  religieuse. 

Le  concile  11  de  Tours  (Can.  iv),  suppose  que 
les  laïques  assistent  aux  vigiles  même  de  la 
nuit  et  aux  autres  offices,  quand  il  leur  défend 
de  s'y  mêler  avec  les  clercs  et  les  chantres,  qui 
sont  les  plus  proches  de  l'autel,  à  moins  qu'on 
ne  les  laisse  approcher  pour  recevoir  l'Eucha- 
ristie. 

«  Ut  laici  secus  altare,  quo  sacra  mysteria 
celebrantur,  inter  clericos  tam  ad  vigilias, 
quam  ad  missas,  stare  penitusnon  présumant. 
Sed  pars  illa  quae  a  cancellis  versus  altare  divi- 
ditur,  choris  tantum  psallentium  pateat  cieri- 
corum.  Ad  orandum  vero  et  communicandum 
laicis  et  feminis,  sicut  mos  est,  pateant  Saneta 
Sanctorum.  » 

J'ai  dit  qu'on  laissait  approcher  les  laïques  et 
les  femmes  mêmes  pour  recevoir  la  commu- 
nion, car  on  mettait  encore  une  différence  et 
un  intervalle  considérable  entre  les  clercs  et 
les  laïques  même  pour  la  communion.  Quoique 
les  laïques  approchassent  de  l'autel  pour  com- 
munier, ils  n'en  approchaient  pas  de  si  près 
que  les  clercs,  ils  n'entraient  pas  dans  le  sanc- 
tuaire où  les  prêtres  et  les  diacres  commu- 
niaient, ils  ne  s'avançaient  pas  même  jusqu'au 
lieu  où  les  moindres  clercs  recevaient  la  com- 
munion. Témoin  le  concile  de  Drague  (Can. 
xm)  :  «  Placuit  ut  intra  sanctuarium  altaris  in- 
gredi  ad  communicandum  non  liceat  laicis.  xi- 
ris  vel  mulieribus,  nisi  tantum  clericis,  sicut 
et  antiquis  canonibus  statutum  est.  » 

Le  concile  IV  de  Tolède  (Can.  xvu),  veut  que 
le  prêtre  et  le  diacre  communient  à  l'autel,  le 
clergé  dans  le  chœur,  le  peuple  hors  du  chœur, 
a  Eo  videlicet  ordine,  ut  sacerdos  et  levitaante 
altare  communicent,  in  choro  clerus,  extra 
chorum  populus.  » 

Les  évêques  du  concile  in  Trullo  (Can.  lxix), 
interdirent  à  la  vérité  l'entrée  du  chœur  à  tous 
les  laïques,  mais  ils  exceptèrent  l'empereur 
de  cette  défense  pour  se  conformer,  ce  qu'ils 
disent,  à  l'ancienne  tradition.  «  Nulli  liceat,  qui 
quidem  sit  in  laicorum  numéro,  intra  septa 
sacri  altaris  ingredi  ;  nequaquam  tamen  ab  eo 
prohibita  potestate  et  autoritate  imperiali  , 
quandoquidem  voluerit  creatori  doua  offorre, 
ex  antiquissima  traditione.  » 

II.  On  sait  que  saint  Ambroise  fit  sortir  l'em- 
pereur Théodose  du  chœur,  après  qu'il  eut  fait 
son  offrande,  et  que  cet  empereur  voulant  après 
cela  user  de  la  même  modestie  à  Constanlino- 


ple,  et  Neclarius  le  priant  de  ne  pas  sortir  du 
chœur,  il  lui  répondit  qu'Ambroise  lui  avait 
appris  la  différence  d'un  empereur  et  d'un  évo- 
que, et  qu'il  ne  connaissait  qu'Ambroise  d'évê- 
que  (Theodoret.,  1.  v,  c.  17). 

Voilà  ce  que  Theodoret  dit  à  cette  occasion,  à 
quoi  se  rapporte  ce  qu'en  a  dit  Sozomène,  qui 
en  parle  plus  nettement.  Il  dit  qu'Ambroise 
jugeant  que  ce  ne  pouvait  être  que  la  flatterie 
ou  le  renversement  de  l'ordre  qui  eût  donné 
place  h  l'empereur  entre  les  ecclésiastiques, 
changea  cet  ordre  ou  plutôt  corrigea  ce  désor- 
dre en  plaçant  l'empereur  devant  le  balustre, 
en  sorte  qu'il  fut  placé  devant  les  laïques,  mais 
après  le  clergé;  queThéodose  approuva  ce  règle- 
ment, que  ses  successeurs  le  confirmèrent,  et 
qu'on  l'observait  encore  de  son  temps. 

«  Moris  erat,  ut  imperatores  dum  sacris  in- 
téressent, in  sacrario  sederent,  majestatis  ergo 
a  populi  consortio  separati.  Ambrosius  autem 
cousiderans  eam  consuetudinem  vel  ex  assen- 
tatione,  vel  ex  ordinis  perturbatione  esse  na- 
tam,  imperatori  in  ecclesia  locum  assignavit 
ante  sacrari  cancellos,  ita  ut  populum  impera- 
tor,  imperaturem  sacerdotes  ordine  sedis  ante- 
cederent.  Hanc  autem  optimamconstitutionem 
Theodosius  imperator  approbavit,  et  successo- 
res  ejus  corroboraverunt,  ac  nos  eam  ex  eo 
usque  tempore  conservatam  cernimus  (Sozom., 
1.  vu,  c.  -2o).  » 

Théodose  le  Jeune,  dans  une  loi  qui  se  lit 
après  le  concile  d'Ephèse,  et  qui  regarde  les 
asiles,  proteste  qu'il  n'approchait  de  l'autel 
que  pour  faire  son  offrande,  et  qu'il  se  retirait 
d'abord.  «  Ad  sacra  altaria  munerum  tantum- 
modo  offerendorum  causa  accedimus,  et  cum 
circumseptum  sacrorum  aditum  ingressi  su- 
mus,  statim  egredimur,  nec  quidquam  ex  pro- 
pinqua  divinitate  nobis  arrogamus.  » 

En  effet,  le  canon  du  concile  in  Trullo,  dont 
nous  parlons,  ne  permet  pas  à  l'empereur  de 
s'arrêter  dans  le  sanctuaire,  mais  seulement 
d'y  entrer  pour  faire  son  offrande. 

III.  Si  saint  Dasile  fit  arrêter  l'empereur  Va- 
lens  dans  le  chœur  des  ecclésiastiques,  après 
qu'il  eut  fait  ses  présents  à  l'autel,  comme 
Theodoret  le  raconte  ,  il  faut  croire  que  ce  fut 
par  la  même  sage  condescendance,  qui  lui  fit 
recevoir  à  l'autel  les  offrandes  de  celui  qui  était 
le  plus  cruel  persécuteur  de  la  piété  et  de  la 
véritable  religion.  «  Valens  recte  ad  templum 
se  confert,  et  consueta  doua  allari  offert.  Basi- 
lius  autem  eum  intra  sacra  aultua,  ubi  ipse  se- 


230      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME. 


débat,  venire  jubet,  etc.  (L.  iv,  c.  17).  »  On  ne 
peut  tirer  à  conséquence  cette  séance,  non  plus 
que  l'offrande  qui  l'avait  précédée. 

IV.  Il  est  temps  de  finir  cette  agréable  digres- 
sion, et  de  retourner  où  nous  en  étions  tou- 
cliant  l'assistance  du  peuple  aux  offices  de  jour 
et  de  nuit.  Nous  apprenons  de  Grégoire  de 
Tours  le  concours  du  peuple  pour  assister  aux 
heures  canoniales  de  la  nuit  et  du  jour  : 
«  Venientibus  ad  matutinos  hymnos  populis 
(L.  h  hist.,  c.  7).  »  Et  ailleurs  :  «  Signum 
ad  matutinas  motum  est,  eratenim  dîes  Domi- 
nica  (L.  m,  c.  15).  »  Et  encore  ailleurs  :  «  Pri- 
die  calendas  Februarias,  cum  die  Dominico  ad 
urbeni  Turonicain  ad  matutinas  signum  com- 
motum  fuisset,  et  populus  surgens  ad  eccle- 
siam  conveniret  (L.  vi,  c.  25).  »  Et  dans  un 
autre  ouvrage  :  «  Noctem  Dominicain  dum 
sacrosanctis  vigiliis  populi  fuies  devota  concé- 
lébrât, increpita  est  millier,  cur  reliquis  noctur- 
nas  excubias  Deo  exhibentibus,  illa  deesset 
(De  glor.  martyr.,  1.  n,  c.  «)).  »  Et  plus  bas  : 
a  Ad  beati  martyris  basilicam  vigilias  fideliter 
celebravit  (Cap.  n).  »  Et  plus  bas  :  «  Ad  festivi- 
tatem  beati  martyris  devotus  pauper  advene- 
rat,  ac  vigiliis  immobilis  instans,  noctem  cum 
cœteris  orando  deduxit.  Inlucescente  vero  cœlo 
ad  metatum  digressus  (Cap.  xxi).  »  Et  encore 
plus  bas  :  «  Exacta  cum  sacris  hymnis,  modu- 
îisque  cœlestibus  nocte,  celebratis  etiam  mis- 
sarum  solemniis  (Cap.  xxxv).  »  Et  en  un  autre 
de  ses  ouvrages  :  «  Celebratis  in  ejus  honorem 
vigiliis,  cum  arcliipresbyter  loci  Eulalius  cle- 
ricos  convivio   invitasset   (De  glor.  confess., 

c.  v).  » 

On  faisait  des  festins  aux  jours  de  fête,  et 
surtout  après  les  vigiles,  comme  ces  derniers 
passages  en  font  foi.  Dieu  y  a  quelquefois  auto- 
risé par  des  miracles  ces  réjouissances  dont  la 
sobriété,  la  modestie  et  la  piété  étaient  le  prin- 
cipal assaisonnement. 

V.  Le  même  auteur,  parlant  d'une  reine  qui 
avait  eu  recours  à  saint  Martin  :  «  Deducta  in 
vigiliis  nocte,  et  orationibus  ac  profluis  lacry- 
mis,  mane  oblatis  muneribus  multis,  in  hono- 
rem  beati  confessons  missas  expetiit  celebrari 
(Mirac.  beati  Martini,  1.  i,  c.  12).  »  Et  plus  bas  : 
»  Millier  clauda,  ad  beati  Martini  pedes  depo- 
sita,  nocte  tota  cereuin  manu  pro  voto  deti- 
nuit,  nobia  in  basilica  vigilantibus,  mane  au- 
tem  facto,  moto  matutinis  signo,  etc.  (L.  u, 
c.  II).  »  Et  plus  bas  :  «  Nox  erat  illa  vigilia 
transitus   confessoris.    Media)   noctis  tempore 


transncto,  stupente  populo,  etc.  (Cap.  xxxi).  » 
Et  ailleurs  :  Veniens  ad  eellulam  Condatensem, 
in  qua  lectus  beati  viri  babetur,  dum  ibidem 
nocte  Dominica  vigiliae  celebrarentur,  subito 
oranle  populo,  sensit,  etc.  (Cap.  xlv).  »  Et  en 
un  autre  endroit  :  «  In  una  Dominicarum 
nocte,  etc.  Interea  beati  signum  movetur  lioris 
matutinis,  adgregatur  et  populus,  vigiliisque 
celebratis,  virtus  sancti  clarificata  perpatuit 
(L.  m,  c.  23).  » 

Tout  ce  détail  nous  fait  connaître  que  les 
veilles  des  grandes  fêtes  et  du  samedi  au  di- 
manche on  passait  les  nuits  entières  en  prières 
dans  l'église,  que  le  peuple  s'y  trouvait  avec  le 
clergé,  que  les  particuliers  passaient  aussi  la 
nuit  dans  les  lieux  de  dévotion,  pour  acquitter 
leurs  vœux,  qu'à  la  pointe  du  jour  on  sonnait 
matines,  c'est-à-dire  les  laudes,  et  que  le  peu- 
ple y  accourait,  même  en  hiver. 

VI.  Saint  Eloy,  évêque  de  Noyon,  dans  un 
de  ses  sermons  adressés  au  peuple  et  aux  péni- 
tents, déclare  que  tous  les  fidèles  doivent  aspi- 
rer à  cette  prière  continuelle  à  laquelle  l'Apô- 
tre les  a  conviés,  et  que  le  plus  propre  moyen 
d'y  arriver,  c'est  d'assister  à  toutes  les  heures 
canoniales  qui  sont  répandues  dans  toutes  les 
parties  du  jour  et  de  la  nuit. 

«  Cui  ergo  dicendum  est ,  Oportet  semper 
orare  et  non  defieere,  nisi  ei,  qui  canonicis  lio- 
ris quotidie  juxta  ritum  ecclesiastica1  Iraditio- 
nis,  psalmodiis  precibusque  consuetis  Domi- 
num  laudarc,  et  rogare  non  desistit.  Et  hoc  est 
quod  psalmista  dieebat  :  Renedicam  Dominum 
in  omni  tempore,  semper  laus  ejus  in  ore  meo 
(Hom.  xi).  » 

VIL  Saint  Césaire,  évêque  d'Arles,  remon- 
trait à  son  peuple  qu'il  ne  devait  sortir  de 
l'église  qu'après  la  consécration  du  corps  et 
du  sang  de  J.-C.,  après  l'Oraison  dominicale  et 
après  la  bénédiction.  «  Qui  vult  missas  ad  inte- 
grum  cum  lucro  su;e  anima1  celebrare,  usque- 
quo  oratio  dicatur,  et  benedictio  populo  detur, 
humiliato  corpore  et  compuncto  corde  se  débet 
in  ecclesia  continere  (Hom.  xn).  » 

Ce  Père  passa  bien  plus  avant,  car  il  protesta 
qu'on  pèche,  si  on  n'emploie  la  journée  entière 
du  dimanche  à  écouter  Dieu  par  la  lecture,  ou 
a  lui  parler  dans  la  prière  :  et  il  en  conclut 
que  l'on  a  donc  bien  tort  d'y  plaindre  une 
heure  ou  deux  à  la  messe  :  «  Ad  extremum  si 
toto  die  Dominico  lectioni  insistere  et  Deo  sup- 
plicare  negligimus,  non  leviter  in  Deum  pec- 
cainus  :  quantum  mali  est,  si  vel  unius,  vel 


L'ASSIDUITÉ  DES  LAÏQUES  AUX  OFFICES  DIVINS,  etc. 


.231 


duarnm  horarum  spalio,  cuin  divina  mysteria 

celebrantur,  in  Ecclesia  standi  patientiam  non 

habemus.  » 

Il  paraît  par  ces  termes  que  'c'était  des  ce 
temps-là  un  crime  de  manquer  à  la  messe  les 
dimanches,  quoique  les  messes  durassent  une 
ou  deux  heures,  parce  qu'on  les  disait  avec  so- 
lennité, et  on  n'en  disait  pas  si  grand  nombre 
comme  on  a  fait  depuis.  Mais,  outre  la  messe, 
ce  l'ère  assure  que  c'est  un  péché  qui  n'est  pas 
léger,  «  non  leviter  in  Deum  peccamus,  »  c'est- 
à-dire,  que  ce  n'est  pas  une  des  moindres  fau- 
tes entre  les  vénielles,  de  s'absenter  de  tout 
l'office  canonial  les  jours  de  dimanche,  et  ne 
pas  employer  saintement  toute  cette  sainte 
journée.  Les  fidèles  avaient  encore  en  main  les 
Ecritures,  et  ils  les  lisaient  dans  leurs  maisons, 
«  Nam  lectiones  sive  propheticas,  sive  apostoli- 
cas,  sive  evangelicas  etiam  in  domibus  vestris, 
aut  ipsi  légère,  aut  alios  legenles  audire  potes- 
tis.  » 

VIII.  Ce  Père  emploie  des  termes  et  des  ar- 
guments bien  plus  pressants  en  un  autre  ser- 
mon pour  porter  tous  les  laïques  à  la  lecture 
des  Ecritures  et  à  la  psalmodie  durant  le  jour 
et  la  nuit,  sans  que  les  plus  grossiers  puissent 
s'en  excuser.  On  pourra  facilement  après  cela 
conjecturer  quelle  nécessité  on  imposait  aux 
clercs  de  s'y  appliquer,  puisqu'on  usait  de  si 
pressantes  exhortations  envers  les  simples  fidè- 
les et  envers  les  laboureurs  mêmes. 

Tous  ceux  qui  savent  lire,  dit  ce  Père,  peu- 
vent aisément  avoir  les  livres  saints,  et  ils  doi- 
vent s'y  appliquer.  Ceux  qui  ne  savent  pas  lire 
doivent  avoir  quelqu'un  qui  leur  lise  les  vérités 
du  ciel  et  de  l'éternité,  puisqu'ils  n'épargnent 
rien  pour  avoir  des  gens  de  lettres  pour  dé- 
brouiller leurs  procès,  et  les  aider  à  conserver 
ou  à  acquérir  les  biens  périssables  de  cette  vie 
mortelle. 

Quand  les  nuits  sont  les  plus  longues,  il  n'y  a 
personne  qui  ne  puisse  lire  ou  se  faire  lire 
pour  le  moins  l'espace  de  trois  heures.  Il  n'y  a 
point  de  paysan  si  grossier,  ni  de  femme  si 
ignorante,  qui  ne  puisse  apprendre  et  réciter 
souvent  le  Symbole,  l'Oraison  Dominicale,  le 
psaume  cinquantième,  le  nonantième  ;  ces 
divins  cantiques  ne  sont  pas  plus  difficiles  à 
apprendre,  ni  moins  délicieux  que  tant  de 
chansons  profanes  ,  dont  les  chrétiens  désho- 
norent leur  bouche  et  leurs  oreilles. 

«  Lectionem  divinametiamsialiquisnesciens 
litteras  non  potest  légère,  pu  test  tamen  legentem 


iibenter audire. Qui  verolitterasnovit.  numquid 
potest  fieri,  quod  non  inveniat  libros,  quibus 
possit  Scripturam  divinam  légère?  Tollamus 
a  nobis  fabulas  vanas,  mordaces  jocos,  ser- 
mones  otiosos,  ac  Iuxuriosos,  et  videamus,  si 
nobis  non  remanet  tempus ,  in  quo  lectioni 
divins  vacare  possimus,  etc.  Quando  noctes 
longiores  sunt,  quis  erit  qui  tantum  possit 
dormire,  ut  lectionem  divinam  vel  tribus  horis 
non  possit  aut  ipse  légère,  aut  alios  legentes 
audire,  etc.  Novimus  aliquos  negotiatores,  qui 
cum  litteras  non  noverint,  requiruntsîbi  mer- 
cenarios  litteratos,  et  cum  ipsi  litteras  nesciant, 
aliis  scribentibus  ratione  sua  ingentia  Iucra 
conquirunt.  Quare  ergo  non  cum  pretio  et 
mercede  rogas  ,  qui  tibi  debeat  Scripturas 
divinas  relegere.  ut  ex  illis  possis  prœmia 
œterna  conquirere  ?  Vos  ergo  fratres  rogo  et 
admoneo,  ut  quicumque  litteras  scitis,  Scri- 
pturam divinam  frequentius  relegatis  :  qui  vero 
non  scitis,  quando  aliilegunt,  intentisauribus 
audiatis.  Lumen  enim  anima'  etcibusœternus, 
non  est  aliud,  nisi  verbum  Dei,  sine  quo  anima 
ueevidere  potest,  nec  vivere,  etc.  Quam  multi 
rustici,  et  quam  multa  mulieres  rusticanœ  can- 
tica  diabolica  et  turpia  et  amatoria  décantant? 
Ista  possunt  tenere,  atque  parare,  quae  diabo- 
lus  docet,  et  non  possunt  tenere,  quodChristus 
ostendit?  Quantoceleriuset  melius  quicumque 
rnsticus,  vel  quaecumque  mulier  rustieana , 
quanto  utilius  poterit  et  Symbolum  discere  et 
Orationem  Dominicam,  et  aliquas  antiphonas 
et  psalmum  quinquagesimum,  vel  nonagesi- 
nmm,  et  parare,  et  tenere,  et  frequentius  dicere, 
unde  animam  suam  et  Deo  conjungere  et  a 
diabolo  liberare  possit  (Hom.  xx).  » 

On  peut  lire  les  autres  homélies  de  ce  Père, 
où  il  convie  les  fidèles  de  venir  avant  le  jour 
dans  l'église,  d'y  fléchir  les  genoux  toutes  les 
fois  que  le  diacre  dit  flectamus  genua ,  et  de 
baisser  la  tète  toutes  les  fois  qu'il  dit,  iyiclinate 
capita  vestra  Deo  (Hom.  xxxm,  xxxiv).  Mais  la 
remarque  qu'il  ne  faut  pas  omettre  est  des 
dernières  paroles  de  ce  Père,  où  il  remontre  aux 
plus  ignorants  et  aux  plus  grossiers  qu'ils 
peuvent  au  moins  apprendre  le  Symbole,  l'O- 
raison Dominicale,  le  Miserere,  et  par  la  fré- 
quente répétition  de  ces  prières  s'entretenir 
longtemps  avec  Dieu  (Hom.  xx).  C'est  à  quoi  on 
s'est  réduit  dans  ces  derniers  siècles;  et  c'estee 
que  ce  Père  avait  commencé  d'établir. 

IX.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Césaire  (Cap. 
vi)  qui  avait  été  son  disciple,  assure  qu'il  ins- 


232       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME. 


titua  que  les  clercs  chantassent  tous  les  jours 
tierce,  sexte  et  none  dans  l'église  de  Saint- 
Etienne  ,  afin  que  les  laïques  et  les  pénitents 
pussent  tous  les  jours  assister  à  tout  l'office 
divin,  a  De  cunctorum  profectibus  sollicitus  et 
providus  pastor  ;  mox  instituit,  nt  quotidie 
terti;u  et  sexta?  et  nonoe  offlciuiu  in  sancti  Ste- 
phani  basilica  clericicum  hymnis  persolverent, 
ut  si  quis  forte  SBCCiilariuni  vel  pœnitentiuin 
sanctum  opusexercere  cuperet,  absque  excusa- 
tionealiquaquotidiano  possetofticio  interesse.  » 

Le  zèle  infatigable  de  ce  saint  n'en  demeura 
pas  là:  il  faisait  chanter  les  laïques  dans  l'église 
aussi  bien  que  les  clercs,  afin  que  les  psaumes 
et  les  hymnes,  ou  les  proses  en  grec  ou  en 
latin  fussent  leur  unique  et  leur  céleste  occu- 
pation dans  les  églises.  «  Voluit  vero  atque 
etiam  compulif  laicos  et  saeculares  homines, 
psalmos  et  hynmos  promere,  allaqueet  modu- 
lata  voce,  instar  clericorum,  alios  grœce,  alios 
latine  prosas  et  antiphonas  decantare,  ne  illis 
spatium  suppeteret  ad  fabulas  in  ecclesia  cll'u- 
tiendas(Cap.  vin).» 

Enfin  ce  saint  évèque  voulut  que  les  malades 
qui  étaient  dans  l'hôpital  entendissent  le  divin 
office  qu'on  chantait  dans  la  grande  église. 
«  /Egrotis  vero  mire  consuluit,  amplissimis  eis 
assignatis  œdibus  in  quibus  sine  ullo  strepitu 
divina  officia,  quœ  in  basilica  peragebantur, 
auscultare  possent.  » 

X.  Saint  Germain,  évèque  de  Paris  faisait 
paraître  la  même  sainte  ardeur  de  porter  les 
laïques  à  l'assistance  et  au  chant  des  offices  di- 
vins. Venantius  Fortunatus  a  fait  une  descrip- 
tion admirable  du  clergé  de  Paris  et  de  ses 
offices  :  il  n'y  oublie  pas  ceux  de  la  nuit,  et  la 
foule  du  peuple  qui  chantait  avec  le  clergé  : 
o  Flagranti  studio  populum  domus  irrigatom- 
nis,  certatimque  monent,  quis  prior  ire  valet. 
Pontificis  monitis  clerus,  plebs  psallit,  et  in- 
fans, etc.  Sub  duce  Germano  felix  exercitus  hic 
est,  etc.  (Poematum,  1.  m).  » 

XL  Ce  même  auteur,  dans  la  vie  qu'il  a  écrite 
de  sainte  Radegonde,  nous  représente  cette 
sainte  reine  aussi  ponctuelle  à  réciter  ses  heu- 
res canoniales  qu'aurait  pu  être  le  plus  fervent 
de  tous  les  ecclésiastiques,  dans  le  temps 
même  qu'elle  était  encore  dans  le  palais  royal 
(L.i,c.  2;  Surius,  August.  die  13).  Elle  ne  crai- 
gnait point  la  nuit  et  le  jour  de  quitter  la  com- 
pagnie et  la  table  du  roi  pour  aller  à  l'écart 
rendre  ses  devoirs  au  roi  du  ciel. 

a  Decursum  vero  decantando,  etsi  sederet  in 


prandio  excusans  se  régi  aliquo  casu  ut  redde- 
ret  debitum ,  se  subducebat  convivio ,  quo 
egressa  Domino  psalleret,  etc.  Itidem  nocturne 
tempore  cum  reclinaret  cum  principe,  rogans 
se  pro  humana  necessitate  velle  consurgere,  et 
levans,  egressa  cubiculo,  tandiu  secretim  ora- 
tioni  incumbebat,  etc.  » 

On  ne  peut  douter  que  ces  saintes  pratiques 
des  laïques,  des  grands  seigneurs,  des  dames 
et  des  reines  même,  qui  récitaient  l'office  de 
l'Eglise  aux  heures  réglées,  ne  fussent  une  imi- 
tation de  ce  que  le  clergé  pratiquait. 

XII.  On  a  donné  un  traité  des  vigiles  sous  le 
nom  de  saint  Nizier,  évèque  de  Trêves,  où  il 
paraît  que  tout  le  peuple  y  assistait  debout, 
qu'on  y  permettait  néanmoins  aux  infirmes 
de  s'asseoir;  enfin  qu'on  veillait  deux  fois  la 
semaine,  une  partie  de  la  nuit  du  samedi  et  de 
celle  du  dimanche.  «  Vigilare  itaque  debent 
sedenles,  si  slare  non  prœvalent,  etc.  Nec 
onerosum  vel  difficile  videri  débet,  etiam  deli- 
catis  et  infirmis  corporibus,  in  septimana  dua- 
rum  noctium,  id  est,  sabbati  atque  Dominicaj 
portionem  aliquam  Dei  miuisterio  depu- 
tare,  etc.  (Spicilegii,  tom.  ni,  pag.  2,  3,  etc.).  » 

Un  auteur  anonyme  de  la  vie  de  saint  Léger, 
évèque  d'Autun,  dit  qu'Ebroïn  fut  tué  un  di- 
manche matin  lorsqu'il  pensait  aller  à  matines 
selon  la  coutume.  «  Dies  agebatur  Doniiuica, 
ideoque  processurus  erat  ad  matutinarum 
solemnia  (Saîcul.  Rened.,  tom.  n,  pag.  (J'.U  .  » 

XIII.  Saint  Grégoire  pape  nous  a  fait  voir,  en 
la  personne  de  saint  Servule,  la  pratique  de 
ces  admirables  conseils,  que  saint  Césaire  don- 
nait aux  plus  ignorants  et  à  ceux  qui  ne  sa- 
vaient pas  lire.  Car  ce  saint  serviteur  de  Dieu 
ne  savait  pas  lire,  mais  la  vraie  piété ,  toujours 
ingénieuse,  lui  fil  trouver  un  innocent  artifice 
pour  devenir  savant  dans  les  Ecritures  et  dans 
la  psalmodie,  en  exerçant  l'hospitalité,  et  en 
faisant  exercer  la  charité  spirituelle  à  ses 
hôtes,  par  la  lecture  qu'ils  lui  faisaient  des 
Ecritures. 

«  Nequaquam  litteras  noverat,  sed  Scriptural 
sacrae  sibimet  codices  emerat,  et  religiosos 
quosque  in  hospitalitatem  recipiens  hos  co- 
ram  se  studiose  légère  faciebat.  Factumque  est 
utjuxta  modum  suuni  plene  Seripturam  sa- 
crum disceret,  cum  sieut  dixi,  litteras  funditus 
ignoraret.  Studebat  semper  in  dolore  gratias 
agere,  hymnis  Deo  et  laudibus  diebus  ac  noc- 
tibus  vacare,  etc.  Cum  jam  se  raorti  proximum 
agnovisset  peregrinos  viros,  atque  in  hospita- 


L'ASSIDUITÉ  DES  LAÏQUES  AUX  OFFICES  DIVINS,  etc. 


■j:::; 


litatem  receptos  admonuit,   ut  surgerent  et 
cuni  eo  psalmos  decantarent    Dialog.,  1.   iv , 

c.  1  i  .  » 

XIV.  Disons  un  mot  de  l'Eglise  grecque,  où 
le  concile  in  Trul/o  ((".an.  lxyi  ,  nous  apprend 
que  le  peuple  devait  passer  toute  la  semaine 
de  Pâques,  et  il  faut  juger  de  même  de  toutes 
les  fêtes  et  tous  les  dimanches  de  l'année,  en 
prières,  en  psalmodie  et  à  lire  les  Livres  saint?. 
«  A  sancta  Ctiristi  Dei  nostri  résurrection is  die 
usque  ad  novam  Dominicain  diem  tôt  i  septi- 
mana  in  Ecclesiis  vacare  fidèles  jugiter  oportet 
psalinis  et  hymnis  et  spiritalibus  canticis,  divi- 
narum  Scripturarum  lectioni  mentem  adhiben- 
tes,  et  sanctis  mysteriis  jucunde  foventes. 

Justinien  a  dit,  dans  le  chapitre  précédent, 
que  c'était  une  loi  indispensable  pour  les  ecclé- 
siastiques de  chanter  les  divins  offices  dans 
l'église,  puisque  les  laïques  mêmes  leur  en 
donnaient  l'exemple  par  leur  fidèle  assistance. 
C'est  l'argument  que  nous  faisons  valoir  dans 
ce  chapitre  pour  montrer  que  les  bénéficiers 
étaient  indubitablement  obliges  à  l'office  cano- 
nial, puisque  les  évêques  zélés  pressaient  avec 
tant  d'instance  et  avec  une  sainte  importu- 
nité  les  personnes  séculières  même  de  s'y  trou- 
ver. 

XV.  Celui  qui  a  composé  la  vie  de  saint 
Porphyre,  évêque  de  Gaza,  nous  décrivant  les 
veilles  de  la  nuit  que  ce  saint  prélat  indiqua 
une  fois  pour  une  nécessité  extraordinaire,  dit 
qu'on  y  fit  trente  prières  et  trente  génuflexions 
durant  cette  nuit,  outre  les  prières  ordinaires 
des  veilles.  Mais  l'admirable  Jean  l'Aumônier, 
patriarche  d'Alexandrie,  nous  apprendra  bien 
mieux  l'assiduité  des  fidèles  aux  veilles  saintes 
de  la  nuit.  Il  fonda  deux  petits  monastères  pies 
de  deux  oratoires  d'Alexandrie,  afin  que  les 
moines  y  fissent  les  offices  de  vêpres  et  de  la 
nuit  à  son  intention,  et  lui  en  cédant  le  mérite, 
eussent  pour  eux  tout  le  fruit  de  leurs  autres 
prières  en  particulier.  Cet  exemple  de  veiller 


les  nuits  en  psalmodiant  se  répandit  dans  toute 
la  ville  d'Alexandrie,  qui  devint  comme  un 
grand  monastère,  où  de  toutes  parts  le  chant 
des  psaumes  rompait  agréablement  et  sainte- 
ment le  silence  de  la  nuit. 

«  Vespertina  et  nocturna  vigilia  mihi  apud 
Deum  imputetur.  Quidquid  vero  iu  cellulis 
vestris officii  feceritis,  pro  vestris  sil  animabus; 
hoc  autein  fecit,  volens  sollicitiores  efficere  Dei 
amicos  monachos.  Unde  et  permansit  Deo  t  dis 
grata  constitutio  ordinum,  et  ad  simili tudinem 
monasterii  ex  his  civitas  pêne  vivit,  in  diversis 
locis  pervigiles  hymnodias  Keo  referons   Cap. 

XII V,.  » 

Ce  saint  pasteur  quitta  un  jour  l'autel  et  la 
messe  pour  suivre  le  peuple  qui  en  sortait 
après  l'évangile,  et  pour  l'y  arrêter  à  l'avenir, 
en  leur  disant  qu'il  pouvait  bien  dire  la  messe 
pour  lui  dans  l'evèche,  mais  qu'il  la  disait  en 
public  afin  qu'ils  y  participassent  par  leur  pré- 
sence et  par  leur  piété.  «  Ego  propter  vos  des- 
cendu in  sanctam  ecclesiam ,  nain  poteram 
facere  mihimet  missas  in  episcopio  Can.  xli).b 

Ce-  deux  passages  nous  font  voir  des  messes 
particulières  et  des  offices  récités  en  secret  par 
les  évêques.  par  les  clercs  et  par  les  religieux, 
outre  le  service  public  qui  se  faisait  pour  le 
peuple  ;  de  sorte  que  si  l'office  public  était  pour 
le  peuple,  il  en  faut  conclure  qu'autant  que  le 
clergé  est  plus  obligé  de  prier,  et  de  prier  plus 
longtemps  que  le  peuple,  autant  il  est  certain 
qu'il  y  a  toujours  eu  des  offices  en  particulier 
pour  les  clercs. 

C'est  peut-être  pour  cela  que  la  récitation  ou 
le  chant  de  tierce,  sexle,  none,  n'a  pu  s'instituer 
en  public  qu'après  les  autres  heures,  parce  que 
les  personnes  engagées  dans  le  tumulte  et 
l'embarras  du  siècle  peuvent  plus  difficilement 
se  rendre  aux  églises  durant  ces  heures-là,  et 
ils  le  peuvent  sans  comparaison  plus  facilement 
aux  heures  du  soir,  de  la  nuit  ou  du  matin. 


231 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CEERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGTIÈME. 


CHAPITRE   QUATRE-VINGTIÈME. 


DES   CHANTRES    ET    DU    CHANT   DES    OFFICES    DIVINS    SOUS    CHARLEMAGNE. 


I.  Règles  admirables  de  Crodogangus  et  du  concile  d'Aix-la- 
Chapelle  pour  le  chant  des  offices  divins. 

II.  Le  roi  Pépia  introduisit  eu  France  le  chant  de  l'Eglise  ro- 
maine. 

III.  Charlemagne  continua  cette  louable  poursuite,  même  pour 
les  offices  divins,  afin  que  cette  uniformité  d'offices  affermit  celle 
de  la  foi. 

IV.  Charlemagne  établit  la  même  uniformité  dans  une  partie 
de  l'Occident. 

V.  Diverses  particularités  de  ce  changement. 

VI.  I.e  p'.us  grand  pape  et  le  plus  grand  empereur,  sainl  Gré- 
goire et  Charlemagne,  se  sont  extraordinairemenl  appliqués  à  la 
réformation  du  chant  et  des  offices.  Charlemagne  était  lui-même 
modérateur  du  chœur. 

VII.  La  chapelle  du  palais  royal  était  la  règle  et  le  modèle 
des  autres  églises. 

VIII.  Le  saeramenlaire  de  sainl  Grégoire  apporté  en  France. 
1\  Nonobstant  tous  ces  efforts,  il  nous  resta  beaucoup  de  tra- 
ces de  l'ancienne  diversité. 

\.  Agobard  justifie  l'Eglise  de  Lyon,  dont  tous  les  offices 
étaient  tirés  île  l'Ecriture.,  excepté  son  antiphonaire,  dont  Ago- 
bard  corrigea  les  meurs. 

XI.  Combien  il  importe,  selon  le  même  Agobard,  qu'on  s'ap- 
plique encore  plus  à  la  contemplation  de  la  vérité,  qu'au 
chaut. 

I.  Entre  les  clercs  ou  les  bénéficiera  infé- 
rieurs, dont  il  a  été  traité  en  général  dans  les 
chapitres  précédents,  les  chantres  demandent 
des  éclaircissements  singuliers,  tant  à  cause 
du  chani  de  l'Eglise,  qui  nous  fournira  la  ma- 
tière de  ce  chapitre;  qu'à  cause  des  offices  di- 
vins, oii  nous  nous  trouverons  engagés  par  une 
suite  nécessaire. 

L'évêque  Crodogangus  nous  a  laissé  les  rè- 
gles que  les  chantres  devaient  ohserver  dans  la 
récitation  et  le  chant  des  psaumes,  afin  que  par 
la  douceur  de  leur  voix  et  la  suavité  de  leur 
psalmodie,  ils  ne  cherchassent  pas  à  flatter  les 
oreilles,  mais  à  toucher  le  cœur  des  fidèles. 

C'est  pour  cela  qu'on  élevait  moins  la  voix 
dans  le  chant  des  psaumes  et  qu'on  affectait 
une  simplicité  et  une  modestie  plus  grande 
que  dans  les  autres  parties  de  l'office  divin.  Ce 
qui  donne  sujel  de  croire  que  ce  chant  mo- 
deste  et  édifiant  approchait  beaucoup  d'une 
simple  récitation  ,  ce  que  saint  Augustin  a  au- 
trefois loué  dans  l'Eglise  d'Alexandrie  au  temps 
de  saint  Athanase. 

Les  chantres  doivent   avoir  beaucoup  d'é- 


gard au  nombre  des  clercs  ,  et  à  la  qualité  des 
oflices,  et  à  la  longueur  ou  à  la  brièveté  du 
temps  pour  prolonger  ou  pour  aceourcir  le 
temps  de  la  psalmodie.  D'où  il  résulte  que 
quelques  oflices  étaient  chantés  plus  solennel- 
lement que  les  autres,  et  encore  plus  solennel- 
lement dans  les  églises  où  le  clergé  était  plus 
nombreux  que  dans  les  autres ,  et  que  tous  les 
clercs  joignaient  leur  voix  et  leur  chant  à  la 
psalmodie  dont  les  chantres  étaient  les  maîtres 
et  les  modérateurs. 

Enfin,  il  y  avait  toujours  une  école  où  les 
jeune?  chantres  apprenaient,  des  plus  avancés, 
ce  qu'ils  devaient  un  jour  pratiquer  et  ensei- 
gner aux  autres.  L'humilité  que  ce  prélat  re- 
commande particulièrement  aux  chantres  est 
une  preuve  et  rie  l'estime  qu'on  faisait  de  cette 
profession  et  du  danger  qu'il  y  avait  que  la  va- 
nité ne  s'y  glissât. 

«  Cantores  itaque  non  propter  donum  sibi 
collatum  se  ceeteris  superbiendo  prœferant , 
sed  humiliter  socios  exhibeant.  Et  providen- 
dum  est  illis,  quando  temperate,  quando  sub- 
misse  diyinum  agatur  offieium  :  scilicet  ut 
secundum  numerum  clericorum  ,  et  officii 
qualitatem,  et  temporis  prolixitatem,  tantum 
protendant  et  moderentur  voces  caeterorum. 
Son  uni  etiam  vocalium  litterarum  bene  et  or- 
nate  proférant.  Hi  vero  qui  hujus  artis  minus 
capaces  sunt,  donec  erudiantur,  melius  conve- 
nu, ut  sileant,  quam  cantare  volendo  quod 
neseiunt,  aliorum  voces  dissonare  compèllant. 
Psalmi  namque  in  ecclesia  non  cursim  ,  aut 
in  exeelsis,  atque  inordinatis  seu  intemperatis 
voeibus,  sed  plane  et  lucide  cmn  compunctione 
cordis  recitentur,  ut  et  recitantium  mens  illo- 
rum  dttlcedine  pascatur,  et  audientium  aures 
illorum  pronuntiatione  demulceantur.  Quo- 
niam  quamvis  cantilenae  sonus  in  aliis  oflieiis 
excelsa  soleat  fieri  voce,  in  recitandis  tamen 
psalmis  hujusmodi  vitanda  est  vox,  etc.  Si  vero 
cantores  superhi  extiterint ,  et  artem  quam  di- 
vinitus  adjuti  didiccrunt,  aliis  insinuare  re- 


DES  CHANTRES  ET  DE  CHANT  DES  OFFICES  DIVINS. 


235 


nuerint ,  graviter  ac  severe  judicenlur,  etc. 
Plus  velint  in  lectione  et  cantu  populi  sedifica- 
tioneni,  quam  popularem  vanissimam  adula- 
tionem  [Régula  Canonicor.,  c.  i,  li).  » 

Ce  furent  là  les  sages  préceptes  que  le  con- 
cile d'Aix-la-Chapelle,  tenu  en  8  lO(Can.r.xxxvii), 
sou?  l'empereur  Louis  le  Débonnaire,  donna 
aux  chantres,  les  ayant  indubitablement  em- 
pruntés de  Crodogangus,  qui  fut  fait  évêque  île 
Metz  par  le  roi  Pépin  le  Bref,  sous  le  règne  du- 
quel il  mourut  aussi,  au  rapport  de  Paul, 
diacre,  dans  son  histoire  des  é\êques  de  Metz. 

Ce  même  auteur  raconte  que  Crododangus 
fut  envoyé  à  Rome,  par  le  roi  Pépin,  pour  con- 
duire en  France  le  pape  Etienne,  selon  l'ar- 
dente passion  que  tous  les  Français  en  avaient; 
qu'après  cela,  il  persuada  à  tout  son  clergé  de 
vivre  en  communauté  dans  un  même  cloître  . 
leur  prescrivit  une  règle  et  leur  lit  apprendre 
le  chant  et  les  cérémonies  de  l'Eglise  romaine, 
ce  qu'on  n'avait  point  encore  vu  dans  l'Eglise 
de  Metz.  «  Ipsumque  clerum  abundanter  lege 
divina  Romanaque  imbutum  cantilena  ,  mo- 
rem  atque  ordinem  Romanrc  Ecclesiœ  servare 
prœcepit  (Du  Chesne  ,  hist.  Franc,  t.  u  , 
p.  204).  » 

II.  On  ne  peut  pas  douter  que  ce  n'ait  été  le 
même  pape  Etienne  qui,  pour  satisfaire  aux 
pressantes  instances  du  roi  Pépin,  donna  des 
chantres  romains  et  introduisit  la  psalmodie 
romaine  dans  les  églises  de  France.  Ainsi,  ce 
que  Paul,  diacre,  semble  rendre  propre  à  Cro- 
dogangus et  à  l'église  de  Metz  fut  en  effet  com- 
mun à  la  plupart  des  évoques  et  des  chapitres 
de  France. 

Charlemagneen  rend  un  irréprochable  témoi- 
gnage dans  ses  capitulaires  :  «  Monacbi  ut 
cantum  romanum  pleniter  et  ordinabiliter  per 
nocturnale  vel  gradale  offieium  peragant,  se- 
cundum  quod  beatœ  mémorise  genitor  noster 
Pepinus  rexdecertavitutfieret,  quando  Gallica- 
num  cantum  tulit,  ob  unanimitatem  Aposto- 
licœ  Sedisetsanctœ  Dei  Ecclesiœ  pacificamcon- 
cordiam  (Capit.  Car.  Mag.,  1.  i,  c.  80;  Capitul. 
Aquisg.,  an.  789,  c.  lxxx).  » 

Le  moine  de  saint  GaU  attribue  à  Charle- 
magne  ce  qui  convient  a  Pépin  son  père,  lors- 
qu'il dit  que  le  pape  Etienne  accorda  douze 
chantres  romains  aux  instantes  prières  du  roi 
Pépin,  après  l'avoir  couronné  roi.  «  Adhue 
omnes  provincias  ,  imo  regiones,  vel  civitates 
in  laudibus  divinis,  hoc  est  in  cantilena;  mo- 
dulationibus  ab  invicem  dissonare  perdolens , 


Stepbano  papa,  qui  deposito  et  decalvato  igna- 
vissimo  Francorum  rege  Childerico,  se  ad  regni 
gubernacula,  antiquorum  Patrum  more  per- 
unxit,  aliquos  carminum  divinorum  peritis- 
simos  clericos  impetrare  curavit.  Qui  bonœ 
illius  voluntati  et  studiis  divinitus  inspiratis 
assensum  pra"'beus ,  secundum  numerum  xu 
Apostolorum,  deSede  Apostolicaduodecim  cle- 
ricos doctissimos  cantilena?  ad  eum  in  Fran- 
ciam  direxit  (L.  i,  c.  10).  » 

III.  Il  est  bon  de  faire  un  peu  de  réflexion 
sur  les  raisons  qui  portèrent  Pépin  et  Charle- 
magne  à  faire  ce  changement  si  important 
dans  les  offices  divins  des  églises  de  leur 
royaume. 

La  diversité  du  chant,  des  cérémonies  et  des 
offices  était  si  grande  ,  non-seulement  entre 
les  provinces  et  les  pays,  mais  aussi  entre  les 
villes  d'un  même  pays  et  d'une  même  pro- 
vince, qu'il  ne  se  pouvait  faire  qu'elle  ne  cau- 
sât ou  du  scandale,  ou  de  l'incommodité  entre 
les  églises  si  voisines,  et  dont  les  ministres  sont 
obligés  d'avoir  beaucoup  de  communication 
entre  eux. 

Cette  variété  pouvait  produire  avec  le  temps 
une  division  très-dangereuse  dans  la  doctrine 
même  de  la  foi,  qui  est  renfermée  dans  les  di- 
verses parties  qui  composent  les  offices  et  les 
prières  de  l'Eglise.  Ce  ne  fut  donc  pas  sans 
beaucoup  de  raison  que  ces  deux  grands  rois 
témoignèrent  tant  de  passion  pour  faire  recevoir 
dans  toutes  les  Eglises  de  leurs  Etats,  non-seu- 
lement le  chant,  mais  aussi  les  offices  de  l'E- 
glise romaine,  afin  d'établir  en  même  temps 
une  entière  uniformité  entre  elles,  et  une  par- 
faite conformité  avec  la  doctrine  de  l'Eglise 
romaine,  dont  la  foi  a  toujours  été  la  plus 
pure,  comme  dans  sa  propre  source. 

C'est  ce  que  nous  apprenons  de  l'empereur 
Charlemagne  même  en  ces  termes.  «  A  cujus 
Romanse  Ecclesiœ  sancta  et  veneranda  com- 
munione  multis  recedentibus ,  nostrœ  tamen 
partis  nunquam  récessif  Ecclesia ,  sed  ea  apo- 
stolica  traditione  instruente,  et  eo  a  quo  est 
omne  donum  optimum,  tribuente,  semper 
suscepitreveranda  charismata.Quœdum  a  pri- 
ons fidei  temporibus  cum  ea  perstaret  in  reli- 
gionis  sacra1  unione,  et  abea  populo  distaret, 
quod  tamen  contra  fidem  non  est,  in  oflicio- 
nim  celebratione,  vener.  mem.  genitoris  nostri 
illustrissimi Pi pini régis  cura  et  industria,  sive 
adventuin  Callias  sanctissimi  viri  Stephani Ro- 
manae  urbis  antistitis,  est  ei  etiam  in  psallendi 


236  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGTIÈME. 


ordine  copulata  :  ut  non  esset  dispar  ordo 
psallendi,  quibus  eral  comparardor  credendi  : 
et  quae  unitœ  erant  unius  sanctae  legis  sacra 
Lectione,  essent  etiam  unitœ  unius  modulât  ie- 
nis  veneranda  traditione,  nec  sejungeret  offi- 
ciorum  varia  celebratio ,  quos  conjunxerat 
unicœ  fidci  piadevotio  (L.  i.  Contra  Synodum 
Graecorum  de  imagin.).  » 

Ces  paroles  nous  font  connaître  que  ce  ne 
fut  pas  seulement  léchant  de  l'Eglise  romaine 
que  ces  grands  rois  voulurent  établir  clanstout 
leur  royaume,  mais  qu'ils  tâchèrent  en  même 
temps  d'y  en  faire  recevoir  tous  les  divins  of- 
fices, afin  de  mieux  affermir  l'uniformité  in- 
variable de  la  loi  dans  toutes  les  Eglises. 

En  effet,  ce  fut  en  ce  temps-là  que  les  Crées 
commencèrent  à  contester  sur  la  procession 
du  Saint-Esprit,  que  plusieurs  Eglises  d'Occi- 
dent faisaient  procéder  du  Fils  dans  l'addition 
qu'elles  avaient  faite  au  symbole  ;  au  lieu  que 
les  Orientaux  conçurent  une  égale  aversion 
pour  cette  addition,  et  pour  la  doctrine  même 
qui  fait  procéder  le  Saint-Esprit  du  Fils. 

(Vite  conjoncture  ne  faisait  (pie  trop  voir, 
combien  la  variété  des  offices  divins  pouvait 
être  dangereuse  à  l'unité  d'une  même  foi. 

IV.Charleinag  ne  acheva  heureusement  ce  que 
Pépin  avait  si  sagement  commencé,  et  fit  éta- 
blir l'ordre  et  le  chant  romain,  non-seulement 
dans  les  Eglises  de  Fiance,  mais  aussi  dans 
celles  d'Italie,  qui  avaient  jusqu'alors  résisté  à 
nu  dessein  si  avantageux,  dans  celles  d'Alle- 
magne, de  Saxe  et  de  quelques  pays  du  nord. 
Voici  ce  qu'en  dit  Charlemagne  dans  la  suite 
du  même  discours. 

a  Quod  quidem  et  nos,  collato  nobis  a  Deo 
ii  gno  llaliie  fecimus,  sanctae  Romaine  Eccle- 
siae  fastigium  sublimare  cupientes,  reverendis- 
simi  papa'  Adriani  salutaribus  exhortationibus 
parère  intentes  :  scilicet  ut  plures  illius  partis 
Ecclesiac,  quae  quondam  Apostolkee  Sedis  tra- 
ditionem  in  psallendo  suscipere  recusabant, 
mine  eam  cum  onini  diligentia  amplectantur  ; 
et  cui  adhaeserant  fidei  munere ,  adbaereant 
quoque  psallendi  online.  Quod  non  solum  om- 
nium Calliarum  provinciœ,  et  Germania,  sive 
Italia,  sed  etiam  Saxones,  et  quaedam  Aquilo- 
naris  plagœ  gentes,  per  nos  Deo  annuente  ad 
fidei  rudimenta  conversa1,  facere  noscuntur 
(Ibidem).  » 

v.  La  chronique  d'Angoulème  (Anno  787) 
particularise  davantage  cette  histoire.  Charle- 
magne obtint  du  pape  Adrien  deux  chantres 


romains,  qui  avaient  été  instruits  dans  l'école 
du  saint  pape  Grégoire  ,  et  qui  apportèrent 
avec  eux  deuxantiphonairesnotés  de  la  propre 
main  de  saint  Grégoire,  de  la  note  romaine  : 
l'un  d'eux  fut  établi  à  Metz,  l'autre  à  Soissons, 
afin  que  dans  toutes  les  Eglises  de  France  les 
antiphonaires  et  les  chantres  fussent  corrigés 
sur  les  Romains. 

«  Mox  petiit  domnus  rex  Carolusab  Adriano 
papa  cantores,  qui  Franciam  corrigèrent  de 
cantu.  At  ille  dédit  ei  Theodorum  et  Rencdi- 
ctuin.  Romans  Ecclesiœ  doctissimos  cantores, 
qui  a  sancto  Gregorio  eruditi  fueraut  ;  tribuit- 
que  antiphonarios  sancli  Gregorii ,  quos  ipse 
notaverat  nota  Romana.Dominus  vero  Carolus 
revertens  in  Franciam,  misit  unum  cantorem 
in  Métis  civitate,  alium  in  Suessionis  civilate, 
praecipiens  de  omnibus civitatibus Françiœ  nia- 
gistros  scholse,  antiphonarios  eis  ad  corrigea- 
dum  tradere.  et  ab  eis  discerecantare.  Correcti 
sunt  ergo  antiphonarii  Francorum  quos  unu- 
squisqueproarbitriosuo  vitiaverat,  veladdens, 
vel  minuens,  et  omnes  Francise  cantores  didi- 
cerunt  notam  Romanam,  quam  nunc  vocaut 
nolam  Franciscain  (Du  Chesne,  llist.  Franc, 
toin.  m,  p.  75).  » 

Le  même  auteur  dit  que  cela  n'arriva 
qu'après  une  longue  contestation  des  chantres 
romains  et  des  français  ,  qui  avaient  suivi 
Charlemagne  à  Rome;  que  ce  prince  pieux 
termina  le  différend  ,  en  faisant  voir  aux 
chantres  français  que,  comme  les  eaux  ne  sont 
jamais  plus  pures  que  dans  leur  source,  ainsi 
le  chant  grégorien  conservait  sa  première  pu- 
reté dans  l'école  de  saint  Grégoire.  «  Quis  pu- 
rior  est  et  quis  melior,  aut  fons  vivus  ,  aut  ri- 
vuli  ejus  longe  decurrentes?  etc.  Revertimini 
vos  ad  fontem  sancti  Gregorii,  quia  manifeste 
çorrupistis  canlilenani  ecclesiasticam.  » 

Enfin,  il  ajoute  que  ce  fut  à  Metz  où  léchant 
grégorien  monta  à  un  plus  haut  point  de  per- 
fection, et  qu'autant  que  l'école  de  Metz  cédait 
à  celle  de  Rome,  autant  elle  surmontait  toutes 
les  autres  écoles  de  France.  «  Ma  jus  magiste- 
riuin  cantandi  in  Métis  civitate  remansit , 
quantumque  magisterium  Romanum  superat 
Metense  in  arte  cantilenœ,  tauto  superat  Me- 
tensis  cantilena  caeteras  scholas  Gallorum.  » 
L'harmonie  des  orgues  accompagnait  quelque- 
fois celle  de  la  voix,  et  elle  nous  était  aussi 
venue  de  Rome.  «  Similiter  erudierunt  Ro- 
mani cantores  supradicti  cantores  Francorum 
in  arte  organandi.  » 


DES  CIIANTKES  ET  DE  CHANT  DES  OFFICES  DIVINS. 


237 


VI.  Ce  n'est  pas  un  petit  avantage,  ni  un 
des  moindres  sujets  de  gloire  pour  ks  ecclé- 
siastiques et  pour  les  bénéficiers,  que  les  lec- 
teurs et  les  chantres  ne  tenant  que  le  dernier 
rang  entre  eux,  un  des  pins  saints  et  des  plus 
savants  papes,  et  un  des  plus  grands  empe- 
reurs, je  veux  dire  saint  Grégoire  et  Charle- 
magne ,  se  soient  appliqués  avec  tant  d'ardeur 
à  porter  leur  ministère  a  sa  plus  haute  perfec- 
tion. 

La  sainteté  et  l'importance  du  chant  de  l'E- 
glise a  fait  une  partie  des  occupations  et  des 
soins  des  deux  personnes  qui  semblent  avoir 
eu  les  plus  éminentes  qualités  pour  régir  l'E- 
glise et  l'empire,  savoir  saint  Grégoire  et  saint 
Charlemagne.  qui  ont  été  véritablement  grands. 
Nous  avons  parlé  ailleurs  de  saint  Grégoire  qui 
fit  lui-même,  étant  pape,  la  fonction  de  maître 
de  chant. 

L'empereur  Charlemagne  était  lui-même 
très-versé  dans  la  profession  des  lecteurs  et 
des  chantres,  et  il  chantait  lui-même  avec  les 
autres  fidèles  les  offices  divins.  Témoin  Egin- 
hard  :  «  Legendi  atque  psallendi  disciplinam 
diligentissime  emendavit.  Erat  enim  utrius- 
que  admodum  eruditus  ;  quanquam  ipse  née 
publiée  legeret .  nec  nisi  summissim  et  in 
commune  cantaret  (Du  Chesne  .  t.  u  ,  p.  103; 
ibid.,  p.  lin  .  » 

Le  moine  de  saint  Gall  nous  représente  Char- 
lemagne comme  le  modérateur  du  chant,  des 
leçons  et  des  oftices  qui  se  célébraient  dans  la 
chapelle  du  palais  impérial  ;  il  n'y  souillait 
aucun  ecclésiastique  qui  ne  sût  bien  lire  et 
bien  chanter.  «  Nullus  alienus,  nullus  etiam 
notus,  nisi  légère  sciens  et  cantare,  chorum 
ejus  ausus  est  introire  (L.  i,  c.  7).  » 

Au  rapport  de  cet  auteur.  Charlemagne  dési- 
gnait les  leçons  que  chacun  devait  lire,  et  il 
aimait  à  surprendre  ses  clercs ,  afin  qu'ils  fus- 
sent toujours  prêts  de  lire  sur-le-champ  et  de 
lire  correctement.  Enfin,  comme  il  désignait 
avec  le  doigt  ou  avec  un  bâton  ceux  qui  de- 
vaient lire,  il  les  faisait  aussi  finir  avec  un  petit 
signe  de  sa  voix.  «  Ut  quando  inopinato  légère 
juberentur,  irreprehensihiles  apud  eum  inve- 
nirentur.  Digito  autem  vel  baculo  protento, 
vel  ex  latere  suo  ad  procul  sedentes  aliquo  di- 
recte demonstravit ,  quem  légère  oporteret, 
vel  voluisset.  Finem  vero  lectionis  sono  guttu- 
ris  designavit.  etc.  'L.  u,  c.  10).  » 

Cet  auteur  n'a  pas  oublié  l'orgue  merveil- 
leux que  Charlemagne  fit  faire  à  l'imitation 


des  Grecs,  et  qu'on  laissa  périr  après  sa  mort 
(L.  u,  c.  16).  Enfin  cet  auteur  assure  que  la 
vue  même  de  ce  grand  prince  était  interdite 
aux  ecclésiastiques  s'ils  n'étaient  habiles  à  lire 
ou  à  chanter.  «  Nullus  clericus.  nisi  légère 
doctus,  aut  canere  non  soluin  cuni  eomanere, 
sed  née  in  conspectum  ejus  venire  praesum- 
psit.  » 

VII.  Toutes  les  autres  églises  de  ce  royaume 
imitèrent  celle  du  palais  impérial,  et  on  établit 
dans  tous  les  évêchés  et  dans  tous  les  monas- 
tères des  écoles  pour  apprendre  le  chant,  les 
cérémonies  et  les  offices  de  l'Eglise. 

Pépin  avait  autrefois  envoyé  des  moines 
français  à  Rome  pour  y  apprendre  le  chant  du 
maître  de  chant  Siméon  :  «  Simeon  scholae 
cantorum  prior,  »  parce  qu'ils  n'avaient  pas 
pu  s'y  perfectionner  pendant  que  Siméon  était 
en  Erance(Concil.  Gall.,  t.  il, p. 58).  Charlema- 
gne établit  de  semblables  écoles  par  toute  la 
France  :  c  Et  ut  scholae  legentium  puerorum 
fiant,  psalmos,  notas,  canins,  computum,  gram- 
maticam  per  singula  monasteria  vel  episcopia 
discant   Anno  TS'.t.  Capitulare  Aquisgran.  Eau. 

LKXIi).  » 

Outre  les  preuves  précédentes,  il  n'est  pas 
difficile  d'en  donner  encore  de  plus  convain- 
cantes, pour  montrer  que  l'église  du  palais 
royal  était  le  modèle  et  la  règle  de  toutes  les 
autres  églises  du  royaume,  et  que  la  piété,  Iaré- 
gularité,  la  science,  l'exactitude  et  la  perfection 
du  chant  coulaient  de  celte  vive  source  dans 
tous  les  évêchés  et  les  monastères  du  royaume. 

Lorsque  le  pape  Eéon  III,  après  une  longue 
contestation,  conseilla  aux  envoyés  de  l'Eglise 
gallicane  d'abolir  peu  à  peu  l'addition  qui 
avait  été  faite  au  symbole  qu'on  chantait  dans 
l'Eglise,  touchant  la  procession  du  Saint-Esprit , 
il  leur  donna  ce  moyen  infaillible  de  réussir 
sans  bruit  et  sans  tumulte  ,  en  faisant  cesser 
cette  addition  nouvelle  dans  l'église  du  palais, 
qui  serait  indubitablement  suivie  par  toutes 
les  autres  :  «  lia  mihi  videtur  posse  utrumque 
fieri,  ut  paulatim  in  palatio,  quia  in  sancta 
nostra  Ecclesia  non  cantatur,  cantandi  consue- 
tudo  ejusdem  symboli  intermittatur,  sicque 
fiât,  ut  si  dimittatur  a  vobis,  dimiltatur  ab 
omnibus  (Conc.  Gall..  tom.  m,  p.  260).  » 

VUE  Pour  prévenir  toutes  les  altérations  qui 
se  pourraient  faire  dans  la  doctrine,  ou  dans  la 
discipline  de  l'Eglise,  par  la  diversité  non-seu- 
lement du  chant,  mais  du  texte  des  offices  di- 
vins, Charlemagne  demanda  au  pape  Adrien  le 


238  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGTIÈME. 


sacramentaire  de  saint  Grégoire,  et  ce  pape  le 
lui  envoya  par  l'abbé  Jean  de  Ravenne. 

«  De  sacramentario  vero,  a  sanctopraedeces- 
sore  nostro  Deifluo  Gregorio  papa  disposilo, 
jam  pridem  Paulus  Grammaticus  a  nobis  eum 
pro  vobis  petiit,  et  secundum  sanctae  nostrœ 
Ecclesia;  traditionem  per  Joannem  abbatem 
excellentiae  vestrae  emisimus  DuChesne,  t.  m, 
p.  C.  ~'J8).  » 

Nous  avons  déjà  rapporté  le  capitulaire  du 
même  empereur,  où  il  ordonne  à  tous  les  mo- 
nastères de  suivre  l'Eglise  romaine  dans  les 
offices  du  jour  et  de  la  nuit  :  «  Per  noeturnale 
et  gradale  ollicium  peragant.  » 

Le  concile  de  Mayence,  de  813.  ordonna 
qu'on  suivit  le  sacramentaire  grégorien  dans 
l'administration  du  baptême,  selon  le  comman- 
dement de  l'empereur  :  «  Sacramenta  itaque 
baptismatis  volumus,  ut  sicut  sancta  vestra 
fuit  admonitio,  ita  concorditer  atque  unifor- 
miter  in  singulis  parochiis,  secundum  Roma- 
num  ordinem  inter  nos  celebrenlur  (Can.  iv).  » 

Les  capitulaires  enjoignent  la  même  confor- 
mité avec  l'Eglise  romaine  pour  la  messe:  «Ut 
unusquisque  presbytermissam  ordineRomano 
cum  sandaiiis  celebret  (L.v,  c.  219).  » 

L'empereur  Cbarles  le  Cbauve ,  rend  le 
même  témoignage  dans  sa  lettre  au  clergé  de 
Ravenne. 

«  Nam  et  usque  ad  tempora  abavi  nostri 
Pipini,  Gallicanes  Ecclesiae  aliter  quam  Romana 
\e|  Mediolanensis  Ecclesia,  divina officia cele- 
brabant.  Sicut  vidimus  et  audivimus  ab  eis, 
qui  ex  parlibus  Toletanae  Ecclesia1  ad  nos  ve- 
nientes,  secundum  morem  ipsius  Ecclesia;  co- 
ram  nobis  sacra  officia  celebrarunt.  Celebrata 
sunt  ctiam  coram  nobis  sacra  missarum  officia 
more  Hierosolymitano ,  autore  Jacobo  apo- 
stolo,  et  more  Constantinopolitano  autore 
Basilio.  Sed  nos  sequendam  ducimus  Romanam 
Ecclesiam  in  missarum  celebratione.  » 

IX.  Voilà  les  plus  célèbres  liturgies  du 
monde  que  cet  empereur  avait  vu  célébrer  : 
celle  de  Jérusalem,  celle  de  Constantinople, 
celle  de  Milan,  celle  de  Tolède;  elles  étaient 
toutes  différentes  entre  elles:  l'Eglise  de  France 
avait  aussi  la  sienne,  mais  enfin  elle  embrassa 
la  romaine,  et  les  autres  Eglises  Occidentales 
suivirent  son  exemple,  quoiqu'il  soit  toujours 
di  meure  quelque  teinture  de  l'ancienne  va- 
lidé. 

Valalride  Slrabon  a  jugé  que  celte  unifor- 
mité entre  tant  d'églises  diverses,  et  cette  con- 


formité avec  celle  qui  est  leur  chef  et  leur 
maîtresse,  a  été  plus  nécessaire  dans  les  der- 
niers temps,  pour  être  comme  un  rempart  in- 
surmontable contre  tant  de  nouvelles  sectes, 
qui  mit  attaqué  ou  la  foi,  ou  l'unité  de  l'Eglise. 

«  Plenarius  ofliciorum  ordo,  qui  nimc  per 
Romanum  orbem  servatur,  post  anliquilatem 
inultis  temporibus  evolutam  est  instituais,  et 
ad  omnem  eminentiam  sanctae  religionis  est 
dilatatus.  Crescente  enim  fidelium  numéro,  et 
baereseon  pestilentia  multipliciuspacem  macu- 
lante catbolicam,  necesse  erat  augeri  r.ultum 
verœ  observationis,  ut  et  clarior  religio  acce- 
dentium  ad  lidem  animos  invïtaret,  et  auctior 
cultus  veritatis  constantiam  catbolicorum  ad- 
versus  inimicos  ostenderet ,  etc.  Privilégie 
Romans  Sedis  observato,  faclum  est  ut  in  om- 
nibus pêne  Latinorum  Ecclesiis,  consuetudoet 
magisterium  ejusdem  sedis  praevaleret;  quia 
non  est  alia  traditio  aque  sequenda,  vel  in 
lidei  régula,  vel  in  observationum  doctrina 
(De  rébus  Ecclesi.,  c.  xxv).  » 

Enfin  cet  auteur  assure  qu'il  y  en  avait  qui 
distinguaient  encore  les  traces  des  anciens 
offices  et  du  chant  des  églises  de  France  qui 
étaient  restées  après  la  publication  des  offices 
romains.  «  Et  quia  Gallicana  Ecclesia  viris  non 
minus  p<  ritissimis  instructa,  sacrorum  oflicio- 
rum instrumenta  babebat  non  minima,  ex  eis 
aliqua  liomanorum  officiis  immixta  dicuntur, 
quse  plerique  et  verbis  etsono  se  aca;teris  can- 
tibus  discernereposse  fateantur.  » 

L'exemple  du  célèbre  Lupus,  abbé  de  Fer- 
rières,  nous  fait  voir  que  les  monastères  par- 
ticuliers envoyaient  quelquefois  de  leurs  reli- 
gieux à  Rome,  poury  être  entièrement  instruits 
du  chant  des  offices  et  des  cérémonies  de 
l'Eglise  romaine  (Epist.  cm). 

X.  Il  est  temps  de  finir  ce  chapitre  par  le 
fameux  Agobard,  archevêque  de  Lyon. 

Ce  savant  prélat  composa  un  traité  particu- 
lier contre  un  insolent  critique  qui  avait  cen- 
suré l'Eglise  de  Lyon  dans  un  point  qui  méri- 
tait plutôt  des  louanges;  c'est  qu'elle  n'avait 
rien  laissé  insérer  dans  ses  offices  qui  ne  fût 
tiré  des  divines  Ecritures,  croyant  que  c'était 
la  voie  la  plus  sûre  et  la  plus  courte  de  ne  tom- 
ber jamais  dans  l'erreur;  puisque  les  eaux  de 
la  vérité  sont  toujours  plus  pures  dans  leur 
origine.  «  Fnde  summopere  necesse  est,  ut  si 
vere  absque  oflendiculo  vel  haesitatione  divinas 
laudes  cupimus  celebrare,  totos  nos  divinis 
sermonibus,  in  quibus  nullus  est  error,  nulla 


DES  CHANTRES  ET  DU  CHANT  DIS  OFFICES  DIVINS. 


239 


ambiguitas,  coaptemus  (De  veteri  ritu  canendi 
|)salm.  in  Ecoles.).  » 

L'insolence  de  ce  ridicule  censeur  était  mon- 
tée jusqu'à  ce  point,  de  condamner  quelques 
endroits  des  offices  romains.  «  Non  est  veritus 
in  ipsa  Honiana  ecclesia  quœdam  in  sacris  offi- 
ces et  ministeriis  reprchensibilia,  etiani  sub 
analliematis  daninatione  resecare.  » 

Le  même  Agobard  adressa  un  autre  ouvrage 
aux  chantres  de  son  Eglise  de  Lyon  ,  pour  leur 
faire  remarquer  certains  endroits  dans  l'anti- 
phonaire  de  celte  église,  qui  contenaient  des 
erreurs,  ou  des  méprises  manifestes.  Aussi  il 
en  avait  fait  une  correction  exacte.  «  Hac  de 
causa  et  antiphonarium  pro  viribus  noslris 
magna  ex  parte  correximus,  amputalis  bis, 
quae  vel  supertlua,  vel  levia,  vel  mendacia,  aut 
blasphéma  videbantur.  » 

H  leur  fait  une  énuinération  des  fautes  qu'il 
avait  corrigées,  et  leur  inculque  sans  cesse 
cette  maxime,  que  saint  Augustin,  saint  Gré- 
goire, et  les  autres  Pères  eussent  été  indubita- 
blement surpris,  s'ils  eussent  entendu  chanter 
dans  l'Eglise  ce  qui  ne  se  lit  pas  dans  la  parole 
de  la  vérité,  qui  estl'Fxriture.  «  Caderum  si  in 
diebus  suis  audisset  aliquos  non  de  divinis 
eloquiis,  sed  de  bumanis  adinventionibus  can- 
tantes,  numquid  non  mortuum  et  sine  ^  ita 
talem  cantum  putaret?  » 

11  conclut  de  là  que  rien  n'est  plus  à  souhai- 
ter que  d'avoir  un  livre  d'offices,  «  Officiaient 
librum,  »  ou  un  antipbonaire  aussi  correct,  et 
aussi  fidèlement  tissu  des  paroles  seules  de 
l'Ecriture  sainte,  comme  on  a  déjà  un  livre 
des  leçons,  «  Librum  lectiouum,»  recueilli  des 
livres  sacrés,  et  un  missel  «  Librum  mysterio- 
rum,  »  très-conforme  à  la  pureté  de  la  foi. 

«  Omni  studio  pietatis  instandum  atque  ob- 
servandum  est,  ut  sicut  ad  celebranda  missa- 
rum  solemnia  babet  Ecclesia  librum  mysterio- 
rum,  fide  purissima,  et  concinna  brevitate 
digestum  :  babet  et  librum  lectionum  ,  ex 
divinis  libris  congrua  ratione  collectum  ;  ita 
etiam  et  hune  tertium  officialem  libellum,  id 
est  antiphonarium  babeamus ,  omnibus  bu- 
manis figmentis  et  mendaciis  expurgatum,  et 
per  totum  anni  circulum  ex  purissimis  sanctœ 
Scriptura  verbis  sufficientissime  ordinatum  : 
quatenus  in  sacris  officiis  peragendis,  juxta 
probatissimam  fidei  regulam,  et  paterna  auto- 
ritatis  venerabilem  disciplinam,  una  a  nobis 
atque  eadem  custodiatur  forma orationum.  » 

Agobard  a  poussé  un  peu  trop  loin  la  néces- 


sité de  ne  recevoir  dans  les  offices  di\ius  que 
les  textes  propres  des  Ecritures.  La  coutume 
de  l'Eglise  de  Lyon,  qui  en  usait  de  la  sorte, 
était  lmiable,  mais  il  n'en  fallait  pas  faire  une 
loi  pour  toute  l'Eglise. 

Saint  Ambroise  a  compose  des  hymnes,  les 
conciles  les  ont  autorisées,  l'Eglise  ancienne 
les  a  chantées,  la  règle  de  saint  Benoît  les  a 
reçues.  On  a  lu  de  tout  temps  les  actes  des 
martyrs,  et  les  homélies  des  Pères  dans  l'Eglise. 
On  fait  des  prédications  pendant  la  messe, 
pourquoi  ne  lira-t-on  pas  les  homélies  des 
Pères  pendant  l'office?  Les  offices  sont  compo- 
sés de  prières  et  de  lectures  de  piété.  On  parle 
à  Dieu  par  la  prière,  on  l'écoute  par  la  lecture. 
Dieu  nous  parle  par  les  Ecritures,  par  les  Pères, 
qui  en  sont  les  interprètes  et  par  les  exemples 
des  saints,  qui  exposent  à  nos  yeux  cette  di- 
vine morale,  que  l'Ecriture  fait  retentir  a  nos 
oreilles. 

M.  Concluons  cette  matière  par  la  dernière 
maxime  du  même  Agobard,  qui  n'est  pas  la 
moins  importante  de  toutes,  et  qui  peut  servir 
d'un  juste  tempérament  de  cette  extrême 
ardeur,  avec  laquelle  on  se  porta  au  chant 
durant  l'empire  de  Charlemagne.  Quelque  né- 
cessaire que  puisse  être  l'étude  du  chant,  il  y 
a  encore  d'autres  études,  auxquelles  les  jeunes 
ecclésiastiques  doivent  s'appliquer  avec  une 
chaleur  incomparablement  plus  grande. 

«  Forma  orationum,  forma  lectionum  ,  et 
forma  ecclesiasticarum  modulationum  a  boni 
ingenii  adolescentibus  quam  celerrime  imbi- 
bita,  eos  et  divinis  laudibus  concinnendis,  suf- 
ficienler  et  graviter  idoneos  reddat,  et  a  potio- 
ribus  ac  spiritalibus  studiis  non  impediat.  » 

Après  cela  on  ne  peut  nier  que  ce  ne  soit  un 
malheur  déplorable,  de  voir  tant  de  chantres 
qui  consument  toute  leur  vie,  depuis  leur  plus 
tendre  enfance  jusqu'à  la  vieillesse,  à  exercer 
leur  voix  et  à  se  perfectionner  dans  le  chant, 
sans  pouvoir,  ou  sans  vouloir  s'appliquer  à  la 
lecture  des  Ecritures,  ou  à  la  contemplation 
des  vérités  du  ciel,  et  sans  se  remplir  l'esprit 
et  le  cœur  d'autre  chose  que  du  vent  de  leur 
vanité  et  de  la  folle  complaisance  de  leur  belle 
voix  : 

«  Ex  quibus  quamplurimi  ab  ineunte  pueri- 
tia,  usque  ad  senectutis  canitiem,  omnes  dies 
vitie  suœ  in  parando  et  confirmando  cantu 
expendunt,  et  totum  tempus  utilium  et  spiri- 
talium  studiorum,  legendi  videlicet,  et  divina 
eloquiaperscrutandi,  iuistiusmodioccupatione 


■240         DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-UNIÈME. 


consumant.  Quodque  animabus  eorum  procul- 
dubio  valde  est  noxium,  ignari  fidei  suœ,  in- 
scii  Scripturarum  sacrarum,  et  divina?  intelli- 


gentiae  inaneset  vacui,  hoc  solum  sibi  suflicere 
putant;  et  ob  hoc  etiam  ventosi  et  inllati  in- 
cedunt,  etc.  » 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-UNIÈME. 


DE   L'OBLIGATION    DES   BÉNÉFICIERA    A   CHANTER   OU   A    RECITER  L  OFFICE   DIVIN,    AU   MOINS 
EN    PARTICULIER,   SOLS   L'EMPIBE   DE   CIIAltLEMAGNE. 


I.  La  première  élude  des  clercs  était  d'apprendre  le  psautier 
par  cœur. 

II.  Théodulphe  oblige  les  curés  à  s'occuper  de  la  prière  et  de 
la  lecture.  La  prière  la  plus  ordinaire  a  toujours  été  la  psalmodie. 

III.  Preuves  tirées  des  conciles  pour  cette  obligation. 

IV.  Nouvelles  preuves  tirées  des  capitulaires. 

V.  Ilmrmu  oblige  les  curés  à  la  récitation  des  beures  cano- 
niales en  particulier. 

VI.  Diverses  preuves  tirées  d'Alcuin,  qui  distingue  les  offices 
publics  des  particuliers. 

VII.  Preuves  tirées  de  Réginon,  el  des  perquisitions  quedoi- 
venl  faire  les  êvêques  pendant  leur  visite. 

VIII.  Aiilres  prriivi  s  i'l  rvinpb's  il.'s  l-.gliM'S  grccipie  cl  lutiin1. 

1\.  Exemple  admirable  de  saint  Udalric,  évèque  d'Augsbourg. 

Offices  de  la  Sainte  Vierge  et  des  morts. 

X.  La  règle  de  Crodogangus  oblige  à  réciter  l'office  en  parti- 
culier, si  on  ne  l'a  pu  en  public. 

XI.  Nécessité  de  savoir  par  cœur  le  psautier. 

I.  La  réponse  que  le  pape  Etienne  II,  étant 
venu  en  France,  fit  à  quelques  consulta- 
tions, nous  apprend  qu'un  prêtre  fut  déposé, 
parce  qu'il  ne  savait  ni  l'Oraison  Dominicale, 
ni  le  Symbole,  ni  les  psaumes  :  «  Nec  Symbo- 
lum,  nec  Orationem  Dominicain,  nec  psalmos 
tenet  (An.  7.M,  cap.  xm).  » 

Le  capitulaire  de  Charlemagne,  à  Aix-la- 
Cbapelle  (An.  781),  cap.  lxxii),  ordonne  que, 
dans  tous  les  évêchés  et  dans  les  monastères,  il 
y  aura  des  écoles  où  l'on  enseignera  aux  jeunes 
clercs  les  psaumes,  la  note,  le  chant,  le  com- 
put  et  la  grammaire  :  «Psalmos,  notas, cantus, 
eomputurn  ,  grammaticam  per  singula  inona- 
steria  vel  episcopia  discant  (An.  791).  » 

Les  psaumes  étaient  donc  la  première  chose 
qu'on  apprenait  aux  jeunes  clercs.  Le  même 
empereur  Charlemagne,  pour  rendre  grâces  à 
Dieu  d'une  insigne  victoire ,  ordonna  que  tous 
les  clercs  qui  sauraient  le  psautier  chanteraient 
cinquante  psaumes.  «  Et  clerici  qui  psalmos 


sciebant,  unusquisque  quinquaginta  cantasset 
(Capit.  Théo.,  c.  n).  » 

IL  Théodulphe,  évêque  d'Orléans,  déclare  à 
ses  curés  que  la  prière  et  la  lecture  se  doivent 
succéder,  et  ne  doivent  être  interrompues  que 
par  le  travail  des  mains.  «  Oportet  vos  et  assi- 
duitatem  habere  legendi,  etinstantiam  orandi, 
etc.  H;cc  sunt  arma  ,  lectio  et  oratio,  quibus 
diabolus  expugnatur,  bis  armis  vitia  compri- 
muntur,  lus  alimenlis  virtules  nutriuntur.  » 
Or  on  sait  que  la  prière  la  plus  ordinaire  était 
la  récitation  des  psaumes. 

Le  capitulaire  des  évèques  adressé  en  même 
temps  aux  pasteurs  déclare  en  termes  formels 
l'obligation  de  réciter  les  heures  canoniales  en 
leur  propre  temps.  «  Ut  omnes  sacerdoles  boris 
competentibus  diei  et  noctis  suarum  sonent  si- 
gna Ecclesiarum,  et  sacrata  Deo  célèbrent  offi- 
cia ,  et  populos  erudiant,  quoinodo  et  quibus 
Deus  adorandus  est  locis  (An.  802  ,  c.  m,  vm  ; 
Conc.  Gall.j  tom.  n,  p.  219).  » 

Il  y  avait  une  obligation  toute  particulière  à 
chanter  les  divins  offices  du  jour  et  de  la  nuit, 
dans  les  lieux  où  reposaient  les  reliques  des 
martyrs.  «  Ut  unusquisque  sacerdos  Ecclesiarn 
suam  cum  onmi  diligentia  a>dificet,etreliquias 
Sanctorum  cum  summo  studio  vigiliarum 
noctis  et  divinis  ofticiis  conservet.  »  C'est  pour 
cela  que  Charlemagne  voulait  que  les  curés 
sussent  tous  le  psautier  de  mémoire  :  «  Ut 
quisque  parochus  totmn  psalterium  memoriter 
teneat  (Ibid.,  p.  253).  » 

III.  Le  concile  II  de  Chàlons,  tenu  en  813 
(Can.  lix),  nous  a  instruits  du  détail  des  divins 
offices  qu'on  chantaitdans  les  monastères,  et  de 


DE  L'OBLIGATION  ItF.S  BÉNÉFIQERS  A  CHANTER,  etc. 


m 


là  il  est  facile  de  juger  quels  étaient  les  offices 
îles  curés  et  des  autres  ecclésiastiques.  Cet 
office  était  composé  de  matines,  prime,  tierce, 
sexte,  noue,  vêpres  et  compiles.  «  Sanctimo- 
oiales  in  monasterio  constitulae  habeant  stu- 
dium  in  legendo  et  in  cantando.  in  psalmorum 
celebratione  ,  sive  oratione  ;  et  horas  canonicas 
matutinam  scilicet,  primam,  tertiam,  sextam  , 
nonam  ,  vespertinam  ,  completorium  pariter 
célèbrent.  » 

Le  concile  d'Aix-la-Chapelle,  tenu  en  816 
(Can.  cxxvi  et  seqq.)  ordonne  les  mêmes  heures 
aux  chanoines,  c'est-à-dire  à  tous  les  ecclésias- 
tiques, qu'on  réduisit  alors  à  vivre  en  commu- 
nauté, et  à  qui  on  donna  le  nom  de  chanoines, 
comme  nous  dirons  plus  bas.  Ces  heures  furent 
prime,  tierce,  sexte,  none,  vêpres,  compiles, 
les  vigiles  et  les  matines. 

Il  se  peut  faire  que  le  concile  II  de  Châlons 
ait  compris  les  vigiles,  c'est-à-dire  les  noctur- 
nes, avec  les  laudes,  sous  le  nom  de  matines, 
comme  c'est  encore  l'usage  présent.  Le  concile 
d'Aix-la-Chapelle  (Can.  cxxxi)  commande  aux 
chanoines  d'assister  aux  offices  debout,  et  de 
ne  se  servir  d'un  bâton  pour  s'appuyer,  s'ils 
ne  sont  infirmes  :  «  Nec  eu  m  baculis  in  choro 
exceptis  debilibus  sed  religiosissime  illis  slan- 
dum  et  psallendum  est.  » 

Ceux  qui  manqueront  d'assister  à  ces  offices 
doivent  être  sévèrement  réprimandés:  «  Qui 
lias  horas  frequentare,  et  in  his,  ut  dignum 
est,  cœleste  neglexerit  officium  persolvere, 
digna  invectione  corripiatur;  ut  et  ipse  emen- 
detur,  et  cœteri  timorem  habentes,  hujusce- 
modi  negligentiam  caveant.  » 

Il  est  sans  doute  que  ces  aigres  réprimandes 
dont  on  punissait  les  absents,  et  les  négligents, 
étaient  toujours  accompagnées  d'un  comman- 
dement exprés  de  réciter  en  particulier  les 
psaumes  qu'ils  n'avaient  pas  chantés  au  chœur. 
Quelle  autre  pénitence  pouvait-on  leur  imposer 
qui  fût  plus  raisonnable  et  plus  juste  ? 

On  peut  inférer  de  là  que  les  prêtres,  étant 
dégrades,  ne  laissaient  pas  de  demeurer  tou- 
jours dans  la  même  obligation  de  réciter  leurs 
offices.  Et,  si  le  concile  II  de  Chàlon  (Can.  xl) 
les  enferme  dans  un  monastère  pour  y  faire 
pénitence,  l'assistance  aux  divins  offices  était 
la  meilleure  partie  de  cette  pénitence.  «Diclum 
nobis  est  presbyteros  propter  suam  negligen- 
tiam cauonice  dégradâtes,  saeculariter  gradu 
amisso  vivere.  et  pœnitentiae  agenda*  bonum 
négligerez   Inde  statuimus,  ut  gradu  amisso 

Th.  —  Tome  II. 


agendae  pœnitentiae  gratia,  in  monasterio  aut 
canonico,  aut  regulari  mittantur.  » 

IV.  Ce  devoir  indispensable  de  faire  les 
prières  solennelles  aux  heures  réglées  du  jour 
et  de  la  nuit,  est  encore  marqué  bien  plus  évi- 
demment dans  les  Capitulaires  de  Charle- 
magne.  «  Ut  sacerdotes  signa  tangant  horis  ca- 
nonicis,  et  illorum  officium  agant,  sive  diur- 
nale,  sive  nocturnale,  quia  scripUim  est.  sine 
intermissione  orate;  et  ideirco  non  dimittant 
horas  canonicas  [L.  vi,  c.  1G3).  » 

Les  anciens  canons  y  sont  renouvelés  sur  le 
même  sujet,  afin  d'obliger  absolument  tous  les 
ecclésiastiques  de  se  trouver  aux  offices  de  l'E- 
glise :  «  Ad  quotidianum  psallendi  officium 
matutinis,  vel  vespertinis  horis  (L.  vu,  c.  ICI, 
IG7).  » 

La  peine  n'est  rien  moins  que  la  déposition 
pour  les  incorrigibles,  o  deponatur  a  clero.  » 
Cette  peine  est  assurément  plus  redoutable  que 
l'obligation  de  faire  les  mêmes  prières  en  par- 
ticulier. La  privation  du  bénéfice  est  marquée 
dans  un  autre  canon,  au  moins  la  suspension  : 
«  Ita  utcumeos  pœnitentiacorrexeritrescripti 
in  matricula  gradum  suum  dignitatemque  re- 
cipiant   Ibid.,  c.  cccliii).  » 

La  vie  des  ecclésiastiques  selon  les  canons 
n'est  qu'une  application  continuelle  à  la  prière, 
à  la  psalmodie,  à  la  lecture,  en  public  et  en 
particulier  :  «  Postremo  in  doctrina,  in  lectio- 
nibus,  psalmis,  hymnis,  canticis  spiritualibus, 
exercitio  jugi  ineumbant.  » 

V.  La  distinction  des  heures  canoniales  qu'on 
récitait  en  particulier  et  de  celles  qu'on  chan- 
tait en  public,  se  trouve  en  termes  formels 
dans  les  instructions  que  l'archevêque  de 
Reims,  Hincmar,  donna  à  ses  curés,  où  il  leur 
enjoint,  après  avoir  dit  matines  au  point  du 
jour,  de  chanter  les  quatre  petites  heures  en 
particulier,  afin  de  pouvoir  ensuite  vaquer  aux 
fonctions  curiales;  en  sorte,  néanmoins,  que 
ces  mêmes  heures  canoniales  soient  après 
chantées  en  public  en  leur  propre  temps,  soit 
par  le  même  curé,  soit  par  d'autres  ecclésias- 
tiques. 

«  Mane  matitunali  officio  expleto,  pensum 
servitutis  suœ  canendo  primam,  tertiam,  sex- 
tam. nonamque  persolvat;  ita  tamen  ut  postea 
horis  competentibus  juxta  possibilitatem,  aut 
a  se,  aut  a  scbolasticis  publiée  complealur. 
Deinde  peractis  missarum  solemniis ,  etc. 
llmcin.,  t.  i,  [i.  71-2,  c.  ix).  » 

M.  L'auteur  ancien  de  la  vie  d'Akruin  fait  la 

16 


24-2        DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-UNIÈME. 


même  "distinction  pour  la  messe,  et  dit  que 
tous  les  dimanches  ce  pieux  et  savant  diacre 
célébrait  la  messe  avec  son  prêtre  en  particu- 
lier jusqu'à  l'heure  de  tierce,  après  quoi  il  se 
rendait  a  la  messe  solennelle,  outre  les  messes 
qu'il  célébrait  tous  les  jours  de  la  semaine. 

a  Celebrabat  omni  die  missarum  solem- 
nia.  etc.  Dominica  porro  die,  nulle  unquam 
tempore,  postquam  lux  inchoasset  apparere,  se 
tradebat  sopori,  sed  velociter  levitice  se  prœ- 
parans,  suo  cum  Sigulpho  presbytère,  missa- 
rum celebrabat  solemnia  specialium,  ii«(|ue 
horam  tertiam.  Et  tune  niniia  cum  reverenlia 
publicam  intrabat  ad  nhssam.  » 

Ces  deux  exemples  font  connaître  la  distinc- 
tion des  offices  et  des  messes  qui  se  disaient  en 
particulier  et  en  public  par  les  mêmes  per- 
sonnes qui  s'acquittaient  de  ce  double  devoir 
de  piété.  Il  y  a  bien  plus  de  sujet  de  croire  que 
ceux  qui  ne  s'en  acquittaient  pas  en  public  se 
jugeaient  indispensablenient  obligés  de  le  faire 
en  particulier.  Si  les  curés  mêmes  étaient  obli- 
gés de  dire  en  secret  leurs  heures  canoniales, 
nonobstant  leurs  occupations  si  pressantes  et 
si  inévitables,  et  nonobstant  qu'ils  dussent 
peut-être  encore  les  chanter  en  public  dans 
l'église,  que  faut-il  juger  des  autres  bénéficiera? 

Le  même  Alcuin  n'exprime  pas  moins  nette- 
ment la  dillérence  de  ces  deux  sortes  de  divins 
offices,  dans  la  lettre  qui  sert  de  préface  a  la 
vie  de  saint  Waast,  qu'il  a  écrite.  U commande 
à  l'abbé  Radon  de  ne  point  souffrir  queses  reli- 
gieux se  dispensent  des  beures  du  chœur, 
«  Nullus  horis  canonicis  se  divinis  subtrahat 
laudibus,  ne  propter  aliquam  negligentiam 
cujuslibet  locus  in  conspectu  Dei  vacuus  inve- 
niatur.  »  Mais  après  cela  il  lui  déclare  son  obli- 
gation,  quelque  part  qu'il  aille,  de  récitertout  le 
divin  service  avec  ses  clercs  :  «  Et  quoeumque 
vadis,  clerici  servilium  Dei  pleniter  peragant. 
Tecum  eant  sobrietateornati(Epist.  xxxn,  l).  » 

Il  était  en  effet  bien  difficile  que  tous  les 
ecclésiastiques  et  surtout  les  chanoines  des 
églises  cathédrales  vivant  en  communauté,  et 
se  croyant  obligés  d'assister  a  toutes  les  heures 
du  chœur,  comme  il  parait  par  les  lettres  du 
même  Alcuin  :  «  Nec  aliquis  se  a  canonicis 
horis,  a  communione  sanctae  orationis ,  sua- 
negligens  salutis  separet,  »  ne  se  crussent 
obliges,  par  une  conséquence  nécessaire,  de 
satisfaire  à  ce  devoir  de  piété  et  de  religion  en 
particulier,  quand  ils  n'avaient  pu  le  faire  en 
commun. 


VIL  Ces  vérités  ne  se  découvrent  pas  moins 
clairement  dans  les  livres  de  Réginon,  et  dans 
les  articles  dont  il  montre  que  les  évêques 
ou  leurs  ministres  doivent  s'enquérir  dans  leurs 
visites. 

«  Si  clericum  habeat  presbyter,  qui  cum  eo 
psalmos  cantet.Si  nocturnis  horis  ad  matutinas 
laudes  persolvendas  omni  nocte  surgat.  Si  pri- 
mam,  tertiam,  sexlam,  nonam  certo  tempore 
signo  ecclesiae  denuntiet,  et  cursum  debitum 
cantet.  Si  tempore  statuto,  id  est  circa  horam 
tertiam  diei  missam  celebret  ;  et  post  hœc 
usque  ad  médium  diem  jejunet.  ut  hospitibus 
atque  peregre  venientibus,  si  necesse  fuerit, 
possit  missarum  cantare  (L.  i  de  Eccles.  Dis- 
cipl.,  c.  xxvi,  xxvii,  xxvm,  xxxiu).  » 

Je  ne  m'arrête  pas  à.  ces  deux  messes  en  un 
jour,  qui  commençaient  à  s'établir  par  cette 
nécessité,  mais  je  remarque  l°que  dans  toutes 
les  paroisses  de  la  ville  ou  des  champs  on 
chantait  tout  l'office  canonial,  quand  il  n'y 
aurait  eu  que  le  curé  et  un  seul  clerc  avec  lui  ; 
2  qu'ils  chantaient  même  les  offices  delà  nuit; 
3"  que  les  offices  de  la  nuit  s'appelaient  déjà 
du  nom  de  matines,  parce  qu'encore  qu'on  se 
levât  la  nuit,  néanmoins  c'était  en  sorte  que  la 
fin  de  l'office  de  la  nuit  se  rencontrait  avec  la 
naissance  du  jour. 

Dans  les  anciens  formulaires  de  l'instruction 
que  l'évèque  doit  faire  à  ses  curés  dans  son 
synode,  ces  obligations  ne  sont  pas  oubliées. 
«  Omni  nocte  ad  nocturnas  surgi  te.  Cursum 
vestrum  horis  certis  decantate,  etc.  [Raluzius 
in  Àppend.  ad  Regin.,  p.  603,  007,  011).  » 

VIII.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Odon.  abbé 
de  Cluny,  se  plaignant  du  relâchement  des 
moines  de  saint  Martin  de  Tours,  dit  qu'ils  ne 
se  levaient  plus  qu'à  la  pointe  du  jour  pour 
chanter  les  offices  de  la  nuit  :  «  Ad  laudes 
n  inique  nocturnas,  ne  aliquo  pedem  modo 
oftenderent,  cum  luce  diei  surgebant  (Ribl. 
CI  un.,  p.  42).  » 

Mais  le  même  saint  Odon  nous  apprend  dans 
la  vie  de  saint  Gérald,  comte  d'Aurillac,  qu'il  a 
écrite,  ce  que  nous  devons  croire  des  ecclé- 
siastiques, puisque  ce  comte  n'ayant  pu  un  jour 
de  dimanche  entendre  la  messe ,  assembla 
tous  les  ecclésiastiques  qui  raccompagnaient, 
récita  avec  eux  tout  le  psautier,  et  s'accoutuma 
le  reste  de  sa  vie  à  réciter  presque  tous  les 
jours  le  psautier. 

«Est  quod  ad  laudem  Dei  faciamus,  ne  diem 
sanctam  inaniterexpendisse  videamur.  Dixerat 


DE  L'OBLIGATION  bES  BJÈNÉFIC1ERS  A  CHANTER,  etc. 


243 


haec,  et  psalterium  a  capite,  nil  mortale  sonans 
cuni  eisdem  percucurrit.  Ex  hocjam  sibi  con- 
suetudinem  statuit ,  ut  psalterium  pêne  quoti- 
die  recitaret  (Ibid.,  c.  lxxiu).  » 

Le  moine  Ignace  remarque  que  le  saint  pa- 
triarche  de  Constantinople  Tamise  dans  les 
extrêmes  langueurs  de  sa  dernière  maladie  . 
taisait  éclater  les  flammes  de  sa  charité  en  célé- 
brant tous  les  jours  le  divin  sacrifice  ( Surius 
die  '2.').  Febru.  c.  xlvi).  » 

Saint  Ludger,  évèque  de  Munster,  étant  ap- 
pelé au  palais  de  l'empereur  par  des  ordres 
réitérés  de  s'y  rendre,  ne  laissa  pas  de  conti- 
nuer et  d'achever  la  récitation  de  ses  heures 
canoniales  qu'il  avait  commencées,  et  fit  après 
cela  trouver  bon  a  l'empereur  qu'il  eût  préféré 
l'honneur  et  le  service  de  Dieu  à  celui  des  hom- 
mes. «  Autistes  dum  consuetudinariis  ex  more 
psalmis  et  orationibus  instaret,  dixit  se  peraclo 
officio  divino  secuturum,  etc.  Omnipotentis 
servitium  intermittere,inconveniens  judicavi, 
etc.  iSurius,  die  26  Martii,  c.  xxxn).  » 

On  récitait  donc  ,  ou  on  chantait  en  particu- 
lier le  service  divin  ,  même  en  voyageant  par 
la  campagne,  comme  il  est  remarqué  ensuite 
du  même  saint  :  «  Dum  in  itinere  esset,  noctu 
stans  dum  matutinas  laudes  cum  clericis  ca- 
ncre t,  etc.  » 

Le  saint  confesseur  Nicétas  avait  appris  le 
psautier  dès  son  enfance  ,  et  après  cela  il  fut 
tonsuré  :  «  Psalterium  mémorise  mandavit, 
cumque  illum  in  ecclesia  pater  totondisset, 
etc.  (Surius,  die  2  April.,  c.  v,  xm).  »  Ce  fut 
aussi  son  principal  exercice  dans  le  monastère 
qu'il  gouverna  depuis,  de  réciter  tous  les  jouis 
tout  le  psautier  et  d'en  chanter  une  partie. «To- 
tum  psalterium  quotidie  pronuntiabant,  quo 
expleto  ad  eorumdem  psalmorum  vicissim  ca- 
nendorum  ordinem  se  parabant,  ita  ut  nun- 
quain  omnino  a  Dei  gloria  celebranda  ipsi 
vacarent.  » 

Le  saint  martyr  et  apôtre  des  Russes,  Boni- 
face,  parcourait  les  provinces  en  psalmodiant , 
et  parce  qu'il  avait  passé  de  la  vie  monastique 
a  l'épiscopat,  il  récitait  chaque  jour  l'office  des 
religieux  et  celui  des  ecclésiastiques.  «  Pedesler 
ibat.  jugiter  psallens,  et  csnteros  longe  praece- 
dens ,  etc.  Postquam  consecratus  est  archiepis- 
copus  ,  quotidie  observabat  et  monasticum 
pariter,  et  canonicum  in  celebrandis  horarum 
officiis  ordinem  ( Petrus  Damian.  in  vita  sancti 
Romuald.,  c.  xviu  .  » 

1\.  On  sera  moins  surpris  de  voir  un  grand 


archevêque  réciter  chaque  jour  deux  sortes 
d'offices  différents ,  quand  on  aura  appris  du 
l'auteur  de  la  vie  de  saint  Udalric,  évèque 
d'Augsbourg,  (|iie  ce  saint  prélat  joignait  tous 
les  jours  a  l'office  canonial,  celui  de  la  Sainte 
Vierge,  celui  de  la  Croix,  celui  de  tous  les 
Saints,  outre  plusieurs  autres  psaumes,  et 
deux  ou  trois  messes  qu'il  chantait  ordinaire- 
ment. 

«  Cursus  quotidianus  cum  matriculariis  in 
choro  ejusdem  matricules  caute  ab  eo  obser- 
vabatur,  quandocumque  ei  domi  nianendum 
alias  occupationes  consenserunt.  Insuper autem 
ununi  cursum  in  honorem  sanctac  Maria'  geni- 
tiicis  Dei,  et  alterum  de  sancta  Cruce,  tertium 
de  omnibus  Sanctis,  et  aliospsalmosplurimos, 
totumque  psalterium  omni  die  explore  solitus 
erat,  nisi  euin  impediret  aliqua  inevitabilis  né- 
cessitas. Missas  autem  très,  velduas,  aut  unam 
secundum  spatium  temporis  cantare  quotidie 
non  desiit ,  si  infirmitas  corporis,  aut  aliquod 
studium  bonum  ei  non  subtraxit  (Surius,  die  i 
Julii,  c.  m,  iv,  v).  » 

C'était  durant  la  nuit  qu'il  célébrait  une  par- 
tie de  ces  offices.  «  In  nocte  primum  sonante 
signo  surrexit,  et  praedictos  cursus  maxima 
cautela  complevit.  »  En  carême  il  ajoutait  l'of- 
fice des  morts,  «  usque  dum  signum  ad  vigi- 
lias  mortuorum  sonaret,  etc.  » 

Lorsque  cet  admirable  prélat  allait  par  les 
champs  taisant  sa  visite,  il  montait  sur  un  cha- 
riot avec  un  chapelain  pour  avoir  plus  de  li- 
berté de  se  séparer  de  la  compagnie  des  sécu- 
liers ,  et  de  donner  toute  la  journée  à  la 
psalmodie.  Il  se  faisait  toujours  accompagner 
par  un  nombre  d'ecclésiastiques  assez  considé- 
rable pour  pouvoir  célébrer  avec  eux  le  divin 
service  avec  décence. 

«  Sedebat  in  solio  super  carpentum  compo- 
site, de  humerulis  plaustri  in  ferro  pendenle, 
et  cum  eo  unus  clericus  de  capellanis  ejus,  qui 
cum  eo  tota  die  psalmos  decantasset.  Non  ideo 
quando  in  primis  tali  modo  pergere  cœpit, 
quod  non  ad  hue  caballicare  potuisset,  sed  ut  a 
populis  sequestraretur,  ne  a  cantatione  psal- 
morum  eorum  colloquiis  ineptis  impediretur. 
Comitari  vero  semper  cum  illo  aliquos  suos 
presbyteros  prudentissimos  et  de  capellanis 
tantum,  ut  quotidie  servitium  Dei  dévote  per- 
ficere  potuisset,  pnecepit.  » 

Saint  Bernard,  évèque  d'Hildesheim,  se  ren- 
dait avec  une  assiduité  admirable  à  tous  les 
offices  du  jour  et  de  la  nuit  avec  ses  chanoi- 


2H         DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-UNIÈME. 


nés:  «Furtivrporationi,  donec  clerici  ad  matu- 
tinos  hymnos  consurgerent,  vacabat.  Hymnis 
expletis,  multoties  psalmodiara  in  diurnum 
usque  crepusculum  extendebat.  Deinde  ali- 
quantulum  pausans,  corpusculum  recrcabat. 
donec  iterum  dilueulo  canonicum  cursuni  pri- 
ma? horœ  persolvebat,  etc.  (Surius,  die  20  No- 
vem.,  c.  y).  » 

X.  La  règle  que  Févêque  Crodogangus  pres- 
crivit aux  chanoines,  c'est-à-dire  à  tous  les  ec- 
clésiastiques de  son  temps,  après  avoir  marqué 
toutes  les  beures  et  toutes  les  parties  de  l'office 
divin,  remarque  ensuite  l'obligation  inévitable 
de  les  réciter  en  particulier,  quand  on  n'a  pu 
se  rendre  au  cbœur  avec  les  autres.,  et  de  les 
réciter  aux  mêmes  heures. 

«  Si  longe  ab  ecclesia  aliquis  fuerit,  ut  ad 
opus  Dei  per  horas  canonicas  occurrere  non 
possit,  agat  opus  Dei,  cum  tremore  divino,  ubi 
tune  fuerit  (Cap.  xxiv).  Et  plus  bas  :  «Quicum- 
que  ex  clero  in  itinere  cum  episcopo  vel  cum 
alio  proficiscuntur;  ordinem  suum,  inquan- 
tum iter,  vel  ratio  permiserit,  non  dimittant. 
Et  non  eos  debent  prœterire  borœ  constituta1, 
tam  de  officiis  divinis,  quam  aliunde  [Cap. 
xxxvu).  » 

Le  capitulaire  d'Abyton,  évèque  de  Râle, 
prescrit  aux  curés  le  chant  quotidien  des  offi- 
ces du  jour  et  de  la  nuit,  selon  l'ordre  romain. 
«  Ut  horas  canonicas,  tam  nocturnas,  quam 
diurnas  nullatenus  praetermittat.  Quia  sicut 
Romana  Ecclesia  psallit,  ita  omnibus  ejusdem 
propositi  viam  tenentibus  faciendum  est  (Spi- 
cileg.,  tom.  vi,  [>.  Cils).  » 

XL  Pour  finir  ce  chapitre  par  où  nous  l'avons 


commencé,  disons  que  ce  n'était  pas  un  petit 
avantage  aux  évêques  même  de  savoir  le  chant 
et  le  psautier.  Flodoard  donne  cet  éloge  à  Far- 
chevêque  de  Reims.  Hervé.  «  Ecclesiasticis  ad- 
prime  cantilenis  eruditus,  ac  psalmodia  prœci- 
puus,  et  hujusexercitatione  limatus,  etc.  (L.  rv, 
c.  11).  »  Le  grand  pape  Grégoire  III  a  été  ho- 
noré du  même  éloge.  «  Psalmos  omnesmemo- 
riter  per  ordinem  retinens,  et  in  eorum  sensi- 
bus  sublilissima  exereitatione  limatus.  » 

Le  concile  de  Nicée  (Can.  n),  défendit  délire 
ou  d'ordonner  un  évèque  qui  ne  sût  le  psautier 
par  cœur.  «  Definimus  omnem  qui  ad  episco- 
patus  provehendus  est  gradum,  modis  omni- 
bus psalterium  nosse,  ut  ex  hoc  etiam  omnis 
clericus,  qui  sub  eo  fuerit,  ita  moneatur  et 
imbuatur.  » 

Ou  exigeait  cette  science  des  évêques,  afin 
qu'ils  l'exigeassent  aussi  rigoureusementde  tous 
les  clercs.  Le  pape  Léon  III  avait  acquis  en  sa 
jeunesse  cette  science  si  nécessaire.  «  Omnem 
ecclesiasticam  disciplinam  spiritaliter  eruditus, 
tam  in  psalterio,  quam  in  sacris  divinis  Scri- 
pturis  pollens,  subdiaconus  faclus,  etc.  » 

Enfin,  on  ne  doutera  point  que  cette  exacti- 
tude des  lois  ecclésiastiques,  pour  obliger  tous 
les  clercs  de  savoir  le  psautier  par  cœur,  ne  fût 
une  suite  de  l'obligation  de  réciter  les  heures 
canoniales,  si  l'on  considère  qu'on  fit  un  crime 
au  pape  Jean  XII,  lorsqu'on  le  déposa  dans  un 
concile  romain  ,  en  963  ,  sous  l'empereur 
Othon  Ier,  de  n'avoir  pas  récité  son  office  cano- 
nial :  «  Matutinas  et  canonicas  horas  eum  non 
célébrasse,  nec  signo  crucis  se  munisse  pro- 
fessi  sunt  (I).  » 


(1)  D'après  la  discipline  actuelle,  appuyée  sur  l'unanimité  des  cano- 
nises et  des  théologiens,  l'obligation  de  réciter  l'office,  sous  peine 
de  péché  mortel,  est  inhérente  au  titre  de  l'ordination  aux  ordres 
sacrés,  quand  même  on  ne  possède  aucun  béné6ce  ;  au  titre  de  bé- 
néfice quelconque,  quand  même  on  ne  serait  pas  dans  les  ordres  sa- 
crés; au  titre  de  profession  religieuse  dans  un  ordre  dévoué  au 
ohœur,  qu'on  soit  prêtre  ou  non.  Cette  obligation  iDhérente  aux  or- 
dres sacrés  ne  cesse  pas  quand  même  le  clerc  serait  excommunié,  sus- 
pens ou  interdit.  Un  clerc  mineur  qui  recevrait  une  pension  d'un 
bénéfice  ecclésiastique,  serait  tenu  de  réciter  l'office  de  la  Sainte 
Vierge.  Sous  peine  d'être  obligés  de  restituer  les  fruits  des  distribu- 


tions quotidiennes,  les  chanoines  sont  tenus  de  chanter  au  chœur. 
La  sacrée  Congrégation  du  concile,  ainsi  que  Benoit  XIV,  ont  décidé 
qu'un  chanoine  qui,  au  lieu  de  chanter,  ferait  des  prières  vocales  ou 
mentales,  ne  satisferait  pas  à  ses  obligations  :  Teneri  omnino  pmllere, 
alioouin  obligationi  suœ  non  satisfacere.  Benoit  XIV  appelle  le 
contraire  :  Abusum  et  corruptelam  disciplina?  ecclesiasticœ  ubsonam. 
(Apud  Ferraris,  Vo  officium  divinum,  art.  m,  n»  95.)  Cette  décision 
s'applique  à  la  messe  chantée  et  à  l'office  canonial.  Sans  cela,  dit 
ce  grand  pape,  nullo  pacto  ex  prœbendis  et  distributionibus  facere 
fructus  suos,  atque  adeo  restitutioni  obnoxios  esse  et  fore. 

(Dr  André.) 


ORIGINE  DE  QUELQUES  PARTICULARITÉS  DE  L'OFFICE  DIVIN. 


24S 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DEUXIÈME. 


ORIGINE    DE    QUELQUES    PARTICULARITÉS   DES   OFFICES    DIVINS;    SOLS   L'EMPIRE    DE    CIIARLEMAGNE. 


I.  Le  pape  Jean  VIII  permet  la  célébration  des  offices  divins 
en  langue  esclavonne. 

II.  Les  livres  saints  et  les  offices  divins  ont  été  d'abord  écrits 
en  langue  vulgaire.  Mais  avec  le  temps,  les  peuples  ont  changé 
de  langage,  et  n'ont  plus  entendu  cette  ancienne  langue  vulgaire. 
Inconvénients  des  nouvelles  traductions. 

III.  L'unité  de  la  langue  dans  les  offices  divins  contribue  à  la 
conservation  de  l'unité  de  la  foi. 

IV.  Particularités  des  veilles,  des  fêtes  doubles,  de  la  messe 
des  présanctifiés. 

V.  Des  prières  préliminaires  avant  les  heures  canoniales. 

VI.  Les  offices  se  prolongeaient  aux  plus  longues  nuits. 
VIL  De  la  canonisation  des  saints. 

VIII.  De  ce  qui  se  chantait  ou  se  récitait  à  la  messe,  par  le 
piètre,  par  les  clercs  et  par  le  peuple. 

IX.  Des  messes  de  saint  Jacques  et  de  saint  Marc. 

X.  De  la  diversité  des  langues  dans  les  offices  divins  de  l'E- 
glise orientale. 

I.  Il  faut  dégager  dans  ce  chapitre  la  pro- 
messe que  j'ai  laite  d'indiquer  sommairemenf 
les  origines  de  quelques  particularités  de  l'of- 
fice divin,  quoique  ce  vaste  dessein  demande 
plus  de  temps  et  plus  d'érudition  que  je  n'en 
ai. 

Le  pape  Jean  VIII  permit  au  prince  des  Es- 
clavons,  nouvellement  convertis,  de  faire  célé- 
brer la  sainte  messe  en  langue  esclavonne ,  de 
lire  l'Evangile  et  toutes  les  Ecritures  en  la 
même  langue,  puisqu'il  est  juste  de  bénir  Dieu 
en  toutes  les  langues  dont  il  est  l'auteur.  11 
ordonne  néanmoins  qu'on  lira  premièrement 
l'Evangile  en  latin,  et  qu'après  on  l'interprétera 
en  esclavon  pour  le  peuple. 

»  Nec  sanre  lidei  vel  doctrinae  aliquid  obslat, 
sive  missas  in  eadem  slavonica  lingua  canere, 
sive  sacrum  Evangelium,  vel  lectiones  divinas 
novi  et  veteris  Testamenti  bene  translatas  et 
interpretatas  légère,  aut  alia  borarum  officia 
omnia  psallere.  Quoniam  qui  fecit  très  linguas 
principales,  hebraeam  scilicet,  grœcam  et  lati- 
nam,  ipse  creavit  et  alias  omnes  ad  laudem  et 
gloriam  suam.  Jubemus  tamen  ut  in  omnibus 
Ecclesiis  terra?  vestrae  propter  majorem  hono- 
rificentiam  Evangelium  latine  Iegatis,  et  post- 
modum  slavonica  lingua  translatant,  in  auri- 
bus  populi  lalina  verba  non  inlelligentis.  ad- 
nuutietur;  sicut  in  quibusdam  Ecclesiis  fieri 


videtur.  Et  si  tibi  et  judicibus  tuis  placet,  mis- 
sas  latina  lingua  magis  audire,  pra?cipimus,  ut 
latine  missarum  tibi  solemnia  eelebrentur 
(Epist.  ccxlvii).  » 

Ce  pape  n'obligea  pas  à  la  vérité  les  Escla- 
vons  de  faire  le  service  en  langue  latine ,  mais 
il  permit  au  prince  et  à  ses  seigneurs  de  se 
faire  dire  la  messe  en  latin,  s'ils  le  désiraient. 

IL  Eu  effet,  et  l'Ecriture  et  la  liturgie,  et 
toutes  les  psalmodies  ont  été  d'abord  écrites  en 
langue  vulgaire  que  tout  le  monde  entendait. 
.Mais  la  révolution  des  siècles  a  changé  la  lan- 
gue vivante  des  peuples,  en  sorte  que  les  des- 
cendants n'ont  plus  entendu  le  langage  que 
leurs  ancêtres  avaient  parlé. 

Voilà  comment  la  Rible  et  le  service  divin 
se  trouvent  en  langue  étrangère,  quoiqu'ils 
n'aient  reçu  en  eux-mêmes  aucun  changement 
par  la  seule  inondation  d'une  langue  étrangère 
qui  s'est  établie,  ou  qui  se  glisse  insensible- 
ment sans  qu'on  s'en  aperçoive.  Mais  cela  n'a 
lieu  que  dans  les  pays  où  la  chrétienté  s'est 
établie  lorsqu'on  y  parlait  la  même  langue  des 
Ecritures,  comme  la  Judée  et  la  Grèce,  ou  bien 
dans  ceux  où  l'on  a  fait  des  versions  de  l'Ecri- 
ture en  langue  vulgaire,  en  même  temps  que 
la  foi  s'y  est  étendue,  comme  les  pays  occiden- 
taux, où  la  langue  latine  était  entendue. 

Ainsi  l'on  peut  dire  qu'au  commencement 
de  la  conversion  d'une  grande  nation,  comme 
on  leur  prêche  l'Evangile  en  leur  langue,  aussi 
on  leur  donne  l'Ecriture,  la  liturgie  et  le  service 
en  leur  langue.  Cela  paraît  dans  l'établissement 
des  églises  judaïque,  grecque  et  latine,  aux- 
quelles le  pape  Jean  VIII  ajouta  l'esclavonne 
pour  les  mêmes  raisons;  parce  qu'il  est  impos- 
sible d'apprendre  une  langue  nouvelle  à  tout 
un  peuple,  mais  il  n'est  pas  impossible  de 
faire  une  fidèle  version  des  Ecritures  et  du 
service. 

Comme  ces  versions  sont  néanmoins  très- 
difficiles,  l'Eglise  ne  s'est  jamais  engagée  d'en 
faire  ou  d'en  autoriser  de  nouvelles,  toutes  les 


?.Ui      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DEUXIÈME. 


fois  que  l'ancien  langage  s'altérait.  Ces  altéra- 
tions se  font  insensiblement  plutôt  en  une  pro- 
vince qu'en  une  autre  dans  le  même  royaume, 
plutôt  dans  l'usage  du  petit  peuple  que  dans 
les  personnes  de  qualité,  plutôt  entre  les  igno- 
rants qu'entre  les  gens  de  lettres.  Ainsi  quand 
on  serait  résolu  de  faire  de  nouvelles  versions, 
autant  de  fois  que  le  langage  précédent  n'est 
plus  intelligible,  il  serait  très-difficile  de  faire 
un  juste  discernement  des  pays  et  des  temps 
auxquels  cette  innovation  serait  nécessaire. 

Enfin,  les  versions  fidèles  et  exactes  sont  si 
longues  à  faire  et  à  autoriser,  qu'on  peut  dire 
en  quelque  façon  que  la  langue  change  en 
moins  de  temps  qu'il  n'en  faut  pour  donner 
crédit  à  une  nouvelle  version. 

Lors  donc  que  la  religion  est  déjà  établie, 
c'est  un  moindre  mal  de  conserver  l'ancien 
langage,  quoique  peu  entendu;  mais  lorsqu'il 
faut  planter  la  religion  dans  un  pays  barbare, 
il  faut  quelquefois  se  résoudre  à  essuyer  les 
dangers  des  translations  nouvelles.  C'est  peut- 
être  pour  cela  que  ce  même  pape,  Jean  VIII, 
défendit  à  l'archevêque  de  Pannonie,  de  célé- 
brer encore  la  messe  en  esclavon ,  parce  que  la 
Pannonie  était  peut-être  déjà  convertie  (Episl. 
xcv). 

III.  Il  ne  faut  pas  aussi  dissimuler  qu'on  a 
tâché  d'aller  au-devant  des  divisions  et  des 
schismes  que  la  diversité  des  langues  pourrait 
introduire  dans  l'Eglise.  L'unité  des  cœurs  et 
des  esprits  se  conserve  bien  mieux  dans  l'uni- 
formité d'un  même  langage.  Aussi,  lorsque 
Dieu  voulut  rompre  la  bonne  intelligence  en- 
tre des  hommes  qui  en  abusaient  pour  immor- 
taliser leur  insolence,  il  ne  fit  que  diviser  et 
diversifier  leurs  langues.  C'est  pour  cela  que  le 
pape  Jean  VIII  commandait  qu'on  lût  toujours 
l'Evangile  en  latin,  et  puis  en  esclavon  dans  la 
messe  esclavonne.  C'est  pour  cela  que,  comme 
le  pape  Nicolas  1er  l'a  remarqué,  dans  Constan- 
tinople  même  on  lisait  premièrement  l'épître 
et  l'évangile  de  la  messe  en  latin,  et  puis  en 

grec. 

«  Ecce  quotidie,  imo  vero  in  prœcipms  festi- 
vitatibus  inter  graecam  linguam,  velut  quid- 
dam  pretiosum,  banc  romanam  linguam  mis- 
centes,  etc.  Constantinopolitana  Ecclesia  tectio- 
iiriii  apostolicam  et  evangelicamistiusdictione 
lingiue  in  stationibus  fertur  primitus  recitare, 
sicque  demum  propter  Grsecos  graeco  sermone 
utique  ipsas  lectiones  pronuntiare  (Epist.  vin).» 

La  même  coutume  s'observait  à  Rome,  de 


lire  l'évangile  et  l'épître  en  grec  et  en  latin 
aux  jours  des  fêtes  solennelles,  pour  faire  re- 
marquer l'union  des  deux  Eglises,  outre  les 
monastères  de  Rome,  où  tout  l'office  se  faisait 
en  grec  par  des  religieux  grecs  :  tel  fut  celui 
de  Saint-Praxède  que  le  pape  Pascal  I"  fonda, 
et  y  établit  une  congrégation  de  moines  grecs , 
«  quee  die  noctuque  graecre  modulations  psal- 
modia? laudes  omnipotenti  Deo  persolveret.  » 

Ajoutons  encore  cette  remarque  que  dans  la 
succession  de  tant  de  siècles,  et  dans  la  foule 
de  tant  de  nations  qui  ont  été  converties  à  la 
foi  cette  concession  du  pape  Jean  VIII  est 
très-singulière  et  peut-être  unique  et  sans 
exemple.  On  peut  inférer  de  là  que  les  peuples 
nouveaux  ne  sont  jamais  en  droit  de  rien  pré- 
tendre de  semblable,  quoiqu'il  soit  toujours  au 
pouvoir  de  l'Eglise  d'user  de  ses  dispenses , 
quand  elle  le  juge  à  propos.  Mais  si  l'histoire 
du  temps  passé  est  une  leçon  pour  l'avenir,  on 
ne  pourra  jamais  tirer  à  conséquence  l'exemple 
des  Esclavons,  ni  l'opposer  à  une  infinité  d'au- 
tres nations  à  qui  on  n'a  point  permis  après 
leur  conversion  le  chant  public  des  offices  de 
l'Eglise  en  leur  langue. 

IV.  Anastase,  bibliothécaire,  nous  apprend 
ailleurs  que  le  pape  Léon  IV  institua  l'octave 
de  l'Assomption,  avec  des  veilles  solennelles. 
«  Vigiliis  sacris  matutinisque  cum  omni  clero 
pernoctans  laudibus  in  basilica  ejusdem  Domi- 
née nostrœ  (De  divin.  Offi.,  c.  i).  »  Alcuin  nous 
a  représenté  la  manière  dont  on  veillait  la  nuit 
de  la  Nativité  de  Notre-Seigneur. 

La  veille  de  Noël,  on  disait  la  messe  à  l'heure 
de  none,  après  on  chantait  vêpres,  ensuite  on 
allait  manger.  A  l'entrée  de  la  nuit  le  pape 
entrait  dans  l'église  de  Sainte-Marie,  y  chantait 
les  vigiles  et  matines,  c'est-à-dire  laudes  et  en- 
suite la  messe  de  la  nuit.  Après  quoi  il  allait 
chanter  une  autre  messe  de  la  nuit  à  Sainte. 
Anastasie.  De  là  il  allait  à  Saint-Pierre,  où  il 
continuait  l'office  de  la  nuit  avec  les  chanoines 
de  Saint-Pierre  qui  l'avaient  commencé  à 
l'heure  ordinaire,  avec  l'invifatoire;  au  lieu 
que  le  pape  n'avait  point  dit  d'invitatoire  aux 
veilles  et  aux  matines  qu'il  avait  chantées  dans 
l'église  de  Sainte-Marie. 

Alcuin  ajoute  que  c'est  pour  cela  que  l'anti- 
phonaire  romain  marquait  pour  cette  nuit  un 
office  double  :  «  Unde  etiam  duplà  officia  in 
Romanorum  antiphonariis  bac  nocte  descri- 
bunlur.  » 

C'est  donc  là  l'origine  des  fêtes  et  des  offices 


ORIGINE  DE  QUELQUES  PARTICULARITÉS  DE  L'OFFICE  DIVIN. 


217 


doubles,  lorsqu'on  les  célébrait  deux  fois  on 
un  môme  jour  en  deux  différentes  églises. 
Origine  très-ancienne,  paisqu'Alcuin  semble 
attribuer  ces  anciennes  cérémonies  à  l'Eglise 
romaine.  Prudence,  avant  lui,  dans  la  descrip- 
tion qu'il  a  faite  de  la  passion  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul,  et  de  la  célébration  de  leurs 
fêtes,  axait  insinué  que  l'office  se  célébrait 
deux  fois  ce  jour-là,  parce  que  le  pape  allait 
d'abord  à  l'église  de  Saint-Pierre  et  ensuite  à 
celle  de  Saint-Paul,  et  célébrait  l'office  dans 
ebacune  de  ces  églises  le  même  jour.  Voici  les 
termes  de  Prudence  :  «  Transtiberina  prius 
solvit  sacra  perxigil  sacerdos;  mox  hucreeur- 
rit  duplicatque  nota.  Hœc  didicisse  sat  est 
Rompe  tibi  :  tu  domum  reversus,  diem  bife- 
slum  ,  si  colas,  mémento  (Pétri  Stepbanon).  » 
Cet  auteur  appelle  diem  bifestum  ce  que  nous 
appelions  duplicem  festum. 

Revenons  à  Alcuin.  Cet  auteur  remarque 
(Cap.  xxviii],  que  dans  l'Eglise  de  Rome  on 
éteignait  toutes  les  lumières  le  vendredi  saint 
à  l'heure  de  sexte,  et  qu'on  les  rallumait  à 
l'heure  de  noue,  pour  représenter  l'éclipsé  du 
soleil  au  temps  de  la  Passion. 

A  l'égard  de  ce  qu'il  ajoute  de  la  messe  des 
présanctifiés  du  même  jour  du  vendredi  saint, 
où  sans  consacrer,  le  prêtre  consume  le  pain 
consacré  du  jour  précédent  avec  du  vin  qui 
ne  se  consacre  point  ,  on  pourrait  douter  si 
cette  addition  n'est  pas  effectivement  une  addi- 
tion étrangère  et  d'un  siècle  postérieur  à  celui 
d'Akuin.  puisque  le  cardinal  Humbert  com- 
battit avec  tant  de  force  la  messe  grecque  des 
présanctifiés' ,  dans  la  dispute  qu'il  eut  avec 
eux  à  Constantinople,  environ  l'an  1050. 

On  pourrait  néanmoins  dire  que  les  Ro- 
mains ne  regardaient  pas  cette  cérémonie 
sacrée,  comme  une  messe,  mais  comme  la 
communion  simple  du  piètre,  avec  lequel  tout 
le  peuple  communiait  aussi  ,  comme  le  dit 
le  même  Alcuin  :  «  Sanctiticatur  vinum  non 
consecratum  per  sauctificatum  panem.  Tune 
communicant  omnes  cum  silentio  et  expleta 
sunt  universa.  » 

V.  La  règle  de  Crodogangus  ordonne  aux 
ebanoines  de  faire  .  en  s'éveillant,  les  mêmes 
prières  qui  se  font  au  commencement  des 
nocturnes  ou  des  veilles  de  la  nuit;  ce  qui 
donne  lieu  de  conjecturer,  qu'on  a  fait  dans  la 
suite  des  temps  en  public  et  en  commun,  ce 
que  chaque  particulier  pratiquait  auparavan 
en  secret. 


«  Nocturnis  boris  cum  ad  opus  divinum  de 
nocte  surrexerit  clerus,  primum  signum  sibi 
sanctœ  Crucis  imprimat ,  per  invocationem 
sanctae  Trinitatis;  deinde  dicat  versum,  Do- 
mine, labia  mea,  aperies,  et  os  meum  annuntia- 
bit  laudem  tuam.  Deinde  psalmum,  Deus  in 
adjutorium  meum  intende,  totum  cum  gloria. 
Et  tune  provideat  sibi  corpoream  necessitatem 
natura?,  et  sic  ad  oratorium  festinet,  psallendo 
psalmum,  Ad  te,  Domine,  levavi  animam 
meam,  etc.  (Cap.  xiv).  »  Chacun  se  prosterne 
en  arrivant  au  cbœur,  et  adore  Dieu  en  esprit, 
attendant  que  le  signe  ayant  été  donné  on 
commence  le  ebant  des  louanges  divines. 

VI.  En  hiver,  on  ne  se  levait  selon  cette 
règle  qu'à  deux  heures  après  minuit  :  «  A  ka- 
lendis  Novembribus  usque  in  Pascha,  octavo 
hora  noctis  surgendum  est,  ut  môdice  amplius 
de  média  nocte  pausentur,  et  jam  digesti  ad 
vigilias  surgant  (Cap.  xv).  »  On  prolongeait 
et  on  raccourcissait  l'office  selon  le  temps  qui 
restait  jusqu'au  jour,  au  gré  de  l'évêque  ou  du 
supérieur  :  «Utquadraginta  aut  quinquaginta 
psalmos  possint  cantare,  secundum  quod  vi- 
sum  fuerit,  et  hora  permiserit  (Can.  xlii).  » 

VII.  Le  concile  de  Francfort  défendit  le  culte 
des  nouveaux  saints  qui  se  glissait  facilement 
dans  les  églises  particulières,  en  un  temps  où 
il  n'y  avait  point  encore  de  loi  ni  de  coutume 
qui  réservât  au  pape  seul  l'autorité  de  canoni- 
ser les  saints.  «  l  t  nulli  novi  sancti  colantur, 
aut  invocenlur,  nec  memoriœ  eorum  per  vias 
crigantur  ;  sed  hi  soli  in  Ecclesia  venerandi 
sunt.  qui  ex  autoritate  passionum  et  vitœ  me- 
rilo  electi  sunt.  » 

Ce  canon  fait  connaître  que  l'Eglise  rendait 
un  culte  public,  non-seulement  aux  martyrs, 
«  ex  autoritate  passionum,  »  mais  aussi  à  des 
confesseurs  illustres,  «  vitae  merito.  » 

Il  n'était  pas  besoin  d'une  grande  discussion 
pour  les  martyrs,  mais  il  y  avait  des  recher- 
ches à  faire  et  des  surprises  à  éviter  pour  la 
canonisation  des  confesseurs ,  et  ce  furent  ces 
difficultés  et  les  abus  populaires  tant  de  fois 
condamnés  par  les  conciles  qui  obligèrent  enfin 
l'Eglise  de  se  reposer  sur  son  chef  de  toutes  les 
diligences  et  de  toutes  les  informations  qui 
sont  nécessaires  pour  un  sujet  d'une  si  grande 
conséquence. 

Photius,  patriarche  de  Constantinople,  mon- 
tra bien  qu'il  n'avait  ni  le  pouvoir  légitime,  ni 
la  religion  nécessaire  pour  cette  divine  fonc- 
tion quand  il  canonisa,  par  une  lâche  et  sacri- 


248      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DEUXIÈME. 


lége  flatterie.  Constantin,  fils  aîné  de  l'empe- 
reur, lui  dédiant  des  temples  et  des  monastères. 

Nicétasquiaécritlavie  du  patriarche  Ignace 
déteste  avec  raison  cette  impudente  flatterie. 
«  Quem  Photius  audacissimus  in  gratiam  im- 
peratoris  per  se  in  Sanctorum  censum  rela- 
tum,  templis  cœnobiisque  ad  aucupandam  ho- 
minum  gratiam  colère  niliil  veritusest.  » 

Mil.  Le  chapitre  ou  l'assemblée  générale 
des  abbés  de  France  qui  se  tint,  sous  Louis  le 
Débonnaire,  l'an  817,  ordonna  qu'à  l'office  des 
Morts  on  ne  dirait  point  l'invitatoire  ni  le  Glo- 
ria. «Ut  psalmus  invitatorius  et  gloria  pro  defim- 
etis  non  dicatur  (Can.  lxviu,  lxix,  lxxiv). «Qu'on 
lirait  le  martyrologe  dans  le  chapitre  après 
prime  ,  puis  on  lirait  un  article  de  la  règle  ou 
le  sommaire  de  quelque  homélie  :  «  Ut  ad  ca- 
pitulum  primitus  martyrologium  legatur,  et 
dicatur  versus,  deinde  régula,  aut  homilia 
quselibet  legatur,  deinde  :  Tu  autem,  Domine, 
dicatur.  »  Qu'on  dirait  à  la  messe  Sanctus  de- 
bout et  le  Pater  noster  à  genoux.  «  Ut  ad  mis- 
sam  Sanctus  stantes,  et  Pater  noster  genulle- 
ctentes  dicant.  » 

Hérard,  archevêque  de  Tours,  a  remarqué, 
dans  son  capitulaire  aux  curés,  que  le  prêtre 
célébrant  ne  doit  commencer  la  récitation  se- 
crète du  canon  de  la  messe  qu'après  qu'il  a 
lui-même  achevé  dé  chanter  le  Sanctus  avec 
le  peuple.  Car  le  peuple  chantait  le  Kyrie,  le 
Sanctus,  le  Pater,  et  le  Symbole;  les  psaumes 
n'étaient  chantés  que  par  les  clercs. 

«  De  oratione  Dominica  et  Symbolo  ,  ut  me- 
moriter  omnes  teneant,  et  Gloria  Patri,  ac 
Sanctus,  atque  credulitas  ,  et  Kyrie  eleison ,  a 
cunctis  reverentur  canatur.  Psalmi  similiter 
distincte  a  clericis.  Et  ut  Sécréta  presbyteri 
non  inchoent,  antequam  Sanctus  finiatur,  sed 
cum  populo  Sanctus  cantent  (Cap.  xvi).  » 

Valafride  Strabon  a  cru  que  l'on  ne  com- 
mença de  chanter  le  symbole  à  la  messe  qu'au 
temps  et  à  l'occasion  de  la  condamnation  de 
l'hérésie  d'Elipand,  évèque  de  Tolède,  et  de 
Félix,  évêque  d'Urgel;  et  il  a  estimé  qu'on 
préféra  le  symbole  du  concile  de  Constanti- 
nople  à  celui  de  Nicée,  parce  qu'on  le  jugea 
plus  propre  à  l'harmonie  du  chant  (Cap.  \xu  . 
On  pourrait  avoir  eu  aussi  égard  à  ce  que  le 
symbole  de  Constantinople  est  plus  étendu  que 
celui  de  Nicée. 

Ce  même  auteur  (Cap.  xxi)  rapporte  que  le 
pape  Léon  célébrait  quelquefois  sept,  huit  ou 
neuf  fois  la  messe  en  un  même  jour.  C'est  ce 


même  pape  Léon  qui  donna  la  licence  de  chan- 
ter le  symbole  dans  les  lieux  où  c'était  la  cou- 
tume, quoiqu'on  ne  le  chantât  pas  à  Rome,  mais 
qu'on  le  récitât  seulement  comme  il  le  con- 
fesse lui-même  dans  la  conférence  qu'il  eut 
avec  deux  évèques  envoyés  par  Charlemagne 
l'an  809. 

IX.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Odon  ,  abbé 
de  Cluny,  raconte  le  changement  qui  se  fit 
aux  offices  de  saint  Martin  de  Tours.  Les  an- 
tiennes étaient  si  courtes,  que  l'office  entier 
ne  répondait  pas  à  la  longueur  des  nuits.  Ils  y 
remédiaient  en  réitérant  l'antienne  après  cha- 
que verset  des  psaumes,  mais  cette  réitération 
était  également  pénible  et  ennuyeuse. 

«  Ol'fieii  antiphona*  brèves  sunt,  et  ejus  tem- 
poris  longiores  noctes  ;  volentes  officium  ad 
lucem  usque  protendere,  unamquamque  anti- 
phonam  per  singulos  psalmorum  versus  re- 
petendo  canebant.  Fiebat  nempe  eis  labor  im- 
probus  (Surius,  Nov.  die  xvm,  c.  v).  » 

Enfin,  ils  contraignirent  saint  Odon,  malgré 
toutes  ses  excuses,  de  leur  composer  des  an- 
tiennes plus  longues  et  un  office  entier  qui 
j m t  remplir  la  longueur  de  ces  saintes  nuits. 

Le  canon  xxxn  du  concile  in  Trullo  fait 
mention  de  la  messe  de  saint  Jacques,  premier 
évèque  de  Jérusalem  et  frère  du  Seigneur. 

Balsamon  ajoute  que  l'Eglise  d'Alexandrie 
conserve  aussi  une  liturgie  particulière  qu'elle 
prétend  être  de  saint  Marc  ,  mais  qu'il  est 
étrange  que  ces  deux  églises  ne  se  soient  pas 
conformées  à  toutes  les  autres  qui  se  sont  atta- 
chées à  la  liturgie  de  saint  Basile  et  à  celle  de 
saint  Chrysostome. 

11  raconte  qu'un  jour  il  en  porta  lui-même 
ses  plaintes  au  synode  et  à  l'empereur  au 
temps  que  le  patriarche  d'Alexandrie,  étant 
venu  à  Constantinople,  prétendait  y  célébrer 
la  messe  selon  les  cérémonies  et  la  forme 
d'Alexandrie.  Ce  qu'on  l'empêcha  de  faire  ,  et 
on  lui  fit  promettre  de  ne  plus  l'entreprendre. 

Le  même  Balsamon  tâche  de  prouver  par  le 
canon  i.xxxv  des  Apôtres  et  par  le  lix  de 
Laodicée  que  ni  saint  Jacques,  ni  saint  Marc 
n'ont  jamais  composé  ces  liturgies,  puisqu'elles 
n'ont  pas  été  mises  au  rang  des  ouvrages  des 
Apôtres  et  des  Ecritures  canoniques  dans  ces 
deux  canons  (Balsamon,  in  suppl.,  p.  1115; 
Juris  Orient.,  t.  i,  p.  362,  363). 

Il  infère  de  là  que  toutes  les  Eglises  doivent 
se  rendre  imitatrices  de  celle  de  Constantinople 
qui  est  la  nouvelle  Rome ,  et  embrasser  les 


LA  FERVEUR  DES  LAÏQUES  POUR  LES  OFFICES  DIVINS. 


219 


messes  de  saint  Basile  et  de  saint  Gliryso- 
stome,  puisque  les  lois  ordonnent  que  dans  les 
matières  qui  ne  sont  point  réglées  par  aucune 
loi,  la  coutume  de  Rome  doit  servir  de  loi. 

«  Quamobrem  onuies  Ecclesia?  Dei  sequi  de- 
bent  inorem  nova?  Borna1,  nimiruin  Gonstanti- 
nopolis.  Ait  enim  caput  Basilicon.  De  quibus 
scripta  lex  non  est ,  morem  quo  Roma  utitur , 
servari  oportet.  » 

X.  Quant  à  la  langue  dont  la  liturgie  doit 
être  écrite,  Balsamon  se  relàcbe  un  peu  plus, 
et  il  soutire  que  les  Syriens  et  les  Arméniens 
fassent  le  divin  service  en  leur  langage,  puis- 
que, selon  l'Apôtre,  toutes  les  nations  et  toutes 
les  langues  sont  invitées  à  connaître  et  à  bénir 


Dieu  ,  pourvu  que  toutes  ces  nations  aient  des 
versions  tidèles  de  la  liturgie  grecque  :  «  Pro- 
pria dialecto  sacra  confident,  exemplaria  con- 
suetarum  sanctarum  preciun  habentes  non 
evariantia,  ut  desumpta  ex  Contaciis,  Graeca- 
nicis  litteris  eleganter  descriptis  (Ibidem  , 
p.  365).  » 

Finissons  une  matière  qui  d'elle-même  se- 
rait infinie,  et  qui  n'est  pas  d'ailleurs  des  plus 
importantes  pour  instruire  les  bénéflciers  de 
leurs  obligations.  Tout  ce  que  nous  en  pour- 
rions dire  pourrait  peut-être  satisfaire  la  curio- 
sité des  ecclésiastiques,  sans  augmenter  leur 
zèle  et  leur  piété  (1). 


(1)  Oq  sait  que  le  souverain  pontife  officie  personnellement  trois 
fois  dans  l'année.  Outre  les  cardinaux-diacres  qui  l'assistent,  il  y  a 
deux  sous-diacres,  un  latin  et  un  grec  pour  la  lecture  de  l'épitre, 
dans  ces  deux  langues,  et  deux  diacres  aussi,  un  grec  et  un  latin, 
pour  le  chant  de  l'évangile.  Voici  du  reste  le  récit  officiel  de  Can- 
cellieri  déjà  cité  :  «  Le  sous-diacre  latin,  servi  par  nn  maître  des  cé- 
a  remontes,  prés  du  trône  où  le  pape  s'est  babillé,  cbante  l'épitre  en 
i  latin,  avec  un  livre  qui,  par  les  anciens  fut  appelé  Apostolits, 
«  Cornes  Byeronîmi,  lectionariusy  epislolarium.  Il  s'arrête  au  même 
o  lieu  pour  attendre  que  le  sous-diacre  grec  l'ait  chantée  en  grec 
a  dans  le  chœur,  pour  aller,  tous  les  deux,  le  premier  à  droite,  le 
•  second  à  gauche,  baiser  le  pied  du  pape.  »  Après  que  le  cardinal- 


diacre  a  chanté  l'évangile  en  latin,  Cancellieri  ajoute  :  «  Le  diacre 
«  grec,  après  après  avoir  fait  les  génuflexions  ordinaires,  porte  le 
t  livre  des  évangiles  au  milieu  de  l'autel,   il   va   baiser  le  pied  du 

■  pape,  retourne  à  l'autel,  et,  à  genoux,  il  dit  dans  son  idiome  : 
«  Munda  cor  meum.  Il  se  lève,  prend  le  missel,  et,  ayant  le  sous- 
«  diacre  grec  à  la  gauche,  il  retourne  au  trône,  assisté  toujours  d'un 

•  maître  des  cérémonies,  se  met  à  genoux,  demande  en  grec  la  bé- 
«  nédiction  au  pape,  qui  lui  répond  en  latin,  et  lui  donne  la  triple 
a  bénédiction  ;  il  va  au  lieu  destiné  pour  chanter  l'évangile  grec  ;  le 
«  sous-diacre  grec  lui  répond  au  commencement  et  à  la  fin  dans  le 

•  même    idiome;  lorsqu'il  a  fini,    les  sous-diacres  latin  et  grec  vont 

■  faire  baiser  au  pape  les  livres  des  évangiles.  »  (Dr  Andké.,i 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TROISIÈME. 


LA    FERVEUR   DES    LAÏQUES   MÊMES   POUR   LES   OFFICES    DIVINS,    POUR   LES    FRÉQUENTES    COMMUNIONS. 
POUR   LES   JEUNES,    POUR    LA    CONTINENCE,    SOUS    L'EMPIRE    DE    CHARLEMAGNE. 


I.  Assiduité  des  laïques  aox  offices  divins,  selon  les  conciles 
et  les  capitnlaires  de  France. 

II.  Selon  le  concile  VII. 

III.  Particulièrement  les  jours  de  dimanche,  les  fêtes,  et  en 
carême. 

IV.  Assiduité  des  empereurs  et  des  rois  aux  offices  divins. 

V.  Et  des  autres  grands  du  monde. 

VI    De  la  fréquente  communion  des  laïques. 
VU.  Suite  du  même  sujet.  Divers  degrés  de  ferveur  et  de  re- 
lâchement. 

VIII.  On  commence  de  donner  la  communion  dans  la  bouche 
aux  laïques   Communion  des  enfants. 

IX.  Pratiques  de  l'Eglise  grecque. 

X.  Obligation  des  laïques  mariés  de  garder  la  continence  aux 
jours  de  communion,  de  dimanche,  de  fête  et  de  jeûtie. 

XI.  Suite  du  même  sujet. 

XII.  Des  jeûnes.  Diverses  règles  des  jeunes,  et  divers  carê- 
mes dans  l'Eglise  latine. 

XIII.  Divers  usages  de  l'Eglise  latine  pour  les  jeunes  du  mer- 
credi, du  vendredi,  du  samedi,  des  veilles.  Les  jeunes  et  les 
demi-jeùnes. 


XIV.  Pratiques  rigoureuses  de  l'Eglise  grecque  pour  les  jeûnes. 

XV.  Des  longs  jeûnes  avant  Noël,  l'Assomption  et  la  fête  des 
apôtres.  Adoucissements. 


I.  Pour  détruire  encore  plus  les  fausses  dé- 
fiances, dont  quelques  esprits  se  sont  laissé 
prévenir,  que  l'obligation  des  heures  cano- 
niales n'a  pas  toujours  été  si  précise  ni  si  pres- 
sante que  nous  la  faisons  passer  à  présent, 
nous  avons  jugé  à  propos  de  dire  quelque 
chose  de  la  fervente  piété  des  laïques  mêmes, 
pour  la  psalmodie  et  pour  les  offices  divins. 

Charlemagne  commanda  que  dans  toutes  les 
écoles  des  évéchés  et  des  monastères  les  en- 
fants apprissent  les  psaumes ,  la  note  et  le 
chant  :  «  Ut  schola;  legentium  puerorum  fiant. 


2o0      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TROISIÈME. 


psalmos,   notas,  cantus  ,  computum  discant 
(An.  789.  Capitul.  Aquisg.  c;  lxxii).» 

L'évèque  Théodulphe,  d'Orléans,  ordonne 
à  tous  les  fidèles  :  1°  De  prier  Dieu  au  moins 
deux  fois  le  jour,  le  matin  et  le  soir,  et  de  le 
faire  dans  l'église,  si  elle  n'est  pas  loin  :  «  Ha?c 
facianl,  quibus  basilica?  locus  prope  est,  in 
basilica;  qui  vero  in  itinere  aut  in  agris,  etc. 
(Capitul.  Theod.,  c.  xxn,  xxi).  » 

2°  D'employer  tout  le  jour  du  dimanche  en 
prières  et  à  la  messe,  sans  se  donner  de  relâ- 
che que  pour  les  nécessités  de  la  nature.  «  Ut 
prœter  orationes  et  missarum  solemnia,  et  ea 
qua?  ad  \escendum  pertinent,  nihil  aliud  fiât.» 

3°  De  ne  rien  omettre  de  ces  prières,  quoi- 
qu'on soit  en  chemin  ou  sur  mer.  «  Nam  etsi 
nécessitas  fuerit  navigandi,  sive  itinerandi, 
licenlia  dalur,  ita  duntaxat,  ut  bac  occasione 
missœ  et  orationes  non  prœtermittantur.  » 

4°  De  venir  à  l'église  dès  le  samedi  à  vêpres, 
d'y  revenir  pour  les  vigiles  ou  pour  les  mati- 
nes, et  enfin  pour  la  messe  solennelle.  «  Con- 
veniendum  est  sabbato  die  cum  luminaribus 
cuilibet christiano  ad  ecclesiam  conveniendum 
est  ad  vigilias,  sive  ad  matutinum  oflicium  ; 
currendum  est  etiam  cum  oblationibus  ad  mis- 
sarum solemnia.  » 

5°  De  se  rendre  à  l'église  pour  vêpres  et  pour 
la  messe  tous  les  jours  de  jeûne,  avant  que  de 
prendre  sa  réfection  :  «  Concurrendum  est  ad 
missas,  et  auditis  missarum  solemnibus,  sive 
vespertinis  officiis,  largitis  eleemosynis  ad  ci- 
bum  accedendum  est  (Ibid.,  c.  xxxix;.  » 

Le  capitulaire  que  les  évêques  firent  en  l'an 
802  Cap.  vin)  obligea  tous  les  curés  non-seu- 
lement à  chanter  toutes  les  heures  du  service 
divin,  mais  aussi  a  les  sonner,  afin  d'avertir 
les  peuples  de  faire  leurs  prières  à  Dieu  en  ces 
mêmes  temps.  «  Ut  omnes  sacerdotes  horis 
corn  pètent  ibus  diei  et  noclis,  suarum  soncnt 
signa  ecclesiarum,  et  sacrata  Deo  célèbrent  of- 
ficia, et  populos  erudiant,  quomodo  aut  quibus 
Deus  adorandus  est  horis.  » 

Voilà  encore  quelque  vestige  de  l'ancienne 
piété  des  premiers  siècles,  où  il  est  constant 
que  la  distinction  de  ces  heures  consacrées  à  la 
prière  était  commune  à  tous  les  fidèles  et  n'é- 
tait pas  pour  les  seuls  ecclésiastiques. 

Aussi  le  concile  VI  de  Paris  (Can.  xi)  se 
plaint  avec  beaucoup  de  raison  de  l'indévolion 
présente  des  fidèles  qui  ne  viennent  à  l'église 
que  les  dimanches,  et  leur  représente  ce  qu'O- 
rigène  reprochait  aux  plus  relâchés  d'entre  les 


fidèles  de  son  temps,  que  tous  les  jours  sont 
consacrés  à  Dieu,  et  que  c'est  une  piété  judaïque 
de  n'adorer  Dieu  qu'à  des  jours  réglés  et  en 
petit  nombre.  «  Dicite  mini  vos,  qui  tantum- 
modo  festis  diebus  ad  Ecclesiam  convenitis, 
caeteri  dies  non  sunt  festi?  Non  sunt  dies  Do- 
mini?  Judéeorum  est  dies  certos  et  raros  ob- 
servare  solemnes,  etc.  » 

IL  Le  concile  VII  général  (Can.  h)  fait  con- 
naître à  tous  les  fidèles  leur  obligation  de  sa- 
voir les  psaumes  et  de  les  réciter  souvent, 
encore  que  ce  devoir  regarde  encore  plus  par- 
ticulièrement les  ecclésiastiques,  et  surtout  les 
évêques,  qui  doivent  être  la  règle  de  tous  les 
autres  bénéficiers. 

«  Quoniam  psallentes  Deo  repromittimus,  in 
justificationibus  tuismeditabor,  non  obliviscar 
eloquiorum  tuorum;  omnes  quidem  Christia- 
nos  hoc  salutare  servare  oportet  ;  eos  autem 
pnocipuequi  sacerdotalemdignitatem  obtinent. 
Quamobrem  decernimus,  quemlibet  quidem, 
qui  ad  episcopalem  gradum  est  provehendus, 
psalterium  omnino  nosse,  ut  ex  eo  omnem 
quoque  suum  clerum  ita  institui  moneat.» 

Balsamon  demande  pourquoi,  de  tant  de  dif- 
férentes connaissances  dont  l'évèque  doit  être 
enrichi,  ce  canon  ne  fait  instance  que  pour  le 
psautier;  mais  la  résolution  de  cette  question 
n'est  pas  fort  difficile.  Il  est  évident  que  les 
bénéficiers  et  surtout  les  évoques  doivent  s'ap- 
pliquer particulièrement  à  la  prière  comme  à 
la  plus  essentielle  de  toutes  leurs  obligations, 
et  connue  à  celle  qui  ne  souffre  ni  délai  ni 
interruption. 

De  là  vient  aussi  que  le  formulaire  d'instruc- 
tions que  le  droit  oriental  donnait  aux  abbés, 
leur  enjoignait  que  la  première  chose  à  quoi 
les  religieux  s'appliqueraient,  fût  d'apprendre 
le  psautier  et  tout  le  service.  «  Faciendum 
maximo  tibi  studio,  ne  qui  tondentur,  in  alia 
quavis  monasterii  functione  prius  versentnr, 
quam  recte  psalterium  edidicerint  (  Juris 
Orient.,  tom.  i,  pag.  i.'J8).  » 

111.  Le  concile  deFrioul  (C.  xm)  tenu  en  791, 
sous  le  patriarche  Paulin,  oblige  tous  les  fidèles 
de  consacrer  à  la  prière  tout  le  jour  du  diman- 
che, qui  commence  depuis  les  vêpres  du  sa- 
medi; et  pour  pouvoir  s'y  appliquer  avec  la 
liberté  et  la  pureté  qui  est  due  à  un  si  saint 
exercice,  il  les  exhorte  de  garder  continence 
avec  leurs  femmes  :  «  Abstinere  primum  om- 
nium ah  omni  peccato,  et  ab  Omni  opère  car- 
nali,  etiam  a  propriis  conjugibus,  et  abomni 


LA  FERVEUR  DES  LAÏQUES  POUR  LES  OFFICES  DIVINS. 


2M 


opère  terreno,  et  nihil  aliud  vacare,  nisi  ad 
orationem.  » 

Le  pape  Nicolas  fit  la  même  réponse  aux 
Rulgares,  ajoutant  que  si  l'on  ne  consacre  en- 
tièrement à  la  prière  les  jours  de  dimanche  et 
les  fêtes,  il  serait  plus  utile  de  les  employer  au 
travail  des  champs  ijue  de  les  perdre  dans  une 
lâche  et  voluptueuse  oisiveté. 

«  Idcirco  diebus  festis  ab  opère  mundano 
cessandum  est,  ut  liberius  ad  Ecclesiam  ire, 
psalmis  et  hymnis  et  canticis  spiritalibus  insi- 
stere.  orationi  vacare,  oblationes  offerre,  mémo- 
riis  Sanctorum  communicare,  elo([iiiis  divin is 
intendere,eleemosynasindigentibusministrare 
valeat  christianus.  Quœ  omnia  si  quis  negli- 
gens  orationi  tantum  vacare  noluerit,  etc.. 
melius  illi  fuerat  laborare  manibus  suis,  etc. 
(Can.  xi),  a 

Le  concile  de  Tribur  ne  consacre  pas  seule- 
ment à  la  prière  tous  les  jours  de  dimanche  et 
les  fêtes,  «  Tantummodo  Deo  vacandum,  » 
mais  aussi  tout  le  carême  et  tous  les  jours  de 
jeûne,  faisant  une  défense  très- expresse  de 
poursuivre  aucun  procès  durant  ce  saint  temps 
destiné  à  nous  réconcilier  avec  Dieu.  «  Diebus 
quadragesima?  et  jejuniorum  devotissime  jeju- 
nandum ,  et  omni  intentione  est  orandum , 
atque  unicuique  pro  facultatibus  suis  eleemo- 
synae  tribuendre,  et  nullae  lites  vel  contenliones 
habendae  (Can.  xxxiii).  » 

Le  Prophète  a  condamné  l'avarice  et  la  fu- 
reur de  ceux  qui  ne  semblent  jeûner  que  pour 
avoir  plus  de  loisir  de  poursuivre  leurs  parties, 
«  Ecce  ad  lites  et  contentiones  jejunatis.  » 

On  sait  que  tous  les  jours  de  la  semaine, 
pour  les  ecclésiastiques,  sont  autant  de  fériés, 
c'est-à-dire  autant  de  fêtes,  qu'il  ne  faut  pas 
profaner  par  des  occupations  terrestres.  Ori- 
gène  nous  a  appris  que  ce  n'a  été  que  le  ralen- 
tissement de  la  première  ferveur  des  fidèles 
qui  a  fait  la  distinction  des  fêtes  et  des  autres 
jours. 

Charlemagne  nous  réitéra  encore  l'ancienne 
ordonnance  des  conciles  aux  curés  de  chanter 
et  de  sonner  toutes  les  heures  canoniales,  afin 
d'exciter  tous  les  lidèles  aux  mêmes  devoirs. 
«  Ut  sacerdotes  signa  tangant  lioris  canonicis, 
et  illorum  offieium  agant,  sive  diurnale,  si\e 
nucturnale,  quia  scriptum  est  :  Sine  intermis- 
sione  orate,  et  idcirco  non  dimittant  horas 
canonicas(CapitulareCarol.  Mag.,  l.vi.  c.  lus  ... 

Ce  commandement  de  l'Apôtre,  deprier  sans 
cesse,  n'est  pas  pour  les  ecclésiastiques  seule- 


ment, mais  pour  tous  les  fidèles.  C'est  aussi 
pour  cette  raison  que,  pour  les  avertir  des  de- 
voirs de  cette  piété  universelle,  on  sonne  les 
cloches  avant  que  de  commencer  les  offices  du 
jour  et  de  la  nuit. 

De  là  provenait  la  liberté  que  les  laïques 
avaient  encore  de  chanter  des  psaumes  dans 
l'église  et  même  des  répons .  quoiqu'en  cela 
même  il  y  eût  toujours  quelque  chose  qui  fût 
singulièrement  réservé  aux  clercs.  «  Laicus 
non  débet  in  ecclesia  lectionem  recitare,  nec 
alléluia  dicere,  sed  psalmum  tantum,  aut  re- 
sponsoria,  sine  alléluia  (Ibid.,  I.  v,  c.  49).» 

Réginon  montre  que  l'ancienne  pratique 
était  d'obliger  tous  les  lidèles  d'assister  a  mati- 
nes, à  la  messe  et  à  vêpres,  tous  les  dimanches 
et  tous  les  jours  de  fête.  «Et  si  ad  matutinas 
et  ad  missam  et  ad  vesperas  lus  diebus  imprœ- 
termisse  omnes  occurrant  ÎL.  h,  c.  75).  » 

IV.  Les  plus  grands  princes  étaient  aussi  les 
plus  religieux  à  observer  les  règles  de  l'ancienne 
piété ,  et  à  se  trouver  à  tous  les  offices  de  l'E- 
glise. Eginard  et  le  moine  de  saint  Gai ,  nous 
ont  déjà  appris  que  Charlemagne  était  lui-même 
fort  versé  dans  la  science  des  lecteurs  et  des 
chantres ,  et  qu'il  chantait  tout  bas  les  psau- 
mes dans  l'Eglise. 

Nous  avons  appris  que  l'église  du  palais 
impérial  était  celle  où  les  divins  offices  se  célé- 
braient avec  plus  de  solennité  et  plus  d'exac- 
titude ,  et  qu'elle  servait  de  règle  et  de  modèle 
à  toutes  les  autres  églises  du  royaume.  Cette 
chapelle  du  palais  et  les  offices  qui  s'y  célé- 
braient tous  les  jours  ,  sont  des  preuves  cons- 
tantes de  l'assiduité  des  princes  à  s'y  trouver. 
Eginard  fait  assister  Charlemagne  aux  offices 
du  jour  et  de  la  nuit.  «  Ecclesiam  mane  et 
vespere,  item  nocturnis  boris  et  sacrificii  tem- 
pore,  quoad  eum  valetudo  permiserat, impigre 
frequentabat.  » 

Le  moine  de  saint  Gai  nous  a  représenté 
Charlemagne  comme  le  modérateur  du  chant 
et  des  offices  de  sa  chapelle  royale.  Il  nous  a 
même  assuré  qu'un  ecclésiastique  n'eût  osé 
paraître  devant  lui,  s'il  n'eût  su  bien  chanter 
et  bien  lire.  Enfin  il  nous  a  appris  de  quels 
habits  il  se  prémunissait  contre  le  froid  et  les 
injures  de  la  nuit ,  quand  il  allait  à  matines  ; 
quelle  était  l'assiduité  des  ecclésiastiques  à  l'y 
accompagner  aussi  bien  qu'aux  offices  du  matin 
et  à  la  messe. 

«  Gloriosissimus  Carolus  ad  nocturnas  laudes 
pendulo  et  profundissimo  pallie-,  cujus  jam 


232      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TROISIÈME. 


usus  et  nomen  recessit,  utebatur.  Expletis  vero 
hymnis  matutinalibus,  ad  caminatamreversus, 
imperialibus  vestimentis  pro  tempore  orna- 
batur.  Cuncti  vero  clerici  ita  parati  ad  antelu- 
cana  veniebant  ofiicia,  ut  vel  in  ecclesia  vel  in 
|)orticu,  qua3  tune  curlicula  dicebatur,  impe- 
ratorem  ,  ad  missarum  solemnia  processurum 
vigilantes  expectarent  (De  Ecelesiasliea  cura 
Caroli  llagni.,  1.  1,  c.  33).  » 

Louis  le  Débonnaire  s'est  presque  attiré  de 
justes  reproches  par  l'extrême  passion  d'une 
occupation  très-louable,  à  savoir  la  psalmodie 
et  l'étude  des  Ecritures.  Thégan  assure  qu'il 
entendait  parfaitement  le  grec,  qu'il  parlait 
très-bien  le  latin,  qu'il  avait  approfondi  tous 
les  sens  de  l'Ecriture  ;  enfin  que  s'il  eut  trop 
de  créance  aux  mauvais  conseillers,  qui  abu- 
sèrent enfin  de  sa  facilité  ,  cela  ne  vint  que  de 
son  excessive  application  à  la  lecture  et  à  la 
psalmodie.  Ce  discours  de  Thégan  pourrait 
bien  tenir  de.  ce  langage,  qui  est  si  ordinaire 
aux  courtisans,  quand  ils  parlent  des  dévots. 

Voici  ses  paroles:  «  Lingua  graeca  et  latina 
valde  eruditus,  sed  graecam  magis  intelligere 
poterat,  quam  loqui  :  latinam  vero  sicut  natu- 
ralem  aequaliter  loqui  poterat.  Sensum  vero  in 
omnibus  Seripturis  spirilalem  ,  ac  moralem  , 
nec  non  et  anagogen  optime  noveral.  Omnia 
prudenter  et  caute  agens,  nisi  quod  consiliariis 
suis  magis  credidit  quam  opus  esset,  quod  ei 
fecit  psalmodiée  occupatioet  lectionum  assidui- 
tas  (Cap.  xix,  xx).  » 

In  autre  historien  nous  fait  voir  une  assi- 
duité tout  extraordinaire  de  ce  prince  aux 
offices  divins  pendant  le  saint  tempsdu  Carême, 
en  sorte  qu'en  tout  cet  espace  de  temps  consa- 
cré à  la  pénitence,  il  ne  se  donnait  pas  la  liberté 
de  monter  une  fois  ou  deux  à  cheval,  quoique 
cet  exercice  fût  et  si  innocent  et  si  nécessaire 
pour  la  conservation  de  sa  santé.  «  Et  qui  soli- 
tus  erat  hoc  tempus  psalmorum  decantatione, 
orationum  instantia,  missarum  celebratione, 
eleemosynarum  liberalitate,  cum  summadevo- 
tione  totum  solemne  reddere,  ita  ut  vix  uno, 
a  ut  diiobus  diebus  propter  exercitationem 
equitationi  indulgeret,  etc.  (DuChesne,  tom.  u, 
p.  318).  » 

La  censure  de  Thégan  pourrait  rendre  sus- 
pect et  inutile  l'exemple  de  ce  grand  prince,  et 
pour  empêcher  cela,  il  faut  lui  opposer  le  juge- 
ment d'Agobard,  archevêque  de  Lyon,  qui  lut 
l'un  des  plus  Apres  persécuteurs  de  Louis  le 
Débonnaire,  et  qui  lit  paraître  plus  de  passion 


et  plus  d'emportement  pour  sa  déposition. 
Agobard  certainement  ne  jugeait  pas  qu'une 
assiduité  excessive  au  service  divin  eût  attiré 
sur  ce  malheureux  prince  la  tempête  dont  il 
fût  battu,  puisque  lui  écrivant  à  lui-même  sur 
les  désordres  de  son  gouvernement,  il  le  loue 
néanmoins  de  sa  fervente  piété  dans  le  chant 
des  psaumes  et  des  cantiques  de  l'Eglise.  «Re- 
cordamur  namque  ardentissimœ  religionis  ve- 
strœ  ,  quam  cognovimus  semper  in  assiduitate 
orationum,  in  psalmis,  et  hymnis  et  canticis 
spiritualibus ,  cantantem  et  psallentem  Deo  in 
corde  puro,  etc.  (De  divisione  Imper.  Gallic. 
inter  ha»redes  Lud.  Imp,).  » 

Paul,  diacre,  rend  ce  glorieux  témoignage  à 
Luitprand,  roi  des  Lombards,  qu'il  fut  le  pre- 
mier des  rois  qui ,  après  avoir  bâti  une  cha- 
pelle royale  dans  son  palais,  y  fonda  un  chapi- 
tre de  clercs  et  de  prêtres,  pour  y  chanter 
devant  lui  les  divins  offices.  «  Intra  suum  quo- 
que  palatium  orationum  Domini  Salvatoris 
anlificavit.  Et  quod  nulli  alii  reges  habuerant, 
sacerdotes  et  clericos  instituit,  qui  ei  quotidie 
divina  officia  decantarent  (L.  vi,  c.  17).» 

Ditmar  a  remarqué  que  l'empereur  Othon  I", 
se  rendait  avec  pompe  et  en  procession,  accom- 
pagné d'évêques,  et  de  tout  le  clergé  avec  les 
croix,  les  reliques  et  les  encensoirs,  aux  offices 
divins,  à  vêpres,  à  matines  et  à  la  messe  ,  sans 
en  sortir  jamais  avant  la  fin.  Ce  qu'il  faisait 
fous  les  jours  solennels. 

«  Solebat  in  solemnitatibus  universis  ad  ve- 
speram ,  et  ad  matutinum  atque  ad  missam , 
cum  processioneepiscoporumvenerabili,  dein- 
deque  cœterorum  online  elericorum,  cum  cru- 
cibus,  Sanctorumque  reliquiis  ac  thuribulis 
ad  ecclesiam  usque  deduci,  hicque  starc  aut 
sedere,  usque  dum  finita  sunt  universa.  (De 
geslis  Regum  Angl.,  1.  n,  pag.  45).  » 

Guillaume  de  Malmesbury  assure  que  le  roi 
d'Angleterre  Alfred  ,  qui  commença  à  régner 
en  872,  divisait  les  vingt-quatre  heures  du  jour 
en  trois  parties  égales,  en  donnant  huit  à  la 
prière  et  à  la  lecture,  huit  aux  nécessités  du 
corps,  huit  aux  affaires  de  son  Etat.  «  Viginti 
quatuor  horas,  qui  inter  diem  ac  noctem  jugi- 
ter  rotantur,  ita  dividebat,  ut  octo  horas  in 
scribendo  et  legendo  et  orando  ,  octo  in  cura 
corporis ,  octo  in  expediendo  regni  negotio 
transigeret.  » 

Ce  roi,  vraiment  chétien,  faisait  mettre  dans 
sa  chapelle  un  cierge ,  qui  brûlait  jour  et  nuit 
et  qui  marquait  toutes  les  heures,  de  quoi  le 


LA  FERVEUR  DES  LAÏQUES  POUR  LES  OFFICES  DIVINS. 


233 


chapelain  devait  l'avertir.  Enfin  ,  il  avait  tou- 
jours le  livre  des  offices  divins  dans  son  sein  . 
afin  d'y  donner  tous  les  moments  qu'il  avait  de 
loisir,  et  de  bien  employer  tout  le  temps  que 
l'embarras  d'un  grand  Etat  lui  laissait  libre. 
«  Illud  insolitum  et  inauditum,  quod  semper 
sinu  gestabat  libellum ,  in  quo  diurni  cursus 
psalmi  continebantur,  ut  si  quando  vacaret, 
arriperet,  et  vigilanti  oculo  percurreret.  » 

V.  La  piété  des  seigneurs  particuliers  répon- 
dait à  celle  des  rois.  Témoin  le  comte d'Aurillac 
saint  Gérald,  dont  saint  Odon,  abbé  de  Cluny  , 
a  écrit  la  vie.  Ce  pieux  seigneur  assistait  tous 
les  jours  aux  offices  du  matin  ou  de  la  nuit,  et 
ensuite  à  la  messe.  «  Post  nocturnas  laudes,  si 
quolibet  proficiscendum  erat,  missarum  subse- 
quebatur  solemnitas  (L.  i,  c.  S).  » 

Un  jour  de  dimanche,  par  un  malheur 
étrange,  il  ne  put  entendre  la  messe  :  pour  ré- 
parer cette  faute,  qui  était  très-involontaire  ,  il 
récita  le  même  jour  tout  le  psautier,  et  il  s'ac- 
coutuma depuis  à  le  réciter  presque  tous  les 
jours.  «Ex  bocjamsibi  consuetudinem  statuit. 
ut  psàlterium  pêne  quotidie  recitaret.  » 

C'était  une  chose  surprenante,  comment  sans 
se  refuser  aux  occupations  nécessaires  et  aux 
devoirs  de  sa  charge,  il  pouvait  donner  tant  de 
temps  à  l'oraison  et  au  chant  des  psaumes,  soit 
en  public,  soit  en  particulier. 

«  Tantopere  lectionibus  audiendis,  et  vicis- 
sim  orationibus,  nunc  cum  aliis,  nunc  semo- 
tim  erat  inteutus,  ut  mirum  sit,  quomodo  vel 
tantum  studium  in  his  habere  potuerit ,  vel 
tantam  psalinorum  summam  semper  explere 
voluerit.  Praesertim  cum  alias  occupationes 
interdum  expedisset.  Non  enimeratobstinatus, 
ut  causis  necessariis  se  nimiumabsentaret;sed 
his  pro  opportunitate  paululum  intentus,  mox 
ad  degustatam  psalmodia  dulcedinem  sese con- 
citus  recolligebat  (L.  h,  c.  9).  » 

Il  passa  un  jour  de  fête  solennelle  dans  la 
célèbre  abbaye  de  Soleminiac,  et  quoique  l'of- 
fice s'y  fit  avec  une  longueur  affectée  à  cause 
de  la  solennité  :  «  Fratres  solemnisare  cœpe- 
runt  officium,  ut  moris  est,  in  longum  prote- 
lantes;  »  ce  ne  furent  pour  lui  que  de  bien- 
heureux moments. 

Quelque  part  qu'il  allât,  il  avait  avec  lui  des 
ecclésiastiques,  avec  lesquels  il  célébrait  les 
offices  du  jour  et  de  la  nuit.  «  Copia  clerico- 
rum  semper  eum  comitabatur,  cum  quibus 
in  divino  opère  jugiter  insudabat.  Nocturno 
tempore  cunctos  in  oratorio  diutius  prœvenire 


solebat  :  quo  expleto  soins  remanere  solitus 

erat    I..  u.  C  16  .  » 

Se  trouvant  un  dimanche  en  voyage,  il 
ne  voulut  souffrir  qu'on  se  mit  en  chemin 
qu'après  l'heure  de  none  passée.  «  Retinuit 
eos ,  dicens,  quod  ob  reverentiam  Dominici 
Dei  saltem  usque  ad  nonam  demorarentur. 
(Cap.  21).  » 

Il  s'écartait  un  peu  de  la  compagnie,  lors- 
qu'il allait  à  cheval,  pour  pouvoir  plus  libre- 
ment réciter  les  psaumes  :  «  Porro  mos  erat 
illi  ,  ut  cooperto  capite  solus  equitaret,  quo 
psalmodia;  liberius  vacaret.  » 

Les  langueurs  mêmes  de  sa  dernière  mala- 
die ne  purent  ralentir  sa  ferveur,  il  allait  aux 
offices  de  la  nuit  dans  l'église,  il  y  entendait 
deux  messes  ,  l'une  du  jour ,  l'autre  des  Morts, 
et  quand  les  approches  mortelles  de  la  der- 
nière heure  l'eurent  entièrement  abattu  .  il 
faisait  encore  chanter  l'office  dans  sa  chambre 
par  ses  chapelains,  et  le  chautait  lui-même 
avec  eux. 

«  Per  omne  vero  sui  languoris  tempus,  ita 
fatiscentesaddivinumobsequiumimpellebatar- 
tus,  ut  nec  unum  quidem  nocturnale  officium 
nisi  in  ecclesia  pateretur  celebrare.  Missam 
vero  unam  diei  competentem ,  et  alteram  co- 
ram  altari  positus  audiret,  etc.  Ingravescere  se 
senliens,  jussit  ut  nocturnale  coram  se  capel- 
lani  peregissent,  episcopo  cum  suis  in  ecclesia 
illud  célébrante  :  cum  psallentibus  autem  et  ipse 
psallebat,  donec  post  matutinale  officium  om- 
nes  etiam  horas  diei  compleret  (  L.  ni,  c.  G, 
7).  » 

VI.  Ce  n'est  pas  dans  le  seul  point  de  la  ré- 
citation des  psaumes  que  l'ancienne  ferveur 
des  fidèles  s'est  relâchée  ,  on  en  peut  encore 
bien  remarquer  d'autres  dont  nous  allons  par- 
courir en  passant  quelques-uns.  pour  prouver 
que  les  laïques  imitaient  les  clercs  et  les  moi- 
nes, non-seulement  par  l'assistance  à  l'office 
divin,  mais  encore  par  d'autres  actes  de  piété. 

Ils  communiaient  autrefois  presque  tous  les 
jours  que  les  prêtres  célébraient  la  sainte 
messe.  C'était  là  le  dernier  acte  de  piété  par  où 
finissait  l'office  de  l'Eglise.  Mais  cette  habitude 
d'assister  à  l'office  et  surtout  de  communier 
est  bien  ralentie,  ce  qui  a  fait  que  l'Eglise  s'est 
trouvée  dans  la  nécessité  de  marquer  des  temps 
dans  l'année  auxquels  les  fidèles  seraient  tenus 
de  communier,  et  cette  obligation  est  enfin  au- 
jourd'hui réduite  à  une  fois  par  an  et  fixée  au 
temps  des  Fêtes  de  Pâques. 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  UEATRE-YINGT-TRftlSIEME. 


Au  temps  de  Charlemagne  on  communiait 
encore  au  moins  trois  fois  chaque  année.  Le 
précepte  en  fui  renouvelé  dans  le  concile  111  de 
Tours,  tenu  en  813.  «  Et  si  non  fréquentais  , 
vel  ter  laïci  homines  in  anno  communicent , 
nisi  forte  quis  majoribus  quibuslibet  crimini- 
bus  impediatur  (Can.  l,  capilul.  1.  u,  c.  45).» 

Cette  exception  des  pénitents  doit  toujours 
être  présupposée,  mais  aussi  a-t-elle  besoin 
elle-même  d'une  autre  exception  qui  la  limite, 
car  les  pénitents,  même  du  temps  de  Charle- 
magne, communiaient  tous  le  Jeudi  Saint ,  en 
exceptant  seulement  ceux  qui  étaient  atteints 
des  crimes  les  plus  énormes. 

C'est  ce  que  nous  apprenons  du  concile  II  de 
Chalons,  tenu  en  813.  «  In  Ccena  Domini  a  qui- 
busdam  perceptio  Eucharistiae  negligitur,  quae 
quoniam  in  eadem  die  ab  omnibus  fidelibus, 
exceptis  bis,  quibus  pro  gravibus  criniinibus 
inliibitum  est,  percipienda  sit ,  ecclesiasticus 
usus  demonstrat  ;  cum  etiam  pœnitentes  eadem 
die  ad  percipienda  corporis  et  sanguinis  Domi- 
nici  sacramenta  réconciliât  (Can.  xlvii,  Addit.. 
1.  m.  c.  38).  » 

Si  les  pénitents  même  communiaient  une  fuis 
l'an  ,  on  ne  doit  pas  douter  que  les  fidèles  ne 
participassent  plus  souvent  à  cette  nourriture 
céleste. 

Théodulphe,  évêque  d'Orléans  ,  ordonne  la 
communion  générale  de  tous  les  fidèles  tous 
les  dimanches  du  Carême  ,  le  Jeudi,  le  Ven- 
dredi, le  Samedi  Saint  et  le  jour  de  Pâques. 

«  Singulis  diebus  Dominieis  in  Quadragesi- 
ma,  prœter  hosqui  excommunicati  sunt, sacra- 
menta corporis  et  sanguinis  Christi  sumenda 
sunt.  et  in  Ccena  Domini,  et  in  Parasceve,  et  in 
vigilia  Paschae,  et  in  die  Resurrectionis Domini 
penitus  ab  omnibus  communicandum,  et  ipsi 
dies  paschalis  hebdomadœ  omnes  aequali  reli- 
gione  colendi  sunt  (Capitulare  Theod.,  c.  il  .» 

Ce  |>rélat  ajoute  que  comme  il  ne  faut  pas 
s'approcher  de  cette  divine  table  sans  beaucoup 
de  préparation,  aussi  on  ne  peut  s'en  priver 
longtemps  sans  beaucoup  de  danger  :  «  Sicut 
periculosum  est,  impurum  quemque  ad  tantum 
sacramentum  accedere  ;  ita  periculosum  est  ab 
hoc  prolixo  tempore  abstinere.  » 

Ainsi  les  fidèles  doivent  prendre  un  tempé- 
rament, et  comme  un  milieu  entre  les  excom- 
muniés, à  qui  on  ne  permet  la  communion 
qu'à  certains  jours,  et  les  personnes  religieuses 
qui  mangent  ce  pain  céleste  presque  tous  les 
jours  :  a  Salva  ratione  eorum,  qui  excommu- 


nicati, non  quando  eis  libet,  sed  certis  tempo- 
ribus  communicant  ,  et  religiosis  quibuscum- 
que  sancte  viventibus  ,  qui  pêne  omni  die  id 
faciunt  ^Cap.  xliv).  » 

Charlemagne  avait  taché  de  porter  tous  les 
fidèles  à  communier  tous  les  Dimanches  et 
toutes  les  Fêtes  solennelles.  «  Et  omnes  per 
dies  Dominicos  et  festivitates  praclaras  ,  sacra 
Eucharistia  communicent,  nisi  quibus  absti- 
nere prœceptum  est  [Capital.,  1.  v,  c.  182).  Et 
ailleurs  :  «  Placuit  ut  fidèles,  etc.  Si  fieri  potest, 
omni  Dominica  die  communicent,  nisi  crinii- 
nali  peccato  et  manifeste  impediantur  ,  quia 
aliter  salvi  esse  non  possunt  quoniam  Domi- 
nus  dixit  :  Oui  manducat  meam  carnem, etc. 
(L.  vi,  c.  157).  » 

Il  est  sans  doute  que  ce  grand  et  religieux 
prince  soutenait  ses  lois  par  ses  exemples. 
Louis  le  Débonnaire,  son  fils,  fut  averti  de  ce 
devoir  par  les  évêques  du  concile  VI  de  Paris, 
de  l'an  829,  afin  que,  par  son  exemple,  ses  cour- 
tisans se  rendissent  dignes  d'une  plus  fréquente 
participation  de  l'Eucharistie. 

«  De  perceptione  vero  sacri  corporis  et  san- 
guinis Domini  nostri  Jesu  Christi  nihilominus 
monemus,  ut  quod  Christianœ  religioni  ex]  le- 
dit, et  sicut  vobis  a  Patribus  nostris  admonitum 
est  in  aliis  conventibus,  quando  possibile  fue- 
rit,  faciatis  et  vestro  exemplo,  vobis  famulan- 
tes,  ut  hoc  faciant,  instruatis  (Can.  xx).  » 

Hérard  ,  archevêque  de  Tours,  désirait  que 
les  laïques  communiassent  au  moins  de  trois 
dimanches  l'un,  ou  de  quatre  l'un,  c'est-à-dire 
une  fois  le  mois.  «  Ut  populus  prœdicetur,  ut 
oblationes  Deo  offerant,  et  ut  tertia  Dominica  , 
vel  quarta  communicent,  abstinentes  se  a  luxu- 
ria  prôpriisque  uxoribus,  et  reliquis  illicitis , 
nisi  forte  criminalibus  culpis  sint  impliciti  (An. 
dccclviii,  Cap.  un,  Capitulare  Herardi).  » 

VII.  Jonas,  évêque  d'Orléans,  déplore  la  né- 
gligence et  l'irréligion  de  ceux  qui  ne  commu- 
niaient que  trois  fois  chaque  année,  aux  trois 
principales  fêtes,  et  ne  considéraient  pas  que  le 
défaut  de  nourriture  peut  donner  la  mort  à 
l'âme  aussi  bien  qu'au  corps,  et  que  les  assem- 
blées qui  se  font  à  l'Eglise  n'ont  été  instituées 
que  pour  rendre  nos  hommages  à  Dieu  et  nous 
unir  à  lui  par  la  communion  du  corps  de  son 
propre  Fils. 

«  Sunt  item  plerique,  quod  valde  periculo- 
sum, et  congrua  émendatione  dignum  est,  qui 
ab  hoc  sacramento  partini  incuria,  partira  de- 
sidia  adeo  se  subtrahunt,   ut  vix  in  anno  nisi 


LA  FERVEUR  DES  LAÏQUES  POIifl  LES  OFFICES  DIVINS. 


sub  tribus  lantura  festis  praeclaris,potiusquam 
ex  devotione  faciant  :  aescientes,  aut  scire  no- 
lentes,  qnod  sicut  corpus  sine  cibo  et  potu,  ita 
et  anima  sine  spiritali  cibo  inoritur.»  El  un  peu 
plus  bas:  «Gum  igiturconventuschristiaixu  uni 
ad  ecclesiam  ideo  praecipue  insti tutus  sit,  ut 
inter  liymnorum  et  laudum  soleinnia,  partici- 
patio  corporis  et  sanguinis  Domini  celebretur  , 
etc.  (De  institutione  laicali,  1.  u.  c.  18).  » 

Amalarius  proteste  dans  une  de  ses  lettres 
que  les  anciens  canons  obligeaient  tous  les  fidè- 
les qui  entraient  dans  l'église  de  communier 
ou  dédire  une  juste  cause  de  leur  conduite,  à 
moins  de  quoi  on  les  excommuniait;  que  Gen- 
nadius  à  la  vérité  conseille  la  communion  tous 
les  Dimancbes,  mais  que  c'est  peut-être  qu'il 
ne  disait  pas  lui-même  la  messe  tous  les  jours, 
autrement  il  n'eût  pas  donné  ce  conseil.  Enfin, 
qu'il  vaut  mieux  suivre  saint  Augustin  que 
Gennadius  et  se  rendre  digne  de  communier 
tous  les  jours. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  ici  à  examiner  si  Ama- 
larius a  bien  pris  le  sens  de  saint  Augustin,  ou 
celui  de  Gennadius,  ni  à  développer  si  le  parti 
qu'Amalarius  a  embrassé  est  le  meilleur.  lime 
doit  suffire  d'indiquer  ici  quels  ont  été  dans  ce 
siècle  les  sentiments  des  docteurs  et  les  mœurs 
des  fidèles.  Et  ce  n'est  que  dans  cette  vue  que 
nous  rapportons  ses  propres  termes. 

«Praecipitur  in  canonibus,  utomnes  ingre- 
dientes  ecclesiam,  communicent  :  quod  si  non 
communicaverint,  dicant  causam  quare  non 
communicent  :  et  si  rationabilis  extiterit,  indul- 
geatur  illis  :  sin  autem  ,  excommunicentur. 
Comperi  te  anchoram  mentis  tua)  fixisse  in  pe- 
lago,  et  non  in  portu  ;  fixisti  illam  inGennadio 
Massiliensi  episcopo.  Hortor  ut  potius  figas 
illam  in  portu  tutissimo  ,  Augustino  scilicet , 
testiiicato  per  universas  Ecclesias.  Hortatus  est 
te  Gennadius,  ut  praecipue  per  dies  Dominicos 
commun ices.  Eorte  non  eratconsueludo  illius, 
ut  per  singulos  diesmissamcelebraret.  Si  enim 
esset,  non  bortaretur  per  solos  Dominicos  dies 
potissimum  communicare,  etc.  Quapropternon 
rite  communicamus  per  singulos  dies  Domini- 
cos, et  potest  tieri,  ut  Deo  placeamus  per  sin- 
gulos dies  unius  hebdomadae,  in  quibus  gu- 
stare  et  videre  fas  est,  quam  dulcissitltominus 
(Spicileg.,  tom.  vu,  p.  172).  » 

11  est  donc  certain  que  les  empereurs,  les 
prélats,  et  les  personnes  éclairées  faisaient  leurs 
efforts  pour  leur  conserver ,  ou  pour  renou- 
veler la  fréquente  communion  des  premiers 


siècles,  exhortant  les  fidèles  de  vivre  avec  une 
pureté  qui  les  rendit  dignes  de  communier 
tous  les  jours,  ou  au  moins  tous  les  Dimanches 
et  toutes  les  Fêtes,  ou  si  cela  ne  se  pouvait,  au 
moins  tous  les  mois;  mais  qu'on  ne  soutirait 
pas  que  personne  se  dispensât  de  communier 
les  trois  principales  Fêtes  de  l'année,  Noël, 
Pâques  et  la  Pentecôte,  la  communion  d'une 
fois  l'année  au  Jeudi  Saint,  étant  réservée  aux 
pénitents. 

G'est  ce  qu'on  peut  encore  voir,  outre  les 
preuves  précédentes  dans  Reginon,  et  dans  les 
formulaires  anciens  des  exhortations  syno- 
dales, que  les  évèques  faisaient  à  leurs  curés 
(Kegino.  L.  i,  c.  58.  Appendix  Baluzii  ad  Regi- 
nonem,  p.  605,  013). 

VIII.  Ge  fut  peut-être  au  même  temps  que  la 
communion  devenant  moins  fréquente  qu'elle 
n'avait  été  dans  les  siècles  passés ,  on  com- 
mença à  ne  la  plus  donner  dans  la  main  des 
fidèles,  mais  de  la  porter  dans  leur  boucbe. 

C'est  le  canon  d'un  ancien  concile  rapporté 
par  Reginon ,  qui  commanda  aux  curés  de 
donner  la  communion  dans  la  bouche  même 
des  laïques.  Ainsi  il  y  a  lieu  de  croire  que  les 
diacres,  les  sous-diacres,  et  les  autres  clercs 
recevaient  encore  l'Eucbaristie  dans  sa  main  , 
selon  l'ancien  usage.  «  Nulli  laico  aut  feminae 
Eucbaristiam  in  manibus  ponat,  sed  tantum 
in  ore,  cum  bis  verbis  ,  corpus  et  sanguis  Do- 
mini prosit  tibiad  remissionem  peccatorum  et 
ad  vitam  aeternam  (Regino.  L.  i,  c.  199). 

L'autre  coutume  de  communier  les  enfants 
après  le  baptême,  et  dans  leurs  maladies,  dont 
on  voit  encore  des  preuves,  dans  les  capitu- 
laires  de  Gharlemagne  :  «  Ut  presbyter  semper 
Eucbaristiam  habeat  paratam,  utquandoquis 
infirmaverit,  aut  parvulus  infirmus  fuerit, 
statim  eum  communicet,  ne  sine  commu- 
nione  moriatur  (Capitulare  Carol.  Mag.  L.  i, 
c.  1013).  »  Cette  coutume,  dis-je,  ne  fut  abolie 
que  vers  le  temps  du  pape  Pascbal  II,  à  la  fin 
du  onzième  siècle. 

IX.  Quant  à  l'Eglise  Grecque,  le  concile  in 
Trullo  avait  bien  rétabli  l'ancien  usage  de  re- 
cevoir l'Eucbaristie  dans  la  main,  condamnant 
la  vaine  affectation  de  quelques  personnes 
riches  qui  la  recevaient  dans  des  vases  d'or 
pour  se  distinguer  des  pauvres ,  par  une  ridi- 
cule ostentation  de  leurs  richesses.  Mais  il 
semblequ'au  temps  de  Balsamon  la  coutume  s'y 

-était  aussi  introduite  de  recevoir  l'Eucharistie 
dans  la  bouche. 


25G      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TROISIÈME. 


C'est  ce  qu'il  insinue  lui-même  sur  ce  Canon. 
a  Ne  mireris,  nec  causam  rogaveris  propter 
quam  in  quibusdam  ecclestis  datur  laicis  san- 
ctum  Christi  corpus ,  nec  eis  in  manu  datur, 
ut  hoc  canone  continetur.  Recta  enim  fides  et 
ltei  timor  et  ab  omni  suspicione  aliéna  pietas 
hoc  tradidit,  non  laicorum  indignitas  iCan. 
ci).  » 

Il  paraît  parce  passage,  que  ce  n'étaient  que 
les  laïques  qui  ne  recevaient  plus  l'Eucharistie 
dans  la  main ,  et  ce  n'était  même  que  dans 
quelques  églises  qu'on  avait  changé  l'ancien 
usage.  Il  se  pourrait  bien  faire  que  parmi  les 
Latins  mêmes  ce  changement  ne  se  fût  fait 
d'abord  que  dans  un  petit  nombre  d'Eglises. 
D'où  vient  que  Ralsamon  dit  que  les  laïques 
mêmes  s'entredonnent  l'Eucharistie  :  «  Latini 
autem  azyma  assidue  in  sinu  ferentes  , 
etiamsi  sint  laici,  ea  non  solum  sihi,  ut  sacia- 
menta  irnpertiunt,  sed  etiam  aliis  (In  Can.  tvni. 
Conc.  Trull.)  » 

X.  La  continence  des  personnes  mariées  était 
une  suite,  ou  une  préparation  nécessaire  à 
l'Eucharistie.  Elle  devait  aussi  être  religieuse- 
ment observée  aux  jours  de  dimanches,  aux 
jours  de  fêtes  et  aux  jours  de  jeûne. 

Ralsamon  dit  que,  parmi  les  Grecs,  si  un 
homme  âgé  de  trente  ans,  et  ayant  des  enfants 
de  l'une  de  ses  deux  premières  femmes,  en 
épousait  une  troisième,  il  était  privé  pour 
quatre  ans  de  la  communion,  et  après  sa  récon- 
ciliation même,  il  ne  pouvait  communier  que 
trois  fois  chaque  année,  le  jour  de  Pâques,  le 
jour  de  la  Dormition,  ou  de  l'Assomption  de  la 
Vierge  et  le  jour  de  Noël. 

Cet  auteur  prouve  ailleurs  la  nécessité  de 
cette  continence  par  l'Apôtre,  qui  interdit  le 
commerce  conjugal  aux  temps  consacrés  à  la 
prière,  et  par  les  paroles  même  du  sacrifice, 
«  Sancta  sanctis  (In  Can.  xiv.  Rasilii.  In  Sup- 
plément, p.  1123).  »  Il  ajoute  la  réponse  syno- 
dale du  patriarche  Luc,  qui  ordonna  la  conti- 
nence de  trois  jours  avant  la  communion,  et 
décerna  des  peines  contre  ceux  qui  consom- 
maient leur  mariage,  le  jour  même  qu'ils 
l'avaient  contracté.  «  Palriarcha  Lucas  syno- 
daliter  pronuntiavit,  debere  tribus  ante  diehus 
a  corporali  congressu  sejungi  conjuges ,  qui 
sunt  divinorum  sacramentorum  futuri  parti- 
cipes. Sed  et  sponsos,  qui  ipso  die  matrimonii 
ad  rem  veneream  coeunt,  pcenis  subjecit  (Ad 
can.  iv.  Cartbag.).  » 

Il  ajoute  aussi  la  décision  canonique  du  pa- 


triarche d'Alexandrie  Timothée,  qui  défend  le 
commerce  conjugal  le  samedi  et  le  dimanche. 
«  Decernit  debere  fidèles  a  mutuo  congressu 
ahstinere  sabhato  et  Dominico.  »  David  et 
Moïse,  par  leurs  exemples  et  par  leurs  préceptes, 
avaient  autorisé  cet  usage  de  joindre  la  pureté 
du  corps  à  la  prière  et  au  sacrifice. 

Enfin  Ralsamon  fait  voir  par  la  même  auto- 
rité des  Ecritures,  des  usages  de  l'Eglise  et  du 
patriarche  Timothée,  que  la  continence  doit 
non-seulement  précéder,  mais  aussi  qu'elle 
doit  suivre  le  jour  de  la  communion  et  le  jour 
des  noces,  puisque  l'on  recevait  l'Eucharistie  le 
même  jour  des  noces. 

Il  avoue  néanmoins  que  cette  coutume  ne 
s'observait  plus  si  religieusement  ,  et  qu'il 
fallait  faire  tous  les  efforts  possibles  pour  la 
remettre  en  vigueur.  «  Et  optamus  corrigi, 
quod  prater  divina  instituta  prœcepta  circa 
sponsœ  deductionem  maie  sit.  Nam  postquam 
sacra  precatione  initiati  sunt,  et  divinas  sancti- 
ficationes  promeruerunt,  ad  carnalem  festinant 
unionem,  in  nuptiarum  deliciis  lascivientes, 
saerœ  benedictionis  vim  non  considérantes,  et 
sanctificationum  contemptum.  Conjuges  ergo 
quo  die  divinas  participaturi  sunt  sanctifica- 
tiones,  non  tantum  ante  earum  assumptionem, 
sed  et  post  eam  citra  excusationemcontinenter 
se  gerere  debent.  Quod  si  non  faciant,  gravio- 
ribus  subjicientur  pœnis  (Juris  Orient.  L.  v, 
p.  307,  368).  » 

Si  l'on  rassemble  toutes  ces  obligations  com- 
munes à  tous  les  fidèles,  de  prier  sans  cesse, 
de  participer  très-souvent  au  pain  céleste,  qui 
s'appelle  aussi  le  pain  quotidien,  de  joindre  la 
continence  à  la  prière,  à  la  participation  des 
sacrements,  aux  jeûnes  :  on  demeurera,  à  mon 
avis,  convaincu  que  nous  n'avons  rien  fait  qui 
puisse  paraître  nouveau  ou  surprenant,  si  nous 
avons  éclairci  les  obligations  du  clergé  à  la 
psalmodie,  par  celle  qui  y  engageait  en  quelque 
façon  tous  les  laïques. 

En  effet,  si  les  laïques  mêmes  doivent  prier 
sans  cesse,  selon  les  termes  propres  de  l'Apôtre, 
s'ils  doivent  très-souvent  participer  à  l'Eucha- 
ristie, s'ils  doivent  s'y  préparer  par  la  prière  et 
par  la  continence;  si,  selon  les  canons,  les  signes 
qu'on  sonne  publiquement  des  heures  cano- 
niales, sont  institués  pour  avertir  les  fidèles  de 
leur  devoir;  si  tous  les  jours  de  fêtes  et  déjeune 
sont  sacrés  à  la  prière  et  à  la  participation  des 
sacrements:  qui  ne  demeurera  persuadé  que 
tous  les  fidèles  ont  plus  de  part  au  sacerdoce  et 


LÀ  FERVEUR  DES  LAÏQUES  POIT,  LES  OFFICES  DIVINS,  etc. 


257 


aux  obligations  sacerdotales  qu'on  ne  s'imagine 
ordinairement. 

XL  L'Eglise  Latine  l'a  toujours  emporté  sur 
la  Grecque,  dans  l'amour  de  la  chasteté  et  de  la 
continence.  Théodulphe  prescrit  la  continence 
de  quelques  jours  et  une  longue  assiduité  à  la 
prière  avant  la  communion.  «  Aliquandiu  ab 
opère  conjugali  abstineat,  eleemosynis  et  ora- 
tionibus  insistât,  et  sic  ad  tautum  sacramentum 
accédât  (Capitulare  Tlicod.,  c.  xliv).  » 

Ce  sont  presque  les  mêmes  termes  des  eapi- 
tulaires,  soutenus  de  l'exemple  de  David,  qui 
ne  mangea  des  pains  sacrés  qu'après  quelques 
jours  de  continence.  «  Ut  videlicet  abstinens 
aliquot  diebus  ab  operibus  carnis ,  praparet  se 
ad  percipiendum  tantum  sacramentum,  exem- 
plo  David,  qui  nisi  se  confessus  fuisset  absti- 
nuisse  ab  opère  conjugali  ab  heri  et  nudius 
tertius,  nequaquam  panespropositionisasacer- 
dote  accepisset  (Capitol.  Car.   Magn.,   1.   20, 

C.  XL).  » 

Par  la  même  raison,  la  continence  de  quel- 
ques jours  est  nécessaire  après  le  mariage,  tant 
par  la  vénération  qu'on  doit  à  ce  grand  sacre- 
ment, que  parce  que  d'ordinaire  il  est  confirmé 
et  comme  scellé  par  L'Eucharistie.  «  Et  biduo 
vel  triduo  orationibus  vacent,  et  castitatem 
custodiant,  ut  bonœ  soboles  generentur  (L.  7, 
c.  ccccLxui).»L'arcbevèque  Hérard  en  ordonne 
autant  dans  son  capitulaire  (Cap.  lxxxix). 

L'évèque,  taisant  sa  visite,  devait  s'informer 
si  les  curés  instruisaient  les  peuples  du  temps 
qu'ils  devaient  s'abstenir  du  mariage.  «  Si 
illud  etiam  admoneat,  quibus  lemporibus  con- 
jugati  se  abstinere  debent  a  propriis  uxoribus 
(Keginon.,  1.  i,  c.  lix).  » 

Les  livres  pénitentiaux  imposaient  vingt 
jours  de  pénitence  à  ceux  qui  ne  s'étaient  pas 
purifiés  par  une  continence  d'environ  une 
semaine  avant  la  communion.  «  Communi- 
casti  de  sacrificio  Domini ,  et  non  prius  absti- 
nuisti  ab  uxoris  amplexu  ,  quinque  aut  septem 
diebus,  diesvigintipœniteas(Ibid.,  lib.  i,  c.ccc, 
pag.  146).  » 

XII.  La  continence  et  l'oraison  ayant  tant  de 
rapport  avec  les  jeûnes  et  les  fêtes ,  il  faut  dire 
un  mot  en  passant  des  uns  et  des  autres.  Théo- 
dulphe décide  nettement  que  ce  n'est  pas 
jeûner  utilement  le  carême,  si  l'on  ne  s'abstient 
des  sensualités  de  la  chair,  si  l'on  ne  s'éloi- 
gne de  toute  sorte  d'inimitiés  et  de  procès,  si 
Ton  ne  vaque  uniquement  à  la  prière,  aux 
veilles,  à  l'aumône. 

Th.  —  Tome  II. 


«In  his jejuniorum  diebus  nuUœlites,nullœ 
contentiones  esse  debent.  Abstinendum  in  lus 
esta  conjugibus,  et  caste  et  pie  vivendum, 
quia  nibil  pêne  valet  jejuniuni,  quod  conjugali 
opère  polluitur,  et  quod  orationes  ,  vigiliaî,  et 

eli  eiuos\  na'     i iinendanl        I  apilulare 

Theod.,  c.  xlu,  xi.iu).  » 

Et  afin  qu'on  ne  se  persuade  pas  que  les 
jours  déjeune  n'étaient  pas  encore  en  si  grand 
nombre  qu'ils  ont  été  depuis,  je  ne  remarque- 
rai ici  qu'un  article  des  capitulaires  de  Cbar- 
lemagne,  où  il  prescrit  trois  carêmes  chaque 
année,  outre  le  vendredi  de  toutes  les  se- 
maines, et  en  quelques  endroits  même  le  sa- 
medi. 

«  Item  admonëant  sacerdotes ,  ut  jejunia 
tria  légitima  in  anno  agantur,  id  est,  quadra- 
ginta  dies  ante  Nativitatem  Domini,  et  quadra- 
ginta  ante  Pascha,  ubi  décimas  anni  solvimus, 
et  post  Pentecosten  quadraginta  dies.  Quan- 
quam  enim  nonnulla  ex  hiscanonicapriventur 
autoritate,  nobis  tamen  omnibus  simul  pro- 
pter  consuetudinem  plebis  et  parentum  no- 
strorum  ;  morem  hune  observare  convenit. 
Praeter  haec  autem  légitima  tempora  jejunio- 
rum, omni  sexta  feria  propter  passionem 
Domini  jejunetur.  Sed  et  sabbati  dies  a  pleris- 
que ,  propter  quod  in  eo  Cbristus  jacuit  in 
sepulcro,  jejunio  consecratus  habetur  (L.  6, 

C.  CLXXXIV).  » 

On  ne  peut  dissimuler  ce  que  ce  prince  avoue 
si  franchement ,  que  les  quarante  jours  de 
jeûne  avant  Noël  et  après  la  Pentecôte,  n'étaient 
pas  fondés  sur  les  anciens  canons  ;  mais  il  est 
remarquable ,  comme  cet  empereur  le  con- 
fesse, que  le  long  usage  de  quelques  siècles,  et 
l'observation  uniforme  de  tant  de  peuples  en 
avait  fait  comme  une  loi. 

La  règle  de  Crodogangus  ordonne  aussi  ces 
trois  carêmes ,  mais  en  sorte  que  le  second  ne 
consiste  qu'en  l'abstinence  de  la  viande  :  «  A 
Pentecoste  vero  usque  ad  Nativitatem  sancti 
Joannis  Baptistœ  similiter  bis  in  die  reflciant, 
et  carne  abstineant.  A  Nativitate  vero  sancti 
Joannis  usque  ad  Transitum  sancti  Martini , 
sicut  antea  bis  in  die  reflciant,  quarta  et  sexta 
feria  a  carne  abstineant  (Cap.  xxxv).  » 

Voilà  comment  lejeûneancien  de  laquatrième 
et  de  la  sixième  fériés  s'était  aussi  changé  en 
une  simple  abstinence  de  chair.  Le  troisième 
carême,  qui  est  ce  que  nous  appelons  l'A  vent, 
s'observait  avec  un  jeûne  plus  régulier,  car  on 
jeûnait  jusqu'à  l'heure  de  none,  a  l'imitation 

il 


288       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TROISIEME. 


des  anciens  demi-jeûnes.  «  Ab  ipso  Transita 
sancti  Martini  us<ine  ad  Natalem  Doniini  a 
carne  omnes  abstineant,  et  usque  ad  nonam 
jejnnent.  » 

Depuis  Noël  jusqu'au  carême  on  jeûnait 
encore  jusqu'à  noue  le  lundi,  le  mercredi  ei  le 
vendredi  ;  on  s'abstenait  de  chair  le  mercredi 
et  le  vendredi.  «Et  post  Natalem  Doniini  usque 
ad  capot  quadxagesimae  secunda  et  quarta  et 
sexta  feria  in  refectorio  ad  nonam  reficiant  ; 
reliquis  diebus  duabus  vicibus  in  refectorio 
refici;int.  A  carne  vero  quarta  et  sexta  feria  liis 
temporibus  abstineant.  »  Enfin  s'il  tombait  un 
jour  de  tète  dans  un  de  ces  jours  d'abstinence, 
le  prieur  pouvait  permettre  qu'on  mangeât  de 
la  viande.  «Et  si  dies  festusin  bis  diebus  feriis 
talis  evencrit  ,  si  permiserit  prior,  carnem 
manducent  pro  infirmitate.  » 

Quant  au  vrai  carême  oh  jeûnait  jusqu'après 
vêpres  :  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Pentecôte  on 
s'abtenait  seulement  de  viande  le  mercredi. 
«A  Pascba  usque  ad  Pentecosten,  bis  in  die 
canonici  reficiant,  et  carnem  manducandi 
licentiam  habeant,  nisi  pœnitentes ,  prseter 
timtuin  quartam  sextamque  l'eriam.  » 

Il  faut  ici  remarquer  :  1°  que  ces  trois  ca- 
rêmes étaient  d'une  obligation  plus  pressante 
pour  les  chanoines,  c'est-à-dire  pour  les  ecclé- 
siastiques que  pour  les  laïques;  ainsi  on  pour- 
rail  juger  avec  assez  d'apparence,  que  les  deux 
derniers  n'étaient  que  de  conseil  pour  les  laï- 
ques; 2"  la  seule  abstinence  de  chair  les  mer- 
credis et  les  vendredis  après  Pâques  jusqu'à  la 
Pentecôte,  et  durant  le  second  carême  après  la 
Pentecôte,  passait  pour  une  espèce  de  jeune  ; 
3°  les  jeûnes  de  l'Avent  jusqu'à  none,  aussi 
bien  que  ceux  du  lundi,  mercredi ,  vendredi 
en  hiver  qui  étaient  tout  semblables,  étaient 
comme  une  image  des  demi-jeûnes  de  l'an- 
cienne Eglise;  4°  s'il  est  vrai  que  les  lundis 
depuis  Noël  jusqu'au  carême,  on  ne  man- 
geait qu'après  none,  sans  qu'on  lût  obligé  de 
s'abstenir  de  viande ,  cette  manière  de  jeûner 
semble  fort  singulière,  et  néanmoins  les  pa- 
roles semblent  en  être  fort  claires;  5°  les 
grandes  fêtes  qui  arrivaient  en  ces  jours  de 
demi-jeûnes  ,  c'est-à-dire  le  mercredi  et  le 
vendredi,  ou  bien  durant  l'Avent,  donnaient 
|,i  liberté  de  manger  de  la  chair  ;  6°  et 
néanmoins  cela  même  passait  pour  une  con- 
descendance ,  ainsi  il  est  assez  probable  que 
les  plus  rigoureux  observateurs  des  canons  s'en 
abstenaient. 


XIII.  Ratram,  moine  de  Corbie,  qui  réfuta 
les  invectives  des  Grecs  contre  les  Latins,  nous 
apprend  que  dans  les  deux  Eglises  d'Orient  et 
d'Occident,  les  uns  jeûnaient,  les  autres  ne 
jeûnaient  pas  le  mercredi  et  le  vendredi,  sans 
que  les  uns  condamnassent  les  autres;  que 
ceux  de  Constantinople  n'étaient  asservis  à  ce 
jeûne  ni  par  aucune  loi,  ni  par  aucune  cou- 
tume ;  au  contraire  ceux  d'Alexandrie  et  de 
l'Orient  jeûnaient  exactement  ces  deux  jours 
toutes  les  semaines.  «  Alexandrin!  quarta 
sextaque  feria  jejunant,  et  reliqui  per  Orientem 
cliristiani;  cum  constet  Constantinopolitanos 
quarta  sive  sexta  sabbati  ut  jejnnent,  nuila 
loge  vel  consuetudine  constringi  (  L.  iv  , 
c.  m).  » 

Dans  la  Grande-Bretagne  on  jeûnait  tous  les 
vendredis,  sans  condamner  les  autres  occiden- 
taux qui  ne  jeûnent  point.  «  In  lnsula  Britan- 
nica omni  sexta  sabbati  jejunatur,  nec  tamen 
excommunicantur  ab  eis,  qui  per  Occidentem 
illo  die  non  liabent  consuetudinem  jeju- 
nandi.  » 

Cette  diversité  provient  manifestement  de  ce 
que  dès  les  trois  premiers  siècles,  les  demi- 
jeûnes  du  mercredi  et  du  vendredi  ont  été 
libres  dans  l'Occident,  et  ont  été  d'obligation 
dans  l'Orient. 

Constantinople  se  conforma  à  l'Occident 
plutôt  qu'à  l'Orient,  parce  qu'elle  était  au 
milieu.  Dans  l'Occident  le  jeûne  qui  était  libre, 
devint  nécessaire  en  quelques  provinces  par 
une  longue  et  exacte  observation,  au  moins 
celui  du  vendredi  ;  dans  les  autres  provinces  le 
jeûne  devint  peu  à  peu  nécessaire,  mais  en 
même  temps  il  se  changea  en  simple  privation 
de  chair. 

Ralhérius,  évoque  de  Vérone,  nous  découvre 
bien  d'autres  espèces  de  demi-jeûnes,  en  retar- 
dant la  réfection  des  pénitents  de  trois  heures 
après  celle  des  autres  fidèles  ;  c'est-à-dire 
jusqu'à  midi,  ou  jusqu'à  none,  ou  jusqu'à 
vêpres,  puisque  les  autres  mangeaient  ou  à 
l'heure  de  tierce,  ou  à  midi,  ou  à  l'heure  de 
none.  «  lia  ut  si  caeteri  fidèles  rendante  tertia 
hora,  nos  sexta  :  si  i  11  ï  sexta,  nos  noua  :  si  illi 
noua,  nos  usque  ad  vesperam  jejunemus  (Spic, 
t.  ii,  p.  241).  »  Il  parle  apparemment  d'un  pays 
chaud,  où  en  été  on  dîne  de  fort  bonne  heure 
pour  prévenir  les  ardeurs  du  midi. 

Mais  voici  bien  d'autres  particularités  dont  le 
même  auteur  nous  instruit,  quant  au  jeûne  et 
quant  à  la  continence  qui  l'accompagnait.  «  In 


LA  FERVEUR  DES  LAIQUES  POUR  LES  OFFICES  DIVINS,  etc. 


259 


Adventu  Domini,  nisi  festivitas  intercédât,  qua- 
tuor  hebdomadibus  a  carne  noveritis  abstinen- 
ilum,  et  coilu.  lu  Natale  Domini  viginti  diebus 
ac  noctibus  a  coitu  etiain  licito  omnino  cessan- 
dum.SimiuterinOclavisPaschae  etPentecostes, 
Letaniarum,  et  oiniiiuni  feslivilatum  \igiliis, 
sexlis  etiain  teriis,  prsecipue  autem  omnibus 
diebus  vel  aoctibus  Dominicis    I'.  249).  » 

Voila  comment  les  personnes  mariées  devaient 
«ivre  en  continence  tous  les  jours  de  jeûne  et 
de  fête ,  et  même  plusieurs  autres  jours,  au 
temps  des  lûtes  solennelles. 

Cet  auleuravertil  les  fidèles  de  jeûner  jusqu'à 
l'heure  de  none,  tous  les  jours  de  la  semaine 
sainte  .  et  même  le  samedi  saint  d'attendre 
jusqu'après  la  messe,  qui  ne  peut  commencer 
qu'une  heure  après  none. 

Si  les  fêtes  de  la  Vierge  ou  des  Apôtres,  ou 
des  patrons  d'une  église  arrivent  en  carême 
ou  aux  jours  des  Quatre-Temps,  on  rompt  le 
jeûne.  «  Si  festivitas,  quae  non  sit  sanctae  Dei 
genitricis  Maria?,  ant  Apostolorum  evenerit  in 
Quadragesima,  vel  Quatuor  Temporum  jeju- 
niis,  magis  jejunium  tenendum,  quam  festivi- 
tatem  celebrandam  scitote ,  nisi  forte  illius 
sancti  sit  celebritas,  qui  in  eadem  paroebia 
jacet.  » 

Cet  auteur  se  donne  la  liberté  de  se  moquer 
de  la  simplicité  des  Grecs,  qui  jeûnaient  tous 
les  jours  du  carême  jusqu'à  la  nuit.  «  Vitupe- 
ramus  et  illorum  ridieulosam  nimium  stulti- 
tiam,  qui  contra  concessam  nona  hora  diei 
omnibus  sumendi  quidlibet  licentiam.  usque 
ad  noctem  quotidie  jejunium  eligunt  protelare, 
ut  nocte  quasi  cum  licentia  ventrem  valeant 
ingurgitare  ilbid.,  p.  283  .  » 

Il  paraît  de  là  qu'au  temps  de  Ratberius, 
c'est-a-dire  avant  l'an  mil,  les  jeûnes  du  ca- 
rême même  se  rompaient  après-midi  avant 
none,  puisque  c'est  un  ett'ort  de  mortification 
qu'il  exige  pendant  la  semaine  sainte,  de  jeûner 
jusqu'à  l'beure  de  uone. 

De  toutes  ces  citations  on  pourrait  bien  con- 
clure, qu'on  ne  jeûnait  pas  la  veille  de  la  Pen- 
tecôte, et  néanmoins  il  fallait  bien  qu'on  y 
jeûnât  au  moins  en  quelques  endroits,  puisque 
les  capitulaires  de  Cbarlemagne  en  ordonnent 
expressément  le  jeune  :  «  Ut  adnuntient  pre- 
sbyleri  eodem  modo  sicut  vesperascente  sab- 
bato  sanctum  Pascba  celebratur,  et  ipsum  diem 
Pentecostes  similiter  celeberrimum  habeant, 
ut  sanctum  Pascba',  et  jejunium,  et  missam,  et 
baptismum  (L.  m,  Capit.,  c.  clxxxvu). 


Al li m,  évéque  de  Verceil,  qui  vivait  en  même 
temps  que  Ralherius,  ordonne  à  ses  clercs  de 

jeûner  sept  semaines  pleines  avant  Pâques, 
pour  se  distinguer  des  laïques.  «Septem  heb- 
domadas  plenas  ante  sanctum  Pascha  omnes 
clerici  in  sortem  Domini  vocali  a  carne  jeju- 
ni'iit  (Capitulare  Altonis,  c.  i.mv  et  lxx),  »  Les 
laïques  ne  jeûnaient  que  si\  semaines  tout  au 
plus,  ils  y  ajoutaient  les  quatre  jours  depuis  le 
mercredi  des  Cendres;  les  clercs  devaient  com- 
mencer le  jeûne  au  Dimanche  de  la  Cminqua- 
gésime. 

Ce  prélat  semble  exempter  du  jeûne  le 
jeudi,  ce  qui  a  eu  lieu  autrefois  en  quelques 
Eglises;  mais  il  recommande  un  jeûne  rigou- 
reux le  mercredi,  le  vendredi  et  le  samedi,  à 
moins  qu'ils  ne  s'y  rencontre  quelque  fête  so- 
lennelle. 

o  Quarta  vero,  et  sexta.  et  septima  feria  pra 
caeteris  jejunandum  est,  etc.  Qui  istis  tribus 
diebus  in  crapula,  vel  epulis  absque  magna 
interveniente  festivitate,  vel  necessitate  fuerit, 
videtur  Dominum  crucifigere,  etc  (An.  950).  » 

Enfin,  ce  prélat  montre  ailleurs  (Epist.  iv) 
que  s'il  faut  célébrer  avec  joie  tous  les  diman- 
ches de  l'année,  dans  le  souvenir  de  la  résur- 
rection du  Fils  de  Dieu,  il  est  également  néces- 
saire de  jeûner  tous  les  vendredis  en  mémoire 
de  sa  passion.  Voila  comme  tant  de  pratiques 
modernes  commençaient  à  s'établir,  ou  étaient 
déjà  établies  dans  l'Eglise. 

Saint  Odon,  abbe  de  Cluny,  dit  que  le  saint 
comte  Ci  raid  donnait  bien  à  manger  à  ses 
hôtes  des  le  matin,  mais  qu'il  ne  mangeait  ja- 
mais qu'après  tierce,  et  les  jours  de  jeûne  après 
none.  «  Cum  hospites  reficere  nonnunquam 
mane  fecisset,  ipse  tamen  non  ante  boram 
diei  tertiam  vel  in  jejunio  ante  nonam  reficie- 
bat  L.  vin  vitae  S.  Gerald.,  cap.  xui  et  xv).  »  Il 
gardait  l'abstinence  de  chair  trois  jours  la  se- 
maine :  s'il  y  survenait  une  fête,  il  remettait 
l'abstinence  à  un  autre  jour.  Si  un  jour  de 
jeûne  tombait  le  Dimanche,  il  jeûnait  le  sa- 
medi. 

Ce  n'était  donc  pas  encore  une  coutume  qui 
eût  fait  loi,  de  prévenir  le  samedi  les  jeûnes 
qui  tombent  le  dimanche.  Cela  provenait  peut- 
être  de  ce  (iue  les  Romains  et  leurs  imitateurs 
jeûnaient  tous  les  samedis,  ainsi  ils  n'avaient 
lias  besoin  de  transférer  au  samedi  le  jeûne  du 
dimanche. 

«  Tribus  feriis  in  hebdoinada,  et  omni  tem- 
pore  quod  abstinente  dieatum  est,  a  carnali- 


260 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TROISIÈME. 


bus  abstinebat.  Si  tamen  in  eisdem  feriis  festi- 
vitas  annualis  evenisset,  abstinentiam  ita  sol- 
vehat,  ut  in  qualibet  absoluta  feria,  ad  vicem 
illins  quam  solverat,  itidem  abstîneret.  Si  vero 
jejunium  die  Dominica  evenisset,  praecedenti 
sabbato  solemnitatem  jejunii  persolvebat.  » 

XIV.  Les  Orientaux  ont  été  les  plus  zélés  et 
les  plus  rigoureux  pour  le  jeûne.  Balsanion  ra- 
conte que  le  patriarebe  de  Constantinople  Luc, 
déclara  que  les  jeûnes  du  mois  d'août  et  de 
l'Avent  devaient  être  rigoureusement  gardés 
par  la  loi  de  la  tradition  non  écrite,  qu'ainsi  il 
fallait  jeûner  depuis  le  premier  jour  d'août 
jusqu'à  l'Assomption  et  depuis  le  M  novembre 
jusqu'à  Noël,  et  que  les  infirmes  demanderaient 
dispense  à  l'évêque,  afin  de  diminuer  ce  nom- 
bre de  jours. 

«  Patriarcha  dixit,  quod  cum  bi  jejunii  dies 
non  declarentur  ab  ulla  scriptura,  cogimur 
sequi  non  scriptam  ecclesiasticam  traditionem, 
et  debemus  jejunare  a  primo  die  Augusti,  et  a 
quartadecima  mensis  Novembris.  Sin  autem 
propter  corporalem  imbecillitatem  id  solvere 
cogamur,  episcopali  permissione  dies  declarati 
in  angustum  redigentur  ;  Dam  id  quoque  pla- 
cuitex  non  scripta  ecclesiastica  traditione  In 
Interrog.  quorumdam  monaehorum).  » 

Balsamon  fait  néanmoins  assez  connaître 
dans  un  autre  endroit,  que  ces  jeûnes  de  tra- 
dition non  écrite,  étaient  plutôt  de  conseil  que 
de  précepte. 

Cet  auteur,  après  avoir  déclaré  qu'il  faut 
jeûner  avec  des  viandes  sèches,  qu'on  appe- 
lait xéropbagies  ,  tout  le  carême .  tous  les 
mercredis  et  les  vendredis;  que  les  malades 
pourront  manger  du  poisson,  mais  non  pas  de 
la  chair  aux  jours  de  jeûne,  quand  il  leur  en 
coûterait  la  vie,  si  ce  n'est  les  mercredis  et  les 
vendredis  entre  Pâques  et  la  Pentecôte,  les 
samedis  et  les  dimanches  du  carême  ;  il  ajoute 
que  le  canon  apostolique  ne  faisant  point  men- 
tion des  autres  jeûnes,  des  Apôtres,  de  l'As- 
somption et  de  Noël,  ces  jeûnes  n'étaient  pas 
encore  passés  en  loi,  et  il  était  pourtant  louable 
de  les  observer. 

«  Si  quis  lidelisnon  jejunat  in  Quadragesima. 
et  omni  quarto  die,  et  Parasceve,  nam  et  in  iis, 
similiter  ut  in  quadragesima  aridis  vesci  jussi 
sumus  :  si  est  quidem  clericus.  deponalur,  si 
vero  laicus,  segregetur.  Excipe  milii  eos  qui 
œgrotant.  Hi  enim  si  per  pistes  jejunium  ser- 
vant, eis  venia  datur.  Per  carnem  autem  non 
solvet    quis  quemcumque  quartum  diem  et 


Parasceven,  exceptis  pascbalibus  et  aliis  con- 
cessis,  etiamsi  extremum  spiritum  agat,  etc.  » 
Et  un  peu  après,  «  Sed  et  si  in  aliis  jejunii  die- 
bus,  scilicet  sanctorum  Apostolorum,  Dormi- 
tionis  Deiparœ  et  Natalis  Christi  jejunaverimus, 
pudore  non  afficiemur  (In  Can.  Apost).  » 

Il  tire  la  même  conclusion  d'un  autre  canon, 
qui  défend  de  célébrer  la  sainte  messe  aux 
jours  de  jeûne  ;  ainsi  il  ne  la  permet  que  les 
samedis  et  les  dimanches  du  carême.  Car  la 
messe  des  présanctifiés  n'est  pas  un  sacrifice, 
mais  une  oblation  réitérée  du  sacrifice  du  jour 
précédent.  «  Prœsanctificatorum  ministcrium 
incruentum  sacrificium  non  dicimus,  sedobla- 
tionem  prius  oblati  et  perfecti  sacrifiai.  (In 
Can.  Trull.  ni).  »  Cela  eut  été  étendu  aux 
aubes  carêmes,  s'il  y  en  eut  eu  plus  d'un, 
d'une  obligation  étroite.  «  Nota  ex  hoc  quod 
proprie  una  est  Quadragesima  ;  si  enim  alia 
fuisset,  cautuni  esset ,  ne  in  illa  fieret  perfe- 
ctum  sacrificium,  sed  per  praesanctificata.  » 

XV.  Il  faut  donc  avouer  que  le  long  jeûne 
qui  précédait  les  fêtes  de  Noël,  de  l'Assomption, 
et  des  Apôtres,  car  Balsamon  vient  de  faire 
mention  de  celui-ci.  était  encore  arbitraire  au 
temps  du  concile  in  Trullo,  et  que,  depuis,  la 
longue  coutume,  en  fit  comme  une  loi. 

Le  même  Balsamon  remarque  que  le  jeûne 
du  carême  consistait  en  xéropbagies,  et  à 
s'abstenir  du  vin,  quoique  quelques-uns  bor- 
nassent les  xéropbagies  à  la  seule  semaine 
sainte.  Ce  n'est  pas  l'avis  de  Balsamon,  qui 
n'en  excepte  que  les  samedis  et  les  dimanches. 
(In  respons.  Timoth.,  p.  1064.  In  can.  l.  Lao- 
dicen.) 

Le  patriarche  d'Alexandrie  Théophile,  sur  la 
difficulté  proposée  de  la  veille  de  la  Théophanie, 
ou  de  Noël,  qui  tombait  un  Dimanche,  au- 
quel les  canons  défendent  de  jeûner,  résolut 
qu'on  pourrait  manger  quelques  dattes  en 
attendant  les  offices  du  soir,  et  qu'ainsi  on  gar- 
derait le  jeûne  sans  jeûner. 

Les  Grecs  ne  jeûnaient  pas  le  mercredi  et  le 
vendredi  de  la  semaine  qui  précède  le  carême, 
ni  de  celle  qui  suit  le  jour  de  Pâques  ;  ce  n'est 
pas  qu'en  ces  jours  ils  pussent  manger  de  la 
chair;  car  quand  ils  eussent  couru  risque  de 
la  vie,  ils  ne  le  pouvaient  non  plus  qu'en 
carême;  et  balsamon  assure  que  plusieurs 
synodes  avaient  refusé  ces  dispenses.  «  Non 
permiitetur  cuiquam  etiamsi  extremum  agat 
spiritum  in  magna  Quadragesima  carnibus 
vesci;  vidimus  enim  hoc  diversis  temporibus 


DE  L'OBLIGATION  A  RÉCITER  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


->(>! 


synodice  petitum  esse,  et  non  esse  concessum. 
(Apud  Balsamon.,  p,  L067.  lu  can.  Apost.,  66. 
Supplem.,  pag.  11-20).  » 

Les  xérophagies  s'observaient  donc  aussi  le 
mercredi  et  le  vendredi  :  les  plus  relâchés 
commençaient  à  user  d'huile,  et  à  maDger  des 
huîtres  et  d'autres  poissons  à  coquille  en  ces 
saints  jours,  ce  que  Balsamon  assure  être  contre 
la  loi.  Ainsi  il  condamne  le  relâchement  qui  a 
depuis  prévalu  dans  l'Orient.  «  Aridis  vesci  de- 
bemus  omni  quarta  et  sexta  l'eria.  Qui  ergo 
sine  morbo  cum  oleo  et  testaceis  piscibusje- 
junant,  faciunt  contra  legem  ;  multo  autem 
magis  qui  in  quartis  feriis  pisces  come- 
dunt.  » 

Voila  les  premiers  commencements  de  la 
pratique  plus  relâchée  des  derniers  siècles  :  on 
commença  à  manger  des  huîtres  et  d'autres 
poissons  semblables,  qui  sont  les  moindres  ; 
après  on  mangea  même  du  poisson,  mais  le 
mercredi  seulement,  comme  au  jour  le  moins 
révéré  :  de  là  on  passa  aux  autres  jours,  et  aux 
autres  poissons,  qui  n'ont  point  de  sang. 

Quelques-uns,  au  contraire,  prétendaient 
qu'aux  jours  des  xérophagies,  il  ne  fallait 
boire  que  de  l'eau,  à  quoi  Balsamon  semble 
s'opposer,  comme  à  une  chose  qui  ne  se  trouve 
pas  dans  les  canons  (Bals.  Supplem.,  p.  1125). 

Enfin,  Balsamon  raconte  qu'une  personne  de 
qualité  ayant  voué  de  jeûner  tous  les  mardis, 


voulu!  aussi  jeûner  le  jour  de  Noël,  qui  était 
échu  en  un  mardi. 

L'empereur  demanda  au  patriarche  Luc  une 
décision  synodale  sur  cette  question,  et  il  fut 
résolu  qu'on  ne  devait  en  façon  quelconque 
jeûner  le  jour  consacre  au  Seigneur,  et  qui  est 
comme  le  propre  jour  de  Pâques  :  que  par 
conséquent  le  vœu  était  nul,  comme  contraire 
aux  canons  (In  Can.  Basil.  29). 

Les  réponses  du  même  Balsamon  (Juris 
Orient.,  tom.  î,  pag.  388)  qui  sont  contenues 
dans  le  droit  oriental,  nous  apprennent  encore 
que  les  Grecs  mangeaient  de  la  viande ,  au 
moins  ils  en  goûtaient  les  mercredis  et  ven- 
dredis des  semaines  du  carême  prenant ,  du 
fromage,  et  des  douze  jours,  pour  s'opposer  à 
quelques  pratiques  superstitieuses  des  héréti- 
ques; et  qu'ils  en  mangeaient  encore  avec  plus 
de  liberté  la  quatrième  et  la  sixième  lérie,  de 
la  semaine  de  Pâques,  dont  chaque  jour  est 
révéré  comme  un  jour  de  dimanche. 

Enfin,  quant  aux  autres  jeûnes,  Balsamon 
dit  qu'il  n'y  a  que  sept  jours  qu'on  soit  obligé 
de  jeûner  avant  les  fêtes  des  Apôtres,  de  Noël 
de  la  Transfiguration,  et  de  l'Assomption;  si 
les  coutumes  particulières  des  lieux  augmen- 
tent ce  nombre  de  jours,  elles  en  sont  loua- 
bles ;  mais  il  n'y  a  de  peines  décernées  que 
contre  ceux  qui  ne  jeûnent  pas  une  semaine 
entière  avant  chacune  de  ces  fêtes  (1). 


(1)  Aujourd'hui  encore,  les   vendredis   et  samedis  de  l'Avent  sont       les  curés,  la  faculté  de  dispenser  de  l'abstinence  des  samedis  qui   ne 
jours  de  jeûne  obligatoire  à  Rome.  sont  pas  jours  de  jeune.  (Dr  ANDRÉ  ) 

On  sait  que  Pie  IX  a  accordé  à  tous  les  évèques  et  ceux-ci  à  tous 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-QUATRIEME. 


DE    L  OBLIGATION    A    RECITER    I.  OFFICE    DIVIN.    PREUVES    TIREES    DES   EXEMPLES, 
DEPUIS    L'AN    V11L   JUSQU'A    PRÉSENT. 


1.  Suite  des  matières  qui  ont  été  traitées,  et  de  celles  qui  res- 
tent à  traiter. 

I!.  Exemple  illustre  de  saint  Tagnron,  archevêque  de  Mag- 
debourg. 

Ht.  Exemple  de  saint  Séverin,  évèque  de  Cologne,  tiré  de 
Pierre  Dauiien.  Preuves  tirées  de  cet  exemple  pour  l'obligation 
de  réciter  les  heures  canoniales. 


IV.  Autre  preuve  de  Pierre  Damien. 

V.  Exemple  d'Ives,  évèque  de  Chartres. 

VI.  De  saint  Volstan,  évèque  de  VVorcester. 

VU.  Oe  saint  Thomas,  archevêque  de  Cantorbéry. 

VIII.  Du  pape  Léon  IX. 

IX.  De  saint  Hugues,  évèque  de  Lincoln. 

X.  De  saint  Dominique. 


202      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-QUATRIÈME. 


II.   Des  premiers  missionnaires  apostoliques  de  l'ordre  de 

saint  François.  .  .         .   .,  .. 

XII.  Ce  furent  eux  qui  donnèrent  cours  au  bréviaire  qui  était 

propre  à  la  chapelle  du  pape. 

XIII.  Réflexions  sur  cela,  pour  en  conclure  1  obligation  des 
heures  canoniales. 

XIV.  Exemple  de  saint  François  Xavier. 

XV.  D'Albert  le  Grand,  d'un  saint  cardinal,  et  de  saint  Charles. 

I.  Nous  avons  déjà  parlé  amplement  de  l'obli- 
gation des  ecclésiastiques  à  réciter  les  offices 
divins  ;  nous  ne  croyons  pas  néanmoins  devoir 
finir  cette  matière  sans  L'approfondir  encore 
davantage  ;  c'est  pourquoi  je  me  propose  de  faire 
voir  :  1°  que  cette  obligation  est  plus  ancienne 
qu'on  ne  s'est  quelquefois  imaginé,  par  les 
exemples  des  grands  hommes,  et  par  les  canons 
réitérés  de  plusieurs  conciles;  2°  je  viendrai  à  la 
solennité  des  offices  dans  les  églises  cathé- 
drales et  collégiales,  ou  même  dans  les  parois- 
siales ;  3°  il  faudra  ensuite  dire  quelque  chose 
de  l'office  de  la  sainte  Vierge,  et  de  celui  des 
morts;  4°  enfin,  nous  parlerons  aussi  de 
l'échange  qu'on  a  fait  pour  les  ignorants,  a  qui 

on  a  déterminé  au  lieu  du  psautier  et  des 
heures  canoniales,  un  nombre  réglé  d'Oraisons 
Dominicales  et  de  salutations  angéliques. 

II.  Commençons  par  la  récitation  des  heures 
canoniales  en  particulier,  et  faisons  voir,  pre- 
mièrement par  des  exemples  célèbres,  qu'on 
l'a  toujours  regardée  comme  d'une  obligation 
très-étroite.  Ditinar,  évèque de Mersebourg,  fai- 
sant l'éloge  d'un  saint  archevêque  de  son  temps, 
c'était  Tagmon  de  Magdebourg,  assure  qu'il 
disait  tous  les  jours  le  psautier  et  la  messe,  si 
quelque  dangereuse  maladie  ne  l'en  empêchait. 
«  Nisi  infirmitas  obsisteret,  omni  die  missam 
et  psalterium cantavit  (Baron.,  an.  loil,n.  2).» 

Pierre  Daniien  raconte  l'histoire  d'un  reli- 
gieux qui  fut  repris  par  un  ange  travesti  en 
pèlerin,  de  ce  que  le  jour  précédent,  étant  las, 
il  avait  dit  ses  complies  après  s'être  couché 
sur  son  lit.  «  Jacendo  horas  canonicas  comple- 
verat.  »  Les  paroles  de  l'ange  furent,  «  Comple- 
torium  in  lecto,  nec  salus  est,  nec  profectus 
(Baron.,  an.  L062,  n.  82).  » 

III.  Le  même  Pierre  Daniien  en  ajoute  une 
plus  étonnante  du  saint  évèque  de  Cologne, 
Séverin,  qui  apparut  a  un  clerc  de  son  église, 
lorsqu'il  traversait  une  rivière,  et  l'assura  qu'il 
souffrait  les  flammes  dévorantes  du  purga- 
toire, pour  avoir  récité  ses  heures  canoniales 
toutes  ensemble  dès  le  matin ,  lorsqu'autre- 
fois,  étant  dans  le  palais  impérial,  il  était  tout 
le  jour  occupé  aux  affaires  publiques. 


«  Quia  dum  in  aula  regia  constitutus,  impe- 
rialibus  me  consiliis  vehementer  applicui,  ca- 
nonise synaxis  officia,  per  distincta  horarum 
spatia  non  persolvi.  Mane  quippe  omnia  coa- 
cervans  simul,  tota  die  negotiis  ingruentibus 
secura  libertate  vacabam.  Ob  banc  itaque  ne- 
gligentiam  horarum,  ardoris  hujus  fero  sup- 
plicium  (Baron.,  ibid.,  n.  83).  » 

11  faut  remarquer  :  1°  Que  ce  saint  prélat 
étant  appliqué  au  conseil  d'Etat  et  aux  affaires 
de  l'empire  se  fût  apparemment  dispensé  des 
heures  canoniales,  s'il  eût  jugé  qu'elles  n'é- 
taient de  nulle  obligation  ;  2°  si  la  récitation 
en  eût  été  purement  arbitraire,  ce  n'eût  pas 
été  une  faute  qu'il  eût  fallu  expier  par  un  si 
rigoureux  châtiment,  de  ne  pas  réciter  chaque 
heure  séparément  en  son  propre  temps.  Et  au 
contraire,  s'il  était  d'un  devoir  si  précis  de  ré- 
citer toutes  les  heures  en  leur  temps  propre, 
il  était  d'une  obligation  bien  plus  indispen- 
sable de  les  réciter  en  quelque  manière  que  ce 
fut  ;  3°  il  n'y  avait  pas  de  nécessité  si  pressante 
d'assister  aux  heures  canoniales  du  chœur, 
comme  de  les  réciter  au  moins  en  secret.  Et 
ceux  dont  les  occupations  étaient  une  excuse 
canonique ,  pour  se  dispenser  du  chœur,  ne 
laissaient  pas  d'être  obligés  de  réciter  l'office 
en  particulier. 

Quand  cette  histoire  pourrait  être  révoquée 
en  doute,  au  moins  on  ne  peut  nier  que  Pierre 
Daniien,  qui  en  est  l'auteur,  ne  présupposât 
comme  une  vérité  certaine  et  incontestable 
dans  son  siècle,  que  ceux  même  qui  ne  pou- 
vaient assister  aux  offices  du  chœur  et  qui 
étaient  engagés  dans  les  affaires  les  plus  im- 
portantes, ne  pouvaient  néanmoins  se  dispen- 
ser de  la  récitation  secrète  des  heures  cano- 
niale?. A  quoi  Pierre  Damien  ajoutait,  et  il  le 
prouvait  par  cet  exemple,  qu'ils  devaient  les 
reciter  chacune  séparément  en  son  temps 
propre.  Voici  ses  paroles  :  «  Distinguenda  sunt 
ergo  per  momenla  temporum  ecclesiasticae  in- 
stitutionis  ofticia,  et  sub  magna  divini  timoris 
ac  reverentiae  dicenda  sunt  disciplina  (Damia- 
nus,  1.  n,  epist.  xv).  » 

Enfin,  l'autre  histoire  que  Pierre  Damien  y 
ajoute  d'un  moine  exorciste,  à  qui  l'énergu- 
mene  reprocha  qu'il  disait  ses  complies  dans 
son  lit,  «  Tune  ille  es.  qui  sub  cotlo  quotidie 
completorium  insusurras  ?  »  Celte  histoire , 
dis-je,  continue  encore  celte  vérité,  que  les 
moines  et  les  clercs  étaient  dans  les  mêmes 
obligations  pour  la  récitation  de  l'office,  et  que 


DE  L'OBLIGATION  A  RÉCITER  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


2G3 


l'on  ne  s'en  dispensait  pas  pour  1rs  affaires  ou 
pour  les  indispositions  corporelles  qui  dispen- 
saient du  chœur. 

IV.  Le  même  Pierre  Damien  a  fait  un  traité 
qui  porte  pour  titre  Dominus  vobiscwn,  où  ce 
savani  homme  l'ait  voir  que  ces  termes  ne  doi- 
vent pas  être  ni  omis  ni  changés  par  reu\  qui 
récitent  l'office  en  particulier,  parce  <|u'ils  sont 
alors  même  dans  une  union  très-sainte  et 
dans  nue  présence  très-véritable  avec  tout  le 
corps  de  L'Eglise  :  cet  ouvrage  tout  entier  est 
une  preuve  de  cette  récitation  secrète  de  l'of- 
fice divin,  surtout  quand  il  y  rapporte  l'exem- 
ple du  souverain  Pontife,  de  tous  les  évèques 
et  de  tous  les  prêtres  qui  \  usent  des  mêmes 
termes. 

s  Gertum  est  enim,  quod  neque  beatissimus 
Apostolicse  Sedis  antistes,  cum  videlicet  obse- 
quente  ministre  privata  Deo  reddit  obsequia, 
neque  quisquam  omnino  pontiûcum,  vel  ca- 
tliolicorum  aliquis  sacerdotum,  bis  verbis  ad 
alterum  singulariter  utitur  (Cap.  xiu).  » 

V.  Ives  de  Chartres  nous  apprendra  peut- 
être  à  garder  des  mesures  justes  dans  les  con- 
séquences qu'on  pourrait  tirer  du  récit  de 
Pierre  Damien,  à  l'occasion  de  saint  Séverin, 
évêque  de  Cologne. 

Ce  religieux  et  savant  canoniste  déplore 
bien  à  la  vérité  le  malheur  qui  lui  était  com- 
mun avec  tous  les  évêques  de  son  temps, 
d'être  si  embarrassés  des  affaires  tumultueuses 
du  monde,  qu'a  peine  pouvaient-ils  respirer 
pour  goûter  un  peu  la  suavité  de  l'oraison, 
mais  il  leur  était  impossible  de  dire  toujours 
les  heures  canoniales  aux  temps  déterminés. 
"  Nus  enim  publicorum  negotiorum  tumulti- 
bus  occupati,  cum  ipsis  compescendis  tota  die 
laborando  suffieere  non  possimus  ,  interme 
quietis  suavitalem  vix  aliquando  admittimus. 
Haro  et  canonicum  pensum  determinatis  ho- 
ris  solvere  prœvalemus  (Epist.  xcix.  Baron.  , 
an.  1095).  » 

Ce  saint  prélat  disait  souvent  ses  heures 
hors  des  temps,  mais  non  pas  toujours.  Il  cé- 
dait a  la  nécessité  inévitable  de  quelques  af- 
faires extraordinaires.  Au  lieu  que  saint  Séve- 
rin semblait  s'être  fait  comme  une  loi  et  une 
habitude  de  ce  petit  dérèglement.  Mais  enfin 
dans  quelque  accablement  d'affaires  que  se 
trouvassent  ou  Ives  de  Chartres  ou  les  plus 
saints  évoques  de  son  temps,  ils  ne  se  dispen- 
saient au  plus  que  du  temps  des  heures  cano- 
niales, mais  non  pis  des  heures  mêmes.  Les 


termes  mêmes  Canonicum  pensum  en  mar- 
quent L'obligation. 

VI.  Guillaume  de  Malmesbury  assure  que  le 
pieux  cl  savant  Bède  n'interrompit  jamais  la 
récitation  de  son  office,  menu;  dans  les  lan- 
gueurs de  sa  dernière  maladie.  «  'lotis  dîebus, 
prœter  debitum  psalmodia'  pensum,  assiduis 
lectionibus  gravedinem  valetudinSs  decipere 
nitebatur  (De  gestisRegum  Angl.,  1.  i,  p.  23).» 

Le  même  auteur  raconte  comment  saint 
Wolstan,  é\éque  de  Vorcester,  étant  appelé  au 
concile  ou  au  conseil,  qui  ne  le  menaçait  de 
rien  moins  que  de  la  déposition,  au  lieu  de 
penser  à  défendre  son  innocence  ,  célébra 
l'heure  de  sexte,  parce  que  c'en  était  le  temps, 
«  Nondum  cantavimus  horani  sexlam,  cante- 
mus  ergo.  Prius  faciamus  Dei  senitium,  et 
post  agilabimus  hominuni  litigium  (L.  m  , 
p.  Ilis.  au.  luT-2).  »  Aussi  la  simplicité  sou- 
tenue de  l'invisible  secours  qu'il  venait  d'im- 
plorer, demeura  victorieuse  de  tous  ses  adver- 
saires. 

Ce  saint  prélat  disait  tous  les  jours  la  messe, 
le  psautier  tout  entier  et  les  offices  courants 
des  Saints.  «Quotidie  missam  cantans,  ad  débat 
psalterium  ,  omniumque  sanctorum  memo- 
rias,  quorum  toto  anno  singula  solemnia  sue- 
cedunt,  singulis  in  septem  divisis,  per  septem 
non  omittebat  horas  (De  gestis  Pont.  Angl., 
1.  iv,  p.  280).  »  Ce  qui  semble  dire  que  non- 
seulement  il  récitait  toutes  les  heures  cano- 
niales séparément,  mais  qu'il  ajoutait  le  psau- 
tier aux  offices  des  Saints;  «  Ut  qui  quotidie 
psalterium  cum  orationibus  non  minoris  nu- 
meri  evolveret  post  missam.  »  Aussi  dans  ses 
voyages  il  trompait  agréablement  le  temps  en 
chantant  des  psaumes  sans  se  lasser.  «  Equo 
quoeumque  vadens  psalterium  frequenta- 
bat,  orationales  versus  qui  occurrebant,  ad  fa- 
slidium  concantantis  crebro  repetens.  » 

Cet  historien  fait  toutes  ces  curieuses  remar- 
ques, parce  qu'il  y  a  quelque  chose  de  singu- 
lier et  au  delà  du  devoir  commun  de  réciter 
l'office  divin. 

VII.  Saint  Thomas,  archevêque  de  Cantor- 
béry  (an.  H 64),  récita  premièrement  tout  son 
office  et  de  la  nuit  et  du  jour  avant  que  d'en- 
trer dans  cette  assemblée  fameuse  de  Nor- 
tbampton,  où  il  devait  défendre  les  libertés 
de  l'Eglise  au  péril  de  sa  vie.  «  Nocturnis  vi- 
giliis  cum  summa  devotione  peractis ,  etc. 
ïotumque  officium  cum  ad  id  pertinentibus 
complevit,  etc.  »  Cela  se  peut  entendre  de  la 


264     DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-QUATRIÈME. 


messe.  Mais  les  heures  de  tierce  et  de  sexte 
semblent  jointes  à  la  messe,  comme  il  parait 
par  le  narré  du  second  concile  de  Lyon,  où  le 
pape  n'entra  qu'après  avoir  dit  tierce  et  sexte, 
parce  que  c'était  un  jour  de  jeûne.  «  Dixit  ter- 
tiam  et  sextant  quia  erat  dies  jejeunii  (An  127i. 
Conc,  tom.  »,  par.  i.,  p.  955,  1)31).  » 

Henri,  évoque  de  Liège,  fut  déposé  dans  ce 
concile  par  le  pape  Grégoire  X,  qui  nous  ap- 
prend, dans  la  lettre  qu'il  lui  écrivit,  qu'un 
des  crimes  dont  il  était  chargé  était  l'omission 
des  heures  canoniales.  «  Quid  plura?  Horas 
canonicas,  maxime  cum  eas  nescias,  etillitte- 
ratus  existas,  in  anima'  tuse  periculum  pneter- 
mittens,  etc.  » 

C'était  donc  un  crime  d'omettre  la  récita- 
tion de  l'office,  et  c'était  ensuite  une  irrégula- 
rité de  ne  savoir  pas  lire  ou  de  ne  savoir  pas 
même  par  cœur  le  psautier.  Aussi  le  concile 
de  Coyac ,  en  Espagne ,  voulut  que  tous  les 
clercs  sussent  le  psautier.  «  Ut  archidiaconi 
taies  clericos  constilutis  quatuor  temporihus 
ad  ordines  ducant,  qui  perfecte  totum  psalte- 
rium,  hymnos  et  cantica,  epistolas,  evangelia, 
et  orationes  sciant  (An.  1050.  Can.  v).  » 

Parmi  cent  accusations  criminelles  qu'on 
forma  contre  le  pape  Jean  XXIII  dans  le  con- 
cile de  Constance  (Scss.  u),  où  il  fut  enfin  dé- 
posé,  on  n'oublia  pas  celle-ci  qu'il  avait  né- 
gligé de  dire  ses  heures  canoniales  ,  ou  en 
public  ou  en  particulier.  «  Missis  et  vesperis 
papalibus  intéresse  non  curavit.  Horas  cano- 
nicas dicere  sprevil.  » 

VIII.  Au  contraire,  l'auteur  de  la  vie  du 
pape  Léon  IX  lui  donne  presque  la  même  in- 
fatigable application  aux  offices  divins,  (pie 
nous  avons  déjà  vu  attribuer  à  saint  Wolstan, 
évêque  (l'Angleterre. 

«  Nocturnis  horis  paululum  smnni  sumebat, 
reliquumque  noctis  spatium,  cum  integri  de- 
cantatione  psalterii  ,  ac  innumera  genuum 
intlexione  excurrebat.  Idem  quoque  psalte- 
rium  per  singulos  repetens  dies,  cum  obla- 
tione  diviui  sacrificii,  cursum  multiplicium 
orationum  indefesse  transigebat  (Surins,  die  lit 
April.  li).  » 

Ainsi  ce  saint  pape  disait  tous  les  jours  deux 
fois  le  psautier  ,  outre  un  grand  nombre 
d'autres  prières.  Saint  Anlonin,  archevêque  de 
Florence,  disait  le  psautier  tontes  les  bonnes 
fêles  et  l'office  des  morts  deux  fois  la  semaine, 
outre  l'office  ordinaire  de  chaque  jour,  l'office 
de  la  Vierge  cl  les  psaumes  pénitentiels. 


«  Mitto  nunc,  quod  pneler  horarum  munus, 
quo  seplies  Deus  quotidie  laudatur,  cos  etiam 
psalmos,  qui  pœnitentias  dedicantur,  tum  lita- 
nias  ac  Deiparae  Virginis  horas,  cum  etiam 
liceret,  nullo  uni|uam  die  destitit,  quin  se- 
dulo  recitaret.  Mitto  nunc  quod  recurrentibus 
hëbdomadis  bis  se  m  per  defunetorum  animas, 
usitato  illo  psalmorum,  quo  passim  utimur, 
oflicio  expiabat  (Surins,  die  2.  Maii,  c.  xiv).» 

IX.  Nous  ne  lisons  pas  que  l'incomparable 
saint  Hugues,  évêque  de  Lincoln,  prolongeât 
les  heures  canoniales  par  des  récitations  par- 
ticulières du  psautier.  Mais  il  les  chantait  ou 
il  les  récitait  durant  le  jour  et  la  nuit,  en  leur 
propre  temps,  avec  une  fidélité  et  une  exacti- 
tude inimitables. 

Un  jour  même  qu'il  était  en  campagne  avec 
d'autres  évèques,  ces  prélats  ayant  pris  résolu- 
tion de.  se  lever  et  de  partir  plus  matin  qu'à 
l'ordinaire  pour  prévenir  les  embûches  de 
quelques  voleurs,  ce  saint  aima  mieux  dire 
ses  matines  avec  sa  lenteur  et  sa  dévotion  or- 
dinaires; puis  se  mettant  tout  seul  en  chemin, 
il  ùv ila  tout  seul  le  danger  où  tous  les  autres 
s'étaient  précipités  par  leur  empressement. 

«  l'reces  canonicas  statuto  persolvebat  tem- 
pore,  nec  induci  poterat,  ut  aut  pneveniret 
illud  ,  aut  dillerret.  Contigit  aliquando  cum 
prselatis  quibusdam  et  clericis  infesta  loca 
equitare,  etc.  Omnium  una  sententia  fuit,  ut 
ante  lucem  surgerent  et  iler  suspectum  in  te- 
nebris  conficerent ,  etc.  Quibus  ille  :  Et  quo 
ibimus,  inquit,  matutinis  precibus  noudum 
absolutis?  etc.  Qui  capit,  capiat;  et  qui  timet, 
timeat  ;  ego  hinc  non  exiho  ,  douce  solito 
more  pièces  matutinas  persolvero.  Mira  res. 
Soins  episcopus  postquam  laudes  Deo  traclim 
admodum  obtulit,  lieet  cum  suis  per  eanideni 
viani  equitare t,  nihil  mali  passus  est,  alii  in 
periculum,  quod  cavere  moliebanlur,  incide- 
îiint  (Surius,  die  17.  Novein,  e.  xxu).  » 

Thomas  de  Chantepré,  évêque  suffragant  de 
Tournay,  fait  mention  du  pieux  évêque  de 
Hildeseim  Conrad,  qui  se  levait  la  nuit  pour 
dire  ses  matines,  et  passait  de  la  prière  à  l'é- 
tude pour  préparer  ses  prédications.  «  Ad  ma- 
tulinas  intempestœ  noctis  silentio  surrexerat, 
illisque  dictis  resedil  adstudium,  facturus  in 
die  scrmoneni  (Cantiprat.,  1.  i,  c.  3,  n.  3).  » 

X.  Saint  Dominique  n'était  pas  moins  ponc- 
tuel à  observer  les  heures  de  ce  pieux  devoir 
même  dans  ses  voyages ,  non-seulement  du- 
rai: I  le  jour,  mais  aussi  durant  la  nuit. 


DE  L'OBLIGATION  A  RÉCITER  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


ïîi;ï 


«  Quando  extra  monasterium  erat,  audito 
primo  siguo  nocturnariun  precum  ,  surgelât 
et  fratres  exeitans,  cura  mulla  devotione  to- 
tum  divinum  officium  absolvebat ,  horis  et 
temporibus  suis,  tum  noeturuis,  tum  diurnis  : 
ni 1 1 il  penitus  omittens.  Persoluto  coropletorio 
etiam  in  itinere  positus  cum  soeiis,  silentium 
uon  minus  servabat ,  quam  si  esset  in  mona- 
sterio  (Surius  die  5.  Aug.,  c.  m,  1.  îv).  » 

XI.  Cette  multitude  d'exemples  montre  clai- 
rement que  les  évoques,  les  clercs  et  les  reli- 
gieux ne  croyaient  pas  pouvoir,  sans  crime, 
se  dispenser  de  cet  office  de  piété,  même  pen- 
dant leurs  voyages,  et  dans  l'embarras  de  leurs 
plus  importantes  occupations. 

Ce  furent  apparemment  les  religieux  de 
saint  François  et  de  saint  Dominique  qui  ayant 
les  premiers  d'entre  les  communautés  régu- 
lières, entrepris  de  fréquentes  courses  apos- 
toliques par  tout  le  monde,  donnèrent  cours  à 
ces  petits  bréviaires  qui  ont  été  depuis  en  usage. 

Le  religieux  Franciscain  qui  rendit  compte 
à  son  général  de  son  voyage  dans  la  Chine, 
en  l'an  1305,  demanda  qu'on  lui  envoyât  les 
livres  du  chant  et  des  offices  de  l'Eglise,  parce 
qu'il  n'avait  porté  avec  lui  qu'un  bréviaire  où 
les  leçons  étaient  accourcies,  et  un  petit  mis- 
sel. «  Quia  non  habeo  nisi  breviarium  portatile 
cum  lectionibus  brevibus,  et  parvum  missale 
(Rainald.j  an.  1305,  n.  20).  » 

XII.  Il  y  en  a  même  qui  prétendent  que  le 
terme  de  bréviaire  ne  vient  que  de  l'office 
divin  abrégé,  qui  y  était  contenu  ,  et  qui  parut 
plus  commode  aux  premiers  Franciscains  pour 
leurs  missions  apostoliques  que  l'office  plus 
étendu. 

Radulphe,  doyen  de  Tongres,  dit  que  ce  fut 
l'office  qu'on  chantait  dans  la  chapelle  du 
pape  à  Saint-Jean  de  Latran,  et  qu'on  abrégeait 
très -souvent  ,  selon  la  foule  extraordinaire 
d'affaires  dont  le  pape  et  les  cardinaux  se  trou- 
vaient accablés.  Qu'au  reste,  dans  toutes  les 
autres  églises  de  Rome  les  offices  divins  étaient 
beaucoup  plus  longs. 

«  Clerici  capellares,  sive  de  mandato  papse, 
sive  ex  se  officium  romanum  semper  brevia- 
bant,  et  sonpe  alterabant,  prout  domino  papae 
et  cardinalibus  congruebat  observandum.  Et 
istud  officium  breviatum  secuti  sunt  fratres 
minores.  Inde  est  quod  breviaria  eorum  et 
libros  officii  intitulant  secundnm  consuetudi- 
nem  Romanaj  curne  (  De  canonum  observ., 
c.  xxn).  » 


Enfin  le  pape  Nicolas  III  ordonna  que  dans 
toutes  les  églises  de  Rome  on  fit  à  l'avenir  le 
même  office,  et  qu'on  se  servit  des  mêmes 
livres  que  les  cordeliers,  avant  banni  tous  les 
anciens  livres  du  chant  et  des  offices. 

«  Sciendum  quod  Niçolaus  papa  III,  de  gé- 
nère Ursinoruin,quicœpitannoDomini  1-277, 
fecit  in  Ecclesiis  urbis  amoveri  anliphonarios, 
gradualia,  nussalia,  et  alios  libros  officii  anti- 
quos  quinquaginta,  et  mandavit,  ut  de  caetero 
Ecclesia?  urbis  uterentur  libris  et  breviariis 
fratrum  minorum,  quorum  regulam  etiam 
confirmavit.  Inde  hodie  in  Roma  omnes  libii 
sunt  novi,  et  Franciscain.  » 

XIII.  Ce  récit  de  Radulphe  donne  sujet  aux 
réflexions  suivantes  :  1°  ni  les  papes,  ni  les  car- 
dinaux, ni  les  autres  officiers  de  la  cour  ro- 
maine, ne  s'exemptaient  jamais  des  offices 
divins  qu'on  chantait  dans  la  chapelle,  quel- 
que embarras  d'affaire  qui  leur  survint.  On 
accourcissait  les  offices,  mais  on  ne  les  omet- 
tait jamais;  2°  les  missionnaires  apostoliques 
ne  se  dispensaient  pas  non  plus  de  la  récita- 
tion de  l'office  ;  3"  les  ecclésiastiques  et  les 
religieux  se  jugeaient  engagés  dans  la  même 
obligation  de  réciter  les  heures  canoniales  ; 
i"  l'office  des  cordeliers  fut  emprunté  d'abord 
de  la  chapelle  du  pape,  mais  ayant  été  ensuite 
approuvé  par  Nicolas  III,  il  devint  l'office  com- 
mun de  toutes  les  églises  de  Rome,  et  enfin  ce 
fut  le  bréviaire  de  l'Eglise  romaine;  5"  la  li- 
berté même  qu'on  se  donna  d'abréger  les 
offices  est  une  preuve  de  l'étroite  obligation 
où  l'on  se  croyait  être  de  réciter  les  heures 
canoniales  parmi  les  occupations  les  plus  pres- 
santes. 

XIV.  Il  ne  faut  pas  priver  l'incomparable 
missionnaire  de  ces  derniers  siècles,  saint 
François  Xavier,  de  l'éloge  qu'il  a  si  justement 
mérite  dans  cette  matière.  Quoiqu'il  eût  d'a- 
bord obtenu  la  permission  d'user  du  bréviaire 
nouveau  du  cardinal  Quignon,  qui  était  en- 
core plus  court  que  l'ancien,  c'est-à-dire  que 
celui  des  cordeliers ,  il  ne  voulut  jamais  user 
de  cette  indulgence  ,  quoique  de  tous  ses  pré- 
cieux moments  dépendit  le  salut  de  tant 
d'âmes. 

«  Nuper  novum  ternarum  lectionum  brevia- 
rium, sanctœ  Crucis  dicebatur,  occupatorum 
hominum  levamen,  editum  erat;  ejusque  usus 
Francisco  propter  occupationes  ab  initio  con- 
cessus.  111e  tamen  quanivis  ingentibus  curis 
negotiisque   distentus  nunquam  permissa  uti 


266      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINCT-CINQUIÈME. 


voluitlieentia,vetusquebreviariumnovenarum 
lectionum  haud  paulo  Iongius,  perpetuo  reci- 
tavit;  ut  qui  jucundissime  cum  Deo  ageret, 
ciini  eodem  quam  dintissime  colloqueretur 
(Turselin.,  vitae  Xaverii,  ult.  1.,  c.  v).  » 

XV.  Les  occupations  et  les  études  n'empê- 
chaient pas  Albert  le  Grand  de  réciter  tout  le 
psautier  presque  tons  les  jours  :  «  Multis  annis 
fere  quotidie  cum  tamen  in  cathedra  theologiae 
regeret,  tantum  de  die  ac nocte orationibus  in- 
cùmbebatj  ut  psalterium  Davidicum  legeret, 
et  interdum  dictis  boris,  contemplationi  di- 
vinae  insudaret  (Cantiprat.,  1.  n,  c.  i.vii).  » 

Cobelin  fait  mention  d'un  saint  cardinal  qui 
employait  tous  les  jours  six  heures  à  dire  son 
bréviaire:  «Preces  horarias  nonabsorbebat,  ut 
facimus  plerique  omnes.  Testor  hoc  sacratissi- 
mum  in  qno  suinus  templum ,  singulis  diebus 
scx  illum  horas  solitum  consumere  in  offiaio 
exsolvendo  (Rainald.,  an.  I  't<;:!,  n.  1 12).  » 

Le  cardinal  de  Pavie  fait  l'éloge  du  cardinal 
de  Saint-Pierre,  qui  ne  cessa  jamais  de  dire 


son  office  pendant  les  langueurs  même  de  sa 
dernière  maladie,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  entière- 
ment perdu  la  parole  :  «  Horas  canonicas  non 
ante  dimisit,  quam  a  voce  est  ipse  dimissus 
(Epist.  cxxxvi).  » 

Saint  Charles,  archevêque  de  Milan,  au  rap- 
port de  Ciossano,  récitait  le  matin  avec  ses 
ecclésiastiques  matines  et  prime  ,  après  un 
quart  d'heure  d'oraison  mentale,  puis  ils  di- 
saient le  reste  de  l'office  aux  heures  conve- 
nables (Ciossan.,  1.  n,  c.  m;  et  I.  in,  e.  u).  Les 
autres  de  ses  ecclésiastiques  qui  n'étaient  pas 
obligés  au  grand  office,  récitaient  le  matin  tous 
ensemble  le  petit  office  de  la  Vierge  jusqu'à 
vêpres,  qu'ils  disaient  après  avec  complies  en 
son  propre  temps. 

Ce  saint  prélat  affecta  toujours  de  lire  son 
office,  sans  en  rien  dire  par  cœur,  et  il  ne 
manqua  point  de  le  réciter,  que  le  jour  de  sa 
mort,  auquel  il  l'entendit  réciter  au  pied  de 
son  lit  par  un  de  ses  camériers.  Ce  sont  les 
termes  de  Ciossano. 


CHAPITRE   QUATRE-VINGT-CINQUIEME. 


DE    L'OBLIGATION    A   RÉCITER    L'OFFICE    DIVIN.    PREUVES   TIRÉES    DES   LOIS   ECCLÉSIASTIQUES, 

DEPUIS    L'AN    MIL   JUSQU'A    PRÉSENT. 


I.  Divers  canons  des  conciles,  jusqu'à  l'an  treize  cent,  qui 
présupposent  ou  qui  affermissent  cet'e  nécessité. 

II.  Autres  canons  des,  conciles  depuis  l'an  treize  cent  jusqu'au 
concile  de  Haie.  Quand  on  cessa  à  Paris  de  chanter  matines  à 
minuit. 

III.  Canons  des  conciles  depuis  le  concile  do  Bàle  jusqu'aux 
conciles  de  Milan  de  saint  Charles. 

IV  Règlements  des  conciles  de  Milan,  et  des  conciles  de 
France,  qui  les  ont  suivis. 

V.  De  ceux  dont  le  bénéfice  est  insuffisant. 

VI.  Des  infirmes  et  des  voyageurs. 

VII.  De  l'échange  des  heures  canoniales  en  autres  prières. 

VIII.  Quand  on  y  a  exprimé  la  salutation  angélique. 

IX.  Quelles  heures  on  doit  dire  avant  la  messe. 

X.  De  quel  droit  est  l'obligation  des  heures  canoniales. 

I.  Je  passe  des  exemples  aux  lois,  qui  font 
remarquer  encore  plus  précisément  celte  obli- 
gation. 


Le  concile  de  Londres,  en  1200  (Can.  i),  n'or- 
donne pas  qu'on  célébrera  les  heures  cano- 
niales, mais  présupposant  cette  loi  immuable 
et  aussi  ancienne  que  l'Eglise,  il  commande 
qu'on  les  récite  avec  piété  et  sans  précipitation  : 
«  Similiter  et  omnes  horas  et  oinnia  officia 
aperte  et  distincte  dicantur,  ita  quod  ex  festi- 
natione  niiuia  non  syncopentur,  vel  prœci- 
dantur.  » 

Le  concile  de  Paris,  en  1212  (Can.  h),  défen- 
dit aux  prélats  d'entendre  matines  de  leur  lit. 
pendant  que  leur  santé  leur  permettait  de  se 
lever,  et  de  réciter  leurs  heures  avec  leurs  ec- 
clésiastiques :  «  Statuimus  ne  dtun  fuerint 
sani,  et  incolumes,  in  lectis  jacentes,  audiant 


DE  L'OBLIGATION  A  RÉCITER  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


!67 


matulinas,  et  ne  dum  coram  ois  officia  divina 
celebrantur,  saecularibus  negotiis,  vel  confa- 
bulationibus  occupentur.  » 

Le  concile  de  Latran ,  en  1215  Can.  xvii  . 
blâma  l'irréligion  scandaleuse  de  quelques 
prélats  et  des  ecclésiastiques  qui,  après  avoir 
donné  toute  la  nuit,  ou  à  leurs  vains  divertis- 
sements, ou  au  sommeil,  se  lèvent  à  peine  au 
chant  des  oiseaux  et  disent  à  la  hâte  les  heures 
canoniales  du  matin  toutes  ensembles  :  «  Circa 
comessationes  et  confabulationes  illicitas  fere 
medietatem  ooctis  expendunt,  et  somno  resi- 
duum  relinquentes,  vi\  ad  diurnum  concen- 
tum  avium  excitantur,  transcurrendo  undique 
continuata  syncopa  matutinum.» 

Ce  concile  ordonne  ensuite  que  les  offices 
de  la  nuit  et  du  jour  soient  célébrés  en  leur 
propre  temps,  et  sans  précipitation.  «  Ut  divi- 
num  officium  diurnum  pariter  et  nocturnum, 
quantum  eis  Deus  dederit,  studiose  célèbrent 
et  dévote.  » 

1°  Ce  canon  suppose  l'obligation  ancienne  et 
indispensable  de  s'acquitter  des  divins  offices. 
2°  Il  suppose  que  les  offices  de  la  nuit  se 
disaient  encore  la  nuit  par  toute  l'Eglise.  3"  Il 
condamne  comme  une  faute  énorme  l'indévo- 
tion  de  quelques  particuliers,  qui  récitaient  les 
nocturnes  seulement  le  matin  au  point  du  jour. 
4°  Et  qui  joignaient  les  laudes,  et  peut-être  aussi 
prime  avec  les  Nocturnes.  3°  Enfin,  il  ordonne 
que  les  offices  de  nuit  se  disent  la  nuit,  et  ceux 
de  jour  pendant  le  jour,  aux  beures  réglées. 
Car  c'est  le  sens  véritable  de  ce  canon. 

Innocent  III  délégua  pour  informer  de  la 
conduite  de  l'évèque  de  Néopatre,  accusé  de 
plusieurs  crimes,  et  entre  autres,  de  ne  point 
réciter  les  heures  canoniales,  et  ne  les  point 
faire  réciter  en  sa  présence  :  «  Nec  ut  tenelur, 
per  seipsum  horas  canonicas  Deo  reddit,nec 
coram  eo  ipsas  facit  per  ministres  Ecclesiae  de- 
cantari  [Regist.  xiv,  epist.  98).  » 

Ce  même  pape  confirma  une  compagnie  de 
pauvres  volontaires  laïques,  qui  faisaient  réso- 
lution de  garder  les  conseils  évangéliques,  et 
de  dire  sept  fois  le  jour  quinze  fois  le  Pater,  le 
Credo,  et  s'ils  savaient  lire,  le  Miserere;  el 
comme  il  y  en  avait  quelques-uns  d'entre  eux 
qui  étaient  déjà  clercs,  ceux-ci  devaient  dire 
les  heures  canoniales.  «  Septies  orantes  in  die, 
quindecies  Pater  noster,  et  Credo  in  Deum,  ac 
Miserere mei  Deus,  qui  litterari  fuerint,  decanta- 
bunt  ;  et  clerici  prout  eos  convenit,  canonicas 
horas  Domino  Deo  solvent  [Reg.  xv,  ep.  80).  » 


Ces  dernières  paroles,  «  Clerici  prout  eos 
convenit,  canonicas  horas  solvent.  »  montrent 
assez  nettement  que  la  récitation  des  heures 
canoniales  était  une  des  obligations  des  clercs. 

Les  conciles  particuliers  continuèrent  depuis 
fort  souvent  le  décret  du  concile  de  Latran. 
Entre  autres,  celui  d'Oxford  en  1222,  et  le 
synode  de  Bayeux  en  1300. 

Les  statuts  des  abbés  de  la  province  de  Nar- 
bonne,  en  12-20,  ordonnent  aux  moines  qui  sont 
dans  les  ordres  sacrés  de  porter  un  bréviaire 
ou  un  psautier  quand  ils  seront  en  voyage. 
«  Monachi  in  sacris  ordinibus  constitua  ,  in 
longo  itinere  profecturi,  sine  breviario,  vel 
psalterionon  mittantur  (Can.  VI,  xix;  Spieileg., 
tom.  vi,  p.  33).  » 

Cela  nous  fait  voir  que  l'obligation  de  réciter 
le  bréviaire,  au  moins  en  particulier,  était 
attachée  aux  ordres  sacrés,  et  que  le  psautier, 
dans  les  siècles  précédents,  était  la  même  chose 
que  ce  que  nous  appelons  le  bréviaire  dans  ces 
derniers  siècles,  nu  en  tenait  la  place. 

Le  concile  de  Latran  parle  en  général  des 
évêques  et  des  ecclésiastiques  ;  mais  il  ne  déter- 
mine pas  que  ce  soient  seulement  ceux  qui 
sont  dans  les  ordres  sacrés,  ou  les  bénéficiera, 
qui  ayent  une  obligation  inévitable  de  réciter 
les  heures  canoniales. 

Le  synode  de  Cologne  en  1-280,  fit  cette  dis- 
tinction longtemps  après,  entre  les  clercs 
sacrés  ou  les  bénéficiers  et  les  autres  clercs  in- 
férieurs sans  bénéfice,  sans  néanmoins  exemp- 
ter entièrement  de  ce  devoir  les  moindres 
clercs  sans  bénéfices,  mais  liant  à  ce  devoir 
d'un  lien  plus  étroit  ceux  qui  avaient  des  béné- 
fices, ou  qui  étaient  dans  les  ordres  sacrés, 
a  Nullus  horas  canonicas  et  horas  de  Domina 
nostra  ulla  unquam  die  distincte  et  discrète 
dicere  praMermittat,  maxime  qui  est  in  sacris 
ordinibus,  vel  beneficiis  constitutus.  » 

Le  synode  de  Nimes  en  1284,  obligea  les 
clercs  excommuniés  même,  de  réciter  leurs 
heures  en  particulier,  s'ils  étaient  dans  les  or- 
dres sacrés.  «  Debent  extra  Ecclesiam  nihilo- 
minus  dicere  officium  sub  silentio  clerici 
excommunicati  majori  excommunicatione,  si 
sunt  in  sacris  ordinibus  constituti.  » 

Jacques  de  Vitry  met  la  récitation,  ou  le 
chant  des  heures  canoniales  entre  les  princi- 
pales obligations  des  curés.  «  Horas  canonicas 
tanquam  juge  sacrificium  in  odorem  suavitatis 
cum  humilitate  et  devotione  offerre  { Hist, 
Oecid.,  c.  xxxiv  .  » 


268      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-CINQUIÈME. 


Il  veut  que  les  curés  disent  les  offices  de  la 
nuit  pendant  la  nuit.  «  Procuret  in  quantum 
eommissi  sibi  gregis  permittit  frequens  mini— 
sterium,  ut  nocturnum  ofticium  noctu  pera- 
gatur  :  »  que  les  offices  du  jour  se  disent  à 
leurs  heures  réglées,  et  qu'on  ne  fasse  pas  du 
jour  la  nuit,  ou  de  la  nuit  le  jour.  «  Diurnum 
autem  cerlis  et  determinatis  horis  de  die  per- 
ticiatur.  Non  eniin  débet  divinum  officium 
confundere ,  neque  noctem  in  diem  conver- 
tere.  » 

Ce  cardinal  permet  seulement  aux  curés, 
dans  la  nécessité,  de  prévenir  le  temps  et 
d'avancer  les  heures,  mais  non  de  les  différer 
plus  tard.  «  Conceditur  tamen  eis  ratione  fre- 
quentis  administralionis,  ad  cautelam  tempus 
determinatum  quandoque  prssvenire  ,  non 
autem  absque  magna  et  urgente  necessitate 
praeterire.  » 

C'est  du  temps  réglé  pour  chaque  heure 
canoniale  qu'il  parle,  et  non  pas  des  heures  ca- 
noniales, quand  il  dit  qu'on  peut  le  prévenir, 
et  non  le  passer,  ou  attendre  encore  plus  tard. 
«  Tempus  determinatum  pnevenire  quandoque 
conceditur,  non  autem  absque  magna  necessi- 
tate praeterire.  » 

Cria  nous  suffit  que  ce  pieux  et  savant  car- 
dinal n'a  pas  estimé  que  les  curés  pussent 
jamais  être  si  occupés  qu'ils  n'eussent  pas  le 
loisir  de  prier,  puisque  la  prière  au  contraire 
doit  être  le  céleste  assaisonnement  de  toutes 
leurs  occupations  saintes,  et  leur  soutien  dans 
tous  leurs  travaux. 

II.  Les  ordonnances  synodales  d'Angers,  en 
131  i,  après  avoir  institué  l'octave  de  la  Tous- 
saint, avec  le  consentement  du  synode  et  du 
chapitre,  marquent  les  leçons  du  chapitre  ni 
de  la  Sagesse,  qu'on  continuera  jusqu'à  la  lin 
de  l'octave  ;  et  ceux  qui  n'ont  point  de  Bible, 
prendront  les  leçons  du  commun.  «  Qui  autem 
bibliam  non  habent,  facient  lecturam  de  com- 
mun! martyrum.  »  Cette  dernière  clause  ne 
peut  regarder  que  ceux  qui  récitent  les  heures 
canoniales  en  particulier. 

Ces  mêmes  ordonnances,  en  4262,  avaient 
enjoint  aux  curés  de  dire  leurs  matines  et  les 
heures  canoniales  ensuite  dès  le  matin,  pour 
prévenir  les  occupations  qui  peuvent  leur  arri- 
ver. 

Le  concile  de  Palence  en  1322,  nous  met 
devant  les  yeux  la  manière  dont  les  évêques 
disaient  leur  office  canonial  avec  leurs  ecclé- 
siastiques. «  Horus  canon icas  cum  suis  clericis 


attente  recitent  Spicileg.,  tom.  u,  p.  ïti:>)  :  » 
ce  qui  est  bien  différent  des  offices  de  l'église 
cathédrale,  où  ils  doivent  assister  quand  ils  le 
peuvent.  «  Et  in  ecclesiis  suis  cathedralibus  di- 
vina  officia  solemniter  célèbrent,  nisi  légitime 
fuerint  impediti  (Can.  vi).  » 

Mais  le  concile  de  la  province  d'Auch , 
en  1320,  exprime  nettement  que  ce  sont  les 
bénéficiers,  les  clercs  sacrés  et  les  religieux  qui 
sont  obligés  aux  sept  heures  canoniales.  «  Sta- 
tuimus  quod  omnes  clerici,  in  sacris  ordinibus 
constiluti,  et  beneficium  ecclesiasticum,  maxi- 
me cum  cura  obtinentes,  et  omnes  religiosi 
clerici  ad  omnes  septem  horas  canonicas  omni 
die  dicendas,  sunt  ex  debito  obligati,  nisi  eos 
infirmitatis  gravitas  excusant,  et  quam  trequen- 
tius  ad  cas  dicendas,  ad  Ecclesias  convenianl, 
horis  et  temporibus  consuetis  (Concilium  Mar- 
ciacense,  can.  xix).  » 

On  sait  que  tous  les  clercs  étaient  autrefois 
bénéficiers,  ayant  tous  part  selon  leur  rang  aux 
distributions  des  biens  et  des  revenus  que 
l'Eglise  possédait  en  commun.  Ainsi,  tous  les 
bénéficiers  sont  encore  obligés  aux  heures  cano- 
niales, par  la  même  loi  générale  que  tous  les 
clercs  y  étaient  obligés.  Mais  depuis  que  la  clé- 
ricature  et  même  les  ordres  mineurs  ont  été 
donnés  sans  bénéfice,  on  n'a  pas  usé  à  leur 
égard  de  la  même  contrainte,  pour  la  récitation 
des  heures  canoniales,  d'où  il  est  enfin  arrivé 
qu'ils  s'en  sont  dispensés,  et  qu'on  a  tacitement 
consenti  à  ce  relâchement,  en  n'obligeant  plus 
que  les  clercs  majeurs  à  l'office,  à  cause  de  la 
haute  perfection  de  l'état  sacerdotal  où  ils  sont 
élevés. 

11  faut  juger  de  la  même  manière  de  l'assis- 
tance aux  offices  publics  de  l'Eglise.  Ce  fut  là 
d'abord  la  première  obligation  des  clercs.  On 
toléra  que  dans  les  nécessités  inévitables  on 
pût  s'acquitter  de  l'office  en  particulier; depuis 
cette  indulgence  passa  en  loi  commune  pour 
tous  ceux  à  qui  leur  bénéfice  n'imposait  pas 
une  obligation  particulière  d'être  présent  au 
chœur. 

Le  canon  que  nous  venons  de  citer,  tend  à 
rétablir  les  choses  dans  leur  première  perfec- 
tion. Mais  le  concile  de  Tortose,  en  Espagne, 
en  l'an  1429  (Can.  îv),  s'en  explique  bien  plus 
clairement  :  «  Ne  divinae  servitutis  census  , 
quem  de  Eructu  labiorum  suorum  efferre  tene- 
lui  i|uilibi't  clericus,  ecclesiasticum  beneficium 
possidens,  vel  in  sacris  ordinibus  consti tutus, 
dum  per  oecupationes  alias  conventui  Ecelesi;c 


DE  L'OBLIGATION  A  RÉCITER  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


269 


interesse  non  valet,  ex  defectu  breviarii  omit- 
tatur,  provide  duximus  statuendum,  ut  per 
locoruni  ordinal  in<  ad  babendum  propria  bre- 
viaria  cogantur,  nullusque  de  caetero  in  diaco- 
num  ordinetur,  qui  non  habeat  breviarium.  » 
Il  est  à  croire  qu'il  faut  lire  in  subdiaconnm, 
puisqu'on  ne  peut  douter  que  le  sons-diaconat 
ne  fût  depuis  longtemps  au  nombre  des  ordres 
sac  ivs. 

Comme  l'ancienne  discipline  attachait  tous 
les  clercs  à  quelque  église,  il  ne  faut  pas  s'éton- 
ner s'ils  étaient  aussi  tous  obligés  d'y  assister 
aux  heures  canoniales,  et  si  ces  canons  suppo- 
sent que  ce  n'est  que  par  l'incompatibilité  de 
leurs  occupations  que  quelques-uns  en  sont 
dispensés,  et  qu'ils  satisfont  a  leur  devoir  par 
la  récitation  particulière  de  l'office;  il  s'en  faut 
donc  beaucoup  que  ceux-là  n'ayent  bien  ren- 
contré, qui  se  sont  imaginé  que  ce  n'avait  été 
que  la  célébration  publique  des  offices  dans 
l'Eglise,  qui  eût  été  ordonnée  par  les  canons. 

Ce  fut  véritablement  celle-là  qui  fut  premiè- 
rement et  ordonnée  et  pratiquée  généralement 
par  tous  les  clercs,  et  ce  n'a  été  qu'une  sage 
condescendance,  qui  a  voulu  que  la  plupart 
pussent  s'acquitter  de  ce  devoir,  par  la  récita- 
tion secrète,  et  que  les  moindres  clercs  sans 
bénéfices  fussent  quittes  entièrement  de  ce 
devoir.  Mais  bien  loin  de  faire  servir  ces  véri- 
tés à  combattre  ou  à  affaiblir  l'obligation  de 
l'ofûce  divin ,  il  faut  avouer  au  contraire 
qu'elles  en  sont  des  preuves  invincibles  et  des 
fondements  inébranlables. 

En  effet,  il  est  évident  que,  dans  les  premiers 
temps,  non-seulement  les  clercs  qui  sont  dans 
les  ordres  sacrés  étaient  obligés  d'assister  à 
l'office,  mais  encore  ceux  qui  sont  dans  les  or- 
dres mineurs,  puisqu'originairement  ils  étaient 
tous  bénéficiers.  Ainsi  ils  étaient  tous  obligés  à 
l'office  canonial  et  solennel  qu'on  célèbre  dans 
L'Eglise.  D'où  il  suit  que  la  récitation  parti- 
culière du  bréviaire  est  d'une  obligation  très- 
étroite,  puisque  c'est  à  quoi  se  sont  enfin 
réduites  tant  d'autres  obligations  plus  grandes 
et  [dus  étendues. 

Avant  que  de  passer  au  concile  de  Bàle,  il 
est  bon  de  remarquer,  avec  le  continuateur  de 
Nangis,  que  ce  fut  en  1358  que  les  chanoines 
commencèrent  à  Paris  de  ne  plus  chanter  les 
nocturnes  à  minuit.  Comme  le  royaume  était 
tombé  dans  une  horrible  confusion  par  la  perte 
de  la  bataille  de  Poitiers  et  la  prison  du  roi 
Jean,  le  régent  lit  faire  des  défenses  partout 


Paris  de  sonner  les  cloches  depuis  vêpres  jus- 
qu'au jour  du  lendemain,  afin  de  ne  pas  trou- 
bler ceux  qui  faisaient  la  garde. 

Les  chanoines  prirent  de  là  occasion  de  réci- 
ter leurs  matines  après  compiles;  la  seule  ca- 
thédrale garda  l'ancienne  régularité.  »  Tune 
cauiinici  post  completorium  suas  cantabanl  ce- 
leriter  matutinas,  quas  antea consueverant  hora 
noctis  média'  signis  solemuiter  pulsatis  devo- 
tius  perorare.  » 

III.  Le  concile  de  Bàle,  en  1435  (Sess.  xxi, 
eau.  v]  a  parlé  de  ce  pieux  tribut  de  louanges, 
comme  tant  d'autres  conciles  plus  anciens,  en 
supposant  l'obligation  générale  des  bénéficiers 
et  des  clercs  majeurs,  et  enjoignant  qu'on  s'en 
acquittât  avec  piété.  «  Quoscumque  bénéficiâ- 
tes seu  in  sacris  constituais,  cum  ad  horas  ca- 
nonicas  teneantur,  admonet  haec  synodus,  ut 
sive  soli,  sive  associati,  diurnum  nocturnum- 
que  officium  reverenter,  verbisque  distinclis 
peragant.  »  C'est  une  marque  de  l'antiquité  im- 
mémoriale de  ce  devoir,  qu'aucun  concile  ne 
l'ait  institué,  mais  qu'ils  en  aient  tous  parle  en 
le  présupposant. 

Le  concile  de  Latran,  en  1514  Sess.  ix), 
oblige  à  la  restitution  des  fruits  tous  les  béné- 
ficiers qui  n'auront  pas  dit  leur  office  six  mois 
après  avoir  été  pourvus  de  leur  bénéfice. 

Entre  les  articles  de  la  réformation  du  clergé, 
dressé  par  le  cardinal  Campége,  légat  en  Alle- 
magne en  15-21,  on  lit  celui-ci  (Art.  xxvn),  qui 
enjoint  aux  prélats  de  faire  observer  par  les  ar- 
chidiacres, et  par  les  doyens  ruraux,  qui  sont 
ceux  d'entre  les  bénéficiers  qui  manquent  a  un 
devoir  si  essentiel  de  la  piété  ecclésiastique;  de 
leur  faire  restituer  les  fruits  et  même  de  les 
priver  de  leurs  bénéfices,  s'ils  persistent  dans 
une  négligence  et  une  irréligion  si  damnable. 
La  raison  qui  y  est  alléguée,  c'est  que,  selon  les 
canons,  les  bénéfices  ne  sont  donnés  qu'alin 
qu'on  s'acquitte  fidèlement  de  l'office.  «  Cum 
bénéficia  propter  officia  juxta  patrum  sanctio- 
nes  dari  consueverint,  etc.  » 

Le  concile  de  Sens,  en  1528,  renouvela  le  ca- 
non du  concile  de  Bàle,  et  défendit  en  même 
temps  à  tous  ceux  qui  assistent  au  chœur  de 
réciter  leurs  heures  en  secret  en  même  temps 
que  les  autres  chantent,  parce  qu'ils  doivent 
eux-mêmes  chanter  les  louanges  divines,  et 
ne  doivent  pas  troubler  ceux  qui  sont  appli- 
qués à  ces  divins  cantiques.  «  Nemo  ibidem 
cum  hora1  in  communi  cantantur,  légat,  yel 
dicat  privatim  officium.  Nam  non  solum  ofli- 


270      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-CINQUIÈME. 


cinm,  quo  obnoxius  est,  clioro  subtrahit,  sed 
et  alios  psallentes  perturbât  (Can.  xvui,  xix  .  o 

Le  concile  de  Cologne  en  1336  (Part,  n,  c.  8) 
exprima  la  nécessité  de  l'attention,  et  d'une  at- 
tention fervente  que  les  autres  canons  suppo- 
saient :  «  Non  sufflceril  pièces  istas  horarias 
utcnmque  praemurmurasse,  sed  ut  conciliari 
constitutione  cautum  est,  presbyter  ex  intimo 
all'ectu,  elevataque  mente  in  Deuin  solum,  no- 
cturnum  hoc  diurnumque  suœ  servitutis  pen- 
sum  exsolvat.  » 

Il  réitéra  la  même  défense  du  concile  de 
Râle,  de  ne  point  réciter  ses  heures  au  chœur, 
pendant  que  les  autres  chantent;  mais  il  ex- 
cepta de  celte  loi  ceux  qui  sont  engagés  à  quel- 
que ministère  qui  les  force  de  se  hâter.  «  Quem 
tamen  aliud  offieium  ecclesiasticum,  aut  pu- 
blicum  alio  statim  rapiet,  ut  nisi  legens  preces 
horarias,  teinpestiveabsolvere  haud  posait,  hac 
lege  teneri  noluimus  (Part,  ni,  c.  5).  » 

IV.  Le  concile  Ier  de  Milan,  en  1565  (G.  n), 
ajouta  au  décret  du  concile  de  Latran,  sous 
Léon  X,  que  c'était  manquer  à  l'office  et  ren- 
dre son  bénéfice  impétrable  que  d'y  manquer 
deux  fois  en  quinze  jours.  «  Offieium  omittere, 
ut  beneficio  privari  possit,  is  jure  dicatur,  qui 
qnindecim  dierum  spatio  bis  illud  omiserit.  » 
Et  que  ceux  mêmes  qui  étaient  dans  les  ordres 
sacrés  sans  bénéfice,  s'ils  manquaient  â  ce  juste 
tribut  de  prières,  outre  le  crime  dont  ils  se 
rendaient  coupables  devant  Dieu,  devaient  être 
recherchés  et  châtiés  par  l'évêque.  «  Praeter 
grave  peccatum,  quod  committunt,  graviter 
etiam  ab  episcopisin  eos  animadvertalur.  » 

Le  concile  III  de  Milan  en  1573,  (Can.  x),  réi- 
téra ces  mêmes  ordonnances,  s'appuyant  sur 
une  bulle  de  Pie  V  sur  ce  sujet,  suivant  la- 
quelle il  ordonna  aux  mêmes  évoques  de  faire 
sentir  la  même  sévérité  à  ceux  qui,  ayant  des 
pensions  sur  des  bénéfices,  ne  diront  pas  l'of- 
fice de  la  Vierge.  «  Ad  cujus  etiam  constitulio- 
nis  prœscriptum,  eum  item  mulctet,  qui  pen- 
sionem  habens  canonicarum  borarnm  offieium 
de  B.  Maria  Virgine  dicere  omiserit.  » 

Le  concile  IV  de  Milan,  en  1570  (Can.  n),  dé- 
clara que  les  légères  maladies,  même  avec 
fièvre,  ne  dispensaient  ni  de  l'obligation  du 
bréviaire,  ni  de  la  restitution  des  fruits.  «  Me- 
minerit  se  febri,  morbove  aliquo,  vel  adversa 
valetudine  leviter  aliquando  laborantem,  non 
justam  propterea  excusationem  habere,  etc.  » 

Ce  même  concile  (Can.  xu)  ordonna  que  tous 
ceux  qui  étaient  entretenus  aux  dépens  de  l'E- 


glise, fussent  au  moins  obligés  de  réciter  l'of- 
fice de  la  Vierge,  ou  le  chapelet,  s'ils  étaient 
tout  à  fait  ignorants. 

Le  concile  de  Rouen,  en  1581,  avertit  ceux 
qui  étaient  obligés  à  l'office,  que  le  bréviaire 
du  cardinal  de  Sainte-Croix  avait  été  défendu 
par  le  pape  (De  cultu  divino  in  génère).  Celui 
de  Bordeaux  en  15S3  renouvela  une  partie  des 
statuts  des  conciles  de  Milan,  surtout  pour  la 
peine  de  privation  des  bénéfices  contre  ceux 
qui  manqueraient  deux  fois  en  quinze  jours  à 
dire  leur  office,  et  pour  obliger  les  pension- 
naires à  l'office  de  la  Vierge. 

Le  concile  de  Mexico  en  1385  (L.  m,  fit.  i,  §3), 
ordonne  aux  évêques  une  heure  d'oraison  men- 
tale tous  les  jours.  Celui  d'Avignon,  en  15'Ji 
(Can.  xxxiv),  enjoignit  aux  clercs  qui  ont  pen- 
sion sur  des  bénéfices,  de  dire  l'office  de  la 
Vierge,  suivant  la  bulle  de  Pie  V.  Le  concile 
d'Aquilée,  en  1596  (Can.  xii,  voulut  que  les 
clercs  sacrés  fussent  sévèrement  punis  par  l'é- 
vêque, s'ils  manquaient  à  réciter  les  heures 
canoniales,  quoiqu'ils  n'eussent  point  de  béné- 
fice, parce  que  c'est  toujours  un  grand  crime 
de  manquer  à  ce  devoir  religieux  :  «  Oniniuo 
intelligant,  omittendo  horas  canonicas  se  mor- 
taliter  peccare ,  nec  prœtextu  beneficii  non 
adepti  excusare  posse.  » 

Les  pensionnaires  sont  aussi  obligés  à  la  ré- 
citation de  l'office  de  la  Vierge,  sous  peine  de 
péché  mortel  et  de  restitution  des  fruits.  «  Pen- 
sionarios  serio  monitos  esse  volumus,  eos  ad 
offieium  B.  Maria'  Virginis  quotidie  recitan- 
dum  teneri  ;  praeter  peccatum  mortale,  quod 
committunt,  si  omiserint,  reslitutionis  onere 
obstrictos  declaramus.  » 

Enfin  le  concile  de  Narbonne,  en  1609,  obli- 
gea les  évêques  à  une  heure  d'oraison  mentale 
chaque  jour. 

V.  Il  est  bon  de  remarquer  que  les  canons 
que  nous  venons  de  citer  imposent  à  tous  les 
bénéficiers  généralement  l'obligation  des  heures 
canoniales,  sans  en  excepter  aucun,  et  sans 
avoir  égard  au  revenu  du  bénéfice. 

C'est  aussi  la  résolution  des  plus  habiles  ca- 
nonistes,  fondée  sur  la  décrétale  Conquer-ente 
de  cleric.  non  résident.  d'Alexandre  III ,  qui 
oblige  à  la  résidence  ceux  qui  possèdent  les  bé- 
néfices de  moindre  revenu.  «  Sicut  non  excu- 
satur  a  residentia,  ex  eo  quod  ex  beneficio  vila; 
necessaria  non  percipiat,  ita  nec  excusatur  ab 
horis  dicendis.  Imputet  sibi  si  beuefieiuni  non 
sit  competens,  quia  nihilominus  tenebitur  ad 


DE  L'OBLIGATION  A  RÉCITER  L'OFFICE  DIVIN,  etc. 


-271 


horas,  ex  quo  se  fecit  ad  hoc  intilulari.  »  Ce 
sont  les  termes  de  l-'agnan  sur  ce  chapitre 
Tagn.,  in  1.  1,  part,  i,  p.  39  . 

VI.  Nous  avons  dit  que  ni  les  maladies  lé- 
gères, ni  les  voyages  ne  dispensaient  personne 
de  ce  pieux  devoir.  En  voici  de  nouvelles 
preuves. 

L'auteur  de  La  vie  de  sainte  Lutgarde  raconte 
comment  cette  sainte  prédit  à  ses  religieuses 
les  châtiments  dont  elles  étaient  menacées, 
parce  qu'elles  ne  récitaient  les  heures  cano- 
niales dans  l'infirmerie  qu'avec  beaucoup  de 
négligence.  «  Saepe  reprehenderat  moniales  in 
valetudinario  manentes,  quod  paru  m  attente 
pi  isolverent  horas  canonicas,  divinitus  insli- 
tutas,  etc.  Cuin  se  intîrinœ  sorores  iu  valetudi- 
nario manentes  in  dicendis  precibus  canonicis 
correxissent,  pestis  illa  penitus  sopita  est  (Can- 
tipratens.,  1.  ni.  c.  10,  circa  an.  1200).  » 

11  parait  de  là  que  les  religieuses  infirmes 
recitaient  les  heures  canoniales  toutes  ensem- 
ble dans  l'infirmerie.  Ce  qui  se  confirme  par 
la  constitution  de  Benoit  XII,  qui  régla  tous  les 
monastères  des  bénédictins,  et  enjoignit  à  tous 
ceux  qui  ne  pourraient  pas  être  présents  au 
chant  publie  des  offices  divins  dans  l'église  ,  à 
cause  des  prédications  ,  ou  des  études ,  ou  des 
autres  charges  où  ils  sont  occupés,  de  s'assem- 
bler dans  un  autre  lieu  aux  heures  réglées  pour 
réciter  l'office  divin. 

«  Cœterum.  qui  ad  chorum,  vel  ad  ecclesiam 
accedere  nequiverint,  pnedicationi,  lectioni. 
studio,  seu  administrationibus,  vel  officiis  suis 
aut  piis.  sive  licitis  operibus,  de  licentia  illius, 
ad  quem  eaui  dare  pertinent,  occupaU,  in  luco 
aliquo  congruo  et  honeslo,  debitis  horisjuxla 
possibilitatempluressimulconveniant,  et  débite 
dicant  divinum  officium,  et  quotidianum  pen- 
sum exsolvant  débita?  servitutis.  » 

Les  statuts  du  même  ordre  de  saint  Benoit, 
dressés  pour  la  province  de  Narbonne,  et  ap- 
prouves par  Grégoire  IX,  en  \-2~2ti.  ordonnèrent 
qu'on  donnât  un  bréviaire,  ou  un  psautier  à 
tous  les  religieux  qui  entreprendraient  un  grand 
voyage.  «  Ut  monachi  in  sacris  ordinibus  con- 
stitua, in  longo  itinere  profecturi,  sine  brevia- 
rio,  vel  psalterio,  nonmittanturvSpicileg..  tom. 
vi,  pag.  33).  » 

Voilà  où  l'on  s'est  réduit  depuis  qu'on  a  né- 
gligé d'exiger  de  tous  les  clercs  qu'ils  sussent 
leur  psautier  par  cœur,  avant  que  de  les  or- 
donner. Car  on  voit  ici  que  le  psautier  tient 
lieu  de  bréviaire.  C'était  en  effet  l'ancien  bré- 


viaire, et  les  conciles  ordonnaient  aux  clercs, 
non  pas  de  le  porte] .  mais  de  le  savoir  par  mé- 
moire, afin  de  pouvoir  s'acquitter  de  leur  of- 
fice, mais  hors  de  l'église. 

VII.  Si  ce  dernier  statut  ne  parle  que  des 
moines  qui  sont  dans  les  ordres  sacrés,  c'est 
parce  que  dans  toutes  les  communautés  reli- 
gieuses on  avait  changé  la  récitation  des  heures 
canoniales,  en  un  certain  nombre  de  Pater  et 
Ave,  pour  ceux  qui  n'avaient  pris  aucune  tein- 
ture des  lettres. 

La  règle  des  Templiers,  qui  fut  dressée  en 
1 1  -27  dans  le  concile  de  Troyes,  les  obligea  aux 
heures  canoniales,  qu'elle  échangea  néanmoins 
en  oraisons  dominicales,  quand  ils  seraient 
absents  et  occupés  à  la  guerre. 

Apres  que  les  religieux  vaudois  eurent  re- 
noncé à  leurs  anciennes  erreurs,  le  pape  Inno- 
cent III  confirma  leur  règle ,  dont  voici  un  ar- 
ticle. «  Orationi  juxta  horas  canonicas  septies 
insistentes  dicendo  quindeciesPo/e/'  noster,  in- 
super Credo  in  Deum,  et  Miserere  mei  Deus,  et 
orationes  alias.  Cum  autem  ex  magna  parte 
clerici  simus,  et  pêne  omnes  litterati,  lectioni 
et  exhortationi,  doctrines  et  disputationicontra 
omnes  errorum  sectas.  decrevimus  desudare  , 
etc.  (Innoc.  III.  Begist.  xm,  Epist.  lxxviii).  » 

Il  y  aurait  cela  d'étonnant,  qu'étant  clercs  et 
ayant  assez  de  littérature  pour  traiter  de  la 
controverse  avec  les  hérétiques,  on  leur  per- 
mette de  faire  cet  échange  des  heures  cano- 
niales, s'il  ne  paraissait  d'ailleurs  que  c'étaient 
plutôt  des  laïques  ou  des  clercs  séculiers,  asso- 
cies et  dévoués  à  la  pratique  des  conseils  évan- 
géliques,  que  de  véritables  religieux.  Mais 
quand  ils  auraient  été  de  vrais  religieux,  cette 
tolérance  eût  ete  bientôt  révoquée. Car  dans  une 
autre  lettre  qui  fut  depuis  écrite,  ce  pape  laissa 
cette  disposition  pour  ceux  qui  n'étaient  pas 
clercs,  obligeant  les  clercs  aux  heures  cano- 
niales. «  Et  clerici,  prout  eos  convenu  ,  cano- 
nicas horas  Domino  Deo  solvent  (Regist.  xv, 
epist.  lxxx  .  » 

Les  premiers  disciples  de  saint  François  com- 
pensaient par  l'oraison  mentale  les  heures  ca- 
noniales, qu'ils  ne  pouvaient  pas  encore  réciter 
faute  de  livres.  «  Pro  eo  quod  nondum  eccle- 
siasticos  libros  habebant ,  in  quibus  possent 
horas  canonicas  decantare  (Can.  iv).  » 

G'est  ce  qu'en  dit  saint  Bonaventure  dans  la 
vie  de  ce  saint,  qui  dit  la  même  chose  dans  sa 
règle,  où  il  ajoute  la  mesure  que  les  frères 
laïques  devaient  garder  pour  suppléer  a  chaque 


272       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-CINQUIÈME. 


heure  canoniale  par  la  réitération  des  oraisons 
dominicales.  «  Clerici  faciant  divinum  offi- 
cinm  ,  secundum  ordinem  sanctae  Romanae 
Ecclesiae  exceplo  psalterio.  exqno  habere  pote- 
runtbreviaria.  Laici  vero  dicant  viginti  quatuor 
Pater  noster  pro  matntino,  pro  laudibus  quin- 
qne ,  pro  prima ,  tertia  ,  sexta  et  nona ,  pro 
qualibet  istaruin  borarnm  septem,  pro  vesperis 
antem  duodeeim,  pro  completorio  septem  ;  et 
orent  pro  defnnctis,  etc.  (Cap.  m).  » 

On  peut  bien  faire  remarquer  en  passant 
que,  selon  cet  article  de  la  règle  des  Francis- 
cains, Radulplie  doyen  de  Tongres,  n'a  peut- 
être  pas  eu  tant  de  sujet  de  les  accuser  d'avoir 
choisi  pour  eux  et  d'avoir  ensuite  autorisé  et 
répandu  par  le  monde  l'oftice  plus  court  de  la 
chapelle  du  pape. 

Au  contraire,  saint  Ronaventure,  expliquant 
cet  article  de  la  règle,  demande  pourquoi  saint 
François,  destinant  ses  enfants  à  l'étude  et  à  la 
prédication,  les  a  chargés  d'un  office  aussi 
long  qu'est  celui  de  l'Eglise  de  Rome.  «  Quare 
S.  Francisais,  ex  quo  fratres  suos  volebat  in 
pra'dicatione  et  studio  per  consequens  exer- 
ceri,  tam  oneroso,  tam  prolixo  officio  onera- 
\it?» 

A  cette  demande,  il  donne  une  réponse  éga- 
lement digne  de  l'auteur  de  la  règle,  et  de  son 
interprète  :  Que  si  l'Eglise  romaine  étant  char- 
gée de  la  sollicitude  et  du  soin  de  toutes  les 
Eglises,  a  choisi  le  plus  long  office,  parce 
qu'elle  a  cru  avoir  d'autant  plus  besoin  de 
prier  ;  il  faut  aussi  juger  que  ,  non-seulement 
les  particuliers,  mais  aussi  les  communautés 
doivent  multiplier  leurs  prières  à  proportion 
que  leurs  occupations  s'augmentant,  ils  ont 
plus  de  besoin  du  secours  du  ciel. 

Les  statuts  de  Hugues  V,  abbé  de  Cluny,  en- 
joignent à  ceux  qui  sont  éloignés  du  monas- 
tère de  réciter  leurs  heures  en  leur  temps ,  et 
s'ils  ne  savent  pas  les  psaumes  par  cœur,  de 
dire  un  nombre  certain  de  Pater.  «  Universi 
ubicumque  constiluti ,  suœ  servitutis  pensum 
non  negligant  r^ddere,  maxime  borarum  re- 
gularium.  Nescientes  psalmos,  pro  singulis 
horis  Orationem  Dominicain  septics  dicant, 
pro  malitunis  septies  septem  ,  pro  vesperis  ter 
seplem  (Bibl.  Clun.,  p.  li(>2).  »  Cet  échange  se 
trouve  presque  semblable  pour  les  frères  con- 
vers  dans  l'ordre  de  Prémontré  (Bibl.  Pràemdn- 
strat.,  p.  825). 

Mil.  Dans  ce  dernier  endroit  il  est  fait  aussi 
mention  de  Y  Ave  Maria ,  sans  l'insérer  néan- 


moins dans  ces  prières  d'obligation  pour  les 
clercs  et  pour  les  convers.  La  même  prière  se 
trouve  aussi  souvent  recommandée  dans  la 
compilation  des  conciles  d'Angleterre,  aussitôt 
après  l'an  1200  et  dans  les  constitutions  d'Odon, 
évêque  de  Paris  (Concilia  Spelman.,  tom.  u  , 
p.  138,  100,  210). 

Jules  II,  continuant  la  règle  des  chevaliers 
de  Christ,  en  Portugal,  leur  donna  l'office  de 
la  Vierge  à  réciter,  et  pour  ceux  qui  ne  sau- 
raient pas  lire,  soixante  Pater  et  autant  A' Ave 
partagés  en  autant  de  temps  et  aux  mêmes 
temps  s'il  se  pouvait  que  les  heures  canonia- 
les. Mais  comme  cela  n'arriva  qu'en  l'an  1505, 
on  pourra  trouver  dans  le  grand  bullaire  d'au- 
tres statuts  pareils ,  beaucoup  plus  anciens 
(Rainald.,  an.  1505,  n.O;  Rullar.,  tom.,  p.  229, 
253,  'ill,  322;  tom.  u,  p.  305). 

IX.  11  ne  me  reste  plus  que  les  décrets  qui 
prescrivent  quelles  sont  les  heures  canoniales 
qu'on  est  obligé  de  dire  avant  la  messe.  Odon  , 
évêque  de  Paris,  ordonne  qu'on  dira  matines 
et  prime.  «  Nullus  antequam  matutinasdixerit 
canonicas  et  primam,  pra'sumat  aliqua  neces- 
sitate  celehrare  missam  (Cap.  v,  §  10);  »  Inno- 
cent IV  fit  le  même  règlement  pour  l'île  de 
Chypre,  sans  y  comprendre  prime  :  «  Sacer- 
dotes  dicant  horas  canonicas  more  suo,  sed 
missam  celehrare  priusquam  officium  matuti- 
nale  compleverint,  non  prsesumant(Anno  123-1, 
epist.  x).  » 

Comme  ce  règlement  regardait  les  Grecs  de 
file  de  Chypre  aussi  bien  que  les  Latins,  il  en 
faut  conclure  que  les  Grecs  étaient  sujets  aux 
mêmes  lois  de  l'office  que  les  Latins. 

Le  Synodicwn  de  l'île  de  Chypre  qu'on  a 
publié  avec  les  conciles  comprend  aussi  prime 
avant  la  messe.  Le  synode  de  Nîmes,  en  1284  , 
ne  parla  point  de  prime.  Le  concile  de  Valla- 
dolid,  en  1322,  n'en  parla  pas  non  plus.  Le  sy- 
node de  Bayeux,  en  1300,  se  sert  des  mêmes 
termes  qu'Odon,  évêque  de  Paris,  et  joint 
prime  avec  matines  (Conc,  tom.  h,  part.  2, 
pag.  2380;  Rainald.,  an.  1322,  n.  18). 

Tout  cela  se  doit  entendre  de  l'office  qui  se 
récite  en  particulier.  Car  le  concile  de  Lam- 
beth,  dans  la  province  de  Cantorbéry,  en  1330, 
parlant  de  la  messe  paroissiale,  ordonne  qu'elle 
ne  se  dise  qu'après  avoir  dit  tierce.  «  Nullus 
sacerdos  parochialis  présumât  missam  cele- 
hrare, antequam  matutinale  persolverit  offi- 
cium, id  est  primam  ac  tertiam  de  die.  » 

X.  On  sait  que  la  coutume  a  prévalu  pour 


DE  L'OBLIGATION  DE  RECITER  L'OFFICE,  etc. 


273 


ne  point  obliger  à  prime  avant  la  messe.  Mais 
ces  lois  ecclésiastiques  montrent  clairement  de 
quelle  nécessité  on  a  toujours  cru  qu'il  était 
(Ir  réciter  l'office. 

Le  compilateur  des  décrétâtes  grégoriennes 
remonte  jusqu'au  concile  d'Agde,  duquel  est 
tire  le  chapitre  Presbyter.  «  De  celebratione 
missarum.  » 

Fagnan,  sur  ce  même  chapitre,  croil  que 
cette  obligation  est  du  droit  di\in  positif  pour 
les  clercs  sacrés  :  «  Ratione  sacri  ordinis  cle- 
rici  lenentur  ad  lioras  dicendas  de  jure  divino 
positivo,  »  et  du  droit  naturel  pour  les  bénéfi- 
ciers  :  «  Viventes  de  patrimonio  Crucifixi  ad 
hoc  tenentur  de  jure  divino  naturali.  » 

Il  cite  des  canonistes  qui  ne  pensent  pas  que 
le  pape  même  en  puisse  dispenser.  Il  en  cile 
d'autres  qui  obligent  tous  les  clercs  mineurs, 
appuyés  sur  les  canons  anciens,  qui  ne  font 
nulle  distinction.  11  faut  confesser  que  la  cou- 


tume  contraire  a  prescrit  contre  pour  les  clercs 
mineurs  sans  bénéfice  ;  mais  il  est  certain  que 
ers  mêmes  clercs  doivent  satisfaire  en  quelque 
autre  manière  à  l'intention  du  droit  divin  et 
humain  qui  dévoue  tous  les  cœurs  à  la  piété  el 
a  la  prière. 

Saint  Thomas  s'explique  le  plus  nettement 
de  tous  :  «  Clericus  ex  hoc  ipso  quod  est  cleri- 
cus, et  pnecipue  in  sacris ordinibus constitutus, 
tenetur  dicere  horas  canonicas.  Yidcnturcnini 
taies  specialiter  esse  assumpti  ad  laudem  divi- 
nam.  Scd  in  quantum  est  clericus  beneficiatus 
in  hac  ecclesia,  tenetur  dicere  officium  secun- 
dum  modum  illius  ecclesia  (Quodlib.  (i,  q.  i>, 
art.  v2  ;  et  q.  i,  q.  1 ,  a.  1  ;  et  q.  3,  q.  13  ,  a.  2  ; 
et  q.  5,  q.  H,  a.  1).  » 

Concluons  qu'il  s'en  faut  beaucoup  que  l'o- 
bligation des  offices  ne  soit  plus  étroite  dans 
ces  derniers  siècles  qu'elle  n'a  été  dans  les  pre- 
miers (1). 


(I)  A  la  suite  du  Concordat  et  pour  sa  mise  à  exécution,  le  cardi- 
nal-légat Caprara  porta  plusieurs  décrets.  D'après  celui  du  10  avril 
1902,  les  chapitres  établis  dans  les  nouveaux  diocèses  de  France  doi- 
vent réciter,  psalmodier  et  chanter  les  heures  canoniales  et  les  of- 
fices, et  faire  eu  même  temps  le  service  de  leur  église.  D'un  autre 
côté,  dans  un  rapport  adressé  à  l'Empereur  le  12  février  1807,  Por- 
tails annonçait  qu'il  avait  prescrit  aux  évèques  que  l'intention  de 
l'Empereur  était  que  l'office  canonial  lut  exactement  célébré  dans 
toutes  les  cathédrales.  «  L'archevêque  de  Paris,  continue-t-il,  vient 
u  d'ordonner  cette  célébration,  et,  depuis  samedi  dernier,  l'office  ca- 
a  nonial  est  entièrement  rétabli  comme  on  le  célébrait  dans  les  plus 
<i  beaux  temps  du  christianisme.  Tant  qu'à  Paris  on  ne  récitait  pas 
<i  l'office,  je  n'osais  inviter  les  évèques  des  chapitres  des  autres  dio- 
n  cèses  à  le  réciter;  aujourd'hui  que  l'antique  discipline  des  églises  a 
d  repris  à  Paris  son  premier  lustre,  je  vais  y  ramener  tous  les  autres 
«  chapitres  de  France.  »  L'office  canonial  fut  célébré  en  entier  dan? 
les  chapitres  pendant  plusieurs  années.  Mais  depuis  longtemps  ils  se 
bornent  à  la  messe  chantée  et  aux  vêpres  suivis  des  Compiles.  On 
comprend  qu'avec  le  personnel  si  re-treint  des  chapitres  actuels,  on 
ne  peut  pas  exiger  davantage.  Qu'est-ce  en  effet  qu'un  chapitre  de 
neuf  chanoines  seulement  sans  les  nombreux  mansionnaires  qui  or- 
naient les  anciens  ?  Craignant  sans  doute  que  ces  fantômes  de  cha- 


pitres, composés  de  si  peu  de  chanoines,  infirmes  ou  âgés  pour  la 
plupart,  ne  marchassent  toujours  plus  avant  dans  la  voie  des  retran- 
chements des  parties  de  l'office  canonial,  le  gouvernement  publia  une 
circulaire  ministérielle,  le  11  septembre  1810,  dans  laquelle  nous  li- 
sons :  u  II  est  dans  l'ordre  que  l'office  canonial  soit  célébré  dans  les 
«i  diverses  églises  cathédrales.  11  est  du  devoir  des  chanoines  d'y  as- 
«  sister  exactement.  Si  l'office  n'était  pas  célébré,  il  serait  à  craindre 
a  que  le  gouvernement  ne  supprimât  les  suppléments  de  traitement 
«  accordés  aux  chanoines  par  les  départements,  d 

En  supprimant  la  plupart  des  fêles  anciennement  observées,  le 
Saint-Siège  voulut  que  dans  aucune  église  rien  ne  fût  innové  dans  le 
rite  et  l'ordre  des  offices  et  cérémonies  en  usage  ce  jour-là.  Le  dé- 
cret du  cardinal-légat  du  9  avril  1802  statua  néanmoins  que  l'Epipha- 
nie, la  Fête-Dieu,  la  fêle  de  saint  Pierre  et  du  patron  seraient  solen- 
nellement célébrées  le  dimanche  qui  suivrait.  Dans  une  instruction 
du  22  janvier  1801,  il  décida  que  les  offices  des  fêtes  renvoyées  au 
dimanche  suivant  devraient  être  récités  par  le  clergé,  tant  en  particu- 
lier que  dans  les  églises,  et  la  messe  célébrée  le  jour  où  ces  fêtes 
arrivaient.  Le  dimanche  on  célébrerait  une  messe  solennelle  de  la 
fête  transférée  avec  une  seule  oraison,  suivant  la  rubrique  des  messes 
votives.  C'est  ce  qu'on  observe  aujourd'hui  dans  tous  les  diocèses  de 
France.  (Dr  André.) 


CHAPITRE   QUATRE-VINGT-SIXIEME. 

DE   L'OBLIGATION    A    RÉCITER    L'OFFICE    DANS    LE    CIIOEIR;    DE   L'OFFICE   DE   LA   VIERGE, 

ET    DE    L'OFFICE    DES    MORTS. 


I.  Le  premier  usage  et  la  première  obligation,  a  été  de  célé- 
brer tous  lis  offices  eu  commun. 

II.  on  les  célébrait  tous  les  jours,  même  dans  les  paroisses 
de  campagne. 

III.  Ou  y  récitait  au  moins  les  heures  canoniales. 


IV.  Les  offices  de  la  nuit  se  célébraient  à  minuit.  Preuves. 

V.  On  ne  se  levait  pas  trois  fois  pour  les  trois  nocturnes. 

VI.  Les  chapitres  des  cathédrales  ayant  été  si  longtemps  oc- 
cupes par  des  religieux,  on  s'y  levait  a  minuit. 

VII.  Ou  y  chantait  l'office  par  co'iir. 


Th.  —  Tome  II. 


is 


«571 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SIXIÈME. 


VIII.  De  l'office  de  la  Sainte  Vierge. 

IX.  De  l'office  des  Morts.  De  quelle  obligation  sont  ces  deux 
offices. 

\.  ordonnances  plus  accommodantes  des  derniers  temps  pour 
les  heures  des  offices  divins. 

I.  On  ne  doute  pas  que  ce  n'ait  été  le  pre- 
mier usage  de  l'Eglise  de  célébrer  en  commun 
toutes  les  heures  canoniales  et  de  ne  dispen- 
ser de  ce  devoir  public  que  ceux  qu'une  inévi- 
table nécessité  appellerait  en  même  temps  à 
d'autres  fonctions  sacerdotales.  Comme  tous 
les  clercs  étaient  ordonnés  sous  le  titre  d'une 
église,  et  avec  un  général  asservissement  d'y 
résider  et  d'y  exercer  quelque  ministère  sa- 
cre, ils  étaient  absolument  obligés  de  s'\  as- 
sembler pour  les  heures  canoniales. 

Saint  Bernard  le  dit  clairement  dans  la  lettre  u, 
à  un  bénéficier.  «  Bénéficia  ecclesiœ  tua 
sunt.  Recte,  quia  surgis  ad  vigilias  ,  vadis  ad 
missas,  horis  chorurnnocturnisdiurnisque  fré- 
quentas, lîenefaeis,  sic  Ecclesiae  praebendam 
gratis  non  accipis  (Epist.  n).  » 

Ce  n'était  pas  seulement  dans  les  églises  ca- 
thédrales ou  collégiales,  mais  aussi  dans  les 
paroisses;  ce  n'étaient  pas  seulement  les  cha- 
noines, mais  absolument  tous  les  ecclésiastiques 
de  chaque  paroisse,  qui  devaient  s'y  assembler 
pour  la  célébration  des  heures  réglées  de  l'of- 
fice divin. 

Le  synode  de  Worcester,  en  I2'i()  (Can.  xnl, 
exprime  fort  nettement  cette  obligation  com- 
mune de  tous  les  prêtres  de  chaque  paroisse. 
•'  Prœcipimus,  ut  omues  capellani,  qui  iu  una 
parochia  commorantur,  sinuil  intersint  otcon- 
veniant  matutinis  et  vesperis,  et  aliis  horis 
canonicis,  in  ecclesiis  celebrandis,  etmissis,  et 
maxime  dédie,  nisi  causa  rationabili  tuerint 
impediti  :  nec  aliquis  celebret,  nisi  quousque 
prima  fueril  canonice  compléta.  » 

II.  Le  concile  de  Béziers,  en  14 ii;  (Can.  xxx), 
veut  qu'on  célèbre  l'office  divin  dans  toutes  les 
paroisses,  a  De  ruralibus  ecclesiis  hoc  manda- 
mus  inviolabiliter  observari,  ut  in  eis  divinum 
officiuin  frequentetur ,  ni'  Iraudenlur  anima' 
defunctorum,  etc.  » 

Le  concile  de  Bude  ,  en  L27!)  (  Can.  xi.v),  est. 
encore  plus  formel  ;  il  est  \iai  qu'il  semble  se 
contenter  que  tous  assistent  a  matines,  a  la 
messe  et  a  vêpres  :  mais  nous  verrons  qu'il  y  a 
des  communautés  religieuses,  cl  même  des 
plus  célèbres  pour  leur  régularité ,  où  toutes 
les  petites  heures  ne  se  disent  qu'en  parti- 
culier. 

«  Duximus  statuendum  ,  quod  prœpositi , 


canonici,  plebani,  et  alii  Ecclesiarum  redores, 
et  clerici  universi ,  in  praeposituris,  canonicis, 
et  plebanatibus ,  rectoriis  et  aliis  ecclesiis  in 
quibus  beneliciati  existant  ,  vel  a  quibus 
ecclesiastica  recipiunt  stipendia,  residentiam 
facientes  ,  horis  canonicis,  ad  minus  matutinis, 
missawel  vesperis  intersint,  eu  m  ad  hoc  si  nt  eis 
ecclesiastica  bénéficia  deputata,  ut  de  ipsis  ho- 
neste  debeant  vivere ,  ac  Deo  et  dictis  Ecclesiis 
in  ipsis  divinis  officiis  cum  reverentia  deser- 
vire.  » 

Les  ordonnances  synodales  de  Pierre,  arehe- 
\equo  de  Rouen, en  1-230  (Synod.  Rotom.,  pag. 
2  ï-2),  s'expliquent  encore  plus  nettement  :«Praî- 
cipimus,  quod  quilibet  sacerdos  in  parochia 
sua  seu  capellanus  in  capella  sua  dicat  matu- 
tinas  de  nocte,  et  omneshoras  horis  compe- 
tentibus.  Et  pulset  horis  debitis  ad  quamli- 
bet  horam.  Et  prœcipimus ,  quod  dicant  eum 
nota.  » 

III.  Le  synode  d'Exeter,  en  L287  (Can.  xxi), 
dissipera  jusques  aux  moindres  apparences  des 
difficultés  qu'on  pourrait  nous  opposer.  Car  il 
dit  en  termes  formels  qu'on  ne  peut  pas ,  à  la 
vérité  chanter  les  heures  canoniales  dans  les 
églises  paroissiales,  avec  la  même  exactitude 
ponctuelle  des  temps  et  des  heures  propres, 
comme  dans  les  cathédrales  ou  collégiales  ; 
mais  qu'on  les  y  chantera  les  jours  de  fête  ,  on 
les  récitera  les  jours  de  férié,  et  qu'on  ne  dira 
la  messe  qu'après  matines  et  prime. 

«  Et  quia  canonicœ  horœ  secundum  tempo- 
t  uni  interstitia,  in  ecclesiis  parochialibus,  sicut 
in  cathedralibus  et  collegiatis  nequennl  decan- 
tari:  Prœcipimus,  utpresbyteri  parochiales  ab 
ecclesiis  suis  recederc  non  praesumant ,  donec 
festis  diebus  ante  missam,  vel  posi  canonicas 
horas  decantaverint,  vel  saltem  legerint  absque 
cantu,  cum  dies  fuerit  feriandus.  Proviso,  quod 
missam  sacerdos  prius  non  celebret  ,  donec 
matutinas  et  primam  solverit  creatori.  » 

On  se  relâche  donc  seulement  en  deux  points 
en  laveur  des  paroisses,  en  leur  permettant  de 
se  dispenser  dé  la  rigoureuse  observation  des 
intervalles  entre  les  heures  diverses,  ei  en  souf- 
frant que  les  jours  ouvriers  on  récite  seulement 
l'office. 

IV.  Il  est  même  fort  probable  que,  dans  le*; 
grandes  el  nombreuses  paroisses,  on  observait 
a  la  ligueur  la  distinction  propre  du  temps 
pour  chaque  heure  canoniale. 

Vincent  de  Beauvais  parlant  de  saint  Ed- 
mond, alors  célèbre  professeur  de  l'université 


l>i:  L'OBLIGATION  A  IVKCITKII  L'OFFICE,  etc. 


de  Paris,  et  depuis  archevêque  de  Caniorbéry, 
il  dit  que  des  qu'il  eut  passé  de  l'école  des  arts 
à  celle  de  la  théologie,  il  se  rendit  tous  les 
jours  à  l'église  de  Saint-Médéric,  pour  y  assis- 
ter à  matines,  qui  se  chantaient  à  minuit  et  à 
vêpres. 

«Etquipriusdum  in  artibusregeret.in  marie 
missas  audire  consueverat  :  nunc  ad  religionis 
augmentuni  média  nocte  matutinas  in  ecclesia 
sancti  Mederici  Parisius  audiehat.  Et  sicut 
orandi  gratia  ecclesiam  adiit  média  nocte,  sic 
ipsam  adiré  oh  causam  consimilem  hora  stu- 
duit  vespertina  (Hist.  univers.  Paris.,  tom.  m. 
pag.  toi).  » 

Il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ce  fût  uni,' 
sainte  singularité  de  l'église  de  Saint-Médéric 
à  Paris,  de  célébrer  l'office  de  la  nuit  à  l'heure 
de  minuit.  Toutes  les  paroisses,  au  moins  la 
plupart,  en  usaient  de  même. 

Rathérius,  évêque  de  Vérone,  exhorte  tous 
ses  curés  à  faire  de  même,  dans  la  lettre  syno- 
dale qu'il  leur  adresse.  «  Omni  nocte  ad  no- 
cturnes surgite,  cursum  vestrum  certis  bons 
decantale  Ohserv.  in  Rob.  Pullum..  p.  403).  » 

Le  concile  de  Ravenne.  en  1-280  (Cap.  \  . 
suppose  que  les  offices  de  la  nuit  se  chantent  la 
nuit  :  «  Campanae  horarum  in  nocte  et  die 
fantum  pulsentur,  quod  omnes  confratres  se 
possint  parare  ad  intrandum  Ecclesiam.  » 

Saint  Antonin,  archevêque  de  Florence,  qui 
mourut  en  1459,  se  levait  toujours  la  nuit  pour 
réciter  ses  matines  avec  ses  clercs,  avec  une 
diligence  si  exacte,  qu'il  prévenait  même  le 
signe  de  son  église  cathédrale  :  «  Surgebat 
noctu  semper,  adeoque  sollicite,  ut  signum 
matutini  ofticii  cathedralis  ecclesia' praeveniret  : 
cumque  divinum  officium  cum  suis  clericis 
magna  cum  attentione  et  mentis  devotione  per- 
solvisset,  etc.   Rainald.,  an.  1459,  n.  33).  » 

Ce  [président  Guimier,  dans  son  commen- 
taire sur  la  Pragmatique,  sur  le  titre  :  Quali- 
ter  horœ  canonicœ  sint  (licencia;  extra  cho- 
rum  ,  dit  qu'autrefois  on  se  levait  trois  diverses 
fois  la  nuit  pour  chanter  les  trois  nocturnes  a 
diverses  heures,  mais  enfin  qu'on  ne  se  leva, 
et  on  ne  les  chanta  plus  qu'à  minuit,  ce  qu'il 
assure  être  encore  observé  par  plusieurs  com- 
munautés religieuses,  et  par  l'Eglise  de  Paris. 
uConsultum  est.  ut  média  nocte  saltem  oiniies 
surgerent,  et  totum  noctis  ofûcium  decantare- 
tur.  quod  adbuc  multi  religiosi  observant,  et 
Ecclesia  Parisiensis.  » 

Il  entend    parler  de    l'église  cathédrale  [de 


Paris,  qui  était  alors  apparemment  la  seule, 
dans  cette  grande  ville,  qui  eût  conservé  cette 
ancienne  piété. 

Probus  ajoute  au  même  endroit,  qu'en  l.VO 
on  parla  de  remettre  cet  office  de  minuit  au 
point  du  jour,  mais  que  la  plus  grande  et  la 
plus  saine  partie  du  chapitre  s'opposa  avec  fer- 
meté à  ce  relâchement,  et  résolut  qu'on  ne 
délibérerait  jamais  plus  sur  une  piété  si  bien 
établie.  «  Yotum  illorum  per  majorem  et  sa- 
niorem  capituli  partem  sancte  et  laudabiliter 
fuit  repulsam  passum,  et  conclusum,  ne  dein- 
ceps  fiât  verbum  in  contrariuin.  » 

Je  ne  répéterai  pas  ici  ce  qui  a  été  dit  dans 
les  chapitres  précédents  du  chant  des  nocturnes 
pendant  la  nuit. 

V.  ,1e  ne  sais  comment  il  a  pu  tomber  dans 
l'esprit  de  Guimier  qu'on  se  soit  autrefois  levé 
trois  différentes  fois  chaque  nuit  pour  chanter 
les  trois  nocturnes  de  l'office  divin. 

L'office  férial,  qui  est  le  plus  ancien  et  le 
plus  autorisé,  ne  prescrit  qu'un  nocturne  pour 
tous  les  jours  de  la  semaine,  excepté  le  di- 
manche. Les  communautés  les  plus  immobiles 
dans  leurs  saintes  constitutions  ne  se  sont  ja- 
mais levées  qu'une  fois  la  nuit. 

Par  communautés  les  plus  immobiles,  j'en- 
tends parler  des  Bénédictins,  à  qui  la  règle  de 
ïainf  Benoît  ne  prescrit  rien  de  semblable, 
quoiqu'elle  règle  fort  exactement  tous  leurs 
offices;  et  des  Chartreux,  dont  Pierre  le  Véné- 
rable, abbé  de  Cluny,  nous  a  fait  une  si  admi- 
rable peinture  dans  une  de  ses  lettres.  Ils 
récitent  prime,  tierce,  sexte,  none  et  compiles 
dans  leurs  cellules,  au  son  de  la  cloche;  ils  ne 
s'assemblent  à  l'église  que  pour  matines  et 
vêpres,  excepte  les  grandes  fêtes  qu'ils  chantent 
toutes  les  heures  canoniales  au  chœur,  et  ils 
célèbrent  la  messe  aussi  bien  qu'au  dimanche 
(Petrus  Clun.,  de  Miraculis,  1.  n,  c.  28). 

Saint  Thomas  a  cru  la  même  chose  que  Gui- 
mier (S.  Thomas,  in  i  ad  Corinth.,  c.  14;  lect. 
m  ;  mais  le  cardinal  Baroiu'us  n'en  parle  qu'en 
doutant  Baron.,  an.  rit.  u,  n.  09).  En  effet, 
les  passages  des  Pires  qu'il  rapporte  ne  le 
prouvent  aucunement,  et  celui  de  saint  Basile, 
qui  semble  le  plus  formel,  s'entend  certaine- 
ment tle  vêpres,  de  complies,  de  l'office  de  mi- 
nuit et  de  laudes  au  matin.  Enfin  Pierre  Da- 
mien.  voulant  faire  répondre  les  quatre  heures 
canoniales  de  la  nuit  à  celles  du  jour,  nomme 
ces  quatre  mêmes  que  je  viens  de  nommer 
(Damian.,  1.  de  horis  Canonic,  c.  vi). 


276         DL1  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SIXIÈME. 


VI.  Le  docle  Camuzat  remarque  que  ce  fut 
en  l'an  1082  que  le  chapitre  du  la  cathédrale 
de  Troyes  se  sécularisa,  partagea  lus  dîmes 
avec  l'évêque  3  et,  pour  conserver  quelque 
marque  de  la  régularité  ancienne  et  de  la  vie 
commune  qu'il  avait  si  longtemps  gardée  avec 
l'évêque,  un  convint  que  lui  et  ses  successeurs 
seraient  obligés  de  donner  a  manger  à  tout  le 
chapitre  les  quatre  lionnes  tètes  de  l'année,  ce 
qui  fut  depuis  changé  en  une  petite  somme 
d'argent. 

Mais  la  dernière  marque  de  la  régularité'  an- 
cienne de  ce  chapitre,  savoir,  de  se  lever  à  mi- 
nuit pour  l'office  des  nocturnes,  dura  jusque 
après  l'an  1364.  On  à  encore  l'acte  capitulai re 
de  cette  année  où  celte  pratique  fut  confirmée. 
«  Ordinatum  quod  de  cœtero  maintins,  proiil 
bactenus  fuit  consuetum,  média  in  nocte  can- 
tabuntur.  » 

Il  parait  par  la  que  la  plus  grande  partie  des 
chapitres  des  églises  cathédrales,  ayant  été 
occupée  par  des  religieux  dans  les  onzième , 
douzième  et  treizième  siècles,  l'usage  de  chan- 
ter l'office  à  minuit  y  a  été  ou  conservé,  ou  in- 
troduit pendant  ce  temps-là. 

Les  exemples  que  nous  venons  d'alléguer 
montrent  qu'une  si  religieuse  pratique  ne  put 
être  abolie  quand  les  simples  ecclésiastiques 
reprirent  la  place  des  moines  dans  ces  cha- 
pitres. 

Je  remarquerai  ici  en  passant  ce  que  nous 
lisons  dans  les  anciennes  coutumes  du  monas- 
tère de  Cluny,  (pie,  comme  les  nuits  étaient 
longues,  on  y  faisait  aussi  de  fort  longues  lec- 
tures de  l'Ecriture  et  des  Pères. 

En  quelques  endroits,  on  lisait  tout  Isaïe  en 
six  nuits  pendant  l'Avent;  après  quoi  on  lisait 
les  lettres  de  saint  Léon  sur  le  mystère  de  l'In- 
carnation, et  les  sermons  des  Pères,  surtout  de 
saint  Augustin,  sur  le  même  sujet.  «  Me  au- 
diente  aliquando  sex  privatis  noctibus  perlege- 
balur  Isaias  (Spicilegii,  loin,  iv,  p.  33).  »  On 
lisait  toute  l'épîtn  de  saint  Paul  aux  Romains 
eu  deux  nuits  fériales-  quelques  livres  de  l'E- 
criture ne  se  lisaient  qu'au  réfectoire.  De  là 
vient  qu'on  commence  présentement  quelques 
livres  dans  l'office  de  la  nuit  sans  les  achever. 
Cela  commença  lorsqu'on  remit  ces  offices  au 
matin,  et  qu'on  lit  les  matines  des  nocturnes. 

.le  ne  dois  pas  oublier  cette  remarque,  de 
l'abbé  de  Foucarmont,  que  ce  fut  le  chapitre 
général  de  Ci teaux,  en  1429,  qui  commença  à 
ôter  l'usage  des  heures  inégales,  auxquelles 


saint  Renoît  avait  ajusté  le  temps  précis  des 
heures  canoniales  et  auxquelles  l'ordre  de  (li- 
teaux s'était  jusqu'alors  assujéti;  et,  établissant 
l'usage  des  heures  égales,  il  ordonna  qu'on  di- 
rait les  matines  aux  jours  de  férié  précisément 
à  deux  heures,  et  aux  jours  de  fêle  a  une  heure 
après  minuit,  parce  que  la  règle  veut  qu'on  les 
dise  aux  jours  de  fêle  plus  matin  qu'aux  autres 
jours. 

VIL  Je  ne  sais  si  ce  ne  serait  point  un  reste 
louable  des  pratiques  monastiques  dans  quel- 
qin  s  cathédrales,  où  il  n'est  pas  permis  d'avoir 
des  livres  et  où  l'on  chante  tout  par  cœur. 

Le  concile  de  Narbonne,  en  1551  (Cap.  xlv), 
défendit  aux  chanoines  de  tenir  entre  leurs 
mains  quelque  livre  que  ce  soit  pendant  l'of- 
fice, même  leur  bréviaire.  «  In  choro  nullnm 
Iibiutn  etiam  precuin,  imo  ipsum  quidem  bre- 
\iarum  teneant  et  legant.  » 

Comme  les  religieux  ont  été  les  plus  rigides 
observateurs  de  la  loi  ecclésiastique,  qui  obli- 
geait tous  les  clercs  à  apprendre  le  psautier 
par  mémoire,  ils  pourraient  avoir  été  autrefois 
les  auteurs  de  cette  pratique  de  chanter  l'office 
divin  par  cœur. 

VIII.  Il  faut  passer  à  l'office  de  la  Sainte 
Vierge.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Bruno,  ins- 
tituteur des  Chartreux,  assure  que  le  pape  Ur- 
bain II  y  obligea  tous  les  ecclésiastiques  dans 
le  concile  de  Clermont.  «  Urbanus  II  in  con- 
cilie Claromontensi  beatissimœ  matris  Dei  pro- 
cès horarias  a  toto  clero  dicendas  instituit  (Su- 
rins, die  (J  Oct.,  c.  xxi).  » 

Baronius  croit  que  ce  fut  pour  obtenir  une 
assistance  particulière  du  ciel  pour  la  conquête 
de  la  Terre  Sainte  (Raronius,  an.  1095,  n.  50; 
Id.,  an.  1056,  n.  9).  Pierre  Damien  nous  ap- 
prend que  longtemps  auparavant  ce  même  of- 
fice' se  récitait  dans  plusieurs  monastères  d'Ita- 
lie, outre  les  heures  canoniales.  «  I"t  cuin  horis 
canonicis  quotidie  R.  Marias  semper  Virginis 
officia  dicerenlur  (Damian.  1.  vi.,  ep.  xxix  , 
xwii,  el  I.  de  Horis.  Canon.,  c.  xn).  » 

Le  cardinal  P.ona  assure  qu'on  garde  à  Rome 
un  commentaire  manuscrit  de  Pierre  Diacre, 
sur  la  règle  de  Saint-Benoît,  ou  \\  es!  dit  que 
le  pape  Zaeharie  enjoignit  aux  monastères  de 
Saint-Benoît  de  joindre  les  heures  canoniales 
de  la  Vu  ige  a  celles  du  jour,  et  que  le  premier 

instituteur  de  cet  office  fui  le  pape  Grégoire  II 
(Bona  de  divin,  psal.,  c.  xn).  Ainsi  cet  office 
aurait  été  mis  en  usage  environ  l'an  720. 
Jacques  de  Vitry  se  contente  de  convier  les 


DE  L'OBLIGATION  DE  RÉCITER  L'OFFICE,  etc. 


277 


curés  à  la  récitation  de  l'office  de  la  Vierge, 
quoiqu'il  semble  les  obligera  l'office  des  Morts 
pour  ceux  donl  les  pieuses  libéralités  ont  fondé 
ou  doté  leur  église.  «  Sufficit  àutera  sacerdoti, 
canonicis  horis  B.  Mariae  Virgin is  horas  super 
erogando  causa  devotionis  addere.  Officium 
insuper  pro  defunctisnon  débet  omittere.  Non 
minus  enini  quantum  ad  hoc  obligatur  mor- 
tuis.  quorum  eleeniosynas  ren-pit, t[uam  vivis, 
quorum  curam  in  animam  suam  suscepit 
(llist.  Occ,  c.  xxxi v'j.  »  Nous  parlerons  ensuite 
de  l'office  des  Morts. 

Les  constitutions  d'Eudes,  évêque  de  Paris, 
supposent  qu'on  y  dit  les  heures  de  la  Vierge 
(Cap.  v,  n.  II).  Le  synode  de  Worcesler,  en 
l-2io,  fait  mention  des  chapelains  institués 
pour  l'office  de  la  Vierge.  Le  synode  de  Colo- 
gne, en  1280  (Cap.  xvm),  dans  le  chapitre  pré- 
cédent a  obligé  tous  les  clercs,  surtout  les 
clercs  des  ordres  sacrés,  à  l'office  de  ta  Vierge. 
Je  serais  trop  long  si  je  voulais  parcourir  tonds 
les  églises  et  toutes  les  congrégations,  soit  ré- 
gulières, soit  séculières,  où  l'office  de  la  Vierge 
a  été  récité. 

Il  suffira  de  remarquer  que  cette  dévotion 
était  si  universellement  pratiquée,  soit  dans  le 
chœur,  soit  en  public,  soit  par  les  particuliers, 
que  lescanonislesont  été  fort  partages  sur  cette 
question,  les  uns  étant  d'avis  que  l'office  de  la 
Vierge  n'était  nullement  d'obligation,  si  la  loi 
ou  la  coutume  particulière  de  quelque  église 
ne  t'avait  ainsi  prescrit,  et  d'autres  au  contraire 
le  jugeant  être  de  précepte  pour  tous  ceux  qui 
sont  obligés  au  grand  office. 

L'opinion  des  derniers  se  fondait  sur  le  com- 
mandement du  concile  de  Clermoot  et  du 
pape  Urbain  II,  soutenu  de  la  coutume  univer- 
selle, qui  lient  lieu  de  loi  toute  seule (Fagnan., 
in  1.  ni  Décrétai.,  part,  u,  pag.  -2'»7,  298).  » 

Enfin  Pie  V,  par  sa  constitution,  termina  ce 
différend,  en  déclarant  qu'il  n'\  avait  point  de 
pèche  d'omettre  l'office  de  la  Vierge,  si  ce  n'é- 
l.i il  que  les  règlements pai  ticuliers  de  quelque 
communauté  l'eussent  rendu  nécessaire.  Ce 
pape  par  une  autre  bulle  obligea  les  clercs  qui 
ont  des  pensions  sur  des  beneliees  a  dire  l'of- 
fice de  la  Vierge,  sous  peine  de  restitution. 

IX.  Le  cardinal  Bona  assure  que  dans  le  mo- 
mastèrede  (  ry piaf 'errata en  Italie  on  conserve 


V  manuscrit  grec  de  saint  Jean  Damascène,  où 
les  offices  de  la  Sainte  Vierge  sont  réglés  et  di- 
versifiés pour  toute  l'année  (De  divina  Psalm., 
e.  xii,  xiii).  Ce  qui  confirme  le  récit  deVin- 
eenl  de  Beauvais,  que  ce  saint  recitait  tous  les 
jours  les  heures  canoniales  de  la  Vierge  (Spe- 
cul.  Ilislor.,  I.  xvii,  e.  103).  Ainsi  les  Crées 
auraient  commencé  presqu'en  même  temps 
que  les  Latins  de  rendre  cet  hommage  de  piété 
a  la  mère  du  Fils  de  Dieu.  Abraham  Ecchel- 
lensis  assure  que  l'office  des  morts  est  fort  com- 
mun parmi  les  Maronites,  les  Melchites,  les 
Cophtes,  et  les  autres  sectes  chrétiennes  de 
l'Orient,  qui  le  tiennent  comme  de  tradition 
apostolique  (In  notisad  librum  Hebed  Jesu,  de 
Scriptoribus  Chaldieis.,  p.  165)(t). 

Parmi  les  Latins  Amalarius  parle  de  l'office 
des  Morts,  et  comme  il  le  range  en  meilleur 
ordre,  quelques-uns  l'en  ont  fait  auteur.  Mais 
il  y  a  de  l'apparence  qu'il  est  encore  plus  an- 
cien (Amalar.,  1.  iv,  de  Ofti.  Eccl.,  c.  xi.ii; 
et  I.  de  Online  Antiph.,  c.  lxv,  lxvi,  lxxix). 
Pierre  Damien  parle  d'un  religieux  qui  di- 
sait tous  les  jours  l'office  des  Morts,  au  lieu  de 
celui  du  jour  ou  de  celui  des  saints  :  «  Fraler 
quidam  non  quotidiano  non  certe  solemni  san- 
ctoruin.  sed  solo  utebatur  et  delectabatur  offi- 
cie defunctorum  (Damian.,  1.  ni,  epist.  10; 
1.  \i.  epist.  30).  »  Il  ne  laissa  pas  d'obtenir  lui- 
même  miséricorde  après  sa  mort. 

Il  insinue  dans  un  autre  endroit  (De  Ordine), 
que  les  ermites  récitaient  ordinairement,  outre 
l'office  ordinaire,  le  psautier  pour  les  morts. 
«  Juxtamorem  eremi  psallerium  pro  defunctis 
exoluit  (Eremit.,  Opuscul.  xiv).  »  Mais  il  nous 
apprend  ailleurs  que  les  solitaires  récitaient 
les  heures  canoniales  de  la  même  manière  que 
les  cénobites,  j  ajoutant  outre  cela  le  psautier 
pour  les  morts,  avec  neuf  leçons,  dont  on  en 
récitait  trois  après  cinquante  psaumes.  «  Psalte- 
i  nui!  pro  delunctis  ciiin  novem  lectionibus  di- 
citur,  tribus  nimirum  per  quinquagenos  psal- 
mos  (  (puscul.  x\ .  c.  is,  tom.  m).  » 

Le  synode  de  Worcesler,  en  1240,  ordonne 
l'office  des  Morts  les  jours  de  fériés,  les  simples 
et  les  demi-doubles,  avec  neuf  psaumes  et  trois 
leçons,  excepte  le  temps  de  Pâques,  qu'il  n'y 
a  que  trois  psaumes.  Le  synode  d'Exeter,  en 
1287,    enjoint  l'office  des   Morts  aux  curés, 


(1)11  s'agit  ici  du  monastère  grec  de  Grotta-Ferrata,  près  de  Fras-  C'esl  lui  fait  que  nous  avons  constaté  nous-mème.   Sa  bibliothèque 

cati   ou    Tusculum,   un   des  évéchés   Buburbicaires  de  Rome.  Cette  est  extrêmement  riche  en  manuscrits  orientaux.  Son  église  est  ornée 

abbaye,  de  l'ordre   île   Saint-Basile,  fondée  par  saint  Nil,  en  1005,  ,1e    peintures  murales  admirao.es,  dues  au  pinceau  du  Dominiquin 

est  encore  aujourd'hui    très-florissante.   On  s'y  rend  .}<•  Marino  par  et  <1  Antiibal  Carrache.  Durao    le  xve  siècle,  le  célèbre  cardinal  grec 

de  Longues  allées  d'arbres.  Les  offices  ne  s'y  célèbrent  qu'en  grec.  Bessarion,  moine  basilien ,  y  séjourna  constamment.    (Dr  André.) 


27S      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SEPTIÈME. 


excepté  les  fêtes  de  neuf  leçons,  et  le  temps  de 
Pâques.  Au  reste,  quoique  saint  Thomas  ait  net- 
tement décidé  que  l'office  des  Morts  n'est  pas 
d'obligation ,  si  ee  n'est  par  des  lois  et  des  fon- 
dations particulières  dans  quelques  Eglises, 
les  canonistes  n'ont  pas  laissé  d'en  douter  et  de 
le  mettre  en  question  (  Quodlib.,  vi,  qu.  .">, 
Art.  2). 

Ce  que  nous  avons  dit  de  l'office  de  la  Vierge, 
et  de  celui  des  Morts ,  pourra  encore  servir  à 
confirmer  l'obligation  certaine  et  indispensable 
de  réciter  le  grand  office  (  Guimier,  in  Pragm. 
Tit.;  Quomodo  Offie.  diu  sit  celeb.).  Cette  obli- 
gation a  été  si  notoire  et  si  incontestable,  que 
les  canonistes  n'en  ont  pas  même  formé  de 
doute,  et  quelques-uns  d'entre  eux  ont  étendu 
cette  obligation  encore  plus  loin. 

X.  Je  finirai  ce  chapitre  par  l'ordonnance 
accommodante  d'Etienne  Poneher,  qui  fut  fait 
évèque  de  Paris  en  1503.  Elle  nous  apprendra 
ce  qui  se  pratiquait  déjà  avec  la  permission  des 
évêques.  Il  permit  à  ceux  qui  ne  sont  pas  reli- 
gieux de  dire  matines  à  quatre  ou  cinq  heures 
du  matin  ;  none,  vêpres  et  complies  à  deux  ou 
trois  heures  aprèsjmidi.  a  Yosquireligiosi  non 


estis ,  non  omittatis  loco  mediœ  noctis,  du 
mane  circa  quartam  aut  quintam  nocturnum 
persolvere  ofticium  (Synod.  Paris.,  pag.  155).» 

11  permet  même  à  ceux  qui  sont  occupés  à 
des  exercices  utiles,  de  dire  les  matines  dès  le 
soir  précédent ,  ou  de  dire  tout  leur  office  le 
matin  jusqu'à  vêpres,  réservant  au  soir  la  réci- 
tation de  vêpres  et  de  complies.  «  Permittimus 
necessitatis  causa  ,  ut  matutinas  diei  sequentis 
possitis  dicere  sero  praeeedente  :  aut  mane  to- 
tum  ofticium  successive  dicere  usque  ad  ve- 
speras;  et  sero  vesperas  cura  completorio,  si 
utilibus  negotiis  occupati  estis ,  ut  studio  ,  aut 
processionibus,  vel  peregrinalionibus;  sed  si 
ex  somnolentia,  aut  deliciis  facitis,  sine  peccato 
facere  non  potestis.  » 

Je  n'ai  pu  omettre  cette  ordonnance  dans  un 
traité  historique.  Ceux  qui  n'agréeraient  pas  un 
si  grand  relâchement  doivent  considérer  que 
l'utilité  ou  la  nécessité  des  occupations  qu'on  a 
peut  être  si  grande,  qu'elle  fait  une  juste  com- 
pensation de  ce  dérèglement;  et  qu'a  moins  de 
cela,  ce  prélat  ne  garantit  point,  au  contraire 
il  condamne  la  liberté  qu'on  se  donne. 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SEPTIÈME. 


L  ASSISTANCE   AL'    CHOEUR,    OU    LA    RECITATION    DES    HEURES   CANONIALES,    FAMILIÈRE    AUX    LAÏQUES 
MÊMES,   EN   FRANCE   ET   EN   ANGLETERRE,   APRÈS   L'AN   MIL. 


I.  Exemples  admirables  du  roi  Robert. 

II.  El  de  saint  Louis.  Il  assistait  à  tous  les  offices.  11  y  faisait 
assister  ses  enfants.  Il  les  récitait  en  particulier.  Les  saintes 
chapelles  étaient  pour  cela. 

III.  Exemple  de  la  princesse  Isabelle  sa  sœur. 

IV.  Règlements  de  quelques  conciles. 

V.  Exemples  de  Simon  de  Montfort,  et  de  Godefroy  de 
Bouillon. 

VI.  Apologie  de  saint  Louis. 

Ml-  Kxemple  du  saint  comte  d'Aurillac  Gérald. 

VIII.  D'Elzéar,  comte  de  Provence. 

IV  H''  quelques  princes  du  sang. 

\.  Exemples  de  Guillaume  le  Conquérant,  loi  d'Angleterre. 

XI.  Du  roi  Richard  d'Angleterre. 

XII.  Distribution  merveilleuse  du  temps  d'Alfred,  roi  d'An- 
gleterre. 

I.  Il  y  a  si  peu  Lieu  de  douter  que  la  récita- 
tion de  l'office  canonial  n'ait  été  d'obligation 


pour  les  clercs ,  qu'on  ne  peut  même  nier 
que  les  laïques  ne  se  soient  acquittés  de  ce 
devoir. 

Comme  la  France  a  toujours  été  la  plus  re- 
ligieuse de  toutes  les  parties  de  la  chrétienté, 
je  commencerai  par  elle  à  montrer  combien 
c'a  été  une  dévotion  commune  entre  les  sécu- 
liers mêmes,  ou  d'assister  aux  offices  com- 
muns de  l'Eglise,  ou  de  les  réciter  en  parti- 
culier. 

Glaner,  parlant  des  temps  du  roi  Robert, 
montre  que  c'était  encore  la  coutume  que  le 
peuple  accourait  avant  le  jour  à  l'église  pour 
assister  à  matines.  »  Cuni  una  noctium  custo- 


DE  L'ASSISTANCE  AU  CHOEI  R. 


279 


des  majoris  Ecclesise  ex  more  exurrexis- 
sent,  atque  ipsius  ecclesiae  portas,  quibusque 
ad  matutinales  laudes  properantibus  aperuis- 
sent,  etc.   I..  11,  c.  s  .  » 

II.  Le  grand  et  admirable  saint  Louis,  roi 
de  France,  obtint  permission  de  faire  porter 
I  Eucharistie  dans  son  vaisseau  sur  mer.  eu 
il  taisait  chanter  les  heures  canoniales,  avec 
la  messe  même,  excepté  le  canon,  parles 
piètres  et  les  ministres,  vêtus  en  habits  de 
cérémonie.  «  Ubi  quotidie  divinum  offlcium 
solemniter  audiebat  .  videlicet  omnes  horas 
canonicas,  et  praeter  canonem,  quœ  perline- 
bant  ad  missam,  sacerdote  et  miuistris  sacris 
vestibus  indutis,  secundum  quod  congruebat 
diei  [Du  Chesne,  tom.  v,  p.  360,  "207  .  » 

Ce  saint  roi  faisait  assister  les  princes,  ses 
enfants,  dès  leur  jeunesse,  a  toutes  les  heures 
canoniales,  surtout  à  complies,  avec  lui  tous 
les  soirs  après  son  souper,  où  il  faisait  chanter 
l'antienne  de  la  Vierge,  qui  eut  depuis  cours 
dans  le  reste  de  l'Eglise,  et  ensuite  on  donnait 
l'eau  bénite  Enfin  il  obligeait  ses  fils  a  réciter 
en  particulier  l'office  de  la  Vierge. 

«  Volebat  etiam  quod  pueri ,  jam  adultae 
petati  propinqui,  quotidie  non  soltim  missam, 
sed  et  matutinas  ac  boras  canonicas  cum 
cantu  audirent,  et  quod  ad  audiendum  ser- 
mones  secum  adessent.  Volebat  etiam  quod 
singuli  litteras  addiscerent,  et  boras  beat;eVir- 
ginis  decantarent,  ac  ut  essent  semper  cum 
ipso  ad  completorium,  quod  post  cœnam  su  un 
quotidie  solemniter  decantari  faciebat.  In  fine 
cujus  specialis  antiphona  11.  Maria'  alla  voce 
cantabatur.  Dicto  vero  completorîo  cum  pue- 
ris  in  caméra  revertebatur ,  et  aqua  benedi- 
cta  a  sacerdote  circa  lectum  suum  et  per 
cameram  aspersa  ,  residebant  pueri  circa 
ipsum,  etc.  »  C'est  ce  qu'en  dit  Nangis. 

Le  palais  de  l'empereur  Tbéodose  le  Jeune, 
qui  passait  en  son  temps  pour  un  sanctuaire 
de  picte  ,  et  presque  pour  un  monastère  , 
cédera  sans  doute  a  celui  de  saint  Louis  . 
si  nous  y  ajoutons  encore  ce  que  raconte  le 
même  Guillaume  de  Nangis,  qu'il  entendait 
tous  les  jours  chanter  tout  l'office  canonial 
et  celui  de  la  Sainte  Vierge,  ou  qu'il  le  recitait 
en  particulier  avec  son  chapelain,  aussi  bien 
que  l'office  des  Morts,  outre  deux  ou  trois 
messes  qu'il  entendait  tous  les  jours. 

«  Omnes  horas  canonicas,  etiam  de  beata 
Virgine  cum  cantu  quotidie  audire  volebat  : 
etiamsi  eas  in  itinere  equitando  audire  con- 


tingeret,  nihilominus  eas  inter  se  et  capella- 
num  suum  lam  de  die.  quam  de  beata  VirgiDe 
submisse  dicebat.  Insuper  officium  Mortuo- 
rum  quotidie  cum  Qovem  lectionibus,  etiam 
m  festis  quantumcumque  solemnibus  dicebat 
cum  capellano  suo.  Haro  accidebat,  quiu  quo- 
tidie1 duas  missas  audirct,  et  fréquenter  très, 
vel  quatuor   Ibid.,  p.  369  .  » 

Un  autre  moine  de  Saint-Denis  ajoute  ([n'al- 
lant en  voyage  il  disait  secrètement  avec  son 
chapelain  les  heures  canoniales  en  leur  temps 
propre;  que  pendant  ses  maladies  il  faisait 
reciter  l'office  du  jour  et  de  la  Vierge  par 
deux  religieux  auprès  de  son  lit,  disant  lui- 
même  alternativement  son  verset,  ou  substi- 
tuant  un  clerc  à  sa  place,  si  la  violence  du 
mal  lui  était  la  liberté  de  la  voix  ;  enfin  qu'il 
faisait  chanter  ses  matines  fort  matin,  et  s'y 
trouvait  avant  tous  les  autres.  «  Quantumcum- 
que infirmus aliquando  :  boras  solemniter  can- 
t  ni  faciens,  in  capella  babebat  duos  religiosos, 
vel  alios,  qui  horas  juxta  lectum  suum  de 
beata  Maria  dicebant,  dicens  cum  eis  versus 
sibi  contingentes,  etc.   Ibid..  p.  K)0).  » 

Nangis  et  cet  autre  moine  de  Saint-Denis 
ont  tiré  mot  a  mot  ce  que  nous  avons  rapporté 
d'eux,  de  l'écrit  de  Geoffroy  de  Beaulieu,  do- 
minicain et  confesseur  de  ce  saint  roi  :  d'où  il 
[tarait  que  les  jeunes  enfants  apprenaient  a 
lire  dans  les  livres  de  l'office  de  la  sainte 
Vierge,  et  n'apprenaient  à  lire  que  pour  s'ac- 
quitter  de  ce  glorieux  tribut  de  la  piété  chré- 
tienne. Car  c'est  le  sens  véritable  des  paroles 
de  cet  auteur. 

Il  paraît  encore  que  les  enfants  des  princes 
et  des  souverains  mêmes ,  quelque  jeunes 
qu'ils  fussent ,  assistaient  aux  offices  de  l'é- 
glise ,  et  disaient  en  particulier  celui  de  la 
Vierge.  Ce  même  auteur  raconte  Ibid..  p.  lis, 
i-56  que  ce  saint  roi  s'accoutuma  durant  quel- 
que temps  à  se  lever  à  minuit,  à  chanter  ses 
matines  avec  ses  chapelains  dans  sa  chapelle, 
et  a  prier  ensuite  autant  de  temps  que  les 
matines  duraient  dans  l'église  cathédrale. 
«  Aliquanto  tempore  in  consuetudinem  duxit, 
circa  mediam  noctem  surgere  ad  matutinas  a 
capellanis  suis  et  clericis  in  capella  canlandas, 
ut  post  matutinas  rediens,  etc.,  tamdiu  in  ora- 
tione  permanere  volebat,  quantum  duraverant 
in  Ecclesia  matutinœ.  » 

M  lis  comme  ce  grand  roi  se  levait  aussi 
fort  matin  .  pour  s'appliquer  aux  affaires  de 
son  Etat  :  «  Sed  cum  ipsum  nibilominus  opor- 


280       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT  SEPTIEME. 


teret  propter  instantia  negotia  ad  primam  sur- 
gere  satis  mane,  elc,  »  ces  veilles  furent  si 
préjudiciables  à  sa  santé  ,  qu'il  fut  enfin 
obligé  de  céder  aux  sages  avis  de  ceux  qui  lui 
conseillèrent  de  se  lever  pour  matines ,  en 
sorte  que,  peu  après  les  avoir  achevées,  ce  fût 
le  temps  d'entendre  prime,  la  messe  et  les 
autres  heures.  «  Discretorum  consilio  et  pre- 
cibus  adquievit,  videlicet  quod  ad  matutinas 
surgeret  tali  hora,  quod  post  modicum  spa- 
tium  primam  et  missas  et  horas  cœteras  conti- 
nue posset  audire.  » 

Nous  apprenons  de  là:  1"  Quel  fut  le  but  des 
saintes  chapelles,  dans  le  palais  des  souverains 
et  des  grands  princes.  Car  c'était  uniquement 
pour  y  chanter  les  heures  canoniales,  où  les 
princesetleur  famille  assistaient  ordinairement. 
2°  On  y  chantait  encore  l'office  de  la  nuit  vers 
minuit  au  temps  de  saint  Louis.  3°  L'office  y 
était  plutôt  achevé  que  dans  les  églises  cathé- 
drales. i°  Il  y  a  apparence  qu'on  y  changeait 
le  temps  des  heures  du  jour,  pour  s'accom- 
moder au  loisir  du  prince. 

Guillaume  de  Chartres,  jacobin  (Ibid.,  p.  468), 
qui  a  aussi  écrit  la  vie  de  ce  saint  roi,  dont  il 
fut  chapelain,  raconte  que  durant  sa  captivité 
même,  et  dans  la  prison,  il  disait  tous  les  jours 
le  grand  office,  selon  l'usage  de  Paris,  et  celui 
de  la  Vierge  aux  heures  propres,  outre  la 
messe  sans  canon,  étant  assisté  d'un  prêtre 
jacobin,  et  d'un  clerc,  qui  était  lui-même. 

«  Quantumcumque  in  illo  gravis  ergastulo 
carceris  arctaretur,  divinum  tamen  officium 
secundum  morem  Parisiensis  Ecclesia?.  matu- 
tinas scilicet  et  horas  canonicas  tam  de  die, 
quain  de  beata  Virgine,  et  totum  officium 
missa\  absque  sacramenti  consecralione,  exsol- 
vebat  uoris  competentibus  (Anno  1250).  » 

111.  Isabelle,  sœur  de  saint  Louis,  suivait  de 
bien  pies  Sun  frère.  «  Elle  se  levait  pour  dire 
«  ses  matines,  grand  pièce  devant  le  jour,  et  ne 
«  se  recouchait  point,  et  était  continûment  en 
h  oraisons  jusques  a  haut  midi,  etc.  Elle  ne 
«  parlait  point  quand  elle  disait  ses  heures,  ni 
«  devant  prime,  ni  puis  qu'elle  avait  dit  com- 
«  plie,  s'y  elle  n'était  malade.  » 

Ce  sont  les  propres  termes  de  celle  qui  a 
écrit  sa  vie,  qui  fut  sa  demoiselle  suivante,  cl 
depuis  troisième  abbesse  de  l'abbaye  de  Long- 
champs,  que  cette  sainte  princesse  avait  fondée. 
Il  en  faut  encore  ajouter  ces  paroles  :  «  Elle 
«  elait  jusqu'à  noue  en  étude  des  saintes  Ecri- 
«  tures,   si  comme  de  la  Bible  et  des  saints 


u  Evangiles,  et  des  autres  vies  des  saints,  car 
«  elle  entendait  moult  bien  le  latin,  et  si  bien 
«  l'entendait ,  que  quand  les  chapelains  l'y 
«  avaient  écrites  ses  lettres,  qu'elle  faisait  faire 
«  en  latin,  elle  les  amendait,  quand  il  y  avait 
v  aucun  faux  mot  (Du  Cange,  après  la  vie  de 
«  saint  Louis).  » 

IV.  C'était  à  mon  avis  cette  intelligence  de  la 
langue  latine,  qui  était  encore  alors  très-com- 
mune, qui  faisait  qu'un  fort  grand  nombre  de 
laïques  assistaient  aux  offices  de  l'Eglise,  ou  les 
récitait  en  particulier. 

Aussi  le  concile  de  Toulouse,  en  l'an  1229 
(Can.  xiv),  voulant  remédier  aux  désordres  où 
les  hérétiques  de  ce  temps-là  avaient  précipité 
un  grand  nombre  de  fidèles,  par  la  lecture  trop 
licencieuse  des  livres  de  l'Ecriture,  et  des 
versions  nouvelles  qu'ils  faisaient  débiter,  il 
excepta  de  sa  défense  le  psautier,  le  bréviaire  et 
les  heures  de  la  Vierge. 

«  Prohibemus  ne  libres  veteris  Testamenli, 
aut  novi ,  laici  permittantur  habere,  nisi  forte 
psalterium,  vel  breviarium  pro  divinis  officiis, 
aut  horas  beata1  Maria»  aliquis  ex  devotione 
habere  velit.  Sed  ne  pramiissos  libres  habeant 
in  vulgari  translatos,  arctissime  inhibemus.  » 

Ce  même  concile  (Can.  xxv)  ordonna  aux 
fidèles  d'assister  à  tout  l'office  les  Dimanches 
et  les  fêtes.  «  Ex  intégra  praedicationem  et 
divinum  officium  audiant  ;  »  et  aux  vêpres 
même  du  samedi. 

V.  Le  pieux  et  invincible  Simon  de  Montfort, 
si  fameux  par  ses  victoires  sur  les  hérétiques 
albigeois  de  Toulouse,  assistait  tous  les  jours  à 
la  messe  et  à  toutes  les  heures  canoniales,  per- 
suadé qu'il  était  que  c'était  par  ses  prières 
qu'il  engageait  le  Dieu  des  victoires  à  le  favo- 
riser. «Cumessetin  bellisstrenuissinius,  onini 
tamen  die  missam  et  horas  canonicas  omnes 
audiebat,  semper  sub  arniis,  semper  in  peri- 
culo  (Anno  I-21J;  Rigord.  in  Philip.  Aug.).  »    . 

C'est  ce  qu'en  dit  Rigord.  Guillaume  de 
Tyr  assure  que  l'illustre  chef  de  nos  croises 
Godefroy  de  Bouillon,  avait  emmené  avec  lui 
dans  son  expédition  sacrée  une  troupe  de  reli- 
gieux, pour  lui  réciter  les  offices  divins  aux 
heures  du  jour  et  de  la  nuit.  «  De  clauslris 
lu  ni'  disciplinais  monachos  insignes  adduxe- 
rat,  qui  toto  itinere  horis  diurnis  et  nocturnis 
ecclesiastico  more  divina  i II i  ministrabant  offi- 
cia Vuill.  Tyr.,  1.  ix,  c.  0).  »  Mais  cela  re- 
garde l'Orient. 

VI.  Il   parait   par  les  apologies   même   de 


DE  L'ASSISTANCE  Al'  CHOEUR. 


281 


Guillaume  de  Saint  Amour,  que  non-seule- 
iiu'iil  Ifs  gens  de  cour,  mais  quelques  ecclé- 
siastiques et  quelques  docteurs  aussi  ne  par- 
laient j>as  avec  assez  de  respect  de  l'assiduité 
admirable  de  saint  Louis  aux  offices  «le  l'église, 
même  aux  jours  fériaux.  «  Melius  est  regibus 
et  principibus  facere  judicium  etjustitiam,  ad 
quse  tenentur,  eliam  omissis  solemnitatibus 
divinorum  ot'liciorum  in  diebus  profestis,  quae 
ipsos  a  praedictis  impediunt,  etc.  (Vuillelmus, 
de  sancto  Amore,  p.  96).  » 

Mais  ce  grand  roi  faisait  voir  par  son  applica- 
tion infatigable  aux  affaires  qu'il  ne  donnait  à 
la  filière  que  le  temps  que  les  autres  donnaient 
au  jeu  et  au  divertissement.  Aussi  se  plaignait- 
il  agréablement  qu'on  trouvât  mauvais  de  lui 
voir  donner  à  la  prière  le  temps  dont  on  eût 
trouvé  bon  qu'il  eût  donné  le  double  à  la  chasse 
et  au  jeu.  «  Si  in  duplo  tempore  poneret  in  lu- 
dendo  ad  aléas  et  currendo  per  silvas  pro  ve- 
nationibus  et  aucupiis,  nemo  seraper  his  loque- 
retur.  » 

VII.  Saint  Gérald,  comte  d'Orillac,  dont  saint 
Odillon,  abbé  de  Clunv  a  écrit  la  vie,  alliait 
aussi  fort  saintement  les  affaires  à  la  prière.  Il 
assistait  tous  les  jours  à  matines  et  ensuite  a  la 
messe.  «  Post  nocturnas  laudes  si  quolibet  pro- 
ficiscendum  erat,  missarum  subsequebatur 
solemnitas.  »  Il  disait  presque  tous  les  jours  le 
psautier.  «  Consuetudinem  statuit,  ut  psalte- 
rium  penequolidie  recitaret. »  Il  avait  toujours 
une  troupe  d'ecclésiastiques  a  sa  suite,  avec 
lesquels  il  chantait  les  psaumes  :  «  Copia  cle- 
ricorum  semper  eum  comitabatur,  cumquibus 
in  divino  opère  jugiter  insudabat  (Bibl.  Ohm., 
p.  73,  '.»•'>,  98,  106).  » 

Il  aimait  à  s'écarter  de  la  compagnie  pour 
vaquer  plus  librement  à  la  divine  psalmodie. 
c<  Mos  illi  erat,  ut  cooperto  capite  soins  equi- 
taret,  quo  psalmodia?  liberius  vacaret.  »  Ses 
maladies  ordinaires  ne  l'empêchaient  pas  «le  se 
rendre  aux  oftices  du  jour  et  de  la  nuit  dans 
l'église.  «  l'er  omiie  sui  languoris  tempos,  ita 
laliscentes  ad  divinum  obsequium  impellebat 
artus,  ut  nec unum quidem  nocturnale  ofQcium 
nisi  in  ecclesia  pateretur  celebrare.  » 

Entin,  quand  la  violence  du  mal  lui  eut  été 


le  pouvoir  de  marcher,  il  récita  tous  les  jours 
son  office  avec  si 's  clercs,  au  même  leinps  qu'on 
le  chantait  dans  l'église,  ce  qu'il  continua  le 
jour  même  qu'il  mourut.  «  Jussil  ul  noctur- 
nale connu  se  capcllani  peregissent,  episcopo 
eum  suis  in  ecclesia  illuni  célébrante.  CuiH 
psallentibus  aulem  etipse  psallebat,  donec  post 
matutinale  offieium  omnesquoque  boras  diei 
compleret.  Tum  vero  completorium  linieus, 
etc.  » 

Mil.  Le  comte  Elzéar  de  Provence  ne  fut 
pas  moins  fidèle  à  réciter  tous  les  jours  les 
heures  canoniales  du  bréviaire  romain.  «  Quo- 
tidie  preces  canonicas  pro  Romanae  Ecclesia? 
ri  tu  et  consuetudine  persolvit  (Surius,  die  Tt 
Sept.,c.  xx)  (L). 

L'abbé  Guibert  rend  ce  témoignage  à  sa 
pieuse  mère,  qu'elle  ne  manquait  presque 
point  aux  offices  de  la  nuit,  qu'elle  assistait 
toujours  a  ceux  du  jour,  et  qu'elle  s'occupait 
sans  cesse  avec  ses  chapelains  aux  divins  can- 
tiques. «  Nocturnis  officiis,  vix  aut  nunquam 
deerat,  eum  diurnis  temporibus  communia 
Dei  populo  frequentaret.  Sic  equidem  utcapel- 
lanorinn  studium  indesinens  nunquam  pêne 
apud  ipsam  a  Dei  laudis  celebritate  vacaret  !l>e 
vita  sua,  1.  i,  c.  12).  » 

IX.  C'était  pour  assister  tous  les  jours  aux 
divins  offices,  que  Philippe,  duc  de  Bour- 
gogne, fonda  sa  sainte  chapelle,  et  y  entretint 
«  une  musique  ordinaire,  qui  égalait  celle  des 
«  rois,  et  qui  chantait  tous  les  jours  en  sa  mai- 
ci  son  tout  le  service  d'une  église  cathédrale. 
«  Il  \  avait  vingt  et  un  chapelains,  etc.  (Labou- 
«  leur,  dans  sa  vie).  »  Le  duc  d'Orléans,  qui 
fut  tué  à  Paris  par  le  duc  de  Bourgogne,  en- 
tendait la  messe  et  «  et  disait  tous  les  jours  le 
bréviaire.  » 

Son  apologiste  tâcha  de  repousser  la  i li- 
sante de  ceux  qui  l'accusaient  d'hypocrisie.  Il 
nous  suffit  de  dire  que  l'hypocrisie  même  ren- 
drait un  fidèle  témoignage  que  les  seigneurs 
et  les  princes  pieux  s'acquittaient  ordinaire- 
ment de  ce  devoir  (Histoire  de  Charles  Ml, 
I.  \\\  m,  c.  10  . 

L'ancien  éloge  de  Charles  Vil,  roi  de  France, 
composé  par  un  auteur  anonyme,  témoigne 


(1)  On  croirait  qu'il  s'agit,  ici  d'un  comte  de  Proveoce  du  nom 
d'Elzéar.  Ce  serait  une  erreur.  11  s'agit  de  saint  Elzéar  de  Sabran,  né 
à  Anscuis,  en  Provence,  mort  en  1323,  et  canonisé  par  Urbain  V 
environ  cinquante  ans  après  son  décès.  Il  mourut  a  Pans,  tandis  qu'il 
était  ambassadeur  de  Robert  II,  roi  de  Naples  et  comte  de  Provence, 
Son  corps  fut  transporté  dans  l'église  des  Frères-Mineurs  de  la  ville 
d'Apt  eu  Provence,  où  se  trouvait  le   tombeau  de  ses  aïeux.    Il  pra- 


tiqua la  virginité  dans  le  mariage,  et  sa  pieuse  compagne,  sainte 
Delphine,  fut  également  accordée  à  la  vénération  des  fidèles  par 
Urbain  V.  11  existe,  dans  la  bibliothèque  publique  de  la  ville  d'Albi, 
une  vie  manuscrite  de  saint  Elzéar  de  Sabran  et  de  sainte  Delphine, 
écrite  en  provençal  pendant  le  .vive  siècle,  quelques  années  après 
leur  trépas. 

(Ur  ANDRÉ.) 


282        1)1!  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SEPTIÈME. 


«  qu'il  oyait  tous  les  jours  trois  messes,  c'est 
«à  scavoir  une  grande  messe  courte  et  deux 
»  liasses  messes,  et  disait  ses  heures  chaque 
"jour  sans  \  faillir  Histoire  de  Charles  VII, 
«  par  Godefroi).  » 

X.  Si  de  France  nous  passons  en  Angleterre, 
nous  trouverons  d'abord  que  la  même  piété  y 
passa  aussi  autrefois  avec  le  roi  Guillaume  le 
Conquérant.  Ce  valeureux  prince  entendait 
tous  les  jours  la  messe  et  l'office  canonial  tout 
entier.  «  Diebus  singulis  missa?  assistebat,  ma- 
tutinos  hymnos  et  vespertinos  diligenter  cum 
horis  regularis  (Anno  1086).  » 

Guillaume  de  Malmesbury  rend  le  même 
témoignage  à  la  piété  de  ce  prince.  «  Religio- 
nem  Christianam  quantum  ssecularis  poterat, 
ita  frequentabat,  ut  quotidie  missae  assisteret, 
vespertinos  et  matutinos  hymnos  audiret  (Mal- 
mes.,  1.  m,  reg.  Angl.).  » 

Ce  même  historien,  exposant  les  désordres 
étranges  de  l'Angleterre,  qui  lui  avaient  enfin 
attiré  la  colère  du  ciel  et  l'avaient  fait  tomber 
sous  la  puissance  des  princes  normands,  n'a 
pas  omis  l'oubli  et  le  mépris  des  offices  divins. 
«  Optimales  gukc  et  veneri  dediti,  Ecclesiam 
more  christiano  mane  non  adibant,  sed  in  cu- 
biculo  et  inter  uxorios  am plexus,  matutina- 
i  uni  solemniaet  missarum  a  festinante  presby- 
tère auribus  tantum  libabant.  » 

Matthieu  Pans  dit  la  même  chose,  et  semble 
avoir  emprunté  les  termes  propres  de  Guil- 
laume de  Malmesbury.  Ce  furent  là  les  armes 
invincibles  de  Guillaume  le  Conquérant  pour 
subjuguer  l'Angleterre  et  la  tenir  ensuite  as- 
sujétie  à  ses  lois.  Ce  furent  là  aussi  les  véri- 
tables causes  qui  firent  déclarer  le  ciel  pour 
un  prince  religieux  contre  des  princes  et  des 
peuples  irréligieux  et  efféminés. 

Le  saint  évêque  de  Worcester  Wolstan,  qui 
vivait  en  même  temps,  ne  se  contentait  pas  de 
l'éternelle  psalmodie  qui  occupait  son  cœur  et 
sa  bouche;  il  punissait  sévèrement  ses  domes- 
tiques s'ils  avaient  manqué  même  aux  offices 
de  la  nuit,  et  exhortait  tout  ce  qu'il  y  avait 
d'honnêtes  gens  à  garder  l'ancienne  coutume 


de  réciter  le  bréviaire,  leur  faisant  lui-même 
quelquefois  l'office  de  chapelain,  et  leur  réci- 
tant matines.  «  Si  quis  ministrorum,  vel  te- 
niulentia,  vel  somnolentia  victus,  matutinis 
non  affuisset,  acri  ferulae  ictu  in  illum  ulcisci. 
Postremo  personas  honestiores  per  se  exci- 
tando,  ipse  matutinas  eis  cantare  (Malmesb., 
de  gestis  pontilicum,  p.  280).  » 

H  n'envoyait  nulle  part  le  moindre  de  ses 
officiers  laïques  qu'il  ne  lui  prescrivît  de  faire 
sept  fois  la  prière  par  jour,  pour  répondre  aux 
sept  heures  canoniales,  où  il  le?  faisait  assister 
dans  la  ville.  «  Laicum  nullum  de  suis  quo- 
quam  misit,  cui  non  preces  septies  in  die  di- 
cendas  injungeret  :  hoc  asserens,  ut  sicut  cle- 
rici  septem  horas,  ita  laici  septem  orationes 
Dm  libarent  (Surius,  die  9  Januar.,  c.  x).  » 

XL  Le  valeureux  Richard,  roi  d'Angleterre, 
qui  remplit  l'Orient  et  l'Occident  de  la  frayeur 
de  son  nom ,  était  toujours  le  premier  levé 
pour  se  rendre  à  l'église  ,  dont  il  ne  sortait 
point  qu'il  n'eût  entendu  tout  l'office  canonial 
et  la  messe.  «  Ipse  enim  mane  consurgens  quo- 
tidie. primum  quœrebat  regnum  Dei,  et  jusli- 
tiam  ejus,  et  ab  ecclesia  non  discedebat,  donee 
more  ecclesiastico  oinne  divinum  perageretur 
officium.  Gloriosum  siquidem  est  in  principe, 
quotidianos  actus  suos,  et  ab  eo  incipere,  et 
iinire  in  eo  qui  est  principium  sine  principio, 
et  judicat  fines  terra  (Roger.,  p.  753).  » 

Henri  III,  roi  d'Angleterre,  entendait  tous 
les  jours  trois  messes  à  note,  outre  les  messes 
basses  où  il  assistait  (Valsing.,  t.  î,  p.  I  ;  t.  2, 
p.  67).  Saint  Louis  l'exhortait  quelquefois  à 
employer  une  partie  de  ce  temps  à  entendre  la 
prédication,  à  quoi  il  répondait  qu'il  aimait 
mieux  voir  plus  souvent  son  ami  que  d'en- 
tendre parler  de  lui. 

XII.  Ces  rois,  qui  étaient  originaires  de 
France,  avaient  aussi  emprunté  de  la  cour  de 
France  cet  air  de  piété.  Mais  après  tout,  ils 
eussent  trouvé  un  modèle  achevé  de  la  piété 
royale  dans  l'ancien  roi  d'Angleterre  Alfred, 
dont  nous  avons  parlé  ci-dessus  au  chapitre 
i.xxxiii,  num.  4  (1). 


I  A  tous  «os  exemples,  nous  pouvons  ajouter  celui  de  Stanislas, 
roi  de  Pologne,  père  de  la  reine  «le  France,  Marie  Leczinska.  Oo 
sait  qu'il  était  souverain  de  la  Lorraine  et  qu'il  résidait  à  Lunéville. 
Voici  donc  ce  que  nous  lisons  dans  an  réi  it  de  lî  i-,  publié  dans  la 
Revue  des  SociV'fV's  savantes,  t.  m,  p.  L'57  :  «  Le  roi  entend  tous  les 
«  jours  une  grand'messe  sans  musique,  et  immédiatement  après  une 
»  I  etite  en  musique.  Sa  Majesté  se  prosterne  par  terre,  se  tenant  les 
■i  liras  tçuilns  une  partie  de  la  messe,  i  Notre  siècle  a  vu  quelque 
chose  de  plus  beau  encore.  Charles-Emmanuel  IV,  roi  de  Sardaigne, 

apn      i  i      t/écu  sur  le  ir ■  en    \r.n    religieux,   abdiqua,  apri      ta 

'  lotilde  di    Fiance,  son  épouse,  arrivée  le  8  mars  1802,1a 


couronne  royale  en  faveur  de  son  frère,  Victor-Emmanuel  1er,  con- 
tinua de  mener  une  vie  toute  céleste,  cl  le  11  janvier  1815,  entra 
comme  novice  de  la  compagnie  de  Jésus,  an  noviciat  de  Saint-André, 
sur  le  mont  Quirinal,  à  Rome,  au  moment  où  Pie  Vil  venait  de  ré- 
tablir cette  société  religieuse.  Il  mourut  le  7  octobre  1819,  dans  sa 
petite  cellule  de  simple  jésuite,  comme  meurent  les  saints.  Nous 
sommes  convaincus  que  Victor-Emmanuel  II,  en  se  remémorant  ce 
magnifique  exemple  de  l'un  de  ses  prédécesseurs,  se  dira  plus  d'une 

fois        Quid  i lest  homini  si   mundum  universum  lucretur,  animas 

vero  stuc  detrimentum  patiatur?  n 

(Dr  Ani.i,i  . 


DE  L'ASSIS!  Wi  I     M    CHOEI  EL 


283 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-HUITIÈME. 


L'ASSISTANCE    Al    CHOEUB   ET   LA   RÉCITATION   DES   HEl'RES   CANONIALES   ENCORE   COMMUNE    PARMI 
LES   LAÏQUES,    DANS    LITALIE    ET    LES    AITRES   PARTIES    DE    LA    CHRÉTIENTÉ. 


I.  Pierre  Damien  exhorte  tous  les  laïques  à  la  récitation  des 
heures  canoniales,  comme  à  une  dette. 

II.  Exemples  et  règlements  des  conciles  d'Italie. 

III.  Exemples  des  empereurs  d'Allemagne  et  des  impératrices. 

IV.  Les  particuliers  mêmes  avaient  des  oratoires  domestiques 
où  l'on  récitait  tout  l'office. 

V.  Exemples  des  rois  et  des  reines  d'Espagne. 

VI.  Exemples  des  empereurs  et  des  princes  orientaux. 

VII.  Exemples  des  peuples  d'Orient. 

VIII.  Rapport  de  la  prière  avec  la  continence  des  clercs. 

I.  Pierre  Damien  s'entretenant  un  jour  dans 
le  palais  épiscopal  de  Ravenne.  avec  une  per- 
sonne de  qualité,  et  lui  donnant  diverses  ins- 
tructions de  piété,  n'oublia  pas  celle  qui  fait 
le  sujet  de  ce  discours,  que  tous  les  fidèles  de- 
vaient tous  les  jours  rendre  à  Dieu  ce  tribut 
religieux  des  heures  canoniales.  «  Tandem  ad 
hoc  processit  oratio,  ut  assererem,  canonica 
septem  horarum  officia  ab  omnibus  christia- 
nis  fidelibus  Deo  quotidie  quasi  quoddam  ser- 
vitutis  pensum  debere  persolvi.  » 

Il  fit  depuis  un  petit  ouvrage  sur  ce  sujet, 
qu'il  envoya  a  la  même  personne  pour  soutenir 
ce  qu'il  avait  avancé,  et  il  l'intitula  des  heures 
canoniales.  De  Bons  Canonicis. 

Il  y  a  fait  voir  que  ces  paroles  de  l'Ecriture, 
et  ces  préceptes  de  prier  sept  fois  le  jour  el  de 
prier  sans  cesse,  s'adressent  a  tous  les  fidèles 
et  non  pas  au  clergé  séparément,  et  que  c'est 
par  les  heures  canoniales  qu'on  s'acquitte  de 
cette  obligation. 

Après  cela  il  convie  tous  les  fidèles  à  réciter 
l'office,  soit  aux  champs,  soit  à  la  ville,  en  réci- 
tant les  psaumes  propres,  si  on  a  un  psautier, 
ou  en  réitérant  plusieurs  fois  un  même  psaume 
si  on  n'en  a  point;  enfin  en  disant  plusieurs 
fois  l'Oraison  Dominicale,  si  l'on  ne  sait  pas 
lire.  «  Nimirum  si  sunt  psalmi,  numerus  im- 
pleatur;  si  tinustantum,  prout canon  postulat, 
iteretur.  Quod  si  expers  es  omnimodo  littera- 
rum,  sola  Oratione  Dominica  poteris  implere 
quod  optas  Cap.  vu).  » 

Mais  ce  savant  et  pieux  écrivain  ne  craint 
point  après  tous  ces  tempéraments,  de  dire  que 


ce  n'est  pas  un  service  gratuit,  mais  un  devoir 
nécessaire,  et  une  dette  qu'il  faut  nécessaire- 
ment acquitter.  «  Haee  itaque  christianae  servi- 
tutis  officia,  non  obsequium ,  sed  debitum 
députa,  et  non  voluntati,  sed  nécessitât!  prorsus 
ascribe.  » 

II.  11  est  difficile  après  cela  que  cette  dévo- 
tion n'ait  régné  longtemps  dans  l'Italie. 

Le  père  du  grand  saint  Charles  disait  son 
office  tous  les  jours  à  genoux  (Giossano.  1.  i., 
c.  1).  Mais  le  commun  des  fidèles  s'était  déjà 
bien  ralenti  de  cette  ancienne  ferveur,  lorsque 
saint  Charles  même,  dans  son  concile  IV  de 
Milan  en  157(1,  se  contenta  d'avertir  les  peuples 
que  le  concile  IV  d'Orléans  avait  autrefois  com- 
mandé à  tous  les  fidèles  de  prier  plusieurs  fois 
chaque  jour,  et  d'ordonner  aux  évêques  de  faire 
tous  leurs  efforts  pour  rétablir  la  prière  du  soir 
et  du  matin,  soit  dans  l'église,  ou  en  particu- 
lier, et  dans  les  champs  même  (Conc.  Med.  IV. 
c.  xxiv). 

III.  Si  nous  passons  en  Allemagne  nous  y 
apprendrons  que  l'empereur  Lothaire  enten- 
dait tous  les  matins  trois  messes,  témoin  Léon 
d'Ostie  dans  la  chronique  du  Mont-Cassin. 
«  Nempe  sub  imperii  chlamyde  cœlesti  mili- 
tabat  régi.  Nain  ut  ipse  testis  sum,  in  expe- 
ditione  constitutus,  summo  diluculo  missam 
pro  deftmctis,  dehinc  pro  exercitu ,  tertiam 
postremo  diei  missam  audiebat  (Clir.  Cassin., 
1.  îv,  c.  125).  » 

On  ne  peut  pas  douter  que  l'impératrice 
Agnès  ne  récitât  tous  les  jours  son  psautier,  ou 
lebréviaire,  puisqu'elle  consulta  Pierre  Damien, 
si  ce  n'était  point  profaner  une  prière  si  sainte 
que  celle  du  psautier,  d'en  méditer  quelque 
chose,  même  dans  le  temps  qu'on  satisfait  aux 
nécessités  de  la  nature.  «  Utrum  liceret  homini 
inter  ipsum  debiti  naturalis  egerium,  aliquid 
iiiininare  psalmorum  (Baronius ,  an.  1062, 
n.  96;  et  an.  973.  n.  I,  2).  »  Ce  qui  était  une 
preuve  certaine  de  L'application  sans  relâche 


284       DU  SECOND  OtiDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-HUITIÈME. 


de  celle  pieuse  princesse  à  ia  prière  et  à  la  réci- 
tation des  psaumes.  «  Ut  ne  ad  brève  quidem 
punctum  a  ili\inis  obticescere  laudibus  ac- 
quiesçât. »  Ce  sont  les  paroles  de  Pierre 
Damien. 

C'était  suivre  de  bien  près  l'empereur 
Otbou  I".  lequel,  selon  Vitikind,  assistait  tous 
Ks  jours  a  tout  l'office,  «  Juxiamorem  diluculo 
de  lecto  consurgens,  nocturnis  et  matutinis 
laudibus  intererat,  etc. Missarum deinde  officiis 
celebratis.  etc.  vespertinis  laudibus  interfuit.  » 
L'impératrice  Hatfaildesa  mère  avait  inpiré  par 
ses  exemples  à  ce  saint  empereur  cette  assiduité 
au  service  divin,  selon  le  même  auteur. 

11  est  vrai  que  la  règle  de  l'ordre  militaire, 
c'est-à-dire  de  la  chevalerie,  qui  était  propo- 
sée à  tous  ceux  qu'on  faisait  chevaliers,  exi- 
geait simplement  qu'ils  entendissent  tous  les 
jours  la  messe,  comme  il  parait  de  l'acte  ori- 
ginal de  la  cérémonie  où  Guillaume,  roi  des 
Romains,  fut  premièrement  t'ait  chevalier,  en 
l'an  1247.  «  Ista  itaque  régula  est  militarisor- 
dims;  in  primis  cum  devota  recordatione  Do- 
minicae  Passion is  missam  quotidie  audire  [Gol- 
dast.  Const.  Imp.,  tom.  ni.  p.  Ion  .  » 

Mais  le  concile  d'Altheim,  où  le  roi  Conrad 
d'Allemagne  fut  présent,  et  dont  le  canon  est 
rapporté  dans  nos  décrétâtes  .  nous  apprend 
que  plusieurs  particuliers  donnaient  la  liberté 
à  quelqu'un  de  leurs  esclaves*  afin  qu'étant 
ordonné  prêtre  il  leur  récital  les  heures  cano- 
niales C.  .Niilliis.  De  servis  non  ordin.  . 

Ce  concile  ordonne  que  ce  prêtre  sera  de- 
pose,  s'il  refuse  de  rendre  ce  service  religieux 
a  celui  qui  l'a  affranchi.  «  Si  quis  de  servis 
suis  quemquam  donaverit  liberlale,  et  ipsum 
m  presbyterum  fecerit  ordinari;  ille  autem 
postea  in  superbiam  elatus  .  domino  suo  ca- 
nonicas  boras  psallere  noluerit  ,  accusatus 
apud  episcopum,  qui  ordinavit  eum,  degra- 
detur.  » 

|\  .  Il  résulte  de  la  que  ce  n'étaient  pas  seu- 
lemenl  les  grands  princes  ou  les  souverains 
i)iu  fondaient  des  saintes  cbapeUes  et  des  cha- 
pitres dans  leurs  palais  ou  dans  l'enceinte  il" 
leurs  châteaux;  mais  que  les  seigneurs  parti- 
culiers aussi  avaient  des  oratoires  domesti- 
ques ei  >  faisaient  ordonner  un  prêtre,  non 
pas  simplement  pour  y  célébrer  tous  les  jours 
la  sainte  messe,  mais  pour  leur  chauler  ou  ré- 
citer chaque  jour  l'office  canonial. 

En  voici  encore  une  preuve  admirable  hue 
de  la  vie  de  sainte  Hedvuge,  duchesse  de  Po- 


logne, où  il  est  dit  qu'elle  se  rendait  à  l'église 
aux  offices  de  la  nuit  et  du  jour,  et  qu'elle 
n'imitait  pas  tant  d'autres  seigneurs  moins 
Ici  vents,  qui  entendaient  chanter  l'office  dans 
leurs  chapelles  particulières. 

«  Divina  officia  .  quœ  publiée  peraguntur, 
nolebat  privatim  domi  ,  aut  in  conclavi  suo 
audire.  ut  soient  nonnunquam  principes  et 
magnâtes;  sed  semper  in  ecclesia  preces  no- 
cturnas,  quas  matutinas  vocant,  itemque  ve- 
spertinas  et  missam,  atque  alias  Dei  laudes 
coram  se  volebat  cum  cantu  solemniter  cele- 
brari.  Itaque  ad  signum  precum  nocturna- 
rum,  mox  cum  juncta  sibi  familia  ad  eccle- 
siam  properabat  (Surius,  die  xv  Octobr.).  » 

Thomas  de  Chantepré  nous  apprend  que  l'u- 
sage était  encore  d'apprendre  à  lire  aux  jeunes 
enfants  dans  un  psautier  (Cantiprat. ,  1.  i, 
c.  v23,  n.  3).  La  fille  d'un  homme  assez  pauvre 
demandant  à  son  père  un  psautier,  il  lui  dit 
d'aller  premièrement  apprendre  à  lire  chez  la 
maîtresse  des  filles  nobles,  et  qu'après  cela 
elle  ne  manquerait  pas  de  psautier.  C'était  une 
défaite.  Mais  la  fille  également  simple  et  pieuse 
s'en  alla  à  l'école  des  filles  nobles,  et  ayant 
pris  en  main  un  psautier,  par  un  étrange 
miracle,  au  même  instant  elle  sut  lire  et  lut. 
Le  bruit  de  ce  miracle  s'étant  répandu,  ce  fut 
a  l'envi  à  qui  lui  donnerait  un  psautier. 

Cet  usage  d'apprendre  a  lire  dans  le  psau- 
tier. «  Vade  ad  magistram,  queâ  tilias  diviluui 
psalterium  docet,  »  vient  fort  probablement 
de  l'ancienne  assiduité  des  laïques  pour  les 
heures  canoniales,  comme  il  a  été  dit  ailleurs. 

V.  Quant  a  l'Espagne,  le  concile  de  Coyac,  en 
1050  Can.  vi),  se  contenta  d'enjoindre  a  Ions 
les  fidèles  d'assister  aux  vêpres  du  samedi  et  à 
tout  l'office  du  Dimanche,  c'est-à-dire  à  ma- 
tines, a  la  messe  et  à  toutes  les  heures  ca- 
noniales du  jour.  «  Ut  omnes  Christiani  die 
sabbati  advesperascente  ad  ecclesiam  concur- 
rent, et  Domi  nica  matutina,  niissas,  et  onines 
ho  ras  audiant.  »  Mais  les  rois,  les  princes  et 
les  personnes  île  qualité  ne  donnaient  pas  des 
bornes  si  étroites  a  leur  piété. 

IViiliiiauil.  surnommé  leGrand,  roi  de  l.eon 
e1  de  Castille,  assistait  à  toutes  les  heures  de 
l'office  du  jour  et  de  la  nuit,  chaulant  lui- 
même  avec  les  ecclésiastiques  les  divins  can- 
tiques, et  taisant  même  quelquefois  l'office  de 
chantre.  Ce  prince,  qui  se  signala  partant  de 
sanglantes  batailles  gagnées  sur  les  Maures, 
savait  bien  de  qui  il  tenait  toutes  ces  victoires, 


DE  L'ASSISTANCE  AI    CI  KHI  R. 


28a 


et  à  qui  il  eu  devait  rendre  grâces.  «  Eccle- 
siam  vespere  et  mane  ,  aocturnisque  tioris 
et  sacrificii  tempore  frequentabat ,  interdum 
cum  clericis  in  Dei  laudibus  modulando,  in- 
terdum etiam  vices  cantoris  explebat  An.  1065, 
I.  vi,  de  rébus  Bisp.,  c.  13).  »  Voilà  ce  qu'en 
dit  Roderic,  archevêque  du  Tolède.  Jean,  roi 
d'Aragon  et  de  Sicile,  qui  commença  de  ré- 
gner l'an  K58,  se  fit  admirer  par  la  même 
assiduité  à  l'office  divin.  «  Quotidie  rébus  di- 
vinis,  et  sacris  interfuit  (Marinaeus  Siculus, 
III».  xu).  » 

Mais  il  ne  se  peut  rien  ajouter  à  ce  que  les 
historiens  rapportent  de  l'incomparable  Isa- 
belle, reine  de  Castille  et  d'Aragon.  Elle  pre- 
nait plaisir  d'entendre  bien  prononcer  le  latin, 
au  temps  même  qu'elle  ne  l'entendait  pas. 
Mais  enfin,  après  avoir  mis  fin  a  quelques 
guerres,  elle  s'adoima  à  la  grammaire  latine, 
nonobstant  l'accablement  des  affaires,  et  y  fit 
de  si  grands  progrès  que  dans  l'espace  d'une 
année  elle  acquit  l'intelligence  des  orateurs 
latins  et  la  faculté  même  de  les  interpréter. 
«  Quamobrem  scientiae  cupidissima  ,  bellis  in 
Hispania  jam  confeetis,  etsi  multis  magnisque 
negotiis  occupata  :  grammaticae  tamen  lectioni- 
bus  operam  dédit.  In  (juibus  per  unius  anni 
spatium  tantum  profecit,  ut  non  soluni  latinos 
pratores  intelligeret,  sed  etiam  libres  interpre- 
tari  facile  poterat  (Marinaeus,  1.  xxi).  » 

Cette  vertueuse  princesse  était  toujours  pré- 
sente aux  offices  de  sa  chapelle,  elle  corrigeait 
elle-même  toutes  les  fautes  qui  se  faisaient  en 
la  prononciation,  enfin  elle  ne  manqua  jamais 
de  dire  toutes  les  heures  de  l'office  canonial. 
«  Semper  enim  sacris  rébus  et  divinis  olticiis 
aderat.  In  quibus  si  quis  forte  sacerdotum  suo- 
rum,(|ui  sibi  rem  divinam  celebrabant,  aut 
lieras  canonicas  et  psalmos  canebant,  errasset 
in  syllaba,  persentiebat,  et  tanquam  magistra 
discipulum  admonebat.  Quac  praeter  multas 
extraordinarias  et  votivas  orationes,  horarium 
quoque  sacerdotum  more  «juctidie  persol- 
vebat.  » 

VI.  Il  est  temps  de  passer  de  l'Occident  à 
l'Orient,  et  nous  ne  pouvons  le  faire  plus  heu- 
reusement qu'avec  Godefroy,  duc  de  Bouillon, 
qui  mérita  de  conquérir  la  Palestine  e1  la 
sainte  cité,  plutôt  par  ses  prières  que  par  ses 
armes.  Ce  pieux  prince  mena  avec  lui  en 
Orient  un  bon  nombre  de  saints  religieux , 
avec  lesquels  il  célébrait  les  divins  offices  pen- 
dant tout  le  voyage.  «  Adduxerat  peregrina- 


tionem  ingressurus,  de  claustris  lune  disci- 
plinais, monachos  viros  religiosos,  et  sancta 
conversatione  insignes,  qui  toto  itinere  boris 
diurnis  el  nocturnis,  ecclesiastico  more  divina 
illi  ministrabant  officia  VuiUelm.  Tyr.,  I.  i\. 
c.  9).  »  Ce  prince  religieux  trouva  la  même 
pratique  de  piété  entre  les  princes  chrétiens 
de  l'Orient. 

I.a  princesse  Anne  C.onmene  taisant  une  ad- 
mirable peinture  de  son  aïeule,  mère  de  l'em- 
pereur Alexis,  nous  l'a  représentée  dans  une 
assiduité  et  une  application  continuelle  aux 
offices  du  jour  et  de  la  nuit  (Alexiad.,  I.  m, 
p.  x.s.  89).  «  Pleramque  noctis  parlem  divinis 
liyinnis.  juxta  descrîptionem  ecclesiaslicam  in 
diurna  toto  anno  pensa  dispensais  .  intègre 
reddendis  ac  celebrandis  insumebat.  Tliiu  non 
exiguum  spatium  somno  detractum  fundendis 
l»i  i \ atis  ad  Deum  precibus  et  caetera  religioni 
dabat,  etc.  Solebat  avia  mea  non  totum  nego- 
tiis sœcularibus  diem  impendere  ,  sed  statis 
quotidie  boris  sacris  operam  dare,  saerificio- 
que  liturgico  juxta  usum  cauonicum  intéresse 
Pai  hym.  in  Andron.,  1.  n,  c.  3*2).  » 

Il  serait  inutile  de  nous  arrêter  à  un  plus 
grand  nombre  d'exemples  ,  puisqu'on  peut 
voir  dans  le  livre  de  Codin  De  o/ficiis  (  'onstan- 
tinopolitanis  (Cap.  VI  et  seqq.),  non-seulement 
les  jours  de  fêtes,  où  l'empereur  venait  en  cé- 
rémonie à  l'église  et  y  assistait  à  toutes  les 
heures  canoniales,  matines,  prime,  tierce, 
sexle,  noue  et  vêpres,  mais  aussi  la  ditlérenee 
de  ces  jours  solennels  d'avec  les  autres,  aux- 
quels il  assistait  sans  pompe  et  sans  cérémonie. 

«  Vigilia  Nativitatis,  imperatore  ad  matuti- 
nmn  seeundum  usitatam  sibi  consuetutinem 
non  egresso,  sed  ,  etc.  In  quotidianis  niatu- 
tini  et  vesperarum  eircumslationibus ,  post- 
ipiam,  etc.  At  in  niagnis  festis,  etc.  Canuntur 
igitur  horae  ut  moris  est,  prima,  tertia,  sexta, 
noua,  etc.  » 

Vil.  On  peut  dire  avec  vérité,  quoique  ce 
soit  a  notre  confusion,  que  les  chrétiens  orien- 
taux îles  derniers  temps,  et  du  temps  présent, 
ont  été  et  sont  encore  plus  fidèles  à  cet  ancien 
usage  de  piété  «pie  les  Latins.  Il  y  a  parmi  eux 
un  grand  nombre  de  laïques  qui  récitent  tous 
les  jours  avec  beaucoup  d'exactitude  leur  hor- 
loge, nom  qu'ils  ont  donné  à  leur  bréviaire 
et  aux  heures  canoniales  ,  qu'ils  récitent  au 
temps  propre  de  toutes  les  heures,  quoiqu'elles 
soient  moins  éloignées  les  unes  des  autres 
que  parmi  les  Latins.  Les  jours  de  fête  et  de 


280      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -     CHAPITRE  OUATRE-VINGT-NEUVIÈME. 


dimanche  tout  le  peuple  vient  à  l'église  dès 
les  deux  heures  après  minuit ,  et  assiste  à 
toutes  les  heures  du  jour  (Chytraeus,  xxi). 

Le  père  Jérôme  Dandini ,  dont  on  nous  a 
depuis  peu  traduit  le  voyage  du  Mont-Liban, 
dit  que  parmi  les  Maronites,  «  le  peuple  se 
trouve  présent  aux  offices  aussi  bien  (pie 
les  prêtres  qui  y  sont  obligés  à  cause  de  leur 
caractère,  et  ils  chantent  tous  ensemble  les 
mêmes  heures.  Il  y  a  toujours  un  grand  con- 
cours de  peuple  à  minuit  (Ch.  xxv).  » 

Le  traducteur  ajoute  dans  ses  savantes  notes 
que  «  les  Maronites  retiennent  encore  aujour- 
d'hui l'ancienne  coutume  de  chanter  l'office 
divin  dans  les  églises  ,  et  personne  ne  s'en 
dispense.  Car  les  laïques  croient  y  être  au- 
tant obligés  (pue  les  ecclésiastiques.  » 

Le  père  Vansleben,  qui  vient  de  nous  don- 
ner la  belle  et  curieuse  histoire  de  l'Eglise 
d'Alexandrie,  nous  y  exprime  le  sentiment  et 
la  pratique  des  Cophtes  en  ces  termes  :  «  La 
récitation  des  prières  que  nous  appelons 
l'office  est  dans  leur  sentiment  une  chose 
très-nécessaire  et  un  devoir  très-juste,  et 
même  un  de  leurs  auteurs  dit  que  les 
laïques  aussi  bien  que  les  clercs  sont  obligés 
de  dire  tout  l'office.  Mais  un  autre  dit  qu'ils 
ne  sont  obligés  qu'à  trois  heures,  à  celle  du 
coucher  du  soleil,  à  celle  de  l'aube  du  jour 
et  a  tierce  l'art,  n  .  eh.  Ilij.  »  C'est-à-dire  a 
vêpres,  a  matines  et  à  la  messe,  à  laquelle  on 
joint  tierce. 


Ce  sentiment  des  nations  séparées  depuis 
tant  de  siècles  de  l'Eglise  latine,  montre  quel 
a  été  autrefois  le  consentement  de  toutes  les 
Eglises  avant  cette  séparation. 

VIII.  Après  avoir  parlé  du  célibat  des  clercs 
et  de  leur  obligation  à  réciter  l'office  divin,  je 
ne  puis  mieux  finir  ces  deux  matières  et  ces 
deux  obligations  que  par  une  lettre  d'ives  de 
Chartres  à  Galon,  évèque  de  Paris. 

11  dit  en  termes  formels  que  la  cléricature  a 
été  instituée  pour  la  psalmodie  et  pour  la  célé- 
bration continuelle  des  louanges  divines  :  de 
quoi  il  est  impossible  que  les  clercs  s'acquit- 
tent, s'ils  sont  engagés  dans  les  chaînes  et 
dans  les  servitudes  du  mariage.  Si  les  laïques 
mêmes,  pour  prier  un  peu  de  temps,  se  sépa- 
rent pendant  ce  temps  du  commerce  conjugal, 
les  clercs  consacrés  à  une  psalmodie  conti- 
nuelle doivent  aussi  se  dévouer  à  une  éter- 
nelle continence. 

«  Ad  hoc  enim  instituta  et  clericalis  militia, 
ut  psalmodiœ  et  hymnodiae  quotidianum  Deo 
ofierat  sacrificium  ;  quod  offerre  jure  non  po- 
terit,  cui  ut  plus  placeat  uxori,  quam  Deo, 
lenocinante  uxore,  et  fallente  carnis  voluptate, 
operam  dare  necessarium  erit.  Cum  enim  se- 
cundum  Apostolum  non  concedatur  laicis 
orare  nisi  eo  tempore  quo  continent  :  quanto 
magis  semper  debent  continere,  qui  tam  pro 
suis,  quam  proaliorum  delictis  jubentur  orare 
iEpist.  ccxxj  !  » 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-NEUVIEME. 


dus  hopitaux  et  des  bénéficiers  01  i  y  étaient  attachés,  depuis  les  commencements 
de  l'église  jusques  au  temps  de  ciiarlemac-ne. 


I.  Liaison  des  matières  déjà  traitées,  et  de  celles  qui  restent  à 
traiter. 

II.  Combien  la  magnificence  des  hôpitaux  a  été  glorieuse  à  la 
religion  chrétienne.  Saint  Basile  en  ht  bâtir  un  des  plus  magnifi- 
ques qui  fol  jamais. 

III.  Le  gouverneur  de  la  province  en  conçut  de  la  jalousie. 

IV.  Le  concile  de  Calcédoine  déclare  les  hôpitaux  et  les  clercs 
qui  les  gouvernent  soumis  aux  évéques. 


V  Saint  Chrysostome  en  bâtit  un  fort  somptueux. 

vi.  H  proposa  au  peuple  de  Constanlinople  le  dessein  de 
noonir  tous  les  pauvres  aux  dépens  du  public  en  commun. 

Vil.  L'hospitalité  recommandée  par  saint  Paul  aux  évéques. 
Pourquoi  et  comment  saint  Chrysostome  s'en  dispensa. 

VIII.  Un  l.àiil  ensuite  une  espèce  d'hôpital  pour  cela. 

IX.  Les  évéques  avaient  autorité  sur  les  hôpitaux,  et  comme 
fondateurs  et  comme  directeurs  nés  des  aumônes  des  lidèles. 


DES  HOPITAUX  ET  DES  BÉNÉJICIERS,  etc. 


287 


V  On  passe  à  l'Eglise  latine.  Où  saint  Augustin  exerce  l'hos- 
pitalité chez  lui. 

XI.  Raison  de  la  diflérence  de  sa  conduite  et  de  celle  de  saint 
Chrysostome. 

XII.  11  y  a  eu  des  hôpitaux  fondés  par  des  laïques.  Celui  de 
Pammaque  à  Rouie. 

XIII.  Celui  de  saint  Jérôme  à  Rethléem. 

XIV.  Celui  de  Fabiole  pour  les  malades. 

XV.  Hospitalité  des  laïques. 

XVI.  L'évèque  avait  la  souveraine  autorité  dans  les  hôpitaux, 
mêmes  fondés  par  les  laïques. 

XVII.  Histoire  de  ceux  qui  servaient  eux-mêmes  dans  les  hô- 
pitaux qu'ils  avaient  fondés. 

XVIII.  11  y  avait  souvent  des  communautés  religieuses  jointes 
aux  hôpitaux. 

XIX.  Les  laïques  qui  fondaient  des  hôpitaux  ne  le  faisaient 
qu'avec  la  direction  des  évèques. 

XX.  On  en  chassait  tous  ceux  qui  vivaient  mal. 

XXI.  Plusieurs  hôpitaux  étaient  quelquefois  confondus  en  un, 
non  pas  toujours. 

XXII.  Les  bénéficier  liraient  leur  nom  de  l'hôpital  qu'ils  gou- 
vernaient. 


I.  Après  avoir  parlé  des  communautés  ec- 
clésiastiques et  religieuses  et  de  leur  obliga- 
tions, il  faut  passer  aux  autres  sortes  de  béné- 
fices, qui  se  distinguent  des  autres  par  1rs 
charges  qu'on  impose  au\  bénéficiers. 

Parlons  d'abord  des  hôpitaux,  qui  sont  des 
communautés  de  pauvres,  qui  ont  été  souvent 
joints,  ou  même  confiés  à  des  communautés 
religieuses. 

II.  Saint  Grégoire  de  Nazianze  se  rit  de 
Julien  l'Apostat,  et  de  son  affectation  a  imiter 
et  à  communiquer  aux  païens  tous  les  usages 
ingénieux  de  la  piété  et  de  la  charité  chré- 
tienne, particulièrement  les  hôpitaux  :  xaTa-rû-yta 

xai  ïsvwva;. 

Ce  divin  orateur  a  peint  ailleurs  (Orat.  m), 
avec  les  plus  belles  couleurs  de  son  éloquence, 
les  hôpitaux  que  saint  Basile  avait  fait  bâtir 
hors  de  sa  ville  épiscopale  avec  une  magnifi- 
cence surprenante,  persuadant  aux  riches  d'y 
contribuer,  non-seulement  de  leur  superflu, 
mais  même  de  ce  qui  pouvait  leur  être  néces- 
saire. 

«  Pulchra  res  est  benignitas,  et  pauperum 
alendorum  studium .  atque  humante  infirmi- 
tati  opem  ferre.  Pauluin  extra  civitatem  pe- 
dem  effer,  ac  novam  civitatem  conspice,  illud, 
inquam,  pietatis  promptuarium, commune  lo- 
cupletum  a'iarium,  in  quod  non  modo  redon- 
dantes, ac  superflus  opes,  sed  jam  necessaria; 
quoque  facilitâtes  propter  illius  cohortationes 
reconduntur  (itTwxorpoçîa)  (Orat.  xx).  » 

11  fallait  tpie  l'étendue  et  la  magnificence  de 
cet  hôpital  fût  extraordinaire,  puisque  saint 
Grégoire  le  compare  a  une  nouvelle  ville. 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Grégoire  de  Na- 


zianze noas  assure  qu'il  avaiteu  lui-même 
bonne  part  à  cet  admirable  trophée  de  la  charité 
de  sainl  Basile  pour  les  pauvres.  11  nous  apprend 
aussi  le  soin  qu'on  prit  de  faire  subsister  un  si 
grand  ouvrage  par  des  revenus  proportionnés. 
«  Amplissimis  sedibus  extructis  atque  annuis 
proventibus  constitutis,  quos  a  ili\ilibus  et  co- 
piosis  hominibus,  prudenti  oratione  ad  largi- 
tionem  impulsis  collegerat,  a'grotos  omnes  in 
iinniii  eoegit,  pauperum  gymnasia  ha-c  loca 
appellans.  Huic  in  ea  re  adjutor  operisque  par- 
ticeps  fuit  Gregorius.  » 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  c'était  un  as- 
semblage de  plusieurs  hôpitaux,  les  uns  pour 
les  malades,  les  autres  pour  les  pauvres,  les 
autres  pour  les  passants;  peut-être  même  qu'il 
y  avait  distinction  des  vieillards,  des  vieilles 
femmes,  des  veuves ,  des  jeunes  filles  et  des 
jeunes  garçons,  pour  mériter  le  nom  d'une 
nouvelle  ville,  et  pour  pouvoir  avec  quelque 
justice  être  comparé  à  ces  superbes  édifices 
«pie  la  vanité  du  siècle  a  tant  admirés,  et 
qu'elle  a  appelés  les  sept  miracles  du  monde. 
C'est  aussi  la  comparaison  que  saint  Grégoire 
en  fait  (Orat.  xx). 

III.  Mais  il  faut  apprendre  de  saint  Basile 
même  la  pieuse  somptuosité  de  cet  édifice, 
dont  le  gouverneur  même  de  la  province , 
quoique  son  ami,  conçut  même  de  la  jalousie, 
et  obligea  le  saint  évêque  de  se  justifier  d'une 
accusation  si  honorable.  Voici  ee  qu'il  lui  écrit 
de  l'hôpital  des  passants,  de  celui  des  malades, 
des  logements  des  officiers,  des  lieux  destinés 
aux  artisans;  et  enfin  des  maisons  destinées 
pour  les  divers  métiers. 

«  Quid  perpetramus  mali,  dum  receptacula 
ponimus,  peregrinis  qui  hue  advenerint?  Et 
prœter  istos,  in  eorum  usus,  quibus  opus  est 
curatione  propter  infirmitates  suas  :  necessa- 
rium  lus  solatium  procurantes  nosocomos.  me- 
ilieos,  bajulos,  ductores,et  cseteros  artifices  in 
prompt u  habere  debent,  etc.  Quin  et  a?des 
pneterea  alias  operibus  facieudis  requisitas. 
(Orat.  xx). 

IV.  Le  concile  de  Calcédoine  (Can.  vml  nous 
a  fail  connaître  qu'il  y  avait  plusieurs  sembla- 
bles hôpitaux  dans  l'Orient,  et  qu'on  ordonnait 
des  prêtres  et  d'autres  ecclésiastiques  pour  en 
avoir  la  conduite,  mais  c'étaient  les  évoques  qui 
nommaient  ces  prêtres,  aussi  bien  que  ceux  qui 
devaient  diriger  les  monastères.  «  Clerici  qui 
praeficiuntur  ptochodochiis  et  monasteriis,  sub 
episcoporum  potestate  permaneant.  » 


-2ss       bl    SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-NEUVIÈME. 


Ce  canon  et  cet  exemple  de  saint  Basile  ne 
nous  permettent  pas  de  douter  que  les  évêques 
n'en  eussent  la  suprême  direction,  et  même 
qu'ordinairement  ils  n'en  fussent  eux-mêmes 
les  fondateurs. 

\.  Nous  en  douterons  encore  moins  quand 
nous  aurons  appris  de  Pallade  que  saint  Chry- 
s'ostome  .  après  avoir  retranché  toutes  les  dé- 
penses superflues  et  les  profusions  excessives 
des  revenus  de  l'église  et  surtout  de  l'évêché, 
se  servit  de  l'argent  qu'il  trouva  de  rote  à  bâ- 
tir des  hôpitaux  pour  les  malades,  dont  il  donna 
la  surintendance  à  deux  prêtres  vertueux.  Il  y 
établit  aussi  des  médecins,  des  cuisiniers,  el 
tons  Les  autres  officiers  qui  ne  pouvaient  être 
mariés. 

«  Post  haec  dispensatoris  ecclesiastici  scripta 
relegens,  inutilesque  Ecclesiae  sumptus  depre- 
liendens,  amputari  hos  protinus  jubet.  Accessit 
et  ad  solemnes  episcopi  sumptus  inspiciendos, 
inveniensque  immodicam  ])rofusionem,  trans- 
ferri  liane  magnificenliam  ad  infirmoruni  so- 
latia  praecepit.  Et  cum  superessent  pecuniae, 
nova  quoque  infirmorum  receptacula  con- 
struit; pra  tieieiis  liis  duos  ex  sacerdotura  nu- 
méro religionis  summœ  viros;  et  medicos  et 
coquos  et  minisfros  qui  sine  uxoribus  essent, 
eis  ad  obsequium  statuens,  etc.  (Pallad.,  in  acta 
Cluys.,  c.  v.,  » 

Ce  saint  évé(|iie  fut  donc  le  réparateur  des 
anciens  hôpitaux,  il  en  fonda  de  nouveaux,  il 
en  donna  le  soin  et  la  direction  à  des  prêtres 
qui  en  furent  comme  les  bénéficiers,  il  y  éta- 
blit des  officiers  qui  ne  fussent  point  mariés. 

VI.  Le  zèle  et  la  charité  de  ce  prélat  incom- 
parable ne  s'arrêtèrent  pas  la.  11  proposa  un 
jour  a  tout  son  peuple  d'entreprendre  de 
nourrir  tous  les  pauvres  en  commun.  11  sup- 
posa que  le  nombre  des  pauvres  de  Constanti- 
nople  montait  bien  a  cinquante  mille.  11  ne 
laissa  pas  de  leur  faire  voir  que  cette  entreprise 
était  aussi  facile  que  sainte  ;  et  qu'elle  serait 
même  avantageuse  en  ce  point ,  qu'on  dépen- 
serait bien  moins  à  nourrir  les  pauvres  en 
commun  que  séparés.  Enfin  il  leur  remontra 
que  si  un  si  petit  nombre  de  fidèles  avait  pu  au 
commencement  de  l'Eglise  nourrir  tous  les 
pauvres  en  commun,  la  même  charité  se  pour- 
rait exercer  avec  incomparablement  plus  de 
facilité  lorsque  les  chrétiens  étaient  infiniment 
accrus  et  en  multitude  et  en  richesses. 

Cet  admirable  docteur  ne  craint  pas  d'avancer 
qu'il  espère  de  voir  un  jour  ce  grand  ouvrage 


mis  en  exécution,  et  que  ce  digne  monument 
de  la  charité  incomparable  des  chrétiens  sera 
capable  de  convertir  tout  le  reste  des  païens. 
Les  orages  qui  s'élevèrent  contre  ce  saint 
homme  arrêtèrent  le  cours  d'un  dessein  si 
digne  de  la  générosité  épiscopale. 

»  Si  in  hac  via  progredimur,  credo  quod  el 
lu»  futurum  sit.  Obtemperate  mibi  solura,  et 
per  ordinem  corrigemus  negotia;  et  si  Deus 
vitam  dederit.  credo  quod  statini  in  banc  nos 
recepturi  simus  vitae  rationem  (Hom.  u ,  in 
Acta).  » 

VII.  Saint  Paul  avait  recommandé  l'hospila- 
lité  aux  évêques  ;  saint  Clirysostome  fut  accusé 
de  ce  qu'il  mangeait  toujours  seul.  Pallade  en 
donne  la  raison.  Ce  saint  évêque  était  fort  in- 
firme; souvent  il  ne  mangeait  que  le  soir;  ainsi 
il  ml  gêne  ses  bûtes.  Outre  cela  il  ne  pouvait 
souffrir  les  dépenses  excessives  qui  eussent  été 
inévitables  dans  une  aussi  grande  ville  que 
Constantinople.  Enfin  il  considérait  que  l'hos- 
pitalité était  peu  nécessaire  à  un  évêque  dans 
une  ville  si  riche  et  si  puissante  :  les  laïques  y 
exerçaient  assez  libéralement  cette  vertu  ;  et 
ainsi  l'évêque  ne  devait  pas  quitter  le  soin  de  la 
prédication  pour  s'occuper  des  pensées  et  des 
inquiétudes  du  ménage. 

«  Enim  vero  qui  civitatem  optimis  legibus 
iush  uclani  habitat,  cujusniodi  Conslanliuopolis 
est,  in  qua  omnes  fere  hospitales  sunt  :  si  sa- 
cerdos  est,  superflue  satis  verbi  relinquit  ini- 
nisterium ,  ut  opsoniorum  computet  sumptus 
seque  imprudens  cauponem  pro  doctore  arbi- 
Iratur  (Pallad.,  vita  Chrys.,  c.  xn,  n,  xvn,  \u, 
xm).  » 

Saint  Clirysostome  témoigne  lui-même  néan- 
moins ,  dans  sa  lettre  au  pape  Innocent,  qu'il 
avait  prié  Théophile  et  tous  les  autres  évêques 
d'Egypte  de  venir  loger  chez  lui.  Pallade,  qui 
rapporte  cela,  se  plaint  des  prêtres  et  des  dia- 
cres de  Constantinople  qui  ne  voulurent  pas 
recevoir  chez  eux  les  moines  que  Théophile 
avait  chassés  d'Egypte,  et  qui  laissèrent  cette 
gloire  à  une  sainte  diaconisse. 

Ainsi  il  esl  certain  que  l'hospitalité  s'exerçait 
dans  Constantinople j  mais  saint  Clirysostome 
en  évitait  ordinairement  l'embarras,  pour  s'oc- 
cuper aux  autres  fonctions  de  son  ministère, 
nuire  qu'il  évitait  les  dépenses  superflues  du 
bien  des  pauvres,  les  voleries  des  officiers,  la 
coutume  déplorable  de  traiter  plutôt  les  riches 
que  fis  pauvres.  Voilà  ce  que  Palladius  déduit 
fort  au  long. 


DES  HOPITAUX  ET  DES  BÉNÉF1CIERS,  etc. 


289 


VIII.  C'est  cette  même  raison  qui  obligea 
enfin  les  évêques  à  bâtir  des  hôpitaux  pour  les 
hôtes  et  pour  les  malades. 

En  elle! .  l'hospitalité  et  la  nourriture  îles 
pauvres  les  regarde,  tant  par  l'exemple  de  J.-C. 
et  de  ses  Apôtres,  que  par  leur  commandement 
exprès,  et  par  la  conspiration  même  de  tous  1rs 
fidèles,  qui  mettaient  aux  pieds  des  Apôtres,  ou 
entre  les  mains  des  ecclésiastiques  toutes  les 
aumônes  que  l'esprit  de  charité  leur  inspirait 
de  faire  :  il  n'y  avait  point  de  moyen  plus  con- 
venable et  plus  avantageux  pour  s'acquitter  de 
ce  dessein  que  de  dresser  des  hôpitaux,  et  d'y 
appliquer  la  portion  des  revenus  de  l'Eglise 
qui  était  destinée  à  un  si  saint  usage. 

Le  même  Esprit-Saint  qui  avait  porté  les 
Apôtres  à  se  décharger  du  soin  de  nourrir  les 
pauvres  sur  les  diacres,  afin  de  pouvoir  se 
donner  eux-mêmes  avec  plus  de  liberté  à  la 
prière  et  à  la  prédication  :  ce  même  Esprit, 
dis-je,  persuada  enfin  aux  évoques  de  se  déli- 
vrer des  distractions  et  des  inquiétudes  de 
l'hospitalité,  et  de  l'entretien  des  pauvres  et 
des  malades  en  leur  bâtissant  des  maisons  pro- 
pres pour  cela.  Durant  le  règne  des  empereurs 
païens,  les  évoques  avaient  le  soin  et  la  surin- 
tendance des  pauvres,  des  malades,  des  hôtes, 
des  veuves  et  des  vierges  consacrées  à  Dieu  ;  et 
de  tous  ceux  qui ,  vivant  dans  une  retraite 
toute  sainte,  faisaient  voir  en  leur  vie  comme 
les  préludes  de  l'état  monastique.  Mais  la  crainte 
des  persécuteurs  ne  permettait  pas  de  faire  vivre 
en  communauté  toutes  ces  sortes  de  personnes. 

H.  s  que  l'empire  chrétien  eut  mis  l'Eglise  en 
liberté,  ces  solitaires  qui  avaient  vécu  séparés 
commencèrent  à  bâtir  des  monastères  ;  les 
vierges  et  les  veuves  suivirent  bientôt  leur 
exemple  ;  les  évêques  s'efforcèrent  de  porter  le 
clergé  à  vivre  eu  communauté  :  enfin  on  fonda 
des  hôpitaux  pour  les  pauvres,  pour  les  malades 
et  pour  les  passants,  afin  de  les  pouvoir  entre- 
tenir avec  plus  de  commodité  et  avec  moins  de 
dépense. 

L'impératrice  Placille, digne  femme  du  grand 
Théodose,  allait  elle-même  rendre  les  plus 
humbles  services  aux  pauvres  dans  les  hôpi- 
taux de  l'Eglise.  «  Ecclesiarum  hospitia  liseré, 
segrotis  in  lecto  decumbentibus  curalionem 
adhibere,  tractare  ollas,  jusculum  guslare,  pa- 
tinam  illis  déferre,  frangere  panem,  offas  por- 
rigere,  eluere  pocula,  omnia  denique  alia  mu- 
nera  obire,  quae  servi  et  ancillae  exequi  soient 
(Thcodoret.,  1.  v,  c.  18).  » 

Th.  —  Tome  IL 


Voilà  les  lieux  mi  les  évoques  el  les  empe- 
reurs même  exerçaient  l'hospitalité. 

IV  II  est  donc  très-certain  que  les  évêques 
ont  la  surintendance  sur  toutes  ces  maisons  de 
charité,  puisque  les  Apôtres  furent  les  déposi 
tunes  et  les  dispensateurs  du  patrimoine  des 
pauvres  ;  puisque  les  évêques  leur  ont  succédé 
dans  cet  exercice  de  piété  aussi  bien  que  dans 
tout  le  reste  de  leur  autorité  ;  puisque  les  fidè- 
les ont  toujours  continué  de  mettre  entre  les 
mains  des  évêques  leurs  sacrifices,  leurs  déci- 
mes ,  leurs  prémices ,  et  enfin  toutes  leurs 
saintes  libéralités;  puisque  des  revenus  de 
l'Eglise  il  yen  avait  une  troisième  ou  une  qua- 
trième partie  consacrée  à  l'entretien  des  pau- 
vres dont  l'évêque  avait  la  disposition,  comme 
nous  dirons  dans  la  suite  ;  puisque  si  la  por- 
tion de  ces  revenus  affectée  à  l'évêque  était 
grande  et  surabondante,  c'est  parce  que  l'apô- 
tre saint  Paul  et  les  conciles  mêmes  l'avaient 
particulièrement  chargé  de  l'hospitalité  ;  puis- 
que nous  voyons  que  les  premiers  et  les  plus 
anciens  hôpitaux  ont  été  fondés  par  les  évê- 
ques, et  ont  été  gouvernés  par  des  prêtres 
qu'ils  y  avaient  établis. 

X.  Nous  n'avons  encore  parlé  que  des  Grecs. 
Venons  aux  évêques  et  aux  prêtres  de  l'Eglise 
latine.  Saint  Augustin  avait  un  extrême  soin 
des  hôtes,  des  pauvres  et  des  malades,  et  il  les 
secourait  très  -  libéralement  des  revenus  de 
l'Eglise. 

Possidius  en  est  un  bon  témoin,  mais  il  ne 
dit  pas  qu'il  eût  fondé  aucun  hôpital  :  il  ne 
recevait  les  hôtes  qu'à  sa  table,  mais  il  se  con- 
tentait de  distribuer,  ou  d'envoyer  aux  pau- 
vres tout  ce  qui  était  nécessaire  à  leur  entre- 
tien. «  Mensa  usus  est  frugali  et  parca,  quae 
quidem  inter  olera  et  legumina,  etiam  carnes 
aliquando  propter  hospites,  vel  quoque  infir- 
miores  continebat  (Cap.  xx).  »  Et  plus  bas:  «Ho- 
spitalitatem  semper  exhibuit,  etc.  (Cap.  xxm).  » 
Et  dans  la  suite  :  «  Pauperum  vero  semper 
memor  erat,  eisque  inde  erogabat,  unde  et  sibi 
suisque  omnibus  secum  habitantibus  eroga- 
batur  :  hoc  est,  vel  ex  reditibus  possessionum 
Ecclesiae,  vel  etiam  ex  oblationibus  fidelium.  » 

Saint  Augustin  témoigne  lui-même  que  cette 
nécessité  inévitable  d'exercer  l'hospitalité  et 
de  recevoir  à  sa  table  les  étrangers  et  les  pas- 
sants, l'avait  obligé  de  quitter  le  premier  mo- 
nastère qu'il  avait  fonde  aussitôt  qu'il  eût  reçu 
la  prêtrise,  et  d'en  établir  un  autre  de  clercs 
dans  la  maison  épiscopale  même. 

19 


290      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-NEUVIÈME. 


«  Perveni  ad  episcopatum,  vidi  necesse  ha- 
bere  exhibere  humanitatem  assiduam  quibus- 
i|ue  venientibus,  sive  transeuntibus  :  quod  si 
non  fecissem,  episcopus  inbumanus  dicerer.  Si 
autem  consuetudo  ista  in  monasterio  permissa 
esset,  indecens  esset  :  et  ideo  volui  babere  in 
ista  donio  episcopi ,  meum  monasterium  cle- 
ricorum  (Serm.  49  de  divers.).  » 

XI.  Palladius  remarque,  au  même  endroit 
qui  a  été  rapporté,  que  saint  Cbrysostome 
voulait  qu'on  reçût  les  hôtes  et  les  passants 
dans  L'hôpital  qu'il  avait  fondé  :  adventantes 
liospites.  On  pourrait  juger,  avec  quelque  vrai- 
semblance, que  la  même  charité  animait  saint 
Augustin  et  saint  Clirysostome  ,  quoiqu'ils 
exerçassent  l'hospitalité  en  des  manières  si 
différentes  (Cap.  v). 

Saint  Clirysostome  aussi  bien  que  saint  Basile 
conservait  encore  quelques  restes  de  son  pre- 
mier amour  pour  la  retraite  et  pour  la  soli- 
tude :  ainsi  il  ne  put  se  résoudre  à  recevoir  tant 
de  monde  à  sa  table,  il  aima  mieux  leur  donner 
à  manger  en  des  lieux  destinés  à  cela. 

Saint  Augustin  témoigna  plus  d'inclination 
pour  la  vie  civile  des  Apôtres  :  ainsi  il  fit  de  sa 
table  une  école  de  frugalité  aussi  bien  que  de 
charité. 

Ces  deux  manières  diverses  de  pratiquer  la 
même  vertu  d'hospitalité  ont  été  admirées 
et  nuitées  de  tous  les  évêques  des  siècles  sui- 
vants. 

XII.  Mais  il  faut  avouer  de  bonne  foi  qu'il  y 
a  eu  des  hôpitaux  qui  ont  été  l'ouvrage  de  la 
piété  des  laïques. 

Saint  Jérôme  écrivant  à  Pammaque  sur  la 
mort  île  sa  femme  Pauline,  le  loue  d'avoir 
aussitôt  embrassé  la  profession  monastique, 
d'avoir  bâti  un  hôpital  près  de  Rome,  et  de 
s'être  élevé  d'abord  au  comble  de  la  vertu,  en 
se  rendant  l'imitateur  de  l'hospitalité  du  grand 
patriarche  Abraham.  11  l'exhorte  à  imiter 
encore  Abraham  en  ce  point,  à  servir  lui- 
même  les  pauvres,  et  après  avoir  donné  à  J.-C. 
tout  ce  qu'il  avait,  à  s'y  donner  encore  lui- 
inèiue.  «  Audio  te  xenodocliiumin  portu  fecisse 
Rornano,  etc.  Initia  transgrederis,  statim  sum- 
mum tenes,  prinius  inter  inonachos,  in  prima 
urbe,  primum  sequeris  patriarcham,  etc.  Moneo 
non  solum  pecuniam,  setl  teipsuni  Cbristo 
offeras,  etc.  » 

XIII.  Pammaque  était  de  maison  patricienne, 
«  palricii  generis  prinius  inter  primos  inona- 
chos esse  cœpisli,  etc.  »  Ainsi  si  su  charité 


n'avait  point  de  bornes,  ses  richesses  étaient 
immenses.  Mais  saint  Jérôme  fait  bien  voir 
dans  la  même  lettre  que  la  charité  trouve  dans 
elle-même  des  trésors  infinis.  11  assure  qu'il 
avait  bâti  lui-même  à  Bethléem  un  monastère 
et  n  h  hospice,  ou  un  hôpital,  dans  lequel  étaient 
reçues  les  personnes  religieuses  qui  accou- 
raient aux  lieux  saints  de  tous  les  endroits  du 
monde.  Aussi  envoya-t-il  son  frère  Paulinien 
pour  vendre  tout  le  reste  de  leur  patrimoine 
commun,  afin  de  ne  pas  laisser  un  si  saint  et 
si  grand  ouvrage  imparfait.  «  Nos  in  ista  pro- 
vincia  aedificato  monasterio,  et  diversorio  pro- 
pter  extructo,  ne  forte  et  modo  Joseph  cum 
Maria  in  Bethléem  veniens  non  inveniat  ho- 
spitium,  lantis  de  loto  orbe  confluentibus  tur- 
bis  obruiinur  monachoium,  etc.  » 

C'est  apparemment  du  même  hôpital  qu'il 
parle,  dans  l'épitaphe  de  la  bienheureuse  Paule, 
a  laquelle  il  en  donne  la  gloire  :  «  Donec 
extrueret  cellulas  etmonasteria,  et  diversorum 
peregriuorum  juxta  viam  conderet  mansiones, 
in  qua  Maria  et  Joseph  hospitium  non  invene- 
rant  (In  Epitaph.  Paulae);  »  à  moins  de  distin- 
guer les  deux  hôpitaux,  aussi  bien  quelesdeux 
monastères  qui  étaient  certainement  différents, 
l'un  pour  les  moines,  l'autre  pour  les  filles 
religieuses. 

XIV.  Si  Pammaque  lut  le  premier  qui  dressa 
un  hôpital  en  Italie  pour  recevoir  les  passants, 
Fabiole  eut  la  gloire  d'en  avoir  la  première 
bâti  un  très-magnifique  pour  les  malades.  Elle 
\  employa  des  richesses  immenses,  et  elle  sur- 
passa toutes  ses  libéralités,  en  s'y  consacrant 
elle-même  au  service  des  pauvres. 

«  Omnem  censum  quem  babere  polerat,  erat 
autem  amplissimus,  et  respondens  generi  ejus 
dilapidavit  et  vendidit,  et  in  pecuniam  eongre- 
gatum  usibus  pauperum  praeparavit,  et  prima 
omnium  «so/.gij.eïov  instituit,  in  quo  aegrolos  col- 
ligeret  de  plateis,  et  consumpla  languoribus 
atque  inedia  miserorum  membra  fovebat.  Quo- 
ties  niorbo  regio  et  pœdore  confectos  bumeris 
suis  ipsa  portavit?  quoties  lavit  purulentam 
vulneruin  saniem,  quam  alius  aspicere  non 
valebat?  prœbebat  cibos  propria  manu,  et  spi- 
rans  cadaver  sorbitiunculis  irrigabat  (lu  Epi- 
taph. Fabiolœ).  » 

Voilà  comme  cette  sainte  dame  surmontait 
la  délicatesse  de  son  sexe  et  faisait  la  leçon  à 
tant  de  riches  qui,  pour  exercer  ces  œuvres  de 
miséricorde,  empruntent  les  mains  d'autrui  : 
«  Clémentes  pecunia,  non  manu,  »  dit  ce  Père. 


DES  HOPITAUX  ET  MES  BÉNÉFIC1ERS,  etc. 


-"il 


XV.  II  t'ait  encore  ailleurs  mention  de  plu- 
sieurs laïques  qui  s'adonnaienl  à  l'hospitalité 
avec  tant  de  zèle  et  tant  de  libéralité,  qu'ils 
attiraient  sur  eux  la  jalousie,  et  quelquefois 

même  la  persécution  des  évêques  et  des  prê- 
tres. 

Au  reste,  saint  Jérôme  dit  tort  sagement  que 
cette  vertu  doit  être  commune  aux  ecclésiasti- 
ques et  aux  séculiers,  niais  que  les  évêques  y 
doivent  exceller  par-dessus  tous  les  autres, 
parce  qu'il  suffit  aux  laïques  de  donnera  man- 
ger ii  quelques  passants;  mais  c'est  le  devoir  de 
l'évêque  de  n'en  exclure  aucun  de  sa  table  et 
de  sa  maison. 

»  Si  omnes  illud  de  Evangelio  audire  desii ti- 
rant, hospes  lui.  et  suseepistis  nie  :  quanto 
magïs  episcopus,  cujus  domus  omnium  com- 
mune débet  esse  bospitium?  Laicus  enim 
unum.aut  duos,  aut  paucos  excipiens,  implebit 
hospitalitatis  ofticium  :  episcopus  nisi  omnes 
receperit,  inbumanus  est.  » 

XVI.  Tous  ces  exemples  d'hôpitaux  fondés 
par  des  personnes  séculières  ou  religieuses . 
mais  nullement  ecclésiastiques,  pourraient  fa- 
cilement nous  surprendre  et  nous  persuader 
que  les  évêques  n'y  avaient  aucune  juridiction. 
Mais  saint  Paulin  nous  apprend  fort  à  propos 
que,  des  que  ces  maisons  saintes  étaient  consa- 
crées à  la  charité,  elles  appartenaient  a  l'Eglise, 
et  par  conséquent  elles  étaient  soumises  au 
pouvoir  et  à  l'autorité  de  l'évêque. 

Sévère  Sulpice  avait  vendu  une  partie  de  ses 
héritages,  et  en  avait  distribué  le  prix  aux 
pauvres.  Il  avait  réservé  l'autre  partie  et  en 
avait  fait  un  hôpital  où  il  servait  lui-même  les 
pauvres.  Son  humilité  lui  persuada  qu'il  était 
bien  loin  et  bien  au-dessous  de  la  vertu  achevée 
de  saint  Paulin,  qui  avait  tout  vendu  et  tout 
donné  sans  se  rien  réserver. 

Saint  Paulin,  au  contraire,  par  une  sainte  con- 
testation d'humilité  et  de  charité,  lui  remontre 
que  c'est  l'effet  d'une  plus  haute  perfection 
d'avoir  réservé  un  tonds  non  pas  pour  soi,  mais 
pour  l'Eglise;  non  pas  pour  le  posséder,  mais 
pour  y  être  possédé  lui-même  par  les  pauvres. 

«  Ideo  sine  animi  captivitate  possessor,  quia 
quse  reservasti ,  Ecclesia  te  serviente  possi- 
deat,  etc.  Illud  Apostoli  comples,  ut  habens, 
non  habeas,  quia  non  tibi,  sed  non  habentibus 
habens,  domus  tua1  hospes  es,  ut  sit  hospitum 
domus,  etc.  Tuoruni  confamulus  vernulorum, 
temporale  habitaculum  lui  tecti,  non  ut  pater- 
familias  usurpas,  sed  ut  mercenariusvelinqui- 


Linus  mânes,  stipendium  quasi  precariœ  man- 
sionis  Domino  pensitans,  de  socia  et  corporis 
tui.  et  animi  servilute    Epist.  ad  Severum).  » 

XVII.  Paliadius  raconte  une  histoire  toute 
semblable  de  deux  livres  tort  riches,  dont  l'un 
vendil  tout  et  distribua  tout  aux  églises  et  aux 
pauvres,  vivant  d'un  métier  qu'il  apprit,  et 
s'occupant  tout  entier  de  la  prière.  L'autre 
fonda  un  monastère  et  un  hôpital,  où  il  rece- 
vait tous  les  pauvres  et  tous  les  passants  (Hist. 
Laos.,  c.  xv,  xvi). 

Le  saint  abbé  Pambon  voyant  ses  religieux 
divisés  sur  la  préférence  de  ces  deux  frères  , 
leur  apprit  que.  quoique  leur  conduite  fût  si 
ili\erse,  leur  mérite  était  égal;  l'un  ayant  imité 
l'hospitalité  d'Abraham,  et  l'autre  ayant  été 
i  nllanmié  du  zèle  et  de  la  ferveur  d'Elie.  -Mais, 
dans  toutes  ces  rencontres  il  faut  généralement 
supposer  que  l'Eglise  possédait  toutes  ces  mai- 
sons dédiées  au  soulagement  des  pauvres , 
comme  nous  l'a  appris  saint  Paulin,  en  parlant 
a  un  illustre  fondateur  :  a  Ecclesia  te  serviente 
possidet.  » 

XVIII.  Il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  faire 
encore  celte  réflexion  que  plusieurs  des  exem- 
ples et  des  auteurs  rapportés  dans  ce  chapitre, 
nous  ont  fait  voir  les  monastères  et  les  hôpi- 
taux joints  ensemble.  Les  religieux  avaient 
apparemment  l'intendance  de  ces  hôpitaux,  et 
on  ne  doute  pas  qu'en  ces  temps-là  ils  ne 
fussent  parfaitement  assujétis  à  l'autorité  des 
évêques.  Il  faut  donc  conclure  la  même  chose 
de  ces  hôpitaux.  Il  y  eut  dans  les  siècles  sui- 
vi nt-  des  hôpitaux  où  l'on  observait  les  règles 
monastiques. 

XIX.  Il  est  encore  bien  juste  de  remarquer 
que,  si  les  évêques  ont  fondé  des  hôpitaux, 
ce  furent  le  plus  souvent  les  libéralités  des 
laïques  qui  leur  en  donnèrent  le  moyen. 
Car  .  saint  Basile  ,  dans  une  de  ses  lettres 
(Epist.  cccxcu),  après  avoir  parlé  de  son  hô- 
pital des  pauvres,  iîtuxotpoçswv,  donne  cette  règle 
importante,  que  ceux  qui  se  dépouillent  de 
leurs  biens  ne  doivent  pas  les  dispenser  eux- 
mêmes,  parce  qu'ils  ne  peuvent  pas  faire  le 
discernement  des  vrais  pauvres  ,  mais  qu'ils 
doivent  en  commettre  l'emploi  et  la  distribu- 
tion à  celui  qui  est  chargé  du  soin  des  pauvres. 

777w£wv   GIXGVGUSW   ij.-iTT.I-Vjv.i-tôi. 

Il  y  avait  donc  un  économe  des  pauvres, 
constitué  sans  doute  par  l'évêque,  qui  était 
ordinairement  le  dépositaire  des  libéralités 
extraordinaires  de  ceux  qui  renonçaient  au 


292       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-NEUVIÈME. 


monde  et  à  tous  leurs  biens.  Saint  Basile  lait 
voir  que  cette  police  avait  pris  sa  naissance 
avec  l'Eglise  même ,  lorsque  les  fidèles  ven- 
daient leurs  héritages  ,  et  voulaient  que  les 
Apôtres  en  fussent  les  souverains  dispensa- 
teurs. 

XX.  Cette  considération  est  de  quelque  poids 
pour  soumettre  tous  les  hôpitaux  au  pouvoir 
et  à  la  direction  de  l'évèque.  En  voici  une 
autre  qui  ne  doit  pas  être  négligée.  Le  même 
saint  Rasile  est  d'avis  qu'on  chasse  des  hôpi- 
taux les  infirmes  dont  la  vie  est  scandaleuse, 
parce  qu'on  doit  regarder  la  personne  de  J.-C. 
dans  celle  des  pauvres  qu'on  sert;  ainsi  ils  ne 
méritent  pas  cet  honneur,  si  leurs  mœurs  sont 
contraires  à  la  loi  de  J.-C.  (Reguke  brevior., 
c.  clv). 

Ces  termes  de  saint  Rasile  Toïsèvrâ  l^oy/ia  àj- 
p<BOTo« ,  pourraient  faire  croire  que  les  ma- 
lades étaient  mêlés  avec  les  passants  dans  son 
hôpital.  Or  ce  discernement  des  bons  et  des 
mauvais  pauvres  n'appartient  proprement 
qu'aux  ecclésiastiques. 

Il  y  avait  donc  un  économe  des  pauvres  qui 
était  certainement  établi  par  l'évèque,  entre 
les  mains  de  qui  étaient  déposés  tous  les  biens 
et  tous  les  effets  de  ceux  qui  renonçaient  au 
monde.  Saint  Rasile  parle  de  cela  depuis  sa 
première  origine,  lorsqu'il  propose  pour  mo- 
dèle l'exemple  des  premiers  fidèles  qui  ne  dis- 
tribuaient pas  eux-mêmes  leurs  biens  aux 
pauvres  et  n'en  faisaient  pas  des  largesses  aux 
uns  plutôt  qu'aux  autres,  mais  qui  les  met- 
taient aux  pieds  des  Apôtres  pour  en  disposer 
à  leur  discrétion ,  suivant  le  besoin  qu'ils  sa- 
vaient que  les  pauvres  en  pouvaient  avoir. 

XXI.  Au  reste  si  saint  Rasile  avait  destiné  un 
même  hôpital  aux  pauvres  passants  et  aux 
malades,  on  ne  peut  pas  avoir  la  même  pensée 
de  saint  Chrysostome  qui  distingue  manifeste- 


ment l'Eglise  et  la  maison  affectée  au  soulage- 
menldeshôteset  des  passants.  «Est  domicilium 
commune  Ecclesiae,  quam  vocamus  hospitalem 
Seviova  (In  Acta  tom  xlvi).  » 

11  dit  la  même  chose  ailleurs,  où  il  repré- 
sente les  dépenses  prodigieuses  que  faisait 
l'H^lise  de  Constanlinople,  ayant  tous  les  jours 
trois  mille  pauvres  à  nourrir,  et  outre  cela 
envoyant  de  quoi  faire  subsister  les  prisonniers, 
les  passants,  les  lépreux,  et  enfin  tous  les  misé- 
rables. «  Jam  numerus  eorum  in  calalogo  ad- 
scriptus,  ad  tria  millia  ascendit,  et  prœterea 
multis,  (jui  in  carcere  habitant,  auxiliatur 
Ecclesia,  multis  in  hospitali,  xçwSoxw» laboranti- 
bus,  multis  advenis,  multis  leprosis,  etc.  (In 
Malth.  tom.  lxvii).  » 

XXII.  Toutes  ces  différentes  sortes  d'hôpi- 
taux donnaient  des  noms  et  des  qualités  hono- 
rables aux  bénéficiers  qui  en  étaient  chargés. 

Théodore,  lecteur  (L.  m),  dit  que  Cennadius 
fut  fait  patriarche  de  Constantinople  par  la 
faveur  d'Acacius,  orphanotrophe,  ou  préfet  de 
l'hôpital  des  orphelins.  Saint  Epiphane  dit 
qif  Eustache,  évêque  deSébaste,  se  montra  trop 
favorable  à  Aerius,  quand  il  le  fit  prêtre,  et  lui 
donna  l'intendance  de  l'hôpital  Xenodochii, 
qu'on  appelle  dans  le  l'ont  PtochotropMum 
(Hœres.  lxxv). 

Saint  Rasile,  aprèsavoir  fait  l'éloge  d'un  de 
ses  chorévêques,  dit  qu'il  est  économe  d'un 

hôpital,  TTTw/crp&^sïov tôv  irap' aùxcù  cîxovofi.oâfi£VGy.  SOZO- 

menedit  que  Théophile  voulait  faire  monter  sur 
le  trône  de  Constantinople,  au  lieu  de  saint 
Chrysostome,  un  de  ses  prêtres  nommé  Isidore, 
qui  était  grand  hospitalier  d'Alexandrie.  i-KWfo- 

Nous  traiterons  en  peu  de  mots,  dans  les 
chapitres  xcm  et  xciv,  ce  qui  s'est  passé  à  ce 
sujet  dans  le  sixième  et  le  septième  siècle  de 
l'Eglise. 


DKS  HOPITAUX  SOIS  CHÀRLEMAGNE. 


203 


CIIAriTRE  QUATRE-VINGT-DIXIÈME. 


DES    HOPITAUX    Dl     TEMPS    DE    CHARLEMAGNE. 


I.  Tous  les  monastères  de  religieux,  de  religieuses  et  de  cha- 
noinesses  doivent  avoir  des  hôpitaux. 

II.  Chaque  êvêché  devait  aussi  en  avoir. 

III.  Diverses  espèces  d'hôpitaux. 

IV.  Les  pauvres  qui  ont  de  la  santé  doivent  travailler. 

V.  Les  hôpitaux  étaient  mis  sous  la  protection  des  évèques 
et  des  rois,  aûn  que  le  temporel  leur  fût  conservé. 

VI.  un  craignait  que  les  princes  n'en  donnassent  l'adminis- 
tration à  des  laïques  et  à  des  dissipateurs. 

Vil.  Trois  manières  diverses  de  gouverner  les  hôpitaux,  par 
raine  autorité  des  évèques,  par  les  héritiers  des  fonda- 
teurs, et  par  des  communautés  religieuses. 

VIII.  L'autorité  des  évèques  et  la  protection  des  rois  y  do- 
minait toujours. 

IX.  Les  administrateurs  étaient  quelquefois  des  séculiers,  mais 
la  loi  générale  était  qu'ils  ne  pouvaient  se  rien  approprier  du 
bien  des  pauvres. 

X.  La  police  la  plus  régulière  était  d'en  commettre  l'adminis- 
tration aux  diacres. 

XL  La  police  des  Grecs  conforme  à  celle  des  Latins. 

I.  Le  règlement  que  le  concile  d'Aix-la-Cha- 
pelle en  816  Ann.  28)  dressa  pour  les  chanoi- 
nesses,  nous  fera  sans  doute  admirer  l'ardeur 
de  la  charité  ecclésiastique  pour  les  pauvres. 
Chaque  monastère  doit  avoir  :  1°  Un  lieu  pour 
recevoir  tous  les  survenants  près  de  la  porte 
du  monastère.  «  Quanquam  ail  portam  mona- 
sterii  locus  talis  sit  rite  habendus,  in  quo  ad- 
ventantes  quique  suscipiantur.  » 

2°  Un  hôpital  pour  les  pauvres,  joignant 
l'Eglise,  où  les  prêtres  et  les  autres  ministres 
destinés  à  servir  les  chanoinesses ,  célèbrent 
les  offices  divins.  «  Juxta  Eeelesiam  in  qua 
presbyteri  cuiii  ministris  suis  divinum  expient 
oftieitim,  sit  hospitale  pauperum.  » 

3"  Un  lieu  dans  le  monastère  même,  où  les 
veuves  et  les  pauvres  femmes  fussent  logées  et 
entretenues.  «  Sit  etiam  intra  monasterium 
receptaculum ,  uhi  viduae  et  pauperculae  tan- 
tummodo  recipiantur.  et  alantur.  » 

4°  Les  dîmes  des  terres  de  l'abbaye,  de  tous 
ses  revenus,  de  quelque  nature  qu'ils  pussent 
être,  et  des  oblations  ou  des  présents  qu'on 
faisait  au  monastère,  étaient  consacrés  à  l'hô- 
pital des  pauvres.  «  Exceptis  deeimis,  qua1  de 
ecclesiao  villis  ibidem  conferuntur  ;  de  rébus 
Ecclesiœ  prout  facullas  suppetit ,  eidem  depu- 
tetur  hospitali,unde  pauperes  ibidem  recreen- 


tur  et  foveantur.  Sed  et  de  oblationibus  ,  qusc 
Qdelibus  sanctimonialibus  deferuntur,  déchue 
dentur  ad  eorumdem  sustentationem  paupe- 
rum. B  II  est  apparent  que  les  autres  monas- 
tères, soit  de  religieuses,  soit  de  religieux,  ou 
de  chanoines  ne  répandaient  pas  moins  libéra- 
lement sur  les  pauvres  les  trésors  de  leur  cha- 
rité, puisqu'on  ne  pouvait  douter  que  tous  les 
biens  de  l'Eglise,  quels  qu'ils  pussent  être,  ne 
fussent  le  patrimoine  des  pauvres.  «Oblationes 
fidelium,  patrimonia  pauperum,»  comme  il 
est  dit  dans  ce  même  canon. 

5°  L'hôpital  des  pauvres  était  commis  à  un 
administrateur,  qui  devait  être  autant  ennemi 
de  l'avarice ,  qu'amateur  de  l'hospitalité  ,  et 
qui  ne  devait  rien  détourner  à  son  usage  du 
patrimoine  des  pauvres  de  J.-C.  «  Talis  prasit, 
qui  et  avaritiam  oderit  et  hospitalitatem  dili- 
gat,  etc.  Is  eui  hospitale  committitur,  nequa- 
quam  res  pauperum  in  suos  usus  retorqueat.  » 

II.  Ers  évèques  ne  cédaient  pas  aux  monas- 
tères dans  l'exercice  de  l'hospitalité.  Le  con- 
cile d'Aix-la-Chapelle  tenu  en  836  'Can.  ni), 
ordonna  des  hôpitaux  à  tous  les  évèchés,  aussi 
bien  qu'à  tous  les  monastères.  «  Placet  ut 
deinceps  in  singulis  civitatibus  monasteriis 
juxta  moduni  reruni  hospitalitas  ordinetur  ad- 
venientium.  » 

Il  est  clair  que  ce  canon  doit  être  entendu  des 
hôpitaux  des  passants.  Car  quoique  les  évèques 
et  les  abbés  reçussent  autrefois  les  hôtes  à  leur 
talile  et  dans  leur  maison,  ils  furent  enfin  con- 
traints de  faire  bâtir  des  hôpitaux  pour  les  y 
recevoir  avec  plus  de  commodité  et  plus 
d'ordre. 

C'est  de  ces  hôpitaux  pour  les  passants  que  le 
concile  de  Meaux.  en  si:,  Can.  xl),  nous  ap- 
prend  deux  choses  remarquables  :  1°  Que  les 
saints  religieux  d'Irlande  en  avaient  fondé  et 
doté  un  grand  nombre  dans  la  France;  2°  qu'il 
y  avait  dansées  hôpitaux  des  congrégations  de 
clercs  ou  de  religieux.  Ce  concile  adresse  ses 
plaintes  au  roi  contre  ceux  qui  avaient  usurpé 


294        Dr  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIXIÈME. 


tous  les  fonds  de  ces  hôpitaux ,  et  en  avaient 
chassé  même  ces  pauvres  religieux  qui  y 
avaient  été  reçus  des  leur  jeunesse. 

«  Sed  et  hospitalia  Scotorum ,  quae  sancli 
liomines,  gentis  illius  in  lioc  regno  construxe- 
runt,  et  rébus  pro  sanctitate  sua  acquisitis  am- 
pliaverunt  ah  eodem  hospitalitatis  oflîeio  fun- 
ditussuntalienata.  Etnonsolumsupervenientes 
in  eadem  hospitalia  non  recipiuntur,  verum 
etiam  ipsi  qui  ah  infantia  in  eisdem  locis  sut» 
religione  Domino  militaverunt,  et  exinde  eji- 
ciuntur,  et  ostiatim  mendicare  coguntur.  » 

Les  évoques  des  provinces  de  Reims  et  de 
Rouen  firent  la  même  remontrance  a  Louis  de 
Germanie,  ajoutant  que  les  administrateurs  de 
ces  hôpitaux  devaient  être  soumis  aux  évoques 
et  ne  rien  faire  sans  leur  avis.  «  Sed  et  Recto- 
rihus  monasteriorum,  et  xenodochiorum,  id  est 
liospitalium  praecipite,  ut  sicut  canonica  docet 
autoritas,  et  capitula  avi  et  patris  vestri  pra> 
cipiunt,  episcopis  propriis  sint  subjecti,et  mo- 
nasteria  atque  hospitalia  sibicommissaipsorum 
regant  consilio  (Concil.  Gall.,  tom.  m,  p.  l-2i. 
cap.  x).  » 

Il  est  probable  que  ces  hôpitaux  de  passants, 
«  Hospitalia  peregrinorum  ,  sicut  sunt  Scoto- 
rum, »  étaient  particulièrement  destinés  a  re- 
cevoir ceux  qui  faisaient  le  pèlerinage  de  Rome. 
Cette  dévotion  était  alors  fort  ordinaire,  sur- 
tout aux  Irlandais.  C'est  ce  qui  les  obligeait 
eux-mêmes  de  dresser  des  hôpitaux  pour  ceux 
de  li  ur  nation.  Les  évoques  ne  laissaient  pas  d'y 
exercer  leur  autorité. 

Le  concile  de  'foui  de  l'an  859  (Can.  xxiv), 
implora  la  protection  des  rois  sur  toutes  sortes 
d'hôpitaux,  comme  étant  de  leur  fondation,  ou 
au  moins  sous  leur  sauvegarde.  «  Hospitalia 
peregrinorum  et  aliorum,  a  piis  imperatoribus 
praeparata,  ab  omni  usu  et  libitu  humanse  te- 
meritatis  absoluta  restaurentur.  » 

III.  Les  capitulaires  de  Charlemagne  font  la 
distinction,  et  donnent  même  la  définition  de 
toutes  ces  sortes  différentes  d'hôpitaux  ,  de 
même  qu'ils  étaient  en  vogue  dans  l'Orient: 
XenodocMum ,  pour  les  passants  ;  Ptochotro- 
phium,  pour  les  pauvres  ;  JNosoéomium ,  pour 
les  malades;  Orphanotrophium ,  pour  les  or- 
phelins; Geruntocomium,  pour  les  vieillards; 
Brephotrophium  ,  pour  les  enfants  (CapituL, 
1.  24,  c.  xxiv).  » 

IV.  Mais  celte  multitude  d'hôpitaux  n'empê- 
chait pas  qu'on  obligeât  au  travail  les  pauvres 
qui  en  avaient  les  forces.  Charlemagne,  après 


avoir  commandé  que  chaque  fidèle  nourrît  un 
pauvre,  et  qu'on  ne  souffrît  plus  de  mendiants 
publics ,  défendit  en  même  temps  de  donner 
l'aumône  à  ceux  qui  peuvent  travailler. 

«  De  mendicis  qui  per  patrias  discurrunt , 
volumus  ut  unusquisque  fidelium  nostroruin 
suum  pauperem  debeneficio,  aut  de  propria 
familia  nutriat,  et  non  perraittat  aliubi  ire 
mendicando.  Et  ubi  taies  inventi  fuerint,  qui 
sibi  manibus  laborent,  nullus  eis  quidquam 
tribuere  pnesumat(L.  i,  c.  114).  » 

V.  Ces  différentes  manières  d'hôpitaux  n'é- 
taient pas  partout  distinguées  de  même.  On  les 
confondait  souvent  en  un  seul. 

Tel  était  apparemment  l'hôpital  que  Hincmar, 
archevêque  de  Reims,  fonda  et  dota  pour  les 
pèlerins  et  pour  les  pauvres;  il  le  commil  à 
ses  chanoines,  et  il  lui  assigna  de  grands  fonds 
et  fit  confirmer  parle  roi,  aussi  bien  que  par 
tous  les  évêques  de  sa  province,  la  donation 
qu'il  lui  faisait ,  afin  qu'aucun  de  ses  succes- 
seurs n'entreprît  jamais  de  la  révoquer,  et  de  la 
diminuer  le  moins  du  monde,  ou  d'en  retirer 
aucune  contribution. 

«  Canonicis  quoque  hujus  Remensis  Eccle- 
sise  hospitale  constituit,  ad  susceptionem  pere- 
grinorum vel  pauperum,  congruis  ad  id  rébus 
depUtatis  ,  cum  consensu  coepiscoporum  Re- 
mensis diœceseos ,  atque  subscriptionibus  eo- 
rumdem  ,  ea  conditione,  ut  nullo  unquam 
tempore  quilibet  episcopus,  vel  quœlibet  per- 
sona  easdem  res  cuiquam  in  benefieium  dare. 
vel  in  alios  usus  quoeumque  modo  abstrahere 
praesumat;  neque  aliquem  censum  vel  redhi- 
bitionem  exinde  accipiat  :  sed  lotuni  quidquid 
ex  ipsis  rébus  juste  acquiri  potuerit:  in  usus 
pauperum,  atque  canonicorum  secundum  mo- 
dum  dëscriptum  in  privilegio,  a  se  et  c;eteris 
episcopis  conlirmato  ,  expendatur.  Super  hoc 
quoque  constituto,  regiœ  âutoritatis  praece- 
ptum  a  Carolo  rege  fieri  atque  firmari  obtinuit 
(Flodoard.,  bist.  Rem.,  1.  m,  c.  x).  » 

C'est  un  point  assez  remarquable  qu'on  met- 
tait tel  hôpital  sous  la  protection  des  mis 
mêmes,  afin  que  ni  les  rois  leurs  successeurs, 
ni  les  évêquesà  venirne  pussent  jamaisen  faire 
comme  d'un  lie!  la  récompense  d'un  gentil- 
homme ou  d'un  homme  de  guerre,  ou,  par  des 
exactions  injustes,  en  diminuer  les  revenus, 
qui  étaient  destinés  par  le  fondateur,  et  par- 
tons les  évêques  de  la  province,  à  l'entretien 
des  passans,  des  pauvres  et  des  chanoines  qui 
en  étaient  les  administrateurs.  Or  il  ne  faut  pas 


DES  HOPITW'X  Sors  GHARLEMAGNE. 


205 


douter  que  les  autres  fondateurs  de  ces  mai- 
sons de  charité  ne  prissent  les  mêmes  précau- 
tions contre  les  mêmes  dangers. 

VI.  Les  hôpitaux,  aussi  bien  que  les  monas- 
tères, ayant  été  mis  sens  la  protection  des  rois 
par  les  personnes  particulières  qui  les  avaient 
fondes,  le  concile  de  l'a\ie  prend  de  là  occasion 
d'avertir  les  rois  et  les  empereurs  que.  si  au 
lieu  de  détendre  ces  sacres  monuments  de  la 
piété  des  fidèles,  ils  les  oppriment  eux-mêmes 
et  en  donnent  le  maniement  et  la  disposition  à 
d'autres  qu'à  ceux  qui  sont  marqués  par  les 
canons,  ils  doivent  d'autant  [dus  appréhender 
la  vengeance  du  ciel  qu'ils  n'en  appréhendent 
point  des  autres  souverains  de  la  terre. 

«  Suggerendum  est  beatissimis  imperalori- 
1ms.  quia  lu.  qui  monasteria  et  xenodochia  sub 
defensione  sacri  palatii  posuerunt,  ideo  fecisse 
probantur,  quod  a  nullo  melius,  quam  a  sura- 
mis potestatibus  protegenda  crediderint.  El  si 
ea  contra  décréta  institutorum,  personisquibus 
non  licet  dederint,  ipsi  impugnatorës  effi- 
ciuntur,  qui  propugnare  debuerunt;  et  caven- 
dum  summopere  principibus,  ut  qui  nunc 
minime  judicantur,  ne  in  fuluro  judicio  ab 
omnipotent]  Deo  graviusjudicentur,  secundum 
Aposlolum  .  etenim  horrendum  est  incidere  in 
manus  Dei  viventis  (lin.  \\  .  » 

VII.  Ce  canon .  aussi  bien  que  quelques  au- 
tres, nous  insinue  en  passant  que  les  rois  don- 
naient les  administrations  des  hôpitaux  aussi 
bien  que  les  abbayes.  L'Eglise  se  mettait  moins 
en  peine,  de  s'opposer  à  ces  nominations  des 
rois  qu'a  leur  inculquer  la  nécessite  indispi  a- 
sable  de  ne  nommer  que  des  personnes  pi'  uses 
et  fidèles,  conformément  aux  canons. 

Nous  concluons  de  ce  canon,  en  y  joignant 
celui  qui  précède  immédiatement,  qu'il  y  avait 
trois  manières  diverses  de  gouverner  les  hôpi- 
taux. Les  uns  étaient  en  la  pleine  disposition  des 
évoques,  parce  que  les  fondateurs  les  leur 
avaient  absolument  assujétis;  et  alors  les  évo- 
ques nommaient  les  directeurs  de  ces  hôpitaux. 
Les  autres  étaient  simplement  sous  la  protec- 
tion de  l'Eglise,  et  ayant  pour  administrateurs 
les  parents  ou  les  héritiers  du  fondateur.  I  évo- 
que avait  une  intendance  et  une  autorité  su- 
prême  sur  leur  gouvernement  et  sur  leur  con- 
duite. Il  y  en  avait  qui  fiaient  gouvernés  [ai- 
des communautés  saintes,  et  l'évêque  avait  le 
même  droit  de  veiller  sur  toute  leur  adminis- 
tration. 

Si  les  héritiers  ou  les  parents  du  fondateur 


faisaient  quelque  entreprise  préjudiciable  à 
l'établissement  de  l'hôpital,  l'évêque  la  répri- 
mai! de  son  autorité,  ou  il  implorait  la  toute- 
puissante  protection  du  roi,  comme  du  garde 
et  du  défenseur  universel  de  toutes  les  Eglises. 
«  He  xenodoelnis  statuimus,  ut  quae  in  episco- 
porum  sunt  potestate,  secundum  dispositionem 
eorum  qui  institueront,  gubernentur.  Quae  au- 
tem  suh  defensione  quidem  sunt  Ecclesiœ,  sed 
juxta  institutorum  décréta,  per  haeredes,  vel 
per  tenentes,  qui  religiosam  vitam  duxerint, 
régi  debent  ;  procuret  episcopus,  ut  ab  eis  non 
negligantur;  et  si  in  aliquo  malee  tractationis 
obnoxii  reperiunlur,  eeclesiasticœ  subjaceant 
disciplina'.  Quod  si  ha?redes  sive  clerici ,  sive 
saeculàres  testatoris  institutionem  supprimera 
vel  obscurare  nitantur,  et  inter  se  xenodochii 
substantiam  dividere  ,  nuntietur  sacratissimo 
imperatori,  ut  ejus  autoritate  hujusmodi  trans- 
gressorum  nequitia  coerceatur  (Ibid.,  c.  xv  .  » 

VIII.  Apres  cela  on  ne  peut  douter  que  tous 
les  hôpitaux  ne  fussent  généralement  sous  l'au- 
torité de  l'évêque  et  sous  la  protection  du  sou- 
verain, quoiqu'il  y  eût  en  cela  divers  degrés, 
selor>que  les  fondateurs  les  avaient  eux-mêmes 
plus  particulièrement  soumis,  ou  à  l'évêque,  ou 
a  leurs  héritiers,  ou  à  une  communauté  reli- 
gieuse, ou  à  l'empereur. 

IX.  On  ne  peut  douter  non  plus  que  les  admi- 
nistrateurs des  hôpitaux  ne  fussent  souvent  des 
séculiers ,  ou  par  le  don  des  empereurs,  ou  par 
la  concession  de  l'évêque,  ou  par  la  disposition 
des  fondateurs,  qui  avaient  donné  celte  qualité 
a  leurs  successeurs  ou  à  leurs  héritiers.  Mais  la 
loi  indispensable  des  administrateurs,  quels 
qu'ils  puissent  être,  est  celle  qui  a  été  marquée 
au  commencement  de  ce  chapitre  par  le  con- 
cile d'Aix-la-Chapelle,  de  ne  s'approprier  rien 
de  ce  qui  a  été  donné  aux  pauvres  :  «  Nequa- 
quara  res  pauperum  in  suos  usus  retorqueat.  » 

X.  On  pourrait  dire  néanmoins  avec  raison 
que  la  police  la  plus  canonique  était  de  donner 
la  bénédiction  et  l'administration  des  hôpitaux 
aux   ecclésiastiques,   et  surtout   aux   diacres 

Epist.  lxxxviii,  xciv.  cxxxvi). 

Ce  lut  la  pratique  la  plus  universelle  et  la 
plus  ancienne  de  l'Eglise  d'apporter  aux  pieds 
des  Apôtres,  c'est-à-dire  des  évêques,  et  ensuite 
de  faire  administrer  et  distribuer  par  des  dia- 
cres tout  ce  que  la  charité  des  fidèles  a  destiné 
a  la  nourriture  des  indigents.  Aussi  Anastase 
Bibliothécaire,  dans  les  vies  des  papes,  surtout 
dans  celles  d'Adrien  I"  et  de  Léon  III,  fait 


296        DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-ONZIÈME. 


mention  d'une  infinité  de  diaconies.  à  Rome, 
qui  étaient  des  maisons  saintes  et  richement 
dotées  pour  l'entretien  des  pauvres. 

XI.  Ou  trouve  aussi  plusieurs  lettres  de  l'ho- 
tius  adressées  a  un  diacre  administrateur  d'un 
hôpital  :  Xenodocho  orpkanotropho.  .Mais  nous 
admirerons  Lien  plus  la  conformité  de  la  disci- 
pline des  deux  Eglises  dans  ce  que  Cedrénus 


raconte  de  l'empereur  de  Constantinople  Cons- 
tantin Monomaque,  qui  fonda  un  monastère 

dans  lequel  il  y  avait  divers  hôpitaux,  l'un  poul- 
ies vieillards,  l'autre  pour  les  passants,  le  der- 
nier pour  les  pauvres.  Ainsi  l'administration 
des  hôpitaux,  dans  l'une  et  l'autre  Eglise,  était 
souvent  commise  à  des  communautés  de 
moines  ou  de  chanoines. 


CHAPITRE   QUATRE-VINGT-ONZIEME. 


DES    HOPITAUX   DEPl'IS   LAN    MIL. 


I.  Les  hôpitaux  étaient  le  plus  souvent  des  communautés  re- 
ligieuses, où  les  pauvres  mêmes  vivaient  en  religieux.  Preuves 
tirées  des  décrétâtes  des  papes. 

II.  Preuves  tirées  des  conciles  de  France,  d'Angleterre  et 
d'Italie. 

III.  Exemples  de  ces  communautés  religieuses  dans  Tes  hô- 
pitaux, en  Angleterre,  en  France  et  en  Italie. 

IV.  11  en  était  de  même  dans  l'Orient. 

V.  Les  papes  et  les  conciles  ont  mis  les  hôpitaux  dans  la  dé- 
pendance des  évêques. 

VI.  Les  clercs  ne  peuvent  en  être  bénéficiera,  les  laïques 
peuvent  en  être  administrateurs. 

VII.  Règlements  du  concile  de  Trente  et  des  conciles  suivants 
pour  soumettre  les  hôpitaux  à  l'évèquc,  et  lui  rendre  les  admi- 
nistraleurs  comptables. 

VIII.  Diverses  ordonnances  de  nos  rois  sur  cette  matière. 

IX.  Nouvelles  remarques  sur  le  concile  de  Trente. 

I.  On  ne  doutera  pas  que  les  hôpitaux  ne 
doivent  être  mis  au  nombre  et  au  rang  des  bé- 
néfices quand  on  aura  bien  compris  les  deux 
premières  vérités  que  nous  avançons  :  I"  Qu'on 
\  vivait  en  communauté  et  qu'on  y  célébrai! 
les  divins  offices;  2°  qu'ils  étaient  dans  une 
entière  dépendance  des  évoques,  comme  ayant 
été  ordinairement  fondés  par  leurs  libéralités  . 
ou  enfin  des  fonds  et  îles  revenus  de  l'Eglise. 

Alexandre  III  unit  l'hôpital  de  Compiègne  à 
l'abbaye  de  la  même  ville,  parce  que  les  mo- 
nastères avaient  ordinairement  des  maisons 
poui  s  recevoir  les  pauvres  et  les  passants. 
"  Nn-  attendentes  quod  monasteria  et  alia  reli- 
giosa  loca  hospitaies  domos  ad  receptiones 
pauperum  habere  solebant,  etc.   Epist.  ix  .  » 

Le  concile  III  de  Latran,  en  1 179  Can.  xxni  . 
sous  ce  même  pape,  ordonna  que  les  lépreux 
auraient  une  église,  un  cimetière  et  un  cure  à 


part  dans  les  lieux  où  leur  communauté  serait 
assez  nombreuse  pour  cela.  «  l  bieumque  tôt 
sinnil  sub  communi  vita  fuerint  eongre- 
gati,  etc.  »  Ils  menaient  donc  la  vie  commune; 
et  ensuite  ce  concile  les  exempte  de  payer  les 
dîmes.  «  Ut  de  hortis  et  nutrimentis  anima- 
lium  suorum  décimas  tribuere  non  cogah- 
tur.  » 

Urbain  III  (Epist.  v)  donna,  en  11X7,  un  pri- 
vilège au  grand  maître  et  aux  frères  porte- 
croix,  admagistrum  et  fratres  cruciferos,  qui 
gouvernaient  l'hôpital  de  Boulogne.  Ce  privi- 
lège est  tout  semblable  à  ceux  des  commu- 
nautés religieuses ,  avec  pouvoir  de  recevoir 
des  sujets  et  de  fonder  de  nouvelles  maisons 
de  leur  ordre. 

II.  iMais  le  concile  de  Paris,  en  lï\-2  (Part.  3, 
c.  ix),  s'expliqua  bien  plus  clairement  sur  la 
nature  et  l'état  des  hôpitaux,  soit  des  lépreux, 
soit  des  malades,  soit  des  passants,  quand  il 
ordonna  que  si  les  revenus  étaient  suffisants 
on  y  vécût  en  communauté,  on  y  gardât  la 
désappropriation,  la  continence  et  l'obéissance 
au  supérieur;  on  y  portât  l'habit  de  religion  . 
on  n'y  souffrît  pas  que  le  nombre  des  sains 
eveédàt  celui  des  malades  ;  enlin  qu'on  en 
chassât  toutes  les  personnes  mariées,  si  elles  ne 
voulaient  \  vivre  dans  L'habit  et  la  profession 

religieuse. 

«  De  domibus  leprosorum,  et  hospitalibus 
infirmorum  et  peregrinorum,  salubri  consilio 
statuimus,  ut  si  facilitâtes  loci  patiantur  quod 


DES  HOPITAUX  DEPUIS  L'AN  MIL. 


207 


ibidem  manentes,  possint  vivere  de  eommuni, 
competens  eis  n  gula  statuatur,  cujus  substan- 
tia  in  tribus  articulis  maxime  continetur;  sci- 
lieet,  ut  proprio  renuntient,  continentiœ  vo- 
tuni  emittant,  et  pnelatosuo  obedientiam  fide- 
lem  etdevotam  promittant,  et  habitu  religioso, 
non  saeculari  utantur.  Cuni  autem  pauci  sani 
possent  mullis  infirmis  ministrare,  indignum 
est,  ut  numerus  sanorum  ibidem  manentium 
excédât  numerum  inûrmorum,  aut  peregri- 
norum.  » 

EL  après  avoir  condamné  le  mauvais  artifice 
des  personnes  mariées  qui  se  retiraient  dans 
ces  hôpitaux  pour  décliner  la  juridiction  sécu- 
lière, ce  concile  leur  ordonne  d'en  sortir,  ou 
de  prendre  l'habit  de  religion.  «  Statuimus  ut 
in  habita  religionis  religiose  vivant,  vel  de  do- 
mibus  ejiciantur.  » 

Saint  Edmond,  archevêque  de  Cantorbéry, 
supposait  bien  qu'on  menait  la  vie  commune 
et  religieuse  dans  tous  les  hôpitaux,  quand  il 
fit  cette  constitution  entre  plusieurs  autres  l'an 
1230.  «  Prœcipimus,  quod  qui  volunt  domuni 
hospitalem,  seu  xenodochium  fundare  de  novo, 
regulam  et  institutionem  a  nobis  accipiant,  se- 
cunduni  quod  vivant  regulariter  et  religiose 
(Can.  xxxv).  » 

Le  concile  de  Ravenne,  en  1311  (Can.  xxv), 
condamna  les  laïques  qui  avaient  saisi  les  hô- 
pitaux et  les  maladreries,  déclarant  que  pour 
en  être  pourvu  et  pour  les  conserver,  il  fau- 
drait être  religieux,  tonsuré,  vivant  en  conti- 
nence, résidant  et  exerçant  l'hospitalité. 

«  Neç  aliqui  instituantur  in  eis,  uec  ea  qui 
habent,  valeant  detinere,  nisi  siiit  religiosi  et 
sine  uxore,  et  taies  quod  profiteantur  perpetuo 
ibidem  pauperibus  deservire,  et  tonsuram,  et 
hospitalitatem  teneant,  et  residentiam  faciant 
in  eisdem.  » 

111.  Entre  les  additions  qui  se  trouvent  à  la 
fin  de  Matthieu  Paris,  on  nous  a  donné  la  fon- 
dation de  l'hôpital  de  Saint-Julien,  par  les  ab- 
bés de  Saint-Albans  en  Angleterre,  et  la  règle 
qui  tut  prescrite  tant  aux  prêtres  et  aux  chape- 
lains, qu'aux  lépreux  même  de  cet  hôpital. 
C'<  tait  à  l'abbé  de  Saint-Albans,  ou  à  son  archi- 
diacre, d'\  admettre  les  frères  (Auctarium  ad- 
ditamentorum.  p.  101). 

On  ne  pouvait  j  recevoir  un  lépreux  marié, 
si  sa  femme  ne  faisait  profession  religieuse,  ou 
si  son  grand  âge  ne  lui  faisait  accorder  la  li- 
berté de  demeurer  dans  le  monde,  avec  un 
vœu    simple    de   perpétuelle  continence.   Ils 


étaient  tous  vêtus  d'une  soutane  el  d'une  robe 
longue  el  fermée  par  devant;  il  devait  y  avoir 
au  moins  cinq  prêtres,  cl  le  nombre  s'en  de- 
vait augmenter  avec  les  revenus.  Les  prêtres 
récitaient  matines,  laudes,  prime,  tierce,  sexte. 
et  la  messe  basse  dès  le  point  du  jour;  après 
cela  les  chapelains  ayant  assemblé  les  lépreux, 
récitaient  les  heures  canoniales  et  chantaient 
la  messe  :  l'hebdomadier  chantait  ensuite  la 
messe,  qui  était  suivie  de  noue.  Après  le  dîner, 
les  prêtres  et  les  lépreux  s'assemblaient  pour 
vêpres  et  compiles.  Les  jours  des  grandes  fêtes 
on  chantait  tout  l'office.  Les  lépreux  pouvaient 
tester  du  tiers  de  leurs  biens,  les  deux  autres 
tiers  appartenaient  à  l'hôpital. 

Ceux  qui  ont  donné  au  public  la  compila- 
tion curieuse  du  Monasticon  Anglicanum,  nous 
ont  fourni  quantité  d'exemples  pareils. 

L'évèque  de  Londres,  l'an  1340  (Monasticon 
Anglican.,  t.  u,  p.  390;,  rétablit  dans  sa  pre- 
mière forme  un  hôpital  de  treize  frères  lé- 
preux, qui  ne  pouvaient  rien  posséder  en  pro- 
pre, ne  pouvaient  être  mariés;  et  s'ils  l'étaient, 
ils  ne  pouvaient  être  reçus  dans  L'hôpital,  si 
leur  femme  n'entrait  en  religion  ou  ne  faisait 
vœu  de  continence,  étant  déjà  fort  avancée  en 
âge  :  ils  devaient  assister  à  matines  et  à  la 
messe,  ou,  au  lieu  de  matines,  ils  devaient  dire 
tous  les  jours  treize  fois  le  Pater  et  Y  Ave,  et 
pour  chacune  des  six  autres  heures  canoniales, 
sept  fois  le  Pater  et  Y  Ave  :  enfin  ils  devaient 
vivre  dans  unv  entière  dépendance  de  l'admi- 
nistrateur séculier  ou  du  maître  de  l'hôpital  et 
de  l'abbesse  du  monastère  qui  l'avait  fondé,  à 
laquelle  ils  promettaient  d'obéir. 

Voici  quelques  termes  de  leur  profession  : 
a  Ego  N.  dater  leprosus,  promitto  Deoetjuro 
ad  haec  sancta  Evangelia,  quod  castus  ero,  et 
abbalissie  obediens ,  nihil  proprium  possi- 
debo,  etc.  (Ibid.,  p.  .114).  » 

Il  y  avait  de  ces  hôpitaux  où  il  j  avait  des 
frères  et  des  sœurs,  c'est-à-dire  des  religieux 
et  des  religieuses  dont  le  premier  devoir  était 
d'assister  aux  offices  divins.  «  Omnes  contra- 
ires, sorores,  inflrmi,  in  quolibet  die  primo 
ingrediantur  ecclesiam ,  audiendum  septem 
horas  canonicas  et  missam.  »  Je  laisse  un 
grand  nombre  d'exemples  semblables. 

Etienne,  évêque  de  Noyon,  réduisit  en  121S 
le  nombre  des  religieux  de  son  hôpital,  fonde 
par  son  prédécesseur,  à  cinq  prêtres,  deux 
clercs,  cinq  convers  laïques  et  treize  sœurs, 
sans  qu'on  pût  jamais  excéder  ce  nombre,  ni 


298        DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-ONZIEME. 


recevoir  aucun  de  nouveau  qu'après  une  an- 
née de  noviciat,  et  en  exigeant  de  lui  les  trois 
\<i'ii\  de  religion  :  a  In  utroque  sexu  in  habitu 
laicali  per  annum  probelur,  etc.  Tria  vota  obe- 
dientise,  castitatis,  et  renuntiationis  proprieta- 
tis  hu militer  emittat  (Spicileg.,  t.  xvm,  p.  33i 
et  seqq.).  » 

Le  même  prélat  dressa  une  règle  pour  cet 
hôpital ,  et  la  lit  confirmer  par  le  pape  Ho- 
noré III.  Gérard,  évoque  de  Noyon,  en  1221, 
voulut  qu'il  y  eût  jusqu'à  vingt  sœurs  (Spicileg., 
t.  xii,  [>.  54,  63,  68).  Guillaume,  évoque  de 
Noyon,  augmenta  le  nombre  des  prêtres  jus- 
qu'à six.  En  1233,  Geoffroy,  évoque  d'Amiens, 
continua  l'ordre  et  la  règle  des  prêtres  et  des 
sœurs  de  l'hôpital  d'Amiens,  avec  la  même 
obligation  du  noviciat,  des  trois  vœux  de  reli- 
gion, de  l'office  divin,  et  des  autres  exercices 
monastiques. 

En  1239,  les  comte  et  comtesse  de  Flandres 
et  de  Ruinant  érigèrent  un  hôpital  a  Lille,  avec 
une  communauté  de  frères  et  de  sœurs  qui 
doivent  chanter  l'office  divin  devant  les  ma- 
lades. «  Capellani  et  clerici  horas  et  missasin 
ipso  hospitali  coram  infirmis  cantabunt.  » 

En  1246,  le  légal  du  pape  régla  l'hôpital  de 
lleauvais  sur  la  même  forme  que  celui  d'A- 
miens. 

Innocent  III  fonda,  en  l'an  1204,  le  célèbre 
hôpital  de  Sainte-Marie  in  Saxia  à  Rome,  y 
établissant  en  même  temps  l'ordre  régulier  de 
l'hôpital  du  Saint-Esprit  à  Montpellier.  «  Sta- 
Inenles  ut  regularis  ordo,  qui  secundum  Deum 
et  inslitutionem  fratrum  bospitalis  saneli  Spi- 
ritus  in  eodem  loco  per  nos  instituais  esse  di- 
guoscitur,  perpetuis  ibidem  temporibus  invio- 
labiliter  observetur.  » 

Entre  ces  religieux,  ce  pape  veut  qu'il  >  en 
ait  toujours  au  moins  quatre  qui  soient  dans 
les  ordres,  qui  président  aux  offices  divins  et  à 
l'administration  des  sacrements.  «  Quatuor  ad 
minus  sint  clerici,  regulam  ejusdem  hospitalis 
professi,  qui  divinis  vacent  officiis  et  intendant 
eccIesjasticissacramentis(BuL,  i,  p.  75,  150).  » 

Ce  pape  unit  ces  deux  hôpitaux,  en  sorte 
qu'ils  ne  lissent  qu'un  corps  et  n'eussent  qu'un 
grand  maître,  qui  fût  élu  à  Home,  si  son  pré- 
décesseur mourait  au  delà  des  monts,  ou  a 
Montpellier,  s'il  mourait  au  deçà.  Honnie  IV 
désunit  ces  deux  hôpitaux,  et  Nicolas  IV  ac- 
cepta la  soumission  volontaire  de  l'hôpital  du 
Saint-Esprit  de  Montpellier,  avec  toutes  ses  dé- 
pendances, a  celui  de  R e  l'an  1291. 


Et  pour  revenir  en  France,  le  même  pape 
confirma,  en  1209,  l'établissement  d'un  hôpital 
à  Caen,  où  était  une  communauté  sous  la  règle 
de  saint  Augustin.  «  Religiosam  vitam  eligcn- 
tibus,  etc.  Ut  ordo  canonicus  qui  secundum 
Deum  et  regulam  B.  Augustini  in  eodem  loco 
institutus  esse  dignoscitur,  ibidem  perpetuis 
temporibus  observetur  (Innoc.  III.  Regist.  xm, 
ep.  i.i).  » 

Le  pieux  Gerson  représenta  au  roi  Charles  VI, 
dans  un  de  ses  sermons,  que  l'Hôtel-Dieu  de 
Paris,  où  les  frères,  les  sœurs  et  les  malades 
montaient  alors  à  cinq  ou  six  cents,  ne  pou- 
vaient plus  subsister  sans  l'influence  de  ses 
royales  libéralités  ;  que  les  prêtres  et  les  frères 
y  faisaient  l'office  avec  beaucoup  de  piété,  que 
les  sœurs  joignaient  la  vie  contemplative  a 
l'active.  «  Omitto  loqui  de  fratribus,  presbyte- 
ris  ctaliis  qui  tam  diligenter  faciunt  divinum 
servitium,  non  vacando  principaliter  alteri  rei. 
Sorores  sunt  deditae  post  vitam  activam,  vitae 
contemplative  (Gersonius,  t.  iv,  p.  9oi).  » 

Je  dirai  en  passant  ce  qu'il  ajoute,  quoique 
cela  soit  hors  de  mon  sujet  :  que  celle  maison 
sainte  était  alors  incommodée,  parce  qu'on  lui 
devait  plus  de  deux  mille  livres  :  elle  en  devait 
deux  mille  cinq  cents;  enfin  n'ayant  que  deux 
mille  livres  de  revenu,  elle  en  dépensait  trois 
mille. 

En  voilà  assez  pour  le  premier  point  que 
nous  avions  entrepris  d'établir,  que  dans  les 
anciens  hôpitaux,  de  quelque  nature  qu'ils 
fussent,  on  observait  la  vie  commune  et  régu- 
lière, on  récitait  ou  chantait  les  heures  cano- 
niales, on  faisait  ordinairement  profession  mo- 
nastique. Ce  qui  se  doit  entendre  de  ceux  qui 
étaient  un  peu  nombreux,  comme  il  a  été 
remarqué  ci-dessus  par  Alexandre  III  (Du 
Chesne,  I.  v,  p.  325,  135).  Ainsi  il  n'est  pas  à 
croire  qu'on  fil  l'office  canonial  dans  toutes  les 
léproseries  de  France,  quand  il  y  en  avail 
jusqu'à  deux  mille,  au  temps  du  roi  Louis  VIII, 
père  de  saint  Louis,  comme  il  paraît  par  son 
testament.  Saint  Louis  ne  fait  mention,  dans  le 
sien,  que  de  huit  cents  léproseries. 

Il  faut  néanmoins  avouer  que  le  cardinal 
Jacques  de  Vitry  donne  bien  de  l'étendue  à 
celte  vie  régulière,  et  au  chant  des  heures  cano- 
niales dans  les  hôpitaux  et  les  léproseries  de 
toutes  les  contrées  de  l'Occident. 

Voici  ses  paroles  :  «  Sunt  insuper  alise  tara 
virorum,  quam  mulierum  saeculo  renuntian- 
lium  et  regulariter  indomibus  leprosorum,  vel 


DES  HOPITAUX  DEPUIS  L'AN  MIL. 


299 


hospitalibus  ,  pauperum  viventium  alisi|iio 
sestimatione  et  Dumero  certo  in  omnibus  Occi- 
denlis  regionibus  congregationes,  pauperibus 
et  infirmis  humiliter  et  dévote  ministrantes. 
Vivuntautem  secundum  S.  Augustini  regulatn, 
absque  proprio  et  in  comniuni,  sub  unius 
majoris  obedientia,  et  babitu  regulari  suscepto 
perpetuam  Domino  promittunt  continentiam. 
Horascanonicas  quantum  hospitalitatis  studium 
et  pauperum  Christi  ministerium  permittunt, 
diebus  et  noctibus  audire  non  omittunt  Hist. 
Oecid.,  c.  \xix).  » 

Ce  cardinal  ajoute  que  ces  communautés,  au- 
trefois si  saintes,  étaient  tombées  dans  un 
étrange  relâchement,  et  que  l'entrée  même  y 
était  presque  toujours  simoniaque.  «  Omnes 
1ère  per  simoniam  recipiunt.  » 

Nous  ne  serons  pas  surpris,  après  cela,  si  ces 
congrégations  ont  été  la  plupart  dissipées,  et 
si  le  temporel  de  ces  hôpitaux  a  été  si  souvent 
expose  en  proie  à  l'avarice  sacrilège  des 
laïques. 

IV.  J'ajouterai  seulement  que  les  hôpitaux  de 
l'Orient  étaient  à  peu  près  de  même  nature,  si 
nous  en  jugeons  par  celui  dont  Anne  Comnène 
nous  a  fait  une  si  admirable  peinture  dans  son 
Alexiade.  C'était  l'empereur  Alexis  Comnène, 
son  père,  qui  en  était  le  fondateur  :  toutes  suites 
d'âges,  de  sexes,  de  condition-  y  étaient  reçus, 
même  les  soldats  estropiés  :  le  nombre  en  mon- 
tait jusqu'à  dix  mille;  mais  il  y  avait  d'un  côté 
un  clergé  fort  nombreux,  et  de  l'autre  un  mo- 
nastère de  religieux  :  «Clerusascriptus  magnus 
et  multus,  numerosissimumque  insignium 
virorum  collegium,  ritu  legitimo  Deo  iniui- 
strantium,  etc.  Cantorum et cantatricum  cœtus 
perpetui,  etc.  Magna  adbihita  providentia,  ne 
(liacunissisdeesset  aliquid  (Baronius,  an.  1054, 
11.  "iT  .  o 

Curopalate  dit  que  l'empereur  Constantin 
Monomaque  avait  bâti  un  monastère  joint  à 
un  hôpital  pour  toutes  sortes  de  mis. Tables. 
«  Monasterium  et  in  se  ipso  constructa  bospitia 
ad  alendos  senes  hospites  et  mendicos,  laude 
digna  sunt.» 

Guillaume  de  Tyr  dit  qu'il  y  avait  dans  Jéru- 
salem, avant  nos  croisades,  un  hôpital  joint  a 
un  monastère  soumise  l'abbé  du  monastère  des 
moines  latins,  et  dédié  à  saint  Jean  l'Aumônier, 
patriarche  d'Alexandrie.  «  Xenodochium  in 
honore  I!.  Joannis  Eleemos.  Alex,  patriarchae, 
ad  cura  m  abbatis  monasterii  respiciens  Vuil- 
lelm.  Tyr.,  1.  i,  c.  10;  1.  xvu,  c.  3).  » 


C'est  de  cet  hôpital  de  Saint-Jean  l'Aumonier 
que  les  hospitaliers  ou  les  chevaliers  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  ont  tiré  leur  nom. 

V.  Je  viens  a  la  seconde  partie  de  ce  chapitre, 
qui  regarde  la  dépendance  essentielle  que  les 
hôpitaux  ont  des  évêques. 

Le  texte  des  décrétâtes  y  est  formel.  «  De 
xenodochiis  et  aliis  similibus  locis  per  sollici- 
tudinem  episcoporum,  in  quorum  diœcesi  exi- 
stunt,  ad  easdem  utilitates,  quibus  constituta 
sunt.  ordinentur  (C.  De  Xenodochiis.  Extra. 
De  religios.  domibus.  C.  Ad  bac.  Ibidem).  » 
Urbain  IV,  qui  était  français  de  nation,  dil  la 
même  chose  :  «  Si  Iocus  ad  hospitalitatis  usum 
et  pauperum  provisiouem  fuerit  sicut  moris 
est.  autoritate  pontiûcis  destinatus,  cum  sit 
religiosus,  non  débet  mundanis  usibus  depu- 
tari.  » 

Ce  qui  a  été  dit  dans  la  première  partie  de 
ce  chapitre,  peut  servir  à  établir  celle-ci.  que 
les  hôpitaux  sont  dans  la  dépendance  des  évê- 
ques dans  le  diocèse  desquels  ils  sont  cons- 
truits. En  effet,  les  évêques  seuls  ont  pu  insti- 
tuer ou  des  chapitres  ou  des  monastères  dans 
les  lieux  consacrés  à  l'hospitalité;  et  un  hôpital 
fondé  sans  l'autorité  de  l'évêque  serait  un  lieu 
profane. 

Aussi  Durand,  évêque  de  Mende,  proposa  au 
pape  Clément  V  et  au  concile  de  Vienne,  de 
faire  rétablir  toutes  ces  différentes  sortes  d'hô- 
pitaux, qui  empruntaient  leurs  noms  des  botes, 
des  pauvres,  des  malades,  des  orphelins,  des 
vieillards,  des  enfants,  ou  de  les  faire  établir 
par  les  évêques.  «  Dissipata  reformentur  :  et 
ubi  non  fuerunt,  de  novo  episcopali  providen- 
tia constituantur   l'art,  m,  tif.  19).  » 

Guimier  dit  fort  sagement  qu'un  hôpital 
fondé  sans  l'autorité  de  l'évêque  serait  un 
lieu  profane,  et  ne  jouirait  pas  des  privilèges 
des  lieux  sacres.  a  Hospitale  constructum  sine 
autoritate  episcopi,  non  dicitur  Iocus  pins  et 
religiosus,  nec  gaudet  privilegio  priorum  In- 
connu In  pragm.  sanct.  ïit.  De  tabula  pen- 
dente  in  choro).  » 

VI.  Ce  n'est  pas  que  les  hôpitaux  puissent 
passer  pour  des  bénéfices  affectés  aux  ecclésias- 
tiques. Clément  V  C.  Per  litteras.  De  Praebend. 
in  Clément.  .  déclara  au  contraire  qu'ils  n'é- 
taient point  compris  dans  les  mandements  du 
pape  ou  de  ses  légats  pour  faire  pourvoir  les 
pauvres  clercs  de  quelque  bénéfice.  Ce  pape 
défendit,  au  nom  du  concile  de  Vienne,  de 
donner  jamais  les  hôpitaux  à  des  clercs  sécu- 


300        DU  SECOND  OliDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-ONZIÈME. 


liers  en  titre  de  bénéfice,  condamna  la  coutume 
qui  aurait  pu  s'en  établir,  à  moins  que  le  fon- 
dateur ne  l'eût  ainsi  ordonné. 

«  Nullus  ex  locis  ipsis  sancularibus  clericis  in 
beneficium  conferatur,  etiamsi  de  consuelu- 
dine,  quam  reprobamus  penitus,  boc  fuerit 
observatum,  nisi  in  illorum  fundatione  secus 
constitutum  fuerit  (C.  Quia  coutingit.  De  relig. 
domib.  in  Clément.).  » 

Ce  n'est  pas  aussi  que  les  hôpitaux  ne  puis- 
sent être  administrés  par  des  séculiers.  Au  con- 
traire, la  même  Clémentine  semble  supposer 
que  ce  sont  des  laïques  qui  en  sont  les  admi- 
nistrateurs, et  elle  ordonne  seulement  que  ce 
soient  des  gens  de  probité  et  d'expérience, 
quoiqu'elle  laisse  aussi  la  liberté  d'élire  un 
ecclésiastique  pour  principal  administrateur. 
Mais  ce  pape  reconnaît  les  évèques  comme  les 
souverains  administrateurs  des  hôpitaux,  eu 
leur  enjoignant  d'interposer  leurautorité  pour 
les  faire  rétablir,  si  les  collateursou  proviseurs 
ordinaires  négligent  de  le  faire.  Enfin  cette 
décrétale  exhorte  les  supérieurs  des  hôpitaux 
des  ordres  militaires,  ou  des  communautés 
religieuses,  à  faire  exercer  l'hospitalité  avec 
toute  l'effusion  d'une  charité  vraiment  chré- 
tienne. 

Le  concile  de  Paris,  en  -1 3-iG  (Can.  ix),  or- 
donna que  ces  décrétâtes  anciennes  et  nou- 
velles, c'est-à-dire,  Grégoriennes  et  Clémentines, 
«  Antiquae  constitutiones  et  novae  canonicae, 
tara  in  antiquis  Decretalibus,  quaminCIemen- 
linis.  »  fussent  exactement  observées.  Les 
hôpitaux  de  France  étaient  donc  entièrement 
sous  la  juridiction  des  évèques  jusqu'à  ce 
temps-là. 

Le  concile  d'Arles  en  1260,  (Can  xm),  voyant 
que  des  clercs  et  des  laïques  même  obtenaient 
des  brefs  du  pape,  ou  des  brevets  des  princes 
pour  se  faire  pourvoir  de  l'administration  des 
hôpitaux  ,  dont  ils  détournaient  ensuite  les 
revenus  à  leur  profit  particulier,  ordonna  que 
les  évèques,  à  l'avenir,  les  commettraient  à 
des  religieux  qui,  vivant  en  communauté,  el  se 
contentant  d'être  nourris  et  vêtus,  emploie- 
raient le  reste  des  revenus  à  l'entretien  des 
pauvres,  et  rendraient  compte  tous  les  ans  a 
l'évêque.  «  Aliquo  religionis  habitu  assumpto, 
vilain  âgant  communem,  et  annis  singulisra- 
tionem  de  omnibus  reddant.  » 

VIL  Le  concile  de  Cologne,en  L536,  après 
avoir  dit  que  les  lois  et  les  canons  ordonnaient 
la  construction  de  toutes  sortes  d'hôpitaux  pour 


les  âges  et  les  états  divers,  ajoute  que  c'est  aux 
évèques  à  veiller  à  l'exécution ,  puisque  les 
évangiles  et  les  épîtres  de  saint  Paul  ont  chargé 
si  particulièrement  les  évèques  du  soin  des 
pauvres. 

«  Cura1  nostne  imminebit,  ut  ejusmodi  loca, 
ubi  constituta  sunt,  sarta  tecta  teneantur;  ubi 
vero  dissipata  sunt,  instaurentur,  reformen- 
turque;  denique  ubi  necdum  constituta  sunt, 
episcopali  nostra  providentia  œdificentur.  Pau- 
perum  enim  curam  nobis  Christus  prsscipuam 
esse  voluit,  et  horum  toties  meminit  divinissi- 
mus  Paulus  apostolus  (Part,  i,  c.  1).  » 

Ce  concile  (C.  v)  défend  aussi  bien  de  rece- 
voir dans  les  hôpitaux  les  pauvres  valides  que 
de  les  laisser  mendier.  Les  maisons  de  charité 
destinées  pour  cela  étaient  encore  alors  in- 
connues. 

Le  concile  de  Trente  (Sess.  7,  c.  xv)  a  com- 
mis aux  évèques  tout  le  soin  de  veiller  sur  les 
administrateurs  des  hôpitaux  ,  renouvelant  la 
décrétale  quia  contingit,  du  concile  de  Vienne. 

Il  a  voulu  que  les  administrateurs  ,  soit 
laïques  ou  ecclésiastiques,  rendissent  compte 
tous  les  ans  à  l'évêque,  si  ce  n'est  que  le  con- 
traire fût  expressément  contenu  dans  la  fon- 
dation :  que  si,  par  la  coutume  ou  par  privilège, 
ou  enfin  par  quelque  statut  particulier,  les 
comptes  se  rendaient  à  d'autres  personnes,  on 
fût  toujours  obligé  d'y  faire  intervenir  l'évêque 
(Sess.  22,  C.  IX.) 

Enfin  il  a  donné  aux  évèques  le  pouvoir  de 
disposer,  pour  l'avantage  des  pauvres,  en  la 
meilleure  manière  qu'ils  le  pourraient,  des 
fonds  et  des  revenus  des  lieux  non  sujets  aux 
réguliers,  où  l'hospitalité  ne  se  garde  plus  , 
ajoutant  qu'à  l'avenirces  administrations  d'hô- 
pitaux ne  soient  plus  confiées  à  la  même  per- 
sonne que  pour  trois  ans,  à  moins  que  le 
contraire  ne  lût  déterminé  par  la  fondation 
Sess.  25,  e.  vin). 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  rapporter  les  décrets 
des  conciles  de  Milan  sur  ce  sujet (Conc.  Med.  i, 
par.  m,  c.  i). 

L'assemblée  de  Melon,  en  1579,  renouvela  le 
décret  du  concile  de  Vienne,  qui  commet  les 
évèques  pour  empêcher  que  les  revenus  dis 
hôpitaux  ne  soient  divertis  a  d'antres  usages  , 
voulu!  qu'on  leur  en  rendit  compte  et  remarqua 
que  le  concile  de  Trente  avait  fait  le  même 
règlement  pour  les  fabriques  des  églises  ;  enfin 
il  défendit  d'v  recevoir  les  pauvres  qui  peuvent 
travailler  (Tit.  de  Hospitalib.), 


DES  ÎIOI'ITAIX  DEPI'IS  LAN  MIL. 


'M| 


Le  concile  de  Rouen,  en  1581,  déplora  le 
malheur  des  temps  qui  avaient  vu  ravir  aux 
évêques  premièrement,  L'intendance  des  fabri- 
ques des  églises,  et  ensuite  celle  des  hôpitaux, 
pour  la  donner  à  des  laïques  qui  en  étaient  très- 
évidemment  plutôt  les  dissipateurs,  que  les 
administrateurs. 

«  Sicut  fabricarum  ecclesiasticarum  regimen 
episcopis  primum  fuit  ablatum,  et  ad  laicos 
translatum,  ita  posterius  portio  pauperum  in 
leprosarias  et  hospitalia  diversi  generis  divisa, 
demanibusepiscoporumetaliorumclericorum, 
ad  laicorum  administrationein  transiit.  Sed 
quanto  Ecclesiarum  et  pauperum  bono  utra- 
que  commutatio  contigerit,  res  ipsa  loquitur. 
A  plerisque  enim  laicorum  dilapidantur  posses- 
siones,  etc.  (Tit.  deEpiseoporumoffic.,n.30  .  o 
C'est-à-dire  qu'originairement  tous  les  biens  de 
l'Eglise  étant  administrés  par  les  évêques  et 
par  les  économes  ecclésiastiques,  la  portion 
qui  en  était  destinée  pour  les  réparations  de 
l'église,  et  celle  des  pauvres,  était  administrée 
par  les  mêmes  évêques  et  par  les  mêmes  éco- 
nomes, sans  que  les  laïques  s'en  mêlassent. 

Ensuite  ce  concile  exhorte  ces  administra- 
teurs laïques  à  s'acquitter  de  leur  devoir, 
les  oblige  à  restituer  ce  qu'ils  ont  détourné  à 
d'autres  usages  ,  souhaite  que  ces  administra- 
tions deviennent  triennales  et  comptables  ,  et 
que  le  pape  nomme  les  évêques  mêmes  pour 
réformer  les  hôpitaux  où  il  y  a  des  religieux 
et  des  religieuses,  mais  où  la  régularité  est  très- 
mal  observée. 

Le  concile  de  Bordeaux  en  1583  (Can.  xvm), 
renouvela  presque  les  mêmes  décrets  du  concile 
de  Trente,  aussi  bien  que  celui  de  Bourges  en 
1584.  L'un  et  l'autre  bannit  des  hôpitaux  les 
pauvres  valides,  aussi  bien  que  celui  de  Nar- 
bonne,  en  1009.  Celui  de  Toulouse,  en  1590 
(Can.  xxxvm),  ajouta  aux  décretsdu  concile  de 
Trente  une  partie  de  ceux  de  saint  Charles 
dans  ses  conciles  de  Milan  ;  ce  qu'il  commença 
par  la  publication  du  décret  du  concile  de 
Trente  (Sess.  22,  c.  vin),  qui  soumet  à  la  visite 
de  l'évèque,  comme  délégué  du  Saint-Siège, 
tous  les  hôpitaux  qui  ne  sont  pas  sous  la  pro- 
tection immédiate  des  rois. 

Bochel  n'a  pas  marqué  le  temps  du  synode 
d'Evreux,  qui,  après  avoir  déploré  la  dissipation 
cruelle  des  hôpitaux  et  des  fabriques  dont 
l'administration  était  commise  aux  laïques  par 
les  ordonnances  des  rois,  commande  aux  curés 
de  déclarer  excommuniés  ipso  facto,  dans  leurs 


prônes,  tous  les  administrateurs  d'hôpitaux  ou 
de  fabriques,  qui  aliènent,  ou  emploient  à 
d'autres  usages  ce  qui  a  été  consacré  a  la  nour- 
riture des  pauvres;  de  leur  apprendre  qu'ils 
sont  obligés  à  restituer,  eux  et  leurs  héritiers  ; 
enfin  de  défendre  aux  confesseurs  de  les  ab- 
soudre autrement  qu'avec  cette  condition 
(Bochel.,  Décret,  i.  Eecles.  Gall.,pag.  316  . 

VIII.  Le  roi  François  Ier,  en  1543,  chargea 
ses  officiers  et  les  magistrats  royaux  de  s'infor- 
mer du  revenu  des  maladreries.  et,  en  cas  que 
les  administrateurs  ne  fissent  pas  leur  devoir, 
d'en  nommer  d'autres  qui  seraient  pourvus  par 
le  grand  aumônier  (Bochel..  pag.  880,  etc.). 
En  1544,  il  exempta  les  maladreries  et  les  hô- 
pitaux de  payer  les  décimes  ou  dons  gratuits, 
pourvu  qu'ils  ne  fussent  pas  érigés  en  titre  de 
bénéfices.  En  1545,  il  obligea  les  administra- 
teurs a  mettre  tous  les  titres  de  fondation 
entre  les  mains  des  juges  royaux,  qui  prive- 
raient de  leur  charge  ceux  qui  y  auraient  mal- 
versé. 

Les  cardinaux,  les  évêques  et  plusieurs  sei- 
gneurs s'opposèrent  à  la  vérification  de  ces 
édits,qui  soumettaient  absolument  aux  magis- 
trats royaux,  et  retiraient  de  la  juridiction  des 
évêques  toutes  les  maladreries  et  les  hôpitaux. 
Le  parlement  ne  laissa  pas  de  passer  outre, 
permettant  seulement  aux  évêques  d'envoyer 
quelques  députés  pour  assister  de  leur  part  aux 
comptes  qui  se  rendaient  aux  juges  royaux, 
mais  sans  pouvoir  s'opposer  à  leurs  procédu- 
res. L'ordonnance  de  ce  même  roi,  en  1536, 
voulut  que  les  mendiants  valides  fussent  con- 
traints, même  par  châtiments,  a  travailler,  et 
que  les  invalides  fussent  distribués  dans  les 
hôpitaux. 

Le  roi  Henri  II,  en  1553,  confirma  tous  ces 
édits  par  une  nouvelle  déclaration.  François  II. 
en  1560  et  1561,  ne  confirma  pas  seulement  les 
édits  de  son  père  et  de  son  aïeul,  qui  obli- 
geaient les  titulaires  mêmes  ou  benéficiers  des 
hôpitaux  à  se  contenter  d'un  revenu  certain  et 
réglé  par  les  juges  royaux,  laissant  tout  le  reste 
pour  les  pauvres  ;  mais  il  régla  cette  somme  à 
cent  quarante  livres  au  plus,  et  il  comprit  aussi 
les  religieux  et  les  religieuses  des  hôpitaux 
dans  la  même  obligation  de  se  contenter,  pour 
leur  nourriture  et  pour  leurs  vêtements,  d'une 
somme  qu'ils  recevraient  des  administrateurs. 

Tous  ces  édits  ou  arrêts  se  fondaient  sur  la 
décrétale  du  concile  de  Vienne  dont' il  a  été 
parlé  ci-dessus.  Et  il  est  vrai  qu'elles  supposent 


309       ltl'  SECOND  ORDRE  I>ES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-ONZIÈME. 


que  ce  sont  des  administrateurs  laïques  qui 
gouvernent  les  hôpitaux,  mais  il  ne  paraîl  pas 
qu'elle  les  transfère  de  la  juridiction  des  évè- 
ques  à  celle  des  magistrats  séculiers. 

L'ordonnance  de  .Moulins,  en  1566,  art.  73, 
outre  qu'elle  pressa  l'exécution  des  édits  précé- 
dents, ordonna  que  chaque  ville  ou  village 
nourrirait  ses  pauvres,  et  que  les  habitants  y 
sciaient  contraints  par  le  maire  ou  les  éche  vins, 
sans  qu'ils  pussent  aller   mendier  ailleurs. 

L'ordonnance  de  Blois.  en  1579,  art.  65,  re- 
nouvela les  précédentes  et  défendit  que  les  ec- 
clésiastiques ou  gentilshommes  ne  pussent  être 
commis  pour  gouverner  les  revenus  des  hôpi- 
taux, mais  de  simples  bourgeois,  marchands 
ou  laboureurs  Mémoires  du  Clergé,  tom.  ni, 
lit.  4). 

L'ordonnance  de  1629,  art.  i-2.  veut  qu'on 
fasse  travailler  les  pauvres  valides,  et  que  les 
invalides  soient  enfermés  dans  des  hôpitaux, 
où  on  les  nourrira. 

On  peut  voir  dans  Giossano  (Lib.  iv.  c.  9), 
1 1  rection  que  lit  saint  Charles  d'un  hôpital 
pour  les  pauvres  invalides,  qu'il  renferma,  et 
à  qui  il  procura  non-seulement  un  entretien 
suffisant  pour  le  corps,  mais,  ce  qui  était  en- 
core plus  nécessaire,  des  secours  spirituels 
pour  leur  salut  ;  outre  que,  par  cette  institution 
charitable,  il  délivra  la  ville  et  les  églises  d'une 
foule  importune  de  mendiants. 

IX.  Comme  la  lin  de  ces  ordonnances  et  l'in- 


tention de  nos  rois  a  été  toute  sainte,  il  ne  faut 
pas  tant  déplorer  le  retranchement  qui  a  été 
fait  de  l'autorité  ecclésiastique  que  le  mauvais 
usage  que  les  ecclésiastiques  faisaient  de  ces 
administrations,  ou  la  négligence  des  évêques 
à  5  remédier,  puisque  ce  sont  là  les  causes  vé- 
ri  tables  de  ce  retranchement. 

Le  concile  de  Trente  a  laissé  les  administra- 
teurs laïques:  ainsi  il  ne  choque  pas  ces  ordon- 
nances ;  mais  il  a  rendu  aux  évêques  toute,  ou 
presque  toute  leur  ancienne  autorité,  en  leur 
donnant  le  droit  de  visite  et  de  se  faire  rendre 
compte  dans  toutes  sortes  d'hôpitaux. 

(Test  a  quoi  il  faut  espérer  que  l'usage  du 
royaume  s'accommodera  enfin.  Si  ce  concile 
ne  ilonne  nul  pouvoir  aux  évêques  sur  les  hô- 
pitaux, que  les  particuliers  peuvent  ériger  sans 
l'intervention  des  évêques,  et  qui  ne  sont  par 
conséquent  que  des  lieux  profanes,  les  évêques 
ne  laissent  pas  d'y  exercer  d'ailleurs  leur  auto- 
rite  selon  le  même  concile  (Sess.  xxu,  c.  9  . 
puisqu'après  la  mort  du  fondateur,  ils  doivent 
veiller  sur  l'exécution  de  leur  pieuse  volonté;  ils 
doivent  contraindre  les  exécuteurs  négligents  à 
taire  leur  devoir,  après  cela  ils  deviennent  eux- 
mêmes  les  exécuteurs;  enfin  ils  peuvent  obli- 
ger les  administrateurs  de  leur  rendre  compte 
tous  les  ans.  selon  le  concile,  à  moins  qu'il  y 
eût  une  clause  contraire  dans  la  fondation  (Fa- 
gnan. ,  1.  m,  Décret.,  part,  n,  p.  20:2,  etc., 
306,  etc.i  »  (1). 


]    Il  n'est  pas  inutile  de  savoir  que  sous  le  nom  générique  d'hô- 
pitaux étaient  compris  plusieurs  sortes  de   lieux  pieux  dont  on  ren- 
ia désignation  dans  les  auteurs  et  qu'il  est  important  d'expli- 
quer. Le  S  m  ctaitualieuoù  les  pauvres  pèlerins,  v.  \ 

étaient  hébergés  gratuitement;  le  Plochotrop/num  donnait 
ia  nourriture  aux  pauvres,  aux  mendiants,  aux  indigents;  le  Bve- 
photrophium  recueillait  tous  les  petits  enfants  des  pauvres  et  les 
sait;  VOrj.tmuotrophium  était  le  refuge  des  orphelins;  le 
Gerontoeomium  recevait  les  vieillards  et  les  infirmes  de  la  vieillesse; 
omtunt  était  le  lieu  destiné  aux  malades;  le  Goptophronium 
était  une  maison  u6i,  dit  un  canoniste,  feminœ  debilium  svslenta- 
trices  habitant.  11  y  avait  encore  les  Léproseries  destinées  à  ce  genre 
de  maladie,  et  1        I  ries  où  l'on  distribuait  des  secours  en  na- 

ns   les  pauvres.   Outre    l'ordre  de  Saint-Jean-de-Dieu,  con- 
l  service  des  hôpitaux,  il  y  avait  encore  l'ordre  des  Jésuates, 
fondé  par  saint  Jean  Colorobin,  qui  desservait  les  hôpitaux,  et  dans 
ses  couvents  se  livrait  à  la  pharmacie  et  distribuait  gratuitement  des 
.t  tous    Les  pauvres.  Sur   la    demande  de    la   république   de 
,  qui   voulait  s'approprier  les  biens  considérables  des  Jésuates 
pour  la    guerre  contre   les  Turcs,  Clément  IX  supprima  cet  ordre 
en  1G6£.  Il  possédait  plusieurs  maisons  à  Rome,  entre  autres  le  cou- 
vent et  la  belle   église  des  sainte  Jean  et  Paul  sur  le  mont  Ccelius. 
i  itaux  ,   comme  les   monastères  et  les  évèchés,  pouvaient 
être  curés  primitifs,   et  alors  la  paroisse   était  régie   par  un  vicaire 
H  1  à  portion  congrue,  à  la  nomination    des  recteurs  de  l'hô- 
pit  I,  sans  i'.ibscr  par  le  concours  requis  pour  les  cures. 


La  révolution  a  complètement  sécularisé  les  hôpitaux,  et  le  clergé, 
qui  les  avait  presque  tous  fondés,  n'a  plus  aucune  part  d'action  dans 
.  es  établissements.  En  abolissant  les  dimes,  l'Assemblée  nationale, 
par  décret  du  11  août  et  21  septembre  1789,  ordonna  que  désormais 
l'Etat  pourvoierait  à  l'entretien  des  hôpitaux.  Par  un  autre  décret  de 
décembre  1789,  elle  confia  l'inspection  et  l'amélioration  de  ces  éta- 
- nts  aux  administrations  départementales.  Le  16  juillet  1791, 
la  Convention  réunit  l'actif  et  le  passif  des  hôpitaux  au  domaine  na- 
tional. Aujourd'hui  tous  les  hôpitaux  et  hospices  publics  sont  des 
établissements  civils,  quelles  que  soient  leur  origine  et  leur  destina- 
tion. Dans  les  départements,  ces  établissements  charitables  sont  sous 
la  direction  des  préfets,  dans  les  communes,  sous  la  direction  d'une 
commission  de  cinq  membres  nommés  par  le  préfet.  On  a  eu  telle- 
ment peur  de  l'action  du  clergé  dans  ces  asiles  ouverts  à  toutes  les 
souffrances,  que,  même  dans  les  bureaux  de  bienfaisance  des  com- 
munes rurales,  le  curé  ne  fait  pas  partie  de  la  commission  adminis- 
trant à  l'exercice  du  culte  dans  les  hôpitaux,  d'après  une  circu- 
laire ministérielle  du  11  septembre  1803,  leurs  chapelles  peuvent 
cire  érigées  en  cures,  ou  en  succursales,  ou  en  chapelles  domestiques. 
Les  frais  du  culte  doivent  être  affectés  sur  les  revenus  généraux  de 
l'établissement.  Le  service  intérieur  des  hôpitaux  peut  être  confié  à 
urs  de  charité,  sur  la  présentation  et  la  surveillance  de  la 
ssion  administrative  de  l'établissement. 

(Dr  André.) 


DES  BASILIQUES  ET  DKS  CHAPELLES,  i  n 


303 


CHAPITRE  QUATRE-V1X(  iT-DOUZIKMK. 


DES   BASILIQUES   ET   DES   CHAPELLES    DES    MARTYRS,    DES   ORATOIRES   DANS   LES   CHATEAUX   ET    |i\\s 
LA    MAISON    DES   GRANDS,    PENDANT    LES    PREMIERS   SIÈCLES   DE    L'ÉGLISE. 


I.  Cinq  sortes  de  bénéfices  qui  se  distinguent  par  les  lieux  où 
les  bénéficiers  sont  attachés. 

II.  Du  garde  de  la  confession,  ou  du  tombeau  des  martyrs  à 
Rome. 

III.  Des  chapelles  ou  des  mémoires  des  martyrs,  eu  Orienl  et 
en  Occideut. 

IV.  Les  prêtres  avaient  souvent  ces  charges,  même  les  moines. 

V.  Preuves  du  concile  de  Calcédoine. 

VI.  Qui  soumet  tous  ces  bénéficiers  à  l'évêque. 

VII.  Il  y  avait  aussi  des  églises  dans  les  châteaux  et  dans  les 
maisons  de  campagne. 

VIII.  Il  fallait  que  ces  églises  fussent  fréquentées. 

IX.  Saint  Chrysostome  exhortait  tous  les  riches  à  bâtir  des 
chapelles  et  à  avoir  des  chapelains  dans  leurs  maisons  des  champs. 

X.  On  célébrait  les  divins  mystères  et  l'oftice  dans  ces  cha- 
pelles. 

XI.  Les  cimetières  étaient  la  même  chose  que  les  chapelles 
des  martyrs. 

XII.  On  eut  dévotion  de  se  faire  enterrer  dans  les  chapelles 
des  martyrs.  Saint  Augustin  approuve  cette  dévotion. 

XIII.  Profond  respect  des  fidèles, selon  saint  Jérôme,  pour  ces 
oratoires  des  martyrs. 

XIV.  Oratoire  portatif  de  Constantin  dans  les  armées. 

XV.  Oratoires  pour  enterrer  les  solitaires,  qui  étaient  les  mar- 
tyrs de  la  pénitence. 

XVI.  Dès  le  temps  de  saint  Antoine. 

I.  Le  sixième  canon  du  concile  de  Calcédoine 
a  distinguo  cinq  sortes  de  bénéfices,  par  l'atta- 
chement que  les  bénéficiers  devaient  avoir  à 
l'Eglise  à  laquelle  leur  ordination  les  asser- 
vissait. 

Ce  concile  commande  que  les  ordinations  ne 
se  lassent  jamais  autrement  qu'en  liant  et 
assujétissant  les  ecclésiastiques  à  l'église  d'une 
ville,  ou  d'un  village,  ou  à  la  chapelle  d'un 
martyr  ou  à  un  monastère.  «  Nisi  specialiter 
in  ecclesia  civitatis  ,  aut  pagi,  aut  in  martyrio, 
aut  in  monasterio  (Can.  vi).  »  Dans  un  des  ca- 
nons suivants,  il  l'ait  dépendre  de  l'évêque 
les  clercs  des  monastères  et  des  hôpitaux. 
«  Clerici  monasteriorum  et  ptochodochiorum 
(Can.  vin).  » 

Voilà  cinq  lieux  différents  qui  sont  autant 
d'espèces  différentes  de  bénéfices.  Nous  avons 
parlé  des  paroisses  des  villes  et  des  villages  en 
parlant  des  curés.  Nous  avons  traité  des  béné- 
ficiées commis  au  gouvernement  des  hôpitaux, 
et  à  la  direction  des  monastères  mêmes.  11  ne 


nous  reste  donc  plus  qu'à  découvrir  la  nature, 
l'origine  et  les  devoirs  de  la  cinquième  espèce 
de  bénéficiers  attachés  aux  chapelles  ou  aux 
oratoires  des  martyrs  :  ce  qui  nous  engagera  a 
dire  aussi  quelque  chose  des  autres  oratoires 
qui  étaient,  ou  dans  les  maisons  des  particu- 
liers, à  la  campagne,  ou  dans  le  palais  des 
princes. 

II.  Le  concile  romain,  sous  le  pape  Sylvestre, 
si  nous  en  croyons  les  abrégés  qui  en  ont  été 
publiés,  et  qui  ont  été  cités  il  y  a  plus  de  neuf 
cents  ans,  parle  de  l'ordre  de  ceux  qui  étaient 
commis  à  la  garde  des  tombeaux  des  martyrs. 
et  le  relève  même  au-dessus  du  sous-diaconat. 
«  Si  quis  desiderat  in  Ecclesia  militare .  aut 
proficere  ,  sit  prius  ostiarius,  lector,  exorcista 
per  tempora,  quae  episcopus  constituerit. 
Deinde  acolythus  annis  quinque,  subdiaconus 
annis  quinque,  custos  martyrum  annis  quin- 
que, diaconus  annis  quinque,  presbyter  annis 
tribus.  » 

Cette  règle  d'interstices  est  rendue  justement 
suspecte,  par  l'extrême  dissemblance  qu'elle  a 
avec  celle  du  pape  Sirice,  et  des  papes  suivants, 
dont  il  a  été  parlé  ci-dessus.  Mais  comme  ce 
décret  ne  laisse  pas  d'être  très-ancien,  et  qu'il 
est  rapporté  en  mêmes  termes  dans  la  vie  du 
pape  Sylvestre,  qui  se  lit  dans  le  livre  ponti- 
fical ,  nous  avons  toujours  sujet  de  croire  que 
ce  bénéfice  de  garde  des  tombeaux  des  mar- 
tyrs était  de  grande  considération. 

Selon  le  même  livre  pontifical ,  le  pape 
Léon  I"  mit  des  gardes  aux  tombeaux  des  Apô- 
tres :  «  Super  sepulcra  Apostolorum  ex  clero 
roniano  custodes  constituit,  quidicuntur  cubi- 
cularii.  » 

III.  Le  concile  de  Gangres  (Can.  xx),  re- 
tranche de  la  communion  ceuxqui  témoignent 
de  l'aversion  et  du  mépris  pour  les  sépulcres 
des  martyrs,  les  assemblées  qui  s'y  l'ont,  et  les 
sacrifices  qu'on  y  célèbre,  uûvoÇeis,  XsiTou^îa«,  u.-<i- 
u.%;.  Voilà  constamment  un  oratoire  qui   peut 


30 i      DU  SECOND"  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DOUZIÈME. 


passer  pour  un  bénéfice;  mais  il  ne  paraît  pas 
qu'il  y  eût  des  prêtres  ou  d'autres  ecclésias- 
tiques qui  fussent  particulièrement  destinés  à 
y  faire  Le  service  divin.  Il  se  pouvait  faire  que 
lévêque  y  envoyait  ceux  qu'il  jugeait  à  propos 
aux  jours  de  leur  fête. 

Le  concile  V  de  Carthage  (Can.  xiv),  or- 
donne que  les  évêques  abattent  tous  ces  autels 
et  tous  ces  monuments  de  martyrs,  »  altaria 
quae  passim  per  agros  aut  vias  lanquam  mé- 
morise martyrum  constituuntur,  »  s'il  n'y  a 
des  marques  et  des  preuves  certaines,  ou  des 
reliques  d'un  vrai  martyr,  ou  de  l'histoire  et 
du  lieu  de  son  martyre.  Cela  nous  porterait 
encore  plus  à  croire  qu'il  n'y  avait  point  d'ec- 
clésiastiques affectés  à  desservir  ces  lieux,  et 
qui  pussent  en  être  appelés  les  bénéfieiers.  Le 
pape  Célase  condamne  aussi  ces  oratoires  de 
faux  martyrs  (Epist.  ix). 

IV.  Mais  le  concile  de  Calcédoine  (Conc. 
Calced.,  act.  i),  nous  montre  nettement  qu'au 
moins  en  Orient  il  y  avait  des  prêtres  et  d'au- 
tres ecclésiastiques  singulièrement  appliqués 
à  ces  mémoires  des  martyrs.  On  relut  dans  ce 
concile  les  Actes  du  concile  tenu  à  Constanti- 
Dople,  sous  le  patriarche  Flavien,  où  il  est  sou- 
vent parlé  d'Abramius,  prêtre  d'un  de  ces  monu- 
ments dans  les  faubourgs  de  Constantinople. 
«  Preshyler  inartyrii  quod  es!  in  Septimo  A.ct. 
iv.)  »  Mais  dans  un  autre  endroit  du  même 
concile  de  Calcédoine,  il  est  parle  d'une  troupe 
tout  entière  de  bénéfieiers.  «  Elpidius  monu- 
mentorum  Procopiensium  custos  est,  u.-m-.'.-.j- 
i*l  tmv  npoxomcu.  Eutychius  in  marlyrio  Cele- 
rinae  est.  Theodorus  in  memoriis  habitat, 
l*6jAipiTYi5  l<rcîv.  Ilypses  in  monumentis  habitat, 
liabens  duo  vel  tria  nomina  in  xyloeireo; 
p.£u.op(TYiç,  £■/,(■«  5ûo  a,  -rpia  ôvo'jiaTtt.  Paulus  habitat 
solitarie  in  monumento  ;  [jidvaç  ùnli  àç  p.E[io'pisv. 
Caudentius  habet  quinque  nomina  in  monu 
mentis.  » 

Il  est  vrai  que  c'étaient  des  religieux,  mais 
ils  étaient  aussi  pour  la  plupart  prêtres,  et  ils 
avaient  des  fidèles  sous  leur  conduite,  comme 
il  paraît  par  ces  termes,  «  duo  nomina,  quin- 
que nomina.  »  Ainsi  on  ne  peut  nier  que  ce 
ne  lussent  des  bénéfieiers.  Les  archimandrites 
demandèrent  seulement  que  ces  moines  qui 
vivaient  seuls,  et  qui  desservaient  ces  oratoires 
des  martyrs,  ne  pussent  porter  le  nom  d'abbé 
ou  d'archimandrite.  «  Ut  non  se  dicant  archi- 
mandritas,  qui  in  monumentis  habitant.  » 
V.  Les  canons  de  ce  concile  dissiperont  in- 


failliblement tous  Us  doutes,  et  lèveront  toutes 
les  difficultés  qui  pourraient  rester.  Car  les 
Pères  de  ce  concile  (Can.  vi),  défendent  d'or- 
donner des  prêtres  ,  des  diacres,  ou  quelque 
ecclésiastique  que  ce  soit,  sans  l'attacher  et 
l'assujétir  au  service  d'une  église,  ou  dans  la 
ville,  ou  dans  un  village,  ou  dans  une  chapelle 
des  martyrs,  ou  dans  un  monastère.  £;  p.r>  ;.Woç 


ev  exxAinaia  ■ 


ùç,  ï,  xto|j.'/i;,  y,  fAapTuptM,  y,  pwvoumpitt. 


Il  y  avait  donc  des  prêtres ,  des  diacres  ,  et 
d'autres  ecclésiastiques  qu'on  ordonnait  non- 
seulement  pour  les  églises  des  villes  et  des 
villages ,  mais  aussi  pour  les  oratoires  con- 
sacrés aux  martyrs,  et  pour  les  monastères  ;  et 
ils  étaient  tous  indifféremment  obligés  de  ré- 
sider et  de  servir  dans  ces  lieux,  auxquels  ils 
étaient  comme  consacrés. 

VI.  Ce  même  concile  (Can.  vm)  soumet  in- 
dispensablement  à  la  juridiction  de  Ï'évêque, 
les  clercs  qui  ont  la  conduite  des  hôpitaux  et 
des  monastères.  Si  xxvipuwî  ~&i  im>yfim,  x%\  ™»  acvao- 
rcfiuv.  Enfin,  ce  concile  (Can.  x  .ordonne  que  les 
clercs  qui  ont  été  transférés  d'une  église  à  une 
autre,  ne  puissent  plus  toucher  aux  revenus 
de  leur  première  église  ,  ou  des  chapelles  des 
martyrs,  ou  des  hôpitaux  qui  lui  sont  soumis. 
Ces  hôpitaux  sont  de  deux  sortes  dans  ce  canon, 
les  uns  pour  les  pauvres,  les  autres  pour  les 

[cassants  ;   ïftcù^eûùv,  yi  £&vo$oxeid>v. 

VII.  Le  concile  I"  de  Tolède  (Can.  v)  blâme 
les  prêtres,  les  diacres,  les  sous-diacres  et  les 
autres  clercs  qui  n'assisteront  pas  à  l'office  di- 
vin qu'on  célèbre  dans  l'église  d'une  ville,  ou 
d'un  château,  ou  d'un  village,  ou  d'un  ha- 
meau :  «  In  loco  in  quo  ecclesia  est,  aut  ca- 
stello,  aut  vico,  aut  villa,  »  s'ils  se  trouvent  ou 
présents,  ou  peu  éloignés  de  ces  lieux. 

VIII.  Ces  châteaux,  où  ce  canon  permet  de 
célébrer  les  saints  mystères,  étaient  apparem- 
ment des  lieux  fréquentés  par  un  nombre  con- 
sidérable de  peuple,  car  le  concile  de  Laodicée 
(Cap.  lviii)  avait  défendu  de  dire  la  sainte 
messe  dans  les  maisons  des  particuliers.  «  Quod 
non  oportet  in  domibus  oblationes  celebrari 
ab  episcopis  vel  presbyteris.  »  On  pourrait  néan- 
moins répondre  que  ce  concile  ne  parle  que  des 
maisons  de  la  ville,  et  non  pas  de  celles  de  la 
campagne. 

IX.  Car  saint  Chrysostomc  a  employé  les 
plus  pressantes  exhortations  pour  obliger  les 
personnes  de  qualité  de  bâtir  et  de  doter  des 
églises,  bu  des  chapelles  dans  leurs  maisons  de 
campagne,  et  d'y  avoir  un  prêtre,  un  diacre, 


DES  BASILIQUES  ET  DES  CHAPEJ  LES,  btc. 


305 


ou  d'autres  ecclésiastiques  pour  >  célébrer  le 
terrible  et  saint  sacrifice  tous  les  dimanches, 
pour  y  chanter  l'office  du  matin  et  du  soir, 
pour  y  bénir  la  table,  pour  y  instruire  les  en- 
fants et  les  domestiques;  enfin,  pour  y  attirer 
par  leurs  prières  toutes  les  bénédictions  du 
ciel.  Ce  Père  ne  se  contente  pas  de  les  j  ex- 
horter, il  en  fait  un  commandement;  il  ne 
veut  pas  qu'en  ait  égard,  ni  qu'on  s'en  excuse 
sur  la  proximité  d'une  autre  église;  entiu  il 
juge  que  les  aumônes  mêmes  ne  doivent  pas 
être  préférées  à  une  œuvre  si  sainte  et  si  né- 
cessaire. 

«  Oro  ac  supplico,  et  gratiam  peto,  imo  et 
legem  pono,  ut  aullus  qui  habet  villam.  appa- 
reat,  carere  ecclesia.  Ne  mini  dixeris,  prope 
est,  in  vicinia  est,  magnus  est  sumptus.  non 
magnum  coinmodum  :  Si  quid  habes  insu- 
mendum  in  pauperes,  illuc  insume.  Melius 
illuc,  quam  ibi.  Educa  magistrum,  educa  dia- 
conum  et  sacerdotalem  ordinem,  etc.  Yenera- 
bilis  erit  et  presbyter  postea,  et  ad  securitatem 
agri  conducet.  Preces  illic  perpétua?  propter 
te,  laudes  et  synaxes  propter  te;  oblatio  per 
singulos  dies  Dominicos.  Quale  est  matutinis 
vespertinisque  hymnis  prœsentem  esse,  et  si-» 
mul  prandentem  sacerdotem  videre,  etc.  An 
parum  est  in  sanctis  oblationibus  nomen  tuum 
referri,  etquotidie  pro  villa  preces  ad  Deum 
fieri?  (In  Acta.,  hom.  xvm)  » 

Enfin  ce  saint  et  éloquent  Père  les  presse  de 
se  joindre  au  moins  deux  ou  trois  pour  bâtir 
et  pour  renter  une  de  ces  églises  dans  leurs 
maisons  des  champs.  «  Et  si  quidem  très  fue- 
rint  domini.  in  commune  conférant  :  si  autem 
unus,  et  aliis  viciais  suadeat.  » 

X.  Il  est  sans  doute  que  ce  conseil  ou  ce 
commandement  de  saint  Chrysostome  fut  l'o- 
rigine d'un  fort  grand  nombre  d'églises  et  de 
bénéfices  à  la  campagne,  ou  quoiqu'on  ne  cé- 
lébrât l'auguste  sacrifice  que  les  jours  de  di- 
manche, on  y  chantait  néanmoins  tous  les 
jours,  au  moins  au  soir  et  au  matin,  les  louanges 
de  Dieu,  et  les  fidèles  y  assistaient.  C'est  de  ces 
sortes  de  lieux  qu'on  peut  entendre  les  canons 
des  conciles  de  Calcédoine  et  de  Tolède  qui  ont 
été  rapportés. 

XI.  Le  même  saint  Chrysostome  nous  ap- 
prend ailleurs  que  les  chapelles  des  martyrs  ci 
les  cimetières  étaient  la  même  chose,  parce 
que  c'était  le  lieu  où  les  corps  des  martyrs 
étaient  ensevelis,  et  où  ils  dormaient  du  som- 
meil des  justes,  en  attendant  le  jour  tant  dé- 


siré de  leur  résurrection  glorieuse.  A  quoi  il 
faut  ajouter  que  les  fidèles  avaient  une  extrême 
passion  de  se  faire  enterrer  auprès  des  saints 
martyrs,  afin  de  participer  a  leurs  mérites  et 
aux  sacrifices  qui  se  faisaient  sur  leurs  tom- 
beaux :  a  Cujusrei  gratis  in  hoc  martyrio  con- 
gregamur?  quia  hic  mortuorum  multitudo  sita 
est.  <)b  id  etiam  ipse  locus  cœmeterium  appel- 
latur;  ut  discas  mortuos  qui  hic  siti  sunt,  non 
morluos  esse,  sedsomnoconsopitosesse  etdor- 
mire  (Tom.  v,  serm.  xu,  pag.  182).  » 

Socrate  dit  que  les  fidèles  d'Alexandrie  fuyant 
la  communion  de  l'évêque  arien  Georges  , 
firent  leurs  assemblées  et  leurs  prières  dans  un 
cimetière  (Socrate,  1.  n.  c.  xxm). 

XII.  Saint  Augustin  a  écrit  un  livre  merveil- 
leux sur  ce  même  sujet  :  De  cura  pro  mortuis 
gerenda,  où  il  reconnaît  que  la  piété  de  ceux 
qui  se  faisaient  enterrer  dans  les  Basiliques  des 
Martyrs ,  n'était  pas  sans  fondement ,  parce 
qu'il  n'y  a  nul  doute  qu'ils  n'aient  part  aux 
prières  et  aux  sacrifices  qui  s'y  font  même  en 
général  pour  tous  les  morts  (Cap.  iv,v.  etc.).  Ce 
même  Père  donne  le  nom  de  Cimetière  aux 
mémoires  ou  aux  oratoires  des  martyrs  (Epist. 
lxiii). 

XIII.  Saint  Jérôme  parle  aussi  des  Basiliques 
(1rs  Martyrs  et  des  sacrifices  qu'on  y  offrait  par 
toute  la  terre.  Car  voici  comme  il  réfute  Vigi- 
lance, qui  s'était  insolemment  emporté,  aussi 
bien  qu'autrefois  Eunomius,  contre  cet  usage 
de  l'Eglise  :  «  Maie  facit  ergo  Romanus  epi- 
scopus,  qui  super  mortuorum  hominum  Pétri 
etPauli,  secundum  nos  ossa  veneranda,  se- 
cundum  te  vilem  pulvisculum  offert  Domino 
sacrificia,  et  tumulos  eorum  Christi  arbitratur 
ait  nia?  Et  non  solum  unius  urbis  sed  totius 
orbis  errant  episcopi.  qui  cauponem  Vigilan- 
timn  contemnentes  ,  ingrediuntur  basilicas 
mortuorum  (Adversus  Vigilan.).  » 

Le  respect  pour  ces  basiliques  des  martyrs 
était  si  extrême,  que  saint  Jérôme  témoigne 
qu'il  n'osait  lui-même  y  entrer,  lorsqu'il  pen- 
sait q ne  la  pureté  de  son  âme  avait  été  souillée 
par  les  moindres  fautes  et  les  plus  vénielles  : 
«  Ego  confiteor  timorem  meum,  quando  ira- 
tus  fuero,  etaliquid  mali  in  animo  meo  cogita- 
vero,  et  me  nocturnum  phantasma  deluserit, 
basilicas  martyrum  intrare  non  audeo.  Ita  totus 
et  corpore  et  animo  perhorresco.  » 

Ainsi,  quoiqu'Optat  eût  assuré,  dans  son 
troisième  livre,  qu'on  avait  commencé  d'ense- 
velir dans  les  églises  :  «  Cum  aliqui  in  basilicis 


Tu. 


Tob.  II. 


20 


306      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TREIZIÈME. 


sepeliri  cœpissent,  etc.,  »  il  semble  faire  con- 
naître, dans  le  sixième,  qu'il  y  avait  des  cime- 
tières proches  des  basiliques  pour  la  sépulture 
des  fidèles.  Car  il  reproche  aux  donatistes  de 
n'avoir  usurpé  les  basiliques  que  pour  se  ren- 
dre maîtres  de  tous  les  cimetières  :  «  Ad  hoc 
basilicas  invadere  voluislis,  ut  vobis  soliscimi- 
teria  vindicetis,  non  permittenles  sepeliri  cor- 
pora  catholica.  » 

Voilà  comme  le  respect  empêchait  plusieurs 
de  se  faire  enterrer  dans  les  basiliques  des 
martyrs. 

XIV.  L'oratoire  portatif  de  l'empereur  Cons- 
tantin ne  doit  pas  être  oublié,  puisqu'il  y  avait 
un  nombre  considérable  d'ecclésiastiques  qui 
y  faisaient  le  divin  office,  et  qui  accompa- 
gnaient toujours  ce  pieux  empereur  dans  toutes 
ses  campagnes.  Eusèbe,  Socrate,  Sozomène  et 
Théodoret  en  ont  parlé  comme  d'un  trophée 
de  l'Eglise  qui  triomphait  de  ses  ennemis 
(Socrate,  1. 1,  c.  xi\). 

XV.  Voici  une  autre  sorte  d'oratoire  fort  sur- 
prenante. Théodoret  dit  que  le  solitaire  Marcien, 
faisant  briller  de  toutes  parts  les  rayons  de  son 
incomparable  vertu,  plusieurs  lui  bâtirent  des 
oratoires,  <JTEy.oùçEùxTr,pi«)ç,  pour  l'y  attirer  :  ceque 
le  saint  ayant  appris,  il  lit  jurertrois  de  ses  con- 
fidents d'enterrer  son  corps  après  sa  mort,  et 
de  n'en  découvrir  le  lieu  à  personne  (  Hist. 
Relig.,  c.  m).  Ainsi  son  sépulcre  étant  demeuré 
inconnu  l'espace  de  cinquante  ans,  les  oratoires 
qu'on  lui  avait  préparés  furent  consacrés,  les 
uns  aux  apôtres,  les  autres  aux  martyrs,  dont 
on  y  porta  des  reliques. 

Le  saint  solitaire  Maron  ne  fut  pas  si  heureux 
à  donner  des  preuves  de  son  humilité  même 
après  sa  mort.  Car  après  une  longue  contesta- 


tion entre  les  peuples  divers  qui  prétendaient 
d'emporter  son  corps,  ceux  des  villages  voisins 
l'enlevèrent  et  lui  bâtirent  un  temple  magni- 
fique, arwov  |ii-fioTov ,  où  ils  s'assemblaient  pour 
célébrer  ses  louanges  et  recevoir  ses  bien- 
faits (Ibid.  c.  xvi). 

Jacques  exerça  sur  le  haut  d'une  montagne 
toutes  les  éminentes  vertus  d'un  parfait  soli- 
taire (Ibid. ,  c.  xxi).  On  lui  bâtit  avant  sa 
mort  une  grande  chapelle  dans  le  village  voi- 
sin ;  et  Théodoret  même  lui  prépara  un  sépul- 
cre. Ce  saint  religieux  en  étant  averti  fit  pro- 
mettre à  Théodoret  qu'on  l'enterrerait  sur  sa 
montagne  ;  Théodoret  y  fit  transporter  son 
tombeau,  et  afin  que  les  pluies  et  la  gelée  n'en 
gâtassent  pas  la  pierre,  il  y  bâtit  une  petite 
chapelle.  Jacques,  pour  ne  pas  Souffrir  que  ce 
fût  là  son  mausolée,  y  assembla  des  reliques 
des  prophètes,  des  apôtres,  et  des  martyrs,  pour 
habiter  avec  les  saints  après  sa  mort,  et  pour 
ressusciter  un  jour  en  leur  compagnie.  «  Cum 
sanctorum  populo  habitare  cupiens,  et  cum 
eis  resurgere  (Ibid.,  c.  xxiv).  »  Zébinas  se  lit 
admirer  durant  sa  vie  par  ses  austérités,  et 
après  sa  mort  par  les  fréquents  miracles  qu'il 
faisait  dans  un  grand  temple  qu'on  lui  avait 

bâti,    aTY.y.ov  fi-E-j-Earov. 

XVI.  Saint  Jérôme  dit  que  le  lieu  de  la  sé- 
pulture de  saint  Antoine  fut  inconnu,  selon  les 
ordres  qu'il  en  avait  donnés,  de  peur  qu'on  n'y 
bâtît  une  église.  «  Ne  Pergamus  qui  in  illis 
locis  ditissimus  erat,  sublato  ad  villam  suam 
sancti  corpore ,  martyrium  fabricaret.  »  On 
rendit  à  ces  admirables  solitaires  les  mêmes 
honneurs  qu'aux  martyrs,  parce  qu'ils  furent 
les  martyrs  de  la  pénitence  (In  vita  Hilario- 
nis). 


CHAPITRE   QUATRE-VINGT-TREIZIEME. 


DIFFÉRENTS    TITRES   DE   DIVERS   BÉNÉFICES    :    HOPITAUX,    ORATOIRES,    CHAPELLES    EN    ORIENT 
ET   EN    ITALIE,    AUX    SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET   HUITIÈME    SIÈCLES. 


I.  D'où  vient  le  terme  de  titre,  selon  saint  Grégoire. 

II.  Divers  bénéfices,  diverses  sortes  d'hôpitaux  et  de  monas- 
tères eu  Orient. 


III.  Diverses  sortes  d'oratoires. 

IV.  Hôpitaux,  où  il  y  avait  des  administrateurs,  d'autres  où  il 
y  avait  des  clercs  ordonnés  pour  cela. 


DES  DIFFÉRENTS  TITRES  DES  BÉNÉFICES. 


307 


V.  On  ne  devait  point  célébrer  ni  baptiser  dans  les  oratoires 
dumestiques  que  par  dispense,  et  elle  devait  être  très-rare. 

VI.  Des  oratoires  du  palais  épiscopal  et  du  palais  impérial. 
Quels  oratoires  pouvaient  passer  pour  des  bénéfices. 

VII.  VIII.  Des  oratoires,  en  Italie,  servis  par  des  prêtres  pro- 
pres, ou  par  des  prêtres  envoyés  par  l'é.vêque,  ou  par  des 
moines,  pour  la  commodité  des  dames  ou  des  évêques. 

IX.  Tous  les  monastères  n'avaient  pas  encore  de  prêtres  de 
leurs  corps. 

X.  XI.  XII.  Autres  oratoires,  qui  étaient  bénéfices  simples, 
mais  qui  obligeaient  à  résider.  On  ne  les  refusait  pas  aux  pau- 
vres pri 

XIII.  Autres  oratoires  qui  ont  été  changés  en  cures.  D'où 
vient  le  patronage  des  laïques.  Qu'est-ce  qu'un  prêtre  cardinal? 

XIV.  Diverses  remarques  de  saint  Grégoire  sur  les  hôpitaux. 
Les  administrateurs  étaient  des  ecclésiastiques,  des  prêtres,  des 
diacres,  des  abbés. 

XV.  Des  prêtres  qu'on  ordouuait  pour  les  monastères  des  re- 
Ugieux  et  des  religieuses. 

XVI.  Les  administrations  des  hôpitaux  ne  se  pouvaient  vendre 
non  plus  que  les  bénéfices. 

XVli.  Des  prévôts  des  monastères. 

XVIII.  XIX.  Ils  étaient  nommés  par  les  évêques.  Les  abbés 
les  choisirent  ensuite. 
XX.  Des  prieurs  et  des  doyens. 

I.  Plusieurs  sortes  de  titres  et  de  bénéfice!; 
se  sont  présentés  dans  les  chapitres  précédents, 
que  nous  n'avons  pu  toucher  qu'en  passant  et 
qu'il  Faut  examiner  dans  celui-ci,  avant  que  de 
passer  aux  monastères  et  aux  abbayes,  dont 
nous  avons  aussi  découvert  la  liaison  très- 
étroite  avec  les  séminaires  et  les  chapitres. 

Le  terme  de  titre  était  dans  l'usage  ordinaire 
au  temps  du  grand  saint  Grégoire,  et  on  s'en 
servait  pour  exprimer  les  voiles,  ou  pannon- 
ceaux  qu'on  attachait  aux  maisons  et  aux  terres 
qu'on  appropriait  au  fisc  du  prince  ou  à  l'Eglise. 
Ce  pape  ayant  appris  que  le  défenseur  Cons- 
tance avait  injustement  mis  cette  enseigne  de 
l'église  à  la  maison  d'un  notaire,  «  Domum  ade- 
fensore  irrationabiliter  titulatam,  »  il  la  fit  ôter, 
et  commanda  qu'on  rendît  la  maison  a  la  veuve 
du  notaire  défunt  :  «  Deposito  titulo  domum 
restituas  [L.  i,  ep.  63,.  »  Les  clercs  mineurs, 
qui  étaient  les  dispensateurs  du  patrimoine  de 
l'Eglise,  se  donnaient  souvent  cette  liberté,  et 
commençaient  à  faire  éclater  leurs  prétentions 
sur  quelques  fonds  de  la  ville  ou  de  la  cam- 
pagne, en  y  attachant  ces  enseignes  de  l'Eglise. 

Ce  saint  condamna  cet  abus  dans  un  concile 
romain,  dont  voici  les  termes  :  «  Consuetudo 
nova  in  Ecclesia  bac  et  valde  reprehensibilis 
erupit,  ut  cum  redores  ejus  patrimonii  urbana. 
vel  rustica  praedia.  juri  illius  competere  posse 
suspicantur,  tiscali  more  titulos  imprimant  : 
atque  hoc  quod  competere  pauperibus  œsti- 
mant,  non  judicio .  sed  manibus  défendant 
(L.  îv,  ep.  -il  .  »  11  prononce  ensuite  anathème 
contre  ceux  qui  en  useront  à  l'avenir  de  la 


suite,  sans  forme  de  jugement,  sua  sponte. 
Mais  il  tant  venir  aux  titres  particuliers  des  bé- 
néfices. 

II.  Commençons  par  l'Eglise  grecque,  puis- 
que c'est  par  elle  que  nous  avons  fini  le  cha- 
pitre précédent.  Justinien,  disant  qu'il  faut 
r<  gler  sur  les  mêmes  lois  tous  les  lieux  qui 
appartiennent  à  l'Eglise,  et  tous  les  hôpitaux, 
il  en  nomme  plusieurs  espèces  :  «  Inam  exi- 
stimamus  oportere  legislationem  imponereom 
nibus  sanctissimarum  Ecclesiarum,  xenodo- 
chiorum,  nosocomiornm,  ptochotrophiorum , 
monasteriorum  ,  brephotrophioruin ,  geron- 
tocomiorum  et  totius  sacrati  collegii  rébus 
Novell,  vu).  » 

Voilà  des  églises,  des  abbayes  et  des  hôpi- 
taux de  cinq  sortes  :  pour  les  passants,  pour  les 
malades,  pour  les  pauvres,  pour  les  enfants, 
pour  les  vieillards.  11  en  nomme  ensuite  les 
bénéfîciers  :  «  Nec  aliquem  xenodochum,  aut 
ptochotrophum,  aut  nosocomum,  aut  orpha- 
notrophum,  aut  brephotrophum,  aut  geronto- 
coniuin,  aut  monasterii  virorum  vel  mulierum 
abbatem  vel  abbatissam.  »  Aux  cinq  hôpitaux 
précédents  il  ajoute  celui  des  orphelins,  et,  un 
peu  plus  bas,  il  ajoute  aux  monastères  ceux 
qu'il  appelle  Asceteria.  Il  y  nomme  aussi  les 
économes,  comme  il  fait  très-souvent  ailleurs, 
aussi  bien  que  les  sacristains,  qu'il  appelle 
Cimeliarchas,  y^û.^*,  auxquels  il  donne  le 
rang  de  prêtres  (Nov.  xl.) 

Saint  Jean  l'Aumônier,  patriarche  d'Alexan- 
drie, fonda  des  hôpitaux  pour  les  passants,  pour 
les  malades,  pour  les  pauvres.  Il  destina  sept 
maisons  pour  y  faire  accoucher  plus  commo- 
dément celles  qui  étaient  pauvres,  et  pour  y 
nourrir  leurs  enfants  (Baronius,  an.  610,  n.  8). 

III.  Ce  même  empereur  défendit,  par  une 
autre  constitution,  tous  les  oratoires  domesti- 
ques où  l'on  faisait  célébrer  les  divins  mys- 
tères, n'eu  permettant  que  pour  y  faire  des 
prières  en  particulier,  et  réservant  la  célébra- 
tion des  divins  mystères  aux  églises  publiques: 
«  Urationis  solius  gratia,  et  nullo  celebrando 
penitus  eorum,  quae  sacri  sunt  niysterii,  hoc 
eis  permittimus  (Nov.  lviii).  » 

Il  permet  néanmoins  les  oratoires  séparés, 
pourvu  que  l'on  obtienne  des  ecclésiastiques 
de  l'évèque  diocésain  pour  y  célébrer  le  saint 
sacrifice  :  «  Invidia  enim  nulla  est,  si  velint 
citra  haec  habere  habitacula  qutedam,  et  in  eis 
tanquam  in  sacris  orare,  aliis  autem  omnibus 
abstinere  :  nisi  tamen  in  eis  voluerint  aliquos 


308       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINCT-TREIZIÈME. 


invitare  clcricos ,  hic  quidem  sanctissimœ  ma- 
joris  Ecclesiœ,  et  sub  ea  sanctissimaruni  do- 
înuum,  voluntate  ac  probatione  sanctissimi 
arcbiepiscopi  ad  hoc  deputatos  :  in  |>ro\incia 
vero  Deo  amabilium  episcoporum  (Nov.  cxxxi, 
c.  8).  »  Où  il  faut  remarquer  que  ce  prince 
ne  veut  pas  qu'on  ordonne  des  clercs  ou  des 
prêtres  pour  ces  chapelles  particulières,  mais 
que  l'évêque  députe  quelques-uns  de  ceux  qui 
sont  déjà  ordonnés  dans  les  églises  publiques, 
pour  y  aller  célébrer. 

IV.  Justinien  semble  néanmoins  supposer 
ailleurs  que,  comme  il  y  avait  plusieurs  églises 
dans  une  ville  dont  l'évêque  gouvernait  le 
temporel,  ou  par  lui-même,  ou  par  son  clergé  : 
«  Vel  per  seipsum,  vel  per  venerabilem  cle- 
rum,  »  il  y  avait  aussi  des  oratoires  dont  le 
temporel  n'était  administré  que  par  le  clergé 
propre,  qui  y  faisait  le  service  :  «  Si  quidem  ve- 
nerabilia  esse  contigerit  oratoria,  cum  volun- 
tate majoris  partis  ibidem  divina  celebrantium 
clericorum,  vel  œconomi  (Nov.  cxx,   c.  C).  » 

Enfin  il  dit  que  le  temporel  des  hôpitaux  de- 
vait être  manié  par  les  directeurs  qui  en 
doivent  rendre  compte  aux  évêques,  de  qui  ils 
tiennent  ou  leur  promotion,  si  ce  sont  de  sim- 
ples officiers;  ou  leur  ordination,  s'ils  sont  ec- 
clésiastiques ou  même  prêtres  :  «  In  prsesentia 
episcopi,  a  quo  pneponuntur,  aut  ordinantur, 
wpopoùOtorrtti  t,  xeiporovoûrrai.  » 

V.  Dans  le  VI"  concile  général  parut  Anastase, 
prêtre  et  moine  des  oratoires  du  patriarche  de 
Constantinople  :  «  Anastasio  presbytère  et  mo- 
nacho  oratoriorum  venerubilis  hujus  patriar- 
chii  (Act.  2).  »  C'étaient  apparemment  ou  des 
oratoires,  ou  des  monastères  qui  appartenaient 
plus  particulièrement  au  patriarche  de  Cons- 
tantinople, et  qui  relevaient  plus  immédiate- 
ment de  lui. 

Le  concile  in  Trullo  (Can.  xxxi)  nous  montre 
que  la  déclaration  de  Justinien  n'avait  pas  été 
observée  touchant  les  oratoires.  Quoiqu'ils  fus- 
sent compris  dans  la  maison  des  grands,  il  y 
avait  des  ecclésiastiques  qui  y  célébraient  les 
divins  mystères,  et  même  qui  y  donnaient  le 
baptême  ,  avec  la  permission  de  l'évêque  : 
a  Clericos  qui  in  oratoriis,  quse  sunt  intrado- 
mos,  sacra  faciunt,  vel  baptizant,  hoc  illius  loci 
episcopi  sententia  facere  debere  decernimus.  » 

Les  évêques  ne  doivent  donner  cette  per- 
mission que  très-rarement  pour  le  baptême, 
puisque  ce  concile  défend  ensuite  qu'on  ne 
donne  plus  le  baptême  dans  les  oratoires  do- 


mestiques. «  In  a'de  oratoria  quae  est  intra  do- 
mum,  baptismusnequaquam  peragatur  (Can.  l, 
Justinian.  nov.  58).  » 

Ce  règlement  fut  fait  contre  les  demi-euty- 
chiens,  qui  célébraient  les  sacrements  dans  ces 
oratoires  en  secret.  De  là  vient  que  ce  canon 
veut  qu'on  porte  les  enfants  qu'il  faut  baptiser 
dans  les  églises  catholiques.  «  Ad  catholicas 
ecclesias  accédant.  » 

Les  archimandrites  s'étaient  plaints,  dans  le 
concile  de  Constantinople,  sous  Menas,  de  ces 
assemblées  schismatiques  des  Sévériens  :  «  In 
propriis  domibus  ac  suburbiis  altaria  erigunt 
et  baptisteria,  in  oppositum  veri  al  taris,  et 
sancti  fontis.  »  Justinien  condamna  toutes  ces 
entreprises  des  hérétiques,  dans  une  de  ses 
novelles. 

VII.  L'incomparable  patriarche  d'Alexandrie, 
Jean  l'Aumônier,  célébrait  souvent  dans  son 
oratoire  domestique,  «  In  oratorio  cubiculi  sui 
perfectam  fecit  synaxim  (Cap.  xxv,  xxxviu, 
xli).  »  Il  célébrait  seul  dans  son  oratoire  avec 
un  seul  ministre  et  en  présence  d'un  seigneur 
irréconciliable  avec  ses  ennemis,  quand,  ayant 
dit  eux  trois  les  quatre  premières  demandes  de 
l'oraison  dominicale,  il  se  lut,  et  fit  taire  son 
ministre,  laissant  dire  la  cinquième  à  ce  sei- 
gneur, afin  de  prendre  aussitôt  l'occasion  de 
l'exhorter  à  une  parfaite  réconciliation ,  ce 
qu'il  lit.  Enfin,  ce  saint  patriarche,  voulant 
empêcher  le  peuple  de  sortir  de  l'église  avant 
la  fin  de  la  messe,  leur  remontra  que,  pouvant 
dire  la  messe  dans  l'évèché,  il  ne  descendait 
que  pour  eux  à  l'église  :  «  Ego  propter  vos  de- 
scendu in  sanctam  ecclesiam  ,  nam  poteram 
facere  mihimet  niissas  in  episcopio.  » 

Il  est  vrai  que  ces  chapelles  ne  pouvaient  pas 
passer  pour  des  titres  de  bénéfice,  non  plus  que 
celles  des  maisons  particulières,  soit  que  les 
laïques  seuls  y  fissent  leurs  prières,  ou  que 
l'évêque  y  envoyât  extraordinairement  les 
ecclésiastiques  des  autres  égides  pour  y  offi- 
cier; mais  on  ne  peut  nier  qu'il  ne  faille  mettre 
au  nombre  des  bénéfices  les  oratoires  dont 
parle  le  concile  in  Trullo,  où  il  y  avait  des 
clercs  uniquement  occupés  à  y  faire  le  divin 
service,  et  où  il  ne  leur  est  défendu  que  de 
donner  le  baptême. 

Il  est  aussi  difficile  de  refuser  ce  rang  aux 
chapelles  qui  étaient  dans  le  palais  impérial, 
car,  Théophane  dit  qu'Héraclius  se  fit  couron- 
ner, avec  l'impératrice  sa  femme,  par  le  patriar- 
che Sergius,  dans  la  chapelle  du  palais  impé- 


DES  DIFFÉRENTS  TITRES  DES  BÉNÉFICES. 


309 


rial,  où  il  le  maria  aussi,  ivr» tm-nç >£>  «s à-p  > 
2t»ç«vou  Ivto  irax«TK».  Cette  chapelle  était  dans  le 
palais  même,  et  partant  bien  différente  de 
cette  église  de  Notre-Dame  qui  en  était  pro- 
che, et  que  l'empereur  voulait  détruire  pour  la 
transporter  ailleurs,  selon  le  même  Théophane, 
et  bâtir  en  sa  place  une  fontaine  magnifique  et 
un  logement  pour  ceux  de  la  faction  bleue  : 
«  In  ejus  solo  fontis  macliinam.  et  venetœ  l'a- 
ctionis sedilia  extruereannitebatur.  »  Le  patriar- 
che, pressé  par  l'empereur  de  faire  i|ueli|ue 
prière  qui  excusât  ou  autorisât  ce  transport, 
répondit  que  l'Eglise  avait  des  prières  pour 
bâtir  des  églises  et  les  consacrer,  mais  non  pas 
pour  les  profaner  ou  pour  les  détruire.  Mais 
enfin,  le  patriarche  ne  pouvant  plus  résister 
à  la  majesté  impériale,  glorifia  Dieu  de  sa 
patience  incompréhensible,  «  Dixit  patriarcha  : 
gloria  Deo,  qui  etiam  hœc  patitur,  jugiter,  nunc 
et  semper,  et  in  saecula  saeculorum.  Amen.  » 
A  près  quoi  on  ruina  l'église,  et  on  la  transféra 
ailleurs. 

Cette  histoire  s'est  trouvée  sur  notre  chemin, 
elle  m'a  paru  trop  singulière  pour  être  omise, 
et  si  elle  n'est  pas  tout  à  fait  en  rapport  avec 
notre  sujet,  elle  n'en  est  pas  aussi  fort  éloignée. 
VU.  Le  pape  saint  Grégoire  le  Grand  nous 
fera  voir  une  conformité  assez  grande  entre 
les  Latins  et  les  Grecs  sur  la  fondation  des  nou- 
veaux bénéfices.  Fne  dame  illustre  voulut  bâtir 
un  oratoire  dans  la  ville  de  Rimini  et  le  dédier 
à  la  sainte  Croix.  Ce  pape  écrivit  à  l'évêque  de 
Rimini  d'examiner  premièrement  s'il  n'y  avait 
point  eu  de  corps  enterré  dans  ce  lieu,  de  rece- 
voir ensuite  la  donation  de  tous  les  biens  de 
celte  dame,  dont  elle  se  réservait  néanmoins 
l'usufruit  îles  deux  tiers,  de  consacrer  l'ora- 
toire sans  messe  solennelle  et  sans  y  établir  de 
piètre  titulaire  ,   si  ce  n'es!  que  cette  dame  lui 
demandât  un  prêtre  pour  y  célébrer  la  messe 
et  j  faire  lui  seul  tout  le  service  ,  excepté  le 
baptême. 

«  Praedictum  oratorinm  absquemissis publi- 
as solemniter  eonsecratis,  ita  ut  in  eodem  loco 
nec  futuris  temporibus  baptisterium  construa- 
tur  ,  nec  presbyterum  constituas  cardinalem. 
Et  si  missas  forte  maluerit  fieri  sibi ,  a  dile- 
ctione  tua  presbyterum  noverit  postulandum  : 
quatenus  nihil  alias  a  quolibet  sacerdote  alio 
ullatenus  praesumalur  (L.  u,  epist.  9;  1.  mi. 
ep.  7-2.  85;  1.  vin,  ep.  3  ;  1.  x,  ep.  12;  1.  îx, 
ep.  12).» 

Voilà  une  chapelle  sans  ecclésiastiques,  ou 


bien  avec  un  seul  prêtre  que  l'évêque  y  envoie 
pour  y  célébrer  la  messe  ,  tous  les  revenus 
ayant  été  unis  a  la  inense  capitulaire.  (In  peut 
voir  plusieurs  exemples  pareils  dans  les  lettres 
de  ce  saint  pape,  aussi  bien  qu'un  oratoire  do- 
mestique de  l'évêque  de  Narny,  où  il  célébrait 
la  messe  en  particulier,  «  In  episcopii  oratorio 
missas  fecit  (Homil.  :t"  in  Evang.).» 

Le  formulaire  pour  l'érection  d'une  chapelle 
ou  d'un  oratoire  public,  sans  prêtre  titulaire 
se  lit  dans  les  lettres  du  pape  Pelage,  prédéces- 
seur de  saint  Grégoire,  qu'Holsténiusadonnées 
dans  la  collection  romaine. 

Je  me  contente  de  citer  à  la  marge  les  autres 
lettres  de  saint  Grégoire,  où  il  parle  des  oratoi- 
res ,  dont  les  uns  avaient  des  prêtres  particu- 
liers et  les  autres  n'en  avaient  point. 

VIII.  Voici  un  autre  exemple  un  peu  «Titrè- 
rent et  qui  fera  néanmoins  mieux  comprendre 
le  premier.  Les  prêtres  à  qui  on  avait  confié 
l'église  de  Saint-Pancrace  ,  manquant  souvent 
d'y  célébrer  la  messe  lesjours  de  dimanche  que 
le  peuple  y  accourait,  «  ita  ut  venientes  Domi- 
nico  die  populi ,  missarum  solemniaaudituri , 
non  invento  presbytero  murmurantes  redirent 
(L.  m,  ep.  18),  »   le  pape  saint  Grégoire  donna 
cette  église  à  des  moines  et  à  leur  abbé  Maure, 
leur  donnant  en  même  temps  toutes  les  terres 
et  les  revenus  ou  le  casuel  de  cette  église,  «  ut 
terras  prafatae  ecclesiœ,  et  quidquid  illuc  in- 
traverit ,  seu  de  reditibus  ejus  accesserit,  mo- 
nasterio  debeat  applicari.»  Ce  terme  introverti, 
d'où  est  venu  Yintrasta  moderne  des  Italiens  , 
m'a  paru  comprendre  le  casuel  d'un  lieu  de 
dévotion.    Il  les  chargea  en  même  temps  de 
faire  l'office  divin  devant  le  corps  du  saint  et 
d'y  faire  dire  la  messe  par  un  prêtre  ,   auquel 
ils  donneraient  son  entretien  et  logement  dans 
le  monastère  ,    «  ut  peregrinum    illic  debeas 
adhibere  presbyterum  ,   qui   sacra  missarum 
possii  solemnia  celebrare  ;  quem  tamen  et  in 
nionasterio  tuo  habitare,  et  exinde  vitae  subsi- 
dia  habere  necesse  est.  Sed  et  hoc  prœ omnibus 
cura1  tuae  sit.  ut  ibidem  ad  sacratissimum  cor- 
pus B.  Pancratii  quotidieopus  Dei  proculdubio 
peragatur.  » 

Voilà  encore  tous  les  biens  d'une  église  unis 
a  une  communauté  qui  ne  donne  que  son  en- 
tretien au  prêtre  bénéficier. 

IX.  Cela  nous  apprend  que  tous  les  monas- 
tères n'avaient  pas  encore  des  prêtres  de  leurs 
corps.  La  nécessité  les  y  obligea  enfin.  Aussi  ce 
saint  pape  écrivit  à  l'évêque  de  Païenne,  en 


310 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TREIZIÈME. 


Sicile  ,  d'y  faire  élire  un  d'entre  les  religieux 
du  monastère  qui  était  dans  sa  ville,  et  de  l'or- 
donner prêtre,  afin  que  les  religieux  ne  fussent 
pas  obligés  ou  de  sortir  de  leur  monastère  ou 
d'y  appeler  des  étrangers  :  «  Eum  qui  ad  hoc 
ministerium  de  eadem  congregatione  ,  cujus 
vita,  mores  et  actio  ,  tanto  possint  ministerio 
convenire,  sine  mora  debeas  consecrare;  qua- 
tenus  nec  ille  de  monasterio  suo  pro  hac  causa 
egredi,  necextraneum  sibi  ad  peragendum  sa- 
crum opus  ,  debeatadducere  (L.  v,  ep.  il  ;  1. 
îv,  ep.  -i3;  1.  Il,  ep.  56).» 

Mais  comme  ces  oratoires  des  religieux  n'é- 
taient que  pour  leur  usage,  et  non  pas  pour  le 
public  ,  ce  pape  défendit  d'y  dire  des  messes 
publiques,  c'est-à-dire  où  le  peuple  assistât,  et 
d'y  souffrir  de  baptistère. 

X.  Jean,  évêque  de  Syracuse,  étant  en  procès 
avec  le  patrice  Vénantius,  refusa  son  offrande  à 
l'autel  et  défendit  qu'on  célébrât  la  messe  dans 
sa  maison.  Le  patrice  envoya  des  gens  armes 
qui  firent  un  étrange  dégât  dans  la  maison  de 
l'évèque.  Le  pape  en  étant  averti  leur  manda 
de  poursuivre  leurs  différends  par  les  voies  ré- 
glées de  la  justice,  sans  rompre  la  paix  ,  ni 
blesser  la  charité,  et  il  manda  particulièrement 
à  l'évèque  de  recevoir  les  offrandes  du  patrice, 
et  non-seulement  de  permettre  qu'on  dît  la 
messe  dans  sa  maison  ,  mais  aussi  de  l'y  aller 
dire  lui-même  et  y  célébrer  un  double  sacrifice 

de  paix. 

a  Adhortamur,  quatenus  oblationesejusom- 
nino  in  dulcedine,  et  Deo  placita  debeatis  sin- 
ceritate  suscipere,  et  in  domo  ipsius  missarum 
peragi  mysteria  permittatis,  ut  sicut  scripsimus, 
si  forte  voluerit  ,  per  vos  debeatis  accedere  et 
celebrando  apud  eum  missas,  priorem  gratiam 
reformare.  » 

Il  n'est  pas  à  croire  que  ces  chapelles  domes- 
tiques des  grands  fussent  fondées.  Ce  pape  ne 
l'eût  pas  oublié,  car  écrivant  à  l'évèque  de 
Saintes  de  la  fondation  qu'on  voulait  faire  d'une 
église  en  l'honneur  de  saint  Pierre,  saint  Paul, 
saint  Laurent  et  saint  Pancrace  ,  où  il  y  avait 
treize  autels,  «  atque  illic  altaria  tredecim  pro- 
curasse »  ,  il  lui  mande  avant  toutes  choses  d'y 
procurer  une  fondation  suffisante  pour  ceux 
qui  y  serviront.  «  Provisuri  ante  omnia ,  ut 
servientibus  ibidem  non  debeant  alimoniarum 
déesse  suffragia  (L.  v,  ep.  50).  »  Nous  en  avons 
cité  plusieurs  autres  endroits  sur  le  premier 
passage  tiré  des  lettres  de  ce  pape. 

XL  l'ne  dame  de  la  Campanie  avait  un  ora- 


toire dans  son  château,  qui  était  apparemment 
un  titre  de  bénéfice;  car  le  prêtre  qui  le  des- 
servait ayant  été  élu  pour  l'évêché  de  Surrento, 
le  pape  saint  Grégoire  voulut  qu'on  l'envoyât  à 
Rome  pour  l'examiner  et  qu'on  demandât  pour 
cela  l'agrément  de  cette  dame  ,  mais  qu'on  ne 
laissât  pas  de  l'envoyer  quoiqu'elle  refusât  son 
consentement ,  puisque  le  bien  public  mérite 
sans  doute  d'être  préféré  à  la  satisfaction  d'un 
particulier. 

«  Presbyterum  oratorii  S.  Severini ,  quod  in 
castro  Luculano  situm  est,  elegerunt,  etc.  Ad 
nos  transmitti  débet,  etc.  Ne  gloriosa  filia  no- 
stra  Clementina  hoc  moleste  suscipiat,  ad  eam 
tua  experientia  pergat,  et  eum  ejus  voluntate 
hoc  faciat.  Sin  vero  reniti  fortasse  voluerit,  hue 
eum  sine  mora  transmitte  ;  quia  animi  filiorum 
nostrorum  ita  pacandi  sunt ,  ut  tamen  aniina- 
rum  utilitas  non  debeat  prœpediri  (  L.  vin, 
ep.  18).  » 

Ce  prêtre  était  certainement  arrêté  et  fixé  au 
service  et  au  titre  de  cette  chapelle,  mais  le 
pape  n'avait  pas  perdu  le  pouvoir  de  l'en  reti- 
rer, pour  le  faire  monter  sur  le  trône  épisco- 
pal. 

XII.  C'étaient  là  sans  doute  des  bénéfices 
simples,  parce  qu'il  n'y  avait  point  de  paroisse 
ni  de  peuple,  ni  de  charge  d'âmes,  mais  ceux 
qui  en  étaient  pourvus  ne  laissaient  pas  d'être 
obligés  à  la  résidence  et  au  service  de  l'autel. 
En  voici  d'autres  exemples. 

Le  pape  saint  Grégoire  écrivit  au  prêtre 
Candide,  en  France,  a  qui  il  avait  commis  le 
gouvernement  du  patrimoine  de  saint  Pierre, 
répandu  en  divers  endroits  de  la  France,  pour 
lui  recommander  un  prêtre  français,  nommé 
Aurélius,  qui  était  allé  à  Rome,  pour  deman- 
der au  pape  un  de  ces  bénéfices,  qui  étaient  de 
sa  collation  en  France,  parce  qu'ils  étaient 
dans  les  terres  patrimoniales  de  l'Eglise  ro- 
maine, soit  que  ce  fût  un  oratoire,  soit  que  ce 
fût  une  abbaye;  car,  comme  nous  avons 
vu  ,  on  mettait  des  prêtres  séculiers  dans 
les  abbayes.  «  Aurélius  presbyter  e  Gallia- 
rum  partibus  veniens,  petiit,  ut  sicubi  in 
possessionibus  R.  Pétri  Apostolorum  principis, 
oratorium  autlocus,  qui  presbytero,  vel  abbate 
indiget,  inveniri  potuerit,  d  debeat  commitli 
(L.  ix,  ep.  65).  »  Ce  pape  écrivit  à  Candide,  afin 
de  pourvoir  Aurélius  lorsque  l'occasion  se  pré- 
sentera, de  l'une  de  ces  deux  sortes  de  béné- 
fices simples,  afin  que  ce  pauvre  prêtre  y  trou- 
vât un  honnête  entretien,   et  le  fruit  de  1 


IVLS  DIFFÉRENTS  TITRES  DES  BÉNÉFICES. 


311 


libéralité  du  pape.  «  Quatenus  et  ipse  subsidium 
vitse  praesentis  inveniat ,  et  nos  inveniamur 
petitioni  illius  paraisse.  » 

Ce  pape  n'eût  pas  apparemment  accordé 
avec  la  même  facilité  un  bénéfice  cure  à  un 
homme  qui  l'eût  demandé,  et  qui  ne  l'eût  de- 
mandé que  pour  y  trouver  sa  subsistance  cor- 
porelle. Mais ,  pour  ces  sortes  de  bénéfices 
simples,  il  croyait  sans  doute  que  c'était  une 
action  de  charité  de  les  conférer  à  des  prêtres 
qui  sont  pauvres,  et  dont  la  vie  ne  déshonore 
pas  le  caractère. 

XIII.  C'était  encore  indubitablement  un  titre 
véritable  d'un  bénéfice  simple,  lorsque  ce  pape 
écrivit  à  révoque  de  Firme-  de  consacrer  un 
oratoire  dans  le  château  d'un  comte  qui  l'avait 
bâti  et  doté,  avec  ordre  d'y  établir  un  prêtre 
cardinal,  c'est-à-dire  titulaire  et  fixe,  qui  y  dit 
la  messe  pour  le  seigneur  du  lieu,  et  pour  le 
peuple  qui  s'assemblerait. 

«  Presbyterum  quoque  te  illic  constituere 
volumus  cardinalem,  ut  quoties  praefatus  con- 
ditor  fieri  sibi  missas  fortasse voluerit, vel fide- 
liumeoiicursusexegerifiùliilsit  quod  ad  missa- 
rum  sacra  exhibendasolemniavaleatimpédire.» 

i°  Ce  prêtre  recevait  le  revenu  des  fonds 
assignés  à  cette  chapelle.  2°  Le  consentement 
du  pape  intervenait  pour  l'érection  de  ces  nou- 
veaux bénéfices  dans  les  évèchés  d'Italie.  3°  Ce 
prêtre  célébrait  des  messes  en  particulier,  pour 
le  fondateur  seul,  autant  de  fois  qu'il  le  souhai- 
tait, sans  que  le  peuple  y  assistât.  4°  Le  peuple 
y  pouvait  assister ,  parce  que  les  paroisses 
n'étaient  peut-être  pas  encore  aussi  fréquentes 
qu'on  eût  désiré  à  la  campagne.  5°  En  confron- 
tant ce  passage,  où  on  établit  un  prêtre  cardi- 
nal, avec  les  précédents  où  il  est  défendu  d'en 
établir  un,  on  voit  évidemment  ce  que  c'est 
qu'un  prêtre  cardinal,  au  sens  de  saint  Gré- 
goire, ce  qu'il  faut  étendre  aussi  aux  évêques 
et  aux  diacres  cardinaux.  Le  prêtre  que  l'évêque 
envoyait  pour  dire  la  messe  dans  ces  oratoires  à 
chaque  fois  que  le  fondateur  le  désirait,  n'était 
pas  cardinal,  parce  qu'il  n'était  pas  titulaire, 
ni  fixe,  ni  résidant  perpétuellement  dans  cette 
chapelle,  ni  n'en  retirait  pas  les  revenus,  étant 
simplement  nourri  des  distributions  qu'il  rece- 
vait de  l'évêque,  comme  les  autres  clercs.  Mais 
celui  dont  il  est  parlé  dans  cette  lettre ,  est 
prêtre  cardinal  de  cette  chapelle,  parce  qu'il  y 
est  fixé,  il  y  réside,  il  en  tire  les  revenus,  y 
domine  sur  le  clergé,  s'il  y  en  a,  y  fait  seul 
tous  les  offices. 


Une  partie  de  ces  oratoires  bâtis  par  des 
seigneurs  sont  enfin  devenus  des  paroisses, 
parce  que  les  laboureurs  et  les  autres  gens  de 
la  campagne  s'en  sont  approchés,  y  ont  bâti  et 
en  ont  fait  des  villages.  De  là  est  venu  le 
patronage  lai  des  gentilshommes  et  des  sei- 
gneurs, comme  nous  dirons  plus  bas  en  son 
lieu.  Ainsi  il  n'a  pas  été  inutile  de  nous  étendre 
un  peu  sur  ce  sujet  des  bénéfices  simples,  qui 
n'ont  pas  dégénéré,  mais  qui  ont  acquis  leur 
juste  perfection  quand  ils  sont  devenus  des 
cures. 

XIV.  Il  y  avait  dans  ces  hôpitaux  des  ora- 
toires, c'est  pourquoi  nous  avons  trouvé  plus  à 
propos  d'en  traiter  ici  que  dans  le  chapitre 
précédent  ;  et  ces  oratoires  ont  tant  de  rapport 
et  sont  tellement  unis  à  ces  hôpitaux,  qu'il  est 
très-difficile  de  les  en  séparer.  II  y  avait  des 
hôpitaux  dans  les  monastères;  il  y  avait  des 
monastères  dans  les  hôpitaux  :  et  dans  les  uns 
et  dans  les  autres  il  y  avait  des  oratoires.  Les 
choses  qui  sont  si  fort  unies  peuvent  aisément 
se  confondre  dans  les  discours. 

Saint  Grégoire  assure  :  1°  Que  ceux  qui  en 
sont  chargés  doivent  rendre  compte  de  leur 
administration  a  l'évêque.  «  Tibi  singulis  qui- 
busque  lemporibus  rationes  suas  xenodochi 
subtiliter  reddant  L.m.ep.  34  j.  »  C'est  ce  qu'il 
écrit  à  Janvier,  métropolitain  de  Cagliari,  en 
Sardaigne. 

2°  Qu'on  n'en  doit  donner  la  charge  qu'à  des 
personnes  pieuses  et  expérimentées,  mais  ecclé- 
siastiques, parce  que  si  c'étaient  des  laïques, 
les  juges  séculiers  pourraient  les  appeler  en 
justice,  et  par  les  chicaneries  du  barreau,  dis- 
siper tous  les  biens  que  la  charité  des  fidèles  y 
a  consacrés  à  Dieu.  «  Taies  in  eis  ordinentur, 
qui  vita,  moribus  atque  industria  inveniantur 
esse  dignissimi.  Religiosi  dun  taxât,  quosvexandi 
judices  non  habeant  potestatem.  Xe  si  taies 
personae  fuerint,  quas  in  suum  possint  evocare 
jndicium,  vastandarum  rerum  debilium,  quas 
illic  rejacent,  pra?beatur  occasio.  » 

3°  Cet  évèque  négligeant  les  hôpitaux,  le 
pape  excuse  sa  vieillesse,  mais  il  en  charge 
l'économe  et  l'archiprêtre  de  Cagliari. 

4°  C'étaient  souvent  des  diacres  ou  des  sous- 
diacres  qui  étaient  les  administrateurs  des 
hôpitaux.  «  Persona  Crescentii  diaconiquia  no- 
bis  ignota  est,  prima  nobis  cura  fuit  requirere 
quemadmodum  xenodochium,  cui  prœfuerat, 
gubernasset  :  ut  ex  minimis,  qualis  esse  posset 
in  maximo,  nosceremus  (L.  h,  ep.  39).  » 


31-2      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-TREIZIÈME. 


L'hôpital  d'Autan  fut  néanmoins  confié  aux 
soins  d'un  abbé,  qui  était  aussi  prêtre,  parce 
qu'il  v  avait  aussi  un  monastère  joint  à  l'hô- 
pital (L.  h,  ep.  1  i  ;  1.  ii,  ep.  10).  Ce  pape  parle 
encore  ailleurs  du  diacre  Florentin,  adminis- 
trateur d'un  hôpital,  et  du  sous-diacre  Antoine , 
qui  gouvernait  un  hôpital  à  Rome,  «  Xenodo- 
chus,  xenodochii  prtefectus  (L.  x,  ep.  43  ;  1.  vu, 
ep.  27).  » 

XV.  Il  est  certain  que  ces  administrations 
d'hôpitaux  pouvaient  passer  pour  des  bénéfices 
simples  que  l'évêque  conférait  à  des  prêtres, 
des  diacres  et  des  sous-diacres,  qui  étaient  néan- 
moins obligés  à  une  résidence  fort  rigoureuse. 

Je  ne  sais  si  on  peut  mettre  au  même  rang 
les  postes  de  ces  prêtres  qui  servaient  dan?  les 
monastères,  comme  ce  pape  nous  a  déjà  fait 
voir,  et  dont  il  parle  en  beaucoup  d'autres  en- 
droits (L.  vu,  ep.  16;  1.  v,  ep.  60). 

Il  écrivit  à  l'évêque  de  Naples  de  faire  la  dé- 
dicace d'un  nouveau  monastère,  et  d'y  envoyer 
ses  prêtres  pour  y  dire  la  messe  autant  de  fois 
qu'il  serait  nécessaire;  mais  il  fit  en  même 
temps  défense  et  à  lui  et  à  ses  prêtres,  de  rien 
prétendre  sur  les  revenus  du  monastère.  «  Et 
quoiies  necesse  fuerit  a  presbyteris  Ecclesiœ 
tuœ  in  loco  sancto  deservientibus  celebrentur 
sacrificia  venerandamissarum,  ita  ut  in  eodem 
monasterio  nec  fraternitas  tua,  nec  presbyteri 
sibi  existiinent  vindicari.  Si  quid  illic  pro 
diversorum  devotionecommoditatisaccesserit; 
cum  monacliis  in  eodem  locodebeat  proficere, 
quidquid  a  fidelibus  offerri  contigerit.  » 

Ces  prêtres  n'étaient  nullement  bénéficiers 
de  ces  monastères,  puisqu'ils  n'avaient  nulle 
part,  ni  aux  offrandes,  ni  aux  revenus.  Il  faut 
dire  le  même  des  moines  qu'on  ordonnait 
prêtres  dans  un  monastère,  avec  cette  obliga- 
tion d'y  résider  toute  leur  vie,  et  d'y  célébrer 
la  messe  quand  il  en  serait  besoin  :  a  Quem 
sibi  de  congregatione  duxerint  eligendum  , 
debeas  presbyterum  ordinare,  atque  eum  nec 
in  ecclesia,  nec  in  alio  loco  observare, sed  illic 
jugiler  permanere,  exnostra  quoque  autorilate 
constituas.  Quatenus  et  ille  dum  alibi  non 
fuerit  oecupatus,  in  officio  suo  assiduus  possit 
et  utilis  inveniri,  et  congregatio  quae  sibi  eum 
postulat  ordinari,  quoties  necesse  fuerit  ipso 
sacrifiai  solcnmitatein  célébrante,  valeal  refo- 
veri  (L.  vu.  ep.  95).  » 

Remarquons  en  passant  :  1°  Qu'il  n'y  avait 
au  plus  qu'un  prêtre  dans  ces  monastères. 
2*  Qu'il  n'y  disait  pas  la  messe  tous  les  jours, 


mais  dans  le  besoin,  «  quoties  necesse  fuerit.  » 
3°  Que  les  monastères  d'Occident  s'éloignèrent 
bien  plus  longtemps  des  fonctions  de  la  cléri- 
cature  que  ceux  d'Orient.  4°  Que  ce  prêtre  re- 
ligieux n'était  simplement  ordonné  que  pour 
célébrer  la  messe  dans  le  monastère ,  sans 
qu'il  dût  ou  qu'il  pût  s'engager  dans  d'autres 
fonctions  ecclésiastiques. 

Le  pape  Crégoire  III,  au  rapport  d'Anastase 
Bibl.,  ordonna  que  dans  l'église  de  Saint-Pierre 
de  Rome  les  offices  de  la  nuit  seraient  célébrés 
par  les  moines,  et  les  messes  par  les  prêtres 
hebdomadiers  :  et  que  le  pape  enverrait  des 
prêtres  pour  célébrer  la  messe  dans  les  cime- 
tières où  reposent  les  martyrs,  aux  jours  de 
leurs  fêtes,  y  envoyant  en  même  temps  des 
lampes  pour  y  veiller,  et  des  hosties  pour  l'eu- 
charistie. 

XVI.  Je  passerai  de  l'Orient  et  de  l'Italie  aux 
autres  églisesd'Occident,  après  avoir  remarqué 
que  l'empereur  Justinien  défend  de  donner  à 
l'argent,  mais  au  mérite,  toutes  les  administra- 
tions des  hôpitaux,  aussi  bien  que  les  autres 
bénéfices.  «  Ne  quis  episcopus,  chorepiscopus, 
presbyter,  etc.  Sed  nec  œconomus,  nec  defensor, 
nec  xenodochus,  nec  ptochotrophus,  nec  or- 
phanotrophus,  nec  brephotrophus,  nec  quis- 
quam  ptochio  prœficiendus  fiât  per  largitionem, 
sed  per  judicium  et  probationem  illius  locis 
cpiseoporum  (Cod.  1.  i  de  Episcop.  et  Cleric, 
leg.  42).  » 

XVII.  Il  faut  encore  ajouter  cette  remarque 
que  les  prévôtés  étaient  déjà  établies  dans  les 
monastères  :  c'était  la  même  chose  que  les 
prieurés.  Ce  n'étaient  que  des  administrations, 
mais  les  bénéfices  aussi  ne  passaient  alors  que 
pour  ce  qu'ils  sont  originairement ,  c'est- 
à-dire  pour  des  administrations  perpétuelles. 
Les  prévôts  et  les  prieurs  étaient  les  intendants 
principaux  des  monastères  après  les  abbés. 

L'abbé  Jean  demanda  à  saint  Crégoire  la 
permission  d'ordonner  Boniface  pour  prévôt. 
«  Petiit  dilectio  tua,  ut  frater  Ronifacius  in 
monasterio  luo  a  te  debeat  ordinari  praepositus 
(L.  il,  ep.  3;  Ind.  u,  1.  îv,  ep.  4).  » 

Ce  pape  manda  ailleurs  qu'on  donnât  à  un 
abbé  négligent  un  prévôt  vigilant  et  indus- 
trieux, pour  suppléer  à  ses  défauts.  Il  envoya 
un  religieux  de  Rome  pour  être  prévôt  dans 
une  abbaye  de  Naples,  et  pour  y  être  ensuite 
fait  abbé,  si  sa  conduite  le  faisait  paraître  digne 
de  cette  charge  (L.  vu,  ep.  92).  Ce  pape  parle 
dans  ses  dialogues  des  prévôts  vigoureux  de 


DES  DIFFÉRENTS  TITRES  DES  BÉNÉFICES. 


.113 


quelques  monastères,  qui  en  maintenaient  la 
discipline  contre  le  relâchement  îles  abbés 
même,  qu'il  appelle  très-souvent,  selon  le  lan- 
gage des  Grecs,  les  pères  des  monastères,  Patres 
monasteriorum(L.  i,  c.  1.  7. Le  terme  syriaque 
d'abbé  a  la  même  signification. 

Saint  Isidore  semble  principalement  charger 
les  prévôts  du  soin  du  temporel.  «  Ad  praepo- 
situm  pertinet  sollicitudo  monachorum,  actio 
causai  ami,  cura  possessionum,  satio  agrorum, 
plantatio  et  cultura  vinearum,  diligentia  legum, 
conslructio  aedifleiorum,  opuscarpentarioruni, 
seu  fabrorum.  » 

La  partie  suivante  de  cet  ouvrage  nous  fera 
voir  ces  prévôts  entièrement  appliqués  au  tem- 
porel, en  sorte  que  cette  charge  fut  quelquefois 
usurpée  et  exercée  par  des  laïques. 

XVIII.  Mais  il  faut  revenir  à  la  première  let- 
tre de  saint  Grégoire  que  nous  avons  citée.  Elle 
nous  montre  que  le  prévôt  était  ordonné  aussi 
bien  que  l'abbé,  et  que  le  consentement  de 
l'évêque  y  était  nécessaire.  On  pourrait  encore 
justifier  cela  par  d'autres  lettres  de  saint  Gré- 
goire (L.  vi,  ep.  10);  mais  il  suffit  de  dire  que 
saint  Benoît  même  le  dit  formellement  dans 
sa  règle,  où  il  se  plaint  de  l'insolence  de  quel- 
ques prévôts  qui  s'élevaient  contre  les  abbés, 
dans  les  lieux  où  c'étaient  les  mêmes  prélats, 
ou  les  mêmes  abbés  qui  ordonnaient  les  abbés 
et  les  prévôts.  «  Sœpius  contingit  ut  per  ordi- 
nationem  praepositi  scandala  oriantur,  dum 
icstimantes  se  secundos  abbates,  dissensiones 
faciunt,  maxime  in  î l lis  locis,  ubi  ab  eodem 
sacerdote  vel  ab  eisdemabbatibus,  qui  abbatem 
ordinant,  ab  ipsis  etiam  et  praepositus  ordi- 
natur  (Cap.  lxv).  » 

Pour  prévenir  ce  désordre,  saint  Benoît  sou- 
haite que  l'abbé  se  passe  de  prévôt,  et  qu'il  se 
serve  de  plusieurs  doyens  en  la  place  du  pré- 
vôt, afin  que  l'autorité  étant  partagée,  elle  en 
soit  inoins  redoutable.  «  Perdecanosordinetur 
omnis  utilitas  monasterii.  Dl  dum  pluribus 
committitur,  unus  non  superbiat.  »  Si  l'on  juge 
ne  pouvoir  absolument  se  passer  de  prévôt,  il 
faut  que  ce  soit  l'abbé  qui  le  choisisse  avec  le 
conseil  des  plus  vertueux  d'entre  ses  religieux. 
«  Quemcumque  elegerit  abbas  cum  consilio 


fratrum   limentium  Deum ,  ordinet  ipse  sibi 
prœpositum.  » 

XIX.  (Tétaient  donc  primitivement  les  é\è- 
ques  qui  nommaient  et  lesabbés  et  les  prévôts. 
Comme  l'élection  des  abbés  fut  enfin  accordée 
aux  monastères  par  un  privilège  qui,  devenant 
commun,  passa  aussi  enfin  en  droit  commun  ; 
aussi  le  choix  du  prévôt  fut  pareillement  aban- 
donné avec  le  temps  à  l'abbé  et  à  sa  congréga- 
tion. Les  abbés  dont  parle  saint  Benoît,  qui 
ordonnaient  des  abbés  et  des  prévôts,  étaient 
vraisemblablement  ceux  qui  avaient  Tonde 
d'autres  monastères  qu'ils  conservaient  tou- 
jours dans  leur  dépendance,  par  cette  marque 
d'autorité. 

XX.  Le  terme  même  de  prieur  n'a  pas  été 
inconnu  à  saint  Grégoire,  pour  les  monastères 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe  :  «  Ut  ad  prioratus 
locum  pertingeret ,  etc.  111e  prioris  obtinet 
locum,  etc.  (L.  iv,  ep.  iv,  1.  vi,  ep.  x).  »  Nos 
conciles  de  France  ont  quelquefois  parlé  des 
prévôts  :  le  concile  II  de  Tours  (Can  xiv). 
«  Abbate  aut  praeposito  gubernante.  »  Saint 
Benoît  vient  de  nommer  les  doyens.  Nous 
parlerons  plus  au  long  ci-après  de  ces  dignités 
de  prévôts,  de  doyens  et  de  prieurs,  qui  passè- 
rent des  monastères  aux  chapitres  des  églises 
cathédrales  et  collégiales. 

Saint  Jérôme  et  Cassien  ont  souvent  parlé 
des  doyens,  Decmii,  à  qui  l'abbé  confiait  la  con- 
duite de  dix  moines.  Saint  Augustin  en  parle 
aussi,  quand  il  dit  que  chaque  moine  remettait 
entre  leurs  mains  le  travail  de  ses  mains  : 
«  Opus  suum  tradunt  eis  quos  decanos  vocant, 
eo  quod  sint  dénis  pra-positi  (August.  De  Morib. 
Eccles.  1.  i,  c.  31);»  que  les  doyens  disposaient 
de  tout  le  temporel  :  «  Decani  cum  magna  sol- 
licitudine  omnia  disponentes,  etc  ;  »  et  qu'ils 
étaient  comptables  à  l'abbé.  «  Rationem  red- 
dunt  uni  quem  patrem  vocant.  »  Le  terme  de 
Pater  signifie  en  latin  la  même  chose  que  celui 
A'Abbas  en  syriaque. 

Nous  avons  en  peu  de  mots  expliqué  les 
fonctions  des  doyens  ,  pourquoi  ils  sont  ainsi 
appelés,  quel  pouvoir  ils  ont  sur  le  temporel, 
et  à  qui  ils  doivent  rendre  compte  de  leurs 
administrations  (1). 


(1)  On  peut  dire  qu'un  principe  incontestable  ressort  victorieuse- 
ment de  tout  le  droit  canonique,  à  savoir  :  la  perpétuité  des  béné- 
fices quand  ils  sont  possédés  par  le  clergé  séculier.  Les  religieux,  au 
contraire,  liés  par  le  vœu  d'obéissance,  ne  sont  jamais  inamovibles 
dans  leurs  bé:iéfice>,  prieurés,  doyennés ,  prévôtés.  Les  bénéfices 
simples  eux-mêmes  étaient  possédés  à  titre  perpétuel  des  que  le  titu- 
laire était  un  prêtre  séculier.  Quant  aux  bénéfices-cures,  outre  tous 


les  textes  de  l'ancien  droit,  le  concile  de  Trente  les  a.  par  un  canon 
spécial,  déclarés  perpétuels  :  Suum  peculiarem  PERPE  TDUMQUE 
m.  Le  concile  n'a  fait  qu'une  exception,  c'est  lorsque  une  pa- 
roisse a  un  curé-primitif,  monastère,  évèché  ou  hôpital,  alors  ce 
curé  primitif  nomme,  [jour  l'administration  de  la  paroisse,  un  vicaire 
ou  perpétuel,  ou  amovible.  Mais  encore  ici  l'Eglise  a  plus  d'une  fois 
exprimé  le  désir  que  ces  paroisses  fussent  administrées  par  des  vi- 


31  l    DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  niATfŒ-YINGT-Ql'ATORZIÈME. 


CHAPITRE   QUATRE-VINGT-QUATORZIEME. 


DIFFÉRENTS   TITRES    DE   DIVERS    BÉNÉFICES    :    HOPITAUX,    ORATOIRES,    CHAPELLES    EN    FRANCE 
ET    EN    ESPAGNE,    AUX    SIXIÈME,    SEPTIÈME   ET   HUITIÈME    SIÈCLES. 


I.  Il  y  avait  en  France  des  oratoires  qui  étaient  vraiment  des 
bénéfices,  et  en  quelque  façon  des  collégiales. 

II.  Trois  sortes  de  chapitres,  dans  les  cures,  dans  les  oratoires 
ou  basiliques,  et  dans  les  cathédrales. 

III.  Les  chanoines  de  la  cathédrale  se  faisaient  pourvoir  de 
ces  basiliques. 

IV.  Les  oratoires  des  seigneurs  aux  champs,  convertis  en  pa- 
roisses. 

V.  Ils  fondaient  quelquefois  des  paroisses  et  des  petits  cha- 
pitres. 

VI.  On  exigeait  autrefois  un  plus  grand  nombre  d'ecclésiasti- 
ques dans  chaque  église. 

VII.  L'autorité  des  évêques  maintenue  contre  les  patrons 
laïques. 

VIII.  Des  cellules  et  des  petits  couvents  dépendant  des  ab- 
bayes, changés  enfin  en  bénéfices  simples. 

IX.  Hopilaui  érigés  par  le  pape  et  par  le  concile  V  d'Orléans, 
avec  des  imprécations  étonnantes  contre  toutes  les  puissances 
séculière!  qui  i  a  usurperaient  les  droits. 

X.  Hopitam  unis  à  des  monastères. 

XL  Divers  endroits  de  Grégoire  de  Tours,  pour  confirmer 
tout  ce  qui  a  été  tiré  des  conciles. 

XII.  Et  pour  faire  connaître  des  bénéfices  simples  pour  tous 
les  ordres  inférieurs,  avec  obligation  de  résider. 

XIII.  Bénéfices  simples  en  Espagne  pour  tons  les  ordres. 

I.  Les  mêmes  diverses  sortes  de  bénéfices 
ont  eu  cours  dans  la  France  et  dans  l'Espagne. 

Le  concile  d'Agde  permit  les  oratoires  dans 
la  maison  des  seigneurs  à  la  campagne,  pour  y 
entendre  la  messe  avec  leur  famille,  mais  avec 
obligation  d'aller  l'entendre  ou  dans  l'église  de 
la  ville,  ou  dans  les  paroisses  des  champs  aux 
jours  solennels  de  Pâques,  de  Noël,  de  l'Epi- 


phanie, l'Ascension,   la  Pentecôte,  la  Nativité 
de  saint  Jean,  et  autres  jours  solennels. 

«  Si  quis  extra  parochias,  in  quibus  legitimus 
est,  ordinariusque  conventus,  oratorium  in 
agro  uabere  voluerit,  reliquis  festivitatibus,  ut 
ibi  missas  teneat,  propter  fatigationem familiœ, 
justa  ordinatione  permittimus.  Pascha vero,  etc. 
Clerici  vero,  etc.  (Can.  xxi;  Aurel.  i,  c.  2b).  » 

On  pourrait  douter  si  les  prêtres  et  les  autres 
ecclésiastiques  qui  desservaient  ces  oratoires 
étaient  véritablement  titulaires  et  bénéflciers. 
Le  concile  d'Epaune  (Can.  xxv),  nous  lèvera 
ce  doute  en  nous  apprenant  que  si  dans  ces 
chapelles  on  avait  mis  des  reliques  ou  des 
corps  saints,  et  qu'on  y  eût  assigné  par  consé- 
quent des  revenus  suffisants  pour  les  ecclésias- 
tiques qui  y  devaient  faire  l'office,  c'étaient 
alors  de  vrais  bénéflciers. 

a  Saerorum  reliquis  in  oratoriis  villaribus 
non  ponantur,  nisi  forsitan  clericos  cujuscum- 
que  parochiœ  vicinGS,esse  contingat,  qui  sacris 
cineribus  psallendi  frequentia  famulentur. 
Quod  si  illi  defuerint,  non  ante  proprii  ordi- 
nentur,  quam  eis  competens  victus,  et  vestistu 
substantia  deputetur.  » 

Ceux  qui  étaient  expressément  ordonnés 
pour  chanter  les  divins  offices  dans  ces  ora- 


caires-perpétueb.  Il  n'y  a  plus  en  France  aucun  curé-primitif;  pour- 
quoi dooc  jusqu'à  ce  jour  a-t-on  vu  plus  de  trente  mille  paroisses 
rurales  régies  par  des  vicaires  amovibles  au  moindre  caprice?  Pour- 
quoi? Hélas!  il  faut  en  trouver  la  raison  uniquement  dans  le  bannis- 
sement systématique  du  droit  canonique  pendant  soixante  ans,  et 
qui  a  été  remplacé  par  l'arbitraire.  Nous  avons  démontré  dans  notre 
livre  Les  /où  de  l'Eglise  sur  la  nomination.  In  mutation  et  la  révo- 
cation des  curés  (situation  anormale  de  l'Eglise  de  France),  que  ni 
le  Concordat,  ni  même  le  gouvernement,  dont  nous  avons  cité  les 
décrets,  n'admettaient  cet  étrange  abus  qui  s'est  introduit  en  France 
ger  un  curé  sur  des  demandes  bureaucratiques.  Nous  n'en 
dirons  donc  rien  ici.  Qu'il  nous  soit  seulement  permis,  pour  la  dé- 
fense du  droit  canonique  et  des  lois  de  l'Eglise,  de  réduire  à  sa  va- 
leur un  fait  dénaturé  ou  peu  compris  par  quelques-uns  de  nos  canonistes 
français  et  dont  ils  ont  tiré  une  conclusion  fausse.  —  De  tous  temps, 
disent-ils,  en  ne  citant  pas  les  documents,  le  diocèse  de  Séville,  en  Es- 
pagne, n'a  eu  que  des  curés  amovibles  au  gré  de  l'archevêque;  donc, 
il  n'est  pas  contraire  à  l'esprit  de  l'Eglise  qu'il  y  ait  des  curés  amo- 
vibles. Eh  bien!  nous  avons  fouillé  nous-méme  dans  les  recueils  de 
la  Rote,  nous  a\ons  examine  l'affaire  de  Séville,  qui  avait  donné 
heu  à  de  vives  et  nombreuses  réclamations  de  la  part  des  curés,  et 


nous  y  avons  vu,  d'après  le  rapport  de  l'auditeur  de  Rote  chargé  de 
cette  affaire,  que  les  fondateurs  des  paroisses  de  Séville  avaient 
stipulé,  en  les  dotant,  que  tous  les  curés  seraient  dan*  la  main  du 
prélat ,  ce  qui  constituait  réellement  des  bénéfices  dits  manueh. 
Mais  pour  peu  qu'on  soit  versé  dans  le  droit  canonique,  on  sait  que 
les  volontés  des  fondateurs  d'un  bénéfice  sont  souveraines,  quand 
ellessont  équitables, et  qu'elles  constituent  un  principe  de  droit.  Aussi, 
en  donnant  le  siècle  dernier,  sa  décision  sur  l'affaire  de  Séville,  la  Rote 
reconnut  et  proclama  de  nouveau  ce  principe  en  disant  :  tanto  magis 
quia  cum  archiepiscopits  habeat  hanc  facultatem  (de  changer  les 
curés  ad  nutum),  a  JUBE,  Or,  quel  est  l'évéque  français  qui  pos- 
sède un  tel  droit  stipulé  par  des  fondateurs  qui  n'existent  pas?  Où 
sont  les  fondateurs  des  paroisses  rurales  de  France  qui,  en  1601, 
consacrèrent  un  droit  qui  serait  canonique,  s'ils  l'avaient  Stipulé, 
mais  qui,  dans  l'espèce,  n'est  qu'un  déplorable  abus?  Voilà  donc  ré- 
duit à  sa  juste  valeur  le  fait  de  Séville  dont  on  a  usé  et  abusé  un  peu 
trop  dans  ces  derniers  temps.  Qu'on  n'oublie  pas  ce  principe  de  droit  : 
Non  enim  bénéficia  dantur  ad  tempus.  Nous  pouvons  affirmer  que 
la  Rome  de  nos  jours  ne  diffère  pas,  sur  ce  point  important,  de  la 
manière  de  penser  et  de  décider  de  la  Rome  du  passé. 

(Dr  ASDRE.) 


DES  DIFFÉRENTS  TITHES  DES  BÉNÉFICES. 


311 


toires  des  champs,  et  qui  vivaient  des  revenus 
assignés  dans  la  fondation  ,  étaient  assurément 
bénéficiers,  et  ils  y  composaient  comme  une 
espèce  de  collégiale.  Ce  sont  ceux  que  le  con- 
cile II  d'Orléans  a  mis  au  rang  des  bénéficiers 
avec  les  abbés  et  les  curés,  leur  défendant  à 
tous,  aussi  bien  qu'aux  ermites  reclus,  de  don- 
ner des  lettres  de  licence,  ou  de  recommanda- 
lion,  pour  passer  d'un  diocèse  en  un  autre  : 
«Abbates,  martyrarii,  reclusi,  presbyteri,  apo- 
stolica  dare  non  présumant  (Conc.  Aurel.  II, 
c.  xiu).  d  Ce  pouvoir  était  réservé  aux  évêques. 

Ceux  qui  sont  ici  appelés  Martyrarii  étaient 
ces  chanoines  députés  pour  officier  continuelle- 
ment devant  les  reliques  des  martyrs.  Je  les 
appelle  chanoines  à  cause  de  la  psalmodie  qui 
faisait  leur  principale  occupation,  aussi  bien 
que  de  nos  chanoines  présentement.  Car  en  ce 
temps-Là  le  nom  de  chanoine  était  bien  plutôt 
donné  aux  prêtres  et  aux  diacres  qui  servaient 
dans  l'église  cathédrale,  ou  dans  les  paroisses 
du  diocèse. 

Voici  les  termes  du  concile  de  Clermont 
(Can.  xv).  qui  peuvent  servir  à  confirmer  le 
règlement  ci -dessus  rapporté  du  concile 
d'Agde  :  «  Si  quis  ex  presbyteris,  aut  diaco- 
nis,  qui  neque  in  civitate,  neque  in  parochiis 
canonicus  esse  dignoscitur  ,  sed  in  villulis 
habitans ,  in  oratoriis  ofticio  sancto  deser- 
viens,   etc.  » 

II.  Cependant  dans  ce  canon  et  dans  les  pré- 
cédents ,  on  peut  remarquer  trois  sortes  de 
chapitres  qui  se  formaient  ,  et  qui  ont  pris 
depuis  un  merveilleux  accroissement,  et  pour 
le  nombre,  et  pour  les  richesses.  Outre  le  cha- 
pitre des  cathédrales,  lorsqu'il  y  avait  dans  les 
paroisses  un  nombre  suffisant  d'ecclésiasti- 
ques, et  assez  de  revenu  pour  leur  subsistance 
honnête,  il  ne  faut  pas  douter  qu'ils  n'y  célé- 
brassent tous  les  jours  les  divins  offices,  puis- 
que nous  voyons  qu'on  en  députait  quelques- 
uns  pour  les  aller  tous  les  jours  réciter  devant 
les  corps  des  martyrs  dans  d'autres  oratoires  : 
«  Qui  sacris  cineribus  psallendi  frequentia  fa- 
mulenlur.»  Il  se  formait  donc  là  des  chapitres, 
et  il  s'en  formait  encore  d'autres  de  ces  ecclé- 
siastiques qu'on  ordonnait  singulièrement 
pour  ces  oratoires. 

III.  C'étaient  quelquefois  des  basiliques  qu'on 
bâtissait  et  qu'on  fondait  au  lieu  d'oratoires, 
pour  y  honorer  les  corps  des  martyrs,  soit  dans 
les  villes,  soit  dans  la  campagne;  et  les  reve- 
nus y  étaient  si  considérables  que  les  chanoines 


de  la  cathédrale  s'en  faisaient  pourvoir  :  «  De 
lus  clericorum  personis,  quae  de  civitatensis 
ecclesiae  oflieio,  monasteria,  diœceses  vel  basi- 
licas,  in  quibuscumque  locis  positas,  id  est, 
sive  in  territoriis  ,  sive  in  ipsis  civitatibus  sus- 
cipiuntordinandas,  etc  (Aurel. III, Can.xvm).» 

Ces  chanoines  quittaient  leurs  chanoinies 
pour  être  pourvus  ou  de  l'administration  d'un 
monastère  ou  d'une  paroisse,  ou  d'une  basili- 
que ou  oratoire.  Mais  soit  dans  les  oratoires, 
soit  dans  les  basiliques,  les  patrons  lais  ou  fon- 
dateurs n'y  pouvaient  admettre  que  les  clercs 
que  l'évêque  avait  institués. 

«  Ut  in  oratoriis  domini  praediorum  minime 
contra  votuni  episeopi  adquem  territorii  ipsius 
privilegium  noscitur  pertinere,  peregrinos  cle- 
ricos  intromittant,  nisi  forsitan  quos  probatos 
ibidem  districtio  pontificis  observare  prœce- 
perit.  »  Ce  terme  observare  montre  une  rési- 
dence et  une  application  continuelle  aux  offi- 
ces, comme  nousallons  encore  voir(Auiel.  IV, 
can.  vui). 

IV.  Ces  oratoires  n'ont  pas  seulement  donné 
naissance  à  des  chapitres,  mais  aussi  à  des  [pa- 
roisses dans  les  champs.  «  Si  quae  parochiae  in 
potentum  domibus  constitutae  sunt,  ubi  obser- 
vantes clerici  ab  archidiacono  civitatis  admo- 
niti,  etc.  (Ibid.,  c.  xxvi).  »  Ces  curés  et  autres 
ecclésiastiques  qui  desservaient  les  paroisses  du 
patronage  des  seigneurs ,  ne  laissaient  pas 
d'être  soumis  à  la  juridiction  et  aux  droits  de 
l'archidiacre,  contre  lequel  s'ils  emploient  l'au- 
torité du  seigneur,  cette  félonie  est  punie 
d'excommunication. 

V.  C'était  néanmoins  d'abord  une  église  pa- 
roissiale que  les  seigneurs  fondaient  quelque- 
fois dans  leurs  terres  ou  dans  la  cour  de  leur 
château,  et  ils  devaient  la  doter  suffisamment 
pour  la  subsistance  des  clercs  qui  y  faisaient 
l'office,  a  Si  quis  in  agro  suo,  aut  habet,  aut 
postulat  habere  diœcesin,  primus  et  terras  ei 
deputet  sufticienter,  et  clericos,  qui  ibidem 
sua  officia  impleant,  ut  sacratis  locis  condigna 
reverentia  tribuatur  (Ibid.,  can.  xxxu).  » 

Ce  concile  ne  prétend  pas  que  la  dotation  de 
la  paroisse  doive  être  simplement  suffisante 
pour  le  curé;  il  ordonne  qu'elle  suffise  à  plu- 
sieurs ecclésiastiques,  parce  qu'il  en  faut  plu- 
sieurs pour  faire  l'office,  «  qui  officia  sua  im- 
pleant, »  et  pour  rendre  le  culte  solennel  qui 
est  du  aux  autels.  «  Ut  sacratis  locis  condigna 
reverentia  tribuatur.  » 

VI.  Si  nous  faisons  un  peu  de  réflexion  sur 


316     DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.—  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-QUATORZIÈME. 


ces  paroles,  et  suetout  sur  les  canons  précédents 
qui  ont  exigé  un  nombre  de  clercs  pour  officier 
et  pour  psalmodier  dans  les  oratoires,  dans  les 
basiliques,  et  partout  où  il  y  avait  des  reliques 
des  martyrs,  nous  jugerons  avec  beaucoup  de 
fondement  que  les  anciens  Pères  et  conciles 
faisaient  rendre  plus  d'honneur  aux  autels 
divins  et  aux  saintes  reliques  que  nous  ne  fai- 
sons en  ce  temps,  et  faisaient  ordonner  et  en- 
tretenir un  plus  grand  nombre  d'ecclésiasti- 
ques dans  toutes  les  églises,  soit  paroissiales, 
soit  simples  oratoires  ou  basiliques. 

Il  faut  néanmoins  confesser  en  même  temps 
que  les  ecclésiastiques,  se  contentant  alors  de 
leur  simple  entretien,  un  médiocre  revenu 
pouvait  en  entretenir  un  plus  grand  nombre. 

Le  concile  II  de  Tours  (Can.  xix)  nous  repré- 
sente bien  cette  multitude  de  clercs  dans  les 
églises,  quand  il  ordonne  que  l'archi prêtre 
rural  aura  près  de  lui  pour  témoin  de  sa  vie  un 
des  sous-diacres,  ou  un  des  lecteurs,  et  qu'il 
lui  en  faut  sept  pour  chaque  jour  de  la  se- 
maine: «  Septem  intersnbdiaconos  vel  leclores 
ha  beat,  qui  vicissimseptimanascumillo  facere 
procurent.  »  Il  est  vrai  qu'au  défaut  des  clercs 
il  lui  permet  de  prendre  des  laïques. 

VIL  Les  contestations  qui  s'élevèrent  entre 
les  évêques  et  les  seigneurs  patrons  et  fonda- 
teurs des  paroisses,  des  oratoires  et  des  basili- 
ques, donnèrent  malière  à  plusieurs  décrets 
des  papes  et  des  conciles,  pour  maintenir  ces 
bénéficiers  dans  l'obéissance  de  l'évêque  et  de 
l'archidiacre. 

Le  concile  de  Cbàlon,  tenu  en  650  (Can.  xiv), 
renouvela  le  statut  du  concile  IV  d'Orléans,  et 
déclara  que  non-seulement  les  bénéficiers  de 
ces  oratoires  étaient  soumis  à  la  correction  de 
l'archidiacre,  mais  que  l'évêque  avait  un  pou- 
voir absolu  de  disposer  des  revenus  et  des  of- 
fices divins,  dont  on  était  convenu  à  la  fonda- 
tion de  ces  chapelles. 

Le  pape  Zacharie  passa  plus  avant  :  il  voulut 
qu'un  n'y  mît  plus  de  prêtre  cardinal,  c'est-à- 
dire  de  bénéficier  fixe  el  titulaire,  mais  que 
l'évêque  y  envoyât  un  prêtre  quand  on  le  de- 
manderait, pour  y  dire  la  messe,  se  servant 
pour  cela  des  termes  propres  de  saint  Grégoire, 
rapportés  dans  le  chapitre  précédent  (Epïst.  ix). 
Ce  moyen  était  plus  propre  à  rétablir  l'autorité 
des  évêques  de  France,  à  qui  ce  décret  était 
adressé,  mais  il  y  a  bien  de  l'apparence  qu'il  s 
ne  le,  mirent  pas  en  exécution. 

Les  oratoires  étaient  autrefois  d'autant  plus 


fréquents  qu'on  ne  célébrait  jamais  deux  mes- 
ses en  un  même  jour  sur  un  même  autel.  Le 
synode  d'Auxerre  le  dit  clairement:  «  Non  lieet 
super  uno  altario  in  una  die  duas  missas  di- 
cere.  »  Surtout  il  était  défendu  de  célébrer  sur 
le  même  autel  après  unévêque.  a  Nec  in  altario, 
ubi  episcopus  missas  dixerit,  ut  presbyter  in 
illa  die  missas  dicat.  » 

Il  y  a  aussi  bien  de  l'apparence  qu'il  n'y 
avait  ordinairement  qu'un  autel  dans  chaque 
église.  Ainsi  Anastase,  bibliothécaire,  a  eu  rai- 
son de  remarquer  que  le  pape  Dieudonné  ins- 
titua une  seconde  messe.  «  Hic  constiluit  se- 
cundam  missam  in  clero.» 

Il  y  avait  néanmoins  quelquefois  plusieurs 
autels  dans  une  même  église.  Témoin  saint 
Crégoire,  qui  écrivit  à  Palladius,  évêque  de 
Saintes,  que  puisqu'il  avait  bâti  une  église  avec 
treize  autels  :  «  Ecclesiam  construxisse,  atque 
illic  tredecim  altaria  collocasse  (L.  v,  ep.  50),  » 
et  qu'il  n'avait  pas  les  reliques  nécessaires 
pour  leur  consécration,  il  lui  en  enverrait  de 
Rome.  » 

VIII.  Il  faut  dire  un  mot  des  monastères  et 
des  hèipitaux. 

Le  concile  Ier  d'Orléans  (Can.  xxn)  défendit 
aux  religieux  de  se  séparer  de  leur  congréga- 
tion, et  de  bâtir  de  nouvelles  cellules  à  l'écart 
sans  la  permission  de  leur  évêque  et  de  leur 
abbé.  «  Nullus  monachus  congregatione  mo- 
nasterii  derelicta,  ambitionis  et  vanitatis  im- 
pulsu,  cellulam  construere  sine  episcopi  per- 
missione,  vel  abbatis  sui  voluntate  prasumat.» 
Les  conciles  d'Adge  (Can.  lviu)  etd'Epaune 
(Can.  x)  avaient  fait  la  même  défense  :  «Cellulas 
novas,  aut  congregatiunculas  monachorum  abs- 
que  notifia  episcopi  prohibemus  institui.  » 

Dans  tous  ces  canons,  par  les  termes  de 
Cellulœ  aut  connreçjatiunculœ,  on  entend  ces 
petits  couvents  ou  ces  cellules  qui  furent  d'a- 
bord des  bénéfices  en  règle,  dépendants  de 
l'abbaye  principale  qui  en  avait  été  la  matrice, 
et  qui  enfin  par  le  cours  des  années  sont  deve- 
nus des  bénéfices  simples  pour  les  ecclésias- 
tiques, parce  que  nous  verrons  dans  la  suite 
qu'on  les  sécularisa,  à  cause  qui;  les  moines 
s'\  déréglaient  trop  facilement. 

Le  même  concile  d'Adge  (Can.  xxvu)  défen- 
dil  de  bâtir  aucun  monastère  nouveau  sans  la 
permission  de  l'évêque. 

IX.  Quant  aux  hôpitaux,  le  concile  V  d'Or- 
léans confirma  l'érection  et  la  fondation  de 
celui  de  Lyon  par  les  libéralités  du  roi  Childe- 


DES  DIFFÉRENTS  TITRES  DES  BÉNÉFICES. 


317 


bert  et  de  la  reine  sa  femme,  défendant  aux 
évêques  de  Lyon  de  rien  prétendre  sur  les  re- 
venus, les  fonds ,  ou  les  esclaves  que  la  libéra- 
lité des  rois,  ou  la  piété  des  fidèles  y  aurait 
donnés  ,  et  leur  enjoignant  au  contraire  de 
prendre  un  soin  tout  particulier  de  les  entre- 
tenir et  même  de  les  augmenter,  afin  que  les 
malades  et  les  passants  y  fussent  reçus  avec 
charité;  enfin  prononçant  un  anathème  ou 
une  imprécation  redoutable  contre  ceux  qui, 
par  des  usurpations  injustes,  deviendraient  les 
meurtriers  des  pauvres,  quelque  grande  et  rele- 
vée que  pût  être  leur  condition  ou  leur  puissance. 

J'ai  rapporté  un  peu  plus  an  long  le  sens  de- 
ce  canon  Can.  xv),  pour  montrer  la  confor- 
mité avec  la  lettre  du  grand  saint  Grégoire, 
qui  confirma  quelques  années  après  la  fonda- 
tion de  l'hôpital  d'Autun,  et  usa  ou  de  la  même 
imprécation,  ou  de  la  même  menace  des  ana- 
thèmes  de  l'Eglise  contre  les  usurpateurs  des 
biens  consacrés  à  la  nourriture  des  pauvres, 
quelque  haut  rang  qu'ils  pussent  tenir  dans  le 
monde. 

Il  est  fort  vraisemblable  que  ce  furent  les 
rois  mêmes  qui  firent  ajouter  à  ces  décrets  ec- 
clésiastiques ces  menaces  foudroyantes,  afin 
que  les  rois  mêmes  successeurs  de  leur  cou- 
ronne, plutôt  que  de  leur  piété,  n'entreprissent 
pas  de  révoquer  les  largesses  qu'ils  avaient 
faites  pour  la  dotation  de  ces  hôpitaux. 

Voici  les  termes  du  concile  d'Orléans:  «Quod 
si  quis  quolibet  tempore.  cujuslibet  potestatîs, 
vel  ordinis  persona  contra  hanc constitutionem 
nostram  venire  tentaverit,  aut  aliquid  de  con- 
suetudine  vel  facultate  xenodochii  ipsius  abstu- 
lerit;  ut  xenodochium,  quod  avertatDeus,  esse 
desinat,  ut  necator  pauperum  irrevocabili  ana- 
themate  feriatur.  » 

X.  Les  hôpitaux  étaient  souvent  unis  à  des 
monastères,  dont  les  religieux  ou  les  religieuses 
avaient  la  direction,  sous  l'autorité  de  1  "évo- 
que :  «  Ut  monachi  et  ancillae  Dei  monaste- 
rialesjuxta  régulant  saucti  Benedicti,  cœnobia 
vel  xenodochia  sua  ordinare,  gubernare,  et 
vivere  studeant.  b  Voilà  ce  qu'en  dit  le  concile 
de  Leptines,  tenu  en  7  13. 

On  pourrait  dire  que  ce  canon  ne  s'entend 
que  des  appartements  qui  étaient  destinés  pour 
les  hôtes  et  pour  les  passants  dans  tous  les  mo- 
nastères qui  exerçaient  l'hospitalité.  Mais  la 
lettre  de  saint  Grégoire  le  Grand  (1.  u,  ep.  x  , 
sur  la  confirmation  de  l'hôpital  d'Autun.  bâti 
et   fondé  par  la  reine  Brunehaut  et  l'évèque 


Syagrius ,  nous  montre  manifestement  que 
c'était  un  hôpital  uni  à  une  abbaye  dont  l'abbé 
gouvernait  l'hôpital,  et  devait  être  nommé  p  ir 
le  roi  avec  le  consentement  des  moines  [Surius 
die  lii.Maii). 

XL  Grégoire  de  Tours  dit  que  le  village 
d'Issoire  et  la  basilique  où  reposait  le  corps  de 
saint  Austremoiue.  èvêquede  Clermont,  avaienl 
été  gouvernés  par  le  diacre  Cautin  .  qui  fut  de- 
puis évéque  de  Clermont  :  «  Cautinus  qui  Ar- 
venuc  urbis  episcopus  datus  est,  in  diaconatu 
suo  ecclesiam  vici  illius  rexit  (De  glor.  Coufess., 
c.  xxxi.  » 

Nous  avons  dit,  en  parlant  de  l'office  divin, 
(jue  saint  Césaire,  archevêque  d'Arles,  avait 
donné  ordre  que  les  malades  de  l'hôpital  pus- 
sent l'entendre  (De  glor.  Mart.,  1.  i,  c.  GC). 
Domnole,  évèque  du  Mans,  fonda  un  hôpital 
qui  était  eu  même  temps  un  monastère  de 
vingt-quatre  religieux  qui  devaient  servir  les 
pauvres  et  les  passants. 

Saint  l'atrocle,  martyr,  n'avait  qu'un  petit 
oratoire  à  Troyes,  où  il  n'y  avait  qu'un  lecteur  : 
«  Erat  super  eum  parvulum  oratorium,  in  quo 
unus  tantum  clericus  serviebat.  »  Mais  après 
avoir  recouvré  l'histoire  de  sa  vie,  on  y  bâtit 
une  basilique  où  l'on  célébrait  sa  fête  tous  les 
ans.  Dans  le  Limousin,  les  reliques  du  martyr 
saint  Georges  étaient  honorées  dans  un  ora- 
toire de  bois  par  la  psalmodie  continuelle  de 
quelques  clercs  :  «  Pauci  clerici  conserto  li- 
gneis  tabulis  oratorio,  Dominum  assidue  pre- 
cabantur  (L.  i.  c.  101  ;  1,  n,  c.  5  .  » 

Lue  riche  dame  bâtit  une  cellule  sur  le  tom- 
beau de  saint  Julien,  martyr.  «  Cellula  quam 
supra  sepulcrum  martyris  matrona  constru- 
xerat.  »  Cet  oratoire  est  appelé  une  cellule, 
parce  qu'apparemment  ce  fut  un  moine  qui  fut 
destiné  pour  y  faire  les  fonctions  ecclésiasti- 
ques :  ce  qui  n'était  pas  sans  exemple.  «  Mona- 
chus  ipsius  loci,  dum  de  adventu  solemnitatis 
gauderet,  et  singulos  quosque  ad  cellaiioluin 
basilics  promptissimus  invitaret .  hortans  ut 
omnes  in  basihea  fideliter  vigilarent,  etc.  Festi- 
vitate  ovans  clericus,  etc.   Can.  xxxv  .  » 

Ce  bénéficier  est  tantôt  appelé  clerc,  et  tantôt 
moine.  On  lui  donnait  le  nom  de  Martyr arius, 
comme  dévoué  au  culte  d'un  saint  martyr,  et 
cette  charge  était  donnée  quelquefois  a  un 
diacre  qui  était  comme  le  sacristain  de  l'Eglise. 
«  Post  obitum  proserii  martyrarii  ,  Urbanus 
diaconus  hujus  basilics ordinatur  aedituus  (Can. 

XLVI  .  B 


31S       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.—  CHAPITRE  Ql'ATRE-YINGT-UlTNZIÈME. 


La  chapelle  de  Cande  ,  où  saint  Martin  mou- 
rut, porta  aussi  le  nom  de  cellule:  a  Cellula 
Condatensis ,  ubi  vir  beatus  transiit.  »  Et 
ailleurs:  «Cellula  iu  qua  lectus  beati  viri  ha- 
betur.  » 

Le  saint  abbé  Romain  ,  prévoyant  que  Dieu 
ferait  plusieurs  miracles  après  sa  mort  par  son 
entremise  ,  ne  voulut  pas  être  enterré  dans 
l'église  du  monastère,  de  peur  que  le  repos  des 
religieux  ne  fût  troublé  par  le  concours  des 
peuples  (Hirac.  lieati  Mart.,  1.  n,  c.  19,  45. 
Vitae  Patr.,  c.  i).  On  l'enterra  doncsurune  col- 
line où  l'on  bâtit  aussitôt  un  grand  temple. 
«  Super  ejns  sepulcrum  deinceps  ingens  tem- 
plum  a-dificatum  est,  in  quod  ingens  frequen- 
tia  populi  diebus  singulis  occurrit  (  Ibid.,  c 
l  :.  .  » 

Saint  Sénoeh  abbé  ,  natif  de  Thifauge,  en 
Poitou  ,  se  bâtit  un  petit  monastère  en  Tou- 
raine,  où,  avec  trois  autres  moines,  il  chantait 
continuellement  les  louanges  de  Dieu.  «  Col- 
lectis  tribus  monachis  Domino  assidue  ser- 
vieltat.  » 

XII.  Tous  ces  exemples,  tirés  de  Crégoire  de 
Tours,  nous  mettent  devant  lesyeuxunegrande 
diversité  de  bénétices,  les  uns  pour  des  reli- 
gieux ,  les  autres  pour  des  ecclésiastiques,  sans 
charge  d'âmes,  et  par  conséquent  simples  et 
néanmoins  exigeant  résidence,  lesunspourdes 
lecteurs,  les  autres  pour  des  diacres,  mais  la 
plu  pari  n'ayant  autre  origine  que  la  piété  et  la 
libéralité  des  fidèles  pour  faire  honorer  les  sa- 
crés dépôts  des  martyrs ,  et  même  des  confes- 
seurs,qui  commencèrent  enfin,  quoiqu'un  peu 
tard ,   à  être    publiquement  honorés   comme 


les  martyrs  de  la  charité  et  de  la  pénitence. 

Les  saints  évèques  comme  saint  Martin,  et 
les  solitaires  comme  saint  Romain,  donnèrent 
commencement  à  cette  pieuse  et  louable  inno- 
vation que  le  ciel  autorisa  si  manifestement 
par  le  nombre  innombrable  des  miracles  qui 
se  firent  à  leurs  tombeaux. 

XIII.  Le  concile  de  Tolède  (Can.  u),  tenu  au 
temps  du  pape  saint  Grégoire,  déclara  que  l'é- 
vèque  ne  toucherait  plus  au  revenu  des  églises 
que  les  particuliers  auraient  fondées  sur  leurs 
terres,  mais  qu'il  appartiendrait  entièrement 
au  prêtre  qui  y  ferait  l'office  ;  ou  si  le  revenu 
n'était  pas  suffisant  pour  un  prêtre,  au  diacre  ; 
enfin  si  le  revenu  ne  suffisait  pas  à  l'entretien 
d'un  diacre,  on  y  ordonnerait  un  portier,  pour 
y  veiller  à  la  propreté  du  lieu  saint,  et  y  allumer 
les  lampes  toutes  les  nuits. 

«Ne  quisquam  autistes  infrasuam  parochiam 
Dei  aulam  inquirat,  et  munificus  ille  qui  san- 
ctam  Dei  sedificaverit  ecclesiam,  quod  ibidem 
pro  suo  h;crede  largitus  est,  eodem  loco  pre- 
sbyter  secundum  priorum  canonum  instituta 
deserviens,  habeat.  Etsi  presbyterum  ea  facul- 
tas  habere  non  permittit,  vel  diaconus  institua- 
fur.  Certe  si  minor  est  census,  ostiarius  a 
sacerdote  sit  electus,  qui  nitorem  infra  sinus 
sanctae  Ecclesia1  faciat,  qui  et  sanctarum  reli- 
quiarum  luminaria  omni  subsequenti  nocte 
accendat.  » 

Voilà  des  bénéfices  simples  pour  tous  les 
ordres  sacrés  ou  inférieurs,  selon  leur  revenu, 
et  l'obligation  de  la  résidence  qui  était  pour 
lors  imposée  indistinctement  à  tous. 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-QUINZIÈME. 


IH:s  CELLES,  DES  ORATOIRES  ET  DES  EGLISES  DES  RELIGIEUSES ,  DES  PETITES  ABBAYES,  DES  EGLISES 
11APTISMALES,  DES  CHAPELLES,  DES  ORATOIRES  DES  PARTICULIERS  ET  DES  CHAPELLES  DOMESTIQUES, 
SOLS   CHARLEMAGNE. 


I.  Des  celles  et  des  oratoires  des  religieuses. 

II.  He  leurs  églises. 

III.  Des  petits  chapitres  qui  s'en  sont  formés. 

IV.  Des  petites  abbayes. 


V.  Des  églises  baptismales. 

VI.  Ika.  chapelles  domestiques;  on  les  soulTrait  difficilement. 
Vil.  Diverses  sortes  de  chapelles. 

VIII.  Des  chapelains  qui  desservaient  ces  chapelles. 


DES  CELLES,  DES  ORATOIRES,  etc. 


319 


IX.  Des  annexes  ou  succursales  îles  panu-si  -. 

X.  Des  chapelles  qui  relevaient  des  chapitres. 

XI.  Des  chapelains  des  oratoires  domestiques;  l'évêque  les 
donnait. 

XII.  Leur  avilissement  dans  la  France. 

I.  Saint  Roniface,  archevêque  de  Mayence, 
donne  le  nom  de  titres  et  de  celles  aux  églises. 
«  Per  titulos  et  cellas  nostras,  plusquam  tri- 
ginta  ecclesias  vastaveruut.  » 

Le  terme  île  celle  est  ordinairement  réservé 
aux  petits  monastères.  Les  monastères  axaient 
des  oratoires  domestiques,  selon  le  concile  de 
Francfort  :  «  De  monasterio.  ubi  corpora  san- 
ctornm  sunt,  ut  habeat  oratorium  intra  elau- 
slrum.  ubi  peculiare  officium,  et  diuturnorn 
liât  (Epist.  iv  ad  Steplian.  II.  Pap.,  eau.  xv  .  » 

Il  est  encore  bien  plus  certain  que  les  mo- 
nastères des  tilles  n'avaient  que  des  oratoires 
domestiques,  puisque  les  canons  déclarent  si 
souvent  que  ni  les  laïques,  ni  les  clercs  n'y 
pourront  entrer,  et  que  le  prêtre  même  en 
sortira  après  avoir  célébré  la  sainte  messe 
(Concil.  Gall.,  tom.  n.  p.  -252).  Voici  un  capilu- 
laire  du  même  Charlemagne. 

«  Ut  nullus  in  monasterio  puellarum ,  vel 
ancillarum  bei  intrare  présumât,  nec  presby- 
ter,  nec  diaconus,  nec  subdiaconus,  vel  cleri- 
cus,  aut  laieus,  nisi  tantum  presbyter  ad  mis- 
sam  celebrandam  ,  qui,  missa  celebrata,  stalim 
exeal  Ibidem,  c.  v  .  » 

C'était  une  espèce  de  bénéfice  pour  ce  prêtre 
dont  l'évêque  disposait  comme  de  tous  les  au- 
tres. «  Juxta  quod  episcopus  ipsius  parochiae 
ibidem  ordinarit.  »  Mais  comme  ces  prêtres  ne 
pouvaient  pas  résider  dans  ces  monastères,  ils 
étaient  attachés  à  d'autres  églises,  d'où  ils  ve- 
naient célébrer  la  sainte  messe  dans  ces  ora- 
toires de  religieuses. 

Voici  ce  qu'eu  dit  le  concile  de  Mayence 
(Cap.  xxvi),  célébré  en  813.  «  Ut  presbyteris 
per  monasteria  puellarum  opportune  tempore 
liceat  missarum  solemnia  celebrare,  et  iterum 
ad  proprias  ecclesias  redire.  » 

II.  Mais  enfin  on  se  résolut  de  donner  une 
église  et  une  maison  au  prêtre,  au  diacre,  au 
sous-diacre,  et  aux  autres  clercs  qui  servaient 
les  religieuses,  afin  qu'ils  y  célébrassent  les 
divins  offices,  outre  la  messe  qu'ils  allaient 
chanter  dans  l'oratoire  domestiqueMu  couvent, 
pendant  laquelle  les  filles  mêmes  chantaient 
en  chœur  (Conc.  Tur.  III.  c.  xxix  .  C'est  la 
constitution  du  concile  d'Aix-la-Chapelle  (Cap. 
xxvn)  dans  la  règle  des  chanoinesses. 

«  Presbyteris  qui  iu  monasteriis  puellaribus 


missarum  solemnia  celebrare  debent,  extra 
monaslerium  sit  locus  et  ecclesia,  ubi  eiim 
ministris  suis  habitent,  et  divins  servitutis  ob- 
sequium  expleant;  et  nonnisi  statuto  tempore 
monasterium  ingrediantur  puellarum,  et  eum 
eis  diaconus  tantum  et  subdiaconus  ,  et  non 
amplius  ibi  immorentur.  nisi  in  missarum  ce- 
lebrationibus  adsanclimoniales  publiée  facien- 
dis.  Quibus  rite  celebratis  illico  foras  egredian- 
tur,  sanctimoniales  namque  vélo  ante  [iosito, 
ut  moris  est ,  horas  canonicas  et  missarum 
solemnia  célèbrent.  » 

On  conjecture  aisément  de  là  que  si  les  égli- 
ses des  religieuses  sont  depuis  devenues  publi- 
ques, c'a  été  parce  que  l'on  a  transféré  leur 
messe  solennelle  et  leur  chœur  de  l'oratoire 
domestique  dans  cette  église  extérieure .  qui 
n'avait  été  destinée  d'abord  qu'au  cierge  qui 
les  servait. 

III.  Il  y  a  même  bien  de  l'apparence  que  de 
ce  clergé  destiné  à  servir  les  monastères  de 
religieuses,  il  s'en  est  quelquefois  formé  des 
chapitres  et  des  paroisses,  comme  il  parait  en- 
core en  tant  d'endroits.  Il  s'est  aussi  formé  de 
petits  chapitres  de  quelques  celles  qui  relevaient 
des  abbés.  Car  quoique  les  celles  fussent  ordi- 
nairement habitées  par  un  petit  nombre  de 
moines  qui  relevaient  d'une  abbaye ,  il  y  en 
avait  néanmoins  qui  n'étaient  que  pour  des 
chanoines,  c'est-à-dire  pour  de  simples  ecclé- 
siastiques qui  ne  laissaient  pas  de  vivre  dans 
la  dépendance  des  abbés  réguliers. 

Cela  se  voit  fort  clairement  dans  un  statut 
des  abbés  de  France  assemblés  avec  leurs  moi- 
nes à  Aix-la-Chapelle,  en  -SI".  «  Ut  abbatibus 
liceat  habere  cellas,  in  quibus  aut  monachi 
sint,  aut  canonici,  et  abbas  provideat,  ne  minus 
de  monachis  ibi  habitare  permittat.  quam  sex 
(Cap.  xliv).  » 

Il  y  a  grand  fondement  de  croire  que  ces 
celles  n'avaient  été  originairement  que  pour 
des  moines,  et  que  ces  moines  s'étant  facilement 
relâchés,  à  cause  de  leur  petit  nombre  et  de 
l'éloignement  de  l'abbé,  ils  prirent  première- 
ment la  vie  et  ensuite  le  nom  même  des  cha- 
noines. Mais  on  ne  peut  douter  que  plusieurs 
bénéfices  et  prieurés  simples  ne  soient  enfin 
provenus  de  ces  celles  de  chanoines,  et  même 
de  celles  des  moines,  lorsqu'étant  au-dessous 
du  nombre  de  six,  on  leur  substitua  des  ecclé- 
siastiques, comme  nous  le  ferons  voir  dans  la 
suite  de  cet  ouvrage. 

IV.  Au  contraire,  ces  celles  passèrent  quel- 


3-20      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE:VFNGT-QDINZIÈME. 


qtiefois  pour  de  petites  abbayes,  gardant  tou- 
jours leur  première  dépendance  des  anciens 
abbés,  et  recevant  d'eux  l'investiture. 

C'est  ce  qui  nous  est  insinué  dans  le  concile  II 
de  Soissons.  «  Ut  missi  nostri  per  singulas  pa- 
rochias,  una  cum  episcopo  parochia?  ipsius, 
requirant  de  capellis,  et  abbatiolis.  et  casis  Dei 
in  benetieium  datis,  ([iialis  census  inde  exeat, 
ut  Ecclesia  de  qua  sunt  exinde  vestituram 
habere  possit  (Cap.  ni).  Ces  chaises-Dieu,  Casœ 
iJri.  étaient  les  mêmes  que  les  celles. 

Le  capitulaire  de  Cbarles  le  Chauve  à  Eper- 
nay,  en  846,  nous  découvre  l'origine  des  obé- 
diences. C'étaient  des  termes ,  dont  les  moines 
prenaient  le  soin  les  uns  après  les  autres,  pour 
venir  reprendre  l'esprit  de  piété  et  de  régula- 
rité dans  le  monastère.  On  condamne  l'abus 
nouveau  de  laisser  trop  longtemps  un  même 
moine  dans  ces  fermes,  parce  qu'il  en  devenait 
titulaire. 

Voici  l'article  tvil  de  ce  capitulaire.  «  Nec 
sub  pnetextu  obedientiie  diutius villicationibus 
inserviant  :  sed  regulariter  obedientiam  vicis- 
situdine  sua  peragentes,  secum,  ut  de  S.  Rene- 
dicto  legitur,  in  monasterio  habitent,  atque 
seipsos  recolligant.  » 

(l'étaient  ces  celles,  ou  ces  petites  abbayes,  à 
qui  on  donnait  aussi  le  nom  de  Montreuil, 
Monasteriolum. 

Voici  ce  qu'on  en  lit  dans  un  capitulaire  de 
Louis  le  Débonnaire:  «  De  monasteriolis  puel- 
lannn,  in  quibus  nnllus  ordo  borne  conversa- 
tionis  tenetur.  De  monasteriolis  etiam  diversis 
in  missatico  Alberici  (Concil.  Gall.,  tom.  u.  |>. 
4(ïi,  157).  » 

Cela  a  bien  du  rapport  avec  le  capitulaire  de 
Charlemagne:  «De  monasteriis  minulis.  ubi 
nonnanes  sine  régula  sedent,  etc.  »  Où  l'on  voit 
qu'il  y  en  avait  aussi  pour  les  religieuses,  et 
que  le  dérèglement  s'y  glissait  d'autant  plus 
facilement  que  leur  nombre  était  plus  petit. 

Enfin  une  vieille  chronique  nous  apprend  que 
l'abbé  Hugues,  tils  de  Charlemagne,  faisait 
régulièrement  la  visite  des  celles  dépendantes 
th'  son  abbaye.  «  Cum  secundum  morem  abba- 
tial sua'  cellas  causa  providentiae  et  admoni- 
tionis  circuiret  (Du  Cbesne,  tom.  Il,  p.  -2-29;.  » 

V.  Je  passe  aux  églises  baptismales  que  le 
concile  de  Vernon  (Can.  vu  ),  distingua  des  au- 
tres, insinuant  en  même  temps  que  le  nombre 
n'en  devait  pas  être  grand  ,  et  que  c'était  à  l'é- 
vêque  a  les  designer.  «  Et  pnblicum  baptiste- 
riuin    in  nulla  parochia  esse  debeat,  nisi  ubi 


episcopus  constituent.  »  Sur  quoi  il  faut  remar- 
quer que,  si  c'est  l'évèque  seul  qui  a  l'autorité 
de  déclarer  quelles  sont  les  églises  baptismales, 
il  s'ensuit  que  tous  les  diocésains  entrent  dans 
l'Eglise  par  lui,  et  lui  sont  absolument  soumis, 
comme  au  père  commun  de  tous  ses  diocé- 
sains. 

Le  concile  de  Pontyon,  tenu  en  876  (Can.  h), 
dit  que  ces  églises  étaient  appelées  Plèbes:  «Et 
ut  ecclesias  baptismales,  quas  plèbes  appellant 
Ecclesiae  filii  instaurent.  »  Elles  sont  appelées  : 
T/tit/i  baptismales  dans  Flodoard  (L.  n  ,  c.  19). 

VI.  Je  passerai  aux  églises  paroissiales  après 
avoir  parlé  des  chapelles.  Les  capitulaires  de 
Charlemagne  font  foi  que  ce  religieux  empe- 
reur ne  voulut  pas  qu'on  fit  des  chapelles  dans 
son  palais  même,  sans  la  permission  des  évè- 
ques  :  «  Plaeuit  nobis,  ut  sicut  ab  episcopis  ad- 
moniti  fuimus,  ne  capella?  in  nostro  palatio, 
vel  alicubi ,  sine  permissu  episcopi,  in  eu  jus 
est  parochia,  fiant  (  L.  i,  c.  clxxxii  ;  1.  v,  c. 
cexxx).  » 

delà  s'entend  des  chapelles  où  l'on  doit  célé- 
brer le  divin  sacrifice.  Car  les  autres  sont  libres 
à  toutes  sortes  de  personnes,  comme  il  le  remar- 
que lui-même  en  un  autre  endroit. 

Cet  empereur  marque  ailleurs  la  cérémonie 
qui  se  pratiquait  lorsqu'on  bâtissait  une  église 
nouvelle;  l'évèque  y  plantait  premièrement 
une  croix,  puis  il  traitait  avec  les  fondateurs 
du  fonds  et  des  revenus  qu'ils  assignaient  à 
l'église,  pour  l'entretien  de  ceuxqui  en  auraient 
la  garde.  «  Nemo  ecclesiam  sediGcet,  antequam 
civilatis  episcopus  veuiat,  et  ibidem  crucem 
figat  publiée ,  et  ante  prceflniat  qui  sediôcare 
vult ,  quod  ad  luminaria  ,  et  ad  custodiam,  et 
stipendia  custodum  sufficiat,  et  fada  donalione 
sic,  domum  sedificei(L.  v,  c.  ccrxix).  »  Or  quoi- 
que l'évèque  eût  consenti  à  la  construction 
d'une  chapelle,  et  à  la  célébration  qui  s'y  devait 
faire  de  la  liturgie,  ce  même  empereur  ne 
soullrait  point  qu'on  l'y  célébrât  les  jours  de 
diniaiiclie,  ou  les  jours  de  fêtes,  auxquels  tous 
les  fidèles  doivent  se  réunir  dans  les  églises 
paroissiales.  «  Ut  in  diebus Festis  vel  Dominicis 
omnes  ad  ecclesiam  veniant,  et  non  invitent 
presbyteros  ad  donios  suas  ad  missam  facien- 
dani  (Concil.-  Gall.,  tom.  Il,  p  I.V7,  c.  ix).  » 

Os  oratoires  domestiques  devaient  aussi  être 
dotés  s'ils  étaient  consacrés,  c'est-à-dire  si  l'on 
y  célébrait  la  sainte  messe  :  «  Ut  qui  orato- 
rium  consecratum  habet,  vel  habere  voluerit, 
per  consilium  episcopi  de  suis  propriis  rébus 


DES  CELLES,  DES  ORATOIRES,  etc. 


321 


ibidem  largiatur  :  et  propterea  î 11 i  vici  cano- 
nici  non  sint  neglecti  (Ibid.,  p.  2i6,  c.  xv).  » 

Le  sens  de  ces  dernières  paroles  est  le  même 
que  celui  du  capitulaire  précédent  :  qu'on  ne 
néglige  pas  les  paroisses  auxquelles  on  doit  se 
rendre  les  jours  de  Dimanche  et  de  fêtes  pour 
assister  au  terrible  sacrifice.  On  pourrait  en- 
core les  entendre  des  dîmes  qui  doivent  tou- 
jours être  payées  aux  anciennes  églises,  quoi- 
qu'on en  ait  bâti  d'autres  plus  proche,  et  sur  le 
fonds  même  dont  on  paye  les  dîmes,  confor- 
mément à  un  autre  capitulaire. 

«  Quieumque  voluerit  in  sua  proprietate  ec- 
clesiam  a-dificare,  una  cumconsensu  et  volun- 
tate  episcopi,  in  cujus  parochia  fuerit,  licen- 
tiam  habeat.  Verumtamen  omnino  pro\  iden- 
dum  est,  ut  alise  Ecclesiœ  anliquiores  propter 
banc  occasionem  nullatenus  suam  justitiam, 
aut  decimam  perdant,  sed  semper  ad  antiquio- 
res Ecclesias  persolvantur  (Ibid.,  p.  252,  c.  m; 
Et  1.  ii  Capit.,  c.  xxxvi,  et  conc.  Mogutil., 
an.  813,  c.  lxi).  » 

VIL  II  y  avait  donc  de  deux  ou  trois  sortes 
de  chapelles  :  les  unes  étaient  des  églises  bâties 
par  des  particuliers  sur  leurs  propres  fonds, 
et  ce  sont  celles  où  l'évèijue  devait  première- 
ment arborer  une  croix  ;  les  autres  étaient  des 
chapelles  domestiques,  et  il  y  en  avait  en- 
core de  deux  manières  :  les  unes  pour  les 
prières  particulières  de  la  famille,  et  pour  cel- 
les-là ni  l'agrément  de  l'évêque,  ni  la  dotation 
n'était  point  nécessaire  :  les  autres,  pour  le 
divin  sacrifice,  et  pour  celles-là  il  fallait  avoir 
le  consentement  de  l'évêque,  qui  devait  aupa- 
ravant les  faire  doter.  «  Qui  in  domo  sua  ora- 
torium  habuerit,  orare  ibi  potest.  Tamen  non 
potest  in  eo  sacras  facere  missas,  sine  permissu 
episcopi  (Capitulare,  1.  v,  c.  230).  » 

Les  termes  de  ce  capitulaire  nous  marquent 
encore  évidemment  que  la  consécration  de  ces 
oratoires  domestiques  ne  se  faisait  que  par  la 
célébration  du  divin  sacrifice,  avec  la  permis- 
sion de  l'évêque. 

Quant  aux  autres  églises  ou  chapelles  de  la 
campagne,  Hérard,  archevêque  de  Tours,  en 
remarque  la  cérémonie  comme  elle  a  été  ex- 
posée ci-dessus  :  «  De  aedificationibus  ecclesia- 
rum  ,  ut  nullus  antea  fundamentum  jaciat, 
donec  episcopus  veniat,  et  in  medio  crucem 
figat,  et  sic  accepta  dote,  construendi  licenliam 
tribuat.  » 

Je  ne  dis  rien  des  chapelles  que  les  religieux 
faisaient  bâtir  dans  leurs  cimetières,  comme 


on  peut  voir  dans  la  vie  du  saint  abbé  d'Aniane 
Benoît,  ou  qui  leur  servaient  elles-mêmes  de 
cimetière  et  en  portaient  le  nom,  comme  il  pa- 
rait dans  la  vie  d'Egil,  abbé  de  Fulde  (Sœcul. 
Bened.  iv,  p.  200,  238). 

Ces  chapelles  n'avaient  point  de  bénéficier 
destiné  à  les  desservir.  Ainsi,  elles  ne  vont  pas 
à  mon  sujet.  Elles  étaient  néanmoins  des  ima- 
ges des  cimetières  des  premiers  siècles,  dont 
il  a  été  parlé  ci-devant. 

VIII.  Or,  ces  chapelles  avaient  leurs  chape- 
lains, c'est-à-dire,  des  prêtres  qui  les  desser- 
vaient. Le  concile  de  Metz  ,  tenu  l'an  sss 
(Can.  m),  défendit  aux  prêtres  d'avoir  plusieurs 
églises,  si  ce  n'est  qu'ils  eussent  déjà  une  cha- 
pelle lorsqu'on  leur  donna  la  conduite  d'une 
cure,  ou  qu'il  y  eût  quelque  chapelle  attachée 
à  l'église  paroissiale,  a  Unusquisque  presbyter 
unam  solummodo  habeat  ecclesiam,  nisi  forte 
antiquitus  habuerit  capellam,  vel  membrum 
adjacens  sibi,  quod  non  expedit  separari.  »  Il 
est  fait  mention  du  prêtre  de  la  chapelle  de 
saint  Marcellin,  dans  un  concile  de  Chàlons, 
célébré  en  887. 

Il  faut  confesser  néanmoins  queç'avaientété 
autrefois  les  prêtres  de  la  paroisse  qui  allaient 
célébrer  la  messe  dans  les  chapelles.  Cela  a 
déjà  paru  ci-devant,  quand  il  a  été  dit  qu'il  ne 
fallait  pas,  lesjours  de  fête  et  de  dimanche,  con- 
vier les  prêtres  à  venir  célébrer  la  messe  dans 
les  oratoires  domestiques. 

Hincmar  en  donne  encore  une  preuve  quand 
il  défend  d'unir  à  d'autres  églises,  en  façon  de 
chapelles,  les  autres  églises  qui  avaient  eu  des 
prêtres  propres.  «  Neque  ecclesias  illas,  quae 
ex  antiquo  presbyteros  habere  solitœ  fuerunt, 
aliis  ecclesiis  quasi  loco  capellarum  subjiciatis 
(Conc.  GalL,  tom.  m,  p.  6-13,  c.  vu).  » 

Il  est  évident  que  les  chapelles  sont  ici  oppo- 
sées aux  églises  qui  ont  leurs  prêtres  particu- 
liers, et  que  de  donner  deux  églises  à  un  seul 
prêtre,  c'était  réduire  l'une  à  la  condition  des 
chapelles. 

Aussi,  Hincmar  commande  ensuite  qu'on  lui 
fasse  un  registre  des  églises  ou  des  titres  qui 
ont  toujours  eu  des  prêtres,  ce  sont  les  cures, 
et  des  chapelles  qui  en  dépendent.  «  l'nusquis- 
que  vestrum  describat  omnes  ecclesias  et  titu- 
los,  quse  antiquitus  presbyteros  habuerunt,  et 
capellas  antiquitus  illis  subjectas,  et  mihi  scri- 
pto  renuntiate.  »  Il  voulut  même  avoir  un 
dénombrement  de  toutes  les  chapelles  domes- 
tiques. 


Th.  —  Tome  II. 


21 


322      DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-QUINZIÈME. 


Hincmar  fait  encore  ailleurs  la  même  défense 
aux  curés  de  demander  aux  seigneurs  les  cures 
vacantes  qui  leur  étaient  voisines,  ou  même 
les  chapelles  saus  sa  permission  :  a  Yicinus 
presbyter  ne  ecclesiam  illam  obtineat,  quae 
titulus  per  se  constans  antea  extitit,  sed  neque 
capellam  ,  sine  consultu  nostro  (  Hincmar., 
tom.  i,  p.  713,  716).  »  Et  lorsqu'il  marque  aux 
doyens  ruraux  les  articles  divers  dont  ils  de- 
vaient l'informer  touchant  toutes  les  églises 
du  diocèse ,  voici  comme  il  les  distingue  en 
paroisses  et  en  chapelles  :  «  Fer  singulas  matri- 
ces ecclesias  et  per  capellas  parochiœ  nostnr.  » 

IX.  On  peut  bien  donner  le  nom  d'églises, 
annexes  et  succursales,  à  quelques-unes  de  ces 
chapelles.  Le  même  Hincmar  témoigne  que 
celle  dont  il  eut  une  si  longue  contestation 
avec  l'évèque  de  Laon,  son  neveu,  était  unie  à 
une  église  paroissiale  :  «  Ipsa  capella  a  longo 
tempore  unita  fuit  Ecclesiae  sitse  in  Juvineai ;a 
villa,  el  parochiœ  illi  subjecta  (Tom.  n,  p.  38'.», 
390).  »  Les  dîmes  étaient  données  au  curé  qui 
y  célébrait  ou  y  faisait  quelquefois  célébrer  la 
messe;  on  priva  les  habitants  de  cette  grâce, 
quand  ils  refusèrent  de  donner  les  dîmes  au 
curé;  on  en  lit  des  plaintes,  mais  Hincmar 
assure  que  pendant  cet  interdit  on  ne  refusa  ni 
le  baptême,  ni  la  communion  à  personne. 
a  Nulli  baptismus  ,  vel  communio  est  dene- 
gata.  » 

On  pourrait,  delà,  conjecturer  qu'on  admi- 
nistrait le  baptême,  aussi  bien  que  l'eucharis- 
tie, dans  ces  chapelles.  Ce  qui  facilita  sans 
doute,  dans  la  suite  du  temps,  le  changement 
ipii  s'en  lit  en  des  églises  paroissiales. 

X.  II  y  avait  aussi  de  ces  chapelles  qui  rele- 
vaient des  chapitres.  Telle  était  la  chapelle  de 
saint  Martin,  dans  le  comté  de  Reaune,  <pie 
l'évèque  d'Autun,  à  la  prière  ou  à  la  présenta- 
tion de  son  chapitre,  donna  à  deux  clercs,  à 
condition  de  payer  tous  les  ans  les  droits  syno- 
daux à  l'évèque,  et  le  cens  de  cinq  écusd'orau 
chapitre.  «Per  consensum  canonicorum,  duo 
clerici  teneant,  dum  advixerint,  ea  ratione,  ut 
synodalia  persolvant  débita,  et  censum  quin- 
que  solidorum,  usibus  canonicorum  inferre 
non  negligant(Appendixad  Iteginon.  Raluzii).» 

XI.  Mais  il  faut  avouer  que  le  plus  grand 
nombre  de  chapelains  fut  de  ceux  qui  n'étaient 
ordonnés  (pie  pour  célébrer  la  messe  dans  les 
oratoires  particuliers  des  personnes  de  qua- 
lité. 

Le  concile  de  Pavie,  qui  fut  tenu  l'an  850 


(('.an.  xvui),  loua  la  piété  de  ceux  qui,  ne  se  pou- 
vant passer  de  ces  oratoires,  ne  recevaient  les 
prêtres  que  de  la  main  de  leur  évêque.  «  Do- 
cendi  sunt  sœculares  viri,  ut  si  in  domibus 
suis  mysteria  divina  jugiter  exerceri  debeant , 
quod  valde  laudabile  est,  ab  his  tamen  tracten- 
tur,  qui  ab  episcopis  examinai]  fuerint,  et  ab 
ordinatoribus  suis  commendatitiis  litteris  comi- 
tati  probantur,  etc.  » 

XII.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  dans  la  France 
on  n'en  usait  pas  avec  cette  louable  modération 
des  Italiens,  qui  mérita  l'approbation  de  ce 
concile. 

Agobard,  archevêque  de  Lyon,  nous  a  laissé 
une  pitoyable  peinture  des  indignités,  des  pro- 
fanations et  des  outrages  dont  on  déshonorait 
le  royal  sacerdoce  de  J.-C,  en  la  personne  de 
ces  chapelains  de  grands  seigneurs.  Les  per- 
sonnes les  moins  qualifiées  se  piquaient  même 
quelquefois  d'en  avoir  pour  exiger  d'eux  des 
services  indignes  de  leur  personne  et  de  leur 
ministère.  «  Quando  increbuit  consuetudo  im- 
pia,  ut  pêne  nullus  inveniafur  anhelans,  et 
quantulumcumqueproficiensad  honores,  et  glo- 
riam  temporalem,  qui  non  domesticum  habeat 
sacerdotem,  non  cui  obediat,  sed  a  quo  inces- 
santer  exigat  licitam  simul  atque  illicitam 
obedientiam,  non  solum  in  divinis  officiis,  ve- 
rum  etiam  in  humanis  (Epist.  ad  Rernardum 
Coep.  de  privilegio  et  jure  Sacerdotii).  » 

S'il  y  avait  de  l'impiété  à  faire  servir  une 
dignité  si  sainte  à  la  vanité  des  hommes,  il  y 
en  avait  encore  davantage  à  exiger  de  ces  prêtres 
des  services  aussi  honteux  que  sont  ceux  que  ce 
même  prélat  représente  dans  la  suite  de  son 
discours.  «  Ha  ut  plerique  inveniantur,  qui 
aut  ad  mensas  ministrent,  aut  vina  misceant, 
aut  canes  ducant,  aut  caballos,  quibus  feminse 
sedent,  regant,  aut  agellos  provideant.  » 

Aussi,  comme  les  honnêtes  ecclésiastiques 
avaient  une  juste  aversion  de  ces  bassesses,  les 
seigneurs  ne  se  mettaient  pas  en  peine  ni  de 
la  doctrine,  ni  de  la  probité  de  ceux  qu'ils  pré- 
sentaient aux  évoques  pour  être  ordonnés;  un 
esclave,  un  vassal,  un  villageois  leur  suffisait 
pour  remplir  cette   place  dans  leur  maison. 

«  Quando  illos  volunt  ordinari  presbyteros , 
rogant  nos,  aut  jubent,  dicentes:  Habeo  unum 
clericionem,  quem  mihi  nutrivi  de  servis  meis 
propriis ,  aut  beneliciariis,  aut  pagensibus , 
volo,  ut  ordines  eum  mihi  presbyterum.  » 

Après  cela,  ils  croyaient  se  pouvoir  dispenser 
de  se  mêler  avec  la  foule  des  fidèles  dans  les 


PRATIQUE  DES  GRECS  TOUCHANT  LES  ORATOIRES. 


;j-23 


grandes  églises,  pour  y  assister  aux  offices,  et 
pour  y  entendre  la  prédication,  a  Ut  habeant 


presbyteros  proprios,  quorum  occasione  dese- 
rajûtecclesias,  sermones,  et  officia  publica  (I).» 


(1)  Nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  l'oubli  total  du  droit  cano- 
nique a  introduit  en  France  un  jargon  réellement  inintelligible.  Dans 
l'article  9  du  présent  chapitre,  Thomassin  donne  une  idée  véritable 
de  la  succursale.  Dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  lieux  une 
succursale  n'a  été  qu'une  chapelle  de  secours  bâtie  dans  le  ter- 
ritoire d'une  paroisse  dont  l'étendue  était  trop  considérable  et 
où  uq  vicaire  du  curé  administrait  les  sacrements  et  célébrait  la 
messe.  On  ne  pouvait  pas  y  faire  la  communion  pascale  ni  célébrer 
les  mariages.  Ordinairement  le  service  divin  ne  s'y  faisait  pas  aux 
quatre  grandes  fêtes  de  l'année,  où  tout  le  peuple  devait  se  rendre  à 
la  paroisse.  Par  quelle  aberration  donne-t-on  aujourd'hui  le  nom  de 
succursale  aux  trente  mille  paroisses  rurales  de  la  France,  vu  qu'elles 


sont  de  vraies  paroisses,  tout  à  fait  indépendantes,  n'étant  chapelles 
de  secours  d'aucune  paroisse,  n'ayant  pas  un  vicaire  à  leur  tête,  mais 
un  vrai  curé  :  Te  solum  verum  pastorem  agnoscant,  disent  les  lettres 
de  provision?  pourquoi  donc  ce  contre  sens?  Nous  l'avons  dit  dans 
notre  livre  pr< 

On  entend  dans  le  droit  par  e'glise  matrice,  une  paroisse  trop  con- 
sidérable dans  laquelle,  pour  de  justes  raisons,  1  evéque  fait  une  dis- 
membration  avec  laquelle  il  crée  une  nouvelle  paroisse  qui  est  assu- 
jétie  à  une  petite  redevance  annuelle  dite  de  matricitét  comme 
d  offrir  un  beau  cierge  au  jour  de  la  fête  du  patron  de  la  paroisse  d'où 
elle  a  été  dismembrée. 

(Dr  ANDRE.) 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SEIZIÈME. 


PRATIQUE    DES    GRECS   TOUCHANT   LES   ORATOIRES   ET   LES   AUTELS   PORTATIFS,    DU    TEMPS 
DE  •      ■        ■      -        ÎT    SES   SUCCESSEURS. 


I.  Règlements  pour  la  fondation  des  oratoires  et  des  chapelles 
dans  l'Orient. 

II.  On  y  baptisait  et  on  y  célébrait  les  sacrés  mystères,  même 
sans  la  permission  des  évèques. 

III.  Quoiqu'on  ne  le  put  contre  leurs  défenses. 

IV.  Parallèle  de  la  police  des  Grecs  et  de  celle  des  Latins  en 
ce  point. 

V.  Les  évèques  ne  pouvaient  jamais  célébrer  que  dans  les 
églises  dédiées. 

VI.  On  ne  pouvait  fonder  de  monastères  pour  moins  de  trois 
moines. 

VII.  Les  oratoires  et  les  chapelles  ne  se  consacraient  point 
par  les  évèques,  et  on  n'y  mettait  point  de  reliques  des  mar- 
tyrs, parce  que  cela  est  suppléé  par  les  nappes  sacrées. 

VIII.  Ces  nappes  sacrées  tenaient  lieu  d'autels  portatifs;  c'é- 
taient des  pièces  de  la  nappe  de  l'autel  qui  avait  été  consacré. 

IX.  Les  aumôniers  des  empereurs  célébraient  à  la  campagne. 

X.  Nouveaux  règlements  pour  empêcher  que  les  oratoires  ne 
dépeuplent  les  églises. 

I.  Nous  recueillerons  dans  ce  chapitre  les 
lois  et  les  pratiques  de  l'Eglise  grecque,  sur  les 
mêmes  matières  qui  ont  été  traitées  dans  les 
deux  chapitres  précédents. 

Photius  remarque  dans  son  Nomocanon 
(Nomocan.,  tit.  m,  c.  14),  que  les  constitu- 
tions novelles  de  Justinien  ne  permettaient 
point  de  bâtir  d'église  ou  d'oratoire,  t&mîpiev, 
t,  ÈxxXr.aiav,  sans  être  convenu  avec  l'évêque  de 
la  dotation  nécessaire  pour  l'entretien  des 
lampes,  pour  la  célébration  de  la  liturgie,  pour 
les  réparations  des  bâtiments,  et  pour  la  nour- 
riture des  ministres. 


L'évêque  commençait  par  arborer  une  croix, 
avec  les  prières  marquées  pour  cela;  si  le  fon- 
dateur mourait  avant  la  consommation  de  l'ou- 
vrage, les  économes  de  l'évêque  poursuivaient 
en  justice  les  héritiers,  pour  les  contraindre  de 
l'acbever. 

Chacun  pouvait  avoir  outre  cela  un  oratoire 
pour  y  prier  avec  sa  famille  en  particulier; 
mais  s'il  faisait  célébrer  les  divins  mystères 
dans  sa  maison  de  ville  ou  de  campagne  sans 
avoir  demandé  des  ministres  sacrés  à  l'évêque, 
sa  maison  était  confisquée  à  l'Eglise. 

II.  Le  concile  in  Trullo  (Can.  xxxi)  avait 
permis  de  baptiser  et  de  sacrifier  dans  les  ora- 
toires domestiques,  pourvu  que  ce  fût  avec  le 
consentement  de  l'évêque  qui  députait  des  mi. 
nistres  de  son  église  cathédrale. 

L'empereur  Léon  le  Sage  permit  à  toutes 
sortes  de  prêtres  d'administrer  le  baptême  et 
d'offrir  le  divin  sacrifice  dans  ces  oratoires  do- 
mestiques, présumant  que  la  défense  du  con- 
cile in  Trullo  n'avait  été  faite  que  pour  empê- 
cher les  laïques  ou  les  hérétiques  même  qui 
faisaient  quelquefois  semblant  d'être  catholi- 
ques et  d'être  prêtres,  de  surprendre  les  pères 
de  famille,  et  de  s'ingérer  dans  le  ministère 
sacré  (Novell,  iv  et  xv). 
Cet  empereur  dit  que  toutes  les  hérésies 


3-21       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SEIZIÈME. 


ayant  été  éteintes  de  son  temps  ,  «  cum  nunc 
ilivina  gratia  omnes  perverste  opiniones  sint 
profligatae»,  et  n'y  ayant  plus  de  sujet  de  crain- 
dre que  les. pères  de  famille  prennent  des  laï- 
ques pour  des  prêtres,  il  est  juste  de  permettre 
ces  fonctions  saintes  à  quelque  prêtre  que  ce 
puisse  être,  surtout  depuis  que  non-seulement 
les  personnes  puissantes,  mais  les  plus  médio- 
cres même  ,  ont  des  oratoires  dans  leur  mai- 
son, quoiqu'ils  ne  puissent  pas  tous  fournir  à 
la  dépense  d'un  prêtre  qui  leur  soit  propre  et 
particulier.  «  Si  quidem  cum  divina  gratia  in 
omnibus  non  modo  potentiorum,  verum  etiam 
tenuiorum  domibus  sacraria  Deo  erecla  sint  : 
et  vero  sumptus  reliquat) ue  ad  rem  familiarem 
necessaria,  sacerdotibus  non  possint  similiter 
ab  omnibus  suppeditari.  » 

Il  arrive  de  là  très-souvent,  dit  cet  empe- 
reur, que  ces  personnes  manquent  d'entendre 
la  messe,  etqu'on  manque  aussi  de  l'offrir  pour 
la  mémoire  des  morts.  «  Persœpe  divinorum 
mysterioruni  expertes  manent,  et  sacra  delu- 
bra  sacrificiis  defraudantur  ;  quia  verisimile 
etiam  est,  nonnunquam  defimctorum  memoria 
instante  ,  ob  defectum  sacerdotis  praesentem 
mémorise  diem  nullo  sacriticio  facto  elabi.  » 

III.  Ainsi,  après  ces  lois  de  Léon,  la  permis- 
sion de  l'évèque  ne  fut  plus  nécessaire  pour 
avoir  des  prêtres  qui  célébrassent  le  sacrifice  non 
sanglant  dans  ces  oratoires  domestiques.  Mais 
Balsamon(Incan.  xxxi,  Trull.),  ajoute  fort  a  pro- 
pos qu'on  ne  laisserait  pas  de  déposer  celui  qui 
aurait  célébré  dans  ces  oratoires  contre  la  dé- 
fense  de  l'évèque;  quoique  lorsque  l'évèque  ne 
faisait  pas  une  défense  expresse,  on  présumait 
une  permission  tacite,  qui  était  comme  envelop- 
pée dans  la  nappe  consacrée  par  l'évèque,  dont  il 
fallaitdaus  l'Orient  couvrir  tous  les  autels  où  l'on 
voulait  célébrer,  si  ces  autels  n'avaient  pas  été 
consacrés  par  l'évèque. 

(Test  pour  cela,  dit  cet  auteur,  qu'on  a  donné 
cours  à  ces  nappes  saintes,  qui  tiennent  lieu 
d'autels  portatifs,  et  que  l'évèque  consacre  afin 
qu'il  paraisse  que  c'est  avec  la  dépendance  et 
l'agrément  de  l'évèque  que  les  prêtres  offrent 
le  sacrifice. 

«  Sed  quamvis  b;ec  sic  babeanl,  si  quis  a  re- 
gionis  antistite  sacriticare.  vel  baptizare  in  ora- 
torio probibitus  fuerit,  is  vero  qui  taie  quid 
fecerit,  deponetur,  née  ei  novelhe  proderunt. 
Is  autem  qui  non  est  expresse  probibitus,  vide- 
tur  etiam  tacite  ex  episcopi  sententia  boc  facere. 
l'ropterea  enim,  ut  est  verisimile,  excogilata 


sunt  superaltaria,  àmfuww,  et  fiunt  ab  antisti- 
tibus  regionis,  utponantur  supra  sanctas  men- 
sas  oratoriorum,  et  sufficiant,  ut  ostendatur  ex 
episcopi  permissione  fieri  sacrificium.  » 

IV.  Cette  police  est  assurément  bien  diffé- 
rente de  celle  de  l'Occident.  On  n'y  fait  pas  de 
si  grandes  instances  pour  l'assistance  aux 
grandes  églises  et  aux  messes  de  paroisse  ,  on 
y  applaudit  à  la  multiplication  des  oratoires 
domestiques,  on  y  célèbre  même  le  baptême  , 
il  suffit  que  l'évèque  n'y  contredise  pas  pour 
y  faire  célébrer  tel  prêtre  qu'on  voudra.  Ce 
sont  peut-être  des  relâchements  de  la  discipline 
des  Grecs. 

Mais  on  peut  aussi  considérer  que  les  Grecs 
ayant  constamment  observé  leur  ancienne  pra- 
tique de  ne  souffrir  qu'un  autel  dans  chaque 
église  et  de  ne  célébrer  qu'une  messe  par  jour 
tout  au  plus  dans  chaque  église  et  à  chaque 
autel ,  il  était  presque  impossible  que  tous  les 
fidèles  assistassent  au  sacrifice  de  la  messe. 
Ainsi  les  personnes  médiocrement  accommo- 
dées avaient  des  oratoires  dans  leur  maison  et 
appelaient  des  prêtres  pour  y  offrir. 

Les  Latins  ont  été  plus  rigoureux  pour  ne 
pas  souffrir  cette  multiplication  infinie  d'ora- 
toires et  de  sacrifices  en  particulier  ;  mais 
aussi  ils  n'ont  pas  observé  l'ancienne  unité  de 
l'autel  et  du  sacrifice  dans  chaque  église.  Il  est 
vrai  que  cette  unité  d'autel  et  de  sacrifice  s'é- 
tait établie  dans  le  berceau  de  l'Eglise,  lorsque 
les  fidèles  n'étaient  pas  encore  si  multipliés. 
Mais  les  Grecs  aussi  pouvaient  s'imaginer  que 
la  réunion  de  tous  les  fidèles  dans  l'église  ma- 
trice, soit  cathédrale,  soit  paroissiale,  et  leur 
présence  à  la  messe  solennelle  n'était  plus  si 
facile  ,  ni  même  si  possible  ,  après  que  le 
nombre  des  fidèles  s'est  accru  à  l'infini. 

Enfin  quelque  jugement  qu'on  porte  de  ces 
pratiques  diverses,  il  est  certain  que,  dans  le 
temps  présent  même,  les  Grecs  conservent 
encore  les  mêmes  sentiments  et  les  mêmes 
usages,  d'avoir  un  nombre  presque  innom- 
brable de  chapelles  et  de  petites  églises,  et  de 
n'y  célébrer  qu'une  messe  par  jour  dans  cha- 
cune. D'où  il  suit  qu'ils  se  mettent  peu  en 
peine  de  faire  assembler  tous  les  fidèles  aux 
messes  solennelles  ou  paroissiales  des  grandes 
églises. 

V.  Quelque  inclination  que  les  Grecs  eussent 
pour  les  oratoires  particuliers,  il  était  néan- 
moins très-expressément  défendu  aux  évêques 
d'y  célébrer  jamais  les  divins  mystères ,  parce 


PRATIOIE  DES  GRECS  TOI*(  IIANT  LES  ORATOIRES. 


3-2~ 


que  c'eût  été  rabaisser  la  majesté  de  l'épisco- 
pat.  «  C;eterum  antistites  sacra  non  faciunt  in 
oratoriis  quœ  non  sunl  dedicata,  quoniam  an- 
listitis  autoritas  dignitasque  deprimitur  ,  si 
non  sit  templum  in  quo  aposlolice  colloca- 
tur,  etc.  »  C'est  ce  qu'en  dit  Balsamon  In 
Can.  xvii  Synodi  m  . 

Ce  n  est  pas  tout.  Quelques-uns  étaient  d'a- 
vis qu'il  (allait  déposer  les  évoques  qui  eussent 
sacrifié  dans  ces  chapelles.  Mais  le  patriarche 
Luc  réprima  les  emportements  de  ce  zèle  in- 
discrel  .  et  déclara  qu'il  était  bien  juste  de 
punir  ces  évoques  qui  oubliaient  jusqu'à  ce 
point  la  dignité  de  leur  caractère,  mais  non 
pas  de  les  déposer.  «  Alio  modo  talem  punien- 
dum.  sed  non  per  depositionem.  » 

VI.  I.e  même  Balsamon  dit  ailleurs  que  ce- 
lui qui  voulait  fonder  mi  monastère  devait, 
outre  la  construction  des  bâtiments,  assigner 
un  revenu  suffisant  pour  son  entretien  de  lui- 
même  et  de  trois  moines,  puisqu'un  monas- 
tère ne  peut  être  habité  par  moins  de  trois 
religieux,  «  Sed  quia  monasterium  a  tribus  ad 
minimum  monachis  constituitur,  cogelur,  etc. 
In  Can.  xvu  Synodi  vu  .  »  Ce  qu'il  confirme 

par  une  novelle  de  l'empereur  Léon. 

Mais  il  ajoute  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
pour  les  oratoires  dont  l'évêque  seul  règle  la 
dotation,  a  Cogetur  offerre  quod  satis  est  ex 
episcopi  examinatione  Xovel.  xi\  .  »  que  plu- 
sieurs même  en  bâtissent  sans  la  participation 
de  l'évêque  ;  que  ce  n'est  qu'à  Constantinople 
où  le  chartopbylace  ne  permet  point  qu'on  bâ- 
tisse d'église  hors  de  la  ville,  sans  une  assigna- 
lion  exacte  de  tous  les  revenus  nécessaires. 

VII.  Enfin  Balsamon  assure  qu'il  n'y  a  pas 
sujet  de  s'étonner  si  les  chapelles  ne  sont  point 
consacrées  par  l'évêque  ni  par  le  dépôt  sacré 
des  reliques  des  martyrs,  parce  que  tout  cela 
est  suppléé  par  les  nappes  saintes  qui  ont  été 
consacrées  par  l'évêque  durant  la  cérémonie  de 
la  dédicace  d'une  église.  Ainsi  ces  nappes  sont 
comme  autant  d'autels  consacres,  qui  se  peu- 
vent très-commodément  transporter. 

C'est  aussi  pour  cela  qu'on  les  appelle  Anti- 
mensia, comme  étant  les  images  et  les  repré- 
sentations de  la  table  sacrée  ou  l'Agni  au  cé- 
leste est  sacrifié.  «  Proplerea  enim  antimensia 
appellata  sunt.  quod  multas  hujusmodi  men- 
sas  exprimant  et  référant,  qune  sanctam  Domi- 
nicain mensam  perficiunt  Can.  vu).  » 

Aussi  le  VIL  concile  ne  parle  que  des  tem- 
ples et  non  des  oratoires,  quand  il  ordonne 


qu'on  portera  des  reliques  des  martyrs  dans 
cenx  que  les  iconoclastes  avaient  consacrés, 
sans  ces  sacres  dépôts;  et  qu'à  l'avenir  on  dé- 
posera  les  prélats  qui  dédieront  des  églises 
sans  les  reliques  des  martyrs. 

MIL  11  est  remarqué  dans  le  droit  oriental 
(Juris Orient.,  t.  i,  p.  -2'.»  .  l  Que  ces  nappes  sa- 
crées servaient  aussi  pour  les  oratoires  qu'on 
dressait  dans  les  navires.  Apres  quoi  on  pou- 
vait y  célébrer  les  mystères  de  la  liturgie  et 
du  baptême.  «  Vel  in  domuncula  navigii  ali- 
cujus,  Deo  dedicata,  sanctisque  imaginibus 
ornata.  » 

-2°  Que  le  patriarche  Nieéphore  décida  qu'on 
pouvait  transporter  ces  nappes  consacrées  d'un 
évèché  et  d'une  province  en  un  autre,  aussi 
bien  que  le  saint  chrême. 

3°  Que  si  par  mégarde  on  les  lavait  elles  ne 
perdaient  point  leur  consécration. 

■4°  Que  ces  nappes  consacrées  n'étaient  autre 
chose  que  les  fragments  de  celle  qui  avait 
servi  a  couvrir  l'autel  de  l'église,  pendant  que 
l'évêque  en  faisait  la  dédicace.  «  Antimensia 
scimus  facta,  postquam  autistes  per  se  opera- 
tus  fuerit  dedicationem,  et  ex  panno  substrato, 
ac  circumvolvente  mensam.  in  trusta  dissecto. 
et  picto,  sacerdotibus  dari  ;  nec  posse  sine  his 
sacrificare  (Ibid.,  p.  239).  » 

:,  i  In  couvrait  de  ces  nappes  saintes  les  autels 
qui  n'avaient  point  été  consacrés  ou  dont  on 
doutait  s'ils  l'avaient  été.  a  Antimensia  non  in 
omnibus  sanctis  mensis  poni  necesse  est.  sed 
in  iis  de  quibus  incertum  est,  eonsecrat;e  sint, 
nec  ne  (Ibid.,  p.  330).  » 

0°  Enfin.  Jean,  évoque  de  Citre,  nous  ap- 
prend, dans  ses  réponses  à  Cabasilas,  que  le 
terme  d' Antimensia,  usité  parmi  les  Crées, 
vient  du  latin  Mensa  :  et  que  leur  consécra- 
tion provenait  de  ce  que  le  divin  sacrifice  y 
avait  été  fait  durant  les  sept  premiers  jours  de 
la  dédicace  d'une  église.  Car  on  n'en  pouvait 
faire  qu'au  temps  de  la  dédicace  des  églises. 

IX.  Voilà  la  discipline  des  Grecs  touchant 
les  autels  portatifs  et  les  oratoires  domesli- 
ques.  Avec  cette  différence,  néanmoins,  que 
tout  ce  qui  a  été  dit  des  autels  portatifs  et  des 
oratoires  où  l'on  célébrait  la  messe  et  où  l'on 
baptisait,  est  encore  confirmé  par  Balsamon, 
comme  étant  en  usage  de  son  temps;  et  il 
ajoute  encore  que  les  aumôniers  elles  clercs  de 
li  chapelle  de  l'empereur  célébraient  les  divins 
mystères  à  la  campagne,  quelque  part  qu'ils 
se  trouvassent,  sous  un  pavillon  de  soie  :  «  Sic 


326       DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-SEIZIÈME. 


enim  et  clerici  qui  sunt  in  imperatorum  co- 
mitatufin  campis  solitariis  sacra  rite  facere 
censentur,  sub  solo  bombycino,  quod  est  Ec- 
clesiae  destination,  tentorio  (Ibid.,  p.  369).  » 

X.  Quant  à  la  solitude  que  la  multitude  des 
oratoires  particuliers  causait  aux  églises  pu- 
bliques, le  patriarche  Alexis  tâcha  d*y  remé- 


dier, quelque  privilèges  que  les  seigneurs  de 
qualité  prétendissent  avoir  des  patriarches  ou 
des  évêques,  défendant  d'y  recevoir  la  foule 
du  peuple,  ou  d'y  donner  le  baptême,  ou  d'y 
faire  les  offices  de  l'Eglise,  excepté  la  sainte 
messe  qu'on  y  peut  dire  les  jours  de  fête  et  de 
Dimanche  (Ibidem,  p.  258).  (1). 


(1)  D'après  la  législation  actuelle,  il  y  a  aujourd'hui  des  chapelles 
publiques  et  des  chapelles  domestiques.  Les  premières  sont  ,  ou 
chapelles  vicanales,  ou  chapelles  de  secours,  ou  chapelles  de  tolé- 
rance. Les  chapelles  domestiques  sont ,  ou  à  des  établissements  pu- 
blics, ou  à  de  simples  particuliers.  Il  y  a  en  outre  les  chapelles  de 
la  cour  qui  constituent  le  diocèse  du  grand-aumônier  de  France. 
D'après  les  articles  organiques  41  et  62,  aucune  chapelle  publique  ou 
domestique  ne  peut  être  établie  sans  une  autorisation  du  gouverne- 
ment. Cette  autorisation  leur  donne  l'existence  civile  et  les  rend 
aptes  à  posséder.  Quand  une  chapelle  domestique  appartient  à  un 
établissement,  elle  ne  peut  servir  qu'à  l'établissement  et  nullement 
au  public.  La  demande  d'une  chapelle  domestique  doit  être  faite  par 
l'évéque,  et,  d'après  un  décret  impérial  du  22  décembre  1812,  accom- 
pagnée de  la  délibération  des  administrateurs  de  l'établissement,  de 
lavis  du  maire  et  de  celui  du  préfet.  Le  même  décret  statue  que  les 
chapelles  privées  ne  pourront  être  accordées  que  pour  des  motifs 
graves,  et  pour  la  durée  de  la  vie  de  la  personne  qui  aura  obtenu 
la  permission  ;  que  les  particuliers  qui  auront  des  chapelles  à  la  cam- 
pagne ne  pourront  y  faire  célébrer  la  messe  que  par  des  prêtres  au- 
torisés par  l'évéque  ;  que  l'évéque  n'accordera  cette  permission 
qu'autant  que  cette  faveur  ne  nuira  pas  au  service  curial  ;  que  les 
chapelains  des  chapelles  rurales  ne  pourront  administrer  les  sacre- 
ments que  sous  la  surveillance  et  l'autorité  du  curé.  Sous  le  gouver- 
nement ae  la  Restauration,  les  particuliers  n'eurent  plus  besoin,  pour 
ouvrir  une  chapelle  privée,  que  de  l'autorisation  de  l'évéque,  tou- 
jours avec  la  condition  que  cela  ne  nuirait  en  rien  aux  droits  et  pré- 
rogatives du  curé  de  la  localité. 

En  dégageant  l'érection  d'un  oratoire  privé  des  prétentions  civiles 
et  en  le  bornant  à  l'autorisatioa  épiscopale,  c'était,  de  la  part  du 
pouvoir,  un  acte  très-rationnel.  Mais  ce  n'était  pas  encore  bien  ca- 
nonique, car  partout  on  sait ,  excepté  en  France  ,  d'où  le  droit 
canonique  avait  disparu,  que  les  évêques  n'ont  pas  le  pouvoir  d'ac- 
corder un  oratoire  privé.  C'est  une  concession  réservée  au  pape. 
Ecoutons  sur  ce  point  les  lois  de  l'Eglise.  La  décrétale  Quoniam 
Sancta  de  Clément  XI,  du  15  septembre  1703  porte  ceci  :  o  Moder- 
nis  tamen  temporibus  innotuit  sanctissimo  Domino  nostro  quod  non- 
nulli  episcopi  sub  pnetextu  privilcgîorum...  per  hujusmodi  privile- 
giorum  dilationem,  seu  potius  excessum  et  abusum  in  nonnullis  duc- 
cesibus,  pnesertim  regni  Neapolitani,  ea  sibi  licere  putant,  quae 
permissa  non  sunt,  quinimo  prohibita...  Quamobrem  ad  abusus  hu- 
juscemodi  eliminaudos,  expresse  déclarât,  episcopis,  etiamsi  digmtate 
cardinalatus  fulgentibus,  neque  sub  pr^textu  privilegii  clausi  in  cor- 
pore  juris,  nec  alio  quoeumque  titulo,  ullo  modo  licere  extra  domura 
propria:  habitationis  in  domibus  laicis  erigere  altare,  ibique  sarro- 
sanctum  missae  sacnficium  celebrare  seu  celebrari  facere.  o  Antérieu- 
rement la  sacrée  congrégation  du  concile  avait  déclaré  à  l'archevêque 
de  Bologne,  le  10  mars  1615  :  a  Episcopos  non  posse  concedere  licen- 


tiam  celebrandi  in  oratoriis  privatis  ;  n  et  peu  après,  par  un  autre  dé- 
cret, elle  déclara  nulles  et  non  avenues  toutes  les  concessions  de  ce 
genre  accordées  par  les  évêques  (Apud  Ferraris,  biblioth.  canonica,  etc. 
vo  Oratorium,  no  27).  Le  pouvoir  de  l'évéque  n'est  légitime  que 
dans  l'octroi  d'un  oratoire  public,  fût-il  même  dans  une  maison  pri- 
vée, pour  cela  il  faut  que  l'accès  en  soit  permis  à  tout  le  monde.  Nous 
croyons  que  la  connaissance  des  lois  de  l'Eglise  sur  ce  point  impor- 
tant et  le  règne  du  droit  canonique  parmi  nous  opéreront  bien  des 
changements  dans  certaines  prétentions  telles  que  celle  formulée  par 
le  dernier  rituel  du  diocèse  de  Belley  :  «  Nous  n'entendons  donner 
o  la  permission  d'avoir  une  chapelle  domestique  qu'à  ces  condi- 
«  tions...  »  Le  seul  rôle  de  l'évéque  dans  l'octroi  d'une  chapelle  do- 
mestique est  de  vérifier  l'induit  du  souverain  pontife,  et  de  s'assurer 
que  le  local  est  dans  les  conditions  exigées  par  les  saints  canons.  Dès 
ce  moment  il  accorde  la  licence  d'exécuter  l'induit  apostolique,  licence 
qui  dure  tant  que  la  décence  du  lieu  et  des  meubles  sacrés  est  cons- 
tatée. Clément  XI,  dans  sa  décrétale  précitée,  et  Benoit  XIV,  dans 
une  encyclique  aux  évêques  de  Pologne,  ont  posé  les  conditions  que 
doit  avoir  le  local  destiné  à  servir  d'oratoire  privé.  On  trouvera  ces 
deux  documents  dans  l'excellent  canoniste  Ferraris. 

On  entend  par  chapelles  de  secours  des  églises  dont  l'ouverture  a 
été  autorisée  pour  faciliter  le  service  paroissial  aux  fidèles  éloignés  de 
la  paroisse.  C'est  la  fabrique  qui,  après  une  délibération  motivée , 
adresse  à  l'évéque  la  demande  d'une  chapelle  de  secours,  en  indi- 
quant par  quelle  ressource  elle  pourvoiera  à  son  entretien.  L'évéque 
transmet  le  dossier  au  gouvernement,  qui  autorise.  Une  fois  l'autori- 
sation donnée,  la  chapelle  de  secours  peut  recevoir  des  dotations  qui 
sont  acceptées  par  la  fabrique  de  la  paroisse,  elle  peut  percevoir  des 
dons  volontaires  et  des  quêtes,  et  appliquer  le  tout  à  la  dépense  du 
culte  dans  la  chapelle.  C'est  ainsi  que  l'a  décidé  une  circulaire  minis- 
térielle du  25  février  1819. 

Les  chapelles  vicariales  sont  ,  ou  desservies  par  un  chapelain 
nommé  par  l'évéque,  ou  par  un  vicaire  de  la  paroisse  de  qui  elles 
dépendent  et  autorisé  à  résider  daDS  le  lieu  où  elles  se  trouvent,  ou 
par  les  vicaires  à  tour  de  rôle  qui  s'y  transportent  lorsque  le  besoin 
l'exige.  Dans  le  premier  cas,  le  vicaire  est  vraiment  curé  et  ne  relève 
que  de  l'évéque.  La  commune  qui  a  obtenu  cette  chapellenie  rurale, 
doit  prendre  l'engagement,  d'après  une  ordonnance  royale  du  25 
août  1819,  d'entretenir  l'église  et  d'assurer  au  chapelain-vicaire  un 
traitement  de  300  à  500  francs,  de  telle  sorte  qu'en  les  réunissant 
aux  350  francs  qu'il  recevra  du  gouvernement,  il  ait  une  congrue  qui 
soit  suffisante  pour  vivre. 

D'après  le  décret  impérial  du  22  décembre  1812,  les  hospices,  les 
prisons,  les  maisons  de  détention  et  de  travail,  les  écoles  secondaires 
ecclésiastiques,  les  congrégations  religieuses,  les  lycées  et  les  col- 
lèges, les  pensionnats  de  filles  ou  de  garçons,  sont  dans  le  cas  d'avoir 
un  oratoire  particulier.  (Dr  André.) 


DES  DÉFENSEURS. 


327 


CHAPITRE    QUATRE-VINGT-DIX-SEPTIÈME. 


DES     DÉPENSEURS,     PENDANT     LES    CINQ     PREMIERS    SIÈCLES    DE     L'ÉGLISE. 


I.  Des  défenseurs.  Si  dans  l'Orient  ce  furent  des  clercs  mi- 
neurs. 

II.  Ce  furent  ordinairement  des  prêtres. 

III.  Dans  l'Occident  ce  furent  des  laïques;  on  les  demanda 
aux  empereurs,  afin  de  poursuivre  les  causes  de  l'Eglise  et  des 
pauvres. 

IV.  1,'évèque  les  nommait. 

V.  Il  y  avait  déjà  des  défenseurs  des  villes. 

VI.  Nouvelles  preuves  qu'ils  furent  d'abord  choisis  d'entre  les 
laïques. 

VII.  Après  on  ne  conféra  plus  cette  dignité  qu'à  des  clercs 
mineurs. 


I.  Nous  traiterons  dans  ce  chapitre  des  béné- 
ficiers  qui  se  distinguaient  par  leurs  offices  ; 
nous  commencerons  par  les  défenseurs,  dont 
la  dignité  fut  aussi  ordinairement  confiée  à  des 
prêtres  dans  l'Orient.  Il  n'en  était  peut-être  pas 
de  même  dans  les  commencements.  Car  saint 
Epiphane  (Hœres.  72)  rapporte  une  confession 
de  foi  souscrite  par  le  clergé  d'Ancyre,  où  après 
quatre  prêtres,  un  diacre,  un  sous-diacre  et 
un  lecteur  ,  on  lit  encore  le  nom  d'un  défen- 
seur. 

11  est  vrai  que  le  terme  grec  r.™-irr,;  est  bien 
différent  de  «Swo; ,  qui  est  celui  que  tous  les 
conciles  ont  employé  pour  exprimer  les  dé- 
fenseurs. 

Dans  le  concile  d'Ephèse  (Act.  5)  il  est  parlé 
d'un  prêtre  d'Antioche  nommé  Asphalius,  qui 
était  défenseur  pour  l'église  d'Antioche  dans 

(lonstatltinople,  àtS'ucà  &ï  il  Kuv<7TavTivoT;'//.ei   -%  -:*-;- 

u.d'3.  rS«  aùrîi?  iiocXr.crîa;,  c'est-à-dire  qu'il  était  le 
syndic  des  causes  que  les  églises  et  les  pauvres 
d'Antioche  pouvaient  avoir  à  Constantinople. 

II.  Le  défenseur  est  appelé  ixS'awt,  et  c'est  un 
prêtre  qui  fait  cette  fonction,  dans  l'action  3 
du  concile  de  Constantinople,  tenu  sous  Flavien 
et  relu  à  Calcédoine  :  «  Presbyter  et  defensor 
Joannes.  » 

Le  concile  même  de  Calcédoine  ordonne  au 
défenseur  de  l'Eglise  de  Constantinople  d'en- 
joindre à  tous  les  clercs  et  à  tous  les  moines 
vagabonds  de  sortir  de  la  ville,  et  s'ils  n'obéis- 


sent, de  les  en  chasser  (Conc.  Calced.,  act.  I , 
can.  xxiii).  On  peut  de  là  conjecturer  quel  était 
l'office  et  le  pouvoir  du  défenseur. 

III.  Dans  l'Eglise  occidentale  ,  le  concile  de 
Milève  iCon.  Milev.,  c.  xvi),  ordonna  qu'on  de- 
manderait à  l'empereur  des  défenseurs  versés 
dans  les  affaires  pour  prendre  la  défense  des 
intérêts  de  l'Eglise  contre  les  artifices  et  les 
violences  de  ses  ennemis  devant  les  tribunaux 
des  juges  séculiers. 

«  Placujt  ut  petatur  a  gloriosissimis  impera- 
toribus,  ut  jubeant  judicibus,  dan  petitos  sibi 
defensores  scholasticos,  qui  in  actu  sint,  vel  in 
officio  defensionum  causarum  ecclesiasticarum, 
more  sacerdotum  provinciie,  ut  iidem  ipsi,  qui 
defensionem  ecclesiarum  susceperint,  habeant 
facultatem  pro  negotiis  ecclesiarum,  quoties 
nécessitas  flagitaverit,  vel  ad  obsistendum  cal- 
lide  decipientibus,  vel  obrepentibus  ,  vel  ad 
necessaria  suggerenda,  ingredijudiciumsecre- 
taria.  » 

Ces  défenseurs  étaient  donc  comme  les  syn- 
dics des  causes  de  l'Eglise  et  les  avocats  des 
pauvres. 

Voici  ce  qu'en  dit  le  concile  V  de  Carthage  : 
«  Ab  imperatoribus  visum  est  postulandum, 
propter  aftlictionem  pauperum,  quorum  mole- 
stiis  sine  intermissione  fatigatur  Ecclesia,  ut 
defensores  eis  adversus  potentias  divitum  cum 
episcoporum  provisione  delegentur  (Conc.  Car- 
thag.  V,  c.  ix;  conc.  African.,  can.  xlii,  lxix).  » 

IV.  Ainsi  les  ecclésiastiques,  parla  sainteté  de 
leur  profession,  ayant  un  extrême  éloignement 
de  comparaître  devant  les  tribunaux  des  sécu- 
liers, même  pour  s'y  défendre  lorsqu'on  les 
attaquait  :  et  les  pauvres,  les  veuves,  les  orphe- 
lins, étant  destitués  du  crédit,  de  l'adresse  et 
des  iiio\ens  nécessaires  pour  défendre  leurs 
causes,  soit  civiles,  soit  criminelles,  les  évêques 
demandèrent  aux  empereurs  chrétiens  des  s\n- 
dics  pour  les  uns  et  pour  les  autres,  afin  de  les 


328     DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.-  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIX-HUITIÈME. 


protéger  contre  la  puissance  des  riches,  et  les 
défendre  devant  les  juges  contre  les  poursuites 
artificieuses  de  leurs  parties.  11  fallait  pour  cela 
que.  ces  défenseurs  fussent  soutenus  de  l'auto- 
rité impériale,  «Petaturabimperatoribus,  etc.,» 
et  qu'ils  fussent  nommés  par  les  évêques, 
«  Cum  episcoporum  provisione  delegentur.  » 

V.  Ces  défenseurs  ecclésiastiques  furent  créés 
à  l'imitation  des  défenseurs  civils  des  villes 
dont  il  est  si  souvent  parlé  dans  le  code,  «  de 
Defensoribus  civitatum.  »  C'étaient  comme  les 
tribuns  du  peuple  des  moindres  villes,  avec 
pouvoir  de  juger  des  causes  soit  civiles,  soit 
criminelles  moins  importantes,  et  de  renvoyer 
les  plus  importantes  aux  magistrats  supérieurs. 

VI.  Ces  défenseurs  ne  furent  d'abord  que 
des  laïques  dans  l'Occident,  puisqu'on  a  re- 
cours à  l'empereur  pour  les  obtenir,  et  qu'on 
demande  qu'ils  soient  experts  dans  les  chicanes 
du  barreau,  «  Scholasticos,  qui  in  actu  sint,  » 
et  qu'ils  aient  entrée  dans  la  cour  des  juges, 
«  lngredi  judicum  secretaria.  »  Ce  que  les 
évêques  et  surtout  ceux  d'Afrique,  ne  jugeaient 
pis  être  convenable  à  la  profession  sainte  des 
ecclésiastiques.  Enfin  le  pape Zozime  ledit  net- 
tement, o  Sane  ut  etiam  defensores  Ecelesiae, 
qui  ex  laicis  fiunt,  supradicta  observatione  te- 
neantur,  si  meruerint  esse  in  ordine  clericatus 
(Epist.  î).  » 


VII.  Nous  verrons,  dans  le  siècle  suivant,  que 
dans  l'Occident  même  on  les  choisit  d'entre 
les  ecclésiastiques,  et  on  a  déjà  pu  observer 
que  dans  l'Orient  ils  ont  toujours  été  du  corps 
du  clergé. 

Le  concile  de  Calcédoine  nous  a  fait  voir  un 
prêtre  défenseur;  et  lorsqu'il  a  commandé  au 
défenseur  de  faire  sortir  de  Constantinople  tous 
les  moines  et  les  clercs  fainéants,  il  n'eût  pas 
donné  ce  pouvoir  à  un  laïque.  Enfin,  ce  con- 
cile (Can.  u),  défend  d'ordonner  pour  de  l'ar- 
gent, non-seulement  les  évêques,  les  chorévè- 
ques,  les  prêtres,  les  diacres,  et  tous  les  autres 
qui  sont  dans  le  clergé  ;  tûv  èv  tû  xXinpu  :  mais 
aussi  les  économes,  les  défenseurs,  les  man- 
sionnaires,  et  tous  les  autres  qui  sont  dans  le 
canon  ou  dans  la  matricule,  ii  sx«ç  ti  à  t&û  y.w>.,-. 
Or,  la  charge  d'économe  était  affectée  dans 
l'Orient  aux  ecclésiastiques  et  même  aux  prê- 
tres. Il  faut  donc  conclure  de  même  des  défen- 
seurs. 

Le  pape  Gélase  commença  dans  l'Occident  à 
mettre  les  défenseurs  entre  les  clercs  inférieurs. 
«  Continuo  lector  vel  notarius,  aut  cerle  defen- 
sor  etfectus,  post  très  menses  existât  acolytlius 
(Epist.  ix,  c.  2).  » 

Si  les  actes  qui  portent  que  saint  Sébastien 
fut  fait  défenseur  de  l'Eglise  sont  bien  certains, 
ce  terme  avait  alors  une  autre  signification. 


CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIX-HUITIÈME. 


DES    DÉFENSEURS   ET    DES    VIDAMES;    AUX    SIXIÈME,    SEPTIÈME    ET    HUITIÈME    SIÈCLES. 


I.  Les  défenseurs  étaient  vraiment  bénéficiers. 
IL  Le   pape   les  commettait   a  la  garde    du  patrimoine  de 
l'Eglise. 

III.  Et  à  une  infinité  d'autres  emplois  bien  plus  importants. 

IV.  Leur  propre  emploi  était  la  défense  des  pauvres. 

V.  Suint  Grégoire  leur  communique  les  privilèges  du  collège 
des  uolaires  ou  des  sous-diacres. 

VI.  Les  anciens  papes  en  usaient  de  même. 
VIL  Ils  furent  bientôt  élevés  à  la  clèncature. 
VIII.  Des  défenseurs  dans  l'Orient. 

IX   Leurs  fonctions. 

X.  Des  défenseurs  civils  de  chaque  ville. 
XI    Combien  les  évêques  fuyaient  de  comparaître  devant  les 
tribunaux  séculiers. 
XII.  MU.  XIV.  Des  vidâmes  et  des  majordomes. 


I.  Les  défenseurs  ne  tenaient  pas  le  moindre 
rang  d'honneur  et  de  puissance  entre  les  offi- 
ciers de  l'Eglise.  Ils  étaient  indubitablement 
comptés  entre  les  bénéficiers  de  l'Eglise,  puis- 
que saint  Grégoire  pape  ayant  appris  que  le  dé- 
fenseur Fantin  avait  souffert  que  le  moine  Jean 
lui  laissât  la  moitié  de  son  bien  par  son  testa- 
ment, il  l'en  fit  à  la  vérité  mettre  en  posses- 
sion, mais  il  lui  fit  faire  commandement  de  ne 
jamais  rien  recevoir  de  personne,  et  de  se  con- 
tenter de  la  solde  de  l'Eglise,  «Contestare  eum, 


DES  DÉFENSEURS  ET  DES  VIDAMES. 


329 


ut  hoc  facere  ulterius  non  prsesumat.  Sed  pro 
labore  suo  statue  ( 1 1 1 i l!  accipiat,  ut  ei  vacuus 
suus  labor  esse  non  debeat;  et  hoc  meminerit, 
ut  qui  Ecclesia?  stipendiis  subsistit,  ad  lucra 
propria  non  anhelet  (L.  i,  ep.  xlii).  » 

II.  Ce  pape  commettait  quelquefois  les  dé- 
fenseurs à  la  garde  et  à  la  culture  du  patri- 
moine de  l'Eglise  romaine.  D'où  vient  qu'ayant 
appris  que  le  défenseur  Urbicus  était  mort  re- 
devable à  l'Eglise  d'une  grande  somme,  à  la- 
quelle tout  son  bien  ne  pouvait  pas  satisfaire, 
ce  généreux  pape  laissa  jouir  ses  enfants  du 
patrimoine  entier  de  leur  père,  et  leur  remit 
tout  ce  qu'ils  devaient  à  l'Eglise,  sans  qu'ils 
puissent  jamais  en  être  recherchés  Lib.  u, 
ep.  xxi). 

III.  Mais  voici  des  emplois  plus  considérables. 
Une  abbesse  ayant  dissipé  les  biens  de  son  ab- 
baye, ce  pape  commit  le  défenseur  Fantin  pour 
l'examiner  et  savoir  d'elle  à  qui  elle  avait 
donné  le  patrimoine  des  pauvres  (L.  iv.  ep.  iv). 
Une  religieuse  ayant  quitte  l'habit  monastique 
pour  s'abandonner  aux  plaisirs  trompeurs  du 
siècle,  il  écrivit  à  son  évêque  et  au  défenseur 
Sergius  de  lui  faire  reprendre  son  habit  et  de 
la  faire  rentrer  dans  son  monastère  (L.  vu  , 
ep.  x,  îx).  Il  manda  au  défenseur  Fantin  de 
prendre  la  défense  d'une  dame  qui  s'était  mise 
sous  la  protection  de  l'Eglise,  «  Ecclesiastica  se 
petiit  tuitione  defendi ,  »  contre  deux  per- 
sonnes qui  l'opprimaient  et  l'empêchaient  de 
jouir  de  ses  biens,  lui  enjoignant  ou  de  les 
accommoder,  ou  de  leur  faire  choisir  des  ar- 
bitres pour  terminer  leurs  différends,  ou  de  la 
protéger  en  quelque  autre  manière  que  ce  pût 
être  (L.  vu,  ep.  lxxxiv). 

Pierre,  évêque  d'Otrante,  ne  pouvant  se  faire 
payer  par  un  débiteur  ingrat  et  insolent,  ce 
pape  écrivit  à  Serge,  défenseur,  de  contraindre 
ce  débiteur,  ou  à  satisfaire  à  l'Eglise,  ou  à 
choisir  des  arbitres,  a  Alioquin  mora  cessante 
ad  electorum  te  compellente  accédât  judicium 
(L.  vu,  ep.  cvi).  » 

Un  évêque  de  Sicile  ayant  pillé  l'épouse  qu'il 
devait  plutôt  enrichir,  et  ayant  tourné  à  son 
profit  tout  ce  qu'il  devait  employer  aux  répa- 
rations des  églises,  saint  Grégoire  manda  à 
Romain,  défenseur  en  Sicile,  «  Defensori  Si- 
ciliae,  »  d'examiner  cette  affaire  avec  l'évèque 
de  Syracuse,  et  s'il  pouvait  convaincre  ce  mer- 
cenaire de  ses  vols,  de  le  contraindre  à  resti- 
tuer. «  Cum  fratre  et  coepiscopo  Joanne  Syra- 
cusano  residens ,    subtili   inquisitione   nu  jus 


rei  veritatem  riinamini.  etc.   L.  vin,  ep.  1).  » 

Basile,  évêque  en  Sicile,  s'embarrassait  de 
procès,  perdait  le  temps  et  laissait  avilir  sa  di- 
gnité après  les  tribunaux  des  magistrats  sécu- 
liers. Ce  pape  écrivit  au  même  Romain,  dé- 
fenseur, de  l'obliger  à  retourner  dans  son  dio- 
cèse, et  de  ne  lui  donner  pas  seulement  cinq 
jours  de  trêve,  à  moins  que  de  se  rendre  lui- 
même  coupable  du  même  désordre. 

«  Perlatum  est  ad  nos  Basilium  episcopum 
velut  unum  de  laicis  in  causis  secularibus  oc- 
cupari,  et  praetoriis  inutiliter  deservire.  Qu;c 
res  quoniam  et  ipsum  vilem  reddit,  et  reve- 
rentiam  episcopalem  annihilât,  statim  ut  evpe- 
rientia  tua  hoc  praeceptum  susceperit,  eum  ila 
ad  revertendum  districtaexecutionecompellat, 
quatenus  ei  illic  te  insistente,  quinque  diebus, 
sub  qnalibet  excusatione  immorari  non  li- 
ceat,  etc.  (L.  vin,  ep.  xi).  » 

Ces  termes  districta  exécutions  font  voir  que 
ces  ofliciers  du  Siège  Apostolique,  quoiqu'ils 
ne  fussent  que  dans  les  ordres  mineurs,  avaient 
néanmoins  uue  autorité  fort  ample  et  fort  re- 
doutée, comme  exécuteurs  des  ordres  du  pape, 
ou  comme  ministres  du  pape,  qui  est  l'exécu- 
teur et  le  conservateur  général  des  canons. 

Cela  paraîtra  encore  dans  la  lettre  de  ce  saint 
pape  à  Boniface,  défenseur  en  File  de  Corse, 
où  il  le  blâme  d'avoir  souffert  qu'il  y  eût  dans 
cette  île  deux  évèchés  vacants;  lui  ordonne  d'y 
faire  au  plus  tôt  élire  desévèques,  et  d'envoyer 
a  Rome  les  élus;  il  lui  commande  encore  de 
s'opposer  vigoureusement  à  ceux  qui  oppri- 
ment les  pauvres  et  à  ceux  qui  tirent  les  ecclé- 
siastiques devant  les  juges  séculiers;  de  ne 
plus  souffrir  cet  abus ,  de  forcer  ceux  qui 
ont  quelque  différend  avec  les  clercs,  de  recou- 
rir au  jugement  de  l'évèque,  ou  si  l'évèque 
leur  est  suspect,  à  l'arbitre  que  l'évèque  ou 
que  lui-même  nommera,  du  jugement  duquel 
l'évèque  et  lui  seront  exécuteurs  (L.  ix,  ep. 

LXXIVJ. 

Ce  pape  chargeait  ces  défenseurs  des  causes 
des  clercs,  même  auprès  des  évèques,  en  sorte 
néanmoins  qu'ils  n'entreprissent  rien  ni  contre 
la  justice,  ni  contre  l'autorité  des  évêques. 
«  Apud  episcopum  non  defensor  culpae,  sed 
potius  intercessor  existe.  Ut  uniuscujusque 
episcopi  reverentia,  et  clericorum  disciplina 
per  defensionis  tuse  experientiam  minime  sol- 
vatur.  d 

Ces  commissions  montrent  de  quelle  impor- 
tance était  la  dignité  des  défenseurs  de  l'Eglise 


330     DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.—  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIX-HUITIEME. 


romaine,  d'où  il  est  aisé,  en  gardant  une  juste 
proportion,  déjuger  quelle  était  leur  autorité 
dans  toutes  les  autres  Eglises  (Baron.,  an.  598, 
n.  18,  19).  Mais  voici  un  autre  exemple  qui 
nous  en  persuadera  encore  plus  fortement.  Les 
évêques  d'Espagne  avaient  déposé  l'évéque  de 
Malaga,  qui  en  fit  retentir  ses  plaintes  jusqu'à 
Rome.  Ce  pape  y  envoya  le  défenseur  Jean, 
qui.  ayant  fait  rejuger  la  chose,  rétablit  l'é- 
véque déposé,  et  déposa  les  auteurs  injurieux 
de  sa  déposition. 

C'est  Jean  Diacre  qui  le  dit  en  peu  de  mots 
dans  la  vie  de  ce  pape.  «  Joannes  defensor  ejus 
juesu  in  Hispanias  cognitor  destinatus,  Ja- 
nuarium  episcopum  civitatis  Malacitanœ,  ab 
episcopis  suis  compatriotis  depositum,  propria1 
sedi  restituit,  et  depositores  ejus  cum  eo,  qui 
in  locum  ejus  obrepserat,  pari  sententia  con- 
demnavit  L.  u,  c.  11).  » 

1\ .  Voilà  les  grandes  et  extraordinaires  com- 
missions dont  on  chargeait  les  défenseurs,  et 
dont  on  peut  facilement  comprendre  quelle 
devait  être  leur  capacité,  pour  répondre  à 
l'importance  de  ces  emplois.  Quant  aux  pou- 
voirs et  aux  obligations  ordinaires  de  leur 
charge,  nous  les  apprenons  du  même  saint  Gré- 
goire, dans  la  formule  qu'il  leur  adressait  en 
les  investissant  de  cette  dignité. 

«  Si  nulli  condition!,  vel  corpori  teneris  ob- 
noxius.  nec  fuisti  clericus  allei  ius  civitatis,  aut 
in  nullo  libi  canonum  obviant  statuta,  offirium 
Ecclesiae  defensorum  accipias,  ut  quidquid  pro 
pauperum  commodis  tibi  a  nobis  injunctum 
fuerit,  incorrupte  et  vivaciter  exequaris,  etc. 
(L.  iv,  ep.  2.'>;  1.  ix,  ep.  33;  1.  vu,  ep.  17).  » 

Ainsi  le  but  de  leur  première  institution 
avait  été  la  défense  des  pauvres  et  du  patri- 
moine des  pauvres,  et  par  occasion  les  papes 
leur  commettaient  un  nombre  infini  d'autres 
causes  qui  se  rencontraient  dans  les  mêmes 
provinces.  Aussi  ce  pape  déclare  en  un  autre 
endroit  que  les  défenseurs  sont  les  ministres 
et  les  exécuteurs  universels  des  ordres  du  pape. 
b  Quia  defensorum  ofûcium  in  causis  Eccle- 
sia?,  et  obsequiis  noscitur  laborare  pontificum 
(L.  vu,  ep.  17).  » 

V.  C'est  ce  qui  obligea  ce  pape  à  communi- 
quer au  collège  des  défenseurs  les  mêmes  pri- 
vilèges que  ses  prédécesseurs  avaient  accordés 
aux  notaires  ou  aux  sous-diacres  :  «  Consti- 
tuentes,  ut  sicut  in  scliola  notariorum  atque 

subdiaconorum  per  indultam  longe  rétro  | - 

tilicum  largitatem  sunt  regionarii  constiluti  ; 


ita  quoque  in  defensoribus  septem,  qui  ostensa 
suae  experientiae  utilitate  placuerit  honore  re- 
gionario  decorentur.  Quos  quolibet  per  absen- 
tiam  pontificis,  et  sedendi  in  conventu  clerico- 
rum  habere  licentiam,  et  honoris  sui  privilégia 
in  omnibus  statuimus  obtinere  (Ibidem).  » 

Ces  paroles  nous  font  remarquer  en  passant 
que  les  notaires  et  les  sous-diacres,  aux  privi- 
lèges desquels  les  défenseurs  sont  ici  associés, 
étaient  les  mêmes  et  ne  faisaient  qu'un  corps. 
D'où  l'on  peut  confirmer  ce  que  nous  avons  ci- 
devant  avancé,  que  les  notaires  étaient  ordi- 
nairement sous-diacres,  et  que  le  primicier  des 
notaires  était  aussi  le  premier  des  sous-diacres 
et  de  tous  les  clercs  inférieurs. 

VI.  Le  pape  Pelage,  avant  saint  Grégoire,  et 
suivant  les  exemples  de  ses  prédécesseurs, 
employait  aussi  les  défenseurs  comme  les  exé- 
cuteurs des  mandements  du  Siège  Apostolique, 
les  conservateurs  de  l'immunité  des  clercs  qui 
ne  pouvaient  être  jugés  que  par  leur  évêque, 
et  les  défenseurs  intrépides  de  l'autorité  des 
évêques,  pour  l'observance  inviolable  des  ca- 
nons. Voilà  ce  que  ce  pape  écrivait  aux  évêques 
et  ce  qu'il  recommandait  a  ses  défenseurs  (Col- 
lect.  Romana.  Holst.,  pag.  23<î,  237). 

VIL  Le  pape  Zozime  nous  a  montré  ci-dessus 
que  les  défenseurs  laïques  aspiraient  à  la  cléri- 
cature.  Ils  en  furent  bientôt  honorés;  et  nous 
venons  de  voir  que  saint  Grégoire  leur  donna 
séance  entre  les  clercs,  dans  le  même  rang  et 
les  mêmes  avantages  qu'avaient  les  notaires  et 
les  sous-diacres  ;  dans  leur  ordination  il  exi- 
geait qu'ils  ne  fussent  atteints  d'aucune  irré- 
gularité canonique,  «  Si  nullo  tibi  canonum 
obviant  statuta  ;  »  qu'ils  ne  fussent  clercs  d'au- 
cune autre  église,  «  Nec  fuisti  clericus  alterius 
civitatis;  »  qu'ils  jugeassent  les  causes  des 
clercs  avec  les  évêques,  et  ne  souffrissent  point 
que  les  laïques  entreprissent  de  juger  les  clercs. 

Enfin  Jean  Diacre  proteste  que  ce  saint  pape 
congédia  tous  les  officiers  laïques  de  son  palais, 
et  qu'il  n'en  voulut  plus  avoir  que  d'ecclésias- 
tiques, entre  lesquels  il  nomme  les  défenseurs. 
Grégoire  de  Tours,  dans  la  vie  de  saint  (.ail, 
parle  de  Julien,  prêtre  et  défenseur  (Vite  Pa- 
Inmi,  c.  vi). 

MIL  11  n'est  pas  moins  certain  que  l'Eglise 
orientale  avait  ses  défenseurs  ,  et  qu'ils  y 
étaient  honorés  de  la  cléricature,  et  le  plus 
souvent  même  des  ordres  supérieurs. 

Le  concile  de  Calcédoine  Can.  iv)  met  l'of- 
fice des  défenseurs  entre  ceux  que  l'évéque  doit 


DES  DÉFENSEURS  ET  DES  VIDAMES. 


331 


conférer  gratuitement,  aussi  bien  que  les  saints 
ordres,  s'il  ne  veut  être  accusé  d'une  infâme 
simonie  :  «  Si  œeonomum  aut  defensorem,  aut 
paramonarium  promoveat  episcopus.  » 

Ce  même  concile  (Can.  xxm)  donne  aux  défen- 
seurs une  juridiction  qu'il  n'aurait  pas  confiée 
à  des  laïques,  de  faire  sortir  de  Gonstantinople 
tous  les  clercs  et  tous  les  moines  vagabonds. 
Le  concile  de  Gonstantinople  (Act.  1)  sous  Menas, 
fait  mention  de  deux  prêtres  et  défenseurs  de 
Constantinople.  Dans  le  concile  de  Mopsueste 
(Collât,  v),  dont  on  lut  les  actes  dans  le  Ve  con- 
cile général,  on  fit  paraître  un  diacre  défenseur. 
Dans  le  VIe  concile  général  (Act.  8,  10),  il  est 
parlé  d'un  diacre  de  Constantinople,  qui  était 
notaire  et  défenseur  de  la  marine  :  Defensor 
navium  «xoux£oco«. 

IX.  L'office  des  défenseurs  paraît  fort  claire- 
ment dans  ce  qui  est  rapporté  par  l'auteur  de  la 
vie  de  saint  Jean  l'Aumônier,  patriarche  d'A- 
lexandrie. 

Cet  incomparable  père  des  pauvres  ayant  ap- 
pris que  quelques-uns  de  ceux  qui  gémissaient 
sous  la  cruelle  persécution  des  riches  ne  pou- 
vaient approcher  de  lui,  par  la  crainte  de  ses 
chanceliers  et  des  défenseurs  qui  l'environ- 
naient :  «  Et  volentes  adiré  eum,  timoré  can- 
cellariorum  ,  et  Ecelesia:  defensorum,  atque  ei 
aslantium  prohiberentur  (Cap.  v)  ;  » 

Il  se  résolut  à  donner  deux  fois  la  semaine 
des  audiences  publiques,  où  il  était  seul  avec 
un  de  ses  défenseurs;  et  après  avoir  écouté  les 
plaintes  des  pauvres,  il  faisait  incessamment 
exécuter  par  ses  défenseurs  ce  qu'il  avait  or- 
donné pour  leur  soulagement;  défendant  à  ces 
défenseurs  de  rien  manger,  jusqu'à  ce  qu'ils 
eussent  mis  à  exécution  ce  qui  leur  était  com- 
mandé pour  la  protection  des  pauvres  :  «  Qui- 
bus  et  confestim  quod  dignum  erat,  per  Ec- 
clesiœ  defensores  faciebat,  et  prœcipiebat,  ut 
nemo  eorum  gustaret,  quousque  ordinarent 
capitulum.  » 

X.  Comme  on  ne  peut  douter  que  ces  défen- 
seurs de  l'Eglise  n'eussent  beaucoup  de  rap- 
port aux  défenseurs  des  cités,  il  est  à  propos  de 
dire  quelque  chose  de  ceux-ci. 

On  ne  pouvait  en  élire  que  des  catholiques, 
et  ils  devaient  être  élus  par  les  évèques,  par  le 
clergé  et  par  les  habitants  de  la  ville  (Cod.  1.  i, 
de  Episc;  Audi,  leg.;  xix.  Nov.  xxxvi,  c.  vu). 
Dans  les  villes  où  il  n'y  avait  point  de  juge,  le 
défenseur  en  faisait  l'office,  et  ceux  qui  ne  vou- 
laient pas  lui  confier  leurs  causes,  pouvaient 


recourir  à  l'évêque  ou  se  faire  juger  par  Tru- 
que et  le  défenseur  conjointement.  Le  défen- 
seur civil  était  le  père  des  pauvres,  et  il  devait 
les  garantir  de  toutes  sortes  d'oppressions. 

«  Ut  in  primis  parentis  vicem  plebi  exhibeas, 
descriptionibus  rusticos  urbanosque  non  patia- 
ris  aftligi;  oflicialium  insolentiœ  etjudicum 
procacitati  salva  revereutia  pudoris  occurras  ; 
ingrediendi,  cum  voles,  ad  judicem,  liberam 
habeas  facultatem  (Cod.  de  Defens.  Civit.,  1.  iv).  » 

Tous  ces  devoirs  et  tous  ces  pouvoirs  étaient 
communs  aux  défenseurs  civils  et  aux  défen- 
seurs ecclésiastiques ,  comme  il  paraît  par  la 
confrontation  des  lois  impériales  et  des  canons 
des  conciles  d'Afrique. 

XL  Possidius  rapporte,  dans  la  vie  de  saint 
Augustin,  qu'undes  disciples  de  ce  grand  saint 
ayant  été  fait  évèque  de  Calame ,  et  faisant  un 
jour  la  visité  de  son  diocèse,  il  fut  dépouillé  et 
cruellement  outragé  par  une  irruption  violente 
des  donatistes.  Le  défenseur  de  l'Eglise  en  porta 
ses  plaintes  aux  juges  séculiers  contre  l'évêque 
donatiste  de  Calame.  a  De  qua  re  ne  pacis  Ec- 
clesia1  amplius  impediretur  profectus,  defensor 
Ecclesiae  inter  leges  non  siluit  (  Can.  xu).  L'é- 
vêque donatiste  comparut,  et  nia  qu'il  fût  héré- 
tique. Alors  l'évêque  catholique  se  vit  obligé 
de  comparaître  aussi  lui-même,  pour  convain- 
cre l'hérétique  de  ce  qu'il  était  :  «  Oborta  est 
nécessitas  ut  recedente  Ecclesiœ  defensore ,  a 
catbolico  episcopo  resisteretur,  eteonvinceretur 
quod  esse  se  fuisse  negaverat.  » 

Voilà  pourquoi  les  défenseurs  de  l'Eglise 
avaientobtenu  desempereurs  la  liberté  d'entrer 
dans  l'audience  des  juges;  parce  que  les  évo- 
ques ne  voulaient  pas  comme  avilir  la  sainteté 
et  la  majesté  de  l'épiscopat,  par  la  poursuite 
des  causes  même  les  plus  justes  devant  les 
juges  séculiers,  eux  que  J.-C.  a  établis  juges 
dans  toute  son  église. 

Les  défenseurs  étaient  donc  comme  les  syn- 
dics, et  cet  évèque  de  Calame  ne  comparut  que 
dans  l'inévitable  nécessité  où  il  s'agissait  de  la 
foi.  Baronius  a  rapporté,  en  l'an  65-2,  un  testa- 
ment d'Hadoindus,  évèque  du  Mans  ,  où  il  est 
parlé  de  son  défenseur.  Cet  office  n'était  donc 
pas  tout  à  fait  inconnu  à  la  France. 

XII.  Nous  ne  trouverons  peut-être  pas  de  lieu 
plus  propre  pour  parler  des  vidâmes,  Yiceclu- 
mini.  C'était  apparemment  comme  un  inten- 
dant ,  ou  majordome  ;  aussi  saint  Grégoire 
semble  joindre  ces  deux  dignités,  quoique  dis- 
tinctes ,    Vlcedumiuus ,  Majordomus ,  et  nous 


332     DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.—  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIX-HUITIÈME. 


assurer  que  leur  office  était  d'avoir  l'inten- 
dance de  toute  la  maison  de  l'évèque,  de  veiller 
sur  les  domestiques,  et  de  recevoir  les  hôtes. 
Ce  fut  la  commission  qu'il  donna  à  Anthémius 
sous-diacre  en  Campante,  Subdiacono  Campa- 
niœ,  d'obliger  l'évèque  Paschasius  à  prendre 
un  vidame  et  un  majordome  .  ou  s'il  diffé- 
rait davantage,  d'en  faire  élire  un  par  son 
clergé. 

«  Volumus  utmemoratusiraternoster Pascha- 
sius .  et  viccdoniinum  sihi  eligat  et  majorem- 
domus;  quatenus  possil  vel  hospiiibus  super- 
venientibus  ,  vel  causis  qmc  eveniunt,  idoneus 
et  paratus  existere.  Si  vero  et  negligentem 
euin  prospicis,  et  ea  quœ  diximus  implere  dif- 
ferentem,  omnis  clerus  ejus  adhiberi  débit,  ul 
communi  consilio  ipsi  eligant,  quorum  per- 
sonœadeaquœ  diximus  valeantordinari.  (L.  iv. 
ep.  lxvi).  »  Ces  derniers  termes  font  connaître 
que  c'étaient  deux  charges  distinctes,  mais 
approchantes  l'une  de  l'autre. 

Ce  pape  ne  trouva  pas  bon  qu'un  évèque 
exerçât  lui-même  ces  offices,  «  qui  per  semet- 
ipsum  sibimet  majordomus  et  vicedominus 
permanebat,  »  dit  Jean  Diacre  dans  sa  vie  (L.  u, 
ci îv),  parce  que  les  occupations  pastorales 
d'un  évèque  demandent  qu'il  s'y  applique  tout 
entier,  et  qu'il  se  décharge  autant  qu'il  pourra  du 
soin  des  choses  temporelles.  Le  pape  avait  lui- 
même  son  vidame.  car  Anastase.  bibliothécaire, 
dans  la  vie  du  pape  Vigile,  dit  que  ce  pape  ren- 
voya de  Sicile  à  Rome  le  prêtre  Ampliatus,  qui 
était  son  vidame.  «  Ampliatum  presbyterum  et 
vicedominum  suum.  »  Entre  les  lettres  de  saint 
Roniface,  apôtre  d'Allemagne,  il  y  en  a  une  qui 
lui  fut  écrite  par  le  vidame  du  Siège  Aposto- 
lique ,  «  Renedictus  episcopus  et  vicedominus 
sanctre  Sedis  Apostolicse  iEpist.  cxlv).  » 

J'aurais  eu  de  la  peine  à  croire  qu'on  appli- 
quât un  évèque  aux  fonctions  de  vidame.  Ces 
paroles  le  disent  néanmoins  fort  clairement. 
Saint  Grégoire  le  Grand  écrivit  une  lettre  à 
Protasius,  évèque  d'Aix,  où  il  lui  dit  qu'il  doit 
être  bien  informé  de  ce  qui  regarde  l'Eglise 
d'Arles,  puisqu'il  y  a  autrefois  exercé  la  charge 
de  vidame.  «Qui  in  Ecclesia  ipsa  tune  tempo- 
rinus  curani  vicodomini  gerebatis  L.  v,  ep. 
i.\   .  « 


Dans  le  concile  de  Rouen  (Concil.  Gall.,  tom. 
i,  p.  509),  où  saint  Ansbert,  évèque  de  Rouen, 
donna  un  fameux  privilège  au  monastère  de 
Jumiége;  après  les  souscriptions  des  évèques  et 
des  abbés,  on  lit  celle  de  Girard  .  vidame  de 
l'évèque  de  Rouen,  «  Girardus  gloriosus  vice- 
dominus antefati  magni  pontificis  Du  Chesne, 
tom.  î.  p.  HN3  ;  »  et  ensuite  celle  des  trois  ar- 
chidiacres. 

XIII.  La  règle  du  Maître  explique  en  passant 
quels  étaient  les  exercices  de  la  charge  de  \i- 
dame  et  de  majordome.  «  Sicut  in  hominisdomo 
ut  securus  sit  de  omnibus  praeparandis,  Domi- 
nus  rei  ordinat  majores  familia? ,  quos  vicedo- 
niini  minores  timeant,  id  est  vicedominum. 
Mllicum,  salutarium  et  majorem  domus.  Sic 
in  domibus  divinis,  id  est  in  Eeclesiis,  etc. 

Cap.  xxi,  §  U).  » 

Il  est  donc  certain.  1°  que  ces  deux  offices  de 
vidame  et  de  majordome  avaient  beaucoup  de 
rapport  ;  2°  que  c'étaient  des  ecclésiastiques,  et 
même  le  plus  souvent  des  prêtres  qui  étaient 
vidâmes;  3°  que  c'étaient  des  charges  ecclé- 
siastiques ,  d'où  vient  qu'il  n'est  resté  en 
France  que  des  vidamies  relevant  des  évè- 
chés. 

XIV.  Le  pape  avait  aussi  son  vidame,  comme 
nous  avons  dit ,  et  il  s'est  bien  pu  faire  que 
comme  les  vidâmes  étaient  des  ecclésiastiques 
qualifiés,  celui  du  pape  ait  été  un  évèque.  Le 
pape  Zacharie  députa  vers  le  roi  des  Lombards 
Luitprand,  l'évèque  Benoit  qui  était  son  vidame, 
et  dont  nous  avons  déjà  parlé.  «  Renedictum 
episcopum  et  vicedominum,  atque  Ambrosium 
primicerium  notariorum  (  Raronius,  an.  71!. 
n.  13).  »  C'est  ce  qu'en  dit  Anastase  Biblio- 
thécaire. 

Ce  n'est  pas  à  moi  à  censurer  la  conduite 
d'un  si  saint  pape  ;  mais  pour  contenter  ceux 
qui  estiment  que  c'était  assurément  avilir  la 
majesté  de  l'épiscopat ,  je  dirai  que  le  grand 
saint  Grégoire,  qui  rétablit  dans  le  palais  pon- 
tifical l'ancien  usage  de  n'y  souffrir  que  des 
clercs  ou  des  moines ,  ne  mit  jamais  au 
nombre  et  au  rang  de  ses  officiers  les  évè- 
ques ,  qu'il  regardait  comme  ses  frères  et  ses 
cohéritiers  dans  la  succession  de  l'apostolat. 


DES  DÉFENSEURS  ET  AUTRES  DIGNITÉS,  etc. 


333 


CHAPITRE  QUATRE- VINGT-DIX-NKl' VI KME. 


des  défenseurs  et  des  autres  dignités  de  l  eglise  grecque;  des   defenseurs  et  des  vidames 
de  l'église  latine,  sous  l'empire  de  ciiarlemagne. 


I.  Différence  de  la  juridiction  des  chartophylaces  d'avec  celle 
des  défenseurs. 

II.  Les  pouvoirs  des  défenseurs  laïques. 

III.  Il  y  en  avait  d'ecclésiastiques. 

IV.  Quelles  étaient  les  grandes  dignités  de  l'Eglise  de  Constan- 
linople. 

V.  On  leur  rendit  les  mêmes  honneurs  qu'aux  dignités  de 
l'empire. 

VI.  Ou  n'en  pouvait  être  dépouillé  que  par  un  jugement  ca- 
nonique. 

VII.  D'où  vient  cette  conformité  avec  les  ordres. 

VIII.  Mais  Pévéque  peut  forcer  les  clercs  trop  amateurs  du 
repos  d'accepter  ces  charges. 

I\.  Manière  différente  de  conférer  les  ordres  et  les  dignités. 

X.  Nombre  des  dignités  dans  l'Eglise  de  Constantinople. 

XI.  Des  docteurs. 

XII.  Des  défenseurs  de  l'Eglise  latine. 

XIII.  Des  vidâmes. 

XIV.  Ils  étaient  ecclésiastiques. 

XV.  Leurs  fonctions. 

I.  Il  s'éleva,  au  temps  de  Balsamon,  une  vio- 
lente contestation  entre  le  premier  défenseur, 
icpurécSixoç ,  et  le  chartophylace ,  sur  la  juridic- 
tion que  le  défenseur  prétendait  dans  les  causes 
des  moines  et  des  clercs,  et  de  leurs  pèleri- 
nages, quoique  le  chartophylace  fût  en  posses- 
sion d'en  juger. 

Balsamon,  qui  prit  le  parti  du  chartophylace, 
fit  voir  (pie  l'autorité  du  grand  défenseur  ne  se 
pouvait  étendre  que  sur  ceux  dont  on  atta- 
quait injustement  la  liberté,  pour  les  faire  re- 
tomber dans  les  fers  de  la  servitude,  et  sur 
ceux  qui  avaient  eu  recours  à  l'asile  sacre  des 
temples  :  «  Ut  iis  qui  opem  ecclesiasticam  li- 
bertatis  causa  implorant,  per  jurisdictionem 
suam  subveniat  :  ac  reliquorum  ad  Ecclesias 
confugieiitium  causas  tueatur  )  Juris  Orient., 
tom.  i,  p.  456,  etc.  ).  » 

Il  montra  que  le  canon  du  concile  de  Calcé- 
doine, dont  le  défenseur  tirait  tant  d'avantage, 
ne  parlait  que  des  défenseurs  laïques,  u'y  en 
ayant  point  encore  alors  d'ecclésiastiques  ;  celui 
de  Carthage  ne  parle  non  plus  que  des  défen- 
seurs laïques,  et  ne  leur  commet  que  la  pro- 
tection des  pauvres. 

II.  Ce  même  auteur  dit  ailleurs  (In  Can. 
Carth.  LXXYiii),  que  la  novelle  de  Justinien  per- 


mettait aux  évèques,  aux  clercs  et  aux  honnêtes 
bourgeois  l'élection  des  défenseurs,  pour  juger 
les  moindres  causes,  soit  criminelles,  soit  pé- 
cuniaires, pour  défendre  les  pauvres  contre 
l'oppression  des  personnes  puissantes,  et  pour 
réprimer  les  collecteurs  des  impôts  publics, 
quand  ils  excèdeut  les  bornes  qui  leur  sont 
prescrites  :  «  Et  reprimant  publieorum  exac- 
tores,  qui  plusquam  par  est  exigunt.  »  Ces 
défenseurs  étaient  laïques  et  n'étaient  en  charge 
que  deux  ans  ;  enfin  ils  furent  entièrement 
éteints. 

Le  patriarche  de  Constantinople  continua 
d'ordonner  des  défenseurs,  et  un  grand  défen- 
seur; les  autres  évèques  se  contentèrent  d'élire 
un  grand  défenseur.  Tous  ces  privilèges  attri- 
bués par  la  novelle  de  .iustinien  furent  abolis  : 
«  A  solo  Constantinopolis  episcopo  («ppa-fî^ovrai. 
Cbaracterem  accipiuntdefensores,  et  qui  primi 
defensores  dicuntur.  A  reliquis  autem  antisti- 
libus  soli  primi  defensores,  etc.  » 

Toute  la  juridiction  du  grand  défenseur  fut 
réduite  à  juger  les  causes  des  libertés  :  «  Soins 
primus  defensor  sanctissimœ  Dei  magna?  Ec- 
clesise  et  qui  ei  subsunt  defensores,  solas  liber- 
latum  causas  judicant.  »  Tous  les  autres  droits 
que  les  défenseurs  prétendaient  n'étaient 
fondés  que  sur  cette  méprise  :  de  n'avoir  pas 
distingué  les  défenseurs  laïques,  dont  parle 
iustinien  dans  sa  novelle,  et  les  ecclésiasti- 
ques qui   furent  institués  d'entre  les  clercs. 

III.  C'est  peut-être  pour  distinguer  les  défen- 
seurs ecclésiastiques  des  laïques,  que  dans  le 
concile  VII  (Act.  iv)  il  est  fait  mention  de 
Photin,  qui  avait  composé  la  vie  du  patriarche 
Jean  le  jeûneur,  et  qui  était  prêtre  et  défenseur 
ecclésiastique,  baù.-noUx&ou>ç-  H  paraît  aussi  par 
les  actes  du  concile  VIII  (Act.  2)  que  les  prêtres 
étaient  souvent  revêtus  de  la  dignité  de  défen- 
seurs. 

IV.  11  faut  avouer  néanmoins  que  le  grand 
défenseur  même  n'était  pas  compté  entre  les 


334     DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.— CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIX-NEUVIÈME. 


grandes  dignités  de  l'Eglise  de  Constantinople. 
Il  y  en  avait  cinq  <jue  lialsamon  compare  aux 
cinq  organes  des  sens,  qui  composent  et  qui 
ornent  le  chef  de  l'Eglise.  On  les  appelait  exo- 
catacèles,  et  c'étaient  comme  les  cardinaux  du 
patriarche  de  la  nouvelle  Rome. 

Voici  l'ordre  que  Ralsamon  leur  donne.  Le 
grand  économe,  le  grand  sacellaire,  le  grand 
sacristain,  le  chartophylace,  et  le  sacellaire. 

i  u.i"yo.ç  c*.xovo'[j.o;,  6   ^£^*Ç   coxeXÂâpiGÇ,    c    (x£*^a;    oxEUûtfûXo.!;, 

i  jcaproçuXaÇ,  5  mx&Kux;  (Juris  Orient.,  p.  456.)  Le 
grand  économe  avait  soin  des  fonds  et  des 
terres  de  l'Eglise.  Le  grand  sacellaire  était 
chargé  des  monastères  de  la  ville  de  Constan- 
tinople  et  de  Péra,  qui  était  le  treizième  quar- 
tier de  Constantinople.  Le  grand  sacristain  était 
dépositaire  des  vases  sacrés  et  des  reliquaires 
de  l'église.  Le  sacellaire  avait  le  soin  de  veiller 
sur  les  églises,  et  sur  les  emphitéoses  (Act.  4.) 
Nous  avons  assez  parlé  du  chartophylace.  Nous 
traiterons  plus  bas  de  l'économe. 

Le  titre  même  de  grand  sacristain,  ou scévo- 
phylaee,  fait  assez  connaître  qu'il  y  en  avait 
plusieurs,  et  que  celui-ci  était  le  plus  considéré. 
Dans  le  concile  VII,  il  est  parlé  d'un  moine  qui 
était  diacre,  notaire  et  scévophylace  des  ora- 
toires qui  relevaient  immédiatement  du  pa- 
triarche. Entre  les  lettres  de  Photius,  il  y  en  a 
qui  sont  adressées  à  un  archevêque,  qui  était 
en    même   temps   scévophylace   (Epist.   xcv, 

GXXVII,  (XXXXI,  CLXXX1V,  ccx). 

V.  lialsamon  prétend  que  les  dignités  de 
l'Eglise  patriarcale  de  Constantinople  méri- 
taient les  mêmes  titres  d'honneur  et  le  même 
rang  que  les  dignités  de  l'empire,  depuis  que 
le  grand  Constantin  avait  honoré  l'Eglise  de 
Rome  de  ce  privilège  :  «  Statuit  licere  papa? 
liomano  iisdem  dignitatibus  suos  honorare 
clericos,  quihus  etiam  imperator  eos  qui  sihi 
subsunt,  et  esse  sacram  synodum  qualem  et 
senatum  imperatorium  (In  Nomoca.  Phot., 
tit,  2,  c.  xxxvi  ;  tit.  8,  c.  i).  »  Il  ajoute  que  ce 
même  avantage  n'appartient  pas  aux  autres 
églises  patriarcales  ou  métropolitaines,  parce 
que  c'est  la  seule  nouvelle  Rome  qui  jouit  des 
privilèges  de  l'ancienne. 

La  donation  de  Constantin  n'est  pas  un  fon- 
dement assez  solide  pour  soutenir  les  préten- 
tions de  Ralsamon;  mais  on  peut  dire,  avec 
une  extrême  vraisemblance,  que  le  clergé  de 
Rome  et  de  Constantinople  était  dans  une  an- 
cienne possession  de  tous  ces  avantages,  quand 
cette  fabuleuse  donation  parut  au  monde,  et 


trouva  d'abord  tant  de  créance  dans  les  esprits. 
On  n'eût  pas  fait  un  changement  si  considé- 
rable, et  où  il  y  avait  de  part  et  d'autre  des 
intérêts  si  contraires  dans  la  police  sacrée  et 
civile,  sur  une  donation  dont  il  n'avait  jamais 
été  fait  aucune  mention.  Mais  la  révolution  des 
siècles  et  le  long  usage  ayant  peu  à  peu  intro- 
duit et  autorisé  tous  ces  avantages  des  dignités 
ecclésiastiques,  on  se  laissa  facilement  persua- 
der que  Constantin  avait  donné  commence- 
ment à  une  chose  dont  on  ne  savait  pas 
l'origine.  Ainsi  ce  n'a  pas  été  une  fausse  dona- 
tion, qui  a  comblé  tout  le  clergé  de  tous  ces 
titres  avantageux,  mais  c'a  été  leur  longue  et 
ancienne  possession  qui  a  fait  trouver  tant  de 
créance  à  cette  donation. 

VI.  Ces  dignités  ecclésiastiques  étaient  ap- 
pelées   par    les    GreCS   oocpixia,    àpxovrixà,    àÇiu|i.aTa 

(Ralsamon.  in  can.  vu  Synodi  G).  Ceux  qui  les 
possédaient  n'en  pouvaient  être  dépouillés  que 
par  un  jugement  canonique  et  non  pas  au  gré 
de  l'évêque.  Ainsi  ces  dignités  avaient  cet  avan- 
tage commun  avec  les  ordres  sacrés ,  desquels 
elles  étaient  comme  inséparables  (In  Syn.  Car- 
thag.,  can.  xxxiv). 

C'était  pour  les  mêmes  crimes  qu'on  était 
privé  des  ordres  et  de  ces  dignités.  Il  n'était 
pas  même  au  pouvoir  de  l'évêque  de  faire  in- 
jure à  celui  qui  était  depuis  longtemps  pourvu 
d'une  dignité  ,  en  lui  préférant  un  autre  plus 
jeune.  C'étaient  les  canons,  les  lois  et  le  mérite 
qui  devaient  régler  toute  cette  police. 

«  Nota  quod  episcopisdatum  est  clericos  suos 
ad  majores  gradus  provehere  ,  non  autem  ad 
minores  deprimere.  Quemadmodum  nec  ipsos 
ignominia  afficere,  in  sacrorum  graduum  con- 
fundendis  ordinibus,  et  eum  qui  fuit  heri  for- 
tasse  magistratus  ,  supra  omnes  antiquiores 
magistratus  collocando  ;  vel  eum  qui  ne  fuit 
quidem  omnino  magistratus,  per  promotionern 
in  majori  loco  constituendo.  Similiter  nota 
quod  ecclesiastica  officia  non  sunt  episcoporum 
potestatis,  tit  dicunt  nonnulli  ;  sed  canonum 
autoritatis  et  dignitatis  ,  sicut  nec  reliquorum 
ordinum  jura,  scilicetdiaconorum,sacerdotum 
et  reliquorum.  Nisi  enim  ita  esset ,  non  eum 
distinctione  ,  scilicet  propter  inobedientiam  , 
clerici  suis  gradibus  exciderent  ;  sed  seu  bene , 
seu  maie  ,  quando  vellent  episcopi  hoc  lieri. 
Hoc  autem  sanctis  Patribus  minime  visum  est. 
Pneterea  nota,  quod  nulla  est  differentia  cleri- 
calus  et  offlcii.  Ex  eadem  enim  causa  movetur, 
qui  lmbetoflicium,exquasacerdosetdiaeonus.» 


DES  DÉFENSEURS  ET  AUTRES  DIGNITÉS,  etc. 


•m:, 


Voilà  ce  qu'en  dit  Balsamon,  qui  ajoute  que 
les  moines  étant  compris  sous  le  nom  du  clergé, 

tout  ce  qui  a  été  dit  se  doit  étendre  aux  oflices 
des  monastères.  «  Praeterea  nota,  quod  quoniam 
sub  clericorum  nomine  etiam  monachi  conti- 
nentur,  recte  accipietur  canon  etiam  ad  mini- 
slros  monasteriorum.  » 

VII.  Il  n'est  pas  difficile  de  découvrir  la  pre- 
mière origine  de  cette  admirable  conformité 
entre  les  ordres  et  les  dignités  ou  les  oflices 
ecclésiastiques.  Tous  les  ordres  étaient  autant 
d'offices  et  de  dignités,  comme  il  paraît  encore 
dans  l'épiscopat.  Quand  les  besoins  nouveaux 
de  l'Eglise  donnèrent  commencement  à  de 
nouveaux  offices  ,  on  leur  donna  d'abord  des 
noms  et  des  titres  qu'on  ne  distingua  pas  des 
ordres  tels  que  sont  ceux  de  lecteur,  d'acolyte, 
de  cliantre,  et  peut-être  même  de  sous-diacre. 
Les  offices  qui  furent  ajoutés  ensuite  furent 
distingués  des  ordresàcause  du  long  intervalle 
qui  s'était  écoulé  ;  mais  comme  les  ordres 
mêmes  étaient  toujours  des  offices,  ces  nou- 
veaux offices  furent  réglés  par  les  mêmes  lois 
et  les  mêmes  canons  que  les  anciens.  Ainsi 
tous  ces  points  de  police  étaient  communs  aux 
ordres  et  aux  offices  ou  aux  dignités. 

Il  fut  donc  arrêté  :  1°  Que  l'évêque  pouvait 
bien  faire  monter  un  clerc  plus  haut  contre  sa 
volonté,  mais  il  ne  pouvait  point  le  rabaisser  à 
un  degré  inférieur,  si  son  crime  n'avait  mérité 
ce  châtiment. 

2°  Qu'il  ne  pouvait  pas  dans  le  même  degré 
d'ordre  ou  d'office  donner  rang  aux  nouveaux 
avant  les  anciens. 

3°  Qu'il  ne  pouvait  point  élever  à  un  office 
plus  éminent  celui  qui  n'en  avait  jamais  pos- 
sédé, en  lui  postposant  ceux  qui  étaient  déjà 
dans  les  offices  inférieurs. 

Les  mêmes  règles  avaient  lieu  dans  les  di- 
gnités et  les  offices  monastiques,  parce  que  les 
canons  comprenaient  assez  ordinairement  l'état 
monastique  dans  le  corps  du  clergé,  au  moins 
dans  ces  siècles  du  temps  moyen  où  la  clérica- 
ture  était  si  commune  parmi  les  religieux. 

VIII.  Balsamon  ne  croit  pas  qu'on  puisse 
forcer  un  ecclésiastique  à  se  soumettre  à  l'é- 
lection qu'on  a  faite  de  lui  pour  l'épiscopat , 
parce  que  ce  refus  peut  ne  provenir  que  d'une 
honnête  pudeur  et  d'une  louable  modestie  (In 
can .  Carthag.,  c.  xxxiv).  Mais  comme  ou  l'amour 
du  repos  ou  l'avarice  peuvent  quelquefois  arrê- 
ter les  ecclésiastiques  et  les  empêcher  d'obéir 
à  l'évêque  qui  les  appelle  à  un  ordre  ou  à  un 


office  plus  élevé  ,  les  canons  permettent  à  l'é- 
vêque  d'user  d'une  autorité  souveraine  dans 
ces  occurrences. 

Ainsi  si  un  diacre  refuse  l'office  de  référen- 
daire ps<peptv$èpie«  ou  de  docteur  S:î*jxaX'.;,  comme 
étant  trop  pénible  ;  si  le  premier  défenseur, 
KgM»Tsi&uco$ ,  ne  veut  point  accepter  la  charge  de 
sacristain,  u-M-n^f»,  parce  que  les  revenus  en 
sont  moins  considérables  ;  si  un  lecteur  re- 
fuse un  rang  plus  haut,  mais  plus  laborieux  ; 
dans  toutes  ces  diverses  espèces  la  désobéis- 
sance est  justement  punie,  parce  qu'elle  ne 
vient  que  de  l'avarice  ou  de  la  paresse. 

Enfin  Balsamon  croit  que  l'évêque  doit  user 
de  cette  autorité  suprême  dans  les  nécessités 
pressantes  de  son  Eglise,  mais  que  s'il  en  use 
hors  de  la  nécessité,  on  ne  laisse  pas  de  lui  de- 
voir obéir,  parce  qu'il  ne  fait  que  suivre  l'or- 
dre et  la  règle  des  canons  dans  les  promotions 
ecclésiastiques. 

IX.  On  peut  observer  la  distinction  que  nous 
avons  faite  des  ordres  et  des  offices  ,  dans  la 
cérémonie  même  qui  se  pratique  en  les  confé- 
rant. 

Les  évèques,  les  chorévêques,  les  prêtres,  les 
diacres  et  les  sous-diacres  sont  ordonnés  par 
l'imposition  des  mains,  x«po™«nrr<«  (Balsamon., 
in  can.  u,  Calced).  Ce  sont  les  ordres  les  plus 
anciens,  comme  l'imposition  des  mains  est  la 
plus  ancienne  des  cérémonies.  Les  chantres  , 
les  lecteurs,  les  présidents,  à  i?/,-.---i;,  et  quelques 
autres  reçoivent  la  tonsure  en  forme  de  croix, 
ce  qui  s'appelle  mpja-jU,  character.  Enfin  les  éco- 
nomes, les  cartulaires,  les  mansionnaires,  -.%■.%- 
|iovâpioi,  et  quelques  autres  sont  promus,  -y/ax- 
■,'.;-%:,  sans  aucune  imposition  de  mains. 

La  tonsure  ,  selon  le  langage  des  Grecs  ,  se 
peut  bien  appeler  en  quelque  manière  imposi- 
tion des  mains,  ■iy.y-.'.r.->.  ;  mais  ce  nom  ne  peut 
convenir  à  la  promotion  simple,  qui  s'appelle 
-y:;û.r.. 

X.  11  ne  faut  pas  oublier  la  constitution  de 
l'empereur  Héraclius,  qui  régla  le  nombre  des 
clercs  et  des  officiers  de  l'Eglise  de  Constanti- 
nople,  à  savoir,  deux  syncelles  ,  douze  chance- 
liers ,  dix  défenseurs  ,  douze  référendaires  , 
douze  gardes  des  vaisseaux  sacrés,  dont  quatre 
devaient  être  prêtres  ,  six  diacres  et  deux  lec- 
teurs. 

Cela  est  rapporté  dans  le  droit  oriental  de 
Leunclavius  ,  où  sont  aussi  nommés  plus  en 
détail,  en  un  autre  endroit,  tous  les  officiers  de 
l'Eglise  de  Constantinople    distribués  en  six 


330    DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.—  CHAPITRE  QUATRE-VINGT-DIX-NEUVIÈME. 


ordres  (Juris  Orient.,  1.  i,  p.  79).  Le  premier 
comprend  les  cinq  grands  officiers  dont  Balsa- 
mon  a  parlé  ci-dessus ,  et  le  grand  défenseur 
leur  est  joint  ensuite  dans  le  même  ordre.  Le 
second  ordre  contient  ces  noms  :  «  Protonola- 
rius,  logotheta,  castrensis  ,  referendarius,  a 
commentariis  (Ibid. ,  p.  304,  305,  327).  »  Dans 
le  troisième  se  trouvent  ceux-ci  :  «  Hieromne- 
mon,  suggeslor,  doctor  Evangelii,  doctor  Âpo- 
stoli,  doctor  Psalterii.  » 

Je  laisse  les  trois  autres  classes.  Mais  les 
réponses  de  Jean,  évècjue  de  Citre,  à  Cabasilas, 
archevêque  deDurazzo,  nous  éclairciront  beau- 
coup de  difficultés  sur  ce  sujet.  Il  assure  que 
la  première  de  toutes  les  dignités  était  celle  du 
grand  économe.  La  seconde  du  grand  sacel- 
laire,  ou  du  préfet  de  la  grande  chapelle,  i  i-i 
-i;  uE-ji/r;  bbxéUwç.  La  troisième  du  seévophylaee. 
La  quatrième  du  char tophy lace.  La  cinquième 
du  petit  sacellaire,  ou  du  préfet  de  la  petite  cha- 
pelle, S  èni  rfe  u:y.-ti;  aaauXkiK.  La  sixième  du  grand 
défenseur,  dont  la  charge  ne  fut  élevée  d'un 
rang  inférieur  à  ce  premier  ordre  que  par  le 
patriarche  Xiphilin.  Ce  sont  là  les  six  qu'on 
appelle  exocatacèles. 

Ce  prélat  fait  ensuite  le  dénombrement  des 
autres  offices  inférieurs,  entre  lesquels  il  n'ou- 
blie pas  celui  du  second  diacre,  -:  Sarapèuuv  ™v 
Jhomvmv,  qui  était  comme  le  vice-gérant  de 
l'archidiacre,  et  qui  avait  des  fonctions  fort 
importantes.  Il  dit  que  les  patriarches  se  don- 
naient beaucoup  de  liberté  à  changer  l'ordre 
des  offices  inférieurs,  sans  jamais  toucher  aux 
supérieurs  ;  qu'il  y  avait  d'autres  offices  qui  con- 
venaient principalement  aux  prêtres,  comme 
celui  de  catéchiste,  d'orphanolrophe,  ou  de 
père  des  orphelins,  et  de  périodeute  ou  de 
visiteur. 

M.  11  faut  passera  l'Eglise  latine,  aprèsavoir 
riirore  ajouté  ce  mot  des  docteurs,  dont  nous 
avons  déjà  fait  mention  entre  les  officiers  du 
patriarche  de  Constantinople. 

Balsamon  dit  qu'il  n'appartient  qu'aux  évo- 
ques de  prêcher  et  d'enseigner  les  peuples,  et 
ipie  par  conséquent  les  docteurs  qui  l'ont  celle 
fonction  à  Constantinople,  ne  la  font  que  par 
ordre  el  par  commission  du  patriarche.  Aussi 
ont-ils  un  rang  fort  honorable  dans  l'Eglise, 
comme  représentant  la  personne  du  patriarche, 
outre  les  distributions  qu'ils  reçoivent  en  ar- 
gent et  en  blé. 

«  Populura  docere  solis  est  datum  episcopis, 
et  magna;  Ecclesiaj  doclores  patriarche,  jure 


docent,  etc.  Proximi  post  ofûciales  assideant 
patriarche,  tanquam  ejus  personam  représen- 
tantes. Audimus  enim  eum  qui  pontifias  locum 
tenet,  maxima  gerere  semper  officia  (Ibid. 
p.  143).  » 

Enfin  la  qualité  de  docteur  était  un  degré 
pour  monter  aux  plus  hautes  dignités  de 
l'Eglise.  «  Per  docendi  munera,  provehantur  ad 

Officia,  àpxovrtxa.   » 

XII.  L'Eglise  romaine  a  toujours  continué 
d'avoir  ses  défenseurs.  Il  en  est  fait  mention 
dans  la  lettre  du  pape  Etienne  III  aux  rois 
Charles  et  Carloman  (Epist.  m). 

Les  capilulaires  deCharlemagne  (L.  v,  c.  31) 
renouvellent  le  canon  de  Carthage,  pour  de- 
mander aux  empereurs  des  défenseurs,  c'est-à- 
dire  des  protecteurs  des  pauvres  contre  les 
violences  des  riches.  Ils  supposent  ailleurs 
que  les  curés  même  de  la  campagne  ont  leur 
défenseur. 

Les  jugements  des  procès  sont  commis  aux 
présidents  des  villes,  ou  aux  défenseurs  (Ibid., 
c.  ix  et  ccxxxiv).  Il  est  vrai  que  tout  cela  se 
peut  entendre  des  défenseurs  laïques,  et  non 
des  ecclésiastiques,  qui  n'étaient  pas  alors  con- 
nus dans  la  France.  En  effet,  c'est  de  ceux-là 
dont  il  s'agit  dans  le  canon  de  Carthage. 

Enfin  il  est  constant,  par  un  autre  endroit  des 
capitulaires ,  (pie  les  défenseurs  des  Eglises 
n'étaient  autres  que  leurs  avocats,  ou  leurs 
avoués,  qui  leur  étaient  donnés  par  le  prince 
afin  de  les  protéger.  «  Pro  Ecclesiarum  cansis, 
ac  necessitatibus  earuni,  atque  servorum  Dei, 
exeeutores,  veladvocati,  seu  defensores,  quoties 
nécessitas  ingruerit,  a  principe  postulentur,  et 
ah  eo  fîdeliter  ac  libenter  juxta  canonicas  san- 
cliones  fidelissimi  dentur  (L.  vu,  c.  308).  » 

MIL  Nous  parlerons  plus  au  long  ailleurs 
des  avocats  des  églises,  mais  comme  la  fonction 
des  vidâmes  avait  beaucoup  de  rapport  à  celle 
des  défenseurs,  c'est  ici  le  lieu  d'en  traiter. 

Le  concile  de  Reims  tenu  en  813  (Can.  xxiv), 
ordonne  qu'on  établisse  dans  les  monastères  des 
chanoines  ou  des  réguliers,  des  prévôts  et  des 
vidâmes,  conformément  aux  canons  et  à  la 
règle  de  saint  Benoît.  «  Ut  praepositî  et  vice- 
doinini  secundum  régulas,  vel  canones  consti- 
tuantur.  » 

Le  concile  de  Mayence  tenu  en  813  (Can.  l), 
fit  le  même  décret,  où  il  nous  montre  en  même 
temps  la  convenance  de  tous  ces  offices  de 
vidâmes,  de  defenseurset  d'avocats.  «  Omnibus 
igitur  episcopis,   abbatibus  cunctoque  clero 


DÉS  DÉFENSEIUS  ET  Al'TKES  DIGNITES. 


i  ;; 


omnino  prsecipimus,  vicedominos,  praepositos, 

advocatos,  sive  defensores  bonos  babere,  non 
malos,  etc.  » 

Enfin  les  abbesses  avaient  aussi  leurs  vi- 
dâmes, qui  devaient  se  trouver,  avec  tous  les 
autres  vidâmes  ecclésiastiques,  dans  l'assemblée 
annuelle  de  la  province,  où  les  intendants  du 
prince  convoquaient  tous  les  évèques,  les  abbés, 
les  comtes  et  les  autres  officiers  de  leur  dépar- 
tement, pour  y  examiner  tous  les  dérèglements 
de  la  police  ecclésiastique  et  civile,  et  pour  y 
apporter  les  remèdes  les  plus  efficaces. 

C'est  ce  que  nous  lisons  dans  un  capilulaire 
de  Louis  le  Débonnaire  :  «  Volumus  ut  medio 
Maio  eonveniant  missi,  unusquisque  in  sua 
legatione,  cura  omnibus  episcopis,  abbatilms. 
comitibus  ac  vassis  nostris.  Advocatis  nostris, 
ac  vicedominis  abbatissarum  ,  nec  non  et 
eoruni .  qui  propter  aliquam  inevitabilem  ne- 
cessitatem  ipsi  venire  non  possunt  ad  locum 
nnum.  Et  in  eo  conventu  primum  Christian ae 
Religionis  et  ecclesiastici  ordinis  collatio  fiât. 
Deinde  inquirant  missi  nostri  ab  universis, 
qualiter  unusquisque  eorum  officium  sibi 
commissum  administre^  etc.  (Conc.  Gall.,  t.  i, 
p.  158).  » 

XIV.  On  pourrait  douter  si  ces  vidâmes 
étaient  ecclésiastiques  ou  séculiers  :  mais  il  me 
semble  qu'il  est  bien  plus  vraisemblable  qu'ils 
étaient  ecclésiastiques.  Ils  sont  ordinairement 
joints  aux  prévôts  qui  étaient  ecclésiastiques. 
La  maxime  des  conciles  et  des  Pères  était  de 
faire  plutôt  administrer  par  des  clercs  les  biens 
de  l'Eglise  que  par  des  laïques. 

Enfin  les  vidâmes  sont  associés  aux  archi- 
prètres,  aux  archidiacres  et  aux  curés  dans  un 
autre  capitulaire  du  même  empereur,  et  par- 
tagent avec  eux  la  gloire  d'être  les  coopérateurs 
du  sacré  ministère  des  évèques.  «  Quales  sint 

(1)  Qu'on  veuille  réfléchir  sur  ces  paroles  de  Thomassin  dans  l'ar- 
ticle 6  :  o  Ceux  qui  possédaient  ces  dignités,  n'en  pouvaient  être 
<i  dépouillés  que  par  un  jugement  canonique,  et  non  pas  au  gré  de 
€  l'évèque.  »  Toute  la  législation  de  l'Eglise  est  admirablement  ré- 
sumée dans  ces  mots.  Jamais  aucun  bénéficier  n'a  été  privé  de  son 
bénéfice  saDS  une  procédure  canonique.  Ce  n'est  pas  sans  une  pro- 
fonde douleur  qu'on  se  rappellera  un  jour  qu'en  France,  grâce  à  la 
disparition  du  droit  canonique,  on  a,  pendant  près  de  soixante  ans, 
jeté  sur  le  pavé,  sans  ressources,  sans  amis,  sans  abri,  livré  au  dé- 
sespoir, un  grand  nombre  de  prêtres  privés  SANS  JUGEMENT  de 
leur  bénéfice  paroissial,  et  voués  au  mépris  souvent  injuste,  sous  le 
nom  absurde  de  prêtre  interdit.  Mais  un  prêtre  ne  peut  qu'eue 
suspendu  provisoirement  de  son  office  par  sentence  épiscopale  ex 
informata  conscientia.  Pour  le  priver  de  son  bénéfice  ou  le  déposer, 
il  faut  absolument,  sous  peine  de  nullité,  une  procédure  canonique. 
Bénissons  donc  la  divine  Providence  qui,  en  rapprochant  le  clergé 
français  de  Rome,  dans  les  dernières  vicissitudes,  en  a  rapporté  le 
droit  canonique  qui  remplacera  tous  les  arbitraires. 

On  sait  qu'il  y  avait  trois  sortes  d'avoueries  ou  avocaties  ecclésias- 
tiques. L'une  était  appelée  forensis,  pour  défendre  les  intérêts  d'une 
paroisse,  d'un  évêché  ou  d'un   monastère  devant  les  tribunaux  ;    la 

Th.  —  Tome  II. 


adjutores  ministerii  episcoporum,  id  est  chore- 
piscopi,  archipresbyteri,  archidiaconi  et  vice. 

(loin  in  i,  el  presbyteri  per  parochias  eorum 
(Ibid.,  p.  166).  » 

XV.  Le  vidante  exerçait  sur  les  laïques  et  sur 
les  vassaux  de  l'Eglise  la  même  autorité  «pie 
le  prévôt  exerçait  sur  les  clercs.  Cela  paraît 
clairement  dans  Hinemar,  qui  donne  des  exem- 
ples de  cette  distinction  de  pouvoirs  (Binon., 
t.  h,  p.  :ji7,  706). 

Les  vidâmes  étaient  comptables  aux  évèques, 
d'où  vient  que  le  roi  Charles  le  Chauve,  étant 
piqué  de  quelques  termes  de  la  lettre  du  pape 
Nicolas,  lui  écrivit  que  les  rois  de  France 
n'étaient  ni  d'humeur,  ni  de  condition  à  être 
traités  comme  des  vidâmes  d'évêques:  «  Reges 
Francorum,  non  episcoporum  vicedomini,  sed 
terrae  domini  fuimus.  » 

Le  vidame  était  quelquefois  lui-même  avocat 
ou  avoué  d'une  église,  et  en  ce  cas  je  ne  sais 
s'il  ne  faut  point  se  relâcher,  et  confesser  que 
les  vidâmes  étaient  déjà  quelquefois  des  laïques. 
Tel  était  Radulphe.ou  Raoul,  vidame  et  avocat 
de  l'Eglise  de  Reims,  avec  lequel  l'archevêque 
Ebbon  travailla  pour  remettre  sous  la  juridic- 
tion et  le  domaine  de  l'Eglise  les  laboureurs 
qui  s'en  étaient  séparés.  «Mancipia,  velcolonos 
quosdam  Ecclesia?  desertores,  tam  per  seipsum, 
quain  per  Radulphum  vicedominum  et  Eecle- 
siae  advocatum  apud  judices  publicos  legibus 
evirulicatos  et  obtentos,  ecclesiastico  juri  re- 
stituit  (Flodoar.,  1.  i,  c.  19,  hist.  Rem.).  » 

Au  contraire  Théodore,  évêque  et  vidame 
de  l'Eglise  romaine  dont  il  est  parlé  dans  la  vie 
d'Etienne  IV,  nous  donne  sujet  de  croire  que 
dans  ce  temps-là  les  vidâmes,  en  Italie,  étaient 
ordinairement  choisis  d'entre  les  ecclésiasti- 
ques (l). 


seconde  armata,  parce  que,  dit  un  canoniste  :  a  Si  quid  contentio- 
nis  inter  ecclesias,  laicosve  prœpotentes,  aut  etiam  inter  episcopos  et 
monasteria  oriretur,  duello  omnis  decisio  committebatnr.  a  La  troi- 
sième avouerie  était  appelée  œconomica,  parce  qu'elle  se  bornait  à 
l'administration  des  biens  de  l'Eglise.  Il  y  avait  enfin  au-dessus  de 
tout  cela  l'avouerie  de  protection  qui  était  exercée  par  quelque  puis- 
sant prince.  On  sait  que  le  chef  du  Saint-Empire,  l'empereur  d'Alle- 
magne, portait,  parmi  ses  litres,  celui  à'avoué  ou  protecteur  de  l'E- 
glise, dont  il  recevait  l'investiture  au  jour  de  son  couronnement,  par 
l'épée  que  le  pape  allait  prendre  sur  le  tombeau  de  saint  Pierre, 
levata  de  corpore  Pétri,  et  qu'il  plaçait  dans  la  main  droite  de 
l'empereur,  comme  symbole  de  sa  haute  fonction  de  protecteur  de 
l'Eglise.  Ce  titre  fut  invoqué  à  la  fin  du  siècle  dernier,  au  milieu 
d'une  des  plus  grandes  tempêtes  qu'ait  éprouvée  la  barque  mystique, 
a  Jamais,  très-auguste  empereur,  écrivaient  à  François  II  les  cardi- 
n  naux  réunis  à  Venise  pour  élire  un  successeur  à  Pie  VI,  mort  pri- 
«  sonuier  à  Valence,  jamais  la  sainte  Eglise  de  Dieu  n'a  été,  p;r  la 
u  vicissitude  des  choses,  plongée  dans  un  aussi  grand  deuil,  au  pied 
a  du  trône  de  son  défenseur  et  de  son  protecteur  [Mémoires  du  Ciir- 
»  dinal  Coiisalvi,  t.  i,  p.  206).  t> 

(Dr  ANDRÉ). 


22 


338 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENTIÈME. 


CHAPITRE  CENTIEME. 


DES  SYNCELLES  ET  DES   CONSEILLERS,   PENDANT   LES   Hl'IT  PREMIERS   SIÈCLES   DE   L'ÉGLISE. 


I.  Des  syncelles  pendant  les  cinq  premiers  siècles. 

II.  Le  pape  saint  Grégoire  ne  souffre  plus  dans  le  service  des 
papes  que  des  ecclésiastiques  et  des  religieux,  pour  être  les 
témoins  de  leur  vie  et  les  imitateurs  de  leur  vertu.  Le  concile 
romain  l'ordonne  ainsi. 

III.  Ce  pape  y  exhorte  les  autres  évèques. 

IV.  Il  ne  souffre  lui-même  dans  son  palais  que  des  clercs  ou 
des  moines. 

V.  Edit  du  roi  d'Italie,  pour  obliger  les  ecclésiastiques  à  avoir 
un  syncelle. 

VI.  Les  conciles  d'Espagne  ordonnent  la  même  chose. 

VII.  Et  ceux  de  France  aussi. 

VIII.  Exemples  tirés  de  Grégoire  de  Tours. 

IX.  Syncelles  de  l'Eglise  grecque;  leur  nombre  et  leur  émi- 
nente  dignité. 

X.  De  la  dignité  des  conseillers. 

XI.  XII.  XIII.  Surtout  dans  l'Eglise  romaine. 
XIV.  Et  dans  celle  d'Alexandrie. 

I.  Il  faut  demeurer  d'accord  que  ces  noms  de 
syncelles,  et  de  conseillers,  ne  sont  que  des 
noms  d'offices,  plutôt  que  de  bénéfices;  mais 
comme  les  bénéfices  mêmes  n'ont  été  ori- 
ginairement que  des  offices,  et  (pie  les  offices 
ont  été,  dans  la  longue  suite  des  siècles,  érigés 
en  bénéfices,  nous  n'avons  pas  cru  les  pouvoir 
passer  sous  silence. 

Les  syncelles  étaient  ceux  qui  demeuraient 
dans  la  même  chambre,  ou  dans  la  même  cel- 
lule avec  les  évèques,  pour  être  les  témoins  de 
toutes  leurs  actions,  même  dans  le  particulier. 
Tel  était  apparemment  le  prêtre  Anastase,  qui 
avait  suivi  Nestorius  d'Antioche  à  Constanti- 
oople,  où  il  continua  de  vivre  avec  lui  dans  la 
même  familiarité  et  confidence.  «  Erat  fami- 
liaris  Nestorii  Anastasius  presbyter  qui  una 
cum  illo  profectus  erat  Antiochia.  Hune  Ne- 
storius magnoin  honore  habebat,  ejusquecon- 
silio  in  rébus  gerendis  utebatur  (  Socrat., 
1.  vu,  c.  32).  »  Mais  tels  étaient  indubitable- 
ment ceux  que  le  diacre  Iscbyrion  alléguait 
pour  témoins  des  crimes  dont  il  avait  accusé 
Dioscore  ,  archevêque  d'Alexandrie  ,  dans  le 
concile  de  Calcédoine.  «  Per  nominatos  a  me 
testes,  syncellos  ejus  constitutos  qui  bactenus 
cum  ipso  degunf  et  comitantur  (Act.  3).  » 

Agoraste  était  un  de  ces  syncelles  de  Dios- 
core, comme  il  paraît  par  la  requête  présentée 


contre  lui  dans  le  même  concile  par  le  laïque 
Sophronius,  qui  demanda  qu'on  le  produisît 
pour  le  convaincre  comme  le  témoin  et  le 
compagnon  des  effroyables  excès  de  Dioscore. 
«  Agorastum  unum  ex  cooperatoribus  cjus 
insaniae,  et  syncellum  ejus  existentem  jubete 
adduci.  » 

Dans  l'action  G  du  concile  de  Constanti- 
nople,  sous  Flavien,  Eusèbe,  évoque  de  Dory- 
lée,  accusateur  d'Eulychès,  demanda  qu'on  fit 
comparaître  Narsès,  prêtre  et  syncelle  d'Euly- 
chès. Ces  exemples  nous  apprennent  en  même 
temps  les  devoirs  et  l'utilité  des  syncelles.  Car 
comme  les  abbés  et  les  moines  avaient  quel- 
quefois d'autres  moines  dans  la  même  cellule, 
pour  s'éclairer  l'un  l'autre,  et  ne  rien  faire  en 
particulier,  dont  ils  pussent  rougir  en  public  : 
les  mêmes  étant  ensuite  appelés  à  l'épiscopat, 
conservèrent  ces  mêmes  inspecteurs  de  leur 
vie  secrète,  pour  être  à  jamais  ou  les  censeurs  de 
leurs  défauts,  ou  les  témoins  de  leur  inno- 
cence, ou  les  accusateurs  de  leurs  crimes. 

Sozomène  remarque  qu'Acace,  évêque  de 
Béroée,  se  fit  admirer  avec  justice,  ne  fermant 
jamais  ni  sa  maison,  ni  sa  chambre,  afin  de 
pouvoir  toujours  être  surpris  par  les  citoyens 
et  par  les  étrangers,  ou  plutôt  pour  s'engager 
lui-même  à  ne  jamais  rien  faire,  où  il  pût 
rougir  d'être  surpris  (Sozom.,  1.  i,  c.  7). 

Saint  Jérôme  semblait  avoir  donné  le  même 
conseil  à  Népotien.  «  Taies  habeto  socios,  quo- 
rum contubernio  non  infameris.  Si  lector,  si 
acolytus,  si  psaltes  te  sequitur,  non  ornentur 
veste,  sed  moribus.» 

Il  faut  néanmoins  observer  cette  différence 
entre  les  syncelles  des  évèques ,  et  surtout  des 
patriarches,  et  ceux  des  moindres  ecclésiasti- 
ques, que  les  premiers  étaient  des  dignités,  des 
charges  et  des  bénéfices  si  considérables,  que 
la  suite  des  siècles  nous  les  fera  voir  avec  ad- 
miration dans  le  comble  de  l'honneur  et  de 
la  puissance ,  comme  les  grands-vicaires  des 
évèques  et  des  patriarches,  et  assez  souvent 


DES  SYNCELLES  ET  DES  CONSEILLERS. 


.::m 


leurs  successeurs;  au  lieu  que  les  autres  ne  re- 
tiraient d'autre  avantage  de  cette  charge  que 
l'édification  réciproque  qu'ils  donnaient  à  leurs 
confrères,  et  qu'ils  en  recevaient. 

I I .  Saint  Grégoire  pane  ordonna,  dans  un  sy- 
node romain,  que  les  pontifes  romains  ne  se- 
raient plus  servis  dans  leur  chambre  par  déjeu- 
nes séculiers,  mais  par  des  ecclésiastiques,  ou 
même  par  des  religieux  qui  fussent  les  témoins 
de  leur  conduite  secrète,  et  qui  profitassent  de 
leurs  exemples.  «  Verecundum  mos  torporem 
indiscretionis  involvit,  ut  hujus  sedis  pontili- 
cilius  ad  sécréta  cubiculi  servitia  laid  pueri.  ac 
sœculares  obsequautur  ;  et  ornais  pastoris  vita 
esse  discipulis  semper  debeat  in  exemplo.  ple- 
rumque  clerici,  qualis  in  secreto  vita  sit  sui 
pontificis  nesciunt,  quam  tamen,  ut  dictum  est, 
pueri  sciunt  sœculares.  De  qua  re  praesenii  de- 
creto  constituto  ut  quidam  ex  clericis,  vel 
etiam  ex  monachis  electi,  minislerio  cubiculi 
pontilicalis  obsequantur,  ut  is  qui  in  hoc  loco 
est  regiminis,  habeat  testes  taies,  qui  vitam 
ejus  in  sécréta  conversatione  videant,  et  ex 
visione  sedula  exemplum  profectus  sumant 
(L.  iv,  ep.  14).  » 

Ce  décret  ne  regarde  véritablement  que  les 
pontifes  romains,  mais  les  mêmes  raisons  et 
les  mêmes  obligations  sont  communes  à  tous 
les  évèques.  Car  tous  les  évèques  sont  pasteurs, 
et  par  conséquent  leur  vie  doit  être  comme  un 
flambeau  brillant  toujours  exposé  aux  yeux  de 
leurs  disciples  :  a  Cum  pastoris  vita  esse  disci  ■ 
pulis  semper  debeat  in  exemplo.  » 

Il  importe  à  tous  les  évèques  que  le  plus  se- 
cret de  leur  vie  et  de  leur  conduite  domesti- 
que soit  éclairé  par  des  témoins  irréprocha- 
bles, et  éclaire  par  ce  moyen  tout  leur  diocèse. 
«  Ut  is  qui  in  loco  est  regiminis  habeat  testes 
taies,  qui  vitam  ejus  in  sécréta  conversatione 
videant,  et  ex  visione  sedula  exemplum  profe- 
ctus sumant.  » 

III.  C'est  de  ces  ecclésiastiques  inséparables 
de  leur  évèque  que  le  même  saint  Grégoire 
semble  parler  à  Sérénus,  évèque  de  Marseille, 
en  lui  faisant  une  réprimande  aussi  juste  que 
charitable,  de  ce  qu'il  souffrait  en  sa  compa- 
gnie et  dans  le  secret  même  de  sa  familiarité 
un  prêtre  criminel  et  impénitent,  ce  qui  était 
autoriser  le  crime  même  et  l'impénitence. 

a  Pervenit  ad  nos  quod  dilectio  tua  malos 
homines  libenter  in  sua  societate  recipiat,  adeo 
ut  presbyterum quemdam,  qui  postquam  lapsus 
est,  et  in  sua  adhuc  dicitur  iniquitatis  pollu- 


tione  versari,  familiarem  habeat.  Quod  quidem 
nos  ex  toto  non  credimus;  quia  qui  talem  reci- 
pit,  scelera  non  corrigit,  sed  magis  aliis  talia 
perpetrandi  videtur  dare  licentiam  (L.  ix , 
ep.  9,  49).  »  C'est  approuver  les  crimes  que  de 
n'en  pas  éloigner  les  auteurs.  «  Considéra  quam 
periculosum  sit  ante  oculos  Dei,  si  per  eum  a 
quo  plectenda  sunt  crimina,  nutriri  vitia  vi- 
deantur.  » 

Ce  saint  pape  avait  déjà  fait  auparavant  le 
même  reproche  à  Jean  le  Jeûneur,  patriarche 
de  Constantinople,  à  l'occasion  de  son  syncelle, 
à  qui  cette  haute  dignité  et  la  faveur  du  pa- 
triarche qui  en  est  inséparable,  n'était  qu'un 
instrument  pour  se  nuire  à  lui-même,  en  nui- 
sant impunément  à  tous  ceux  qui  devaient 
espérer  son  appui  et  sa  protection. 

a  Credo  quod  mihi  familiaris  vester  ille  ju- 
venculus  rescripsit,  qui  adhuc  de  Deo  nihil 
didicit,  qui  viscera  charitatis  nescit,  qui  ab 
omnibus  accusatur,  qui  insidiari  quotidie  di- 
versorum  mortibus  dicitur  per  occulta  testa- 
menta,  etc.  Mihi  crede,  frater,  ipsum  prius  cor- 
rige, ut  ex  his  qui  vobis  vicini  sunt,  et  ii  qui 
vicini  non  sunt,  exemplo  melius  emendentur 
(L.  h,  ep.  53).  » 

IV.  Jean  Diacre,  nous  a  appris,  dans  la  vie  de 
ce  saint  pape,  combien  exactement  il  pratiquait 
lui-même  ce  qu'il  avait  fait  résoudre  dans  ce 
concile,  et  ce  qu'il  exigeait  des  autres  évèques 
avec  tant  de  sévérité.  Il  écarta  du  palais  ponti- 
fical tous  les  laïques,  et  n'admit  dans  sa  famille 
que  d'excellents  ecclésiastiques  et  de  saints  re- 
ligieux. «  Remous  a  suo  cubiculo  saecularibus, 
clericos  sibi  prudentissimos  conciliarios  fami- 
liaresque  delegit  (L.  h,  c.  2,  12).  » 

Après  avoir  nommé  quelques-uns  de  ces 
ecclésiastiques,  dont  le  mérite  singulier  éclata 
dans  les  grands  emplois  qu'ils  eurent  ensuite, 
cet  auteur  vient  aux  moines  que  cepapeappro- 
cha  de  sa  personne,  et  associa  à  son  clergé 
dans  le  palais  apostolique.  «  Monachorum 
vero  sanctissimos  sibi  familiares  elegit,  inter 
quos,  etc.  » 

Les  apôtres  d'Angleterre  et  plusieurs  saints 
évèques  sortirent  de  cette  incomparable  société, 
que  ce  saint  pape  éclairait  jour  et  nuit,  pré- 
tendant lui-même  en  être  éclairé.  «  Cum  qui- 
bus  Gregorius  die  noctuque  versatus  ,  etc. 
(L.  xn,  ep.  10).  » 

Je  ne  puis  m'empècher  d'ajouter  ici  que 
Datien,  métropolitain  d'Arménie,  ayant  de- 
mande à  saint  Grégoire  des  enfants  égaux  en 


340 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENTIÈME. 


âge  et  en  beauté,  pour  en  faire  un  présent  à 
l'empereur,  ce  pape,  bien  loin  de  lui  en  en- 
voyer, lui  écrivit  que  pour  lui  il  aimait  mieux 
en  avoir  de  difformes  que  de  beaux.  «  Mei  si- 
miles,  videlicet  déformes  qusero.  »  Une  dispo- 
sition si  chaste  de  la  maison  épiscopale  est  un 
rempart  invincible  contre  les  attaques  de  la 
calomnie. 

V.  Nous  lisons  dans  Ennodius  une  ordon- 
nance royale,  où  il  est  commandé  aux  évèques, 
aux  prêtres  et  aux  diacres,  d'avoir  toujours  un 
autre  ecclésiastique  pour  compagnon  insépa- 
rable, et  pour  témoin  de  toutes  leurs  actions 
les  plus  secrètes;  que  si  leur  pauvreté  est  un 
Obstacle  à  cette  précaution,  ils  serviront  eux- 
mêmes  de  compagnon  et  de  témoin  à  quelque 
autre.  «  Nullum  ergo  sacerdotum  antiquis  et 
modernis  legibus  obsequentem  ,  nullumque 
levilarum  sine  bene  probata  volumus  in  quo- 
cumque  loco  manere  persona.  Vel  quein  sub- 
stantif exilitas  non  permiserit  babere  consor- 
tt  ni  ,  ipse  cancellaneus  fiât  alterius  (Opusc, 
cap.  vu).  » 

Dieu  voit  notre  innocence,  mais  les  nommes 
doivent  en  être  persuadés,  et  ils  le  seront  s'ils 
en  sont  témoins.  C'est  un  crime  aux  ecclésias- 
tiques de  ne  pas  faire  tout  ce  qui  leur  est  pos- 
sible pour  écarter  les  soupçons  mêmes  du 
crime.  Ils  sont  coupables  des  injustes  défiances 
cl  des  plus  noires  calomnies  qu'on  forme  contre 
eux,  s'ils  ne  tâchent  de  les  prévenir,  encore 
plus  pour  le  salut  des  autres  que  pour  leur 
propre  réputation.  «  Multos  habeat  aetuuin 
conscios,  qui  Deo  débet  innocentiam.  Videanl 
œmuli,  quia  qui  testes  habet,  vult  probari. 
Celle  vel  si  mens  sit  recti  conscia,  vindicla 
dignus  est,  qui  alii  existit  causa  periculi.  » 

Ce  pii nce  ne  fit  cette  ordonnance  qu'avec  le 
consentement  du  Siège  Apostolique  :  «  Aposlo- 
licae  Sedis  D.  Pétri  vel  praesulis  ejus  autoritate 
papœ  siil)iii\i.  »  Et  ce  fut  même  à  l'occasion 
des  infâmes  accusations  qu'on  avait  formées 
contre  le  pape  Symmaque,  que  cet  édit  fut 
fait  :  «  Cum  Apostolicse  Sedis  prœsulera  ,  et 
omnium  pêne  Ecclesiamm  gubernacula  tra- 
ctantem  per  proximi  tumultus  incendium, ini- 
mieorum  rabies  tali  ore  momordisset.  » 

Le  cardinal  Daronius  attribue  cette  constitu- 
tion a  Laurens,  archevêque  de  Milan  (Baronius, 
an.  :>(i-2,  n.  :i-^,  503;  n.  13,  11). 

Les  louanges  qu'Ennodius  et  que  Baronius 
même  après  lui,  ont  données  au  roi  Théodoric, 
touchant  l'estime  et  l'amour  même  qu'il  avait 


pour  l'Eglise  romaine,  peuvent  bien  le  faire 
juger  digne  d'avoir  fait  cet  édit,  qui  ait  été  en- 
suite soutenu  d'une  ordonnance  épiscopale. 

D'ailleurs,  ces  paroles  du  titre,  «  Prœeeptum 
quando  jussi  sunt  omnes  episcopi  cellulanos 
babere,  »  conviennent  beaucoup  mieux  àl'édil 
d'un  prince,  qu'à  l'ordonnance  d'un  évèque. 
Mais  il  nous  importe  peu  d'approfondir  qui  fut 
l'auteur  de  cette  ordonnance,  Théodoric  ou 
Laurens.  Le  titre  convient  mieux  à  Théodoric , 
l'ordonnance  à  Laurens. 

VI.  Comme  cette  déclaration  royale  suppose 
des  lois  précédentes  qui  aient  ordonné  ces 
mêmes  précautions  à  l'innocence  et  a  la  répu- 
tation des  évèques  et  des  clercs  majeurs,  nous 
trouvons  dans  le  concile  de  Girone  ,  en 
Espagne,  deux  canons  qui  prescrivent  à  tous 
lec  clercs  majeurs  d'avoir  toujours  un  garde 
et  un  témoin  inséparable  de  leur  probité. 

C'est  principalement  pour  ceux  qui  avaient 
été  mariés  que  cette  ordonnance  était  faite, 
pour  mettre  leur  continence  ta  couvert,  ou  des 
tentations,  ou  des  médisances  :  «  Placuit  a  pon- 
tifice  usque  ad  subdiaconatum,  post  suscepti 
honoris  officium  si  quis  ex  conjugitis  fuerit 
ordiuatus,  ut  semper  alterius  fratris  utatur 
auxilio,  cujus  testimonio  vita  ejus  debeat  cla- 
rior  apparerc  (Can.  vi).  » 

Mais  ce  concile  ne  laissa  pas  de  commander 
à  tous  les  autres  ecclésiastiques  qui  avaient 
famille,  quoiqu'ils  n'eussent  point  de  femmes, 
d'être  toujours  accompagnés  d'un  fidèle  témoin 
de  leur  conduite.  «  De  bis  qui  sine  uxorihus 
onlinantur,  et  familias  domus  habent,  habito 
secuin  pro  vita?  conversatione  fratre  in  testi- 
monium,  etc.  (Can.  vu).  » 

Le  concile  IV  de  Tolède  (Can.  xxu)  renou- 
vela la  même  ordonnance  pour  les  trois  ordres 
supérieurs.  Voici  pour  les  évèques  :  «  Ut  dein- 
ceps  cxrludatnr  oninis  nefanda  suspicio ,  aut 
casus.  et  ne  detur  ultra  saecularibus  obtre- 
ctandi  locus,  oportet  episcopos  testimoninm 
probabilium  personarum  in  conclavi  suo  ba- 
bere, ut  et  Deo  placeant  per  conscientiam  pu- 
ram,  et  Ecclesia:  per  optimam  famam.  » 

Quant  aux  piètres  et  aux  diacres,  ce  concile 
les  oblige,  ou  de  vivre  en  communauté  avec 
leur  évèque,  si  leur  santé  ou  leur  âge  le  leur 
permet,  ou  d'avoir  dans  leur  maison  un  autre 
ecclésiastique,  comme  un  invincible  rempart 
contre  la  calomnie.  «  Non  aliter  placuit,  ut 
quemadmodum  antisles,  ita  et  presbyleri  at- 
que  levitte,   quos  forte  infirmitas  aut  retatis 


DES  SYNCELLES  ET  DES  CONSEILLIONS. 


3il 


gravitas  in  conclavi  episcopi  manere  non  sinit. 
ut  iidem  in  cellulis  suis  testes  vitœ  habeant, 
vitamque  suam  sicut  nomine,  ita  et  meritis 
teueant  Can.  xxni).  » 

Enfin  ce  concile  (Can.  xxiv)  renferme  | 

les  mêmes  raisons  tous  les  clercs  inférieurs 
dans  un  séminaire.  «  Omnes  in  uno  conclavi 
eommorentur,  deputari  probatissimo  senioii, 
(plein  magistrum  doctrina  et  testem  vitœ  ba- 
beant.  » 

VII.  Le  concile  II  de  Tours  (Can.  xu)  nous 
représente  dans  la  France  les  mêmes  règle- 
ments qu'on  pratiquait  en  Espagne.  Car  si  l'é- 
vêque a  été  marié,  il  est  toujours,  après  son 
ordination,  accompagné  d'une  armée  céleste 
de  maints  ecclésiastiques,  qui  le  rendent  inac- 
cessible aux  attaques  de  la  chair,  aussi  bien 
qu'a  la  malignité  des  calomniateurs  :  «  Et  lieet 
Deo  propitio,  testimonio  clericorum  suorum 
castus  vivat,  quia  cum  illo  tam  in  cella,  quam 
ubicumque  fuerit,  sui  habitent,  eumque  pre- 
sbyteri  et  diaconi ,  vel  deinceps  clericorum 
turba  juniorum  Deo  autore  conservent,  etc.  » 

Si  Tévêque  n'a  point  été  marié,  ou  s'il  est 
veuf,  les  ecclésiastiques  ne  laissent  pas  d'être 
en  garde  continuelle  auprès  de  lui ,  et  d'en 
écarter  toutes  les  femmes  étrangères.  «  Ha- 
beant  ministri  ecclesiœ ,  utique  clerici,  qui 
episcopo  servi unt,  et  eum  custodire  debent, 
licenliam  extraneas  mulieres  de  frequentia 
cohabitationis  ejicere  (Can.  xiu).  » 

Ces  clercs  qui  sont  au  service  de  l'évêque, 
selon  les  termes  de  ce  concile,  «  clerici  qui 
episcopo  serviuut,  »  ne  sont  nullement  désho- 
norés par  ce  ministère.  Si  l'évêque  est  l'image 
vivante  de  J.-C,  si  la  royauté  de  son  divin 
sacerdoce  réside  principalement  en  lui ,  ceux 
qui  le  servent,  même  dans  son  particulier,  sont 
les  princes  de  sa  cour;  et  ils  sont  aussi  émi- 
nents  par-dessus  les  princes  de  la  terre,  que  la 
royauté  céleste  de  J.-C.  est  infiniment  rehaus- 
sée par-dessus  tous  les  empires  du  monde. 

Le  concile  romain,  sous  saint  Grégoire,  se 
servit  des  mêmes  termes  :  «  Ad  sécréta  cubi- 
culi  servitia.  »  Aussi  ce  concile  de  Tours  sem- 
ble nous  montrer  que  la  piété  des  évêques  rie 
France  avait  prévenu  les  règlements  de  ce  pape, 
et  n'admettait  plus  que  des  clercs  au  service 
des  évêques. 

Enfin  ce  concile  de  Tours  (Can.  xix)  oblige 
les  archiprêtres,  même  de  la  campagne  ,  a  se 
faire  aussi  toujours  accompagner  par  quelques 
clercs  mineurs,  soit  aux  champs,  soit  chez  eux. 


«  Seu  in  vico  manscrit,  seu  ambulaverit,  unus 
lector  canonicorum  suorum  aul  certus  aliquis 
de  numéro  clericorum  cum  illo  ambulet,  et  in 
cet  la.  ubi  ille  jacet,  lectum  babeat,  pro  testi- 
monio.  » 

VIII.  Grégoire  de  Tours  nous  enseigne  la 
pratique  de  ces  décrets.  Parlant  d'Ethérius, 
évêque  de  Lisieux,  il  le  fait  coucher  dans  une 
même  chambre  où  étaient couebés  avec  lui  un 
grand  nombre  de  clercs,  slnstrato  suoquievit, 
habens  circa  lectum  suum  multos  lectulos  cle- 
ricorum (L.  vi,  c.  36),  »  Il  est  vrai  que  cet 
évêque  redoutait  alors  avec  raison  les  embû- 
ches de  ses  ennemis,  mais  cela  ne  l'obligea 
apparemment  qu'à  augmenter  le  nombre  de 
ses  gardes. 

Le  prêtre  et  le  diacre  qui  ont  écrit  la  vie  de 
saint  Césaire,  dont  ils  avaient  été  les  disciples 
et  les  syncelles ,  protestent  qu'étant  couebes 
dans  sa  même  chambre,  ils  l'ont  souvent  ouï 
durant  la  nuit,  pendant  son  sommeil,  parler 
avec  la  même  ferveur  que  lorsqu'il  prêchait 
dans  son  église,  du  redoutable  jugement  que 
Dieu  doit  faire  des  hommes  à  la  fin  des  siècles, 
et  de  la  félicité  sans  fin  des  bienheureux. 
«  Nos  ipsi  vel  conservi  nostri,  qui  in  cella 
ipsius  manserunt,  sciunt  quae  diximus ,  etc. 
Fréquenter  in  sopore  positus  de  future  judicio, 
vel  de  éeterno  praemio  prsedicabat  (L.  n,  c.  ~2, 
3).»  Le  diacre  seul  parle  de  lui-même  dans  h: 
chapitre  suivant.  «  Cum  in  cella  ipsius  diaconus 
in  servitio  illius  ad  judicium  delectus  essem, 
curam  me  inter  reliqua  de  nocturnis  horis 
jusserat  habere.  » 

C 'était  donc  l'usage  commun  de  parler  des 
prêtres  même  et  des  diacres,  de  dire  qu'ils 
étaient  au  service  de  l'évêque,  mais  l'exemple 
même  de  ceux-ci  montre  manifestement  que 
ces  serviteurs  étaient  effectivement  les  disciples 
comme  saint  Grégoire  les  a  aussi  appelés  dans 
le  premier  passage  que  nous  en  avons  rapporté. 

IX.  Comme  l'origine  du  nom  de  celle,  x&xwv, 
et  de  syncelle  est  venue  de  la  Grèce,  la  dignité 
des  syncelles  y  a  été  aussi  sans  comparaison 
plus  éminente,  et  leur  puissance  plus  redouta- 
ble. Au  lieu  que  les  papes  et  les  autres  évêques 
d'Occident  en  avaient  plusieurs  dont  fout  le 
pouvoir  ne  consistait  qu'à  rendre  témoignage 
de  leur  vie  et  profiter  eux-mêmes  de  leur  doc- 
trine et  de  leur  sainteté ,  les  patriarches  grecs 
n'avaient  qu'un  syncelle,  ou,  entre  plusieurs 
syncelles,  ils  avaient  un  protosyncelle  qui 
devint  enfin  le  confident  de  leurs   conseils 


312 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  CENTIÈME. 


et    l'unique    dépositaire    de    leur    autorité. 

Ainsi  lessyncelles  paraissent  toujours  comme 
les  premiers  ministres  du  patriarche  durant  sa 
vie,  et  ordinairement  ils  leur  succèdent  après 
leur  mort. 

Un  des  accusateurs  de  Dioscore,  patriarche 
d'Alexandrie,  dans  le  concile  de  Calcédoine 
(Act.  3) ,  promit  de  prouver  tous  les  chefs  de 
son  accusation  par  les  syncelles  propres  de 
Dioscore  :  «  Per  nominatos  a  me  testes,  syn- 
cellos  ejus  constitutos,  qui  hactenus  cum  ipso 
degunt  et  comitantur.  »  Un  autre  accusateur 
du  même  Dioscore  nomma  son  syncelle  Ago- 
raste  comme  le  complice  de  ses  crimes  : 
«  Unum  ex  cooperatoribus  ejus  insaniœ  ,  syn- 
cellum  ejus  existentem.  » 

Le  patriarche  d'Alexandrie  avait  peut-être 
alors  plusieurs  syncelles,  mais  lorsque  le  diacre 
romain  Dioscore  écrit  au  pape  Hormisde  que 
Jean,  patriarche  de  Constantinople,  étant  mort, 
le  prêtre  Epiphane,  qui  avait  été  son  syncelle  , 
lui  avait  aussi  été  donné  pour  successeur  :  «In 
eujus  locum  Epiphanius  quidam  presbyter  , 
quondam  syncellus  ejus  successit  (Post  ep. 
lxx  Hormisd.)  ;  »  et  lorsque  le  synode  de  Cons- 
tantinople nomme,  dans  sa  lettre  synodale  au 
pape  Héraclien  ,  prêtre  de  la  grande  église  de 
Constantinople  et  syncelle d'Epiphane,  patriar- 
che :  «  Cohabitator  patriarche  Epiphanii  »,  il 
ne  parait  qu'un  syncelle.  Il  est  vrai  que  dans 
la  conférence  des  catholiques  avec  les  Sévé- 
riens,  en  l'an  .h!v2,  on  nomme  Héraclien  et  Lau- 
ivns  prêtres  et  syncelles  du  patriarche  Epi- 
phane. Dans  le  concile  romain,  sous  Martin  Ier, 
il  est  parlé  d'Etienne,  prêtre,  syncelle  et  char- 
tophylace  du  patriarche  Sergius  (Consult.  iv). 

Anastase  Bibliothécaire,  dans  son  histoire, 
raconte  comment  l'impie  Léon  d'Isaurie,  épiant 
les  occasions  de  déposer  le  saint  patriarche  de 
Constantinople,  Germain,  parce  qu'il  avait 
trouvé  en  lui  un  invincible  défenseur  des 
saintes  images,  corrompit  Anastase,  son  disciple 
et  son  syncelle,  en  lui  promettant  son  trône  pa- 
triarcal pour  le  prix  de  sa  trahison.  «  Habuit 
in  hoc  comparticipem  discipulum  ejus  et  syn- 
cellum  Anastasium  ,  cui  spopondit ,  utpote 
impietatis  sua;  consentaneo,  throni  cum  adul- 
terum  successorem  futurum.  »  Germain  s'étant 
démis  lui-même,  cet  Anastase  lui  succéda. 

Ce  même  auteur,  aussi  bien  que  Théophane, 
avait  dit  auparavant  que  Jean  le  Cappadocien, 
de  syncelle,  devint  lui-même  patriarche  de 
Constantinople  après  la  mort  de  Timothce ,  et 


eut  aussi  pour  successeur  Epiphane,  son  syn- 
celle. Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  faire  voir 
l'élévation  et  le  pouvoir  des  syncelles.  Aussi, 
les  patriarches  furent  forcés,  avec  le  temps,  de 
les  multiplier  jusqu'à  un  si  grand  nombre , 
qu'ils  en  eurent  eux-mêmes  de  la  honte ,  et  le 
patriarche  Serge  les  réduisit  à  deux,  par  une 
constitution  insérée  dans  le  droit  oriental  (L.  n). 

L'ambition  des  ecclésiastiques  et  la  facilité 
excessive  des  patriarches  ne  put  se  contenir 
dans  ces  bornes  ;  le  nombre  des  syncelles  se 
multiplia  encore  sans  mesure,  mais  on  donna 
au  premier  et  au  plus  éminent  la  qualité  de 
protosyncelle. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  saint  et  invin- 
cible patriarche  Taraise,  de  Constantinople, 
eut  le  déplaisir  de  voir  tous  ses  syncelles  cor- 
rompus par  l'empereur  ,  devenir  ses  espions 
et  ses  ennemis  domestiques  ,  comme  nous 
l'apprend  l'auteur  de  sa  vie. 

X.  On  a  bien  pu  remarquer,  dans  ce  qui  a 
été  dit  des  syncelles,  que  c'étaient  les  conseil- 
lers, Consiliarii,  du  pape,  des  patriarches  et 
des  évêques.  C'est  donc  ici  le  lieu  de  dire  quel- 
que chose  de  cette  dignité  de  conseillers. 

Jean  Diacre  donne  cette  qualité  aux  syncelles 
du  pape  saint  Grégoire  le  Grand  :  «  Remotis  a 
cubiculo  suo  sœcularibus,  clericos  sibi  pruden. 
tissimos  consiliarios  familiaresque  delegit 
(L.  n,  vita  ejus,  c.  14,  1-1).  » 

C'étaient  ces  saints  ecclésiastiques  et  ces 
excellents  religieux  qui  composaient  le  conseil 
secret  de  ce  grand  pape,  et  qui  ayant  les  pre- 
miers foulé  aux  pieds  toutes  les  grandeurs  du 
monde,  ayant  renoncé  aux  plaisirs  trompeurs 
des  sens ,  et  s'étant  entièrement  consacrés  à  la 
sagesse  du  ciel  et  à  la  perfection  évangélique  , 
faisaient  régner  ce  même  esprit  de  réforme  et 
de  sainteté  dans  tous  leurs  conseils  et  dans 
toutes  leurs  résolutions. 

«  Arcessebantur  pontificalibus  profundis 
consiliis  prudentes  viri,  quos  perhibui,  polius 
quam  potentes;  et  a  paupere  philosophia  intrin- 
secus  quid  potius  aut  potissimum  in  unoquo- 
que  negotio  sequendum  videretur,  artitîciosis 
argumentationibus  rationabiliter  inquirente, 
dives  inertia,  qua;  modo  se  de  sapientibus  pari 
sorte  ulciscitur,  prœ  cubiculi  foribus  despica- 
bilis  remanebat.  » 

Saint  Grégoire  parle  lui-même  de  ses  con- 
seillers et  des  autres  personnes  savantes  de  la 
ville  de  Rome,  dont  il  prenait  les  avis  dans  les 
affaires  importantes  et  embarrassées.  «  Neces- 


DES  SYNCELLES  ET  DES  CONSEILLERS. 


343 


sarium  visum  est  nobis,  tam  cum  consiliariis 
nostris,  quam  cum  aliis  hujus  civitatis  doctis 
viris,  quid  esset  agendum,  de  lege  tractare. 
Qui  tractantes  respouderunt,  etc.  (L.  vu,  ind.  2, 
ep.  vu).  »La réponse  de  ces  hommes  savants  de 
Rome  et  de  ces  conseillers  domestiques  du 
palais  pontifical,  fut  l'oracle  qui  émana  de  la 
bouche  de  ce  saint  et  savant  pape.  Les  grands 
officiers  de  l'empire  avaient  aussi  leurs  con- 
seillers (L.  i,  ep.  36). 

XI.  Pour  montrer  que  c'était  véritablement 
un  office  et  une  dignité,  et  non  pas  un  nom, 
ou  une  qualité  superficielle,  il  ne  faut  que  rap- 
porter le  commencement  de  la  lettre  que  le 
Saint-Siège  écrivit  en  Angleterre  sur  la  Pâque, 
lorsque  le  pape  Jeau  IV  n'était  encore  qu'élu 
pape  et  non  encore  consacré.  Car  voici  les 
noms  et  les  titres  de  ceux  qui  écrivirent  la 
lettre  :  «  Hilarius  archipresbyter  et  servans 
locum  saneta?  Sedis  Apostolicœ,  Joannes  Dia- 
conus  et  in  nomine  Dei  electus.  item  Joannes 
priinicerius  et  servans  locum  sanctae  Sedis 
Apostolicœ,  et  Joannes  servus  Dei  consiliarius 
ejusdem  Apostolica:' Sedis  (Beda,  1.  h,  c.  xix).» 
La  qualité  que  prend  ce  dernier,  de  serviteur 
de  Dieu,  nous  fait  croire  qu'il  était  religieux. 
Aussi  Jean  Diacre  nous  a  assuré  que  les  con- 
seillers de  saint  Grégoire  étaient  en  partie 
clercs,  et  en  partie  religieux.  Or  cette  sous- 
cription montre  évidemment  que  comme  les 
qualités  d'archiprètre,  de  diacre,  de  primicier 
étaient  des  dignités  effectives  et  permanentes, 
il  faut  faire  le  même  jugement  de  celle  de  con- 
seiller. 

XII.  Le  même  Bède,  qui  a  inséré  cette  lettre 
dans  son  histoire,  parle  ailleurs  de  l'archidiacre 
de  Rome,  Boniface,  qui  était  aussi  conseiller 
du  Siège  Apostolique,  et  fort  habile  dans  toutes 
les  sciences  ecclésiastiques;  aussi  le  célèbre 
Wilfrid  le  mit  au  nombre  de  ses  disciples,  dès 
qu'il  fut  arrivé  à  Rome. 

«  Venions  vero  Wilfiidus,  Romam,  pervenit 
ad  amicitiam  viri  sanctissimi  et  doctissimi  Bo- 
nifacii  scilicet  archidiaconi,  qui  etiam  consilia- 
rius erat  aposlolici  papae,  cujus  magisterio  qua- 
tuor Evangeliorum  libres  ex  ordine  didicit. 
computum  Pascha?  rationabilem,  et  alia  multa 
quœ  in  patria  nequiverat,  ecclesiasticis  disci- 
plinis  accommoda,  eodem  magistro  tradente 
percepit  L.  v,  c.  xx).  » 

Voilà  quelle  était  l'abondance  de  toutes  les 
sciences  ecclésiastiques  dans  ces  sources  admi- 
rables ,  où  le  pape  même  avait  recours.  Il  est 


raconté,  dans  les  actes  du  concile  II  de  Nicée, 
que  le  pape  Benoit  II  tâcha  de  faire  rentrer 
dans  la  créance  catholique  l'hérésiarque  Ma- 
caire,  pour  le  faire  ensuite  remonter  sur  le 
trùne  d'Antioche  Baronius.  ann.GK.">,  n.  8).  Et 
il  lui  envoya  pour  cela  son  conseiller,  c'est-à- 
dire  le  plus  savant  de  sa  cour.  Car  entre  toutes 
les  dignités  ecclésiastiques,  celle  de  conseiller 
est  sans  doute  celle  qui  demande  plus  de 
science  et  plus  de  sagesse. 

XIII.  Anastase,  bibliothécaire,  rapporte,  dans 
la  vie  du  pape  Serge  I",  que  ce  pape  ayant 
résisté  avec  une  fermeté  inflexible  aux  pres- 
santes instances  que  lui  faisait  l'empereur  Jus- 
tinien  II,  de  recevoir  les  canons  du  concile 
in  Trullo,  cet  empereur,  irrité  de  ce  refus,  fit 
enlever  de  Borne  et  conduire  à  Constantinople 
Jean,  évêque  de  Porto,  etlioniface,  conseiller 
du  Siège  Apostolique  :  «  Bonifacium  consilia- 
rium  Apostolica?  Sedis,»  comme  les  auteurs  de 
cette  vigoureuse  résistance  du  pape. 

Je  ne  sais  si  cet  abbé  Jean ,  dont  il  est  parlé 
dans  la  lettre  de  saint  Maxime,  martyr,  au  prêtre 
Marin,  et  qui  y  est  appelé  Symponus  ,  n'aurait 
point  aussi  été  conseiller  du  pape  Honorius, 
puisque  ce  fut  lui  qui  dicta  la  lettre  de  ce  pape, 
qu'on  flétrit  dans  le  sixième  concile  général,  et 
qui  en  donna  une  interprétation  favorable, 
protestant  que  ce  pape  n'avait  jamais  eu  dessein 
de  s'opposer  au  dogme  des  deux  volontés  de  J.-C. 

XIV.  Si  le  concile  de  Xicée  a  regardé,  dans  son 
sixième  canon,  l'Eglise  romaine  comme  le  mo- 
dèle de  toutes  les  autres,  il  est  aussi  à  croire 
que  les  autres  évèques  avaient  leurs  conseil- 
lers, aussi  bien  que  le  Siège  Apostolique.  Je  nie 
contenterai  d'ajouter  un  témoignage  admira- 
ble de  Léontius,  évêque  de  Chypre,  dans  la  vie 
de  saint  Jean  l'Aumônier,  patriarche  d'Alexan- 
drie, que  le  même  Anastase  Bibliothécaire  tra- 
duisit en  latin  .  et  qu'il  dédia  au  pape  Nicolas 
(Anast.  Bibliot.  Collect.,  p.  33,  cap.  xxxi). 

Voici  ce  qu'il  dit  des  dignes  conseillers  de  ce 
saint  patriarche.  «  Ad  voluntatem  ejus,  quœ 
tota  in  Deo  erat,  misit  ei  Deus  viros  sapienles, 
et  semper  memorandos  Joannem  et  Sophro- 
nium.  Consiliarii  enim  erant  veraciter  boni , 
quibus  et  tanquam  Patribus  indiscrète  obedie- 
lj.it  et  gratias  agebat,  tanquam  constantibus 
maxime,  et  viriliter  agentibus  militibus,  pro 
pietate  religionis.  Etenim  sancti  Spiritus  virtute 
freti,  etc.  » 

Voilà  une  excellente  peinture  des  conseillers 
d'un  évêque. 


3  ;  i 


DE  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.        CHAPITRE  CENT-UNIÈME. 


CHAPITRE  CENT-UNIEME. 


DES   SYNCELLES   ET   DES    CONSEILLERS,   DEPUIS   L  AN    HlIT   CENTS   IUSQTJ  EN    L  AN    MIL. 


I.  On  travaille  en  France  à  donner  des  syncelles  à  tous  les 
évèques,  à  l'imitation  du  grand  saint  Grégoire. 

II.  On  y  travaille  aussi  en  Italie. 

III.  Les  syncelles  étaient  des  moines  ou  des  ecclésiastiques, 
mais  plutôt  des  ecclésiastiques  dans  l'Occident. 

IV.  C'étaient  très-souvent  des  moines  daus  l'Orient. 

V.  c'étaient  quelquefois  des  espions  que  l'empereur  donnait 
aux  patriarches. 

VI.  Les  syncelles  succédaient  souvent  aux  patriarches. 

VII.  Les  princes,  les  évèques,  les  archevêques  briguèrent 
alors  le  syncellat. 

VIII.  D'où  il  arriva  que  les  syncelles  prirent  séance  au-dessus 
des  métropolitains. 

IX.  Des  conseillers  des  princes,  au  conseil  desquels  on  traite 
les  causes  de  l'Eglise. 

X.  Manière  admirable  dont  Charlemagne  en  usait. 

XI.  lue  partie  de  ces  conseillers  étaient  ecclésiastiques. 

XII.  Trois  sortes  de  conseils,  selon  Hincmar,  où  les  ecclésias- 
tiques avaient  part. 

XIII.  C'était  dans  l'un  de  ces  conseils,  où  souvent  les  évè- 
chés  se  donnaient. 

XIV.  Si  les  empereurs  et  si  Charlemagne  eurent  des  syncelles. 

XV.  Des  conseillers  des  papes. 

XVI.  De  ceux  qui  étaient  appelés  Deliciosi,  Favoris. 

1.  Les  syncelles  étaient,  comme  nous  avons 
dit,  les  témoins  éternels,  et  les  compagnons 
inséparables  des  évèques  ,  dont  ils  observaient 
la  conduite  la  plus  secrète,  dans  leur  palais  et 
dans  leur  cabinet. 

Mais  cette  coutume  si  sainte  s'étant  comme 
abolie,  les  Pères  du  concile  VI  de  Paris  travail- 
lèrent à  la  renouveler,  par  les  exemples  de  saint 
Augustin  et  de  saint  Ambroise,  et  par  les  dé- 
crets du  grand  saint  Grégoire,  dans  un  concile 
romain. 

Ce  grand  pape  bannit  les  laïques  de  son  pa- 
lais ,  et  voulut  que  les  pontifes  ne  fussent  a 
l'avenir,  ni  servis  ,  ni  observés  dans  leur  con- 
versation domestique  que  par  des  ecclésiasti- 
ques capables  de  profiter  de  la  vie  toute  édi- 
fiante et  toute  sainte  de  leur  pasteur. 

Voici  le  décret  du  concile  romain  qui  fut  tenu 
sous  ce  saint  pape.  «  Pnrsenti  decreto  consti- 
iuto,  ut  quidam  ex  clericis,  vel  etiam  ex  mo- 
nacbis  electi,  ministerio  cubiculi  pontificalis 
obsequantur,  ut  is  qui  in  loco  est  regiminis , 
habeat  testes  taies,  qui  vitœ  ejus  in  secreto 
conversationein  \uleant,  et  ex  visione  sedulu 
exempluni  profectus  sumant.  » 


Le  concile  de  Paris  de  l'an  829  (Can.  xx  )  , 
témoigne  une  extrême  douleur  de  ce  qu'une 
coutume  si  sainte  avait  été  négligée  par  quel- 
ques évèques,  qui  vivaient  seuls  dans  leur  cabi- 
net sans  la  présence  de  ces  témoins  ,  que  leur 
piété  eût  pu  édifier.  «  Sed  quia  nonnullos  socios 
ordinis  nostri ,  sine  bis  personis,  quas  sua 
religiosa  conversatio  testes  habere,  et  quibus 
exemplum  bonum  debuit  praebere,  cubicula 
secreti  soi  didicimus  incolere,  id  non  sine  ma- 
gna turbidaque  indignatione  ferre  potuimus 
(Capitulare  Car.  Mag.,  1.  v,  c.  clxxiv).  » 

Enfin  ce  concile  (Can.  xxi)  ne  fit  pas  paraître 
moins  d'indignation  contre  les  prélats  qui  se 
plaisaient  davantage  à  converser  avec  les  laï- 
ques qu'avec  les  ecclésiastiques  :  «  Non  cum 
clericis ,  sed  potius  seorsum  cum  laicis  et  qui- 
busdam  familiaribus  suis  sermocinari  et  con- 
vivari  delectantur.  » 

IL  L'évêque  devait  donc  toujours  être  accom- 
pagné ou  de  ses  ecclésiastiques,  ou  de  quelques 
saints  religieux,  non-seulement  en  public,  mais 
en  particulier  aussi  dans  le  plus  secret  de 
son  palais ,  afin  d'avoir  toujours  des  témoins 
de  son  innocence,  et  des  disciples  de  sa  piété. 

Ce  décret  fut  encore  renouvelé  dans  le  con- 
cile de  Pavie  qui  fut  tenu  en  850  (Can.  [). 
«  Oportet  igitur,  ut  cubiculo  episcopi  et  secre- 
tioribus  quibuslibetobsequiis  sinceraopinionis 
sacerdotes  et  clerici  assistant ,  qui  vigilantem  , 
orantem  ,  sacra  eloquia  scrutantem  episcopum 
suum  jugiter  attendant,  ejusque  sanctae  con- 
versationis  testes,  imitatores,  et  ad  Dei  gloriam 
pnedicatores  existant.  » 

Cela  nous  marque  que  la  vie  de  l'évêque  en 
particulier,  ne  devant  être  qu'une  vigilance, 
une  prière,  une  méditation  des  Ecritures  infa- 
tigable ,  il  était  nécessaire  qu'elle  eût  des 
témoins,  des  imitateurs  et  des  panégyristes, 
pour  la  gloire  de  Dieu,  et  pour  l'édification  des 
peuples. 

III.  Saint  Grégoire  a  donné  ou  des  clercs,  ou 
des  moines  pour  faire  cette  fonction  de  syn- 


DKS  SYNCELLES  ET  DES  CONSEILLERS. 


315 


celles  auprès  de  l'évèque.  En  effet,  le  pape 
Léon  111  assure,  dans  une  de  ses  lettres,  qu'Au- 
gustin, apôtre  d'Angleterre,  avait  été  lui-même 
syucelle  de  saint  Grégoire  :  «  Augustino  syn- 
cello  suo  Epist.  i).  »  Mais  les  conciles  que  nous 
venons  de  citer  semblent  nous  persuader  que 
cette  charge  était  réservée  aux  ecclésiastiques, 
«  Sacerdotes  et  clerici.  » 

Les  aumôniers  et  les  chapelains  des  évoques 
peuvent  bien  avoir  été  un  reste  des  anciens 
syncelles.  Témoin  saint  Udalric,  évêqued'AugS- 
bourg,  qui  avait  toujours  avec  lui  un  de  ses 
clercs  dans  son  carrosse,  pour  réciter  ensemble 
les  psaumes  ,  outre  les  prêtres  qui  l'accompa- 
gnaient, pour  pouvoir  célébrer  la  sainte  messe 
avec  plus  de  pompe  et  de  solennité. 

«  Sedebat  in  solio  super  carpentum  compo- 
sito,  de  humerulis  plaustri  in  ferro  pendente, 
et  cum  eo  unus  clericus  de  capellanisejus,  qui 
cum  eo  totos  dies  psalmos  decantasset.  Comi- 
tari  semper  cum  illo  aliquos  suos  presbyteros 
prudentissimos,  etdecapellanistantum  utquo- 
ti'lie  servitium  Dei  décore  perflcere  potuisset, 
praecepit  (Surius,  Julii  die  4,  c.  iv  .  » 

IV.  Les  patriarches  et  les  évèques  orientaux 
élevaient  ordinairement  des  moines  à  cette  di- 
gnité de  syncelles,  ce  qui  parait  en  la  personne 
de  Jean  et  de  Thomas,  moines  et  prêtres,  qui 
assistèrent  au  concile  II  de  Nicée,  avec  la  qua- 
lité de  légats  des  trois  sièges,  des  patriarches 
d'Alexandrie,  d'Antioche  et  de  Jérusalem,  dont 
ils  étaient  les  syncelles. 

Dans  le  concile  VIII  général  (Nicen.  Syn.  n, 
act.  m  et  îv,  act.  i),  Elie,  religieux  et  syncelle 
«lu  patriarche  de  Jérusalem,  parait  aussi  entre 
les  autres  présidents  du  concile.  Comme  les 
patriarches  et  les  évèques  d'Orient  étaient  or- 
dinairement choisis  d'entre  les  moines,  il  ne 
faut  pas  s'étonner  si  leurs  plus  intimes  confi- 
dents étaient  aussi  de  même  profession. 

V.  Mais  il  ne  faut  pas  se  figurer  que  ces  syn- 
celles fussent  toujours  les  amis  les  plus  sin- 
cères et  les  plus  fidèles  confidents  des  prélats. 
L'auteur  de  la  vie  de  saint  Taraise,  patriarche 
de  Constantinople,  raconte  comme  l'empereur, 
pour  se  venger  de  lui,  lui  donnait  des  syn- 
celles qui  étaient  autant  d'espions  dangereux, 
qui  observaient  toute  sa  conduite,  et  celle  de 
ceux  qui  l'approchaient,  avec  un  esprit  rempli 
d'aigreur  et  de  malignité. 

«  Iniperator  Magnum  oppressif  Tarasium 
multis  tentationibus,  ei  adhibens  custodes,  qui 
nomine  quidem  usi  sunt  syncellorum,  mori- 


bus  vero  longe  aberant  a  pielate.  Quos  nisi  as- 
sumpsisset,  et  nisi  pereorum  oculos  Iransisset, 
non  licebat  cuiquam  ad  divinum  et  sapientem 
pastorum  principem  accedere,  et  ea  qua3  vi- 
debantur  eloqui  (Surius,  die  -2.j  Feb.,  vi  , 
xxxv).  » 

VI.  Ce  n'était  pas  sans  raison  que  les  empe- 
reurs s'intéressaient  pour  donner  des  syncelles 
au  patriarche  de  Constantinople.  parce  que 
c'était  ordinairement  le  premier  des  syncelles 
qui  succédait  au  siège  patriarcal.  Léon  le 
Philosophe  ayant  arraché  de  son  trône  le  pa- 
triarche Nicolas,  qui  l'avait  excommunié, 
substitua  en  sa  place  le  saint  religieux  Euthy- 
mius,  syncelle  du  patriarche  et  père  spirituel 
de  l'empereur  An.  901). 

Le  même  Léon  avait  fait,  longtemps  aupara- 
vant, son  frère  Etienne,  patriarche  de  Constan- 
tinople, de  syncelle  qu'il  était,  comme  avant 
cela  Théophile,  empereur,  avait  donné  à  un 
nommé  Jean  la  qualité  de  syncelle,  pour  le 
préparer  à  celle  de  patriarche. 

Tous  ces  exemples  sont  tirés  de  Cédrénus  et 
de  Curopalate,  qui  racontent  aussi  comme  l'em- 
pereur romain,  après  avoir  fait  couronner  ses 
deux  aînés,  Ut  raser  son  troisième  fils  nomme 
Tbéophylacte,  le  faisant  ordonner  clerc  et  sous- 
diacre  par  le  patriarche,  et  ensuite  syncelle  : 
«  Reliquum  Theophylactum  patriarcha  radit 
in  clericum  et  subdiaconum  ac  syncellum  dé- 
signât; cum  prius  in  sanctuarium  intrasset, 
oflicium  subdiaconi  gerens.  » 

Cet  auteur  semble  insinuer  qu'il  fallait  être 
sous-diacre  pour  être  admis  au  rang  des  syn- 
celles. Mais  il  distingue  fort  clairement  l'ordi- 
nation du  sous-diaconat,  de  la  promotion  à  la 
dignité  de  syncelle.  Xxk>otov>ioô« '•i--à:%,.:,:,, --.■.■Lv.- 

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Dans  la  suite  de  l'histoire,  ces  auteurs  font 
voir  que  cette  qualité  de  syncelle  n'était  re- 
cherchée, par  les  fils  même  des  empereurs,  que 
comme  un  degré  au  patriarcat;  car  ce  Théo- 
phylacte  monta  dans  la  suite  du  temps  sur  le 
trône  patriarcal  de  Constantinople. 

Je  ne  m'arrêterai  point  à  rapporter  ici  d'au- 
tres exemples  tirés  de  ces  mêmes  auteurs  ou 
des  autres  historiens.  Ceux  que  nous  avons 
rapportés  sont  plus  que  suffisants  pour  justifier 
ce  que  nous  avons  dit. 

MI.  Depuis  que  les  enfants  et  les  frères  des 
empereurs  se  crurent  honorés  de  la  dignité  de 
syncelle  ,  les  évèques  et  les  métropolitains 
même    y  aspirent ,    quelque   incompatibilité 


346 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-UNIÈME. 


qu'on  pût  se  figurer  entre  des  qualités  si  diffé- 
rentes et  des  fonctions  si  éloignées. 

Les  mêmes  auteurs  font  mention  d'Etienne, 
syncelle  et  pontife  de  Nicomédie;  ils  racontent 
aussi  comment  l'empereur  romain  Argyre  fit 
trois  syncelles  métropolitains  ou  trois  métropo- 
li  tains  syncel  les:  celui  d'Ephèse,  comme  parent 
du  patriarche  ;  celui  de  Cysique  ,  comme  son 
ancien  favori  ;  et  celui  d'Euchaïres,  comme  pa- 
rent de  son  favori.  «  Fecit  très  syncellos  metro- 
politas  (Cedren.,  p.  536,  593,  602,  624,  686).  » 
11  donna  cette  même  dignité  de  syncelle  à 
Jean,  autrefois  secrétaire  de  l'empereur  Basile, 
mais  qui  avait  déjà  rasé  ses  cheveux,  et  lui 
donna  en  garde  la  sœur  de  l'impératrice  sa 
femme. 

Et  quoique  ce  dernier  trait  ne  vienne  pas  di- 
rectement au  sujet  que  nous  traitons  ,  nous 
avons  néanmoins  cru  le  devoir  rapporter.  Nous 
ferons  même  voir  ci-après  que  dans  l'Occident 
cette  charge  a  été  en  plusieurs  rencontres  don- 
née à  des  évêques. 

VIII.  On  ne  sera  pas  surpris  après  cela  si  les 
syncelles  prirent  leur  rang  et  leur  séance  au- 
dessus  des  métropolitains. 

Ce  ne  fut  pas  sans  que  ces  prélats  fissent  écla- 
ter leur  juste  indignation  contre  une  nouveauté 
si  scandaleuse,  mais  à  laquelle  ils  avaient  peut- 
être  eux-mêmes  contribué,  en  briguant  la  la- 
veur des  princes  pour  s'élever  au-dessus  d'eux- 
mêmes,  en  se  rabaissant  a  la  dignité  de  syncelles. 
«  Die  I'cntecostes  sacro  tumultuatum  est  ob 
sessionem  in  sacro  officio,  metropolitis  non  fe- 
rentibus  superiore  loco  ipsis  sedere  syncellos 
(Cedren.,  pag.  723).  » 

Depuis  que  les  métropolitains  crurent  s'éle- 
ver en  se  revêtant  du  syncellat ,  les  syncelles 
regardèrent  aussi  les  métropolitains  comme 
leurs  inférieurs. 

La  faveur  des  empereurs  peut  encore  avoir 
servi  à  cette  élévation  des  syncelles  au-dessus 
des  métropolitains.  Le  protosyncelle  se  trouva 
enfin  le  premier  ministre  de  l'empire.  «Orientis 
duces  se  ad  primarium  syncellum  conferunt , 
tune  reipub.  gubernatorcm,  eoqueapud  impe- 
ratorem  intercessore  utuntur(lbid.,  p.  796).  » 
IX.  La  qualité  de  conseiller  n'a  pas  peu  de 
rapport  à  celle  de  syncelle,  comme  nous  avons 
dit  ci-dessus  ;  mais  je  ne  comprends  pas  dans 
ce  discours  les  conseillers  des  princes,  comme 
l'abbé  de  Saint-Denis  Fulrad  est  appelé  conseil- 
ler du  roi  Pépin,  dans  la  lettre  du  pape  Etienne 
à  ce  roi.  m  Fulradus  presbyter  et  abbas,  consi- 


liarius  rester  (Epist.  ni).»  Charlemagne,  dans 
son  capitulaire  d'Aix-la-Chapelle  de  l'an  789 , 
dit  qu'il  a  délibéré  de  toutes  choses  avec  les 
évêques  et  avec  ses  conseillers,  «  considerans 
una  cura  sacerdotibus  et  consiliariis  nostris.  » 
Dans  l'histoire  de  la  réception  du  pape  Léon 
III  par  Charlemagne  ,  les  évêques  sont  distin- 
gués du  conseil  du  prince  et  ont  le  dessus,  «  ex 
omni  parte  archiepiscopis,  episcopis  et  ceteris 
sacerdotibus  venientibus  una  cum  régis  consi- 
lio,  omnibusque  eximiis  Francis  (Conc.  Gall., 
tom.  h,  p.  20,  130,  227,  238).  » 

Dans  la  consultation  sur  les  curés  soupçonnés 
du  crime  d'impureté  ,  sans  qu'on  pût  les  en 
convaincre,  la  résolution  fut  enfin  prise  sur  la 
réponse  des  évêques,  du  clergé  et  des  conseil- 
lers du  roi.  «  Née  non  et  nostrorum  episcopo- 
rum  omnium,  ceterorumque  sacerdolum  et 
Ievitarum  autoritate  et  consensu,  atque  reli- 
quorum  lidelium  et  cunctorum  nostrorum  eon- 
siliariorum  consultu  definitum  est.  » 

Il  semble  résulter  de  ces  passages  que  les 
évêques  étaient  distingués  du  conseil  du  roi, 
non  pas  comme  en  étant  exclus,  mais  comme 
étant  au-dessus  de  tous  les  autres  membres  du 
conseil. 

En  effet,  les  évêques  du  concile  VI  de  Paris, 
tenu  en  829  (Can.  xxvi),  conjurèrent  avec  les 
dernières  instances  l'empereur  Louis  le  Débon- 
naire, de  choisir  des  conseillers  et  des  ministres 
qui  pussent  soutenir  le  poids  et  l'importance 
d'une  si  grande  charge.  «  Quatenus  consiliarii 
et  dignilatisvestranninistri.custodesque  anima; 
vestra?  et  corporis ,  qui  debent  esse  intra  re- 
gnum  aliis  bonitatis  decus  et  exemplum,  chari- 
latem ,  pacem  et  concordiam  invicein  habeant 
(Ibidem,  p.  552,  592).  » 

La  même  remontrance  fut  encore  faite  en 
mêmes  termes  par  le  concile  II  d'Aix-la-Cha- 
pelle, célébré  en  836  (Can.  xn),  qu'ils  seraient 
les  vrais  conseillers  du  roi  et  de  l'Etat,  si,  par 
leur  concorde  et  par  leur  sagesse,  ils  conser- 
vaient la  paix  et  la  tranquillité  publique.  «  Tune 
enim  veri  consiliarii,  verique  adjutores  vestri 
et  totius  regni  salubriter  esse  potuerunt,  si 
unanimes  extiterint.  » 

X.  Mais  il  ne  se  pouvait  pas  faire  que  le  nom 
de  conseillers  du  roi  ne  fût  aussi  communiqué 
aux  ecclésiastiques,  puisqu'ils  tenaient  déjà  la 
première  place  dans  ses  conseils. 

Le  concile  tenu  à  Sainte-Macre,  en  881 } 
(Can.  vin),  sous  les  rois  Louis  et  Carloman, 
assura  ces  deux  princes  que  l'empereur  Cuarle- 


DES  SYNCELLES  ET  DES  CONSEILLERS. 


317 


magne  avait  toujours  auprès  de  sa  personne 
trois  de  ses  principaux  conseillers  d'Etat,  les 
appelant  par  tour  les  uns  après  les  autres; 
qu'il  délibérait  avec  eux  sur  toutes  les  particu- 
larités qui  se  présentaient,  et  sur  toutes  les 
pensées  qui  lui  venaient  en  l'esprit,  et  qu'il 
avait  soin  d'écrire  sur  des  tablettes,  soit  le  jour, 
soit  la  nuit  ;  enfin,  il  prenait  ses  dernières 
résolutions  dans  l'asseniblée  de  ses  Etats,  ou  se 
trouvaient  tous  ses  conseillers,  et  travaillait  en- 
suite à  les  exécuter. 

«  Carolus  Magnus  nullo  unquam  tempore 
sine  tribus  de  sapientioribuset  eminentioribus 
consiliariis  suis  esse  patiebatur  :  sed  vicissim 
per  successiones,  ut  eis  possibile  foret,  secum 
habebat;  et  ad  capitium  lecti  sui  tabulas  cum 
graphio  habebat,  et  qua?  sive  in  die,  sive  in 
nocte  de  utilitate  sanctœ  Ecclesiœ,  et  de  pro- 
fectu  ac  soliditateregnimeditabatur,  ineisdem 
tabulis  adnotabat  ;  et  cum  eisdem  consiliariis 
quos  secum  habebat,  inde  tractabat.Etquando 
ad  placitum  suum  veniebat,  omnia  subtiliter 
tractata.  plenitudini  consiliariorum  suorum 
monstrabat,  et  eommuni  consilio  illa  ad  effe- 
ctumperducereprocurabat  (Conc.  G  ail.,  tom.  ni, 
p.  514).  » 

XL  II  n'est  pas  exprimé  dans  ces  paroles 
qu'une  partie  de  ces  ministres  du  conseil  de 
Charlemagne  fut  d'ecclésiastiques,  et  l'autre 
de  seigneurs  laïques.  Mais  on  le  peut  bien 
conjecturer  par  l'assemblée  annuelle  de  tous 
les  conseillers,  où  les  évèques  et  les  abbés  te- 
naient toujours  le  premier  rang,  et  ne  faisaient 
peut-être  pas  le  moindre  nombre. 

On  en  peut  encore  tirer  une  preuve  du 
conseil  que  ce  concile  donne  ensuite  à  ces 
deux  rois,  d'avoir  toujours  auprès  d'eux  des 
conseillers  tirés  du  clergé  et  de  la  noblesse,  de 
les  changer  tous  les  mois,  et  de  les  appeler 
successivement  les  uns  après  les  autres,  pour 
traiter  avec  eux  de  toutes  les  affaires  impor- 
tantes de  l'Etat  et  de  l'Eglise.  «  Quœsunms 
cum  consilio  et  auxilio' fldelium  vestrorum  , 
eligite  qui  vobiscum  per  singulos  menses  de 
utroque  ordine  consiliarii  maneant,  quibus 
aurem  et  cordis  et  corporis  libenter  accommo- 
detis,  quique  vos  Deum  timere,  et  Ecclesiam 
ac  rectores  ejus  doceant  honorare.  » 

Thégan  dit  que  la  source  de  tous  les  mal- 
heurs de  Louis  le  Débonnaire  fut  le  trop  de 
créance  qu'il  avait  à  ses  conseillers,  et  la  per- 
nicieuse coutume  de  choisir  les  évèques  d'entre 
les  esclaves  :  «  Nihil  indiscrète  faciebat,  prœ- 


terquam  quod  consiliariis  suis  magis  credidit, 
quam  opus  esset,  etc.  Quia  janidudum  illa 
pessima  consuetudo  erat,  ul  ex  vilissimis  servis 
summi  pontilices  fièrent,  etc.  »  Et  plus  bas  : 
o  Summopere  cavendum  est,  ne  amplius  ti.it, 
ut  servi  sint  consiliarii  sui  :  quia  si  possunt, 
hoc  maxime  construunt.  ut  nobiles  opprimant. 
(Du  Chesne,  tom.  n,  p.  279,  284).  » 

Cela  montre  clairement  que  les  évèques 
tenaient  les  premiers  rangs  dans  les  conseils 
de  cet  empereur,  et  qu'il  y  avait  toujours  quel- 
que jalousie  entre  eux  et  la  noblesse,  qui  cher- 
chait même  dans  leur  naissance  les  sujets  de 
les  décréditer. 

Hincmar,  archevêque  de  Reims,  écrivit  au  roi 
Louis  le  Bègue,  qui  l'avait  appelé  pour  prendre 
ses  avis  sur  le  gouvernement  de  l'Etat  et  de 
l'Eglise,  que  le  salut  ou  la  perte  de  l'un  et  de 
l'autre  dépendait  entièrement  des  bons  ou  des 
mauvais  conseillers  que  les  rois  choisissaient 
selon  qu'ils  étaient  eux-mêmes  bons  ou  mau- 
vais. «  Legimus  quia  boni  reges  constituti, 
bonos  sibi  consiliarios  adhibuerunt.  et  per 
bonos  reges  et  bonos  consiliarios,  regnorum 
populi  multa  bona  habuerunt  :  et  per  malos 
reges  et  malos  consiliarios  regnorum  populi 
multa  mala  sustinuerunt  (Ibid.,  pag.  475  ;  Du 
Chesne,  tom.  m,  p.  -246).  » 

Les  annales  Bertiniennes  distinguent  les  deux 
conseils  ou  assemblées  où  les  conseillers  du 
roi  étaient  appelés,  l'une  particulière,  l'autre 
générale,  comme  il  a  déjà  été  remarqué  de 
Charlemagne.  «  Carolus  in  PurificationesancUe 
Maris  cum  suis  consiliariis  placitum  in  mona- 
sterio  sancti  Dionysii  peragens,  ibidem  Pasclia 
Dominicain  celebravit.  Générale  quoque  pla- 
citum idus  Junii  tenuit  in  villa  Duciaco,  ubi 
et  annua  doua  sua  accepit  (An.  874).  » 

XII.  Mais  Hincmar  a  admirablement  déve- 
loppe toute  cette  matière,  dans  le  traité  qu'il  a 
fait  de  l'éducation  du  roi  Carloman,  et  de 
l'ordre  du  palais.  Car  il  distingue  d'abord  les 
deux  assemblées,  où  les  principaux  du  clergé 
et  de  la  noblesse  se  trouvaient,  les  anciens  pour 
donner  conseil,  les  jeunes  pour  le  recevoir  et 
pour  l'exécuter. 

«  Consuetudo  erat,  ut  non  sœpius  sed  bis  in 
anno.  duo  placita  tenerentur.  Un  uni  quando 
ordinabatur  status  totius  regni,  etc.  In  quo 
placito  generalitas  universorum  majorum  , 
tara  clericorum,  quam  laicorum  conveniebat  : 
seniores  propter  consilium  ordinandum.  ju- 
niores  propter  idem  consilium  suscipiendum. 


3i« 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-UNIÈME. 


Cicterum  propter  dona  generaliter  dandaaliud 
placitum  cum  senioribus  tantum  et  praecipuis 
consiliariis  babebatur  :  in  quo  jam  futur!  anni 
status  tractari  jam incîpiebatur  (Hincmar.,t.  n, 
p.  211).  » 

Voilà  deux  assemblées  annuelles  pour  les 
affaires  d'Etat  ;  dans  la  première,  les  ecclésias- 
tiques et  les  barons  étaient  reçus,  sans  qu'il 
fût  nécessaire  qu'ils  eussent  été  honorés  de  la 
qualité  de  conseillers  d'Etat  :  «  Generalitas 
universorum  majorant,  tamclericorum,  quam 
laicorum  conveniebat.  »  Dans  la  seconde,  on 
n'appelait  que  les  seigneurs  et  les  conseillers 
d'Etat.  «  Aliud  placitum  cum  senioribus  tan- 
tum, et  prœcipuis  consiliariis  habebatur.  » 

Ces  conseillers  étaient  choisis  d'entre  les 
ecclésiastiques  et  les  laïques  les  plus  sages,  les 
plus  vertueux,  et  les  plus  incorruptibles  dans 
la  fidélité  qu'ils  devaient  au  roi  et  à  l'Etat. 
«  CoDsiliarii  autem  tam  clerici,  quam  laici, 
taies  eligebantur,  qui  primo  Deum  timerent, 
deinde  talem  fidem  haberent,  ut  excepta  vita 
aeterna  nihil  régi  et  regno  pncponerent.  » 

La  maxime  la  plus  essentielle  pour  ces  con- 
seillers était  le  silence  inviolable  des  proposi- 
tions et  des  résolutions  qui  avaient  été  faites  : 
«  Consiliarii  hoc  principaliter  inter  se  consti- 
lutiini  habebant,  ut  nullus  prodere  debuisset , 
etc.  Seu  in  annum,  seu  in  perpetuum  sub 
silentio  matière  necesse  fuisset  (L.  xxi).  »  C'est 
pour  cela  que  ce  conseil  fut  appelé  secret  el 
qu'on  L'appela  même  silentium,  silence. 

Paul  Diacre,  dans  son  histoire  mêlée,  dit  que 
Léon,  empereur,  assembla  son  silence,  c'est-à- 
dire  son  conseil  contre  les  saintes  images, où  il 
appela  le  patriarche  Germain.  «  Impius  Léo 
silentium  contra  sanctas  et  venerabiles  cele- 
bravit  imagines  ,  advocato  quoque  Germano 
patriarcha.  » 

De  là  vient  que  le  nom  de  silentiaires  a  la 
même  signification  que  celui  de  conseiller, 
comme  on  voit  dans  une  ancienne  vie  de  saint 
Augilbert:  «Sibi  Carolus  eumdem silenliarimii 
staluit,  ut  in  quo  compererat  prudente  altitu- 
dinem,  ejus  consilio  eomponeret  tolius  regni 
utilitatem  (Du  Cliesne,  tom.  u,  p.  357).  » 

llincmar  ajoute  que  cette  assemblée  de  con- 
seillers ne  travaillait  à  terminer  les  causes  el 
les  différends  des  particuliers  qu'après  avoir  ré- 
solu toutes  les  affaires  d'Etat.  «  Praefatorum 
consiliariorum  intentio,  qnando  ad  palatium 
convocabantur,  in  hoc  pnecipue  vigebat ,  ut 
lion  spéciales,  vel  singulares  quascumque  cau- 


sas ordinarent,  quousque  illa,  quœ  generaliter 
ad  salutem  ,  vel  statum  régis  et  regni  pertine- 
bant,  ordinata  habuissent.  » 

Enfin,  dans  les  accidents  imprévus  où  l'on 
ne  pouvait  convoquer  ni  la  grande  assemblée 
des  Etats,  ni  le  conseil  de  ceux  qu'on  appelait 
proprement  conseillers  ,  il  y  avait  un  autre 
conseil  des  officiers  du  palais  qui  suppléait  à 
leur  défaut,  parce  que  tous  ces  officiers  avaient 
été  nourris  dans  les  conseils  et  dans  le  manie- 
ment des  affaires. 

C'est  ce  que  dit  Hincmar  au  même  endroit, 
où  il  ajoute  que  dans  ce  conseil  étroit  l'arclù- 
cbapelain  avait  la  première  place  avec  le  comte 
du  palais  et  le  chambellan  (Pag.  123,  206).  11 
avait  dit  auparavant  qu'il  avait  vu,  étant  encore 
jeune,  le  sage  Adélard,  abbé  de  Corbie,  tenir  le 
premier  rang  entre  les  premiers  conseillers  de 
Cliarlemagne.  «  Adalardum  monasterii  Corbeia? 
abbatem  inter  primos  consiliarios  primum  in 
adolescentia  mea  vidi.  a 

XIII.  On  peut  conclure,  de  ce  qui  a  été  dit  , 
que  les  ecclésiastiques  avaient  la  première  place 
entre  les  conseillers  du  prince  ,  soit  qu'on  les 
considère  dans  les  états  généraux  du  royaume, 
qu'on  appelait  alors  placita  et  qu'on  appela 
parlements  sous  la  troisième  race  de  nos  rois, 
ou  dans  la  petite  assemblée  des  Etats,  qui  por- 
tait aussi  le  nom  de  placitum  ,  soit  enfin  dans 
le  conseil  privé  ou  étroit,  qui  n'était  composé 
([lie  des  officiers  ordinaires  du  palais. 

C'est  apparemment  de  ce  dernier  ordre  de 
conseillers  qu'il  faut  entendre  ce  qu'on  lit  assez 
souvent  dans  les  anciens  historiens  ,  que  les 
évêchés  étaient  donnés  de  la  volonté  du  roi  et 
de  l'avis  de  ses  conseillers.  C'est  ainsi  que,  selon 
les  annales  de  Fulde,  fut  élu  le  successeur  de 
Iiaban  ,  archevêque  de  Mayence.  «  Magis  ex 
voluntate  régis  et  consiliariorum  ejus  ,  quam 
ex  consensu  et  electione  cleri  et  populi  (An. 
886).  » 

Loup,  abbé  de  Ferrières,  écrivit  à  l'archevê- 
que de  Lyon  qu'il  ne  devait  point  faire  de  dif- 
ficulté de  sacrer  celui  à  qui  le  roi  Cbarles  le 
Chauve  avait  donné  l'évêché  d'Autun,  de  l'avis 
de  ses  conseillers  :  «  In  hoc  probatissimorum 
ejus  consiliariorum  acquiescit consensus  (Episl. 

I.XXXl).  » 

Cette  dernière  considération  pourra  servir  à 
justifier  cette  qualité  et  cette  fonction  de  con- 
seillers dont  les  évèques  et  les  autres  ecclésias- 
tiques élevés  au-dessus  du  commun  étaient 
honorés  auprès  des  rois.  La  personne  des  rois 


DES  SYNCELLES  ET  DES  CONSEILLERS. 


349 


étant  sacrée,  et  leur  conseil  étant  comme  un 
sanctuaire  où  se  traite  une  partie  des  plus  gran- 
des affaires  de  l'Eglise,  des  intérêts  et  des  loi- de 
laquelle  les  rois  sont  les  gardes  et  les  défen- 
seurs ,  on  ne  peut  douter  que  cette  qualité  de 
conseillers  d'Etat  ne  soit  très-conforme  à  la 
profession  ecclésiastique,  et  que  la  fonction 
n'en  soit  très-avantageuse,  et  même  nécessaire 
à  l'Eglise. 

XIV.  Quelques  savants  ont  cru  que  les  em- 
pereurs d'Orient  avaient  eu  leurs  syncelles, 
aussi  bien  que  les  patriarches.  Ces  conseillers 
que  Charlemagne  avait  toujours  auprès  de  lui, 
et  ceux  du  troisième  ordre  dont  nous  avons 
parlé,  qui  résidaient  toujours  dans  le  palais, 
avaient  beaucoup  de  rapport  à  ces  syncelles  im- 
périaux. 

En  effet,  il  ne  se  peut  faire  que  les  syncelles 
ne  deviennent  enlin  les  conseillers  et  les  mi- 
nistres de  ceux  à  qui  ils  sont  attachés.  Aussi 
Elodoard  ne  donne  point  d'autre  qualité  que 
celle  de  conseiller  à  Haganon,  seul  ministre  du 
roi  Charles  le  Simple.  «  Propter  Haganonem 
consiliarium  suum   L.  iv.  c.  15).  » 

XV.  Je  passe  aux  conseillers  du  pape,  don 
la  qualité  de  conseiller  s'est  peut-être  commu- 
niquée aux  autres  cours  des  princes  chrétiens. 

Cette  qualité  a  été  indubitablement  plus  an- 
cienne dans  la  cour  de  Rome  que  dans  toutes 
les  autres,  comme  on  peut  le  juger  par  ce  qu'il 
a  été  dit.  Un  vieil  exemplaire  du  traité  de  Gen- 
nadius  des  écrivains  ecclésiastiques,  fait  saint 
Prosper  conseiller  du  pape  Léon.  «  Prosper 
homo  Aquitanicœ  regionis,  consiliarius  papae 
Leonis  ,  etc.  (Baluzius  in  Notis  ad  Lupuin 
Ferrar.,  p.  477).  » 

Anastase  Bibliothécaire  dit  que  le  pape 
Etienne  III  envoya  en  Toscane,  vers  le  roi 
des  Lombards  Didier.  Christophe,  son  conseil- 
ler ,  Consiliarium ,  avec  l'abbé  Fulrad ,  con- 
seiller du  roi  de  France.  Dans  la  vie  du  pape 
Etienne  IV.  il  fait  voir  ce  même  Christophe, 
conseiller  et  primicier,  comme  un  rempart  in- 
surmontable opposé  au  schisme  qui  s'était 
formé  dans  l'Eglise  romaine. 


Nicolas  [•■  envoya  en  France  le  nonce  ou 
légat  Arsène,  qui  était  évêque,  à  qui  il  donna 
le  litre  de  son  conseiller,  «  Consiliario  nostro.  ■> 
Le  pape  Adrien  II  y  envoya  les  évèques  Paul 
et  Léon  ses  conseillers.  «  Delectos  consiliarios 
nostros  (Epist.  xxv  ;  ep.  xvi.  xvui,  xi\  .  »  Il  y 
envoya  une  autre  fois  un  prêtre  cardinal  avec 
une  qualité  fort  approchante.  «  Presbyterum 
cardinalis  nostri  ,  dilectumque  familiarem 
nostrum  (Act.  I).  »  Les  deux  évèques  et  le 
diacre  que  ce  même  pape  envoya  au  con- 
cile VIII  général,  furent  appelés  conseillers 
dans  la  lettre  adressée  au  concile.  «  Consiliarios 
nostros.  » 

Le  pape  Jean  VIII,  écrivant  au  roi  de  France 
Louis  le  Bègue,  le  déclara  son  confident  et  son 
conseiller,  en  la  même  manière  que  l'avait  été 
son  père,  l'empereur  Charles  le  Gros.  «  Te 
quoque,  carissime  lîli,  ad  vicem  genitoris  ?e- 
stri  domini  Caroli  perpetui  imperatoris  Augusti 
a  secretis  constitue  meum  consiliarium  (Ep. 
rxxxvu).  »  Ce  titre  fut  encore  donné  par  ce 
pape  à  des  évèques  (Epist.,  clxix,  clix.  ci  . 

XVI.  Comme  ce  pape  joint  en  une  de  ses 
lettres  la  qualité  de  délicieux  ou  de  favori.  Deli- 
ciosus,  à  celle  de  conseiller,  j'ai  cru  que  c'était 
ici  le  lieu  d'en  dire  un  mot.  Ce  sont  ces  légats 
que  ce  pape  honore  de  ces  deux  titres  :  «  Deli- 
ciosis,  consiliariis  nostris  (Epist.  cci,  ccciu, 
lxxui.  »  Et  ailleurs  :  «  Joanni  duci.  delicioso, 
fideli,  et  misso  nostro  (Ep.  xix  .  »  Et  encore 
ailleurs  :  «  Gaudericum  et  Zachariam  epi- 
scopos,  deliciosos,  et  consiliarios  nostros  vobis 
direximus.  » 

Nicolas  Ier  envoya  en  France  deux  évèques 
pour  y  assembler  un  concile,  et  y  présider  en 
qualité  de  légats  du  Siège  Apostolique ,  selon 
que  le  roi  Charles  le  Chauve  l'avait  demandé  ; 
il  les  honore  de  ce  même  nom  «  :  Sanctissimos 
episcopos,  deliciosos  nostros.  » 

Anastase  Bibliothécaire  attribue  cette  même 
qualité  a  Alcuin,  à  l'égard  de  Charlemagne: 
o  Albinus  deliciosos  ipsius  régis.  »  C'est  dans 
la  \ie  du  pape  Adrien  1er. 


350 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DEUXIÈME. 


CHAPITRE  CENT-DEUXIEME. 


DES   SYACELLES,    DES  MONITEURS,    DES   CONSEILLERS   ET   DES    CONFESSEURS,    EN   UN   MOT  DES   PRINCIPAUX 
OFFICIERS   OU    BÉNÉFICIERS   DE    L'ÉGLISE    GRECQUE,    APRÈS   L'AN    MIL. 


I.  Décrets  des  anciens  conciles,  touchant  les  syncelles,  ou  les 
moniteurs  secrets  et  domestiques  des  évêques. 
il.  Décrets  des  conciles  de  Milan  sur  le  même  sujet. 

III.  Exemples  de  saint  Charles  et  du  grand  cardinal  Ximenès. 

IV.  Ces  conseillers  domestiques  des  évèques  étaient  les  plus 
propres  à  succéder  aux  grands  bénéfices. 

V.  Des  syncelles  en  particulier,  et  des  autres  dignités  de  l'E- 
glise grecque  en  général. 

VI.  Continuation  du  même  sujet. 

VII.  Des  évèques  et  autres  ecclésiastiques  conseillers  des  roi;. 

VIII.  Des  évèques,  des  ecclésiastiques  et  des  religieux  qui  ont 
été  confesseurs  des  rois. 

IX.  Continuation  du  même  sujet. 

I.  Le  concile  de  Londres,  en  1102,  où  prési- 
dait saint  Anselme,  archevêque  de  Cantorbéry, 
ordonna  que  les  évèques  eussent  toujours  au- 
près d'eux  des  personnes  vertueuses,  pour  être 
les  témoins  de  leur  conduite.  «  Et  ut  semperet 
ubiqne  houestas  personas  habeant,  testes  con- 
versationis  siue.  » 

Le  concile  de  Paris,  en  121-2  (Can.  i),  où  pré- 
sidait un  cardinal  légat,  nous  a  fait  une  pein- 
ture excellente  des  domestiques  des  évèques, 
surtout  de  ceux  qui  sont  les  compagnons  insé- 
parables et  les  témoins  de  leur  vie.  «  Statui- 
mus  etiam  ,  ut  pnelati  socios  habeant  intégra 
opinionis  et  fam;e  habitu  compositos,  œtate 
grandeevos,  fide  claros,  et  competentibus  scien- 
tiis  eruditus,  et  cubicularios  honestos,  qui 
juxta  canones,  sint  testes  vitse  ipsoruni,  et  suo- 
rum  couscii  seeretorum  (Part.  4-,  c.  x).  »  Il  ne 
leur  fallait  pas  de  moindres  qualités,  pour  être 
dignes  de  la  société  et  de  la  confidence  des 
évêques. 

Le  cardinal  légat  du  royaume  de  Chypre, 
en  1248  j  enjoignit  aux  dignités  du  chapitre 
d'avoir  toujours  deux  clercs  pour  leur  tenir 
compagnie  dans  la  maison,  et  aux  chanoines, 
d'en  avoir  un.  «  Ut  persona  duos  clericos  non 
assisios,  et  canonicus  unum  in  domo  seeum 
teneant,  qui  eos  associent,  et  ex  qnibus  nume- 
rus  servientium  in  Ecclesia  augeatur.  » 

Ces  témoins  domestiques  ne  pouvaient  être 
ni  ebanoines,  ni  demi-chanoines,  ce  qui  est 
entendu  par  ce  terme  Assisii.  Jean,  archevêque 


de  Nicosie ,  renouvelant  cette  constitution,  en 
1320,  inculqua  particulièrement  cette  clause  : 
o  Mandamus  quod  canonici  omnes,  tam  perso- 
nales,  quam  alii  suos  clericos  tenere  debeant, 
sicut  fuit  alias  constitutum  ;  dummodo  taies 
teneant,  qui  alias  in  dicta  Ecclesia  non  sint 
benefieiati,  nec  intitulât!  (Can.  xiv).  » 

Le  concile  de  Râle  renouvela,  dans  la  ses- 
sion xxiue,  le  statut  de  saint  Crégoire  le  Grand 
sur  ce  sujet,  engageant  le  pape,  les  cardinaux 
et  les  évèques  ,  à  avoir  toujours  dans  leur 
ebambre  même  des  clercs  ou  des  moines,  pour 
être  les  témoins  de  leurs  actions. 

«  Tam  summus  pontifexet  cardinales,  quam 
cœteri  episcopi  constitutionem  beatiGregorii  in 
concilio  generali  editam  servarestudeantcujiis 
ténor  hic  est,  quam  ha?c  sancta  synodus  inno- 
vât. Ctim  pastoris  vita,  etc.  Statuimus,  ut  qui- 
dam ex  clericis,  vel  etiam  ex  monachis  elecli, 
in  ministerio  cubiculo  pontifical]  obsequanttir, 
ut  his  qui  in  loco  regiminis  est,  taies  habeant 
testes,  qui  veram  ejus  in  secreto  conversatio- 
nem  videant,  et  ex  sedula  visione  exemplum 
profectus  sumant.  » 

Le  concile  de  Râle  renouvela  encore  le  dé- 
cret du  pape  Pascal.  «  Paschalis  etiam  papa , 
verba  advertant.  Episcopi  lectioni  et  orationi 
vacent;  et  semper  presbyteros  et  diaconos,  aut 
alios  boni  testimonii  clericos  habeant;  ut 
secundum  Apostolum  et  sanctorum  Patrum 
instituta  possint  irreprehensibiles  inveniri.  » 

Othon,  cardinal  évêque  d'Augsbourg,  tenant 
son  synode  diocésain,  en  1548,  pria  tous  ceux 
qui  assistaient  au  synode,  avec  beaucoup  d'ins- 
tance, de  lui  donner  des  moniteurs  qui  l'aver- 
tissent des  fautes  qu'il  pourrait  commettre  dans 
le  gouvernement  de  son  Eglise.  «  Urgendo 
petiit,  ut  monitores  ex  se  deligerent,  qui  se  de 
his  admonerent,  quœ  se  fortasse  circa  officii 
sui,  suorumque  ministiorum  negligentem  aut 
improvidam  curam,  seu  administrationem  la- 
teant.  » 


DES  SYNCELLES  ET  DES  MONITEURS,  etc. 


351 


II.  Après  le  concile  de  Trente,  saint  Charles 
lit  ordonner  dans  son  VIe  concile  de  Milan,  que 
chaque  évêque  choisirait  dans  sa  ville  épisco- 
pale  deux  prêtres,  dont  la  vertu,  la  suffisance 
et  le  zèle  fussent  au-dessus  du  commun,  pour 
l'avertir  de  toutes  Jes  fautes  qu'il  peut  com- 
mettre, surtout  contre  le  concile  de  Trente  et 
contre  les  conciles  provinciaux  de  Milan;  enfin 
ce  saint  archevêque  obligea  les  Pères  du  con- 
cile de  choisir  un  évêque,  entre  ceux  de  la 
môme  province,  auquel  ils  pussent  communi- 
quer par  lettres  toute  la  conduite  de  leur  dio- 
cèse, et  dont  ils  pussent  emprunter  les  lu- 
mières. 

«  Duos  sibi  sacerdotes  pietatis  zelo  flagrantes, 
spiritalique  usu  peritos  ac  prudentes,  pro  con- 
scientiae  su;e  religione  secreto  in  civitate  deli- 
gat.  Quorum  sacerdotum  officium  in  primis 
sit,  episcopum  assidue  omni  eharitateetliumi- 
litate,  omnique  débitée  observantiœ  officio  pri- 
vatim  sincère  admonere,  quidquid  in  eo  vel 
desiderari,  vel  opus  esse  viderint ,  cum  ad 
omnds  disciplina?,  tum  vero  ad  sacriTridentini 
nostrorumque  conciliorum  provincialium  per- 
fectam  atque  absolutam  executionem.  Ob  eam 
etiam  causam  aliquem  provinciae  episcopum 
item  deligat,  qui  aliquando  per  litteras,  pasto- 
ralis  administrationis  suse  rationes,  consiliaque 
ineat ,  etc.  (Acta  Eccl.  Mediol.,  pag.  310 , 
610).  » 

Le  concile  III  de  Milan,  en  1S73  (Cap.  xix), 
avait  déjà  exhorté  les  évêques  à  instituer  non- 
seulement  dans  leur  ville,  mais  aussi  dans  tout 
leur  diocèse,  une  confrérie  de  personnes  zélées 
qui  en  fussent  comme  les  censeurs  publics,  et 
dont  le  principal  devoir  fût  d'exercer  la  correc- 
tion fraternelle. 

Le  concile  VI  de  Milan  enjoignit  aux  évê- 
ques de  ne  voyager  jamais  sans  être  accompa- 
gnés d'un  diacre  et  d'un  sous-diacre. 

Le  concile  de  Rouen,  en  1581  (Cap.  xxiu, 
tit.  de  Episcop.) ,  ordonna  aux  évêques  de 
retenir  quelques  ecclésiastiques  auprès  de 
leur  personne ,  pour  être  les  témoins  du  se- 
cret et  du  particulier  de  leur  vie.  a  De  or- 
dine  cleri  aliquos  sibi  retineant  episcopi ,  ad 
siium  ministerium,  qui  ad  eorum  mensam 
libres  ad  pietatem  et  aedificationem  spectantes 
legant ,  atque  aliis  de  eorum  conversatione 
fidèle  testimonium  prœbeant.  » 

Enfin  le  conciled'Aix  en  1585  (Tit.  de  Episc), 
exhorta  les  évêques  à  avoir  le  plus  qu'ils 
pourraient  d'ecclésiastiques  dans  leur  maison, 


qu'il  y  en  eût  au  moins  deux  dans  les  ordres 
sacrés,  dont  l'un  fût  prêtre,  afin  que  ce  lût 
autant  de  spectateurs,  de  témoins  et  d'imita- 
teurs de  leur  vie  toute  sainte  et  apostolique  : 
«  Qui  omnes  vigilanlem,  orantem,  in  opéra 
misericordise  iucumbentem  ,  ac  divinarum 
Scripturarum  mysteria  scrutantem  episcopum 
studiosius  attendant,  ac  ejus  actionum  et  sanctse 
couversationis  quasi  testes  si  ni  et  imitato- 
res.  » 

III.  Saint  Charles  avait  auparavant  exécuté 
ce  qu'il  fit  depuis  ordonner  dans  les  conciles 
de  Milan,  «  prenant  douze  camériers,  presque 
«  tous  prêtres  et  docteurs,  entre  lesquels  il  y  en 
«  avait  deux  fort  signalés  en  piété,  lesquels  il 
«  voulait  être  témoins  continuels  jour  et  nuit 
«  de  toutes  ses  actions.  11  avait  aussi  deux 
«  moniteurs  secrets  :  c'étaient  deux  ecclésias- 
«  tiques  de  vertu,  auxquels  il  avait  commandé 
«  de  l'avertir  de  tous  ses  défauts.  Ce  qu'il  fit 
«  depuis  ordonner  dans  son  VIe  concile  provin- 
«  cial.  »  Ce  sont  à  peu  près  les  termes  de 
Giossano  (Giossano,  1.  u,  c.  3). 

Eadmer  assure  que  saint  Anselme,  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  n'était  et  n'allait  jamais 
nulle  part  qu'avec  ses  moines  et  ses  clercs. 
«  Nullo  loco,  vel  tempore  sine  suis  monachis, 
vel  clericis  erat  (Eadmer.,  de  vita  sancti  An- 
selmi).  »  C'était  pratiquer  par  avance  le  conseil 
que  saint  Rernard  donna  depuis  à  l'évêque  de 
Genève  :  «  Ronos  in  consilio,  bonosin  obsequio, 
bonos  habeas  contubernales,  qui  vite  et  ho- 
nestatis  tuae  et  custodes  sint  et  testes  (L.  n, 
Rernard.,  ep.  82).  » 

Il  faut  revenir  à  nos  temps.  Le  grand  car- 
dinal Ximenès  étant  fait  archevêque  de  Tolède, 
retint  dans  son  palais  dix  des  plus  habiles  et 
des  plus  saints  religieux  de  son  ordre  pour  le 
même  dessein.  Mais  il  garda  cette  maxime  in- 
violable, de  ne  leur  communiquer  jamais  rien 
des  affaires  qui  eussent  pu  troubler  la  tran- 
quillité de  la  vie  religieuse,  de  ne  s'entretenir 
jamais  avec  eux  que  des  règles  saintes  de  la 
vie  spirituelle  ;  de  les  conserver  dans  son  palais 
avec  la  même  régularité  et  la  même  retraite 
que  dans  leurs  cloîtres  ;  enfin  de  n'en  élever 
jamais  aucun,  non  plus  que  de  tous  les  autres 
religieux  de  son  ordre,  aux  charges  ou  aux 
dignités  de  l'Eglise,  quoiqu'il  eût  en  sa  disposi- 
tion toutes  les  faveurs  et  toutes  les  grâces  de  la 
reine  Isabelle.  Comécius,  qui  rapporte  cela 
dans  sa  vie,  conte  fort  agréablement  les  sur- 
prises  et  les  emportements  de  ceux  dont  il 


352 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT- DEUXIÈME. 


trompa  les  espérances  par  une  conduite  si  im- 
prévue et  si  sainte  (L.  1  Hisp.  Illus.,  toni.  i, 
p.  943). 

IV.  Il  faut  avouer  que  si  cette  manière  d'agir 
était  sainte,  elle  n'en  était  pas  moins  singu- 
lière. Car  ce  sont  les  syncellesqui  sont  ordinai- 
rement montés  aux  plus  hautes  dignités.  Nous 
allons  le  vérifier  dans  l'Eglise  grecque,  après 
avoir  dit  que  Pierre  de  Dlois  en  est  un  bon 
garant  pour  l'Eglise  latine.  «  Clericos  pontiti- 
cum  frequentius  elegit  Dominus  in  sacer- 
dotes.  »  En  effet,  la  maison  d'un  saint  évoque 
n'est-elle  pas  la  plus  excellente  école  du  monde 
pour  en  former  d'autres? 

Cet  auteur  en  est  un  témoin  irréprochable, 
lorsqu'il  dit  que  les  ecclésiastiques  qui  compo- 
saient la  famille  de  l'archevêque  de  Cantor- 
béry  étaient  tous  également  savants  et  ver- 
tueux; aussi,  c'était  par  leurs  conseils  que 
toutes  les  questions  épineuses  d'Angleterre 
étaient  décidées. 

«  lu  domo  domini  mei  Cantuariensis  epi- 
scopi ,  viri  litteratissimi  sunt,  apud  quos  inve- 
nitur  omnis  rectitude  justitiae,  onmis  cautela 
providentiae,  omnis  forma  doctrinae.  Isti  post 
orationem  et  ante  comesîionem  in  leclione,  in 
disputatione ,  in  causarum  decisione  jugiter 
se  exercent.  Omnes  qu;estiones  regni  nodosae 
referuntur  ad  nos  (Epist.  vi).  » 

C'étaient  donc  ces  syncellesqui  composaient 
le  conseil  de  l'évéque.  Nous  parlerons  ensuite 
des  conseillers  après  avoir  dit  quelque  chose 
des  syncelles  grecs. 

V.  Curopalate  raconte,  qu'en  1030,  la  contes- 
talion  survenue  à  Constantinople  enlre  les  mé- 
tropolitains et  les  syncelles  sur  la  préséance, 
jeta  tout  le  monde  dans  la  confusion  et  dans 
le  trouble  pendant  le  divin  et  terrible  sacrifice, 
le  jour  même  de  la  Pentecôte,  les  métropoli- 
tains n'ayant  pu  se  résoudre  qu'avec  une 
extrême  peine  à  céder  aux  syncelles.  «  Fuit 
die  Pentecostes  perturbatio  quaedam  in  sacris 
celebrandis,  quod  non  consensissent  métropo- 
litain episcopi  sedere  ante  se  syncellos  in  con- 
sessu  (Baron.,  an.  103).  » 

Le  savant  Janus  A  Costa  a  remarqué  que 
Zonare  et  Cédrénus  font  succéder  les  syncelles 
aux  patriarches,  de  même  que  parmi  les  Turcs 
le  chérit  succède  toujours  au  calife  :  «  Ut  seri- 
phoscalipha  defunctosucceditapudTurcas,  sic 
olim  syncellus  apud  nos  patriarchœ  defuncti 
locum   occupabat  (A  Costa  in  (i,  9;  I.  i  Dec).  » 

Dans  la  lettre  des  évêques   grecs  au   pape 


Crégoire  X,  écrite  au  temps  du  concile  II  de 
Lyon,  en  1-274,  il  est  fait  mention  de  toutes  les 
dignités  du  clergé  de  Constantinople.  «  Magnus 
œconomus,  proteedicus,  logotheta,  castrisius, 
referendarius,  qui  super  judicia,  qui  super 
sécréta,  qui  super  sacrum  et  dona  apostolica, 
qui  primicerius  patriarchalium  notariorum, 
qui  princeps  ecclesiarum,  qui  super  petitiones 
qui  rememoratorii ,  qui  ostiarii,  qui  patriar- 
cales notarii,  qui  protopapie  (Concil.  gen., 
t.  il,  part.  1  ;  pag.  009,  073).  » 

Ils  sont  nommés  un  peu  diversement  dans 
la  lettre  que  le  pape  leur  écrivit.  «  Arehidia- 
cono  et  universo  clero,  œconomo,  sacella- 
rio,  proteedico,  logotheta,  castrisio,  referenda- 
rio,didascalo,  primicerio,  ipominisco,  ostiariis, 
et  notariis  omnibus  ;  nec  non  decano,  archi- 
diacono,  diaconis,  et  cantoribus  et  lectoribus 
universis.  » 

Je  n'ai  pas  été  fâché  de  nommer  toutes  ces 
sortes  de  dignités,  d'offices  ou  de  bénéfices  île 
l'Eglise  grecque.  Mais  il  est  vrai  que  les  syn- 
celles n'y  sont  point  compris,  parce  qu'ils  ne 
faisaient  en  quelque  façon  qu'une  même  per- 
sonne avec  le  patriarche. 

Dans  les  actes  du  concile  de  Florence  (Conc. 
gen.,  tom.  du, pag.  35,  234,  300,  1170),  on 
trouve  les  scévophylaces,  les  chartophylaces,  le 
protosyncelle  et  le  vicaire  du  patriarche  d'A" 
lexandrie,  qui  était  un  religieux,  et  peut-être 
son  confesseur,  car  c'est  la  signification  de  ce 
terme  7WEuu.aTixbç. 

Siméon,  archevêque  de  Thessalonique ,  a 
donné  une  explication  fort  courte  de  ces  di- 
vers offices  (L.  de  sacris  Ordinat.,  c.  xm). 

II  dit  que  l'économe  prend  soin  des  fonds 
et  des  revenus  de  l'Eglise,  et  des  distributions 
qui  s'en  font.  Le  grand  sacristain,  Magnus  sa- 
cellarius,  est  chargé  des  monastères,  afin  d'y 
maintenir  l'ordre  et  la  piété.  Le  garde  des  vais- 
seaux sacrés  a  soin  des  vases  et  des  orne- 
ments de  l'église.  Le  chartophylace  préside  aux 
prêtres,  aux  ordinations,  aux  mariages,  a  la 
juridiction  contentieuse  de  l'évéque,  aux  Char- 
tres; enfin  il  est  lui  seul  la  main  droite  et  le 
bras  du  prélat,  «  in  summa  totus  est  episcopi 
dextera.  »  Le  petit  sacristain,  Sacello  prœposi- 
tus,  veille  sur  toutes  les  églises  de  la  ville  pour 
y  faire  observer  la  décence  et  la  discipline  ca- 
nonique. Le  premier  défenseur,  Proteedicus, 
prend  soin  de  ceux  qui  reviennent  de  l'aposta- 
sie, de  faire  le  procès  aux  coupables,  et  de  pro- 
téger les  innocents. 


DES  SYNCELLES  ET  DES  MONITEURS,  etc. 


353 


Ce  prélat  finit  par  une  forte  et  juste  invec- 
tive contre  ceux  qui  donnaient  la  chargé  de 

père  spirituel,  c'est-à-dire  de  confesseur,  à  des 
moines  <jui  n'étaient  pas  prêtres. 

Ln  effet,  la  discussion  et  L'absolution  des 
crimes  n'appartenant  primitivement  qu'aux 
évêques,  et  parleur  délégation,  ou  en  leur  ab- 
sence aux  piètres,  comment  ce  pouvoir  tout 
apostolique  et  tout  divin  peut-il  être  commu- 
nique a  des  moines  qui  ne  sont  point  prêtres  ? 
«  Similis  ratio  est  de  oftîcio  spiritualis  paterni- 
tatis.  lllinl  conferendum  non  est  monachis 
idiotis,  nullam  prorsus  ordinationem  habenti- 
lius.  Nain  adeo  sacratissimum  hoc  est,  solis  ut 
episcopis  conveniat,  etc.» 

VI.  Le  concile  tenu  à  Constantinople.  en 
161-2,  où  les  Grecs  condamnèrent  les  erreurs 
du  calvinisme,  que  le  faux  patriarche  Cyriile 
avait  tâché  d'y  répandre  :  ce  concile,  dis-je, 
nous  fait  voir  ces  dignités  ou  ces  offices  dans 
les  souscriptions  : 

a  Pra?dicator  Evangelii ,  Magnus  archiman- 
drita  magna?  Ecclesi;e,  Magnus  prolosyngellus 
magna1  Ecclesiae,  Magnus  logotheta,  Magnus 
œconomus,  Magnus  sacellarius,  Magnuscharto- 
phylax  ,  Magnus  ecclesiarcha  ,  Nomopbylax, 
Minor  sacellarius ,  d  paxtxxîni,  Protecdicus,  Pro- 
tonolarius,  Magnus  primicerius,  Dicaeophylax, 
Magnus  i u terpres,  Logotheta,  A  comnientariis, 
Protapostolarius,  Notarius  [Gonc,  tom.  x\.  p. 
17-21).  » 

Voilà  les  offices  et  les  bénéfices  de  la  grande 
église  de  Constantinople.  Il  faut  juger  des  autres 
avec  proportion.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  lieu 
de  douter  que  celui  qui  est  ici  nommé  Proto- 
syngellusne  soit  le  même  que  le  prolosyncelle. 
VIL  Comme  les  protosyncelles  et  les  syn- 
celles  même  étaient  les  conseillers  nés,  pour  le 
dire  ainsi,  des  patriarches  et  des  évêques,  il 
ne  sera  pas  mal  à  propos  de  parler  ici  des 
conseillers.  Rigord  dit  qu'en  1-2(19,  Pierre, 
é\èque  de  Paris,  et  le  frère  Guérin,  conseiller 
du  roi  Philippe-Auguste  :  «  Frater  Garinus 
Philippi  régis  consiliarius.  »  firent  faire  des 
informations  secrètes  contre  les  sectateurs  des 
extravagances  de  l'impie  Amalric. 

Jean,  archevêque  de  Cantorbéry,  écrivant  en 
1-281,  au  roi  d'Angleterre,  Edouard  1",  adressa 
en  même  temps  sa  lettre  à  ses  conseillers  de 
lettres  :  «  Régi  ac  ejus  consiliariis  litteratis.  » 
Le  style  de  ce  temps-là  eût  presque  demandé 
qu'on  eut  traduit  :  à  ses  conseillers -clercs. 
Pierre  de  Cugnères  n'était  pas  de  ce  rang-là, 


lui  qui  esl  appelé  Miles  consiliarius  régis,  dans 
les  actes  de  l'assemblée  sous  le  roi  Philippe  de 
\  ,<l..is,  l'an  1329. 

Dans  l'assemblée  de  Francfort,  en  1409,  il 
est  porte  que  le  roi  des  Romains,  Etupert,  s'y 
trouva  avec  ses  conseillers  :  «Fuit  ihi  rex  cum 
suis  consiliariis.  »  C'était  apparemment  un 
conseil  mi-parti  d'ecclésiastiques  et  île  laïques. 
puisque  c'est  aussi  la  disposition  du  corps  de 
l'empire.  Au  moins  il  est  certain  que  dans  le 
concile  de  Constance,  en  1  i 1 7  Sess.  35.  30), 
l'évêque  de  Conqua  et  le  gouverneur  de  Gui- 
puscoa  sont  nommés  conseil/ers  du  roi  de  Cas- 
tille.  In  cordelier  y  porta  la  même  qualité. 

Dans  le  concile  de  Tortose,  en  1429,  un 
docteur  en  droit  canon  et  civil,  est  nommé 
conseiller  du  roi  d'Aragon.  Le  concile  de  Râle 
écrivit  aux  prélats  et  aux  seigneurs  conseillers 
du  roi  ,  en  France  :  «  Reverendis  in  Chrislo 
patribus,  et  illustrions  ac  magnifias  dominis 
consiliariis  régis  christianissimi  (Append.  i, 
epist.  22).  » 

Il  y  aurait  quelque  sujet  de  croire  que  ce 
seraient  les  conseillers  d'Etat  qu'il  faudrait  en- 
tendre dans  toutes  ces  allégations. 

Le  roi  Canut  d'Angleterre  écrivit  à  ses  mi- 
nistres et  à  ses  conseillers  d'Etat  :  «  Praecipio 
meis  consiliariis,  quibus  regni  concilia  cre- 
didi  ,  »  de  faire  observer  inviolablement  la 
justice  (Raron.,  an.  1027,  n.  2  .  » 

Longin,  parlant  du  roi  Casimir  de  Pologne, 
dit  que  cet  Etat  et  le  concile  du  royaume  est 
composé  d'évèques  et  de  palatins  :  «  Pontifici- 
bus  intérim  et  palatinis,  ex  quibus  maxime 
universum  corpus  consilii  apud  Polonos  con- 
cinnatur  (Idem,  an.  1041.  n.  5).  » 

Léon  d'Ostie  assure  que  l'évêque  d'Aichtet 
était  le  conseiller,  c'est-à-dire  le  premier  mi- 
nistre de  l'empereur  Henri  II  :  «  Gebeardus 
tune  episcopus  Aistetensis,  gente  Noricus,  vir 
singulari  prudentia  ,  gerendarumque  rerum 
peritissimus,  régis  consiliarius  eratTdem,  an. 
1053,  n.  3).  » 

Saint  Rernard  se  plaignit  à  l'évêque  de  Sois- 
sons,  et  à  Suger,  abbé  de  Saint-Denis,  de  quel- 
ques violences  du  roi  Louis  le  Jeune,  comme  à 
ses  conseillers  et  à  ses  ministres  :  a  Dignum 
duxi  vobis,  qui  de  concilio  ejusestis  insinuan- 
dum,  etc.  Quidquid  mali  fecerit,  merito  non 
régi  juveni,  sed  consiliariis  senibus  imputatur 
(Epist.  xxu).  » 

Charlemagne  avait  laissé  cet  illustre  et  reli- 
gieux exemple  à  son  auguste  postérité.  L'auteur 


Tu. 


Tome  II. 


-23 


334 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DEUXIÈME. 


de  la  vie  de  saint  Àngilbert  dit  que  ce  prince 
l'ayant  fait  son  archi chapelain  ,  le  fit  aussi  son 
silentiaire,  c'est-à  dire  son  ministre,  ou  son 
conseiller  d'Etat  :  «  Ha>c  tanta  dilectio  ad  hoc 
processif,  ut  eum  secretorum  conscium,  et 
primatem  capellauorum  faceret.  Sihi  quoque 
eumdem  silentiarium  statueret;  ut  in  quo 
eompercrat  prudentiœ  altitudinem,  ejus  con- 
silio  componeret  totius  regni  utilitatem  (Bo!- 
land.,  Februar.,  tom.  tu,  p.  98  .»  Nous  parle- 
rons plus  has  d'Angilbert. 

Cette  qualité  de  conseiller,  quoiqu'elle  fût 
attribuée  ados  ecclésiastiques,  n'était  pourtant 
pas  ecclésiastique  de  sa  nature.  Nous  n'en 
avons  aussi  parlé  qu'en  passant,  et  parce  qu'il 
semble  qu'elle  ait  passé  de  l'Eglise  au  palais 
des  princes,  et  que  d'abord  elle  a  été  plus  ordi- 
nairement attribuée  aux  évêques  et  aux  autres 
ecclésiastiques  ;  ce  qui  fait,  qu'étant  une  di- 
gnité qui  tire  son  origine  de  l'Eglise,  elle  doit 
y  être  naturellement  rapportée. 

VIII.  Il  y  a  de  l'apparence  que  ces  évêques, 
ou  abbés*  on  simples  religieux  qui  étaient  ho- 
norés de  la  qualité  de  conseillers  d'Etat,  étaient 
aussi  quelquefois  les  confesseurs  des  princes  ; 
et,  connue  nous  avons  vu,  les  protosyncelles 
étaient  quelquefois  en  même  temps  les  confes- 
seurs des  patriarches  ;  enfin  les  Grecs  n'ont 
pas  omis  ci-dessus  les  confesseurs,  ou  pères 
spirituels,  quand  ils  ont  fait  le  dénombrement 
des  oflices  ou  des  bénéfices  de  l'Eglise  :  c'est 
pourquoi  il  sera  bon  de  remarquer  ici  briève- 
ment quelque  cbose  toucbant  les  confesseurs 
des  grands. 

Après  que  le  concile  d'Orléans,  en  lot" 
(Conc,  tom.  ix,  p.  84ft),  eut  condamné  deux 
nouveaux  hérésiarque?)  la  reine  Constance,  qui 
y  assista  avec  le  roi  Robert,  saintement  indi- 
gnée que  son  confesseur  fût  un  de  ces  mal- 
heureux ecclésiastiques  qui  s'étaient  laissé 
infecter  de  ce  dangereux  poison,  et  qui  avaient 
ensuite  été  dégradés  et  condamnés  au  feu  , 
lui  arracha  l'œil  avec  le  sceptre  qu'elle  tenait 
en  main. 

Les  rois  et  les  reines  avaient  déjà  leurs  con- 
fesseurs particuliers,  et  ils  les  recevaient  du 
choix  mi  de  l'agrément  de  l'évêque  ou  de  l'ar- 
chidiacre, s'il  en  faut  croire  un  canon  qu'on 
attribue  au  concile  île  Clennont.  en  1095  (Rai- 
nald.,  an.  1239,  n.  (J(i).  «Ut  nullus  princeps 
capi  llanuin  habeat,  nisi  quem  sihi  episeopus 
sans,  aut  archidiaconus  procuratorem  aninuc 
delectum  constituât  (Can.  xiv).  » 


Le  roi  Louis  le  Gros  mourut  entre  les  mains 
de  l'évêque  de  Paris  et  de  l'abbé  de  Saint-Vic- 
tor, qui  était  son  confesseur  ordinaire,  ocui 
faniiliarius conlitebatur  »,  dit  Suger. 

Geoffroy,  jacobin,  qui  nous  a  laissé  l'histoire 
de  la  vie  de  saint  Louis,  témoigne  qu'il  avait 
été  son  confesseur  durant  environ  vingt  ans,  et 
qu'il  avait  très-souvent  ouï  sa  confession  géné- 
rale (C.  v,  xvi).  En  l'absence  de  son  confesseur. 
il  se  confessait  à  son  chapelain,  avec  lequel  il 
récitait  son  office  (Du  Chesne,  tom.  v,  p.  Ut;, 
i.'.l  . 

Cet  auteur  assure  que  saint  Louis  eut  tou- 
jours deux  confesseurs  après  son  retour  de 
la  Palestine,  l'un  cordelier,  l'autre  jacobin, 
afin  que  l'un  suppléât  en  l'absence  de  l'autre, 
et  pour  témoigner  la  tendresse  de  son  amour 
pour  ces  deux  ordres  religieux.  «  Postquam  de 
transmarinis  partibus  est  reversus ,  semper 
duos  voluit  confessores,  ununi  de  online  Fia- 
trum  Minorum.  et  alium  de  ordine  Prœdica- 
torum,  etc.  » 

En  1224,  le  pape  nomma  l'évêque  de  Troyes, 
l'abbé  de  Marmoutier,  et  le  confesseur  du  roi 
saint  Louis,  pour  réformer  l'ordre  de  Cîteaux, 
dont  l'abbé  était  brouillé  avec  celui  de  Clair- 
vaux  (Monast.  AngL,  tom.  h,  pag.  701). 

Il  est  fort  vraisemblable  que  c'était  par  son 
propre  choix  que  ce  saint  roi  avait  pris  ses  con- 
fesseurs, et  néanmoins  le  roi  Philippe  son  fils 
obtint  de  Grégoire  IX  un  bref,  qui  lui  permet- 
tait de  choisir  un  confesseur  à  son  gré,  ou  sé- 
culier ou  régulier,  et  de  le  changer  quand  il  le 
jugerait  à  propos.  «  Presbyterum  srecularem  , 
seu  religiosum  in  confessorem  tuum  eligere, 
et  illo  dimisso.  alium  quoties  expédient,  assu- 
mere  valeas  Uainald.,  an.  1272,  n.  59}:  » 

Boniface  VIII  cita  à  Rome  le  confesseur  jaco- 
bin du  roi  Philippe  le  Bel,  en  l'an  1303,  lors- 
qu'il se  fut  brouillé  avec  ce  roi.  C'est  ce  même 
jacobin  que  Clément  V  lit  cardinal,  avec  un 
autre  jacobin,  confesseur  du  roi  d'Angleterre, 
l'an  1305,  au  rapport  de  Sponde,  en  la  même 
année  (Hist.  du  différend,  pag.  99,  121;  Bai- 
nald.,  n.  23). 

Magnus,  roi  de  Suède,  obtint  du  pape  Mar- 
tin IV,  en  1281,  le  pouvoir  de  choisir  un  con- 
fesseur. En  1317,  Jean  XXII,  entre  plusieurs 
privilèges  accordés  au  roi  Edouard  d'Angle- 
terre, lui  permit  de  choisir  un  confesseur  qui 
pût  l'absoudre  même  des  cas  réservés  (Bainald., 
an.  1305,  n.  I  i  •  L'an  1318,  le  roi  et  la  reine  de 
Sicile  obtinrent  le  même  privilège  du  même 


DES  SYNCELLES  ET  DES  MONITEURS,  etc. 


?>">"> 


pape,  avec  une   indulgence  à  l'article  de  la 
mort  (Rainald.,  n.  49;  idem,  17). 

Nos  rois  continuèrent  de  prendre  des  con- 
fesseurs jacobins  jusqu'en  l'an  1387,  que  Jean 
de  Monteson,  jacobin,  ayant  avancé  à  Paris  et 
soutenu  avec  opiniâtreté  quelques  propositions 
scandaleuses  contre  l'immaculée  Conception 
de  la  Vierge,  nonobstant  les  censures  de  l'évè- 
que  de  Paris  et  du  pape,  cet  ordre  souffrit  une 
longue  persécution ,  et  on  les  obligea  enfin  à 
les  rétracter.  Le  confesseur  du  roi  même,  qui 
était  un  jacobin  et  évêque  d'Evreux,  fut  un  de 
ceux  qu'on  força  de  se  rétracter  ;  le  roi  le  con- 
gédia, et  depuis  nos  rois  ne  prirent  plus  de 
confesseur  de  cet  ordre  (Hist.  de  Charles  VI, 
1.  vin,  c.  I -i). 

Hariana  dit  qu'en  1379,  le  roi  Henri  de  Cas- 
tille  voulut  mourir  et  être  enterré  avec  l'habit 
de  jacobin,  et  que  les  rois  prenaient  toujours 
leurs  confesseurs  de  cet  ordre  (Mariana,  1.  xvu, 
c.  21;  Hist.  illust.,  tom.  i,  p.  936).  La  grande 
reine  Isabelle  avait  un  hiéronymite  pour  confes- 
seur. L'ayant  fait  archevêque  de  Grenade,  elle 
prit  François  Ximenès,  franciscain,  qu'elle  fit 
depuis  archevêque  de  Tolède,  et  qui  ne  voulut 
point  accepter  la  charge  de  confesseur  qu'à 
condition  de  ne  point  demeurer  à  la  cour. 

IX.  Cette  autorité  que  les  évêques  s'étaient 
autrefois  réservée  de  donner  des  confesseurs 
aussi  bien  que  des  chapelains,  aux  seigneurs 
particuliers,  n'était  pas  inutile  pour  l'affermis- 
sement de  la  discipline. 

Jean,  archevêque  de  Cantorbéry,  ayant  obligé 
tous  les  bénéficiers  qui  avaient  des  bénéfices 
incompatibles,  de  se  contenter  du  dernier,  il 


obligea  en  même  temps  les  confesseurs  de  1rs 
avertir,  que  sans  cela,  ils  seraient  incapables 
de  toutes  sortes  de  dignités  ecclésiastiques,  et 
de  leur  ordonner  pour  leur  pénitence  la  resti- 
tution des  fruits;  enfin,  il  les  menaça  eux- 
mêmes  d'excommunication,  s'ils  entreprenaient 
de  donner  l'absolution  à  ceux  qui  n'obéiraient 
pas  à  cette  ordonnance  (Conc,  tom.  u,  part,  t, 
p.  1,63). 

Je  ne  rapporterai  pas  tout  ce  que  Conestagio 
raconte  des  jésuites  qui  furent  confesseurs  du 
roi  Dom  Sébastien  et  du  roi  cardinal  Henri  de 
Portugal.  On  sait  assez  combien  les  confesseurs 
des  grands,  aussi  bien  que  leurs  ministres, 
sont  exposés  aux  traits  de  la  médisance.  Mais  on 
ne  peut  douter  de  la  vérité  de  ce  que  les  histo- 
riens d'Espagne  racontent  du  sage  et  généreux 
conseil  de  l'évêque  d'Osme,  confesseur  de  l'em- 
pereur Charles -Quint,  lorsque  cet  empereur 
délibéra  dans  son  conseil  de  la  manière  dont  il 
devait  traiter  son  prisonnier  de  guerre,  le  roi 
François  Ier  (Hisp.  illust.,  tom.  H,  p.  1066,  1667, 
1109;  Rainald.,  an.  1525 ,  n.  28;  Sponde., 
an.  152.%,  n.  5). 

Quoiqu'un  conseil  si  sage  et  si  chrétien  fût 
éludé  par  l'emportement  et  la  fureur  du  duc 
d'Albe,  celui  qui  le  donna  n'en  recueillera  pas 
moins  de  gloire  ilans  le  souvenir  et  dans  l'ad- 
miration de  la  postérité,  qui  le  regardera  tou- 
jours comme  le  plus  illustre  et  le  plus  parfait 
modèle  de  ceux  qui  rempliront  jamais  ces  péril- 
leuses et  importantes  charges. 

Je  parlerai  encore  des  confesseurs  des  rois 
dans  un  des  chapitres  suivants  (1). 


(1)  Cette  sage  et  pieuse  pratique,  tant  recommandée  par  les  anciens 
canons,  ainsi  que  l'a  démontré  Thomassio,  que  les  évéques  eussent 
auprès  d'eux  des  syncelles  ou  témoins  de  leur  vie,  et  les  clercs  ma- 
jeurs, des  moniteurs  ou  surveillants  vivant  en  communauté  avec  eux, 
a  été,  dans  cts  derniers  temps,  en  partie  ressuscitée  dans  plusieurs 
diocèses,  où  l'on  a  prescrit  la  vie  commune  entre  les  curés  et  leurs 
vicaires.  Voici  un  décret  du  concile  provincial  d'Avignon  de  1S19, 
titre  VI,  chapitre  v  :  u  Hortamur  quoque  episcopos  comprovinciales 
nostros,  ut  quam  primum  fieri  poterit,  ad  communem  vitam  ineun- 
dam  parochos  et  vicarios  perducere  studeant  ;  bonum  enim  est  et 
jucundum  habilare  fratres  in  unum.  b  Cette  très-sage  prescription 
qui,  bien  exécutée  et  soutenue  par  une  chanté  et  ferveur  réciproques, 
aurait  pu  amener  les  plus  heureux  résultats  et  préserver  les  jeunes 
prêtres  de  beaucoup  de  dangers,  a  été  abandonnée,  dans  cette  pro- 
vince, après  des  tentatives  infructueuses.  Toujours  est-il  que  le  déciet 
du  concile  que  nous  venons  de  citer  nous  prouve  que  l'esprit  et  l'in- 
tention de  l'Eglise  n'ont  pas  changé  en  ce  qui  concerne  les  moyens  à 


prendre  pour  prémunir  le  clergé  contre  des  entraînements  regretta- 
bles, le  mettre  à  l'abri  des  calomnies,  et  lui  conserver  le  zèle  et  la 
sainteté  de  sa  vocation. 

En  ce  qui  touche  les  confesseurs  des  rois,  on  trouvera  de  bien 
précieux  documents  sur  cette  matière  dans  un  livre  publié  en  1855 
par  le  gouvernement  sous  ce  titre  :  Privilèges  accordés  à  la  cou- 
ronne de  France  par  le  Saint-Siège,  publiés  d'après  les  originaux 
conservés  aux  archives  de  l'Empire,  in-lo  de  412  pages.  —  Bulle  de 
Clément  VI  accordant  aux  rois  et  reines  de  France  le  droit  de  choi- 
sir pour  leur  confesseur  tel  prêtre  qu'ils  voudront  ;  autre  bulle  du 
même  accordant  aux  confesseurs  des  rois  et  des  reines  le  droit  de 
les  absoudre  des  cas  réservés  au  Saint-Siège  ;  autre  bulle  du  même, 
leur  accordant  le  pouvoir  de  commuer  les  vœux  des  rois  et  reines  de 
France,  et  de  leur  donner  à  l'article  de  la  mort  l'absolution  générale, 
uuctorilale  apostolica.  H  y  a  encore  un  gTand  nombre  de  pouvoirs 
spéciaux  accordés  aux  confesseurs  des  rois,  qu'il  serait  superflu  de 
relater.  (Dr  André.) 


3.')G 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-TROISlEME. 


CHAPITRE   CENT-TROISIEME. 


DES   PH1MICIEKS,    PltlMlCLERCS,    SACRISTAINS,    SCÉVOPHYLACES,    TRÉSORIERS,    ETC., 

DANS    LE    MOYEN    AGE. 


I.  II.  Du  primicicr  des  notaires,  à  Constauliuople. 

III.  Et  dans  l'Eglise  de  Ruine. 

IV.  El  dans  celle  de  France. 

V.  VI.  A  Home,  le  primicier  était  le  chef  du  bas  clergé,  et  il 
gouvernait  le  Saint-Siège  vacant,  avec  le  premier  des  prêtres  cl 
le  premier  des  diacres. 

VII.  VIII.  En  Espagne,  le  primiclerc  était  le  chef  du  bas 
clergé. 

IX.  D'où  vient  qu'on  commença  de  nommer  les  clercs  par  le 
nom  de  leur  dignité  plutôt  que  de  leur  ordre. 

X.  Pourquoi  le  bas  clergé  commença  d'avoir  un  chef  défé- 
rent de  l'archidiacre. 

XI.  XII.  XIII.  XIV.  Des  sacristains,  trésoriers,  scévophylaces. 

XV,  Des  mansionnaires. 

XVI.  Des  hebdomadiers,  et  de  ceux  qui  avaient  le  soiu  d'en- 
terrer les  morts. 


I.  Les  priniiciers  et  les  secondiciers  viennent 
d'être  plusieurs  fois  nommés  :  il  en  faut  dire  un 
mot,  et  leur  joindre  dans  ce  même  chapitre  les 
sacristains,  les  trésoriers,  les  scévophylaces  ou 
gardes  de  vaisseaux  sacres. 

II.  Quand  le  diacre  ou  archidiacre  de  Cons- 
tantinople,  en  même  temps  qu'il  était  promo- 
teur des  conciles,  a  été  nommé  primicicr  des 
notaires,  il  estasse/,  clair  qu'il  était  comme  le 
président  du  collège  des  notaires,  et  par  consé- 
quent il  était  écrit  le  premier  dans  le  catalogue, 
à  quoi  servaient  alors  des  tables  de  bois  cou- 
vertes de  cire,  sur  lesquelles  on  écrivait.  Voilà 
d'où  vient  le  nom  de  primicicr.  Ainsi,  dans 
toutes  les  sortes  d'offices  ou  de  dignités  qu'on 
communiquait  à  plusieurs  personnes  en  un 
même  temps,  le  premier  était  appelé  le  primi- 
cicr. Dans  le  même  concile  de  Constantinople, 
sous  Menas  (Act.  5),  on  trouve,  parmi  les  sous- 
criptions de  quelques  suppliques,  un  prêtre 
primicicr  de  la  laure  de  saint  Sahas,  et  un 
simple  moine  primicier  de  son  monastère. 

III.  Dans  l'Eglise  latine,  saint  Grégoire  parle 
aussi  du  primicicr  des  notaires,  Primicerius 
notariorum.  Il  parle  ailleurs  de  son  second, 
Secundicerius.  Patérius  même  avait  eu  cette 
dignité.  «  liane  epistolam  Paterio  secundicerio 
notario  Ecclesiae  nostrae  scribendam  dictavi- 
mus,  cui  et  subscripsimus  (L.  u  ,  ep.  22;  I.  vi, 


ep.  29;  1.  ix,  c.  22,  33).  »  Jean  Diacre  dit  de 
même:  «  Patérius  notarius,  qui  ab  eo  secundi- 
cerius factus,  etc.  (L.  n,  c.  11).  »  Ce  qui  pourrait 
être  une  preuve  que  ce  n'était  pas  l'antiquité 
qui  leur  donnait  ce  rang,  mais  leur  mérite  et 
le  jugement  du  prélat. 

IV.  L'Eglise  de  France  avait  aussi  ses  primi- 
ciers  ,  puisque  saint  Rémi  ,  archevêque  de 
Reims,  se  plaignait  que  l'évèquc  Falco,  qui 
avait  entrepris  de  créer  des  archidiacres  et  un 
primicier  des  lecteurs  dans  une  église  qui 
n'était  pas  de  son  diocèse.  «  Archidiaconos  in- 
stitueris,  primiceiïum  scholae  clarissima?,  mili- 
tisque  lectorum  (Conc.  Gall.,  tom.  i,  p.  205).» 
Voilà  des  priniiciers  et  des  secondiciers  dans  le 
collège  des  lecteurs,  dont  la  dignité  est  conférée 
par  l'évèque. 

V.  Mais  que  dirons-nous  du  primicicr  qui  se 
lit  dans  le  titre  de  la  lettre  écrite  en  Angle- 
terre, après  l'élection  et  avant  le  couronnement 
du  pape  Jean  IV,  où  nous  lisons  en  têtel'archi- 
pretre,  puis  Jean,  diacre,  élu  pape,  suivi  de 
Jean,  primicier  :  «  Joannes  primicerius  et  ser- 
vans  locum  sanctae  Sedis  Apostolicae  (Raronius, 
an.  639,  p.  G,  7);  »  et  enfin  de  Jean,  conseiller 
du  Siège  Apostolique?  Il  est  certain  que  ces 
quatre  dignités  gouvernaient  le  Siège  Aposto- 
lique, et  même  l'Eglise  universelle,  pendant 
que  le  Siège  romain  était  vacant.  Cette  lettre, 
écrite  en  Angleterre,  pour  y  terminer  plusieurs 
différends,  en  est  une  preuve. 

Le  saint  pape  Martin  I"  confirme  manifeste- 
ment cette  vérité  quand  il  dit,  qu'en  l'absence 
du  pape,  le  Saint-Siège  est  gouverné  par  l'ar- 
chidiacre, l'archiprêtre  et  le  primicier.  «  Quia 
in  absentia  poutificis  archidiaconus,  et  archi- 
presbylcr  et  primicerius  louum  présentant 
pontifias  (Epist.  xv).  » 

VI.  Connue  nous  n'avons  pas  remarqué  dans 
l'Eglise  romaine  d'autre  primicier  que  celui 
des  notaires,  et  que  cet  office  nous  a  paru  si 
important  que   ceux  qui  en  étaient  honorés 


DES  PRIMICIERS,  PRIMICLERCS,  SACRISTAINS,  rrc. 


357 


étaient  aussi  chargés  des  commissions  les  plus 
honorables  dans  les  conciles  mêmes,  nous  pou- 
Tons  croire  avec  fondement  que  le  primicier 
des  notaires  passait  pour  le  chef  de  tout  le 
clergé  inférieur,  et  ainsi  le  pape  absent  était 
représenté,  et  son  siège  était  alors  régi  par  les 
trois  chefs  des  trois  ordres  qui  composaient 
tout  son  clergé,  c'est-à-dire  par  l'archiprêtre, 
par  l'archidiacre  et  par  le  primicier;  car,  nous 
avons  vu  les  notaires  quelquefois  nommés  de- 
vant les  sous-diacres. 

Dans  la  vie  du  pape  Constantin,  par  Anastase 
bibliothécaire,  le  secondicier  même,  le  défen- 
seur et  d'autres  officiers  sont  nommés  avant 
les  sous-diacres.  Ainsi  le  primicier  des  notaires 
pouvait  bien  passer  pour  le  chef  du  clergé  in- 
térieur. 

Le  conseiller  du  Siège  Apostolique,  qui  est 
le  quatrième  dans  la  lettre  de  Jean  IV,  élu 
pape,  était  un  religieux,  et  ainsi  il  représentait 
le  corps  des  réguliers,  qui  pouvait  être  consi- 
déré comme  un  quatrième  membre  du  cli  rgé 
de  Rome,  selon  les  diverses  divisions  arbi- 
traires qu'on  y  a  faites  en  divers  temps. 

VII.  Nous  trouverons  peut-être  la  confirma- 
tion de  cette  vérité  dans  les  conciles  d'Espagne. 
Le  concile  de  Mérida  enjoint  à  tous  les  évê- 
ques  d'avoir  dans  leurs  églises  cathédrales  un 
.uchiprètre,  un  archidiacre  et  un  primicier, 
i|iii  v  est  néanmoins  appelé,  selon  le  style  d'Es- 
pagne, Primiclerus,  au  lieu  de  Primicerius. 

Voici  les  paroles  du  concile  .  «  Sancimus  ut 
omnes  nos  episcopi  in  cathedralibus  nostris 
ccclesiis,  singuli  uostrum  archipresbyternm, 
archidiaconum  et  primiclerum  habere  debea- 
mus  [Can.  x  .  » 

Et  afin  que  cette  élévation  ne  leur  fit  point 
oublier  le  profond  respect  qu'ils  devaient  à 
l'évêque,  qui  était  l'auteur  de  leur  dignité  ,  et 
dont  ils  étaient  comme  les  créatures,  l'obéis- 
sance leur  est  en  même  temps  très-étroitement 
recommandée. 

On  ne  peut  pas  douter  que  ce  primiclerc  ne  fût 
le  chef  de  tous  les  clercs  inférieurs.  S'il  en 
restait  encore  quelque  doute,  il  serait  entière- 
ment levé  par  un  canon  suivant  du  même  con- 
cile (Can.  xiv),  où  il  est  ordonné  que  les  ri  ve- 
nus de  l'Eglise  seront  divisés  en  trois  parts, 
l'une  pour  l'évêque,  l'autre  pour  les  prêtres  i  I 
les  diacres,  l'autre  pour  les  autres  clercs  a  qui 
la  distribution  en  sera  faite  par  le  primiclerc  . 
selon  la  connaissance  qu'il  a  de  leur  travail  et 
de  leur  diligence.   «  Terlia  subdiacouibus  et 


clericis  tribuatur;  ut  a  primiclero  juxta  quod 
in  olficio  eos  prœscit  esse  intentos,  ita  singulis 
dispenserai*.  » 

Il  est  donc  certain  que  ce  primiclerc  était  le 
président  de  tous  les  clercs  inférieurs,  et  des 
sous-diacres  même,  ce  qui  pourrait  nous  per- 
suader qu'il  était  lui-même  ordinairement 
sous-diacre.  Car  la  qualité  de  primiclerc,  de 
primicier  et  de  notaire,  marquait  un  office  et 
non  un  ordre,  et  il  est  certain  que  cet  office 
pouvait  être  donné  à  un  sous-diacre,  puisque 
nous  avons  vu  dans  l'Orient  les  diacres  et  les 
archidiacres  même  de  Constantinople  être  en 
même  temps  primiciers  des  notaires. 

VIII.  Carcias  a  donc  eu  raison,  dans  les  sous- 
criptions du  concile  VIII  de  Tolède,  de  lire 
Siculus  primiclerus,  et  non  pas  Primicerius , 
dont  la  souscription  suit  celle  de  l'archiprêtre 
de  Tolède.  Au  concile  XV  de  Tolède,  le  primi- 
clerc souscrit  aussi  après  l'archidiacre.  Saint 
Isidore  de  Séville  nomme  aussi  le  primiclerc 
dans  sa  lettre  à  l'archidiacre  Rraulion,  et  il  y 
a  de  l'apparence  qu'il  faut  aussi  lire  Primicle- 
rus, dans  les  autres  endroits  où  il  parle  du  pri- 
micier, surtout  quand  il  explique  au  long  ses 
pouvoirs  et  sa  supériorité  sur  tous  les  clercs 
mineurs  :  «  Ad  primicerium  pertinent  acolythi, 
exorcistœ,  psalmistœ,  atque  lectores,  signum 
quoque  dandum  pro  officio  clericorum,  etc. 

Pag.  616).  »  Voilà  ce  qu'il  en  dit  immédiate- 
ment nprrs  avoir  parlé  de  l'archidiacre  et  de 
l'archiprêtre. 

Après  cela,  il  est  indubitable  que  le  primi- 
cier qui  gouvernait  l'Eglise  romaine  avec  l'ar- 
chiprêtre et  l'archidiacre,  pendant  l'interrègne 
ou  pendant  les  longues  absences  des  papes, 
était  le  chef  de  tous  les  clercs  inférieurs,  dont 
le  nombre,  qui  était  d'autant  plus  grand  que 
leur  dignité  était  moindre,  rendait  aussi  leur 
corps  fort  considérable,  surtout  si  l'on  consi- 
dère 1rs  offices  plutôt  que  les  ordres. 

IX.  Ce  furent  apparemment  les  clercs  infé- 
rieurs qu'on  commença  de  nommer  et  de  con- 
naître, plutôt  par  leurs  dignités  et  leurs  offices 
que  par  leurs  ordres;  d'où  naquirent  ensuite 
tant  de  titres  divers  de  bénéfices  et  de  di- 
gnités. 

Il  ne  faut  pas  facilement  croire  que  leur  am- 
bition fut  le  principe  de  cette  nouveauté  :  on 
leur  donnait  plutôt  ces  noms  qu'ils  ne  les  pre- 
naient. Mais  leurs  offices  étant  en  beaucoup 
plus  grand  nombre  que  leurs  ordres,  et  eux- 
mêmes  paraissant  eu  beaucoup  d'occurrences 


3' 8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-TROISIÈME. 


dans  les  fonctions  de  leur  office  et  de  leur  di- 
gnité plutôt  que  dans  celle  de  leur  ordre,  l'u- 
sage s'introduisit  nécessairement  et  insensible- 
ment de  les  nommer  plutôt  par  les  noms  de 
leurs  dignités  que  de  leurs  ordres. 

X.  L'archidiacre,  dans  les  âges  précédents, 
avait  eu  la  juridiction  et  la  supériorité  immé- 
diate sur  tous  les  clercs  inférieurs;  au  lieu  que 
nous  voyons,  dans  celui-ci  que  nous  dévelop- 
pons, cette  supériorité  résignée  à  une  nouvelle 
dignité,  qui  est  celle  du  primicier. 

La  raison  de  ce  changement  est  que  l'archi- 
diacre avait  acquis  une  nouvelle  autorité  sur 
les  prêtres  mêmes,  sur  les  paroisses  et  les  curés 
de  la  campagne,  sur  l'archiprètre  même,  et 
enfin  sur  tout  le  diocèse,  comme  le  vicaire-gé- 
néral et  l'official  universel  de  l'évêque.  Or,  il 
s'en  fallait  beaucoup  que,  dans  les  siècles  pré- 
cédents, son  pouvoir  eût  eu  la  même  étendue; 
ainsi  il  fut  nécessaire  de  lui  donner  comme  un 
substitut,  pour  l'intendance  qu'il  avait  aupara- 
vant exercée  sur  les  clercs  inférieurs  (L.  n, 
c.  -23). 

XI.  Quant  aux  sacristains,  Théodore, lecteur, 
parle  d'un  trésorier  des  vases  sacrés  qui  est 
aussi  sacristain.  Ce  Macédonius  qui  succéda  à 
Euphémius,  patriarche  de  Constantinople, était 
prêtre  et  sacristain  de  la  grande  église. 

L'empereur  Anastase,  qui  avait  placé  Macé- 
donius dans  cette  dignité,  le  trouva  dans  la 
suite  plus  zélé  à  en  faire  valoir  les  droits  qu'il 
ne  s'y  était  attendu;  il  l'en  chassa  donc  avec 
aussi  peu  de  sujet  qu'il  en  avait  eu  lorsqu'il 
chassa  son  prédécesseur  pour  le  mettre  en  sa 
place.  Il  donna  à  ce  Macédonius  pour  succes- 
seur l'impie  Timothée,  prêtre  et  sacristain  de 
la  même  église. 

Cyrille,  moine,  qui  a  écrit  la  vie  de  saint 
Euthime,  remarque  qu'Euthime  avait  prédit 
au  prêtre  Anastase,  chorévêque  et  sacristain  de 
l'église  patriarcale  de  Jérusalem,  qu'il  serait 
un  jour  le  chef  de  cette  église  patriarcale  :  ce 
qui  nous  fait  voir  de  quel  poids  était  la  dignilé 
de  trésorier,  et  qu'on  la  donnait  toujours  à  des 
prêtres. 

Jean  Diacre,  dans  la  vie  de  saint  Grégoire, 
parle  de  celui  qui  est  appelé  Sacellarius.  Je  ne 
sais  si  ce  ne  serait  point  le  clerc  de  chapelle  ; 
car  nous  avons  dit  ailleurs  que  les  évêques 
avaient  une  chapelle  domestique  dans  leur  pa- 
lais épiscopal. 

Anastase  Ribliothécaire,  dans  la  vie  du  pape 
Constantin,  nomme  le  sacristain  ou  clerc  de 


chapelle,  Sacellarius,  entre  les  officiers  du  bas 
clergé  qui  suivirent  le  pape  à  Constantinople. 
Ce  Sacellarius,  ou  plutôt  Saccellarius  pourrait 
néanmoins  bien  être  le  trésorier  du  prélat.  Car 
saint  Grégoire  même  nomme  le  trésor  de  l'é- 
glise Saccus.  En  voici  les  termes  :  «  Nos  sac- 
culum  ecclesiae  lucris  turpibus  nolumus  in- 
quinare  (L.  i,  Ep.  xlii).  » 

Jean  Diacre,  dans  la  vie  de  ce  pape,  donne 
clairement  la  qualité  de  Saccellarius  au  tréso- 
rier de  l'église  ou  à  l'aumônier  :  «  Gregorius 
juxta  consuctudinem  prœcepit  sacellario ,  ut 
duodecim  peregrinos  ad  prandium  invitaret 
(L.  n,  c.  xxiii).  » 

Saint  Grégoire  dit  lui-même  que,  comme 
l'empereur  avait  un  trésorier  pour  ses  armées 
d'Italie,  il  était  lui-même  en  quelque  manière 
son  trésorier  pour  les  profusions  qu'il  fallait 
faire  aux  Lombards  à  Rome  :  «  Sicut  in  Ra- 
vennae  partibus  dominorum  pietas  apud  pri- 
mum  exercitum  ltalia?  sacellarium  habet,  qui 
causis  supervenientibus  quotidiauas  expensas 
faciat  :  ita  et  in  hac  urbe  in  causis  talibus  eo- 
nini  sacellarius  ego  sum  (L.  iv,  ep.  xxxiv).  » 

Si  ce  trésorier  était  l'aumônier  ou  le  chape- 
lain, ce  nom  peut  venir  de  Sacellum.  On  peut 
néanmoins  le  dériver  du  terme  de  Saccus, 
comme  il  a  été  dit.  Isidore,  dans  ses  origines, 
favorise  ce  dernier  sentiment  :  «  Fiscus  saccus 
est  publicus.  » 

XII.  Ceux  que  saint  Isidore,  évêque  de  Sé- 
ville,  appelle  gardes  des  vaisseaux  sacrés  : 
«  Custodes  sacrorum  ,  custodes  sacrarii  ,  » 
étaient  bien  différents  des  précédents  ,  car 
c'étaient  des  diacres  avancés  en  âge  et  d'une 
probité  reconnue,  à  qui  on  confiait  le  trésor 
des  vaisseaux  sacrés  de  l'église  :  «  Custodes 
sacrarii  levita?  sunt.  Ipsis  enim  jussum  est 
custodire  tabernaculum,  et  omnia  vasa  tem- 
pli;  quique  ab  anuo  quinquagesimo  eligun- 
tur,  etc.  Ne  fidem  deseraut,  etc.  (De  Offic. 
Eccl.,  1.  n,  c.  ix).  » 

XIII.  Le  même  saint  Isidore  parle  en  un 
autre  endroit  du  trésorier,  dont  les  pouvoirs 
sont  bien  différents  :  «  Ad  thesaurarium  per- 
tinet  ostiarii  basilicarum  ordinatio,  incensi 
pra'paratio,  cura  chrismatis  conficiendi,  cura 
baptisterii  ordinandi,  pneparatioluminariorum 
in  sacrario  et  in  sacrificiis  (Ibid.,  p.  G16,  693).  » 

Ces  portiers,  que  le  trésorier  nommait,  étaient 
apparemment  des  officiers  laïques  ,  bien  diffé- 
renls  des  clercs  qui  sont  honorés  du  nom  de 
portiers.  Ceux  que  ce  même  auteur  appelle  Ba- 


DES  PRÏMICIERS,  PRIMICLERCS,  SACRISTAINS,  etc. 


359 


silicanos ,  étaient  aussi  vraisemblablement  des 
biques,  (|iii  étaient  nommés  par  le  primiclerc  : 
a  BasiHeanos  ipse  constituât,  ci  matriculam 
ipse  disponat.  » 

L'office  du  trésorier  est  encore  expliqué  plus 
au  long  en  un  autre  endroit,  où  on  le  charge 
du  soin  des  ornements  de  toutes  les  basiliques 
cm  il  n'\  avait  point  de  prêtre  titulaire. 

XIV.  Revenons  au  garde  des  vaisseaux  sacrés. 
Le  synode  assemblé  à  Mopsueste,  dont  on  relut 
les  actes  dans  le  V  concile  général  (Act.  .'.  , 
commanda  au  scévophylace,  Custos  vasorum, 
ou  au  ciniéliarque,  Cimiliarcha,  de  produire 
les  diptyques  sacrés  de  cette  église,  pour  savoir 
si  le  nom  de  Théodore  en  avait  été  effacé,  et  si 
on  lui  avait  substitué  celui  de  saint  Cyrille 
d'Alexandrie. 

Ces  deux  termes  qui  se  trouvent  dans  la  ver- 
sion latine  nous  feraient  douter  si  c'était  un 
seul  office  qui  portât  ces  deux  noms  de  scévo- 
phylace  et  de  ciméliarque.  Il  est  marqué  que 
ce  Jean  ciméliarque  était  prêtre,  aussi  bien 
que  le  ciméliarque  de  Constautinople,  qui  est 
nommé  dans  la  conférence  tenue  sous  Justi- 
ni'ii,  entre  les  catholiques  et  les  sévériens. 
Théodore,  lecteur,  nomme  aussi  deux  prêtres 
el  scévophylaces  de  Constantinople,  qui  furent 
faits  patriarches  (L.  u). 

Les  Grecs  se  servaient  aussi  du  nom  latin  de 
Saccllarius,  comme  il  est  notoire  que  l'empire 
romain  s'étant  étendu  dans  l'Orient,  et  sur- 
tout depuis  la  translation  du  siège  de  l'empire 
de  Home  a  Constantinople,  on  y  fit  aussi  passer 
beaucoup  de  termes  de  la  langue  latine,  et  sur- 
tout les  noms  des  offices.  Car  il  n'en  faut  pas 
croire  Anastase  Sinaïle,  quand  il  dit  que  le 
terme  de  Sacellarius  vient  du  syriaque  (Viœ 
Dux.,  c.  u)  ;  à  moins  que  de  faire  allusion  au 
terme  de  saccits.  Dans  ce  sens  le  terme  de 
saccus  ,  étant  devenu  commun  à  toutes  les 
nations  et  à  toutes  les  langues,  pour  exprimer 
la  même  chose,  si  on  le  reprend  dans  son  ori- 
gine, il  sera  vrai  de  dire,  qu'il  dérive  de  la 
langue  hébraïque  ou  syriaque ,  car  ce  que  nous 
appelons  en  latin  saccus  porte  le  même  nom 
chez  tous  les  peuples;  mais  il  n'est  pas  égale- 
ment certain  que  le  mot  de  trésor  public  ait  la 
même  signification  chez  toutes  les  nations. 

XV.  Saint  Grégoire  le  Grand  fait  souvent 
mention  des  Mansionnaires,  etde  ce  qu'il  en  dit 
on  pourra  conjecturer  quel  était  leur  office.  Il 
raconte  que  Constance,  mansionnairede  l'église 
de  saint  Etienne,  n'ayant  plus  d'huile  pour  y 


allumer  les  lampes ,  les  remplit  d'eau  ,  qui 
s'alluma  de  même  que  si  c'eût  été  de  l'huile 
(Dial.,l.[,  c.  5);  que  Théodore,  garde  de  l'église 
de  Saint-Pierre,  à  Rome,  Custos  ccclesiœ , 
s'étant  levé  la  nuit  pour  garnir  les  lampes, 
saint  Pierre  lui  apparut  et  lui  dit  :  «  Colliberte, 
quare  tam  citius  surrexisti  (L.  m,  c.  21).  » 

Ce  terme  de  Collibcrtus,  a  été  donné  dans  la 
basse  latinité  aux  serviteurs  des  ecclésiastiques, 
apparemment  comme  ayant  été  affranchis  de 
la  servitude  ancienne,  et  devenus  clients  d'es- 
claves qu'ils  étaient  .  il  était  déjà  en  usage  du 
temps  de  saint  Grégoire. 

Enfin  ce  pape  (Ibid.,  c.  xxv),  raconte  qu'une 
fille  paralytique  priantsaint  Pierre  de  la  guérir, 
il  la  renvoya  à  Abundius,  garde  et  mansion- 
naire  de  son  église,  Custos  ecclesiœ,  mânsio- 
ii'ir/us.  qui  lui  rendit  la  santé  ;  que  les  gardes 
des  églises  en  fermaient  les  portes,  éteignaient 
et  rallumaient  les  lampes  (Ibid.,  c.  xxiv,  xxx 
Epist.,  1.  m.  epist.  i.  .  Il  est  facile  de  conclure 
de  la  quels  étaient  les  devoirs  de  ces  officiers. 

Jean  Diacre  en  parle  dans  la  vie  de  ce  saint 
pape,  et  leur  attribue  les  mêmes  offices  (L.  ni, 
c.  58  .  Denis  le  Petit  a  traduit  mansionarhe, 
le irapapunopioç da  concile  de  Calcédoine.  Il  en  est 
aussi  fait  souvent  mention  dans  le  concile  de 
Constautinople  tenu  sous  Menas.  Et  il  se  pour- 
rait bien  faire  que  cet  officier,  à  qui  l'on  don  • 
nait  le  nom  de  mansi&narius,  était  le  portier. 

Saint  Paulin  proteste  que  s'il  se  soumit  avec 
peine  à  la  prêtrise,  à  laquelle  on  le  força,  ce  ne 
fut  pas  par  dégoût,  parce  qu'il  avait  toujours 
désiré  de  commencer  sa  conversion  par  le  plus 
bas  office  de  l'Eglise.  «  Ab  œditui  nomine  et 
officio  optavi  sacram  incipere  servitutem 
(Epist.  vi).  »  Il  est  probable  néanmoins  que 
c'étaient  quelquefois  des  prêtres  même  qui  fai- 
saient cette  fonction.  A  peine  peut-on  douter 
que  les  mansionnaires  des  Grecs  ne  fussent  prê- 
tres. 

Saint  Jérôme  loue  le  saint  prêtre  Népotien 
du  soin  et  de  l'adresse  qu'il  avait  à  orner  les 
églises  avec  des  fleurs,  et  d'autres  ajustements 
d'une  agréable  verdure,  a  Quod  basilicas  ec- 
clesiae  et  martyrum  conciliabula  diversis  flori- 
bus  et  arborum  comis,  viliumque  pampinis 
adumbravit;  utquidquid  placebatin  Ecclesia, 
tain  dispositione,  quarn  visu,  presbyteri  labo- 
rem  et  studium  testaretur  (In  Epitaphio  Nepo- 
tiani).  » 

Tous  ces  termes  T.^^iip^ ,  Mansionarius, 
Mdituus ,  marquent  la  résidence  que  ces  offi- 


366 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  U1A1MTKE  CENT-TROISIÈME. 


ciers  devaient  faire  dans  l'église  qui  leur  était 
commise.  Je  ne  les  ai  pas  appelés  sacristains, 
parce  que  ce  nom  sied  mieux  au  garde  des 
vases  sacrés. 

Je  n'ai  pu  exprimer  le  scévophylace  des 
Grecs  par  un  autre  terme  plus  propre  que 
celui  de  sacristain.,  parce  que  cet  office  n'était 
pas  connu  dans  l'Occident,  et  c'était  le  diacre 
ou  l'archidiacre,  ou  l'évêque  même  qui  en  fai- 
sait la  charge.  Car  Optât  raconte  comment  Men- 
surius,  évèque  de  Carthage,  étant  obligé  d'aller 
se  présenter  aux  empereurs  païens,  confia  tous 
les  ornements  sacrés  à  des  vieillards  d'une 
fidélité  éprouvée,  à  ce  qu'il  pensait,  pour  les 
rendre  à  son  successeur  s'il  ne  revenait  pas  ; 
il  ne  revint  pas  :  on  rendit,  ou  plutôt  on  dut 
rendre  le  tout  à  Cécilien  qui  lui  succéda  (Opta- 
tus,  contra  Parmen.,  1.  n). 

XVI.  L'évêque  de  Chypre  qui  a  écrit  la  vie  de 
saint  Jean  l'Aumônier,  patriarche  d'Alexandrie, 
parle  des  Hebdomadiers  (Cap.  xin),  et  il  ra- 
conte comment  ce  suint  prélat  ayant  une  fois 
interrompu  la  célébration  du  sacrifice,  entra 
dans  la  sacristie,  in  cimiliachium,  et  envoya 
vingt  hebdomadiers  pour  chercher  un  ecclé- 
siastique qu'il  voulait  obliger  de  se  réconcilier 
avec  lui. 

Il  est  aussi  très-probable  que  c'étaient  des 
laïques  qui  étaient  officiers  de  l'église,  et  ser- 
vaient par  semaines,  comme  dans  toutes  les 
règles  des  moines  il  est  parlé  du  tour  que  les 
religieux  doivent  garder  entre  eux,  pour  servir 
par  semaines  dans  les  plus  bas  offices. 

Saint  Epiphane  a  mis  au  rang  des  officiers 
de  l'Eglise,  plutôt  que  des  clercs,  ceux  qui 
étaient  destinés  a  enterrer  les  morts.  11  les  ap- 
pelle Kmanat ,  Laborontcs ,  qui  mortuvrum 
cadavera  curant  (Expos,  fid.,  n.  22).  Mais  il  ne 
donne  pas  un  autre  rang  aux  portiers  que 
nous  mettons  entre  les  clercs,  et  saint  Jérôme 
honore  de  ce  même  nom  ceux  qui  sont  chargés 


du  soin  des  sépultures  ;  c'est-à-dire,  de  faire 
les  fosses,  d'ensevelir  et  d'enterrer  les  corps  et 
les  mettre  en  terre.  «  Clerici  quibus  id  officii 
erat,  cruentum  linteo  cadaver  obvolvunt.  et 
fossam  uumum  lapidibus  construentes,  ex 
more  tumulum  parant,  etc.  Recens  a  clericis 
cespes  ostenditur,  etc.  (De  muliere  septies 
icta).  » 

Voilà  ce  que  saint  Jérôme  dit  de  cette  femme 
qui  survécut  à  ses  funérailles,  parce  que  sept 
coups  d'épée  de  la  main  du  bourreau  n'avaient 
pu  lui  abattre  la  tète.  Or,  si  les  clercs  faisaient 
ces  fonctions  pour  les  victimes  de  la  justice 
publique,  on  ne  peut  douter  des  autres  fidèles. 
On  en  doutera  bien  moins  quand  on  appren- 
dra du  même  saint  Jérôme  que  les  évèques 
ne  crurent  pas  désbonorer  leurs  têtes  couron- 
nées en  les  soumettant  au  cercueil  de  la  sainte 
et  illustre  Paule.  «  Translata  episcoporum  ma- 
nibus  et  cervicem  feretro  subjicieutibus,  cum 
alii  pontitices  lampadas  cereosque  praeferrent, 
alii  choros  psallentium  ducerent  in  média  spe- 
lunca  eeclesia;  salvatoris  est  posita  (In  Epitaph. 
Paulœ).  » 

Saint  Grégoire,  évêque  de  Nysse,  témoigne 
qu'ils  portèrent,  lui  et  l'évêque  du  lieu ,  un 
côté  du  cercueil  de  sainte  Macrine ,  l'autre 
côté  étant  porté  par  deux  des  plus  considérés 
entre  les  ecclésiastiques,  quoiqu'il  y  eût  sept 
ou  huit  stades  jusqu'à  l'église  des  Martyrs,  où 
on  devait  l'enterrer,  et  où  ceux  dont  elle  avait 
pris  naissance  étaient  déjà  enterrés. 

11  est  donc  certain  que  saint  Epiphane  et 
saint  Jérôme  ont  eu  raison  de  dire  qu'il  y  avait 
des  clercs  dont  l'office  était  d'enterrer  les  morts 
(In  vita  sanct;e  Macrinœ).  Car  ce  n'était  pas  par 
office,  mais  par  l'excès  d'une  humble  piété  que 
ces  évèques  s'abaissaient  à  rendre  ces  mêmes 
devoirs  à  des  personnes  d'une  sainteté  extraor- 
dinaire (1). 


(I)  D'après  Gallctti,  dans  son  savant  livre  del  primicero,  les  pre- 
miers dignitaires  du  sacré  palais  de  Latran,  durant  l'époque  carlo- 
vingienne  et  longtemps  après  étaient  :  1°  le  primicerius  notariorum, 
appelé  quelquefois  primicerius  suncttE  Sedis.  Il  avait  le  gouvernement 
de  la  chancellerie  et  de  la  secrétairerie  d'Etat,  la  surveillance  de  toutes 
les  autres  charges  et  dignités;  c'était  réellement  ce  qu'aujouni  bui  on 
appelle  le  secrétaire  d'Etat  avec  toutes  ses  attributions;  2o  le  srtun- 
dicerius,  qui  éAit  le  vicaire  du  premier;  aujourd'hui  il  est  appelé 
substitut  du  sectaire  d'Etat.  On  sait  que  de  nos  jours  l'halu!- 
nal  Antonelli  a  pour  substitut  Mgr  Berardi,  archevêque  de  Nicce  ; 
30  l'Arcariui,  chargé  de  l'administration  des  revenus  publics  ;  c'était 


le  ministre  des  finances;  40  le  saccellarius,  ainsi  appelé  du  mot 
saccellus,  bourse,  parce  qu'il  était  le  payeur  général  de  la  milice  et 
des  fonctionnaires,  le  distributeur  des  aumônes  et  des  largesses  des 
5o  le  protoscriniarius,  était  le  chef  des  archivistes  et  le  con- 
servateur des  titres  et  papiers  publics;  60  le  primicerius  defensorum 
était  le  chef  des  avocats  préposés  à  la  défense  des  églises,  des  pau- 
vres et  des  établissements  charitables;  7o  le  nomenclator  avait  pour 
fonction  d'annoncer  les  personnes  admises  à  la  table  du  pape  ou  in- 
troduites à  l'audience,  de  recevoir  les  pétitions,  de  les  classer,  de  les 
présenter  en  temps  opportun,  de  soigner  les  intérêts  des  veuves  et 
des  orphelins  auprès  du  pape.  (Dr  André.) 


DES  CAKTL'LAIKES,  CHAUTOPHYLACES,  etc. 


301 


CHAPITRE  CENT-QUATRIEME. 


DES   CARTILAIRES,    DES   CHARTOPHYLACES,    DES    BIBLIOTHÉCAIRES,    CHANCELIERS,    NOTAIRES,    DEPUIS 
LE    COMMENCEMENT    DE    L'ÉGLISE   JUSQl 'a    L'EMPIRE    DE    CHARLEMAGNE. 


I.  Des  notaires  pendant  les  cinq  premiers  siècles. 

II.  Délégation  des  cartulaires  par  les  papes,  pour  l'exécution 
des  grandes  affaires.  On  en  déléguait  aussi  d'autres,  comme  les 
défenseurs,  les  notaires,  etc. 

III.  IV.  Du  chartophylace  des  Grecs.  Sa  préséance  sur  les 
prêtres. 

V.  Raisons  de  cette  préséance. 

VI.  Il  était  aussi  bibliothécaire. 

VII.  Des  notaires,  leur  habileté  et  leurs  importants  emplois  à 
Rome. 

VIII.  Emplois  extraordinaires  qu'on  donnait  aux  notaires. 

IX.  Emplois  ordinaires  des  notaires. 

X.  Commissions  générales  et  particulières  qu'on  leur  donne, 
pour  les  plus  grandes  affaires. 

XI.  Les  papes,  avant  saint  Grégoire,  en  usaient  de  même. 

XII.  Digression  des  leçons,  ou  des  lectures  qu'on  faisait  à  Rome 
pendant  l'office  divin. 

XIII.  Des  notaires  en  France  et  en  Orient. 

XIV.  Formules  de  la  création  des  notaires,  comme  si  ç'eus- 
sent  été  des  secrétaires  d'Etat. 

XV.  Des  chanceliers. 

I.  Je  ne  sais  si  nous  devons  mettre  les  no- 
taires dans  le  rang  d'offices ,  plutôt  que  de 
bénéfices,  quoiqu'il  soit  difficile  de  distinguer 
les  offices  des  bénéfices  dans  les  premiers 
temps ,  où  tous  les  bénéfices  n'étaient  que  des 
administrations  et  des  offices  pour  des  gens 
qui  faisaient  une  communauté.  Car  ordre,  of- 
fice et  bénéfice  n'étaient  alors  qu'une  même 
chose  exprimée  par  différents  noms. 

Les  jeunes  enfants  commençaient  ordinaire- 
ment leur  apprentissage  dans  la  cléricature 
par  l'office  de  lecteur  ou  de  notaire.  Les  no- 
taires écrivaient,  par  notes  abrégées,  ou  les 
actes  publics,  ou  les  mandements  des  évèques. 

Evodius,  évèque,  écrivant  a  saint  Augustin, 
lui  parle  d'un  jeune  enfant  qui  lui  servait  de 
notaire  et  de  lecteur  :  «  Erat  strenuus  in  notis, 
et  in  scribendo  bene  laboriosus,  studiosus  quo- 
que  esse  cœperat  lectionis  ,  ut  ipse  meam  tardi. 
tatem  causa  legendi  nocturnis  lions  exhortare- 
tur.  Nam  aliquando  tempore  noctis  mini  ipse 
legebat,  cum  omnia  siluissent ,  etc.  (  Epist. 
August.  cclviii).  » 

Saint  Augustin  ayant  assemblé  son  clergé  et 
son  peuple,  et  leur  faisant  élire  le  prêtre  Era- 
dius  pour  son  coadjuteur ,  fit  faire  un  acte  de 


cette  élection  par  les  notaires  de  l'église  :  «  A 
nolariis  eeelesiœ  sicuteernitis  excipiuntur  quae 
dieimus,  excipiuntur  quae  dicitis,  ecclesiastica 
gesta  conficimus,  etc.  (Epist.  ex).  » 

Ennodius,  dans  la  vie  qu'il  a  écrite  de  saint 
Epipbane ,  évêque  de  Pavie,  raconte  que  ce 
saint  évêque,  ayant  été  fait  lecteur  à  l'âge  de 
huit  ans,  apprit  ensuite  et  exerça  l'office  de  no- 
taire jusqu'à  l'âge  de  seize  ans  :  «  Annoruni 
fere  octo  lectoris  ecclesiastici  suscipit  officium, 
etc.Notarum  in  scribendo  compendio,  et  figu- 
ras varias  membrorum  mnltitudinem  compre- 
hendentes  brevi  assecutus,  in  exceptorum  nu- 
méro dedicatus  enituit ,  cirpitque  jam  talis 
excipere,  qualis  possit  sine  bonorum  obloeu- 
tione  dictare.  Igitur  processu  temporis  etlabo- 
ris  ad  sextum  et  decimum  œtatisannum  divino 
fa\ore  perductus,  cana  consilia  in  annis  juieri- 
lîbus  meditabatur.  » 

Ces  offices  de  notaires  en  public  ou  de  secré- 
taires en  particulier,  n'étaient  pas  seulement 
des  degrés  pour  monter  aux  ordres  supérieurs, 
mais  aussi  des  études  et  des  exercices  pour  s'en 
rendre  capables,  comme  il  paraît  par  celui  dont 
parlait  Evodius  ,  qui  était  autant  son  disciple 
que  son  lecteur  et  son  secrétaire,  «  nec  volebat 
praterire  leetionem,  nisi  inlellexisset,  et  tertio 
et  quarto  repetebat,  et  nec  dimittebat,  nisi  sibi 
apparuisset,  quod  quœrebat.  Ceperam  eum  non 
quasi  puerum  ,  et  notarium  habere,  sed  ami- 
cum  quemdam  satis  necessarium  et  suavem.  » 

Cela  parait  encore  mieux  par  saint  Epipbane, 
qui  acquit  la  sagesse  des  vieillards  dans  les 
exercices  de  sa  plus  tendre  enfance  et  fut  enfin 
ordonné  sous-diacre  à  l'âge  de  dix-huit  ans. 
«  Cana  consilia  in  annis  puerilibus  meditaba- 
tur. »  Tant  il  est  vrai  que  la  maison  de  l'évê- 
que  était  une  école  de  vertu  et  de  sagesse. 

Le  pape  Célase  ordonna  qu'un  moine  ne  put 
être  prêtre,  s'i  n'avait  passé  par  ces  offices  in- 
férieurs de  lecteur,  ou  de  notaire,  ou  de  dé- 
fenseur ,  «  continuo  lector,  vel  notarius ,  aut 


362 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATRIÈME. 


certe  defensor  cffectus,  post  très  menses  existât 
aeolythus.  » 

Ennodius  dit  que  le  saint  religieux  Antoine, 
dont  il  a  écrit  la  vie  ,  fut  d'abord  mis  au  rang 
des  notaires  par  son  oncle,  l'évêque  de  Cons- 
tance. «  Inter  exceptoresecclesiasticos  cœlestem 
militiam  jussit  eum  ordiri.  » 

Mais  le  pape  Léon  nous  apprendra  bien  mieux 
l'importance  de  cet  office,  dans  les  lettres  où  il 
parle  de  la  légation  qu'il  envoya  pour  assister 
en  son  nom  au  second  concile  général  d'Epbèse, 
et  pour  y  soutenir  la  prééminence  du  Siège 
Apostolique.  Car  il  y  envoya  un  évèque ,  un 
prêtre,  un  diacre  et  un  notaire.  «  Fratres  no- 
stros  Julianum  episcopum  et  Renatum  presby- 
terum,  et  filiuni  nostrum  Hilarium  diaconum, 
cuinque  his  Dulcitium  nolarium  probata?  nobis 
lidei  misi,  qui  vice  mea  sanclo  conventui  no- 
strœ  fraternitatis  intersint,  eteommuni  vobis- 
<  uni  sententia?,  quœ  domino  sunt  placitura, 
constituant  Ep.  x,13).» 

Dioscore  et  la  plupart  des  autres  évèques 
orientaux  de  ce  concile  se  laissèrent  aller  aux 
excès  ou  de  tyrannie,  ou  de  faiblesse  que  tout 
le  monde  sait,  et  ensuite  le  pape  saint  Léon 
et  le  synode  romain  envoyèrent  a  Constauli- 
nople  deux  notaires  de  l'Eglise  romaine,  pour 
y  fortifier  les  lidèles  et  en  repousser  la  nouvel  le 
hérésie  (Ep.  xxuij.  La  grandeur  et  L'impor- 
tance de  ces  emplois  font  assez  voir  de  quel 
poids  étaient  ces  oflices. 

L'alliance  que  nous  avons  vue  si  fréquente 
entre  les  notaires  et  les  lecteurs,  nous  a  fait 
faire  réflexion  sur  ces  paroles  de  saint  Epi- 
phane,  qui  dit  que  le  lecteur  n'est  pas  partici- 
pant du  sacerdoce,  mais  qu'il  est  comme  le 
scribe  de  la  parole  de  Dieu.  «Quippelectornon 
est  sacerdos,  Iejeù;,  sed  tanquam  divini  verbi 
scriba  ^ft^umln  (In  exposit.  tidei  catli.,  c.  xxi  .» 

Aétius  ,  arebidiacre  de  Constantinople  .  prit 
très-souvent  la  qualité  de  piimicier  des  no- 
taires dans  le  concile  de  Calcédoine.  Il  est 
parlé,  dans  ce  même  concile,  d'un  lecteur  qui 
était  aussi  notaire.  On  y  lut  dans  l'action  14 
les  actes  d'un  concile  d'Antiocbe,  où  paraissait 
un  diacre  notaire.  Ainsi  l'office  de  notaire  était 
en  considération  parmi  les  Crées  aussi  bien  que 
parmi  les  Latins. 

IL  La  dignité  des  cartulaircs,  ou  des  charto- 
pbvlaces,  est  la  plus  approchante  de  celle  des 
syncelles  ou  des  protosyncelles. 

Saint  Grégoire  envoya  en  Numidie  un  de  ses 
cartulaircs,  pour   y   régler  avec  les  évèques 


d'Afrique  les  affaires  de  leur  Eglise  ;  et  il  écri- 
vit à  Colombe,  évêque  de  Numidie  (L.  i. 
ep.  75)  d'assembler  un  concile  dès  que  son  car- 
tulaire  serait  arrivé  en  Afrique,  d'y  déposer 
l'évêque  Maximien,  s'il  était  convaincu  d'avoir 
favorisé  la  création  d'un  évèque  donatisle,  et 
de  vider  avec  le  même  cartulaire  en  particulier 
tous  les  autres  différends  qui  pourraient  être 
survenus. 

«  Si  qua  damnatorum  quorumdam,  vel  pri- 
vatorum  negotiorum  versatur  intentio,  banc 
tua  fraternitas  cum  prppdicto  cartulario  nostro 
privatacognitioneperquirat,  et  inter  utramque 
partem  justitia  procedente  deûniat  (L.  n , 
ep.  33).  » 

Ces  cartulaires  du  pape  étaient  donc  comme 
les  ministres  et  les  exécuteurs  des  ordres  du 
Saint-Siège,  et  les  assesseurs  des  évèques  des 
provinces  où  ils  étaient  envoyés.  Cela  parait 
encore  dans  la  satisfaction  que  Maxime,  évêque 
de  Salone,  donna  enfin  au  pape  saint  Grégoire, 
qui  avait  longtemps  combattu  sa  promotion. 
Ce  fut  encore  un  cartulaire  qui  en  fut  le  pro- 
moteur et  le  témoin  (Reg.,  1.  vu,  in  praefat.). 

Ce  n'étaient  pas  seulement  les  cartulaircs  de 
son  Eglise  que  ce  grand  pape  envoyait  dans 
tous  les  royaumes  de  la  chrétienté,  pour  tra- 
vailler à  la  réforme  de  la  discipline  ecclé- 
siastique, et  à  la  conservation  du  patrimoine 
de  l'Eglise  romaine,  qui  était  celui  des  pauvres, 
et  qui  était  aussi  répandu  presque  par  toute  la 
terre,  il  envoyait  aussi  des  diacres,  des  sous-dia- 
cres, des  défenseurs,  des  notaires,  ainsi  que  Jean 
Diacre  nous  l'apprend  daussa  vie;  maisil  ne  don- 
nait ces  importantes  commissions  qu'à  ceux  qui 
étaient  les  plus  habiles  et  les  plus  expérimentés. 
«Niliilominus  per  diversasprovinciasprocusto- 
diasaeraereligionis,rebusquepauperumstrenuc 
gubernandis,  Ecclesiae  suae  viros  industrios , 
rectores  patrimoniorum  ascivit  (L.  n.  c.  53).  » 
Cette  dignité  était  donc  fort  considérée  à  Rome. 

III.  La  dignité  de  chartophylace  a  été  encore 
d'une  plus  grande  considération  dans  l'Orient. 
Nous  avons  déjà  dit  que,  dans  le  concile  de 
Latranà  Rome,  sous  le  pape  Martin  Ier,  il  est 
parlé  d'Etienne,  prêtre,  yncelle,  et  chartophy- 
lace de  Sergius,  patriarche  de  Constantinople. 

Dans  le  sixième  concile  général  (Consult.  iv) 
on  nomme  plusieurs  de;  ceux  qui  composaient 
le  conseil,  et  qui  étaient  comme  les  secrétaires 
du  patriarche  de  Constantinople;  le  chartophy- 
lace y  tient  le  premier  rang. 

«Quidam  ex  secretario,  twà«  wû awj£Tcu,sanctis- 


DES  CAKTl'LAIRES,  CHAHTOl'HYLACES,  etc. 


363 


simi  patriarche  Constantinopoleos,  id  est,  Gre- 
gorius  diaconus  et  chartophilas  ,  Anastasius 
diaconus  et  notarius,  et  defensor  navium,  «XoU- 
xSixos.Stepharfus  diaconus  et  caucellarius,  KavxeX- 
xàf.o;,  Dionysiuset  cancellarius,  Anastasius  pre- 
sbyter  et  monachus  (Actio  8).  » 

Ces  trois  qualités  de  ctiancelier,  de  notaire 
et  de  cbartophylace  étaient  donc  différentes,  et 
étaient  même  confiées  à  des  diacres;  mais  celle 
de  chartophylace  l'emporte  sur  les  autres.  Aussi 
ce  même  concile  (Act.  10),  faisant  encore  plus 
bas  mention  de  ces  trois  officiers,  met  le  char- 
tophylace à  leur  tête,  et  lui  donne  le  premier 
rang  immédiatement  après  les  évêques. 

Dans  les  autres  sessions  de  ce  même  concile 
(Act.  12,  13,  14)  c'est  George,  diacre  et  charto- 
phylace ,  qui  tire  des  chartes  de  l'Eglise  de 
Constantinople,  les  lettres  de  Sergius  et  d'Ho- 
norius,  et  les  apporte  dans  l'assemblée  du  con- 
cile, qui  les  voulait  examiner.  On  l'oblige  de 
produire  tous  les  originaux  qui  étaient  dans  le 
chartophylace,  ou  dans  la  bibliothèque  des  pa- 
triarches, qui  étaient  nécessaires  pour  la  justi- 
fication ou  pour  la  condamnation  des  ouvrages 
ou  des  personnes  qu'on  accusait  de  l'erreur  des 
monothéliles. 

IV.  Nous  venons  de  voir  plusieurs  diacres, 
qui  étaient  comme  les  secrétaires  du  patriarche, 
et  qui  avaient  pour  chef  le  chartophylace,  nom- 
més avant  les  prêtres,  dans  les  récits  mêmes 
qui  furent  faits  au  sixième  concile.  C'était  peut- 
être  une  marque  de  la  préséance  qu'ils  avaient 
prise  au-dessus  des  prêtres  à  cause  de  l'office 
ou  de  la  dignité  dont  ils  étaient  revêtus. 

Le  concile  in  Trullo  (Can.  vu),  qui  fut  tenu 
fort  peu  d'années  après,  tâcha  de  remédiera  cet 
abus,  et  défendit  aux  diacres,  de  quelque  office 
ou  de  quelque  dignité  qu'ils  fussent  ornés,  de 
prendre  séance  devant  les  prêtres,  si  ce  n'est 
qu'ils  fussent  envoyés  dans  quelque  autre  ville, 
par  leur  patriarche  ou  par  leur  métropolitain  , 
et  qu'ils  représentassent  sa  personne. 

«  Quoniam  in  nonnullis  Ecclesiis  diaconos 
officia  ecclesiastica,  oçtpîxia  à.x.'Mtn.a.a-a/.i.,  habere 
didicimus;  et  ex  hoc  nonnullos  eorum  arro- 
gantia  et  licentia  fretos  ante  presbytères  se- 
dere  ;  statuimus,  ut  diaconus  etiamsi  in  digni- 
tate,  i-i  à;i(ou.ïTi ,  id  est,  in  officio  quovis  sit 
ecclesiastico.  aule  presbyterumne  sedeat,  prae- 
terquam  si  proprii  patriarchœ  vel  métropolitain 
vices  gerens,  adsit  in  alia  civitate,  super  aliquo 
eapite.  Tune  euim  ut  locum  illius  implens  ho- 
nurabitur.  » 


La  peine  que  ce  concile  ordonne  à  l'avenir 
contre  les  contrevenants,  est  d'être  mis  les  der- 
niers dans  le  rang  et  l'ordre  qu'ils  tiennent 
dans  l'Eglise.  Le  même  règlement  est  aussi 
étendu  aux  autres  ordres,  d'où  on  peut  pré- 
sumer que  les  clercs  même  inférieurs  aux 
diacres  s'étaient  aussi  quelquefois  élevés  au- 
dessus  de  leurs  supérieurs,  par  lorgueilque  leur 
causaient  ces  offices  ou  ces  dignités  dont  nous 
parlons. 

V.  Les  chartopbylaces,  bien  loin  de  déférer  à 
celte  ordonnance ,  et  de  céder  aux  prêtres  ,  se 
mirent  au-dessus  des  évêques ,  et  se  conser- 
vèrent longtemps  dans  cette  usurpation.  Ainsi 
ou  ne  peut  douter  que  ce  canon  que  nous 
venons  de  citer,  n'ait  été  fait  principalement 
contre  les  chartopbylaces,  qui  après  s'être  mis 
au-dessus  des  prêtres,  semblaient  déjà  menacer 
les  évêques. 

Cette  élévation  insolente  des  chartopbylaces 
au-dessus  des  prêtres  pourrait  bien  être  procé- 
dée: 1°  de  ce  qu'ils  avaient  eux-mêmes  été 
prêtres,  comme  nous  l'avons  remarqué  dans 
quelques  exemples  précédents.  Ainsi  ils  précé- 
daient les  autres  prêtres,  sans  la  moindre 
ombre  d'injustice,  quoiqu'ils  fussent  peut-être 
plus  jeunes  dans  le  même  ordre. 

Cette  préséance  dans  le  même  ordre  des 
prêtres,  qui  leur  était  accordée  en  vue  de  leur 
dignité,  passait  ensuite  dans  leur  esprit  et  dans 
l'esprit  de  plusieurs  autres  comme  un  effet  de 
leur  dignité  et  comme  une  suite  inséparable. 
D'où  il  arriva  que  les  ebartophylaces  préten- 
dirent ensuite  au  même  honneur,  quoiqu'ils 
ne  fussent  que  diacres. 

Cette  usurpation  pourrait  être  provenue  : 
2°  des  fréquentes  et  longues  commissions  que 
les  patriarches  et  les  archevêques  donnaient  à 
leurs  chartopbylaces  et  à  leurs  archidiacres.  Ils 
s'accoutumaient  si  bien  et  eux,  et  les  prêtres 
mêmes  à  cette  préséance  irrégulière  qu'elle 
ne  leur  paraissait  plus  irrégulière;  leurs  yeux 
et  leurs  esprits  étant  accoutumés  à  n'avoir  plus 
d'égard  qu'à  la  dignité,  sans  considérer  l'ordre 
qu'elle  obscurcissait  par  l'éclat  de  ses  rayons, 
et  qu'elle  faisait  perdre  de  vue. 

Enfin  cette  éclatante  dignité  ayant  une  fois 
ébloui  les  yeux  des  hommes  et  ayant  fait  ou- 
blier le  rang  des  ordres  sacrés,  les  chartopby- 
laces montèrent  au-dessus  des  évêques  avec  la 
même  facilité  qu'ils  s'étaient  élevés  au-dessus 
des  prêtres. 

VI.  Le  nom  même  de  cartulaire  ou  de  char- 


364 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATRIÈME. 


tophylace  est  une  preuve  que  cet  office  com- 
prenait aussi  celui  de  bibliothécaire.  Ce  qui  a 
été  dit  du  sixième  concile  en  est  encore  une 
marque  certaine  pour  l'Eglise  grecque. 

Constantin  Manassès  raconte  qu'au  temps  de 
Léon  d'Isaurie  la  bibliothèque  de  Constanti- 
nople  était  gouvernée  par  douze  personnes 
d'une  science  et  d'une  probité  singulières,  et  que 
les  empereurs  mêmes  n'entreprenaient  rien 
d'important  sans  les  avoir  consultées  :  «  Tania 
in  opinione  virtutis  erant,  ut  ne  ipsi  quidem 
imperatores,  novi  quidquam  et  inusitati  sibi 
agendum  pntarent,  illis  in  consilium  nonadbi- 
bitis.  »  Ces  saints  et  savants  hommes  défendi- 
rent la  foi  de  l'Eglise  contre  cet  empereur 
ennemi  des  sacrées  images  ,  et  couronnèrent 
leur  vie  par  un  glorieux  martyre. 

Quant  à  l'Eglise  occidentale,  il  n'en  est  pas 
de  même  ;  comme  les  cartulaires  n'y  ont 
jamais  eu  le  crédit  qu'ils  avaient  dans  l'Orient, 
aussi  on  ne  leur  a  point  affecté  la  dignité 
de  bibliothécaire.  Anastase  Bibliothécaire  dit 
que  Crégoire  II,  avant  son  pontificat,  avait  été 
bibliothécaire  n'étant  encore  que  sous-diacre. 
«  Subdiaconus  atque  sacellarius  factus,  biblio- 
thecre  est  î II i  cura  commissa  ;  deinde  ad  dia- 
conatus  ordinem  provectus  est.  » 

VII.  Je  ne  m'arrêterai  pas  davantage  aux  chan- 
celiers de  l'Orient,  que  nous  avons  vu  à  Cons- 
tantinople  être  des  diacres  et  des  officiers  du 
secrétariat  sous  le  chartophylace.  Il  vaut  mieux 
venir  aux  notaires,  qui  étaient  plus  connus  et 
plus  ordinaires  dans  l'une  et  dans  l'autre 
Eglise. 

Jean  Diacre  nous  a  déjà  assuré  que  le  pape 
saint  Crégoire  envoyait  aussi  des  notaires  de 
l'Eglise  romaine,  avec  des  commissions  extraor- 
dinaires pour  faire  corriger  les  divers  abus  qui 
se  glissaient  dans  la  discipline  des  provinces 
éloignées. 

Entre  les  syncelles  ou  les  confidents  de  ce 
saint  pape,  le  même  Jean  Diacre  a  donné  rang 
à  Emilien,  notaire,  qui  recueillit  ses  quarante 
homélies  sur  les  Evangiles,  étant  assistr  de  si  s 
compagnons,  et  c'était  là  la  propre  fonction  des 
notaires  :  «  Qui  quadraginta  homilias  Kvange- 
lii  cuin  sociis  suis  excepit;  »  et  a  Patérius,  no- 
taire, qui  a  fait  cet  excellent  extrait  des  ouvrages 
de  ce  saint  pape  (L.  u,  c.  1 1). 

Ces  notaires  étaient  ordinairemont  sous- 
diacres  et  régionnaires,  c'est  à-dire  distribués 
dans  les  divers  quartiers  de  Rome,  aussi  bien 
que  les  diacres  légionnaires,  avec  celte  diffé- 


rence que  les  diacres  régionnaires  étaient  char- 
gés du  soin  des  pauvres,  au  lieu  que  les  sous- 
diacres,  ou  notaires  régionnaires,  avaient  été 
destinés  originairement  pour  recueillir  les 
actes  des  martyrs. 

VIII.  Rien  ne  peut  mieux  apprendre  quelle 
était  te  dignité  des  notaires  que  les  emplois 
importants  et  les  commissions  extraordinaires 
dont  le  même  saint  Crégoire  les  honorait. 
Diverses  personnes  lui  ayant  porté  leurs  plaintes 
ou  leurs  accusations  contre  la  conduite  de  l'ar- 
chevêque de  Cagliari,  en  Sardaigne,  ce  pape 
envoya  Jean  ,  notaire  du  Siège  Apostolique  , 
«  sedis  nostrœ  notarium,  »  pour  éclaireir  tous 
ces  différends  et  pour  obliger  cet  archevêque 
à  justifier  son  innocence  (L.  u,  ep.  34). 

Le  neveu  de  l'évêque  de  Siponto  étant  accusé 
d'avoir  violé  la  fille  d'un  diacre,  saint  Cré- 
goire y  envoya  le  notaire  Pantaléon  pour  s'en 
informer,  et  si  le  crime  était  avéré ,  obliger 
ce  jeune  homme  d'épouser  la  fille;  ou,  après 
la  peine  du  fouet,  le  renfermer  dans  un  monas- 
tère pour  y  faire  pénitence  (L.  h  ,  ep.  40  ,  12] . 
Mais  tous  les  notaires  n'étaient  pas  appelés  à 
ces  grands  emplois. 

Un  sous-diacre  de  Sicile  n'ayant  pu  se  résou- 
dre à  la  continence ,  qu'on  recommençait  à 
exiger  avec  plus  de  sévérité,  il  se  démit  des 
fonctions  du  sous -diaconat,  et  se  contenta 
d'exercer  l'office  de  notaire.  «  Usque  in  obitus 
sui  tempus.  notarii  quidem  gessit  officium, 
et  a  ministerio  subdiaconi  cessavit  (L.  m  , 
ep.  34).  »  Ce  qui  ne  se  peut  entendre  que  des 
fonctions  ordinaires  des  notaires,  qui  n'étaient 
pas  si  relevées,  qu'on  ne  donnât  cet  office  même 
à  des  enfants  encore  fort  jeunes,  dès  qu'ils 
avaient  appris  l'art  d'écrire ,  avec  la  vitesse 
admirable  et  les  abréviations  étudiées  dont  ils 
faisaient  profession. 

Saint  Grégoire  même  parle  de  ces  jeunes 
notaires.  «  Irrisioues  illas,  quas  habere  notarii 
adlmc  pueri  soient  (L.  iv,  ep.  15)  ;  »  ce  qu'on 
pourrait  néanmoins  entendre  de  ceux  qui  mit 
appris  cet  exercice,  quoiqu'ils  n'en  aient  pas 
encore  la  charge. 

IX.  Les  notaires  étaient  ordinairement  1rs 
secrétaires  des  évêques,  auxquels  ils  dictaient 
leurs  lettres.  «  Hanc  epistolam  Paterio  notario 
Ecclesiœ   nostrœ    subscribendam    dictavimus 

Dialog.,  1,  m,  c.  10).  »  Ils  écrivaient  aussi  les 
actes  publics,  comme  il  paraît  par  les  actes 
d'affranchissement  et  de  liberté  que  ce  pape 
donna  à  quelques  esclaves  de  l'Eglise  romaine  : 


DES  CARTULAIRÉS,  CHARTOPHYLÀCES,  etc. 


36b 


«  Libéras  ex  bac  die  civesque  Romanos  effici- 
iiuis.  etc.  Hancmanumissionis  paginam  Paterio 

notario  seribeinlani  diclavinius ,  et  propria 
manu  subscripsimus  (L.  îv ,  ep.  -2'>  ;  I.  \, 
ep.  \-2).  » 

X.  Outre  ces  exercices  ordinaires,  auxquels 
les  plus  jeunes  d'entre  les  notaires  pouvaient 
satisfaire  ,  d'écrire  les  lettres,  de  dresser  les 
actes  publics,  de  suivre,  en  écrivant  par  notes 
abrégées,  le  torrent  de  l'éloquence  d'un  évêqué 
qui  prêche  la  parole  de  Dieu,  il  y  avait  des 
charges  extraordinaires  qu'on  donnait  aux  plus 
expérimentés  et  aux  plus  habiles;  et  il  yen 
avait  même  de  deux  sortes.  Les  unes  étaient 
des  commissions  générales  pour  veiller  dans 
toute  une  province,  et  pour  remédier,  par  l'au- 
torité du  Siège  Apostolique,  aux  désordres  qui 
échappaient  à  la  vigilance  des  évéques  ;  les 
autres  n'étaient  que  des  commissions  particu- 
lières, pour  quelque  occurrence  singulière. 

Le  même  saint  Grégoire,  écrivant  à  Adrien , 
notaire  de  Sicile,  c'est-à-dire,  qui  avait  une 
commission  générale  dans  toute  la  Sicile,  lui 
dit  que  si  les  religieux  du  monastère  du  Mont- 
Gibel  se  laissent  effectivement  aller  aux  dis- 
solutions infamantes  dont  on  lui  avait  parlé, 
et  dont  il  avait  écrit  à  l'évèque  ,  il  ne  manque 
pas  d'y  apporter  un  remède  prompt  et  efficace, 
et,  en  corrigeant  les  défauts  spirituels  de  ce 
monastère,  de  prendre  aussi  soin  de  ses  inté- 
rêts temporels. 

«  De  qua  re  quia  fratri  et  coepiscopo  nostro 
Leoni  scripsimus,  ut  requisita  veritate,  si  ita 
repèrent,  districtissima  hoc  studeat  severitate 
corrigere  ;  necesse  quoque  est,  ut  in  hac  re  tua 
se  experientia  ad  investigandam  veritatem  et 
puniendum  tantum  scelus,  omnimodo  solliei- 
tam  debeat  exbibere  (L.  vin.  ep.  22).  » 

Mais  ce  ne  fut  qu'une  commission  particu- 
lière que  donna  ce  souverain  pontife,  lors- 
qu'ayant  envoyé  le  notaire  Pantaléon,  pour 
prendre  soin  du  patrimoine  de  saint  Pierre, 
dans  le  Milanais,  il  le  chargea  encore  de  faire 
promptement  ordonner  l'évèque  élu  à  Milan. 
«  1 1  in  ordinando  eo  qui  a  vobis  electus  est, 
nulla  possit  mora  contingere.  Pantaleonem  nota- 
rium  nostrum  transmisimus ,  qui  eum ,  ut 
moris  est.  annuente  consensus  nostri  autori- 
tate,  faciat  consecrari  (L.  vin,  ep.  6S  .  » 

XL  Si  le  caprice  des  temps  avait  laissé  les 
registres  des  autres  papes  aussi  entiers  que  ce- 
lui de  saint  Grégoire,  nous  y  trouverions  les 
marques  de  la  même  conduite  dans  tous  ses 


prédécesseurs,  aussi  bien  que  dans  ceux  qui  lui 
ont  succédé.  La  collection  romaine  d'Holsté- 
uius  en  fait  voir  quelques  vestiges  dans  les 
débris  qu'il  en  a  conservés. 

Le  pape  Pelage  envoyant  un  prêtre  de  l'Eglise 
romaine  pour  corriger  les  abus  et  pour  affer- 
mir l'unité  dans  une  province  éloignée  :  «  Pe- 
trum  lilium  nostrum  presbyterum  Apostolicse 
Stdis.  ad  corrigenda  ea,  quae  in  quaestioncm 
veniunt,  duxinuis  dirigendum,  etc.  Ad  eccle- 
siasticam  unitatem ,  ad  correplionem  exces- 
suum,  etc.  (Collect.  Roman.,  p.  239),  »  il  lui 
donna  pour  adjoint  et  pour  conseiller  un  no- 
taire de  la  même  église  :  «  Huic  projectum 
notarium  sedis  noslrœ  adjungendum  esse  cre- 
didimus,  ut  participato  consilio,  quae  rationa- 
bilia  sunt,  exequi  non  morentur.  » 

Ges  notaires  devaient  être  dans  une  grande 
réputation  de  prudence  et  de  probité  pour 
soutenir  le  poids  de  tant  de  grandes  affaires,  et 
l'honneur  du  Siège  Apostolique  qui  les  revêtait 
de  son  autorité  :  «  Faciliorem  omnium  causa- 
rum  futurum  esse  judicantes  exitum,  si  illum 
ab  Apostolica  contigisset  publiée  Sede  trans- 
niitti,  etc.  » 

XII.  En  France,  les  lecteurs  ont  souvent  fait 
l'office  des  notaires.  Le  privilège  de  l'abbaye 
de  Saint-Denis  accordé  par  Landry,  évêque  de 
Paris,  fut  écrit  et  souscrit  par  un  lecteur  : 
«  Austrolenus  lector  jubente  Domno  Landerio 
episcopo  hoc  privilegium  scripsi  et  subscripsi 
(Du  Chesne,  Hist.  Franc,  tom.  i,  p.  083).  » 

Grégoire  de  Tours  dit  qu'il  apprit  lui-même 
cet  art  étant  encore  enfant  :  «  Nihil  aliud  litte- 
rarum  prœter  notas  agnovi,  in  quarum  nunc 
studio  constrictus  aftligor  (De  glor.  Confess., 
c.  xl).  » 

Aussi,  il  y  avait  à  Rome  une  école  ou  un 
collège  et  une  compagnie  de  notaires,  dont  le 
chef  ou  le  primicier  avait  soin  des  chartes  et 
peut-être  même  de  la  bibliothèque.  Le  sous- 
diacre  Arateur,  ayant  présenté  son  poème  au 
pape  Vigile,  ce  pape  le  donna  en  garde  au  pri- 
micier des  notaires.  «  Surgentio  viro  venera- 
bili,  primicerio  scholae  notariorum,  in  scrinio 
dédit  Ecclesiœ  collocandum.  » 

Ce  poème,  qui  comprend  l'histoireapostolique 
en  deux  livres,  fut  lu  en  quatre  reprises  en 
présence  du  pape  et  de  plusieurs  personnes 
habiles  du  clergé,  des  religieux  et  du  peuple, 
dans  l'église  de  Saint-Pierre;  l'auteur  même  le 
récitant,  l'auditoire  en  interrompit  la  lecture 
par  ses  applaudissements,  et  demanda  si  sou- 


366 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATRIÈME. 


vent  qu'on  relût  les  pins  beaux  endroits,  qu'on 
n'en  put  lire  que  la  moitié  d'un  livre  à  chaque 
fois. 

Cria  nous  rappelle  le  souvenir  de  la  récita- 
tion autrefois  si  fréquente  de  tant  d'excellents 
ouvrages  dans  l'ancienne  Rome,  si  l'on  peut 
donner  de  l'excellence  aux  ouvrages  profanes, 
qui  ne  servent  qu'à  repaître  la  vanité  des 
hommes.  Mais  cela  nous  fait  plus  utilement 
remarquer  les  longues  lectures  des  livres  saints 
qui  se  faisaient  autrefois  avec  beaucoup  plus  de 
ferveur  que  dans  ces  derniers  siècles  (Bibl.  Pa- 
trum,  tom.  vin,  p.  70).  Nous  en  avons  déjà 
parlé  ci-dessus,  et  il  faut  ajouter  que  le  chan- 
gement de  la  langue  vulgaire  a  peut-être  autant 
contribué  au  changement  que  nous  remarquons 
que  le  refroidissement  de  la  piété  des  fidèles. 

11  faut  aussi  reconnaître  de  bonne  foi  que  si 
dans  les  oftices  divins  on  ne  fait  plus  ces  lon- 
gues lectures  en  langue  vulgaire,  les  instruc- 
tions et  les  prédications  sont  aussi  incompara- 
blement plus  fréquentes  qu'elles  n'étaient  dans 
les  premiers  siècles. 

Cette  digression  pourra  paraître  un  peu 
longue,  mais  non  pas  absolument  hors  d'ceuvre 
ni  désagréable.  Néanmoins,  il  est  temps  de  la 
finir  pour  revenir  à  nos  lecteurs  et  à  nos  no- 
taires. 

XIII.  Les  auteurs  de  la  vie  de  saint  Césaire , 
archevêque  d'Arles  ,  nous  apprennent  une 
autre  charge  des  notaires,  au  moins  dans 
l'Eglise  d'Arles,  qui  était  de  porter  la  crosse  de 
l'évêque  :  «  Clericus  cui  cura  erat  baculum 
illius  portare,  quod  notariorum  officium  erat. 
(L.  il,  c.  12).  » 

La  vie  du  confesseur  saint  Magne,  disciple 
de  saint  Colomban,  nous  apprend  (pie  les  abbés 
avaient  aussi  une  crosse  qui  est  aussi  appelée 
Camlnita  (Apud  Surium  die  G  Septembre,  xn). 
On  se  servit  de  celle  de  cet  abbé  après  sa  mort, 
pour  délier  en  son  nom  celui  qu'il  avait  lié 
durant  sa  vie.  Mais,  dans  ces  petits  emplois, 
e<  s  jeunes  ecclésiastiques  tiraient  de  si  grands 
avantages  de  la  doctrine  et  des  saints  exemples 
de  leurs  prélats,  qu'ils  se  rendaient  capables 
des  plus  grandes  charges  de  l'Eglise. 

Dans  le  concile  de  Constantinople  (Aet.  I), 
sous  Menas,  entre  les  clercs  qui  y  assistèrent, 
on  nomme  deux  diacres,  deux  notaires  et  quel- 
fines  sous-diacres.  Le  promoteur  du  concile 
était  Eupbémius,  diacre  de  Constantinople  et 
primicier  des  notaires.  Il  y  est  aussi  fait  men- 
tion de  Théodore,  tribun,  notaire  et  référen- 


daire de  l'empereur.  On  y  nomme  Menas,  lec- 
teur du  Siège  Apostolique  et  secondicier  des 
notaires,  Secundicerius  notariorian ;  Acace  et 
Christodore,  diacres  et  notaires  de  Constanti- 
nople. Le  même  Christodore  porte  aussi  le  nom 
de  secrétaire,  oExsETâpic;. 

Enfin,  il  paraît  par  les  actes  de  ce  concile 
que  l'office  de  notaire  était  ordinairement 
affecté  aux  diacres  dans  l'Eglise  orientale , 
quoique  dans  l'Occident  cette  fonction  fût  pour 
les  moindres  clercs.  Le  promoteur  du  cin- 
quième concile  universel  était  aussi  Diodore, 
archidiacre  de  Constantinople  et  primicier  des 
notaires  (Collât,  i,  h). 

Dans  le  VI0  concile  général  (Act.  8,  10),  on  • 
nomme  Etienne  diacre  et  notaire,  et  l'archi- 
diacre y  est  appelé  chartophylace.  D'où  on 
pourrait  conjecturer  que  la  dignité  de  charto- 
phylace ayant  acquis  un  nouvel  éclat,  et  des 
pouvoirs  extraordinaires,  le  premier  des  diacres 
aima  mieux  en  être  qualifié  que  du  nom  de 
primicier  des  notaires.  Il  faut  néanmoins  de- 
meurer d'accord  qu'on  nomme  dans  ce  concile 
Act.  2)  un  lecteur  qui  était  aussi  notaire. 

XIV.  Cassiodore  apprend  quelle  était  l'impor- 
tance île  cette  dignité  dans  l'empire,  et  de  ce 
qu'il  en  dit  on  peut  conclure  combien  elle  était 
considérable  dans  l'Eglise.  Les  notaires  étaient 
effectivement  les  confidents  du  secret  et  comme 
les  secrétaires  d'Etat.  «  Notarii  honor  tune 
dabatur  egregiis,  dûm  ad  impériale  secretum 
laies  constet  eligi,  in  quibus  reprehensionis 
vilium  nequeat  inveniri  (Variarum  1.  i,  ep.  iv; 
1.  vi,  c.  10).  » 

Le  formulaire  de  la  création  des  notaires 
exprime  admirablement  la  sagesse,  le  secret  et 
la  fidélité  incorruptible  que  leur  ministère 
demande,  «  Non  est  dubium  ornare  subjectos 
principis  secretum;  dum  nullis  aestimantur 
necessaria  posse  committi,  nisi  qui  fuerinl  fide 
magna  solidati.  Régis  consilium  solos  decet 
scire  gravissimos.  Imitari  debent  ar'maria,  quao 
continent  monumenta  chartarum.  Ut  quando 
ab  ipsis  aliqua  instructio  quœritur,  tune  lo- 
quanlur,  totum  autem  dissimulare  délient  , 
quasi  nesciant  scientes.  » 

XV.  Les  chanceliers  n'étaient  pas  encore 
reconnus  entre  les  officiers  de  l'Eglise  latine. 
Saint  Crégoire  écrivit  à  Vénantius  ,  chancelier 
d'Italie,  pour  lui  conseiller  de  rentrer  dans  le 
cloître  dont  il  était  sorti.  11  parle  dans  un  autre 
endroit  du  chancelier  d'un  ex-préteur.  Il  dit 
ailleurs   qu'un   exarque    d'Afrique  lui    avait 


DES  CHANCELIERS,  NOTAIRES,  etc. 


3f",7 


envoyé  son  chancelier  pour  Irai  ter  d'une  affaire. 
«  Suuiu  ad  nos  pro  eadein  causa  cancellarium 
destinarat  (L.  i,ep.  33,  67;  1.  vi,  ep.  2).  » 

Cassiodore  parlant  de  cet  office  purement 
séculier,  dit  qu'il  tirait  son  nom  du  elianecl. 
ou  du  balustre ,  où  ceux  qui  étaient  élevés  à 
cette  dignité  se  tenaient  pour  écouter,  ou  pour 
introduire  ceux  qui  demandaient  audience  du 
magistrat.  «  Militiam domesticam  cancellorum 
decus  altribuit,  ut  consistorii  nostri  sécréta 
fideli  integritate  custodias  ,  per  te  praesentatus 
accédât  (Varior.,  1,  n,  c.  6).  » 

Les  historiens  et  les  lois  nous  apprennent 
que  ce  n'étaient  originairement  que  des  notai- 
res ou  des  secrétaires,  à  qui  on  donna  ensuite 
de  la  considération  et  de  l'éclat  par  les  emplois 
importants  qu'on  leur  confia  (Vopiscus,  in  Cœ- 
rino).  » 


Les  ecclésiastiques  ne  commencèrent  à  s'in- 
gérer dans  cet  office  séculier  que  vers  le  temps 
de  Cbarlemagne,  el  le  concile  11  de  Châlon,en 
813,  le  leur  interdit  aussitôt.  «  Presbytères 
cancellarios  publicos  esse  decrevimus  inhiben- 
dum  Can.  xlivj.»  Il  est  vrai  (jue  celte  défense 
n'étant  faite  qu'aux  prêtres .  on  souffrait  que 
les  autres  clercs  inférieurs  exerçassent  cet 
office,  qui  n'était  toujours  qu'un  office  public. 

Saint  Ouen  fut  chancelier  de  Dagobert  avant 
que  d'être  évêqùe.  On  l'appelait  référendaire. 
«  Referendarius  dicebatur ,  ad  quem  publiée 
conscriptionesreferebantur,utpereumannulo, 
seu  sigillo  régis  confirmarentur.  »  Ce  sont  les 
termes  de  l'auteur  de  sa  vie. 

La  suite  de  cet  ouvrage  fera  voir  une  infinité 
de  chanceliers  qui  étaient  en  même  temps 
évêques. 


CHAPITRE  CENT-CINQUIEME. 


DES    CHANCELIERS,    DES    NOTAIRES,    DES   CHARTOPHYLACES    ET   DES    BIBLIOTHECAIRES, 
DEPIIS   CHARLEMAGNE   JUSQU'A   BOGUES   CAPET. 


I.  Quel  élail  l'office  du  chancelier,  ou  de  grand  chancelier, 
qu'on  appela  aussi  archichancelier. 

II.  L'arcbichanceher  était  ordiuairemenl  un  évèque  ou  un  ar- 
chevêque. 

III.  Des  notaires. 

IV.  Du  chartophylace  des  Grecs.  Description  de  ses  pouvoirs. 

V.  11  eut  enlin  séance  au-dessus  des  piètres  et  des  évèques. 

VI.  Règlement  du  concile  in  Trullo  sur  cela  ;  en  quel  temps 
commença  celte  préséance  du  chartophylace  au-dessus  des 
évèques. 

vil.  Quels  furent  les  fondements  de  celte  préséance  exor- 
bitante. 

VIII.  Pouvoirs  des  chartophylaces. 

IX.  Qui  s'élèvent  par  là  au-dessus  des  évêques. 

X.  Les  cardinaux  n'avaient  pas  encore  cette  préséance 

XI.  Des  protonotaires. 

XII.  Du  bibliothécaire. 

XIII.  Importance  de  cette  dignité. 

XIV.  Du  bibliothécaire  de  l'Eglise  romaine. 

XV.  Cet  oftice  était  donné  à  des  évèques. 

XVI.  Des  bibliothécaires  dans  l'Orient. 

1.  Sous  l'empire  de  Cbarlemagne,  temps  au- 
quel la  dignité  de  chancelier  commençait  à 
s'accroître,  sa  fonction  était  de  garder  les  or- 
donnances des  princes,  et  les  résolutions  des 


assemblées  générales  ou  des  états  du  royaume, 
d'en  fournir  des  exemplaires  aux  archevêques 
et  aux  comtes  pour  être  par  eux  ensuite  com- 
muniqués aux  évêques,  aux  abbés  et  aux  autres 
sujets  du  prince;  enfin  il  informait  le  roi  du 
nom  desévêques  et  des  comtes  qui  avaient  pris 
un  exemplaire  de  ces  ordonnances. 

C'est  ce  que  nous  apprenons  d'un  capitulaîre 
de  Louis  le  Débonnaire,  de  l'année  8*23.  aVolu- 
mus,  ut  capitula,  quai  nunc  et  alio  tempore 
consultu  fideliumnostrorum  a  nobis  constituta 
sunt,  a  cancellario  nostro  archiepiscopi  et  co- 
mités eorum  accipiant,  et  unusquisque  per 
suam  diœcesin  cœteris  episcopis,  abbatibus,  co- 
mitibus  et  aliis  fidelibus  nostris  ea  transcribi 
faciant,ut  in  suis  comitatibus  coram  omnibus 
relegant,  utcunctis  nostra  ordinatio  et  volunlas 
nota  fieri  possit.  Cancellarius  tamen  nosterno- 
mina  episcoporum  et  comitum,  qui  ea  accipere 
curaverint,  notet;  et  ea  ad  nostram  notitiam 


368 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-CINQUIÈME. 


perlerai,  ut  nullus  hoc  pratermittere  présu- 
mât (Cap.  xxiv).  » 

Le  même  commandement  se  lit  dans  les 
capitulaires  de  Charles  le  Chauve  Tit.  su,  cil; 
tit.  xxxi,  c.  30). 

C'est  vraisemblablement  du  grand  chance- 
lier, qu'on  appelait  archichancelier,  que  cela  se 
doit  entendre,  et  il  faut  en  même  temps  re- 
marquer, que  c'était  toujours  un  eccléeiasli- 
que,  qui  était  chargé  de  cet  office.  Cela  paraît 
par  les  souscriptions  du  concile  de  Ponthyon , 
tenu  en  870,  où,  après  les  évèques  et  les  abbés, 
souscrivit  l'archichancelier ,  qui  était  aussi 
abbé  :  «  Gauzlenus  abbas  et  arcbicancella- 
rius.  » 

Adam  rapporte,  dans  son  histoire  ecclésiasti- 
que ,  un  rescrit  de  Charlemagne,  en  788,  pour 
l'érection  de  l'évèché  de  Rrème,  souscrit  par 
l'archevêque  de  Cologne,  chapelain  du  sacré 
palais,  o  Hildebadus  archiepiscopus  Coloniensis. 
et  sacri  palatii  capellanus  recognovi  (Adamus. 
1.  i,  c.  9).  » 

Le  père  Sirmond  assure  qu'on  voit  plu- 
sieurs charles  de  Louis,  fils  de  Roson  ,  qui  fut 
depuis  proclamé  empereur  à  Rome ,  datées 
presque  toutes  de  Vienne,  et  souscrites  par  l'ar- 
chevêque de  Vienne,  archichancelier  (Concil. 
Gall.,  lom.  m,  pag.  iii.  osi'i  .  En  9-28,  Hugues, 
roi  d'Italie,  avait  l'abbé  Gerlan  pour  archi- 
chancelier (Spicilegii,  tom.  xu ,  pag.  119, 
153). 

Ilincmar,  après  avoir  dit  que  tout  le  clergé 
du  palais  était  sous  la  domination  de  l'archi- 
cbapelain,  assure  que  le  grand  chancelier  lui 
était  comme  associé,  que  c'était  celui  qu'on 
appelait  autrefois  secrétaire,  qu'il  avait  sous  lui 
plusieurs  autres  chanceliers  ou  secrétaires  in- 
telligents et  fidèles,  qui  copiaient  les  ordon- 
nances, et  en  distribuaient  les  exemplaires  sans 
faire  des  exactions  odieuses.  «  Cui  sociabatur 
siunnius  cancellarius,  quia  secretisolim  appel- 
labatur,  erantque  illi  subjecti  prudentes  et  in- 
telligentes ac  fidèles  viri,  qui  prœeepta  regia 
absi|  ne  immoderata  eu  piditatisvenalitatescri  fiè- 
rent, et  sécréta  illis  tideliter  custodirent  (Hinc- 
mar.,  tom.  u,  pag.  207,  317).  » 

Le  même  Hincmar  dit  ailleurs  que  le  roi, 
riant  irrité  contre  l'évêque  de  Laon,  fit  écrire 
par  son  chancelier  au  vidame  et  au  prévôt  de 
l'Eglise  de  Laon  de  ne  laisser  prendre  aucune 
liait  à  leur  évèque  de  tous  les  revenus  et  de 
tous  les  autres  avantages  de  l'évèché. 

De  là,  on  conjecture  avec  raison  que  l'abbé 


de  Saint-Denis,  nommé  Louis,  dont  Loup  de 
Fernères  dit  qu'il  était  secrétaire  des  comman- 
dements du  roi,  «  Epistolare  in  palatio  gerens 
officium,  »  était  aussi  chancelier.  Le  même 
abbé  écrivit  des  lettres  à  cet  abbé  de  Saint- 
Denis  Louis,  où  il  lui  donne  la  qualité  de 
prince  des  abbés,  et  il  implore  sa  faveur  et  sa 
protection  auprès  du  roi.  L'adresse  de  ses 
lettres  est  ainsi  conçue  :  Ablation  sitmmo 
(Ep.  xxviu,  32,  9-2). 

IL  Lorsque  le  chancelier  n'était  pas  présent, 
un  des  moindres  chanceliers  ou  des  notaires 
prenait  sa  place.  C'est  ce  qu'on  voit  dans  un 
acte  du  roi  Charles  le  Simple  :  «  Gaulinus  no- 
tarius  ad  vicem  Rogeri  archiepiscopi  recogno- 
vit  (Raluz.,  append.  ad  LupiEpist.,  pag.  524).» 
On  ne  peut  pas  douter  qu'il  n'y  eût  plusieurs 
moindres  chanceliers  dans  le  palais,  et  que  ce 
n'ait  été  cette  raison  qui  a  fait  prendre  au  pre- 
mier la  qualité  de  grand  et  d'archichancelier. 
Un  texte  d'un  vieil  historien  en  fait  foi  :  «  Ego 
Joseph  peccator  et  sacerdos,  quondam  Aquila- 
norum  régis  cancellarius,  nunc  inclyti  régis 
Ludovici  liberalium  artium  praceplor,  atque 
ejusdem  sacri  palatii  cancellariorum  munere 
functus  (Du  Chesne,  tom.  m,  p.  417).  » 

Aussitôt  que  saint  Hérébert  eut  été  élu 
évèque  de  Cologne,  l'empereur  Othon  lui  écri- 
vit comme  à  son  archichancelier,  arcliilogo- 
thetce  (Surius,  die  16  Mart.,  c.  vu).  L'historien 
grec  Cinnamus,  dans  son  livre  iv,  prend  aussi 
le  logothète  des  Grecs  pour  le  chancelier  des 
Latins  :  «  Cancellarius  quem  logothetam  Gra-ci 
vocant.  » 

Celui  qui  souscrit  à  la  place  du  grand  chan- 
celier absent,  qui  est  toujours  un  évèque  ou 
un  archevêque,  prend  quelquefois  lui-même 
le  titre  de  chancelier,  au  lieu  de  celui  de  no- 
taire (Ribl.  Clun.,  p.  260,  277,  278,  et  in  nolis, 
p.  72). 

Angelram  étant  déjà  chancelier  de  l'empe- 
reur, fut  fait  évèque  ou  archevêque  de  Metz; 
car  cette  qualité  d'archevêque  fut  conservée 
assez  longtemps  par  les  évèques  de  Metz,  après 
la  mort  du  prince  Drogon  (Spicilegii  tom.  ni, 
pag.  299).  Voici  encore  une  souscription  d'un 
chancelier  en  la  place  de  l'évêque  archichan- 
celier: «  Ambrosius  cancellarius  ad  vicem  Ilu- 
berti  episcopi  et  archicancellarii  (  Spicilegii 
tom.  v,  p.  407).  » 

Ce  n'était  pas  seulement  pour  écrire,  pour 
faire  copier,  pour  souscrire  et  pour  distribuer 
les  ordonnances  du  souverain,  ou  des  Etats, 


DES  CHANCELIERS,  NOTAIRES,  ctc. 


369 


que  le  chancelier  était  établi,  mais  aussi  pour 
lus  réciter  et  les  publier  dans  les  assemblées 
du  peuple.  Oa  voit  après  quelques  capitulaires 
de  Charles  le  Chauve  :  «  Et  tuuc  jussit  Gauzle- 
num  cancellarium  ut  haec  sequentia  capitula 
in  populum  recitaret  (Du  Chesne ,  tom.  n, 
p.  466).  » 

Ce  qui  a  été  ici  confusément  ébauché  sera 
traité  plus  au  long  et  avec  plus  d'ordre  dans  la 
suite  de  cet  ouvrage. 

III.  Venons  aux  notaires.  Anastase,  biblio- 
thécaire, dit  que  la  donation  que  Charlemagne 
lit  au  pape  Adrien  Ier  fut  signée  par  son  chape- 
lainet notaire  :  «Carolusrexadscribi jussit,  per 
.Etherium  religiosum  ,  ac  prudentissimum , 
capellanum  ac  notarium  suum.  » 

Le  même  pape,  écrivant  à  Charlemagne,  fait 
mention  de  Radon,  protonotaire  de  Charles  et 
abbé:  «  Radonemdileetissimum  protonotarium 
vestrum  atque  abbatem  (Concil.  Gall.,  tom. 
xxix,  p.  95).  »  Une  vieille  chronique  donne  à 
Eginhard  les  titres  de  notaire  et  d'archicbape- 
lain  de  Charlemagne  :  «Archicapellanus  nota- 
riusque  imperatoris  Caroli  (Du  Chesne,  tom. 
m,  p.   490).  » 

Hincmar,  rapportant  les  noms  de  ceux  du 
second  ordre  qui  avaient  assisté  au  concile 
tenu  dans  le  palais  royal  de  Cressy,  nomme 
Enée,  qui  fut  depuis  évèque  de  Paris,  et  qui 
était  alors  notaire  du  sacré  palais  :  a  Notarius 
sacri  palatii  (Hincmar,  tom.  i,  p.  21).  »  L'em- 
pereur Lothaire  donne  à  Hilduin  ,  abbé  de 
Saint-Denis  ,  la  qualité  d'archinotaire  :  «  Hil- 
duinus  abbas  nostra?  aulae  archinotarius. 
(Spicileg.,  tom.  ni,  p.  115).  » 

IV.  Venons  à  l'Eglise  grecque,  qui  nous  fait 
voir,  dans  le  concile  VII  général  (Act.  4),  un 
diacre  nommé  Etienne,  diacre  et  référendaire 
du  conseil  du  patriarche  :  «  Notarius  et  referen- 
darius  venerabilis  patriarchici  secreti.  »  Dans 
le  concile  VIII  Act.  9),  il  est  aussi  souvent  fait 
mention  des  diacres,  qui  étaient  notaires  ou 
sa  iniaires,  et  qui  lisaient  dans  les  sessions  les 
actes  publics.  Il  y  est  aussi  parlé  d'un  moine 
Colomnaire  ,  qui  avait  été  cartulaire. 

Il  faut  à  présent  passer  au  chartophylace, 
qui  était  une  des  plus  éclatantes  dignités  de 
l'Eglise  de  Constantinople. 

Anastase,  bibliothécaire,  nous  représente 
ses  pouvoirs  dans  une  de  ses  observations  sur 
le  VIIIe  concile  général  (In  Act. 2,  Synod.  vin). 
Il  assure  qu'il  a  le  même  office,  dans  l'Eglise 
do  Constantinople,  que  le  bibliothécaire  dans 

Th.  —  Tome  IL 


l'Eglise  de  Rome  ;  qu'il  esi  revêtu  des  orne- 
ments du  diaconat  .  et  qu'il  fait  toutes  les 
fonctions  sacerdotales,  excepté  celles  qui  sont 
propres  à  la  prêtrise  ;  que  c'est  lui  seul  qui 
est  l'introducteur  des  évèques  et  de  tous  les 
autres  ecclésiastiques  à  l'audience  du  patriar- 
che, et  aux  assemblées  ecclésiastiques  ;  que 
c'est  lui  seul  qui  présente  au  patriarche  toutes 
les  lettres  qu'on  lui  écrit,  excepté  celles  des 
autres  patriarches  ;  qu'on  ne  peut  être  pourvu 
ni  d'une  prélature,  ni  d'aucune  dignité  dans 
le  clergé,  ni  d'une  abbaye,  sans  être  approuvé 
de  lui,  et  sans  être  par  lui-même  présenté  au 
patriarche. 

«  Chartophylax  interpretatur  chartarum  cu- 
stos.  Fungitur  autem  officio  chartophylax  apud 
Ecclesiam  Constantinopolitanam  quo  bibliothe- 
carius  apud  Romanos,  indutus  videlicet  infulis 
ecclesiasticorum  ministrorum,  et  agens  eecle- 
siastica  prorsus  cuncta  obsequia,  exceptis  illis 
solis,  quœ  ad  sacerdotale  specialiter  ac  proprie 
pertinere  probantur  officium.  Sine  illo  prœter- 
ea  nullus  prœsulum,  aut  clericorum  a  foris 
veniens,  in  conspectum  patriarchae  intromit- 
titur  :  nullus  ecclesiastico  conventui  praesen- 
tatur  .  nullius epistola  patriarchae missa  recipi- 
tur,  nisi  forte  a  ca?teris  patriarchis  mittatur  : 
nullus  ad  prasulatum  ,  vel  alterius  ordinis 
clericorum,  sive  ad  praeposituram  monasterio- 
rum  provehitur,  nisi  iste  hune  approbet,  et 
commendet,  atque  de  illo  ipsi  patriarchae  sug- 
gérât, et  ipse  prœsentet.  » 

Cet  auteur  est  d'autant  plus  digne  de  foi 
qu'il  était  témoin  oculaire  de  ce  qu'il  écrivait. 

Balsamon  avait  été  lui-même  chartophylace 
et  nomophylace  de  l'Eglise  de  Constantinople, 
avant  que  de  monter  sur  le  trône  patriarcal 
d'Antioche  :et  c'est  par  cette  considération  que 
l'empereur  et  le  patriarche  de  Constantinople 
le  chargèrent  d'écrire  ses  commentaires  sur 
les  conciles  et  sur  le  Xomocanon  de  Photius, 
pour  faire  la  distinction  des  règlements  que 
l'usage  contraire  avait  abolis  et  de  ceux  qui 
étaient  encore  en  vigueur  (lu  Nomoc.  tit.  3, 
c.  i).  C'est  ce  qu'il  témoigne  lui-même  dans 
la  préface  de  son  ouvrage. 

Il  dit  ailleurs  que  la  chartophylace  assis- 
tait tous  les  ans  à  la  fête  de  la  procession  des 
notaires,  monté  sur  le  cheval  du  patriarche,  re- 
vêtu de  blanc,  et  portant  sur  sa  tête  une  mitre 
précieuse  brodée  d'or.  Il  assure  encore  dans  un 
autre  endroit  que  le  chartophylace  ne  permet- 
tait point  aux  prêtres  étrangers  de  célébrer  les 


24 


370 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-CINQUIÈME. 


divins  mystères,  s'ils  n'avaient  des  lettres  de 
l'évêque  qui  les  avait  ordonnés  (In  can.  xvi, 
Syn.  Nicaen.). 

S .  Mais  ce  (fu'il  y  avait  de  plus  singulier  et  de 
plus  surprenant  dans  ladignitédes  chartophyla- 
ces  était  la  préséance  qu'ils  avaient  au-dessus 
des  prêtres,  quoiqu'ils  ne  fussent  que  diacres,et 
même  au-dessus  des  évoques,  dans  toutes  les 
assemblées  qui  se  tenaient  hors  du  sanctuaire 
de  l'autel  et  hors  du  coucile. 

Dalsamon  ne  peut  approuver  cet  usage  qui 
blesse  si  fort  les  canons,  et  toutefois  il  assure 
qu'il  fut  maintenu  par  une  constitution  de 
l'empereur  Alexis  Comnène. 

«  Ut  autem  nonnulli  ex  ecclesiasticis  diaco- 
nis  in  congregationibus  quœ  sunt  extra  sacrum 
tribunal,  ante  sacerdotes,  sedeant,  fleri  vide- 
mus.  Et  existimo  hoc  fieri  propter  dignitates 
seu  officia.  Solienim  ii  qui  a  patriarcha  officiis 
ecclesiasticis  digni  sunt  habiti ,  sedent  ante 
sacerdotes.  Fit  autem  et  hoc  praeter  ralionem. 
At  chartophylax  in  congregationibus  quaefiunt 
extra  synodum,  sedet  non  solum  ante: sacer- 
dotes, sed  etiam  ante  pontifices,  ex  constitu- 
tione  Alexii  Comneni,  » 

Cette  constitution  oppose  à  ces  évèques,  qui 
commençaient  trop  tard  a  se  plaindre  de  leur 
avilissement,  la  longue  possession  des  charto- 
phylaces,  le  silence  et  le  consentement  des 
évêques  précédents,  et  des  évèques  présents 
même  jusqu'au  temps  présent, la  juste  peinede 
leur  négligence  passée,  de  n'avoir  pas  conservé 
le  rang  de  L'épjseppat,  et  de  s'être  trop  long- 
temps arrête  à  Constanlinople  a  faire  leur  cour 
aux  dépens  de  leur  dignité  (Jus  Orient.,  tom.  i, 

pag.  1 1 1  . 

VI.  Le  concile  in  Trullo  (Can.  vu)  trouva  un 
tempérament  a  ce  desordre,  en  ordonnant  que 
les  diacres,  de  quelque  office  qu'ils  pussent 
être  honorés,  ne  pourraient  prendre  séance  au- 
dessus  des  prêtres  que  lorsqu'ils  représente- 
raient la  personne  de  leur  métropolitain  ou  de 
leur  patriarche  hors  de  leur  église.  «  Ante  pre- 
sbyterum  ne  sedeat,  praeter  quam  si  proprii 
patriarcha'.  vel  metropolitani  vicemgerens  ad- 
sil  in  alia  eivilalr.  super  aliquo  capite.  Tune 
enim  ut  locum  illius  implens  bonorabitur.  » 

Les  diacres  que  les  papes  chargeaient  de  leur 
légation  et  de  la  dignité  de  leur  personne  dans 
les  conciles  œcuméniques,  y  prenaient  rang  au- 
dessus,  non-seulement  des  prêtres,  mais  des 
évêques  même  et  des  patriarches.  Ainsi  la 
disposition    de    ce    canon    était    très -juste. 


Mais  les  diacres  étaient  allés  bien  plus  avant. 
Néanmoins  comme  ce  canon  se  plaint  de 
l'usurpation  que  les  diacres  avaient  faite  sur 
les  prêtres  et  ne  parle  en  façon  quelconque 
d'une  pareille  entreprise  de  leur  part  contre 
les  évèques,  il  y  a  lieu  de  croire  que  cet  abus 
ne  commença  qu'après  le  concile  VI,  et  peut- 
être  ne  commença-t-il  qu'après  le  VIIIe,  puis- 
qu'Anastase  n'a  dit  mot  de  cette  préséance,  en 
faisant  une  description  si  longue  et  si  curieuse 
du  ehartophylace. 

Quoi  qu'il  en  soit  d'Anastase,  il  est  hors  de 
toute  apparence  que  le  concile  in  Trullo  se  fut 
plus  intéressé  pour  les  prêtres  que  pour  les 
évèques  si  les  ehartophylaees  se  fussent  déjà 
mis  au-dessus  d'eux. 

VII.  Dalsamon  dit  bien  que  le  patriarche  de 
Constanlinople  ayant  plusieurs  secrétariats  , 
celui  du  ehartophylace  était  singulièrement 
destiné  aux  affaires  de  l'évèché  de  Constanti- 
nople  comme  évèché  ;  et  ainsi  on  pouvait 
donner  le  nom  d'évèché  au  logis,  ou  à  l'appar- 
tement du  ehartophylace  :  «  Chartophylacium 
recte  episcopatus  dicetur  (In  can.  ixSyn.  vu  .  » 
Aussi  le  ehartophylace  exerçait  toutes  les 
fonctions  épiscopales  au  nom  du  patriarche;  il 
excommuniait,  il  réglait  les  affaires  de  con- 
science, il  donnait  les  permissions  nécessaires 
pour  ordonner  des  prêtres  et  des  diacres  : 
«  Omnia  patriarche  jura  exercet ,  qûae  ei  con- 
veniunt ,  ut  episcopo  ;  etenim  excommunicat , 
animae  delicta  corrigit ,  diaconos  et  sacerdotes 
ordinari  permittit   Ibid.,  in  can.  x).  » 

Le  patriarche  de  Constantinople  ayant  le 
pouvoir  de  retenir  les  clercs  des  autres  dio- 
cèses sans  lettres  dimissoires  de  leurs  évèques, 
le  ehartophylace  usait  de  ce  droit  en  son  nom, 
et  permettait  aux  prêtres  étrangers  de  célébrer 
dans  Constantinople. 

On  pourrait  bien  encore  mettre,  entre  les 
pouvoirs  du  ehartophylace  ,  les  dispenses  qu'il 
donnait  pour  contracter  des  secondes  noces, 
sans  être  privé  de  la  communion  (In  suppl., 
pag.  11-21  . 

Mais  quelque  merveilleux  que  puissent  pa- 
raître ces  pouvoirs,  ils  ne  passent  pas  les  bornes 
de  ce  qui  se  peut  accorder  a  un  grand  vicaire 
et  à  un  officiai,  qui  peut  être  le  dépositaire 
universel  de  la  juridiction  épiscopale.  Ainsi 
il  n'en  résulte  aucun  droit  de  précéder  les  évè- 
ques. 

Il  y  a  une  note  dans  le  droit  oriental  et  dans 
l'épitome  des  canons  d'Harménopule  (Pag.  27), 


DES  CHANCELIERS,  NOTAIRES,  etc. 


371 


qui  dit  que  ce  rang  d'honneur  au-dessus  des 
évèques  n'a  été  donné  qu'au  chariophylace  de 
Constantinople,  lorsqu'il  se  trouve  dans  les  sy- 
oodes  des  autres  provinces  ,  et  ne  lui  a  été 
donné  que  par  un  long  usage  et  par  l'édit  de 
l'empereur  Michel.  «  Soli  chartulario  conces- 
sum  est  ex  longa  consuetudine,  et  ex  scripto 
Michaelis  imperatoris,  ut  in  exteris  synodis 
etiam  ante  pontifices  sedeat.  » 

Il  y  a  apparence  que  le  chartophylace  ayant 
été  souvent  envoyé  à  ces  conciles  par  le  pa- 
triarche, et  y  ayant  été  reçu  comme  représen- 
tant la  personne  du  patriarche  même,  selon  le 
canon  même  du  concile  in  Trullo  dont  nous 
avons  parlé,  il  s'accoutuma  d'y  précéder,  non- 
seulement  les  prêtres,  mais  aussi  les  évoques  , 
dont  la  résistance  ne  peut  avoir  été  que  très- 
faible,  parce  qu'ils  avaient  très-souvent  besoin 
de  la  faveur  du  chartophylace  auprès  du  pa- 
triarche et  de  celle  du  patriarche  auprès  de 
l'empereur. 

VIII.  Ce  n'est  pas  tout.  Le  chartophylace  était 
quelquefois  aussi  le  protosyncelle  du  patriar- 
che, c'est-à-dire  son  premier  ministre.  Il  était 
le  chancelier  du  patriarche,  et  toutes  les  bulles 
étaient  signées  premièrement  de  lui ,  puis  des 
autres  diacres,  notaires  du  patriarcat.  Sa  signa- 
ture était  suivie  du  sceau  en  plomb ,  solita 
plumbea  bulla.  La  signature  ne  pouvait  être 
commise  à  un  autre  pendant  que  le  chartophy- 
lace était  présent  (Juris  Ori.,  t.  i,  p.  w206etseq.) 
Il  était  nommé  la  main  et  la  bouche  du  pa- 
triarche ,  ut  os ,  et  matins  patriarchœ  vocetur. 
Le  patriarche  en  l'instituant  lui  pendait  au  col 
son  cachet  et  son  anneau  ,  patriarchale  bullo- 
terium  (Ibid. ,  ex  Balsamone ,  p.  457 ,  458 ,  459 
et  seq.).  Il  lui  donnait  les  clefs  spirituelles  de 
l'Eglise  fiour  lier  et  délier,  et  pour  permettre 
aux  religieux  prêtres  de  confesser  ;  il  lui  per- 
mettait de  faire  des  instructions  publiques  aux 
fidèles.  Enfin  sa  juridiction  était  aussi  étendue 
que  celle  du  patriarche. 

Après  cela  Balsamon  conclut  qu'il  n'est  pas 
si  étrange  que  le  chartophylace  étant  la  main, 
la  bouche  et  la  langue  du  patriarche,  il  ait 
séance  au-dessus  des  évèques  et  des  métropo- 
litains en  plusieurs  rencontres,  savoir  :  «  lu 
electionibus  episcoporum  ad  vacantes  Ecclesias, 
et  in  iis  publicis  congressibus  qui  extra  patriar- 
chale tribunal  fiunt,  imo  etiam  in  festorum 
publicis  ceremoniis  ac  conventibus,  non  solum 
intra  partes  Ecclesiae,  verum  etiam  quovis  in 
loco.  » 


IX.  Ce  furent  la  les  degrés  de  l'élévation  du 
chartophylace,  c'est-à-dire,  d'un  diacre  au- 
dessus  des  évèques;  le  concile  in  Trullo  lui 
permit  de  s'asseoir  au-dessus  des  prêtres  dans 
les  autres  provinces,  quand  il  représenterait  la 
personne  du  patriarche.  Par  la  même  raison  il 
eut  droit  de  prendre  séance  au-dessus  dis 
évèques.  Ce  qu'il  pouvait  faire  dans  les  pro- 
vinces lui  parut  également  faisable  à  Constan- 
tinople. 

Enfin  la  délégation  de  l'autorité  et  de  la  juri- 
diction du  patriarche,  qui  ne  lui  était  autrefois 
accordée  que  dans  quelques  rencontres,  étant 
devenue  et  ordinaire  et  perpétuelle  en  sa  faveur, 
il  crut  avoir  toujours  droit  de  précéder  les 
évèques,  parce  qu'il  représentait  toujours  la 
personne  du  patriarche,  dont  il  était  l'œil,  la 
bouche  et  la  main.  «  Omnino  fateberis  horum 
omnium  potestatem  ei  tributam  ,  propterea 
quod  existimetur  esse  os,  et  labra,  et  manus 
quodammodo  patriarche,  »  dit  Balsamon  au 
même  endroit. 

C'est  ce  qui  donna  lieu  à  ces  dissensions  scan- 
daleuses qui  s'élevèrent  entre  le  chartophylace 
et  les  évèques  qui  relevaient  du  patriarche  de 
Constantinople  :  «  Haec  quœstio  multa  diversis 
temporibus  excitavit  scandala.  »  Le  patriarche 
était  prêt  de  prononcer  en  faveur  des  évèques, 
selon  le  canon  deNicée  :  «  Cumque  cognitio  pa- 
triarchalis  pontificibusfavens,  etc.  (Can.  xvm),  » 
lorsque  l'empereur  Alexis  Conmène,  par  son 
édit,  maintint  le  chartophylace  dans  un  rang 
que  la  coutume  et  la  longue  possession  avait 
autorisé. 

Balsamon  ajoute  que,  ni  la  possession,  ni 
l'édit  de  l'empereur  n'auraient  pu  prescrire 
contre  les  canons  ;  mais  que  les  canons  mêmes 
favorisent  le  droit  du  chartophylace,  soit  que 
l'on  considère  le  canon  ci-devant  cité  du  con- 
cile in  Trullo  (Can.  vu),  soit  qu'en  général  on 
examine  les  séances  des  conciles,  où  ceux  qui 
représentent  la  personne  du  pape  ou  des  pa- 
triarches en  prennent  aussi  la  séance  au-dessus 
des  autres  évèques. 

C'est  pour  cela,  dit-il,  que  Cyrille,  évêque 
d'Alexandrie,  eut  ce  haut  rang  d'honneur  dans 
le  concile  général  d'Ephèse  ,  comme  étant 
revêtu  de  la  personne  du  pape  Célestin,  qui  lui 
communiqua  en  même  temps,  à  lui  et  à  ses 
successeurs,  la  bande  d'or  (xpuaoûv  Xwpov) ,  dont 
l'empereur  Constantin  avait  bonoré  le  pape 
Sylvestre.  D'où  vient  aussi  que  tous  les  autres 
sacrificateurs  de  l'Eglise  paraissant  a  l'autel  la 


.'(7-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-CINQUIÈME. 


tête  nue,  les  patriarches  d'Alexandrie  ont  tou- 
jours la  tète  couverte  d'un  diadème  pendant 
le  sacrifice.  «  Clinique  omnes  alii  capitibus 
apertis  res  sacras  peragant  ;  soins  Alexandrinus 
patriarcha  rem  divinam  i'acit,  fascia  dicta  captrl 
obvolutus.  » 

Enfin  Balsamon  ajoute  que  les  douze  cardi- 
naux du  pape  ont  aussi  quelque  part  à  ses 
prééminences,  comme  représentant  son  auguste 
personne.  «  Quin  etiam  duodecim  illos  cardi- 
nalios  paprc  similiter  videmus  pileis  aureis 
ornatos,  veluti  pipa1  personain  représentantes, 
ejusque  jura  fulcientes.  » 

X.  Balsamon  ne  dit  pas  dans  cet  endroit  que 
les  cardinaux  du  pape  précédassent  les  évèques, 
ce  qu'il  n'aurait  pas  oublié  de  dire,  si  l'usage 
en  eût  déjà  été  introduit,  puisque  c'eût  été  la 
plus  évidente  justification  de  la  préséance  que 
le  eliartophylace  prenait  au-dessus  des  évèques. 
Mais  en  disant  que  les  cardinaux  représentent 
la  personne  du  pape,  comme  le  eliartophylace 
représentait  celle  du  patriarche,  il  nous  dé- 
couvre le  fondement  le  plus  légitime  de  cette 
préséance  qui  les  a  enfin  tous  également  élevés 
au-dessus  des  évèques. 

Balsamon  (Ibidem)  achève  ce  traité  du  eliar- 
tophylace, en  faisant  voir  qu'il  est  en  même 
temps  l'olïieial  du  patriarche,  par  l'exercice  de 
la  juridiction  contentieuse,  et  son  grand  péni- 
tencier, par  la  direction  générale  de  toutes  les 
affaires  qui  regmleut  la  conscience.  Aussi  avait- 
il  pour  ces  deux  sortes  de  fonctions  deux  diffé- 
rentes sortes  d'officiers  :  les  uns  étaient  les 
notaires  ou  les  cartulaires;  les  autres  étaient 
appelés  épiscopaux,  i-w.-v.i.-ià. 

XI.  Les  protonotaires  ont  été  premièrement 
institués  dans  la  cour  impériale  d'Orient,  et  ont 
ensuite  passé  dans  la  cour  romaine  du  pape. 

Cédrénus  en  fait  souvent  remarquer  dans  la 
cour  de  Constantinople,  et  leur  donne  des  em- 
plois assez  importants  (Pag.  553,  719,  723). 
Puisque  Photius  écrit  à  un  diacre,  qui  était 
aussi  protonotaire,  il  est  à  croire  que  le  pa- 
triarche avait  aussi  ses  protonotaires  aussi  bien 
.pie  l'empereur  (Epist.  lxxxiu). 

XII.  Il  nous  reste  à  dire  un  mot  du  biblio- 
thécaire, qui  étaitune  charge  unie  dans  l'Orient 
a  celle  du  eliartophylace;  ainsi  on  peut  dire 
que  le  bibliothécaire  dans  l'Occident,  au  moins 
dans  l'Eglise  romaine,  tenait  le  lieu  du  charto- 
phylace  des  Crées,  quoiqu'il  n'en  possédai  pas 
tous  les  avantages  fConcil.  Call.,  tom.  n.  p.  330, 
426,  559).  C'est  l'idée  que  Balsamon  et  Anasfase 


bibliothécaire  nous  ont  donnée  ci-dessusde  ces 
deux  offices. 

11  ne  faut  pas  s'imaginer  que  tous  les  évèques 
pussent  avoir  un  bibliothécaire.  Les  biblio- 
thèques et  les  livres  étaient  encore  trop  rares. 
L'Eglise  romaine  avait  son  bibliothécaire,  celle 
de  Constantinople  son  eliartophylace.  et  on  ne 
lit  rien  de  semblable  des  autres  Eglises. 

Xos  évèques  de  France  témoignent  que  pour 
dresser  la  règle  des  chanoines  et  des  chanoi- 
nesses,  qui  tut  autorisée  par  le  concile  d'Aix- 
la-Chapelle,  en  816,  ils  s'étaient  servis  des 
livres  de  la  bibliothèque  royale  de  l'empereur 
Louis  le  Débonnaire.  «  Ejusdem  piissimi  prin- 
cipis  non  modico  adjuti  juvamine,  ejus  videli- 
cet  Iiberalissima  largitione  copiani  librorum 
pi,e  manibus  habentes  (In  Prafat.).  » 

Cette  règle  étant  tissue  de  beaucoup  d'excel- 
lents passages  des  Pères  et  des  conciles,  le  seul 
empereur  avait  pu  leur  fournir  tous  ces  ou- 
vrages. L'original  même  de  cette  règle  fut 
garde  dans  la  bibliothèque  royale,  pour  être 
conservé  dans  sa  pureté,  et  pour  en  pouvoir 
distribuer  les  copies  pures  et  sans  fautes  à  tous 
les  métropolitains. 

C'est  ce  que  le  même  empereur  Louis  écrivit 
à  l'archevêque  de  Bordeaux.  «  Quam  canonicae 
institutionis  formam  ideirco  pênes  palatium 
nostrum  diligenter  scribi  fecimus,  ut  nihil  in 
se  scriptorum  vitio  depravationis  aut  detrim- 
cationis  habens,  ad  te  usque  incolumis  perfer- 
retur,  etc.  Noveris  quia  ideo  illius  exempluni 
apud  armarium  palatii  nostri  detenlum  est, 
ut  eo  probari  patenter  possit,  quis  eam  incu- 
riose  transcripserit,  vel  quis  aliquam  ejus  par- 
teni  detruncarit.  » 

Lorsque  ce  même  empereur  en  832  fit  réfor- 
mer parles  évèques  le  monastère  de  Saint-Denis, 
il  fit  l'aire  deux  exemplaires  de  ce  règlement, 
pour  en  garder  un  dans  sa  bibliothèque,  et  laisser 
l'autre  aux  religieux  :  «  Duas  inde  pari  tenore 
conscriptas  firmatiores  fieri  jussimus,  ut  una 
imperialis  aulœ  reconditorio,  palatinisservetur 
excubiis  :  altéra  ab  ipsius  monasferii  custodi- 
bus  (Concil.  Call.,  tom.  m,  p.  359,  444).  » 

Ebon  ,  tpii  l'ut  depuis  archevêque  de  Reims  , 
ne  se  fut  pas  plutôt  élevé  aux  ordres  sacrés 
que  Louis,  roi  d'Aquitaine,  qui  l'ut  depuis  em- 
pereur, le  choisit  pour  son  bibliothécaire, 
comme  nous  l'apprend  le  fils  du  même  Louis, 
empereur,  Charles  le  Chauve,  dans  sa  lettre 
au  pape  Nicolas  1er.  «  Quern  ipse  servitio  stre- 
nuum   ingenioque  agilem  comperiens  ,  non 


DES  CHANCELIERS,  NOTAIRES,  f.tc. 


373 


post  multuni  temporis  bibliotheearium  consti- 
luit.  » 

Entre  les  souscriptions  du  concile  de  Pon- 
thyon,  célébré  en  876,  on  trouve  celle  d  llilduin. 
abbé  et  bibliothécaire. 

XIII.  L'on  ne  sera  pas  surpris  d'apprendre 
que  cette  charge  île  bibliothécaire  royal  ou  im- 
périal fut  commise  à  des  prêtres  ou  à  des  abb<  s 
d'une  vertu  incorruptible ,  si  l'on  considère 
que  dans  la  décision  des  plus  grandes  allant  s 
on  avait  recours  à  ces  trésors  publics  de  la  vé- 
rité, soit  pour  éclaircir  la  foi ,  soit  pour  régler 
la  morale.  Hincmar  raconte,  dans  la  préface  de 
son  ouvrage  de  la  Prédestination,  que  Félix, 
évêque  d'Urgel  ,  avait  été  convaincu  ,  sous 
l'empire  de  Charlemagne  ,  d'avoir  corrompu 
le  jeune  bibliothécaire  du  palais  d'Aix-la-Cha- 
pelle, afin  de  pouvoir  corrompre,  par  son 
moyen,  le  texte  de  saint  Hilaire. 

«  Corrupto  muneribus  juniore  bibliotheca- 
rio  Aquensis  palatii,  lihrum  B.  Hilarii  rasit,  et 
ubi  scriptum  eral ,  quia  in  Dei  tilio  carnis  lui- 
militas  adoratur,  immisit ,  carnis  humilitas 
adoptatur.  » 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  ce  fut  Charle- 
magne qui  donna  commencement  à  celte  bi- 
bliothèque impériale  d'Aix-la-Chapelle,  en  813. 
Eginhard  assure,  dans  ses  annales,  que  ce 
grand  empereur  ayant  fait  tenir  cinq  conciles 
dans  les  principales  villes  de  la  France,  une 
année  seulement  avant  sa  mort,  il  en  conserva 
les  originaux  dans  les  archives  de  sa  biblio- 
thèque. «  Quanquam  et  in  archive  palatii 
cxemplaria  illarum  habeantur.  » 

Après  que  les  enfants  de  Louis  le  Débonnaire 
curent  partagé  l'empire  ,  les  rois  de  France  se 
tirent  une  bibliothèque  particulière.  Charles  le 
Chauve  avait  ordonné  a  ses  aumôniers  que  si 
la  mort  le  prévenait ,  ils  partageassent  ses 
livres  entre  deux  abbayes  et  le  roi,  son  lils. 
«  Et  libri  nostri  qui  iu  thesauro  nostro  sunt, 
ab  illis,  sicut  dispositum  habemus  ,  inter  san- 
ctum  Dionysium  et  sanclam  Mariam  in  Com- 
pendio  ,  et  fi  hum  nostrum  dispertiantur 
An.  877  ;  Du  Chesne,  tom.  u.  p.  164  .  » 

XIV.  Quant  à  l'Eglise  romaine  ,  Anastase 
Bibliothécaire,  raconte  que  le  pape  Grégoire  II 
avait  ete  premièrement  l'ait  sous-diacre  et  sa- 
cristain, puis  bibliothécaire,  et  enfin  diacre. 
d'où  il  moula  sur  le  tiône  apostolique.  «  Sub- 
diaconus  atque  sacellarius  factus,  bibliothécœ 
est  illi  cura  commissa.  deinde  ad  diaconalus 
ordinem  provectus  est.  » 


Le  même  Anastase  dit  qu'étant  chargé  du 
soin  de  la  bibliothèque  romaine,  pour  satisfaire 
aux  obligations  de  son  ministère,  il  s'est  cru 
oblige  de  traduire  de  grec  en  latin  les  actes 
du  concile  VII  oecuménique.  «  Praesertim  cum 
saci;e  bibliothecae  vestne,  cujus  niinister  vestra 
dignatione  consisto,  ex  hoc  quod  desupermihi 
datum  est,  débiter  sim  ministrare  :  si  tamen 
aemulatus  Apostolum  ,  ministerium  meum 
studeam  honorare  (In  Prafat.  vu  Synod.  ad 
Joan.  Mil  papam).  » 

Il  est  rapporté  ailleurs,  comment,  après  que 
les  dix  sessions  du  concile  VIII  général  émeut 
été  tenues ,  les  légats  du  Siège  apostolique  le 
chargèrentd'en  examiner  lesexemp!aires,avant 
que  de  les  souscrire  ,  parce  qu'il  était  alors  à 
Constantinople,  comme  ambassadeur  de  l'em- 
pereur Louis  ;  et  comme  sa  charge  de  biblio- 
thécaire l'obligeait  à  une  connaissance  exacte 
des  langues,  il  trouva  «pie  les  Crées  avaient 
retranché  de  la  lettre  du  pape  Adrien  II  tous  les 
éloges  que  ce  pape  donnait  à  l'empereur  Louis. 
«  Legati  Bomanœ  Ecclesiœ  textum  synodi,  ne 
quid  gra?ca  levitas  falsum  in  eam  conjecerit, 
Anastasio  sancta1.  Sedis  Apostolicae  bibliothe- 
cario  inquirendum .  antequam  subscribant, 
committunt.  A  quo,  quia  in  utrisque  lin- 
guis  eloquentissimus  existebat,  etc.  (In  vila 
Adriani  11  .  » 

Anastase  raconte  tout  cela  lui-même  dans  sa 
préface  sur  le  concile  Mil.  adressée  au  pape 
Adrien  II,  où  il  ajoute  que  les  légats  du  Saint- 
Siège  étant  tombes,  a  leur  retour  du  concile, 
entre  les  mains  des  voleurs,  ils  perdirent  avec 
le  reste  de  leurs  papiers  les  actes  de  ce  concile; 
qu'il  en  avait  lui-même  apporté  jusqu'à  Rome 
une  autre  copie;  que  le  pape  lui  commanda  de 
la  traduire  en  latin;  qu'il  s'en  était  excusé 
d'abord  sur  son  incapacité,  mais  qu'enfin  il 
avait  obéi,  après  avoir  acquis  une  suffisante 
facilité  en  traduisant  d'autres  ouvrages  grecs 
en  latin. 

«  Ad  quod  opus  ego  idoneum  me  esse  dene- 
gavi,  licet  in  interpretandis  ex  archive-  in  lati- 
num  sermonem  scripturis  pnesenti  tempore 
quoddam  conamen  anipere  nitar,  et  nonnulla 
jam  ad  a'dificationem  interpretatus  edidisse 
dignoscar.  »  11  avait  néanmoins  laissé  certains 
endroits  a  des  interprètes  plus  habiles  que  lui. 
o  Bara  inter preti  doctiorienucleandaservavi.» 

XV.  L'office  de  bibliothécaire,  dont  les  papes 
avaient  chargé  des  sous-diacres,  des  diacres 
des  abbés ,  car  Anastase  Bibliothécaire  était 


374 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SIXIÈME. 


abbé,  monta  enfin  à  un  si  liant  point  de  gloire, 
que  les  évêques  mêmes  s'en  crurent  honorés. 

Dans  la  vie  d'Etienne  VI  il  est  parlé  d'un  de 
ses  parents,  nommé  Zacharie,  qui  était  évèque 
et  bibliothécaire.  «  Zacharia?  episcopi,  eonsan- 
guinei  sui,  et  Sedis  Apostolicse  bibliothecarii.  » 
Dans  la  vie  du  pape  Formose,  il  est  dit  que  le 
pape  Jean  avait  donné  la  charge  de  la  biblio- 
thèque à  Zacharie,  évèque  d'Anagni,  et  l'avait 
fait  son  conseiller  :  «  Munere  bibliothecarii 
Apostolicœ  Sedis  auctum  ,  consiliarium  suum 
fecit,  eique  legationes  plures  credidit.  » 

La  charge  de  protoscrinaire  ,  dont  était 
honoré  Léon  .  qu'Othon  Ier  fit  élire  pape  en  la 
place  de  Jean  XII,  pouvait  bien  avoir  quelque 
rapport  à  celle  de  bibliothécaire  ,  mais  ce  n'é- 
tait pas  la  même. 


XVI.  Parmi  les  Grecs  il  y  avait  aussi,  au  moins 
quelquefois,  des  bibliothécaires  différents  des 
cliartophylaces.  Après  le  concile  VIII  (Sess.  x), 
l'empereur  Rasile  écrivit  au  pape  Adrien  II 
pour  obtenir  de  lui  la  dispense  nécessaire  pour 
quelques-uns  des  partisans  de  Photius ,  afin 
de  pouvoir  conserver  leurs  dignités  :  l'un  était 
Paul  bibliothécaire,  l'autre  un  métropolitain. 
Dans  le  concile  VII  (Act.  4),  Etienne,  moine  et 
bibliothécaire  du  patriarche,  piPxiapfaaÇ  «5  -■>.- 
T-piapxttou,  lut  quelques  passages  des  anciens 
écrivains. 

Un  des  canons  de  ce  même  concile  (Can.  ix) 
ordonna  de  porter  à  l'évèché  de  Constantinople 
tous  les  ouvrages  impies  qu'on  avait  écrits 
contre  les  saintes  images,  pour  y  être  conservés 
avec  les  livres  des  hérétiques. 


CHAPITRE  CENT-SIXIEME. 


DES   CHANCELIERS,    DES   NOTAIRES   ET   DES   BIBLIOTHÉCAIRES,    DEPUIS   L  AN   MIL  JCSQU  A    PRÉSENT. 


I.  Tous  ces  offices  ont  beaucoup  de  rapport,  et  ont  été  sou- 
vent exercés  par  la  même  personne. 

II.  V.iste  étendue  de  la  charge  de  chancelier  de  l'Eglise  ro- 
maine, et  des  autres  chanceliers  k  proportion. 

III.  Depuis  Charlemagne,  les  offices  de  notaire,  de  chancelier 
et  d'archicbancelier  ont  été  ordinairement  exercés  par  des  ecclé- 
siastiques. 

IV.  Jusque  dans  le  quinzième  siècle,  les  charges  de  notaire 
royal,  impérial,  apostolique,  ont  été  esercées  très-souvent  par 
des  ecclésiastiques,  et  même  par  des  prêtres. 

V.  Il  eu  fut  de  même  presque  dans  le  seizième  siècle.  Deux 
raisons  qui  ont  fait  entrer  les  laïques  à  la  place  des  clercs  dans 
ces  offices. 

VI.  Règlements  du  concile  de  Trente  sur  les  notaires. 

VII.  Règlements  des  conciles  qui  ont  suivi  le  concile  de 
Trente. 

VIII.  Réponse  à  une  objection. 

IX.  Du  rang  de  noblesse  donné  aux  notaires  et  aux  secrétaires 
du  roi. 

X.  De  l'office  de  bibliothécaire  à  Rome  et  ailleurs. 

XI.  Des  bibliothécaires  de  l'Eglise  grecque,  du  chartophylace, 
des  protono'.aires,  des  douze  docteurs  de  Constantinople. 

I.  Les  chanceliers,  les  notaires,  les  cartulai- 
res,  les  bibliothécaires  ont  tant  de  rapport 
entre  eux,  qu'il  est  impossible  d'en  parler 
sans  un  peu  de  confusion  et  sans  tomber  dans 
des  redites. 

La  charte  de  la  fondation  de  Bourgueil  est 


souscrite  en  l'an  004,  par  Roger,  premier  chan- 
celier, Protocellarius.  Dans  le  synode  romain, 
en  1013,  entre  les  souscriptions  des  cardinaux, 
on  trouve  celle  du  chancelier  du  sacré  palais. 
«  Diaconus  et  cancellarius  sacri  palatii  (Conc, 
t.  ix,  p.  744,  846,  016,  006,  108).  » 

La  bulle  de  Clément  II,  qui  transféra  l'evè- 
que  de  Pesth  à  l'archevêché  de  Salerne,  lut 
souscrite  par  Pierre,  diacre,  bibliothécaire  et 
chancelier  du  Siège  Apostolique.  Ce  chancelier 
a  souscrit  de  la  même  manière  à  plusieurs 
lettres  de  Léon  IX  (Ep.  xiv). 

Le  roi  Henri  I"  de  France  ,  faisant  sacrer  à 
Reims  son  lils  Philippe,  y  revêtit  l'archevêque 
de  Reims  de  la  charge  de  grand  chancelier, 
comme  ses  ancêtres  en  avaient  revêtu  les  ar- 
chevêques précédents.  «  Subscripsit  arebiepi- 
scopus,  nam  ibi  constituit  eu  m  summum  can- 
ccllarium;  sicut  antecessores  sui  antecessores 
suos  fecerant,  et  ita  consecravit  cnm  in  regem 
(Du  Chesne,  t.  îv,  p.  142).  » 

Alexandre  II  donna  la  qualité  de  chancelier 
.i  un  sous-diacre  de  l'Eglise  romaine.  Mais  il 


DES  CHANCELIERS,  NOTAIRES  ET  BIBLIOTHÉCAIRES. 


.'fT.'i 


est  porté,  dans  une  autre  lettre  de  ce  même 
pape,  que  ce  sous-diacre  n'était  que  vicaire 
d'Annon,  archevêque  de  Cologne.  «  Per  manus 
l'etri  sanctee  Romanae  Ecclesise  subdiaconi  , 
atque  cancellarii ,  vice  domni  Annonis  Colo- 
niensis  archiepiscopi   Lp.  m,  xl).  » 

11  \  avait  donc  plusieurs  chanceliers,  et  le 
plus  eininent  s'appelait  le  premier,  ou  le  grand 
chancelier, ou  l'archichancelier.  C'est  la  qualité 
que  donnait  Sigefroy,  archevêque  de  Mayence, 
a  Hildebrand,  archidiacre  et  archichancelier 
du  Siège  Apostolique,  sous  le  même  pape. 
k  Sedis  Aposlolicae  archidiacono  et  archican- 
cellario  [Conc,  t.  ix,  p.  132  .  » 

II.  Le  cardinal  Baronius,  en  parlant  de  cette 
élévation  d'Hildebrand  a  la  charge  d'archichan- 
celier,  dit  que  cette  charge  embrassait  tout  le 
gouvernement  de  l'Eglise  romaine.  «  l'eues 
quod  officium  universa  Romanae  Eeelesiae  ad- 
ministratio  verteretur  Baronius.  an.  [061, 
n.  31).  »  Guillaume  de  Malmesbury  ne  donne 
pas  une  moindre  idée  de  cette  charge  en  par- 
lant de  la  création  du  même  chancelier  Hilde- 
brand. 

o  Alexander  cancellis  Apostolorum  eum  pra?- 
fecerat.  Circuibat  pro  sui  contuitu  officii  pro- 
vincias,  ut  perperam  acta  corrigeret.  Accurre- 
batur  ah  omnibus  ordinum  hominibus.  deci- 
siones  diversorum  negotiorum  postulantibus. 
Cuncta  ei  submittebatur  saecularis  potenlia, 
tum  pro  sanctitatis,  tum  pro  ministerii  ejus 
reverentia.  » 

Le  chancelier  de  l'Eglise  romaine  était 
comme  le  visiteur  et  l'intendant  général  sur 
toutes  les  Eglises,  pour  faire  justice  et  pour 
retrancher  tous  les  désordres.  Saint  Bernard 
le  fait  passer  pour  le  chef  du  conseil,  et  le 
premier  ministre  du  pape.  «  Cui  te  consilia- 
lium  ordinavit  Deus.  etc.,  »  et  pour  le  princi- 
pal défenseur  et  garde  de  l'épouse  de  J.-C. 
«  Tuas  quam  maxime  fldei  et  sollicitndini 
crédita  est  Domini  tui  sponsa,  etc.  Bernar- 
dus ,  epist.  <;<:<. wxiv;  Joan.  Salisb.,  in  Poli- 
crat.).» 

Jean  de  Salisbury  n'a  pas  prétendu  donner 
l'origine  du  mot  de  chancelier,  car  elle  vient 
certainement  de  la  porte,  a  cancellis,  que  les 
chanceliers  gardaient  autrefois  ;  mais  il  a 
voulu  faire  connaître  sa  puissance  et  son  de- 
voir a  examiner  les  lois  des  princes.  «  Hic  est 
qui  régis  leges  cancellat  iniquas,  et  mandata 
pii  principis  aequa  facit.  » 

Les  chanceliers  des  souverains,  qui  étaient 


ordinairement  des  ecclésiastiques,  avaient  à 
proportion  la  même  autorité  pour  les  affaires 
temporelles. 

Guibert,  i  véque  de  l'arme,  était  alors  chan- 
celier de  l'empire,  et  comme  il  brouillait  l'em- 
pire avec  L'Eglise,  l'archevêque  de  Cologne, 
Annon,  avant  été  élu  par  les  princes  allemands 
pour  régent  de  l'empire,  pendant  la  minorité 
du  roi  Henri,  l'an  1062,  il  déposa  d'abord  Gui- 
bert. et  substitua  en  sa  place  l'évêque  de  Ver- 
ceil  (Baron.,  an.  1062,  n.  17  . 

III.  Remontant  plus  haut,  on  trouve  que  ce 
furent  ordinairement  des  ecclésiastiques,  et  le 
plus  souvent  des  évêques  qui  ont  été  les  chan- 
celiers des  souverains.  Le  testament  de  Guil- 
laume, comte  d'Auvergne,  pour  la  fondation 
de  Cluny,  en  910,  fut  écrit  et  souscrit  par  un 
diacre  en  l'absence  du  chancelier.  «  Ego  Odo 
levita  ad  vicem  cancellarii  scripsi  et  subscripsi.» 

La  charte  du  roi  Louis  IV  de  France,  pour 
Cluny,  en  939,  fut  souscrite  par  un  notaire,  en 
l'absence  de  l'évêque  Allant.  «  Gerardus  nota- 
rius ad  vicem  Artaldi  episeopi  recognovit 
lîibl.  Clun..  p.  4,  ici,,  276,  -277,  278  .  »  En 
d'autres  chartes  du  même  roi  on  trouve:  «Ro- 
gerius  cancellariUs  ad  vicem  Acardi  recogno- 
vit ;  »  et  en  d'autres  :  «  Odilo  notarius  ad  vicem 
Artaldi  archiepiscopi  relegit  et  subnotavit.  » 

Cela  montre  qu'il  y  avait  des  chanceliers  or- 
dinaires, mais  qu'il  y  avait  aussi  un  évoque  ou 
un  archevêque  qui  exerçait  la  charge  d'archi- 
chancelier.  On  trouve  des  preuves  encore  plus 
évidentes  dans  les  lettres  du  roi  Lothaire,  en 
960  :  ><  Gebo  humilis  qua?stor  ad  vicem  Artoldi 
archiepiscopi  summique  cancellarii  cognovit 
Ibidem,  p.  313,  411  .  »  Dans  celles  de  Conrad, 
roi  de  Bourgogne,  en  992  :  «  Haimo  Valentinus 
episcopus  archicancellarius  Spicileg.,  tom.xv, 
p.  271  .  »  Dans  celles  du  roi  BodoIphe,en  997  : 
«  liaimundus  ad  vicem  Ansusi  episeopi  reco- 
gnovit.  »  Dans  celles  du  roi  Charles  le  Simple, 
en  91b  :  «  Gostinus  regiae  dignitatis  notarius  ad 
vicem  Herivei  archiepiscopi,  summique  can- 
cellarii recognovit,  et  subscripsit  (Histoire  de 
Tournus,  pag.  274,  277,  280).  »  Dans  celles  du 
roi  Rodolphe,  en  924  :  «  Ragenardus  notarius 
ail  vicem  Abbonis  episeopi.  b  Dans  celles  île 
Louis  d'Outremer,  en  941  :  «  Odilo  notarius  ail 
vicem  Henrici  episeopi  summique  cancellarii 
recognovit   Surins,  Martii  die  16,  e.  v  .  » 

L'abbé  Rupert  raconte,  dans  la  vie  de  saint 
Hérébert,  archevêque  de  Cologne,  que  ce  saint 
ayant  été  choisi  par  Othon  III  pour  être  son 


376 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SIXIÈME. 


chancelier,  cet  empereur  lui  persuada  aussitôt 
de  se  faire  prêtre.  «  Et  euinsuolateri  sociaret, 
primumque  cancellarium  sibi  constitueret.  A 
quo  etiam  persuasus  hic  beatus,  jugum  Do- 
mini  ,  scilicet  presbyterii  honorem  alacriter 
suscepit.  » 

Remontant  encore  plus  haut,  on  voit  que 
depuis  Charlemagne  les  actes  et  les  registres 
publics  étaient  dressés  et  souscrits  par  des 
notaires  ,  par  des  diacres,  quelquefois  par  des 
prêtres  ,  ce  qui  est  une  preuve  constante  que 
ces  notaires  étaient  des  clercs  mineurs,  dont 
l'office  était  quelquefois  exercé  dans  les  ma- 
tières importantes  par  des  diacres  et  par  des 
prêtres  (Pag.  190  et  seqq.  ;  Hist.  de  Tournus). 

Sous  Charlemagne  :  «  Ego  Auducher  nota- 
tarius  ad  vicem  Cosleni  recognovi  et  sub- 
scripsi.  »  Sous  Louis  le  Débonnaire  :  «  Ego  Du- 
randus  diaconus  ad  vicem  Helizachar  reco- 
gnovi et  subscripsi.»  Sous  le  roi  Charles,  en 
875  :  «  Ebbo  presbyter  ad  vicem  Cosleni  reco- 
gnovit  et  subscripsit.  »  Sous  Charles  le  Simple 
en '.ml.  «  Erluinus  notarius  ad  vicem  Asche- 
rici  episcopi  et  archicancellarii  (Idem.,  p.  215; 
Spieileg.,  tom.  vi,  p.  414).  » 

C'était  donc  d'abord  un  ordre  ou  un  office 
ecclésiastique  qui  avait  rang  parmi  les  clercs 
inférieurs,  et  dont  l'importance  parut  si  grande 
que  les  diacres,  les  prêtres,  les  évêques  et  les 
archevêques  même  firent  gloire  d'en  exercer 
les  fonctions  sous  le  titre  de  chanceliers  ou 
d'archichanceliers,  après  que  les  empereurs  et 
les  rois  se  furent  persuadés  que  leurs  édits  ne 
pouvaient  être  ni  plus  saintement,  ni  plus  au- 
thentiquement  attestés  que  par  la  main  et  la 
souscription  sacrée  des  évêques  et  des  autres 
ecclésiastiques. 

Ce  que  nous  venons  d'avancer  se  pourrait 
confirmer  par  beaucoup  d'autres  preuves  qui 
font  encore  mieux  voir  que  depuis  le  temps  de 
Charlemagne,  l'office  de  notaire  s'est  élevé  par 
degrés  et  a  été  recherché  premièrement  par 
des  diacres,  ensuite  par  des  prêtres,  enfin  par 
des  évêques  sous  un  titre  plus  auguste  (Recueil 
pour  l'histoire  de  Rourgogne,  p.  '2-2.  24.  16, 
54,  186).  Les  laïques  se  mêlaient  alors  rare- 
ment de  cet  office,  tant  parce  qu'ils  étaient 
tombés  dans  une  profonde  ignorance  des  lettres 
que  parce  que  leur  fidélité  était  moins  accré- 
ditée que  celle  des  ecclésiastiques. 

Je  me  contenterai  de  citer  à  la  marge  des 
preuves  constantes  que  1rs  notaires  ont  été  des 
clercs,  et  ont  prétendu  aux  immunités  de  la 


cléricature,  quoiqu'ils  fussent  mariés,  jusqu'a- 
près l'an  1459.  Aussi  ils  prenaient  la  qualité  de 
clercs  dans  leurs  actes  propres  :  Je,  clerc  tabel- 
lion pour  Me'  le  duc  de  Bourgogne.  Et  ailleurs  : 
Clercs  et  notaires  jurés  de  Besançon,  etc.  (Ibid., 
p.  283,  287.  295,  460,  607). 

Il  y  a  encore  un  grand  nombre  d'exemples 
où  les  ducs  et  les  autres  grands  seigneurs  prient 
les  évêques  de  dresser  eux-mêmes  les  actes  de 
grande  conséquence,  de  les  signer  et  sceller, 
ou  de  joindre  leur  sceau  à  celui  du  prince,  afin 
d'ajouter  une  foi  et  une  fermeté  inviolables  à 
leurs  déclarations. 

Cela  nous  confirme  dans  la  créance  que  les 
empereurs  et  les  rois  ont  été  touchés  de  cette 
même  raison,  pour  employer  les  diacres,  les 
prêtres,  les  évêques  et  les  archevêques,  afin  de 
rendre  leurs  monuments  plus  authentiques  et 
plus  inviolables  (Ibidem,  p.  522,  523,  578,  607). 

Sous  la  première  race  de  nos  rois,  les  chance- 
liers, qu'on  appelait  alors  référendaires,  furent 
tous  des  laïques,  dont  on  faisait  néanmoins 
très-souvent  des  évêques. 

Sous  la  seconde  ,  ce  ne  furent  que  des 
ecclésiastiques ,  soit  abbés  ou  évêques ,  ou 
archevêques,  qui  prirent  le  nom  de  chapelains; 
d'archichapelains,  de  grands  chanceliers,  et 
d'archichanceliers  ;  enfin  cette  dignité  fut 
affectée,  pendant  les  cent  dernières  années  de 
ces  rois,  aux  archevêques  de  Reims. 

Sous  la  troisième  race ,  les  archevêques  de 
Reims  laissèrent  échapper  cette  dignité,  n'en 
conservèrent  pas  même  le  titre  ;  et  les  fonc- 
tions, avec  le  titre  de  chancelier,  furent  at- 
tribuées souvent  à  des  laïques,  souvent  à  des 
évêques,  des  archevêques ,  des  cardinaux,  et 
quelquefois  à  des  ecclésiastiques  même  du 
second  ordre. 

C'est  ce  que  nous  verrons  dans  la  suite  de  cet 
ouvrage. 

Il  faut  revenir  aux  notaires,  et  les  distinguer 
des  tabellions  publics.  Puisqu'Innocent  III , 
dans  son  14e  registre,  lettre  cxxix,  confirme  la 
sentence  donnée  par  l'évêque  cardinal  d'Ostie 
contre  les  prêtres ,  diacres  et  sous-diacres  qui 
exerçaient  l'office  de  tabellions.  «  L't  presby- 
tères, diaconos  et  subdiaconos,  quos  ibidem 
invenit  passim  tabellionatus  officium  exercen- 
tes.  excommunicationis  vinculo  innodares.  » 

Comme  cet  office  ne  servait  plus  alors  qu'aux 
justices  séculières,  il  ne  fallait  [dus  souffrir  que 
les  clercs  des  ordres  majeurs  avilissent  leur 
caractère  en  s'y  attachant.  Mais  cela  ne  regarde 


DES  CHANCELIERS,  NOTAIRES  ET  BIBLIOTHÉCAIRES. 


:i77 


que  les  clercs  des  ordres  majeurs,  et  les  justi- 
ces séculières. 

Le  même  pape,  dans  la  lettre  xix  du  regis- 
tre 15,  reconnaît  le  protonotaire  de  la  cour 
impériale  entre  les  bénéficiers  légitimes. 

Dans  la  lettre  en ,  du  même  livre  et  les  sui- 
vantes, il  commet  à  un  notaire  du  Saint-Siège  : 
a  Magistro  maximonotario  nostro,  »  les  affaires 
les  plus  importantes  de  l'Eglise  de  Conslanti- 
nople.  où  il  fallait  lever  des  excommunications, 
ut  examiner  l'élection  d'un  patriarche  de  Con- 
stantinople.  Ce  qui  montre  l'importance  de 
cette  dignité. 

IV.  Les  chartes  du  xve  siècle  font  encore  foi 
que  les  clercs  étaient  en  même  temps  notaires 
apostoliques  et  impériaux,  prêtres  et  docteurs. 
En  I  '07  :  «  Ego  Petrus,  clericus  Rotomagensis 
autoritate  apostolicaet  imperiali  notarius,  etc. 
Histoire  de  saint  Martin  des  Champs  ,  p.  211 , 
252  .  »  En  145"?  :  «  Clerico  Parisiensi  in  jure  ea- 
nonico  licentiato  publico,  apostolica  et  impe- 
riali autoritate  et  curiae  episcopalis  Parisiensis 
notario  juralo  (Sess.  i).  » 

Le  concile  de  Constance  créa  d'abord  quatre 
protonotaires  pour  recueillir  les  actes  du  con- 
cile :  Dans  le  concile  de  Tortose ,  en  1429  ,  on 
voit  un  docteur  en  droit  canon,  et  doyen  d'un 
chapitre  ,  faire  la  fonction  de  notaire  impérial 
et  apostolique  (Conc,  tom.  xiï,  p.  14,  412, 
481,  493,  1700,  etc.). 

Le  concile  de  Bàle  (Sess.  ni)  comprend  les 
notaires  entre  les  ecclésiastiques  :  «  Mandat 
haec  synodus  patriarchis  ,  archiepiscopis  ,  epi- 
scopis,  et  aliis  Ecclesiarum  pitelatis  ,  clericis- 
que  ,  notariis  et  aliis  personis  ecclesiasticis, 
etc.  » 

Le  même  concile  (Sess.  v)  nomma  plusieurs 
notaires  pour  recevoir  ses  actes  :  ils  étaient  tous 
clercs  de  divers  diocèses .  et  l'un  d'eux  était 
professeur  en  droit  canon. 

On  peut  conclure  de  là  que  les  protonotaires 
créés  par  le  concile  et  pour  le  concile  de  Con- 
slantinopleétaientaussi  du  nombredes  ecclésias- 
tiques. On  lut  dans  le  même  Concile  plusieurs 
procurations  des  Eglises  d'Espagne,  expédiées 
par  des  notaires  apostoliques  qui  étaient  la 
plupart  prêtres  et  quelques-uns  docteurs. 

Ces  notaires  apostoliques  étaient  quelquefois 
aussi  notaires  des  cours  épiscopales,  et  les  papes 
permettaient  quelquefois,  par  un  privilège  sin- 
gulier, aux  évèques,  de  créer  des  notaires  apos- 
toliques. 

Tel  lut   le   privilège  par  lequel  Clément  V 


permit  à  l'archevêque  d'Auch  de  créer  deux 
notaires  apostoliques  après  un  examen  rigou- 
reux, et  après  avoir  reçu  d'eux  le  serinent 
d'être  fidèles  à  l'Eglise  romaine,  et  aux  devoirs 
de  leur  profession.  Il  y  a  quelque  apparence 
que  ces  privilèges  furent  communiqués  à  plu- 
sieurs prélats. 

Les  actes  du  concile  de  Pulence,  en  1322, 
furent  recueillis  par  deux  clercs  notaires  apos- 
toliques et  impériaux.  Celui  d'Avignon ,  en 
1337,  fut  recueilli  par  un  clerc  d'Agen,  notaire 
apostolique  et  impérial.  Celui  de  Tolède,  en 
1339,  fut  recueilli  par  un  demi-chanoine  de 
la  même  Eglise,  notaire  de  l'archevêque. 
«  Publiais  in  civitate  et  diœcesi  Toletana  ar- 
chiepiscopali  autoritate  notarius.  «Celui  de  To- 
lède, en  135S,  fut  recueilli  par  un  notaire  de 
l'archevêque,  avec  autorité  par  toute  la  pro- 
vince. «  Publiais  autoritate  archiepiscopali  in 
civitate  et  diœcesi  et  provincia  Toletana  nota- 
rius (Conc.  Cener.,  tom.  u,  part.  2,  pag.  1566, 
1707,  1868,  1932,  2031).  » 

Cela  donne  quelque  fondement  à  la  conjec- 
ture de  ceux  qui  pensent  que  ces  notaires  af- 
fectèrent de  se  faire  pourvoir  de  ces  offices  par 
les  papes  et  par  les  empereurs,  dont  l'autorité 
est  plus  respectée  et  dans  un  plus  grand  nom- 
bre de  provinces;  et  ensuite  par  les  archevê- 
ques pour  être  employés  dans  toute  l'étendue 
de  leur  province. 

Le  concile  de  Lavaur,  en  1368,  fut  recueilli 
par  deux  notaires  :  «Apostolica,  imperiali  et  ar- 
chiepiscopali autoritate.  »  C'étaient  les  notaires 
des  archevêques  de  Narbonne  et  de  Toulouse. 
Les  évêques  jugèrent  enfin  qu'ils  devaient  non- 
seulement  examiner  ,  mais  munir  aussi  de 
leur  propre  autorité  ceux  qui  se  disaient  être 
notaires  apostoliques  et  impériaux. 

C'est  ce  qui  parait  clairement  dans  le  canon 
du  concile  de  Salsbourg,  en  1386  :  «  Placuit 
nostro  sancto  concilio,  ut  nullus  se  notarium 
publicum  asserens  ,  in  officio  tabellionatus 
aliquatenus  admittatur,  nec  credatur  ejus  in- 
slrumento,  nisi  coram  loci  ordinario,  vel  ejus 
officiali  de  suo  officio  faciatplenam  fidem,  cum 
srepeex  notariis  incognitis  etimperitis,  grandia 
pericula  soleant  provenire  (Can.  xvi).  » 

Quant  a  la  qualité  de  notaire  impérial,  elle 
était  recherchée  pour  les  pays  où  il  restait 
encore  quelque  trace  de  l'ancienne  majesté  de 
l'empire  romain,  comme  on  sait  bien  que  dans 
les  xn%  xiue  et  xivc  siècles  elle  conservait  en- 
core quelque  ombre  de  son  ancien  éclat  dans 


378 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SIXIEME. 


un  fort  grand  nombre  de  provinces  et  d'Etats; 
ou  bien  pour  les  pays  où  le  droit  civil  romain 
avait  cours,  et  où  les  actes  publics  se  dressaient 
selon  le  droit  écrit,  comme  dans  Avignon, 
Narbonne  et  Toulouse. 

Les  ordonnances  de  l'archevêque  de  Nicosie 
en  Chypre,  en  l'an  1320  et  1310,  furent  sigmcs 
par  les  notaires  de  l'empire  et  de  l'archevêque. 
Le  concile  de  Narbonne,  en  1374,  fut  souscrit 
par  un  notaire  apostolique  ,  impérial  et  archié- 
piscopal  Ibidem,  pag.  -21-28,  2439,  2510). 

V.  dans  le  xvf  siècle  on  peut  faire  une  par- 
tie des  mêmes  réflexions.  Dans  le  concile  de 
Latrau,  sous  le  pape  Léon  X,  on  voit  le  célèbre 
Bembo  avec  les  éloges  de  clerc  de  Venise,  se- 
crétaire du  pape  et  notaire  apostolique.  On  y 
voit  un  piètre  île  Lisieux,  notaire  apostolique. 
On  y  voit  un  notaire  du  Dauphiné  avec  ce 
titre  :  «  Rublicus  autoritatibus  apostolica,  im- 
periali  et  Delphinali  notarius.  »  On  y  voit  le 
grand- vicaire  de  l'archevêque  d'Aix  donner 
une  attestation  à  un  notaire  apostolique  et 
royal  :  «  Esse  regium  seeretarium,  notarium 
publicum,  apostolica  et  regia  autoritatibus  no- 
tum.  »  On  y  voit  un  clerc  de  Burgos  en  Es- 
pagne, docteur  en  droit  canon  et  civil,  et 
notaire  apostolique  (Concil.  Gen.,  tom.xv.  pag. 
177,  180,  212,  278,280). 

Le  concile  de  Cologne  ,  en  1349  ,  voulut  que 
l'évêque  employât  dans  ses  visites  un  notaire 
qui  lui  prêtre,  OU  au  moins  clerc  non  marie  : 
«  Adbibeatur  notarius  qui  sit  sacerdos,  aut 
saltem  clcrieus  non  conjugatus  Ibidem,  pag. 
047).  »  Ce  sont  la  les  deux  raisons  qui  ont  l'ait 
passer  les  notaires  pour  de  simples  officiers,  au 
lieu  qu'autrefois  c'avait  été  un  degré  ecclésias- 
tique ,  et  comme  un  ordre  mineur;  et  qui  ont 
enfin  fait  passer  cet  office  à  des  laïques. 

Comme  les  prêtres,  les  diacres  et  les  per- 
sonnes relevées  en  dignité  et  en  savoir  ont 
trouvé  de  l'honneur  et  de  l'avantage  à  exercer 
la  fonction  de  notaire,  on  s'est  peu  à  peu  per- 
suadé que  ce  n'était  qu'un  office  dont  ils  pou- 
vaient se  revêtir.  Les  clercs  mariés  ayant  enfin 
été  comme  dégrades  et  rejetés  dans  la  foule 
des  laïques,  les  notaires,  quoique  clercs,  ont 
été  aussi  comme  laïques  et  comme  clercs  seu- 
lement de  nom. 

VI.  Le  concile  de  Trente  a  fait  connaître 
combien  la  charge  des  notaires  était  origi- 
nairement propre  aux  ecclésiastiques,  lorsque, 
pour  remédier  aux  étranges  désordres  que 
cuisait    l'ignorance  des  notaires,  il  a  ordonné 


aux  évêques  de  les  examiner  rigoureusement. 
et  de  les  suspendre,  ou  même  de  les  dégrader 
entièrement,  s'ils  les  trouve  destitués,  ou  de  la 
capacité  ,  ou  de  la  probité  nécessaire  à  leur 
profession.  En  quoi  le  concile  n'a  point  mis 
de  différence  entre  les  notaires  apostoliques, 
impériaux  ou  royaux.  Enfin ,  le  concile  (Sess. 
xxu,  c.  10)  affecte  des  termes  dans  ce  décret 
qui  témoignent  que  les  évêques  avaient  déjà 
ce  pouvoir  par  leur  propre  caractère  et  par  le 
droit  commun  ;  mais  pour  affermir  davantage 
leur  autorité,  il  leur  donne  encore  la  qualité 
de  délégués  du  Saint-Siège. 

«  Cum  ex  notanorum  imperitia,  plurima 
damna,  et  multarum  occasio  litium  oriatur, 
possitepiscopus  quoscumque  notarios,  etiainsi 
apostolica,  imperiali,  aut  regia  autoritatecreati 
fuerint,  etiam  tanquani  delegatus  Sedis  Apo- 
stolica1, examinatione  adhjbita,  eorum  suffi- 
cientiam  scrutari,  etc.  » 

VIL  Le  concile  de  Cambrai,  en  1505  (tit.  xiv, 
c.  7),  pour  publier  ce  décret,  y  a  appliqué  un 
exorde  qui  semble  le  limiter  aux  prêtres  et  aux 
clercs  qui  étaient  notaires  :  «  Quoniam  non 
pauci  in  hac  provincia  reperiuntur  presbyteri  et 
clerici,  seu  pro  talibus  sese  gerentes,  qui  se 
notarios  publicos  scribunt  et  Dominant,  quo- 
rum imperitia,  etc.  » 

Le  concile  de  Rouen,  en  1581  (tit.  de  Episc. 
Offic),  soumit  à  l'examen  de  l'évêque  les  no- 
taires apostoliques;  et  comme  le  pape  n'eu 
créait  presque  plus  avec  pouvoir  d'en  créer 
d'autres,  ce  concile  résolut  de  prier  le  pape  de 
permettre  aux  évêques  de  créer  des  notaires 
apostoliques  pour  leur  diocèse  :  «  Quia  notarii 
apostolici ,  aut  nulli,  aut  rari  admodum  nunc 
creantur  a  Sede  Romana  cum  potestate  alios 
creandi,  cum  jam  in  nostris  diiecesibus  defi- 
ciat  Iegitimus  numerus,  ac  periculum  sit,  ne 
tandem  nulli  veri  reperiantur  ;  supplicanduni 
SS.  D.  N.  papa1  judicamus,  ut  episcopis  largia- 
lur  facultatem  creandi  notarios  apostolicos, 
tanlum  pro  sua  dicecesi  necessarios.  » 

Le  concile  d'Aix,  en  1585  (Tit.  de  lus  quae 
Episc.  ut  delegatus  sed.Apos.),  publia  le  décret 
du  concile  sans  limitation. 

MIL  Je  ne  sais  si  tout  ce  que  nous  venons 
de  rapporter,  s'accorde  bien  avec  ce  que  les 
canonistes  disent  sur  le  chapitre  Sicut  te. 
Extra.  \f  Clerici.  velMonachi, où  Innocent  III 
enjoint  aux  évêques  d'interdire  l'office  du  la- 
bellionat  aux  clercs  qui  étaient  dans  les  ordres 
sacrés,  sous  peine  de  privation  de  leurs  béné 


DES  CHANCELIERS.  DES  NOTAIRES,  DES  BIBLIOTHÉCAIRES. 


379 


fices(Fagnan.,in  m  partem  Décret. ,1.  m.  p.  ill. 
et  seqq.). 

11  paraît  assez  que  les  clercs  inférieurs  ne 
sont  pas  compris  dans  cette  défense.  Et  pour  ce 
qui  est  des  ordres  sacrés,  avec  lesquels  nous 
avons  si  souvent  vn  réunir  l'office  de  notaire, 
il  faut  dire,  ou  qu'on  n'a  pas  déféré  à  cette 
decrétale,  ou  qu'on  a  mis  différence  entre  les 
notaires  et  les  tabellions  ;  ces  derniers  ont  été 
comme  destinés  à  l'embarras  des  causes  civiles 
et  criminelles,  au  lieu  que  les  clercs  notaires 
n'étaient  occupés  que  des  affaires  ecclésiasti- 
ques, ou  au  plus  des  civiles. 

En  effet,  on  ne  peut  pas  douter,  que  pour  les 
contrats  et  pour  les  testaments,  on  n'ait  le  plus 
souvent  employé  les  notaires  ecclésiastiques, 
comme  plus  fermes  dans  la  fidélité  de  leur 
profession,  et  plus  habiles  que  les  autres.  Aussi 
ces  deux  points  faisaient  une  partie  de  la  juri- 
diction ecclésiastique  (Fevret,  de  l'Abus  ,  1.  iv, 
c.  2,  n.  51). 

Charles  VIII  et  François  Ier  commencèrent 
d'interdire  aux  notaires  apostoliques  et  épisco- 
paux  toutes  les  affaires  civiles  et  temporelles. 

IX.  Je  laisse  les  règlements  du  concile  Ier  de 
Milan  et  du  Ve  de  celui  de  Mexico  et  de  plu- 
sieurs autres  ,  sur  les  Notaires  ,  Chanceliers , 
Scribes ,  ou  greffiers  des  cours  épiscopales 
(Conc.  Cener.,  tom.  xv,  pag.  285,  093,  1337; 
Ihid.,  p.  1027, 1 100).  J'ai  déjà  parlé  ailleurs  des 
chanceliers  des  cathédrales  et  des  collégiales, 
que  les  conciles  de  Tours,  en  1583,  et  de  Bour- 
ges, en  lo8i,  confondent  avec  lesscholastiques 
(Histoire  de  saint  Martin  des  Champs  ,  pag. 
544,545). 

Nous  traiterons  ci-dessous  plus  au  long  des 
archevêques ,  chanceliers  de  l'empire  et  de 
divers  royaumes.  J'ajoute  seulement  ici, 
qu'après  la  déduction  que  nous  venons  de  faire, 
on  ne  sera  plus  étonné  d'apprendre  que  ce 
n'ont  été  d'abord  que  des  nobles  qui  aient 
exercé  les  offices  de  notaires ,  quand  cette 
charge  a  été  communiquée  aux  laïques.  Car 
on  ne  doute  pas  que  le  rang  du  clergé  ne  soit 
et  n'ait  toujours  été  élevé  au-dessus  de  la  no- 
blesse. 

Les  auteurs  que  je  cite  à  la  marge,  insinuent 
que  la  noblesse,  dont  jouissent  encore  les 
secrétaires  du  roi ,  est  émanée  de  cette  même 
source.  Car  ils  étaient  en  même  temps  notaires. 
Fauchet  ajoute  que  les  clercs,  notaires  et  secré- 
taires du  roi  comptent  dans  leurs  corps  beau- 
coup de  grands  hommes  i  Fauchet,  de  l'Origine 


des  Dignités,  e.  vu.  54  1.  545).  Alain  Chartier  et 
Budé  en  ont  été,  et  ce  fut  le  premier  qui  obtint 
pour  tout  le  corps  des  lettres  de  noblesse  du 
roi  Charles  VIII. 

\.  Quanta  l'office  de  bibliothécaire, que  nous 
avons  vu  dans  ce  chapitre  plusieurs  fois  uni  à 
celui  tle  chancelier,  et  possédé  par  des  diacres 
à  Rome  ,  il  a  été  exercé  par  des  évèques  cardi- 
naux dès  le  onzième  siècle. 

Jean,  évèque  d'Albano.  souscrit  aux  lettres  du 
pape  Grégoire  V,  en  996,  en  qualité  de  biblio- 
thécaire, et  non  pas  de  chancelier.  Baronius 
rapporte  des  actes  datés  en  l'an  1012  (Num.  15  , 
par  les  évèques  de  Palestrine  et  de  Porto  ,  tous 
deux  bibliothécaires  de  l'Eglise  romaine.  Les 
diacres  le  possédèrent  ensuite  plus  ordinaire- 
ment. 

On  peut  voir  l'acte  daté  par  Pierre  Diacre, 
bibliothécaire  et  chancelier  du  Saint-Siège  en 
1047  (Num.  12),  chez  le  même  Baronius. 

Ainsi  les  évèques  furent  simplement  biblio- 
thécaires, et  non  pas  chanceliers ,  quoiqu'ils 
souscrivissent  de  même  que  les  chanceliers. 
Les  diacres  ont  été  bibliothécaireset  chanceliers, 
ayant  quelquefois  au-dessus  d'eux  un  archi- 
chancelier,  comme  il  parait  dans  un  privilège 
de  Léon  IX.  «  Per  manus  Frederici  diaconi , 
S.  B.  E.  bibliothecarii,  neenon  et  cancellarii, 
vice  domini  Hermanni  archicancellarii,  et  Co- 
loniensis  archiepiscopi  (Epist.  xix).  » 

Cette  charge  était  retombée  entre  les  mains 
des  évèques  cardinaux,  quand  Humbert  signa 
la  lettre  n  du  pape  Etienne  IX,  l'an  1057,  en 
qualité  de  bibliothécaire. 

Il  résulte  de  tout  cela ,  que  les  charges  de 
chancelier  et  de  bibliothécaire  ont  toujours  eu 
beaucoup  de  rapport  et  beaucoup  de  liaison  ; 
que  les  bibliothécaires  ont  fait  longtemps  avant 
les  chanceliers  les  dates  et  les  signatures  des 
lettres  et  des  rescrits  des  papes  ;  et  que  les 
évèques  ont  exercé  longtemps  l'office  de  biblio- 
thécaire. Ce  fut  encore  un  diacre  cardinal  et 
bibliothécaire,  qui  signa  la  lettre  dTrbain  11, 
en  I09G,  aussi  bien  que  la  xxxix  de  Pascal  II , 
la  ne  et  xe  de  Calixte  II  ,  et  une  infinité 
d'autres. 

Voilà  pour  l'Eglise  romaine.  Quant  aux 
autres  Eglises,  le  concile  IV  de  Milan,  en  1576 
(Cap.  xxn) ,  nous  apprend  qu'il  y  avait  vrai- 
semblablement des  cathédrales,  oii  il  y  avait 
un  bibliothécaire  que  le  chapitre  élisait ,  puis- 
que ce  concile  ordonne  que  cette  pratique  soit 
conservée,  quoiqu'il  donne  l'autorité  a  l'évèque 


380 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SIXIEME. 


d'en  nommer  un  avec  le  conseil  du  chapitre, 
dans  les  autres  églises. 

Je  laisse  tous  les  autres  règlements  que  saint 
Charles  fit  faire,  pour  l'augmentation  et  la 
conservation  de  ces  bibliothèques  ecclésias- 
tiques. 

Le  concile  de  Tours,  en  1383,  suivit  de  bien 
près  saint  Charles,  et  donna  le  soin  de  ce  trésor 
de  la  science  ecclésiastique  au  doyen,  à  l'archi- 
diacre et  au  chancelier  ou  scholastique. 

Dans  les  abbayes  la  charge  de  bibliothécaire 
était  une  obédience  ,  c'est-à-dire  un  office 
claustral  qu'on  ne  donnait  qu'à  un  de  ceux  qui 
a^aient  été  nourris  dès  leur  plus  tendre  enfance 
dans  l'abbaye.  On  appelait  la  bibliothèque 
Armariwm,  et  le  bibliothécaire  Armarius. 

11  en  est  parlé  dans  les  coutumes  anciennes 
de  Cluny.  «  Armarii  nomen  obtinuit,  eo  quod 
in  nianuejus  solet  esse  bibliotheca,  quœ  et  alio 
Domine  armariumappellatur.  Hsecestobedien- 
tia,  quam  ex  more  nullus  meretur,  nisi  nutri- 
tus  (Spicileg.,  tom.  iv,  p.  185).  » 

Ces  enfants  devenaient  apparemment  les  plus 
savants,  et  par  conséquent  les  plus  propres  a 
être  chargés  de  la  bibliothèque. 

Cet  office  claustral  s'est  éteint,  et  il  ne  s'est 
pas  changé  en  bénéfice,  parce  que  l'amour  des 
lettres  s'est  aussi  éteint,  et  ce  fut  peut-être  cet 
oubli  des  lettres  saintes  qui  ruina  la  discipline 
claustrale,  el  changea  les  administrations  claus- 
trales en  bénéfices  et  en  titres  perpétuels. 

XL  Quant  a  l'Eglise  grecque,  il  est  probable 
que  cet  office  de  bihliothéeaire  était  compris 
dans  celui  de  chartophylace,  qui  était  aussi  en 
même  temps  le  grand  chancelier.  Il  a  la  pré- 
séance sur  les  évêques,  comme  représentant  la 
personne  de  l'archevêque  ou  du  patriarche. 
«  Ideo  in  medio  episcoporum  sedet,  non  ut 
chai  tophylax.  Ea  enim  ratione  cathedram  inter 
episcopos  non  habet,  vel  alius  aliquis  clericus; 
sed  ut  vices  agens  magni  pontificis.  Sed  et  igitur 


et  per  ordinem  interrogat  episcopos,  etc.  »  C'est 
ce  qu'en  dit  l'archevêque  de  Thessalonique 
(Simeon  ThessaL,  De  sacris  Ordinal.,  c.  vi). 

Codin  et  les  autres  qui  ont  écrit  des  officiers 
de  la  cour  et  de  l'Eglise  de  Constantinople,  ont 
remarqué  que  les  protonotaires  étaient  les 
premiers  après  les  exocatacèles,  et  que  leur 
dignité  était  comme  la  porte  pour  entrer  dans 
celle  des  exocatacèles.  Leur  nom  fait  connaître 
qu'ils  étaient  les  premiers  des  notaires ,  et 
chacun  d'eux  avait  plusieurs  notaires  dans  sa 
sujétion. 

C'est  ici  le  lieu  de  rapporter  ce  que  l'évêque 
d'Havelberg,  Anselme,  nous  a  appris  dans  ses 
dialogues  du  collège  de  douze  docteurs  à  Cons- 
tantinople, dont  le  principal  était  en  son  temps, 
c'est-à-dire  au  milieu  du  siècle  douzième,  Né- 
chitez,  archevêque  de  Nicomédie,  avec  lequel 
Anselme  fit  ces  admirables  conférences.  Ces 
douze  docteurs  étaient  dans  une  haute  réputa- 
tion de  savoir  excellemment  toutes  les  sciences 
humaines,  mais  ils  étaient  encore  bien  plus 
versés  dans  les  lettres  saintes.  Aussi  toutes  les 
questions  importantes  étaient  soumises  à  leur 
jugement,  et  leur  jugement  était  reçu  comme 
un  oracle  du  ciel. 

«  Fuit  archiepiscopus  Nechites  pracipuus 
inter  duodecim  didascalos,  qui  juxta  morem 
sapientum  Crœcorum  et  liberalium  artium  et 
divinarum  Scripturarum  studia  regunt  :  et 
cœterissapienlibus  tanquam  omnibus  préémi- 
nentes in  doctriua  pnesunt,  et  ad  quos  omnes 
qu.estiones  difficillimœ  referuntur,  et  ab  eis 
solutae  deinceps  sine  retractatione  et  pro  con- 
firmata  sententia  tenentur  et  scribuntur  (Spi- 
cileg.,  tom.  xiu,  p.  89,  90).  » 

Ce  qui  a  été  dit  ci-dessus  nous  donne  quel- 
que sujet  de  croire  que  ces  douze  savants 
étaient  les  bibliothécaires  mêmes  du  palais 
impérial  (t). 


(1)  Une  des  plus  haules  et  des  plus  importantes  dignités  de  l'Eglise 
romaine  est  celle  de  vice-chancelier.  Elle  est  toujours  occupée  par  le 
cardinal  titulaire  de  Saint-Laurent  in  Domoso,  qui  habite  le  magni- 
fique et  royal  palais  adjoint  à  cette  belle  église.  C'est  là  que  trois 
fois  la  semaine  se  réunissent  les  olficiers  de  la  chancellerie  aposto- 
lique au  nombre  de  soixante-douze,  et  appelés  altWèviatevrs,  dont 
vingt-deux  sont  dits  présidents  du  parc-majeur,  et  vingt-deux  pr.  si- 
d<  QtE  'lu  parc-mineur  :  ïdeparco  dicuntur  a  loco,  dit  un  canoniste, 
.  m  quo  Bi  dent,  quo  tempore  munus  exercent.  »  Ils  minutent  les 
lettres  apostoliques,  les  rédigent,  les  enregistrent,  les  soussigné  ni,  se 
divisent  l«  s  nombreuses  suppliques,  1<-*  résument  et  les  présentent. 
Pourquoi  leur  chef,  qui  est  toujours  un  des  cardinaux  favoris,  est-il 
appelé  vice-cltunrclicr,  au  lieu  de  chancelier?  Parce  que,  <iii  le  car- 
dinal di  Luca,  ■  il  giul.is  raiilinalilia  ad  tantum  lasligiuni  elevata  est, 
•  ut  ion  videretuV  digoitati  cardinaiitis  coogruere  assumere  officium 

inferius,  sivi  prelalilium,  quod  lamcn  pn  visionaliter,  seu  jure  cu- 
n  pisilam    coin  mi  n-liiiK  Dis    per    cardinalem    administrai   sit    incon- 


«  gruum.  »  11  en  est  de  même  pour  la  daterie.  Quand  cet  office  est 
rempli  par  un  simple  prélat,  il  s'appelle  alors  dataire,  et  quand  c'est 
un  cardinal,  il  n'est  que  pro-dalaire. 

Toutes  les  affaires  bénéficiales,  collations,  institutions,  permutations, 
résignalions,  sont  du  ressort  de  ce  tribunal.  Les  règles  de  la  chancel- 
lerie romaine  sont  fameuses  parmi  les  canonistes.  On  appelle  règles 
de  la  chancellerie  certaines  constitutions  apostoliques  que  chaque 
pape  promulgue  le  lendemain  de  son  intronisation  sur  les  affaires 
contentieuses  en  matière  bénéficiait,  ou  qu'il  renouvelle  ou  modifie 
s'il  s'agit  de  celles  de  ses  prédécesseurs.  Elles  sont  ordinairement  au 
nombre  ce  septante-deux.  Bien  que  ces  règles  aient  force  de  loi, 
cependant  les  concordats  ont  été  établis  pour  leur  modification  ou 
suspension,  ou  abrogation.  Cependant  tous  les  concordats  sans  excep- 
tion ont  laissé  dans  toute  sa  vigueur  la  seconde  partie  de  la  première 
règle  de  la  chancellerie.  La  voici  :  n  Et  reservationem  sauetitas  sua 
»  tain  ad  bénéficia  obtenta,  quam  alla  quaecumqile,  de  quibus  ordina- 
.,  ni  et  alii  collalores  CONTRA  CONC1L11  T1ÏLDENT1N1  DECKETA 


DES  APOCRISIAIUKS  OU  NONCES  1)1'  SAINT-SIEGE. 


381 


CHAPITRE  CENT-SEPTIEME. 


DES   APOCRISIÀIRE*    »U    NONCES    Dl    SAINT-SIEGE,    AVANT    LAN    II LIT    CENT. 


I.  Ces  apocrisiaires  du  pape  approchaient  des  nonces  du  siècle 
présent  dans  quelques  royaumes. 

II.  III.  IV.  Leur  délégation  pour  le  patrimoine  des  pauvres, 
pour  les  conciles  provinciaux,  pour  la  réformation  des  diocèses. 

Y    VI.  Pour  régler  les  religieux. 

Ml    Ils  ne  pouvaient  rien  exiger  des  évèques. 

VIII.  IX..  X.  Ils  devaient  protéger  les  misérables,  faire  punir 
les  coupables  et  rétablir  les  innocents. 

XL  XII.  XIII.  Relever  les  évoques  opprimés  par  leurs  métro- 
politains, faire  revoir  les  procès  des  évèques  déposés. 

XIV.  Faire  respecter  les  évèques,  purger  leurs  évêchés. 

XV.  XVI.  L'archevêché  de  Ravennes  avait  son  nonce  auprès 
du  pape,  et  le  pape  auprès  de  l'empereur. 

XVII.  XVHL  XIX.  Ces  nonces  étaient  comme  les  yeux  et  les 
mains  du  pape. 

XX.  Combien  saint  Grégoire,  pape,  était  appliqué  à  conserver 
la  juridiction  des  évèques. 

XXI.  Ces  pouvoirs  des  nonces  des  papes  s'étendaient  jusqu'en 
Espagne. 

XXII.  XXIII.  On  parlera  plus  bas  de  la  France.  Réflexions 
générales  sur  les  apocrisiaires. 

I.  Les  apocrisiaires  étaient  des  officiers,  on 
plutôt  des  commissaires,  dont  les  charges  pa- 


raîtront admirablement  dans  les  exemples  que 
nous  allons  rapporter  de  saint  Grégoire.  C'était 
une  espèce  de  légation  ou  de  nonciature;  les 
nonces  du  siècle  présent  font  à  peu  près  les 
mêmes  fonctions  dans  quelques  royaumes.  Le 
nom  d'apocrisiaire,  qui  est  grec,  est  rendu  par 
le  terme  latin  responsalis,  et  il  n'est  pas  mal 
exprimé  par  celui  de  nonce. 

II.  Saint  Grégoire  le  Grand  écrivit  à  tous  les 
évèques  de  la  Sicile  que,  suivant  L'exemple  de 
ses  prédécesseurs,  il  avait  chargé  son  vicariat, 
et  revêtu  de  son  autorité  dans  toute  la  Sicile, 
Pierre,  sous-diacre  du  Saint-Siège,  dont  la  fi- 
délité était  reconnue  hors  d'atteinte,  puisque 
le  patrimoine  de  saint  Pierre,  dans  toute  la 
Sicile,  lui  avait  été  confié;  qu'ils  devaient  donc 
assembler  tous  les  ans  un  concile  et  y  régler 
avec  le  sous-diacre  romain,  Pierre,  tout  ce  qui 


«  disposuerunt  et  disponent  in  futurum,  extendit  et  ampliavit,  et  ea 
o  etiam  bénéficia  omnia  disposition!  suse  reservavit  de  qaibus  per 
o  dictos  ordinarios  CONTRA  EJUSDEM  CONCILU  DECRETORUM 
■  FORMAM  dispositum  fuerit,  decernens  irritum.  »  Or,  d'après  tous 
les  canonisles,  d'après  les  décisions  les  plus  récentes  de  Rome,  béné- 
ficia curata  NECESSARIO  conferri  debent  per  CONÇUES  DM 
juxta  prcescriptum  concilii  Tridentini  et  sancti  PU  V.  Cette  salu- 
taire prescription  est  observée  partout,  excepté  en  France,  sans  ce- 
pendant que  la  France  ait  le  moindre  droit  de  se  mettre  eo  dessus  et 
contre  le  droit  général  et  imprescriptible.  Nous  sommes  convaincus 
que  la  résurrection  du  droit  canonique  parmi  nous  amènera  forcément 
le  règne  de  la  loi  commune  et  fera  disparaître  un  abus  qui  n'a  pas 
sa  raison  d'être,  tel  que  celui  de  conférer  les  cures  par  voie  d'arbi- 
traire. 

Toutes  les  affaires  consistoriales  de  la  plus  haute  importance  sont 
encore  du  ressort  du  vice-cbaucelier  de  l'Eglise  romaine.  Le  premier 
de  ses  officiers  est  le  régent  de  la  chancellerie;  c'est  lui  qui  revise 
les  bulles  expédiées  et  promulguées,  et  s'assure  qu'aucune  erreur  ne 
s'y  est  introduite.  Tous  les  abbréviateurs  de  la  chancellerie  devien- 
nent par  leur  charge  membres  de  la  prélature. 

Dès  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  les  notaires  apostoliques  furent 
à  Rome  au  nombre  de  sept,  pour  transcrire  les  relations  des  martyrs, 
les  faits  concernant  les  églises,  leurs  revenus,  leurs  titres  de  dona- 
tion. Aujourd'hui  leur  fonction  consiste  à  enregistrer  tous  les  docu- 
ments relatifs  aux  procès  de  canonisation,  tous  les  actes  des  souve- 
rains pontifes  et  des  églises.  Sixte  V,  par  sa  constitution  Romanus 
Pontifex  éleva  jusqu'à  douze  le  collège  des  notaires  apostoliques,  et 
les  gratifia  de  très-grands  privilèges.  Dès  ce  moment,  ils  prirent  le 
nom  de  protonotoires  apostoliques.  Dans  les  consistoires  quatre  pro- 
tonotaires sont  assis  sur  le  seuil  du  trône  pontifical  pour  dresser  un 
instrument  authentique  des  affaires  en  délibération.  Les  douze  proto  - 
notaires  apostolique*  sont  toujours  dans  la  plus  haute  prélature.  Us 
sont  appelés  protonotarii  de  numéro  particîpantium  pour  les  distin- 
guer des  protonotaires  honoraires  appelés  proionotarii  extra  nnme- 
ntm  ou  ad  instar  particîpantium.  C'est  ce  titre  qui  est  aujourd'hui 
assez  répandu  en  France,  où  nous  ue  pensons  pas  qu'il  donne  droit  à 
la  qualification  de  Monseigneur,  comme  on  le  croit  communément. 
A  Rome  seulement  ils  pourraient  prendre  celle  de  Monsignor.  En 


France,  le  titre  de  Monseigneur  n'est  donné  qu'aux  évèques  et  aux 
princes  du  sang.  En  1838,  Grégoire  XVI,  en  confirmant  tous  les  pri- 
vilèges et  honneurs  des  protonotaires  apostoliques,  les  réduisit  au 
nombre  primitif  de  sept.  Enfin,  par  la  constitution  quamvis  peculia- 
res  du  9  février  1853,  Pie  IX  confirma  le  nombre  de  sept  et  abolit  ou 
modifia  quelques-uns  de  leurs  privilèges,  cum  minus,  dit  la  bulle, 
opportuna  temporibus  ac  bono  publico  minus  consentanea  depreh'm- 
damus.  Ils  ne  pourront  désormais  accorder  qu'à  quatre  personnes  le* 
grade  de  docteur  en  théologie  ou  en  droit  canonique,  après  le*  exa- 
mens et  les  thèses  requis,  comme  d'usage.  S'ils  ne  sont  pas  au  moins 
cinq  pour  présider  ces  examens,  ils  seront  obligés  de  s'adjoindre  des 
professeurs  de  l'université  romaine,  dite  sapience.  Us  seront  obligés 
de  faire  enregistrer  dans  les  archives  publiques  le  diplôme  doctoral 
qu'ils  auront  délivré  et  le  transmettre  également  à  la  congrégation 
des  cardinaux  préposés  aux  études.  Ils  ne  pourront  plus  créer  des 
docteurs  en  philosophie,  eu  médecine,  ès-arts  et  ès-sciences.  Us  ne 
pourront  plus  créer  des  protoootaires  apostoliques,  excepté  un  seul 
chaque  année,  qui  ne  pourra  être  qu'honoraire.  Les  sept  seront, 
comme  dans  le  passé,  exempts  de  la  juridiction  de  l'ordinaire,  s'ils 
habitent  hors  de  Rome.  Quant  aux  protonotaires  honoraires  dits  ad 
instar  particîpantium,  ils  seront  partout  soumis  à  la  juridiction  de 
l'ordinaire  et  ne  pourront  faire  usage  des  ornements  pontificaux  qu'a- 
vec sa  permission  formelle.  Us  ne  pourront  pas,  comme  les  sept, 
avoir  l'usage  de  l'autel  portatif,  mais  seulement  un  oratoire  privé 
dans  leur  maison,  soumis  à  la  visite  de  1  evéque.  «  Quomam,  »  dit  la 
bulle,  a  vero  cousueverunt  Romani  Pontifices,  prater  septem  protono- 
«  tarios  vulgo  participantes  appellatos,  aliis  etiam  ecclesiasticis  vîris 
<  hujusmodi  honorem  déferre,  ita  tamen,  ut  licet  de  participantium 
«  numéro  minime  sint,  ad  eorum  instar  censeantur,  ideirco  ut  majus, 
t  inter  eos  disenmen  exstet,  volumus...  •  Ici  suit  la  prescription  de 
soumission  à  l'ordinaire.  Les  seules  paroles  que  nous  venons  de  citer, 
et  d'autres  raisons  que  nous  pourrions  alléguer  démontrent  suffisam- 
ment que  les  protonotaires  apostoliques  français,  aujourd'hui  si  nom- 
breux, doivent  laisser  exclusivement  à  nos  évèques  le  solennel  Mon- 
seigneur. Us  peuvent  cependant  porter  les  bas  violets  et  la  mantel- 
letta  violette  dans  les  cérémonies  religieuses,  et  un  cordon  violet  au 
chapeau. 
Dans  la  haute  prélature  romaine,  il  y  a  encore  les  référendaires  de 


382 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SEPTIÈME. 


était  nécessaire  pour  la  discipline  de  l'Eglise 
ou  pour  le  soulagement  des  pauvres. 
•  «  Valde  necessarium  esse  perspeximus,  ut 
sicut  prredecessorum  nostrorum  luit  judicium, 
ila  uni  eidemque  personse  omnia  commilla- 
mus;  ut  ubi  nos  présentes  esse  non  possumus, 
nostra  |)er  eum.cui  prœcipimus,  reprœsenlelur 
autoritas.  Quamobrem  Petro  subdiacono  sedis 
nostrae,  intra  provinciam  Siciliam,  vices  no- 
stras  Deo  auxiliante  commisimus.  Nec  enim  de 
ejus  actibus  dubitare  possumus,  cui  totum 
nostrae  Ecclesiae  noscimur  ])atrimonium  com- 
misisse  ,  etc.  Semel  per  annum  fraternitas  vé- 
stra  conveniat,  quatenus  quœ  ad  utilitatem 
ipsius  provinciae,  Ecclesiarumque  pertinent, 
sive  ad  necessitatem  pauperum  opprcssoruni, 
eu  m  eôdem  Petro  subdiacono  nostrae  Sedis, 
congrua  debeatis  moderatione  disponere  (L.  i, 

ep.  1).  » 

Voilà  la  plus  parfaite  image  de  ces  nonces 
anciens.  Ils  étaient  souvent  cbargés  du  soin  du 
patrimoine  de  l'Eglise  romaine  en  diverses 
provinces;  ils  représentaient  la  personne  du 
papp  et  étaient  revêtus  de  son  autorité  pour 
toutes  les  affaires  ecclésiastiques  :  ils  étaient 
par  conséquent  exécuteurs  de?  ordres  du  pape 
et  des  canons;  ils  faisaient  assembler  les  con- 
ciles provinciaux  et  disposaient  avec  les  évo- 
ques de  toute  la  police  de  l'Eglise. 

III.  Ce  saint  pape  manda  au  même  Pierre  de 
pourvoir  aux  nécessités  d'une  femme  qualifiée, 
qu'on  avait  enfermée  dans  un  monastère  pour 
v  faire  pénitence,  et  de  ne  la  laisser  manquer 
de  rien  ni  elle,  ni  son  domestique;  de  remplir 
toutes  les  Eglises  vacantes  de  bons  évêques, 
qu'on  devait  tirer  du  clergé  même  des  villes  ou 
des  monastères,  et  envoyer  les  élus  à  Rome 
avec  une  exacte  information  de  leur  vie  ;  enfin 
de  lui  donner  avis  des  lieux,  où  on  ne  rencon- 
trerait personne  capable  de  l'épiscopat.  «  De 
Clero  Eeclesiarum,  vel  de  monasteriis,  si  quid  ad 
episcopalem  locum  possint  inveniri  perspicias, 
et  ad  nos  inquisita  primitus  morum  gravitate 
transmittas,  etc.  (L.  i,  ep.  18).  » 

IV.  Il  lui  commanda,  en  une  autre  rencontre, 
de  ramasser  tous  les  religieux  d'un  monastère 
qui  avaient  été  dispersés  à  l'occasion  d'une 
descente  des  barbares,  et  de  les  réunir  tous 


sous  l'obéissance  de  leur  abbé  et  de  leur  évo- 
que, auquel  il  en  avait  donné  avis,  afin  qu'il 
ne  crût  pas  avoir  sujet  de  se  plaindre,  si  l'on 
disposait  à  son  insu  des  affaires  de  son  diocèse. 
«  Quam  rem  venerabili  Felici  ejusdem  civitatis 
episcopo  nos  signilicasse  cognosce,  ne  prœter 
suam  notitiam,  in  diœcesi  sibi  concessa,  ordi- 
natuni  quidpiam  contristetur  (L.  i,  ep.  39).  » 

Voici  les  termes  de  la  lettre  de  ce  pape  à 
l'évêque  Félix  :  «  Quam  rem  venerationi  tuae 
innotescendum  praevidimus,  ne  te  omisso  ali- 
quid  ordinatum  in  tua  diœcesi  contristeris 
(Ibid.,  ep.  xxxvm).»  Il  se  contente  d'avertir 
l'évêque  du  lieu  des  ordres  dont  il  a  recom- 
mandé l'exécution  à  son  nonce. 

V.  Les  religieux  du  diocèse  de  Sorrente 
[tassaient,  contre  la  disposition  des  canons,  d'un 
monastère  à  un  autre,  et  étaient  propriétaires  ; 
enlin  leur  impudence  allait  jusqu'à  cet  excès 
de  contracter  des  mariages  sacrilèges.  Ce  pape 
écrivit  au  sous-diacre  Anthémius,  muni  sans 
doute  des  mêmes  pouvoirs ,  de  séparer  ces 
moines  de  leurs  femmes,  de  les  renvoyer  dans 
leurs  premiers  monastères,  et  de  leur  faire 
garder  la  stabilité  et  la  désappropriation  or- 
donnée par  leur  règle  (L.  i,  ep.  xl).  Il  ordonna 
au  même  Anthémius  de  mettre  à  la  pénitence 
un  diacre  et  d'autres  clercs  de  l'Eglise  de  Ve- 
nafre,  qui  avaient  vendu  les  vaisseaux  sacrés  à 
un  juif,  et  de  forcer  le  juif  à  les  restituer  en 
recourant  au  juge  civil  (L.  i,  ep.  lxvi). 

VI.  Il  manda  au  même  Pierre,  sous-diacre 
et  nonce  en  Sicile,  de  ne  point  souffrir  que  les 
religieux  se  dissipassent  à  la  poursuite  de  leurs 
procès  et  perdissent  l'esprit  de  retraite  et  d'o- 
raison :  «  Ne  distenta  mens  per  varias  causa- 
rum  curas  defluat,  et  ad  celebrandum  opus 
consuetum  enervata  torpescat  (L.  i,  ep.  lxvii)  ; 
de  charger  quelque  laïque  expérimenté  de  la 
procuration  de  toutes  les  affaires  du  monastère, 
en  lui  assignant  des  gages,  et  d'acheter  à  quel- 
que prix  que  ce  soit  la  paix  et  la  tranquillité, 
qui  est  l'âme  et  le  bien  inappréciable  de  la  vie 
religieuse. 

«  Ci  monasterii  ipsius  generaliter  debeas 
constituto  solatio  commendare  negotia.  Expedit 
enim  parvo  incommodo  a  strepitu  causarum 
servos  Dei  quietos  existere,  utetutilitatescelke 


la  signature  de  grâce  et  de  justice.  La  plupart  des  matières  conten- 
tieuscs  qui  se  rattachent  à  ces  deux  titres  sont  de  leurs  attributions. 
I  irdinairement  ils  arrivent  au  cardinalat.  Parmi  les  membres  actuels 
du  Sacré-Collégc,  les  cardinaux  Pentini  et  Serafim  ont  été  référen- 
daire. 
La  charge  de  bibliothécaire,  de  l'Eglise  romaine  est  toujours  occupée 


par  un  cardinal  qui  en  porte  le  titre.  11  a  sous  ses  ordres  deux  cu- 
stodes pris  dans  la  prélature,  et  plusieurs  écrivain»,  dont  deux  pour 
La  langue  hébraïque,  trois  pour  la  grecque,  quatre  pour  la  latine  et 
un  pour  la  langue  arabe.  Deux  prélats  sont  en  outre  préfets  des  ar- 
chives du   Vatican. 

(Dr  ANDRE.) 


DES  APOCRISIAIRES  OU  NONCES  DU  SAINT-SIEGE. 


38U 


pcr  negiigentiam  non  pereant ,  et  servorum 
Dei  mentes  ad    opus  Dominicum    liberiores 

existant.  0 

VII.  Quelques  défenseurs  ou  notaires  de  l'E- 
glise romaine  se  faisaient  défrayer  par  les  évo- 
ques des  lieux,  dans  les  courses  et  les  voyages 
qu'ils  faisaient  en  Sicile.  Ce  pape  qui  employait 
le  patrimoine  de  son  Eglise  à  entretenir  ou  a 
soulager  les  pauvres  de  toutes  les  provinces  de 
l'Eglise,  défendit  aux  évéques  de  Sicile  de  ne 
plus  contribuer  en  rien  à  l'entretien  de  ces 
officiers,  s'ils  n'apportaient  des  lettres  expressé- 
ment pour  cela,  ou  du  pape  même,  ou  du 
nonce,  qui  était  chargé  du  patrimoine  de  saint 
Pierre. 

«  Quisquis  ille  est,  si  rêvera sedis  nostra1  fue- 
rit  notarius,  vel  defensor,  nisi  nostra  ad  vos 
specialiter,  vel  rectoris  nostri  patrimonii  scripta 
detulerit,  nullis  per  nomen  Ecclesiœ  nostrae 
potiatur  angariis  ;  nec  aliqua  vobis  ab  eo  gra- 
vamina  imponi  permittatis.  sed  suisutilitatibus 
iter  suum.  propriis,  ut  novit,  disposât  expensis. 
Nec  quemquam  ab  eo  in  locis  istis  patiamini 
molestari  L.  i,  ep.  lxvih).  » 

VIII.  Ce  pape  chargeait  ses  nonces  de  la  pro- 
tection des  personnes  particulières,  qui  implo- 
raient le  pouvoir  de  l'Eglise  contre  ceux  qui 
les  opprimaient.  En  leur  commettant  le  patri- 
moine de  l'Eglise,  il  leur  faisait  promettre  une 
incorruptible  fidélité  devant  le  corps  de  saint 
Pierre  à  Rome  :  «  Memor  quod  ante  sacratissi- 
inum  R.  Pétri  apostoli  corpus  ,  potestatem 
patrimonii  ejus  acceperis  [Epist.  lxix,  i.xx  .  >• 

IX.  Il  ordonna  une  semblable  délégation  a 
un  religieux  d'Afrique ,  pour  y  faire  faire  le 
procèsà  un  évèque  atteint  d'un  crime  effroyable, 
et  même  d'avoir  rempli  de  donatistesson  cler- 
gé; il  lui  donna  pouvoir  d'assembler  pour  cela 
un  synode,  et  d'exécuter  incessamment  ce  qui 
y  aurait  été  résolu. 

«  Quatenus  prœfatuin  episeopum  idoneac 
satisfactioni  committere  non  omittas .  tuaque 
instantia  in  locis  illis  fiât  ex  more  concilium, 
omnia  subtili  indagatione  perquirantur  ,  et 
quœcumque  eorum  judicio  fuerint  terminata, 
te  exequenle  modis  omnibus  compleantur.  Ita 
ergo  te  cum  omni  vivacitate  huic  causa;  volu- 
mus  pnebere  instantiam.  ut  nulla  possit  sub- 
necti  dilatio,  etc.  (L.  i,  epist.  xxviu).  » 

X.  L'évèque  de  Salone  avait  dégradé  son  ar- 
chidiacre en  le  faisant  prêtre,  et  lui  en  avait 
substitué  un  autre,  donnant  plus  à  une  injuste 
animosité  qu'aux  justes  défenses  que  le  pape 


prédécesseur  de  saint  Orégoire  lui  avait  faites, 
de  persécuter  celui  qui  n'était  coupable  (pie 
parce  qu'il  voulait  l'empêcher  de  mal  faire,  et 
d'app  nivrirson  église  pour  enrichir  ses  parents. 
Saint  Orégoire  envoya  le  sous-diacre  Antonio 
à  Salone.  pour  faire  rétablir  l'ancien  archi- 
diacre, pour  déposer  le  nouvel  usurpateur  et 
obliger  l'évèque  d'envoyer  ses  apocrisiaires  à 
Rome,  pour  sa  justification.  «  Cum  responsales 
vestri  advenerint  (L.  il,  ep.  16,  37).  » 

XI.  Il  écrivit  à  Colombe,  évêque  de  Numidie, 
d'assembler  un  concile  dès  qu'Hilaire.  son  car- 
tulaire,  serait  arrivé  en  Afrique,  d'y  déposer  et 
mettre  à  la  pénitence  l'évèque  Maximien,  s'il 
avait  vendu  sa  faveur  pour  la  création  d'un 
nouvel  évèque  donatiste ,  comme  il  en  était 
accusé,  et  de  terminer  en  particulier  avec  le 
même  cartulaire  tous  les  autres  différends  qui 
seraient  survenus  entre  les  évèques  et  les 
clercs.  «  Si  qua  autem  inter  eos  extra  crimen 
hoc  damnorum  quorumdam,  vel  privatorum 
negotiorum  versatur  intentio,  hanc  tua  frater- 
nitas,  cum  prœdicto  cartulario  nostro,  privata 
cognitione  perquirat.  » 

XII.  L'archevêque  de  Larasse  ayant  usé  de 
son  autorité  sur  Adrien,  évêque  de  Thèbes,  son 
suffragant,  avec  plus  d'aigreur  et  d'animosité 
que  de  justice,  ce  saint  pape  se  crut  obligé  de 
soustraire  cet  évèque  à  la  juridiction  de  son 
métropolitain,  et  d'ordonner  que  s'il  survenait 
a  l'avenir  quelque  différend  entre  eux  soit 
pour  la  foi,  soit  en  cause  criminelle  ou  pécu- 
niaire, il  serait  vidé  ou  parl'apoerisiaire,  c'est- 
à-dire  par  le  nonce  du  pape  résidant  à  Con- 
stantinople,  ou  par  le  pape  même,  si  la  chose 
était  d'une  grande  importance. 

«  Fraternitas  tua  ab  eo  ecclesiaque  ejus.  om- 
nein  antehabitœ  suae  potestatem  jurisdictionis 
abstineat,  et  secundum  decessoris  nostri  scri- 
pla,  si  qua  causa  vel  fidei,  vel  criminis,  vel 
pecuniaria  ,  adversus  praefatum  Hadrianum 
consacerdotem  nostrum  potuerit  evenire,  vel 
per  eos  qui  nostri  sunt,  vel  fuerint  in  urbe 
regia  responsales  si  mediocris  est,  questio, 
cognoscatur,  vel  hue  ad  Apostolicam  Sedem, 
si  ardua  est,  deducatur,  quatenus  nostrae  au- 
dientiae  sententia  dedicatur  (L.  u,  ep.  7  . 
ind.  n).  » 

Entre  tous  les  apocrisiaires  ou  nonces  du 
pape,  celui  qui  résidait  ordinairement  a  Con- 
stantinople,  ou  qui  suivait  la  cour  de  l'empe- 
reur, était  certainement  le  plus  considérable  ; 
saint  Orégoire  même  en  avait  fait  la  fonction 


384 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  -  CHAPITRE  CENT-SEPTIÈME. 


avant  son  pontificat,  et  il  paraît  bien  quelle 
estime  il  en  faisait  par  la  commission  qu'il 
donnait  à  son  nonce  de  Constantinople ,  de 
vider  les  différends  entre  cet  archevêque  et  cet 
évêque  ,  en  quelque  matière  qu'il  en  pût 
naître. 

XIII.  Il  commit  le  sous-diacre  Antonin,  pour 
faire  revoir  dans  un  concile,  conjointement 
avec  l'évèque  de  Salone,  le  procès  de  l'évoque 
de  Raguse,  injustement  déposé.  «  Executio- 
nem  antefati  negotii  Antonino  subdiacono 
nostro  ex  nostra  praeceptione  mandavimus  , 
quatenus  ejus  inslantia,  et  quœ  sunt  legibus, 
canonibusque  placita  decernantur,  et  décréta 
juvante  Domino  mancipentur  effectui  (L.  u, 
iml.  1 1,  ep.  vin,  ix).  » 

L'évèque  de  Salone  étant  mort,  ce  même 
Antonin,  intendant  du  patrimoine  apostolique 
en  Dalmatie,  «  rector  patrimonii  in  Dalmatia,  » 
fut  commis  par  ce  pape  pour  faire  élire  un 
nouvel  é\èque,  pour  prévenir  toutes  les  intri- 
gues simoniaques,  pour  envoyer  l'élu  à  Rome, 
où  il  devait  être  ordonné,  pour  faire  faire  l'in- 
ventaire de  tous  les  biens  de  l'Eglise  de  Salone 
et  pour  empèclier  qu'on  n'en  dissipât  rien  pen- 
dant l'interrègne  (Epist.  xxu).  Au  contraire  les 
Milanais  ayant  élu  un  nouvel  évêque  et  en 
avant  donné  avis  à  ce  pape,  à  qui  en  apparte- 
nait la  confirmation,  il  envoya  à  Milan  le  sous- 
diacre  Jean  pour  examiner  sur  les  lieux  si 
l'élection  avait  été  canonique  et  ensuite  y  faire 
sacrer  le  nouveau  prélat  par  les  évèques  de  la 
province,  selon  la  coutume  (Epist.  xxix,  xxx  . 

XIV.  Un  évêque  de  Campanie  étant  tombé 
dans  le  mépris  de  son  clergé  et  de  son  peuple. 
le  pape  écrivit  à  Pierre,  sous-diacre,  d'aller 
ciliner  ces  dissensions  et  de  faire  respecter 
l'évèque  en  le  faisant  aimer  'Epist.  xxxiv). 

Le  peuple  de  Naples  différant  trop  d'élire  un 
évèqui',  saint  Crégoire  manda  au  même  sous- 
diacre  de  le  contraindre  par  les  censures  de 
l'Eglise,  ou  d'en  élire  un  au  plus  tôt.  ou  d'en- 
voyer à  Home  des  députés  pour  y  faire  l'élec- 
tion comme  chargés  de  leur  compromis.  «  Si 
fortasse  admonitionem  tuam  quolibet  modo 
differre  tentaverint,  ecclesiasticum  in  eos  vigo- 
ivin  exerce  (Epist.  xxxv).  » 

XV.  Ce  pape  avait  commis  la  nonciature  de 
Sardaigne  a  un  sous-diacre  et  à  un  défenseur  ; 
il  leur  mande  d'amener  a  Rome  l'archevêque 
Januarius  pour  \  être  examiné  sur  les  accusa- 
tions tonnées  contre  lui  :  «  .lanuariuin  sumnia 
hue  exliibere  instantia  non  omitlas  (L.  u,  in- 


dict.  1 1.  epist.  xxxvi);  »  d'y  amener  aussi  les 
femmes  perdues,  avec  qui  un  prêtre  s'était 
perdu  de  conscience  et  de  réputation.  «  Uxc 
omnia  ita  efficaciter  curabitis  adimplere,  ut 
nulla  vos  de  neglectu  culpa  respiciat  (Epist. 

XXXVIIl).» 

L'évèque  Adrien,  dans  la  province  de  Co- 
rintlie.  s'étant  parfaitement  réconcilié  avec  son 
accusateur,  ce  pape  envoya  un  diacre  de  son 
Eglise  pour  reconnaître  si  cette  concorde  venait 
de  l'innocence  de  l'accusé,  ou  de  la  prévarica- 
tion de  l'accusateur.  Il  commit  Hilaire,  moine 
d'Afrique,  pour  y  faire  tenir  un  concile  contre 
les  donatistes  (L.  i,  ep.  82). 

XVI.  L'évèque  de  Ravenne  avait  aussi  son 
nonce  auprès  du  pape,  et  il  était  diacre  aussi 
bien  que  celui  du  pape  à  Constantinople.  Lors- 
que le  pape  célébrait,  ce  nonce  avait  une  place 
honorable,  et  saint  Crégoire  lui  en  avait  donné 
une  encore  plus  honorable  que  celle  dont  il 
avait  joui  jusqu'alors.  «  Recordare  in  missa- 
riim  romanarum  solemnibus,  ubi  Ravennas 
diaconus  stabat,  etrequire,  ubi  hodie  stat,  et 
cognosces,  quia  Ecclesiam  Ravennatem  hono- 
ra re  desidero  (L.  iv,  ep.  15).  »  Mais  comme 
l'évèque  de  Ravenne  n'était  pas  satisfait  des 
limitations  que  le  pape  avait  mises  pour  l'usage 
qu'il  devait  faire  du  pallium,  ce  pape  écrivit  à 
son  nonce  à  Constantinople  pour  savoir  si  les 
métropolitains  d'Orient  en  usaient  autrement. 
»  Tamen  bac  de  re  jam  diacono  nostro  Cou  - 
stantinopolin  scripsi,  ut  inquirere  debeat  per 
omnes,  etc.  » 

XVII.  Il  commanda  au  diacre  Castorius  de 
faire  des  informations  exactes  de  l'évèque  de 
Pesaro,  et  s'il  le  trouvait  atteint  des  crimes 
dont  on  le  chargeait,  de  le  faire  conduire  à 
Rome  avec  les  mémoires  dressés  contre  lui;  de 
veiller  sur  la  vie  des  autres  évèques  et  de  l'a- 
vertir des  crimes  qu'il  aura  découverts. 

a  Experientiœ  tua1  pra?cipimus,  ut  de  vita 
et  actibus  ipsius  subtili  indagatione  studeat 
perscrutari ,  et  si  quid  fortasse  repèrent  quod 
sacerdotii  integritatem  valeat  maculare,  ad  nos 
eum  cum  scriptis  tuis  sub  competenti  cautela 
transmitte,  etc.  Non  solumautemde  eo,  sed  H 
de  aliorum  quoque  sacerdolum  vita  te  conve- 
nil  esse  sollicitum.  Et  si  de  quolibet  sinistruin 
quidpiam  sentira  potueris,  nobis  renunliare 
le-lina,  ut  actuum  pravitas  salubriter,  cum 
Dei  solatio,  debeat  emendari  (L.  iv,  ep.  24).  » 

Les  nonces  de  ce  pape  étaient  donc  comme 
les  veux  clairvoyants  de  son  infatigable  vigi- 


DES  AP0CRISIA1RES  <>l    NONCES  DU  SAINT-SIEGE. 


385 


lance,  et  comme  les  inspecteurs  universels  de 
la  vie  et  de  la  conduite  des  évêques,  îles  désor- 
dres du  clergé,  des  irrégularités  des  moines,  des 
oppressions  des  laïques;  non  pas  pour  acquérir 
à  Rome  une  domination  universelle,  dont  le 
soupçon  même  ne  peut  pas  tomber  sur  nu 
pape  si  saint,  si  humble  et  si  désintéresse; 
mais  pour  faire  régner  partout  la  sainteté  des 
lois  ecclésiastiques  et  en  punir  les  violations. 

Aussi  ce  pape  écrit  à  l'évêque  de  Naples  que, 
s'il  diffère  d'exécuter  ce  qu'il  vient  de  lui  pres- 
crire, son  nonce  est  chargé  de  ne  lui  point 
donner  de  trêves.  «  Porro  si  tu,  quod  non  opi- 
namur,  dissimulandum  putaveris,  rectori  pa- 
trimonii  ecclesiœ  nostne  qui  illic  est,  vel  fuerit 
constitutus,  noveris  esse  licentiam,  ut  quid 
sponte  postponis,  ejus  lacère  instantia  modis 
omnibus  urgearis  (L.  v,  ep.  M).  » 

Ce  même  pape  manda  à  huit  de  ses  nonces 
en  même  temps,  qui  étaient  ou  défenseurs,  ou 
sous-diacres,  ou  notaires,  d'empêcher  absolu- 
ment les  évêques  d'avoir  dans  leur  palais  épis- 
copal  d'autres  femmes  que  celles  qui  leur  sont 
permises  par  les  canons.  «Si  qui  episcoporum, 
quos  commissi  tibi  patrimonii  finis  includit, 
cuni  mulieribus  degunt,  hoc  omnino  com- 
pescas,  et  de  cœtero  eas  illic  habitare,  nullo 
modo  patiaris,  exceptis  eis,  quas  sacrorum 
canonum  censura  permittit(L.  vu,  ep.  39).  » 

XVIII.  L'évêque  de  Reggio  étant  accusé  par 
ses  propres  ecclésiastiques,  saint  Grégoire  com- 
mit le  diacre  Sabin  pour  examiner  cette  cause 
avec  cinq  évêques,  avec  ordre  de  lui  en  en- 
voyer le  résultat. 

Il  manda  au  sous-diacre  Sabin  de  s'informer 
de  la  vie  d'un  prêtre  infâme  et  de  l'emprison- 
ner jusqu'à  ce  qu'il  lui  eut  envoyé  ses  infor- 
mations (L.  vu,  ep.  46, 47)  ;  de  tenir  la  main  à 
l'exécution  d'un  testament  en  faveur  de  l'Eglise 
et  de  quelques  personnes  misérables  (L.  vin, 
ep.  5,  0).  11  ordonna  à  son  défenseur  en  Sicile 
d'empêcher  un  évêque  de  s'arrêter  plus  long- 
temps à  la  poursuite  de  ses  procès,  et  de  le  ren- 
voyer dans  son  diocèse  en  moins  de  cinq  jours 
(L.  vin,  ep.  11). 

Ee  sous-diacre  de  Campanie,  Anthémius,  eut 
ordre  de  mettre  sous  la  protection  de  l'Eglise 
des  personnes  injustement  persécutées,  d'en 
délivrer  d'autres  de  la  persécution  de  quelques 
officiers  de  l'Eglise  même,  de  faire  exécuter  au 
nouvel  évêque  de  Naples  ce  que  son  prédéces- 
seur avait  marqué  de  faire,  en  ne  distribuant 
pas  à  son  clergé  et  aux  pauvres  la  portion  qui 

Tu.  —  Tome  11. 


leur  était  due  des  biens  de  l'Eglise  (L.  ix, 
ep.  1-2,  13,29). 

XIX.  Si  ce  pape  était  zélé  pour  maintenir 
une  autorité  qui  n'avait  pour  but  que  l'obser- 
vance religieuse  des  plus  saintes  lois  de  l'E- 
glise, il  ne  l'était  pas  moins  pour  soutenir 
l'autorité  des  évêques,  et  pour  arrêter  les  excès 
où  pouvaient  s'emporter  ses  officiers. 

C'est  ce  qui  lui  fit  écrire  à  Romain,  défenseur 
de  Sicile,  qu'il  n'avait  pu  rétablir  les  clercs 
que  leur  évêque  avait  mis  à  la  pénitence,  et 
qu'il  devait  les  y  envoyer  ;  qu'il  n'avait  pu  se 
rendre  juge  des  différends  survenus  contre  les 
ecclésiastiques  qui  ne  peuvent  être  jugés  que 
parleur  évêque  ou  par  son  délégué,  ou,  si 
leur  évêque  leur  est  suspect,  par  les  arbitres 
qu'il  fera  lui-même  choisir  aux  parties;  enfin, 
que  ce  n'est  que  dans  les  procès  des  clercs,  ou 
des  laïques  contre  leur  évêque,  qu'il  pouvait 
se  porter  pour  juge,  ou  les  obliger  de  part  et 
d'autre  d'élire  eux-mêmes  des  juges,  parce 
qu'il  n'y  a  point  de  plus  injurieuse  violation 
des  canons  que  d'affaiblir  la  juridiction  des  évê- 
ques, sous  le  vain  prétexte  de  faire  garder  les 
canons.  «  Nam  si  sua  unicuique episcopo  juris- 
dictio  non  servatur,  quid  aliud  agitur,  nisi  ut 
per  nos,  per  quos  ecclesiasticus  custodiri  de- 
buit  ordo,  confundatur  (L.  îx,  ep.  32)  ?  » 

Il  dit  ailleurs  que  ce  n'est  pas  l'honorer  que 
de  déshonorer  ses  frères;  son  honneur  est  de 
faire  honorer  les  évêques.  «  IVec  honorem  esse 
deputo,  in  quo  fratres  meos  honorem  suum 
perdere  cognosco.  Tune  vere  honoratus  sum, 
cum  singulis  quibusque  honor  debitus  non  ne- 
gatur  (L.  h,  ep.  21).  » 

Les  entreprises  que  les  évêques  faisaient  les 
uns  sur  les  autres,  étaient  encore  de  ces  causes 
que  le  pape  jugeait  et  faisait  réparer  par  ses 
nonces,  qui  ne  devaient  avertir  le  pape  de  ces 
désordres  qu'après  avoir  inutilement  pressé 
les  évêques  d'y  remédier  eux-mêmes.  «  Si  qua 
de  episcopis  inordinate  acta  cognoverit,  prius 
quidem  sécréta  ac  modesla  adhortatione  corri- 
piat  cartularius  noster  :  quoe  si  ita  emendata 
non  fuerint,  nobis  celeriter  iunotescat  (L.  n, 
ep.  -2-2,  30).  » 

L'évêque  Paschase  s'occupant  à  toute  autre 
chose  qu'à  ce  qui  était  île  son  devoir,  ce  pape 
fait  une  réprimande  à  Anthème,  sous-diacre 
de  Campanie,  de  ne  lui  avoir  pas  fait  des  cor- 
rections aussi  sévères  qu'il  devait.  «  Et  nihil 
habere  episcopalis  vel  genii  vel  reverentiae  ju- 
dicetur.  Quod  si  ita  est,  non  sine  culpa  tua  esse 

25 


38G 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-HUITIÈME. 


cognoscas,  qui  eum  objurgare,  atque  coercere, 
ut  diguum  est,  clistulisti  (L.  n,  ep.  31).  » 

XX.  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  commission 
donnée  par  ce  pape  au  défenseur  Jean,  d'aller 
eu  Espagne  revoir  le  procès  d'un  prêtre,  et 
faire  revoir  celui  d'un  évêque  déposé  dans  un 
nouveau  concile;  et  si  l'un  et  l'antre  se  trou- 
vaient innocents,  non-seulement  les  rétablir 
en  leur  première  dignité,  mais  faire  empri- 
sonner l'évèque  intrus ,  et  mettre  pour  six 
mois  en  pénitence,  dans  des  monastères,  les 
évèques  qui  avaient  été  les  auteurs  de  l'intru- 
sion d'un  ambitieux,  et  de  l'injuste  déposition 
d'un  innocent  (L.  n,  ep.  52).  Ce  défenseur  pré- 
sida effectivement  à  ce  second  jugement,  et 
prononça  selon  ses  instructions  comme  délégué 
du  pape  :  «  Dum  ex  deputatione,  et  jussione 
apostolici  Domni  mei  papa;  Gregorii,  ego  Joan- 
nesdefensorcognitorresedissem,  etc.  (Ep.  lv).» 

XXI.  Voilà  quels  étaient  les  pouvoirs  des 
nonces,  soit  ordinaires,  soit  extraordinaires  de 
ce  saint  pape,  dans  l'Italie,  la  Sicile,  la  Sar- 
daigne ,  l'Afrique ,  la  Dalmatie  ,  lTUyrique 
oriental,  et  dans  Constantinople  même. 


Il  est  aisé  néanmoins  de  remarquer  quelque 
différence  dans  cette  foule  d'exemples  qui  ont 
été  confusément  entassés  les  uns  sur  les  autres. 
Car  ces  nonces  étaient  bien  plus  Fréquents  et 
plus  appliqués  à  veiller  sur  toute  la  conduite 
des  évèques,  des  clercs  et  des  moines  dans 
l'Italie,  dans  la  Sicile  et  la  Sardaigne,  qui 
avaient  apparemment  été  autrefois  de  la  métro- 
pole de  Rome,  et  qui  étaient  encore  de  sa  pri- 
matie,  que  dans  l'Afrique,  l'Espagne,  lTUyrique 
et  les  autres  provinces  plus  écartées,  où  l'Eglise 
romaine  n'avait  point  de  patrimoine,  et  où  il 
n'envoyait  ses  nonces  que  dans  les  besoins  ex- 
traordinaires. 

XXII.  Nous  n'avons  rien  dit  de  la  France, 
parce  que  nous  avons  jugé  à  propos  d'en  parler 
séparément,  et  de  considérer  de  quelle  manière 
ce  pape  en  usait  envers  nos  rois  et  nos  prélats, 
ce  que  nous  réserverons  à  un  autre  chapitre, 
qui  suivra  celui  où  nous  allons  traiter  en  parti- 
culier, et  un  peu  plus  au  long ,  tout  ce  qui 
regarde  les  apocrisiaires  ou  les  nonces  des  papes 
à  Constantinople  auprès  des  empereurs. 


CHAPITRE    CENT-HUITIEME. 


DES   APOCRISIAIRES   OU    DES    NONCES   Dl    PAPE    QUI    DEMEURAIENT   A    CONSTANTINOPLE 
DANS    LE    PALAIS    DE    LEMPEREIR,    AVANT   L'AN    HUIT    CENT. 


I.  Importance  île  cette  dignité. 

II.  Saint  Léon,  pape,  commença  d'avoir  un  nonce  à  Cons- 
tantinople 

III.  Avec  l'agrément  de  l'empereur. 

IV.  liaison  de  cela. 

v.  L'impératrice  Pulchérie  chargée  elle-même  de  la  légation 
du  Samt-Siége. 

VI.  Les  autres  patriarches  avaient  aussi  leurs  apocrisiaires 
auprès  des  empereurs. 

VII.  Les  évèques  de  Constantinople  étaient  eux-mêmes  comme 
les  apocrisiaires  et  les  agents  de  tous  les  autres  évèques  à  Cons- 
t.iiii pie. 

VIII.  Les  évèques  et  les  métropolitains  n'y  pouvaient  avoir  des 
apocrisiaires  ordinaires. 

IX.  Cela  donnait  un  grand  crédit  à  l'évèque  de  Constantinople, 
d'être  l'entremetteur  de  tous  les  évèques  vers  l'empereur. 

X.  XL  Pourquoi  Hincmar  preud  l'origine  des  apocrisiaires  du 
temps  de  Constantin. 

XII.  Pendant  qu'il  y  eut  des  empereurs  en  Occident,  ou  des 
rois  en  Italie. 


XIII.  Et  pendant  le  schisme  d'Acacius,  il  ne  fallait  point  de 
nonce  à  Constantinople.  Le  pape  Agapet  fut  le  premier  qui  en 
établit  un. 

XIV.  Il  fut  depuis  ordinaire,  et  c'était  un  diacre. 

XV.  XVI.  Conformément  au  concile  de  Sardique. 

XVII.  XVIII.  XIX.  XX.  Suite  des  apocrisiaires,  et  leur  grand 
crédit. 

XXI.  XXII.  Saint  Grégoire  avait  été  lui-même  apocrisiaire,  et 
il  logeait  dans  le  palais  impérial. 

XXIII.  XXIV.  Pouvoir  des  nonces  qu'il  envoya. 

XXV.  Ou  désiste  et  on  recommence  d'en  envoyer. 

XXVI.  XXVII.  Suite  des  apocrisiaires,  dont  la  plupart  furent 
faits  papes. 

NW1II.  XXIX.  On  désiste  et  on  recommence  d'en  envoyer. 
Pourquoi  le  pape  n'envoie  que  des  nonces,  quoiqu'on  lui  de- 
mande  des  légats. 

1.  Les  apocrisiaires  ou  nonces  du  pape  à  Con- 
stantinople étaient  d'une  considération  et  d'une 


DES  APOCRISIAIRES  01'  NONCES  DU  PAPE. 


:is7 


utilité  si  grande  pour  toute  l'Eglise,  qu'ils 
méritent  bien  que  nous  en  reprenions  le  dis- 
cours de  plus  haut,  et  crue  nous  remontions  . 
s'il  se  peut,  jusqu'à  leur  origine.  Ensuite  nous 
Ferons  voir  des  apocrisiaires  auprès  de  nos  rois, 
et  auprès  des  empereurs  du  sang  de  Charle- 
magne,  dans  une  élévation  si  grande  et  un  si 
haut  comble  de  puissance,  que  les  archevêques 
mêmes  se  croyaient  honorés  d'en  faire  les 
fonctions.  Il  est  donc  nécessaire  de  découvrir 
la  source  et  le  progrès  de  cette  dignité. 

II.  Depuis  que  les  empereurs  romains  firent 
gloire  de  tenir  leur  sceptre  de  J.-C.  et  que  l'E- 
glise, pour  les  intéresser  en  sa  défense,  voulut 
bien  leur  communiquer  toutes  ses  plus  impor- 
tantes affaires,  il  est  certain,  et  l'histoire  ecclé- 
siastique en  fait  foi.  que  les  papes  furent  sou- 
vent obligés  d'envoyer  des  légats  à  la  cour 
impériale,  mais  ces  légations  étaient  extraordi- 
naires et  limitées,  tant  pour  le  temps  que  pour 
les  affaires. 

Le  premier  à  qui  le  Saint-Siège  ait  confié 
une  légation  ordinaire,  ou  une  nonciature  au- 
près des  empereurs,  a  été  Julien ,  évêque  de 
l'île  de  Cos  dans  l'archipel.  Le  pape  saint  Léon 
l'établit  légat  ou  nonce,  pour  résider  à  la  cour 
de  l'empereur  Marcien,  après  le  concile  de  Cal- 
cédoine, et  il  ne  lui  donna  autre  charge  ni  au- 
tre pouvoir  que  celui  de  veiller,  pour  le  main- 
tien de  la  foi  orthodoxe,  contre  les  erreurs  de 
Nestorius  et  d'Eutyehès ,  contre  lesquelles  le 
patriarche  de  Constantinople  Anatolius  ne  té- 
moignait pas  autant  de  chaleur  et  de  zèle  qu'il 
eût  été  à  souhaiter. 

Dans  la  lettre  que  saint  Léon  écrivit  à  cet 
évêque,  après  lui  avoir  défendu  de  se  mêler 
des  causes  qui  regardent  la  juridiction  des  au- 
tres évèques ,  il  lui  promit  de  répondre  à  tous 
ses  doutes  touchant  ses  fonctions,  et  ne  lui 
laissa  que  le  soin  d'entretenir  toujours  les  em- 
pereurs dans  leur  ancienne  ferveur  contre  les 
nouvelles  hérésies. 

«  Consulente  dilectione  tua  de  his  in  quibus 
pulaveris  ambigendum,  non  deerit  relationi- 
bus  tuismeae  responsionis  instructio,  ut  seque- 
strata  earum  actione  causarum  quae  in  quibus- 
cumque  ecclesiis  prœsulum  suorum  debent 
coguitione  firmari,  bac  speciali  cura  mea  vice 
functus  utaris,  ne  haeresis  Nestoriana  vel  Euty- 
cbiana  in  aliqua  parte  revirescat,  quia  in  epi- 
scopo  Constantinopolitano  catholicus  vigor 
non  est  lEpist.  vi).  » 

III.  L'agrément  de  l'empereur  était  néces- 


saire, puisqu'il  ne  s'agissait  que  de  ménager  sa 
bienveillance  pour  les  catholiques ,  et  son  zèli 
contre  les  ennemis  di  la  lui.  Aussi  ce  pape  lui 
m  écrivit  :  «Yicem  ipsi  meain  contra  tempo- 
ris  nostris  hœreticos  delegavi  :  ut  a  comitatu 
vestro  non  abesset  exegi ,  cujus  suggestiones 
tanquam  meas  audire  dignemini  (Epist.  i.\u  .» 

IV.  Mais  écrivant  à  l'impératrice  Pulchérie, 
ce  pape  touche  une  autre  raison,  pour  avoir 
toujours  à  Constantinople  comme  un  gage  de 
sou  inviolable  fidélité  et  de  ses  respects  pour 
l'empire. 

«  Gum  in  causa  lidei.  vicem  ipsi  meam  eate- 
nus  delegarim,  ut  ab  ea  quae  vobis  debetur  ob- 
servantia  non  recedens.  pietati  me  vestrœ  pra> 
sentari  non  desinat,  exequens  in  custodia  lidei, 
et  in  ecclesiasticis  disciplinis  per  omnia  sollici- 
tudinem,  et  opportunis  suggestionibus,  quod 
universali  Ecclesia?  prosit  insinuans;  ut  in  ipso 
nec  eathoficis  vestrum  praesidium  ,  nec  vobis 
meum  desitobsequium  (Efiist.  lviii).  » 

Y.  II  faut  dire  un  mot  de  la  légation  dont  ce 
saint  pape  avait,  quelque  temps  auparavant, 
chargé  l'impératrice  Pulchérie  même,  envers 
son  frère  l'empereur  Théodose,  pour  obtenir  de 
lui  un  véritable  concile,  après  le  faux  concile 
d'Ephese  ,  afin  d'y  affermir  les  fondements  de 
la  foi  qui  semblaient  avoir  été  ébranlés. 

«  Quod  ut  obtinere  mereamur,  probatissima1 
nobis  fidei  pietas  tua.  quœ  labores  Ecclesiœ 
semper  adjuvat,  supplicationem  nostram  apud 
eleinentissimum  principem,  sibi  specialiter  a 
beatissimo  Petro  apostolo  legatione  commissa, 
dignetur  asserere  (Epist.  xxvi).  » 

Les  siècles  suivants  nous  feront  voir  de 
grands  et  de  saints  rois  être  chargés  et  faire 
toutes  les  fonctions  de  la  légation  apostolique. 

VI.  Si  le  pape  Léon  avait  donné  la  qualité 
d'apocrisiaireà  Julien,  évêque  de  Cos,  il  en  au- 
rait eu  un  exemple  en  la  personne  d'Anatolius 
même,  à  la  négligence  duquel  il  opposait  la 
vigilance  de  ce  nouveau  légat.  Car  Anatolius, 
avant  sa  promotion,  avait  été  apocrisiaire  île 
Dioscore,  archevêque  d'Alexandrie,  à  Constan- 
tinople. Témoin  Libérât  :  «  Ordinatusque  pro 
eo  est  Anatolius  diaeonus,  qui  fuit  Constanti- 
nopoli  apocrisiarius  Dioscori  Breviar.,  c.  xu).» 

Justinien  suppose  que  les  patriarches  et  les 
primats  avaient  toujours  leurs  apocrisiaires  à 
Constantinople,  lorsqu'il  ordonne  aux  évèques 
de  se  servir  de  leur  ministère  pour  faire 
vider  les  procès  qu'ils  auront  à  Constantino- 
ple, sans  y  v^nir  eux  -  mêmes ,  ce  qu'ils  ne 


388 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-HITTIÈME. 


peuvent  faire  sans  contrevenir  aux   lois  in- 
violables de  la  résidence. 

«  Praesertim  ciun  liceat,  si  quaedam  sint 
forte  lites  sanctissimis  Ecclesiis,  propter  quas 
lias  oceasiones  asserunt  ;  hoc  per  eos  qui  sub 
ipso  sunt,  religiosos  clericos,  aut  apocrisiarios, 
aut  œconomos  movere,  et  petitiones  ad  impe- 
rium  dirigere,  impetrare  autem  sperata.  Pro- 
pterea  sancimus,  si  quando  propter  ecclesiasti- 
cam  occasionem  incident  nécessitas,  banc  aut 
per  eos,  qui  res  agunt  sacrarum  Ecelesiarum. 
quos  apocrisiarios  vocant,  aut  per  aliquos  cleri- 
cos bue  destinatos,  aut  œconomos  suos  notam 
imperio  facere  (Nov.  G,  c.  u  et  ni).  » 

Cet  empereur  nous  apprend  encore  plus  net- 
tement dans  la  suite  que  tous  les  patriarches, 
ou  primats,  ou  chefs  de  diocèse,  entretenaient 
toujours  à  Constantinople  un  apocrisiaire,  et  il 
ordonne  que  ce  soit  par  l'entremise  de  ces  apo- 
crisiaires,  ou  par  le  patriarche  même  de  Cons- 
tantinople, que  les  évoques  qui  y  viendront 
avec  la  permission  de  leur  métropolitain,  ou 
de  leur  patriarche,  s'ils  sont  eux-mêmes  mé- 
tropolitains, se  feront  introduire  devant  l'em- 
pereur. 

«  Hue  advenientes  non  présumant  per  se- 
metipsos  se  prius  pronuntiare  ad  imperium, 
sed  primitus  aut  ad  Deoamabilem  patriarcbain 
proûcisci,  aut  ad  uniuscujusque  diœceseos  ex 
qua  sunt,  apocrisiarios,  et  cum  i psïs  conférant 
causas,  propter  quas  venerunt,  et  ingredi  ail 
imperium  ejus,  et  deinceps  imperiali  perfrui 
asjiectu.  » 

VII.  Ces  paroles  donnent  lieu  à  deux  re- 
marques. La  première,  que  les  évêques  de 
Constantinople  avaient  été  originairement  les 
apocrisiaires  et  les  agents  de  tous  les  autres 
évêques  et  de  toutes  les  églises  du  monde 
auprès  de  l'empereur,  depuis  que  l'empire 
chrétien  eût  établi  son  trône  dans  Constanti- 
nople. 

Rien  n'était  ni  plus  naturel,  ni  plus  com- 
mode aux  autres  évêques,  que  de  trouver  à 
Constantinople  l'évêque  de  la  même  ville 
comme  un  médiateur,  ou  introducteur  général 
de  ses  confrères  ou  de  leurs envoyésauprès  des 
empereurs. 

Aussi  les  empereurs  renvoyaient  ordinaire- 
ment a  l'évêque  de  Constantinople  le  jugement 
de  blutes  les  causes  pour  lesquelles  lesévêques 
avaient  recours  à  lui  ;  et  Justinien  ordonne  en- 
core  que  les  évêques  qui  viendront  en  cour  s'y 
fassent  introduire  par  le  patriarche  de  Cons- 


tantinople, ou  par  les  apocrisiaires  de  chaque 
patriarcat.  * 

VIII.  En  effet,  la  seconde  remarque  qu'il 
faut  faire,  c'est  que  ni  les  évêques,  ni  les  mé- 
tropolitains n'avaient  pas  des  apocrisiaires  rési- 
dents à  Constantinople,  mais  les  seuls  patriar- 
ches, ou  exarques,  chefs  de  diocèses. 

Justinien  le  répète  encore  dans  le  même  en- 
droit :  «  Per  religiosos  apocrisiarios  cujus- 
que  diœceseos  sauctissiniorum  patriarcharum 
Nov.  G,  c.  m);  »  et  s'il  parle  ailleurs  des  apo- 
crisiaires, que  chaque  évèque  pouvait  envoyer 
à  Constantinople,  ce  n'est  que  des  syndics  que 
chaque  evèquey  pouvait  envoyer,  ou  àson  pa- 
triarche ,  ou  à  sou  métropolitain  qu'il  faut 
l'entendre  ;  et  non  de  ceux  qu'on  envoyait  à 
l'empereur,  et  qu'on  faisait  résider  en  cour. 
«  Apocrisiarii  cujusque  Ecclesia.1,  qui  in  regia 
civitate  degunt ,  aut  ad  beatissimos  patriar- 
chas,  aut  ad  metropolitas  a  suis  episcopis  or- 
dinati  et  destinati,  etc.  (Nov.  133.  c.  xxv).  » 

Les  actes  de  saint  Porphyre,  évèque  de  Gaza, 
nous  fournissent  des  preuves  évidentes  de  ces 
deux  remarques.  Ce  saint  évèque  envoya  pre- 
mièrement son  diacre  Marc  à  Constantinople 
vers  saint  Chrysostome,  qui  en  était  archevêque, 
pour  obtenir  de  l'empereur  Arcade  la  démoli- 
tion des  temples  des  idoles  :  «Seriptislitterisad 
sanctissimum  episcopum  Constanlinopohta- 
num  et  redditis  litteris  beato  Joanni,  etc.  Ego 
non  cessabam  quotidie  eum  admonere,  etc. 
(Surius,  die  2G  Febr.,  cap.  xx).  » 

Tous  les  temples  de  Gaza  ayant  été  démolis 
par  l'ordre  qu'en  donna  cet  empereur,  excepté 
celui  de  Marnas ,  Porphyre  vint  lui-même  à 
Constantinople,  et  s'y  comporta  comme  le  saint 
solitaire  Procope  lui  avait  prescrit,  s'adressant 
d'abord  à  saint  Chrysostome,  et  se  faisant  in- 
troduire par  les  amis  qu'il  avait  en  cour  vers 
l'impératrice,  parce  que  son  zèle  apostolique 
l'avait  déjà  fait  tomber  dans  la  disgrâce  de  la 
cour.  «Primiunconvenite episcopum  Joannem, 
ipse  enim  vobis  est  consulturus  ea,  quœ  ipsi 
revelavif  Dominus.  Non  potest  enim  loqui  in 
palatio ,  quoniam  ei  irascitur  imperatrix  Eu- 
doxia,  etc.  Ipse  vos  eommendabit  Amantio  cubi- 
culario,  qui  introducet  vos  ad  imperatricem 
(Cap.  xxvu,  xxvm).  » 

Suis  cette  disgrâce,  il  est  évident  que  saint 
Chrysostome  eût  été  l'introducteur  et  le  média- 
teur de  cet  évèque  vers  l'empereur,  auprès 
duquel  il  ne  laissa  pas  de  faire  par  ses  amis  ce 
qu'il  ne  pouvait  pas  faire  par  lui-même. 


DES  APOCRISIAIRES  01'  NONCES  DU  PAPK. 


.18!) 


Ce  seul  exemple  suffit  pour  conclure  que, 
dans  toutes  les  conjonctures  semblables ,  les 
évêques  qui  avaient  des  affaires  en  cour  usaient 
d'une  conduite  pareille,  et  que  si  les  évèques 
particuliers  trouvaient  un  grand  avantage  dans 
l'appui  et  la  faveur  d'un  de  leurs  confrères, 
celui  de  Constantinople  n'en  trouvait  pas  un 
moindre  à  se  faire  autant  d'amis,  et  presque 
autant  de  créatures  qu'il  y  avait  d'évèques. 

IX.  C'est  apparemment  la  raison  pour  laquelle 
les  i  \èques  de  Constantinople  trouvaient  dans 
les  conciles  généraux  tant  de  facilité  à  se  faire 
accorder  ces  degrés  extraordinaires  d'une  nou- 
velle élévation,  comme  il  parut  dans  le  premier 
concile  général  de  Constantinople  et  dans  celui 
de  Calcédoine.  Quoiqu'il  ne  pût  s'élever  que 
par  leur  rabaissement,  ils  y  donnaient  néan- 
moins les  mains  sans  beaucoup  de  peine, 
parce  qu'ils  s'acquéraient  un  puissant  protec- 
tc  ni',  et  un  entremetteur  nécessaire  dans  les 
affaires  qu'ils  avaient  en  cour. 

X.  C'est  aussi  probablement  ce  qu'a  voulu 
dire  Hincmar  Tom.  u,  p.  2061),  quand  il  a  pris 
l'origine  des  apocrisiaires  dès  le  temps  que 
l'empereur  Constantin  établit  son  séjour  a 
Constantinople.  «  Apocrisiarii  ministerium  ex 
eo  tempore  sumpsit  exordium  ,  quando  Con- 
stantinus  Magnus  sedem  suam,  in  civitate  sua, 
qua3  antea  Byzantium  vocabatur,  aedifieavit.  Et 
sic  responsales,  tam  Romana1  sedis ,  quam  et 
aliarum  praecipuarnm  sedium,  in  palatio  pro 
ecclesiasticis  negotiis  excubabant.  Aliqnando 
per  episcopos ,  aliquando  vero  per  diaconos 
Apostolica  Sedes  hoc  officio  fungebatur.  » 

Hincmar  n'a  dit  cela  qu'en  passant  pour  in- 
diquer la  première  origine  des  apocrisiaires 
ou  des  archipelains,  qu'on  vit  ensuite  dans  la 
cour  impériale  de  Charlemagne  et  de  ses  des- 
cendants ,  et  il  faut  avouer  qu'il  a  parlé  très- 
correctement.  11  distingue  deux  sortes  d'apo- 
crisiairés,  les  uns  évêques,  les  autres  diacres. 
Les  é\èques  étaient  ou  apocrisiaires  extraordi- 
naires, et  c'étaient  les  évèques  que  l'bistoire 
ecclésiastique  nous  montre  avoir  été  envoyés 
par  les  papes  vers  les  empereurs  en  mille  di- 
verses occurrences  :  ou  ordinaires,  et  c'étaient 
les  évèques  mêmes  de  Constantinople,  comme 
nous  venons  de  montrer.  Les  diacres  étaient 
les  apocrisiaires  résidant  continuellement  à 
Constantinople  de  la  part  des  patriarches,  sur- 
tout de  la  part  du  pape. 

XI.  Il  est  vrai  qu'Hincmar  n'a  pas  précisé- 
ment désigné  le  temps  que  les  papes  commen- 


cèrent  à  envoyer  des  diacres  seulement  pour 
résilient?  ordinaires,  ou  pour  apocrisiaires  à 
Constantinople;  mais  c'est  aussi  ce  qu'il  n'avait 
pas  entrepris  de  faire,  et  ce  qu'il  ne  Faisait  pas  à 
son  sujet.  Il  ne  voulait  que  justifier  par  quel- 
que image  de  l'antiquité  l'établissement  des 
arcliichapelains,  ou  apocrisiaires  de  nos  rois. 
qui  étaient  des  évèques,  et  non  pas  des  dia- 
cres. 

XII.  Pendant  qu'il  y  eut  une  ombre  de  l'em- 
pire dans  l'Occident,  et  même  pendant  que 
Théodoric  et  les  autres  rois  golbs  dominèrent 
puissamment  dans  Rome  et  dans  l'Italie,  les 
papes  n'avaient  pas  besoin  d'un  résident  ordi- 
naire dans  Constantinople,  parce  qu'ils  avaient 
plus  à  démêler  avec  la  cour  impériale,  ou 
royale  d'Occident,  ou  d'Italie,  qu'avec  celle 
d'Orient.  Ainsi  ils  se  contentaient  d'y  envoyer 
des  ambassades  extraordinaires  dans  les  be- 
soins, ou  d'employer  l'évêque  de  Constanti- 
nople :  comme  nous  venons  de  voir  que  saint 
Léon  n'employa  Julien,  évoque  deCos,  que 
parce  qu'Anatolius,  évêque  de  Constantinople, 
négligeait  étrangement  les  intérêts  de  la  foi. 

Le  pape  Célestin  regardait  sans  doute  Maxi- 
mien, évêque  de  Constantinople.  comme  son 
agent  auprès  de  l'empereur,  et  pour  ainsi  dire, 
comme  l'apocrisiaire  de  toute  l'Eglise,  quand 
il  écrivait  à  l'empereur  Théodose  le  Jeune 
que  Maximien  avait  toujours  été  comme  un 
membre  de  l'Eglise  romaine,  et  que  le  concile 
d'Ephèse  l'ayant  élu  pour  succéder  à  Nesto- 
rius,  il  doit  l'écouter  et  l'appuyer  pour  la  dé- 
fense de  la  foi  orthodoxe. 

«  Fert  illi,  ac  si  sui  corporis  parti,  Romana 
lestimonium,  qua>  hune  semper  inter  suos 
liilmit  ac  numeravit,  Ecclesia.  Unie  tabler 
electo  ad  componendum  Ecclesia^  stalum,  et 
omne  virus  pravœ  haeresis  radicitus  evellen- 
dum,  obsecramus  et  poscimus,  ut  consuestis, 
arma  praestetis  îConcil.  Ephes.,  part,  ur,  c.  -21  .  » 
Kl  quand  il  écrit  au  peuple  de  Constantinople: 
«  Nostro  vobis  loquitur  ore  collega,  etc.  A 
mliis  datus  est,  qui  est  electus  ex  nostris 
Cap.  xxiii).  » 

XIII.  Les  démêlés  qui  survinrent  entre  les 
papes  et  les  évèques  de  Constantinople.  secta- 
teurs du  schisme  d'Acacius ,  rompirent  la 
bonne  intelligence  de  ces  deux  Eglises;  mais 
Justinien  s'élant  peu  de  temps  après  rendu 
maître  de  Rome,  et  de  la  meilleure  partie  de 
l'Italie  sur  les  C-oths.  le  pape  Agapet  com- 
mença d'établir  un  de  ses  diacres  pour  son 


300 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.—  CHAPITRE  CENT-HUITIÈME. 


apocrisiaire,  son  nonce  et  son.  résilient  ordi- 
naire à  Constantinople.  Libérât  en  fuit  foi  : 
«  His  peractis  constituons  papa  apud  impera- 
torem  apocrisiarium  Ecclesiaî  suae  Pelagium 
diaconinn  suum,  dum  in  ltaliam  reverti  dispo- 
nit,  Conslantinopoli  obiit  (Cap.  xxn).  » 

Ce  pape  étant  présent  a  Constantinople,  y 
découvrant  les  avantages  que  les  autres  pa- 
triarches orientaux  tiraient  des  apocrisiaires 
qu'ils  y  entretenaient ,  et  appréhendant  peut- 
être  les  anciennes  brouilleries  des  évèques  de 
Constantinople,  jugea  fort  sagement  qu'il  était 
plus  à  propos  d'avoir  lui-même  un  résident 
ordinaire  dans  cette  cour,  surtout  depuis  que 
les  empereurs  de  Constantinople  étaient  deve- 
nus les  maîtres  de  Rome. 

XIV.  Mais  d'où  vient  que  ce  pape  ne  laissa 
qu'un  de  ses  diacres  pour  faire  la  fonction 
d'apocrisiaire  près  de  l'empereur?  si  ce  n'est 
que  les  patriarches  d'Orient  en  usaient  de 
même,  comme  nous  venons  de  voir  par  les 
exemples  d'Anatolius,  apocrisiaire  de  Dioscore 
d'Alexandrie;  et  de  Marc,  apocrisiaire  de  Por- 
phyre de  Gaze;  outre  que  cette  légation  ou 
nonciature  étant  de  longue  durée,  il  n'était 
pas  juste  d'éloigner  si  longtemps  les  évêques 
de  leur  diocèse  ,  puisque  l'institution  des  apo- 
crisiaires avait  été  faite  au  moins  en  partie  pour 
obliger  les  évêques  aune  rigoureuse  résidence. 

XV.  On  pouvait  avoir  eu  égard  au  concile  de 
Sardique  dans  cette  institution  des  diacres 
apocrisiaires.  Car  ce  concile  avait  ordonné  aux 
évêques  qui  auraient  des  affaires  à  la  cour,  d'y 
envoyer  plutôt  un  diacre  que  d'y  aller  eux- 
mêmes.  «  Ter  proprium  diaconum  initiant , 
ministri  enim  persona  non  est  invidiosa,  et  quae 
concessa  fuerint  ,  citius  perferri  poterunt 
(Can.  vin).  » 

Cela  ne  regarde  que  les  apocrisiaires  extraor- 
dinaires, mais  les  mêmes  raisons  ont  encore 
plus  de  poids  pour  les  ordinaires.  La  personne 
et  la  résidence  d'un  diacre  est  de  moindre  dé- 
pense, et  moins  exposée  à  l'envie  et  à  la  médi- 
sance, que  celle  d'un  évèque. 

XVI.  Le  canon  suivant  du  même  concile  jus- 
tifie ce  que  nous  avons  avancé  de  l'évêque  de 
Constantinople,  qu'il  était  comme  I'apocrisiaire 
universel  de  tous  les  évêques.  Ce  canon  ordonne 
que  les  évêques  qui  auront  besoin  de  la  pro- 
tection des  empereurs,  aient  recours  par  lettres 
à  l'évêque  de  là  ville  où  est  leur  séjour  impé- 
rial :  «  Scribens  videlicet  ad  fratres  et  coepi- 
scopos  nostros,  quiscilicet  illotempore  inlocis 


vel  civitatibus  agunt,  in  quibus  piissimus  im- 
perator  reinpublicam  gubernat  (Can.  ix).  » 

XVII.  Revenons  à  Pelage  ,  que  le  pape 
Agapet  laissa  à  Constantinople  pour  son  apo- 
crisiaire. Une  souscrivit  au  concile  de  Conslan- 
tinople,  sous  Menas,  qu'après  le  même  Menas, 
patriarche  de  Constantinople  ,  et  les  autres 
évèques  italiens  avant  les  évêques  grecs.  Mais 
le  pape  Vigile,  qui  l'avait  continué  dans  la 
même  charge,  aussi  bien  que  Sylvère,  succes- 
seur immédiat  d'Agapet;  Vigile,  dis-je  ,  le  dé- 
légua pour  aller  faire  le  procès  à  Paul,  évêque 
d'Alexandrie  ,  ce  qu'il  fit  avec  les  évêques 
d'Antioche ,  de  Jérusalem ,  et  d'Ephèse ,  que 
l'empereur  avait  délégués  avec  lui  pour  cela. 
Procope,  dans  ses  anecdotes, fait  foi  de  la  délé- 
gation de  Pelage  par  Vigile  :  a  Archidiaconus 
Roms  Pelagius  ,  Vigilii  pontificis  personam 
indutus,  etc.  » 

Libérât  rapporte  la  chose  au  long  :  «  Misit 
imperatorPelagium  diaconum  et  apocrisiarium 
primai  Sedis  Romœ  Antiochiam  cum  sacris 
suis,  quibus  prœcepit,  ut  cum  Ephremio  ejus- 
dem  urbis  episcopo  ,  etc.  Venirent  Cazam,  et 
Paulo  episcopo  pallium  auferrent,  et  eum  de- 
ponerent.  Pelagius  cum  memoratis  patriarchis 
et  episcopis  venit  Gazam ,  et  auferenles  Paulo 
pallium,  deposuerunt  eum  (Cap.  xxix).  » 

C'était  Pelage  même  qui  avait  procuré  cet 
évêché  à  Paul  ;  et  avait  assisté  à  son  ordination 
avec  les  autres  apocrisiaires  des  patriarches 
orientaux  :  «  Paulus  unus  abbatum  Tabennen- 
sium  monachorum,  ad  Alexandrinam  sedem 
ordinatur  episcopus  ,  Pelagio  inlerveniente 
apocrisiario  romano,  plane  orthodoxus.  Ordi- 
natus  est  a  Mena  Conslantinopoli ,  prsesente 
eodem  Pelagio  responsario  Vigilii ,  et  apocri- 
siariisEphremii  Antiochcni,  et  Pétri  Hierosoly- 
morum  (Ibidem).  » 

XVIII.  Le  crédit  des  apocrisiaires  éclate  ad- 
mirablement dans  ces  exemples.  Aussi  Justi- 
nien  voulant  rétablir  Paul ,  Procope  dit  que 
Vigile  ne  voulut  point  révoquer  la  sentence 
qu'il  avait  prononcée  par  la  bouche  de  son 
apocrisiaire. 

La  présence  des  apocrisiaires  aux  ordinations 
des  évêques,  et  aux  autres  actions  importantes, 
en  était  comme  une  ratification  de  la  part  du 
prélat  qui  les  avait  envoyés.  Mais  les  intrigues  et 
le  crédit  de  Pelage  ne  parurent  jamais  plus  que 
dans  la  condamnation  des  dogmes  d'Origène , 
qu'il  fit  faire  à  l'empereur  Justinien,  par  un 
ressentiment  d'animosité  ,  contre  Théodore. 


DES  APOCRISIAIRES  OU  NONCES  DU  PAPE. 


.101 


évèque  de  Césarée  en  Cappadoce,  qui  en  était 
le  défenseur.  L'empereur  fut  bien  aise  qu'on 
lui  déférât  tant  d'autorité  dans  les  matières 
de  doctrine  :  «  Annuit  imperator  facilii- 
nie,  gaudens  se  de  talibus  causis  judicium 
ferre.  » 

L'évèque  de  Césarée,  par  un  motif  de  ven- 
geance ,  proposa  les  trois  fameux  chapitres 
dont  il  savait  bien  que  la  condamnation  ne 
déplairait  pas  moins  à  Pelage  et  aux  occiden- 
taux. Ils  furent  tous  deux  assez  malheureux 
pour  réussir  dans  leur  dessein  ,  et  s'attirer 
l'un  l'autre  une  condamnation  réciproque. 
«  lllud  liquere  omnibus  credo  .  per  Pelagium 
diaconum,  etTheodorumepiscopum  hocsean- 
dalum  in  Ecclesiam  fuisse  ingressum.  » 

Quoi  qu'en  dise  Libérât,  Dieu  ne  laissa  pas 
de  tirer  d'un  plus  grand  mal  un  plus  grand 
bien,  et  de  faire  servir  les  passions  des  hommes 
aux  avantages  de  son  Eglise ,  à  la  condamna- 
tion des  erreurs  et  de  leurs  auteurs ,  et  à  réta- 
blissement de  son  invincible  vérité. 

XIX.  Le  crédit  que  Pelage  s'était  acquis  dans 
sa  nonciature  de  Constantinople,  fut  le  degré 
par  lequel  il  monta  sur  le  trône  de  saint  Pierre, 
après  la  mort  de  Vigile.  11  fut  appuyé  princi- 
palement de  la  faveur  de  l'empereur  Justinien, 
qui  avait  offert  au  clergé  romain  de  faire  Pelage 
pape  dès  le  vivant  de  Vigile,  et  à  qui  le  clergé 
avait  promis  de  l'élire,  selon  ses  ordres,  dès 
que  Vigile  serait  mort. 

«  Restitue  nobis  modo  Vigilium,  et  quando 
eum  voluerit  Deus  transire  de  hoc  sa?culo,  tu  ne 
vestra  praeceptione  nobis  donetur  Pelagius 
archidiaconus  nosler.  »  C'est  ce  qu'en  dit  Anas- 
tase  Bibliothécaire,  dans  la  vie  de  Vigile. 

XX.  L'histoire  ne  nous  fournit  pas  les  apo- 
crisiaires  que  Pelage  et  ses  successeurs,  Jean  et 
Benoît,  envoyèrent  à  Constantinople;  et  nous 
ne  pouvons  pas  même  assurer  s'ils  y  en  envoyè- 
rent toujours  sans  interruption.  Pelage  11  y 
envoya  celui  dont  parle  saint  Crégoire  ,  quand 
il  «.lit  que  son  prédécesseur  avait  envoyé  un 
apocrisiaire  à  Constantinople,  selon  la  coutume, 
et  lui  avait  défendu  d'assister  a  la  messe  du 
patriarche  Jean  le  Jeûneur,  après  qu'il  eût 
usurpé  le  nom  insolent  de  patriarche  universel  : 
«Et  archidiaconum  ,  quem  juxta  inorem  ad 
vestigia  dominorum  transmiserat,  missarum 
vobiscum  solemnia  celebrare  prohibuit  (L.  iv, 
ep.  38.  36  ■  » 

Quand  il  dit  que  Pelage  11  avait  envoyé  son 
apocrisiaire,  selon  la  coutume,  juxtamorem,  il 


nous  donne  sujet  de  croire  que  ses  prédéces 
seurs  en  avaient  aussi  envoyé. 

XXL  Saint  Grégoire  fut  lui-même  envoyé 
par  le  même  Pelage,  pour  faire  cette  fonction 
à  Constantinople,  après  qu'il  l'eut  ordonné 
diacre.  Il  le  dit  lui-même:  «  Cum  me  in  Con- 
stantinopolitana  civitate  Sedis  Apostolicae  re- 
sponsa  constringerent  Epist.  ad  Leandrum.  iu 
prœf.  Moral.)  »  Et  ailleurs  :  «  Tempore  quo 
pro  explendis  responsis  Eeclesioe  ad  principeni 
ipse  transmissus  sum,  etc.  Dum  jussione  pon- 
tificis  mei  in  Constantinopolitanae  urbis  pala- 
tio,  responsis  ecclesiasticis  deservirem  (Dialog., 
1.  in,  c.  3-2,  36).  » 

Ces  termes  de  saint  Grégoire  nous  appren- 
nent :  1°  Que  le  nom  d'apocrisiaire,  qui  est 
grec,  ou  de  Responsalis,  qui  est  latin,  mar- 
que la  charge  qu'ils  avaient  de  recevoir  les 
réponses ,  c'est-à-dire ,  les  rescrits  des  souve- 
rains pontifes,  et  de  les  exécuter  :  «  Siquidem 
pro  explendis  responsis  Ecclesiœ  ad  princi- 
peni transmittebantur;  »  2"  que  lesapocrisiaires 
avaient  apparemment  un  appartement  dans  le 
palais  impérial  :  «  Dum  in  Constantinopolitanae 
urbis  palatio  deservirem.»  Cela  paraîtra  en- 
core clairement  ci-dessous. 

XXII.  Saint  Grégoire  étant  nonce  a  Constan- 
tinople, après  une  longue  dispute  contre  le 
patriarche  de  Constantinople  Eutychius,  sur 
la  résurrection  des  corps,  et  après  une  longue 
dissension,  força  enfin  ce  patriarche  de  ré- 
tracter ses  erreurs  sur  ce  point  de  la  créance 
catholique,  et  l'empereur  Tibère,  après  les 
avoir  ouïs  lui-même,  lit  brûler  le  livre  d'Eu- 
tychius. 

Jean  Diacre  L.  i,  epist.  31  a  compris  som- 
mairement le  reste  des  actes  de  la  nonciature 
dans  ce  peu  de  termes,  où  il  nous  renvoie  aux 
lettres  que  le  pape  Pelage  lui  écrivait.  «Quanta 
aulem  autoritate  ministerium  sui  apocrisia- 
riatus  impleverit,  quanta?  reverentia?  apud 
Augustos  extiterit .  quantaque  sollicitudine 
al'tlictoe  Italiae  succurri  saepius  fecerit,  si  quis 
p'enius  nosse  desiderat,  epistolas  Pelagii  ad 
eum  percurrat.  » 

Il  ne  rapporte  qu'une  de  ces  lettres,  qui 
suffit  pour  nous  persuader  qu'une  des  plus 
pressantes  obligations  que  les  papes  imposaient 
à  leurs  nonces,  était  de  procurer  du  soulage- 
ment à  la  ville  de  Rome  et  à  l'Italie ,  et  d'obte- 
nir un  puissant  secours  contre  les  Lombards. 

XXIII.  Saint  Grégoire  fut  fait  pape,  et  sa 
nonciature  ne  fut  pas  inutile  pour  faire  con- 


302 


LU'  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.   -  CHAPITRE  CENT-HUITIÈME. 


sentir  l'empereur  Maurice  à  son  élection.  Il 
envoya  son  apocrisiaire  à  Constantinople ,  et 
lui  défendit  de  célébrer  avec  le  patriarche  Jean, 
s'il  ne  renonçait  au  titre  nouveau  et  ambitieux 
A' œcuménique. 

«  Et  ante  per  alios  responsales  meos,  et  nunc 
perSabinianum  diaconum,  etc.  Eum  si  emen- 
dari  nollet,  Missarum  solemnia  cum  fraterni- 
tate  vestra  celebrare  prohibui  (L.  iv,  ep.  38).  » 

Ces  expressions  font  foi  que  ces  nonces  étant 
diacres,  assistaient  en  fonction  de  diacres  à  la 
messe  du  patriarche,  et  ainsi  ils  célébraient 
avec  lui,  si  quelque  mésintelligence  ne  le  leur 
faisait  défendre. 

Cela  est  encore  plus  clair,  quand  ce  pape  dit 
(L.  vi,  epist.  30)  que  pour  lui  il  se  faisait  as- 
sister à  sa  messe  par  le  diacre  du  patriarche 
Jean  à  Rome,  mais  qu'il  ne  souffrait  pas  que 
le  sien  assistât  ce  patriarche  à  Constantinople  : 
«  Mecum  feci  eos  sacra  missarum  solemnia 
celebrare,  quia  sicut  meus  diaconus  ad  exhi- 
benda  sanctamysteria  illi  non  débet  ministrare, 
ita,  etc.  » 

L'évêque  de  Constantinople  avait  donc  aussi 
ses  apocrisiaires  à  Rome.  Celui  de  Ravenne 
voulant  en  envoyer  un  extraordinaire  à  Cons- 
tantinople, il  demanda  a  saint  Grégoire  qu'il 
le  recommandât  au  diacre  Anatolius  ,  qui  était 
si  m  nonce  près  de  l'empereur  (L.  ix,  epist.  i  . 

XXIV.  Nous  avons  parlé  ci-devant  de  la 
commission  que  ce  pape  donna  â  son  nonce 
de  Constantinople,  de  juger  tous  les  différends 
qui  naîtront  entre  Adrien,  évêque  de  Thèbes, 
et  .han  de  Larisse,  son  métropolitain,  à  la  ju- 
ridiction duquel  il  l'avait  soustrait,  à  moins 
que  ces  différends  ne  fussent  d'une  si  extrême 
importance,  qu'il  fallût  les  rapporter  au  Saint- 
Siège  (L.  ii,  ep.  vu). 

L'empereur  avait  déjà  auparavant  délégué 
la  même  cause  entre  ces  deux  évêques,  à  Ho- 
norât, diacre  de  Rome,  et  a  Sébastien,  oflicier 
de  l'empire,  et  après  avoir  oui  leur  rapport,  il 
avait  absous  l'évêque  Adrien. 

XXV.  Phocas  étant  parvenu  à  l'empire,  et 
ayant  fait  ses  plaintes  à  saint  Grégoire,  de  ce 
qu'il  n'avait  point  trouvé  d'apôcrisiaire  de  sa 
part  dans  son  palais ,  selon  l'ancienne  cou- 
tume; ce  pape  lui  fit  entendre  que  la  dureté 
du  règne  précédent  en  avait  été  cause,  et  avail 
donné  une  si  extrême  aversion  du  séjour  de 
Constantinople,  aux  ecclésiastiques  de  Rome, 
qu'un  ne  pouvait  trouver  personne  qui  voulût 
y  aller  exercer  la  nonciature. 


«  Nain  quod  permanere  in  palatio,  juxta  an- 
tiquam  consuetudinem  Apostolieae  Sedis,  dia- 
conum vestra  serenitas  non  invenit,  non  hoc 
meœ  negligentiœ,  sed  gravissimae  necessitatis 
fuit.  Quia  dura  ministri  omnes  hujus  nostrœ 
ecclesia1  tam  contrita  asperaque  tempora  cum 
formidine  declinarent,  atque  refugerent,  nulli 
eorum  poterat  imponi,  ut  ad  urbem  regiam 
in  palatio  permansurus  accederet  (Liber  n, 
ep.  iv,  v).  » 

L'espérance  d'un  gouvernement  plus  favo- 
rable fit  résoudre  saint  Grégoire  à  envoyer  en 
même  temps  un  défenseur  qu'il  créa  diacre, 
pour  être  son  nonce  auprès  de  Phocas  :  «  Unde 
eum  autore  Deo  diaconum  feci ,  et  sub  cele- 
ritate  transmittere  studui,  qui  cuncta,  quae  in 
bis  partibus  aguntur,  invento  opportuno  tem- 
pore,  valeat  clementiœ  vestrœ  suggerere.  Pro- 
pter  quod  rogo,  ut  serenitas  vestra  ei  pias 
aures  inclinare  dignetur.  Qualiter  enim  quoti- 
dianis  gladiis,  et  Longobardorum  incursioni- 
bus,  etc.  (Raronius,  an.  603,  n.  3).  » 

XXVI.  De  ces  termes  de  saint  Grégoire  il 
est  manifeste  :  1°  que  ces  apocrisiaires  étaient 
toujours  des  diacres,  qu'on  ordonnait  exprès 
pour  cela;  2°  qu'ils  demeuraient  actuellement 
dans  le  palais  impérial  de  Constantinople  ; 
3°  que  les  mauvais  traitements  de  l'empereur 
Maurice  obligèrent  enfin  saint  Grégoire  à  n'en- 
voyer plus  de  nonces  à  sa  cour;  4°  que  si  ces 
nonciatures  étaient  utiles  au  pape,  à  l'Eglise 
romaine  et  à  l'Italie,  elles  n'étaient  pas  moins 
avantageuses  aux  empereurs,  auxquels  elles 
étaient  comme  autant  de  gages  de  l'amitié  des 
papes,  et  de  leur  soin  à  maintenir  les  intérêts 
de  l'empire  dans  l'Occident;  5°  que  la  com- 
mission de  ces  nonces  ne  leur  donnait  aucune 
juridiction  ,  si  elle  ne  leur  était  donnée  par 
une  délégation  particulière,  comme  nous  l'a- 
vons remarqué  dans  quelques  cas  singuliers. 

XXVII.  A  saint  Grégoire  succéda  Sabinien, 
qui  avait  été  son  apocrisiaire  à  Constantinople, 
et  â  Sabinien  Boniface  III,  qui  était  ce  même 
apocrisiaire  que  saint  Grégoire  avait  envoyé  à 
Phocas. 

Le  pape  Martin  I"  avait  aussi  fait  les  fonc- 
tions d'apôcrisiaire  à  Constantinople,  avant  son 
pontificat,  comme  le  remarque  Anastase  Bi- 
bliothécaire. Mais  après  les  cruautés  inouïes 
que  l'empereur  Constant,  monothélile,  exerça 
contre  ce  saint  pontife,  et  les  mauvais  traite- 
ments que  les  apocrisiaires  du  pape  Théodore 
avaient  déjà  reçus  à  Constantinople  de  la  part 


DES  AP0CR1SÏÀIRES  or  NONCES  Dr  PAPE. 


393 


des  empereurs  et  des  patriarches,  infectés  de 
la  même  erreur,  on  se  désista  d'en  envoyer 
d'autres. 

L'empereur  Constantin  Pogonat  ayant  rétabli 
la  foi  orthodoxe  dans  l'Orient,  par  le  moyen  du 
VP  concile  écuménique,  écrivit  à  Léon  II  pour 
lui  demander  le  renouvellement  de  l'ancienne 
coutume  d'envoyer  un  apocrisiaire  à  Constan- 
tinople.  Ce  pape  envoya  le  sous-diacre  Cons- 
tantin, mais  au  lieu  que  l'empereur  avait  sou- 
haité qu'on  lui  accordât  une  pleine  légation , 
avec  pouvoir  de  décider  toutes  choses  au  nom 
du  pape ,  il  ne  lui  donna  que  la  commission 
ordinaire  de  la  nonciature  qui  ne  consistait  qu'à 
faire  des  remontrances  à  l'empereur,  faire  sa- 
voir ses  réponses  au  pape,  et  attendre  de  lui  les 
résolutions  de  toutes  les  affaires. 

Voici  les  paroles  de  l'empereur  :  «  Hortamur 
vestram  sanctissimam  summitatem ,  ut  quam- 
primum  mittatdesignatumab  eaapocrisiarium 
ut  is  in  regia  nostra  urbe  degat,  et  in  emergen- 
tibus  sive  dogmaticis ,  sive  canonicis ,  ac  pror- 
sus  in  omnibus  ecclesiasticis  negotiis,  vestrœ 
sanctitatis  exprimat  ac  gerat  personam  (Conc.  vi, 
Occ,  act.  18).  » 

La  réponse  du  pape  fut  rendue  en  ces  ter- 
mes :  «  Prœsentis  suggestionis  exiguum  porti- 
torem  Constantinum  subdiaconum  qu/  et  im- 
per cum  legatis  prœdecessoris  mei  interfuit 
sanctae  synodo  inibi  celebratae  ,  dignum  exce- 
jitione  censeat  vestra  regalis  magnanimitas , 
ejusque  suggestionibus  autem  pietatis  accom- 
modet  ;  ut  autem  ministrum  dignanter  susci- 
piat.  » 

Cela  nous  marque  que  l'empereur  deman- 
dait un  légat  a  latere,  et  que  le  pape  n'envoya 
qu'un  nonce  selon  la  coutume.  Il  est  vrai  que 
Constantin  n'était  que  sous-diacre,  mais  il  avait 
assisté  au  concile  général  avec  les  autres  légats 
du  pape,  ce  qui  ne  s'accordait  ordinairement 
qu'aux  diacres  ;  et  ce  pape  même  prie  l'empe- 


reur de  le  recevoir  comme  un  diacre  :  «  Il 
ministrum,  ùîîtdxovs»,  digne  suscipiat.  » 

XXVIII.  Le  concile  in  Trullo  qui  fut  tenu 
peu  d'années  après  le  VP  concile  général, 
découvrit  les  véritables  raisons  qu'avaient  les 
empereurs  de  demander,  et  les  papes  de  refu- 
ser des  légats  en  forme  au  lieu  d'apoerisiaires. 
Les  empereurs  et  les  patriarches  de  Constanti- 
nople  avaient  souvent  corrompu  la  fidélité  des 
légats,  et  les  avaient  fait  condescendre  à  des 
résolutions  aussi  injurieuses  à  l'Eglise  que 
dommageables  à  leur  conscience. 

Il  y  avait  quelques  évêques  chargés  d'une 
qualité  superficielle  de  légats  du  Siège  Aposto- 
lique, qui  souscrivirent  aux  canons  du  concile 
in  Trullo  :  c'est  ce  qu'Anastase  Bibliothécaire 
veut  dire.  Mais,  comme  ils  n'avaient  pas  les 
pouvoirs  des  véritables  légats,  les  papes  préten- 
dirent toujours,  avec  autant  de  fermeté  que  de 
justice,  que  le  Siège  romain  n'avait  jamais  eu 
de  part  aux  canons  de  ce  concile,  et  qu'il  n'y  en 
aurait  jamais. 

Voilà  ce  qui  faisait  demander  aux  Crées  des 
légats  ordinaires  à  Constantinople,  et  ce  qui 
donnait  aux  papes  une  constance  inflexible  a 
n'en  point  donner  et  à  envoyer  de  simples  apo- 
crisiaires. 

XXIX.  La  persécution  des  empereurs  icono- 
clastes rompit  bientôt  cette  bonne  intelligence, 
et  fit  qu'on  n'envoya  plus  d'apocrisiaires,  qui 
ne  furent  rétablis  ensuite  qu'a\ee  le  rétablisse- 
ment de  l'empire  occidental,  en  la  personne  et 
en  la  maison  de  Charlemagne,  comme  nous 
dirons  dans  la  suite. 

On  vit  pourtant  encore  un  apocrisiaire  du 
pape  à  Constantinople  sous  Constantin  Copro- 
nyme,  en  743  (Baron.,  an.  7  53,  n.  30).  Mais 
lorsque  l'empire  d'Occident  fut  rétabli  dans  sa 
splendeur,  on  a  vu  les  apocrisiaires  revivre 
pendant  quelque  temps  sous  Charlemagne, 
comme  nous  le  dirons  bientôt  (1). 


1  II  est  certain  que  le  pape,  comme  chef  de  l'Eglise  et  pasteur 
universel,  a  le  droit  d'envoyer  des  délégués  dans  toutes  les  parties  du 
monde,  et  il  est  également  incontestable  que  les  souverains  et  les 
peuples  doivent  recevoir,  eu  flls  soumis  à  l'Eglise,  les  envoyés  du 
souverain  pontife.  Les  avantages  qu'ont  procurés  à  la  religion  les 
nonces  apostoliques,  soit  pour  la  propagation  de  la  saine  doctrine, 
suit  pour  le  maintien  de  la  discipline  et  de  la  paix  sont  immenses. 
"  Si  à  l'époque  de  mon  arrivée  à  Cologne,  en  1786,  dit  le  cardinal 
Pacca,  dans  ses  Mémoires  historiques  sur  ses  nonciatures,  la  religion 
catholique  était  presque  partout  dominante  dans  les  vastes  pays  du 
Rhin  ;  si  le  culte  divin  avait  été  rétabli  dans  les  lieux  d'où  l'avait 
chassé  la  prétendue  réforme  ;  si  tous  les  efforts  que  le  protestantisme 
faisait  depuis  deux  siècles  pour  s'introduire  dans  cette  cité  catholique 
avaient  été  inutiles;  s'il  y  existait  de  pieuses  ins'.itutions  et  d'utiles 
fondations  pour  former  la  jeunesse  qui  se  destinait  à  l'état  ecclésias- 
tique et  pour  convertir  les  hérétiques;  si  enfin  la  discipline  était  en- 
core en  vigueur  dans  la  plupart  des  cloitres,  et  la  science  ecclésias- 


tique possédée  par  un  bon  nombre  de  membres  du  clergé,  on  peut 
dire,  sans  exagération,  que  cet  état  prospère  était  le  résultat  tout 
spécial  des  soins  apostoliques  et  de  la  vigilance  des  nonces  ordinaires 
à  Cologne.  •  Mais  pour  obtenir  ce  résultat,  il  faudrait  que  les  nonces 
apostoliques  ne  fussent  pas  comme  aujourd'hui  les  simples  ambassa- 
deurs du  souverain  temporel  de  Rome,  mais  qu'ils  fussent  comme 
jadis  les  envoyés  du  pape,  c'est-à-dire  avec  l'exercice  de  la  juridic- 
tion ordinaire  qui  leur  compète.  Le  cardinal  Consalvi,  dans  le  tome  il 
de  ses  intéressants  Mémoires ,  raconte  les  démêlés  qu'eut,  au 
commencement  de  ce  siècle,  le  Saint-Siège  avec  les  cours  d'Autriche 
et  d'Espagne,  relativement  à  la  juridiction  des  nonces  que  les  lois 
josépbines  avaient  déjà  tant  annulée,  n  L'innovation  la  pius  étrange, 
dit-il,  en  parlant  de  Vienne,  fut  de  vouloir  empêcher  le  nonce  de 
faire  les  procédures  pour  les  évêques  nommés;  et  cependant  sous 
Joaeph,  ainsi  que  sous  Léopold,  les  nonces  avaient  toujours  exercé  ce 
droit.  La  cour  de  Vienne  eut  la  prétention  de  vouloir  que  la  procé- 
dure fut  suivie  par  les  évêques;   elle   défendit    très-séverement  au 


394 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-NEUVIÈME. 


CHAPITRE  CENT-NEUVIEME. 


DES   CHAPELAINS   ET   ARCHICHAPELAINS   EN    FRANCE   ET  A   CONSTANTINOPLE,    DEPUIS  CLOVIS 

jusqu'à  CHARLEMAGNE. 


I.  La  chapelle  de  nos  rois,  ainsi  dite  de  la  chape  ou  châsse  de 
saint  Martin  qu'on  y  gardait. 

IL  Et  plusieurs  autres  reliques,  sur  lesquelles  on  faisait  les 
serments. 

III.  On  les  gardait  dans  un  oratoire  du  palais. 

IV.  V.  S'il  est  vrai,  comme  Hincmar  veut,  que  depuis  Clovis 
nos  rois  aient  eu  des  archichapelains. 

VI.  Les  évèques  étaient  les  conseillers  du  roi. 

VIL  Le  palais  de  nos  rois  était  la  plus  sainte  et  la  plus  sa- 
vante école  du  monde,  d'où  sortait  un  grand  nombre  de  saints 
évèques. 

VIII.  Si  nos  rois  avaient  dès  lors  leurs  confesseurs. 

IX.  Des  évoques  qui  jugeaient  aux  plaids  du  palais. 

X.  De  l'abbé  de  l'oratoire  du  roi. 

XL  II  y  avait  sous  la  première  race  de  nos  rois  un  oratoire 
dans  le  palais  des  rois,  avec  son  clergé. 

XII.  Des  confesseurs  des  rois. 

XIII.  Constantin  eut  un  pavillon  consacré  à  Dieu,  et  des  évè- 
ques avec  lui  dans  les  armées. 

XIV.  Constance  avait  toujours  des  évèques  avec  lui. 

XV.  XVI.  XVIL  Preuves  un  peu  plus  fortes  que  Constantin 
avait  un  oratoire  et  un  clergé  propre  dans  son  palais  impérial. 

XVIII.  MX.  Autres  preuves  de  cela  même  tirées  de  Sozomêne 
et  d'Eusèbe. 

I.  Ce  que  nous  allons  dire  fera  voir  la  liaison 
qu'il  y  a  entre  les  chapelains  et  les  apocrisiaires. 

nonce  de  B'en  mêler  désormais.  i>  Heureusement  l'habile  cardinal 
Consalvi  démontra  que  les  informations  sur  les  évèques  désignés 
n'était  pas  un  acte  de  juridiction,  et  que  c'était  une  simple  procédure 
qui  consistait  à  recueillir  des  témoignages  sur  les  personnes  nommées 
a  répiscopat.  Il  est  en  effet  naturel  de  penser  que  le  pape,  devant 
donner  l'institution  canonique,  veuille  rassurer  sa  conscience  et  acqué- 
rir la  preuve  que  celui  qui  est  nommé  est  digne  de  l'épiscopat.  Or, 
cetie  conviction  absolue,  il  ne  peut  l'acquérir  que  par  l'intermédiaire 
de  son  homme  de  confiance,  tel  qu'est  son  ambassadeur.  La  cour  de 
Vienne  renonça  donc  à  son  exorbitance. 

En  France,  le  17e  des  articles  organiques  enlevait  au  nonce  le 
droit  d'information.  Mais  il  est  resté  inexécuté.  Les  mêmes  raisons 
qui  frappèrent  la  cour  de  Vienne  durent  frapper  celle  des  Tuileries. 
Cependant  ce  droit  d'information  est  bien  restreint,  pour  ne  pas  dire 
insuffisant.  Le  nonce  apostolique  entend  deux  témoins  amenés  par 
l'évèque  nommé,  dresse  procès-verbal  de  leur  réponse  aux  questions 
qu'il  leur  a  adressées,  et  l'expédie  à  Itome.  En  France,  et  croyons- 
nous  dans  les  autres  Etats,  attendu  que  les  gouvernements  sont  indif- 
férents à  toutes  les  religions,  le  nonce  a  de  la  peine  à  respirer  et  se 
trouve  dans  une  véritable  impasse.  En  effet,  il  ne  lui  est  pas  permis 
de  communiquer  directement  avec  les  évèques.  Il  est  obligé,  comme 
un  ambassadeur  ordinaire,  de  s'adresser  au  ministre  des  affaires  étran- 
gères, et  lui  remettre  les  communications  qui  lui  sont  envoyées  de 
Home  pour  les  évèques,  afin  qu'elles  lui  soient  transmises  par  le  gou- 
vernement. C'est  ainsi  qu'ont  été  fixées  les  relations  de  l'envoyé  du 
successeur  de  saint  Pierre  avec  ses  frères  dans  l'épiscopat  par  une 
circulaire  ministérielle  du  26  février  1824,  Mais  ce  qui  est  plus  re- 
grettable encore,  c'est  que  Portalis,  dans  son  Rapport  sur  les  Arti- 
cles organiques,  a  enlevé  au  nonce  la  connaissance  de  l'appel  dans 
les  affaires  contentîeuses  d'un  prêtre  qui  se  croit  lésé  par  son  évèque. 
n  Dans  le  cas  d'appel,  dît-il,  le  pape  est  tenu,  d'après  les  articles  45 
et  16  des  libertés  de  l'Eglise  gallicane,  de  déléguer  en  France  et  à 
des  ecclésiastiques  français  le   pouvoir  de  vider  les  causes  qui  sout 


II  faut  d'abord  remarquer  que,  ni  saint  Gré- 
goire de  Tours,  ni  les  auteurs  qui  l'ont  précédé, 
n'ont  jamais  employé  le  terme  de  chapelle  ou 
de  chapelain. 

Marculphe  est  le  premier  qui  ait  donné  le 
nom  de  chapelle  à  la  châsse  de  saint  Martin, 
qu'on  gardait  dans  le  palais  royal,  et  sur  la- 
quelle on  faisait  les  serments  solennels,  dans 
les  causes  qui  se  terminaient  par  serment, 
a  In  palatio  nostro  super  capellam  domni  Mar- 
tini, ubi  reliqua  sacramenta  percurrunt,  de- 
beant  conjurare  (L.  I,  c.  38).  »  Le  savant 
M.  Bignon  a  fort  bien  remarqué  que  les 
termes  de  Capella,  Cappa,  se  prennent  ici 
pour  Capsella,  Capsa,  d'où  est  venu  le  mot  de 
châsse.  «  Capellam  pro  capsa  dici,  in  qua  mar- 
tyrum  ossaconderentur,  vel  hic  locus  evincit.» 

Le  moine  de  saint  Gall,  qui  a  écrit  l'histoire 
de  Charlemagne,  dit  que  les  rois  de  France 
faisaient  porter  avec  eux  la  chape,  c'est-à-dire 

en  jugement.  °  Cette  exorbitance,  qui  annule  radicalement  la  juri- 
diction sur  les  personnes  ecclésiastiques  du  représentant  du  suprême 
et  infaillible  pasteur,  est  faite  pour  alarmer  la  conscience  de  tout 
prêtre  qui  tient  à  l'unité,  et  ne  laisse  que  l'oppression  en  perspec- 
tive pour  les  inférieurs,  et  l'arbitraire  pour  les  supérieurs. 

Dans  sa  réponse  aux  trois  archevêques  de  Cologne,  Trêves,  Mayence 
super  nunciaturis  apostolicis,  Pie  VI  déclare  que  le  droit  d'envoyer 
des  nonces  ordinaires  jouissant  d'une  juridiction  stable,  est  fondé  sur 
la  primauté  divine  du  Saint-Siège.  Chez  un  tel  juge,  il  y  a  des  ga- 
ranties d'indépendance. 

Aujourd'hui,  il  y  a  des  nonces  apostoliques  à  Paris,  Vienne,  Madrid, 
Lisbonne,  Munich,  Bruxelles,  Lucerne,  Rio-Janeiro-Mexico.  Turin  et 
Naples  vaquent  pour  les  raisons  que  l'on  connaît.  La  grande  révolu- 
tion française  a  supprimé  les  nonciatures  de  Cologne  et  de  Venise, 
jadis  si  importantes.  Sous  Pie  VI  il  y  eut  un  essai  de  nonciature  à 
Saint-Pétersbourg ,  et  les  prélats  Archetti  et  Litta  y  séjournèrent 
quelque  temps.  Mais  cela  dura  peu  d'années.  Au  commencement  de 
son  pontificat,  Pie  VII,  qui  était  dans  les  meilleures  relations  d'amitié 
avec  l'empereur  de  Russie,  Paul  1er,  en  profita  pour  établir  une  non- 
ciature ordinaire  à  Saint-Pétersbourg.  De  grandes  difficultés  survin- 
rent. Aussi  on  ne  put  y  envoyer  qu'un  nonce  extraordinaire  dans  la 
personne  de  l'habile  diplomate,  Mgr  Arezzo,  archevêque  de  Séleucie. 
«  Les  ennemis  de  Rome  se  remuèrent  si  activement,  dit  à  ce  sujet  Je 
cardinal  Consalvi,  qu'ils  réussirent  à  ne  le  faire  accepter  que  comme 
nonce  extraordinaire,  afin  que  la  cour  pût  renvoyer  la  nonciature 
quand  cela  lui  plairait.  »  Sous  Pie  IX,  en  1860,  l'empereur  Alexan- 
dre II  demanda  activement  l'envoi  d'un  nonce  en  Russie.  Le  pape 
nomma  à  cette  délicate  fonction  Mgr  Bérardi,  archevêque  de  Nicée. 
Mais  au  moment  qu'il  allait  partir,  la  cour  de  Russie  imposa  de  telles 
conditions  au  nonce,  et  notamment  qu'il  ne  pourrait  correspondre 
avec  les  évèques  de  Pologne  que  par  le  canal  de  la  chancellerie 
russe,  que  le  Saint-Siège  suspendit  immédiatement  le  départ  du 
nonce.  Les  choses  en  sont  restées  là.  (Dr  André. J 


DES  CHAPELAINS  ET  ARCHICHAPELA1NS. 


395 


la  châsse  de  saint  Martin,  quand  ils  faisaient  la 
guerre,  «  Quemdam  in  capellam  suamassum- 
psit,  quo  Domine  regesFrancorumproptercap- 

pam  sancti  Martini,  quam  secuni  ad  sui  tuitio- 
nem  et  hostium  oppressioaem  jugiter  ad  bella 

portabant,  sancta  sua  appellare  solebant  !..  i. 
c.  4).  » 

II.  La  chasse  de  saint  Martin  était  bien  la 
principale,  mais  elle  n'était  pas  la  seule  qui  fût 
gardée  dans  le  palais  des  rois.  Mareulphe  fait 
mention,  dans  une  autre  formule,  des  reliques 
que  le  roi  envoyait  dans  les  provinces,  afin 
qu'on  y  fît  les  serments  de  fidélité  qu'on  lui 
devait  ou  à  son  fils,  a  Per  loca  sanctorum,  vel 
pignora,  quae  illuc  pro  eodem  direximus,  de- 
beant  promittere  et  conjurare  L.  i,  c.  40  .  « 

III.  Il  est  indubitable  que  ces  reliques 
étaient  gardées  dans  une  chapelle  ou  un  ora- 
toire du  palais  des  rois,  et  qu'il  y  avait  des 
ecclésiastiques  destinés  pour  y  faire  le  service. 

Le  grand  saint  Grégoire  et  Grégoire  de  Tours 
nous  font  connaître,  par  beaucoup  d'exemples, 
qu'on  ne  laissait  jamais  les  reliques  des  Saints 
sans  leur  rendre  un  culte  ordinaire  de  reli- 
gion, et  nos  conciles  mêmes  de  France  nous 
apprenant  que  plusieurs  seigneurs  particuliers 
avaient  leurs  oratoires  domestiques,  il  est  bien 
plus  apparent  encore  que  les  rois  avaient  aussi 
les  leurs. 

IV.  Hincmar  assure  que  depuis  que  Clovis 
eut  été  baptisé ,  ce  fut  un  évêque  qui  fit  la 
fonction  d'apocrisiaire,  c'est-à-dire  d'archicha- 
pelain  dans  le  palais  des  rois.  «  Et  iu  his  Ci- 
salpinis  regionibus,  postquam  Glodovicus  prae- 
dicatione  B.  Remigii  ad  Christum  conversus 
et  ab  ipso  baptizatus  extitit.  per  successiones 
regum  sancti  episcopi  ex  suis  sedibus  et  tem- 
pore  competenti  palatium  visitantes,  vicissim 
hanc  administrationem  disposuerunt.  b 

Hincmar  semble  dire  que  les  évêques  ve- 
naient les  uns  après  les  autres  faire  la  fonction 
d'apocrisiaires,  ou  d'agents  universels  du  clergé 
de  France  dans  le  palais  de  nos  rois,  sans  qu'il 
y  en  eût  aucun  qui  fût  chargé  pour  toujours 
de  cet  office.  En  effet,  quand  Charlemagne 
voulut  en  avoir  un  qui  résidât  ordinairement 
dans  son  palais,  il  en  obtint  premièrement  la 
dispense  du  concile  des  évêques  français  et  en- 
suite du  pape. 

V.  Hincmar  pourrait  bien  avoir  jugé  des 
premiers  siècles  de  la  monarchie  française  par 
les  usages  du  sien.  Si  cela  eût  été  ancienne- 
ment observe,  Grégoire  de  Tours  n'aurait  pas 


apparemment  omis  une  pratique  d'une  si 
grande  conséquence.  Dans  le  cours  d'une  si 
longue  histoire,  il  aurait  rencontré  quelque 
action  mémorable  de  ces  évêques  attachés  au 
palais.  Cependant  il  ne  parle  nulle  part  que 
des  clercs,  des  rois  et  des  reines. 

Il  est  vrai  que  saint  Grégoire  le  Grand  écri- 
vant à  la  reine  Brunehaut,  et  lui  parlant  de 
l'évêque  d'Autun.  Syagrius,  témoigne  que  ce 
prélat  appartenait,  d'une  manière  toute  parti- 
culière, a  la  reine  (L.  vu,  c.  20,  30;  1.  vni, 
c.  29).  Aussi  ce  pape  eut  des  égards  tout  parti- 
culiers pour  lui,  il  lui  donna  rang  au-dessus 
des  autres  évêques  de  la  province,  il  lui  ac- 
corda le  pallium,  il  le  chargea  du  soin  d'as- 
sembler un  concile  national  :  «  Curam  synodi 
fralri  coepiscopoque  nostro  Syagrio,  quem  ve- 
strum  proprium  novimus.  specialiter  delegare 
curavimus  L.  vu,  ep.  exiv).  »  Mais  on  ne  peut 
rien  conclure  de  là,  si  ce  n'est  que  ce  prélat 
était  ou  le  favori,  ou  le  confident  et  le  ministre 
de  la  reine.  Il  n'y  a  rien  qui  nous  puisse 
persuader  qu'il  fût  ou  son  confesseur  ou  son 
grand  chapelain. 

VI.  Saint  Rémi  avait  conseillé  au  grand 
Clovis  de  prendre  conseil  des  prélats  et  des 
ecclésiastiques  :  «  Consiliarios  tibi  adhibere 
debes,  qui  famam  tuam  possint  ornare.  Sacer- 
dotibus  tuis  honorera  debebis  déferre,  et  ad 
eorum  consilia  semper  recurrere.  »  Mais  il  ne 
s'ensuit  pas  que  si  les  évêques  étaient  les  con- 
seillers des  rois,  qu'ils  fussent  aussi  leurs  cha- 
pelains. La  qualité  de  conseiller  leur  était 
commune  à  tous,  au  lieu  que  celle  de  grand 
chapelain  devait  être  affectée  à  un  particulier. 

Il  est  même  véritable  que  Fulrad.  qui  fut 
archichapelain  du  roi  Pépin,  fut  aussi  appelé 
son  conseiller,  tant  dans  Anastase  Bibliothé- 
caire, que  dans  les  autres  monuments  his- 
toriques du  même  temps.  Mais  il  ne  s'ensuit 
pas  non  plus,  que  si  les  archichapelains  sont 
conseillers,  les  conseillers  soient  aussi  archi- 
chapelains. 

VIL  L'ancien  et  savant  écrivain,  Ftienne , 
abbé  de  Liège,  a  certifié  dans  la  vie  de  saint 
Modoald,  évèque  de  Trêves,  que  le  palais  de 
nos  rois  était  alors,  c'est-à-dire,  sous  le  roi 
Dagobert  II,  la  plus  sainte  et  la  plus  savante 
académie  qui  fût  au  monde,  d'où  sortaient  les 
plus  saints  évêques,  d'où  l'on  tira  un  saint 
Arnould,  évêque  de  Metz,  un  saint  Cunibert, 
évèque  de  Cologne,  saint  Rémacle.  évêque  de 
Tongres  ou  de  Liège,  saint  Modoald.  évèque  de 


396 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-NEUVIÈME. 


Trêves,  et  tant  d'autres  à  qui  il  fallait  faire  une 
sainte  violence  et  pour  les  faire  entrer  dans  le 
palais  des  rois,  et  pour  les  faire  passer  de  là 
sur  les  plus  éminents  trônes  de  l'Eglise  ;  ils 
formaient  dans  le  palais  le  conseil  des  princes, 
et  ils  n'en  sortaient  que  pour  aller  eux-mêmes 
gouverner  le  royaume  de  J.-C.  Ces  saints  et 
illustres  conseillers  des  rois,  dont  on  faisait 
ensuite  des  évèques,  pourraient  bien  avoir  été 
sinon  leurs  archichapelains ,  au  moins  leurs 
chapelains. 

Les  paroles  de  cet  auteur  sont  trop  belles 
pour  n'être  pas  rapportées.  «  Considerare  mine 
libet,  quale  erat  illud  tempus,  quam  accepta- 
bile,  quam  serenum,  quando  regibus  quidem 
regnantibus,  sed  reges  cum  regno  justis  et 
timoratis  viris  regentibus,  justifia,  fides,  Veri- 
tas, modestia  caeterseque  artes  bonté,  tam  in 
bello,  quam  in  pace  custodiebantur.  Quale. 
quam  sanctum  erat  illud  palatium,  ex  quotam 
claros,  tamque  illustres  suscipiebat  Ecclesia 
sacerdotes.  Ex  quo  procedebant  sectatores,  non 
Simonis,  sed  Pétri  :  non  mercenarii,  sed  veri 
ministri  Christi  :  et  qui  curias  regum  non 
quœrerent,  sed  potius  a  regibus  qusererentur; 
non  ipsi  honores  per  ambitionem  appelèrent, 
sed  inagis  oblatos  per  humilitatem  refugerent. 
Es  quorum  numéro,  erant  enim  plurimi,  fuit 
Arnulpbus  Metensis,  Cunibertus  Coloniensis, 
Tungrensis  liemaclus,  Treverensis  noster  Mo- 
doaldus,  etc.  Isti  sunt  plane  viri  sancti,  quorum 
lide  et  sanclimonia  Ecclesia  corroborata  est, 
etc.  (Apud  Suriuni  die  12  Mail  ;  1.  n,  c.  9).  » 

Celui  qui  gouvernait  alors  le  roi  et  le 
royaume,  selon  cet  auteur,  était  Pépin  l'ancien, 
qui  avait  attiré  au  palais  tous  ces  grands  hom- 
mes, d'autant  plus  dignes  et  plus  capables  de 
cet  honneur  et  des  dignités  qui  en  sont  comme 
les  suites  naturelles,  qu'ils  en  avaient  plus 
d'aversion,  et  s'y  rendaient  avec  plus  de  répu- 
gnance, toujours  prêts  d'en  sortir  avec  joie. 

Saint  Ansbert  avait  été  aussi  nourri  dans  le 
palais  où  il  avait  été  chargé  du  petit  cachet. 
«  Gerulus  annuli  regalis,  quo  privilégia  signa- 
bantur  (Du  Chesne,  tom.  i,  p.  (i81,  683),  »  Il 
quitta  et  le  palais  et  l'emploi  qu'il  y  avait  pour 
aller  faire  profession  religieuse  dans  l'abbaye 
de  saint  Vandrille,  d'où  il  fut  porté  sur  le  trône 
archiépiscopal  de  Rouen,  avec  une  extrême 
joie  du  roi  Thierry,  qui  le  contraignit  de  se 
soumettre  a  cet  ordre  du  ciel,  l'ayant  lait  appe- 
ler au  château  de  Clichy.  prés  de  Paris,  sous 
un  autre  prétexte,  comme  s'il  eut  voulu  prendre 


conseil  de  lui  dans  les  importantes  affaires  qui 
se  traitaient  aux  états  du  royaume,  parce  qu'il 
était  son  confesseur. 

VIII.  Si  le  moine  Angrad.  qui  a  écrit  la  vie 
de  ce  saint,  et  de  qui  ceci  est  emprunté,  n'a 
point  altéré  les  histoires  du  temps  passé,  en  y 
mêlant  les  usages  du  sien,  comme  il  n'arrive 
que  trop  souvent,  c'est  une  chose  fort  mémo- 
rable que  dès  le  temps  du  roi  Thierry  Ier,  nos 
rois  eussent  leurs  confesseurs,  et  qu'ils  prissent 
ordinairement  leur  avis  dans  les  affaires  de 
conséquence. 

«  Ansbertum  ad  aulam  regiam  ire  compellunt  ; 
rex  tune  morabatur  in  villa  Clipiaco,  ubi  con- 
ventum  magnum  populorum  habens,  de  utili- 
tate  ac  tutela  regni  tractabat ,  ut  ad  ejus 
consultum  ,  veluti  agere  consueverat ,  nam 
confessor  illius  erat,  de  negotiis  regni  tra- 
ctaret.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  toutes  les  apparences 
du  monde,  qu'Ansbert  était  ecclésiastique  dans 
le  palais,  lorsqu'il  exerçait  la  charge  du  petit 
sceau,  et  surtout  pour  les  signatures  de  grâce. 
«  Ccepit  esse  aulicus  scribadoctus,  conditorque 
regalium  privilegiorum  ,  et  gerulus  annuli 
regalis  quo  eadem  privilégia  signabantur  ;  » 
d'où  il  fut  transporté  par  une  ardente  piété  dans 
le  cloître,  et  du  cloître  à  l'épiscopat. 

IX.  Je  ne  dirai  rien  des  évoques  qui  se  trou- 
vaient ans  plaids  du  palais,  soit  avec  le  roi,  soit 
avec  le  comte  du  palais,  pour  y  terminer  les 
causes  réservées  à  ce  souverain  tribunal.  C'é- 
taient apparemment  les  évèques  qui  se  trou- 
vaient à  Paris,  pour  les  affaires  particulières  de 
leurs  Eglises. 

Nous  ferons  voir  dans  la  suite  de  cet  ouvrage 
que  le  tribunal  du  comte  du  palais  était  bien 
différent  de  celui  de  l'archichapelain.  Ce  que 
le  moine  d'Angoulême  rapporte  du  grand  roi 
Clovis  serait  bien  plus  à  notre  propos,  s'il  était 
certain  que  ce  roi  eût  donné,  comme  il  le  dit , 
l'évêché  d'Angoulême  a  Aptoniusson  chapelain 
Nota  Bignon.  in  Marcul.,  1.  i,  c.  25).  » 

Si  l'auteur  de  la  vie  de  saint  Ouen  lui  a 
ilonnè  la  qualité  d'apocrisiaire,  «  Apocrisiarius 
régis  Dagoberti,  »  ce  n'est  vraisemblablement 
que  parce  qu'il  était  son  chancelier,  «  Auricu- 
larius  (Surins,  August.  die  2t).  »  Il  est  vrai 
que  comme  les  charges  de  chancelier  et  de 
notaire  n'étaient  alors  guère  exercées  que  par 
des  ecclésiastiques,  elles  pouvaient  facilement 
s'allier  avec  celle  de  chapelain.  Aussi  dans  le 
temps  de  la  seconde  race  de  nos  rois,  il  est 


DES  CHAPELAINS  ET  ARCH1CHAPELAJNS. 


397 


souvent  arrivé  que  le  même  était  archichape- 
lain  et  chancelier,  on  premier  notaire.  Et  cela 
pourrait  bien  être  émané  de  la  première  lignée. 

\.  Si  les  actes  de  la  vie  de  saint  Didier,  évêque 
de  Cahors,  sont  véritables,  le  l'ivre  et  le  prédé- 
cesseur de  ce  saint  avait  été,  avant  son  épisco- 
pat,  abbé  de  l'oratoire  royal,  au  temps  des  rois 
Clotaire  II  et  Dagobert.  «  Uustieus  abbatiam 
palatini  oratorii  gessit  (Le  Cointe,  an.  Eccles. 
Franc.,  an.  617,  n.  7).  »  Cette  qualité  fut  aussi 
en  usage  sous  la  lignée  de  Cbarlemagne  (Gall. 
Christ.,  tom.  u,  p.  100). 

On  trouve  une  concession  du  roi  Tbéodoric  III 
à  Aiglibert,  évêque  du  Mans,  où  il  est  nommé 
archevêque,  et  il  lui  est  permis  de  faire  battre 
monnaie.  Il  est  appelé  ailleurs  archichapelain 
et  prince  des  évèques  ;  enfin  il  est  dit  que  le 
pape  lui  accorda  le  pallium  (Le  Cointe,  an- 
Eccles.  Franc,  an.  083,  n.  10, 11).  S'il  était  bien 
constant  qu'il  eût  été  archichapelain  de  nos 
rois,  cela  lui  aurait  apparemment  procuré  tous 
les  autres  avantages,  et  les  titres  d'archevêque 
et  de  prince  des  évoques,  c'est-à-dire  premier 
évêque  de  la  province.  Nous  éclaircirons  tout 
cela  dans  la  suite. 

XL  II  faut  demeurer  d'accord  que  toutes  ces 
preuves  n'ont  rien  de  convaincant.  Mais  dans 
un  si  grand  éloignement  et  dans  une  si  grande 
disette  d'écrivains,  il  n'est  pas  juste  d'en  exiger 
davantage ,  pour  se  laisser  persuader  qu'il  y 
avait  déjà  une  chapelle  dans  le  palais  de  nos 
rois,  avec  un  clergé  qui  lui  était  propre  et  par- 
ticulier, dont  on  tirait  un  nombre  considérable 
de  savants  et  de  saints  évèques,  quand  l'incli- 
nation des  rois  favorisait  le  vrai  mérite  de 
la  science,  de  la  vertu  et  de  la  religion. 

XII.  Il  nous  reste  à  dire  un  mot  des  confes- 
seurs des  rois.  Il  est  fort  probable  qu'ils  en 
avaient  déjà  un,  qui  leur  était  particulièrement 
attaché.  Outre  ce  qui  en  a  été  dit,  voici  ce  que 
le  cardinal  Baronius  a  extrait  de  la  vie  de  saint 
Viron,  évêque  en  Ecosse.  Il  quitta  son  évêché, 
et  se  retira  en  France,  où  Pépin  l'ancien  l'attira 
auprès  de  sa  personne,  le  choisit  pour  son  con- 
fesseur, et  commença  dès  lors  à  lui  communi- 
quer les  plus  grandes  affaires  qu'on  mettait  en 
délibération. 

«  Dux  Pipinus  tanta?  eum  venerationi  habuit 
ut  tanquam  prœsuli  anim;e  suae,  vitœque  pa- 
trono,  propter  eximiam  sanctitatem  ,  sua  illi 
peccata  contîteri  solitus  sit;  nec  erubuerit  ad 
faciendam  confessionem  delractis  calceis,  eum 
adiré,  ejusque  oris  imperio  parère.  Sœpius  etiam 


volebal  eum  interesse  commirtibus  consulta 
tionibus  majorum   Baronius.,  an.  631,  n.  n  .  » 

Mil.  Passons  de  l'empire  fiançais  a  celui  dis 
Crées.  L'empereur  Constantin  allant  combattre 
Licinius,  mena  des  évèques  avec  lui,  et  fit 
dresser  un  oratoire  ou  un  pavillon  séparé,  où 
la  croix  de  J.-C.  était  gardée  avec  respect,  et  où 
il  allait  employer  des  armes  qu'il  croyait  bien 
plus  invincibles  que  celles  de  ses  armées. 

Voici  ce  qu'en  dit  Eusèbe  :  «  Cum  praecatio- 
nibus  se  tune  maxime  indigere  intelligeret , 
sacerdotes  Dei  secum  duxit  ;  eos  velut  optimos 
aniline  custodes  adesse  coram  et  secum  versari 
debere  existimans,  etc.  Etcrucis  quidem  taber- 
îiaculum  li\it  extra  castra,  ubi  pure  et  caste 
degens,  preces  ad  Deum  fundebat;  exemplo 
veteris  illius  prophétie ,  quem  tabernaculum 
extra  castra  constituisse,  divina  testantur  ora- 
cula  (De  vita  Constant.,  1.  n,  c.  -i,  12).  » 

C'est  de  laque  sortait  cet  empereur,  pour 
fondre  sur  ses  ennemis,  avec  une  assurance 
certaine  de  la  victoire  :  «  Exinde  velut  divino 
actus  impulsu,  prosilire  extabernaculosolebat, 
et  signo  dato ,  etc.  »  Eusèbe  remarque  cela 
encore  plus  expressément  au  temps  de  la  guerre 
des  Perses  :  «  Tabernaculum  in  speciem  eccle- 
siœ  ambitioso  eultu  ad  bujus  belli  usum  prae- 
paravit  ,  in  quo  prœces  ad  Deum  Victoria' 
autorein  una  cum  episcopis  fundere  decre- 
verat.  » 

Socrate  en  dit  autant  (L.  iv ,  c.  56  ;  Socrat. , 
1.  i,  c.  14).  Si  ce  prince  avait  un  oratoire,  des 
évèques  et  des  ecclésiastiques  dans  son  camp, 
comment  n'en  aurait-il  point  eu  dans  son  palais  ? 
Cette  conjecture  a  quelque  apparence  de  proba- 
bilité, mais  elle  est  très-incertaine.  La  nécessité 
était  toute  évidente  dans  le  camp,  et  elle  ne  pa- 
raît pas  de  même  dans  le  palais,  surtout  en  un 
temps  et  en  un  siècle  où  à  peine  les  moines  et 
les  religieuses  avaient  des  oratoires  domesti- 
ques. Si  Constantin  ne  fut  baptisé  qu'aux  der- 
niers moments  de  sa  vie,  et  si  par  conséquent  il 
n'assistait  pas  au  saint  sacrifice,  bien  loin  d'y 
participer,  quelle  apparence  y  a-t-il  qu'il  eût 
un  oratoire  et  un  clergé  dans  son  palais?  Il 
faut  dire  la  même  chose  des  empereurs  du 
même  siècle,  qui  affectèrent  de  ne  se  faire 
baptiser  qu'à  l'extrémité  de  leur  vie. 

XIV.  Constance,  néanmoins,  n'était  jamais 
sans  évèques,  et  saint  Athanase  remarque  qu'il 
n'avait  jamais  parlé  à  l'empereur  Constance, 
seul  à  seul,  mais  que  l'évêque  du  lieu  avait 
toujours  été  présent  :   «  Neque  ille  niecum 


398 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-NEUVIÈME. 


solus  unquam  verba  miscuit,  sed  semper  cum 
episcopo  ejus  loci,  ubi  agebat  (Apolog.  i).  » 

Quelques-uns  ont  inféré  de  là  que  l'évéque 
du  lieu  était  l'évéque  de  la  cour,  et  comme 
l'archichapelain  des  empereurs.  Mais  nous 
avons  fait  voir,  en  parlant  des  apocrisiaires  à 
Constantinople,  que  l'évéque  de  Constantinople 
faisait  cette  fonction  de  terminer  les  causes 
ecclésiastiques  du  palais ,  et  d'introduire  les 
évoques  auprès  des  empereurs. 

XV.  On  peut  nous  opposer  ce  qui  est  rapporté 
par  Eusebe,  que  Constantin  avait  fait  mettre 
une  image  de  la  croix  dans  une  des  plus 
magnifiques  chambres  de  son  palais,  et  qu'il 
attendait  de  ce  signe  salutaire  une  invincible 
protection  pour  sa  personne  et  pour  son  empire. 

«  Tantus  divini  numinis  amor  imperatoris 
animam  occupaverat,  ut  in  totius  palatii  emi- 
nentissimo  cubiculo.  in  maxima  tabula,  quœ 
in  medio  lacunaris  inaurati  expansa  est,  signum 
Dominiez  Passionis  ex  auro,  pretiosisque  lapi- 
dibus  elaboratum  infixerit.  Atque  hoc  tanquam 
praesidium  ac  tutelam  imperii  piissimus  prin- 
ceps  statuisse  mibi  videtur  (De  vita  Constant.; 
1.  ni,  c.  49).  » 

C'était  une  riche  représentation  de  la  croix, 
et  la  chambre  où  elle  était  pourra  passer  pour 
un  oratoire  dans  le  palais;  mais  Eusèbe  ne 
parle  ni  d'autel,  ni  de  prêtres,  ni  d'évèques,  ni 
de  cierge. 

XVI.  Il  est  vrai  que  dans  un  autre  endroit  il 
dit  (pie  l'empereur  avait  fait  comme  une  église 
dans  son  palais,  où  il  lisait  et  expliquait  lui- 
même  les  Ecritures,  et  où  il  faisait  des  prières 
publiques  avec  ses  courtisans.  «  In  palatio 
quamdam  velut  ecclesiam  Dei  constituit,  etc. 
Praeibat  cunctis  qui  in  ecclesiam  illam  erant 
ascripti,  et  sacros  codices  in  manus  simiens, 
oracula  a  Deo  édita  altento  animo  meditabatur; 
post  haïe  solemnes  preces  cum  aulicorum  cœtu 
recitabat  (L.  iv,  c.  17).  » 

11  ajoute  que  Constantin  avait  donné  l'inten- 
dance spirituelle  de  sa  maison  à  des  diacres  et 
à  des  sous-diacres  de  grande  vertu.  «  Diaconos 
et  lleo  consecratos  ministros,  qui  vitœ  gravi- 
tate  et  reliquis  virtutibus  ornati  essent,  totius 
domus  custodes  ordinavit.  » 

Il  faut  avouer  que  tous  ces  passages,  bien 
confrontés  les  uns  aux  autres,  semblent  nous 
arracher  cet  aveu  qu'il  y  avait  un  oratoire  dans 
le  palais  impérial  de  Constantinople,  des  le 
règne  de  Constantin,  quoiqu'on  n'y  célébrât 
point  les  saints  mystères. 


XVII.  C'est  peut-être  encore  dans  cet  oratoire 
domestique  du  palais,  qu'Eusèbe  fit  lui-même 
ces  belles  et  savantes  prédications  que  Cons- 
tantin voulut  entendre  debout  avec  le  reste  de 
l'auditoire,  sans  vouloir  jamais  s'asseoir,  par 
un  sentiment  religieux  d'un  très-profond  res- 
pect pour  la  parole  de  Dieu  (L.  iv,  c.  33). 

C'était  certainement  dans  cet  oratoire  que 
l'empereur  Théodose  le  Jeune  chantait  les 
heures  canoniales  avec  les  princesses  ses  sœurs, 
ayant  fait  de  son  palais  impérial  comme  un 
monastère,  et  comme  un  sanctuaire  de  piété. 
«  Ejus  regia  non  dissimilis  fuit  monasterio. 
Nam  primo  diluculo  ille  ipse  cum  sororibus 
suis  hymnos  alternatim  recitavit.  Quin  etiam 
sacras  litteras  memoriter  recitavit,  »  dit  Socrate 
(L.  vu,  ep.  22). 

XVIII.  Sozomène  assure  que  ce  pieux  empe- 
reur dressa  un  oratoire  dans  son  palais,  et  qu'il 
lit  toujours  porter  un  pavillon  qui  ressemblait 
à  une  église  dans  ses  armées,  où  il  faisait  célé- 
brer les  divins  mystères  par  les  prêtres  et  les 
diacres  qui  le  suivaient.  Ce  qui  fut  imité  par 
les  régiments  des  armées,  qui  eurent  depuis 
un  pavillon  consacré  à  la  prière,  et  des  prêtres 
et  des  diacres  pour  y  célébrer. 

«  In  palatio  extruxit  oratorium.  Et  taberna- 
culum  ecclesia.1  figuram  exprimens,  cum  con- 
tra hostes  prœlio  contenderet,  secum  circum- 
ferre  consuevit,  ad  eum  finem,  ut  neque  sibi 
in  solitudine  vitam  agenti,  neque  exercitui 
deesset  aedes  sacra,  in  quo  quidem  deberent 
Deum  laudibus  efferre  et  sacra  mysteria  perci- 
pere.  Nam  sacerdotes  et  diaconi,  qui  secundum 
Ecclesia1  institutum  ista  mimera  obirent  taber- 
naculum  assidue  secuti  sunt.  Ex  eo  tempore 
militares  romanorum  ordines  ,  singuli  sibi 
fabernaeulum  separatum  construxerunt ,  ba- 
hueruntque  secum  sacerdotes  et  diaconos,  ad 
rein  divinam  faciendam  designatos  (L.  i,  c.  8).» 

Rien  n'est  plus  précis  que  ce  passage  de  So- 
zomène, mais  n'a-t-il  rien  ajouté  de  son  chef 
aux  actions  de  piété  de  Constantin?  N'aurait-il 
point  attribué  a  ce  grand  empereur  des  faits 
par  lesquels  ses  successeurs  ont  enchéri  sur  sa 
piété?  II  est  assez  ordinaire  aux  écrivains  de 
donner  aux  premiers  auteurs  de  quelque  action 
mémorable,  toutes  les  circonstances  et  même 
les  augmentations  qui  ont  été  faites  par  ceux 
qui  ont  suivi  leur  exemple.  Il  faut  donc  de- 
meurer d'accord,  que  cet  usage  dont  parle 
Sozomène,  était  pratiqué  au  temps  qu'il  vivait; 
mais  on  le  peut  soupçonner  d'avoir  un  peu 


DES  ARCH1CHAPELA1NS  OU  GRANDS  CHAPELAINS. 


399 


ajusté  les  coutumes  du  siècle  précédent  à  celles 
de  son  temps. 

XIX.  Eusèbe  ajoute  à  cela  que  les  enfants  du 
grand  Constantin  obéirent  fort  religieusement 
aux  dernières  instructions  de  l'empereur,  leur 
père,  par  une  application  toute  entière  à  la 
piété,  et  en  faisant  garder  dans  le  palais  les 
mêmes  exercices  de  la  religion  qu'on  pratique 


dans  les  églises.  «  Hi  pat  ris  exhortationes  longe 
superabant,  meules  semperad  pietatem  inten- 
tas babentes,  et  Ecelesiœ  ritus  in  ipso  palatio 
cum  suis  omnibus  observantes. »PalIadenomme 
un  prêtre,  qu'il  appelle  prêtre  du  palais,  entre 
les  ecclésiastiques  qui  eurent  part  à  la  persécu- 
tion de  saint  Cbrysostome. 


CHAPITRE  CENT-DIXIEME. 


DES  ARCHICHAPELAINS   OL'    GRANDS   CHAPELAINS   SOIS   L  EMPIRE   DE   CBARLEMAGNE. 


I.  Les  archichapelains  furent  d'abord  des  prêtres  et  desahbés. 

II.  Ce  furent  après  des  évèques. 

III.  11  fallut  pour  cela  une  dispense  du  pape  et  des  conciles 
de  France. 

IV.  On  les  nomma  archiprètres  de  France,  ou  archevêques  du 
sacré  palais.  Pourquoi. 

V.  Ils  furent  quelquefois  en  même  temps  apocrisiaires  du 
Saint-Siège. 

VI.  La  grande  autorité  des  archichapelains,  et  les  éloges  qu'on 
leur  donnait. 

VIL  Ce  ne  furent  pas  seulement  les  rois  de  France  qui  eurent 
des  archichapelains. 

VIII.  Ils  avaient  le  premier  rang  d'honneur  et  de  puissance 
après  les  rois  et  les  princes  de  la  maison  royale. 

IX.  Hincmar  croit  que  cette  charge  commença  dans  le  palais 
du  grand  Constantin.  Preuves  du  contraire. 

X.  Autres  preuves. 

XI.  Cette  dignité  commença  avec  la  maison  et  le  règne  de 
Pépin  et  de  Charlemagne, 

XII.  Si  cette  charge  fut  occupée  par  des  diacres. 

XIII.  Pouvoirs  des  archichapelains. 

I.  Fulrad,  abbé  de  Saint-Denis,  semble  avoir 
le  premier  possédé  la  qualité  d'archichapelain 
des  rois  de  France.  Nous  avons  rapporté  ci-de- 
vant les  endroits  où  il  est  nommé  conseiller  du 
roi  Pépin. 

Le  pape  Adrien  Ier,  lui  donna  le  titre  d'arcbi- 
prêtre  de  France,  et  ce  fut  sur  son  témoignage 
et  à  la  prière  de  Cbarlemagne  qu'il  envoya  le 
pallium  à  Tilpin ,  archevêque  de  Reims.  «Ad 
petitionem  gloriosi  régis  Caroli,  prabente  tibi 
bonum  testimonium  de  sanctitate  et  doctrina, 
Fulrado  amabilissimo  abbate,  Francise  archi- 
presbytero,  pallium  secundum  consuetudinem 
tibi  transmisisse  nos  memoramus,  etc.  (Flo- 
doard.,  1.  u,  c.  17).  » 


Le  roi  Pépin  avait  obtenu  auparavant  du 
pape  Paul  la  permission  de  retenir  dans  son 
palais  l'évèque  George  et  le  prêtre  Pierre  :  mais 
ce  pape  lui  avait  demandé  en  même  temps, 
comment  sa  majesté  désirait  qu'on  disposât  de 
leurs  Eglises  en  les  en  retirant. 

Voici  les  paroles  de  la  lettre  du  pape  :  a  Pra- 
celsa  Christianitas  vestra  petiit  a  nobis  Geor- 
gium  episcopum  et  Petrum  presbyterum  in 
vestro  permanere  servitio  nos  debere  conce- 
dere.  Et  quidem  pracellentissima  vestra  beni- 
gnitas  agnoscat  nos  jamdudum  de  boc  vestra 
obtempérasse  voluntati.  Pro  quodirigile  nobis 
quid  de  episcopatu  pnedicti  Georgii,  et  de  Ec- 
clesia,  qua»  pranominato  Petro  commissa  est, 
peragere  debeamus  ;  ne  amplius  illis  amotis  in 
nimiam  neglectus  incuriam  deveniant  (Codicis 
Carolini,  epist.  xxvi).  » 

IL  Cbarlemagne  prit  depuis  Angilram ,  évê- 
que  de  Metz,  auquel  il  fit  encore  succéder  dans 
cette  cbarge  si  importante  Hildebold  ,  évèque 
de  Cologne,  après  en  avoir  obtenu  la  dispense 
du  pape  Adrien  I"  et  des  évêques  de  son 
royaume. 

Le  concile  de  Francfort  de  l'an  794  jugea 
cette  dispense  très-canonique,  puisqu'elle  était 
fondée  sur  les  avantages  très -considérables 
que  toute  l'Eglise  retirait  de  la  résidence  con- 
tinuelle de  cet  évêque  dans  le  palais  du  prince. 
«  Dixit  Dominus  rex  in  eadem  synodo,  se  a 
Sede  Apostolica,  id  est,  ab  Adriano  Pontifice 


il  III 


DF  SECOND  ORDKE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIXIÈME. 


licentiam  habuisse,  ut  Angilramnum  arehiepi- 
scopum  in  suo  palatio  assidue  haberet,  propter 
ulilitates  ecclesiasticas.  Deprecatus  esteamdem 

synodum,  ut  co  modo  sicut  Angilramnum  ha- 
buerat,  ita  etiam  Hildeboldum  episcopum  ha- 
bere  debuisset;  quia  et  de  eodem  ,  sicut  de 
Angilramno  ,  apostolicam  licentiam  habeat. 
Omnis  synodus  consentit  et  placuit  eis,  eum 
in  palatio  esse  debere,  propter  utilitates  eccle- 
siasticas (Can.  lv).  » 

III.  11  fallait  une  double  dispense  pour  relâ- 
cber  l'obligation  d'un  évèque  à  résider  dans 
son  diocèse,  et  pour  lui  permettre  de  résider 
dans  le  palais  du  prince.  2°  Le  roi  ne  se  con- 
tenta pas  de  l'avoir  obtenue  du  pape,  il  la  lit 
encore  confirmer  par  le  concile  national  de 
son  royaume.  3°  Elle  ne  fut  accordée,  qu'en 
vue  des  avantages  que  l'Eglise  en  retirerait. 
•4°  Le  titre  de  cette  dignité  n'était  pas  encore 
certain  ,  parce  qu'elle  était  nouvelle.  Fulrad 
avait  été  appelé  Archiprêtre  de  France.  An- 
gilram  fut  nommé  Archevêque  dans  le  canon 
de  Francfort,  et  comme  la  ville  de  Metz  n'était 
qu'un  évèclié ,  quelques-uns  ont  cru  que  la 
seule  considération  de  cette  baute  dignité  dans 
le  palais  lui  avait  donné  le  nom  d'arche- 
vêque. 

Mais  Codegrang  ,  son  prédécesseur,  ayant 
aussi  porté  la  qualité  d'arcbevèque  de  Metz , 
quoiqu'il  n'ait  jamais  été  archicbapelain  ,  et  la 
même  qualité  d'arcbevèque  ayant  été  donnée 
selon  quelques-uns  à  l 'rbicius  même,  qui  était 
évèque  de  Metz,  avant  que  les  Français  eussent 
conquis  ce  pays,  il  est  visible  qu'Angilram  a 
été  nommé  archevêque ,  parce  qu'il  était  ar- 
chevêque, et  non  parce  qu'il  était  archicbape- 
lain (Alcuini  Epist.  lviii).  Codegrang  était 
proche  parent  du  roi  Pépin.  Angilram  était 
entré  fort  avant  dans  les  bonnes  grâces  de 
Charlemagne.  Ce  fut  ce  qui  leur  fit  donner  la 
qualité  d'archevêque  de  Metz. 

IV.  Ilihlebold.  qui  succéda  dans  la  charge 
d'archiçhapelain  à  Angilram  ,  quoiqu'il  soit 
simplement  nommé  évèque  dans  une  lettre  de 
Charlemagne,  et  dans  le  canon  de  Francfort, 
est  néanmoins  appelé  archevêque  et  chapelain 
dans  la  vie  de  Léon  111,  par  Anastase  Biblio- 
thécaire, lorsqu'il  dit  que  Charlemagne  l'en- 
voya au-devant  de  Léon  qui  venait  en  France  : 
«  Misit  in  obviani  ejus  Hildeboldum  archiepi- 
scopuin  et  capellanum,  et  Aschericum  comi- 
tem.  »  La  qualité  d'archevêque  lui  est  donnée, 
parce  qu'il  était  effectivement  archevêque  de 


Cologne  ;  quoiqu'en  joignant  ce  titre  avec  celui 
d'archiçhapelain,  on  le  nommât  quelquefois  ar- 
chevêque du  sacré  palais. 

En  etfet,  dans  le  concile  de  Mayence  de  813, 
le  même  Hildebold  fut  nommé  archevêque  du 
sacré  palais,  et  il  fut  nommé  avant  les  autres 
archevêques  dans  la  préface.  «  Hildeboldus  sa- 
cri  palatii  archiepiscopus  ,  Richolfus  et  Arno 
arehiepiscopi.  »  Comme  le  prêtre  Fulrad  avait 
été  nommé  Archiprêtre  de  France,  à  cause  de 
la  charge  d'archiçhapelain  :  ainsi  à  cause  de  la 
même  charge,  l'archevêque  de  Cologne  fut 
nommé  Archevêque  du  sacré  palais.  Hais  enfin 
on  revint  au  titre  le  plus  naturel  ,  qui  était 
celui  d'Ârchichapelain. 

On  le  trouve  dans  Adémar,  lorsqu'il  décrit 
l'arrivée  du  pape  Etienne  IV  en  France,  en  816, 
au-devant  duquel  Louis  le  Débonnaire  envoya 
le  même  Hildebold ,  «  Hildeboldum  archica- 
pellanum  sacri  palatii,  »  et  quelques  autres 
évêques. 

La  lettre  du  concile  de  Crecy  à  Louis,  roi  de 
Germanie ,  donna  en  858,  à  l'abbé  Fulrad,  le 
titre  de  grand  chapelain,  «  Summum  capel- 
lanum régis  Pipini.  » 

Le  même  titre  est  donné  par  Hincmar  à 
Cunthaire,  archevêque  de  Cologne,  et  grand 
Chapelain  du  roi  Lothaire  (  Concil.  Gall.  , 
tom.  m,  p.  157,  159.) 

Un  concile  d'Aix-la-Chapelle  de  l'an  8iii  , 
l'appelle  archicbapelain  du  sacré  palais.  «Cun- 
tharius  Agrippinensis  archiepiscopus  et  sacri 
palatii  archicapellanus  (Spicilegii  tom.  xu  , 
p.  122,  123,  126).  » 

Dans  les  rescrits  de  Charles,  le  plus  jeune 
tils  de  l'empereur  Lothaire,  en  801  et  862,  il 
parait  que  Rémi,  archevêque  de  Lyon,  était  son 
giand  chapelain.  «  ftemigius  Lugdunensis  Ec- 
clesiaj  antistes  ,  nostrique  palatii  capellanus 
sunimus  Tbidem,  p.  243).  » 

V.  La  lettre  du  roi  Charles  le  Chauve  au 
pape  Nicolas  découvre  un  point  fort  remar- 
quable, savoir,  que  l'évèque  de  Metz  Angilram 
avait  été  en  même  temps  archicbapelain  de 
Charlemagne ,  et  apocrisiaire  du  Siège  Aposto- 
lique en  France,  par  une  grâce  singulière  que 
Charlemagne  avait  obtenue  du  pape. 

Louis  le  Débonnaire  avait  obtenu  le  même 
avantage,  et  avait  fait  tomber  les  deux  mêmes 
dignités  à  Drogon,  fils  de  Charlemagne,  arche- 
vêque de  Metz.  «  Quae  sedes  Metensis  postula- 
tioue  avi  nostri  divae  niemoriœ  Caroli  iinpera- 
toris  honorari  ab  Apostolica  Sede  nierait,  et 


DES  AKCHICHAPELAINS  01'  CRANDS  CHAPELAINS. 


loi 


Engilramnus  praedecessor  istius,  summus  ca- 
pellanus  ejus  et  apocrisiarius  Apostolicœ  Sedis 
in  istis  regionibus  aliquandiu  fieret.  Et  postea 
deprecatione  sanctœ  recordationis  Pii  Augusti 
domni  et  Genitoris  nostri,  excellent]  genio  a 
Sede  Apostolica  in  prœfato  patruo  nostro  Dro- 
gone  venerando  episcopo  fuerat  honorata,  nt 
nna  cum  prœdicto  ministerio  et  imperatoris  et 
ApostolicœSedis,  etiam  usu  pallii  potiretur. 

Ces  deux  prélats  furent  donc  en  même 
temps  .  et  archichapelains  des  empereurs  , 
et  apocrisiaires  ou  légats  du  Saint-Siège  en 
France. 

VI.  Les  anciennes  chroniques  ne  donnent 
que  le  nom  de  chapelain  du  roi  à  Fulrad  et  à 
quelques  autres,  mais  les  suivantes  donnent 
celui  d'archichapelain  du  sacré  palais  à  l'abbé 
de  Saint-Denis  Hilduin.  à  Drogon,  évêque  de 
Metz,  et  aux  autres  qui  possédèrent  la  même 
charge  (Du  Chesne,  tom.  i,  p.  -23,  -28,  70,  281, 
349,  364  . 

La  qualité  d'archi prêtre  ne  convenait  pas 
aux  évèques,  celle  d'archevêque  convenait  en- 
core moins  aux  abbés  qui  étaient  pourvus  de 
cet  office,  et  ne  pouvait  même  convenir  à  tous 
les  évèques.  Celle  d'archichapelain  fut  estimée 
la  plus  convenable  aux  uns  et  aux  autres.  Mais 
lors  même  que  les  abbés  étaient  chargés  de 
cet  office,  l'élévation  de  leur  dignité  et  leur 
crédit  auprès  du  prince  leur  faisait  bien  don- 
ner d'autres  éloges  par  les  évèques  mêmes  qui 
recouraient  à  leur  protection. 

Frotharius,  évêque  de  Toul,  donnait  à  Hil- 
duin, abbé  de  Saint-Denis,  la  qualité  de  père 
et  de  maître ,  patri  et  magislro,  en  le  priant 
de  le  faire  décharger  de  quelque  service  que 
le  roi  exigeait  de  lui  dans  les  bâtiments  de  son 
palais  royal  :  et  protestant  qu  a  moins  de  cela 
il  viendrait  lui-même  conjurer  le  prince  de 
souffrir  qu'il  se  démît  de  son  évèché,  qu'il  ne 
croyait  pas  pouvoir  retenir  s'il  n'y  résidait. 
«  Hœc  perpendere  dignemini,  et  a  prœdicto 
servitio  nos  iiberare  ne  pigeatis.  Alioquin  per 
meipsum  ad  prœsentiam  Domini  imperatoris 
et  vestram  prœsentiam  suppliciter  obsecrabo, 
ut  hoc  onus  cime  pastoralis  a  me  submoveatis 
(Ibid..  p.  71-2,  7l(i.  718).  » 

Le  chapitre  de  Sens  écrivit  au  même  abbé 
Hilduin,  avec  ce  titre  :  «  Vere  sanetissimo,  sa- 
cris  negotiis  a  Deo  prœlato,  »  pour  le  conjurer 
de  faire  confirmer  la  seconde  élection  qu'ils 
avaient  faite  d'un  évêque,  puisque  c'était  aussi 
par  son  entremise  qu'ils  avaient  obtenu   le 

Th.  —  Tom.  II. 


pouvoir  delà  faire,  après  «pie  l'empereur  eut 
cassé  leur  première  élection.  «  Alteram  nobis 
electionem  impetrare  ac  concedere  studui- 
stis,  etc.  Persona  quam  dicimus  sufficere  ad 
hoc  onus  ferendum,  dignationisvestrœjudicio, 
aut  sus(  ipiatur,  aut  reprobetur.  o  Ils  écrivirent 
sur  le  même  sujet  à  Eginhard,  qui  est  aussi  ap- 
pelé archichapelain  dans  la  chronique  de  Lau- 
resham,  aEinhardus  archicapellanus  et  nota- 
rius  imperatoris  Caroli  (Du  Chesne,  tom.  in, 
p.  196,  399).  » 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Anscharius, 
montre  l'estime  et  la  vénération  qu'on  axait 
pour  cet  office,  en  parlant  de  Drogon,  «  Summœ 
sanctœque  palatinœ  dignitatis  archicapellanus.  » 
D'où  l'on  peut  conclure  que  c'était  la  première 
de  toutes  les  charges  et  de  tontes  les  dignités 
du  palais.  C'est  peut-être  encore  pour  cela 
qu'Angilbert  est  appelé  par  Alcuin,  «  Primice- 
rius  palatii  Pipini  régis,  »  et  Angilram,  évêque 
de  Melz,  «  archiepiscopus  et  sacrac  capelhe  pri- 
micerius  (Alcuini  ep.  xlii,  lxxix).  b 

Loup,  abbé  de  Ferrières,  fait  encore  voir  la 
prééminence  de  cette  dignité  par-dessus  toutes 
les  autres,  par  les  titres  qu'il  donne  à  l'abbé 
Hilduin.  «  NobilitatiSj  dignitatis  et  moderalio- 
nis  apice  conspicuo  Hilduino,  ecclesiasticorum 
magistro  (Lupus,  epist.  cxx,  xcvii).  »  Quanta 
l'autre  lettre,  où  il  l'entretient  de  l'incertitude 
du  temps  qu'il  jouira  de  cette  suprême  puis- 
sance, elle  ne  regarde  que  la  mort,  qui  est  la 
fin  certaine  de  toutes  les  grandeurs  de  la 
terre,  et  dont  l'heure  est  toujours  incertaine. 

On  n'a  d'ailleurs  guère  d'exemples  que  le 
prince  destituât  ceux  qu'il  avait  honorés  de 
de  cet  office.  Les  conciles  mêmes  recherchaient 
l'appui  et  le  secours  de  l'archichapelain,  comme 
il  parait  par  la  lettre  du  concile  de  Crécv,  au 
même  abbé  Hilduin,  où  Hincmar  et  les  autres 
évèques  le  prient  de  consentir  à  l'élection 
qu'ils  avaient  faite  d'un  de  ses  disciples  pour 
évêque  de  Langres,  et  d'y  faire  consentir  le  roi 
«  Ohsecrantes  hujus  in  hoc  Hilduini  consen- 
sum,  et  deprecationem  ipsius  pro  eo  ad  regem 
Flodoard.,  1.  m.  c.  24).  » 

Agobard,  archevêque  de  Lyon,  écrivant  à 
Hilduin,  prélat  du  sacre  palais,  a  Sacri  palatii 
antistiti ,  »  et  a  Vala.  abbé  de  Corbie,  qui  rési- 
dait aussi  quelquefois  avec  lui,  qui  était  tou- 
jours résident  dans  le  palais  de  l'empereur 
Louis  le  Débonnaire,  assure  qu'ils  étaient  eux 
deux  les  aides,  les  conseillers  et  les  ministres 
de  cet  empereur  pour  les  a'uvres  de  piété. 

26 


402 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIXIÈME. 


«  Absque  ambiguo  vos  novi  prœcipuos ,  ac 
pêne  solos  in  via  Dei  esse  adjutores  christia- 
nissiini  imperatoris;  ac  propterea  in  palaiio 
esse  unum  semper,  et  alterum  fréquenter,  ut 
in  operibus  pietatis,  quœ  absque  omni  errore 
quœrenda,  invenienda,  tenenda  sunt,  vos  illi 
prudentissimis  vestris  suggestionibus  sitis  ex- 
hortatores,  et  ut  dixi,  adjutores.  » 

Cela  marque  que  ces  deux  abbés  étaient  dans 
le  conseil  de  conscience  et  dans  le  ministère 
pour  toutes  les  affaires  ecclésiastiques.  Aussi, 
Agobard  s'adresse  à  eux,  afin  qu'ils  fassent  ré- 
voquer un  édit  trop  favorable  aux  Juifs,  qu'on 
avait  surpris  à  cet  empereur. 

VII.  Ce  ne  furent  pas  seulement  les  rois  de 
France  qui  eurent  leurs  arcbichapelains,  mais 
aussi  tous  les  autres  rois  ou  empereurs  de  la 
maison  de  Cliarlemagne.  Nous  avons  déjà  vu 
un  archevêque  qui  était  aussi  arcbicbapelain 
de  Lothaire,  roi  de  Lorraine.  Dans  les  conciles 
de  Rome,  en  853,  et  de  Pavie,  en  835,  sous 
Léon  IV,  il  est  fait  mention  de  Joseph,  arcbi- 
cbapelain de  Louis,  empereur,  petit-fils  du 
Débonnaire. 

Hincmar  ,  arcbevèque  de  Reims  ,  faisant 
diverses  remontrances  à  Louis,  roi  de  Germa- 
nie, et  lui  donnant  toutes  les  instructions  né- 
cessaires pour  saintement  régner,  n'omit  pas 
celle-ci  :  d'avoir  dans  son  palais  un  prélat  sur 
lequel  il  se  reposât  du  soin  des  affaires  ecclé- 
siastiques, en  la  même  manière  qu'il  se  déchar- 
geait des  affaires  civiles  sur  le  compte  du  palais. 
«  Ut  si  episcopus  pro  quacumque  necessitale 
ecclesiastica,  ad  vos  direxerit,  ad  quem  suus 
inissus  veniat,  per  quem  quœ  ralionabiliter 
petierit,  obtineat,  in  palaiio  vestro,  sicut  cornes 
palatii  est  in  causis  reipublicae,  ministerio 
congruum  constitutum  habete  (Hincmar.,  tom. 
il.  p.  131).  » 

Ainsi ,  L'archichapelain  était  alors  comme 
l'agent  de  tous  les  évèques  du  royaume  auprès 
de  la  personne  du  prince.  Et  c'est  peut-être 
pour  cela  qu'il  fut  quelquefois  appelé  évêque 
ou  archevêque  du  palais,  quand  d'ailleurs  il 
était  évêque  :  «  Arebipalatiuus  pra?sul  (Spici- 
legii,  tom.  vu,  p.  175).  » 

Agobard  écrit  que  le  crédit  qu'on  a  auprès 
du  prince  est  un  des  .plus  grands  talents,  et 
dont  on  rendra  a  Dieu  un  compte  rigoureux  : 
(pQuoniam  utipsi  non  ambigitis,  tanta  fami- 
liarilas,  quain  apud  dominum  imperatorem 
obtinere  vos  Deus  fecit,  pro  magno  vobis  la- 
lento    spiritali    ab  ipso  omnipotenti   Domino 


eompubabitur  (Epist.  ad  Manfredum ,  oomitem 
Palatii).  » 

On  peut  aussi  dire  que  la  direction  et  la 
surintendance  de  toutes  les  affaires  ecclésias- 
tiques qui  se  traitent  dans  le  palais  du  prince, 
est  une  charge,  dont  l'étendue  est  la  même  que 
celle  du  royaume,  et  dont  l'importance  est 
tout  autre  que  celle  des  autres  dignités.  Mais, 
tous  les  arcbichapelains  n'ont  pas  possédé  ou 
n'ont  pas  toujours  possédé  cette  grande  puis- 
sance, et  d'autres  qu'eux  l'ont  quelquefois  pos- 
sédée. Louis  le  Débonnaire  destitua  Hilduin.  et 
l'envoya  en  exil  en  Saxe. 

VIII.  Revenons  à  Hincmar,  qui  a  conservé  les 
extraits  du  livre  que  le  sage  Adélard,  abbé  de 
Corbie,  avait  composé  de  l'ordre  et  du  gouver- 
nement du  palais,  «  De  ordine  palatii  ;  »  lui 
qui  en  était  très-parfaitement  instruit,  comme 
tenant  la  première  place  dans  le  conseil  de 
Cliarlemagne.  «  Inter  primos  consiliarios  pri- 
mum.  » 

Il  assure  que  le  gouvernement  général  étant 
partagé  d'abord  entre  celui  du  palais  royal,  et 
celui  du  royaume  :  dans  le  gouvernement 
du  palais,  après  les  personnes  sacrées  du  roi, 
de  la  reine,  et  de  leurs  enfants,  la  première 
dignité  est  celle  de  l'apocrisiaire  ou  de  l'archi- 
chapelain. 

«  Anteposito  ergo  rege  et  regina  cum  nobi- 
lissima  proie  sua,  tain  in  spiritualibus,  quam 
et  in  saecularibus,  atque  corporalibus  rébus  per 
hos  ministros  omni  tempore  régis  palatium 
gubernabatur.  Videlicet  per  apoerisiarium,  id 
est  responsalem  negotiorum  ecelesiasticorum 
(Hincmar.,  tom  H,  p.  20G).  » 

L'archichapelain  était  donc  le  premier  mi- 
nistre, et  le  premier  officier  du  palais,  où  il 
avait  rang  au-dessus  de  tous  les  princes,  hors 
le  roi,  la  reine  et  leurs  augustes  enfants. 

L'origine  de  cette  charge  se  doit  prendre 
dans  le  transport  que  fit  Constantin  du  siège 
impérial  à  Constantinople.  Car  il  fut  nécessaire 
après  cela  que  tous  les  grands  évèques  du 
moule  eussent  leurs  agents  auprès  de  la  per- 
sonne de  l'empereur.  «  Et  sic  responsales  tam 
Romaine  sedis,  quam  et  aliarum  praecipuarum 
sedium,  in  palaiio  pro  ecclesiasticis  negotiis 
e\i ubabant.  d 

Clovis  étant  baptisé,  durant  son  règne  et  ce- 
lui de  ses  descendants,  les  évèques  venaient  au 
palais  successivement  les  uns  après  les  autres, 
et  faisaient  la  même  fonction,  a  Per  succes- 
siones  regum  sancti  episcopi  ex  suis  sedibus  et 


DES  AHCIllCHAPELAINS  OU  GRANDS  CHAPELAINS. 


403 


tempore  compétent]  palalium  visitantes,  vi- 
cissim  hanc  adininistralionein  disposuerunt,  » 

IX.  Cette  pensée  d'Hincmar  ou  d'Adélard  a 
peut-être  plus  de  vraisemblance  que  de  vérité; 
L'histoire  ne  nous  apprend  pas  que  des  le 
temps  de  Constantin  les  grands  évêques  eussent 
des  apocrisiaires  ou  des  agents  ordinaires  et 
continuels  dans  le  palais  de  Constantinople. 
Les  évèques  y  faisaient  eux-mêmes  de  trop 
fréquents  voyages,  que  le  concile  de  Sardique 
tâcha  de  réprimer  ;  et  ce  concile  même,  pour 
retrancher  ces  fréquentations  de  la  cour  aux 
évèques,  rechercha  bien  divers  expédients,  mais 
il  ne  s'avisa  nullement  de  celui  d'un  apocri- 
siaire  commun  à  tous  les  évêques,  ou  d'apoerî- 
siaires  partieuliersde  chaque  évêque.,  qui  fissent 
un  séjour  ordinaire  à  Constantinople.  Au  con- 
traire, ce  concile  ordonna  aux  évèques  d'en- 
voyer leurs  diacres  en  cour  seulement  dans  les 
besoins  extraordinaires  de  leurs  Eglises,  ou  d'y 
aller  eux-mêmes,  en  observant  les  précautions 
très-rigoureuses  qu'il  leur  prescrivit,  et  qu'il 
opposa  comme  autant  de  barrières  contre  les 
attaques  de  l'ambition. 

Enfin,  quand  les  évèques  auraient  eu  des 
apocrisiaires  auprèsde  Constantin  et  de  ses  suc- 
cesseurs, il  y  aurait  toujours  une  extrême 
différence  entre  ces  apocrisiaires  et  les  archi- 
chapelainsdenos  rois.  Ces  apocrisiaires  étaient 
choisis  et  envoyés  par  les  évèques,  qui  les 
rappelaient  à  leur  gré  ;  au  lieu  que  les  archi- 
chapelains  étaient  choisis  par  les  rois,  qui  se 
reposaient  sur  eux  de  l'administration  des 
affaires  ecclésiastiques,  et  les  laissaient  jouir 
de  cet  office,  comme  d'un  office,  et  non  pas 
comme  d'une  commission  pour  un  temps. 

X.  Nous  avons  rapporté  ailleurs  les  règle- 
ments que  fit  Justinien,  pour  empêcher  les 
évèques  de  venir  trop  souvent  en  cour,  et  pour 
les  obliger,  dans  les  occasions  indispensables 
d'y  venir,  de  s'adresser  premièrement  au  pa- 
triarche de  Constantinople,  et  de  lui  exposer 
leurs  affaires,  avant  que  de  se  présenter  devant 
sa  majesté  impériale.  C'est  encore  une  preuve 
que,  quoique  le  pape  et  les  patriarches  eussent 
leurs  apocrisiaires  en  cour,  les  autres  évêques 
n'en  avaient  aucun  ;  et  si  l'on  veut  appliquer 
par  avance  la  charge  d'archichapelain  à  quel- 
que officier  de  Constantinople  qui  en  fît  la 
fonction ,  il  faut  s'arrêter  au  patriarche  de 
Constantinople.  C'était  le  patriarche  même  qui 
était  comme  l'agent  et  le  médiateur  de  tous  les 
évêques  de  l'empire  auprès  des  empereurs.  Les 


empereurs  leur  remettaient  le  jugement  et  la 
décision  de  la  plus  grande  partie  des  affaires 
ecclésiastiques,  et  tous  les  évêques  s'adres- 
saient à  eus  comme  aux  ministres  et  aux 
médiateurs  universels  auprès  des  empereurs. 
Il  est  vrai  (pue  le  patriarche,  même  avait  un 
référendaire  au  temps  du  concile  VIII,  qui  était 
comme  son  agent  vers  l'empereur,  et  à  qui  le 
palais  était  toujours  ouvert. 

Voici  ce  qu'en  a  remarqué  Anastase  Biblio- 
thécaire ,  dans  une  note  sur  l'action  8  de 
ce  concile.,  où  ce  diacre  référendaire  parut. 
«  Patriarcha  Constantinopolitanus  referenda- 
rium  quempiam  semper  habet,  qui  ejus  impe- 
ratori  omnem  denuntiat  voluntatem,  qui 
aditum  in  palatio  semper  habet  ad  référendum 
imperatori,  quaecumque  sunt  patriarchae  ac 
Ecclesiœ  necessaria,  perquem  etiam  imperator, 
quod  placet,  patriarchae  transmittit.  b 

Mais  ce  référendaire  était  un  officier  du 
patriarche,  et  non  pas  de  l'empereur.  Ainsi  on 
ne  peut  le  comparer  à  notre  archichapelain. 

XL  La  gloire  de  cette  institution  est  due 
tout  entière  à  la  piété  de  Pépin  et  de  Charle- 
magne,  qui  donnèrent  cette  charge,  comme 
Hincmar  assure,  tantôt  à  des  évêques,  tantôt  à 
des  prêtres,  et  tantôt  à  des  diacres,  mais  plus 
souvent  à  des  prêtres  ou  à  des  diacres  qu'à  des 
évêques  qui  doivent  résider  dans  leurs  diocèses, 
et  à  qui  les  canons  défendent  le  séjour  de  la 
cour. 

«  A  tempore  vero  Pipini  et  Caroli  interdum 
per  presbyteros,  interdum  per  episcopos,  regia 
voluntate,  atque  episcopali  consensu  ;  per  dia- 
conos  vel  presbyteros  magis  quam  per  episco- 
pos hoc  ofticium  executum  extitit.  Quia  episcopi 
continuas  vigilias  supra  gregem  suum  debent 
assidue  exemplo  et  verbo  vigilare,  et  non  diu- 
tius  secundum  sacros  canones  a  suis  abesse 
parochiis.  Nequejuxta  décréta  ex  saeris  cano- 
nibus  promulgata  B.  Cregorii,  praetoria,  quae 
nunc  regia,  et  usilatius  palatia  nominantur, 
debent  inutiliter  observare,  ne  incurranf  judi- 
cium,  ut  contra  placita  canonum  sibi  in  ordi- 
natione  sua  tradita  facientes ,  ipsi  se  honore 
privent  ecclesiastico.  » 

XII.  Ce  qu'Hincmar  dit  des  diacres,  ne  se 
peut  rapporter  qu'à  ce  que  nous  venons  de 
raconter  du  concile  de  Sardique,  ou  aux  diacres 
que  les  papes  envoyaient  pour  leurs  apocri- 
siaires, ou  nonces  dans  le  palais  de  Constanti- 
nople. 11  n'y  a  aucun  exemple  d'un  diacre  fait 
archichapelain.  Le  rang  qu'il  avait  au-dessus 


i04 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-ONZIÈME. 


des  évêques,  la  première  place  entre  les  officiers 
du  palais,  le  souverain  pouvoir  sur  les  affaires 
ecclésiastiques,  la  grande  déférence  que  tous 
les  évêques  lui  témoignaient,  ne  sied  nullement 
à  un  diacre. 

Aussi  Hincmar  nomme  ensuite  tous  les 
archichapelains  qui  avaient  rempli  ce  poste,  et 
il  n'en  compte  que  six,  trois  évêques,  et  trois 
prêtres.  Il  prétend  bien  que  la  nomination  des 
évêques  à  cette  charge  était  contre  les  canons, 
«  de  inliciteusurpatis;  »  mais  comme  l'obstacle 
à.  la  résidence  était  un  fâcheux  inconvénient 
pour  les  évêques,  on  peut  dire  aussi  qu'on 
offensait  les  lois  de  l'Eglise  et  les  règles  de  la 
bienséance,  en  mettant  un  prêtre  au-dessus  de 
tant  d'évêques,  et  tantd'évêques  dans  la  dépen- 
dance d'un  prêtre. 

XIII.  Le  grand  chapelain,  qu'on  appelait  aussi 
le  garde  du  palais,  avait  sous  sa  conduite  tout 
le  clergé  du  palais.  «  Apocrisiarius,  quem  no- 
strates  capellanum,  vel  palatii  custodem  appel- 
lant,  omnem  clerum  palatii  sub  cura  et  dispo- 
sitione  sua  regebat  (Ibid.,  p.  207,  308).  » 

Il  terminait  toutes  les  affaires  ecclésiastiques 
qu'on  portait  au  palais,  et  les  parties  n'avaient 
audience  des  rois  que  de  son  consentement, 
quand  il  le  jugeait  nécessaire  :  «Ut  nec  prius 
dominum  regem  absque  eorum  consultu  in- 
quietare  necesse  haberent,  quousque  illi  prœ- 
viderent,  si  nécessitas  esset,  ut  causa  ante 
regem  merito  venire  deberet.  » 

Si  c'étaient  des  affaires  qu'il  fallût  ne  com- 
muniquer qu'au  roi,  c'était  à  lui  de  procurer 


celte  audience  secrète.  Tous  les  différends  des 
ecclésiastiques  et  des  moines  lui  étaient  com- 
mis ,  a  de  canonicœ  vel  monasticae  religionis 
alternatione.  »  Tout  ce  qu'il  pouvait  décider 
lui-même  n'était  point  rapporté  au  roi  :  «  Et 
ea  tanlummodo  de  externis  regem  adirent,  quee 
sine  illo  plenius  definiri  non  potuissent.  »  Il 
était  le  directeur  et  le  père  spirituel  de  tous 
ceux  qui  demeuraient  dans  le  palais  du  prince, 
ou  qui  y  abordaient  :  «  Omnem  consolationem 
spiritualem,  sive  consilium  totius  palatii  qui- 
cumque  quarcret,  apud  eum,  ut  necesse  erati 
fideliter  inveniret.  » 

Enfin,  il  assistait  toujours  au  conseil  du 
prince,  et  c'est  pour  cela  qu'on  n'élevait  à  cette 
dignité  que  ceux  qui  avaient  toutes  les  qualités 
proportionnées  à  un  emploi  si  important. 
«  Apocrisiarius,  id  est  capellanus,  vel  palatii 
custos  et  camerarius  semper  intererant  ;  et 
ideirco  cum  summo  studio  taies  eligebantur, 
aut  electi  instruebantur,  qui  merito  interesse 
possent.  » 

Hincmar  dit  que  les  conseillers  qui  compo- 
saient ce  conseil,  étaient  en  partie  clercs,  et  en 
partie  laïques,  et  qu'on  en  substituait  toujours 
de  nouveaux  en  la  place  de  ceux  qui  mouraient. 
Ainsi  le  grand  chapelain  présidait  à  un  conseil 
composé  d'évêques,  d'abbés  et  de  seigneurs 
laïques  où  se  terminaient  toutes  les  grandes 
causes  de  l'Eglise,  comme  nous  avons  vu  dans 
l'élection  d'un  évèque  de  Sens,  qui  fut  rappor- 
tée à  l'abbé  llikluin,  archichapelain. 


CHAPITRE  CENT-ONZIÈME. 


DU    CLERGÉ   DU    PALAIS   OU    DE    LA    CHAPELLE    ROYALE,    SOUS    LEMPIRE   DE    CUARLEMAGNE. 


I.  Le  clergé   île  la   chapelle  royale   ou  impériale  était  sous 
l'archichapelain.  Sa  grande  autorité. 

II.  Il  ne  devait  pas  détourner  les  courtisans  d'assister  aux  of- 
fices île  leurs  paroisses. 

III.  Ni  recevoir  les  clercs  des  autres  diocèses,  sans  l'agrément 
de  leur  évêqne. 

IV.  Il  en  était  de  même  dans  l'Orient. 

V.  Les   clercs  de  la  chapelle  royale  dépendaient  encore  de 
leurs  évêques. 


VI     Ils  étaient  souvent  élevés  par  le  prince  aux  évêcliés  et 
aux  abbayes. 

VII.  Les  évêques  s'opposaient  quelquefois  a  ces  nominations. 

VIII.  Un  tirait  du  clergé  du  palais  d'excellents  évêques! 

IX.  Il  était  aussi  composé  de  ce  qu'il  y  avait  de  plus  habile  et 
de  plus  saint  entre  les  ecclésiastiques  et  les  religieux. 

X.  I.a  réformation  même  du  clergé  et  de  l'état  monastique  en 
était  sortie. 

XI.  Plusieurs  moines  dans  le  clergé  du  palais. 


DU  CLERGÉ  Dl"  PALAIS  OU  DE  LA  CHAPELLE  ROYALE. 


io;> 


XII.  Les  évèques  ne  résistaient  à  la  promotion  des  clercs  du 
palais,  que  lorsqu'ils  étaient  incapables  ou  indignes  des  prélatu- 
res.  L'ambition  et  l'avarice  dominent  quelquefois  les  i 
palais. 

XIII.  Divers  exemples  de  ces  nominations  royales  aux  prélatures. 

XIV.  La  chapelle  royale  a  pris  son  nom  de  la  chape  de  saint 
Martin. 

XV.  Des  aumôniers. 

XVI.  Les  offices  se  célébraient  très-pieusement  dans  la  cha- 
pelle royale. 

XV a.  De  la  chapelle  des  empereurs  de  Constantinople. 

I.  L'archichapelain  était  le  chef  et  le  supé- 
rieur du  clergé  du  palais  :  «  Omnem  clerum 
palatii  regebat,  »  disait  Hincmar. 

Le  concile  de  Francfort  (Can.  xxxvm)  arrêta 

la  liberté  qu'il  s'était  donnée,  de  recevoir  à  sa 
communion  les  prêtres  qui  avaient  été  excom- 
muniés par  leur  évêque  :  a  De  presbyteris.  qui 
contumaces  fuerint  contra  episcopos  suos,  ut 
nequaqûam  communicent  cum  clericis,  qui  in 
capella  régis  habitant,  nisi  reconciliati  fuerint 
ab  episcopo  suo,  ne  forte  canonica  excommu- 
nicatio  super  eos  exinde  veniat.  » 

Léon  III  reconnaissait  combien  l'autorité  de 
ce  clergé  de  la  chapelle  royale  était  grande, 
lorsqu'en  811  il  conseilla  aux  envoyés  de  l'em- 
pereur Charlemagne  de  faire  en  sorte  qu'on  ne 
chantât  plus  le  Symbole  dans  la  chapelle  royale, 
comme  effectivement  ce  n'était  point  encore 
l'usage  de  le  chanter  dans  l'Eglise  romaine  , 
les  assurant  que  toutes  les  autres  églises  du 
royaume  se  conformeraient  à  celle  du  palais, 
et  que  la  coutume  de  chanter  le  Symbole  serait 
par  ce  moyen  bientôt  abolie  dans  toutes  les 
églises  qui  reprendraient  l'ancien  usage  de  le 
réciter  :  «  l't  paulatim  in  palatio,  quia  in  sancta 
Ecclesia  non  cantatur ,  cantandi  consuetudo 
ejusdem  Symboli  intermittatur,  etc.  Si  dimit- 
tatur  a  vobis,  dimittetur  ab  omnibus,  etc.  » 

IL  Le  concile  VI  de  Paris  ,  tenu  en  829 
(Can.  xix  ,  ne  trouva  pas  bon  que  le  clergé  du 
palais  attirât  non-seulement  le  prince,  mais 
aussi  la  meilleure  partie  des  seigneurs,  et  les 
empêchât  d'assister  aux  offices  solennels  des 
églises  paroissiales  ou  cathédrales,  ce  qui  les 
rendait  désertes. 

«  De  presbyteris  et  capellis  palatinis  contra 
canonicam  autoritatem,  et  ecclesiasticam  ho- 
nestatem  inconsulte  habitis,  vestram  admone- 
mus  solertiam,  ut  a  vestra  potestate  inhibean- 
tur.  Quouiam  propter  hoc,  et  honor  ecclésia- 
sticus  %  ilior  efticitur,  et  vestri  proceres  et  pala- 
tini  ministri,  in  diebus  solemnibus,  sicut  decet, 
vobiscum  ad  missarum  celebrationes  non  pro- 
cedunt.  » 


Nous  avons  parlé  ailleurs  de  l'obligation 
générale  de  tous  les  fidèles  et  de  ceux  même 
qui  avaient  des  chapelles  ou  des  oratoires  do- 
mestiques, de  se  rendre,  les  jours  de  fêtes  so- 
lennelles, aux  églises  communes  avec  leur 
pasteur  et  avec  tout  le  corps  des  fidèles.  Ce 
concile  ne  jugea  pas  que  les  princes  mêmes  ou 
que  les  courtisans  s'en  pussent  dispenser. 

III.  Le  concile  II  d'Aix-la-Chapelle,  tenu  en 
836  (Can.  xxiii  ,  se  plaignit  de  ce  que  les  prê- 
tres de  divers  diocèses  étaient  reçus  dans  le 
palais,  et  s'y  arrêtaient  sans  l'agrément  de  leur 
évêque.  a  De  presbyteris  qui  in  palatio  moran- 
tur,  ut  sine  proprii  episcopi  consensu  ibi  locum 
consistendi  non  habeant,necrecipiantur,  etc.» 
Le  concile  ajoute  que  ce  pouvaient  être  des 
prêtres  criminels,  ou  qui  même  n'eussent  ja- 
mais été  ordonnés.  D'où  il  parait  que  le  clergé 
de  la  chapelle  royale  était  comme  sa  retraite  et 
l'asile  commun  de  tous  les  ecclésiastiques  du 
royaume,  ce  qui  ne  pouvait  être  sans  qu'il  s'y 
glissât  quelques  abus  que  les  conciles  tâchaient 
de  retrancher. 

Le  concile  de  Meaux  de  845  (Can.  un),  re- 
montra au  roi  Charles  le  Chauve,  que  lorsqu'il 
désirait  donner  place  dans  sa  chapelle  à  quel- 
que ecclésiastique,  tonsuré,  ou  instruit  dans 
les  séminaires  ou  dans  les  paroisses  des  évè- 
ques, il  devait  le  demander  à  son  évêque  et  le 
faire  ordonner  par  le  même  évêque,  afin  que 
l'autorité  royale  entretint  une  paix  et  une  con- 
corde inviolable  avec  la  sainteté  des  lois  ecclé- 
siastiques. 

a  Cum  quilibet  canonicorum  ad  regiam  ve- 
nerit  majestatem,  et  suo  se  voluerit  mancipare 
servitio,  consensu  episcopi,  ad  cujus  diœcesin 
pertinere  dignoscetur,  eum  recipiat.  Etsi  in 
ordine  clericali  eum  promoveri  voluerit,  ma- 
nus  ipsius  impositione,  ad  ecclesiasticum  ordi- 
nem  si  dignus  fuerit,  consecretur.  Quatenus 
et  divina  autoritas  vigeat,  et  regalis  dignitas 
obsequatur,  et  salus  ordinantis  et  ordinati  at- 
que  jubentis  in  omnibus  observetur.  » 

Voilà  comment  la  majesté  royale  faisait  gloire 
de  se  soumettre  aux  lois  divines,  comme  ce 
concile  parle  après  l'empereur  Justiuien,  c'est- 
à-dire  aux  canons  de  l'Eglise,  et  trouvait  bon 
que  les  clercs  de  sa  chapelle  fussent  encore 
dans  la  dépendance  de  leurs  évèques  diocésains 
pour  l'ordination. 

IV.  Je  ne  sais  si  les  Pères  du  concile  VII  de 
Nicée  Can.  x  .  eurent  le  dessein  de  comprendre 
les  empereurs  mêmes,  lorsqu'ils  défendirent  à 


ii  h; 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-ONZIÈME. 


toutes  sortes  de  prêtres  de  venir  résider  à 
Constantinople.  et  de  s'attacher  aux  oratoires 
des  «rands  pour  y  célébrer  la  messe,  s'ils  n'en 
avaient  obtenu  la  permission  du  patriarche  de 
Constantinople  et  de  leur  propre  évêque  :  «  Dos 
absque  proprio  episcopo,  et  Coustantinopolitano 
antistite  non  licet  suscipere  in  qualibet  domo, 
vel  ecclesia.  » 

Quelque  permission  qu'ils  eussent  obtenue, 
ils  ne  pouvaient  pas  se  charger  des  affaires  sé- 
culières des  grands,  sous  peine  de  déposition; 
ils  devaient  plutôt  s'occuper  à  instruire  les  en- 
fants et  les  domestiques,  et  à  leur  expliquer  les 
divines  Ecritures;  puisque  c'est  aussi  pour  cela 
qu'ils  ont  été  honorés  du  divin  sacerdoce, 
o  Potius  autem  maneat  ad  magisterium  ta  m 
puerorum,  quam  famulorum,  relegens  eis  di- 
vinas  Scripturas;  ad  hoc  enim  etiam  sacerdo- 
tiurn  consecutus  est.  » 

L'office  d'interprète,  qu'un  clerc  de  la  cha- 
pelle impériale  de  Constantinople  exerça  dans 
le  concile  VIII  (Act.  3),  traduisant  en  langue 
grecque  les  lettres  latines  du  pape,  n'avait  rien 
qui  fût  injurieux  à  la  cléricature.  «  Interpré- 
tante Damiano,  regio  clero  et  interprète.  » 

V.  Le  savant  et  zélé  Hincmar  fournit  encore 
une  preuve  de  la  dépendance  du  clergé  du  pa- 
lais à  l'égard  des  évêques  (Hincmar.,  t.  u, 
p.  140).  11  écrivit  une  lettre  aux  prêtres,  aux 
diacres,  aux  sous-diacres  et  aux  autres  clercs  de 
la  chapelle,  pour  les  exhorter  à  ne  plus  souf- 
frir que  leurs  officiers  exerçassent  des  violences 
et  des  rapines  dans  son  diocèse,  avec  menace 
d'excommunier  ceux  qui  étaient  de  son  dio- 
cèse, et  de  renvoyer  les  autres  à  leurs  évoques 
pour  recevoir  d'eux  la  mémo  peine. 

«  llnde  nisi  vos  correxeritis,  quicumque  de 
mea  diœcesi  sunt,  sine  dubio  usque  ad  syno- 
dum  ab  officio  et  communione  privabo;  et  qui 
de  mea  diœcesi  non  sunt,  de  mea  pârochia  et 
diœcesi  eos  exoommunieabo,  et  ad  suas  episco- 
pos,  qui  eos  corrigant,  atque  dijudicent,  divina 
auloritate  redire  mandabo.  » 

Voici  l'inscription  de  la  lettre  qui  nous  ap- 
prendra de  quelles  personnes  élait  composé  le 
clergé  du  palais:  «  Hincmarus  episcopus  fra- 
tribus  nostris,  presbyteris,  diaconibus,  subdîa- 
conibus,  et  caeteris  clericis,  in  palatio  donmo 
nostro  régi  et  donmœ  reginae,  ac  illoruin  fide- 
Libus  ecclesiastico  ministeiïo  consulentibus.  » 

VI.  Hincmar  finit  sa  lettre  par  cette  dernière 
considération,  que  si  ces  clercs  du  palais  profi- 
tent des  avis  salutaires  qu'il  leur  donne,  ils 


mériteront  l'amitié  et  l'estime  du  roi,  qui  sera 
d'autant  plus  porté  à  leur  donner  des  évêchés 
ou  des  abbayes,  comme  il  sera  aussi  lui-même 
plus  facile  à  leur  conférer  les  ordres.  «  Domino 
nostro  regi  et  amabiliores  et  venerabiliores 
eritis,  et  securius  vos  ille  ecclesiis  praeficere, 
quando  locus  evenerit,  et  nos  vos  audacius  et 
amabilius,  nutu  Dei,  et  ipsius  domini  favore, 
ordinare  valebimus.  »  Preuve  évidente  que 
le  prince  choisissait  ordinairement  les  plus 
dignes  des  ecclésiastiques  de  son  palais  pour 
les  élever  aux  prélatures  de  l'Eglise. 

VII.  Il  y  a  néanmoins  quelque  apparence 
que  Hincmar,  dans  cette  rencontre,  flatta  ces 
chapelains  du  roi  de  ces  espérances  peu  hon- 
nêtes, afin  de  les  gagner  par  l'endroit  où  ils 
étaient  le  plus  sensibles,  et  qu'il  déguisa  les 
généreux  sentiments  qu'il  faisait  paraître  quand 
il  s'en  présentait  une  occasion  favorable. 

Telle  fut  celle  de  l'élection  d'un  évêque  à 
Noyon.  Les  rois  Louis  et  Carloman  n'avaient 
pas  voulu  la  confirmer,  quoiqu'elle  fût  très-ca- 
nonique, parce  qu'ils  avaient  dessein  de  pour- 
voir de  cet  évêché  un  ecclésiastique  du  palais. 
Hincmar,  qui  avait  présidé  à  l'élection,  écrivit 
sur  ce  sujet  à  l'abbé  Hugues,  avec  une  fermeté 
digne  de  sa  profonde  science  et  de  son  zèle 
très-ardent  pour  les  libertés  de  l'Eglise  (Flo- 
doard.,  1.  m,  c.  24). 

Cet  abbé  Hugues  dominait  dans  le  conseil 
royal,  et  peut-être  était  lui-même  l'archichape- 
lain  du  palais.  Hincmar  l'exhorte  à  donner 
aux  jeunes  rois  des  précepteurs  capables  d'une 
charge  si  importante  à  l'Etat,  il  se  plaint  à  lui 
de  ce  que  le  conseiller  ou  ministre  des  deux 
rois  était  trop  jeune  et  sans  expérience;  il  lui 
rend  compte  de  toute  sa  conduite  dans  les  af- 
faires que  les  rois  lui  avaient  commises,  et 
dont  l'abbé  Hugues  même  l'avait  chargé,  a  Ut 
pnefatis  regibus  necessarios  constituât  nutri- 
tios,  quia  nimis  juvenem  habebant  concilia- 
rium,  etc.  Et  quid  sibi  mandalum  ex  parte  re- 
gum,  vel  ipsius  Hugonis  fuerit,  etc.  »  Preuves 
certaines  de  la  suprême  autorité  dont  jouissait 
l'abbé  Hugues. 

Pour  revenir  à  notre  sujet,  Hincmar  lui 
proteste  que  si,  dans  les  élections  faites  dans 
les  Eglises  de  Noyon  et  de  Tournay,  il  n'a  pas 
satisfait  aux  inclinations  de  la  cour,  c'est  parce 
qu'il  a  suivi  les  mêmes  règles  auxquelles  il  a 
conformé  toute  sa  conduite  depuis  trente-cinq 
ans,  et  qu'il  a  obéi  aux  canons  qui  ordonnent 
(lue  les  évêques  soient  élus,  non  pas  du  palais, 


DU  CLERGÉ  Dl'  PALAIS  01'  DK  LA  CHAPELLE  ROYALE. 


K)7 


mais  de  l'Eglise  même  qui  a  perdu  son  pas- 
teur, et  que  l'on  ait  égard  dans  ces  élections, 
non  pas  à  la  faveur  du  prince  ou  aux  recom- 
mandations des  courtisans,  mais  au  témoignage 
du  clergé  et  du  peuple  et  au  jugement  du  mé- 
tropolitain. 

«  AdjuDgenssacrorum  canonum  promulgatas 
super  electione  canonica  autoritates ,  et  osten- 
dens  (juod  non  episcopi  de  palatio  praecipiantur 
eligi,sedde  propria qualibetEcclesia, et quod  de 
ordinando  episcopo,  non  régis  vel  palatinorum 
débet  esse  commendatio,  sed  cleri  et  plebis 
electio,  et  metropolitani  in  electione  dijudica- 
tio,  deinde  terreni  principis  cousensio.  et  sic 
fieri  episcoporum  manus  impositio,  etc.  (Ib.  .» 

VIII.  Tous  les  évoques  ne  témoignaient  [kis 
dans  les  occasions  cette  inflexible  fermeté.  Les 
prélats  étaient  souvent  tirés  de  la  cour  et  du 
palais  pour  aller  gouverner  les  Eglises.  Le  suc- 
cesseur de  Hincmar.  le  saint  et  célèbre  Foul- 
ques fut  de  ce  nombre  :  a  Successit  Fulco,  vir 
valde  nobilis,  et  palatinis  assuetus  ofiiciis,» 
dit  Flodoard  (L.  iv,  c.  1). 

Il  est  vrai  que  le  clergé  du  palais  était  tou- 
jours le  plus  florissant  du  royaume  et  le  plus 
renommé  en  science  et  en  piété.  Hincmar  y 
avait  été  admis,  et  pendant  qu'il  était  encore 
simple  ecclésiastique  :  «  Sub  canonico  babitu 
educatus,  indeque  eductus,  in  palatio  domni 
Ludovici  imperatoris  non  modico  tempore 
mansi,  »  et  depuis  qu'il  eut  pris  l'babit  de 
religion  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis  :  a  Exin- 
de  assumptus  familiaribus  obsequiis  praefati 
imperatoris,  ac  episcoporum  conventibus,  pro 
sola  obedientia  mibi  injuncta  inserviens,  post 
aliquot  annos  monasterii  quietem  repetii.  » 

IX.  Les  abbés  et  les  religieux  composaient 
toujours  une  partie  du  clergé  royal  du  palais  , 
afin  d'y  pouvoir  réunir  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
plus  pieux  et  de  plus  éclairé  dans  l'état  ecclé- 
siastique et  parmi  les  religieux.  Nous  avons  vu 
l'abbé  Fulrad,  l'abbé  Hilduin,  et  peut-être  aussi 
l'abbé  Hugues,  pourvus  de  la  ebarge  de  grand 
chapelain.  Nous  venons  d'y  voir  Hincmar, 
étant  encore  religieux  de  Saint-Denis. 

Dans  le  concile  de  Cologne,  tenu  en  887,  sous 
l'empire  de  Charles  le  Gros,  assistèrent  plu- 
sieurs abbés,  et  entre  autres  Folcroy.  abbé  du 
palais  d'Aix-la-Cbapelle  :  «  Folcharius,  Aquis- 
grani  palatii  abbas.  »  Louis,  abbé  de  Saint- 
Denis,  était  chancelier  ou  secrétaire  du  roi 
Charles  le  Chauve  :  «  Epistolare  in  palatio  ge- 
rens  oftieium,  »  dit  l'abbé  de  Ferrieres  dans 


une  de  ses  lettres  'Lupus,  epist.  \xvu.  x\\  .  Le 
crédit  qu'il  avait  auprès  de  ce  prince  dans  le 
maniement  de  toutes  les  affaires  ecclésiastiques, 
éclate  merveilleusement  dans  plusieurs  autres 
lettres  de  cei  abbé,  qui  le  regarde  comme  le 
protecteur  de  toutes  les  personnes  religieuses 
dans  les  affaires  qu'elles  ont  en  cour. 

L'abbé  Angilbert  avait  tenu  ce  même  rang 
dans  la  cour  de  Cbarlemagne;  voici  comme  le 
pape  Adrien  en  parle  dans  une  de  ses  lettres  à 
ce  prince  :  a  Angilbert  us ,  abbas,  et  munster 
capellce,  qui  pêne  abipsis  infantiœ  rudimentis, 
in  palatio  vestro  enutritus  est,  et  in  omnibus 
consiliis  vestris  receptus  est  (Du  Cbesne  .  tom. 
ii,  p.  351;.  »  Le  père  le  Cointe  a  justifié  la  sup- 
position de  cette  lettre  Le  Cointe,  an.  ~'J-2, 
796  .  Hincmar  n'aurait  pas  oublié  de  mettre 
Angilbert  entre  les  archichapelains  s'il  l'avait 
été.  Mais  on  ne  peut  douter  qu' Angilbert  n'ait 
passé  la  meilleure  partie  de  sa  vie  dans  le 
palais  de  Cbarlemagne,  et  qu'il  n'ait  passé  de 
là  à  l'abbaye  de  Saint-Riquier.  Comme  Angil- 
bert ne  fut  jamais  archichapelain,  il  faut  con- 
clure que  plusieurs  de  ceux  qui  éclatèrent  dans 
le  palais  par  leur  piété  et  par  leur  doctrine,  ne 
furent  jamais  chapelains  et  n'eurent  aucune 
relation  avec  l'archichapelain. 

L'abbé  d'Aniane,  Renoît,  qui  réforma  tous  les 
monastères  de  France  et  qui  composa  la  con- 
corde des  règles,  passa  la  meilleure  partie  de 
sa  vie  dans  le  palais  impérial,  y  faisant  en 
quelque  manière  la  fonction  de  premier  mi- 
nistre dans  toutes  les  causes  ecclésiastiques. 

Voici  comme  l'auteur  de  sa  vie  en  parle  : 
«  Quia  pro  multis  causis  imperatori  necessarius 
erat,  placuit  imperatori,  ut  non  procul  a  pa- 
latio provideret  locum  aptum  sibi,  etc.  Cœpit 
vir  Dei  palatinas  terere  fores,  etc.  Omnes  qui 
aliorum  passi  incommoda,  imperialia  petebant 
suffragia,  cum  ad  eum  accédèrent,  alacriter 
susceptos  osculabatur,  eorumque  querimonias 
in  schedulis  impressas,  tempore  opportuno 
offerebat  imperatori,  etc.  Sanctus  vir  usque  ad 
obitum  suum  in  palatio  régis  pro  augmenta 
fidelium,  non  pro  terrenis  rébus  persévé- 
rait. » 

Les  deux  abbés  de  Corbie,  Adélard  et  Vala, 
occupèrent  pendant  un  temps  un  des  premiers 
rangs  dans  les  conseils  et  dans  le  palais  de 
Louis  le  Débonnaire. 

X.  On  trouvera  sans  doute  moins  étrange 
que  les  évèques  et  les  conciles  aient  souffert 
qu'on  envoyât  quelquefois  du  palais  les  pas- 


■408 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-ONZIEME. 


teins  des  Eglises  épiscopales  et  abbatiales,  si 
l'on  considère  que  c'est  du  clergé  du  palais  que 
la  réformation  du  clergé  et  de  l'état  monastique 
s'était  répandue  dans  tout  le  royaume. 

Nous  venons  de  parler  de  l'abbé  d'Aniane, 
qui  lut  le  réformateur  universel  de  tous  les 
monastères  de  France.  On  peut  donner  la 
même  louange  à  l'évêque  de  Metz  Crodogangus, 
dont  la  règle  fut  le  modèle  et  la  source  de  tout 
le  rétablissement  de  l'ancienne  piété  dans  le 
clergé.  Cependant  il  avait  passé  du  palais  à  l'é- 
piscopal  :  «  Hic  in  palatio  majoris  Caroli,  ab 
ipso  enutritus.  ejusdemque  referendarius  exti- 
tit;  ac  demum  Pipini  régis  temporibus  ponti- 
ficale decus  promeruit  (Du  Chesne,  tom.  u, 
p.  204).  » 

XI.  Entre  les  lettres  de  Cerbert,  qui  fut  de- 
puis pape,  il  y  en  a  qui  sont  adressées  à  des 
moines  du  palais  :  Palatino  monacho  (Epist. 
xxi). 

Balsamon  tient  que  dans  l'Orient  les  moines 
et  les  clercs,  avec  la  permission  du  patriarche 
et  des  évêques,  s'attachaient  à  la  cour  ou  à  la 
maison  d'un  grand  sans  craindre  de  blesser 
les  canons,  parce  que  ce  n'était  pas  la  cupidité, 
mais  la  cbaritéet  l'obéissance  qui  les  engageait 
dans  ces  emplois.  «  Quidni  fiet  ex  canone  ? 
Propter  banc  enim  causam  patriarcba  Lucas 
permisit  monacho  et  sacerdoti  perpetuo  versari 
cum  logotheta cursus,  et  una  cum  eo  in  prœ- 
sidio  versari,  et  scriba;  ofQcio  fungi.  » 

Cet  auteur  conclut  de  là  que  les  évêques  ont 
le  pouvoir  d'appliquer  les  moines  et  les  clercs 
à  ces  sortes  d'occupations,  d'où  ils  peuvent  ré- 
pandre une  odeur  de  sainteté  parmi  les  laïques; 
mais  que  les  rois  possèdent  cette  même  auto- 
rité avec  bien  plus  de  justice  :  «  Nota  ergo 
quod  suasione  et  probatione  episcopali,  multo 
autem  magis  regia,  et  monacbi  et  clerici  sine 
prœjudicio  facient  qua?  eis  permissa  fueriut, 
cujusmodicumque  ea  sint  (In  Synodum  Con- 
stantin., can.  iv).  » 

XII.  Apres  tout  cela,  les  évêques  ne  laissaient 
pas  de  témoigner  beaucoup  de  répugnance 
Lorsque  l'élection  canonique,  qui  se  devait  faire 
dans  une  Eglise  vacante  était  ou  prévenue,  ou 
troublée  par  la  nomination  que  le  prince  fai- 
sait d'un  de  ses  chapelains. 

Outre  ce  qui  a  été  rapporté  de  Hincmar  et 
île  sa  vigoureuse  conduite  durant  l'espace  de 
trente-cinq  ans.  voici  comme  le  concile  III  de 
Valence,  tenu  en  <s:>:>  (Can.  vu),  allie  la  vi- 
gueur avec  la  condescendance  dans  ces  péril- 


leuses rencontres,  où  il  faut  ménager  la  sainte 
sévérité  des  canons  et  l'autorité  souveraine  des 
rois. 

II  ordonne  que  dès  qu'un  évêché  sera  vacant, 
on  demandera  au  roi  la  liberté  d'élire,  et  qu'on 
élira  le  plus  digne  qui  se  pourra  trouver  dans 
la  même  Eglise,  ou  dans  le  voisinage.  Que  si  le 
prince  envoie  un  de  ses  ecclésiastiques  pour 
être  pourvu,  les  évêques  examineront  rigou- 
reusement si  sa  suffisance  et  la  pureté  de  sa 
vie  répondent  à  cette  haute  dignité,  et  s'il  n'y 
a  point  eu  de  trafic  simoniaque  dans  sa  nomi- 
nation. S'ils  le  trouvent  indigne  d'un  si  haut 
ministère  ,  le  métropolitain  et  les  évoques  ani- 
meront le  clergé  et  le  peuple  pour  aller  faire 
leurs  remontrances  au  prince,  et  iront  eux- 
mêmes  à  la  cour  détourner  de  l'Eglise  une  ca- 
lamité qui  eu  attirerait  indubitablement  beau- 
coup d'autres.  Les  termes  de  ce  canon  se 
trouvent  dans  le  second  tome  de  cet  ouvrage, 
livre  u ,  chap.  w2-2,  num.  7. 

Ce  concile  tâche  de  conserver  à  l'Eglise  la 
liberté  des  élections ,  mais  si  le  roi  nomme 
pour  évêques  les  clercs  de  son  palais,  il  se  rend 
à  cette  nomination,  pourvu  que  la  personne 
nommée  ait  les  qualités  nécessaires  pour  un  si 
divin  ministère. 

Paschase  Radbert  a  excellemment  représenté 
dans  la  vie  de  Vala,  abbé  de  Corbie,  les  secrets 
gémissements ,  et  les  plaintes  de  cet  abbé  sur 
les  dérèglements  et  l'ambition  de  quelques-uns 
des  chapelains  du  prince.  Ils  ne  s'engageaient 
dans  ces  emplois  que  par  des  motifs  d'ambi- 
tion ou  d'avarice.  On  pouvait  dire  qu'ils  n'é- 
taient ni  clercs  ni  moines ,  puisqu'ils  n'étaient 
sujets  ni  à  un  évoque,  ni  à  un  abbé.  Ainsi 
ils  n'étaient  d'aucun  ordre ,  aussi  vivaient-ils 
sans  ordre  et  sans  règle. 

«  Pra'sertim  et  militiam  clericorum  in  pala- 
tio, quos  capellanos  vulgo  vocant ,  quia  nullus 
ordo  est  ecclesiasticus .  denotabat  plurimum. 
Qui  non  ob  aliud  serviunt,  nisi  ob  honores 
Ecclesiarum,  et  qua^stus  sa>culi ,  ac  lucri  gra- 
tiam  sine  probatione  magisterii  atque  ambi- 
tiones  mundi.  Quorum  itaque  vita  neque  sub 
régula  est  monacliorum  ,  neque  sub  episcopo 
militât  canonice,  prœsertimcum  nulla  aliasint 
tyrocinia  Ecclesiarum  ,  quam  sub  bis  duobus 
ordinibus.  Aiebat  namque  idem,  quod  aut  ca- 
nonicus  quisque  esse  deberet,  aut  laicus,  aut 
monachus.  Quod  si  neutrum  ;  jam  sub  nullo 
monstratur  ordine,  quia  videntur  esse  sine  ca- 
pile  ^Sac.  Heiied.,  t.  iv,  p.  195).  » 


DU  CLERCÉ  DU  PALAIS  OU  DE  LA  CHAPELLE  ROYALE. 


109 


Pascbase  ne  condamne  pas  ces  emplois,  puis- 
que le  palais  des  princes  chrétiens  a  toujours 
eu  ses  chapelains  et  son  clergé,  et  que  ces 
places  ont  été  si  souvent  remplies  par  d'excel- 
lents et  de  saints  ecclésiastiques.  Mais  il  avertit 
ceux  qui  s'y  engagent  de  l'extrême  danger  où 
ils  sont  de  n'y  être  attirés  que  par  une  secrète 
cupidité  des  richesses  de  ce  monde  et  des 
dignités  ecclésiastiques. 

Ce  reproche  que  leur  fait  Paschase,  de  vivre 
dans  une  entière  indépendance  des  évéques, 
montre  qu'on  avait  mal  observé  le  règlement 
contraire,  dont  il  a  été  parlé,  et  que  le  clergé 
du  palais  tâchait  de  s'affranchir  de  l'obéis- 
sance canonique  que  tous  les  clercs  doivent 
à  l'évêque,  pour  ne  relever  que  de  l'archicha- 
pelain. 

XIII.  L'empereur  Charles  le  Chauve  déclara 
dans  le  concile  de  Toul,  l'an  859  (Conc.  apud 
Saponarias),  que  selon  la  coutume  des  rois  ses 
ancêtres,  il  avait  donné  l'archevêché  de  Sens  à 
Ganelon, clerc  de  sa  chapelle,  avec  le  consente- 
ment des  évêques  de  la  province. 

«  .luxta  consuetudinem  pnedecessorum  meo- 
rum  regum,  YYeniloni  tum  clerico  meo,  in  ca- 
pella  raea  mihi  servienti ,  qui  more  liberi  cle- 
rici  se  mihi  commendaverat ,  et  fidelitatem 
sacramento  promiserat ,  consensu  sacrorum 
episcoporum  ipsius  metropolis ,  ad  gubernan- 
dum  commisi,  et  apud  episcopos,  quantum  ex 
me  fuit,  ut  eum  ibidem  archiepiscopum  ordi- 
narent,  obtùmi.  » 

Ce  clerc  de  chapelle  avait  prêté  serment  de 
fidélité  au  roi.  D'où  on  peut  conjecturer  que 
c'était  une  loi  générale,  et  que  c'était  appa- 
remment cet  engagement  qui  portait  le  souve- 
rain à  confier  les  places  les  plus  importantes 
de  l'Eglise  de  son  royaume  à  ceux  qui  lui 
étaient  attachés  par  un  lien  si  étroit  et  si  saint. 

Il  y  a  aussi  quelque  sujet  de  croire  que  les 
peuples  élisaient  plus  volontiers  ces  ecclésias- 
tiques du  palais  royal,  tant  pour  faire  une  élec- 
tion qui  ne  fût  pas  contestée  par  le  prince,  que 
pour  flatter  le  prince  dans  ses  inclinations,  en 
choisissant  ceux  qui  probablement  lui  étaient 
agréables.  C'est  ainsi  que  le  clergé  et  le  peuple 
de  Châlons  élurent  pour  leur  évèque  Villebert, 
prêtre  de  la  chapelle  royale  :  a  Quondam  saeri 
palatii  presbyterum  (Surins,  die  l'.>  Maii ,  c.  iv, 
xiii;  Junii  die  S,  c.  vi).  » 

Saint  Dunstan  s'étant  attaché  à  l'archevêque 
de  Cantorbéry  après  qu'il  eut  reçu  les  ordres 
inférieurs,  lut  par  lui-même  présenté  au  roi 


etappliqué  ensuite  au  gouvernement  du  palais, 
et  des  affaires  d'Etat;  ce  fut  par  ce  degré  qu'il 
s'éleva  à  l'archevêché  de  Cantorbéry. 

Saint  .Mainverc,  évèque  de  Paderborn,  avait 
été  dès  sa  jeunesse  clerc  de  chapelle.  «  Regia 
stirpe  genitus,  evocatus  ad  palatium,  regius 
capellanus  cflicitur,  ut  Deo  ordinante  longius 
innotesceret.  » 

L'auteur  de  la  vie  de  ce  Saint  (Cap.  i.xxxvii) 
outre  saint  Mainverc  ,  et  saint  Aribon  ,  évèque 
de  May  en  ce ,  nomme  plusieurs  autres  saints 
évêques  du  même  temps,  qui  joignaient  une 
inviolable  observation  des  canons  au  gouver- 
nement temporel  auprès  des  empereurs,  duquel 
la  nécessité  du  temps  ne  leur  permettait  pas  de 
se  dispenser.  «  Secundas  imperii  partes  sancte 
et  juste  administrantes,  sacerdotii  rigoremnul. 
lalenus  relaxantes.  » 

La  cour  des  Othons  était  riche  et  féconde  en 
saints  et  savants  ecclésiastiques.  Comme  ces 
empereurs  avaient  beaucoup  de  pouvoir  dans 
les  élections,  on  peut  croire  avec  quelque  fon- 
dement qu'une  partie  des  plus  excellents  évê- 
ques d'Allemagne  sortirent  de  leur  palais. 
Pierre Damien (In  vita  sancti  Roman. ,c.  xxvnn 
témoigne  que  ce  fut  dans  l'office  même  de 
clerc  de  chapelle  près  de  l'empereur  Othon  que 
saint  Boniface,  proche  parent  de  cet  empereur, 
conçut  ce  généreux  dessein,  qui  donna  un 
apôtre  à  la  Russie,  et  un  martyr  à  l'Eglise 
«  Cum  in  capella  regia  moraretur,  etc.  (Surius 
die  20  Nov.,  c.  m).  » 

Saint  Bernard  ,  évèque  d'Hildesbeim,  avait 
aussi  été  attaché  au  palais  de  l'empereur  Othon 
III ,  dont  on  le  fit  ensuite  précepteur;  il  joignit 
a  cette  qualité  celle  de  ministre  d'Etat  après  la 
mort  de  l'impératrice. 

Enfin  le  roi  Charles  le  Chauve  ayant  nommé, 
pour  les  évèchés  d'Autun  et  de  Châlons,  deux 
clercs  de  son  palais,  fit  écrire  par  l'archevêque 
de  Sens,  Ganelon,  à  Amulus,  archevêque  de 
Lyon,  qu'il  ne  devait  faire  nulle  difficulté  de 
sacrer  ces  évêques  nommés  par  le  roi,  et  choi- 
sis entre  les  ecclésiastiques  de  son  palais,  puis- 
que le  pape  Zacharie,  et  le  concile  de  France 
sous  le  légat  Boniface,  avaient  autrefois  donné 
cette  autorité  à  Pépin.  «  Non  esse  novilium 
aut  teinerarium  ,  quod  ex  palalio  honorabilio- 
ribus  maxime  Ecclesiis  rex  procurât  antistites. 
Nam  Pipinus,  exposita  necessitate  hujus  regni 
Zachariœ  Romano  papa1,  in  synodo,  etc.  (Inter 
Epist.  Lupi,  ep.  lxxxi).  »  Ceux  qui  étaient 
envoyés  du  palais  (Ex  palatio)  pour  remplir  les 


110 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-ONZIÈME. 


évêchés,  étaient  probablement  des  clercs; 
Crodegand  ,  néanmoins  ,  et  quelques  autres , 
étaient  de  simples  laïques. 

XIV.  Le  moine  de  Saint-Gall  a  observé  que  la 
chapelle  du  roi  a  tiré  son  nom  de  la  chape  de 
saint  Martin,  que  nos  rois  faisaient  toujours 
porter  dans  leurs  expéditions  militaires,  comme 
un  sanctuaire  de  religion  et  un  augure  de  la 
victoire. 

«  Quemdam  optimum  dictatorem  et  scripto- 
rem  Carolus  Magnus  in  capellam  suam  assimi- 
lait, quo  nomine  Francorum  reges,  propter 
cappam  sancti,  quam  secum  ob  sui  tuitionem, 
et  bostium  oppressionem  jugiter  ad  bella  por- 
tabant,  sancta  sua  appellare  solebant  (L.  i,  c.  i; 
Du  Chcsne,  tom.  n,  p.  103,  105).  » 

Dans  le  testament  de  Charlemagne,  le  terme 
de  chapelle  est  appliqué  à  tous  les  vases  d'or 
et  d'argent,  aux  ornements  et  aux  livres  de  la 
sainte  chapelle,  dont  il  ne  voulait  point  qu'on 
fît  aucun  partage  :  «  Capella,  id  est,  ecclesia- 
sticum  ministerium,  etc.  (An.  877.  Du  Chesne, 
tom.  n,  p.  404).  » 

XV.  Charles  le  Chauve  fait  mention  de  ses 
aumôniers  dans  ses  capitulaires.  et  leur  or- 
donne de  faire  après  sa  mort  les  charités  qu'il 
leur  avait  recommandées  :  «  Si  nos  in  Dei, 
sanctoruinque  ipsius  servitio  mors  prœoccupa- 
verit,  eleemosynarii  nostri,  secundum  quod 
illis  commendatum  habemus,  de  eleemosyna 
nostra  decertent  (Capitul.  Baluz.,  p.  21-2,  202, 
270).  » 

Il  paraît,  par  les  mêmes  capitulaires,  que 
les  évêques,  les  abbés,  les  comtes  et  les  gen- 
tilshommes avaient  aussi  leurs  aumôniers,  et 
que  tous  ces  aumôniers  n'étaient  autres  que 
les  exécuteurs  testamentaires.  Ainsi,  ils  n'a- 
vaient nul  rapport  avec  les  chapelains  ni  avec 
l'archichapelain. 

XVI.  Les  offices  de  l'Eglise  se  chantaient 
avec  une  piété  exemplaire  et  avec  une  sainte 
majesté  dans  la  chapelle  royale  :  nous  l'avons 
déjà  fait  voir  en  parlant  du  chant  des  psaumes 
et  des  offices  de  L'Eglise,  et  de  l'assistance  édi- 
fiante de  nos  rois  à  tous  ces  exercices  de  reli- 
gion. Nous  venons  de  voir  le  pape  Léon,  qui 
l'ait  espérer  que  toutes  les  églises  du  royaume 
s,'  conformeraient  au  changement  qu'il  jugeait 
à  propos  de  faire  dans  les  offices  de  la  sainte 
chapelle. 

Saint  Gérard,  comte  d'Aurillac,  avait  une 
sainte  chapelle,  pour  ainsi  parler,  déambula- 
toire, qui  l'accompagnait  toujours,  et  ou  il 


assistait  avec  ses  ecclésiastiques  à  la  psalmodie 
du  jour  et  de  la  nuit  :  «  Copia  vero  clericorum 
semper  eum  comitabatur,  cum  quibus  in  di- 
vino  opère  jugiter  insudabat.  Nocturno  tem- 
pore  cunctos  in  oratorio  diutius  praevenire 
solebat,  quo  expleto  solus  remanere  solitus 
erat   Bibl.  Clun.,  p.  95,  100).  » 

Les  approches  de  la  mort  ne  purent  ralentir 
les  saintes  ardeurs  de  ce  comte  pour  la  psal- 
modie des  offices;  il  les  faisait  chanter  dans  sa 
chambre  aux  mêmes  heures  qu'on  les  célébrait 
dans  l'église  :  «  Jussit  ut  nocturnale  coram  se 
capellani  peregissent,  episcopo  cum  suis  in 
ecclesia  illud  célébrante.  Cum  psallentibus  au- 
tem  et  ipse  psallebat,  donec  post  matitunale 
offieium  omnes  etiam  diei  horas  compleret.  » 

C'est  ce  qu'en  raconte  saint  Odon,  abbé  de 
Cluny,  dans  la  vie  de  ce  saint  comte.  11  est 
aussi  remarqué,  dans  la  vie  de  saint  Udalric, 
qu'il  menait  partout  ses  chapelains  pour  célé- 
brer avec  eux  Le  divin  service. 

Ce  qui  a  été  dit  de  la  chape  de  saint  Martin, 
fait  assez  connaître  que  nos  rois  avaient  aussi 
une  sainte  chapelle  déambulatoire,  qui  les  ac- 
compagnait toujours  dans  leurs  campagnes , 
comme  une  arche  de  sainteté  et  de  protection, 
et  qu'on  y  chantait  toujours  les  offices  divins. 
La  remarque  de  Valafride  Strabon  justifie  que 
les  reliques  des  saints  martyrs  étaient  aussi 
portées  avec  la  chape  de  saint  Martin.  Nous 
avons  ailleurs  donné  assez  de  preuves  que  l'on 
célébrait  continuellement  la  psalmodie  divine 
devant  les  saintes  reliques. 

Les  paroles  de  Valafride  Strabon  confirment 
une  partie  de  ce  qui  a  été  avancé  dans  ces 
deux  chapitres,  a  Quemadmodum  sunt  in  pa- 
latiis  comités  palatii ,  qui  saecularium  causas 
ventilant  ;  ita  sunt  et  illi,  quos  summos  capel- 
lanos  Franci  appellant,  clericorum  causis  prar 
lati.  Capellani  minores  ita  sunt,  sicut  hi  quos 
Vassos  Dominicos  (lalliea  consuetudine  nomi- 
namus.  Dicti  sunt  autem  primitus  capel- 
lani, a  cappa  beati  Martini,  quam  reges  Fran- 
corum ,  ob  adjutorium  Victoria:  in  prœliis 
solebant  secum  habere  :  quam  ferentes  et  cu- 
stodientes,  cum  cœteris  sanctorum  reliquiis 
clerici  capellani  cœperunt  vocari  (De  rébus 
Eccl.,  c.  xxxi)-  » 

XVII.  La  chapelle  des  empereurs  de  Con- 
stantinople  ne  pouvait  pas  être  moins  privi- 
légiée que  celle  des  rois  et  des  empereurs 
d'Occident.  Il  est  fait  mention  en  diverses  ren- 
contres du  prêtre  du  palais  et  des  primiciers, 


nr  ci.iiitt.i:  m:  palais  nr  prince,  etc. 


ni 


ô  -î-ot;  t'.j  koXoitîou,  oi  sj«u.[iTi)CTiftot  (Cedrenus,  p.  H8j 
469,  494. 
Les  clercs  du  palais  destinés  à  y  chanter  les 

Offices,  £irf.  ixy.Ar.aia  t',0  itaXariou  yi'/J.'.vTs;  /.Xr. pucot,  VI  !- 

liaient  de  leurs  maisons  des  la  troisième  -s cille 
de  la  nuit  pour  y  faire  leur  fonction,  mais  depuis 
que  les  conjurés  se  furent  joints  à  eux.  pour 
entrer  en  même  temps  dans  le  palais,  et  y  faire 
mourir  l'empereur  Léon  l'Arménien,  on  les 
logea  tous  dans  le  palais  même. 

Le  chef  de  ce  clergé  impérial  était  appelé  le 
protopape  du  palais,;  -p«T-.-x-i; --.■> t.-o.i-.-.j -. c'est- 
à-dire  le  premier  prêtre  (Ihid.,  pag.  0-2-2,  642  . 
Car  le  nom  de  pape  signifie  père,  et  un  l'a  ap- 
pliqué ensuite  à  tous  les  prêtres  et  à  tous  les 
curés  dans  l'Orient. 

On  conservait  aussi  dans  la  chapelle  impériale 
les  reliques  des  saints  avec  le  bois  de  la  vraie 
croix  du  Sauveur;  et  dans  quelques  rencon- 
tres le  protopape  fut  envoyé  à  l'armée  avec  ce 
sacré  dépôt  de  la  vraie  croix,  pour  faire  jurer 
tous  les  soldats  qu'ils  mourraient  généreuse- 


ment pour  li  défense  de  la  religion  et  de  l'em- 
pire, ce  qu'ils  jurèrent  tous  a  genoux. 

Le  saint  patriarche  Polyeucte  eut  bien  de  la 
peine  à  souffrir  que  l'empereur  Romain  III 
du  nom,  retint  dans  le  clergé  du  palais  un 
moine  apostat  ;  quelques  excuses  que  ce  prince 
lui  fit,  qu'on  l'avait  violenté  pour  le  faire  en- 
trer dans  le  cloître,  après  la  mort  de  Romain, 
ce  moine  fut  contraint  de  rentrer  dans  son  mo- 
nastère. 

Le  même  patriarche  Polyeucte  fut  encore 
obligé  de  se  relâcher  de  son  zèle,  qui  lui  avait 
fait  interdire  sa  communion  a  l'empereur  Ni- 
céphore,  pour  avoir  épousé  sa  commère  spiri- 
tuelle ,  après  que  le  protopape  du  palais  Stylien 
eut  juré,  quoique  faussement,  qu'il  n'y  avait 
jamais  eu  d'alliance  spirituelle  entre  l'empe- 
reur et  l'impératrice  (Pag.  649  . 

Eustasius.  protopape,  ou  le  premier  des  prê- 
tres du  palais  -■.,'■,'■.■  owtûv  Epio&TCfu»,  fut  fait  pa- 
triarche après  la  mort  de  Sergius  (Pag.  717). 


CHAPITRE  CENT-DOUZIÈME. 


IH     i LERGÉ    DU    PALAIS    DL'    PRINCE,    DES    CHAPELAINS,    AliCIIICHAPELAlNS ,    AUMONIERS 
ET    GRANDS   AUMONIERS,    DEPUIS    L'AN    MIL. 


I.  Diverses  sortes  de  chapelains,  et  divers  règlements  des  con- 

ur  leurs  devoirs  et  leur  dépendance  des  évéques. 

II.  Réflexions  sur  ces  canons. 

III.  Grand  pouvoir  des  évêques  sur  les  chapelains  des  cha- 
pelles royales  en  Norwége. 

IV.  Autres  preuves  de  l'autorilé  de  Fevèque  sur  ces  chape- 
lains, de  leur  fixation  dans  une  église,  de  leur  résidence. 

V.  Des  chapelains  des  papes  et  des  empereurs. 

VI.  De  ceux  des  rois  de  Sicile,  d'Angleterre  et  d'Espagne. 

VII.  Des  chapelains  des  seigneurs  particuliers  et  des  causes 
de  leur  avilissement. 

VIII.  Des  archichapelains  et  du  clergé  du  palais  impérial. 

IX.  Des  grands  aumôniers  de  France,  et  des  confesseurs  des 
rois. 

I.  Le  concile  de  Tours,  en  1203,  ordonna 
que  les  chapelains  des  châteaux  et  des  places 
fortes  promettraient  par  serment  d'empêcher 
le  pillage  des  biens  de  l'Eglise,  d'obliger  les 
seigneurs  ou  les  commandants  de  restituer 
tout  ce  qui  aurait  été  volé,  ou  d'interdire  le 


lieu  et  se  retirer  eux-mêmes  si,  en  quarante 
jours,  on  ne  réparait  les  pertes  qu'on  aurait 
causées  ;  enfin  qu'on  ne  pourrait  changer  ces 
chapelains  sans  en  avertir  l'archidiacre,  afin 
qu'il  exigeât  le  même  serment  de  son  succes- 
seur. 

Le  concile  de  Clermont,  en  lôi>."i  Can.  x), 
avait  déjà  ordonné  que  les  grands  seigneurs 
ne  pourraient  avoir  des  chapelains  qu'avec  la 
permission  de  l'évêque  diocésain.  «  L't  nullus 
presbyter  capellanus  alicujus  laiei  esse  possit. 
nisi  coneessione  sui  episcopi.  »  Ou  selon  une 
autre  édition  :  o  L't  nullus  princeps  capella- 
num  habeat,  nisi  quem  sibi  episcopus  suus 
aut  archidiaconus  procuratorem  anima.'  dele- 
ctum-constituat  (Can.  xvm).  » 

Le  concile  de  Cologne,  en  1-200  ;Can.  x  ,  dis- 


412 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DOUZIÈME. 


tingue  les  chapelains  des  rois,  des  évèques  et 
des  prévôts  ;  il  les  oblige  tous  également  à  la 
résidence  dans  leurs  Eglises,  s'ils  n'en  sont 
dispensés  par  les  affaires  pressantes  de  leurs 
maîtres  ou  de  leurs  Eglises  ;  d'assister  l'évêque 
quand  il  officie;  d'être  dans  les  ordres  sacrés, 
et  s'ils  sont  chapelains  de  l'évoque,  d'être  sou- 
mis à  la  juridiction  de  son  premier  chapelain. 

«  Cum  in  aliquibus  Ecclesiis  capellani  re- 
gales, episcopales,  ac  etiam  capellani  praeposi- 
torum  existant,  etc.  Capellani  hujnsmodi  resi- 
dentiam  in  suis  Ecclesiis  tanquam  alii  fratres 
facient  ,  nisi  illo  tantum  tempore  ,  quando 
agunt  suorum  negotia  dominorum  ,  atque 
etiam  si  negotia  Ecclesia?  hoc  exposcant.  Et 
nobis  in  ecclesia  majori,  vel  alia,  si  sunt  ea 
vice  présentes,  debent  adesse  in  divini  cele- 
bratione  officii  et  adstare.  Et  debent  hùjus- 
modi  capellani  in  sacris  esse  ordinibus  con- 
stituti.  Super  hujnsmodi  capellanos  episcopa- 
les erit  noster  capellanus,  quasi  Ioco  judicis  et 
magistri.  » 

Enfin,  ce  canon  défend  aux  doyens ,  aux 
scolastiques  ou  aux  chantres,  de  pouvoir 
jamais  être  chapelains  des  évèques  ou  des 
rois. 

H.  Réflexions  importantes  à  faire  sur  ces  ca- 
nons :  1°  que  ces  chapelains  des  rois  et  des 
évèques  étaient  asservis  à  une  Eglise ,  selon 
l'ancienne  discipline  ;  2°  qu'ils  devaient  y  faire 
résidence,  selon  l'ancien  usage  de  tous  les  bé- 
néfieiers;  3°  que  les  grands  ne  pouvaient  avoir 
des  chapelains  ou  des  aumôniers  que  de  la 
main  ou  de  la  concession  de  l'évêque;  4°  que 
tous  ces  chapelains  devaient  être  dans  les 
ordres  sacrés;  5°  que  le  premier  chapelain 
de  l'évêque  était  comme  l'archichapelain  et 
le  supérieur  de  tous  les  autres;  6°  les  béné- 
fices simples  commençaient  alors  à  se  former, 
mais  on  ne  les  exemptait  pas  encore  tout  à  l'ait 
ni  de  la  résidence  ni  de  l'asservissement  à  leur 
Eglise;  7°  les  chapelains  des  châteaux  devaient 
se  regarder  comme  les  gardes  et  les  défen- 
seurs du  patrimoine  de  l'Eglise  dans  tout  le 
voisinage. 

III.  Dans  la  transaction  qui  fut  faite  entre  le 
roi  de  Norvège,  Magiius,  et  Jean,  archevêque 
de  Nidrosie  ou  de  Drontbein,  en  fan  1-273,  le 
roi  promit  de  conserver  inviolablement  la  li- 
berté que  ses  ancêtres  avaient  laissée  aux  ar- 
chevêques et  aux  évèques,  d'instituer  des  cha- 
pelains dans  les  chapelles  de  fondation*  ou  de 
dotation  royale,  sans  attendre  le  consentement 


ou  la  présentation  des  rois,  ou  des  autres 
laïques. 

«  Concessit  rex  ,  quod  a  prœdecessoribus 
suis  est  concessum,  scilicel  ut  licitum  sit  sem- 
per  archiepiscopis  et  episcopis,  in  capellis  a 
regibus  fundatis,  vel  dotatis,  sicut  et  in  aliis 
capellis  sune  provineiœ  ,  instituere  idoneas , 
sine  ipsorum  et  aliorum  laicorum  assensu  , 
vel  prœsentatione  personas  (Rainald.,  n.  20).  » 

L'exclusion  même  du  patronage  laïque  dans 
les  chapelles  fondées  par  les  rois  et  par  les 
autres  seigneurs  était  bien  un  usage  particu- 
lier à  la  Norvège  :  mais  cela  même  montre 
clairement  l'extrême  dépendance  où  était  alors 
tout  le  clergé  du  palais  royal  et  tous  les  cha- 
pelains des  grands  à  l'égard  des  évèques  qui 
disposaient  de  ces  charges  comme  des  autres 
bénéfices.  Les  seigneurs  laïques  n'avaient 
garde  de  prétendre  encore  à  la  qualité  de  col- 
lateurs,  puisqu'ils  ne  l'étaient  pas  même  à  l'é- 
gard de  leurs  chapelains,  et  de  plus  qu'ils  ne 
jouissaient  pas  du  droit  de  patronage  ordinaire 
à  leur  égard. 

IV.  L'abbé  Guibert  fournit  une  nouvelle 
preuve  de  ces  mômes  réflexions.  Il  dit  que  sa 
mère  avait  deux  ecclésiastiques  dans  sa  mai- 
son, l'un  qui  était  son  chapelain  et  l'autre  le 
précepteur  de  son  fils.  Ils  desservaient  une 
église  qui  appartenait  k  cette  dame,  selon  le 
mauvais  usage  de  ce  siècle,  où  les  laïques  s'é- 
taient approprié  les  églises.  «  Evocatis  ipsa 
duobus  clericis  ,  capellano  suo  et  magistro 
meo,  sub  eorum  custodia  in  ecclesiam  me 
deferri  prsecipit.  Juxta  pravitatem  vero  veteris 
usus,  ecclesia  illa  ad  jus  ejus  pertinebat  (L.  ni, 
de  vita  sua,  c.  ult.).  » 

On  peut  conclure  de  là  et  des  autorités  pré- 
cédentes, que  tous  les  chapelains  des  seigneurs 
laïques  avaient  effectivement  quelque  chapelle 
particulière,  pour  laquelle  ils  devaient  être 
ordonnés  ou  institués  par  l'évêque.  Ainsi  ils 
étaient  vrais  bénéfieiers.  Mais  on  en  peut  en- 
core conclure  que  les  conciles  prirent  un  soin 
tout  particulier  de  conserver  l'autorité  des 
évèques  dans  l'institution  des  chapelains  , 
parce  que  les  laïques  en  avaient  fait  comme 
leur  patrimoine  ,  par  une  usurpation  sacri- 
lège, qui  avait  embrassé  la  plupart  des  autres 
églises. 

Comme  ces  chapelles  appartenaient  plus 
particulièrement  aux  patrons  laïques  qui  en 
étaient  les  fondateurs,  aussi  ils  se  les  appro- 
priaient plus  opiniâtrement,  et  il  fallut  donner 


DU  CLERGÉ  DU  PALAIS  DU  PRINCE,  etc. 


113 


de  plus  grands  combats  pour  les  remettre 
dans  L'obéissance  dos  évéques. 

Avant  le  rétablissement  de  l'autorité  do  l'ins- 
titution épiscopale  dans  ces  chapelles,  les  sei- 
gneurs laïques  en  disposaient,  non  pas  comme 
patrons,  mais  comme  collateurs.  Et  ce  furent 
ces  premières  tentatives  de  collations  usurpées 
que  les  canons  renversèrent. 

Le  pieux  et  savant  Gerson  déplorant  les  dé- 
sordres des  ecclésiastiques,  se  plaignait  de  ce 
que  les  évêques  avaient  laissé  échapper  d'entre 
leurs  mains  le  pouvoir  de  destituer,  aussi  Lieu 
que  d'instituer  les  chapelains  des  princes. 
«  l  hi  est  quod  nullus  principum  laicorum,  ca- 
pellanum  habeat  nisi  ah  episcopo  datum ,  in 
casu  ab  episcopo  deponendum ,  vel  corrigen- 
dum  (Gerson,  tom.  i,  pag.  205).  » 

V.  Les  papes  et  les  empereurs  avaient  aussi 
leurs  chapelains.  Innocent  II  voulant  retirer 
Pierre,  diacre  et  moine  du  Mont-Cassin,  pour 
l'attacher  à  sa  maison  et  à  ses  intérêts,  lui  pro- 
mettait de  le  mettre  au  rang  de  ses  chapelains, 
et  de  pourvoir  libéralement  à  tous  ses  besoins, 
w  Se  illum  inter  capellanos  suos  hahiturum,  et 
quasque  illi  necessaria  prœbiturum  (Chron. 
Cassin.,  1.  iv,  c.  11  i,  117.  125).  » 

L'empereur  Lothaire  le  lit  peu  après  son 
cartulaire  et  chapelain  de  l'empire,  «  Chartu- 
larium  et  capeUanum  Romani  imperii  con- 
slituit.  »  Ensuite  il  écrivit  à  l'abbé  du  Mont- 
Cassin  pour  le  lui  demander  ,  donnant  à  cet 
abbé  la  même  qualité  de  chapelain,  avec  plu- 
sieurs autres  plus  magnifiques  :  o  Guibaldo 
Cassinensi  hierarchae,  et  Romani  imperii  can- 
cellario,  capellano,  ac  principi  pacis.  » 

Valsingham  a  parlé  de  l'avarice  infâme  d'un 
cardinal,  qui  vendit  en  Angleterre  les  choses 
les  plus  saintes,  en  l'an  381,  et  entre  autres  les 
qualités,  ou  offices  de  chapelain  du  pape  et  de 
notaire  apostolique.  «  Ad  capellanatum  domini 
papa?  tam  possessionatos  ,  quam  mendicantes 
admisit.  » 

VI.  Pierre  de  Rlois,  écrivant  au  chapelain  du 
roi  de  Sicile,  lui  témoigne  avec  autant  de  zèle 
que  d'éloquence  qu'il  est  de  son  devoir  d'aver- 
tir sans  cesse  ce  jeune  roi  de  ne  point  donner 
les  évèchés  a  des  personnes  indignes  d'un  si 
divin  ministère,  et  de  ne  point  porter  ses  mains 
sur  les  trésors  sacrés  de  l'Eglise  :  car  étant  le 
pasteur  de  ce  jeune  roi ,  il  ne  peut  le  laisser 
perdre  sans  périr  lui-même.  «  Ovis  tua  est,  et 
in  periculum  tuum  ipsius  custodiam  susce- 
pisli  (Epist.  s).  »  Il  est  tres-dangereux  de  ton- 


dre les  brebis,  et  ne  pas  vriller  a  leur  conser- 
vation. «  Periculosum  est  tihi,  si  in  tonsoris 
officium  concertas  ministerium  pastorale.  » 

.Lan  Selden  ,  dans  ses  notes  sur  l'histoire 
nouvelle  d'Eadmer,a  publié  le  privilège  que 
Guillaume  le  Conquérant,  roi  d'Angleterre, 
accorda,  avec  l'agrément  des  évêques  d'Angle- 
terre, à  l'abbaye  qu'il  fondait,  de  Saint-Martin 
du  Bel,  dans  le  lieu  où  il  avait  remporté  la 
plus  glorieuse  de  ses  victoires. 

Ce  privilège  contient  une  exemption  entière 
de  toute  l'autorité  temporelle,  et  de  la  juridic- 
tion spirituelle  des  évêques  ;  mais  quant  à 
l'exemption  temporelle  ,  elle  est  réglée  sur 
celle  de  la  chapelle  royale.  «  Sieut  mea  Domi- 
nica  capella  libéra  sit  omnino  ab  omni  ej us 
exactione  (Pag.  11-2,  113).»  Ainsi  la  chapelle 
royale  semble  avoir  été  alors  soumise  à  la  ju- 
ridiction spirituelle  de  l'évèque  diocésain  (Con- 
cil.  Angl.,  tom.  u,  p.  53,  54). 

Eadmer  (Histor.  Novel.,  1.  vi  ,  parlant  du 
mariage  du  roi  Henri  I",  qui  devait  se  faire 
dans  le  château  de  Vindsor,  dit  que  l'évèque 
de  Salisbury,  qui  était  le  diocésain, se  disposait 
a  en  faire  la  cérémonie  :  mais  que  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry  l'emporta  sur  lui.  parce 
que  le  roi  et  la  reine,  quelque  part  qu'ils  fus- 
sent, le  regardaient  comme  leur  curé.  «  Quod 
rex  et  regina  spéciales,  acdomestici  parocbiani 
sunf  ipsius.  » 

Roger  raconte  comment  en  1175  les  arche- 
vêques de  Cantorbéry  et  d'York  étant  en  diffé- 
rend sur  la  chapelle  de  Saint-Oswakl  à  Glocester, 
il  fut  enfin  arrêté  entre  eux  que  l'archevêque 
de  Cantorbéry  laisserait  à  cette  chapelle  la 
même  exemption  de  toute  sa  juridiction,  dont 
jouissait  la  chapelle  royale.  «  Quietam  clama- 
vït  et  liberam  ab  omni  jurisdictione  sua  capel- 
lam  sancti  Oswaldi  Gloeestria\  sicut  Domini- 
cain capellam  domini  régis.  » 

La  chapelle  royale  était  donc  alors  exem  pte  de 
la  juridiction  de  l'archevêque  de  Cantorbéry, 
quoiqu'il  fût  le  curé  particulier  des  personnes 
royales.  C'est  apparemment  de  cette  exemption 
qu'il  faut  entendre  la  lettre  d'Innocent  III,  au 
roi  Jean  d'Angleterre  :  a  Super  tua  non  excom- 
municanda  persona,  neque  tua  interdicenda 
capella,  nisi  de  mandato  Sedis  Apostolicaj 
speeiali  (Regest.  xvi.  1.  i,  epist.  cxxx).  » 

Les  rois  avaient  recouru  à  ces  privilèges 
pour  se  mettre  à  couvert  des  interdits  et  des 
censures  que  les  évêques  pouvaient  fulminer. 
Aussi  ce  pape  exhortait  ce  roi,  dans  la  même 


1 1  i 


DU  SECOND  ORDKE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DOUZIÈME. 


lettre .  à  ne  pas  contester  avec  les  évêques  sur 
des  points  de  la  juridiction  spirituelle,  mais 
à  avoir  recours  au  Saint-Siège. 

«  Illud  regali  tua?  prudenti»  consulimus  ad 
cautelam,  ut  cum  archiepiscopis  et  cpiscopis 
regni  tui  contentiose  non  agas,  maxime  super 
negotiis  spiritualibus  et  ecclesiastico  jure  cum 
ad  nos  possis  habere  recursum,  perquos  multa 
poteris  honeste  perficere,  quae  boneste  non 
posses  perficere  per  teipsum  ;  pro  certo  confi- 
dens,  quod  nos  pctitiones  et  preces  tuas  quan- 
tum bonestas  permiserit,  intendimus  exau- 
dire.  » 

La  demande  et  la  concession  de  cette  immu- 
nité pouvaient  être  non-seulement  justes  et 
raisonnables,  mais  aussi  nécessaires  et  avanta- 
geuses à  l'Eglise,  puisque  le  premier  qui  de- 
manda et  qui  obtint  une  exemption  tout  en- 
tière pour  la  sainte  chapelle,  fut  le  roi  saint 
Etienne,  apôtre  et  fondateur  de  toutes  les 
Eglises  de  Hongrie.  Rien  n'est  plus  impor- 
tant pour  le  salut  des  Eglises  particulières,  que 
la  bonne  intelligence  et  l'union  indissoluble 
des  rois  avec  le  Saint-Siège,  qui  est  le  centre 
de  l'unité  de  toutes  les  Eglises. 

11  ne  faut  pas  demander  d'exemple  plus  con- 
vaincant que  le  royaume  même  d'Angleterre 
dont  nous  parlons.  Ceux  qui  y  feront  une  sé- 
rieuse réflexion,  demeureront  persuadés  qu'In- 
nocent III  ne  pouvait  lier  trop  étroitement  la 
couronne  d'Angleterre  au  Saint-Siège. 

Edouard  II,  roi  d'Angleterre,  faisant  réponse 
aux  articles  du  cahier  que  le  clergé  de  son 
royaume  lui  avait  présenté  en  1310,  y  ajouta 
ce  point  important,  que  de  temps  immémorial 
les  clercs  de  son  palais,  pendant  le  temps  qu'ils 
étaient  en  service  étaient  exempts  de  résider 
en  leurs  bénéfices,  sans  qu'on  put  croire  que 
ce  qui  était  nécessaire  pour  le  prince  et  pour  la 
république  pût  être  préjudiciable  à  la  liberté 
ecclésiastique. 

«  Rex  et  antecessores  sui  a  tempore,  cujus 
contrarii  memoria  non  existit,  usi  sunt,  quod 
clerici  suis  immorantes  obsequiis,  dum  obse- 
quiis  illis  intenderent,  ad  residenliam  in  suis 
beneficiis  faciendafn  minime  compellantur. 
Nec  débet  dici  tendere  in  praejudicium  eccle- 
siasticœ  libertatis,  quod  pro  rege  et  republica 
nec  sarium  invenitur  (Concil.  ('.en.,  loin,  u, 
part.  2,  p.  2465).  » 

Dans  les  ordonnances  de  l'archevêque  de 
Cantorbéry,  en   lil",  il  est  parlé  des  patrons 


et  des  bénéfices  de  fondation  royale,  qui  étaient 
chargés  de  certaines  pensions  pour  les  clercs 
du  palais  royal,  jusqu'à  ce  qu'ils  les  eussent 
pourvus  de  quelque  bénéfice  :  «  Clericis  régis 
in  certis  annuis  pensionibus  sunt  astricti  , 
quousque  aliqua  bénéficia  competentia  eis  ob- 
tulerint,  et  ipsa  acceptaverint.  » 

On  trouve  à  la  tête  du  concile  de  Tortose,  en 
1429  (C.  Cum  Capella.  De  privilegiis),  plusieurs 
lettres  du  roi  Alphonse  d'Aragon  ,  et  une  entre 
autres  où  il  casse  toutes  les  lettres  que  divers 
ecclésiastiques  avaient  surprises  pour  s'exemp- 
ter de  la  justice  des  ordinaires,  en  se  faisant 
passer  pour  clercs  domestiques  du  palais.  Les 
véritables  clercs  de  la  chapelle  du  prince  en 
étaient  donc  déjà  exempts.  D'où  il  faut  conclure 
que  toutes  les  chapelles  royales  avaient  obtenu 
la  communication  du  privilège  de  la  sainte 
chapelle  des  ducs  de  Bourgogne,  à  Dijon,  dont 
l'exemption  est  remarquée  dans  la  décrétale 
d'Innocent  III,  au  chapitre  cum  Capella;  et 
elle  consistait  en  ce  que  les  chanoines  de  la 
sainte  chapelle  ne  pouvaient  être  ni  suspendus 
ni  excommuniés,  ni  interdits  par  les  ordinaires. 

Le  concile  de  Trente  a  renouvelé  ce  chapitre 
cum  Capella,  et  l'exemption  des  chapelains  des 
rois  dans  sa  session  xxiv.  chap.  xi. 

Les  ordonnances  de  l'archevêque  de  Cantor- 
béry, en  1464,  défendent  au  commun  des  ec- 
clésiastiques les  chaperons,  les  cornets  et  autres 
ornements  propres  aux  gradués,  aux  dignités 
et  aux  prêtres,  ou  aux  clercs  de  la  chapelle 
du  roi  :  a  Presbyteris  et  clericis  in  servitio  do- 
mini  régis.  » 

VIL  Pour  ce  qui  regarde  les  chapelains  des 
seigneurs  particuliers,  Nicolas  V  répondant,  en 
1447,  à  diverses  consultations  des  Saxons, 
comme  il  y  en  avait  une  sur  les  chapelains 
qui  sont  attacbés  à  des  chapelles  particulières 
où  ils  célèbrent  la  messe  aux  seigneurs  du  lieu , 
leur  fit  savoir  que  cela  se  pouvait  avec  la  per- 
mission de  l'évèque,  mais  qu'il  était  et  bien 
plus  séant  et  plus  sûr  que  ces  chapelains  ne 
logeassent  pas  dans  la  même  maison  avec  les 
laïques. 

«  An  liceat  laicis  servare  unum,  vel  plures 
capellanos,  propler  Deuin  in  domo  sua  borne 
vitae  recommendatos,  qui  sibi  posent  légère, 
vel  cantare  missas  in  aliqua  ecclesia ,"  sive  ca- 
pella ,  sine  pnejudicio  parochialis  ecclesia! ? 
Dicendum  est  quod  presbyteri  de  licentia 
episcopi  diœcesani  boc  possint    facere  :  est 


DU  CLERGÉ  DU  PALAIS  DU  PRINCE,  etc. 


h;. 


tanien  decentius  habitare  extra  munis  laico- 
runi  propter  multa  quœ  occurrere  possunt  ex 
tali  cohabitatione  [Rainald.,  n.  28).  » 

Voilà  comment  on  s'était  déjà  relâché  de 
L'ancien  usage;  et  au  lieu  que  1rs  évoques  don- 
liaient  des  chapelains  pour  desservir  les  cha- 
pelles et  pour  travailler  au  salut  îles  laïques, 
on  se  contenta  de  demander  leur  permis- 
sion. 

C'est  peut-être  ce  changement  qui  jeta  les 
piètres  dans  l'avilissement  et  dans  le  mépris, 
lorsqu'ils  abaissèrent  ensuite  leur  dignité 
sainte  et  éminente  a  toutes  les  bassesses  qui 
sont  comme  inévitables  aux  chapelains  des 
grands,   et   surtout  des  dames. 

C'est  le  sujet  de  la  juste  plainte  du  concile  de 
Cologne,  en  1330  (Part,  n,  c.  xxvn)  :  «  Magna 
eorum  levitas  est,  in  magnam  cleri  ignomi- 
niaui  redundans,  qui  se  laicis,  atque  adeo  de- 
licatis  feminis,  ventris  causa,  in  capellanos, 
ut  appellant,  atque  anteambulones  venditant. 
Qui  enim  debebant  esse  gregis  duces,  redigun- 
tur  in  caudam ,  et  sordidissimis  quibusque 
negotiis  alligantur  :  proh  dolorl» 

L'ancienne  discipline  fut  mieux  maintenue 
pour  les  chapelains  des  grands  dans  leurs  châ- 
teaux, par  le  concile  de  Mayence,  en  1349 
(Cap.  xcv).  Il  ordonna  qu'ils  seraient  institués 
par  l'évèque  et  qu'ils  lui  promettraient,  ou  à 
son  archiprêtre,  d'obéir  à  ses  ordres,  d'assister 
aux  synodes  et  aux  chapitres  du  doyen  rural, 
enfin  de  ne  préjudicier  en  façon  quelconque 
aux  droits  de  la  paroisse. 

«  Sacellani  nobilium  in  sacellis  castrorum 
missas  celebrare,  aut  alia  sacramenta  conferre, 
aut  etiam  praedicare  non  présumant,  nisi  super 
eo  autoritatem  et  consensum  ordinariorum  ob- 
tinuerint,  et  prius  manualem  promissionem 
episcopo  ,  seu  loci  illius  archipresbytero  feee- 
rint,  sein  obedientia  diœcesani  mansuros,  et 
ad  synodos  et  capitula  venturos,  et  mandatis 
ecclesiasticis,  secundum  justitiam,  et  quatenus 
cos  altingimt  esse  parituros;  salvis  etiam  juri- 
bus  parochiarum,  ad  quastalia  castra  nobilium 
pertinere  noscuntur.  » 

VIII.  Nous  n'avons  rien  à  dire  des  archicha- 
pelains,  parce  que  ce  nom  et  cette  dignité 
s'éteignirent  avec  la  maison  de  Charlemague, 
tant  dans  la  France  que  dans  l'Allemagne, 

Ce  n'est  pas  que  les  rois  et  les  empereurs 
d'Allemagne  ne  prissent  un  soin  extrême  de 
remplir  le  clergé  de  leur  palais  de  personnes 
éniinentes  en  piété,  en  zèle  et  en  science,  et  de 


tonner  par  ce  moyen  auprès  de  leur  personne 
ennuie  une  pépinière  d'évèques.  En  voici  une 
preuve  mémorable  tirée  de  la  vie  de  saint 
Bennon,  évêque  île  Misne,  dans  le  \r  siècle  : 

Henri  III,  roi  d'Allemagne,  ayant  fait  dédier 
sa  chapelle  royale  de  Gozlar,  par  Léon  IX, 
voulut  y  faire  son  séjour  et  le  siège  de  son 
empire,  et  y  appela  tout  ee  qu'il  y  avait  dans 
l'empire  de  personnes  signalées  en  vertu  et  un 
capacité  :  «  Quam  Ecclesiam  cuin  imperator 
imperii  capellam,  et  canonicos  ipsius  capella- 
nos regios  haberi  et  nominari  vellet  :  exactam 
dédit  operam,  ut  viros  tanto  honore  dignos,  et 
tam  litteris,  quamsanctae  conversations  mori- 
bus  probatos  eidem  ecclesiae  praefleeret.  Siqui- 
dem  illic  etiam  regni  sedem  constituerai.  Lecti 
sunt  igilur  ex  oinni  fere  Germania  viri,  cum 
doclissiini  ,  tum  religionis  observantissimi 
(Surius,  die  16  Junii,  c.  xi).  » 

On  vivait  dans  le  clergé  du  palais  en  congré- 
gation. Saint  Bennon  fut  retiré  de  son  monas- 
tère par  ce  roi  et  par  le  pape  pour  en  prendre 
la  conduite;  et  la  discipline  y  était  si  exacte- 
ment observée  ,  qu'il  y  eu  eut  plusieurs  qui, 
après  leur  mort,  furent  canonisés.  Comme  les 
empereurs  donnaient  encore  les  évêchés,  l'au- 
teur de  la  vie  de  ce  saint  en  nomme  près  de 
cinquante  de  cette  sainte  communauté  qui 
furent  élevés  à  l'épiscopat. 

a  Quam  laudabilem  vero  ac  sanctam  olim 
vitam  duxerit  prima  ea  Goslariensium  canoni- 
corum  congregatio  ,  docuniento  esse  potest, 
non  solum  id ,  quod  plures,  ex  eis  divorum 
numéro  ascripti,  plurimi  Beatorum  appella- 
tione,  dum  adhuc  viverent,  dignati  sunt  : 
verum  illud  etiam  memoratu  dignissimum, 
quod  cum  in  potestate  imperatorum  adhuc 
esset  episcoporum  designatio,  pauci  aliunde, 
quam  ex  eadem  regia,  ut  dicebatur,  capella, 
tam  sub  praedicto  Heurico  III,  quam  filio  ipsius 
IV  et  nepote  V  œquivoci  nominis  regibus,  ad 
quaecumque  etiam  episcopia  conscenderint.  u 

Il  en  nomme  ensuite  quarante-huit  qui,  de 
prévôts  ou  de  chanoines  de  cette  sainte  cha- 
pelle, furent  faits  évoques  ou  archevêques. 

Si  j'ai  souvent  dit  qu'un  fort  grand  nombre 
d'évèques  avaient  été  tirés  du  clergé  du  palais 
des  empereurs  et  des  rois,  j'ai  toujours  aussi 
fait  connaître  qu'on  prenait  tous  les  soins  ima- 
ginables de  ne  composer  ce  clergé  que  de  per- 
sonnes qui  se  distinguassent  par  une  piété  et 
une  capacité  singulières.  On  ne  peut  douter 
que  ceux  qu'on  tirait  de  h  chapelle  royale  de 


llli 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DOl'ZIÈME. 


Gozlar  ne  fussent  tels,  et  ne  méritassent  les 
évêchés  par  la  suite  même  d'une  dignité  si 
sainte. 

Ce  clergé  impérial  de  C.ozlar  n'ayant  été 
gouverné  que  par  des  prévôts,  il  est  visible  que 
sous  ces  trois  empereurs  on  ne  parlait  plus 
d'archichapelains  du  palais.  Dans  la  vie  du 
saint  et  illustre  martyr  Charles  ,  comte  de 
Flandres,  dans  le  douzième  siècle,  il  est  parlé 
de  Bertulphe,  son  archichapelain  et  son  chan- 
celier. «  Archicapellanus  et  cancellarius  to- 
tius  Flandrensis  curiae  (Surius,  die  2  Martii, 
c.  xi  y).  » 

En  parlant  des  chanceliers,  nous  rencontre- 
rons encore  quelques  archichapelains  dans 
l'Allemagne.  Mais  ces  exemples,  qui  sont  très- 
rares  et  anciens,  ne  servent  qu'à  nous  faire 
connaître  qu'il  est  difficile  que  les  dignités  et 
les  coutumes  anciennes  disparaissent  tellement 
et  si  généralement,  qu'il  n'en  reste  encore 
quelques  vestiges  pendant  quelque  temps. 

Nicéphore  Crégoras  (L.  v,  pag.  61  ;  I.  vi, 
pag.  76)  rend  le  même  témoignage  aux  empe- 
reurs de  Constantinople,  qui  appelaient  à  leur 
clergé  impérial  les  plus  pieux  et  les  plus  ha- 
biles d'entre  les  ecclésiastiques,  ce  qui  était 
comme  un  degré  pour  monter  ensuite  aux 
évêchés,  et  même  à  la  dignité  de  patriarche. 

IX.  Quant  à  nos  rois,  on  ne  parla  plus  d'ar- 
chichapelains depuis  Hugues  Capet  ;  ils  se 
contentaient  d'un  chapelain  et  d'un  aumô- 
nier. 

M.  du  Cange  a  rapporté  les  ordonnances 
de  saint  Louis,  de  Philippe  le  Bel  et  de  Phi- 
lippe le  Long,  où,  entre  ceux  qui  ont  cham- 
bre dans  l'hôtel  du  roi,  sont  le  chapelain  et 
l'aumônier.  L'ordonnance  de  Philippe  le  Bel 
porte  les  chajtclains,  les  confesseurs  et  l'aumô- 
nier (Glossar.,  tom.  i,  pag.  2-27).  Ainsi  l'aumô- 
nier était  alors  postposé  aux  chapelains  ;  mais 
cette  dignité  s'éleva  ensuite  par  degrés. 

Depuis  Charles  VI,  ceux  qui  possédèrent 
cette  dignité  furent  le  plus  souvent  élevés  à 
l'épiscopat.  Jean  Balue,  sous  Louis  XI,  fut  fait 
non-seulement  évoque  d'Evreux,  mais  cardi- 
nal. Sous  Charles  VIII,  Jean  de  Rely,  évêque 
d'Angers,  commença  à  prendre  là  qualité  de 
grand  aumônier  (Ibidem).  Cette  qualité  ne  lui 
est  pourtant  pas  donnée  ni  dans  son  épitaphe  . 
rapportée  par  MM.  de  Sainte-Marthe,  ni  dans 
son  éloge,  dressé  par  M.  de  Launoy  dans  son 
histoire  du  collège  de  Navarre,  en  l'an  1482 
Gallia  Christ.,  tom.  n). 


Ceofroy  de  Pompadour,  évoque  de  Périgneux 
et  ensuite  du  Puy,  posséda  la  même  dignité,  et 
prit  le  même  titre  sous  Charles  VIII  et 
Louis  XII.  Du  Tillet  a  fait  le  titre  de  grand  au- 
mônier bien  plus  ancien,  mais  il  s'est  trompé. 
La  grande  aumônerie  a  depuis  été  érigée  en 
office  de  la  couronne,  et  n'a  été  donnée  qu'à 
des  personnes  de  grand  mérite  ou  de  grande 
qualité,  ou  à  des  cardinaux. 

Du  Tillet  nous  apprend ,  par  les  archives 
mêmes  de  la  couronne,  quel  était  le  pouvoir, 
et  quelles  étaient  les  fonctions  du  grand  aumô- 
nier. 

Il  dit  que  «  par  les  états  des  rois  Philippe  III, 
n  Philippe  le  Bel  et  Philippe  le  Long,  les 
«  grand  aumônier  et  confesseur  du  roy  avaient 
«  chacun  une  chambre,  et  logeoient  en  l'hôtel 
«  du  roy,  auquel  n'yendevoit  avoir  que  quatre 
«  autres,  outre  celle  de  sa  majesté.  Les  rois 
«  très-chrétiens  vouloient  avoir  nuit  et  jour 
«  près  d'euxeeuxqui  ser  voient  à  leurs  âmes,  de 
«  peur  des  soudains  accidents  :  aussi  ces  deux 
«  offices  souloient  être  des  plus  révérez  en  ce 
«  royaume  pour  la  charge  qu'ils  ont;  de  laquelle 
«  bien  acquittée,  l'utilité  provient  plus  que  de 
«  nulle  autre.  Le  grand  aumônier  faisoit  ser- 
ti ment  qu'il  ne  feroit  au  roy  pétition  qui  ne 
«  fût  juste  de  piété,  et  sans  autre  faveur,  ainsi 
«  qu'il  est  porté  par  l'ordonnance  de  Philippe 
a  le  Bel,  en  1290.  Par  celle  de  Philippe  le 
«  Long,  en  1318,  est  défendu  à  tous  de  s'ingé- 
«  rer  de  parler  au  roi  pendant  qu'il  ovl  la 
«  messe  fors  à  son  confesseur,  qui  lui  peut  par- 
ti 1er  seulement  des  choses  touchant  le  fait 
«  de  sa  conscience  et  salut  de  son  âme  :  et 
«  après  la  messe  avant  que  le  roy  parte  de  son 
a  oratoire,  il  lui  peut  parler  de  ce  qui  concerne 
a  le  fait  de  la  collation  des  bénéfices,  et  non 
«  d'autre  chose.  Semblablemcnt  le  grand  au- 
(i  mônier,  après  la  messe  dans  l'oratoire,  lui 
«  peut  parler  seulement  des  choses  touchant  le 
«  fait  de  l'aumône.  Par  autre  ordonnance  de 
«  Philippe  le  Long,  régent  du  royaume  en  i:Jl(i, 
«  le  confesseur  a  pouvoir  de  commander  les 
«  lettres  des  bénéfices,  pour  être  signées  et 
o  scellées,  et  le  grand  aumônier  celles  de  l'au- 
«  mône.  Il  y  a  eu  plusieurs  différends  de  la 
a  juridiction  et  connaissance  prétendue  par  le 
«  grand  aumônier  à  cause  de  son  office,  sur  les 
«  maladrcries  et  hospitaux  du  royaume,  nième- 
«  ment  étant  de  fondation  royale,  pour  les 
«  gouvernement,  Visitation  et  réformation.  En 
o  1 I5S,  au  parlement  fut  confessé  que  ceux  qui 


DU  CLERGÉ  DL  l'ALAIS  DU  PRINCE,  etc. 


117 


«  étoient  intitulez  bénéfices  dévoient  répondre 
o  .i  Leurs  évèques  ;  et  ceux  qui  étoient  gouvernez 
«  par  yens  lays,  au  grand  aumônier.Ce  qui  a  de- 
«  puis  été  confirmé  par  plusieurs  édits  de  Fran- 
a  çois  IM(Du  Til.,Rec.  des  rois  de  Fr.,p.  \34  o 
Ces  termes  de  du  Tillet  nous  font  voir  que 
la  charge  de  grand  aumônier  n'a  eu  nul  rap- 
port a  celle  de  larchieuapelain  sous  la  race  de 
Charlemagne. 

(1)  Le  grand  aumônier  était  évèque  de  la  cour  et  l'un  des  grands 
officiers  de  la  couronne  de  France.  11  avait  seul  la  surveillance  et  la 
direction  de  la  maison  ecclésiastique  du  roi.  Il  officiait  devant  le  roi 
sans  la  permission  de  l'ordinaire,  dans  quelque  diocèse  qu'il  se  trou- 
vât. Il  nommait  les  prédicateurs  qui  devaient  remplir  les  stations  a 
la  cour.  Il  avait  seul  la  juridiction  ecclésiastique  sur  l'hospice  royal 
des  Quinze -Viogts,  fondé  pour  les  aveugles,  en  vertu  d'une  bulle 
d'exemption  accordée  par  le  pape  Jean  XXIII,  le  8  novembre  1441, 
que  nous  lisons  dans  le  volume  déjà  cité  des  Privilèges  accordes  a 
la  couronne  de  France  par  le  Saint-Siège.  Nous  y  trouvons  égale- 
ment une  autre  bulle  de  Grégoire  XV,  du  30  juin  1622,  qui  soumet  a 
la  juridiction  de  l'ordinaire  toutes  les  religieuses  hospitalières  de 
France,  à  l'exception  seulement  des  communautés  de  Paris,  qui  les- 
tent soumises  à  la  juridiction  du  grand  aumônier  de  France.  Le  der- 
nier qui  occupa  cette  haute  fonction,  avant  la  révolution,  fut  le  prince 
Louis  de  Rohan,  cardinal  et  évèque  de  Strasbourg,  mort  en  émigra- 
tion en  1803. 

Un  décret  impérial  du  28  mars  1805  rétablit  la  grande  aumônene 
avec  les  mêmes  attributions  qu'elle  avait  jadis.  Le  grand  aumônier 
eut  de  plus  la  direction  des  missions  françaises  dans  les  pays  étran- 
gers, et  il  fut  autorisé  à  recevoir  les  dons  et  legs  faits  aux  lazaristes 
chargés  de  ces  missions.  II  présentait  au  serment  de  fidélité  les  évè- 
ques  nommés;  il  devait  accompagDer  l'empereur  au  service  divin  et 
lui  présenter  son  livre  d'heures  ;  il  devait,  à  certaines  fêtes,  présenter 
à  l'empereur  le  livre  des  Evangiles  à  baiser  ;  il  assistait  aux  prières 
du  souverain  et  récitait  la  bénédiction  et  les  grâces  après  les  repas 
solennels.  Le  cardinal  Fesch,  archevêque  de  Lyon,  était  le  grand 
aumônier  de  l'Empire.  Il  se  fit  pape  à  l'occasion  du  second  ma- 
riage. (Voir  les  Mémoires  du  cardinal  Consahi.) 

La  restauralion  remit  le  grand  aumônier  de  France  dans  ses  an- 
cieDS  titres  et  prérogatives,  et  nomma  à  cette  dignité  le  cardinal  de 
Talleyrand-Péngord,  archevêque  de  Paris. 

Le  "gouvernement  de  Juillet  laissa  dans  l'oubli  les  fonctions  et  le 
titre  de  grand  aumônier. 

Le  second  Empire  l'a  rétabli,  et,  afin  d'éviter  des  conflits  qui 
avaient  eu  lien  quelquefois  lorsque  ce  haut  dignitaire  occupait  un 
siège  épiscopal  autre  que  celui  de  la  capitale,  Napoléon  III  a  nomme 
M  :r  Darboy,  archevêque  de  Paris,  grand  aumônier  de  France.  On 
rail  que,  sons  la  restauration,  Mgr  de  0_uélen,  archevêque  de  Paris, 
prétendit  que,  comme  ordinaire,  il  avait  le  droit  de  présider  a  la  cé- 
rémonie des  obsèques  de  Louis  XVIII,  que  le  cardinal  de  Croy,  ar- 
chevêque de  Rouen,  revendiquait  à  son  tour  comme  grand  aumônier 
de  France.  . 

Aujourd'hui,  outre  le  grand  aumônier,  il  y  a  un  premier  aumônier, 
qui  est  toujours  évèque,  et  huit  aumôniers  ordinaires,  dits  chapelains 
de  l'empereur. 

Par  la  constitution  Commit  Provida,  des  nones  de  juillet  1741, 
Benoit  XIV  régla  les  attributions  du  grand  aumônier  du  royaume  de 
Naples  qui,  comme  partout  ailleurs,  était  l'évêque  de  la  cour  ;  mais  il 
étendit  sa  juridiction  sur  les  aumôniers  des  armées  de  terre  et  de  mer, 
des  prisons  et  des  hôpitaux  et  lui  soumit  tout  le  personnel  qui  en  dé- 
pendait :  .  Easque  corrigere  et  visitare  ac  in  easdem  omnimodam  ju- 
.  risdictionem  ordinariam,  omnia  et  singula  alia,  qua:  archiepiscopi  et 
.  episcopi  in  dicecesibus  his  de  jure  vel  consuetudine  aut  alias  quo- 
.  modoUbetfacereautexercereconsueverunt,  idem  Capellanus  Major 


Fauchet  dit  que  l'évêque   d'Angoulême  se 

prétendait  arcliicliapelain  de  nos  rois,  pendant 
qu'ils  étaient  en  Aquitaine,  par  une  concession 
de  Pépin  le  Bref;  mais  <[ue  Louis  le  Jeune,  ve- 
nant en  Guyenne,  l'empêcha  d'user  de  ce  droit, 
selon  la  chronique  d'Angoulême  Fauchet,  Ori- 
gine des  dignités  de  France,  c.  vu)   I  ■ 


.  in  pranominaïas  personas  non  solum  in  regia  Capella  et  palatio, 
.  sed  in  omnibus  aliis  supra  nomioatis  ac  designat.s  locis  exercere, 
.  vel  per  se,  vel  per  alios  ministres  et  capellanos  a  se  députâtes 
.  solet.  •  11  déclare  qu'il  lui  confirme  tous  ces  droits  et  privilèges  a 
cause  des  conflits  qu'ont  suscités  quelques  évèques  du  royaume.  Le 
orand  aumônier  du  royaume  de  Naples  est  toujours  archevêque  m 
partibus  infidelium.  L'article  26  du  concordat  conclu,  en  1818,  entre 
Pie  VII  et  le  roi  Ferdinand  1er  confirme  toute  sa  juridiction  en  ces 
termes  :  «  Curia  Capellani  Majoris,  ejusdemque  junsdictio,  lis  contine- 
.  bitur  limitibus,  qui  in  constitution  Benedicli  XIV,  cujus  iniuum 
«  Convenir,  super  eadem  re  praesenbuntur.  »  f 

Le  "rend  aumônier  d'Espagne,  qui  porte  toujourele  titre  de  pa 
triarche  des  Indes,  a  reçu,  en  vertu  dune  bulle  de  1681,  la  juridic- 
tion épiscopale  sur  les  armées  de  terre  et  de  mer.  Sur  la  demande 
de  Philippe  V,  roi  d'Espagne,  le  pape  Clément  XII  publia  la  consti- 
tution Q;oniam,  du  4  février  1736,  pour  bien  préciser  les  attributions 
du  grand  aumônier  sur  toutes  les  troupes  espagnoles  et  l'exemption 
des  aumôniers  ordinaires  de  la  juridiction  des  évèques  diocésains. 
Cette  bulle  contient  vingt  articles  qui  énumèrent  tous  les  pouvoir* 
que  possède  le  grand  aumônier.  , 

Le  28  mars  1746,  Benoit  XIV  attribua  les  mêmes  privilèges  et 
pouvoirs  au  grand  aumônier  de  la  cour  de  Sardaigne. 

Le  23  mai  1815,  Pie  VII  confirma  au  grand  aumônier  de  la  cour 
d'Autriche  le  privilège  obtenu,  en  1780,  d'être  l'évêque  de  la  cour,  et 
à  ses  délégués  d'être  les  curés  des  régiments  :  .  Conceditur  facilitas, 
.  confirmatione  et  ordinatiooe  exceptis,  administrandi  omnia  Eccle- 
«  sia;  sacrameuta,  etiam  ea,  qua;  nonnisi  per  parochialium  Ecclesia- 
.  rum  rectores  ministrari  consueverunt,  reliquasque  functiones  et 
.  munia  parochialia  obeundi.  .  Voilà,  croyons-nous,  complètement 
détaillé  tout  ce  qui  concerne  la  discipline  actuelle  de  l'Eglise,  tou- 
chant les  grands  aumôniers  des  rois. 

La  chapelle  du  souverain  pontife  se  compose  de  chapelains  d  Aon- 
neur  et  de  chapelains  ordinaires,  d'un  prédicateur  pris  toujours  dans 
l'ordre  des  Capucins,  du  confesseur  de  la  cour,  tiré  exclusivement  de 
l'ordre  des  Servîtes,  e-,  du  sacristain,  emploi   toujours  confie  a  un 
relweux  augustin,  élevé  à  la  dignité  épiscopale   sous  le  titre  d  e- 
vèqne  de  Porphyre  in  partibus  ;  le  sous-sacristain  est  également  un 
au»ustin;  le  maître  du  sacré-palais  est  un  dominicain;  il  occupe 
une  très-haute  position  dans  la  prélature.  11  y  a  ensuite  les  maîtres 
de  cérémonies,  les  acolytes,  les  chantres,  portant  tous  l'habit  prelaliçe. 
Quoioue  le  cardinal  grand  pénitencier  ne  sou  pas  de  la  chapelle, 
c'est  lui' qui,  le  jour  des  cendres,  les  impose  sur  la  tète  du  souverain 
pontife  et  des  cardinaux.  C'est  lui  encore  qui  célèbre  la  messe  des 
présanctifiés  le  vendredi-saint,  et  la  messe  des  Morts  le  2  novembre, 
en  présence  du   pape  et  du  Sacré-Collège.  Lorsque  le  pape   est  a 
l'a-onie,  c'est  à  lui  qu'incombe  l'honneur  de  l'assister  et  de  le  fortifier 
dans  le  terrible  passage  de  la  vie  à  la  mort.  Pour  l'accompl.ssemeot 
de  son  office,  .1  entend  les  confessions  le  dimanche  d«s  Rameaux  a 
Samt-Jeao-de-Latran,  le  mercredi-saint  à  Saiale-Mane-Majeure,     e 
jeudi-saint  et  le  vendredi-saint  à  Saint-Pierre.  Il  accorde  ces  jours-la 
cent  jours  d'indulgence  à  tous  ceux  qui  se  présentent  pour  recevoir 
un  coup   de  la  verge   pénitentielle   qu'il   tient  dans  ses  mains.  On 
trouve  dans  le  premier  volume  des  bulles  de  Benoit  XIV,  la  consti- 
tution pastor  bonus  qui  détermine  tous  ses  pouvoirs. 

(Dr    ANDRE.) 


Th.  —  Tome  11. 


27 


il8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-TREIZIÈME. 


CHAPITRE  CENT-TREIZIEME. 


DES    CARDINAUX    JISQU  A     L  AN    MIL    TROIS    CENT. 


I.  Quand  les  évèques  cardinaux  commencèrent  à  s'élever  au- 
dessus  des  autres  évèques.  Us  étaient  évèques  cardinaux  a  l'égard 
de  l'église  de  Saint-Jean-de-Latran,  à  Rouie.  L'élection  du  pape 
commence  à  dépendre  principalement  d'eux. 

II.  Cette  élévation  des  évèques  cardinaux  fut  nécessaire  pour 
mettre  fin  il  l'usurpation  que  les  empereurs  avaient  faite  de 
nommer  les  papes.  Nouvelles  preuves  de  leur  pouvoir  en  l'élec- 
tion du  pape. 

III.  Les  Impunies  légations  commises  aux  cardinaux,  et  l'u- 
nion étroite  '(>-  trois  membres  divers  du  sacré  collège,  qui  ne 
pouvaient  se  séparer  les  uns  des  autres,  mirent  insensiblement 
tous  les  cardinaux  au-dessus  des  autres  évèques,  quant  à  la 
séance.  Preuves  jusqu'à  l'an  onze  cent. 

IV.  Preuves  depuis  onze  cent  jusqu'en  douze  cent.  Paroles 
remarquables  des  cardinaux  dans  le  concile  de  Reims,  sous  Eu- 
gène III.  Us  composent  le  sénat  de  l'Eglise  romaine. 

V.  Sentiments  de  Pierre  Damien,  de  saint  Bernard,  et  de 
Pierre  de  Blois,  sur  l'autorité  de  cet  auguste  sénat  pour  la  pro- 

pagat !'■  l'Eglise,  el  pour  la  réformation  des  mœurs.  ijucls 

cardinaux  le  pape  doit  cli"i>ir 

VI.  Suite  du  progrès  de  la  dignité  et  de  la  préséance  des 
cardinaux  jusqu'à  l'an  douze  cent.  La  persécution  que  les  em- 
p  reins  et  les  antipapes  tirent  aux  papes,  et  la  fuite  des  papes 
et  des  cardinaux  en  France,  peut  y  avoir  contribué. 

Vil.  Dans  le  treizième  siècle,  la  pourpre  des  papes  fut  com- 
muniquée aux  légats  el  aux  cardinaux,  et  leur  préséance  sur  les 
évèques  fut  pleinement  établie. 

VIII.  Quels  sentiments  ou  doit  avoir  de  la  pourpre  des  car- 
dinaux. 

I.  Le  cardinalat  est  monté  par  degrés  au 
comble  des  dignités  ecclésiastiques,  et  je  ne 
doute  pas  qu'on  ne  soit  bien  aise  d'en  observer 
toutes  les  démarches  dans  la  suite  des  siècles. 

Le  concile  romain,  sous  Jean  XV,  en  993 
Cpnc,  tort,  ix,  p.  742,  8,  5,  992),  fut  souscrit 
par  les  évèques,  par  les  prêtres  et  par  les  diacres 
de  l'Eglise  romaine,  mais  il  n'y  eut  que  les 
prêtres  qui  prirent  le  titre  de  cardinal  :  «  Pre- 
sbyter  et  canlinalis  sancti  Sixli,  etc.  » 

Il  en  est  de  même  du  synode  romain  de 
l'an  1015,  sous  Benoît  VIII,  où  plusieurs  autres 
évèques  souscrivirent  non-seulement  avant  les 
prêtres  cardinaux ,  mais  aussi  avant  les  évè- 
ques selon  qu'ils  étaient  ou  archevêques,  ou 
plus  anciens. 

Ce  qui  se  passa  a  Constantinople,  en  1054, 
entre  les  apocrisiaires  de  Léon  IX  et  le  patriarche 
Michel  montre  le  changemen)  qui  sciait  déjà 
l'ait  a  l'avantage  des  cardinaux.  Ilumbert  , 
évêque  de  Sylva  Candida  y  est  nommé  cardi- 


nal évèque  de  l'Eglise  romaine,  et  y  a  rang 
avant  l'archevêque  d'Amalphi.  F"ideric,  diacre 
et  chancelier,  n'y  est  point  nommé  cardinal. 
«  Hunibertus  Dei  gratia  cardinalis  episcopus 
sanctte  Romanes  Ecclesia1,  Petrus  Amalphita- 
norum  archiepiscopus,  Fridericus  diaconus  et 
cancellarius,  omnibus  EcclesiœCatholicteflliis.» 
C'étaient  là  les  trois  apocrisiaires  ou  légats  du 
pape. 

Pierre  Damien  ayant  été  créé  évêque  cardi- 
nal, et  écrivant  aux  autres  évèques  cardinaux, 
les  nomme  cardinaux  de  l'Eglise  de  Latran  : 
«  Venerabilibus  in  Christo  sanclis  episcopis, 
Lateranensis  Ecclesia?  cardinalibtts  Petrus,  etc. 
(Baronius,  an.  1<>.77,  n.  19,  L2li).  » 

Ce  n'était  donc  pas  à  l'égard  de  leur  église 
particulière  que  chacun  de  ces  évèques  était 
appelé  évêque  cardinal:  mais  à  l'égard  de 
1 1 îglise  de  Saint-Jean  de  Latran  à  Rome,  et 
c'est  pour  cela  que  le  cardinal  Humbert  se 
disait  cardinal  évèque  de  l'Eglise  romaine. 

Pierre  Damien  nous  apprend  dans  la  même 
lettre  que  les  sept  évèques  qu'on  appelle  cardi- 
naux étaient  attachés  à  l'église  de  Saint-Jean 
de  Latran  à  Rome,  qui  était  la  première  église 
de  Rome,  à  laquelle  on  accourait  de  tous  les 
endroits  de  la  terre,  et  où  personne  ne  célébrait 
les  divins  mystères  que  le  pape  et  ces  sept 
évèques. 

«  Lateranensis  ecclesia  sicut  Salvatoris  est 
insignita  vocabulo,  qui  nimirum  omnium  ca- 
put  est  electorum,  ita  mater  et  quidam  apex  ac 
vertex  est  omnium  per  orbem  Ecclesiarum. 
Usée  septem  cardinales  habetepiscopos,  quibus 
solis  post  apostolicum  sacrosanclum  illud  ai- 
tare  licet  àccedere,  ac  divini  cultus  mysteria 
celebrare,  etc.  Porro  quia  ad  Lateranense pala- 
tium  a  diversis  populis  de  toto  terrarum  orbe 
confluitur,  etc.  (Petrus  Dam.,  1.  n,  ep.  1).  » 

L'ancien  rituel  de  l'Eglise  romaine,  cite  par 
le  cardinal  Baronius,  témoigne  que  ces  sept 
évèques  étaient  comme  les  collatéraux  et  les 
aides  du  pape,  parce  qu'ils  pontifiaient  en  sa 


DES  CARDINAUX  JUSQU'A  L'AN  Mil.  TROIS  CENT. 


il!» 


place  dans  l'église  de  Saint-Jean  de  Latran,  cha- 
cun  leur  semaine.  «  Htec  septem  habel  cardi- 
nales episcopos,  hosque  dictos  episcopos  colla- 
térales, ilemque  et  ttebdomadarios ,  eo  quod 
singulis  hebdomadibus  per  vices  explëant  mu- 
nus  pontiGcis.  »  Et  plus  bas  :  «  Praeter  septem 
collatérales  episcopos,  erant  alii  episcopi,  «] n i 
dicuntur  suffragaDei  Romani  Pontificis,  etc.  » 
Voilà  donc  pourquoi  ces  sept  évèques  sont 
appelés  évèques  de  l'Eglise  romaine,  et  évèques 
cardinaux  de  Saint-Jean  de  Latran.  Etce  net  ail 
P as  en  considération  de  leurs  évêchés  propres 
qu'ils  étaient  appelés  cardinaux. 

Comme  il  ne  peut  y  avoir  qu'un  évèque  dans 
un  diocèse,  le  terme  de  cardinal  ne  peut  lui 
et  m  venir  dans  le  même  sens  qu'il  convient  au 
premier  et  au  supérieur  de  tous  les  prêtres  ou 
de  tous  les  diacres  qui  desservent  une  paroisse. 
<>n  les  nommait  donc  évèques  cardinaux  à 
I  -  -  ird  de  la  seule  église  de  Latran.  où  ils  pré- 
sidaient et  pontifiaient  par  tour  et  par  semaine, 
en  l'absence  du  pape,  de  la  même  manière  que 
les  prêtres  cardinaux  présidaient  sur  tous  les 
autres  prêtres  de  la  même  paroisse. 

IL  L'autorité  éminente  de  ces  évèques  cardi- 
naux lut  excellemment  établie  dans  le  concile 
romain,  sous  Nicolas  II,  en  l'an  1059. 

Il  y  fut  ordonné  qu'ils  auraient  la  principale 
autorité  dans  l'élection  des  papes,  qu'ils  pren- 
draient les  suffrages  ou  le  consentement  des 
autres  cardinaux,  du  clergé  et  du  peuple  même; 
que  si  quelque  troupe  séditieuse  empêchait  que 
l'élection  ne  se  lit  à  Morne,  ils  se  retireraient 
ou  ils  jugeraient  à  propos,  et  feraient  l'élection 
avec  le  clergé  et  le  petit  nombre  de  vertueux 
laïques  qui  s'atLacberaient  à  eux;  enfin,  n'y 
ayant  point  de  métropolitain  qui  soit  supérieur 
et  qui  (misse  confirmer  l'élection  du  pape,  ils 
suppléeraient  et  feraient  eux-mêmes  l'office 
du  métropolitain. 

«  Obeunte  pontiûce  in  primis  cardinales 
episcopi  diligentissime  simul  de  electione  tra- 
ctantes, inox  ipsi  clericos cardinales  adbibeant, 
sicque  reliquus clerus  et  populus  ad  consensum 
novœ  electionis  accédât,  etc.  Quia  vero  Sedes 
Apostolica  cunctis  in  orbe  terrarum  prœfertur 
Ecclesiis,  atque  ideo  supra  se  metropolitanum 
habere  non  potest  cardinales  episcopi  procul- 
dubio  métropolitain  vice  funguntur;  qui  vide- 
licet  electum  episcopum  ad  apostolicicu  ininis 
apicem  provehanl  Baronius,  an.  1059,  n.  23  .  « 
Outre  cette  constitution,  ce  concile  fit  îles 
canons,  dont  il  y  en  a  un  qui  remet    toute 


l'élection  du  pape  à  la  sagesse  et  au  pouvoir 
des  évèques  cardinaux.  «  Slatutum  est,  ut  ele- 
etin  Romani  Pontificis  in potestate cardinalium 
episcoporum  si L  Can.  i).  » 

Dans  le  concile  de  Bénévent,  tenu  en  la 
même  année.  Hildebrand,  quoiqu'il  ne  fut  que 
sous-diacre,  est  appelé  cardinal,  et  tous  les 
cardinaux  sont  nommés  avant  les  arclie\èques 
mêmes. 

Cette  montre  et  cette  déclaration  de  la  dignité 
et  de  la  puissance  suréminente  des  cardinaux 
ne  se  faisait  pas  sans  dessein.  Il  fallait  arracher 
des  mains  des  empereurs  d'Allemagne  l'auto- 
rité qu'on  leur  avait  laissé  prendre  d'élire  le 
pape. 

On  ne  pouvait  donc  porter  trop  haut  la  gran- 
deur et  le  lustre  du  cardinalat ,  puisqu'il  fallait 
l'opposer  à  l'empire  même.  C'est  ainsi  qu'il 
faut  entendre  ce  que  Pierre  Damien  écrivit  a 
Cadalous,  évêque  de  Parme,  dont  la  puissance 
impériale  avait  fait  l'antipape  Honoré  II. 

Voici  les  termes  :  «  Taceamus  intérim  de 
senatu,  de  inferioris  ordinis  clero,  de  populo; 
quid  tibi  de  cardinalibusvidetur  episcopis,qui 
videlicet  et  Romanum  Pontificem  principaliter 
eligunt,  et  quibusdam  aliis  praerogativis,  non 
modo  quorumlibet  episcoporum,  sed  et  patriar- 
charum  atque  primatum  jura  transcendunt 
(L.  i.  ep.  20).  »  Et  un  peu  plus  bas:  «  Nimirum 
cum  eleetio  illa  per  episcoporum  cardinalium 
tieri  debeat  principale  judicium,  secundo  loco 
jure  praebeat  clerus  assensum,  tertio  popularis 
favor  attollat  applausum,  etc.  » 

Pierre  Damien,  qui  donne  ici  la  principale 
autorité  d'élire  le  pape  aux  seuls  évèques  car- 
dinaux, semble  mêler  le  reste  des  cardinaux 
avec  le  commun  du  clergé,  et  ne  leur  laisser 
non  plus  qu'au  peuple,  que  la  gloire  de  con- 
sentir au  choix  que  les  éyêques  cardinaux 
feront.  Les  évèques  cardinaux  se  trouvant  éle- 
vés au-dessus  de  tous  les  autres  évèques  ,  au- 
dessus  des  primats  et  des  patriarches  mêmes; 
il  ne  faut  plus  s'étonner  s'ils  commençaient  à 
prendre  leur  rang  et  leur  séance  au-dessus  des 
autres  évèques. 

Les  choses  ne  sont  montées  au  point  où  nous 
les  voyons  aujourd'hui,  qu'avec  beaucoup  de 
lenteur.  Ce  fut  peut-être  la  société  inséparable 
des  prêtres  et  des  diacres  cardinaux  avec  les 
évèques  cardinaux  qui  rendit  ce  changement 
plus  lent  et  plus  difficile.  Il  y  aurait  eu  moins 
de  difficulté  de  donner  à  quelques  évèques  la 
préséance   sur   les  autres;  mais  d'élever  des 


rJH 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-TREIZIÈME. 


prêtres  et  des  diacres  sur  La  tête  couronnée  de 
tous  les  évoques  du  monde,  c'est  ce  qui  n'a 
I ■  1 1  se  faire  qu'avec  beaucoup  de  temps.  Enfin 
les  évoques  cardinaux  étant  montés  au-dessus 
des  autres  évêques,  ils  ont  peu  à  peu  attiré  au 
même  degré  d'élévation  les  autres  cardinaux 
avi  c  lesquels  ils  font  un  même  corps  et  un  con- 
seil indivisible. 

Je  reviens  a  l'élection  du  pape,  qui  ne  peut 
être  canonique,  si  les  évêques  cardinaux  s'y 
opposent,  selon  Pierre  Damien  :  «  lllesimonia- 
cus  est,  qui  cardinalibus  episcopis  reelamanti- 
bus ,  inlhronizatus  est  Baronius,  an.  1033, 
n.  8).  »  Il  leur  associe  néanmoins  les  autres  car- 
dinaux en  qualité  d'électeurs,  dans  la  dispute 
qu'il  a  composée  entre  l'avocat  du  roi  et  le  dé- 
fenseur de  l'Eglise  romaine:  aille  prœferendus, 
quem  cardinales  episcopi  vocaverunt,  quem 
clerus  eligit,  quem  populus  expetivit.  » 

III.  Les  légations  n'ont  pas  peu  contribué  à 
faire  monter  tous  les  cardinaux  au-dessus  des 
évêques.  Léon  d'Ostie  (L.  m,  c.  1-2),  raconte 
comment  Didier,  abbé  du  Mont-Cassin,  fut  fait 
piètre  et  cardinal,  et  ensuite,  du  cardinalat, 
créé  légat  dans  une  partie  de  l'Italie. 

«  l't  Slartii  mensis  jejunio  et  presbyteri  gra- 
dum,  et  cardinalis  pariter  officium  sumat,  etc. 
Cardinalis  presbyter  ordinatus,  sequenti Domi- 
nica  abbas  quo(|ue  consecratus  est.  Praeterea 
de  cardinalatus  ipsius  dignitate  et  sancti  Patris 
Benedicti  bonorificentia ,  per  totam  Campa- 
niam  et  principatum ,  Appuliain  quoque  at(jue 
Calabriam  vicera  suam  idem  apostolicus  plena 
autoritate  commisit  [Baronius,  an.  1059,  n. 
10  .  » 

Il  semble  que  la  légation  et  le  vicariat  du 
pape  était  comme  une  suite  du  cardinalat.  Au 
moins  il  est  certain  que  les  légations  étaient 
alors  très-fréquentes  ,  et  n'étaient  ordinaire- 
ment commises  qu'à  des  cardinaux.  Or  on  ne 
doute  pas  que  les  légats  n'eussent  le  pas  devant 
les  évêques.  Aussi  on  peut  remarquer,  dans  ce 
passage  et  dans  une  infinité  d'autres,  que  le 
cardinalat  était  comme  une  dignité  de  l'Eglise 
romaine.  De  là  vient  qu'ils  prenaient  quelque- 
fois seulement  le  titre  de  cardinal  du  Saint- 
Siège. 

Cela  paraît  dans  la  lettre  de  celui  qui  présida 
au  concile  de  Tours  en  1060.  «  Stephanus  Pétri 
Apostolorum  principis,  et  sancts  Roniame 
Ecclesiae  cardinalis,  elc,  »  et  dans  le  concile 
d'Aueh  en  1068.  Si  les  souscriptions  du  concile 
romain,  en  1059,  sont  véritables,  on  y  voit  tous 


les  évêques,  prêtres  et  diacres  cardinaux  au- 
dessus  des  autres  archevêques  ou  évêques. 

Comme  le  corps  des  cardinaux  était  jaloux 
de  ne  pas  se  séparer,  et  que  les  autres  évêques 
étaient  déjà  accoutumés  de  céder  aux  évêques 
cardinaux,  ils  cédaient  par  conséquent  aux 
autres  cardinaux.  Ce  n'était  pas  comme  à  des 
évêques  qu'ils  cédaient  aux  cardinaux  évêques, 
mais  comme  à  des  cardinaux  ;  ainsi  la  dignité 
du  cardinalat  avait  celte  préséance,  et  la  com- 
muniquait aux  prêtres  et  aux  diacres  cardinaux. 
Enfin,  les  autres  cardinaux  étaient  si  souvent 
revêtus  de  la  gloire  et  de  la  vaste  puissance  des 
légations,  qui  les  mettaient  au-dessus  des  é\é- 
ques,  qu'on  s'accoutumait  enfin  à  leur  laisser 
cette  supériorité  d'honneur,  même  hors  du 
temps  et  du  district  de  leur  légation. 

L'acte  de  l'élection  de  Grégoire  VII,  en  1073, 
montre  clairement  comme  tous  les  trois  ordres 
des  cardinaux  ne  faisaient  qu'un  tout  indi- 
visible. «  Nos  sanctae  Romance  et  Apostolicae 
Ecclesia'  cardinales  (Gregor.  VII  Regist.,  1.  i.)  » 
Voilà  les  trois  ordres  cardinaux,  clerici ,  aco- 
lytlii,  suàdiaconi,  diaconi,  presbyteri.  C'est  là 
le  reste  du  clergé  de  Rome.  Prœsentièus  epi- 
scopis, abbatibus,  etc.  (Ibid.,  post  Epist.  xxi). 
C  est  ainsi  qu'il  faut  entendre  le  serment 
que  le  prince  Richard  prêta  au  pape  Gré- 
goire VIL  «  Secundum  quod  mouitus  fuero 
a  melioribus  cardinalibus,  et  clericis  Romanis 
et  laicis.  » 

Il  faut  avouer,  néanmoins,  que  les  évêques 
reprirent  quelquefois  leur  ancien  rang,  et  se 
joignant  aux  évêques  cardinaux,  mirent  au- 
dessous  d'eux  le  reste  du  sacré  collège.  Léon 
d'Ostie  parlant  de  la  création  du  pape  Victor  III, 
en  1086,  semble  l'insinuer,  a  Episcopi  et  car- 
dinales Romanae  Ecclesia;  ex  diversis  partibus 
Romain  confluentes,  etc.  Una  cum  episcopis 
et  cardinalibus  Romanis ,  etc.  Congregati  epi- 
scopi et  cardinales  et  Romani  omnes,  etc. 
(Baron.,  n.  I,  2  .  » 

Il  se  pourrait  pourtant  bien  faire  que  ces 
évêques  ne  fussent  que  les  évêques  cardinaux  ; 
puisque  le  même  auteur,  parlant  du  concile 
de  Bénévent,  en  1087,  y  fait  parler  le  pape 
Victor  III,  en  sorte  qu'il  attribue  son  élection 
aux  évêques,  aux  cardinaux,  aux  évêques  des 
provinces,  et  au  reste  du  clergé  et  du  peuple. 
«  Cum  uuaiiiini  concordia  episcopi  et  cardi- 
nales, provincialesque  antistites,  una  cum 
Romano  clero  et  populo,  par  vi  ta  te  m  nostram 
preefecissent  (Baron.,  n.  11).  » 


DES  CARDINAUX  .USOF'A  LAN  .MIL  TROIS  CENT. 


421 


Ce  discours  du  pape  est  sans  doute  plus  exact 
que  le  récit  de  Léon  d'Ostie.  Or,  il  met  les 
évêques ,  c'est-à-dire  les  évêques  cardinaux  et 
h  s  autres  cardinaux,  au-dessus  de  tous  les  évê- 
ques des  provinces. 

Le  prêtre  cardinal  Dieudonné  dédia,  en  la 
même  année  1087,  sa  compilation  du  droit 
canon  au  pape  Victor  III,  et  au  clergé  de 
l'Eglise  de  Rome  ;  c'est-à-dire  au  sacré  collège 
(Baron.,  an.  1087,  n.  2-2  ;  où  d'abord  il  fait 
voir  que.  dès  le  temps  de  saint  Cyprien,  le 
clergé  de  Rome,  même  après  la  mort  du  pape, 
gouvernait  l'Eglise  universelle,  et  écrivait  des 
lettres  auxquelles  tous  les  évêques  déféraient 
avec  respect,  persuadés  que  l'autorité  des 
princes  des  apôtres  Pierre  et  Paul  est  immor- 
telle, et  toujours  vivante  dans  l'Eglise  Romaine. 

Voila  la  véritable  idée  de  la  grandeur  des 
cardinaux  qui  sont  ce  même  clergé  qui  ne 
fait  qu'un  corps  avec  le  pape,  et  en  qui  réside 
l'autorité  pontificale  pendant  que  le  siège  est 
vacant. 

IV.  Les  auteurs  qui  ont  fait  le  dénombrement 
de  ceux  qui  assistèrent  au  concile  deClermont. 
en  1096,  sous  Urbain  II,  nomment  première- 
ment les  cardinaux,  puis  les  archevêques  et 
les  évêques.  Au  contraire,  dans  le  concile  de 
Latran,  sous  Pascal  II,  en  1112,  le  nom  de 
cardinal  n'est  donné  qu'aux  prêtres  et  aux 
diacres,  et  les  évêques  cardinaux,  joints  aux 
archevêques  et  évêques  des  provinces,  les  pré- 
cèdent. «  Archiepiscopi  et  episcopi  quoque  et 
presbyteri  cardinales,  qui  interfuerunt  ipsi 
concilio,  hi  sunt,  etc.  » 

Gélase  II  succéda  à  Pascal  II  en  1118.  et 
c'est  dans  le  récit  de  son  élection  que  Pandul- 
phe  remarque  que  c'est  aux  cardinaux  et  au 
reste  du  clergé  et  du  peuple  d'élire  le  pape, 
mais  que  les  évêques  cardinaux  n'ont  que  le 
droit  d'approuver  et  de  désapprouver  l'élection 
et  d'imposer  les  mains  à  l'élu. 

a  Approbatur  ab  omnibus,  neenon  etiam  ab 
episcopis,  quorum  nulla  est  prorsus  alia  in 
electione  prœsnlis  Romani  polestas,  nisi  appro- 
bandi,  vel  contra,  et  ad  communem  omnium 
canlinalium  primum,  et  aliorum  petitionem, 
electomanus  soluminodoimponendi  (Baronius, 
n.  4).  » 

Voilà  comme  l'on  distinguait  alors  les  évê. 
ques,  quoique  cardinaux,  des  cardinaux.  Ce 
qui  n'est  pas  moins  clair  dans  les  rescrits  d'In- 
nocent II,  en  1 1 40,  contre  les  erreurs  d'Abélard, 
que  ce  pape  avait  censurées  dans  le  consistoire 


des  évêques  et  des  cardinaux  :  «  Communicato 
fratrum  nostrorum  episcoporum  et  cardina- 
lium  concilio  (Baron.,  n.  10,  inter  Epist.  Ber- 
nard., ep.  cxciv;  Epist.  îx,  xi.  » 

Sous  le  pape  Eugène  III  il  n'y  avait  non  plus 
que  les  prêtres  et  les  diacres  qui  prissent  la 
qualité  de  cardinal  dans  les  souscriptions. 

Mais  quelque  distinction  qu'on  puisse  se  figu- 
rer entre  les  évêques  et  les  deux  autres  ordres, 
on  découvre  admirablement  leur  parfaite  union 
dans  le  consistoire  où  Abélard  fut  condamné 
par  le  pape,  et  par  tous  les  cardinaux  ensemble 
sous  Innocent  II. 

Cette  union  parfaite  se  découvre  encore  plus 
dans  le  concile  de  Reims,  en  1 1 18,  où  la  doc- 
trine de  Gilbert,  évêque  de  Poitiers,  fut  exa- 
minée. Car  saint  Bernard  ayant  présenté  au 
pape  et  aux  cardinaux  un  formulaire  de  doc- 
trine de  la  part  des  évêques  de  France,  les  car- 
dinaux jugeant  que  c'était  entreprendre  sur 
leur  autorité  que  de  définir  sans  eux  une  ques- 
tion qu'ils  avaient  entamée  ,  ils  témoignèrent 
au  pape  avec  beaucoup  de  ressentiment  que  le 
sacré  collège  des  cardinaux  étant  comme  le 
pivot  sur  lequel  roule  l'Eglise  universelle, 
c'était  un  ouvrage  insupportable,  contre  la  pri- 
mauté même  du  Saint-Siège,  d'avoir  fait  cette 
détermination  de  doctrine  sans  leur  interven- 
tion; que  les  patriarches  mêmes  de  l'Orient  rap- 
portaient à  leur  jugement  ces  causes  importan- 
tes :  qu'ils  voulaient  que  sa  Sainteté  arrêtât  et 
vengeât  une  audace  si  inouïe.  Cependant  c'é- 
taient dix  métropolitains  et  plusieurs  évêques 
de  France  qui  avaient  dressé  et  souscrit  ce 
formulaire  de  doctrine.  Le  pape  fit  son  possible 
pour  adoucir  l'indignation  des  cardinaux  ;  et 
saint  Bernard  protesta  que  c'était  simplement 
le  sentiment  des  prélats  français  qu'il  avait 
présenté,  et  non  pas  une  décision  (Vita  S.  Ber- 
nard., 1.  m,  c.  5  . 

Les  paroles  des  cardinaux  au  pape  sont  rap- 
portées  par  Othon,  évêque  de  Freisingen  (L.  i, 
c.  57,  de  gestis  Frider.).  «  Scire  debes,  quod  a 
nobis,  per  quos  tanquam  per  cardines  univer- 
salis  Ecclesiœ  volvitur  axis,  ad  regimen  totius 
Eeclesiœ  promotus  ,  a  privato  universalis  pater 
effectus,  jam  deinceps  te,  non  tuum,  sed  nos- 
trum  potius  esse  oportere.  Sed  quid  fecit  abbas 
tous  et  cum  eo  Callicana  Ecclesia?  Qua  fronte, 
quo  ausu  cervicem  contra  Romaine  Sedis  pri- 
matum  et  apicem  erexit?  Haec  est  enim  sola 
quae  claudit,  et  nemo  aperit;  aperit  et  nemo 
claudit.  Ipsa  sola  de  fide  catholica  discutera 


4-22 


DU  SECOND  OKDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-TREIZIÈME. 


habens,  etc.  Certe  si  in  Oriente,  utpote  Alexan- 
drie, vel  Antiochiœ  coram  omnibus  patriar- 
cbis  hujusmodi  tractaretur  negotium  ,  niliil 
iirma  stabilitate  solidum  sine  nostra  definiri 
valeret  autoritate.  Quinimo  juxta  antiquorum 
patrum  inslituta  vel  exempta,  Romano  servare- 
tur  examini  terminanduin.  Volumus  igitur 
huic  tam  temerariie  uovitati  eeleriter  assur- 
gas,  etc.  (Baron.,  an.  1148,  n.  10).  » 

Voilà  les  vigoureuses  remontrances  de  ce 
sacré  sénat,  comme  le  même  Olhon  L'appelle, 
a  Sacer  cardinalium  senatus.  »  En  effet,  les 
cardinaux  se  regardaient  comme  le  sénat  de 
la  république  chrétienne,  et  comme  les  succes- 
seurs de  cet  ancien  clergé  de  Rome  avec  lequel 
les  papes  délibéraient  et  concluaient  toutes  les 
affaires  importantes,  soit  pour  la  foi,  soit  pour 
la  discipline,  dont  les  évêques  et  les  patriar- 
ches pouvaient  bien  ailleurs  faire  des  décisions 
chacun  dans  son  ressort;  mais,  comme  elles 
étaient  encore  sujettes  à  l'examen  du  pape  et 
du  sacré  collège,  on  ne  pouvait  pas  dire  qu'elles 
eussent  été  entièrement  terminées  avant  le 
jugement  du  Saint-Siège. 

Aussi  les  cardinaux  ne  se  plaignirent  à  Eu- 
gène que  de  ce  que  nos  prélats  fiançais  avaient 
eux  seuls  donné  comme  une  sentence  définitive 
sur  une  question  qui  avait  été  déjà  entamée 
dans  le  consistoire.  «  Super  capitulis,  quœ  bis 
diebus  nobis  assidentibus  agitata  surit,  tan- 
quam  liuiliva'  sententiae  ultimam  manum  im- 
ponendo,  nobis  inconsultis  fidem  suant  scribere 
praesumpserunt  (L.  n,  epist.  2).  » 

V.  Pierre  Damien  animait  autrefois  les  car- 
dinaux, surtout  les  évêques  ses  confrères,  par 
cette  considération  qu'étant  des  sénateurs  de 
l'Eglise  universelle,  «  Spirituales  universalis 
Ecclesiae  senatores,  »  ils  devaient  travailler  à  des 
conquêtes  spirituelles,  afin  d'assujétir  toute  la 
terre  à  l'empire  de  J.-C.  Il  leur  disait,  pour  les 
encourager  davantage,  que  le  sénat  chrétien 
ne  doit  pas  être  moins  zélé  pour  la  véritable 
gloire  du  ciel,  que  l'ancien  sénat  de  Rome  l'a- 
vait été  pour  les  vaines  illusions  de  la  terre. 

Saint  Bernard  ne  doutait  nullement  de  l'au- 
torité suréminente  des  cardinaux  à  retrancher 
les  scandales  et  les  erreurs,  quand  il  leur  écri- 
vit pour  exciter  leur  jusle  indignation  contre 
les  innovations  d'Abélard.  «  Nulli  dubium  est 
(juin  ad  mis  specialiter  spectel  tollere  scandala 
de  regno  Dei ,  surgentes  succendere  spinas, 
sedere  querelas,  etc.  Aj;ilc  pro  loco  quem  te- 
ndis, pro  dighitate  qua  pollelis,  pro  potestate 


quam  accepistis  (Epist.  clxxxvui  ;  1.  iv  de  Con- 
sider.).  » 

Il  dit  ailleurs  que  ce  sont  les  coadjuteurs  et 
les  collatéraux  du  pape.  «Veniamus  ad  collaté- 
rales et  coadjutores  tuos.  Hi  seduli  tibi,  lu  in- 
limi  sunt.  »  Il  remontre  à  Eugène  III  qu'il 
n'en  doit  choisir  que  de  consommés  en  vertu 
et  en  expérience,  et  qu'il  doit  les  choisir  de 
tout  le  monde,  puisqu'ils  doivent  être  les  juges 
du  inonde.  «  Tuum  est  undecumque  evocare, 
et  asciscere  tibi  exemplo  Moysi,  senes,  non  juve- 
nes,  sed  senes  non  tam  setate,  quam  moribus  ; 
quos  tu  nosti,  quia  senes  populi  sunt.  Nonne 
eligendi  de  toto  orbe,  orbem  judicaturi?  » 

Il  lui  représente  en  même  temps  qu'il  ne 
doit  élever  à  cette  dignité  que  ceux  qui  la 
fuient:  «Pro  quo  rogaris,  sit  suspectus.  Qui 
ipse  rogat  pro  se,  jam  judieatus  est.  »  Qu'il  les 
doit  choisir  comme  ceux  qui  doivent  être  ses 
propres  censeurs,  en  l'éclairant  s'il  s'égare;  le 
modérant,  s'il  s'emporte  ;  l'excitant,  s'il  se 
relâche.  «  Qui  si  vellem  aliquatenus  deviare, 
nonsinerent;  fra-narent  pnecipitem ,  dormi- 
tantem  excitarent.  Quorum  me  reverentia  et 
libellas  extollentem  reprimerct,  excedentem 
corriget,  etc.  » 

Le  même  saint  Bernard  parlait  des  cardi- 
naux, quand  il  exhortait  la  ville  de  Pise  d'ho- 
norer les  princes  du  monde  et  les  juges  delà 
terre.  «  Honora  mundi  principes,  qui  in  le 
sunt,  et  judices  terra?  (Epist.  cl).  »  Il  leur 
donne  le  même  éloge  parlant  au  même  Eugène  : 
«  lli  tibi  quotidie  assistunt,  seniores  populi, 
orbis  judices.  »  Il  ajoute  que  c'est  principale- 
ment sur  le  modèle  du  clergé  de  Rome,  que  le 
clergé  de  toute  l'Eglise  s'est  formé  :  «  Clerum 
illum  ornatissimum  esse  decet,  ex  quo  prseci- 
pue  in  omnem  Ecclesiam  cleri  forma  pro- 
cessif. » 

Pierre  de  Rlois  écrivant,  en  1154,  au  pape 
Adrien  IV,  au  nom  du  roi  d'Angleterre,  lui 
donne  le  même  avis  d'élire  des  cardinaux  qui 
puissent  porter  avec  lui  le  faix  de  toute  l'Eglise. 
«  Taies  ordinare  curetis  cardinales,  qui  omis 
vestrum  sciant,  et  velint,  etvaleant  suppôt  (are 
(Epist.  cixv).  » 

Anaslase  IV,  qui  avait  précédé  Adrien,  et 
succédé  a  Eugène,  avait  ordonné  que  les  évê- 
ques cardinaux  qui  pontifient  par  tour  à  l'autel 
de  Saint-Jean  de  Latran,  «  Qui  sunt  ail  princi- 
palis  altaris  servitium  deputati,  »  y  tiendraient 
chapitre  une  lois  la  semaine  avec  les  chanoines 
réguliers,   et  corrigeraient  tous  les  désordres 


DES  CARDINAIX  JUSQU'A  L'AN  MIL  TROIS  CENT. 


423 


avec   l'autorité  du   pape  même,  vice  nostra. 
C'est  peut-être   de  la    que  lus   cardinaux 

prêtres  et  diacres  commencèrent  a  exercer  l'au- 
torité episcopale  dans  leurs  enlises.  Car  les 
évèques  même  cardinaux  n'auraient  pu  exercer 
la  juridiction  episcopale  dans  Home  sans  un 
semblable  privilège  (Epist.  u).  » 

VI.  Alexandre  III  nomme  toujours  les  évè- 
ques, et  ensuite  les  cardinaux;  dans  les  sous- 
criptions il  n'y  a  aussi  que  les  prêtres  et  les 
diacres  qui  prennent  le  titre  de  cardinal  (Epist 
clxii).  » 

Il  semble  néanmoins  que  ce  fut  ce  pape  qui 
mit  une  entière  égalité  entre  les  cardinaux, 
lorsque,  dans  le  concile  III de  Latran,  en  1 179, 
il  ordonna  que  le  consentement  des  deux  tiers 
des  cardinaux  serait  suffisant;  et  en  même 
temps  nécessaire  pour  l'élection  du  pape  :  sans 
préjudice  des  autres  élections,  où  il  suftit 
d'avoir  la  plus  grande  partie  des  suffrages. 

La  raison  que  le  concile  Gan.  î  donne  de 
cette  différence,  est  que  dans  les  autres  élec- 
tions il  y  a  un  supérieur  qui  peut  décider  tous 
les  différends  ;  mais  il  n'y  a  point  de  supérieur 
au-dessus  de  l'Eglise  Romaine.  «  Quod  in  eis 
dubium  venerit,  superioris  poterit  judicio 
dilliniri.  In  Romana  vero  Ecclesia  aliquid  spé- 
ciale constituitur.  quia  non  potest  recursus  ad 
superiorem  baberi.  » 

On  ne  considérait  donc  plus  les  évèques  car- 
dinaux comme  les  arbitres  et  les  souverains 
modérateurs  de  l'élection  des  papes,  enfin 
commey  faisant  la  fonction  des  métropolitains. 
Ainsi  les  autres  cardinaux  ne  se  distinguant 
plus  des  cardinaux  évèques,  ils  prirent  rang 
aussi  bien  qu'eux  au-dessus  des  autres  é\è- 
ques. 

11  y  a  lieu  de  conjecturer  que  la  persécution 
des  antipapes  ne  contribua  pas  peu  à  cette 
exaltation  des  cardinaux.  Les  véritables  vicaires 
de  .I.-C.  ayant  été  obligés,  pendant  tout  le  siècle 
douzième,  de  se  retirer  dans  la  France  avec 
toute  leur  cour ,  on  s'efforça  à  l'envi  de  leur 
rendre  toutes  les  déférences  les  plus  respec- 
tueuses dont  on  peut  s'aviser,  comme  pour 
relever  leur  courage  abattu  ,  et  compatira  leur 
affliction.  Les  rois  et  les  prélats  furent  poussés 
d'une  sainte  émulation  à  honorer  ces  augustes 
bûtes.  Les  cardinaux,  ne  faisant  qu'un  corps 
avec  le  pape,  se  trouvaient  toujours  au-dessus 
des  autres  prélats.  Les  plus  grandes  affaires  se 
traitèrent  toujours  dans  le  consistoire  ;  ainsi 
les  prélats  eurent  moins  de  peine  de  céder  à 


leurs  juges.  Enfin,  comme  nous  le  dirons  dans 
la  suite,  ces  papes  honorèrent  du  cardinalat  les 
plus  illustres  de  nos  évèques,  et  les  engagèrent 
par  1 1  à  s'intéresser  pour  le  rehaussement  d'une 
dignité  qui  faisait  toute  leur  gloire. 

Cette  préséance  n'était  pourtant  pas  encore 
entièrement  réglée  en  faveur  des  cardinaux 
l'an  11 90,  puisqu'en  cette  année  se  fit  la 
dédicace  d'une  église  de  Rome,  dont  l'inscrip- 
tion fait  voir  en  premier  lieu  les  arebevèques 
qui  y  assistèrent,  puis  les  évèques  cardinaux, 
ensuite  les  autres  évèques,  et  enfin  la  cour  des 
cardinaux  sans  les  nommer ,  «  et  tola  curia 
eardinaliuin  iRaronius,  an.  1196,  n.ult.).  » 

VIL  Le  pape  avait  premièrement  communi- 
qué sa  pourpre  aux  cardinaux  légats.  Voici  la 
peinture  qu'eu  fait  un  auteur  grec,  parlant  du 
légat  qui  fut  envoyé  a  Constantinople  l'an  1213  : 
«  Papae  prœrogalivas  omnes  referens,  etc.  .Vain- 
que calceos  rubros  induebat,  neque  diversi 
coloris  indumentisamiciebatur  ;  quinimo  equi 
sagulum  et  frama  eodem  inficiebantur  veneno 
(Rainald.,  n.  (i).  »  On  croit  que  c'est  de  cet 
babillement  de  pourpre  qu'il  faut  entendre  «es 
termes  de  la  décrétale  d'Innocent  III,  où  il 
défend  aux  patriarches  de  faire  porter  leur  croix 
dans  les  lieux  ou  se  trouve  le  pape,  ou  bien  un 
de  ses  légats,  revêtu  des  ornements  de  la  di- 
gnité apostolique,  «  Legatus  utens  insigniis 
apostolica  dignitatis(C.  Antiquae.  De  privileg.).  » 
Innocent  IV  créa  plusieurscardinaux.  et  leur 
donna  le  ebapeau  rouge  en  12-1-i.  Quelques-uns 
disent  que  ce  fut  dans  le  concile  de  Lyon  ,  et 
qu'il  ne  leur  donna  cet  ornement  que  pour  leur 
apprendre  qu'ils  devaient  toujours  être  prêts 
de  verser  leur  sang  pour  la  défense  det'Eglise, 
qui  était  alors  cruellement  persécutée  par 
l'empereur  Frédéric  Sponde,  anno  1244  ,  n.  4). 
Cette  illustre  pourpre  du  royal  sacerdoce  de 
J.-C.  pourrait  bien  avoir  été  la  consommation 
de  la  préférence  des  cardinaux  aux  évèques 
(Abbat.  Fsperg. ,  Paralipomena  .  p.  250). 

Comme  le  pape,  la  communiquant  à  ses  lé- 
gats, leur  avait  donné  rang  sur  tous  les  autres 
prélats  de  l'Eglise  :  aussi,  lorsqu'il  en  revêtit 
les  autres  cardinaux,  il  leur  donna  la  préférence 
sur  tous  les  patriarches,  archevêques  et  évèques. 
En  effet,  dans  ce  concile  de  Lyon,  tout  le  sacré 
collège  prit  sa  séance  à  la  droite  et  ta  la  gauche 
du  pape,  au-dessus  de  tous  les  autres  arebevè- 
ques ou  évèques.  «  Ad  dexteram  et  in  eminen- 
tioribus  locis  sederunt  episcopi  cardinales  ,  ex 
altéra  vero  presbyteri  cardinales,  archiepiscopi 


424 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATORZIÈME. 


et  episcopi  post  eos  (Conc. ,  tom.  n.  part,  i, 
pag.  638,  956).  » 

Cet  habit  confondait  en  quelque  façon  les 
cardinaux  avec  les  légats,  et  les  élevait  au 
même  rang.  Aussi  Matthieu  de  Westminster 
dit  qu'en  1263  le  cardinal  légat  Ottobon  vint  en 
Angleterre  avec  des  vêtements  rouges,  «  Cum 
rubeisinAngliam  veniensindumentis.»  Ilpour- 
rait  bien  se  faire,  néanmoins,  que  ces  habits 
rouges  fussent  encore  propres  aux  légats  seuls. 

En  effet,  le  concile  de  Lyon  ne  donna  aux 
cardinaux  que  le  chapeau  rouge.  Paul  II  leur 
donna  le  bonnet  rouge  pour  les  distinguer  des 
autres  prélats,  dans  les  cérémonies  où  le  cha- 
peau n'est  pas  d'usage.  C'est  ce  qu'en  dit  le 
cardinal  de  Pavie  qui  eut  part  à  cette  grâce. 
a  Cardinalibus  qui  sacris  induti  vestibus  a 
prtelatis  inferiorum  ordinum  praeterquam  loco 
non  noscebantur,  usum  mitrae  sericea?,  Da- 
masceni  operis,  rubraque  capitia  induisit,  qui- 
bus  soli  antistites  Romani  antea  utebantur 
(Comment.,  1.  n,  p.  370).  » 

Platine,  qui  fut  disgracié  par  Paul  II,  dit 
que  ce  pape  défendit  qu'aucun  autre  que  les 
cardinaux  usât  du  bonnet  rouge.  Il  n'a  que 
trop  paru,  dans  le  chapitre  où  nous  avons  traité 
des  habits  des  ecclésiastiques,  combien  et  le 
rouge  et  les  autres  couleurs  d'éclat  étaient 
communes  entre  les  ecclésiastiques.  Platine 
dit  que  ce  pape  permit  aussi  aux  cardinaux 
d'user  de  housses  rouges  pour  leurs  chevaux 
(Sponde.,  an.  1464,  n.  17). 

Victorel  ajoute  encore,  dans  ses  additions  sur 
Ciaconus,  qu'il  a  vu  des  médailles  de  Paul  II, 
où  les  cardinaux  sont  représentés  dans  le  con- 
sistoire avec  leur  chapeau  :  d'où  il  conclut 
qu'ils  portaient  ces  chapeaux  rouges  dans  les 
consistoires,  dont  ils  usent  à  présent  dans  les 


cavalcades  solennelles,  jusqu'à  ce  que  Paul  II 
leur  .donna  ou  plutôt  leur  réserva  le  bonnet 
rouge.  Grégoire  XIV,  en  1591,  donna  le  bonnet 
rouge  aux  cardinaux  religieux  de  divers  ordres 
qui  n'en  avaient  porté  jusqu'alors  que  de  la 
même  couleur  de  leur  habit  (Sponde.,  n.  10). 

VIII.  Ceux  qui  ont  peine  d'accorder  cette 
pourpre  et  tout  le  reste  de  la  pompe  des  car- 
dinaux, avec  la  modestie  et  l'humilité,  qui  est 
comme  l'âme  de  la  religion  chrétienne,  n'ont 
qu'à  lire  ce  que  Giossano  raconte  de  saint 
Charles  (1.  vin,  c.  3),  qui  ne  regardait  sa 
pourpre  que  comme  un  engagement  au  mar- 
tyre ;  qui  rendait  aux  cardinaux  et  se  faisait 
rendre  a  lui-même  tous  les  honneurs  et  toutes 
les  déférences  ordinaires  et  extraordinaires , 
par  une  passion  sainte  de  rendre  l'Eglise,  la 
religion  et  la  piété,  plus  vénérables  parmi  les 
fidèles.  Il  était  non-seulement  exact,  mais  ja- 
loux de  se  faire  rendre  par  les  princes  et  les 
souverains  même  tous  les  honneurs  dus  à  sa 
dignité  de  cardinal,  par  un  zèle  très-ardent, 
mais  très-pur  et  très-désintéressé  de  faire  ré- 
vérer J.-C.  dans  la  personne  de  ses  ministres. 

Ceux  qui  regarderont  cette  pourpre  avec  les 
mêmes  yeux  que  les  cardinaux  Baronius  ,  Bel- 
larmin,  de  Bérulle  et  tant  d'autres  l'ont  regar- 
dée en  la  portant,  ils  la  trouveront  indubita- 
blement non-seulement  belle,  mais  sainte  et 
toute  teinte  du  sang  de  J.-C,  notre  éternel  pon- 
tife et  Rédempteur. 

Nangis  dit  qu'en  1252  Innocent  IV  donna 
le  chapeau  rouge  aux  cardinaux.  «  Per  hoc 
innuens,  quod  in  persecutione  fidei  et  justifia, 
Romana  Ecclesia,  qua?  caput  est  omnium  alia- 
rum,  prae  ceteris  débet  caput  apponere,  si  ne- 
cesse  fuerit  cruentandum.  » 


CHAPITRE  CENT-QUATORZIEME. 


DES    CARDINAUX     DEPUIS    LAN     MIL    TROIS    CENT. 


I.  Contestation  en  Anglftern  -m  l.i  ptéséanre  'les  cardinaux. 
Lellre  admirable  du  pape  Eugène  IV  sur  les  prééminences  des 
cardinaux.  Il  les  fait  successeurs  des  apôtres,  eu  tant  qu'ils  com- 
posaient un  sacré  collège  auprès  de  J.-C. 


II.  Gerson,  Pierre  d'Ailly  et  Alniahin  furent  de  même  avis, 
que  les  cardinaux  et  les  évéques  étaient  diversement  successeurs 
des  apùlres. 

III.  Contestations  en  Pologne  sur  la  préséance  des  cardinaux. 


DES  CARDINAUX  DEPUIS  L'AN  MIL  TROIS  CENT. 


12S 


IV.  Pie  II  rétablit  les  évèques  au-dessus  des  protonotaires,  qui 
avaient  pris  le  pas  sur  eux. 

V.  Les  rois  mêmes  ont  quelquefois  voulu  céder  aux  cardinaux. 

VI.  C'étaient  des  honneurs  religieux  et  volontaires  de  la  part 
des  rois,  qui  en  ont  aussi  usé  comme  ils  ont  voulu. 

Vil.  Les  papes  et  les  cardinaux  n'ont  eu,  et  n'ont  dû  avoir 
que  des  motifs  et  des  vues  de  piété  et  de  religion  en  recevant 
ces  honneurs. 

VIII.  L'épiscopat  a  bien  des  avantages  sur  le  cardinalat. 

IX.  Des  premiers,  qui  étant  déjà  évèques  ou  archevêques,  fu- 
rent faits  cardinaux,  évèques  ou  prêtres. 

X.  De  l'incompatibilité  du  cardinalat  avec  les  autres  évêchés 
ou  archevêchés.  Quand  les  cardinaux  ont  commencé  à  changer 
de  titres. 

XL  Quand  et  comment  on  a  défendu  ou  permis  aux  cardinaux 
de  prendre  la  protection  et  les  intérêts  des  royaumes,  et  d'en 
recevoir  les  bienfaits  et  les  pensions. 

XII  Singularités  remarquables  sur  la  création  des  nouveaux 
cardinaux.  Règlements  divers  et  admirables  sur  cela,  surtout  des 
conciles  de  Constance  et  de  Bâle. 

XIII.  Du  nombre  des  cardinaux. 

XIV.  De  la  coutume  d'envoyer  le  chapeau. 

XV.  De  l'obligation  des  cardinaux  à  résider,  et  de  la  compa- 
tibilité du  cardinalat  avec  d'autres  évèchés. 

XVI.  Des  cxocatacèlcs  ou  des  cardinaux  du  patriarche  de 
Constantinople,  et  de  leur  séance  au-dessus  des  évèques. 

I.  Je  reviens  à  la  préséance  que  les  cardi- 
naux ont  sur  les  évèques ,  pour  remarquer 
que  dans  le  concile  II  de  Lyon,  en  1274,  les 
patriarches  latins  de  Constantinople  et  d'An- 
tioche  étaient  au-dessous  de  tous  les  cardinaux 
qui  avaient  aussi  au-dessous  d'eux  tous  les 
autres  primats,  archevêques  et  évèques  (Rai- 
nald.,  n.  3). 

En  13U2,  Clément  V  envoyant  un  cardinal 
prêtre  et  l'évêque  de  Poitiers  en  Angleterre, 
pour  y  être  les  médiateurs  de  la  paix  entre  le 
roi  et  les  barons,  s'excusa  envers  cet  évêque, 
dans  les  instructions  qu'il  leur  donna,  de  ce 
que  l'usage  présent  l'obligeait  de  le  nommer 
après  un  prêtre,  contre  la  pratique  de  L'anti- 
quité (Rainald.,  n.  "28). 

L'an  1-440,  le  pape  ayant  nommé  au  cardi- 
nalat l'archevêque  d'York,  en  Angleterre,  l'ar- 
chevêque de  Cantorbéry  lui  disputa  le  pas. 
Le  pape  écrivit  à  l'archevêque  de  Cantorbéry 
qu'il  était  justement  surpris,  qu'ayant  cédé  à 
l'évêque  de  Winchester,  après  qu'il  eût  été  l'ait 
cardinal ,  il  ne  voulut  pas  rendre  le  même 
respect  au  cardinal  d'York  :  qu'il  ne  pouvait 
pas  alléguer  pour  sa  défense  que  l'évêque  de 
Winchester  était  prince  du  sang,  puisque  cela 
ne  l'avait  pas  empêché  de  le  précéder  lorsqu'il 
n'était  qu'évèque,  et  de  lui  céder  quand  il  eut 
été  fait  cardinal  :  qu'au  reste  il  devait  savoir 
que  l'office  des  cardinaux  avait  été  institué 
par  saint  Pierre.  «  Officium  ipsum  a  Beato  Pe- 
tro  ejusque  successoribus  institulum  invenies 
(Sponde.,  n.  31).» 


I!  lui  marqua  que,  selon  Innocent  III,  ce 
qui  est  ordonné  dans  le  Lévitique,  de  recourir 
au  souverain  poutit'e  et  aux  prêtres  de  son 
conseil,  pour  la  résolution  de  toutes  sortes  de 
difficultés  importantes,  devait  s'entendre  du 
pape  et  des  cardinaux  :  que  le  [tape  étant  le 
vicaire  et  la  vivante  image  de  J.-C,  le  collège 
des  cardinaux  représentait  aussi  le  sacré  col- 
lège des  apôtres  auprès  de  J.-C,  comme  les 
évèques  représentaient  les  mêmes  apôtres  ré- 
pandus par  toute  la  terre,  pour  la  publication 
de  l'Evangile. 

«  Ut  quemadmodum  Christo  conversanti  in 
terris  assistebant  Apostoli,  ita  etiam  cardina- 
lium  cœtus  apostolicum  repraesentans ,  coram 
papa  assisterai  :  reliqui  vero  episcopi ,  ubique 
d  i  tl'i  isi,  Apostolos  reprœsentan  t  ad  praedicand  1 1  m 
per  orbem  missos.  » 

Ce  pape  dit  encore  que  les  cardinaux  étaient 
les  membres  du  Siège  Apostolique,  qui  ne  pou- 
vaient être  séparés,  ni  même  éloignés  du  chef; 
que  la  donation  de  Constantin  donnait  aux  car- 
dinaux la  qualité  de  sénateurs,  de  patrices  et  de 
consuls  ;  que  les  empereurs  mêmes  nommaient 
les  patrices  leurs  pères  ;  que  toutes  les  digni- 
tés et  suréminences  des  patriarches  et  des 
archevêques  étant  émanées  du  Siège  Apostoli- 
que, comme  les  ruisseaux  de  leur  source  ,  et 
les  branches  de  leur  tronc  et  de  leur  racine  ; 
on  ne  pouvait  trouver  mauvais  que  le  même 
Saint-Siège  eût  répandu  une  nouvelle  effusion 
de  gloire  sur  les  cardinaux  qui  l'approchent  de 
si  près,  qu'on  ne  pouvait  avec  la  moindre  ap- 
parence de  raison  s'opposer  à  une  coutume 
immémoriale  :  «  Consuetudo  tain  vetusta,  ut 
ejus  initiis  memoria  non  extet  in  contrarium,  » 
que  cette  préséance  des  cardinaux  sur  les  évè- 
ques paraissait  dans  les  anciens  conciles  géné- 
raux, surtout  dans  ceux  de  Lyon  I  et  II,  sous 
Innocent  IV  et  Grégoire  X. 

Ce  pape  continue,  en  disant  que  l'ordre  des 
évèques  était  sans  doute  fort  élevé  au-dessus 
de  celui  des  prêtres  et  des  diacres,  mais  qu'il 
s'agissait  ici  de  la  juridiction  et  non  pas  de 
l'ordre;  que  par  les  lois  canoniques  de  la  juri- 
diction ,  les  archidiacres,  quoique  seulement 
diacres,  précédaient  et  jugeaient  les  prêtres  et 
les  archiprètres  mêmes  ;  que  les  grands  vicai- 
res des  métropolitains  avaient  la  même  supé- 
riorité sur  les  évèques  de  la  province,  et  les 
évèques  simplement  élus  sur  tous  les  prêtres 
d'un  diocèse. 

Il  finit  en  disant  que  la  dignité  des  cardi- 


420 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATORZIÈME. 


n.iiix,  qui  gouvernent  avec  le  pape  l'Eglise 
universelle,  et  jugent  même  des  évêques,  était 
indubitablement  supérieure  à  celle  des  pa- 
triarches et  des  autres  évèques ,  qui  n'avaient 
la  conduite  que  d'une  Eglise  particulière,  et 
dont  il  y  avait  appel  au  Saint-Siège. 

Voila  en  abrégé  ce  que  le  pape  Eugène  IV 
étala  dans  la  bulle  qu'il  publia  sur  ce  sujet. 
Quoique  dans  cette  bulle  il  prétend  que  la 
préséance  des  cardinaux  est  fort  ancienne,  il 
ne  particularise  rien  néanmoins  de  plus  ancien 
que  les  deux  conciles  de  Lyon. 

Ce  qui  avait  précédé  ne  pouvait  passer  que 
pour  des  tentatives,  des  vicissitudes  et  des  al- 
ternatives; mais  depuis  le  concile  I  de  Lyon,  la 
chose  était  fixe  et  déterminée,  ce  qui  suffisait 
pour  taire  une  coutume  immémoriale  au  temps 
du  pape  Eugène.  Pour  ces  sortes  de  choses  qui 
ne  regardent  que  la  discipline  libre  de  l'Eglise, 
une  possession  plus  que  centenaire  peut  passer 
pour  immémoriale,  et  même  pour  apostolique, 
sans  qu'il  soit  besoin  que  les  papes  et  les  con- 
ciles s'embarrassent  d'une  critique  épineuse, 
pour  fixer  au  vrai  les  époques  de  chaque  pra- 
tique. 

II.  Quant  à  la  proposition  du  pape  Eugène 
que  l'office  et  la  dignité  des  cardinaux  est  de 
la  même  antiquité  que  l'Eglise,  parce  qu'ils 
remplissent  la  place  et  les  fonctions  des  apôtres 
auprès  de  J.-C.  ou  de  son  vicaire,  on  ne  doit 
point  en  être  surplis,  puisque  c'était  alors  la 
doctrine  la  plus  commune  des  théologiens. 

Gerson,  qu'on  ne  peut  accuser  d'avoir  flatté 
la  cour  romaine,  le  dit  formellement.  «  Status 
Surrimi  l'ontilicis,  ac  sacri  collegii  dominorum 
cardinalium,  fundatus  est  in  ecclesiastica  hie- 
ràrchia  subco'lesti,  immédiate  a  Christo,  nec 
hurriàna  institutione,  seu  pnrsumptione  potest 
destrûi  Tom.  i,  p.  Iss).  » 

Il  est  bien  vraisemblable  que  Gerson  ne  ré- 
vélait en  cela  que  les  sentiments  communs  de 
ceux  qui  cômpos'ërtënl  le  concile  de  Constance. 
Cela  paraîtra  encore  plus  évidemment  par  le 
traité  que  Pierre  d'Ailly,  qui  l'ut  depuis  cardi- 
nal, composa  dans  le  concile  de  Constance 
même,  en  i  il",  de  l'autorité  de  l'Eglise. 

Voici  ses  paroles,  que  le  pape  Eugène  semble 
avoir  entièrement  suivies  :  «  Licet  nomina  pa- 
patus  cl  cardinalatus,  tempore  Pétri  et  aliorum 
apostolorum  non  fuerinl  in  Ecclesiœ  ùsu  :  ta- 
men  ecclesiastica'  potestates  dictis  nomihibus 
désignais,  ex  tune  in  apostolis  praefulsefUnt, 
videlicet  papalis  dignitas  in  Petro,  et  in  singu- 


lis  Apostolis  cardinalatus  autoritas.  Pro  cujus 
declaratione  sciendum  est,  quod  sicut  patet  ex 
decursu  histori;e  Actuum  Apostolorum,  eecle- 

iasticis  historiis  ac  sanctoruin  Patrum  decre- 
tis,  ante  divisionem  Ai)ostolorum,  per  quam 
ad  diversas  mundi  partes  dispersi  sunt,  Apo- 
stoli  Petro,  tanquam  papale  officium  gèrent  i, 
assistebant,  tanquam  cardinalatus  ministeiiuin 
exercentes;  sicut  nunc  papa*  assistunt  cardi- 
nales, tanquam  ejus  principales  assessores  et 
consiliarii,  atque  cooperatores  in  regimen  uni- 
versalis  Ecclesiœ.  Postquam  vero  Apostoli  a 
Petro  separati,  spéciales  sibi  diœceses  sortili 
sunt,  ex  tune  episcopale  officium  exercuerunt 
(Ibid.,  p.  899,  <M)l),  etc.,  906,  007,  749).  » 

Ce  savant  théologien  infère  de  là  que  les 
apôtres  ont  fait  la  fonction  des  cardinaux, 
avant  que  de  remplir  celle  des  évêques,  et 
qu'ils  ont  été  cardinaux  pour  toute  l'Eglise, 
avant  qu'il  y  eût  des  cardinaux  dans  celle  de 
Rome.  «  Ex  hoc  potest  inferri,  quod  Apostoli, 
prius  cardinales,  quam  episcopi  fuerunt,  etc. 
Prius  fuerunt  cardinales  orbis,  quam  urbis.  » 

Il  conclut  encore  de  là,  que  les  cardinaux  et 
les  évêques  ont  recueilli  la  succession  des  apô- 
tres, mais  diversement.  «  Senalui  Apostolorum 
succedit  collegium  sacrum  cardinalium,  quan- 
tum ad  illum  statum  quo  Apostoli  coassiste- 
bant  Petro,  antequam  lièrent  particularium 
ecclcsiarum  episcopi.  Stalui  autem  Apostolo- 
rum, in  quantum  fuerunt  episcopi,  succedit 
ordo  episeoporum.  » 

Enfin,  il  infère  que  c'est  là  un  légitime  fon- 
dement outre  la  coutume,  pour  faire  précéder 
les  évêques  par  les  cardinaux,  même  par  ceux 
qui  ne  sont  que  diacres,  comme  les  archidia- 
cres précèdent  les  prêtres.  Almahin  confesse 
que  ce  sont  là  les  sentiments  de  Pierre  d'Ailly, 
et  il  ne  s'en  éloigne  pas. 

Ceux  qui  disputèrent  contre  les  Bohémiens 
dans  le  concile  de  Râle  (Conc,  tom.  xu, 
pag.  1332  et  seqq.),  suivirent  ces  mêmes  idées 
du  cardinalat.  Les  docteurs  de  Prague,  en 
I  il.'!,  avaient  déjà  proposé  cet  article  à  signer 
entre  plusieurs  autres,  pour  s'opposer  aux  er- 
reurs de  Jean  lluss  :  «Quod  crédit  sicut  Roinana 
Ecclisia,  cujus  caput  est  papa,  corpus  vero 
collegium  cardinalium,  mauit'esti,  ac  veri  suc- 
cessores  Pétri  principis  Apostolorum,  et  colle- 
gii aliorum  Apostolorum  Christi  (Kainald., 
an.  1 113,  n.  .">;  Rainald.,  an.  1448,  n.  8).  » 

Longtemps  avant, c'est-à-dire  en  1239,  l'em- 
pereur Frédéric    avait  écrit    aux  cardinaux, 


DES  CARDINAUX  DEPUIS  L'AN  MIL  TROIS  CENT. 


127 


comme  aux  successeurs  des  apôtres.  Mathieu 
Paris  rapporté  la  lettre  :  o  Cum  sit  Christus 
caput  Ecclesicé,  et  in  Pétri  vocabulo  suam  fun- 
daverit  Ecclesiam  supra  petram,  vosAposto- 
luruiii  statuil  successores.  o 

III.  Il  faut  reprendre  le  discours  des  coud  s- 
lations  sur  la  préséance.  Eugène  IV  ayanl  en- 
voyé le  chapeau  de  cardinal  a  l'évêque  de  Cra- 
covie,  à  la  demande  du  roi  de  Pologne,  l'arche- 
vêque primat  de  Gnesne,  et  président-né  des 
Etats,  fit  difficulté  de  lui  céder.  Nicolas  V  accom- 
moda ce  différend  en  l'an  1 149,  ni  donnant  que 
le  cardinal  aurait  la  préséance  .  mais  qu'il  n'o- 
pinerait qu'au  rang  de  son  évèché.  et  laisserait 
à  l'archevêque  la  jouissance  libre  de  ses  préro- 
gatives et  de  ses  fonctions  dans  les  Etats. 

Ce  tempérament  ne  put  empêcher  que  le 
Parlement  ou  les  Etats  de  Pologne  ne  lissent 
un  statut  qui  défendait  de  rechercher  le  cardi- 
nalat,  ou  la  légation  du  Saint-Siège  .  sans  la 
permission  du  roi  et  du  sénat  ;  et  que  ces  deux 
prélats  ne  viendraient  à  l'assemblée  qu'alter- 
nativement ,  selon  que  le  roi  les  y  appellerait, 
sans  se  trouver  jamais  ensemble  (  Statuts  Po- 
loniœ.,  p.  63,64,  421).  Néanmoins,  dans  les 
actes  publics,  le  cardinal  était  nommé  et  signait 
axant  l'archevêque  primat  de  Gnesne (Sponde., 
an.  11 49,  n.  44  . 

IV.  Je  ne  sais  quand  les  protonotaires  apos- 
toliques avaient  commencé  de  prendre  le  pas 
sur  les  évêques  dans  la  cour  romaine.  .Mais  je 
sais  que  Pie  II  rétablit  les  évèques  dans  leur 
rang,  et  qu'il  le  raconte  lui-même  avec  des 
termes  très-avantageux  pour  la  gloire  de  l'épis- 
copat.  Car  il  avoue  qu'il  n'y  a  rien  de  plus 
grand  dans  l'Eglise,  et  que  le  vicaire  même  de 
J.-C.  se  contente  d'être  appelé  évêque. 

«  At  Pins  altitudinem  episcopalis  eminentiae 
animo  volvens ,  qua  nihil  est  in  Ecclesia  subli- 
mius,  et  quod  ipse  Romanus  Praesul  Jesu  Chri- 
sti  vicarius,  episcopi  nomine  contentatur.  No- 
tariosnonconsuetudme,sedcorruptelaprœlatos 
episcopis  judicavit,  idque  deinceps  prohibuit, 
édita  lege.  quam  totus  ferme  orbis  cnllaudavit 
(Comment.  Pii  II.  1.  m,  p.  6-4).  » 

La  bulle  qu'il  en  publia,  en  1 159,  semble 
faire  connaître  que  cet  abus  était  venu  de  la 
place  de  ces  notaires,  ou  protonotaires  aposto- 
liques dans  les  consistoires  publics  .  uù  ils 
étaient  les  plus  proches  de  la  personne  du  pape, 
afin  de  pouvoir  dresser  les  registres  de  ce  qui 
s'y  résolvait. 

V.  11  n'est  pas  surprenant  que  les  évêques 


cédassenl  aux  cardinaux  en  un  temps  où  les 
rois  mêmes  leur  cédaient  quelquefois  sans 
peine  Conc.  i,  tom.  xi,  p.  183).  » 

Le  roi  (l'Angleterre  écrivant  a  un  cardinal 
prêtre  en  l-2:iô  ne  mit  son  nom  qu'après  celui 
du  cardinal  Cobel.,  p.  66  .  Eau  1293,  le  roi 
Charles  de  Sicile  étant  venu  à  Péruge  avec  son 
Dis  Charles  Martel ,  roi  de  Hongrie,  et  étant 
entré  dans  le  consistoire,  il  prit  séance  entre 
les  évêques  cardinaux,  et  son  fils  entre  les  car- 
dinaux diacres.  «  Pontificum  Patrem  médium, 
mediumque  secundum,  inter  [évitas  primos,  » 
dit  un  poète  du  temps  (Rainald.,  n.  2).  L'an 
1295,  ees  deux  rois  servirent  le  pape  à  table 
ayant  leurs  couronnes  sur  la  tête,  et  ensuite  se 
mirent  à  table  avec  les  cardinaux. 

Dans  une  assemblée  qui  se  tint  en' Allemagne 
devant  l'empereur  Frédéric  III,  l'an  I  155  Idem, 
n.  6;  idem.,  n.  1)  les  Allemands  se  plaignirent 
que  le  cardinal  vice-chancelier  eût  pris  séance 
à  Rome  devant  le  roi  des  Romains ,  que  le  roi 
de  Hongrie  n'eût  été  placé  qu'entre  les  derniers 
cardinaux,  et  que  les  électeurs  de  l'empire 
n'eussent  pas  eu  même  rang  avec  les  cardi- 
naux. 

En  1464,  le  doge  de  Venise  ne  fut  reçu  qu'en- 
tre les  deux  derniers  cardinaux  diacres  Idem, 
n.  50).  Il  en  faut  croire  .-Eneas  Sylvius  et  le  car- 
dinal de  Pavie  ;Card.  Papi.Comm..  1.  i.  p.  360  . 
Ce  dernier  était  présent  lorsqu'en  1471,  le  roi 
de  Danemarck  fut  reçu  à  Rome  entre  les  deux 
premiers  cardinaux,  et  ne  voulut  ni  se  couvrir, 
ni  s'asseoir  qu'après  eux  :  «  Inter  duos  primos 
cardinales  sessum  receptus,  non  prius  sedere, 
non  prius  tegi  voluit.  quam  utrumqueab  utro- 
que  factum  esset  (Rainald..  idem.  n.  2).  Pour 
rendre  le  respect  qui  est  dû  au  sénat  de  l'Eglise 
universelle  :  «  Ut  habeatur,  inquit,  justus  ho- 
nor  summo  senatui ,  »  ce  prince,  le  jour  du 
vendredi  saint,  ne  voulut  aller  à  l'adoration  de 
la  croix  qu'après  tous  les  cardinaux. 

Le  cardinal  de  Pavie  ajoute  que  ce  puissant 
roi,  à  qui  les  trois  royaumes  du  nord  obéis- 
saient, fit  la  leçon  aux  Italiens  mêmes,  et  leur 
apprit  jusques  à  quel  point  ils  devaient  honorer 
le  sacerdoce  (Papiensis.  Epist.  clvi). 

VI.  Mais  ce  n'a  été  que  la  piété  et  la  religieuse 
modestie  des  rois .  qui  leur  a  fait  rendre  des 
déférences  si  respectueuses  au  sacré  collège. 

La  coutume  n'a  pas  laissé  de  s'en  établir,  et 
de  s'autoriser.  Néanmoins  ces  pratiques  ne 
doivent  être  considérées  qu'avec  le  même  esprit 
qu'elles  ont  été  introduites;  c'est-à-dire,  qu'il 


428 


DL"  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATORZIÈME. 


faut  être  sincèrement  persuadé ,  que  ce  qui  a 
réglé  ces  rangs  et  ces  séances,  n'a  été  ni  la  pas- 
sion démesurée  de  rehausser  les  honneurs  du 
cardinalat,  ni  la  pensée  criminelle  de  rabaisser 
les  têtes  couronnées,  mais  le  seul  désir  de  rele- 
ver la  gloire  du  sacerdoce  royal  du  Fils  de  Dieu 
et  de  ses  premiers  ministres  ,  au-dessus  de  ce 
qu'il  y  a  de  plus  grand  sur  la  terre. 

Si  les  princes,  si  les  cardinaux,  si  les  lecteurs 
n'entrent  dans  ces  sentiments,  quand  on  traite 
ces  matières,  ils  s'abusent  eux-mêmes,  et  jugent 
mal  de  la  conduite  de  l'Eglise  ,  parce  qu'ils  en 
jugent  charnellement,  au  lieu  d'en  juger  selon 
les  maximes  de  l'Esprit-Saint  qui  l'anime. 

Saint  Charles  en  jugeait  sainement ,  et  il  ne 
voyait  rien  que  de  modeste,  de  saint  et  de  divin 
dans  les  mêmes  choses,  où  les  âmes  charnelles 
se  figurent  des  monstres  chimériques  d'ambi- 
tion. Aussi  quand  les  rois  en  ont  voulu  user 
autrement ,  on  s'est  tenu  à  ce  qu'ils  ont  eux- 
mêmes  réglé. 

Le  roi  Charles  VIII  de  France,  en  1495.  fut 
assis  avant  tous  les  cardinaux,  ou  bien  au  mi- 
lieu d'eux,  «  Ante  eos,  seu  in  medio  eoruin 
(Rainald.,  n.  3).  «François  Ier,  en  1515,  en  usa 
comme  il  lui  plut  à  Doulogne ,  et  envers  le 
pape,  qui  lui  protesta  que  c'était  à  Dieu  et  non 
pas  à  lui  que  tous  ces  honneurs  se  rendaient  : 
«  Omnia  haec  in  Deum  transferens,  el  Deo  om- 
nia  attribuens  (Idem.,  n.  29,  30)  ;  »  et  envers 
les  cardinaux  ,  qu'il  traita  comme  ses  pères  et 
ses  frères  :  «  Sicut  patrum  et  fratrum  suo- 
rum.  »  Ce  sont  les  termes  du  maître  des  céré- 
monies. 

VII.  Ainsi  quand  les  cardinaux  disaient  à 
Pie  II  :  «  Cardinales  pares  regibus  haberi  ;  »  et 
quand  le  même  pape  créant  de  nouveaux  car- 
dinaux ,  leur  disait:  «Vos  senatores  urbis  et 
regum  simileseritis;»  ces  titres  pompeux  n'ont 
dû  être  reçus  par  les  cardinaux  que  dans  des 
motifs  de  piété  et  de  religion  (Comment.  Pii  II  ; 
1.  m,  p.  66;  I.  iv,  p.  '.)'.»;  epist.  ci.xxx,  clxxxi, 
cciv,  ccv). 

11  en  faut  dire  de  même  de  ce  que  dit  le  car- 
dinal de  Pavie  :  «  Collegium  quod  sacrosan- 
ctum  in  Ecclesia  dicimus,  regibus  anteferen- 
iliiin  putamus.  »  Il  dit  ailleurs:  a Cardinalem 
R.  E.  membrum  pontificis,  cujus  dignitas  ante- 
fertur  regibus.  »  Et  en  parlant  à  Paul  II  :  «  Si 
in  lilios  Romani  praesulis, et  in  niembra  vicarii 
Christi,  et  in  eos  quos  sanctitas  veslra  ante- 
ferri  regibus  asserit;  »  tout  cela  se  doit  prendre 
dans  les  sentiments  purs  de  la  religion,  qui  se 


réjouit  de  voir  tout  le  faste  et  toutes  les  gran- 
deurs des  hommes  s'anéantir  devant  les  images 
vivantes  de  Celui  qui  étant  le  Dieu  et  le  roi  des 
rois  s'est  anéanti  pour  eux. 

Si  ceux  à  qui  ces  respects  sont  rendus,  en 
ont  quelque  complaisance  humaine,  c'est  un 
Larcin,  un  sacrilège  et  une  profanation  qu'ils 
font  du  sacrifice  qu'on  rend  à  Dieu  seul,  en 
leur  personne.  Si  le  cardinal  de  Tournon, 
doyen  du  sacré  collège,  et  les  cardinaux  de 
Lorraine  et  de  Cuise,  ne  voulurent  pas  déférer 
à  ce  qui  fut  prononcé  en  1561,  à  leur  désavan- 
tage, en  les  obligeant  de  céder  aux  princes  du 
sang,  qu'ils  avaient  jusqu'alors  précédés,  il 
est  juste  de  croire  que  ce  fut  moins  par  les 
vues  de  leur  intérêt  propre,  que  par  le  zèle 
religieux  de  soutenir  la  gloire  de  l'Eglise,  et 
l'honneur  du  sacré  collège  ;  parce  que  tout 
cela  rejaillit  à  la  gloire  du  Fils  de  Dieu,  et  pour 
ne  pas  succomber  sous  l'autorité  du  prince  de 
Coudé,  séduit  et  entraîné  par  les  ennemis  de 
la  religion  et  de  la  foi  de  ses  ancêtres,  et  qui 
néanmoins,  l'emportait  alors  sur  les  anciennes 
prérogatives  des  cardinaux  (Sponde.,  n.  14). 

Qu'on  lise  la  vie  de  saint  Charles  par  Cios- 
sano  (L.  vin,  c.  3;  1.  m,  c.  5),  et  on  le  verra, 
lui  qui  était  le  plus  humble  de  tous  les  hom- 
mes, distinguer  sa  personne  de  sa  dignité,  et 
très-jaloux  de  se  faire  rendre  par  les  princes 
mêmes  tous  les  honneurs  qu'il  savait  être  dus 
aux  souverains  prêtres. 

VIII.  Mais  quoique  l'élévation  des  cardinaux 
les  ait  presque  fait  perdre  de  vue,  on  n'a  pas 
laissé  de  leur  préférer  quelquefois  avec  raison 
Us  archevêques  et  les  évêques.  Jean  XXII  as- 
sura Philippe  de  France  qu'il  avait  quelque- 
fois accordé  le  cardinalat  à  des  personnes  à 
qui  il  n'eêit  pas  voulu  confier  un  archevêché. 
«  Aliquem  nominatum  ad cardinalatum,  quan- 
tum in  nobis  fuit  admisimus,  quem  non  sic 
admisimus  ad  archiepiscopalis  apicem  digni- 
tatis  (Rainald.,  an.  1331,  n.  32).  » 

Tout  le  monde  sait  que  saint  Charles  pro- 
testa souvent,  parmi  les  orages  dont  il  fui  agité, 
qu'il  renoncerait  bien  plutôt  au  cardinalat 
que  de  se  laisser  dépouiller  de  son  archevêché 
de  Milan. 

Les  évêques  du  concile  de  Latran,  sous 
Léon  X,  voyant  leur  dignité  avilie  par  les  nou- 
velles entreprises  des  cardinaux,  se  résolurent, 
ou  de  ne  plus  se  trouver  aux  sessions,  ou  de 
n'y  répondre  que  par  le  terme  du  reîus,displi- 
ect,  afin  de  faire  sentir  aux  cardinaux  que 


DES  CARDINAUX  DEPUIS  L'AN  MIL  TROIS  CENT. 


129 


l'autorité  ilu  concile  résidait  bien  moins  <lans 
l'éclat  de  leur  pourpre  que  dans  la  dignité  et 
la  multitude  des  évêques  :  «  Quorum  consen- 
sus potins  quam  cardinalium,  ratione  nume- 
rositatis  facit  concilium.  »  dette  adresse  leur 
réussit  (Idem,  anno  1514,  n.  15,  16;  1515,  n.  I). 
IX.  On  verra  éclater  quelque  rayon  de  la 
même  vérité  dans  les  premiers  cardinaux,  qui 
furent  en  même  temps  évêques  ou  archevê- 
ques en  diverses  Eglises. 

On  avait  bien  vu,  en  1037,  Frideric,  qui  de 
chancelier  de  l'Eglise  romaine,  était  devenu 
moine  du  Mont-Cassin,  être  élu  et  ordonné 
abbé  de  cette  célèbre  abbaye,  et  en  même 
temps  ordonné,  par  le  pape  Victor  II,  prêtre 
cardinal  du  titre  de  Saint-Chrysogone  (Baron., 
an.  1057,  n.  8).  Le  pape  Nicolas  II  ordonna  en 
même  temps  Didier,  abbé  du  Mont-Cassin,  et 
prêtre  cardinal,  en  l'an  1039  (Idem,  n.  10). 

Grégoire  VII  (L.  vu,  ep.  7,  8),  avait  confirmé, 
en  1079,  l'élection  que  le  monastère  de  Mar- 
seille avait  faite  de  Richard,  prêtre  cardinal, 
pour  son  abbé.  Mais  on  n'avait  point  vu  de 
cardinal  posséder  un  évèché  ou  un  archevêché 
dans  les  provinces,  jusqu'au  temps  d'Alexan- 
dre III.  Ce  pape,  pour  honorer  Conrad,  élu  ar- 
chevêque de  Mayence,  qui  avait  abandonné 
l'antipape  Octavien  et  l'empereur  Frédéric,  de 
qui  il  était  parent,  pour  se  venir  jeter  entre 
ses  bras,  le  fit  évèque  cardinal  de  Sainte-Sa- 
bine, et  ensuite  il  le  consacra  archevêque  de 
Mayence  (Baron.,  an.  1163,  n.  16). 

Dans  l'accommodement  qui  se  fit  entre  l'em- 
pereur Frédéric  et  le  pape,  Conrad  souscrivit 
avec  les  autres  cardinaux,  maisil  mit  la  qualité 
d'archevêque  de  Mayence  avant  celle  d'évêque 
cardinal  de  Sainte-Sabine.  Comme  il  avait  pro- 
mis au  pape  de  se  démettre  de  l'archevêché 
de  Mayence,  si  la  paix  de  l'empire  et  du  sacer- 
doce ne  pouvait  autrement  se  conclure,  il  s'en 
démit  effectivement,  et  le  pape  le  fit  élire  arche- 
vêque de  Salzbourg  (Baron.,  an.  1177,  n.  21, 
73,  71,  7.')  . 

Ciaconius  a  fort  bien  remarqué  que  ce  fut  le 
premier  de  tous  les  cardinaux  qui  ait  en 
même  temps  possédé  deux  évèchés,  ce  qui  avait 
été  jusques  alors  sans  exemple.  «  Primus  om- 
nium cardinalium  duasecclesiassimulobtinuit, 
novo,  nec  unquam  audito  exemplo.  »  Mais 
après  cela  on  ne  tarda  guère  à  rendre  fort 
commun  ce  qui  avait  été  sans  exemple. 

Le  même  pape  Alexandre  III  créa  Guillaume, 
qui  était  archevêque  de  Reims,  prêtre  cardinal 


de  Sainte-Sabine,  et  Henry,  abbédeClairvaux, 
évêque  cardinal  d'Albano,  au  rapport  (h;  Roger, 
dans  un  concile  romain  tenu  en  1179  (Reg. ,  1. 
i,  I.  II.  Ce  Guillaume  était  beau-frère  du  roi  de 
France  Louis  Vil,  et  le  pape  Innocent  III  lui 
donna  toujours,  dans  les  lettres  qu'il  lui  écrivit, 
les  titres  d'archevêque  de  Reims  et  de  cardinal 
de  Sainte-Sabine,  mais  le  titre  d'archevêque 
était  toujours  le  premier  (Baron.,  n.  13). 

Bigord,  en  parlant  de  lui,  préfère  aussi  tou- 
jours la  qualité  d'archevêque  à  celle  de  cardi- 
nal. Nicolas  Trivetdit  dans  sa  chronique  qu'en 
1-2-2S  mourut  Etienne,  lequel  de  professeur  en 
théologie  à  Paris  avait  été  fait  cardinal  prêtre 
du  titre  de  Saint-Chrysogone,  puis  archevêque 
de  Cantorbéry. 

Remarquons  ici  comment  la  chose  a  monté , 
comme  par  degrés,  jusqu'au  point  où  nous  la 
voyons  aujourd'hui  ,  que  les  cardinaux  de 
Rome  sont  évêques  ou  archevêques  dans 
d'autres  royaumes  :  1°  En  donnant  ou  laissant 
le  cardinalat  à  des  abbés.  2°  En  le  donnant  à 
des  évêques,  mais  dans  des  conjonctures  où  la 
chose  était  comme  inévitable.  3°  En  dounant  à 
des  évêques  ou  archevêques  le  titre  d'évêque 
cardinal,  comme  on  avait  commencé  de  faire 
en  la  personne  de  l'archevêque  de  Mayence. 
4°  En  leur  conférant  des  titres  de  prêtre  cardi- 
nal, ce  qui  était  une  espèce  de  renversement , 
qui  semblait  rabaisser  les  évêques  au  rang  des 
prêtres,  en  les  élevant  au-dessus  par  le  car- 
dinalat. 

En  11X6,  Henri  de  Sully  fut  fait  cardinal  de 
patriarche  de  Bourges  qu'il  était ,  mais  on 
n'exprime  pas  s'il  fut  fait  cardinal  évèque,  ou 
prêtre  (Patriarch.  Bitur.,  c.  lxvii). 

X.  En  14*26,  Martin  V  éleva  au  cardinalat 
Jean  de  Bochelaille,  archevêque  de  Rouen  ,  et 
le  dispensa  de  l'engagement  qu'il  avait  à  l'Eglise 
de  Bouen.  Mais  comme  plusieurs  prélats  refu- 
saient le  cardinalat,  pour  n'être  pas  oblig-és  de 
quitter  leurs  évêchés,  qui  étaient  de  grand 
revenu,  le  pape  permit  eu  même  temps  a  ce 
nouveau  prélat  de  retenir  son  archevêché  sous 
le  bon  plaisir  du  Saint-Siège.  «  Ad  beneplaci- 
tum  Apostolicœ  Sedis  (Marca  ,  de  Concord. 
prœfat. ,  n.  14).  »  L'archevêque  n'accepta  le 
cardinalat  que  du  consentement  du  roi  Henri 
d'Angleterre,  qui  occupait  alors  Paris  et  une 
partie  de  la  France;  et  du  duc  de  Bedford, 
régent  du  royaume  ;  le  roi  consentit  à  ce  qu'il 
pût  retenir  l'archevêché,  étant  cardinal,  à  con- 
dition de  lui  prêter  un  nouveau  serment  et  de 


m  DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-UUATORZ1ÈME. 


promettre  qu'il  reviendrait  de  Rome  toutes  les 
fois  que  le  roi  le  rappellerait. 

Nous  devons  ce  récit  avec  toutes  ses  preuves 
,i  M.  de  Marca;  et  il  paraît  de  là  que  le 
cardinalat  était  encore  incompatible  avec  d'au- 
tres prélatures,  et  que  cette  incompatibilité  ne 
pouvait  se  lever  que  par  la  dispense  du  pape, 
et  le  consentement  des  rois. 

Remarquons,  avec  Ciaconius,  que  ce  ne  fut 
que  sous  Roniface  IX  et  Alexandre  V,  c'est-à- 
dire  dans  le  xv  siècle,  que  les  cardinaux  com- 
mencèrent à  changer  de  titres;  ce  qui  se  fit 
parce  que,  durant  le  scbisme  précédent,  les 
cardinaux  de  divers  partis  avaient  souvent  le 
même  titre,  au  lieu  que  jusques  alors  ,  selon 
l'ancienne  discipline,  un  diacre  cardinal  con- 
servait toujours  son  même  titre,  jusqu'à  ce 
qu'on  le  lit  piètre,  et  un  prêtre  jusqu'à  ce 
qu'on  l'ordonnât  évèque. 

Sixte  IV  fut  le  premier  qui,  après  l'an  1 180, 
commença  de  donner  les  titres  de  diacres  à  des 
prêtres,  et  les  titres  de  prêtres  à  des  diacres. 
Enfin,  on  en  est  venu  jusqu'à  donner  les  titres 
de  cardinaux  diacres  a  de  simples  clercs. 

XI.  L'article  le  plus  important  de  tous  ceux 
qui  regardent  les  cardinaux  est,  qu'étant  les 
conseillers,  les  coadjuteurs  et  les  membres, 
pour  ainsi  dire,  du  chef  de  l'Eglise,  et  ayant 
par  conséquent  une  obligation  de  veiller  et  de 
s'intéresser  pour  l'Eglise  universelle  :  on  a 
quelquefois  jugé  qu'ils  ne  devaient  s'asservir, 
ni  même  s'attacher  par  aucun  engagement 
particulier  aux  princes  et  aux  souverains  de  la 
terre. 

Urbain  VI,  immédiatement  après  son  élec- 
tion, en  1378,  fit  une  défense  très-expresse  aux 
cardinaux  de  recevoir  aucune  pension  des 
princes  ou  des  républiques,  parce  qu'on  avait 
toujours  sacrifié  la  cause  publique  à  ces  inté- 
rêts particuliers.  «  Quod  suae  intentionis  non 
ci  al,  quod  aliqui  ex  dominis  cardinalibus  de 
caiern  baberent  pensiones ,  seu  provisiones, 
vel  alia  lucra  illicita  a  principibus,  communi- 
talibus  ,  vel  alia  quacumque  persona ,  quia 
propter  illa  lucra  uegotia  ecclesiae  maie  proce- 
debant  et  procédèrent  (Rainald.,  n.  toi).  » 

Martin  V.  en  1424,  défendit  aux  cardinaux 
d'embrasser  la  protection  des  princes  ou  des 
royaumes,  afin  d'avoii  plus  de  liberté  à  assister 
le  pape  de  leurs  conseils.  «  Protectiones  re- 
guin.  principum,  comitum  aliarumque  perso- 
naruni  sarularium  non  assumant,  assumptas- 
que  non  exerceant,  ut  liberius  ipsi  sanctissime 


in  consiliis  ac  aliis  actibus  valeant  assistere 
(Idem.,  n.  4).  » 

Il  leur  défendit  de  rien  prendre  pour  la  pro- 
tection des  ordres  religieux  ou  des  personnes 
particulières,  quoiqu'on  leur  offrît  volontaire- 
ment. «  Pro  ordinum  religiosoiumque  aut 
personarum  particularium  protectione  ,  nibil 
pecuniœ  percipiant ,  etiam  a  sponte  olferen- 
tibus.  » 

Le  concile  de  Râle,  en  1436  (Sess.  xxm),  leur 
interdit  toutes  sortes  de  partialités,  et  toute 
attacbe  à  un  prince  contre  les  autres,  leur  per- 
mettant seulement  la  protection  gratuite  des 
princes,  aussi  bien  que  des  autres,  surtout  des 
personnes  misérables  ,  dans  les  seules  vues  de 
la  charité. 

«  Et  cuin  ei  ,  qui  communis  est  omnium 
pater,  cardinales  assistant,  personarum  acce- 
ptantes fieri,  vel  advocatos  valde  indecens  est. 
Propterea  interdicit  bœc  sancta  synodus,  ut 
tanquam  judices  collatérales  partialitatem  nul- 
lam  accipiant,  etiam  si  de  terra  partiali  ori- 
ginem  ducant.  Nec  sint  principum  aut  com- 
niunitatuin,  seu  aliorum  contra  quenu|uam, 
cum  pretio,  vel  sine,  partiales  protectores,  aut 
defensores,  sed  exuti  oinnem  passionem,  in  se- 
dandis  concordia  ,  veljustitia  litibus  papae  as- 
sistant. Principum  autem  et  quorumcumque, 
praesertim  pâuperum  ac  religiosorum,  gratis  et 
sine  ullo  quaestu  proinovere  justa  negotia,  tan- 
quam charitatisopus,  persuadet  sancta  synodus 
et  eoinnienilat.  » 

ilhservons  ici  que  Martin  V  ayant  détendu 
toutes  sortes  de  protections  à  l'égard  des  prin- 
ces ,  comme  les  jugeant  inséparables  de  la 
partialité,  ce  concile  se  relâche,  et  les  permet 
avec  des  modifications,  comme  ne  pomaut 
s'opposer  au  torrent  d'une  longue  coutume  qui 
les  avait  maintenues. 

Le  concile  V  de  Latran ,  sous  Léon  X , 
en  1514  (Sess.  ix),  se  relâcha  bien  davantage, 
n'exprimant  pas  même  que  ces  protections 
pour  les  grands  dussent  être  gratuites.  Ce 
décret  n'est  qu'une  paraphrase  du  décret  du 
concile  de  Bâle  a  cela  près.  C'est  pourquoi  je 
n'en  rapporterai  pas  les  termes. 

Le  cardinal  de  Pavie  (Epist.  XL,  xu,  exxvii, 

CXI.ll  ,  1X1. Mil  ,  CI.XXXII  ,  CXI. Il  ,  CCI, XXX,  CCCXCIV, 

cni.xxxMii,  nxi.ij.  a  souve  ni  déclamé  dans  ses  let- 
tres contre  les  abus  de  ces  protections  lâches  et 
intéressées,  et  contre  les  partialités  où  les  car- 
dinaux s'engagent  aux  dépens  de  leur  honneur 
et  de  leur  conscience.  Encore  n'en  a-t-il  parlé 


DES  CARDINAUX  DEPITS  L'AN  MIL  TROIS  CENT. 


;::i 


(|iie  selon  le  meilleur  usage  qu'on  en  lit  de  son 
temps,  et  non  pas  selon  l'ancienne  rigueur.  Il 
ne  défend  pas  absolument  aux  cardinaux  de 
profiter  des  bienfaits .  et  de  la  Libéralité  des 
princes,  mais  seulemement  d'en  abuser. 

Les  lettres  70  et  164  du  cardinal  d'Ossal  font 
voir  combien  Clément  \  111  desirait  que  les 
cardinaux  ne  prissent  aucune  pension  des  sou- 
verains ;  combien  les  cardinaux  étaient  par 
cette  impression  portés  à  les  refuser  ;  enfin 
combien  ce  pape  prenait  soin  de  nommer  des 
cardinaux  qui  n'eussent  aucun  engagement  aux 
princes,  et  qui  n'eussent  point  d'autres  intérêts 
que  ceux  de  la  liberté  de  l'Eglise  ;  quoique  ce 
pape  ne  refusât  pas  de  satisfaire  aux  nomina- 
tions des  couronnes. 

XII.  Je  ne  m'arrêterai  pas  trop  à  déduire  ce 
que  l'histoire  nous  apprend,  de  quelle  manière 
on  créait  autrefois  les  nouveaux  cardinaux,  et 
quel  en  était  le  nombre. 

Rainaldus  a  donné  l'extrait  d'un  rituel  de 
l'an  1338,  qui  porte  que  le  mercredi  des  Qua- 
tre-Temps,  le  pape  tenait  consistoire,  et  con- 
cluait à  la  pluralité  des  voix  s'il  fallait  créer  de 
nouveaux  cardinaux,  et  jusqu'à  quel  nombre. 
Le  vendredi,  il  se  tenait  un  autre  consistoire, 
où  se  faisait  le  choix  des  nouveaux  cardinaux, 
et  enfin,  le  samedi  on  en  faisait  la  promulga- 
tion ,  et  l'ordination,  qui  commençait  par  la 
dissolution  du  lien  qu'ils  avaient  avec  leurs 
premières  églises,  si  c'étaient  des  prélats  qu'on 
eût  honoré  de  la  pourpre  sacrée  (Rainald,, 
n.  83).  Toutes  ces  circonstances  montrent  que 
le  cardinalat  était  quelque  chose  de  fort  ap- 
prochant d'un  ordre'  et  d'un  bénéfice. 

Eugène  IV  jura,  étant  pape,  les  articles  qu'il 
avait  jurés  étant  cardinal,  et  entre  autres,  qu'il 
ne  ferait  point  de  promotion  au  cardinalat  que 
selon  les  règles  du  concile  de  Constance,  et  du 
consentement  des  autres  cardinaux  Rainald., 
n.  6). 

Le  concile  de  Bâle  en  1  136  Sess.  xxm),  or- 
donna qu'aiin  que  les  cardinaux  fussent  effec- 
tivement ce  que  leur  nom  fait  espérer, l'appui 
et  le  soutien  de  l'Eglise,  «  Qui  sicut  nomine  , 
ita  reipsa  cardines  sint,  super  quos  ostia  uni- 
versalis  versentur  .  et  sustentenlur  Eccle- 
si.e  :  »  ils  fussent  choisis  de  tous  les  royaumes 
de  la  chrétienté  autant  qu'il  se  pourrait;  qu'il 
n'y  en  eût  jamais  plus  de  vingt-quatre;  qu'il 
n'y  en  pût  avoir  au  plus  que  le  tiers  d'une 
même  nation,  ni  plus  d'un  d'un  même  dio- 
cèse ;    que    leur  science   et  leur  probité  ré- 


pondîl  à  leur  élévation  ;  qu'ils  eussent  au 
moins  trente  ans;  qu'il  y  en  eût  au  moins  un 
tiers,  ou  un  quart  de  gradués;  qu'il  \  en  eût 
quelques-uns,  mais  peu  des  maisons  souve- 
raines ;  que  les  m  \eii\  des  papes  OU  des  Cardi- 
naux vivants  fussent  exclus  de  cette  dignité; 
que  le  pape  les  nommerait,  non  pas  après 
avoir  ouï  en  secret  les  désirs  de  chaque'  car- 
dinal, mais  par  les  suffrages  écrits  du  plus 
grand  nombre  des  cardinaux;  enfin,  qu'ils 
considéreraient  leur  pourpre  comme  une  pro- 
fession publique  de  répandre  leur  sang  pour 
la  défense  de  l'Eglise  :  «  Cum  récipient  suae 
dignitalis  insignia,  quorum  signilicalio  est,  ut 
pro  bono  universalis  Ecclesne  sanguinem  pro- 
prium  si  opus  sit,  non  vereantur  effundere. 

Le  décret  du  concile  de  Constance  contenait 
sommairement   presque    les    mêmes    articles 
Concil.  Gen.,  tom.  xn.  pag.  I  150  . 

Avant  la  création  du  pape  Pie  11,  en  I  458,  les 
cardinaux  jurèrent  plusieurs  articles  ou  ils 
n'oublièrent  pas  celui  de  la  nomination  des 
cardinaux  selon  le  statut  du  concile  de  Con- 
stance [Rainald.,  n.  5  .  Us  en  firent  autant  a  près 
la  mort  de  Pie  II,  avant  l'élection  de  Paul  II, 
en  1 164  Idem,  n.  52  . 

Quoiqu'on  ait  parlé  fort  diversement  de  la 
conduite  de  ce  pape,  il  ne  se  peut  rien  dire  de 
plus  saint  que  ce  qu'il  disait  de  la  nomination 
des  cardinaux  :  qu'on  pouvait  être  homme  en 
d'autres  choses,  qu'il  fallait  être  ange  pour  la 
provision  des  autres  prélatures  ,  mais  qu'il 
fallait  être  un  Dieu  pour  remplir  le  sacré 
collège  ;  que  de  nommer  un  mauvais  évêque, 
c'était  une  impiété  qui  désolait  une  église  , 
mais  que  d'élire  un  méchant  cardinal,  c'était 
l'action  d'un  démon,  et  d'un  ennemi  jure  de 
toutes  les  églises  (Comm.  Jacobi  card.  Papi  , 
1.  il,  p.  371). 

«  Dicebat  in  rébus  aliis  hominem  esseposse; 
in  Ecclesiarum  rectoribus  creandis  angelum; 
in  collegio  augendo  Deum  pontificem  esse 
oportere.  Qui  in  altero  peccet,  impium,  qui  in 
altero,  daemonem  esse  existimandum.  In  illo 
unani  Ecclesiarum  prostitui .  ac  viro  alieno 
conjungi,  et  non  suo  :  in  hoc  Ecclesias  uni- 
versas  periclitari  Rainald.,  an.  1471,  n.  63  .  » 
Sixte  IV  succéda  a  Paul  IL  et  après  sa  mort 
les  cardinaux  s'engagèrent  et  engagèrent  en- 
core par  serment  le  pape  futur,  qu'il  ne  ferait 
point  de  cardinal  a  la  prière,  ou  du  sang  même 
des  souverains,  qui  ne  fût  âgé  de  trente  ans, 
et  qui  ne  fût,  ou  docteur,  ou  suffisamment 


43-2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATORZIÈME. 


habile  ;  qu'il  faudrait  pour  cela  les  deux  tiers 
des  voix  des  cardinaux,  qu'il  ne  nommerait  au 
cardinalat  tout  au  plus  qu'un  de  ses  parents; 
qu'il  n'en  créerait  plus,  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent 
réduits  au  nombre  de  vingt-quatre,  et  que  ce 
nombre  ne  serait  jamais  excédé  ;  enfin  qu'il 
les  créerait  en  consistoire,  et  non  pas  auricu- 
laire ment,  et  qu'il  n'en  retiendrait  point  in 
petto,  a  Nec eos tenebit  secreto  [Idem,  1484, 
n.  31).  » 

Rainaldus  parlant,  en  l'an  1430,  de  la  nomi- 
nation secrète,  ou  in  petto  des  cardinaux,  dé- 
couvre les  raisons  et  la  manière  dont  elle  se 
faisait   Idem,  n.  5  . 

Ces  règlements  étaient  bien  adoucis  au  prix 
des  précédents,  mais  on  se  relâcha  bien  davan- 
tage dans  la  suite,  puisque,  dans  le  concile  V 
de  Latran,  sous  Léon  X,  en  loi  4  'Sess.  rx),  il  y 
a  un  chapitre  fort  étendu  et  fort  particularisé 
de  la  réformation  des  cardinaux,  où  ces  articles 
importants  sur  leur  nomination  ne  sont  pas 
seulement  touchés. 

Enfin  le  concile  de  Trente,  en  1363  (Sess. 
xxiv,  c.  1),  après  avoir  exposé  les  règles  les 
plus  saintes  qu'il  est  à  souhaiter  que  le  pape 
suive  dans  la  promotion  des  évêques,  déclare 
qu'il  n'est  pas  moins  nécessaire  de  les  observer 
dans  la  nomination  des  cardinaux,  même  de 
ceux  qui  sont  diacres,  et  que  le  pape  les  choi- 
sira, autant  qu'il  se  pourra,  de  toutes  les  pro- 
vinces de  la  chrétienté. 

XIII.  Quant  au  nombre  des  cardinaux,  on 
peut  ajouter  à  ce  qui  en  a  été  dit  qu'en  1331, 
le  roi  de  France  ayant  proposé  au  pape 
Jean  \.\II  deux  Français  pour  être  honorés  de 
cette  éminente  dignité,  ce  pape  s'excusa  et  n'en 
admit  qu'un,  parce  qu'il  y  avait  déjà  une 
vingtaine  de  cardinaux,  dont  il  y  en  avait  dix- 
sepl  français  :  «  Quod  jam  xx  cardinales,  de 
quibusxvii  de  regno  Francise  originem  traxisse 
noscuntur,  existant  in  collegio  memorato  (Rai- 
nald..  n.  33  .  » 

Après  la  mort  de  Clément  VI,  en  13S2,  les 
cardinaux  résolurent  et  signèrent  qu'on  ne 
souffrirait  plus  à  l'avenir  qu'il  y  eût  plus  de 
vingt  cardinaux    Idem,  n.  6). 

L'an  I37S,  auquel  se  fit  l'élection  d'Ur- 
bain VI,  le  sacré  collège  n'était  composé  que 
de  vingt-trois  cardinaux.  Le  nombre  s'en  est 
considérablement  augmenté  depuis  par  les 
schismes  de  ces  temps.  Urbain  VI,  se  voyant 
abandonné  de  ses  cardinaux, qui  étaient  passés 
dans  le  parti  de  Clément  VII,  en  créa  en  un 


jour  vingt-huit,  si  l'on  en  croit  ceux  qui  ont 
écrit  son  histoire.  Théodoret  de  Niem,  qui  y 
était  présent,  rapporte  qu'il  n'en  créa  que 
vingt-six. 

Cet  auteur  remarque  que  Clément  VII  n'en 
créa  un  si  grand  nombre  que  parce  qu'il  pres- 
sentait que  plusieurs  refuseraient  cette  charge. 
Il  s'en  explique  ainsi  :  «  Nec  non  simul  et  vi- 
ginti  sex  cardinales  una  die  creavit,  existimans 
forte,  quod  de  tanto  numéro  eorum  aliqui  hu- 
jusmodi  cardinalatus  fastigium  utique  acceptè- 
rent, prout  nec  ipsum  fefellit  opinio,  factum 
fuit  iRainald.,  an.  1378,  n.  10-i).  » 

C'est  donc  à  l'occasion  de  ce  schisme  que  le 
nombre  des  cardinaux  s'est  multiplié  au  point 
que  les  trois  papes  avaient  chacun  leur  collège 
particulier,  comme  il  est  arrivé  d'autres  fois. 

Jean  Juvénal  des  Ursins,  archevêque  de 
Reims,  qui  a  écrit  l'histoire  de  Charles  VI,  roi 
de  France,  rapporte  que  l'an  1381,  sous  le  pon- 
tificat de  Clément  d'Avignon,  il  y  avait  trente- 
six  cardinaux  :  «  Cum  Clémente  Avenione 
fuisse  cardinales  triginta  sex.  » 

Les  Pères  du  concile  de  Râle,  suivant  les 
errements  du  concile  de  Constance,  fixèrent  le 
nombre  des  cardinaux  à  vingt-quatre  :  «  Ut 
cardinales  numerum  viginti  quatuor  non  excé- 
dant (Sess.  u).  »  On  n'a  compté  que  dix-huit 
cardinaux  dans  le  conclave  où  se  lit  l'élection 
de  Nicolas  V,  l'an  1447;  on  n'en  a  compté  que 
quinze  dans  celui  où  fut  élu  Calixte  III,  l'an 
I  155;  dix  huit  dans  celui  où  Pie  II  fut  élu,  l'an 
14-58;  dix-rieuf  dans  celui  où  fut  élu  Paul  II, 
l'an  1464;  on  n'en  a  compté  que  dix-huit  dans 
celui  où  fut  élu  Sixte  IV,  l'an  1474;  vingt-cinq 
dans  celui  où  fut  élu  Innocent  VIII,  l'an  1484  ; 
on  n'en  compte  que  vingt-quatre  dans  celui  où 
fut  élu  Léon  \,  l'an  1513. 

Hors  le  temps  du  schisme,  on  ne  s'était  donc 
pas  fort  écarté,  sur  cet  article,  des  décrets  des 
conciles  de  Constance  et  de  Râle;  car  il  ne 
pouvait  pas  y  a\oir  beaucoup  de  cardinaux  qui 
s'absentassent  du  conclave. 

Ils  étaient  si  jaloux  de  leur  dignité,  qu'ils 
faisaient  tout  leur  possible  pour  empêcher 
qu'on  en  augmentât  le  nombre,  de  peur  que 
l'éclat  n'en  diminuât,  ainsi  qu'ils  le  dirent 
eux-mêmes  :  «  Poutifici  dixere  se  numerositate 
ipsa  vilescere.  » 

D'un  autre  côté  ,  les  papes  ne  pouvaient 
tenir  contre  l'empressement  des  princes  qui 
leur  demandaient  cette  dignité  pour  leurs  pa- 
rents, et  pour  récompenser  le  zèle  et  les  ser- 


DES  CARDINAUX  DEPUIS  L'AN  MIL  TROIS  CENT. 


133 


vices  île  leurs  minisires.  «  Ponlifex  non  posse 
regum  ac  principum  transalpinorum  preçes 
se  effugere  aiebai  ;  nec  sui  honoris  esse  uatio- 
aes  externas  praeterire  Lib.  1 1^  p.  129  et  130  .» 

Ces  termes  de  Pie  II,  rapportés  dans  l'his- 
toire de  sa  vie,  l'ont  voir  que  les  Italiens  ont 
tout  entrepris  pour  attacher  cette  dignité  aux 
gens  de  leur  nation  ;  et  que  le  pape  qui  ne 
renfermerait  pas  son  affection  clans  les  limites 
d'aucune  nation  était  jaloux  de  porter  partout 
le  titre  de  père  des  tidèles,  se  fit  honneur  de 
favoriser  du  cardinalat  tous  les  peuples  du 
nom  chrétien. 

Les  Pères  des  conciles  de  Constance  et  de 
Baie,  par  la  réduction  qu'ils  tirent  du  nombre 
îles  cardinaux,  n'avaient  en  vue  que  de  retran- 
cher les  dépenses  excessives  qui  étaient  né- 
cessaires pour  l'entretien  des  cardinaux,  et  qui 
pouvaient  être  à  charge  à  l'empire  chrétien. 
En  effet,  dans  ces  temps  où  l'on  n'avait  pas 
encore  découvert  les  trésors  des  Indes,  non- 
seulement  l'or  et  l'argent,  mais  une  infinité 
d'autres  choses  qui  sont  de  quelque  prix  parmi 
les  hommes,  et  qui  sont  très-nécessaires  à  la 
vie,  étaient  très-rares. 

Si  je  voulais  m'étendre  là-dessus,  je  n'au- 
rais qu'à  rapporter  tout  ce  qu'en  a  dit  Rainald 
sur  les  années  1492  et  1503  [Rainald,  n.  28 
et  5),  d'où  il  résulte  que  les  cardinaux  ont  tou- 
jours été  très-jaloux  d'être  en  petit  nombre, 
dans  la  crainte  de  voir  diminuer  l'éclat  de 
leur  dignité  par  leur  multiplication. 

C'est  au  pontificat  de  Léon  X  qu'il  faut  fixer 
la  fatale  augmentation  du  nombre  des  cardi- 
naux, qui  fut  portée  à  un  nombre  excessif  par 
la  conspiration  que  fit,  l'an  1517,  un  cardinal 
qui  se  mit  à  la  tète  des  conjurés  et  s'opposa  à 
l'élection  de  Léon  X. 

Léon,  se  méfiant  du  reste  des  cardinaux,  en 
créa  en  un  jour  trente  et  un  de  nouveaux.  Les 
conclaves  en  devinrent  plus  nombreux.  Celui 
oii  fut  élu  Clément  VII,  l'an  1524,  était  com- 
posé de  trente-neuf  cardinaux.  On  peut  voir 
la  suite  des  conclaves  dans  les  annales  de  l'E- 
glise Rainald.,  Spond.). 

La  bulle  appelée  Compact/,  qui  fut  arrêtée 
entre  Paul  IV  et  les  cardinaux,  en  1555,  en 
fixa  le  nombre  à  quarante,  et  défendit  d'en 
créer  d'autres.  Elle  permit  seulement  de  rem- 
placer aux  qui  viendraient  à  décéder.  Ce 
nombre  fut  après  porté  à  soixante-dix  :  nom- 
bre qui  n'était  pas  trop  grand,  pour  peu  que 
l'on  considère  que  le  collège  des  cardinaux  est 

Th.  —  Tome  II. 


le  chef  du  clergé,  qu'ils  sont  les  diacres  et  les 
piètres  de  la  première  église  du  monde  cl  de 
tout  l'empire  chrétien. 

Il  faul  encore  observer  que  le  clergé  de 
Rome  n'a  pas  été  moins  nombreux  au  temps 
de  sou  établissement,  et  pendant  la  violence 
des  persécutions  survenues  depuis  ,  comme 
nous  l'avons  ci-devant  fait  voir  par  des  preuves 
tirées  d'Eusèbe.  D'ailleurs  le  clergé  de  Cous- 
tantinople  était  bien  plus  nombreux,  comme 
il  est  prouvé  par  les  Novelles  de  Justinien.  Il  y 
a  même  beaucoup  d'églises  cathédrales  et  col- 
légiales oii  le  nombre  des  chanoines  est  plus 
grand  que  celui  des  cardinaux. 

Si  l'on  considère  encore  la  multitude  d'af- 
faires et  de  procès  qui  se  portent  de  toutes 
parts  au  siège  de  Rome ,  pour  y  être  décidés 
dans  la  congrégation  des  cardinaux,  ce  nom- 
bre de  soixante-dix  ne  paraîtra  pas  certaine- 
ment trop  grand.  D'ailleurs  les  choses  néces- 
saires à  la  vie  sont  devenues  si  communes  que 
ce  qu'il  faut  pour  l'entretien  des  cardinaux  ne 
monte  plus  à  des  dépenses  excessives. 

Enfin,  ce  nombre  de  soixante-dix  cardinaux 
a  fait  cesser  les  réserves  des  bénéfices,  dont 
l'Eglise  était  alors  chargée,  et  l'expérience  a 
fait  voir  que  l'augmentation  du  nombre  des 
cardinaux  n'a  point  diminué  l'éclat  de  leur 
dignité. 

XIV.  La  coutume  d'envoyer  le  chapeau  aux 
absents  est  nouvelle,  puisqu'en  1316  Jean  XXII 
ayant  été  prié,  par  Philippe  de  France,  d'en- 
voyer le  chapeau  à  un  nouveau  cardinal  fran- 
çais, il  s'en  excusa  sur  ce  que  ce  n'était  pas  la 
coutume  de  l'Eglise  romaine  :  «  Quia  nec  prea- 
decessores  nostri  Romani  Pontilices  consue- 
verunt  extra  curiam  bujusmodi  pileos  mit- 
tere  ;  »  et  que  depuis  le  temps  de  saint  Louis 
on  n'avait  envoyé  le  chapeau  qu'à  deux  nonces 
en  Angleterre ,  pour  donner  plus  de  poids  à 
leur  dignité  et  à  leurs  statuts  (Rainald.,  n.  29). 

Clément  VI  ayant  nommé  au  cardinalat 
l'abbé  de  Saint-Denis  ,  adressa  le  chapeau 
qu'il  lui  envoyait  à  trois  évoques,  avec  une 
lettre  qui  -portait  que  la  coutume  était  d'aller 
recevoir  le  chapeau  de  la  main  du  pape  :  «  Li- 
cet  imitanda  servant  antiquitas,  ut  ad  hono- 
rem  cardinalatus  evectus,  non  prius  capello 
rubeo  uteretur,  quam  illum  de  manu  pontili- 
cis  suscepisset (Rainald.,  an.  1350,  n.  ult.).  » 
Ce  pape  marquait  ensuite  qu'il  le  lui  envoyait 
néanmoins  pour  le  recevoir  de  la  main  de  ces 
trois  évêques,  parce  qu'il  savait  qu'il  était  né- 

28 


434 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATORZIÈME. 


cessaire  qu'il  passât  encore  quelque  temps 
auprès  du  roi  de  France,  Jean,  ce  qu'il  ne 
pouvait  refuser  aux  affaires  de  ce  prince.  «  Pro 
negoliis  in  quibus  rex  praesentia  tua  indigere 
se  dixit,  diebus  aliquibus  in  partibus  ipsis  de 
nostra  licentia  remanere.  » 

XV.  La  raison  originaire  de  toute  cette  dis- 
cipline est  que  le  cardinalat  était  un  bénéfice 
d'évèque,  de  prêtre  ou  de  diacre,  obligeant  a 
résidence,  incompatible  avec  d'autres  sembla- 
bles bénéfices,  et  déterminé  à  un  certain  nom- 
bre de  titres  ou  d'églises  dans  Rome  ou  auprès 
de  Rome.  Quand  on  a  commencé  à  l'envisager 
comme  une  dignité,  on  n'a  pu  qu'avec  beau- 
coup de  temps,  et  en  l'espace  de  plusieurs  siè- 
cles en  séparer  toutes  ces  marques  de  sa  nature 
primitive. 

Que  le  cardinalat  obligeât  à  résider  et  lût 
incompatible  avec  d'autres  semblables  béné- 
fices, cela  se  voit  dans  la  décrélale  d'Inno- 
cent III,  où  il  refuse  son  consentement  à  l'é- 
lection ou  ta  la  demande  que  le  clergé  de 
Ravenne  avait  faite  d'un  prêtre  cardinal  pour 
son  archevêque.  Ce  pape  répond  que  ce  cardi- 
nal est  plus  utile  à  l'Eglise  universelle,  rési- 
liant à  Rome  ou  à  Ravenne,  même  pour  des 
occasions  extraordinaires.  «  Quod  ejusdem  car- 
dinalis  praesentia  utilior  sit,  non  soluin  Ro- 
manae,  sed  etiam  Ecclesis  generali,  tain  apud 
Apostolicam  Sedem,  quam  apud Ecclesiam  Ra- 
vennatem  (C.  Bonae  mémorise.  De  postulat.).  » 

En  42(12,  saint  Louis  ayant  prié  Urbain  IV 
de  lui  laisser  encore  pour  un  an  les  arche- 
vêques d'Embrun  et  de  Narbonne,  qui  tra- 
vaillaient à  accommoder  le  différend  entre  la 
reine,  sa  femme,  et  Cbarles  d'Anjou,  son  frère, 
pour  le  comté  de  Provence  ,  ce  pape  s'en  ex- 
cusa sur  les  affaires  de  l'Eglise  universelle,  où 
il  ne  pouvait  se  passer  de  leur  assistance,  et 
pour  cela  il  les  créa  cardinaux  évêques,  et  les 
appela  a  Rome.  Rainaldus  a  inséré  cette  lettre 
du  pape  dans  ses  Annales  (Rainald.,  an.  120:2, 
il  '.:,  . 

Le  rituel  de  l'an  1338  fait  user  le  pape  de 
ces  termes,  en  créant  un  cardinal  prêtre  : 
«  Committimus  tibi  Ecclesiam  sancti  Pétri, 
cum  clero  et  populo,  et  capellis  suis  (Rainald., 
an.  L338,  n.  87).  »  C'est  la  même  forme  pour 
les  cardinaux  diacres,  en  retranchant  ces  pa- 
roles :  «  et  capellis  suis.  » 

Les  canonistes  concluent  unanimement  du 
chapitre  Ex  r/estis.  De  clericis  non  residenti- 
bus,  que  les  cardinaux  sont  obligés  à  la  rési- 


dence, tant  parce  qu'ils  ont  cbarge  d'âmes,  et 
exercent  l'une  et  l'autre  juridiction  dans  leurs 
titres,  que  parce  qu'étant  les  conseillers  et  les 
aides  du  souverain  Pontife  pour  le  gouverne- 
ment de  toute  l'Eglise,  ils  ne  peuvent  satisfaire 
à  ce  devoir  s'ils  ne  résident  à  Rome  (Fagnan., 
in  1.  m,  part.  I.  p.  30).  Il  en  faut  excepter  les 
cardinaux  qui  sont  évêques  ou  archevêques, 
que  le  concile  de  Trente  (Sess.xxm,  c.  4)  oblige 
de  résider  dans  leurs  Eglises. 

Léon  X  publia  une  bulle,  dans  le  concile  V 
de  Latran  (Sess.  xxvm),  contre  les  cardinaux 
qui  ne  soulagent  pas  le  pape  par  leur  présence 
et  par  leurs  conseils,  ou  qui  s'absentent  de 
Rome  sans  le  congé  de  Sa  Sainteté  ou  sans  un 
sujet  légitime  de  dispense. 

Paul  III  en  publia  une  semblable,  et  après 
lui  Innocent  X,  en  4646.  11  y  a  grande  appa- 
rence que  la  longue  absence  des  cardinaux, 
pendant  les  soixante-dix  ans  que  le  Saint-Siège 
fut  arrêté  à  Avignon,  leur  fit  entièrement  ou- 
blier la  résidence  qu'ils  devaient  à  leurs  titres, 
et  qu'après  cela  leur  loi  de  résidence  ne  fut 
fondée  que  sur  leur  obligation  d'assister  le 
Saint-Siège  de  leurs  conseils. 

Ainsi,  quand  le  pape  les  emploie  ailleurs  au 
service  de  l'Eglise  universelle,  on  doit  juger 
qu'alors  même  ils  résident,  comme  adminis- 
trateurs généraux  de  l'Eglise  universelle,  sous 
le  Saint-Siège. 

Cajetan  et  le  Panormitain  n'ont  pas  fait  diffi- 
culté de  soutenir  que  le  cardinalat  était  incom- 
patible avec  un  évêché,  et  que  la  coutume 
contraire  ne  pouvait  être  qu'un  long  abus. 

Fagnan  ajoute  que  le  style  de  la  cour  ro- 
maine est  conforme  à  ce  sentiment,  en  ce  que 
l'on  donne  les  évêchés  en  commande  et  non 
pas  en  titre  aux  cardinaux  qui  doivent  résider 
à  Rome;  mais  il  confesse  en  même  temps  que 
l'usage  présent  est  que  les  évêques,  après  leur 
promotion  au  cardinalat,  retiennent  leurs  évê- 
chés sans  dispense,  et  que  le  sentiment  de  la 
congrégation  du  concile  est  que  les  cardinaux 
peuvent  retenir  une  Eglise  cathédrale,  même 
en  titre,  mais  qu'ils  ne  peuvent  en  retenir  deux 
ni  en  titre,  ni  en  commande,  ni  l'une  en  titre 
et  l'autre  en  commande. 

Ainsi,  ce  canoniste  ne  doute  plus  que  cette 
coutume  ne  fasse  un  droit  légitime,  quoiqu'il 
souhaite  fort  sagement  que  les  cardinaux  eus- 
sent d'ailleurs  leur  entretien,  pour  s'occuper 
uniquement  aux  affaires  de  l'Eglise  universelle 
et  laisser  les  évêchés  à  des  prélats  qui  ne  s'at- 


DES  CARDINAEX  DEPUIS  L'AN  Mil.  TROIS  CENT. 


133 


tachassent  qu'à  leur  Eglise  particulière  (Ea- 
gnan.,  in  lib.  i  Décret.,  part.  i.  pag.  -27'.» . 

La  bulle  d'Urbain  VIII,  en  1634,  obligea  les 
cardinaux  évêques  iiui  avaient  d'autres  évêchés 
d'j  aller  résider;  ainsi,  il  sembla  déclarer  que 
ces  évêchés  affectés  aux  cardinaux  n'étaient  pas 
incompatibles  avec  les  autres.  C'est  la  coutume 
que  les  cardinaux  qui  résident  à  Rome  optent 
ces  Eglises  d'évêques  cardinaux  quand  elles 
viennent  à  vaquer.  Fagnan  le  dit  ainsi  (Idem, 
in  1.  m,  part.  I.  p.  59). 

C'est  encore  une  marque  que  ce  sont  des 
évêchés  d'une  autre  nature  que  les  autres. 
Passons  à  l'Orient. 

XVI.  Outre  ce  qui  a  été  dit  dessyncelles.  qui 
prirent  le  pas  sur  les  évêques  dans  l'Orient; 
outre  ce  qui  a  été  dit  du  chartophylace,  qui 
emporta  la  même  préséance  en  quelques  ren- 
contres, il  faut  dire  la  même  ebose  de  tous  les 
exocatacèles. 

Anastase  Bibliothécaire,  a  remarqué  dans  ses 
notes  sur  le  concile  VIII  (Act.  2),  que  le  patriar- 
che Ignace  donna  la  dignité  de  chartophylace 
à  Paul,  ne  pouvant  l'élever  plus  liant,  parce  que 
le  pape  Nicolas  lui  avait  seulement  permis  de 
l'honorer  des  plus  grandes  dignités  au-dessous 
de  l'épiscopat.  «  Scripserat  papa  Romanus,  ut 
alia  illum,  exceplo  sacerdotio,  quautacumque 
vellet,  dignitate,  ditaret.  » 

Ce  concile  pria  le  pape  de  souffrir  que  ce 
chartophylace  fût  élevé  à  l'épiscopat.  Balsamon 
décide  la  difficulté  et  marque  le  temps  de  cette 
innovation  quand  il  dit  que  ce  fut  par  la  cons- 
titution de  l'empereur  Alexis  Comuène  que  les 
chartophylaces  prirent  séance  au-dessus  des 
évêques  dans  les  assemblées  qui  ne  sont  pas 
synodales.  «  Qui  nunc  est  chartophylax,  in 
congregationibus quae  fiunt  extra  synodum,  se- 
det  non  solum  ante  sacerdotes,  sed  etiam  ante 
pontiûces,  ex  constitutione  inclyti  imperatoris 
Alexii  Comneni  (In  Can.  xviu)  Nicaen.).  » 

Harménopule  attribue  cette  ordonnance  à 
Michel  Ducas,  empereur,  qui  commença  à 
régner  dix  ans  avant  Alexis  Comnène,  c'est-à- 
dire  en  1071.  «  Sciendum  soli  majoris  ecclesiae 
chartophylaci  concessum  esse,  tum  ex  longa 
consuetudine  ,  tum  ex  constitutione  scripta 
imperatoris  domni  Michaelis,  ut  in  conventibus 
extra  altare  ante  episcopos  sedeat  (In  Can.  vu 
Trull.).  » 

Mais  Balsamon  a  fort  bien  remarqué  que 
c'est  à  cause  des  offices  dont  on  honorait  les 
diacres,  que  ces  diacres  prenaient  séance  au- 


dessus  des  évêques.  «  Et  nonnulli  ex  ecclesias- 
ticis  diaconis  in  congregationibus  quœ  sunt 
extra  sacrum  tribunal  ante  sacerdotes  sedeant, 
Geri  videmus.  Et  existimo  hoc  fieri  propter 
dignitates,  seu  officia.  Soli  enini  qui  a  patriar- 
cha  officiis  ecclesiasticis  digni  sunt  habiti,  se- 
dent  ante  sacerdotes  (In  Can.  xvm    Nicaen.).» 

Ces  offices  ne  furent  d'abord  que  des  com- 
missions extraordinaires  qui  revêtaient  ces  offi- 
ciers de  l'autorité  et  de  la  personne  du  patriar- 
che. La  suite  du  temps  changea  ces  commissions 
arbitraires  et  extraordinaires,  en  offices  et  en 
dignités  perpétuelles  et  ordinaires  comme  il  est 
arrivé  aux  archidiacres  de  l'Eglise  latine,  et 
comme  il  arrive  toujours  en  toutes  sortes  de 
gouvernements  et  d'Etats.  Ainsi,  la  préséance 
au-dessus  des  évêques  demeura  aux  diacres 
officiers  du  patriarche  de  Constantinople,  et  la 
préséance  au-dessus  des  prêtres  demeura  aux 
archidiacres  de  toute  l'Eglise  latine  après  qu'ils 
furent  devenus  ordinaires  et  perpétuels,  parce 
qu'ils  en  avaient  joui  pendant  un  fort  long 
temps  .  étant  extraordinaires  et  révocables. 
Comme  ce  changement  d'extraordinaires  en 
ordinaires  et  d'amovibles  en  perpétuels  se  fit 
imperceptiblement  et  se  trouva  fait  avant  qu'un 
s'aperçût  qu'il  se  faisait,  il  en  fut  de  même  de 
la  préséance. 

Presque  tous  les  évêques  latins  se  donnèrent 
la  liberté  de  créer  plusieurs  archidiacres  et  de 
les  placer  au-dessus  des  prêtres;  le  patriarche 
de  Constantinople  avait  aussi  six  diacres  pour 
ses  six  premiers  officiers,  qui  eurent  tous  séance 
avant  les  évêques  :  savoir,  le  grand  économe, 
le  grand  sacellaire,  le  grand  garde  des  vases 
sacrés,  le  chartophylace,  le  maître  de  la  cha- 
pelle et  le  premier  défenseur.  Le  chartophylace 
n'était  que  le  quatrième  dans  ce  collège  des 
exocatacèles,  c'est-à-dire  des  cardinaux  du 
patriarche  de  Constantinople.  Ainsi  ceux  qui 
le  précédaient,  précédaient  aussi  les  évêques. 
Mais  Codin  le  dit  nettement  de  tout  ce  petit 
collège  d'exocatacèles;  et  il  donne  la  raison  de 
cette  préséance  :  «  II ï  in  sacris  concionibus, 
seu  conventibus  cum  patriarcha  sedent.  »  Ils 
étaient  inséparables  du  patriarche  ,  et  ne  fai- 
saient qu'un  corps  avec  lui.  Ainsi  ils  précé- 
daient les  évêques. 

Celte  préséance  a  été  plus  remarquée  dans 
le  chartophylace,  parce  qu'étant  chargé  de 
toute  la  juridiction  du  patriarche  dont  il  était 
comme  le  vicaire-général,  il  avait  beaucoup 
plus  souvent  à  traiter  avec  les  évêques. 


43G 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUATORZIÈME. 


Le  nom  d'exocatacèles  pourrait  bien  être 
dérivé  de  celui  de  celle,  aussi  bien  que  celui 
des  syncelles;  en  sorte  que  les  syncelles  fussent 
ceux  qui  demeuraient  dans  la  cellule  ou  dans 
le  palais  du  patriarche,  et  les  autres  ceux  qui 
logeaient  bors  du  palais.  Il  y  a  d'autres  étymo- 
logies  de  ce  terme,  mais  encore  moins  cer- 
taines et  moins  probables  même  que  celle-ci. 

Tout  ceci  fait  voir  qu'avant  que  nos  cardi- 
naux eussent  pris  le  pas  sur  les  évêques  .  les 
exocatacèles  de  Constantinople  avaient  obtenu 
la  même  préséance;  et  longtemps  avant  les  ar- 
chidiacres, avaient  pris  rang  au-dessus  des 
prêtres  dans  tout  l'Occident.  Enfin  tous  ces 
renversements  de  l'ordre  commun  sont  pro- 
venus d'une  même  source,  savoir,  des  com- 
missions qui  se  changent  et  qui  se  changeront 
toujours  en  offices  par  la  longueur  du  temps, 
et  transmettent  à  ces  offices  le  droit  de  repré- 
senter la  personne  du  prélat  supérieur. 

Ce  serait  donc  sans  fondement  que  les  évê- 
ques seraient  jaloux  des  exocatacèles  du  pa- 
triarche de  Constantinople  ou  des  cardinaux 
du  pape;  car  la  raison  qui  a  obligé  les  évêqui  s 
à  mettre  les  archidiacres  au-dessus  des  prê- 
tres, a  aussi  oblige  les  patriarches  à  placer 
leurs  principaux  ministres  au-dessus  des  évê- 
ques. Je  crois  néanmoins  qu'il  y  a  moins  de 
proportion  à  placer  les  diacres  au-dessus  des 
évêques  que  de  les  mettre  au-dessus  des  prê- 
tres :  mais  la  même  circonstance  peut  avoir 
exigé  l'un  et  l'autre. 

Les  patriarches,  de  même  que  les  évoques, 
pouvaient  déléguer  leurs  fonctions  et  leur  au- 
torité a  leurs  ministres  et  aux  diacres.  Les 
patriarches  le  pouvaient  avec  d'autant  plus  de 
fondement  qu'ils  étaient  chargés  d'un  plus 
grand  nombre  d'affaires.  Ces  délégations  se 
sont  multipliées  et  perpétuées;  et  par  la  même 
raison  les  délégués  se  sont  insensiblement  in- 
troduits etsont  devenus  perpétuels,  tant  pour  les 
patriarches  que  pour  les  évêques  :  ce  qui  était 
absolument  inévitable  ;  et  ainsi  ces  délégations 
oui  été  enfin  érigées  eu  offices. 

Il  y  a  entre  ces  délégués  des  patriarches  et 
des  évêques  une  différence  nécessaire,  qui  est 
que  les  diacres  qui  font  par  délégation  les  fonc- 
tions des  évêques  onl  la  préséance  devant  les 
prêtres  et  non  devant  les  évêques;  au  lieu  que 
les  diacres  qui  son!  délégués  par  les  patriar- 
ches pour  faire  leurs  Fonctions  sont  au-dessus 
des  évêques.  Il  y  a  encore  entre  eux  une  diffé- 
rence tirée  de  leur  ancienneté;  c'est  que  les 


évêques  avaient  déjà  mis  leurs  diacres  au- 
dessus  des  prêtres  six  cents  ans  axant  que  les 
patriarches  eussent  placé  leurs  principaux  mi- 
nistres au-dessus  des  évêques. 

Les  vicaires  généraux  des  évêques  sont  dans 
le  même  cas  que  les  diacres  délégués  par  les 
évêques  pour  faire  leurs  fonctions. 

En  effet,  ces  vicaires  généraux  peuvent  être 
tirés  du  nombre  des  diacres;  c'est  pourquoi  si 
leur  délégation,  qui  n'est  aujourd'hui  qu'une 
commission  arbitraire  et  temporelle,  devenait 
nécessaire  et  était  changée  en  un  office  per- 
pétuel, comme  l'a  été  celle  des  archidiacres,  il 
arriverait  que  les  diacres  qui  seraient  grands- 
vicaires  des  évêques  auraient  droit,  en  vertu 
de  leur  office,  de  précéder  les  prêtres  qui  se- 
raient soumis  à  leur  juridiction.  Ce  ne  serait 
pas  pour  élever  le  diaconat  ou  pour  abaisser  la 
prêtrise;  mais  ce  serait  pour  s'accorder  avec 
les  besoins  de  l'Eglise.  Et  c'est  ce  que  Balsa- 
mon  a  remarqué  ci-dessus,  que  c'est  la  qualité 
des  offices  qui  attire  ces  suites. 

Harménopule  doit  aussi  avoir  fait  compren- 
dre qu'avant  que  les  empereurs  Michel  Ducas 
ou  Alexis  Comnène  eussent  élevé  le  chartophy- 
lace  au-dessus  des  évêques,  la  coutume  avait 
déjà  fait  celte  innovation,  et  ces  empereurs  ne 
firent  que  la  confirmer.  Aussi  ne  trouve-t-on 
aucun  statut  qui  donne  rang  aux  cardinaux 
au-dessus  des  évêques,  que  longtemps  après 
que  la  coutume  en  eût  été  reçue;  et  cette  sorte 
de  coutumes  se  glisse  et  s'établit  si  lentement 
et  si  insensiblement ,  qu'il  est  impossible  d'en 
dire  au  vrai  l'origine,  et  d'en  remarquer  pré- 
cisément les  premiers  commencements.  Il  en 
est  de  même  dans  toutes  sortes  d'Etals,  et  on 
ne  peut  s'en  prendre  qu'à  la  mutabilité  de 
noire  nature,  de  laquelle  la  Providence  ne 
laisse  pas  de  former  des  beautés  admirables 
aux  yeux  de  ceux  qui  s'élèvent  jusqu'à  elle  avec 
respect  et  sans  prévention. 

Le  moine  Blastare,  dans  sa  compilation  al- 
phabétique des  canons  et  des  lois,  nous  ap- 
prend qu'en  son  temps,  c'est-à-dire  en  1333,1e 
chartophylace  précédait  encore  les  évêques 
dans  les  assemblées  qui  n'étaient  pas  synodales, 
et  que  celaavail  été  ainsi  réglé  par  la  coutume 
ancienne  et  par  la  constitution  de  l'empereur 
Manuel  :  «  Soli  cliarlopbylaci  magna'  Ecclesia1 
dalur  exlonga  consuetudine,  et  ex  scripta  con- 
slilulione  inclyti  imperatoris  Manuelis,  in  con- 
gregationibus  quae  liunt  extra  synodum,  etiam 
ante  antistites  sedere  (Blaslares,  litt.  S,  c.  iv).» 


DE  L'OlilCINE  DES  CARDINAUX. 


137 


L'empereur  Manuel  peut  avoir  confirmé  les 
déclarations  de  ses  prédécesseurs  Alexis  Com- 
nène  et  Michel  Ducas,  et  Blastares  aura  pu  af- 
fecter de  nommer  le  dernier  Mes  empereurs 
qui  avait  donné  un  nouvel  affermissement  à 
cette  ancienne  coutume.  Dans  ces  sortes  de 
pratiques  sujettes  à  tant  de  changements,  les 
dernières  lois  sont  toujours  les  plus  authen- 
tiques. 

Lambert,  ancien  et  habile  historien  d'Alle- 
magne, dit  qu'en  10O2,  le  roi  Henri  IV  d'Al- 
lemagne,  tenant  sa  cour  de  Noël  a  Goslar,  il 
s'éleva  un  très -fâcheux  différend  entre  les 
gens  de  .l'évèque  d'Hildesheim  ,  qui  était  le 
diocésain,  et  ceux  de  l'abbé  de  Fulde.  Le  sujet 
en  était  que    l'ancienne    coutume  était  que 


l'abbé  de  Fulde  fût  assis  le  premier  après 
l'évèque  de  Mayence  dans  les  assemblées  d'é- 
vèques,  et  l'évèque  d'Hildesheim  prétendait 
que  dans  son  dio<  èse  il  devait  suivre  immédia- 
tement son  métropolitain:  s  Consuetudo  erat 
in  regno  per  multos  rétro  majores  observata, 
ut  semper  in  conventu  episcoporum  abbas 
Fuldensis  archiepiscopo  Moguntino  proximus 
assideret.  Episcopus  causabalur  neminem  sihi 
intra  diœcesim  suam  post  archiepiscopum  de- 
bere  prœferri.  » 

11  est  à  croire  que  ce  n'avait  été  d'abord 
qu'une  différence  volontaire  des  évoques  pour 
les  abbés  de  Fulde.  qui  se  changea  par  la  suc- 
cession du  temps  en  nécessité. 


CHAriTRE  CENT-QUINZIEME. 


DE   L  ORIGINE   DES   CARDINAL  X. 


I.  II.  Un  évèque,  un  piètre  et  un  diacre  cardinal,  n'est  autre 
que  le  titulaire  et  comme  l'époux  de  chaque  église,  distingué 
des  autres,  qui  n'y  ont  pas  la  même  attache. 

111.  IV.  V.  VI.  Cela  est  justiûé  par  une  infinité  de  preuves 
tirées  des  lettres  de  saiut  Grégoire. 

vil.  Cela  regardait  toutes  les  Eglises,  et  non  pas  la  seule 
Eglise  de  Rome.  Exemples  dans  l'Eglise  de  Rome  de  prêtres  et 
de  diacres,  et  même  de  sous-diacres  cardinaux. 

VIII.  IX.  Le  même  style  était  commun  aux  anciens  papes. 

X.  Comment  il  n'y  avait  point  encore  d'évèques  cardinaux 
dans  le  clergé  de  Rome,  et  comment  il  commença  d'y  en  avoir. 

XI.  XII.  Grande  autorité  des  prêtres  et  des  diacres  cardinaux 
de  Rome,  et  leur  incorporation  avec  les  évèques. 

Xlll  Leur  éminente  dignité  et  leurs  obligations  proportionnées 
à  cette  élévation. 


I.  Il  faut  reprendre  ici  l'origine  de  la  dignité 
du  cardinalat  et  son  ancienneté. 

Comme  cette  dignité  est  devenue  aujourd'hui 
bien  plus  éclatante  et  bien  plus  recommandable 
parmi  nous,  j'aurais  tâché  d'en  retracer  l'ori- 
gine avec  beaucoup  d'exactitude,  et  l'orner  de1 
curieuses  recherches  s'il  nous  était  resté  sur  ce 
sujet  plus  de  monuments  de  l'antiquité.  Mais 
ceci  a  eu  le  soit  des  plus  grandes  choses  et  îles 
plus  anciennes,  qui  est  que  l'origine  nous  en 
est  ordinairement  cachée. 


II.  Le  nom  de  cardinal  se  lit  très-souvent 
dans  les  lettres  île  saint  Grégoire;  mais  il  n'y 
est  nullement  réservé  à  l'Eglise  romaine,  et  il 
n'est  [ias  même  tort  facile  d'en  déterminer  pré- 
cisément la  signification.  Rien  ne  parait  plus 
probable  que  d'entendre  par  un  évèque,  un 
prêtre  ou  un  diacre  cardinal,  celui  qui  est  le 
titulaire  et  le  principal  bénéficier  d'une  église. 

Lue  église  était  quelquefois  commise  à  un  évè- 
que pour  un  temps  seulement,  jusqu'à  ce  qu'il 
eût  été  rétabli  dans  la  sienne,  dont  il  avait  été 
chassé,  ou  jusqu'à  ce  qu'on  eût  tait  l'élection 
canoniqued'unévêquedans  cette  église  vacante, 
et  alors  on  ne  pouvait  pas  l'appeler  évèque 
cardinal  de  celte  église,  qui  lui  était  simplement 
donnée  en  commande,  et  dont  il  n'était  pas 
titulaire.  Si  on  la  lui  conférait  pour  toujours, 
sans  que  de  son  vivant  on  pût  en  élire  un 
autre;  alors  il  était  fait  évèque  cardinal  de 
cette  église,  il  y  était  pour  ainsi  dire  cardina- 
lise.  Incardinabatur,  selon  le  langage  de  saint 
Grégoire. 

11  y  avait  aussi  quelquefois  plusieurs  prêtres 


438 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUINZIÈME. 


dans  une  église,  mais  il  n'y  en  avait  qu'un  de 
cardinal,  c'est-à-dire  de  titulaire,  qui  en  était 
principalement  investi,  qui  l'épousait  en  quel- 
que manière,  et  qui  contractait  avec  elle  une 
insép  irable  union  et  une  obligation  très-étroite 
d'y  résider.  Les  autres  prêtres  de  la  même 
église  n'étaient  que  ses  aides  et  pouvaient  plus 
facilement  passer  a  d'autres  emplois. 

lien  était  de  même  des  diacres  :  de  plusieurs 
diacres  d'une  église  il  n'y  en  avait  qu'un  de 
cardinal  ou  principal  bénéficier,  chargé  du 
soin  de  cette  église,  les  autres  étant  plus  à  la 
main  de  l'évêque  pour  toutes  les  occurrences 
diverses,  quand  il  était  nécessaire  de  les  en- 
voyer ailleurs  ou  de  les  appliquer  à  quelque 
autre  (onction.  Par  exemple,  les  diacres  que  le 
pape  ordonnait  pour  les  envoyer  nonces  à  Con- 
stantinople,  ceux  à  qui  on  commettait  la  con- 
duite d'un  hôpital  ou  d'un  monastère,  n'étaient 
pas  diacres  cardinaux,  parce  que  leur  ordina- 
tion ne  les  rendait  pas  titulaires,  et  comme 
époux  inséparables  d'une  église. 

111.  Justifions  cette  proposition  par  les  lettres 
de  saint  Grégoire.  L'évêché  de  Piombino  va- 
cant, ce  saint  pape  écrivit  à  l'évêque  de  Ro- 
selle  d'aller  gouverner  cette  église  en  qualité 
de  visiteur  et  non  pas  de  titulaire.  «  Yisitator 
■  ni  >'ilas  :  »  et  d'y  ordonner  un  prêtre  Cardinal 
et  deux  diacres.  «  Ut  uiiuin  cardinalem  illie 
presbyterum,  et  duos  debeas  diaconos  ordi- 
nare  (L.  i,  epist.  15  .  o  t'-e  prêtre  Cardinal  ne 
peut  être  antre  que  le  curé  et  le  principal  titu- 
laire de  cette  église,  qui  était  encore  plus 
née,  ssaire  pendant  la  vacance  du  siège. 

L'église  d'Aléria  étant  vacante  depuis  long- 
temps,  ce  pape  la  confia  enfin  à  Léon,  évêque 
en  Corse,  mais  il  ne  l'en  rendit  pas  évêque  titu- 
laire ou  cardinal  quoiqu'il  lui  écrivît  en  ces 
termes  :  «  Cunctis  rébus  suprascriptœ  ecclesiae, 
ut  proprium  te  volumUs  uti  pontiflcem,  usque 
ad  secundam  nostram  epistolam  (L.  i,  ep.  76).» 
Par  sa  lettre  suivante  il  ôta  cet  évêque  com- 
mandataire,  et  y  établit  un  évêque  Cardinal, 
en  y  transférant  Martin,  évêque  d'une  ville  de 
Corse,  entièrement  ruinée  :  «  Quoniam  eccle- 
sia  Tamitana,  in  qua  dudum  fuerat  honore 
sacerdotali  fraternitas  tua  decorata,  ita  est.  ho- 
stili  feritate  diruta,  ut  illuc  ulterius  spes  re- 
meandi  nulla  remanserit;  inecclesia  Aleriensi, 
qiue  jam  diu  pontilicis  auxilio  destitiila  esl, 
cardinalem  te  secundum  petitionisluac  modum, 
bac  autoritate  constituimus  sine  dubio  sacer- 
dotem.  » 


De  ces  deux  évoques  l'un  fut  fait  commen- 
dataire  pour  un  temps,  l'autre  Cardinal  ou 
titulaire  perpétuel  de  l'église  d'Aléria  :  a  Ne- 
cessarium  duximus  Martinum  fratrem  et  coe- 
piscopum  nostrum  ibidem  cardinalem  consti- 
tuere  sacerdotem,  Leoni  verofratri  etcoepiscopo 
noslro  operam  ejus  visitatiouis  injungere  (L.  i, 
ep.  77,  78).  » 

IV.  Januarius.  archevêque  de  Cagliari,  avait 
reçu  dans  son  clergé  le  diacre  Libérât,  ordonné 
par  un  autre  évoque.  L'ambition  de  ce  diacre 
étranger  lui  fit  briguer  la  première  place 
entre  les  diacres  de  cette  église;  saint  (irégoire 
ordonna  que  pour  l'humilier  on  ne  lui  donnât 
que  la  dernière,  à  moins  que  le  prédécesseur 
de  Januarius  ne  l'eût  fait  diacre  Cardinal  de 
son  église,  ou  que  Januarius  même,  après  une 
longue  épreuve  de  sa  vertu,  le  voulût  lui- 
même  cardinaliser ,  c'est-à-dire  l'approprier 
pour  jamais  à  son  église,  et  lui  donner  la  pri- 
mauté entre  ses  diacres  ;  ce  qu'il  ne  pour- 
rait faire  qu'après  avoir  reçu  l'agrément  de 
l'évêque  qui  avait  ordonné  Libérât,  et  qui, 
par  conséquent ,  l'eût  toujours  pu  rede- 
mander. 

«  Liberatus.  qui  diaconi  fungi  perhibetur 
oflicio,  si  a  decessore  tuo  non  est  factus  cardi- 
nalis,  ordinatis  a  te  diaconibus  nulla  débet 
ratione  prœponi,  etc.  Liberatum  ultimum  inter 
diaconos  stare  constitue,  etc.  Cujus  tamen  si 
obedientia  fueris  invitatus,  et  eum  post  hsec 
cardinalem  facere  volueris,  nisi  pontilicis  sui 
concessionem  solemni  more  meruerit,  absli- 
nendum  ab  omni  ejus incardinalione  memine- 
ris  (L.  i,  ep.  81).  » 

Voilà  des  évèques,  des  prêtres  et  des  diacres 
cardinaux,  dans  le  sens  que  nous  avons  exposé. 
En  voici  d'autres  semblables.  Ce  pape  témoi- 
gna être  bien  aise  que  l'évêque  Paul  fût  de- 
mandé par  ceux  de  Naples  pour  être  leur 
évêque  cardinal  :  «  Quod  eum  cardinalem  de- 
sideratis  habere  episcopum.  gratulamur  (L.  u, 
ep.  fi).  »  Il  demanda  néanmoins  du  temps  pour 
en  délibérer. 

Il  écrivit  à  l'évêque  de  Rimini  de  consacrer 
l'oratoire  bâti  par  une  dame  illustre,  mais  de 
n'y  point  établir  de  prêtre  cardinal.  «  Nec  pre- 
sbyterum constituas  cardinalem  (Epist.  ix),  » 
parce  que  cette  dame  devait  se  contenter,  ou 
d'entendre  la  messe  dans  les  églises  commu- 
nes, ou  de  demander  un  prêtre  à  l'évêque, 
toutes  les  fois  qu'elle  désirerait  l'entendre  dans 
son  oratoire  (L.  vu,  ep.  7-2,  s.'i;  1.  vm,  epist.  3,. 


DE  L'ORIGINE  DES  CALDINAl'X. 


139 


Ce  prêtre  cardinal  n'est  autre  qu'un  bénéfi- 
cier titulaire. 

Y.  L'église  et  la  ville  de  l'évêque  Jean  ayant 
été  ruinée,  ce  pape  le  cardinalisa  dans  l'église 
de  Sipiillaci,  à  condition  que  si  sa  première 
église  où  il  avait  été  premièrement  évêque 
cardinal  se  rétablissait,  il  y  retournerait. 
«  l'ropterea  te  Joannem  ab  hostibiis  captivatœ 
Lusitanœ  civitatis  episcopum,  in  Squillatina 
Ecclesia  eardinalem  necesse  dnximus  consti- 
tuere  sacerdotem;  ila  tamen  ut  si  civitatem 
illam  ab  hostibus  liberam  effici  et  ad  priorem 
statum  revocari  contigerit,  ad  eam  in  qua 
prius  incardinatus  es,  ecclesiam  revertaris.  Sin 
autein  pradicta  civitas  continua  calamitate  ca- 
pti  vitatis  premitur  in  hac  in  qua  a  nobis  ordina- 
tus  es,  incardinatus  debeas  Ecclesia  perma- 
nere  (L.  u,ep.  25).  » 

VI.  Ceux  de  Terracine  ayant  perdu  leur 
pasteur,  demandèrent  pour  leur  évêque  cardi- 
nal l'évêque  de  Fondi,  dont  la  ville  avait  été 
désolée  par  les  barbares.  Saint  Grégoire  ac- 
corda leur  demande,  en  unissant  ces  deux  évê- 
chés  en  la  personne  de  ce  prélat.  «  Defuncto 
Petro  pontifiee  suo,  te  eardinalem  sibi  postu- 
lant constitui  sacerdotem,  etc.  Te  nostra  au- 
toritate  in  Tarracinensi  ecclesia  eardinalem 
constituimus  sacerdotem,  etc.  Sic  ut  Funden- 
sis  ecclesia  pontifex  esse  non  desinas  (L.  u, 
Ind.  13,  epist.  xiii).  » 

l'n  prêtre  curé  ayant  été  injustement  déposé, 
ce  pape  le  fit  rétablir,  et  ordonna  que  celui 
qu'on  lui  avait  donné  pour  successeur  fût  fait 
piètre  cardinal  dans  quelque  autre  église  va- 
cante. «  In  alia  quacumque  vacante  ecclesia 
eum  volumns  cardinari  (L.  m,  ep.  11).  » 

Fortunat,  évêque  de  Naples,  demanda  à  ce 
saint  pape  le  pouvoir  de  transférer  et  de  car- 
dinaliser  dans  son  église  un  diacre  de  l'église 
de  Venafre  :  «  Ut  Cratianum  Ecclesise  Vena- 
frana  diaconum  tiuc  concederemus  ecclesia1 
cardinandum  (L.  v,  ep.  11).  »  Ce  pape  l'ac- 
corda, parce  qu'il  n'y  avait  point  alors  d'évê- 
que  dans  Venafre.  «  Habituro  licentiam  diaco- 
num illum,  nostra  interveniente  autoritate, 
ecclcsiœ  tua  constituere  eardinalem.  »  Il  or- 
donna à  l'évêque  de  Firmo  de  bénir  un  ora- 
toire, après  avoir  reçu  les  contrats  et  les  bien- 
faits des  fondateurs,  et  d'y  établir  un  prêtre 
cardinal.  «  Presbyterum  te  quoque  illic  consti- 
tuere volumus  eardinalem  (L.  ix,  ep.  12).  » 

Il  y  avait  donc  de  deux  fortes  d'oratoires, 
les  uns  sans  prêtre  cardinal,  dont  l'évêque  li- 


rait les  revenus,  et  y  envoyait  un  prêtre  pour 
célébrer  les  divins  mystères  quand  on  le  de- 
mandait; les  antres  avec  un  prêtre  cardinal, 
c'est-à-dire,  que  les  uns  avaient  un  prêtre  ti- 
tulaire, et  que  les  autres  n'en  avaient  point. 

L'évêque.  de  Syracuse  avail  donné  la  prê- 
trise à  un  .religieux  qui  était  déjà  sous-diacre 
de  sa  cathédrale,  et  l'avait  établi  comme  curé 
dans  une  possession  de  l'Eglise.  Ce  religieux 
se  trouva  accablé  de  mélancolie  dans  ce  nouvel 
emploi  ;  le  pape  pria  l'évêque  de  l'en  retirer,  et 
de  le  faire  prêtre  cardinal  de  sa  cathédrale 
(L.  ii,  ep.  36). 

VII.  Nous  n'avons  encore  remarqué  des  car- 
dinaux, que  des  évoques,  des  prêtres  et  des 
diacres,  et  même  hors  de  l'Eglise  romaine. 
Jean  Diacre,  dans  la  vie  de  ce  grand  pape,  nous 
en  fait  voir  dans  l'Eglise  romaine  et  même 
dans  le  sous-diaconat.  Il  assure  que  ce  saint 
pape,  pour  remplir  les  grandes  dignités  des 
autres  églises  vacantes,  n'épargnait  pas  même 
les  cardinaux  de  son  église,  non  plus  que  les 
religieux  de  son  monastère. 

«  Et  si  quando  nécessitas  ordinandi  sacerdo- 
tis  obrepsit,  neque  cardinales  ecclesia?  suae, 
neque  monachos  monasterii  sui  penitus  excu- 
savit,  quo  minus  illis  Ecclesiam  regendam 
committeret  :  qui  exemplis  et  verbis  pariter 
illam  aedificare  melius  potuissent.  Nam  ut 
pauca  de  multis  contingam  ,  ex  presbyteris 
cardinalibus  ecclesia'  sua  consecravit  episco- 
pos  Bonifacium  Regii,  Habentium  Perusii,  et 
Donum  Messana  Siciliae.  Ex  subdiaconibus 
vero  Cloriosum  Ostiae,  Faustum  Capuœ,  Pe- 
trum  Trecis,  et  Castorium  Arimini.  Solis  dia- 
conibus  Apostolicœ  Sedis  super  hac  quodam- 
modo  parte  parcebat;  quorum  cum  decem  et 
novem  plenitudine  redundaret,  ipse  Bonifa- 
cium, Florentium  et  Epiphanium  consecravit.» 

Voila  les  prêtres,  diacres  et  sous-diacres 
cardinaux  de  l'Eglise  romaine,  dont  ce  saint 
pape  voulut  bien  priver  son  église,  pour  ne 
pas  souffrir  que  les  autres  fussent  plus  long- 
temps privées  de  pasteurs. 

Le  même  Jean  Diacre  remarque  que  saint 
Grégoire  ne  chargeait  jamais  aucun  de  ses 
cardinaux  d'un  évêché  sans  les  y  avoir  fait 
consentir,  de  peur  que  cette  promotion  ne 
leur  parut  plutôt  une  déposition  :  «  Ne  sub  hu- 
jusmodi  occasione,  quemquam  eliminando  de- 
ponere  viderelur.  (L.  ni,  c.  !S,  10).  » 

11  le  prouve  par  l'exemple  d'un  sous-diacre 
cardinal,  qui  ne  voulut  jamais  accepter  un 


■1.10 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-QUINZIÈME. 


évêclié  pour  lequel  il  avait  été  élu,  et  auquel 
ce  saint  pape  ne  voulut  jamais  le  forcer;  et  par 
la  lettre  de  ce  même  pape  à  Jean,  évêque  de 
Syracuse,  qu'il  prie  de  faire  prêtre  cardinal  de 
son  église  le  religieux  Cosme,  qui  en  avait  été 
premièrement  sous-diacre ,  et  que  le  défunt 
évêque  avait  ordonné  prêtre,  pour  lui  donner 
une  église  de  la  campagne  à  gouverner,  ce  que 
ce  religieux  souffrait  avec  une  extrême  dou- 
leur. 

Jean  Diacre  conclut  de  là  que  saint  Grégoire 
rétablissait  dans  le  cardinalat  ceux  qui  en 
avaient  été  comme  dégradés  par  une  promo- 
tion forcée  à  des  cures  de  la  campagne.  «  Item 
cardinales  violenter  in  parochiis  ordinatos 
foréhsibus,  in  pristinum  cardinem  Gregorius 
revocabat.  »  Ce  qui  montre  que  de  son  temps 
le  titre  de  cardinal  n'était  donné  qu'aux  prê- 
tres, diacres  et  sous-diacres  des  villes  épiseo- 
pales. 

Le  pape  Zacbarie  fait  connaître  le  même 
usage  de  son  temps,  dans  sa  lettre  à  Pépin  : 
«  De  presbyteris  agrorum,  quam  obedientiam 
debeant  exh ibère  episcopis  et  presbyteris  car- 
dinalibus.  »  A  quoi  il  rapporte  le  canon  de 
Néocésarée,  où  il  est  parlé  du  respect  que  les 
piètres  de  la  campagne  doivent  aux  prêtres  de 
la  ville  (Concil.  Gall.,  tom.  i,  p.  564). 

Enfin,  pour  ce  qui  est  des  évêques  cardi- 
naux, Jean  Diacre  ne  semble  donner  ce  nom 
qu'à  ceux  qui  ayant  perdu  leurs  églises,  étaient 
transférés  à  d'autres  églises  vacantes,  où  ce 
pape  les  cardinalisait.  «Civitatum  desolatarum 
pontiflees  Gregorius  vacantibus  civitatibus  in- 
cardinare  curabat  (L.  m,  c.  15).  » 

VIII.  Tout  ce  que  nous  venons  de  rapporter 
de  saint  Grégoire  sur  le  cardinalat  se  trouve- 
rait sans  doute  dans  les  lettres  de  ses  prédéces- 
seurs, si  la  suite  de  tant  de  siècles  nous  eût 
conservé  leur  registre  aussi  entier  que  le  sien. 
Le  pape  Gélase  enjoignit  à  l'évêque  Sabinus 
d'ordonner  un  diacre  dans  une  église  dont  il 
était  visiteur  et  non  pas  titulaire  :  «  Visitationis 
olficio,  non  potestate,  proprii  sacerdotis  (Colle. 
Rom.Holst.,p.208).  »  Le  pape  Pelage  ordonna 
à  l'évêque  Eleuctérius  de  bénir  un  oratoire  et 
d'en  accepter  la  fondation,  sans  y  établir  aucun 
piètre  cardinal,  se  réservant  le  droit  d'y  en 
envoyer  un  quand  il  serait  besoin  d'y  célébrer 
la  messe.  «  Nec  presbyterum  constituas  cardi- 
nalem  (Ibidem,  p.  251).  » 

IX.  Ainsi  on  ne  peut  dire  avec  vérité  que  ce 
n'était  que  le  style  ancien  et  l'usage  ordinaire 


de  l'Eglise  romaine  qui  a  été  remarqué  dans 
les  lettres  de  saint  Grégoire,  et  que,  jusqu'à  ce 
temps-là,  le  titre  de  cardinal  n'était  nullement 
affecté  au  clergé  seul  de  l'Eglise  romaine. 

Jean  Diacre  vient  de  montrer  que  de  son 
temps  on  honorait  communément  de  ce  titre 
les  prêtres,  les  diacres  et  les  sous-diacres  du 
Siège  Apostolique.  Et  avant  lui,  Etienne  IV 
avait  remarqué  la  même  chose  dans  un  décret 
de  son  synode  romain. 

«  Si  quis  ex  episcopis,  vel  presbyteris,  vel 
monachis,  aut  ex  laicis  contra  canonum  et 
sanctorum  Patrum  statuta  prorumpens ,  in 
gradum  majorum  sanctœ  Romanne  Ecclesire, 
id  est  presbyterorum  cardinalium,  et  diaeono- 
rum  iri  praesumpserit,  et  banc  Apostolicam 
Sedem  invadere  quilibet  ex  supradictis  tenta- 
verit,  et  ad  summum  pontificalem  honorem 
ascendere  voluerit,  ipsi  et  sibi  faventibus  per- 
petuum  fiât  anathema  (Colle.  Rom.,  p.  265).  » 

Il  paraît  que  dans  ce  décret  la  qualité  de 
Cardinal  est  affectée  aux  prêtres  et  aux  diacres 
de  l'Eglise  romaine,  sans  qu'il  soit  parlé  des 
sous-diacres. 

Le  terme  d'évêque  Cardinal  a  été  employé 
au  même  sens  que  nous  le  prenons  dans  la 
célèbre  conférence  de  Carthage,  entre  les  catho- 
liques et  les  donatistes,  au  temps  de  saint  Au- 
gustin. Pétilien,  évêque  donatiste,  accusant 
les  catholiques  d'avoir  multiplié  les  évêques, 
même  dans  un  même  lieu,  donna  le  nom  de 
«  Cardinales  atque  authenticos  episcopos»  aux 
vrais  évêques  titulaires,  et  ne  regarda  les  au- 
tres, qui  étaient  surnuméraires,  que  comme 
des  images  ou  des  fantômes,  imagines. 

X.  La  principale  rétlexion  qu'il  y  aurait  à 
faire  sur  ces  paroles,  serait  des  évêques  cardi- 
naux. Ni  saint  Grégoire,  ni  les  autres  papes,  ni 
Jean  Diacre,  ne  nous  ont  donné  le  moindre 
sujet  de  conjecturer  qu'il  y  eût  des  évêques 
cardinaux  de  l'Eglise  romaine.  Au  contraire, 
ce  décret  d'Etienne  IV  montre  évidemment 
qu'il  n'y  en  avait  point  encore.  Lorsqu'il  dé- 
fend aux  évêques  mêmes,  sous  peine  d'ana- 
thème,  d'aspirer  au  degré  des  prêtres,  ou  des 
diacres  cardinaux  de  Rome,  ne  nous  insinue- 
t-il  point  que  les  évêques  regardaient  déjà  avec 
un  œil  de  jalousie  l'éminente  dignité  des  prê- 
tres et  des  diacres  du  Siège  Apostolique,  et  la 
puissance  qu'ils  avaient  d'élire  le  pape,  qu'ils 
élisaient  ordinairement  de  leur  corps? 

On  pourrait  donc  se  persuader  avec  quelque 
vraisemblance  que  les  évêques  commençaient 


DE  L'ORIGINE  DES  CARDINAUX. 


t  il 


déjà  à  vouloir  être  associés  au  clergé  de  Rouie, 
surtout  pour  l'élection  du  pape,  et  i|iie  cet 
avantage  fut  réserve  aux  évêques  Les  plus  pro- 
ches île  Iimne.  qui  étaient  par  conséquent  plus 
souvent  a  Rome,  et  étaient  conviés,  selon  l'an- 
cienne coutume,  a  assister  a  toutes  les  délibé- 
rations du  clergé  romain. 

Ces  évêques  voisins  s'élant  accoutumés  du- 
rant une  longue  suite  d'années  à  assister  aux 
synodes  et  aux  délibérations  du  clergé  supé- 
rieur de  Rome,  commencèrent  insensiblement 
à  ne  faire  plus  qu'un  même  corps,  et  à  concou- 
rir toujours  aux  décisions  importantes,  surtout 
à  l'élection  du  pape,  puisque  les  suffragants 
d'une  métropole  avaient  toujours  eu  part  à 
l'élection  du  métropolitain. 

XI.  Avant  que  cette  incorporation  des  évê- 
ques voisins  avec  le  clergé  romain,  et  cette 
affectation  du  titre  de  cardinal  aux  prêtres  et 
aux  diacres  du  Siège  Apostolique  eût  été  faite, 
on  ne  laissait  pas  de  remarquer  une  grande  et 
fort  singulière  autorité  dans  le  clergé  du  Siège 
Apostolique,  et  une  grande  communication  de 
ce  collège  illustre  avec  celui  des  évêques. 

Anastase  Bibliothécaire,  dans  la  vie  du  pape 
Anastase  II,  dit  que  plusieurs  prêtres  et  autres 
clercs  se  séparèrent  de  la  communion  de  ce 
pape  parce  qu'il  avait  communié  avec  les  com- 
municateurs  d'Acacius,  sans  avoir  pris  l'avis 
des  évêques,  des  prêtres  et  du  clergé  de  l'Eglise 
catholique  :  «  Multi  clcrici  et  presbyteri  se  a 
communione  ipsius  ejecerunt,  eo  quod  com- 
municasset  sine  consilio  episcoporum  ,  vel 
presbyterorum,  vel  cleri  cunctœ  Ecclesia?  Ca- 
thôlicae,  diacono,  qui  communis  erat  Acacio.  » 

Le  pape  Symmaque  fut  rétabli  sur  le  trône 
pontifical  par  les  évêques.  les  prêtres  et  les 
diacres  :  «  Ab  omnibus  episcopis  et  presbyteris 
et  diaconis,  et  omni  clero  vel  plèbe  redinte- 
gratur  Sëdi  Apostolicae  Symmachus.  » 

Les  conciles  romains  de  ce  pape  se  trouvent 
souscrits  par  un  grand  nombre  d'évèques  d'Ita- 
lie, par  soixante-sept  prêtres  de  Rome ,  quj 
marquent  tous  leur  titre  ou  leur  église  dans 
leurs  souscriptions,  et  enfin  par  les  diacres  qui 
marquent  les  régions  dans  lesquelles  on  les 
avait  distribués  par  toute  la  ville  de  Rome. 

Dans  le  IV"  concile  romain  sous  ce  pape ,  les 
prêtres  cardinaux  de  Rome  sont  simplement 
appelés  «  Ecclesiarum  peromnesRomanœcivi- 
tatis  titulos  presbyteri ,  homines  secundi  in 
Ecclesia  ordinis.  »  Ce  qui  fait  voir  encore  que 
les  diacres  n'avaient  point  de  titres,  qu'ils 


étaient  régionnaires  et  non  pas  titulaires,  c'est- 
à-dire  partagés  et  attachés  aux  sept  régions  de 
la  ville,  ei  non  pas  à  des  églises  particulières. 
Les  acclamations  de  ces  conciles  se  font  ordi- 
nairement par  les  évêques  et  les  prêtres.  «  Ab 
universis  episcopis  et  presbyteris  acclamatum 
est,  etc.  »  Ce  qui  montre  l'alliance  des  évêques 
avec  le  collège  des  prêtres  de  Rome. 

Le  pape  Hormisde  adresse'  plusieurs  Lettres 
et  en  reçoit  où  sont  nommés  premièrement 
deux  évêques,  puis  deux  diacres  et  ensuite  un 
prêtre  (Ep.  lxii,  etc.  .  t'n  ordre  si  souvent 
répété  ne  vient  pas  du  hasard  ou  de  la  faute 
des  copistes.  Il  y  a  donc  lieu  de  conjecturer 
que  ces  diacres  étaient  du  clergé  de  Rome,  et 
que  dans  cette  légation  on  leur  donnait  rang 
devant  un  prêtre  qui  n'en  était  pas. 

On  a  pu  remarquer,  dans  tous  les  conciles 
généraux,  les  prêtres  de  l'Eglise  romaine,  et 
quelquefois  les  diacres  aussi  associés  aux  évê- 
ques, dans  la  légation  du  pape  et  dans  la  pré- 
sidence au  concile.  Voilà  à  peu  près  les  origines 
de  cette  association ,  et  pour  ainsi  dire  de 
celte  incorporation  de  quelque  évèque  avec 
le  clergé  de  l'Eglise  romaine. 

XII.  Il  est  vrai  que  le  titre  de  la  dispute  de 
Rustique  contre  les  Acéphales,  lui  donne  la 
qualité  de  diacre  cardinal  de  l'Eglise  romaine  ; 
mais  il  y  a  un  juste  sujet  de  douter  si  ce  titre 
hors  d'oeuvre  n'a  point  été  ajouté  par  une  main 
plus  récente  et  moins  exacte. 

Ce  savant  diacre  ne  prend  pas  lui-même  le 
titre  de  cardinal  dans  la  préface  de  son  ouvrage, 
où  il  s'excite  et  s'anime  lui-même  à  une  géné- 
rosité et  à  une  grandeur  d'âmé  qui  soit  pro- 
portionnée à  la  haute  dignité  et  aux  étroites 
obligations  d'un  diacre  de  la  plus  grande  Eglise 
du  monde. 

«  Mémento  christianum  te  esse  atque  diaco- 
mim,  et  hoc  summae  totius  universifatis  Eccle- 
sia?. Si  importabile  omis  est  ordinis,  quare  ullo 
modo  adgressuses  dignitatem?  Semel  diaconus 
factus,  ejus  votis  obligatus  es  Deo  ,  alioqui 
debuisti  prias  refutare  hujusmodi  graduai.  » 

Voilà  l'élévation  et  en  même  temps  les  obli- 
gations importantes  et  indispensables  des 
diacres  de  l'Eglise  romaine  de  soutenir  la 
cause  de  J.-C.  au  péril  de  leur  vie.  Facundus, 
évêque  d'Hermiane,  en  parle  en  ce  sens  :  «  Ve- 
nerabiles  Pelagius  et  Anatolius  Romani  dia- 
coni,  debitam  officio  suo  etlocosollicitudineni 
pro  Ecclesia  Dei  gerentes,  etc.  (L.  iv,  c.  3).  » 
Comme  si  la  suprême  dignité  du  Siège  Aposto- 


il  -1 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SEiZIÉME. 


lique  rejaillissait  jusques  sur  le  clergé  supé- 
rieur de  l'Eglise  romaine. 

Saint  Grégoire  semble  l'avoir  conçu  de  la 
sorte,  quand  il  ne  donne  d'autre  qualité  au  saint 
et  illustre  Paschase  que  celle  de  diacre  du 
Siège  Apostolique  :  «  Paschasius  hujusAposto- 
licae  Sedis  diaconus  (Dialog.,  1.  iv,  c.  40).  » 

XIII.  En  effet,  qui  peut  douter  que  ce  clergé 
de  l'Eglise  romaine,  ou  ce  collège  de  piètres  et 
de  diacres,  ne  fût  participant  de  la  suprême 
gloire  du  Siège  Apostolique  ,  dans  la  juste 
proportion  que  le  clergé  de  chaque  église 
épiscopale  ou  métropolitaine  participe  aux 
avantages  de  son  prélat  ? 


On  en  sera  pleinement  convaincu,  pour  peu 
qu'on  fasse  réflexion  que  ce  collège  des  prêtres 
et  des  diacres,  depuis  l'établissement  de  l'Eglise 
romaine  par  saint  Pierre,  gouvernait  l'Eglise 
romaine,  et  même  l'Eglise  universelle  avec  le 
pape;  qu'il  continuait  de  la  gouverner  durant 
les  interrègnes  qui  étaient  quelquefois  longs, 
qu'il  présidait  aux  élections  des  souverains 
pontifes,  qu'il  les  élisait  ordinairement  de  son 
propre  corps,  qu'il  composait  le  synode  ordi- 
naire du  pape  oii  se  traitaient  toutes  les  grandes 
causes  de  l'Eglise,  soit  pour  la  foi,  soit  pour  la 
discipline. 


CHAPITRE  CENT-SEIZIEME. 


DES     CARDINAUX     SOLS     L  EMPIRE     DE     CIIARLEMAGNE. 


I.  Dans  toutes  les  églises  particulières,  les  évèqucs,  les  piè- 
tres cl  les  diacres  cardinaux  étaient  ceux  qui  avaient  ces  béné- 
fices en  titre,  et  non  par  cornnii- 

II.  Les  évèqucs  ne  prenaient  point  encore  à  Rome  de  titre  de 
cardinal,  mais  les  prêtres  et  les  diacres  seulement.  Quand  les 
évêques  i  ommi  ncèrent. 

III.  Diverses  manières  d'exprimer  les  trois  corps  du  sacré 
collège. 

IV.  Tous  les  évêques  précédaient  encore  les  prêtres  elles 
-  cardinaux. 

\    li.  s  cardinaux  des  autres  églises. 

VI.  Un  peu  avant  l'an  mil,  les  évèqucs  qu'on  appela  depuis 
cardinaux,  étaient  nommés  évêques  romains.  Dès  le  temps  du 
rm  IVpin  nn  leur  avait  donné  le  même  nom. 

Vil.  Les  évêques  suflïaganls  et  les  chanoines  de  l'église  métro- 
politaine font  le  conseil  du  métropolitain  pendant  sa  vie,  et 
tiennent  le  gouvernail  de  l'Eglise  après  sa  mort.  Les  évèqucs, 
les  prêtres  et  les  diacres  cardinaux  ont  la  même  relation  avec  le 
pape. 

VIII.  Les  prêtres  et  les  diacres  cardinaux  ne  s'élaient  pas  en- 
core  si  inséparablement  unis  aux  évêques  suiïragants  de  Rome, 
qu'ils  eussent  part  à  leur  préséance  sur  les  autres  évêques. 

IX.  Des  légats. 

I.  Les  Titres  Cardinaux  étaient  dans  nos 
églises  de  France  les  paroisses  de  la  ville  ou  de 
la  campagne  ,  érigées  en  titre  perpétuel  et 
irrévocable,  que  les  évêques  ne  devaient  plus 
détruire  ni  changer.  C'est  le  sens  du  concile 
de  Meaux  qui  fut  tenu  en  8i.'>(Can.  liv).  «  It 
litulos  cardinales  in   urbibus,    \tl   submbiis 


constitutos,  episcopi  canonice  et  honesle,  sine 
retractatione  ordinent  cl  disponant.  » 

Voilà  quels  étaient  les  prêtres  et  les  diacres 
de  l'Eglise  romaine,  car  cette  qualité  de  cardi- 
nal n'était  point  encore  attribuée  aux  évêques. 

Adrien  II  envoya  à  Charles  le  Chauve  trois 
légats,  dont  il  y  en  avait  deux  qui  étaient  évê- 
ques, le  troisième  était  prêtre  cardinal  :  o  Pe- 
trum  religiosum  presbyterum  cardinis  noslri, 
dilectumque  familiarem  nostrum  (Epist.  xvui, 
xix).  »  Ce  n'est  pas  que  ce  pape  transférant 
Actard  de  l'évêché  de  Nantes  à  l'archevêché  de 
Tours,  ne  dise  qu'il  le  constitue  archevêque 
cardinal  de  Tours,  «  constituimus  eardinalem 
melropolitanum  et  archiepiscopum  Turonica? 
Ecclesiae;  »  mais  cette  expression  signifie  sim- 
plement qu'il  lui  donne  l'archevêché  de  Tours, 
non  pas  en  commande  ou  par  commission , 
mais  en  titre. 

Jean  VIII  se  servit  du  même  terme  en  trans- 
férant Frotarius  de  Bordeaux  à  Bourges  (Epist. 
xih).  De  là  on  ne  saurait  inférer  qu'il  y  eût 
encore  quelques  évêques  qu'on  nommât  cardi- 
naux de  l'Eglise  romaine  ;  comme  il  y  avait 
des  prêtres  et  des  diacres  qui  portaient  celte  qua- 


DES  CARDINAUX  SOIS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE. 


ii:i 


lité,  et  qui  étaient  pasteurs  des  églises  de  Rome. 
au  lieu  que  chaque  évêque  pouvait  être  appelé 
évêque  cardinal  de  son  église,  c'est-à-dire  vrai- 
ment titulaire. 

II.  Ce  fut  peut-être  Etienne  IV  qui  distingua 
sept  évêques  de  tous  les  autres,  qui  étaient 
également  soumis  à  la  métropole  de  Rome,  et 
leur  donnant  le  titre  de  cardinaux,  les  obligea 
de  célébrer  tous  les  dimanches  les  divins 
mystères  sur  l'autel  de  l'église  de  Saint-Pierre, 
successivement  les  uns  après  les  autres.  «  Hic 
statuit  ut  omni  Dominico  die  a  septem  episcopis 
cardinalibus  hebdomadariis ,  qui  in  Eeclesia 
Salvatoris  observant,  missarum  solemnia  super 
altare  B.  Pétri celebrarentur(Anast.Bibliot.  .  » 

III.  Il  se  pourrait  faire  que  l'association  des 
prêtres  et  des  diacres  cardinaux  avec  les  sept 
évêques  aussi  cardinaux,  eût  alors  commencé 
à  se  former  et  que  ce  fut  ce  sacré  collège  à 
qui  l'auteur  ancien  des  vies  des  papes  donne  la 
qualité  de  princes  du  clergé.   «  Proceres  cleri 

Anast.  Bibliotb.,  in  vita  Leonis  III).  » 

Léon  III  fut  élu  par  ces  princes  dit  clergé, 
par  les  autres  ecclésiastiques,  par  les  personnes 
de  qualité,  et  par  le  peuple  de  Rome.  «  A 
cunctis  saeerdotibus,  seu  proceribus,  et  omni 
clero,  nec  non  et  optimatibus,  vel  cuncto  populo 
romano.  » 

Ces  sacrificateurs  et  princes  sont  très-proba- 
blement les  évêques,  les  prêtres  et  les  diacres 
cardinaux,  que  leur  rang  et  leur  dignité  dis- 
tinguait du  reste  du  clergé. 

Cela  est  encore  plus  clair  dans  la  suite,  où  il 
est  dit  que  Léon  III  revenant  à  Rome,  fut  reçu 
avec  une  extrême  joie  des  princes  du  clergé, 
de  tout  le  clergé,  du  sénat  et  du  peuple,  a  Tain 
proceres  clericorum  .  cum  omnibus  clericis, 
quamque  optimates.  et  senatus  et  populus.  » 

Dans  l'élection  de  Valentin  Ier,  les  évêques 
sont  nommément  exprimés  :  «  Collectis  in 
unum  episcopis.  et  gloriosis  Romanorum  pro- 
ceribus. »  Dans  celle  de  Serge  IL  ils  sont  mêles 
indifféremment  avec  les  autres  cardinaux  : 
«  Cum  proceres.  et  Romanae  urbis  optimates. 
universusque  populus  pro  eligendo  pontifice 
in  unum  coissent.  » 

IV.  Léon  IV  lit  faire  le  procès  dans  un  con- 
cile, à  Anastase,  prêtre  cardinal  du  titre  de 
Saint-Marcel,  pour  avoir  été  cinq  ans  sans 
résider  dans  sa  paroisse.  On  rendit  cet  honneur 
à  ce  cardinal,  de  le  faire  citer  par  trois  évêques  : 
«  Per  très  vocatus  episcopos.  »  A  quoi  néan- 
moins il  ne  se  rendit  pas  Anast.  RibL). 


On  peut  inférer  de  là  que  cette  éminence  du 
cardinalat  était  déjà  fort  révérée,  quoique  Ions 
les  évêques  eussent  toujours  la  préséance  avant 
les  prêtres  et  les  diacres  cardinaux. 

Ce  concile  même,  qui  fut  tenu  en  853,  où 
Anastase  fut  déposé,  en  est  une  preuve  con- 
vaincante; car  les  évêques,  au  nombre  de 
soixante -sept.  y  précèdent  et  y  souscrivent 
avant  tous  les  prêtres  et  tous  les  diacres  cardi- 
naux. 

V.  Dans  l'élection  de  Benoît  III.  les  électeurs 
du  pape  sont  exprimés  d'une  autre  manière. 
«  Clerus  et  cuncti  proceres  .  »  ou  bien  :  «  Epi- 
scopi  cum  clero  et  populo.  »  Et  dans  la  vie  de 
Nicolas  Ier:  a  Episcopi ,  presbyleri,  proceres  et 
optimates.  »  Dans  celle  d'Adrien  II .  le  roi  des 
Bulgares  demande  un  des  cardinaux  pour  être 
fait  archevêque  de  Bulgarie.  «  Aliquem  ex  car- 
dinalibus. » 

Jean  VIII  ordonna  que  le  patriarche  deCons- 
tantinople  ne  serait  plus  élu  à  l'avenir  que 
d'entre  les  prêtres  et  les  diacres  cardinaux  de 
la  même  Eglise.  «  Nisi  de  cardinalibus  presby- 
teris  et  diaconibus  Constantinopolitanae  sedis 
(Ep.  excrx).  »  Il  donna  le  même  ordre  à  ceux  de 
Milan,  d'élire  le  plus  digne  de  leurs  diacres  ou 
prêtres  cardinaux.  «  Qui  de  cardinalibus  pre- 
sbyteris  aut  diaconibus  dignior  fuerit  repertus 
(Ep.  ccxxi  .  » 

Gautier,  évêque  d'Orléans,  dans  ses  capitu- 
lâmes, chap.  ii.  commande  aux  archidiacres  de 
veiller  sur  les  prêtres  cardinaux,  c'est-à-dire  sur 
les  curés  :  «  Et  perarchidiaconos  vita  et  doctri- 
na  presbyterorum  cardinalium  invesligetur.  » 

Atton,  évêque  de  Verceil,  dans  son  capitu- 
laire.  chap.  xc,  ordonne  aux  curés  de  s'adresser 
au  chapitre  en  l'absence  de  l'évèque.  o  Quod  si 
defuerit  ,  cardinalibus  prima?  sedis  intérim 
suggeratur.  » 

VI.  Le  titre  de  cardinal  se  donnait  donc  aux 
prêtres  et  aux  diacres  des  autres  églises,  mais 
les  évêques  ne  prenaient  point  encore  cette 
qualité  dans  le  sacré  collège. 

Dans  le  concile  romain  qui  fut  tenu  en  963, 
sous  Othon  1er,  où  Jean  XII  fut  déposé,  tous  les 
évêques  précèdent  les  cardinaux  ,  les  seuls 
prêtres  ou  diacres  de  Borne  se  qualifient  car- 
dinaux ,  les  évêques  sutfragants  de  la  métro- 
pole de  Borne  se  distinguent  toutefois  admira- 
blement par  le  titre  d'évèques  romains. 

Voici  comment  ils  sont  exprimés  dans  les  actes 
du  concile  :  «  Tune  Romani  Pontiflces.  episcopi 
scilieet  suffraganei,  et  cardinales  presbyteri, 


i  i  i 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-SEIZIÈME. 


ac  diaconi.  cum  universa  plèbe  dixerunt,  etc.  » 
L'empereur  Otlion  en  parle  ainsi  dans  sa  lettre 
au  pape  Jean  :  «  Dum  filios  vestros.  Romanos 
scilicet  episcopos,  cardinales  presbyleros ,  et 
diaconos  et  universam  plebem  de  vestra  absen- 
tia  percontareinur,  etc.  » 

II  est  donc  évident  que  les  évèques  suffra- 
gants de  la  métropole  de  Rome  étaient  alors 
nommés,  non  pas  évèques  cardinaux,  mais 
Evèques  Romains,  Pontifes  Romains.  C'est  ap- 
paremment en  ce  même  sens  que  l'évêque 
George  ,  envoyé  de  Rome,  fut  appelé  plusieurs 
fois  évoque  romain  dans  le  concile  de  Compiè- 
gne,  sous  le  roi  Pépin.  Georgius,  episcopus 
Romarin*  Anno  757  ,  Conc.  Compend. ,  can. 
îx,  xi).  Ce  fut  en  ce  même  sens  que  Charlemagne 
consulta  Léon  III,  et  les  autres  évèques  romains  : 
«  Consulta  Leonis  apostolici  ,  cœterorumque 
Romanrc  Ecclesiœ  episcoporum  (Capit.,  1.  v, 
cap.  34).  o 

Pour  revenir  au  concile  romain  sous  Otlion, 
il  y  a  encore  cela  de  fort  remarquable,  qu'on 
\  nomme  un. lean,  sous-diacre  cardinal, Cardî? 
nalem  subdiaconwn.  On  sera  peut-être  encore 
plus  surpris  d'y  entendre  nommer  un  archi- 
acolythe.  «  Stephanusarchiacolythus,  cum  om- 
nibus acolythis  (Luilprand.,  1.  vi.c.  6,  7,11).  » 
Mais  ces  exemples  ont  été  très-rares  et  sans 
conséquence. 

VIL  Quant  à  ce  rang  extraordinaire  des  éve- 
il nos  romains,  c'est-à  dire  suffragants  de  Rome, 
qui  ont  depuis  été  nommés  évèques  cardinaux, 
il  n'y  a  rien  ni  de  nouveau,  ni  d'extraordinaire. 
On  sait  que  comme  un  évêque,  selon  les  lois 
canoniques,  concertait  toutes  eboses  avec  le 
clergé,  c'est-à-dire  avec  les  prêtres  et  les  dia- 
cres île  son  église,  ainsi  le  métropolitain,  selon 
les  mêmes  ordonnances  de  l'Eglise,  devait  agir 
dans  toutes  les  matières  importantes  avec  le 
conseil  de  tous  les  évèques  de  sa  province. 

Il  suivait  de  là,  que  comme  pendant  que  le 
siège  épiscopal  était  vacant,  toute  l'autorité 
épiscopale  résidait  dans  le  corps  du  clergé, 
ainsi,  lorsque  le  métropolitain  était  mort,  ses 
pouvoirs  et  ses  obligations  retombaient  sur  les 
évèques  de  la  province.  Mais  soit  que  le  siège 
soit  rempli  ou  vacant,  il  est  indubitable,  selon 
les  canons,  que  l'administration  île  toutes  les 
affaires  de  quelque  conséquence,  appartient 
aux  évèques  delà  province  et  au  chapitre  de 
L'église  métropolitaine,  qui  doivent  ou  concou- 
rir avec  le  métropolitain ,  ou  suppléer  à  son 
défaut. 


VIII.  Quelque  grande  que  puisse  avoir  été 
l'élévation  des  prêtres  et  des  diacres  cardinaux, 
et  quelque  étroite  liaison  qu'ils  puissent  avoir 
eue  avec  les  évèques  romains,  ou  suffragants 
de  Rome,  ces  évèques  ne  se  séparaient  point 
encore  du  corps  des  autres  évèques;  et  par 
conséquent  les  prêtres  et  les  diacres  cardinaux 
ne  marchaient  encore  qu'après  tous  les  évèques. 

En  effet,  il  y  a  toutes  les  apparences  du 
monde,  que  la  préséance  que  les  prêtres  et  les 
diacres  cardinaux  de  Rome  ont  enfin  emportée 
sur  les  évèques ,  est  en  partie  provenue  de 
l'union  très-étroite  que  les  cardinaux  ont  con- 
tractée avec  les  évèques  suffragants,  en  sorte 
que  ne  faisant  plus  qu'un  corps,  il  n'ont  plus 
voulu  se  séparer,  ni  dans  les  séances,  ni  dans 
les  souscriptions.  Mais  cela  n'est  arrivé  que 
vers  le  xue  siècle.  Tous  les  conciles  romains 
tenus  avant  l'an  mil,  font  foi  que  tous  les  évè- 
ques précédaient  les  cardinaux ,  et  que  les 
diacres  cardinaux  n'étaient  pas  même  assis 
dans  ces  conciles,  mais  ils  se  tenaient  debout 
derrière  le  siège  des  évèques  et  des  prêtres 
cardinaux. 

IN.  On  voit  bien  bors  de  Rome,  en  France 
et  en  Orient,  des  diacres  cardinaux  de  Rome 
qui  président  aux  conciles  avant  tous  les  évè- 
ques; mais  c'était  en  qualité  de  légats  du  Siège 
Apostolique  et  comme  représentant  la  personne 
du  pape. 

Les  évèques  du  concile  IV  de  Tours,  tenu  en 
849,  reprochèrent  à  Nomenoy,  duc  de  Bre- 
tagne,  l'insolence  inouïe  avec  laquelle  il  avait 
refusé  de  recevoir  les  légats  et  les  lettres  du 
Saint-Siège  :  «Maximum  reatum  te  contraxisse 
scimus,  quod  epistolam  Sedis  Apostolicaa  re- 
spuisli,  etc.  Propterea  parati  suimis,  si  vis, 
secundo  legatum  sedis  memoratae  cum  scriptis 
toti  nuiiido  venerandis  dirigere.  » 

C'étaient  les  rois  et  les  évèques  de  France 
qui  axaient  demandé  au  pape  l'envoi  de  ces 
légats.  Le  roi  Lothaire  demanda  depuis  au 
pape  Nicolas  qu'il  envoyât  des  légats  pour  tenir 
un  concile  dans  son  royaume  :  «  Regalis  excel- 
lentia  vestra  nuper  apostolatui  nostro  direxit, 
ut  pro  perficienda  synodo  missos  e  latere  nostro 
dirigere  dignaremur  (Epist.  xix).  » 

On  ne  peut  douter  que  les  légats  apostoliques 
qui  présidèrent  au  concile  de  Ponlhyon,  tenu 
en  876,  n'eussent  été  demandés  par  l'empereur 
Charles  le  Chauve,  puisqu'il  voulut  y  présider 
comme  légat  du  Saint-Siège,  persuadé  que, 
s'il  honorait  cette  légation,  la  légation  ne  le 


DES  CARDINAUX  SOUS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE. 


il:, 


déshonorait  pas  :  «  Imperator  dixit,  quod 
Domnus  Apostolicus  ci  suas  vices  commisit  in 
synodo.  » 

Nous  avons  déjà  rapporté  ci-dessusque  l'em- 
pereur  Charlemagne  avait  obtenu  du  pape 
qVAngilranij  son  grand  chapelain,  fût  aussi 
légat  ou  nonce  du  Siège  Apostolique  en  France, 


et  que  Louis  le  Débonnaire  obtînt  la  même 
grâce  pour  Drogon;  ces  deux  exemples  avant 
été  allégués  par  Charles  le  Chauve  dans  sa 
lettre  au  pape  Nicolas,  dans  les  bonnes  grâces 
duquel  ce  prince  lâchait  de  rétablir  Adven- 
tius,  évêque  de  Metz  (Conc.  Gall.,  tom.  m. 
p.243)(l). 


(I)  Le  mode  de  création  des  cardinaux  a  varié  avec  les  siècles. 
Aujourd'hui  le  pape  nomme  cardinal  qui  il  veut,  quand  il  veut,  sans 
avoir  besoin  de  l'assentiment  des  cardinaux.  Cependant  par  conve- 
nance il  demande  leur  avis.  Il  n'y  a  plus  même  de  forme  déterminée 
pour  la  promotion,  quoique  le  cérémonial  romain  en  donne  une.  Si 
celui  qui  est  promu  au  cardinalat  se  trouve  à  Rome,  il  se  transporte, 
sans  cortège,  au  palais  apostolique  ;  là,  il  est  reçu  par  les  cardinaux 
chefs  d'ordre,  c'est-à-dire  le  premier  des  évoques,  le  premier  des 
prêtres  et  le  premier  des  diacres,  et  il  est  introduit  devant  le  souve- 
rain pontife,  qui  pose  sur  sa  tête  la  barrette  rouge.  On  indique  ensuite 
le  jour  du  consistoire  public  pour  la  livraison  du  chapeau  rouge.  Tous 
les  cardinaux  se  réunissent  dans  le  lieu  du  consistoire;  le  pape,  por- 
tant la  mitre  précieuse,  monte  sur  le  trône,  reçoit  l'obédience  de  tons 
les  cardinaux,  puis  les  nouvellement  promus  s'avancent  au  pied  du 
trône  pour  entendre  une  allocution  que  leur  fait  le  pape  sur  les  de- 
voirs du  cardinalat.  Après  cela,  ils  baisent  les  pieds  et  les  mains  du 
pape;  le  pape  les  relève  pour  leur  donner  le  baiser  de  paix,  les 
autres  cardinaux  leur  font  de  même.  On  les  revêt  ensuite  des  insi- 
gnes du  cardinalat,  et,  se  mettant  à  genoux  en  cercle  devant  le  pape, 
ils  reçoivent  de  lui  le  chapeau  rouge.  En  le  mettant  sur  la  tète  de 
chacun  le  pape  dit  :  »  Ad  laudem  omnipotentis  Dei,  et  sa  ne  tas  Sedis 
o  Apostolica?  ornamentum,  accipe  galerum  rubrum,  insigne  singularis 
a  dignitatis  cardinalatus,  per  quod  designatur  quod  usque  ad  morlem 
«  et  sanguinis  etfusionem  inclusive  pro  exaltatione  sanctœ  fidei,  pace 
«  et  quiète  populi  christiani,  augmento  et  statu  sacrosaocta;  Roma- 
«  nœ  ecclesiae  te  intrepidum  exhibere  debeas.  In  nomine  Patris,  et 
o  Filii,  et  Spiritus  sancti.  Amen.  »  Le  pape  leur  ferme  ensuite  la 
bouche  pour  leur  apprendre  de  ne  pas  révéler  les  affaifes  traitées  en 
consistoire.  Dans  le  consistoire  suivant,  le  pape  leur  ouvre  la  bouche 
en  disant  :  o  Aperimus  vobis  os,  tam  in  collationibus,  quam  in  con- 
«  siliis,  atque  in  electione  Summi  Pontificis,  et  in  omnibus  actîbus, 
o  tam  in  consistorio  quam  extra,  qui  ad  cardinales  expectant,  et  quos 
«  soliti  sunt  exercere.  In  nomine  Patris,  etc.  a  Les  nouveaux  cardi- 
naux se  mettent  alors  à  genoux  devant  le  trône  pontifical,  le  pape 
leur  met  au  doigt  un  anneau  précieux,  et  leur  assigne  à  chacun  un 
titre,  c'est-à-dire  une  église,  ou  presbytérale,  ou  diaconale,  disant  : 
"Ad  honorera  Dei  omnipotentis,  sanctorum  apostolorum  Pétri  et 
■  Pauli  et  S.  N.  committîmus  tibi  ecclesiam  S.  N.  cum  clero  et  po- 
«  pulo  et  capellissuis  secundum  formam  qua  commitli  consuevit  car- 
o  dinalibus,  qui  eamdem  ecclesiam  habuerunt.  » 

Il  doit  y  avoir  dans  le  sacré -collège  des  membres  de  toutes  les 
nations  catholiques.  Il  est  prescnTaussi  que  les  ordres  religieux  doi- 
vent y  être  constamment  représentés  par  quatre  membres  qui  gar- 
dent bixouleur  de  leur  ordre  respectif,  à  L'exception  de  la  ca, 
est  toujours  rouge.  Nous  voyons  aujourd'hui  les  cardinaux  Guidi, 
dominicain;  Pitra,  bénédictin;  Panebianco,  cordelier*,  dit  conventuel 
en  Italie;  Giusto  d:  Recanati,  mineur  observantin.  Le  nombre  normal 
est  de  soixante-dix,  dont  six  sont  cardinaux  évéques,  cinquante 
prêtres  ,  quatorze  diacres.  Les  cardinaux  évéques  seuls  ,  comme 
occupant  les  é vécues  dits  suburbicaires  de  Rome,  sont  toujours  au 
complet.  Le  nombre  des  autres  ne  l'est  pas  toujours.  Les  évéchés  sub- 
urbicaires  sont  Ostie,  Porto  et  Sainte-Rufine,  Tuseulum,  Sabine,  Pa- 
>.  Nous  avons  fait  connaître,  dans  une  autre  note  les 
églises  diatonales.  Pour  être  complet  nous  devoos  donner  la  nomen- 
clature des  églises  presbytérales,  celles  qui  sont  données  aux  cardi- 
naux prêtres  :  Sainte-Marie-des-Anges  in  Tkermis,  Sainte-Marie 
Transtyberim ,  Saînte-Balbine ,  Saint-Laurent  in  Lucina,  Sainte- 
Praxède,  Saint  Pierre  ad  Yineula,  Sainte-Anastasie,  Saint-Pierre 
in  Montorio,  Saint-Onuphre.  E  in  Ca\  itet  Sainte-Marie 

in  Via,  Saint-Marcel,  Saints-Marcellin  et  Pierre,  Saints-Douze  Apô- 
tres, Saint-Césaire,  Sainte-Agnès  in  Agone,  Saint-Marc,  Saint-Etienne 
m  Cœiio  monte,  Sainte-Marie  Transpont ina,  Saint-Eusèbe, 
Chrysogone  ,  Saints-Quatre  Couronnés,  Saints-Quirin  et  Julitte  , 
Saiol-Calixte,  Saini-Baitbélemy  in  Insula,  Saint-Augustin,  Sainte- 
Cécile,  Saints-Jean  et  Paul,  Saint-Martin  in  MontibuSj  Saint-Alexis, 
Saint-Clément,  Sainte-Marie  de  Populo,  Saints-Nérée  et  Achillée 
Sainte-Marie  de  Pace,  Sainte-Marie  de  Ara  Cœliy  Saint-Sauveur 
in  Lau.ro,  Sainte-Croix  in  Bierusalem,  Saint-Laurent  in  Panispernay 
Saint-Jean  unie  Portam  latinam,  Samte-Pudentienne,  Sainte-Pnsque, 
Saint-Pancrace,  Sainte-Sabine,  Sainte-Marie  super  Minervam,  Saint- 


Charles,  Saint-Thomas  in  Parione,  Saint-Jérùme-des-IUyriens,  Sainte- 
Suzanne,  Saint-Sixte,  Saint-Matthieu  in  MeruUina,  Très-Sainte-Tri- 
nité m  monte  Pincio. 

D'après  les  canonistes,  après  la  papauté,  aucune  dignité  n'est  plus 
grande  dans  l'Eglise  de  Dieu  que  le  cardinalat.  Quoique  souvent  in- 
férieurs aux  évéques  pour  l'ordre,  les  cardinaux  leur  sont  néanmoins 
supérieurs  :  a  praïeminentia  non  est  commensuranda  ab  ordine,  » 
disent  les  canonistes,  «  sed  ab  officio  et  jurisdictione  quœ  dant  digai- 
a  tatem.  o  En  effet,  les  évéques  ne  président  qu'à  un  diocèse,  tandis 
que  les  cardinaux  sont  appelés  par  le  pape  au  gouvernement  de  l'K- 
glise  universelle,  et  que  ce  sont  eux  qui  élisent  le  vicaire  de  Jésus- 
Christ.  Le  Sacré-Collège  est  le  véritable  gremtum  de  l'Eglise  ro- 
maine. Le  plus  ancien  des  cardinaux-évèques  est  toujours  1  ■  \ 
du  sacré-collége,  d'après  une  constitution  de  Benoit  XIU.  Il  prend 
alors  le  titre  de  cardinal  évêque  d'Ostte.  Les  cardinaux,  quand  même 
iis  ne  seraient  que  piètres  ou  diacres,  ont  juridiction  épiscopale  dans 
la  circonscription  de  leurs  titres.  Us  ont  le  droit  de  visite,  de  correc- 
tion, d'excommunication,  de  suspense  et  d'interdit.  Us  confèrent  les 
bénéfices  attachés  à  leurs  églises  presbytérales  ou  diaconales  •  ils 
peuvent  procéder  contre  les  bénéficiers  coupables,  accepter  la  rési- 
gnation ou  permutation  de  ces  bénéfices.  Dans  leurs  titres  ils  peu- 
vent donner  la  solennelle  bénédiction,  more  epUcoporum,  licet  non 
sint  episcopi.  Les  cardinaux  qui  ne  sont  que  prêtres  peuvent  dans 
leurs  églises  presbytérales,  conférer  la  tonsure  et  les  ordres  mineurs 
à  tous  leurs  sujets  et  familiers.  Ils  peuvent  dispenser  des  vœux  ceux 
qui  sont  soumis  à  leurs  églises  comme  les  évéques  dans  leurs  dio- 
cèses. Le  droit  canonique  reconnaît  encore  aux  cardinaux  un  »rand 
nombre  de  privilèges,  comme  de  n'être  pas  compris  dans  un  interdit 
général,  de  pouvoir  choisir  leur  confesseur  même  parmi  les  prêtres 
non  approuvés,  que  nous  croyons  superflu  de  mentionner  ici. 

Le  Siège  vacant,  le  sacré-collège  ne  peut  créer  des  cardinaux  ni 
des  évéques,  ni  confirmer  les  évéques  élus,  ni  déposer  les  évéques 
prévaricateurs,  ni  conférer  des  bénéfices  ;  il  n'y  a  rien  là  que  de  parfaite- 
ment conforme  au  droit  canonique,  puisque  les  chapitres  qui  héritent 
de  la  juridiction  épiscopale  ne  peuvent  pas  avoir  la  collation  des  béné- 
fices. Les  chapitres  ont  même,  d'après  le  droit,  un  avantage  sur  le 
sacrè-collége ,  en  ce  que  toute  la  juridiction  épiscopale  passe  le  sié^e 
vacant,  chez  eux,  tandis  que  le  Saint-Siège  vacant,  ni  la  juridiction 
ni  la  puissance  du  pape  ne  passent  dans  le  Sacré-Collège.  Les  ca- 
nonistes donneut  pour  raison  de  cette  infériorité  :  ob  accelerandam 
provisioJiem  Ecclesiœ.  Cependant  les  différentes  congrégations  des 
cardinaux  conservent  leurs  pouvoirs,  même  après  la  mort  du  pape 
de  sorte  que  le  successeur  n'a  pas  à  les  reconstituer.  Mais  le  sacré- 
collège  nomme  aux  votes  secrets  le  grand  pénitencier  pour  remplacer 
celui  dont  les  pouvoirs  ont  expiré  à  la  mort  du  pape.  Le  nouvel  élu 
reste  en  fonctions  jusqu'à  l'intronisation  du  futur  pape.  L'élection  du 
pape  est  tellement  la  propriété  et  le  droit  du  sacré-collége,  que  si 
tous  les  cardinaux  mouraient  et  qu'il  n'en  restât  qu'un  seul,  celui-là 
aurait  le  droit  canonique  et  absolu  d'élire  le  pape,  mais  il  ne  pourrait 
se  nommer  lui-même.  Si  tous  mouraient  pendant  le  conclave,  à  qui 
reviendrait  le  droit  d'élire  le  pape?  La  grande  majorité  des  cano- 
nistes et  les  plus  marquants  disent  que  ce  droit  reviendrait  au  cha- 
pitre de  Saint-Jean-de-Latran  :  mater  et  caput  omnium  Ecclesiarum 
urbis  et  orbi*  ;  quelques  autres  revendiquent  ce  droit  pour  le  con- 
cile général.  Comme  canoniste,  nous  sommes  avec  les  premiers,  dont 
l'opinion  nous  parait  plus  coûforme  au  droit  canonique  et  plus 
exempte  des  plus  graves  dangers.  D'ailleurs  le  pape  est  d'abord  évê- 
que de  Rome,  et  comme  tel  son  élection  ne  peut  appartenir  qu'aux 
titulaires  des  églises  de  Rome,  (les  cardinaux)  ou  au  chapitre  de  la 
cathédrale  de  Saint-Jean-de-Latrao, 

Les  hautes  dignités  réservées  aux  cardinaux  sont  celles  de  grand 
pénitencier,  de  vice-chancelier  de  l'Eglise  romaine,  de  prodataire 
de  camerlingue.  Il  y  a  en  outre  les  cardinaux  palatins,  c'est-à-dire 
ceux  qui,  à  raison  de  leurs  fonctions,  approchent  le  plus  souvent  le 
pape.  Ce  sont  le  cardinal  secrétaire  d'Etat,  le  cardinal  prodataire, 
le  cardiual  secrétaire  des  mémoriaux  ,  le  cardinal  secrétaire  des 
brtfs,  auxquels  Pie  IX  a  ajouté  le  cardinal  préfet  des  palais  apos- 
toliques. 

Nous  devons  ajouter  ici  un  mot  important  sur  les  insignes  du  car- 
dinalat. Nous  l'empruntons  aux  Mémoires  du  cardinal  Consalvi,   ar- 


I  u, 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-SEPTIÈME. 


CHAPITRE  CEXT-DIX-SEITIEME. 


DES   LEGATS   PENDANT   LES   CINQ   PREMIERS    SIECLES    DE    L  EGLISE. 


I.  Le  pape  délègue  les  évèques  pour  les  choses  qui  sont  déjà 
de  leur  pouvoir. 

II.  Saint  Augustin  délégué  par  le  pape  pour  des  affaires  ec- 
clésiastiques dans  la  .Mauritanie. 

III.  Saint  Léon  délègue  l'évèque  de  Constantinople  et  deux 
autres,  pour  défendre  la  foi  dans  Constantinople  et  dans  l'Orient. 

IV.  V.  Le  même  délégua  un  évèque  en  Afrique  pour  s'infor- 
mer, et  pour  l'informer  de  la  discipline  de  cette  Eglise  désolée. 

VI.  Il  délègue  Julien,  évèque  de  Cos,  pour  veiller  sur  la  con- 
servation de  la  foi  dans  l'Orient. 

VII.  Ce  légat  ou  nonce  auprès  de  l'empereur  n'avait  point  de 
juridiction. 

VIII.  Le  pape  Libère  envoya  autrefois  divers  légats,  qui  exer- 
cèrent leur  juridiction,  même  dans  l'Orient. 

IX.  Saint  Basile  en  demanda  de  semblables  en  son  temps. 

X.  Autres  exemples  de  diverses  légations. 

XI.  Les  évèques  d'Afrique  eurent  quelquefois  de  la  peine  à 
souffrir  ces  légations  de  l'Eglise  romaine. 

XII.  Pourquoi  ces  légats  du  pape  n'avaient  pas  toujours  la 
préséance  sur  les  autres  évèques. 

XIII.  Légation  de  l'évèque  d'Astorgue  en  Espagne. 

I.  Comme  les  bénéfices  n'étaient  autrefois 
que  des  administrations  ou  des  commissions, 
il  ne  faut  pas  trouver  étrange  que  nous  par- 
lions ici  des  légations. 

Si  ce  n'était  un  titre,  c'était  au  moins  une 
fonction  des  bénéficiers,  et  surtout  des  évè- 
ques. Ainsi,  il  est  de  notre  devoir  d'en  parler. 

D'ailleurs,  quoique  les  légations  ne  soient 
que  des  commissions,  elles  ont  néanmoins  tant 
de  rapports  avec  toute  la  matière  des  bénéfices 
que  nous  n'avons  pas  jugé  pouvoir  nous  dis- 
penser d'en  parler  après  avoir  parlé  des  cardi- 
naux, à  qui  elles  sont  ordinairement  confiées. 

En  parlant  des  légats  du  pape,  on  pourrait 
rapporter  ici  ce  qui  regarde  la  délégation  que 
les  papes  ont  faite  quelquefois  des  évèques  du 
lieu,  pour  l'exécution  des  choses  qui  étaient 
déjà  de  leur  devoir  et  de  leur  juridiction  ;  mais 
on  ne  peut  pas  dire  que  ce  fût  une  véritable 


délégation  :  ce  n'était  qu'une  accumulation  de 
droits  et  de  pouvoirs,  quand  l'autorité  du  su- 
périeur se  joignit  à  celle  de  l'ordinaire. 

C'est  ainsi  que  Léon  chargea  Anatolius, 
évèque  de  Constantinople,  d'examiner  la  foi 
d'un  des  prêtres  de  son  église,  nommé  Atticus, 
et  de  l'obliger  à  donner  par  écrit  une  condam- 
nation plus  formelle  des  erreurs  d'Eutychès, 
dont  il  n'avait  pas  encore  bien  purgé  les  soup- 
çons. Anatolius  eut  de  la  peine  a  digérer  cette 
commission;  mais  le  pape  le  pressa  de  faire  ce 
que  son  devoir  et  les  ordres  de  son  supérieur 
exigeaient  de  lui. 

«  Neque  in  aliquo  honorem  tuum  lresi,  cui 
discutienda  ea,  quae  ad  me  erant  perlata,  com- 
misi,  ut  scilicet  Atticus  presbyter,  nisi  etiam 
propriae  manus  subscriptione  damnasset  haere- 
ticos,  a  communionis  gratia  esset  alienus 
(Epist.  lxxvii).  » 

IL  Ce  fut  une  autre  espèce  de  délégation, 
lorsque  Zozime  commit  saint  Augustin,  évèque 
d'Hippone,  pour  aller  traiter  quelques  affaires 
dans  la  Mauritanie.  Saint  Augustin  en  parle 
ainsi  dans  une  de  ses  lettres  :  «  Apud  Cacsaream 
quo  nos  injuncta  nobis  a  vencrabili  papa 
Zozimo  Apostolicœ  Sedis  episcopo,  ecclesiastica 
nécessitas  traxerat  (Epist.  clvii).  » 

C'était  hors  du  diocèse  et  même  hors  de  la 
province  de  saint  Augustin;  il  n'était  donc 
soutenu  que  de  l'autorité  du  pape,  et  il  n'eût 
pas  oublié  de  parler  de  son  métropolitain  s'il 
eût  eu  quelque  part  dans  cette  affaire. 

III.  Voici  une  troisième  espèce,  où  l'évèque 
est  délégué  en  partie  dans  son  propre  ressort, 
en     partie    dehors.    Après    le    faux    concile 


rivé  à  Paris  en  juin  1801  pour  la  conclusion  du  concordat.  Nous  lisons, 
tome  1er,  page  328  :  o  Quoique  j'eusse  compris  que  Bonaparte  vou- 
«  lait  que  je  me  rendisse  aux  Tuileries  en  grande  pourpre,  je  réflé- 
<  ardinaux  ne  portaient  ce  costume  que  devant  le  pape, 
o  et  que  c'était  par  abus  seulement  que  certains  cardinaux  paraissaient 
.  ainsi  vêtus  à  la  cour  des  monarques  dont  ils  étaient  sujets  de  nais- 
o  sance.  Je  résolus  donc  de  n'aller  à  l'audience  qu'en  habit  noir, 
«  avec  les  bas  cependant,  la  calotte  et  le  collet  rouges,  aiûsi  que  les 
a  cardinaux  vont  ordinairement  hors  de  chez  eux,  quand  ils  ne  sont 
«  pas  en  fonction.  » 


L'assemblée  constituante,  par  un  décret  du  21  août  1*90,  avait 
supprimé  les  cardinaux  français.  En  1802,  le  premier,  consul 
voulant  les  rétablir,  demanda  et  obtint  du  pape  cinq  chapeaux 
pour  la  France.  Par  un  arrêté  consulaire  du  26  février  J8Û3,  il  dé- 
cida qu'on  payerait  à  chacun  d'eux  une  somme  de  45,000  fr.,  pour 
subvenir  aux  frais  d'installation  et  ceux  dits  de  Propine,  en  cour  de 
Rome,  s'élevant  à  environ  15,000  fr.  ;  plus  ils  devaient  recevoir  un 
traitement  annuel  de  30,000  fr.,  indépendamment  de  leur  autre  trai- 
tement, pour  les  mettre  en  état  de  soutenir  leur  digQité.  Aujourd  nui 
ils  sont  sénateurs  de  droit.  (Dr  André.) 


DES  LÉGATS  PENDANT  LES  CINQ  PREMIERS  SIÈCLES. 


147 


d'Epbèse,  saint  Léon  envoya  un  évêque  et  an 
prêtre  à  Constantinople,  et  leur  donna  pour 
adjoint  Anatolius,  évêque  de  Constantinople, 

pour  êtro  tous  trois  conjointement  les  exécu- 
teurs de  ses  ordres  dans  le  rétablissement  de 
la  foi  ébranlée  dans  ce  faux  concile,  et  pour 
les  dispenses  charitables  dont  il  voulait  qu'on 
usât  envers  ceux  qui  s'étaient  laissé  entraîner 
à  ce  torrent  d'iniquités;  se  réservant  néan- 
moins la  disposition  suprême  du  traitement 
qu'il  faudrait  faire  à  Dioscore,qui  avait  présidé 
à  ce  faux  concile,  s'il  reconnaissait  sa  faute. 

Ce  pape  en  écrivit  ainsi  à  Anatolius,  évêque 
de  Constantinople  :  «  Congruum  fuit,  fratres 
nieos  Lucentium  episcopum  et  Basilium  pre- 
sbyterum  destinare,  quibus  dilcctio  tua  socie- 
tur,  ut  nihil  in  lus  quee  ad  universalis  EccJesiœ 
slatum  pertinent,  aut  dubie  agatur,  aut  segni- 
ter;  cum  residentibus  vobis,  quibus  execu- 
tionem  nostrœ  dispositionis  injunximus,  ea 
possint  agi  cuncta  moderatione,  ut  nec  bene- 
volentiaj  partes,  nec  justitiœ  negligantur 
(Epist.  xlvi).  » 

Une  partie  de  ces  affaires  regardait  l'Eglise 
et  le  diocèse  même  de  Constantinople.  Le  pape 
ordonne  particulièrement  que  quand  Dioscore 
rentrerait  dans  son  devoir  avec  tous  les  auteurs 
de  tant  d'attentats  scandaleux  ,  leurs  noms  ne 
soient  point  récités  dans  les  diptyques  sacrées 
de  l'Eglise  de  Constantinople,  sans  un  nouvel 
ordre  de  sa  sainteté.  «  Neque  prius  in  ecclesia, 
cui  te  Dominus  voluit  pnesidere ,  cujusquam 
lalium  nomen  ad  altare  recitetur  ,  quam  quid 
de  eis  constitui  debeat,  rerum  processus  osten- 
dat.  » 

IV.  Tous  ces  légats  étaient  exécuteurs  des 
ordres  du  pape  ;  mais  en  voici  d'une  quatrième 
espèce,  qui  sont  de  simples  inspecteurs  pour 
s'informer  de  l'état  d'une  église,  et  en  donner 
avis  au  Siège  Apostolique,  qui  concertera  et 
déclarera  les  moyens  les  plus  propres  pour 
s'opposera  la  décadence  de  la  discipline  des 
Eglises. 

Tel  fut  l'évèque  Potentius,  que  ce  pape  délé- 
gua en  Afrique,  pour  lui  en  rapporter  un 
fidèle  récit  de  l'état  de  cette  Eglise ,  et  des  dé- 
sordres qui  y  régnaient  le  plus  impunément. 
Apres  quoi  le  pape  envoya  une  lettre  décrétale 
pour  arrêter  le  cours  de  ces  dérèglements. 

Voici  comme  il  écrit  aux  évêques  de  Mauri- 
tanie. «  Cum  de  ordinationibus  sacerdotum 
quœdain  apud  vos  illicite  usurpata ,  crebrior 
ad  nos  commeantium  sermo  conferret  :  ratio 


pietatis  exegit,  ut  pro  sollicitudine,  quam  uni- 
versie  Ecclesia'  ex  divina  institutione  impendi- 
mus  ;  rerum  tidem  studeremus  agnoscere  : 
vicem  cura'  nostrœ  proficiscenti  a  nobis  fratri 
et  consacerdoti  nostro  Potentio  delegantes, 
qui  seeundum  scripta  quœ  per  ipsum  ad  vos 
direxinms,  de  episcopis ,  quorum  culpabilis 
ferebatur  electio,quid  veritas  habeat,  inqui- 
reret ,  nobisque  omnia  fideliter  indicaret 
(Epist.  lxxxvii).  » 

V.  Ce  pape  prétend  qu'il  était  de  son  pou- 
voir et  de  son  devoir,  sur  les  simples  bruits 
qui  étaient  venus  jusqu'à  lui  des  ordinations 
irrégulières  de  quelques  évêques  d'Afrique, 
d'y  envoyer  faire  des  enquêtes  par  des  évêques 
délégués  pour  cela.  L'état  déplorable  où  la 
barbarie  des  Vandales  avait  réduit  les  églises 
d'Afrique  ,  rendait  cette  vigilance  du  pape 
encore  plus  nécessaire. 

Ce  légat ,  quoiqu'évèque  ,  n'avait  nulle  juri- 
diction, il  était  seulement  chargé  de  s'instruire 
des  choses  qui  s'étaient  passées,  et  d'en  ins- 
truire le  pape.  Les  légats  des  trois  espèces 
précédentes  avaient  une  juridiction  déléguée 
du  Saint-Siège  ;  ceux  de  la  première  espèce  et 
de  la  troisième  avaient  encore  la  leur  propre. 

VI.  En  voici  une  cinquième  espèce,  dépouil- 
lée aussi  de  juridiction,  et  néanmoins  d'une 
autre  nature,  parce  qu'elle  en  avait  quelques 
apparences.  Le  même  pape  Léon,  voyant 
qu'Anatolius,  évêque  de  Constantinople,  n'était 
pas  embrasé  de  ce  zèle  ardent  qui  sied  si  bien 
à  un  évêque,  et  qui  était  alors  si  nécessaire  à 
un  successeur  de  l'illustre  martyr  Flavien , 
chargea  Julien,  évêque  de  Cos,  qui  est  une  île 
de  l'Archipel,  d'une  légation  limitée  à  ce  seul 
point,  de  veiller  à  ce  que  les  hérésies  nouvel- 
les de  Nestorius  et  d'Eutychès,  ne  lissent  point 
de  progrès  dans  l'Orient.  Il  lui  en  écrit  en 
ces  termes  :  «  Hac  speciali  cura,  vice  mea  func- 
tus  ,  utaris,  ne  hœresis  Nestoriana ,  vel  Euty- 
chiana  in  aliqua  parte  revirescant  ;  quia  in 
episcopo  Constantinopolilano  catholicus  vigor 
non  est,  etc.  (Epist.  lvi,  lvii).  » 

Il  écrivit  aussi  une  lettre  à  l'empereur  Marcien 
pour  lui  faire  agréer  que  l'évèque  Julien  suivit 
toujours  la  cour,  comme  délégué  du  Saint- 
Siège  contre  les  nouvelles  hérésies  ,  et  comme 
son  nonce  auprès  de  sa  majesté.  «  Vicem  ipsi 
meam  contra  temporis  nostri  hœreticos  de- 
legavi,  atque  propter  Ecclesiarum  pacisque 
custodiam,  ut  a  vestro  comitatu  non  abesset, 
exegi  ;  cujus  suggestiones ,  pro  concordia  ca- 


148 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-SEPTIÈME. 


tholicae  unitatis,  tanquam  meas,  audire  digne- 

iiiiin.  » 

La  principale  fonction  de  ce  délégué  était 
d'informer  le  pape  et  l'empereur  de  leurs  incli- 
nations, de  leurs  demandes  et  de  leurs  répon- 
ses mutuelles,  et  surtout  de  poursuivre  auprès 
de  l'empereur  l'exécution  des  ordres  du  Saint- 
Siège,  comme  il  paraît  par  une  autre  lettre  de 
ce  pape,  où  il  parle  à  cet  évêque  comme  à  un 
membre  de  son  corps,  ou  comme  à  un  de  ces 
légats,  qu'on  appelle  a  latere,  pour  la  même 
raison. 

«  Cum  in  te  quamdam  mei  Constantinopoli- 
tani  habeant  portionem,  dignum  procommuni 
amicitia  est,  et  pro  totius  Ecclesiœ  dilectione, 
incessabili  te  vigore  prospicere,  ne  quid  possit 
de  statu  fidei  me  latere.  Quœ  ergo  \el  ad  glo- 
riosissimum  principem  ,  vel  ad  tuam  dile- 
ctionem  scripsi,  ut  celerrime  tradautur  effe- 
ctui  opportunis  suggestionibus  élabora  (Epist. 
1.XM1).  » 

C'était  donc  un  exécuteur  des  ordres  du  pape 
dans  l'Orient,  mais  ce  n'était  que  par  ses  ins- 
tances auprès  des  empereurs  qu'il  s'acquittait 
de  cette  fonction. 

VII.  11  est  inutile  de  demander  si  ce  nonce, 
ou  ce  légat  avait  été  envoyé  par  le  pape  à 
Constantinople,  du  gré  et  du  consentement  de 
l'empereur.  N'ayant  autre  commission  du  pape, 
que  de  faire  toutes  les  instances  possibles  au- 
près de  l'empereur,  afin  qu'il  employât  toute 
l'autorité  souveraine  pour  faire  exécuter  les 
décrets  du  Saint-Siège  ;  comment  eùt-il  pu 
seulement  espérer,  ou  même  penser,  de  pou- 
voir contre  la  volonté  de  l'empereur,  rendre 
l'empereur  même  exécuteur  des  volontés  du 

pape  ? 

Ce  pape  témoigne  clairement  à  l'empereur 
en  quoi  doit  consister  toute  la  charge  de  son 
nonce  :  0  Vicem  ipsi  meain  delegavi,  ut  ab  ea 
quœ  vobis  debetur  observantia  non  recedens, 
pielati  me  vestrœ  prœsentare  non  desinat,  exe- 
quens  in  custodia  fidei,  et  in  ecclesiasticis  dis- 
ciplinisperomniasoliicitudinem,  et  opportunis 
suggestionibus,  quoduniversali  Ecclesiœ  prosit, 
insinuans.  ut  in  ipso,  née  catholicis  vestrum 
praesidium,  quibus  volumus  subvenire,  nec 
vobis  meum  desit  obsequium  (Epist.  i.vm).  d 

Il  explique  encore  bien  plus  clairement  les 
fonctions  de  celte  charge  dans  une  autre  lettre 
adressée  au  même  empereur  :  «  .luliano  epi- 
scopo  :  Noverit  veslra  elemcnlialiocme  proprie 
delegasse,  ut  quidquid  illic  ad  custodiam  fidei 


pertincre  probaverit,  meo  nomine  vestrœ  fidu- 
çialiter  suggérât  pietati,  quoniam  certus  su  m 
vos  ad  hœc  omnia,  vel  emendanda,  vel  defen- 
denda,  Deo  auxiliante  sufficere  (Epist.  ux).  » 

Ainsi  quelque  autorité  qu'eût  le  pape  sur  les 
patriarches  et  les  é\èques  de  l'Orient;  quelque 
droit  qu'il  tût  de  faire  réparer  les  outrages 
qu'on  avait  laits  à  la  foi  commune  de  l'Eglise 
dans  le  faux  concile  d'Epbese,  saint  Léon  ne 
crut  pas  pouvoir  réussir,  si  l'empereur  ne  vou- 
lait lui-même  se  rendre  comme  l'exécuteur 
des  résolutions  du  Saint-Siège.  Le  même. Julien, 
en  vertu  d'un  ordre  du  pape,  fut  comme 
adjoint  aux  légats  du  même  pape  dans  le 
concile  de  Calcédoine  (Epist.  lxxi,  inter  recens 
éditas).  » 

VIII.  Le  pape  Libère  avait  autrefois  envoyé 
deux  évêques  légats  ou  ambassadeurs  à  l'em- 
pereur Constance,  savoir,  Vincent,  évêque  de 
Capoue,  et  Marcel,  évêque  en  Campanie,  pour  la 
cause  de  la  foi  et  d'Atbanase.  L'empereur  ayant 
violenté  ces  légats,  et  les  ayant  fait  souscrire  à 
Arles  a  la  condamnation  d'Atbanase,  ce  pape 
envoya  Lucifer,  évêque  deCagliari,  et  Eusebe, 
évêque  de  Verceil,  pour  lui  demander  un 
concile  libre.  L'empereur  accorda  le  concile 
de  Milan,  où  ces  deux  généreux  prélats  ayant 
refusé  de  consentir  à  l'injuste  condamnation 
d'Athanase,  l'empereur  les  exila  en  Orient. 
Leur  légation  n'étant  point  encore  finie,  ils  en 
firent  éclater  quelques  rayons  de  juridiction 
dans  les  régions  les  plus  éloignées.  Lucifer  or- 
donna Paulin  évêque  d'Anliocbe,  et  le  donna 
pour  chef  aux  catholiques,  qui  ne  pouvaient  se 
résoudre  de  communier  avec  l'évêque  Mélèce. 
Eusèbe  de  Verceil  fut  comme  l'adjoint  de  saint 
Athanase  dans  la  convocation  et  la  tenue  du 
célèbre  concile  d'Alexandrie.  Il  y  secondait 
seulement  saint  Athanase ,  parce  qu'il  n'avait 
pas  une  pleine  autorité  de  légat.  Mais  ni  l'un  ni 
l'autre  de  ces  deux  prélats  n'eût  pu  exercer 
cette  juridiction  dans  l'Orient  sans  la  légation 
du  pape  (Marca,  Concord.,  1.  v,  c.xv,  n.  3,  A). 

IX.  Cette  légation  était  donc  accompagnée 
d'auto  rite  et  de  juridiction,  aussi  bien  que  celle 
que  saint  Rasile  désirait  que  le  pape  envoyât 
dans  tout  l'Orient,  pour  y  rétablir  la  foi  el  la 
discipline,  après  le  renversement  effroyable  qui 
semblait  en  avoir  été  fait  dans  le  concile  de 
P.imini.  Celui  à  sainl  Athanase  même  que  saint 
Basile  s'expliqua  de  ce  dessein. 

«  Visum  est  mibi  consentaneum,  ut  scriba- 
tur  episcopo  Romœ,  ut  quœ  hic  geruulur  con- 


DES  LÉGATS  PENDANT  LES  CINQ  PREMIERS  SIECLES  DE  L'ÉGLISE. 


'li'.i 


sideret,  et  sentcntiani  suam  expromat.  Et  quo- 
niain  difficile  est .  ut  commuai  ac  synbdico 
décrète,  aliqui  illinc  mittantur,  ipse  sua  auto- 
ritate  in  ista  causa usus,  \iros  eligat,  ad  hoc 
accommodos ,  ut  mansuetudiue  et  facilitate 
ingenii  eos,  qui  distorti  et  obliqui  apud  nos 
sunt,  eorri  gant,  apteacdispensatoriesermonem 
attemperantes,  omniaque  secum  habentes,  qu;e 
in  Arimino  gesta  sunt,  ad  ea  rescitidenda, quse 
illic  per  vim  gesta  sunt  Epist.  lu),  b 

X.  Ces  deux  dernières  sortes  de  légations 
étaient  jointes  avec  une  juridiction  fort  éten- 
due. Mais  la  dernière  était  demandée  par  les 
évêques  des  églises  où  elle  était  destinée;  ce 
qu'on  ne  peut  dire  de  celle  de  Lucifer  de  Ca- 
gliari  et  d'Eusèbe  de  Verceil. 

Le  concile  de  Sardique  (Can.Ti)  laissa  la 
liberté  au  pape  d'envoyer  les  légats  dans  les 
provinces  pour  juger  la  seconde  instance  de  la 
déposition  des  évêques  qui  auraient  appelé  des 
conciles  provinciaux  :  «  Ut  de  latere  suo  pre- 
sbyterum  niittat.  » 

Le  pape  Gélase  traita  Acacius,  évêque  de 
Constantinople  ,  comme  l'auteur  des  excès 
étranges  qui  se  commirent  dans  les  églises  pa- 
triarcales d'Alexandrie  et  d'Antioche ,  parce 
qu'il  n'avait  pas  usé  de  l'autorité  que  le  Saint- 
Siège  lui  avait  déléguée  pour  les  prévenir,  ou 
pour  y  remédier.  «  Cur  tanto  tempore  cum 
ista  gererentur,  vel  gerenda  cognosceret,  non 
ad  Sedem  Apostolicam,  a  qua  sibi  curam  illa- 
rum  regionum  noverat  delegatam,  referre  ma- 
turavit  (Epist.  xiu)  ?  » 

L'empereur  Léon  avait  commencé  de  de- 
mander au  pape  Léon  qu'il  envoyât  des  légats 
à  Constantinople,  pour  y  remédier  aux  effroya- 
bles emportements  des  Eutychiens  dans  l'O- 
rient, surtout  dans  les  Eglises  d'Antioche  et 
d'Alexandrie.  Ce  pape  obéit  à  cet  ordre  de  l'em- 
pereur :  «  Pnrceptioni  veslrae  in  eo  adnitar 
obedire,  ut  aliquos  de  fratribus  meis  dirigam  , 
etc.  Epist.  Lxxviii,  c);  »  et  envoya  les  évêques 
Domitien  et  Céminien. 

Les  papes  suivants  jugèrent  à  propos  de 
commettre  pour  cela  l'évêque  même  de  Cons- 
tantinople .  mais  son  excessive  condescendance 
pour  les  hérétiques  attira  enfin  sur  lui  les 
foudres  du  Saint-Siège. 

XL  Les  évêques  d'Afrique  furent  ceux  qui 
témoignèrent  le  plus  d'aversion  des  légats  que 
le  pape  leur  envoyait  sans  leur  consentement. 
Zozime  leur  envoya  Faustin  ,  évêque  de  Po- 
tenza,  pour  leur  porter  les  canons  du  concile 

Tu.  —  Tome  II. 


di  Nicée,  ou  de  Sardique,  et  maintenir  le  droit 
des  appellations  au  Saint-Siège.  Faustin  assista 
depuis  aux  conciles  d'Afrique,  prenant  ordi- 
nairement la  première  place  après  l'archevêque 
di'  Cartilage  Auiele.  el  prenant  dans  les  sous- 
criptions la  qualité  de  légat  de  l'Eglise  Ro- 
maine. Les  évêques  d'Afrique  n'avaient  nulle 
connaissance  du  concile  de  Sardique,  quoique 
Cratus,  archevêque  de  Cartbage,  y  eût  a-sisle. 
Ainsi  ils  n'avaient  garde  de  comprendre  que 
le  pape  avait  cité  les  canons  de  Sardique  sous 
le  titre  de  Nicée ,  parce  que  tous  les  canons 
étant  assez  souvent  mis  de  suite  après  ceux  de 
Nicée,  on  les  citait  quelquefois  sous  le  nom 
du  concile  de  Nicée  (Conc.  African.,  c.  lui  et 
seq.). 

C'est  comme  Grégoire  de  Tours  a  cité  un  ca- 
non du  concile  de  Cangre  sous  le  nom  de  Ni- 
cée. C'est  comme  on  a  appelé  les  canons  apos- 
toliques, et  les  constitutions  apostoliques.  C'est 
comme  on  a  appelé  les  canons  arabiques  ca- 
nons de  Nicée  :  parce  que  les  siècles  postérieurs 
ont  quelquefois  ajouté,  en  suite  de  quelques 
règlements  des  apôtres  et  des  canons  de  Nicée  , 
les  nouveaux  règlements  et  les  nouveaux  ca- 
nons qui  se  faisaient  de  temps  en  temps. 

Les  Africains  ne  pouvant  donc  encore  goûter 
les  appels  au  pape,  bien  moins  ceux  des  piètres 
qui  étaient  néanmoins  assez  probablement 
fondés  sur  le  canon  de  Sardique,  qui  leur  per- 
mettait d'appeler  au  primat  voisin  ;  ils  écrivi- 
rent au  pape  Célestin ,  que  les  légats  que  le 
Saint-Siège  envoyait  dans  les  provinces  n'é- 
taient autorisés  d'aucun  canon  des  conciles  : 
«  Nam  ut  aliqui  tanquam  a  sanctitatis  tuœ 
latere  mittantur,  nulla  invenimus  Patrum  sy- 
nodo  conslitutum  ;  »  qu'ils  espéraient  que  sa 
sainteté  rappellerait  au  plutôt  l'évêque  Faus- 
tin :  «  Nam  de  fratre  nostro  Faustino ,  securi 
sumus,  quod  eum  probitate  ac  moderatione 
tuœ  sanctitatis ,  salva  fraterna  charitate .  ulte- 
rius  Africa  minime  patiatur.  b 

l-ii ti ii ,  ils  marquèrent  à  sa  sainteté  qu'ils  la 
conjuraient  de  ne  plus  envoyer  de  ses  ecclé- 
siastiques pour  exécuteurs  de  ses  sentences, 
avec  un  faste  et  une  terreur  plus  propre  aux 
puissances  séculières  qu'aux  ministres  de 
J.-C.  «  Executores  eliam  clericos  vestros,  qui- 
busque  petentibus  nolite  mittere,  noliteconce- 
dere,  ne  fumosum  lyphum  sseculi  inEcclesiam 
Cbristi  videamur  inducere.  » 

XII.  Ces  exécuteurs  des  mandements  et  des 
décrets  apostoliques  étant  ecclésiastiques,  pou- 

29 


430 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-HITTIÈME. 


vaient  bien  passer  pour  des  délégués  ou  des 
nonces,  avec  une  juridiction  limitée  à  une  seule 
cause.  Si  Faustin  n'a  eu  séance  qu'après  Aurèle, 
évêque  deCarlhage,  si  Eusèbe  de  Verceil  n'eut 
séance  qu'après  saint  Athanase  dans  le  concile 
d'Alexandrie,  c'est  apparemment  que  leur 
commission  n'était  point  une  pleine  légation, 
étant  limitée  à  une  seule  cause. 

Il  en  faut  dire  autant  de  Julien  ,  évêque  de 
Cos,  qui  n'eut  aussi  séance  au  concile  de  Calcé- 
doine, qu'après  quinze  ou  vingt  des  premiers 
évèques,  quoiqu'il  y  souscrive  comme  légat  du 
pape,  en  mêmes  termes  que  les  autres  trois 
légats  du  pape  qui  présidaient  au  concile. 

En  effet,  d'où  pourrait  venir  que  Paschasin 
et  Lucentius,  évèques,  et  Boniface  prêtre,  tous 
trois  légats  du  pape,  présidassent  au  concile 
avant  tous  les  patriarches;  et  que  Julien  étant 
aussi  évêque  et  légat  du  pape,  n'eût  place 
qu'après  les  patriarches,  et  quelques  métropo- 
litains, si  ce  n'est  que  la  légation  des  premiers 
était  pleine  et  extraordinaire,  ce  qui  ne  se 
pouvait  dire  de  celle  de  Julien,  qui  était  ordi- 
naire et  limitée  en  un  seul  point  ? 

Mil.  11  n'en  fut  pas  de  même  de  Turibius, 
évêque  d'Aslorga  en  Espagne.  Le   pape  saint 


Léon  lui  adressa  ses  lettres  pour  la  convocation 
d'un  concile  universel  en  Espagne,  au  moins 
d'un  concile  provincial  en  Galice,  contre  les 
priscillianistes,  et  pour  y  présider  avec  deux 
autres  évèques  que  ce  pape  nomme  Hydacius 
et  Ceponius.  «  Eis  concilium  synodi  generalis 
indiximus,  etc.  Saltem  in  uno  Gallicia-  con- 
venant sacerdotes,  quibus  congregatus  Hyda- 
cius et  Ceponius  imminebunt,  conjuncta  cum 
eis  instantia  tua  (Ep.  xcui).  » 

Le  concile  I  de  Drague  nous  apprend  que 
ce  concile  universel  fut  tenu.  11  estdit,  dans  la 
préface  de  ce  concile  de  Drague,  que  le  pape 
Léon  envoya  ses  lettres  au  synode  de  Galice 
par  Turibius,  notaire  du  Saint-Siège,  Pcr  Turi- 
bium  sedis  suœ notarium.  Il  est  tout  à  fait  hors 
d'apparence  que  l'évêque  d'Astorga  Turibius 
ait  été  nommé  par  ce  concile  notaire  du  Saint- 
Siège.  C'était  un  vrai  notaire  de  l'Eglise 
Romaine  nommé  Turibius,  par  qui  saint  Léon 
envoya  sa  lettre  à  Turibius,  évêque  d'Aslorga, 
qui  lui  avait  écrit  par  un  de  ses  diacres.  Selon 
la  commission  du  pape,  l'évêque  Turibius  de- 
vait au  moins  présider  au  concile  provincial 
de  Galice,  avec  deux  autres  évèques. 


CHAPITRE    CENT-DIX-IIUITIEME. 


DES     LEGATS     DEPUIS     CLOVIS    JUSQU    A    Cil  ARLEM  AGN  E. 


I.  Le  grand  saint  Grégoire  désirant  envoyer  un  légat  en 
France  pour  la  réformation  Je  la  discipline,  écrivit  a  la  reine 
qu'elle  l'en  priât,  afin  <|'"'  le  commun  coiisriileuient  des  princes 
et  des  évèques  rendit  la  légation  utile. 

II.  il  avait  auparavant  envoyé  une  espèce  d'apocrisiaire. 

III.  Il  délégua  aussi  l'évêque  d'Autun,  qui  avait  la  confidence 
de  la  cour. 

IV.  Les  guerres  rendirent  ces  efforts  inutiles. 

V.  Ce  pape  conservait  soigneusement  les  droits  do  la  légation 
ordinaire  de  l'archevêque  d'Arles. 

VI.  Qui  était  comme  un  légat  perpétuel  en  France. 

Vil.  VIII.  Autres  exemples  de  celte  sage  conduite  des  papes 
de  n'envoyer  des  légats  que  du  gré  des  princes  et  des  évèques. 

IX.  Les  empereurs  avaient  aussi  souvent  demandé  des  légats. 

X.  XI.  Iles  légats  envoyés  en  Afrique,  et  du  sujet  que  les 
évèques  prirent  de  s'en  plaindre. 

XII    lies  légats  envoyés  en  Angleterre. 
XIII.  Le  pape   Martin  nomme  un  légat  en   Orient  avec  des 
pouvoirs  fort  amples. 


XIV.  Comparaison  des  apocrisiaires  et  des  légats. 

XV.  Peux  sortes  de  légats  au  concile  IV. 

XVI.  XVII.  XVIII.  Limitation  des  pouvoirs  des  légats  et  des 
apocrisiaires. 

XIX.  liéllexions  générales  sur  les  légats. 

I.  Ce  n'étaient  pas  tant  des  apocrisiaires  ou 
des  nonces  que  des  légats  que  les  papes  en- 
voyaient en  France. 

On  n'en  peut  souhaiter  d'exemple  plus  il- 
lustre iiue  celui  du  pape  saint  Grégoire,  qui 
pria  Druneliaut,  reine  de  France,  de  lui  de- 
mander et  de  lui  faire  demander  un  légat  qui 
vint  assembler  un  concile,  pour  corriger,  avec 
les  évèques  du  royaume,  les  déplorables  abus 
qui  s'y  étaient  glissés. 


DES  LÉGATS  DEPUIS  CLOVIS,  etc. 


i',1 


Les  é\êques  de  France  étaient  dans  une 
obligation  indispensable  <le  réformer  ces  dérè- 
glements scandaleux  :  mais,  ou  leur  zèle  n'é- 
tait pas  assez  ardent,  ou  leur  crédit  n'était  pas 
assez  appuyé  pour  en  venir  à  bout.  L'autorité 
du  pape,  comme  souverain  pasteur  et  exécu- 
teur universel  des  canons,  était  donc  néces- 
saire; encore  le  succès  eût  été  fort  douteux 
s'il  n'eût  été  soutenu  du  consentement  des 
évêques  du  royaume,  et  de  la  protection  toute- 
puissante  des  rois,  comme  conservateurs  des 
canons  et  défenseurs  de  l'Eglise.  Le  pape,  qui 
était  plus  jaloux  de  la  gloire  de  J.-C.  et  de  la 
pureté  de  la  discipline  ecclésiastique  que  des 
prétentions  précises  des  droits  du  Saint-Siège, 
laissant  à  part  toutes  les  disputes  pointilleuses 
qu'on  eût  pu  faire  sur  cette  matière,  et  ne 
tondant  l'espérance  de  réformer  l'Eglise  de 
France  que  sur  la  concorde  de  l'Eglise  avec 
l'empire,  et  sur  la  bonne  intelligence  du  Saint- 
Su  :ge  avec  les  évêques  du  royaume,  prit  une 
conduite  également  pleine  de  sagesse,  de  jus- 
tice et  de  charité. 

IL  II  avait  auparavant  prié  les  rois  et  les 
évêques  de  France  d'assembler  un  concile,  et 
d'y  conspirer  avec  l'abbé  Cyriaque,  envoyé  de 
sa  part,  pour  bannir  la  simonie  du  clergé  de 
France,  et  arrêter  les  irruptions  audacieuses 
que  les  laïques  faisaient  dans  les  plus  hautes 
dignités  de  l'Eglise. 

Voici  ce  qu'il  avait  écrit  à  la  reine  Brune- 
haut  :  «  Petimus  ut  de  hujus  pravitalis  emen- 
datione  Deum  vobis  placabilem  faciatis,  et  ut 
nulla  deinceps  valeat  occasione  committi,  sy- 
nodum  fieri  jussio  vestra  prsecipiat,  ubi  pré- 
sente dilectissimo  filio  nostro  Cyriaco  abbate, 
sub  districta  anathematis  interpositione  debeat 
interdici,  etc.   L.  vu,  ep.  exiv).  » 

Cet  abbé  Cyriaque  pourrait  passer  pour  un 
de  ces  apocrisiaires  ou  nonces,  que  les  papes 
envoyaient  dans  les  provinces  pour  la  réforme 
du  clergé,  dont  nous  avons  déjà  donné  tant 
d'exemples.  Comme  si  ce  pape  se  fût  défié  du 
peu  de  créance  qu'il  trouverait  en  F'rance,  il 
lui  avait  joint  l'évèque  d'Autun,  qu'il  savait 
bien  avoir  le  plus  de  faveur  à  la  cour,  pour 
presser  la  tenue  de  ce  concile  et  en  appuyer 
les  résolutions. 

«  Curam  vero  et  sollicitudinem  ejusdem  sy- 
"iiodi,  quam  fiendam  decrevimus,  fratri  nostro 
Syagrio,  quam  vestrum  proprium  novimus, 
specialiter  delegare  curavimus  ;  quem  peti- 
mus, ut  et  supplicantem  libenter  audire,  et 


ope  juvare  dignemini   (Epist.  cxm,  cxv).  » 
Il  écrivit  la  même  chose  aux  rois  Théodoric 
el  Théodebert,  aux  évêques  de  France  etàl'é- 
vcque  d'Autun  en  particulier. 

III.  Celte  délégation  de  Syagrius ,  évoque 
d'Autun,  et  de  L'abbé  Cyriaque,  demeura  sans 
«  Ile!.  Ce  saint  pape  ne  s'en  rebuta  pas.  et  il 
pria  la  reine  de  lui  demander  elle-même  un 
légat,  qui  vint  suppléer  a  la  négligence  des 
évêques  du  royaume,  avec  l'appui  de  l'autorité 
royale  :  o  Quoniam  eos,  quorum  est  locus  lur 
insequi,  nec  sollicitudo  ad  requisitionem  .  nec 
zelus  excitât  ad  vindictam,  scriptaad  nos  ve- 
stra discurrant,  ut  personam  si  praecipilis,  cum 
vestrae  autoritatis  assensu  transmittamus,  quœ 
una  cum  aliis  sacerdotibus,  Inec  et  suhliliter 
quaerere,  et  secundum  Deum  debeat  emen- 
dare  (L.  ix,  ep.  lxiv).  » 

La  reine  Brunehautlit  effectivement  deman- 
der par  les  seigneurs  français  un  légat  au  pape, 
pour  venir  mettre  la  main  à  la  reforme  avec 
les  évêques  de  France  :  «  Prafati  viri  magni- 
fia filii  nostri  dato  capitulari  inter  calera  pe- 
tierunt,  quod  sihi  et  vestra  prohihuere  jussione 
mandatum.  ut  talis  debeat  a  nobis  in  ( .allias 
persona  transmitti,  quae  facta  synodo  cuncla 
quœ  contra  sacratissimos  canones  perpetran- 
tur,  omnipotenti  Deo  autore,  possit  corri- 
g<  re.  In  qua  re  gloria?  vestra1  curam  cognovi- 
mus,  etc.  (L.  n,  epist.  vm;  Baronius,  an.  605, 
n.   16).  » 

IV.  Quoique  les  guerres  qui  s'allumèrent 
dans  toute  la  France  aient  empêché  l'effet 
qu'on  devait  attendre  d'un  projet  si  saint  et  si 
bien  concerté  ,  ce  que  nous  venons  de  dire  de 
la  conduite  de  saint  Grégoire  suffit  pour  per- 
suader que  ce  pape  n'eût  jamais  envoyé  des 
légats  en  France,  et  ne  leur  eût  jamais  donné 
aucun  pouvoir,  qu'il  ne  l'eût  auparavant  fait 
agréer  aux  rois,  de  la  volonté  desquels  dépend 
l'exécution  et  le  succès. 

Je  sais  que  le  cardinal  Baronius  semble  avoir 
jugé  que  cette  demande  que  les  Français  firent 
d'un  légat  n'était  qu'une  artificieuse  politique 
pour  gagner  ce  bon  pape  et  le  rendre  plus  ar- 
dent à  faire  la  paix  entre  les  empereurs  et  nos 
rois;  mais  qui  ne  sait  que  la  plus  parfaite  imi- 
tatrice de  la  charité  est  la  cupidité? 

V.  Ce  saint  et  sage  pontife  pouvait  encore 
considérer  que  l'archevêque  d'Arles,  ayant  été 
établi  légat  ou  vicaire  apostolique  dans  la 
France  par  ses  prédécesseurs,  et  maintenu  par 
lui-même  dans  celte  autorité ,  nos  rois  ayant 


m 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-HUITIÈME. 


eux-mêmes  demandé  et  confirmé  l'établisse- 
ment de  cette  légation  ordinaire  dans  leur 
royaume;  ni  la  bienséance  ni  la  justice  ne 
permettaient  pas  qu'on  envoyât  extraordinai- 
rement  un  nouveau  légat,  sans  l'agrément  des 
mêmes  rois,  et  sans  que  l'archevêque  d'Arles 
et  les  antres  évêques  le  demandassent. 

Saint  Grégoire  fit  bien  voir  que  c'étaient  ses 
propres  sentiments,  quand  il  répondit  aux  con- 
sultations d'Augustin,  légat  et  apôtre  d' Angle- 
terre, qu'il  ne  pouvait  exercer  aucune  juridic- 
tion sur  les  évêques  de  France,  parce  qu'elle 
avait  été  entièrement  commise  à  l'archevêque 
d'Arles. 

«  In  Galliarum  episcopos  nullam  tibi  auto- 
ritatem  tribuimus,  quiaab  antiquis  praedeces- 
soruin  inconnu  temporibus  pallium  Arelaten- 
sis  episcopus  accepit,  quem  nos  privare  auto- 
rilate  percepta  minime  debemus.  Si  igitur 
contingat  ut  fraternilas  tua  ad  Galliarum  pro- 
vincias  transeat,  cum  eodem  Arelatensi  epi- 
scopo  débet  agere,  qualiter  si  qua  sunt  in  epi- 
scopis  vitia  corrigantur  (L.  xu,  ep.  xxxi).  » 

VI.  L'archevêque  d'Arles  était  donc  comme 
le  nonce  et  le  légat  perpétuel  du  pape  en 
France;  et  s'il  ne  résidait  pas  continuellement 
dans  la  cour  de  nos  rois,  son  crédit  ne  laissait 
pas  d'y  être  fort  grand,  puisque  cette  dignité 
ne  lui  avait  été  accordée  par  les  papes  qu'à  la 
demande  des  rois,  connue  nous  l'avons  justifié 
ci-devant  parles  lettres  de  Vigile  et  de  Pelage. 

Il  y  a  plus,  c'est  que  la  surintendance  géné- 
rale sur  tous  les  évêques  de  France  ne  pouvait 
s'exercer  sans  une  assistance  particulière  des 
rois  et  sans  une  communication  fréquente  avec 
leurs  ministres.  Cette  légation  était  comme  at- 
tachée à  l'Eglise  d'Arles.  Au  contraire,  celle 
que  saint  Grégoire  donna  à  Maximien,  évoque 
de  Syracuse,  sur  toute  la  Sicile,  était  purement 
personnelle  :  «  Quas  vices  non  loco,  sed  per- 
sonae  tribuimus.  » 

VII.  Martin  l"  employa  les  prières  d'un  saint 
évêque  français,  nommé  Amand,  pour  con- 
jurer le  roi  Sigebert  de  lui  envoyer  quelques 
évêques  de  son  royaume,  afin  de  les  joindre  aux 
légats  qu'il  voulait  envoyer  à  Constantinople 
pour   la  défense   de  la  foi  contre  les  Monolhé- 

lites. 

«  El  Sigebertum  prœcellentissimum  tilium 
nostrum  regem  Francorum,  pro  suœ  christia- 
uilalis  remedio  consultissime  admone  atque 
precare,  dirigere  nobis ,  ex  corpore  fratrum 
nostrorum  dilectissimos  episcopos,  qui  Setlis 


Apostolicao  legatione  fungi  debeant,  et  qua;  in 
nostro  concilio  peracta  sunt,  cum  synodalibus 
apicibus  vestris,  ad  clementissimum  priucipem 
nostrum,  sine  dubio  asportare  (Concil.  Gall., 
tom.  i,  p.  488).  » 

Il  ne  s'agissait  pas  d'envoyer  des  légats  en 
France,  mais  d'envoyer  des  évêques  français 
légats  à  Constantinople,  chargés  de  la  légation 
apostolique,  avec  les  évêques  italiens  que  le 
pape  y  destinait.  En  cela  le  pape  n'use  que  de 
prières. 

VIII.  Nivard,  évêque  de  Reims,  célébra  un 
concile  à  Nantes,  par  ordre  du  pape,  dit  Flo- 
doard  :  «  Romain  jussione  Pontificis  (Concil. 
Gall.,  tom.  i,  p,  W*>,  1.  H,  c.  vu).»  Boniface  fut 
envoyé  par  les  papes  Grégoire  II  et  III,  légat 
en  Allemagne,  qui  était  alors  sous  l'empire  de 
nos  rois;  Grégoire  111  lui  commanda  de  tenir 
un  concile  sur  les  rives  du  Danube,  et  le  re- 
vêtit pour  cela  de  l'autorité  apostolique  :  «  De 
concilio  ut  juxta  ripam  Danubii  debeas  cele- 
brare  nostra  vice,  praecipimus  autoritate  apo- 
stolica  (Concil.  Gall.,  tom.  i.  p.  528).» 

Nous  avons  montré  ailleurs  que  nos  rois 
avaient  eux-mêmes  souhaité  cette  légation,  et 
Boniface  témoigna  comment  nos  souverains 
prévenaient  le  pape,  et  conjuraient  ses  légats 
de  venir  dans  leur  Etat  tenir  des  conciles  et 
remédier  aux  désordres.  Voici  ce  qu'il  écri\it 
au  pape  Zacharie  :  «  Notum  sit  paternitati  ve- 
straequodCarlomannusdux  Francorum,  me  ac- 
cersiluin  ad  se,  rogavit  in  parte  regni  Franco- 
rum ,  qiue  in  sua  est  potestate  ,  synodum  inci- 
pere  congregare,  etpromisit  se  de  ecclesiastica 
religione  aliquid  corrigere,  et  emendare  velle 
(Concil.  Gall.,  tom.  î,  p.  530).  » 

Ce  pape  accorda  cette  demande  du  prince 
Carloman  et  du  légat  Boniface  :  «Hoc  libenter 
concedimus,  et  fieri  praecipimus  (Pag.  533).  » 
Il  écrivit  dans  ce  même  sens  au  clergé  et  aux 
seigneurs  de  France  et  des  Gaules  :  «  Duni  sy- 
nodus  aggregata  esset  in  provinciavestra  juxta 
nostram  commonitionem,  mediantibus  princi- 
pibus  vestris  Pipino  et  Carlomanno,  peragente 
eliam   vicem   nostram  Ronifacio  (Pag.  552).  » 
On  lut  dans  ce  synode  romain  la  lettre  de  Ro- 
niface  au  pape  Zacharie,  où  il  rend  témoignage 
que  les  évêques  de  France  l'avaient  eux-mêmes 
prié  d'assister,  et  de  présider  à  leur  concile  : 
«  Notum  sit  paternitati  vestrae  quia  postquam 
indigno   mibi  mandastis  in  provincia  Franco- 
rum, sicutet  ipsi  rogaverunt  sacerdotes,  conci- 
liosyuodali,  et  conventui  prœesse ,  etc.  (P. 573.) s 


ItKS  LÉGATS  DEPUIS  CI.OVIS.  etc. 


î:>:t 


Saint  Boniface  demanda  au  pape  Zacha- 
rie  qu'il  envoyai  en  France  un  légal  pour 
faire  assembler  les conciles;  ce  pape  De  voulut 
point  en  envoyer  d'autre  pendant  la  vie  de 
Boniface,  qui  était  légat  ordinaire  :  «  Petisti, 
ut  sacerdotes  a  nobis  dirigantur,  in  partibus 
Francise  et  Galliae  ad  concilia  celebranda.  Sed 
dum  tua  sanctitas  superstes  existit,  quœ  Sedis 
Apostolicœ  et  nostram  illic  présentât  vicem, 
aliiim  illic  dirigere  necessarium  non  est.  Con- 
cilia vero  aggregatis  episcopis  provincialibus, 
ut  libi  et  ubi  rectum  videtur,  celebranda  pro- 
cura. » 

L'état  de  l'Eglise  de  France  était  alors  le 
plus  déplorable  qui  fût  jamais  :  les  papes  néan- 
moins n'y  envoyèrent  leurs  légats,  et  les  légats 
n'y  assemblèrent  de  conciles  ,  ne  résolurent 
et  n'exécutèrent  rien  qu'avec  l'agrément  des 
princes  et  le  consentement  des  évêques.  Tant 
on  était  persuadé  que  les  contestations  sur  les 
limites  de  la  juridiction  ecclésiastique  et  sécu- 
lière, pontificale  et  épiscopale,  étaient  et  inu- 
tiles et  interminables,  et  qu'on  ne  pouvait  es- 
pérer de  faire  réussir  les  desseins  de  réformer 
L'Eglise  autrement  que  par  une  parfaite  con- 
corde du  sacerdoce  et  de  l'empire,  et  par  une 
entière  correspondance  entre  le  siège  de  Pierre 
et  les  évèques  du  royaume.  Enfin,  lorsque  ce 
pape  refuse  d'envoyer  d'autres  légats  et  d'au- 
tres nonces,  durant  la  vie  de  Boniface,  il  mon- 
tre que  ses  prédécesseurs  pouvaient  avoir  eu  la 
même  considération  pour  l'archevêque  d'Arles, 
qui  était  aussi  légat  ordinaire  du  Saint-Siège 
dans  les  Gaules. 

IX.  Je  ne  m'arrêterai  pas  à  examiner  si  les 
papes  avaient  toujours  pressenti  la  volonté  des 
empereurs,  avant  que  de  leur  envoyer  leurs 
légats;  il  suffit  de  remarquer  que  les  empe- 
reurs les  ont  très-souvent  demandés,  et  que 
leur  légation  eût  toujours  été  fort  inutile,  si 
l'empire  se  fût  opposé  à  leurs  desseins. 

Saint  Léon,  écrivant  à  l'empereur  de  même 
nom.  et  lui  envoyant  les  légats  qu'il  avait  de- 
mandes, nous  fait  croire  que  ses  prédécesseurs 
ont  ordinairement  agi  dans  le  même  esprit  : 
«  Praceplioni  vestrae  in  eo  aduitar  obedire,  ut 
aliquos  de  fratribus  meis  dirigam,  qui  apud 
vos  prasentiaï   meae  instar  exbibeant  (Epist. 

LXXVIIl).  » 

X.  Le  même  pape  envoya  l'évèque  Poten- 
tius  en  Afrique,  pour  s'informer  sur  les  lieux, 
et  lui  faire  ensuite  son  rapport  de  tous  les  abus 
énormes  qui  s'étaient  introduits  dans  les  élec- 


tions  des  évêques,  et  dans  tous  les  autres  points 
de  la  discipline  de  l'Eglise. 

Voici  les  termes  de  la  lettre  de  ce  pape  aux 
évêques  de  Mauritanie  :  «  Katio  pietatis  exegiti 
ut  pro  sollicitudine  quam  universae  Ecclesiae 
ex  ilivina  institutioue  impendimus ,  rerum 
fidem  studi  remus  agnoscere.  Vicem  cura  no- 
stra  proficiscenti  a  nobis  fratri,et  consacerdoti 
Potenlio  injungentes,  qui  secundum  scripta 
quœ  per  ipsum  ad  vos  direximus,  dé  episcopis, 
quorum  culpabilis  fercbatur  electio,  quid  Ve- 
ritas haberet,  inquireret,  nobisque  omnia  fide- 
liter  indicaret.  Inde  quia  idem  plenissime  no- 
titiae  nostrae  cuncta  reseravit ,  etc.  (  Epistol. 

I.XXXMl).  » 

Après  le  retour  de  Potentius  à  Rome,  le  pape 
envoya  l'évèque  David  en  Afrique,  avec  une 
lettre  décrétale  qui  contenait  la  décision  et  la 
juste  modération  qu'il  fallait  garder,  à  punir 
avec  douceur  les  coupables  et  à  rétablir  l'ordre 
avec  sagesse.  Ces  évoques  furent  envoyés  par 
le  pape,  sans  avoir  été  demandés  par  les  pré- 
lats de  la  Mauritanie;  mais  aussi  ils  n'avaient 
d'autre  pouvoir  que  de  s'informer  de  l'état  de 
l'Eglise,  en  rendre  compte  au  pape,  et  rappor- 
ter aux  évèques  d'Afrique  les  rescrils  du  pape. 
Le  crédit  que  ce  pape  avait  auprès  des  empe- 
reurs ne  nous  permet  pas  de  douter  que  si 
ceite  partie  de  l'Afrique  était  encore  demeurée 
sous  leur  obéissance,  il  n'y  eût  été  aussi  se- 
condé de  l'autorité  impériale. 

XI.  Ees  évêques  d'Afrique  avaient  toujours 
été  fort  jaloux  des  libertés  de  leur  Eglise.  La 
lettre  du  concile  d'Afrique  au  pape  Célestin. 
après  que  l'infâme  Apiarius  eût  confessé  tous 
les  irimes  dont  on  l'avait  charge  entre  autres 
plaintes,  contenait  aussi  celle  qui  regardait  les 
légats  ou  les  nonces  du  pape.  L'évèque  Faustin 
y  avait  été  envoyé,  pour  y  porter  les  canons  de 
Nicée,  ou  plutôt  de  Sardique,  qui  permettaient 
les  appels  au  pape,  et  pour  y  assister  aux  con- 
ciles qui  se  tiendraient  pour  la  cause d'Apiarius, 
qui  avait  appelé.  Les  prélats  d'Afrique  s'en 
plaignirent,  comme  si  ces  légations  eussent  été 
contraires  aux  canons.  Voyez  le  numéro  11  du 
chapitre  précédent. 

On  sait  que  toutes  ces  plaintes  ne  prove- 
11  aient  que  de  ce  que  les  canons  du  concile  de 
Sardique  n'étaient  pas  connus  dans  l'Afrique. 
En  effet,  ce  concile  avait  déclaré  le  pouvoir  du 
pape  a  recevoir  les  appels,  et  a  envoyer  des 
légats  dans  les  provinces  pour  y  former  un 
second  jugement  avec  les  évèques  provinciaux. 


454 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-HUIT1ÈME. 


C'est  donc  mal  à  propos  que  les  novateurs 
ont  pris  de  fa  occasion  de  s'élever  contre  les 
souverains  pontifes,  comme  si  par  l'usurpa- 
tion d'une  puissance  immodérée ,  ils  eussent 
donne  lieu  aux  évoques  d'Afrique  de  se  soute- 
nir contre  le  Saiot-Siége.  Certainement  la  con- 
duite de  ces  évoques,  et  la  résistance  qu'ils  pa- 
raissent avoir  faite  au  pape  fut  moins  l'effet 
d'une  vraie  corruption  et  d'un  esprit  de  révolte, 
que  l'effet  d'une  profonde  ignorance  de  l'his- 
toire ecclésiastique,  des  conciles  et  des  canons. 
Ignorance  qu'on  peut  trouver  en  quelque  ma- 
nière excusable  dans  ceux  qui  sont  au  delà  des 
mers,  et  à  qui,  pour  raison  de  la  distance  des 
lieux  et  des  circonstances,  on  n'avait  pu  jus- 
qu'alors transmettre  les  monuments  de  ce  qui 
s'était  passé  dans  les  autres  pays. 

On  ne  peut  donc  pas  tirer  de  ces  plaintes  des 
évoques  d'Afrique  un  juste  fondement  de  don- 
ner atteinte  à  l'autorité  des  souverains  pontifes 
puisqu'il  est  probable  que  dans  la  suite  les 
évêques  d'Afrique  ont  appris  d'eux  ce  qu'ils 
ignoraient  alors,  et  qu'ils  leur  sont  redevables 
des  i  anons  du  concile  de  Sardique  qu'ils  ont 
adoptes  depuis  dans  leurs  collections. 

Nous  avons  rapporté  ci-dessus  ce  qui  se 
trouve  dans  les  lettres  de  saint  Grégoire,  de 
l'Eglise  d'Afrique,  et  de  ceux  que  ce  pape 
y  délégua  ,  pour  la  réformation  de  la  disci- 
pline. 

Ml.  Pour  ce  qui  est  de  l'Angleterre,  nous 
avons  ailleurs  exposé  ce  qui  concernait  la  léga- 
tion d'Augustin.  Bède  nous  apprend  «pie  le 
pape  Agathon  y  envoya  Jean,  archichantre  de 
l'église  de  Saint-Pierre,  et  abbé  du  monastère 
de  Saint-Martin  a  Rome,  pour  y  enseigner  le 
cbaiit,  et  l'ordre  des  offices  selon  l'usage  de 
Rome,  et  pour  s'y  informer  de  tout  l'état  de  la 
foi  et  de  la  discipline,  ce  qu'il  fit  dans  un  sy- 
node où  il  assista. 

»  Ipse  excepto  canlandi  vel  legendi  munere, 
etaliud  in  niandalis  ab  apostolico  papa  acce- 
perat,  ut  cujus  esset  lidei  Anglorum  Ecclesia 
diligenter  edisceret,  Romantique  rediens  refer- 
ret.  Quamobrem  collecta  pro  hoc  in  Britannia 
synodo,  inventa  est  in  omnibus  (ides  catliolica, 
datumque  illi  exemplura  ejus  Romain  perfe- 
rendum  (L.  iv,  c.  IN).  » 

Mil.  Quant  a  l'Orient,  outre  ce  qui  a  été  dit 
des  apocrisiaires,  qui  étaient  comme  des  légats 
ou  des  nonces  ordinaires  dans  le  palais  de 
Constantinople,  les  papes  y  ont  envoyé  des  lé- 
gats   extraordinaires    dans    les   besoins   pres- 


sants de  l'Eglise,  comme  on  peut  voir  dans  les 
Annales  de  Baronius. 

Ils  y  ont  aussi  quelquefois  commis  la  léga- 
tion du  Saint-Siège,  et  le  vicariat  apostolique  à 
des  évoques  et  des  archevêques  orientaux  avec 
des  pouvoirs  très-amples.  Telle  fut  la  légation 
dont  le  saint  pape  Martin  I"  chargea  première- 
ment Etienne,  évêque  de  Dorylée,  puis  Jean, 
archevêque  de  Philadelphie,  auquel  il  enjoignit 
de  consacrer  des  évêques,  des  prêtres  et  des 
diacres  dans  toutes  les  Eglises  que  la  barbare 
domination  des  Sarrasins  auraient  privées  de 
leurs  pasteurs,  ou  que  la  faction  pernicieuse 
des  monothélites  aurait  remplies  de  faux  pas- 
teurs. 

«  lt  constituas  per  omnem  civitatem,  earuni 
quae  sedi  tum  Hierosolymitanœ',  tum  Antio- 
chenae  subsunt,  episcopos,  presbyteros  et  dia- 
conos.  hoc  tibi  praecipientibus  nobis  ex  aposto- 
lica  autoiitate,  quae  data  est  nobis  a  Domino 
perPetrum  principem  Apostolorum  (Baronius, 
an.  649,  n.  (il)).  » 

XIV.  Si  j'ai  dit  que  les  apocrisiaires  du  pape  à 
Constantinople  étaient  comme  des  légats  ordi- 
naires, j'ai  suivi  au  moins  l'intention  de  l'em- 
pereur Constantin  Pogonat,  qui  pria  le  pape 
Léon  II  d'y  en  envoyer  un  qui  pût  repré- 
senter sa  personne  et  son  autorité  dans  tontes 
les  allaites  de  doctrine  ou  de  discipline.  «  Ut 
in  emergentibus ,  sive  dogmaticis,  sive  cano- 
nicis,  tic  prorsus  in  omnibus  ecclesiasticis  ne- 
gotiis,  vestrœ  sanctitatis  exprimat  ac  gerat  per- 
sonam  (Synodi  vu,  act.  18).  » 

XV.  Les  plus  importantes  de  toutes  ces  léga- 
tions étaient  celles  qui  se  donnaient  à  l'occasion 
des  conciles  œcuméniques  dans  l'Orient,  et 
entre  celles-ci,  il  semble  que  la  plus  mémora- 
ble ait  été  celle  qui  fut  envoyée  au  concile  VI 
général  pour  la  condamnation  des  monothé- 
lites. Comme  le  Siège  romain  s'était  déjà 
extrêmement  déclaré  contre  les  erreurs  et  les 
personnes  des  patriarches  d'Orient,  l'empereur 
Constantin  Pogonat  désira  que  l'on  députât  à  ce 
concile  général,  non-seulement  des  légats  de  la 
pari  du  pape,  mais  aussi  de  la  part  de  toutes 
les  autres  Eglises  de  d'Occident,  afin  (pie  leur 
unanime  consentement  eût  plus  de  poids  pour 
faire  rentrer  dans  le  chemin  de  la  vérité,  ceux 
qui  s'en  étaient  égarés. 

Le  pape  Agathon  ayant  assemblé  un  concile 
de  tout  l'Occident  à  Rome,  députa  lui-même 
deux  prêtres  et  un  diacre,  qu'il  chargea  de  si 
légation,  et  lit  députer  par  le  reste  du  concile 


DES  LÉGATS  DEPUIS  CLOVIS.  i  r< 


153 


trois  évêques  .  pour  assister  au  concile  au 
nom  de  tous  les  Occidentaux.  Les  légats  ilu 
pape  souscrivirent  les  premiers  au  concile . 
et  les  légats  du  concile  occidental  ne  sous- 
crivirent qu'après  les  patriarches ,  ou  leurs 
vicaires,  et  même  après  quelques  autres  mé- 
tropolitains. 

XVI.  Cette  préséance  incontestable  des  légats 
du  pape  au-dessus  des  autres  légats  de  tout 
l'Occident,  fait  voir  une  grande  différence 
entre  eux  et  les  apocrisiaires  du  pape.  Pelage, 
apoerisiaire  du  Saint-Siège,  ne  souscrivit  au 
concile  de Constantinople,  sous  .Menas,  qu'après 
tous  les  évêques.  Si  le  même  Pelage  présida  à 
l'assemblée,  ou  au  concile  de  Gaza,  où  Paul, 
patriarche  d'Alexandrie,  fut  déposé,  et  où  se 
trouvèrent  avec  lui  les  patriarches  d'Antioche 
et  de  Jérusalem,  et  l'évêque  d'Ephèse,  ce  fut 
par  une  commission  extraordinaire  qui  lui 
avait  été  donnée  pour  cela  par  le  pape  Vigile. 

Libérât  ne  fait  mention  que  de  la  commis- 
sion que  l'empereur  Justin ien  donna  à  Pél  ige, 
pour  aller  déposer  Paul  :  a  Misit  imperator 
Pelagium  et  apocrisiarium  Sedis  Romae,  etc.  » 
Mais  Procope  dit  nettement  dans  ses  anecdotes 
que  Pelage  était  revêtu  de  la  personne  de  Vi- 
gile. Aussi  quand  Justinien  voulut  rétablir 
Paul,  Vigile  s'y  opposa,  comme  ne  pouvant  ré- 
tracter  son  propre  jugement. 

XVII.  La  déposition  d'un  patriarche  eût  été 
d'une  trop  grande  conséquence  pour  être 
comprise  dans  la  commission  générale  îles 
apocrisiaires  ou  des  nonces.  11  fallait  une  com- 
mission toute  particulière,  ou  une  légation 
spéciale  pour  cela.  Saint  Grégoire  nousapprend 
que  les  apocrisiaires  du  Saint-Siège  à  Constanti- 
nople ne  pouvaient  prononcer  que  sur  les 
ail  lires  d'une  médiocre  conséquence,  et  quant 
a  celles  qui  étaient  fort  importantes,  ils  de- 
vaient les  remettre  au  jugement  du  pape, 
a  Per  eos,  qui  nostri  sunt,  vel  fuerint  in  urbe 
regia  responsales,  si  medioeris  est  quaestio,  eo- 
gnoscatur  ;  vel  hue  ad  Apostolicam  Sedem  ,  si 
ardua  est,  dedueatur,  quatenus  nostrae  audien- 
ce senteutia  decidatur  (L.  u.  ep.  vu).  » 

XVIII.  il  est  vrai  que  Constantin  Pogonat 
avait  demandé,  comme  nous  avons  remarqué 
ci-dessus,  que  le  pape  envoyât  un  apoerisiaire  à 
Constantinople  avec  des  pouvoirs  très-amples; 
mais  le  pape  Léon  II,  dans  sa  réponse,  insinua 
assez  à  l'empereur  qu'il  c'avait  donné  à  son 
apoerisiaire  que  des  pouvoirs  ordinaires,  qui 
consistaient  plutôt  à  proposer  ou  à  rapporter, 


qu'a  rien  décider.  Les  papes  craignaient  avec 
raison  qu<  la  présence  d'un  légal  à  Constanti- 
nople   n"\  autorisât  beaucoup  de  choses  peu 

avantageuses  au  Saint-Siège;  comme  en  effet, 
lorsque  le  concile///  Trullo  lit  cette  foule  de 
canons,  dont  il  j  en  a  quelques-uns  qui  sont 
diamétralement  opposes  à  la  discipline  de  l'Oc- 
cident, les  Grecs  se  vantèrent  d'y  avoir  fait 
consentir  les  légats  du  pape;  mais  ce  n'était 
que  ['apoerisiaire  du  pape  qui  y  avaitassisté,et 
Basile,  métropolitain  de  Gortyne  en  Candie,  qui 
était  légat  ordinaire  du  pape  en  Orient,  et  qui 
avait  déjà  assisté,  avec  cette  qualité ,  au  con- 
cile VI.  Or  celte  légation  ordinaire  ne  donnait 
pas  plus  de  pouvoir  que  la  nonciature  des  apo- 
crisiaires. 

XIX.  Il  résulte  de  tout  ce  qui  a  été  dit  :  1"  Que 
les  légats  qu'on  envoyait  en  Orient  n'avaient 
d'autre  juridiction  que  celle  qu'il  fallait  néces- 
sairement exercer  dans  le  concile,  et  avec  le 
concile,  ou  dans  l'affaire  particulière  pour  la- 
quelle ils  étaient  envoyés  ;  comme  il  a  paru 
dans  la  légation  de  l'archevêque  de  Philadel- 
phie par  le  pape  Martin. 

2°  Les  apocrisiaires  n'avaient  de  juridiction 
que  pour  les  affaires  peu  importantes. 

:i°  Les  légats  ordinaires ,  comme  celui  de 
Gortyne.  n'avaient  pas  plus  d'autorité  que  les 
apocrisiaires. 

i"  Les  légats  que  saint  Grégoire  désirait  en- 
voyer en  France  pour  remédier  aux  dérègle- 
ments du  clergé,  y  auraient  sans  doute  exercé 
une  fort  grande  autorité.  Mais  la  lettre  que 
nous  avons  rapportée  de  ce  pape,  nous  découvre 
que  ce  n'était  que  par  une  espèce  de  dévolu- 
tion que  le  pape  désirait  s'appliquer  lui-même 
à  corriger  nos  désordres,  parce  que  les  évê- 
ques français  négligeaient  de  le  faire,  et  qu'en 
ce  cas  même  il  ne  voulait  pas  l'entreprendre 
sans  l'agrément  de  nos  rois. 

•V  Quant  aux  pouvoirs  des  vicaires  apostoli- 
ques, qui  étaient  archevêques  des  plus  grandes 
villes  de  l'Occident,  nous  avons  assez  fait  con- 
naître  ailleurs  quels  étaient  leurs  pouvoirs,  et 
combien  ils  étaient  peu  préjudiciables  aux 
droits  des  évêques  et  des  métropolitains. 

Concluons  enfin  que  les  pouvoirs  des  légats 
ont  ete  fort  resserrés  dans  les  six  ou  sept  pre- 
miers siècles  en  comparaison  des  siècles  sui- 
vants. 

A  l'égard  du  pouvoir  des  légats  sous  Clnrle- 
niagne  et  ses  descendants,  nous  en  avons  tou- 
ché  en  [lassant  quelque  choseau  chapitre cxvi, 


456 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-NEUVIÈME. 


n.  9,  et  nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  en  dire 
davantage,  quoiqu'une  infinité  de  faits  mémo- 
rables et  de  canons  pussent  nous  donner  lieu 
de  nous  cfendre  beaucoup  sur  ce  sujet;  niais 
la  parfaite  intelligence  qu'il  y  avait  alors  entre 


le  Saint-Siège  et  l'empire  doit  suffire  pour 
persuader  que  toutes  cboses  se  passaient  dans 
ces  temps-là  de  concert  entre  le  souverain  pon- 
tife et  l'empereur. 


CHAPITRE  CENT-DIX-NEUVIEME. 


DES   LEGATS   APRES   LAIS   MIL. 


I.  Après  l'au  mil  les  légations  apostoliques  commencèrent  à 
être  beaucoup  plus  fréquentes,  par  la  nécessité  de  remédier  à 
la  simonie  et  à  l'incontinence  qui  s'était  débordée  sur  le  clergé. 
Preuves  historiques  de  cela. 

II.  Les  plus  saints  et  les  plus  savants  évêques  jugèrent  alors 
ces  légations  nécessaires;  mais  ils  voulaient  en  même  temps 
que  les  rois  s'opposassent  aux  entreprises  peu  canoniques  de 
quelques  légats. 

III  Les  procurations  dues  aux  légats,  et  de  l'abus  que  quel- 
ques-uns d'eui  en  taisaient. 

IV.  Les  rois  prennent  de  là  occasion  d'obtenir  le  privilège,  ou 
d'établir  la  coutume  que  le  pape  n'envoie  point  de  légats,  si  on 
ne  les  demande.  Preuvesde  cela,  surtout  eu  Angleterre. 

V.  Celle  coutume  passe  dans  les  autres  royaumes.  Des  rois 
qui  Ont  été  ledits  du  Saint-Siège  ou  vicaires  apostoliques.  De  la 
légation  de  Sicile. 

VI.  La  nu' loutume  s'établit  plus  tard  eu  France,  parce 

qu'elle  fut  plus  respectueuse  pour  le  Saint-Siège. 

VIL  Bile  B'établil  aussi  en  Espagne. 
VIII.  Limitations  des  pouvoirs  des  légats. 

IV  Des  li leurs  rendus  aux  légats. 

X.  Pouvoirs  anciens  des  légats. 

1.  Aptes  l'an  mil  cinquante,  les  légations 
commencèrent  à  cire  beaucoup  plus  fréquentes 
qu'elles  n'avaient  été. 

Les  papes  Léon  IX,  Alexandre  II  et  Gré- 
goire VII  ayant  trouvé  tout  le  clergé  de  l'Oc- 
cident comme  abîmé  dans  les  desordres  ef- 
froyables de  la  simonie  et  de  l'incontinence, 
tâchèrent  d'y  remédier  par  les  conciles  qu'ils 
firent  assembler,  ou  par  eux-mêmes,  ou  par 
les  légats  a  latere,  qu'ils  envoyèrent  dans  tous 
les  royaumes  de  la  chrétienté.  Il  fallut  faire  le 
procès  à  plusieurs,  ou  évèques  ou  métropoli- 
tains simoniaques  ;  il  fallut  déposer  quantité  de 
moindres  bénéficiera  incontinents  :  les  métro- 
politains n'eussent  pas  eu  tout  le  zèle,  ou  toute 
l'autorité  nécessaire  pour  cela.  Il  fut  donc  l>c- 
suiu  d'envoyer  des  légats. 

Léon  IX  commença   son  pontificat  par  la 


condamnation  des  simoniaques  dans  le  concile 
de  Rome,  en  1049,  où  Pierre  Damien  remar- 
que que  ce  pape  fut  contraint  de  n'exécuter  les 
peines  canoniques  contre  les  simoniaques 
qu'avec  quelque  adoucissement,  pour  ne  pas 
rendre  toutes  les  églises  désertes.  Pierre  Da- 
mien anima  ce  pape  contre  l'incontinence, 
qui  régnait  impunément  dans  le  clergé.  Ce 
pape  alla  ensuite  tenir  un  concile  àMayence  et 
à  Reims,  où  il  renouvela  la  sévérité  des  ca- 
nons contre  les  simoniaques  et  les  incontinents. 
Dans  celui  de  Reims,  on  fit  même  le  procès  à 
quelques  évèques,  et  à  des  abbés  convaincus 
de  simonie  ou  d'incontinence. 

Victor  11  ayant  succédé  à  Léon  IX,  en  1055, 
et  ne  pouvant  venir  en  France,  y  envoya  un 
légal  a  latere  ;  ce  fut  Hildebrand,  qui  lut  de- 
puis Grégoire  VII,  et  qui  alors  assembla  un 
concile  à  Tours,  où,  selon  quelques-uns,  qua- 
rante-cinq évéi|ues  se  confessèrent  simoniaques, 
et  déchus  de  leur  dignité;  selon  d'autres,  il  n'y 
en  eut  que  six  qui  furent  déposés. 

En  1059,  Nicolas  II  envoya  Pierre  Damien 
et  Anselme,  évêquede  Lucques,  qui  fut  depuis 
Alexandre  11,  pour  faire  la  fonction  de  légats  à 
Milan,  et  en  exterminer  l'incontinence  et  la  si- 
monie. Ils  le  firent  avec  une  sévérité  accom- 
pagnée de  beaucoup  de  douceur:  l'archevêque 
même  y  fut  mis  en  pénitence;  et  si  les  Mila- 
nais furenl  d'abord  surpris  de  voir  le  légat  as- 
sis au-dessus  de  leur  archevêque,  Pierre  Da- 
mien dissipa  bientôt  ces  ombrages  de  jalousie, 
en  leur  faisant  voir  les  préséances  incontesta- 
bles qu'on  avait  toujours  déférées  aux  envoyés 
«lu  pape  dans  les  anciens  conciles. 


DES  LÉGATS  APRÈS  L'AN  MIL. 


157 


Ces  deux  papes,  Alexandre  II  et  Grégoire  VII, 
après  avnir  exercé  la  fonction  de  légat,  et  en 
avant  reconnu  la  nécessité  par  leur  propre 
expérience,  pour  remédier  à  ces  deux  grands 
désordres,  envoyèrent  des  légations  encore 
plus  fréquentes  pendant  tout  le  temps  de  leur 
pontificat. 

Alexandre  II  envoyant  Pierre  Damien,  évoque 
d'Ostie,  légat  a  latere  en  France,  écrivit  à  cinq 
de  nos  métropolitains  qu'ayant  à  veiller  sur 
toute  l'Eglise  :  a  Totius  univtrsalis  Ecclesiae 
revendus  ac  disponendus  nobis  status  ineum- 
làt  Epist.  xxi  ,  »  et  ne  pouvant  être  présent 
partout ,  il  envoie  ses  légats  pour  tenir  sa 
place  et  travailler  à  la  réformation  des  Eglises. 

Grégoire  VII  marcha  sur  ces  mêmes  traces, 
et  s'il  donna  à  ses  légats  l'autorité  de  convo- 
quer les  conciles  de  leur  légation,  et  d'y  dépo- 
ser les  évèques  et  les  métropolitains  même,  ce 
n'était  qu'une  continuation  des  pouvoirs  des 
anciens  légats  et  un  point  absolument  néces- 
saire pour  arracher  les  prélats  simoniaques 
ou  impurs  du  trône  qu'ils  profanaient. 

II.  Les  plus  saints  évèques  ne  doutaient 
nullement  que  ces  légations  ne  fussent  alors 
entièrement  nécessaires  pour  la  réforrnation 
des  Eglises. 

Yves  de  Chartres  le  fait  bien  voir  quand  il 


du  aux  ministres  et  aux  vicaires  de  Dieu  sur 
li  terre.  «  Vos  babito  cum  episcopis  communi 
consilio,  injustis  oppressionibus  pro  persona 
vestra  resistite,  sicut  quae  l><  i  sunt,  Deo  red- 
dant;  et  quae  Caesaris  sunt.  Caesari  reddere  non 
omittant  (Baronius,  an.  1100,  n.  15).  » 

Yves  ne  s'éleva  pas  avec  moins  de  zèle  contre 
le  même  légat,  lorsqu'il  prétendit  que  l'arche- 
vêque élu  de  Sens  ne  pouvait  être  consacre  par 
les  évèques  de  sa  province,  avant  que  de  s'être 
présenté  à  lui  (Epist.  lxi).  Il  lui  lit  voir  que 
cette  prétention  était  également  contraire  à 
l'usage  présent  et  aux  décrets  de  Léon  I",  qui 
se  contenta  que  l'on  fit  savoir  le  nom  des  prélats 
élus  à  l'évêque  de  Thessalonique,  son  légat. 
Après  cela  il  avertit  ce  légat,  de  la  part  de  tous 
les  gens  de  bien  ,  d'exciter  les  ministres  du 
pape,  au  lieu  de  s'amuser  à  de  petits  inconvé- 
nients, de  s'appliquer  à  faire  cesser  tant  d'ef- 
fn  ivables  désordres  qui  demeurent  impunis. 

«  Vellem  cum  multis  mecum  pie  sentienti- 
bus,  ut  Piomanœ  Ecclesia?  ministri,  tanquam 
probati  medici ,  majorions  morbis  sanaudis 
intenderent,  etc.  Cum  per  tôt  uni  pêne  mundum 
ûagitia  et  facinora  videainus  publiée  perpetrari 
nec  ea  a  vobis  aliqua  justifia'  falce  resecari 
Epist.  lxv).  » 

Les  prélats  les  plus  saints  et  les  plus  éclairés 


écrit  à  Pascal  II  que,  la  discipline  sainte  de     désiraient  l'envoi  de  ces  légats  apostoliques 


l'Eglise  tombant  en  ruine  et  personne  ne  s'in- 
téressant  pour  réparer  ces  brèches,  il  est  né- 
cessaire qu'il  envoie  des  légats,  non  pas  des 
cardinaux,  qui  ne  font  que  passer  et  ne  peu- 
vent en  passant  guérir  les  profondes  plaies  de 


les  jugeaient  nécessaires  pour  la  correction  des 
plus  grands  abus  dont  les  évèques  ne  pouv  aient 
venir  à  bout,  et  reconnaissaient  leur  obligation 
et  en  même  temps  leur  autorité  légitime.  Tout 
cela  n'empêchait  pas  qu'ils  ne  fissent  et  qu'ils 


l'Eglise,  mais  des  originaires  du  royaume  qui     n'exhortassent  le  roi  de  faire  une  juste  et  vjgou 


travaillent  sérieusement  à  un  ouvrage  si  im- 
portant, et  qui  lui  rapportent  les  choses  où  ils 
n'auront  pu  par  eux-mêmes  apporter  remède. 

«  Quoniam  apud  nos  videmus  quotidie  Ec- 
clesiam  ruentem,  et  nullam,  aut  pêne  nullam 
manum  erigentem,  etc.  Scribere  decrevimus, 
ut  alicui  Transalpino  legationem  Sedis  Aposto- 
licae  injungatis,  qui  et  vicinius  subrepentia 
mala  cognoscat,  et  ea  vel  per  se,  vel  per  rela- 
tionem  ad  Sedem  Apostolicam  maturius  curare 
pncvaleat  (Epist.  lui).  » 

Le  pape  nomma  pour  son  légat  l'archevê- 
que de  Lvon,  lequel  ayant  convoqué  un  con- 


n  use  résistance  aux  entreprises  ambitieuses 
des  légats,  ou  contraires  aux  canons  de  l'Eglise 
et  aux  libertés  du  royaume.  L'avarice  et  les 
rapines  de  quelques  légats  donnèrent  matière 
a  de  bien  plus  hardies  plaintes  ,  et  même  à  de 
sanglantes  invectives. 

Yves  de  Chartres  ne  s'en  est  pas  tu,  et  encore 
moins  saint  Bernard  ,  qui  n'a  pas  balancé 
d'écrire  au  pape  Eugène,  que  le  désintéresse- 
ment du  dernier  cardinal  légat  du  Danemark 
avait  paru  comme  un  prodige  dans  son  siècle. 
«  Nonne  alterius  saeculi  res  est,  redisse legatuni 
de  terra  auri  sine  auro,  transisse  per  terram 


cile  dans  la  même  année  que  le  pape  en  avait  argenti,  etargentum  nescisse?  (Ivo,  epist.  lui 

déjà  assemblé  deux,  et  le  roi  ayant  consulté  Hernardus,  epist.  eexe  ;  De  Consid.,  1.  iyV  „ 

Yves  sur  cette  affaire;  ce  prélat  lui  écrivit,  que  Le  cardinal  de  l'avie   Epist.  ci.xn   déplore  et 

cela  elant  contraire  aux  canons,  le  roi  devait  déteste  l'emportement,  ou  plutôt  la  fureur  du 

s'y  opposer  sans  rien  perdre  du  respect  qui  est  légat  de  Pie  11  en  Angleterre,  qui  arma  tout 


4S8 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-NEUVIÈME. 


ce  grand  royaume  contre  son  roi  légitime 
Henri  ,  en  faveur  de  l'usurpateur  Edouard, 
n'ayant  pour  cela  ni  lettres  ni  commission  du 
pape,  a  Sine  litteris,  sine  autoritate  papae  (Epist. 
xdxvii,  xnxxv.  xriLxxvui,  XDLXxxf;.  »  Il  ne  s'esl 
1. 1-  tu  des  autres  passions  ou  intérêts  lâches  qui 
corrompaient  le  plus  souvent  le  fruit  de  ces 
légations. 

III.  L'avarice  des  légats  était  voilée  du  pré- 
texte apparent  de  tirer  leur  entretien  des 
églises  qui  étaient  comprises  dans  leur  léga- 
tion, à  l'imitation  des  procurations  qui  sont 
dues  aux  évêques  pour  leur  \isite. 

Autrefois  Grégoire  II  avait  écrit  au  clergé  et 
a  la  noblesse  île  France,  pour  les  convier  de 
contribuer  à  la  dépense  de  l'archevêque  lïoni- 
face,  légat  du  Saint-Siège  (Epist.  îv).  Gré- 
goire VII  ajouta  cette  clause  au  serment  des 
métropolitains  quand  ils  reçoivent  le  pallium. 
«  Legatum  Romanum  eundo  ,  et  redeundo 
honorilice  tractabo,  et  in  suis  necessitatibus 
adjuvabo.  »  C'est  ce  qu'on  lit  dans  le  concile 
romain  de  l'an  1079. 

Alexandre  III  régla  dans  le  concile  de  Latran 
en  H79  Can.  iv),  les  procurations  des  arche- 
vêques, des  cardinaux  et  des  évêques.  Celle-  des 
cardinaux,  c'est-à-dire  des  légats,  furentréglées 
a  la  moitié  environ  de  celles  des  archevêques 

et  presque  a  l'égal  île  celles  des  évêques. 

Innocent  III  confirma  ce  règlement  dans  le 
chapitre  Procurationes.  De  Censibus ,  où  il 
substitue,  au  lieu  des  cardinaux,  les  légats  ou 
les  nonce;,  et  condamne  à  restituer  au  double 
ceux  qui  auront  exigé  au  delà  de  la  quantité 
réglée.  Si  l'on  juge  que  cette  taxe  fut  un  peu 
excessive,  il  ne  faut  pas  s'en  prendre  aux  lé- 
gats, qu'il  était  difficile  de  taxer  plus  modeste- 
ment en  comparaison  des  évêques  et  des  ar- 
chevêques. 

IV.  Si  les  légats  s'en  fussent  tenus  à  la 
modestie  et  à  l'équité  que  le  Saint-Siège  leur 
prescrivait,  les  rois  ne  se  fussent  pas  si  sou- 
venl  opposés  a  leur  commission  et  n'eussent 
pas  fait  une  loi  comme  fondamentale  de  la 
liberté  de  leurs  Etats,  de  ne  point  souffrir  que 
les  légats  y  entrassent  sans  leur  permission. 

Grégoire  VII  écrivit  à  Hugues,  évêque  de 
Die,  son  légat,  d'assembler  un  concile  avec  le 
consentemenl  du  roi  de  France,  s'il  se  pou- 
vait :  «  Cum  consensu  et  consilio  régis  Fran- 
coium,  si  fieri  potest.  »  Que  si  le  roi  refusait 
sou  consentement,  il  le  convoquât  a  Langres, 
parce  qu'il  avait  parole  du  comte  Thibaut  de 


Champagne  :  «  Cornes  Tlieobaldus  per  legalos 
suos  eamdein  nobis  promissionem  fecit,  ut  si 
rex  legatos  noslros  recipere  nollet,  ipse  cum 
summa  devotione  reciperet  (L.  iv,  ep.  xxu).  » 

Alexandre  III  pria  le  roi  Louis  VII  d'agréer 
qu'il  nommât  saint  Thomas,  archevêque  de 
Cantorbéry,  son  légat  en  France,  si  les  moyens 
qu'on  prenait  pour  le  raccommoder  avec  le 
roi  d'Angleterre  ne  réussissaient  pas  :  «  Dum- 
modo  regiae  voluntati  sederet ,  et  beneplacilo 
tuo  (Epist.  xx).  »  Célestin  III  donna  la  légation 
à  l'archevêque  de  Cantorbéry  Hubert,  à  la  de- 
mande du  roi  et  de  ses  suffragants  :  «  Suppli- 
cante  Richardo  Ariglorum  regeetuniversissuf- 
fraganeis  Cantuariensis  ccclesia?  (Epist.  vu).» 

Il  se  pourrait  faire  que  ce  roi  n'eût  demandé 
celle  légation  pour  l'archevêque  de  Cantor- 
béry, que  pour  exclure  les  autres  légats. 

Guillaumede  Malmesbury  raconte  comment 
plusieurs  légats  étant  venus  en  Angleterre  et 
en  ayant  plus  moissonné  d'or  qu'ils  n'y  avaient 
semé  de  piété,  le  roi  envoya  des  ambassadeurs 
et  écrivit  avec  les  évêques  de  son  royaume  au 
pape  Pascal  11,  pour  le  prier  que,  selon  l'an- 
cien usage  depuis  saint  Grégoire,  il  n'y  eût 
plus  d'autre  légat  en  Angleterre  que  l'arche- 
vêque de  Cantorbéry  :  «  Nolebal  rex  in  An- 
gliam  praete'r  consuetudinem  antiquam  reci- 
pere legatum.  nisi  Cantuariensem  arelnepisco- 
pum    De  gestis  Pont.  Angl.,  1.  1,  an.  lit").  » 

Peu  de  temps  après  (An.  111'»  .  Calixte  II 
étant  monté  sur  le  troue  apostolique  et  s'étanl 
rendu  à  Cisors,  après  le  concile  de  Reims,  il 
y  accorda  au  roi  Henri  d'Angleterre  la  con- 
firmation des  anciennes  coutumes,  et  surtout 
celle  de  n'envoyer  point  de  légats  qu'à  sa  de- 
mande. 

«  Rex  a  papa  impetravit,  ut  omnes  consue- 
tudincs,  quas  Pater  suus  in  Anglia  et  in  Nor- 
mannia  habuerat,  sibi  coneederet,  et  maxime, 
ut  neminem  aliqUando  legati  officio  in  Anglia 
fungi  permitteret,  si  non  ipse,  aliqua  praecipua 
querela  exigente  ,  quae  ab  episcopis  regni  sui 
terminari  non  posset,  hoc  fieri  a  papa  postu- 
laret.  »  Voila  ce  qu'en  dit  Roger. 

Cet  auteur  raconte  ailleurs  (Pag.  476,  •">'> '!, 
661  .  700  etseq.,  7IS  et  seq.,  7.X>),  comment 
Alexandre  III  ayant  envoyé  un  légat  en  Angle- 
terre et  aux  royaumes  du  Nord,  en  l'an  H76, 
le  roi  lui  envoya  demander  comment  il  était 
entré  dans  ses  Etats  sans  son  congé.  «  Cujus 
autoritate  ausus  erit  intrare  in  regnum  suum 
sine  licentia  ipsius.  »  Le  légat  promit  de  ne 


DES  LÉGATS  APRÈS  L'AN  MIL. 


159 


rien  faire  contre  la  volonté  du  roi,  qui  le  laissa 

passer  eu  Ecosse.  «  .luravit  régi,  quod  niliil 
agerel  in  legatione  sua  contra  voluntatem  ip- 
sius.  » 

En  1 189,  le  pape  ayant  envoyé  un  légat  pour 
mettre  d'accord  l'archevêque  île  Cantorbéry 
avec  ses  moines,  le  roi  l'obligea  de  s'arrêter  à 
Douvres,  et  cependant  il  termina  lui-même  ce 
différend. 

Je  ne  dirai  rien  de  Guillaume,  évèque  d'Ely, 
chancelier  et  régent  d'Angleterre  ,  pendant 
l'absence  du  roi  Richard  .  qui  s'était  croisé 
pour  la  Terre-Sainte.  Quoiqu'il  lut  en  même 
temps  légat  du  Saint-Siège,  le  frère  du  roi, 
soutenu  des  évoques  et  des  barons,  ne  laissa 
pas  de  le  bannir  d'Angleterre,  après  une  hon- 
teuse prison  ;  le  pape  prit  sa  défense,  mais  les 
évêques  ne  le  reconnurent  plus,  ni  pour  lég  it 
ni  pour  chancelier. 

Le  pape  envoya  deux  autres  légats,  en  1  I9v2, 
pour  accommoder  l'évêque  d'Ely  avec  l'arche- 
vêque de  Rouen,  mais  ils  ne  purent  jamais  se 
faire  recevoir  eux-mêmes  dans  la  Normandie. 
Le  pape  continuant  à  se  déclarer  pour  un  lé- 
gal qu'il  u'avâil  nommé  qu'a  la  demande  du 
roi,  les  prélats  d'Angleterre  appelèrent  du  lé- 
gat au  pape,  pour  empêcher  qu'il  ne  continuât 
sa  légation. 

Cet  exemple  funeste  ne  laissera  pas  de  nous 
être  utile,  si  nous  y  apprenons  combien  il  est 
quelquefois  périlleux  de  confondre  le  gouver- 
nement civil  avec  l'ecclésiastique,  de  vouloir 
autoriser  un  régent  du  royaume  par  la  qualité 
de  légat  apostolique,  et  de  s'opiniâtrer  à  impo- 
ser un  supérieur,  quoique  revêtu  de  l'autorité 
apostolique,  contre  le  gré  de  tous  les  évêques 
d'un  Etat.  Guillaume  de  Newbridge  exprime 
excellemment  l'incompatibilité  de  ces  deux  of- 
Qces,  ou,  pour  parler  plus  doucement,  leur 
odieuse  société. 

c<  Si  quid  forte  ex  saeculari  potentia  minus 
poleral,  apostolicœ  idipsum  potestatis  censura 
supplebat,  etc.  Ipsum  in  Anglia  et  plusquam 
regem  experti  sunt  laici,  et  plusquam  sum- 
mum pontificem  clerici  ;  utrique  vero  tyran- 
num  intolerabilem.  Quippe  duplicis  occasione 
potestatis,  duplicem  indutus  tyrannum,  etc. 
Procedebat  cum  mille  equis,  et  plerumque 
etiam  numerosius.  Legationis  sua'  nomine  bo- 
spilia  a  cunctis  per  Angliam  exegit  monaste- 
riis,  etc.  (L.  iv,  c.  1  i,  10).  » 

L'éloge  que  Pierre  de  Rlois  a  donné  à  ce  lé- 
gal aura  de  la  peine  de  l'emporter  sur  tant  de 


témoins  de  sa  mauvaise  conduite.  La  noblesse 
d'Angleterre  souffrit  avec  une  douleur  extrême 
que  le  roi  Henri  III  eûl  demandé  un  légat,  en 
1237,  etqu'il  lui  rendît  des  déférences  sj  basses 
cl  si  indignes  de  la  majesté  royale,  qu'on  l'eût 
pris  pour  un  simple  vassal  du  pape,  et  non 
pour  un  roi.  C'est  comme  en  parle  Matthieu 
Paris,  qui  n'oublie  pas  la  dépense  prodigieuse 
du  légat. 

«  Rex  se  voluntati  Lomanorum,  praecipue 
legati,  quem  inconsultius  advocaverat,  man- 
cipavit  adeo ,  ut  videretur  quasi  vestigia  sua 
adorare  :  affirmans  se  tam  in  publico,  quam 
secreto,  sine  domini  sui  papœ,  vèl  legati  con- 
sensu,  nil  posse  de  regno  disponere,  transmu- 
tare,  Vel  alienare  :  ut  non  rex,  sed  feudatarius 
papa'  diceretur.  His  rex  omnium  nobilium  suo- 
rum  corda  cruentavit.  » 

I.e  concile  de  Londres,  en  1239,  fit  retentir 
ses  plaintes  sur  les  procurations  exorbitantes  du 
légat,  et  jugea  que  c'était  plutôt  le  roi  qui 
l'avait  demandé  qui  devait  aussi  le  défrayer. 
On  peut  voir,  dans  Matthieu  Paris,  la  lettre  des 
Anglais  a  Innocent  IV,  qui  fut  lue  dans  le  con- 
cile de  Lyon,  en  1245,  où  ils  se  plaignaient  de 
ce  que  les  Italiens  remportaient  plus  eux  seids 
des  plus  clairs  revenus  d'Angleterre  que  le  roi 
même,  et  de  ce  que  !e  légat  Martin,  sans  prendre 
les  habits  de  légat,  en  avait  fait  toutes  les  exac- 
tions, avait  conféré  les  bénéfices  vacants,  et 
s'élait  réservé  a  lui  ou  au  pape  ceux  qui  ne 
vaquaient  pas  encore;  ce  qui  était  contraire  au 
privilège  du  roi  d'Angleterre,  par  lequel  les 
papes  se  sont  obligés  de  n'envoyer  jamais  de 
lirais  qu'il  ne  le  demande.  «  Quo  privilegio  a 
Sede  Apostolica  specialiter  indulgetur,  ut  ne 
quis,  etc.  » 

Matthieu  de  Westminster  dit  qu'en  1  ti 47  le 
pape  envoya  un  cordelier  en  Angleterre,  qui 
fit  les  mêmes  exactions  qu'un  légat,  et  que 
celait  pour  éluder artiheieusement le  privilège 
du  roi  de  ne  point  admettre  de  légats  s'il  ne 
les  a  demandés.  «  Quia  dominus  rex  privile- 
giiim  dignoscitur  habere,  utnonveniatlegatus 
in  Angliam  nisi  vocatus,  missi  sunt  jam  taies 
legati,  sophistice  transformât]  (YVL'st-  Monast., 
pari,  il,  p.  220,  237,  242).  » 

En  1265,  le  cardinal  légat  trouva  toutes  les 
entrées  de  l'Angleterre  fermées  pour  lui.  11 
cita  à  Boulogne  les  comtes  et  les  évêques  d'An- 
gleterre, et  fulmina  contre  eux  par  contumace; 
mais  ils  n'eurent  pas  plus  de  déférence  pour 
ses  censures  que  pour  ses  commandements,  et 


160 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-NELVIÈME. 


crurent  en  être  déchargés  par  un  appel  au  pape 
et  au  concile  général.  Ce  légat  étant  depuis  fait 
pape,  sous  le  nom  de  Clément  IV,  envoya  le 
cardinal  Otlobon,  dont  la  légation  fut  si  avan- 
tageuse et  à  l'Eglise  d'Angleterre  et  au  roi,  dont 
il  excommunia  les  ennemis. 

En  1127,  Henri,  évêque  de  Winchester,  et 
cardinal,  ayant  été  envoyé  légat  en  Angleterre 
par  Martin  V,  le  duc  de  Cloeester,  régent  du 
royaume  pendant  la  minorité  du  roi,  lui  fît 
signifier  par  le  procureur  général  du  roi  qu'on 
appelait  de  lui  au  concile  général,  parce  qu'il 
ne  pouvait  exercer  sa  légation  sans  la  permis- 
sion du  roi.  Le  légat  répondit  que  ce  n'était 
pas  aussi  son  intention  de  le  faire,  ni  de  blesser 
le  moins  du  monde  les  coutumes  ou  les  liber- 
tés anglicanes.  «  Non  esse  sui  animi  legatio- 
nem  sine  permissu  regio  exercere,  neejuribus, 
privilegiis ,  libertatihus  aut  consuetudinibus 
régis  aut  regni  in  aliquo  derogare,  sed  ea  con- 
servais ac  defendere  (Sponde.,  anno  1 427  , 
n.  2).  » 

Si  la  conduite  de  quelques  légats  eût  été 
moins  ambitieuse  ou  moins  violente,  ou  inoins 
intéressée,  les  rois  d'Angleterre  n'auraient  peut- 
être  jamais  été  si  jaloux  de  se  conserver  dans 
ce  privilège,  de  ne  point  recevoir  des  légats 
s'ils  ne  les  avaient  demandes.  »  Adeo  autoritas 
liomana  apud  Anglos  avaritia  et  cupiditate 
legatorum  viluerat,  »  dit  Hugues  de  Flavigny 
(Bibl.  MMSS.  Labbei,  lom.  i,  p.  -241). 

V.  Le  même  privilège  passa  bientôt  d'Angle- 
terre en  Ecosse,  au  moins  en  partie.  Clé- 
ment III,  en  UNS,  accorda  entre  autres  privi- 
lèges à  Guillaume,  roi  d'Ecosse,  qu'aucun  ne 
pourrait  exercer  la  légation  en  Ecosse  ,  s'il 
n'était  écossais  ou  cardinal.  «  Nulli  de  cœtero, 
qui  de  regno  Scotiœ  non  fuerit.  nisi  quem 
Apostolica  Sedcs  propter  hoc  de  corpore  suo 
specialiter  destinaverit,  licitum  sit  in  eo  lega- 
tionis  officium  exercere  (Baron.,  an.  1I8S, 
n.  21).  » 

Célestin  III  confirma  le  même  |  rivilége 
en  1192,  comme  aussi  Honoré  III,  en  1218 
(Idem,  n.  2;  Rainald.,  n.  62).  En  1237,  le  roi 
d'Ecosse  ne  voulut  en  aucune  façon  laisser 
entrer  le  légat  dans  son  royaume,  prétendant 
qu'il  n'y  en  avait  aucune  nécessité.  «  Nec  opus 
est,  omnia  bene  se  babent.  »  En  12.'!'.»,  le  roi 
laissa  faire  quelque  acte  de  légation,  mais  ce 
fut.  après  a\oir  exigé  du  légal  un  écrit,  afin  que 
cela  ne  pût  être  tiré  à  conséquence.  Il  est  vrai 
que  le  légat  se  relira  secrètement  ensuite,  sans 


prendre  congé  du  roi,  et  emporta  avec  lui  cet 
écrit  (Matthœus  Paris). 

Le  cardinal  Baronius  reconnaît  que  les  papes 
avaient  donné  le  même  privilège  aux  rois  de 
Sicile  ,  de  n'envoyer  des  légats  qu'à  leur 
demande.  Mais  depuis  les  rois  de  Sicile  pré- 
tendirent eux-mêmes  être  légats  nés  et  per- 
pétuels du  pape  dans  la  Sicile  par  un  privi- 
lège étonnant ,  et  néanmoins  dont  on  avait 
vu  quelques  exemples.  Le  cardinal  Baronius 
tâche  de  détruire  cette  légation  perpétuelle  des 
rois  de  Sicile,  par  toutes  les  transactions  qui 
ont  été  faites  entre  les  papes  et  ces  rois,  où  les 
papes  s'engagent  seulement  de  ne  point  envoyer 
de  légat,  sans  l'agrément  des  rois,  ce  qui  serait 
inutile,  si  les  rois  mêmes  eussent  été  légats 
nés  (Baron.,  an.  1097,  n.  23;  1144,  n.  7,  et 
413G,  n.  5). 

Il  est  vrai  que  saint  E'ienne,  roi  de  Hongrie, 
fut  fait  légat  apostolique,  et  en  exerça  toute 
l'autorité  :  «  Ecclesias  Dei  una  cum  populis 
nostra  vice  ei  ordinandas  relinquimus.  »  C'est 
ce  que  fait  dire  au  pape  l'évêque  Chartuitius, 
dans  la  vie  de  ce  saint  roi  (Surins,  die  20  Au- 
gust.,  n.  8). 

Le  roi  Bêla  de  Hongrie,  tâcha  d'obtenir  le 
même  privilège  de  Grégoire  IX,  en  1238,  avant 
que  de  s'engager  à  la  guerre  contre  les  Bul- 
gares, afin  de  pouvoir,  en  qualité  de  légat,  limi- 
ter les  diocèses,  établir  de  nouvelles  paroisses, 
créer  des  évêchés  dans  l'étendue  de  ses  con- 
quêtes, à  l'exemple  de  son  illustre  et  saint  pré- 
décesseur, le  roi  Etienne  (Rainald.,  an.  1232, 
n.  23). 

Mais  ce  pape  ne  pouvant  se  résoudre  de 
consentir  à  une  continuation  qui  eût  pu  rendre 
enfin  cette  légation  perpétuelle,  lui  accorda 
seulement  de  donner  la  légation  à  celui  que  le 
roi  lui  proposerait  d'entre  ses  sujets  (Rainald., 
an.  1238,  n.  14,  17). 

Martin  V,  en  1 4)8,  créa  le  roi  de  Pologne, 
Ladislas,  et  Vitold,  grand-duc  de  Litliuanie,  ses 
vicaires  apostoliques  dans  la  Russie  et  autres 
pays  voisins  où  ils  devaient  aller  établir  l'em- 
pire de  l'Eglise  et  de  la  vérité. 

Henri  11,  roi  d'Angleterre,  avait  autrefois 
demandé  et  obtenu  du  pape  le  titre  et  les  pou- 
voirs de  légat  apostolique,  espérant  de  s'en 
servir  pour  opprimer  l'innocence  du  saint 
archevêque  de  Cantorbéry,  Thomas  (Idem, 
an.  1118,  n.  19,  20).  Voyant  que  les  lettres  de 
sa  légation  étaient  fort  limitées,  et  qu'elles  ne 
lui  donnaient  nul  pouvoir  sur  l'archevêque,  il 


DES  LÉGATS  APRÈS  L'AN  Mil. 


il  il 


aima  mieux  les  renvoyer  au  pape  [Script.  Ant. 
Angl.,  p.  lass  . 

.Nulle  de  ces  légations  ne  fut  perpétuelle 
comme  celle  de  Sieile,  ce  qui  D'empêché  pas 
que  les  rois  île  Sicile  ne  l'aient  défendue  contre 
les  diverses  attaques  que  les  papes  lui  ont  don- 
nées (Sponde.,  anno  1571,  n.  S  . 

VI.  On  ne  s'étonnera  pas.  après  cela,  que  la 
France'  soit  en  possession  du  même  avantage 
que  les  papes  n'y  envoyent  point  de  légats, 
qu'a  la  demande  ou  de  l'agrément  du  roi.  Au 
contraire,  il  y  a  un  juste  sujet  d'étonnement 
que  Philippe  le  Bel  même  prétendit  seulement 
pouvoir  refuser  les  légats  qui  étaient  légitime- 
ment suspects,  ou  à  son  auguste  personne,  ou 
à  son  royaume  Pilhou,  des  Lib.  Gall.,  c.  xi, 
xu,  XLVj  i.vii,  mu,  nx).  Voici  ce  qu'il  répondit 
aux  plaintes  de  lîoniface  sur  ce  sujet.  «  Ke- 
spondit  rex,  quod  non  impedivit,  née  impedire 
intendit  legatos,  vel  alias  quaseumque  perso- 
nas,  (juo  minus  libère  ingredi  valeant,  reguum 
siiuin,  nisi  sibi  et  regno  sint  légitima  rafione 
suspecti,  vel  alias  liabeat  justam  causain  Preu- 
ves des  libertés  de  l'Eglise  Gall.,  p.  918,  etc.  .  o 

Cela  fait  voir  que  la  France  était  demeurée 
dans  une  plus  grande  déférence  pour  le  Saint- 
Siège,  et  qu'on  ne  s'opposait  pas  encore  direc- 
tement, comme  tant  d'autres  royaumes,  à  cette 
proposition  de  Boniface  VIII.  «  Quod  Roman  us 
I'ontifex  legatos  de  latere,  et  non  de  latere  et 
nuntios  libère  mittere  potestad  quaevis  imperia 
et  régna,  absque  petitione  cujuslibet  vel  con- 
sensu,  usu  vel  consuetudine  contrariis  nequa- 
t|uam  obstantibus  (R_ainald.,  an.  1303,  n.  34.  » 

Comme  les  premières  preuves  qui  ont  été 
produites  de  cet  article  de  nos  libertés  galli- 
canes, ne  commencent  qu'en  1456,  il  est  fort 
probable  que  ce  ne  furent  que  les  longues  con- 
testations des  papes  et  des  antipapes,  pendant 
le  déplorable  schisme  d'Avignon,  qui  obligèrent 
les  rois  et  les  parlements  de  France  de  ne 
plus  recevoir  de  légats  qui  n'eussent  la  per- 
mission du  prince,  et  qui  ne  laissassent  limiter 
leurs  pouvoirs  conformément  aux  usages  et 
aux  libertés  du  royaume.  On  en  peut  voir  les 
exemples  dans  la  compilation  qui  a  été  faite 
des  libert.  s  gallicanes  (Preuves  des  Lib.  Gall., 
c.  xxiv,  p.  1"  1-2,  1021),  etc.). 

Nous  avons  ci-dessus  montré  que  les  papes 
Grégoire  Vil  et  Alexandre  III  demandèrent  le 
consentement  de  nos  rois  avant  que  d'envoyer 
leurs  légats;  il  en  faut  conclure  que  c'était  la 
bonne  intelligence  et  une  déférence  réciproque 


qui  réglai!  alors  la  conduite  des  papes  et  de 
nos  rois  entre  eux,  et  qui  sera  toujours  la  règle 
la  plus  souhaitable  et  la  plus  avantageuse  de 
part  et  d'autre  entre  le  sacerdoce  et   remplie. 

C'est  apparemment  connue  il  faut  entendre 
la  lettre  île  Calixte  II  au  roi  Louis,  où  il  lui 
envoya  un  légat,  a  secundum  antiquam  Aposto- 
lica'  Sedis  consueludinem ,  pro  corrigendo, 
quae  corrigenda  fuerint,  etc.  Epist.  xviu).  »  Et 
l'Extravagante  de  Jean  XXII,  où  il  condamne 
la  prétention  des  princes  qui  ne  veulent  point 
recevoir  les  légats,  s'ils  n'ont  été  envoyés  à 
leur  prière,  ou  avec  leur  permission. 

On  n'entre  pas  dans  les  discussions  spécula- 
tives du  droit,  mais  on  s'oppose  respectueuse- 
nieiit  a  l'usage  qui  ne  pourrait  s'en  faire 
qu'avec  des  brouilieries  également  funestes  à 
l'Eglise  et  a  l'Etat. 

Nous  avons  fait  voir  ci-dessus  que  sous  les 
deux  premières  races  de  nos  rois,  l'usage  avait 
été  le  même  que  les  papes  n'envoyaient  point 
de  légats  qu'a  la  demande  ou  de  l'agrément 
des  rois,  ne  jugeant  pas  que  sans  cette  corres- 
pondance mutuelle,  les  légations  pussent  être 
utiles.  Celte  même  raison  semble  avoir  aussi 
lieu  pour  les  pouvoirs  des  légats. 

VIL  L'Espagne  n'a  pas  été  moins  curieuse 
de  se  munir  contre  les  trop  fréquentes  léga- 
tions et  contre  les  facultés  trop  étendues  des 
légats. 

Roger  (Pag*  640)  raconte  comme  Alphonse  , 
roi  de  Portugal,  en  1187,  voyant  que  le  cardi- 
nal légat,  après  avoir  dégradé  plusieurs  abbés, 
allait  entreprendre  la  déposition  de  l'évêque 
de  Coïmbre.  il  s'y  opposa,  et  par  ses  menaces 
força  le  légat  de  se  retirer.  «  Mandavit  ut  a 
terra  sua  decederet,  vel  pedem  suum  ampu- 
taret.  » 

Covarruvias  met  en  avant  l'exemple  de  la 
France  et  même  de  la  Flandre,  depuis  que 
l'empereur  Charles  V  l'eut  acquise,  pour  auto- 
riser  la  coutume  d'Espagne  d'examiner  les 
facultés  des  légats  et  des  nonces,  afin  que  le 
magistrat  royal  les  avertisse  des  règles  qu'il 
faut  observer  pour  ne  pas  troubler  la  paix  de 
l'Etat,  et  des  surprises  qu'il  faut  éviter  et  qu'ils 
ne  pourraient  autrement  éviter,  étant,  comme 
ils  sont  ordinairement,  étrangers  et  peu  ins- 
truits dans  les  coutumes  d'Espagne. 

«  Sicut  apud  Hispanos  poteslas  legaforum 
seu  nuntiorum  Apostolicae  Sedis  examinatur, 
ut  admoneri  possint  a  summo  régis  pradorio 
quibus  uti  conveniat  dispensaliouibus  et  coin- 


4G2 


DU  SECOND  ORDRE  DES  CLERCS.  —  CHAPITRE  CENT-DIX-NEUYIÈ.ME. 


missionibus,  ne  quid  fiât  in  reipubl.  dispen- 
dium;  cum  plerumque  nuntii  apostolici  exteri 
sint,  nec  satis  noverint,  quœ  si nt  omnino  prae- 
cavenda,  ne  falsis  precibus  et  suggestionibus 
decipiantur.  Ita  et  idem  fieri  solet  apudGallos, 
teste  Carolo  Molinseo,  in  Regul.  Cancell.  de  in- 
firmis  resign.,  n.  139  (De  jure  palronatus, 
c.  xxxv,  11.  3).  » 

Du  Moulin  dit  au  même  endroit  qu'il  a  vu 
l'édit  de  Charles  V,  où  il  se  donne  la  même 
liberté  dans  la  France.  Enfin,  Covarruvias 
allègue  le  sentiment  du  savant  et  pieux  Drié- 
don,  théologien  flamand,  qui  approuve  cette 
pratique  comme  nécessaire,  pour  prévenir 
plusieurs  abus,  et  pour  empêcher  que  les 
étrangers  ne  s'emparent  des  bénéfices  d'un 
Etat,  ce  qui  attirerait  une  infinité  de  procès  et 
la  désolation  des  bénéfices.  «  Propter  abusus 
tollendos,  ne  praeficiantur  extranei,  aut  inido- 
nei,  etc.  (L.  i,  de  libert.  Christ.,  p.  283).  » 

VIII.  Cet  usage  île  limiter  toujours  les  pou- 
voirs des  légats  apostoliques  n'a  commencé  en 
France  qu'au  temps  de  Louis  XL  Au  moins, 
les  compilateurs  des  preuves  des  libertés  galli- 
canes n'en  ont  point  rapporté  d'exemple  plus 
ancien,  c'est-à-dire  après  la  fin  du  schisme 
d'Avignon,  pendant  lequel  on  était  comme 
obligé  de  se  préeautionner  contre  les  légats  et 
les  lettres  de  tant  de  compétiteurs  de  la  papauté 
(Cap.  xxm;  Fevret,  de  l'Abus,  1.  m,  c.  2). 

Alphonse,  roi  d'Aragon,  faisait  difficulté  de 
recevoir  le  légat  de  Martin  V,  en  1 .127,  parce 
que  le  schisme  n'était  pas  encore  tout  à  fait 
éteint,  et  il  y  avait  encore  un  antipape  en  Ara- 
gon Sponde.,  n.  7,  et  an.  1 129,  n.  I,  2). 

Si  nous  remontons  plus  haut,  nous  trouve- 
rons que  nos  rois  se  contentaient  de  remédier 
aux  entreprises  trop  hardies,  quand  elles  arri- 
vaient, comme  il  a  paru  par  le  conseil  que 
Yves  de  Chartres  donna  au  roi  contre  le 
légat. 

Dans  le  concile  tenu  à  Paris  en  1263,  l'arche- 
vêque de  Tyr,  légat  du  pape,  avait  des  lettres 
pour  exiger  le  centième  de  tous  les  revenus 
ecclésiastiques  pour  secourir  la  terre  sainte;  il 
fut  obligé  de  remettre  ses  lettres  entre  les 
mains  du  roi,  et  de  n'en  point  user,  si  ce  n'est 
contre  ceux  qui  ne  voudraient  pas  obéir  à  l'or- 
donnance de  ce  concile.  Les  évêquesdece  con- 
cile firent  eux-mêmes  une  autre  taxe,  protestant 
que  c'était  sans  avoir  égard  aux  lettres  du 
légat.  «  Lx  ipsorum  praelatorura  mera  gralia, 
non  ex  \i  litterrc  a  domino  papa  impetratœ.  » 


Saint  Louis  était  alors  roi  de  France,  et  tout 
pieux  qu'il  était,  il  n'en  était  pas  moins  jaloux 
de  maintenir  les  droits  de  la  royauté  et  d'em- 
pêcher que  le  pape  ne  se  mêlât  du  temporel  de 
son  royaume. 

A  Costa  a  remarqué,  après  Panormitain,  que 
le  titre  des  décrétales  De  Officia  Legati,  ne  dit 
rien  de  précis  sur  les  pouvoirs  des  légats,  et 
que  les  papes  leur  déterminent  tous  leurs  pou- 
voirs dans  leurs  bulles  de  légation,  selon  que 
les  empereurs  en  usaient  autrefois  envers  les 
gouverneurs  des  provinces,  comme  il  paraît 
par  la  novelle  17  de  .luslinien. 

L\.  Il  faut  dire  un  mot  des  honneurs  rendus 
aux  légats.  Quelques-uns  murmurèrent,  en 
Angleterre,  de  ce  que  les  deux  légats  avaient 
paru  avec  leurs  mitres  et  leurs  croix  dans 
l'église  de  Cantorbéry,  devant  l'archevêqoe, 
mais  le  roi  Henri  II  et  les  grands  du  royaume 
l'avaient  ainsi  réglé  en  l'an  1186  (Script.  Ant. 
Angl.,  p.  i486).  Roger  raconte  comme  dix  ans 
avant  il  s'était  élevé  une  étrange  contestation 
entre  les  archevêques  de  Cantorbéry  et  d'York, 
à  qui  occuperait  la  droite  du  légat. 

En  12.17  ,  Matthieu  Paris  dit  que  le  roi 
Henri  III  alla  recevoir  le  légat  sur  le  bord  de  la 
mer,  et,  après  lui  avoir  fait  une  très-profonde 
révérence,  il  l'accompagna  jusqu'au  milieu  de 
son  royaume.  «  Rex  ei  usque  ad  confinia  maris 
occurrit,  et  inclinato  ad  genua  ejus  capite,  us- 
que ad  interiora  regni  deduxit  officiose.  » 

En  Espagne,  le  roi  Alphonse  d'Aragon,  l'an 
1 427.  alla  au-devant  du  légat  avec  l'archevêque 
de  Lisbonne,  le  reçut  tète  nue,  lui  fit  la  révé- 
rence, le  baisa,  lui  donna  la  droite,  quoiqu'a- 
près  plusieurs  refus  de  la  part  du  légat,  le  fit 
couvrir,  lui  demeurant  découvert  (Rainald., 
n.  21).  Le  roi  de  Castille,  en  1429,  donna  aussi 
toujours  la  droite  au  légat,  se  tenant  la  tète 
découverte,  et  ne  voulut  jamais  prendre  le  des- 
sus (Ibid.,  n.  M). 

En  1494,  le  roi  Alphonse  de  Naples  alla  au 
devant  du  légat,  voulut  lui  baiser  la  main;  le 
légat  ne  l'ayant  point  voulu  souffrir,  il  le  baisa 
à  la  bouche;  le  légat  eut  toujours  la  droite, 
baisa  seul  la  croix  à  l'entrée  de  l'église,  fut 
encensé  seul,  quoiqu'il  eût  fait  civilité  au  roi 
Idem,  n.  5). 

Conestagio  assure  que  Philippe  II,  roi  d'Es- 
pagne, suivant  la  coutume  de  ses  ancêtres, 
voulut  aller  au-devant  du  légat,  qui  venait 
pour  l'affaire  du  Portugal  (Hisp.  ill.,  loin,  xi, 
pag.  1156). 


1>KS  LÉGATS  APRÈS  L'AN  MIL. 


163 


En  Hongrie,  c'était  apparemment  la  coutume 
que  les  rois  donnaient  le  dessus  aux  légats, 
puisque  Léon  X  se  plaignit  du  cardinal  légat 
de  Strigonie  .  qui ,  étant  né  sujet  du  roi  île 
Hongrie,  se  comportait  plutôt  comme  un  cha- 
pelain du  roi  que  comme  un  légat,  et  ne  pre- 
nait jamais  le  dessus.  «  Nain  cum  deberet  esse 
tanquam  legatus  apostolicus  supra  regem,  etc. 
(Rainald.,  an.  1518,  u.  37).  »  En  Pologne,  le 
roi  Casimir  alla  au-devant  du  légat  avec  ses 
entants  Rainald.,  an.  1472,  n.  36  . 

En  France,  les  légats  du  Saint-Siège  n'ont 
pas  été  moins  respectes.  Godefroy  de  Bouillon, 
duc  ou  roi  de  Jérusalem,  ne  marchait  et  ne 
souscrivait  aux  lettres  qu'après  le  légat  (Baro- 
nius,  an.  1100,  n.  8,  30  .  Lorsque  l'empereur 
Charles  V  passa  par  la  France,  en  1539,  on  vit 
manger  à  une  longue  table  l'empereur,  le  roi, 
ses  deux  enfants,  le  légat,  le  roi  île  Navarre, 
les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Lorraine,  les 
ducs  de  Vendôme,  de  Lorraine,  et  quelques 
autres  princes  (Sponde.,  an.  1539,  n.  16  .  Ainsi 
le  légat  avait  des  rois  au-dessus  et  au-dessous 
de  lui. 

Charlotte  de  la  Trémoille,  mère  du  prince  de 
Condé,  abjura  l'hérésie  entre  les  mains  du  car- 
dinal légat,  à  Rouen,  dont  le  cardinal  de  Gondy 


fut  un  peu  mortifié,  parce  qu'il  prétendait  elle 
le  diocésain  des  princes  du  sang,  comme  évê- 
que  de  Paris  Idem.,  an.  [596,  n.  l'.l'i.  Du  Tillet 
confesse  que  o  les  légats  apostoliques  précèdent 
«  les  princes  du  sang  et  pairs,  pour  l'honneur 
«  du  Si.  ge  Apostolique  Tom.  si,  p.  10).  » 

X.  .le  ne  me  suis  pas  étendu  sur  les  pouvoirs 
anciens  des  légats.  Ils  pouvaient  convoquer  les 
conciles  de  toute  leur  légation,  ils  y  présidaient 
au-dessus  des  métropolitains;  ils  pouvaient 
suspendre  et  déposer  les  évêques  et  lis  métro- 
politains mêmes  :  leur  suffrage  seul  balançait 
tout  le  concile,  et  alors  ils  s'en  rapportaient  au 
pape  Mare,i.  de  Concord.,  1.  vi,  c.  30);  ilsju- 
gcaienl  non-seulement  par  voie  d'appel,  mais 
en  première  instance  aussi,  sur  les  plaintes 
qu'un  leur  faisait  Append.  conc.  Later.  III.  par. 
ult..  c.  lxvi'i  ;  ils  faisaient  des  ordonnances 
dans  les  conciles  ;  ils  conféraient  les  bénéfices 
avant  même  qu'ils  fussent  vacants,  comme  il 
paraît  par  les  plaintes  que  les  Anglais  eu  firent 
dois  le  concile  de  Lyon,  en  1-2  i:>  Rainald., 
an.  1217,  n.  9;  12-27.  n.  50;  1-23-2,  n.  2  .  Comme 
l'usage  récent  a  effacé  presque  les  traces 
mêmes  et  le  souvenir  de  la  plupart  de  ces  pou- 
voirs, il  n'est  plus  nécessaire  de  s'y  arrêter  (1). 


(1)  La  discipline  concernant  les  pouvoirs  et  l'envoi  des  légats  ont 
reçu  partout  de  profondes  modifications.  Le  4  juin  1801,  le  cardinal 
Consalvi,  secréiaire  d'Etat,  fut  nommé  légat  en  France  pour  aller 
traiter  la  délicate  et  difficile  affaire  du  concordat,  qu'il  eut 
heur  de  conclure.  Par  un  bref  du  29  novembre  1801,  Pie  VII  nomma 
le  cardinal  Jean-Baptiste  Caprara  son  légat  a  iatere  en  France 
pour  la  mise  à  exécution  du  concordat,  et  il  lui  donna,  «  pour  cette 
■  fois  seulement,  l'autorité  et  le  pouvoir  de  recevoir  lui-même  les 
u  nominations  que  doit  faire   le  premier  consul,  pour  lesdites    . 

•  archiépiscopales  et  épiscopales  actuellement  vacantes  depuis  leur 
o  érection,  et  aussi  la  faculté  et  le  pouvoir  de  préposer  respective- 
a  ment  en  notre  nom  auxdites  églises  archiépiscopales  et  épisco- 
«  pales,  et  d'instituer,  pour  les  gouverner,  des  personnes  ecclésias- 
«  tiques,  même  n'ayant  pas  le  titre  de  docteur,  après  qu'il  se  sera 
«  assuré,  par  un  diligent  examen  et  par  le  procès  d'information,  que 
o  l'on  abrégera,  suivant  les  circonstances,  de  l'intégrité  de  la  foi,  de 
o  la  doctrine  et  des  mœurs,  du  zèle  pour  la  religion,  de  la  soumission 
«  aux  jugements  du  Siège  Apostolique,  et  de  la  capacité  de  chaque 
«  personne  ecclésiastique  ainsi  nommée,  le  tout  conformément  à  nos 

•  instructions,  n 

Peu  après,  le  IS  germinal  an  X,  un  arrêté  consulaire,  en  autorisant 
le  cardinal  Caprara  à  exercer  ses  fonctions  de  légat  pour  la  spécialité 
prescrite  par  la  bulle  de  nomination,  lui  défeudit  de  rien  faire  contre 
les  libertés  de  l'Eglise  gallicane  et  de  continuer  ses  fonctions  aussitôt 
qu'il  en  serait  avisé  par  le  premier  consul  ;  de  rendre  publics  les  actes 
de  la  légation  sans  l'autorisation  du  gouvernement  ;  d'exercer,  après 
sa  légation  spéciale,  aucun  acte  dans  l'Eglise  de  France;  de  conser- 
ver les  registres  et  le  sceau  de  la  légation,  qui  seraient  remis  à  un 
conseiller  d'Etat.  Sa  iégation  dura  jusqu'au  30  mars  1808.  Déjà  l'ar- 
ticle deuxième  des  organiques  avait  dit  :  .  Aucun  individu  se  disant 
a  nonce  ou  légat,  vicaire  ou  commissaire  apostolique,  ou  se  prévalant 
o  de  toute  autre  dénomination,  ne  pourra,  sans  l'autorisation  du  gou- 
«  vernement,  exercer  sur  le  sol  français,  ni  ailleurs,  aucune  fonction 
■  relative  aux  affaires  de  l'Eglise  gallicane,  a  C'était  aller  bien  loin, 
et  faire  entendre  que  les  légats  du  pape  ne  peuvent  être  que  les 
délégués  de  la  puissance  temporelle,  pour  faire  par  son  ordre  ce 
qu'elle  n'ose  faire  elle-même.  On  sait  que  la  légation  du  cardinal 
Caprara  avait  pour  objet  la  mise  à  exécution  du  concordat  conclu,  le 
14  juillet  précédent   par  le  grand  et  habile  cardinal  Consalvi.  Après 


avoir  raconté  dans  ses  Mémoires,  publiés  en  1864,  les  moyens  obrep- 
tices  et  subreptices  qu'employa  le  gouvernement  français  pour  intro- 
duire à  la  suite  du  concordat  les  tristes  fruits  de  l'Eglise  const 
nelle,  les  articles  organiques,  il  ajoute  :  .  Ces  lois,  véritablement 
«  constitutionnelles,  renversaient  à  peu  près  le  nouvel  édifice  que 
«  nous  avions  pris  tant  de  peine  à  élever.  Ce  que  le  concordat  sta- 
«  tuait  en  faveur  de  la  liberté  de  l'Eglise   et  du  culte  était  remis  en 

•  question  par  la  jurisprudence  gallicane,  et  l'Eglise  de  France  de- 

■  vait  craindre  de  se  voir  encore  réduite  en   servitude.  Le  saint  père 

■  s'empressa  de  protester.  Afin  de  montrer  très-expressément  qu'il 
«  flétrissait  ces  lois  organiques  et  qu'il  ne  voulait  pas  même  leur 
»  laisser  l'apparence  d'avoir  été  approuvées  avec  le  concordat,  le 
.  pape  fit  imprimer  et  répandre  en  tout  lieu  son  allocution  au  c'on- 

•  sistoire  tenu  le  jour  de  l'Ascension  (tome  1er,  p.  400).  »  On  sait 
que  dans  son  allocution  le  pape  appelle  les  articles  organiques  des 
décrets  contraires  aux  lois  de  l'E,,Iise.  On  peut  voir  encore  ce  que 
le  grand  cardinal  dit  de  ces  articles,  frauduleusement  placés  sous  ta 
date  du  concordat,  au  tome  n,  p.  377. 

Nous  avons  montré,  dans  notre  livre  déjà  cité,  que  le  regrettable 
empressement  des  évéques  à  observer,  relativement  au  ministère  pas- 
toral, ces  articles  contraires  à  la  discipline  de  l'Eglise,  ont  mené 
le  ministère  pastoral  au  dernier  degré  d'avilissement. 

Jusqu'à  la  fin  du  xvme  siècle,  les  légats  du  pape  reçurent  partout 
les  honneurs  dus  aux  souverains,  et  les  nonces  de  très-grandes  dis- 
tinctions. On  peut  lire  dans  les  Mémoires  historiques  du  cardinal 
!  sur  ses  nonciatures,  p.  80  et  suivantes,  la  réception  vraiment 

princicre  qui  lui  fut  faite  à  la  cour  de  Berlin,  lorequ'en  1786  il  fut 
.omme  nonce  extraordinaire  à  Frédéric-Guillaume  II  roi  de 
Prusse.  Venu  dans  une  triste  époque  en  France,  l'illustre  cardinal 
Consalvi  ne  reçut  aucune  espèce  d'honneur.  Grâce  à  sa  courtoisie  di- 
plomatique et  à  sa  fermeté  pleine  de  politesse,  il  sut  sauvegarder  la 
nence  due  à  sa  haute  dignité  dans  une  occasion  importante. 
Après  avoir  raconté  les  peines  inouïes  qu'il  eut  pour  obtenir  un  con- 
cordat qui  ne  fût  pas  une  violation  de  toutes  les  lois  de  l'Eglise 
comme  celui  que  voulait  imposer  une  volonté  inexorable,  et  avant  de 
relater  un  triste  et  douloureux  épisode  inconnu  jusqu'à  ce  jour  un 
faux  présenté  par  un  des  agents  gouvernementaux  et  donne  pour  les 
conclusions  arrêtées,  il  dit,  tome  1er,  p.  354  :  a  Assis  aulour  de  |a 
»  table,  on  consacra  un  moment  à  la  question  de  savoir  qui  signerait 


464 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  PREMIER. 


LIVRE  TROISIÈME. 

Des  Séminaires,  des  Chapitres,  des  Couvents  et  des  Congrégations. 


CHAPITRE  PREMIER. 


DIVISION    DES    BÉNÉFICIERS,    ET    LEURS   DIVERSITÉS    PAR    d'AITRES    CHEFS    QUE   PAR    CELUI    DES   ORDRES. 


I.  La  première  division  des  bénéfices  et  des  bénéficiers  a  été 
celle  que  J.-C.  a  faite  lui-même  en  instituant  les  évêques,  les 
prêtres  et  les  diacres. 

II.  La  seconde  a  été  celle  de  divers  degrés  dans  l'épiscopat 
même.  Le  Fils  de  Dieu  l'a  commencée  en  donnant  un  chef  aux 
évêques. 

III.  La  troisième  est  celle  qui  a  comme  démembré  du  diaco- 
nat les  ordres  inférieurs. 

IV.  La  quatrième,  celle  des  chorévêques,  des  arebiprètres  et 
des  archidiacres- 

V.  Ces  quatre  divisions  regardent  l'ordre. 

Yl.  La  cinquième  et  la  sixième  division  ont  été  prises  des 
Eglises  diverses,  ou  on  a  asservi  les  clercs;  et  des  offices,  dont 
on  les  a  chargés 

VII.  La  septième  et  huitième  se  prennent  des  collèges  des 
clercs,  et  des  communautés  soit  régulières  ou  ecclésiastiques. 

VIII.  On  a  parlé  des  quatre  premières  jusqu'à  présent;  on 
parlera  ensuite  des  quatre  dernières. 

I.  Le  Fils  unique  de  Dieu  s'étant  revêlu  de 
notre  nature,  et  ayant  ensuite  possédé  lui  seul 
toute  la  plénitude  du  sacerdoce,  communiqua 
cette  même  plénitude  à  ses  apôtres,  sans  par- 
tage et  sans  division. 


Ce  fut  néanmoins  en  exécution  de  ces  ordres 
que  les  apôtres  instituèrent  des  diacres  pour  le 
ministère  du  sacerdoce,  et  répandirent  même 
sur  les  prêtres  une  partie  de  la  plénitude  du 
sacerdoce,  en  leur  donnant  la  puissance  de 
quelques  fonctions  sacerdotales  ,  mais  non  pas 
de  toutes.  Voilà  la  première  division  qui  fût 
jamais  faite  des  bénéfices. 

11.  La  seconde  division  fut  celle  qui  se  lit  de 
l'épiscopat  même,  quand  on  soumit  les  évo- 
ques les  uns  aux  autres,  et  qu'au-dessus  des 
évoques  on  établit  des  métropolitains,  des  exar- 
ques et  des  patriarches. 

On  aurait  pu  donner  le  premier  lieu  à  cette 
division  et  la  reconnaître  de  droit  divin,  aussi 
bien  que  la  précédente,  si  Ton  avait  unique- 
ment considéré  la  primauté  que  J.-C.  donna  à 
saint  Pierre  sur  les  autres  apôtres,  et  par  con- 
séquent à  ses  successeurs  sur  les  évêques  qui 


«  le  premier.  11  semblait  à  Joseph  Bonaparte  que  cet  honneur  lui 
-  .lut  dû  comme  au  frère  du  chef  de  l'Etat.  Je  lui  6s  remarquer  de 
«  la  manière  la  plus  douce  et  avec  la  fermeté  nécessaire  en  cette  ren- 
«  contre,  que  ma  qualité  de  cardinal  et  de  légat  du  pape  ne  me  pér- 
it pas  de  prendre  le  second  rang  dans  les  signatures  à  appo- 
»  scr  ;  (pie  dans  l'ancien  régime  de  France  comme  partout,  les  car- 
.  dinaux  jouissaient  d'une  préséance  non  contestée,  et  que  je  ne 
•  pouvais  pas  céder  en  un  point,  ne  regardant  pas  ma  personne,  mais 
-I  la  dignité  dont  j'étais  revêtu.  Je  rends  à  Joseph  cette  justice,  qu'a- 
i  prèi  quelques  difficultés,  il  lit  retraite  de  fort  bonne  grâce,  et  me 
i  pria  de  signer  le  premier.  11  devait  signer  le  second,  puis  le  prélat 
«  S|>ina,  le  conseiller  t'rélet,  le  père  Caselli,  et  enfin  l'abbé  Ber- 
o  nier,  n  Plus  loin,  et  après  avoir  raconté  le  triste  incident  que  nous 
av. .us  mentionné,  il  dit,  p.  385  :  a  Minuit  sonnait  quand  les  six  n.m- 
..  iiiiss.iins  apposeront  leur  signature  dans  l'ordre  indiqué  plus 
a  haut.  » 
Nous  demandons,  après  uno  telle  révélation,  comment  il  se  fait 


que,  dans  tous  les  exemplaires  du  concordat  imprimés  en  France, 
môme  sous  la  surveillance  de  l'autorité  ecclésiastique,  dans  le  préam- 
bule, le  nom  de  Napoléon  Bonaparte  est  avant  celui  de  Pie  VU,  et 
dans  les  signatures  celui  de  Joseph  Bonaparte  avant  celui  du  cardi- 
nal-légat Coosalvi,  celui  de  Crétet  avant  Spina,  et  Bernier  avant  le 
père  Caselli?  Nous  avons  sous  nos  yeux  le  texte  de  douze  concor- 
dats; dans  tous,  le  nom  du  pape  est  avant  celui  du  chef  de  l'Etat, 
qui  reçoit  le  concordat,  et  la  signature  du  légat  apostolique  avant 
celle  du  délégué  du  prince. 

Le  légat  Caprara  exerça  plus  ostensiblement  sa  légation,  et  quoique 
gêné  en  tout  il  reçut  cependant  quelques  honneurs. 

En  IH.'iG,  le  cardinal  Patrizzi,  envoyé  légat  a  latere  pour  la  céré- 
monie du  baptême  du  prince  impérial,  fut  conduit  à  Notre-Dame 
comme  un  souverain,  dans  un  carrosse  à  huit  chevaux,  avec  une 
escorte  royale.  Mais  sa  légation  fut  bornée  au  fait  du  baptême. 

(Dr  André.) 


DIVISION  DES  BÉNÉFICIERS,  ET  LEURS  DIVERSITÉS,  etc. 


165 


sont  les  successeurs  des  autres  apôtres.  Car 
enfin,  ce  n'est  qu'un  apostolat,  ce  n'est  qu'un 
épiscopat  :  mais  c'est  un  corps  qui  a  un  chef 
et  des  membres.  La  primauté  des  métropoli- 
tains et  des  exarques  ou  des  patriarches  sur  les 
évoques  de  leur  ressort  est  certainement  une 
imitation  et  peut-être  une  participation  de 
cette  primauté  de  saint  Pierre  sur  les  apôtres; 
mais  il  est  certain  qu'elle  ne  peut  aspirer  à  la 
même  gloire  d'avoir  été  immédiatement  insti- 
tuée par  J.-C. 

III.  La  troisième  division  est  celle  qui  se  fit 
par  le  démembrement  du  diaconat  et  par  l'ins- 
titution des  sous-diacres,  lecteurs,  exorcistes, 
acolytes,  portiers,  chantres;  car  c'étaient  au- 
tant de  portions  du  diaconat. 

Cette  division  n'est  pas  marquée  dans  les 
lettres  saintes  comme  les  deux  précédentes. 
Ainsi,  l'époque  n'en  peut  être  marquée  au  vrai 
avec  une  entière  certitude.  Au  moins,  on  ne 
peut  nier  que  tous  ces  ordres  et  tous  ces  béné- 
tices  n'aient  paru  dès  le  troisième  siècle,  peut- 
être  même  des  le  second,  comme  nous  l'avons 
montré  eu  parlant  des  ordres  mineurs. 

IV.  La  quatrième  division  fut  celle  qui  donna 
à  l'Eglise  des  eborévèques,  des  archiprêtres  et 
des  archidiacres.  Tous  ces  titres  paraissent  dès 
le  quatrième  siècle;  il  serait  difficile  d'en 
prendre  l'origine  de  plus  haut.  On  peut  en 
voir  les  preuves  dans  les  chapitres  où  nous 
avons  parlé  de  ces  dignités. 

V.  Les  quatre  divisions  précédentes  ont  été 
faites  par  la  seule  considération  de  l'ordre. 
Quoique  des  personnes  savantes  aient  cru  que 
tous  les  ordres  mineurs  n'ont  été  d'abord  que 
des  offices  institués  pour  soulager  les  diacres, 
c'est  toujours  par  relation  aux  fonctions  des 
ordres  qu'ils  ont  été  institués,  et  ils  sont  effec- 
tivement comme  des  ruisseaux  émanés  de  la 
plénitude  du  diaconat.  Les  charges  de  choré- 
vèques,  d'archiprètres  et  d'archidiacres  ne  sont 
aussi  que  des  charges  et  des  offices,  mais  avec 
un  rapport  essentiel  aux  ordres. 

VI.  Il  se  fit  après  cela  deux  autres  divisions 
dans  les  bénéfices,  qui  n'eurent  plus  de  rap- 


port aux  ordres  :  la  première  se  prit  des  lieux 
mi  les  clercs  étaient  asservis  par  leur  ordina- 
tion ou  parla  provision  du  bénéfice;  la  seconde 
concerna  les  offices  qu'on  leur  commit.  Les 
lieux  où  on  les  attacha  furent  des  basiliques, 
ou  des  chapelles  des  martyrs,  des  oratoires  do- 
mestiques, des  cimetières,  des  hôpitaux,  des 
monastères;  les  charges  qu'on  leur  donna 
furent  celles  d'économe,  de  défenseur,  de  no- 
taire, de  sacristain,  de  mansionnaire,  de  syn- 
celle,  et  autres.  Je  ne  parle  point  ici  des  curés 
et  des  pénitenciers,  parce  que  ce  sont  des 
charges  inséparables  de  l'ordre  de  la  prêtrise; 
ces  deux  nouvelles  sortes  de  bénéficiers  paru- 
rent aussitôt  après  que  l'Eglise  eut  été  mise 
en  liberté  par  l'empire  du  grand  Constantin. 

VU.  Dans  ces  six  divisions  différentes,  nous 
considérons  chaque  bénéficier  en  particulier. 
On  peut  les  considérer  comme  composant  un 
corps  ou  une  communauté.  On  ne  peut  même 
nier  que  le  premier  clergé  du  monde,  qui  a 
été  le  collège  des  apôtres,  n'ait  été  un  corps 
de  communauté  pendant  que  le  Fils  de  Dieu  a 
vécu  sur  la  terre,  et  dans  les  premiers  com- 
mencements de  l'Eglise  naissante  de  Jérusa- 
lem. Il  y  a  deux  sortes  de  ces  compagnies  de 
bénéficiers  :  la  première  est  de  celles  qui  com- 
posent un  corps  ou  un  collège,  sans  vivre  en 
communauté,  tels  que  sont  présentement  les 
chapitres  des  églises  cathédrales  ou  collégiales; 
la  seconde  est  de  ceux  qui  vivent  en  commu- 
nauté :  telles  sont  les  abbayes  et  plusieurs  con- 
grégations purement  ecclésiastiques. 

VIII.  Nous  avons  parlé  ci-devant  des  quatre 
premières  sortes  de  bénéfices,  qui  ont  une 
connexion  essentielle  avec  l'ordre.  Il  nous 
reste  à  traiter  des  quatre  autres  dans  ce  livre. 
Nous  commencerons  par  les  communautés 
soit  ecclésiastiques,  soit  monastiques,  parce 
que  le  corps  du  clergé  a  été  institué  par  le  Fils 
de  Dieu  même  dans  le  collège  des  apôtres,  qui 
a  été  la  première,  la  plus  sainte  et  la  plus  au- 
guste des  communautés  qui  furent  et  qui  se- 
ront jamais. 


Th.  —  Tome  II. 


30 


466 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


CHAPITRE  DEUXIEME. 


DES  CONGRÉGATIONS   PUREMENT   ECCLÉSIASTIQUES    ET   DES   SÉMINAIRES.   QUE   SAINT  AUGUSTIN 

EN   A   ÉTÉ   LE   PREMIER    INSTITUTEUR. 


1.  Les  congrégation?  purement  ecclésiastiques  n'ont  commencé 
qu'un  peu  avant  la  lin  «lu  quatrième  siècle. 

il.  Il  ne  pouvait  y  avoir  aucune  communauté,  soit  de  clercs 
ou  île  moines,  ou  Je  vierges,  au  temps  des  persécutions. 

III.  Quelle  a  été  la  communauté  où  ont  vécu  les  apôtres  et 
les  premiers  fidèles. 

IV.  Diverses  preuves  tirées  de  saint  Cyprien  et  d'Eusèbe,  pour 
montrer  que  le  clergé  des  trois  premiers  siècles  ne  vivait  point 
en  communauté. 

V.  Autres  preuves  des  lettres  des  papes. 

VI.  Preuves  tirées  de  saint  Augustin,  qui  parle  des  commu- 
nautés des  moines  et  des  laïques,  sans  en  reconnaître  aucune  de 
clercs. 

VII.  Saint  Augustin  avant  son  ordination,  et  étant  fait  piètre, 
vécut  avec  une  communauté  de  laïques;  étant  fait  évêque,  il 
dressa  une  communauté  de  clercs,  ou  un  séminaire  dans  son 
palais  épiscopal. 

VIII.  IX.  Preuves  tirées  de  Possidius,  qui  a  écrit  sa  vie. 

X.  Antres  preuves  que  c'était  une  communauté  ou  un  sémi- 
naire de  simples  ecclésiastiques. 

XI.  Distinction  des  clercs  et  des  moines  par  le  même  Pos- 
sidius. 

I.  Quelque  antiquité  qu'on  s'efforce  d'attri- 
buer aux  communautés  ecclésiastiques,  on 
n'en  trouvera  point  de  fondement  solide  axant 
la  lin  du  quatrième  siècle;  comme,  avant  le 
commencement  de  ce  même  quatrième  siècle, 
on  ne  trouvera  aucune  preuve  certaine  des 
communautés  monastiques. 

C'est  donc  dans  le  quatrième  siècle  qu'ont 
commencé  les  congrégations  des  moines, 
comme  nous  montrerons  dans  la  suite,  et  c'est 
vers  la  (in  qu'ont  pris  naissance  les  congréga- 
tions purement  ecclésiastiques  :  ce  que  nous 
allons  faire  voir  par  des  preuves  incontes- 
tables. 

II.  A  moins  de  s'être  étrangement  laissé 
prévenir,  on  jugera  facilement  que,  durant  les 
trois  siècles  de  persécution,  il  eût  été  non- 
seulement  très-périlleux,  mais  même  impos- 
sible de  formel'  aucune  communauté,  soit  île 
clercs,  soit  de  moines,  soit  de  filles  consacrées 
à  Itieu. 

La  tyrannie  et  l'oppression  sous  laquelle 
gémissait  alors  toute  l'Eglise  ne  donnait  pas 
tant  de  liberté  aux  fidèles.  On  n'avait  garde  de 
donner  faut  île  prise  à  la  rage  des  persécuteurs, 


et  d'exposer  en  un  seul  lieu  tout  ce  que  l'Eglise 
avait  de  plus  saint  et  de  plus  nécessaire  pour 
sa  conservation.  La  fureur  des  tyrans  eût  bien- 
tôt renversé  tous  ces  monastères  :  il  nous  res- 
terait quelque  mémoire  et  quelque  témoignage 
de  leur  ruine  et  de  la  dissipation  de  ces  saintes 
communautés.  Lorsque  Dioctétien  fit  brûler 
les  Ecritures  et  abattre  toutes  nos  églises,  il  eût 
enveloppé  dans  la  même  condamnation  tous 
les  monastères  et  toutes  les  maisons  de  com- 
munauté. Cependant,  Eusèbe  et  les  autres  his- 
toriens de  l'Eglise  n'en  écrivent  pas  un  mot. 

III.  Il  faut  avouer  que  J.-C.  a  vécu  en  com- 
munauté avec  ses  apôtres,  et  qu'après  son  re- 
tour dans  le  sein  et  dans  la  gloire  de  son  Père, 
les  apôtres  et  les  disciples  ont  mené  une  vie 
commune  et  ont  donné  à  tous  les  siècles  sui- 
vants un  divin  modèle,  sur  lequel  le  clergé 
doit  se  former.  Mais  ce  n'a  été  que  dans  la  Pa- 
lestine où  l'Eglise  naissante  a  pu  former  d'a- 
bord un  établissement  aussi  parfait,  parce  que 
les  Juifs  y  avaient  obtenu  des  empereurs  ro- 
mains une  liberté  entière  et  des  privilèges 
très-favorables  pour  tout  l'exercice  de  leur  reli- 
gion; et  il  y  avait,  dans  la  secte  des  Esséniens, 
des  communautés  où  on  observait  très-ponc- 
tuellement presque  la  même  discipline  qui  a 
depuis  éclaté  avec  tant  de  gloire  dans  nos  mo- 
nastères. 

Cette  communauté  toute  sainte,  dont  parle 
saint  Luc  dans  les  Actes,  n'était  pas  seulement 
composée  du  clergé,  c'est-à-dire  des  apôtres  et 
des  disciples,  mais  aussi  des  fidèles  laïques  : 
les  personnes  mariées  et  les  femmes,  les  filles 
et  les  enfants  en  étaient  aussi.  Ainsi,  on  ne 
peut  pas  dire  que  ce  fût  une  communauté 
d'ecclésiastiques  ;  autrement  il  en  eût  fallu 
bannir  les  femmes  et  les  laïques. 

Le  même  saint  Luc  a  représenté  un  grand 
nombre  d'églises  fondées  par  saint  Paul  et  par 
les  autres  apôtres  parmi  les  Gentils;  et  il  n'eût 
pas  oublié  d'en  rendre  le  même  témoignage 


DES  CONGRÉGATIONS  PUREMENT  ECCLÉSIASTIQUES,  etc. 


■if.7 


(juc  de  celle  de  Jérusalem,  si  les  Gentils  con- 
vertis eussent  pu  d'abord  se  porter  au  même 
comble  de  perfection  où  les  Juifs  s'éle\èrent 
au  moment  de  leur  conversion.  Saint  Paul  t'ait 
connaître,  dans  ses  épîtres,  l'état  et  la  police 
de  plusieurs  églises  qu'il  avait  cultivées;  ce- 
pendant, il  n'y  paraît  nulle  part  aucune  trace 
de  la  vie  commune. 

Aussi,  saint  Augustin  remarque  que  c'est 
l'avantage  que  les  Juifs  avaient  remporté  des 
enseignements  et  des  exercices  de  vertu  pres- 
crits par  la  loi  de  Moïse,  de  s'être  trouvés 
comme  disposés  a  celte  haute  perfection  de  la 
vie  évangélique,  dont  les  Gentils  convertis  ne 
furent  nullement  susceptibles. 

Enfin,  cette  première  communauté  des  apô- 
tres, des  disciples  et  des  fidèles  ne  consistait 
que  dans  la  désappropriation  que  plusieurs 
particuliers  embrassaient,  et  dans  la  distribu- 
tion qui  se  faisait  à  chacun  selon  ses  besoins  ; 
mais  il  était  même  impossible  ou  qu'ils  fussent 
logés,  ou  qu'ils  prissent  leur  réfection  tous  en- 
semble dans  la  même  maison. 

Cette  même  communauté  de  biens  a  été 
conservée  entre  les  ecclésiastiques  durant  les 
premiers  siècles,  et  on  distribuait  à  chacun  une 
portion  des  revenus  de  l'Eglise  proportionnée 
à  son  besoin,  à  son  rang  et  à  son  travail;  mais 
cela  même  nous  peut  servir  de  preuve  qu'on 
ne  vivait  pas  en  congrégation. 

IV.  Pour  s'en  convaincre,  il  ne  faut  que  se 
rappeler  de  quelle  manière  se  faisait,  entre  les 
ecclésiastiques,  la  dispensation  des  offrandes, 
des  prémices,  des  décimes  et  des  autres  revenus 
du  clergé,  dont  il  sera  parlé  dans  la  troisième 
partie  de  cet  ouvrage. 

Si  le  clergé  eût  vécu  en  congrégation,  on 
n'eût  pas  appelé  les  clercs  sportulantes  fratres; 
on  n'eût  pas  appelé  les  distributions  qui  se  fai- 
saient tous  les  mois  dirisiones  mensurnas;  on 
n'eût  pas  distingué  les  distributions  des  prêtres 
de  celles  des  clercs  inférieurs,  et  on  ne  les  eût 
pas  adjugées  par  un  privilège  singulier  aux 
jeunes  clercs  qui  s'étaient  signalés  par  la  con- 
fession du  nom  de  J.-C,  sportulis  iisdem  cum 
prcsbyteris  honorentur  (Cypr.,  lib.  îv,  epist.  5; 
1.  m,  ep.  24).  Saint  Cyprien  n'ordonnerait  pas 
de  faire  certaines  aumônes  de  la  portion  qui 
lui  était  échue,  de  quantilate  mea  propria 
(L.  v,  c.  28).  Eusèbe  ne  dirait  pas  que  les  No- 
vatiens  attachèrent  à  leur  parti  l'évêque  Nata- 
lis,  en  lui  promettant  cent  cinquante  pièces 
d'argent  par  mois. 


Enfin,  si  le  clergé  eût  vécu  en  congrégation, 
ies  constitutions  apostoliques  ne  régleraient 
pas  les  portions  inégales  qui  se  devaient  faire 
des  biens  de  l'Eglise  entre  les  divers  ordres  des 
ecclésiastiques  (L.  vin,  c.  31). 

Rien  de  semblable  ne  se  pratique  aujour- 
d'hui parmi  les  ecclésiastiques  qui  vivent  en 
commun.  Il  faut  donc  conclure  que,  dans  les 
premiers  siècles,  les  ecclésiastiques  ne  vivaient 
pas  en  congrégation;  car,  dans  les  congréga- 
tions, toutes  choses  sont  communes  à  tous. 

V.  Le  pape  Sirice,  dans  sa  lettre  à  Himérius, 
e\  êqûe  de  Tarragone,  propose  un  grand  nombre 
de  règlements  admirables  pour  la  discipline 
du  cierge.  11  y  parle  des  moines  et  des  filles 
consacrées  a  Dieu,  et  de  leurs  monastères;  il  y 
marque  comment  il  faut  élever  dès  leur  en- 
fance ceux  qui  sont  destinés  à  l'état  ecclésias- 
tique; il  n'oublie  pas  les  divers  degrés  par 
lesquels  il  faut  faire  passer  tous  ceux  qu'on 
veut  faire  monter  aux  plus  hautes  dignités  de 
l'Eglise.  Mais  ni  dans  cette  lettre,  ni  dans  toutes 
les  autres  de  ce  pape  ou  de  ses  successeurs,  on 
ne  peut  remarquer  la  moindre  apparence  du 
monde  qu'il  y  eût  dès  lors  des  ecclésiastiques 
vivant  en  communauté. 

VI.  Voici  une  preuve  à  laquelle  il  n'y  a  point 
de  réplique.  Saint  Augustin  avait  entrepris 
d'opposer  aux  vertus  apparentes,  trompeuses 
et  superstitieuses  des  manichéens  la  solide 
piété,  la  continence,  la  pauvreté,  les  jeûnes  et 
les  autres  exercices  d'une  vie  vraiment  chré- 
tienne, qui  se  pratiquent  dans  l'Eglise  catho- 
lique. 

Il  fait  d'abord  une  excellente  peinture  des 
monastères  de  l'Egypte  et  de  l'Orient,  habités 
les  uns  par  des  hommes,  les  autres  par  des 
femmes,  qui  vivent  en  commun,  prient  en 
commun,  travaillent  et  vivent  de  leur  travail  : 
«  In  communem  vitam  sanctissimam,  castissi- 
mamque  congregati,  simul  aetatem  agunt, 
viventes  in  orationibus,  in  lectionibus,  in 
disputationibus.  Nemoquidquam  possidet  pro- 
prium,  operantur  manibus,  etc.  (De  moribus 
Eccles.  cathol..  1.  i,  c.  31).  » 

Il  passe  ensuite  au  clergé,  et  il  dit  avec  raison 
que  la  vertu  des  ecclésiastiques  est  d'autant 
plus  digne  d'admiration  qu'elle  est  exposée  à 
de  plus  grands  dangers  :  «  Quorum  virtus  eo 
mirabilior  mihi  videtur,  quo  dilficilius  est  eam 
in  multiplici  hominum  génère,  et  in  ista  vita 
turbulentiore  servare  (Cap.  xxxu).  » 

Non-seulement  ce  saint  Père  ne  parle  point 


m 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DEUXIÈME. 


•le  la  retraite  des  clercs  dans  les  communautés; 
au  contraire,  il  prend  sujet  d'admirer  d'autant 
plus  leur  piété,  de  ce  qu'elle  doit  être  a  l'é- 
preuve de  tant  de  tentations  qui  se  rencontrent 
dans  la  conversation  du  monde.  Ce  qu'il  y  a 
de  plus  convaincant,  c'est  que  saint  Augustin, 
venant  enfin  aux  laïques,  assure  qu'il  en  a 
connu  à  Rome  et  à  Milan  qui  vivaient,  priaient 
et  travaillaient  tous  ensemble  dans  une  même 
maison,  sous  la  direction  d'un  prêtre  :  s  Vidi 
ego  diversorium  sanctorum  Mediolani  non 
paucorum  hominum,  quibus  unus  presbyter 
prseerat,  vir  optimus  et  doctissimus.  Romœ 
etiam  plura  cognovi.  in  quibus  singuli  cœleris 
secum  babitanlibus  praesunt,  etc.,  et  ipsi  ma- 
nibus  suis  se  transigunt  (Cap.  xxxin).  » 

Il  y  avait  aussi  de  ces  communautés  de  fem- 
mes séculières,  sous  la  conduite  de  la  plus  sage 
et  la  plus  vertueuse  d'entre  elles  :  «  Neque  hoc 
in  viris  tanlum  sed  etiam  in  feminis;  quibus 
item  multis  viduis.  et  virginibus,  simul  babi- 
tanlibus, et  lana  ac  tela  victum  quaeritantibus, 
preesunt  singulœ  gravissimœ  ,  probatissimae- 
que,  etc.  » 

Si  saint  Augustin  eût  alors  connu  tiuel- 
(|ue  communauté  d'ecclésiastiques,  il  lui  eût 
sans  doute  donné  un  rang  honorable  dans  un 
endroit  où  son  sujet  le  demandait  si  évidem- 
ment. 

VII.  Saint  Augustin  écrivit  ce  livre  des 
mœurs  de  l'Eglise  catholique  avant  que  d'être 
prêtre.  Lorsqu'il  eut  été  ordonné  prêtre,  il 
ajouta  lui-même  au  clergé  cet  ornement  qui 
semblait  lui  manquer;  et  il  fit  cette  admirable 
alliance  des  vertus  desecclésiastiquesaveccelles 
des  solitaires. 

Voici  ce  qu'en  dit Possidius dans  sa  vie:  «  Fa- 
ctus  presbyter  monaslerium  intra  Ecclesiam 
mos  instituit,  d  cum  Dei  servis  vivere  cœpit 
secundum  modum  et regulam  sub  sanctis  Apo- 
stolis  constitutam.  Maxime  ut  nemo quidquarn 
proprium  in  illa  societate  baberet;  sed  ut  eis 
essent  omnia  communia,  et  distribuereturuni- 
cuique,  prout  cuiqueopuserat  ;  quod  jam  ipse 
prior  fecerat,  dum  de  transmarinis  ad  sua  re- 
measset  (Cap.  v).  » 

Personne  n'ignore  combien  les  sentiments 
sont  partagés  sur  cet  établissement  de  saint 
Augustin.  Les  uns  croienl  qu'il  fonda  un  mo- 
nastère, et  qu'il  le  peupla  de  moines.  D'autres 
le  font  instituteur  des  chanoines  réguliers.  11 
y  en  a  qui  pensent  qu'il  ne  fit  qu'assembler 
des  ecclésiastiques  pour  vivre  en  communauté 


Enfin,  quelques-uns  le  croient  avoir  été  fonda- 
teur de  deux  sortes  de  congrégations,  l'une 
monastique,  et  l'autre  purement  ecclésiastique. 

Sans  vouloir  terminer  ce  différend,  et  sans 
perdre  le  respect  qui  est  dû  à  tous  ceux  qui  se 
sont  partagés,  par  une  si  louable  et  si  sainte 
jalousie,  d'avoir  saint  Augustin  pour  leur  insti- 
tuteur, je  dirai  ce  qui  me  semble  plus  pro- 
bable après  une  exacte  discussion  de  ce  que 
Possidius  et  saint  Augustin  même  ont  écrit  sur 
ce  sujet. 

VIII.  Ce  monastère  bâti  dans  l'église  ,  c'est- 
à-dire,  dans  les  jardins  de  l'église  ou  de  l'évè- 
ché,  comme  nous  verrons  dans  le  chapitre 
suivant.  «  Monasterium  intra  Ecclesiam,»  dont 
parle  Possidius  .  ne  me  parait  autre  chose 
qu'une  assemblée  de  personnes  laïques  vivant 
en  commun ,  et  ne  possédant  rien  en  propre. 
Possidius  dit  que  saint  Augustin  avait  déjà 
commencé  cette  sorte  de  vie  avant  que  d'être 
prêtre,  dès  le  temps  qu'il  était  repassé  en  Afri- 
que. Or,  Possidius  avait  dit  auparavant  (Cap. m) 
que  saint  Augustin  avait  passé  environ  trois 
années  avec  ses  amis,  vivant  avec  ses  amis,  et 
s'occupant  de  l'oraison  ,  de  l'étude,  et  de  bon- 
nes œuvres,  sans  faire  connaître  le  moins  du 
monde  qu'il  eût  pris  l'habit  ou  l'institut  des 
moines.  «  Ferme  triennio  alienatis  a  se  curis 
sœcularibus,  cum  iis  qui  eidem  adhœrebant, 
Deo  vivebat,  jejuniis,  orationibus ,  bonisque 
operibus  ,  in  lege  Domini  meditans  die  ac 
nocte.  » 

C'était  donc  alors  une  communauté  de  per- 
sonnes séculières  qui  vivaient  très-religieuse- 
ment, toute  semblable  à  celles  de  Milan  et  de 
Rome  qu'il  avait  connues ,  et  dont  en  même 
temps  il  fit  la  peinture  dans  le  livre  des  mœurs 
de  l'Eglise  catholique.  Après  qu'il  fut  prêtre, 
il  approcha  de  l'Eglise  cette  communauté  de 
séculiers  vertueux  .  et  vivant  en  commun  avec 
la  même  désappropriation  que  les  moines;  ce 
qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  Monastère,  mais 
de  monastère  joint  à  l'Eglise,  «Monasterium 
intra  ecclesiam  ;  »  ce  qui  ne  peut  proprement 
convenir  à  des  moines:  caries  moines  n'étaient 
point  encore  descendus  dans  les  villes,  et  leurs 
monastères  en  étaient  écarlés;  tout  au  plus,  ils 
n'étaient  que  dans  les  faubourgs,  comme  noiig 
dirons  ensuite  à  l'occasion  de  celui  de  saint 
Ambroise  et  de  saint  Martin.  Au  contraire  ,  les 
monastères  ,  ou  les  congrégations  de  séculiers 
pieux  étaient  dans  les  villes,  comme  à  Milan  et 
à  Rome. 


DES  CONGRÉGATIONS  PIÏIŒMENT  ECCLÉSIASTIQUES,  etc. 


169 


L'exemple  de  la  primitive  Eglise  mie  saint 
Augustin  se  proposait,  fait  aussi  voir  que 
c'étaient  des  séculiers  qui  vivaient  en  commu- 
nauté, sous  la  direction  des  apôtres. 

IX.  Possidins  ajoute  qu'après  que  saint  Au- 
gustin fut  fait  évêque,  il  donna  les  ordres  à 
ceux  qu'il  avait  élevés  dans  ce  monastère,  et 
les  ayant  transportés  dans  son  évèché,  il  \ 
établit  un  séminaire  de  clercs  qui  fut  comme 
la  pépinière  dont  ensuite  il  tira  quantité  d'ex- 
cellents hommes  qu'il  donna  aux  autres 
églises  pour  y  remplir  les  plus  hautes  dignités, 
et  même  pour  y  être  honores  de  l'épiscopai  ; 
enfin,  que  ces  évéques  établirent  dans  leurs 
églises  de  semblables  monastères,  et  y  formèrent 
d'excellents  ecclésiastiques. 

«  Proflciente  doctrina  divina,  sub  sancto  et 
cum  sancto  Augustino  in  monasterio  Deo  ser- 
vientes.  ecclesiœ  Hipponensi  clerici  ordinari 
cœperunt,  etc.  Ac  deinde  innotescente  sancto- 
rum  servorum  Dei  proposito,  continenlia,  et 
paupertate  profunda,  ex  monasterio,  quod  per 
illum  esse  eterescere  cœperat,  accipere  episco- 
pos  et  clericos  pax  Ecclesiœ  atque  unitas  et 
cœpit  primo,  et  postea  consecuta  est.  Nam 
ferme  decem  Augustinus  Ecclesiis  dédit,  etc. 
Et  ipsi  ex  illorum  sanctorum  proposito  venien- 
tes,  monasteria  institueront,  et  caeteris  ecclesiis 
promotos  fratresad  suscipiendum  sacerdotium 
praestiterunt  (Cap.  xi).  » 

Possidius  donne  toujours  le  nom  de  monas- 
tère à  cette  sorte  de  maisons  de  communauté; 
et  ne  donne  jamais  celui  de  moines  à  ceux 
qui  y  étaient  élevés.  Au  contraire,  il  les  appelle 
toujours  clercs,  et  les  représente  toujours 
comme  des  clercs  qu'on  formait  pour  les  or- 
dres supérieurs,  et  même  pour  l'épiscopat.  Or 
les  fonctions  des  ecclésiastiques  étant  très-dif- 
férentes de  celles  des  moines,  il  est  facile  de 
juger  que  la  vie  monastique  n'eût  pas  été  con- 
venable a  un  séminaire  de  clercs.  Aussi  est-il 
remarqué  que  saint  Augustin  vivait  avec  eux, 
quoiqu'étant  évêque  il  tût  au-dessus  d'eux  : 
«  Sub  sancto  et  cum  sancto  Augustino  Deo 
servientes.  »  Or  il  sied  mieux  à  un  évêque  de 
vivre  et  de  faire  les  fonctions  de  supérieur 
immédiat  dans  une  communauté  de  clercs. 
que  dans  une  compagnie  de  moines.  Il  sied 
mieux  à  un  évêque  de  conduire,  d'instruire  et 
de  former  des  ecclésiastiques  assemblés,  que 
des  solitaires. 

Nousjustilierons.  dans  le  chapitre  suivant, 
par  les  termes  formels  de  saint  Augustin,  ce 


que  nous  avons  dit  ici  du  transport  lait  du  mo- 
nastère qui  était  dans  les  jardins  de  l'évê- 
ché  au  monastère  des  clercs  ou  au  sémi- 
naire ,  qui  était  dans  la  maison  épiscopale 
même. 

X.  Possidius  remarque  plus  bas  (Cap.  xxu  , 
ipie  saint  Augustin  usait  des  habits  et  des  meu- 
bles ordinaires,  évitant  également  la  mollesse 
et  l'extrémité  opposée;  cl  n'affectant  rien  tant 
(pie  de  ne  se  faire  remarquer  par  aucune  singu- 
larité. «Vestis  ejus  et  calceamenta,  et  lectualia 
ex  moderato  et  competenti  habitu  erant,  nec 
nilida  nimium,  nec  abjecta  plurimuin.  etc.  « 
II  ajoute  que  ce  saint  évêque  était  toujours 
accompagné  de  ses  clercs,  qu'il  logeait  et  man- 
geait avec  eux,  et  qu'ils  étaient  tous  nourris  et 
vêtus  aux  dépens  de  la  communauté,  a  Cum 
ipso  semper  clerici,  una  etiam  domo  ac  mensa 
sumptibusque  communibus  alebantur  etvestie- 
bantur  (Cap.xxv).  » 

Voilà  évidemment  une  communauté  d'ecclé- 
siastiques avec  saint  Augustin;  cette  manière 
de  se  vêtir  n'est  nullement  monastique.  C'est 
là  certainement  ce  que  Possidius  appelait  un 
monastère.  Cet  auteur  ne  dit  rien  qui  puisse 
donner  le  moindre  sujet  de  croire  qu'il  veut 
deux  communautés,  l'une  de  moines,  l'autre 
de  clercs,  et  que  saint  Augustin  se  partageât 
entre  elles. 

Et  comment  saint  Augustin  aurait-il  pu  se 
dérober  à  ses  clercs,  pour  se  donner  tout  en- 
tier a  ses  moines?  Où  est-ce  que  Possidius  au- 
rait parlé  de  l'établissement  de  cette  commu- 
nauté de  clercs,  lui  qui  n'avait  pas  oublié  la 
fondation  du  monastère?  Comment  ce  grand 
nombre  de  saints  ecclésiastiques  et  d'excellents 
évèques,  dont  saint  Augustin  était  le  père, 
n'aurait-il  pas  plutôt  été  tiré  du  séminaire  de 
ses  clercs,  que  de  son  monastère?  Peut-on 
s'imaginer  que  saint  Augustin  dirigeant  et  for- 
mant en  même  temps  deux  communautés  di- 
verses, l'une  de  moines  et  l'autre  d'ecclésiasti- 
ques, réussit  si  mal  dans  son  travail,  que  ses 
moines  fussent  plus  propres  aux  dignités  et  aux 
fonctions  ecclésiastiques,  que  ses  ecclésiasti- 
ques mêmes? 

XI.  Enfin,  Possidius  distingue  admirable- 
ment le  clergé  et  les  monastères  de  saint  Au- 
gustin, lorsqu'après  avoir  raconté  comment  ce 
soleil  brillant  de  l'Eglise  s'éteignit,  il  ajoute 
qu'il  laissa  en  mourant  un  clergé  très-nom- 
breux, et  plusieurs  monastères  d'hommes  et 
de  femmes.  «  Clerum  sufficientissimum  et  mo- 


170 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


nasteria  virorum  ac  feminarum  continentium 
eum  suis  praepositis  plena  Ecclesite  dimisit 
(Cap.  ult.  .  « 

Voilà  ces  monastères  divers  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe,  fondés  en  divers  endroits  de  son 
diocèse.  Mais  il  y  avait  un  monastère  unique 


où  il  élevait  ce  clergé  très-suffisant  par  son 
nombre,  et  par  sa  capacité  extraordinaire,  pour 
se  répandre  dans  toutes  les  autres  églises,  et 
leur  donner  d'excellents  ouvriers  et  même  de 
très-saints  évoques. 


CHAPITRE  TROISIEME. 


OH  MONTRE  PAR  SAINT  Al  Gl  STIN  MÊME  QU  IL  VECUT  LAÏQUE  ET  PRETRE  DANS  UNE  COMMUNAUTÉ  DE 
LAÏQUES;  ÉTANT  ÉVÈQUE  IL  EN  INSTITUA  LE  PREMIER  UNE  DE  CLERCS.  ON  Y  FAISAIT  VOEU  DE 
DÉSAPPROPRIATION. 


I.  Preuves  tirées  des  lettres  de  saint  Augustin. 

II.  Etant  fait  évoque,  il  reconnut  qu'un  séminaire  de  clercs 
lui  était  nécessaire. 

III.  s'il  eut  deux  monastères,  l'un  dans  les  jardins  de  revé- 
cue, l'autre  tl.i n>  l'évêché  même. 

IV.  Depuis  qu'il  eut  érigé  Sun  séminaire,  il  ne  donna  plus  les 
ordres  qu'à  ceux  qui  entraient  dans  sa  communauté.  S'ils  en 
sortaient,  il  les  déposait  de  la  cléricalure.  Il  changea  cette  ri- 
gueur avant  sa  mort. 

V.  P»n  invincible  fermeté  ii  ne  souffrir  personne  dans  son 
clergé,  qui  n'eut  renoncé  aux  biens  de  la  terre. 

\l   Que  celle  désappropriation  était  un  véritable  vœu. 
VII   II  n'admettait  communément  dans  son  séminaire  que  des 
sous-diacres  et  îles  clercs  supérieurs. 

VIII.  Il  usait  lui-même  des  mêmes  habillements  que  ceux  de 
son  séminaire. 

IX.  One  saint  Augustin  n'a  jamais  été  moine,   ni  institué  des 

i nés,  iieus  il  a  engagé  ses  clercs  par  vœu  à  la  pauvreté  évan- 

gélique. 

X.  I.es  vœux  de  continence  et  d'obéissance  étaient  attachés  à 
l'ordre. 

XI.  Le  séminaire  de  saint  Augustin  donna  des  évèques,  et 
donna  naissance  à  beaucoup  d'autres  séminaires  dans  l'Afrique. 

XII.  Antres  preuves  de  cela. 

XIII.  Le  clergé  des  églises  cathédrales  était  alors  assez  nom- 
breux pour  cela. 

XIV.  Il  n'y  eut  point  de  ces  congrégations  ecclésiastiques  ou 
séminaires  dans  l'Orient,  mais  quantité  de  monastères,  d'où  on 
tirait  les  évèques. 

XV.  Saint  Ambroise  avait  fondé  des  moines  dans  un  faubourg 
île  Milan. 

XVI.  Exemple  funeste  d'un  lecteur  du  séminaire  de  saint  Au- 
gustin, fait  évèque. 

XVII.  Comparaison  du  séminaire  de  saint  Augustin  et  des  cha- 
noines réguliers. 

XVIII.  Explication  de  ce  que  saint  Augustin  dit  des  clercs  qui 
abandonnaient  sa  congrégation. 

XIX.  Comparaison  de  sa  congrégation  de  clercs  avec  celle 
des  religieuses,  dont  il  fut  aussi  l'instituteur. 

I.  Apprenons  de  saint  Augustin  même  ce  que 

l'auteur,  de  sa  vie  nous  a  déjà  fait  connaître  par 


tant  de  preuves  certaines  ;  que  la  congrégation 
qu'il  institua  n'était  composée  que  de  ses  ec- 
clésiastiques, ou  de  laïques  qu'on  élevait  pour 
l'état  ecclésiastique,  les  uns  et  les  autres  possé- 
dant tout  en  commun  ,  et  vivant  dans  une 
même  maison,  et  à  une  même  table. 

C'est  de  cette  compagnie  d'ecclésiastiques, 
inséparables  de  sa  personne,  qu'il  écrit  à  saint 
Paulin:  «  Resalutant  sanctani  etsincerissimam 
benignitatem  tuam  conservi  mei,  qui  mecum 
sunt  (Epist.  lix).  »  Et  dans  sa  lettre  à  Auré- 
lius  :  «  Omnis  itaque  fratrum  cœtus,  qui  apud 
nos  cœpit  coalescere  ,  etc.  (Epist.  lxiv).  »  Et  à 
l'évêque  Possidius:  «  Domino dilectissimo,  etc. 
Possidio  et  qui  tecum  sunt  fralribus ,  Augu- 
slinus  et  qui  mecum  sunt  fratres,  in  Domino 
salutem  (Epist.  i.xxiu).  »  Il  n'y  a  que  le  clergé 
d'un  évèque  qui  puisse  faire  en  cette  manière 
un  même  corps  avec  lui. 

Il  dit  dans  une  autre  lettre  qu'il  a  embrassé 
cl  qu'il  a  fait  embrasser  a  d'autres  cette  pau- 
vreté évangélique ,  qui  contient  un  degré  si 
liant  de  perfection  :  «  Ego  perfectionem  de  qua 
locutus  est  Doniinus,  \ade,  vende  oninia  qu;e 
baltes,  etc.  vebcinenter  adamavi,  et  sic  feci  :  et 
ad  hoc  propositumquantis  possuni  viribusalios 
exbortor,  etin  nomine Domini  babeoconsorlcs, 
qtiibiis  boc  per  nieum  ministerium  persuasum 
est  vEpist.  lxix).  » 

II.  Il  n'y  arien  de  si  clair,  ni  de  si  convain- 
cant, que  le  discours  que  ce  saint  évèque  lit  un 


SAINT  AUGUSTIN  VECUT  EN  COMMUNAUTÉ  DE  LAÏQUES. 


171 


jour  à  son  peuple,  pour  l'informer  de  l'établis- 
sement et  de  la  discipline  du  monastère  de  ses 
clercs .  (m  de  son  séminaire.  Bède  et  le  concile 
d'Aix-la-Chapelle,  sous  l'empereur  Louis  le 
Débonnaire  ,  ne  permettent  pas  de  douter  que 
ce  sermon  qu'ils  ont  cité ,  soit  de  saint  Augus- 
tin. 

«  Vobiscum  hic  vivimus  et  propter  vos  \  i- 
\imus,  »  dit  d'abord  saint  Augustin  (De  diver- 
sis.  serm.  49),  ce  qui  est  le  caractère  propre 
des  ecclésiastiques,  de  vivre  parmi  les  lidèles, 
et  de  s'appliquer  entièrement  a  les  servir  :  au 
lieu  que  les  moines  font  profession  de  fuir  le 
monde,  et  ne  s'occuper  que  de  Dieu,  et  de  leur 
propre  salut. 

Il  continue  de  représenter  la  vie  commune 
qu'il  mené  avec  les  siens  dans  la  maison  épis- 
copale,  et  la  loi  indispensable  qu'il  y  fait  ob- 
server de  ne  rien  posséder  en  propre  :  «  Nostis 
sic  nos  vivere  in  ea  domo,  qua?  dicitur  domus 
episcopi,  ut  quantum  possumns,  imitemur  eos 
sanctos,  de  quibus  loquitur  liber  Actuum  Apo- 
stolorum  :  Nemo  dicebat  aliquid  proprium,  sed 
erant  illis  omnia  communia.  » 

Valère,  en  le  faisant  prêtre,  lui  avait  donné 
le  jardin  de  l'évèché  pour  y  bâtir  un  monas- 
tère :  «  Dédit  mini  Valerius  hortum  illum,  in 
quo  nunc  est  monasterium.  » 

Saint  Augustin,  étant  fait  évêque,  crut  être 
obligé  d'exercer  l'hospitalité,  et  reconnaissant 
que  la  retraite  et  le  silence  d'un  monastère 
ne  s'accorde  pas  bien  avec  le  concours  et  la 
compagnie  du  monde,  il  établit  un  monastère 
de  clercs  dans  la  maison  épiscopale.  «  Perveni 
ad  episcopatum,  vidi  necesse  habere  episco- 
pum  exhibera  humaniiatem  assiduam  quibus- 
que  venientibus  sive  transeuntibus;  quod  si 
non  fecissem,  episcopus  inhumanus  dicerer. 
Si  autem  consuetudo  ista  in  monasterio  per- 
missa  esset,  indecens  esset.  Et  ideo  volui  ha- 
bere in  ista  domo  episcopi  mecum  monaste- 
rium clericorum.  » 

Voilà  évidemment  un  Monastère  de  clercs, 
Monasterium  clericorum.  Ce  qui  suffit  pour 
justifier  tout  ce  qui  a  été  tiré  de  Possidius 
dans  le  chapitre  précédent.  Saint  Augustin 
rapporte  aussitôt  de  quelle  manière  on  vivait 
dans  ce  monastère  de  clercs,  ou  dans  ce  sémi- 
naire qui  était  renfermé  dans  la  Maison  épis- 
copale,  In  domo  episcopi.  On  n'y  possédait 
rien  en  propre.  «  Ecce  quomodo  vivimus. 
Nulli  licet  in  societate  nostra  habere  aliquid 
proprium.  » 


III.  fin  pourrait,  avec  quelque  apparence, 
conclure  de  cet  endroit  de  saint  Augustin, 
qu'il  n'institua  son  séminaire  de  clercs  qu'a- 
près qu'il  eut  été  évêque,  afin  «l'y  pouvoir 
exercer  l'hospitalité,  qui  n'eût  pas  été  conve- 
nable au  premier  monastère  qu'il  avait  fondé 
étant  prêtre,  dans  le  jardin  que  Valère  lui 
avait  donné.  Ainsi  il  y  aurait  eu  deux  monas- 
tères, l'un  dans  le  jardin,  l'autre  dans  la  mai- 
son de  l'évèque  :  l'un  bâti  par  saint  Augustin, 
encore  prêtre,  l'autre  établi  dans  la  maison 
épiscopale,  après  qu'il  eut  été  fait  évêque.  En- 
tin,  l'un  consacré  à  une  retraite  plus  exacte,  et 
l'autre  plus  proportionné  à  la  vie  des  ecclé- 
siastiques et  à  l'hospitalité  même  que  saint 
Paul  leur  ordonne  d'exercer. 

Ce  n'est  nullement  mon  dessein  de  m'oppo- 
ser  a  ce  sentiment,  pourvu  que  cette  vérité 
demeure  constante,  que  la  communauté  nou- 
velle tme  saint  Augustin  a  établie,  dont  il  a 
été  le  père  et  le  premier  instituteur,  dans  la- 
quelle il  a  toujours  vécu,  au  moins  depuis  son 
épiscopat,  de  laquelle  il  a  tiré  tous  ces  admi- 
rables évèques,  et  ces  vertueux  ecclésiastiques 
qu'il  a  distribués  aux  autres  églises;  que  cette 
communauté,  dis-je,  a  été  composée  d'ecclé- 
siastiques qui  n'y  étaient  reçus  qu'en  renon- 
çant à  tout  ce  qu'ils  avaient  pu  posséder  dans 
le  inonde. 

IV.  En  effet,  depuis  l'établissement  de  ce 
séminaire,  saint  Augustin  ne  donna  plus  les 
ordres  à  personne  qui  ne  renonçât  à  tout  ce 
qu'il  avait  en  propre,  en  le  donnant  aux  pau- 
vres, ou  en  le  rendant  commun  au  séminaire. 

«  Noverit  charitas  vestradixisse  me  fratribus 
meis,  qui  mecum  manent,  ut  quicumque  ha- 
bet  aliquid,  vendat  et  eroget:  aut  donet  et 
commune  illud  faciat.  Ecclesiam  habet  ;  per 
quam  Deus  non  piscit  (Ibidem).  »  Et  un  peu 
plus  bas  :  «  Certe  ego  sum,  qui  statueram,  sicut 
nostis ,  nullum  ordinare  clericum  ,  nisi  qui 
mecum  vellet  manere  :  ut  si  vellet  discedera 
a  proposito,  recte  illi  tollerem  clericatum,  quia 
desereret  sanct;r  societatis  promissum  ,  cœ- 
ptumque  consortium.  » 

Ce  saint  évêque  ne  reçut  donc  plus  personne 
dans  l'état  ecclésiastique  qui  ne  s'obligeât  de 
renoncer  à  tout  et  de  vivre  en  commun  avec 
lui  dans  son  séminaire;  et  il  dégrada  des  or- 
dres  qu'ils  avaient  reçus,  et  de  la  cléricature, 
tous  ceux  qui  ne  voulaient  pas  persévérer  dans 
un  si  saint  engagement. 

La  crainte  d'une  dégradation  si  honteuse  en 


17-2 


DES  CONGREGATIONS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


faisait  tomber  quelques-uns  dans  une  hypo- 
crisie encore  plus  périlleuse  ;  de  sorte  qu'ils 
possédaient  secrètement  leur  patrimoine,  et  ne 
laissaient  pas  de  vivre  dans  la  communauté  ; 
saint  Augustin  ne  pouvant  souffrir  une  dissi- 
mulation si  criminelle,  changea  de  conduite, 
et  se  contenta  de  retrancher  de  sa  communauté 
ces  misérables  esclaves  de  leurs  cupidités,  sans 
les  priver  de  la  cléricature ,  et  sans  les  empê- 
cher de  l'exercer  dans  les  autres  diocèses. 

«  Ecce  in  conspectu  Dei  et  vestro,  niuto  con- 
silium.  Qui  volunt  habere  aliquid  proprium, 
quibus  non  sufficit  Deus  et  Eeclesia  sua,  ma- 
neant  ubi  volunt,  etubi  possunt,  non  eis  aufero 
clericatum.  Nolo  babere  bypocritas,  etc.  Nolo 
(piis  habeat necessitatem  simulandi.  Scio  quo- 
modo  homines  ament  clericatum.  Neinini  eum 
tollo,  nolenti  mecum  commiiniter  vivere.  » 

V.  Saint  Augustin  ne  fit  ce  changement  dans 
sa  conduite  qu'en  sa  vieillesse.  Il  le  témoigne 
lui-même  dans  ce  discours  :  «  Date  veniam 
loquaci  senectuti ,  etc.  Ego  sicut  videtis,  per 
setatem  jam  senui,  sed  per  infirmitatem  corpo- 
ris  olim  senex  fui  (Ibidem).  »  Ainsi  jusqu'à  son 
extrême  vieillesse,  non -seulement  il  n'avait 
reçu  personne  dans  son  clergé  qui  ne  renon- 
çât à  toute  propriété  ,  mais  il  avait  aussi 
dépouillé  de  la  cléricature  tous  ceux  qui  ne 
voulaient  pas  être  fidèles  à  ce  qu'ils  avaient 
voué. 

Quelque  adoucissement  que  ce  divin  pasteur 
eût  apporté  a  sa  conduite,  il  persista  avec  une 
fermeté  inébranlable  dans  la  résolution  de  ne 
laisser  exercer  la  cléricature  dans  son  église  à 
aucun  de  ceux  qui  n'avaient  pas  renoncé  aux 
biens  de  ce  monde,  ou  qui  l'ayant  fait,  avaient 
ensuite  succombé  à  leur  inconstance  et  à  leur 
cupidité. 

Cette  résolution  inviolable  de  saint  Augustin 
paraît  dans  la  protestation  publique  qu'il  lit 
dans  un  second  discours  à  son  peuple  sur  le 
même  sujet:  qu'on  avait  beau  armer  contre 
lui  les  conciles  et  les  autorités  les  plus  cminen- 
tes  des  églises  d'outre-mer,  qu'il  ne  souffrirait 
jamais  que  les  fondions  ecclésiastiques  lussent 
exercées  dans  son  église  par  ceux  qui  n'auraient 
pas  été  fidèles  à  la  promesse  qu'ils  avaient  faite 
de  renoncer  à  tout. 

«  Modo  quia  placuit  illis  socialis  Ikcc  vita, 
quisquis  cum  hypocrisi  vixerit,  quisquis  in- 
ventus  fuerit  babens  proprium  ,  non  illi 
permitto  ut  imle  facial  testamentum,  sed  delebo 
eum  de  tabula  clericorum.  lnlerpellet  contra 


me  mille  concilia,  naviget  contra  me  qua 
voluerit,  sit  certe  ubi  potuerit ,  adjuvabit  me 
Deus,  ut  ubi  ego  episcopus  sum  ,  illic  clericus 
esse  non  possit  (De  diversis.  serm.  50).  » 

VI.  11  faut  détromper  ceux  qui  se  sont  faus- 
sement persuadé  que  ces  ecclésiastiques  vivant 
en  communauté  ne  s'étaient  engagés  par  aucun 
vœu  à  cette  vie  commune  et  à  cette  désappro- 
priation.  C'est  une  erreur  qu'il  est  aisé  de 
convaincre  par  saint  Augustin  même. 

Les  termes  dont  il  se  sert  pour  exprimer 
l'avarice  criminelle  et  l'apostasie  de  ceux  qui 
retenaient  secrètement  quelque  cbose  en  pro- 
pre ou  qui  se  séparaient  ouvertement  de  cette 
société  sainte  le  prouvent  assez.  Il  les  traite 
comme  des  gens  qui  manquent  à  leur  vœu  et 
à  leur  profession,  faisant  en  cela  ce  qui  ne  se 
peut  faire  sans  une  damnable  perfidie  et  sans 
renoncer  à  l'espérance  du  salut. 

«  Malum  est  cadere  a  proposito,  sed  pejus 
est  simulare  propositum.  Ecce  dico,  audite  : 
Qui  socielatem  communis  vita1  jam  susceptam, 
qua'  laudatur  in  Aclibus  Apostolorum  deserit, 
ac  volo  suo  cadit,  et  a  professione  sancta  cadit, 
etc.  Ego  scio  quantum  mali  sit,  profiteri  san- 
ctum  aliquid,  nec  implere  :  Vovete,  inquit,  et 
reddite  Domino  Deo  vestro.  Et,  Mehus  est  non 
vovere,  quam  vovere  et  non  reddere.  »  Et  un 
peu  plus  bas  :  «  Professus  est  sanctitatem , 
professus  est  communiter  vivendi  societatem  ; 
si  ab  hoc  proposito  ceciderit ,  et  extra  manens 
clericus  fucerit,  dimidius  etipse  cecidit (Serm. 
49,  ibid.).  » 

Toutes  ces  expressions  ne  laissent  aucun 
doute  (pie  ce  ne  fussent  de  véritables  vœux. 

VII.  Quoique  saint  Augustin  parle  des  clercs 
en  général  dans  tous  ces  discours,  et  qu'il  sem- 
ble les  comprendre  tous  dans  son  monastère 
de  clercs  ;  il  y  a  néanmoins  quelque  sujet  de 
croire  qu'il  n'y  recevait  que  des  prêtres ,  des 
diacres  et  des  sous-diacres,  et  que  tous  les  au- 
tres clercs  inférieurs  n'y  étaient  que  rarement, 
ou  point  du  tout  admis.  En  voici  les  preuves. 

Saint  Augustin  semble  le  dire  nettement,  en 
faisant  le  dénombrement  de  tous  ceux  de  son 
séminaire  qui  avaient  renoncé  à  toute  pro- 
priété :  «  Nuntio  ergo  vobis,  unde  gaudeatis; 
quia  omnesfratresetclericosmeos,qui  mecum 
habitant,  presbyteros,  diaconos,  subdiaconos, 
et  Patricium  nepotem  meum ,  taies  inveni, 
quales  desideravi  (Ibid,  serm.  50).  » 

Il  ne  dit  pas  une  seule  parole  des  autres 
clercs,  ni  dans  cet  endroit,  ni  dans  toute  la 


SAINT  AUGUSTIN  VECUT  KN  COMMUNAUTÉ  DE  LAÏQUES. 


17.1 


suite  de  ce  long  discours,  où  il  rend  compte 
au  peuple  de  {mis  ses  prêtres  .  diacre-  et  sous- 
diacres  en  général  et  en  particulier  .  pour  jus- 
tifier leur  conduite  et  leur  fidélité  constante 
au  vœu  de  pauvreté  auquel  ils  s'étaient  enga- 
gés, sans  dire  un  seul  mot  des  lecteurs  ou  des 
autres  clercs  intérieurs. 

Enûn,  ces  clercs  inférieurs  étant,  connue  ils 
étaient,  en  liberté  de  se  marier,  il  était  impos- 
sible de  les  faire  vivre  en  communauté,  et  de 
leur  faire  pratiquer  cette  désappropriation. 

Cela  nous  porte  à  croire  que  les  sous-diacres 
mêmes  dans  l'Afrique  gardaient  déjà  la  conti- 
nence, aussi  bien  que  les  diacres  et  les  piètres. 
A  moins  de  cela  il  eût  fallu  leur  faire  promet- 
tre la  continence  en  les  recevant  dans  cette 
société,  et  c'est  de  quoi  saint  Augustin  n'eût 
pu  se  dispenser  de  nous  informer. 

VIII.  Ajoutons  une  réflexion  tirée  de  ces 
mêmes  discours  de  saint  AjUgustio  à  son  peu- 
ple. Il  y  proteste  que  les  habillements  dont  il 
use  lui-même  ne  sont  autres,  ni  plus  précieux 
que  ceux  de  ses  prêtres,  de  ses  diacres  et  sous- 
diacres  :  et  que  si  on  lui  en  donne  en  présent 
qui  soient  de  plus  grand  prix,  il  les  fait  vendre, 
afin  que  l'argent  de  la  vente  soit  employé  aux 
besoins  communs  du  séminaire. 

«  Nemo  det  byrrum,  vel  lineam  tunicam, 
seu  aliquid,  nisi  in  commune;  de  communi 
accipiam  mihi  i psi  ;  cum  sciam  commune  me 
babere  velle.  quidquid  habeo.  Nemo  talia  of- 
ferat,  quibus  quasi  ego  solus  decentius  utar. 
Ofi'eralur  mihi  verbi  gratia  byrrum  pretiosum, 
forte  decet  episcopum,  quamvis  non  deceat 
Augustinum.  id  est,  hominem  pauperem,  de 
pauperibus  natum,  etc.  Qualem  \estem  potest 
babere  presbyter,  qualem  potest  babere  decen- 
ter  diaconus  et  subdiaconus,  talem  volo  acci- 
pere,  quia  in  commune  accipio.  Si  quis  melio- 
rem  dederit ,  vendo  :  ut  quando  non  potest 
vestis  esse  communis,  pretium  vestis  sit  com- 
mune (Ibid.,  Serm.  l).  » 

Ces  paroles  apprennent  que  le  monastère  de 
saint  Augustin  n'était  composé  que  de  clercs 
et  de  clercs  supérieurs,  en  y  comprenant  les 
sous-diacres  :  qu'ils  étaient  tous  ^èlus  de  la 
même  manière,  sans  en  excepter  même  leur 
saint  prélat;  que  leur  habit  ordinaire  était  une 
tunique  de  lin,  et  ce  qu'il  appelle  Byrrus, 
dont  nous  avons  parlé  ci-devant  ;  que  tel  était 
l'habit  des  prêtres  ;  que  tel  avait  été  l'habit  de 
saint  Augustin  lorsqu'il  lut  fait  prêtre  ;  que 
c'était   l'habit   ordinaire  des    ecclésiastiques , 


comme  l'a  dit  Possidius  dans  le  chapitre  pré- 
cédent, et  comme  nous  l'avons  prouvé  fort  au 

long  ci-dessus,  en  parlanl  des  habits  des  ecclé- 
siastiques; et  qu'ainsi  saint  Augustin  n'a  jamais 
porte  l'habit  des  moines. 

IX.  De  ce  que  nous  avons  dit  on  peut  tirer 
un  éclaircissement  suffisant  contre  les  deux 
extrémités  où  quelques-uns  se  sonl  précipités  : 
les  uns  veulent  que  saint  Augustin  ait  été 
moine,  et  ait  institué  des  moines;  d'autres  ne 
peuvent  souffrir  qu'il  y  ait  eu  aucune  profes- 
sion ou  aucun  engagement  par  des  vœux  dans 
sa  congrégation. 

Les  premiers  ont  été  assez  fortement  réfutés 
par  tout  ce  qui  a  été  avancé  dans  ces  deux 
chapitres,  où  saint  Augustin  a  toujours  affecté 
le  nom  de  clercs  à  sa  personne  et  a  ceux  de  sa 
compagnie;  au  lieu  que  les  moines  qu'on  ho- 
norait de  quelque  ordre  sacré  ne  quittaient 
pas  pour  cela  le  nom  de  moine,  qui  marquait 
une  profession  si  sainte  et  si  honorable  aux 
yeux  des  vrais  lideles. 

Ecrivant  a  Aurèle,  évèque  de  Carthage.  et 
lui  remontrant  qu'il  ne  fallait  pas  élever  les 
moines  au-dessus  du  clergé',  il  le  prie  de  con- 
sidérer qu'ils  sont  tous  deux  du  corps  du 
clergé  :  «  Nimis  dolendum,  si  ad  tam  ruino- 
sam  superbiam  monachos  surrigamus,  et  tam 
gravi  contumelia  clericos  dignos  putemus,  in 
quorum  numéro  sumus,  etc.   (Epist.  lxxm  .  » 

Enfin,  saint  Augustin  déclare  lui-même, 
dans  ses  Confessions,  qu'il  avait  conçu  le  des- 
sein d'aller  expier  ses  péchés  dans  quelque 
solitude,  mais  que  Dieu  lui  avait  fait  connaître 
qu'il  voulait  le  purifier  par  les  emplois  ecclé- 
siastiques, et  lui  faire  faire  son  salut  en  tra- 
vaillant à  celui  de  son  prochain.  «Conterntus 
peccatis  meis  agitaveram  in  corde,  meditatus- 
que  fueram  fugam  in  solitudinem  :  sed  probi- 
buisti  me;  et  confortasti  me.  Domine,  dicens  : 
bleo  Cbristus  pro  omnibus  mortuus  est,  ut  qui 
vovunt,  jam  non  sibi  vivant,  sed  ei  qui  pro 
ipsis  mortuus  est  Confess.,  1.  x,  c.  ult.).  » 

En  un  autre  endroit  il  dit  bien  qu'il  avait 
commencé  à  observer  la  continence  avant  que 
d'être  fait  dispensateur  des  sacrements.  «  Fa- 
ctum  est  tt  antequam  dispensator  sacramenti 
tui  fierem  :  »  mais  il  ne  dit  nullement  qu'il 
l'eût  fait  par  l'engagement  à  la  profession  mo- 
nastique. C'était  effectivement  en  la  compagnie 
de  quelques  séculiers  qu'il  avait  commence 
cette  vie  chaste  et  retirée  en  son  pays,  et  il  la 
continua  avec  les  mêmes  amis  a  Hippone,  lors- 


17  1 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


qu'il  y  fut  fait  prêtre,  comme  Possidius  l'insi- 
nue :  étant  fait  évêque,  il  dressa  un  séminaire 
de  clercs. 

X.  Quant  à  Pétrus  Aurélius  (Aurel.,  part,  u, 
pag.  191),  Mirée  (Mirœus,  in  notis  ad  Regulam 
Canonic),  Clément  Renier,  et  autres,  qui  es- 
timent que  les  clercs  du  séminaire  de  saint 
Augustin  vivaient  sans  vieux  et  sans  liens, 
comme  les  pères  de  l'Oratoire,  dit  Renier,  et 
tant  d'autres  communautés  modernes;  la  lec- 
ture simple  des  deux  discours  de  saint  Augus- 
tin, dont  nous  avons  tissu  tout  ce  chapitre, 
devait  les  avoir  détrompés  :  puisque  ce  saint 
docteur  a  exprimé  en  termes  très-formels  la 
profession  et  le  vœu  de  pauvreté  qu'il  exigeait 
de  tous  ceux  qui  entraient  dans  son  séminaire 
et  dans  son  clergé. 

S'il  n'y  a  point  parlé  des  vœux  de  conti- 
nence, d'obéissance  et  de  stabilité,  c'est  que  ce 
clergé  domestique  et  associé  au  saint  n'était 
composé  que  de  prêtres,  de  diacres  et  de  sous- 
diacres  à  qui  leurs  propres  ordres  étaient  un 
engagement  nécessaire  au  célibat  et  étaient  en 
même  temps,  aussi  bien  que  les  ordres  infé- 
rieurs, comme  autant  de  liens  indissolubles 
qui  les  soumettaient  a  l'empire  de  leurévèque 
et  les  attachaient  à  son  église. 

Nous  ferons  voir  dans  la  suite  que  l'ordina- 
tion et  la  cléricature  attachaient  et  soumet- 
taient généralement  tous  les  ecclésiastiques  à 
leurévèque  et  à  son  Eglise;  ainsi  il  ne  fallait 
point  d'autre  vœu  d'obéissance  et  de  stabi- 
lité. 

Les  ordres  supérieurs  dans  l'Eglise  latine 
étaient  inséparables  de  la  loi  du  célibat,  et  le 
sous -diaconat  commençait  à  s'élever  en  ce 
rang  au  temps  de  saint  Augustin.  Il  ne  restait 
dune  que  la  pauvreté  volontaire,  dont  saint 
Augustin  pût  faire  une  règle  et  une  sainte 
singularité  dans  son  clergé,  et  c'est  cequ'il  fit. 

XI.  L'exemple  d'un  prélat  aussi  saint  et 
aussi  illustre  que  saint  Augustin  anima  les 
autres  évêques  à  se  faire  à  eux-mêmes,  et  à 
leur  clergé,  de  semblables  lieux  de  retraite. 
Nous  avons  déjà  vu  que  Possidius  vivait  aussi 
en  communauté  avec  son  clergé. 

Saint  Augustin  le  dit  évidemment  dans  les 
lettres  qu'il  lui  écrit,  aussi  bien  (pie  dans  celles 
qu'il  écrivit  à  Evodius,  a  Bénénatus,  à  SéArère, 
,i  Novat,  auxquels  il  écrit  conjointement  avec 
leur  communauté  et  sans  se  séparer  lui-même 
de  la  sienne  :  «  Novato,  et  qui  tecuni  sunt  fra- 
tribus,  Augustinus,  et  qui  mecum  sunt  fratres 


(August.,  epist.  lxxiii,  ci,ccxxiv,  eesxxiu, 
ccxi.,   ccxl,  ccxi.).  » 

Saint  Paulin  assure  la  même  cbose  d'Ali pe, 
lorsqu'il  lui  écrit  en  ces  termes  :  «  Nostris  in- 
vicem  salutentur  obsequiis  et.  in  clero  sancti- 
tatis  tua?  comités,  et  in  monasteriis  fidei  et 
virtutis  tun?  aemulatores.  Nam  etsi  in  populis 
ac  super  populum  agas,  tamen  abdicalione 
sa^culi,  ac  repuisa  carnis  et  sanguinis,  deser- 
tum  tibi  ipse  feeisti,  secretus  a  multis,  vocatus 
in  paucis.  » 

Voilà  les  séminaires  du  clergé  distingués  fort 
évidemment  des  monastères.  Il  fait  encore  une 
fois  la  même  distinction  vers  la  lin  de  la  même 
lettre  :  «  Renedictos  sanctitatis  tua?,  comités  et 
semulatores,  in  Domino  fratres  nostros,  tam  in 
ecclesiis,  quam  in  monasteriis,  Cartbagini, 
Tagastae,  Hippone  regio  et  totis  parochiis  tuis 
atque  omnibus  cognitis  tibi  per  Africain  locis, 
multo  affectu  rogamus,  etc.  » 

11  parait  de  là,  et  de  ce  que  Possidius  a  déjà 
dit,  que  ces  monastères  de  clercs  se  multi- 
plièrent beaucoup  dans  l'Afrique. 

XII.  C'est  encore  de  ces  communautés  ecclé- 
siastiques que  parle  Julianus  Pomérius  (De 
vita  Contempl.,  1.  u,  c.  vin),  quand  il  dit  que 
Paulin  ,  évêque  de  Noie  ,  Hilaire  ,  évêque 
d'Arles,  et  tant  d'autres  saints  prélats,  après 
avoir  vendu  et  distribué  aux  pauvres  tous 
leurs  fonds  et  leurs  patrimoines,  ont  pu,  sans 
iien  diminuer  de  cette  liante  perfection,  pos- 
séder les  biens  et  les  revenus  de  l'Eglise  pour 
assembler  et  entretenir  de  saintes  congréga- 
tions :  «  Congregandis  fratribus  alendis ,  ex- 
pedit  facilitâtes  Ecclesùe  possidere  ,  ut  uno 
soUieitudines  omnium  in  sua  societatc  viven- 
tium  sustinente ,  omnes  qui  sub  eo  sunt, 
fructuosa  vocatione  potiantur  spiritualiter  et 

quiète.   » 

En  effet,  l'auteur  de  la  vie  de  saint  Hilaire 
dit  que  ce  saint  prélat  apprit  à  son  séminaire, 
par  ses  admirables  exemples,  comment  il  fal- 
lait renoncer  au  inonde,  vivre  de  son  travail, 
jeûner,  prier.  «  Cum  prinium  speculatoris 
snscepit  ol'licium  in  seipso  primum  monstravit, 
quemadmodum  congregalio  mundum contem- 
neret,  manuum  operibuscontinuis  vesceretur, 
sanctis  paginis  inhœreret,  jejuniis,  vigiliis,  etc. 
(Surius,  die  5  Maii).  » 

XIII.  On  pourrait  douter  si  le  clergé  était 
assez  nombreux  pour  former  une  congrégation 
dans  chaque  église  cathédrale.  Cette  difficulté 
a  beaucoup  plus  de  poids  pour  les  trois  pre- 


SAINT  AUGUSTIN  VÉCUT  EN  COMMUNAUTE  I>E  LAÏQUES. 


17.". 


miers  siècles.  Au  temps  de  saint  Augustin  et 
dans  les  siècles  suivants,  le  nombre  du  clergé 
était  fort  grand  dans  toutes  les  villes  considé- 
rables. Saint  Augustin  vient  de  dire  qu'on 
avait  une  ardente  passion  pour  entrer  et  pour 
se  maintenir  dans  l'état  ecclésiastique.  «  Scio 
quoinodo  lioniines  ament  clericatum.  » 

Victor,  évèque  de  Vite,  dit  que  le  roi  des 
Vandales  exila  en  une  seule  fois  près  de  cinq 
mille  personnes,  tant  évèques,  prêtres  et  dia- 
cres, qu'autres  membres  de  l'Eglise  :  «  QUibus 
autem  prosequar  tluminibus  lacrymaruin , 
quando  episcopos,  presbyleros,  diaconos,  et 
alia  Eeclesiœ  membra,  id  est  quatuor  millia 
quadringentos  sexaginta  unum  ad  exilium 
eremi  destinavit?  (L.  u  de  persecutione  Afri- 
cana.)  » 

On  pourrait  douter  si  tous  ceux  que  Victor 
appelle  membres  de  l'Eglise  étaient  ecclésiasti- 
ques ou  simples  fidèles  (Ibid.,  1.  v).  Mais  il  n'y 
a  pas  lieu  d'bésiter  en  ce  qu'il  dit  ailleurs  que 
le  clergé  seul  de  Cartbage  montait  à  cinq  cents 
personnes  ou  plus.  «  Iniversuselerus  Ecclesiœ 
Carthaginis  cœde  inediaque  maceratur,  1ère 
quingenti,  Tel  amplius.  » 

On  lut  dans  le  concile  de  Calcédoine  un  acte 
authentique  où  Ibas,  évèque  d'Edesse,  dit  (pie 
son  clergé  était  d'environ  deux  cents  ecclésias- 
tiques ou  davantage.  "E<rriv  ô  nWipo?  r,f/.wv  Siaxwiov  ovo- 
(j.i™v,fi.txpw  -po;,r!  nm  jrXeiovwv (Act.  X,  C011C.  Cale).  Eli 

ellèt,  dans  les  souscriptions  du  clergé  de  cette 
ville,  on  voit  les  noms  d'un  fort  grand  nombre 
de  prêtres,  de  diacres  et  de  sous-diacres. 

XIV.  Cet  exemple  du  chapitre  ou  du  clergé 
d'Ibas  n'a  pas  été  rapporté  pour  faire  croire 
que  tous  ces  ecclésiastiques  vécussent  en  com- 
munauté. ,1e  ne  crois  pas  qu'en  tout  l'Orient  on 
ait  jamais  vu  ces  congrégations  purement 
ecclésiastiques.  Les  prêtres  et  les  ecclésiasti- 
ques inférieurs  y  étant  ordinairement  mariés, 
et  le  nombre  de  ceux  qui  consacraient  leur 
corps  à  la  continence  étant  très-petit,  parce 
que  les  canons  qui  la  prescrivaient  aux  clercs 
majeurs  y  étaient  très-mal  gardés,  il  n'y  avait 
ni  apparence  ni  espérance  d'y  établir  jamais 
ces  saintes  sociétés  d'ecclésiastiques.  Ce  défaut 
était  en  quelque  façon  compensé  par  un  prodi- 
gieux nombre  de  monastères.    ■ 

Saint  Basile  fut  comme  l'Augustin  de  l'O- 
rient, mais  il  ne  put  assembler  que  des  congré- 
gations monastiques  (Basilius,  in  Regulis  fus. 
disput..  c.  xv;  et  in  Regul.  brev.,  c.  ccxcn). 
Il  est  vrai  qu'il  donnait  à  ses  religieux  la  con- 


duite de  plusieurs  séminaires  de  jeunes  gar- 
çons et  de  jeunes  tilles  qu'on  élevait  séparé- 
ment, dans  des  maisons  séparées,  dans  tous  les 
exercices  de  la  piété  chrétienne,  et  on  les  y 
admettait  des  leur  enfance  afin  de  les  disposer, 
par  une  éducation  si  sainte,  à  embrasser  dans 
un  âge  plus  mûr  la  vie  religieuse. 

C'étaient  donc  comme  des  séminaires  qui 
servaient  à  peupler  les  monastères,  comme  les 
monastères  étaient  les  écoles  ordinaires,  en 
Orient,  dont  on  tirait  les  évêques. 

Socrate  dit  qu'Alexandre,  évèque  d'Alexan- 
drie, vit  un  jour  saint  Atbanase  encore  enfant, 
avec  d'autres  enfants,  contrefaire  les  divers 
ordres  et  les  cérémonies  de  l'Eglise;  qu'il  com- 
manda ensuite  qu'on  les  élevât  et  qu'on  les 
instruisit  dans  l'Eglise  :  et  Atbanase  étant  de- 
venu grand,  il  le  fit  diacre  (Socrate,  1.  i,  c.  11). 
Il  y  avait  donc  dès  lors  des  séminaires  déjeunes 
enfants  dans  les  églises. 

XV.  Saint  Ambroise  avait  fondé  un  monas- 
tère dans  les  faubourgs  de  Milan,  témoin  saint 
Augustin  même.  «EratmonasteriumMcdiolani, 
plénum  bonis  fratribus,  extra  urbis  msenia  sub 
Ambrosio  nutritore  (Conf.,  1.  vm,  c.  G  .  »  Mais 
la  seule  situation  de  ce  monastère  hors  la  ville 
montre  bien  que  ce  n'était  que  pour  des  moines 
qu'il  avait  été  établi  ;  au  lieu  que  saint  Augus- 
tin institua  le  monastère  de  ses  clercs,  non- 
seulement  dans  la  ville,  mais  aussi  dans  sa 
maison. 

Saint  Martin  bâtit  aussi  un  monastère  à  deux 
milles  de  la  ville  de  Tours,  dont  il  était  évèque; 
mais  ce  ne  fut  non  plus  que  pour  des  religieux 
qui  habitaient  la  plupart  dans  des  cavernes 
creusées  dans  la  montagne.  «  Duobus  fere 
extra  civitatem  millibus  monasterium  sibi 
slatuit,  etc.  Discipuli  erant  oetoginta,  etc.  ple- 
rique  sa\o  superjecti  montis  cavato,  recepta- 
cula  sibi  fecerant  (Severus  Sulpicius,  I.  de  vita 
Martini,  c.  vu).  » 

Ainsi,  ni  saint  Ambroise,  ni  saint  Martin  ne 
firent  cette  admirable  alliance  de  la  vie  ecclé- 
siastique avec  les  vertus  de  la  profession  mo- 
nastique. Cet  avantage  était  réservé  â  saint 
Augustin,  non  pas  de  fonder  des  monastères, 
mais  de  faire  vivre  son  clergé  dans  les  exercices 
des  mêmes  vertus  et  des  mêmes  austérités 
qu'on  pratiquait  dans  les  monastères. 

Il  est  vrai  que  toutes  les  églises  s'efforcèrent 
à  l'envi  d'avoir  des  évèques  qui  eussent  été  for- 
més de  la  main  de  saint  Martin,  et  qui  eussent 
passé  par  toutes  les  épreuves  de  son  monastère  : 


176 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TROISIÈME. 


a  Plures  ex  his  postea  episcopos  vidimus.  Quœ 
enim  esset  civitas.  aut  ecclesia,  quœ  non  se  de 
Martini  monasterio  cuperet  liabere  sacerdotes? 
(Ibidem.  »  Mais  on  ne  peut  nier  que  le  sémi- 
naire de  saint  Augustin  ne  lût  encore  plus 
propre  a  cultiver  de  saints  ecclésiastiques,  et  à 
former  d'excellents  évêques,  qu'un  monastère 
où  l'on  ne  fait  nullement  profession  des  fonc- 
tions sacerdotales,  et  où  l'on  fait  plutôt  profes- 
sion de  1' 'S  éviter  que  de  les  apprendre. 

XVI.  Saint  Augustin  dit  lui-même  que  c'é- 
tait de  son  séminaire  que  les  évêques  étaient 
tirés  pour  aller  prendre  le  gouvernement  des 
églises. 

Ayant  ramené  à  l'unité  de  l'Eglise  un  grand 
nombre  de  donalistes  dans  la  ville  de  Fussale, 
qui  était  de  son  diocèse,  il  voulut  y  faire  ériger 
un  évèebé  nouveau  et  y  consacrer  un  évêque. 
Il  y  fit  venir  pour  cela  le  primat  de  Numidie. 
Le  prêtre  qu'il  croyait  avoir  disposé  à  accepter 
cette  importante  (barge  refusa  absolument  de 
s'y  soumettre.  «  Omnimodo  resistendo  frustra- 
\it  Hpist.  cclxi).  »  Saint  Augustin  ne  put  se 
résoudre  à  renvoyer  le  primat,  qui  était  un 
vénérable  vieillard,  sans  rien  faire,  et  n'ayant 
avec  lui  qu'un  lecteur  de  son  monastère, 
nommé  Antoine,  «  In  monasterio  a  nobis  par- 
xula  quiilem  a'tate  nutriluni .  sed  praeter  le- 
ctionis  oflicium  nullis  clericatus  gradibus  et 
laboribus  notum,  »  il  le  présenta  et  le  lit  or- 
donner évêque. 

Saint  Augustin  blâme  lui-même  sa  précipi- 
tation dans  ce  dernier  choix.  Aussi  les  suites 
en  lurent  funestes  et  lui  causèrent  bien  du  dé- 
plaisir. Mais  cela  est  hors  de  notre  sujet.  Il 
suffit  de  remarquer  que  c'est  de  son  séminaire 
que  saint  Augustin  tirait  les  évêques;  et  si  ce 
lecteur  n'était  pas  digne  d'une  si  éminente 
dignité,  le  prêtre  témoigna  assez  combien  il 
en  rtait  digne  par  sa  fermeté  à  la  refus  r. 

XVII.  Ajoutons  ici  un  mot  sur  la  conformité 
de  ce  séminaire  de  saint  Augustin  avec  les 
chanoines  réguliers  qui  portent  le  nom.  mais 
qui  fonl  encore  plus  de  gloire  d'imiter  les 
vertus  de  ce  saint   l'ère. 

La  ressemblance  en  est  fort  grande  :  de  pari 
et  d'autre  ce  ne  sont  que  des  clercs  et  des  ec- 
clésiastiques liés  par  les  trois  vœux  et  vivant 
en  commun  ;  au  reste,  appliqués  à  toutes  les 
fonctions  propres  au  clergé.  Maison  ne  peut 
nii'i  qu'il  n\  ait  aussi  quelque  différence  entre 
eo  deux  sociétés.  Les  ecclésiastiques  de  saint 
Augustin  n'avaient  rien  en  leur  babils  qui  le 


distinguât  des  autres  ecclésiastiques,  si  ce 
n'est  la  singularité  de  leur  modestie.  On  ne 
servait  à  leur  table  que  des  légumes  ;  et  si  on  y 
voyait  quelquefois  de  la  viande,  ce  n'était  que 
pour  les  botes  ou  pour  les  infirmes. 

On  y  servait  du  vin  ;  et  en  cela  ils  étaient 
différents  des  moines  à  qui  l'usage  du  vin  et 
de  la  viande  était  entièrement  inconnu  (Pos- 
sidius,  c.  xxn).  Il  faut  encore  ajouter  à,  cela 
que  le  clergé  de  saint  Augustin  n'était  autre 
que  le  clergé  propre  de  l'église  cathédrale  vi- 
vant en  communauté  avec  l'évêque.  Ils  ne 
vouaient  la  continence  qu'en  recevant  un 
ordre  sacré  :  ils  ne  promettaient  l'obéissance 
qu'a  leur  évêque,  qui  était  leur  supérieur 
unique  et  immédiat,  et  ils  la  promettaient 
aussi  dans  leur  ordination.  Ainsi,  quant  à  la 
continence  et  à  l'obéissance,  ils  n'avaient  rien 
qui  ne  leur  fût  commun  avec  tous  les  autres 
ecclésiastiques.  Le  seul  point  qui  leur  était 
propre  était  la  désappropriation  etlevoeu  qu'ils 
en  faisaient  en  consentant  à  cette  condi- 
tion, sans  laquelle  saint  Augustin  ne  les  eût 
pas  ordonnés.  Voilà  à  mon  avis  les  diffé- 
rences. 

XVIII.  J'ai  dit  qu'ils  vouaient  la  pauvreté 
évangélique  en  recevant  l'ordre  sacré  qui  ne 
leur  était  donné  qu'avec  cette  condition.  Ce 
n'était  qu'un  vœu  implicite  et  une  profession 
tacite,  semblable  à  celle  par  laquelle  aujour- 
d'hui les  sous-diacres  s'obligent  au  célibat  par 
leur  ordination.  C'est  peut-être  ce  qui  a  trompé 
ceux  qui  ont  cru  que  l'on  ne  faisait  point  de 
vœux  dans  ce  monastère  ecclésiastique  de  saint 
Augustin. 

Ce  saint  évêque  dit  que  les  clercs  qui  ont  fait 
profession  de  cette  perfection  particulière  : 
«  Professus  est  sanctilatem,  professus  est  com- 
muniter  Vivendi  societatem,  »  ne  peuvent  s'en 
retirer  qu'en  tombant  à  demi,  car  ils  ne  tom- 
bent pas  tout  à  fait,  puisqu'ils  persévèrent  dans 
les  autres  obligations  de  l'état  ecclésiastique  : 
«  Si  ah  hoc  proposito  ceciderit,  et  extra  ma- 
nens,  clericus  fuerit,  dimidius  et  ipse  cecidit 
(De  diversis  serin.  19,  50).  » 

De  même  qu'une  vierge  qui  s'est  consacrée 
à  Dieu  peut  ne  pas  s'enfermer  dans  un  monas- 
tère ;  mais  si  elle  s'y  est  une  fois  retirée  .elle 
n'eu  peut  sortir  sans  tomber  à  demi,  quelque 
soin  qu'elle  prenne  de  sa  pureté  :  «  Virgo  sacra 
etsi  nunquam  fuit  in  monasterio,  et  virgo  sacra 
est.  MU  nubere  non  licet  :  quamvisesse  in  mo- 
nasterio non  coinpellitur.  Si  autem  cœpit  esse 


SI  LES  PÈRES  GRECS  OU  IATIXS  ONT  ÉRIGÉ  UCELOUE  SÉMINAIIîE. 


in  monasterio,  ot  deseruit,  et  tamen  virgo  est, 
dimidia  ruit.  » 

La  profession  de  stabilité  que  ces  vierges 
faisaient,  ne  consistait  qu'a  entrer  dans  le 
monastère  :  Sicœpit  esse  in  monasterio.  Après 
cela  elles  n'en  pouvaient  sortir  sans  violer 
leur  profession  ,  quoiqu'elles  demeurassent 
vierges. 

XIX.  Cette  comparaison  de  saint  Augustin 
est  tout  a  fait  juste  :  car  ces  vierges,  après 
avoir  voué  la  virginité,  vouaient  encore  la  sta- 
bilité, et  la  vie  commune  avec  la  pauvreté  dans 
un  monastère,  en  y  entrant  :  de  même  que  les 
clercs,  après  avoir  voué  de  s'acquitter  de  toutes 
les  obligations  des  ordres  qu'ils  avaient  reçus, 
faisaient  encore  profession  de  pauvreté  ,  de 
vivre  en  commun,  et  de  persévérer  dans  le 
séminaire,  en  y  entrant. 

Ce  sont  ces  filles  religieuses  à  qui  saint  Au- 
gustin adressa  sa  règle,  comprise  dans  une  de 
ses  lettres,  semblable  à  la  vie  des  clercs  du 
séminaire ,  mais  proportionnée  a  elles.  Car 
outre  le  vœu  de  chasteté,  «  Ut  non  solum  car- 


nales  nuptias  contemneretis  ,  »  elles  s'obli- 
geaient a  la  vie  commune,  «  Eliam  eligerelis 
in  domo  societatem  unanimi  habitandi,  »  et  à 
n'avoir  rien  en  propre  :  «  Non  dieatis  aliquid 
proprium,  sed  sint  vobis  omnia  communia 
Epist.  cixi.  » 

Pour  cela  elles  donnaient  au  monastère  ce 
qu'elles  avaient  possédé  dans  le  monde  :  ce 
que  les  clercs  faisaient  aussi  le  plus  souvent, 
comme  nous  dirons  ailleurs  :  «  Quae  aliquid 
babebant  in  sœculo,  quando  ingressae  sunt 
monasterium,  libenter  velint  illud  esse  com- 
mune. » 

Enfin,  ces  saintes  vierges  ne  portaient  que 
les  habits  communs,  sans  se  distinguer  des  au- 
tres filles  :  «  Non  sit  notabilis  habitus  vester, 
nec  aiïectetis  vestibus  placere.  sed  moribus.  » 

Il  n'en  était  pas  de  même  de  toutes  les  au- 
tres religieuses  de  ce  temps-là;  mais  saint 
Augustin  régla  celles-ci  avec  le  même  esprit 
et  le  même  tempérament  qu'il  avait  fait  paraître 
dans  la  discipline  de  son  séminaire. 


CHAPITRE    QUATRIEME. 


SI    LES   AUTRES   PEHES   GRECS   OU    LATINS   ONT    ERIGE   QUELQUE   SEMINAIRE,    OU    QUELQUE 

CONGRÉGATION    DE    CLERCS. 


I.  Eusèbe,  évèque  de  Verceil,  composa  tout  son  clergé  Je 
moines,  commit  à  des  moines  toutes  les  fonctions  clérical  s. 
mais  il  n'érigea  point  de  communauté  de  clercs. 

II.  Preuves  de  cela. 

III.  Autres  preuves. 

IV.  Il  en  est  île  même  de  saint  Basile. 

V.  Et  de  saint  Epiphane. 

VI.  Et  de  saint  Athanase. 

VII.  Autres  preuves  tirées  de  saint  Jérôme. 

VIII.  Nouvelles  preuves  que  saint  Augustin  ne  fut  jamais 
moine. 

1\.  Des  communautés  purement  ecclésiastiques,  on  l'on  ne 
renonçait  point  aux  biens  patrimoniaux. 

I.  Celui  qui  pourrait  disputera  saint  Augus- 
tin avec  plus  d'apparence  la  gloire  d'avoir  allié 
la  vie  cléricale  avec  la  réforme  des  monastères, 
est  le  grand  et  célèbre  Eusèbe,  évèque  de  Ver- 
ceil. 


Néanmoins,  si  nous  examinons  de  près  ce 
que  saint  Ambroise  a  écrit  sur  ce  sujet,  nous 
reconnaîtrons  que  cet  illustre  confesseur  ne 
s'étudia  nullement  a  garder  ce  tempérament 
et  cette  médiocrité  oii  s'arrêta  depuis  saint 
Augustin  ;  mais  il  passa  outre,  et  ne  se  con- 
tentant pas  de  donner  à  son  clergé  quelque 
teinture,  et  comme  une  image  des  vertus  des 
solitaires,  il  leur  en  fit  prendre  l'habit,  la  pro- 
fession et  l'état,  les  chargeant  en  même  temps 
des  fonctions  sacerdotales. 

Ainsi  il  faut  dire  que  saint  Augustin  laissa 
son  clergé  dans  l'état  ecclésiastique,  et  n'ajouta 
à  la  vie  et  à  la  piété  cléricale  que  la  vie  en 
commun  et  la  désappropriation  ;  au  lieu  qu'Eu- 


478 


DES  CONGREGATIONS.  —  CHAPITRE  QUATRIÈME. 


sèbe  de  Verceil  établit  l'état  et  la  profession  mo- 
nastiques dans  son  Eglise.  L'un  apprit  à  ses  ec- 
clésiastiques à  imiter  quelque  chose  des  vertus 
monastiques,  dont  les  laïques  se  rendaient  aussi 
fort  souvent  les  imitateurs;  l'autre  leur  lit  en- 
tièrement embrasser  la  profession  monastique, 
sans  renoncer  aux  fonctions  du  clergé. 

II.  Ecoutons  saint  Ambroise  :  «  In  Ecclesia 
Vercelensi  duo  pariter  exigi  videntur  ab  epi- 
scopo,  monasterii  continenlia,  et  disciplina 
Ecclesia'.  Ikec  enim  primus  in  occidentis  par- 
tibus  diversa  inter  se,  Eusebius  sanctaj  mémo- 
rial conjunxit,  ut  et  in  civitate  positus  instituta 
monachorum  teneret,  et  Ecclesiam  regeretje- 
junii  sobrietate  Epist.  i.xxxu  .  » 

Voilà  manifestement  la  profession  monas- 
tique, instituta  Monachorum,  dans  le  clergé 
de  Verceil. 

Il  dit  plus  bas  :  «Haec  duo  in  attentione  Chri- 
stianorum  devotione  prastanliora  esse  quis 
ambigat,  clericorum  officia  et  instituta  mona- 
chorum.  » 

Il  n'oublie  pas  l'abstinence,  les  jeûnes,  le 
travail,  la  prière  continuelle  des  moines;  il  as- 
sure  que  c'est  dans  ces  saints  et  pénibles  exer- 
cices de  la  vie  monastique  que  saint  Eusèbe 
acquit  cette  force  et  cette  patience  infatigables 
qui  le  rendirent  victorieux  de  ses  persécuteurs. 
«  Eusebius  prior  levavit  vexillum  confessionis. 
Ila'c  patientia  in  sancto  Eusebio  monasterii 
coaluit  usu,et  durions  observationis  eonsuetu- 
diue,  bausit  laborum  tolerantiam.  » 

Ni  saint  Augustin,  ni  Possidius  n'ont  rien  dit 
de  semblable  en  parlant  des  clercs  du  monas- 
tère d'Hippone  ;  ils  n'ont  parle  que  de  la  vie 
en  communauté,  et  de  la  désappropriation. 
Quant  au  reste,  leur  vie  était  la  même  que 
celle  des  autres  ecclésiastiques,  a.issi  bien  que 
leur  babil. 

Saint  Ambroise  parle  presque  en  mêmes  ter. 
mes  dans  un  autre  endroit.  «  In  bac  sancta 
Ecclesia  eosdem  monachos  instituit,  quos  cle- 
ricos,  etc.  Ut  si  videris  monasterii  lectulos,  in- 
star orientalis  propositi  judices  (Serm.  lxix).  » 
Ces!  évidemment  attribuer  au  chapitre  de  Ver- 
ceil et  la  profession  des  moines,  et  toutes  leurs 
austérités. 

III.  Quand  saint  Ambroise  dit  en  ces  deux 
endroits  que  saint  Eusèbe  imita  et  introduisit 
dans  l'Occident  ce  qu'il  avait  vu  dans  l'Orient, 
il  fait  voir  clairement  qu'il  établit  des  moines 
dans  son  chapitre.  Les  monastères  avaient 
commencé,  et  s'étaient  admirablement  multi- 


pliés dans  l'Orient ,  avant  qu'on  en  vît  dans 
l'Occident:  mais  en  tout  l'Orient  il  n'y  avait 
pas  une  seule  église  où  les  ecclésiastiques  vé- 
cussent en  communauté,  et  fissent  voir  dans 
leur  discipline  une  image  de  la  vie  religieuse. 

IV.  Saint  Rasile.  a  la  vérité,  parle  en  quel- 
que endroit  des  chanoines  qui  vivent  en  com- 
munauté :  -:-.;  t'.:j;  èy  jœivoëîu  xavovucci*.  Mais 
c'est  des  cénobites  qu'il  parle,  c'est-à-dire,  des 
moines  qui  vivaient  en  commun,  au  lieu  que 
les  autres  vivaient  seuls  et  séparés.  Et  c'est 
dans  ses  constitutions  monastiques  qu'il  en 
parle,  où  il  donne  des  préceptes  admirables  à 
ces  deux  sortes  de  moines,  qu'il  distingue  très- 
exactement  (Cap.  xviii,  Constit.  Monast.  Et 
epist.  lxiii.  cccxcn  . 

Il  les  appelle  chanoines,  xavcmxtùt,  comme 
observateurs  fidèles  de  la  règle  qui  s'appelle  ca- 
non, xavwv  :  X7./-Û;  r.v  wvtàva  tw  pi«3  ota^putâtrawreç.  En- 
fin, il  le  soumet  à  un  supérieur  autre  que  l'évè- 
que.  râ  /.7.0r-vj7  Evt,,  ireiOoWvoi,  ce  qu'il  ne  ferait  pas, 
si  ('eussent  été  des  ecclésiastiques  semblables  à 
ceux  de  saint  Augustin  ,  vivant  en  commu- 
nauté avec  leur  évoque. 

Saint  Rasile,  dans  sa  lettre  ccclxxi,  dit  qu'il 
avait  bâti  à  Césarée  une  fort  belle  église,  joi- 
gnant une  maison  libre  pour  l'évêque  seul,  et 
des  logements  plus  bas  pour  les  serviteurs  de 
Dieu,  -■:■■■.,  fe{»MteuTai«  toû  Becû  :  c'étaient  des  moines, 
et  saint  Rasile  remarque  lui-même  que  sa  mai- 
son était  séparée  de  la  leur.  Lorsqu'il  n'était 
encore  que  prêtre  et  grand-vicaire,  il  avait 
aussi  une  compagnie  de  moines  dans  sa  mai- 
son. 

Y.  Saint  Epiphane  a  excellemment  repré- 
senté la  foi  et  la  police  de  son  temps,  dans  son 
traité  de  l'exposition  de  la  foi  catholique.  Il  dit 
qu'on  ne  conférait  le  sous-diaconat  et  les  au- 
tres ordres  supérieurs  qu'à  ceux  qui  avaient 
conservé  la  virginité  et  l'intégrité  de  leur  corps, 
jn*pOsvoi<  (Cap.  xxi);  ou  au  moins  à  des  moines, 
[tovôÇouoi  (Cap.  xxiii);  ou  enfin  à  des  gens  qui 
gardassent  continence  du  vivant  de  leurs  fem- 
mes ou  après  leur  mort;  il  dit  ensuite  qu'il  y  a 
des  moines  qui  font  leur  séjour  dans  les  villes, 
et  d'autres  qui  demeurent  dans  des  monas- 
tères et  en  des  lieux  écartés. 

De  ces  deux  endroits  de  saint  Epiphane, 
nous  pouvons  conclure  :  1°  Que  dans  l'Orient 
on  lirait  ordinairement  les  plus  saints  d'entre 
les  religieux  pour  les  élever  aux  ordres  et  aux 
dignités  ecclésiastiques. 

2°  Que  ces  moines  qui  habitaient  dans  les 


SI  LES  PÈRES  GRECS  OU  LATINS  ONT  ÉRIGÉ  QUELQUE  SÉMINAIRE. 


'«79 


villes  étaient  vraisemblablement  ers  laïques 
qui  vivaient  religieusement  et  en  communauté, 
dont  saint  Augustin  a  rendu  un  si  illustre  té- 
moignage. Car  saint  Epiphane  les  distingue 
des  moines  qui  habitaient  dans  les  monastères. 
En  effet,  les  monastères  n'étaient  point  encore 
communs  dans  les  villes. 

3°  Que  saint  Epiphane  n'eût  pas  passé  sous 
silence  les  communautés  des  simples  ecclésias- 
tiques, s'il  y  en  eût  eu  de  son  temps,  puisqu'il 
n'a  rien  oublié  de  ce  qui  pouvait  rehausser  la 
gloire  de  l'Eglise,  et  surtout  du  clergé. 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Epiphane  assure 
que  ce  saint  prélat  vivait,  dans  son  évêché,  dans 
la  compagnie  de  quatre-vingts  moines.  11  se 
met  lui-même  du  nombre:  «  Eramus  in  epi- 
scopatu  omnes  monachi  octoginta  (Cap.  i.v).  » 

Si  ce  récit  est  véritable,  c'était  donc  une 
communauté  de  moines,  dans Lévêché,  et  peut- 
être  même  dans  les  fonctions  ecclésiastiques  ; 
c'était  un  de  ces  exemples  de  l'Eglise  orientale 
(jue  saint  Eusèbe,  évêque  de  Verceil,  aura  pu 
imiter  :  mais  ce  n'était  nullement  une  société 
[jurement  ecclésiastique. 

Sozomène  apprend  bien,  dans  le  livre  vi, 
cliap.  v2(i,  que  dans  la  ville  de  Rlnnocornre, 
après  que  plusieurs  saints  religieux  en  eurent 
été  évêques,  les  clercs  vécurent  aussi  en  commu- 
nauté, ayant  une  même  maison  et  une  même 
table,  et  ne  possédant  rien  qu'en  commun,  kw, 

os  ètf-i    tgÏ;  aÙTo'Ot    kXtoixgU  gÏ/.t.ci;   ts,  kou  — ûâ-s^a,  xxi  t' 

ï/j.a  -ii-%.  Mais  cet  exemple  est  singulier  et  peut- 
être  unique  dans  l'Orient,  comme  il  paraît  par 
les  saints  Pères  de  ces  premiers  siècles,  et  par 
les  autres  historiens  qui  ne  disent  rien  de  sem- 
blable. 

VI.  Saint  Atbanase  écrivant  au  moine  Dra- 
contius,  pour  l'exhorter  à  accepter  fépiscopat, 
lui  représente  un  grand  nombre  de  ceux  qui 
onteonservé  dans  cette  dignité  éminente  toutes 
les  vertus  et  les  austérités  même  les  plus 
grandes  de  la  vie  religieuse,  à  laquelle  ils 
s'étaient  dévoués  dès  leur  jeunesse. 

«  Neque  enim  tu  solus  ex  monachis  es  con- 
stitutus ,  neque  solus  monaslerio  pnefuisti. 
Nosli  Serapionem  monachum  esse ,  et  quot 
monacborum  prœfectum ?  Neque  a  te  ignora- 
tur,  quot  monacborum  pater  fuerit  Apollonius. 
Nosti  Agathonem  ,  et  Aristonem.  Memor  es 
Ammonii,  cum  Serapione.  Audisti  de  Cue,  de 
Paulo,  et  aliis  multis.  »  Et  |)lus  bas  :  «  Licebit 
tibi  in  episcopatu  esurire,  sitire,  vinum  non 
habere,  jejunare  fréquenter,  etc.  Novimus  et 


episcopos  jejunantes.  non  bibentes  vinum.  etc.» 

Enfin,  il  l'assure  que  pour  faire  cette  admi- 
rable alliance  des  vertus  religieuses  avec  les 
travaux  de  l'épiscopat,  il  n'a  qu'à  se  proposer 
la  vie  île  saint  Paul  et  des  autres  apôtres,  dont 
les  évoques  sont  les  successeurs. 

Il  parait  encore,  par  celte  lettre  de  saint 
Atbanase.  qu'on  arrachait  des  monastères  un 
grand  nombre  de  saints  évêques,  niais  qu'il 
n'y  avait  point  en  Orient  de  congrégations 
ecclésiastiques  où  les  évêques  et  leur  clergé 
imitassent  de  près  la  vie  commune  et  les  autres 
points  importants  de  la  discipline  monastique. 

Car,  saint  Atbanase  n'eût  pu  s'en  taire  dans 
une  occasion  si  propre  et  si  favorable. 

VII.  Saint  Jérôme,  qui  était  parfaitement  ins- 
truit de  l'état  de  l'une  et  de  l'autre  église,  fai- 
sant à  Népotien  une  peinture  achevée  d'un 
excellent  ecclésiastique,  n'avance  pas  un  seul 
mot  de  l'obligation,  ou  de  la  coutume,  ou  de  la 
bienséance  de  vivre  en  communauté  avec 
d'autres  clercs.  Il  lui  donne  au  contraire  divers 
préceptes  qui  supposent  une  vie  retirée  et  par- 
ticulière dans  sa  maison;  par  exemple,  d'avoir 
toujours  a  sa  table  des  pauvres  et  des  passants, 
de  ne  recevoir  point  de  femme  dans  sa  maison, 
et  autres  semblables. 

L'épitapbe  que  saint  Jérôme  fit  du  même 
Népotien,  après  sa  mort,  apprend  qu'étant  en- 
core jeune  il  avait  désiré  avec  passion  d'aller 
visiter  les  monastères  de  l'Egypte  et  de  la 
Mésopotamie;  mais  que  le  respect  qu'il  avait 
pour  son  oncle  l'avait  retenu,  et  qu'il  avait 
trouvé  en  sa  personne  la  sainteté  d'un  évêque 
rebaussée  par  les  vertueux  exercices  d'un 
moine.  «  Cumque  arderet  aut  ad  .-Egypti  mo- 
nasteria  pergere,  aut  Mesopolamiae  invisere 
clioros,  vel  certe  insularum  Dalmatiœ  solitu- 
dines  occupare,  avunculum  pontificem  dese- 
rere  non  audebat,  etc.  In  uno  atque  eodem  et 
imitabatur  monachum,  et  pontificem  venera- 
batur.  » 

Son  oncle  l'ayant  fait  prêtre,  malgré  toute 
sa  résistance,  il  exerçait  au  dehors  les  fonc- 
tions du  sacerdoce,  et  dans  l'évêché  il  prati- 
quait toutes  les  austérités  des  solitaires  :  «  Re- 
licto  foris  clerico.  postquam  domum  se  contu- 
lerat, duritiaesetradiderat  monacborum,  creber 
in  orationibus ,  vigilans  in  precando  ,  etc. 
Mensœ  avunculi  intererat,  etc.  » 

Cela  montre  qu'il  n'y  avait  encore  nulle 
compagnie  d'ecclésiastiques  vivant  en  com- 
mun, et  que  les  monastères  mêmes  ne  faisaient 


180 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  QUATRIÈME, 


que  commencer  de  paraître  dans  l'Occident. 

VIII.  Finissons  par  quelques  preuves  qui 
lassent  connaître  avec  encore  plus  de  clarté  et 
plus  d'évidence  que  la  congrégation  instituée 
par  saint  Augustin  a  été  purement  ecclésias- 
tique, et  que  ce  saintévêque  n'a  jamais  été  en- 
gagé dans  l'état  monastique,  ni  avant  son 
ordination,  ni  après  ,  ni  dans  le  monastère  qui 
était  dans  les  jardins  de  l'église,  ni  dans  le 
monastère  des  clercs  qui  était  dans  l'évêché 
même. 

Ce  saint  et  incomparable  docteur  a  fait  voir 
tous  les  états  de  sa  vie  en  distinguant  ses  livres 
selon  les  divers  états  où  il  les  avait  écrits.  Or, 
il  assure  qu'il  a  écrit  les  uns  avant  le  baptême, 
«  Nondum  baptizatus,  adhuc  cateebumenus  ;  » 
les  autres  après  son  baptême,  «  Baptizatus, 
adhuc  in  ltalia,  etc.  in  Africa  constitutus,etc.;» 
les  autres  étant  prêtre,  aApud  Hipponem  Re- 
giuni  presbyter;  »  enfin  les  autres  étant  déjà 
évèque,  «  Episcopus  (Relract.,  lib.  i  et  n).  » 
Il  n'aurait  pas  omis  son  état  de  religieux  et  les 
livres  qu'il  aurait  composés  durant  cette  sainte 
profession  s'il  était  véritable  qu'il  L'eût  une  fois 
embrassée. 

Possidius  confirme  cette  preuve  lorsqu'il  dit 
que  saint  Augustin,  peu  de  jours  avant  sa  der- 
nière maladie,  fit  cette  censure  très-exacte  de 
tous  ses  ouvrages,  qu'il  avait  publies  lorsqu'il 
était  ou  laïque,  ou  prêtre,  ou  évêque.  «  Recen- 
suit  libros,  quos  primo  tempore  conversionis 
sua1  adhuc  laicus ,  sive  quos  presbyter,  sive 
quos  episcopus  dictaverat  (Cap.  xxvm).  »  Ainsi 
saint  Augustin  n'était  que  laïque  quand  il 
reçut  les  ordres  sacrés. 

Il  dit  ensuite  que  saint  Augustin  vécut 
soixante-seize  ans,  dont  il  en  avait  passé  près 
de  quarante  dans  la  cléricature  ou  dans  l'épis- 
copat.  «  In  clericatu,  vel  episcopalu  ferme 
quadraginta.  » 

Enfin ,  Possidius  dit  clairement  que  saint 
Augustin  était  encore  laïque  quand  on  l'enleva 
de  force  pour  le  faire  prêtre.  «  Solebat  laicus, 
ut nobis  dicebat,  ah  ois  tantum  Ecclesiis,  quae 
non  habebant  episcopus,  suam  abstinere  prœ- 
sentiam.  » 

Saint  Augustin,  étant  encore  prêtre,  se  dis- 
tingue des  moines  et  se  met  au  rang  des  clercs, 
disant  qu'à  peine  d'un  moine  vertueux  on  en 
peut  faire  un  bon  ecclésiastique.  «  Nimis  do- 
lendum  si  ad  tam  ruinosam  superhiam  mona- 
ihos  surrigamus ,  et  tam  gravi  contumelia 
clericos  dignos  putemus,  in  quorum  numéro 


sumus;  cum  aliquando  etiam  bonus  monacbus 

\ix  bonum  clericum  faciat  (Episl.  lxxvij.  » 

Les  moines  mêmes  reconnaissaient  que  toute 
la  famille  de  saint  Augustin  était  composée  de 
clercs  :  «  Omnes  filios  apostolatus  tui  dominos 
nostros  clericos,  digneris  olficio  nostro  salu- 
tare  (Epist.  cclvii).  »  C'est  le  salut  d'un  moine 
à  son  clergé.  Saint  Augustin  s'est  appelé  lui- 
même  confrère,  non-seulement  des  prêtres  et 
des  diacres,  en  les  nommant  «  compresbyteros, 
condiaconos  (Epist.  xux,  txxviu);  »  mais  aussi 
des  clercs,  en  leur  écrivant  «  conclericis  (Epist. 
lxii,  ep.  lxviii,  cxxxviu).  »  Il  n'a  jamais  écrit 
de  la  même  manière  aux  moines.  Enfin,  ni 
dans  le  livre  De  Opéra  Mnnachorum,  ni  dans 
aucun  autre,  saint  Augustin  ne  s'est  jamais 
mis  au  nombre  des  moines,  ni  aucun  Père 
ou  écrivain  ancien  ne  lui  a  jamais  donné  cette 
qualité. 

Toutes  ces  choses  ne  sont  ici  déduites  que 
pour  rendre  plus  indubitable  la  proposition  que 
nous  avons  taché  d'élablir,  que  la  congrégation 
instituée  par  saint  Augustin  était  purement 
ecclésiastique. 

IX.  Nous  n'avons  pu  apercevoir,  dans  tout 
ce  qui  a  été  dit,  aucun  vestige  d'une  commu- 
nauté d'ecclésiastiques  simples,  sans  vœux, 
c'est-à-dire  sans  le  vœu  de  désappropriation. 
Car  la  chasteté  et  l'obéissance  étaient  des  enga- 
gements inséparables  des  ordres,  au  moins  des 
ordres  supérieurs.  11  faut  néanmoins  avouer 
qu'il  y  en  avait  aussi  de  cette  sorte. 

Julien  Pomère  en  parle  clairement  lorsqu'il 
blâme  l'avarice  de  ceux  qui  semblaient  n'être 
entrés  dans  ces  communautés  que  pour  épar- 
gner leur  patrimoine;  «  Propter  hoc  fortassis 
in  congregatione  viventes,  ne  aliquos  pauperes 
pascant,  ne  advenientes  suscipiant,  aut  ne 
suum  censum  expensis  quotidianis  imminuant 
(De  vita  Contempl.,  1.  xi.  c.  10).  » 

Il  parle  encore  de  ces  communautés  ecclé- 
siastiques simples  et  sans  vœux  ,  quand  il 
réprime  la  vanité  de  ceux  qui  prenaient  occa- 
sion de  s'élever  au-dessus  des  autres ,  de  ce 
qu'ils  payaient  à  la  communauté  une  pension 
proportionnée  à  la  nourriture  qu'ils  en  reti- 
raient. «  Quod  si  aliquid  de  fruclibus  suis  Ec- 
clesiœ,  velut  pro  ipsa  expensa  sua  contulerint, 
non  se  proférant  inani  jaclantia  illis ,  quos 
nihil  habentes,  pascit  et  vestit  Ecclesia,  etc. 
(Ibidem).  » 

La  lecture  de  ce  même  chapitre  fait  con- 
naître que  ces  communautés  étaient  composées 


DES  SÉMINAIRES  AUX  SIXIÈME  ET  SEPTIÈME  SIÈCLES. 


4SI 


de  trois  sortes  de  personnes:  les  unes  n'avaient 
jamais  eu  de  patrimoines;  les  autres  y  avaient 
renoncé;  les  derniers  conservaient  leur  patri- 
moine et  en  faisaient  part  à  la  communauté. 


Ce  furent  ces  sortes  de  communautés  qu'on 
fit  revivre  dans  le  ixe  siècle.,  comme  nous  le 
ferons  voir  dans  la  suite  (1). 


(1)  Il  y  a  eu  dans  tous  les  siècles  des  tentatives  efficaces  pour 
amener,  autant  que  possible,  le  clergé  séculier  à  vivre  en  com- 
munauté. Dans  le  xive  siècle,  Gérard  Groot,  né  à  Deventer  en  Hol- 
lande, institua  les  clercs  de  la  vie  commune.  Leur  but  était  de  pra- 
tiquer la  vie  des  apôtres  et  des  premiers  chrétiens,  qui  n'avaient 
qu'un  cœur  et  qu'une  âme,  et  n'avaient  rien  en  propre,  mettant  tout 
en  commun.  Ils  ne  s'engageaient  par  aucun  vœu.  Ils  étaient  soumis 
aux  évèques;  c'est  pourquoi  ils  ne  suivaient  pas  tous  les  mêmes 
règlements  dans  les  différentes  maisons,  car  les  évéques  faisaient  tels 
changemeDts  qu'ils  jugeaient  utiles,  selon  le  besoin  des  localités. 

En  1639,  Barthélémy  Holxauser,  né  près  d'Augsbourg,  fonda  les 
clercs  séculiers  vivant  en  commun,  pour  renouveler  le  ministère  pas- 
toral et  le  mettre  à  l'abri  des  dangers  qu'occasionnent  l'oisiveté  et 
l'isolement.  Ils  s'engageaient  à  n'avoir  plus  d'autre  volonté  que  celle 
de  l'évêque,  pour  la  distribution  des  emplois,  de  sorte  qu'il  pouvait 
disposer  d'eux  selon  qu'il  le  jugeait  à  propos  pour  le  plus  grand  bien 
des  âmes;  la  table  était  commune,  les  exercices  de  piété  se  faisaient 
en  commun,  les  revenus  des  bénéfices  étaient  également  mis  en  com- 
mun. La  fin  de  cet  institut  était  de  former  de  bons  pasteurs  pour  les 
villes  et  les  campagnes.  Pour  pouvoir  faire  le  bien  d'une  manière 
stable,  ils  prêtaient  un  serment  qu'ils  appelaient  conventionntl,  par 
lequel  ils  s'obligeaient  à  ne  point  se  séparer  du  corps  de  leur  propre 
mouvement.  Les  revenus,  tant  casuels  que  fixes  des  bénéfices,  étaient 
ainsi  administrés  :  premièrement,  on  prélevait  ce  qui  était  nécessaire 
pour  vivre  selon  que  le  requiert  la  bienséance  ecclésiastique,  pour 


faire  des  charités  raisonnables,  assister  ses  père,  mère,  frères  et 
sœurs  qui  seraient  dans  le  besoin;  secondement,  le  surplus  devait 
être  employé  pour  l'entretien  des  prêtres  vieux  et  infirmes,  de  ceux 
qui  sont  mis  en  pénitence,  de  ceux  qui  n'ont  pas  un  bénéfice  suffisant 
à  pouvoir  assister  leurs  parents  dans  la  pauvreté.  Cette  salutaire  ins- 
titution'se  répandit  en  Allemagne,  en  Pologne,  en  Hongrie,  et  même 
i  diocèse  d'Espagne,  celui  de  Girone. 

En  1855,  on  a  vu  revivre,  dans  le  diocèse  de  Verdun,  les  clercs 
réguliers  de  Nutre-Sauveur,  fondés  jadis  par  le  B.  Pierre  Fourrier. 
Mais  comme  c'est  une  véritable  congrégation  religieuse,  nous  n'avons 
rien  à  en  dire  ici,  puisqu'elle  ne  concerne  en  rien  le  clergé  séi 

On  peut  mettre,  parmi  les  clercs  séculiers  vivant  en  communauté, 
la  très-méritante  association  de  Saint-Sulpice,  puisqu'elle  du ... 
paroisse  de  Paris  et  plusieurs  grands  sémioaires.  En  effet,  le  pieux 
fondateur,  M.  Olier,  en  prenant  possession,  avec  ses  ecclésiastiques, 
de  la  paroisse  de  Saint-Sulpice,  voulut  que  toutes  les  rétributions 
qui  provenaient  du  casuel  et  du  bénéfice  fussent  mises  en  commun, 
et  que  chaque  ecclésiastique  se  contentât,  selon  le  désir  de  l'A 
d'avoir  sa  nourriture  et  de  quoi  se  vêtir.  Il  ne  manquait  qu'une  chose 
à  la  pieuse  association  de  Saint-Sulpice,  si  riche  en  vertus  et  en 
science  théologique,  c'était  de  soumettre  ses  règles  à  l'examen  et  à 
l'approbation  du  Saint-Siège.  En  1863,  Saint-Sulpice  a  demandé  à 
Rome,  à  la  grande  joie  de  tous  ses  admirateurs,  l'approbation  de  ses 
règles,  et  l'a  obtenue,  en  recevant  de  Pie  IX  les  éloges  les  plus  mé- 
rités. (Dr  André.! 


CHAPITRE  CINQUIÈME. 


DES   SÉMINAIRES   Al  X   SIXIEME   ET    SEPTIEME    SIECLES. 


I.  Du  séminaire  épiscopal  des  jeunes  clercs,  en  Espagne. 

II.  Conformité  de  la  conduite  de  ces  séminaires  avec  la  vie 
religieuse  des  moines. 

III.  Description  admirable  de  ce  même  séminaire  et  d'un 
autre,  où  l'évêque  vivait  en  communauté  avec  tous  ses  prêtres 
et  ses  diacres. 

IV.  En  France,  ces  deux  séminaires  étaient  réunis  en  un  dans 
la  maison  épiscopale. 

V.  VI.  Exemples  tirés  de  Grégoire  de  Tours,  des  séminaires 
où  les  chanoines  vivaient  en  communauté. 

Vil.  MU.  En  Angleterre,  la  vie  de  communauté  fut  établie 
par  Augustin  et  par  un  grand  nombre  d'évèques  qui  furent  ses 
imitateurs. 

IX.  Peinture  merveilleuse  du  séminaire  de  saint  Grégoire  le 
Grand  dans  son  palais  pontifical,  composé  de  clercs  et  de  moi- 
nes très-savants  et  très-vertueux. 

X.  Ce  grand  pape  était  lui-même  le  supérieur,  le  directeur 
et  le  théologien  de  cet  incomparable  séminaire. 

XI.  Les  évèques  d'Afrique  avaient  leurs  séminaires,  même 
dans  leur  exil.  Celui  de  saint  Fulgence  était  composé  d'évèques, 
de  clercs  et  de  moines.  Le  mariage  a  banni  les  séminaires  du 
clergé  oriental. 

I.  Les  séminaires  et  les  congrégations  ecclé- 
siastiques étaient,  comme  nous  venons  de  voir, 


la  retraite  et  l'école  des  clercs  qu'on  ordonnait 
dès  leur  première  enfance. 

Le  concile  II  de  Tolède  (Can.  i),  commande 
expressément  que  ces  jeunes  enfants  qui  auront 
été  tonsurés  et  ordonnés  lecteurs,  soient  élevés 
dans  un  séminaire,  en  la  présence  de  l'évêque, 
sous  la  conduite  d'un  sage  directeur,  et  que  si, 
à  l'âge  de  dix-huit  ans,  ils  prennent  une  sainte 
résolution  de  consacrer  toute  leur  vie  à  la  con- 
tinence, on  les  éprouve  encore  deux  ans  avant 
que  de  les  faire  sous-diacres. 

«  De  bis  quos  voluntas  parentum  a  primis 
infanti;e  annis  in  clericatus  offlcio,  vel  mona- 
cliali  posuit.  pariter  statuimus  observandum, 
ut  mox  cura  detonsi,  vel  ministerio  lectorum 
contraditi  fuerint,  in  domo  ecclesiœ  sub  episco- 
pali  pTOsentia  a  pneposilo  sibi  debeant  erudiri. 
At  ubi  octavum  decimum  a?tatis  suae  annum 
compleverint,  si  gratia  eis  castitatis  Deo  inspi- 


Th.  —  Tome  IL 


31 


482 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  CINQUIÈME. 


rante  placuerit,  hi  tanquam  appetitores  arctis- 
siniœ  vitee  levissimo  Domini  jugo  subdantur ; 
ac  primo  subdiaconatus  ministerium,  proba- 
tione  habita  professionis  suœ  a  vigesimo  anno 
suscipiant.  » 

II.  Ce  canon  fait  remarquer  les  merveilleux 
rapports  qu'il  y  avait  alors  entre  la  profession 
sainte  de  ces  jeunes  clercs  et  celle  des  moines. 

Il  dit  que  les  parents  consacraient  leurs  en- 
fants à  Dieu,  en  les  dévouant  dès  leurs  pre- 
mières années  à  la  cléricature  ou  au  cloître. 
Que  les  jeunes  clercs  étaient  nourris  dans  un 
séminaire  comme  dans  un  cloître.  Que  s'ils 
embrassaient  la  continence  à  l'âge  de  dix-huit 
ans,  on  éprouvait  encore  durant  deux  ans  la 
fermeté  de  cette  résolution  sainte.  Enfin,  qu'a- 
près cela  ils  devaient  se  considérer  comme  des 
personnes  engagées  à  mener  une  vie  austère, 
à  marcher  par  le  chemin  étroit  des  vertus 
évangéliques ,  et  à  porter  le  joug  du  Seigneur, 
que  la  seule  charité  rend  doux  et  léger.  «Tan- 
quam appetitores  arctissimae  vilœ  levissimo 
Domini  jugo  subduntur.  » 

III.  Le  concile  IV  de  Tolède  (Can.  xxi,  xxu, 
xxiii),  fait  voir  comment  un  double  séminaire, 
l'un  dans  la  maison  épiscopale  même,  où  l'évê- 
que, accompagné  de  ses  prêtres  et  de  ses  dia- 
cres, répand  sur  eux  et  avec  eux,  sur  tout  son 
diocèse  ,  une  odeur  de  vertu  et  de  piété  qui 
ferme  la  bouche  à  la  plus  noire  médisance. 
L'autre  dans  une  autre  maison  près  de  l'église, 
où  tous  les  jeunes  clercs  vivent  sous  la  direc- 
tion d'un  saint  vieillard  qui  ne  les  perd  jamais 
de  vue,  et  qui  ne  veille  pas  seulement  sur  leur 
personne  et  sur  leur  vie ,  mais  aussi  sur  les 
affaires  temporelles,  s'il  en  est  besoin.  Enfin, 
s'il  y  a  des  prêtres  ou  des  diacres  à  qui  leur 
infirmité  ou  leur  grand  âge  ne  permette  pas 
de  vivre  en  communauté  avec  l'évêque ,  ce 
concile  leur  permet  de  vivre  en  particulier, 
pourvu  qu'ils  soient  accompagnés  et  éclairés 
de  quelque  autre  ecclésiastique  qui  puisse  être, 
ou  le  témoin  de  leurs  vertus,  ou  le  censeur  de 
leurs  vices. 

a  Ut  excludatur  deinceps  omnis  nefand;r- 
suspicionis  occasio,  et  ne  detur  ultra  saecula- 
ribus  locus  obtrectandi,  oportetepiscopostesti- 
moniuin  probabilium  personarum  conversa- 
sionis  et  vitœ  in  conclavi  suo  habere,  ut  et  Deo 
placeant  per  conversationem  bonam  ,  et  eccle- 
siœ  per  optimam  famam.  Similiter  plaçait,  ut 
quemadmodum  antistites ,  ita  presbyteri  atque 
levitœ  quos  forte  infirmitas  aut  oetatis  gravitas 


in  conclavi  episcopi  manere  non  sinit ,  ut  et 
iidem  in  cellulis  suis  testes  vita?  habeant,  vi- 
tamque  suam  sicut  nomine  ,  ita  et  meritis 
teneant.  » 

Entre  les  prêtres  et  les  diacres,  il  n'y  avait 
donc  que  ceux  que  leur  vieillesse  ou  leur  infir- 
mité excusait  qui  pussent  se  dispenser  de  de- 
meurer et  de  vivre  en  communauté  avec  leur 
évèque,  «  quos  forte  infirmitas,  aut  aetatis gra- 
vitas, in  conclavi  episcopi  manere  non  sinit.  » 
Encore  étaient-ils  eux-mêmes  obligés  de  se  faire 
un  petit  séminaire  dans  leur  propre  maison,  et 
d'y  vivre  en  commun  avec  un  ou  plusieurs 
ecclésiastiques. 

Quant  au  séminaire  des  moindres  clercs  voici 
ce  que  le  même  concile  en  ordonne.  «  Prona 
est  omnis  œtas  ab  adolescentia  in  malum.  Ob 
hoc  constituendum  oportuit,  ut  si  qui  in  clero 
pubères,  aut  adolescentes  existunt,  omnes  in 
uno  conclavi  atrii  commorentur,  ut  lubricœ 
aetatis  annos  non  in  luxuria,  sed  in  disciplinis 
ecclesiasticis  agant,  deputati  probatissimo  se- 
niori ,  quem  et  magistrum  disciplina?,  et  tc- 
stem  vitœ  habeant.  Quod  si  qui  ex  lus  pupilli 
existunt,  sacerdotalitutela  faveantur,  ut  et  vita 
eorum  a  criminibus  inlacta  sit,  et  res  ab  inju- 
ria improborum.  » 

Si  entre  ces  jeunes  clercs  il  y  en  avait  d'in- 
dociles, on  ne  les  renvoyait  pas,  pour  ne  pas 
les  exposer  au  torrent  de  l'iniquité  du  siècle, 
ou  même  à  devenir  des  apostats  de  la  profes- 
sion cléricale ,  mais  on  les  domptait  en  les 
enfermant  dans  des  monastères.  «  Qui  autem 
his  prœceptis  resultaverint,  monasteriis  depu- 
tentur,  ut  vagantes  animi  et  superbi  severiori 
régula  distringantur.  » 

IV.  L'Eglise  de  France  n'était  pas  moins 
zélée  pour  la  régularité  de  ses  séminaires, 
mais  je  ne  sais  s'il  y  en  avait  de  deux  sortes, 
comme  nous  venons  de  voir  qu'il  y  en  avait  en 
Espagne. 

Le  concile  II  de  Tours  (Can  xn),  rassemble 
les  prêtres,  les  diacres  et  les  plus  jeunes  clercs 
dans  la  maison  de  l'évêque,  comme  une  troupe 
d'anges  qui  doivent  le  garder,  et  qui  ne  doi- 
vent pas  souffrir  qu'il  y  demeure  aucune 
femme,  afin  que  cette  compagnie  toute  céleste 
d'ecclésiastiques  ne  rencontre  rien  qui  puisse 
le  moins  du  inonde  souiller  sa  pureté. 

«  Licet  episcopus  Deo  propitio  clericorum 
suorum  testimonio  castus  vivat,  quia  cum  illo 
tain  in  cella,  quam  ubicumque  fuerit,  sui 
habitent;  eumque  presbyteri,  et  diaconi  vel 


DES  SEMINAIRES  AUX  SIXIÈME  ET  SEPTIEME  SIÈCLES. 


183 


deinceps  clericorum  turba  junioruni  Deo  au- 
tore  conservent  :  sic  tamen  propter  zelotem 
Deum  nostrum  tain  longe  absint  episcopus  et 
conjux,  mansionis  propinquitate  divisi,  ut  nec 
hi  qui  ad  spem  recuperandam  clericorum  ser- 
vante nutriuntur,  famularum  propinqua  con- 
tagione  pollùantur.  » 

Je  cloute  si  ces  paroles,  «  Hi  qui  ad  spem 
recuperandam  clericorum  servitute  nutriun- 
tur, »  se  doivent  entendre  des  clercs  mêmes  qui 
sont  dans  un  séminaire,  comme  une  seconde 
pépinière  de  ces  divines  plantes  qui  doivent 
un  jour  peupler  et  enrichir  tout  le  champ  de 
l'Eglise  :  ou  des  esclaves  qui  les  servaient,  et 
qui  en  même  temps  étaient  si  saintement  ins- 
truits, qu'on  en  faisait  souvent  de  très-bons 
ecclésiastiques. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  concile  (Can.  xiu)  veut 
que  l'évêque  ne  soit  servi  el  gardé  que  par  ses 
ecclésiastiques,  auxquels  il  donne  le  pouvoir  de 
bannir  toutes  sortes  de  femmes  de  la  maison 
épiscopale,  qui  est  aussi  la  leur,  a  Habeant  mi- 
nistri  Ecclesia?,  ulique  clerici,  qui  episcopo 
serviunt,  et  eum  custodire  debent,  licentiam 
extraneas  mulieres  de  fréquent ia  cohabitationis 
ejicere.  » 

V.  Néanmoins  ce  canon  ne  dit  pas  aussi  for- 
mellement que  celui  de  Tolède  que  tous  les  ec- 
clésiastiques sont  obligés  de  se  joindre  au  sémi- 
naire de  l'évêque.  Je  ne  sais  même  si  l'on  peut 
rapporter  à  cela  ce  qu'a  écrit  Grégoire  de 
Tours,  de  l'un  de  ses  prédécesseurs,  nommé 
Baudin,  entre  lequel  et  lui  il  n'y  a  eu  que  Con- 
thaire  et  Euphronius  qui  aient  occupé  ce  siège. 
«  Hic  instituit  mensam  canonicorum.  » 

Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  ce  fut  la  vie 
commune  que  ce  bon  évèque  institua  entre  ses 
ecclésiastiques,  car  il  les  faut  tous  comprendre 
sous  ce  nom  de  chanoines  (Hist.  1.  x).  .Nous 
serons  peut-être  persuadés  de  ces  deux  propo- 
sitions, que  tous  les  ecclésiastiques  d'un  évè- 
que étaient  appelés  chanoines,  et  qu'a  Tours, 
aussi  bien  qu'ailleurs,  ils  vivaient  en  commu- 
nauté, si  nous  faisons  réflexion  sur  ce  que  le 
même  Grégoire  de  Tours  dit  dans  un  autre  en- 
droit du  saint  abbé  Patrocle,  qu'ayant  reçu  la 
tonsure  de  l'évêque  de  Bourges  Arcadius  ,  et 
quelque  temps  après  le  diaconat,  il  s'adonna  à 
une  si  étroite  abstinence,  qu'il  ne  se  trouvait 
'jamais  au  réfectoire  avec  les  autres  clercs;  ce 
dont  l'archidiacre  lui  fit  une  sévère  réprimande 
lui  remontrant  que  la  singularité  était  toujours 
vicieuse  dans  les  communautés  (Vitœ  Patrum;. 


Il  est  vrai  que  ce  saint  ne  se  rendit  pas  à  ces 
remontrances,  mais  c'est  parce  qu'il  aspirait 
et  s'exerçait  déjà  pour  la  vie  des  solitaires. 

«  Ita  vacabat  jejuniis,  ut  nec  ad  convivium 
mensa?  canonicœ  cum  reliquis  accederet  cleri- 
cis.  Quod  audiens  archidiaconus ,  frendens 
contra  eum,  ait  :  aut  cum  reliquis  fratribus 
cibum  sume,  aut  certe  discede  a  nobis.  Non 
enim  rectum  videtur,  ut  dissimules  cum  his 
habere  victum,  cum  quibus  ecclesiasticum 
implêre  putaris  ofticium.  » 

VI.  Il  y  avait  donc  et  en  Espagne  et  en  France 
des  séminaires  et  des  communautés,  où  tout  le 
clergé  d'une  ville  vivait  avec  l'évêque  dans  une 
même  maison,  mangeait  dans  le  même  réfec- 
toire, et  apparemment,  parce  que  c'est  une 
suite  comme  nécessaire ,  possédait  tout  en 
commun,  sans  qu'aucun  de  ces  bénéficiers  reçût 
aucun  revenu  ecclésiastique,  ou  aucune  distri- 
bution en  particulier. 

En  effet,  cette  table  des  chanoines,  «  Mensa 
canonica,  mensa  canonicorum,  »  dont  Grégoire 
de  Tours  vient  de  parler,  n'était  entretenue 
que  des  revenus  de  l'Eglise,  et  tous  les  ecclé- 
siastiques étant  obligés  d'y  prendre  leur  réfec- 
tion, comme  l'archidiacre  de  Bourges  vient  de 
nous  assurer,  pourquoi  leur  eùt-on  encore 
donné  une  portion  des  revenus  de  l'Eglise, 
dont  tout  le  superflu,  après  l'entretien  des 
clercs  et  des  églises,  est  dû  aux  pauvres  ? 

VII.  Si  ce  raisonnement  ne  paraît  pas  con- 
vaincant, on  sera  peut-être  persuadé  par 
l'exemple  de  l'Eglise  anglicane,  lorsqu'Augus- 
tin,  envoyé  parle  grand  saint  Grégoire,  lui  vint 
donner  une  seconde  naissance. 

Ce  grand  pape  prescrivant  à  Augustin  les 
divines  règles  sur  lesquelles  il  devait  former 
cette  nouvelle  Eglise,  lui  ordonna  de  ne  pas 
faire  quatre  parts  des  revenus  et  des  offrandes 
de  l'Eglise,  comme  on  faisait  ailleurs,  mais  d'y 
vivre  en  communauté  avec  tous  les  ecclésias- 
tiques que  leur  ordre  ou  leur  piété  avait  en- 
gagés à  la  continence,  selon  sa  première  prati- 
que dans  le  monastère  où  il  avait  été  élevé,  et 
selon  la  pratique  sainte  de  l'Eglise  naissante. 
Quant  aux  autres  clercs  d'entre  les  mineurs 
qui  ne  voudront  pas  se  lier  à  une  perpétuelle 
continence,  il  leur  donnera  leurs  distributions, 
les  laissera  marier,  et  ne  laissera  pas  après  cela 
de  veiller  sur  eux  pour  les  faire  vivre  sainte- 
ment, dans  l'observation  des  règles  ecclésias- 
tiques, dans  le  chant  des  psaumes,  et  dans  la 
fuite  de  tous  les  dérèglements  du  siècle. 


484 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  CINQUIÈME. 


«  Mos  Sedis  Apostolicae  est,  ordinatis  episco- 
pis  praecepta  tradere,  utinomnistipendioquod 
acccdit,  quatuor  debeant  fieri  portiones,  etc. 
Sud  quia  fraternitas  tua  monasteriireguliseru- 
dita,  seorsum  fieri  non  débet  a  clerieis  suis  in 
Ecclesia  Anglorum  banc  débet  conversationem 
instituere,  quae  initio  nascentis  Ecclesia?  fuit 
Patribus  nostris,  in  quibus  nullus  eorum,  ex 
bis  qui  possidebant,  aliquid  suiim  esse  dicebat, 
sed  erant  eis  omnia  communia.  Si  qui   vero 
sunt  clerici  extra  sacros  ordines  constituti,  qui 
se  continere  non  possunt,  sortiri  uxores  debcnt, 
et  stipendia  sua  exterius  accipere.  Quia  ei  de 
iisdem  Patribus  novimus  scriptum,  quod  divi- 
debatur  singulis,  prout  cuique  erat  opus  :  de 
eorum  quoque   stipendio  cogitandum  atque 
providendum  est,  et  sub  ecclesiastica  régula 
sunt  teuendi,  ut  bonis  moribus  vivant,  et  ca- 
nendis  psalmis  invigilent,  et  ab  omnibus  illi- 
citis  et  cor,  et  linguam,  et  corpus  Deo  autore 
conservent.  Commuai  autem  vita  viventibus 
jam  de  fuciendis  portionibus,  vel  exbibeuda 
bospitalitate,  et  adimplenda  misericordia,  nobis 
quid  eritloquendum,  cumomnequod  superest, 
in  causis   piis   ac    religiosis  erogandum  est, 
Domino  docente,  quod  superest,  date  eleemo- 
synam  [Beda,  1.  i,  c.  -27).  » 

VIII.  Apres  cela  on  ne  pourra  plus  douter 
que  rétablissement  de  la  vie  commune  entre 
les  eccli  siastiques  n'exclue  le  partage  des  biens 
de  l'Eglise,  et  ne  les  conserve  tous  dans  la 
communauté.  On  ne  doutera  pas  non  plus  que 
l'Eglise  anglicane  ne  suivit  ce  modèle  de  la 
perfection  évangélique  des  clercs  dans  son  ré- 
tablissement par  l'admirable  et  religieux  Au- 
gustin, qui  répandit  sur  son  clergé  les  plus 
purs  rayons  des  vertus  monastiques. 

uni  peu!  douter  que  le  célèbre  Tbéodore  ne 
soutînt  une  discipline  si  sainte,  lui  qui  avait 
sucé  lit  lait  de  la  piété  et  de  la  vie  régulière 
dans  les  monastères  d'Orient,  et  que  le  pape 
Vitalien  chargea  île  l'archevêché  de  Cantorbéry, 
d'où  il  gouverna  si  saintement  toute  l'Eglise 
d'Angleterre?  Ce  fut  lui  qui  porta  sur  le  trône 
épiscopal  le  célèbre  Céadda,  dont  le  même 
Bède  témoigne  qu'il  avait  toujours  avec  lui  un 
séminaire  de  sainls  ecclésiastiques:  «Fecerat 
sibi  mansionem,  non  longe  ab  Ecclesia,  in 
qua  secretius  cum  paucis,  id  est,  septem  sive 
octo  fratribus,  quoties  a  labore  et  ministerio 
verbi  vacabat,  orare  ac  légère  solebat(L.  4, 
c.  vin,  m).  » 
Céadda  avait  aussi  été  tiré  d'un  monastère, 


aussi  bien  que  l'admirable  Aidan,  qui  avait 
établi  la  demeure  de  l'évèque  et  de  tout  son 
clergé  dans  le  plus  fameux  des  monastères 
d'Angleterre,  avec  l'abbé  et  les  moines,  sur 
lesquels  aussi  l'évèque  avait  une  douce  et  aima- 
ble surintendance.  «  Si  quidem  a  temporibus 
antiquis  in  insulaLindis  farnensiumepiscopus 
cum  clcro  et  abbas  solebat  manere  cum  mo- 
nachis,  qui  tamen  et  ipsi  ad  curam  episcopi 
familiariler  pertinerent.  Quia  nimirum  Aidan. 
qui  primus  ejus  loci  episcopus  luit,  cum  mo- 
nachis  illuc  et  ipse  monachus  adveniens,  mo- 
nacbicam  in  eo  conversationem  inslituit,  quo- 
modo  et  prius  beatus  pater  Augustinus  in 
Cantia  fecisse  noscilur,  scribentcei  révérend is- 
simo  papa  Cregorio,  quod  et  supra  posuimus 
(■L.  iv,  c.  i.xxxvu).  » 

Bède  dit  ailleurs:  «  Una  eademque  babitatio 
utros(|iie  simul  tenet ,  etc.  Omnes  loci  ipsius 
antistites  usque  bodie  sic  episcopale  exercent 
offlcium,  nt  régente  monasterium  abbate,  om- 
nes presbyteri,  diaconi ,  cantores,  lectores  , 
cœlerique  gradus  ecclesiastici .  monacbicam 
per  omnia  cum  ipso  episcopo  regulam  servent 
(Beda,  in  vita  sancti  Cutberti,  c.  xxi).  » 

IX.  Quant  à  l'Italie,  dont  le  pape  ordonnait 
plus  communément  les  évoques,  il  est  fort 
probable  que  les  séminaires  et  les  congréga- 
tions ecclésiastiques  y  étaient  plus  rares,  puis- 
que saint  Grégoire  vient  de  nous  assurer  que 
les  papes,  cuire  les  règlements  qu'ils  prescri- 
vaient aux  évêques  en  les  ordonnant,  leur  ap- 
prenaient à  partager  en  quatre  portions  les 
revenus  de  leurs  églises,  et  que  ce  partage  pré- 
suppose que  les  clercs  ne  vivaient  pas  en  com- 
munauté ni  entre  eux,  ni  avec  leurs  évêques. 
Il  est  vrai  que  le  saint  évêque  de  Verceil 
Eusèbe  avait  fait  une  sainte  alliance  entre  la 
vie  monastique  et  la  profession  cléricale  :  mais 
ce  qui  a  été  ci-devant  rapporté  du  pape  Céles- 
tin,  fait  bien  voir  que  les  papes  n'avaient  pas 
extrêmement  favorisé  ce  mélange  de  ces  deux 
professions  saintes,  mais  différentes. 

Saint  Grégoire,  qui  signala  les  commence- 
ments de  sa  conversion  par  la  fondation  de  six 
monastères  en  Sicile  ,  et  d'un  septième  à  Rome 
où  il  se  consacra  lui-même  à  Dieu  ,  ne  se  con- 
tenta pas,  lorsqu'il  fut  monté  sur  le  trône  apos- 
tolique, de  faire  celte  sainte  union  de  la  vie 
cléricale  avec  la  régulière  dans  l'Angleterre. 
Il  la  fit,  et  la  fit  éclater  sur  le  plus  grand  théâ- 
tre du  monde,  en  vivant  lui-même  dans  son 
palais  à  Rome,  comme  dans  un  monastère  avec 


DES  SÉMINAIRES  AUX  SIXIÈME  ET  SEPTIÈME  SIÈCLES. 


i,s:> 


une  compagnie  de  clercs,  et  une  troupe  de 
saints  moines,  dont  l'agréable  contusion  eût 
été  capable,  si  elle  eût  trouve  assez  d'imitateurs, 
de  remettre  l'ordre  et  la  discipline  dans  toutes 
les  églises  du  monde. 

Jean  Diane  assure  que  ce  saint  pape  écarta 
tous  les  laïques  de  son  palais,  et  n'y  admit  que 
des  clercs  et  des  religieux:  o  Caeterum  pru- 
dentissimus  rector  Gregorius  remotis  a  suo 
cubicùlo  ssecularibus ,  clericos  sibi  prudentis- 
simos  consiliarios  familiaresque  delegit,  inter 
quos  IVtruin,  etc.  Mouachorum  vero  sarictissi- 
mos  sibi  familiares  elegit,  inter  quos,  etc.  L.  u, 
c.  11).» 

Il  nomme  quelques-uns  de  ces  illustres 
clercs,  qui  composaient  la  sainte  famille  de  ce 
saint  pape  :  Pierre,  diacre,  qu'il  fait  disputer 
avec  lui  dans  ses  dialogues;  Emilien,  notaire, 
qui  recueillit  sous  lui  les  quarante  homélies 
sur  les  Evangiles;  l'atérius,  notaire,  qui  a  fait 
ces  excellents  recueils  de  ses  ouvrages;  Jean, 
défenseur,  qui  alla  en  Espagne  rétablir  l'cvè- 
que  de  Malaga  injustement  dépose .  et  con- 
damner justement  àla  même  peine  les  évêqu<  s 
qui  avaient  été  les  auteurs  de  cette  injuste  dé- 
position; le  moine  Marinien,  qui  fut  depuis 
évêque  de  Syracuse  et  vicaire  du  Siège  aposto- 
lique en  Sicile;  Augustin  et  Mellitus,  quifurent 
les  apôtres  d'Angleterre,  Claude,  abbé  du  mo- 
nastère de  Classe,  qui  composa  tant  d'ouvrages 
sur  les  recueils  qu'il  axait  faits  desdiscours  de 
ce  pape,  quoiqu'il  s'écartât  quelquefois  de  la 
justesse  de  ses  sentiments.  «  Qui  de  Proverbiis, 
de  Canlicis  canticorum,  de  Prophetis,  de  Libiis 
Regum,  deque  Heptateucho,  papa  disputante, 
multa  licet,  non  eodem  sensu  composuit.  » 

X.  Voila  le  plus  florissant  séminaire etla  plus 
excellente  école  de  la  science  ecclésiastique  et 
des  vertus  religieuses  qui  fut  jamais.  Ce  saint 
pape  en  était  et  le  supérieur,  et  le  théologien, 
et  le  directeur;  il  sanctifiait  son  palais  parla 
pureté  des  vertus  claustrales,  il  n'omettait 
rien  dans  l'Eglise  des  fonctions  ecclésiastiques  ; 
les  [dus  saints  religieux  et  les  plus  savants  ec- 
clésiastiques lui  étaient  attaches,  comme  à  leur 
père  et  à  leur  maître  commun ,  et  vivant  en 
communauté  avec  lui ,  ils  faisaient  revivre  à 
Rome  le  siècle  d'or  de  l'Eglise  naissante  à  Jéru- 
salem sous  les  apôtres ,  et  à  Alexandrie  sous 
l'évangéliste  Mare. 

«  Cum  quibus  Gregorius  die  noctuque  ver- 
satus .  nihil  monasticœ  perfectionis  in  palatio, 
nihil  ponfificalis  institutionis  inEcclesiadereli- 


quit.Videbanturpassim  cumeruditissimiscleii- 
cisadhserere  pontifia  religiosissimi  monachi  ;  et 
in  diversis  professionibus  habebatur  vita  com- 
niunis:  ita  ut  talis  essel  tune  sub  Gregbrio  pê- 
nes urbein  liomanain  ecclesia,  qualein  banc 
fuisse  sub  Apostolis  Lucas,  el  sub  .Marco  evan- 
gelista  pênes  Alexandriam  Philo  commémorât 
(Ibid.,  c.  12).  » 

XI.  Cette  réunion  de  la  profession  religieuse 
avec  la  vie  cléricale  ne  Hérissait  pas  moins  dans 
li  s  séminaires  d'Afrique,  où  le  grand  et  incom- 
parable saint  Augustin  avait  autrefois  donne 
commencement  à  tant  de  congrégations  ecclé- 
siastiques, dont  son  séminaire  d'Hippone  avait 
été  comme  la  pépinière. 

La  cruelle  persécution  des  Vandales  n'avait 
pu  empêcher  que  les  évêques  d'Afrique  ne 
fissent  d'abord  ou  des  séminaires,  ou  des  mo- 
nastères, dans  le  lieu  même  de  leur  exil,  et  au 
milieu  des  plus  affreuses  solitudes.  C'est  ce 
que  Ferrand  Diacre  raconte  de  l'évêqne  Fauste 
dans  la  vie  de  saint  Fulgence  :  «  In  eodem 
proinde  Ioco,  ubi  relegatus  tenebatur,  mona- 
sterium  sibi  construxerat.  in  quo  spiritualiter 
vivens  apud  omnes  Christianos  honorabilis 
habebatur  (Vita  Fulgent.  c.  iv).  » 

Saint  Fulgence  lut  son  disciple,  et  ensuite 
son  imitateur,  surtout  après  avoir  été  fortifié 
de  l'exemple,  tant  du  saint  évoque  de  Syracuse 
Eulalius,  «  Qui  virtute  discretionis  super  omnia 
decoratus,  inonachorum  professionem  singula- 
riter  diligebat, babens etiam  ipse  monasterium 
proprium,  cui  semper  adheerebat,  quoties  ab 
ecelesiasticis  actibus  vacabat,  »  que  de  l'évêque 
Rufinien  d'Afrique,  qu'il  trouva  aussi  exilé  en 
Sicile,  et  vivant  comme  un  religieux  dans  la 
solitude,  «  Vitam  monachi  Iaudabiliter  gerens 
Cap.  xil.  XIIl).  » 

Aussi  saint  Fulgence,  après  sa  promotion  à 
l'épiscopat,  conserva  toutes  les  saintes  pratiques 
du  cloître,  et  se  bâtit  aussitôt  un  monastère  : 
«  Nec  ita  factus  est  episcopus,  ut  esse desisteret 
monachus  :  sed  accepta  ponlificis  dignitate, 
professionis  praeteritae  servavit  integritatem ; 
servata  vero  professionis  integritas  plus  ornavit 
pontificis  dignitalem.  In  nullo  loco  visus  est 
sine  monachis  habitare.  Propterquodacrvibus 
Ruspènsibus  hoc  primum  beneficium  ordina- 
tus  episcopus  postulavit,  ut  fabricando  mona- 
sterio  locum  congruum  darent  (Cap.  xvm,  xix, 
xx).  » 

La  vertu  de  saint  Fulgence  était  trop  écla- 
tante pour  n'être  pas  persécutée.  Son  double 


■tSti 


DIS  CONCKÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SIXIEME. 


séminaire  de  clercs  et  de  moines  l'accompagna 
dans  son  exil  :  «  Comitantibus  ergo  monachis 
simul  et  clericis,  magister  egregius  utriusque 
professionis  extitit,  etc.  »  Dans  le  lieu  propre 
de  son  exil  il  se  fil  un  séminaire  d'évèques,  de 
clercs  et  de  moines,  les  attirant  tous  à  la 
vie  commune,  à  la  lecture  et  à  l'oraison  en 
commun. 

o  Inter  ipsa  sane  primordia  gloriosi  exilii, 
monasteriumcongregare,  paucos  secum  ducens 
monaehos  minime  potuit  ;  sine  fraterna  tamen 
congregatione  viverenesciens,  coepiscopos  suos 
illuslrem  et  januarium  habitare  secum  per- 
suasif volontés.  Quibus  unico  serviens  chari- 
tatis  affectu,  similitudinem  magni  cujusdam 
monasterii,  monachis  et  clericis  adunatis  sa- 
pienter  effecit.  Erat  quippe  eis  communis 
mensa,  commune  cellarium,  communis  oratio, 
simul  et  lectio.  » 


Voilà  un  exemple  d'un  séminaire  commun 
aux  évêques,  aux  clercs  et  aux  moines  même 
de  plusieurs  évèchés.  Il  suffit  de  dire  que  les 
clercs  supérieurs  mêmes  étaient  ordinairement 
mariés  dans  l'Eglise  orientale,  pour  faire  com- 
prendre que  les  séminaires  de  clercs  en  étaient 
bannis.  Mais  si  les  évêques  grecs  imitaient 
saint  Fulgence,  et  s'ils  faisaient  comme  lui  une 
partie  de  leur  séjour  dans  leurs  monastères,  ils 
en  étaient  d'autant  plus  dignes  d'admira- 
tion. 

Ce  saint  prélat,  après  son  retour  dans  son 
évècbé ,  continua  de  demeurer  parmi  ses 
moines,  mais  en  sorte  que  sa  présence  ne 
diminuait  en  rien  l'autorité  et  les  fonctions  de 
l'abbé.  «  Postquam  catbedram  scdit ,  adhuc 
inler  monaehos  habitare  desideravit.  »  (1). 


(1)  Ce  qui  est  dit  ici  du  célibat  dans  l'Occident,  si  favorable  à 
l'augmentation  du  sacerdoce,  nous  engage  à  compléter  une  note  pré- 
cédente, relative  à  la  grave  question  du  célibat  portée  devant  les  tri- 
bunaux civils.  Nous  terminions  eD  disant  qu'il  se  manifestait  une 
tendance  qui  était  de  nature  à  inquiéter  les  catholiques,  et  nous  en 
donnions  pour  preuve  que  le  tribunal  de  Périgueux  avait  porté  un 
arrêt  de  partage,  c'est-à-dire  qu'il  fallait  revenir  sur  la  question  en 
s'adjoignant  un  membre  de  la  magistrature.  Les  craintes  que  nous 
exprimions  se  sont  réalisées;  le  tribunal  a  rendu  un  arrêt  qui  auto- 
rise le  prêtre  Brou  de  Laurière  à  contracter  mariage.  Cet  arrêt  a 
porté  ses  fruits.  Le  22  juillet  1864,  le  tribunal  civil  d'Angouléme  était 
réuni  pour  décider  si  l'abbé  Chatagnon,  prêtre  interdit,  pouvait  con- 


traindre l'officier  de  l'état-civil  à  célébrer  son  mariage,  n  Plusieurs  tri- 
o  banaux  de  première  instance,  disait  l'avocat,  ont  décidé  en  faveur 
a  de  la  liberté  du  mariage  des  prêtres  dégagés  des  devoirs  et  des 
a  obligations  de  leur  ministère.  Ils  leur  ont  reconnu  les  droits  de 
o  tous  les  citoyens,  et  récemment  encore  un  tribunal  voisin,  appaite- 
o  nant  également  au  ressort  de  la  cour  impériale  de  Bordeaux,  a 
o  proclamé  le  même  principe,  n  Tandis  que  nous  rédigeons  cette 
note  supplémentaire,  nous  apprenons  que  le  tribunal  d'Angouléme  a 
heureusement  rendu  un  arrêt  qui  rejette  la  demande  du  piètre  susdit. 
Mais  hélas!  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  d'autres  tribunaux  ont 
légalement  ouvert  la  voie  qui  peut  mener...  Dieu  sait  où. 

(Dr  André.) 


CHAPITRE  SIXIEME. 


DES     SEMINAIRES     SOUS     L  EMPIRE    DE     CHARLEMAGNE. 


I.  Des  séminaires  des  clercs  dans  les  monastères. 

II.  Des  séminaires  dans  les  maisons  épiscopales. 

III.  Des  séminaires  dans  la  maison  des  curés. 

IV.  Utilité  admirable  du  séminaire  de  la  maison  ou  de  la  ville 
épiscopale,  pour  y  appeler  lous  les  curés  de  la  campagne  par 
bandes,  les  uns  après  les  autres,  pour  y  être  instruits  et  embra- 
sés d'une  ardeur  nouvelle. 

V.  llèglements  pour  les  séminaires  des  jeunes  gens  dans  les 
monastères. 

VI.  Tous  ces  séminaires  étaient  les  mêmes  que  les  écoles. 

VII.  Les  plus  nombreux  étaient  ceux  des  monastères. 

VIII.  Et  le  nombre  des  enfants  de  la  première  qualité  y  était 
fort  grand. 

1.  Il  y  avait  deux  sortes  de  séminaires  , 
comme  l'on  a  pu  reconnaître  par  ce  qui  a  été 
dit  ci-dessus.  Les  uns  étaient  dans  les  monas- 
tères, les  autres  dans  les  évêchés. 


Hincmar  dit  qu'il  fut  nourri  dès  sa  plus 
tendre  enfance  dans  un  monastère ,  avec  l'ha- 
bit des  chanoines,  c'est-à-dire  des  clercs;  qu'il 
en  fut  tiré  pour  entrer  dans  le  palais  de 
l'empereur  Louis  ;  mais  qu'enfin  s'étant  résolu 
de  renoncer  à  toutes  les  vaines  espérances  du 
siècle ,  il  entra  dans  le  monastère  de  Saint- 
Denis  ,  qui  avait  embrassé  depuis  peu  la 
réforme  ;  cet  auteur  nous  montre  évidemment 
par  là  qu'il  y  avait  dans  les  monastères  des 
séminaires  d'ecclésiastiques. 

«  Qui  in  monasterio,  ubiab  ipsis  rudimentis 
infantile  sub  canonico  habitu  edueatus,  inde- 
que  eductus,  in  palatio  Donini  Ludovici  impe- 


DES  SÉMINAIRES  SOUS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMAONE. 


487 


ratons  non  modico  tempore  mansi.  Conversis 
autem  ad  regularem  vitam  et  hahitum  fratri- 
bus  in  monasterio  Sancti  Dionysii,  ubi  nutritus 
fueram  ,  in  illud  ,  sœculum  fugiens  ,  sine  spe, 
vel  appetitu  episcopatus,  aut  alicujus  prœla- 
tionis  ,  iliutius  degui  (Hincmar.,  tom.  n, 
pag.  304).  » 

Il  parait  clairement  que  les  jeunes  enfants 
étaient  nourris  dans  les  monastères,  avec  l'ha- 
bit ecclésiastique,  comme  dans  des  séminaires, 
pour  se  former  à  la  vie  cléricale,  ou  à  la  pro- 
fession monastique. 

II.  Quant  aux  autres  séminaires  qui  étaient 
dans  la  maison  même  de  l'évêque,  on  ne  peut 
pas  les  représenter  en  termes  plus  formels  que 
le  concile  III  de  Tours  (Anno  813,  can.  xu) , 
lorsqu'il  ordonne  que  ceux  qu'on  destine  à  la 
prêtrise  passeront  auparavant  un  temps  consi- 
dérable dans  le  palais  épiscopal  pour  y  être 
instruits  des  devoirs  du  divin  sacerdoce,  et  pour 
être  éclairés  et  examinés  de  plus  près  et  plus  à 
loisir,  avant  que  d'être  élevés  au  comble  d'une 
si  haute  et  si  sainte  dignité. 

«  Sed  priusquam  ad  consecrationem  pre- 
sbyteratusaccedat,  maneatinepiscopio,discendi 
gratia  officium  suum  tandiu.  ilonec  possint  et 
mores  et  actus  ejus  animadverti  :  et  tune  si 
dignus  fuerit,  ad  sacerdotium  promoveatur.  » 

III.  Les  premiers  de  ces  séminaires  étaient 
pour  les  jeunes  enfants,  dans  lesquels  on  ébau- 
chait les  premiers  traits  de  la  piété  chrétienne 
et  de  la  vie  cléricale  ;  les  seconds  étaient  poul- 
ies clercs  plus  avancés  en  âge,  et  qui  avaient 
déjà  fait  quelque  progrès  dans  la  vertu;  aux- 
quels par  conséquent  on  préparait  des  dignités 
et  des  charges  plus  hautes  dans  l'Eglise.  On 
peut  encore  mettre  dans  le  premier  rang  les 
séminaires  des  jeunes  clercs,  que  les  curés  de 
la  campagne  formaient  dans  leur  maison,  et 
dont  ils  se  servaient  dans  le  service  divin  de 
leur  paroisse. 

Théodulplie,  évêque  d'Orléans,  ordonne  à 
ses  curés  d'amener  avec  eux  au  synode  deux 
ou  trois  de  leurs  clercs  :  «  Necnon  duos,  aut 
très  clericos,  cuni  quibus  missarum  solemnia 
celebratis,  vobiscum  adducite,  ut  probetur, 
quam  diligenter,  quam  studio  se  Dei  servitium 
peragalis  (Capitul.  Theodulph.,  c.  iv).» 

C'était  donc  tout  ce  qui  regardait  le  service 
divin  dont  ces  jeunes  clercs  devaient  être  ins- 
truits dans  la  maison  des  curés  de  la  campagne. 

IV.  Voici  une  autre  utilité  des  séminaires  que 
les  évèques  entretenaient  dans  leur  palais  ou 


au  moins  dans  leur  ville  épiscopale.  Tous  les 
curés  de  la  campagne  y  étaient  appelés  par 
tour  et  par  bandes,  les  uns  après  les  autres. 
afin  de  laisser  toujours  dans  les  paroisses  au- 
tant de  ministres  qu'il  en  était  besoin  pour 
l'administration  des  sacrements  et  pour  la  cé- 
lébration des  divins  offices.  L'évêque,  ou  par 
lui-même,  ou  par  l'organe  des  personnes  sa- 
vantes, enseignait  à  ces  curés,  assemblés  au- 
près de  lui,  toutes  les  vérités  et  toutes  les 
pratiques  les  plus  essentielles  et  les  plus  im- 
portantes, pour  s'acquitter  saintement  de  leur 
divin  ministère,  par  de  fréquentes  conférences 
touchant  les  saintes  lettres,  les  canons,  les  of- 
fices divins  ,  la  pratique  des  sacrements,  leurs 
prédications,  leur  vie  et  leurs  mœurs. 

C'est  ce  qui  fut  ordonné  dans  lescapitulaires 
de  Charlemagne  :  «  Statutum  est,  ut  omnes 
presbyteri  paroebiœ  ad  civitatem  per  turmas 
et  per  hebdomadas  ab  episcopo  sibi  constitutas 
conveniant  discendi  gratia  :  ut  aliqua  pars  in 
parochiis  presbyterorum  remaneat,  ne  populi 
et  Ecclesia3  Dei  absque  ofûcio  sint;  et  aliqua 
utilia  in  civitate  discant,  ut  meliores  ad  paro- 
chias  demum  et  sapientiores  atque  populis  uti- 
liores  absoluli  revertantur.  Et  ibi  ab  episcopo, 
id  est  in  civitate,  sive  a  suis  bene  doctis  mini- 
stris  bono  animo  instruanturdesacrislectioni- 
bus ,  et  divinis  cultibus,  et  sanctis  canonibus, 
quœ  prœdicare  et  facere  debent,  etc.  (L.  vi. 
c.  163).  » 

Ainsi  ces  séminaires  de  la  maison  ou  de  la 
cité  épiscopale  servaient  à  former  les  prêtres 
et  les  curés,  avant  qu'on  leur  confiât  cet  ordre 
divin  et  cette  charge  si  pénible,  et  à  les  sou- 
tenir dans  la  suite  de  leur  administration  ,  par 
ces  fréquentes  retraites  qu'ils  venaient  faire 
par  troupes,  pour  se  renouveler  dans  l'esprit 
et  dans  la  ferveur  du  sacerdoce. 

V.  Quant  aux  séminaires  des  monastères, 
Crodogangus  n'a  pas  oublié,  dans  sa  règle  des 
chanoines,  tous  les  règlements  nécessaires  pour 
bien  conduire  ceux  qui  étaient  en  la  disposi- 
tion des  chanoines  réguliers. 

Le  concile  d'Aix-la-Chapelle,  tenu  en  816 
(Cap.  cxxxv),  sous  Louis  le  Débonnaire,  a 
emprunté  les  propres  termes  de  celte  règle  eu 
cet  article,  aussi  bien  qu'en  plusieurs  autres. 
Rien  n'importe  plus  que  de  donner  un  bon  et 
sage  directeur  à  cette  jeunesse ,  dont  l'âge 
bouillant  s'emporterait  facilement  à  des  excès. 
Il  ne  suffit  pas  de  réprimer  la  chaleur  et  les 
emportements  de  leurs  passions,  il  faut  les  ins- 


488 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SIXIÈME. 


truire  de  toutes  les  sciences  ecclésiastiques,  il 
faut  en  faire  de  dignes  ministres  de  l'autel  : 
«  Quallter  ecclesiasticis  doctrinis  imbuti,  et 
armis  spiritualibus  induti,  Ecclesise  utilitatibus 
decenter  parère,  et  ad  gradus  ecclesiasticos 
quandoque  digne  possint  promoveri.» 

L'âge  de  ces  jeunes  plantes  est  exprimé  par 
ces  termes  :  «  Pueri  et  adolescentes,  qui  in 
congregalione  sibi  commissa  nutriuntur  vel 
erudiuntur.  d  C'était  uniquement  pour  le 
clergé  qu'on  les  élevait,  comme  il  parait  par 
les  mêmes  termes  et  par  les  suivants  :  «  Ita 
jugibus  ecclesiasticis  disciplinis  constringan- 
tur.  »  La  manière  de  les  instruire  dans  un 
môme  dortoir ,  sous  la  direction  d'un  sage 
vieillard  :  aOmnes  in  uno  conclavi  atrii  com- 
morentur,  deputato  probatissimo  seniori,  »  y 
est  tirée  mot  à  mot  du  canon  xxm  du  con- 
cile IV  de  Tolède. 

VI.  Il  y  avait  donc  plusieurs  sortes  de  ces 
séminaires  de  jeunes  clercs  :  les  uns  dans  les 
monastères  des  moines,  d'autres  dans  les  mo- 
nastères des  chanoines,  d'autres  dans  les  mai- 
sons des  évêques,  d'autres  enfin  dans  les  pa- 
roisses des  villes,  ou  à  la  campagne,  dans  les 
maisons  des  curés;  et  ces  derniers  n'étaient 
pas  tant  de  véritables  séminaires  que  des  om- 
bres imparfaites  ou  des  images  de  séminaires. 
Il  faut  avouer  que  ces  séminaires  de  jeunes 
clercs  étaient  les  mêmesque  les  écoles,  comme 
il  paraît  par  un  capitulaire  de  Louis  le  Débon- 
naire, concerté  avec  les  évêques  :  «  Inter  nos 
pari  consensu  decrevimus  ,  ut  unusquisque 
episcoporum  inscholis  habendis,  et  ad  utilita- 
tem  Ecclesise  militibus  Christi  preeparandis  et 
educandis,  ab  bine  majus  studium  adhiberet 
(Capital.  Car.  Magn.  Addit.,  1.  H,  c.  5).  » 

On  ne  doutera  plus  que  ces  écoles  ne  fussent 
uniquement  destinées  a  former  des  ecclésias- 
tiques, et  par  conséquent  que  ce  ne  fussent  de 
vrais  séminaires,  si  l'on  considère  la  suite  de 
ce  même  décret ,  qui  oblige  tous  les  prélats, 
quand  ils  viendront  au  concile  provincial,  d'y 
amener  avec  eux  au  moins  quelques-uns  de 
ces  jeunes  soldats  qui  doivent  un  jour  remplir 
lis  premières  charges  de  la  milice  céleste  de 
l'Eglise  :  «  Ut  quando  ad  provinciale  episeopo- 
ruin  eomilium  ventum  fuerit,  unusquisque 
rectorum  scholasticos  suos  eidem  concilio 
âdessefaciat,  quatenus  et  ceeteris  ecclesiis  noti 
sint,  et  ejus  solers  studium  circa  divinum  cul- 
tum  omnibus  manifestum  liât.  » 
Le  concile  VI  de  Paris,  tenu  en  8-2!)  (Can.  xxx), 


sous  le  même  empereur,  se  plaignit  quelques 
années  après  de  la  négligence  des  prélats  et  de 
l'inexécution  de  cette  ordonnance  de  Louis  le 
Débonnaire  :  «  Super  hac  ejusdem  principis 
admonitione,  imojussione.  »  Ce  concile  re- 
nouvela le  commandement  de  faire  venir  au 
concile  provincial  quelques-unes  de  ces  nou- 
velles plantes  cultivées  dans  les  séminaires. 

VU.  Mais  quelque  soin  que  l'on  prit  pour 
instituer  ou  pour  maintenir  les  écoles  ou  les  sé- 
minaires dans  les  évèchés,  on  trouva  plus  de 
facilité  et  à  les  établir  et  à  les  conserver  dans 
les  monastères. 

Dans  la  fondation  de  l'abbaye  de  Saint-lii- 
quier,  qui  se  fit  au  temps  de  Cbarlemagne,  on 
trouve  que  le  nombre  des  religieux  devait  être 
au  moins  de  trois  cents,  outre  cent  jeunes  en- 
fants qui  portaient  le  même  habit,  étaient 
nourris  à  la  même  table  et  assistaient  aux 
mêmes  offices,  étant  partagés  en  trois  bandes, 
chacune  de  cent  religieux  et  de  trente-trois 
petits  enfants  qui  devaient  s'assembler  toutes 
pour  chanter  les  heures  canoniales  et  ensuite 
se  succéder  les  unes  aux  autres  pour  partager 
entre  elles  le  chant  perpétuel  du  chœur  et  le 
repos. 

«  Trecentos  monacbos  regulariter  victuros 
constituimus.  Centum  etiam  pueros  scholis 
erudiendos,  sub  eodem  habitu  et  victu  statiii- 
nius,  qui  fratribus  per  très  choros  divisis  in 
auxilium  canendi  et  psallendi  intersint,  etc. 
(Chronici  Cenlnlensis,  1.  u,  c.  xi  ;  Spicileg., 
tom.  iv,  p.  469).  « 

VIII.  Tous  ces  enfants  n'étaient  donc  cultivés 
dans  les  écoles  et  dans  les  séminaires  que 
pour  être  incorporés  au  clergé  ou  à  l'ordre 
monastique.  Aussi  en  portaient-ils  dès  lors 
l'habit  et  assistaient-ils  aux  mêmes  offices. 

Il  est  rapporté,  dans  la  suite  de  cette  même 
chronique  (Ibid.,  1.  m,  c.  xvi) ,  que  les  enfants 
des  comtes,  des  ducs  et  des  rois  mêmes  étaient 
nourris  dans  ce  monastère,  «  In  hoc  enim  cœ- 
nobio  duces,  comités,  filii  ducum  ,  filii  comi- 
luin  ,  filii  etiam  regum  educabantur.  Omnis 
sublimior  dignitas  quaqua  versumperregnmn 
Franeorum  posita ,  in  sancti  Ricarii  monà- 
sterio  se  parentem  habere  gaudebat.  »  D'où  on 
peut  conclure  que  quelques-uns  de  ces  enfants 
qui  étaient  cultivés  dans  ces  séminaires  n'é- 
taient pas  destinés  pour  la  cléricature. 

Cette  difficulté  se  lève  sans  peine,  si  l'on 
considère  que  de  la  famille  royale  de  Chai  le- 
magne  même  il  y  en  eut  plusieurs  qui  embras- 


DES  SÉMINAIRES  SOUS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE. 


189 


seront  la  profession  religieuse  ou  la  cléricature. 

Ainsi  on  ne  peut  douter  que  les  entants  des 
plus  grandes  maisons  ne  se  partageassent  entre 
la  profession  des  armes  et  la  milice  ecclésias- 
tique. Au  moins  les  parents  destinaient  quel- 
ques-uns de  leurs  enfants  à  l'état  ecclésiastique, 
et  les  faisaient  entrer  dans  ees  doux  engage- 
ments, comme  nous  dirons  en  un  autre  endroit, 
quoiqu'il  lût  peut-être  libre  à  ces  enfants  de 
rompre  ces  liens  quand  ils  avaient  atteint  les 
premiers  rayons  de  leur  propre  liberté. 

Enfin,  cet  endroit  même  de  la  chronique  de 
Saint-Riquier  ne  faisant  mention  de  cette  foule 
dé  haute  noblesse  dans  ce  monastère  qu'au 
sujet  de  l'abbé,  qui  était  en  même  tempseomte 
et  paraissait  souvent  avec  ses  troupes  à  la  tête 
des  armées;  ce  vain  éclat  d'une  dignité  sécu- 
lière;, quoique  peu  convenable  à  la  profession 
religieuse ,  ne  laissait  pas  de  pouvoir  servir 


d'attrait  aux  vaines  prétentions  des  grands  du 
siècle,  m  Tali  ratione  quidam  uostratum  abba- 
tum  comités  insimul  erant  et  abbates,  et  géné- 
rasse parentilitatis  lumîne  emicabant,  et  sacrae 
régula?  servatores,  in  ipsis  etiam  exercituum 
turmis,  ante  Dei  oculos  babebantur.  » 

Les  comtes  dont  il  est  ici  fait  mention  n'é- 
taient pas  des  comtes  séculiers  qui  eussent  pris 
le  titre  seul  d'abbés  en  se  saisissant  des  biens 
de  l'abbaye;  mais  c'étaient  des  abbés  réguliers 
et  proies  qui  portaient  le  nom  de  comtes  et  eu 
faisaient  les  fonctions. «AbbasergoHeligaudus, 
simuîque  cornes,  cum  hujus  cœnohii  modéra- 
tor  existeret,  etc.  Si  aliquisquaerat,  cur  nostras 
rector,  abbas  et  cornes  insimul  extiterit ,  etc.  o 

Il  nous  reste  encore  quelque  chose  à  dire  sur 
les  séminaires  depuis  l'an  mil  ;  mais  nous  en 
parlerons  ci-après  (1). 


(1)  Un  historien  d'Italie,  Bossi,  tome  in,  p.  153,  constate  que,  dès 
le  ve  siècle,  il  y  avait  en  Italie,  chez  tous  les  curés,  des  espèces  de 
petits  séminaires.  Voici  ses  paroles  :  «  Presso  le  chiese  parrochiali 
«  erano  perô  state  instituite  per  tutta  ITalia  al  principio  de!  secolo 
q  quinto  alcuoe  scuole,  nelle  quali  i  giovanetti  dovevano  es-ere  in- 
«  struiti  nei  primi  elementi  délie  scienze.  o 

Les  séminaires  avaient  disparu  dans  la  tourmente  révolutionnaire, 
mais  lors  de  la  conclusion  du  concordat,  le  souverain  pontife  exigea 
leur  rétablissement,  quoique  le  gouvernement  les  abandonnât  aux  se- 
cours et  aux  ressources  de  la  divine  Providence.  Voici  ce  que  dit 
L'article  11  :  «  Les  évèques  pourront  avoir  un  chapitre  dans  leur  ca- 
*  thédrale,  et  un  séminaire  dans  leur  diocèse,  sans  que  le  gouverne- 
u  ment  s'oblige  à  les  doter.  »  Dans  son  décret  du  9  avril  L802,  exé- 
cutif du  concordat ,  le  cardinal-légat  Caprara  disait  :  a  Tous  les 
o  archevêques  et  évéques  qui  seront  préposés  aux  églises  de  la  nou- 
«i  velle  circonscription,  devront,  conformément  à  ladite  convention, 
u  travailler,  selon  leurs  moyens  et  leurs  facultés,  à  établir,  en  con- 
a  formité  des  saints  canons  et  des  saints  conciles,  des  séminaires  où 
a  la  jeunesse  qui  veut  s'engager  dans  le  service  clérical,  puisse  être 
a  formée  à  la  piété,  aux  belles-lettres,  à  la  discipline  ecclésiastique. 
u  Ils  doivent  donner  à  ces  séminaires,  ainsi  érigés  et  établis,  selon 
jugeront  devaut  Dieu  être  le  plus  convenable  et  le  plus  utile 
o  à  leurs  églises,  des  règlements  qui  fassent  prospérer  l'étude  de 
a  leurs  sciences,  et  qui  iosînuent  en  toute  manière  la  piété  et  la 
a  bonne  discipline,  d 

De  son  côté,  le  gouvernement,  oubliant  que  le  concordat  autorisait 
les  séminaires,  exige,  dans  l'art.  11  des  organiques,  que  les  évéques 
lui  demandent  l'autorisation  d'établir  des  séminaires.  Dans  l'art.  23, 
il  va  plus  loin  encore;  il  veut  que  les  règlements  faits  par  les  évé- 
ques pour  leurs  séminaires  soient  soumis  à  L'APPROBATION  du 
premier  consul.  On  voudra  bien  ne  pas  perdre  de  vue  que  nous 
avons  dit,  dans  une  note  antérieure,  comment  Pie  VII  et  le  cardinal 
Consalvi  jugeaient  lesdits  organiques. 

En  1804,  le  gouvernement  annonça,  par  l'organe  de  Portalis,  que 
a  la  dotation  des  séminaires  ne  pouvait  qu'être  à  la  charge  de  l'Etat.  » 
En  conséquence,  il  fut  alloué  à  chacun  de  ces  établissements  une 
somme  de  150,000  francs  pour  frais  de  premier  établissement,  une 
bibliothèque  et  un  certain  nombre  de  bourses  et  de  demi-bourses. 
L'article  3  du  décret  de  1807  statua  que  les  bourses  seraient  de 
400  francs,  et  les  demi-bourses,  de  200  francs.  Nous  croyons  qu'il  y 
a  aujourd'hui  2,526  bourses,  réparties  entre  les  diocèses,  suivant  leur 
étendue  et  leur  population.  Par  une  ordonnance  du  5  octobre  1811, 
Louis  XVIII  autorisa  la  création  des  petits  séminaires,  a  Les  arche- 
«  vèques  et  évèques  de  notre  royaume,  dit  l'article  1er,  pourront 
o  avoir,  dans  chaque  département,  une  école  ecclésiastique  dont  ils 
n  nommeront  les  chefs  et  les  instituteurs,  et  où  ils  feront  élever  et 
«  instruire  dans  les  lettres  des  jeunes  gens  destinés  à  entrer  dans  les 
s  grands  séminaires,  a 


D'après  le  droit  canonique,  si  les  revenus  du  séminaire  sont  insuf- 
fisants, tous  les  bénéficiers,  évèque,  chanoines,  curés,  sont  obligés, 
sous  peine  de  censures  et  des  autres  peines  du  droit,  à  s'imposer  une 
taxe  spéciale  prescrite  par  le  concile  de  Trente.  La  sacrée  congréga- 
tion du  concile  est  encore  explicite  sur  ce  point.  Par  la  constitution 
Crédita  nobis,  Benoit  XIII  a  fixé  que  la  taxe  du  séminaire  serait  de 
trois  à  cinq  pour  cent  du  revenu  du  bénéfice,  qu'elle  serait  détermi- 
née par  l'évéque,  assisté  de  deux  députés  du  chapitre,  et  de  deux 
députés  du  corps  des  curés,  choisis  par  l'assemblée  synodale.  Si,  au 
contraire,  les  ressources  du  séminaire  sont  suffisantes,  le  saint  con- 
cile décide  que  la  taxe  du  séminaire  doit  être  ou  diminuée,  ou  sup- 
primée, in  totum  vel  pro  parte  remittatur  (Cap.  xvm,  sess.  ï.vim). 
C'est  le  cas  où  se  trouvent  les  séminaires  en  France  qui,  soit  par  les 
bourses  du  gouvernement,  soit  par  leurs  biens-fonds  ou  leurs  capi- 
taux, out  des  ressources  suffisantes.  Mais  ici  une  question  de  droit  se 
présente  naturellement.  Est -il  permis,  comme  on  le  fait  dans  bien 
des  séminaires,  de  faire  souscrire  aux  jeunes  prêtres  des  obligations 
de  solder  des  annuités  pour  dédommager  le  séminaire  de  la  gratuité 
ou  demi-gratuité  qu'ils  ont  eue  pendant  leurs  études  cléricales  ?  No  is 
disons  hardiment  non  avec  le  droit.  En  effet,  ou  ces  jeunes  gens 
sont  boursiers,  ou  ils  sont  élèves  gratuits,  c'est-à-dire  alimentés  aux 
frais  de  l'établissement.  L'article  premier  du  décret  du  3  août  1808, 
prescrit  qu'il  sera  dressé  tous  les  trois  mois  un  état  nominatif  des 
boursiers,  et  adressé  au  préfet.  Or,  de  quel  droit  forcerait-on  ceux 
qui  ont  payé  leur  pension  au  séminaire  avec  la  bourse  qui  est  sur 
leur  tète,  à  payer  par  des  annuités  ce  qu'ils  ne  doivent  pas?  En  de- 
hors de  ces  bourses,  qui  ont  leur  destination  déterminée,  les  sémi- 
naires ont  des  revenus  provenant  soit  de  legs  pieux,  soit  de  quêtes, 
soit  de  leurs  immeubles,  soit  de  rentes  qui  constituent  la  dotation 
ou  le  patrimoine  des  clercs  pauvres  qui  doivent  former,  d'après  la 
volonté  formelle  du  concile  de  Trente,  la  portion  préférée  du  personnel 
des  séminaires  :  paitperum  autem  filios  prœcipue  eligi  vult  (Cap.  xvm, 
sess.  xxiii  de  Reform.).  Eh  bien!  de  quel  droit  encore  forcerait-on 
ces  derniers  à  payer  par  des  annuités  ce  qu'ils  ne  doivent  nullement, 
puisqu'ils  ont  soldé  leur  pension  avec  leur  patrimoine,  spécialement 
destiné  à  eux?  DiBs  des  instructions  annexées  à  la  constitution  Cré- 
dita?, Benoit  XIII  pose,  au  no  3,  cette  question  qu'il  espère  voir 
résoudre  affirmativement  partout  :  Quoi  sunt  clerici  gui,  ob  egesta- 
tem  suam,  GRATUITO  alantur?  11  est  évident  que  l'esprit  et  la 
volonté  de  l'Eglise  sont  que  les  pauvres  clercs  soient  élevés  gratuite- 
ment dans  les  séminaires,  puisque  leurs  revenus  constituent  leur  dota- 
tion. Nous  ajoutons  que  le  droit  offre  le  moyen  rescissoire  de  l'obli- 
gation injuste  qu'on  leur  a  fait  souscrire.  On  n'a  qu'à  voir  tous  les 
canons  du  titre  xl,  livre  1er  du  corps  du  droit  :  De  iis  guœ  vi  me- 
tusve  causa  fiunt. 

(Dr  André.) 


490 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SEPTIÈME. 


CHAPITRE    SEPTIEME. 


I>l     (  I.ERGÉ    01    Dl     CHAPITRE   DES    ÉGLISES   CATHÉDRALES   PENDANT    LES   CINQ   PREMIERS   SIECLES. 


I.  La  plus  grande  partie  des  églises  du  monde  ne  suivirent 
l'exemple  de  Verceil,  ni  de  saint  Augustin,  et  ne  réduisirent 
point  leur  clergé  en  communauté. 

II.  Les  prêtres  et  les  diacres  de  la  ville  épiscopale  ne  lais- 
saient pas  de  faire  un  corps  et  un  collège,  qui  gouvernait  sous 
l'évêque  et  avec  l'évêque  tout  le  diocèse". 

III.  IV.  Preuves  des  conciles  et  des  papes. 

V.  Ils  assistaient  aux  conciles  romains. 

VI.  Et  aux  coociles  universels. 

Vil.  C'était  le  sénat  et  le  concile  des  évêqucs  dans  l'Eglise 
grecque  et  latine.  Preuves. 

VIII.  La  différence  de  cet  ancien  clergé  d'avec  les  chapitres 
du  temps  présent. 

IX.  Prééminences  de  cet  ancien  clergé.  11  dominait  sur  les 
prêtres  de  la  campagne.  11  était  composé  en  partie  d'évèques. 
Preuves. 

X.  Autres  preuves. 

XI.  Un  évêqne  déposé  ne  pouvait  garder  le  rang  de  prêtre. 

XII.  Les  conciles  n'ont  paru  rabaisser  les  prêtres,  que  parce 
que  cet  ordre  approche  extrêmement  de  celui  des  évèques. 

XIII.  Après  la  mort  des  évèques,  le  clergé  gouvernait  le 
diocèse. 

Xl\.  Et  en  leur  absence  aussi. 

XV.  Avec  quel  honneur  l'évêque  doit  traiter  les  prêtres  et  les 
diacres. 

I.  Eusèbe  de  Verceil,  qui  avait  associé  par  un 
zèle  inconcevable  deux  extrémités  aussi  oppo- 
sées que  les  constitutions  monastiques  et  les 
fonctions  du  clergé,  eut  plus  d'admirateurs  que 
d'imitateurs. 

Le  tempérament  que  saint  Augustin  avait 
pris  en  ne  changeant  rien  de  l'état  ecclésiasti- 
que, et  lui  communiquant  seulement  quelques 
traits  et  comme  quelques  rayons  de  la  piété  sin- 
gulière des  religieux,  eut  un  succès  plus  favo- 
rable. 

Nous  avons  appris  de  lui-même,  et  de  Possi- 
dius,  que  ces  monastères  de  clercs  ou  sémi- 
naires semultiplièrentextrêmement  dans  l'Afri- 
que. .Mais  l'histoire  ne  nous  apprend  pas  si 
les  autres  provinces  furent  touchées  d'un  exem- 
ple si  saint  et  de  l'amour  effectif  d'une  institu- 
tion si  salutaire;  au  contraire,  elle  ne  nous  fait 
que  trop  justement  appréhender  que  cette 
lumière  brillante,  qui  commençait  d'éclater 
dans  la  réforme  du  cierge  d'Afrique  ,  n'ait  été 
presque  aussitôt  éteinte  et  comme  étouffée  dans 
sa  naissance,  par  la  tempête  effroyable  et  par 


l'inondation  des  Vandales ,  qui  conquirent  et 
désolèrent  toute  l'Afrique. 

Ainsi  dans  l'Orient,  et  presque  dans  tout  l'Oc- 
cident, le  bonheur  et  la  grâce  de  la  vie  com- 
mune, de  la  pauvreté  évangélique,  et  des 
autres  conseils  de  perfection  ,  ne  s'est  trouvée 
que  dans  les  monastères  ;etc'estordinairement 
de  là  que  quelques  étincelles  en  ont  volé  jus- 
que dans  le  clergé,  non  pas  pour  y  former  des 
communautés  entières,  mais  pour  y  inspirer 
l'amour  de  la  perfection  dans  le  cœur  de  quel- 
ques particuliers. 

On  ne  peut  douter  que  la  piété  extraordi- 
naire des  évèques  et  du  clergé  de  France  ne 
fût  écoulée  des  monastères  de  Saint-Martin  et 
de  Lérins.  Nous  dirons  ailleurs  comment  cette 
sorte  de  congrégations  ecclésiastiques  fut  renou- 
velée sous  l'empire  et  par  les  soins  de  Charle- 
magne  et  de  ses  successeurs. 

II.  Mais  quoique  les  chapitres  des  églises  ca- 
thédrales ne  vécussent  pas  en  communauté, 
ni  entre  eux,  ni  avec  leurs  évèques  durant  ces 
cinq  premiers  siècles,  ils  ne  laissaient  pas  de 
former  un  corps,  et  un  même  corps  avec  leurs 
évèques,  et  de  partager  avec  eux  les  soins  et  le 
gouvernement  des  diocèses ,  ou  plutôt  de  les 
gouverner  avec  eux  sans  division  et  sans  par- 
tage, avec  une  parfaite  dépendance  de  leurs 
prélats,  avec  une  concorde  inviolable  entre 
eux,  et  une  autorité  entière  sur  les  fidèles. 

Les  prêtres  et  les  diacres  des  villes  épisco- 
pales  faisaient  le  clergé  supérieur,  a  qui  nous 
donnerons  par  avance  le  nom  de  chapitre,  et 
ne  formaient  qu'un  corps  et  comme  un  conseil 
avec  leur  évêque,  ayant  indivisiblement  avec 
lui  et  sous  lui  le  gouvernement  de  tous  les 
autres  ecclésiastiques  et  de  tous  les  fidèles  du 
diocèse. 

III.  Le  concile  de  Nicée  (Can.  m)  défend  aux 
évèques,  aux  prêtres  et  aux  autres  clercs,  de 
souffrir  dans  leurs  maisons  des  femmes,  quoi- 
que parentes,  qui  puissent  rendre  leur  conver- 


DU  CLERGÉ  OU  DU  CHAPITRE  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES. 


191 


sation  le  moins  du  monde  suspecte.  Il  défend 
aux  évêfjues ,  aux  prêtres  et  aux  diacres  de 
passer  d'une  église  à  L'autre  (Can.  xv) .  Enfin 
voyant  i[ue  les  diacres  s'élevaient  au-dessus 
des  prêtres,  il  leur  ordonne  de  se  ressouvenir 
de  leur  rang,  et  de  se  regarder  comme  minis- 
tres des  évêques  et  comme  inférieurs  aux  prê- 
tres (Can.  xvni),  quoiqu'il  ne  leur  refuse  pas 
l'intendance  et  la  juridiction  sur  les  autres 
clercs  et  sur  les  laïques. 

Ainsi  ce  clergé  de  prêtres,  supérieur  aux 
diacres  et  aux  laïques,  était  dans  un  sens  égal 
a  l'évêque  et  en  même  temps  son  inférieur  et 
soumis  à  sa  juridiction.  C'est  ce  qu'on  appelle 
aujourd'hui  chapitre,  nom  qui  lui  a  été  donné 
depuis  longtemps. 

Le  concile  d'Antioche  donne  à  ces  trois  or- 
dres le  titre  de  présidents  dans  l'Eglise  :  «  Si 
quis  eorum  qui  praesunt  Ecclesiae  aut  episcopus 
aut  presbyter,  aut  diaconus  :  d  ti?  tô>v  tcpge<itw™v 
(Can.  i). 

Le  même  concile  (Can.  xxu)  défend  aux 
évêques  d'établir  des  prêtres  et  des  diacres 
dans  les  églises  qui  ne  sont  pas  de  leur  diocèse. 
La  raison  est  que  ces  ordres  sont  supérieurs  et 
comme  impératoires,  s'il  est  permis  de  parler 
ainsi  ;  au  lieu  que  les  autres  ordres  ne  don- 
nent que  de  simples  fonctions  d'administra- 
tion. 

Le  concile  de  Sardique  (Can.  xm)  ne  veut 
pas  qu'on  précipite  les  néophytes,  en  les  pous- 
sant aux  hautes  dignités  des  évêques,  des  prêtres 
et  des  diacres,  c'est-à-dire,  à  ce  clergé  qui  est 
appelé  clergé  par  excellence,  et  qui  est  des- 
tiné pour  être  employé  au  gouvernement  de 
l'Eglise. 

Le  concile  de  Valence  dégrade  les  évêques, 
les  prêtres  et  les  diacres  qui  auront  été  con- 
vaincus, ou  qui  par  une  humilité  fausse  et  in- 
discrète se  seront  accusés  eux-mêmes  de  quel- 
que péché  mortel  au  temps  de  leur  ordination, 
de  sorte  qu'ils  ne  soient  plus  censés  faire  partie 
de  ce  clergé  qui  doit  gouverner  l'Eglise  avec 
l'évêque. 

Dans  les  actes  du  concile  d'Ephèse  (Part,  i, 
conc.  Ephes.,  c.  xxxiii,  xxxiv,  et  act.  1,  ibid .), 
on  trouve  plusieurs  lettres  écrites  par  saint 
Cyrille  aux  prêtres  et  aux  diacres ,  c'est-à-dire 
au  clergé,  et  au  peuple  d'Alexandrie.  Le  con- 
cile d'Ephèse  écrit  aux  prêtres,  aux  économes  et 
aux  autres  clercs  de  Constantinople,  pour  leur 
apprendre  la  déposition  de  Nestorius.  11  écrit 
aussi  au  clergé  et  au  peuple  de  Constantinople. 


Saint  Cyrille  y  blâme  Nestorius  d'avoir  excom- 
munié le  clergé  des  prêtres  et  des  diacres,  qui 
s'opposaient  a  la  publication  de  ses  erreurs  : 
/.ri.yi  wyiov  irpeapimpuM  xai  Siaxàvov  (Act.  [II). 

Dans  une  autre  session  le  même  concile 
écrit  à  ses  confrères  les  prêtres,  aux  diacres,  à 
tout  le  clergé  et  au  peuple  de  Constantinople 
(Epist.  catholic,  ibid.  ;  et  en  un  autre  en- 
droit, aux  prêtres  et  aux  diacres  de  Constanti- 
nople et  aux  évêques  qui  s'y  rencontreront. 
Saint  Epiphane  dit  que  Marcion  vint  à  Rome, 
après  la  mort  du  pape  Hygin,  et  tâcha  d'y  sur- 
prendre les  prêtres  qui  gouvernaient  alors  cette 
Eglise,  et  qui  avaient  été  disciples  des  apôtres. 
«  Seniores  adiens,  qui  ab  apostolorum  disci- 
pulis  edocti ,  adhuc  supererant,  etc.  Sanctis- 
simi  illi  Dei  Ecclesiae  presbyteri  et  docto- 
res,  etc.  (Epiphan.,  h.  xni,  n.  1,  2).  » 

Tout  cela  fait  connaître  qu'il  y  a  eu  un 
clergé  qui  était  comme  le  sénat  de  la  ville  épis- 
copale,  lequel  gouvernait  le  diocèse  avec  l'é- 
vêque et  qui  en  son  absence  le  gouvernait 
pour  lui.  Ce  qui  est  une  véritable  description 
d'un  chapitre  d'une  église  cathédrale. 

IV.  Le  pape  Sirice  condamna  Jovinien  et  sa 
nouvelle  hérésie  dans  une  assemblée  de  ses 
prêtres  et  de  ses  diacres,  qu'il  appelle  son  pres- 
bytère :  a  Facto  ergo  presbyterio ,  constitit 
christianae  legi  esse  contraria,  etc.  Omnium 
nostrum ,  tain  presbyterorum,  quam  diacono- 
runi,  quam  etiam  totius  cleri  una  suscitata 
fuit  sententia  (Epist.  u).  »  Saint  Ambroise  re- 
çut cette  sentence  du  pape  et  la  confirma  par 
un  synode  de  sa  province,  et  récrivit  au  pape  : 
«  Quos  sanctitas  tua  damnavit,  scias  apud  nos 
quoque  secundum  judicium  tuum  esse  dam- 
na tos.  » 

Je  ne  dirai  rien  ici  des  décrétâtes  de  ce  pape 
et  de  ses  successeurs,  pour  la  punition  des 
prêtres  et  des  diacres  qui  souillaient  le  sacer- 
doce par  leur  incontinence  ;  nous  en  parlerons 
en  un  autre  endroit  plus  commodément. 

Le  pape  Félix  prononça  une  sentence  de  dé- 
position contre  le  faux  évêque  d'Antioche, 
Pierre  Cnaphée,  et  il  la  prononça  en  son  nom 
et  au  nom  de  tous  ceux  qui  soutenaient  et  qui 
gouvernaient  avec  lui  le  Saint-Siège  apostoli- 
que, c'est-à-dire  de  ses  prêtres  et  diacres  : 
«  Firma  sit  haec  tua  depositio  a  me  et  ab  bis 
qui  una  mecum  apostolicum  thronum  regunt 
(Epist.  iv).» 

Ce  même  pape  témoigne,  en  un  autre  en- 
droit, que  l'éminence  des  évêques,  des  prêtres 


192 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SEPTIÈME. 


et  des  diacres  est  incontestablement  ce  qu'il  y 
a  de  plus  haut  et  de  plus  excellent  dans  l'Eglise. 
«  Utergoab  Ecclesiœsummitatibusinchoemus, 
quos  episcopos,  presbytères  vel  diaconos  fuisse 
constiterit,  etc.  (Epist.  vu).  » 

Ce  qui  a  déjà  été  dit  fait  voir  que  les  évo- 
ques, les  prêtres  et  les  diacres  composaient  un 
collège  distingué  de  tous  les  autres  corps  de 
l'Eglise,  réglé  par  îles  lois  plus  parfaites ,  et 
réuni  dans  l'exercice  des  pouvoirs  les  plus 
éminents  de  l'Eglise,  et  par  conséquent  dans 
lés  délibérations  qui  y  étaient  nécessaires. 

V.  Ce  que  nous  avons  dit  des  papes  Sirice  et 
Félix  fait  manifestement  connaître  que  les  prê- 
tres etles diacres  de  l'Eglise  romaine  assistaient 
aux  conciles  romains  avec  les  évêques  qui  se 
rencontraient  fortuitement  à  Rome,  y  délibé- 
raient et  concluaient  avec  le  pape  toutes  les 
affaires  importantes  qui  étaient  portées  au  tri- 
bunal de  la  première  Eglise  du  monde. 

Il  faut  faire  le  même  jugement  des  autres 
Eglises,  soit  métropolitaines,  ou  épiseopales, 
et  de  la  manière  que  les  affaires,  tant  spiri- 
tuelles que  temporelles,  s'y  traitaient  et  s'y 
résolvaient  par  l'union  et  la  conspiration  de 
tout  le  clergé  supérieur,  c'est-à-dire  des  prêtres 
et  des  diacres,  avec  leur  évèque. 

Dans  le  concile  romain,  sous  le  pape  lli- 
laire  où  on  traita  de  la  translation  d'un  évè- 
que d'E  pagne  d'une  église  en  une  autre,  outre 
le  pape  et  les  évêques,  les  prêtres  et  les  diacres 
de  l'Eglise  romaine  y  assistèrent  aussi  ,  les 
prêtres  assis,  et  les  diacres  debout  :  «  Residen- 
tibus  etiam  universis  presbyteris,  adstantibus 
quoque  diaconibus.  »  Les  acclamations  s'y 
firent  aussi  par  les  évêques  et  par  les  prêtres, 
soit  pour  confirmer  la  sentence  du  pape,  soit 
pour  lui  souhaiter  une  heureuse  vie,  et  une 
longue  prospérité.  «  Ab  universis  episcopis  et 
presbyteris  acclamatum  est;  ut  disciplina  ser- 
vetur,  ut  canones  custodiantur,  rogamus.  Ili- 
lario  vita,  etc.» 

Au  concile  111  romain  (Act.  1  et  i,  etc.)  sous 
le  pape  Félix  111,  tous  les  prêtres  de  Rome  sous- 
crivirent; et  la  présence  des  diacres  y  est  aussi 
marquée.  «  Astantibus  quoque  diaconibus.  » 
11  en  est  de  même  du  concile  II ,  tenu  à  Rome 
sous  le  pape  Gélase.  Les  prêtres  y  font  aussi  les 
acclamations  solennelles,  conjointement  avec 
les  évêques. 

VI.  Plusieurs  prêtres  et  plusieurs  diacres 
assistèrent  au  concile  de  Calcédoine  (Conc. 
Calced.,  act.  I),  y  tenant  la  place  de  leurs  évo- 


ques, opinant  et  souscrivant  en  leur  nom. 
Léon  même  y  avait  envoyé  pour  y  présider  en 
si  place  deux  évêques,  et  un  prêtre  de  son 
Eglise  de  Rome. 

Ce  pape  avait  envoyé  un  peu  auparavant  au 
concile  d'Ephèse  (Concil.  Ephes.,  act.  1),  avec 
un  évèque  et  un  prêtre,  le  diacre  Hilaire,  qui 
qui  s'y  opposa  avec  une  grandeur  de  courage 
digne  du  rang  qu'il  tenait  dans  la  première 
Eglise  du  monde,  a  toutes  les  entreprises  tyran- 
niques  de  l'impie  Dioscore,  et  y  arrêta  tout  le 
progrès  de  l'eutychianisme  par  cette  seule  pa- 
role, Contradicitur. 

Bésula ,  diacre ,  assista  au  vrai  concile  d'E- 
phèse, de  la  part  de  l'archevêque  de  Carthage. 
Plusieurs  autres  évêques  y  assistèrent  aussi,  et 
y  souscrivirent  par  des  prêtres  et  des  diacres 
de  leurs  Eglises  qu'ils  y  avaient  envoyés  en  leur 
nom.  Le  prêtre  Philippe  y  exerçait  aussi  la 
fonction  de  président  et  de  légat  au  nom  du 
Saint-Siège  apostolique,  avec  deux  évêques. 
On  sait  que  les  vicaires  du  Saint-Siège  aux  con- 
ciles de  Nicée  et  de  Sardique,  avaient  aussi  été 
des  prêtres  de  l'Eglise  de  Rome,  conjointement 
avec  des  évêques. 

VIL  Si  les  prêtres  et  les  diacres  étaient  appe- 
lés par  les  évêques  à  la  délibération  et  à  la 
résolution  des  plus  importantes  difficultés  que 
l'on  traitait  dans  les  conciles  particuliers,  et 
avaient  quelque  part  même  dans  les  conciles 
œcuméniques,  on  ne  peut  douter,  après  cela, 
que  les  affaires  ordinaires  de  chaque  diocèse  ne 
se  gouvernassent  par  leur  conseil  sous  l'auto- 
rité suprême  de  l'évêque. 

Le  concile  IV  de  Carthage  a  expressément 
commandé  que  l'évêque ,  non-seulement  ne 
donne  les  ordres  à  personne  sans  avoir  pris 
l\t\  is  de  son  clergé  :  «  Ut  episcopus  sine  con- 
silio  clericorum  suorum  clericos  non  ordinet 
(Can.  xxu)  ;  »  mais  aussi  qu'il  ne  prononce  sur 
aucune  affaire  qu'en  l'assemblée  de  son  clergé; 
à  moins  de  cela  sa  sentence  est  déclarée  nulle. 
«  Ut  episcopus  nullus  causam  audiat  absque 
piaesentia  clericorum  suorum  :  alioqui  irrita 
erit  sententia  episcopi,  nisi  clericorum  senten- 
lia  contirmetur  (Can.  xxm).  » 

Saint  Augustin  dit  que  si  l'évêque  seul  pou- 
vait dégrader  les  clercs  ,  le  clergé  et  les  prêtres 
qui  étaient  en  dignité  pouvaient  excommunier 
les  laïques.  «  Quam  facile  de  gradu  clericorum 
quisque  ab  episcopo,  vel  de  congregatione  lai- 
corum,  sive  ab  episcopo,  sive  a  clero,  vel  quo- 
cumque  prœposito,  cui  est  potestas,  cxiini- 


DU  CLERGÉ  01'  Dl'  CHAPITRE  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES. 


493 


tur  (August.  contra  Parmen.,  lib.  3,  cap.  n  .  « 

Sévère  Sulpice  remarque  que  saint  Martin 
confiait  l'examen  et  le  jugement  des  causes 
a  ses  prêtres  pour  s'occuper  lui-même  de  la 
prière  avec  plus  de  liberté  :  «  Cum  quidam  in 
alio  secretario  presbyteri  sederent ,  \el  salula- 
tionibus  vacantes,  vel  audiendis  negotiis  occu- 
pât!, Martinum  vero  usque  in  eam  horam,  qua 
solemnia  populo  agi  consuetudo  deposceret,  sua 
solitudo  cohibebat  [Dialog.  -2  .  » 

Saint  Jérôme  dit  que  c'était  vraiment  le 
sénat  de  l'Eglise  :  «  Et  nos  babemus  in  Eccle- 
sia  senatum  nostrum,  cœtum  presbyterorurn 
Hieron.,  in  c.  m  Isaia?;.  »  Saint  Basile  dit  la 
même  chose  :  -  ■  -... '■.-.,  t«j  -...-.yj-i-; ■.-.•j  /.%-%  ri,-i 
-■:,.:■,  Basil,  épis  t.,  i  ccxix  . 

Saint  Cyprien  communiquait  jusqu'aux 
moindres  choses  a  ses  prêtres  et  à  ses  diacres, 
et  il  délibérait  avec  eux  sur  tous  les  points 
importants  de  sa  conduite,  (''est  avec  les  prê- 
tres et  les  diacres  qu'il  veut  qu'on  traite  de 
quelle  manière  il  faut  recevoir  les  pénitents  : 
o  Deinde  sic  coUatione  conciliorum  cum  epi- 
scopis,  presbyteris,  diaconis.  confessoribus  pa- 
riter  astantibus  laicis  facta,  lapsorum  tractare 
rationem  L.  i,  ep.  n;  1.  n,  ep.  vu;  1.  rv,  ep.  u  . » 
Si  les  confesseurs  avaient  parti  cette  délibé- 
ration, c'était  la  victoire  qu'ils  avaient  rem- 
portée sur  les  ennemis  de  la  foi  qui  leur  avait 
acquis  ce  privilège  extraordinaire. 

Ce  saint  prélat  avait  fait,  dès  le  commence- 
ment de  sou  épiscopat ,  la  sage  et  sainte  ré- 
solution de  ne  rien  faire  sans  l'avis  de  ses 
prêtres  et  de  ses  diacres  :  «  Ad  id  vero  quod 
scripserunt  compresbyleri  nostri,  soins  rescri- 
1m  iv  nibil  potui.cum  a  primordio  episcopatus 
mei  statuerim  nibil  sine  consilio  vestro  et  sine 
consensu  plebis  mea  privatim  sententia  gerere 
(L.  m,  ep.  x  .  » 

Il  leur  communiquait  toutes  les  ordinations 
et  toutes  les  promotions  qu'il  faisait ,  comme 
quand  il  éleva  le  prêtre  et  le  confesseur  Numi- 
dicus  à  la  dignité  de  prêtre  ou  de  chanoine  de 
Carthage.  Car  c'était  une  grande  élévation 
d'être  incorporé  au  chapitre  ou  au  clergé  de 
la  cathédrale  :  «  Admonitos  nos  et  instructos 
sciatis  dignatione  divina ,  ut  Numidicus  pre- 
sbyter  ascribatur  presbyterorurn  Carthaginen- 
sium  numéro;  et  nobiscum  sedeat  in  clero, 
luce  clarissima  confessionis  illustris  (L.  iv, 
ep.  x).  » 

Ce  n'est  donc  pas  sans  raison  que  saint 
Ignace  dit  que  les  prêtres  sont  les  conseillers 


de  l'évêque,  qu'ils  ont  séance  pris  de  lui,  et 
qu'ils  ont  succédé  au  sénat  apostolique. 

i-'.5T .-  .  Epist.  ad  Trallianos  . 

VIII.  Ce  que  nous  venons  de  dire  montre 
clairement  que  le  clergé  supérieur  de  chaque 
ville  épiscopale  composait  un  corps  et  formait 
le  conseil  de  l'évêque,  gouvernant  avec  lui  et 
sous  lui  tout  le  temporel  et  le  spirituel  du 
diocèse. 

Voila  la  nature  deschapitn  s  i  n  ces  premiers 
siècles  :  voila  leurs  occupations,  voila  le  rang 
et  l'autorité  sublime  qu'ils  avaient.  Ils  ne  vi- 
vaient pas  en  communauté,  non  plus  qu'à 
présent;  mais  ils  possédaient  en  commun  tous 
les  revenus  de  l'église,  chacun  en  recevant  I.  s 
distributions  manuelles  proportionnées  à  son 
ordre  et  à  son  travail,  comme  nous  dirons  en 
son  lieu.  Ils  étaient  liés  entre  eux  et  avec  leur 
évêque  par  une  société  très-étroite  et  très- 
nécessaire  .  pour  le  maniement  de  toutes  les 
affaires  spirituelles  et  temporelles  du  diocèse 
ou  de  la  province. 

La  différence  la  [dus  considérable  de  ces  an- 
ciens chapitres  d'avec  ceux  de  ces  derniers 
siècles  est  en  ce  que  les  anciens  chapitres  : 
1°  n'étaient  composés  que  de  prêtres  et  de 
diacres;  2°  ces  prêtres  et  diacres  étaient  les 
curés  et  les  pasteurs  de  toutes  les  paroisses  de 
la  ville  épiscopale;  ou  s'il  n'y  avait  point  de 
paroisses  distinguées  de  la  cathédrale,  ils  en 
exerçaient  toutes  les  fondions;  3°  leur  ordina- 
tion même  était  ce  qui  leur  donnait  cette  qua- 
lité, cette  charge  et  celte  autorité. 

Le  presbytérat  et  le  diaconat,  aussi  bien  que 
l'épiscopat,  était  non-seulement  un  ordre, 
mais  aussi  un  bénéfice,  et  un  bénéfice  chargé 
du  soin  des  âmes  à  proportion  de  l'ordre.  Le 
clergé  de  l'Eglise  romaine  n'est  encore  à  pré- 
sent composé  que  de  prêtres,  et  de  diacres  car- 
dinaux, titulaires  des  anciennes  paroisses  de 
Rome,  et  concourant,  sous  le  pape  et  avec  le 
pape,  dans  les  consistoires,  pour  la  résolution 
de  toutes  les  affaires  qui  ressentissent  à  Rome. 
Et  ce  clergé  de  l'Eglise  romaine  est  dans  le 
temps  présent  l'image  vivante  et  le  parlait 
modèle  du  clergé  ancien  de  toutes  les  villes 
épiscopales. 

Socrate  dit  qu'après  la  mort  d'Atlicus,  évê- 
que de  Constantinople,  les  prêtres  Philippe  et 
Proclus  étaient  les  plus  favorisés  des  nobles  : 
mais  que  Sisinnius,  qui  était  le  prêtre  ou  curé 
d'une  église  du  faubourg  ou  tous  les  ans  le 


i'.V. 


DES  CONGRÉGATIONS. 


CHAPITRE  SEPTIEME. 


peuple  allait  célébrer  la  fête  de  l'Ascension, 
l'emporta  sur  eux,  et  succéda  à  Atticus  par  la 
faveur  du  peuple  ;  ce  qui  montre  que  les  cures 
composaient  le  chapitre,  et  que  les  prêtres  ou 
chanoines  avaient  des  églises  particulières  pour 
lesquelles  ils  étaient  ordonnés.  «  Sisinnius 
presbyter  non  in  ulla  ecclesia  intra  urbem 
ordinatus,  sed  in  suburbio,  etc.  (Socrat.,L  vu, 
C.  -26).  » 

Hilaire,  sur  la  première  lettre  de  saint  Paul  à 
Timotbée,  dit  que  dans  chaque  cité  il  doit  y 
avoir  un  évêque,  sept  diacres,  et  un  nombre 
de  prêtres,  afin  qu'il  yen  ait  deux  pour  chaque 
église  :  «  Septem  diaconos,  aliquantos  presby- 
teros,  ut  bini  sint  per  ecclesias.  »  Saint  Augus- 
tin fut  d'abord  le  seul  prêtre  de  Valérius  ;  et 
lui,  étant  évêque,  eut  neuf  prêtres  dans  son 
chapitre,  outre  les  diacres.  Voyez  sa  lettre  cent- 
onzième. 

IX.  Les  prêtres  et  les  diacres  de  la  ville  épis- 
copale  avaient  une  éminence  et  une  supériorité 
sur  les  prêtres  et  les  diacres  de  la  campagne, 
c'est-à-dire  sur  les  curés  des  paroisses  des 
champs.  Aussi  le  concile  de  Néocésarée  (Can. 
xui),  défend  aux  prêtres  ou  aux  curés  de  la 
campagne  de  célébrer  la  messe  dans  l'église 
cathédrale,  l'évèque  ou  les  prêtres  de  la  ville 
étant  présents  :  que  s'ils  sont  tous  absents,  il  le 
leur  permet. 

Pour  l'honneur  du  clergé  de  la  ville,  dis 
évêques  y  étaient  souvent  comme  associés  par 
divers  accidents,  et  ils  ne  se  croyaient  pas  dés- 
honorés de  rentrer  dans  une  si  auguste  com- 
pagnie, dont  ordinairement  ils  avaient  été 
tirés,  et  qui  avait  tant  de  part  aux  pouvoirs, 
aux  fonctions  et  à  l'éclat  de  la  dignité  épisco- 
pale. 

Le  concile  d'Ancyre  (Can.  xvm)  déclare  que 
les  évêques  qui  n'auront  pu  se  faire  recevoir 
dans  les  villes  pour  lesquelles  ils  avaient  reçu 
cet  auguste  caractère  ,  pourront  entrer  dans  la 
même  compagnie  de  prêtres ,  t«  -jco^tejcv,  de 
laquelle  ils  étaient  sortis,  et  y  jouir  des  hon- 
neurs et  des  avantages  de  l'épiscopat,  pourvu 
qu'ils  demeurent  unis  et  soumis  à  l'évèque 
diocésain. 

Le  concile  de  Nicée  (Can.  vin)  ordonna  que 
les  évêques  novatiens  se  réunissant  a  l'Eglise, 
dont  ils  s'étaient  séparés,  conserveraient  leur 
rang  et  leur  dignité,  s'il  n'y  avait  point  déjà 
un  évêque  catholique  dans  la  même  ville  :  que 
s'il  y  en  avait  un,  ils  auraient  rang  parmi  les 
prêtres,  et  l'évèque  catholique  pourrait  leur 


accorder  même  le  nom  et  les  honneurs  de 
l'épiscopat. 

Le.  concile  d'Antioche  (Can.  xvm),  accorde 
les  honneurs  et  les  fonctions  de  l'épiscopat, 
tv;;  Ti(L»i«  xai  râ;  Xtiroup-yia;,  à  ceux  qui  auront  été  em- 
pêchés, par  des  obstacles  insurmontables,  de 
prendre  possession  de  leurs  évêchés. 

X.  Ce  n'étaient  pas  ces  deux  seuls  accidents 
qui  réduisaient  les  évêques  à  être  incorporés 
dans  le  clergé  des  églises  cathédrales  :  de 
n'avoir  pu  surmonter  les  obstacles  qui  traver- 
saient la  prise  de  possession  de  leur  évêché,  et 
de  se  rencontrer  dans  une  ville,  où  il  y  avait 
déjà  un  évêque  catholique  ;  en  voici  un  troi- 
sième qui  est  accompagné  des  marques  d'une 
piété  extraordinaire.  On  ordonnait  souvent  des 
évêques  contre  leur  volonté  ;  leur  extrême 
humilité,  et  l'amour  de  la  retraite  l'emportait 
quelquefois  sur  les  lois  de  l'obéissance;  ainsi 
on  les  laissait  jouir  du  nom,  des  avantages 
et  du  rang  d'évêque  dans  la  compagnie  des 
prêtres. 

Tel  fut  Eustathe,  métropolitain  de  Pamphylie, 
à  qui  le  concile  d'Ephèse  (Act.  7)  adjugea  tous 
cesavantages  :  «Sed  quia  ad  versus  ej  us  animum 
a  rébus  gerendis  alienum  non  admodum  de- 
certareoportuit,  sed  miserari  polius  senem,  etc. 
Justum  reciumque  defînimus;  ut  nomen  reti- 
neat  episcopi  et  honorem  et  communionem  : 

mot  honor  t^.t,,  exprime  tous  les  émoluments 
temporels,  qui  consistaient  alors  en  distribu- 
tions plus  amples. 

Enfin,  ce  concile  défend  seulement  à  Eustathe 
de  donner  les  ordres,   et  de  sacrifier  par  sa 

propre  autorité,  |«i  XEtpoT&vsïv  \ù\  tou  Upoup-ytïv  Éclata;  ai 

eevTîaç  ;  le  consentement  de  l'évèque  du  lieu 
étant  nécessaire  pour  l'une  et  l'autre  de  ces 
deux  fonctions. 

XL  Nous  ne  pouvons  pas  mettre  dans  ce 
même  rang  les  évêques  que  leurs  crimes 
avaient  rendus  dignes  dedéposition.  La  sainteté 
de  la  prêtrise  ne  souffre  pas  qu'on  en  juge 
dignes  ceux  qui  sont  indignes  de  l'épiscopat. 
Ainsi  ceux  que  Pho'ius,  évêque  de  Tyr,  avait 
ordonnés  évêques,  ayant  été  dépouillés  de 
l'épiscopat,  et  renvoyés  à  l'ordre  des  prêtres 
par  Eustache,  évêque  de  Béryth,  les  légats  du 
pape  et  les  autres  évêques  du  concile  de  Calcé- 
doine (Act.  4),  cassèrent  cette  sentence,  et 
déclarèrent  que  selon  les  lois  de  l'Eglise,  c'était 
un  sacrilège,  tepoooXïa,  de  condamner  un  évêque 
pour  quelque  crime,  et  le  laisser  dans  les  fonc- 


DU  CLERGÉ  01"  Kl"  CHAPITRE  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES. 


i'i:, 


tions  de  la  prêtrise,  qui  sont  incompatibles 
avec  le  crime.  Ce  concile  en  fit  un  canon  exprès. 
«  Episcopum  in  presbyteri  gradum  deducere, 
sacrilegium  est  i.Can.  xxix).  » 

Ce  n'est  pas  de  ces  évoques  déposés  qu'il  faut 
entendre  ce  que  les  évèques  catholiques  du 
concile  d'Ephèse  (Act.  i  ,  disaient  de  plusieurs 
des  partisans  de  Nestorius,  que  c'étaient  des 
évèques  sans  évêchés,  et  évèques  de  nom  seule- 
ment :  «  Ne  civitates  quidem  obtinent,  sed  solo 
Domine  sont  episcopi  ;  »  car  on  les  distingue 
expressément  de  ceux  qui  avaient  été  déposés. 
Il  est  donc  plus  probable  que  c'étaient  des 
évèques  réduits  au  rang  des  prêtres  en  l'une 
des  trois  manières  que  nous  venons  de  mar- 
quer. 

XII.  Le  clergé  des  églises  cathédrales  se  sen- 
tait comblé  d'honneur  par  la  coutume  ordi- 
naire que  les  évèques  fussent  tirés  de  son  corps, 
par  le  retour  de  tant  d'évèques  dans  ce  même 
corps,  et  par  la  grande  part  qu'il  avait  au  gou- 
vernement de  tout  le  diocèse  ;  et  cet  honneur 
pouvait  enfler  le  cœur  des  moins  modestes,  et 
leur  faire  oublier  la  dépendance  dans  laquelle 
ils  doivent  être  à  l'égard  de  leur  évèque. 

C'est  ce  qui  a  obligé  les  conciles  à  faire  tant 
de  canons  pour  défendre  aux  prêtres  de  rien 
entreprendre  sans  l'agrément  de  l'évêque.  Ces 
canons,  qui  semblent  rabaisser  les  prêtres,  re- 
haussent effectivement  leur  éminente  dignité. 
En  effet,  ce  sont  autant  de  marques  évidentes 
qu'une  bonne  partie  de  la  puissance  des  évè- 
ques leur  était  commune  avec  les  prêtres,  à  la 
réserve  de  cette  dépendance  essentielle  dans 
laquelle  sont  les  prêtres  à  l'égard  de  leur  évè- 
que. Le  concile  d'Arles  :  «  Ut  presbyteri  sine 
conscientia  episcoporum  nihil  faciant  (Arelat.. 
an.  xix  .  »  11  y  a  une  infinité  de  canons  pa- 
reils (Apost..  c.  xxxviii,  Laodic.  lvii  . 

XIII.  Enfin  le  clergé  de  la  ville  épiseopale, 
après  la  mort  de  l'évêque,  gouvernait  tout  seul 
le  diocèse,  ayant  appris  du  vivant  de  l'évêque 
à  le  gouverner  conjointement  avec  lui.  Le 
clergé  de  Rome  fit  bien  voir  qu'il  était  chargé 
de  toute  la  conduite  de  l'Eglise  romaine  pen- 
dant la  vacance  du  Saint-Siège,  lorsqu'il  écri- 
vit en  ces  termes  au  clergé  de  Carthage  : 

«  Et  cum  incumbatnobis,  qui  videmurpra?- 
positi  esse,  et  vice  pastoris  custodire  gregem  ; 
si  négligentes  inveniamur,  dicetur  nobis,  quod 
et  antecessoribus  nostris  dictum  est,  qui  tam 
négligentes  praepositi  erant,  quoniam  perditum 
non  requisivimus,  et  errantein  non  correxi- 


miis,  etc.  (Epist.  m  apud  Cyprianum  .  »  Et 
en  une  autre  lettre  :  a  Omnes  enim  nos  decet 
pro  corpore  totius  Ecclesiae,  cujus  per  varias 
quasque  provincias  membra  digesta  sunt  , 
excubare   Epist.  xm\  .  o 

Voici  à  ce  sujet  deux  réflexions  aussi  justes 
que  nécessaires  :  1°  Que  le  clergé  ou  chapitre 
ayant  à  régir  tout  le  diocèse  après  la  mort  du 
prélat  et  en  son  absence,  il  est  absolument  né- 
cessaire qu'il  ait  appris  à  manier  le  gouvernail 
durant  la  vie  et  en  la  présence  île  l'évêque  ; 

2°  Que  cela  s'entend  non-seulement  d'un 
diocèse  particulier,  mais  aussi  d'un  archevê- 
ché ,  d'une  église  primatiale  ou  patriarcale,  et 
de  l'Eglise  romaine  même,  qui  a  une  inten- 
dance générale  sur  toute  la  chrétienté.  Si  le 
clergé  de  Rome  parle  comme  portant  le  poids 
et  la  sollicitude  de  toutes  les  églises  du  inonde, 
saint  Cyprien  lui  parle  dans  le  même  sens 
dans  les  lettres  qu'il  lui  écrit. 

Il  faut  néanmoins  avouer  que,  pendant  que 
le  siège  était  vacant,  le  clergé  réservait  les  af- 
faires les  plus  importantes  à  l'évêque  qui 
devait  succéder. 

C'est  ce  que  témoigna  le  même  clergé  de 
Rome  :  «  Quanquam  nobis  différends  hujus 
rei  major  nécessitas  incumbat.  quibus  post 
excessum  Fabiani  nullus  est  episcopus  pro- 
pter  rerum  et  temporum  difflcultates  constitu- 
tus  Epist.  xxxi).  »  Et  un  peu  plus  bas  :  «  Ante 
constitutionem  episcopi.  nihil  înnovandum 
putavimus.  ut  intérim  dum  episcopus  dari  a 
Deo  nobis  sustinetur.  in  suspenso  eorum  causa 
teneatur,  qui  moras  possunt  dilatione  sus- 
tinere.  » 

XIV.  Les  évèques,  en  quittant  leurs  diocèses, 
ne  donnaient  point  de  bornes  au  pouvoir  de 
leur  clergé,  mais  les  canons,  la  coutume  et  la 
modestie  réservaient  beaucoup  de  choses  aux 
évèques. 

Saint  Ignace  écrit  en  cette  sorte  aux  prêtres 
d'Antioche  :  «  Presbyteri  pascite  euni,  qui  in 
vobis  gregem  :  usquequo  ostendat  Deus  eum 
qui  vobis  principabitur.  »  Saint  Cyprien  écrit 
à  ses  prêtres  et  à  ses  diacres  :  «  Oftîcium  meum 
vestra  diligentia  prœsentet ,  et  faciat  omnia 
quae  fierioportet  circa  eos.  etc.  L.  ni.  ep.  vi  .» 
Et  en  une  autre  lettre  :  «  Hortor  et  mando  ut 
vos  vice  mea  fungamini  circa  ea  gerenda,  quae 
administratio  religiosa  deposcit  (Ibid.,  ep.  x  .s 

Par  ces  lettres  de  saint  Cyprien,  et  par  plu- 
sieurs autres,  nous  voyons  que  l'évêque  étant 
obligé  de  s'absenter  de  son  diocèse,  legouver- 


49G 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SEPTIÈME. 


nement  était  ordinairement  dévolu  au  cha- 
pitre ou  au  clergé  tout  entier,  sans  qu'on  y 
distinguât  un  grand -vicaire  à  qui  l'évêque 
l'eût   particulièrement  confié. 

Les  lettres  de  saint  Cyrille  (  L.  i,  ep.  4)  et 
même  de  tout  le  concile  général  d'Ephèse, 
adressées  aux  prêtres,  aux  économes  et  aux 
autres  clercs  de  Constantinople  sur  la  déposition 
de  Nestorius  ,  confirment  qu'en  l'absence  et 
après  la  mort  des  évoques,  le  corps  entier  du 
chapitre  prenait  le  maniement  des  affaires. 
Cela  est  tout  à  fait  certain  après  la  mort  des 
évêques;  l'on  ne  manquerait  peut-être  pas 
d'exemples  qu'en  leur  absence  ils  substituaient 
un  grand -vicaire. 

Saint  Cyprien  écrivit  au  prêtre  qui  gouver- 
nait 1  evêché  de  Léon  etd'Astorgue  en  Espagne, 
et  au  diacre  qui  gouvernait  celui  de  Mérida 
pendant  l'absence  des  évêques.  Saint  Hilaire 
témoigne  néanmoins  lui-même  dans  son  livre, 
qu'il  écrivit  et  qu'il  donna  à  l'empereur 
Constance,  qu'étant  exilé,  il  gouvernait  son 
Eglise  par  ses  prêtres.  «  Licet  in  exilio  perma- 
nens,  et  Ecclesiae  adhuc  per  presbyteros  meos 
coininunioiiein  distribuens.  » 

XV.  Aussi  saint  Ambroise  représente  admi- 
rablement aux  évêques  qu'ils  doivent  consi- 
dérer tous  les  ecclésiastiques  ,  surtout  les 
diacres,  comme  les  propres  membres  de  leur 
corps,  et  les  employer  avec  les  sentiments 
d'estime  et  d'amour  que  cette  union  si  étroite 
leur  doit  inspirer  :  «  Episcopus  ut  membris 
suis,  utatur  clericis  et  maxime  ministris,  qui 
sunt  vere  tilii  :  quem  cuique  viderit  aptuin 
muneri,  ci  deputet.  (Offic,  I.  h,  c.  27).  » 

Ce  Père  dit  ailleurs  que  l'évêque  peut  quel- 
quefois regarder,  non-seulement  les  prêtres, 
mais  les  diacres  mêmes  comme  ses  pères; 
et  si  leur  science  ,  leur  sainteté  et  leur  mé- 
rite leur  a  acquis  une  estime  et  une  vénéra- 
tion extraordinaire  dans  l'esprit  des  fidèles,  il 
doit  en  concevoir  de  la  joie  et  croire  que  ce 
qui  fait  l'éclat  et  l'ornement  de  son  église  ne 
peut  qu'être  très-honorable  à  celui  qui  en  est 
le  père  et  le  pasteur. 

«  Sed  et  sacerdotein  convenit  presbytero  vel 


ministro  déferre,  ut  parenti,  etc.  Neque  offendit 
sacerdotein,  si  aut  presbyter,  aut  minister,  aut 
quisquam  de  clero,  aut  misericordia,  aut  jeju- 
nio,  aut  integritate,  aut  doctrina,  aut  lectione 
existimationem  accuniulet  suain.  Gratia  enim 
ecclesiœ,  laus  doctoris  est  (Idem,  c.  xxiv).  » 

C'est  dans  ce  sentiment  que  saint  Augustin 
écrivait  autrefois  que  l'épiscopat  était  à  la 
vérité  au-dessus  de  l'ordre  des  prêtres,  mais 
que  l'évêque  Augustin  était  en  beaucoup  de 
manières  au-dessous  du  prêtre  Jérôme  : 
«  Quanquam  secundum  honorum  vocabula, 
quae  jam  Ecclesiae  usus  obtinuit,  episcopatus 
presbyterio  major  sit;  tamen  in  nmltis  rébus 
Augustinus Hieronymo  minorest  (Epist.  xix).» 

Saint  Jérôme  exprime  excellemment  ce  que 
les  évêques  et  les  clercs  doivent  se  rendre  et 
attendre  les  uns  et  les  autres  :  «  Episeopi 
sacerdotes  se  esse  noverint,  non  dominos  : 
honorent  clericos,  quasi  clericos,  ut  et  ipsis  a 
clericis,  quasi  episcopis  honor  deferatur.  Scitum 
illud  est  oratoris  Domitii  :  cur  ego  te,  inquit, 
liabeam  ut  principem,  cum  tu  me  non  habeas 
ut  senatorem  (Epist.  ad  Nepotianum).  » 

Il  ajoute  que  l'évêque  et  les  prêtres  sont 
comme  Aaron  et  ses  enfants,  ne  faisant  tous 
qu'une  même  famille  sacerdotale  et  un  même 
sacerdoce.  «  Quod  Aaron  et  filios  ejus,  hoc 
episcopum  et  presbyteros  esse  noverimus.  l'nus 
Dominus,  unniii  templum ,  unum  sit  etiam 
ministerium.  » 

Voilà  la  vraie  image  des  chapitres  et  de  leur 
union  avec  le  prélat.  Elle  paraît  encore  dans 
l'ordonnance  du  concile  IV  de  Carthage  (Can. 
xxxv) ,  où  il  est  dit  que,  bien  que  la  chaire  de 
l'évêque  dans  l'église  soit  élevée  au-dessus  des 
chaires  des  prêtres,  l'évêque  doit  reconnaître 
dans  le  particulier  qu'ils  sont  tous  ses  collègues. 
«  Ut  episcopus  in  Ecclesia  et  in  consessu  pre- 
sbyterorum  sublimior  sedeat  :  intra  domum 
vero  collegam  se  presbyterorum  esse  cogno- 
scat.  » 

Je  dirai  dans  la  suite,  en  quel  temps  et  en 
quelles  églises  on  donna  des  prêtres  et  le  plus 
souvent  des  évêques  visiteurs  et  intercesseurs, 
pour  gouverner  les  évêchés  vacants. 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHEDRALES. 


497 


CH  UTTTîE    HUITIEME. 


DES   CHAPITRES    DES   EGLISES   CATHEDRALES    DEPUIS   CLOVIS   JISQU  A    CIIARLEMAGNE. 


I.  Alliance  des  chapitres  avec  les  monastères  et  les  séminaires. 

H.  La  plupart  îles  séminaires  dont  il  a  été  parlé,  étaient  les 
chapitres  même  des  cathédrales. 

III.  IV.  V.  Divers  rédt-uienls  des  conciles  de  France  pour  les 
chapitres.  Les  curés  et  les  bénéficier  simples  y  étaient  en 
quelque  façon  associés.  D'où  vient  le  nom  de  chanoine.  Les 
fon.ls  de  l'église  étaient  donnés  aux  chanoines  à  usufruit. 

VI.  VII.  VIII.  Les  cures  et  les  abbayes  leur  étaient  confiées- 
Ce  n'est  que  la  matricule  ou  le  canon.  Les  prêtres  jugeaient 
avec  l'évèque. 

IX.  En  Espagne,  les  prêtres  et  les  diacres  composent  les  cha- 
pitres, et  assistent  aux  conciles. 

X.  Les  curés  sont  transférés  à  la  cathédrale,  demeurant  curés 
primitifs.  Pourquoi  les  chanoines  de  la  cathédrale  sont  au-dessus 
des  curés. 

XI.  En  Italie,  les  chapitres  étaient  composés  de  prêtres  et  de 
diacres  ;  ils  assistaient  au  concile,  ils  faisaient  le  conseil  de 
l'évèque;  on  tirait  les  évêques  de  leurs  corps. 

XII.  Le  collège  des  cardinaux  est  un  parfait  modèle  des  an- 
ciens chapitii  -. 

XIII.  Du  chapitre  de  la  grande  église  de  Constantinople;  le 
nombre  des  clercs  de  tous  les  ordres  fixé  par  Justinien  ;  ils  of- 
ficiaient dans  toutes  les  églises  de  la  ville  par  tour. 

XIV.  Autres  chapitres  de  l'Orient.  On  y  vieillissait  dans  le 
diaconat. 

XV.  Du  nombre  des  diacres. 

XVI.  Antres  règlements  sur  le  nombre  des  clercs  de  la  grande 
église  de  Constantinople. 

XVII.  A  Rome,  il  y  avait  des  congrégations  monastiques  pro- 
che des  grandes  églises,  pour  y  aller  célébrer  l'office  canonial 
du  jour  et  de  la  nuit. 


I.  Les  chapitres  des  églises  cathédrales  ont 
été  autrefois  si  unis  aux  séminaires  des  clercs 
et  aux  monastères  des  religieux,  qu'il  nous  a 
été  impossible, "dans  le  chapitre  précédent,  de 
traiter  l'un  de  ces  trois  sujets,  sans  y  envelop- 
per les  deux  autres.  Il  faut  donc  ajouter  ici  ce 
«[ii i  regarde  plus  particulièrement  les  cha- 
pitres ou  le  clergé  des  églises  épiscopales,  afin 
de  passer  ensuite  aux  monastères. 

IL  Si  l'on  considère  sans  prévention  ce  que 
nous  venons  de  dire  des  séminaires,  on  ne 
doutera  pas  que  ce  ne  fussent  là  les  véritables 
chapitres,  et  les  seules  compagnies  qui  compo- 
saient tout  le  clergé  des  grandes  Eglises. 

Le  concile  IV  de  Tolède  veut  que  tous  les 
prêtres  et  les  diacres  demeurent  et  vivent  en 
commun  avec  l'évèque,  sans  en  excepter  d'au- 
tres que  ceux  à  qui  leur  grand  âge  ou  leur 
infirmité  ne  permettra  pas  de  persévérer  dans 


Th.  —  Tome  IL 


cette  vie  commune  ,  et  fait  vivre  tous  les  moin- 
dres clercs  dans  une  même  maison  proche  de 
l'Eglise.  l'eut-on  concevoir  qu'il  y  eût  un  autre 
clergé  ou  un  autre  chapitre  que  celui-là?  Et 
quand  le  concile  II  de  Tours  ordonne  à  l'évè- 
que de  vivre  dans  sa  maison  avec  ses  prêtres, 
ses  diacres  et  ses  clercs  inférieurs,  sans  y  souf- 
frir aucune  femme,  n'est-ce  pas  là  tout  le  cler- 
gé de  cette  ville  épiscopale?  Grégoire  de  Tours 
ne  leur  donne-t-il  pas  le  nom  de  chanoines, 
«  Mensa?  canonicœ  .  mensa  canonicorum,  »  et 
ne  les  fait-il  pas  vivre  en  communauté? 

Il  est  vrai  qu'on  n'y  voit  point  encore  ni  doyens 
ni  prévôts,  ni  d'autres  dignités,  mais  seule- 
ment des  prêtres,  des  diacres  et  des  clercs;  mais 
on  ne  peut  douter  que  ce  n'ait  été  la  première 
figure  des  chapitres.  Nous  avons  vu  un  prévôt 
qui  conduisait  le  séminaire  des  plus  jeunes 
clercs;  nous  avions  déjà  remarqué  ailleurs  un 
arcliichanlre;  nous  avons  parlé  des  arebiprê- 
tres  et  des  archidiacres.  Voila  les  dignités  du 
chapitre  qui  n'étaient  effectivement  que  des 
offices  ou  des  administrations. 

Mais  peut-on  rien  de  plus  convaincant  que 
ce  qui  a  été  rapporté  de  l'Eglise  anglicane  réta- 
hlie  par  saint  Grégoire  et  par  saint  Augustin, 
pour  montrer  que  le  chapitre  et  tout  le  clergé 
de  la  cathédrale  n'étaient  autre  chose  que  cette 
congrégation  d'ecclésiastiques  qui  n'avaient 
tous  qu'une  même  maison  et  une  même  table 
avec  l'évèque  ? 

Cela  n'est  guère  moins  clair  dans  le  récit 
que  Eerrand  fait  des  évoques  d'Afrique,  et  sur- 
tout de  saint  Fulgence,  qui  avait  réuni  dans 
une  même  maison,  à  la  même  table.,  à  la  même 
étude,  aux  mêmes  lieux  et  aux  mêmes  heures 
de  prière  des  évêques,  des  ecclésiastiques  et  des 
moines.  Il  est  vrai  que  c'était  dans  son  exil  en 
l'île  de  Sardaigne,  mais  on  peut  juger  parla  de 
ce  qu'il  fit  en  Afrique  après  son  retour. 

Sans  qu'il  soit  besoin  de  recourir  aux  con- 
jectures, le  même  auteur  de  sa  vie  assure  que 
la  douceur  d'Hildéricdans  les  commencements 

32 


-498 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


de  son  règne  après  la  mort  de  son  père ,  ayant 
rappelé  tons  ces  illustres  bannis  dans  leurs 
églises,  saint  Fulgence  incorpora  en  quelque 
manière  son  clergé  avec  son  monastère,  en 
remplissant  de  sus  moines  toutes  les  places  va- 
cantes de  son  clergé. 

«  Clericorum  vero  si  quadefuerunt  ministe- 
ria  reparans,  probatos  sibi  multos  ex  fratribus 
monachis  ad  ecclesiasticammilitiani  transtulit, 
ibi  quoque  charitati  consulens,  ut  dum  paene 
omncs  clericos  ex  illo  monasterio  ordinal,  an- 
tiquae  faniiliaritatis  monente  notitia,  nulla  lis 
aliquando  monachos  et  clericos  ventilaret 
(Can.  xxix).  » 

III.  Mais  ces  séminaires  ou  ces  chapitres  vi- 
vant en  communauté  étaient  rares. 

En  France  saint  Rigobert  fut  le  premier  des 
archevêques  de  Reims  qui  mit  son  chapitre 
en  communauté  :  «  Primus  fertur  commune 
eis  instituisse  aerarium.  »  Ce  sont  les  paroles 
de  Tauteur  de  sa  vie  chez  Bollandus.  Mais  cela 
n'arriva  qu'après  l'an  "ou. 

Le  concile  d'Agde  (Can.  xxn),  distingue  les 
prêtres  et  les  autres  ecclésiastiques  de  la  -ville 
et  de  la  campagne:"  Civitatensessivediœcesani 
presbyteri,  veî  clerici.  »  Le  concile  HdeVaison 
(Can.  x\u  l'ait  la  même  distinction  des  prêtres  de 
la  cité  et  Mes  champs,  eu  leur  donnant  à  tous 
le  pouvoir  de  prêcher.  «  Ut  non  solum  in  eivi- 
tatibus,sed  etiam  in  omnibus  parochiis  ver- 
bmu   Eaciendi   daremus    presbyteris  potesta- 

teni.  » 

Le  concile  de  Clennont  (Can.  xv  les  distingue 
aussi,  et  leur  donne  à  tous  la  qualité  de  cha- 
QOine  aussi  bien  qu'aux  diacres  :  «  Si  quis  ex 
presbyteris,  au!  diaconis,  qui  neque  in  Givitate, 
neque  in  parochiis  canonicus  esse  dignoscitur, 
sed  in  villulis  babitans ,  in  oratoriis  officio 
sancto  deserviens,  etc.  » 

Ce  concile  distingue  les  bénéficiera  qui 
servent  dans  les  oratoires  particuliers;  et  qui 
sont  comme  des  bénéficiers  simples,  des  béné- 
Qciers  curés,  à  qui  il  donne  le  nom  de  cha- 
noines; et  il  oblige  ces  bénéficiers  de  venir 
passerlesjours  des  fêtes  solennellesavecl'évêque 
dans  l'église  cathédrale  :  »  Praecipuas  solemni- 
tates  nullatenus  alibi,  nisi  cum  episcopo  suo  in 
civitate  teneat.  » 

De  ce  canon  il  faut  conclure  trois  choses  : 
I"  que  les  curés  des  paroisses  des  champs, 
prêtres  et  diacres,  s.inl  appelés  chanoines,  «  in 
parochiis  canonicus;  »  2°  que  les  curés  de  la 
\ille  épiscopale  sont  compris  dans  les  termes 


tout  semblables  avec  les  prêtres  et  les  chanoines 
de  la  cathédrale;  et  ainsi  ils  composaient  le 
chapitre  de  la  cathédrale.  3°  Que  les  bénéficiers 
simples  du  diocèse  étaient  aussi  en  leur  ma- 
nière du  corps  du  chapitre,  puisqu'ils  devaient 
s'y  rejoindre  aux  jours  des  grandes  solen- 
nités. 

IV.  Le  concile  III  d'Orléans  (Can.  n)  prive  du 
nom  et  des  distributions  des  chanoines  tous 
les  ecclésiastiq  nés  qui  ne  rendront  pas  à  l'évêi  rue 
l'obéissance  qu'ils  lui  doivent,  et  à  leur  Eglise 
l'assistance  qu'ils  lui  ont  promise.  «  Inter 
reliquos  canonicos  clericos,  ne  hac  licentiaalii 
vitientur,  nullatenus  habeantur  neque  ex  rébus 
ecclesiasticis,  cum  canonicis  stipendia  aut  nm- 
nera  ulla  percipiant.  » 

Ainsi  on  appelait  chanoines  tous  les  bénéfi- 
ciers qui  avaient  part  aux  revenus  el  aux 
distributions  de  l'église,  et  qui  étaient  écrits 
pour  cela  In  i'anonc  ,  c'est-à-dire  dans  la 
matricule  de  l'église.  Ce  qu'on  ne  pouvait  pas 
dire  de  ceux  qui  desservaient  les  oratoires  ou 
les  chapelles  domestiques  des  grands,  de  la 
main  desquels  ils  recevaient  aussi  ce  qui  était 
nécessaire  pour'leur  entretien,  et  qu'ils  n'aban- 
donnaient que  les  jours  des  grandes  fêtes  , 
parce  que  les  grands  étaient  obligés,  aussi  bien 
qu'eux,  de  les  venir  passer  avec  I'évêque. 

V.  Au  reste,  ce  concile  (Can.  xvn),  montre 
manifestement  que  le  clergé  de  la  ville  épisco- 
pale était  comblé  des  laveurs  et  des  bienfaits 
de  I'évêque  ;  c'est  à  ceux  de  ce  corps  que 
I'évêque  donnait  des  fonds  et  des  ferres  de 
l'église  pour  en  jouir  comme  usufruitiers  pen- 
dant leur  vie,  à  condition  que  I'évêque  pouvait 
les  échanger  pour  d'autres  de  même  valeur, 
et  même  les  leur  ôter  entièrement ,  si  leur 
désobéissance  venait  à  mériter  ce  châtiment. 

«  Si  quid  a  clericis,  de  decedentium  sacer- 
dotum  munificentiis  habetur  vel  possidetur, 
deinCeps  a  successoribus  nullatenus  auferatur, 
ita  ut  qui  decessorum  largitatibus  gaudent, 
officia  ecclesiœ,  obedientiam  et  affectum  sacer- 
dotibus  pnebeanl,  etc.  Si  episcopo  placuerit 
commutare,  sine  accipientis  dispendio  in  locis 
aliis  commutetur.  » 

Voilà  les  prébendes  des  chanoines  de  lacathé- 
drale,  qui  commençaient  a  se  former  par  les 
libéralités  arbitraires  des  évêques  que  leurs 
successeurs  ne  pouvaient  pas  révoquer  que  par 
un  échange,  ou  par  une  sentence  juridique 
contre  un  chanoine  incorrigible.  «  Si  con- 
tumacia  accipientis  extiterit,  crit  in  arbilrio 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES. 


199 


prœsidentis,  utrum  vel  qualiter  debeant  revo- 

cari.  » 

Le  concile  V  d'Orléans  défendit  de  donner 
les  ordres  ou  de  conférer  des  bénéfices  pendant 
que  le  siège  épiscopal  est  vacant  :  «  Nullus  aut 
in  civitate,  ant  per  parochias  ordinare  clericos 
praesumat.  »  C'est  comme  si  ce  canon  défen- 
dait au  chapitre,  à  qui  l'administration  de 
l'église  vacante  par  la  mort  de  l'évêque  est 
dévolue,  de  conférer  ni  ordres,  ni  aucun  bé- 
néfice, lui  enjoignant  de  veiller  à  taire  élire 
promptement  un  évêque  qui  remplisse  les 
fonctions  épiscopales. 

VI.  C'était  à  ses  chanoines  que  l'évêque  don- 
nait ordinairement  les  cures,  les  abbayes  et  les 
autres  bénéfices  de  la  ville  ou  de  la  campagne, 
avec  pouvoir  de  les  laisser  jouir  en  même 
temps  d'une  partie  des  revenus  de  leurs  cha- 
noinies,  au  cas  que  les  revenus  de  l'autre  bé- 
néfice ne  fussent  pas  suffisants. 

J'ai  employé  le  nom  d'abbaye,  non  pas  que 
l'ecclésiastique  fût  abbé,  car  il  y  avait  toujours 
un  abbé  ou  une  abbesse  dans  le  cloître;  mais 
l'ecclésiastique  était  l'administrateur  de  l'ab- 
baye et  en  retirait  du  revenu,  à  peu  près 
comme  un  abbé  coinmandataire  ou  comme 
vicaire-général  de  l'évêque  pour  tout  ce  qui 
regardait  cette  abbaye.  Ce  n'était  qu'une  admi- 
nistration, et  c'était  néanmoins  un  vrai  litre  et 
un  véritable  bénéfice,  parce  que,  comme  nous 
ferons  voir  ensuite,  ceux  qui  en  étaient  pourvus 
n'étaient  nullement  amovibles  au  gré  de  l'é- 
vêque. 

«  De  bis  vero  clericorum  personis,  quœ  de 
civitatensis  Ecclesiœ  officie-  monasteria,  diœ- 
ceses,  vel  basilicas,  in  quibuscumque  locis  po- 
sitas,  id  est,  sive  in  territoriis,  sive  in  ipsis 
civitatibus,  suscipiunt  ordinandas  :  in  potestate 
sit  episcopi,  si  de  eo  quod  ante  de  ecclesiastico 
munere  habebant,  eos  aliquid,avit  nihil  exinde 
habere  voluerit.  Quia  unicuique  facilitas 
suscepti  monasterii  .  diœcesis  vel  basilicœ 
débet  plena  ratione  sufûcere  (Ibidem  ,  can. 
xvi n).  » 

VIL  Le  concile  IV  d'Orléans  Can.  xm)  fait 
jouir  des  privilèges  et  des  immunités  de  la 
cléricature  tous  les  clercs  qui  sont  écrits  dans 
la  matricule  de  l'Eglise  :  «  Quorum  nomina  in 
matricula  ecclesiœ  teneantur  inscripta.  »  On 
effaçait  de  cette  matricule  les  noms  des  incor- 
rigibles; et,  après  qu'ils  avaient  fait  pénitence, 
on  les  y  rétablissait,  comme  nous  l'apprend  le 
concile  d'Agde  :   «  Cum  eos  pœnitentia  cor- 


rexerit,  rescripti  in  matricula  gradum  suum 
dignitatcinque  recipi.tnt  (Can.  n).  » 

Ce  terme  de  matricule,  outre  le  catalogue 
des  clercs,  signifie  aussi  le  trésor  et  les  revenus 
de  l'église,  où  avaient  part  tous  ceux  dont  les 
noms  étaient  écrits  dans  ce  catalogue.  Le 
synode  d'Auxerre  (Can.  m)  le  dit  assez  claire- 
ment :  «  Quicumque  votum  habuerit,  in  eccle- 
sia vigilet,  et  matricul.e  ipsum  votum,  aut 
pauperibus  reddat.  » 

Le  concile  de  Tours  (Can.  xxm)  appelle  canon 
le  livre  des  offices  de  l'église;  mais  on  sait  que 
ce  terme  se  prenait  aussi  pour  le  catalogue  des 
clercs,  aussi  bien  que  celui  de  matricule. 

Le  terme  de  canon  était  un  terme  de  guerre 
très-usité  parmi  les  historiens,  pour  signifier  la 
provision  de  vivres  qui  se  donnait  aux  soldats, 
et  le  rôle  de  ceux  qui  avaient  part  à  celte  pro- 
vision. 

VIII.  Le  concile  II  de  Tours  (Can.  vu)  ne 
permet  pas  à  l'évêque  de  déposer  un  archiprêtre 
sans  l'assemblée  de  tous  les  autres  prêtres  : 
"  Sine  omnium  suorum  compresbyterorum 
consilio.  »  Cette  assemblée  de  prêtres  semble 
être  le  chapitre,  qui  est  juge  avec  l'évêque  de 
son  chef,  c'est-à-dire  de  l'archiprêtre.  Il  n'était 
pas  juste  que  les  diacres  et  les  autres  clercs 
intérieurs  devinssent  les  juges  d'un  prêtre. 

Nous  avons  déjà  expliqué  les  canons  de  ce 
concile  qui  parlent  du  clergé,  c'est-à-dire  des 
prêtres,  des  diacres  et  des  autres  clercs  qui 
étaient  avec  l'évêque  dans  l'évèché,  comme 
dans  un  séminaire.  Ce  concile  (Can.  xixj  donne 
dans  un  autre  canon  le  nom  de  chanoine  aux 
clercs  mineurs  et  aux  lecteurs  qui  accom- 
pagnent les  archiprètres  à  la  campagne  :  unies 
lector  canonicorum  suorum.  Perpétue,  évêque 
de  Tours,  adressa  son  testament  :  Presbyteris, 
diaconibus  et  clerîcis  Ecclesiœ  meœ  (Spicilegii, 
toin.  v,  p.  105  . 

Mais  il  ne  se  peut  rien  dire  de  plus  beau  que 
ce  que  nous  lisons  dans  le  livre  ni  des  poésies 
saintes  de  Fortunat,  sur  les  louanges  du  cha- 
pitre de  Paris,  composé  de  l'évêque,  des  prêtres 
et  des  diacres,  continuellement  appliqués  au 
chant  des  divins  offices  :  «  Celsa  Parisiaci  cleri 
reverentia  pollens,  Ecclesiœ  genius,  gloria, 
munus,  honos,  carminé  Davidico  divina  poe- 
mata  pangens  cursibus  assiduis  dulce  revolvit 
opus.  Inde  sacerdotes,  leviticus  hinc  micat 
ordOj  illos  cauities,  hos  stola  pulchra  tegit.  In 
medio  Germanus  adest  autistes  honore,  etc.  » 

IX.  En  Espagne,  le  concile  I  de  Drague  fut 


500 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


tenu  clans  l'église  métropolitaine  de  cetle  ville, 
les  évêques,  les  prêtres,  les  diacres  y  étant  avec 
le  reste  du  clergé  :  «  Considentihus  simul 
episcopis,  praesentibus  quoque  presbyteris, 
astantibusque  ministiïs,  vel  universo  clero.  » 
Voilà  le  clergé  de  la  ville  qui  assiste  au  con- 
cile. 

Mais  le  concile  VI  de  Tolède  l'Can.  rv),  faisant 
un  règlement  concerté  sur  ce  sujet,  n'y  admet 
qu'un  certain  nombre  de  prêtres  et  de  diacres 
choisis,  parce  que  ce  sont  les  évêques,  les  prê- 
tres et  les  diacres  qui  font  le  véritable  corps 
de  la  hiérarchie  ecclésiastique. 

«  Posl  Lngressum  omnium  episcoporum, 
atque  consessum,  vocentur  deinde  presbyteri, 
(|uos  causa  probaverit  introire.  Post  hos  ingre- 
diantur  diaconi  probabiles,  (|uos  ordo  poposce- 
rit  intéresse,  el  enroua  fada  île  sedibus  episco- 
porum,  presbyteri  a  tergo  eorum  resideant. 
Diacones  in  conspectu  episcoporum  stent.  » 

Si  les  conciles  sont  les  images  de  l'Eglise 
universelle,  les  chapitres  sont  aussi  la  repré- 
sentation de  chaque  Eglise  particulière.  Ainsi, 
comme  l'Église  se  ressemble  parfaitement  à 
elle-même,  comme  les  évêques,  les  prêtres  et 
les  diacres  étaient  les  membres  du  concile,  ils 
l'étaient  aussi  des  chapitres  de  chaque  Eglise. 

Et  il  ne  fallait  pas  s'étonner  qu'on  admit  les 
diacres  au  conseil  de  l'évèque  ou  du  chapitre 
qui  gouvernait  tout  le  diocèse,  puisqu'ils  étaient 
reçus  dans  les  conciles  généraux,  où  on  réglait 
l'Eglise  universelle. 

Lorsque  le  concile  de  Mérida  Can.  v)  défendit 
de  députer  des  diacres  pour  tenir  la  place  des 
évêques  dans  les  conciles  provinciaux,  ce  rè- 
glement fut  un  règlement  nouveau,  contraire 
a  l'ancienne  discipline  de  l'Eglise,  et  je  crois 
qu'on  n'y  déféra  pas.  Les  diacres  avaient  tou- 
jours été  et  furent  encore  dépuis  les  vicaires- 
généraux des  évêques;  ainsi,  ils  pouvaient  bien 
représenter  leurs  personnes  dans  les  conciles. 
Quant  aux  canons  qui  détendent  aux  diacres 
de  s'asseoir  en  présence  des  prêtres,  ils  doivenl 
s'entendre  des  diacres  en   leur  propre  rang, 
mais  non  pas  des  diacres  quand  ils  tiennent  la 
place  de  leur  évêque.  Quelle  apparence  y  a-t-il 
que  les  diacres  de  l'Eglise  romaine,  qui  repré- 
sentaient la  personne  du  pape  et  qui  présidaient 
aux  conciles  œcuméniques,  avec  les  évêques  et 
lis  prêtres  envoyés  de  Rome,  ne  fussent  pas 
assis  dans  le  concile? 

\.  Ce  concile  de  Mérida  Can.  xu)  permit  aux 
évêques  do  transférer  les  curés  de  lu  campagne 


à  leur  église  cathédrale  quand  ils  le  jugeraient 
a  propos,  en  les  laissant  être  comme  curés  pri- 
mitifs de  leur  première  cure,  dont  ils  conser- 
vaient encore  une  partie  des  revenus,  laissant 
l'autre  aux  prêtres  et  aux  diacres  qu'ils  substi- 
tuaient en  leur  place,  avec  l'aveu  de  l'évèque, 
cl  sur  lesquels  ils  avaient  toujours  une  autorité 
fort  grande. 

«  l't  omnes  episcopi  provincin?  uostra?  si  vo- 
luerint,  de  parochianis  presbyteris  ac  diaco- 
nihus  cathedralem  sihi  in  ecclesia  principali 
laci  re,  maneat  per  omnia  licentia.  Et  quamvis 
ah  episcopo  suo  sti  pendu  causa  per  bonam 
obedientiam  aliquid  accipiant,  ab  ecclesiis  ta- 
men  in  quibus  consecrati  sunt,  vel  a  rébus 
earum  extranei  non  maneant  :  sed  pontifieali 
electione.  presbyteri  ipsius  ordinatione,  pre- 
sbyter  alius  instituatur,  qui  sanctum  offlcium 
peragat,et  discretione  prioris  presbyteri  victus 
et  vestitus  rationabiliter  illi  ministretur,  ut  non 
egeat.  » 

Il  y  a  quelques  remarques  à  faire  sur  ce  ca- 
non :  I"  Que  les  revenus  des  curés  étaient  ordi- 
nairement plus  grands  que  ceux  des  chanoines, 
puisque  nous  voyons  ici  que  les  curés  des  pa- 
roisses ont  de  la  peine  à  se  résoudre  de  passer 
à  l'église  cathédrale;  et,  si  l'on  donne  aux 
évêques  le  pouvoir  de  les  y  contraindre,  ce 
n'est  qu'en  leur  laissant  la  meilleure  partie  de 
leur  premier  revenu.  Nous  avons  aussi  déjà  vu 
que  l'évèque,  pour  favoriser  quelques-uns  de 
ses  chanoines,  les  transférait  dans  les  cures. 

2  Oue  ce  coucile  donne  le  nom  de  eathe- 
dralis  aux  chanoines;  et  cathedralem  facere, 
c'est  faire  un  chanoine. 

3'  Que,  quoiqu'il  semble  d'abord  que  l'office 
des  curés  soit  sans  comparaison  plus  important 
que  celui  des  chanoines,  ce  n'est  pas  néanmoins 
sans  raison  que  ce  concile  permet  aux  évêques 
de  transférer  les  meilleurs  curés  et  d'en  faire  des 
chanoines  dans  leur  Eglise  cathédrale,  en  sub- 
stituant dans  leur  cure  un  autre  prêtre  ou  curé 
qui  n'aura  qu'une  pension  congrue.  La  raison  en 
est  que  les  chanoines  sont  comme  les  membres, 
les  yeux  et  les  mains  de  l'évèque,  et  font  avec 
lui  un  conseil  et  comme  un  sacré  sénat  qui 
gouverne  tout  le  diocèse.  Or,  on  ne  peut  douter 
que  l'intendance  générale  sur  toid  le  diocèse  ne 
soit  d'une  importance  toute  autre  que  celle  d'une 
seule  paroisse.  Et  c'est  peut-être  aussi  la  raison 
pour  laquelle  ce  nouveau  chanoine  demeure 
toujours  le  curé  primitif  de  sa  première  cure, 
parce  que  le  chapitre  et  l'évèque  sont  efîecti- 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES. 


:,oi 


vernent  les  principaux  directeurs  de  toutes  les 
Eglises  du  dio< 

:  Que  ce  concile  ne  parle  que  îles  prêtres  el 
des  diacres  que  l'évêque  peut  transférer  dans 
son  chapitre,,  parce  que  les  chapitres  n'étaient 
composés  que  de  prêtres  el  de  diacres; 

V  Qu'enfin  ce  concile  renouvelle  le  décret 
du  pouvoir  des  évoques  pour  donner  quelques 
fonds  aux  clercs,  pour  reconnaître  leur  piété 
et  leur  exactitude  aux  offices,  avec  pouvoir  de 
les  reprendre  si  ces  clercs  les  laissent  dépérir 
entre  leurs  mains.  Voilà  encore  les  commen- 
cements des  prébendes. 

XL  Venonsà  l'Italie  où  saint  Grégoire,  pape, 
fait  bien  voir  que  les  chapitres  n'étaient  pas 
fort  nombreux,  quand  il  ordonne  à  l'évêque 
qu'il  envoie  pour  visiter  l'Eglise  de  Piombino, 
destituée  de  pasteur,  d'y  ordonner  un  prêtre 
cardinal  et  deux  diacres,  et  d'ordonner  outre 
cela  trois  prêtres  pour  toutes  les  paroisses  du 
diocèse  :  «Ut  unum  cardinâlem  illic  preshy- 
terum,  et  duos  debeas  diacones  ordinare.  In 
parocbiis  vero  praefatae  Ecclesiae  très  similiter 
presbytères  (L.  i,  ep.  15).»  C'est  tout  le  secours 
qu'on  donne  à  cette  Eglise  qui  n'avait  pas  si  li- 
ment de  prêtres  pûur  y  donner  le  baptême.  Je 
laisse  les  autres  exemples  pareils. 

Ce  souverain  pontife  écrit  «  aux  prêtres,  aux 
diacres  et  au  clergé  de  Milan,  »  sur  l'élection 
de  leur  évéque  (L.  n,  ep.  xxix;  1.  iv,  ep.  xxiu). 
Il  ordonne  ailleurs  qu'après  que  l'élection  de 
l'évêque  sera  faite  ,  cinq  des  plus  anciens  prê- 
tres et  autant  d'anciens  diacres  viennent  à 
Home  en  demander  la  confirmation  :  «  Quinque 
de  prioribus  presbyteris,  et  quinque  de  prœ- 
cedentibus  diaconibus  (L.  v,  c.  xu).  » 

Ce  pape,  donnant  lui-même  la  liberté  à  un 
esclave,  fit  signer  avec  lui  à  l'acte  d'affran- 
chissement trois  des  anciens  prêtres  et  trois 
diacres  de  son  Eglise  :  «  Propria  manu  cum 
tribus  presbyteris  prioribus,  et  tribus  diaconi- 
bus pro  plenissima  iîrmitate  subscripsimus.  » 

En  une  autre  rencontre,  pour  donner  à  un 
abbé  le  pouvoir  de  faire  un  testament,  il  con- 
sulta premièrement  et  fit  intervenir  à  l'acte 
qu'il  en  donna  à  quelques  évoques  qui  se  trou- 
vèrent à  Rome,  les  prêtres,  les  diacres  et  le 
clergé  de  Home  :  «  Considentibus  episcopis,  et 
presbyteris.  etc.  Astantibus  etiam  diaconis  et 
clero.  etc.  Ut  cum  fratribus  filiisque  noslris, 
quid  statuendum  sit.  deliberare  possimus,  etc. 
Quœ  nobis  cum  fratribus  filiisque  nostris  in 
commune  visa  sunt  (L.  îx,  ep.  xxu  .  » 


Il  ne  juge  pas  ailleurs  que  les  procédures 
d'un  évéque  puissent  être  juridiques,  si  ses 
mandements  ne  sont  souscrits  par  ses  prêtres 
et  par  ses  diacres  :  «  Mahdato  legaljter  facto, 
tuis  ac  presbyterorum  seu  diaconorum  in  testi- 
monium  subscriptionibus  roborato  (L.  n,  ep. 
xv,  i.x;  I.  n.  ep.  lix).  » 

Il  fait  voir  en  un  autre  endroit  que  les  cha- 
pitres étaient  les  pépinières  ordinaires  d'où 
l'on  tirait  les  évêques,  quand  il  écrit  au  mé- 
tropolitain de  Cagliari  qu'il  ne  doil  pas  entiè- 
rement dépeupler  son  propre  chapitre  ,  en 
tirant  de  là  un  trop  grand  nombre  d'évêques 
pour  les  autres  Eglises  :  «  Sic  tamen  ut  non 
omnes  ad  episcopatum  de  Ecclesia  ipsius  eli- 
gantur.  Nam  sic  eum  convenu  alias  ordinare, 
ut  Ecclesia1  siue  de  personis,  quœ  in  ea  possint 
proficere,  necessitatem  non  faciat:  » 

Enfin  ce  saint  pape  ayant  à  faire  plusieurs 
règlements  considérables  pour  la  réformation 
de  l'Eglise  de  Home,  il  les  fit  dans  une  assem- 
blée synodale  d'évêques  et  de  ses  prêtres,  en 
présence  des  diacres  et  du  reste  de  son  clergé  : 
«  Gregorius,  cum  episcopis  omnibus,  et  Ro- 
maine Ecclesiœ  presbyteris  residens,  astantibus 
diaconibus  et  cuncto  clero  (Cône.  III  Roman., 
sub  Gregor.  II.»  Il  n'y  eut  pourtant  que  les 
évêques  et  les  prêtres  qui  souscrivirent. 

Le  pape  Martin  Ier  en  usa  de  même  pour  con- 
damner les  patriarches  monothélites  d'Orient  : 
«  Sedentibus  episcopis  et  presbyteris,  astanti- 
bus diaconibus  et  clero  universo  (Epist.  n).  » 
Ce  saint  pape  écrivant  à  toute  l'Eglise  de  Jéru- 
salem, adressa  sa  lettre  aux  évêques,  aux  prê- 
tres, aux  diacres,  aux  moines,  après  son  grand 
concile  romain ,  et  mit  la  même  adresse  à  sa 
lettre  synodale,  adressée  à  l'Eglise  universelle  : 
«Episcopis,  presbyteris,  diaconis,  abbatibus, 
monachis.  » 

Les  adresses  des  lettres  de  Grégoire  II  sont 
les  mêmes,  aussi  bien  que  les  souscriptions  de 
son  concile  romain,  à  la  réserve  des  souscrip- 
tions des  diacres  qui  y  sont  ajoutées  après 
celles  des  prêtres. 

XII.  Le  chapitre  de  l'Eglise  de  Rome ,  que 
nous  avons  depuis  appelé  le  collège  des  car- 
dinaux, est  le  plus  parfait  modèle  de  l'ancienne 
discipline  sur  ce  sujet.  On  a  pu  ci-devant  re- 
marquer qu'il  était  principalement  composé 
des  prêtres  et  des  diacres  du  clergé  de  Rome  ; 
que  le  pape  y  délibérait  avec  eux  de  toutes  les 
affaires  importantes,  non-seulement  de  son 
Eglise,  ou  de  son  évèché  particulier,  mais  aussi 


502 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  HUITIÈME. 


de  l'Eglise  universelle  ;  que  les  évêques  qui  se 
trouvaient  fortuitement  à  Rome  y  étaient 
aussi  appelés  ;  que  ces  prêtres  et  ces  diacres 
avaient  aussi  place  dans  les  conciles  romains. 

Enfin  l'autorité  aussi  bien  que  le  zèle  de  cet 
illustre  clergé  parut  admirablement  sous  Eu- 
gène  1  r,  lorsqu'on  craignit  qu'il  ne  se  relâchât 
de  cette  constance  invincible  de  ses  prédéces- 
seurs contre  les  patriarches  monolhélites.  Dans 
cette  occasion  le  clergé  ,  secondé  du  peuple  de 
Rome,  fit  une  sainte  violence  à  ce  pape,  qui 
apparemment  n'en  était  point  fâché,  pour  ne 
pas  souffrir  même  qu'ilreçût  la  lettre  synodale 
dePierre,  patriarche  de  Constantinople,  ni  qu'il 
dît  la  messe  avant  que  d'avoir  promis  de  ne  la 
point  recevoir. 

C'est  ce  qu'en  dit  Anastasé  Bibliothécaire  : 
«  Et  accensus  populus  et  elerus  eo  quod  talem 
synodicam  direxisset;  minime  est  suscepta,-sed 
cum  majore  streprtu  est  a  sancta  Dei  Ecelesia 
projecta:  utetiam  nec  eumdem  Papam  dîmhV 
teret  populus  et  elerus  missas  celebrare  in  ba- 
siliea  sanclae  .Maria'  ad  praesepe,  nisipromi- 
sisset  Pontifex  minime  eam  aliquando  susci- 
peic.  » 

Le  nom  de  chanoines,  qui  était  commun  à 
tous  les  clercs,  fut  enfin  particulièrement  affecté 
à  ceux  de  I  Eglise  principale.  Nous  en  remar- 
querons le  temps  ailleurs,  niais  saint  Boniface, 
archevêque  de  Mayiiee.  le  donne  encore  com- 
munément à  tous.  «  Coepiscopis,  presbyteris, 
diaconibus,  canonieis  clericis.  etc.  Epist.  vi).» 
Comme  cette  application  fut  assez  nouvelle, 
elle  n'a  pas  eu  de  lieu  dans  le  principal  clergé 
de  Home. 

Mil.  Quant  a  l'Eglise  grecque,  Justinien 
nous  apprend  que.  comme  il  n'y  avait  eu  d'a- 
bord qu'une  église  à  Constantinople.  lorsqu'on 
\  ,  ii  ajout  i  ensuite  trois  autres,  les  ecclésias- 
tiques de  l'ancienne  église  allaient  partout 
desservir  ces  églises  nouvelles  :  a  Quoniam 
quidem  non  proprios clericos,  neque  unaqui- 
dem  harum  trium  habeat  basilicanini .  sed 
communes  sunt.  et  sanctissimœ  majoris  eccle- 
siae,  et  earum,  et  omnes  eifeumeuhtes ,  seeun- 
diuii  quemdam ordinem  eteircum  ministeria 
in  eis  célébrant  (Novel.  3,  6  et  16  .  o 

Cet  empereur  détermine  dans  celte  consli- 
tution  le  nombre  des  clercs  de  la  grande  église 
de  Constantinople  qui  doivent  aussi  faire  les 
divins  offices  dans  les  trois  autres  ,  savoir, 
soixante  piètres,  cent  diacres,  quarante  diaco- 
oisses,  quatre-vingt-dix  sous-diacres,  cent  dix 


lecteurs,  vingt-cinq  chantres,  ce  qui  fait  le 
nombre  de  quatre  cent  vingt-cinq  clercs,  ou- 
tre les  cent  portiers. 

Comme  les  clercs  des  moindres  églises  ou  de 
la  ville  .  ou  du  diocèse  de  Constantinople,  bri- 
guaient la  faveur  des  grands  pour  se  faire 
transférer  dans  la  grande  église  de  cette  ville 
impériale  ,  l'empereur  condamne  et  défend 
cette  infâme  avarice,  et  déclare  que  les  clercs 
ne  sont  pas  moins  obligés  par  les  canons  de 
persévérer  constamment  dans  la  même  église 
où  ils  ont  été  ordonnés  ..que  les  moines  dans 
les  monastères  où  ils  ont  fait  profession. 

«  .Nain  si  super  venerabilîbus  monasteriis 
prohibemus  ex  alio  monasterioad  aliud  trans- 
migrare,  multo  magis  neque  reverendissimis 
clericis  hoc  permittimus,  lucri  et  negotiationis 
habere  demonstrationem,  hujusmodi  horum 
desiderium  judicântes.  » 

Cet  empereur  défend  d'ordonner  de  nou- 
veaux clercs  dans  les  Eglises,  jusqu'à  ce  que 
leur  nombre  soit  réduit  à  ce  qui  a  été  déter- 
miné, et  d'en  ordonner  au  delà  du  nombre 
qui  a  été  réglé  par  les  fondateurs,  sur  le  pied 
du  revenu  qu'ils  y  assignaient.  11  ajoute  que 
s'il  est  nécessaire  de  remplir  le  nombre  et  la 
place  vacante  d'un  clerc,  il  vaut  mieux  la 
remplir  de  l'un  de  ceux  qui  sont  ailleurs  sur- 
numéraires ,  que  d'en  ordonner  un  nou- 
veau. 

Tous  ces  règlements  sont  d'une  extrême 
conséquence  dans  les  Eglises  et  dans  les  temps 
où  tous  les  biens  sont  possédés  en  commun  par 
une  congrégation  ecclésiastique.  Aussi  ces 
mêmes  règles  ont  été  renouvelées  dans  toutes 
les  compagnies  monastiques  desderniers  siècles, 
pour  empêcher  le  nombre  excessif  qui  eût  en- 
lin  attire  la  ruine  des  monastères. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  ces 
constitutions  de  Justinien  est  cette  unité  pri- 
mitive de  l'Eglise  et  du  clergé  de  chaque  \ille, 
où  l'on  ne  peut  concevoir  que  la  chose  se  soit 
passée  autrement.  Et  c'est  sans  doute  de  la 
qu'est  venue  la  primauté,  l'autorité  et  la  juri- 
diction ancienne  des  chapitres  des  cathédrales 
sur  toutes  les  autres  églises  de  la  ville,  con- 
jointement avec  l'évêque. 

Kn  ellct,  originairement  toutes  les  Eglises 
particulières  ne  sont  que  des  écoulements  et 
comme  des  démembrements  de  l'ancien  clergé 
de  l'église  cathédrale,  qui  autrefois  desservait 
lui  seul  toutes  les  églises,  allant  célébrer  les 
stations,  tantôt  dans  l'une  et  tantôt  dans  l'autre, 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES. 


503 


ou  \  envoyanl  tantôt  les  uns,  et  tantôt  les  autres 
de  son  corps. 

XIV.  Le  clergé  île  Constantinople  assista  au 
concile  qui  s'y  tint  sens  Agapet  et  .Menas  : 
«  Pressente  venerabili  clero  regiœ  eivilatis.  » 
Au  concile  de  Mopsueste,  qui  fut  relu  dans  la 
vc  session  du  V'  concile  général,  les  prêtres, 
les  diacres,  les  sous-diacres,  les  lecteurs  de  la 
même  ville  y  assistèrent  aussi.  On  y  reçut  la 
déposition  de  Jean,  qui  n'était  encore  que 
diacre,  quoiqu'il  eût  passé  quarante  ans  dans 
le  clergé.  Thomas  diacre  y  en  avait  passé  qua- 
rante-neuf, un  autre  Jean,  diacre,  cinquante. 
En  tout  on  y  reçut  la  déposition  de  onze  piètres 
et  de  cinq  diacres,  et  il  est  à  croire  que  ce  cha- 
pitre n'était  pas  plus  nombreux.  Mais  il  n'a  pas 
été  inutile  de  remarquer  qu'il  y  en  avait  plu- 
sieurs dans  les  chapitres  qui  vieillissaient  dans 
le  diaconat,  sans  être  jamais  élevés  à  la  prê- 
trise. 

XV.  Le  concile  In  Trullo  s'est  mis  en  peine 
de  justifier  la  constitution  de  Justinien,  et 
l'usage  de  plusieurs  Eglises,  où  il  y  avait  plus 
de  sept  diacres,  quoique  les  apôtres  n'en  eussent 
d'abord  élu  que  sept,  et  que  le  concile  de 
Néocésarée  eut  ordonné  (pie  dans  les  plus 
grandes  villes  on  n'excédât  pas  ce  nombre,  qui 
avait  été  comme  consacré  par  l'exemple  de 
l'Eglise  naissante.  Mais  ce  concile  n'a  pas 
mieux  rencontré  dans  cet  article  que  dans  quel- 
ques autres. 

Il  prétend  que  les  sept  diacres  dont  il  est 
parlé  dans  les  Actes  n'étaient  que  pour  l'admi- 
nistration du  temporel,  et  nullement  pour  les 
sacrements  (Can.  xm).  Nous  avons  justifié  ci- 
devant  le  contraire  par  les  saints  Pères.  Le 
plus  court  eût  été  de  dire  que  les  apôtres 
créèrent  autant  de  diacres  qu'il  en  était  besoin 
pour  l'état  présent  de  toute  l'Eglise  de  Jéru- 
salem. Le  concile  de  Néocésarée  jugea  que  ce 
nombre  était  encore  suffisant  pour  le  nombre 
présent  des  fidèles  dans  chaque  Eglise  ;  mais 
que  depuis  il  avait  été  nécessaire  d'en  élire  un 
nombre  beaucoup  plus  grand,  parce  que  la 
multitude  des  fidèles  était  incomparablement 
plus  grande. 

XVI.  Il  faut  revenir  aux  chapitres  des  Eglises 
orientales.  Le  patriarche  Sergius  fit  faire  une 
constitution  à  l'empereur  Iléraclius,  en  l'aiiots. 


afin  de  s'en  servir  comme  d'un  bouclier  pour 
repousser  les  importunes  sollicitations  des 
grands,  qui  demandaient  pour  leurs  amis,  ou 
place  dans  son  clergé,  ou  même  des  offices 
qui  étaient  déjà  remplis  par  d'autres  :  ce  qui 
diminuait  beaucoup  les  revenus  de  l'Eglise,  en 
augmentant  excessivement  le  nombre  de  ceux 
à  qui  il  fallait  donner  des  distributions.  «  Adeo 
quidem,  ut  inde  diariorum  quantitas,  quae 
ipsis  datur,  magnopere  excrescat  (Baronius, 
an.  (ils,  n.  4).  » 

Cet  empereur  permet  donc  au  patriarche  et 
à  son  clergé  de  fixer  le  nombre  des  ecclésias- 
tiques, tant  de  l'église  cathédrale  que  de  deux 
autres,  qu'on  peut  appeler  collégiales  dans 
Constantinople,  avec  défense  après  cela  d'en 
recevoir  davantage,  et  d'excéder  jamais  ce 
nombre  une  fois  déterminé,  si  ce  n'est  que 
quelqu'un  donnât  à  l'église,  ou  poursoi-mème, 
ou  pour  un  autre,  quelque  fonds  considérable; 
car  en  ce  cas  il  sera  reçu  par-dessus  le  nombre 
ordinaire,  sans  admettre  néanmoins  jamais  les 
personnes  irrégulières.  «  Ordinem  sacrorum 
canonum  nihilominus  observando.  » 

XVII.  Je  n'ai  pas  parlé  dans  ce  chapitre  des 
congrégations  monastiques  qui  étaient  origi- 
nairement destinées  par  les  propres  fondateurs 
des  monastères  à  aller  célébrer  les  offices  divins 
du  jour  et  de  la  nuit  dans  les  églises  cathé- 
drales et  collégiales  voisines,  dont  les  ecclésias- 
tiques étaient  titulaires. 

Anastase  Bibliothécaire  en  parle  souventdans 
la  vie  dis  papes,  et  dans  celle  de  Grégoire  III 
il  fait  mention  de  ces  monastères  fondés  au 
voisinage  pour  aller  tous  les  jours  et  toutes  les 
nuits  célébrer  l'office  canonial  dans  les  églises 
de  Saint-Pierre,  de  Saint-Paul,  de  Saint-Jean  de 
Latran,  de  Saint-Chrysogone. 

«  Construxit  monasterium  circa  titulum 
sancti  Ctu  ysogoni,  constituons  ibi  abbatem  et 
monachorum  congregationem,  ad  persolven- 
das  Deo  laudes  in  eodem  titulo  diurnis  no- 
cturnisque  temporibus,  ad  instar  officiorum 
beati  Pétri  apostoli,  segregatum  videlicet 
monasterium  a  jure  polestatis  presbyteri  dicti 
tituli.  » 

Cela  fut  sans  doute  imité  dans  quelques  lieux 
de  l'Occident,  et  de  là  on  voit  l'union  des  moines 
avec  les  chapitres. 


504 


DES  CONGRÉGATIONS.  -  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


CHAPITRE  NEUVIÈME. 


DES     CHAPITRES     SOIS     L'EMPIRE     DE     CHAKLEMAGNE. 


I.  On  appelait  chanoines  ceux  qui  avaient  pour  règle  les  ca- 
nons de  l'Eglise  ;  et  on  donnait  le  nom  de  réguliers  à  ceux  qui 
suivaient  la  règle  de  saint  Benoit. 

II.  Pépin  et  Charlemagne  commencent  à  presser  tous  les  ec- 
clésiastiques de  vivre  en  communauté  dans  dos  cloîtres,  et  à 
suivre  la  règle  de  l'èvêquede  Metz,  Crodogangue.. 

III.  Les  conciles  font  des  ordonnances  pour  cela. 

IV.  L'exécution  ne  put  s'en  faire  aussitôt  dans  toutes  les 
Eglises,  faute  de  revenus  temporels. 

v.  Ressemblance  de  ces  congrégations  de  chanoines  avec  les 
abbayes  de  moines. 

\\.  Il  se  forma  des  congrégations  de  chanoines  hors  d.  s  ca- 
thédrales, par  te  relâchement  de  quelques  moines,  à  qui  ou 
permit  de  se  séculariser  et  de  vivre  en  chanoines. 

VII.  Preuves   qu'il  y  avait  des  congrégations  de   chant s 

outre  les  chapitres  des  cathédrales   et  les  communautés   de 
moines. 

VIII.  Nouvelles  preuves  de  ce  qui  a  été  avancé  dans  le  nom- 
bre sixième 

1\.  [.;,  ,, ■...!,.  ,|,.  i;r,,di.t..iii:.Mie  lui  commune  aux  chapitn 
cathédrales  et  aux  chanoines  des  collégiales;  aussi  bien  que 
celle  du  concile  d'Aix-la-Chapelle,  sous  louis  le  Débonnaire. 

X.  Nouvelles  instances  pour  mettre  tous  les  chapitres  en  com- 
munauté. 

XI.  L'évèque  y  vivait  avec  les  chanoines. 

Ml.  Ce  chapitre  vivant  en  communauté  avec  l'évèque,  faisait 
son  conseil,  et  était  vraiment  le  même  que  l'ancien  clergé,  qui 
gouvernait  les  diocèses  avec  l'évèque  et  sous  l'évèque 

MU.  Nouvelles  preuves  ! 

XIV.  Fondation  de  nouvelles  collégiales,  outre  celles  dont  il  a 
été  parlé. 

E  II  y  a  eu  deux  sortes  de  chapitres,  les  uns 
composés  de  chanoines ,  les  autres  de  moines  ; 
ceux-ci  dans  un  monastère,  sous  la  direction 
d'un  ahbé,  et  ceux-là  vivant  aussi  en  commu- 
nauté, sous  la  puissance  de  révoque. 

Le  concile  de  Vernon  (Can.  xi),  sous  le  roi 
Pépin,  en  7.'>.'>,  distingue  admirablement  ces 
deux  sortes  de  communautés  religieuses.  «  De 
illis  hominihus,  qui  dicunt  quod  se  propter 
Deum  tonsurassent,  et  modo  res  eorum  vel 
pétunias  habent,  et  nec  sub  manu  episcopj 
sunt,  nec  in  monasterio  regulariter  vivunt; 
placuit  ut  in  monasterio  sint  sub  ordine  regu- 
lari ,  aut  sub  manu  episcopi  sub  ordine  eano- 
nico.  »> 

On  ne  peut  pas  donner  la  qualité  de  régu- 
liers aux  tli  anilines,  dont  il  est  parlé  dans  ce 
canon,  puisqu'ils  sont  opposés  aux  moines,  à 
qui  la  qualité  de  réguliers  y  esi  affectée  :  ces 
ternies:  «  Regulariter  vivunt,  sub  ordine re- 


gulari ,  »  ne  conviennent  qu'aux  moines.  Ce 
qui  vient  de  l'observance  de  la  règle  de  saint 
Benoît;  les  chanoines  tiraient  leur  nom  de  la 
profession  qu'ils  faisaient  de  vivre  selon  les 
canons.  C'est  la  le  véritable  sens  de  ces  pa- 
roles, «  Sub  ordine  regulari,sub  ordine  cano- 
nico.  » 

Voilà  la  véritable  origine  du  nom  de  cha- 
noines pendant  le  siècle  de  Charlemagne,  car 
dans  les  siècles  précédents,  il  est  plus  vrai- 
semblable que  ce  nom  était  attribue  à  tous 
ceux  qui  étaient  écrits  sur  la  matricule  de 
l'église,  (pion  appelait  aussi  de  ce  nom 
xaxûv  ;  comme  en  étant  les  bénélîciers.  Enfin , 
voilà  le  sens  primitif  de  ce  ternie  de  réguliers, 
qui  a  i  li'  depuis  étendu  au  delà  de  ses  ancien- 
nes bornes. 

Si  j'ai  confondu  les  monastères  avec  les  cha- 
pitres, c'est  parce  que  plusieurs  chapitres  ont 
été  composés  de  moines  qu'on  avait  substitués 
à  la  place  des  chanoines  dont  la  conduite  n'a- 
vait pas  paru  assez  édifiante.  J'en  donnerai  les 
exemples  ci-après  :  remarquons  toujours  ici 
que  le  même  concile  fait  mention  de  clercs  qui 
vivaient  sous  la  discipline  de  leur  abbé,  et  qui 
étaient  aussi  immédiatement  soumis  à  l'évèque 
diocésain.  Par  ces  derniers  on  peut  entendre 
avec  quelque  fondement  les  moines,  qui  avaient 
passé  dans  le  clergé,  et  qui  dépendaient  encore 
en  quelque  manière  de  leur  abbé  ,  et  dont  on 
pouvait  considérer  les  maisons  comme  des 
monastères.  C'est  peut-être  de  ces  compagnies 
de  clercs  qu'il  faut  entendre  un  autre  canon 
du  même  concile.  «Ut  clerici conductores  non 
sint,  nisi  pro  causa  Ecclesiarum  ,  ordinante 
episcopo  suo,  vel  abbate  (Can.  xvi).  » 

II.  Charlemagne  garda  la  même  distinction 
des  moines  et  des  chanoines,  mettant  au  rang 
des  chanoines  absolument  tous  les  ecclésias- 
tiques qu'on  commençait  de  contraindre,  par 
une  douce  et  sainte  violence,  à  vivre  en  com- 
munauté. 

«  Canonici  observantia  ordinis  vel  mona- 
chi  proposito  consecrationis,  etc.  Scholae  per 


DES  CIIAPHÏiES  SOIS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE. 


505 


singula  monasteria,  vel  episcopia  liant,  etc. 
Qui  se  voto  monachicae  vitae  constrinxerunt, 
monachiceel  regulâriter  vivant,  etc.  Similiter 
qui  ad  clericatuni  accedunt,  quod  nos  uomi- 
namus  canonicam  vitam.  volumusut  illi  ca- 
nonice  secundum  suam  regulam  vivant,  et 
episcopus  eornm  regat  vitam,  sicut  abha  nio- 
nachorum  Capitular.  Aquisgran.,  an.  789, 
can.  ixxu.  lxxiu  .  » 

Ces  deux  articles  du  capitulaire  d'Aix-la- 
Chapelle,  de  l'an  780,  méritent  deux  réflexions 
de  conséquence.  La  première,  que  la  clérica- 
tniv  et  la  profession  de  chanoine  passait  pour 
une  même  chose.  «  Qui  ad  clericatuni  acce- 
dunt. quod  nos  canonicam  vitam  nomina- 
mus.  »  Cela  venait  de  l'obligation  à  laquelle 
on  avait  assujéti  tous  les  clercs  de  vivre  en 
communauté. 

La  seconde  que  Charlemagne  propose  aux 
chanoines,  c'est-à-dire  à  tous  les  clercs,  de  vivre 
selon  leur  règle,  c'est-à-dire,  selon  les  canons, 
a  Volumus  ut  illi  canonice  secundum  suam 
regulam  vivant.  »  Ainsi  on  pourrait  s'imaginer 
que  ce  fut  là  l'origine  de  ce  nom  de  chanoines 
réguliers.  Je  doute  néanmoins  de  cette  origine, 
et  les  canons  que  nous  rapporterons  dans  ce 
traité  feront  voir  le  contraire.  Mais  il  y  a  beau- 
coup de  sujet  de  croire  que  cet  empereur  fait 
allusion  à  la  règle  des  chanoines,  composée 
par  Crodogangus,  évèque  de  Metz,  sous  le 
r^gne  du  roi  Pépin  son  père,  et  qu'il  en  or- 
donne l'observance  générale  à  tous  les  ecclé- 
siastiques. 

En  effet,  Paul  Diacre  assure  que  ce  fut  Cro- 
dogangus qui  donna  commencement  à  la 
vie  commune  des  clercs,  qui  les  assembla  dans 
des  cloîtres  semblables  à  ceux  des  monastères. 
et  qui  leur  donna  une  règle.  «  Hic  clerum 
adunavit,  et  ad  instar  cœnobii  intra  claustro- 
rum  septa  conversari  te  cit.  Normamque  eis 
instituit,  qualiter  in  ecclesia  militare  deberent 
(Du  Chesne,  bistor.  Franc,  tom.  n.  p.  204  .  d 

Charlemagne  confirme  nos  réflexions  précé- 
dentes dans  un  canon  suivant,  où  il  prescrit 
à  tous  les  clercs  de  vivre  en  vrais  religieux,  ou 
eu  vrais  chanoines.  «  Ut  illi  clerici,  qui  Qngunt 
habitu  vel  nomine  monachos esse,  etnon  sunt, 
onmimodis  videntur  esse  corrigendi,  ut  vel 
veri  monachi  sint,  vel  veri  canonici  [Capitular. 
Aquis.,  c.  lxxvii  .» 

Le  concile  de  Francfort  (Can.  xxvu  met  les 
clercs  sous  l'évêque  ou  sous  l'abbé  «  De  cleri- 
cis,  ut  iiullus  eos  post  hacc  retinere  audeat, 


postquam  episcopus.  aut  abhas  suus  eos 
père  voluerit.  » 

Le  concile  VI  d'Arles,  tenu  eu  815  Can.  \i  , 
distingue  les  chanoines  des  réguliers,  qui  sont 
les  moines  :  «  Providendum  episcopo  qualiter 
canonici  vivere  debeant,  riec  non  et  monachi, 
ut  secundum  ordinem  canonicum,  vel  regula- 
reni  vivere  studeant.  » 

III.  Mais  le  concile  de  Hayence,  tenu  en  813 
Can.  ix!.  assujétit  généralement  tous  lesclercs 
à  la  vie  canoniale,  c'est-à-dire,  à  la  vie  com- 
mune dans  un  même  cloître,  et  a  la  règle  de 
Crodogangus. 

«  In  omnibus  igitur,  quantum  humana  fra- 
gilitas  peruiittit  :  decrevimus,  ut  canonici 
clerici  canonice  vivant,  observantes  divina:> 
Scripturae  doctrinam  et  documenta  Patrum.  et 
ut  simul  manducent  et  dormiant,  ubi  bis  fa- 
cilitas id  faciendi  suppetit,  vel  qui  de  rébus 
ecclesiasticis  stipendia  accipiunt,  et  in  suo 
claustro  maneant,  et  obedientiam  secundum 
canones  suis  magistris  exhibeant,  etc.  Discre- 
tionem  esse  nolumus  inter  eos  qui  dicuntur 
sœculum  reliquisse,  et  adhuc  saeculum  sectan- 
tur.  Placuit  igitur  sancto  concilio,  ut  ita  dis- 
cernantur,  sicut  in  régula  clericoruni  dictum 
est.  » 

La  règle  des  clercs  expressément  nommée  : 
«  Régula  clerieorum.»  était  aussi  marquée  par 
ces  autres  expressions:  a  Observantes  divinae 
Scripturae  doctrinam,  et  documenta  suictorum 
Patrum,  etc.  obedientiam  secundum  canones 
exhibeant  (Ibid.  Can.  xx  .  »  Parce  que  la  règle 
de  Crodogangus  n'est  qu'un  tissu  des  Ecritures, 
des  canons,  des  ouvrages  des  Pères,  et  surtout 
de  la  règle  de  saint  Benoit.  Car  on  ne  peut 
douter  que  cette  Règle  des  C/ercs  ne  soit  celle 
de  Crodogangus .  puisque  ce  même  canon  du 
concile  de  Mayence  renferme  le  chapitre  lxiv 
de  la  règle  de  Crodogangus. 

IV.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  la  limitation 
que  ce  concile  même  met  a  son  ordonnance. 
Quoique  Charlemagne  et  les  conciles  eussent 
fait  des  décrets  pour  obliger  .tous  les  ecclésias- 
tiques à  vivre  en  communauté  dans  un  même 
cloître,  cela  ne  put  être  généralement  observé, 
parce  qu'il  ne  se  trouva  pas  partout  un  fonds 
suffisant  pour  faire  subsister  ces  nombreuses 
communautés. 

Paul  Diacre  dit  que  Crodogangus  commença 
à  établir  la  vie  commune  entre  ses  chanoines 
par  l'assignation  des  revenus  qui  étaient  né- 
cessaires pour  leur  entretien  :  «  Quibus  anno- 


500 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


nas  vitaeque  subsidia  sufficienter  largitus  est, 
ut  perituris vacare  negotiis  non  indigentes: 
divinis  soluinmodo  officiis  excubarent.  » 

Tous  les  évêques  ne  purent  pas  d'abord  en 
faire  de  même,  et  c'est  le  sens  de  cette  restric- 
tion du  concile  de  Mayence  :  «  Ubi  his  facilitas 
id  faciendi  suppetit,  vel  qui  de  rébus  ecclesia- 
sticis  stipendia  aecipiunt.  » 

On  n'obligeait  doue  à  entrer  dans  ces  socieb  is 
saintes  ,  où  l'on  imitait  la  vie  commune  des 
moines,  que  ceux  qui  avaient  suffisamment  de 
quoi  s'entretenir,  ou  des  fruits  de  leurs  béné- 
fices, ou  des  revenus  de  la  communauté. 

V.  Ce  même  concile  de  Mayence  (Can.  xx) 
nous  apprend  que  l'extrême  ressemblance  qu'il 
y  avait  entre  ces  deux  sortes  de  communautés 
des  chanoines  et  des  moines,  avait  rendu  le 
nom  de  monastère  commun  aux  sociétés  de 
chanoines  :  «  Perspiciant  missi  loca  monâste- 
riorum,  canonicorum  pariteret  monachorum, 
similiterque  puellarum.  » 

La  clôture  y  devait  être  la  même  :  «  Omnia 
necessaria  infra  monasterium  exerceantur,  ut 
non  sit  nécessitas  clericis,  vel  monacbis  va- 
gandi  foras,  etc.  Claustrum  firmum  habeant, 
in  quo  salvaii  possint  animée,  in  ois  connno- 
rantium  sub  disciplina  canonica,  vel  regu- 
lari.  » 

Le  supérieur  des  chanoines  portait  aussi  le 
nom  d'abbé,  comme  il  parait  par  le  canon  sui- 
vant :  «Episcopus  sciât,  persingula  monasteria, 
quantos  quisque  abbas  canonicos  habeat  in 
monasterio  suo  :  et  hoc  omnino  ambo  pariter 
provideant,  ut  si  monachi  lieri  voluerint,  re- 
gulariter  vivant;  sin  autem,  canonice  vivant 
omnino  (Can.  xxi).  » 

Ainsi  non-seulement  les  noms  de  monastère, 
d'abbé  et  de  règle,  étaient  communs  aux  so- 
ciétés  de  moines  et  de  chanoines,  mais  les 
choses  mêmes  signifiées  par  ces  mots. 

VI.  Ge  dernier  canon  fournit  le  sujet  d'une 
remarque  qui  n'est  pas  à  négliger  :  c'est  qu'a- 
vant rétablissement  de  ces  congrégations  clé- 
ricales, il  j  avait  .plusieurs  ecclésiastiques  qui 
suivaient  de  près  la  manière  de  vivre  ,  la  re- 
traite, la  solitude,  la  pauvreté  des  moines,  et 
le  nombre  en  était  devenu  si  grand,  que  le 
nom,  la  tonsure  et  la  profession  îles  clercs  et 
des  moines  se  confondaient  assez  souvent  , 
connue  nous  l'avons  remarqué  en  plusieurs 
rencontres.  Or  autant  ce  mélange  apparent 
avait  été  utile  d'abord  aux  ecclésiastiques 
qui  joignaient  a  la  sainteté  de  leur  ministère 


la  pureté  des  vertus  monastiques;  autant  dans 
la  suite  du  temps  il  devint  dangereux  au  règle- 
ment des  monastères,  où  les  moines  commen- 
cèrent à  prendre  les  mêmes  libertés  qu'on 
pardonnait  aux  clercs,  comme  ne  se  distin- 
guant pas  eux-mêmes  des  clercs.  Ainsi  les 
moines  voulaient  vivre  en  clercs,  et  les  clercs 
se  couvraient  de  l'apparence  trompeuse  des 
moines,  et  ce  n'étaient  plus  ni  de  vrais  clercs 
ni  de  vrais  moines. 

(Test  cet  abus  auquel  Charlemagne  et  ce 
concile  voulaient  remédier  par  ces  canons  et 
par  cet  exact  discernement  entre  les  monas- 
tères des  chanoines  et  ceux  des  réguliers. 

Le  père  Le  Cointe  a  montré,  eu  l'an  8-20,  que 
dans  saint  Martin  de  Tours,  les  moines  étaient 
devenus  chanoines,  vivaient  en  chanoines  et  en 
portaient  le  nom,  ayant  aussi  un  abbé  chanoine, 
quoiqu'a  Corniéry  il  y  eût  cinquante  moines 
qui  (disaient  leur  abbé  ,  avec  l'agrément  de 
l'abbé  de  Saint-Martin. 

Ce  même  concile  de  Mayence  (Can.  xxn) 
condamna  à  la  prison  les  clercs  vagabonds,  qui 
n'étaient  soumis  ni  à  l'évêque  ni  a  un  abbé  : 
«  Neque  sub  episcopo,  neque  sub  abbate,  cle- 
rici  vagi,  sive  acephali  ,  sine  canonica,  vel 
regulari  vita.  » 

Sous  ce  mot  de  clercs  on  entend  encore  les 
moines  aussi  bien  que  les  ecclésiastiques.  Et  il 
semble  que  le  nom  de  clerc  était  quelquefois 
comme  général,  embrassant  les  chanoines  et 
les  moines,  et  alors  le  nom  de  chanoine  ne  se 
donnait  qu'aux  vrais  clercs  qui  étaient  simple- 
ment ecclésiastiques. 

Le  concile  II  de  Reims,  qui  fut  tenu  la  même 
année  1813.  «  Lecti  sunt  canones,  ut  quisque 
canonicus  legem  vitamque  suam  minime  igno- 
raret.  Lecta  est  régula  sancti  Benedicti,  ut  ad 
memoriam  reduceretur  abbatibus,  etc.  (Can. 

MU,  IX).  » 

VII.  Nous  n'avons  pas  encore  pleinement 
prouvé  qu'il  y  avait  des  chapitres  de  deux 
sortes,  outre  les  cloîtres  des  moines,  les  uns 
sous  l'évêque  et  dans  les  églises  cathédrales, 
les  autres  sous  un  abbé,  observant  la  vie  com- 
mune et  la  règle  des  chanoines.  En  voici  une 
preuve  incontestable,  tirée  du  concile  III  de 
Tunis,  tenu  en  1813,  qui  distingue  en  trois 
canons  différents  ces  trois  genres  de  commu- 
nautés religieuses,  et  remarque  leur  propre 
caractère  et  leurs  différences  essentielles. 

Le  canon  xxui  parle  des  chanoines  qui  com- 
posent le  chapitre  de  L'évêché,  et  vivent  en 


DES  CHAPITRES  SOIS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMAGNE. 


m 


communauté  avec  l'évêque  dans  un  même 
réfectoire  et  un  même  dortoir,  l'évêque  four- 
nissant tout  ce  qui  est  nécessaire  à  leur  subsis- 
tance :  m  Canonici  et  clerici  civitatum,  qui  in 
episeopiis  conversantur,  consiileravinius  ut  in 
claustris  habitantes,  simul  omnes  in  uno  dor- 
mitorio  dormiant,  simulque  in  uno  reficiantur 
refectorio,  quo  facilius  possintad  horas  cano- 
nicas  celebrandas  oçcurrere,  ac  de  vita  et  de 
conversatione  sua  admoneri  et  doceri  :  victum 
ac  vestimentum  juxta  facultatem  episcopi  aeci- 
piant,  ne  paupertatis  occasione  per  diversa  va- 
gari  cogantur,  etc.  » 

Le  canon  xxiv  contient  la  description  des 
chanoines  assemblés  sous  un  abbé  :  «  Simili 
modo  et  abbates  monasleriorum,  in  quibus  ca- 
nouica  vita  antiquitus  fuit,  vel  nunc  videtur 
esse,  sollicite  suis  provideant  canonicis,  ut  ha- 
beant claustra  et  dormitoria  in  quibus  simul 
dormiant,  simulque  reliciantur,  horas  canoni- 
cas  custodiant,  victum  et  vestitum  juxta  quod 
poterit  abbashabeémt,  quo  facilius  ad  Dei  servi- 
tium  possint  constringi,  sintque  abbates  sibi 
suhdilis  bene  vivendo  duces  et  prsevii,  etc.  » 

Enfin,  le  canon  xxv  regarde  les  moines,  sou- 
mis universellement  à  la  règle  de  saint  Benoit. 
a  Monasteria  monachorum,  in  quibus  olim 
régula  patris  Bencdicti  conservabatur,  etc.» 

La  vie  commune,  le  cloître,  le  même  réfec- 
toire et  le  même  dortoir,  le  chaut  réglé  des 
heures  canoniales,  le  droit  d'être  vêtu  et  nourri 
des  revenus  de  la  communauté,  étaient  des 
avantages  communs  à  ces  deux  sortes  de  cha- 
noines. 

Leur  différence  essentielle  était  la  soumission 
immédiate  des  uns  à  l'évêque,  des  autres  à 
l'abbé,  et  la  demeure  des  uns  dans  la  cité  et 
dans  la  maison  épiscopale,  «Canonici  et  clerici 
civilatuni,  nui  inepiscopiisconversantur,  etc.;» 
des  autres  hors  des  villes  épiscopales,  au  moins 
hors  des  maisons  des  évèques. 

VIII.  Comme  il  est  libre  à  chacun  de  suivre 
ses  conjectures,  et  que  le  danger  n'en  peut  être 
grand  ,  si  l'on  demeure  toujours  bien  per- 
suadé que  ce  ne  sont  que  des  conjectures,  et 
non  pas  des  vérités  certaines;  je  ne  craindrai 
point  de  proposer  ici  celle  qui  m'est  tombée 
dans  l'esprit  en  cherchant  l'origine  de  ces 
congrégations  des  chanoines  hors  de  l'évèché 
et  sous  des  abbés. 

Il  y  a  quelque  vraisemblance  qu'elles  avaient 
été  autrefois  de  vrais  monastères  sous  la  règle 
de  saint  Colomban,  ou  de  saint  Césaire  ,  saint 


A  ii  ii  lien,  saint  Benoit  et  tant  d'autres  qui  eurent 
vogue,  etque  le  relâchement  s' y  étant  glisse,  ces 
chanoines  commencèrent  a  \  vivre  plutôt  en 
clercs  qu'en  religieux,  surtout  quand  ces  deux 
noms  commencèrent  a  n'être  plus  guère  dis- 
tingués ;  et  enfin  quand  Pépin  et  Cbarlemagne 
commencèrent  à  réformer  tous  les  corps  ecclé- 
siastiques, on  leur  donna  le  choix  de  \ivre  à 
l'avenir  en  moines  ou  en  chanoines ,  c'est-à- 
dire,  de  suivre  la  règle  de  saint  Benoit,  ou  celle 
de  Crodogangus. 

Voici  les  preuves  de  cette  proposition.  Le  ca- 
non xxiv  du  même  concile  111  de  Tours  parle 
évidemment  des  monastères  où  la  vie  cano- 
niale avait  été  autrefois  gardée,  et  il  ordonne 
qu'on  l'y  rétablisse.  «Abbates  monasteriorum, 
in  quibus  canonica  vita  antiquitus  fuit.  » 

Le  canon  suivant  est  bien  plus  clair;  il  dit 
qu'il  y  a  des  monastères  où  la  règle  de  saint 
Benoît  est  entièrement  abolie,  et  où  les  abbés 
vivent  plutôt  en  chanoines  qu'en  religieux  : 
«  Monasteria  in  quibus  régula  beau'  Bencdicti 
penitus  abolita  negligitur,  etc.  Aliqua  sunt  in 
quibus  pauci  sunt  monachi,  qui  prœdicti patris 
regulam  suis  abbatibus  promissam  habeanl, 
quippecum  ipsi  abbates  magis  canonice,  quam 
monachice  inter  suos  conversari  videntur.  » 

Il  est  donc  probable  que  quelques-uns  de 
ces  monastères  où  les  abbés  et  les  moines  s'é- 
taient depuis  longtemps  si  fort  relâchés  que 
leur  vie  approchait  plus  de  celle  des  chanoines 
que  de  celle  des  moines,  passèrent  enfin  pour 
des  monastères  de  chanoines,  et  furent  insen- 
siblement sécularisés. 

Cbarlemagne  reprochait  aux  chanoines  de 
Saint-Martin  de  Tours  leur  inconstance  et  leur 
légèreté,  qui  leur  faisait  tantôt  prendre  le  nom 
de  chanoines,  tantôt  celui  de  moines.  «  Ali- 
quando  enim  monachos,  aliquando  canonicos, 
aliquando  neutrum  vos  essedicebatis  Epist,  ad 
Albinum  tom.  i.  Capitul.  Baluzii).  » 

Le  concile  de  Vernon  donna  à  ces  sortes  de 
moines  relâchés  le  choix  des  deux  professions, 
de  chanoines,  ou  de  moines,  «  Placuit  ut  in 
monasterio  sint  sub  ordine  regulari  ;  aut  sub 
manu  episcopi,  sub  ordine  canonico.  » 

Cbarlemagne  leur  donna  encore  le  même 
choix  dans  le  capitulaire  d'Aix-la-Chapelle. 
«  Illi  clerici  ,  qui  se  fingunt  habitu  vel  Domine 
monachos,  et  non  sunt,  corrigendi  omnimodis 
videntur,  ut  vel  veri  monachi  sint.  vel  veri  ca- 
nonici. » 

Le  concile  de  Mayence  enjoint  à  l'évêque  de 


Ï08 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


visiter  tous  les  monastères  de  son  diocèse  .  et 
d\  examiner  avec  l'abbé  tous  les  religieux,  afin 

de  leur  l'aire  déelarer  nettement  s'ils  \eulcnt 
vivre  selon  la  règle  des  moines,  ou  selon  la 
discipline  des  chanoines.  «  Hoc  pariter  provi- 
deant  episcopus  et  abbas  ,  ut  si  monachi  fieri 
voluerint,  regulariter  vivant  :  sin  autem  cano- 
nice  vivant  omnino.  »  C'est  évidemment  leur 
donner  la  liberté  de  se  séculariser.  Tous  ces 
passages  ont  été  rapportés  ci-dessus. 

Personne  ne  se  mit  en  peine  alors  d'exami- 
ner et  de  vérifier  l'origine  et  lu  fondation  de 
chaque  monastère,  pour  voir  si  dès  le  com- 
mencement on  y  avait  établi  et  observé  ensuite 
la  règle  monastique.  On  se  reposa  presque  par- 
tout sur  cette  maxime,  qu'il  vaut  mieux  avoir 
des  chanoines  vivant  bien  ,  que  des  moines 
scandaleux.  Après  cela  on  ne  doit  pas  s'étonner 
si  les  titres  d'abbé  et  le  nom  de  monastère  sont 
devenus  communs  aux  sociétés  purement  ec- 
clésiastiques. 

IX.  Ce  fut  certainement  pour  le  clergé  de  son 
église  cathédrale  et  de  tout  son  diocèse  que 
Crodogangus  dressa  sa  règle.  La  préface  et 
tout  le  tissu  de  cette  règle  en  fournil  une  in- 
imité de  preuves.  Il  résulte  de  la  que  ce  fut 
aussi  principalement  pour  cet  ancien  clergé  de 
l'Eglise  que  le  concile  d'Aix-la-Chapelle,  tenu 
en  826  sous  Louis  le  Débonnaire,  inséra  toute 
cette  règle  dans  ses  canons,  sans  faire  mention 
de  l'auleui',  comme  Crodogangus  avait  effleuré 
toute  la  règle  de  saint  Benoît,  sans  avoir  dit  un 
seul  mot  de  lui. 

Il  est  recommandé  aux  évoques  de  ne  pas 
recevoir  un  nombre  excessif  de  clercs  dans  leur 
congrégation,  mais  de  se  proportionner  aux 
revenus  et  aux  forces  qu'ils  ont  pour  les  nour- 
rir et  pour  les  conduire.  On  les  exhorte  à  ne 
pas  donner  entrée  dans  leur  chapitre  aux  seuls 
esclaves  de  leur  Eglise,  sur  lesquels  ils  puissent 
exercer  une  domination  plus  impérieuse  ,  quoi- 
qu'ils ne  doivent  pas  d'ailleurs  exclure  ces  es- 
claves s'ils  ont  du  mérite (Conc.Aquisg., ci  18, 
ll'.t). 

Comme  Pévêque  Crodogangus  et  le  concile 
d'Aix-la-Chapelle  se  servent  ordinairement  du 
terme  de  «  Prœlatus  et  prsepositus,  »  qui  peut 
être  commun  aux  évêques  et  aux  abbés,  on 
peut  de  là  conjecturer  que  toute  celte  règle 
convient  également  aux  congrégations  des 
chanoines  qui  résiliaient  dans  les  églises  cathé- 
drales sous  la  direction  immédiate  desévêqùes 
et  a  celles  qui  avaient  des  abbés. 


En  effet,  le  concile  de  Meaux  ,  tenu  en  845 
(Can.  un)  sous  Charles  le  Chauve,  distingue 
bien  ces  deux  sortes  de  chanoines,  les  uns  dans 
la  cité  épiscopale,  les  autres  dans  les  monas- 
tères, mais  il  leur  prescrit  aux  uns  et  aux 
autres  les  mêmes  règles. 

«  Ct  canonici  in  civitate  vel  monasteriis, 
sieut  constitutum  est,  in  dormitorié  dormiant, 
et  in  refectorio  comedant,  et  tam  sani  quam 
infirmi  canonice  vestiantur,  atque  in  claustris 
horis  congruisdegant.et  sub  custodiacanonica 
lectionibus  et  cœteris  divinœ  instilutionis 
insistant  officiis.  » 

Cela  fait  voir  que  la  vie  et  la  discipline  des 
chapitres  des  églises  cathédrales  était  aussi  ré- 
gulière et  la  même  que  celle  des  autres  cha- 
noines, qui  vivaient  dans  des  monastères  sous 
la  direction  d'un  abbé. 

X.  La  suite  de  ce  canon  est  une  preuve  cer- 
taine qu'on  avait  ordonné  à  tous  les  évêques 
d'établir  cette  régularité  de  la  vie  commune 
dans  tous  leurs  chapitres.  Il  y  est  dit  que  si 
quelque  prélat  n'a  pu  encore  le  faire,  faute  de 
moyens  ou  d'une  place  commode,  il  doit  avoir 
recours  au  roi,  suivant  la  constitution  de  Louis 
le  Débonnaire,  afin  que  les  trésors  de  la  libé- 
ralité et  de  la  piété  royale  suppléent  à  la  pau- 
vreté et  à  l'impuissance  de  l'Eglise  :  «  Si  vicina 
episcopio  terra  de  fisco  fuerit,  regia  liheralitas 
eamdem  terrain  ad  servorum  Dei  babitacula 
construenda  largiri  dignetur  (Capitul.  Car. 
Mag.,  1.  iv,  c.  50).  » 

XL  Ce  voisinage  de  l'église  cathédrale  et  du 
monastère  des  chanoines  était  absolument  né- 
cessaire, afin  que  l'évêque  y  pût  vivre  dans  la 
même  communauté  et  dans  la  même  régula- 
rité que  ses  chanoines. 

Cela  paraît  dans  les  canons  qui  ont  donné  à 
l'évêque,  dans  ces  congrégations,  la  même 
place  et  la  même  fonction  que  les  abbés  rem- 
plissaient dans  les  leurs;  mais  en  voici  une 
décision  formelle  dans  le  concile  de  Ponthybn, 
sous  Charles  le  Chauve  :  «  Ut  episcopi  in  civi- 
talibus  suis  proxîmum  ecclesiae  suœ  claustrum 
instituant,  in  quo  ipsi  cum  clero  secundum 
canonicam  regulam  Deo  militent  (An.  876, 
can.  vin).  » 

XII.  Hincmar  ne  fui  pas  des  moins  zélés 
pour  l'établissement  de  la  vie  commune  dans 
son  chapitre;  il  augmenta  le  nombre  de  ses 
chanoines,  et  il  donna  plus  d'étendue  à  leur 
cloître  par  les  bienfaits  du  roi  :  «Praeceptum 
Caroli  de  via,  cjme  impediebat  ad  claustrum 


DES  CHAPITRES  SOUS  L'EMPIRE  DE  CHARLEMACNE. 


509 


canonicoruni  sanctœ  Remensis  Ecclesiœ  ampli- 
lîcanduni,  quoniam  et  numerum  eorumdem 
canonicorum  augmentaverat,  idem  domnus 
Hincmarus  obtinuit  (Flodoard.,  I.  m,  c.  10).  » 
Mais  ce  que  je  trouve  de  plus  remarquable, 
c'est  i|ue  ce  savant  et  expérimenté  prélat  gou- 
vernait son  Eglise  en  prenant  les  avis  de  son 
chapitre,  comme  de  l'ancien  conseil  des  évo- 
ques (Il)id.,  c.  xxiv). 

En  voici  un  exemple  pour  le  temporel.  L'é- 
glise de  Reims  avait  des  terres  en  Thuringe; 
un  abbé  demandait  de  les  tenir  à  cens.  Hincmar 
ne  voulut  rien  conclure  sans  le  conseil  de  ses 
chanoines.  «  Abhas  snb  censu  sibi  dari  pelebat. 
Sed  Hincmarus  Id  agere  sine  clericorum  suo- 
rnm  consilio  rennens,  mandat  ut  easdem  ad 
custodiendum  intérim  suscipiat,  el  descriptio- 
nem  earumdem  sihi  mittere  studeat,  et  postea 
qnod  cnm  eeclesiasticorum  consilio  ministro- 
rum  rationabilins  consideraverit,  ei  remanda- 
turus  sit.  » 

Deux  chanoines  s'étant  lâchement  séparés 
de  leur  sainte  congrégation,  l'archevêque  écri- 
vit au  prévôt  et  aux  autres  chanoines,  Prœpo- 
sito  et  çœteris  fratribus  Ecclesiœ  Remensis,  de 
quelle  manière  il  fallait  les  recevoir  une  se- 
conde fois,  et  comment  il  les  fallait  traiter. 
«  Pro  receptione  Odalardi  et  Valterii,  qui 
ab  ipsa  congregatione  irregulariter  discesse- 
rant,  etc.  (Ihid.,  c.  xxviu).  »  Il  leur  écrivit 
encore  pour  faire  la  même  grâce  au  diacre 
Adalgaudus  ,  en  faveur  de  qui  le  roi  même 
avait  employé  ses  prières  :  «  Pro  quo  rex  etiam 
Ludovicus  precatorias  ei  per  eunulem  direxe- 
rat.  » 

En  effet,  l'évêque  vivant  en  communauté 
avec  ses  arebiprêtres,  ses  archidiacres,  ses  cha- 
noines et  tous  les  officiers  de  son  Eglise,  il  est 
impossible  que  ce  ne  fût  de  leur  conseil  qu'il 
gouvernât  le  temporel  et  le  spirituel  de  sou 
Eglise.  Le  chapitre  même  avait  l'autorité  de 
faire  le  procès  aux  prêtres  et  aux  diacres  qui 
en  étaient  les  membres. 

C'est  ce  qui  est  clairement  résolu  dans  les 
capitulaires  de  Charlemagne  :  «  Si  quis  episco- 
pus  damnatus  a  synodo,  vel  presbyter  aut  dia- 
conus  a  suo  capitulo,  ausi  fuerint  de  sacro 
ministerio  aliquid  contingere,  non  liceat  ei 
restitutionis  spem  habere  (L.  vu,  c.  0).  » 

Loup,  évêque  de  Châions,  accusé  d'avoir  or- 
donné prêtre  un  diacre  de  Reims,  se  justifia 
sur  l'ordre  qu'il  avait  reçu  du  roi  Charles  de 
faire  les  fonctions  épiscopales  dans  la  métro- 


pole vacante  de  Reims,  et  sur  ce  que  l'archi- 
diacre et  les  autres  chanoines  de  Reims  lui 
avaient  présente  ceux  qu'ils  désiraient  qui 
fussent  ordonnés. 

«  Quo  circa  cuni  epistola  regia,  ut  ipsum 
Halduinum  presbyterum  ordinaret,  atque  in 
Altivillari  monasterio  abbatem  sacraret,  archi- 
diaconus  Remensis  Ecclesiœ,  cum  aliis  commi- 
nistris,  tam  canonicis,  quam  monachis  illi 
obtulerit,  quemque  ad  votum  praefati  principis 
et  offerentium  ordinaverit.  Inde  judicatum 
esta  synodo  eumdeni  episcopum  nihil  danina- 
tionisde  illius  ordinatione  attigisse  (Flodoard., 
1.  m,  c.  2).  » 

Quoique  Flodoard  dise  que  la  lettre  du  roi 
ordonnait  à  cet  évêque  de  Châions  d'exercer 
les  fonctions  épiscopales  dans  un  évèché  va- 
cant :  «  Jussus  est  regiis  litteris  Caroli  régis, 
ut  quia  metropolis  Remorum  Ecclesia  pastore 
carebat,  in  confectione  chrismatis,  aliisque 
negotiis  ecclesiasticis,  pro  sui  possibilitate  con- 
sidère procuraret.  »  il  est  certain  néanmoins 
que  ce  ne  pouvait  être  que  le  clergé  de  l'Eglise 
vacante  qui  lui  donnât  une  juridiction  légi- 
time; et  c'est  ce  que  fit  le  clergé  de  Reims, 
c'est-à-dire  les  dignités  et  les  chanoines  qui 
composaient  le  chapitré  :  a  Archidiaconus, cum 
aliis  comministris,  tara  canonicis,  quam  mo- 
nachis. » 

Le  chapitre  succédait  donc  à  la  juridiction 
après  la  mort  de  l'évêque,  et  de  là  on  peut 
conclure  qu'il  l'avait  pu  exercer  avec  lui  pen- 
dant sa  vie. 

XIII.  La  règle  de  Crodogangus  nomme  l'ar- 
chidiacre le  primicier,  Primiciarius ,  et  le 
prévôt  Prœpositus,  entre  les  dignités  qui  com- 
posent et  qui  gouvernent  les  chapitres  (Reg., 
1.  i,  c.  347).  Ainsi,  on  ne  peut  douter  que  les 
chapitres  ne  fussent  cet  ancien  clergé  qui  fai- 
sait le  conseil  de  l'évêque,  el  dont  le  concile 
de  Carthage,  rapporté  par  Réginon,  dit  que 
l'évêque  ne  pourra  rien  aliéner  sans  son  con- 
cile et  ses  prêtres  :«  Ignorante  concilio,  et 
presbyteris  suis  (Conc.  Carthag.,  can.  xxxiu).» 
Aussi  Aldric,  archevêque  de  Sens,  ayant  à 
faire  un  changement  considérable  dans  son 
église ,  en  communiqua  le  dessein  à  ses  cha- 
noines et  même  aux  moines  et  aux  laïques, 
pour  prendre  leurs  avis  :  «  Idcirco  una  cum 
consilio  fratrum  nostrorum,  canonicorum  vi- 
delicet  et  monachorimi,  nec  non  et  fidelium 
laicorum,  visum  est  nobis,  etc.  (An.  834;  Spi- 
cileg.,  tom.  u,  pag.  580).  » 


;;io 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  NEUVIÈME. 


Jonas,  évêque  d'Autun,  assignant  de  nou- 
veaux fonds  pour  la  subsistance  des  cinquante 
chanoines  de  son  église,  ne  voulut  rien  faire 
que  par  le  conseil  des  prêtres,  des  diacres  et 
des  autres  membres  de  son  clergé,  qui  étaient 
ces  mêmes  chanoines  :  «  De  facultatibus  eccle- 
siae  cui  deservio ,  canonicorum  cœtui  mihi 
commisso  aliquod  subsidium  conferre  stu- 
dui,  etc.  Secundum  canonicam  autoritatem 
adhibito  consensu  presbyterorum,  diacono- 
rum,  ac  totius  sequentis  ordinis  ejnsdem  Eccle- 
sièe,  ob  divini  cultus  amorem  super  addere 
studui  eis,  etc.  (Spicileg.,  tom.  vin,  pag.  142, 
an.  858).  » 

Ces  chapitres  et  ces  corps  de  chanoines  suc- 
cédèrent  a  l'ancien  clergé  de  l'église,  qui  fai- 
sait le  conseil  éternel  de  l'évêque,  ou  plutôt 
c'était  ce  même  clergé  réuni  plus  étroitement 
dans  un  même  cloître  et  vivant  en  commu- 
nauté avec  son  évêque.  On  le  comprendra  faci- 
lement, si  l'on  considère  les  inscriptions  des 
lettres,  semblables  à  celles  que  nous  avons  rap- 
portées ci-dessus  de  saint  Augustin,  d'Alipe  et 
de  quelques  autres  évêques  d'Afrique  ,  qui 
écrivaient  à  leurs  confrères  les  autres  évêques, 
conjointement  avec  les  communautés  de  clercs. 
qui  leur  étaient  comme  incorporées.  En  voici 
un  exemple  du  clergé  de  Paris,  associé  avec 
plusieurs  autres  communautés  religieuses  . 
écrivant  à  l'archevêque  de  Sens  ,  à  son  clergé, 
aux  autres  évêques  de  la  même  province .  et 
à  leur  clergé. 

«  Religiosissimis  patribus  et  fratribus,  Gue- 
niloni  metropolitano  Senonicse  sedîs  antistiti , 
et  uiiiverso  clero  ejus,  et  caeterarum  Ecclesia- 
rum  praesulibus,  quœdiœcesismemorata'  sedis 
ceiisentur,  cunclisque  in  eis  Deo  famulantibus 
clerus  matris  Ecclesiae  Parisiorum  et  fratres 
cœnobii  sancti  Dionysii  et  sancti  Germani ,  et 
beatae  Genovefae,  ac  Fossatensis,  diversorum- 
que  monasterium  unaniniitas  (Epist.  xcxm, 
inler  Epist.  Lupi  Ferrar.).  » 

Nous  apprenons  de  là  trois  vérités  impor- 
tantes. La  première  ,  que  le  clergé  de  chaque 
évêque  faisait  un  corps  inséparable  du  même 
évêque,  entrant  en  communication  avec  lui  de 
tous  ses  conseils  et  de  toute  sa  conduite. 

La  seconde,  que  le  clergé  de  l'Eglise  métro- 
politaine est  préféré  dans  celte  inscription  aux 
évêques  de  la  même  province,  parce  qu'il  ne 
fait  qu'un  même  corps  avec  le  métropolitain, 
et  succède  même  à  l'autorité  et  à  la  juridiction 
du  métropolitain  sur  les  évêques  sull'ragants, 


lorsque  le  siège  du  métropolitain  est  devenu 
vacant. 

La  troisième  est  que  les  abbayes  célèbres 
entrent  aussi  en  société  avec  l'évêque  et  le 
clergé  dans  les  conseils  et  le  gouvernement 
du  diocèse.  Cela  se  voit  dans  cette  lettre,  où 
il  s'agissait  de  l'élection  d'un  nouvel  évêque 
de  Paris. 

Cela  se  justifie  encore  par  ce  que  nous  venons 
de  rapporter  d'Aldric .  archevêque  de  Sens, 
lorsqu'il  proteste  lui-même  agir  avec  le  conseil 
de  ses  frères,  c'est-à-dire,  des  chanoines  et  des 
moines.  «  Cum  consilio  fratrum  nostrorum, 
canonicorum  videlicet  et  monachorum.  »  Mais 
cela  paraîtra  encore  plus  dans  les  chapitres 
suivants,  où  nous  ferons  connaître  les  rapports 
et  les  alliances  des  moines  avec  les  chapitres  et 
les  chanoines. 

XIV.  11  reste  une  difficulté  à  résoudre,  savoir 
si  tous  les  chapitres  ou  congrégations  de  cha- 
noines hors  des  églises  cathédrales  ont  été  des 
monastères,  où,  au  lieu  des  anciens  moines 
déréglés,  on  a  fait  un  établissement  de  cha- 
noines ou  d'ecclésiastiques  bien  réglés  en  sécu- 
larisant les  anciens  moines  parunesage  et  cha- 
ritable condescendance. 

Nous  avons  dit  que  tel  avait  été  le  commen- 
cement, ou  plutôt  le  renouvellement  des  cha- 
noines vivant  en  congrégation  hors  des  cathé- 
drales dans  le  siècle  de  Charlemagne  ;  mais 
nous  n'avons  pas  nié  qu'il  n'y  ait  eu  ensuite 
plusieurs  fondations  immédiates  de  ces  sortes 
de  chapitres dansdes  églises  collégiales,  comme 
elles  ont  été  depuis  appelées. 

Charles  le  Simple  fonda  un  chapitre  de 
douze  chanoines  dans  le  palais  d'Attigny. 
«  Capella  in  qua  duodecim  ordinis  ecclesia- 
stici  viros  stalnimus.  qui  diu  noctuque  divina 
horis  competentibus  fréquentent  officia,  etc. 
ad  usufructuarios  mensœ  canonicorum,  de  ré- 
bus nostris  ibidem  contulimus,  etc.  (Bâluzius, 
in  Append.  ad  Lupum,  p.  $23).  »  Le  roi  soumit 
ce  chapitre  à  l'abaye  de  Compiègne,  en  sorte 
qu,e  le  prévôt  et  le  doyen  de  l'abbaye  de  Com- 
piègne nommeraient  un  doyen  et  un  trésorier 
dans  cette  sainte  chapelle,  et  que  ce  trésorier 
offrirait  tous  les  ans  à  l'abbaye  deux  cierges  de 
douze  livres  de  cire. 

Charles  le  Chauve,  imitant  la  piété  de  Charle- 
magne son  aïeul,  qui  avait  fondé  un  chapitre 
à  Aix-la-Chapelle,  «  In  palatio  Aquensi  capel- 
lam  construxisse,  et  clerieos  inibi  constituisse 
(An.   876  ;  Spicileg.,  tom.  x,  p.  157,  etc.),» 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES  DEPUIS  LAN  MIL. 


r.ll 


fonda  aussi  lui-même  l'abbaye  royale  de  Com- 
piègne,  el  3  assigna  des  revenus  suffisants  pour 
cent  chanoines,  «  Atque  clericos  ibi  numéro 
centum  decrevimus,  »  auxquels  ildonna  toutes 
les  exemptions  nécessaires  pour  les  conserver 
dans  la  retraite  et  la  tranquillité  de  la  vie  sainte 
des  chanoines.  «  Similiter  etiam  totius  silentii, 
et  quietudinis  canonicœ  ibi  morem  observan- 


diim,  etc.  Eique  liberam  canonicx  licentiam 
tribuimus.  » 

Etienne,  évêque  de  Clermont,  fonda  dans  la 
paroisse  de  Lésigny  un  chapitre  de  douze  cha- 
noines, sous  la  dépendance  de  l'abbé  et  des 
chanoines  de  Saint-Julien  de  Brioude.  «  Duo- 
decim  constituanlur  canonici,  etc.  (An.  '.Hi-2  ; 
Spicileg.,  tom.  si,  p.  290).  » 


CHAPITRE  DIXIEME. 


DES   CHAPITHES   DES   ÉGLISES    CATHEDRALES   DEPUIS    L  AH    MIL. 


I.  Les  chapitres  n'étaient  autrefois  composés  que  de  prêtres  et 
de  diacres,  qui  faisaient  te  conseil  de  l'évéque. 

II.  Les  sous-diacres  y  entrèrent,  quand  le  sous-diaconat  fut 
déclaré  être  un  ordre  sacré. 

III.  Les  chanoines  qui  ne  sont  pas  sous-diacres,  n'ont  ni  voix, 
m  ce  au  chapitre. 

IV.  Le  concile  de  Trente  désire  que  tous  les  canonicats  aient 
r.n  ordre  sacré  anm 

V.  Le   sacré  collège  des  cardinaux,  parfait  modèle  des  an- 
a  chapitres. 

VI.  Les  chanoines  sont  encore  les  conseillers  nés  des  évèques. 
Ce  qu'ils  peuvent  ou  ne  peuvent  pas,  conjointement  ou  • 

-in  les  décrétâtes,  et  selon  le  concile  de  Trente. 

VII.  Un  pouvoir  des  évèqnes  et  des  chapitres  il  juger  et  a 
punir  les  chanoines. 

VIII.  Autres  pouvoirs  des  évèques  et  des  chapitres,  séparé- 
ment ou  conjointement. 

1\.  Hé  l'assistance  des  chapitres  au  concile  provincial. 

X.  Ce  que  le  chapitre  peut,  pendant  que  le  siège  épiscopal 
est  vacant. 

XI.  Ce  qu'il  ne  peut  pas. 

XII.  Dévolution  au  chapitre. 

XIII.  Grands-vicaires  du  chapitre. 

XIV.  Du  nombre  des  chanoines. 

XV.  De  l'augmentation  de  ce  nombre,  et  de  la  création  des 
chanoines  surnuméraires. 

XVI.  Des  degrés  divers  entre  les  chanoines. 

XVII.  Des  prébendes  données  à  des  communautés  régulières. 

I.  Comme  la  hiérarchie  instituée  par  le  Fils 
de  Dieu  est  composée  d'évêques,  de  prêtres  et 
de  diacres,  aussi  les  chapitres  n'étaient  autre- 
fois composés  que  de  prêtres  et  de  diacres,  qui 
faisaient  le  conseil  de  l'évéque.  Pascal  II  pres- 
crivant a  l'évéque  de  ComposteUe  la  manière 
de  régler  son  Eglise,  lui  ordonne  d'y  établir 
des  prêtres  et  des  diacres  cardinaux,  qui  soient 
comme  ses  conseillers  et  ses  aides.  «Cardinales 
in  Ecclesia  tua  presbyteros,  seu  diaconos  taies 


constitue,  qui  digne  valeant  commissa  sibi  ec- 
clesiastici  regiminisonerasustinere  (Epist.  x).» 

II.  Comme  l'on  commença,  au  temps  d'Ur- 
bain II.  de  mettre  le  sous-diaconat  au  rangdes 
ordres  sacrés,  ainsi  qu'il  a  été  dit  ci-dessus,  on 
communiqua  aussi  aux  sous-diacres  les  avan- 
tages les  plus  considérables  des  chanoines , 
savoir,  la  séance  dans  les  sièges  hauts,  et  la 
voix  ou  le  droit  de  suffrage  dans  le  cha- 
pitre. 

Les  deux  conciles  de  Béziers,  en  1-233 
(Can.  xiii  ,  et  en  1246  (Cau.  xxn),  publièrentee 
même  statut  :  «  Inhibemus,  ne  aliqui  cano- 
nici sffculares,  stallum  in  choro  vel  vocem 
habeant  in  capilulo,  nisi  fueriut  in  sacris  or- 
dinibus  constituti  :  nisi  ex  causa  cum  eis  fue- 
rit  ab  episcopo  dispensatum.  » 

On  parle  dans  ce  canon  en  mêmes  termes 
qu'aux  siècles  passés,  «  in  sacris  ordinibus 
constituti  ;  »  mais  ces  termes  avaient  com- 
mencé d'avoir  plus  d'étendue  que  par  le  passé 
parce  qu'on  y  comprenait  les  sous-diacres. 

III.  Le  concile  de  Valence,  en  1-2  lis  vCan.  iv), 
renouvela  les  peines  canoniques  contre  les 
chanoines  qui  refuseraient  de  se  faire  ordonner 
sous-diacres,  diacres  ou  prêtres,  dans  les  be- 
soins de  leur  Eglise,  «  quando  nécessitas  hoc 
requit  it.  »  Celui  de  Saumur  en  1233  (Can.  xxxi, 
xlviii  ,  voulut  qu'on  privât  des  prébendes  sacer- 
dotales les  chanoines  qui  refusaient  de  rece- 
voir la  prêtrise. 


512 


DES  CONGRÉGATIONS.  -  CHAPITRE  DIXIÈME. 


Ces  dispenses,  que  les  conciles  de  Réziers 
avaient  permises  à  l'évêque,  semblent  être 
défendues  par  le  concile  d'Avignon  de  1337, 
qui  détend  absolument  de  faire  entrer  dans  le 
chapitre,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit, 
ceux  qui  n'étant  pas  sous-diacres,  ne  peuvent 
y  avoir  de  voix,  soit  dans  les  chapitres  des  cathé- 
drales, soit  dans  ceux  des  collégiales.  «  Cum 
nullus  cathedralis  vel  collegialis  ecclesiœ  ca- 
nonicus,  nisi  sit  subdiaconus,  vocem  de  jure 
in  capitulo  habeat,  etc.  » 

Le  concile  de  Ravenne,  en  1314-  (Can.i),  n'a- 
vait pas  non  plus  permis  de  dispenser  d'un 
statut  si  raisonnable,  déclarant  néanmoins  que 
cette  règle  ne  comprenait  pas  les  communautés 
monastiques.  «  Solummodo  in  sacris  ordinibus 
constituti,  et  non  alii  ad  capitula  vocentur,  et 
vocem  habeant  in  capitulo.  Et  haec  intelligi- 
mus  de  saecularium  clericorum  capitulis,  non 
de  conventibus  religiosorum.  » 

La  profession  religieuse  peut  tenir  lieu  d'un 
ordre  sacré  pour  des  délibérations  capitulaires. 
Mais  il  ne  faut  pas  omettre  que  ce  concile  a 
reconnu  que  les  chanoines  tenaient  la  place  des 
apôtres  et  des  disciples  à  l'égard  de  l'évêque,  qui 
est  comme  le  vicaire  de  J.-C.  «  Apostolorum  et 
discipulorum  vicem  hic  tenet.  » 

L'Allemagne  n'avait  pas  observé  ce  règle- 
ment avec  la  même  exactitude  que  la  France 
et  l'Italie.  C'est  aussi  de  quoi  se  plaignit  le 
concile  de  Mayence,  en  1549  (lxxxvi),  assurant 
que  la  décadence  spirituelle  et  temporelle  des 
chapitres  n'était  provenue  (pie  de  ce  qu'on 
avait  admis  dans  le  chapitre  et  au  droit  de  suf- 
frage les  plus  jeunes  chanoines,  qu'on  appelait 
damoiseaux,  domicellares. 

Voici  ses  termes  :  «  Non  sine  magna  ratione 
majores  nostri,  ju mores  canonicos,  quos  domi- 
cellares vocant,  non  statim  ut  bénéficia  acce- 
perint,  ad  capitula  admilti,  sed  ad  tempus  sub 
jugo  prœlatorum  detineri  voluerunt,  etc.  » 

Comme  en  Espagne  on  appelle  infants  lesflls 
des  rois,  et  infanlado  les  terres  de  leur  apa- 
nage; en  Aragon,  ils  avaient  autrefois  appelé 
infançons  les  nobles  du  premier  rang.  Aussi 
en  France  on  donnait  le  nom  de  vaslet,  connue 
vasselet,  ou  de  dan/eau  et  damoiseau,  aux  en- 
fants des  seigneurs,  en  leur  jeunesse,  surtout 
aux  cadets  OU  puînés;  les  demoiselleries étaient 
les  terres  atléctées  à  ces  puînés.  Les  chapitres 
appliquèrent  ce  même  terme  avant  le  sous- 
diaconat,  aux  jeunes  chanoines  qui  étaient 
autrefois  appelés  juniores,  et  leurs  bénéfices 


junior aïus,  comme  ce  canon  même  l'insinue 
(Gomecius,  1.  vm  de  gestis  Ximenii;  Ilieron. 
Btanca,  Hispan.  ill.,  tom.  m,  pag.  "-27  ;  Ville- 
llanlouin  ;  Les  Observât,  de  Ducange,  p.  27  i; 
Histoire  de  Tournus,  pag.  197). 

Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxu,  can.  4)  con- 
firmant ce  statut,  y  comprit  les  églises  régu- 
lières aussi  bien  que  les  autres,  et  n'y  souffrit 
aucune  dispense.  «  Quicumque  in  catbedrali, 
vel  collegiata,  sœculari,  aut  regularia  ecclesia 
divinis  mancipatus  officiis,  in  subdiaconatus 
online  saltem  constitutus  non  sit,  vocem  in 
capitulo  non  habeat,  etiam  si  hoc  sibi  ab  aliis 
libère  fuerit  concessum.  » 

IV.  Mais  ce  concile  (Sess.  xxiv,  can.  12)  ap- 
procha l'état  des  Eglises  cathédrales  bien  plus 
près  de  leur  première  origine,  quand  il  or- 
donna qu'on  y  affectât  un  ordre  sacré  à  tous  les 
canonicats  et  à  toutes  les  portions,  en  sorte 
qu'il  y  en  eût  au  moins  la  moitié  de  prêtres,  sans 
déroger  aux  coutumes  particulières  encore  plus 
louables,  qui  exigent  que  tous  les  chanoines, 
ou  la  plus  grande  partie  soient  prêtres;  cette 
distribution  doit  être  faite  par  l'évêque  et  par 
les  chanoines. 

«  In  omnibus  Ecclesiis  cathedralihus  omnes 
canonicatus  ac  portiorïes  habeant  annexum  or- 
dinem  presbyterii,  diaconatus,  vel  subdiaco- 
natus. Episcopus  autem  cum  consilio  capituli 
designet  ac  distribuât,  proutviderit  expedire, 
quibus  quisque  ordo  ex  sacris  annexus  in  po- 
sterum  esse  debeat,  ita  tanien  ut  dimidia  sal- 
tem pars  presbyteri  sint;  cseteri  vero  diaconi, 
aut  subdiaconi.  Ubi  vero  consuetudo  laudabi- 
lior  habet,  ut  plures,  vel  omnes  sint  presbyteri 
omnino  observetur.  » 

Ce  décret  du  concile  de  Trente  fut  reçu  dans 
le  concile  de  Tolède,  en  1566  (Can.  ix),et  dans 
celui  de  bordeaux,  en  1583  (Can.  xvn).  Celui 
de  Bourges,  en  1584  (Tit.  xxxiv,  c.  2),  ordonna 
seulement  que  les  chanoines  seraient  obligés 
de  recevoir  le  sous-diaconat,  dans  la  première 
année  de  leur  réception,  quand  ils  en  auront 
atteint  l'âge.  Ce  qui  semble  supposer  qu'on  ne 
les  recevra  chanoines  qu'en  âge  d'être  faits 
sous-diacres  dans  un  an. 

Enfin,  le  concile  de  Bordeaux,  en  1624 
(Can.  x)  veut  que  dans  les  rangs  et  les  séances 
des  chanoines  on  ait  plus  d'égard  a  leur  ordre 
sacré  qu'à  leur  réception  ;  en  sorte  néanmoins 
que  dès  que  ceux  qui  avaient  été  reçus  fort 
jeunes,  auront  reçu  la  prêtrise,  ils  reprendront 
le  rang  de  leur  réception  avant  les  prêtres, 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES  DEPUIS  L'AN  MIL 


513 


plus  anciens  prêtres  qu'eux,  mais  moins  an- 
ciens chanoines. 

Je  ne  sais  si  cela  s'aaonle  bien  avec  ce  que. 
dil  Eagnan,  que  dans  les  églises  cathédrales  et 
dans  les  basiliques  de  Rome,  si  un  prêtre  est 
pourvu  d'un  canonicat  affecté  aux  sous^diacres 
il  ne  célébrera  jamais  solennellement,  niais  il 
fera  les  fonctions  du  sous-diacre,  et  n'aura 
séance  au  chœur  qu'après  les  chanoines  diacres 
[Fagnan.,  1. 1  décret.,  par.  il.  pag.  377),  de 
même  que  dans  le  sacré  collège  les  cardinaux 
qui  sont  pourvus  des  titres  de  diacres  ne  pren- 
nent séance  qu'après  les  cardinaux  urètres, 
quoiqu'ils  soient  eux-mêmes  d'ailleurs  prêtres, 
ou  évêques  et  archevêques. 

V.  C'est  néanmoins  le  sacre  collège  des  car- 
dinaux qui  doit  être  regardé  comme  le  plus 
achevé  modèle  des  chapitres  de  l'église  dans 
les  siècles  de  sa  plus  pure  discipline.  Il  n'est 
composé  que  d'évêques,  de  prêtres  et  de 
diacres,  qui  sont  les  sénateurs  et  les  conseillers 
nés  du  pape. 

C'est  pour  cela  que  les  siècles  suivants  de 
l'âge  moyen  ayant  fait  entrer  dans  les  chapitres 
un  grand  nombre  de  jeunes  clercs,  dont  la 
principale  occupation  était  le  chant  solennel 
des  offices  divins  dans  le  chœur,  on  a  été  enfin 
obligé  de  distinguer  dans  les  chapitres  des 
cathédrales  deux  sortes  de  chanoines,  savoir, 
les  jeunes,  pour  la  divine  psalmodie  seulement; 
et  les  autres,  savoir,  les  eleressacrés  pour  com- 
poser le  sénat  et  le  conseil  de  l'évêque. 

Ainsi  on  peut  dire  que  le  concile  de  Trente 
a  heureusement  réuni  les  avantages  des  pre- 
miers siècles,  lorsque  les  chan  lines  étaient  des 
prêtres  et  des  diacres,  qui  composaient  le  sénat 
et  le  synode  perpétuel  de  l'évêque  ,  avec  ceux 
des  siècles  moy<  ns.  où  la  plus  divine  de  toutes 
les  fonctions,  c'est-à-dire  la  psalmodie  solen- 
nelle des  cantiques  divins,  a  été  aussi  la  plus 
continuelle  occupation  îles  chanoines. 

En  l'an  1630,  la  congrégation  du  concile  lui 
consultée  sur  le  chapitre  de  la  cité  de  Siponto 
en  Italie,  où  il  y  a  des  cures  sans  autres  curés 
que  les  dignités  et  les  chanoines  de  la  cathé- 
drale, qui  ont  chacun  une  cure  distinguée  des 
autres,  excepté  l'archidiacre  qui  dessert  les 
cures  de  ceux  qui  sont  absents  ou  morts  (Bar- 
bosa  de  Paro,  p.  I,  c.  il,  n.  30). 

La  congrégation  du  concile  ne  changea  rien 
à  cette  disposition  si  conforme  à  la  plus  an- 
cienne discipline  de  l'Eglise,  où  les  curés  de 
la  ville  composaient  le  clergé  de  la  cathédrale, 

Th.  —  To.me  11. 


et  le  conseil  .le  l'évêque.  Elle  déclara  seule- 
ment que  le  même  âge  nécessaire  pour  les 
cures,  serait  aussi  nécessaire  pour  ces  dignités 
et  pour  ces  canonieals. 

VI.  Selon  le  nouveau  droit  même  les  cha- 
noine- sonl  encore  les  conseillers  nés  des  évê- 
ques. Le  concile  d'Elue,  en  1065,  renvoie  les 
causes  au  jugement  de  l'évêque  et  des  chanoi- 
nes. "  Emendet  ad  judicium  episcopi  et  canoni- 
corum,  etc.  Querela  ad  episcopum,  velad  ejus 
canonicos  liât.  » 

Calixte  11  défendit  aux  archiprêtres  et  aux 
archidiacres  d'interdire  les  cures  sans  l'agré- 
ment de  l'archevêque  et  du  chapitre  :  «  Praeter 
archiepiscopi  et  totius  capituli  vestri  commune 
coiiciluim    Kpist.  xmï.  » 

Alexandre  111  remontra  excellemment  au  pa- 
triarche de  Jérusalem  que  ne  composant  qu'un 
même  corps  avec  ses  chanoines,  dont  il  était  le 
chef,  et  eux  les  membres,  il  était  surprenant 
qu'il  prît  conseil  d'autres  que  d'eux,  et  qu'il 
instituât,  ou  destituât  des  abbés,  des  abbesses, 
et  d'autres  bénéficiers,  sait"  leur  avis. 

a  Novit  plenius  tua?  discretionis  prudentia, 
qualiter  tu  et  fratres  lui  unum corpus  sitis  :  ita 
quod  tu  caput,  et  fratres  tui  membra  esse  com- 
probentur.  Unde  non  decet  omissis  membris, 
te  aliorum  consilio,  in  Ecclesise  tua'  negotiil 
uti;  cum  id  non  sit  dubium,  et  honestati  tu», 
et  sanctorum  l'atrum  institulionibus  contraire. 
In  no  tu  if  autem  auribus  nostris,  quod  tu  sine 
consilio  fratrum  tuorum,  abbates,  abbatissas, 
et  capteras  personas  ecclesiasticas  instituis  (t 
destituis.ele.  (Append.  Conc.  Lateran.  III.  par. 
ult.,  c.  xviii.  C.  Novit.  et  (',.  Quanto,  De  lus  quae 
fiunt  a  Pr.i  1.  sine  consen.  Capituli  .  » 

Le  synode  d'Augsbourg,  en  1548  (flan,  m), 
affermit  les  ordonnances  synodales  de  l'évêque 
par  le  consentement  du  chapitre  :  «  Approbante 
cathedralis  ecclesiœ  nostrae  venerabili  capitulo, 
statuimus  et  ordinamus  ut,  etc.  » 

Le  cardinal  Polus.  dans  les  articles  qu'il 
dressa  pour  la  réformation  du  cierge  d'Angle- 
terre, reconnaît  que  les  chanoines  n'ont  été 
institués  que  pour  être  les  conseillers  et  les 
coadjuteurs  des  évêques  et  pour  chanter  les 
louanges  de  Dieu  :  «  Cum  canonicatus  et  prse- 
bendas  in  Ecclesia  instituendi  ralio  et  causa 
hœc  fuerit,  ut  qui  ad  eos  assumuntur,  episcope 
assistant,  eumque  in  muneris  sui  t'unctione, 
consilio  et  opéra  adjuvent,  et  in  divinis  offieiis 
celebrandis  Ecclesiae  inserviant  (Décret.  3).  » 

Le  concile  de  Trente  Sess.  xxiv.  cap.  xn:  qui 

33 


514 


DES  CONGREGATIONS. 


CHAPITRE  DIXIÈME. 


appelle  les  chanoines  le  sénat  de  l'Eglise,  a  si 
fortement  renoué  cette  bonne  intelligence  et 
cette  communion  réciproque  de  toutes  les 
affaires  importantes  entre  l'évêque  el  le  cha- 
pitre, que  le  grand  saint  Charles  se  crut  obligé 
de  s'opposer,  avec  son  concile  V  de  Milan 
(Cap.  xr),  à  ceux  qui  voulaient  la  porter  trop 
loin,  et  asservir  l'évêque  à  suivre  toujours  le 
sentiment  de  son  chapitre.  II  déclara  que  cette 
nécessité  n'avait  lieu  que  dans  les  espèces  où 
elle  est  exprimée  par  le  concile. 

«  l'hi  Tridentina  synodo,  aut  provincialibus 
conciliis  constitutum  est,  de  capituli  clerive 
consilio  aliquid  agendum  esse,  non  propterea 
tamen  illud  sequendi  necessitatem  sibi  impo- 
sitam  esse  episcopus  existimet  ,  nisi  in  iis 
tantum,  de  quibus  inspeciatim  nominatimque 
cautum  est.  » 

Le  concile  de  Bordeaux  en  I5SI  (Tit.  de 
Epise.  et  Capit.,  n.  28),  usant  de  la  même  pré- 
caution, déclara  que  puisque  l'Eglise  cathédrale 
tirait  son  nom  de  la  chaire  épiscopale,  il  était 
ridicule  d'en  vouloir  donner  la  souveraine 
autorité  an  chapitre,  parce  qu'elle  appartenait 
à  l'évêque  connue  au  chef,  dont  les  chanoines 
dépendaient  comme  ses  membres.  «  Déclarât 
hœc  sancta  synodus,  pracipuam  in  ipsisEccle- 
siis  autoritatem  ad  episcopos  pertinere.  Eosque 
consilio  el  opéra  capitulorum  et  dignitatum 
juvari  debere,  ut  membrorum  capiti  cohœren- 
tium  et  obsequentium.  » 

C'est  un  malheur  déplorable  que,  dans  une 
partit;  des  Eglises  cathédrales,  les  choses  ne 
soient  plus  en  un  état  que  les  évêques  puissent 
appeler  les  chanoines  a  leur  conseil,  el  être 
mutuellement  présents  à  leurs  délibérations  et 
a  leurs  chapitres. 

Aussi  le  concile  de  Rouen,  en  1581,  dans  les 
propositions  et  les  demandes  qu'il  tit  au  pape, 
n'oublia  pas  celle-ci  :  que  les  exemptions  des 
chapitres  étant  un  obstacle  invincible  à  tous 
les  efforts  qu'on  peut  faire  pour  corriger  les 
abus  qui  se  sont  glissés  clans  les  Eglises  cathé- 
drales, comme  l'archevêque  de  Rouen  avait 
obtenu  du  pape  l'union  d'un  canonicat  et  d'une 
prébende  avec  sa  crosse,  afin  de  pouvoir  assister 
et  présider  comme  il  taisait  au  chapitre  comme 
chanoine,  Sa  Sainteté  accordât  aussi  à  tous  les 
pvêques  de  la  province  la  même  faveur,  alin 
de  présider  comme  chanoines  a  toutes  les 
assemblées  capitulaires,  et  y  réformer  tous  les 
désordres.  «  Nain  antea  archiepiscopi  nostri 
impetraverunt  a  sede  Romana  huilas  ad  unien- 


dum  canonicatum  et  prsebendam  archiepisco- 
patui,  ut  ita  archiepiscopus  tanquam  canonicus 
intraret  capitulum  quoties  vellet  et  in  ipso 
pnesideret  :  quo  jure  etiam  nu  ne  utitur.  Sup- 
plicant  humillime  episcopi  sanctitati  siue,  ut 
dignetur  omnibus  ejusdem  provincial  episcopis 
bullam  communem  conferre,  ad  uniendum 
episcopatui  canonicatum,  etc.  »  Le  pape  répon- 
dit que  dans  le  besoin  il  ne  refuserait  pas  la 
même  grâce  à  chaque  évêque  en  particulier. 

Quoique  cet  archevêque  n'eût  séance  dans  le 
chapitre  qu'à  cause  de  la  prébende  unie  à  l'ar- 
chevêché, il  y  présidait  néanmoins  et  faisait 
valoir  cette  autorité  de  préséance  pour  la  réfor- 
malion  du  chapitre.  «  Ad  ingrediendum  capi- 
tula, et  eis  prœsidendum  in  ipsisque  refor- 
mandum  omnia.  » 

Les  canonistes  veulent  au  contraire  que  l'é- 
vêque, dans  son  propre  chapitre,  ne  prenne 
séance  qu'après  le  président,  quand  il  y  assiste 
comme  chanoine  ,  et  non  pas  comme  évêque 
(Fagnan.,  in  1.  m  Décret.,  pars  i,  pag.  251).  Ils 
avouent  néanmoins  qu'il  faut  s'en  tenir  â  la 
coutume.  Or,  qui  doute  que  ce  ne  soit  une 
coutume,  ou  un  statut  beaucoup  plus  louable, 
quand  l'évêque  entre  dans  le  chapitre,  de  don- 
ner rang  au  chef  avant  tous  ses  membres? 

La  décrétale  Postulastis,  de  amcessioiie 
Prœbendœ  ,  fait  bien  mention  de  celte  double 
manière  dont  les  évoques  assistent  au  chapi- 
tre comme  évoques,  ou  connue  chanoines, 
mais  elle  n'exprime  pas  quelle  séance  il  >  prend; 
m  ce  n'est  qu'on  veuille  conclure  qu'il  n'y 
préside  pas  quand  il  n'y  assiste  que  comme 
chanoine,  de  ce  (pie  si  le  chapitre  néglige  île 
((inférer  dans  le  temps,  le  pouvoir  de  conférer 
esl  dévolu  a  l'évêque. 

Le  titre  particulier  des  décrétâtes,  qui  traite 
de  cette  matière  ,  De  his  quœ  fiunt  a  prœlato 
sine  consensu  capituli  (L.  ni,  c.  x),  déclare 
nulles  les  aliénations  ,  les  institutions  ou  des- 
titutions d'abbés,  d'abbesses  et  d'autres  béné- 
ficiées, les  confirmations  ou  concessions  que 
l'évêque  fera  sans  le  conseil  de  son  chapitre. 
«  Cu m  eorum  consilio  ,  vel  sanioris  partis 
cadem  peragas  et  pertractes,  et  quœ  statuenda 
siint,  statuas,  et  errata  corrigas  et  evellenda 
dissipes  et  evellas.  » 

L'évêque  ne  peut  donc  aussi  faire  des  ordon- 
nances, ni  conclure  les  affaires  importantes, 
ni  corriger  les  abus  sans  l'avis  de  son  chapitre. 
11  ne  peut  donner  des  églises  paroissiales  â  des 
monastères,  parce  que  ce  sont  autant  d'aliéna- 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISI  S  CAllILHUALES  DLTITS  L'AN  .MIL. 


515 


tions.  Les  abbés  ou  les  autres  chefs  '1rs  églises 
collégiales  qui  ont  droit  do  présentation  ne 
peuvent  présenter  aux  évêques  .-ans  le  consen- 
tement de  leur  chapitre  ,  a  moins  d'être  soute- 
nus d'un  privilège  ou  d'une  coutume  ancienne 
qui  leur  donne  ee  droit.  Enfin  ,  les  procureurs 
des  chapitres  descathédrales  doivent  être  reçus 
dans  les  conciles  provinciaux  pour  y  délibérer 
surtout  des  affaires  qui  les  regardent. 

I>ans  le  titre  suivant  des  décrétâtes  il  est  dit: 
que  les  églises  ne  pourront  être  mises  en  inter- 
dit que  par  L'évêque  et  le  chapitre;  et  que  l'e- 
vêque  pourra,  avec  la  plus  grande  partie  du 
chapitre,  imposer  quelque  taxe  sur  tous  les 
chanoines  pour  les  réparations  de  l'église,  no- 
Qobstànf  la  résistance  du  moindre  nombre 
Innoc.  III,  Reg.  i,  epist.  ccxxxi  . 

Un  des  articles  de  la  plainte  que  le  chapitre 
d'Angoulême  fit  au  pape  Innocent  111  contre 
son  évêque  fut  qu'il  confirmait  les  abbés  élus, 
et  terminait  les  causes  difficiles  sans  le  consen- 
tement des  chanoines.  «  Confirmât  abbales  et 
tractât  causas  difficiles,  sine  canonieorum  as- 
sensu.  »  Le  pape  manda  a  l'archevêque  de 
Bourges  d'en  informer. 

Le  concile  de  Trente  a  souvent  ordonné  aux 
évêques  d'agir  avec  le  conseil  de  leur  chapitre 
comme  pour  établir  un  lecteur  de  théologie  ; 
pour  déterminer  les  ordres  sacrés  qui  doivent 
être  attachés  a  chaque  canonicat  ,  pour  régler 
les  offices  du  chœur;  pour  régler  l'état  des  re- 
venus du  séminaire  ;  pour  chercher  les  moyens 
les  plus  innocents  d'augmenter  les  fonds  elles 
revenus  des  canonicats  trop  pauvres  Sess.  5, 
c.  i;  Sess.  -21,  c.  xu;  Sess.  23,  c.  xvm;  Sess.  24, 
c.  xv). 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  important,  c'est  que  le 
concile  de  Trente  veut  que  la  préséance  et  le 
premier  rang  d'honneur  soit  toujours  donné  à 
l'évêque  même  dans  le  chapitre,  «  In  capitulo 
prima  sedes;  »  que  l'évêque  puisse  assembler 
lui-même  le  chapitre  quand  il  le  jugera  à  pro- 
pos, pourvu  que  ce  ue  soit  pas  pour  délibérer 
de  quelque  matière  qui  regarde  ses  intérêts. 

«  Qui  si  aliquid  canonicis  ad  deliberandum 
proponant, nec de  re ad suum,  vel  suorumcom- 
modum  speetaute  agalur,  episcopi  ipsi  capitu- 
lum  convocent,  vota  exquirant, et  juxtaeaeou- 
cludant  Sess.  25,  c.  vi  .  » 

En  l'absence  de  l'évêque ,  ce  n'est  pas  son 
grand-vicaire  ,  mais  le  doyen  du  chapitre  qui 
exerce  ces  pouvoirs,  selon  ce  concile. 

Quant  au  reste  le  concile  laisse  aux  chapitres 


toute  l'autorité  et  toute  la  juridiction  qui  peut 
leur  appartenir,  surtout  pour  l'administration 
de  leur  temporel.  «  Caoteris  autem  in  rébus, 
capituli  jurisdictio  et  potestas,  si  qua  eis  com- 
petit,  et  bonorum  administratio ,  salva  et  in- 
tacta  omnino  relinquatur.  » 

Ainsi  les  chapitres  des  cathédrales  ayant  droit 
de  faire  des  statuts  pour  les  choses  qui  les  con- 
cernent proprement,  selon  le  droit  commun  et 
selon  la  résolution  de  la  congrégation  du  con- 
cile, on  demande  s'ils  peuvent  y  apposer  des 
peines.  La  même  congrégation  répondit,  en 
1607,  qu'ils  le  pouvaient ,  non  pas  par  voie  de 
juridiction,  mais  par  une  espèce  de  convention 
à  laquelle  ils  s'engagent  eux-mêmes,  pourvu 
que  ces  peines  soient  telles  que  des  particu- 
liers puissent  eux-mêmes  se  les  imposer;  en- 
core leurs  successeurs  n'y  sont  nullement  en- 
gagés ,  si  l'évêque  n'a  confirmé  les  statuts 
[Fagnan.,  in  1.  i  Décret.,  part,  i,  pag.  1-29,130). 

VIL  Selon  les  décrétâtes  mêmes  (C.  Qualiter 
et  quanto.  De  accusât.  ,  les  évêques  ne  peu- 
vent juger  les  causes  criminelles  qu'avec  le 
conseil  des  chanoines  de  la  cathédrale.  «Cm, mi 
Ecclesiœ  senioribus.  »  Il  est  vrai  qu'aujourd'hui 
les  chanoines,  ou  par  ignorance,  ou  par  négli- 
gence, ont  laissé  prescrire  les  évêques  contre 
eux,  et  par  la  coutume  légitimement  pres- 
crite, les  évêques  jugent  seuls  les  causes  cri- 
minelles. 

«  Sed  hodie  forte  propter  ignorantiam  cano- 
nieorum ,  comniuniter  episcopi  contra  eos 
praseripserunt ,  ut  ipsi  soli  absque  capituli 
eonsilio  de  criminibus  inquirant  ,  et  jurisdi- 
ctionem  exerceant.et  valet  talis  prœscriptio, 
seu  consuetudo.  » 

Ce  sont  les  termes  de  Fagnan,  qui  ajoute  que 
nonobstant  cela,  dans  les  chapitres  exempts, 
l'évêque  ne  pourrait  taire  le  procès  à  un  cha- 
noine criminel  qu'en  gardant  les  formes  pres- 
crites par  le  concile  de  Trente  iSess.  25,  c.  s  i  , 
c'est-à-dire  ,  conjointement  avec  deux  chanoi- 
nes choisis  par  le  chapitre  même  au  commen- 
cement de  chaque  année  (Fagnan..  ibid.,  1.  v, 
pag.  123;  Sext.,  1.  i.tit.  i,  c.  ni).  Caria  congré- 
gation du  concile  a  déclaré  que  ce  décret  du 
concile  de  Trente,  pour  les  deux  chanoines 
adjoints  à  l'évêque  ,  ne  regardait  que  les 
chapitres  exempts.  Si  quelques  chapitres  de 
France  ne  se  conforment  pas  a  ces  réponses  de 
Fagnan  et  de  la  congrégation  du  concile  ,  c'est 
que  le  concile  de  Trente  n'y  est  pas  encore  en- 
tièrement reçu,  ni  pratiqué. 


516 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


Selon  Innocent  III  (C.  Irrefragabili.  De  offic. 
ordin.)  et  le  concile  de  Latran,  la  coutume  peut 
avoir  acquis  aux  chapitres  des  cathédrales  là 
juridiction  etlc  droit  de  corriger  les  chanoines; 
s'ils  négllgenl  de  le  faire  après  avoir  été  avertis 
et  après  avoir  reçu  un  terme  de  l'évêque,  le 
droit  en  est  dévolu  à  l'évêque  même.  «  Ex- 
cessus  canonicorum  cathedralis  Ecclesiae,  qui 
consueverunt  corrigi  per  capitulum,  in  illis 
Ecclesiis.  quàe  talem  consuetudinem  hactenus 
habuerunt,  etc.  » 

Les  canonistes  conviennent  que  la  juridic- 
tion de  l'évêque  se  peut  prescrire  par  les  cha- 
pitres, par  les  abbés  et  par  les  autres  prélats 
inférieurs.  Les  évêques mêmes,  réduisant  leurs 
chanoines  en  communautés,  donnèrent  appa- 
remment a  leurs  supérieurs  toute  l'autorité 
nécessaire  pour  corriger  h  s  inférieurs.  Cela 
se  faisait  d'abord  sans  formalités  et  sans  bruit, 
les  formalités  et  les  censures  s'y  sont  peu  à  peu 
introduites,  etc'estcettejuridiction  de  fulminer 
des  censures  que  la  coutume  a  acquise  aux 
chapitres. 

Nous  avons  autant  de  preuves  et  autant 
d'exemples  de  celle  vérité  qu'il  y  a  de  commu- 
nautés naissantes;  les  évêques  ne  s'\  mêlent 
pour  la  correction  des  crimes  que  pour  sup- 
pléer a  la  négligence  des  supéi  ieurs  ;  le  temps 
court,  la  prescription  se  forme,  et  les  peines, 
au  commencement  arbitraires,  passent  enfin 
en  peines  canoniques. 

Mais  le  concile  île  Trente  (Sess.  vi,  c.  i),  a 
bien  changé  la  disposition  de  cette  décrétale, 
qui  ne  permettait  a  l'évêque  de'  punir  les  cha- 
noines coupables  que  lors  de  la  négligence  des 
chapitres. 

Ce  concile  (Sess.  xxv,  c.  fi)  donne  à  l'évêque 
le  pouvoir  de  visiter  et  de  corriger  son  chapitre 
et  tous  ses  chanoines,  sans  avoir  égard  a  leurs 
privilèges  ou  coutumes,  autant  de  fois  qu'il  en 
sera  besoin,  «  qnoties  opus  fuerit;  »  et  par 
conséquent  sans  attendre  la  négligence  du  cha- 
pitre et  sans  monition  précédente,  en  prenant 
les  adjoints  qu'il  lui  plaira,  ou  n'en  prenant 
point  du  tout.  »  l'er  se,  vel  illis,  quibus  vide- 
bitur  àdjunctis.  » 

Hors  de  la  visite  ,  l'évêque  ou  son  vicaire 
peut  faire  le  procès  criminel  aux  chanoines, 
avec  le  conseil  et  le  consentement,  de  deux 
autres  chanoines  que  le  chapitre  doit  élire  pour 
cela  au  commencement  de  chaque  année,  sans 
délérer  à  quelque  privilège  ou  à  quelque  cou- 
tume contraire  qu'on  pût  lui  opposer,  selon  la 


décision  de  la  congrégation  du  concile  (Fagnah., 
in  1.  i  décret.,  part,  xi,  pag.  447). 

Suivant  le  droit  des  décrétâtes,  si  l'évêque 
assistait  au  chapitre  comme  en  étant  le  chef  et 
le  président,  la  négligence  du  chapitre  à  corri- 
ger les  chanoines  ne  faisait  point  retomber  ce 
pouvoir  entre  ses  mains,  mais  entre  celles  du 
métropolitain.  S'il  y  assistait  comme  simple 
chanoine,  h'  chanoine  accusé  pouvait  appeler 
du  chapitre  à  lui,  et  par  la  négligence  du  cha- 
pitre le  droit  de  juger  lui  était  dévolu,  parce 
qu'en  ce  cas  on  distinguait  en  lui  les  deux  per- 
sonnes distinctes  de  chanoine  et  d'évêque.  En 
ce  cas  même  de  dévolution  ,  l'évêque  ju- 
geait des  chanoines  avec  le  conseil  du  cha- 
pitre. 

Mais  depuis  le  concile  de  Trente  (Sess.  xxv, 
c.  6),  dans  tous  les  chapitres  d'Italie  qui  sont 
entièrement  soumis  à  la  juridiction  de  l'évêque, 
les  chanoines  sont  d'abord  jugés  par  l'évêque 
sans  attendre  la  dévolution  de  ce  droit  parla 
négligence  du  chapitre.  Et  dans  les  chapitres 
d'Espagne,  qui  sont  tous  exempts,  l'évêque  peut 
aussi  d'abord  juger  les  causes  criminelles  des 
chanoines  avec  deux  ou  trois  adjoints. 

VIII.  Quelque  juridiction  que  l'évêque  ait 
sur  h;  chapitre  et  sur  les  chanoines,  le  chapitre 
peut  néanmoins  punir  de  quelque  peine  légère 
les  irrévérences,  les  désobéissances  et  les  au- 
tres fautes   des  chanoines,  des   prêtres  habitués 

et  autres  membres  de  la  même  Eglise,  sans 
procédure  juridique,  par  simple  voie  de  cor- 
rection. «  Non  contentiose,  non  cognitionaliter, 
sed  correctionaliter,  »  comme  parlent  les  ca- 
nonistes. 

Le  chapitre  Cum  contingat,  de  foro  compe- 
tenti,  y  est  précis.  On  en  peut  voir  des  exem- 
ples en  France  dans  Fevret.  Ces  peines  doivent 
être  légères.  Ainsi  ce  ne  peuvent  être  ni  ex- 
communications ,  ni  emprisonnements.  J'ai 
déjà  dit  que  cet  usage  a  commencé  et  com- 
mence toujours  nécessairement  avec  les  com- 
munautés ou  congrégations  naissantes,  qui  ne 
pourraient  autrement  subsister. 

Il  paraît,  par  un  décret  du  concile  IV  de  La- 
tran (Can.  vu),  sous  Innocent  III,  que  les  cha- 
noines mettaient  quelquefois  leur  église  en 
interdit,  ce  dont  l'évêque  pouvait  se  plaindre 
au  métropolitain,  et  célébrer  même  dans  l'é- 
glise, si  la  cause  n'en  avait  pas  été  notoirement 
juste  et  raisonnable.  On  en  voit  des  exemples 
dans  le  Sexte,  tiré  du  concile  I  de  Lyon  (De 
Sentent,  excomm.  in  Sexto). 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES  DEPUIS  LAN  .Mil. 


:.17 


Le  concile  II  de  Lyon  Can.  \\  u  modéra  ci  t 
usage  par  de  sages  tempéraments. 

La  décrélale  de  Célestin  III  C.  Quœsivit.  De 
lus  quae  Qunl  a  majori  parte  capituli  fail  voir 
qu'un  chanoine  particulier,  par  une  audace 
incroyable,  entreprenait  quelquefois  d'in- 
terdire  l'église  cathédrale,  sans  le  consente- 
ment de  l'évêque  et  du  reste  du  chapitre.  Ce 
sont  apparemment  ces  emportements  qui  mil 
l'ait  abolir  ces  pratiques  téméraires  et  péril- 
leuses,dont  la  naissance  n'avait  pu  être  qu'une 
usurpation. 

11  n'en  est  pas  de  même  du  pouvoir  des 
évêques  de  juger  et  châtier  leurs  diocésains, 
sans  prendre  conseil  de  leur  chapitre  ;  ce  que 
Boniface  VIII  déclare  pouvoir  être  une  cou- 
tume et  une  prescription  canonique,  «  :lum 
tainen  sil  prœscripta  canonice  consuetudo  lu 
Sexto,  1.  i,  lit.  iv,  c.  .!  .  » 

En  effet,  connue  les  évêques  sont  avant  les 
chapitres,  et  que  la  juridiction  est  essentielle 
à  leur  caractère,  comme  ils  ont  été  <  ux-mêm  s 
pour  ainsi  dire  les  créateurs  de  leurs  chapitres. 
et  ipi'ils  ont  réglé  dans  les  conciles  la  part 
qu'ils  leur  devaient  donner  de  leur  autorite  , 
il  ne  faut  pas  regarder  la  prescription  dont 
parle  ce  pape  connue  une  coutume  qui  aug- 
mente la  puissance  des  évêques  aux  dépens  de 
celle  des  chapitres,  niais  comme  un  retour  et 
un  reflux  d'un  ruisseau  dans  la  source  dont  il 
était  émané. 

Le  concile  provincial  de  Reims  s'étant  plu- 
sieurs fois  assemble  a  Saint-Quentin,  l'an  1-23-2, 
et  avant  soumis  a  l'interdit  tous  les  diocèses 
de  la  province,  afin  d'obliger  le  roi  de  faire 
réparer  les  injures  et  les  dommages  qu'on 
avait  l'ait  souffrir  à  l'évêque  de  Beauvais.  les 
chapitres  de  la  même  province,  secrètement 
sollicités  par  le  roi,  s'opposèrent  à  cet  interdit, 
comme  n'ayant  point  été  appelés  a  ces  con- 
ciles, et  le  firent  enfin  révoquer. 

Le  siège  métropolitain  de  Reims  étant  va- 
cant en  1271,  Milon,  évêque  de  Soissons,  indi- 
qua le  concile  provincial  a  Saint-Quentin,  se- 
lon la  coutume  de  cette  province.  Le  chapitre 
de  Reims,  dont  on  n'avait  pas  demandé  le  con- 
sentement, s'y  opposa  et  le  retarda  jusqu'à  ce 
que  ce  différend  eût  été  terminé. 

Le  concile  provincial  de  Reims  assemblé  à 
Compiègne,  en  1-277.  résolut  nue  tous  les  évê- 
ques de  cette  province  s'assembleraient  une 
t'ois  tous  les  ans  a  Paris,  dans  la  quinzaine  de 
la  Pentecôte,  pour  délibérer  entre  eux  et  con- 


certer  les  moyens  les  plus  propres  et  les  plus 
efficaces  pour  défendre  leur  autorité  contre  les 
chapitres  de  leurs  cathédrales,  qui  ne  tendaienl 
qu'à  les  inquiéter  par  des  procès,  des  interdits 
et  autres  voies  semblables. 

IX.  Il  parait  par  laque  les  chapitres, selon 
le  droit  commun,  ne  sont  pas  seulement  du 
conseil  de  chaque  évêqne  en  particulier,  mais 
aussi  de  tous  les  évêques  assemblés  dans  le 
concile  provincial.  Cela  s'entend  des  chapitres 
des  cathédrales,  quoique  les  autres  v  aient 
aussi  quelquefois  été  appelés. 

Innocent  111  voulut  que  les  églises  collégiales 
depiil  issenl  aussi  quelques-uns  de  leurs  corps, 
pour  être  présents  au  concile  IV  de  Latran, 
parce  qu'on  devait  y  traiter  d<  s  affaires  qui  re- 
gardaient aussi  leur  temporel  Conc.  gêner., 
tom.  u,  p.  1-2  i  . 

Le  légat  du  Saint-Siège  qui  présida  au  con- 
cile de  Rude,  (ii  1279,  y  fit  assister  et  consentir 
non-seulement  les  chapitres  des  cathédrales  et 
collégiales,  mais  aussi  li  s  supérieurs  des  reli- 
gieux de  Cîteaux,  de  Saint-Benoît,  de  Prémùn- 
tré,  de  Saint  Augustin,  des  Dominicains,  des 
Cordeliers  et  tics  autres  ordres,  parce  qu'ils 
étaient  tous  intéressés  a  la  réforme  générale 
qui  s'y  faisait  des  Eglises  du  royaume. 

Mais  ce  même  récit,  qui  l'ait  voir  la  nécessité 
de  taire  assister  les  procureurs  des  chapitres 
îles  Eglises  cathédrales  au  concile  provincial. 
montre  en  même  temps  combien  il  a  été  né- 
cessaire que  les  évêques  aient  lait  éclaircir  les 
différentes  matières  où  ils  devaient  avoir  voix 
décisive  ou  seulement  consultative. 

Cette  question  tut  agitée  avec  beaucoup  de 
chaleur  dans  la  seconde  congrégation  du  con- 
cile de  Reims,  en  1S83;  et  enfin  il  fut  conclu, 
et  les  procureurs  des  chapitres  demeurèrent 
eux-mêmes  d'accord  que  les  chapitres  n'avaient 
un  suffrage  décisif  que  pour  les  matières  qui 
regardaient  leurs  exemptions,  leur  juridiction, 
leurs  droits  et  privilèges  et  leurs  intérêts  tem- 
porels; mais  que.  pour  toutes  les  autres,  ils 
avaient  seulement  voix  délibérative. 

X.  Cette  matière  sera  traitée  plus  au  long  à 
l'endroit  où  nous  parlerons  des  conciles  pro- 
vinciaux. Il  faut  passer  aux  pouvoirs  du  cha- 
pitre pendantque  le  siège  épiscopal  est  vacant. 

Grégoire  IX  déclare  que  c'est  au  chapitre  à 
confirmer  ou  a  annuler  les  élections  qui  se 
l'ont  dans  les  monastères  pendant  que  l'évêché 
est  vacant. 

Boniface  VI11  décide  que,  si  l'évèque  a  été 


518 


DES  CONGRÉGATIONS. 


CHAPITRE  DIXIÈME. 


pris  par  les  païens  ou  par  les  schismatiques, 
l'administration  spirituelle  ou  temporelle  du 
diocèse  est  dévolue  au  chapitre,  et  non  pas  a 
l'archevêque,  de  même  que  s'il  était  mort  (C. 
Cum  olim.  De  majorit.  et  obed.).  Ce  pape  dé- 
clare que  l'archevêque  ne  peut  donner  de  visi- 
teur ou  administrateur  à  une  église  vacante, 
si  ce  n'est  que  le  chapitre  s'acquitte  avec  trop 
de  négligence  de  ce  devoir  [C.  Si  Episcopus.  De 
suppl.  neglig.  Praelat.  In  Sexto). 

Les  cardinaux  étant  en  possession  d'une  ju- 
ridiction comme  épiscopale  dans  leurs  titres, 
Honoré  III  [C.  Ecdesiœ.  Ibidem)  voulut  bien 
que  les  chapitres  y  succédassent,  après  leur 
mort,  à  toute  leur  autorité,  excepté  celle  de 
corriger,  d'excommunier  et  de  suspendre,  qu'il 
se  réserva  pour  le  bien  de  la  paix  :  «  Exceplo 
quod  de  correctione,  et  excommunicatione  et 
suspensione  ipsorum,  pro  hono  pacis,  nostrac 
providentiae  rtservatus  [C.Hisquœ.  De  majorit. 
et  obed.).  » 

Ainsi,  les  autres  chapitres  succèdent  a  la 
juridiction  contentieuse  des  évêques  et  au  pou- 
voir de  fulminer  les  censures.  Cela  est  encore 
plus  clair  dans  le  chapitre  Episcopali  ,  de 
rnajoritate  et  obedientia,  in  Sexto,  où  il  est 
dit  que  le  chapitre  peut  absoudre  de  toutes  les 
excommunications  donl  l'évêque  même  absou- 
drait. Dans  la  décrélale  Ad  abolendam.  De 
hœreticis,  le  chapitre  fait  le  procès  aux  héré- 
tiques, le  siège  épiscopal  vacant. 

Les  chapitres  ne  succèdent  pas  néanmoins 
au  droit  de  conférer  les  hénétices,  puisque  Bo- 
niface  Mil  répond  que  le  visiteur  ou  adminis- 
trateur, c'est-à-dire  le  grand-vicaire  nommé 
par  le  chapitre,  ne  peut  conférer  les  hénétices 
qui  sont  de  la  collation  de  l'évêque:  «Bénéficia 
tamen  quae  ad  collationem  pertinent  episcopi 
conferre  non  potest,  si  ah  alio  quam  a  Romano 
pontifice  fuerit  deputatus  [C.  Ecclesiaj,  ut  su- 
pra .  » 

Mathieu  Paris  dit  qu'en  1243,  comme  quel- 
ques-uns mettaient  en  doute  si,  le  siège  romain 
vacant,  les  cardinaux  étaient  dépositaires  de 
l'autorité  pontificale,  les  cardinaux  écrivirent 
une  lettre  qui  leva  ce  doute  :  «  Nos  autem  pê- 
nes quos  potestas  residet,  Apostolica  Sede  va- 
cante, etc.  » 

U  conte,  en  la  même  année,  comme  les 
moines  bénédictins  qui  composaient  le  chapitre 
.le  la  cathédrale  de  Cantorbéry  lancèrent  une 
sentence  de  suspension  et  d'excommunication 
contre  l'évêque  de  Lincoln  et  ses  partisans, 


pendant  que  le  siège  primatial  était  vacant,  pré- 
tendant avoir  ce  droit  par  le  droit  commun  et 
par  un  privilège  particulier.  L'évêque  en  ap- 
pela au  pape,  qui  manda  au  chapitre  de  lever 
ces  censures  adcautelam  et  sans  préjudice. 

L'évêque  d'Angers  étant  mort  l'an  1290,  le 
chapitre  d'Angers  envoya  au  roi  et  au  chapitre 
de  Tours,  dont  le  siège  était  aussi  vacant,  pour 
obtenir  permission  d'élire  :  «  Tractaverunt  de 
mittendoad  capitulum  Turonense,  pro  petenda 
licentia  eligendi ,  proul  fuerat  consuetum 
(SpiciL,  tom.  x.  pag.  -2.V2,  254,  255,  262,  266, 
268,  269).  »  La  permission  devait  être  deman- 
dée, au  cas  qu'on  y  fût  obligé  :  «  Si  ad  hoc  ca- 
pitulum Andegavense  teneretur.  »  Le  chapitre 
de  Tours  ne  voulut  pas  passer  cette  condition. 
Ainsi,  la  permission  fut  demandée  ahsolument 
et  accordée  :  «  Petiit  simpliciter  et  pure  licen- 
tiam  eligendi  a  capitule  Turonensi,  quamvis 
mandatum  conditionale  haberet.  »  L'élection 
ayant  été  faite,  ils  en  demandèrent  encore  la 
confirmation  au  chapitre  de  Tours.  Le  doyen 
et  le  chapitre  de  Tours  examinèrent  l'élu  et 
l'élection,  et  donnèrent  ensuite  l'acte  de  leur 
confirmation  :  «  Nos  de  élection is  et  electi  me- 
ritis  plenius  cognito  et  disensso,  et  eis  dili- 
genter  examinatis,  electionem  ipsam  quam 
invenimus  fore  canonicam,  et  electum  pnr- 
dictum  autoritate  metropolitana  confirma- 
mus.  »  Enfin,  ils  mandèrent  aux  évêques  de 
la  province  de  se  trouver  a  Angers  le  dimanche 
avant  la  Pentecôte,  pour  y  ordonner  le  nou- 
veau prélat  :  «  Vobis  et  vestrum  cuilihet  auto- 
ritate metropolitana  mandamus,  qualenus  An- 
degavis  intersitis  Dominica,  etc.  » 

Dans  la  compilation  des  constitutions  an- 
ciennes des  rois  d'Angleterre,  publiées  à  Lon- 
dres en  1672  (Autiquœ  Constitue  Regum 
Angl.,  p.  1016),  on  trouve  celle  d'Edouard,  qui 
agrée  l'élection  faite  d'un  évêque,  et  confirmée 
par  l'offlcial  du  chapitre  métropolitain  de  Cas- 
sel,  en  Irlande,  pendant  que  l'église  de  Cassel 
était  vacante,  cet  officiai  axant  en  même  temps 
cassé  l'élection  faite  d'un  autre  contre  les  ca- 
nons. 

Le  concile  de  Trente  défend  aux  chapitres 
de  donner  des  lettres  dimissoires  pour  les 
ordres  dans  la  première  année  que  le  siège  est 
vacant,  quelque  privilège  ou  quelque  coutume 
qu'on  puisse  alléguer,  si  ce  n'est  pour  ceux  qui 
sont  pressés  de  recevoir  les  ordres  dans  l'année 
par  la  nature  de  leur  bénéfice. 

Le  même  concile  (Sess.  vu,  c.  10)  ordonne 


DES  CHAIMTKES  DES  ÉCI.ISES  CATHEDRALES  DEPUIS  L'AN  MIL. 


,l«.t 


au  chapitre  de  l'Eglise  vacante  d'élire  un  éco- 
nome pour  l'administration  du  temporel,  s'il 
en  est  chargé,  et  un  grand-vicaire  ou  officiai 
pour  le  spirituel.  Le  métropolitain  suppléera 
au  défaut  ou  à  la  négligence  du  chapitre  Sess. 
xxiv,  e.  16).  S'il  s'agit  d'une  église  métropoli- 
taine, ce  sera  le  plus  ancien  évêque  de  la  pro- 
vince :  et  s'il  est  question  d'une  église  exempte, 
ce  sera  l'évêque  le  plus  proche  qui  choisira  un 
économe  et  un  grand-vicaire,  si  le  chapitre 
néglige  de  le  faire.  Enfin,  le  nouvel  évêque 
fera  rendre  compte  à  l'économe,  au  grand-vi- 
caire et  aux  autres  qui  se  sont  mêlés  de  l'ad- 
ministration du  diocèse  vacant. 

Ainsi  le  concile  de  Trente  n'a  rien  diminué 
de  l'autorité  que  les  chapitres  avaient  aupara- 
vant, lors  de  la  vacance  ;  et  bien  qu'ils  ne  puis- 
sent pas  conférer  les  bénéfices  de  la  collation 
des  évêques,  ils  peuvent  en  autoriser  les  per- 
mutations selon  la  glose  sur  la  Clémentine 
J\V  concessione,  de  rerum  permutations,  et 
en  recevoir  les  résignations  selon  l'Extrava- 
gante, Execrabilis  de  Prœbendis  ,  dont  voici 
les  termes  :  «  Ordinarios  intelligimus  episco- 
pos  ,  vel  ecclesiis  cathedralibus  vacantibus , 
capitula  earumdem.  » 

Le  chapitre,  qui  peut  instituer  les  bénéficiers 
que  l'évêque  instituerait,  ne  peut  conférer  les 
bénéfices  qu'il  conférerait.  «  Etsi  capitulum 
sede  vacante  bénéficia,  quae  ad  collationem 
cpiscopi  pertinent,  conferre  non  posset,  prae- 
senlatos  tamen  a  patronis  ,  potest  admittere 
si  sunt  idonei,  et  eos  instituera  in  benefi- 
ciis,  etc.  (C.  Etsi  capitulum.  De  Institutionibus 
in  Sexto).  »  La  raison  est  qu'il  a  été  juste  de 
réserver  les  fruits  de  Févêché  vacant  à  l'évê- 
que futur.  Or,  la  collation  des  bénéfices  est 
comptée  entre  les  fruits.  11  a  été  bon  de  reser- 
ver au  prélat  le  choix  de  ceux  qui  doivent  être 
les  principaux  coadjuleurs  de  son  ministère.  Il 
a  été  nécessaire  de  laisser  le  diocèse  en  un  état 
où  il  ressente  le  besoin  pressant  qu'il  a  d'un 
pasteur  Spicil.,  tom.  x). 

Les  pouvoirs  du  chapitre  d'une  métropole 
vacante  sont  excellemment  représentes  dans 
l'exemple  précédent  de  l'élection  de  l'évêque 
d'Angers,  en  1290.  Le  chapitre  d'Angers  de- 
manda au  chapitre  de  Tours,  dont  le  siège 
était  vacant,  la  permission  d'élire  un  évêque. 
Le  chapitre  île  Tours  donna  ci  tte  permission, 
confirma  l'évêque  élu,  reçut  la  visite  qu'il  lui 
rendit,  et  qu'il  était  obligé  de  lui  rendre  trois 
mois  après  sa  consécration.  Tout  cela  se  fit,  au- 


toritate metropolitana,  dont  le  chapitre  était  dé- 
positaire. L'archevêque  de  Tours  avant  été  élu 
ci  confirmé,  mais  étanl  encore  arrêté  à  Home, 
le  concile  provincial  fut  assemblé  par  le  cha- 
pitre, par  ordre  exprès  du  pape  adressé  au 
chapitre. 

Mais  il  ne  se  peut  rien  ajouter  au  suprême 
pouvoir  qu'exerça  le  prieur  du  chapitre  de 
Canlorbéry,  après  la  mort  de  Gautier,  qui  en 
avait  été  le  cinquante-unième  archevêque  : 
ce  fut  comme  le  couronnement  et  le  triomphe 
de  l'autorité  îles  chapitres. 

Les  antiquités  de  la  Grande-Bretagne  [Anno 
l.'i-27)  nous  en  parlent  ainsi  :  »  Hic  paucis  men- 
sibus  omnem  illam  intermediam  jurisdictio- 
nein  anle  intermissam,  plene  exercuit,  atque 
renovavit.  De  clericis  ad  ecclesiastica  bénéficia 
prœsentatis  et  patronorum  jure  diligenter  in- 
quisivit,  electiones  contirmavit,  intestatorum 
boni  administranda  commisit,  provocantium 
appellationes  recepit,  visitavit,  procurationes 
recepit,  synodum  celebravit.  Clerum  ex  man- 
data regio  ad  parlamentum  citavit  ;  contuma- 
ces et  in  suain  jurisdictionem  committentes 
coercuit;  bénéficia  vacanfium  sodium  contu- 
lit,  omniaque  ad  archiepiscopalem  jurisdictio- 
nem per  singulas  species  tam  exquisite  exer- 
cuit, ut  nihil  fuerit  praetermissunt,  prêter 
episcnpornm  consecrationeiu  ;  quam  cum  sua 
autoritate  peragere  non  poteral  ,  episcopo 
Londinensi  mandavitet  injunxit,  ut  suffraga- 
neis  congregatis,  Menenensemet  Pangorensem 
episcopos  tum  electos  et  sua  autoritate  coniir- 
matos  consecraret.  Quibus  sic  consecratis,  in 
testimonium  et  fidem  consecrationis,  litteras 
conventus  sigillo  sigillatas  dédit;  excitata  hoc 
modo  et  agnita  Cantuariensis  conventus,  sede 
vacante,  potestate  (Hallier,  de  Ecoles.  Hier. , 
pag.  347).  » 

Ce  n'est  donc  pas  sans  raison  que  la  rote  a 
reconnu  que  le  chapitre  pouvait  faire  la  visite, 
recevoir  les  procurations,  connaître  des  crimes, 
même  hors  de  la  visite  (Fagnan.,  in  1.  î  décret., 
part,  xi,  pag.  508).  Mais  voici  une  remarque  à 
faire. 

Le  roi  d'Angleterre  Edouard  1er,  peu  avant 
l'an  1300,  ayant  nommé  à  l'an  hidiaconé  de 
Dublin,  vacant  en  régale,  le  prieur  et  le  cha- 
pitre de  la  Sainte-Trinité  de  Dublin  lui  firent 
représenter  que  la  coutume  était,  que  lors  de 
la  vacance  du  siège  métropolitain,  les  archi- 
diacres leur  fussent  présentés ,  et  reçussent 
d'eux  l'administration  spirituelle   du   diocèse 


520 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIXIEME. 


qu'ils  avaient  accoutumé  d'avoir.  «  Gum  archi- 
diaconi  Dublinenses  qui  pro  tempore  fuerint, 
coosuevissent  in  dieti  archiepiscopatus  vacatio- 
nibus  praesentari  eisdem,  et  ab  ipsis  jurisdi- 
ctionern  spiritualitatis  civitatis  et  diœcesis 
Dublioensis,  quam  iidem  arcbidiacooi  vacante 
sede  habere  consueverunt ,  recipere  Constit. 
Anl.  regum  AngL,  pag.  184  .  »  La  question  fut 
examinée,  el  enfin  le  prieur  et  le  chapitre  de  la 
Trinité  estimèrent  à  propos  de  déférer  à  la 
nomination  que  le  roi  avait  faite  de  l'archi- 
diacre en  régale. 

Cette  coutume  m'a  paru  remarquable.  Car 
les  archidiacres  exerçant  leur  juridiction  sur 
tout  le  diocèse  pendant  la  vie  de  l'évêque,  el 
cette  juridiction  étant  devenue  ordinaire  de 
déléguée  qu'elle  était,  il  semblait  assez  naturel 
qu'après  la  mort  de  l'évêque  le  diocèse  vacant 
demeurât  soumis  à  leur  même  juridiction. 
D'ailleurs  le  clergé  et  les  chapitres  sont  en  droit 
et  en  possession,  depuis  les  premiers  siècles,  de 
gouvernei  les  diocèses  et  les  Eglises  pendant 
leur  m  uvage. 

C'était  donc  un  accommodement  fort  raison- 
nable d'allier  ces  deux  puissances  et  de  confier 
à  l'archidiacre  le  vicariat  du  chapitre.  Si  le 
chapitre  de  la  Trinité  n'était  pas  celui  de  la 
cathédrale  de  Dublin,  comme  il  semble  paraître 
dans  cet  acte,  c'est  une  particularité  surpre- 
nante ;  el  il  serait  difficile  de  rien  trouver 
ailleurs  de  semblable  ou  d'approchant,  si  ce 
n'est  ce  qui  a  été  dit  ailleurs  de  l'abbé  de  l'île 
Barbe,  à  Lyon,  qui  gouvernait  autrefois  le  dio- 
cèse vacant. 

La  régale  n'a  pas  peu  apporté  de  change- 
ments à  la  disposition  du  droit  commun  dans 
les  royaumes  où  elle  a  été  autorisée.  Comme 
cet  ouvrage  regarde  la  discipline  de  l'Eglise 
universelle  ,  j'ai  cru  y  devoir  rapporter  les 
décrétâtes  mêmes  et  les  décrets  du  concile  de 
Trente,  qui  n'ont  plus,  ou  qui  n'ont  pas  encore 
cours  dans  la  France.  Et  si  je  ne  marque  pas 
quels  sont  ces  décrets  auxquels  noire  usage  est 
contraire,  c'est  que  souvent  nous  en  usons 
diversement  en  divers  temps  et  en  divers 
parlements. 

M.  Quoique  la  juridiction  épiscopale,  après 
la  mort  îles  évoques,  retombe  naturellement 
aux  chapitres,  il  y  a  pourtant  quelques  modifi- 
cations exprimées  dans  le  droit. 

i  Les  pouvoirs  qui  n'appartiennent  à  l'é- 
vêque que  par  un  droit  délégué,  ne  peuvent 
appartenir  au  chapitre  durant  la  vacance.  Les 


pouvoirs  ordinaires  eten  mêmetempsdélégués, 

ce  que  le  concile  de  Trente  exprime  ou  insinue 
par  ce  terme  etiam,  passent  de  l'évêque  au 
chapitre,  selon  les  résolutions  de  la  congréga- 
tion du  concile   Fagnan.,  ibid.  . 

2°  Les  collations  des  bénéfices  qui  sont  du 
droit  de  l'évêque  doivent  être  réservées  au  suc- 
cesseur. 

:i  Les  aliénations  des  biens  ne  peuvent  se 
faire  par  les  chapitres,  conformément  au  con- 
cile d'Ancyre,  rapporté  au  canon  Siqua  de  ré- 
bus, i-2.  <j".  -1. 

V  Ni  les  translations  d'un  clerc  d'une  église 
a  une  autre,  parce  que  ce  sont  comme  des 
aliénations,  selon  le  chapitre  Fraternitatem, 
dist.  71. 

5°  Les  chapitres  ne  peuvent  donner  des  di- 
missoires  pour  les  ordres  ou  la  tonsure,  dans 
la  première  année  que  le  siège  épiscopal  est 
vacant,  si  ce  n'est  à  ceux  qui  sont  obligés  de  les 
recevoir  parle  bénéfice  qu'ils  possèdent  déjà, 
ou  qu'on  leur  présente,  lui  cela  le  concile  de 
Trente  a  modifié  la  décrétale  de  Bouiface  VIII, 
qui  permettait  absolument  aux  chapitres  des 
cathédrales  vacantes,  de  donner  les  permissions, 
de  recevoir  et  de  donner  les  ordres.  «  Sede  va- 
cante capitulum,  seu  is  ad  quem  administralio 
spiritualium  noscitur  pertinere,  dare  possunt 
licentiam  ordinandi  C.  Cum  nullus.  De  temp. 
ordinat.,  in  Sexto).  »  La  congrégation  du  con- 
cile déclara,  en  1588,  que:  si  l'évêque  était  no- 
toirement hérétique,  il  se  faisait  la  même  dé- 
volution au  chapitre  Fagnan., ubi  supra,  p. 509  ; 
que  si  les  chanoines  étaient  dispersés  hors  du 
lieu  de  leur  résidence,  la  permission  d'un  seul 
résiliant  suffisait,  parce  que  les  droits  du  cha- 
pitre se  conservent  en  un  seul  membre; que  si 
l'on  ne  peut  aborder  les  chanoines  pour  avoir 
des  dimissoires,  il  tant  recourir  non  au  métro- 
politain  ni  a  l'évêque  le  plus  proche,  mais  au 
pape. 

G"  Le  chapitre  ne  succède  pas  aux  pouvoirs 
de  l'ordre  épiscopal,  il  ne  s'en  fait  pas  non 
plus  de  dévolution  au  supérieur,  mais  le  cha- 
pitre nomme  des  évêques  pour  exercer  ces 
fonctions  d'ordre.  Ainsi  on  peut  dire  en  un 
sens  qu'il  s'en  fait  une  dévolution  au  chapitre. 

7  Le  chapitre  ne  succède  pas  non  plus  à  la 
juridiction  de  l'évêque  sur  ses  liel's ,  comme  il 
est  manifeste  dans  le  chapitre  Ycmm.  De  foro 
competenti.  La  raison  est  qu'il  n'est  pas  à  pro- 
pos que  le  seigneur  ail  des  vassaux  qu'il  ne 
voudrait  pas  avoir.  Et  c'est  la  même  raison  qui 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES  DEPUIS  L'AN  MIL. 


.vil 


réserve  à  l'évèque  Cutur  la  collation  des  béné- 
fices. 

S"  Le  chapitre  ne  succède  pas  a  la  juridiction 
de  l'évèque  excommunié  ou  suspendu  pour 
ses  crimes  ou  pour  son  incapacité  Fagnan.,1.  in 
décret.  I,  part.  I, p.  240, 241, 257, 258).  Ladévo- 
lution  s'en  fait  alors  au  pape  seul  et  immédia- 
tement. C'est  l'usage  de  l'Eglise,  auquel  le  droit 
n'est  point  contraire,  et  en  cela  même  il  passe 
pouretreconforme.il  n'en  est  pas  de  même 
quand  l'évèque  est  notoirement  hérétique.  Car 
le  siège  est  alors  véritablement  vacant,  et  non 
pas  seulement  interprétativement  ,  connue 
parlent  les  canonistes.  Et  par  conséquent  le 
chapitre  succède. 

9°  Le  chapitre  ne  succède  point  à  la  juridic- 
tion volontaire  de  l'évèque,  niais  seulement  à 
la  nécessaire  :  ce  qui  est  encore  une  autre  rai- 
son qui  lui  ùte  la  collation  des  bénéfices,  dont 
la  collation  appartenait  à  l'évèque  seul.  La 
seconde  règle  de  la  chancellerie  réserve  au 
pape  seul  tous  les  bénéfices  qui  vaquent  jusqu'à 
la  prise  de  possession  de  l'évèque  nouveau. 
Cette  règle  n'est  pas  reçue  en  France. 

10"  Les  chapitres  ne  succèdent  point  au  droit 
de  donner  des  indulgences. 

Outre  ce  qui  a  été  dit,  les  canonistes  ont  cru 
pouvoir  conclure  des  textes  des  décrétâtes  que 
les  chapitres  pouvaient,  pendant  que  le  siège 
épiscopal  est  vacant,  recevoir  les  résignations 
des  bénéfices,  en  faire  les  permutations,  taire 
les  unions  des  Eglises,  approuver  les  confes- 
seurs, faire  échange  des  dernières  volontés  des 
mourants,  ou  les  faire  exécuter,  juger  des 
causes  du  mariage,  donner  les  dispenses  que 
l'évèque  donnerait,  assister  ou  donner  à  un 
prêtre  le  pouvoir  d'assister  à  la  célébration 
d'un  mariage  pour  le  rendre  valide,  exiger  le 
secours  charitable,  faire  la  visite  du  diocèse, 
donner  le  pouvoir  d'absoudre  des  cas  réservés 
à  l'évèque,  administrer  lui-même  la  juridiction 
épiscopale  pendant  les  huit  jours  que  le  concile 
donne  pour  nommer  un  grand-vicaire;  au  lieu 
d'un  grand-vicaire  que  le  concile  lui  ordonne 
de  nommer,  en  nommer  deux  ou  plusieurs,  si 
c'est  une  coutume  immémoriale  (Barbosa,  de 
Dignit.,  c.  xi. u;.  S'il  y  a  en  cela  quelques  points 
de  la  juridiction  volontaire,  ce  sont  autant 
d'exceptions  a  la  règle  générale. 

XII.  Le  droit  commun  reconnaissait  une 
autre  espèce  de  vacance  interprétative  du  siège 
épiscopal,  savoir  :  si  l'évèque  différait  plus  de 
trois  mois  ou  a  se  faire  confirmer  après  son 


élection,  ou  a  se  faire  consacrer  après  sa  con- 
firmation, ou  à  demander  le  pallium,  au  cas 
que  ce  fût  un  archevêque,  après  sa  consécra- 
tion. Ces  trois,  ou  ces  neuf  mois  écoulés,  le 
chapitre  prenait  l'administration  du  diocèse, 
comme  le  siège  étant  vacant,  et  étail  en  pou- 
voir aussi  bien  que  dans  l'obligation  d'élire  un 
autre  évêque. 

Les  élections  ayant  été  presque  abolies  par 
les  concordats  que  les  princes  chrétiens  ont 
faits  avec  le  pape,  le  concile  de  Trente  Sess. 
xxih,  c.  2)  a  ordonné  que  si  les  évêques  ne  se 
faisaient  sacrer  trois  mois  après  leurs  provi- 
sions, ils  sciaient  obligés  a  restituer  les  fruits; 
s'ils  lardaient  encore  trois  mois  après  cela,  ils 
seraient  privés  de  leurs  excelles.  «  Ecclesiis 
ipso  jure  sint  privati.  » 

L'ordonnance  de  Blois  ne  lit  qu'une  inter- 
prétation de  ce  décret  dans  son  article  8e. 
Les  évêques  seront  tenus  de  se  faire  sacrer 
dans  trois  mois  après  leurs  provisions  obte- 
nues; autrement  sans  autre  déclaration,  seront 
tenus  de  rendre  les  fruits.  Et  si,  dans  trois 
autres  mois  en  suivant,  ils  ne  se  sont  mis  en 
devoir  de  ce  faire,  ils  seront  entièrement  pri- 
vables  du  droit  desdites  églises,  sans  autre 
déclaration,  suivant  les  saints  décrets. 

Le  terme  du  concile  privati,  étant  expliqué 
par  celui  de  l'ordonnance  privables,  il  résulte 
que  le  chapitre  doit  user  des  formalités  et  des 
monilions  juridiques  pour  déclarer  le  prélat 
élu,  premièrement  privé  des  fruits,  et  ensuite 
de  l'évêché  même.  Le  chapitre  de  Toulouse 
n'ayant  pas  gardé  ces  formes  quand  il  déclara 
le  siège  archiépiscopal  vacant,  et  le  cardinal 
de  la  Valette  privé  de  l'archevêché,  il  eut  le 
déplaisir  de  voir  sa  procédure  cassée.  Voyez 
Ciron  sur  le  titre  Desupplendaneglig.  Prœlat. 

Mil.  Le  droit  n'oblige  nullement  les  cha- 
pitres à  nommer  un  grand-vicaire  ou  un  offi- 
ciai pour  exercer  sa  juridiction.  Au  contraire, 
les  deux  chapitres  Si  episcopus,  et  ecclesiœ,  in 
Sexto,  de  supplend.  neglig.  Prœlat.  semblent 
présupposer  que  le  chapitre  l'exercera  immé- 
diatement. 

Mais  le  concile  de  Trente  (Sess.  xxiv,  c.  16) 
ordonne  aux  chapitres  de  nommer  un  grand- 
vicaire  ou  un  officiai  dans  les  huit  premiers 
jours  de  la  vacance,  ou  de  confirmer  l'ancien  ; 
à  moins  de  cela  le  pouvoir  et  le  devoir  tout 
ensemble  en  est  dévolu  au  métropolitain.  El  si 
c'est  une  Eglise  métropolitaine  ou  exempte, 
c'est  le  plus  ancien  évêque  de  la  province  ou  le 


.Y>2 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


plus  proche  à  qui  ce  droit  est  dévolu.  Enfui  le 
vicaire  nommé  ou  confirmé  par  le  chapitre 
est  comptable  au  successeur  de  toute  son  admi- 
nistration. 

La  congrégation  du  concile  a  déclaré  en 
diverses  rencontres,  <iue  le  concile  ne  permet- 
tait aux  chapitres  que  la  nomination  d'un  seul 
grand-vicaire,  puisque  dans  le  même  chapitre 
où  il  trouve  bon  qu'on  élise  un  ou  plusieurs 
économes,  a  uuuin  vel  pluies,  »  il  dit  simple- 
ment qu'ilélira  un  grand-vicaire  Fagnan.,  1. 1, 
part.  ii.  p.  S09,  .MO).  Mais  si  c'est  une  coutume 
immémoriale,  dans  quelques  chapitres,  d'en 
nommer  deux,  on  ne  juge  pas  que  le  concile 
ail  voulu  y  déroger. 

Elle  a  aussi  déclaré  que  ces  grands-vicaires 
peuvent  toujours  être  révoqués  par  les  cha- 
pitres pourvu  qu'ils  en  nomment  d'autres  dans 
huit  jours.  Enfin  elle  a  déclaré  que  l'exercice 
de  la  juridiction  résidant  dansle  vicaire-général, 
c'esl  a  lui  a  se  donner  des  substituts  quand  il 
est  absent  et  non  pas  au  chapitre,  et  le  cha- 
pitre ne  peut  sans  lui  nommer  les  visiteurs  du 
diocèse. 

C'esl  une  preuve  après  tant  d'autres  qui  ont 
été  touchées  ci-dessus,  que  les  chapitres  ont 
droit  de  visite  dans  tout  le  diocèse  durant  la 
vacance,  quoique  quelques-uns  en  aient  douté. 
Les  arrêts  mêmes  du  parlement  de  Paris  sont 
favorables  a  ce  droit  (Fevret,  1.  m.  c.  3,  n.  38). 

Si  le  concile  a  obligé  les  chapitres  à  nommer 
un  grand-vicaire,  c'a  plutôt  été  en  affermissant 
l'usage  ordinaire  qu'en  en  établissant  un  nou- 
veau. Le  concile  de  Tolède,  dès  l'an  1347  (Can. 
ni),  suppose  que  c'est  un  usage  commun. 
«  Episcopi  suffrâganti  nostri,  vel  sede  vacante 
vicarii  per  capitulum  deputati.  »  Les  canonistes 
parlent  le  même  langage. 

C'est  peut-être  aussi  plutôt  le  dessein  du 
concile  d'enjoindre  aux  chapitres  d'élire  un 
vicaire  en  huit  jours,  que  de  leur  enjoindre 
d'en  élire. un.  Car  si  les évêques mêmes  avaient 
partout  des  vicaires-généraux,  il  était  bien  plus 
nécessaire  que  les  chapitres  en  eussent,  parce 
qu'il  leur  élait  bien  plus  difficile  de  s'en 
passer. 

Mais  comme  on  a  douté  si  les  évoques  pou- 
vaient exercer  immédiatement  leur  justice  con- 
tentieusè,  <m  a  peut-être  aussi  formé  le  même 

doute  sur  les  chapitres.  El  comme  il  est  certain 
que  les  évêques  ont  ce  pouvoir,  il  pourrait  si; 
faire  aussi  que  l'obligation  des  chapitres  à 
non, uni-  un  grand  vicaire  ne  les  privai  pas  eux- 


mêmes  du  droit  d'exercer  immédiatement  leur 
autorité  quand  ils  le  jugent  à  propos. 

XIV.  Le  nombre  des  chanoines  était  ordinai- 
rement fort  grand  ,  puisque  Pierre  de  ltlois 
souhaite  avec  passion  et  ne  désespère  pas  de 
voir  son  église  collégiale  de  lîlois  rétablie  dans 
son  premier  éclat,  et  le  nombre  des  chanoines 
monter  jusqu'à  quatre-vingts.  «  Numerum 
canonicorum  usqtie  ad  octogenariuni  crescere 
(Epist.  lxxviii).  » 

Les  cathédrales  ne  cédaient  pas  aux  collé- 
giales. Et  il  est  à  croire  que  le  nombre  était 
d'autant  plus  grand,  que  les  biens  de  l'Eglise 
étant  encore  possédésen  commun,  suffisaient  à 
l'entretien  d'un  bien  plus  grand  nombre  de 
chanoines,  qui  se  contentaient  aussi  que  la 
communauté  pourvût  à  leur»  besoins,  sans 
excès  et  sans  supertluité. 

Lors  même  que  les  fonds  et  les  revenus  de 
celle  communauté  ecclésiastique  eurent  élé 
partagés,  on  ne  laissa  pas  d'y  recevoir  encore 
les  chanoines  en  la  manière  qu'on  reçoit  pré- 
sentement dans  les  congrégations  religieuses, 
sans  en  avoir  déterminé  le  nombre.  Et  lors- 
que le  nombre  des  chanoines  excédait  celui 
des  prébendes,  ou  l'on  partageait  une  pré- 
bende entre  deux  chanoines,  ou  bien  les  der- 
niers reçus  attendaient  la  première  prébende 
qui  viendrait  à  vaquer. 

Ces  expectatives  et  ces  partages  de  prébendes, 
qui  n'avaient  paru  d'abord  que  comme  des 
moyens  innocents  d'entretenir  un  grand  nom. 
bre  île  chanoines,  attirèrent  avec  le  temps  de 
fâcheuses  conséquences,  qui  portèrent  les  con- 
ciles à  faire  ces  trois  décrets  :  qu'on  ne  divise- 
rait plus  les  prébendes,  qu'on  ne  donnerait 
point  d'expectatives  ,  et  qu'on  fixerait  clans 
toutes  les  églises  le  nombre  des  chanoines. 

Voici  les  canons  du  concile  de  Château-Gon- 
tier,  en  1231  (Can.  vi,  vu),  sur  ces  trois  arti- 
cles. «  Statuimus  quod  ubi  non  est  certus 
nuiiicrus  canonicorum  ,  staluatur  ;  ne  fiât  Ec- 
clesiarum  sectio,  vel  prœbendarum,  sed  cum 
integritate  conferantur.  Nec  aliquis  de  cœtero 
in  ecclesia  cathedrali  instituatur  ad  vacaturam 
pnebendain.  » 

Ces  canons  furent  renouvelés  et  confirmés 
dans  le  concile  de  Sauniur,  en  1253  (Can:  x). 

Le  concile  de  Lalran  (Can.  vin),  sous  Alexan- 
dre III,  avait  simplement  ordonné  qu'on  ne 
conférât  point  de  prébende  avant  qu'elle  va- 
cillai, et  qu'on  la  conférât  dans  les  six  premiers 
mois  qu'elle  vaquerait.   Cela   ne   déterminait 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES  DEPUIS  LAN  MIL. 


523 


point  le  nombre  des  chanoines.  Innocent  III 
fait  évidemment  connaître  qu'il  y  avait  des 
Eglises  en  son  temps  où  ni  les  prébendes  n'é- 
taient point  séparées,  m  le  nombre  îles  cha- 
noines réglé  :  «  Utraque  pars  confessa  est,  quod 
in  prœdicta  Ecclesia  non  erant  distincts  prœ- 
bendae,  née  canonicorum  numerus  erat  certus 
Caput  Ex  parle.  De  concessione  praeben- 
dis).  » 

Aussi  ce  pape  ordonne  qu'on  reçoive  dans 
cette  Eglise  de  nouveaux  chanoines,  si  ses 
moyens  le  permettaient,  ci  Si  Astensis  Ecclesiœ 
suppetant  facilitâtes,  o  D'où  il  résulte  qu'on 
devait  recevoir  aidant  de  chanoines  dan-  ces 
chapitres  que  le  revenu  de  la  communauté  en 
pouvait  entretenir. 

Ce  pape  décide  ailleurs  que  les  prébendes 
étant  distinguées  dans  le  chapitre  de  Trente, 
et  un  nouveau  chanoine  y  ayant  été  reçu  de- 
puis peu.  on  devait  au  plus  tôt  lui  conserver 
une  prébende,  o  Cum  ex  quo  receptus  es  in 
eanoniemn,  non  debeas  carere  praebenda  C. 
Cum  super.  Ibidem  .  » 

Il  y  avait  des  églises  où  le  nombre  avait  été 
fixé  dans  la  fondation  même,  selon  ce  pape. 
«  l'rimam  ordinationem  ejusdem  eeclesi;e 
fuisse,  ut  in  ea  tredecim  essent  personne,  pra> 
]iositus  scilicet  cum  duodecim  fratribus  C. 
Lilteras,  ibid.i.  »  D'où  il  résulte  que  la  fixation 
du  nombre  des  chanoines  vint,  ou  de  la  fonda- 
tion ou  du  partage  des  prébendes,  ou  enfin  des 
dangereux  inconvénients  qui  naissaient  d'un 
nombre  excessif  de  chanoini  s. 

Le  concile  de  Ravenne,  en  1317  Can.  v),  dé- 
plore encore  l'ambition  et  l'avarice  insatiable 
de  ceux  qui  faisaient  recevoir  leurs  proches 
dans  les  éulises  cathédrales  ou  dans  les  monas- 
tères, par  des  intérêts  tout  à  fait  charnels. 
Aussi  l'archevêque  défend  d'y  recevoir  per- 
sonne les  trois  années  suivantes  sans  la  per- 
mission de  l'évèque  ou  du  métropolitain,  afin 
que  pendant  ce  temps-là  on  puisse  réyler  le 
nombre  à  proportion  des  revenus. 

«  Praesente  approbante  concilio  statuimus, 
quod  de  cadero  nullus  instituatur  vel  recipia- 
tur  in  fratrem  et  canonicum  alicujus  cathe- 
dralis  ecclesia'.  vel  coUegiatae,  vel  monachum 
alicujus  monasterii,  vel  canonicum  regularem 
sine  licentia  speciali  ordinarii  loci,  ac  metro- 
politani.  Hoc  statutum  durare  volumus  usque 
ad  ti'iennium  ,  seu  sequens  concilium,  infra 
quod  cestiinatioiieshonoi'um  et  redituum  fient, 
ita  quod  pro  eoruui  facultatibus  competens 


numerus  ministrantium  poterit  taxari  et  sta- 
tui,  proul  jura  requirunt.  » 

Il  est  a  remarquer  dans  ce  canon  :  I'  qu'on 
y  traite  de  la  même  manière  de  la  réception 
des  chanoines  et  des  moines  ;  -  que  [es  biens 
étaient  encore  également  possédés  en  com- 
mun parmi  les  uns  et  les  autres;  '■'<  que  la 
règle  du  nombre  des  chanoines  et  des  moines 
est  la  proportion  des  revenus  de  chaque  Eglise. 

Aussi  un  canon  suivant  du  même  concile 
Can.  mu  porte  que  si  le  nombre  des  cha- 
noines réguliers  ou  des  collégiales  est  déter- 
miné, il  est  encore  bien  plus  juste  de  régler 
celui  des  cathédrales,  et  que  par  conséquent 
chique  église  fixera  le  nombre  de  ses  cha- 
noines selon  ses  moyens:  «  juxta  facultatem 
ecclesiarum,  »  sans  pouvoir  l'augmenter  sans 
h  permission  de  l'ordinaire,  «  nisi  jusla  de 
causa,  et  de  licentia  ordinariorum  suorum,  » 
ni  le  diminuer  sans  l'intervention  du  même 
ordinaire,  qui  le  fera  lui  seul  où  d  en  a  le  pou- 
voir.  «  rbi  ad  eos  solos  spectat.  » 

Les  évêques  surchargeaient  d'un  nombre 
excessif  de  chanoines  et  de  clercs  les  églises 
on  ils  avaient  droit  de  les  instituer.  Aussi  ce 
canon  déclare  nulles  toutes  ces  nominations 
au-dessus  du  nombre  réglé,  et  condamne  les 
évêques  de  fournir  eux-mêmes  a  la  dépense 
de  ceux  qu'ils  ont  nommé  contre  ce  statut. 

Le  concile  de  faïence,  en  1322  Can.  ix  .  fit 
la  même  ordonnance.  «  In  Ecclesiis  tôt  secun- 
dum  canones  instituendi  sunt  clerici  ,  quot 
possunt  de  earum  reditibus  commode  susten- 
tari,  etc.  »  Le  concile  de  Nicosie,  en  Chypre, 
en  1340  (Can.  vi  ,  se  contenta  de  priver  les 
chanoines  surnuméraires  de  voix  et  d'aumusse, 
jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  été  pourvus  de  la  pré- 
bende qu'ils  attendaient. 

XV.  Ce  fut  une  règle  générale  et  invariable 
de  proportionner  le  nombre  des  chanoines  aux 
revenus  el  aux  fonds  des  KeJises,  et  de  l'aug- 
menter a  proportion  qu'ils  augmentaient. 

Innocent  III,  parlant  du  chapitre  de  Ferrare, 
qui  avait  fait  confirmer  par  le  Saint-Siège  le 
statut  par  lequel  il  axait  fixé  le  nombre  de  ses 
chanoines,  déclare  qu'on  a  inséré  ou  qu'on  a 
dû  insérer,  comme  c'est  la  coutume,  dans  ce 
statut  et  dans  la  confirmation,  cette  clause  né- 
cessaire  et  universelle,  si  ce  n'est  que  les  re- 
venus de  l'Eglise  s'augmentassent  si  fort  avec 
le  temps  qu'ils  fussent  suffisants  pour  un  plus 
grand  nombre.  «  Cum  in  constitutione  prœ- 
dicta cl  confirmatione  Sedis  Apostolicae,  vel 


52  i 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


fuerit,  vel  esse  debuerit,  sicut  consuevit,  ex- 
pressum.  Nisi  in  lantum  excrescerent  Ecclesiœ 
facilitâtes  .  guod  pluribus  possent  sufficere 
competenter  C.  Cum  M.  Ferrariensis.  De  Con- 
sfitutionibus).  » 

C'est  une  maxime  si  essentielle  et  si  inva- 
riable, qu'on  doit  augmenter  le  nombre  des 
chanoines  à  proportion  que  les  revenus  aug- 
mentent, qu'on  n'a  nul  égard  aux  statuts  con- 
traires ni  aux  confirmations  qu'on  peut  en 
avoir  obtenues  du  Saint-Siège,  ou  bien  l'on 
suppose  qu'elle  y  a  été  sous-entendue,  parce 
qu'enfin  elle  a  dû  selon  la  coutume,  5  être 
exprimée. 

Le  fondement  de  celte  police  est  que  le  re- 
venu de  l'Eglise,  étant  originairement  le  pa- 
trimoine de  J.-C.  et  des  pauvres,  il  doit  être 
distribué  selon  la  mesure  du  besoin,  et  non 
pas  selon  les  excès  du  luxe  et  de  la  super- 
Quité, 

Aussi  les  deux  sortes  de  canons  que  je  viens 
de  citer,  et  qui  ordonnent  de  fixer  le  nombre 
des  chanoines,  et  de  ne  point  diviser  en  deux 
une  même  prébende,  disent  clairement  que  ce 
n'est  que  pour  empêcher  que  les  chanoines  ne 
tombent  dans  la  mendicité,  qui  déshonorerait 
leur  dignité.  Ceux  qui  se  donneront  la  peine 
de  lin- ces  canons  au  long  y  trouveront  cette 
raison  exprimée. 

Celait  aussi  pour  cette  même  raison  qu'on 
défendait  de  partager  une  prébende  entre  plu- 
sieurs, parce  que  la  prébende  n'avait  été  que 
de  ce  qui  pouvait  être  nécessaire  à  l'honnête 
entretien  d'un  ecclésiastique.  Les  prébendes 
avaient  été  d'abord  de  pain  et  de  vin,  c'est-à- 
dire  des  distributions  manuelles  en  espèces, 
ce  qui  ne  pouvait  guère  excéder  la  mesure 
du  nécessaire.  On  donna  le  même  nom  aux 
fonds  qu'on  laissa  prendre  aux  clercs  parti- 
culiers, parce  que  ces  fonds  leur  tenaient  lieu 
de  prébende. 

Les  canonistes  conviennent  à  la  vérité  qu'on 
n'est  obligé  de  créer  de  nouvelles  prébendes 
et  d'augmenter  le  nombre  des  chanoines  que 
des  revenus  qui  sont  demeurés  communs  a 
tout  le  chapitre,  et  non  pas  de  l'augmentation 
de  chaque  prébende,  qui  n'est  due  qu'à  l'in- 
dustrie particulière  du  chanoine  (Fagnan.,  in 
I.  1,  part.  1,  p.  I  •'>•'>  .  .Mais  celte  superllmle  d'une 
sorte  de  bien  qui  est  essentiellement  le  patri- 
moine des  pauvres,  ne  paraît  pas  facile  à  ac- 
corder avec  ce  sentiment  :  si  ce  n'est  qu'on 
dise  que  la  création  île  nouveaux  canunicals 


n'est  pas  la  seule  manière  de  bien  et  sainte- 
ment ménager  le  superflu  des  biens  ecclésias- 
tiques et  qu'on  satisfait  à  l'obligation  indis- 
pensable de  ces  sortes  de  biens,  en  donnant 
exactement  tout  le  superflu  aux  pauvres. 

Le  décret  du  concile  de  Trente  de  ne  rece- 
voir pas  dans  les  monastères  un  plus  grand 
nombre  que  celui  qui  peut  être  entretenu  des 
revenus  et  des  aumônes  ordinaires  doit  aussi 
s'entendre  ,  supposé  que  les  revenus  ne  reçoi- 
vent pas  une  augmentation  si  notable  qu'elle 
soit  suffisante  pour  un  plus  grand  nombre. 

La  congrégation  du  concile  ayant  déclaré 
que  l'évèque  peut  créer  des  chanoines  sur- 
numéraires, et  le  chapitre  ayant  toujours  ce 
même  droit,  la  première  prébende  qui  vient 
ensuite  à  vaquer  est  toujours  due  au  surnu- 
méraire ;  non  qu'on  ait  pu  la  lui  promettre, 
c'eût  été  un  pacte  simoniaque  et  nul;  non 
qu'il  puisse  l'exiger,  il  n'y  a  aucun  droit  par 
justice  ;  mais  parce  (pie  les  canons  ont  destiné 
les  premières  prébendes  vacantes  ou  les  reve- 
nus communs  et  superflus  aux  chanoines  sur- 
numéraires (Fagnan.,  ibid.  pag.  I,  s.  Et  in 
tom.  m.  part.  1.  p.  138,  127).  Au  reste  ce  pou- 
voir de  l'évèque  est  un  reste  de  son  ancien 
droit  île  recevoir  les  chanoines  dans  sa  com- 
munauté. 

Or,  il  est  sans  doute  que  le  consentement 
du  chapitre  est  nécessaire,  afin  que  l'évoque 
puisse  augmenter  le  nombre  des  chanoines, 
soit  que  le  nombre  eût  été  réglé  ou  qu'il 
ne  l'eût  pas  été.  S'il  avait  été  confirmé  par  le 
Saint-Siège,  il  ne  le  pourrait,  à  moins  que  les 
revenus  de  l'église  eussent  été  augmentés , 
suivant  la  décrétait'  d'Innocent  III,  que  nous 
avons  citée  (Ibidem).  Enfin,  celte  nomination 
de  chanoines  surnuméraires  ne  doit  pas  être 
faite  sans  raison  ;  il  faut  les  former  et  les  assu- 
jétir  à  tous  les  offices  de  l'Eglise,  et  n'en  pas 
nommer  un  nombre  disproportionné  à  celui 
des  anciens  chanoines. 

Quanl  au  droit  de  ces  chanoines  surnumé- 
raires ,  d'avoir  séance  dans  les  hauts  sièges, 
d'avoir  voix  au  chapitre  et  de  participer  aux 
distributions,  il  n'y  a  point  de  règle  certaine, 
si  ce  n'est  la  coutume  de  chaque  chapitre  ou 
l'intention  de  ceux  qui  autorisent  cette  nou- 
velle création  de  chanoines  (Ibidem,  in  1.  111, 
part.  1,  p.  \-21,  128). 

Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxiv,  c.  15)  ayant 
donné  aux  évèques  le  pouvoir  d'augmenter 
par  diverses  voies  le  revenu  des  canonicals, 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  CATHÉDRALES  DEPUIS  L'AN  MIL. 


525 


tant  des  cathédrales  que  dos  collégiales,  dans 
les  lieux  où  il  n'est  pas  suffisant,  même  avec 
les  distributions;  et  ayant  voulu  que  eela  se 
lit  du  consentement  du  chapitre  ;  ayant  même 
permis  d'en  diminuer  le  nombre  pour  en  aug- 
menter le  revenu,  e'est  une  preuve  certaine 
que  ce  concile  a  voulu  que  dans  toutes  ces 
sortes  d'affaires  l'Eglise  agît  de  concert  avec  le 
chapitre. 

L'ordonnance  de  lîlois,  dans  l'article  -2.">,  a 
confirmé  ce  pouvoir  des  évoques,  à  augmenter 
le  revenu  des  chanoines  ou  en  en  diminuant  le 
nombre,  ou  en  y  unissant  des  bénéfices  simples 
non  réguliers,  pourvu  que  le  nombre  des  cha- 
noines demeure  toujours  suffisant  pour  le  ser- 
vice divin. 

Le  concile  V  de  Milan  [Acta  Eccles.  Med., 
p.  2(i9,  270),  défendit  de  créer  des  chanoines 
surnuméraires,  si  ce  n'est  dans  la  nécessité  et 
fort  rarement.  «  Si  quos  aliquando,  ut  jure 
permissum  est  ,  canonicos  supranumerarios 
creari  contigerit,  id  justis  solum  causis  ac  pêne 
necessariis .  iisdem  comprobatis,  et  perraro 
quidem  fieri  staluimus.  » 

Quand  les  bénéficiers  de  la  même  Eglise 
sont  élevés  au  rang  de  chanoines  surnumé- 
raires, ils  ne  peuvent  pas  alors  même  se  dis- 
penser des  services  qu'ils  devaient  auparavant 
a  l'église.  Si  ces  services  étaient  incompatibles 
avec  la  dignité  de  chanoines,  il  n'eût  pas  fallu 
les  élever  à  un  si  haut  rang. 

XVI.  Ees  chapelains,  les  vicaires,  les  por- 
tionnaires,  les  demi-chanoines  et  les  surnu- 
méraires sont  comme  les  substituts  et  les 
coadjuteurs  des  chanoines.  Le  concile  de  Bé- 
névent,  en  1091  Can.  n),  abolit  les  chapelains 
qui  s'étaient  multipliés  contre  le  statut  du 
chapitre,  et  sans  le  gré  de  l'évêque.  «  Capel- 
lanos,  qui  contra  statut u m  numerum  in  ec- 
clesiis  sine  consensu  sui  episcopi  militaverint, 
interdicimus,  etc.  » 

Entre  les  statuts  de  l'Eglise  de  Lyon,  en  l'an 
1251  (Concil.  Gêner.,  tom.  n,  p.  -253,  i  .  ou 
trouve  cette  distinction  entre  les  chanoines. 
«  Sunt  in  eadem  ecclesia  majores  canonici , 
et  alii  minores  prœbendarii,  et  iterum  duo- 
decim  capellani  ;  quorum  nul  lus  in  sua  in- 
stitulione  percipit  benefkium  temporale,  prae- 
terquam  quotidianam  refectorii  distributio- 
nem.  » 

Le  concile  I  de  Cologne,  en  1536  (Can.  xi), 
témoigne  aux  vicaires,  qu'étant  les  vicaires 
des  chanoines,  pour  assister  au  chœur,  quand 


leurs  infirmités  ou  leurs  occupations  pres- 
santes ne  leur  permettent  pas  de  s'\  trouver, 
ils  doivent  satisfaire  à  une  obligation  si  sainte 
el  si  précise,  ou  être  privés  non-seulement  des 
distributions,  niais  aussi  des  gros  fruits. 

«  Incipiant  intelligere  cur  vicarii  dicanfur, 
superpelliceis  quoque  utantur.  Cujus  enim 
vices  gèrent ,  nisi  canonicis  adjutores  accé- 
dant, horum  nimirum  qui  vel  adversa  va- 
letudine  detenti,  vel  negotiis  necessariis  avo- 
cati  interesse  non  ppssunt,  etc.  Suspensionis 
pœna  etiam  a  fructibus,  nedum  quotidianis 
illis  qui  distrihuunlur,  sed  a  grossis  quoque 
pro  culpae  modo  animadvertendum  in  non  pa- 
rentes. » 

Le  concile  de  Cambrai,  en  1565  (Cap.  \\  , 
voulut  que  ces  vicaires  destinés  à  chanter  les 
heures  canoniales,  «  Vicarii  qui  canonicas  ho- 
ras  in  choro  canant,  »  fussent  prêtres,  ou  dans 
les  ordres  sacrés,  ou  au  moins  lecteurs,  et.  s'il 
se  pouvait,  liés  à  la  continence. 

C'était  peut-être  une  singularité  île  l'Eglise 
cathédrale  de  Paris  d'avoir  des  clercs  destinés 
pour  chanter  les  offices  de  la  nuit  et  du  matin. 
qu'ils  appelaient  pour  cela  clericos  matutinales. 
(tu  peut  voir  l'acte  par  lequel  le  chapitre  aug- 
menta leurs  appointements,  en  l'an  1260 
il. allia  Christ.,  tom.  i.  p.  Uli,  iiT  . 

L'Eglise  de  Chartres  et  quelques  autres 
avaient  des  clercs  marguilliers,  clericos  matri- 
cularios,  outre  les  chanoines  et  les  clercs  du 
chœur,  clericos  de  choro  Analect.  Mab.,  t.  n. 
p.  577). 

Les  portionnaires  et  demi-portionnaires  des 
chapitres  d'Espagne  ont  souvent  prétendu 
avoir  les  mêmes  avantages  que  les  chanoines, 
sui  tout  dans  les  cathédrales,  où  ils  ont  entrée 
dans  le  chapitre  pour  délibérer  de  certaines 
affaires  où  ils  sont  intéressés;  mais  la  congré- 
gation du  concile  a  toujours  répondu  qu'ils"  ne 
sont  nullement  compris  ni  dans  les  honneurs, 
ni  dans  les  privilèges  des  chanoines,  et  qu'ils 
ne  peuvent  prétendre  que  ce  que  la  coutume 
particulière  de  chaque  chapitre  leur  a  accordé 
Fagnan.,  1.  i  Décret.,  part,  u,  pag.  ."i,  6). 

XVII.  .le  parlerai  ailleurs  des  chanoines 
laïques.  Disons  ici  un  mot  des  prébendes  que 
l'évêque  et  le  chapitre  de  la  cathédrale  accor- 
daient aux  autres  communautés  régulières, 
pour  se  les  incorporer  en  quelque  manière,  et 
pour  les  engager  plus  étroitement,  par  un  lien 
si  gracieux,  a  se  maintenir  dans  la  pureté  de 
la  vie  régulière. 


&6 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIXIÈME. 


Il  y  a  là-dessus  (rois  principaux  points  à  re- 
marquer:  l°Que  Les  autres  communautés  reli- 
gieuses avaient  îles  prébendes  dans  le  chapitre 
de  la  cathédrale,  et  qu'elles  en  devenaient  par 
là  comme  les  membres. 

2°  Que  c'était  un  doux  et  fort  engagement 
pour  les  lier  plus  étroitement  à  la  régularité 
de  la  discipline,  parce  que  cette  prébende  leur 
avait  été  donnée  en  vue  de  leur  régularité 
passée. 

3°  Que  le  chapitre  de  la  cathédrale  observait 
alors  la  vie  commune  et  la  régularité  reli- 
gieuse, ce  qui  le  portail  a  s'unir  et  s'incorporer 
toutes  les  communautés  religieuses. 

Tout  cela  paraît  admirablement  dans  la  lettre 
du  pape  Grégoire  VII  aux  chanoines  de  la  col- 
légiale de  Saint-Martin  de  Lucques,où  il  les 
exhorte  à  reprendre  la  vie  commune  et  l'ob- 


servance régulière  ,  et  les  oblige  à  rendre 
à  Pévêque  la  prébende  qu'ils  en  ont  reçue  : 
«  Monep  ut  communem  vitam  vivatis,  et  ut 
omnia  bona  vestra  in  communem  utilitatem 
redigantur,  et  communiter  expendanlur  :  aut 
si  id  facere  recusatis,  Ecclesia?  praebendam  in 
manu  episcopi  ad  Ecclesiae  utilitatem  reddatis 
(L.  vi,  ep.  2  .  » 

Alexandre  III,  écrivant  au  doyen  et  au  cha- 
pitre de  Paris,  ordonne,  comme  ils  l'avaient 
souhaité,  que  les  prébendes  affectées  aux  com- 
munautés ne  puissent  être  conférées  à  d'autres 
particuliers  :  «  Cum  quaedam  monasteria  et 
ecclesiae  praebendas  habeant  in  ecclesia  ve- 
stra, etc.  (Conçu.,  loin,  x,  pag.  1855).  » 

Nous  traiterons  ailleurs  plus  au  long  de 
cette  matière  (I). 


fl    La  révolution,  qui   a    fait    le  tour  de  l'Europe,   a  fait  subir  des 
ides  dans  les  chapitres  de   tous  les  pays  catholi- 
es  puissants   et    princiers  chapitres   d'Aile- 
i  mi  sait  que  les  différentes  principautés  ecclésiastiques  de  la 
Germanie  avaient  sous   leur   domination  cinq  millions  de  suji  ts  ré- 
partis dans  les  plus    riches  provini  es.  0     c'él  lient  les  chapitres  qui, 
outre  leurs  grasses  prébendes,  élisaient  ces  princ»  s-évêqu<  s  ou  arche- 
souverains  temporels  dans  leurs  diocèses.  Où  sont  les  riches 
chapitri  ■  lique  Espagne,  dont  les  prébendes  offraient  des 

j  .  I  Consalvi  fui  nommé,  en  1807,  par 

le  roi  d'Espagne,    à  an  canonicat   de   la  cathédrale  de  Cordoue,   qui 
,  Mémoires,  n,  p.  281  .  L;i  plu- 

pari  ,|,.  ,-,..,  chapitres    avaient    un   personnel   de    quatre-vingt  à  ci  nt 

■  -,  Ainsi,  dans  noire  France,  le  chapitre  de  Laon 
pose    ii>    quatre  ringt-quatre   membres,    celui   de   Soissons,  d 

jnq,    La  plupart  des  chapitres  avaient  une    puissance   tempo 

,-.  H,,  effective.  '  ■     ■■         Soleure  était  co-si  igneur  de 

la  ville    m  illi  ■ .  ffi  ■'■  "'''s  Suisses,  ni,  p.  13  . 

La  nom  ;  :  00P-   '■  '  plupart  des 

d'Allemagne    étaient    héré 

dans  cert  ' s-    Ailleurs  le  chapitre    avail  une 

partie    ,i.  que   l'autre.    Le    Saint-Siège    avait 

...  Durant   le  xvin«    siècle,    la  plupart  des  chapitres 

se  perpétuaient,  pour  ainsi  dire,  eux-mêmes.  Chaque  chauoii  i 

mait  un  coadjuteur  qui  lui  succédail  de  plein  droit    Nous  tirons  d'un 

document  authentique  et  officiel,  le  liber  ix  conclusionum  de  l'ancien 

chapitre  de  Carpentras,  une  de  ces  nominations,  parce  qu'elle  tombe 

sur  un  nom  historique,   M.  d'Orléans  de  Lamotte,  le  célèbre  évéque 

Dans  l'assemblée  du  5  novembre  1702,  le  chanoine  Devil- 

lario   prit  ainsi  la  parole  :    «  Je  me  donnais  autrefois  l'honneur  de 

■  vous    proposer  que  je    voulais  faire  un    coadjuteur  et  vous  en  dc- 

«  mander  vos  sentiments,  e(  ayant   eu  votre  agrément  sur  la  propo- 

vous  fis  de  la  personne  de   M,  Louis-François-Gabriel 

d'Orlëai      <     Lamotte,  j'envoyai   ma  procuration   à   Rome,    - 

n  de  laquelle  mondit  tte  a  obtenu  des  bulles 

B  qU'ii  V0U3  ;  résente,  prie  d'en  faire  faire  la  lecture,  de  l'ad- 

,ii  forma    dignum^   le   faire   mettre  en    possession  de  ladite 

«  coadiutorerie  et  faire   tous   les   actes  nécessaires.  »  Et  plus   bas  : 

a  Die  20  aug.  1708.  M.  Louis-François-Gabriel  d'Orléans  dejjLamotte, 

,i      f|    ,|,.  cette  ville  el  coadjuteur-chanoine  dans  cette  église,  vous 

te  d<     bullei nues  de  Mgr   le  vice-légat  d'Avignon   pour 

«  le  canonicat,  prébende  théologale,  et  vous  prie  d'en  faire  la  lec- 
..       de  L'admi  tire   à   su  profession  de  foi,  le  faire  mettre  en  pos- 

léralement  tous  actes  nécessaires.  ■ 
Voici   ce  qu'on   entend  endroit  canonique  par  le  forma  dignum 
mentionné  plus  haut.  Le  pape  accordait  certains  canooicats  avec  un 

bref  appelé  forma  du/num,  parce  qu'il  contenait  celte  clause  :  Qua- 
:  tfur.  Celui  qui  était  ainsi  pourvu  présentait  ce 
ai(  t'ex)  uteurde  ce  mandat  apostolique, 
en  ce  sens  qu'il  lui  appartenait  de  vérifier  et  de  constater  si  le  pourvu 
était  réellement  idoine  à  occuper  le  bénéfice  vacant.  S'il  n'y  avait 
contre  lui  aucun  motif  d'indignité,  alors  le  bref  était  exécutoire  et  le 
pourvu  devait  être  immédiatement   installé   comme  chanoine.  Cette 


nomination  n'était  conditionnelle  que  dans  l'exécution,  elle  était  ab- 
solue dans  sa  substance.  Du  moment  que  celui  qui  était  pourvu  in 
forma  dîgnitm  <-tait  trouvé  réellement  digne,  dès  ce  moment,  habebat, 
•  i  mme  disent  les  canonistes,  non  solum  jus  ad  rem,  sed  etïam  in 
i  ■  i  FfJ  simple  clerc  pouvait  être  pourvu  d'un  canonicat  in  forma  di- 
ynum  avec  la  condition  de  recevoir  les  ordres  sacrés  en  temps  op- 
portun. 

En  opposition  à  tous  les  principes  de  droit  canonique,  le  congrès 
schématique  d'Ems,  tenu  en  1785  par  quelques  archevêques  d'Alle- 
magne, dis  ut  dans  son  article  huitième  :    »  Le  reins  ou  ta  <  oncessîon 

■  de  la  résignation  in  favorem,  dépend  uniquement  du  BON  PLAI- 
SIR de  tou  évéque,  contre  lequel  aucun  recours  ultérieur  ne  sau- 
:  ii*  avoii  lieu.  >  Un  i  anoniste  de  bon  aloi  dit,  au   sujet  de  cet  ar- 

l'.n  ;i    peu  tout  le   chapitre  sera    composé  de   favoris  de 
n  i  .  rèque    Alors  l'épiscopat  sera  un  petit  état  oriental,  i  ù  la 

ince  n'auront  plus  lieu.  La  dominatio  in  cleri$t 

■  i    al      ii  il  Paul  avait  une  si  grande  aversion,  sera  la  plus  chère  pré- 

a  rogative  de!    i  vèques.  Ce  pouvoir  donné  aux   évêques  est  contre 

:  i  droit  canonique,  n  [Apud  Mémoires  historiques 

du  cardinal  l 'ai  i  a .  p.  21  lî 

Aujourd'hui,  généralement  et  plus  particulièrement  en  France,  les 
i  h  ipitrcs  ne  sont  plus  que  l'ombre  dis  anciens  chapitres,  dont  ils  ont 
cependant  tous  les  droits  canoniques.  Examinons-les  dans  les  diffé- 
rentes nations  de  l'Europe.  Voici  l'article  3  du  concordat  bavarois  de 
1817  :  "  Ordinal  capitula  Ecclcsiarum  metropolitanarum  et  suffraga- 
u  nearum  j  et  constituât  in  prioribus  duas  dignilates  et  decem  canoni- 

■  cbs,   in   posterioribus  item  duas   dignitates   cum    oeto    canon 

Art.  1Û  :  «  Sanctitas  sua  conferet  prœposituram  in  eccleshs  metropo- 
o  litanis  el  cathedralibus,  ad  decanatus  autem  nominationem  babebit 
o  rex,  qui  etiam  nominat  ad  catiomcatus  in  mensibus  papalibus;  in 
-.  aliis  sex  mensibus  nominabit  in  tribus  primis  arebiepiscopus  vol 
a  i  piscopus,  et  m  .dus  tribus  capitulum.  • 

Le  concordat  napolitain  de  1818  sauvegarde  aussi  les  droits  du 
Saint-Siège.  Art.  10  :    «  Canonicatns   libéras    collationis   in    capitulis, 

■  respective  conferenlur  a  Sancta  Sede  et  ab  episcopis,  scillcet  sex 
a  primi  anni  mensibus  a  Sancta  Sede,  aliis  vero  sex  mensibus  ab  epi- 

-,  Prima  dignitas  semper  erit  liberœ  collaiionis  sancta;  Sedis.  » 
i  e    i  oncordat  prussien  de  1821   est  remarquable  sous  le  point  im- 
portant  qu'il   confère   aux   chapitres   l'ancien    droit  d'élire  l'évèque. 
Art.  12  :   «  Constituitur  numerus  dignitatum  et  canonicorum  in   singu- 
«  lis  metropolitanis  et  cathedralibus.  i>  Art.  .1  :  «  Quilibet  ad  canoni- 
-  i  atus  et  dignitates  assequendas  constitutus  esse  débet  in  majonbus 
i  ordînibus,  qui  saltem  per  quinquennium    utdem    Ecclesia*   operam 
«  noverit,  vel  in  sacra  theologia  aut  in  jure  canonico  doctoratus  lau- 
«  ream  rite  fuerit  cousecutus.  »  L'article  1  établit  que  la  nomination 
chanoines    appartiendra   six  mois  au  pape   et   six  mois  aux  évê- 
qui  i,  La  première  dignité  est  toujours  réservée  au  pape.  Art.  5  !  «  Ca- 
i  pitulis  facultas  tnbuitur,  ut  in  singulis  illarum  sedium  vacaiionibus 
consueli  trimestris  spatium  dignitates  et  canonici  capitulariter 
regati  novos  antistites   ex  ccclesiasticis  quibuscumque  viris  re- 
gni     Borussici     incolîs    ad     formam    SS.    canouum    eligere    pos- 
o  si  nt .  d 
L'article  \  du  concordat   belge  de  1828  accorde  ce  même  droit  aux 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  COLLÉGIALES,  etc. 


527 


CHAPITRE  ONZIEME. 


DES   CHAPITRES   DES   ÉGLISES   COLLÉGIALES.    DES   CHANOINES   RÉGI  LIERS  ;    ET    DE    LA    VIE   COMMUNE 
DANS    LES   CHAPITRES    DES   CATHÉDRALES    ET    DES   COLLÉGIALES,    APRÈS    L'AN    MIL. 


I.  En  quel  temps  la  vie  commune  recommença  dins  les  col- 
lèges ecclésiastiques.  Ce  fut  pour  bannir  l'incontinence  où  le 
clergé  était  tombé.  Décrets  des  conciles  et  des  papes  Nicolas  H I 
et  Alexandre  II  pour  cela. 

II.  Réflexions  sur  ces  décrets.  On  n'obligeait  point  les  clercs 
à  une  entière  désappropriation. 

III.  De  là  naquirent  deux  sortes  de  congrégations,  les  unes  se 
désappropriant  seulement  des  biens  de  l'Eglise,  les  autres  même 
de  leur  patrimoine. 

IV.  Les  laïques  même  imitèrent  relie  léfonnation  du  clergé. 

V.  Saint  Romuald  avait  ébauché  ce  même  dessein. 

VI.  La  désappropriation  des  bénéfices  était  alors  d'autant  plus 
facile  à  persuader,  que  la  séparation  des  bénélices  était  encore 
très-nouvelle  ;  et  plusieurs  les  avaient  ou  usurpés,  ou  achetés. 

VII.  Cette  réformation  se  fit  lentement.  Vus  de  Chartres  y 
contiibua  et  établit  lui-même  une  communauté  de  clercs  régu- 
liers. 

VIII.  Quand  on  donna  à  ces  chanoines  le  nom  et  la  règle  de 
saint  Augustin. 

IX.  Ce  que  ce  fut  que  cette  règle. 

X.  Ce  renouvellement  de  la  vie  commune  dans  les  chapitres 
des  cathédrales,  fut  de  peu  de  durée,  quoique  quelques-unes  la 
conservèrent. 

XI.  Surtout  celles  qui  étaient  composées  de  moines. 

XII.  Quelques  grands  prélats  de  ces  derniers  temps  ont  lâché 
de  la  renouveler. 

XIII.  Les  évêques  ont  été  1rs  fondateurs  de  la  plupart  de  ces 
communautés.  Leur  autorité  suffisait  pour  ériger  les  églises  col- 
légiales. 

XIV.  Elles  se  multipliaient  aussi  d'elles-mêmes. 

XV.  Rapport  des  chanoines  réguliers  aux  moines. 


I.  La  vie  commune  a  été  observée  durant 
plusieurs  siècles  dans  les  églises  collégiales 
aussi  bien  que  dans  les  cathédrales. 


L'historien  Adam  (L.  h,  c.  33,  34,  35)  re- 
marque  que  l'archevêque  de  Hambourg  Unuan 
fut  le  premier  en  ces  quartiers-là  qui  assembla 
une  compagnie  de  chanoines,  les  commu- 
nautés ayant  été  jusqu'alors  comme  mêlées  et 
composées  en  partie  de  moines  et  en  partie  de 
chanoines  :  «  Unuanus  primus  omnium  con- 
gregaliunes  ad  canonicam  regulam  traxit,  quœ 
ante  quidem  mixta  ex  monachis  et  canonicis 
conversatione  degebant  (Baronius,  an.  1013. 
n.  7).  » 

Mais  ce  fut  sous  Nicolas  II  ou  sous  Alexan- 
dre Il  qu'on  rétablit  et  qu'on  multiplia  les 
communautés  régulières  des  chanoines,  soit 
dans  les  cathédrales,  soit  dans  les  collégiales. 
Le  clergé  s'étant  effroyablement  relâché  dans 
tout  l'Occident,  et  s'étant  comme  abîme  dans 
la  saleté  d'une  incontinence  presque  univer- 
selle, on  ne  jugea  pas  pouvoir  y  rétablir  la 
pureté  et  la  continence  qu'en  séparant  les 
clercs  supérieurs  du  commerce  contagieux  du 
monde  et  les  renfermant  dans  des  cloîtres, 
pour  y  joindre  à  la  dignité  du  sacerdoce  les 
vertus  de  la  vie  commune  et  religieuse. 

Cela  paraît  avec  évidence  dans  le  canon  de 
deux  conciles  romains,  sous  ces  papes,  en  1059 
et  en  1063  (Can.  iv),  où,  après  avoir  parlé  des 


chapitres,  sans  parler  des  nominations  aux  canonicats  :  a  In  vacatio- 
«  nibns  sedium  episcopalium,  capitula  îllarum  ecelesiarum  ex  candi- 
o  datis,  de  quorum  aominibus  pmis  rc\  certtor  l'actus  fuerit,  et  quos 
a  régi  gratos  cognoverint,  arehiepiscopum  vel  episcopum  eligant.  o 

L'article  22  du  concordat  autrichien  de  1855  dit  :  «  Dans  toutes 
o  les  églises  archiépiscopales  et  épiscopales,  Sa  Sainteté  conférera  la 
a  première  dignité,  à  moins  qu'elle  ne  soit  de  patronage  laïque,  auquel 
o  cas,  au  lieu  de  la  première,  ce  sera  la  seconde.  Aux  autres  digni- 
«  tés  et  prétiendes  canoniales,  Sa  Majesté  continuera  de  nommer, 
«  excepté  à  celles  qui  sont  à  la  libre  collation  de  1  evéque,  ou  sou- 
3  an  droit  de  patronage  légitimement  acquis.  En  qualité  de 
i  chanoines  desdites  églises,  on  n'admettra  que  les  piètres  pourvus 
i  ilc>  qualités  prescrites  généralement  par  les  canons,  et  qui  se  seront 
a  appliqués  avec  honneur  au  soin  des  âmes,  aux   affaires  ecclésias- 

liq  les  ou  à  l'enseignement  des  sciences  sacrées.  11  ne  sera  plus  né- 
u  cessaire  de  justifier  de  titres  de  noblesse,  à  moins  que  l'acte  de 
«i  fondation  n'en  exige.  Quant  à  la  louable  coutume  de  conférer  les 
«  canonicats  au  concours  public,  partout  où  elle  est  eu  vigueur  on  la 
n  maintiendra  soigneusement.  »  Art.  23  :  n  Dans  les  églises  métro- 
«  politaines  et  épiscopales,  partout  où  ils  manquent,  on  établira  le 
«  plus  t6t  possible  un  pénitencier  et  un  théologal  selon  le  mode  pres- 
«  crit  par  le  concile  de  Trente  (Sess.  v,  cap.  I  ;  sess.  xxiv,  cap.  vin}. 
Les  évoques  conféreront  lesdites  prébendes,   conformément  aux 


a  canons  du  même  concile  et  aux  décrets  apostoliques  sur  la  rna- 
«  tière.  « 

D'après  le  concordat  espagnol  de  1851,  les  chapitres  sont  composés 
du  doyen,  premier  siège  po\t  pontificalemj  de  quatre  dignités,  sa- 
voir :  archiprètre,  archidiacre,  grand  chantre  et  ëcolâlrc  :  il  y  aura  de 
plus  les  trésoriers  dans  les  métropoles  ;  puis  de  quatre  chanoines  avec 
office  annexé,  savoir  :  le  magistral,  le  théologal,  le  lecteur,  le  péni- 
tencier; puis  de  vingt-cinq  chanoines  ordinaires  et  de  vingt-quatre 
bénéficiers  pour  les  métropoles,  et  de  vingt  chanoines  ordinaires  et 
de  seize  bénéficiers  pour  les  cathédrales.  Le  gouvernement  nomme  à 
la  dignité  de  doyen  des  chapitres.  Les  canonicats  qui  ont  un  office 
annexé  sont  conférés,  par  voie  de  concours,  par  les  prélats  et  les 
chapitres.  Les  autres  chanoines  sont  nommés  alternativement  par 
le  gouvernement  et  les  prélats  respectifs.  Les  bénéficiers  sont 
nommés  alternativement  par  le  gouvernement  ,  les  évêques  et 
les  chapitres.  Le  pape  nomme  à  la  dignité  de  grand  chantre 
dans  tous  les  chapitres.  Le  siège  vacant,  le  chapitre  ne  nomme 
qu'uti  seul  vicaire  capitulaire  ou  officiai,  ainsi  que  le  prescrit  le  droit. 
On  voit  que  le  personnel  des  chapitres  d'Espagne  est  encore  respec- 
table et  permet  de  célébrer  les  offices  avec  pompe.  Avant  la  révo- 
tion  espagnole,  le  nombre  des  chanoines  des  métropoles,  cathédrales 
et  collégiales  était  de  4,384;  il  est  réduit  aujourd'hui  à  1,912.  Les 
canonicats  reçoivent   du   gouvernement  un   traitement  de  1,500   à 


528 


DFS  CONGRÉGATIONS,  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


prêtres  et  des  diacres,  qui  furent  les  seuls  des- 
quels on  exigea  rigoureusement  le  célibat  dans 
ce  nouveau  rétablissement  de  L'ancienne  disci- 
pline, "ii  l.s  exhorte  ensuite,  môme  avec  com- 
mandement, de  se  réunir  tous  dans  l'obser- 
vance de  la  vie  commune,  telle  que  fut  la  vie 
du  clergé  dans  les  temps  apostoliques. 
«  Et  praecipientes  statuimus,  ut  lii  praedicto- 


rum  ordinum ,  qui  praedecessoribug  nostris 
obedientes,  castitatem  servaverint,  juxta  Eccle- 
sias.  quibus  ordinati  sunt,  sicut  oportet  reli- 
giôsos  clericos,  simul  manducent  et  dormiant, 
et  quidquid  eis  ab  Ecclesia  competit,  commu- 
niter  habeant.  Et  rogantes  monemus,  ut  ad 
apostolicam  communem  vilam  summopere 
peryenire    studeant,    quatenus    perfectionem 


i  rancs.   On  voil  que  nous   sommes  loin  du   beau  canonicat  de 

Cordoue,  de  2&.000  francs,  donné  au  cardinal  Consalvi  en  L807. 
Passons  maintenant  à  nos  pauvres  et  chétffs  chapitres  de  France, 
de  neuf  membres.  Le  concordat  ne  dit  que  ces 
Laos  l'article  11  :  *  Les  évèques  pourront  avoir  un  chapitre 
«  dans  leur  cathédrale,  sans  que  ie  gouvernement  s'oblige  à  le  do- 
it ter.  »  Malgré  cela,  la  pensée  bien  arrêtée  du  gouverneun  ■  ait 
de  les  doter,  mais  lorsqu'il  aurait  réalisé  son  projet  des  articles  orga- 
niques tendant  à  établir  le  gouvernement  personnel  absolu  dans 
chaque  diocèse.  Canon iste,  nous  devons  faire  connaître  les  lois  de 
Il  i  en  cette  matière,  comme  dans  les  autres.  Le  card 
pr.ira,  exécuteur  du  concordat,  par  son  décret  du  10  avril  I- 
gea  canoniquement  les  chapitres  :  «  In  eaque  ecclesia  N.  capitulum 
'i  e\  digoîtatibus  et  canonicis  secundum  numerum  ut  infra,  •,  Lu 
n  dirm  prssficienduni  erigimus  et  instituimus.  »  Par  le  même  décret, 
le  plénipotentiaire  du  souverain  pontife  accorda  à  l'évéqae,  pour 
cette  première  fois  seulement  et  comme  une  faveur  spéciale,  l'autori- 
sation de  nommer,  pour  ta  première  fois  seulement,  a  toutes  les  di- 
■  .i  to  i-  les  canonicats  :  «  ut  dignitates  omnes  etiam  princi- 
«  pales  et  canonicatus  pro  prima  hac  oice  idoneis  ecclesiasticis  viris 
«  libère  et  LICITE  conferre  possit.  »  Voilà  le  droit  canonique  ;  l'é- 
véqae reçoit  de  l  ant<  rite  compétente  la  faculté  de  pouvoir,  pour  une 
foÎB  seulement,   nommer  lui  temeul    les    dignités    et   cha- 

noines de  son  chapitre.   Malheureusement  les  articles  organiques  vin- 

kplacei  le  pape  par  César,  pour  dicter  des  1ms  à  l'E| 
le--  choses  marchent  en  France  comme  oti  sait.  Or,  comme  canoniste 
.  »ns   humblement  si  de  telles  nominations       ni  licites  ? 
par  tous  les  auti  |ue  le  pape  et   les  i 

eux-mêmi  s  ont  leurs  droits  dans  les  Dominations  capitulaires,   La  i-.- 
-,  un  peu  anormale  des  chapitres  préoccupe   dépuis  longtemps 
ornes  qui  sont  convaincus  que  1  Eglise  a  tout  à  gagner  dans  le 
retour  au   droit  canonique.  En   1855,  il  parut  une  brochure 
marquable  de  e   logique,  écrite  dans  un  très-bon  esprit, 

sous  ce  titre  significatif  :  Questions  &w  l'état  actuel  des  chanoines  et 
pitres  en  France,  ce  qu'ils  sont,  ce  qu'ils  doivent  être  d'après 
le  droit  par  tint-  réunion  de  chanoines.  La  conclusion  débute  ainsi  : 
o  II  nous  semble  qu'après  cette  courte  revue,  il  est  impossible  de  ne 
»  pas  se  convaincre  que  les  chapitres,  eu  France,  n'ont  plus  rien  de 
:,...,  s  chapitres  autrefois  existants  dans  notre  pays, 

ci    ceux  du    reste  de  la  chrétienté,  ni  avec  la   législation  ordi- 
i  nui.    qui  doi  ortes  d'institutions.  »   La  brochure  ne  parle 

pas  des  nominations. 

Parmi  les  énormités  anticanoniques  des  articles  organiques,  une  des 

plus  révoltantes  fut  celle  de  l'article  36  qui  annulait  complètement  la 

n  des  chapitres  pendant  la  vacance  du  siège,  et  ne  leur  permet- 

de  m  mmer  un  vicaire  capitulaire  pour  gouverner  le  diocèse, 

laissant  ce  droit  et  ce  pouvoir  aux  vicaires-généraux  de  l'évéque  dé. 

font.  Comme  on    réclama   de   partout  contre  cette  énormité,   par  un 

décret  du  28  février  1810,  le  gouvernement  rapporta  l'article  36  des 

organiques,  et  publia    l'article  6  de  ce    décret  :    «  En    conséquence, 

i  pendant  les  vacances  des  sièges,  il  sera  pourvu,  conformément  aux 

s  lois  canoniques,  au  gouvernement  des  diocèses.  Les  chapitres  pre- 

«  senteront  à  notre   ministre  des  cultes  les  vicaires -généraux  qu'ils 

'  auront  élus,  pour  leur    nomination  être  reconnue  par  nous,  n   Nous 

irions    trop    répéter    qu'il    dépend    un    peu    des  évèques  de 

faire  annuler  tous  ces  tristes   articles   organiques   dont  un    si    grand 

nombre  ont  été  déjà  abrogés  et  sont  tombés  en  désuétude. 

En  vertu  du  décret  exécutoire  du  10  avril   1802  du  cardinal  légat, 

les  chapitres  n'ont-ils  pas  le  droit  de  présenter  à  l'évéque  des  candidats 

pour  les  canonicats  vacanl    î  I     idemment  ce  décret  ne  déroge  en  rien 

aux  lois  de  L'Eglise  sur  ce  point.  L'évéqae  doit  mettre  au  concours 

tous  ses  prêtres  les  deux  canonicats  du  pénitencier  et  du  théo- 

. Mitent. ,  depuis  quel,  ,  la  France   s'est  rap- 

■    de  Hume,  et  cette  affe<  tue  ise  i  ffusion  de  la  tille  vers  la  mère 

amènera  inévitablement  parmi  nous  le  règne  du  droit  canonique  et  des 

lois  de  l'Eglise  à  la  place  des  arbitraires,  du  gouvernement  personnel 

et  absolu,  du  césarisme  dans  le  sanctuaire. 

Pour  êlre  complet  sur  cet  article,  nous  devons  dire  qu'en  1863,  le 
gouvernement  français  a  repris  l'antique  usage  de  doter  huit  cha- 


chapitre   de  Saint-Jean-de-Latran,  à  Rome,  qui  son)   à     i 
nomination.  Voici  sur  ce  fait  des  renseignements  authentiques  : 

Henri  IV,  après  son  abjuration  et  la  solennelle  absolution  qui  lui 
fut  donnée  jiar  Clément  VIII,  sous  le  portique  de  la  basilique  (ie 
Saint-Pierre,  le  17  septembre  1595,  se  fit  le  bienfaiteur  de  l'église  de 
Saint- Jean-de-!  atran  et  lui  concéda,  en  1604,  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre-de-Clairac,  au  diocèse  d'Agen.  Pour  éterniser  ce  souvenir  et 
les  liens  étruits  qui  unirent  toujours  depuis  les  princes  de  la  famille 
aînée  des  Bourbons  à  cette  basilique,  le  chapitre  fit  placer,  sous  un 
des  portiques  du  temple,  la  statue  en  bronze  du  «  bon  Henri.  » 

C'est  à  partir  de  cette  époque  que  les  rois  de  France  substituèrent 
dans  leurs  rapports  avec  les  cardinaux  le  titre  de  «i  Mon  cousin,  n  a 
celui  de  :  «  Cher  ami,  »  employé  jusqu'alors.  Ce  ne  fut  qu'après 
Henri  [V  que  le  titre  de  chanoine  de  Saint-Jean-de-Latran  fut  donné 
aux  souverains  de  la  France.  Ils  furent  même  parfois  appelés  :  a  proto- 
chanoines,  »  comme  ayant  le  droit  d'occuper  la  première  stalle  au 
chapitre. 

On  sait  peu  de  choses  sur  l'abbaye  de  Chirac,  les  papiers  et  les 
monuments  ayant  été  dispersés  el  détruits  a  plusieurs  reprises  diffé- 
rentes, dans  la  guerre  contre  les  Albigeois,  et  plus  tard  dans  les  luttes 
sanglantes  contre  le  protestantisme.  La  Gallia  Christiana  m  us  ap- 
prend que  le  dernier  abbé  de  cette  abbaye  fut  D.  Jean  II  de  Teillac, 
q  ;.  abdiqua  au  mois  de  septembre  1601,  moyennant  une  pension  an- 
nuelle de  deux  mille  livr<  ■  -  i  ette  .  i><i .■..■■■  n  iv  pruv,  ipiV  j.,ii  i.i 
qu'Henri  IV  fit  à  la  même  époque  de  l'abbaye  au  chapitre 
de  Saint-Jean-de-Latran.  Suivant  les  condiiii  mpi  éi  par  le  do- 
nateur, les  revenus  de  l'abbaye  devaient  se  partager  en  deux  parts  : 
l'une  d'elle  devait  être  répartie  entre  les  (  hanoines,  les  bénéficiaires 
i  I  le  'I'  rgé  de  la  basilique,  et  l'autre  affectée  à  huit  nouveaux  cha- 
noines désignés  par  Henri  IV  et  les  rois  de  France  ses  successeurs 
ab  Benrico  et  successoribus  'jus  Francorum  regibus).  Le  chapitre 
outre,  à  faire  célébrer,  tous  les  ans,  deux  messes  so- 
lennelles à  l'autel  majeur,  pour  Henri  IV  et  les  rois  de  Fram 
//  o  et  regibus  Francorum  .  CJne  somme  de  150  scudis,  prélevée 
sur  la  première  portion  des  revenus,  devait  être  distribuée  entre  tous 
les  pré!  Ci  s  présents  à  la  cérémonie. 

Les  revenus  de  l'abbaye  supprimée  furent  plus  tard  r.  mpla*  is  par 
une  rente  annuelle  de  vingt-quatre  mille  livres,  qui  fut  fidèlement 
payée  jusqu'à  la  première  révolution.  La  restauration  reprit  les  an- 
ciennes traditions  et  se  lit  un  devoir  de  demeurer  U  bienfaitrice  de 
la  première  église  de  la  chrétienté.  La  révolution  de  1S30  vint  de 
nouveau  interrompre  le  service  de  celte  rente.  En  1863,  après  d'assez 
longues  n<  gociations,  le  gouvernement  français  a  décidé  de  suivre  les 
errements  du  passé  et  de  compter  annuellement  les  24,000  livres  au 
chapitre  de  Saint-Jean-de-Latran. 

Si  nos  renseignements  ne  nous  trompent  pas,  les  conditions  con- 
venues sont  à  peu  de  choses  près,  celles  du  passé.  Six  mille  francs 
seront  affectes  au  culte. 

Des  18,000  francs  restants,  9,000  seront  répartis  entre  les  cha- 
m  î,  les  bénéficiers  et  le  clergé  de  l'église,  suivant  les  règles  ca- 
noniques,  et  le  reste  sera  employé  à  doter  huit  chanoines  du  chapitre 
au  choix  du  gouvernement  français.  Des  deux  messes  solennelles  im- 
posées par  la  fondation  primitive,  l'une  a  toujours  continué  a  être 
célébrée,  malgré  l'interruption  du  service  de  la  rente,  chaque  année 
le  6  novembre,  par  le  chapitre  de  l'archibasilique  pour  le  repos  de 
lame  de  Henri  IV  et  de  ses  successeurs.  C'est  la  seconde  messe  qui 
sera  désormais  dite  pour  l'empereur  des  Français.  On  a  choisi  cette 
année  le  20  avril,  parce  que  ce  jour  coïncide  avec  l'anniversaire  de 
la  naissance  de  Napoléon  III. 

Le  chapitre  de  Saint-Denis  fut  créé  par  le  premier  Empire,  il  fut 
reconstitué  par  Louis  XVIII  ;  mais  il  était  toujours  privé  de  l'institu- 
tion canonique,  ce  qui  n'en  pouvait  faire  qu'une  communauté  de 
■  et  non  un  chapitre. 
Enfin,  en  1843,  Louis-Philippe  finit  par  où  l'on  aurait  dû  commen- 
ci  ;  il  sollicita  et  obtint  du  Saint-Siège  une  bulle  qui  le  constitua  vé- 
ritablement chapitre  et  chapitre  exempt.  Le  grand  aumônier  est  son 
primicier  j  il  est  ensuite  composé  de  dix  chanoines-évèques  non  rési- 
dants, de  vingt-quatre  chanoines  de  second  ordre, 

(Dr  André.) 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  COLLÉGIALES,  etc. 


529 


consecuti,  cum  his  qui  centesimo  fructu  di- 
tantur,  in  cœlesti  patria  mereantur  ascribi.  » 

II.  L°Ce  lut  donc  là  le  commencement  du  ré- 
tablissement de  la  vie  commune  clans  tous  les 
chapitres,  pour  remédier  au  débordement  de 
l'incontinence,  qui  s'était  universellement  ré- 
pandue dans  tout  le  clergé.  C'est  ce  qui  est 
insinué  par  ces  paroles:  «Ut  bi  qui  obedienles 
praedecessoribus  nostris,  castitatem  servave- 
rint,  etc.  » 

-2  Ce  ne  fut  pas  un  simple  conseil,  ce  fut  un 
commandement  :  «  Praecipientes  staluimus.  » 

3°  Ce  commandement  fut  universel  pour 
lout  l'Occident;  car  ces  conciles  romains  étaient 
composés  de  plus  de  cent  évèques,  et  tous  les 
papes  du  même  siècle  travaillèrent,  dans  ces 
conciles  universels,  a  bannir  un  désordre  qui 
s'était  universellement  répandu  dans  tout  le 
clergé  de  l'Europe. 

V'  Ce  canon  rétablit  la  vie  commune,  pour 
faire  loger  et  manger  ensemble  tous  les  béné- 
ficiers;  mais,  quant  à  la  désappropriation  des 
biens  temporels,  elle  est  restreinte  aux  revenus 
de  leurs  bénéfices,  et  la  liberté  de  jouir  en 
particulier  de  leur  patrimoine  leur  est  laissée  : 
«  Et  quidquid  eis  ab  Ecclesia  competit,  com- 
muniter  habeant.  »  Nous  avons  montré  ci- 
dessus  que  la  règle  qui  fut  dressée  pour  les 
chanoines,  sous  l'empereur  Louis  le  Débon- 
naire, avait  gardé  le  même  tempérament,  leur 
laissant  la  libre  jouissance  de  leur  patrimoine. 

5°  Il  semble  néanmoins  que  ce  canon  exhorte 
enfin  les  chanoines  à  une  parfaite  régularité, 
dont  la  désappropriation  entière  est  comme 
l'aine,  lorsqu'il  leur  propose  l'exemple  des 
apôtres  et  du  clergé  apostolique  et  qu'il  se  sert 
seulement  du  terme  d'exhortation  et  de  prière  : 
«  Rogantes  monemus,  etc.  » 

III.  Aussi,  après  ce  concile,  on  vit  dans  toute 
l'Eglise  une  réformation  générale  dans  la  plus 
grande  partie  des  chapitres,  les  uns  se  conten- 
tant d'obéir  à  ce  qui  avait  été  commandé,  et 
possédant,  dans  les  saintes  délices  de  la  vie 
commune,  les  fonds  et  les  revenus  des  églises 
cathédrales  ou  collégiales  sans  partage;  les 
autres  embrassant  même  ce  qui  n'était  que  de 
conseil,  et  renonçant  à  tous  les  biens  de  la  terre 
pour  commencer  une  vie  toute  céleste  dans  les 
congrégations  des  chanoines  réguliers.  Ce 
furent  la  les  deux  manières  différentes  de  la 
■vie  commune  qui  se  multiplièrent  alors  dans 
l'Eglise. 

IV.  Les  laïques  mêmes  sentirent  quelques 

Th.  —  Tom.  IL 


étincelles  de  ce  divin  feu  et  de  cette  ferveur 
religieuse.  Bertolde  raconte  (pic.  dans  toute 
l'Allemagne,  un  for!  grand  nombre  de  laïques 
s'assemblèrent  dans  les  monastères  des  clercs 
ondes  moines  pour  y  vivre  sous  leur  conduite, 
dans  l'observance  exacte  de  la  discipline,  après 
s'être  donnés  eux-mêmes  avec  tous  leurs  biens. 

«  His  temporibus  in  regno  Teutonicorum 
communis  vita  multis  in  locis  floruit,  non  so- 
lum  in  clericis  et  monachis  religiosissime 
commorantibus,  verum  etiani  in  laicis,  se 
suaque  ad  eamdem  communem  vitam  devo- 
tissime  otferentibus.  Qui  etsi  habitu  nec  clerici, 
nec  inonachi  viderentur,  nequaquam  tamen 
eis  mentis  dispares  fuisse  creduntur,  etc. 
Nempe  ipsi  abrenuntiantes  sœculo,  se  et  sua 
ad  congregationes  tam  clericorum,  quam  mo- 
nachorum  regulariter  viventium  devotissime 
contulerunt  :  ut  sub  eorum  obedientia  com- 
muniter  vivere,  et  eis  servire  mererentur  (Ba- 
ronius,  an.  1091,  n.  4,  •'>.  6).  » 

Urbain  II  prit  la  défense  de  ces  fervents  imi- 
tateurs de  l'Eglise  primitive  contre  les  insultes 
des  médisants  :  «  Eamdem  conversationem  di- 
gnissimam,  quod  in  primitive  Ecclesi  e  forma 
impressa  est,  judicantes,  approbamus,  confir- 
mamus,  etc.  » 

Celte  dévotion  s'étendit  jusque  dans  les  vil- 
lages, où  des  troupes  innombrables  de  toutes 
sortes  de  personnes  et  de  jeunes  tilles  mêmes, 
renonçant  aux  vanités  et  aux  délices  trom- 
peuses du  monde,  menèrent  une  vie  toute 
religieuse  sous  l'obéissance  des  prêtres. 

V.  Mais  il  faut  reprendre  le  discours  des 
communautés  ecclésiastiques,  dont  on  avait 
déjà  vu  quelque  renouvellement  au  temps  et 
par  les  soins  de  saint  Romuald,  selon  le  témoi- 
gnage de  Pierre  Damien  dans  sa  vie  :  «  Con- 
stitua itaque  vir  sanctus  plures  canonicos  et 
clericos,  qui  laicorum  more,  sicculariter  habi- 
tabant,  pnepositis  obedire,  et  commuuiter  in 
congregatione  vivere  docuit   Cap.  xx\  .  s 

VI.  11  était  d'autant  plus  facile  de  faire  con- 
sentir les  chanoines  et  les  autres  bénéficiers  à 
cette  désappropriation  des  biens  de  l'Eglise  et 
à  cette  vertueuse  et  délicieuse  manière  de  les 
posséder  en  commun,  que  la  séparation  et  le 
partage  des  fonds  était  encore  alors  une  inno- 
vation, et  peut-être  même  assez  souvent  une 
usurpation. 

Cela  paraît  clairement  dans  la  lettre  de  Gré- 
goire VII  aux  chanoines  de  Lyon,  qu'il  convie 
à  imiter  l'exemple  de  leur  doyen,  qui  avait  re- 

34 


j30 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


nonce  à  tous  les  bénéfices  qu'il  avait  acquis 
sans  leur  consentement  :  «  Prudenti  ac  salubri 
consilio  ductus,  obedientias  Ecclesiae  caeteraque 
bénéficia,  quœsinecommuni  consensu  fratriun 
acquisiverat,  in  manus  nostras  sponte  renun- 
tiavit ,  et  se  ulterius  non  intromissurum  pro- 
misit  (L.  vi,  ep.  36).  » 

Voilà  un  exemple  de  cette  première  division, 
pour  ne  pas  dire  dissipation,  qui  se  fit  des 
fonds  de  l'Eglise  entre  les  chanoines,  quelque- 
fois par  violence  et  sans  le  consentement  du 
chapitre,  quelquefois  avec  un  consentement 
acheté  à  prix  d'argent,  comme  il  est  dit  dans 
la  même  lettre  :  «  Tarn  bis  qui  furto  subduxe- 
runt,  quam  bis  qui  obedientias,  vel  Ecclesiae 
dispensationes  pretii  pactione  adepti  sunt.  » 

Enfin  ce  pape  ajoute  que,  pour  prévenir  ces 
usurpations,  ou  avait  quelquefois  fait  entendre 
le  tonnerre  de  l'excommunication,  mais  que 
l'avarice  avait  été  sourde  et  impénétrable  à 
toutes  ces  terreurs. 

La  simonie  n'avait  pas  moins  honteusement 
ni  moins  impunément  inondé  toute  la  face  de 
l'Eglise  que  l'incontinence.  Ce  second  désordre 
donna  occasion  à  un  grand  nombre  de  saints 
ecclésiastiques  de  renoncer  aux  bénéfices  que 
leurs  parents  leur  avaient  acquis,  même  à  leur 
insu,  par  un  commerce  infâme,  et  à  se  ranger 
dans  le  port  tranquille  et  assuré  des  commu- 
nautés régulières. 

Tel  fut  le  célèbre  Matthieu,  qui  fut  depuis 
cardinal  évêque  d'Alhano ,  qui,  dans  cette 
appréhension  si  juste,  résigna  tous  ses  béné- 
fices entre  les  mains  de  son  évêque  et  se  jeta 
dans  l'ordre  de  Cluny,  ne  croyant  pas  son  salut 
assez  assuré  dans  l'état  des  chanoines,  où  il  ne 
voyait  pas  encore  reluire  la  pureté  et  le  désin- 
téressement si  nécessaires  à  l'état  ecclésias- 
tique (Bibl.  Cluniac,  p.  1303). 

«  Videbat  institutis  illis  clericorum  nihil 
prope  religionis  inesse,  niulta  ibi  simulari , 
pauca  in  veritate  geri ,  ambitione,  cupiditate  , 
aemulationecunctainterturbari,  et  sub  tonsura 
vel  habitu  clericali,  rectiusmercenarios,  quam 
canonicos  posse  vocari.  »  Voilà  comme  en 
parle  Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny. 

Vil.  Ces  reproches  n'étaient  alors  que  trop 
véritables,  et  il  est  à  croire  que  ce  furent 
autant  de  piquants  aiguillons  qui  poussèrent 
les  chapitres  à  la  réformation  parfaite  et  à  la 
vie  commune.  Un  si  grand  changement  ne 
pouvait  néanmoins  se  faire  qu'avec  beaucoup 
de  peine  et  en  beaucoup  de  temps. 


Aussi,  Yves,  évêque  de  Chartres,  déplore  avec 
beaucoup  de  raison  que  la  vie  commune  à 
laquelle  universellement  tous  les  clercs  de  va  ici  il 
se  porter  par  tant  d'obligations,  fut  encore  si 
rare  et  si  peu  commune  qu'il  semblait  qu'elle 
eût  été  généralement  proscrite  de  toute  la 
terre. 

«  Hae  sententiae  apostolicae  nullum  clericum 
a  vita  communi  excipiunt,  nec  civilis,  nec  su- 
burbanae  ecclesiae  presbyterum.  Quod  vero 
communis  vita  in  omnibus  ecclesiis  pêne  defe- 
cit,  tam  civilibus,  quam  diœcesanis,  non  auto- 
ritati,  sed  desuetudini  etdefectuiadscribenduin 
est  ;  refrigescente  charitate,  quae  omnia,  vult 
habere  communia  ;  et  régente  cupiditate,  quae 
non  quaerit  ea,  quae  l>ei  sunt  et  proxinu",  sed 
tantum  quœ  sunt  propria  (Epist.  ccxv).  » 

Ce  saint  évêque  ne  se  contenta  pas  de  donner 
des  larmes  à  ce  relâchement,  il  donna  tous  ses 
soins  à  rétablir  la  vie  commune  et  régulière 
entre  les  chanoines.  Il  réforma  lui-même  le 
monastère  de  Saint-Quentin  de  Béarnais,  dont 
il  était  prévôt;  il  en  fit  comme  une  pépinière, 
dont  il  tira  un  grand  nombre  de  chanoines 
réguliers,  qu'il  envoya  à  divers  évêques,  pour 
y  fonder  d'autres  semblables  colonies  de  la  vie 
régulière. 

C'est  ce  qui  l'a  l'ait  passer  pour  le  restaurateur 
des  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin. 
Vincent  de  Beauvais,  saint  Antonio  et  Onuphre 
lui  donnent  cette  gloire  en  l'an  1078.  «  Sub 
ipso  cœpit  reflorere  canonicus  ordo  primum 
ab  Apostolis,  postea  ab  Augustino  regulariter 
institutus.  » 

Mil.  Ces  auteurs  pourraient  bien  s'être  trom- 
pés s'ils  ont  prétendu  que  les  chanoines  régu- 
liers d'Yves  de  Chartres  s'autorisèrent  du  nom 
glorieux,  ou  d'une  règle  de  saint  Augustin.  Il 
n'en  paraît  pas  le  moindre  vestige  dans  toutes 
ses  lettres.  La  lettre  286  des  dernières  éditions 
ne  se  trouve  pas  dans  les  anciennes;  et  elle 
donne  sujet  de  douter  qu'une  main  étrangère 
ne  l'ait  fabriquée. 

En  1090,  Gérard,  évêque  de  Cabors,  mit  des 
chanoines  réguliers  dans  sa  cathédrale  et  les 
fonda,  mais  ce  fut  sans  parler  de  la  règle  de 
saint  Augustin.  Il  avoue  lui-même  que  la  chose 
était  très-nouvelle.  «  Cujus  rei  cum  nulla,  vel 
rarain  partibus  nostrisinvenirem  vestigia,  etc.  » 

Aussi  Sigebert  dit  simplement  que  l'ordre 
des  chanoines  institué  par  les  apôtres,  et  réduit 
à  la  vie  régulière  par  saint  Augustin ,  com- 
mença à  refleurir  sous  Yves  de  Chartres.  «  Ca- 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  COLLÉGIALES,  etc. 


.vu 


nonicus  ordo  primum  alj  Apostolis,  postea  a 
M.  Augustino  episcopo  regulariter  institutus, 
sub  Vvone  cœpit  reflorere  (Spicileg.  vin  , 
p.  161).  »  Encore  cela  se  doit  entendre  de  la 
France.  Car  nous  avons  déjà  vu  que  saint 
Honiuald  et  puis  le  concile  romain  sous  Alexan- 
dre II,  avaient  renouvelé  la  ferveur  ancienne 
de  la  vie  régulière  ;  mais  ce  fut  toujours  sans 
parler  de  saint  Augustin. 

Il  n'y  a  pas  de  réplique  a  la  preuve  qu'on  peut 
tirer  de  l'établissement  des  chanoines  réguliers 
d  Yves  de  Chartres,  alors  prévôt  de  Saint-Quen- 
tin île  Béarnais,  dans  l'église  de  Saint-George  à 
Troyes. 

Philippe,  évèque  de  Troyes,  fit  cet  établisse- 
ment en  1085  avec  le  consentement  de  son 
chapitre,  ayant  fait  venir  Yves  même,  avec 
quelques-uns  de  ses  chanoines  ,  et  ayant  reçu 
de  lui  la  règle,  non  pas  de  saint  Augustin,  niais 
de  l'église  de  Saint-Quentin  deBeauvais.  *  Dom- 
no  itaque  Yvone  abbate  Trecis  in  capitule»  B. 
Pétri  résidente,  hœc  ratio  approbata  est  ex 
utraque  parte ,  ut  fratres  sancti  Georgii  a  san- 
cto  Petro  sua  teneant .  a  beato  autem  Quintino 
regulam  (Spicilegii,  t.  xi.  p.  302).  »  C'est-à-dire 
que  ce  nouveau  collège  de  chanoines  réguliers 
dépendrait  pour  le  temporel  de  la  cathédrale 
de  Troyes,  et  pour  les  règlements  spirituels  de 
Saint-Quentin  de  Beauvais. 

Si ,  dans  l'acte  d'association  qui  fut  fait  en 
1-2-28  ,  entre  les  abbés  de  Saint-Jean-en-Vallée 
de  Chai  très  et  Saint-Quentin  de  Beauvais,  il  est 
dit  qu'Yves  de  Chartres  avait  l'ait  fleurir  l'église 
de  Saint-Quentin  sous  la  règle  de  saint  Augus- 
tin, c'est  qu'on  parlait  alors  selon  le  langage 
du  temps,  et  on  le  faisait  avec  d'autant  plus  de 
justice,  qu'Yves  de  Chartres  avait  fait  pratiquer 
les  mêmes  observances  de  la  règle  de  saint 
Augustin  (Ibidem.,  p.  307). 

Le  prêtre  Bertold  dit ,  qu'en  1095,  Lutolf, 
doyen  de  Toul,  institua  près  de  cette  ville  une 
abbaye  de  chanoines  réguliers  sous  la  règle  de 
saint  Augustin,  ce  qui  fut  conflrméparle  pape 
Urbain  II.  «  Clericos  secundum  regulam  B. 
Auguslini  vivere  professos  congregavii ,  etc. 
Domiuus  Urbanus  papa  tirmissime  decrevit, ut 
clerici  illius  loei  regulam  sancti  Augnstini  in 
perpetuum  custodiant.  » 

Il  est  aussi  vrai  que  peu  de  temps  après  l'au- 
teur contemporain  de  la  vie  de  saint  Gebehard, 
archevêque  de  Salzbourg,  assure  que  Conrad  , 
archevêque  de  la  même  ville,  avait  réduit  à  la 
régularité  les  chanoines  de  saint  Augustin. 


«  Majoris  Ecclesiae  clericorum  vitam  in  melius 
informavit,  et  communem  vitam  canonicorum 

sancti  Augustini  illi  initias  il  [Baronius,  an. 
Mil.  n.  -25  .  » 

Avant  cela,  Urbain  II  écrivant  à  l'évêque  ou 
à  l'abbé  Roger,  de  Soissons ,  suppose  qu'il  y 
avait  des  chanoines  de  saint  Augustin.  «  Pro- 
posai veslri  ordinem  secundum  regulam  B. 
Augustini,  etc.  (Epist.  xviii,  Append.).  » 

Voici  encore  la  règle  de  saint  Augustin  dans 
la  lettre  du  pape  Innocent  II,  a  l'abbé  de  Saint- 
Menue,  a  Chàlons.  «  Xullus  ibi  nisi  regularis 
canonicus  ,  et  secundum  B.  Augustini  regulam 
subrogelur  Epist.  xu '.» 

Le  concile  de  Reims  en  1131(Can.vi,  ix)oùle 
même  Innocent  II  présida,  distingua  tous  les 
réguliers  en  deux  règles,  celle  de  saint  Benoit 
pour  les  moines  ,  et  celle  de  saint  Augustin 
pour  les  chanoines  ,  défendant  également  aux 
uns  et  aux  autres  d'étudier  aux  lois  ou  à  la 
médecine.  «  Spreta  beatorum  magistrorum 
Benedicti  et  Augustini  régula.  » 

Le  concile  II  de  Latran,  sous  le  même  pape, 
employa  les  mêmes  termes.  Le  pape  Anastase  IY 
parle  en  mêmes  termes  des  chanoines  régu- 
liers de  Saint-Jean  de  Latran  à  Borne.  «  Ordo 
canonicorum  ibi  secundum  B.  Augustini  re- 
gulam noscitur  institutus  (Epist.  xi).  » 

On  rapporte  des  privilèges  et  des  lettres  d'Ur- 
bain II  et  de  Pascal  II  pour  les  abbés  et  l'ab- 
baye des  chanoines  réguliers,  qui  ont  pris  leur 
nom  de  l'église  de  Saint-Rufî,  dans  le  diocèse 
d'Avignon,  quoique  l'abbaye  de  Saint-Buff,  qui 
est  le  chef  d'ordre,  soit  à  Yalence,  en  Dau- 
phiné. 

Anselme,  évèque  d'Havelberg,  parle  dans  ses 
dialogues  de  ces  chanoines,  et  les  met  sous  la 
règle  de  saiut  Augustin. 

«  Aug'iistinus  Hipponensis  episcopus,  colle- 
ctis  non  falsis  fra tribus  vita  apostolica  praeele- 
git  vivere,  quibus  etiam  régulas  vivendi  in 
communi  prœscripsit.  Cujus  vestigia  sequens 
quidam  religiosissimus  N.  de  sancto  Ruflb  in 
Burgundia  tempore  l'rbani  papac  surrexit, 
qui  collectis  in  eadem  canoniea  professione 
fratribus  totam  illam  provinciam  primo  illu- 
minavit  (L.  i,  c.  10;  Spicileg.,  tom.  xin.  p.  111, 
93).  » 

Il  parle  ensuite  de  la  congrégation  de  saint 
Norbert.  «  Surrexit  in  eadem  professione  Nor- 
bertus  tempore  Gelasii  papae.  » 

Cet  évèque  renferme  ailleurs  tous  les  moines 
sous  la  règle  de  saint  Benoît ,  et  tous  les  cha- 


332.. 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


noines  réguliers  sous  celle  de  saint  Augustin. 
«  Nec  monachos  qui  sub  régula  beati  Rene- 
dicti  militant;  nec  canonicos  qui  sub  régula 
beati  Augustini  apostolicam  vilain  gerunt , 
imitantur.  » 

Ce  prélat  dédia  ces  dialogues  au  pape  Eu- 
gène III,  et  alors  on  ne  doutait  point  que  les 
chanoines  réguliers  ne  se  fussent  tous  déclarés 
pour  la  règle  de  saint  Augustin. 

Jacques  de  Vitry  parlant  de  la  fondation  de 
Saint-Victor  à  Paris  par  le  roi  Louis  le  Gros  en 
1 1 13,  comme  on  le  prétend,  il  la  met  aussi  sous 
la  règle  de  saint  Augustin.  «  Supra  flrmum  et 
stabile  fundamentum  regulœ  sancti  Augustini 
(Histor.  Occ,  c.  xxiv).  » 

Saint  Rernard  distingue  dans  ses  lettres  les 
chanoines  de  saint  Augustin  d'avec  les  moines 
de  saint  Renoît  (Epist.  h,  m).  Et  au  commen- 
cement de  son  livre  des  préceptes  et  des  dis- 
penses, il  parle  des  règles  de  saint  Rasile  ,  de 
saint  Augustin  et  de  saint  Renoit. 

Etienne  de  Tournay  a  de  la  peine  à  com- 
prendre comment  les  Grammontois  se  disent 
chanoines,  ne  suivant  pas  la  règle  de  saint  Au- 
gustin. 

Il  n'y  a  donc  plus  lieu  de  douter  que  ce  n'ait 
été  environ  l'an  1100  qu'on  a  commencé  à 
revêtir  l'ordre  des  chanoines  réguliers,  du  nom 
et  de  la  gloire  de  saint  Augustin,  ce  qu'on  n'a- 
vait pas  fait  dans  le  neuvième  siècle. 

La  raison  en  était  évidente,  et  ce  fut  peut- 
être  une  chose  concertée,  pour  distingue  ries 
chanoines  réguliers  de  ces  derniers  siècles 
d'avec  ceux  du  temps  de  Louis  le  Débonnaire 
et  du  concile  d'Aix-la-Chapelle,  qui  leurdressa 
une  règle.  Ceux  des  derniers  siècles  faisant 
profession  de  renoncer  à  tous  les  biens  de  la 
terre,  étaient  en  cela  les  parfaits  imitateurs  du 
clergé  de  saint  Augustin,  ce  qu'on  ne  peut  pas 
dire  de  ceux  du  neuvième  siècle,  qui  pouvaient 
ne  pas  abandonner  leur  patrimoine. 

IX.  C'est  peut-être  aussi  ce  qu'on  a  entendu 
par  la  règle  de  saint  Augustin.  En  effet,  il  ne 
dressa  jamais  de  règle  particulière  pour  son 
clergé,  se  contentantdela  règle  et  de  l'exemple 
des  apôtres ,  où  il  faisait  voir  très-clairement 
et  la  vie  commune  et  la  désappropriation  par- 
faite. Mais  on  était  bien  aise  d'opposer  cette 
règle,  plutôt  pratiquée  qu'écrite  par  saint  Augus- 
tin, à  la  règle  des  chanoines  propriétaires  du 
neuvième  siècle,  qui  fut  apparemment  plus  soi- 
gneusement écrite  que  pratiquée. 

Après  cela  on  peut  bien  avoir  donné  le  nom 


de  la  règle  de  saint  Augustin  à  quelques  consti- 
tutions postérieures,  ou  d'Yves  de  Chartres,  ou 
de  quelque  autre  zélé  propagateur  de  la  même 
réforme.  Par  exemple ,  quand  le  concile  de 
Montpellier,  en  1244  (Can.  xxvi,  xxvn)  défend 
aux* chanoines  réguliers  de  quitter  leurs  sur- 
plis, si  ce  n'est  pendant  leurs  maladies,  ou  en 
d'autres  nécessités  exprimées  par  la  règle ,  et 
de  ne  porter  jamais  de  fourrures  à  cheval,  sui- 
vant la  règle  de  saint  Augustin.  «  Superpelli- 
ceis  semper  utantur,  nisi  erit  de  permissione 
régulée,  etc.  juxta  regulam  R.  Augustini,  etc.» 
Ce  sont  des  règlements  postérieurs,  qu'on  a 
autorisés dece  nom  spécieux,  parce  quec'étaient 
les  pratiques  des  plus  parfaits  imitateurs  de 
saint  Augustin. 

Ces  règlements  ne  se  trouvent  en  façon  quel- 
conque dans  la  lettre  cent  neuvième  de  saint 
Augustin,  qui  contient  la  règle  qu'il  donna 
aux  religieuses  qui  vivaient  sous  la  conduite 
de  sa  sœur. 

Le  père  Hugues  Médard  a  remarqué  que  ce 
fut  le  célèbre  abbé  Renoît  qui  compila  la  con- 
corde des  règles  sous  l'empire  de  Louis  le  Dé- 
bonnaire, qui,  changeant  quelques  termes  dans 
cette  lettre  écrite  à  des  religieuses,  en  fit  une 
règle  propre  à  des  religieux  ou  à  des  chanoines 
réguliers,  de  même  qu'il  avait  tâché  d'ajuster 
à  des  religieux  les  règles  que  saint  Césaire  et 
Aurélien,  archevêques  d'Arles,  avaient  écrites 
pour  des  religieuses.  Mais  il  ne  paraît  point,  ni 
qu'au  temps  de  Louis  le  Débonnaire,  ni  qu'à 
celui  d'Yves  de  Chartres,  cette  lettre  ou  règle 
de  saint  Augustin  eût  été  proposée  aux  cha- 
noines réguliers  de  saint  Augustin.  L'abbé 
Renoît,  ce  fameux  compilateur  de  la  concorde 
des  règles  ne  pensa  seulement  pas  à  fabriquer 
ou  à  proposer  les  règles  à  d'autres  qu'à  des 
religieux.  S'il  est  vrai,  comme  on  le  dit,  qu'il 
y  ait  tant  de  manuscrits  où  cette  lettre  cent 
neuvième  de  saint  Augustin  ne  soit  pas  telle 
que  nous  l'avons  dans  nos  éditions  communes, 
ce  pourraient  bien  être  des  manuscrits  posté- 
rieurs à  ce  fameux  compilateur  de  la  concorde 
des  règles. 

Le  pape  Renoît  XI  publia,  en  l'an  1339,  dans 
une  de  ses  bulles,  toutes  les  constitutions  des 
chanoines  réguliers,  répandus  dans  une  infi. 
mité  d'églises  cathédrales  et  collégiales  par  tout 
le  monde  ;  mais  cette  lettre  de  saint  Augustin 
n'y  a  point  de  part  (ConciL,  tom.  u,  part.  2, 
pag.  1799,  etc.). 
X.  S'il  est  vrai  que  Gênais,  archevêque  de 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  COLLÉGIALES,  rtc. 


533 


Reims,  ayant  réparé  l'église  de  Saint-Denis  de 
Reims,  y  ait  établi  des  chanoines  réguliers 
suivant  la  règle  de  saint  Augustin  en  1067, 
connue  on  a  cru  le  vérifier  par  les  chartes  de 
cette  abbaye  :  «  Canonicos  ibi  constitui  beati 
Augustini  ordinern  regulamque  profitentes 
Desnos,  in  canonico  regul..  I.  m.  c.  32),  »  ce 
sera  là  une  des  premières  occasions  où  cette 
règle  ail  été  mise  en  vogue. 

Il  est  tort  vraisemblable  que  cet  archevêque 
ne  lit  que  communiquer  à  l'abbaye  de  Saint- 
Denis  les  règles  de  son  église  cathédrale,  où  la 
régularité  et  la  vie  commune  étaient  exactement 
observées,  et  où  l'on  ne  s'en  relâcha  qu'en  1 I9S. 
Car  ce  fut  alors  que  le  savant  et  zélé  Etienne 
de  Tournay  écrivit  une  lettre  si  pressante  au 
doyen  de  Reims  pour  le  détourner  de  la  réso- 
lution qu'on  y  avait  prise  d'abandonner  la  vie 
commune  et  partager  entre  les  chanoines  le 
patrimoine  de  leur  communauté  (Epist.  clx). 

Ce  partage  avait  déjà  été  fait  dans  une  grande 
partie  des  cathédrales  de  France,  et  il  importait 
d'autant  plus  que  l'Eglise  de  Reims  ne  se  laissât 
pas  dépouiller  de  cette  prééminence  de  sainteté, 
qui  la  rehaussait  au-dessus  de  toutes  les  autres. 

«  Singulari  quodam  privilegio  ecclesia  Re- 
mensis  inter  alias  Galliarum  Ecclesias  emine- 
bat.  perseverans  cum  Apostolis  in  communione 
panis  et  oratione.  etc.  Scio  mansuetudinem 
domini  Remensis  archiepiscopi  tantam  esse,  ut 
facile  cedat.  maxime  cum  generalis  Ecclesiae 
Gallicans  consuetudo  ,  singulares  portiones 
canonicis  suis  distribuendas  concédât  etappro- 
bet,  et  summi  Pontiûcis  autoritas  non  recla- 
met.  » 

En  l'an  1136.  Hugues,  évèque  d'Auxerre. 
donna  à  ses  chanoines  plusieurs  paroisses  avec 
leurs  dîmes,  à  condition  que.  pendant  tout  le 
carême,  ils  vivraient  en  communauté  dans  le 
réfectoire.  «  Ea  conditione  ut  per  singulos 
annos  tota  quadragesima  inrefeetoriocommu- 
niter  comedant  (Spicileg.,  tom.  xiii,  p.  314).  » 
C'étaient  des  vestiges  de  la  vie  commune  entre 
les  chanoines  des  cathédrales  que  les  évêques 
tâchaient  de  rétablir. 

Si.  avant  1200,  la  coutume  générale  des 
églises  cathédrales  du  royaume  de  France  avait 
déjà  abandonné  la  vie  commune  et  avait  auto- 
risé le  partage  des  prébendes  entre  les  cha- 
noines, il  faut  donc  reconnaître  que  ce  renou- 
vellement de  la  vie  apostolique  n'y  avait  duré 
qu'une  centaine  d'années.  Mais  il  est  certain 
que  la  vie  commune  s'était  conservée  dans  plu- 


sieurs cathédrales  de  France  et  ailleurs,  depuis 
plusieurs  siècles,  et  avant  le  décret  d'Alexan- 
dre II,  qui  la  renouvela  dans  les  lieux  où  elle 
s'i  tait  éteinte. 

Telle  était  l'Eglise  de  Reims,  comme  nous 
venons  de  voir,  et  celle  de  Resançon,  comme 
nous  apprend  Pierre  Damien  ,  qui  dit  que 
l'archevêque  y  avait  un  logement  près  de 
l'église,  si  écarté  du  commerce  du  monde, 
qu'il  pouvait  passer  pour  une  sainte  solitude  ; 
que  de  l'autre  côté  de  l'église,  les  chanoines 
avaient  leur  cloître,  qui  était  une  école  des 
plus  saintes  études  et  des  exercices  de  la  \ie 
régulière. 

«  Claustrum  post  absidam  ecclesiae  tuo  dun- 
taxat  habitaculo  dedicatum,  ubi  tam  private, 
tam  remote  studio  potes  orationis  ac  lectionis 
insistere,  ut  eremitica  videaris  solitudine  non 
egere.  Alterum  quoque  claustrum,  ubi  candi- 
dus  clericorum  tuorum  cœtus.  lllic  velut  in 
cœlestis  Athena?  gymnasio,  sacrarum  Scriptu- 
rarum  erudiuntur  eloquiis,  etc.  (L.  ni,  ep.  s  .  » 

Le  même  Pierre  Damien  fait  ailleurs  une 
admirable  peinture  de  la  vie  pénitente  de  la 
communauté  de  ses  chanoines  dans  l'église  de 
Vélétry  L.  m  ,  ep.  10).  L'évêque  et  la  plus 
grande  partie  du  chapitre  de  Relley,  impétrè- 
rent  une  bulle  d'Innocent  II,  en  1 11-2,  pour 
établir  la  communauté  des  biens  et  la  règle  de 
saint  Augustin  dans  leur  église  Gall.  Chris!., 
tom*  il,  p.  361;  tom.  m,  pag.  787,  967,  etc.). 
Le  même  Innocent  II  confirma,  en  1137,  l'éta- 
blissement que  l'évêque  de  Nice  avait  fait  des 
chanoines  réguliers  dans  sa  cathédrale,  et  or- 
donna qu'on  n'y  pourrait  même  élire  d'évêque 
qui  ne  fût  chanoine  régulier.  «  Nemo  ibi  prê- 
ter regularis  episcopus  ordinetur.  » 

Jean,  évêque  de  Séez,  soutenu  de  l'autorité 
du  pape  Honoré  III.  de  l'archevêque  de  Rouen 
et  du  roi  Henri,  d'Angleterre,  établit,  en  1131, 
les  chanoines  réguliers,  tirés  de  Saint-Victor, 
de  Paris,  dans  son  église  cathédrale.  Arnulphe, 
évêque  de  Lisieux,  frère  de  Jean,  écrivit  ensuite 
une  lettre  sur  ce  sujet  au  pape  Alexandre  III, 
où  il  l'assure  qu'avant  cette  réformation  treize 
chanoines  avaient  peine  de  subsister  dans 
l'église  de  Séez,  où  présentement  il  y  en  avait 
trente-six  réguliers.  Le  successeur  de  Jean 
tâcha  de  renverser  la  régularité  qu'il  avait  éta- 
blie; il  prétendait  que  les  réguliers  n'étaient 
pas  capables  d'exercer  les  charges  d'archidiacre 
qui  sont  élevées  a  une  si  grande  juridiction. 
Arnulphe  travailla  à  prémunir  et  à  affermir  le 


o3-i 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  ONZIÈME. 


pape  contre  les  artifice?  de  ce  prélat  relâché 
[Arnulphus,  ep.  xm.  sxvi  . 

Gérald,  évêque  île  Cahors,  établissant  des 
chanoines  réguliers  en  son  église,  en  1090, 
avec  l'agrément  de  l'archevêque  de  Bourges 
et  du  comte  de  Toulouse,  déclare  que  c'était 
une  chose  très-nouvelle  et  sans  exemple  dans 
ces  quartiers.  Aussi,  n'y  parle-t-il  point  de  la 
règle  de  saint  Augustin  :  «Cujus  rei  cuin  rai  a. 
vel  nulla  pêne  in  partibus  nostris  invenirem 
exempla,  undecumque  non  sine  labore  clericos 
bonae  opinionis  in  unum  aggregavi  (Spicileg., 
toni.  vin,  p.  ltil).  » 

Saint  Laurens,  archevêque  de  Dublin,  établit 
aussi  des  chanoines  réguliers  dans  son  Eglise. 
Le  grand  saint  Thomas,  archevêque  de  Cantor- 
béry,  trouvant  son  chapitre  composé  de  reli- 
gieux depuis  tant  de  siècles,  prit  lui-même 
l'habit  et  la  règle  de  chanoine  régulier  (Surins, 
die  24  Nov.,  c.  il).  Le  compilateur  de  la  bi- 
bliothèque de  Prémontré  prétend  que  les 
églises  patriarcales ,  les  métropolitaines  et 
épiscopales,  surtout  celles  de  France,  ont  été 
gouvernées  autrefois  par  les  chanoines  régu- 
liers (Bibl.  Praem.,  p.  96,  etc.). 

Nangis  dit  qu'en  H29  saint  Norbert,  arche- 
vêque de  Magdebourg,  mit  les  chanoines  régu- 
liers de  son  ordre  en  la  place  des  séculiers. 
Guillaume  de  Tyr  (  Liv.  ix,  cliap.  9  dit  que 
Godefroy  de  Bouillon  ne  l'ut  pas  plus  tôt  maî- 
tre de  la  ville  de  Jérusalem  qu'il  y  fonda  et 
dota  un  chapitre  semblable  à  ceux  de  l'Oc- 
cident. 

Jacques  de  Vitry,  dans  le  chap.  .">s  de  l'His- 
toire de  Jérusalem,  dit  que  l'église  patriarcale 
île  Jérusalem,  qui  est  celle  du  Saint-Sépulcre, 
était  desservie  par  des  chanoines  réguliers  de 
Saint-Augustin,  qui  avaient  un  prieur  au  lieu 
d'un  abbé  et  à  qui  appartenait  le  droit  d'élire 
le  patriarche. 

Kl.  Le  nombre  n'a  peut-être  pas  été  moindre 
des  églises  cathédrales  remplies  par  des  moi- 
nes :  Augustin  et  Laurens,  apôtres  d'Angle- 
terre, étaient  moines,  et  y  mirent  dans  tous  les 
évèchés  des  religieux  au  lieu  des  chanoines  : 
«  lu  episcopiis  suis  vice  canonieorum,  quod 
\i\  in  aliis  terris  invenitur.  monachos  pie  con- 
stituerunf  (Ordericus,  1.  iv).  »  Deux  cents  ans 
après,  les  Danois  firent  une  irruption  dans 
l'Angleterre  et  y  renversèrent  toutes  les  églises. 
Cette  désolation  dura  presque  jusqu'au  temps 
de  saint  Dunstan,  qui  lit  venir  en  Angleterre 
saint  Abbon,  abbé  de   Fleury,  avec  d'autres 


saints  religieux,  pour  rétablir  l'état  monastique 
dans  les  églises  d'Angleterre. 

Le  renouvellement  de  la  discipline  ne  se  fit 
néanmoins  proprement  qu'au  temps  de  Guil- 
laume le  Conquérant  et  de  l'archevêque  Lan- 
franc.  Ce  fut  alors  que  le  pape  Alexandre  H 
écrivit  à  cet  archevêque  pour  s'opposer  à  l'au- 
dacieuse entreprise  de  ceux  qui  voulaient  ban- 
nir les  moines  de  toutes  les  cathédrales  et  leur 
substituer  des  clercs. 

«  Moliuntur  de  ecclesia  S.  Salvatoris  in  Do- 
robernia,  quae  est  metropolis  totius  Britanniae 
monachos  expellere,  et  clericos  ibi  constituere; 
et  ut  in  omni  sede  episcopali  ordo  monachorum 
extirpetur,  quasi  in  eis  non  vigeat  autoritas 
religionis  (Ordericus  Vitalis.an.  1070,  p. 316).  » 

Ce  pape  ajoute  les  décrets  de  ses  prédéces- 
seurs qui  ont  établi  et  confirmé  l'ordre  mo- 
nastique dans  toutes  les  églises  d'Angleterre 
(Epist.  xxxix,  Alex.  11). 

Jean  de  Salisbury  a  peut-être  un  peu  exagéré 
les  mésintelligences  fréquentes  entre  les  arche- 
vêques de  Cantorbéry  et  les  moines  de  la  ca- 
thédrale. Robert  du  Mont  dit,  en  ll.M,  que 
de  dix-sept  évêchés  d'Angleterre,  il  y  en  avait 
huit  dont  les  cathédrales  étaient  possédées  par 
des  moines,  une  par  des  chanoines  réguliers, 
ce  qu'il  était  difficile  de  trouver  ailleurs  :  «  In 
octo  eorum  sunt  monachi  in  episcopalibus  se- 
dibus;  hoc  in  aliis  provinciis,  ut  nusquam,aut 
raro  invenies  (Epist.  ccxxvn).  » 

J'avoue  que  ces  colonies  de  moines,  dans  les 
chapitres  des  cathédrales,  n'ont  pas  été  si  fré- 
quentes ailleurs  que  dans  l'Angleterre;  mais  il 
est  aussi  tres-véritable  que  la  vie  commune  et 
la  régularité  exacte  qu'on  y  observait  était  fort 
peu  différente  de  l'état  monastique.  Le  concile 
de  Cologne, en  1536,  fait  descendre  la  discipline 
régulière  des  chanoines  de  celle  des  moines: 
«  Sint  reipsa  ut  sunt  nomine  canonici,  id  est 
regulares.  Neque  enim  clam  est,  primam 
eorum  originem,  monastieae  fuisse  disciplina 
Part,  ni,  c.  4).  » 

Le  sens  de  ce  canon  n'est  pas  que  les  moines 
aient  précédé  les  chanoines  dans  toutes  les 
églises;  mais  c'est  que  la  première  règle  de 
Crodogangus.  qui  lut  dressée  pour  les  cha- 
noines, n'était  presque  autre  chose  que  la 
règle  de  saint  Benoit  accommodée  a  l'étal 
ecclésiastique. 

Baronius  confesse  que  L'église  île  Saint-Jean 
de  Latran,  a  Rome,  qui  est  la  cathédrale  du 
pape,  a  été  occupée  par  les  religieux  du  Mont- 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  COLLÉGIALES,  et.: 


:,3;> 


Cassin  jusqu'à  Innocent  II  ;  elle  fut  depuis 
donnée  aux  chanoines  réguliers. 

Les  évêques  <lu  concile  de  Langres,  en  1 1  Hi, 
obligèrent  les  chanoines  réguliers  de  Saint- 
Etienne  de  Dijon  de  quitter  la  solitude  de  la 
campagne,  où  ils  s'étaient  retirés  cU  puis  quatre 
ans  par  un  amour  passionné  de  la  retraite,  et 
de  retourner  dans  leur  église.  Les  conciles  de 
Reims  et  de  Latran.  en  1131  et  lt.'tit,  traitèrent 
les  chanoines  et  les  moines  avec  la  même  sé- 
vérité, en  leur  détendant  également  l'étude  des 
lois  et  de  la  médecine. 

Le  concile  de  lïéziers,  en  1-233  (Cap.  xiv), 
propose  aussi  bien  aux  chanoines  réguliers 
qu'aux  moines  l'obligation  indispensable  de  la 
pauvreté,  la  chasteté  et  l'obéissance  :  «  Abdi- 
calio  proprietatis.  continentia  carnis,  obedien- 
tia  regularis.  »  Le  concile  de  Salzbourg,  en 
1271  (Can.  v),  après  avoir  proposé  aux  moines 
les  plus  importantes  de  leurs  règles,  en  fait  en 
même  temps  une  loi  pour  les  chanoines  régu- 
liers :  «  H;ee  eadem  in  canonicis  regularibus.» 

XII.  Le  discours  de  la  vie  commune  parmi 
les  chanoines  nous  a  insensiblement  jetés  dans 
toutes  ces  digressions,  qui  peuvent  néanmoins 
passer  pour  des  preuves  convaincantes  de  ce 
que  nous  voulions  établir.  Les  grands  évêques 
des  derniers  siècles  ont  fait  les  derniers  efforts 
pour  persuader  à  leurs  chapitres  de  se  réunir 
tous  dans  un  corps  de  communauté  Gomecius, 
de  gestis  Ximenii.  I.  i). 

Le  cardinal  Ximenès  n'eut  pas  plus  tôt  été 
sacré  qu'il  fit  proposer  cette  manière  aposto- 
lique de  vivre  en  communauté  à  son  chapitre 
de  Tolède  :  «  Ut  canonici,  et  eorum  socii,  qui 
portionarii  dicebantur,  ad  vitae  communitatem 
redirent.  »  Au  moins  il  demanda  que  les  offi- 
ciers de  l'autel  qui  sont  en  semaine  demeu- 
rassent pendant  ce  temps-la  retirés  dans  un 
lieu  de  retraite.  Les  chanoines  appréhendèrent 
que  ce  vigoureux  prélat,  qui  était  passionné 
pour  le  renouvellement  de  l'ancienne  disci- 
pline, «  restituendae  veteris  disciplinas  cupidis- 
simus,  »  et  qui  travaillait  actuellement  à  une 
exacte  réformation  de  tous  les  monastères 
d'Espagne,  n'eût  forme  un  semblable  dessein 
à  leur  égard;  mais  ce  sage  prélat  se  contenta 
de  les  exhorter  à  reprendre  l'institution  des 
chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin,  qu'ils 
avaient  quittée,  sans  vouloir  user  de  contrainte, 
ni  pour  cet  article,  ni  pour  celui  des  officiers 
de  l'autel. 

Saint  Charles,  archevêque  de  Milan,  témoigna 


une  passion  ardente  à  son  chapitre  de  vivre  en 
communauté  avec  eux  .  après  avoir  réuni  tous 
les  revenus  de  l'évêché  avec  ceux  du  chapitre 
en  une  mense  commune,  afin  d'être  ensuite 
distribués  selon  les  besoins  de  chacun.  Les 
lettres  du  pape  Eugène  III  faisaient  foi  que, 
sous  l'archevêque  Obert,  le  chapitre  de  Milan 
vivait  dans  cette  régularité  parfaite.  Dom  Bar- 
thélemy-des-Martyrs,  archevêque  de  Drague, 
fit  la  même  proposition  à  son  chapitre  avec 
aussi  peu  de  succès. 

XIII.  On  aura  pu  observer,  dans  ce  qui  a  été 
dit  jusqu'à  présent,  que  les  évêques  ont  été  les 
plus  ordinaires  fondateurs  des  communautés 
régulières  dans  leurs  chapitres  et  des  autres 
églises  collégiales  de  leur  diocèse.  Pierre  Da- 
mien  loue  l'archevêque  de  Besançon  de  ce  que 
non-seulement  il  contenait  tous  les  chanoines 
de  sa  cathédrale  dans  la  régularité  du  cloître, 
mais  il  bâtissait  en  même  temps  deux  autres 
églises  collégiales.  «  Praeter  istas,  duas  alias 
noviter  canonicas  uno  simul  eodemque  tem- 
pore  construis  (L.  ni,  ep.  8.  10;  ep.  15).  » 

Pierre  Damien  avait  lui-même  réduit  son 
chapitre  de  Vélctry  a  la  vie  régulière.  Alexan- 
dre Il  confirma  la  fondation  qu'avait  faite 
l'évêque  de  Passau,  en  Allemagne,  d'une  église 
et  d'une  maison  de  chanoines  réguliers. 
Calixte  II  confirma  toutes  les  fondations  sem- 
blables de  l'évêque  de  Bamberg.  «  Abbatias  vero 
et  regulares  canonicas  per  industriam  tuam  in 
religionis  ordine  stabilitas,  nulli  honiinum  fas 
sit  in  posterum  immutare  (Baronius,  an.  1124, 
n.  2,  ep.  vin).  » 

Ces  exemples  montrent  évidemment  que  les 
évêques  fondaient  ces  abbayes  et  ces  églises 
collégiales  de  leur  propre  autorité,  et  que  l'on 
ne  recourait  au  pape  que  pour  empêcher  que 
les  évêques  futurs  ou  d'autres  violents  usurpa- 
teurs ne  renversassent  ou  ne  jetassent  dans  le 
relâchement  ces  sanctuaires  de  piété.  Etienne 
de  Tournay  s'adressa  au  pape  Alexandre  III 
afin  qu'il  réprimât  par  son  autorité  les  cha- 
noines séculiers  qui  menaçaient  de  faire  vio- 
lence aux  chanoines  réguliers  de  Blois. 

«  Oritur  juxta  eos  et  utinam  non  contra, 
quaedam  plantatio  singularium  ,  seu  ssecula- 
rium,  canonicorum,  quos  utrum  Pater  ccelestis 
plantaverit  ,  needum  scimus.  Placeat  oculis 
benevolentiœ  vestrœ  Pater,  ut  jura  regularium 
non  minuant  sa'culares,  ut  filioruin  panes  non 
comedant  alieni  (Synod.  Paris.,  Hist.  univ. 
Paris.,  tom.  vi,  p.  374,  ep.  lxxxv).  » 


536 


DES  CONGRÉGATIONS.  -  CHAPITRE  ONZIÈME. 


Le  concile  de  Cologne;  en  L260  [Can.  vu), 
rétablit  la  vie  commune  et  régulière  parmi  les 
chanoines  de  toute  la  province.  Les  prélats  de 
ce  concile  usèrent  du  pouvoir  que  leur  carac- 
tère leur  donnait,  et  qui  leur  était  encore  con- 
firmé par  une  décrétale  du  droit  nouveau,  qui 
permet  aux  évèques  de  contraindre  les  cha- 
noines de  leurs  églises  de  joindre  tous  leurs 
revenus,  de  vivre  en  communauté  dans  une 
même  maison,  et  de  proportionner  leur  nombre 
aux  moyens  et  aux  charges  de  leur  église. 

«  Statuimus,  ut  facultatibus  ecclesiarum  ve- 
strarum  ,  proventibus  et  expensis  diligenter 
inspectis,  certum  in  eis  valeatis  ponere  nume- 
rum  clericorum ,  et  statuere  ut  bona  eorum 
veniant  in  commune,  in  una  domo  vescantur, 
atque  sub  uno  tecto  dormiant  et  quiescant.  Si 
qui  vero  contradictores  extiterint,  licitum  vobis 
sit  per  suspensionem  officii  et  beneficii,  aut 
graviori  etiam  pœna  si  opus  fuerit,  ad  hanc  eos 
observantiam  compellere  ,  appellatione  non 
obstante  (C.  Quoniam  de  vita  et  honest.  Cleri).  » 

Cette  décrétale  est  plus  vraisemblablement 
de  Grégoire  VII  que  des  autres  papes  du  même 
nom,  et  elle  cessa  d'être  en  vigueur  quand  la 
ferveur  que  ce  pape,  successeur  d'Alexandre  II 
et  de  Nicolas  II,  avait  tâché  d'entretenir,  se  fut 
ralentie. 

En  1 135  Guérin,  évêque  d'Amiens,  fonda  un 
collège  de  chanoines  réguliers  dans  une  église 
d'Amiens  qui  relevait  du  chapitre,  et  le  sou- 
mit avec  son  prévôt  au  doyen  du  chapitre, 
«  Sub  decano  majoris  ecclesia?,  »  en  sorte  que 
le  prévôt  appelât  le  doyen  à  son  secours,  quand 
il  en  aurait  besoin  :  «  Guipas  corrigat,  et  in 
quibus  necesse  fuerit,  coadjutorem,  sibi  deca- 
num  adhibeat  (Spicileg.,  tom.  su, p.  159, 162).  » 
En  1145,  l'évéque  d'Amiens  fit  de  ce  prieuré 
une  abbaye  dont  l'abbé  dépendrait  toujours 
du  chapitre. 

Les  chanoines  prévenaient  quelquefois  par 
leur  fervente  piété  les  sollicitations  de  leur 
évêque,  et  se  soumettaient  au  joug  de  la  ré- 
forme, comme  il  paraît  du  chapitre  de  Romans 
en  Dauphiné,  et  de  Saint-Sornin  ou  Saturnin  à 
Toulouse,  par  les  lettres  de  Grégoire  VIL  qui 
confirma  toutes  leurs  saintes  résolutions  sur  ce 
sujet  (L.  ii,  ep.  59;  1.  ix,  ep.  2'.)).  On  peut 
aussi  voir  les  lettres  d'Innocent  II,  pour  une 
semblable  réforme,  dans  Saiut-Menge  de  Chà- 
lons  (Epist.  xu). 

Les  canonistes  nouveaux  traitent  cette  ques- 
tion :  si    l'autorité  du   pape  est  absolument 


nécessaire  pour  l'érection  d'une  église  collé- 
giale. 

Plusieurs  l'estiment  nécessaire,  mais  ils 
avouent  eux-mêmes  qu'il  y  en  a  plusieurs 
autres  d'un  avis  contraire,  aux  sentiments  des- 
quels la  Rote  même  se  conforma  en  l'an  1625 
(Barbosa,  De  Can.  et  dig.,  c.  u,  n.  8).  Jean  du 
Bellay,  cardinal  évêque  de  Paris,  érigea  en  cha- 
pitre et  en  église  collégiale  le  collège  de  Saint- 
Nicolas  du  Louvre,  qui  n'était  effectivement 
qu'un  collège  d'étudiants (Synod.  Paris.,  Ilist. 
univ.  Paris.,  tom.  vi,  p.  374).  Il  était  mani- 
festement soutenu  du  chap.  Quoniam.  De  ho- 
nestate  Clericorum ,  où  le  pape  reconnaît  ce 
pouvoir  dans  les  évoques. 

Sous  le  roi  Edouard  I"  d'Angleterre,  l'évéque 
de  saint  Davids,  en  la  principauté  de  Galles, 
érigea  une  collégiale  avec  l'agrément  de  ce 
roi.  En  1286,  l'évéque  de  Durham  érigea  une 
riche  paroisse  en  l'église  collégiale,  ce  qui  fut 
confirmé  par  le  roi  Edouard  I"  (Constitut.  An- 
tiquae  Reg.  Ang.,  p.  325,  460,  462). 

Quelques-uns  disent  que  la  congrégation  du 
concile  a  déclaré  que  ce  pouvoir  était  réservé 
au  pape  (Barbosa.  De  Off.  ep.,  part.  3,  alleg.  68). 
Rebuffe  se  contente  de  dire  que  la  coutume 
est  de  faire  intervenir  l'autorité  du  pape  pour 
l'érection  des  collégiales.  «  Hocsoletlieri  papse 
autoritate,  licet  quidam  dicant  fieri  posse 
episcopi  autoritate  (Rebuf.,  Prax.  de  erect.  in 
Colleg.).  » 

Les  chapitres  mêmes  des  cathédrales  ont  été 
autrefois  institués  et  fondés  par  les  évèques  et 
par  les  princes  temporels,  comme  il  a  été  sou- 
vent montré  ci-devaot,  et  comme  on  pourra 
l'observer  dans  la  suite.  Quand  l'évéque  Gérold 
d'Aldembourg  eut  lait  consentir  le  duc  de  Saxe 
à  la  translation  de  son  siège  épiscopalà  Lubcck, 
ils  y  établirent  tous  deux  un  chapitre  de  douze 
chanoines  et  un  prévôt,  et  leur  assignèrent  tics 
prébendes,  au  temps  du  pape  Adrien  IV  (Hel- 
mod.,  1.  i,  c.  89). 

XIV.  Les  congrégations  régulières  de  cha- 
noines envoyaient  aussi  des  colonies  nouvelles 
dans  les  pays  les  plus  éloignés,  à  la  demande 
des  rois  et  des  évèques.  Absalon  évêque  de  Ros- 
cbild  en  Danemark,  en  obtint  une  de  l'abbaye 
de  Sainte-Geneviève  à  Paris,  pour  son  diocèse  , 
comme  il  est  raconté  dans  la  vie  de  Guillaume, 
abbé  de  Roscbild,  qui  lut  un  de  ceux  qui 
y  lurent  envoyés  (Baron.,  an.  1161,  n.  18). 
Innocent  111  prit  sous  sa  protection  les  cha- 
noines de  Valerford,  en  Irlande,  qui  étaient  de 


DES  CHAPITRES  DES  ÉGLISES  COLLÉGIALES,  etc. 


537 


la  réforme  de  Saint-Victor  de  Paris  (Regest. 
xiii,  epist.  80;. 

L'histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  de 
Tournay  assure  que  saint  Norbert  fonda  cent 
abbayes  de  son  ordre  en  l'espace  de  trente  ans 
(Spicil.,  loin,  xn,  p.  449).  11  en  fonda  même 
dans  la  Palestine.  Il  serait  surprenant  que  des 
chapitres  de  chanoines  eussent  fondé  des  mo- 
nastères pour  des  moines,  si  le  pape  Urbain  II 
n'avait  vérifié  lui-même  que  le  monastère  de 
Corméry  avait  été  fonde  par  les  chanoines  de 
Saint-Martin  de  Tours,  et  que  par  conséquent 
les  nouveaux  abbés  de  Corméry  devaient  tou- 
jours venir  prendre  la  crosse  du  tombeau  de 
saint  Martin.  «  Canonicorum  studio  fuisse  a'di- 
ficatum  (Conc.  Gen.,  tom.  x.  pag.  602).  » 

L'abbaye  de  Saint-Vast.  à  Arras,  ayant  au 
contraire  un  petit  chapitre  de  chanoines  dans 
sa  dépendance  et  dans  sa  même  exemption,  et 
les  abbés  ayant  obtenu  du  Saint-Siège  l'union 
de  cette  mense  à  la  leur ,  en  faisant  desservir 
cette  église  par  des  religieux,  Innocent  III  con- 
firma la  résolution  plus  pieuse  d'un  autre  abbé, 
d'y  rétablir  des  chanoines  séculiers  et  de  leur 
fournir  des  revenus  suffisants.  «  Ad  amplian- 
dum  cul  tu  m  divini  nominis.  canonicos  saecu- 
lares  prout  ibidem  quondam  fuerant ,  in  ea 
ordinare  desideras  (Innoc.  III,  1.  i,  ep.  166  .  » 

XV.  Ces  chanoines  avaient  la  prééminence 
sur  les  monastères  de  leur  fondation,  mais,  en 
général,  tout  l'ordre  des  chanoines  a  eu  la 
préséance  et  le  rang  d'honneur  sur  les  moines 
comme  faisant  une  partie  du  clergé.  Abélard  a 
traité  cette  question  dans  une  de  ses  lettres,  à 
l'avantage  des  moines  contre  les  chanoines  ré- 
guliers (Epist.  m). 

Ce  qu'il  dit  néanmoins  ne  regarde  que  la 
perfection  suréminente  des  vertus  et  des  austé- 
rités monastiques.  Et  cela  n'empêcha  pas 
Pie  IV  de  terminer  ce  différend  en  faveur  des 
chanoines,  quand  il  prononça  que  les  chanoines 
de  Saint- Jean  de  Latran,  dans  toutes  les  proces- 
sions cl  dans  toutes  les  actions  publiques,  pren- 
draient le  dessus  comme  ecclésiastiques  ;  mais 
que  les  abbés  de  leur  corps  et  ceux  des  béné- 
dictins en  particulier  prendraient  rang  dans 
les  conciles  et  ailleurs  selon  l'antiquité  de  leur 
promotion  [Sponde.,  anno  1564,  n.  18). 

Aussi  le  concile  d'Autun.  en  1U77  xix,  q.  3, 
c.  Nulius  Abbas  .  défendit  aux  moines  d'attirer 


à  leur  société  ceux  qui  étaient  déjà  engagés 

dans  celle  des  chanoines  réguliers. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  concile  de 
I.angres.  en  11  Ki  Coneil..  loin.  x.  pag.  850, 
I  138),  rappela  dans  leur  premier  institut  les 
chanoines  réguliers  de  Saint-Etienne  de  Dijon, 
qui,  depuis  quatre  ans,  s'étaient  retirés  dans 
une  solitude.  Calixte  II  et  Anastase  IV  ont 
défendu  aux  chanoines  réguliers  de  sortir  de 
leurs  congrégations  sans  l'agrément  de  leurs 
supérieurs,  même  pour  entrer  dans  une  société 
plus  austère. 

C'est  apparemment  Urbain  II  qui  fut  le  pre- 
mier auteur  de  cette  modification  dans  un 
décret  rapporté  par  Gratien.  Car  le  concile 
d'Autun  (xix.  q.  3),  sous  Grégoire  VII,  défendit 
absolument  aux  moines  de  recevoir  les  cha- 
noines réguliers  ;  Urbain  II  ajouta  :  «  Sine 
abbatis  totiusque  eongregationis  permissione.  » 

Il  est  vrai  que  Gratien  rapporte  au  même 
endroit  un  autre  décret  du  même  Urbain  11, 
qui  défend  absolument  aux  chanoines  réguliers 
de  se  faire  moines ,  si  ce  n'est  pour  expier 
quelque  crime  :  «  Ne  quis  canonicus  régulai  is 
professus,  nisi  quodabsit,  publiée  lapsus  fiierit, 
inonachus  efficiatur.  »  Mais  cette  matière  me 
mènerait  trop  loiu,  et  elle  n'est  pas  autrement 
de  mon  sujet. 

Je  remarquerai  seulement  que  nonobstant  le 
décret  d'Urbain  II,  le  pape  Innocent  III  permit 
que  dans  la  nécessité  un  moine  très-vertueux 
fût  fait  abbé  d'un  monastère  de  chanoines  ré- 
guliers en  Orient,  à  condition  qu'il  ne  prendrait 
jamais  les  ordres  sacres,  de  peur  que  cette  élé- 
vation ne  lui  enflât  le  cœur  et  ne  le  rendit  moins 
supportable  a  ses  inférieurs  (Extra,  de  setat. 
ordin.,  c.  s.  10;  A  Costa,  ibidem  .Aussi  dans  le 
besoin  les  canons  permettaient  d'élire  pour 
abbés  les  clercs  des  ordres  mineurs.  «  Ita  vide- 
licet  quod  ad  sacres  ordines  non  ascendat;  cum 
instante  necessitatis  articulo  possit  in  abbatem 
assumi  etiam  in  minoribus  ordinibus  consli- 
lutus.  » 

Dans  une  décrétale  suivante  ce  pape  permit 
à  un  chanoine  régulier  qui  s'était  fait  moine, 
et  qui,  par  le  conseil deson  métropolitain,  était 
revenu  daus  son  premier  couvent,  d'en  prendre 
la  conduite  en  qualité  d'abbé,  quoique  Urbain  II 
eût  défendu  et  puni  ces  changements  d'un 
ordre  à  un  autre  [i). 


\\)  L'ordre  des  chanoines-réguliers  de  Saint-Ruf  prit  naissance  maison  y  attenant,  en  1038,  à  quatre  chanoines  de  sa  cathédrale  qu, 
dans  une  chapelle  rurale  dédiée  à  ce  saint,  premier  évéque  d'Avi-  voulurent  suivre  une  règle  très-sévère.  Dans  le  xn«  siècle,  cet  ordre 
gnon,  chapelle  que  Benoit,  évéque  de  cette  ville,  accorda,  avec  une       prit  une  grande  extension,  surtout  lorsque  l'anglais  Brakespear,  abbé 


538 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DOUZIÈME. 


CHAPITRE   DOUZIEME. 


DE     i'ORIGINE     DES     ABBAYES     ET     DES     .MONASTÈRES. 


I.  Paulj  Vnl  im  el  Hilarion  ont  commencé  la  vie  et  la  pro- 
fession  monastique  dans  l'Orient. 

II.  Preuves  de  saint  Jérôme. 

III.  Preuves  de  saint  Athanase,  qui  porte  le  monachisme  dans 
l'Italie. 

IV.  V.  Cela  est  confirmé  par  saint  Jérôme. 

VI.  Saint  Martin  couiiii-'ium  les  monastères  en  France. 

VII.  Saint  Augustin  en  Afrique. 
Vin.  Saint  Basile  dans  le  Pont. 

IX.  En  quel  sens  on  a  quelquefois  pris  l'origine  de  la  vie  mo- 
nastique des  apôtres,  de  Jean-Baptiste,  d'Elie. 

\.  Ce  furent  des  modèles  des  mêmes  vertus,  mais  non  pas 
du  même  état^  ni  de  la  même  profession  monastique. 

XI.  Ml.  Preuves  de  cela. 

XIII.  Comment  on  se  faisait  moine. 

XIV.  De  s  mit  Grégoire  de  Nazianze  et  de  saint  Basile. 

XV.  De  saint  Chrysostome. 

XVI.  De  saint  Augustin.  Ces  Pères  avaient  pratiqué  les  aus- 
térités monastiques,  sans  en  embrasser  l'état,  et  sans  en  faire 
pn  ■   sioD. 

XVII  Saint  Antoine  ne  laisse  pas  d'être  l'auteur  de  cet  institut, 
quoiqu'il  eût  été  ébauché  par  d'autres. 

I.  Les  monastères,  les  prieurés  et  les  abbayes 
ont  un  rang  si  honorable  entre  les  bénéfices, 


que  nous  ne  pouvons  pas  nous  dispenser  d'en 
parler  et  d'en  découvrir  l'antiquité,  leur  liaison 
avec  l'état  ecclésiastique,  et  enfin  leur  dépen- 
dance des  évèijiies. 

Quant  à  l'origine  des  monastères,  nous  avons 
déjà  assez  fait  connaître  qu'elle  ne  peut  pas 
avoir  précédé  la  paix  de  l'Eglise  et  l'empire  de 
Constantin.  La  fureur  des  tyrans  se  serait  sans 
doute  déchargée  sur  ces  sanctuaires  de  la  pieté 
chrétienne,  et  si  l'histoire  avait  passé  sous 
silence  leur  établissement,  elle  n'aurait  pu  taire 
leur  ruine.  11  faut  donc  avouer  de  bonne  foi, 
avec  saint  Jérôme  et  les  anciens  Pères,  que  la 
profession  monastique  n'eut  son  commence- 
ment qu'avec  l'empire  de  Constantin. 

Paul,  Antoine  et  Hilarion  donnèrent  naissance 
à  cette  institution  si  sainte  dans  l'Egypte  et 
dans  la  Palestine,  et  de  là  elle  se  repandit 
comme  un  torrent  de  bénédictions  dans  tout  le 


de  Saint-Ruf,  eut  été  nommé  cardinal-légat  en  Suède  et  en  Norvège. 
ïl  établi!  dans  les  régions  scandinavi  maisons  de  son  ordre 

qui  furent  florissantes  jusqu'à  l'époque  de  la  réforme.  Lorsqu'en  1 153, 
le  cardinal  Brakespear  monta  sur  le  trône  de  saint  Pierre,  si  us  Le 
nom  d'Anastase  IV,  Tordre  des  chanoines  de  saint  Ruf  s'étendit  en 
i  et  en    Italie.  Un  document  c.>nser\c  par  dom  Marti 

antig.  rit.  Eccles.t  tome  m,  p.  99)  nous  démontre  les  grandes  austé- 
rités de  cet  ordre.  11  est  recommandé  que,  lorsque  des  novices  se  pré- 
senteront, on  leur  fasse  connaître  l'esprit  de  la  règle  :   «   Et  intérim 
euturei3  paupertas  loci,  aspentas  domus,  severitas  disciplinée, 

0  et  quantus  labor  sit,  in  illius  professionis  observatione,  quain  gravis 
u  casus  in  transgressione,  etc.  p  Lorsqu'euîin  ils  avaient  revêtu  l'habit 

1    le  surplis  canonical,  ils   devaient   a'attendre  a    une  vi 

dure  :  u  Et  in  omnibus  motibus  suis  signum  habere  humilitatis,  caput 

«  submittere,   terrain  aspicere,  rnemor  esse   dlius  publicani  qui  non 

at  oculos  suos  levare  in  cœlum.  »  En    1210,   les  Albigeois 

rent  de  fond  en  comble  l'église  et  l'abbaye  de  Saint-Ruf,  dont 

le  plus  aujourd'hui  qu'un  fragment  de  chapelle  et  du  clocher. 

Les  chanoines-réguliers  de  Saint-Ruf  se  transportèrent  alors  à  Va- 

1  i  -  u  ils  publiaient  un  prieuré.  Cette  maison,  devenue  dans  la 
suite  un  magnifique  palais  abbatial  qui  sert  aujourd'hui  (11-  préfecture, 
fat  le  chef  d'ordre  i  la  ri  idônce  de  l'abbé  général  jusqu'en  177,'i, 
où  une  bulle  du  souverain  pontife  éteignit  et  sécularisa  l'ordre  des 
chanoines  de  Saint-Ruf,  en  mettant  leurs  biens  à  la  disposition  des 
i 

1  ':i  ut  qu'il  y  avait  un  très -grand  nombre  de  congrégations  diffé- 
loines-réguliers,  dont  les  principaux,  après  ceux  de 
Saint-Ruf,  étaient  les  Prémootrés,  les  Génovéfams  de  L'abbaye  de 
Saint-Victor  de  Pans,  les  Antonins,  les  Grandmontains,les  cha 
de  Sainte-Croix,  en  Portugal,  de  Latran  el  de  Saint-Sauveur,  en 
Italie,  des  Célestes  a  Venise.  Les  révolutions,  qui  ont  désolé  l'Eu- 
puis  la  fin  du  xvme  siècle,  ont  détruit  partout  les  chanoines- 
réguliers.  Il  n'en  existe  plus  actuellement  que  six  monastères  eD 
Allemagne,  à  B  losternenbourg  ,  Neustift ,  Vorau  ,  Hersogenbourg, 
1  berg,  Saint-Pollen,  ayant  en  tout  environ  trois  cent=   mem- 

bres appartenant,  croyons-nous,  a  l'ordre  des  chanoines-réguliers  de 


Saint-Sauveur.  11  reste  en  outre  douze  abbayes  de  Prénmntrés  à 
Prague,  Saaz,  Ighau,  Reicbenberg,  Olmtttz,  Tepl,  Solau,  Deutsch- 
brod,  "VYiltau,  Schlœgt,  Géras,  Neureusch,  ayant  en  tout  trois  cent 
cinquante  membres. 

En  1819,  un  décret  pontifical  unit  la  congrégation  des  chanoines- 
réguliers  de  Bologne  à  celle  de  Latran,  et  prescrivit  que  désormais 
cette  congrégation,  ainsi  unie,  s'appellerait  l'ordre  des  chanoines- 
réguliers  du  Saint-Sauveur  de  Latran.  Le  cardinal  Paccafut  nommé 
exécuteur  de  la  bulle  pour  la  révision  de  la  règle  qui  fut  solennelle- 
ment approuvée,  en  ltjlO,  par  le  pape  Grégoire  XVI,  après  que  la 
,  :  congrégation  des  évèques  et  réguliers  eut  résolu  les  six  ques- 
tions suivantes  qui  fureur  posées  :  1°  doit-on  et  comment  approuver 
les  nouvelles  constitutions  des  chanoines-réguliers  du  Saint-:-.,  iveui 
de  Lalran,  présentées  par  le  P.  Vincent  Tizzaoi,  vice-procur>  >ur  gé- 
néral de  l'ordre?  Affirmative  juxta  modum\  2<>  convieuî-il  d'ad- 
mettre les  modifications  proposées  par  le  R.  P.  abbé  général  ?  Affir- 
mative; 3o  doit-on  ajouter  que,  pour  l'aliénation  des  biens  meubles 
.  et  immeubles,  on  doit  s'en  tenu-  a  L'extravagante  Ambitioseej 
nonobstanl  -es  antiques  privilèges?  Affirmative;  4«  doit-on  expri- 
mer que  pour  l'expulsion  des  sujets  indignes,  on  doit  observer  le  dc- 
rbain  VIII,  renouvelé  par  Innocent  XII'.'  Affirmative;  5»  si 
l'on  doit  déclarer  que  pour  l'érection  de  nouvelles  maisons  dites 
chanolnies,  on  doit  s'en  tenir  a  La  constitution  instaurandœ  d'Inno- 
cent X?  Affirmai  ter  ;  60  S'il  y  a  heu  a  d'autres  changements?  Ad 
eminentissimum  ■  1  œfectwm  cum  Emo  pom  nte. 

Tous  les  eanonistes  savent  que  l'extravagante  Ambitiosœ  susmen- 
tionnée  se  trouve  parmi  les  extravagantes  communes  au  livre  du 
a;  1:1'  pour  titre  :  De  rébus  Eccle&iœ  non  alienandis.  Elle  est 
du  pape  Paul  ■!-  KUe  défend,  sous  de  très-graves  censures,  d'aliéner, 
d'hypothéquer,  d'inféoder,  de  grever  les  biens  ecclésiastiques,  ex- 
cepté dans  les  cas  permis  par  le  droit;  de  vendre  et  d'aliéner,  sous 
quelque  titre  que  ce  soit,  les  meubles  précieux  des  églises,  les  objets 
d'art,  que  leur  rareté,  leur  valeur  ou  leur  antiquité  recommandent, 
li  s  tableaux,  les  ornements  anciens,  les  livres  rares,  les  vases  remar- 
quables, les  reliques,  les  arbres  des  jardins  qui  produisent  un  re- 
venu. 


DE  L'ORKÎINE  DES  ABBAYES  ET  DES  MONASTÈRES. 


i39 


reste  de  lu  terre.  Saint  Jérôme  propose  celte 
question  de  l'antiquité  de  la  vie  monastique, 
au  commencement  de  la  vie  de  saint  Paul,  et 
il  la  termine  en  laveur  de  ee  même  saint  Paul 
et  «le  saint  Antoine,  dont  celui-là  donna  le 
progrès  et  l'éclat  a  cette  profession  sainte. 

«  Inter  multos  ssepe  dubitalum  est,  a  quo 
potissimum  monachorum  eremus  habitari 
cœpta  sit.  Quidam  enim  altius  repetentes,  a 
beato  Elia  et  Joanne  sumpsere  principium. 
Quorum  et  Elias  plus  nobis  videtur  fuisse, 
quam  inonachus;  et  Joannes  ante prophetare 
cœpisse  quam  natus  est.  Alii  autem  in  qua 
opinione  vulgus  omne  consentit,  asserunt  An- 
toniuin  hujus  propositi  caput  fuisse.  Quod  ex 
parle  verum  est.  Non  enim  tam  ipse  ante  omnes 
fuit,  quam  ab  eo  omnium  incitata  sunt  studia. 
Amatlias  vero  et  Macarius  discipuli  Antouii, 
quorum  superior  magistri  corpus  sepelivit, 
etiam  nunc  affirmant,  Paulum  quemdam  The- 
baeum  priacipem  istius  rei  fuisse;  quod  non 


tam  Domine,  quam  opinione  nos  quoque  coni- 
probanius.  » 

Il  est  donc  vrai  que  Paul  fut  le  premier 
solitaire  ;  mais  n'ayant  point  eu  de  disciples, 
il  laissa  a  Antoine  la  gloire  d'avoir  donné 
commencement  a  ces  écoles  saintes  d'une  vie 
toute  céleste. 

II.  Si  saint  Antoine  fut  .  premier  père  et  le 
fondateur  des  monastères  d'Egypte,  saint  llila- 
rion  le  fut  de  ceux  de  la  Syrie.  Témoin  le 
même  saint  Jérôme  dans  la  vie  de  ce  saint  : 
a  Necdum  tune  monasteria  erani  in  Palaestina, 
née  quisquam  monachum  ante  sanctum  Hila- 
rionem  in  Syria  noverat  ;  ille  fundator  et  eru- 
ditor  hujus  conversalionis  et  studii  in  hac 
provincia  fuit.  Habebai  Doniinus  Jésus  in 
.E^ypto  seneni  Antonium.  habebat  in  Palaestina 
Hilarionem  juniorem.  » 

III.  Saint  Athanase  écrivit  la  vie  de  saint 
Antoine  ;  et  l'ayant  fait  connaître  à  Rome,  lors- 
qu'il  y  vint   lui-même,   ce  fut  comme  une 


Le  décret  précitédtJrbain  VIII  et  d'Innocent  XII,  de  1691,  prescrit 
les  conditions  requises  pour  l'expulsion  d'un  religieux  incorrigible. 
Il  en  faut  cinq  :  la  récidive  dans  un  crime  grave,  comme  la  fornica- 
tion, le  vol;  la  monïuon  ou  la  réitération  d'un  châtiment  infligé  pour 
l'amendement  du  coupable;  information  de  la  procédure  selon  les 
formes  prescrites  dans  chacun  des  ordres  religieux  in  ordine  ad  ex- 
pulsionem  ;  la  carcération  formelle  du  coupable  in  jejunio  et  pœni- 
tentia;  l'incorrigibilité  notoire  et  juridiquement  prouvée.  Quand  on 
dit  que  !a  procédure  doit  être  selon  les  formes  prescrites  par  les 
constitutions  de  chaque  ordre,  cela  veut  dire,  d'après  les  canonistes, 
que  les  motifs  de  l'expulsion  doivent  être  juridiquement  prouvés, 
c'est-à-dire  démontrer  que  le  coupable  a  été  puni  trois  fois  anté- 
rieurement pour  crime  grave  ;  ou,  s'il  en  a  commis  un  de  ceux  qui 
nécessitent  l'expulsion,  qu'il  a  reçu  avant  la  procédure  trois  moni- 
tions  canoniques,  et  que  nonobstant  tout  cela  il  s'est  endurci  dans  le 
mal.  Ou  peut  voir  ces  deux  décrets  dans  Ferraris,  vo  Ejecti  a  Reli- 
gione. 

Le  droit  canonique  étant  négligé  en  France  depuis  près  d'un  siècle, 
nous  croyons  faire  une  chose  éminemment  utile  en  complétant  nos 
notes  par  tous  les  renseignements  scientifiques  de  nature  à 
chez  tous  nos  lecteurs  une  connaissance  parfaite  du  droit  et  de  ses 
'.es  décrets  précités  ordonnent  que  la  procédure  contre 
un  religieux  coupable  se  fasse  selon  les  formes  prescrites  par  les 
constitutions  de  chaque  ordre  ;  nous  croyons  très-utile  d'en  donner 
Nous  avons  sous  les  yeux  un  petit  volume  ;res-:are  e: 
très-curieux,  imprimé  à  Rome  en  1667,  avec  ce  titre  :  Practica  crt- 
minalis  ad  sancte  administrandam  justitiam  in  ordine  fratrum  mi- 
norum  regnlaris  obse>-vantiœ,  generali  capitulo  romano,  anni  1639 
probante  et  mandante.  Il  y  est  traité  du  juge  ordinaire  et  délégué, 
des  accusateurs,  des  défenseurs,  etc.  Les  juges  ordinaires  sont  le  gé- 
néral, le  commissaire  général,  le  provincial,  le  gardien.  Parmi  les  cas 
de  récusation  des  juges,  il  y  a  celui-ci  :  a  Qui  reos  extrajudicialiter 
o  gravaverint.  »  Le  jugement  doit  avoir  lieu  par  suite  d'acci 
de  dénonciation  ou  d'enquête.  Quand  c'est  par  dénonciation,  on  doit 
faire  précéder  le  jugement  d'une  monition  charitable,  a  Accusator 
ir  qui  per  testes  idoneos  ad  probationem  légitimant  coram 
o  praelato  se  obligat.  »  Ne  peuvent  être  accusateurs  ni  annonciateurs 
judiciaires,  les  infâmes,  les  calomniateurs,  les  ennemis  nûri  suam 
proseguantnr  injuriam,  les  laïcs.  Le  corps  du  délit  est  actuùlis 
delieti  inspectio.  U  y  a  ensuite  rénumération  de  tous  les  crimes 
sujets  à  procédure  criminelle.  Nous  y  trouvons  celui-ci  .  o  qui 
o  in  morbuin  GALLICUM  ir.ciderit  ex  delicto.  *  Celui  qui  est  tombé 
dans  cette  honte  «  declarandus  est  perpetuo  inhabilis  ad  omoia  offi- 
c  cia  et  suffragia  ordinis  ac  eiiam  ad  audiendas  confessiones.  »  Parmi 
les  différentes  peines  nous  trouvons  la  prison^  qui  doit  être  i  reclu- 
u  sio  in  obserato  loco,  sine  corda  et  caputio;  »  les  galères  i  qu?e 
«  quoad  sacerdotes  corn  mu  tari  potest  in  reclnsionem  intra  erga- 
"  stulum.  »   Voici  un  autre  crime  et  son  châtiment  :  o  Qui  convictus 


«  fuerit  suspectam  domum  intrasse  actumve  carnalem  sollicitasse, 
«  mox  ab  eo  loco  perpetuo  exulari  débet  et  bîmestri  carceri  man- 
o  cipari.  s 

Il  y  a  un  chapitre  consacré  à  la  torture  :  °  Tanquam  ÎDstrumentum 
a  subsidiarium  ad  eruendam  veritatem.  »  Les  instruments  de  la  tor- 
ture sont  :  r/ircer,  funis,  taxi/ti,  sibili,  ignis.  Pour  des  crimes  très- 
graves,  on  peut  infliger  la  corde  pendant  une  heure;  mais  alors  il 
faut  se  faire  assister  d'un  médecin  «  qui  liget,  et  deposito  brachia 
o  laxata  componat.  d  Lorsqu'il  s'agit  du  fouet  *  nudi  cum  solis  femo- 
«  rahbus,  manibus  ligati,  per  tria  intervalla,  flagellis,  superioris  arbi- 
o  trio  dire  torqueri  possiot,  ac  pane  et  aqua  macerari...  sibili  et 
«  taxilli  ad  tempus  duorum  miserere,  »  Si  le  crime  est  un  de  ceux 
qui  outragent  la  nature  o  ob  detestationem  nefandi  crimmîs  reus  igné 
«  torquendus  est,  ad  cujus  conspectum  cogatur  tenere  pedes  lardo 
«  inunctos,  brevîssimo  tamen  tempore,  ne  reddatur  ad  ambulandum 
*  inhabilis.  » .  Nous  terminons  ces  détails  de  procédure  criminelle 
mooasiîque,  en  disant  que  les  chanoines-réguliers  du  Saint-Sauveur 
de  Latran,  qui  l'ont  amenée,  avaient  un  grand  nombre  de  maisons 
en  Italie,  et  ne  possèdent  plus,  par  suite  de  la  révolution,  que  l'ab- 
baye annexée  à  la  magnifique  église  de  Saint-Pierre-aux-Liecs,  à 
Rome. 

•  a  que  dans  leur  réorganisation  par  Grégoire  XVI,  en  1811, 
la  sacrée  congrégation  a  exigé  qu'ils  se  conformassent  exactement  à 
la  constitution  instaurandœ  d'Innocent  X.  Comme  un  canoniste  ne 
doit  rien  laisser  d'obscur  et  d'inexpliqué,  nous  allons  résumer  cette 
bulle  comme  nous  avons  fait  des  autres  qui  sont  mentionnées  dans 
la  même  affaire.  En  1652,  Innocent  X  pour  obvier  au  relâchement  de 
la  discipline  monastique,  publia  cette  constitution  pour  supprimer  en 
Italie  tous  les  petits  couvents.  Leur  personnel  étant  insuffisant, 
dit  dans  le  préambule,  la  discipline  se  relâche,  les  divins  offices  ne 
se  célèbrent  plus,  la  dissipation  et  l'esprit  du  monde  s'introduisent  par 
l'oisiveté  et  font  de  ces  petits  couvents  des  lieux  de  désordre.  Leur 
nombre  excessif,  au  lieu  d'être  un  bien,    augo  mal.    s   Cum- 

a  que  conventus  sive  loca  parva  hujusmodi  in  effrœna:am  quasi  excre— 
«  verint  multi'-udinem,  hinc  licet  omnibus  intelligere  quœcumque 
n  reformations  remédia  cassa  fore  et  irrita.  ■  En  conséquence,  par 
autorité  apostolique,  il  supprime  tous  les  petits  couvents,  de  quelque 
ordre  ou  institut  que  ce  soit  dont  le  personnel  trop  peu  nombreux  ne 
suffit  pas  à  l'observation  de  la  règle  et  de  la  décence  religieuse.  Cha- 
cun des  couvents  supprimés  en  recevra  l'avis  immédiatement,  et  les 
religieux  seront  tranférés  dans  d'autres  maisons  de  chaque  ordre  res- 
pectif. Les  églises  et  les  couvents  supprimés  res'ent  interdits  sous 
peine  de  censures  pour  les  violateurs.  Désormais  il  sera  rigoureuse- 
ment défendu  de  fonder,  établir  ou  recevoir  un  couvent  quelconque 
sans  l'approbation  expresse  du  Saint-Siège,  qui  prononcera,  après  un 
examen  rigoureux  des  choses  fait  par  la  congrégation  des  évéques  et 
réguliers. 

(Dr  André.) 


540 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DOUZIÈME. 


semence  céleste  qui  remplit  toute  l'Italie  de 
ces  divines  plantes,  qu'on  n'avait  encore  vues 
que  dans  l'Orient.  C'est  ce  que  le  même  saint 
Jérôme  dit  dans  l'épitapbe  de  Marcelle,  qui  fut 
la  première  qui  embrassa  cette  profession. 

«  Nulla  eo  tempore  nobilium  feminarum 
noverat  Romae  propositum  monachorum,  nec 
audebat  propter  rei  novitatem,  ignominiosum, 
ut  tune  putabatur,  et  vile  in  populis  nomen 
assumere.  Haec  ab  Alexandrinis  sacerdotibus 
papaque  Alhanasio  et  postea  Petro,  qui  perse- 
cutionein  hsereseos  Arianae  déclinantes,  quasi 
ad  tutissimum  communionis  suae  portum  Ro- 
main confugerant,  vilam  beati  Antonii  adbuc 
lune  viventis,  monasteriorumque  in  Thebaide 
Pachomii,  et  virginum  ae  viduarum  didicit 
disciplinam.  Nec  erubuit  profiteri,  quod  Christo 
placere  cognoverat.  » 

Saint  Jérôme  vint  quelque  temps  après  à 
Rome,  et  il  ne  contribua  pas  peu  à  en  faire 
comme  une  autre  Jérusalem,  par  la  multipli- 
cation toute  miraculeuse  qui  s'y  fitdeces  mai- 
sons consacrées  à  la  pénitence.  C'est  ce  qu'il 
écrit  à  sainte  Principie. 

«  Suburbanus  vobis  ager  pro  monasterio 
fuit,  et  rus  electum  pro  solitudine  :  mùltoque 
ita  vixistis  tempore,  ut  ex  imitatione  vestri, 
conversatione  multaruro,  gauderemus  Romam 
factam  Jerosolymam.  Crebra  virginum  mona- 
steria,  monachorum  innumerabilis  multiludo, 
ut  pro  frequentia  servientium  Heo,  quod  prius 
ignominiae  fuerat,  esset  postea  gloriae.  » 

IV.  Saint  Jérôme  dit  que  celle  sainte  pro- 
fession était  nouvelle  à  Rome,  et  que  sa  nou- 
veauté l'exposait  au  mépris  et  aux  insultes  des 
gens  du  monde.  Il  rend  le  même  témoignage 
dans  sa  lettre  à  Paule,  sur  la  mort  de  sa  fille 
Blésille.  «  Quousque  genus  deteslabile  mona- 
chorum non  urbe  pellilur.  »  Pammaque  fut 
un  des  premiers  qui  préféra  la  glorieuse  igno- 
minie de  la  croix  a  la  honteuse  vanité  du 
siècle  :  et  étant  très-illustre  par  sa  noblesse,  il 
chercha  une  gloire  plus  solide  dans  l'obscurité 
de  la  vie  monastique. 

Saint  Jérôme  s'en  explique  ainsi,  en  le  con- 
solant sur  la  mort  de  sa  femme  Pauline.  «  No- 
bis  posl  dormitionem  somnumque  Paulinae 
Pammachium  monachum  Ecclesia  peperil 
posthumum,  et  Patris  et  conjugis  nobilitate 
patritium.  Nostris  temporibus  Roma  possidet, 
quod  inundus  ante  nescivit.  Tune  lari  sapien- 
tes,  potentes,  nobiles  christiani.  Nunc  multi 
monachi,  sapientes,  potentes,  nubiles,  quibus 


cnnclis,  Pammachius  meus  sapientior  poten- 
tior,  nobilior  èpxio<rrpâTin-jo« ,  monachorum  ,  etc. 
Huis  hoc  crederet,  ut  consulum  pronepos  inter 
purpuras  senatorum  .  surva  tunica  pullatus 
incederet.  » 

Nous  parlerons  en  son  lieu  de  l'hôpital  que 
Pammaque  bâtit,  et  du  conseil  que  saint  Jé- 
rôme lui  donna,  d'être  le  parfait  imitateur  d'A- 
braham, en  servant  les  pauvres  de  ses  propres 
mains.  Nous  avons  aussi  parlé  ci-devant  du 
monastère  de  Milan,  sous  saint  Ambroise,  etde 
celui  de  Vereeil ,  fondé  par  le  fameux  Eusèbe, 
évêque  de  Vereeil. 

Y.  Toutes  les  îles  de  la  mer  de  Toscane  se  res- 
sentirent du  bonheur  de  l'Italie  ;  ce  furent  à 
l'avenir  autant  de  colonies  de  saints  religieux. 
Le  même  saint  Jérôme  en  est  témoin  dans  l'é- 
pitaphe  de  Fabiole  :  «  Quod  monasterium  non 
illius  opibus  sustentatum  est  ;  Augusta  mise- 
ricordiae  ejus  fuit  Roma.  Peragrabat  ergo  in- 
sulas,  et  totum  Etruscum  mare  :  Volscorumque 
provinciam,  et  reconditos  curvorum  littorum 
sinus,  in  quibus  monachorum  consisluntehori 
vel  proprio  corpore,  vel  transmissa  persancfos 
et  lideles  viros  munifleentia  circuibat.  »  Et 
avant  lui  saint  Ambroise.  «  Mare  est  ergo  se- 
cretum  temperantiae ,  exercitium  conlinentiae, 
etc.  » 

VI.  Saint  Martin  bâtit  son  premier  monastère 
à  Milan,  d'où  ayant  été  chassé  par  la  persécu- 
tion des  Ariens,  il  se  retira  dans  l'île  Gallinaire  : 
il  revint  en  France,  et  bâtit  son  second  mo- 
nastère près  de  Poitiers,  où  il  était  venu  se 
rejoindre  à  saint  Hilaire.  Enfin,  étant  fait  évê- 
que de  Tours,  il  bâtit  le  célèbre  monastère  de 
Marmoutier,  à  deux  milles  de  la  ville  (  Sever. 
Snlp.,  in  vita  R.  Mart.,  c.  iv,  v). 

Ce  fut  là  le  commencement  des  monastères 
de  la  France,  si  l'on  n'aime  mieux  donner  cette 
gloire  à  l'île  et  au  monastère  de  Lérins,  d'où 
Sidoine  Apollinaire  fait  sortir  tant  de  saints 
évêques  de  France  et  tant  d'excellents  religieux 
Lai  ni.  16  cl  1.  vin,  ep.  xiv,  1.  ix,  ep.  m).  Mais 
saint  Honoré ,  qui  lut  depuis  évêque  d'Arles, 
ayant  été  le  fondateur  de  l'illustre  monastère 
de  Lérins,  il  faut  avouer  que  les  monastères  de 
sainl  Martin  étaient  plus  anciens  d'environ  cin- 
quante ans. 

VIL  Nous  avons  déjà  parlé  en  un  autre  en- 
droit des  monastères  que  saint  Augustin  fonda 
dans  son  évèché.  Possidius  assure  qu'il  en  laissa 
plusieurs  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  ;  et  on  peu! 
conclure  de  là  qu'il  donna  vogue  en  Afrique  à 


DE  L'ORIGINE  DES  ABBAYES  ET  DES  MONASTEKES. 


541 


ces  colonies  de  la  vie  pénitente.  «  Clerum  suf- 
Qcientissimum  et  monasteria  virorum  ac  fe- 
minarum  continentium  cum  suis  prapositis 
plena  Ecclesiœ  dimisit  lu  vita  Aug.,  c.  ult.  .  » 
Ce  saint  docteur  opposant  aux  vertus  fausses 
et  affectées  des  manichéens  la  piété  sincère  et 
la  perfection  achevée  des  solitaires  de  l'Eglise 
catholique,  ne  propose  que  ceux  de  l'Egypte 
et  de  l'Orient.  Si  cette  sainte  institution  eût  eu 
cours  dans  l'Afrique,  lorsqu'il  écrivait  ce  livre, 
il  n'eût  pas  été  chercher  si  loin  de  quoi  repous- 
ser ces  ennemis  de  la  vérité.  «  Unis  nescit 
su  mina?  continentiae  hominuni  christianorum 
multitudinem  per  totuni  orbem  in  dies  magis 
magisque  diffundi,  et  in  Oriente  maxime  atque 
«lEgypto,  quod  vos  nullo  modo  potest  latere 
De  moribus  Eccles.  Cathol.j  c.  xxxi  .  » 

VIII.  Repassons  à  l'Orient .  où  l'on  faisait  a 
saint  Basile  le  glorieux  reproche  d'avoir  donné 
cours  à  la  vie  monastique  dans  la  Cappadoce. 
«  Accusamur  vero  et  hujus,  quod  hommes  ha- 
beamus  pietatis  studiosos,  gwdtscs,  qui  mundo 
renuntiarint.  Ego  vero  vitam  impenderem  .  ut 
possent  mihi  haec  delicla  impingi  ;  haberem- 
que  apud  me  viros.  qui  me  doctore  hoc  pietatis 
studium  amplexi  hactenus  fuissent.  Nunc  au- 
tem  et  in  .Egyplo  et  in  PaUestina  et  in  Mesopo- 
tamia  audio  talem  esse  virorum  quorumdam 
virlutera,  etc.  » 

IX.  Après  avoir  montré  comme  le  berceau 
de  la  profession  monastique  dans  toutes  les 
partiesdumonde.il  ne  sera  pas  difficile  île 
comprendre  quelle  a  été  la  pensée  de  ceux  qui 
en  ont  pris  le  commencement  de  plus  haut  et 
ont  dit  que  les  premiers  chrétiens  et  les  apôtres 
mêmes  en  avaient  été  les  auteurs  :  quelques- 
uns  sont  remontés  jusqu'à  saint  Jean-Baptiste  , 
et  jusqu'à  Elie  même. 

Cassien  le  dit  ouvertement:  «  Cœnobitarum 
disciplina  a  tempore  prœdicationis  apostolicae 
sumpsit  exordium.  Nam  talis  extitit  in  Iliero- 
solymis  onmis  illa  credentium  multitudo,  etc. 
Voilât.  IX,  e.  v.  » 

11  assure,  dans  la  suite  de  son  discours,  que 
la  plupart  des  fidèles  s'étant  depuis  un  pm 
relâches .  et  ayant  voulu  conserver  la  foi  de 
J.-C.  dans  l'état  du  mariage  et  sans  renoncer 
à  leurs  biens,  il  y  en  avait  eu  un  nombre  con- 
sidérable qui ,  n'ayant  rien  diminue  de  cette 
première  ferveur ,  s'étaient  retirés  dans  des 
solitudes,  et  y  avaient  continué  la  succession 
de  ce  saint  institut  jusqu'au  temps  de  Paul  et 
d'Antoine. 


«  Istudergosolumîuil  antiquissimum  mona- 
chorumgenusquod  non  modo  tempore  sedetiam 
gratia  primum  est,  quodque  per  annos  pluri- 
mos  solum  inviolabile  ;  usque  ad  ahbatis  Pauli 
vel  Antonii  duravit  aetatem.  » 

X.  Je  ne  sais  si  Cassien  pourrait  bien  prou- 
ver que  les  premiers  fidèles  de  l'Eglise  de  Jéru- 
salem renonçaient  au  mariage  aussi  bien  qu'à 
leurs  héritages.  L'autre  point  est  plus  vraisem- 
blable, qu'il  y  a  toujours  eu  depuis  quelques 
particuliers  qui  ont  vécu  dans  la  retraite,  et  y 
ont  pratiqué  toutes  les  vertus  des  véritables 
solitaires. 

Comme  on  est  remonte  au-dessus  de  saint 
Antoine  jusqu'à  saint  Paul  ermite  .  on  puni- 
rait aussi  monter  encore  plus  haut .  et  former 
la  suite  de  celle  sainte  institution,  qui  remplit 
les  trois  premiers  siècles.  Mais  à  dire  la  vérité 
cet  enchaînement  est  imaginaire  .  l'histoire  ne 
nous  apprend  rien  de  cette  continuation  .  elle 
n'est  appuyée  que  sur  des  conjectures.  Il  faut 
ajouter  que  ces  solitaires  écartés  des  trois  pre- 
miers siècles  n'ont  point  formé  de  disciples, 
n'ont  point  ouvert  d'écoles,  n'ontdressé  aucune 
règle,  n'ont  pu  se  distinguer  par  aucune  sorte 
d'habits,  n'ont  point  formé  de  corps  diffé- 
rent du  clergé  et  des  laïques;  ce  qu'on  ne 
peut  pas  opposer  à  saint  Antoine  et  à  ses  imi- 
tateurs. 

XI.  Quand  on  voudra  parler  avec  justesse,  il  n'y 
aura  autre  chose  a  dire,  si  ce  n'est  que  les  moi- 
nes véritables  établis  parsaint  Antoine  ont  trouvé 
dans  les  premiers  chrétiens,  dans  les  apôtres, 
dansJ.-C.  même,  dans  saint  Jean-Baptiste,  dans 
Elie,  Elisée,  et  les  anciens  prophètes,  un  mo- 
dèle admirable  des  vertus  qu'ils  ont  excellem- 
ment pratiquées.  Mais  les  vertus  sont  com- 
munes aux  moines,  au  clergé,  à  tous  les  fidèles 
et  aux  saints  du  Vieux  Testament.  Pour  trou- 
ver des  moines,  il  faudrait  outre  cela  rencon- 
trer une  règle  ,  une  communauté  ,  un  habit 
particulier,  un  état  distingué  des  autres  ,  des 
exercices  réglés  et  uniformes,  des  écoles,  des 
colonies  ;  et  c'est  ce  qu'on  ne  trouve  point  qu'a- 
près saint  Antoine.  C'est  ainsi  qu'il  faut  enten- 
dre saint  Cyrille,  évèque  de  Jérusalem  .  et  les 
autres  Pères,  qui  ont  (ait  passer  Elie  et  saint 
Jean-Baptiste  pour  instituteurs  de  la  vie  mo- 
nastique (Cyrill.  Hierosol.,  Catech.  3;  Gregor. 
Nyss.  in  Cant.  homil.T  et  15  . 

XII.  Saint  Jérôme  s'est  entièrement  déclaré 
pour  cette  manière  d'expliquer  la  pensée  et  les 
expressions  de  ces  Pères.  Après  avoir  fait  une 


542 


DES  CONGRÉGATIONS. 


CHAPITRE  DOUZIÈME. 


peinture  très-exacte  de  la  vie  et  des  exercices 
des  moines  d'Egypte,  il  dit  en  même  temps  que 
Paul  et  Antoine  en  ont  été  les  auteurs  et  les 
instituteurs  ,  et  que  tels  étaient  autrefois  Jean- 
Baptiste,  Elie  ,  Jérémie  ,  tels  étaient  les  Essé- 
niens  .  dont  Philon  et  Joseph  ont  si  admirable- 
ment représenté  les  exercices.  Paul  et  Antoine 
ne  seraient  pas  les  auteurs  d'une  profession 
qui  aurait  été  commencée  et  élevée  jusqu'au 
comble  de  la  gloire  par  tant  de  grands  hom- 
mes, plusieurs  siècles  axant  eux. 

Saint  Jérôme  veut  donc  seulement  dire  que 
tous  ces  grands  hommes  avaient  éclaté  dans 
les  mêmes  vertus .  et  avaient  comme  ébauché 
ce  grand  et  admirable  dessein.  «  Taies  Philo 
Platonici  sermonis  imitator,  taies  Josephus , 
Grœcus  Livius,  in  secunda  Judaicae  captivitatis 
historia,  Esseuos  refert.  Hujus  vite  autor 
Paulus,  illustrator  Antonius,  et  ut  ad  superiora 
conscendam  ,  princeps  Joannes  Baptista  fuit. 
Talem  virum  Jeremias  deseribit,  etc.  (Ad  Eu- 
stoch.,  de  custodia  virgin.).  » 

Je  ne  veux  pas  m'engager  dans  cette  ques- 
tion épineuse,  si  les  Esséniens  de  Philon  et  de 
Joseph  étaient  chrétiens  :  ce  serait  une  digres- 
sion trop  longue  et  trop  éloignée  de  mon  sujet. 
Il  me  suffit  d'avoir  fait  connaître,  au  cas  même 
qu'ils  le  fussent .  comment  Paul  et  Antoine  ne 
perdraient  rien  de  leur  avantage. 

Ajoutons  encore  ce  passage  de  saint  Jérôme 
sur  ce  même  sujet,  dans  sa  lettre  à  Paulin, 
«  De  instilutfone  monachi.  Episcopi  et  presby- 
teri  babeant  in  exemplum  Apostolos,  et  aposto- 
licos  viros  ;  nos  auleni  habeamus  propositi 
nostri  principes,  Paulos  et  Antonios,  Julianos, 
Hilarionem,  Macarios.  Et  ut  ad  Scripturarum 
autoritatem  redeam,  noster  princeps  Elias, 
noster  Elisais,  nostri  duces  tilii  prophetarum, 
etc.  De  lus  sunt  etilli  filii  Rechab,  etc. »Et  dans 
sa  lettre  à  Rustique  :  «  Filii  prophetarum. 
quos  monachos  in  veteri  Testainento  legi- 
miis.  » 

XIII.  Arrêtons-nous  un  peu  à  ce  que  saint 
Jérôme  écrivit  à  la  vierge  Principie,  fille  de 
sainte  Marcelle,  qui  embrassa  avec  sa  mère  la 
profession  monastique,  en  se  retirant  seule- 
ment en  sa  maison  de  campagne,  et  prenant 
un  habit  brun  et  modeste,  aussi  bien  que  Pam- 
maque  :  «  Suburbanus  vobis  ager  pro  mona- 
sterio  fuit,  et  rus  electum  pro  soîitudine,  etc. 
Quis  crederet  utconsulum  pronepos  furva  lu- 
nica  pullatus  incederet.  » 

Voilà  tout  le  mystère  de  la  profession  monas- 


tique de  ces  dames  et  de  ces  seigneurs,  dont  la 
noblesse  et  les  richesses  répondaient  à  la  gran- 
deur de  Rome  et  de  l'empire  romain. 

Saint  Athanase  fait  commencer  à  saint  An- 
toine la  vie  religieuse  de  la  même  manière,  en 
se  retirant  dans  une  maison  des  champs  près 
de  la  ville.  11  n'est  pas  hors  d'apparence  que 
c'est  ainsi  que  quelques-uns  d'entre  les  saints 
Pères  ont  été  moines  au  commencement  de 
leur  conversion. 

XIV.  Saint  Grégoire  de  Nazianze,  au  rapport 
de  saint  Jérôme,  s'étant  dépouillé  de  son  évê- 
ché.  se  retira  à  la  campagne,  où  il  imita  la  vie 
des  moines.  «  Vivo  se  episcopum  in  loco  suo 
ordinans  ,  ruri  monachi  vitam  exercuit  (In 
Script.  Eccl.).  »  Mais  ce  saint  évêquc  enseigne 
lui-même  dans  l'éloge  de  saint  Basile  la  fidèle 
compagnie  qu'il  lui  avait  autrefois  tenue  dans 
les  plus  pénibles  exercices  de  la  vie  religieuse  : 
o  Hinc  illi  tunica  una  et  pallium  unum  ,  et 
stratushumi  lectus,  vigilias  etsuavissimacaena, 
panis  et  sal,  quod  commune  utriusque  nostrum 
studium  fuit  Orat.  xx).  » 

Il  raconte  après  cela  comment  saint  Basile 
bâtit  en  un  même  endroit  deux  sortes  de  monas- 
tères différents ,  appelant  les  uns  Asceteria  et 
Monasteria,  pour  ceux  qui  s'abîmaient  dans  la 
contemplation  et  dans  une  solitude  très-pro- 
fonde, et  destinant  les  autres  pour  les  exer- 
cices de  ceux  qui  vivaient  en  communauté, 

Twv   xqlyovuûot  xai  p-i-i'ï^uv  (Orat.  X\l). 

Il  montre  ailleurs  la  même  distinction  dans 
les  monastères  d'Egypte.  11  témoigne  en  un 
autre  endroit  à  saint  Basile  qu'il  ne  pouvait 
penser  qu'avec  une  extrême  douleur,  et  avec 
beaucoup  de  regret,  aux  premières  délices  qu'ils 
avaient  tous  deux  goûtées  dans  les  solitudes  du 
Pont,  aux  veilles,  aux  chants  des  psaumes,  à 
l'oraison  continuelle,  à  l'étude  des  Ecritures, 
au  travail  des  mains,  à  la  culture  des  arbres, 
et  à  tant  d'autres  occupations  également  saintes 
et  délicieuses. 

«  Quis  psalmodias  illas  et  vigilias  dabit.et 
quis  diurnas  operum  vices  et  labores ,  quis 
lignorum  comportationes,  et  Iapidicinas,  quis 
arborum  consitiones  et  irrigationes,  quis  pla- 
tanum  illam  auream  et  Xercis  platano  prœs- 
tantiorem,  in  qua  non  rex ,  sed  monachus . 
|w>vtt<Trr,î,  luxu  diffluens  sedebat  quam  egoplan- 
lavi.  Apollo  rigavit,  hoc  est,  excellentia  tua, 
Deus  autem  in  honorem  nostri  auxit  (Epist. 
xni).  » 

L'auteur  de  la  vie  de  saint  Grégoire  donne 


DE  L'ORIGINE  DES  ABBAYES  ET  DES  MONASTÈRES. 


543 


sujet  de  croire  qu'en  cet  endroit  il  parle  de  la 
retraite  qu'il  fit  avec  s.'inl  Basile  dans  les  soli- 
tudes du  Pont .  après  qu'ils  eurent  Ions  deux 
été  ordonnés  prêtres  malgré  leur  extrême  ré- 
sistance. Saint  Amphiloque  vivait  alors  dans  la 
même  solitude.  Saint  Grégoire  se  jeta  encore 
une  fois  dans  la  retraite,  après  avoir  renoncé  à 
l'évèelié  de  Sasime.  Enfin,  après  qu'il  eut  aussi 
abandonné  la  conduite  de  l'Eglise  de  Constan- 
tinople,  il  se  relira  dans  sa  maison  de  campa- 
gne, où  il  passa  le  reste  de  sa  vie  très-sainte- 
ment, mais  sans  renoncer  à  une  partie  de  son 
patrimoine,  qu'il  avait  réservée  (Greg. Nanz., 
carm.  in  Monachos  hypocritas). 

C'est  ce  qu'il  dit  lui-même  qu'on  lui  repro- 
chait, quoique  fort  injustement  :  «  Dicens  me 
divitem  et  copiosum  esse,  ut  qui  hortum  el 
otium,  et  mediocrem  ion  te  m  habeam,  etc.  Nos 
si  fontem  ,  vel  hortulum  ,  vel  umbrosum  ne- 
musculum  possideamus,  id  delicias  interpre- 
tamini.  » 

Enfin,  ce  divin  théologien  a  levé  toutes  les 
difficultés  dans  le  poème  de  sa  vie,  où  il  déclare 
qu'après  avoir  délibéré  sur  la  manière  de  vie 
qu'il  choisirait,  entre  la  retraite  des  moines,  et 
la  vie  embarrassée  des  \illes,  il  prit  un  milieu. 
afin  d'être  utile  aux  autres  sans  se  perdre 
lui-même:  «  Media  inter  illos,  hosque  procedo 
via  meditans  ut  isti,  commodum  illoruinaemu- 
lans.  » 

Ainsi  quand  l'auteur  de  sa  vie  dit  qu'il 
aima  toujours  mieux  être  moine  que  mon- 
dain ,  pauvre  que  riche ,  il  l'entend  de  la  vie 
retirée ,  et  non  pas  de  la  profession  monasti- 
que. 

XV.  Saint  Chrysostome  passa  six  années  dans 
une  affreuse  solitude,  et  y  ayant  ruiné  sa  santé 
par  son  assiduité  à  la  prière  et  à  l'étude,  par 
ses  mortifications ,  et  surtout  par  ses  veilles 
continuelles,  il  fut  obligé  de  reprendre  la  vie 
commune  et  de  revenir  à  Antioche  ,  où  il  fut 
bientôt  ordonné  diacre, etcinq  ans  après,  quel- 
que résistance  qu'il  fît,  Flavien  l'éleva  a  l'or- 
dre des  prêtres. 

«In  juventulis  flore  vicinos  occupât  montes, 
ibique  eongressus  seni  cuidam  Syro,  sese  illi 
socium  dédit,  imitatus  vitœcontinentiam  dnri- 
tiamque  propositi.  Mansit  autein  apud  illum 
annos  quatuor,  etc.  Postea  solus  remotiorem 
eremum  petiit,  ibique  speluncœ  inclusus,  bien- 
nium  fere  peregit.  Quo  in  tempore  jugiter 
ferme  sine  somno  persistens,  Scripturas  san- 
ctas  penitus  edidicit,  etc.  Ecclesiasticum  rur- 


sus  occupai  portum.  Id  autem  divina  provi- 
dentia  factum  scimus,  quse  hune  ad  Ecclesiœ 
utilitatem,  ab  exercitatione  imrriodica,  infir- 
mitatis  occasionibus  repellit,  ut  impeditusaegri- 
tudine,  sp&luncis  renuntiare  cogeretur.  Hinc 
jam  a  Meletio  diaconus  ordinatus,  etc.  (Pallad. 
de  vita  Chrysostom.,  c.  v).  » 

Voilà  en  quelle  manière!  saint  Chrysostome 
a  élé,  et  n'a  jamais  été  moine.  Il  l'a  été,  parce 
qu'il  en  a  pratiqué  durant  quelque  temps  les 
austérités  incroyables,  et  il  ne  l'a  jamais  été, 
parce  qu'il  ne  s'y  est  engagé  par  aucune  pro- 
fession :  il  les  a  quittées  quand  il  a  jugé  que  sa 
sauté  ne  pouvait  plus  les  supporter,  il  n'a  peut- 
être  pas  changé  d'habit,  il  n'a  pas  renoncé  à 
son  patrimoine. 

C'est,  à  mon  avis,  de  la  même  manière,  que 
saint  Basile,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint 
Amphiloque,  saint  Augustin,  ont  aimé  el  imité 
les  vertus  de  la  vie  monastique,  sans  en  faire 
une  véritable  profession.  C'est  vraisemblable- 
ment ce  que  saint  Jérôme  voulait  faire  enten- 
dre, quand  il  a  dit,  des  dernières  années  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze  :  «  Ruri  monachi 
vitam  exercuit.  »  Les  laïques  et  les  clercs 
peuvent  consacrer  une  partie  de  leur  vie  aux 
exercices  laborieux  des  moines  ,  sans  être 
moines.  Car  on  ne  peut  être  véritablement 
moine,  si  l'on  ne  se  dévoue  pour  toute  sa  vie 
à  cette  sainte  profession  ,  et  si  l'on  ne  renonce 
entièrement  à  tout  ce  que  l'on  possédait  sur  la 
terre. 

XVI.  Je  ne  sais  s'il  faut  mettre  Sévère  Sulpice 
dans  ce  même  rang,  car  il  retint  une  partie  de 
ses  grands  biens,  et  il  en  fit  un  hôpital,  où  il  ser- 
vait lui-même  les  pauvres,  comme  nous  avons 
déjà  dit.  Mais  il  n'y  a  nul  sujet  de  douter  que 
telle  n'ait  été  la  retraite  de  saint  Augustin, 
lorsqu'il  se  retira  dans  l'Afrique  et  dans  sa 
maison  des  champs  aussitôt  après  son  baptême. 
Certainement  il  n'embrassa  jamais  l'état  mo- 
nastique, quoiqu'il  en  pratiquât  tous  les  exer- 
cices avec  ses  amis. 

«  Placuit  ei  percepta  baptismi  gratia  cum 
aliis  civibus  et  amicis  suis  Deo  pariter  servien- 
tibus,  ad  Africain  et  propriam  domum  agros- 
que  remeare.  Ad  quos  veniens,  et  in  quibus 
constitutus  :  ferme  triennio,  et  a  se  jam  aliéna- 
is curis  saecularibus,  cum  iis,  qui  eidem  ad- 
haerebant,  Deo  vivebat,  jejuniis,  orationibus, 
bonisque  operibus,  in  lege  Domini  meditans 
die  ac  nocte  (Possid.,  c.  m).  » 

XVII.  Ç'avaient  été  les  premiers  commence- 


i  ■  i  i 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


ments  de  saint  Antoine,  de  se  retirer  en  sa 
maison  dus  champs,  ou  tout  proche.  «  lnci- 
pii'iis  etiam  ipse  in  locis  paululum  a  villa 
remotioribus  manebat,  »  dit  saint  Athanase 
(Cafî.  ii,  in  ejus  vita).  L'exemple  lui  en  avait 
été  frayé  par  plusieurs  autres  :  «  Nondum  tam 
crehra  erant  in  .-Egypto  monasteria,  neque 
omnino  quisquamaviam  solitudinem  noverat; 
sed  ([uieumque  in  Christi  servitute  sibimetipsi 
prodessecujiiebat,  non  longe  a  sua  villula  se- 
paratus  instituebatur.  Erat  in  agello  vicino 
senex  quidam  vitam  solitariam  a  prima  seeta- 
tus  aetate.  Hune  Antonius  cum  vidisset,  aemu- 
latus  est  ad  bonum.  » 
Saint  Antoine  ne  s'arrêta  pas  à  ces  commen- 

(1)  L'annaliste  espagnol  dom  Manriquez  prétend  que  l'ordre  monas- 
tique de  Saint-Benoit  a  compté  jusqu'à  quarante-sept  mille  abbayes 
ou  prieurés.  C'est  peut-être  un  peu  exagéré,  mais  le  savant  Blan- 
chini,  annotateur  d'Anastase  le  bibliothécaire,  nous  apprend  qu'à 
Rome  seulement,  pendant  les  ixe  et  .v.e  siècles,  il  y  avait  quarante 
abbayes  d'bommes  et  vingt  de  femmes;  qu'il  y  avait  en  outre  soixante 
églises  desservies  par  des  chanoines-réguliers.  Parmi  ces  abbayes, 
quatre,  Sainte-Praxède,  Saint-Sabas,  Sainte-Cécile,  Saints-Etienne  et 
Cassien,  étaient  habités  par  des  religieux:  grecs  de  l'ordre  de  Saint- 
Basile,  qui  célébraient  tous  les  offices  dans  la  langue  de  saint  Jean 
Chrysostome. 

La  plupart  de  ces  abbayes  acquirent  un  degré  de  puissance  et  de 
richesses  considérable.  En  Angleterre,  avant  la  réforme,  les  abbés 
étaient  lords  de  la  chambre  des  pairs,  et  on  les  appelait  abbés-souve- 
rains. En  Allemagne,  un  grand  nombre  d'entre  eux  étaient  princes 
do  Saint-Empire  et  seigneurs  temporels  de  vastes  provinces.  Le  plus 
grand  des  historiens  modernes,  Jean  de  Muller,  dans  son  Histoire 
ii  .us  montre  l'étonnante  puissance  des  abbayes  de  l'Hel- 
vétie.  L'abbesse  de  Zurich  était  co-souveraine  du  canton,  l'abbesse 
de  Glaris  était  dame  du  lieu,  l'abbé  de  Schaflbuse  en  était  aussi  co- 
seigneur,  celui  de  Murbach  était  souverain  de  Lucerne,  et  l'abbé  de 
Masmunter  l'était  de  Mulhausen.  En  faisant  connaître  les  utiles  tra- 
vaux des  moines,  il  détaille  les  richesses  territoriales  de  l'abbaye 
d'B  tut.  rive,  près  de  Fribourg,  qui  dépassent  tout  ce  qu'on  peut  ima- 
giner. 11  nous  apprend  ailleurs  que  l'abbaye  d'Engelberg  avait  qua- 
rante villages  sous  sa  domination,  celle  de  Weltingen,  des  fiefs  im- 
menses dans  le  pays  de  Baden.  «  L'évéque  de  Coire  et  l'abbé  de 
«  Disentis,  dit-il,  tome  vi,  p.  255,  sont  les  plus  grands  seigneurs  de 
t  la  Rhétie.  n 

En  Italie,  les  abbayes  du  Mont-Cassin,  de  Bobbio,  de  Farfa,  de 
Camaldoli,  de  Monte-Virgine,  de  la  Cava,  de  Vallombrosa  et  autres 
avaient  des  possessions  territoriales  immenses.  En  France,  Cluny, 


céments.  Il  se  distingua  des  Pères  de  l'Eglise, 
dont  nous  venons  de  parler  :  il  passa  jusqu'au 
comble  de  la  perfection  de  la  vie  monastique, 
il  en  ouvrit  le  premier  les  écoles,  dont  la  ré- 
putation se  répandit  et  attira  des  imitateurs  de 
tout  le  monde  ;  par  là  il  l'emporta  sur  tous 
ceux  qui  avaient  avant  lui  comme  ébauebé 
cette  institution  admirable,  et  mérita  le  glo- 
rieux titre  de  père  et  d'instituteur  des  soli- 
taires. 

SainUérôme  l'en  a  appelé  illustrateur,  parce 
qu'il  a  considéré  ce  que  saint  Athanase  vient 
de  dire  du  grand  nombre  de  ceux  qui  avaient 
marché  devant  lui  (1). 


Citeaux,  Anchin,  Jumiéges,  Saint- Germain-des-Prés  et  bien  d'autres 
encore  étaient  des  fiefs  considérables.  Les  Hyéronimites  en  Espagne 
et  les  Cisterciens  étaient  en  possession  de  petites  provinces. 

Mais  ce  furent  principalement  ces  prospérités  temporelles  qui  ame- 
nèrent la  décadence  monastique.  Vainement  l'Eglise  tenait  la  main 
à  des  réformes  continuelles;  bientôt  les  réformes  avaient  besoin 
elles-mêmes  d'être  réformées.  Les  détracteurs  de  l'état  monastique 
oublient  trop  que,  quoique  vouée  à  la  perfection,  la  vie  religieuse  est 
cependant  composée  d'hommes,  c'est-à-dire  de  ces  pauvres  créatures 
dont  le  Saint-Esprit  a  dit  :  Sensus  enim  et  cogitatio  humani  cordis 
in  malum  prona  sunt  au  adoiescentia  sua  (Gen.  VI,  5).  Avec  la  dé- 
cadence morale,  la  dépopulation  s'était  faite  partout.  En  1788,  la  cé- 
lèbre abbaye  de  Lérins  et  ses  prieurés  n'avaient  plus  en  tout  que 
cinq  moines  [Bist.  du  Monast.  de  Lérùa,  il,  p.  311).  Un  journal 
de  1789,  Les  Veillées  d'un  Français,  no  111,  nous  apprend  que  les 
quelques  bénédictins  de  la  maison  de  Saint-M—un-des-Champs,  à 
Paris,  offrirent  à  l'assemblée  nationale,  au  nom  de  leur  maison  et  de 
leur  ordre,  l'abandon  de  leurs  biens  et  de  leurs  couvents,  moyennant 
une  pension  de  quinze  cents  livres  pour  chaque  religieux.  Parmi  nos 
manuscrits,  nous  possédons  les  lettres  adressées,  le  16  juillet  1791, 
par  les  chartreux  de  Bonpas,  près  d'Avignon,  à  l'assemblée  natio- 
nale, pour  déclarer  qu't'k  meurent  d'enoie  de  reprendre  leur  liberté 
et  de  rentrer  dans  le  siècle. 

Le  bill  de  1535  détruisit  six  cent  quarante-cinq  maisons  religieuses 
en  Angleterre.  La  révolution  française  ferma  onze  cent  quarante-sept 
abbayes  des  différentes  branches  bénédictines  et  des  prémoutrés. 
Nous  croyons  que  dans  toute  l'Allemagne  il  ne  reste  plus  qu'une 
trentaine  d'abbayes  de  bénédictins.  La  révolution  espagnole  a  détruit 
les  trois  cent  vingt  abbayes  et  les  seize  chartreuses  de  ce  royaume. 
Eu  Italie,  tout  aujourd'hui  est  converti  en  caserms.  Il  n'y  a  plus  en 
France,  en  Belgique  et  en  Angleterre,  que  quelques  abbayes  cister- 
ciennes de  la  réforme  de  la  Trappe.  (Dr  André.) 


CHAPITRE   TREIZIEME. 


ALLIANCE    DE    L'ÉTAT   MONASTIQUE    AVEC    LES   ORDRES   ET   LES   FONCTIONS   ECCLÉSIASTIQUES, 
PENDANT    LES   CINQ    PREMIERS   SIÈCLES    DE    L'ÉGLISE. 


1.  Les  monastères  et  les  abbayes  ne  feraient  pas  des  bénéfices 
sans  cette  alliance  de  la  cléricature  et  du  monacliistnc. 

il.  Preuves  de  l'antiquité  de  cette  alliance  par  les  papes  et 
les  conciles. 


III.  C'étaient  les  ordres  supérieurs  auxquels  on  élevait  les 
moines. 

IV.  Saint  Pacome  et  ses  religieux  faisaient  la   fonction  des 
lecteurs,  sans  avoir  été  ordonnés. 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  M0NAST1Q1  E.  etc. 


545 


V.  Combien  ce  saint  homme  voulait  que  les  religieux  s'éloi- 
gnassent par  eux-mêmes  des  saints  ordres. 

VI.  Combien  les  moines  étaient  tentés  d'y  aspirer. 

Vit.  Dans  les  déserts,  les  moines  avaient  des  églises  et  des 
prêtres  '11'  leurs  corps. 

VIII.  Quelle  modération  i  ni  \'  ustin  voulail  qu'on  gardât, 
en  n'appelant  aux  ordres  que  les  plus  vertueux  d'entre  les 
moines. 

IX.  I.j  profession  monastique  n'effaçait  pas  l'irrégularité. 

X.  Un  évêque  ne  h  tonner  le  moine  'l'un  autre. 

XI.  Saint  Augustin  condamne  également  l'ambition  des  ini  - 

qui  recherchent,  et  l'opiniâtreté  île  ceux  qui  fuient  les  ordres. 

XII.  Diverses  autorités  des  autres  Pères,  pour  engagrr  lis 
moines  dans  ! 

XII.  Rufln  au  lieu  du  clergé,  dans  son  église 

magnifique  du  Chesne. 

XIV.  Comment  les  moines  passèrent  de  la  solitude  aux  fau- 
bourgs des  villes. 

XV.  Suite  du  môme  sujet. 

XVI.  Combien  ils  eurent  de  crédit  dans  les  plus  grai 
faires  de  l'Eglise. 

XVII.  Réponse  à  une  objection. 

XVlïI.  Deux  manières  diverses  d'appeler  les  moines  à  la  clé- 
ricature. 

XIX.  Ils  ne  changeaient  pas  d'état,  ni  n'étaient  pas  affranchis 
des  observations  pieuses  par  la  cléricalure. 

I.  Los  monastères  ne  pourraient  pas  trouver 
place  entre  les  bénéfices,  si  les  dignités  et  les 
ordres  ecclésiastiques  ne  pouvaient  leur  être 
accordés.  Mais  cette  profession  toute  sainte 
n'eut  pas  plutôt  éclairé  la  terre  de  ses  rayons, 
que  les  évêques  les  plus  zélés  pour  la  pureté 
de  la  discipline  de  l'Eglise  n'eurent  point  de 
plus  forte  passion  que  celle  de  faire  cette  al- 
liance si  avantageuse  de  la  sainteté  monastique 
avec  les  saints  ordres. 

II.  Le  pape  Sirice  témoigna  ce  désir  ardent 
par  ces  paroles  :  «  Monacltos  quoque,  quos  ta- 
men  morum  gravitas,  et  vite  ac  fidei  institu- 
tio  sancla  commendat,  clericorum  officiis  ad- 
gregari.  et  optamus  et  volumus  (Ep.  1.  c.  3  .  » 
Il  est  vrai  que  ce  pape  ne  faisait  nulle  g  tue 
des  interstices  à  ces  saints  religieux  :  mais  les 
autres  papes  ne  furent  pas  si  rigoureux,  comme 
nous  l'avons  prouvé  ailleurs  par  une  lettre  du 
pape  Gélase  (Gelas.,  ep.  ix). 

Aussi  saint  Dalmace ,  prêtre  et  archiman- 
drite de  Constantinople,  qui  avait  passé  qua- 
rante-huit ans  sans  sortir  de  son  monastère, 
parut  à  la  tète  de  tout  le  clergé  de  Constanti- 
nople, et  écrivit  en  cette  qualité  au  concile 
œcuménique  d'Ephèse  quand  il  fallut  se  dé- 
clarer pour  la  défense  de  saint  Cyrille  contre 
Nestorius  et  Jean  d'Antioche  (Concil.  Ephes., 
Epist.  Catholic). 

Dans  le  concile  de  Constantinople,  où  saint 
Abundius,  évêque  de  Lomé,  et  les  autres  en- 
voyés du  pape  Léon  reçurent  la  confession  de 
foi  des  évêques  et  des  religieux,   les  archi- 

Tn.  —  Tome  II. 


mandrites  furent  nommés  après  les  prêtres, 
avant  1rs  diacres,  comme  étant  eux-mêmes 
prêtres,  au  moins  la  plus  grande  partie.  «  Iie- 
verendorum  episcoporum,  presbyterorunij  ar- 
chimaiiilntai  mu  .  diaconorum  ai-  totius  cleri 
professiones  cognovimus  (Tom.  m  conc,  an. 
450).  »  L'empereur  Théodose  le  Jeune  écrivit 
a  l'archimandrite  Barsumas  pour  lui  donner 
ordre  de  se  trouver  au  concile  d'Ephèse  au 
nom  de  tous  les  archimandrites  d'Orient.  «  Lo- 
cum  tenentem  omnium  Orientis  archimandri- 
tanim   Conc.  Calced.,  act.  1;.  » 

A  l'action  t  du  concile  de  Constantinople, 
tenu  sous  Flavien ,  comparut  Abrahamius, 
prêtre  et  archimandrite,  avec  trois  autres  reli- 
gieux diacres  du  monastère  d'Eutychés,  prêtre 
et  archimandrite.  Dans  l'action  :.  (Ibidem), 
l'on  menace  Eutychès  de  le  déposer  et  de  le 
priver  tant  de  la  prêtrise  que  de  la  supériorité 
de  son  monastère,  ce  qui  fut  enfui  exécuté;  et 
à  cette  sentence  souscrivirent,  après  les  évê- 
ques, dix-huit  prêtres  et  archimandrites,  un 
diacre  archimandrite,  un  moine  archiman- 
drite. Le  tte  allaite  ayant  été  portée  au  second 
concile  d'Ephèse  II. idem  .  les  religieux  d'Eu- 
tychés écrivirent  a  ce  concile  pour  la  justifica- 
tion d'Eutychés;  la  lettre  est  souscrite  par  un 
prêtre,  dix  diacres,  trois  sous-diacres  et  plu- 
sieurs autres  religieux. 

A  la  session  iv  du  concile  de  Calcédoine,  on 
fit  aussi  comparaître  dix-huit  prêtres  et  archi- 
mandrites. On  y  lut  aussi  une  lettre  écrite  à 
l'empereur  Marcien  par  plusieurs  archiman- 
drites suivis  d'un  grand  nombre  de  clercs  : 
«  A  minimis  archimandritis,  et  ah  omnibus 
comitibus  suis  in  Christo,  et  reliquis  clericis, 
et  monachis  et  laicis.  »  Saint  Epiphane  nomme 
les  moines  après  les  évêques,  avant  les  prê- 
tres, en  parlant  du  schisme  de  Mélèce  (Epiph., 
bar.  lxviii). 

III.  Dans  tous  ces  exemples  les  moines  fai- 
saient un  corps  distingué  du  cierge  et  des  laï- 
ques, toujours  préféré  aux  laïques,  quelquefois 
nu  'e  avec  le  clergé  :  les  archimandrites  ou 
abbés  étaient  presque  toujours  prêtres  ;  il  y 
avait  dans  un  seul  monastère  un  nombre  con- 
sidérable de  prêtres,  de  diacres  et  de  sous- 
diacres,  sans  qu'il  soit  parlé  des  ordres  infé- 
rieurs, auxquels  la  longue  pénitence  et  la  vie 
religieuse  pouvaient  peut-être  suppléer  en  un 
temps  où  on  ne  les  donnait  pas  toujours  tous 
a  la  même  personne. 

IV.  En  voici  un  exemple  qui  pourra  servir 

35 


:,4G 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


de  preuve.  Saint  Pacôme,  ce  père  de  tant  de 
solitaires,  voyant  un  village  voisin  désolé,  où 
les  laboureurs  étaient  entièrement  privés  de 
la  lecture  des  Ecritures  et  des  divins  mystères, 
persuada  à  l'évêque  d"\  bâtir  une  église,  et, 
en  attendant  qu'on  y  ordonnât  des  clercs,  il 
y  allait  lui-même  avec  ses  religieux  le  samedi 
et  le  dimanche,  et  il  y  lisait  les  divines  Ecri- 
tures. 

«  Cuiu  needum  essent  ordinati  clerici,  qui 
solemnia  plebi  peragerent,  ipse  ad  liorain  con- 
ventus  ecclesiae  cum  monachis  occurrebat,  sa- 
lutiferas  plebi  paginas  relegens,  quia  nondum 
ibidem  lectores  fuerant  constituti,  nec  alii  cle- 
rici, qui  ministeria  sacra  célébra rent.  Quamdiu 
ergopresbyteret  reliquus ordo  clericoram  abe- 
ral.  Pacomius  veniebat,  et  sic  alacriterac  in- 
verecunde  lectoris  implebat  officium  Vita  S. 
Pacom.,  apud  Rosveid.,  c.  xxvi  .  « 

Saint  Pacôme  taisait  donc  l'office  de  lecteur. 
quoiqu'il  n'en  eût  pas  reçu  l'ordre;  et  Dieu 
donna  tant  de  bénédictions  a  son  zèle,  que  plu- 
sieurs païens  se  convertirent.  «  Unde  plures 
institution  ejus,  ab  errore  conversi  facti  sunt 
Christiani.  » 

V.  Ce  saint  nomme  ne  souffrit  point  que  les 
religieux  s'ingérassent  dans  les  fonctions  du 
sacerdoce  :  il  faisait  venir  des  villages  voisins 
des  prêtres  pour  célébrer  les  divins  mystères 
aux  jours  solennels,  et  pour  donner  la  sainte 
communion  aux  frères;  s'il  s'en  rencontrait 
néanmoins  quelques-uns  d'entre  eux  qui  eus- 
sent auparavant  été  ordonnés  prêtres,  il  s'en 
servait  volontiers  pour  exercer  ces  divines 
fonctions;  mais  il  ne  jugeait  pas  qu'un  reli- 
gieux pût  désirer  les  premiers  rangs  d'hon- 
neur.  ou  les  saints  ordres,  sans  une  ambition 
criminelle.  «  Cogitatio  feralis  ambitus,  si  in 
mentes  irrepserit  monachorum,  ut  vel  primi 
cupiant  esse  vel  clerici  Cap.  xxiv.  ibid.  .  »  Ce 
directeur  incomparable  lit  néanmoins  paraître 
sa  sagesse  toute  divine  dans  une  rencontre 
mémorable   Cap.  x\ .  ibid. ,1.  » 

Un  religieux  prêtre  et  père  de  plusieurs  reli- 
gieux, importuné  par  les  instances  pressantes 
de  l'un  d'eux,  qui  souhaitait  avec  une  passion 
démesurée  d'être  élevé  a  la  dignité  des  clercs, 
vint  consulter  saint  Pacôme.  Ce  saint  lut  d'a- 
xis d'accorder  ace  religieux  indiscret  la  dignité 
dont  il  était  indigne,  et  gagner  par  cette  sage 
condescendance  celui  qu'un  relus,  quoique 
très-juste,  porterait  au  desespoir.  La  chose 
réussit  comme  il  l'avait  jugé.  Ce  religieux  sa- 


tisfait d'avoir  obtenu  ce  qu'il  avait  passionné- 
ment désiré,  se  reconnut,  et  vint  remercier  le 
saint,  en  lui  témoignant  qu'il  était  redevable 
de  son  salut  a  son  extrême  douceur,  qui  l'avait 
délivré  d'une  tentation  à  laquelle  il  eût  suc- 
combé. 

VI.  Cassien  représente  en  quelque  endroit 
les  artificieux  déguisements  dont  le  démon  se 
sert  pour  faire  désirer  aux  religieux  les  digni- 
ii  -  il  les  fondions  ecclésiastiques.  «  Nonnun- 
quamvero  clericatus  gradum,  et  desiderium 
presbyterii  vel  diaconatus  immittit(DeCœnob. 
Instit.,  1.  il.  c.  II.  1S  i.  »  C'était  le  diaconat 
seulement  .  ou  la  prêtrise,  qu'un  religieux 
pouvait  ambitionner;  car  nous  avons  vu  que, 
sans  être  ordonnés,  ils  faisaient  quelquefois 
les  fonctions  des  moindres  ordres  ;  aussi  parle- 
t-il  ensuite  de  l'un  de  ces  solitaires,  séduit 
par  le  démon  de  l'orgueil,  qui  fut  surpris  dans 
sa  cellule  lorsqu'il  s'exerçait  tout  seul,  et  qu'il 
contrefaisait  le  sacré  ministère  du  prêtre  et  du 
diacre  a  l'autel. 

Ces  exemples  font  voir  que  les  solitaires  ne 
croyaient  nullement  que  leur  état  lût  incom- 
patible avec  la  prêtrise,  quoique  leur  humilité 
les  dût  éloigner  de  la  pensée  de  ces  hautes 
dignités. 

VII.  Le  même  Cassien  Collai,  m,  c.  I)  fait 
ailleurs  l'éloge  du  saint  abbé  l'apbnuce,  qui 
avait  vécu  dans  la  solitude  depuis  son  enfance 
jusqu'à  l'âge  de  quatre-vingt-dix  ans,  y  exerçant 
le  divin  ministère  de  la  prêtrise,  et  y  avait 
élevé  au  diaconat  un  admirable  religieux, 
nommé  Daniel,  ayant  plus  d'égard  à  sa  vertu 
qu'a  son  âge.  Il  voulut  le  faire  aussi  son  suc- 
cesseur dans  les  fonctions  de  la  prêtrise,  et  il 
le  fit  ordonner  de  son  vivant.  Dieu  en  disposa 
autrement,  et  Daniel  mourut  avant  l'apbnuce, 
sans  avoir  exercé  la  prêtrise,  parce  que  son 
humilité  l'emporta  sur  son  mérite;  et  quoi- 
qu'il fut  prêtre,  il  se  contenta  de  servir  de  dia- 
cre â  l'apbnuce. 

"  Optans  sibimet  successoreni  dignissimum 
providere  :  superstes  eum  presbyterii  honore 
provexit.  Qui  lamen  prioris  humilitafisconsue- 
tudinem  non  omittens,  nihil  unquam  sibi  illo 
présente,  de  sublimions  ordinis  adjectione 
donavit  :  sed  semper  abbate  Paphnucio  spiri- 
I  îles  bostias  oftérente,  hic  velut  diaeonus,  in 
prioris  ministerii  permansit  officio  (Collât,  iv, 
c.  lu  » 

Il  y  avait  donc  des  églises,  dans  ces  affreuses 
solitudes,  où  les  moines  s'assemblaient  et  y 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  MONASTIQUE,  etc. 


,17 


avaient  des  prêtres  et  des  diacres  de  leurs 
corps.  Cela  paraît  encore  par  ce  que  le  même 
Cassien  raconte  ailleurs,  que  Théophile,  arche- 
vêque d'Alexandrie,  leur  avant  envoyé  des 
lettres  circulaires  où,  si  Ion  la  coutume,  il  leur 
annonçait  en  quel  jour  on  célébrai!  la  fête  de 
Pâques, et  où,  par  occasion,  il  invectivait  contre 
l'erreur  des  Anthropomorphe  s.  ces  solitaires, 
|ilus  vertueux  que  savants,  en  lurent  si  scan- 
dalises, (|n'ils  se  résolurent  de  refuser  leur 
communion  à  Théophile;  et  les  plus  habiles 
d'entre  eux  crurent  user  île  beaucoup  de  mo- 
dération s'ils  se  contentaient  de  ne  pas  souffrir 
la  lecture  de  ces  lettres. 

De  quatre  églises  et  de  tous  les  prêtres  qui 
étaient  dans  la  solitude  de  Scété,  il  n'y  eut  que 
Paphnuce,  qui  en  gouvernait  une.  dont  la  sim- 
plicité éclairée  souscrivit  à  la  doctrine  de  l'ar- 
chevêque Théophile. 

Cassien  raconte  tout  cela  comme  en  ayant 
été  le  témoin  oculaire  :  «  Denique  et  ab  liis 
qui  erant  in  eremo  Scythi  commorantes  quique 
perfectione  ac  scienlia,  omnibus  qui  erant  in 
-Egvpti  monasteriis,  praeeminebant,  itaest  lurc 
epistola  refutata,  ut  praeter  abbatem  Paphnu- 
tiuni,  nostras  congregationis  presbyterum, 
nullus  eani  caeterorum  presbyterorum,  qui  in 
eadem  eremo  aliis  tribus  ecclesiis  prœsidebant, 
nec  legi  quidem  aut  recitari  in  suis  conven- 
tibus  prorsus  admitterent  Collât,  x,  c.  w2).  » 

VIII.  Saint  Augustin  ne  put  souffrir  sans  une 
extrême  douleur  qu'Aurèle,  archevêque  de 
Carlhage,  admit  aux  ordres  ceux  qui  s'étaient 
enfuis  des  monastères;  mais  il  témoigna  assez, 
dans  la  lettre  qu'il  lui  en  écrivit,  qu'autant 
il  avait  de  ressentiment  qu'on  fit  entrer  dans 
le  clergé  ceux  qui  n'avaient  pas  eu  assez 
de  vertu  pour  persévérer  dans  les  monastères, 
autant  il  aurait  de  joie  d'y  voir  appeler  ceux 
qu'une  vertu  longtemps  éprouvée  dans  les 
exercices  de  la  pénitence  en  aurait  rendus 
dignes. 

«  Non  est  ista  via  danda  servis  Dei,  ut  se  fa- 
cilius  putent  eligi  ad  aliquid  melius,  si  facti 
fuerint  détériores.  El  ipsis  enim  facilis  lapsus, 
etordini  clericorum  lit  indignissima  injuria, 
si  desertores  monasteriorum  ad  militiam  cle- 
ricatuseligantur;  cumex  iisqui  in  monasterio 
permanent,  non  tamen  nisi  probatiores  atque 
meliores  iu  clerum  assumere  soleamus  (Epist. 
lxxvi).  » 

Il  ajoute  que  tant  s'en  faut  que  d'un  mauvais 
religieux  ou  puisse  faire  un  bon  ecclésiastique, 


qu'au  contraire  il  est  très-véritable  que  les 
meilleurs  religieux  ne  sont  pas  propres  à  l'état 
ecclésiastique,  si  leur  piété  n'est  soutenue  de 
la  science,  et  si  leur  conduite  passée  aussi  bien 
que  bue  vie  présente  n'est  irréprochable. 

«  Nimis  dolendum,  si  ad  tam  ruinosam  su- 
perbiam  monachos  surrigamus,  et  tam  gravi 
contumeliaclericosdignos  putemus,  in  quorum 
numéro  sumus  :  cum  aliquando  etiam  bonus 
monachus  vix  bonum  clericum  faciat,  si  adsit 
ei  sufficiens  conlinenlia,  et  tamen  desit  in- 
structio  necessaria,  aut  personœ  regularis  inte- 
gritas.  » 

IX.  Il  faut,  en  passant,  remarquer  deux 
choses  dans  cet  endroit  de  saint  Augustin  :  la 
première,  qu'il  se  met  lui-même  au  nombre 
des  clercs,  et  nullement  en  celui  des  moines, 
ce  qui  justifie  ce  que  nous  avons  dit  sur  ce 
sujet;  la  seconde  est  que,  quelque  grande  que 
puisse  être  la  piété  présente  d'un  religieux, 
elle  ne  suffit  pas  puni'  effacer  les  irrégularités 
qu'il  pourrait  avoir  contractées  avant  sa  con- 
version, et  pour  le  rendre  capable  des  saints 
ordres. 

C'est  ce  que  saint  Augustin  entend  par  ces 
paroles  :  «  Si  desit  personne  regularis  integri- 
tas.  »  Ainsi,  ce  Père  déclare  qu'un  saint  reli- 
gieux peut  être  irrégulier  pour  les  ordres  en 
deux  manières  :  ou  par  le  défaut  de  science, 
«  si  desit  instructio  necessaria,  »  ou  par  quelque 
crime  commis  après  le  baptême. 

Ajoutons  cette  troisième  remarque,  que  les 
moines  déserteurs  étaient  tlès  lors  condamnés 
par  les  docteurs  de  l'Eglise,  comme  ayant  re- 
noncé a  l'espérance  de  leur  salut.  Car  Aurèle 
n'avait  admis  ces  moines  fugitifs  à  la  cléri- 
catureque  dans  la  créance  qu'il  avait  que  saint 
Augustin,  leur  évêque,  avait  agréé  leur  des- 
sein; et  saint  Augustin  proteste  qu'étant  sortis 
du  cloître  contre  ses  ordres,  ils  ne  peuvent 
passer  que  pour  des  infâmes  apostats. 

«  Desertores  monasteriorum,  etc.  Sed  de 
istis  credo  arbitrata  si t  beatitudo  tua,  quod  no- 
stra  voluntate,  ut  suis  potius  conregionalibus 
utiles  essent,  de  monasterio  recessissent.  Sed 
falsum  est,  sponte  abierunt,  sponte  deserue- 
runt,  nohis  quantum  potuimus,  pro  eorum 
sainte  retinentibus.  » 

X.  Saint  Augustin  assure,  dans  la  même 
lettre,  que  les  évêques  d'Afrique  avaient  réglé 
cette  affaire  en  son  temps  :  «  Antequam  de  bac 
re  aliquid  in  concilio  statueremus.  »  Ce  fut,  à 
mon  avis,  le  concile  Y  de  Caçthage  (Can.  xiu) 


ii8 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


qui  fit  ce  règlemenl  :  «  Si  quis  de  alterius  mo- 
nasterio  repertum,  vel  ad  clericatum  promo- 
vere  voluerit,  vel  in  suo  monasterio  majorem 
monasterii  constituere  ;  episcopus  qui  hoc  fe- 
ceril ,  a  caeterorum  communione  sejunctus, 
suœ  tantum  plebis  communione  contentus 
sit.  » 

Ce  canon  et  l'occurrence  pour  laquelle  il  fut 
fait  montrent  combien  les  évêques  d'Afrique 
étaient  passionnés  pour  rencontrer  entre  les 
moines  des  personnes  dignes  des  fonctions  sa- 
cerdotales,  et  combien  ils  étaient  jaloux  que 
ceux  qui  avaient  été  formés  dans  leurs  monas- 
tères ne  leur  fussent  pas  enlevés  par  les  autres 
évêques.  Car  ce  statut  fait  manifestement  con- 
naître que  les  moines  d'un  diocèse  étaient  aussi 
bien  attachés  a  leur  évêque  propre  que  les 
clercs;  d'où  il  s'ensuivait  que  les  autres  évêques 
ne  pouvaient  les  employer  sans  une  usurpation 
criminelle. 

XI.  Mais  saint  Augustin  n'a  jamais  mieux  fait 
connaître  ses  sentiments  sur  ce  sujet  que  dans 
sa  lettre  a  Eudoxius,  prêtre  et  abbé  du  monas- 
tère de  l'île  Caprarie  Epist.  lxxxi).  11  lui  l'ait 
voir  que  les  clercs  et  les  moines  sont  les  mem- 
bres d'un  même  corps,  qui  partagent  lellemenl 
le  repus  el  le  travail  entre  eux.  que  l'avantage 
qui  revient  de  l'un  et  de  l'autre  leur  est  com- 
mun à  tous;  au  reste,  que  les  religieux  doivent 
autant  s'éloigner  de  l'ambition  qui  fait  recher- 
cher L'éclat  et  la  dignité  des  saints  ordres,  que 
de  la  paresse  qui  en  lait  refuser  le  travail, 
lorsque  l'Eulise  les  y  appelle,  elle  qui  a  le  droit 
de  leur  commander. 

«  l'iiuin  corpus  sub  uno  capite  sumus,  ut  et 
vos  in  nobis  negotiosi,  et  nos  in  vobis  otiosi 
sumus.  Exhortamur  in  Domino,  ut  propositum 
vestrum  custodiatis,  el  usque  in  finem  perse- 
veretis.  Ac  si  qua  operam  vestram  Ecclesia 
mater  desideraverit,  nec  elatione  avida  susci- 
piatis,  nec  blandiente  desidia  respuatis.  » 

XII.  Sainl  Jérôme  dit  que,  lorsque  sainte 
Paule  visitai!  les  déserts  arides  et  infructueux, 
mais  très-fertiles  en  piaules  célestes,  une  mul- 
titude infinie  de  moines  alla  au-devanl  d'elle 
par  honneur,  entre  lesquels  il  y  en  avait  un 
grand  nombre  dont  le  diaconat  et  la  prêtrise 
rehaussaient  l'éminente  vertu:  «  Occurrente 
sibi  sancto  et  venerabili  episcopo  [sidoro  con- 
Eessore,  et  turbis  innumerabilibus  monacho- 
rum,  ex  quibus  multos  sacerdotalis  et  leviticus 
sublimabat  gradus  (In  Epitaphio  Paul.).» 

Nous  avons  dit  ailleurs  comme  saint  Jérôme 


fut  ordonné  prêtre,  et  comme  son  extrême  hu- 
milité, qui  le  rendait  si  digne  de  ce  divin  mi- 
nistère, l'empêchant  d'en  faire  l'exercice,  son 
frère  Paulinien  fut  ordonné  prêtre  par  saint 
Epiphane  dans  son  monastère  de  Bethléem. 
Nous  avons  aussi  rapporté  les  paroles  admi- 
rables de  saint  Ambroise  sur  l'alliance  et  la 
réunion  qu'Eusèbe,  évêque  de  Verceil,  avait 
faite  de  la  dignité  de  l'état  ecclésiastique  avec 
la  sainteté  de  la  vie  religieuse,  c'est-à-dire  de 
ce  qu'il  y  a  de  plus  grand  avec  ce  qu'il  y  a  de 
plus  saint  dans  l'Eglise. 

Nous  avons  aussi  touché  la  lettre  de  saint 
Athanase  à  Dracontius,  où  il  l'exhorte  de  ne 
pas  préférer  son  repos  et  son  intérêt  particulier 
a  l'avantage  publie  de  l'Eglise,  qui  l'appelait 
du  cloître  à  l'épiscopat,  et  il  lui  propose  un 
nombre  fort  grand  de  saints  évêques  qui,  ayant 
passe  leurs  premières  années  dans  la  religion, 
avaient  enfin  couronné  toutes  leurs  vertus  par 
la  charité  et  la  sollicitude  épiscopale.  Nous 
avons  montré  que  les  monastères  de  Saint- 
Basile,  dans  l'Orient,  aussi  bien  que  ceux  de 
Saint-Martin,  à  Tours,  et  de  Saint-Honoré,  à 
Lérins,  en  France,  avaient  été  comme  des  sé- 
minaires où  s'étaient  formés  les  plus  saints 
évêques  de  l'Eglise. 

Pallade,  dans  la  vie  de  saint  Chrysostome, 
parle  du  célèbre  [saac,  prêtre  et  abbé  de  cent 
cinquante  moines,  dont  Théophile  en  avait 
choisi  sept  ou  huit  pour  les  faire  évêques  (Pal- 
lad.,  c.  xv).  Un  autre  en  avait  deux  cents,  dont 
plusieurs  lurent  aussi  ordonnés  évêques.  Si 
ces  saints  religieux  étaient  estimés  digues  de 
l'épiscopat  el  s'ils  y  étaient  si  souvent  appelés, 
on  ne  peut  douter  qu'on  ne  les  honorât  encore 
plus  souvent  de  la  prêtrise  et  du  diaconat.  Je 
ne  dis  rien  des  autres  ordres,  pour  la  raison 
que  j'ai  touchée  et  que  saint  Jérôme  vient  de 
continuer. 

XIII.  Sous  l'empire  d'Arcade,  Rufin  bâtit  un 
palais  magnifique  aux  faubourgs  de  Calcédoine: 
on  l'appela  le  Chesne  ou  la  Chesnaye.  II  y  fit 
construire,  avec  une  somptuosité  qui  répondait 
à  ses  grandes  richesses,  un  superbe  temple  en 
l'honneur  des  apôtres  saint  Pierre  et  saint 
Paul,  avec  un  monastère  dont  les  moines  de- 
vaient composer  le  clergé  de  cette  église  : 
«  Monachos  etiam  in  vicino  collocavit,  qui  cle- 
riini  ecclesia'  supplerent,  u  tt;  ixxXwiiii  ni  tùm?» 
i-ix-.'.y,  (Sozom.,  lib.  vm,  c.  17).» 

XIV.  Ainsi,  les  moines  passèrent  des  déserts 
à  la  ville  pour  y  sanctifier  les  autres  par  leur 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  MONASTIQUE,  etc. 


5t9 


exemple,  eux  qui  avaient  auparavant  quitté  la 
ville  pour  se  sanctifier  dans  les  déserts  par  de 
continuels  exercices  de  prières  et  d'austérités. 
En  effet,  il  «tait  bien  juste  qu'après  avoir 
amassé  dans  la  solitude  les  pn  cieux  trésors  de 
la  sainteté,  leur  charité  les  portât  à  venir  ré- 
pandre dans  la  ville  ces  mêmes  trésors,  et  à  les 
communiquer  à  leurs  frères. 

Saint  Jérôme  avait  écrit  à  Paulin,  en  lui  tra- 
çant les  règles  de  la  vie  religieuse,  que.  s'il 
aspirait  a  l'état  ecclésiastique,  il  devait  faire 
son  séjour  dans  les  villes,  afin  de  faire  son  sa- 
lut en  travaillant  a  celui  de  ses  frères:  niais 
que.  s'il  se  voulait  consacrer  à  la  profession 
monastique,  ce  nom  seul  devait  lui  inspirer 
l'amour  de  la  solitude,  comme  il  lui  en  impo- 
sait l'obligation  :  «  Si  officium  vis  exercere 
presbyteri,  si  episcopatus  tevel  opus,vel  honos 
forte  delectat,  vive  in  urbibus,  et  castellis,  et 
aliorum  salutem  fac  luerum  anima'  tuœ.  Sin 
autem  cupis  es*e  quod  diceris,  monachus,  id 
est,  soins,  quid  fuis  in  urbibus,  qua?  utique 
non  sunt  solorum  habitacula,  sed  multorum 
De  institutione  Monachi  ad  Paulinum).  » 

Il  dit  la  même  chose  dans  sa  lettre  ad  Iins/1- 
cum  monachum  de  vivendi  forma.  Ht.  écrivant 
a  Héliodore:  «Clerici  in  suis  urbibus  commo- 
rantur.  »  Et  a  Marcelle:  «Tantam  frequentiam 
hominum  saltem  invitum  videre,  a  proposito 
monachorum  et  quiète  aliéna  sunt.  »  Et  dans 
l'épitaphe  de  Fabiole:  aPeragrabat  insulas  et 
reconditos  curvorum  littorum  sinus,  in  quibus 
monachorum  consistunt  cliori.  » 

Voila  sans  doute  l'institution  primitive  et  la 
règle  générale  des  solitaires.  Mais  la  loi  de  la 
charité  est  la  souveraine  dispensatrice  de  toutes 
les  autres  lois,  et  c'est  elle  qui  contraignit  les 
évêques  d'appeler  les  solitaires  dans  les  villes. 
de  les  engager  dans  les  fonctions  et  dans  les 
dignités  ecclésiastiques,  et  de  les  obliger,  par 
ce  moyen,  à  répandre  sur  tous  les  fidèles  ces 
trésors  spirituels  dont  ils  s'étaient  enrichis 
dans  la  solitude. 

XV.  Saint  Chrysostome  nous  apprend  que  ce 
fut  une  occasion  extraordinaire  qui  lit  descen- 
dre ces  saints  religieux  de  leurs  montagnes 
dans  la  ville  d'Antioche,  pour  la  délivrer  de 
l'épouvante  extrême  où  elle  était  des  juges  et 
dis  magistrats,  qui  y  avaient  établi  un  tribunal 
effroyable  contre  une  multitude  de  criminels. 
i  i  -  saints  parurent  comme  des  auges  accourus 
du  ciel  :  «  Undique  confluxerunt,  velut  a 
quidam  de  cœlo  profeeti;   erat  cernere  tune 


civitatem ,  similem  redditam  de  cœlo.  »  Ils 
parlèrent  aux  juges  avec  une  fermeté  si  géné- 
et  avec  une  charité  si  engageante,  qu'ils 
les  désarmèrenl  Homil.  xvu .  ad  Popul. 
Antio.  . 

Ce  même  saint  axait  jugé  ailleurs  que  les 
monastères  ne  devaienl  pas  être  tort  éloignés 
des  ville-,  pour  n'être  pas  aussi  trop  éloignés 
des  commodités  de  la  vie  dont  ils  ne  peuvent 
se  passer  :  •<  l't.  ii  loci  neque  ita  multum  ah 
hominum  conspectu  remoti,  solitudinis  tamen 
olium  .  quietemque  habeant  De  Sacerdoc, 
1.  vi,  c.  6).  » 

Saint  Augustin  plaça  son  premier  monastère 
dans  l'enceinte  de  l'église,  comme  dit  l'o^si- 
dius.  ou.  comme  il  l'explique  lui-même,  dans 
les  jardins  de  l'évêché  Conf.,  1.  vin,  c.  6  .  11 
dit  que  saint  ^robroise  avait  un  monastère  a 
Milan,  hors  les  murs  de  la  ville,  «  extra  urbis 
mœnia.  »  Il  assure  ailleurs  qu'il  y  avait  des 
monastères  à  Cartuage  :  «  Cum  apud  Cartha- 
ginem  monasteria  esse  cœpissent  I..  i  Retract., 
c.  -21 

XVI.  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Grégoire  de 
Nazianze  nous  apprend  que  le  père  de  ce  divin 
théologien,  étant  évêque  de  Nazianze  et  s'étant 
laissé  surprendre  par  les  artificieux  déguise- 
ments des  hérétiques,  il  se  souilla  de  leur 
communion  et  souscrivit  à  leur  doctrine.  Tous 
les  moines  du  pays  se  séparèrent  aussitôt  de 
sa  communion,  et  une  grande  partie  du  peuple 
suivit  leur  exemple.  Alors  le  fils  vint  au  se- 
cours du  père,  le  porta  à  reconnaître  sa  faute 
et  a  en  demander  pardon;  et.  après  lui  avoir 
fait  faire  une  confession  sincère  de  la  foi  ca- 
tholique, il  le  réconcilia  avec  les  moines  et 
avec  le  peuple. 

Cet  exemple  fait  voir,  aussi  bien  que  celui  de 
Dalmace  dont  nous  avons  parlé,  l'intérêt  que 
les  religieux  prenaient  aux  allure-  de  l'Eglise 
leur  crédit  et  leurs  services  importants  dans 
des  rencontres  périlleuses. 

Théodoret(L.  iv.  c.  xxiv,  xx\)  a  décrit  les 
illustres  combats  du  céli  bre  solitaire  Aphraates, 
et  île  plusieurs  autres  qui  quittèrent  la  solitude 
pour  venir  s'opposer  a  la  persécution  des  Ariens 
soutenus  de  l'autorité  de  l'empereur  Valens.  Il 
ajoute  que  saint  Antoine  leur  en  avait  donné 
m  pie  au  lemps  de  Constance,  venant  lui- 
même  a  Alexandrie  pour  soutenir  la  loi  et  la 
personne  d'Atb  les  \riens.  «  Reli- 

cta   soliludine  totam  illam  circuibat  urbem , 
qua  omnes  doceret,  tum  Athanasium  prœco- 


.Y.li 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  TREIZIÈME. 


nem  veritatis,  tum  Arianos  veritatis  hoslesesse 
Theodor.  Lect.,  I.  i).  » 

Daniel  Slylile  ne  témoigna  pas  moins  de 
vigueur  quand  il  descendit  de  sa  colonne  pour 
s'opposer  aux  violentes  attaques  que  le  tyran 
Basilisc  donnait  à  la  loi  orthodoxe,  en  con- 
damnant le  concile  de  Calcédoine.  Les  moines 
mêlés  parmi  le  peuple  donnèrent  la  terreur  à 
l'impie  Anastase,  lorsqu'il  persécutait  l'Eglise 
avec  le  plus  de  fureur  (L.  if).  Evagriu  s  rapporte 
les  lettres  que  l'empereur  Léon  écrivit  à  tous 
les  métropolitains  et  à  tous  les  célèbres  soli- 
taires, Siméon  Stylite,  Baradat,  Jacques,  pour 
avoir  d'eux  une  nouvelle  confirmation  de  la  foi 
du  concile  de  Calcédoine  (Evag.,  I.  II,  C  9). 

Le  même  historien  avait  raconté  plus  haut 
(L.  i,  c.  13),  comment  Siméon  Stylite,  par  l'ar- 
deur et  l'intrépidité  de  son  zèle,  avait  obligé 
l'empereur  Théodose  de  révoquer  les  ordres 
qu'il  avait  donnés  pour  faire  rebâtir  les  syna- 
gogues des  Juifs. 

XVII.  Toutes  ces  occurrences  singulières 
n'(  mpèchent  pas  que  saint  Jérôme  n'ait  «lit  en 
général  que  L'office  des  moines  n'est  pas  d'en- 
seigner 1rs  peuples  ,  mais  de  pleurer  leurs 
péchés  :  «  Monachum  se  esse,  non  loquendo  et 
dîseursando,  sed  tacendo  e!  sedendo  noverit. 
Monachus  non  doctoris,sed  plangentis  habet 
oflicium  ;  qui  vel  se  ,  vel  mundum  lugent 
(Apolog.  ad  Domnion.,  advers.  Vigilant.).»  Cela 
s'entend  quand  l'Eglise  ne  les  appelle  point  à 
des  emplois  ecclésiastiques. 

XVIII.  Remarquons  en  passant  que  la  pro- 
motion îles  moines  a  la  cléiicalure  se  faisait  de 
deux  laçons  :  à  la  demande  du  monastère,  ou 
selon  le  besoin  des  évêques;  en  les  laissant  dans 
le  monastère  ou  en  les  en  retirant  et  les  alla- 
chant  a  une  église  cathédrale  ou  paroissiale. 
La  première  de  ces  promotions  les  laissai!  dans 
le  même  engagement  aux  fonctions  monas- 
tiques ou  ils  étaient  auparavant  ;  la  seconde 
les  asservissait  uniquement  aux  fonctions  du 

sacerdoce. 

Saint  Jérôme  parle  île  la  première,  quand  il 
écrit  à  Héliodore  :  «Quodsi  tequoqueadordi- 
nem  elericorum  pia  fratrum  blandimenla  sol- 
licitant, gaudebo  de  ascensu,  sed  timebo  de 


lapsu  (De  vita  Erem.).  »  Il  parle  de  la  seconde 
en  écrivant  au  moine  Rustique  :  «  Cum  ad 
perfectam  aetatem  veneris,  et  te  vel  populus, 
vel  pontifex  civitatis  in  clerum  elegerit,  agito 
qice  clerici  sunt,  et  inter  ipsos  sectare  rnelio- 
res,  quia  in  oiniii  conditione  et  gradu,  optimis 
niixta  sunt  pessima.  » 

Il  esl  aisé  d'appliquer  celte  distinction  à  tous 
les  autres  exemples  qui  sont  rapportés  dans  ce 
chapitre,  et  de  se  détromper  d'une  opinion 
aussi  fausse  qu'elle  est  commune,  que  l'ordi- 
nation émancipait  pour  ainsi  dire  de  la  profes- 
sion monastique. 

XIX.  Leur  une  conviction  encore  plus  grande 
de  la  vérité  que  nous  avançons,  on  peut  allé- 
guer l'exemple  de  trois  excellents  religieux, 
Ruses,  Euloge  et  Lazare;,  qui  furent  ordonnés 
évêques,  non  pas  pour  aller  gouverner  un  dio- 
cèse, mais  pour  l'aire  voir  en  leurs  personnes 
une  éminente  vertu  couronnée  de  la  plus  écla- 
tante de  toutes  les  dignités.  «  Creabuntur  epi- 
scopi  non  urbis  alicujus.  sed  honoris  causa, 
qui  veluti  vitae  pie  anteactse  compensatio  in 
propriis  monasteriis  illis  deferebantur.  »  C'est 

ce  qu'en  dit  So/omeiie  (L.  VI.  C.  34). 

Ceux  qui  défèrent  avec  peine  à  ce  récit  de 
Sozomène  auront  plus  de  créance  pour  le  pape 
Innocent  Ier,  qui  oblige  à  l'observance  de  la 
règle  monastique  et  surtout  de  la  continence, 
les  moines  qui  passaient  du  cloître  à  la  cléii- 
calure. «  De  inonachis  qui  diu  murantes  in 
monasteriis,  si  postea  ad  clericatus  ordinem 
pervenerint,  non  debere  eos  a  priore  proposito 
deviare,  etc.  Quod  diu  servavit,  in  meliorj 
gradu  positus,  amittere  non  débet  (Epist.  u, 
c.  10).  » 

Quant  a  l'histoire  que  rapporte  Sozomène, 
ou  pourrait  y  ajouter  celles  que  nous  axons 
citées  ailleurs  de  Théodoret ,  touchant  ces 
saints  solitaires  que  des  évêques  ordonnèrent 
prêtres,  sans  espérance  qu'ils  en  lissent  jamais 
les  fonctions.  Théodoret  parle  de  Darses,  évo- 
que d'Edesse.  Saint  Dasile  lui  écrivit  deux 
lettres  (L.  iv,  c.  15,  cp.  cccxxvi,  cccxxvii)  , 
mais  on  n'a  nulle  preuve  que  ce  soit  celui  dont 
parle  Sozomène. 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQ1  E,  etc. 


551 


CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


ALLIANCE    IIE    LKTAT    ECCLÉSIASTIOl  E    AVEC.    CEI  II    DES    MOINES.     IN    ITALIE    ET    EX     INGLETERRE ,     DAMS 
LE   SECOND    M.E    DE    I.  El. LISE.    C'EST-A-DIRE    DEPUIS   CLOVIS  JUSQU'A    CHABLEMAGNE. 


I.  Cette  alliance  est  également  avantageuse  à  l'uu  et  à  l'autre 

II.  En  quel  cas  saint  Grégoire  permettait  aux  clercs  qui  s'é- 
taient faits  moines  île  rentrer  dans  leurs  églises  Que  la  vie  des 
clercs  embrassait  les  vœui  et  les  pratiques  saintes  du  cloitre, 
d'une  manière  excellente. 

III.  Tous  les  moines  ne  pouvaient  pas  prétendre  aux  ordres,  si 
à  la  pénitence    s  ne    lignaient  l'innocence,  c'est-à-dire  l'i 

tion  des  crin  n  s. 

IV.  vutres  preuves  de  cela  même.   La  vie  monastique  tenait 
lieu,  ou  du  sous-diaconat  pour  quelques-uns,  ou  au  nu 
interstices  qu'il  eût  fallu  garder. 

V.  La  sainteté  de  la  vie  religieuse  était  une  excellente  prépa- 
ration au  sacerdoce. 

VI.  Les  religieux  u  des  prètn  - 

VU.  Alliance  admirable  du  monachisme  et  de  la  cléricature 
dans  le  palais  pontifical  de  saint  Grégoire  :  ce  séminaire  aposto- 
lique et  le  collège  des  cardinaux  fut  alors  une  seconde  pépiuière 
d'évéques. 

VIII.  Sainl  Equice  et  saint  Benoit  joignirent  les  travaux  de  la 
prédication  aux  rigueurs  de  la  vie  uastin 

IX.  X.  XL  La  cli  profession  monastique. 
Tout  le  c.ergé  d'Angleterre,  à  l'exemple  d'Augustin,  fut  long- 
temps composé  de  moines    Boniface  IV,' 

synode  romain,  que  les  moines  sont  ca[iaLl' 
tions  sacerdotales. 
XII    En  Irlande,  li 

die.  successeur  de  saint  Colomban. 

I.  L'alliance  de  La  cléricature  avec  la  pro- 
fession monastique  a  paru  assez,  dans  les  cha- 
pitres précédents,  par  le  fréquent  retour  qu'il 
a  fallu  faire  sur  l'état  des  monastères.  Ajou- 
tons ici  ce  qui  reste  a  dire  sur  une  société  si 
sainte  et  également  avantageuse  aux  ecclésias- 
tiques et  aux  religieux,  avant  que  de  passer 
aux  autres  chefs  qui  ne  regarderont  plus  que 
l'état  monastique. 

II.  Saint  Grégoire  ne  permettait  pas  que  les 
clercs  qui  s'étaient  jetés  dans  les  monastères 
en  pussent  sortir  pour  rentrer  dans  leurs  pre- 
mières églises,  à  moins  que  leur  évèque.  tou- 
ché de  leur  extraordinaire  piété,  les  retirât  du 
cloître  pour  leur  conférer  la  prêtrise  et  les  at- 
tacher au  service  de  quelque  église. 

«  Si  quos  a  clericatu  in  monachicam  con- 
versionem  venire  contigerit,  non  liceat  eis  ad 
eamdem,vel  aliam  ecclesiam  denuo  remeare  ; 
nisi  talis  vitœ  monachus  fuerit,  ut  episcopus, 
cui  ante  militaverat,  sacerdotio  dignum  prse- 


viderit,  ut  ab  eo  debeat  elegi,  et  inloco,  quo 
judicaverit,  ordinari  (L.  i,  ep.  xl).» 

Ce  pape  se  met  peu  en  peine  de  l'obligation 
de  ce  nouveau  curé  pour  l'observance  des 
vœux  et  de  la  profession  religieuse.  Les  ecclé- 
siastiques ne  retirant  que  leur  simple  entretien 
rie  leurs  bénéfices,  et  gardant  la  continence 
inséparable  des  ordres  majeurs,  ne  différaient 
pas  beaucoup  îles  religieux  pour  la  chasteté  et 
pour  la  pauvreté  évangélique;  au  teste,  quant 
à  l'obéissance,  ils  la  rendaient  tout  entière 
à  l'évêque.  La  stabilité  dans  une  église  était 
équivalente  à  celle  des  moines  dans  leurs  mo- 
nastères. Enfin,  la  Relit/ion  et  la  conversion 
a  urs,  que  les  moines  promettaient  alors 
dans  leur  profession,  au  lieu  des  trois  vœux, 
n(  des  termi  s  que  nous  avons  déjà  vu  fort 
souvent  dans  les  canons  leur  être  communs 
avec  les  ecclésiastiques.  Et  certes,  l'observa- 
tion ponctuelle  îles  canons  était  très-propre 
pour  leur  procurer  les  vertus  désignées  par 
ces  termes,  aussi  bien  (pue  les  règles  des  mo- 
nastères. 

III.  L'évêque d'Orviéto  manquant  de  prêtres, 
le  pape  lui  donna  la  permission  qu'il  deman- 
dait, d'ordonner  prêtres  quelques-uns  d'entre 
ses  moines  avec  le  gré  de  leur  abbé,  et  après 
avoir  bien  examine  s'ils  n'étaient  point  char- 
ges de  quelque  crime  qui  les  rendit  irrégu- 
liers :  «  Ne  quod  absit,  hic  honor,  et  illis 
pœna,  et  \obis  incipiat  esse  peccatum  L.  v, 
ep.  xxvn).  » 

Il  ordonna  aussi  à  l'évêque  de  Palerme  de 
donner  la  prêtrise  au  religieux  du  monastère 
de  Saint-Herme  que  ses  confrères  choisiraient 
pour  leur  dire  la  messe  dans  leur  couvent, 
pourvu  que  ses  mœurs  répondissent  à  une 
si  haute  dignité  :  «  Cujus  vita,  mores,  et  actio 
tanto  possit  ministerio  convenire   Ep.  xll.  » 

Ces  deux  exemples  suffiront  pour  montrer 
que  .  si  la  majesté  du  sacerdoce  honorait  la 
sainteté  religieuse,  et  si  en  revanche  la  sain- 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


teté  des  cloîtres  relevait  la  dignité  de  la  cléri- 
cature,  il  y  avait  néanmoins  une  sainteté  et 
une  pureté  dans  les  saints  ordres  qui  ne  pou- 
vait pas  être  confiée  a  toutes  sortes  de  reli- 
gieux. En  effet,  ceux  qui  entraient  dans  la 
religion  pour  y  expier  par  les  larmes  de  la  pé- 
nitence les  crimes  de  leur  jeunesse,  qui  les 
eussent  rendus  incapables  des  ordres,  ne  pou- 
vaient jamais  y  aspirer,  quelque  fervente  et 
quelque  longue  qu'eût  été  leur  pénitence  dans 
les  monastères.  C'est  ce  que  nous  justifierons 
dans  la  suite. 

Outre  la  sainteté  du  cloître,  celle  de  l'inno- 
cence était  nécessaire  pour  les  saints  ordres, 
c'est-à-dire,  l'exemption  des  crimes  canoniques 
qui  étaient  soumis  a  la  pénitence  publique 
dans  les  premiers  siècles,  et  qu'on  commença 
vers  le  sixième  siècle  a  expier  par  une  péni- 
tence secrète,  quand  ils  étaient  secrets,  mais 
auxquels  la  même  irrégularité  était  toujours 
invariablement  att  ictaée. 

IV.  Saint  Grégoire  le  dit  dans  une  lettre,  où 
il  veut  qu'avant  que  d'élire  un  nommé  Oppor- 
tunus,  on  examine  s'il  n'a  point  autrefois  com- 
mis de  crime  contre  les  canons.  »  Et  si  nulla 
ci  ernnina,  quae  per  legis  sacne  regulam  morte 
mulctanda  sont,  obviant,  »  et  que  l'eu  ayant 
reconnu  innocent,  me  l'exhorte  ou  a  se  faire 
moine,  ou  a  recevoir  le  sous-diaconat,  et  de  se 
purifier  encore  quelque  temps  dans  les  saints 
exercices  de  cet  ordre  avant  que  île  passer  aux 
ordres  sacrés,  et  enfin  a  Pépiscopat.  «  Tune 
hortandus  est,  ut  vel  monachus,  vel  a  vobis 
subdiaconus  fiât.  El  post aliqiiaiituin  temporis, 
si  Deo  placuerit,  ipse  ad  pastoralem  curam  de- 
lnat  prnmoveii  (I..  IX,  ep.  13).  » 

Pour  disposer  un  homme  de  bien  à  l'épisco- 
pat,  on  doit,  suivant  ce  passage,  l'exhorter  ou 

de  se  taire  iue,  ou  de  recevoir  le  SOUS-dia- 

conat.  Ainsi,  l'état  monastique  est  mis  dans  le 
même  rang  des  ordres  mineurs  et  même  du 
sous-diaconat  qui  commençait  a  être  un  ordre 
majeur,  en  tant  que  ce  smit  comme  deux 
diverses  suites  de  noviciat  pour  se  préparer 
aux  ordres  majeurs  et  a  la  sainteté  même  de 
l'épiscopat. 

Aussi,  ce  pape  insinue  par  ces  paroles  que  si 
Opportunus,  dans  le  choix  qu'on  lui  proposait, 
préférait  l'état  monastique,  cela  lui  tiendrait 
lieu  du  sous-diaconat,  et  on  lui  conférerait  en- 
suite le  diaconat  et  les  antres  ordres  sacrés. 

Nous  avons  touché  ailleurs  quelques  exem- 
ples, et  nous  pourrons  dans  la  suite  en  allé- 


guer encore  d'autres,  de  cette  omission  des 
ordres  mineurs,  pour  ceux  qui  s'étaient  exercés 
quelque  temps  dans  les  pénibles  travaux  de  la 
vie  monastique.  Si  l'on  ne  juge  pas  à  propos  de 
dire  que  la  vie  religieuse  tient  lieu  pour  quel- 
ques-uns des  ordres  mineurs,  il  faudra  dire 
qu'elle  huait  lieu  au  moins  des  interstices, 
qu'il  eût  fallu  garder  en  exerçant  les  ordres 
mineurs. 

Enfin,  ce  pape  ajoute  que,  si  Opportunus  se 
trouve  avoir  été  autrefois  souillé  de  quelque 
crime  canonique,  il  ne  doit  plus  penser  qu'à 
entier  dans  un  monastère  pour  y  consacrer  le 
reste  de  ses  jours  à  la  pénitence.  «  Si  quae  vero 
gravia  obviant,  inulto  magis  admonendus  est> 
ut  saeculum  relinquat,  et  luec  perfectius  dé- 
licat. » 

Il  y  avait  donc  deux  sortes  de  personnes  dans 
les  monastères.  Car  ceux  qui  y  avaient  apporté 
l'innocence  y  acquéraient  une  perfection  qui 
les  approchait  infiniment  du  sacerdoce;  mais 
ci  u\  qui  \  entraient  pour  y  pleurer  h  s  crimes 
qui  les  eussent  rendus  incapables  du  sacer- 
doce n'y  trouvaient  non  plus  le  remède  de 
leur  irrégularité  dans  la  pénitence  que  ceux 
qui  faisaient  la  pénitence  publique  dans  les 
églises. 

V.  Ce  n'est  pas  seulement  pour  arriver  au 
sacerdoce  ,  mais  c'est  aussi  pour  en  exercer 
saintement  le  saint  ministère  que  la  profession 
religieuse  est  un  moyen  très-propre  et  très- 
excellent.  Aussi,  ce  pape  conjure  un  évêquede 
France  de  ne  pis  arracher  de  son  monastère 
un  religieux  a  qui  il  avait  autrefois  donné  la 
cléricature,  et  qu'il  avait  depuis  ordonné  diacre 
de  ce  monastère;  parce  que  de  le  tirer  du 
cloître  pour  le  transférer  dans  son  église, 
celait  le  retirer  du  port  pour  le  jeter  dans  les 
vagues  impétueuses  des  affaires  de  l'Eglise. 
«  Ut  qui  a  turbulento  saecularium  curarum 
tuinultu  se  segregans,  quietis  desiderio  por- 
Iniii  monasterii  appetiit,  rursumin  ecclesiasti- 
caruin  curarum  non  debeat  perturbationibus 
implicari  ;  sed  in  Dei  laudibus  permittatur 
secure  ah  bis  omnibus  reinanere,  ut  postulat 
(L.  x,  c.  3'.*).  »  De  là  vient  que  le  pouvoir  des 
évoques  a  retirer  du  cloître  ceux  qu'ils  des- 
tinaienl  aux  ordres  n'était  pas  sans  limites. 

VI.  Nous  avons  ci-dessus  fait  voir  plusieurs 
monastères  où  il  n'y  avait  point  de  prêtres,  et 
où  l'évêque  en  envoyait  un  pour  dire  la  messe 
quand  l'abbé  le  demandait.  .Nous  y  en  avons 
aussi  vu  d'autres  où  l'un  des  religieux  élu  par 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQUE,  ETC. 


553 


ses  confrères  était  ordonné  prêtre  et  y  célé- 
brait la  messe,  non  pas  tous  les  jours,  mais 
quand  il  était  nécessaire,  «  quoties  necesse 
fuerit  (L.  x,  ep.  54).  » 

Ce  ne  lut  pas  seulement  pour  observer  plus 
étroitement  la  solitude  que  les  religieux  se 
résolurent  enfin  d'avoir  un  prêtre  de  leur  corps, 
mais  aussi  pour  se  délivrer  de  la  tyrannie  des 
clercs  qui,  sous  le  prétexte  apparent  de  la 
direction  spirituelle  des  monastères,  en  dissi- 
paient le  temporel. 

C'est  de  quoi  le  même  saint  Grégoire  se 
plaint  à  l'évêque  de  Ravenne  :  «  Pervenerat  ad 
nos  monasteria  in  Ravennae  partibus  constiluta 
onuiino  clericorum  vestrorum  dominio  prœ- 
gravari,  ita  ut  occasione  quasi  regiminis,  ea, 
quod  dici  grave  est,  velut  in  proprietate  possi- 
deant  (L.  vi,  ep.  40).  » 

Ce  pape  lait  ensuite  une  défense  générale 
aux  ecclésiastiques  d'entrer  dans  les  monas- 
tères, si  ce  n'est  pour  y  prier,  ou  pour  y  dire 
la  messe,  quand  ils  en  seront  pries  par  les 
religieux.  «  Nullam  deinceps  m  eis  clerici,  vel 
hi  qui  in  sacro  sunt  ordine  constituti,  ob  aliud 
babeant,  nisi  orandi  tantummodo  causa,  licen- 
tiam  accedendi,  aut  si  forte  ad  peragenda  sacra 
missarum  fuerint  invitati  mysteria.  » 

Enfin,  ce  pape  défend  à  tous  les  religieux 
qui  auront  été  tirés  du  cloître  pour  les  ordres 
sacrésde  neplus  jamais  s'ingéreraprèscela  clans 
les  affaires  du  monastère. 

\  II.  Mais  quelle  alliance  plus  parfaite  et  plus 
magnifique  de  la  cléricattire  et  du  cloître  que 
celle  qui  &e  fit  dans  le  palais  de  cet  incom- 
parable pape,  qui  y  conserva  toujours  un 
nombre  considérable  d'excellents  religieux, 
avec  l'élite  des  plus  pieux  et  des  plus  savants 
ecclésiastiques,  et  qui  tira  de  ce  monastère, 
que  nous  pouvons  appeler  épiscopal  et  aposto- 
lique, un  grand  nombre  de  saints  évoques,  et 
même  d'apôtres ,  pour  les  envoyer  faire  de 
nouvelles  conquêtes  sur  l'empire  du  démon, 
et  étendre  au  delà  des  mers  le  royaume  de 
J.-C. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  ce  séminaire  de 
clercs  et  de  moines  dans  le  palais  apostolique, 
et  nous  avons  dit  que  c'est  de  là  que  ce  pape 
envoya  Augustin  et  les  autres  collègues  de  son 
apostolat  en  Angleterre. 

Ce  saint  pape  voulut  bien  informer  les 
orientaux  mèmesde  la  mission  de  ces  religieux, 
dont  le  ciel  avait  continué  l'apostolat  par  les 
mêmes  miracles    qui    faisaient   admirer    les 


apôtres.  «  Ut  monasterii  mei  monaclïum  ad 
praedicationem  evangelii  transmittere  debuis- 
sem,  etc.  Il  apostolorum  virtutes  in  signis 
quae  exhibent,  imitai i  videantur,  etc.  (L.  vu, 
ep.  30).  » 

Il  envoya  de  temps  en  temps  de  nouveaux 
renforts  de  moines  en  Angleterre,  1rs  tirant 
tous  de  son  monastère  apostolique,  c'est-à-dire, 
de  sa  propre  maison  (L.  ix,  ep.  52).  C'est  ce 
qu'en  dit  Jean  Diacre  :  «  Augustinum cum  aliis 
domus  sua'  monasterii  monacliis  in  Britan- 
niam  evangelizaudi  gratia  destinavit  (L.  n, 
c.  33) .  » 

Cet  auteur  remarque  dans  un  autre  endroit 
que  ce  pape  regarda  le  sacré  collège  de  ses 
cardinaux  et  son  monastère  comme  deux  sémi- 
naires d'évêques,  et  qu'il  en  tira  effectivement 
de  l'un  et  de  l'autre  un  grand  nombre  d'excel- 
lciils  prélats,  qu'il  envoya  en  diverses  églises 
pour  y  exercer  le  ministère  apostolique  avec  la 
même  sainteté  qu'ils  avaient  vu  éclater  dans 
le  treme  apostolique  de  Lierre.  «  Et  si  quando 
nécessitas  ordinandi  sacerdotes  obrepsit,  neque 
cardinales  ecclesiae  sua',  neque  monaclios  ino- 
nasterii  sui  penitus  excusavit,  quo  minus  illis 
ecclesiain  regendam  committeret,  qui  exemplis 
et  verbis  pariter  illam  sedificare  melius  potuis- 
sent  (L.  ni,  c.  7).  » 

Après  avoir  nommé  ceux  d'entre  les  cardi- 
naux à  qui  ce  pape  donna  des  évècbés,  il  vient 
aux  moines  tle  son  monastère  :  «  At  vero  ex 
monacbis  monasterii  sui  Mari nianum Ravennae, 
Maximianum  Syracusis,  et  Sabinum  Callipoli 
praesules  ordinavit.  Sed  et  Augustinum  pênes 
Anglos  a  Galliarum  episcopis  ordinari  prœce- 
pit  ;  per  quem  ad  episcopatum  in  eadem  gente 
monachi  ejusdem  patris  tempore  diverso  pro- 
vecti  sunt,  Mellitus ,  Justus  ,  Laurentius  et 
Paulinus.  » 

VIII.  H  est  bien  probable  que  ces  saints  reli- 
gieux ne  tirent  pas  leur  apprentissage  dans  la 
conversion  d'un  nouveau  inonde,  et  qu'ils 
avaient  fait  leurs  premiers  essais  aux  environs 
de  Lomé,  en  prêchant  dans  les  villages  et  a  la 
campagne. 

Le  célèbre  Equitius,  dont  il  semble  que  saint 
Crégoire  ait  été  ou  le  disciple,  ou  l'imitateur 
dans  la  fondation  et  dans  la  police  de  ses  mo- 
nastères, joignait  les  pénibles  travaux  de  la 
prédication  avec  les  austérités  de  la  vie  reli- 
gieuse. 

Saint  Crégoire,  témoin  de  ce  fait,  tâcha 
d'augmenter  le  zèle  d'Equitius ,  et  porta  sa 


55  i 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  QUATORZIÈME. 


charité  à  courir  par  toutes  les  villes,  bourgs, 
\  illages,  châteaux  et  maisons,  pour  y  répandre 
le  sacre  l'eu  dont  il  était  enflammé  et  dont  il 
avait  si  heureusement  embrasé  ses  monastères. 

«  Tantus  illum  fervor  ad  colligendas  Deo 
animas  accenderat,  ut  sic  monasteriis  prœesset, 
quatenus  per  ecclesias,  per  castra,  per  vicos, 
per  singulorum  quoque  fidelium  domos  eir- 
cumquaque  discurreret,  et  corda  audientium 
ad  aiuorem  patriae  cœlestis  excitaret  [Dialog., 
1.  i.  c.  ï.  et  1.  h.  c  s.  19).  » 

Qui  peut  douter  que  l'exemple  de  ce  grand 
saint  n'animât  ses  religieux  du  même  zèle, 
et  que  saint  Grégoire,  qui  rapporte  dans  ses 
dialogues  la  mission  que  ce  saint  reçut  du  ciel 
et  les  miracles  qu'il  lit  pour  justifier  sa  con- 
duite, qui  paraissait  extraordinaire,  n'ait  été 
convié  lui-même  par  de  si  mémorables  exemples 
à  employer  ses  moines  aux  fonctions  des 
apôtres,  dont  ils  imitaient  de  si  près  les  vertus. 

IX.  Saint  Grégoire  raconte,  dans  le  même 
ouvrage,  les  victoires  que  saint  Benoît  remporta 
par  scs  prédications  sur  les  restes  de  l'idolâtrie  : 
«  Commorantem  circumquaque  multitudinem 
praedieatione  continua  ad  tideni  vocabat.  »  Et 
ailleurs  :  «  Viens  erat.  in  quo  non  niinima 
multitudo  bominum  ab  idolorum  cultu,  Bene- 
dicti  fuerat  exhortatione  conversa.  »  Saint 
Çolomban  convertit  aussi  a  la  loi  beaucoup  de 
païens,  selon  l'auteur  de  sa  vie. 

X.  Boniface  IV.  qui  lut  le  quatrième  pape 
après  saint  Grégoire,  déclara,  dans  un  concile 
romain,  que  c'était  avec  plus  d'animosité  que 
de  science  que  quelques-uns  avaient  clouté  si 
l'on  pouvait  commettre  à  des  religieux  les 
fonctions  sacerdotales.  «  Neque  pœnitentiam, 
neque  christianilatem  largiri ,  neque  absolvere 
posse  per  sacerdotali  olficio  injunctam  po- 
testatem.  » 

Ce  pape  réfute  cette  erreur,  dont  la  jalousie 
('•lait  plutôt  la  mère  que  l'ignorance,  par  les 
exemples  de  saint  Grégoire  pape,  d'Augustin 
d'Angleterre,  de  Martin  de  Pannonie  ,  qui 
n'eussent  pas  épousé  des  églises  si  la  profession 


monastique  leur  en  eût  donné  l'exclusion.  «  Qui 
nequaquam  annulo  pontificali  subarrarentur, 
si  quia  monachi  fuerunt,  praedictis  uti  prohi- 
berentur  (Collectio  Roinana  Holstenii).  » 

Enfin  ce  pape  conclut  que  si  les  prêtres,  soit 
d'entre  les  moines,  soit  d'entre  les  chanoines, 
«  Sacerdotes  monachi,  atque  canonici,  »  sont 
les  anges  du  Seigneur  ,  les  religieux  étant 
montes  a  un  plus  haut  point  de  contemplation, 
semblent  composer  un  ordre  supérieur  d'anges 
et  mériter  le  rang  des  chérubins,  dont  les  six 
ailes  que  l'Ecriture  leur  donne  semblent  être 
représentées  par  la  disposition  de  l'habit  mo- 
nastique. 

Cette  comparaison  de  l'habit  religieux  avec 
les  ailes  des  chérubins  était  fort  au  goût  des 
écrivains  de  ce  siècle-là,  surtout  des  Grecs. 

XI.  Nous  avons  déjà  dit  ci-dessus  que  le  pape 
Zacharie  donna  la  cléricature  et  en  même  temps 
l'habit  de  moine  à  Rachis,  roi  des  Lombards, 
pénitent.  «  Clericusque  ellectus  monachico 
inductus  est  babitu.  »  Nous  avons  rapporté 
un  grand  nombre  d'exemples  de  cette  nature, 
où  il  semble  qu'on  confondait  en  quelque 
manière  la  cléricature  avec  le  monachisme. 

XII.  Ce  que  nous  avons  dit  suffit  pour 
l'Angleterre,  où  il  paraît  que  la  vie  monastique 
fut  introduite  par  Augustin  dans  tous  lesevè- 
chés  et  dans  les  chapitres.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  ce  que  Bède  raconte  du  monastère  de 
saint  Çolomban,  apôtre  des  Irlandais,  dont 
l'abbé  était  prêtre  et  avait  la  surintendance, 
non-seulement  des  autres  monastères,  mais 
aussi  de  toute  la  province,  et,  ce  qui  est  plus 
surprenant ,  des  évèques  mêmes  qui  avaient 
bien  voulu  avoir  cette  déférence  pour  les  suc- 
cesseurs de  l'apôtre  de  leur  nation. 

«  llabere  solet  ipsa  insula  rectorem  semper 
abbatem  presbyterum,  enjus  juri,  et  omnis 
provincia,  et  ipsi  etiam  episcopi  ordine  inusi- 
tato  debeant  esse  subjecti  ;  juxta  exemplum 
primi  doctoris  illius  qui  non  episcopus,  sed 
presbyter  extititetmonachus  (Reda,  1.  m,  c.  i; 
Baron.,  an.  165,  n.  32).  » 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQUE,  etc. 


CHAPITRE  QUINZIEME. 


miiami:  de  l'état  ecclésiastique  ivec  le  monastique,  en  france,  en  Espagne,  en   ifrique 
et  en  orient,  ai  x  sixième,  septième  et  huitième  siècles. 


I.  Les  conciles  de  France  appellent  les  i 
sacerdotal. 

II.  Le  monastère  de  Lérins  était  encore  une  pépin» 
ïèques. 

III.  Luxeuil  était  un  séminaire  de  missionnaires.  Sainl  i 

i  I  donné  l'exen 

IV.  Le  monastère  de  Lobes  avait  un  de  ses  religieux 
pour  pi  c  plus  d'autoi 

V.  On  passe  de  France  en  Espagne,  et  on  y  voit  les  c 

3  pour  élever  les  abbés  au-dessus  des  diacres,  et  quel- 
.  même  au-dessus  des  prêtres. 

VI.  En   Afrique,  saint  Fulgence  .justifie  l'alliance   donl  nous 

l.n  Oi  <nt.  il  y  avait  un  fort  grand  nombre  de  prêtres 
et  de  diacres  dans  les  monastères. 

VII.  VIII.  Les  règles  monastiques  sur  ce  sujet.  Parallèle  des 
pratiques  anciennes   et  nouvelles  de  l'Oi  l'Occident  : 

elles  sont  toutes  louables,  quoique  contraires  ;  il  est  nié vrai 

que  les  nouvelles  ont  quelquefois  paru  meilleures  aux 

l\.  Les  clercs  ne  pouvaient  se  faire  moines  sans  la  permis- 
.    H-  pouva  : 

X.  La  règle  di   sainl  Benoil  reçoil  sans  p  es  infé- 
rieurs, mais  non  pas  les  prêtres.  Pourquoi. 

XI.  Les  pn  reçus.  Comment. 

XII.  Ils  ne  marchent  qu'après  l'abbé,  quoique  laïque. 


I.  La  même  union  sainte  et  avantageuse  du 
clergé  et  îles  cloîtres  s'établit  et  se  fortifia  aussi 
dans  les  autres  relises. 

Dans  celle  de  France  ,  le  concile  d'Aude 
(Can.  xxvn) ,  défend  d'ordonner  les  moines 
vagabonds  dans  les  villes  ou  dans  les  pan  : 
si  leur  abbé  ne  rend  témoignage  de  leur  bonne 
vie.  Si  l'évèque  manque  de  clercs  et  qu'il  sou- 
haite en  avoir  d'entre  les  moines,  il  ne  le  peut 
que  du  gré  de  l'abbé.  «  Si  necesse  fuerit  cle- 
ricum  de  monachisordinari,  cum  consensu  et 
voluntate  abbatis  prœsumal  episcopus.  » 

Les  conciles  IV  et  V  d'Orléans  furent  sous- 
crits par  des  abbés  qui  tenaient  la  place  de 
leurs  évêques.  Le  concile  de  Tours  ordonna 
(me  les  évêques  qui  ne  pourraient  pas  assister 
en  personne  au  concile  provincial  y  enver- 
raient des  abbés  ou  des  prêtres  en  leur  place, 
"nommant  toujours  les  abbés  devant  les  prêtres. 
Au  synode  d'Auxerre  plusieurs  abbés  sous- 
crivent avant  tous  les  prêtres  ou  curés. 

IL  L'abbaye  de  Lérins  continua  d'être  la 
mère  et  l'école  d'une  bonne  partie  des  évêqu<  s 
de  France.   C'est  le   témoignage  qu'en   rend 


sainl  Césaire,  archevêque  d'Arles  :  «  Beata  et 
felix  insula  Lirinensis,  quae  cum  parvula  et 
plana  esse  videatur,  innumerahiles  tamen 
moules  ad  cœlum  misisse  cognoscitur.  Haec  est 
quae  eximios  nutrit  monachos,  et  praestantis- 
simos  per  omnes  provincias  erogal  saçerdotes. 
Ac  sir  quos  accipit  filios,  reddit  paires  ;  et  quos 
nutrit  parvulos,  reddit  magnos;  quos  velut 
tireurs  accepit,  reges  facif   Hom.  25).  » 

Saint  Césaire  était  lui-même  une  de  ces 
divines  montagnes  que  celle  île  avait  élevées 
jusqu'au  ciel,  et  c'était  dans  cet  illustre  novi- 
ciat qu'il  avait  appris  toutes  ces  célestes  vertus 
qu'il  lit  depuis  éclater  sur  le  trône  éminent  de 
l'Eglise. 

III.  Si  le  monastère  de  Lérins  envoyait  des 
évêques  a  la  plus  grande  partie  d<  s  provinces, 
celui  de  Luxeuil  fournissait  des  missionnaires 
à  la  campagne.  Car  saint  Ettstase,  qui  en  fut 
abbé  après  saint  Colomban,  dont  il  avait  été  le 
disciple,  suivant  les  ordres  qu'il  eu  avait  reçus 
de  ce  céleste  maître,  entreprit  la  conversion 
des  peuples  voisins,  qui  étaient  ensevelis  dans 
lr-  profondes  ténèbres  de  l'hérésie,  ou  même 
de  l'idolâtrie. 

Le  succès  favorable  de  ces  premières  tenta- 
tives l'encouragea  et  le  porta  à  pousser  ses 
victoires  jusques  dans  la  Bavière,  où  il  fit  de 
grands  progrès,  et  en  laissa  la  poursuite  aux 
chefs  et  aux  soldats  qu'il  avait  formés  pour 
cela.  «  Beversus  Euslasius  ad  Luxovium,  ma- 
gislri  sui  praxeptum  implore  parât ,  ut  gentes 
quae  vicinae  erant,  fidei  pabulo  nutrirentur. 
Progressus  ergo  Warascos  praedicando  conver- 
tit populos,  etc.  ad  Boias  tendit,  etc.  ( Vita  ejus 
c.  iv,  apud  Surium,  29  Mart.     » 

Sainl  Gai  ne  fut  pas  moins  célèbre  entre  les 
disciples  de  saint  Colomban,  ni  moins  ardent 
à  imiter  son  zèle  pour  la  conversion  des  infi- 
dèles. Sainl  Colomban  l'en  chargea  lui-même, 
parce  qu'outre  la  langue  latine  il  parlait  aussi 
celle  de  ces  peuples  barbares  qui  languissaient 
encore  dans  la  nuit  de  l'idolâtrie.  »  Columba- 


556 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  QUINZIÈME. 


mis  beato  Gallo  id  injunxit  ofheii,  ut  populum 
ab  errore  idololatriœ  ad  cultum  Dei  exhorta- 
tione  salutari  revocaret;  quia  ipse  banc  a  Do- 
mino gratiam  meruit,  ut  non  solum  latins, 
sed  etiam  barbaries  locutionis  cognitionem 
non  parvam  haberel  Vita  ejus,  c.  vi  Sur.,  die 
L6    ctobr.).  » 

Soit  que  cette  connaissance  d'une  langue 
barbare  lui  \înt  du  ciel  ou  qu'il  l'eût  acquise 
par  l'étude,  c'était  une  marque  d'un  mission- 
naire apostolique.  On  sait  qu'une  partie  des 
monastères  de  France  qui  se  formèrent  dans 
la  suite  embrassèrenl  la  règle  de  saint  Colom- 
ban  et  le  prirent  pour  le  divin  modèle  de  leur 
vie  et  de  leur  conduite.  11  faut  conclure  de  là 
qu'ils  ne  négligèrent  pas  le  salut  des  peuples, 
en  travaillant  à  leur  propre  sanctification.  Or, 
on  ne  peut  douter  que  la  prédication  ne  soit 
la  plus  apostolique  et  la  plus  éminente  de 
toutes  les  fonctions  ecclésiastiques,  et  qu'on 
ne  peut  la  communiquer  aux  religieux  sans 
les  admettre  dans  toutes  les  dignités  de  la  clé- 
ricature. 

Il  ne  faut  pas  s'étonner  après  cela  si  un  an- 
cien auteur  a  écrit  que  le  monastère  de 
Luxeuil  était  une  pépinière  d'évêques  aussi 
bien  que  d'abbés  :  «  Quis  locus,  vel  civitas  non 
gaudeat,  ex  beati  viri  disciplina  rectorem  ba- 
bere  pontificem,  vel  abbatem?  Le  Cointe,  ad 
an.  612,  n.  22  .  » 

IV.  Les  abbés  de  l.obbe.  célèbre  abbaye  près 
deTuin,  dans  le  pays  de  Liège,  ont  été  long- 
temps évêques,  sans  autre  fonction  épiscopale 
que  celle  de  prècber  aux  peuples  barbares  et 
idolâtres,  depuis  que  saint  Ursmar  y  porta  ces 
deux  qualités  d'évêque  et  d'abbé  ,  au  temps  de 
Pépin  l'ancien. 

Voici  les  paroles  de  l'auteur  de  la  vie  de  ce 
saint  apôtre  des  Flamands  :  «  Dicendum  pau- 
cis,  cur  dictus  sil  episcopus,  cum  Lobia  non 
sitsedes  episcopalis.  Quia  enim  intentus  eral 
semper  lucrandis  animabus,  et  quia  multi  bar- 
baries gentis,  ni  supradicti  Flandrenses,  ad- 
nuc  detinebantur  vanis  idololatriœ  supersti- 
tionibus  .  prœdicandi  tantum  gratia  .  sicut 
competebat  rudimentis  novellœ  fidei,  est  or- 
dinatus  episcopus.  Quod  factum  quoque  de 
gancto  Amando  legimus.  A  quo  etiam  locus 
Lobiensis  tantum  dignitatem  est  adeptus,  par- 
tim  ob  hoc .  partim  quia  locus  regius  regia 
munificentia  esl  constructus,  ut  nulli  commit- 
leretur,  nisi  primum  esset  ordinatus  episco 
pus.  Quœ  dignitas  perduravit  etiam  in  multos 


successores  ,  qui  leguntur  fuisse  episcopi  et 
abbates  (  Du  Chesne,  Histor.  Franc,  tom.  i, 
p.  688  .  » 

Les  exemples  semblables  qui  ont  été  ci-de- 
vant, et  qui  seront  encore  allégués  dans  le  pro- 
grès de  cet  ouvrage  ne  nous  permettent  pres- 
que pas  de  douter  de  ce  récit.  Mais  ce  qui 
suit  chez  le  même  auteur  ne  mérite  peut-être 
pas  la  même  créance  :  que  c'est  de  là  que 
l'abbé  de  Lobbe  a  conservé  le  droit  d'user  des 
ornements  propres  aux  évêques,  et  d'en  exer- 
cer la  juridiction;  si  ce  n'est  que  cet  auteur 
eût  voulu  dire  que  les  papes  qui  ont  accordé 
ces  privilèges  aux  abbés  de  Lobbe,  ont  eu 
quelque  égard  à  la  dignité  des  anciens  abbés 
qui  y  avaient  été  durant  quelque  temps  or- 
donnes évêques. 

V.  Dans  l'Espagne,  le  concile  d'Huesca  (An. 
598),  ordonna  que  tous  les  évêques  tinssent 
tous  les  ans  leur  synode  diocésain  avec  les 
abbés,  les  prêtres  et  les  diacres  de  leur  dio- 
eese.  pour  les  confirmer  tous  dans  l'observance 
religieuse  des  lois  ecclésiastiques.  «  An  nuis 
vicibus  unusquisque  nostrum  omnes  abbates 
monasteriorum ,  vel  presbyteros  et  diaconos 
sua'  diœcesis  congregare  praecipiat,  et  omnibus 
regulam  demonstret,  etc.  » 

Les  abbés  prennent  ici  leur  rang  avant  tous 
les  prêtres,  aussi  bien  que  dans  le  synode 
d'Auxerre  et  dans  quelques  antres  conciles  que 
nous  avons  cités.  Le  concile  de  Mérida  (Gan.  n) 
nomme  les  prêtres  ou  les  curés  avant  les  abbés, 
en  leur  enjoignant  à  tous  de  recevoir  avec 
honneur  la  visite  de  l'évèquc.  Le  concile  III  de 
Brague  (Gan.  vu) ,  place  les  abbés  entre  les 
prêtres  et  les  diacres,  en  les  exemptant  tous 
également  des  châtiments  corporels.  «  Qui  gra- 
dus  jam  ecclesiasticos  meruerunt,  id  est  pre- 
sbyteri,  abbates,  seu  Ievitae,  exceptis  graviori- 
bus  et  mortalibus  culpis,  nullis  debeant  verbe- 
ribus  subjacere.  » 

11  est  bon  de  remarquer  ici  (pie  la  qualité 
d'abbé  est  mise  entre  les  degrés  ecclésiastiques, 
entre  la  prêtrise  et  le  diaconat.  Le  concile  XIII 
de  Tolède  en  use  de  même  (Gan.  u). 

Les  abbés  souscrivirent  an  XV  avant  les 
prêtres,  et  ils  y  souscrivirent  en  leur  nom,  au 
lieu  que  les  prêtres  n'y  souscrivaient  qu'au 
nom  des  évêques  qui  les  avaient  envoyés.  La 
même  chose  parait  dans  le  XVI". 

Le  concile  XII  de  Tolède  l'an.  iv)  con- 
damna la  violence  du  roi  Vamba,  et  en 
même  temps  la  facilité  excessive  de  l'évêquede 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQUE,  etc. 


Mérida  à  obéir  à  ce  roi,  en  érigeant  un  évêché 
nouveau  dans  le  monastère  du  saint  confi  sseur 
Piménius,  qui  avait  été  en  même  temps  abbé  el 
évêque  du  monastère  de  Dume.  Ce  nouvel 
évêché  lui  cassé,  mais  nous  n'avons  pas  laissé 
de  trouver  des  monastères  dont  les  abbés  étaient 
évêques  .  et  nous  en  rencontrerons  encore 
d'autres  dans  la  suite  de  cet  ouvrage. 

VI.  Ce  que  nous  avons  dit  ci-dessus  de  saint 
Fulgencc  nous  doit  suffire  pour  l'Eglise  d'Afri- 
que, et  pour  être  pleinement  persuadés  que 
l'état  ecclésiastique  n'y  recevait  pas  peu  d'avan- 
tage de  son  étroite  alliance  avec  la  profession 
religieuse.  11  faut  doncvenir  à  l'Eglise  grecque, 
où  nous  rencontrons  d'abord  un  très-grand 
nombre  d'archimandrites  et  de  r<  ligieux  de  la 
seconde  Syrie,  qui  envoyèrent  une  requête  au 
pape  Hormisde  pour  implorer  son  secours 
contre  l'hérésie  qui  taisait  d'étranges  ravages 
dans  l'Orient,  et  ils  nous  font  voir  par  leurs 
souscriptions  qu'ils  étaient  tous  ou  prêtres  ou 
diacres  t'ost  ep.  xxu  Hormisd.  .  Les  archi- 
mandrites, qui  paraissaient  en  très  -  grand 
nombre  dans  les  actions  1  et  5  du  concile  de 
Constantinople ,  sous  Menas,  sont  aussi  tous 
dans  les  ordres  sacrés. 

Avouons  après  cela  que  si  l'humilité  îles 
solitaires  les  a  souvent  éloignes  de  la  prêtrise 
lors  même  qu'ils  étaient  abbés  et  pères  de  plu- 
sieurs monastères,  les  évêques  n'ont  pas  laissé 
de  les  honorer  du  sacerdoce  contre  leur  vo- 
lonté, et  d'honorer  en  même  temps  le  clergé 
de  la  société  de  personnes  si  saintes. 

C'est  ce  qui  parait  clairement  dans  la  vie  du 
divin  Sahas,  qui  donna  naissance  à  tant  d'il- 
lustres entants  et  à  tant  de  célèbres  monastères, 
et  qui  ne  voulait  néanmoins  ni  monte;'."  lui- 
même,  ni  laisser  monter  aucun  des  siens  aux 
degrés  éminents  de  la  cléricature,  jugeant  que 
la  seule  pensée  d'une  si  grande  élévation  était 
incompatible  avec  la  modestie  religieuse.  «  Ut 
qui  nec  ipse  auderet  suscipere  dignitatem  sa- 
cerdotii,  nec  alicui  alii  ex  eis  quibus  praeerat, 
rem  permittebat.  Ita  enim  statuebat,  sacerdo- 
tium  esse  semper  monachis  causam ambitionis 
(Vitaejus,  c.  xxuapud  Surium,  Decem.  die  I  .  » 

L'évêque  de  Jérusalem  ne  laissa  pas  de  lui 
conférer  la  prêtrise  et  de  lui  attirer  par  ce 
moyen  une  vénération  plus  grande  et  une 
obéissance  plus  prompte  de  la  part  de  ses  reli- 
gieux qui  ne  lui  étaient  pas  encore  assez  sou- 
mis. 

VIL  II  est  donc  à  croire  qu'il  y  a  eu  une 


sainte  contestation  entre  les  évêques  et  les 
plus  saints  religieux,  ceux-ci  fuyant  les  saints 
ordres  avec  tous  les  innocents  artifices  dont 
ils  se  pouvaient  aviser,  et  les  évêques  au  con- 
traire leur  déclarant  une  sainte  guerre  pour 
les  y  forcer. 

La  règle  de  saint  Aurélien  Cap.  xi.vi)  ne  per- 
mi  I  a  l'abbé  que  l'ordination  d'un  prêtre,  un 
diacre  et  un  sous-diacre  d'entre  ses  religieux, 
s'il  le  juge  nécessaire.  La  règle  du  Maître 
Cap.  lxxxiii),  ordonne  de  recevoir  dans  les 
monastères  les  prêtres  qui  voudront  s'y  reti- 
rer, niais  comme  des  étrangers,  en  leur  taisant 
faire  les  offices  et  dire  les  collectes  dans  les 
églises  pour  honorer  leur  caractère,  mais  sans 
leur  donner  aucune  part  au  maniement  du 
temporel,  de  peur  qu'ils  ne  donnassent  l'exclu- 
sion aux  abbés  mêmes,  comme  à  des  laïques  : 
«  Ne  et  ipsi  obtentu  honoris  de  ratiociniis,  vel 
dominatione  monasterii,  utpote  laicos  abbates 
i  xcludant.  » 

Les  évêques  et  le  clergé  n'étaient  pas  encore 
bien  revenus  de  leurs  prétentions  fondées  sur 
leur  ancienne  possession  de  tout  le  temporel 
des  églises  de  leur  diocèse.  Ainsi,  durant  quel- 
ques siècles,  ce  ne  fut  pas  sans  peine  et  sans 
beaucoup  de  précaution  que  les  monastères 
conservèrent  les  revenus  et  les  offrandes  que 
la  libéralité  des  fidèles  leur  donnait.  Enfin, 
cet  article  de  la  règle  du  Maître  veut  que 
l'abbé  exhorte  doucement  ses  prêtres  à  tra- 
vailler de  leurs  mains,  aussi  bien  que  les 
autres  religieux:  et.  s'ils  ne  se  rendent  pas  à 
ces  douées  semonces,  qu'il  les  prie  de  s'en  re- 
tourner  dans  leurs  églises. 

VIII.  Toutes  ces  circonstances  de  n'être  reçus 
que  comme  des  étrangers,  peregrinorum  loco , 
de  n'être  jamais  admis  au  gouvernement  du 
temporel,  d'être  un  sujet  de  continuelles  dé- 
fiances à  l'abbé  même,  comme  n'étant  que 
laïque,  et  enfin  ce  danger  d'être  renvoyé  à  son 
église;  toutes  ces  circonstances,  dis-je,  semblent 
nous  persuader  que  ceux  qui  étaient  déjà  prê- 
tres, s'ils  venaient  à  se  retirer  dans  les  monas- 
tères, n'y  étaient  jamais  parfaitement  incor- 
porés et  peut-être  même  n'y  faisaient  point  de 
profession . 

En  effet,  il  était  difficile  de  bien  cimenter 
celte  union  d'un  prêtre  avec  une  compagnie 
toute  composée  de  laïques.  Saint  Grégoire  nous 
a  aussi  appris  ci-dessus  que  si  un  religieux  était 
appelé  aux  saints  ordres  hors  du  cloître,  il  ne 
pouvait  plus  après  cela  se  mêler  des  affaires  du 


558 


l)i:S  Ci)Ni,i;K(.ATIuXS.  —  CHAPITRE  quinzième. 


monastère.  Mais  il  est  à  croire  que  tout  cela 
n'avail  lieu  que  dans  l'Occident  pendant  que 
les  abbés  mêmes  n'étaient  pas  clercs,  el  qu'au- 
cun île  leurs  religieux  n'entrait  encore  dans  la 
cléricature.  Car,  dans  l'Orient,  où  nous  avons 
mi  tous  les  abbés  et  même  plusieurs  simples 
religieux  élevés  aux  ordres  sacrés,  toutes  ces 
jalousies  eussenl  été  trop  mal  fondées. 

Il  est  même  très-plausible  que  dans  l'Occi- 
dent même  les  abbés  furent  tous  ordonnés 
prêtres  avant  la  lin  du  vu'  siècle,  puisque  nous 
les  avons  vus,  dans  les  synodes  diocésains  et 
dans  les  conciles  provinciaux,  tenir  rang  le  plus 
souvenl  avant  les  cures  et  les  prêtres,  au  moins 
précéder  toujours  les  diacres.  La  police  même 
du  siècle  de  saint  Grégoire  sur  ce  sujet  nousa 
paru  fort  embarrassée.  Car  les  monastères  ne 
pouvaient  pas  se  passer  de  prêtres,  et  néan- 
moins ils  étaient  forcés  d  user  contre  eux  de 
toutes  les  précautions  imaginables.  Ainsi,  ils 
trouvèrent  enfin  par  leur  propre  expérience, 
que  le  meilleur  parti  pour  eux  était  d'avoir  des 
prêtres  de  leur  corps, 

C'est  ce  qui  commença  à  se  pratiquer  . 
comme  saint  Grégoire  même  nous  l'a  montré. 
.Mais  ce  saint  pape  sembla  mettre  la  dernière 
main  a  cette  parfaite  communication  du  sacer- 
doce aux  religieux,  quand  il  les  envoya  en 
Angleterre  faire  les  [onctions  non-seulement 
sacerdotales,  mais  aussi  apostoliques. 

Si  la  première  disposition  des  monastèn  s 
où  il  n'y  avait  point  de  prêtres  mérite  de 
justes  louantes,  la  police  suivante,  qui  leur 
en  a  accordé,  en  mérite  encore  plus,  puisque 
les  pressantes  et  indispensables  nécessités,  tant 
des  monastères  que  de  l'Eglise,  ont  enlin  con- 
traint les  plus  sages  et  les  plus  saints  d'entre 
les  papes  et  les  évêques  de  faire  ce  change- 
ment, et  de  faire  exercer  le  ministère  aposto- 
lique à  ceux  qui  embrassaient  avec  plus  de 
ferveur  les  conseils  et  les  vertus  apostoliques. 

Il  en  est  de  même  de  la  demeure  des  an- 
ciens religieux  loin  des  villes,  dans  les  soli- 
tudes écartées  :  elle  avait  ses  avantages,  mais 
le  changement  qui  s'est  l'ait  a  été  encore  plus 
avantageux  à  l'Eglise,  puisque  saint  Chrysos- 
tome  et  saint  Augustin  ont  jugé,  avec  tant 
d'autres  saints  évêques,  qu'il  était  plus  utile 
que  ces  flambeaux  de  sainteté  éclairassent  les 
villes,  et  embrasassent  le  clergé  même  du  l'eu 
sacré'  dont  ils  brûlent. 

Cessons  de  regretter  les  bonnes  et  saintes 
pratiques  île  l'antiquité  ,    lorsque  l'antiquité 


même,  qui  en  apercevait  aussi  les  inconvé- 
nients, les  a  changées,  et  ne  peut  les  avoir 
changées  que  pour  d'autres  encore  meilleures. 
Ces!  une  prévention  plus  commune  que  rai- 
sonnable d'estimer  les  usages  parce  qu'ils  sont 
anciens  :  si  les  plus  anciens  étaient  les  meil- 
leurs, ils  n'auraient  pas  été  changés  par  les 
anciens  Pères  mêmes  .  après  un  juste  balan- 
cement des  biens  et  des  maux  qui  les  accom- 
pagnaient. 

IX.  Ce  fut  après  cette  parfaite  communica- 
tion de  la  cléricature  aux  religieux  que  le  con- 
cile IV  de  Tolède  (Can.  il  déclara  aux  évêques 
qu'ils  ne  devaient  pas  s'opposer  aux  saintes 
résolutions  de  leurs  ecclésiastiques,  lorsqu'ils 
désiraienl  embrasser  la  profession  monastique 
pour  s'y  consacrer  à  la  contemplation  des  vé- 
rités du  ciel  et  à  la  perfection  de  la  vie  évan- 
gélique.  «Clericiqui  monachorum  propositum 
appetunt,  quia  meliorem  vitam  sequi  cupiunt, 
liberos  eis  ab  episcopo  in  monasteriis  largiri 
oportet  ingressus,  nec  interdici  propositum 
eoruin  ,  qui  ad  contemplationis  desiderium 
transire  nituntur.  » 

Ce  canon  suppose  une  vérité  incontestable  : 
que  les  ecclésiastiques  étaient  par  leur  ordina- 
tion si  étroitement  attaches  et  comme  asservis 
à  l'évêque  qui  les  avait  ordonnés  et  a  l'église 
pour  laquelle  il  les  avait  ordonnés,  qu'ils  ne 
pouvaient  en  aucune  façon  rompre  ce  dou- 
ble lien  sans  se  rendre  transgresseurs  de 
la  foi  qu'ils  avaient  promise  à  leur  église  et 
de  l'obéissance  qu'ils  avaient  vouée  à  leur 
évêque.  Ainsi  ils  ne  pouvaient  passer  dans 
des  monastères  sans  le  consentement  des  évê- 
ques. 

Mais  ce  concile  oblige  les  évêques  de  ne  pas 
refuser  une  permission  si  juste,  qui  ne  dimi- 
nue pas  le  nombre  de  leurs  sujets,  mais  qui 
en  augmente  le  mérite,  et  qui  les  rend  d'au- 
tant plus  utiles  à  l'Eglise  qu'elle  les  rend  plus 
vertueux  et  plus  saints.  Quelque  jugement 
qu'en  puissent  porter  les  yeux  de  la  chair, 
ceux  qui  sont  les  plus  saints  sont  aussi  les 
plus  utiles  à  l'Eglise,  quoiqu'ils  semblent  ne 
rien  faire  ;  et  l'activité  destituée  de  vertu  et 
de  sainteté  fut  plus  de  bruit  (pie  de  profit  de- 
vant les  yeux  de  la  Vérité  éternelle. 

X.  Saint  Benoît  ordonna  dans  sa  règle  qu'on 
ne  se  rendit  pas  facilement  à  la  demande  des 
prêtres  qui  désireraient  d'être  reçus  dans  ses 
monastères,  «  Xon  quidem  ei  citius  assentiatur 
(Cap.  i.x)  ;  »  mais  qu'on  se  rendît  enfin  à  leur 


CONTRIBUTION  DES  ÉVÉQUES  A  L'ÉTAT  MONASTIQUE. 


559 


constante  persévérance  à  frapper  à  la  porte  , 
après  leur  avoir  déclaré  qu'ils  seraient  obligés 
à  l'observation  exactede  la  règle.  Il  leur  donne 
séance  après  l'abbé. 

Quanl  aux  autres  clercs,  il  ne  commande  pas 
qu'on  leur  tasse  les  mêmes  difficultés,  il  ne 
leur  assigne  leur  place  que  dans  un  rang  mé- 
diocre entre  les  autres  moines  .  et  il  leur  tait 
promettre  l'observation  de  la  règle  et  la  stabi- 
lité, ce  qu'il  semblait  n'avoir  pas  si  expressé- 
ment exigé  des  prêtres.  «  Clericorum  autem  si 
quis  eodem  desiderio  monasterio  sociari  vo- 
luerit,  loco  mediocri  collocetur.  Et  ipse  tamen 
se  promittat  de  obstrvatione  regulœ,  vel  pro- 
pria  stabilitate.  » 

Les  religieux  recevaient  plus  difficilement 
les  piètres  dans  leur  société  que  les  autres 
clercs.  Leur  grande  élévation  et  leur  engage- 
ment plus  étroit  a  l'Eglise  taisait  que  les  moi- 
nes n'osaient  les  recevoir,  encore  moins  les 
refuser,  ils  n'osaient  leur  faire  faire  profession 
de  garder  la  règle  ,  et  encore  moins  les  en 
dispenser.  Mais  quant  aux  autres  clercs  inté- 
rieurs ,  ne  leur  donnant  qu'un  rang  médiocre 
entre  les  moines,  ils  montraient  bien  qu'ils  ne 
mettaient  pas  une  si  grande  différence  entre 
eux  et  les  religieux.  Aussi  avons-nous  vu  que 
les  évoques  mêmes  voulaient  bien  que  les 
années  passées  dans  la  vie  monastique  tinssent 
lieu  des  exercices  des  ordres  mineurs  pour  se 
disposer  au  diaconat  et  à  la  prêtrise. 

XI.  Aussi  saint  Benoît  passant  ensuite  à  ceux 
que  l'abbé  choisit  entre  ses  plus  excellents  re- 
ligieux pour  les  honorer  des  ordres  sacrés  ,  il 
ne  parle  que  de  la  prêtrise  et  du  diaconat, 
comme  présupposant  que  leurs  longs  exercices 


du  cloître  suppléeront  avantageusement  au 
défaut  du  sous-diaconat  et  des  autres  ordres  mi- 
neurs. «  Si  quis  abbas  sibi  presbyterum  vel 
diaconum  ordinare  petieril ,  de  suis  eligat,  qui 
dignus  sil  sacerdotio  fungi  Can.  i.xiiï.  » 

Ce  saint  législateur  déclare  a  ce  nouveau 
prêtre  que  la  dignité  qui  l'élève  ne  doit  pas 
l'enller;  que  pour  être  prêtre,  il  en  e&l  encore 
plus  soumis  à  la  règle;  que  l'abbé,  quoique 
laïque,  a  droit  de  lui  commander  ;  enfin  que  sa 
mauvaise  conduite  pourrait  bien  forcer  ses 
frères  de  le  traiter,  non  pas  comme  un  prêtre, 
niais  connue  un  rebelle.  «  Ordinatus  caveat 
elationem,  necquidquam  présumai,  nisi  quod 
ei  ab  abbate  praecipitur;  sciens  se  multomagis 
diseiplin;e  regulari  subditum ,  etc.  Quod  si 
aliter  prœsumpserit ,  non  ut  sacerdos,  sed  ut 
rebellisjudicetur.  » 

XII.  Quelque  respect  que  ce  saint  homme 
portât  aux  piètres,  il  ne  les  l'ait  pourtant  mar- 
cher qu'après  l'abbé,  qui  n'est  pas  seulement 
dans  les  ordres ,  et  les  soumet  à  sa  juridiction 
claustrale.  «  Concedatur  ei  post  abbatem  stare 
et  benedicere,  aut  missas  canere,  si  tamen 
jusserit  ei  abbas.  Sin  alias,  nullatenus  aliqua 
prœsumat  (Cap.  i.x;  ad  an.  518).  » 

Le  père  Le  Cointe  a  rapporté  un  exemple 
d'un  laïque  que  les  moines  ne  voulurent  pas 
admettre  à  la  communion  chez  eux  ,  ni  à  la 
messe.  Les  dimanches  même  ,  les  moines  qui 
avaient  été  ordonnés  prêtres  avant  leur  pro- 
fession célébraient  le  service  divin;  mais  ils 
n'y  admettaient  que  les  religieux  et  non 
pas  les  laïques,  ils  les  renvoyaient  à  leurs  pa- 
roisses. 


CHAPITRE  SEIZIEME. 


COMRIEN  LES  EVEQUES  ONT  CONTRIBUE  A  LA  PROPAGATION  DE  L  ETAT  MONASTIQUE  ,  ET  A  LA  MULTI- 
PLICATION DES  MONASTÈRES.  DIVERSES  PARTICULARITES  DE  LA  PROFESSION  MONASTIQIE,  DEPITS 
CLOVIS  jusqu'à  CHARLEMAGNE. 


I.  Les  monastères  n'ont  pu  s'établir  qu'avec  la  permission 
des  évêques. 

II.  III.  Ils  ont  été  la  plupart  fondés  et  dotés  de  leurs  libéra- 
lités, en  France,  en  Espagne. 


IV.  V.  VI.  En  Italie,  en  Angleterre,  en  Afrique. 
VII.  VIII.  En  Orient. 

IX.  X.  XI.   Diverses  lois  de   Justinien  pour  les  monastères, 
pour  la  réception  des  esclaves,  pour  l'élection  des  abbés,  pour 


560 


DES  CONGREGATIONS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


les  procès,   pour  les  religieuses,  pour  les  églises  des  moines, 
pour  les  généraux. 

Xll  li  -  -  résolutions  du  grand  saint  Grégoire  sur  les 
mêmes  matières. 

XIII.  Hes  généraux  d'ordre,  ou  de  plusieurs  monastères. 

XIV.  Des  anac.hu  i 

I.  La  propagation  de?  monastères  et  des  or- 
dres religieux,  qui  s'est  faite  par  la  faveur  et 
les  bienfaits  des  évêques,  est  une  marque  glo- 
rieuse de  leur  admirable  alliance  avec  l'état 
ecclésiastique. 

Le  pape  Symmaque  (Epist.  m)  répondit  aux 
consultations  de  saint  Césaire,  archevêque 
d'Arles,  que  les  fonds  qui  avaient  été  donnés  à 
l'Eglise  n'en  pouvaient  être  aliénés,  quoiqu'on 
en  pût  donner  la  jouissance  aux  clercs  d'un 
mérite  extraordinaire  pendant  leur  vie, ou  aux 
monastères  :  «  Nisi  forsitan  aut  clericis,  hono- 
runi  meritis,  aut  monasteriis  religionis  intuitu 
[Cap.  i).  » 

Les  conciles  d'Agde  Can.  xxvn  et  d'Epone 
(Can.  x)  défendirent  qu'on  ne  bâtît  aucun  mo- 
nastère et  qu'on  n'instituât  aucune  compagnie 
nouvelle  de  religieux  sans  la  permission  et 
l'approbation  de  l'évêque  :  «  Nisi  episcopo  per- 
mittente,  aut  probante,  etc.  Cellas  novas  aut 
congregatiunculas  monachorum  absque  no- 
titia  episcopi  prohibemus  institut.  » 

II.  Le  concile  III  de  Tolède  (Can.  ni.  iv)  per- 
mit aussi  aux  évêques  de  donner  à  des  monas- 
tères quelques  fonds  de  leur  église,  pourvu 
qu'elle  ne  fût  pas  incommodée  de  cette  libé- 
ralité :  «  Si  quid  vero,  quod  utilitatem  non 
gravet  Ecclesite  pro  suffragio  monachorum, 
vel  ecclesiis  ad  suam  parochiam  pertinentibus 
dederunt,  flrmum  maneat.  » 

Ce  même  concile  permet  encore  ci  l'évêque 
d'établir  un  monastère  dans  quelqu'une  de  ses 
églises  paroissiales,  et  non-seulement  d'y  unir 
tous  les  rexenus  de  cette  paroisse,  mais  encore 
d'y  donner  quelque  fonds  de  son  église  cathé- 
drale, pourvu  qu'en  enrichissant  ses  enfants  il 
n'appauvrisse  pas  son  épouse  :  «  Si  episcopus 
unam  de  parochianis  ecclesiis  suis monasterium 
ditare  voluerit,  ut  in  ea  monachorum  regula- 
riter  congregatio  vivat,  hoc  de  consensu  con- 
cilii  soi  habeat  licentiam  faciendi.  Sit  stabile, 
si  de  rébus  Ecclesine  sua>  eidem  loco  aliquid 
donaverit.  quod  detrimentum  Ecclesiac  non 
exhibeat.  » 

Comme  il  pouvait  y  avoir  du  doute  dans  le 
discernement  des  fonds  et  des  libéralités  qui 
incommoderaient  ou  n'incommoderaient  pas 
l'église  cathédrale,  le  concile  IX  de  Tolède  dé- 


clara que  l'évêque  pourrait  donner  jusqu'à  la 
cinquantième  partie  des  biens  de  son  église  au 
monastère  qu'il  fonderait  dans  son  diocèse, 
jugeant  que  c'était  une  juste  médiocrité  pour 
accommoder  le  monastère  sans  incommoder 
l'Eglise.  Si,  au  lieu  d'un  monastère,  l'évêque 
voulait  gratifier  une  autre  église  où  il  aurait 
choisi  sa  sépulture,  ce  concile  ne  lui  permet 
que  la  donation  de  la  centième  partie  des  biens 
de  sou  église,  avec  cette  condition  qu'il  ne 
pourrait  faire  que  l'une  de  ces  deux  libéra- 
lités, et  non  pas  toutes  les  deux  ensemble  : 
«  Monasterio  non  amplius  quam  quinquagesi- 
niaiu  partem  dare  debebit  ex  rébus  Ecclesiœ 
cui  prœsidet.  Ecclesiae  vero,  quae  monasticis 
non  informabitur  regulis,  aut  quam  pro  suis 
magnitieare  voluerit  sepulluris,  non  amplius 
quam  centesimam  partem  conferre  lice- 
bit,  etc.  » 

En  voilà  assez  pour  montrer  combien  les 
évêques  étaient  passionnés  pour  la  fondation 
et  la  multiplication  des  monastères  dans  leurs 
diocèses,  combien  les  conciles  ont  travaillé 
pour  modérer  ces  profusions,  et  combien  ils 
ont  été  favorables  aux  nouveaux  établissements 
des  monastères. 

III.  Saint  Isidore,  évèque  de  Séville,  qui  fut 
le  père  des  monastères  d'Espagne  aussi  bien 
que  de  leur  règle,  assure  qu'après  les  exemples 
d'Elie,  d'Elisée,  des  prophètes  et  de  Jean- 
Baptiste,  Paul  et  Antoine,  Hilarion  et  Macaire 
furent  les  premiers  instituteurs  de  l'état  mo- 
nastique :  «  Conversationis  hujus  nobilissimi 
principes,  Paulus  et  Anlonius,  etc.  De  Eccles. 
Oflic,  1.  il.  c.  1S).  » 

Il  dit  qu'il  y  a  six  différentes  espèces  de 
moines,  dont  il  y  en  a  trois  aussi  louables  que 
les  trois  autres  méritent  d'être  décriées;  que 
les  anachorètes  ne  peuvent  se  hasarder  à  cette 
parfaite  solitude,  qui  ne  se  rassasie  que  des 
eaux  célestes  de  la  contemplation;  qu'après 
s'être  exercés  l'espace  de  trente  années  dans 
l'obéissance  et  dans  les  austérités  du  cloître. 
On  peut  connaître  par  là  de  quelle  nature 
furent  les  abbayes  que  ce  saint  évêque  fonda. 

Saint  Fructueux,  évèque  de  Drague,  dressa 
aussi  une  règle  pour  les  moines,  et  il  fonda  lui 
seul  trois  monastères,  selon  les  auteurs  de  sa 
vie.  Le  concile  de  Tolède,  qui  ne  permettait 
aux  évêques  d'en  doter  qu'un  des  fonds  ou  des 
revenus  do  leur  cathédrale,  ne  leur  défendait 
pas  d'en  fonder  autant  d'autres  qu'ils  vou- 
draient, soit  de  leur  patrimoine  ou  des  moyens 


CONTRIBUTION  DES  ÉVÉQUES  A  L'ÉTAT  MONASTIQUE. 


561 


infinis  et  du  trésor  inépuisable  île  leur  ingé- 
nieuse charité. 

IV.  Saint  Aurélion  et  saint  Césaire,  évêques 
d'Arles,  ont  aussi  composé  des  règles  et  sans 
doute  fondé  plusieurs  monastères  en  France. 
Saint  Césaire  vit  avant  sa  mort  pins  de  deux 
cents  religieux  sons  la  conduite  de  sa  sœur, 
sainte  Césarie,  dans  le  monastère  qu'il  leur 
avait  fonde  à  Arles  (Cyprianus  in  vita  Caesarii). 

Saint  Ouen,  évêque  de  Rouen,  peupla  tout 
son  diocèse  d'un  si  grand  nombre  de  ces 
saintes  colonies,  qu'on  eût  cru  qu'il  ne  voulait 
pas  imiter  la  Thébaïde  de  l'Egypte,  mais  la 
surpasser;  il  en  répandait  même  dans  toutes 
les  provinces  de  la  France,  ne  donnant  point 
de  bornes  à  l'amour  d'un  bien  qui  n'en  a 
point. 

«  Ardebat  summo  studio  monasteria  et  loca 
sacra  peromnesFranciœprovinciasconstruendi 
maxime  vero  in  propria diœcesi;  ubisanemulta 
cœnobia,  eaque  ampla  et  nobilia  a  fundamentis 
condidit;  non  pauca  vero  priorum  antistitum 
et  abbatum  desidia  negleeta  instauravil,  etc. 
Tantus  ibi  erat  numerus  cœnobiorum  diversi 
sexus,  puta  monacliorum  et  monacharum,  quae 
ad  ejus  institutionem,  tanquam  divinae  sationis 
messes  quajdam  ,  subito  enituere ,  ut  multi- 
tudine  et  religione  ^Egypti  monasteria  ,  ab 
Antonio  quondam  instituta ,  œquare  vide- 
retur.  » 

Voilà  le  père  de  tant  de  magnifiques  monas- 
tères qu'on  admire  encore  dans  le  diocèse  de 
Rouen  (Surins,  Aug.  die  24).  Saint  Eloy,  évè- 
que  de  Noyon  ,  n'eut  pas  moins  d'ardeur  pour 
la  construction  des  monastères.  11  en  fonda  un 
de  religieuses  à  Noyon,  mais  ses  disciples,  en 
suivant  ses  célestes  conseils,  en  bâtirent  un  foit 
grand  nombre  dans  tout  le  royaume,  où  plu- 
sieurs d'entre  eux  furent  évoques. 

«  Sed  et  alia  multa  monasteria,  quaeque  ejus 
opère,  quaeque  vero  institutione  a  discipulis 
ejus  constructa,  bodie  intra  Galbas noscuntur : 
nain  multi  ex  discipulis  ejus  ecclesias  condide- 
runt,  multi  monasteria  salubriter  rexerunt, 
multi  etiam  in  regimen  episcopale  sublimali , 
Ecclesiis  pnefuerunt  (S.  Audoenus  in  vita  sancti 
Eligii,  1.  u,  c.  v).  » 

Saint  Uomnole,  évèque  du  Mans,  fonda  plu- 
sieurs abbayes  dans  son  évèché  des  revenus 
et  des  fonds  de  sa  cathédrale  (Surius,  die  1G 
Maii). 

V.  Saint  Grégoire  confirma  la  fondation  du 
monastère  et  de  l'hôpital  d'Autun,  faite  par 

Th.  —  Tome  II. 


Syagrius ,  évêque  de  la  même  ville,  et  par  la 
reine  lîruneliaut.  «  Quod  in  ci  vita  te  Angusto- 
dunensi  a  Syagrio  episcopo  ,  et  exccllenlissima 
filia  nostra  regina  constructum  est,  etc.  (L.  n, 

ep.  x).  » 

Si  les  évêques deFrance  peuvent  passer  après 
ces  exemples  pour  les  fondateurs  de  la  plus 
grande  partie  des  monastères  de  ce  royaume, 
saint  Grégoire  les  surpassait  autant  en  cette 
sainte  ferveur  qu'en  l'éminence  de  sa  dignité. 
Les  six  monastères  de  Sicile  et  le  septième  de 
Home  qu'il  bâtit  et  dota  d'abord  au  commen- 
cement de  sa  conversion  sont  une  assez  grande 
preuve  des  richesses  inépuisables  de  sa  charité 
envers  cette  portion  choisie  du  troupeau  de 
J.-C.  Les  monastères  n'étaient  plus  pauvres  dès 
qu'il  était  informé  de  leur  pauvreté  (L.  i,  epist. 
XIII,  xlii,  liv). 

L'empereur  Maurice  ayant  fait  une  loi  pour 
fermer  la  porte  de  tous  les  cloîtres  à  ses  sol- 
dats, ce  saint  pape  y  apporta  un  sage  et  juste 
tempérament,  en  commandant  qu'on  les  y 
reçût,  pourvu  qu'ils  ne  fussent  point  compta- 
bles des  deniers  publics ,  et  qu'ils  témoignas- 
sent une  sérieuse  résolution  de  se  convertir 
par  une  épreuve  ,  ou  un  noviciat  de  trois  ans, 
avant  que  de  recevoir  l'habit  de  religion. 

Ce  saint  pape  (L.  vu,  epist.  xi),  envoyant  une 
troupe  de  ses  admirables  religieux  en  Angle- 
terre, non-seulement  y  rétablit  la  foi  dans  les 
conquêtes  des  Anglais  sur  les  Bretons,  mais  y 
renouvela  la  pureté  de  la  foi  et  de  la  discipline 
dans  les  monastères  des  Bretons  même  ,  où  le 
nombre  des  moines  était  si  prodigieuxque  Bède 
assure  que  le  seul  monastère  de  Iiancor  était 
divisé  en  sept  bandes,  dont  chacune  avait  ses 
supérieurs  et  n'était  pas  composée  de  moins  de 
trois  cents  religieux  ,  qui  vivaient  tous  du  tra- 
vail de  leurs  mains. 

«  In  monasterio  Iiancor  tanins  fuisse  fertur 
numerus  monacliorum  ,  ut  cum  in  septem 
portiones  esset  cum  prapositis  sibi  rectoribus 
monasterium  divisum ,  nulla  liarum  portio 
minus  quam  trecentos  hommes  haberet ,  qui 
omnes  de  Iabore  manuuin  suarum  vivere  sole- 
bant  (Hist.  AngL,  1.  u,  c.  u).  » 

VI.  Les  évêques  d'Afrique  n'avaient  pas  ou- 
blié que  saint  Augustin  avait  donné  commen- 
cement aux  monastères  dans  leur  vaste  conti- 
nent. L'évèque  chez  lequel  saint  Fulgence  fit 
sa  première  retraite  avait  bâti  un  monastère 
dans  le  lieu  de  son  exil  (Ferrand.,  in  vita  Ful- 
gent.,  c.  îv,  xn). 

36 


562 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SEIZIEME. 


L'évêque  de  Syracuse  qu'il  visita  en  allant  a 
Rome,  avait  aussi  un  monastère  ou  il  allait 
goûter  les  délices  et  la  paix  de  l'esprit,  après 
l'embarras  île  ses  occupations  épiscopales. 
«  Monachorum  professionem  super  omnia  dili- 
gebat,  babens  etiam  ipse  monasterium  pro- 
prium,  cui  semper  adhaerebal,  quoties  ab 
ecclesiasticis  vacabat  Cap.  xm.  xix).  » 

lu  autre  évêque,  banni  de  l'Afrique,  vivait 
en  moine  dans  une  île  voisine.  Saint  Fulgence, 
après  sa  promotion  à  l'épiscopat,  donna  ses 
premiers  soins  a  bâtir  un  monastère.  Enfin, 
étant  exilé  dans  la  Sardaigne,  il  bâtit  un 
monastère  a  se>  dépens  près  de  Cagliari,  et  il  y 
vécut  avee  quarante  religieux,  jusqu'à  son  re- 
tour en  Afrique  Cap.  xx,  xxvn). 

NIE  Lecélèbre  patriarche  d'Alexandrie  saint 
Jean  l'Aumônier  bâtil  deux  monastères  nou- 
veaux dans  Alexandrie,  et  les  dota  des  revenus 
de  l'évêché,  ne  croyant  pas  que  le  patrimoine 
des  pauvres  puisse  être  plus  libéralement  dis- 
tribué qu'a  eeux  qui  se  sont  dévoués  à  la  pau- 
vreté évangélique.  Il  n'exigea  d'eux  que  les 
offices  solennels  de  vêpres  et  des  veilles  de  la 
mut.  et  il  éprouva  que  le  sacré  repos  de  ces 
solitaires  es!  plus  utile  a  l'Eglise  que  le  travail 
apparent  de  beaucoup  d'autres  Vitacjus,  c.  H  . 

A  l'exemple  de  ces  religieux,  toute  la  ville 
d'Alexandrie  commença  à  chanter  durant  les 
nuits  les  louanges  de  Dieu,  et  se  transforma 
comme  en  un  grand  et  vaste  monastère.  «  Et 
ad  similitudinein  monasterii ex his  civitas  pêne 
vivit,  in  diversis  locis  pervigiles  hymnodias 
Deo  referens.  » 

VIII.  Justinien  commence  ses  ordonnances 
sur  la  police  des  monastères,  par  la  permission 
que  l'évêque  doit  donner  de  les  bâtir,  par  les 
prières  qu'il  doit  taire  lui-même,  et  la  croix 
qu'il  doit  arborer  en  mettant  les  premiers 
fondements.  «  Si  quis  monasterium  sedificare 
voluerit,  episcopum  advocet,  ille  manus  exten- 
dat  ad  cœlum  et  per  orationem  locum  eonse- 
cret  Deo,  figens  in  eo  crucem,  sicque  incboet 
rcdiflcium  (Novel.  v,  c  l).  » 

En  voilà  assez  pour  justifier  que  dans  toutes 
les  provinces  de  l'Eglise,  les  évoques  ont  été 
les  Pères  et  les  fondateurs  de  la  plus  grande 
partie,  et  en  quelque  manière  de  tous  les 
monastères.  Et  aûn  de  toucher  en  passant  quel- 
ques points  importants  de  la  profession  monas- 
tique de  ces  mêmes  siècles,  rapportons  ici 
quelques  articles  qui  furent  arrêtés  à  ce  sujet 
par  cet  empereur. 


IX.  Justinien  prescrit  dans  la  même  novelle, 
que  les  laïques  feront  un  noviciat  de  trois  ans 
avec  leur  habit  et  leurs  cheveux  de  laïques, 
avant  île  recevoir  l'habit  et  la  tonsure  des 
moines,  c'est-à-dire,  avant  de  faire  pro- 
fession :  la  règle  de  saint  l'acôme  ordonnait 
la  même  chose;  mais  saint  Antoine  recevait 
d'abord  à  la  vêture  et  à  la  profession  religieuse. 

Ce!  empereur  veut  qu'on  reçoive  même  les 
esclaves,  et  que  l'esclavage  saint  du  souverain 
seigneur  où  ils  entrent,  les  affranchisse  delà 
servitude  des  hommes.  «  Sive  servi  sint,  non 
inquietari,  migrantes  ad  communeni  omnium 
cœlestem  Dominum,  et  arripiantur  in  liber- 
tatem.  Nam  si  multis  casibus  etiam  ex  lege 
boc  lit,  et  talis  quœdam  libellas  dalur  ;  quo- 
modo  non  praevalebit  divina  gratia,  talibus  eos 
absolvere  vinculis?  Nov.  v,  c.  2)  » 

Il  ne  veut  pas  même  que  les  maîtres  de  ces 
esclaves  puissent  les  arracher  du  monastère 
durant  les  trois  années  de  leur  noviciat,  si  leur 
prétention  n'est  fondée  que  sur  la  servitude. 
Il  enjoint  aux  moines  de  manger  tous  dans 
le  même  réfectoire,  et  de  dormir  tous  dans  un 
même  dortoir,  sans  séparations,  en  des  lits  dif- 
férents, a  la  réserve  des  contemplatifs,  â  qui 
on  donne  le  nom  d'anachorètes  et  d'amateurs 
du  repos,  f,<jux«iTai,  Quiescentes  (Cap.  m).  S'ils 
sortent  du  monastère  après  leur  profession, 
les  biens  qu'ils  y  avaient  apportés  y  demeurent 
et  ne  leur  sont  jamais  rendus  (Cap.  iv,  v,  \i  . 
Enlin  l'abbé  doit  être  élu,  non  pas  par  les  re- 
ligieux, mais  par  l'évêque,  qui  aura  plus  d'é- 
gard au  mérite  et  â  la  capacité  qu'à  l'antiquité 
ou  à  l'âge  (Cap.  ix). 

X.  Quant  a  l'élection  de  l'abbé,  cet  empe- 
reur la  remit  depuis  aux  suffrages  des  reli- 
gieux, après  avoir  promis  en  présence  des 
saints  évangiles  d'élire  le  plus  digne,  qui  de- 
vait ensuite  être  ordonné  ou  installé  par  l'é- 
vêque [Novel.  (\xiii.  c.  34,  35).  Il  voulut  aussi 
dans  ses  dernières  constitutions  qu'on  rendit 
aux  maîtres  leurs  esclaves,  s'ils  les  redeman- 
daient durant  les  trois  années  de  leur  noviciat; 
niais  qu'après  leur  profession  ils  fussent  en- 
tièrement  affranchis,  à  condition  néanmoins 
de  retomber  dans  leur  première  servitude,  si 
le  libertinage  les  faisait  sortir  du  monastère. 
Il  permit  de  donner  des  cellules  a  part  a  ceux 
a  qui  leur  âge  et  leurs  infirmités  auraient 
rendu  la  vie  commune  intolérable  C.  xxxvi). 

Il  défendit  a  l'avenir  les  monastères  com- 
muns aux  deux  sexes,  et  sépara  partout  les 


CONTRIBUTION  DES  ÉVÊQOES  A  L'ÉTAT  MONASTIQI  !.. 


5G3 


religieux  dos  religieuses.  Il  ordonna  que  l'c- 
vêque  examinerait  le  prêtre  ou  le  diacre  que 
les  religieuses  auraient  élu  pour  leur  porter 
la  sainte  communion  e1  se  charger  de  leurs 
affaires  ;  que  s'il  n'était  pas  encore  ('levé  à  ces 
ordres  sacrés  ei  qu'il  en  l'ut  digne,  l'évèque 
les  lui  conférerait  et  le  chargerait  du  soin  du 
monastère  .  sans  néanmoins  qu'il  \  pût  de- 
meurer. «  Feminis  autem  quemeumque  ipsœ 
elegerint,  sive  presb^  terum,  sive  diaconum,  ad 
faciendum  responsum,  aut  sanctam  eis  com- 
munionem  portandam  ,  sanctissimus  episco- 
pus,  sub  quo  sunt.  deputet,  quem  recta'  fidei 
et  bonse  vitac  esse  cognoveril.  Sin  vero,  etc.  » 

Ce  ne  furent  donc  plus  les  réguliers  qui  gou- 
vernèrent les  religieuses  après  celte  séparation 
des  monastères  doubles.  Elles  n'étaient  diri- 
gées que  par  un  prêtre  ou  un  diacre,  qui  leur 
apportait  la  communion  et  prenait  soin  de 
li  1 1 1  si  affaires,  ayant  été  élu  par  elles  et  con- 
firmé par  l'évèque. 

Si  un  religieux  quitte  son  monastère  pour 
se  rengager  dans  la  vie  séculière,  outre  qu'il 
est  privé  de  toutes  les  charges  qu'il  avait  pos- 
sédées, l'évèque  et  le  magistrat  le  feront  ren- 
trer dans  son  monastère;  et,  s'il  en  sort  encore 
une  fois,  le  gouverneur  de  la  province  le  sai- 
sira et  l'enrôlera  entre  les  plus  bas  officiers  de 
la  justice  Cap.  xlii). 

XI.  Enfin  cet  empereur  Xovel.  cxxxm,  e.  -2, 
4,  5),  après  avoir  proteste  qu'il  ne  travaille 
qu'à  faire  observer  les  canons,  pour  rompre 
tout  le  commerce  des  jeunes  religieux  avec  les 
personnes  séculières,  ordonne  que,  s'il  y  a  une 
église  publique  dans  leur  monastère,  ils  n'y 
viendront  que  pour  assister  a  la  messe  .  et 
qu'il  ne  paraîtra  dans  l'église  que  quatre  ou 
cinq  vieillards  qui  auront  pissé  leur  vie  dans 
les  exercices  du  cloître,  et  auront  mérité  ou  la 
prêtrise  ou  le  diaconat  ou  quelqu'un  des  autres 
ordres,  afin  que  leur  conversation  toute  sainte 
avec  les  séculiers  et  leurs  entretiens  de  la  vie 
spirituelle  répandent  un  parfum  céleste  qui 
fasse  juger  de  la  piété  de  tout  le  monastère. 
Les  exarques  .  c'est-à-dire  les  généraux  des 
monastères  dans  les  endroits  où  il  y  en  aura. 
comme  à  Constantinople ,  veilleront  à  l'obser- 
vation rigoureuse  de  la  discipline  monastique, 
et  feront  visiter  les  monastères  par  leurs  apo- 
crisiaires;  comme  aussi  les  archevêques,  les 
évoques  et  les  métropolitains  par  les  défen- 
seurs de  leurs  églises.  Enfin  l'empereur  même 
sera  le  censeur  commun  des  abbés  et  des  évè- 


ques,  et  fera  éclater  sur  eux  son  zèle  et  sa 
juste  indignation,  s'ils  ne  châtient  rigoureu- 
sement tous  les  violements  de  ses  constitu- 
tions. 

«  Monastcriorum  exar-chus,  si  qnis  perloca 
fuerit,  sicul  in  bac  felicissima  civitate,  bav 
sollicite  curet,  et  mittat  apocrisiarios  per  mo- 
nasteria,  etc.  Sed  etiam  uniuscujusque  civita- 
tis  episcopus,  etc.  Sive  patriarcha,  sive  metro- 
polita,  etc.  Neque  enim  imperium  despiciet 
hœc  negligi  ,  neque  retinebit  indignationem 
adversus  abbatem,  neque  contra  loci  episco- 
pum,  et  sub  eo  positos  defensores,  si  hœc  non 
observaverint,  etc.  » 

XII.  Les  lettres  de  saint  Crégoire  L.  i.  ep. 
xxxiu,  xxxix,  xi,  xi.vin  l'eut  voir  les  saints 
emportements  de  son  zèle  pastoral,  pour  rap- 
peler les  moines  dans  les  cloîtres  dont  ils 
étaient  sortis,  pour  arrêter  leurs  courses  vaga- 
bondes de  monastère  en  monastère  et  de  pro- 
vince en  province,  pour  empêcher  les  femmes 
d'habiter  proche  des  monastères,  pour  déchar- 
ger les  religieux  de  la  poursuite  des  affaires  et 
des  procès  et  en  charger  un  séculier  habile 
avec  des  gages  réglés. 

«  Ei  monasterii  ipsius  generaliter  debeas 
constituto  solatio  eommendaro  negotia.  Expe- 
dit  enim  parvo  incommodo  a  strepitu  causa- 
rum  servos  Dei  quietos  existere,  ut  et  utilitates 
cellœ  per  negligentiam  non  pereant,  et  servo- 
rum  Dei  mentes  ad  opus  Dominicum  liberio- 
res  existant  L.  i,  ep.  lxvii  .  »  Et  dans  une 
lettre  à  un  abbé  :  «  In  causis  istis  procurato- 
rem  institue,  et  tu  ail  leclionem  atque  oratio- 
uem  vaca  (L.  u,  ep.  m).  » 

Il  porte  les  religieux  a  l'hospitalité,  à  l'au- 
mône, et,  avant  toutes  choses  a  payer  leurs 
dettes.  «  De  hospitalitale  esto  sollicitas  quan- 
tum potes,  îargire  puiperihus  :  ita  tamen  ut 
s»  rves,  quod  Floriano  restitui  débet.  »  Il  oblige 
les  religieux  de  s'appliquer  a  la  lecture.  «  In 
ipsis  fratribus  monasterii  lui  quos  video,  non 
invenio  eos  ad  leclionem  vacare  (L.  u,  epist. 
xxui  . » 

Il  a  un  soin  merveilleux  de  faire  ordonner 
par  les  évèques  les  abbés  (pie  les  religieux 
d'un  monastère  avaient  élus.  Il  soutient  cou- 
rageusement contre  l'empereur  Maurice  que 
rentrée  des  monastères  doit  être  libre  et  aux 
comptables  publics,  en  les  acquittant  de  leurs 
obligations .  et  aux  soldais,  puisqu'il  y  en  a 
plusieurs  qui  ne  peuvent  aller  au  ciel  que  par 
la  voie  du  cloître.  «  Et  plerique  sunt  qui  nisi 


MCI 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  SEIZIÈME. 


omnia  reliquerint,  salvari  apud  Ueiim  nullate- 
nus  possunt  (L.  n,  ep.  lxii).  » 

Il  défend  aux  moines  de  tenir  des  enfants 
sur  les  sacrés  fonts,  d'être  parrains  et  d'avoir 
des  commères  :  «  Sibi  commatres  facere  (L.  u, 
ep.  xl).  » 

II  maintient  dans  la  sainte  liberté  des  en- 
fants de  Dieu,  ceux  qui  n'avaient  abandonné 
leurs  maîtres,  soit  ecclésiastiques  ou  séculiers, 
que  pour  n'être  plus  esclaves  de  J.-C.  dans  la 
profession  monastique  où  ils  avaient  été  reçus 
après  une  longue  probation.  «  Ut  ab  btimano 
servitio  liber  recédât,  qui  in  divino  obsequio 
districtiorem  appétit  servitutem  (L.  iv,  epist. 

XL1V).  » 

Il  prend  un  soin  extrême  à  maintenir  les 
monastères  dans  la  possession  des  autres  mo- 
nastères qui  leur  avaient  été  unis  par  leurs 
fondateurs  (L.  vin,  ep.  xxxix)  ;  et  à  ne  pas 
laisser  recevoir  dans  le  clergé  les  moines  que 
leurs  maîtres  n'avaient  mis  en  liberté  qu'à 
condition  d'entrer  et  de  persévérer  dans  un 
monastère  (L.  vu,  ep.  xxxi,  xxwi). 

Il  s'emploie  à  faire  rentrer  par  force  dans 
les  cloîtres  ceux  qui  avaient  apostasie  (L.  xu, 
ep.  xx)  :  ce  qui  nous  fait  croire  que  l'expé- 
rience avait  déjà  fait  connaître  qu'il  ne  fallait 
plus  ni  cbasser  les  moines  incorrigibles,  ni  les 
laisser  aller  dans  les  précipices  où  leur  égare- 
ment les  porterait,  quoique  saint  Benoît  eût 
ordonné  de  mettre  liors  du  monastère  ceux 
qu'on  n'avait  pu  corriger  ni  par  l'excommu- 
nication ni  par  les  peines  corporelles,  et  de  ne 
les  y  plus  jamais  recevoir  s'ils  en  sortaient,  ou 
s'ils  méritaient  d'en  être  cbassés  pour  la  troi- 
sième fois  (Cap.  xxviii,  xxix). 

Le  concile  premier  d'Orléans,  canon  xix, 
ordonna  qu'avec  l'aide  de  l'évêque  les  moines 
fugitifs  fussent  emprisonnés,  «  sub  custodia 
revocentur.  »  Le  concile  II  de  Tours,  canon  xv, 
excommunie  les  moines  fugitifs  qui  se  sont 
mariés,  jusqu'à  ce  qu'ils  retournent  au  cloître. 
Le  concile  de  Poitiers,  tenu  pour  paeifier  les 
religieuses  de  l'abbaye  de  sainte  Radegonde, 
soumit  au  dernier  anatbème  les  religieuses 
fugitives.  Le  concile  Y  de  Paris,  canon  \u, 
excommunia  tous  les  apostats  jusqu'à  leur  re- 
tour au  monastère. 

Mil.  On  a  pu  observer  dans  ces  diverses 
lettres  de  saint  Grégoire,  qu'il  y  a  maintenu 
l'exécution  de  la  meilleure  partie  des  règle- 
ments qu'avait  renouvelés  l'empereur  Just iiiien. 

Les  généraux  des  monastères  étaient  aussi 


rares  dans  l'Occident,  qu'ils  étaient  ordinaires 
parmi  les  Orientaux.  Je  dis  les  généraux  des 
monastères,  et  non  pas  les  généraux  d'ordre, 
parce  que  leur  pouvoir  s'étendait  sur  tous  les 
monastères  d'une  certaine  règle,  en  quelque 
pays  qu'ils  fussent  répandus.  Et  ces  généraux 
des  monastères  ne  se  trouvaient  que  dans 
l'Orient. 

J'avoue  qu'il  est  parlé  dans  la  vie  de  saint 
Colomban  de  ces  arebimandrites,  qui  avaient 
jusqu'à  mille  abbés  sous  leur  obéissance  : 
«  Ita  ut  mille  abbates  sub  uno  archimandrite 
esse  referantur.  »  Mais  c'est  des  Orientaux 
qu'on  parle  dans  cet  endroit,  le  mot  d'archi- 
mandrite  le  montre  encore,  aussi  bien  que  ce 
nombre  prodigieux  d'abbés,  qui  ne  s'est  jamais 
vu  dans  l'Occident. 

Si  saint  Grégoire  a  fait  voir  un  monastère 
uni  et  soumis  à  un  autre  ;  si  saint  Fulgence  a 
établi  une  parfaite  société  entre  deux  monas- 
tères, cela  ne  remplit  pas  l'idée  d'un  général. 
Mais  l'auteur  de  la  vie  du  grand  Eutycbius, 
qui  fut  depuis  patriarebe  de  Constantinople, 
dit  positivement,  qu'étant  encore  religieux  et 
abbé,  il  fut  fait  catholique,  c'est-à-dire  général 
de  tous  les  monastères  d'une  métropole.  «Totius 
monacborum  cœtus  in  ea  provincia  guber- 
nandi  provinciam  cepit,  exquo  catbolicus,  seu 
generalis  appellatus  est  (Cap.  xv).  » 

Marian,  abbé  de  Saint-Delmace  à  Constan- 
tinople, et  exarque  de  tous  les  monastères 
situés  dans  cette  ville  impériale,  est  nommé 
dans  l'action  première  du  concile  de  Constan- 
tinople, sous  Menas.  On  y  nomme  aussi  Serge, 
prêtre  et  visiteur,  Periodeutes  ;  Léonce,  abbé 
et  vicaire  de  tout  le  désert  ;  Sopbronius,  archi- 
mandrite, est  le  premier  de  tout  le  désert.  Paul, 
envoyé  du  monastère  de  Saint-Maron ,  qui 
était  le  premier  de  la  seconde  Syrie  (Act.  5); 
Alexandre,  exarque  des  monastères  de  Constan- 
tinople. 

XIV.  Quant  aux  solitaires  qui  vivent  seuls,  le 
concile  in  Trullo  (Can.  xu,  xlii)  en  a  parlé  dans 
le  même  sens  que  l'empereur  Justinien  dans 
les  constitutions  ci-devant  citées,  condamnant 
ceux  à  qui  cette  solitude  n'est  que  le  voile  d'une 
làclie  fainéantise,  d'une  ignorance  extrême  et 
d'un  détestable  libertinage;  et  rebâtissant  avec 
de  très-justes  éloges  la  vertu  des  autres,  qui 
après  de  longues  épreuves  dans  la  vie  com- 
mune des  cloîtres,  se  sont  entin  abîmés  dans  la 
méditation  des  Ecritures,  et  dans  les  chastes 
délices  de  la  contemplation. 


ALLIANCE  DE  L'ETAT  MONASTIQUE  AVEC  LE  CLERGÉ. 


56g 


Le  concile  VII  de  Tolède  Can.  viij  en  a  parle 
dans  les  mêmes  sentiments.  Ce  lui  aussi  dans 
le  même  esprit  que  le  concile  d'Agde  (Can. 
xxxviu)  voulut  que  les  cellules  séparées  qu'on 
donnerait  à  ces  religieux  d'une  vertu  consom- 


mée lussent  dans  l'enceinte  du  monastère,  et 
sous  la  puissance  de  l'abbé.  «  Intra  eadem 
monasterii  septa,  sub  abbatis  potestate  separa- 
tas  cellas  babeant.  » 


CHAPITRE   DIX-SEPTIEME. 


ALLIANCE   DE   L'ÉTAT   MONASTIQUE  AVEC   LE   CLERGÉ  SOLS   L'EMPIRE   DE   CHARLEMAGNE. 


I.  L'un  et  l'autre  état  a  ses  obligations  essentielles. 

II.  Les  moines  élevés  anx  dignités  du  clergé,  conservent  les 
pratiques  de  la  sainteté  monastique,  qui  ne  sont  pas  incompa- 
tibles avec  leur  nouvel  état. 

III.  Les  moines  compris  dans  le  clergé.  Si  les  abbés  étaient 
prêtres.  S'ils  pouvaient  donner  la  cléricature. 

IV.  Les  moines  destinés  à  faire  l'office  divin  dans  les  princi- 
pales églises  de  Rome. 

V.  On  leur  confie  les  cures. 

VI.  Un  abbé  en  droit  de  gouverner  un  archevêché,  lorsque 
l'archevêque  était  absent  ou  décédé. 

VII.  Grand  pouvoir  des  moines  dans  le  tribunal  de  la  péni- 
tence. 

VIII.  Tous  les  religieux  appliqués  aux  confessions  ne  se  relâ- 
chaient pas  de  la  sainte  sévérité  des  canons. 

IX.  Plusieurs  curés  relevaient  des  abbayes.  De  ceux  qui  quit- 
taient leurs  cures  pour  se  faire  moines. 

X.  Des  évèques  qui  embrassaient  la  profession  monastique. 

XI.  Celui  qui  avait  fait  vœu  de  se  faire  religieux,  ayant  été 
après  cela  élu  et  consacré  évèque,  entre  en  religiou,  et  après 
avoir  fait  profession  reprend  le  gouvernail  de  son  église. 

XII.  Un  saint  prêtre  passionné  pour  les  personnes  et  les 
exercices  des  moines. 

XIII.  Dans  l'Orient,  les  évêques  tirés  du  cloître  en  gardaient 
l'habit  et  les  exercices. 

XIV.  Il  est  faux  que  la  cléricature  ou  l'ordination  relâche 
les  liens  et  les  obligations  de  l'état  religieux. 

XV.  Relâchement  des  nouveaux  Grecs. 

XVI.  Multitudes  des  moines  dans  les  conciles  généraux. 

XVII.  Ce  furent  les  religieux  qui  travaillèrent  le  plus  a  la 
conversion  des  infidèles. 

I.  A  cause  de  l'étroite  alliance  qui  a  toujours 
été  entre  la  profession  ecclésiastique  et  la  reli- 
gieuse, Cbarlemagne  fait  conjointement  res- 
souvenir les  uns  et  les  autres  de  leur  profes- 
sion et  de  leur  vœu.  «  Ut  clerici  et  monaehi  in 
suo  proposito,  etvoto  quod  Deo  promiserunt, 
permaneant  (Capitulai-.  Aquisg.,  an.  789, 
c.  xxv  1).  » 

II  avait  en  vue  le  concile  de  Calcédoine  (Con- 
cil.  Caleed.,  c.  mi),  qui  interdit  également  aux 
uns  et  aux  autres  la  milice  et  toutes  les  digni- 


tés séculières.  Constituimus  neque  ad  militiam 
neque  ad  dignitatem  sa?culareni  venire.  » 

IL  Ce  prince  renouvela  encore  le  décret  d'In- 
nocent Ier ,  qui  commande  aux  moines,  lors- 
qu'ils seront  appelés  aux  dignités  saintes  de  la 
cléricature,  de  ne  rien  retrancher  des  austérités 
et  des  saints  exercices  de  la  profession  monas- 
tique. «  Item  in  decretis  lnnocentii  papae  de 
eadem  re,  ut  monachus  si  ad  clericatum  pro- 
veliatur,  propositum  monachicae  professionis 
non  amittat  (Ibid.,  c.  xvn).» 

III.  Le  concile  de  Francfort  (Can.  vi)  donue 
rang  aux  moines  entre  les  clercs,  ordonnant  à 
l'évêque  de  recourir  à  son  métropolitain,  et 
ensuite  au  roi  s'il  s'aperçoit  que  son  autorité 
ne  soit  pas  assez  respectée  par  ses  sujets.  «  Si 
non  obedierit  aliqua  persona  episcopo  suo  de 
abbatibus,  presbyteris,  diaconibus,  subdiaco- 
nibus,  monacbis,  et  ca?teris  clericis.  » 

Les  moines  sont  mis  dans  le  même  corps  du 
clergé  dans  un  canon  suivant  (Can.  xix),  qui 
leur  défend  également  l'entrée  des  tavernes. 
«  It  presbyteri,  diaconi,  monaehi,  et  clerici 
tabernas  ad  bibendum  non  ingredianlur.  » 

Les  abbés  commencèrent  à  être  plus  ordi- 
nairement élevés  au  sacerdoce.  La  règle  de 
saint  l.euoît  ne  supposait  pas  que  l'abbé  fût 
toujours  prêtre  quand  elle  ordonnait,  que  si  un 
prêtre  était  reçu  dans  la  religion,  il  n'aurait 
rang  qu'après  l'abbé.  «  Concedatur  ei  post  ab- 
batem  slare  et  benedicere  (Can.  lx).  » 

Le  concile  d'Aix-la-Cbapelle,   tenu  en   si 7 

('.an.  î.xn'.  voulut  que  l'abbc,  le  prévôt  et  le 

doyen   donnassent  la  bénédiction  au  lecteur, 


.-,(;■; 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


quoiqu'ils  ne  fussent  pas  prêtres.  «  Abbas, 
pnepositus,  vel  decanus,  quamvis  presbyteri 
non  sint  ,  lectoribus  benedictionem  tri- 
buant.  » 

Le  concile  romain,  sous  le  pape  Eugène  I", 
en  827  (Can.  xxvn  ,  ordonna  que  les  abbés 
seraient  prêtres,  afin  de  pouvoir  plus  efficace- 
ment corriger  et  expier  les  fautes  de  leurs  inté- 
rieurs. «  Sacerdolalem  quoque  honorem  sint 
adepti ,  ut  peccantium  sibi  subjectorum  fra- 
trum  valeant  omnimodis  refrenare  et  ampu- 
tare  commissa.  » 

Le  grand  nombre  d'exemples  contraires  qui 
se  trouvent  dans  l'histoire,  est  une  preuve 
constante  que  ce  canon  fut  mal  observé. 

Le  concile  VII  œcuménique  permit  à  l'abbé 
de  conférer  la  tonsure  cléricale  et  l'ordre  de 
lecteur  aux  religieux  de  son  obéissance,  s'il 
était  prêtre  et  s'il  avait  lui-même  été  béni  par 
l'évêque.  On  voit  dans  cette  concession  une 
preuve  évidente  que  tous  les  abbés  n'étaient 
pas  prêtres  ,  mais  que  plusieurs  d'entr'eux 
l'étaient.  Rathérius,  évêque  de  Vérone,  défen- 
dit à  ses  curés,  dans  l'instruction  synodale  qu'il 
leur  fit,  de  faire  des  clercs  sans  sa  permission. 
a  Clericum  nemo  vestrum  sine  licentia  facial 
oostra.  » 

.Nous  avons  dit  ailleurs  que  les  conciles  de 
Carthage  permettaient  aux  curés  de  faire  des 
chantres  ,  et  déclaraient  que  les  chantres 
avaient  place  entre  les  clercs.  Ainsi,  ce  concile 
aurail  accordé  aux  abbés  prêtres  ce  que  d'au- 
tres conciles  avaient  permis  aux  curés. 

Agobard  met  les  abbés  au  nombre  des  pas- 
teurs qui  ont  l'intendance  spirituelle  des  âmes. 
Ainsi  la  bienséance  semble  demander  qu'ils 
soient  prêtres.  «In  noniine  pastorum  et  recto- 
rum  intelligantur  abbates  et  prœpositi  atque 
presbyteri  De  modo  Reg.  Eccl.).  Ce  sont  la  les 
pasteurs  subalternes  sous  l'évêque,  les  abbés 
pour  les  moines,  les  prévôts  pour  les  chanoines 
et  les  curés  pour  le  reste  des  lidéles. 

IV.  Grégoire  III  fonda  des  monastères  près 
<]<■<  églises  de  Saint-Chrysogone  et  de  Saint- 
Jean-de-Latran  a  Rome,  pour  chanter  les  divins 
offices  du  jour  el  «le  la  nuit  dans  ces  églises, 
de  la  même  manière  qu'on  les  célébrait  dans 
Saint-Pierre,  sans  dépendre  du  curé  ou  du 
recteur.  «  Constituens  ibidem  abbatem  et  mo- 
nachorum  congregationem  ad  persolvendas 
Deo  laudes  in  eodem  titulo,  diurnis  atque  no- 
clurnis  temporibus,  instar  officiorum  ecclesiœ 
beali    Pétri  apostoli,  segregatum  videlicet  a 


juré  poteslatis  presbyteri  pnedicli  tituli  (Anasf! 
Bibliot.).  » 

Dans  l'église  même  de  Saint-Pierre  les  offices 
étaient  célébrés  par  une  semblable  congréga- 
tion de  moines,  et  les  messes  et  lient  solennel- 
lement chantées  par  les  prêtres  et  le  clergé. 
«  Ut  in  oratorio  nomini  connu  dicato  intra 
ecclesiam  beati  Pétri  apostoli,  sub  arcu  princi- 
pali.  a  monachis  vi;:ilia'  eelebrarentur ,  et  a 
presbyteris  hebdomadariis  missarum  solem- 
nia.  » 

Etienne  IV.  avant  que  d'être  pape,  avait 
été  admis  dans  l'église  de  Saint-Chrysogone  et 
dans  sa  congrégation  mêlée  de  moines  et  de 
clercs.  «  Fllicque  clericus  atque  monacbus  est 
effectus.  » 

Adrien  I  '  renouvela  l'ancienne  coutume  qui 
s'était  un  peu  relâchée,  que  deux  congréga- 
tions différentes  de  moines  vinssent  chanter 
les  offices  divins  dans  Saint-.iean-de-Latran  : 
«  Officia  célébraient,  hoc  est,  matutinani  ho- 
ram,  primam,  lertiani.  sextam,  sed  et  nonam, 
etiam  et  vespertinam.  » 

V .  On  confia  même  le  gouvernement  des 
cures  aux  religieux,  comme  il  paraît  par  le 
concile  de  Mayence  An.  847),  sous  l'arche- 
vêque Raban.  «  Nullus  monachorum  aliquid 
proprietatis  habeat;  et  res  sa'eulares,  quibus 
renuntia\it,  nullatenus  sibi  usurpet;  nec  paro- 
chias  ecclesiarum  accipere  prœsumat,  sinecon- 
sensu  episcopi.  De  ipsis  vero  titulis  in  quibus 
constituti  fuerinl,  rationem  episcopo  vel  ejus 
vicario  reddant,  et  convocati  ad  synodum  ve- 
inant. » 

Toutes  ces  précautions  d'assister  au  synode 
de  l'évêque,  de  lui  rendre  compte  ou  à  ses 
grands-vicaires,  de  l'administration  de  leur 
cure,  et  de  ne  s'y  point  ingérer  s'ils  ne  sont 
appelés  par  l'évêque,  montrent  bien  que  le 
nombre  de  ces  moines  chargés  de  la  conduite 
des  paroisses  était  considérable. 

VI.  Ledrad,  archevêque  de  Lyon,  écrivant  à 
l'empereur  Charles,  lui  raconte  comment  il  a 
réparé  l'abbaye  de  l'île  Barbe,  dans  la  Saône,  et 
y  adonné  une  congrégation  de  quatre-vingt-dix 
moines,  un  abbé  digne  de  succéder  à  tant 
d'illustres  abbés  qui  avaient  régi  ce  monastère, 
qu'il  lui  a  accordé  la  même  puissance  de  lier 

et  de  délier  que  ses  predeeesseurs  axaient 
obtenue  des  anciens  archevêques  et  lui  a 
encore  confirmé  l'ancienne  prérogative  dont 
les  abbés  précédents  axaient  joui,  de  gouver- 
ner le  diocèse  de  Lyon  pendant  l'absence  des 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  MONASTIQUE  AVEC  LE  CLERGÉ. 


567 


archevêques,   ou  pendant  que  l'Eglise  était 
veuve. 

«  Abbati  tradidimus  poteslatem  ligandi  e1 
sol  vend  i,  uti  habuerunl  praedecessoressui,cla- 
rissimi  viri,  qui  ipsum  locum  rexerunt.  Quos 
Eucherius,  Lupus  atque  Gencsius  caeterique 
episcopi  Lugdunenses,  ubi  ipsi  deerant,  aut 
non  poterant  adesse,  mittebanl  cognituros, 
utrum  catbolica  Qdes  rêcte  crederetur,  ne  Eraus 
bseretica  pullularet.  Quibus  in  tantum  erat 
commissa  cura,  nt  si  Ecclesia  Lugdunensis 
viduaretur  proprio  patrono,  ipsi  in  cunctis 
adessent  redores  et  consolatores,  quousque 
Ecclesia  a  Domino  dignissimo  illuslraretur 
pastore  Agobardi  opéra).  » 

VII.  Quant  au  pouvoir  de  confesser  el  d'ab- 
soudre, le  concile  VI,  tenu  à  Paris  en  s-2[.*,  en 
condamnant  la  passion  démesurée  qu'on  avait 
de  se  confesser  aux  religieux  plutôt  qu'aux 
évêques,  qu'aux  curés  ou  aux  autres  prêtres 
séculiers,  nous  apprend  que  les  laïques,  les 
religieuses  et  enfin  les  ecclésiastiques  même 
avaient  une  même  ardeur  de  n'avoir  point 
d'autres  confesseurs  que  des  moines. 

Ce  concile  (Can.  \i  vw  se  plaint  avec  justice, 
parce  qu'il  ne  parle  que  des  religieux  dont  le 
pouvoir  d'absoudre  avait  été  limité  par  1rs 
évoques  dans  leur  cloître,  et  deslaïques  qui  ne 
préféraient  la  direction  des  religieux  que  pour 
éviter  la  sévérité  des  lois  canoniques  de  la  pé- 
nitence, dont  les  évêques  et  les  curés  étaient 
plus  sévères  observateurs. 

«  Nullo  modo  quippe  nobis  convenue  vide- 
tur,  ut  monachus  relicto  monasterio  suo,  id- 
circo  monasteria  sanctimonialium  adeat,  ut 
confitentibus  peccata  sua  modum  pœnitentise 
imponat.  Nec  etiam  illud  videlur  nobis  con- 
gruum,  ut  clerici  et  laici  episcoporum  et  pre- 
sbyterorum  eanonicorum  judicia  déclinantes. 
monasteria  monachorum  expetant,  ut  ibi  mo- 
nacbis  sacerdotibus  confessionera  peccatorum 
suorum  faciant.  Prœsertim  ciim  eisdem  sacer- 
dotibus monachis id  facere  t'as  non  sit,  exceptis 
lus  d  un  taxât,  qui  sut»  monaslico  online  secum 
in  monasteriis  degunt.  Illis  namque  peccato- 
rum confessio  est  facienda,  a  quibus  subiude 
et  modus  poenitenliae,  et  consilium  salutis  ca- 
piatur  :  et  a  quibus  posl  tempora  pœnitentiee 
peracta,  secundum  canonicam  institutionem  , 
si  episcopus  jusserit,  reconciliatio  mereatur.  » 

VIII.  Les  justes  plaintes  de  ce  concile  ne  re- 
gardentque  ces  deux  abus  inexcusables.  Les  re- 
ligieux prêtres  n'ayant  reçu  des  évêques  la  puis- 


sance des  clefs  que  pour  délier  les  moines  du 
même  couvent,  se  donnaienl  la  libelle  d'éten- 
dre ce  même  pouvoir  sur  les  laïques,  sur  les 
clercs  ei  sur  les  religieuses.  On  n'accourait  à 
eux  que  pour  se  soustraire  à  la  longue  sévérité 
des  canons  pénitentiaux,  dont  les  évêques  et 
les  prêtres  séculiers  étaient  mieux  instruits,  et 
plus  jaloux  de   leur  observance  religieuse. 

Mais  comme  ce  n'étaient  que  des  défauts 
particuliers  en  général,  on  peut  dire  que  les 
religieux  des  lois  soulageaient  les  évêques  et 
les  curés  d'une  partie  des  affaires  qui  regar- 
daient le  tribunal  de  la  pénitence.  En  effet,  le 
saint  abbé  .Nil  ne  parut-il  pas  plus  exact  et 
plus  sévère  que  les  évêques,  lorsque  la  prin- 
cesse de  Capoue  l'ayant  appelé  à  elle  pour  se 
confesser  d'avoir  l'ait  tuer  par  ses  enfants  un 
comte  qui  était  leur  parent,  mais  dont  la  puis- 
sance leur  donnait  de  la  jalousie ,  il  répondit 
d'abord  qu'elle  se  devait  adresser  aux  évêques 
qui  sont  les  seuls  dépositaires  des  clefs  du 
ciel  :  «Ego  peccator  sum,  nec  habeo  potesta- 
tem  ligandi  atque solvendi,  vade  ad  episcopos 
qui  haec  judicare  possunt  :  et  quodeumque 
tibi  dixerint  illi  ,  facito.  »  Elle  repartit  que 
les  évêques  lui  avaient  ordonné  de  dire 
trois  fois  la  semaine  le  psautier,  et  de  faire 
quelques  aumônes  :  «  Prœceperunl  ut  psalte- 
rium  legerem  ter  iu  hebdomada,  et  eleemo- 
synas  facerem  indigentibus  (Apud  Surium,  die 
26  sept.,  c.  xv,.  »  l'.e  saint  lui  représenta,  que 
cela  ne  sulïisail  pas,  si  pour  satisfaire  aux  pa- 
rents de  celui  qu'elle  avait  fait  mourir,  il  ne 
leur  mettait  entre  les  mains  un  de  ses  enfants, 
auteur  de  cet  exécrable 'homicide.  Elle  s'en 
excusa,  et  le  saint  lui  prédit  une  longue  suite 
de  calamités  qui  allait  fondre  sur  sa  tète. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  ce  saint  abbé  vou- 
lut exposer  le  fils  de  cette  princesse  a  la  ven- 
geance de  ses  ennemis  ;  il  s'assurait  ou  de  leur 
générosité,  ou  de  son  crédit  auprès  d'eux;  il 
savait  que  le  sacrement  de  pénitence  avec  ses 
suites  a  ete  quelquefois  respecté,  comme  un 
asile  encre  plus  vénérable  que  celui  des  tem- 
ples. Enfin,  il  se  peu!  faire  que  ce  lui  un 
temps  .  ou  un  lieu  où  les  homicides  même 
s'expiaient  encore  par  des  amendes  pécu- 
niaires. 

Apres  tout,  il  faut  avouer  que  les  saints  ont 
quelquefois  des  vues  que  les  autres  hommes 
n'ont  pas,  et  qu'il  faut  respecter  leur  conduite 
et  leurs  résolutions  dans  des  rencontres  singu- 
lières, où  nous  ne  pourrions  pas  les  imiter. 


568 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


Voici  un  autre  exemple  d'une  inflexible  sé- 
vérité dans  la  personne  de  saint  Roinuald , 
abbé  et  instituteur  desCamaldules.  Il  condamna 
à  la  vie  monastique  le  favori  de  l'empereur 
Othon,  nommé  Tbamnus,  pour  y  expier  le  par- 
jure, dont  il  avait  usé  pour  attirer  le  sénateur 
romain  Crescent  entre  les  mains  de  l'empereur 
qui  le  fit  mourir  contre  la  foi  qu'il  avait  pro- 
mise. «  Quia  Tliamnus  et  fraudis  conscius,  et 
perjurio  tenebatur  obnoxius,  idcirco  a  beato 
Romualdo  justus  est  relinquere  saeculum.  » 

E'empereur  n'en  fut  pas  quitte  pour  per- 
mettre à  Tliamnus  d'obéir  au  saint:  s'étant 
lui-même  confessé  à  saint  Romuald,  il  se  sou- 
mit à  la  pénitence  qui  lui  fut  imposée,  d'aller 
les  pieds  nus  de  Rome  à  l'église  de  Saint-Mi- 
chel sur.  le  mont  Gargan  ,  de  s'enfermer  dans 
le  monastère  de  Classe  à  Ravenne,  durant  tout 
le  carême,  de  s'y  adonnera  la  psalmodie  et  au 
jeûne,  de  porter  le  cilice,  et  de  coucber  sur  une 
natte.  Enfin,  il  promit  à  saint  Romuald  de 
quitter  l'empire  et  de  prendre  l'habit  de  la 
religion  dans  un  monastère.  «  Promisit  beato 
Romualdo,  quod  imperium  relinquens,  mo- 
nachicum  susciperethabitum  ;  etcui  innumeri 
morlales  erant  obnoxii,  jam  ipse  pauperculo 
fratri  cu'pitessesubjeetus  (Surius,  die  11»  Jiinii, 
C.  XXV,  xxvi).  » 

Si  le  relâchement  de  quelques  moines  atti- 
rait à  eux  quelques-uns  de  ceux  qui  aimaient 
mieux  qu'on  flattât  leurs  plaies  que  de  les  gué- 
rir ;  la  fermeté  inexorable  de  plusieurs  autres 
semblables  à  saint  Nil  et  à  saint  Romuald  , 
était  un  puissant  attrait  pour  tous  ceux  qui  ne 
croyaient  pas  que  le  salut  éternel  leur  pût 
coûter  trop  cher,  et  qui  attendaient  des  conseils 
plus  sincères,  plus  sévères  et  plus  désintéressés 
de  ceux  qui,  renonçant  a  toutes lesillusions  du 
siècle,  s'étaient  eux-mêmes  consacrés  à  une 
rigoureure  pénitence. 

IX.  On  sait  assez  que  plusieurs  paroisses  avec 
leurs  églises,  ayant,  été  assignées  à  des  monas- 
tères  pour  leur  fondation  et  pour  l'entretien  des 
religieux,  les  prêtres  de  ces  paroisses  relevaient 
des  abbés.  Tel  était  celui  dont  Loup,  abbé  de 
Ferrières,  écrivait  à  l'archevêque  de  Sens. 
«  Hic  presbyter  ex  eeclesia  sancti  Pétri  et  nostra, 
etc.  (Epist.  i.xxmi).  »  Nous  parlerons  ailleurs 
plus  au  long  de  cette  matière. 

Tels  étaient  encore  ces  deux  autres  prêtres 
ou  curés,  qui  se  résolurent  à  embrasser  la  vie 
monastique  en  quittant  leurs  Eglises  ;  l'arche- 
vêque de  Sens  Ganelon  ne  voulut  point  accepter 


leur  démission,  que  l'abbé  Loup  ne  lui  eût 
justifié  par  les  canonsquecela  se  pouvait  faire. 
Ce  savant  abbé  commença  sa  lettre  par  lui  pro- 
tester que  la  chose  n'avaitjamais été  seulement 
mise  en  doute. 

«  Vestra  prudentia  relinquendi  suos  eis  titu- 
los  copiam  negavit  facturant ,  ut  liberius  et 
districtiusinstitutionernB.Benedictisequantur, 
nisi  forte  nostra  parvitas  auctoritateni  vobis 
depromat,  absque  vitio  posse  lieri.  Id  tainetsi 
nunquam  in  controversiam  vocatum,velaudie- 
rim,  vel  magislra  lectione  compererim ,  etc. 
(Epist.  xxix).  » 

Il  lui  représente  ensuite  que  J.-C.  ayant  con- 
vié les  laïques  mêmes  à  la  perfection  des  con- 
seils évangéliques,  il  n'était  pas  séant  à  un 
évêque  d'en  détourner  les  prêtres.  «  Ab  eaigi- 
tur  perfectionc  quam  Deus  eliam  laicis  pro 
posuit ,  absit  ut  summoveat  sacerdotes.  »  Que 
c'est  Dieu  même  qui  est  l'auteur  de  la  dissolu- 
tion du  mariage  spirituel  du  pasteur  et  de  son 
Eglise,  quand  il  l'appelle  à  un  état  de  plus 
grande  vertu  :  qu'il  n'y  a  presque  point  de  mo- 
nastère où  on  ne  voie  quelque  curé  qui  s'y 
est  retiré,  comme  en  un  port  assuré  après  les 
orages  du  siècle  :  «  Jam  vero  de  presbyleris 
quid  dicain,  eiim  nullum  fere  monachorum 
reperiatur  monasterium ,  quo  non  aliqui 
eorum,  sœculi  tumultus  déclinantes,  conecs- 
serint.  »  Que  l'archevêque  de  Sens  Aldric  s'é- 
tait résolu  à  rentrer  dans  sa  première  retraite 
du  monastère  de  Ferrières,  d'où  il  avait  été 
tiré,  et  l'eût  fait  si  la  mort  ne  l'eût  prévenu; 
enfin  que  la  règle  de  Saint-Renoît,  à  qui  saint 
Grégoire  le  Grand  a  donné  de  si  grands  et  de 
si  justes  éloges,  permet  à  l'abbé  de  recevoir 
des  prêtres  dans  son  monastère,  ce  qui  est  une 
marque  certaine  que  cetle  conduite  n'est  point 
contraire  aux  canons  :  «Cum  beatus  Gregorius 
regulam  Palris  Benedicti  approbat,  eadem 
aiiteni  régula  sacerdotes  cum  ofticio  susci- 
piendos  censet,  etc.  » 

X.  Quant  à  l'article  des  évêques  qui  passent 
du  cloître  à  l'épiscopat,  le  pape  Nicolas,  écri- 
vant à  l'archevêque  de  Sens  Egilon,  lui  fait 
bien  connaître  que  le  décret  d'Innocent  I,  que 
nous  venons  de  citer,  n'avait  encore  rien  perdu 
de  sa  vigueur,  et  qu'il  devait  joindre  au  plus 
saint  et  au  plus  élevé  ministère  de  l'Eglise 
toutes  les  pratiques  saintes  et  les  observances 
religieuses  dont  il  avait  fait  auparavant  pro- 
fession dans  son  monastère. 

«Tuuin  prœterea,f  rater  carissime,propositum 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  MONASTIQUE  AVEC  LE  CLERGÉ. 


569 


observa,  et  qui  dia  in  monasterio  moratus  es. 
a  prislino  voto  divertere  noli.  Quod  enim  diu 
in  liuniili  babitu  custodisti,  profeclo  indecens 
esl,  in  potiori  positus  dimiseris  ordine,  hue 
ipsum  sancta  quoque  Scriptura,  venerandisque 
deeretis  pleniter  edocentibus  (Concil.  t. ail., 
toni.  ni.  p.  373).  '> 

Charlemagne  renouvela  le  même  décret 
d'Innocent  dans  ses  capitulaires  :  «  Item  in 
deeretis  Innocentii  papa',  ut  monaehus  si  ad 
clerieatum  proveliatur,  propositum  monachicae 
professionis  non  amittat  (Capitulare,  1.  i. 
c.  27).  » 

XI.  Saint  Bembert.  malgré  toutes  ses  résis- 
tances, ayant  été  élu  archevêque  de  Brème  dès 
le  jour  de  la  mort  de  saint  Anscbarius,  son 
prédécesseur,  il  ne  crut  pas,  après  sa  consé- 
cration même,  être  dispensé  du  vœu  qu'il  avait 
fait  d'entrer  en  religion  aussitôt  après  le  décès 
de  saint  Anscbarius,  sous  la  discipline  duquel 
il  avait  été  élevé.  Les  évèques  mêmes  qui  l'a- 
vaient consacré  jugèrent  qu'il  devait  accomplir 
son  vœu  ;  il  ne  perdit  pas  un  moment  de  temps 
et  il  alla  faire  profession  dans  le  monastère  de 
Corbie,  en  Allemagne,  promettant  à  Dieu  l'o- 
béissance, la  conversion  des  mœurs  et  la  sta- 
bilité, selon  la  règle  de  saint  Benoît,  autant 
que  ces  saints  exercices  seraient  compatibles 
avec  les  travaux  et  les  occupations  de  l'épis- 
copat. 

«  Tenebatur  jam  olim  Bembertus  voto  ejus- 
modi  obstrictus,  ut  post  sancti  Anscharii 
obitum,  mox  et  propositum  et  habitum  mo- 
nasticum  amplecteretur.  Quamobrem  commu- 
nicato  cum  pontifieibus  qui  ipsum  consecra- 
rant  consilio,  statim  ut  ordinatus  fuit,  ad  nova; 
Corbeia'  monasterium  properans,  illius  profes- 
sionis babitumex  toto  suscepit.  Conversationis 
auteni  illius  professienem  ita  fecit,  ut  obedien- 
tiam,  et  conversionem  moruin,  et  slabilitatem 
secundum  regulam  sancti  Benedicti  exhiberet, 
quatenus  labores  et  occupationes  suscepti  epi- 
scopatus  perniitterent  (Surius,  die  i  Febr., 
c.  x).  » 

En  effet,  il  prit  un  religieux  avec  lui,  dans 
son  évècbé,  pour  apprendre  de  lui  les  exercices 
saints  de  la  vie  religieuse.  Ce  qui  mérite  une 
attention  particulière  dans  cet  exemple,  c'est 
la  distinction  que  cet  évèque  fit  entre  L'habit 
et  les  exercices  de  la  vie  monastique.  Pour 
l'habit,  il  le  prit  constamment  pour  ne  jamais 
le  quitter  :  «  Illius  professionis  habitum  ex 
toto  suscepit;  »  mais,  pour  les  exercices,  il  ne 


s'\  engagea  qu'avec  ce  tempëramenl  néces- 
saire, in  tant  qu'ils  ne  seraienl  point  incom- 
patibles avec  le.;  fonctions  de  l'épiscopat. 

Je  rapporterai  ailleurs  la  lettre  du  pape  In- 
nocent III.  où  il  donne  la  même  résolution  de 
ce  cas  et  oblige  l'évêque  d'aller  accomplir  son 
m  m  de  religion. 

Saint  Bernard,  évèque  d'Hildesheim,  se 
voyanl  près  de  finir  la  sainte  et  illustre  carrière 
de  son  épiscopat,  voulut  prendre  l'habit  mo- 
nastique dans  une  chapelle,  dans  laquelle  il  se 
lit  porter  peu  de  temps  après,  pour  quitter  le 
monde  dans  le  même  lieu  où  il  y  avait  re- 
noncé: «Tactus  infirmitate  ullima, cum adesse 
exitus  sui  horam  sensisset,  in  eamdem  capel- 
lam  se  ferri  praecepit,  justum  esse  asserens, 
ibidem vitae  terminum  sorliri,  ubi  ssc'uli  abre- 
nuntiationis  babitu  se  contigisset  insigniri  (Su- 
rius, die  20  Nov.,  c.  xliii;  1 1  De  gestis  Pontif., 
Angl.).  » 

Guillaume  de  Malmesbury  raconte  comment 
Odon,  évèque  de  YVilton,  en  Angleterre,  refusa 
autant  qu'il  lui  fut  possible  l'archevêché  de 
Cantorbéry,  sur  ce  que  l'on  n'en  avait  encore 
jamais  élu  qui  ne  fût  moine  :  «  Nullum  enim 
ad  id  tempus,  nisi  monachili  schemate  indu- 
tum,  archiepiscopum  sedisse.  »  Enfin,  Odon 
fut  forcé  par  le  roi  et  par  les  évêques  d'accepter 
cette  prélature;  mais,  sans  perdre  un  moment, 
il  passa  la  mer,  vint  faire  la  profession  monas- 
tique à  Fleury,  et  repassa  en  Angleterre  pour 
gouverner  son  archevêché  :  «  Transito  mari 
apud  Floriacum  monachilia  accepit,  frugi 
homo  et  prudens,  ut  nec  favorem  civium  ri- 
deret ,  nec  priscam  consuetudinem  décolo- 
ra re  t.  » 

XII.  Ces  exemples  font  voir  que  tous  ces 
saints  prélats  étaient  bien  persuadés  que  l'épis- 
copat, qui  est  un  état  de  la  plus  haute  perfec- 
tion, n'a  rien  d'incompatible  avec  la  profession 
que  les  religieux  font  de  la  perfection  des  con- 
seils évangéliques. 

Le  saint  prêtre  et  martyr  d'Espagne  Eulogius 
était  encore  bien  persuadé  de  l'excellence  de 
cet  admirable  mélange  de  la  vie  cléricale  avec 
les  exercices  du  cloître,  lui  qui,  sans  avoir 
jamais  fait  profession  du  monachisme,  en  pra- 
tiqua toutes  les  vertus,  alliant  toutes  les  austé- 
rités monastiques  aux  divines  fonctions  du  sa- 
cerdoce. 

«Ita  clerieatum  agens  proprium,  ut  regu- 
larem  ordinem  non  dimitleret  alienum  :  ita 
monachis  adhœrens,  ut  monaehus  probaretur  : 


570 


DES  CONGRÉGATIONS.  -  CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME. 


ita  in  clero  degens,  ut  monachus  vmeretur, 
utrobique  aptus  adcurrens,  el  utrarumque 
professiones  unus  sufûcientissime  complens  : 
currcbat  saepius  ad  cœnobiorum  sacratissimos 
grèges.  Sed  ne  proprium  ordinem  contemnere 
putaretur,  ad  clerum  iterum  remeabat:  in  quo 
dum  aliquod  tc-ui |»us  persisteret,  ne  virtus 
animi  curis  saecularibus  enervaretur,  iterum 
monasteria  repetebat  (Surins,  die  II  Marlii, 
c.  III!.  » 

XIII.  Si  nous  [lassons  en  Orient,  nous  y  trou- 
verons une  alliance  incomparablement  plus 
étroite  entre  ces  deux  professions  saintes.  Les 
patriarches  et  les  évêques étaient  ordinairement 
tires  d'entre  les  moines,  et  il  y  a  une  infinité 
d'exemples  de  ceux  qui  sont  rentrés  dans  le 
cloître  pour  y  finir  encore  plus  saintement  une 
sainte  carrière. 

Le  patriarche  Paul,  à  qui  Taraise  succéda, 
s'elait  retiré  dans  un  monastère  el  j  avait  pris 
l'habit  de  la  religion  :  «  In  numerum  mona- 
chorum  se  retulit,  mutato  amiclu  (  \  ita  Tarasii 
Suri.,  uien.  Febr.,  die  -2'>,  c.  v).  » 

Le  patriarche  Ignace  était  moine;  mais  l'au- 
teur de  sa  vie,  Nicétas,  assure  que  le  scélérat 
et  infâme  Photius,  qui  le  détrôna,  de  laïque 
qu'il  etail.  se  lit  lui-même  patriarche,  prenant 
tous  les  ordres  en  l'espace  de  six  jours  :  le  pre- 
mier jour  il  se  fit  moine,  le  second  lecteur,  le 
troisième  sous-diacre,  le  quatrième  diacre,  le 
cinquième  prêtre,  et  le  sixième  évêque  el  pa- 
triarche :  «  Prima  die  monachus  ex  laico,  se- 
cundo  lector,  etc.  » 

Ce  seul  exemple  ne  suffit  point  pour  per- 
suader, que  tous  les  évêques  orientaux  fissenl 
la  même  profession  religieuse  avant  que  délie 
ordonnés  évêques,  afin  de  s'engager  a  une 
éternelle  continence,  a  laquelle  les  autn  s  ec- 
clésiastiques et  les  prêtres  même  ne  s'obli- 
geaienl  pas.  La  seule  consécration  de  l'épisco- 
pal  elait  assez  suffisante  pour  imposer  aux 
évêques  la  lui  d'une  inviolable  chasteté. 

Il  y  avait  de  la  différence  entre  les  évêques 
qui  passaient  du  cloître  sur  le  dune  de  l'Eglise 
et  ceux  qui  n'avaient  jamais  l'ail  profession.  Le 
concile VIII  général  Can.xxviC  les  distingue 
lorsqu'il  ordonne  a  ceux-ci  de  n'user  du  pal- 
liuiu  que  dans  h  s  temps  et  ies  lieux  déterminés 
pour  cela  :  el  qu'il  commande  à  ceux-là  de  con- 
server dans  l'épiscopat  le  même  habit  qu'ils  ont 
reçu  et  qu'ils  ont  porté  étanl  moines,  et  de 
joindre  à  cet  habit  de  sainteté  toute  la  régularité 
de  vie  qui  doit  l'accompagner. 


«  Illos  autem  qui  reverenter  monachicara 
vitam  sectati  sunt,  episcopalem  meruerimt  ho- 
norem,  conservare  schéma  et  ainictum  mona- 
chicorum  indumentorum ,  et  ipsam  beatam 
vitam  decernimus ,  et  nullus  omnino  habeat 
potestatem  deponere  jam  dictum  schéma  . 
propter  typhum  el  arrogantem  voluntatem,  ne 
[ier  hoc  inveniatur  propriorum  transgressbr 
pactorum.  » 

Ce  concile  ne  crut  pas  qu'un  religieux  qu'on 
appelait  a  la  dignité  épiscopale,  pût  omettre 
les  pratiques  saintes  de  la  religion,  ou  en  quit- 
ter l'habit,  sans  se  rendre  coupable  d'une  va- 
nité et  d'une  présomption  indigne  de  ce  dou- 
ble état ,  et  sans  devenir  prévaricateur  des 
vœux  et  des  saintes  promesses  qu'il  avait  faites 
a  Dieu. 

Il  n'est  donc  pas  véritable  que  tous  les  évê- 
ques commençassent  leur  ordination  par  se 
faire  moines.  Photius  en  usa  artilicieusement 
de  la  sorte,  pour  rendre  plus  pardonnable  la 
précipitation  inouïe  avec  laquelle  il  recevaii 
tous  les  saints  ordres. 

On  n'exigeait  pas  des  moines  les  mêmes 
intervalles  entre  les  ordres  sacrés,  qu'on  de- 
mandai! aux  laïques.  On  supposait  une  longue 
course  dans  les  austérités  de  la  règle  monas- 
tique, et  on  jugeait  qu'elle  pouvait  compenser 
ce  qui  manquait  aux  interstices  des  ordres. 
Ainsi  ce  que  Photius  faisait .  ne  pouvait  passer 
que  pour  un  déguisement,  et  une  illusion  con- 
forme à  son  génie. 

XIV.  On  peut  juger  partout  ce  discours  com- 
bien est  éloignée,  non-seulement  de  la  vérité, 
mais  encore  de  la  vraisemblance,  l'idée  de  ceux 
qui  oui  pensé  que  la  vocation  à  la  cléricature 
dégageait  entièrement  les  moines  de  l'état  mo- 
nastique, et  de  tous  les  liens  sacrés  qui  l'ac- 
compagnent. 

Ajoutez  àcela  la  novelle  de  Justinien ,  rap- 
portée dans  le  Nomocanonde  Photius  (  Tit  9, 
c.  xxix  )  qui  interdit  le  mariage  aux  clercs  mi- 
neurs, s'ils  ont  été  auparavant  religieux.  «Si 
monachus,  clericus  factus  fuerit,  ne  audeatad 
matrimonium  accedere  .  etiamsi  eum  gradum 
sil  assecutus,  in  quolicetclericisuxoresducere, 
scilicet  cantoris  et  lectoris.  » 

Ainsi,  l'ordination  d'un  moine étaitune aug- 
mentation de  beaucoup  d'obligations  nouvelles 
sans  aucune  diminution  des  précédentes,  qui 
n'étaient  point  incompatibles  avec  la  cléri- 
cature. 

XV.  Quant  aux  prêtres  qui  se  faisaient  reli- 


ALLIANCE  MF.  L'ÉTAT  MONASTIQUE  AVEC  LE  CLERGÉ. 


571 


gieux ,  le  patriarche  Michel  les  resserra  tous 
dans  leur  monastère  ,  quoique  la  coutume  eut 
été  de  ne  les  point  retrancher,  ni  du  corps,  ni 
des  fonctions  des  autres  ecclésiastiques. 

«  Cum  enim  mosesset,  ul  qui  ex  laieis  sa- 
cerdotibus  monachi  i'acti  fuerant,  et  ad  sacer- 
dolum  ministerium  prius  adscripti  eranl  . 
etiam  post  vitam  monasticam  in  ministrorum 
corpore  et  catalogo  permanerent,  et  una  cum 
laieis  sacerdotibus  versarentur  ;  sanctissimus 
dominus  noster  Michael  longam  hanc  consue- 
tudinem  habuit  pro  nihilo,  et  statnit  ut  ex 
laieis  solum  sacerdotibus  minisleria  consta- 
rent,  monachi  autcm  in  suis  monasteriis  assi- 
derent  (Juris  Orient.,  tom.  i,  |).  230.  Balsamon 
in  Nomocan.,  tit.  i.  c.  3).  » 

Si  ce  lut  un  zèle  pur  et  religieux  qui  porta 
ce  patriarche  à  en  user  de  la  sorte,  j'en  laisse 
le  jugement  a  d'autres.  Mais  il  nous  parait  que 
la  coutume  immémoriale  avait  été  que  les  bé- 
néticiers,  les  curés,  et  enfin  toutes  sortes  de 
clercs  conservassent  leur  rang,  leur  séance, 
leurs  fonctions  dans  les  chapitres  et  dans  tout 
le  clergé,  après  qu'ils  avaient  ajouté  à  la  di- 
gnité cléricale  la  sainteté  de  la  profession  reli- 
gieuse. Ce  mélange  de  clercs  et  de  moines  a 
duré  plus  longtemps  dans  les  chapitres  et  dans 
tout  le  cierge  de  l'Occident. 

XVI.  Dans  le  concile  VII  général ,  presque 
tous  les  légats  du  pape  et  des  autres  patriar- 
ches absents  étaient  des  religieux.  Dans  l'ac- 
tion i  de  ce  concile  (Can.  xiv  .  après  les  sous- 
criptions des  évêques,  on  trouve  celles  d'une 
multitude  incroyable  d'abbés  et  de  moines  , 
qui  avaient  été  les  défenseurs  invincibles  des 
sacrées  images  et  les  colonnes  vivantes  de  la 
foi  de  l'Eglise.  Ainsi  ce  n'est  pas  sans  raison 
que  ce  concile  donna  ou  confirma  aux  abbés 
qui  étaient  piètres,  et  qui  avaient  été  bénis 
par  leur  évêque  ,  le  pouvoir  de  conférer  les 
ordres  mineurs  aux  religieux  de  leur  couvent. 

Dans  le  concile  Ylll  gênerai  Act.  9  .  plu- 
sieurs moines  remplirent  aussi  la  place  des 
patriarches  absents,  et  entre  autres  Joseph, 
archidiacre  et  vicaire  du  patriarche  d'Alexan- 
drie. 

XVII.  Il  ne  faut  pas  omettre  l'apostolat  de 
tant  de  saints  religieux  qui  travaillèrent  a  la 
conversion  des  peuples  barbares  du  Nord,  et 
en  furent  les  premiers  évêques. 

L'histoire  ecclésiastique  d'Adam,  chanoine 
de  Brème  Cap.  ix,  xu  ,  xiv.  xxvn,  xxviu  , 
xxx\  ii.  apprend  que  Louis  le  Débonnaire  ayant 


fonde  l'abbaye  de  Corbie,  en  Allemagne,  el 
l'ayant  peuplée  d'une  colonie  de  religieux  de 
Corbie.  en  France,  en  tira  un  saint  religieux 
nommé  Ansgarius,  pour  l'envoyer  prêcher  en 
Danemark  et  aux  autres  peuples  du  .Nord.  Le 
succès  eu  fut  si  heureux  qu'Aiisgarius  lut  sa- 
cre archevêque  d'Hambourg,  et  continua  de 
gouverner  cette  nouvelle  église  en  qualité  de 
légat  du  Saint-Siège.  Il  s'associa  son  disciple 
le  diacre  Rimbert,  et  pendant  que  les  .Nor- 
mands et  les  Danois  désolaient  la  France  et 
l'Allemagne,  ces  deux  apôtres  allèrent  subju- 
guer a  l'empire  de  J.-C.  leur  état  propre,  le 
Danemark  et  la  Suéde,  par  de  saintes  et  admi- 
rables représailles.  Les  années  les  plus  nom- 
breuses n'osaient  paraître  devant  les  Normands 
pendant  que  ces  deux  intrépides  missionnaires 
traversaient  les  mers  et  allaient  conquérir  a 
J.-C.  leur  propre  pays. 

«  Et  quia  vastatio  Normanorum,  vel  Dano- 
rum  excedit  omnem  crudelitatem ,  eo  plus 
mirum,  quod  sancti  confessores  Dei  Ansgarius 
et  Rimbertus  per  tanta  pericula  maris  et  terne 
illas  gentes  intrepidi  adibant  et  prœdicabant, 
ante  quarum  impetum  nec  armati  reges  aut 
potentes  Francorum  populi  subsistera  poterant 
(Ibidem,  c.  xxxvui.  xxxix;.  » 

Saint  Rimbert  joignit  toujours  aux  travaux 
de  l'épiscopat  les  austérités  delà  vie  religieuse, 
et  fit  agréer  aux  empereurs  qu'Adalgarius,  re- 
ligieux de  Corbie,  lut  son  coadjuteur  pendant 
les  incommodités  de  sa  vieillesse,  et  son  suc- 
cesseur après  sa  mort.  Après  une  longue  cl 
glorieuse  course  de  travaux  le  pape  Nicolas  I" 
permit  a  Adalgarius  de  prendre  pour  son  coad- 
juteur et  pour  son  successeur  Hoger,  moine 
de  Corbie  (C.  xli,  xi  n  .  (les  saints  archevêques 
donnèrent  enfin  des  pasteurs  et  des  évêques 
au  Danemark,  à  la  Suède  et  à  la  Norvège. 

Nous  avons  parlé  ci-devant  de  la  mission  de 
saint  Bomface  et  des  autres  disciples  de  saint 
Romuald  dans  la  Russie.  On  pourrait  ajouter 
beaucoup  d'autres  exemples.  En  voila  assez 
pour  faire  connaître  que  l'Eglise  n'a  pas  eu 
sujet  de  se  repentir  d'avoir  confié  les  fonctions 
apostoliques  aux  plus  saints  d'entre  les  reli- 
gieux ,  puisque  c'est  a  eux  qu'elle  est  rede- 
vable de  la  conversion  de  tant  de  nations  infi- 
dèles. 

Saint  Boniface  et  saint  Lulle,  archevêque  de 
Mayence,  et  avant  eux  saint  Suvibert  et  saint 
Luidger,  avaient  été  les  apôtres  de  l'Allemagne 
et  l'avaient  accoutumée  a  recevoir  et  a  donner 


572 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


des  prélats,  d'autant  plus  propres  à  prêcher 
l'Evangile .  qu'ils  en  pratiquaient  plus  exacte- 
ment les  conseils  par  les  engagements  de  la 
profession  monastique. 

Arnolfe ,  religieux  de  Saint-Ëmmeram  de 
Ratisbonne,  raconte  dans  le  second  livre  de  la 
vie  de  saint  Emmeram ,  que  Uévêché  de  Ratis- 
bonne était  alternativement  confié  à  un  cha- 
noine et  à  un  moine,  qui  résidait  et  faisait  la 
fonction  d'abbé  dans  le  monastère  de  Saint- 
Emmeram.  C'était  une  institution  admirable 
pour  allier  l'état  ecclésiastique  avec  le  monas- 


tique, et  c'était  l'apôtre  de  l'Allemagne,  saint 
Boniface  qui  en  était  l'auteur. 

a  E\  eo  tempore  quo  primum  a  Bonifacio 
Aposlolica  Sedis  vicario  juxta  décréta  canonum 
in  Bojoaria  ordinabantur  episcopi ,  vicissim 
sibi  succedebant  in  bujus  episcopatu  monacbi 
atque  canonici  ;  ita  ut  si  antecessor  esset  cano- 
nicus,  fleret  successor  monachus,  et  iterum 
buic  antecessori  succederet  canonicus.  Hœc 
consuetudo  usque  ad  nostra  permansit  tem- 
pora.  » 


CHAPITRE  DIX-HUITIEME. 


ALLIANCE    DE    L'ÉTAT   ECCLÉSIASTIQUE    ET   Dl    MONASTIQUE    APRES   LAN    MIL. 


I.  Les  chapitres  et  les  évèchés  même  affectés  à  des  reli- 
gieux. Les  abbés  nécessairement  prêtres. 

II.  Le  pape  Urbain  11  déclare  que  la  sainteté  de  l'état  mo- 
nastique rend  les  religieux  d'autant  plus  dignes  et  plus  capa- 
bles de  l'administration  des  sacrements. 

III  Diverses  marques  de  l'alliance  étroite  de  la  cléricature 
et  du  monachisme. 

IV.  Autres  marques  tirées  des  conciles  de  Constance  et  de 
Trente. 

V.  I.a  charité  pastorale  des  évêques  et  des  curés,  peut  les 
élever  à  un  plus  haut  degré  de  perfection  que  les  austérités 
du  cloître. 

VI.  I.a  conspiration  des  congrégations  religieuses  avec  les 
évêques,  a  quelquefois  étouffé  les  schismes  formés  dans  l'E- 
glise. 

Vil.  Les  plus  éminenls  trùnes  de  l'Eglise  ont  été  très-sou- 
vent remplis  par  des  religieux.  Les  souverains  et  les  plus 
grands  prélats  ont  cru  être  honorés  et  sanctifiés  par  l'habit  mo- 
nastique. 

VIII.  Contre  les  excès  d'un  moine  trop  grand  admirateur  de 
la  perfection  d.  smi  . -t.*t. 

l\.  Conformité  de  l'Eglise  grecque. 

X.  Sentences  nobles  de  saint  Bernard  sur  celle  matière. 

I.  Les  bénéfices  étant  en  partie  séculiers,  ou 
purement  ecclésiastiques,  et  en  partie  réguliers 
ou  monastiques,  nous  n'avons  pu  nous  dispen- 
ser de  dire  quelque  chose  de  l'alliance  de  ces 

deux  élats  ,  qu'il  est  nécessaire  de  distinguer, 

mais  qu'il  serait  aussi  réciproquement  dange- 
reux de  trop  séparer. 

Le  concile  de  Bourges  en  1031  (Can.xxm, 
x\i\,  xw '.,  renouvela  les  lois  et  les  obligations 

communes  des  clercs,  et  des  moines  de  ne  pou- 


voir passer  d'une  église  ou  d'un  monastère  où 
ils  ont  été  attachés,  «  ubi  prius  titulati  sunt,  » 
à  un  autre,  sans  la  permission  de  l'évéque  ou 
de  l'abbé,  et  de  ne  pouvoir  abandonner  leur 
état,  obligeant  les  moines  fugitifs  de  reprendre 
leur  habit  ;  et  si  les  abbés  refusaient  de  les  re- 
cevoir, de  se  joindre  aux  ecclésiastiques,  «  ma- 
neat  cum  clericis  in  monasteriis ,  vel  apud  ec- 
clesias.  » 

Alexandre  II  écrivit  à  Lanfranc,  archevêque 
de  Cantorbéry,  pour  maintenir lesmoines  dans 
le  chapitre  de  Cantorbéry  et  dans  ceux  de  plu- 
sieurs autres  cathédrales  d'Angleterre,  contre 
les  ecclésiastiques  qui  avaient  conjuré  leur 
perte  (Epist.  xxx). 

Eadmer  raconte  comment  les  évoques  que 
Guillaume  le  Conquérant  avait  établis  dans  les 
évèchés  d'Angleterre  ,  de  l'ordre  clérical , 
avaient  formé  cette  conjuration  ,  contre  les 
chapitres  d'Angleterre  remplis  par  des  moines, 
et  que  Lanfranc  fit  revenir  le  roi  de  ce  dessein 
et  obtint  ce  privilège  du  pape  Alexandre  II 
pour  l'église  deCantorbérj  [Eadm.  llist.  Nov., 
1.  i). 

Le  concile  d'Aragon  en  1062  ,  confirma  l'an 
d'en  usage  que  les  évêques  de  Jacca  ou  d'Hues- 
ca,  qu'on  appelai!  évêques  d'Aragon,  fussent 
toujours  élus  d'entre  les  religieux  du  monas- 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQUE  ET  DU  MONASTIQUE. 


573 


tère  tic  saint  Jean  de  la  Pegna.  Sandoval  a 
inséré  dans  sa  notice  des  évêques  de  Pampe- 

lune,  le  privilège  de  Sanclie,  roi  d'Aragon  en 
1023,  qui  porte  que  les  évêques  de  Pampelune 

soient  toujours  élus  du  monastère  de  Saint- 
Sauveur  de  Leire  (Mariana.,  1.  viu,c.xiv). C'est 
la  remarque  du  père  Cossart  sur  ce  concile 
d'Aragon. 

Le  concile  de  Poitiers  en  1078  (Can.  vu)  or- 
donna que  les  al)l)és  fussent  prêtres,  ou  qu'ils 
perdissent  leurs  abbayes. a  Ut  abbates  et  decani, 
qui  presbvteri  non  sunt,  presbvteri  fiant,  aut 
praelationes  amitlant.  »  11  suffisait  que  les  ar- 
cbidiacres  fussent  diacres ,  et  néanmoins  l'ar- 
cbidiacre  précéda  vingt  et  un  abbés  dans  le 
concile  de  Londres  en  1075.  Ainsi  les  chapitres 
étaient  souvent  composés  de  moines,  les  évê- 
ques étaient  choisis  d'entre  les  moines,  les 
abbés  doivent  être  prêtres. 

Les  chapitres  étaient  aussi  quelquefois  mêlés, 
ou  mi-partie  de  ebanoines  et  de  moines.  Dans 
l'église  de  Saint-Ambroise  de  Milan,  il  y  avait 
deux  collèges  ,  l'un  de  chanoines ,  l'autre  de 
moines,  qui  faisaient  l'office  successivement 
l'un  après  l'autre  dans  la  même  église.  Il  y  eut 
quelque  différend  pour  les  heures,  et  ils  s'en 
rapportèrentau jugement  du  pape  Innocent  III. 
Ce  Souverain  Pontife  prononça  en  1-201,  que 
ces  deux  collèges  étaient  très-anciens  dans  cette 
église,  «  a  longissimis  rétro  temporibus;  »  qu'il 
n'y  avait  nulle  raison  de  soumettre  l'un  à  l'au- 
tre; et  que  les  moines  devaient  célébrer  leur 
service  immédiatement  après  la  fin  de  chaque 
office  des  chanoines  (  ltalia  sacra.,  tom.  iv, 
p.  1091). 

L'église  de  Nardo,  en  Italie,  fut  autrefois  un 
monastère  de  moines  Crées,  puis  de  bénédic- 
tins mêles  avec  des  chanoines ,  ce  qu'on  croit 
être  une  marque  que  ce  fût  autrefois  une  ca- 
thédrale  ltalia  sacra,  tom.  i,  p.  1111  .  En  1207, 
le  cardinal  légat  évêque  d'Albano,  réforma 
celte  maison,  y  établit  dix  moines  et  dix  cha- 
noines séculiers,  les  uns  d'un  côté  du  chœur 
les  autres  de  l'autre,  et  donna  des  prébendes 
aux  chanoines,  le  reste  des  biens  demeurant 
à  l'abbé  et  aux  moines.  En  1  U3,  Jean  XXIII 
érigea  cette  église  en  cathédrale. 

Longin  dit  qu'en  1059  mourut  Aaron,  le- 
quel, de  moine  de  Cluny,  avait  été  fait  abbé 
dans  un  nouveau  monastère  de  Thiniec,  en 
Pologne,  et  ensuite  archevêque  de  Cracovie. 
Avant  sa  mort  il  avait  donné  ce  privilège  aux 
abbés  de  Thiniec,  qu'ils  seraient  chanoines  nés 


dans  l'Eglise  de  Cracovie  ,  et  assisteraient  aux 
offices  en  surplis  et  aumusse.  «  In  Ecclesia  Cra- 
co\iensi  sit  caiionicus  natus.  etc.  » 

IL  Ce  fut  peut-être  celte  effusion  de  la  gloire 
et  des  avantages  du  sacerdoce  sur  l'état  mo- 
nastique qui  alluma  la  jalousie  de  quelques 
esprits  emportés,  qui  commencèrent  a  publier 
que  les  sacrements  administrés  par  les  moines 
ne  pouvaient  être  valides. 

Urbain  II  prit  la  défense  des  religieux  dans 
le  concile  de  Nîmes,  l'an  1096  (Can.  u.  m,  iv), 
remontrant  à  ces  ridicules  calomniateurs  que 
saint  Grégoire,  pape,  qu'Augustin  d'Angle- 
terre, que  saint  Martin  de  Tours,  avaient  été 
moines,  et  n'en  avaient  pas  été  moins  habiles 
pour  administrer  les  divines  clefs  de  l'Eglise. 
Que  saint  Benoit  obligeait  les  moines  à  renon- 
cer aux  vanités  du  siècle,  non  pas  à  la  clérica- 
ture.  Que  les  clercs  n'étaient  pas  moins  obligés 
que  les  moines  d'être  morts  à  tout  l'éclat  et  à 
toutes  les  illusions  du  monde.  «  Quod  quidem 
apostolicis  documentis,  et  sanctorum  institu- 
as, non  solum  monachis  ;  verum  canonicis 
summopereimperatur,  ut  mortui  mundosint.» 

Il  montre  après  cela  que  les  dignes  minis- 
tres des  sacrements  sont  ceux  qui  approchent 
le  plus  de  la  vie  et  de  la  sainteté  des  apôtres, 
par  le  renoncement  de  toutes  les  choses  de  la 
terre.  «  Itaque  videtur  nobis,  ut  bis,  qui  sua 
relinquunt  pro  Deo,  dignius  liceat  baptizare, 
communionem  dare,  pœnitentiam  imponere, 
nec  non  peccata  solvere,  etc.  Censemus  eos 
qui  apostolorum  liguram  tenent,  praedicare, 
baptizare.  communionem  dare,  suseipere  pœ- 
nitentes,  peccata  solvere.  » 

Les  siècles  suivants  se  sont  conformés  à  ces 
décisions  du  pape  Urbain  II.  lies  que  nous 
eûmes  conquis  la  Palestine,  toutes  les  commu- 
nautés régulières  de  l'Occident  y  furent  trans- 
plantées et  commencèrent  à  y  travailler  a  la 
conversion  des  Tartares,  des  autres  infidèles  et 
des  chrétiens  schismatiques. 

La  nation  des  Tartares  dont  le  roi.  après 
avoir  tué  le  prêtre  Jean,  qui  dominait  toute 
l'Asie  et  était  chrétien,  en  avait  épousé  la  fille, 
paraissant  le  mieux  disposé  à  recevoir  les  vé- 
rités célestes  de  l'Evangile,  saint  Louis  y  envoya 
des  Jacobins  et  des  Cordeliers  (Canti.  prac. , 
1.  u,  c.  liv.  n.  11  i.  Vincent  de  Beauvais  et 
les  autres  historiens  ont  traité  des  missions 
apostoliques  confiées  ensuite  aux  mêmes  reli- 
gieux dans  tout  l'Orient  (Vinc.  Bell.  Specu. 
Hist.,  1.  xxxi). 


:>7i 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIÈME. 


Depuis  la  découverte  des  Indes  occidentales 
lis  religieux  ont  en  la  pins  grande  part  aux 
pénibles  travaux  de  la  prédication  évangélique 
parmi  tant  de  nations  barbares  et  idolâtres.  On 
a  été  cl  un  est  encore  forcé  de  leur  y  confier  la 
pins  grande  partie  des  cures.  Et  on  peut  admi- 
rer après  cela  la  providence  de  l'Epoux  immor- 
tel de  l'Eglise,  lequel  voulant  assujétirun  nou- 
veau monde  tout  entier  à  son  Eglise,  a  suscité 
pour  cela  depuis  quelques  siècles  tant  d'illus- 
tres communautés  régulières,  et  leur  a  inspiré 
une  ardeur  tout  autre  qu'aux  anciennes,  ei 
des  constitutions  mômes,  qui  les  engagent  à 
travailler  au  salut  des  fidèles,  et  à  la  conver- 
sion des  infidèles. 

III.  Dans  le  coneile  de  Windsor,  en  1 1 1  A,  on 
éleva  à  l'archevêché  de  Cantorbéry,  Radulphe, 
évêque  île  Rochester,  après  avoir  protesté  que 
depuis  Augustin,  tous  les  archevêques  avaient 
été  moines  exepté  un,  qui  pour  cela  et  pour 
d'autres  crimes  avait  été  déposé  par  le  pape. 

Mathieu  Paris,  en  l'an  1-2-2*,  dit  qu'il  fut  dé- 
cidé a  Rome  que  les  moines  de  Coventry.  et 
les  chanoines  de  Lichfield  éliraient  alternati- 
vement l'évêque  de  Coventry,  quoique  jus- 
qu'alors  les  moines  seuls  eussent  élu. 

Guillaume  de  Malmesbury  ditque  Odon  eut 
peine  à  si'  soumettre  a  son  élection  pour  l'ar- 
chevêché de  Cantorbéry,  parce  qu'on  n'y  avait 
encore  vu  que  des  moines  ;  il  y  tut  Forcé]  mais 
il  se  vint  premièremenl  faire  moine  àFleury 
en  France.  Harsfeldius  dil  la  même  chose  des 
évêques  de  Durham,  dans  le  xi°  siècle. 

Le  coneile  de  Londres,  en  1238  Can.  xiv), 
ordonna  que  selon  les  anciens  décrets  du  pape 
Innocent  I",  les  moines  qui  seraient  appelés 
à  la  cléricature,  ne  relâcheraient  et  ne  change- 
raient rien  a  la  régularité  de  leur  vie.  «  Non 
délient  aliquatenus  a  priore  proposito  de- 
viare,  etc.  Quod  diu  servaverunt,  id  in  altiori 
gradu  positi  ainittcre.  non  dehent.  »  La  cléri- 
cature  est  sans  doute  \m  degré  plus  haut  et 
plus  éminent  que  l'état  monastique;  mais  il 
est  admirablement  rehaussé  par  la  sainteté  et 
les  austérités  de  la  vie  religieuse. 

Alexandre  III,  après  avoir  résolu  que  les 
gens  mariés  ne  pourraient  taire  profession 
monastique,  si  leurs  femmes  ne  la  faisaient 
aussi,  dit  ensuite  que  celte  règle  est  d'autant 
plus  indispensable  pour  les  ecclésiastiques  des 

ordres  sacres,  que  leur  état  esl  plus  relevé  que 

celui  des  religieux.  «  Cum  igilur  senatus  sa- 
crorum  clericorum  longe  praeemineat   cœtui 


monachorum.  ita  ut  aliquando  bonus  mona- 
chus,  vix  bonum  clericum  faciat,  nullus  con- 
jugatorum  est  ad  sacros  ordines  promovendus 
nisi.ete.  (Àppend.  Conc.  Later.,  par.  v,  c.  (î).  » 

IV.  Le  concile  de  Constante,  en  I  H5  Sess. 
vin  ,  condamna  une  proposition  de  Wicleff 
entre  plusieurs  autres,  qui  combattait  la  per- 
fection de  l'état  religieux,  comme  si  c'eût  été 
un  obstacle  et  une  limitation  opposée  aux  vo- 
lontés de  Dieu,  et  à  ses  divers  desseins  sur  les 
âmes.  «  Si  quis  ingreditur  religionem  priva- 
lam.  redditur  ineptior  et  inhabilior  ad  obser- 
vantiam  mandatorum  Dei.  » 

Dans  le  concile  de  l'aie,  en  1 133,  le  docteur 
Kaltheisen,  jacobin,  fit  voir  par  un  discours 
fort  long,  et  fort  étudié,  que  l'état  des  reli- 
gieux avait  succédé  à  celui  des  apôtres,  et  en 
retraçait  une  image  vivante  et  éternelle  dans 
l'Eglise,  non  pas  dans  la  direction  et  la  surin- 
tendance sur  toute  l'Eglise;  car  il  dit  que  ce 
sont  les  cardinaux  qui  les  représentent  dans 
cet  état;  ni  dans  la  conduite  particulière  de 
chaque  diocèse;  car  en  cela  les  évêques  leur 
ont  succédé,  mais  quant  â  la  sainteté  d'une  vie 
religieuse  cl  pénitente. 

Il  faut  même  demeurer  d'accord  que  le  con- 
eile de  Trente  (Sess.  xxiii,  c.  lu)  a  reconnu 
dans  les  abbés  une  participation  du  pouvoir 
épiscopal.  en  leur  permettant  de  donner  la 
tonsure  et  les  ordres  mineurs  à  leurs  reli- 
gieux. 

V.  Mais  il  est  vrai,  en  général,  que  les  fonc- 
tions hiérarchiques  sont  dans  une  éminence 
de  gloire  et  de  sainteté  â  laquelle  les  religieux 
n'ont  pas  toujours  cru  devoir  aspirer;  et,  si 
ceux  qui  les  exercent  ne  peuvent  pas  en  même 
temps  mener  une  vie  aussi  pure  et  aussi  atta- 
chée à  la  contemplation  que  les  pins  saints 
religieux,  la  charité  qui  les  porte  à  sacrifier  les 
inlirèts  de  leur  propre  sanctification  au  salut 
de  leur  prochain  est  elle-même  une  compen- 
sation surabondante  de  sainteté,  qui  les  élève 
peut-être  beaucoup  au-dessus  des  plus  parfaits 
religieux.  Au  moins,  c'est  ce  que  les  religieux 
doivent  croire;  c'est  ce  que  saint  Bernard  pu- 
bliait hautement,  quand  il  tâchait  de  réprimer 
la  vanité  des  moines  indiscrets  qui  s'élèvent 
au-dessus  des  évêques  et  des  curés,  dont  la  vie 
n'est  pas  si  mortifiée  que  la  leur. 

«  Memincrit  scriptum  :  Melior  est  iniquitas 
xiri.qnani  mulier  benefaciens.  Nain  tu  quidem 
in  tui  custodia  vigilans,  bene  facis  :  sed  qui 
juvat  multos,  et  melius  facit  et  virilius.  Quod 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQUE  ET  DU  MONASTIQUE. 


575 


si  implore  non  sullieil,  absque  aliqua  iniqui- 
tate,  itl  est,  absque  quadam  inœqualitate  vitae 
et  conversation is  stiœ,  mémento  quia  charitas 
operit  multitudinem  peccatorum.  Hase  dicta 
sint  contra  gèminam  tentationem,  qua  sœpe 
viri  religiosi  episcoporum  vel  ambire  gloriam, 
vel  excessus  temere  judicare  diabolicis  instiga- 
tionibus  incitantur  (In  Cantica  serin,  su).  » 

VI.  Les  coogrégations  religieuses,  animées 
de  ce  même  esprit  de  saint  Bernard,  se  tenaient 
très-étroitement  unies  et  assujéties  aux  évê- 
ques,  épousant  leurs  intérêts  avec  un  zèle  plein 
de  sagesse  dans  toutes  les  occasions  impor- 
tantes. 

On  peut  voir  les  lettres  de  Hugues,  abbé  de 
Pontigny,  de  saint  Bernard,  abbé  de  Clairvaux, 
d'Etienne,  abbé  de  Cîteaux,et  de  tous  les  abbés 
de  sa  congrégation,  adressées  au  pape  Honoré  II 
et  au  roi  de  France  Louis  le  Jeune,  pour  taire 
rétablir  dans  les  bonnes  grâces  de  ce  prince 
l'évêque  de  Paris,  contre  lequel  il  avait  t'ait 
éclater  son  indignation.  Ils  rendirent,  peu  de 
temps  après,  le  même  office  à  l'archevêque  de 
Sens  (Baronius,  an.  Ilv27). 

Dans  le  schisme  d'Anaclet  contre  Innocent  II, 
ils  donnèrent  un  grand  poids  à  l'affermissement 
de  la  paix  et  de  l'unité  de  l'Eglise,  en  se  décla- 
rant, avec  toutes  leurs  diverses  congrégations, 
pour  Innocent.  C'est  ce  que  nous  apprenons  de 
saint  Bernard. 

«  Itaque  Camaldulenses ,  Vallosombrani , 
Carthusienses,  Cluniacenses,  et  qui  de  majori 
monasterio  sunt,  mei  quoque  Gistercienses, 
Castemblenses,  Cadumenses,  Tironenses,  Sa- 
viniacenses,  universitas  denique  et  unanimitas 
fratrum,  tam  clericorum,  quam  monachorum 
regularis  Vitœ,  probataeque  conversationis,  se- 
quentes  episcopos,  tanquam  grèges  pastores 
suos,  lnnocentio  flrmiter  adhaerent  (Baronius, 
an.  1 130,  epist.  c.xxvi).  » 

L'auteur  contemporain  de  la  vie  de  saint 
Anthelme,  évêque  de  Belley,  dit  la  même 
chose  dans  une  autre  occasion  semblable  : 
«  Intérim  praeeuntibus  Carihusianis  ac  Cister- 
ciensibus  Alexander  pontif'ex  aGallis,  Hispanis, 
Britannis  brevi  receptus  est  (Sur.,  die  2GJun.)» 
Vil.  Après  tout  ce  que  nous  avons  dit.  on  ne 
trouvera  pas  étrange  que  Pierre  le  Vénérable, 
abbé  de  Cluny,  ait  écrit  que  toutes  les  chaires 
épiscopales,  patriarcales,  et  le  Siège  Apostolique 
même  étaient  le  plus  souvent  remplis  par  des 
moines,  qui  n'y  montaient  que  par  les  degrés 
de  l'élection  et  du  mérite. 


a  Quid  indecens  si  religiosce  Ecclesiœ  reli- 
giosus,  sapiens,  litteratus  monachus,  inde  in 
pontificem  electus  est,  unde  épiscopales,  ar- 
chiépiscopales, patriarchales,  et  ipsa  omnium 
vertex  Ecclesiarum,  Vpost&licaet  Romana  Se- 
di  s,  patres  sibi  assuniere  coiisueverunt  (I..  i, 
e|).  29).  » 

Guillaume,  roi  d'Angleterre,  demanda  à 
saint  Hugues,  abbé  de  (ibmy,  six  des  religieux 
pour  être  les  oracles  et  les  lumières  vivantes 
de  son  conseil,  dans  la  disposition  des  évêchés 
et  la  conduite  des  églises  de  son  royaume  : 
'<  Supplicando,  ut  sex  ci  personas  dirigerai  ex 
I  raf  ri  luis  nostris,  quorum  consilio  agere  possel , 
quidquid  illi  de  Ecclesiis  ordinandis  foret 
agendum,  eisque  rectoribus  constitutis,  securus 
esset  de  ovibus  custodiendis  atque  regendis 
(Bibl.  Clun.,  p.  i.VI).  »  Le  refus  qu'en  fit  ce 
saint  abbé  n'est  pas  moins  digne  d'admiration 
que  la  demande  du  roi. 

L'empressement  qu'un  prince  marque  d'a- 
voir auprès  de  lui  de  tels  ministres  et  de  tels 
conseillers,  lui  l'ait  certainement  beaucoup 
d'honneur;  mais  un  abbé  mérite  infiniment, 
lorsqu'il  retient  ses  vertueux  moines  dans  leur 
sainte  et  tranquille  solitude,  et  ne  les  aban- 
donne point  aux  appâts  trompeurs  d'une  vie 
tumultueuse  et  aux  dangereux  écueils  de  la 
cour. 

Le  roi  Louis  le  Gros  prit  l'habit  de  Saint- 
Benoît  et  fit  profession  avant  sa  mort.  Suger, 
abbé  de  Saint-Denis,  qui  en  fut  témoin,  dit  que 
les  archevêques  en  faisaient  autant  :  «  Videant 
qui  monasticit  paupertati  derogant,  quoniodo 
non  solum  archiepiscopi ,  sed  et  ipsi  reges, 
transitons  vitam  aeternam  praeferentes ,  ad 
singularem  monastici  ordinis  tutelam  securis- 
sime  confugiunt  Baron.,  an.  1136,  n.  12).  » 

Henri,  frère  du  roi  Louis  le  Jeune,  se  fit 
moine  de  Citeaux,  et  aussitôt  après  on  l'élut 
évêque  de  Béarnais  (An.  11 49,  n.  11).  Bernard, 
abbé  de  Bonneval.dans  la  vie  de  saint  Bernard 
(L.  n,  c.  7),  nomme  un  pape,  deux  cardinaux 
et  un  grand  nombre  d'évêques  qui  étaient  déjà 
sortis  de  Clairvaux. 

Saint  Anselme,  archevêque  de  Cantorbéry, 
ayant  appris  que  l'évêque  de  Paris  avait  arraché 
de  Saint-Martin-des-Champs  le  chantre  de  son 
église,  qui  s'y  était  retiré  pour  y  faire  profession 
monastique,  lui  écrivit  une  lettre  pleine  de 
doctrine  et  de  liberté  (h.  m.  ep.  12,  13),  lui 
remontrant  que  le  grand  saint  Grégoire  et  le 
concile  IV  de  Tolède  avaient  prescrit  des  règles 


376 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-HUITIEME. 


bien  contraires  à  l'action  qu'il  venait  de  faire, 
voulant  qu'il  fût  toujours  libre  aux  ecclésias- 
tiques de  s'engager  dans  une  profession  et  dans 
une  vie  plus  écartée  des  orages  du  siècle  : 
«  Qui  meliorem  vitam  sequi  cupiunt,  liberos 
esse  debere  ab  episcopis  (Regest.  xvi,  ep.  U-2).  » 

Innocent  III  écrivit  à  l'évêque  de  Genève 
que,  s'il  avait  autrefois  voué  de  se  faire  reli- 
gieux et  que  si,  tardant  d'accomplir  son  vœu,  il 
avait  été  appelé  à  l'épiscopat,  il  devait  s'en  dé- 
mettre pour  aller  accomplir  son  vœu;  après 
quoi,  si  on  l'élisait  encore  une  fois,  il  pourrait 
consentir  à  cette  élection  :  «  Consulimus,  qua- 
tenus  si  tuain  onmino  sanare  conscientiam 
desideras,  regimen  resignes  Eeclesiœ  memo- 
ratœ,  ac  reddas  Altissimo  vota  tua  :  in  boc  tibi 
gratiam  facjentes,  quod  si  capitulum  ejusdem 
Gebennensis  Ecclesiœ  te  postmodum  canonice 
duxerit  eligendum,  concedimus  ut  electionem 
recipias  taliter  de  te  faclam.  » 

VIII.  La  vertu  a  besoin  d'un  contre-poids  de 
peur  qu'elle  ne  se  perde  et  ne  s'anéantisse  en 
s'éievant  trop  ;  aussi  la  Providence  a  permis, 
que  l'estime  excessive  que  des  religieux  ont 
conçue  pour  la  sainteté  de  leur  état,  les  ait 
portés  à  des  extrémités  très-fâcheuses,  qui  ont 
pu  par  leur  guérison  aussi  servir  de  correctif  à 
tous  les  autres. 

Matthieu  (Irabon,  jacobin  de  Weimar  en 
Saxe,  publia  au  temps  du  concile  de  Cons- 
eillée ,  que  la  pratique  des  conseils  évan- 
géliques  étaii  propre  et  particulière  a  les 
pratiquer  ailleurs  sans  péché;  et  que  par  con- 
séquent ('clail  un  crime  de  renoncera  tous  les 
biens  de  la  terre,  et  de  les  distribuer  aux  pau- 
vres, si  l'on  ne  s'engageait  en  même  temps 
dans  quelque  religion  approuvée.  Le  concile 
de  Constance  (Tom.  i,  p.  O^s,  etc.)  l'obligea  à 
rétracter  toutes  ces  erreurs,  et  le  savant  Ger- 
son  écrivit  un  petit  traité  contre  lui,  où  il 
montre  que  la  religion  chrétienne  est  la  véri- 
table religion,  que  J.-C.  l'a  parfaitement  prati- 
quée sans  vœux,  qu'on  peut  en  pratiquer 
même  tous  les  conseils  sans  vœu  ;  que  les  reli- 
gions monastiques  ne  sont  pas  tant  des  étals 
de  perfection,  que  des  voies  et  des  instruments 
pour  L'acquérir  :  »  Melius  nominarentur  vi;c 
quaedam,  vel  instrumenta,  scu  dispositiones  ad 
perfectionem  acquirendam,  quam  status  per- 
fectionis.  »  Enfin,  que  le  pape,  les  cardinaux 
et  les  prélats  peuvent  et  doivent  observer  plus 
parlaitt  nient  la  religion  chrétienne  que  les 
moines,  puisqu'ils  sont  dans  un  état  qui  exige 


une  vie  entièrement  parfaite.  «  Quia  sunt  in 
statu  perfectionis  exereenda?.  » 

IX.  Quant  à  l'Eglise  grecque,  Nicéphore 
Grégoras  rapportant  l'élection  du  patriarche 
de  Constantinople  Niphon,  dont  il  fait  gloire 
d'avoir  été  disciple,  dit  qu'aussitôt  sa  femme 
entra  en  religion,  et  que  lui-même  n'eût  pas 
osé  monter  sur  le  trône  patriarcal  sans  avoir 
pris  l'habit  monastique  :  «  Et  ipse  reverentia 
Sedis  babitum  monasticum  induisset  (L.  vu),» 
si  l'empereur  ne  l'eût  empêché,  parce  que  les 
médecins  avaient  jugé  que  la  délicatesse  de 
sa  complexion  demandait  absolument  qu'il 
mangeât  de  la  Aiande.  Les  autres  évèques 
Grecs  étaient  aussi,  et  sont  encore  présente- 
ment tirés  des  cloîtres. 

Comme  les  prêtres  et  les  diacres  grecs  se 
sont  en  quelque  façon  donné  l'exclusion  de 
l'épiscopat  par  leur  incontinence,  ils  se  sont 
jetés  eux-mêmes  dans  la  nécessité  de  n'avoir 
que  des  moines  pour  évèques.  Mais  ce  n'est 
pas  la  continence  seule,  c'est  toute  la  suite  des 
austérités  claustrales,  que  les  évèques  grecs 
font  monter  avec  eux  sur  le  siège  épiscopal , 
comme  il  paraît  ici  de  l'abstinence  de  la 
viande. 

On  peut  voir  dans  l'Andronic  de  Pachymère 
au  liv.  i,  chap.  34  et  au  liv.  u,  chap.  28,  le 
chagrin  des  clercs,  qui  ne  pouvaient  tout  au 
plus  monter  qu'à  la  prêtrise,  tous  les  évèchés 
étant  réservés  aux  moines. 

X.  Toutes  ces  marques  d'alliance  très-étroite 
de  la  cléricature  avec  l'état  monastique  sont 
comprises  en  quatre  ou  cinq  paroles  de  saint 
Bernard,  qui  fut  la  gloire  des  moines,  mais 
qui  n'en  fut  jamais  le  flatteur.  Il  dit  que  l'or- 
dre monastique  a  commencé  avec  l'Eglise,  ou 
plutôt  que  c'est  par  là  que  l'Eglise  a  com- 
mencé :  «  Ordinem  nostrum  qui  primus  fuit 
in  Ecclesia,  iino  a  quo  cœpit  Ecclesia  :  cujus 
Apostoli  institutores,  cujus  bi  quos  Paulus 
tam  saepe  sanctos  appellat,  inchoatores  extite- 
runt  (Apolog.  ad  Cuill.  Abb.).  » 

Il  parait  par  ces  termes,  que  selon  la  pensée 
de  ce  saint  et  savant  Père,  les  apôtres  ont  fait 
les  premiers  profession,  non -seulement  de 
l'état  ecclésiastique  par  les  divines  fonctions 
du  sacerdoce,  mais  aussi  en  quelque  façon  de 
l'état  religieux,  par  la  pratique  rigoureuse  des 
conseils  évangéliques.  Ainsi  ces  deux  états  de 
la  cléricature  et  du  monachisme  ayant  été  si 
alliés  dans  leur  première  origine,  il  ne  se  peut 
que  dans  la  succession  des    siècles  ,  ils   ne 


ALLIANCE  DE  L'ÉTAT  ECCLÉSIASTIQJUE  ET  DU  MONASTIQUE. 


5TJ 


conservent  entre  eux  des  rapports  et  des  cor- 
respondances admirables  pour  leur  gloire  et 
leur  conservation  commune. 

Olhon,  évêque  de  Freisingen,  a  cru  que 
c'était  celle  foule  d'ordres  monastiques  et  de 
saints  religieux,  qui  anvlail  les  traits  de  la 
colère  de  Dieu  si  justement  irritée  contre  le 
débordement  de  tant  de  crimes  par  tonte  la 
terre.  «  Ex  peceatorum  nostrorum  multitudine 
liand  din  stare  posse  miindnin  putarennis,  nisi 


sauctorum  merilis  verae  civitatis  Dei  civium, 
quorum  in  ti>t<>  orbe  copiosa  varie  et  pulchre 
distincta  Qorerent  collegifi,  suslentaretur.  l>i- 
versos  religiosorum  ordines,  quorum,  ut  di\i, 
sanctitate  a  nnseiieordissiino  judice  malignitas 
niiiihli  suppoftaretur,  silentio  prœterire  incon- 
gruum  arbitramur  ;  ut  tantôrum  malorum 
turbulentiao,  clarorum  virorum  gesta  insignia 
inelani  et  articulum  ponainns  (Chron.,  I.  vil, 
c.  34).  (1)» 


(1)  Rien  ne  sera  plus  capable  de  faire  toucher  du  doigt  l'alliance 
de  Pétat  ecclésiastique  et  du  monastique,  que  Thomassin  a  dévelop- 
pée et  suivie  si  savamment,  rçu<  le  relevé  suivant,  qui  nous  ;i  c<  ûtté 
d'immenses  recherches.  Voici  donc,  à  travers  les  âges  de  l'Eglise,  la 
nomenclature  des  papes  qui  ont  appartenu  aux  instituts  religieux.  A 
Lion  de  ceux  qui  sont  connus  de  tout  le  monde  pour  avoir  été 
moines  ,  nous  joindrons  les  autorités.  L'armée  est  celle  de  leur 
mort. 

Saint  Téleephore,  139,  anachorète  (Anast.  BibL,  T,  col.  183). 

Saint  Denis,  269,  moine  (/<*.,  col.  133  et  131). 

Saint  Grégoire  le  Grand,  604,  bénédictin  (Ciacc,  Eist.  Pont.). 

Saint  Adéodat,  67G,  moine  du  monastère  de  Saint-Erasme,  au  mont 
Cœiius  [Prèf.  d'Anast.t  col.  91). 

Saint  Agathon,  682,  moine  du  couvent  de  Saint-Equitius  [Ciacc., 
Anast.). 

Saint  Léon  II,  683,  chanoine  régulier  (Ciacc). 

Benoit  II,  685,  chanoine  régulier  de  Latran  (ld.). 

Sergius  I^r,  701,  chanoine  régulier  [Itl.). 

Saint  Grégoire  II,  731,  bénédictin  (ld.). 

Saint  Grégoire  111,711,  bénédictin  (ld.). 

Saint  Zachane,  752,  abbé  du  monastère  de  Saint-Chrysogone,  à 
Rome  [Luitpr.,  col.  1077  . 

Etienne  IV,  772,  bénédictin,  abbé  de  Saint-Chrysogone  [Anast., 
col.  1150). 

Pascal  Ier}  821,  bénédictin,  abbé  du  monastère  de  Saînt-Elienne, 
près  Saint-Pierre  (Anast.). 

Eugène  II,  827,  chanoine  régulier  (Ciacc. j. 

Grégoire  IV,  814,  bénédictin  [ld.). 

Sergius  II,  817,  chanoine  régulier  [ld.). 

Léon  IV,  855,  bénédictin  du  monastère  de  Saint-Martin,  prés 
Saint-Pierre  (Anast.). 

Formose,  896,  chanoine  régulier  (ld.). 

Jean  IX,  900,  bénédictin  {Ciacc). 

Benoit  IV,  903,  chanoine  régulier  de  Latran  (ld.). 

Léon  V,  903,  bénédictin  (ld.). 

Landus,  911,  chanoine  régulier  de  Latran  (ld.). 

Léon  VII,  939,  bénédictin.  Il  l'atteste  lui-même  dans  une  de  ses 
ettres  (Patrol.  de  Migne,  t.  cxxxn,  col.  1017). 

Sylvestre  II,  1003,  bénédictin. 

Sergius  IV,  1012,  bénédictin  [Ciacc). 

Clément  11,  10 16,  bénédictin  (Dom  Gaetani ,  pre'f.  à  Saint  Pierre 
Dantien,  patrol.,  t.  extv  . 

Saint  Léon  IX,  1054,  bénédictin  (S.  Pet.  Dam.  I,  col.  179). 

Etienne  X,  1058,  bénédictin,  abbé  du  Mont-Cassin  (Bossi,  Stor. 
d'Ital.,  xtv,  p.  277). 

Alexandre  II,  1073,  chanoine  régulier  (Ciacc). 

Saint  Grégoire  Vil,  1085,  bénédictin. 

Victor  III,  1087,  bénédictin  (S.  Pet.  Dam.,  t.  il,  col.  C87,  Aligne). 


Urbain  II,  1095,  bénédictin  [S.  Pet.  Dam.,  col.  B67). 

I  11,  llin.  bénédictin  [S.  Pet.  Dam.  H,  col.  867  . 
Gélase  il,  1119,  bénédictin  [Ciacc). 
Innocent  11,  1113,  chanoine  régulier  de  Latran  (ld.). 
Lucius   II,   1145,  chanoine  régulier   de    la    basilique   de   Sainte- 
Croix  [id.).    . 

Eugène  III,  1153,  cistercien,  disciple  de  saint  Bernard. 

Anasta<-e    III,  1153,  chanoine  régulier  de  Saint-Ituf  (Bétyot). 

Adrien  IV,  1159,  chanoine  régulier  de  Saint- Ruf,  près  d'Avi- 
gnon (ld.). 

Lucius  III,  1185,  chanoine  régulier  de  Latran  (Ciacc). 

Grégoire  VIII,  1187,  cistercien  d'après  dom  Lenain,  (Bist.  de  Ci- 
teaux,  vu,  p.  325  ;  prémonlré  d'après  Hurter,  inst.  de  VEgL,\\% 
p.  173,  suivi  par  Lequeux,  anttq.  relig.  de  Soissons  et  de  Laon,  il, 
p.  B3  . 

Clément  III,  1191,  chanoine  régulier  de  Latran  (d'arc). 

Célestin  IV,  1212,  cistercien  de  l'abbaye  de  Hautecombe  en  Sa- 
voie (Dom  Guéranger,  saint  Louis  et  la  papauté). 

Urbain  IV,  1261,  cistercien  (Béraud,  Bist.  des  comtes  de  Cham- 
pagne, il,  p.  91). 

Innocent  V,  1276,  dominicain  (Eêlyot  et  autres). 

Nicolas  IV,  1292,  franciscain  [Wading.  ann.  ord.  S.  Franc). 

Saint  Célestin  V,  1294,  célestin. 

Benoît  XI,  1304,  dominicain  {Baron.,  Ann.  Kcrl.). 

Benoît  XII,  1312,  cistercien  (Baluze). 

Clément  VI,  1352,  bénédictin  (ld.). 

Urbain  V,  1372,  bénédictin  de  l'abbaye  de  Saint-Victor  de  Mar- 
seille (W.). 

Alexandre  V,  1 110,  franciscain  [Ann.  Eccl.). 

Eugène  IV,  1147,  chanoine  régulier  des  Célestes,  à  Venise  (Opéra 
D.   Barthol.  a  Martyr.). 

Sixte  IV,  1181,  franciscain. 

Jules  II,  1513,  chanoine  régulier  de  Saint-Ruf  (Allié,  Eist.  de 
Lérins,  i,  352). 

Paul  IV,  1559,  tbéatin. 

Saint  Pie  V,  1572,  dominicain. 

Sixte -QuiDt,  1590,  franciscain. 

Benoit  XIU,  1730,  dominicain. 

Clément  XIV,  1774,  cordelier  du  couvent  des  Saints-ApOtres,  à 
Rome. 

Pie  VII,  1823,  bénédictin  de  l'abbaye  de  Saint-Paul,  à  Rome. 

Grégoire  XVI,  1846,  camaldule  de  l'abbaye  de  Saint- Grégoire,  à 
Rome. 

Peut-être  avons-nous  fait  quelques  omissions,  mais  nous  croyons 
qu'elles  sont  rares.  Dom  Gaetani,  dans  son  épitre  dédicatoire  à  Paul  V, 
pour  l'édition  des  œuvres  de  saint  Pierre  Damien,  ne  craint  pas  d'af- 
firmer que  tous  les  papes,  jusqu'en  1114,  ont  été  béné.lictins. 

(Dr  ANDRÉ.) 


lu.  —  Tome  11. 


37 


DES  CONGREGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-NEUVIÈME. 


CHAPITRE  DIX-NEUVIEME. 


LA   SUCCESSION    RFXIPROQUE    DES   MOINES    Al  X    CHANOINES,    ET    DES   CHANOINES   AUX    MOINES, 

SOUS   l'empire  DE   CHARLEMAGNE. 


I.  Exemples  de  la  succession  des  moines  aux  chanoines  in- 
corrigibles. 

II,  III.  Autres  exemples  en  France. 

IV.  Et  en  Angleterre. 

V.  Suite  de  ces  exemples  en  Angleterre. 

VI.  Toutes  les  cathédrales  d'Angleterre  virent  des  moines 
dans  leurs  chapitres,  au  lieu  des  chanoines  qui  avaient  eux- 
mêmes  succédé  à  des  moines,   et  ces  moines  à  des  chanoines. 

VII.  Par  quels  degrés  d'autorité  se  faisaient  ces  change- 
ments. 

VIII.  Eu  Allemagne  et  en  Italie  les  chanoines  substitués  aux 
moines. 

IX.  Des  chanoines  de  saint  Augustin. 

X.  Plusieurs  aimeraient  mieux  se  soumettre  à  la  règle  des 
moines  qu'à  celle  des  chanoines. 

I.  La  succession  réciproque  des  chanoines 
aux  moines  et  des  moines  aux  clianoiues,  ébau- 
chée dans  les  précédents  chapitres  ,  mérite 
encore  quelques  éclaircissements  qui  ont  été 
réservés  pour  celui-ci. 

Adalbéron,  évèque  de  Metz,  après  avoir  souf- 
fert avec  beaucoup  de  patience  les  effroyables 
dérèglements  des  chanoines  de  Saint-Aruould, 
de  Metz,  après  des  avertissements  et  des  mena- 
ces ,  les  ayant  reconnus  entièrement  incorri- 
bles;  «  ut  qui  illorum  mores  et  vilam  incorri- 
gibilem  noveram,  »  enfin  il  les  chassa  et  mit 
des  moines  en  leur  place,  ayant  pris  l'avis  de 
son  clergé,  des  abbés  et  des  laïques  même. 
«  Denique  consultu  nostroruni  clerieorum, 
scilicet  abbatum  utriusque  ordinis,  atque  fide- 
liuin  luicorum,  praefecimus  ibi  abbatem, cujus 
institutionibus  in  reliquum  adventantes  inibi, 
online  monastico  erudirentur  (Concil.  Gall., 
loin,  m,  p.  §82).  »  Le  roi  Odon  et  toute  l'église 
de  Metz  y  donna  son  consentement.  «  Cum 
consensu  ducis  nostri  Odonis  totiusque  nostraj 
ecclesiœ.  » 

Adalbéron,  qui  fut  parent  et  disciple  du  pre- 
mier Adalbéron,  étant  archevêque  de  Reims, 
lit  confirmer  par  un  concile  d'évêques  (An.  983. 
Ibidem,  p.  598),  un  semblable  changement, 
qu'il  avait  fait  dans  l'abbaye  de  Mosom,  où  il 
substitua  de  saints  moines,  à  des  chanoines 
scandaleux,    comme    ces    mêmes    chanoines 


avaient  autrefois  succédé  à  des  religieuses  qui 
y  avaient  été  premièrement  établies. 

«  111e  Mosomi  cœnobialis  locus,  ab  exordio 
sanctimonialium  vitœ  aptatus,  postmodum 
vero  canonicorum  ordine  ab  Heriveo  praede- 
cessore  nostro  inelius  informatus,  sed  nefandis 
usibus  utrobique  negligenter  incultus,  etc. 
Quo  comperlo,  abhibito  lidelium  nostroruni 
diligenti consilio,  liquido  perpendens  eumdem 
locuin  in  canonicali  ordine  stare  non  posse, 
ibidem  monasticoj  religionis  vitani  ordinato 
abbate  conslitui.  » 

L'archevêque  Tilpin  de  Reims,  avait  aussi 
rétabli  des  moines  en  la  place  deschanoines  de 
l'abbaye  de  saint  Rémi  de  Reims  :  «  In  cœnobio 
denique  sancti  Remigii  monachos  ordinasse, 
ac  monastica  vita  eos  tradilurinstituisse  ;  cum 
canonicos  pritis  idem  cœnobiuni  à  tempore 
Gibehardi  abbalis,  qui  eanidem  eongregatio- 
nem  ob  amorein  Dei  et  sancti  Remigii  reperitur 
adgregasse,  ad  hoc  usque  tempus  habuisse 
feratur  (Flodoard.,  1.  n,  c.  17).  » 

Flodoard  ne  rapporte  cela  que  sur  le  bruit 
commun,  ainsi  il  n'y  a  pas  une  entière  certi- 
tude que  l'abbaye  de  saint  Rémi  de  Reims,  ait 
été  premièrement  fondée  pour  des  chanoines, 
auxquels  il  est  certain  que  Tilpin  fit  succéder 
des  moines. 

11.  On  pourrait  s'imaginer  qu'il  était  déjà 
arrivé  à  l'abbaye  de  saint  Rémi,  un  même 
changement  que  celui  qui  arriva  depuis  à 
celle  de  son  fameux  disciple  saint  Thierry.  Car 
Flodoard  dit  qu'en  son  temps  les  clercs  avaient 
pris  la  place  des  moines  dans  la  célèbre  abbaye 
de  saint  Thierry.  «  Horum  denique  beatoiuin 
monasteriiini  patrum,  pro  monachis  modo  cle- 
ricos  habet  (L.  i,  c.  25).  »  Mais  une  vieille 
chronique  dit  que  l'archevêque  de  Reims  Adal- 
béron chassa  les  chanoines  de  cette  abbaye,  et 
y  mit  des  moines.  «  Canonicos  e  loco  ejieiens, 
monachos  restituit  (Du  Chesne,  t.  ni,  p.  438).  » 

Le  même  Flodoard  raconte  dans  sa  chroni- 


LA  SUCCESSION  RÉCIPROQUE  1>LS  MOINES,  etc. 


519 


que,  comment  Alton),  archevêque  de  Reims,  fit 
sortir  les  eci  lésiasliques  du  monastère  de  saint 
Basole.  el  y  ut  entrer  îles  moines.  «  Monachos 
niittit.  ex  pulsis  clericis  qui  serviebant  ilii.  « 

Hugues  Capet,  avanl  de  parvenir  a  la  cou- 
ronne, n'étant  encore  que  du<  <li  s  Français, 
tit  transporter  avec  pompe  dans  l'église  de 
saiul  Barthélémy,  qui  était  alors  desservie  par 
des  chanoines,  les  sacrés  corps  des  saints  pré- 
lats Samson,  Magloire,  Macut,  Sénateur,  parce 
que  c'était  la  chapelle  royale,  a  II  in  regali 
capella,  etc.  In  qua  canonicorum  ordo  divi- 
num  celebrabat  officium  (Anno952.  DuCbesne, 
t.  il,  p.  618  .  »  Mais  ce  même  duc  augmenta 
ensuite  cette  église  et  la  taisant  dédier  sous  les 
noms  de  saint  Barthélémy  et  de  saint  Magloire, 
il  en  donna  l'administration  a  des  moines, 
avec  pouvoir  d'élire  toujours  un  abbé  de  leur 
corps  :  «  In  qua  etiam  monachos  ad  divinum 
officium  peragendum  instituit,  quibus  semper 
abbatem  ex  propria  congregalione  praeesse, 
tam  regali,  quam  sacerdotali  autoritate  stabi- 
livit  (Idem,  t.  ni,  p.  31-2).  » 

Son  fils,  le  roi  Robert,  arrêta  à  Orléans  ceux 
qui  voulaient  transporter  en  Bretagne  la  plus 
grande  partie  du  corps  de  saint  Samson,  el  tit 
mettre  ce  sacré  dépôt  dans  l'église  de  Saint- 
Symphorien  (Ibidem,  p.  345,  346).  Enfin,  ce 
même  roi  donna  et  assujélit  à  son  abbaye  de 
Saint-Magloire,  de  Paris,  l'église  consacrée  en 
l'honneur  du  même  saint  dans  le  pays  de  Léon, 
en  Bretagne. 

Une  autre  chronique  remarque  que  Sal- 
vator,  évêque  d'Aleth,  c'est-à-dire  de  Saint- 
Malo,  en  Bretagne,  n'avait  porté  à  Paris  que  la 
moitié  du  corps  de  saint  Samson  avec  le  corps 
entier  de  saint  Magloire  (Ibid.,  349  . 

On  peut,  après  cela,  aisément  concilier  les 
prétentions  de  ceux  d'Orléans  et  du  prieuré  de 
Saint-Sauve,  a  Montreuil  en  Ponthieu,  qui 
pensent  avoir  le  corps  de  saint  Samson,  aussi 
bien  que  l'abbaye  de  Saint-Magloire,  à  Paris. 
Cette  digression  m'est  pardonnable. 

111.  L'empereur  Louis  le  Débonnaire  avait 
aussi  substitué  des  moines  en  la  place  des  cha- 
noines de  la  Celle .  c'est-à-dire  de  l'abbaye 
d'Andaye  :  «Cella  vocata  Andagium,  quae  olim 
inh  ibitatoribus  ordinis  canonici  tloruit,  etc. 
Monachos  incolas  loci  illius  esse  voluit  (Ibid., 
p.  394  .  » 

La  chronique  de  saint  Vandrille  raconte 
comme  le  duc  de  Normandie  transféra  l'abbé 
Mainard  de  l'abbaye  de  Saint-Vandrille  à  celle 


de  Saint-Michel-du-Mont,  dont  il  chassa  1rs 
chanoines  [Spicilegii,  tom.  m.  p.  -J'>(>  . 

La  chronique  de  l'abbaye  de  Senone  l'ail  loi 
qu'un  duc  de  Lorraine  chassa  les  moines  pour 
établir  des  chanoines  séculiers  :  «  Canonicos 
sseculares;  »  mais  qu'un  de  ses  successeurs, 
plus  religieux  que  lui.  y  rétablit  soixante-dix 
ans  après  les  moines,  qui  en  avaient  ete  les 
premiers  possesseurs   Ibid.,  p.  300). 

IV.  Si,  dans  l'Angleterre,  on  commença  plus 
tard  à  subroger  les  moines  aux  clercs  dans  les 
églises  cathédrales  et  collégiales,  on  le  fit  aussi 
avec  une  ferveur  et  une  vitesse  incroyables. 

Saint  Dunstan,  archevêque  de  Cantorbéry, 
ne  pouvant  plus  souffrir  la  scandaleuse  incon- 
tinence des  chanoines  et  des  curés,  obtint  du 
pape  Jean  XIII  et  du  roi  un  pouvoir  général 
de  chasser  tous  les  chanoines  incontinents,  et 
d'établir  en  leur  place  des  moines. 

«  Ordo  clericalis  ea  tempestate  plurimuni 
erat  corruptus,  et  canonici  cum  presbyteris 
plebium  voluptatibus  carnis  plus  œquo  inser- 
viebant.  Quod  maluin  Dunstanus  corrigere 
cupiens,  autoritate  Joannis  ApostoHcœ  Sedis 
antislitis,  apud  regem  obtinuit,  quatenus  cano- 
nici, qui  caste  vivere  nollent,  Ecclesiis  quas 
tenebant .  depellerentur  ;  et  monaclii  loco 
eorum  intromitterentur  (An.  970,  Osbertus  in 
vita  Dunst..  die  19  Maii,  c.  xxxviu).  » 

Saint  Osval,  évêque  de  Worcester,  avait  déjà 
commencé  cette  sainte  et  nécessaire  réforme 
par  un  artifice  aussi  ingénieux  que  charitable. 
Ne  pouvant  user  de  son  autorité  avec  succès 
sur  ses  chanoines,  qui  étaient  des  plus  illustres 
familles  et  qu'il  ne  pouvait  chasser,  il  fit  bâtir 
auprès  de  son  église  cathédrale  une  autre 
église  de  la  Sainte-Vierge,  où  il  commença  à 
célébrer  les  divins  offices  avec  un  nombre  suf- 
fisant de  moines.  La  piété  de  ce  saint  prélat  et 
la  vie  exemplaire  de  ses  religieux  achevèrent 
bientôt  de  discréditer  les  chanoines;  quelques- 
uns  d'entre  eux  embrassèrent  la  même  profes- 
sion monastique;  enfin  le  nombre  des  autres 
diminua  si  fort  en  peu  de  temps ,  que  cette 
nouvelle  église  se  trouva  bientôt  être  la  cathé- 
drale. 

«  Quia  clericos  nec  a  pravitate  convertere, 
nec  inde.eoquod  nobilesapud  sa?culum,  atque 
potentes  erant.  quivit  eliminare,  construxit 
ecclesiae  contiguain  ecclesiam,  in  qua  ipse  cum 
monachis,  quos  se  proposuerat  adunaturum. 
Christo  serviret.  Religio  itaque  monachorum 
contemptum  clericis  peperit,  et  vulgi  conven- 


580 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  DIX-NEUVIÈME. 


tumab  eis  alienatum  si l>î  assiduum  fecit.  Quid 
plura?  Numerus  clericorum  passim  minuitur, 
monachorum  conventus  in  dies  augetur.  Qui- 
dam insuper  ex  ipsis  clericis  conversi,  numéro 
illorum  additi  sunt.  Hoc  modo  Sedes  Pontifi- 
calis  mutata  est  in  ecclesiam  I».  Maria?  semper 
virginis  (Ibid.,  c.  xxvn).  » 

V.  Mais  après  que  saint  Dustan  eût  pro- 
nonce n  l  ;»ii  «  •  t  irrévocable  contre  les  chanoi- 
nes incontinents,  Athelvold,  évêque  de  Win- 
chester, fid  le  premier  qui  signala  son  zèle 
pour  le  faire  exécuter  dans  son  chapitre.  Il  fit 
faire  un  grand  nombre  d'habillements  monas- 
tiques, et  les  ayant  fait  apporter  dans  le  chœur 
après  la  messe,  il  annonça  à  ses  chanoines  in- 
corrigibles, l'inévitable  nécessité  ou  de  quitter 
leurs  bénéfices,  ou  de  prendre  cet  habit  de 
religion.  «  Paratis  complurimis  monachorum 
cucullis,  etc.  Aul  disciplinai]]  in  pnesenti  ap- 
prehendetis.  aut  loci  istius  beneficiis  hinc  eli- 
minati  cedetis(An.975).  »  Les  uns  se  résolurent 
généreusement  a  la  vie  religieuse,  les  autres 
quittant  l'Eglise,  recoururent  à  la  protection 
du  roi  qui  convoqua  le  concile  de  Winchester, 
avec  L'archevêque  Dunstan  (Ibid.,  c.  xxxix). 
L'archevêque  demeura  inflexible,  mais  ayant 
de  la  peine  a  résister  aux  prières  du  roi  qui 
s'était  laissé  loucher  de  compassion,  une  \oix 
du  ciel  termina  la  contestation,  prononçant 
qu'un  ne  pouvait  changer  sans  une  injustice 
évidente,  ce  qui  avait  été  ordonné  avec  tant  de 
justice.  «  Tune  subito  crucilixi  Dei  imago , 
signo  crucis  in  edito  douais  aflixa,  audientibus 
cunctis  dixit  :  non  liet,  non  fief,  jmlicastis  bene, 
mutaretis  non  bene.  » 

Les  enfants  malheureux  de  ces  pères  impies, 
renouvelèrent  quelque  temps  après  leurs  pré- 
tentions dans  le  synode  de  Gaine,  où  la  fermeté 
inexorable  de  Dunslan  leur  ferma  encore  la 
bouche,  et  la  chute  miraculeuse  du  plancher 
sur  lequel  ils  étaient,  mit  lin  à  toutes  ces  dis- 
putes. 

En  peu  d'années,  on  fonda  en  Angleterre 
qiiaranic-huit  monastères  en  partie  sur  les 
ruines  des  chapitres  des  chanoines  abolis.  «  Et 
alii  pluies  cleriei  horuni  siiuilcs,  desuisEccle- 
siis  ejecti  sunt,  et  inonachi  in  eorum  locuin 
siibstituti.  Aucta  est  igitur  religio  per  Angliam 
in  lanluin,  ut  quadraginta  et  octo  monasteria 
monachis  vel  sanctimonialibus  instituerentur, 
cooperantibus  Dunstano  ,  Osvaldo  et  Atlicl- 
voldo   An.  '.t7(.t;  ibid.,  c.  cnvin).  » 

M.    Le    nombre  des  évèchés  d'Angleterre 


étant  assez  petit,  on  ne  peut  douter  que  ce 
nombre  de  quarante-huit  monastères  nouvel- 
lement établis,  ne  comprît  les  chapitres  de  plu- 
sieurs églises  cathédrales. 

II  y  a  aussi  peu  de  fondement  de  douter  que 
la  plus  grande  partie  de  ces  chapitres  n'eussent 
été  composés  de  religieux,  depuis  qu'Augustin, 
apôtre  d'Angleterre,  donna  comme  une  seconde 
naissance  a  toute  l'Eglise  de  cette  grande  île. 
Etant  religieux,  et  n'étant  accompagné  «pie  de 
religieux,  il  est  bien  plus  probable  qu'il  établit 
la  vie  commune  et  religieuse  dans  le  clergé  de 
toutes  les  cathédrales.  Ainsi ,  ce  fut  comme 
une  révolution  ou  une  circulation  perpétuelle 
et  alternative  de  l'état  clérical  et  de  l'état  mo- 
nastique dans  les  chapitres.  Car  la  première 
fondation  des  églises  se  fit  par  des  ecclésias- 
tiques. 

La  renaissance  de  ces  mêmes  églises  sous  le 
moine  Augustin,  se  fit  par  des  moines.  Le  relâ- 
chement des  siècles  suivants  avait  insensible- 
ment métamorphosé  ces  moines  en  chanoines; 
l'impureté  scandaleuse  des  chanoines  y  fit 
rappeler  les  moines,  comme  nous  venons  de 
voir,  et  nous  verrons  ci-après  comment  les 
moines  laissèrent  enfin  la  place  aux  cha- 
noines. 

Il  est  rapporté  dans  la  vie  de  saint  Snvihert, 
comment  le  saint  archevêque  d'York,  Eghert, 
le  lit  chanoine  de  son  église,  où  l'on  imitait 
d'assez  près  les  moines.  «  lllum  canonicum 
ordinans,  etc.  In  quo  conventu  tam  stricte 
monaslicis  se  disciplinis  mancipavit,  etc.  (Su- 
rins, die  I  Marti i,  c.  iv).  » 

Ces  chanoines  retenaient  encore  les  pratiques 
des  anciens  religieux,  et  faisaient  comme  un 
mélange  de  la  vie  des  moines  et  de  celle  des 
ecclésiastiques,  ce  qui  était  comme  un  milieu 
pour  passer  d'une  extrémité  à  l'autre. 

VIL  L'auteurde  la  vie  de  saint  Osvald  raconte 
plus  précisément  par  quels  degrés  d'autorité  il 
fallut  mettre  à  exécution  ces  réformes  de  cha- 
pitres. Le  roi,  le  pape,  l'archevêque,  le  concile 
national  concoururent  à  une  même  fin  et  les 
évêques  furent  exécuteurs. 

«  Auctoritate  Joannis  papae  Dunstanus  archie- 
piscopus  coacto  generali  concilio ,  statuit  ut 
canonici  omnes,  presbyteri,  diaconi,  subdia- 
coni ,  aut  caste  viverent,  aut  Ecclesias  quas 
tenebant,  dimitterent.  Habebat  autem  regem 
Edgarum  bac  in  re  fidelem  adjutorem,  etegre- 
gium  delensorein.  Poi  rohujusdecreti  executio 
demandata  est  Osvaldo  Vigorniensi,  et  Ethelu- 


LA  SUCCESSION  RÉCIPROQUE  DES  MOINES,  etc. 


581 


voldo   Vintoniensi  episcopis   (Apud  Surium , 
Octob.  die  15).  » 

VIII.  L'auteur  de  la  vie  de  sainl  Meinvert, 
évêque  de  Paderborn  ,  propose  encore  uri 
exemple  de  ce  mélange  dont  nous  avons  parle, 
de  moines  et  de  chanoines  dans  un  même  cha- 
pitre, dans  l'église  de  Brème.  L'archevêque 
Lubentius  n'y  agréant  pas  cette  contusion  de 
deux  professions  différentes,  acheva  d'éteindre 
ce  qui  restait  de  la  discipline  monastique. 
«  Primus  omnium  congregationem,  quae  antea 
quidem  mixta  ex  inonachis  et  canonicis  con- 
versatione  degebat ,  ad  canonicam  regulam 
traxil   Surius  Junii  die  v,  c.  2-2!.  » 

Voilà  comment  les  chanoines  ont  pris  quel- 
quefois naissance  dans  les  cathédrales  mêmes 
du  relâchement  des  anciens  moines.  Car  il  y 
avait  bien  plus  de  facilité  à  séculariser  des 
moines  débordés  qu'à  les  réformer. 

C'est  ce  que  dit  excellemment  Rathérius, 
évêque  de  Vérone,  lorsqu'il  substitua  des  clercs 
aux  moines  déhanchés  d'une  abbaye  de  sa 
dépendance.  «  Cum  perarduum  sit  monacho- 
rum  propositum,  et  talibus  ineonvenienlissi- 
muin  :  sicut  enim  monacho  nihil  sanctius,  ita 
nihil  est  hypocrita  sceleratius  :  relicto  impos- 
sibili,  ad  possibilia  me  conferre  operam  dedi 
(Spicileg.,  tom.  u,  pag.  2.'î(i).  » 

Ce  prélat  établit  donc  dans  ce  monastère  au 
lieu  des  moines,  trois  prêtres,  un  diacre,  un 
sous-diacre  et  quelques  petits  clercs,  afin  qu'on 
y  célébrât  tous  les  jours  la  sainte  messe  et  l'of- 
fice canonial  du  jour  tout  entier.  «  Ut  inibi 
nullo  die  missa  deesset,  liymnos  in  memoriam 
antiquae  consuetudinis,  in  iaudibus  matutinis, 
prima,  tertia,  sexta,  nona,  vespera  et  comple- 
torio,  quae  omnia  ad  horam  debitam  exbiberi 
decrevi,  cantarent.  » 

J'ai  remarqué  cela  en  passant,  pour  montrer 
qu'on  ne  laissait  pas  d'assujétir  un  fort  petit 
nom  lire  de  chanoines  au  chant  de  l'office  cano- 
nial tout  entier. 

I\.  La  chronique  de  l'abbaye  de  Senonc, 
parle  d'un  monastère  de  religieuses  dans  l'évê- 
ché  de  Toul,  où  en  leur  place  on  mit  des  reli- 
gieux bénédictins,  auxquels  enfin  succédèrent 
des  chanoines  de  saint  Augustin.  «  Ibidem  mo- 
nachos  instituit  episcopus  sub  norma  sancti 
Benedicti  ;  quibus  postea  indeexpulsis,  ordinis 
sancti  Augustini  canonici  ,  sicut  usque  nunc 
ibidem  permanent,  sunt  inthronizati  (Spicileg., 
tom.  in.  p.  2NÏ..  31  il.  » 

Voilà  la  première  mention  des  chanoines  de 


sainl  Augustin.  Cela  sérail  très-remarquable  si 
celle  chronique  était  d'une  autorité  ou  d'une 
antiquité  un  peu  moins  contestée.  Il  y  est  dit 
dans  la  suite  (An.  942)  que  Frédéric,  duc  de 
Lorraine,  avant  substitue  des  moines  a  des  cha- 
noines dans  une  de  ses  abbayes,  le  peu  de  salis- 
faction  qu'il  eut  des  moines,  l'obligea  peu  de 
temps  après,  d'y  rappeler  leschanoines.  «Quia 
facta  monachorum  satis  expertus  erat,  canoni- 
cos  saeculares  ibidem,  sicut  usque  adhuc  per- 
manent, instituit  (Pag.  309).  » 

X.  Quoique  ces  révolutions  semblent  avoir 
été  alternatives  ,  on  peut  dire  avec  vérité  que 
les  conciles,  les  papes,  les  grands  évêques 
et  les  princes  ont  été  plus  favorables  à  la  ré- 
formation qu'à  la  sécularisation  des  chapitres. 

Lors  même  que  Louis  le  Débonnaire  eùl  fait 
dresser  la  règle  des  chanoines  par  le  diacre 
Amalarius,  et  qu'il  l'eût  fait  canoniser,  pour 
ainsi  dire,  par  le  concile  national  d'Aix-la- 
Chapelle,  de  l'an  sic,  une  partie  desplus  célè- 
bres abbayes  .  où  la  vie  canoniale  s'était  intro- 
duite, aimèrent  mieux  rentrer  dans  leur  pre- 
mière origine  ,  qui  était  la  profession  monas- 
tique, que  d'embrasser  cette  nouvelle  règle  des 
chanoines. 

Le  moine Ademaren  parle  ainsi  :  «Anno  S10 
Ludovicus  jussit  lieri  regulam  canonicis,  excer- 
plani  de  diversis  Patrum  Scripturis,  decrevit- 
que  eain  observandam  a  canonicis.  Ut  sicut 
monacbi  respiciunt  ail  librum  regulae  sancti 
Benedicti,  sic perlegant  canonici  inter  se  librum 
vite  clericorum.  Quem  librum  Amalarius  dia- 
conus  ab  imperatore  jussus, collegitex  diversis 
doctorum  sentenliis.  Dédit  ei  imperator  eopiam 
librorum  de  palatio  suo  (Ademarus).  » 

Le  soin  que  prit  cet  empereur  d'envoyer 
cette  règle  dans  toutes  les  villes  épiscopales,  et 
dans  tous  les  monastères  des  chanoines  ,  «  Per 
omnes  civitates  et  monasteria  canonici  ordi- 
nis, n'empêcha  pas  que  l'abbaye  célèbre  de 
Lerrieres,  ne  quittât  la  profession d(  s  chanoines 
pour  reprendre  celle  des  moines. 

c'est  ce  qu'en  dit  Loup,  abbé  de  Ferrières  : 
«  Certe  Ferrariensis  monaslerii  quondam  no- 
l)i I is  abbas  et  presbyter  Sigulfus,  qui  usque  ad 
senium  canonico  habitu  laudabiliter  vixerat, 
sponte  se  potestate  exuit,  et  nostram  ,  hoc  est 
monachicam  religionem  assumpsit,  atque  do- 
uée diem  obiret ,  suo  passus  est  subjici  disci- 
pulo,  quem  ipsius  voluntate,  ac  fratrum  con- 
sensu ,  imperator  Ludovicus  memorato  loco 
abbatem  prœfecerat  (Epist.  xxix).  » 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME 


Huit  ans  seulement  après  la  mort  de  Louis 
le  Débonnaire,  les  chanoines  de  Saint-Martial 
de  Limoges  obtinrent  de  Charles  le  Chauve  le 
pouvoir  de  se  réformer  et  de  se  faire  moines  : 
«  Omnes  canonici  postraverunt  se  ad  pedes 
ejus ,   postulantes  dari  sibi  licentiam  se  fieri 


monachos  in  eodem  loeo.  Rex  vero  Deogratias 


agens  (Ademarus 


Le  savant  Hinemar  avait  été  chanoine  dans 
la  célèbre  abbaye  de  Saint-Denis,  et  enfin 
il  s'y  fit  moine  ,  quand  la  réforme  y  eut  été 
introduite  (Hinemar.,  ep.  xxvi.  ad  Nicol.  Pap.). 


CHAPITRE    VINGTIEME. 


OIE    TOI  TES   CES   CONGREGATIONS    DE    CHANOINES   NE    S  ENGAGEAIENT    POINT    A    LA    PAUVRETÉ 
VOLONTAIRE,    SOIS   L'EMPIRE    DE    CHARLEMAGNE. 


I.  t>  qui  a  été  proposé  se  prouve  par  la  règle  de  Crodo- 
gangus. 

II.  Autres  preuves  de  la  même  règle,  qui  permet  aux  cha- 
noines de  posséder  en  propre  leur  patrimoine  et  leurs  distri- 
butions. 

III.  Nouvelles  preuves  tirées  du  concile  d'Aix-la-Chapelle, 
qui  distingue  les  moines  des  chanoines  par  la  désappropriation. 

IV.  Explication  du  canon  de  ce  concile,  qni  semble  per- 
mettre aux  chanoines  propriétaires  de  prendre  leurs  distribu- 
tions. 

V.  Autres  preuves  du  même  concile. 
VJ   l 'reines  des  capitulaires. 

VII.  Les  chanoines  n'étaient  pas  nou  plus  obligés  à  la  sta- 
bilité. 

VIII  Ni.mrlli.  preuves  qui'  Puis  ces  chanoines  pouvaient 
être  propriétaires. 

IX.  De  là  vient  qu'on  ne  les  appela  jamais  chanoines  de  saint 
Augustin. 

X.  On  ne  les  appelait  peut-être  pas  encore  chanoines  ré- 
guliers. 


I.  Nous  sommes  enfin  parvenus  à  cette  ques- 
tion importante,  savoir  si  ces  congrégations 
ecclésiastiques ,  dont  nous  venons  de  parler, 
soit  dans  les  chapitresdes  cathédrales,  soit  dans 
lus  abbayes  particulières ,  joignaient  à  la  vie 
commune  le  dépouillement  de  tous  les  biens 
patrimoniaux,  et  la  profession  ou  le  vœu  de  la 
pauvreté  volontaire. 

Le  renoncement  volontaire  a  tous  les  biens 
de  la  terre  et  la  désappropriation  n'ont  jamais 
ete  une  loi  ou  une  obligation  précise  de  tons 
les  chanoines. 

La  règle  de  Crodogangus  en  fournitdes  preu- 
ves, qui  ne  semblent  pas  soutint'  de  réplique.  11 
y  est  ordonné,  que  si  l'on  donne  a  un  prêtre, 
ou  a  un  autre  ecclésiastique  quelque  somme 
d'argent,  ou  quelque  aumône,  pour  sa  messe 


ou  pour  la  confession ,  ou  pour  le  chant  des 
psaumes,  il  pourra  la  retenir  pour  son  utilité 
particulière,  et  en  faire  ce  qu'il  voudra.  Mais 
si  l'aumône  en  général  est  faite  pour  toute  la 
communauté,  aucun  particulier  ne  pourra  se 
l'approprier. 

a  Si  aliquis  uni  sacerdoti  pro  missa  sua,  vel 
pro  confessione,  aut  clerico  pro  psalmis  et 
hymnis  ,  seu  pro  seipso ,  vel  pro  quolibet  caro 
suo  .  aut  vivente  ,  aut  mortuo,  aliquid  in  elee- 
mosyna  dare  voluerit  ;  hoc  sacerdos  vel  défi- 
nis a  tribuente  accipiat,  et  exindequod voluerit 
faciat.  Si  autem  a  tribuente  ad  omnes  sacer- 
dotes  aliquid  in  eleemosynadatunifuerit,  banc 
eleemosynam  communem  habeant,  et  psalmo- 
diant vel  missas  pro  illo  miséricorde  faciant 
[Cap.  xlii).  » 

Il  ne  se  pouvait  rien  dire  de  plus  contraire 
a  la  désappropriation.  En  voici  une  autre 
preuve  ,  qui  n'est  pas  moins  convaincante.  La 
règle  expose  à  ceux  qui  ont  du  bien  en  parti- 
culier, soit  de  leur  patrimoine,  soit  des  fonds 
de  l'Eglise,  l'ancienne  obligation  que  les  saints 
Pères  leur  ont  proposée  .  de  ne  rien  recevoir 
des  distributions  qui  se  donnent  a  ceux  qui 
composent  la  communauté.  On  ne  défendait 
dune  pas  aux  chanoines  d'avoir  des  fonds  de 
l'Eglise  en  usufruit,  ou  des  terres  patrimoniales 
en  propriété. 

«  Sanctorum  Patrutu  sentenlis  docent,  cle- 
ricos  non  divitiarum  sectatores  esse,  nec  res 
Ecclesiarum  inofficiose  accipere  debere.  Inde 
dicil  Prosper  :  Oui  Ecelesiaj  serviunt,  et  ea  qui- 


DES  CONGRÉGATIONS  DE  CHANOINES,  etc. 


583 


bus  opus  non  habent ,  ant  libenter  accipiunl . 
aut  exigent,  nimis  carnaliter  sapiunt  (Ibidem, 

c.  IV).  » 

Nous  avons  déclaré  ailleurs,  que  saint  Pros- 
per.  ou  plutôt  Julien  Pomére,  parle  dans  cet 
ouvrage  des  clercs  propriétaires,  qui  pouvaient 
néanmoins  en  quelque  façon  s'égaler  à  la  Vertu 
et  au  mérite  des  pauvres  volontaires ,  en  ser- 
vant l'Eglise  gratuitement  et  en  abandonnant 
aux  pauvres  le  salaire  qu'ils  auraient  pu  atten- 
dre de  leur  travail. 

II.  La  règle  de  Crodogangus  continue  à  s'ex- 
pliquer encore  plus  nettement  sur  le  même 
sujet.  «  Hi  vero  qui  nec  suis  rébus  abundant , 
nec  Ecclesiae  babent  possessiones,  et  magnam 
utilitatem  Ecclesiae  conferunt,  accipient  in  ea- 
nonica  congregatione  victum  et  vestimentum 
et  eleemosynarum  partes  ,  quia  de  talibus  in 
libro  Prosperi  dicitur.  etc.  » 

Ce  sont  donc  les  véritables  pauvres  entre  les 
chanoines  a  qui  les  distributions  d'habits  et 
d'aliments  sont  justement  dues,  et  non  pas 
ceux  à  qui  leur  patrimoine  ou  leur  bénéfice 
fournit  suffisamment  pour  toute  leur  dépense. 

11  y  avait  un  fondement  encore  bien  plus 
raisonnable  de  se  plaindre  de  la  sordide  avarice 
de  ceux  qui ,  possédant  d'ailleurs  de  grands 
biens  et  ne  rendant  aucun  service  à  l'église. 
ne  laissaient  pas  de  recevoir  des  distributions 
plus  grandes  que  les  autres  qui  étaient  pauvres 
et  qui  travaillaient  avec  un  zèle  infatigable 
pour  l'Eglise.  Ce  désordre  était  fort  ordinaire, 
ainsi  la  pauvreté  volontaire  n'était  de  nulle 
obligation  parmi  ces  chanoines. 

«  Solet  in  plerisque  canonicorum  congréga- 
tionibus  irrationabiliter  atque  indiscrète  tieii. 
ut  nonnulli  clerici,  qui  et  diviliis  aftluunt,  et 
aut  parum  aut  nihil  utilitatis  Ecclesiae  confe- 
runt, majorent  caeteris  divinum  strenue  pera- 
genlibus  officium ,  annonam  accipiant.  Cum 
hoc  ita  fieri  debere,  nunquam  nec  in  auctoritate 
Scripturarum  nec  in  traditionibus  patruin 
]iossit  inveniri  (Ibidem,  c.  7).  » 

III.  Mais  comme  on  pourrait  nous  répliquer 
que  la  règle  de  Crodogangus  ne  fut  jamais 
universelle  pour  tous  les  chanoines,  venons  à 
celle  du  concile  d'Aix-la-Chapelle,  de  l'an  810, 
que  Louis  le  Débonnaire  fit  dresser  générale- 
ment pour  tous  les  chapitres  et  pour  tous  les 
monastères  où  il  y  avait  des  chanoines. 

Il  faut  d'abord  remarquer  que  les  mêmes 
articles  et  les  mêmes  termes  que  nous  venons 
d'alléguer  de  Crodogangus  y  sont  renfermés. 


On  en  peut  donc  tirer  les  mêmes  pleines  en 
général,  pour  tous  les  chanoines  vivant  en 
communauté.  Mais  en  voici  encore  de  nouvelles 
et  de  plus  expresses. 

Ce  concile  déclare  en  termes  formels,  que  la 
différence  des  moines  et  des  chanoines  consiste 
principalement  en  ce  point,  que  les  chanoines 
peuvent  posséder  des  fonds  et  des  revenus  et 
par  conséquent  se  nourrir  et  se  vêtir  un  peu 
plus  commodément .  porter  du  linge,  manger 
de  la  viande  ;  ce  qui  n'est  pas  permis  aux 
moines. 

«  Quanquam  enim  canonicis.  quia  in  sacris 
canonibus  illis  prohibitum  non  legitur,  liceat 
liniim  induere,  carnibus  vesei,  dareetaccipere, 
proprias  res  et  Ecclesiae ,  cum  humilitate  et 
justifia  habere,  quod  monachis,  qui  secundum 
regularem  institutionem  ,  artiorem  ducunt 
vitam,  penitus  inhibitum  est  Concil.  Aquis- 
gran.,  c.  115).  » 

Ce  concile  ajoute  que  les  moines  ayant  re- 
noncé à  tout  ce  qu'ils  eussent  pu  posséder  en 
particulier,  ils  doivent  plus  abondamment  être 
assistés  dans  toutes  leurs  nécessités  que  les 
chanoines,  qui  jouissent  en  même  temps  de 
de  leurs  biens  propres  et  des  revenus  ecclé- 
siastiques. 

«  Et  quia  nihil  sibi  proprium  reliquerunt 
monachi .  manifestum  est  illos  copiosioribus 
Ecclesi;e  sumptibns,  quam  canonicos,  qui  suis 
et  Ecclesiœ  utuntur  rébus,  indigere.  Unusquis- 
que  enim,  ut  ait  Apostolus,  proprium  donum 
habet  a  Deo  (Ibidem  .  » 

IV.  Il  y  a  bien  un  chapitre  dans  ce  concile 
d'Aix-la-Chapelle  de  810  (Cap.  cxx),  qui  semble 
permettre  aux  chanoines  qui  ont  du  bien  en 
propre,  ou  des  bénéfices,  de  recevoir  encore  du 
chapitre  leurs  aliments  et  leurs  portions  des 
aumônes.  «  Proinde  qui  et  suas  et  Ecclesiœ 
habent  facilitâtes,  et  utilitatem  Ecclesiae  aut 
interius,  aut  exterius  conferunt,  accipiant  de 
congregatione  cibum  et  potum.  et  partes  elee- 
mosynarum. et  bis  contenti  sint,  ne  plus  acci- 
pientes,  pauperes  gravare  videantur.  » 

Mais  il  y  a  beaucoup  de  fondement  de  croire 
que  ce  texte  est  corrompu.  1°  C'est  un  sens  et 
un  règlement  tout  contraire  à  celui  de  la  règle 
de  Crodogangus,  dont  il  a  été  tiré. 

2°  II  n'est  pas  moins  contraire  à  l'autorité  et 
aux  paroles  formelles  de  saint  Prosper,  qui  y 
sont  alléguées  ensuite  comme  en  étant  le  fon- 
dement. «  Perpendentes  Prosperi  sententiam, 
qua  dicitur.  Qui  sua  possident,  et  dari  sibi  ah- 


584 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


quid  volunt,  sine  grandi  peccato  suo,  unde 
pauper  victurus  erat,  non  accipiunt.  » 

.'!"  .N'est-ce  pas  choquer  le  sens  commun  que 
d'exhorter  ceux  qui  ont  du  patrimoine  et  des 
fonds  même  de  l'Eglise,  de  se  contenter  de 
prendre  leur  nourriture  et  leurs  distributions 
en  argent  de  la  mense  commune,  et  de  ne  rien 
demander  davantage? 

4°  Dans  la  suite,  il  est  dit  que  ceux  qui  ren- 
dent des  services  considérables  à  l'Eglise,  et 
qui,  d'ailleurs,  ne  possèdent  chose  quelconque, 
doivent  recevoir  de  l'Eglise  leur  nourriture, 
leurs  habillements  et  leurs  portions  des  au- 
mônes. Ainsi,  ce  serait  comme  égaler  ceux  qui 
n'ont  rien  du  tout  à  ceux  qui  possèdent  beau- 
coup, et  leur  donner  un  droit  égal  aux  distri- 
butions de  l'Eglise.  Ce  qui  est  manifestement 
contre  l'intention  du  concile. 

5°  Il  est  vrai  que  ces  derniers  reçoivent  non- 
seulement  leur  nourriture,  mais  aussi  leurs 
habillements,  ce  qui  n'est  pas  exprimé  des 
premiers  qui  sont  riches.  Mais  il  est  difticile  de 
croire  que  ce  soit  en  ce  point  là  seulement  que 
le  concile  désire  que  les  chanoines  riches 
épargnent  la  mense  commune  qui  est  consa- 
crée aux  nécessités  des  pauvres. 

V.  Je  reviens  aux  preuves  de  l'état  de  ces 
chanoines  propriétaires.  En  voici  encore  une 
aussi  claire  que  les  précédentes,  tirée  du  cha- 
pitre h2-2  de  ce  concile  d'Aix-la-Chapelle,  de 
l'an  816. 

Il  ordonne  aux  chanoines  qui  possèdent 
des  biens  héréditaires  et  jouissent  outre 
cela  de  l'usufruit  de  quelques  terres  de 
l'Eglise,  d'ouvrir  les  trésors  de  leur  charité,  et 
de  les  répandre  sur  les  pauvres  au  temps  de 
famine  et  de  stérilité,  sans  qu'ils  puissent  pour 
cela  par  uni!  folle  présomption,  se  préférer  à 
ceux  que  l'Eglise  nourrit,  parce  qu'ils  sont 
vraiment  pauvres. 

«  Uni  vero  et  suis  et  Ecclesia!  abundant  ré- 
bus, instante  sterilitatis  lempore,  eis  quos  pau. 
peres  pascit  Ecclesia,  suis  facultatibus  cum 
caritate  et  humilitate  suffragari  procurent.  Non 
lamen  ob  id  se  superbiendo  extollant,  quia  si- 
cut  in  libre  Prosperi  legilur  :  Non  se  debent 
bujusmodi  inani  jactantia  pneferre  bis,  quos 
nihil  habentes  pascit  ac  vestit  Ecclesia  (Cap. 
r.xxu).  » 

VI.  Je  laisse  les  autres  arguments  qui  ont 
déjà  élé  cités  de  la  règle  de  CrodogangUS,  dont 
les  mêmes  termes  sont  insères  dans  ce  concile 
depuis  le  chapitre  115  jusqu'au  L2o. 


Le  concile  de  Vernon,  tenu  sous  le  roi  Pépin, 
l'an  755,  parlant  des  clercs  qui  possédaient  leurs 
biens  héréditaires,  «  Et  modo  res  eorum,  vel 
pecunias  habent,  »  leur  ordonne  bien  de  ren- 
trer dans  les  monastères  ou  dans  les  maisons 
des  évoques,  pour  y  vivre  en  congrégation  avec 
les  autres  sectateurs  de  leur  même  profession, 
mais  il  ne  leur  commande  point  de  renoncer 
à  tout  ce  qu'ils  possédaient,  avant  que  d'entrer 
dans  la  maison  ou  dans  la  congrégation  de 
l'évêque. 

Au  contraire,  il  y  a  un  article  des  capitu- 
laires  de  Charlemagne,  qui  suppose  évidem- 
ment qu'il  y  a  des  chanoines  qui  ont  des  bé- 
néfices, c'est-à-dire  des  fonds  de  l'Eglise  dont 
ils  doivent  retirer  tout  ce  qui  est  nécessaire 
pour  leur  entretien,  afin  de  soulager  la  con- 
grégation dont  les  revenus  sent  destinés  à  as- 
sister les  nécessiteux. 

«  Volumus  atque  praecipimus,  ut  sicut  syno- 
dali  atque  canonica  autoritate  a  pastoribus 
sanctee  Ecclesia;  saepissime  admoniti  sumus, 
ut  canonici  clerici,  qui  in  civitatibus,  vel  in 
monasteriis  degunt  ,  qui  bénéficia  habent , 
unde  vie  tu  m  et  vestimentum  habere  possunt, 
ut  his  juxla  Apostolum  eontonti  sint,  et  sti- 
pendia fratrum  ,  mule  pauperiores  et  ni  qui 
assidue  in  preedictis  locis  Domino  famulantes 
excubaul,  atque  ibi  assiduum  divinum  explens 
oflicium,  vitam  sustinent,  nequaquam  assu- 
mant, aut  in  suis  usibus  convertant.  Sciinus 
enim  quia  absque  periculo  atque  dispendio 
animarum  suarum  hoc  nullatenus  facere  pos- 
sunt.  Si  quis  luec  statuta  contempserit,  utrius- 
que  careat,  id  est,  et  beneficio  et  praebénda, 
atque  si  gradibus  fruitur  ecclesiasticis ,  ipsis 
privetur  (Addit.,  1.  m,  c.  7G).  » 

Ce  chapitre  semble  faire  allusion  au  concile 
d'Aix-la-Chapelle,  quand  il  y  est  dit  :  Si/nodnli 
(iittoritiite  admoniti  sumus.  Et  de  la  il  faut 
inférer  que  le  concile  d'Aix-la-Chapelle  n'a 
nullement  permis  aux  chanoines,  qui  ont  du 
bien  d'ailleurs,  de  recevoir  encore  leur  por- 
tion des  distributions  et  des  aumônes. 

Il  est  bien  vrai  que  ce  chapitre  ne  parle  que 
de  ceux  qui  ont  des  bénéfices  ecclésiastiques, 
mais  les  deux  chapitres  suivants  étendent  la 
même  obligation  sur  ceux  qui  n'ont  pas  re- 
noncé à  leur  patrimoine,  empruntant  les  ter- 
mes propres  de  saint  Prosper  :  «  Quod  habet 
Ecclesia,  cum  omnibus  nihil  habentibus  habet 
commune,  née  aliquid  inde  eis,  qui  sibi  de 
suo  suflicuml,  convenit  erogare.  Quando  nihil 


DES  CONCRECATIONS  DE  CHANOINES,  etc. 


58S 


aliml  sit  habentibus  dare,  quam  perdere.  Nec 

illi  (|iii  sua  possidentes,  dari  silli  aliquid  vo- 
tant, sine  grandi  peccato  suo,  1 1 1 1  <  1  < ■  pauper 
viclus  erat,  accipiunl  Ibid.,  c.  lxxvii,  lxxvii  i  .» 

Tous  les  chanoines  pouvaient  donc  avoir  des 
bénéfices  et  posséder  du  patrimoine. 

Vil.  Si  nous  passons  de  la  pauvreté  à  la  sta- 
bilité, nous  ne  trouverons  pas  qu'elle  lui  d'une 
obligation  plus  précise  pour  les  chanoines. 

Le  même  concile  d'Aix-la-Chapelle,  de  l'an- 
née 816,  blâme  la  conduite  ambitieuse  et  im- 
prudente de  quelques  évêques  qui  recevaient 
plus  de  chanoines  dans  leur  église  qu'ils  n'en 
pouvaient  entretenir.  D'où  il  arrivait  ensuite 
que  les  chanoines  n'étant  pas  assistés  dans 
leurs  nécessités,  sortaient  de  la  congrégation, 
cl  s'abandonnaient  à  des  dissolutions  scanda- 
leuses. «  Hi  taliter  adgregati ,  dum  a  praelatis 
stipendia  necessaria  non  accipiunt,  claustra 
societatemque  caeterorum  relinquentes,  effi- 
ciuntur  vagi,  et  lascivi,  gulœ  et  ebrietali  et 
caeteris  suis  voluptatibus  dediti  ;  quidquid  sibi 
libitum  est.  faciunt.  » 

On  ne  traite  point  d'apostats  ceux  qui  sont 
sortis  de  ces  communautés,  parce  quelles  sont 
libres  et  volontaires. 

Et  les  évêques  congédiaient  aussi  quelque- 
fois ceux  qu'ils  y  avaienl  reçus,  mais  ils  ne 
devaient  pas  le  taire  par  le  mouvement  seul 
d'une  sordide  avarice  :  «  Nec  eos  quos  ralio- 
nahiliter  gubernare  possunt,  causa  avaritiœ 
abjiciant  (Ibid.,  et  c.  cxixl.  »  C'est  pourquoi 
ce  même  concile  déteste  la  conduite  déraison- 
nable et  impérieuse  des  prélats  qui  ne  taisaient 
entrer  dans  leur  chapitre  que  les  esclaves  de 
leur  église,  afin  d'avoir  plus  de  liberté  de  les 
traiter  avec  empire,  et  de  les  priver  de  leurs 
distributions  ;  la  seule  crainte  d'être  encore 
traités  comme  des  serfs,  ou  d'être  même  ren- 
voyés dans  leur  premier  esclavage,  étant  ca- 
pable d'arrêter  toutes  les  plaintes  qu'ils  eussent 
pu  taire  d'un  traitement  si  injurieux,  m  Tiuien- 
tes  ne  aut  severissimis  verberibus  alticiantur, 
aui  humaine  servituti  denuo  crudeliter  addi- 
cantur.»  l>es  chanoines  qui  eussent  fait  profes- 
sion dans  une  religion  régulière  u'eussenl  pas 
même  pu  appréhender  d'être  renvoyés  dans 
les  chaînes  de  la  servitude. 

Nous  parlerons  dans  la  suite  des  chanoi- 
nesses,  dont  le  même  empereur  Louis  lit  dres- 
ser la  règle  par  le  même  concile  d'Aix-la-Cha- 
pelle :  et  nous  montrerons  par  les  termes 
formels  de  leurs  constitutions,  qu'on  ne  les 


obligeait  point  de  renoncer  a  leur  patrimoine. 
De  la  on  conclura  sans  peine  que  les  chanoines 
\  étaienl  encore  bien  moins  contraints. 

VIII.  (in  peu!  aussi  faire  quelque  réflexion 
sur  ce  que  les  évêques  de  ce  concile  disent 
dans  la  préface  que  l'empereur  les  a  exhortes 
a  faire  un  corps  des  ordonnances  el  des  règles 
de  s  chanoines,  qui  sont  répandues  dans  tous 
les  ouvrages  des  sainls  Pères  et  dans  les  ca- 
nons des  conciles.  «  Adjunxil  monendo,  ut 
quia  canonieorum  vita  sparsim  in  sacris  cano- 
nibus  et  in  sanctorum  Patrum  dictis  erat  in- 
dita  .  aliquam  ex  iisdem  sacris  canonibus  et 
sanctorum  Patrum  dictis  institutionis  Ibrmam 
excerperet,  etc.  »  Or  les  règles  de  la  vie  cléri- 
cale .  qui  sont  parsemées  dans  les  canons  et 
dans  les  saints  Pères,  n'imposent  aucune  obli- 
gation aux  ecclésiastiques,  ni  de  vivre  en  com- 
mun, ni  de  renoncer  a  ce  qu'on  a  de  propre. 

Pour  demeurer  pleinement  convaincu  de 
cette  vérité,  il  ne  faut  que  considérer  l'obli- 
gation indispensable  que  le  même  empereur 
imposa  a  tons  les  évêques  de  faire  observer 
celte  règle.  Formulam  canonicœ  institutionis, 
et  d'établir  la  vie  commune  dans  tous  leurs 
chapitres,  ne  leur  donnant  qu'une  année  pour 
exécuter  parfaitement  tout  ce  que  ce  concile 
avait  prescrit  Concil.  i.all.,  tom.  n,  p.  i-2<;  . 
Après  quoi  il  envoya  ses  intendants  pour  ob- 
server la  ponctualité  ou  la  négligence  de  cha- 
que évêque  a  obéira  une  ordonnance  si  sainte. 
»  lt  cum  nos  hujus  rei  gralia  inquirendse 
missos  nostros  per  imperium  nostrum  desli- 
naverimus,  etc.  »  Lt  il  déclara  qu'il  appellerai^ 
en  cour  les  évêques  négligents  pour  leur  faire 
souffrir  la  peine  qu'ils  méritaient  :  «  Quicum- 
que  ille  est,  ante  prœsentiam  noslram  venire 
festinet .  quatenus  a  nobis  juxta  quantitatem 
culpœ  digne  corrigatur.  »  Or  il  y  eut  eu  autant 
d'injustice  que  de  témérité  .  île  contraindre 
absolument  tous  les  ecclésiastiques  et  tous  les 
chanoines  au  renoncement  de  leur  patrimoine, 
a  la  désappropriation  entière,  a  la  stabilité  en 
une  congrégation. 

IX.  Apres  cela  on  comprendra  sans  peine  la 
raison  pour  laquelle  les  chanoines  dont  il  est 
traité  dans  les  conciles,  les  capitulaires  et  les 
règles  que  nous  venons  de  citer,  ne  sont  jamais 
appelés  chanoines  de  saint  Augustin.  On  n'a- 
vait garde  de  leur  donner  ce  nom. 

I"  Parce  que  la  congrégation  des  clercs  que 
saint  Augustin  assembla  dans  sa  maison  épis- 
i  opale,  faisait  une  profession  rigoureuse  de  la 


:m 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGTIÈME. 


pauvreté  volontaire,  comme  il  a  été  montré 
ailleurs ,  ce  qui  ne  convenait  pas  aux  cha- 
noines dont  nous  parlons  présentement. 

2°  Nous  venons  de  voir  que  la  règle  de  Cro- 
dogangus l'ut  compilée  des  canons,  des  écrits 
des  Pères  en  général,  et  surtout  de  la  règle 
de  saint  Benoît  qui  lui  a  servi  comme  de  mo- 
dèle. Ainsi  saint  Augustin  y  a  eu  très-peu  de 
part. 

3°  La  règle  du  concile  d'Aix-la-Chapelle 
(Conc.  Aquisg.,  C.  CXH)  qui  est  la  même  que 
celle  que  le  diacre  Amalarius  composa  et  que 
ce  concile  autorisa,  est  presque  la  même  que 
celle  de  Crodogangus.  Ainsi,  saint  Augustin  n'y 
a  rien  institué,  et  il  faudrait  plutôt  donner 
cette  gloire  à  saint  Benoît. 

4°  Et  l'empereur  et  le  concile  protestent  ou- 
vertement que  la  règle  doit  être  compilée  des 
canons  et  des  écrits  des  saints  Pères  en  général. 
En  effet,  saint  Jérôme,  saint  Prosper,  saint  Isi- 
dore, saint  Grégoire  le  Grand  y  sont  bien  plus 
souvent  allégués  que  saint  Augustin. 

5°  Il  est  vrai  que  les  sermons  de  saint  Augus- 
tin qui  contiennent  l'institution  de  son  sémi- 
naire, y  sont  insérés  et  que  la  désappropriation 
de  tous  les  membres  de  sa  sainte  société  y  est 
rapportée.  Mais  c'est  une  simple  allégation,  ou 
plutôt  une  narration  continue  de  ce  que  lit 
saint  Augustin,  sans  aucune  ordonnance  parti- 
culière du  concile  pour  rendre  cette  même 
pratique  universelle  dans  tout  le  clergé. 

6°  Au  contraire,  ces  sermons  de  saint  Augus- 
tin t'ont  voir  comment  lui-même  dans  la  plus 
grande  ferveur  de  son  zèle,  n'obligea  pourtant 
pas  tous  les  ecclésiastiques  a  vouer  la  pauvreté 
évangélique.  Mais,  laissant  en  leur  liberté  ceux 
qui  étaient  déjà  dans  la  cléricature,  il  réso- 
lut seulement  de  ne  donner  à  l'avenir  les 
ordres  qu'à  ceux  qui  se  dévoueraient  à  la  vie 
commune  avec  lui  et  à  la  désappropriation  de 
toutes  choses.  «  Ego  sum,  qui  statueram  nul- 
lum  ordinare  clericum,  nisi  qui  mecuin  vellet 
manere.  L't  si  vellet  discedere  a  proposito, 
recte  illi  tollerem  clericatum,  quia  desereret 
sancla;  societatis  promissum.  » 

7"  Mais,  dans  la  suite  du  temps  ce  saint  pré- 
lat jugea  plus  à  propos  de  laisser  jouir  de  la 
cléricature  ceux  qui  voudraient  conserver  la 


possession  de  leur  patrimoine.  «  Ecce  inuto 
consilium.  Oui  volunt  habere  aliquid  pro- 
prium,  quibus  non  sufficit  Deus  et  Ecclesia 
ejus,  maneant  ubi  volunt,  aut  ubi  possunt,  non 
eis  aufero  clericatum.  » 

Enfin,  rien  n'est  plus  clair  dans  ces  deux 
sermons  de  saint  Augustin  que  la  profession 
de  pauvreté  et  de  stabilité  que  saint  Augustin 
proposait  à  tous  les  ecclésiastiques  qui  embras- 
saient la  vie  commune  avec  lui  et  la  nécessité 
inviolable  de  garder  ce  qu'ils  auraient  promis 
à  Dieu.  Au  lieu  que  cette  désappropriation 
n'est  jamais  proposée,  bien  moins  imposée  aux 
ecclésiastiques,  dans  la  règle  de  Crodogangus, 
ou  dans  celle  du  concile  d'Aix-la-Chapelle. 

Il  est  donc  certain  que  toutes  ces  congréga- 
tions de  chanoines,  qui  donnèrent  tant  d'éclat 
au  siècle  de  Charlemagne,  soit  dans  les  cha- 
pitres des  églises  cathédrales,  soit  dans  les  mo- 
nastères particuliers  sous  les  abbés,  n'eurent 
jamais  aucune  attache  particulière  ni  à  la  règle 
ni  au  nom  de  saint  Augustin,  et  on  peut  dire 
même  qu'elles  n'observèrent  jamais  ce  qui 
était  le  plus  essentiel  dans  les  congrégations 
autrefois  établies  par  saint  Augustin  ,  qui  était 
la  désappropriation. 

Cela  se  peut  encore  confirmer  par  la  profes- 
sion ouverte  que  tous  les  moines  faisaient  en 
même  temps,  de  suivre  la  règle  de  saint  Benoit, 
comme  nous  dirons  dans  un  des  chapitres  sui- 
vants. Pourquoi  n'eùt-on  pas  dit  aussi  an  moins 
en  quelque  rencontre,  que  les  chanoines  com- 
battaient sous  la  règle,  ou  sous  les  auspices  de 
saint  Augustin.  Cependant  c'est  ce  qui  ne  se 
trouve  en  aucun  endroit. 

X.  Quant  au  titre  de  chanoines  réguliers ,  il 
n'était  pas  non  plus  en  usage.  Au  contraire,  la 
qualité  de  chanoines  séculiers  semble  leur  être 
donnée  dans  l'assemblée  des  abbés  et  des  moi- 
nes, que  le  même  empereur  Louis  le  Débon- 
naire convoqua  l'année  d'après  à  Aix-la-Cha- 
pelle. «  Ut  nullus  plebeius  ,  seu  clericus  saecu- 
laris  in  monasterio  ad  habitandum  reeipiatur 
nisi  voluerit  fieri  monachus  (Auno  817,  can. 
xlii  ).  » 

Ces  termes  de  Clerc  Séculier  comprennent 
tous  les  chanoines,  auxquels  il  n'est  pas  permis 
de  demeurer  parmi  les  moines. 


DES  CHANOINES  ET  DES  RELIGIEUX  PROPRIÉTAIRES. 


:>st 


CHAPITRE   VINGT-UNIEME. 


DES   CHASOINES   ET    DES    RELIGIEUX   PROPRIETAIRES,    APRES    LAN    MIL. 


Nécessité  de  traiter  cette  matière. 

II.  Peines  contre  les  moines  propriétaires. 

III.  Pierre  Damien  tâche  de  les  étendre  à  tous  les  chanoines. 

IV.  On  lui  oppose  la  règle  dressée  par  le  concile  d'Aix-la- 
Chapelle,  sous  Louis  le  Débonnaire,  et  il  s'emporte  contre  elle, 
n'en  connaissant  pas  les  auteurs. 

V.  Pierre  Damien  faisait  un  précepte  de  ce  que  les  papes  ne 
proposaient  que  comme  un  conseil. 

VI.  Commencement  de  la  règle  et  des  chanoines  réguliers  de 
saint  Augustin. 

VII.  Comment  les  moines  devinrent  propriétaires  ,  cl  quels 
remi  di  s  on  \  apporta. 

VIII.  Défenses  de  donner  des  obédiences  ou  des  petits  prieu- 
rés à  vie.  De  colorer  son  pécule  de  la  permission  de  l'abbé. 
De  donner  de  l'argent  aux  moines  pour  leurs  habits. 

1\.  Mauvaises  défaites  condamnées-  Sentiments  de  Gerson. 

X.  Règlements  du  concile  de  Trente  et  des  conciles  qui 
l'onl  suivi  sur  ce  sujet. 

XI.  Résolutions  de  la  congrégation  du  concile  contre  les 
pensions  à  vie,  les  meubles  en  propre,  etc. 

XII.  Réponse  à  deux  objections  tirées  des  décrétalcs  et  des 
arrêts  des  parlements. 

I.  Si  la  communauté  des  biens  et  de  la  vie 
était  exactement  observée,  on  ne  verrait  jamais 
de  religieux,  ni  de  chanoines  réguliers  pro- 
priétaires. 

La  manière  de  posséder  les  biens  de  l'Eglise 
en  communauté,  est  la  nature  primitive  et  ori- 
ginaire de  tous  les  bénéfices  :  les  bénéfices, 
divisés  comme  ils  sont  présentement .  ne  sont 
provenus  que  des  partages  qu'en  ont  fait  pre- 
mièrement les  clercs,  et  ensuite  les  moines 
propriétaires. 

Il  importe  donc  de  bien  connaître  comment 
dans  la  suite  des  siècles  la  division  des  biens  et 
la  propriété  se  sont  diversement  établies. 

II.  Le  concile  de  Londres  ,  sous  Lanfranc  en 
1075  priva  de  la  communion  même  après  leur 
mort,  et  de  la  sépulture  les  moines  proprié- 
taires impénitents,  (le  concile  ne  parle  que  des 
moines,  mais  les  deux  conciles  romains,  sous 
Nicolas  II  et  sous  Alexandre  II,  en  I056et  1063, 
dont  le  canon  a  été  cité  ci-dessus  comme  le 
fondement  de  la  vie  commune,  imposèrent  à 
tous  les  clercs  majeurs  l'obligation  deladésap- 
propriation,  en  même  temps  que  celle  de  la  vie 
commune.  «  Simul  manducent  et  dormiant,  et 
quidquid  eis  ab  Ecclesiacompetil,  communiter 
habeant.  » 


Voilà  le  statut  qui  fut  fait  de  ne  posséder 
qu'en  commun  les  biens  d'Eglise  :  «  praeci- 
pientesstatuimus.  »  Mais  à  ce  précepte  le  même 
canon  ajoute  un  conseil  ,  de  renouveler  et 
retracer  en  eux-mêmes  une  parfaite  image  de 
la  vie  apostolique ,  qui  fait  profession  de  renon- 
cer a  tous  les  biens  de  la  terre.  «  Rogantesmo- 
nemus,  ut  ad  apostolicam  communem  vitam 
summopere  pervenire  studeant.  » 

III.  Pierre  Damien,  emporté  par  la  sainte 
ardeur  de  son  zèle,  écrivit  au  pape  Alexandre  11, 
pour  le  porter  à  bannir  absolument  toute  sorte 
de  propriété  d'entre  les  chanoines,  sans  distin- 
guer les  chanoines  réguliers  d'avec  les  autres. 
«  Fratres  canonieiordinis  (L.  i,  epist.  xvi  .  »  11 
lui  suffit  que  les  chanoines  vivent  en  congré- 
gation pour  être  engagés  à  une  entière  abné- 
gation des  biens  de  la  terre,  de  quelque  nature 
qu'ils  puissent  être. 

Ce  saint  et  zélé  prélat,  après  avoir  rapporté 
sur  ce  sujet  ce  que  saint  Augustin  avait  prescrit 
aux  ecclésiastiques  de  son  séminaire  ,  qui  fai- 
saient tout  son  clergé,  ajoute  cette  suite  comme 
naturelle,  que  tous  les  chanoines  qui  vivent  en 
communauté  ne  peuvent  rien  posséder  en 
propre.  «  In  quibus  sancli  viri  verbis evidenler 
ostenditur.  quia  clericus.  qui  pecuniam  possi- 
del,  ipse  Christi  possessio,  vel  hareditas  esse, 
vel  Deum  baereditate  possidere  non  potest. 
Quod  tamen  non  de  clericis  omnibus  dicimus 
sed  de  bis  specialiter  qui  canonico  censentur 
nomine,  et  vivunt  in  congregatione.  » 

Aux  autorités  de  saint  Augustin,  tirées  de 
ses  deux  sermons  «  de  moribus  Clerieorum,  » 
Pierre  Damien  ajoute  celles  de  saint  Jérôme  et 
de  saint  Prosper,  qui  ne  sont  pas  moins  évi- 
dentes ni  moins  fortes  pour  la  désappropriation 
des  clercs. 

IV.  Mais  il  y  avait  des  communautés  de  cha- 
noines qui  opposaient  a  ces  passages  des  Pères, 
et  a  ces  prétentions  rigoureuses  de  Pierre 
Damien,  la  règle  du  concile  d'Aix-la-Chapelle, 
(lui  fut  dressée  l'an  816,  par  les  soins  de  l'em- 
pereur Louis  le  Débonnaire,  et  qui  permet  de 


588 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGT-UNIÈME. 


distribuer  entre  les  chanoines  quelque  somme 
d'argent,  «  parte  eleçmosynarum,  »  outre  le 
vêlement  et  la  nourriture. 

Comme  ces  chanoines  disaient  simplement 
que  c'était  leur  règle  qu'ils  ne  faisaient  pas  écla- 
ter, ou  qu'ils  ignoraient  peut-être  eux-mêmes 
l'autorité  du  concile.  dèsévêqueset  de  l'empe- 
reurqui  en  avaient  été  les  auteurs,  Pierre  Damien 
se  donna  la  liberté  de  taire  des  invectives 
contre  cette  règle  du  concile  oUAix-là-Chapelle, 
de  l'an  816,  et  de  dire  qu'il  respectait  les  pas- 
sages des  Pères  qui  5  étaient  allégués,  mais 
qu'il  ne  pouvait  souffrir  les  relâchements  qui 
y  sont  autorisés,  de  donner  une  quantité  exces- 
sive et  extraordinaire  de  pain,  de  \in  et  de 
viande  a  chaque  particulier,  et  de  faire  des  dis- 
tributions d'argent  entre  les  chanoines. 

0  Cum  hœc  canonicis  objicimus,  ipsis  regulae 
sua1  librum  nobis  protinusobjiciunt,  ad  regulae 
su  e  auctoritatem  redeunt  ;  eaque  sihi  proprie- 
talis  peculium  concedente,  pati  se  praejudicium 
patiuntur.  Quam  nimirum  regulam  nos  nec 
funditus  improbamus  ,  nec  auctoritatem  illi 
oinnino  tribuimus.  Probamus  inquantum  san- 
ctis  Ecclesiae  doctoribus  consonat,  abjicimus 
atque  conspuimus,  in  quantum  authenticis 
eorum  institutis  non  concordat.  » 

Je  ne  rapporterai  pas  ici  les  paroles  aigres 
de  Pierre  Damien  contre  cette  règle.  S'il  en 
avait  connu  les  aut<  urs,  il  l'aurait  sans  doute 
épargnée,  et  en  aurait  au  moins  attribue  les 
adoucissements  à  une  charitable  condescen- 
dance. S'il  avait  examine  de  plus  près  les  pas- 
sages des  Pères  qu'il  allègue,  il  aurait  aperçu 
que  saint  Augustin  se  garda  bien  de  vouloir 
assu.jétir  tous  les  clercs  du  reste  de  l'Eglise  à 
la  même  règle  et  a  la  même  désappropriation 
à  laquelle  il  obligeait  les  siens  ;  que  saint 
Jérôme  ne  parle  nullement  des  clercs  vivant 
en  congrégation,  puisque  ce  ne  fut  que  Paint 
Augustin  qui  donna  commencement  à  cet 
institut;  enfin  que  suint  Prosper  ne  dépouille 
pas  les  clercs  de  leur  patrimoine  et  ne  les  resserre 
point  dans  la  vie  commune,  mais  il  les  oblige 
seulement  à  ne  pas  toucher  aux  revenus  ecclé- 
siastiques .  destinés  au  soulagement  des  pauvres, 
s'ils  ont  du  patrimoine. 

Je  ne  m'arrête  pas  à  une  vision  qui  est  allé- 
guée en  passant  dans  une  lettre  écrite  par  les 
religieux  de  saint  Bernard,  et  rapportée  par 
Horstius  dans  le  chapitre  \i  de  son  introduction 
aux  œuvres  de  ce  saint.  Elle  porte  que  l'empe- 
reur Louis  le  Débonnaire  ouit  une  voix  qui  lui 


dit  qu'il  avait  répandu  un  poison  dans  l'Eglise. 
«  \enenqm  Ecclesiae  addidisti.  »  La  lettre 
même  de  ces  religieux  n'applique  cela  qu'aux 
grandes  richesses  dont  ce  prince  combla  l'E- 
glise. «  Qui  praecipue  ditavit  Ecclesias.  »  Cela 
ne  touche  point  les  clercs  à  qui  on  permet  de 
garder  leur  patrimoine.  Apres  tout,  ce  n'est 
qu'une  vision  dont  il  n'a  été  parlé  qu'environ 
trois  cents  ans  après  la  mort  de  cet  empereur. 

V.  Il  n'y  avait  donc  que  saint  Augustin  qui 
eût  établi  dans  son  clergé  ce  que  Pierre  Damien 
et  les  papes  de  son  siècle  tachaient  d'introduire 
dans  tout  le  clergé  de  l'Eglise  occidentale,  la 
continence,  la  vie  commune,  la  désappropria- 
tion tant  des  biens  héréditaires  que  des  revenus 
ecclésiastiques  ;  mais  les  papes  ne  le  proposaient 
que  comme  un  conseil.  Pierre  Damien  taisait 
un  précepte  de  l'abnégation  du  patrimoine. 
a  Si  quid  tibi  de  propriis  reservasti,  audi  Apo- 
stolum  terribiliter  objurgantein ,  cur,  inquit, 
tentavit  satanas  cor  tuum,  mentiri  te  Spiritui 
sancto,  ut  fraudares  de  pretio  agri,  etc.  » 

VI.  Ce  lut  aussi  alors  qu'on  commença  à 
opposer  la  règle  de  saint  Augustin,  tirée  de  ses 
deux  discours  que  Pierre  Damien  cite  et  qu'il 
nomme  De  moribus  Clericoritm,  à  l'ancienne 
règle  des  chanoines,  composée  par  les  évêques 
du  concile  d'Aix-la-Chapelle,  «le    l'an  816. 

Connue  il  fallait  opposer  une  régie  à  une 
autre,  on  donna  le  nom  de  règle  a  ces  deux 
sermons  de  saint  Augustin.  Pierre  Damien  ne 
parle  seulement  pas  de  la  lettre  cent  neuvième 
de  saint  Augustin,  bien  loin  de  l'opposer  à  la 
règle  relâchée  îles  chanoines  propriétaires. 

Ce  fut  aussi  en  ce  même  temps  que  l'ordre 
des  chanoines  se  partagea  en  deux  sortes  de 
communautés  .  les  unes  suivant  la  règle  du 
concile  d'Aix-la-Chapelle,  et  les  autres  celle  de 
saint  Augustin. 

Quelque  instance  que  Pierre  Damien  put 
taire  auprès  de  ce  pape  :  «  Ut  baec  apud  inobe- 
dientium  clericorûm  .  imo  nummicolarum 
rebellionem  efficaciter  valeant,  sanctus  aposto- 
latus  vestri  vigor  impellat.  »  Ce  pape  et  ses 
sueei  sseurs,  animes  de  l'Esprit-Saint  qui  anime 
toute  l'Eglise,  n'ont  jamais  voulu  l'aire  un 
commandement  de  nécessité  de  ce  qui  n'avait 
été  qu'un  conseil  de  perfection  dans  tous  Tes 
premiers  siècles  de  l'Eglise. 

Les  chanoines  qui  renoncèrent  a  toute  pro- 
priété  commencèrent  alors  à  prendre  le  nom 
de  réguliers,  comme  sectateurs  de  la  règle  de 
saint  Augustin,  c'est-à-dire  comme  imitateurs 


DES  CHANOINES  KT  DES  RELIGIEUX  PROPRIÉTAIRES. 


589 


delà  vie  commune  et  de  la  désappropriation 
que  ce  grand  prélat  commença  de  faire  prati- 
quera son  clergé.  Pierre  Damien  montre  que 
ce  tci  nie  était  déjà  commun  en  ce  sens  là  dans 
un  autre  |>etit  ouvrage  de  commuai  vita  Cano- 
nicm  mu . 

Voici  ses  paroles  pour  exhorter  fous  les  cha- 
noines à  vivre  en  réguliers,  puisque  ce  sonl 
deux  termes  de  même  signification,  l'un  grec, 
l'autre  latin.  «  Plane  quo  pacto  quis  valeal  dici 
canonicus,  nisi  sit  regularis?  Quomodo  mona- 
elius.  nisi  juxla  vim  sui  nominis,  sit  etiam  siu- 
gularis?  Volunt  siquidem  canonicum,  lioc  est 
regulare  nomen  habere,  se<i  non  regulariter 
vivere.  » 

La  règle  des  chanoines  consistait  autrefois 
dans  les  canons  des  conciles.  Ce  fut  après  cela 
celle  du  concile  d'Aix-la-Chapelle,  presque  la 
même  que  celle  de  Crodogangus.  Ils  en  étaient 
appelés  chanoines.  Ceux  qui  enfin  se  dévouè- 
rent à  celle  de  saint  Augustin,  en  tirèrent  le 
nom  de  réguliers.  De  même  que  la  règle  de 
saint  Benoit  qui  eut  cours  après  et  avec  tant 
d'autres,  mérita  enfin  toute  seule  le  nom  de 
règle. 

(le  sont  enfin  ces  deux  règles  de  saint  Denoît 
et  de  saint  Augustin  qui  ont  l'ait  donner  le 
titre  de  réguliers  aux  moines  et  aux  chanoines 
qui  y  sont  engagés. 

VII.  Il  s'en  fallait  beaucoup  qu'il  ne  fût  au 
pouvoir  de  ces  papes,  de  faire  renoncer  tous 
les  ecclésiastiques  à  la  propriété  tant  de  leur 
patrimoine  que  des  biens  ecclésiastiques.  Les 
moines  mêmes,  par  l'irruption  des  Normands 
et  la  désolation  générale  qui  s'en  était  suivie 
de  toutes  les  églises  et  de  tous  les  monastères, 
ayant  été  dispersés  de  toides  parts,  étaient  déjà 
auparavant  devenus  propriétaires. 

Après  ce  naufrage  universel  de  la  régulai  lié, 
lorsqu'ils  retournèrent  à  leurs  abbayes,  ce  ne 
fut  que  le  nouvel  ordre  de  Cluny  qui  retraça 
l'image  de  l'ancienne  perfection  monastique, 
tous  les  autres  religieux  se  contentèrent  de 
pallier  leur  avarice  du  prétexte  spécieux  de  la 
permission  de  leurs  abbés,  prétendant  que  la 
règle  de  saint  Benoit  leur  permettait  de  possé- 
der tout  ce  qu'ils  possédaient  avec  l'agrément 
de  leur  abbé.  «Régula,  inquiunt,  jubet,  ut  nihil 
babeat  monaehus  ,  quod  abbas  non  dederit, 
aut  permiserit.  Abbates  vero  nostri  taies  sunt, 
ut  nostra  non  curent,  et  ob  id  permittunt  nos 
habere  quae  indigemus  Bibliot.  Clun.,  p.  42 
43,  ,'»! ,  215).  »  La  pauvreté  des  monastères 


désolés  était  le  prétexte  apparent  ^->  richesses 
particulières  et  illicites  des  moines. 

Ce  ne  fut  pas  seulement  dans  les  monastères 
de  France,  mais  dans  ceux  d'Italie  aussi  que  le 
foirent  de  la  propriété  avait  débordé.  Inno- 
cent 111  travailla  a  la  bannir  du  monastère  de 
Subioco.,  |ires  de  Rome,  renouvelanl  les  ancien- 
nes peines  el  les  précautions  du  grand  saint 
Grégoire,  el  protestant  que  bien  loin  que  les 
abbés  (lussent  permettre  aux  moines  de  possé- 
der quoique  ce  fût,  le  pape  même  ne  le  pou- 
vait pas  (Rainald.,  an.  1202,  n.  7). 

On  ne  pouvait  pas  plus  efficacement  renver- 
ser le  prétexte  trompeur  de  la  permission  des 
abbés,  dont  les  moines  couvraient  leur  avarice. 
«  Nec  œstimet  abbas,  quod  super  habenda  pro- 
prietate  possit  cuni  aliquo  monacho  dispensare  : 
quia  abdicatio  proprietatis,  sicut  et  custodia 
castitatis  adeo  est  annexa  régula'  monachali, 
ut  contra  eam  nec  summus  pontifex  possit  li- 
centiam  indulgere  (C.  Cum  ad.  de  statu  Mona- 
eborum  .  » 

VIII.  Il  est  probable  que  la  défense  que  fait 
la  même  décrétale,  de  donner  des  obédiences 
a  des  moines  pour  toute  leur  vie,  n'est  qu'une 
suite  de  la  désappropriation  prescrite  par  la 
règle.  «  Nec  alicui  committatur  obedientia per- 
petuo  possidenda,  tanquam  in  sua  sibi  vila 
locetur,  sed  cum  oportuerit  amoveri,  sine  con- 
tradictione  qualibet  revocetur   Ibidem).  » 

Les  abbés  étaient  perpétuels,  les  obédien- 
tiaires  ne  pouvaient  l'être,  parce  que  les  abbés 
ne  possédant  rien  qu'avec  la  communauté,  ils 
ne  pouvaient  pas  devenir  propriétaires,  mais 
les  obédientiaires  étant  ou  seuls,  ou  avec  un, 
ou  deux  autres  moines,  ils  devenaient  facile- 
ment propriétaires,  si  on  tardait  de  les  rap- 
peler. 

Cela  est  clairement  marqué  dans  une  autre 
décrétale  du  même  Innocent  III.  «  Deobedien- 
tiis  et  reditibus  quorum  curani  gesserunt  pecu- 
nia  congregata  (Ç.  quanlo.  De  Oflicio  Ordi- 
nariij.  »  Cette  décrétale  fait  foi  que  ce  désordre 
était  commun  aux  moines  et  aux  chanoines 
réguliers.  «  Monachi,  canonici  et  alii  régu- 
la res,  etc.  » 

Alexandre  III  avait  été  une  cause  innocente 
de  cette  propriété  criminelle,  lorsque  dans  le 
concile  de  Latran  il  permit  aux  abbés  de  laisser 
posséder  quelque  chose  aux  moines  qui  avaient 
des  administrations,  où  ces  moyens  semblaient 
nécessaires.  «  Qui  vero  peculium  habuerit,  nisi 
ah  abbate  fuerit  ei  pro  injuncta  administralione 


590 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAP1TKE  VINGT-l'NIÈME. 


permissum,  a  commimione  removeatur  altaris, 
et,  etc.   C.  Monachi.  De  statu  Monacho).  » 

Clément  III  cita  dans  une  décrétale  le  canon 
du  concile  de  Latran  et  la  règle  de  saint 
Augustin  contre  les  chanoines  réguliers  pro- 
priétaires (C.  Super,  quodam.  Ibidem).  Mais  le 
concile  de  Pans,  en  1-212  (Part,  n,  c.  1),  au- 
torisa bien  plus  ouvertement  un  petit  relâche- 
ment dont  les  suites  ordinaires  ne  pouvaient 
être  que  très-dangereuses, quand  il  permit  aux 
prieurs  de  posséder  ce  qui  était  nécessaire  pour 
leur  administration,  et  aux  moines,  ou  cha- 
noines particuliers,  de  garder  ce  que  leurs 
prélats  leur  permettraient  ou  leur  donneraient. 
«  Id  praecipue  cupimus  statuendum,  quod  in 
régula  beati  Augustini,  et  beati  Benedicti  con- 
stat esse  statutum.  Priores  tamen  et  admini- 
strationem  habentes  ad  communem  usum 
habere  possunt  ea,  qute  pertinent  ad  suam  ad- 
ministrationem.  » 

Cet  article  ne  serait  pas  périlleux,  si  ce 
n'étaient  que  des  prieurs  conventuels,  qui  ne 
possédassent  rien  que  pour  l'usage  de  leur 
communauté,  Ad  communem  usum  ;  au  lieu 
que  les  obédienciers,  ou  simples  prieurs, 
n'ayant  point  de  communauté,  semblent  ne 
posséder  que  pour  eux-mêmes.  Mais  l'article 
suivant  est  bien  plus  fâcheux  :  «  Claustralis 
quoque  aliquid  modicum  potestad  suum  usum 
habere  ;  ita  tamen  si  praelatus  suus  ei  specia- 
liter  dederit,  vel  concesserit.  » 

Ce  concile  sembla  interpréter  mollement  la 
décrétale  d'Innocent  III,  ci-dessus  alléguée, 
qui  avertissait  les  supérieurs  réguliers  de  ne 
pas  s'élever  au-dessus  du  Saint-Siège,  en  don- 
nant des  dispenses  qu'il  ne  croit  pas  lui-même 
pouvoir  donner. 

Les  canonistes  disent  que  le  pape  peut  bien 
tirer  quelqu'un  de  l'état  monastique  dans 
l'état  ecclésiastique  et  lui  permettre  après  cela 
de  posséder,  mais  qu'il  ne  peut  pas  faire  que 
l'état  monastique  soit  compatible  avec  la  pro- 
priété et  la  possession  des  biens  terrestres.  Ce 
concile  jugea  que  le  simple  image  de  fort  peu 
de  chose,  avec  dépendance  de  l'abbé,  ne  ren- 
dait pas  les  réguliers  propriétaires.  Cela  pour- 
rait passer  sans  contestation,  si  les  relâchements 
en  demeuraient  où  ils  commencent.  En  effet, 
ce  concile  (Part,  m  ,  c.  6)  condamna  l'usage 
pernicieux  de  quelques  monastères  de  filles,  où 
on  leur  donnait  en  argent  de  quoi  se  nourrir 
et  se  vêtir,  et  on  leur  donnait  si  peu,  qu'elles 
étaient  contraintes  de  chercher  le  reste  ail- 


leurs :  ce  qui  était  la  ruine  inévitable  de  la 
pauvreté  et  de  toute  la  discipline  religieuse. 
C'est  pourquoi  il  y  est  ordonné  ensuite  de  leur 
fournir  en  commun  la  nourriture  et  les  vête- 
ments, et  de  n'en  recevoir  qu'autant  que  les 
revenus  du  monastère  peuvent  en  entretenir. 

Le  concile  de  Montpellier,  en  1214  (Can. 
xviu  ,  défendit  cet  abus  de  donner  de  l'argent 
pour  les  habits,  connue  une  occasion  de  pro- 
priété :  «  Quia  ex  hoc  datur  materia  proprium 
retinendi.  »  11  ordonna  qu'il  y  eût  un  drapier, 
c'est-à-dire  un  officier,  entre  les  religieux  ou 
chanoines ,  qui  fournit  des  vêtements.  «  In 
omni  monasterio  vel  canonica  regulari  certi 
redditns  deputentur,  de  quibus,  per  inaiius 
unius,  qui  eos  fideliter  colligat,  fratribus  pro- 
videatur  de  vestimenlis.  » 

Mais  comme  si  ce  concile  se  fût  aperçu  des 
conséquences  pernicieuses  du  relâchement  que 
le  concile  de  Paris  avait  toléré,  il  déclara  que 
les  prélats  réguliers  ne  pouvaient  permettre  ni 
aux  moines  ni  aux  chanoines  d'avoir  quoique 
ce  fût  en  propriété.  «  Nullus  monachus ,  vel 
canonicus  regularis  proprium  babeat  ,  née 
etiam  de  sui  abbatis,  vel  prioris  licentia  ;  cum 
ipsis  hujusmodi  dare  licentiam  non  possent.  » 

Quant  aux  obédiences  ou  prieurés  simples, 
ce  concile  reconnaît  que  ce  n'est  pas  être  pro- 
priétaire qire  de  les  tenir  par  ordre  des  supé- 
rieurs pour  un  temps  seulement.  «  Quod  si 
aliquam  obedientiam  île  sui  majoris  praeceptp 
teneant,  donec  illa  seeundum  loci  consuetudi- 
nem  expendantur,  talis  regularis  non  dicilur 
propler  hoc  proprium  retinere.  » 

Cela  semble  insinuer  que  les  revenus  de  l'o- 
bédience étaient  employés,  pour  les  dépenses 
de  l'abbaye,  par  l'ordre  de  l'abbé.  En  effet,  ce 
même  concile  (Can.  xxvin),  défend  aux  régu- 
liers tle  prendre  une  église,  c'est-à-dire  un  bé- 
néfice pour  leur  prébende.,  c'est-a-dire  pour 
leur  entretien.  «  Nullus  monachus  vel  cano- 
nicus regularis,  a  sua,  vel  alia  ecclesia ,  vel 
persona  ecclesiastica,  ecclesianr ,  vel  aliquid 
aliud  recipiat,  vel  teneatpro  prœbenda.  » 

Le  concile  d'Oxford,  en  1222  (Can.  xun),  dé- 
fendit de  donner  de  l'argent  pour  les  vête- 
ments, ordonnant  d'établir  pour  cela  un  ca- 
mérier,  Camerarium.  Il  défendit  encore  aux 
moines  et  aux  chanoines  de  tester,  puisqu'ils 
n'ont  rien  de  propre  ;  de  tenir  à  ferme  des 
terres,  des  églises  ou  des  monastères;  enfin  de 
tenir  des  prieurés  pour  toujours  ou  pour  un 
trop  long  temps. 


DES  CHANOINES  ET  DES  RELIGIEUX  PROPRIÉTAIRES. 


591 


En  effet,  c'est  le  sens  de  ces  paroles  :  «  Ne 
alicui  nionaclio ,  vel  canonico  regulari ,  qui 
non  sit  obedientialis,  custodia  monasterii  com- 
mittatur;  ita  quod  ex  longa  ipsius  mora,  vel 
conversatione  scandalum  orialur(Can.  xlvii).» 

C'était  tellement  la  nature  des  obédiences 
ou  des  prieurés,  de  n'être  donnés  que  pour  un 
temps  assez  court,  que  le  terme  Obedientialis 
signifiait  un  prieur  révocable  au  gré  du  supé- 
rieur ou  au  terme  réglé  (Spicileg.,  tom.  vi, 
pag.  3-2). 

Les  statuts  des  abbés  de  l'ordre  de  saint  Be- 
noît, de  la  province  de  Narbonne,  en  1226, 
qui  furent  confirmés  par  Grégoire  IX,  ordon- 
naient à  tous  les  obédienciers  et  à  tous  les 
prieurs  de  rendre  compte  tous  les  ans  au  cha- 
pitre général,  et  de  se  démettre  de  leur  charge 
entre  les  mains  de  l'abbé  qui  les  rétablirait, 
s'ils  avaient  été  fidèles  dans  leur  administra- 
tion. «  Renuntient  absolute  administrationibus 
suis,  etiarti  non  requisiti  in  manu  abbatis,  ab- 
bales  restituant  eos,  quos,  etc.  » 

Le  concile  de  Béziers,  en  1233,  renouvela  la 
décrétale  d'Innocent  III,  déclarant  aux  supé- 
rieurs claustraux  que ,  la  désappropriation 
étant  essentielle  à  l'état  des  réguliers,  les  ab- 
bés et  les  papes  même  n'en  pouvaient  pas 
dispenser.  Le  concile  de  Cognac,  en  1238 ^Can. 
xiv),  réitéra  le  canon  du  concile  de  Montpel- 
lier, en  1211  (Can.  xx,  xxiv),  y  ajoutant  une 
défense  aux  abbés  de  donner  des  dispenses  sur 
la  propriété. 

Le  concile  deChâteau-Gontier,  en  1231  (Can. 
sxvi),  et  celui  de  Saumur,  en  1235  (Can.  xvi), 
déclarent  nulles  toutes  ces  dispenses  données 
par  les  abbés,  sous  quelque  prétexte  que  ce 
soit.  «Ne  monacbi,  nisi  sint  in  administra- 
tione  constituli,  babeant  aliquo  colore  posses- 
sionem,  vel  aliquam  proprietatem  etiam  de  li- 
centia  abbatum;  cum  licentia  abbatis  cis  in 
hoc  non  valeat  suffragari.  » 

Celui  de  Chàteau-Gontier,  en  1268  (Can.  v), 
sembla  céder  à  la  violente  passion  de  l'avarice 
des  moines,  leur  défendant  seulement  d'avoir 
de  l'argent  ou  d'autres  richesses  en  dépôt  hors 
de  l'abbaye. 

Le  concile  de  Tours,  en  1239  (Can.  xi),  con- 
damna l'abus  de  donner  de  l'argent  aux  régu- 
liers pour  leurs  habits  ou  pour  leurs  aliments; 
celui  de  Londres,  en  1268  (Can.  xlii,  xuv>, 
ajouta  à  cela  la  défense  de  tenir  des  fermes. 

Les  constitutions  de  Benoît  XII,  en  1339 
(Cap.  xxvi,  xxxvi),  pour  toutes  les  congréga- 


tions des  chanoines  réguliers  de  saint  Augus- 
tin, même  pour  celles  des  églises  cathédrales, 
renouvela  les  mêmes  défenses,  leur  permet- 
tant d'imposer  des  pensions  annuelles  sur  les 
prieurés  et  autres  bénéfices  do  leur  dépen- 
dance, si  le  revenu  ordinaire  des  camériers  ei 
autres  officiers  et  administrateurs  n'était  pas 
suffisant  pour  fournir  des  habits,  des  aliments 
et  toutes  les  nécessités  semblables  aux  cha- 
noines. Et  quant  aux  chanoines  ou  convers 
propriétaires,  toutes  leurs  acquisitions  leur 
sont  ùtées  dès  leur  vivant,  et  adjugées  a  la 
mense  commune.  Mais  quant  aux  obédiences, 
prieurés,  administrations  et  autres  bénéfices, 
on  ne  les  limite  plus  à  un  temps  déterminé, 
bien  moins  les  déclare-t-on  révocables  au  gré 
du  supérieur.  Ce  qui  est  sans  doute  un  relâ- 
chement d'autant  plus  déplorable,  que  ce  pape 
désespérait  d'y  pouvoir  remédier. 

IX.  Ce  fut  un  relâchement  bien  plus  exor- 
bitant, lorsque  le  chapitre  général  des  béné- 
dictins d'Angleterre  a  Westminster,  en  l'an 
1422  (Conc.  General.,  tom.  xu,  p.  350),  après 
avoir  condamné  les  moines  et  les  abbés  pro- 
priétaires qui  avaient  des  fonds  et  des  biens 
autres  que  ceux  du  monastère;  après  avoir 
proscrit  la  dangereuse  coutume  de  donner  de 
l'argent  aux  religieux  pour  leur  nourriture  et 
leurs  habillements  ;  permit  néanmoins  après 
cela  aux  religieux  de  recevoir  et  de  garder  de 
l'argent  pour  leurs  nécessités  particulières  , 
pourvu  que  ce  fût  du  gré  du  supérieur,  et  avec 
obligation  de  lui  en  rendre  compte,  autant  de 
fois  qu'il  le  demanderait,  et  au  moins  une  fois 
l'an  ,  en  sorte  que  tout  ce  qui  se  trouverait  de 
reste  à  la  fin  de  l'année  serait  abandonné  à  la 
disposition  du  supérieur. 

Ce  chapitre  reconnut  bien  que  c'était  une 
violation  manifeste  de  la  règle,  mais  il  jugea 
que  le  désordre  serait  encore  plus  grand  ,  si 
l'on  entreprenait  de  le  retrancher,  et  qu'il  fal- 
lait tolérer  un  moindre  mal  pour  en  éviter  un 
plus  grand.  «  Illud  juris  consilium  esse  perle- 
gimus,  propler  vitandum  nialum  majus  minus 
tolerare.  » 

Entre  les  œuvres  de  Gerson  on  trouve  un 
traité  contre  les  chanoines  réguliers  proprié- 
taires, où  ces  condescendances  des  évèques  et 
des  chapitres  généraux  ou  provinciaux  des  ré- 
guliers sont  proposées  comme  un  asile  peu 
assuré  des  propriétaires    Tom.  i,  p.  659,  660). 

L'auteur  de  cet  ouvrage  leur  répond,  que  la 
négligence  des  prélats  qui  ont  toléré  ces  abus 


.0-2 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VJXCT-l'XIÈME. 


[T«mpëéhe  pas  que  ce  ne  soient  toujours  des 
abus,  et  qu'ils  ne  soient  d'autant  plus  à  déplo- 
rer, qu'ils  sont  devenus  comme  irrémédiables; 
et  que  la  permission  «les  abbés  ou  l'indulgence 
des  chapitres  ni'  peut  cire  regardée  comme 
une  dispense  légitime,  tandis  que  la  décrétale 
d'Innocent  III  fera  éclater  a  leurs  yeux  celle 
brillante  vérité,  que  le  pape  même  ne  peut  pas 
dispenser  les  réguliers  de  la  désappropriation 
qu'ils  ont  si  solennellement  vouée. 

X.  Le  concile  de  Trente  (Sess.  xxv,  c.  2), 
après  avoir  défendu  aux  réguliers  de  posséder 
aucuns  biens  meubles  ou  immeubles,  même 
au  nom  du  couvent,  déclare  que  les  supérieurs 
ne  peuvent  leur  permettre  ni  l'usage,  ni  1  usu- 
fruit, ni  l'administration,  ni  la  commande 
d'aucun  bien  stable  ;  que  les  administrateurs 
du  bien  des  monastères  doivent  toujours  être 
révocables  au  gré  du  supérieur,  et  que  l'usage 
que  les  supérieurs  permettront  des  biens 
meubles  répondra  a  la  pauvreté  et  à  la  mo- 
destie dont  les  religieux  doivent  faire  gloire. 

«  Nec  deinceps  liceat  superioribus  bona  sta- 
bilia  alicui  regulari  concedere,  etiain  ad  usum 
fructum ,  vel  usum,  adminislrationem  vel 
comniendam.  Adniinistratio  autem  bonorum 
monasteriorum ,  seu  conventuum,  ad  solos 
officialcs  eorumdem,  ad  nutum  superiorum 
amovibiles  perlineat.  Mobilium  veto  usum  ila 
superiores  permiltant,  ut  eorumsupellexstatui 
paupertalis,  quam  professi  sunt,  conveniat, 
nibilque  superflui  in  ea  sit  :  nibil  etiain  quod 
sit  necessarium,  eis  denegetur.  » 

Le  concile  de  Cambray,  en  1565,  (Part,  xviu, 
c.  10),  après  avoir  défendu  de  donner  en 
argent,  aux  religieux,  de  quoi  se  nourrir  ou  de 
quoi  se  vêtir,  commande  aux  supérieurs  d'ôter 
aux  officiers  tous  les  droits  et  tous  les  émolu- 
ments qu'ils  onlusurpés,  d'ôter  aux  particuliers 
tout  l'argent  qu'ils  peuvent  avoir  de  leurs 
amis,  de  leurs  proches,  ou  de  leur  industrie, 
et  de  le  faire  servir  aux  besoins  de  la  commu- 
nauté. 

«  Rescindant  super  superiores  et  aboleant 
prorsus  universa  illa  emolumentaet  jura,  quœ 
antiquo  more  quibusdam  monasteriorum  offi- 
cialibus  concedi  solebant.  Breviter  onmis  illa 
pecunia  vel  res,  quam  monachus,  vel  monialis 
acquirere  sive  labore,  sive  induslria,  sive  aini- 
corum  liberalitate,  seu  denique  qualibet  alia 
occasione  possit,  superiori  mox  tradatur,  Lia 
ut  ail  nutum  ejus,  tanquam  res  communis 
expendatur.  » 


il  y  a  bien  de  l'apparence  que  les  prélats  de 
ce  concile  jugeaient  que  ces  règlements^  sages 
et  si  exacts  étaient  entièrement  conformes  au 
statut  et  a  l'intention  du  concile  de  Trente. 

Le  concile  1  de  Milan, en  1565  (Cap.  vin),  ne 
fui  pas  moins  sévère  pour  bannir  la  propriété 
des  monastères  de  filles,  surtout  pour  les  pré- 
sents, qu'elles  ne  peuvent  recevoir  sans  l'agré- 
ment de  la  supérieure,  qui  ne  leur  doit  jamais 
permettre  de  garder  elles-mêmes  de  l'argent; 
Le  concile  IV  de  Milan,  en  1576  (Cap.  xi),  con- 
firma la  même  chose. 

Le  concile  de  Malines,  en  1570  (T.  De  Regu- 
laribuset  Monial.,  n.  I), condamna  les  pensions 
et  les  revenus  que  les  réguliers  et  les  reli- 
gieuses se  réservent,  ou  qu'on  leur  donne  du- 
rant leur  vie,  aussi  bien  que  les  grandes 
sommes  d'argent  que  les  officiers  amassent 
sous  divers  prétextes.  «  Pensioncsautem  vitales, 
aut  redilus  perpeluos  nulli  permittantur  reci- 
pere,  neque  liceat  eis  ratione  offleiorum,  vel 
ministeriorum  pecuniam  corradere,  aut  con- 
servare,  etiamsi  in  piosusus  convertere  velint, 
omnia  in  communes  usus  convertantur.  » 

Le  concile  de  Rouen,  en  1581  (T.  De  Mona- 
steriis,  c.  xi,  xn),  se  donna  la  liberté  d'apporter 
quelque  adoucissement  au  décret  du  concile 
de  Trente,  en  permettant  au  supérieur  de  don- 
ner quelque  fonds  à  vie  à  un  religieux,  pour  le 
cultiver  et  l'améliorer,  en  sorte  que  tout  le 
profit  reviendra  au  monastère  :  «  Attamen  po- 
test  alicui  tanquam  officiario;  ad  lempus,  aut 
ad  vitam  rem  committere,  cujus  conditionem 
faciat  meliorem,  et  acquirat  non  sibi,  sed  nio- 
nasterio.  » 

Mais  ce  concile  fait  bien  voir,  immédiatement 
après,  que  ce  n'est  qu'une  charitable  et  néces- 
saire condescendance  qui  l'a  l'ait  relâcher  sur 
ce  point,  par  l'appréhension  d'un  plus  grand 
désordre  :  «  In  bis  exequendis  et  reformandis 
prudentia  et  mansuetudine  opus  est,  ne  fran- 
gamus  potius,  quam  corrigamus,  quae  in  pra- 
vum  longa  consuetudine  induruerunt.  » 

Ce  même  concile  ordonne  ensuite  que  tous 
les  prieurs,  bénéficiers  et  ofliciers  claustraux 
soient  amovibles  :  «  Hos  amovibiles  decet  esse, 
sicut  omnes  ofliciarios  claustrales.  » 

Le  concile  de  Bordeaux,  en  1583  (Can.  xxv), 
n'approuva  point  qu'on  donnât  aucun  fonds  à 
vie  à  aucun  régulier,  et  il  condamna  peut-être 
les  pensions  à  vie  quand  il  ordonna  que  les 
biens  meubles  mêmes  donnés  par  les  parents 
seraient  rendus  au  supérieur  et  employés  aux 


DES  CHANOINES  ET  DES  RELIGIEUX  PROPRIÉTAIRES. 


393 


nécessités  communes  du  monastère  :  «  Bona 
mobilia,  parentum  et  amicorum  liberalita|e 
donata ,  teneantur  superiori   tradere  .   ut  in 

commune  conferantur  et  conventui  addican- 
tur.  » 

Ce  sont  presque  les  termes  propres  du  con- 
cile de  Trente,  continués  dans  l'assemblée  de 
Mehm,  en  1579  :  «  Immobilia,  vel  mol)ilia 
bona,  statim  superiori  tradantur,  conventuique 
incorporentur.  » 

XI.  Le  chapitre,  «  Monaelii.  de  statu  Mona- 
chorum ,  »  a  paru  à  Navarre  permettre  le 
pécule  aux  réguliers  avec  la  permission  de 
leurs  supérieurs;  ce  canoniste  a  même  jugé 
que  le  concile  de  Trente  n'avait  rien  changé 
dans  cette  disposition  du  droit  commun.  Mais 
le  chapitre  Monachi  ne  permet  le  pécule  qu'à 
ceux  qui  ont  quelque  administration  où  il  est 
nécessaire  pour  les  dépenses  communes  du 
monastère,  et  alors  ce  n'est  plus  un  pécule  ou 
un  bien  en  propre.  Et  la  congrégation  du  con- 
cile a  absolument  rejeté  ce  pécule,  et  desap- 
prouve l'opinion  de  Navarre  après  le  concile 
de  Trente  (Fagnan..  in  1.  m  décret.,  part.  1, 
p.  336,  et  part.  -2,  p.  10 ï,  163  . 

L'opinion  de  Navarre  n'a  pas  laissé  d'avoir 
encore  après  cela  des  sectateurs  et  des  appro- 
bateurs du  pécule  des  moines,  sous  le  bon 
plaisir  des  supérieurs.  Fagnan  a  fort  exacte- 
ment traité  cette  question  contre  ces  canonistes 
relâchés,  et  a  fait  voir  que  le  droit  commun 
des  décrétales  ne  leur  était  aucunement  favo- 
rable, mais  que  le  concile  de  Trente  leur  était 
entièrement  opposé. 

En  effet,  ce  concile  défend  aux  réguliers  de 
posséder  des  biens  meubles  ou  immeubles, 
même  avec  la  permission  de  l'abbé  et  au  nom 
du  couvent  :  «  Possidere  etiara  nomine  con- 
ventus  mobilia  vel  immobilia  (Ibidem,  p.  170, 
171,  173);  »  il  commande  que  d'abord  tous  ces 
biens  soient  donnés  et  incorporés  au  couvent  : 
«  Conventui  incorporentur,  »  et  qu'ensuite  le 
supérieur  puisse  permettre  l'usage  des  meubles 
sans  superfluité  et  sans  indigence. 

La  congrégation  du  concile  a  clairement 
décidé  que  les  supérieurs  ne  pouvaient  per- 
mettre aux  religieux  l'usage  simple  des  biens 
meubles  superflus,  et  qu'ils  se  trompaient  et 
trompaient  les  autres  quand  ils  se  vantaient 
de  pouvoir  donner  ces  dispenses.  Elle  a  décidé 
que,  si  une  religieuse  s'était  réservé  une  pen- 
sion annuelle  à  vie  pour  son  usage  particulier, 
cette  pension  était  acquise  au  monastère,  et 


devait  être  incessamment  remise  entre  lis 
mains  de  l'abbesse .  pour  être 'employée  pre- 
mièrement pour  les  nécessités  de  cette  reli- 
gieuse, et  ensuite  pour  celles  de  tout  le  mo- 
nastère. 

«  Censuit  congregatio  liane  pecuniam  an- 
nuam,  non  obstante  reservatione  jam  quaesi- 
tam  esse  monasterio,  ideoque  deferen'dam  esse 
reclaad  manus  abbatissae,  quae  primum  pro- 
spiciat  necessatibus  monialis  oratricis,  et  quod 
reliquum  fuerit,  in  usus  tolius  monasterii 
convertat.  » 

On  a  diversifié  et  coloré  en  mille  façons  dif- 
férentes ces  pensions  annuelles  pour  des  reli- 
gieuses :  la  congrégation  du  concile  lésa  toutes 
censurées,  comme  contraires  au  concile  de 
Trente,  et  sujettes  aux  peines  canoniques  des 
piopriétaires. 

La  congrégation  des  évoques  et  des  réguliers 
a  joint  son  zèle  à  celui  de  la  congrégation  du 
concile,  et  elles  ont  défendu  conjointement  la 
réception  des  novices  dans  plusieurs  monas- 
tères de  tilles  jusqu'à  ce  que  la  communauté  et 
la  désappropriation  y  fussent  parfaitement  ré- 
tablies   Ibidem,  pag.  173,  174). 

Enfin,  Clément  VIII,  en  1600,  publia  un  dé- 
cret par  lequel,  expliquant  le  concile  de 
Trente,  ou  y  ajoutant,  il  condamna  tous  ces 
déguisements  des  réguliers  piopriétaires,  leur 
commandant  d'incorporer  aux  biens  de  la 
communauté,  et  d'y  confondre  pour  les  usages 
communsdetout  le  monastère,  tout  ce  que  les 
particuliers  pourraient  avoir  en  meubles,  ou 
immeubles,  en  argent,  en  revenus,  en  aumô- 
nes, en  dons,  en  salaires  de  prédications  ou  de 
leçons,  sans  que  les  supérieurs  en  pussent  ja- 
mais dispenser. 

«  Bona  immobilia,  aut  mobilia,  pecunia, 
proventus.  census,etc.  statim  superiori  tradan- 
tur, conventuique  incorporentur,  atque  cum 
ca?teris  illius  bonis,  reditibus,  pecuniis,  ac  pro- 
ventibus  confundantur,  quo  communis  inde 
victus  ac  vtslitus  omnibus  suppeditari  pos- 
sit,  etc.  Nulla  quorumeumque  superiorum  di- 
spensalio,  nulla  licentia ,  quantum  ad  bona 
immobilia,  vel  mobilia,  fratres  excusare  possit 
quo  minus  culpœ  et  peenœ  ab  ejusdem  conci- 
lii  decretis  impositœ  et  ipso  facto  incurrendœ 
obnoxii  sint,  etiamsi  superiores  asseverent  hu- 
jusmodi  dispensationes  aut  licentias  concedere 
posse;  quibus  in  ea  re  lîdem  minime  adhiberi 
volimius.  » 

XII.  Il  est  facile  d'inférer  de  toutes  ces  réso- 


Tu.  —  Tome  IL 


38 


594 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGT-UNIÈME. 


lutions  noa-seulemcnt  de  Clément  VIII  ou  de 
la  congrégation  du  concile,  et  du  concile 
même  de  Trente,  mais  aussi  de  tant  d'ancien- 
nes décrétâtes  et  des  canons  de  conciles  qu'on 
a  rapportés  ci-dessus  :  que  si  le  pape  Inno- 
cent 111  se  déclara  pour  la  validité  de  la  pro- 
fession de  celle  qui  ne  l'avait  laite  qu'à  condi- 
tion de  demeurer  dans  sa  propre  maison  avec 
tous  ses  biens ,  «  ut  in  domo  propria  cum 
omni  substantia  sua  remaneret  (C.  Insinuante. 
Qui  clerici,  Tel  voventes),  »  ce  ne  fut  que  parce 
que  cette  condition  demeurait  nulle,  comme 
étant  contraire  à  l'essence  de  la  profession  re- 
ligieuse. 

C'est  ainsi  que  la  congrégation  du  concile  a 
expliqué  cette  décrétale,  contre  l'avis  de  plu- 
sieurs canonistes,  en  cassant  si  souvent  les 
pensions  que  les  religieuses  s'étaient  réservées 
en  faisant  profession  (Fagnan.,  in  1.  îv  Décret., 
p.  51).  En  effet,  comment  Innocent  III  aurait- 
il  pu  dire  que  le  pape  même  ne  pouvait  dis- 
penser les  réguliers  de  la  désappropriation,  s'il 
avait  jugé  que  chaque  régulier  s'en  pouvait 
dispenser  lui-même,  en  se  réservant  des  fonds 
ou  des  pensions? 

Enfin  quand  les  décrétâtes  ne  seraient  pas 
aussi  précises  qu'elles  le  sont,  le  décret  du 
concile  de  Trente  ne  soutire  point  de  réplique, 
quand  il  défend  aux  supérieurs  de  donner  à 
leurs  religieux  quelque  bien  stable,  soit  en 
usufruit  ou  en  commande,  ou  pour  l'usage 
simple. 

Si  les  parlements  de  ce  royaume  ont  sou- 
vent confirmé  ces  pensions  réservées  à  des  re- 
ligieux et  à  des  religieuses,  comme  on  peut  voir 
dans  les  auteurs  français  qui  traitent  de  cette 
matière,  on  pourrait  dire  que,  puisque  tant  de 
canonistes,  surtout  avant  le  concile  de  Trente, 
n'ont  pas  désapprouvé   cet  usage ,    il    n'est 


pas  étrange  que  des  juges  séculiers  aient  été 
dans  le  même  sentiment ,  surtout  si  l'on  fait 
réflexion  sur  tant  de  différents  relâchements 
que  nous  avons  montré  avoir  été  tolérés  par 
quelques  conciles  mêmes  sur  ce  sujet  (Mémoi- 
res du  Clergé,  tom.  n,  par.  3,  pag.  105;  Le 
Prêtre,  Cent,  i,  c.  lxiv;  Fevret,  de  l'Abus, 
I.  îv,  c.  (i,  n.  lti;  Louét,  tom.  n,  pag.  20,  21). 

Mais  il  est  peut-être  plus  juste  de  penser 
que  ces  cours  souveraines  n'ont  fait  attention 
que  sur  l'obligation  des  parents  à  payer  fidè- 
lement ces  pensions  alimentaires,  fondées  sur 
le  droit  naturel  même,  et  ont  laissé  aux  supé- 
rieurs ecclésiastiques  le  pouvoir  de  faire  en- 
suite exécuter  les  saints  décrets,  qui  veulent 
que  ces  pensions  soient  incorporées  a  la  mense 
commune  du  monastère,  pour  être  employées 
aux  usages  communs  de  tous  les  religieux. 
Ainsi,  il  n'y  a  rien  d'incompatible  entre  ces 
arrêts  et  les  ordonnances  ecclésiastiques. 

Les  canonistes  se  sont  un  peu  plus  relâchés 
en  faveur  des  chanoines  réguliers,  qui  occu- 
pent un  bon  nombre  d'églises  cathédrales  en 
Espagne,  surtout  en  Catalogne,  et  qui  ont  cha- 
cun leurs  prébendes  séparées.  Ils  leur  per- 
mettent d'avoir  l'administration  et  l'usage  seu- 
lement de  ces  biens,  parce  qu'ils  ne  peuvent 
en  avoir  le  domaine ,  et  les  obligent  en  même 
temps,  sous  peine  d'une  transgression  crimi- 
nelle de  la  pauvreté  qu'ils  ont  vouée,  d'être 
toujours  disposés  de  s'en  dépouiller,  et  de  les 
remettre  à  leur  supérieur  quand  il  le  rede- 
mandera. 

«  Canonicus  qui  portionem  possidet,  ita  ut 
non  sit  animo  paratus  etiam  ad  superioris  nu- 
tum  relinquere,  peccat  manifeste  contra  votum 
solemne  paupertatis,  et  tenetur  diclam  porlio- 
nem  restituere  (Harbosa.  De  dignitat.  et  Canon. 
c.  i)  (I).  ». 


(1)  Tous  les  canonistes  sont  d'accord  que,  après  le  décret  du  concile 
de  Trente,  les  réguliers  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe  ne  peuvent,  même 
avec  la  permission  de  leurs  supérieurs  geuéraux  qui  se  prétendraient 
autorisés  à  l'accorder,  avoir  un  pécule  q  elconque,  et  que  ceux  qu' 
se  prévaudraient  d'une  telle  permission,  tomberaient  in  cttlpnm  et 
pamam  du  concile  de  Trente.  Il  y  a  dans  le  corps  du  droit,  titre  de 
slatn  monachomm,  une  terrible  sanction  pénale  contre  le  moine  chez 
lequel  on  trouverait,  après  sa  mort,  un  pécule  quelconque  :  «  Quid 
«.  si  proprietas  apud  quempiam  inventa  fuerit  in  morte?  Ipsn  cum  eo 
a  in  ii^'num  perditionis  extra  monasterium  in  sterquilinio  subterretur 
«  secundum  quod  B.  Gregorius  narrut  m  dialogo  se  fecisse.  u  Nous 
devons  maintenant  citer  le  canon  Afonachi,  allégué  par  Thomassin 
dans  l'article  11,  et  si  mal  interprété  par  Navarre.  Il  se  trouve  dans 
le  même  litre  susmentionné  :  »  Er  qui  in  extremis  cum  peculio  in- 
■  ventus  fuerit,  et  digue  non  pœnituerit,  nec  oblatïo  pro  eo  fiât,  nec 
-•  inter  fratres  recipiat  sepulturam,  quod  etiam  de  universia  religiosis 
"  prscipimus  observari.  o  Quoi  qu'en  disent  quelques  canonistes,  dont 
nent  nous  estimons  la  valeur  et  le  poids,  il  y  a  dans  le 
même  titre,  canon  Super  quorfam,  la  réfutation  formelle  de  leurs  dé- 
■  isiona    modérées,  relativement  aux   chanoines  réguliers;   le   voici  en 


entier  :  n  Super  quodam  canonico  regulari,  qui  in  articulo  mortis 
«  agens  licet  a  priore  suo  commonitus  proprium,  quod  contra  regu- 
"  lam  latenter  habuerat,  noluit  resignare,  et  sic  diem  clausit  extre- 
»  mum,  et  fuit  inter  alios  fratres  traditus  sepulturae...  Inquisitioni  tuse 
«  respondemus,  quod  ille  canonicus  non  fuit  tantum  chnstiana  se- 
«  pultura  privandus,  verum  etiam  si  sine  maximo  scandalo  potuit 
»  fieri,  de  îpsa  projici  dignus  Ecclesia.  Hoc  autem  cum  forte  conti- 
u  gerit,  in  similibus  est  faciendum.  »  La  désappropriation  des  reli- 
gieux est  tellement  dans  l'esprit  de  l'Eglise,  qu'une  constitution 
d'Innocent  XII,  de  1692,  intitulée  liomanus  Poniifpx,  défend,  même 
au  graud  pénitencier,  d'absoudre  celui  qui  aurait  reçu  d'un  religieux 
un  présent  de  la  valeur  de  dix  écus,  avant  que  cette  valeur  n'ait  été 
restituée  au  couvent  auquel  appartient  le  donateur.  Si  la  valeur  dé» 
passait  dix  écus,  outre  la  restitution,  celui  qui  l'aurait  reçue  serait 
rigoureusement  obligé  à  faire  une  aumône  considérable. 

Cependant  le  droit  canonique  autorise  les  supérieurs  réguliers  à 
imposer  une  pension  sur  les  bénéfices  amovibles  annexés  à  leurs 
couvents  et  administrés  par  des  vicaires  séculiers.  D'après  tous  les 
canonistes,  une  pension  «  est  jus  percipiendi  partem  fructuum  ex 
■  alieno  beneficio  aucloritate  superioris  ecclesiastici  cuipiam   clerico 


DES  PAROISSES  ET  DES  CURES  COMMISES,  ktc. 


.y.i: 


CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME. 

DES   PAROISSES   ET   DES    CURES   COMMISES   AUX  CHANOINES   RÉGULIERS    ET    AI  X    MOINES. 


I.  Divers  règlements  des  conciles  et  des  papes  touchant 
les  cures  données  ou  otées  aux  religieux. 

II.  Deux  raisons  pour  les  leur  commettre,  l'incontinence  des 
clercs  et  l'usurpation  des  églises  par  les  laïques.  Deux  raisons 
pour  les  leur  ôter,  le  silence  des  cloîtres  et  la  fuite  de  dé- 
pendre des  évèques. 

III.  Diverses  décrétâtes  des  papes  jnsqu'au  concile  de  Trente. 

IV.  Divers  règlements  des  conciles  sur  le  même  sujet  des 
moines  chargés  d'une  cure. 

V.  Les  chanoines  réguliers  peuvent  être  curés. 

VI.  Ce  droit  leur  étant  contesté,  il  leur  est  confirmé  par 
Yves  de  Chartres  et  par  les  conciles.  Avis  salutaires  d'Yves 
de  Chartres. 

\ll.  Les  chanoines  réguliers  curés  avaient  un  compagnon, 
et  pouvaient  être  corrigés  et  destitués  par  leur  abbé. 

YI11.  Suite  du  même  sujet,  si  les  curés  réguliers  peuvent 
être  rappelés  par  leur  abbé. 

IX.  Règlements  du  concile  de  Trente,  et  des  papes  qui  l'ont 
suivi,  sur  les  bénéfices  dont  les  réguliers  sont  capables. 

X.  Résolution  de  quelques  difficultés. 


I.  Après  avoir  parlé,  dans  les  précédents 
chapitres,  de  la  désappropriation  imposée  aux 
moines  et  aux  chanoines  réguliers,  voyons  à 
présent  s'ils  peuvent  posséder  des  cures.  Ur- 
bain II ,  voyant  -qu'on  voulait  déclarer  les 
moines  habiles  et  incapables  de  l'administra- 
tion des  sacrements  et  des  fonctions  hiérar- 
chiques, prit  leur  défense  et  prétendit  que  les 
plus  parfaits  imitateurs  de  la  pauvreté  et  des 
autres  vertus  des  apôtres  sont  aussi  les  plus 
dignes  ministres  des  fonctions  apostoliques. 

Le  concile  de  Rouen,  en  1072  C.  xtu  ,  con- 
damna les  moines,  aussi  bien  que  les  clercs  et 
les  laïques  qui  achetaient  les  cures.  Ainsi,  les 
moines  possédaient  des  cures.  «  Emuntur  et 
venduntur  curœ  pastorales,  scilicet  ecclesi;e 
parochianœ,  tarri  a  laicis,  quam  a  clericis,  in- 
superetiama  monachis;  quod  ne  amplius  fiât, 
interdictum  est.  » 

On  pourrait  néanmoins  entendre  ce  canon 
en  sorte  que  les  laïques  et  les  moines  fussent 
les  vendeurs,  et  non  pas  les  acheteurs  des 
cures.  On  trouve  dans  la  suite  d'un  autre  con- 
cile de  Rouen,  tenu  en  1074,  la  défense  de 


donner  des  cures  aux  moines  :  «  Ut  nullo  mo- 
nacho  parochia  regenda  committatur.  » 

Le  concile  de  Winchester,  en  Angleterre,  fit 
la  même  défense  en  1070  :  «  Si  quis  monachus 
etiam  canonice  susceptus  fuerit,  non  perniit- 
tatur  ecclesiis  publiée  deservire  (Can.  v).  » 

Le  concile  de  Poitiers,  en  1078  (Can.  v,  vi), 
voulut  bien  que  les  abbés  et  les  moines  pussent 
administrer  le  sacrement  de  pénitence,  pourvu 
que  ce  fût  avec  la  permission  de  l'évêque  : 
«  Ut  nullus  abbas,  monachus,  vel  quilibet 
alius  peenitentias  injungat,  nisi  quibus  proprius 
episcopus  hanc  curam  dederit.  »  Mais  cela 
s'entend  dans  leurs  monastères. 

Quant  aux  cures  qu'on  leur  a  remises,  on 
leur  permet  seulement  d'en  tirer  les  revenus 
et  d'y  entretenir  un  prêtre  qui  soit  comptable 
à  l'évêque  du  soin  des  âmes  :  «  Reditus  bene- 
ficiaque  obtineant,  presbyter  tamen  de  cura 
animarum  episcopo  respondeat.  » 

Le  concile  de  Lillebonne,  en  1080  (Can.  xii), 
fit  le  même  règlement,  permettant  au  curé  ou 
de  vivre  dans  le  monastère  avec  les  religieux, 
prenant  soin  que  l'église  soit  honnêtement 
entretenue;  ou,  s'il  ne  veut  pas  vivre  avec  les 
religieux,  l'abbé  lui  donnera  une  honnête 
subsistance;  et  s'il  refuse  de  le  faire,  l'évêque 
l'y  contraindra.  «  Quod  si  presbyter  ctim  mo- 
nachis vivere  noluerit,  etc.  »  Le  même  règle- 
ment doit  avoir  lieu  dans  les  églises  des  cha- 
noines. 

Le  concile  de  Poitiers,  en  1 100,  interdit  aux 
moines  toutes  les  fonctions  curiales  :  «  Ut  nul- 
lus monachorum  parochiale  ministerium  pre- 
sbyterorum,  id  est,  baptizare,  prœdicare.  pee- 
nitentiam  dare  praesumat.  » 

11.  Tous  ces  exemples  montrent  évidemment 
que  ce  n'était  nullement  l'usage  de  l'Eglise  que 
les  moines  prissent  la  conduite  des  églises  pa- 
roissiales, quoiqu'il  y  eût  deux  circonstances 


i  justa  de  causa  concessum.  »  Mais,  d'après  plusieurs  décisions  de  la 
Rôle,  un  religieux  ne  peut  conserver  une  pension  sur  un  bénéfice 
devenu  vacant  par  sa  profession  solennelle  à  l'un  des  ordres  approu- 


vés. Cependant  il  pourrait,  par  dispense  apostolique,  conserver  une 
pension  sur  son  ancien  bénéfice,  à  la  condition  que  cette  pension 
serait  à  l'usage  de  son  couvent  reconnu  pauvre.  (Dr  André.) 


590 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME. 


particulières  qui  semblaient  alors  les  y  en- 
gager : 

1°  Les  curés  s'étant  laissés  aller  à  un  torrent 
d'incontinence,  rien  ne  paraissait  plus  conve- 
nable que  de  subroger  en  leur  place  des  reli- 
gieux. 

2°  Les  séculiers,  qui  s'étaient  emparés  des 
églises  et  de  leurs  biens  dans  les  confusions 
déplorables  de  la  déroute  de  l'empire  de  Char- 
lemagne,  commençant  à  restituer  ces  églises 
aux  religieux,  il  était  comme  naturel  que  les 
religieux  en  commissent  la  conduite  à  quelqu'un 
de  leur  corps. 

Les  canons  que  je  viens  de  citer  furent  faits 
dans  ces  sortes  de  conjonctures,  néanmoins  les 
évoques  demeurèrent  fermes  dans  l'ancienne 
police  de  l'Eglise  ,  de  ne  point  charger  les 
moines  de  la  conduite  des  paroisses,  par  deux 
autres  considérations. 

La  première  est  une  opposition  et  une  espèce 
d'incompatibilité  entre  les  fonctions  curiales 
et  les  exercices  du  cloître.  Car  on  peut  bien 
allier  l'état  et  les  exercices  des  chanoines  avec 
la  régularité  monastique  ;  mais  cette  alliance 
est  sans  comparaison  plus  difficile  entre  le 
silence  et  la  retraite  d'un  religieux  et  l'effusion 
de  la  charité  d'un  curé. 

La  seconde  est  l'indépendance  que  les  reli- 
gieux commencèrent  alors  d'affecter  à  l'égard 
des  évoques  par  les  privilèges  apostoliques.  En 
effet,  cette  condition  fut  toujours  imposée  par 
les  évoques,  quand  ils  permirent  que  les  laïques 
donnassent  les  églises  paroissiales  aux  moines, 
que  l'abbé  présenterait  aux  évèques  un  prêtre 
séculier  qui  leur  rendrait  compte  de  sa  conduite. 

III.  Calixte  II,  dans  le  concile  I  de  Latran,  en 
11-2-2,  défendit  aux  religieux  toutes  les  fonctions 
curiales.  «  Interdicimus  abbatibus  et  monachis 
publicas  pœnitentias  dare,  et  inlirmos  visitare, 
etunctionesfacere,etmissaspublicascantare.» 

Alexandre  III  semble  distinguer  deux  sortes 
d'églises,  dont  les  unes  appartenaient  de  plein 
droit  aux  moines,  et  les  autres  ne  leur  appar- 
tenaient pas  d'une  manière  si  étroite.  Et  c'est 
dans  celles-ci  seulementqu'il  les  obligea,  dans 
le  concile  III  de  Latran,  en  1179  (Can.  ix,  x), 
de  présenter  à  l'évèque  des  prêtres  qui  leur 
fussent  responsables  du  soin  des  âmes. 

«  In  ecclesiis  suis  quœ  ad  eos  pleno  jure  non 
pertinent,  instituendos  presbytères  episcopis 
pressentent,  ut  eis  de  pleins  cura  respondeant, 
etc.  »  Et  dans  le  canon  suivant  :  «  Monacbi 
non  singuli  per  villas  et  oppida,  seu  ad  quas- 


cumque  parochiales  ponantur  Ecclesias,  sed  in 
majori  conventu,  aut  cum  aliquibus  fratribus 
maneant  (C.  Monachi.  De  statu  Monacho- 
rum).  » 

Innocent  III,  après  avoir  cité  ce  canon  du 
concile  de  Latran,  déclare  que  les  anciens 
canons  permettaient  aux  moines  la  conduite 
des  paroisses  à  cause  du  ministère  de  la  prédi- 
cation qui  est  toujours  privilégié,  et  dont  ils 
étaient  les  plus  capables.  «  Et  per  antiquos 
canones  etiam  monachi  possunt  ad  ecclesiarum 
parochialium  regimen  in  presbyteros  ordinari, 
ex  quo  debent  praedicationis  officium,  quod 
privilegiumest,  exercere  (C.  Quod  Dei  timorem. 
lbid.).  » 

Ces  décrétâtes  d'Alexandre  III  et  d'Innocent  III 
ont  partagé  les  canonistes  en  deux  sentiments 
différents  :  les  uns  voulant  que  les  moines  ne 
puissent  être  curés  sans  une  dispense  du  pape, 
qui  seul  peut  dispenser  du  décret  du  concile 
de  Latran;  les  autres,  au  contraire,  concluant 
du  concile  de  Latran  même,  que  pourvu  qu'un 
moine  ait  un  compagnon  de  son  ordre,  l'évèque 
et  son  abbé  peuvent  lui  confier  une  église 
paroissiale. 

Ce  dernier  sentiment  est  sans  doute  plus 
conforme  aux  décrets  de  ces  deux  papes,  mais 
cela  s'entend  des  paroisses  distinctes  du  mo- 
nastère. Car  si  la  cure  est  dans  l'église  même 
du  monastère,  Urbain  III  décide  nettement  que 
L'abbé  doit  présenter  à  l'évèque  un  prêtre  sé- 
culier qui  gouverne  la  paroisse,  et  lui  enrende 
compte;  n'étant  ni  amovible,  ni  punissable 
que  par  l'évèque.  «  In  ecclesiis  ubi  monacbi  ha- 
bitant, populus  per  monachum  non  regatur,  sed 
capellanus  qui  populum  regat,  ab  episcopoper 
consilium  monachorum  instituatur,  ita  ut  ex 
solius  episcopi  arbitrio ,  tam  ordinatio  ejus, 
q'uam  depositio  et  totius  vitœ  pendeat  conver- 
satio  (C.  In  Ecclesiis.  De  capellis  Monacho- 
rum). » 

En  l'an  l-23i,  l'abbé  de  Saint-Ouen  à  Rouen, 
obtint  du  pape  Alexandre  IV  le  privilège  de 
laire  desservir  par  un  de  ses  religieux  la  cure 
qui  était  dans  son  église  abbatiale. 

IV.  Voilà  quelle  a  été  la  police  et  le  droit  des 
décrétales  jusqu'au  concile  de  Trente.  Etienne, 
évêque  de  Tournay,  se  plaint  dans  une  de  ses 
lettres  des  moines  de  Saint-Hertin,  qui  desser- 
vaient une  de  ses  cures,  ou  par  des  vicaires  an- 
nuels et  à  gages,  ou  par  eux-mêmes,  ce  qu'il 
avait  défendu  dans  un  de  ses  synodes  selon  les 
canons  :  «  Per  seipsos  ,  quod  sacris  canonibus 


DES  PAROISSES  ET  DES  GERES  COMMISES,  etc. 


.-.'.»- 


inhibitum  est,  parochialia  ministrant  (Epist. 
ccV  » 

Le  concile  de  Cognac  en  1:238  (Can.  xxix)  dé- 
fend aux  moines  l'administration  des  cures 
sous  peine  d'excommunication,  si  ce  n'est  dans 
la  nécessité  et  avec  la  permission  de  l'évêque 
et  de  l'abbé  :  «  Nisi  in  necessitate,  cum  abbatis 
et  ipsius  diœcesani  licentia.  »  Le  concile  de 
Tours,  en  123'J  Can.  xuii,  dit  de  même  :  «  Ne 
monachi  in  ecclesiis  parochialibus  deserviant, 
nisi  ab  episcopo  in  casibus  permissis  curam 
receperint  animarum.  » 

Le  synode  de  Nîmesen  1-2SI  renouvela  toutes 
ces  règles.  Le  concile  de  Cologne  en  I  123  Can. 
xii;  frappa  d'anatbème  les  curés  ou  1rs  vicaires 
qui  commettraient  la  conduite  de  leurs  pa- 
roisses à  des  moines  mendiants,  ou  uon  men- 
diants, s'ils  ont  le  moyen  de  la  confier  a  d'au- 
tres. «  Modo  alter  idoneus  commode  haberi 
poterit,  dolo  et  fraude  seclusis.  » 

Les  constitutions  du  cardinal  Campége  pour 
la  réformation  du  clergé  d'Allemagne  Cap. 
xu),  confirmèrent  cette  exclusion  des  moines, 
même  des  exempts,  de  toute  sorte  de  euros  , 
hors  les  cas  de  nécessité.  On  y  permit  néan- 
moins de  laisser  gouverner  par  des  religieux  les 
cures  unies  à  des  monastères,  et  si  proches,  ([lie 
le  religieux  qui  les  dessert  peut  vivre  en  moine 
temps  dans  le  monastère ,  et  y  observer  la  ré- 
gularité monastique.  «  Ecelesiaj  tamen  suis 
monasteriis  unitae,usqueadeopropinqua3,quod 
religiosi  earumdem  curam  habituri,  in  mo- 
nasterio  sub  debitaque  obedientia  stare  pos- 
s:nt,  modo  sint  habiles  et  idonei,  per  hujus- 
modi  religiosos  provideri  possint  'Cap.  xui).  » 

Enfin,  on  s'y  relâcha  encore  en  faveur  des 
monastères  si  pauvres,  qu'ils  manquent  des 
choses  nécessaires ,  pourvu  que  le  religieux  curé 
soit  absolument  soumis  à  l'évêque.  «  In  quoque 
permittimus  de  monasterio ,  quod  tain  tenue 
est, ut  débitant  sustentationemhaberenequeat: 
volentes  religiosos  qualitercumque  exemptes, 
curata  bénéficia  habentes.  ordinario  loci  esse 
subjectos.  » 

Le  concile  de  Cologne,  en  1530  (Part,  iv,  c. 
xiu),  voulut  que  les  cures  unies  aux  monas- 
tères fussent  administrées  par  des  prêtres  sé- 
culiers ;  mais  en  protestant  que  ce  serait  une 
dureté  intolérable  de  priver  les  cures  d'un 
curé  religieux  qui  serait  d'une  érudition  et 
d'une  vertu  singulières.  «  Non  tamen  tam  duri 
hic  erinuis ,  quominus  interdum  viros  mona- 
sticos ,   quos  singulari  vide  exempte ,  et  do- 


ctrinal salutaris  disseminatione  insignes  com- 
periemus,  apud  ecclesias  parochiales  relicturi 
ei  confirmaturi  simus.  » 

Le  concile  de  Trêves  en  L"HÔ  Can.  xu) laissa 
aux  moines  les  cures,  qui  sont  si  voisines  de 
leur  monastère, auquel  elles  sont  unies,  qu'elles 
ne  les  empêchent  pas  d'j  résider  et  d'y  vivre 
avec  la  communauté. 

V.  Quant  aux  chanoines  réguliers ,  le  pape 
Urbain  11  permit  à  l'abbé  de  Soissons  de  don- 
ner à  ses  chanoines  l'administration  des  cures 
dépendantes  de  son  abbaye,  sans  rien  diminuer 
des  droits  de  l'évêque.  «Pi  sesentium  litterarum 
autoritate  concedimus ,  ut  in  parochianis  ec- 
clesiis, quœad  vestruni  inonasterium  pertinent, 
ngiilares  vobis  liceat  claustri  vestri  clericos 
ordinare,  qui  ecclesiis  ipsis  serviant.  et  populi 
adjacentis  parochiam  ,  salvo  episcopi  jure  de- 
bito.  sollicite  procurare  non  negligant  Epist. 
xmii  .  » 

Cette  concession  semble  nouvelle,  car  s'il  eût 
été  ou  ordinaire  ou  libre  d'en  user  de  la  sorte, 
cet  abbé  n'eût  pas  eu  recours  au  pape,  ou  il  ne 
lui  eût  au  plus  demandé  que  la  confirmation  de 
l'usage  commun.  La  raison  est  que  l'ordre 
des  chanoines  réguliers  était  alors  fort  nou- 
veau. 

Mais  cette  grâce  singulière  se  communiqua 
bientôt  a  tout  l'ordre  des  chanoines  réguliers. 
Le  concile  de  Poitiers,  en  1100,  auquel  prési- 
daient les  légats  de  Pascal  II,  successeur  d'Ur- 
bain II,  leur  permit  généralement  à  tous  d'ad- 
ministrer les  sacrements  du  baptême  et  de  la 
pénitence,  de  prêcher  et  d'enterrer  les  morts  : 
ce  sont  les  fonctions  curiales,  avec  l'agrément 
de  l'évêque.  «  Ut  clericis  regularibus  jussu 
episeopi  sui .  baptizare,  praedicare,  pœniten- 
tiam  dare,  mortuos  sepelire  liceat.  » 

Le  canon  suivant  (Can.  x) défend  aux  moines 
ces  mêmes  fonctions,»  Parochiale  ministerium* 
presbyterorum  ,  »  et  met  par  la  une  grande 
différence  entre  les  moines  et  les  chanoines 
réguliers. 

VI.  Cette  question  avait  été  agitée  avec  cha- 
leur de  part  et  d'autre,  s'il  fallait  permettre 
aux  chanoines  réguliers  d'administrer  des 
cures. 

Yves,  évèque  de  Chartres,  fut  consulté  sur  ce 
point  par  quelques  chanoines  réguliers  du 
diocèse  d'Orléans,  auxquels  il  répondit, comme 
il  nous  parait  par  sa  lettre  à  l'évêque  d'Or- 
léans même,  qu'au  commencement  de  l'Eglise 
on  ne  commettait  le  soin  des  âmes  qu'a  des 


598 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME. 


clercs  vivant  en  communauté:  «In  primitiva 
Ecclesia  nullus  constitutus  est  rector  anima- 
rum  ,  nisi  de  communi  vila  assumptus  Epist . 
(i  w  .  »  Ce  qui  est  vrai  du  temps  que  les  apô- 
tres et  tous  les  fidèles  vivaient  en  communauté 
selon  le  récit  de  saint  Luc.  Il  ajoute  d'autres 
décrétâtes  anciennes  ,  d'où  il  conclut  que  tous 
les  clercs  devraient  vivre  en  commun  :  «  Hae 
sententia?  apostolicae  nullum  clericum  a  com- 
muni vita  excipiunt,  nec  civilis ,  nec  subur- 
bana>  ecclesiœ  presbyterum.  » 

Enfin  ,  il  conclut  de  là  qu'on  ne  peut  confier 
la  conduite  des  âmes  plus  sûrement  et  plus 
saintement  qu'a  ceux  qui  ont  renoncé  à  toutes 
les  illusions  du  siècle,  pour  ne  s'occuper  que 
des  pensées  et  de  l'amour  de  l'éternité.  Mais 
cette  charge  importante  ne  doit  être  commise 
qu'à  ceux  dont  la  vie  et  la  doctrine  est  au-des- 
sus du  commun  .  et  elle  ne  peut  leur  être 
commise  que  par  l'évêque. 

«  Nemo  rectius  custos  praeponitur  vita1  alié- 
née, quam  qui  prius  custos  est  factus  vita' sua?, 
etc.  Non  tamen  ad  lioc  offlcium  alii  assumendi 
sunt,  nisi  quos  vita  et  doctrina  commendat  ; 
et  episcopalis  autoritas  ad  hoc  agendum  ido- 
neos  probat.  » 

Ce  pieux  prélat  donna  le  même  avis  à  une 
communauté  de  chanoines  réguliers  du  diocèse 
de  Limoges,  leur  déclarant  qu'ils  ne  pouvaient 
charger  des  cures  que  ceux  de  leur  corps  qui 
avaient  donné  des  preuves  plus  éclatantes  de 
leur  sagesse,  de  leur  piété  et  de  leur  fermeté 
contre  les  tentations  du  siècle,  auxquelles  le 
soin  d'une  paroisse  semble  les  exposer  de 
nouveau. 

«  Si  qui  ergo  sunt  in  collegio  vestro  \iri 
prudentes  et  maturi,  et  igné  tentationum  exa- 
minai .  quibus  hoc  omis  imponi  videtis  eos 
ante  prsesentiam  episcopi,  ut  ab  eo  curas  ani- 
marum  suscipiant.  etc.    Epist.  xcmj.  » 

Ce  second  avertissement  qu'il  leur  donne,  de 
présenter  à  l'évêque  ceux  de  leur  corps  qu'ils 
destinent  a  des  cures,  fait  croire  que  l'évêque 
de  Limoges,  qui  avait  fait  une  ordonnance 
synodale  pour  exclure  de  l'administration  des 
cures  les  chanoines  réguliers,  n'y  avait  été 
porté  que  par  l'indépendance  qu'ils  semblaient 
affecter. 

Yves  de  Chartres  dit  fort  sagement,  dans  la 
même  lettre,  que  cet  évêque  aurait  beaucoup 
mieux  fait  de  convier  tous  les  ecclésiastiques 
a  la  vie  régulière  que  d'exclure  les  réguliers 
des  fonctions  ecclésiastiques.    «  Qui    rectius 


fecisset ,  si  omnes  sacerdotes  ad  regularem 
vitam  invitasset,  quam  regulariter  viventes  a 
domioiearum  ovium  custodia  penitus  remo- 
visset  (Ibidem).  » 

Mais  après  tout,  ce  saint  et  sage  prélat  témoi- 
gne excellemment  à  ces  chanoines  réguliers 
que  celte  exclusion,  quelque  humiliante  qu'elle 
paraisse  pour  leur  corps,  ne  laisse  pas  de  leur 
être  fort  salutaire  :  ainsi  elle  doit  leur  être  fort 
agréable.  Car  qu'y  a-t-il  de  plus  souhaitable  et 
de  plus  avantageux  que  de  n'être  point  charge 
des  autres  et  n'avoir  à  répondre  que  de  soi- 
même  ?  «  Vos  enim  eo  per  viam  Dei  expeditius 
inceditis,  si  alienorum  criminum  deprimentes 
fasciculos  cum  quolidianis  vestrorum  exces- 
suum  lapsibus  non  portetis.  » 

Ce  fut  donc  à  ces  sortes  de  contestations 
qu'on  voulut  mettre  fin  dans  le  concile  de  Poi- 
tiers, dont  nous  venons  de  parler.  Aussi  on  y 
ordonna  que  ce  ne  serait  que  de  la  main  des 
eu  ques  que  les  chanoines  réguliers  prendraient 
la  conduite  des  paroisses.  Ce  droit  était  déjà  si 
bien  établi,  au  temps  de  Pierre  de  Blois,  qu'il 
en  fait  une  règle  générale  et  une  distinction 
solennelle  entre  les  moines  et  les  chanoines. 

«  Cmnobitae  quos  monachos  appellamus,  ne 
alter  alterius  onere  premeretur,  singularem 
quisque  sui  custodiam  elegerunt.  Inde  est  quod 
nec  baptizare,  nec  aliis  prœdieare,  nec  pœni- 
tentias  injungere  eis  licet.  Vos  autem  aposto- 
lorum  multitudinis,  quorum  cor  est  unum,  et 
anima  una,  vobis  et  aliis  providere  potestis  et 
debetis  (Serm.  36).  » 

Vil.  Etienne,  abbé  de  Sainte-Geneviève,  et 
depuis  évêque  de  Tournay,  demanda  à  l'évêque 
de  Chartres  une  décharge  de  quelques  exactions 
nouvelles  pour  une  de  ses  paroisses  qui  était 
gouvernée  par  deux  chanoines  réguliers  :  «  In 
qua  duo  canonici  regnlares  curam  parochiae 
gerentes,  Deo  deserviunt  (Epist.  cxxxvi).  » 

.Nous  apprenons  de  là  que  dans  chaque  cure 
il  y  devait  avoir  au  moins  deux  chanoines  ré- 
guliers pour  prévenir  les  relâchements  ou  les 
dangers  auxquels  est  exposé  celui  qui  est  seul. 

Ce  célèbre  abbé  nous  apprend  un  point  bien 
plus  important  dans  une  de  ses  lettres  au  pape, 
où  il  le  conjure  de  maintenir  l'usage  ancien, 
que  les  chanoines  réguliers  appliqués  à.  des 
cures  pussent  être  corrigés,  et  même  rappelés 
dans  le  monastère  quand  l'abbé  le  jugerait 
nécessaire. 

«  Verum  perhibemus  testimonium,  quod  ab 
exordio  nostri  ordinis,  parochiales  canonicos 


DES  PAROISSES  ET  DES  CIRES  COMMISES.  ETC. 


599 


nostros,  in  episcopatibus  in  qui  bus  sunt,  libère 
et  absque  contradictione,  pro  necessitate  vel 
utilitate  Ecclesiarum  nostrarum,  vel  pro  sua- 
rum  correptione  culparum  consuevimus  amo- 
vere,  et  in  claustrum  reducere,  et  quoties  res 
urgebat,  excommunicare  (Epist.  clxx).  » 

L'occasion  de  cette  plainte  était  l'insolence 
inouïe  de  quelques  religieux  curés  qui  avaient 
gagné  l'évêque  de  Soissons  et  s'étaient  munis 
de  sa  protection  et  du  prétexte  de  l'attache  sin- 
gulière que  les  curés  doivent  avoir  à  leur  évê- 
quc  pour  ne  pouvoir  être  ni  corrigés,  ni  arra- 
chés de  leurs  cures  par  leur  abbé. 

Cela  mettait  une  étrange  confusion  et  une 
indépendance  très-dangereuse  dans  l'ordre  des 
chanoines,  et  faisait  autant  d'abbés  et  autant 
de  chefs  indépendants  qu'il  y  avait  de  curés. 
«  Si  pestis  ista  convaluerit,  péril  ordo  cano- 
nicus,  pereunt  et  sanctorum  Patrum  regularia 
inslituta,  sol vuntur  fines  et  funes  obedientia', 
et  erunt  collegiis  nostris  tôt  abbates,  quot  pre- 
sbyteri  parochiales.  » 

VIII.  Innocent  III,  dans  une  décrétale  citée 
au  numéro  3  de  ce  chapitre,  dit  bien  que  les 
chanoines  réguliers  peuvent  être  commis  a 
gouverner  des  cures,  pourvu  qu'ils  aient  un 
compagnon  du  même  ordre  avec  eux,  pour 
être  leur  soutien  et  leur  aide  dans  l'observance 
de  la  régularité,  si  cela  se  peut  commodément. 
«  l't  exercens  plebani  officium,  si  commode 
fieri  poterit,  unum  canonicum  regularem  te- 
cum  habeas  ad  cautelam  :  cujus  in  bis  quœ 
Dei  sunt  et  regularis  observante,  tam  con- 
sorlio.  quam  solatio  perfruaris  (C.  Quod  Dei 
timorem.  De  statu  Monachorum  .  »  Mais  il  ne 
détermine  pas  si  l'abbé  pourra  retirer  ces  curés 
et  en  substituer  d'autres,  quand  il  le  jugera 
nécessaire  pour  leur  amendement  ou  pour  les 
besoins  de  son  abbaye. 

Urbain  III  décide  cette  difficulté  pour  les 
cures  qui  sont  dans  les  églises  mêmes  des 
moines,  ou  il  les  oblige  de  présenter  un  prêtre 
séculier  à  l'évêque.  qui  aura  seul  le  pouvoir  de 
l'instituer  et  de  le  destituer  :  «  Ita  ut  ex  solius 
episcopi  arbitrio,  tam  ordinatio  ejus,  quam 
dispositio,  et  totius  vitae  pendeal  conversatio 
C.  in  Ecclesiis.  De  Capellis  Mon.).  »  Mais  cela 
ne  regarde  que  les  curés  séculiers  dans  les 
églises  des  monastères,  ce  qui  est  tres-dif- 
ferent  des  curés  réguliers  dans  les  paroisses 
qui  relèvent  des  abbayes  ,  ou  même  dans 
celles  qui  n'en  relèvent  pas  ;  car  c'est  de 
celte'  seconde  espèce  que  parlait  Innocent  III 


dans    sa    décrétale    :     Quod    Dei    timorem. 

Le  concile  de  la  province  de  Rouen,  a  l'onl- 
Audemer,  en  1-270  (Can.  xxiv),  prit  un  tempé- 
rament fort  juste,  ce  semble,  pour  accorder  les 
divers  intérêts  de  l'évêque  et  de  l'abbé  dans 
les  différends  de  cette  nature  :  ce  fut  que  l'é- 
vêque ne  donnerait  la  conduite  de  la  cure  aux 
chanoines  présentés  par  l'abbé  qu'après  un  ri- 
goureux examen  et  après  avoir  reçu  promesse 
de  l'abbé  qu'il  ne  les  retirerait  jamais  sans  l'a- 
grément de  l'évêque;  enfin  que,  si  l'abbé  lais- 
sait vaquer  la  cure,  plus  de  quarante  jours, 
l'évêque  y  pourrait  mettre  un  prêtre  séculier  : 
«  nu, nique  eorum  praelati,  postquam  ipsi  ab 
episcopo  recepti  fuerint  ad  curam  animarum, 
eos  sine  conscientia  episcoporum  suorum,  ab 
eis  non  valeant  amovere,  etc.  » 

C'était  reconnaître  que  ces  curés  réguliers 
sont  effeclivement  amovibles  ou  révocables  a 
la  volonté  des  abbés,  mais  engager  les  abbés  à 
n'user  de  ce  pouvoir,  que  le  droit  leur  donnai), 
qu'avec  la  participation  et  le  consentement  des 
évêques. 

IX.  Par  le  droit  établi  depuis  le  concile  de 
Trente,  les  chanoines  réguliers  conservent  tou- 
jours le  même  pouvoir  de  tenir  des  cures, 
puisque  le  concile  de  Trente  ne  les  en  a  exclus 
qu'après  qu'ils  ont  passé  d'un  ordre  à  un  autre. 
Car  cette  inconstance  doit  faire  craindre  que 
ce  ne  soit  le  libertinage  qui  les  pousse,  plutôt 
que  le  désir  sincère  de  leur  salut.  Ainsi,  il  y  a 
eu  raison  de  leur  défendre  tous  les  bénéfices 
séculiers;  car  les  réguliers  sont  toujours  laissés 
aux  réguliers  par  le  concile  :  «  Taliter  transla- 
tus,  etiamsi  canonicorum  regularium  fuerit, 
ad  bénéficia  sa>cularia  etiam  curala.  omnino 
incapax  existât  (Sess.  xiv,  c.  lu,  11).  » 

Ce  texte  du  concile  fait  voir  que  les  cha- 
noines réguliers,  hors  de  ce  cas  d'instabilité, 
peuvent  se  charger  même  des  paroisses  sécu- 
lières, et  non  pas  seulement  des  régulières, 
c'est-a-dire  de  celles  qui  sont  unies  à  leur 
ordre. 

Si  ce  concile  (Sess.  vu,  c.  7)  permet  aux  évê- 
ques de  mettre  des  vicaires  perpétuels  dans  les 
paroisses  unies  aux  églises  collégiales,  Pie  V 
y  dérogea  par  une  bulle  qui  permit  aux  cha- 
noines réguliers  et  aux  mendiants  de  nommer 
pour  ces  cures  unies  des  vicaires  amovibles  de 
leur  corps,  les  faisant  approuver  par  l'évêque. 

11  est  vrai  que  cette  bulle  fut  depuis  réduite 
aux  termes  du  concile  de  Trente;  mais,  en  1575, 
le  cardinal  Borromée  ayant  mis  un  vicaire  se- 


600 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME. 


entier  perpétuel  an  lieu  du  régulier  dans  une 
de  ces  églises,  le  pape  le  fit  prier  d'y  en  re- 
mettre un  régulier  et  amovible,  s'il  s'y  en 
trouvait  de  capable  (Fagnan.,  in  1.  m,  part.  2 
Décret.,  p.  Ils"  . 

Apres  cela,  Grégoire  XIII  ne  laissa  pas  de 
publier  une  constitution,  en  1581,  par  laquelle 
il  défend  aux  réguliers  de  prendre  des  cures 
séculières,  même  pour  un  temps,  même  avec 
la  permission  de  leur  général,  sans  dispense 
du  Saint-Siège.  Les  chanoines  réguliers  de- 
mandèrent d'être  dispensés  de  celte  constitu- 
tion, et  ils  fuient  refusés. 

La  congrégation  du  concile  déclara  ensuite 
que  les  évèques  ne  pouvaient  pas  commettre 
des  cures  à  des  réguliers  sans  la  dispense  du 
pape,  qui  oe  devait  être  accordée  qu'aux  ins- 
tantes prières  de  l'évêque  pour  les  nécessités 
de  son  église  :  «  Quae  dispensatio  non  videtur 
concedenda,  nisi  instante  episcopo,  pro  neces- 
sitate,  vel  utilitate  ecclesiae  (Ibidem).  » 

Les  réguliers  sont  bien  moins  capables  des 
bénéfices  séculiers  non  cures,  que  des  cha- 
noinies  ou  des  bénéfices  simples.  On  leur  a 
toujours  plus  volontiers  commis  les  bénéfices 
cures,  à  cause  de  la  prédication,  dont  ils  étaient 
les  plus  capables.  Le  droit  ancien  même  défen- 
dait aux  réguliers  les  bénéfices  séculiers. 
Alexandre  III  déclare  qu'ils  ne  peuvent  tenir 
des  églises  séculières  sans  contrevenir  à  leur 
vœu  et  devenir  propriétaires:  «  Xec  amplius 
in  ecclesiis  saecularibus  debent  assumi  ,  nec 
contra  votum,  quod  Domino  fecerunt,  venire 
probentur  (C.  Super  eo.  De  regulanbus).  » 

Aussi,  la  congrégation  du  concile  ayant  con- 
senti qui-,  dans  la  nécessité  et  avec  dispense  du 
pape,  un  moine  fût  commis  à  une  cure,  elle 
ordonna  en  même  temps  que,  sa  nourriture 
déduite,  tout  le  reste  des  revenus  fût  donné 
aux  nécessités  de  l'Eglise  ou  des  pauvres. 

Grégoire  XIII,  consulté  en  1378  par  la  con- 
grégation  même  du  concile,  décida  qu'un  cha- 
noine régulier  même  était  incapable  d'un  bé- 
néfice simple,  parce  que,  quoique  le  concile  de 
Trente  ne  l'eût  pas  défendu,  la  défense  du  droit 
commun  ancien  n'était  pas  révoquée  (Fagnan., 
ibid.). 

(I)  Depuis  Thomassin ,  la  discipline  qui  autorisait  les  chanoines 
réguliers  à  occupi  r  des  rures,  a  changé.  Benoit  XIV,  par  la  consti- 
lulion  Quod  imcrulabili,  déclara  que  les  chanoines  réguliers  de  La- 
tran  et  de  Sainl-Sauveur  étaient  incapables  de  concourir  pour  les 
,ùr.s.p">r  les  prébendes  de  U.c. .< .-ni  t-t  de  pénitencier,  d'acquérir 
des  bénéfices  simples  ou  des  pensions.  Il  est  absolument  dé- 
fendu auxdits  chanoines  réguliers  qui  seraient  pourvus  d'une  cure  de 
..  ,  cloître.    Mais  si,    p.  îor»,    et  par  dispense 


Ce  que  nous  avons  dit  ne  regarde  pas  les 
églises  et  les  cures  du  Nouveau-Monde,  où 
Pie  Y  permit,  en  1567,  a  la  demande  du  roi 
d'Espagne,  que  les  moines  pussent  remplir  les 
cures,  puisque  le  défaut  de  prêtres  séculiers  y 
avait  déjà  rendu  cet  usage  et  ordinaire  et  an- 
cien ilîullaiii,  t.  n). 

X.  La  déerétale  In  Ecclesiis,  de  capellis  Mo- 
nachorum  ne  permettait  pas  aux  réguliers 
d'exercer  la  cure  dans  l'église  du  monastère 
même,  mais  il  fallait  y  établir  un  prêtre  sécu- 
lier. 

Les  canouistes  avaient  déjà  remarqué  l'inob- 
servance générale  de  ce  statut  (Idem  ibid., 
p.  221).  Aussi  le  concile  de  Trente  (Sess.  xxv, 
c.  -2  ,  supposant  que,  selon  la  coutume,  un  ré- 
gulier est  chargé  de  cette  cure,  il  le  soumet 
absolument  a  la  juridiction  de  l'évêque  pour 
tout  ce  qui  regarde  la  conduite  des  âmes  et 
l'administration  des  sacrements. 

11  paraît  d'abord  étrange  que  les  décrétales 
eussent  permis  aux  réguliers  de  prendre  des 
cures  séparées  du  monastère,  et  leur  eussent 
défendu  celle  du  monastère  même.  Cependant 
cette  décision  n'était  pas  sans  quelque  fonde- 
ment. Il  est  certain  qu'un  religieux  ne  peut 
pas  à  toute  heure  sorlir  hors  de  son  monastère, 
pour  aller  assister  ou  visiter  ses  paroissiens, 
sans  blesser  la  régularité,  le  silence  et  la  soli- 
tude du  monastère;  mais, quand  il  est  une  fois 
relâché  et  logé  hors  du  monastère  par  les  voies 
canoniques,  il  ne  peut  plus  être  un  sujet  de 
scandale  à  qui  que  ce  soil. 

C'est  la  raison  pour  laquelle  les  décrétales 
ont  défendu  aux  réguliers  de  posséder  des 
cures  situées  dans  leurs  monastères,  et  qu'elles 
leur  ont  permis  de  posséder  des  cures  situées 
ailleurs. 

Le  concile  de  Tours,  en  L583  (Cap.  xvi),  dé- 
clara aux  religieux  mendiants  qui,  par  dispense 
du  pape,  ont  été  chargés  de  quelque  cure  au 
défaut  des  clercs  séculiers,  qu'ils  sont  toujours 
obligés  à  leurs  vœux,  leur  habit  et  leur  ton- 
sure il). 


apostolique,  ils  étaient  autorisés  à  occuper  des  cures,  dans  ce  cas,  ils 
ne  seraient  pas  tenus  de  porter  l'habit  canonical,  ni  de  s'adjoindre 
un  compagnon  ce  leur  ordre.  Mais,  du  moment  qu'il  résignerait  son 
e  paroissial  ou  qu'il  en  serait  privé  par  sentence  juridique,  le 
chan   me  régulier  serait  obligé  de  rentrer  dans  son  couvent. 

Par  la  constitution  Oite>oso,  du  5  septembre    1750,  le  même  Be- 
noit XIV  autorisa  les  chanoines  réguliers  prémontrés   d'occuper  des 
des  vicairies  perpétuelles  fans  aucune  dispense  apostolique. 


LA  POLICE  DES  MONASTÈRES,  LES  LAURES,  etc. 


601 


CHAriTRE  VINGT-TROISIEME. 


LA   POLICE   DES  MONASTERES,    LES   LAURES,    LES   CELLES.    LES   SUPERIEURS   GENERAUX, 
PENDANT    LES   CINQ    PREMIERS   SIÈCLES. 


I.  Saint  Jérôme  veul  que  la  police  des  monastères  se  règle 
sur  relie  île  l'Eglise. 

II.  Il  y  avait  des  supérieurs,  des  supérieurs  subalternes,  des 
doyens. 

III.  Trois  différentes  sortes  de  moines  selon  saint  Jérôme. 

IV.  Quatre  sortes  de  moines  selon  C3ssien.  On  ne  parvient 
à  la  contemplation  des  solitaires,  que  par  les  vertus  de  la  vie 
commune. 

V.  Les  lanres  étaient  des  cellules  séparées,  aux  environs  du 
monastère.  Combien  ces  solitaires  étaient  utiles  à  l'Eglise. 

VI.  Il  y  avait  des  laures  sans  monastère. 

VII.  Des  cellules  séparées  condamnées  même  dans  ces  der- 
niers siècles. 

VIII.  Le  concile  de  Vannes  les  condamne. 

IX.  Pourquoi  on  y  défend  à  un  abbé  d'avoir  plusieurs  mo- 
nastères. 

X.  Des  généraux  d'ordre. 

XI.  Pourquoi  les  évèques  n'en  avaient  nulle  jalousie. 

XII.  Autres  preuves  qu'il  y  avait  des  congrégations  monas- 
tiques sous  un  abbé  général. 

I.  La  police  dos  monastères  a  été  formée  sur 
celle  de  l'Eglise,  et  les  plus  saints  et  les  plus 
illustres  enfants  de  cette  divine  mère  ont  aussi 
été  ses  plus  fidèles  imitateurs. 

C'est  ce  qui  a  fait  conclure  à  saint  Jérôme 
que  la  discipline  des  religieux  qui  vivent  en 
commun,  sous  les  ordres  et  l'obéissance  d'un 
supérieur,  était  et  la  plus  sûre  et  la  plus  ache- 
tée, parce  qu'elle  était  plus  ressemblante  à 
celle  de  l'Eglise,  qui  est  l'ouvrage  de  la  sagesse 
et  de  la  sainteté  éternelles. 

«  Singuli  Eeclesiarum  episcopi,  singuli  ar- 
cbipresbyteri,  singuli  arcliidiaconi,  et  omnis 
ordo  ecclesiasticus  suis  rectoribus  nitilur.  Hue 


tendit  oratio,  ut  doceam,  te  non  tuo  arbitrio 
dimittendum,  sed  vivere  debere  in  monasterio 
sub  unius  disciplina  patris,  consortioque  mul- 
torum.  Pra?positum  monasterii  timeas  ut  do- 
minum,  diligas  ut  patrem  (Ad  Ilustic.  Monaco, 
de  vivendi  forma).  » 

II.  Ces  religieux  vivant  en  commun  avaient 
donc  un  supérieur  qui  les  gouvernait;  comme 
leur  nombre  était  quelquefois  excessif,  ce  supé- 
rieur général  avait  comme  des  assistants,  des 
prévôts,  des  doyens,  qui  partageaient  avec  lui 
le  soin  de  son  troupeau. 

«  Prima  apud  eos  confcederatio  est,  obedire 
majoribus,  et  quidquid  jusserint  facere.  Divisi 
sont  per  decurias,  atque  centurias;  ita  ut  no- 
vem  bominibus  decimus  prœsit,  et  rursus  de- 
cem  pra?positos  sub  se  centesimus  habeat. 
Manent  separati,  sed  junctis  cellulis,  »  dit  le 
même  saint  Jérôme  (Ad  Eustoch.,  de  virgin. 
servan.). 

Cette  subordination  de  supérieurs  sous  un 
supérieur  général  est  une  imitation  encore 
plus  parfaite  de  la  police  ecclésiastique. 

III.  Mais  saint  Jérôme  dit,  dans  le  même  en- 
droit, qu'il  y  avait  deux  autres  sortes  de  moines, 
outre  ces  cénobites.  Les  uns  vivaient  seuls  dans 
les  affreuses  solitudes,  et  on  les  appelait  à  cause 
de  cela  anachorètes,  comme  de  parfaits  soli- 
taires. C'était  là  le  comble  de  la  perfection 
monastique;  mais  il  fallait  y  monter  par  les 


En  fait,  avant  la  révolution,  en    France,    en   Allemagne  et  en  Bel- 
gique, il  y  avait  beaucoup  de  cures  desservies  par  les  prémontrés. 

On  ne  doit  pas  perdre  de  vue  que,  d'après  le  droit  canonique  tout 
entier,  les  curés  religieux  sont  nécessairement  amovibles,  parce  qu'ils 
sont  liés  par  leur  vœu  d'obéissance.  Dans  la  constitution  Cum  alias, 
Benoit  XtV  n'a  fait  que  résumer  le  droit  antérieur,  quand  il  a  dit  : 
«  Si  ob  defectum  sacerdotum  sœcularium  beneficiis  curalis  prœfîcian- 
■  tur  regulares,  hi  tanquam  amovibiles  ad  nutum,  possunt,  nulla  ex- 
«  pressa  causa,  ab  ordinano  vel  eliam  a  superiore  regulari  removeri.  n 
Mais  tout  le  droit  nous  apprend  que,  lorsque  une  cure  est  occupée 


par  un  prêtre  séculier,  il  dewent  par  son  titre  seul  inamovible,  et  ne 
peut  être  dépossédé  que  par  une  procédure  canonique.  Le  droitcanoni- 
tl'ie  n'admet  de  curé  amovible  que  lorsqu'il  y  a  dans  une  paroisse  un 
curé  primitif  comme  chapitre,  évêque,  monastère,  hôpital,  ou  lorsque 
les  fondateurs  des  paroisses  ont  expressément  stipulé  qu'elles  seraient 
entre  les  mains  de  l'évèque.  Or,  on  entend  par  fondateurs  des  pa- 
roisses ceux  qui  les  font  construire  et  les  dotent  de  biens-fonds  pour 
leur  entretien  et  celui  de  leur  clergé.  C'est  le  cas  du  diocèse  de 
Séville  allégué  naguère  pourjusuûer  ce  qui  ne  peut  pas  l'être. 

(Dr  André.) 


60-2 


DES  CONGRÉGATIONS. 


CHAPITRE  VINGT-TROISIÈME. 


degrés  de  la  vie  cénobitique  et  par  tous  ces 
admirables  exercices  de  loutes  les  vertus  aus- 
tères- (|ui  se  pratiquent  dans  les  communautés. 
Les  derniers,  qu'on  nommait  en  Egypte  remo- 
both  et  qui  étaient  les  moins  vertueux,  se  reti- 
raient deux  ou  trois  ensemble,  ou  peu  davan- 
tage, mais  sans  règle  et  sans  supérieur,  mettant 
seulement  en  commun  une  partie  du  prix  de 
leur  travail  pour  manger  tous  ensemble.  Cette 
indépendance  dans  laquelle  ils  vivaient  était 
une  source  féconde  de  désordres. 

«  Hi  bini  vel  terni,  née  multo  plures  simul 
habitant,  suo  arbitratu  ac  ditione  viventes  :  Et 
de  eo  quod  laboraverint,  in  medio  partes  con- 
ferunt,  ut  babeant  alimenta  communia.  Habi- 
tant autem  quamplurimi  in  urbibus et castellis; 
et  quasi  ars  sit  sancla,  non  vita,  quidquid  ven- 
diderint,  majoris  est  pretii.  Inter  bos  sœpe 
sunt  jurgia,  etc.  » 

Il  est  bon  de  remarquer  les  défauts  de  cette 
troisième  sorte  de  moines,  parce  que,  dans  ces 
derniers  siècles  même,  on  a  été  obligé  d'en 
abolir  les  restes. 

IV.  Cassien,  qui  a  fait  la  description  de  ces 
trois  sortes  de  moines,  a  donné  aux  deux  pre- 
mières les  louanges  qui  leur  sont  si  justement 
dues,  et  s'est  emporté  avec  le  même  zèle  contre 
la  dernière.  Il  dit  qu'en  Egypte  on  les  appelait 
sar abattes,  parce  qu'ils  faisaient  profession  de 
ne  recevoir  la  loi  de  personne  et  de  vivre  en 
leurs  propres  maisons,  ou  bien  deux  ou  trois 
ensemble  dans  des  cellules  auxquelles  ils  don- 
naient le  nom  de  monastères. 

«Districtionem  cœnobii  déclinantes,  bini  vel 
terni  in  cellulis  commorantur,  non  contenti 
abbatis  cura  atque  imperio  gubernari,  sed  hoc 
prœcipue  procurantes,  ut  absoluti  a  seniorum 
jugo,  exercendi  voluntates  suas,  vel  quo  pla- 
cuerit  evagandi,  agendive  quod  libitum  fuerit, 
babeant  libertatem,  etc.  »  Et  au  même  endroit  : 
«  Aut  in  suis  domiciliis  sub  privilegio  hujus 
nominis  iisdem  obstricti  occupationibus  persé- 
vérant, aut  construentes  sibi  cellulas,  easque 
monasteria  nuncupantes,  suo  in  eis  jure  ac  li- 
bella te  consistunt,  etc.  (Collât,  is,  c.  vu).  » 

Cassien  ajoute  une  quatrième  sorte  de 
moines,  qui  n'est  qu'une  dépravation  de  la 
seconde.  C'étaient  des  anachorètes  qui  com- 
mençaient par  où  ils  devaient  finir,  qui  se  je- 
taient seuls  dans  la  solitude  avant  que  d'avoir 
appris  à  mortifier  leurs  passions  dans  les  mo- 
nastères réglés,  et  qui,  par  ce  renversement 
indiscret,  cachaient  plutôt  leurs  vices  dans  les 


déserts  qu'ils  ne  les  corrigeaient.  «  Porro  virili- 
tés non  occullatione  vitiorum,  sed  expugna- 
tione  pariuntur  Ibid.,  c.  vin).  » 

Le  saint  abbé  Paul  lit  un  renversement  bien 
plus  merveilleux  lorsqu'il  revint  dans  la  société 
des  monastères,  après  avoir  passé  vingt  ans 
tout  seul  dans  une  solitude  à  laquelle  il  ne 
s'était  engagé  qu'après  avoir  vécu  trente  ans 
dans  tous  les  vertueux  exercices  des  cénobites. 
Cet  admirable  solitaire,  par  un  sentiment  d'une 
humilité  incroyable,  pensait  avoir  encore  des 
passions  immortifiées  qu'on  ne  peut  bien  dom- 
pter que  dans  la  vie  commune;  et,  en  tout 
cas,  il  jugeait  qu'il  était  plus  sûr  de  s'attacher 
humblement  à  un  état  médiocre,  que  d'aspirer 
à  une  élévation  périlleuse.  «  Minus  est  prae- 
sumptae  sublimions  professionis  difficultate 
periculum.  Melius  enim  est  devotum  in  mino- 
ribus,  quam  indevotum  in  majoribus  profes- 
sionibus  inveniri  (Collât.  19,  c.  n,  m).  » 

Enfin,  Cassien  ajoute  que  le  comble  de  la 
perfection  consiste  à  allier  les  vertus  et  les 
avantages  de  ces  deux  genres  de  vie  si  divers 
et  si  excellents  des  parfaits  solitaires  et  des  cé- 
nobites. Tels  ont  été  les  Macaire ,  les  Papb- 
nuce,  Moïse  et  tant  d'autres  qui  se  sont  partagés 
entre  la  contemplation  et  l'action,  et  qui,  tan- 
tôt se  sont  abîmés  dans  les  saintes  délices  de 
la  solitude,  tantôt  se  sont  sacrifiés  à  la  charité 
et  au  salut  de  leurs  frères.  «  Is  vere  non  ex 
parte  perfectus  est,  qui  et  in  eremosquallorem 
solitudinis,  et  in  cœnobio  intirmitates  fratrum 
eequali  magnanimitate  sustentât  (lbid.,c.  ix).  » 

V.  Ce  fut  dans  ce  dessein  qu'on  dressa  des 
laures  et  des  monastères  en  un  même  lieu, 
afin  que  les  plus  parfaits  vécussent  dans  les 
laures  qui  étaient  des  cellules  séparées  les  unes 
des  autres,  et  que  les  plus  jeunes  apprissent 
dans  les  monastères,  comme  dans  les  écoles  de 
toutes  les  vertus,  à  mortifier  leurs  (tassions 
déréglées;  enfin,  pour  faire  que  les  solitaires, 
passant  de  fois  à  autre  de  leurs  cellules  dans 
les  monastères,  eussent  le  moyen  de  s'élever  a 
ce  haut  point  de  la  perfection  achevée  qui  em- 
brasse tous  les  avantages  de  ces  deux  merveil- 
leuses perfections.  Tel  fut  le  monastère  du  saint 
et  admirable  abbé  Cérasime,  accompagné  d'une 
laure  de  soixante  et  dix  cellules,  dont  la  des- 
cription nous  a  été  donnée  par  l'ancien  auteur 
de  la  vie  du  bienheureux  abbé  Euthyme. 

«  Hic  ergo  magnus  Gerasimus,  qui  Jordanis 
solitudinis  civis  fuit  simul  et  patronus,  cum 
maximam  illic  lauram ,  quae  non  pauciores  , 


LA  POLICE  DES  MONASTÈRES,  LES  LAURES,  etc. 


1103 


quam  septuaginta  anachorètes  habebat,  con- 
struxisset,  et  praeterea  cœnobium  in  medio 
ejus  optime  collocasset;  curabat,  ut  qui  intro- 
ducebantur  quidem  monaehi ,  marièrent  in 
cœnobio  et  vitam  monasticam  exercèrent.  Qui 
autemcrebrisetlongisselaboribusexercuerant, 
et  ad  perfectionis  mensuras  jam  pervenerant, 
eos  in  iis,  qiue  vocantur,  cellis,  eollocans,  sub 
hac  jubebat  vivere  régula,  ut  quinque  dies 
hebdomadae  unusquisque  in  sua  cella  sileret, 
nihil  guslans,  quod  esset  esculentum,  nisi  pa- 
nem  et  aquam  et  dactylos.  Sabbato  autem  et 
Dominica  venientes  in  eeclesiam,  cum  partiei- 
parint  sanctifieata,  cocto  uterentur  in  cœnobio, 
et  sumerent  pat  um  vini  ^Surius,  die  -20  Januar.. 
cap.  lvh  .  » 

Saint  Augustin  a  pris  la  défense  de  ces  par- 
faits anachorètes  contre  l'audace  inconsidérée 
de  ceux  qui  les  croient  être  inutiles  a  l'Eglise, 
ne  voyant  pas  que  leurs  prières  et  leurs  exem- 
ples sont  d'une  incroyable  utilité,  et  comme 
autant  de  trophées  de  la  véritable  Eglise  sur 
toutes  les  sectes  profanes.  Aussi,  ce  Père  les 
oppose  aux  Manichéens  qui  ne  pouvaient  avoir 
chez  eux  que  de  fausses  images  de  ces  éminen- 
tes  vertus.  «  Videntur  nonnullis  res  humanas 
plus  quam  oporteret  deseruisse,  non  intelli- 
gentibus  quantam  nohiseorum  animus  in  ora- 
tionibus  prosit,  et  vita  ad  exemplum,  quorum 
corpora  \idere  non  sinimur.  » 

Celle  réponse  est  encore  bien  plus  efficace 
contre  ceux  qui  accusent  d'inutilité  lous  les 
religieux  et  les  communautés  qui  ne  s'appli- 
quent pas  au  salut  du  prochain,  quoique  etlec- 
tivement  leurs  exemples,  leurs  prières  et  leurs 
charités  contribuent  beaucoup  à  l'édification 
des  lideles,  et  que  Ruffin  n'ait  pas  craint  de 
dire  que  le  monde  ne  subsistait  que  par  leurs 
prières  :  «  Ut  dubitari  non  debeat  ipsorum 
mentis  adlmc  stare  mundum  (Ruffin.  Prolog, 
in  1.  ii,  de  vitis  Patrum).  » 

VI.  Ce  sont  la  les  merveilleuses  inventions 
de  l'ingénieuse  piété  des  solitaires  pour  joindre 
les  divers  degrés  de  vertu  et  de  perfection  qui 
ne  semblaient  pas  être  compatibles  dans  la 
même  personne.  Les  laures  n'étaient  pas  tou- 
jours accompagnées  d'un  monastère ,  mais 
c'était  une  règle  invariable  qu'il  fallait  avoir 
fait  dans  les  monastères  un  apprentissage  long 
et  laborieux  de  toutes  les  plus  austères  vertus 
avant  que  d'être  admis  dans  les  laures.  Le 
grand  Eulhyme  avait  lui-même  dressé  une 
aUre  avec  cinquante  cellules,  pour  autant  de 


solitaires,  et  on  y  célébrait  tous  les  jours  le 
sacrifice  du  divin  Agneau.  «  Ccepit  prospéra  et 
felix  esse  laura,  et  ejus  amplilicari  multitudo, 
et  deductus  est  fratrum  numerus  ad  quinqua- 
ginta,  et  unicuique  eorum  fuit  aedificata  cella, 
et  quotidie  sacra  peragebantur  mysteria  (lbid., 
c.  xxxu).  B 

Le  jeune  Sabas  se  présenta  à  Euthyme  pour 
être  reçu  dans  sa  laure;  quoique  Euthyme,  par 
une  lumière  du  divin  Esprit,  prévît  les  grands 
progrès  que  Sabas  ferait  un  jour  dans  les  voies 
de  la  plus  haute  perfection,  il  l'envoya  néan- 
moins, selon  la  coutume,  dans  un  monastère. 
Sabas,  dans  la  suite  du  temps,  bàlit  lui-même 
des  monastères  et  des  laures,  mais  il  ne  recul 
personne  dans  les  laures  qu'après  de  longues 
épreuves  dans  les  monastères. 

«  Xulli  imberbi  licebat  omnino  lauram  in- 
gredi.  Cum  autem  vidisset  hic  divinus  pater 
eum  qui  renuntiaverat,  et  regulam  monastica? 
institutionis  didicisse,  et  recte  mentem  suam 
posse  cuslodire,  et  a  mente  sua  expulisse  om- 
nem  rerum  mundanarum  memoriam.  ei  prae- 
bebat  cellam  in  laura,  si  corpus  haberet  infir- 
muin.  Si  vero  esset  fortis  et  robustus,  ei  jube- 
bat cellam  aediticare  (Vita  S.  Sabae,  c.  ix,  xxxvi, 
xci;  Surius,  die  o  Decemb.).  » 

Saint  Jérôme  a  remarqué  les  austérités  des 
monastères  dans  son  premier  livre  contre  Jovi- 
nien  :  «  Sordidam  tunieam.  nudos  pedes,  eiba- 
rium  panem,  aquœ  potum.  »  Et  dans  le  second 
livre  :  «Tune  pexa  tunica  et  nigra  subucula 
vestiebaris,  sordidatus  et  pallidus,  et  callosam 
opère  gestitans  manum.  Nudo  eras  pede.  » 

Saint  Augustin  parlant  des  moines  en  géné- 
ral ,  dit  qu'ils  s'abstiennent  du  vin  et  de  la 
viande.  «  Xon  solum  a  carnibus  et  vino  absti- 
nent, etc.  » 

VIL  II  n'est  pas  difficile  de  juger  à  laquelle 
de  ces  sortes  de  différentes  vies  se  peuvent  rap- 
porter les  monastères,  les  abbayes,  les  prieurés 
et  les  autres  bénéfices  réguliers  des  siècles 
derniers. 

Les  cellules  séparées  et  indépendantes  ont 
été  abolies,  aussi  bien  que  les  petits  monastères, 
comme  approchant  beaucoup  de  ces  sarabaïtes 
anciens  que  saint  Jérôme  et  Cassien  avaient 
dépeints  avec  des  couleurs  si  noires.  Il  est  resté, 
et  il  se  forme  tous  les  jours  des  solitaires  qui 
vivent  seuls,  sans  supérieur  et  sans  autre  règle 
que  leur  propre  volonté  ;  mais  il  est  facile  de 
tirer  cette  conséquence  de  ce  que  nous  avons 
dit  que  le  zèle  de  nos  évêques  à  ne  pas  les  souf- 


601 


DES  CONGRÉGATIONS.  —  CHAPITRE  VINGT-TROISIÈME. 


frir  est  animé  du  même  esprit  que  celui  des 
anciens  Pères.  Il  ne  reste  donc  que  le  mélange 
et  le  tempérament  des  cénobites  et  des  soli- 
taires, qui  paraissent  évidemment  dans  quel- 
ques ordres  des  derniers  siècles,  ou  la  seule 
profession  des  cénobites  qui  se  voit  dans  la 
plupart  des  autres. 

VIII.  Le  canon  du  concile  de  Vannes  a  com- 
pris en  peu  de  mots  la  meilleure  partie  de  ce 
que  nous  venons  dédire.  «  Servandum  quoqtie 
de  monachis,  ne  eis  ad  solitarias  cellulas  liceat 
a  congregalione  discedere  :  nisi  forte  probatis 
post  emeritos  labores  (L.  1,  De  moi  ib.  Eccles. 
Catli.,  c.  xxxi).  » 

Ce  concile  ajoute  qu'on  pourra  permettre 
aux  infirmes  des  cellules  séparées,  où  on  leur 
relâche  quelque  chose  de  la  dureté  de  la  règle, 
pourvu  que  toutes  ces  cellules  soient  renfer- 
mées dans  l'enceinte  du  monastère.  «  Aut  pro- 
pter  infirmitatis  necessitatem  asperior  ab  abba- 
tibus  régula  remittatur.  Quod  ita  demum  fiet; 
ut  intra  eadem  monasterii  septa  manentes,  ta- 
men  sub  abbatis  potestate  separatas  haberc 
cellulas  permittanlur.  » 

IX.  Le  canon  suivant  de  ce  concile  (Can.  vin) 
donne  ouverture  pour  un  autre  point  qui  nous 
reste  à  éclaircir  ;  il  défend  à  un  abbé  d'avoir 
plusieurs  abbayes  sous  le  nom  de  cellules  ou 
de  monastères.  «  Abbatibus  quoque  singulis, 
diversas  cellulas  aut  plura  monasteria  habere 
non  liceat,  nisi  tantum  propter  incursum  hosti- 
litatis,  intra  muros  receptacula  collocare.  » 

Ces  lieux  de  retraite  dans  les  villes  ont  enfin 
été  changés  en  monastères.  Mais  ce  concile 
semble  ne  pas  approuver  une  chose  qui  était 
commune  à  tous  ces  fameux  et  illustres  soli- 
taires. Car,  combien  de  monastères  fonda  An- 
toine dans  l'Egypte,  combien  Pacùme  dans  la 
Thébaïde,  Hilarion  dans  la  Palestine,  Théodose, 
Eulhyme,  Sabas  ne  fondèrent-ils  pas  un  nom- 
bre presque  innombrable  de  laures  et  de  mo- 
nastères, et  n'en  furent-ils  pas  les  supérieurs 
généraux  durant  leur  vie? 

X.  La  vie  du  bienheureux  Poslumius  ap- 
prend que  ce  saint  homme  fut  père  de  cinq  mille 
solitaires;  mais  que  le  grand  Antoine  en  avait 
laissé  cinquante  mille  sous  la  conduite  et  la 
direction  de  Macaire.  «  Idem  Macai  ius  nb  illu- 
stri  viro  Antonio  monachorum  fere  quinqua- 
ginta  millia  suseepeiat  gubernanda  (Rosveid., 
vitae  Patrum).  » 

Sé\ère  Sulpice,  dans  son  second  dialogue, 
dit  qu'il  y  avait  deux  ou  trois  mille  religieux 


assez  connus  par  le  seul  nom  de  Tabennes, 
remarquables  par  leurs  austérités  extraordi- 
naires (De  vit.  Patr.,  1.  n,  c.  3).  Il  dit  que  dans 
la  ville  d'Oxirinque,  il  y  avait  plus  de  monas- 
tères que  de  maisons,  qu'à  toutes  les  heures 
du  jour  et  de  la  nuit  on  y  faisait  retentir  les 
louanges  de  Dieu,  et  qu'il  y  apprit  lui-même 
de  l'évèque  du  lieu  qu'il  y  avait  vingt  mille 
vierges  consacrées  à  l'Agneau  sans  tache  et  dix 
mille  religieux.  Il  ose  même  avancer  que  les 
solitudes  d'Egypte  ne  sont  pas  moins  peuplées 
de  moines  que  les  villes  d'habitants.  «  Quanti 
populi  habentur  in  urbibus,  tantse  pêne  haben- 
tur  in  desertis  multitudines  monachorum.  » 

Enfin,  il  assure  avoir  vu  le  prêtre  Sérapion, 
père  de  plusieurs  monastères,  et  supérieur 
d'environ  dix  mille  religieux.  «  Sed  et  in  re- 
gione  Arsenoite  Serapionem  quenidam  presby- 
terum  vidimus  ,  multorum  monasteriorum 
patrem,  sub  cujus  cura  plura  et  diversa  mona- 
steria, quasi  decem  millium  habeantur  mona- 
chorum (Ibid.,  c.  xvui).  » 

Théodoret  envoya  sa  lettre  au  pape  Léon 
par  deux  de  ses  prêtres  et  par  l'exarque  de  ses 
monastères.  «  Per  Alipium  monachorum  quj 
apud  nos  sunt  exarehum  (Ep.  cxiu,  cxvi).  » 

XL  Tous  ces  exemples  ne  permettent  pas  de 
douter  qu'un  seul  abbé  ou  supérieur  général 
ne  fut  très-souvent  chargé  d'un  fort  grand 
nombre  de  monastères,  qui  faisait  comme  un 
seul  corps  et  une  congrégation  dont  il  était  le 
chef.  Les  évèques  ne  concevaient  point  de  ja- 
lousie contre  ces  saintes  et  nombreuses  socié- 
tés, ou  parce  que  leurs  vertus  étaient  encore 
plus  miraculeuses  que  les  miracles  mêmes  que 
Dieu  faisait  par  leur  entremise;  ou  parce  que 
leur  humilité  et  leur  soumission  étaient 
extrêmes  envers  leurs  supérieurs  ecclésiasti- 
ques; ou  parce  qu'ils  n'habitaient  encore  ordi- 
nairement que  les  solitudes;  ou  enfin  parce 
que  ne  vivant  presque  que  du  travail  de  leurs 
mains,  quelque  étendue  que  pussent  avoir  ces 
royautés  spirituelles,  elles  étaient  plus  capables 
de  donner  de  l'admiration  que  de  l'envie. 

Au  reste,  chaque  monastère  de  ces  congré- 
gations, soumis  à  un  abbé  général,  avait  son 
abbé  particulier.  Ainsi,  ces  généralités  d'ordres 
monastiques  n'avaient  rien  de  contraire  au 
canon  du  concile  de  Vannes,  qui  défend  à  un 
abbé  particulier  d'avoir  sous  sa  conduite  immé- 
diate deux  abbayes. 

XII.  La  règle  de  saint  Pacôme,  dont  parle 
saint  Jérôme,  et  Palladius,  dans  son  Histoire 


LA  POLICE  DES  MONASTÈRES,  LES  LAURES,  etc. 


oos 


lausiaque,  celle  d'Osiésius  son  disciple,  qui  se 
lit  encore  dans  la  bibliothèque  des  Pères,  celle 
des  célèbres  Macaires  (car  il  y  eu  a  eu  deux), 
celle  de  saint  Basile,  qui  est  la  plus  étendue  et 
la  plus  achevée,  aussi  bien  que  la  plus  certaine 
de  toutes,  contenue  dans  ses  constitutions  mo- 


nastiques et  dans  ses  règles  étendues  et  abré- 
gées; toutes  ces  règles,  dis-je,  sont  encore  un 
argument  certain  qu'il  y  avait  des  congréga- 
tions ou  des  associations  de  plusieurs  monas- 
tères réunis  sous  l'obéissance  d'un  seul  abbé 
général. 


FIN    DU   TOME   DEUXIEME. 


TABLE   DES    MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  VOLUME. 


PREMIERE    PARTIE 

QUI  TRAITE  :  i"  DU  PREMIER  ORDRE  DES  CLERCS.  —  2»  DU  SECOND  ORDRE. 
—  3°  DES  CONGREGATIONS  MONASTIQUES. 


LIVRE    DEUXIEME. 

i  il  est  traité  du  second  ordre  des  Clercs,  savoir  :  des  Chorévêques,  des  Archiprêtres,  des  Vicaires-Généraux, 
des  Pénitenciers,  des  Officiaux,  des  Curés,  des  Diacres,  des  Ordres  mineurs,  de  la  Tonsure,  des  Habits  des 
clercs,  du  Célibat,  de  l'Office  divin,  etc. 


Chapitre  Trente-Hcitième.  —  De  la  tonsure  el  de  la 
couronne  des  ecclésiastiques  en  Espagne  et  en  Angle- 
terre, aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.  1 

Chap.  XXXIX.  —  De  la  tonsure  et  de  la  couronne  clé- 
ricale en  France  et  en  Italie,  à  Rome  et  en  Orient, 
aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.  7 

Chap.  XL.  —  De  la  tonsure  et  de  la  couronne  des  clercs 
sous  l'empire  de  Charlemagne  et  celui  de  ses  succes- 
seurs. U 

Chap.  XLI.  —  De  la  tonsure  et  de  la  couronne  des  clercs 
dans  l'Eglise  latine,  après  l'an  mil.  20 

Chap.  XL1I.  —  De  la  tonsure  et  de  la  couronne  des  clercs 
dans  l'Eglise  grecque.  De  la  tonsure  des  laïques  dans 
l'une  et  l'autre  Eglise,  après  l'an  mil.  25 

Chap.  XL1II.  —  De  l'habit  civil  des  ecclésiastiques  en 
Occident,  pendant  les  cinq  premiers  siècles.  30 

Chap.  XI. IV.  —  De  l'habit  civil  des  ecclésiastiques  en 
Orient,  pendant  les  cinq  premiers  siècles.  37 

Chap.  XI.V.  —  Des  habits  consacrés  au  service  des  au- 
tels, dans  les  cinq  premiers  siècles.  10 

Chap.  XI. VI  — De  l'habit  clérical  dans  la  vie  civile,  dans 
l'Occident  et  dans  l'Orient,  aux  sixième,  septième  et 
huitième  siècles.  46 

Chap.  XL  VIL  —  Des  habits  des  clercs  à  l'autel,  dans  les 
sixième,  septième  et  huitième  siècles.  49 

Chap.  XLVIII.  —  Des  habits  communs  des  ecclésiasti- 
ques, sous  l'empire  de  Charlemagne.  54 


Chap.  XI.IX.  —  Des  habits  sacrés  des  ecclésiastiques, 
sous  l'empire  de  Charlemagne  et  de  ses  successeurs.         58 

Chap.  L.  —  Des  habillements  des  clercs  dans  la  vie  ci- 
vile, depuis  l'an  mil  jusqu'à  l'an  mil  trois  cent.  63 

Chap.  LI. —  Des  habillements  des  ecclésiastiques  dans  la 
vie  civile,  depuis  l'an  mil  trois  cent  jusqu'au  siècle 
présent.  C9 

Chap.  LU.  —  De  l'habit  ecclésiastique  dans  l'Eglise,  de- 
puis l'an  mil  jusqu'à  présent.  79 

Chap.  LUI.  —  Du  pallium  desOrienlaux  au  Moyen  Age.       84 

Chap.  LIV.  —  Du  pallium  des  Lalins  pendant  les  huit 
premiers  siècles.  88 

Chap.  LV.  —  Du  pallium  de  l'Eglise  latine  dans  les  huit 
pi  emiers  siècles.  93 

Chap.  LVI.  —  Du  pallium  des  Latins  et  des  Grecs  sous 
l'empire  de  Charlemagne.  98 

Chap.  LV1I.  —  Du  pallium  depuis  l'an  mil  jusques  à 
présent.  105 

Chap.  LVIII. —  Des  croix,  des  crosses,  des  anneaux,  des 
autres  ornements  propres  aux  évèques,  aux  archevê- 
ques et  aux  patriarches,  pendant  les  siècles  du  Moyen 
Age.  112 

Chap.  LIX. —  De  la  croix  des  archevêques  après  l'an  mil.     121 

Chap.  LX.  —  Du  célibat  des  bénéliciers  dans  l'Eglise 
orientale,  pendant  les  cinq  premiers  siècles.  128 

Chap.  LX1.  —  Du  célibat  des  bénéficiers  dans  l'Eglise 
latine,  pendant  les  cinq  premiers  siècles.  131 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


607 


Chap.  LXII.   —  Du  célibat  des  clercs  en  Fnincc,  aux 

sixième,  septième  et  huitième  siècles.  110 

Chap.  LXIil.  —  Du  célibat  des  clercs  en  Espagne,  en 
Italie  et  en  Orient,  aux  sixième,  septième  et  huitième 
siècles.  I  >■> 

Chap.  LX1V.  —  Du  célibat  de?  benéficiers  sous  l'empire 

de  Charlemagne.  I">0 

CHAP.  LXV.  —  Du  célibat  des  clercs  après  l'an  mil.  156 

Chap.  1  XVI.  —  Des  clercs  mariés  après  l'an  mil.  162 

CHAP.  1.WI1.  —  De  l'âge  nécessaire  pour  l'état  ecclé- 
siastique, pour  les  ordres  et  les  bénéfices  pendant  les 
cinq  premiers  siècles.  167 

Chap.  LXVIll.  —  De  Page  nécessaire  pour  la  cléricature 
et  pour  les  ordres,  aux  sixième,  septième  et  huitième 
siècles.  i"l 

Chap.  LX1X.  —  De  l'âge  nécessaire  pour  la  cléricature, 
pour  les  ordres  sacrés  et   les  bénéfices,  sous  Charle- 
magne. 173 
Chap.  LXX.  —  De  l'âge  nécessaire  pour  la  cléricature. 

pour  les  ordres  et  pour  les  bénéfices,  après  l'an  mil.        175 
Chap.  LXXI.  —  Du  chant  et  de  la  récitation  des  offices 
divins  dans  l'Eglise  grecque,  pendant  les  cinq  premiers 
siècles.  185 

Chap.  LXXII.  —  Des   origines  de   l'office   divin   dans 
l'Orient,  et  de  l'obligation  de  le  réciter  même  en  parti- 
culier. 190 
Chap.  LXXI1I    —  Les  origines  de  l'office  canonial  dans 
l'Occident,  el  l'obligation  de  le  réciter,  au  moins  en  par- 
ticulier, pendant  les  cinq  premiers  siècles.  19o 
Cuap.  LXXIV.  —  La   piété  des  séculiers  à   assister  aux 
offices  du  jour  et  de  la  nuit,  ou  à  les  réciter  en  parti- 
culier. D'où  l'on  conjecture  l'obligation  plus  pressante 
des  clercs,  pendant  les  cinq  premiers  siècles.                   203 
Chap.  LXXV.  —  L'origine  de  l'office  canonial  en  France, 
et  l'obligation  des  clercs  à  le  réciter,  au  moins  en  par- 
ticulier, aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.           208 
Chap.  LXXVI.  —  Origine  de  l'office  canonial  en  Espagne 
et  en  Afrique ,  et  obligation  de   le  réciter,   au  moins 
en  particulier,  aux  sixième,  septième  et  huitième  siè- 
cles.                                                                           214 
Chap.    LXXVII.   —   Les    origines   de  l'office    divin,   et 
l'obligation  de  le  réciter,  en  Angleterre  et  en  Italie,  aux 
sixième,  septième  et  huitième  siècles.                               219 
Chap.   LXXVIII.  —  L'origine  de   l'office  divin  et  l'obli- 
gation de  le  réciter,  dans  l'Orient  et  dans  l'Occident; 
preuves   tirées    des    règles   monastiques    et    des  lois 

nales,  aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.      224 
Chap.  LXX1X.  —  L'assiduité  des  laïques  aux  offices  di- 
vins, d'où  on  peut  encore  conclure  celle  des  ecclésias- 
tiques, aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.  228 
Chap.  LXXX.  —  Des  chantres  et  du  chant  des  offices  di- 
vins sous  Charlemagne.  2:34 
Chap.  LXXXI.  —  De  l'obligation  des  benéficiers  à  chanter 
ou  à  réciter  l'office  divin,  au  moins  en  particulier, 
sous  l'empire  de  Charlemagne.                                       240 
Chap.  LXXXII.  —  Origine  de  quelques  particularités  des 

offices  divins,  sous  l'empire  de  Charlemagne.  245 

Chap.  LXXXIII.  —  La  ferveur  des  laïques  mêmes  pour 
les  offices  divins,  pour  les  fréquentes  communions, 
pour  les  jeûnes,  pour  la  continence,  sous  l'empire  de 
Charlemagne.  249 

Chap.  LXXX1V.  —  De  l'obligation  à  réciter  l'office 
divin.  Preuves  tirées  des  exemples,  depuis  l'an  mil 
jusqu'à  présent.  261 

Chap.  LXXXV.  —  De  l'obligation  à  réciter  l'office 
divin.  Preuves  tirées  des  lois  ecclésiastiques,  depuis 
l'an  mil  jusqu'à  présent.  266 

Chap.  LXXXVI.  —  De  l'obligation  à  réciter  l'office  dans 
le  chœur  ;  de  l'office  de  la  Vierge,  et  de  l'office  des 
morts.  273 

Chap.  LXXXV1I.  —  L'assistance  au  chœur,  ou  la  récita- 
tion   des    heures  canoniales ,    familière  aux   laïques 


mêmes,  en  France  et  en  Angleterre,  après  l'an  mil.    278 
Chap.  LXXX VIII.  —  L'assistance  au  chœur  et  la  récita- 
tion des  heures  canoniales  encore  commune  parmi  les 
laïques,  dans  l'Italie  et  les  autres  parties  de  la  chré- 
tienté. 283 
Chap.  I.XXXIX.  —  Des  hôpitaux   et  des  benéficiers  qui 
j    étaient  attachés,  depuis    les  commencements  de 
l'Eglise  jusques  au  temps  de  Charlemagne.  286 
Chap.  XC.  —  Des  hôpitaux  du  temps  de  Charlemagne.       293 
Chap.  XCI.  —  Iles  hôpitaux  depuis  l'an  mil.                     296 
Chap.  XCII.  —  lies  basiliques  et  des  chapelles  des  mar- 
tyrs, des  oratoires  dans  les  châteaux  et  dans  la  maison 
des  grands,  pendant  les  premiers  siècles  de  l'Eglise.         303 
Chap.  XC1I1.   —  Différents  titres  de  divers   bénéfices  : 
hôpitaux,  oratoires,  chapelles  en  Orient  et  en  Italie, 
aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.                       306 
Chap.  XC1V.  —  Différents  titres  de  divers  bénéfices  : 
hôpitaux,  oratoires,  chapelles  en  France  et  en  Espagne, 
aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.                        314 
Chap.  XCV.  —  Des  celles,  des  oratoires  et  des  églises 
des  religieuses,  des  petites  abbayes,  des  églises  baptis- 
males, des  chapelles,  des  oratoires  des   particuliers  et 
des  chapelles  domestiques,  sous  Charlemagne.                 318 
Chap.  XCVI.  —  Pratique  des  Grecs  touchant  les  oratoires 
et  les  autels  portatifs,  du  temps  de  Charlemagne  et  de 
ses  successeurs.                                                             323 
Chap.  XCVII.  —  Des  défenseurs,  pendant  les  cinq  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise.                                               327 
Chap.  XCVI1I.  —   Des  défenseurs  et  des  vidâmes,  aux 

sixième,  septième  et  huitième  siècles.  328 

Chap.  XC1X.  —  Des  défenseurs  et  des  autres  dignités  de 
l'Eglise  grecque  ;  des  défenseurs  et  des  vidâmes  de 
l'Eglise  latine,  sous  l'empire  de  Charlemagne.   '  333 

Chap.  C.  —  Des  syncelles  et  des  conseillers,  pendant  les 

huit  premiers  siècles  de  l'Eglise.  338 

Chap.  CI.   —  Des   syncelles  et  des  conseillers,   depuis 

l'an  huit  cent  jusqu'en  l'an  mil.  344 

Chap.  CIL  — _  Des  syncelles,  des  moniteurs,  des  con- 
seillers et  des  confesseurs,  en  un  mot,  des  principaux 
officiers  ou  benéficiers  de  l'Eglise  grecque,  après  l'an 
mil.  350 

Chap.   OU.  —  Des  piimiciers,  primiclercs,  sacristains, 

scévophylaces,  trésoriers,  etc.,  dans  le  Moyen  Age.  356 

Chap.  CIV.  —  Des  cartulaires,   des  chartophylaces,  des 
bibliothécaires,   chanceliers,  notaires,    depuis  le   com- 
mencement  de   l'Eglise  jusqu'à   l'empire   de  Charle- 
magne. 301 
Chap.  CV.  —  Des  chanceliers,  des  notaires,  des  charto- 
phylaces  et  des  bibliothécaires,  depuis  Charlemagne 
jusqu'à  Hugues  Capet.  367 
Chap.  CVI.  —  Des  chanceliers,  des  notaires  et  des   bi- 
bliothécaires, depuis  l'an  mil  jusqu'à  présent.                   374 
Chap.  CV11.  —  Des    apocrisiaires  ou  nonces  du  Saint- 
Siège,  avant  l'an  huit  cent.                                            381 
Chap.  CVIII. —  Des  apocrisiaires  ou  des  nonces  du  pape 
qui  demeuraient  à   Conslantiiiople  dans  le   palais  de 
l'empereur,  avant  l'an  huit  cent.                                       3S6 
Chap.  CIX.  —  Des  chapelains  et  archichapelains  en  France 
et   à  Constantinople ,   depuis    Clovis   jusqu'à   Charle- 
magne.                                                                            394 
Chap.  CX.  —  Des  archichapelains  ou  grands  chapelains 

sous  l'empire  de  Charlemagne.  399 

Chap.  CXI.  —  Du  clergé   du   palais   ou   de   la   chapelle 

royale,  sous  l'empire  de  Charlemagne.  404 

Chap.  CX1I.  —  Du  clergé  du  palais  du  prince,  des  cha- 
pelains, archichapelains,  aumôniers  et  grands  aumôniers, 
depuis  l'an  mil.  411 

Chap    CXII1.  —  Des  cardinaux  jusqu'à   l'an  mil  trois 

cent.  418 

Chap.  CXIV.  —  Des  cardinaux  depuis  l'an  mil  trois  cent.    424 
Chap.  CXV.  —  De  l'origine  des  cardinaux.  437 


G08 


TABLE  DES  MATIERES. 


Chat.  CXVI.  —  Des  cardinaux  sous  l'empire  de  Charle- 
magne. 442 

Chap.  CXVII.  —  Des  légats  pendant  les  cinq  premiers 
siècles  de  l'Eglise.  446 


Chap.  CXV111.  —  Des  légats  depuis  Clovis jusqu'à  Cbar- 

lemagne  450 

Chap.   CXIX. — Des  légats  après  l'an  mil.  ;:,u 


LIVRE    TROISIEME. 


Des  Séminaires,  des  Chapitres,  des  Couvents  et  des  Congrégations. 


Chapitre  premier.  —  Division  des  bénéficiers,  et  leurs 
diversités  par  d'autres  chefs  que  par  celui  des  ordres. 

Chap.  II.  —  Des  congrégations  purement  ecclésiastiques 
et  des  séminaires.  Que  saint  Augustin  eu  a  été  le  pre- 
mier instituteur. 

Chap.  III.  —  On  montre  par  saint  Augustin  même  qu'il 
vécut  laïque  et  prêtre  dans  une  communauté  de  laï- 
ques; étant  évèque  il  en  institua  le  premier  une  de 
clercs.  On  y  faisait  vœu  de  désappropriation. 

Chap.  IV.  —  Si  les  autres  Pères  grecs  ou  latins  ont 
érigé  quelque  séminaire,  ou  quelque  congrégation  de 
clercs. 

Chap.  V.  —  Des  séminaires  aux  sixième  et  septième 
siècles. 

Chap.  VI.  —  Des  séminaires  sous  l'empire  de  Charle- 
magne. 

Chap.  VII. —  Du  clergé  ou  du  chapitre  des  églises  cathé- 
drales pendant  les  cinq  premiers  siècles. 

Chap.  VIII.  —  Des  chapitres  des  églises  cathédrales 
depuis  Clovis  jusqu'à  Charlemagne. 

Chap.  IX.  —  Des  chapitres  sous  l'empire  de  Charle- 
magne. 

Chap.  X.  —  Des  chapitres  des  églises  cathédrales  depuis 
l'an  mil. 

Chap.  XI.  —  Des  chapitres  des  églises  collégiales.  Des 
chanoines  réguliers  ;  et  de  la  vie  commune  dans  les 
chapitres  des  cathédrales  et  des  collégiales,  après  l'an 
mil. 

Chap.  XII. —  De  l'origine  des  abbayes  et  des  monastères. 

Chap.  XIII.  —  Alliance  de  l'état  monastique  avec  les 


461 


466 


477 
481 
486 
490 
197 
504 
.",11 


.'.27 
538 


ordres  et  les  fonctions  ecclésiastiques,  pendant  les  cinq 
premiers  siècles  de  l'Eglise.  544 

Chap.  XIV.  —  Alliance  de  l'état  ecclésiastique  avec  celui 
des  moines,  en  Italie  et  en  Angleterre,  dans  le  second 
âge  de  l'Eglise,  c'est-à-dire  depuis  Clovis  jusqu'à  Char- 
lemagne. 551 

Chap.  XV. —  Alliance  de  l'état  ecclésiastique  avec  le  mo- 
nastique, en  France,  en  Espagne,  en  Afrique  et  en 
Orient,  aux  sixième,  septième  et  huitième  siècles.  555 

Chap.  XVI.  —  Combien  les  évèques  ont  contribué  à  la 
propagation  de  l'état  monastique,  et  à  la  multiplication 
des  monastères.  Diverses  particularités  de  la  profession 
mniiastique,  depuis  Clovis  jusqu'à  Charlemagne.  559 

Chap.  X\ II.  —  Alliance  de  l'état  monastique  avec  le 
clergé  sous  l'empire  de  Charlemagne.  565 

Chap.  XVIII.  —  Alliance  de  l'état  ecclésiastique  et  du 
monastique  après  l'an  mil.  57' 

Chap.  XIX.  —  La  succession  réciproque  des  moines  aux 
chanoines,  et  des  chanoines  aux  moines,  sous  l'empire 
de  Charlemagne.  5". 

Chap.  XX.  —  Que  toutes  ces  congrégations  de  chanoines 
ne  s'engageaient  point  à  la  pauvreté  volontaire,  sous 
l'empire  de  Cliarlemague.  582 

Chap.  XXI.  —  Des  chanoines  et  des  religieux  proprié- 
taires, après  l'an  mil.  587 

Chap.  XXII.  —  Des  paroisses  et  des  cures  commises  aux 
chanoines  réguliers  et  aux  moines.  595 

Chap.  XXIII.  —  La  police  des  monastères,  les  laures, 
les  celles,  les  supérieurs  généraux,  pendant  les  cinq 
premiers  siècles.  601 , 


FIN    DE    LA   TABLE    DES    MATIERES. 


Bar-le-Duc.  —  Typographie  Louis  GutiiiN,  rue  de  la  Rochelle,  49-51. 


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CjESARïS  s.   r.  e.   card.   bar^onii 

o.  rainaisi  et  j.  laderchh.  Coïigregationis  Onuorii  Presbyl  trorum 

ANNALES  ECGLESIASTICI 

denuo  excusi  et  ad  noslra  usque  tempora  perducli  ab  augcstino  theiner, 
ejusdcm  CongregatiooisfPresbytero,  Sancliorum  labulariorum  Yalicani  Pra?fecto, 
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