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Full text of "Annales archéologiques"

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ANNALES 


ARCHÉOLOGIOIES 


IMIItlMKKIR  11.  FOllBINIRR   -r.LAYE     T.AILLKKKIt  ET  C' 

nui-;    S»IMf  -  IIRNOIT,    7 


AMINALKS 


\ii(:iii:(»LO(ii<)iKs 


niiur.  KF.s 


PAR    DIDKOiN    AINE 


1  K    I.  A     R  1  B  1. 1  O  T  11  i:  0  I'  K    R  (1  V  »  I.  E 


iF.CRKTMIlK     m      lOMITK    lirsTOBlOI'K    DKS     AIITS    KT     MONUMKNTS 


TOMK   CINOIIEME 


PARIS 

AL  BUREAU  DES  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES 

niE  d'i'lm,    I,  pnks  du   pa.ntmkon 
A   I.A  I.irUAIRlE  AKCIIÉOLOGIQUE  DE  VICTOK  DIDUON 

Pr\CF   SAI?(T-ANnnF-ltF!*-ABT8,    30 


w 


ANNALl'S 

ARCHÉOLOGIQUES. 


RAPPOIIT 


ES  MONUMENTS  HISTORIQUES', 


Monsieur  "le  Ministre, 

Malgré  rinlervallc  de  teni|)s  assez  considérahle  qui  s'est  écoulé  depuis 
que  la  Commission  ii  eu  l'iiunneur  de  vous  présenter  un  aperçu  général 
de  ses  travaux,  ell(^  ne  jieut  vous  siguaiiM-  aujouririuii  d'amélioration 
bien  notable  dans  la  situation  des  nionuiiients  historiques;  elle  se  voit, 
au  contraire,  obligée  de  reproduire  ici  les  regrets  cl  les  vcjcux  qu'elle 
exprimait  dans  son  dernier  rapport.  La  faiblesse  du   crédit  dont  vous  avez 

<.  Apres  avoir  enlendii  le  rapport  suivant,  la  Conimissiuii  (le.-;  iiioiimnonls  liiston(|iR"s,  qui  su-.iv 
au  minislère  de  l'intérieur,  a  décidé  que  ce  travail  serait  présenté  en  son  nom  au  ministre.  En  con- 
séquence, M.  le  ministre  de  l'intérieur  l'a  fait  publier,  le  12  juin  dernier,  dans  le  «  Moniteur  uni- 
versel I)  où  nous  le  prenons.  Celte  pièce  ofTicicllc  est  du  plu.<  haut  intérêt  pour  nous.  C'est  pour 
la  première  fois  que  des  hommes,  d'une  sagesse  un  peu  froide  et  qui  avait  trop  l'air  de  ressembler 
à  de  l'indifférence ,  parient  hardiment  à  l'adminisiralion  centrale,  et  le  prennent  sur  ce  ton  avec 
les  administration»  départementales  et  municipale».  Ils  reijretlent  que  l'une  n'ait  pas  retiré  as-sez  ù 
V.  i 


2  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

bien  v(nilii  qn'ellf  vous  proposât  la  répartition  anmielle,  iinprirao  nécessaire- 
mont  une  grande  lenteur  aux  réparations  qui  s'exéculenl  aux  frais  de  votre 
département.  Concilier  l'économie  la  plus  sévère  avec  les  nécessités  com- 
mandées par  la  situation  des  monuments  ou  la  nature  des  travaux,  tel  a  été 
le  but  constant  des  efforts  de  la  Commission.  Avec  des  ressources  notoire- 
ment insullisantes  ,  on  pourrait  s'applaudir  de  n'avoir  suspendu  aucune  des 
grandes  restaurations  entre[)rises,  d'en  avoir  assuré  l'exécution  et  limité 
la  durée  :  on  a  obtenu  encore  un  succès  plus  dilficile,  en  parvenant  à  secou- 
rir ou  môme  à  raclieter  des  monuments  dont  la  conservation  semblait  déses- 
pérée. 

Le  plus  important  de  tous  était  l'église  de  Saint-Julien  ,  à  Tours,  admirable 
modèle  de  l'architecture  du  xiii"^  siècle,  arrivée  à  son  plus  complet  dévelop- 
pement. Devenue  propriété  particulière,  cette  église  allait  être  entièrement 
dénaturée,  lorsqu'une  allocation  très-considérable,  que  vous  avez  bien  voulu 
accorder,  et  le  concours  généreux  de  M^''  l'archevêque  de  Tours,  ont 
permis  d'en  effectuer  l'acquisition.  Si  l'église  de  Saint-Julien  est  désormais 
garantie  de  la  destruction,  il  est  bien  à  désirer  qu'elle  reçoive  promptement 


temps  l'éiilise  royale  de  Saint-Denis  des  mains  du  malheureux  archilecle  condamné  à  démolir  ce  ([u'i! 
venait  d'élever  ;  ils  reprochent  aux  autres  de  s'acharner  à  détruire,  comme  à  Carpentras,  Avignon. 
Orléans,  Beaugency,  ce  qui  fait  ou  faisait  la  beauté  de  ces  villes,  après  en  avoir  fait  la  gloire.  La 
Commission  des  monuments  historiques  s'est  émue  enfin  de  ces  actes  souvent  odieux,  la  plupart 
du  temps  funestes  et  presque  toujours  inutiles  d'un  vandalisme  que  l'ignorance  ou  la  manie  des 
idées  régnantes  n'excusent  môme  plus.  A  partir  d'aujourd'hui ,  la  Commission  des  monuments 
historiques  (le  présent  rapport  en  est  le  garant)  ferait  des  efforts  plus  réels  et  plus  efficaces 
qu'autrefois  pour  sauver  de  la  ruine  l'hôtel  de  La  Trémouille ,  de  la  mutilation  le  collège  des 
Bernardins,  du  déshonneur  les  statues  de  Saint-Jacques-aux-Pèlerins;  pour  conserver  tant  d'édi- 
fices, tant  de  sculptures  et  de  peintures  qui  ont  péri,  depuis  dix  ans  seulement ,  à  Paris  et  dans 
toute  la  France.  Pour  avoir  approuvé  la  rédaction  du  rapport  de  cette  année ,  il  faut  que  la  Com- 
mission des  monuments  historiques  se  soit  réellement  convertie  aux  doctrines  archéologiques  les 
plus  avancées ,  celles  que  nous  défendons  sans  relâche  et  sans  peur.  Nous  dirons  même  que  le 
blâme  jeté  sur  le  conseil  général  du  Loiret  et  le  conseil  municipal  d'Orléans  est  saturé  d'une 
amertume  que  nous  aurions  peut-être  eu  de  la  peine  à  nous  procurer  pour  notre  propre  compte. 
M.  Mérimée  voudra  donc  bien  recevoir  nos  publiques  et  très-sincères  félicitations;  son  rapport 
déplaira  au  maire  d'Orléans  et  chagrinera  l'architecte  de  Saint-Denis,  mais  il  sauvera  le  peu 
d'hôpitaux  anciens  qui  nous  restent  encore  et  préservera  de  la  restauration  et  de  la  démolition 
les  flèches  qui  dominent  plusieurs  de  nos  plus  belles  tours.  Il  y  aura  donc  une  ample  compensa- 
tion ;  le  déplaisir  de  tous  les  maires  et  de  tous  les  vieux  architectes  de  France  ne  balancera 
jamais  la  conservation  de  nos  trésors  d'art  et  d'histoire.  En  donnant  intégralement  et  textuelle- 
ment le  rapport  de  M.  Mérimée ,  nous  aurions  pu  le  faire  précéder  ou  suivre  d'un  certain  nombre 
d'observations ,  mais  les  quelques  notes  que  nous  attachons  au  bas  des  pages  suffiront  à  nos  lec- 
teurs. C'est  une  bonne  fortune  pour  nous  que  d'ouvrir  par  une  pièce  de  cette  importance  et  de 
cette  nature  le  cinquième  volume  des  «  .\nnales  .\rchéologiques  ».  {!\'ote  du  Directeur.) 


KAlMMmr   SIR  LES  MONUMENTS  IIISTOK  lOfES.  3 

la  int^illoiire  el  la  seule  ileslination  qui  lui  convieiuic.  Pour  la  réparer  et  la 
rendre  au  culte,  de  grands  sacrilices  sont  encore  nécessaires,  et  vous  les  avez 
prévus.  L'assistance  de  M.  le  ministre  des  cultes  ne  saurait  lui  n)an(]ucr,  el 
bientôt,  sans  doute,  Saint-Julien  n^preudra  son  rani:  |iarn)i  les  plus  belles 
églises  de  France. 

Vous  avez  également  autorisé  lacquisilion  de  l'église  romane  de  Silvacane, 
et  ol)tenu  du  propriétaire  de  l'abbaye  de  Fonll'roide  la  conservation  de  son 
beau  cloître  et  de  son  église.  Ces  deux  édifices,  d'une  architecture  si  remar- 
quable ,  n'exigeront  plus  mainlenaut  ipie  quehjues  faibles  dépenses  d'en- 
tretien. 

La  libéralité  des  Chambres  a  pourx  u,  par  un  crédit  spécial,  aux  réparations 
de  quelques  grands  monuments,  trop  coûteuses  pour  être  imputées  sur  le 
budget  du  ministère  de  l'intérieur.  Grâce  aux  études  approfondies  que  vous 
aviez  prescrites,  on  a  la  certitude  que  les  travaux  maintenant  en  cours  d'exé- 
cution ne  dépasseront  i)as  les  évaluations  annoncées.  Cependant  une  de  ces 
restaurations  demeurerait  incomplète,  si  le  projet  ne  rcîcevait  pas  une  exten- 
sion indispensable.  Les  réparations  qui  s'exécutent  au  château  de  lîlois,  et 
dont  vous  avez  apprécié  vous-même  l'excellente  direction,  devront-elles  se 
borner  à  la  partie  de  l'édifice  construite  sous  François  I"?  Ne  comprendront- 
elles  pas  et  la  vaste  salle  des  États  et  le  corps  de  bâtiment  élevé  par  Louis  XII? 
En  vous  rappelant  un  vœu  déjà  exprimé  par  les  deux  Chambres,  la  Commis- 
sion se  plait  à  espérer  (jue  les  mutilations  qu'a  subies  ce  noble  palais  cesse- 
ront bientôt  d'allliger  les  regards. 

Lorsque  vous  avez  demandé  un  crédit  spécial  pour  le  château  de  Blois, 
les  Arènes  d'Arles  et  l'église  de  Saint-Ouen  ',  \ous  annonciez,  monsieur  le 

1.  Cet  argent  donné  à  Saint-Ouen  t'st  en  pure  perte.  Nous  avons  dit  (.-innales  .lic/iéoL,  vol. 
II ,  p.  320) ,  à  propos  de  l'achèvement  de  Saint-Ouen  :  «  Ce  travail  est  inutile,  nuisible ,  impos- 
sible. Quand  des  monuments  considérables  croulent  de  toute  part,  c'est  à  les  con.solider  qu'il  con- 
viendrai! d'employer  l'argent  demandé  pour  gâter  Saint-Ouen.  Pour  gâter,  en  effet;  car,  d'après 
les  projets  que  nous  avons  vus  ou  dont  nous  avons  entendu  parler,  il  s'agit  de  terminer  cet  édi- 
fice tout  autrement  qu'il  n'a  été  commencé.  Nous  ne  sommes  pas  si  savants  ni  si  habiles  cependant, 
pour  qu'on  puisse  nous  permettre  de  substituer  nos  idées  et  nos  projets  à  ceux  des  artistes  du  moyen 
âge.  H  est  étrange  «[ue  des  hommes  chargés  par  état  de  conserver  les  monuments  historiques, 
donnent  a  un  architecte  l'ordre  ou  la  permission  de  démolir  certaines  importantes  constructions 
de  Saint-Ouen,  pour  qu'il  rebâtisse  plus  à  l'aise  et  sur  un  emplacement  qu'il  aura  fait  tout  ras. 
Malheureusement,  nous  aurons  beau  dire  et  beau  faire,  Saint-Ouen  sera  terminé  n'importe  com- 
ment. I)  Ces  constructions  ancieimes  dont  nous  parlions  alors  sont  abattues  aujourd'hui  et  l'archi- 
tecte se  met  en  devoir  de  les  remplacer  par  sa  maçonnerie  personnelle.  Plus  bas,  M.  Mérimée  va 
dire  que  le  crédit  alloué  à  la  Commission  des  monuments  historiques  est  insullisant,  et,  cette 
année  même,  M.  Vitet .  dans  une  séance  de  la  (Chambre  des  députés,  a  demandé  une  addition  de 


4  ANNALES  AKClIÉOLO(;iQlIES. 

ministre,  qu'il  faiulrail  encore  avoir  recours,  et  plus  d'une  fois,  à  des  alloca- 
tions extraoï-dinaires,  comme  au  seul  moyen  de  conserver  des  monuments 
d'un  intérêt  non  moins  incontestable,  et  dont  la  restauration  dépasserait  de 
beaucoup  les  ressources  ordinaires  dont  vous  pouvez  disposer.  Vous  avez 
autorisé  la  Commission  à  faire  préparer  des  projets  et  des  devis  pour  la  con- 
solidation de  ces  édifices  qui  inspirent  les  plus  sérieuses  inquiétudes.  Aujour- 
d'hui ces  projets  sont  terminés.  Ils  ont  été  examinés  avec  la  plus  scrupuleuse 
attention ,  réduits  môme  aux  travaux  urgents  et  indispensables.  Les  noms  des 
monuments  pour  lesquels  des  secours  extraordinaires  sont  réclamés  vous 
prouveront  que  la  Commission  s'est  montrée  sévère  dans  son  choix.  Il  s'est 
porté  sur  des  édifices  qui  sont,  pour  ainsi  dire,  des  ly})cs,  et  qu'on  ne  pour- 
rait abandonner  à  la  destruction  sans  encourir  les  reproches  de  la  postérité. 
H  suffit  de  nommer  les  églises  de  Sainte-Croix,  à  La  Charité;  de  Saint-Philibert, 
à  Tournus;  de  Saint-Nazaire,  à  Carcassonne;  le  temple  d'Auguste  et  de  Livie, 
et  l'église  de  Saint-Maurice,  à  Vienne. 

Paris,  si  riche  autrefois  en  monuments  de  l'architecture  civile  du  moyen 
âge,  est  menacé  de  perdre  un  des  derniers  souvenirs  d'une  époque  aussi  in- 
téressante. On  annonce  la  destruction  prochaine  de  l'hôtel  Carnavalet;  la 
Commission  espère  que  les  magistrats  éclairés  qui  président  à  l'administra- 
tion de  la  capitale,  feront  leurs  efforts  pour  la  prévenir.  Sans  avoir  recours  à 
des  acquisitions  coûteuses,  il  serait  possible  peut-être  d'arriver  au  même  but 
par  des  échanges  d'immeubles  entre  la  ville  et  les  particuliers,  propriétaires 
de  bâtiments  classés  au  nombre  des  monuments  historiques.  Il  est  inutile  de 
vous  faire  remarquer,  monsieur  le  ministre,  tout  l'avantage  qu'il  y  aurait  à 
placer  des  établissements  imblics  dans  des  édifices  qui,  soit  par  leur  architec- 
ture, soit  par  les  souvenirs  ([ui  s'y  rallachent,  excitent  depuis  longtemps  le 
respect  et  l'admiration. 

L'hôtel  de  Cluny,  devenu  aujourd'hui  un  musée  national ,  dont  les  déve- 
lojipements  rapides  n'ont  pas  cessé  d'attirer  l'intérêt  du  public,  exige  encore 
des  réparations  considérables.  Tout  Paris  a  vu  l'excellent  effet  des  premiers 
travaux  que  vous  avez  fait  exécuter.  Débarrassé  des  constructions  modernes 
qui  le  déparaient,  l'hôtel  de  Cluny  sendile  avoir  pris  aujourd'hui  une  impor- 
tance toute  nouvelle.  Il  a  donné,  pour  ainsi  dire,  un  autre  aspect  an  quartier 
au  milieu  duquel  il  s'élève.  Encore  quelques  travaux,  et  ce  beau  palais  aura 
repris  son  antique  apparence.  La  Connnission  appelle  tout  votre  intérêt  sur 

'200,000  francs  à  ce  crédit.  11  fallait  donc  laisser  en  repos  SaintOuen  ;  alors  la  Chambre ,  fatis^uée 
peul-èlrc  d'avoir  donné  l'énorme  somme  de  l'année  dernière,  aurait  accordé  plus  facilement  les 
pauvres  deux  cent  mille  francs  réclamés  iniitilcmciil  il  y  a  deux  mois. 


RAPPOHT   >rK    LES  MOMMFNÏS   H ISTOU  lOlF.S.  5 

le  projet  tlo  restaiiralion  de  ce  inoiuiiiifiit,  projet  dont  la  ilépense,  (pickpie 
modérée  (prolle  soit,  serait  encore  nne  troj)  lourde  eliariie  i)oiir  le  budget  des 
ni(iniiiiienls  liislnriques.  l.i^  iiiuséc  de  i'iiùtc!  de  (iinny,  (pii  reçoit  toutes  les 
semaines  un  nombre  extraordinaire  de  \  isileurs,  n'avait  [>our  son  budget 
particulier  qu'une  somme  à  peine  suflisanle  pour  couvrir  les  dépenses  d'en- 
tretien ;  cette  allocation  ne  permettait  pas  d'entrer  en  concuirence,  pour  des 
acquisitions  nouvelles,  avec  les  amateurs  (jui  se  dis|)ut('nl  aujourd'liui  les 
objets  d'art  dans  les  ventes  publicpics.  Dans  son  dernier  rapport,  la  (loiiiniis- 
sion  sollicitait  l'établissement  d'un  fonds  exclusivement  consacré  à  l'achat 
d'objets  d'art  destinés  à  enrichir  nos  dilTérents  dépôts  d'antiquités.  Sans 
abandonner  cette  proposition  générale,  dont  l'ulilile  lui  semble  lonjouis  in- 
contestable, elle  se  félicite  aujourd'hui  de  la  demande  (jue  vous  a\e/.  bien 
voulu  faire  d'une  subvention  annuelle,  ipii  permette  au  musée  de  l'hôtel  de 
Cluny  d'accroître  et  de  compléter  graduellement  ses  collections. 

La  Commission  regrette  de  ne  pouvoir  vous  annoncer,  comme  elle  l'espé- 
rait, l'achèvement  des  travaux  couunencés  il  y  a  deu\  an>  pour  la  recons- 
truction de  l'arc  romain  de  Saintes.  Par  suite  de  la  démolition  de  l'ancien 
pont  sur  la  Charente,  vous  savez,  monsieur  le  ministre,  qu'il  a  fallu  déposer 
en  entier  le  monument  et  le  reconstruire  à  quelques  mètres  en  arrière  de  son 
emplacement  primitif.  Si  ce  changement ,  commandé  [)ar  une  imiiéricuse  né- 
cessité, peut  inspirer  quelques  regrets,  il  a  permis,  en  compensation,  de 
retrouver  la  base  de  l'arc,  enfouie  dans  une  des  piles  du  pont,  et  de  rendre 
toute  son  élégance  à  cette  construction  ,  si  étrangement  détigurée  dans  le 
moyen  âge.  Malheureusement  une  série  d'inondations  ,  juscpi'alors  sans 
exemple,  a  relardé  beaucoup  les  travaux.  Ils  sont  arrivés  aujourd'hui  à  un 
point  où,  toutes  les  ditlicultés  matérielles  étant  surmontées,  on  peut  en  pré- 
voir le  rapide  achèvement  '. 

La  Commission  se  plaît  à  reconnaitie  que,  dans  ses  travaux,  elle  a  trouvé 

1 .  Nos  lecteurs  se  rappelleront  ce  que  nous  avons  dit  de  cet  acte  in(|ualitial)lo  de  destruction. 
L'Europe  entière,  on  peut  l'alTirnier,  notamment  l'Aniiieterre ,  la  Belgique,  l'Allemagne  et  l'Italie, 
ont  blâmé  cette  démolition  qui  n'était  certainement  pas  imi/érieuse  et  que  M.  .Mérimée ,  dans  une 
autre  circonstance  ,  qualifierait  autrement.  Écorchées  par  la  pioche ,  déracinées  et  fendues  par  la 
poudre  à  canon ,  étendues  sur  l'herbe  des  prés  où  l'eau  des  inondations  les  ont  détrempées  pen- 
dant-deux ans,  les  pierres  romaines  de  l'arc  de  Saintes  n'ont  plus  de  forme;  on  ne  ferait  pas  trop 
mal  de  les  laisser  où  et  comme  elles  sont.  Une  fuis  à  bas,  un  monument  n'existe  plus  ;  essin  er  de  le 
reconstruire,  ce  n'est  guère  plus  siige  que  de  chercher  à  faire  revivre  un  mort.  Il  n'y  a  vraiment 
que  les  architectes  qui  soient  intéressés  à  rebitir  ce  qu'ils  ont  démoli.  On  va  relever  la  lléche  de 
Saint-Denis,  pour  la  démolir  et  la  redresser  une  troisième  fois.  Qui,  véritablement,  peut  gagner  à 
pareil  jeu"?  Quand  on  est  assez  étourdi  ou  brutal  pour  renverser  des  monuments,  il  ne  faut  pas 
élre  si  puéril  ni  si  niais  ([ue  de  les  rebâtir. 


6  ANNALES  AKCIIÉOLOGIQUES. 

presque  Ion  jours  une  vive  sympathie  et  souvent  le  concours  le  plus  généreux 
de  la  part  des  autorités  ecclésiastiques  et  des  administrations  municipales. 
La  coopération  de  M=''  l'archevêque  de  Tours  à  l'acquisition  de  l'église  Saint- 
Julien  vous  a  déjà  été  signalée  '.  On  doit  à  Mgr  l'évéque  de  Strasbourg  la 
conservation  de  l'intéressante  église  de  Saint-Étienne ,  un  des  plus  anciens 
monuments  de  l'Alsace.  Les  conseils  municipaux  de  Nîmes,  de  Rouen,  de 
Vienne,  de  Narbonne,  de  Carcassonne,  de  Saint-Omer,  de  Poissy,  de  Rember- 
court,  n'ont  point  hésité  à  voter  des  subventions  importantes  pour  les  répa- 
rations de  leurs  monuments.  Le  zèle  de  ces  villes  à  conserver  leurs  nobles 
édifices,  leur  libéralité  à  pourvoir  à  leur  entretien,  devaient  être  pris  en  con- 
sidération par  l'administration  centrale ,  et  vous  vous  êtes  associé  à  leurs 
généreux  efforts  par  des  allocations  aussi  considérables  que  l'état  de  votre 
budget  pouvait  le  permettre. 

Après  ces  exemples  de  généreux  sacrifices,  il  est  triste  d'avoir  à  enregis- 
trer des  traits  de  vandalisme.  On  pourrait  excuser  peut-être  cette  indifférence 
qui  laisse  perdre,  faute  de  secours,  un  monument  dont  personne  n'a  signalé 
l'importance;  mais  ce  que  l'on  ne  saurait  trop  condamner,  c'est  cette  manie  bar- 
bare de  détruire  sans  nécessité,  d'abattre  ce  qui  est  ancien,  en  dépit  des  avertis- 
sements des  gens  de  goût,  en  dépit  même  des  réclamations  du  bon  sens  le  plus 
vulgaire.  La  Commission,  monsieur  le  Ministre ,  ne  peut  s'empêcher  de  vous 
rappeler  ici  l'inqualifiable  obstination  du  conseil  général  du  Loiret  et  du  con- 
seil municipal  d'Orléans  à  démolir  l'ancien  Hôtel-Dieu  de  celte  ville.  Que  l'ar- 
chitecture si  élégante  de  ce  monument,  que  ses  dispositions  si  commodes  et 
si  parfaitement  appropriées  à  sa  destination  n'aient  pas  été  ap[)réciées,  on  le 
comprend  à  peine;  mais  qui  pourrait  croire  que  dans  une  grande  ville,  à 
trois  heures  de  la  capitale,  on  ait  pu  oublier  toute  idée  de  saine  économie  et 
de  bonne  administration  au  point  de  persister  pendant  trois  ans  à  renverser 
un  édifice  vaste,  solide,  susceptible  de  recevoir  mainte  destination  utile?  C'est 
cependant  le  spectacle  que  vient  de  donner  le  conseil  municipal  d'Orléans.  Le 
prétexte  de  cette  destruction,  c'est  le  besoin  de  faire  une  place  autour  de 
la  cathédrale.  En  vain  la  Commission  a-t-elle  représenté  qu'il  était  possible, 
sans  rien  abattre,  de  faire  celte  place,  de  la  faire  régulière,  de  lui  donner 
des  dimensions  convenables  et  une  disposition  monumentale.  Elle  n'eût  point 
hésité  sans  doute  à  vous  proposer  de  faire,  aux  frais  de  l'État ,  l'acquisition 
du  monument ,  si  le  |)rix  que  la  ville  d'Orléans  y  mettait  n'eût  pas  dépassé 

1.  Il  faut  espérer  qu'on  laissera  son  ancien  vocable  à  Saint-Julien  et  qu'on  ne  débaptisera  pas 
cette  église  au  profit  de  saint  Martin,  comme  d'abord  on  parait  en  avoir  eu  rintention. 


RAPPORT  SIR    LKS   AIONUMI-NTS   III  STOUlOrES.  7 

Je  h(>iuicou|)  toutes  vos  rossourccs.  Toutes  les  re|in-senlations  ont  été  inutiles 
devant  un  corps  nuinieipal  '  qui  croit  apparemment  airrandir  sa  ville  en  la 
dotant  d'une  espèce  de  plaine  pavée,  sur  laquelle,  par  un  rare  oubli  des 
convenances,  on  met  en  regard  la  salle  de  spectacle  et  la  cathédrale.  A  une 
époque  où  toutes  les  traditions  d'art  et  de  style  étaient  perdues,  l'arcliitecte 
de  cette  caUiédrale  avait  respecté  l'ancien  liospice  d'Orléans.  Ce  que  le  mau- 
vais goùl  du  xvui°  siècle  n'avait  pu  faire,  l'ignorance  et  l'élourderie  du  xix" 
l'auront  accompli. 

Si  le  goût  des  arts  fait  des  adeptes,  le  vandalisme  a  les  siens.  L'exemple 
funeste  donné  par  le  conseil  municipal  d'Orléans  allait  être  imité  par  celui 
de  Heaugency.  Là,  comme  à  Orléans,  c'était  le  désir  de  faire  une  grande 
place  irrégulière  qui  portait  à  demander  la  destruction  d'une  église  liès- 
ancienne,  un  de  ces  rares  monuments  antérieurs  au  xi''  siècle,  comme  on  en 
voit  si  peu  dans  la  France  centrale.  Heureusement,  monsieur  le  Ministre,  en 
prenant  à  la  charge  de  votre  département  rac(|uisition  de  cet  intéressant  édi- 
fice, vous  le  conserverez  à  une  ville  qui  probablement  vous  remerciera  un 
jour  d'avoir  résisté  à  ses  imprévoyantes  sollicitations. 

Dans  un  moment  où  les  spéculations  industrielles  préoccupent  les  esprits 
à  un  si  haut  degré ,  on  ose  à  peine  plaider  la  cause  des  arts  en  présence  de 
ce  qu'on  nomme  aujourd'hui  les  intérêts  matériels.  Mais,  pour  une  nation 
comme  la  nôtre,  la  conservation  des  grands  souvenirs,  le  respect  des  œuvres 
d'art,  n'est-ce  pas  un  devoir  qu'elle  ne  doit  jamais  oublier?  La  Commission , 
monsieur  le  Minisire,  n'hésitera  jamais  à  s'élever  de  toutes  ses  forces  contre 
les  projets  qui  sacriiieraient  à  de  prétendues  nécessités  publiques  des  monu- 
ments anciens  et  vénérés.  Un  des  tracés  proposés  pour  le  chemin  de  fer  de 
Lyon  à  Marseille  supprime  la  moitié  des  remparts  d'Avignon.  Ces  vieilles 
murailles,  couronnées  de  créneaux  et  de  mâchicoulis  qui  rendent  si  pitto- 
resque l'aspect  de  la  ville ,  seraient  remplacées  par  une  chaussée.  La  Com- 
mission regarderait  comme  un  malheur  public  la  destruction  de;  cette  belle 
enceinte,  si  complète  et  si  bien  conservée  juscpi'à  ce  jour.  Malgré  la  faveur 
que  le  projet  auquel  nous  faisons  allusion  a  trouvée  auprès  de  quelques  per- 
sonnes,  un  grand  nombre  de  réclamations  se  sont  élevées  dans  Avignon 

t.  Il  i)arait  que  ci;  corps  municipal,  son  maire  en  tète,  fut  tellement  impatienté  des  représen- 
tations de  la  Commission  des  monuments  historiques ,  qu'il  olfrit  sa  démission  en  masse  à  M.  le 
ministre  de  l'intérieur.  Nous  regrettons  que  cette  démission  ,  au  moins  celle  du  maire  ,  n'ait  pas 
été  acceptée  avec  empressement.  Le  retentissement  que  cette  affaire  aurait  eu  était  de  nature  à 
servir  efTicaccmcnt  dans  toute  la  France  la  cause  des  monuments  nationaux.  C'eût  été  la  première 
fois  qu'un  événement  de  ce  genre  se  fût  passé  ,  et  il  était  convenatjle  que  la  France ,  où  le  respect 
des  monuments  et  les  études  archéologiques  .sont  portés  si  haut .  donnât  un  pareil  exemple. 


8  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

môme  '.  Habitués  à  nous  renfermer  dans  des  questions  d'art  et  d'érudition, 
il  ne  nous  a|3partient  pas  de  discuter  ici  les  avantages  que  présente  un  autre 
tracé  ;  notre  devoir  doit  se  liorner  à  rappeler  combien  sont  rares  aujourd'hui 
les  enceintes  du  moyen  âge,  et  quel  caractère  elles  donnent  aux  villes  qui  les 
possèdent.  Les  Avignonais  ont  à  leurs  portes  un  exemple  des  inconvénients 
de  cette  fatale  manie  de  nos  jours,  qui  sacrifie  le  passé  au  présent  :  Carpen- 
tras,  qui,  grâce  à  ses  remparts,  passait  autrefois  pour  une  des  plus  jolies 
villes  de  l'ancien  comlat  Venaissin ,  les  a  démolis  depuis  peu ,  malgré  nos 
vives  réclamations.  11  n'est  |)oinl  aujourd'hui  de  bourg  d'un  aspect  plus  vul- 
gaire ni  plus  insignifiant  ="•. 

Malgré  la  sourde  opposition  de  vieux  préjuges  qui  disparaissent  tous  les 
jours,  les  monuments  du  moyen  âge  n'ont  été,  à  aucune  époque,  mieux 
appréciés  qu'ils  ne  le  sont  aujourd'hui.  Pour  les  restaurer  convenablement, 
on  dispose  maintenant  d'un  assez  grand  nombre  d'artistes  habiles,  élevés  en 
dehors  des  systèmes  exclusifs,  et  conduits,  par  une  tendance  naturelle  à 
notre  temps,  à  étudier  avec  curiosité  les  différents  styles  d'architecture  dont 
la  France  offre  tant  de  types  remarquables.  Ni  l'expérience,  ni  l'érudition, 
ni  l'amour  de  l'art,  ne  font  défaut  quand  il  s'agit  de  réparer  les  ravages  dont 
le  temps  ou  le  vandalisme  ont  laissé  des  traces  sur  nos  vieux  édifices^.  Mais 
il  est  une  objection  que  l'ignorance  élève  et  qu'une  catastrophe  récente  semble 
confirmer  jusqu'à  un  certain  point. 

La  restauration  de  Saint-Denis,  qui,  bien  que  placée  en  dehors  de  la  sur- 
veillance de  la  Commission,  avait  donné  lieu  de  sa  part  à  des  réclamations 
réitérées,  vient  d'être  interrompue  par  un  accident  déplorable.  Le  clocher 
de  cette  église,  achevé  depuis  peu  de  temps,  s'est  lézardé  d'une  manière  alar- 
mante, et  l'on  a  leconnu  la  nécessité  de  le  démolir  au  plus  vite.  De  cet  acci- 

1.  Il  faut  le  dire,  tout  triste  que  cela  soit,  certains  Avignonais,  hommes  publics  ou  fonc- 
tionnaires qui  se  proclament  les  amis  des  monuments  anciens,  sont  les  plus  acharnés  à  deman- 
der la  destruction  de  leurs  belles  murailles.  Ces  personnages  sont  propriétaires  de  maisons  ou  de 
terrains  touchant  aux  remparts;  le  chemin  de  fer  passant  entre  le  Rhône  et  les  murs ,  ces  murs 
une  fois  détruits,  ils  bâtissent  des  maisons  à  quatre  ou  cinq  étages ,  et  ils  s'enrichissent  aux  dé- 
pens de  la  ville ,  aux  dépens  de  la  nation,  car  les  monuments  sont  véritablement  le  trésor  public. 
Voilà  le  motif  principal ,  quoique  honteux  et  non  avoué,  qui  fait  demander  à  ces  troubadours  en 
archéologie  la  destruction  des  murs  d'Avignon. 

2.  .Après  les  murs  d'.\iguesMortes  ceux  de  Carpentras  étaient  les  plus  beaux  et  les  plus  intacts 
de  France.  Carpentras,  en  1836,  était  encore  une  charmante  ville;  en  1846,  c'est  un  lourd  vil- 
lage où  personne  ne  va  plus. 

3.  Cet  éloge  ne  saurait  passer  sans  des  restrictions  nombreuses;  mais  nos  lecteurs  les  feront 
d'eux-mêmes  en  relisant  les  articles  de  vandalisme  de  restauration  semés  en  abondance  dans  les 
quatre  volumes  des  «  Annales  Archéologiques  ». 


RAPPORT  SUR  LES  MONUMENTS  HISTORIQUES.  0 

dcnl,  dont  on  n'a  peiit-ôlre  pas  voulu  voir  la  véritable  cause,  quelques  per- 
sonnes étrangères  à  la  pratique  de  rarchiteclun'  oui  pris  un  argument  pour 
soutenir  que  les  éditices  du  moyen  ;'ige  ont  fait  leur  temps,  et  (jue  désormais 
leur  ruine  est  devenue  inévitable.  Ainsi,  l'on  devrait  laisser  crouler  tant  de 
magnifiques  monuments,  ou  |)liilôt  une  sage  prévoyance  conseillerait  de  les 
démolir  comme  dangereux  [)our  la  sîireté  publique.  Les  conséquences  de 
l'opinion  que  l'on  vient  d'exposer  en  sont  une  réfutation  suffisante.  Mais 
qu'on  prenne  la  peine  d'examiner  ces  nionunieuls,  pour  ainsi  dire  con- 
damnés. Sans  doute,  leur  abandon  prolongé,  le  iiKuupie  d'(!ntnîtien,  les 
imitiLiliniis  (lu  \aiulalisme,  ont  rendu  grave  la  situation  (h;  (p)(il(pi('s-uns  de 
nos  grands  éditices.  Kile  est  loin  d'être  déses|iérée  toutefois,  et,  si  l'on 
recherche  avec  attention  la  cause  des  sinistres  que  fon  déplore  ou  (pus  l'on 
redoute,  il  sera  facile  de  reconnaître  que  le  temps  y  a  moins  contribué  que 
des  travaux  mal  dirigés,  qu'on  nomme  des  restaurations,  par. une  triste  con- 
fusion de  mots,  lue  expérience  toute  spéciale  dans  ces  sortes  de  réparations 
est  absolument  nécessaire;  elle  est  la  seule  garantie  de  leur  réussite  '.  La 
Commission  croit  pouvoir  vous  donner  l'assurance  qu'aucun  accident  sem- 
blable à  celui  qu'elle  citait  tout  à  l'heure,  n'est  à  craindre  sous  sa  surveillance 
et  sous  la  direction  des  architectes  commissionnés  par  votre  département, 

La  Commission  a  dû  s'occuper  de  conserver  le  souvenir  de  queUpies  mo- 
numents remarquables,  dont  il  est  impossible  de  prolonger  indéllniment  la 
durée.  A  sa  prière,  vous  avez  chargé  M.  Vaiidoyer  de  relever  et  du  dessiner 
un  assez  grand  nombre  de  maisons  anciennes  (jui  existent  encore  à  Orléans. 
Dans  une  ville  où  le  respect  des  monuments  anciens  n'est  point  enseigné  |)ar 
l'administration  municipale,  on  doit  s'attendre  à  voir  disparaître  rai)itlement 
des  constructions  en  général  peu  solides  et  sans  cesse  exposées  à  être  altérées 
par  leurs  propriétaires.  Il  n'y  avait  pas  un  moment  à  perdre  pour  étudier  la 
disposition  et  les  détails  de  ces  habitations,  qui  jettent  le  plus  grand  jour  sur 
les  usages  et  les  mœurs  du  moyen  âge.  Le  tra\  ail  de  M.  Vauiloyer  a  répondu 
à  votre  attente,  et  vous  avez  apprécié  le  soin  et  le  zèle  qu'il  a  mis  à  remplir 
sa  mission.  Vous  jugerez  sans  doute  à  propos,  monsieur  le  Ministre,  de 
faire  continuer  ce  travail  dans  d'autres  localités  non  moins  intéressantes; 

1.  L'architecte  de  Sainl-Ueiiis,  nous  le  savon»  iiersuniieildiieiit ,  parce  que  M.  Debrot  nous  a 
mêlé  à  cette  affaire,  s'est  flatté  i)endant  plusieurs;  années  d'avoir  ol)lenu,  pour  les  travaux  de 
Saint-Denis,  l'assentiment  de  M.  Vatout,  président  du  conseil  des  bûtiments  civils,  et  celui  de 
M.  Mérimée.  C'est  derrière  ce  double  bastion  qu'il  s'est  i]uel(iuefois  retranché.  Nous  voudrions 
savoir  si  l'approbation  de  M.  le  président  du  conseil  des  bâtiments  civils  a  le  même  caractère 
que  celle  de  M.  l'inspecteur  ;;énéral  des  monuments  historiques.  Quant  à  M.  Mérimée,  il  ap- 
prouve médiocrement,  ce  nous  semble,  l'architecte  et  son  œuvre. 

V.  2 


10  ANNALES  AUCHÉOLOGIQUËS. 

plusieurs  villes  de  France  possèdent  encore  des  maisons  fort  anciennes  et 
d'une  arcliiteclure  très-remarquable.  Quelques-unes  de  ces  maisons  sont 
tellement  importantes,  que  la  Commission,  si  l'état  des  fonds  le  permettait, 
croirait  devoir  vous  en  proposer  l'acquisition.  Telles  sont,  par  exemple,  la 
maison  des  Ménétriers  de  Reims  ' ,  la  maison  du  xii"  siècle  de  Saint-Gilles, 
plusieurs  maisons  à  Cordes,  à  Angers,  à  Provins,  etc.  Espérons  que  les 
administrations  communales  seconderont  de  leurs  efforts  ceux  que  vous  vou- 
drez bien  faire  pour  conserver  au  pays  des  souvenirs  si  précieux. 

D'autres  monuments,  d'une  conservation  encore  plus  difficile  que  celle  des 
maisons  particulières,  ont  été  l'objet  d'un  travail  plus  général.  Vous  avez 
chargé  M.  Denuelle  de  dessiner  en  plusieurs  lieux  des  peintures  anciennes 
dont  chaque  jour  efface  quelque  trait.  Déjà  plusieurs  dessins,  d'une  exacti- 
tude scrupuleuse  et  d'une  excellente  exécution,  ont  été  mis  sous  vos  yeux. 
La  Commission  attache  beaucoup  de  prix  à  voir  continuer  cet  intéressant 
travail  ^. 

Plusieurs  fois,  et  notamment  dans  son  dernier  rapport,  la  Commission  a 
réclamé  une  augmentation  de  fonds  attribués  à  la  conservation  des  monu- 
ments historiques.  Permettez-lui  d'insister  de  nouveau  et  avec  plus  de  force, 
car  jamais  cette  augmentation  n'a  été  si  nécessaire.  Depuis  longtemps  la 
tâche  de  la  Commission  ne  consiste  plus  guère  -qu'à  constater  des  besoins 
urgents  qu'elle  ne  peut  satisfaire.  Chaque  jour  de  nouvelles  demandes  lui 
sont  soumises,  dont  elle  est  obligée  de  proposer  l'ajournement;  et  cependant 
une  espèce  de  responsabilité  pèse  sur  elle.  Le  pul)lic  connaît  ses  attributions, 
mais  ignore  l'insuffisance  de  ses  moyens  d'action.  L'abandon  d'un  monument 
peut  être  imputé  à  sa  négligence,  lorsqu'il  n'est  en  effet  qu'une  nécessité  fatale, 
résultat  de  l'épuisement  de  ses  ressurces.  C'est  à  vous,  monsieur  le  Ministre, 
témoin  de  ses  efforts  et  de  ses  regrets,  qu'il  appartient  de  la  tirer  d'une 
situation  si  pénible.  La  cause  des  arts  a  toujours  été  populaire  en  France,  et, 

1.  La  Commisssion  des  monuments  historiques,  nous  le  reconnaissons  avec  le  plus  grand  plai- 
sir, a  fait  de  louables  efforts  pour  conserver  cette  maison  des  Musiciens;  il  est  probable  qu'on 
linira,  malgré  la  bonne  volonté  douteuse  du  conseil  municipal  de  Reims,  par  sauver  cet  édiQce 
unique  en  France.  Nous  allons  nous-mêmes  nous  occuper  avec  suite,  dans  les  «  Annales  Archéo- 
logiques 1),  d'architecture  civile  et  des  maisons  du  moyen  âge.  Avec  M.  de  Verneilh ,  qui  veut , 
comme  on  l'a  vu,  se  renfermer  dans  le  sud-ouest  de  la  France,  un  autre  de  nos  collaborateurs 
explorera  la  France  entière  sous  le  rapport  de  ses  constructions  civiles.  En  ce  moment  même  des 
dessins  se  préparent.  Nous  ne  voulons  pas  étudier  exclusivement  les  édifices  religieux. 

2.  Il  est  probable  que  le  Comité  historique  des  arts  et  monuments  publiera  les  dessins  que  la 
Commission  des  monuments  historiques  fait  e.xécuter,  par  M.  Denuelle,  d'après  ce  qui  nous  reste 
encore  de  peintures  murales  anciennes.  On  s'occupe  sérieusement  de  ce  projet.  Une  pareille  pu- 
blication est  urgente  et  serait  fort  remarquable  sous  tous  les  rapports. 


RAPPORT  SIR    LES  MONUMENTS  IllSTO  RIO  i:  ES.  11 

aujourtriiui  que  les  nioiuiinciits  historiques  do  toutes  les  é|)()ques  sont  iippré- 
ciés  parles  gens  de  goût,  pourrait-on  refuser  à  l'administration  les  moyens 
de  conserver  ces  glorieux  souvenirs?  La  Commission  ose  se  flatter  que  les 
restaurations  exécutées  sous  sa  surveillance  ont  (Me  à  la  critique  le  droit  d'en 
contester  l'utilité  et  d'en  nier  les  heureux  résultats  '. 

Je  suis  avec   respect,  monsieur   le   Mini.-.tre,   votre  trè>-huml)le  et  très- 
obéissant  serviteur, 

P.  MÉKIMl'E, 

Inspecteur  général  des  monuments  bi8torli]ues. 


i.  Nous  ne  voulons  ni  ronlester  l'ulililé,  ni  nier  les  résullats  du  plus  grand  nombre  de  ces  tra- 
vaux ;  nous  dirons  cependant  qu'on  aurait  pu  ne  pas  démolir  le  bclîroi  de  Poronnc,  sous  prétexte 
de  le  restaurer,  et  qu'on  aurait  dil  conjurer  l'écroulement  de  l'église  de  Brantôme,  tombée  entre 
les  mains  de  son  architecte.  La  calliédralo  de  Noyon ,  qu'on  a  mastiquée  et  asphaltée  ;  l'église  de 
Civray,  dont  on  a  mis  à  terre  et  sans  aucun  soin  le  curieux  portail,  entièrement  sculpté;  enQn  , 
cent  et  une  autres  peccadilles  de  ce  genre,  dont  l'énuniération  est  faite  ou  se  fera  dans  les  «  An- 
nales archéologiques  >>,  ne  nous  permettent  pas  d'accorder  à  la  Commission  des  monuments  his- 
toriques absolument  tous  les  éloges  qu'elle  se  décerne.  Toutefois,  nous  comptons  quelques  amis 
dans  celle  Commission,  et  ces  amis  ne  sont  pas  de  ceux  (|ui  n'\  ont  aucune  influence. 


ESSAI 
SUK   LE  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE. 


II'. 

Tous  les  sons  appréciables  à  l'oreille  et  émissibles  par  la  voix  et  les 
instruments  sont  compris  dans  certaines  séries-modèles,  qui  varient  entre 
elles  selon  les  divers  ordres  de  succession  dans  lesquels  elles  représentent 
ces  mêmes  sons.  En  effet,  l'ordre  de  succession  des  sons  peut  être  plus  ou 
moins  modifié  par  la  plus  ou  moins  grande  division  des  sons  échelonnés  à  la 
suite  les  uns  des  autres,  ainsi  que  par  les  différentes  manières  de  répartir  sur 
l'échelle  ces  divisions  une  fois  données.  Voilà  ce  qu'on  appelle  la  tonalité. 
On  entend  par  ce  mot  :  «  Un  système  quelconque,  mais  convenu ,  de  rapport 
des  sons  entre  eux,  qui  sert  de  base  à  toutes  les  compositions  musicales  sou- 
mises à  ce  système.  »  Ce  système  étant  variable,  il  y  a ,  par  conséquent, 
plusieurs  sortes  de  tonalités.  De  ces  diverses  séries -modèles  de  sons  ou 
échelles  tonales  résultent  les  divers  genres  d'expression  musicale ,  chacune 
de  ces  échelles  ayant  un  caractère  qui  lui  est  propre  et  qu'elle  communique 
aux  mélodies  qui  en  dérivent. 

Ces  manières  différentes  de  former  l'échelle  tonale  ont  donné  lieu  à  trois 
genres  principaux  de  succession  des  sons,  c'est-à-dire  aux  genres  enharmo- 
nique, chromatique  et  diatonique. 

Les  Grecs  connurent  ces  trois  successions  des  sons ,  et  voici  comment  ils 
établirent  chacune  d'elles.  L'échelle  enharmonique  se  composait  d'un  certain 
nombre  de  tétracordes,  formés  chacun  de  deux  quarts  de  tons  et  d'une  tierce 
majeure.  L'échelle  chromatique  se  composait  d'un  certain  nombre  de  tétra- 
cordes, formés  chacun  de  deux  demi-tons  et  d'une  tierce  mineure.  Plusieurs 
auteurs  prétendent  que  les  Grecs  n'ont  jamais  connu  qu'en  théorie  ces  deux 
genres,  enharmonique  et  chromatique,  à  raison  des  grandes  diilicultés  d'in- 
tonation qu'ils  présentent,  surtout  le  genre  enharmonique,  avec  ses  quarts 

4.  Voir  les  .4nnal.  archéol.,  t.  IV,  p.  215.  —  Page  222,  ligne  22'^^,  reniplarez  ou  par  et. 


ESSAI  SUR  LE  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE.  13 

(le  tons.  M.  Fétis,  qui  partage  celte  opinion,  estime  cependant  (juc  le  chro- 
nialique  se  in(Ma  qneUjuefois  au  dialonicpie,  ajjivs  (pie  Pytliagore,  de  retour 
de  son  voyaije  (>n  Eiïvjjle.  on  580,  l'eut  introduit  en  Italie  '.  Plusieurs  peuples 
orientaux  clianteni  encore,  dansleclu-oniaticiue  cl  nK'inc  dans  ronliarmoni(iue, 
des  nu'lodies  d'une  dillicullé  incro\al»Ic  d'inloiialion.  Ouaiit  aux  (Irecs,  ils 
ne  se  servirent  du  chn)mali(pi(^  (pie  transitoirenienl  et  jiar  exce|»tion.  Il  faut 
convenir,  en  effet,  (jue  des  mélodies  basées  sur  une  succession  régulière  de 
notes  chromatiques  déchireraient  nos  oreilles ,  inaccoutumées  à  une  pareille 
série  ;  une  succession  enharmonique  leur  serait  encore  plus  insupportable.  I! 
n'en  est  pas  de  môme  pour  les  Orientaux;  familiarisés  depuis  longtemps  avec 
ces  deux  genres,  ils  y  déploient  une  siketé  d'intonation  et  une  facilité  de 
vocalise  qui  délieraient  nos  chanteurs  les  plus  renommés,  et  ils  savent  en 
tirer  des  accents  langoureux  et  passionnés  (pii  nous  étonncnl.  Mais  laissons 
ces  deux  genres,  pour  ne  nous  occuper  que  du  diatoni(]ue,  le  seul  qui  soit  en 
rapi)orl  avec  la  tonalité  ecclésiasli(pie,  dont  il  est  l'élément  constitutif. 

Le  mot  «  diatonique  »  est  dérivé  de  deux  mots  grecs,  fîtà  (par)  et  tôvoî 
(ton),  parce  que  ce  genre  procède  par  séries  composées  chacune  d'un  demi- 
ton  et  de  deux  tons  pleins.  On  entend  [>ar  «  ton  ))  un  son  appréciable  à  I'ohmIIc 
et  déterminé.  Un  ton  est  plein  ou  entier  à  l'égard  d'un  autre  ton  qui  le  pré- 
cède ou  qui  le  suit,  lorsqu'il  y  a  entre  eux  une  distance  donnée  et  établie  sur 
des  règles  mathématiques  de  vibration.  Lorsque  cette  distance  est  diminuée 
de  moitié,  l'intervalle  prend  le  nom  do  demi-ton.  Par  exemple,  si  l'on  l'ait 
résonner  sur  la  corde  re  du  violon  le  ini,  lo  fa  et  le  sol  successivenioni ,  on 
remarquera  (lue,  pour  rendre  l'intervalle  de  mi  à  fa,  on  écarte  les  doigts  la 
moitié  moins  ([ue  pour  rendre  l'intorvallo  de  fa  à  sol.  Par  conséquent,  l'inter- 
valle de  mi  à  fa  ne  sera  que  d'un  demi-ton ,  ot  celui  de  fa  à  sol  sera  d'un  ton 
plein. 

Le  système  musical  des  Grecs,  conq)osé  dans  ce  genre  diati)ni(]uo ,  fut 
excessivement  simple  dans  le  principe.  Il  consistait  en  un  seul  l^tracorde, 
composé  d'un  demi-ton  et  de  deux  tons  pleins  correspondant  à  nos  notes 
modernes  mi,  fa,  sol,  la.  Le  tétracorde,  dérivé  de  TÉrpa  (quatre),  et  de 
yos^T,  (corde),  était  ainsi  appelé  parce  qu'il  désignait  une  lyre  dont  les 
quatre  cordes  correspondaient  à  la  série  de  quatre  notes  renfermant  un  doini- 
ton  et  deux  tons  pleins.  A  mesure  qu'on  ajouta  de  nouvelles  séries  de  notes 
aux  anciennes,  on  augmenta  la  lyre  d'autant  de  cordes  correspondantes,  en 
sorte  (juc  cet  instrument  était  toujours  la  représentation  (idèle  du  système 

I.  Ilésiimé  de  rhistoiie  de  la  musique,  par  Fcilis,  jiagiis  108  cl  109. 


li  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

musical  en  vigueur.  Lorsque  le  nombre  des  tétracordes  eut  été  augmenté,  de 
telle  manière  qu'une  seule  lyre  ne  pouvait  plus  les  représenter  tous,  on 
inventa  de  nouveaux  instruments  de  ce  genre  pour  les  modes  divers;  on  eut 
donc  la  lyre  dorienne,  la  lyre  ionienne,  la  lyre  phrygienne,  etc.,  correspon- 
dantes à  chacun  des  modes  dont  elles  portent  le  nom. 

Au  temps  d'Aristosènc ,  auteur  du  principal  ouvrage  '  qui  nous  soit  resté 
sur  la  musique  des  Grecs,  et  qui  vivait  300  ans  avant  Jésus-Christ,  l'échelle 
fixe  et  invariable  des  sons  se  composait  de  cinq  tétracordes ,  soit  conjoints , 
soit  disjoints,  dans  l'ordre  suivant  : 

I  3  '  5 

La,  si,  ut,  re,  mi,  fa,  sol.  Ut,  1?  si,  ul,  re,  si,  ut,  re,  tni,  fa,  sol,  la. 


Faisons  plusieurs  observations  :  1°  Cette  grande  échelle  tétracordale  n'est 
que  le  composé  des  divers  tétracordes  qui  furent  ajoutés  successivement  au 
primitif,  mi ,  fa,  sol,  la,  soit  dans  le  grave,  soit  dans  l'aigu.  —  2°  La  pre- 
mière note  la,  placée  plus  tard,  on  ne  sait  pourquoi,  au  commencement  de 
toutes  les  autres,  et  appelée  pour  cela  «  prolambanomène  »,  mot  grec  qui 
signifie  «  ajoutée  » ,  ne  comptait  pas  dans  le  système  tétracordal ,  d'où  elle 
restait  isolée  ,  bien  qu'elle  entrât  dans  la  constitution  des  modes.—  3°  Chacun 
des  cinq  tétracordes  ci-dessus  procède  par  un  demi-ton  et  deux  tons  pleins, 
afin  de  rester  conforme  au  tétracorde  primitif,  mi,  fa,  sol,  la;  c'est  pourquoi, 
dans  le  troisième,  on  a  baissé  le  s?  d'un  demi-ton,  au  moyen  du  bémol,  pour 
qu'il  n'y  eût  que  le  demi-ton  voulu  entre  le  la  et  le  si,  premier  intervalle 
dudit  tétracorde.  —  4°  Le  quatrième  et  le  cinquième  tétracordes,  au  lieu 
d'être  exprimés  par  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ut,  re,  comme  le  demandait  la  suc- 
cession naturelle  des  notes,  sont  représentés  par  si ,  ut,  re,  mi,  fa,  sol,  la, 
parce  que,  les  deux  premiers  tétracordes  devant  être  répétés  dans  l'échelle, 
il  était  naturel ,  pour  éviter  la  confusion ,  de  les  reproduire  dans  le  môme 
ordre  nominal.  —  5°  Cette  grande  échelle  tétracordale  se  divise  également  en 
octaves,  puisqu'elle  en  renferme  deux  justes,  en  y  comprenant  la  première 
note  dite  prolambanomène.  Cette  division  de  l'octave  qui,  plus  tard,  devait 
être  adoptée  pour  le  plain-chant,  est  si  naturelle,  que  les  Grecs  furent  obligés 
de  s'y  conformer  pour  la  constitution  de  leurs  modes ,  devenus  le  point  de 
départ  de  notre  chant  ecclésiastique.  S'ils  conservèrent  la  division  tétracor- 
dale dans  leur  grande  échelle  musicale,  c'est  parla  raison  bien  simple  que 

1.  Éléments  harmoniques,  en  trois  livres. 


ESSAI  SUR   LE  CIIAM   ECCLESIASTIQUE.  Î5 

cette  éclielle  ne  s'était  formée  peu  à  pou  cpie  par  radjonclion  successive  de 
tétracordes  ou  quatre  sons,  et  non  d'oclacordcs  ou  de  huit  sons.  Aussi,  les 
trois  modes  primitifs  ne  roulèrent-ils  que  sur  quatre  sons,  comme  le  premier 
tétracorde  au([U('l  ils  correspondaient  et  sur  le(|uel  ils  se  combinaienl  diver- 
sement de  cette  manière  : 

Lorsque  les  notes,  mi,  fa,  sol ,  la,  étaient  naturelles,  on  était  dans  le  mode 
phrygien,  le  plus  ancien  de  tous.  Lorsque  le  fa  était  dié/.é,  on  clail  dans  le 
mode  dorien.  Lorscjue  le  fa  et  le  sol  étaient  diézés,  on  était  dans  le  mode 
lydien. 

On  se  demande  comment  un  système  musical  (pd  ne  roulait  (pie  sur  quatre 
notes,  bien  que  diversement  combinées,  pouvait  produire  (pielcjne  elïet.  Il 
ne  faut  pas  oublier  que  cette  antique  mélodie  greccpie,  bien  diUerente  de  la 
nôtre,  ne  s'élevait  pas  au-dessus  du  récitatif  ou  discours  chanté,  et  qu'elle 
était  pour  la  poésie  plutôt  un  mode  d'accentuation  (|u'un  chant  proprement 
dit,  dans  le  sens  que  nous  attachons  aujourd  luii  à  ce  mot.  Ce  qui  prouve 
qu'elle  était  plus  susceptible  d'ellets  qu'on  ne  serait  tenté  de  le  croire,  c'est 
l'impression  (jue  fait  encore  sur  nous  le  chant  de  la  «  Préface  "  et  celui  de 
plusieurs  autres  pièces  liturgiques,  qui  sont  des* restes  de  l'antique  mélopée 
grecque,  on  qui  du  moins  ont  été  composées  d'après  ce  système. 

Le  moment  est  venu  de  parler  des  modes  grecs,  qui  ont  eu  sur  la  consti- 
tution du  plain-chant  une  influence  réelle,  bien  qu'il  soit  dilTicile  d'en  appré- 
cier au  juste  la  portée.  Ces  modes  étaient  certaines  successions  de  tons  et  de 
demi-tons,  p;u-  octaves,  basées  sur  les  diverses  notes  de  l'échelle  tétracor- 
dale  que  nous  venons  d'exposer.  On  le  comprendra  aisément  :  selon  que 
l'octave  commençait  par  une  note  ou  par  une  autre  de  l'échelle,  la  succession 
des  tons  et  des  demi-tons  n'étant  plus  la  même ,  l'effet  des  mélodies  était  tout 
différent.  Cette  remarque  est  d'une  grande  importance  par  l'application  qu'on 
peut  en  faire  au  plain-chant ,  comme  nous  le  verrons  bientôt.  Nous  allons  la 
rendre  plus  claire  par  un  exemple. 

Soit  l'échelle  tétracordale  disposée  comme  il  suit  ; 

I  3 _5^ 

La,  si,  ut,  rc,  mi,  fa,  sol,  la,  [>  si,  ut,  n-,  si,  ut,  rc,  mi,  fa,  sol,  la. 

Supposons  que  je  veuille  conuuencer  un  mode;  ou  octave  par  la  note  re 
du  premier  tétracorde,  et  continuer  ce  mode  jusqu'au  rc  suivant  du  troi- 
sième tétracorde,  j'aurai  une  gamme  ainsi  établie  : 

rc ,  mi,  fa,  sul,  la,  t>  si,  ul ,  rc. 


16  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Cette  gamme,  qiii  ne  correspond  a  aucune  de  nos  deux  gammes  majeure  et 
mineure,  sera  celle  que  les  Grecs  appelaient  le  mode  dorien.  Si  j'établis  ma 
gamme  sur  le  la,  quarte  inférieure  du  re,  première  note  de  te  mode,  j'aurai 
une  octave  ainsi  disposée  : 

la,  si,  ut,  re,  mi,  fa,  sol,  la. 

Les  Grecs  l'appelaient  le  mode  hypo-dorien,  c'est-à-dire  sous-dorien  ''Oîto 
signifiant  dessous  ^ ,  parce  que  l'octave  commence  par  la  quarte  inférieure  du 
mode  primitif.  —  5i,  au  contraire,  j'établis  une  octave  sur  la  quarte  supé- 
rieure de  ce  mode  dorien,  c'est-à-dire  sur  le  premier  sol,  j'obtiendrai  une 
gamme  ainsi  disposée  (toujours  d'après  l'échelle  tétracordale  ci-dessus^  : 

sol,  la,  1?  si, "ut,  re,  mi ,  fa,  sol, 
que  les  Grecs  appellent  mode  hyper-dorien ,  du  mot  i-sp ,  qui  en  grec  si- 
gnifie dessus,  parce  que  cette  octave  est  établie  sur  la  quarte  supérieure  du 
mode  primitif  ou  authentique.  Ce  mode  authentique  dorien  aura  donc  deux 
modes  dérivés  :  l'un  qui  partira  de  sa  quarte  inférieure,  la,-  l'autre  de  sa 
quarte  supérieure,  sol.  Or,  chacun  de  ces  trois  modes  présentant  une  diffé- 
rence notable  dans  l'ordre  'de  succession  des  tons  et  des  demi-tons,  il  en  ré- 
sultera une  différence  sensible  dans  la  nature  et  le  caractère  mélodique  de 
chacun  de  ces  modes.  On  peut  faire  la  même  remarque  pour  les  autre- 
modes  grecs  qui  étaient  :  le  phrygien,  le  lydien,  le  mixolydien,  l'éolien  et 
l'ionien  ;  on  les  appelait  ainsi  des  noms  des  peuples  de  la  Grèce  et  de  l'Ionie, 
qui  en  avaient  été  les  inventeurs.  A  chacun  deux  on  attribuait  un  effet  parti- 
culier,  soit  à  cause  de  sa  contexture,  soit  à  cause  des  rhythmes,  des  modu- 
lations et  du  genre  d'expression,  propres  à  la  nation  qui  lavait  inventé. 

Tel  était  donc,  au  commencement  de  notre  ère,  le  système  musical  des 
Grecs,  avec  sa  grande  division  par  tétracordes  et  modes  qui  en  dérivaient.  Ce 
svstème  était  resté  probablement  le  même,  lorsque  saint  Ambroise  le  prit 
pour  base  du  chant  ecclésiastique.  Ce  grand  évêque  ayant  remarqué  que  bon 
nombre  de  mélodies  sacrées,  alors  en  usage,  étaient,  sinon  des  mélodies 
grecques  transposées,  tout  au  moins  des  motifs  composés  d'après  les  modes 
musicaux  de  ce  peuple,  et  ne  dépassaient  pas  les  limites  d'une  octave,  conçut 
la  pensée  de  substituer,  au  svstème  tétracordal  des  Grecs,  le  système  plus 
simple  et  plus  facile  de  l'octave,  en  empruntant  à  ceux-ci  leurs  quatre  pre- 
miers modes  authentiques  ou  primordiaux,  qui  devaient  former  la  base 
invariable  du  chant  ecclésiastique. 

Dans  cette  vue,  il  établit  les  quatre  modes  suivants  : 
Mode  dorien  :  re,  mi,  fa,  sol ,  la,  P  si,  ut,  re  ; 


ESSAI   SI  U    I.E  r.lIANT    !•  (,(.LKSI ASTIQIE.  17 

iNIoili'  phrygien  :  mi ,  fa  ,  sol,  la,  si,  itl ,  rc ,  mi  ; 

Modo  lydien  :  fa  ,  sol ,  la  ,  si ,  itt ,  rc  ,  mi ,  fa  ; 

Mode  mj'xolydien  :  sol ,  la  ,  si ,  ut ,  re ,  vii ,  fa  ,  sol. 

La  théorie  de  la  constilution  dos  modes  grecs  élanl  fort  eonlrovcrséo  parmi 
les  nombreux  auteurs  que  j'ai  consultes  à  ce  sujet,  à  cause  de  rinsut'Iisance 
et  de  l'obscurité  îles  documents  dont  (in  pcul  ili>|»()si'r;  d'un  antre  côte,  les 
divers  spécimens  qu'on  en  donne,  ctiint  nitn-sculiMnenl  dissiMnhiabies  cnli'c 
eux  ,  mais  offrant  encore  des  dilTercnces  sensibles  avec  les  modes  ('lablis  |)ar 
saint  Andiroise,  et  dont  on  ne  saurait  contester  l'authenticité,  je  ci  ois  \\m\- 
voir  en  conclure  :  1"  cpie  la  conslilulion  des  modes  grecs  (excepté  le  doricn) 
n'est  pas  encore  parfailenienl  (onnnc;  '1"  (jnc  saini  And)roise  se  sera  appli- 
(pié  |irincipalement  a  repioduirc  les  noies  île  chacun  deux,  sans  s'attacher 
à  une  imitation  exacte  de  leur  succession  diatonique. — Peulèlrc  celle  succes- 
sion a\  ail-elle  été  déjà  altérée  peu  à  peu,  ou  modifiée  avec  intention  par  les 
chrétiens,  de  telle  sorte  (jue  l'archevêque  de  Milan  n'aurait  fait  cpie  repro- 
duire, dans  les  quatre  modes  dont  il  est  l'anlem',  ces  altérations  ou  modifica- 
tions opérées  avant  lui.  S'il  est  vrai,  connue  le  prouvent  les  peintures 
originales  recueillies  dans  les  catacoinl)es  de  Rome ,  cjne  les  premiers  peintres 
chrétiens  aient  emprunté  à  la  nnthologie  anticpie  les  principaux  motifs  allégo- 
riques de  leurs  compositions  saciécs,  motifs  ipii,  Uiodiliés  |)luslar{|,  ennoblis, 
transformés  pai'  leurs  successeurs,  devaient  être  les  élénienls  d'uiic  iicinlure 
nouvelle  et  propre  au  christianisme,  pourcpioi  la  musicpie  sacrée,  après 
avoir  en  le  même  point  de  départ,  n'anrail-elle  pas  été  appelée  aux  mônics 
destinées?  C'est,  du  reste,  ce  qui  est  démontre  par  la  suite  de  son  histoire.  Je 
vais  même  plus  loin,  en  affirmant  que  l'on  vil,  dés  l'aurore  du  christianisme, 
des  apôtres,  des  évoques  el  de  grands  saints  trouver,  dans  les  seules  inspira- 
tions de  leur  foi,  des  chants  dignes  de  la  majesté  du  culte  divin.  A  défaut  de 
leurs  compositions,  qui  n'ont  pu  parvenir  jusqu'à  nous,  nous  avons  les  té- 
moignages formels  de  l'histoire,  ipii  nous  a  transmis  linirs  noms  révères.  Du 
reste,  quel  qu'ait  été  le  degré  diniluence  exercée,  par  la  psalmodie  hébraïque, 
la  mélopée  grecipie  el  l'insijiration  privée,  sur  le  chant  ecclésiasticiue,  il  faut 
bien  reconnaître  que  le  génie  du  rliii>lianisiiii'  a  in.iirimé  son  souille  (li\in, 
son  impulsion  créatrice  ;i  la  niu>i(|ii(',  coninic  a  la  peinture,  à  la  sculpture 
et  à  l'aiciiitecture.  Le  traxail  (pic  nous  mmioiis  de  comiiuMicer  ne  sera  (piniic 
longue  preuve  de  celte  assertion  '. 

1.  Je  me  permeltrtii  de  ftiiie  ici  une  ub>crvalion.  On  a  beaucoup  trop  dit  que  le  ciiri-^liaiiisnie, 
jeune  encore  ou  inexpérimenté,  avait ,  même  a  l'orij^ine,  einpnmlé  au  pa^ani^me  ses  arts,  pour 
V.  3 


18  ANNALES  A  RC  H  KOLOGI  OUES. 

Ce  serait  ici  le  lieu  d'iiiouterde  nouveiiiix  développements  à  ceux  que  nous 
avons  déjà  donnés  sur  la  lonalilc.  Nous  les  réservons  pour  l'article  sur  saint 
Grégoire,  qui  sera  consacré  en  partie  à  l'exposition  si  im|)ortante  de  la  to- 
nalité ecclésiasiiipie.  En  attendant,  le  lecteur  ne  nous  saura  pas  mauvais 
gré,  sans  doute,  de  lui  donner  un  aperçu  dws  «lints  et  illustres  personnages 

se  les  approprier  apics  les  avoir  sanrtifiés.  Des  sa  jeunesse,  lo  cliristianisme  est  plus  viril,  plus 
original  qu'on  ne  croit.  Par  jusie  mépris  pour  le  paganisme,  il  se  fait  une  existence  et,  par  consé- 
quent, un  art  entièrement  liifTérents  de  l'art  et  de  l'existence  des  adorateurs  de  Jupiter,  de  Mercure 
et  de  Vénus.  11  prend  le  Parthénon  tout  fait,  et  y  met  la  vierge  Marie;  mais  il  bâtit  Sainte-Sophie 
de  toutes  pièces,  et  Sainte-Sophie  est  d'une  architecture  entièrement  neuve,  et  qui  n'a  pas  d'ana- 
logue avant  elle.  La  question  des  basiliques  n'est  pas  suffisamment  éclaircie  encore.  Nos  antiquaires 
de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  fanatiques  de  l'art  païen  ,  ont  dit  que  la  basilique 
chrétienne  était  une  copie  de  la  basilique  païenne.  Cela  est-il  bien  prouvé?  Le  Saint-Pierre  de 
Rome,  bâti  par  Constantin,  était-il  une  copie  réelle  des  basiliques  païennes?  En  quoi  les  églises, 
élevées  en  Palestine  par  sainte  Hélène,  ressemblent-elles  aux  monuments  de  la  Grèce  et  de  l'Italie 
païennes?  Les  peintures  et  les  sarcophages  des  catacombes  sont,  quant  aux  sujets  et  même  quant 
au  style,  purement  chrétiens.  Nos  mêmes  antiquaires  de  l'Académie  des  Inscriptions  ont  vu,  dans 
les  catacombes,  Apollon  Criophore,  Orphée  attirant  à  lui  les  bêtes  féroces;  quant  à  moi,  et  ce 
.sera  prouvé  par  des  faits  matériels  ,  par  des  gravures  et  des  textes,  j'y  vois  le  BonPasteur,  et  le 
prophète  David  jouant  de  la  lyre  ou  de  la  harpe  dans  les  déserts  de  la  Judée.  A  n'en  pas  douter,  il 
en  a  été  de  même  pour  le  chant  ecclésiastique.  Dès  le  principe,  la  musique  chrétienne  a  dû  être  origi- 
nale. C'est  par  pure  hypothèse  qu'on  dit  que  le  chant  chrétien  sort  du  système  musical  des  Grecs  ; 
car,  de  l'aveu  des  plus  savants,  des  plus  graves  historiens  de  la  musique,  et  M.  l'abbé  Jouve  vient 
de  nous  le  dire,  on  ne  sait  pas  encore,  on  ne  saura  peut-être  jamais  quel  a  été  le  système  musical 
des  anciens.  Il  est  donc  impossible  de  comparer  avec  l'inconnu  notre  chant  chrétien,  et  do  dire  qu'il 
descend,  même  en  ligne  collatérale,  de  cet  inconnu.  Quant  à  moi,  mais  par  comparaison  avec  les 
autres  arts,  je  crois  fermement  que  le  système  musical  chrétien  est  aussi  original,  est  aussi  propre 
au  christianisme  que  lui  sont  propres  son  architecture,  sa  sculpture,  sa  peinture  sur  verre,  ses 
mosaïques.  La  religion,  qui  a  créé  l'orgue  et  le  faux-bourdon,  créé  le  bourdon  et  toutes  les  cloches, 
était  assez  riche  pour  faire  sortir  tout,  même  à  son  aurore,  de  ses  propres  entrailles  ;  elle  n'avait 
pas  besoin  d'emprunter  à  plus  pauvre  qu'elle.  Je  dis  que  le  christianisme  a  créé  l'orgue  et  les 
cloches;  car,  à  supposer  qu'à  force  de  recherches  on  en  trouve  l'origine  dans  l'antiquité  propre- 
ment dite,  cette  origine  est  tellement  insignifiante  qu'on  ne  doit  réellement  pas  en  tenir  compte.  Il 
y  a  des  savants  (nos  mêmes  savants)  qui  ont  déclaré  que  l'ogive  était  née  en  Italie,  en  Grèce  et  en 
Asie,  parce  qu'on  en  avait  vu  une  à  .Vrpino,  une  à  Mycènes,  ime  à  Persépolis;  les  gens  sérieux  se 
sont  misa  rire  en  écoutant  cette  naïveté  scientifique,  qui  faisait  sortir  do  chez  Cicéron,  Aga- 
memnon  et  je  ne  sais  quel  roi  persan  les  cathédrales  de  Laon,  de  Paris,  de  Chartres  et  de  Reims. 
Nous  ririons  également  à  la  face  de  qui  viendrait  nous  dire  que  la  flûte  de  Pan  est  la  mère  de  notre 
orgue  chrétien.  — Nous  laissons  à  nos  savants  et  dévoués  collaborateurs  toute  liberté  dans  l'expo- 
sition de  leurs  doctrines;  mais  nous  devons,  à  l'occasion,  faire  des  réserves,  afin  d'être  autorisé  un 
jour,  sans  qu'on  nous  accuse  d'inconséquence,  à  formuler  nos  opinions  sur  l'origine  et  le  déve- 
loppement, sur  l'histoire  générale  et  particulière  des  arts  du  christianisme.  -4u  surplus,  M.  l'abbé 
Jouve  abonde,  on  peut  le  dire,  dans  notre  sens;  si  notre  mémoire  ne  nous  trompe  pas,  il  est  le 
premier  à  reconnaître  que  le  cliant  chrétien  est  à  peu  i>rès  original,  et  qu'il  relève  fort  peu,  s'il 
en  relève,  du  système  des  Grecs.  Ce  fait  est  tellement  capital,  à  notre  avis,  que  nous  avons  dû, 
dans  ces  lignes,  le  faire  saillir  et  le  mettre  en  lumière.  [Note  du  Directeur.) 


ESSAI   SUR    LE   CIFANT   ECCr.ÉSl  A  STl  Ol' E.  19 

qui  se  sont  occuih's  do  la  imisi(|ue  ou  du  rliiuit  ecclosiaslitjuc,  depuis  saiut 
Arnbmisc  jusqu'à  lépocjue  du  pape  saiul  Citcjjoiro. 

Kn  première  ligne,  nous  devons  citer  sainl  Augustin  ,  contemporain,  pen- 
dant la  première  moitié  de  sa  vie,  du  saint  arclievècpu^  de  .Milan.  Daprès  son 
témoignage,  léchant  amhroisien  était  très-mélodieux;  il  se  faisait  remarquer 
par  un  rhytlimc  bien  prononcé,  comme  celui  de  la  musique  grecque  d'où  il 
dérivait.  Tout  le  monde  connaît  l'éloge  (pi'il  en  fait  dans  le  livre  ix  d(^  ses 
«Confessions»,  où  il  raconte  comment  saint  Andiioisc  eut  recours  aux  chants 
des  psaumes,  qu'il  établit  suivant  la  |)rati(pie  des  églises  d'Orient.  Saint  Augus- 
tin, non  content  d'avoir  parlé  fréquemment  de  la  musicpie  dans  ses  ouvrages, 
a  composé  sur  cet  arl  un  traité  spécial  divisé  en  six  livres,  (pii  se  Irouxc  dans 
le  premier  tome  de  ses  œuvres  complètes.  11  mourut  en  'i;{t). 

Saint  Pambon,  abbé  de  Nitrie,  en  380,  auteur  d'un  traite  sur  ranli(pie 
|»salmodie,  intitulé  :  Institiila  Palnim  de  modo  psallrixli  sive  canlaiiili.  Ce  tiaité 
fait  partie  de  la  collection  de  l'abbé  Gerberl. — Le  pape  saint  Damase,  mort  en 
38'i,  a  composé  plusieurs  hymnes  et  poésies  religieuses;  il  s'est  occupé  avec 
zèle  et  succès  du  chant  ecclésiastiijue. — Saint  Jérôme,  mort  en  420,  sesl  oc- 
cupé également  de  liturgie  et  de  chant  religieux.  Dans  son  épitre  à  Lœta, 
belle-fille  de  sainte  Paule ,  il  lui  conseille  de  graver  dans  la  mémoire  d(!  sa 
fille  quelque  chose  des  ]isaumes,  dès  (]uo  l'Age  lui  permettra  d'articuler 
quelques  sons,  et  de  l'habituer  à  chanter  des  hynmes  le  matin,  a  se  tenir 
prête  à  l'heure  de  tierce,  de  sexte  et  de  noue,  conmie  une  sentinelle  vigilante, 
et  à  couronner  la  journée  ,  en  offrant,  à  la  lueur  d'une  lampe,  le  sacrifice  du 
soir.  Dans  son  oraison  funèbre  de  sainte  Paule,  saint  Jérôme  dit  que  les  jeunes 
vierges  consacrées  au  Seigneur  étaient  dans  l'usage  de  chanter  tous  les  jours 
le  psautier,  en  le  disant  entre  prime  fee  nom  n'était  pas  encore  connu,  mais 
la  prière  qu'il  indiciue  existait  en  substance),  tierce,  sexte,  none ,  vêpres  et 
l'office  de  la  nuit.  —  Saint  Paulin,  évêque  de  N(Me  en  Wl ,  a  composé  plu- 
sieurs hymnes  qu'on  chante  encore  dans  les  églises  qui  suivent  le  rit  romain. 
— Claudius  Mamert,  prêtre  de  l'église  de  Vienne  et  frère  de  l'évêque  du  même 
nom,  musicien,  poète,  orateur,  géomètre,  florissait  en  M'.].  Il  est  auteur  de 
l'hynme  Vatxfje  linrjua  rjloriosi  pnplium  ccrtaminis,  qu'on  chante  le  Vendredi- 
saint  dans  le  rit  viennois.  -Le  pape  Gélase,  élevé  au  siège  pontifical  en  'il)"2, 
est  l'auteur  de  quelques  traits,  préfaces  et  hymnes. — Le  pape  Ilormisdas,  élu 
en  514,  s'appliqua  avec  zèle  à  l'amélioration  et  à  l'extension  du  chant  re- 
ligieux.— Déjà,  en  l'année  4GI,  le  pape  llilairt;  avait  fondé  à  Rome  une  école 
de  chantres,  qui  fut  restaurée  beaucoup  plus  tard  par  saint  Grégoire,  comme 
nous  le  montrerons  bientôt. — Saint  Nicet,  évêipie  de  Trêves  en  T)'*?,  a  écrit 


20  ANNALES  AKCHEOLOGIOI  ES. 

on  traité  sur  le  chant  des  hymnes  et  des  psaumes  dans  l'office  public,  intitulé  : 
De  laudc  et  idililalc  spirilualiinn  canticoniin  qua'  jiunt  in  Ecclesia  christiaîta, 
seu  de  psalmodia  bona. — L'infortuné  Boèce,  noble  romain,  philosophe  chrétien, 
auteur  du  livre  de  la  »  Consolation»,  décapité  en  534  par  ordre  du  roiTliéo- 
doric,  a  composé  un  traité  fort  estimé  sur  la  musique  des  Grecs,  dans  lequel 
il  parle,  entre  autres  choses  intéressantes,  de  l'emploi  des  lettres  latines  pour 
la  notation  musicale.  11  est  le  premier  auteur  connu  qui  ait  parlé  de  cet 
emploi. 

Dans  une  prochaine  livraison,  nous  aborderons  la  seconde  époque  de 
l'histoire  du  chant  ecclésiastique,  qui  commence  à  saint  Grégoire-le-Grand, 
et  finit  à  Gui  d'Arezzo. 

L'Abhc   JOUVE, 

Chanoine  titnlairt-  de  Valence. 


AÎ^NAIES   ARCHEOIOGIOUES. 
Par  M'"Diiron,  ru«   d' Ulm,  N?i,  àPa: 


:''0NT3  BAPTISJVIAUX  DU  Xlïï  SIECLE,  EF  CUIVRI'., 
Bans  lEtSlise  S^Barlkélemi,  àlièoe. 


LKS  CERKMOINIES 


LES  FONTS  DU    BAPTKM 


En  naissant ,  riioninie  arrive  au  monde  en  corps  cl  en  Ame;  mais  l'àmo  est 
souillée  de  la  tache  originelle,  et  le  corps,  tout  engourdi,  est  insensible  à  la  vie 
extérieure,  à  l'existence  de  relation.  Nos  organes  sont  endormis,  il  tant  les 
réveiller;  notre  âme  est  morte  par  la  faute  du  premier  homme,  il  (aul  la 
ressusciter.  Par  la  naissance,  le  corps  existe;  mais  lAme,  quoique  tirée  du 
néant,  ne  vit  pas  encore,  et  les  sens  (jui  lui  servent  d'organes  sont  frappés 
d'inertie.  Après  la  naissance  matérielle,  qui  est  la  première,  doit  donc  venir 
celle  de  l'àme  et  des  sens,  qui  est  la  seconde. 

Cette  deuxième  naissance,  qui  fait  de  l'ètie  humain  un  être  social  et  de 
l'homme  un  fidrlc,  a  été,  chez  tous  les  peiq)les ,  l'objet  de  cérémonies  reli- 
gieuses, de  fêtes  civiles,  de  lois  polititpics.  La  société,  qui  règle  la  carrière 
de  l'homme  dans  son  cours  et  à  sa  tin,  devait  la  régler  à  ses  débuts.  11  en  est 
toujours  advenu  ainsi;  lisez  l'histoire  de  tous  les  peuples.  Mais  il  n'y  a  pas 
de  religion ,  pas  de  civilisation  ,  pas  de  législation  qui  aient  présidé  à  cette 
seconde  naissance  avec  plus  de  tendresse  (jue  la  religion  chrétienne.  Un 
sacrement  protège  l'homme  à  l'heure  de  sa  mort  ;  plusieurs  sacrements  le 
fortifient  et  le  dirigent  quand  il  marche  en  plein  dans  la  vie;  un  sacrement, 
le  bai)téme,  le  prend  et  lui  fait  accomplir  les  premiers  pas  dans  la  carrière, 
l/histoire  et  l'explication  du  baptême  depuis  Jésus-Christ  juscpi'à  nos  jours, 
dans  toutes  les  nations  chrétiennes  ;  l'iiistoirt!  cl  l'explication  des  cérémonies 
aiialiigiies,  ou  de  riiiitialiuM  ilr  riiuiiiiiK;  a  la  vie  religieuse  et  piilili(|iic  chez 
tous  les  peuples  i)aiens,  seraient  d'uii  haut  intérêt.  Mais  nous  sommes  des 
antiquaires,  el  l'explication  nous  est  a  pm  pics  interdite;  notre  domaine  est 
surlout  le  moyen  àç^e,  et  le  paganisme  ne  doit  nous  apparaître  (ju'au  dernier 
plan.  Knfin  ,  archéologues  bien  [)lutùl  (pie  lituigistes  et  que  théologiens 
suitoiil ,  nous  devons  étudier  exclusivement,  ou  peu  s'en  faut,  les  objets  qui 
ser\»'iil  à  la  liluri/ie,  h->  instrunicnts  du  culte.  (]>•[  article  est  donc  i()n?a(ré 


22  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES, 

aux  fonts  baptismaux  et  non  pas  au  baptême  ;  si  nous  disons  çà  et  là  un 
mot  (les  cérémonies  j  c'est  pour  faire  comprendre  plus  aisément  la  forme  et  la 
décoration  des  fonts  de  baptême. 

Jésus  fut  baptisé  dans  le  Jourdain  par  saint  Jean;  les  premiers  chrétiens 
durent  également  recevoir  le  baptême  dans  les  fleuves,  les  rivières  ,  les  fon- 
taines ,  les  lacs  et  les  étangs.  L'expression  «  de  fonts  de  baptême  »  semble 
rappeler  cette  origine.  Un  bien  précieux  souvenir  de  cette  époque,  où  le 
baptême  se  donnait  dans  les  fleuves,  les  lacs  et  la  mer  elle-même,  nous  a  été 
conservé  par  cette  bénédiction  des  fonts,  tirée  d'un  ancien  rituel  gothique  : 
«  Del)Out ,  frères  chéris.  Sur  la  rive  de  la  fontaine  de  cristal ,  amenez ,  de  la 
terre  au  rivage  ,  les  hommes  nouveaux  qui  viennent  vendre  et  faire  leur 
commerce.  Qu'ils  naviguent  et  que  chacun  d'eux  frappe  la  mer  nouvelle,  non 
de  la  terre,  mais  de  la  croix;  non  du  bras,  mais  de  l'intelligence;  non  du 
bâton,  mais  du  sacrement.  Le  lieu  est  petit  à  la  vérité  ,  mais  plein  de  grâce. 
L'Esprit  saint  a  gouverné  en  bon  pilote.  Prions  donc  le  Seigneur,  notre  Dieu, 
de  sanctifier  cette  fontaine  '.  »  Le  rivage,  la  navigation,  les  échanges  mari- 
times, le  Saint-Esprit  au  gouvernail,  voilà  pour  le  passé,  pour  les  grandes 
eaux  des  fleuves  et  de  la  mer  où  les  premiers  chrétiens  furent  baptisés.  Mais 
déjà  cet  océan  est  venu  se  resserrer  dans  la  cuve  baptismale,  dans  un  ((  lieu 
plein  de  la  grâce  de  Dieu,  mais  fort  étroit.  »  Nous  avons  laissé  derrière  nous  la 
première  période  du  baptême,  et  l'on  s'en  souvient  encore  très-vivement,  très- 
poétiquement,  mais  on  entre  dans  la  seconde.  On  descend,  on  plonge  dans 
les  eaux  sacrées,  mais  déjà  on  n'y  nage  plus.  A  cette  époque ,  un  édifice  fut 
affecté  spécialement  à  l'administration  du  baptême;  il  prit  le  nom  de  baptistère. 
Au  centre  de  cet  édifice ,  ordinairement  dédié  au  Précurseui',  à  celui  qui  le 
premier  avait  conféré  le  baptême  chrétien,  était  placée  une  cuve  où  les  caté- 
chumènes ,  dépouillés  de  leurs  vêtements ,  étaient  plongés  en  entier  pour 
recevoir  le  baptême.  Dans  l'origine,  au  centre  du  baptistère,  a  pu  sourdre 
une  fontaine  d'eau  vive;  ainsi,  quoique  n'étant  plus  à  ciel  ouvert,  comme 
au  bajitême  de  Jésus-Christ  et  des  premiers  chrétiens,  on  était  encore,  comme 
alors ,  plongé  dans  l'eau  courante.  A  défaut  de  fontaine  ,  le  centre  du  baptis- 
tère était  occupé  par  une  cuve  baptismale,  par  un  font.  Ce  font  (ou  ces  fonts) 
se  lomplissait  d'eau  lorsque  des  baptêmes  devaient  avoir  Heu.  Pendant  long- 


1.  (I  StiinU's,  fralres  carissiini ,  sii|icr  liiiaiii  vilrei  fontis ,  novos  hoinine^  adducile  de  terra  lit- 
tori,  mercaturos  sua  commercia;  sin.ïuli  naviganles,  puisent  marc  novum,  non  virga ,  sedcruce; 
non  tactu ,  sed  sensu  ;  non  baculo ,  sed  sacramento.  Locus  quidem  parvus ,  sed  gratia  plenus  ;  bene 
gubernatus  est  Spiritus  sanctus.  Oremus  ergo  Dominum  et  Deiim  nosirum  ni  sanrlilicet  lumr 
fontiMii.  »  —  Martène,  De  antlquis  ritibvs  Ecclesise,  vol.  1,  175. 


I,i:S  CKKKMOMl'.S   ICI'    I.KS   l-ONÏS   \)V    ItAI'lilMK.  21 

tonips,  ju>(iir;ui  xiV  siècle,  i\  co  qu'A  sciiiIjIc  ,  le  (iilccliuMiciic  lut  |ili(iit:é 
dans  celle  cuve  et  recul  le  bapk^ine  par  iiiinicision.  .^lais,  dès  le  xu',  com- 
mence à  nous  apparallre  le  baplème  par  iiiiusioii.  l'erulanl  longlemps,  liois 
siècles  peut-être,  s'il  faul  s'en  lapporler  au\  représentations  sculptées  et 
peinles,  Tes  deux  systèmes  par  immersion  et  par  infusion  furent  en  usage. 
Ainsi ,  à  la  Porte-Rouge  de  Notre-Dame  de  Paris  ,  le  catéchumène  est  plongé 
à  mi-corps  et  nu  dans  une  cuve  haplismale,  probablement  remplie  d'eau  : 
voilà  rinimersion.  De  plus,  l'evéque  (jui  baptise  lui  verse  de  leau  sur  la  léle, 
ce  qui  est  l'infusion.  Mais  les  raisons  de  décence  et  de  conunodité  liiiiri'nt 
par  prévaloir,  et  l'immersion,  abandonnée  complélemcnl,  lui  rciniilacee  par 
l'infusion  ,  seul  mode  encore  jtralitjué  de  nos  jours  '. 

En  résumé,  trois  périodes  dans  le  baptême.  Pendant  la  première,  on 
l'administre  dans  les  eaux  courantes,  dans  les  (lots  d'eau  vive;  pendant  la 
seconde,  dans  une  cuve  où  le  corjis  entier  du  catéchumène  est  plongé;  pen- 
dant la  troisième,  au-dessus  de  celle  cuve  destinée  à  recevoir  les  quelques 
gouttes  d'eau  dont  la  tête  seule  du  néophyte  est  lavée.  Ainsi ,  le  lieu  où  le 
baptême  se  donne  se  resserre  successivement,  et  l'eau,  où  la  laclie  originelle 
se  lave,  diminue.  En  plein  air  d'abord,  et  sous  la  voûte  du  ciel  ;  ensuite  dans 
une  cuve,  autour  de  laquelle  se  biilit  un  monument  spécial;  enfin,  au-dessus 
d'un  vase  placé  dans  une  petite  chapelle  ou  dans  le  coin  d'une  église.  Des 
flots  d'eau  vive  pour  la  première  période,  des  seaux  d'eau  tirés  à  une 
source  pour  la  seconde,  quelques  gouttes  pour  la  troisième.  Nous  l'axons  dit 
à  propos  du  sacrifice  offert  sur  l'autel  chrétien  :  le  Christ  est  tout  entier  dans 
une  parcelle  de  l'hostie  comme  dans  l'hostie  entière,  dans  une  goutte  de  vin 
comme  dans  une  (pianlilé  plus  grande;  ainsi,  pour  le  baptême,  la  goutte 
vaut  autant  que  le  Ilot.  Une  goutte  d'eau,  pourvu  qu'elle  touche  le  front, 
lave  de  la  liiche  originelle  l'ùme  de  l'homme  tout  aussi  bien  que  les  vagues 
de  la  mer  qui  passeraient  et  repasseraient  à  diverses  reprises  sur  le  corjis  ; 
donc  ,  à  mesure  qu'on  avance  dans  les  temps  modernes,  nous  voyons  le  ma- 
térialisme diminuer  an  prolil  du  synbole,  et  le  signe  sensible  s'atténuer  pour 
grossir  la  signification. 

.Mais,  en  même  temps  >\t\r  Ir  Uni  du  bajili'-iui'  decroit  aiii>i ,  les  céicmonies 
qui  accom|)agnent  ou  suivent  1  admimstralion  du  sacrement  augmentent  en 
importance  et  en  nondire.   Le  baptême,  nous  l'avons  dit,    est  la  seconde 

I.  DLsfjni  coiM-ndant  que  les  RiiS-ses,  qui  sont  (jrncs  ilr  rcli;;ion  cl,  |)ar  conS4''(iiii.'nl,  plus  lidclis 
aux  usagps  ancien»,  Iwpliseni  encore  \K\r  immersion  II  y  u  plus,  le  jour  du  siimedi-stiint  on  plonge 
de  jeunes  enfants  dans  les  ;^ands  neuves  de  lu  Newa  el  de  la  Moscowa,  en  souvenir  du  buptCnie 
primitif,  (|ui  s'administrait  dans  les  eaux  courantes  des  fleuves  el  d(>s  rivières. 


2i  ANNALES  ARCIIÉOLOG  IQl  ES. 

nativité  de  riioaiiue,  la  renaissance  de  son  âme  tuée  par  la  faute  originelle, 
l'éveil  (le  ses  organes  encore  assoupis.  Celte  naissance  à  la  doctrine  religieuse 
et  à  la  vie  de  relation  s'accomplit  avec  de  belles  et  importantes  cérémonies. 
Ce  jeune  corps  de  l'être  humain,  qui  vient  d'arriver  à  la  vie,  a  un  père  et  une 
mère;  cette  âme  que  la  religion  va  créer,  pour  ainsi  dire,  ou  ressusciter,  aura 
de  même  un  père  et  une  mère;  elle  aura  des  auteurs  (prou  appellera  un  par- 
rain et  une  marraine,  et  le  fils  qui  va  naître  à  la  vie  de  l'esprit  s'ajjpellera  leur 
(ilieiil.  Une  affinité  se  produit  entre  le  parrain  et  la  marraine,  surtout  entre 
ceux-ci  et  leur  filleul,  qui  ne  peut  pas  plus  se  marier  avec  eu\  que  le  fils  ou 
la  fille  avec  sa  mère  ou  son  père.  Il  existe  donc  ainsi  une  famille  spirituelle 
destinée  à  compléter,  à  remplacer  même  au  besoin,  la  famille  selon  la  chair. 
Celle-ci  donne  au  fils  son  nom  civil ,  celle-là  donne  au  filleul  son  nom  religieux, 
son  nom  de  baptême;  l'assimilation  est  complète. 

Sous  la  conduite  de  son  parrain  et  de  sa  marraine,  le  néophUe  est  amené 
à  l'église  ;  là  des  cérémonies  ,  variables  dans  le  nombre  et  dans  l'ordre  où  elles 
s'accomplissent,  d'aprèsla  variété  même  des  diocèses  et  des  nations,  précèdent, 
acconq^agnent  ou  suivent  le  baptême  proprement  dit.  Mais  toutes  sont  sym- 
boliques et  aclmiiables  de  sens;  toutes  ont  pour  but  de  donner  une  seconde 
vie  à  l'homme,  la  vie  de  l'esprit  et  celle  des  sens  qui  servent  d'organes  à  l'àme. 
A  la  création,  le  corps  de  l'homme,  la  masse  inerte,  fut  formée  avec  de  l'argile, 
avec  de  la  terre  détrempée.  Dans  une  miniature  italienne  du  xiu"  siècle.  Dieu 
ne  façonne  pas  lui-même  le  corps  d'Adam  ;  il  confie  ce  soin  à  un  ange,  comme 
un  sculpteur  fait  ébaucher  une  statue  par  un  praticien.  Cet  Adam,  qui  est  à 
peine  dégrossi,  ne  vit  pas  encore  et  n'est  qu'une  statue.  Mais  Dieu  bénit 
cette  argile,  et  les  mains  se  détachent  des  lianes;  la  partie  inférieure  de  cette 
espèce  de  borne  se  partage  en  deux  jambes;  le  haut  s'arrondit  en  tête  où  se 
percent  la  bouche  et  les  narines ,  où  s'ouvrent  les  oreilles  ,  où  s'allument  les 
yeux.  Enfin,  le  Créateur  soulHe  l'haleine  de  la  vie  sur  cette  face  morte  tout 
à  l'heure,  et  la  statue  est  devenue  un  homme,  une  âme  vivante  '. 

Cette  création  d'Adam  se  répète  en  quelque  sorte  pour  chacun  de  ses  enfants. 
Par  la  naissance  matérielle,  la  naissance  du  corps,  la  statue  est  ébauchée 
comme  Adam  l'est  par  l'ange  qui  sert  le  Créateur;  mais  dans  la  seconde  nais- 
sance, dans  le  baptême,  le  prêtre,  qui  est  le  représentant  de  Dieu,  donne  la 
vie  de  l'àme,  et  d'une  statue  H  fait  un  homme.  Ainsi  donc,  dans  les  céré- 


I.  0  Et  inspiiavit  in  faciem  ejus  spiraculum  vite,  et  factus  est  liomo  in  aniinam  viventem.  " 
Gfnesis,  caij.  ii,  vers.  7. —Nous  avons  donné  celle  miniature  dans  V Iconographie  de  Dieu, 
page  513  ,  pianclie  131 . 


r.Ks  (;i:iu;\i(»Mi.s  i:r  i  i.s  ionis  m    hu-iimi:.  25 

iiiDiiies  (lu  li;i|i|i''mi',  >i'  ir|iiiiiliiil  -\  iiili()lii|iiriiii'iit  une  iiiiiiirr  ilf  la  crcalion  ilii 
])ii^init'r  liiMiiiiic. 

(!(,imiii('  Ditni,  le  |in"'li('  (•(iiiiint'iicc  par  lu'iiii  le  ii(i|is  liiiniaiii  (|u  on  lui 
pii'senle  pour  le  bapliMiio;  puis  il  lui  impose  les  mains,  l'onimo  pour  en  prendre 
possession  et  le  façonner' sui\anl  la  \nlniite  de  la  relijiion.  Olte  slalue  liniiiaiiu' 
a  lies  sens,  des  pieds,  des  mains,  dr-naiinc~,  des  oreilles,  des\rii\;  inai- 
des  pieds  qui  ne  niarelienl  pas,  des  mains  (pii  ne  touclienl  pas  ,  des  nariniis  , 
des  oreilles  et  des  \eu\  (pii  n'odorent,  n'eiileiident  cl  ne  \oienl  pas'.  I.e 
prt^lre  ,  le  oreali'iir  luimaiii  de  ce  pelil  coi  ps  ,  prend  di'  la  saiiv  c  d  l'ii  im-l  sur 
les  narines,  le>  urcilies,  les  veii\  de  renlanl ,  en  li-iir  (•(iiiimandant  ,  ain-i  ipic 
Jésus-l'hrisl  le  lit  lui-mt^me  à  ra\eui;le-né ,  de  sOuvrir  pour  oiloitr,  poni 
enleniire  et  pour  voir  '.  Il  prend  du  sel  et  en  met  une  pincée  dans  celle  petite 
bouche,  nuiette  jusipialors,  pour  l'animer  et  lui  l'aire  |iarler  la  lanuiie  de  la 
sagesse.  Avec  de  l'Iiuile  consacrée,  il  rmllc  la  poili  iiir  ri  les  épaules,  pour  leur 
donner  la  force  de  respirer  et  de  porter  des  fardeaux,  (iliez  les  Grecs,  les 
jamlK'S  ,  les  bras,  le  corps  entier  est  baigne  dans  I  huile,  comme  s'y  baignait 
l'athlète  antique  pour  s'assouplir  les  membres  et  permettre  aux  jambes  de 
courir,  aux  mains  de  remuer  sans  trop  de  fatigue;  puis,  par  trois  fois,  le  prêtre 
souille  à  la  face  du  nouveau-ne,  connue  Dieu  souilla  i\ii-Hième  à  celle  du 
nouveau  créé  :  Et  fuclus  rst  liomo  in  tiiiiiiiam  vivriilnii.  .Mais  cette  âme  vivante 
est  souillée  de  la  tache  originelle  et  possédée  de  l'esprit  méchant  ;  le  souille  du 
prélre  chasse  le  mauvais  esprit.  Le  parrain  et  la  marraine  renoncent,  pour 
leur  fdleul,  à  Satan,  à  ses  pompes,  à  ses  œuvres;  ils  font  |)our  lui  acte  de 
foi  en  récitant  l'Oraison  dominicale  et  le  Syndwie  des  Apôtres.  .Mors  les  eaux 
baptismales  coulent  sur  le  front  du  néophyte  et  lavent  la  souillure  d'.Vdani. 
Des  lors  1  enfant  acquiert  la  seconde  existence;   il  rrtiall  ^  dans  les  eaux  du 

(.  <  Os  lial)ent ,  cl  non  luqucntur;  oculos  habpnt ,  et  non  vidcbuni;  aurps  l)iil)enl ,  cl  non  au - 
(lient;  nare«  tiabent,  et  iiun  udorabunt:  nianus  lialionl  i-t  non  palpabiinl  ;  podos  liatM-nt  pl  non 
anibulabunl;  non  claiiialiiinl  in  ^'iillure  suo.  »  l'sniiii .  iixiii ,  v.  5-7. 

i.  *  tjiiamdiu  siim  in  niumlu.  Iii\  siiin  miindi.  Ila.>c  mm  di\is.^t  i  Jt>sus)  ,  e.\piiil  in  Icriani.  i-l 
fecit  luluin  ex  sputo.  et  linivit  hiliiin  su|M>r  orulos  ejus.  el  dixit  t-i  (liuniini  ran-u)  :  Vade ,  lava 
in  nalaloria  Siloc',  quod  inlcrpn-Uilur  niissu^.  Abiitorj^o.  el  lavil,  cl  xi'iiit  viilens.  »  -  S.  Johann  , 
cap.  is,  \  5-7.  <  Uans  l'applicaliun  de  la  boue  sur  les  \eu\  ,  r^iiit  .\u'^u.«lin  atM>rçult  l'oni-Uun 
d»»  (lalÎH-huniones ,  et.  dans  le  bain,  le  bapti>ine  et  >e>  eflt't.s  miraculeux.  Toul  est  mystérieux 
ici,  jusqu'au  nuni  de  la  funtainc.  Il  nous  apprend  que  le  S4-ul  vrai  bapli^mc ,  relui  dont  les  autres 
n'ont  pu  «'tre  que  la  lijjure,  c'est  le  bapli^iiie  île  Irnviiyé  par  lAcelli-nce ,  c'est-a-dire  de  Jésus- 
t^hrlst.  »  —  ÊlUloIrt  tl'-  lu  elf  rie  Jftm-i  lirhl .  jmr  lo  1*.  de  l.i;;nj  ,  vul  (  ,  p.  4.'i( .  édil.  in-S". 
Pari»,  IHli. 

3.  •  Ni.ti  qui.-<  renolus  fueril  ex  uipia  et  Spiritu  Mini-lu,  non  potesl  iniroire  m  ic^iuim  l>ei.  ■  — 
S.  Joli.,  C8p-  III.  N     .'».  ' 


26  ANNALES  AKCUF.OLOGIOUES. 

baplème  qui  ont  été  consacrées  suivant  les  prescriptions  de  la  liturgie.  Voilà, 
en  masse,  les  cérémonies  du  baptême.  L'ordre,  nous  l'avons  dit,  n'en  est  pas 
réglé  uniformément  dans  tous  les  rituels;  mais  il  importe  surtout  de  recher- 
clier  r(-spri(  de  ces  fornuiles  syniholii]ues,  et  il  est  tel  que  nous  venons  de  le 
dire. 

Du  reste  ,  ces  cérémonies  ne  sont  qu'accessoires;  elles  n'existaient  pas  a 
l'origine  du  christianisme  ,  et  ce  fut  petit  à  petit,  dans  le  cours  des  six  ou  huit 
premiers  siècles,  qu'elles  furent  successivement  introduites.  Mais  la  matière 
et  la  forme  indispensables  pour  la  validité  du  sacrement,  c'est  l'infusion  de 
l'eau  ,  c'est  l'ondoiement  accom[)li  au  nom  des  trois  personnes  divines.  L'eau 
est  d'absolue  nécessité;  pas  de  baptême  sans  elle.  Aussi  lorsque,  ne  baptisant 
plus  à  ciel  ouvert,  dans  les  fleuves  et  les  fontaines,  on  éleva  des  édifices 
au-dessus  des  cuves  baptismales,  ces  monuments  s'ornèrent  de  mosaïques,  de 
peintures  murales  et  de  sculptures  où  l'on  représentait  les  merveilles  produites 
par  l'eau  aussi  bien  dans  l'Ancien  que  dans  le  Nouveau  Testament.  Les  per- 
sonnages, qui  avaient  joué  un  rôle  dans  ces  histoires,  ou  qui  avaient  prophétisé 
la  vertu  de  l'eau  baptismale,  y  étaient  figurés  tenant  à  la  main  ces  paroles 
écrites  sur  un  rouleau  '.  Les  baptistères  de  Pise,  de  Florence  et  de  Venise, 
monuments  à  part,  isolés,  mais  voisins  des  cathédrales  de  ces  villes,  sont 
célèbres  en  Italie  ;  comme  on  le  présume  bien  ,  ils  sont  dédiés  à  saint  Jean- 
Baptiste,  le  premier  ministre  du  baptême.  Celui  de  Florence  est  couvert  de 
mosaïques  où  le  baptême  se  préconise  par  l'histoire  sainte. 

En  Grèce,  dans  les  couvents  qui  ont  conservé  plus  fidèlement  les  anciennes 
traditions^  le  baptistère  s'élève  au  centre  du  parvis  qui  précède  l'église  prin- 
cipale. Ce  baptistère,  nommé  cptxXTi  ou  Tr'/iy/i,  est  un  petit  monument  circulaire, 
percé  à  jour  de  six,  huit,  dix  ou  douze  arcades  qui  supportent  une  coupole. 
C'est  au  centre  de  cette  rotonde  et  abritée  par  cette  coupole  même  qu'est 
placée  la  cuve  baptismale.  Cette  cuve  est  un  bassin  de  marbre  d'où  sort  l'eau 
sacrée  qu'amène  un  conduit  de  métal.  La  cuve  est  quelquefois  décorée  de 
sujets  relatifs  au  baptême;  mais  c'est  l'intérieur  de  la  coupole,  c'est  la  cor- 
beille des  chapiteaux  qui  portent  la  rotonde,  c'est  le  parapet  de  marbre  qui 
défend  les  arcades  à  hauteur  d'appui ,  qu'on  orne  de  ces  sujets.  «  En  haut, 
dans  la  coupole,  peignez  le  ciel  éclairé  par  le  soleil ,  la  lune  et  les  étoiles. 
Hors  du  cercle  où  s'éleud  le  ciel,  faites  des  nuages  avec  la  foule  des  anges. 
Au-dessous  des  anges  et  circulairement,  représentez,  dans  une  première  ran- 
gée, ce  qui  est  arrivé  au  Précurseur  dans  le  Jourdain.  Du  côté  de  l'Orient, 

I.  Ézùchifl,  entre  autres,  a  dit  :  «  Et  aspergam  super  vo-  aquani  nuindam.  >: 


LKS  (:i;iu-M<>Mi;s  r.  i   i.i:s  i(ini>  di    hm'Iimi..  ->7 

failes  lt'li;i|ili'iiu'du(;iiii>l.  Au-ilossu>  de  Iji  ItHcilii  (llirisl,  (lUc  le  Sainl-Ks|)ril 
desceiule  du  cii-l  sur  un  launi  liimiiu'iix  ol  (lu'iiii  lise  :  u  tielui-i-i  est  mou 
«  fils  bien-ainii' ,  dans  Iciincl  jai  mis  nus  i-uniplaisaiires.  )i  Au-dossnus,  dans 
une  s<'n)nilo  ranm'o,  peiiïuoz  los  miracles  de  l'Aiieien-Teslamenl  (pii  claienl  lu 
tiuure  du  di\in  baiilèmo,  à  savoir  :  Moïse  sauvé  des  eaux,  les  Kirypliens  en- 
gloutis dans  la  mer  Houge,  Moïse  adoueissant  les  eaux  anières ,  les  douze 
plaies  des  eaux,  l'eau  de  la  ronlradielion  ,  l'arelie  daHiance  traversant  le 
Jourdain,  la  toison  Inimide  et  stVlie  de  (lédéon,  le  sacriliee  d'Klie,  Klie  tra- 
versant le  Jourdain,  Klisee  purilianl  les  eaux,  Naanian  purifié  dans  le  Jour- 
dain ,  la  fontaine  de  vie.  Sur  les  eliapileaux.  représentez  les  |)roplièles  et  ee 
qu'ils  ont  prophétise  Iducliaiit  le  lia|ilénie.  »  —  Ain>i  s'exprime  le  moine 
ajiliiorile  Denvs  '. 

Chez  nous,  il  a  dû  en  être  de  même.  >lalliiiircusemfnl  la  plujiarl  de  nos 
baptistères  sont  détruits;  ceux  (jui  peuvent  nous  rester  encore,  comme  Saint- 
Jean  de  Poiliei-s,  sont  badi!;eonnés  ou  mutilés.  (Juant  aux  anciennes  cuves 
baptismales,  beaucoup  sont  calcinées,  cassées,  débitées  en  moellons  ou  fon- 
dues ;  cependant  nous  en  possédons  encore  im  certain  nombre,  et,  en  ce 
moment  même,  nous  avons  le  soin  de  les  faire  rechercher  et  dessiner  pour 
offrir,  en  texte  et  gravure  à  nos  lecteurs,  une  monoi^ra|)liie  complète  sur 
celle  partie  importante  de  l'ameublement  religieux.  .Vins!  donc,  connue  nous 
l'avons  déjà  fait  pour  les  autels,  nous  prions  nos  amis  et  nos  abonnés  de 
nous  signaler  les  bai)tistères  et  cuves  baptismales  anciennes  dont  ils  connaî- 
traient l'existence;  qu  ils  nous  en  envoient  la  description  et  le  dessin,  petit  à 
pelil,  le  dessin  sera  gravé  et  la  description  imprimée. —  En  attendant  que  nous 
réalisions  le  projet  de  publier  la  monographie  des  anciens  fonts  baptismaux 
de  Irance,  nous  ollrons  aujourd  hui  la  gravure  et  la  description  de  la  plus 
belle  et  de  la  [)lus  intéressante  cu\e  baptismale  (pii  soit  à  notie  connaissance. 
Au  mois  d  août  IS'iH,  M.  Louis  Fabr\-Uossius,  l'un  des  plus  savants  et  de> 
plus  zélés  correspondants  du  Comité  lùstorique  des  arts  et  monmnrnts,  me 
faisait  les  honneurs  arcliéoloi.'i(iues  de  la  ville  de  Liège  où  il  est  ne ,  et  me 
montrait ,  avec  une  inratii;able  bii-meillance,  des  richesses  caché(>s  cpie  je 
n'aurais  certainement  pas  vues  sans  lui.  Au  nondire  de  ces  trésors,  furent  les 
fonts  baptismaux,  placés  aujiiurdlnii    i  S  nni-ltarlhéleujy  ,  dans  une  pièce 

*.  Guide  de  la  l'einture,  tniduil  dan-  Ir  Mamnl  d  irniKnjraphle  chrétienne,  pn».  i38.(i0. 
Voyez,  \>i>'^.  iiOiii  ,  1.1  lunguc  note  ruinpIi^nifiUuirc  (|ue  nutis  uvons  iijuiilt^o  à  ce  texte  pn-rieux, 
H,  pag.  2H»-290,  la  Licllr  dcsicription  de  la  Fontaine  de  rie,  st-ulpinent  indiquéi*  ici.  Pour  nr  pui 
Uup  alloni^T  outre  article,  im>ui>  nuu»  cuntenleruii»  de  faire  (<>:•  renvois  au  Manuel.  Il  n'y  u  rien 
de  pluit  complet  sur  romcmentatiun  det<  Imptistere-. 


28  ANNALES  AHCHEOLOr.IQUES. 

fermée  à  clef,  une  espèce  de  chambre,  indigne  de  posséder  une  aussi  belle 
œuvre.  Cette  cuve  vient  d'une  église  nommée  Sainle-Marie-aux-Fonts',  qui 
fut  détruite  en  1793;[il  est  heureux  qu'on  n'ait  pas  fondu  la  cuve  comme  on 
a  démoli  l'église.  Non  content  de  nous  avoir  fait  connaître  l'existence  de  ce 
chef-d'œuvre  de  la  dinanderie  belge,  M.  Fabry-llossius  en  fit  exécuter,  sous 
ses  yeux,  des  dessins  exacts  par  IM.  Olivier  Henrotte,  un  jeune  et  habile 
artiste  de  Liège.  Ces[dessins  sont  ceux  que  MM.  Léon  Gaucherel  et  E.  Guil- 
laumot  nous  ont  gravés  sur  acier  et  sur  bois,  et  que  nous  donnons  aujour- 
d'hui. Nous  n'avons  pas  reculé  devant  cinq  gravures,  dont  trois  paraissent 
aujourd'hui,  afin  de  pouvoir  donner  complètement  une  œuvre  aussi  curieuse. 
Nous  suivrons,  dans  la  descri|)tion  des  sujets,  l'ordre  indiqué  par  la  chrono- 
logie et  par  le  sens  même  des  inscriptions. 

Saint  Jean,  le  premier  ministre  du  baptême,  prépare  au  sacrement  futur 
les  publicains,  les  soldats,  le  peuple  entier,  les  classes  sociales  et  les  condi- 
tions politiques,  en  les  instruisant,  en  leur  recommandant  la  pénitence. 
Devant  un  arbre  qui  porte  des  feuilles  de  deux  espèce  et  qu'il  est  difficile  de 
caractériser,  en  face  d'un  groupe  de  quatre  personnes,  le  Précurseur,  haut 
de  stature  et  le  bras  droit  tendu,  annonce  aux  publicains  (_plblic.vni)  la  parole 
divine;  il  leur  ordonne  de  faire  dignement  la  pénitence  : 

FACITE    ERGO  FRl'CTUS  DIGNOS  PENITENTIE  ^. 

Ce  jeune  soldat  qui  interroge  saint  Jean  et  qui  représente  ces  hommes 
d'armes  venant  demander  le  baptême  et  des  règles  de  conduite  au  Pré- 
curseur, est  une  des  jjIus  jolies  figures  et  des  mieux  posées  que  j'aie  jamais 
vues.  Je  ne  connais  qu'au  portail  de  la  cathédrale  de  Reims  un  soldat, 
représentant  le  courage,  qui  soit  aussi  beau  que  cette  statuette.  Mais  à 
Reims  c'est  en  pierre,  et  ici  c'est  en  cuivre;  en  sorte  que  l'avantage,  vu  la 
dilficulté,  est  à  la  cuve  de  Liège. 

Le  peuple  est  préparé  par  cette  prédication,  par  cette  doctrine  de  la  vérité. 
Alors,  saint  Jean-Baptiste,  presque  adossé  à  un  «^hène,  baptise  deux  juifs 
enfoncés  seulement  à  mi-jambes  dans  les  eaux  du  Jourdain;  il  leur  dit. 
«  Moi,  je  vous  baptise  dans  l'eau;  mais,  après  moi,  en  viendra  un  plus  fort 
que  moi.  »  Cette  parole  annonce  la  scène  suivante,  la  scène  princi|)ale  ; 

1.  «  Sanrta-Maria-ad-FontfS.  »  Celle  belle  cuve  l)a|)liMiiale  iiiéiilait  bien  de  donner  un  ^^uinoni 
à  son  église. 

2.  Saint  Mathieu  ,  m,  8-14.  —  «  Venerunt  aulem  et  publicani  ul  baptisarentur,  et  dixerunl  ad 
illum  :  Magister,  quid  faciemus?...  Intenogabant  euni  et  milites,  dicenles  ;  Qiiid  faciemusetnosV...» 
—  Ce  sujet  et  le  suivant  i)arailrom  dans  les  «  .Vnnales  »  du  mois  iirocliain. 


IKS   ci:  ItÉMOMKS    I.  I     ll>    |MN|>    |i|     li  A  I' I  KM  F.  o<) 

EGO  vos  HAI'TIZO   IN  AOIA;   \  KNIKT  AITKM   lOltilOU   Ml.  l'nST  MK'. 

Derrière  les  deux  baptisés,  deux  lioiiimes,  (jiii  altendcnt  mi  (|ui  viennent 
de  recevoir  le  baptême,  ont  une  tournure  et  une  physionomie  i'neri,'i(pies  et 
bizarres,  (jiii  ne  r;ipp(llinl  pas  trop  mal  l'art  étrusque  ou  éiiénétique.  Knire 
eux  et  les  baptises,  sur  la  rive  du  lleu\e,  s'élève  une  phuilc  (pii  -cndilc  une 
grande  feuille  de  foui^èie. 

Nous  sommes  à  la  troisième  scène,  qu'annoncent  les  pardies  iireccdcntes 
de  saint  Jean,  et  qu'on  représente  lialiiluellcnient  sur  les  fonts  historiés;  c'est 
le  plus  grand  tli-  lun-  hs  baptêmes,  le  baptême  de  Jésus-Christ.  Ce  sujet,  le 
i<  Guide  de  la  peinture  •  (inlonncd.-  le  icprescnlcr  à  l'Orient,  à  la  place  d'hon- 
neur du  ba|)listère  ;  nous  lui  axons  e.i;alenienl  tlonné  plus  d'iiiq)orlance 
iju'aux  autres,  en  le  faisant  i;raver  sur  acier  avec  l'ensendtle  de  la  cuve.  Jésus 
est  ()loni;é  à  mi-corps  lians  les  eau\  du  Jourdain,  cl,  tamiis  (pie  saint  Ji'an  lui 
touche  la  tête,  il  j)orle  la  main  ijauche  à  son  c(eur  et  bénit  de  la  main  droite. 
Saint  Jean,  nu  pieds  comme  un  ap6tie,  nimbé  comme  un  saint,  aux  cheveux 
lones  et  un  peu  incultes,  couvert  d'un  manteau  de  peau,  dit  au  SauveuV  : 

EC.O  A  TE  DEIiEO   MAITIZAUI,  ET  Tf  VENIS  AI)  ME  '. 

Sur  la  rive  opposée,  deux  anges  s'inclinent;  ils  tendent  vers  leur  Créateur 
les  vêtements  qu'il  va  prendre  en  sortant  du  Jourdain.  L'inscription  i^raNcc 
au-dessus  de  leur  tête  indiijue  leur  oliice  : 

ancei.i  mixistkantes. 

Du  haut  des  cieux,  le  Père  éternel  regarde  son  Fils  avec  amour,  et  dit  : 

HIC  est   EII.IIS  MEIS  DIEECTIS  IX  (.HO  MIClll  COMI'I.MHI   '. 

Le  Saint-Esprit ,  sous  la  forme  d'une  colondte  ,  descend  du  ciel;  il  lance 
des  rayons  sur  la  tête  du  (Christ.  C'est  la  manilèstation  la  plus  complète  de 
la  Trinité.  Le  Père  et  la  divine  colond)e  ont  un  nimbe  uni,  mais  celui  du  Fils 
est  décoré  d'une  croix.  Kn  Italie  et  en  Allemagne,  on  scndile  réserver  pins 
volontiers  la  croix  au  Fils;  chez  nous,  on  en  fait  rallnliul  incli>lin(  l  des 
nimbes  divins  '.  Au-dessus  de  Dieu  le  Père,  on  lit  I'ateh  ;  à  dioite  et  à  gau<li(' 

•  .  Sainl  Luc,  III,  16.  --  Cf  ne  miiiI  pas  lilU'nilriiu'nl  les  |iur()l('.<  ilc  >;iiiil  Luc.  imijs  l)ion  ci'llcs 
qui  s'en  rapproclicnt  le  plus. 
i.  Saint  Mathieu,  m,  I  (. 
3.  Saint  .Mathi<;u  ,  m.  17. 
i.  Vovez ,  rà  et  lu  ,  (iiin>  VIcuinHjrap/iie  d<t  Dieu ,  des  exemples  nombreux  à  l'appui  île  re  niii. 


30  ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

de  la  colombe,  spiritis  saxctus.  Deux  arbres,  un  olivier  probablement  du 
côté  de  saint  Jean,  un  chêne  du  côté  des  anges,  encadrent  cette  scène. 

Après  le  baptême  du  Sauveur,  arrive  le  baptême  donné  par  le  premier 
des  apôtres.  Corneille,  centurion  de  la  cohorte  italique,  à  Césarée,  est  bap- 
tisé par  saint  Pierre.  L'apôtre  prêche,  et  sur  tous  ceux  qui  l'écoutent  descend 
le  Saint-Esprit  : 

CECIDIT    SPIRITL'S    SANCTCS    SUPER    OMNES    OUI    AUDIEBANT    VERBUM  '. 

Les  fidèles  reprochent  à  saint  Pierre  d'avoir  vécu  avec  des  incirconcis  et 
de  les  avoir  baptisés;  mais  l'apôtre  leur  répond  ,ce  qu'il  tient  gravé  sur  une 
banderole  :  «  Qui  étais-je,  moi,  pour  pouvoir  m'opposer  à  Dieu?  » 

EGO   QUIS    ERA>[  ,    QUI    POSSEM    PROHIBERE    DEUM  "? 

L'Esprit  qui  descend  sur  Cornélius  est  ici  figuré,  non  par  une  colombe, 
mais  par  une  main  droite  qui  sort  des  nuages,  lance  trois  faisceaux  de 
rayons,  un  de  chaque  doigt  le  pouce,  ["index  et  le  grand  doigt;  ouvert  et 
bénissant.  Chacun  de  ces  faisceaux  se  comjjose  lui-même  de  trois  rayons;  ces 
trois  fois  trois  rayons  seraient-ils  là  comme  un  symbole  de  la  Trinité.^  Cor- 
nélius, dépouillé  de  ses  vêlements,  est  plongé  dans  une  cuve  remplie  d'eau, 
où  il  est  béni  par  saint  Pierre  ;  un  des  siens  assiste  au  baptême.  L'apôtre  a 
les  pieds  nus  et  le  nimbe  uni. 

Le  troisième  baptême  est  donné  par  saint  Jean  Évangéliste.  Craton,  philo- 
sophe d'Ephèse  et  prôneur  fastueux  de  la  pauvreté ,  se  laisse  convertir  aux 
paroles  et  aux  miracles  de  saint  Jean  ^.  L'apôtre  le  plonge  dans  une  cuve 
pleine  d'eau  et  lui  pose  la  main  droite  sur  la  tête  en  lui  disant  la  formule  du 
baptême  écrite  sur  un  livre  qu'il  tient  de  la  main  gauche  : 

EGO   TE  BAPTIZO    IN    NOMINE    PATRIS   ET   FILII    ET   SPIRITUS  S.VNXTI.    AMEN. 

Jean,  ce  beau  vieillard,  ainsi  que  les  Byzantins  aiment  à  le  représenter,  a 
la  figure  inspirée;  il  lève  les  yeux  au  ciel.  Cet  inspiré,  cette  ardente  imagina- 

L  est  a  désirer  que  nos  artistes  contemporains  ornent  d'un  nimbe  crucifère  Dieu  le  Père  et  le 
Saint-Espril  tout  aussi  bien  que  le  Fils,  d'abord  parce  que  nous  sommes  en  France,  et  non  en 
Allemagne  ni  en  Italie ,  et  ensuite  parce  que  ces  rayons  qui  partagent  le  nimbe  en  quatre  parties, 
à  angles  droits,  ne  sont  peut-être  pas  un  emblème  constant  de  la  croix  du  Sauveur.  C'est  une 
question  indécise  encore:  elle  ne  pourra  se  résoudre  que  par  la  recherche  et  l'étude  d'un  très 
grand  nombre  de  faits. 
i.  Aclusapost.,  X,  44. 

2.  Aclusapost.,  xi,  17. 

3.  Legenda  aurea,  de  Sancto  Jolianne  Evangelista. 


ANNAr.r.S  ARr.IIKOl.OClOUES. 
Piir   M.   Didron,    rue    d'L'Iin.    N"   1.    à   l\iri: 


fifttin^  pnf  I.    Cmirherrl 


n'nprft  n    Henrollf 


Ctnv^  pnr  F..  Ciiittntnnni 


STUIpllirr  en  riiliri'.  du  Xll'  jiiVlr-.  h  Lic'i!i> 


A  NN  A  LES  A  11  C II  KO  LOf,  lO  l  ES 

Pur    M.    nidiiin.    nu-    il   lliii,    N      1  .    ;i   l';in 


ftifitinf  pnt   !..  Catirhrret. 


r>'ni-ri>t  n.  Ilnirnllr. 


Crnvf  pnt   K    Ciillliiiiiuni 


•BÂf'TliiVll  ©1  ©?IAT@Î0  Ll  l?>MflL@@@g>lKll  f/hP\  êAOÎilT  Mm  1 V AMâlLDâTUn 


S'iilpliirp  cil  niiirp.  (Iii  XII'  «iiVli-,  A  Lli*".'!- 


LES  CÉRÉMOMKS  ET   LES  FONTS   Dl     liAl'TKME.  31 

tion  ,  (jiii  rdiivoitil  Cl'  iiliilosoiilic  ou  à'Uc  raison  froido,  rcsuiiic  en  lui  l<iute 
lliisloire  des  trioiuplios  du  rliiistianisnio.  Un  jeune  hoinine,  un  disciple  de 
Craton,  assiste  au  l)a[)lème  ipiil  va  lui-nu^nie  recevoir,  et  Dieu  du  liant  du 
ciel,  bénit  le  uéojjliyte.  Une  main  sort  des  nuayes,  coninie  à  la  scène  précé- 
dente; elle  lance  trois  faisceaux  lumineux  composés  chacun  i\o  trois  rayons. 
Trois  petites  étoiles  brillent  dans  le  ciel  d"où  sort  la  main  de  Dieu  (  dkxtera 
DEi).  Saint  Jean  est  pieds  nus  et  nimbé  conune  saint  Pierre,  mais  son  costume 
est  un  peu  plus  riclu".  Sa  robe  biodée  à  la  cuisse  rap|)olle  peut-(Mie  le  luxe 
asiatique  affectionné  de  l'auteur  de  l'Apocalypse,  et  dont  M.  Viclor  (îay  nous 
parlait,  le  mois  dernier  '.  Ce  n'est  |)lus  dans  un  fleuve  que  les  apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Jean  baptisent ,  mais  déjà  dans  une  cuve  dont  la  forme  et  les 
détails  méritent  d'être  remarques. 

Au  moyen  âge,  comme  dans  l'anllipiitc,  au  surplus,  la  grandeur  morale,  la 
puissance,  la  dignité  se  traduisent  dans  larl  ligure  par  la  grandeur  pliysique. 
Cette  cuve  étant  consacrée  au  baptême ,  les  ministres  du  sacrement,  saint 
Jean-Baptiste,  saint  Pierre,  saint  Jean  Évangéliste,  devaient  être  plus  grands 
que  les  catéchumènes j  Jésus  lui-même,  quoique  Dieu,  est  inférieur  en  taille 
à  Jean  qui  le  baptise.  Le  costume  de  tous  ces  personnages  mérite  une  atten- 
tion particulière,  surtout  celui  du  jeune  soldat  qui  parle  à  saint  Jean-Baptiste. 
M.  Fabry-Bossius  nous  promet,  sur  le  casque,  la  cotte  démailles,  le  baudrier, 
lépée,  le  bouclier,  la  collerette  et  le  jupon  de  ce  soldat,  un  article  ([ue  nous 
ferons  connaître  à  nos  lecteurs.  Chaque  personnage  a  son  nom  au-dessus  de 
sa  tête  : 

Pater. —  Filius.  —  Spiritus  Sanclus.  —  Angeli.  —  Joliannes  Uaptista.  —  Potriis.  —  Cornélius.  — 
Dextera  Dei.  —  Cralon  l'Iiilosuplius. —  Joliaimos  Evangelista.  —  l'ubllcani. 

Par  tous  ces  sujets,  la  cuve  de  Liège  se  rapproche  beaucouj)  des  baptistères 
grecs;  ces  reliefs  ont  de  l'analogie  avec  les  peintures  décrites  et  recomman- 
dées par  le  caloière  aghiorite.  Cependant  le  moine  Denys  s'attache  aux  sujets 
de  l'Ancien-Testament,  et  ici  nous  n'avons  aperçu  encore  que  ceux  du  Nou- 
veau. Baissez-vous  donc,  regardez  au  soubassement,  et,  vous  le  verrez,  la 
cuve  baptismale  de  Liège  n"a  pas  complètement  oublié  que  l'Ancien-Testa- 
ment était  la  figure  duNouveau.  Elle  a  même  inventé  un  motif  dont  ne  parle 
pas  le  ((Guide  de  la  peinture»,  motif  qui  résume  en  lui  tout  l'esprit  du  chris- 
tianisme ,  tout  le  rapport  qui  existe  entre  la  Loi  ancienne  et  la  Loi  nouvelle, 
entre  Moïse  et  Jésus-Christ,  entre  la  Synagogue  cl  l'Kglise.  Salomon  fit  fondre 
une  cuve,  si  grande,  (pi'on  l'appclail  la  mer  d'airain.  Lnlièrement  ronde,  elle 

1.  .Iniiales  Jrchéologiques,  vol.  IV,  pa;:.  35.'i. 


32  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

avait  cinq  coudées  de  hauteur,  dix  de  diamètre,  trente  de  circonférence.  Elle 
était  posée  sur  douze  bœufs,  dont  trois  regardaient  le  nord,  trois  l'occident, 
trois  le  midi,  trois  l'orient.  Elle  était  portée  par  ces  douze  bêtes  dont  elle  ca- 
chait la  croupe  tout  entière'.  Cette  mer  était  destinée  aux  ablutions.  Ces 
douze  bœufs,  vous  les  voyez  mugir  au  soubassement  du  bassin  de  Liège  ;  ils 
portent  de  leur  croupe,  qui  est  totalement  cachée,  celte  cuve  chrétienne, 
comme  ils  portaient  la  cuve  juive  du  temple  de  Salomon.  L'Ancien-Testa- 
ment sert  de  piédestal  au  Nouveau  ,  la  mer  d'airain  sert  de  base  aux  fonts 
baptismaux.  Mais  au  couvercle,  qui  n'existe  plus  mallieureusenienl,  on  re- 
trouvait ce  parallélisme  entre  la  Loi  juive  et  la  Loi  chrétienne.  Les  prophètes 
et  les  apolres  y  étaient  figurés  comme  ayant  annoncé  la  même  vérité  ;  les 
premiers  pour  l'avoir  prévue  à  travers  des  nuages,  les  autres  pour  l'avoir  vue 
face  à  face.  La  présence  des  apôtres  et  des  prophètes  sur  cette  belle  cuve 
nous  est  révélée  par  un  texte  de  Gilles,  moine  de  l'abbaye  d'Orval,  qui  a  fait 
une  K  Chronique  de  Tongres  »  -.  On  y  lit  le  passage  suivant  où  les  fonts  de 
Liège  sont  curieusement  décrits  : 

His  quoquc  diehus  "'  tloruit  vir  nobilis  Helimis,  abba?  S.  Mari*  .  qui  in  eadem  ecclesia. 
Fontes  fecil  opère  fusili 
Arte  vix  comparabili. 
Duodecim  qui  fontes  sustinent 
Boves,  typum  gratiae  continent. 
Materia  est  de  m\  sterio 
Quod  tractatur  in  baptisterio  : 
Hic  baptizat  Johannes  Dominum , 
Hic  gentiiem  Petrus  Corneliuni. 
Baptizatur  Craton  philusophus. 
X'\  Joliannem  conlluit  popiilus. 
Hoc  quod  fontes  desuper  operit 
Apostolos  et  prophetas  e.xerit. 

((  A  cette  époque  fleurit  le  noble  Helinus,  abbé  de  Sainte-Marie,  qui,  dans 
la  même  église.  Ut  des  fonts  en  travail  de  fonte  avec  un  art  à  peine  compa- 
rable. Les  douze  bœufs  qui  soutiennent  les  fonts  offrent  le  type  de  la  grâce. 
La  matière  se  compose  du  mystère  accompli  dans  le  baptême.  Ici  le  Seigneur 

1.  Il  Fecit  (Salomon)  quoque  mare  fusile  decem  cubitorum  a  labio  usque  ad  labium,  rotun- 
diini  in  circuitu.  Quinque  cubitorum  altitude  ejus,  et  resticula  triginta  cubitorum  cingebat  illud 
per  circuitum  ..  Et  stabal  super  duodecim  boves,  e  quibus  1res  respiciebant  ad  aquilonem,  et 
très  ad  occidentem,  et  très  ad  meridiem,  et  très  ad  orientem  ;  et  mare  super  eos  desuper  eral  ; 
(pior^im  posteriora  universa  intrinsecus  latitabant.  »  Lib.  lll  Jiegiim,  cap.  vu,  v.  23-25. 

2.  iEgidii  Auretc  Vallis  rebgiosi  (Obertus  LV  episc.  Leod),  ap.  Cliapeauville ,  t.  II,  p.  50. 

3.  «  Chronicon  Ttingrense,  anno,  inquit,  1113.  Helinus.  abbas  S.  Mariae,  fontes  fecit  in  eadem 
ecclesia  opère  fusili.  »  (Note  de  Cliapeauville.) 


LES  CÉRÉMONIES  ET  l,ES  FONTS  1)1  BAPTEME.      3:? 

est  baptisé  par  Jean  ;  ici  ('Drnclius-lc-dciilil,  jiar  l'ii'irc.  (".latoii  le  pliilosoplu; 
reçoit  le  baplôine.  Le  peuple  accomt  à  Jean,  (le  (|iii,  par  (Icï^siis  ,  cuiimc  I(;.s 
fonts,  montre  les  apôtres  et  les  prophètes.  » 

Ainsi,  dans  eo  texte  iuccieux  cpic  mms  envoie  M.  Fabry -Hossius ,  nous 
a\ons  la  mention  des  ddii/.c  Ixeiils,  des  prophètes,  des  apôlros,  et  des  dif- 
férents baptêmes  sculptes  et  ciselés  sur  la  cuve.  I.e  iioiu  de  l'artise,  l'auleiir, 
le  poëte  de  cette  belle  cruvre  nous  n)ancpiail  encore;  mais  M.  Kabrv-liossius 
l'a  retrouvé  dans  un  écrivain  liégeois  du  xiv"  siècle,  Jean  d'Outremense,  rpii 
a  laissé,  écrite  en  langue  française,  une  chronicpie  inédite  encoïc  mallieureu- 
sement.  Jean  ])arle  de  ces  fonts  dans  sa  chroniipie,  et  dit  :  «  ...  bandierl  ' 
Patras,  le  batteur  de  Dinant ,  ipii  les  lit  en  I  an  Ml'i,  sur  la  demande  de 
Ilellin,  chanoine  de  Saint-I.ambert  i  île  Liège  i  et  abbé  de  Sainte-Marie.  » 
.\insi,  nous  n'avons  plus  rien  à  désirer;  nous  connai>sons  désormais  Tarliste 
et  son  œuvre.  Ce  l.and>i'il  l'atras  est  le  descendant  legilime  du  u'iand  artiste 
Hiram,  que  Sahimon  lit  veniideTyr.  Hiram,  tils  dune  femme  veuve  do  la 
tribu  de  Nephlhali  et  d'un  père  lyrien,  était  un  artiste  plein  do  sagesse,  d'in- 
telligence et  de  science  pour  toute  œuvre  de  bronze  ';  c'est  lui  (jui  fit  les 
grands  travaux  de  Salomon  et  cette  mer  d'airain  décrite  avec  tant  de  com- 
plaisance dans  le  «  Livre  des  Rois  ».  lu  de  nos  Hiram  et  l'une  de  nos  Tyr  du 
moyen  âge  sont  assurément  ce  Landterl  Patras  et  cette  petite  ville  de,  Dinant, 
située  sur  la  .Meuse,  qui  a  ou  l'honneur  de  donner  son  nom  à  toute  une 
branche  do  l'art,  la  fonte  et  la  batterie  en  cuivn;  (pie  l'on  ciselait  ensuite. 
La  Belgique  est  encore  toute  |)leine,  on  peut  le  dire,  de  ces  dinande- 
ries  ou  sculptures  de  cuivre  jaune,  (pii  datent  des  ix'  ou  x'  siècles,  et  vont 
jus(|u'au  xvii%  jusqu'à  notre  époque^.  Ne  croyons  pas  toutefois,  avec  un  his- 
torien moderne,  M.  Michelet,  que  ce  travail  de  la  sculpture  en  cuivre  fût 


1.  Dan»  une  de  ses  leltres,  M.  Fabry-Kossius  donne  à  Patras  le  prénom  de  Jean  au  lieu  de 
iMinbert.  Nous  n'avons  pas  eu  le  U'mps  d'écrire  à  notre  savant  ami  de  Lié;;e  pour  le  prier  de 
vérifier  ce  prénom;  mais  nous  en  reparlerons  dans  une  livraison  prochaine. 

2.  «  Misilquoque  rex  Salomon  ,  et  tulit  Hiram  de  Tyro,  lilium  iiudieris  viduie  de  (ribii  .Ncpli- 
Ihali ,  pâtre  Tyrio,  arlilicem  airariuni  et  plénum  sapicntia  ,  el  intelli^entia ,  et  doeirina  ad  facien  • 
dum  omne  o|)Uà  ex  a-re.  Qui .  cum  venisset  ad  regem  Salomonem,  fecil  omne  opus  ejus.  n  Ub.  lll 
/iegum,  cap.  vie,  v.  r'<-1i. 

'^.  Dans  le  musée  de  Bruxelles,  existe  une  cuve  baptismale  qui  nous  a  paru  de  beaucuui)  anlé- 
rieure  au  xi'  siècle.  La  cuve  de  Lléj^e  est  du  xii'.  Des  pupitres  et  can  Ji-labres  des  xiv',  xv,  xvr 
xvii'elxviii'  siècles  ornent  les  églises  de  Tournai,  de  Courlrai ,  d'Vpres,  de  Brujjes,  de  Gand 
d'Anvers,  de  Matines,  de  Louvain,  de  Bruxelles,  de  Tongres  el  de  Liège.  Nous  ne  parlons  pas  des 
églises  de  toutes  les  [wli tes  villes  el  de  villages,  enrichies  égalemeni  de  fort  anciennes  et  fort 
telles  œuvres  de  dinanderie. 


34  ANNALES  ARCIIÉOIJX.  iOTES. 

étroitement  renfermé  dans  la  petite  ville  de  Diiiaiit  et  dans  la  seule  Belgique. 
La  France,  pour  ne  |)arler  que  de  notre  pays,  a  eu,  pendant  tout  le  cours  du 
moven  âge,  des  batteurs  de  cuivre  de  mérite,  et  même  de  génie;  il  suiiit  de 
voir  celles  de  leurs  œuvres  qui  ont  échappé  au  vandalisme ,  aux  guerres  de 
religion,  à  la  cupidité,  au  mauvais  goût,  et  qui  enrichissent  les  trésors  de 
quelques  églises,  les  musées  publics  et  les  collections  de  quelques  anti- 
quaires. L'article  suivant  est  donc  injuste  : 

u  Ceux  qui  ont  vu  les  fonts  baptismaux  de  Liège  et  les  chandeliers  de 
Tongres  se  garderont  bien  de  comparer  les  dinandiers,  qui  ont  fait  ces  chefs- 
d'œuvre,  à  nos  chaudronniers  d'Auvergne  et  du  Forez.  Dans  les  mains  des 
premiers,  la  batterie  de  cuivre  fut  un  art  qui  le  disputait  au  grand  art  de  la 
fonte.  Dans  les  ouvrages  de  fonte,  on  sent  souvent,  à  une  certaine  rigidité, 
qu'il  y  a  eu  un  intermédiaire  inerte  entre  l'artiste  et  le  métal.  Dans  la  batterie, 
la  forme  naissait  immédiatement  sous  la  main  humaine,  sous  un  marteau 
vivant,  comme  un  marteau  qui,  dans  sa  lutte  contre  le  dur  métal,  devait 
rester  fidèle  à  l'art,  battre  juste,  tout  en  battant  fort;  les  fautes  de  ce  genre 
de  travail ,  une  fois  imprimées  du  fer  au  cuivre,  ne  sont  guère  réparables  \» 
Cette  injustice  de  l'historien  est  le  résultat  d'un  demi-regard;  due  fallait 
pas  voir  nos  chaudronniers  actuels  de  l'Auvergne  et  du  Forez,  mais  nos  fon- 
deurs et  batteurs  de  cuivre ,  d'argent  et  d'or,  du  Limousin  ,  de  la  Picardie,  de 
l'Ile-de-France,  de  la  Champagne  et  de  la  Normandie,  aux  xii",  xin%  xiv% 
xv«  et  xv!*"  siècles.  Alors  M.  Michelet  aurait  pu  constater  que  la  dinanderie 
régnait  partout  au  moyen  âge,  comme  étaient  partout,  notamment  en  France, 
l'architecture,  la  sculpture,  la  peinture,  la  poésie  et  la  musique.  Cette  déprécia- 
tion est  d'autant  plus  étrange  que  M.  Michelet  affecte  constamment  d'exalter 
la  France  aux  dépens  des  autres  pays,  et  l'art  moderne  aux  dépens  de  l'art 
du  moyen  âge  ;  il  est  vrai  que  le  sixième  volume  de  i<  l'Histoire  de  France  », 
qui  date  du  commencement  de  1844,  est  antérieur  aux  «Jésuites»,  au 
((  Prêtre  »,  et  au  «  Peuple  »,  et  que  depuis  deux  ans  il  a  passé  bien  de  l'eau 
sous  le  pont  des  Saints-Pères  et  même  sous  le  pont  des  Arts.  Quoi  qu'il  en 
soit ,  et  nous  pouvons  le  dire  sans  faire  tort  à  nos  chaudronniers  du  moyen 

I.  Michelet,  Histoire  de  France^  t.  VI,  p.  200-201.  —  Dans  une  note  de  la  page  201  , 
même  volume,  M.  Miclielet  cite  le  texte  suivant  :  «  Savoir  faisons...  nous  avoir  esté  humblement 
exposé  de  la  partie  de  Estienne  de  la  Mare  ,  dynan  ,  ou  potier  darain ,  simple  homme  ,  chargé 
de  femme  et  de  plusieurs  enfans ,  que  comme  environ  la  Chandeleur  qui  fut  mil  ccc  nu  xx  et 
cinq  ,  icelluy  suppliant  se  feust  louez  et  coiivenanciez  à  un  nommé  Gautier  de  Coux  ,  dynan  ,  ou 
potier  derrain,pour  le  servir  jusques  à  certain  temps,  lors  à  venir,  et  parmi  certain  pris  sur  ce 
fait ,  et  pour  païcr  le  vin  dudit  marchié...  »  archives,  trésor  des  cliaries.,  leg.  159  ,  pièce  6  , 
lettre  de  grâce,  d'août  1  iO  4- 


LES  C.ÉUÉMONIES   ET   LES   KOMS   Dl     ItAITÈME.  35 

âgo,  le  diiiandier  Lambert  Patras  est  un  grand  ailisic,  l'sl  un  lidninn'  de 
génio,  Jclez  les  yeux  sur  les  jolies  gravures  de  M.M.  Leun  (iauclujrcl  cl 
Guillauinot,  et  admirez  la  distribution  des  scènes,  la  disposition  des  groupes, 
les  airs  de  tète,  l'expression  dos  pliysiononiios,  la  francliisc  des  attitudes,  le 
jet  des  draperies.  Dites  si  \  ous  connaissez  de  plus  belles  liètes  que  ces  bœufs  du 
iliaiiilniiuiifr  de  Dinanl  .de  plus  noble  \i(  illaid  ipic  le  saint  Jean  Évangéliste, 
déplus  rude  solitaire  que  le  saint  Jean-Haptisle,  de  plus  aimables  adolescents 
que  les  anges  et  le  Sauveur  au  baptême.  L'anticpiité  est  belle;  mais,  en 
vérité,  le  moyen  âge,  ipii  l'aisait  des  chaudiomiiers  comme  les  auteurs  de 
l'encensoir  de  Lille  et  des  tonls  de  Liei;e ,  a  l)ien  aussi  son  mérite.  Nous 
pourrions  même  demander  à  lait  anti(]ne  où  sont  les  o'uxres  de  ce  genre 
qu'il  pourrait  nous  opposer.' 

In  mot  encore  sur  la  cuve  de  Liège  ,  et  nous  linissons. 

Elle  est  en  ciiivre  jaune  fondu,  mais  avec  un  grand  nond)re  de  détails 
ciselés.  Haute  de  60  centimètres,  elle  en  a  90  dans  le  bas  et  80  dans  le  haut; 
elle  est  presque  cylindrique.  L'ancien  couvercle  a  disparu,  on  ne  sait  depuis 
combien  de  temps.  «  J  ai  interrogé  à  ce  sujet,  nous  écrit  M.  Fabry-Rossius , 
yi.  Collard,  sacristain  de  Sainte-Croix  de  Liège,  homme  âgé,  qui  a  connu  les 
anciens  chanoines  de  Sainte-Croix  et  des  autres  églises,  et  qui  a  recueilli  un 
grand  nombre  de  souvenirs  que  lui  seul  possède  ici  ;  mais  il  n'a  pas  pu  me 
renseigner.  Il  en  est  de  même  des  deux  bœufs  qui  mancpient,  à  cette  ouve,  sur 
les  douze  anciens.  Le  couvercle  actuel  est  plat ,  en  bois  ,  el  bordé  d'oves.  Je 
crois  que  les  feuilles  des  arbres  représentées  sur  ce  monument  sont  de  fantai- 
sie. Ainsi,  à  l'un  de  ces  arbres,  les  feuilles  du  sommet  ressemblent  à  celles 
du  rosier,  tandis  que  les  feuilles  d'en  bas  sont  pendantes  et  très-différentes. 
Que  |)enser  de  ces  feuilles  ensiformes  qui  rappellent  l'iris,  sur  l'arbre  où 
s'adosse  saint  Jean  qui  baptise  Jésus?  Pourquoi  supposer  à  Lambert  Patras 
des  connaissances  en  botanique.'  L'artiste  travaillait  à  son  œuvre  en  \\\'2; 
il  ne  pensait  guère  qu'un  jour  on  pourrait  y  venir  chercher  des  documenta 
sur  l'état  des  connaissances  botaniques  de  son  temps.  Il  savait  (pie  le  bap- 
tême du  Seigneur  avait  eu  lieu  en  Palestine,  contrè(!  lointaine;  donc  il  créait 
des  arbres  chimeii(pies. 

«  La  chevelure  de  Craton  le  philosophe,  fort  bien  entretenue,  représente 
une  surface  hémisphérique,  bordée  en  bas  par  un  bouirelel  spicifoinie;  à 
toutes  les  têtes  il  y  a  de  ces  bourrelets  plus  (^u  moins  bien  soignés ,  et  qui 
sont  globuliformes  à  plusieurs.  Saint  Jean-Baptiste,  à  cause  de  sa  vie  sauvage, 
porte  une  chevelure  plus  longue  el  plus  négligée.  Les  cornes  des  bœufs  sont 
pointues  et  très-crochues.  Les  galons  et  les  broderies  qui  décorent  les  vête- 


36  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

menis  sont  ciselés,  aussi  bien  que  les  cheveux  et  autres  détails.  Toutes  les 
inscriptions  sont  ciselées.  Il  serait  presque  impossible  de  les  estamper,  ainsi 
que  vous  m'en  avez  témoigné  le  désir  ;  car  le  monument  a  été  nettoyé  ,  frotté 
et  fouibi  tant  de  lois,  que  tout  ce  qui  n'est  pas  abrité  par  un  creux  est 
fruste,  sinon  totalement  effacé.  Le  dessin  est  aussi  fidèle  qu'on  peut  l'exi- 
ger d'un  dessinateur;  mais  il  est  fâcheux  que  nos  artistes  aient  une  certaine 
répugnance  à  employer  le  daguerréotype;  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  cepen- 
dant, surtout  quand  il  s'agit  d'archéologie,  de  ne  jamais  rien  altérer.  « 

L'état  fâcheux  où  l'on  a  réduit  ces  inscriptions,  surtout  celle  qui  couvre  la 
moulure  supérieure  de  la  cuve  ,  ne  nous  a  permis  de  la  lire  que  très-difficile- 
ment. Mais  M.  le  baron  de  Guilhermy,  qui  a  vu  et  admiré  les  fonts  de  Liège, 
qui  en  a  lu  et  transcrit  les  inscriptions,  est  venu  à  notre  secours;  il  nous  a 
transmis  intégralement  le  texte  et  la  traduction  qui  suivent  : 

Corda  .  parât  .  plebis  .  Domino  .  doctrina  .  Johannis  . 
Hos  .  lavât  .  hinc  .  monstrat  .  quis  .  mundi  .  crimina  .  tollat  . 
Vox  .  Palris  .  hic  .  adest .  lavât .  hune  .  honio  .  Spiritus  .  implel  . 
Hic  .  fidei  .  binos  .  Petrus  .  hos  .  lavât .  hosque  .  Joliannes  . 

Le  premier  vers  appartient  à  saint  Jean  exhortant  les  Pulilicains  à  la  péni- 
tence; le  second,  encore  à  saint  Jean  baptisant  deux  Juifs;  le  troisième,  au 
baptême  de  Jésus;  le  quatrième,  à  saint  Pierre  et  à  saint  Jean  Évangéliste 
baptisant  Cornélius  et  Craton. 

Jean,  par  sa  doctrine,  prépare  au  Seigneur  les  cœurs  du  peuple;  il  lave  ceux-ci,  et  de  là  il 
montre  qui  enlèvera  les  crimes  du  monde  '.  La  voix  du  Père  est  là;  l'homme  baptise  celui  que 
l'Esprit  reniplil.  Ici  Pierre  et  Jean  lavent  ces  deux  hommes  de  foi. 

A  la  moulure  inférieure,  celle  qui  pose  immédiatement  sur  les  bœufs,  on 

lit: 

Bissenis  .  bubus  .  paslorum  .  forma  .  notatur  . 
Quos  .  el  .  apostolice  .  commendat .  gratia  .  vite  . 
Officiique  .  gradus  .  quo  .  fluminis  .  impetus  .  hujus  . 
Letifical  .  sanctani  .  purgatis  .  civihus  .  urbem  . 

Ces  vers  correspondent  à  ceux  d'en  haut;  ils  sont  placés  sous  les  mêmes 
scènes,  mais  sans  avoir  trait  aux  sujets  historiques.  Ils  concernent  la  cuve  et 
les  bœufs  qui  la  portent  : 

K  Uion,  dans  ces  bas-reliefs,  ne  représente  saint  Jean  niunlranl  l'Agneau  de  Dieu  qui  efface  les 
péchés  du  monde.  Peut-être,  en  posant  sa  main  dioitc  sur  les  néophytes,  montre-t-il  avec  l'index 
Jésus  qui  reçoit  le  baptême  dans  la  scène  suivante. 


LES  CÉRÉMONIES  ET  LES  FONTS  DU  BAPTÊME.      M 

Par  res  douze  bœufs  est  niiirqucc  la  figure  des  pasteur»  que  la  grâce  do  la  vio  a|iosloli<|u(' 
recommande  aussi  bien  que  le  degrt'  do  la  fonction.  De  In  l'impéluosilé  do  ce  fleuve  (|ui  lY^jouit 
la  ville  sancliliée  par  la  purification  des  citoyens. 

Maintenant,  nous  dirons,  ronnni'  nous  le  taisons  toujours,  (|n(!  (]uan(i  on 
voudra  avoir  pour  une  grande  t'gliso,  une  caliicdralc  iirincipalement,  des  fonts 
baptismaux  à  tournure  nionumenlaie,  remarquables  de  forme  et  d'idée  ,  rien 
de  mieux  à  faire  que  de  copier  ceux-ci.  Admirons,  enlin,  combien  les  xii*"  et 
XIII'  siècles  sont  niagniiiques  ;  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau ,  dans  les  grandes 
comme  dans  les  petites  clioses,  dans  rarchiteelure  comme  dans  la  chaudron- 
nerie, est  presque  exclusivement  de  cette  période  extraordinaire. 

f)IDItON. 


CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  METZ. 


AU  DIKECTEUK. 

Mon  cher  ami,  j(î  ne  puis  vous  offrir  qu'un  compte- rendu  assez  incomplet 
du  Congrès  archéologique  de  Metz  ;  des  circonstances  pénibles  et  impérieuses 
ne  m'ont  permis  que  d" y  séjourner  trois  jours.  Le  Congrès  était  peu  nombreux: 
mainte  notabilité  étrangère  faisait  défaut,  et  plusieurs  sommités  académiques 
locales  s'étaient  abstenues;  démêlés  de  famille  que  je  n'ai  point  cherché  à 
connaître,  mais  que  j'ai  déplorés.  Que  l'on  tombe  en  désaccord,  soit;  mais 
il  y  a  une  trêve  aux  rumeurs,  le  jour  où  l'étranger  invité  franchit  le  seuil  de 
la  cité  hospitalière,  car  il  a  le  droit  d'espérer  qu'une  voix  unanime  lui  sou- 
haitera la  bienvenue. 

J'ai  retrouvé  à  Metz  nos  amis  des  Congrès  de  Lille  et  de  Reims  :  le  vicomte 
de  Cussy  ,  MM.  Lambron  de  Lignim  de  Tours,  l'abbé  Le  Petit  de  Caen, 
de  Glanville  de  Rouen,  l'abbé  Nanquette  de  Reims,  les  comtes  de  Courcelles 
et  de  Cauiincourt  de  Lille,  de  Givenchy  de  Saint-(3mer,  le  docteur  Bromett, 
venu  tout  exprès  de  Londres.  L'Allemagne  avait  député  monseigneur  Millier, 
évêque  suffragantde  Trêves,  MM.  le  conseiller  Reichensperger  et  le  professeur 
Schneeman  de  Trêves,  de  Lassaulx  de  Coblentz,  Ramboux  de  Cologne, 
Urlichs,  professeur  à  l'Université  de  Bonn.  —  On  comptait  trois  architectes  : 
MM.  Châtelain,  Gauthier,  Yivenot;  des  ingénieurs  anglais,  belges,  français. 

Le  Congrès  de  Metz  n'a  pas  égalé  celui  de  Lille;  on  y  a  fait  néanmoins 
de  bons  travaux.  M.  Prost  de  Metz  donna  lecture  d'un  Mémoire  sur  la  clas- 
sification chronologique  des  édifices  religieux  du  pays  messin,  depuis  le 
milieu  du  xi"  siècle  jusqu'au  milieu  du  xvi\  Travail  consciencieux,  logique, 
approfondi,  qui  se  range  de  plein  droit  au  nombre  de  ces  investigations 
essentiellement  utiles  aux  progrès  de  la  science  archéologique.  —  M.  Ram- 
boux avait  exposé  de  nombreux  dessins  formant  une  suite  de  représen- 
tations du  Sauveur  ,  de  sa  divine  Mère ,  de  saint  François  ,  depuis  le  xii"  jus- 
qu'au xvi'  siècle.  —  M.  de  Lassaulx  produisit  un  travail  des  plus  instructifs 
sur  la  construction  des  voûtes,  illustré  de  modèles  en  bois  et  en  plâtre. 


CONGRES  AKCIIKOl.odluI  i:    |»|.   MKT/.  39 

—  yi.  U('ic'lien>|>erpM-  inloi-Oï^sa  vivoiiKMit  ras!;onil)l(''0  on  (■onumiiiiiiiiiiiit  de? 
plans  originaux  provenant  de  la  maîtrise  des  maçons  de  Niirenilierg.  Ces 
plans  ne  remontent  qu'au  xvi'  siècle;  mais,  basés  sur  la  tradition,  ils  per- 
mettent de  constater,  dans  les  églises  ogivales,  le  rapport  numérique  des 
parties,  la  déduction  géométrique  des  formes  architcctoniques.  Cette  commu- 
nication est  si  importante  que  j'en  ferai  ultérieurement  le  sujet  d'une  note 
détaillée  :  la  place  me  manquerait  pour  la  traiter  ici.  Reste  à  mentionner  une 
excursion  archéologique  hors  des  nuns,  (jue  le  ra|iporteur  dit  avoir  été  douce 
pour  le  C(Our,  et  fructueuse  pour  riiilelligeucc  ;  une  liriiiaiile  soirée  donnée 
avec  une  urbanité  parfaite  par  la  numicipalite  de  .Met/ ,  et  enfin  une  séance 
tenue  à  la  préfecture.  Hàlons-nousdeledire  :  le  préfet,  .AI.  (k-rnieau,  M.  Sido, 
maire  par  intérim,  M?''  Dupont  des  Loges,  M.  Mézières,  recteur  de  l'Académie, 
ont,  à  diverses  reprises,  formulé  leurs  sympathies  à  l'égard  du  Congrès,  en 
des  termes  dont  nous  conserverons  un  long  souvenir.  Kl  maintenant ,  mou 
cher  ami,  passons  à  l'excursion  de  Trêves;  je  me  sens  heureux  d'avoir  à 
vous  en  entretenir,  car  elle  a  été  admirable.  J'y  comptais. 

Le  8  juin  ,  vers  six  heures  du  soir ,  un  radieux  soleil  faisait  resplendir  dans 
ses  gloires  monumentales  l'antique  Treviris,  assise  au  bord  de  ce  fleuve  chanté 
par  Ausone ,  .\mms  viriwssime.  Sur  la  rive  gauche,  au  pied  de  ces  rochers 
de  grès  rouge,  festonnés  de  verdure  et  d'habitations  à  toutes  les  hauteurs, 
tonnait  l'artillerie  de  réjouissance;  sur  la  rive  droite,  une  foule  compacte 
obstruait  les  abords  du  débarcadère,  et  le  pyroscaphe  français,  la  Providence, 
amenant  soixante-cinq  membres  du  Congrès,  débouchait  majestueusement 
par  l'une  des  arches  de  ce  pont,  dont  les  piles  datent  de  l'épotfue  où  Trêves 
était,  en  deçà  des  Alpes,  la  reine  do  l'Occident.  Le  débarquement  opéré, 
donnant  le  bras  à  M.  de  Caumont ,  ci  tenant  de  l'autre  main  cet  étendard  au 
champ  d'azur ,  le  même  qui  fit  les  glorieuses  campagnes  archéologiques  de 
Lille,  Tournai  et  Reims,  je  guidai  le  cortège  vers  les  jardins  de  la  douane, 
où  nous  attendaient  les  députations. 

Nous  fûmes  harangués  en  langue  française  ,  d'abord  au  nom  de  la  munici- 
palité de  Trêves,  par  M.  Laul,  président  du  tribunal  de  commerce  : 

«  La  ville  de  Trêves,  si  riche  en  monuments  historiques  do  ton?  les 
siècles,  offrira  à  vos  studieuses  recherches  un  champ  vaste  et  intéressant.  Le 
séjour  en  notre  ville  laissera  en  vous ,  nous  en  sommes  srtrs  ,  de  doux 
souvenirs,  et  nous  aimons  à  espérer  que  ,  de  retour  en  vos  foyers,  vous 
vous  plaire/ à  redire  à  vos  concitoyens  ([ue  ranli(]ue  métropole  de  la  Helgique, 
que  l'antique  Rome  du  nord  mérite  toujf)urs  d'être  visitée  par  les  étrangers. 
Mais,  messieurs,  ce  n'est  pas  seulement  sons  ces  rapports  rpie  nous  sommes 


tO  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

heureux  de  vous  voir  chez  nous;  il  en  est  encore  d'autres  et  de  bien  élevés. 
Ce  concours  en  notre  ville  d'hommes  éminents,  d'hommes  distingués  de  tous 
les  points  de  la  France ,  est  pour  nous  le  garant  des  relations  de  bon  voisinage, 
d'un  rapprochement  sincère  entre  deux  nations  faites  pour  s'estimer ,  pour  se 
res|)ecter  mutuellement  :  cultiver  ces  bons  rapports  sera  toujours  pour  nous 
l'accomplissement  d'un  doux  devoir.  Tels  sont,  messieurs,  les  s(!ntiments  qui 
nous  animent  et  que  nous  aimons  à  vous  exprimer.  Veuillez,  de  retour  dans 
votre  belle  patrie,  être  nos  organes  auprès  de  vos  concitoyens.  —  Encore  une 
fois,  messieurs,  et  du  fond  de  nos  cœurs,  soyez  les  bienvenus.  » 

M.  Charrot  de  Florencourt,  président  de  la  Société  des  recherches  utiles, 
s'exprima  à  son  tour  en  termes  bienveillants  et  affectueux;  enfin,  M.  le 
landrath  von  Haw ,  au  nom  du  Comité  de  réception,  invita  les  membres  du 
Congrès  pour  le  lendemain  soir  à  une  fête  champêtre 

A  sept  heures,  les  membres  du  Congrès  se  rendirent  à  la  grande  salle  du 
Casino  ,  où  les  attendait  l'élite  des  habitants  de  Trêves.  La  Société  de  chant  y 
exécuta  avec  cet  ensemble,  cette  netteté  ,  cette  énergie  des  voix  allemandes, 
le  magnifique  oratorio  de  Béthoven,  le  Christ  au  jardin  des  Oliviers. 

Il  m'est  impossible ,  mon  cher,  ami ,  de  nommer  cette  œuvre  sublime  sans 
lui  consacrer  quelques  réflexions.  Nous  qui  jetons  sans  cesse  des  anathèmes 
contre  les  messes  à  grand  orchestre  et  qui  voulons  revenir  au  plain-chant , 
nous  accordons,  il  est  bon  qu'on  le  sache,  toutes  nos  sympathies  à  l'oratorio, 
ce  drame  religieux  exécuté  dans  un  concert. 

Béthoven  a  voulu  donner  à  l'agonie  du  Christ,  identifié  à  la  faiblesse 
humaine,  toute  son  expression  de  torture.  Voulez-vous  la  saisir?  cher- 
chez-la dans  l'accompagnement ,  qui  vous  rendra  les  soupirs  ,  les  déchi- 
rantes plaintes  de  cette  heure  fatale.  Lorsque  l'archange  ému  prononcera  le 
décret  immuable  de  la  volonté  divine  ,  c'est  l'orchestre  qui  fera  tonner  à 
chacjue  syllabe  la  voix  de  l'Éternel ,  ou  fera  répondre  les  gémissements 
de  la  nature  aux  accents  si  touchants  du  messager  céleste.  Mais  l'action 
se  déroule  :  Cherchons  dans  la  montagne.  C'est  le  chœur  des  soldats  à  la 
poursuite  du  Sauveur.  Béthoven  est  peintre  :  celle  marche  à  petit  bruit, 
dans  l'ombre,  ces  mots  échangés  à  voix  basse,  ces  soldats  qui,  dans  un 
instant,  vont  atteindre  leur  victime,  vous  les  voyez,  et  vous  pressentez 
ce  cri  formidable  :  Le  voici.  Rhythme  heurté,  image  vivante  de  cette  joie 
tumultueuse  et  farouche,  de  cette  fureur  sanguinaire  qui ,  une  fois  déchaînée, 
restera  inaccessible  à  la  pitié.  La  scène  n'a-t-elle  point  acquis  tout  son 
développement?  Non.  Voici  surgir  dans  le  tableau  un  plan  jusqu'alors  ina- 
perçu :  les  disciples,  hommes  faibles  encore  et  qui  n'ont  point  reçu  la  force 


rONT.KES   AHCIlKOl.OlilorK    DK   MKIZ.  VI 

(|iii  en  iVi;!  de?.  iiiiiil\i>.  D'oti  riri)!  et-  liniil  ili's  roinbats.'  (".t'tlc  opposition,  si 
heureusement  amenée,  el  (|iie  Hcllioxcii  a  IrailiT  avec  sa  supériorité  ordinaire, 
achève  le  drame;  elle  vous  laisse  sons  nnr  iiii|)r{'ssion  profonde  de  tristesse 
et  d"angoisse.  Mais  le  grand  artiste  l'ail  vilnvi  a  son  gré  toutes  les  cordes  de 
TAme,  et,  par  le  canticiiic  final,  Que  l'iinircrs  ri'tnilissp,  la  ravit  tout  entière 
dans  un  sentiment  de  sulilinie  et  de  majestueuse  g'andeur  ;  c'est  l'inconunen- 
surable  grandeur  de  Oieu. 

Le  concert  achevé,  on  descendit  dans  le  jardin  de  rétablissement,  où  la 
musique  du  ',V  régiment  (rinfanleri(>  se  chargea  à  mui  Idiir  (remerveiller  nos 
dilettantes  étranger».  Une  demi  lniiii'  ne  sCtail  pa»  ecnnlee  i|ne  déjà  régnait 
cette  aménilé,  cette  cordialité  ,  cet  abaiulun  (pu  lient  les  cd'urs.  On  s'empres- 
sait autour  des  Français;  les  ofliciers  de  la  garnison  de  Met/  ,  assez  nombreux , 
conversaient  avec  leurs  frères  d'armes.  Heauconp  d'archéologues,  faisant  trêve 
à  la  science,  se  mêlaient  à  ces  groupes  errants  ou  stationnaires.  A  tous  on 
prodiguait  cette  li(pienr  nationale  ,  ce  rin  ilr  iiuii ,  où  se  combinent  les  parfimis 
du  moselle,  de  l'orange  et  du  muguet  des  bois,  coudjinaison  très-heureuse, 
à  en  juger  par  la  consommation.  Il  régnait  dans  celte  réunion  c(ît  entrain, 
cette  douceur  des  mœurs  allemandes  cjui  donnent  une  franche  gaîté.  I.a  soirée 
se  prolongea,  (pioiquil  fallût  se  préjjarer  à  d'assez  rudes  fatigues  pour  le 
lendemain. 

Le  mardi  9  juin,  à  six  heures  et  demie  du  matin  ,  les  archéologues  étaient 
sous  les  armes,  c'est-à-dire  rassemblés  au  |)alais  de  Constantin  (palais  ou 
basilique  (,  d  où  l'on  se  rendit  aux  bains.  Là  s'ollril  un  spectacle  curieux 
et  philosophique.  Un  grou|)e,  occupant  le  grand  hémicycle,  dévouait  son 
.'  atleDlion  à  M.  le  professeur  Heinigel ,  lequel  démontrait  que  les  bains  étaient 
un  théâtre.  Dans  la  salle  tpii  flancpie  ledit  hémicycle  ,  M.  Reichensperger 
développait,  avec  une  grande  animation,  h;  système  de  M.  Schmidt,  et 
démontrait  que  les  bains  étaient  un  palais.  A  (pielqnes  pas ,  un  troisième 
groupe  prononçait  que  les  bains  étaient  des  bains.  Vanile  de  la  science 
humaine!  Eh!  sans  doute,  la  recherche  de  la  vérité  est  ardue;  iiuii<,  aiiie- 
loi,  le  ciel  t'aidera.  Persévérons.  — Des  bains  l'on  passa  à  l'ainpliithéàtre,  au 
Pkoihïjnacim'M  ,  à  la  Pouta-Nkiha  ,  à  la  calh<''drale ,  au  cloître,  à  Notre- 
Dame,  à  la  Porte-Neuve,  à  la  bil)li(illie(pie.  llnmieur  au  zèle  anheologiipie; 
il  a  fait  ses  preuves.  Honneur  surtout  a  l'activité  incessante,  à  robiigeance 
infatigable,  au  savoir  de  notre  premier  cicérone,  .M.  Heichensperger  :  il  eût 
gagné  ses  éperons,  si  ce  n'était  fait  depuis  longtemps.  N'oublions  pas  une 
visite  chez  Mgr  Mùller,  où  l'on  admira  des  raretés  paléographiques;  l'ivoire 
célèbre  récemment  rapporté  de  Moscou,  et  qui  tendrait  à  appuyer  l'identité 
V.  6 


42  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES, 

de  la  sainte  robe  ;  enfin  un  encensoir  roman  ,  le  spécimen  le  plus  remarquable 
qu'il  m'eût  élé  donné  de  voir  en  ce  genre.  Une  autre  visite  eut  lieu  chez 
M.  le  chanoine  de  Wilmolsks ,  pour  y  voir  une  statue  de  la  Vierge  en  style 
du  XIII''  siècle,  exécutée  sous  la  direction  de  cet  ecclésiastique,  également 
habile  à  manier  le  cotnpas,  le  crayon  et  le  ciseau.  Il  ctail  i)rès  de  trois  heures; 
le  Congrès  n'avait  eu  que  deux  heures  de  ré[)it. 

La  séance  générale  s'ouvrit  dans  la  grande  salle  du  Casino,  sous  la  prési- 
dence de  M.  de  Caumonl.  Notre  digne  Ibndaleur,"  dans  un  exposé  concis 
et  lucide,  fit  connaître  l'origine  de  la  Société  française,  le  but  qu'elle  se 
propose,  les  résultats  qu'elle  a  obtenus;  puis  la  parole  fut  donnée  au  secré- 
taire général. 

Après  avoir  assigné  à  l'archéologie  chrétienne  le  rang  (ju'elle  a  droit  de 
revendiquer  entre  les  sciences,  attendu  la  noblesse  et  l'utilité  de  sa  mission 
qui  con-iste  à  préparer  l'avenir  de  l'art  en  en  restituant  le  passé,  je  m'attachai 
à  faire  bien  comprendre  que  nous  n'étions  pas  venus  à  Trêves  avec  la  pré- 
somptueuse idée  de  faire  des  découveites,  ni  de  résoudre  en  vingt-quatre 
heures  des  énigmes  monumentales;  mais  que  notre  but  essentiel  était  de 
constater  un  fait  de  plus  en  plus  évident,  à  savoir,  que  Trêves  olTre  à  l'ar- 
chéologie une  étude  des  plus  importantes,  puisque,  par  un  rare  privilège, 
elle  possède  une  page  historique  pour  toutes  les  époques  de  l'ait.  Lors- 
qu'il s'agit  de  constater  les  origines  et  le  développement  de  l'art  rhénan , 
l'influence  germano-romane  que  cet  art  a  pu  exercer  sur  l'art  français  (comme 
le  témoignent  encore  d'une  part  Tournai ,  de  l'autre  Chàlons-sur-Marne  et 
Verdun) ,  Trêves  en  est  véritablement  le  point  de  départ,  car  cette  ville  sem- 
blerait être  le  berceau  de  l'art  germano-roman.  En  ellét,  j'incline  de  plus  en 
plus  vers  l'hypothèse  dans  laquelle  je  me  suis  rencontré  avec  M.  Fortoul.  Les 
bains  de  Trêves  ,  peu  importe  leur  destination  ancienne  ,  présentent  le  pro- 
totype des  grandes  cathédrales  du  Rhin,  notamment  de  la  disposition  à  deux 
chœurs;  ils  témoignent  ainsi  de  l'influence  que  l'architecture  civile  des 
Romains  a  exercée  sur  l'architecture  religieuse  des  peu|)les  modernes.  La 
petite  galerie,  dont  l'aspect  assombri  ou  radieux  change  à  chaque  heure  du 
jour,  est  le  couronnement  obligé  de  toute  église  germano-romane;  celte 
galerie  semble,  dans  l'origine  et  en  l'absence  de  tours,  être  provoquée  par  un 
besoin  de  surveillance  d'un  lieu  élevé;  c'est  ainsi  que  nous  l'offre  la  cathédrale 
de  Trêves ,  spacieuse  et  romaine. [Plus  tard,  l'élévation  des  clochers  la  réduisit 
au  simple  rôle  d'ornementation,  par  les  dimensions  qu'elle  comporte;  déjà 
l'abside  ,  dont  l'évèque  Poppo  a  flanqué  la  Porte-Noire,  prépare  les  rudiments 
de  sa  nouvelle  destination.  Trêves  l'a  prise  ailleurs,  soit;  mais  l'art  germauo- 


CONGRÈS  ARCHÉOl.oiiloI  K   DK  MF.TZ.  43 

roman  l'a  prise  à  Trêves.  Il  faut  abrôiier.  (Iroyz,  mon  clicr  ami,  que  j'ai 
lait  tout  ce  (]ui  était  en  mon  pouvoir  pour  convaincre  les  habitants  do  Trcves 
de  nos  sentiments  bicuN cillants  et  fialcrnels;  josc  le  dire,  on  a  ajouté  loi 
à  mes  paroles. 

Me  voici  m.iinlcnanl  rappnitcur  du  comiti'  des  réconi|)cnses  ;  vous  approu- 
verez notre  choix.  A|)rcs  avoir  lait  mention  de  nos  lauréats  de  Lille,  nous 
avons  proposé  dabord  M.  rarchitecle  Schinidt,  rhistorioi;raphe  des  monu- 
ments de  la  Moselle.  M.  Schmidt  va  publier  une  monographie  complète  de 
l'église  du  Laacher-Sec.  Il  vient  de  consacrer  six  mois  à  calipier  tout  ce  qui 
reste  de  plans  originaux  des  cathédrales  de  Ualisbonne ,  Ulm,  Fribourg, 
Cologne,  Francfort,  Strasbourg;  il  se  propose  de  les  réduire  et  de  les  éditer 
à  un  prix  lrès-modi(pio  '.  M.  Schmidt  compte  parmi  ces  artistes  qui  vivent  de 
peu,  et  dévouent  généreusement  à  la  science  leur  temps  et  leur  mo(li{[ue 
avoir.  Puis  notre  justice  distribulive  est  venue  chercher  M.  Rand)oux  ,  natif 
de  Trêves,  conservateur  du  Musée  de  Cologne,  et  ilont  |)lus  que  tout  autre 
vous  appréciez  le  mérite.  Fnlin  nous  avons  oll'ert  une  médaille  à  M.  le 
chanoine  de  Wilmolsky,  qui  dirige  avec  tant  d'intelligence  les  travaux  exé- 
cutés au  cloître  et  à  la  cathédrale  même  :  il  est  vraiment  beau  que  nous 
ayons  pu  trouver  nos  trois  candidats  sans  sortir  de  Trêves. 

La  Société  française ,  dont  la  devise  est  conseuvation  des  monuments  ,  de\  ait 
précherd'exemple  sur  la  terre  étiangêre,  et  stimuler  par  une  oITrande,  d'autant 
plus  acceptable  qu'elle  serait  plus  modique,  ce  zèle  eflicace  sans  lequel  nos 
principes  conservateurs  resteraient  infructueux.  Mais  je  n'ai  point  dérogé  à 
vos  préceptes;  j'ai  répété,  en  regrettant  vivement  \otre  absence,  ce  que 
vous  aviez  dit  à  Lille.  Sauf  des  cas  extrêmes,  la  restauration  ne  doit  être 
qu'une  consolidation.  Ainsi  il  faudrait  se  garder  de  démonter  les  autels 
en  style  de  la  renaissance  qui  décorent  la  cathédrale  ,  bien  qu'ils  fassent 
anachronisme;  mais  on  |Miul  applaudir  à  l'eidêvement  de  ces  parois  de  mar- 
queterie surmontées  de  bustes  d'anges  en  manière  de  corps  de  ballcl  ,  il  ijui 
dérobent  des  fragments  darchitecture  et  de  coionnettes.  Plus  encore  doit-on 

i .  Strasbourg  appartient  moins  à  la  France  qu'à  l'Allemasine ,  mais  nous  possédons  en  France 
des  documcnls  analogues  à  ceux  que  M.  l'arcliitecle  Schmidt  recueille  avec  tant  de  zèle.  Nous 
avons  des  épures  gravées  sur  le  granit,  des  projets  tracés  sur  le  parcliemin;  nous  possédons 
même  des  dessins  palimpsestes  (le  moyen  Age  a  ses  palimpsestes  aussi  bien  que  l'anliquité). 
Nous  venons  de  faire  graver  pour  les  lecteurs  des  «  Annales  »  ces  épures,  ces  projets  et  ces  pa- 
limpsestes ,  et  pcul-ètre  que  la  livraison  d'août  en  contiendra  une  première  planche.  Nous 
sommes  heureux  de  nous  être  rencontré  avec  le  savant  architecte  de  Trêves.  Dans  peu,  le  jour  sera 
fait  sur  les  points  les  plus  obscurs  d?  la  construction  au  moyen  iJge,  tant  en  Allemagne  qu'en 
France.  (  .Xote  du  Directeur.) 


VV  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

(Icsii  er  le  débadigeonnemeni  complet  de  rinlériour  du  moniinieiil.  En  résumé, 
nous  avons  offert  cent  francs  pour  l'église  du  village  de  Neumagen,  du  xiii' 
siècle;  une  souscription  en  a  récemment  conjuré  la  ruine,  mais  elle  réclaYne 
encore  secours  et  assistance  Cent  francs  aussi  pour  un  vitrail  de  l'église 
Notre-Dame.  Entln ,  comme  je  le  disais,  nous  avons  cherché  longtemps  s'il  n'y 
aurait  pas  (pielque  vénérable  pan  de  mur,  })orteur  d'une  inscription  effacée  par 
le  temps,  que  les  mains  allemandes  et  françaises,  s'étreignant  en  ce  moment, 
rcsiitueraient  de  concert;  nous  l'avons  trouvé.  Vous  vous  souvenez  de  la 
Porte-Neuve  qui  regarde  la  France  et  où  se  voit  un  Christ  entouré  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Euchaire.  Ce  motif  se  reproduit  à  la  cathédrale,  puis  sur  l'autel 
portatif  de  saint  Willibrod,  ([ue  possède  le  curé  de  Notre-Dame,  et  encore  sur 
l'ancien  sceau  de  la  ville.  L'inscription  portait  : 
Sangta  Treviris 
Trevericam  plebem  Dominus  protegat  et  urhem 

Nous  avons  voté  cent  francs  pour  cette  restauration,  et  le  jour  viendra  ou 
quelque  adhéient  du  Congrès  archéologique  de  Metz,  de  retour  à  Trêves,  se 
souviendra  et  redira,  non  sans  émotion  :  «  Dieu  bénisse  le  pays  et  la  cité  de 
Trêves  !  » 

La  séance  fut  terminée  par  une  allocution  de  M.  de  Caumont,  et  la  remise 
à  M.  le  bourgmestre  d'une  médaille  commémorative  de  grand  module,  avec 
la  légende  : 

Congrès  archéologique  de  Metz 

I.a  Société  française  pour  la  conservalion  des  nioniimi'iiis 

A  la  ville  de  Trêves 

A  cinq  heures  du  soir,  des  omnibus  attelés  en  poste  nous  menaient  rapide- 
ment à  la  Maison-Blanche,  mise  à  la  disposition  du  Comité  de  réception, 
grâce  à  l'obligeance  de  son  propriétaire,  le  landralh  von  Havv.  Par  une 
délicate  attention,  les  habitants  de  Trêves,  prenant  part  à  la  fête,  nous 
avaient  précédés;  rien  ne  manquait  donc  à  la  parure  de  cette  charmante 
demeure.  Sise  en  aval  de  Trêves,  rive  gauche,  la  Maison-Blanche  et  un 
ravissant  jardin  occupent  le  plateau  d'un  rocher  à  pic  surplombant  la  Moselle, 
et  qui  commande  un  panorama  indescriptible.  On  voit  Trêves  en  son  entier; 
le  cours  de  la  Moselle  vers  Metz  et  (^oblentz  ;  en  arrière  de  la  Cité,  cette 
ceinture  de  coteaux,  Virides  baccho  colles  d'Ausone;  diamétralement  en 
face,  Kiirens  et  Belle-Vue.  Ces  derniers  noms  désignent  la  propriété  d'où  je 
vous  écris,  et  où  vous  étiez  attendu  et  vivement  désiré.  Nous  fûmes  com- 
plimentés par  M.  von  Haw  en  langue  française  ;  vos  lecteurs  me  sauront 
gré  de  leur  transcrire  un  passage  de  cette  chaleureuse  allocution  . 


CONGUÈS    AHCIlKdLOr,  IQl'K   DK   M  KTZ.  45 

I'  Les  inotuimt'nts  (lue  notre  terre,  iioiniiiee  classiciiie  ;i  hoii  ilioil,  présente 
à  votre  observation  apiiartieniient  à  des  àyes  dilTerenls  ;  les  uns  aii\  sièelcs 
païens,  les  autres  à  l'ère  (•iiicliemie.  Sous  le  pniiil  de  \iic  |iuiviiiriil  iiili-lii|ue, 
vous  trouverez  ([ue  tous  merilent  eiialeiui'iit  Mitic  alliiiiiun;  mais,  sous  le 
rapjioil  de  l'inspiration  qui  les  a  crées,  \(iu^  pdrtere/.  de  iiréléreneo ,  si  je 
juge  bien  des  teuilanees  qui  vous  aiiimenl  el  \  ous  guident  ,  vos  méditations 
sur  les  produelions  du  génie  ein-étien  (jui  est  la  base  essentielle  iU'  la  eivili- 
sation,  la  cause  la  plus  t'éeonile  du  grand  el  du  sublime,  la  source  d'où 
coulent  les  nobles  sentiments,  les  hautes  pensées  dont  il  faut  ienq)lir  l'esprit 
et  le  cœur  des  liommes  pour  élever  les  âmes  d'élite  aux  grandes  eonee|)lions. 
C'est  ainsi  que  les  arts  agissent,  d'accord  avec  la  religion,  pour  la  gloire 
comme  poui   le  bonheiu-  de  l'IuMiianilé.  » 

La  fête  cnimiirnce,  riiariiiniiic  militaire  altern(;  avec  ces  cluriirs  de  \()i\ 
d'hommes  sans  acconq)agnement,  chantant  a\ec  celle  précision,  ce  nuancé, 
cette  verve  particulière  aux  Allemands.  On  écoute  en  silence,  el  bientôt  les 
bravos  éclatent;  |)uis  les  joyeuses  conversations  reprennent;  on  ne  se  lasse 
pas  de  contempler  celle  magnifique  toile  déroulée  à  nos  regards,  et  que 
M.  Forloul  a  si  bien  caractérisée  en  disant  :  «  Les  admirables  édifices  que  le 
génie  de  l'honnue  a  élevés  à  Trêves  ,  n'ont  pas  de  couleurs  ni  de  lignes  plus 
belles  que  celles  de  la  divine  consiruction  qui  les  envelop|)e.  »  Mais  déjà  le 
soleil  s'incline  \ers  l'iiori/on  ;  il  |)àlil.  Pui-^  soudain  ,  reprenant  toute  sa  puis- 
sance, il  embrase  de  ses  Ions  les  plus  chauds  la  ville  et  la  contrée  :  ce  n'est 
plus  l'Allemagne,  c'est  la  brûlante  Italie.  Un  moment  après,  l'ombre  croît; 
clic  enxahit  el  dérobe  successivement  lessplendeuis  monumentales  de  Trêves. 
Alors  une  brrllante  illumination,  refiétée  par  les  eaux  du  fieuve,  nous  rend 
les  énergiques  contours  du  poni  de  la  Moselle.  A  ce  signal,  des  guirlandes 
de  feux  colorés  se  suspendent  aux  arbres,  des  gerbes  étincelantes  scintilleni 
dans  les  massifs,  enfiamment  les  parois  rochcnises  (|ui  nous  environnent.  La 
valse  de  Strauss  l'ail  retentir  un  apjiel  que  la  jeune  Allemagne  n'entend  jamais 
en  vain.  La  fête  tourbillonne.  Vers  nnnuil  enfin,  on  redescend,  on  regagne  la 
cité,  et  l'on  y  fait,  musicjue  (!n  tète,  rentrée  triomphale ,  aux  acclamations 
prolongées  de  la  population. 

Telle  a  clé,  mon  cher  ami,  l'excursion  du  (>ongrês  à  Trêves.  lir;\ce  aux 
'<  Annales  Archéologiques  »  ,  ce  récit  sera  lu  sur  tous  les  points  de  la  France; 
nous  jirendrons  nos  mesures  pour  qu'il  se  répande  aussi  au  delà  du  Rhin  ,  et 
ce  sera  une  réponse  au  toscin  d'alarme.  11  est  bon  de  vous  le  dire,  certains 
organes  de  la  presse  allemande  semblaient  voir,  dans  la  visite  du  Congrès, 
une  inva-ir)n  ultramontaine.  On  a  c'crit  en  tontes  lettres  «  (pie  l'archéologie 


V6  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

française  marchait  de  concert ,  main  en  main ,  avec  l'iiltramontanisme.  »  Ces 
insinuations  seraient  de  nature  à  paralyser  nos  efforts,  à  mettre  entrave  à 
l'union  si  désirable  entre  les  savants  des  deux  pays.  Heureusement,  en 
Allemagne,  grand  est  le  nombre  de  ceux  qui  savent  juger  sainement  les 
hommes  et  les  choses;  aussi  est-ce  avec  bonheur  que  nous  avons  entendu, 
au  Congiès  de  Metz  ,  un  professeur  de  lUnivcrsilé  de  Bonn  prononcer  des 
paroles  dont  nous  reproduisons,  sinon  les  termes  absolus,  du  moins  le  sens 
réel  : 

(<  J'ai  la  conviction  intime  qu'en  ce  qui  concerne  les  sciences  et  les  arts  ,  il 
n'y  a  pas  de  limites  territoriales  entre  les  nations;  tous  les  peuples,  marchant 
vers  un  but  commun,  doivent  se  donner  la  main  pour  arriver  plus  sûre- 
ment. Le  Rhin  et  la  Moselle,  ignorant  toute  frontière,  poursuivent  paisiblement 
leur  cours  à  travers  les  deux  pays  ;  ils  arrosent  successivement  leurs  bords 
pittoresques  et  fertiles;  ils  dispensent  indifféremment  la  richesse,  l'abondance, 
le  bien-èlre  aux  populations  riveraines.  De  même,  dans  cette  exploration,  dans 
cette  réintégration  du  passé  de  l'art,  entreprise  avec  courage  et  succès  par 
l'archéologie  de  nos  jours ,  les  tendances  doivent  être  unes,  les  efforts  doivent 
être  communs  ;  car  il  est  vrai  de  dire  que  les  questions  d'art  ne  peuvent  être 
complètement  résolues  que  par  une  double  enquête  effectuée  sur  les  deux 
territoires  amis.  » 

Tout  à  vous  de  cœur. 

Baron  Ferdinand   DE   ROIS  IN. 


MELxViNGES  ET  NOUVELLES. 


L  ACADEMIE    DES    BEVUX-AIITS    El     LE    CLEHOE. 


Larchc  d'alliance  et  la  vierge  Marie.  —  Symbolisme  du  soleil  et  de  la  lune  au  moyen  âge.  — 
Scandale  à  propos  d'une  crosse  d'évoqué.  —  Démolilion  de  la  (lèclie  de  Saint-Denis. 


l-a  réponse  de  M.  VioUet-Leduc  aux  aihuiiie.';  portées,  par  lAcadctnio  des 
beaux-arts,  coatre  la  renaissance  du  style  gothique,  nous  a  valu  un  grand 
nombre  d'adhésions.  Nous  avons  même  été  fort  étonnés  de  voir  arriver  à  nous 
des  architectes  plus  ou  moins  âgés ,  plus  ou  moins  hellénisant ,  que  nous  pen- 
sions emboîter  le  pas  avec  l'Académie  ou  barbotant  avec  elle  dans  les  mêmes 
eaux.  On  nous  a  écrit  de  divers  côtés  ;  mais  nous  gardons  précieusement 
ces  lettres,  pour  en  faire  usage  en  Icmiis  iililc.  Toutefois,  nous  devons  donner 
connaissance  de  la  lettre  suivante  (lue  M.  (iueylon,  curé  de  Bercy,  vient  de 
nous  adresser;  après  la  réponse  d  un  aivliilecte,  il  est  bon  de  savoir  ce  que 
•le  clergé  pense  des  doctrines  religieuses  de  l'Académie,  ensuite,  les  artistes 
et  les  ecclésiastiques  entendus,  les  archéologues  proprement  dits  pourront 
prendre  la  parole.  Il  est  bon  que  chacun  plaide  à  sa  façon  dans  ce  procès  que 
l'Académie  a  la  naïveté  de  nous  faire.  —  Voici  la  lettre  de  .M.  l'abbé  Gueyion  : 

«  Monsieur , 

«  Vous  ne  sauriez  croire  combien  a  été  pénd)lo,  pour  les  homnirs  religieux, 
l'apparition  du  manifeste  de  l'Académie  des  beaux-arts  conlri;  le  style  chré- 
tien du  moyen  Age  relativement  à  notre  époque.  Après  rexcellcnte  réponse 
de  .M.  Viollet-Leduc,  pourrait-on  ajouter  (juelqucs  mots  et  signaler  encore 
les  incroyables  erreurs  du  manifeste,  surtout  sous  le  rapport  de  la  vérité 
catholique  ? 

«  Première  erreur.  —  a  11  importe  d'écarter  d  abord  de  cette  grave  discus- 

«  sion l'idée  que    l'architecture  gothique  serait l'art  chrétien  par 

('  excellence,  il  ne  peut  en  être  ainsi,  par  la  raison  que  cette  architecture 


VS  ANNALES   A  KClIKOLOd  IQUES. 

«  s'est  formée  à  la  fin  du  xii"  siècle, el  que  Rome  n'a  rien  de  gothique,  n 

—  «  Le  christianisme  n'a  |)as  eu  d'arcliitecture  propre  à  son  origine,  par  Va 
raison  qu'il  lui  a  fallu  conquérir  les  intelligences,  construire  la  société  reli- 
gieuse avant  d'élever  des  temples.  Pendant  longtemps  il  célébra  ses  augustes 
mystères  partout  où  il  put  s'abriter,  dans  les  catacombes,  dans  le  réduit  de 
quelque  demeure  dérobée,  puis  enfin  dans  les  basiliques  romaines.  Les 
premières  églises  qu'il  se  donna  furent  nécessairement  faites  avec  ce  qui  exis- 
tait, avec  des  constructeurs  et  un  art  païens.  Mais  lorsqu'il  eut  con(iuis  la 
société,  et  profondément  pénétré  les  àrnes  ;  lorsque  les  architectes  créèrent 
d'après  les  inspirations  de  la  foi  chrétienne;  lorsque  les  évêques,  les  moines 
qui  faisaient  élever  les  églises ,  furent  eux-mêmes  artistes,  alors  les  efforts  de 
l'art  durent  nécessairement  tendre  à  mettre  les  œuvres  religieuses  en  harmo- 
nie avec  les  objets  de  la  croyance,  avee  les  besoins  du  culte  ;  alors  la  foi  chré- 
tienne dut  cliercher  à  produire  par  toutes  les  formes  de  l'art  ses  sublimes 
inspirations,  ses  douces  espérances,  son  ardente  charité;  alors  dut  être  créé 
le  style  religieux  par  excellence.  Et  cette  création  devait  avoir  lieu  dans  les 
contrées  où  la  rareté  des  monuments  païens  laissait  le  génie  catholique  le 
plus  affranchi  de  la  domination  du  passé.  Notre  France  en  a  eu  l'honneur. 
Tandis  qu'à  Rome,  le  christianisme,  s'installant  dans  les  œuvres  d'une  archi- 
tecture complète  el  qui  avait  tout  produit  dans  la  cité,  ne  put  que  conserver 
et  continuer  ce  qui  existait. 

((  Deuxième  erreur,  —  «  La  question  se  présente  autrement  si  l'on  propose 

«  de  bâtir  de  nouvelles  églises  dans  le  style  gothique, et  de  donner  pour 

«  expression  monumentale,  à  une  société  qui  a  ses  besoins,  ses  mœurs,  ses 
«  habitudes  propres,  une  architecture  née  des  besoins,  des  mœurs,  des  habi- 
«  tudes  de  la  société  du  xii*^  siècle.  »  —  «  De  quelles  habitudes  et  de  quels 
besoins  entend  parler  l'Académie?  Sans  contredit  des  habitudes  et  des  be- 
soins religieux ,  puisqu'il  s'agit  d'églises  et  de  ce  qui  s'y  pratique.  Or  nous 
apprendrons  à  ces  messieurs,  puisqu'ils  semblent  l'ignorer,  que  nos  habi- 
tudes et  nos  besoins  religieux  sont  exactement  les  mêmes  que  ceux  du 
xir  siècle.  Le  dogme  et  la  morale,  les  croyances  et  les  pratiques  de  la  société 
catholique  n'ont  pas  varié  d'un  iota  depuis  cette  époque.  Et  nonobstant  les 
machines  à  vapeur,  le  journalisme,  le  scrutin  électoral,  la  pondération 
des  pouvoirs,  el  autres  choses  de  ce  genre,  inconnues  au  xif  siècle,  nous 
récitons  le  credo,  nous  sommes  baptisés,  nous  allons  au  catéchisme,  à  con- 
fesse, à  la  messe,  au  prône,  à  vêpres,  tout  comme  on  le  faisait  au  xii"  siècle. 
Eh  bien  !  les  églises  de  ce  siècle,  suivant  vous-mêmes,  «  captivent  au  plus 
«  haut  degré  le  sentiment  religieux, élèvent  la  pensée  chrétienne  vers  le 


MÉLANGES   ET   NOIVEI.I.ES.  49 

«  ciel, léalisent  à  [\v\\  cl  à  lespiil  riiiiii^i»  do  celle  Jéinsalem  célesle  vers 

(f  laquelle  aspire  la  loi  du  clirctieii.  »  —  «  D'ailleurs  leni'  disposition  inté- 
rieure répond  parfaitement  à  tous  les  Itcsoins  du  cullc  Aiii>i  ces  chœurs  pro- 
fonds, ces  grandes  nefs  entourées  de  laiges  l)as-eôli's  lavorisenl  admirable- 
ment la  pompe  des  cérémonies,  aux  grandes  soUsnnités.  Kt  les  exercices  jour- 
naliers de  la  religion  ne  s'accomplissent  pas  moins  favorablement  dans  ces 
nombreuses  chapelles  latérales  qui  font  autant  de  sanctuaires  dans  le  grand. 
Voyez  au  contraire,  messieurs  des  beaux-arls,  les  églises  que  vous  nous  faites 
en  partant  du  grec  et  du  romain,  comme  la  Madeleine,  Notre-Dame-de-Lo- 
rette,  Saint-Vincent-de-Paul,  et  une  douzaine  d'autres  moins  importantes  dans 
la  banlieue.  Que  disent  a  la  pensée  et  au  senlimcul  religieux  ces  |)lates  et 
lourdes  masses,  ces  ouvertuies  reclangulaiies,  ces  plafonds  dorés,  et  smtoul 
ces  façades  avec  leur  inévitable  file  de  colonnes  enflées,  el  que  surmonte  ce 
fronton  aplati ,  bien  |)lus  apte  à  recevoir  un  hibou  écartelé  que  les  saints  per- 
sonnages de  notre  religion?  Là,  tout  éloulfe  la  pensée  clirétienne,  tout  l'écrase 
vers  la  terre.  D'ailleurs,  dans  ces  édifices,  les  exercices  du  cullc  sont  aussi 
mal  à  l'aise  que  la  foi  et  la  piété.  Hien  n'y  trouve  sa  i)lace  nalurell(>;  tout  sy 
entasse  pèle-mèle,  et  s'y  passe  coninic  sur  une  place  pid)liipie. 

«  Donc,  messieurs,  bâtissez  bourses,  casernes,  théâtres,  fontaines,  embar- 
cadères dans  le  style  qui  vous  plaira;  mais,  pour  nos  vieilles  églises,  conser- 
vez-nous-les,  el  surtout  laissez-nous  en  liàtir  de  pareilles.  C'est  là  ce  (pi'il  nous 
faut;  nous  le  savons  mieux  cpie  vous. 

c<  rroisièrae  erreur.  —  a  On  fci'ait  tort  au  christianisme,  on  niécomiaîlrait 
(<  tout  à  fait  son  esprit,  si  l'on  croyait  qu'il  ait  besoin  d'une  forme  d'art  par- 
«  ticulière,  pour  exprimer  son  culte.  »  —  «  Non,  notre  religion  n'a  besoin 
d'aucune  forme  d'art.  Elle  laisse  volontiers  pratiquer  les  cérémonies  de  son 
culte  dans  une  hutte  de  sauvages,  sur  le  pont  d'un  vaisseau,  à  la  catliédiale 
de  Reims,  suivant  la  convenance  de  ses  enfants.  Ce  sont  ces  derniers  qui  ont 
besoin  que  les  temples,  ou  ils  \ont  servir  Dieu,  soient  construits  et  ornés  de  la 
manière  la  plus  confoiiue  aux  ol)jels  de  leur  foi,  el  la  plus  fa\orable  aux 
exercices  de  leur  piété. 

«  Quatrième  erreur.  —  «  L'Académie  n'est  pas  plus  da\is  (pie  l'on  refasse 

«  le  Parthénon  que  la  Sainte-Chapelle F.es  monuments  cpii  appartiennent 

«  à  tout  un  système  de  croyance, ((ui  a   lourni  sa  carrière  el  accom|ili 

«  sa  destinée,  doivent  rester  ce  cpiils  sont,  l'expression  d'une  société  dé- 
((  truite.  )i  —  «  Encore  une  fois,  esl-ce  qu'aux  yeux  de  messieurs  des  beaux- 
arts,  les  trois  cents  ans  de  grik-e ,  accordés  au  christianisme,  en  termes  si 
élégants,  |)ar  le  chef  dt;  l'éclertisme,  leur  honorable  confrère  à  l'Académie 
V.  7 


50  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

française  et  à  l'Académie  des  sciences  morales,  seraient  expirés?  Est-ce 
qu'il  ne  resterait  pas  plus  de  la  croyance  catholique  du  moyen  âge  que  des 
crovances  païennes  d'Athènes?  Nous  avons  eu  l'honneur  de  leur  dire  qu'il 
n'en  est  heureusement  rien.  Et  c'est  pour  ceux  (pii  conservent  «  le  système  de 
crovancc  »  tout  entier,  non-seulement  du  xii°  siècle,  mais  de  tous  les  siè- 
cles de  l'ère  chrétienne,  que  nous  voulons  que  l'on  refasse  des  Saintes-Cha- 
pelles. Tout  comme  s'il  y  avait  encore  des  adorateurs  de  Minerve,  nous  vou- 
drions qu'on  leur  rebâtit  des  Parthénons. 

((  Cinquième  eireur.  —  «  Ce  serait  résister  à  la  Providence  qui ,  en  créant 
((  l'homme  libre  et  intelligent,  n'a  point  voulu  que  son  génie  restât  éternelle- 
((  ment  stationnaire  et  captif  dans  une  forme  déterminée.  »  —  «  Les  hommes 
intelligents,  qui  poussent  de  tons  leurs  efforts  vers  le  retour  au  style  du  moyen 
âge,  ne  prétendent  nullement  enchaîner  le  génie.  Us  demandent  seulement  que 
lorsqu'il  s'agit  d'élever  des  asiles  à  la  prière,  des  temples  à  Dieu,  on  prenne 
pour  point  de  départ  les  données  d'un  style  religieux  par  excellence.  Sans 
doute,  il  faut  que  l'on  commence  par  copier  les  oeuvres  de  ce  style,  afin  d'en 
acquérir  la  connaissance  et  la  pratique  complètes;  mais  lorsque  architectes  et 
ouvriers  en  posséderont  à  fond  les  principes,  l'esprit,  les  moyens,  ils  compa- 
reront, ils  créeront  au  gré  de  leur  inspiration,  et  suivant  les  besoins  des  temps 
et  des  lieux. 

((  Finissons  par  une  réflexion  pénible.  N'est-il  pas  triste  de  voir  les  obsta- 
cles venir  des  lieux  mêmes  d'où  devrait  partir  l'impulsion?  11  faut  bien  le 
dire,  les  corporations,  qui  rendent  à  la  société  le  précieux  service  de  conser- 
ver les  bonnes  choses,  s'obstinent  souvent  à  maintenir  celles  que  l'expérience 
repousse  comme  mauvaises.  En  général,  le  progrès  leur  fait  peur.  C'est  à  recu- 
lons, les  yeux  toujours  fixés  sur  leur  point  de  départ,  qu'elles  marchent. 

((  J'ai  l'honneur  d'être,  etc.  « 

(iGUEYTON, 


"  Ciirô  de  Bercy.  » 


L'Arche  d'alliance  et  la  vierge  Marie.  — La  lettre  suivante  nous  est  adressée 
par  M.  A.  Du  Chalais,  ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  attaché  à  la 
Bibliothèque  Royale  : 

«  Monsieur,  permettez-moi  de  vous  consulter  sur  un  petit  problème 
archéologique  dont  la  solution  me  paraît  d'autant  plus  intéressante  qu'il 
s'agit  de  l'histoire  iconographique  de  la  Vierge,  et  que  les  monuments  dont 
j'ai  à  vous  entretenir  ont  été  sculptés  au  xiii^  siècle.  Je  n'en  connais  encore 
que  deux  :  l'un  se  trouve  à  la  cathédrale  de  Paris,  l'autre  à  la  cathédrale 
d'Amiens.  Il  en  existe  sans  doute  un  bien  plus  grand  nombre;  mais  peu 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  51 

importe  à  mon  sujet  :  ceux  qu'on  pourra  décrire  ])lus  tard  viondront  détruire 
mes  conjectures  ou  les  corroborer. 

u  11  existe  à  Paris,  connue  à  Amiens,  creusée  dans  la  façade  principale 
de  la  catliédrale,  celle  de  louest ,  une  porte  spécialement  cousacré(!  à  la 
Vierge.  Celle  de  Paris  s'ouvre  à  la  i;auclie  du  spectateur,  du  coté  du  nord  j 
celle  d'Amiens,  au  contraire,  à  sa  droite,  du  coté  du  midi.  La  Vierge  y  occupe 
la  porte  d'honneur;  elle  est  sculptée  sur  le  trumeau,  tenant  entre  ses  bras 
l'Enfant  Jésus.  3Iarie  foule  aux  pieds  le  dragon  dont  elle  brise  la  tète;  sur  le 
piédestal  qui  la  supporte,  on  a  sculpté  la  chute  d'Adam.  On  y  a  représenté 
la  suite  du  péché  originel  :  l'honmie ,  péniblement  courbé  sur  sa  bêche ,  el 
arrosant  la  terre  de  ses  sueurs  el  de  ses  larmes;  près  de  lui,  la  f(MiMiie  armée 
de  la  quenouille  et  prenant  part  ainsi  aux  travaux. 

«  Voilà  une  grande  instruction  pour  le  peuple  du  moyen  âge,  qui  ne  savait 
lire  que  le  livre  des  figures  :  c'était  lui  dire  que  la  femme  est  la  source  de  tous 
maux  et  de  tous  biens.  D'abord  il  coiiteujplail  la  chute  et  les  conséquences 
quelle  entraîne;  puis,  plus  haut,  la  Vertu  sans  tache  terrassant  le  vice  et 
sauvant  l'hunianilé.  Aux  yeux  des  doctems ,  en  effet,  iMarie  n'est-elle  pas 
Eve  régénérée?  et  Béatrice,  qui  seule  peut  introduire  Dante  au  séjour  des 
bienheureux,  n'est-ce  pas  limage  de  la  mère  de  Dieu  matérialisée  par  le 
poète  ? 

<i  Non  contents  de  nous  avoir  montré  le  vice  à  la  fois  vainqueur  el  vaincu, 
de  nous  avoir  peint  la  faiblesse  et  la  force  sons  l'apparence  de  la  femme,  les 
théologiens  el  les  sculpteurs  du  xui"  siècle  ont  voulu  nous  faire  assister  au 
Irioinphe  de  la  verlu  :  c'est  au  tympan  que  la  scène  se  passe.  Là,  Jésus- 
•  Christ  vient  en  personne  recueillir  dans  son  giron ,  in  gremio  suo.  l'àme  de  sa 
chaste  Mère,  afin  que,  comme  il  le  lui  avait  promis,  elle  ne  fût  pas,  après 
sa  mort,  effrayée  par  l'apparition  d'aucun  mauvais  esprit.  Puis,  quand  les 
anges  l'ont  transportée  dans  le  ciel ,  il  la  fait  asseoir  à  sa  droite  sur  un  trône 
pareil  au  sien;  il  la  couronne  d'un  diadème  semblable  à  celui  (pi'il  porte, 
et  la  rend,  pour  ainsi  dire,  son  égale. 

«  Là  ne  s'arrête  point  celte  sublime  épopée.  A  Paris,  eldans  la  capilaie  de 
la  Picardie,  sur  la  première  bande  du  tympan,  avant  la  rci)résenlalioii  de 
la  mort  et  du  couronnement  de  la  Vierge,  au-dessus  de  la  statue  elle-même, 
on  remarque  six  personnages.  A  Paris,  ce  sont  trois  rois,  couronne  en  tète, 
avec  trois  prophètes  coiffés  du  bonnet  juif  et  tenant  le  phylactère  à  la  main. 
A  Amiens,  il  y  a  une  différence:  on  ne  remarque  que  deux  prophètes  et  deux 
rois;  Moïse  et  le  grand  [)rêtre  Aaron  tiennent  la  place  des  deux  autres.  Moïse 
est  à  droite,  Aaron  à  gauche  de  la  statue.  Que,  veut  dire  ici  la  présence  du 


52  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

législateur  el  du  grand  prêtre?  Cela  signifie-l-il  que,  pour  être  sauvé,  il  faut 
suivre  de  point  en  point  la  loi  de  Dieu  ,  se  conformer  religieusement  à  tous  les 
rites  prescrits  pour  l'observation  du  culte,  et  que  sans  cela  l'intercession  de 
Marie  sera  nulle  pour  nous?  ou  bien  Moïse  et  Aaron  ne  sont-ils  placés  là  que 
pour  justifier  la  [)résence  du  sujet  que  je  vais  décrire  et  qui  est  précisément 
l'objet  de  cette  lettre?  Mieux  que  personne  vous  pouvez  me  donner  une  solu- 
tion à  cet  égard.  Aux  deux  porches  dont  je  parle  on  voit  immédiatement, 
au-dessus  de  la  tête  de  la  statue  de  la  Vierge,  un  temple  soutenu  par  quatre 
colonnes,  et  en  tout  semblable  aux  temples  ou  aux  églises  qu'on  avait  l'habi- 
lude  de  figurer  au  xiii'  siècle,  lorsqu'on  voulait  représenter  soit  Zacharie  en 
prière,  soit  la  Présentation,  soit  un  saint  prélat  dans  son  église.  Ce  n'est  pas 
tout  ;  sous  la  voûte  de  cet  édifice  est  placé  un  objet  carré  en  forme  de  tombe 
ou  de  coffre.  Les  ornements  qui  le  décorent  sont,  à  Paris,  différents  de  ceux 
d'Amiens  :  ce  fait  me  semble  néanmoins  peu  important,  et  j'y  vois  simple- 
ment un  caprice  de  l'artiste.  Quant  au  fond,  j'ai  cru  y  retrouver  la  même 
idée  et  y  reconnaître  la  même  représentation  syml)olique. 

((  Quel  est  ce  temple?  quel  est  ce  tombeau  ou  cette  chasse  ?  quel  est  cet 
objet  enfin,  quel  que  soit  le  nom  dont  on  veuille  l'appeler?  Telles  sont  les 
<piestions  que  je  me  suis  faites  à  moi-même  bien  souvent,  et  que  plusieurs 
personnes,  assez  habiles  dans  l'interprétation  des  figures  sculptées  sur  nos 
églises  du  moyen  âge,  se  sont  adressées  en  ma  présence.  En  contemplant  les 
sculptures  de  la  cathédrale  de  Paris ,  je  n'ai  pu  ,  je  l'avoue,  trouver  non  pas 
une  solution  plausible,  mais  même  une  solution  quelconque;  mais,  lorsqu'il 
m'a  été  donné  de  voir  les  belles  sculptures  d'Amiens ,  j'ai  cru  tenir  le  problème. 
La  présence  de  Moïse  et  d' Aaron  m'avait  fait  penser  qu'il  s'agissait  du  temple 
de  Jérusalem  el  de  l'arche  d'alliance  ;  en  effet,  la  Vierge  n'est-elle  pas  le  seul 
temple  que  le  Fils  de  Dieu  ail  trouvé  tligne  de  lui  lorsqu'il  descendit  sur  la 
terre?  la  Vierge  n'esl-elle  pas  l'arche  d'alliance  choisie  par  le  Sauveur  pour 
contenir  les  litres  précieux  constatant  la  promesse  faite  aux  patriarches  et  au 
peuple  juif  de  venir  à  leur  secours  et  de  les  sauver  de  la  mort  éternelle? 
n'élait-ce  pas  là  ([u'oii  renfermait  le  précieux  code  qm  règle  les  devoirs  de  la 
créature  envers  le  Créateur? les  litanies,  enfin,  n'appellenl-elles  point  la  fille 
de  David  Arca  foederis? 

«  S'il  en  était  ainsi,  j'analyserais  de  la  manière  suivante  ce  que  vous  me 
permettrez  d'appeler  un  poëme  complet,  la  chute  et  la  réhabilitation  de  la 
femme.  Le  piédestal  représente  la  chute;  la  statue,  le  combat  et  la  victoire.  Le 
premier  rang  du  tynqian  rappellerait  la  promesse  du  salut  prédite  par  les 
hommes  animés  de  l'esiirit  divin,  et  la  race  illustre  d'où  doit  sortir  Marie,  ce 


MELANGES  ET  NOl  TELLES.  53 

VASE  d'llu'.tuin;  Ic  leiiii)le  ct  l'arclip  sciaiciil  li's  (mhIiIciucs  iIc  hi  |ironics?e 
et  le  gagedesonacconiplissemonl.  An  t\ni|i;iii,  cnliii,  piniulriiil  la  rc(()iii[)cnse 
lie  la  liitle,  le  triomphe  de  la  victoire,  rcxallatioii  de  la  mmIii.  Si  mon  e\|)!i- 
eation  était  admissililo,  ce  serait  un  clianl  tout  ciilicr  ipiil  l'andrait  ajouter  à 
cette  épopée. 

«  Un  paléofi;raiilic,  dom  Tassiu  ,  a  dit  (|ui'|(juc  part  (juc  la  prouiicre  idée 
de  rarchéoiofiuc  ctail  toujours  la  mciMcuiv;  ipiiiii  iu^linct,  ipi'iinc  liahilndc 
dont  il  ne  se  rendait  pas  compte  ,  le  i;uidail  à  sou  insu.  Dois-je  croire  ipicdom 
Tassin  a  raison?  et,  s'il  m'était  permis  de  prendre  le  titre  d'arcliéoloij;ue, 
puis-je  penser  que  je  ne  me  suis  pas  trom|ie.'  .l'atteuds  pour  cela  votre  opinion, 
et  ne  veux  pas  tro|)  m'avanccr  avant  de  connailie  votre  avis. 

i(  A  propos  du  porche  de  Paris,  j'aurais  bien  des  choses  encore  à  vous  dire. 
Je  voudrais  vous  parler  de  huit  bas-reliefs  confondus  bien  à  lorl ,  selon  moi , 
avec  rornenientation  générale;  ils  me  semblent  être  le  complément  de  ce 
fameux  calendrier,  si  étrangement  interprété  par  Dupuis,  et  faire  suite  aux 
travaux  de  l'année.  Je  voudrais  aussi  vous  parler  d'autres  bas-reliefs  étrange- 
ment expliqués  par  (juelques  anli(iuaircs,  et  tAcher  de  nommer  les  hantes 
statues  (]ui  les  surmontaient  axant  la  ré\oliition;  mais  je  crains  de  fatii;ner 
votre  attention  ,  et  je  me  propose  de  vous  en  paiii'r  une  autre  fois. 

«  Agréez ,  etc. 

«  A.    I)|i    C.IIAI.AIS.  I. 

Nous  acceptons  l'opinion  de  M.  Du  Chalais  relativement  à  cette  petite  arche 
d'alliance  placée  au-dessus  de  la  porte  de  la  Vierge,  dans  les  cathédrales  de 
Paris  et  d'Amiens.  Cette  explication  nous  parait  non-seulement  ingénieuse, 
mais  .solide  ;  elle  est  fondée  sur  les  monuments,  tout  autant  que  sur  l'esprit  du 
moyen  âge.  Nous  accueillerons  avec  empressement  les  inter[)rétations  que 
M.  Du  Chalais  nous  promet  sur  d'autres  sculptures  de  la  cathédrale  de  Paris;  ces 
communications  nous  seront  d'autant  plus  agréables  que  nous  préparons ,  sur 
la  statuaire  des  cathédrales  d'Amiens  ,  de  Keims  ,  de  Paris  et  de  Chartres ,  un 
travail  complet  qui  sera  acconq)agné  de  gravures,  et  qui  i)ourra  |iaiaîii'e  dans 
les  premières  livraisons  de  18'i7. 

Symbolisme  du  soli-il  et  de  la  lune  au  moi/en  ihjr.  —  .M.  Anatole  Barthélémy, 
l'onseiller  de  la  préfecture  des  Côtes-du-Nord  ,  nous  adresse  les  réilexions 
suivantes  sur  un  point  im|)ortant  de  l'iconographie  du  moyen  ùge  : 

«  Au  moyen  âge,  les  sceaux,  les  monnaies,  les  méreaux  et  les  monuments 
représentent  souvent  le  soleil  et  la  lune.  Jusqu'à  ce  jour,  je  ne  connais  pas 


54.  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

d'interprétation  donnée  à  ces  symboles  astronomiques;  on  me  permettra 
donc  de  dire  mon  avis,  et  d'exposer  l'opinion  que  quelques  textes  des  Ecri- 
tures ont  fait  naître  à  ce  sujet  dans  mon  esprit.  L'habitude  de  représenter  le 
soleil  et  la  lune  comme  images  de  la  puissance  remonte  à  la  plus  baule  anti- 
quité. Sans  énumérer  une  foule  d'exemples,  je  me  contenterai  de  rappeler 
que  l'on  voit  un  grand  nombre  d'empereurs  romains  sous  les  traits  du  soleil, 
tandis  que  les  impératrices  avaient  leur  buste  posé  sur  des  croissants.  Celte 
manière  de  représenter  les  souverains  tenait  sans  doute  à  ces  antiques  tradi- 
tions émanées  du  culte  des  astres  et  qui  plaçaient  dans  le  soleil  le  principe 
vivitiant  de  la  nature  entière.  Le  christianisme  trouva  ces  symboles;  il  les 
adopta  ,  en  les  purifiant  en  quelque  sorte  du  paganisme.  C'est  justement  de 
cela  que  je  voudrais  parler;  mais,  auparavant,  je  rappellerai  quelques  exem- 
ples de  ces  symboles  empruntés  à  différentes  branches  de  l'archéologie  du 
moyen  âge. 

«  Sur  les  sceaux  et  les  monnaies,  le  soleil  et  la  lune  sont  tantôt  réunis,  tan- 
tôt isolés.  Sur  les  premiers,  le  plus  souvent  ils  forment  un  type  accessoire; 
sur  les  secondes,  ils  servent  fréquemment  de  type  principal  '.  Ce  fait  a  lieu, 
soit  que  ces  monuments  émanent  de  l'autorité  ecclésiastique,  soit  qu'ils 
portent  le  nom  d'un  seigneur  séculier.  En  outre  il  y  a  une  sorte  de  sceaux  de 
villes  et  de  communau.tés  qui  portent  ces  astres  *. 

«  Le  soleil  et  la  lune  se  trouvent  réunis  sur  quelques  sceaux,  sans  avoir 
toujours  la  même  signification.  Ainsi,  quand  ils  sont  de  chaque  côté  de  la  tête 
de  Jésus-Christ  crucifié  3,  ils  rappellent  les  passages  des  évangélistes  qui 

1.  Voy.  les  monnaies  des  vicomtes  de  Narbonne,  des  comtes  de  Tripoli,  des  archevêques  de 
Lyon. 

2.  .le  cllerai  particulièrement  les  armoiries  de  la  ville  d'Alby,  qui  portent  :  de  gueules  à  la  tour 
d'argent,  crénelée  Je  quatre  pièces  et  ouverte  de  deux  portes,  surmontée  d'une  croix  archiépis- 
copale d'or  et  d'un  léopard  de  même,  la  patte  posée  sur  les  créneaux,  brochant  sur  la  croix, 
accompagné  en  chef,  à  dextre,  d'un  soleil  rayonnant  d'or,  et  à  sénestre,  d'une  lune  d'argent.  Le 
sceau  de  l'officialité  de  Nevers,  en  1275,  portait  le  buste  d'un  évêque  mitre,  et  tenant  sa  crosse  ; 
à  sa  droite  se  trouve  un  croissant  surmonté  d'un  astre,  qui  n'est  sans  doute  autre  que  le  soleil; 
autour,  on  lit  :  S.  Cvrie  Nivernensis. 

.3.  Sur  certains  diptyques,  on  voit  au-dessus  de  la  croix  où  expire  Jésus-Christ  le  soleil  et  la 
lune  portés  chacun  par  un  ange.  —  Dans  Gori  [Thésaurus  vet.  Diptycorum  consularium  et 
ecclesiasiiconjm,  t.  m,  page  32),  on  voit  do  chaque  côté  des  bras  de  la  croix  des  génies  tenant 
des  Qambeaux  et  portant  la  main  à  leur  figure,  sans  doute  pour  exprimer  l'éclipsé,  au  moment  de 
la  mort  du  Sauveur;  les  noms  de  Sol  et  de  Luna,  écrits  au-dessus  de  chacun  d'eux,  ne  laissent 
■  aucun  doute  sur  leur  signification.  —  Spon  rapporte  aursi,  dans  son  Voyage,  une  représentation 
grecque  analogue.  Dans  une  peinture  ruthénique  du  xiv=  siècle,  donnée  par  d'Agincourt,  pi.  csx, 
et  qui  représente  la  fm  du  monde,  on  voit  des  anges  portant  sur  leur  tète  le  soleil  et  la  lune. 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  55 

parlent  de  l'éclipsé  de  soleil  :  ils  lémoignenl  aussi  du  deuil  de  la  nature  '.  En 
goiK-ral,  le  soleil  alors  est  placé  au-dessus  de  l'épaule  sur  huiuellc  le  Christ 
poncho  la  tète'  :  circonstance  à  laquelle  est  due,  à  ce  qu'on  dit,  l'inclinaison 
de  plusieurs  de  nos  églisos.  D'autres  fois,  le  Christ  est  assis  sur  un  trône,  et 
ces  deux  astres  près  de  lui  annoncent  l'onipire  du  monde. 

«  Mais,  (piand  les  symboles  astronomiriuos  sont  rcprosenlés  ailleurs  qu'en 
présence  do  Jésus  Christ,  je  crois  alors  qu'on  doit  y  chercher  une  antre  idée. 
Là  ils  ont  un  sens  tout  particulier  et  qu'il  faut  retrouver. 

«  Dans  l'Apocalypse,  nous  voyons  l'Église  représentée  sous  les  traits  d'une 
femme  ^  revêtue  du  soleil  qui  n'est  autre  que  Jésus-Christ,  soleil  de  justice  '  : 
d'un  autre  côté  la  sainte  Vierge  est  comparée  à  la  lune.  A  ce  sujet,  je  lap- 
pellerai  le  passage  du  ce  Cantique  des  canliepios  »  qui  se  trouve  dans  l'onice 
de  la  Vierge^.  Je  rappellerai  en  outre  le  méreau  de  Notre-Dame  d'Avignon, 
qui  représente  Marie  en  buste  sur  un  croissant.  Je  rappellerai  enfin  le  tympan 
du  portail  gauche  de  la  cathédrale  de  Poitiers  :  sur  cette  partie  du  monu- 
ment, consacrée  à  l'histoire  de  la  mère  du  Sauveur,  on  voit  en  haut  la  sainte 
Vierge  se  détachant  en  bas-relief,  et  derrière  sa  tète  un  grand  croissant''. 

u  Je  crois  donc  que,  dans  ces  différents  cas,  le  soleil  est  l'emblèuie  de  Jé- 
sus-Christ ,  et  la  lune  celui  de  la  sainte  Vierge.  C'est  ainsi  qu'ils  |)araissent 
sur  les  sceaux  des  évoques,  des  villes  et  de  quelques  communautés;  c'est 
aussi  probablement  à  ce  titre  qu'ils  se  montrent  quelquefois  dans  le  blason. 

«  Cependant,  en  ce  qui  concerne  la  science  héraldique,  il  est  possible  qu'une 
autre  série  d'idées  ait  pu  multiplier  sur  les  écussons  les  symboles  astrono- 
miques. Il  se  peut  que,  tout  en  adoptant  des  signes  qui  avaient  en  apparence 
une  valeur  religieuse,  on  ait  été  inlluencé  par  un  sentiment  universellement 

(.  u  Sexla  axilam  hora,  tcncbric  factœ  siint  super  universam  terram  usque  ad  horam  nonam.  » 
Malh.,  xxvn,  43.  —  «Etfacla  hora  sexta,  lenebrœ  facta;  suiit  per  lotam  lerram  usque  in  horam 
nonam.  »  Marc,  xv,  33.  — «EralaïUem  fore  hora  sexta,  el  Icnebrae  factaî  sont  in  univcr^anl  lorram 
usquc  in  horam  nonam,  et  obscuralus  est  sol.  »  Luc,  xxni ,  4i  el  45. 

î.  u  Et  inclinato  capitc,  tratlidit  spiritum.  »  Joli.,  xix,  30. 

3.  «  Et  signum  magnum  apparuit  in  cœlo  :  mulier  amicla  sole  et  luna  sub  pedibus,  et  in  capile 
ejus  corona  slellarum  duodecim.  »  Jpocalijp.,  xii,  1 . 

4.  "  Et  resjilenduit  faciès  ejus  sicut  sol.  »  Math.,  xvii ,  2.  —  «  Et  vestimenla  ejus  fada  sunt 
splendcntia.  Marc,  ix ,  2. 

5.  «(jua;  est  ista  quae  progreditur  quasi  aurora  consurgens,  pulchra  ut  hina,  clecla  ut  sol?  » 
Canf.  Canlic,  vi ,  9. 

6.  C'est  d'ailleurs  un  usage,  répandu  depuis  longtemps  et  existant  encore  de  nos  jours,  que  de 
représenter  dans  la  statuaire  et  la  peintiire  la  sainte  Vierge  ayant  le  croissant  de  la  lune  à  ses 
pieds. 


56  ANNALES  AKCHÉOLOG[QUES. 

répandu  au  xi"  siècle  et  dont  le  souvenir  ne  |)0u\  ait  pas  encore  être  eU'acé 
lors(jue  le  blason  commença  à  être  employé. 

((  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  parler  longuement  de  l'hérésie  des  millé- 
naires. Qu'il  suffise  de  dire  ici  que  quelques  versets  du  cliapitre'20  de  l'Apoca- 
lypse avaient  donné  lieu  à  une  interprétation  qui,  assignant  un  règne  de  mille 
ans  à  Jésus-Christ,  faisait  redouter  le  jugement  dernier,  et,  par  conséquent, 
la  fin  du  monde  au  xi"  siècle  de  notre  ère  '.  Toute  erronée  qu'elle  était,  cette 
opinion  n'en  fut  pas  moins  presque  universellement  accréditée,  surtout  dans 
les  dernières  années  du  x^  siècle  qui  se  rapprochaient  du  terme  fatal  :  «  Vide- 
balur  sane  mundus  déclinasse  ad  vesperam  :  et  Filii  hominis  advenlus  secundus 
fore  vicinior,  »  disait  Guillaume  de  Tyr^.  Plusieurs  chartes  languedociennes 

étaient  terminées  par  ces  mots  :  «  Mundi  termino  appropinquante appro- 

pinquante  etenim  mundi  terminio  ^.  »  Aussi  lorsque  l'an  1 000,  si  redouté  dans 
toute  la  chrétienté,  se  fut  écoulé  sans  cataclysme,  une  rénovation  générale  se 
fit  sentir  :  les  arts  prirent  un  élan  nouveau ,  les  édifices  consacrés  au  culte 
s'élevèrent  de  toutes  parts,  et  le  monde  sembla  sortir  du  tombeau  '. 

((  Ceci  posé,  je  ne  crois  pas  être  trop  hardi  en  avançant  que  les  symboles 
astronomiques,  auxquels  un  sens  religieux  avait  déjà  donné  une  significa- 
tion très-répandue,  ne  purent  que  se  multiplier  encore  par  le  fait  des  ter- 
reurs du  XI*'  siècle.  En  efl'et,  si  nous  observons  que  le  soleil  et  la  lune  sont 
toujours  mentionnés  dans  les  passages  des  Écritures  qui  annoncent  la  fin  du 
monde  ^,  il  faudra  reconnaître  que  ces  symboles  ont  bien  pu  signifier  la  ré- 
surrection et  la  rénovation. 

.«  Ainsi,  dans  mon  opinion,  le  soleil  et  la  lune  sont  le  plus  souvent  l'image 
de  Jésus-Christ  et  de  la  sainte  Vierge;  mais  à  une  certaine  époque,  leur  em- 


■I .  «  Et  vidi  angelum  descendentem  de  cœlo...  et  apprcliendit  draconem ,  serpentem  ;m(iiiiuim , 
qui  est  diabolus  et  Satanas,  et  ligavit  eum  per  annos  mille.  »  Jpocalyp.,  xx,  I  et  2. 
î.  Willem.  Tyr.,//i.v^,  1.  1,  c.  8. 

3.  D.  Vaissette,  Hisl.  du  Languedoc,  t.  ii,  p.  86,  90.  157. 

4.  «  Erat  enim  instar  ac  si  mundus  ipse  excutiendo  semet,  rejecta  vetustate,  passim  candidaiii 
ecclesiaruïii  vestem  indueret.  «  Glabri  Radulpti.,  Hist.,  1.  m,  c.  i. 

5.  «  Statim  autom  post  tribulationem  dierum  illorum,  sol  obscurabitur,  et  luna  non  dabit  lumen 
suuii),  et  Stella;  cadent  de  cœlo...  »  S.  Math.-  xxiv,  29. —  «  Sed  in  illisdiebus,  post  tribulationem 
illam,  soi  conlenebrabitur  et  luna  non  dabit  splendorem  suum.  »  S.  Marc,  xiii,  '2i,  23.  -  «  Et 
erunt  signa  in  sole  et  luna  et  stellis."  S.  Luc,  xxi,  23. — «  Et  vidi  cum  aperuisset  sigillum  sextum. 
El  ecce  Icrrœ  motus  magnus  factus  est,  et  sol  factus  est  niger  tanquam  saccus  cilicinus,  et  luna 
tola  fada  est  sicut  sanguis..."  Jpocahjp.,  \i,  12.  —  «  Et  quartus  angolus  tuba  cecinit,  etpercussa 
est  terlia  pars  solis,  et  tertia  pars  lunse,  et  teitia  pars  stellarum  :  ita  ut  obscurarelur  (ertia  pars 
eorum ,  et  dioi  non  luceret  pars  tertia,  et  noctis  similiter.  »  Idem  ,  viii .  I  2. 


MELANdES   ET  NOUVELLES.  57 

ploi  acquit  uno  2;ranil(^  oxliMisinn  on  raison  diin  l'ait  qui  ont  une  inllnoncc 
immense  sur  les  ind'nrs,  k>  aris  cl  les  xii  iko  ' .  '< 

Cotle  explication  de  M.  l$arlliclcm\  nous  scmlilo  troj)  ini^cnieusc;  nous 
ne  pouvons  en  adopter  (in'unc  partie.  Si  le  soleil  el  la  lune  sont  toujours 
figurés  sur  les  ciurilitîini'nls,  c'est  jiour  monlrrr  (jue  le  niailn-  du  iii(ind(( 
vient  d'expirer,  el  ([ue  la  création  dont  il  est  l'auteur  doit  itleuicr  sa 
mort.  Le  soleil  et  la  lune  personnifient  la  nature  en  tpieUpie  sorte.  Ouand 
nous  voyons  ces  astres  sur  des  sceaux  dont  le  champ  est  occupé  |)ar  un  roi 
sur  son  trône,  c'est  pour  montrer  que  ce  roi  est  véritablement  le  maître, 
le  souverain  du  pa\s  iKuiinic  sni'  la  Icucndc  du  sceau.  (Icla  est  si  \rai  (pie, 
(piand  un  loi  a  des  droits  ou  des  prclcnlious  siii-  deux  pays  dilTerents, 
connue  Hicliard-Canir-de-l.ion  eu  avait  sur  l'Antileterre  cl  la  l'Yance,  on 
ne  se  contente  pas  de  taire  luiller  un  seul  soleil  el  une  seule  lune  au-dessus 
de  sa  tète,  mais  on  lui  donne  deux  soleils  et  deux  lunes.  Vo\e/, ,  a  !'('( oie 
des  Beaux-Arts,  dans  la  salle  où  est  exposée  la  collection  moulée  jiai  M.  de 
Paulis,  un  sceau  de  Richard-Conir-de-Lion  où  existe  cette  particularité. 
Constance,  comtesse  de  Saint-Gilles,  sœur  de  Louis  Vli,  fut  reine  au  même 
litre  que  son  frère  était  roi  de  France.  Le  sceau  qui  la  représente,  au  lieu 
d'être  ovale  comme  les  sceaux  des  femmes,  est  rond  comme  ceux  des 
hommes;  Constance  est  une  femme-roi.  Klle  est  assise  et  non  del)out;  elle 
trùne  comme  un  roi.  A  la  main  dmite,  elle  porte  le  globe  surmonté  de  la 
croix;  à  la  gauche,  elle  ap[)uie  une  croix  sur  son  cœur.  Près  de  sa  tète  ,  à  sa 
droite,  flamboie  un  soleil  à  sept  raies;  à  sa  gauche,  la  lune  cl'lile  son  crois- 
sant. Sur  les  sceaux  des  communes,  sur  celui  de  la  commune  de  Lyon  ,  de 
1271,  sur  celui  de  la  commune  de  Valenciennes,  de  12'JO,  on  voit  le  soleil  el 
la  lune,  parce  que  les  communes  sont  mailresses,  sont  reines  chez  elles,  et 
qu'elles  jouissent  en  quelque  sorte  de  la  plénitude  de  l'autorité  souveraine. 
Voyez  encore  la  précieuse  collection  de  ^L  de  Paulis.  Le  sens  de  ce  fait  nous 
paraît  hors  de  doute. 

A  |)ropos  de  soleil  (!t  de  hwH!,  nous  devons  consigner  ici  l'observation  sui- 
vante ipi  a  bien  voulu  nous  envoyer  M.  l'abbe  l.aii.Lrlct ,  piètre  de  Paris,  et  à 

1.  Pour  cviler  de  trop  nombreuâcs  citations,  je  me  contenterai  de  renvoyer  à  (iiielques  dessin.-- 
qui  viennent  à  l'appui  do  ce  qui  fait  l'olijet  de  celle  lettre  :  t"  un  grand  nombre  d'Abraxas  des  pre- 
miers siècles  (Monlfaucon,  iv,  362);  i"  une  miniature  du  xvi'  siècle,  représentant  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esprit  entourés  d'une  gloire  et  posés  sur  un  croissant  (Uidron,  Icon.  chr.,  159); 
•>  une  sculpture  du  xiv  siècle  dans  laquelle  Jésus-l'.lirist,  dans  une  niche,  a  au-dessus  de  sa 
tète  le  soleil,  la  lune  et  trois  étoiles  {Idem,  26);  le  sceau  du  Mont-Atlios,  où  l'on  voit  la  sainte 
Vierge  entre  un  cercle  et  un  croissant  ; -sur  sa  poitrine ,  est  Jésus- Christ  dans  une  auréole 
{Idem,  267). 

V.  8 


58  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

laquelle  nous  faisons  droit  avec  le  plus  grand  plaisir.  «  En  lisant  votre  pre- 
mier article  sur  le  mont  Athos,  j'ai  vu,  à  la  page  80  du  4'  volume,  que  vous 
croyiez  que  le  nom  du  prophète  Élie  était  grec  ,  et  que  vous  le. faisiez  dériver 
du  mot  toto;.  Vous  citez  même  à  l'appui  de  votre  opinion  saint  Matthieu, 
saint  Marc  et  saint  Luc;  tous  trois  en  effet  nomment  le  prophète  ù\mç,  mais 
avec  l'esprit  doux  et  une  terminaison  diflerente  du  mot  qui  signifie  soleil.  Si 
maintenant  vous  voulez  bien  vous  rappeler  (prÉlie  n'était  point  Grec,  et  que 
les  Israélites,  à  l'époque  où  il  vivait,  n'avaient  encore  eu  aucun  rapport  direct 
avec  les  Grecs,  vous  verrez  clairement  que  c'est  dans  la  langue  hébraïque 
qu'il  faut  chercher  l'élyniologie  du  mot  Élie.  Le  m'  livre  des  Rois  (c'est  le 
premier  dans  l'hébreu)  l'écrit  partout  Eliahv,  c'est-à-dire  la  réunion  du 
nom  Jéhovah  au  mot  qui  signifie  Dieu.  Vous  trouverez  en  effet  dans  toutes 
les  Bibles  latines  la  signification  Dpks  Dominus.  Je  ne  veux  pas  vous  accabler 
de  citations,  et  vous  montrer  que  les  textes  syriaque,  arménien,  etc.,  sont 
conformes  à  cette  étymologie;  je  n'ai  d'autre  intention  que  de  vous  prier  de 
rectifier  cette  légère  erreur.  » 

Scandale  à  propos  d'une  crosse  d'évêque,  —  M.  l'abbé  Michon  ,  auteur  de  la 
((  Statistique  monumentale  de  la  Charente  »,  correspondant  des  Comités 
historiques,  nous  écrit  : 

«  Monsieur,  je  viens  de  publier,  dans  la  18"  livraison  de  «  la  Statistique 
monumentale  de  la  Charente  »  la  crosse  d'un  évêque  d'Angoulôme,  dont  le 
travail  m'a  paru  dater  du  xiir  siècle.  La  découverte  et  la  publication  de  ce 
gracieux  objet  ont  été  suivies  de  circonstances  assez  singulières  pour  mériter 
de  fixer  un  moment  l'attention  des  graves  lecteurs  des  «  Annales  ».  Lorsqu'on 
fit,  il  y  a  trois  ans,  des  travaux  dans  le  caveau  funèbre  des  évoques  d'Angou- 
lôme, on  trouva  cette  crosse  dans  un  petit  coffre  de  plomb  avec  différents  dé- 
bris d'ornements  épiscopaux  et  quelques  ossements  que  l'on  croit  être  les 
restes  du  corps  du  comte  Jean,  aïeul  de  François  I".  La  précieuse  crosse  frappa 
tous  les  regards.  Au-dessus  de  la  poignée  se  trouve  un  large  anneau  à  saillies 
bosselées,  qui  ont  dû  être  ornées  de  pierres  fines  et  de  brillants.  De  cet  anneau 
sortent  des  feuillages  d'où  s'échappe  la  volute  qui  forme  la  crosse.  Celte  vo- 
lute, ornée  de  crochets  dans  son  développement  extérieur,  se  replie  sur  elle- 
niènie  en  feuillages  gracieux.  Du  milieu  de  cette  volute  s'élève  une  tige  ter- 
minée par  un  bouton  de  lys  non  développé.  Dans  le  centre  de  l'enroulement, 
un  ange,  debout,  les  pieds  appuyés  sur  la  volute  et  sur  la  tige  légèrement 
inclinée,  annonce  à  Marie  qu'elle  va  devenir  la  mère  du  Rédempteur.  La 
Vierge,  également  debout,  est  voilée,  et  sa  robe  lui  couvre  les  pieds;  elle 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  59 

écoute  les  paroles  de  l'aiiije.  Une  loni;iie  léi^ende  se  voit  sur  tout  le  dévelop- 
[MJiiu'ut  de  la  volute;  on  n'a  pu  lire  que  les  premiers  mots  :  ave  mahia  dei... 
GRATiA...  M.  l'inspecteur  des  monuments  historiques  delà  Charente,  témoin 
de  cette  intéressante  découverte,  demande  que  la  crosse  soit  retirée  du  coffre 
de  plomb.  Le  gracieux  tableau  de  l'Annonciation  lui  parait  offrir  une  parti- 
cularité bien  remaniuable  en  archéoiotçie;  il  croit  reconnaître  un  j)li<(llus  dans 
la  tiiie  qui  se  détache  de  la  volute. 

h  Grand  scandale!  vous  n'en  doutez  pas.  L'autorité  ecclésiastique  s'iu- 
quiète.  Klle  résiste  à  toutes  les  supplications  de  M.  l'inspecteur;  l'intervention 
de  M.  le  préfet  devient  inutile.  Ordre  est  donné  de  réenterrer,  d'enfouir  à 
jamais  avec  les  débris  |)oudrcnx  la  crosse  étrange.  Cependant,  par  une  der- 
nière grâce  demandée  instamment,  on  accorde  à  JM.  l'inspecteur,  qui  est  un 
habile  artiste,  la  permission  de  dessiner  la  jolie  crosse.  Ce  dessin,  envo\é  à 
Paris,  fut  admiré  des  connaisseurs.  Desilémarches  furent  faites,  de  haut  lieu, 
pour  obtenir  la  crosse  du  mo\en  âge  et  la  placer  au  musée  du  Louvre.  Les 
frayeurs  duraient  encore  ,  et  la  crosse  demeura  dans  le  caveau  funèbre. 

«  M.  Jules  Geynet,  qui,  depuis  quelque  temps,  s'était  démis  de  la  charge 
d'inspecteur  des  monuments,  eut  l'obligeance  de  m'offrir  son  dessin  pour  le 
publier  dans  «  la  Statistique  de  la  Charente  ».  Je  lui  déclarai  que  je  trouvais 
la  crosse  intéressante,  curieuse;  mais  que  le  symbolisme  qu'il  avait  cru  y 
apercevoir  n'y  était  nullement.  Je  lui  donnai  mes  raisons  (pii  nu;  parais- 
saient sans  réplique.  Il  n'en  fut  plus  cpieslion  dans  le  monde  religieux  et 
savant d'Angoulème.  Mais,  il  y  a  quinze  jours,  les  livraisons  de  la  «  Slalis- 
. tique  »  ont  paru  ;  elles  ont  présenté  aux  regards  la  crosse  malencontreuse. 
L'explication  de  M.  l'inspecteur,  que  je  croyais  oubliée,  s'est  réveillée  dans 
quelques  mémoires,  et  l'on  m'écrit  : 

«  Je  regrette  que  vous  ayez  cru  de\oir  donner  le  dessin  de  la  crosse  de 
«  l'évèque,  travail  d'ailleurs  peu  imjiortant  sous  le  rap|)ort  de  l'art,  et  désor- 
«  mais  enfoui  dans  une  tondje  qu'il  est  à  souhaiter  que  l'on  ne  viole  plus. 
«  L'impossibilité  de  vérifier  un  monument  si  grotesque  ou  si  naïf,  auquel  un 
«crayon  peu  fidèle  a  peut-être  ajouté,  la  dépravation  ou  la  prudence  de 
('  noire  siècle,  qui  sont  grandes,  ont  fait  regretter  à  beaucoup  de  personnes, 
«  qui  portent  un  intérêt  véritable  à  votre  œuvre,  que  vous  ayez  publié  ce 
«  dessin.  Qu'allez-vous  faire  à  préseBt?  Y  joindrez- vous  une  explication  cri- 
((  tique  et  raisonnée,  et  dircz-vous  trop  ou  trop  peu?  Ce  sera  délicat.  Je  ne 
(f  suis  pourtant  pas  en  peine  de  vous,  et  vous  saurez  Itien  vous  en   tirer.  » 

«  Ma  réponse  est  toute  prête,  et  certes  la  lùche  n'est  pas  diflicile.  Le  musée 
du  Louvre  possède  deux  ou  trois  crosses  du  moyen  âge,  qui  ont  des  sujets 


(50  ANNALES  ARCHÉOLOGIQI'ES. 

analogues.  Ce  sont  des  objets  inlininienl  gracieux  el  très-rares.  Celui  d'An- 
goulènie  a  le  même  mérite,  et  c'est  bien  donmiage  qu'il  reste  enfoui  en  pure 
porte,  livré  à  l'oxidation,  pendant  qu'il  ferait  l'ornement  du  musée  delà 
ville  où  il  se  trouve,  ou  même  du  musée  royal  de  Paris.  S'il  y  a  quelque  sym- 
bolisme dans  cette  tige  de  fleur  non  épanouie,  qui  se  détache  de  la  volute, 
c'est  celui  de  la  fleur  de  jessé,  dont  parlent  les  prophètes,  gn  devait 
SORTIR  DE  SA  RACINE,  et  figurer  le  Sauveur  du  monde  ;  mais,  pour  l'interpré- 
tation bizarre  cpii  a  été  d'abord  hasardée,  je  dois  dire  que  le  symbolisme 
païen  du  plmllus  était  aussi  inconnu  en  Europe,  aux  artistes  du  xiif  et 
du  XIV'  siècle,  que  le  sanscrit  et  les  lettres  runiques.  Des  hommes  d'un 
incontestable  talent,  el  dont  la  parole  fait  autorité,  ont  déjà  disculpe  plu- 
sieurs fois  le  moyen  âge  de  l'absurde  accusation  de  s'être  complu  dans  des 
représentations  dont  s'effarouche  notre  délicatesse.  Je  suis  heureux  de  m'as- 
socierà  leurs  efforts  pour  achever  de  détruire  ce  système  d'interprétation,  qui 
veut  que  le  paganisme,  avec  ses  fables  et  son  symbolisme  grossier,  ait  conti- 
nué de  dominer  l'art  et  de  l'inspirer.  C'est,  dans  l'appréciation  de  l'histoire 
de  l'art  au  moyen  âge,  l'erreur  la  plus  grande  qui  puisse  être  soutenue. 
Plusieurs  fois  les  »  Annales  Archéologiques  »  en  ont  fait  justice,  et  l'heure 
(;st  déjà  venue  où  la  symbolique  de  nos  pères  ne  nous  apparaît  plus  qu'en- 
tourée d'une  auréole  de  pudeur,  de  grâce  virginale,  même  quand  cette  au- 
réole est  le  moins  voilée.  Quoique  je  n'aie  pas  partagée  l'opinion  émise 
d'abord  sur  cette  crosse,  je  n'en  suis  pas  moins  heureux  de  rendre  hommage 
au  zèle  de  M.  Jules  Geynet  pour  sauver  de  l'oubli  ce  précieux  travail.  Je  le 
remercie,  au  nom  des  hommes  de  la  science,  de  nous  avoir  conservé  au 
moins  l'image  de  l'objet  qu'il  n'a  pas  pu  arracher  à  des  frayeurs  un  peu  trop 
scrupuleuses. 

«  Agréez ,  etc. 

(iJ.-H.    MICHOX.  I) 

Nous  avons  sous  les  yeux  le  dessin  de  celte  crosse  au  moment  où  nous 
lisons  là  lettre  de  M.  Michon,  et  nous  ne  comprenons  pas  en  vérité  (ju'on  ait 
vu  dans  celte  Annonciation,  qui  ressemble  à  mille  autres  ciselées,  sculptées, 
menuisées,  peintes,  émaillées,  la  moindre  naïveté,  la  moindre  inconvenance. 
A  la  lin  du  xviii'  siècle,  un  acteur  du  Théâtre-Français,  libertin  par  habitude, 
dessinateur  par  occasion,  et  timbré  de  naissance,  fit  un  voyage  en  France, 
dans  les  provinces  méridionales.  Il  s'arrêta  principalement  à  IMarseille  et 
Arles,  et  se  mil  à  dessiner  les  sarcophages  chrétiens,  en  marbre  blanc,  si 
nombreux  dans  ces  deux  villes.  Ces  dessins,  grâce  à  l'oblige^ance  de  M.  Al- 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  (il 

bon  I.onoir,  auxquels  ils  apparlirniiont,  ont  l'to  mis  à  notre  disposition,  cpiol- 
que  temps  après  un  voyaiio  i\\\v  nous  a\ions  fait  nous-mt^mc  ilans  le  midi 
de  la  France.  Nous  fûmes  bien  étonné,  en  nijardanl  ees  incroyables  images, 
de  voir  des  scènes  inlï\nies  de  débnuilio  là  où  nous  avions  vu,  étudié,  décrit, 
des  scènes  évangéliques  de  la  plus  .idorable  chasteté.  Comme  un  liominc  (pii 
se  met  sur  le  nez  des  lunettes  bleues  ou  vertes  aperçoit  tous  les  objets  d(>  la 
couleur  de  ses  verres,  Beaumesnil  avait  vu,  à  travers  sa  Iubri(pie  imagina- 
tion, des  lubricités  dans  l'AiiiKuicialidii,  1,1  Visilalioii,  l'Aildialion  des  mages, 
l'Entrée  à  Jérusali'm,  \c  (Irurilicincnl,  l'Ascensidu;  dans  la  cliuto  trAilam,  le 
meurtre  d'Abel  cl  la  iudi  t  di'Oolialli.  A\ec  ime  forme,  retranchée  ici  et  ajoutée 
là,  avec  une  ondjreà  droite  et  un  clair  à  gauche,  il  était  parvenu  à  tout  trans- 
former. L'Adoration  dos  mages  s'était  changée  en  unescèneinlàuKMiue  le  paga- 
nisme lui-même  n'avait  pas  rêvée.  Revenu  à  Paris,  Beaumesnil  tiou\a  des  ar- 
chéologues ai)i>artenant  à  l'école  de  Voltaire,  do  Dulaure,  de  .Millin,  de  Dupuis 
etdeParny,  qui  crurent  à  ces  représentations,  en  tirent  l'objet  de  leur  élude,  et 
trouvèrent  que  l'iconographie  elHvti(Mine  elait  fort  étrange.  Le  paganisme,  à 
ces  gens  là,  paraissait  bien  plus  chaste  (pie  le  christianisme;  Jupiter  était  un 
saint  en  comparaison  de  Jean-Baptiste,  et  Vénus  une  i'c/7i(  relativement  à  toutes 
les  vierges  chrétiennes.  Ces  insensés  ne  sont  pas  morts  sans  enfants,  et  certains 
antiquaires  de  notre  époque,  qui  pourraient  bien  faire  partie  de  plusieurs  Aca- 
démies de  province  et  môme  de  Paris,  voient  et  pensent  comme  voyait  Beau- 
mesnil et  pensait  Parny.  Nous  ne  connaissons  pas  le  dessinateur  de  la  crosse 
d'Angoulème;  mais  cet  artiste  était  évidemment  indis[)Osé  (juand  il  a  pu 
.penser  et  dire  que  cette  histoire  derAnnoneialion,  fondue  et  ciselée  sur  cette 
crosse,  était  une  scène  inconvenante.  M.  (ieynel  mérite,  à  n'en  pas  douter, 
l'éloge  que  M.  Michon  en  fait;  mais  il  regrettera  d'avoir  émis  contre  toute 
preuve  et  toute  évidence  une  opinion  aussi  étrange.  Ce  tpu  nous  élomie  au 
delà  de  toute;  expression,  c'est  que  le  clergé  d'Angoulème  ail  paru  |)artager 
cette  opinion,  et  il  l'a  partagée,  puisqu'il  a  refusé  de  montrer  plus  longtemps 
cette  crosse  dont  il  a  ordonné  l'enfouissement.  On  ne  craint  [uis  plus  un  chien 
enrage  qu'on  n'a  redouté  le  crosse  d  un  saint  évéque  d'Angoulème.  Le  sin- 
gulier temps  que  le  nôtre  en  vérité  ;  et  combien  les  gens  de  saine  raison  sont 
encore  rares!  Quoiqu'il  en  soit,  la  tige,  qui  s'élève  entre  l'archange  Gabriel  et 
la  vierge  Marie,  est  tout  simplement  un  des  trois  rinceaux  qui  composent  la 
volute  de  cette  crosse;  l'autre  rinceau  retond)e  sur  la  hampe  au  lieu  de  s'éle- 
ver; le  troisième  va  mordre  la  volute,  à  la  naissance  mémo  de  la  courbe.  Celte 
crosse  est  entièrement  semblal)lc  à  colles  qui  enrichissent  le  Musée  du  Louvre, 
le  .Musée  do  l'hôtel  Cliu)\ ,  les  collections  d<;  .M.M.  Labarle,  Carrand  et  de  Pour- 


62  ANNALES  ARCHÉOLOG [QUES. 

talés;  à  celles  qu'on  voit  à  la  bibliothèque  publi(]ue  de  Versailles;  à  celle 
qu'on  a  trouvée  dans  le  tombeau  d'Ilervée  de  Troyes,  en  métne  temps  que  le 
calice  dont  nous  avons  donné  la  gravure.  C'est  le  môme  style,  la  même  forme, 
la  même  époque.  Ici  c'est  l'Annonciation,  là  le  couronnement  de  la  Vierge, 
ailleurs  Marie  tenant  Jésus,  ailleurs  encore  le  jugement  dernier  et  vingt  autres 
sujets,  sans  compter  ceux  que  la  fantaisie  ou  le  symbolisme  ont  créés,  et 
tous  ces  sujets  se  reproduisent  sur  les  sculptures,  les  vitraux,  les  peintures 
murales,  les  miniatures,  l'orfèvrerie  de  la  même  période  qui  est  la  fin  du 
xii"  siècle  et  tout  le  xiii°.  Nous  espérons  bien  que  l'autorité  ecclésiastique  d'An- 
gouléme,  revenue  aux  saines  doctrines  de  l'archéologie  et  adoptant  les  rai- 
sons du  bon  sens,  déterrera  cette  belle  crosse  et  la  placera  avec  honneur  dans 
un  Musée  archéologique  diocésain,  ainsi  que  monseigneur  l'évêque  deTroyes 
vient  de  placer  dans  son  palais  épiscopal  la  crosse  de  l'évêque  Hervée.  Ce  n'est 
pas  à  Paris,  à  la  Bibliothèque  Royale,  ni  au  Louvre ,  ni  à  l'hôtel  Cluny  que 
cette  crosse  doit  venir;  c'est  à  Angoulème  qu'elle  doit  rester  et  dans  une  salle 
de  l'évêché  qu'elle  doit  être  déposée.  Il  faudrait  qu'elle  servît  de  noyau  à  un 
Musée  d'archéologie  chrétienne.  Nous  espérons  que  M.  Michon  obtiendra  ce 
résultat,  et  nous  le  félicitons  d'avoir  publié  cette  crosse  dans  son  importante 
«  Statistique  monumentale  de  la  Charente  »  qui  est  arrivée  déjà  à  la  vingtième 
livraison. 

Démolition  de  la  flhlie  de  Saint-Denis.  —  La  Chambre  des  pairs  vient  de 
voter,  sans  mot  dire,  les  A5,000  fr.  demandés  pour  payer  la  démolition  du 
clocher  de  l'église  de  Saint-Denis;  mais  voici  la  discussion  de  la  Chambre  des 
députés.  Nous  attendions  davantage  encore  de  M.  Ferdinand  de  Lasteyrie; 
mais  nous  ne  savions  pas  que  MM.  Deslongrais,  Guyet-Desfonlaines  et  Fran- 
çois Delessert  fussent  autant  des  nôtres;  que  ces  messieurs  en  reçoivent  nos 
remercîments.  A  la  prochaine  législature,  nous  l'espérons,  l'archéologie  sera 
dignement  représentée  à  la  Chambre  des  députés,  comme  elle  l'est  noblement 
à  la  Chambre  des  pairs;  le  présent  nous  présage  un  très-bel  avenir.  M.  le 
ministre  des  travaux  publics  tient,  comme  on  le  verra,  à  ce  que  la  trombe  de 
Monville  ait  crevassé  le  clocher  de  Saint-Denis;  toutefois,  il  paraît  avoir  aban- 
donné l'idée  que  les  tremblements  de  terre  de  Lisbonne  et  de  la  Guadeloupe 
ont  préparé  la  ruine  que  la  secousse  de  Monville  aurait  déterminée.  M.  Debret 
ne  doit  donc  être  satisfait  de  M.  Dumon  qu'à  moitié. 

Voici  la  discussion  soutenue  à  la  Chambre  des  députés  dans  la  séance  du 
17  juin  dernier;  c'est  dans  le  «  Moniteur  universel  »  du  18  juin  1846,  aux 
pages  1819  et  1820  que  nous  la  prenons  textuellement. 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  63 

«M.  le  prosident  Saiizct  lit  rarlirlo  du  pmjot  do  loi  relatif  au  rioclier  de 
Saint-Denis  : 

«  Art.  10.  l"ne  somme  de  V.'i, ()()()  francs  est  affectée  aux  travaux  de  démo- 
((  lilion  du  clocher  de  l'église  de  Saint  Denis.  .) 

«  M.  Deslongrais.  Messieurs,  je  ne  peux  pas  laisser  passer  l'article  con- 
cernant l'église  de  Saint-Denis,  sans  présenter  quelques  observations  à  la 
Chambre.  Vous  vous  rappelez  tous  qu'il  y  a  quelques  années,  la  flèche  de 
l'église  de  Saint-Denis  fut  frappée  par  la  foudre;  un  crédit  considérable  fut 
accordé  au  gouvernement  pour  la  faire  réédifier.  La  reconstruction  a  eu  lieu, 
et  maintenant  il  se  produit  ce  fait  extraonlinain'  :  c'est  que  tant  (pie  la  llèche 
avait  été  vieille,  elle  s'était  parfaitement  conservée;  dès  qu'elle  est  nouvelle- 
ment faite,  elle  ne  peut  plus  se  soutenir.  ( Mouvement.)  Il  me  semblait  que  le 
premier  devoir  de  la  conunission  eût  été  de  rechercher  comment  et  pourquoi 
on  se  trouvait  réduit  à  la  nécessité  de  démolir  la  flèche  de  Saint-Denis.  J'ai 
fiiit,  dans  le  rapport  de  la  commission,  les  investigations  les  plus  minu- 
tieuses pour  savoir  si  elle  s'était  préoccupée  de  cette  question  inq)ortante. 
Voilà  la  seule  phrase  qui  se  trouve  dans  le  rapport  sur  cet  objet  ;  elle  est  de 
nature  à  étonner  la  Chambre  et  à  fixer  son  attention  :  (f  Les  travaux  de  con- 
«  struction  de  celte  flèche  ont-ils  été  conduits  avec  toute  la  prudence,  avec 
«  tout  le  soin,  avec  toute  la  précaution  nécessaires.'  C'est  ce  qu'il  n'a  pas  été 
(f  donné  à  votre  commission  de  rechercher  et  de  constater.  »  Je  conçois  bien 
une  chose,  c'est  que  la  commission  n'ait  pas  pu  constater  la  cause  du  mal; 
mais  qu'elle  n'ait  pas  su  la  rechercher!  j'avoue  que  je  ne  le  comprends  pas. 
Quelle  était,  en  effet,  la  première  pensée  qui  devait  se  présenter  à  l'esprit 
des  membres  de  la  commission.'  (^elle-ci ,  à  mon  avis  :  Comment  se  fait-il 
qu'un  ouvrage  qui  vient  d'être  terminé  menace  ruine,  et  f]u"il  faille  le  démo- 
lir'.' A  qui  doit-on  s'en  prendre,  aux  vices  de  la  construction  ou  à  la  nature 
des  choses?  La  responsabilité  de  l'administration  ou  de  ses  agents  est-elle  à 
couvert?  Toutes  les  mesures  conservatoires  des  droits  de  l'État  ont-elles  été 
prises?  Eh  bien!  toutes  ces  investigations  naturelles  et  .obligées  paraissent 
avoir  été  négligées.  Il  y  a  lieu  d'en  être  au  moins  étonné.  Comment,  mes- 
sieurs, c'est  dans  un  délai  moins  grand  que  celui  qu'impose  le  Code  civil 
pour  une  construction  quelconcjue  qu'on  se  trouve  dans  la  nécessité  de  dé- 
molir un  ouvrage  comme  la  flèche  de  Saint-Denis,  et  aucunes  des  formalités 
qui  pouvaient  sauvegarder  les  intérêts  de  l'État  ne  paraissent  avoir  été  rem- 
plies! Je  dis  que  le  premier  devoir  du  gouvernement  était  de  faire  rechercher 
[>ar  une  commission  spéciale,  ou  partout  autre  moyen  qu'd  aurait  jugé  con- 
venable, quelles  étaient  les  causes  qui  pouvaient  faire  qu'un  travail  qui  venait 


64.  ANNALKS  ARCHEOLOu  lOU  ES. 

d'être  exécuté  était  à  détruire;  il  devait  y  avoir  lieu  à  une  responsabilité 
queiconcjue,  ou  celle  de  l'architecte,  ou  le  défaut  de  surveillance,  ou  la  res- 
ponsabilité de  l'entrepreneur,  ou,  enfin,  la  preuve  que  les  vices  qui  s'étaient 
manifestés  ne  pouvaient  être  attribués  ni  aux  uns  ni  aux  autres.  Je  m'étonne 
que  la  commission,  en  présence  du  crédit  demandé,  et  qui  n'est  qu'un  cré- 
dit |)rovisoire,  n'ait  pas  reclierclié  tous  les  documents  qui  pussent  la  mettre 
à  même  de  justifier,  aux  yeux  de  la  (Chambre,  que,  si  on  était  dans  la  nécessité 
de  faire  une  nouvelle  dépense,  tous  les  soins  avaient  du  moins  été  pris  pour 
l'éviter  au  trésor;  (pie  toutes  les  responsabilités  étaient  dégagées,  celle  de 
l'architecte  comme  celle  de  l'administration.  Que  ce  qui  n'a  pas  été  fait  dans 
le  rapport  le  soit  à  la  tribune,  je  le  veux  bien;  mais  que  des  explications 
satisfaisantes  soient  enfm  données  sur  ce  fait  extraordinaire,  soil  par  le  gou- 
vernemeiil,  soit  par  la  commission,  ou  (jue  la  responsabilité  en  retombe  sur 
qui  de  droit;  car  on  n'avait  jamais  vu  un  tel  abandon  des  plus  simples  prin- 
cipes d'une  bonne  adminislration,  et  de  la  conservation  des  droits  et  des  inté- 
rêts publics.  )) 

«M.  Oger,  rapporteur.  Je  viens  repousser  le  reproche  adressé  à  votre 
commission.  Non,  messieurs,  elle  n'avait  point  à  rechercher  par  quelles 
causes  il  était  devenu  nécessaire  d'opérer  la  démolition  du  clocher  de  l'église 
de  Saint-Denis.  Votre  commission  s'est  transportée  sur  les  lieux  ;  elle  a  reconnu 
que  des  fissures  considérables  s'étaient  manifestées,  et  qu'il  y  avait  un  danger 
imminent  pour  la  sûreté  publique.  Le  danger  avait  rendu  nécessaire  une 
doul)le  opération,  celle  du  remplissage  des  baies,  pour  consolider  les  piles; 
et  l'autre,  l'établissement  d'un  chaînage  en  bois  et  en  fer,  pour  prévenir 
l'écroulement  des  angles  extérieurs  de  la  tour.  Les  choses  en  étaient  venues  à 
un  tel  point  qu'il  a  fallu  entreprendre  la  dépose  de  la  flèche.  C'est  pour  ac- 
quitter cette  dépense,  que  le  crédit  de  45,000  fr.  est  demandé.  S'il  avait  été 
question  d'un  crédit  pour  reconstruire  le  clocher,  votre  commission  aurait  eu 
la  mission  d'examiner,  de  constater  les  causes  qui  ont  produit  l'écrasement 
de  la  tour.  Mais,  encore  une  fois,  il  ne  s'agissait  que  d'acquitter  les  dépenses 
de  dépose  du  clocher.  Mais  votre  commission  a  pensé  qu'on  s'occuperait  un 
jour  de  la  reconstruction  du  clocher,  et  alors  elle  a  ap|)elé  l'attention  la  plus 
active  de  M.  le  ministre  des  travaux  publics  sur  l'état  de  la  tour.  Elle  l'a  en- 
gagé à  bien  faire  étudier  l'état  de  cette  tour,  par  les  personnes  les  plus  com- 
pétentes, |)our  savoir  si  elle  pourra  supporter  la  charge  qu'on  voudrait  lui 
imposer.  Dans  un  tel  état  de  choses,  votre  commission  n'avait  [loint  à  portei' 
ses  investigations  sur  des  points  autres  que  ceux  qu'elle  a  examinés.  » 

(f  M.  GuYET-Diîsi'-oNTAiXEs.  (]e  ne  peut  [)as  être  là  une  réponse  sérieuse  de 


MKI.AN(ii:S   KT   NorVKI.I.KS.  65 

la  [Kilt  (l'une  comiiiission  de  la  (lliariiltic.  ComincMl  !  il  v  a  i]\i('l(iii(>s  anii('"(>s, 
des  i'oiuls  sont  volés  par  la  ('.liainhrc  |)(mr  rciiu'dier  à  un  i,'iaii(l  (lésaslrc;  ces 
t'oiulssonl  (Miiployés,  et,  peu  après,  (lt>  iiDiiveaiix  foiiils  sont  deinaiides  pour 
dt'linire  it  cpii  a  elc  l'ait;  et  l()rs(|iie  (piehiu'im  .  dans  celle  asseinlilee,  se 
le\e  cl  deinando  à  la  coinniission  si  elle  s'est  en(piis  des  causes  il'iin  aussi 
mauvais  état  de  choses,  et  d'une  destruction  qui  a  uc'cessité  celle  nouvelle 
demande,  la  conunission,  avec  un  calme  que  j'admiie  ,  vniil  dire  (pi'eilr 
n'avait  pas  à  s'enquérir  des  causes  du  domuiai;^!  Kn  xeiilé,  inessieur>,  il  e>l 
curieux,  à  la  lin  de  nos  Iraxaux,  (pie  nous  en  sosnns  \enus  à  c(;t  excès  de 
couq)laisance  ,  (pie,  elia(]ue  l'ois  (pi'oii  nous  deinande  de  l'argent,  nous  nous 
<Mnpressions  d'ouvrir  la  lu  un  se  di^s  contril)ua!)les  sans  avoir  à  demander 
pourquoi  nous  l'ouvrons  1 

«  M.  LE  Ministre  des  Tkavaix  i'I^blics.  I.a  (lliainlire  se  souvient  peut-(''lre 
qu'en  18^7  la  n('clie  de  Saint-Denis  fut  atleinti'  pai-  la  foudre.  Itiinieilialenient, 
le  ijouxernement  demanda  un  crédit  pour  reconstruire  la  |)ortion  de  la  lléclie 
que  la  foudre  a\ait  dégradée.  A  celle  épo(pie,  la  tour  (pii  sert  de  sii|)poi1  à 
la  flèche  l'ut  examinée  par  les  iicns  de  l'art  et  reconnue  capable  de  supjtortor 
la  nouvelle  (leeiie  qu'il  s'aiiissail  de  construire,  (^elte  lleche  a  élé  construite; 
elle  a  été  parfait(Mnent  construite;  ce  n'est  pas  la  llèchc  (]ui  (^st  dans  un  elal  de 
dégradation. 

u  M.  (il  VET-l)i:sroNT.\iNi:s.  Les  nialériaux  sont  trop  lourds  prohahlemenl  I 

((  .M.  le  >iiMSTKE.  Les  matériaux  de  la  lleche  étaient  excellents. 

«  M.  CiUVET-Desi-ontainks.  Ils  sont  trop  lourds,  ils  sont  trop  bons! 

«  M.  LE  MiMSTUE.  La  construction  de  la  ll('clie  était  excellente;  mais  il  est 
arrivé  que  la  tour  de  Saint-Denis,  di'jà  très-ancienne,  d(;jà  fatiguée  par  de 
graves  accidents,  a  menace  ruine,  comme  menacent  ruine  les  tours  de  tous 
nos  vieux  édifices.  Kn  1  8'i  'i ,  j'ai  \  isité  l'église  de  Saint-Denis,  et  j'ai  aperçu, 
dès  celle  époque,  des  lézardes  dont  j'ai  recommandé  de  suivre  Irès-exactc- 
menl  les  progrès.  Ces  progrès  ont  été  tr(''s-grands  depuis  l'orage  qui  a  éclaté 
sur  la  vallée  de  Monville  rire  et  bruit  sur  ipielques  bancs),  et  qui,  coniiiie  la 
Chambre  s'en  souvient,  fut  renianpié  à  Paris;  les  lézardes  ont  (Hé  croissant 
depuis  cette  épo(|uc.  Les  rapports  de  l'architecte,  de  l'inspecteur  de  l'édilice 
ont  atlir(''  mon  alliMition  >iir  un  mal  imminent;  le  conseil  des  btitinienls 
civils,  à  ma  demande.,  >'esl  transporté  en  corps  sur  les  lieux;  il  en  a  vérifié 
l'élat  ;  il  a  reconnu  qu'il  y  avait  péril  dans  l'état  de  choses  et  qu'il  importait 
de  déposer  la  flèche.  C'est  ce  travail  (jui  a  élé  coniinence  d'urgence;  il  n'était 
pas  possible  d'allendre  siins  s'exposer  aux  plus  grands  dangei's  ,  et  c'est  pour 
payer  ce  travail  (pie  j'ai  l'Iionneui  de  demandei  un  eicdil  a  la  (!iiainbre.  La 
V.  tf 


66  ANNALES  AHCHÉOLOGIQUES. 

(]hainl)ie  voit  donc  que  ce  n'est  pas  dans  la  mauvaise  construction  de  la  flèclie 
que  le  mal  réside;  qu'il  réside  dans  le  dépérissement,  dans  la  dégradation 
successive,  qui  est  l'œuvre  du  temps  et  des  accidents,  de  la  tour  qui  lui  servait 
de  support.  Dès  que  la  démolition  aura  été  complétée,  que  l'état  des  lieux 
aura  été  attentivement  examiné,  la  Cliand)re  pourra  discuter  la  question  à 
fond,  lorsque  je  lui  apporterai  un  projet  de  loi  pour  la  reconstruction  de  la 
llèclie, 

((  M.  Ferdinand  de  Lasteyrie.  Je  demande  pardon  à  la  Chambre  de  prendre 
la  parole  dans  une  question  qui,  cette  fois,  ressemble  beaucoup,  pour  celui 
qui  parle,  à  une  question  de  clocher.  (Rires  bruvants.)  La  commission  a  été 
l'objet  de  reproches  assez  graves.  Je  demande  à  la  Chambre  deux  minutes  de 
son  attention ,  à  la  lois  pour  disculper  la  commission ,  et  pour  répondre  à  M.  le 
ministre  des  travaux  publics.  Quant  à  la  commission ,  on  lui  a  reproché  de 
n'avoir  pas  constaté  les  causes  du  mal.  Mais  M.  Deslongrais  lui-même, 
demandant  avec  beaucoup  de  raison  quelles  étaient  ces  causes,  faisait  renmr- 
(juer  que  c'était  là  la  mission  d'une  commission  spéciale.  Or  la  commission 
de  la  Chambre  n'était  pas  une  commission  spéciale  ;  elle  n'avait  pas,  elle  ne 
pouvait  pas  avoir  les  notions  scientifiques  nécessaires  pour  reconnaître  les 
vices  de  construction.  Ce  qu'elle  avait  à  constater,  c'était  l'urgence  des  travaux 
pour  lesquels  on  réclamait  une  allocation  de  fonds.  Cette  urgence  était 
malheureusement  évidente.  Il  y  avait  un  tel  péril  dans  la  demeure  que,  s'il 
l'avait  fallu  ,  l'un  des  membres  de  la  commission  aurait  demandé,  au  nom  de 
ses  commettants ,  qu'on  passât  outre  et  qu'on  votât  immédiatement  l'allocation 
qui  était  nécessaire.  Maintenant ,  cet  étal  déplorable  de  la  flèche  de  Saint- 
Denis,  manifesté  si  peu  de  temps  après  sa  construction  ,  est-il  un  fait  absolu- 
ment fortuit,  et  ne  doit-il  être  l'objet  d'aucun  blâme?  Voilà  ce  que  je  ne  suis 
pas  prêt  à  croire.  M.  le  ministre  disait  tout  à  l'heure  que,  lors  de  la  recon- 
struction de  la  flèche,  on  avait  fait  préalablement  examiner  l'édifice;  qu'on 
avait  construit  ensuite  la  flèche  dans  les  meilleures  conditions  possibles  avec 
de  très-bons  matériaux ,  et  que  ce  n'était  que  postérieurement  que  la  tour 
avait  fléchi ,  subissant  en  cela  le  sort  d'un  grand  nombre  de  monuments 
anciens.  Je  ferai  remarquer  ici  qu'il  est  assez  singulier  que  la  tour,  parfaite- 
ment solide ,  selon  la  vérification  faite  en  1 838  ou  en  1 839  ,  ait  menacé  ruine 
tout  à  coup  en  1843  et  en  1844,  et  que  ce  manque  de  solidité,  qui  échappait 
à  l'investigation  toute  spéciale  des  architectes,  ait  sauté  aux  yeux  de  M.  le 
ministre  qui  n'est  pas  spécial  en  celte  matière,  lorsqu'il  alla  trois  ou  quatre 
ans  après  visiter  l'édifice.  Le  fait  est  que  les  vérifications  n'ont  pas  été  faites, 
j'en  suis  malheureusement  convaincu ,  avec  tout  le  soin  qu'auraient  réclamé 


mi:  LAN  ('.ES   ET   NOIVELI.ES.  67 

les  lia\aii\  à  cxctiiti'i-.  La  llcclic  a  ctc  |iai  railcimiil  ('(msliiiile  :  loiil  le  inonde 
rend  justice  à  rarcliitetle  sous  ce  rapport,  cl  je  ne  viens  jjas  ici  <lénientir  les 
assertions  de  M.  le  ministre;  mais  qu'importe  tpie  la  ilèclie  ait  été  pariaite- 
mciit  construite,  si  la  base  n'rtail  i)as  solide!  C'est  precisemeul  ee  (pii  est 
arri\é  :  la  Ilèclie  n'a  pas  lion^'i-;  mai>  la  tour  s'est  eutr'ouverte  ,  et  l'on  a  été 
obligé  de  démolir  la  pailie  (pii  etail  au-dessus,  parce  que  la  partie  (pii  était 
au-dessous  menaçait  ruine.  Je  dis  (ju'il  y  a  eu  manque  de  prévoyance ,  et  la 
])reuve  en  est  que  rarciiilecte  lui-même,  él(uiné  de  \oir  son  o'uvre  menacée 
d  une  luiiie  si  |)récoce,  a  l'ait  alors  une  recherche  ipie  la  commission  spéciale 
n'a\ail  probablement  pas  rait(>  ;  il  s  est  aperçu  (pie  l'intérieur  des  murs  pré- 
sentait iU'^:  vices  de  construction  tels  (jue  la  ruine  actuelle  de  l'édifice  lui  a  été 
parfaitement  expliquée.  .M.  le  ministre  des  travaux  publics,  peut-être  un  peu 
embarrassé  alors  de  ce  phénomène  (\m  s'était  produit  si  rapidement,  a  voulu 
lui  chercher  une  cause  dans  la  tidmlie  de  .Mon\ilie.  On  ni.;  Ce  prétexte  a 
l'ait  sourire  beaucoup  de  nos  collèiçues,  et  j'avoue  (pie,  pour  ma  part ,  je  n'y 
ai  jamais  cru.  Il  m'a  été  impossible  d'y  croire  en  aucune  façon,  lorsque, 
ni'étant  transporté  sur  les  lieux,  j'ai  \érilié  par  moi-même  que  beaucou|»  de 
lézardes  portaient  la  date  de  IS'i'i.  Or,  c'est  en  IS'i.")  que  la  trombe  d(> 
^lonville  a  éclate 

«  M.  i.K  ^IiNisTKE.  Les  crevasses  ont  augmenté  depuis  lors! 

(r  .M,  FtUDi.NAXD  DK  Lastevrik.  Lcs  meuaccs  de  ruines  ont  commence  plus 
anciennement;  el,  comme  il  arrive  toujours,  elles  sont  allées  en  progressant; 
on  n'y  a  apporté  aucun  remède  ,  h;  mal  a  empiré.  Enfin  il  est  arrivé  à  un  étal 
tel  que  la  démolition  est  devenue  absolument  urgente  :  elle  a  été  exécutée 
provisoirement ,  avant  même  que  vous  ayez  voté  le  crédit.  Je  remercie  M.  le 
ministre  des  travaux  |)ublics  d'avoir  bien  voulu  prendre  sur  lui  cette  démoli- 
tion; car,  je  le  répèle,  il  y  avait  peiil  en  la  demeure.  .Mais  il  n'en  <>sl  pas 
moins  évident  qu'avec  un  peu  plus  de  prévoyance  on  aurait  évité  Je  fait 
déplorable  (jui  occupe  aujourd'hui  la  Chambre.    Aux  voix!  aux  voix!  i 

«  M.  François  Delessert.  Je  demande  à  dire  quelques  mots.  (Aux  voix! 
aux  voix! — Parlez!)  La  commission  s'est  justifiée,  el  je  crois  qu'elle  n'en 
avait  |)a.5  besoin  ;  cl  M.  le  ministre  des  travaux  publics  a  donné  des  explications 
suflisantcs,  bien  qu'il  ne  fût  pas  en  cause;  mais  je  crois  ipje  s'il  \  a  quelqu'un 
en  cause  dans  cette  affaire ,  el  loul  le  monde  le  nommera  ,  c'est  rarciiilecte. 
Je  ne  prétends  pas  l'accuser ,  je  ne  connais  pas  les  faits;  mais  très-probable- 
ment il  y  a  des  reproches  graves  à  adresser  à  la  personne  (\iù  a  été  chargée 
de  conduire  les  travaux,  el  (]ui  a  laissé  mettre  sur  une  tour  vieilh;  quehpie 
chose  de  très-lourd  que  cette  tour  ne  pouvait  supporter.  C'est  avec  regret  i\u('. 


68  ANNALES  ARGHEOLOC.IQUES. 

je  n'ai  trouvé ,  ni  dans  l'exposé  des  motifs ,  ni  dans  les  paroles  du  ministre  des 
travaux  publics,  rien  qui  indiquât  que  l'architecte,  qui  dans  ce  moment  n'est 
pas  en  cause,  y  serait  mis  par  l'adininistration,  et  qu'on  examinerait  avec 
soin  s'il  n'v  avait  pas  de  reproches  à  lui  faire.  Je  demanderai  à  M.  le  ministre 
des  travaux  publics  de  vouloir  bien  dire  quelques  paroles  à  la  Chambre  qui  la 
rassurent  à  cet  égard,  el  cpii  lui  fassent  espérer  (pie  plus  tard,  à  la  session 
prochaine ,  lorsque  la  question  aura  été  examinée  par  M.  le  ministre  des 
travaux  publics,  si  l'arcliitecte  a  tort ,  il  devra  èlrc  blâmé. 

((  M.  LE  Ministre  des  Travaux  publics.  L'exposé  des  motifs  annonce 
qu'aussitôt  qu'il  aura  été  procédé  à  la  démolition ,  l'état  des  lieux  et  les 
causes  du  désastre  seront  l'objet  de  l'attention  la  plus  grande  ;  mais  il  m'était 
impossible  de  jeter  légèrement  un  blâme  sur  un  architecte  attaché  depuis  trente 
ans  à  l'église  de  Saint-Denis,  et  qui  a  donné  de  si  grandes  causes  de  satisfaction 
à  l'administration. 

((  M.  Desloxorais.  On  a  prétendu  que  j'avais  eu  tort  d'attaquer  la  com- 
mission ;  cela  vient  sans  doute  de  ce  que  mon  observation  n'a  pas  été  com- 
prise. Je  n'ai  pas  prétendu  que  la  commission  dût  faire  des  recherches;  mais 
j'ai  dit,  et  je  le  maintiens,  que  son  investigation  devait  porter  sur  ce  point  de 
savoir  du  ministre  s'il  y  avait  eu  un  procès-verbal  constatant  le  désastre  et  les 
causes  qui  avaient  amené  la  nécessité  de  démolir  la  tlèclie.  J'ai  attendu  que 
M.  le  ministre  eut  donné  des  explications  à  la  Cliambre  pour  savoir  si  cette 
investigation  si  sinqile  ,  si  naturelle ,  si  nécessaire,  avait  eu  lieu.  Eh  bien ,  j'ai 
le  regret  de  constater,  avant  le  vote,  qu'aucun  soin  n'a  été  pris  dans  celle 
circonstance,  et  quand  M.  le  ministre  vient  nous  promettre  que,  lorsqu'on 
aura  détruit  la  flèche ,  on  recherchera  les  causes  qui  ont  nécessité  la  démo- 
lition ,  je  dis  que  c'est  au  moment  même  qu'il  fallait  constater  l'état  des 
lieux ,  dresser  procès-verbal ,  reconnaître  quelles  étaient  les  causes  apparentes , 
les  suivre  dans  la  destruction,  et  voir,  après  la  destruction,  si  on  s'était  trompe 
ou  non.  Je  déclare  à  la  Chambre  (pi'à  mes  yeux  il  y  a  eu  imprévoyance  impar- 
donnable de  la  part  de  l'administration,  el  je  désire  que  la  discussion  qui  vient 
d'avoir  lieu  serve  au  moins  d'avertissement  pour  l'avenir.  (Très  bien!) 

«  M.  le  Puésident.  Je  consulte  la  Chambre  sur  l'article  10.  >> 

L'article  1(t  est  mis  aux  voix  et  adopté. 


AKCnKOLOr.IK    PI\ATH)UE. 


DES   KK  l'A  HATIONS   KT   Dl'   HA  r>I(.K<»N\  AC  E.  ' 

Bien  que  deiniis  longtemps  controversée,  la  question  des  réparations  et  du 
badigeonnage  est  loin  davoir  rallié  sous  le  même  drapeau  tous  les  hommes 
influents  de  notre  époque  :  son  application  journalière  la  rend  une  des  plus 
importantes  à  définir,  une  des  j)lus  utiles  à  (ixor.  Réparer  et  badigeonner 
sont  deux  choses  qui  se  confondent  dans  la  pratique;  je  vais  donc  ici  déve- 
lopper (juelques  idées,  quelques  principes,  âc  TobsciA  alion  ligoureusc  des- 
quels me  paraît  dépendre  l'économie  conservatrice  des  anciens  monuments. 

Il  ne  peut  être  douteux  pour  jjersonne  que  tout  monument  étant  sujet  à  la 
grande  loi  de  la  destruction,  il  n'y  ait  des  cas  où  il  l'aille  le  réparer,  sous 
peine  de  le  voir  se  détériorer,  d'une  manière  plus  ou  moins  complète,  et  ^nir 
par  tomber  en  poudre.  Les  réparations  sont  générales  ou  partielles  ;  dans  l'un 
et  l'autre  cas,  la  plus  rigoureuse  sobriété  de  moyens  <h)it  diriger  la  tète  qui 
conçoit  et  la  main  qui  exécute  la  réparation.  Il  est  telle  réparation  qui,  en 
dénaturant  l'édiiice,  en  le  métamorphosant  complètement,  serait  tout  aussi 
bien  sa  ruine  que  si  on  le  laissait  s'affaisser  sur  ses  décombres;  car  l'objet 
qu'on  aurait  sous  les  yeux,  dans  le  premier  cas,  serait  tout  autre  que  l'an- 
cien. Que  se  propose-t-on  ,  (juc  doit-on  se  proposer  quand  on  répare?  de  con- 
server; de  conjurer  une  dégradation  plus  ou  moins  dangereuse,  plus  ou  moins 
imminente.  Pas  autre  chose  sûrement;  car,  en  langage  ordinaire,  (pii  dit 
réparer  ne  dit  point  dénaturer,  tron(juer,  ajouter.  —  La  signilicalion  du  mot 
admise  dans  ses  termes  les  plus  naturels,  on  en  conclura  que  toute  répara- 
tion, générale  ou  partielle,  ne  doit  en  rien  modilier  le  style  de  l'édiiice  qui  en 
est  l'objet.  Si  l'on  veut  reprendre  une  voûte,  il  faut  commencer  par  réfléchir 
sur  l'œuvre  que  l'on  doit  exécuter.  Si  les  anciens  matériaux  peuvent  encore 
servir,  que  l'on  se  contente  de  les  remettre  en  place,  de  les  reconsolider  au 
moyen  des  précautions  nécessaires.  Si  les  vieux  matériaux  font  défaut,  et 
qu'il  en  faille  absolument  de  neufs,  on  remplacera  la  pierre  qui  manque  par 
une  pierre  tlont  le  grain  ,  la  couleur,  les  dimensions,  la  coupe,  seront  la  dou- 
v.  lu 


70  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

blure  en  quelque  sorte  de  toutes  ces  particularités  dans  la  pierre  primitive.  On 
agira  de  même  pour  toutes  les  pierres,  pour  toutes  les  parties  de  l'édifice. 
Toutes  les  fois  qu'une  consolidation  pourra  suffire,  il  faudra  s'en  contenter, 
sans  rien  remplacer;  s'il  faut  absolument  recourir  à  ce  dernier  moyen,  on  le 
fera  en  substituant,  à  l'objet  trop  fruste  ou  manquant,  son  calque  le  plus  absolu. 
(]e  que  je  dis  ici  des  réparations  appliquées  aux  ()arties  architecturales  de 
l'édifice  doit  s'appliquer  avec  la  môme  rigueur  aux  détails  et  accessoires,  aux 
ornements  courants,  aux  sculptures,  bas-reliefs,  statues,  pignons  et  chapi- 
teaux feuillages,  aux  vitraux  même,  toutes  choses  pour  lesquelles  le  mot  de 
restauration  s'appliquera  ])eut-èlre  pins  exactement  que  celui  de  réparation. 
Tant  que  les  anciens  détails  de  l'ornementation  pourront  être  maintenus,  on 
devra  les  préférer  à  du  neuf;  si  l'on  ne  peut  se  dispenser  de  les  renouveler, 
il  faudra  se  borner  à  copier,  à  refaire  la  partie  manquante  d'après  un  modèle 
pris  de  préférence  dans  le  monument  même,  et,  à  son  défaut,  dans  des  édi- 
fices d'époque  et  de  style  analogues.  S'il  s'agit  de  statuaire,  par  exemple,  on 
conservera  les  statues  léguées  par  le  moyen  âge ,  pour  peu  que  leur  état  soit 
supportable;  sil  faut  les  renouveler,  et  surtout  les  remplacer  parce  qu'elles 
manquent ,  on  copiera  exactement  des  statues  analogues  prises  dans  des  mo- 
numents de  même  date.  Pour  réparer  des  verrières  du  xiif  siècle,  on  calquera 
deg  verrières  du  xiii",  et  non  des  vitraux  du  xv°;  bien  moins  encore  devra- 
t-on  songer  aux  produits  d'une  composition  moderne.  On  ne  saurait  trop 
insister  sur  ces  principes,  véritablement  prolecteurs  de  nos  monuments  du 
moyen  âge,  et  dont  malheureusement  on  s'écarte  encore  tous  les  jours.  Il  en 
résulte  fréquemment  qu'au  bout  de  quelques  années  d'une  réparation  inin- 
telligente et  indiscrète,  tel  monument  qu'on  nous  donne  pour  du  moyen  âge 
n'est  rien  moins  que  cela.  Tout  au  plus  retrouve-t-on ,  ça  et  là,  quelques  ves- 
tiges primitifs  épargnés  par  une  main  maladroite;  on  y  a  tellement  ajouté, 
retranché,  modifié,  qu'on  y  rencontre  de  tout,  sauf  du  moyen  âge.  On  ne  se 
fera  pas  faute  de  répéter  au  public  que  l'édifice  est  de  tel  style,  de  telle 
époque;  et  le  public  le  croira.  Mais  l'archéologue  instruit,  mais  le  savant 
versé  dans  l'étude  de  nos  antiquités  nationales,  n'y  seront  point  trompés  : 
ils  déploreront,  ils  réclameront  même,  et,  à  supposer  qu'on  les  écoule,  il 
sera  souvent  trop  tard;  le  mal  sera  sans  remède.  Prenons  les  œuvres  de 
nos  pères  telles  qu'ils  nous  les  ont  laissées,  ni  plus,  ni  moins.  Je  ne  dis  point  : 
achevons  ce  qu'ils  voulaient  faire  et  qu'ils  n'ont  point  fini;  je  dis,  au  con- 
traire :  tenons-nous  à  leur  œuvre  telle  que  les  siècles  nous  l'ont  transmise.  — 
Quand  nous  aurons  réparé,  si  nous  voulons  restaurer,  que  ce  soit  avec  pru- 
dence. Une  statue  manque,  restituons-la  si  nous  le  voulons;  mais  gardons- 


ARCHEOLOGIE  l'UATIQUE.  71 

nous  de  le  faire  si  nous  ignorons  son  sujet  et  son  slyle,  et  si  nous  ne  pouvons 
la  reniplarer  par  une  copie  exacte  prise  ailleurs.  Si  nous  avons  dos  doutes, 
laissons  la  place  vide  :  mieux  vaut  le  vide  qu"un  contre-sons.  Ne  mettons  point 
de  lleclies  sur  dos  tours  qui  n'en  ont  jamais  eu  ,  (juand  mènio  nous  saurions 
que  le  dosir  primitif  do  nos  pères  était  d'en  ])lacor  là  ,  et  (pio  nous  aurions  sous 
la  main  les  plans  mêmes  (pii  eussent  servi  de  base  à  Imu-  ()u\i;ii.'0.  Le  miiycii 
%e  nous  a  laissé  des  portails  ébauchés,  des  monuments  inc(imi>lols;  ros|)ec- 
tons  celte  lacune,  et  ne  corrigeons  jujint  l'ébauclio.  Kospoctons  la  physio- 
nomie acquise  do  nos  moiiiunonts  antiques;  laissons-les  jouir  de  cette  consi- 
dération du  lom|)S.  Ainsi  aurons-nous,  mais  à  ce  prix  seulement,  des  types 
sérieux  dos  anciens  àgcs.  Si  nous  agissons  autrement,  nous  tomberons  dans 
une  confusion  dont  le  tormc;  sera  l'annulation  do  nos  richesses  archéoiogicpies. 
J'aborde  à  présont  la  question  relative  au  badigeon,  à  ce  mode  de  rajeu- 
nissement de  nos  vénérables  églises,  que  l'on  peut  api)eler  la  restauration 
économique  pai-  oxccllenco,  et  qui  est  d'autant  plus  dangereuse  qu'il  peut 
être  plus  souvent  ot  plus  i)romptemeiil  ('iii|ilo\é.  —  Fautil  admettre  comme 
principe  invariable  la  proscrijjtion  du  badigeon.'  Je  réponds  oui,  dans  tous  les 
cas,  même  cpiaud  les  matériaux  dont  est  construit  l'éditice  no  |)résenlent  pas 
une  couleur  hoÊnogèno.  Je  m'empresse,  au  reste,  (\i'  doilaror  ici  (pie  je  ne 
prétends  en  rien  parler  de  ces  enduits  anciens  qui  couvrent  souvent  l'inté- 
rieur de  nos  monuments  du  moyen  âge,  (pii  nous  ont  été  transmis  à  travers 
une  longue  suite  de  générations,  et  qui  sont  dans  bien  des  cas  relevés  par 
un  système  de  décoration  plus  ou  moins  compliqué.  Il  ne  faut  rien  toucher 
■  ici ,  rien  changer.  Mais  je  m'élève  de  toutes  mes  forces  contre  ces  badigeon- 
nages  modernes  qui,  sous  trois  formes  différentes,  régnent  encore  on  France 
d'une  manière  presipie  despotique.  Dans  le  nord,  c'est  la  teinte  plate  qui 
domine,  la  couche  au  lait  de  chaux.  Dans  le  midi,  nous  avons  le  badigeon- 
nage  historié,  les  scènes  diverses;  des  personnages  y  viennent  décorer  ou 
enlaidir,  comme  on  voudra,  les  murailles  de  nos  vieilles  églises.  Certains 
artistes  italiens  monopolisent  d'une  manière  toute  spéciale  cette  branche  d'in- 
dustrie. Enlin,  dans  le  contre  de  la  France,  nous  trouvons  les  imitations  de 
marbres,  de  granits,  de  pierres  veinées,  troisième  modt!  do  badigeonnage 
tout  aussi  malhouroux  ,  tout  aussi  digne  de  réprobation  (pie  les  deux  autres; 
leur  moindre  défaut,  à  tous  trois,  serait  d'être  inutiles,  (piand  ils  n'entraine- 
raient  pas  souvent  de  bien  pires  conséquences,  comme  de  n^couvrir  et  dr 
dissimuler  des  fresques  anciennes  et  de  fort  vieilles  peintures  murales  appli- 
quées sur  des  enduits  primitifs. 

Le  badigeon  ne  doit  jamais  être  mis  en  œuvre;  appliqué  sur  les  surfaces 


72  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

lisses,  bien  loin  de  leur  être  favorable,  il  leur  nuit.  Après  un  temps  plus  ou 
moins  court,  il  peut  se  ternir  inégalement,  s'écailler,  se  détacher  par  plaques; 
le  temps  et  l'iuimidité  lui  ont  bientôt  donné  le  coup  de  grâce.  Dans  cet  état, 
son  effet  est  cent  fois  pire  que  la  variété  produite  à  l'œil  par  les  inégalités  du 
coloris  de  la  pierre;  d'ailleurs  les  nuances  diverses  s'adoucissent  tous  les 
jours  sous  l'espèce  de  patine  dont  le  temps  finit  par  teinter  tous  les  objets; 
puis  elles  sont  plus  ou  moins  dissimulées  par  la  vue  d'ensemble  de  l'édifice, 
par  le  demi-jour.  Si,  des  surfaces  lisses,  nous  passons  à  celles  où  la  pierre  a 
été  refouillée  par  le  ciseau  de  l'artiste ,  nous  verrons  encore  que  le  badigeon 
est  leur  plus  mortel  ennemi.  On  a  beau  recourir-ti  l'enduit  le  plus  clair  et  le 
plus  fin ,  cet  enduit  confond  et  englue  tout  ce  qu'il  touche  ;  il  ôte  au  ciseau 
toute  sa  verve,  en  noyant  les  arêtes  vives  et  les  formes  détachées.  Comme  je 
l'ai  déjà  fait  observer  ailleurs,  quel  artiste  du  moyen  âge  eût  consacré  ses 
veilles  et  ses  labeurs  à  faire  vivre  et  parler  la  pierre,  s'il  eût  prévu  que  le  badi- 
geon, un  jour  venant,  eût  passé,  sur  toutes  ces  dentelles  et  ces  moulures  har- 
dies, le  désespérant  niveau  de  ses  enduits,  la  colle  de  son  lait  de  chaux? 

D'après  ce  que  je  viens  de  dire,  badigeonner  un  édifice  une  première  fois 
est  certainement  regrettable  et  nuisible;  mais  ce  premier  badigeon  venant  à  se 
salir  et  s'effeuiller,  il  faudra  y  porter  remède.  Comment  rendre  au  monument 
sa  fraîcheur  primitive,  si  ce  n'est  en  appliquant  un  second  enduit  sur  le  pre- 
mier? Encore  quelques  années,  et  les  mêmes  causes  conduisant  aux  mêmes 
conséquences,  un  troisième  badigeon  deviendra  nécessaire,  puis  un  qua- 
trième. —  Je  le  demande ,  que  sera  devenue ,  au  bout  d'une  cinquantaine 
d'années  d'un  traitement  pareil,  cette  église  sortie  à  son  origine,  comme  une 
corbeille  de  fleurs,  des  mains  du  maître  de  l'œuvre  et  de  ses  intelligents 
ouvriers?  Hélas!  combien  de  nos  monuments  de  France  sont  là  pour  nous 
répondre?  Combien  ne  voyons-nous  pas  de  vaisseaux  intérieurs  d'édifices  ne 
présentera  l'œil  qu'une  monotone  uniformité,  relevée  souvent  par  des  bario- 
lages rouges,  jaunes,  et  qui  recèlent,  sous  ces  épaisses  croûtes  de  badigeon, 
des  beautés  du  premier  ordre,  des  détails  que  l'œil  est  aussi  étonné  que  ravi 
de  retrouver,  quand  on  a  fait  tomber  l'ignoble  voile  qui  les  déshonorait? 

Respectons  nos  vieux  édifices,  nos  vénérables  églises.  Admirons,  faisons 
admirer  ces  trésors  légués  par  un  autre  âge;  mais  touchons-y  le  moins  pos- 
sible. C'est  le  meilleur  service  que  nous  puissions  leur  rendre. 

Comte  DE  MELLET, 

Correspondant  du  Comité  historique  des  arts  et  monunicnlc. 


ESSAI 
8LK   LE  CIIAM   ECCLÉSIASTIOIE. 


Digression  sur  le  curaciére  des  aiiti(iurs  mélodies  rhréliennes  el  sur  la  rause  [irincipalc  de  leur 
altération  au  xiii'  siècle.  —  Erreur  de  ([uelques  savants  relativement  au  plain-cliant  qui  corres- 
pond à  la  période  ogivale.  Le  plus  beau  et  le  plus  pur  est  celui  qui  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité.  —  Détails  biographiques  sur  le  pape  qui  lui  a  donné  son  nom.  —  Curieux  passage  de 
Jean  Diacre,  historien  de  saint  Grégoire;  ses  réllexionssur  le  mauvais  goiU  des  chantres  français 
de  son  temps,  applicables  à  ceux  du  nôtre.  —  Idées  fausses  qu'on  se  fait  communément  de  la 
nature  du  plain-chant  el  du  mode  d'exécution  qui  lui  convient.  —  En  quel  sens  saint  Grégoire 
a-l-il  travaillé  à  s;i  réforme,  et  quelle  part  lui  revient-il  dans  la  compo.silion  des  différentes 
parties  qui  le  constituent"?  —Ce  chant  a  deux  origines  :  l'une  latine,  basée  sur  les  modes  grecs; 
l'autre  orientale,  basée  sur  le  système  musical  des  églises  de  l'Orient.  —  Dans  quelles  propor- 
tions ces  deux  styles  sont-ils  entrés  dans  la  composition  des  chants  liturgiques  de  l'Occident, 
particulièrement  lors  de  la  restauration  du  chant  par  saint  Grégoire?  —  C'est  surtout  en  réta- 
blissant sur  ses  premières  bases  l'antique  tonalité,  et  en  l'enrichis.sant  de  quatre  modes  nou- 
veaux calqués  sur  les  quatre  modes  primitifs  de  saint  Ambroise  ,  que  le  pape  saint  Grégoire  a 
mérité  le  litre  de  réformateur  du  chant  ecclésiastique. 


IIP. 

Dans  noli-e  dernior  article,  nous  avons  donné  la  liste  chronologique  des 
auteurs  qui,  de[)uis  saint  Ambroise  jusqu'à  saint  Grégoire,  se  sont  occu|)és 
du  chant  ecclésiastique,  soit  comme  écrivains,  soit  comme  comiiositcurs.  Il 
en  résulte  que,  longtemps  avant  saint  Grégoire-le-Grand,  d'autres  souverains 
pontifes,  ainsi  que  des  évé([ues,  des  abbés,  des  moines,  dos  doclours, 
s'étaient  livrés  avec  zèle  à  l'enseignement  et  à  la  composition  du  clianl 
liturgique.  Leurs  productions,  à  eu  juger  par  les  rares  fragments  qui  nous 
en  restent,  se  faisaient  remarquer  par  une  noble  et  touchante  simplicité;  ils 
avaient  une  vertu  suave,  pénétrante,  (jui  les  rendait  inimitables.  Certes,  les 
chrétiens  des  premiers  siècles  qui  avaient  pu ,  dans  le  domaine  de  la  pein- 
ture el  de  la  sculpture,  créer  des  types  comme  ceux  que  l'on  voit  encore 
dans  les  grandes  salles  du  Vatican,  où  ils  furent  transportés  des  catacombes, 

1.  .innales  Archéologiques ,  vol.  iv,  p.  i\">-lll\  vol.  v,  p.  12-20. 


74  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

et  qui,  dans  le  domaine  de  rarchilectiire,  avaient  pu  ériger  des  l)asiliques 
comme  celles  de  Saint-Jean  de  Latran  ,  de  Saint-Pierre  et  de  Saint-Paul-hors- 
les-Murs,  n'avaient  pas  dii  être  moins  bien  ins])irés  par  le  chant  liturgique, 
dont  la  pratique  avait  commencé  dès  l'aurore  de  leur  religion.  Ce  qui  le 
prouve,  c'est  que,  plus  on  remonte  vers  l'antiquité,  plus  ce  chant  paraît 
beau  de  mélodie,  d'expression  et  de  délicatesse.  C'est  l'opinion  des  savants, 
et,  en  particulier,  celle  que  l'abbé  Baïni,  mort  depuis  peu  à  Rome,  où  il 
était  maître  des  chapelains-chantres  pontificaux,  a  consignée  dans  ses 
écrits  '.  Je  cite  d'autant  plus  volontiers  ce  beau  passage,  dont' je  donne  le 
texte  italien,  en  note,  qu'il  résume  d'une  manière  élégante  les  diverses  opi- 
nions des  savants  touchant  l'origine  du  chant  ecclésiastique,  et  qu'il  nous 
aidera,  en  attendant  d'autres  développements,  à  saisir  le  caractère  de 
ces  antiques  mélodies,  telles  qu'elles  existaient,  soit  avant,  soit  après  saint 
Grégoire.  Il  faut  tenir  compte  toutefois  des  modifications  plus  ou  moins  im- 
portantes que  peuvent  apporter  à  un  jugement  de  cette  nature  les  révolutions 
écoulées,  la  différence  des  temps  et  des  lieux,  le  génie  particulier  de  cer- 
tains peuples,  et  bien  d'autres  circonstances  qu'il  serait  facile  de  relever  pen- 
dant une  si  longue  période.  Après  avoir  prié  les  lecteurs  de  se  contenter  du 
résultat  de  ses  études  sur  tous  les  écrivains  qui  ont  traité  du  chant  ecclésias- 
tique, et  sur  les  manuscrits  nombreux  de  toutes  les  nations  qu'il  a  consultés 
dans  les  bibliothèques  et  archives  de  Rome  ;  après  avoir  donné  sur  la  consti- 
tution des  modes  authentiques  et  plagaux  une  courte  dissertation  que  nous 
omettons,  parce  ciue  nous  reviendrons  bientôt  sur  cette  importante  matière, 
l'abbé  Baïni  poursuit  en  ces  termes  ^  :  (c  Les  véritables  et  antiques  mélodies 

1 .  Mémoires  historiques  et  critiques  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Palestrina,  lome  2 ,  chap.  3. 

2.  «Le  vere  antiche  mélodie  del  canto  gregoriano  (parlino  pure,  e  sciivano  eontro  la  mia 
assertiva  quanti  v'  han  musici)  sono  aflatlo  inimitabili.  Si  possono  copiare,  ed  addallarie,  il  ciel  sa 
corne  ,  adaltre  parole;  ma  farne  délie  nuove  pregiabili  corne  le  antiche,  non  si  sa  fare,  non  v'  ha 
chi  r  abbia  fatto.  lo  non  dirô,  che  la  maggior  parte  di  esse  furono  opère  de'  primitivi  cristiani, 
e  che  alcune  sono  dell'  antica  Sinagoga,  nate  percio,  mi  si  permetta  l'espressione ,  quando 
r  arte  era  viva.  lo  non  dirô  che  moite  sono  opère  di  S.  Daniaso,  di  S.  Gelasio,  e  massime  di  S. 
Gregorio-Magno ,  ponlefici  illuminati  singolarmente  da  Dio,  a  tal'  uopo.  lo  non  dirô  che  alcune  di 
esse  sono  anche  dei  monachi  più  santi  e  dotti ,  che  fiorirono  nei  secoli  viii,  ix,  x,  xi,  xii,  e, 
ognun  sa,  per  le  opère  loro,  che  prima  di  scriverle,  munivansi  eglino  di  orazione  e  di  digiuno.  lo 
non  dirô ,  siccome  constà  per  moltissimi  monumenti  rimastici,  che  prima  di  comporre  alcun  canto 
ecclesiastico  osservavan  gli  autori  la  natura,  1"  indole,  il  senso  délie  parole,  e  la  circostanza  in 
cui  dovevano  esseie  eseguite  ,  e  classificandone  il  resultato ,  le  ponevano  nel  modo,  o  tono  corris- 
pondcnte  sia  per  l'aculezza  o  gravita,  sia  per  il  suo  moto  e  modo  di  proccdere,  sia  per  le  coUoca- 
zioni  dei  semiloni ,  sia  per  le  fogge  particolari  di  modulazioni,  sia  per  gli  andamenti  proprii  délie 
mélodie;  differcnziavano  la  maniera  di  canto  per  1'  introito  ,  altra  per  il  graduale,  altra  per  il 
tratto,  altra  per  l'offerlorio ,  altra  per  il  communio,  alUa  per  le  antifone,  altra  per  i  responsorii , 


ESSAI   SIK   I.K  ClIANT   K CCLKSI ASTIOT E.  '75 

du  diiint  jLrirgorien  je  parle  sans  détour,  quoi  (jiic  puissent  écrire  contn; 
mou  assortion  tons  les  nuisiriens  qui  \w  seront  pas  de  mou  avis)  son!  tout 
à  l'ail  iiiiiiiilaiiles.  Elles  peux  eut  èlic  copiées  el  adaptées,  Dieu  sait  cotiiiiieiil, 
à  d  auties  paroles;  mais  eu  eomposer  de  nouvelles,  aussi  excellentes  cpie  les 
anciennes,  cela  ne  saurait  se  l'aire,  et  personne  n'a  pu  encore  y  réussu-.  Pour 
moi ,  je  no  dirai  pas  cpio  la  majeure  partie  de  ces  méloilies  furent  l'dnivre  des 
premiers  chrétiens;  (pie  (|uel(pies-unes  même  étaient  de  l'ancieiuie  Syna- 
gogue, el  furent  ainsi  couq)osées,  qu'on  me  permette  l'expression,  lorsque 
l'art  était  daiis  toute  sa  vie  («  quando  Tarte  era  viva  »).  Je  ne  dirai  pas  (pie 
beaucoup  sont  l'onivre  de  saint  Damase  ,  de  saint  Gélase,  et  surtout  de  saint 
Grégoire-le-Gi-aml ,  puntil'es  spécialement  éclairés  d'en  haut  pom-  une  telle 
entrepris(!.  Je  ne  dirai  pas  (pu^  (]uel(]ues-unes  d'entre  elles  sont  encore  des 
moines  les  plus  saints,  les  plus  doctes,  qui  fleurirent  aux  viii'',  ix',  x%  xi*  et 
xii"  siècles,  et  qui,  comme  chacun  sait,  avaient  coutume  de  se  préparera  ce 
travail  par  la  prière  et  le  jeûne.  Je  ne  dirai  pas,  ainsi  qu'il  résulte  des  nom- 
breux monuments  qui  nous  sont  restés,  qu'avant  de  composer  un  (liant  ec- 
clésiastique, les  auteurs  dont  nous  parlons  observaient  la  nature,  li!  carac- 
tère, le  sens  des  paroles,  et  les  circonstances  dans  les(pielles  elles  devaient 
être  chantées ,  et  qu'en  se  rendant  compte  du  résultat  de  leurs  observations, 
ils  écrivaient  dans  le  mode  ou  le  ton  le  plus  convenable,  soit  par  son  acuité 
ou  sa  gravité,  soit  par  son  mouvement  et  le  genre  de  sa  marche,  soit  par  la 
pose  des  demi-tons,  soit  par  le  caractère  particulier  de  ses  modulations,  soit 
par  les  allures  des  mélodies.  Ils  mettaient  une  différence,  dans  la  manière  do 
chanter,  entre  la  messe  el  l'ofiice  :  autre  était  le  genre  de  chant  pour  l'In- 
troït, autre  pour  le  Graduel ,  et  autre  pour  le  Trait  ;  autre  pour  l'Offertoire, 
et  autre  pour  la  Communion;  autre  pour  les  Antiennes,  et  autre  pour  les  Ré- 
pons; autre  pour  la  psalmodie  après  l'antienne  de  l'Introït,  et  autre  pour  la 
psalmodie  des  heures  canoniales;  autre  pour  léchant  destiné  à  être  exécuté 
par  une  voix  seule,  et  autre  pour  le  chant  au  chœur.  Tout  cela,  ils  l'obte- 


allra  \}vr  la  salmodia  dopo  l'antifona  ail'  introilo,  altra  por  la  salmodia  nelle  ore  canonirlie  ,  allra 
per  il  canlo  da  espgiiirsi  a  voce  sola,  allra  per  il  canlo  del  coro;  e  tiitto  cio  il  ricavano  dolla  limi- 
tata  eslensionc  di  quattro,  cinque,  al  più  sei  corde,  o  talvolla,  ma  bon  di  rado,  da  seUe  ed  otlo 
intcrvalli.  lo  non  diro,  il  ripeto,  niuna  in  parlicolare  di  siiïaUc  cose  ;  ma  dico  siblicnc,  clic  da 
tutti  qiiesli  prcgi  in?lemc  unili,  ne  risulla  nell'  anlieo  canto  gregoriano  un  non  so  clic  di  ammirabilc 
ed  inimitabile,  una  finezza  di  c^p^cs5ione  indicibilc,  un  paltclico  ctio  lona,  una  naluratc/za  tliiidis- 
sima;  s<,'mpre  fresco,  sempre  nuovo,  sempre  verde,  sempre  bello,  mai  non  appascis^^e,  mai  non  in- 
vecchia  :  laddovc  ëlupide,  iDsignificanti,  faslidiosc,  absone,  rugose  scnlansi  inconlincnll  le  mélodie 
moderne  de'  canli  o  variali  od  aggiunli,  incommiciando  alla  melà  circa  del  secoloxiii  fino  al  di 
d'oggi.  » 


76  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

liaient  dans  les  étroites  limites  d'une  quarte,  d'une  quinte,  tout  au  plus 
d'une  sixte,  et  quelquefois,  mais  bien  rarement,  dans  celles  de  sept  ou  de 
huit  tons.  Je  ne  dirai  ,  je  le  répète,  rien  de  particulier  dans  cette  matière; 
mais  je  déclarerai  avec  pleine  certitude  que,  de  l'ensemble  de  toutes  ces 
inestimables  mélodies,  il  résulte  que  le  chant  grégorien  a  un  je  ne  sais  quoi 
d'admirable  et  d'inimitable,  une  finesse  d'expression  indicible,  un  pathé- 
tique qui  touche,  quelque  chose  de  limpide,  de  toujours  frais,  de  toujours 
nouveau,  de  toujours  vert,  de  toujours  beau;  mais  rien  de  fade  ni  de 
suranné.  Auprès  de  ce  chant  apparaissent  tout  à  coup  bien  stupides,  insi- 
gnifiantes, fastidieuses,  absurdes,  surannées,  les  mélodies  modernes  par  les- 
quelles on  l'a  altéré,  ou  qu'on  y  a  simplement  ajoutées,  à  partir  de  la  der- 
nière moitié  environ  du  xiif  siècle,  jusqu'à  nos  jours.  » 

Nous  suspendons  cette  citation  déjà  assez  longue,  mais  pleine  d'intérêt, 
pour  la  reprendre,  en  temps  opportun,  au  point  où  nous  la  laissons.  La  ré- 
flexion qui  la  termine  est  bien  digne  de  remarque.  C'est  le  xiii'  siècle,  cet 
âge  d'or  de  l'architecture  catholique,  que  le  savant  abbé  Baïni  signale  comme 
celui  (le  la  décadence  sensible  du  chant  religieux.  Gela  n'a  rien  d'étonnant, 
quand  on  pense  que  cette  époque  est  celle  des  croisades,  dont  l'influence  fut 
aussi  nuisible  à  la  musique  chrétienne  que  favorable  au  développement  des 
autres  institutions.  En  effet,  de  cette  époque  surtout  date  l'introduction 
maladroite,  dans  nos  chants  d'église,  de  cette  multitude  de  notes  parasites 
que  les  croisés  avaient  empruntées  aux  mélodies  orientales,  surchargées, 
comme  chacun  sait^  de  ces  sortes  d'ornements.  Ces  notes  d'agrément,  qui 
peuvent  très  bien  s'allier  avec  les  traits  rapides  et  le  genre  chromatique  des 
chants  orientaux ,  appliquées  à  un  système  de  chant  grave ,  posé ,  comme 
celui  des  églises  occidentales,  n'ont  fait  que  le  dénaturer  en  altérant  sa  pri- 
mitive tonalité ,  comme  nous  l'exposerons  plus  tard.  C'est  donc  une  erreur 
contre  laquelle  on  ne  se  tient  pas  assez  en  garde,  de  croire  que  les  mélodies 
religieuses  du  xiii°  siècle  sont  les  plus  parfaits  modèles  de  chant  ecclésias- 
tique, comme  ses  monuments  le  sont  de  l'architecture  sacrée.  Sans  doute,  et 
nous  aimons  à  le  proclamer  à  l'avance,  en  attendant  que  le  moment  d'en  ad- 
ministrer les  preuves  soit  arrivé,  sous  le  rapport  de  l'harmonie  consonnante 
appliquée  à  nos  chants  religieux,  ce  siècle  l'emporte  sur  tous  ceux  qui  l'ont 
précédé ,  et  nous  n'aurions  rien  de  mieux  à  souhaiter  à  nos  cathédrales ,  si 
tristement  déshéritées  aujourd'hui  de  leur  ancienne  splendeur  liturgique,  que 
les  mâles  faux-bourdons  qui  faisaient  vibrer  de  leurs  majestueux  accords  les 
voûtes  aériennes  et  les  vitraux  transparents  de  ces  merveilleux  édifices.  Mais, 
quelle  que  soit  nuire  vénération  pour  l'art  chrétien  dans  cette  période  écla- 


ESSAI  SUK    I.K  (IIANT   KCCLÉSIASTIOl  E.  77 

laiili^  (lu  niovrn  àw;  la  \criti;  liisloriiiuc  ne  ikiii-  |m'iiiicI  pas  ûo.  dissiiimler 
que  les  niolodicssacives,  qui  t'uicnt  (ral)()i(l  clianlcesdans les  basilicjues  latines, 
«nsuite,  quoi(|ue  déjà  altérées,  dans  les  églises  carlovingiennes  et  romanes  de 
l'Occident,  ciaiont  plus  pures,  i)his  distinguées  que  celles  qui  devaient  reten- 
tir |)Ius  tard  dans  les  Notre-Dame  do  Paris,  de  Chartres,  d'Amiens,  de  Reims 
et  de  Strasbourg  '.  Depuis  la  fameuse  décision  de  Cliarlemagnc,  depuis  la  dis- 
pute des  ciianteurs  français  et  des  chanteurs  romains  jusqu'au  résultat  des 
immenses  recherches  de  M.  Félis  pour  la  restauration  du  plain-cliant,  i'('su!- 
tat  proclamé  naguère,  à  Tunanimitr,  par  une  coniiiiissiou  qua  niiiuuiéc 
Mgr  l'archevêque  actuel  de  Cainlirai,  il  a  été  vrai  de  dire  que,  pour  avoir 
l'eau  la  plus  pure,  il  faut  remonter  à  la  source,  et  (pr<'n  l'ait  de  mélodies 
ecclésiastiques,  les  |)lus  anciennes  sont  généralement  les  plus  belles,  parce 
qu'elles  se  distiniriieut  |)ar  une  plus  grande  jMirelé.  (!eci  nous  amène  natu- 

I.  Nous  ne  pouvons  adopttT  les  conclusions  que  M.  I';ibl)é  Jouve  lire  du  texte  do  l'al>l)i"  Uaïni. 
D'abord  Baïni  signale  la  dcrnièrt'  moilié  (il  aurait  dû  dire  les  dernières  années)  du  xiiT  siècle  comme 
le  commencemcnl  de  la  décadence  musicale ,  et  c'est  précisément  dans  la  même  période  que 
commence  à  décliner  l'architecluro,  la  sculpture,  la  peinture  et  la  poésie  du  moven  âge.  Nos  plus 
belles  cathédrales,  celles  de  Paris,  de  Laon,  do  Chartres,  de  Soissons,  d'Amiens,  de  Ueims,  etc., 
sont  de  la  fin  du  xii'  siècle  et  des  trois  premiers  quarts  du  xiii'^.  Ainsi  c'est  avant  la  décadence 
du  chant  que  la  plus  admirable  architecture  ogivale  a  été  connue,  pratiquée,  perfectionnée.  Kn 
outre,  la  musique  de  cette  époque  est-elle  donc  si  inférieure  à  celle  des  xr,  x"-",  ix",  viii''  ou 
vii^  siècles,  tant  préconisée?  Nous  ne  le  pensons  pas.  C'est  au  xii''  siècle,  ce  point  culminant 
de  l'architecture  romane;  c'est  au  xni'^  siècle,  cet  âge  d'or  de  l'architecture  ogivale,  qu'en 
1H5,  1198  et  1270  saint  Bernard,  Innocent  lit  et  le  cardinal  Latinus  l'rangipani  (pour  ne  citer 
que  ces  noms-là)  composent  les  séquences  Uvlabundiis ,  yeni  sayicte  Spiritus ,  Stabat  mater, 
Dies  ir:e.  Un  fait  qu'on  n'a  pas  siiflisiimment  remarqué,  c'est  que  l'évêque  de  Paris,  Maurice  de 
Sully,  complétait  (pour  ne  jias  dire  composait  en  entier)  l'ofTice  des  morts,  au  moment  mémo 
où  il  jetait  les  fondements  de  la  cathédrale  de  Paris;  or  cet  office,  paroles  et  chant,  est  aussi 
sublime  que  l'est  Notre-Dame,  architecture  et  sculpture.  On  le  voit,  tous  les  arts  sont  frères,  et 
frères  jumeaux.  Ils  naissent,  vivent  et  meurent  ensemble.  Les  xii"  et  xiir  siècles  sont,  en  mu- 
sique, comme  en  architecture,  la  période  du  triomphe  suprême.  Nous  espérons  que  M.  l'abbé 
Jouve  donnera  les  développements  nécessaires  à  la  proposition  que  nous  attaquons;  mais  nous  ne 
pouvons  nous  empêcher  de  rappeler  que  tout  l'oHice  du  Saint-Sacrement  date  précisément  du 
xnr  siècle.  Or  tout  cet  office  est  incomparable;  les  paroles  et  le  chant  du  Sacrix  so/emniis,  du 
f'erbum  supernum  ,  du  l'ange  liiitjiia ,  du  Laitda  Sion  sont  <le  la  plus  rare  beauté,  et  l'on  peut 
affirmer  que  saint  Grégoire  n'a  rien  fait  ipii  les  sur|)asse  ni  mémo  qui  les  égale. 

Nous  ne  pouvons  pas  non  plus  admettre  que  les  croisades  aient  été  nuisibles  à  la  musique  reli- 
gieuse de  l'Occident.  On  croit,  mais  c'est  une  grave  erreur,  que  les  croisés  ont  rapporté  d'Asie  en 
Europe,  en  France,  les  arts  de  l'Orient;  c'est  le  contraire  exactement  ijui  est  la  vérité.  Il  n'v  a 
pas  en  France  une  seule  église  que  les  croisés  aient  bâtie  dans  le  style  ni  sur  le  plan  des  églises  de 
l'Orient;  en  Grèce,  au  contraire,  à  Mi.stra,  à  Chalcis,  les  croisés  clianqtenois,  devenus  seigneurs 
de  .Morée,  d'Acha'i'e,  de  l'Ile  d'Kubéc,  ont  bûli  des  églises  françaises  et  chani|,enoises.  Voyez  ce  iiue 
nous  en  avons  dit  en  plusieurs  endroits,  nolanimcnl  dans  le  premiei'  volume  ,  pages 32  et  3.>,  des 
V.  11 


78  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

relleracnt  au  sujet  iniportaut  qui  doit  nous  occuper,  je  veux  dire  l'exposition 
de  la  tonalité  ecclésiastique  ou  grégorienne.  Nous  allons  la  commencer  par 
<lueIqnos  détails  biographiques  sur  le  pape  qui  lui  a  donné  son  nom,  d'autant 
mieux  que  ces  détails  se  lient  nécessairement  à  la  restauration  du  chant  dont 
il  est  l'auteur. 

Cet  illustre  docteur  naquit  à  Rome  vers  l'an  .5'iO,  de  Gordien,  riche  séna- 
teur, et  de  Sylvie.  Apiès  sa  naissance,  son  père  se  fit  ecclésiastique  et  devint 
un  des  sept  diacres-cardinaux  qui  avaient  soin,  chacun  dans  son  quartier,  des 
pauvres  et  des  hôpitaux  de  Rome.  Sa  mère  se  consacra  également  au  service 
de  Dieu  ,  dans  un  oratoire  près  de  Saint-Paul-hors-les-Murs.  Grégoire  se  livra 
de  bonne  heure  à  l'étude  de  la  philosophie,  des  arts  libéraux,  et  plus  tard  à 
celle  du  droit  civil  et  du  droit  canonique.  A  l'âge  de  trente-quatre  ans,  il  fut 
créé ,  par  Justin  II ,  préteur  ou  premier  magistrat  de  Rome.  Dès  ses  premières 
années,  il  s'était  habitué  à  la  méditation  des  choses  de  Dieu  et  à  l'exercice 
de  la  i)rière,  soit  avec  des  religieux,  soit  dans  son  église  et  dans  sa  maison. 
Après  la  mort  de  son  père,  il  fonda  plusieurs  monastères,  et  un,  entre  autres, 
dans  sa  demeure,  sous  l'invocation  de  saint  André.  11  y  prit  lui-même  l'ha- 

«  Annales  Archéologiques  ».  A  Jérusalem,  les  croisés  ont  rcbàli  le  Sainl-Sépulcre,  le  tombeau  même 
de  Jésus-Christ,  en  ogive,  absolument  comme  s'ils  eussent  été  en  France.  Voyez  des  dessins  du 
Tombeau  dans  l'ouvrage  du  P.  Bernardine  sur  la  Terre-Sainte.  Pour  le  texte  et  le  chant  de  la  prière, 
il  en  fut  de  même.  Guillaume  de  Tyr  dit  formellement  que  Godefroy  de  Bouillon  institua  le  rite 
latin  dans  l'église  du  Saint-Sépulcre;  qu'il  y  établit  l'ofTice  divin  et  les  cérémonies,  comme  dans 
les  grandes  églises  de  France,  et  qu'il  nomma  chantre  de  cette  cathédrale  par  excellence  An- 
selme, chanoine  de  la  cathédrale  de  Paris.  Mais,  avant  Godefroy  de  Bouillon,  la  liturgie  française 
avait  été  établie  en  «  Sicile  par  les  princes  normands,  comme  d'anciens  manuscrits  liturgiques  en 
font  foi.  Les  ducs  d'Anjou  l'y  maintinrent,  ainsi  que  le  prouvent  des  missels  et  des  bréviaires 
contemporains  de  leur  domination  sur  cette  île;  et,  ce  qui  est  plus  remarquable,  il  existe  encore 
des  missels  imprimés  à  Venise,  dans  la  première  moitié  du  xvi"  siècle,  qui  portent  ce  titre  : 
Missale  galiicanum,juxta  usum  Messauensis  Ecclesiœ,  et  un  bréviaire  de  1512,  également 
imprimé  à  Venise  et  intitulé  :  lireviar'mm  gallicanitm  ad  usiim  Ecclesiarnm  Sicidarum... 
Nous  retrouvons  encore  ailleurs  la  liturgie  parisienne.  Des  monuments  positifs  nous  apprennent 
que  les  grands  maîtres  français  de  l'ordre  de  Saint-Jean-de-Jérusalem  l'instituèrent  jusque  dans 
les  églises  de  Rhodes  et  de  Malte.  Saint  Louis,  dans  ses  voyages  d'outre-mer,  la  faisait  célébrer 
devant  lui  avec  toute  la  pompe  dans  les  cérémonies  et  toute  l'exactitude  dans  les  chants  ([ue  com- 
portait la  commodité  plus  ou  moins  grande  de  ses  divers  campements.  »  Voilà  ce  que  dit  tex- 
tuellement le  R.  P.  dom  Guéranger  dans  ses  Institutions  liturgiques,  vol.  I,  pages  340-343.  — 
Nous  ne  pouvons  nous  défendre  de  citer  encore  le  passage  suivant  du  même  volume,  pages  3S1- 
352,  où  est  constatée  la  concordance  qui  a  toujours  existé  entre  l'architecture  et  la  liturgie,  entre 
l'art  bâti  et  l'art  chanté.  —  «  S'il  est  permis  de  rechercher  les  analogies  que  présentent  les  vicis- 
situdes du  chant  ecclésiastique  au  moyen  âge,  avec  la  marche  de  l'architecture  religieuse,  qui  a 
toujours  suivi  les  destinées  de  la  liturgie  dont  elle  fait  une  si  grande  partie  et  comme  l'encadre- 
ment ,  nous  soumettrons  à  nos  lecteurs  les  considérations  suivantes.  Les  x«  et  xi*"  siècles  enfanté- 


ESSAI   SrU   LE  (IIANï   ECCLKSI ASTIOIK.  79 

bit  en  575,  à  l'àgo  de  Irente-ciiuj  ans.  Il  fut  ensuite  mis  au  nombre  des  sept 
diacres  de  l'église  romaine,  el  envoxé  peu  de  temps  après,  ])ar  le  pa|)e 
Pelage  II,  à  la  cour  de(;()ii>laiilin()plr,  en  (iiiaiitc  d  apix  risiaire  ou  do.  nonce 
apostolique.  Il  s'y  distingua  par  sa  sciiMice  et  sa  pictc  Happclé  à  Rome  en 
584,  il  tut  élu  abbé  du  monastère  de  Saint-André,  et  lui  ensuite  nommé 
secrétaire  de  Pelage  II.  A  la  mort  de  ce  pontife,  (pii  aiiiva  an  mois  de  janucr 
de  Tannée  590,  il  fut  désigné  pour  le  remi)lac(M-  |)ar  le  clcrgt;,  le  sénat  et  le 
peuple  de  Rome.  Après  bien  des  icsistanccs,  il  fut  sacré  le  ,'J  septendire  de  la 
même  année.  Il  [)arait  que  ce  lut  au  commencement  de  son  |iontilicat  qu'il 
réforma  et  développa  le  cliant  eccU'siasliciue ,  en  même  temps  (ju(^  le  sacra- 
mciitaiii',  (pii  est  le  missel  el  le  rituel  de  l'Eglise  romaine.  .Mort  le  \2  mars  GO'i, 
dans  la  soixante-quatrième  année  de  son  âge,  après  avoir  siégé  treize  ans 
si\  mois  di.\  jours,  il  fui  inlmiiie  dans  la  basili(iue  de  Saint-Pierre  du  Vati- 
can, cil  l'on  conserve  encore  ses  reliques.  Tout  le  monde  connaît  les  im- 
menses travaux  el  les  nombreux  écrits  (jui  l'ont  |)lacé  au  premier  lang  des 
pontifes  romains,  el  lui  ont  valu  le  surnom  delirand.  Je  n'en  parlerai  pas, 
et,  pour  rester  dans  la  spécialité  de  mon  sujet ,  je  me  contenterai  de  faire 
connaître  les  détails  intéressants  (pie  les  divers  liistoriens  du  saint  pape;  nous 
ont  liansmis  louchant   la  iiTorme  (piil  o|)era  dans  le   chant  eccli'siastiipie. 

rent  des  pièces  de  cliant  graves ,  sévères  cl  mélancoliques,  comme  ces  voùles  sombres  el  mvslé- 
rieiises  que  jeta  sur  nos  caltiédrales  le  style  roman,  surtout  à  l'époque  de  celte  réédificalion 
générale  qui  marqua  les  pren)ières  années  du  xi'  siècle.  Ainsi,  on  trouve  encore  la  forme  ^'régo- 
rienne  dans  les  répons  du  roi  Robert,  comme  la  basilique  est  encore  visible  sous  les  arcs  ro- 
mans du  même  temps.  Le  xir'  siècle,  époque  de  (ransilion,  (jue  nous  appellerions  volonliei-s,  dans 
rarchiteclure ,  le  roman  fleuri  et  tendant  à  l'ogive ,  a  ses  délicieux  olTices  de  Saint-Nicolas  el  de 
Sainte-Catherine,  la  séquence  d'Abailard  ,  etc.,  où  la  phrase  irrégorienne  s'efface  par  degrés,  pour 
laisser  place  à  une  mélodie  rêveuse.  Vient  ensuite  le  xni'' siècle  et  ses  lignes  pures,  élancées 
avec  tanl  de  précision  el  d'harmonie  ;  sous  des  voûtes  aux  ogives  si  correctes  ,  il  fallait  surtout 
des  chanta  mesurés,  un  rhylhme  suave  et  fort.  Les  essais  simplement  mélodieux,  mais  inconipletjj, 
des  siècles  passés,  ne  suffisent  plus  :  le  Laiida  Siori,  le  Dies  irx  sont  créés.  Cependant,  cette 
période  est  de  courte  durée.  Une  si  exquise  pureté  dans  les  formes  architectoniques  s'allère  ;  la 
recherciie  la  flétrit;  rornemcntalion  encombre,  embarrasse  el  bienlùt  brise  ces  lignes  si  harmo- 
nieuses. .\lors  aussi  commence  pour  le  chant  ecclésiaslicpie  la  période  de  dé;;radalion.  .  »  —  On 
est  arrivé  au  xiv  siècle,  où  se  déclare  effectivement  la  décadence  de  la  foi,  des  insliliitions,  des 
mœurs,  de  la  langue,  de  l'art.  Pour  résumer  celte  note  longue  el  qui  nous  a  paru  nécessaire,  la 
musique  religieuse  s'allère  ,  mais  lard  ,  dans  les  dernières  années  du  xiii"  siècle ,  surloul  pendant 
le  XIV'.  Il  en  est  de  rarchiteclure  comme  du  chant  :  la  plus  belle  période  est  de  H 00  à  l.'JOO  ;  après. 
c'esl  la  chule.  Toutefois,  les  croisades  ne  sont  pas  la  cause  de  celle  décadence,  car  elles  sont 
déjà  oubliées;  d'ailleurs,  loin  d'emprunter  à  ITlrient  son  système  musical,  les  croisés  avaient 
porté  le  leur  jusque  sur  la  pierre  du  Saint-Sépulcre,  sur  le  tombeau  même  de  Jésus-Christ.  Nous 
avons  tout  donné  à  l'Orient,  cl  nous  n'en  avons  presque  rien  reçu.  Il  n'est  pas,  en  législation, 
jusqu'aux. /»«i«'4  de  Jérusalem  ipji  ne  soient  française?  el  non  asiatiques.  {Sole  du  Directeur.) 


80  ANNALES  ARCHÉOLOGIQl  ES. 

Nous  lisons  dans  l'une  des  quatre  «  Vies  »  qui  précèdent  ses  OEuvres  com- 
plètes ',  que  Grégoire,  en  établissant  une  école  de  cVianteurs  et  en  révisant 
les  chants  d'Église  d'après  le  système  d'une  musique  plus  grave,  ramena,  à 
une  harmonie  et  à  une  mélodie  plus  soignées,  la  psalmodie  et  le  chant  ecclé- 
siastique, qui  sont  si  propres,  dans  les  nations  chrétiennes,  à  agrandir  le 
culte  et  à  nourrir  la  piété.  «  Psalmodiam  et  cantum  ecclesiasticum,  quod 
amplificandum  divino  cultui  elfovendum  in  christiana  plèbe  pietati  plurimum 
conficit,  et  gravioris  musicse  regulis  ad  accurâtiorem  harmoniam  et  modu- 
lationem  revocavit,   instituta  cantorum  schola  et  ordinato  antiphonario.  » 

Jean  Diacre ,  qui  vivait  à  Rome  sous  le  pontificat  de  Jean  YIII ,  et  qui 
était  contemporain  de  Charlemagne  ,  a  composé  également  une  Vie  de  saint 
Grégoire.  Celle  Vie,  moins  estimée  que  celle  de  Paul  Diacre,  est  toutefois 
plus  abondante  en  détails  sur  la  matière  qui  nous  occupe;  c'est  pourquoi  je 
la  cite  de  préférence.  Voici  ce  que  nous  y  lisons  louchant  la  réforme  du  chant 
ecclésiastique  par  saint  Grégoire,  et  son  introduction  en  Allemagne,  en 
France  et  particulièrement  en  Angleterre. 

u  Ensuite^,  à  l'exemple  du  très-sage  Salomon,  convaincu  des  heureux 
effets  de  la  musique  exécutée  dans  la  maison  de  Dieu,  pour  la  componction 
du  cœur  et  l'entretien  de  la  piété ,  il  lit  une  compilation  très-utile  des  anciennes 
antiennes,  autrement  appelées  centons  (c'est-à-dire  composées  de  fragments  j. 
11  institua  de  plus  une  école  de  chanteurs,  qui  existe  encore  aujourd'hui,  et 
qui  exécute  les  mêmes  modulations  dans  l'Eglise  romaine.  Il  lui  assigna  pour 
son  logement  et  son  entretien  plusieurs  domaines  et  deux  maisons,  l'une  sous 
les  degrés  de  la  basilique  du  bienheureux  apôtre  Pierre,  l'autre  un  peu 
au-dessus  du  palais  et  de  la  basilique  de  Latran.  On  y  conserve  encore 
aujourd'hui  avec  vénération  le  lit  (le  siège)  où  il  était  assis  pour  moduler,  le 
fouet  dont  il  menaçait  les  jeunes  clercs  qui  assistaient  à  ses  leçons,  ainsi 
qu'un  exemplaire  authentique  deson  Antiphonaire.  » 

t(  Les  autres  nations  de  l'Europe ,  et  en  particulier  les  Germains  et  les  Gau- 
lois, furent  plusieurs  fois  dans  le  cas  d'apprendre  et  de  rapprendre  cette 

\.  Lib.  Il,  cap.  3,  de  l'édition  des  Bénédictins. 

2.  «  Doinde  in  domo  Doraini,more  sapientissimi  Salomonis,  propter  musicaecompunctionem  dul- 
ccdinis,  antiphonarii  centonem  cantorum  sludiosissinius  nimis  utililer  compilavit  scholamque 
cantorum,  quae  hactenus  eisdem  institutionibus  in  sancta  romana  Ecclesia  niodulalur,  constituit; 
ei([ue  cum  nonnullis  praidiis  duo  habitacula,  scilicet,  alterum  sub  gradibus  basilicai  beati  Pétri 
aposloli ,  allerum  vero  sub  Laleranensis  patriarchii  domibus  fabricavit ,  ubi  usque  hodie  lectus 
ejus,  in  quo  recumbens  moduiabalur,  et  flagellum ,  quo  pueris  minabatur,  veneratione  congrua 
cum  authentico  Antiphonario  reservatur.  »  (  Sancti  Gregorii  papx  vita ,  a  Joanne  Diacono. 
Lib.  Il ,  p.  6.) 


ESSAI   SI  H    LE  ClIAM    KCCI.  K SI  ASTIQII  H.  81 

(loiico  mt'lodie  yroiroiiciuio  (|iii  les  a\;iil  l'iicliiiiitcs;  mais  ils  ii(>  purent  jamais 
la  conseivcr  dans  lonte  sa  pureté,  soil  à  cause  de  la  Ici^èrete  de  leur  <'S|)i'it, 
qui  les  porte  à  y  mêler  leurs  chants  ijrossiers,  soit  par  une  suite  naturelle  de 
leur  liarhari(>  primili\e.  Ku  eU'et ,  ces  hommes  il"eu  deçà  des  Alpes  ne  peuvent 
assouplii-  à  la  douceur  de  la  mélodie  les  sons  lormidables  qu'ils  tirent  de  leur 
poitrine  comme  des  éclats  de  liuinenc  ;  ear,  tandis  que  leur  dur  gosier  s'ef- 
force de  pioduiie  une  douce  cantilène  par  des  inllexions  el  dos  réi)ercussions 
redoublées,  il  imite  plutôt  le  bruit  sourd  et  criard  de  chariots  (jui  rouleraient 
sur  des  marches  de  pierre,  et  il  exaspère  ainsi  les  oreilles  des  auditeurs,  au  lieu 
de  les  frapper  aiiicablement.  Et  voilà  pourquoi ,  dans  le  temps  même  de  saint 
Grégoire,  dont  nous  lacontons  la  vie,  les  clianteurs  de  l'école  de  Rome,  (]ui 
étaient  partis  avec  Augustin  pour  évangéliser  l'Europe  occidentale,  y  fon- 
dèrent des  écoles  de  chant.  Mais,  après  leur  mort,  les  églises  occidentales 
corrompirent  tellement  les  mélodies  primitives,  que  Vitalien  (élu  pape  en 
657)  envoya  vers  elles,  comme  évèqne,  Jean,  chantre  romain,  avec  Théo- 
dore, également  citoyen  romain,  et  archevécjue  d'Yorck,  pour  ramener  le 
chant  à  son  ancienne  pureté;  ce  qu'il  fit,  soil  par  lui-même,  soit  par  ses 
élèves,  qui  conservèrent  ainsi,  pendant  un  grand  nombre  d'années,  les 
bonnes  traditions  de  l'Eglise  romaine'.  » 

^ .  II  llujiij  modiilalionis  diilcediiu'in,  intcr  alias  Europa'  génie;-,  Gcnnani  et  Galli  discerc  cre- 
broque  rediscere  insignitcr  poluerant,  incorniplam  vero,  lam  levitate  animi  qua  noniiulla  de  pro- 
prio  Grcgorianis  canlibus  miscueraiit,  quam  ferilate  quoqiie  naturali,  servare  minime  poluerunt. 
Alpina  siquidenicorpora  vocem  suam  tonitniis  allisone  perstrepitanlia,  susceplœ  modulationisdul- 
cedinem  propric  non  résultant  ;  quia  bibuli  gulturis  barbara  fcriUis,  dum  inflexionibus  et  reper- 
eussionibus  mitem  nititur  edere  cantilenam,  naturali  quodam  fragore,  quasi  plausira  per  gradus 
confuse  sonantia,  rigidas  voce»  jarlat,  sicque  audientiimi  animes, ([uos  emulcero  debuerat,  exaspe- 
rando  magis  ac  obslrcpendo  conturbat.  llinc  est  quod  hujus  Gregorii  tempore,  cum  Augustin» 
tune  Britannias  adeuntc,  per  Occidenteni  quoque  romana;  institutionis  cantores  dispersi,  barba- 
res insigniter  docuerunt;  quibus  defunclis,  occidentales  ecclesiœ  ila  suscepluni  modulalionisorga- 
num  viliarunt,  ut  Johannes  (juidem  romanus  cantor  cum  Theodoro  a>que  cive  romano,  sed 
Eboraci  archiepiscopo.  per  Gallias  in  Britannias  a  Vitaliano  sit  pracsul  destinatus;  qui  circumque 
posilarum  ecclesiarum  fdio:»  ad  pristinam  cantilenœ  dulcedinem  revocans,  tam  per  se,  quam  per 
alios  discipulos,  mullis  annis,  romana'  doctrin;e  regulam  conservavit.  »  (Ibicl.  Lib.  ii,  p.  7-8.) 

Celte  sortie  contre  nos  chantres  francs  ou  français  est  curieuse  et  vigoureusement  écrite  ; 
mais,  pour  notre  compte,  nous  n'avons  jamais  pu  l'accepter,  comme  l'ont  fait  tous  les  liturgisles 
et  historiens  de  la  musique  sacrée.  Jean  Diacre  est  un  italien  qui  comprend  mal ,  qui  ne  com- 
prend pas  l'art  chrétien  de  l'Occident.  L'exécution  du  chant  ecclésiasiique  septentrional  pouvait 
lui  paraître  aussi  barbare,  aussi  étrange  qu'ont  paru  étranges  el  barbares,  aux  générations  succes- 
sives de  l'Italie,  notre  architecture  romane,  notre  archileclure  ogivale,  notre  sculpture  des  xn'  et 
XIII'  siècles,  nos  vitraux  et  noire  orfèvrerie  émaillée.  Tout  cela  est  une  affaire  de  tempérament, 
et  même  une  affaire  de  race,  si  vous  le  voulez,  mais  qui  ne  prouve  en  aucune  façon  ni  contre  ni 
pour  un  art.  Nous  avons  entendu  des  messes,  des  vêpres  el  des  saluls  à  Pise,  u  .Malle,  à  Mu- 


82  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Ces  détails  précieux,  que  nous  a  transmis  l'historien  Jean  Diacre,  pour- 
raient fournir  matière  à  des  réflexions  intéressantes  et  même  opportunes 
pour  le  temps  où  nous  vivons.  Elles  trouveront  leur  place  ailleurs.  Néan- 
moins il  en  est  une  que  je  ne  saurais  omettre  ici.  Depuis  l'époque  où  l'histo- 
rien de  saint  Grégoire  repiochait  si  justement  à  nos  ancêtres  leur  légèreté, 
leur  inconstance  à  l'endroit  des  bonnes  traditions  du  chant,  en  même  temps 
que  leur  goût  barbare  pour  ces  vociférations  qu'il  compare  «  au  bruit  sourd 
et  criard  de  chariots  qui  rouleraient  sur  des  marches  de  pierre  »;  depuis  cette 
époque,  dis-je,  bien  des  siècles  se  sont  écoulés,  des  écoles  célèbres  de  chant 
ont  fleuri  dans  notre  patrie.  Nous  avons  eu  ,  comme  les  Belges,  les  Flamands 
et  les  Italiens,  nos  voisins,  notre  âge  d'or  de  la  musique  d'église;  puis  sont 
arrivées  les  révolutions  qui  ont  tout  emporté  dans  leur  tourbillon;  et,  après 
tant  de  siècles  écoulés  et  tant  de  vicissitudes  diverses,  nous  nous  trouvons,  en 
plein  xix=  siècle,  au  même  point  où  étaient  les  Français  contemporains  de 
Jean  Diacre;  de  telle  sorte  que  celui-ci,  en  faisant  une  peinture  si  peu  flat- 
teuse des  chanteurs  de  son  temps,  parait  avoir  eu  en  vue  ceux  du  nôtre.  Que 
l'on  entre  en  effet  dans  la  première  église  venue ,  ce  sera  un  hasard  des  plus 
heureux  si  l'on  n'y  entend  pas  des  voix  rocailleuses,  des  cris,  des  hurlements 
qui  éloigneraient  les  plus  intrépides  de  l'assistance  aux  offices  publics,  tant 
cette  assistance  est  devenue  un  véritable  supplice  pour  ipiiconque  a  l'oreille 


nich,  à  Nuremberg  (où  l'exécution  musicale  est  tout  italienne),  et  nous  sommes  forcé  de  déclarer 
que  nous  préférons  aux  chanteurs  de  Pise  et  de  l'Italie  nos  chantres  de  Reims  et  de  la  France 
du  nord.  C'est  hardi  de  parler  ainsi;  mais  il  était  hardi,  il  y  a  quelques  années,  de  prétendre  et 
d'imprimer  que  la  cathédrale  de  Reims  valait  autant ,  mieux  peut-être,  que  Saint-Pierre  de  Rome. 
Que  voulez-vous?  nous  aimons  les  opinions  nettes  et  franchement  exprimées.  D'abord  on  nous  a 
grondé  d'avoir  semblé  déprécier  ainsi  Saint-Pierre;  aujourd'hui,  on  est  assez  généralement  de 
notre  a\  is.  On  nous  en  voudra  pendant  quelque  temps  de  proclamer  supérieure,  à  l'exécution  mu- 
sicale en  Italie ,  l'exécution  du  plain-chant  dans  nos  cathédrales  ;  mais  on  finira  probablement  par 
penser  comme  nous.  Les  fioritures  italiennes  dans  l'exécution  de  la  musique  ou  du  chant  ecclé- 
siastique ,  les  roulades  sacrées ,  les  romances  religieuses  nous  attaquent  les  nerfs  ;  nous  préférons 
la  sévérité  et  même  la  rudesse ,  si  vous  le  voulez ,  de  nos  chantres  champenois  et  picards.  La  Mar- 
seillaise et  le  Chant  du  Départ ,  voilà  de  la  vraie  musique,  de  la  musique  populaire  et  qui  remue. 
Entonné  par  des  milliers  de  voix ,  c'est  rauque  aussi  et  grondant  comme  le  tonnerre;  mais  c'est 
magnifique,  c'est  formidable,  et  cela  fait,  cela  consacre,  continue  ou  refait  des  révolutions.  Or, 
les  chants  liturgiques  ont  toujours  eu  d'intimes  rapports  avec  ces  chants  du  peuple,  et  ils  doivent 
être  exécutés  de  même,  par  des  masses,  par  des  foules  qui  ont  la  voix  retentissante  et  souvent 
fausse.  Mais  ces  notes  fausses  se  perdent  dans  l'ensemble;  elles  s'y  éteignent  comme  des  étincelles 
dans  un  lac,  et  il  ressort  de  tout  cela  une  harmonie  sublime  comme  celle  de  la  mer  qui  gronde  et 
du  tonnerre  (jui  éclate.  Les  Italiens  et  les  Français  ne  se  sont  jamais  compris  en  fait  d'art  ; 
nous  préférons  et  nous  préférerons  toujours  le  Stabat  du  moyen  âge  à  celui  du  xix''  siècle,  au 
Stabat  de  Rossini.  {Sole du  Directeur.) 


ESSAI  SIK  Li:  CHANT   ECCLÉSIASTIOIE.  83 

et  le  iroiit  un  peu  délirais.  Il  e>l  des  porsoiiiies  (|iii  se  loiil  (reliaiiiics  illusions 
dans  leur  inanièie  d'apprécier  rexéeulidii  du  eliani  liluifiicpie,  en  s'iniaeinant 
que  la  perfection  du  i^enre  consiste  à  dianlcr  à  luc-tiMe ,  à  l'exemple  de  ces 
chantres  formidables  que  Jean  Diacre  appelle  «  corpora  perstrepitanlia  ». 
Nous  dirons  à  ces  appréciateurs  si  peu  éclairés  du  chant  liturgique  qu'ils 
s'en  font  l'idée  la  plus  f;iusse,  en  en>\;iiil  (pi'il  est  merveilleiisemetil  nndii 
par  de  i;rosses  voix  de  poitrine,  et  (ju'il  ne  coni|)orte  pas  une  certaine  sohiiété, 
un  certain  £:oùt ,  et  niérnc  jjIus,  une  certaine  i:ràee  dans  la  manière  de  l'exé- 
cuter. Ces  (piailles,  (pi'ils  e\(iiiiai(Mil  \(il(iiili(>rs  des  elianis  d'église,  sont 
précisément  celles  tpie  les  saints  l'ères  v.l  les  eomijosileurs  les  plus  anciens  de 
mélodies  chrétiennes  n'ont  cessé  de  recommander,  dans  la  théorie  et  dans  la 
pratique,  tout  en  condamnant  les  ornements  exagérés  et  les  autres  abus  (|ui 
pouvaient  se  glisser  là,  comme  il  s'en  glisse  partout.  Nous  reviendrons  plus 
tard,  et  avec  plus  de  détails,  sur  cette  matière  inqiortante  de  l'exécution  du 
chant  ecclésiastiipie.  Pour  le  moment,  je  me  bornerai  à  rappeler  ces  expres- 
sions de  '(  douce  mélodie  »,  de  «  canlilène  »,  de  «  modulation  »,  dont  se 
sert  Jean  Diacre,  en  parlant  des  œuvres  du  plus  célèbre  réformateur  du  chant 
ecclésiastique,  et  cpii  prouvent  évidemment  que  ces  caractères  do  grAce,  de 
douceur,  de  suave  iiiélodie  étaient  inhérents  à  ce  chant,  dès  l'antiquité  la  [)lus 
reculée.  —  Qu'on  me  iierniette  encore  une  petite  digression. 

Il  est  d'autres  personnes,  surtout  parmi  les  membres  du  clergé,  (pii  se 
persuadent  (|u"au\  jours  de  grande  solennité,  le  plain-cliant ,  et  i)articuliè- 
remenl  la  Préface,  ne  sauraient  être  chantés  avec  trop  de  lenteur.  A  leur 
avis,  la  lenteur,  comme  ils  l'entendent,  est  synonyme  de  pompe,  de  majesté, 
tandis  qu'en  réalité  elle  n'exprime  le  plus  souvent  cpi'une  lourdeur  insuppor- 
table, qui  prolonge  les  offices  indéfiniment,  et  devient  pour  les  fidèles  une 
source  d'ennui  et  de  découragement.  Il  faut  en  effet  être  bien  étranger  à 
l'étude  et  à  la  bonne  pratique  du  plain-cliant,  pour  se  faire  de  telles  idées  sur 
son  mode  d'exécution.  Ce  chant,  dont  la  prcMuière  condition  est  d'être  popu- 
laire et  de  rehausser,  sans  les  prolonger  outre  mesure,  nos  cérémonies  sacrées, 
est  de  sa  nature  aisé,  coulant,  mélodieux;  il  s'accommode  fort  mal  de  ces 
interminables /ra;nas.çer(Vs,  ipidn  rue  passe  le  néologisme,  (]ni  rn  l-nissent  la 
marche  et  en  altèrent  l'expression  mélodique.  Ceci  est  vrai,  surloiil  poui-  la 
Préface,  que  certains  prêtres  croient  rendre  plus  solennelle  en  la  cliantanl 
avec  une  lenteur  désespérante.  C'est  alKulument  méconnaître  le  vrai  carac- 
tère de  ce  chant  admirable,  précieux  spécimen,  (piel  (pi'en  soit  l'auteur,  de 
l'antique  mélopée  grecque',  qui,  n'étant  qu'un  récitatif,  c'est-à-dire  un  dis- 

i.  Est-ce  bien  un  fait  véritablement  prduvé?  [.\ote  du  Directeur.) 


84  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

cours  noté,  exigeait,  au  lieu  d'une  expression  emphatique,  un  débit  aisé,  net 
et  bien  articulé.  Il  me  semble,  du  reste,  qu'à  défaut  de  science  liturgique, 
le  bon  goùl  devrait  suffire  pour  faire  rejeter,  comme  incompatible  avec  la 
nature  de  ce  chant  si  simple,  si  uni,  l'expression  lourde  et  exagérée  qu'on 
lui  donne  communément.  Il  est  bien  d'autres  défauts  que  nous  aurions  à 
signaler  relativement  à  l'exécution  du  chant  liturgique.  Mais,  je  le  répète, 
nous  n'aurons  que  trop  fréquemment  l'occasion  de  les  relever  dans  le  cours 
de  ce  travail. 

Revenons  maintenant  à  la  réforme  de  saint  Grégoire,  et  tâchons  de  voir, 
quoique  d'une  manière  nécessairement  imparfaite,  faute  de  documents  suffi- 
sants ,  en  quoi  elle  consiste. 

Voici  d'abord  comment  s'exprime  à  ce  sujet  l'abbé  Lebeuf ,  sous-chantre 
de  la  cathédrale  d'Auxerre'  :  »  Saint  Grégoire ,  en  composant  l'Antiphonaire, 
n'avoit  fait  que  compiler,  c'est-à-dire  prendre  des  chants  de  tous  côtés,  qu'il 
avoit  réunis  ensemble  et  desquels  il  avoit  fait  un  volume.  C'est  ainsi  que  l'on 
doit  entendre  le  terme  de  centon  ou  de  centoniser  dont  Jean  Diacre  se  sert 
dans  sa  Vie.  Comme  on  avoit  chanté  dans  l'Église  latine,  aussi  bien  que  dans 
la  grecque,  longtemps  avant  lui,  il  choisit  ce  qui  lui  plut  davantage  dans 
toutes  ces  modulations;  il  en  fit  un  recueil  qu'on  appela  «  Antiphonarium  cen- 
tonem  ».  Le  fond  de  ces  chants  étoit  V ancien  chant  des  Grecs, •  il  rouloit  sur  leurs 
principes.  L'Italie  l'avoit  pu  accommoder  à  son  goùl  ;  l'usage  y  avoit  fait  des 
changements  avec  le  temps,  connue  il  arrive  en  une  infinité  de  choses.  Le 
saint  pape  y  corrigea,  y  ajouta,  y  réforma;  en  un  mot,  quoiqu'il  n'eût  fait 
que  lui  donner  un  nouvel  ordre,  l'ouvrage  passa  sous  son  nom,  et  commu- 
niqua par  la  suite  au  corps  du  chant  d'église  le  nom  de  chant  grégorien.  » 

Dans  cette  citation  de  l'abbé  Lebeuf,  nous  avons  souligné  ces  mots,  «  l'an- 
cien chant  des  Grecs»,  parce  que,  à  cause  du  sens  vague  qu'ils  renferment, 
ils  pourraient  induire  en  erreur,  en  donnant  à  entendre  qu'il  est  question  ici 
d'anciens  chants  en  usage  dans  le  culte  du  paganisme,  que  saint  Grégoire  et 
d'autres,  avant  lui ,  auraient  accommodés  au  culte  chrétien.  Or  cette  opinion, 
qui  avait  jadis  un  grand  nombre  de  partisans,  est  abandonnée  aujourd'hui 
par  les,  historiens  de  la  musique  les  plus  en  renom.  Autant  il  est  incontestable 
que  les  modes  grecs  ont  eu  une  large  part  dans  la  constitution  de  la  tonalité 
ecclésiastique,  autant  il  est  peu  probable  que  les  premiers  chrétiens  aient 
emprunté  aux  païens  des  cantiques  composés  en  l'honneur  de  leurs  divinités, 
ce  qui,  dans  ce  temps-là  surtout,  eût  été  une  espèce  de  profanation.  Ce  que 
dit  l'abbé  Lebeuf  de  ces  chants  antiques  recueillis  par  saint  Grégoire,  et  dont 

1 .  Traité  historique  et  pratique  de  ptain-chant ,  ch.  m. 


ESSAI   SI  K    I.K  ClIAM'    KCCLKSIASTlOl  K.  85 

le  fond  était  l'ancien  clianl  des  Grecs,  doit  sentendro  '  par  conséquent  des 
anciennes  mélodies  c/urV/fvi/jc.s- que  les  Grecs ,  placés  au  voisinage  des  grandes 
églises  de  la  Syrie  et  ihî  l'Asie-Mincurc,  avaient  puisées  dans  leur  cliant 
oriental  beaucoup  plus  orné  (jue  le  leur.  Des  Grecs,  ce  cliani  orné  passa, 
selon  le  témoignage  formel  de  saint  Augustin  ^  chez  les  Occidentaux,  qui 
l'adaptèrent  à  la  psalmoilic  cl  aux  li\iiincs  des  liciues  et  des  vêpres,  vers 
l'an  380. 

Dans  son  beau  travail  sur  les  (iri^iucs  du  piain-cluint ,  public  dans  la  «  Hevue 
de  musique  religieuse  »,  M.  Félis  établit  (pic  la  liturgie  clianlée  de  la  messe, 
dès  longtem|)s  en  usage  en  Orient,  n'a  pu  être  introduite  en  Occident  avant 
le  commencement  du  v'  siècle,  et  que  cette  introduction  est  i)ar  consc(]uenl 
postérieure  à  celle  du  chant  oriental  des  hymnes  et  des  psaumes  dont  nous 
venons  de  parler.  Voici  la  conclusion  que  le  savant  crilitpie  tire  de  celle  ori- 
gine orientale  du  chant  de  la  messe  dans  les  églises  d'Occident  :  «  Les  Hépons, 
Graduels,  Offertoires  et  Communions  sont  des  chants  de  l'Église  grecque  pri- 
mitive; ils  ont  été  introduits  dans  l'Église  romaine  dès  la  fin  du  iv' siècle,  et 
saint  Grégoire,  qui  les  a  trouvés  établis  par  ses  [)rédécesseurs  dans  celte 
Église,  les  y  a  conservés.  S'il  a  pris  ((uelquc  |)art  à  la  composition  du  chant, 
c'est  dans  les  antiennes  et  dans  les  psaumes  (piil  faut  ciierclicr  ci'  qm  Im 
appartient^.  » 

Ainsi  le  génie  oriental  qui,  dès  l'origine  du  christianisme,  avait  eu  une 
large  part  dans  la  composition  des  chants  des  grandes  églises  de  l'Asie  , 
d'Antioche,  de  Smyrne,  d'Kphèse,  de  Laodicée,  placées  sous  son  iniluencc 
immédiate  et  qui,  de  ces  églises,  n'avait  pas  tardé  à  se  communicpicr  à  celles 
de  la  Grèce  proprement  dite,  représentées  par  Constantinople ,  non  sans 
altérer  la  constitution  de  ses  modes  antiques;  ce  génie  oriental  devait  aussi 
porter  son  influence  dans  les  églises  d'Occident,  qui  avaient  su,  mieux  que  les 
autres,  conserver  les  traditions  de  l'antique  tonalité  grecque,  (^ette  iniluencc 
des  mélodies  orientales  devait  devenir  encore  plus  sensible  dans  les  églises 

1.  Devrait  s'entendre,  car  nous  pensons  i|Lie  Lelwuf  commet  réellemonl  rerrciir  que  relève 
M.  l'abbé  Jouve.  (Noie  du  Directeur.) 

î-  Confessions ,  1,  liv.  ix,  ch.  6  et  7. 

3.  Revue  de  la  musique  religieuse,  dirigée  par  1'.  Danjoii,  vol.  I,  pag.  489-495;  vol.  Il 
pag.  21  22.  — Nous  ignorons  sur  quoi  se  fonde  M.  Fétis  pour  émettre  ces  assertions.  Ce  sont  des 
opinions  sans  preuves,  des  systèmes  en  l'air  ou  sur  le  sable ,  et  que  des  faits ,  que  des  textes ,  que 
des  monuments  ne  viennent  pas  asseoir  Nous  devons  protester  contre  une  pareille  méthode 
historique,  et  M.  l'abbé  Jouve  nous  saura  gré  certjiinemenl  de  provo(|uer  une  discussion  sérieuse 
à  cet  égard.  Les  archéologues  sont  dos  naturalistes;  ils  no  croient  qu'à  ce  qu'ils  voient  el 
louchent;  il  faut  donc  nous  faire  voir  cl  toucher,  à  l'aide  des  faits,  l'histoire  de  la  musiqui- 
ancienne,  {.\otedu  Directeur.) 

V.  12 


m  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

d'Occident,  longtemps  après,  à  celle  époque  si  mémorable  dans  les  annales 
de  l'esprit  humain,  qu'on  appelle  les  croisades. 

De  cet  antique  mélange  du  style  latin  primitif  avec  le  génie  oriental,  il 
résulta  pour  nos  chants  d'église,  quant  à  leur  caractère  mélodique,  une  dif- 
férence tranchée  qui  s'est  perpétuée  jusqu'à  nous  entre  ceux  d'origine  occi- 
dentale et  ceux  d'origine  orientale.  Les  premiers  se  distinguent,  principale- 
ment dans  les  antiennes,  par  une  marche  presque  syllabique;  tandis  que  les 
derniers,  principalement  dans  les  répons,  sont  surchargés  de  notes,  à  la 
manière  du  style  ornementé  de  l'Orient.  Cette  dilférence,  qu'il  importe  de  ne 
jamais  perdre  de  vue,  lorsqu'il  s'agit  d'apprécier  le  caractère  mélodique  de 
nos  chants  d'église,  nous  la  ferons  mieux  comprendre  par  des  exemples, 
(piand  le  moment  en  sera  venu,  en  même  temps  qu'au  moyen  de  sendjlables 
comparaisons,  il  nous  sera  facile  de  démontrer  comment  ces  importations 
des  mélodies  orientales,  dans  notre  antique  chant  romain,  lui  ont  été  pré- 
judiciables, en  altérant  sa  pureté  et  sa  simplicité  primitives. 

On  le  voit,  par  ce  qui  précède,  la  part  qui  revient  à  saint  Grégoire,  dans 
la  composition  des  chants  d'église,  est  bien  moindre  qu'on  ne  le  croit  géné- 
ralement. Si  ce  grand  pape  n'avait  d'autre  litre  à  l'honneur  de  donner  son 
nom  à  tout  un  système  de  chant,  aussi  célèbre  par  son  antiquité  que  par  son 
universalité  ,  on  pourrait  lui  contester  la  légitimité  d'un  tel  titre  à  un  tel  hon- 
neur ;  il  faudrait  restituer  à  tant  d'autres  illustres  personnages  la  gloire  qui 
leur  revient  également  d'un  si  grand  nombre  de  mélodies  sacrées  dont  ils  ont 
enrichi  notre  admirable  liturgie.  Mais  ce  saint  pape  a  fait  plus  que  de  com- 
poser quelques  chants  d'église  et  de  réunir  dans  un  même  recueil  tous  ceux 
qui  existaient  de  son  temps;  il  a  encore  restauré,  autant  qu'il  était  en  lui, 
l'antique  tonalité  ecclésiastique  altérée  depuis  saint  Ambroise,  en  l'augmen- 
tant de  quatre  modes  nouveaux  calqués  sur  les  quatre  primitifs,  déjà  étabhs 
|iar  l'archevêque  de  Milan.  C'est  sous  ce  dernier  point  de  vue  que  nous  con- 
sidérerons, dans  un  prochain  article,  son  œuvre  de  réformation. 

L'Abl)é   JOUVE, 

Chanoine  titulaire  de  Valence. 


ANNA1.KS    ARCHEOLOGIQUES 
Par  STDidroa;  ?         '   '  '        ':  ' 


DKSSIX  PALIMPSESTE-  PORTAIL  DU  XIIL"  SIECLE 

Manuscrit  de   la  biUiothèqiie   putlique   de  Reims. 


DESSLNS  PA[J3irSi:STES  DU  XIIP  SIECLE. 


Il  y  a  huit  ans,  en  1838,  MM.  P.  Vaiiii,  Lassus  et  moi ,  nous  tunes  une 
découverte  dont  les  journaux  d'alors  se  sont  beaucoup  occupés.  .Nous  venions 
de  trouver,  dans  un  manuscrit  de  Reims,  obituairc  ou  registre  des  morts 
du  chapitre  de  la  cathédrale,  des  dessins  oiiginaux  du  xni"  siècle,  effaces  à 
moitié  et  couverts  par  une  écriture  dont  la  plus  récente  n'était  pas  postérieure 
à  \'210.  Ces  palimpsestes,  d'une  espèce  particulière,  étaient  les  premiers 
qu'on  eût  encore  trouvés.  On  pouvait  espérer  que  cette  découverte  serait 
suivie  d  autres  du  même  genre.  En  conséquence,  pour  signaler  ce  fait,  pour 
provoquer  des  recherches  dans  toutes  nos  bibliothèques  et  dépôts  d'archives, 
j'adressai  à  M.  de  Salvandy,  alors,  comme  aujourd'hui,  ministre  de  l'in- 
struction publique,  la  lettre  suivante  que  les  journaux  ont  reproduite  en  en- 
tier ou  i)ar  extraits.  (]etle  Icltre  porte  la  date  du  mois  de  seplembri;  18.'J8  : 

«  Monsieur  le  Ministre, 

«Lorsqu'à  la  renaissance,  lorsque  de  nos  jours  principalement,  certains 
érudits  signalèrent  la  découverte  de  plusieurs  œuvres  capitales  de  l'antiquité, 
cachées  sous  des  écritures  du  moyen  Age,  le  monde  savant  s'est  ému.  Le  ilé- 
lerrement  des  Lellres  de  Marc-Aurèle  et  de  Fronton ,  des  Inslitiilps  de  Gains, 
de  la  Ri'publique  de  Cicéron ,  de  quelcjucs  vers  de  ^fénandre ,  enfouis  sous 
des  couches  de  litanies  et  comme  sous  un  badigeon  d'homélies  ou  d'actes  de 
concile,  fit  battre  des  mains  à  tous  les  érudits;  on  érigea  en  grand  homme 
monsignor  Angelo  Maïo,  aujourd'hui  cardinal,  qui  avait  eu  le  bonheur  de 
faire  le  plus  grand  nombre  de  ces  précieuses  découvertes. 

«  Mais  si,  par  hasard,  on  venait  à  retrouver  les  minutes  d'Ulinus  et  de 
Callicrate ,  ou  les  dessins  de  Phidias,  d'après  lesquels  le  Parthénon  fut  conçu, 
exécuté,  bâti  et  sculpté,  certes  l'enthousiasme  des  artistes  et  des  antiquaires 
monterait  au  comble;  on  ne  saurait  donc  rester  indifférent  à  rexluimalion 
d'un  monument  [)alinq)seste,  d'un  monument  gothique  de  la  plus  belle  époipie 
ogivale  (il  date  de  la  première  moitié  du  xiii'  siècle  ),  caché  sous  une  nomen- 
clature assez  insignilianle  île  chanoines  et  do  prêtres  tlu  diocèse  de  Reims. 


88  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Aiiii^i,  à  son  tour,  le  moyen  àc;e  va  avoir  ses  palimpsestes,  et  l'obituaire 
(le  RiMtns,  le  premier  qui  vient  dètre  trouvé,  n'en  sera  pas,  j'espère,  le  moins 
important. 

«  M.  P.Varin,  secrétaire  du  Comité  des  chartes,  chroniques  et  inscriptions  ', 
en  remuant,  jiour  le  grand  ouvrage  qu'il  achève  sur  la  ville  de  Reims  ^,  tous 
les  manuscrits  qui  peuvent  receler  un  fait  historique  relatif  à  cette  vieille 
cité,  fut  surpris,  en  parcourant  un  nécrologe  du  xiu°  siècle,  d'en  voir  le  texte 
traversé  par  des  lignes  à  moitié  effacées.  Bientôt  il  s'aperçut  que  ces  nom- 
breux linéaments  n'étaient  pas  superposés  à  récriture,  mais  que  l'écriture 
au  contraire  était  postérieure  et  superposée  aux  linéaments.  Or,  l'écriture  est 
du  xiii'  siècle,  et  le  dernier  personnage  mort  a  été  inscrit  dans  l'obituaire  en 
1270;  les  dessins  sont  donc  du  xiu'  siècle,  première  moitié  ou  deuxième 
tiers,  au  plus  bas.  M.  Yarin  reconnut  sur  quatre  feuilles  un  tracé  d'ornements 
et  une  façade  de  cathédrale  ou  de  grand  édifice. 

((  Informé  de  ce  fait  par  M.  Varin  ,  qui  me  confia  le  manuscrit ,  je  décou- 
vris bientôt  que  dix-huit  pages  entières  du  volume  étaient  plus  ou  moins 
sillonnées  de  ces  dessins  ;  on  les  avait  épongés  d'abord  pour  enlever  l'encre, 
et  ensuite  égratignés  pour  effacer  le  trait  qui  avait  mordu  le  vélin.  En  expo- 
sant les  surfaces  du  parchemin  à  différents  jeux  de  lumière,  j'entrevis  une 
façade  entière,  des  ogives  nombreuses  surmontées  de  pignons,  des  détails  de 
chapiteaux  et  de  bases,  des  clochetons,  des  feuilles  en  crochets,  des  feuilles 
rampantes  alternant  avec  des  animaux  fantastiques,  des  courbes  au  compas, 
des  lignes  à  la  règle  et  à  l'équerre,  des  sections  de  colonnes  ou  de  nervures. 

«  Je  voulus  me  rendre  compte  de  toutes  ces  formes,  qui  m'apparaissaicnt 
assez  nébuleuses  encore,  et  je  priai  M.  Lassus,  architecte,  qui  a  l'habitude 
des  épures  et  des  tracés  gothi(jues,  de  vouloir  bien  cahjuer  toutes  ces  lignes, 
toutes  ces  formes  diverses,  en  les  rapportant  scrupuleusement  sur  des  feuilles 
de  papier,  au  moyen  de  l'équerre  et  du  compas,  du  crayon  et  du  tire-lignes. 
Bientôt  le  jour  se  leva,  et,  sous  l'œil  intelligent,  sous  la  main  exercée  de 
-M.  Lassus,  le  brouillard  disparut.  De  minute  en  minute,  je  vis  s'élever  suc- 
cessivement les  différentes  assises  de  deux  portails  d'un  grand  édifice  reli- 
gieux, d'une  cathédrale,  avec  leurs  triples  portes  et  voussures  coilTées  de 
pignons,  avec  leurs  contre-forts  s'échelonnant  en  cinq  étages  de  larmiers 
remarquablement  profilés,  avec  leurs  clochetons  carrés  ou  octogonaux  sur- 

1.  Aujourd'hui  bibliolhécaire  à  TArsenal ,  après  avoir,  avec  un  grand  éclat  et  pendant  plu- 
sieurs années,  professé  l'Iiistoire  à  la  faculté  des  lettres  de  Rennes. 

2.  .Irchives  de  la  viUe  de  Reims,  publiées  par  le  ministre  de  l'instruction  publique  dans  la 
Collection  des  documents  inédits  sur  riiistoire  de  France.  Sept  volumes  in-4"  ont  déjà  paru . 


DESSINS  PALIMPSKSTKS  1)1     Mil    SIKCLE.  89" 

montes  do  jin  raniitlos  ;i  riH'iiitri(''res,  avec  leurs  i,'ori;cs  ncnroiiiu'cs  de  IViiilles 
en  crocliels,  avec  leurs  teiièlrcs  et  leurs  i^aleries  divisées  par  des  meneaux 
perpeniliculaires  et  polylohés.  Puis  apparurent  des  projections  très-habile- 
ment lancées;  puis  des  tracés  de  piliers  el  de  voiites  avec  rabaltemenl  des 
parties  verticales.  Enlin,  le  tout  se  couronna  de  détails  disséminés  dans  les 
diverses  feuilles;  détails  qui  offrent  des  ornements,  des  |)Iantes  courantes,  des 
têtes  de  choux,  des  animaux  fantastiques,  des  crêtes  llcuronnées  de  condjle. 

((  Après  ce  résultat,  mon  [)remiersoin  fut  de  constater  si  ces  fa(.-ad.>s  el  ces 
plans  avaient  été  exécutés  (]uel(pu'  pari  en  France,  ou  s'ils  n"cUiient  ijuc  des 
projets.  Il  y  a  la  plus  i^rande  anal()i,'ie  outre  ces  dessins  el  les  portails  des  ca- 
thédrales d" Amiens  et  de  Reims.  Cela  devait  être  pour  celte  dernière  ville, 
puisque  le  manuscrit  vient  de  Reims,  qu'il  contient  un  obituaire  rémois,  (pi'il 
a  été  donné  par  un  chanoine  de  la  Notre-Dame  de  Clianipagnc,  du  nom  de 
Roucy,  et  Roucy  est  le  nom  d'un  village  situé  dans  l'arrondissement  de 
Reims.  Cependant,  ni  lune  ni  l'autre  des  façades  ne  reproduit  exactement 
celles  de  la  cathédrale  ni  de  Saint-Nicaise  de  Reims;  il  y  a  des  différences 
sensibles  qui  contrarient  les  analogies.  Du  reste,  ces  analogies  s'appliquent  à 
d'autres  monuments  bâtis  sous  l'inlluence  de  l'école  de  Reims,  qui  fut  comme 
un  centre  d'où,  pendant  la  durée  de  trois  siècles,  l'art  a  rayonné  à  Sois- 
sons,  Amiens,  Laon,  Noyon,  Meaux,  Chàlons-snr-.Marnc,  l'Kpine  elTroyes. 
Nos  fiiçades,  en  effet,  sont  pignonnées  el  fleuronnées  comme  à  Reims,  à 
Laon  et  à  l'Epine;  elles  onl  uiu;  fenèlic  en  guise  de  rose,  comme  à  Noyon, 
comme  à  Saint-Nicaise  de  Reims;  elles  onl  une  galerie  et  des  dentelures 
comme  à  Amiens;  elles  ont  des  meneaux  qui  s'arrondissent  en  cercles  à 
redents  comme  à  Saint-Urbain  de  Troyes.  On  pourrait,  sans  invraiscnd)lance, 
regarder  cette  cathédrale  manuscrite  comme  une  espèce  de  canon  sur  lequel 
se  seraient  modelées  les  autres  cathédrales  de  la  Champagne  el  de  la  Picar- 
die; chacune  d'elles,  toutefois,  aurait  modifié  ce  canon  suivant  son  génie 
el  ses  besoins  particuliers.  Si  cette  présoniption  pouvait  s'élèvera  la  preuve, 
notre  palimpseste  n'en  serait  que  plus  intéressant. 

«  H  serait  important,  monsieur  le  .Ministre,  d'appeler  Inltenlion  de  tous  les 
archivistes  el  palH'ogra|)hes  sur  cette  découverte;  car  le  iii;inn.~(iit  de  Reims 
ne  sera  pas  le  seul  assurément  où  l'on  retrouvera  des  dessins  gothiques.  Au 
moyen  âge,  le  parchemin  était  cher,  el  les  usages  auxquels  il  servait,  extrême- 
ment nombreux.  Quand  la  nécessilé  y  poussait ,  il  dut  ai  river  souvent  ce  qui 
arriva  pour  l'obiluaire  de  Reims:  c'est  ([u'après  les  avoir  coupées,  on  relia 
en  volume  de  longues  feuilles  de  vélin  i|ui  avaient  servi  à  des  dessins  d'archi- 
tectes; c'est  que  des  sections,  des  élévations,  dis  mimiles  intéressantes,  des 


9d  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

projections  de  toute  espèce,  durent  être  effacées  avec  l'éponge  et  le  grattoir 
pour  être  préparées  à  recevoir  un  texte,  le  dessin  paraissant  désormais  inu- 
tile. Je  ne  doute  pas  qu'on  ne  retrouve  dans  les  manuscrits,  si  l'on  y  porte 
une  attention  microscopique,  une  certaine  quantité  de  cathédrales,  églises, 
chapelles,  châteaux ,  hôtels  de  ville,  et  même  de  maisons  palimpsestes.  Alors 
ceux  des  antiquaires,  qui  se  livrent  à  l'étude  approfondie  de  l'architecture 
chrétienne,  pourront  en  déduire  l'état  de  la  science  du  dessin  linéaire  pen- 
dant le  moyen  âge.  On  retrouvera  les  procédés  graphiques  employés  pour  la 
taille  de  la  pierre  ,  l'équarrissage  de  la  charpente  et  de  tous  les  matériaux  qui 
entrent  dans  une  construction  ;  c'est-à-dire  qu'on  réfera  la  géométrie  descrip- 
tive du  moyen  âge,  cette  science  qu'on  croit  entièrement  nouvelle,  mais  dont 
Monge  a  seulement  coordonné  les  éléments  épars.  On  découvrira  les  prin- 
cipes qui  régissaient  les  compositions  d'ornements;  on  surprendra  les  pro- 
portions affectionnées,  sur  lesquelles  les  mystiques  de  nos  jours  et  les  aliégo- 
riseurs  en  moyen  âge  ont  déjà  beaucoup  déraisonné;  ou  verra  apparaître  les 
courbes  préférées  et  les  motifs  qui  forçaient  les  artistes  à  modifier  leurs  sys- 
tèmes dans  la  pratique. 

('  Mais,  à  sui)iioser  qu'on  ne  découvre  i)as  d'autres  dessins,  ceux  de  notre 
manuscrit  n'en  donneront  pas  moins  des  résultats  d'une  certaine  valeur.  Je 
ne  puis  les  énumérer  ici.  Je  me  contenterai  de  dire  que  ces  dessins  se  distin- 
guent par  une  simplicité  remarquable  de  lignes,  siiSiplicité  digne  des  anciens 
Grecs,  si  les  anciens  Grecs  ont  jamais  fait  aussi  bien.  De  plus,  ils  témoignent 
d'une  symétrie  parfaite  entre  les  deux  moitiés  d'un  tout  :  une  ligne  médiane , 
comme  celle  du  raphé  dans  le  corps  humain,  est  tirée  dans  l'axe  de  chaque 
dessin,  et  la  partie  droite  reproduit  exactement  la  partie  gauche.  Aussi  l'ar- 
chitecte dessinateur  n'a-t-il  pas  voulu  perdre  son  temps  à  terminer  les  deux 
côtés.  Il  n'en  a  achevé  qu'un  seul ,  et  il  s'est  contenté  d'ébaucher  l'autre.  Le 
moyen  âge,  qui,  à  la  même  époque  à  peu  près,  a  sculpté  dans  Notre-Dame 
de  Chartres  la  vitesse  (velocitas)  parmi  les  Vertus,  ne  devait  faire  que  le  né- 
cessaire. De  cette  symétrie,  de  cette  identité  des  parties  similaires,  on  peut 
conclure  légitimement  que  les  irrégularités  observées  dans  plusieurs  cathé- 
drales sont  dues  à  l'inhabileté  des  ouvriers,  à  des  difficultés  de  terrain,  à  des 
différences  de  matériaux,  à  des  interruptions  de  travaux,  ou  à  d'autres  né- 
cessités, et  qu'elles  ne  sont  pas  le  résultat  d'un  système,  comme  on  l'a  im- 
primé et  comme  on  le  répète  tous  les  jours,  en  affirmant  que  f  architecture 
gothique  ilotte  à  tout  caprice ,  et  qu'elle  est  indocile  au  frein  et  à  la  loi. 

«  Ces  dessins  palimpsestes  pourront  paraître  assez  importants  au  Comité 
historique  des  arts  et  monuments  pour  qu'à  sa  rentrée  en  fonctions,  après  les 


DESSINS  PALIMPSESTES   l)(     X  I  11'   SU- CLE.  9t 

vacances,  il  les  Hisse  e;ravcr,  sur  le  relevé  de  M.  Lassus,  et  vous  prie,  mousieur 
le  .Ministre,  de  les  adresser,  avec  une  instruction  spéciale,  aux  nombreux 
correspondants  historiques  de  votre  ministère.  Il  faut  désormais  que  les  pa- 
laeographes,  les  archivistes  et  les  antiquaires  chrétiens  soient  doués  d'une 
seconde  vue,  en  quelque  sorte,  tout  aussi  bien  ([ue  les  antiquaires  el  les  jui- 
la?ographes  païens;  car  ils  auront  à  découviir  quelquefois,  sous  une  écriture 
qui  n'est  pas  toujours  transparente,  des  écritures  |iliis  anciennes  fiu  des  des- 
sins antérieurs. 

«  J'ai  l'honneur  d'être  avec  respect,  monsieur  l(!  .Ministre,  votre  très-obéis- 
sant serviteur. 


«  DlHlioiV, 

»  Sccri'liilro  du  (omil.-  hlsimiquc  des  arls  cl  niontiniciiN.  « 


Notre  Comité  s'est  \  ivement  préoccu|)é  en  elVel  de  ces  dessins  palimpsestes; 
mais,  empêché  par  des  publications  magnilj(]ues,  nondjreuses,  coûteuses,  et 
qui  absorbent,  même  au  delà ,  le  crédit  annuel ,  il  n'a  pu  faire  graver  ces  des- 
sins. Les  «  Annales  Archéologiques  »  suppléent  le  gouvernement,  et  publient 
aujourd'hui  ces  palimpsestes  inconnus  jusqu'alors.  Nous  espérons  que  cette 
précieuse  découverte  donnera  l'éveil;  elle  fera  chercher  el  trouver  des  docu- 
ments de  ce  genre.  La  ville  de  Reims  est  vraiment  privilégiée  :  c'est  d'elle 
que  vient  notre  belle  dalle  tuniulaire  de  Libcrgier,  l'archilectc  de  Sainl-Nicaisc; 
c'est  de  l'un  de  ses  manuscrits  (pie  nous  avons  tiré  la  personnification  de  la 
musi(|ne  ;  c'est  du  trésor  de  sa  cathédrale  que  provient  le  plus  beau  calice 
connu,  celui  que  retient  la  Bibliothèque  Royale,  que  nous  avons  fait  graver 
el  qui  porte  le  nom  de  calice  de  Sainl-Remi;  c'est  à  l'archevêché  de  Reims 
que  nous  avons  trouve  la  clochette  romane  à  jour,  monument  unicpic  jusqu'à 
présent.  Reims  rivali.se  avec  Mi!an  par  le  pied  eu  bron/e  d'un  ciindelabre 
roman  qui  vient  de  Sainl-Remi,  et  qu'on  voit  au  Musée  de  la  ville;  Heims 
rivalise  avec  Strasbourg  pour  un  bulVet  d'horloge  (\in  date  de  la  (in  du 
.\Mi'  siècle.  Reims  est  au-dessus  de  toul  par  sa  cathédrale  sublime.  Si  toutes 
les  villes  de  France  nous  fournissaient  autant  que  celle  précieuse  cité,  nos 
«  .Vnnales  .Vrchéologiques  »  seraient  bien  plus  riches  encore  (pie  nous  ne  pou- 
vons les  rendre. 

Il  serait  peu  utile,  après  ce  (|ue  nous  (li-(ins(hin-  l;i  lellrc  a  .M.  de  SiiUiindy, 
et  surtout  avec  les  deux  gravures  (pu-  nuiis  diniiinns  aujourd'hui,  de  |iro- 
longer  davantage  la  description  des  [lalimpsesles  el  de  làire  remar(piei  les 
faits  nondireux  (]u'on  peut  en  tirer.  V>i\  mot  encore  suKira  donc. 

Les  dessins  originaux  du  moven  ;'^ge  sont  fort  rares,   mais  enlin  on  en 


92  ANNAH:S  AKCHEOLOC. IQUES. 

connaît.  A  Strasboini;;,  dans  la  maison  de  l'Olùivre,  on  en  conserve  une  quin- 
zaine. M.  Saint-Père  lils,  architecte  à  Paris,  |)ossède  une  élévation  du  portai! 
de  la  cathédrale  de  Strasbourg.  On  a  la  façade  projetée  de  la  catliédrale  de 
Clerniont-Fcrrand.  MM.  Quantin,  Jules  Renouvier,  le  baron  de  Girardot , 
ont  trouvé,  à  Auxerre,  à  Montpellier,  à  Bourges,  des  plans  de  voûtes  et  d'ab- 
sides, des  élévations  de  baies  et  de  fenêtres,  d'églises  et  dliolels-dieu. 
M.  Tastu  a  rapporté  d'Espagne  le  calque  d'un  projet  de  portail  pour  la 
cathédrale  de  Barcelone  ,  caUpie  réduit  par  M.  Evrard  et  mis  pai'  lui  à  l'une 
des  expositions  du  Louvre.  Dans  une  sacristie  de  la  cathédrale  d'Lllm,  nous 
avons  vu  l'élévation  intérieure  de  cette  cathédrale;  nous  avons  trouvé  un  plan 
sur  les  murs  de  la  cathédrale  de  Fribourg,  en  Brisgau.  M.  HofTstadt,  aujour- 
d'hui à  Aschaffenbourg,  nous  a  montré  à  Munich,  en  1843,  plusieurs  dessins 
originaux  du  moyen  âge.  M.  Renier  Chalon,  président  de  la  Société  des 
bibliophiles  belges,  a  publié  le  gigantesque  dessin  de  la  tour  de  Sainte-Wau- 
dru.  M.  Bance,  éditeur  de  livres  à  gravures,  nous  a  fait  voir,  il  y  a  cinq 
ans,  des  parchemins  immenses  où  étaient  tracés  des  plans,  coupes,  éléva- 
tions, détails  de  divers  monuments  religieux  de  l'Allemagne.  Des  dessins 
analogues  ont  été  recueillis  par  M.  Schmidt,  architecte  de  Trêves,  à  Fribourg, 
Ratisbonne,  Nuremberg,  Francfort,  Cologne.  M.  Reichensperger,  conseiller  à 
la  Cour  royale  de  Trêves,  a  trouvé  un  manuscrit  où  des  architectes  ont  tracé 
leurs  monogrammes;  il  a  publié  les  dessins  originaux  de  Mathias  Roriczer, 
architecte  de  la  cathédrale  de  Ratisbonne.  Enfin  M.  Sulpice  Boiserée  a  eu 
le  bonheur  de  découvrir  un  inmiense  portail  occidental  qu'on  présume  avoir 
été  projeté  pour  la  cathédrale  de  Cologne.  Mais  tous  ces  dessins  sont  des 
XV,  xvf  et  xvif  siècles;  pas  un  seul  n'est  du  xiv%  du  xiii'  encore  moins. 
Les  nôtres,  au  contraire,  datent  du  xiii"  siècle  et  de  la  première  moitié,  du 
premier  tiers,  du  premier  quart  peut-être,  c'est-à-dire  de  l'époque  où  l'ogive 
est  encore  dans  sa  force  et  déjà  touche  à  sa  grâce.  Ce  n'est  donc  pas  nous 
faire  illusion  que  de  regarder  nos  |)alimpsestes  comme  beaucoup  plus  curieux 
que  les  autres  dessins  originaux  du  moyen  âge  et  de  la  renaissance. 

Outre  les  deux  gravures  offertes  aujourd'hui,  une  troisième,  que  nous 
réservons  pour  un  autre  article,  représente  des  projections  fort  singulières, 
fort  habiles,  que  nos  amis  les  architectes  ont  admirées,  mais  qu'ils  n'ont  pas 
encore  comprises.  Quant  aux  deux  gravures  jointes  à  ce  numéro,  l'une  repré- 
sente des  ornements,  des  rinceaux  tracés  entre  des  lignes.  Ces  lignes,  cinq  en 
haut,  cinq  en  bas,  semblent  faire  l'office  d'une /;or/ee  musicale.  Toute  [jortée, 
composée  de^cinq  lignes  également,  est  destinée  à  recevoir  les  notes  à  place 
fixe,  pour  qu'on  les  puisse  lire  et  chanter  à  la  première  vue.  Ici,  le  gros  de 


AMNAU'.S    ARC! 
Par   >f;'I)iarOTi 


DESSINS  PALIMPSESTES,  DL  XI 0"  SIECLE.  A  REIMS, 


DESSINS   PALIMPSESTES   1)1     Mil    SIECLE.  93 

l'ornemenl  occupe  le  lit  circonscril  par  la  paiti(!  intonciire  et  jupi'rii'uri'.  Si 
ces  portées  étaient  iiuisicales  et  que  Vnt  lût  a  la  preniièro  ligne,  on  dirait  (|uc 
la  base  de  rornement  est  à  \'ul  d  rn  haiil  ri  (|iu'  le  sommet  nioiitr  en  /<■,  en 
vii,  en  fa,  jusqu'au  si.  Nous  ignorons  s'il  y  a  réellemonl  la  de  la  mélodie 
architecturale  et  de  riiaiiuonic  (rornemcnlalion ,  mais  ces  cin(|  lignes  d'en 
bas  et  d'en  liant,  disposées  coinnie  des  poi  Iccs  de  niiisiqui',  sont  l'oit  singu- 
lières. Au-dessus  de  ces  orncinciit-,  de  ces  rinceaux,  (pii  sont  largement  des- 
sinés, comme  on  faisait  au  Mil'  sucle,  nous  voyons  le  bas  d'un  portail.  Le 
parchemin,  dont  l'usage  était  si  général,  avait  une  grande  valeur;  on  devait 
donc  chercher  à  l'économiser.  C'est  à  celle  économie  qu'il  faut  attribuer  pro- 
bablenuMit  ces  divisions  de  t'enélres  inscrites  dans  la  baie  d'une  porte.  Dans 
cette  place  vide,  et  où  il  importait  peu  de  dessiner  des  ventaux,  on  a  tracé  les 
rinceaux  d'une  fenêtre.  La  [lartie  de  gauche  est  remplie  par  des  lignes;  ces 
lignes,  ces  formes  devant  se  répéter  identiquement  de  l'autre  côté,  la  partie 
droite  n'est  qu'indiquée;  on  se  presse,  on  ne  dessine  que  le  nécessaire.  Les 
crochets,  qui  remplissent  la  gorge  d'une  des  corniches,  sont  exactement  sem- 
blables à  ceux  qui  décorent  le  grand  portail  de  Notre-Dame  de  Paris.  Les 
clochetons,  qui  ornent  les  contre-forts,  sont  aussi  gracieux  et  plus  sévères  qu'à 
la  cathédrale  de  Reims.  Celle  partie  inférieure  d'un  fiortail  pourrait  être 
copiée  avec  un  grand  succès  par  les  jeunes  architeeles  qui  bâtissent  en  ce 
moment  des  églises  en  slyle  gothique;  c'est  beau,  sévère,  et  ce  serait  peu 
coûteux. 

Mais  nous  espérons  surtout  que  l'on  construira,  que  l'on  réalisera  en  exé- 
cution le  portai!  gravé  sur  la  jiremière  planche,  celle  tpii  esl  en  léte  de  cet 
article.  Sauf  le  pignon,  ce  portail  esl  entier,  et  il  conviendrait  i)arfailement 
;"•  une  grande  église  semblable  à  celle  que  .M.  Lassus  bàlit  en  ce  moment  à 
Nantes.  Trois  portes  à  voussures  et  surmontées  cliaeniie  d'un  pignon  dont 
le  sommelet  les  rampants  sont  llenronnés;  des  clochetons  sur  les  contre  forts; 
une  galerie,  une  arcature  à  la  naissance  de  la  grande  fenêtre  du  centre. 
Voilà  ce  qu'il  faut  remarquer.  Dans  l'Ile  de  France,  en  Picardie,  en  Cham- 
pagne, c'est  une  rose,  non  une  fenêtre,  qu'on  voit  là,  surtout  dans  les 
grandes  églises.  Cette  doubhî  baie  sous-géminée  esl  une  sorte  d'exceplion 
très-curieuse. 

Comparez  le  ])ortail  actuel  de  la  cathédrale  d'.Vmiens  avec  ce  dessin  ,  et 
dites  si,  moyennant  quelques  modilicalions  assez  peu  importantes,  nous 
n'avons  pas  là  le  projet  de  ce  portail.  Comme  à  Amiens,  les  arcs-boutant> 
sont  ornés  d'une  dentelure  intérieure. 

Ainsi  qu'à  l'autre  dessin,  la  seule  partie  gauch  •  de  celui-ci  esl  entièrement 
V.  13 


U  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

dessinée;  la  droile  n'est  qu'ébauchée,  surtout  dans  le  haut.  Examinons  en 
détail  les  bases  et  les  chapiteaux  des  colonnes,  les  moulures  des  larmiers, 
les  retraits  des  contre-forts,  les  ogives  simples  ou  tréllées  des  arcades,  les 
quatrefeuillcs  inscrits  dans  les  écoinçons,  les  crochets  et  autres  lleurons; 
c'est  du  beau  xui"  siècle,  de  celui  d'Amiens,  de  Laon,  de  Soissons,  de  Reims. 
Nous  le  répétons,  il  est  à  désirer  qu'un  architecte  bâtisse  un  portail  d'après 
ce  dessin  ;  rien  de  plus  facile  pour  qui  connaîtrait  un  peu  l'architecture  ogi- 
vale. Tout  à  l'entrée  du  premier  volume  des  «  Annales  Archéologicpies  » , 
nous  avons  donné  le  plan  et  la  coupe  longitudinale  d'une  église  modèle  en 
style  du  xiii°  siècle;  le  dessin  d'aujourd'hui  peut  en  être  considéré  comme 
le  complément.  Ce  portail  irait,  ou  peu  s'en  faut,  avec  cette  église  que 
M.  Lassus  construit  à  Nantes.  Nous  avions  même  autrefois  engagé  31.  Lassos 
à  prendre  ce  portail  palimpseste  comme  un  beau  ty[)e.  Des  raisons  particu- 
lières n'ont  pu,  à  ce  qu'il  semble,  favoriser  ce  projet;  mais  un  autre  archi- 
tecte pourra,  dans  un  autre  grand  monument,  élever  en  pierre  ce  portail 
dessiné  sur  parchemin.  C'est  un  peu  le  motif  qui  nous  a  fait  donner  cetle 
planche  en  ce  moment. 

Dans  le  manuscrit  de  Reiras  les  dessins  sont  aux  deux  tiers  et  au  double 
de  nos  gravures;  l'ornement  en  rinceaux  est  à  moitié  de  l'original  et  les 
deux  élévations  sont  au  tiers.  M.  T.  OUvier  a  fait  la  réduction  et  gravé  les 
traits  de  ces  deux  planches  avec  une  Bdélité  scrupuleuse.  —  Nous  remar- 
querons enfin  que  ces  dessins  sont  tracés  sur  le  recto  ou  sur  l'endroit  du 
vélin,  c'est-à-dire  sur  la  partie  la  plus  fine,  celle  qui  est  adhérente  à  la  peau 
de  l'animal,  et  qui  offrait  à  la  pointe  et  à  la  plume  du  dessinateur  une  surface 
plus  douce  à  labourer. 


NOTES  D'UN  VOYAGE  EN   ITALIE. 


l'archukctlre  ikançaise 

ET  I.  AKCllITKCTUKK   ITM.IHNM-    AU   MOYEN    AGE. 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  dotTrir  à  nos  lecteurs  un  tableau  con)plet 
de  l'art  italien;  ce  serait  cependant  un  sujet  tout  neuf,  l)ien  que  tels  savants, 
qu'on  pourrait  nommer,  se  vantent  tous  les  jours  de  n'avoir  là  dessus  rien 
laissé  à  dire  à  leurs  successeurs.  Des  devoii-s  trop  iiiipérieu.v  nous  ont  con- 
traint de  borner  nos  études  à  l'examen  d'un  petit  nombre  de  villes;  mais  ce 
sont  les  plus  célèbres  du  pays,  et  les  monuments  qu'elles  renferment,  placés 
sous  le  patronage  imposant  de  noms  vraiment  illustres ,  se  présentaient  à  nous 
environnés  du  plus  séduisant  prestige.  Qu'il  nous  soit  donc  permis  de  parler 
de  1  art  en  Italie,  de  lui  demander  compte  d  une  prééminence  dont  il  pourrait 
bien  s'être  emparé  par  surprise,  et  de  mettre  hardiment  nos  titres  en  regard  des 
siens.  L'art  français  s'est  laissé  éblouir  par  les  feintes  brillantes  de  son  rival , 
et  le  monde,  qui  juge  sur  l'apparence,  l'a  bien  et  dûment  tenu  pour  battu. 

Quand  on  sort  de  chez  soi  pour  voir  du  pays,  il  faut  soigneusement  se 
tenir  en  garde  contre  deux  genres  d'impressions  également  funestes  :  l'admi- 
ration exagérée  pour  toute  œuvre  exotique,  ou  le  dédain  systématique  de 
tout  ce  qu'on  rencontre  à  l'étranger.  Il  y  a  des  gens  dont  l'humeur  est  ainsi 
faite,  qu'autour  d'eux  rien  ne  leur  a  jamais  send)lé  beau  ;  leur  instinct  artis- 
tique ne  se  développe  que  sur  les  rocailleux  coussins  de  la  diligence,  ou 
dans  les  couchettes  nauséabondes  du  paquebot.  Cet  instinct  passe  bieiitùl  à 
l'état  d'admiration  continue.  Combien  de  fois  n'a-t-on  pas  estimé  une  unn  re 
d'art,  ou  un  monument,  suivant  le  prix  (|u"il  en  avait  coulé  poiu-  les  voir. 
D'autres  touristes,  abusés  par  un  patriotisme  chagrin,  croiraient  manquer  à 
ce  qu'ils  doivent  au  pays  f/ui  lésa  vu  naître,  s'ils  avaient  jamais  la  faiblesse 
de  reconnaître  qu'il  existe,  au  delà  de  leurs  frontières  et  en  dehors  de  leur  rou- 
tine indigène,  un  art  ou  une  civilisation  de  quelque  valeur.  In  classique, 
ravivti  jiar  son  Virgile  et  par  le  ciel  un  \nni  païen  de  l'Italie,  pourrait  bien 
dire  iju'tjn  >c  trouve  ainsi  piaci'  cnlri'  (Jiurvbtle  et  Sc\lla,  et  (pif  ^i ,  a  dr(jile, 


96  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

on  c(uirl  risque  de  faire  naufrage ,  on  n'est  pas  moins  en  péril  de  se  noyer  à 
gauche.  Tâchons  de  suivre  le  vrai  fil  de  l'eau,  cl  de  n'aller  à  la  dérive  vers 
aucun  écueil. 

On  nous  accordera  certainement  que,  du  XP  siècle  au  xv%  nous  autres 
Français,  nous  avons  été  en  possession  d'un  art  original,  créé  par  nous  et 
pour  nous,  et  que  durant  toute  cette  période  assez  longue,  ce  semble,  l'art 
antique  n'a  rien  à  revendiquer  dans  nos  monuments.  La  France  avait  alors 
une  école  nombreuse  et  brillante,  qui  n'allait  point  prendre  ses  modèles  à 
l'étranger,  mais  qui  attendait  fièrement  que,  des  extrémités  de  l'Europe,  on 
vînt  lui  emprunter  des  hommes  capables  d'enseigner  le  grand  art  de  bâtir. 
Du  jour  où  les  artistes  français  ont  répudié  leur  originalité ,  pour  se  faire 
servilement  copistes,  l'art  a  été  perdu  chez  nous.  C'est  qu'on  ne  viole  pas 
impunément  les  lois  fondamentales  qui  régissent  l'humanité.  Dieu  a  voulu 
que  les  diverses  races  qui  composent  la  famille  humaine  fussent  dis- 
tinctes de  physionomie,  de  caractère,  d'intelligence;  il  a  voulu  même, 
tant  il  s'est  plu  à  mettre  de  variété  dans  ses  œuvres ,  que  dans  une 
même  race  chaque  individu  fût  marqué  d'un  signe  propre  à  le  distinguer 
entre  tous  les  autres.  Comment  donc  ne  pas  comprendre  qu'on  tente  l'im- 
possible, en  voulant  imposer  à  tous  les  peuples  un  art  commun;  qu'on  tra- 
vaille à  constituer  une  chimérique  unité  d'idées,  d'habitudes,  de  besoins,  qui 
n'a  jamais  existé  dans  le  passé,  et  qui,  s'il  plaît  au  ciel,  n'existera  jamais 
dans  l'avenir?  Quarriverait-il  dans  une  réunion  d'hommes,  où  tous  auraient 
identiquement  mêmes  traits,  même  taille,  même  voix?  Pourquoi  donc  rêver 
pour  l'ordre  intellectuel  et  moral  ce  qui,  dans  l'ordre  physique,  serait  une 
monstruosité,  une  sorte  d'unité  qui,  en  définitive,  deviendrait  la  pire  de 
toutes  les  confusions?  Que  chacun  marche  dans  sa  voie,  et  que  chacun,  au 
lieu  de  travailler  à  effacer  son  individualité,  la  fasse  servir  au  bien  général. 

Au  moyen  âge,  la  nation  française  a  joué  un  rôle  immense.  Alors,  conmie 
elle  le  pourrait  faire  encore,  elle  portait  l'étendard  du  catholicisme  et  de  la 
civilisation;  c'est  d'elle  que  jaillissaient  les  grandes  idées  qui  remuaient  l'Eu- 
rope. On  lui  concède  facilement  cette  gloire;  mais  on  n'a  pas  encore  assez 
étudié  ses  annales  pour  reconnaître  qu'elle  a  tenu  ,  pendant  la  même  pé- 
riode, le  sceptre  de  la  science  et  de  l'art.  Il  semble  au  contraire  que,  depuis 
les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  l'Italie  ait  constamment  possédé,  sans 
conleslation,  le  singulier  privilège  d'imposer  à  tous  les  autres  peuples  ses 
traditions  d'art,  comme  les  règles  infaillibles  du  goût  et  de  la  beauté.  On 
aurait  évité  cette  grave  erreur,  si  l'on  avait  pris  soin  de  mettre  en  présence 
l'œuvre  italienne  et  l'œuvre  française,  et  si,  au  lieu  d'opposer  le  xvi'  siècle 


NOTES  D'UN  VOYAGE  EN    ITALIE.  97 

italien  à  une  époque  (jui  riiez  nous  inarqujiit  déjà  une  fléeadence  dans  la 
inarelie  de  l'art,  on  avait  comparé,  siècle  par  siècle,  dans  les  deux  pays,  les 
(Kuvres  des  ûges  précédents. 

A  mes  yeux,  la  su{)ériorité  de  la  France  sur  l'Italie,  dans  l'arcliitecture, 
qui  est  le  premier  des  arts,  celui  au(iuel  se  raltaclient  tous  les  autres,  est 
incontestable  pour  toute  la  durée  du  moyeu  âge.  Si  jamais  un  artiste  labo- 
rieux voulait  élever  à  la  gloire  de  notre  pays  un  grand  elmagiuli(|ue  monu- 
menl,  il  n'aurait  qu'à  dessiner  avec  exactitude,  et  à  une  même  échelle,  les 
constructions  les  plus  vantées  de  l'Italie  du  xi"  siècle  au  xv,  et  à  les  coin|)arer 
à  ce  ([u'on  faisait,  aux  mêmes  époipies ,  d'un  bout  de  la  France  à  l'autre. 

11  faut  se  bien  i^arder  de  jamais  confondre  ce  (]ui  est  beau  et  ce  (jui  n'est 
que  curieux.  Un  objet  ancien  inspirera  pres(iuc  toujours  un  juste  intérêt, 
de  curiosité;  peut-être  sera-l-il  fort  laid,  mais  qu'importe'.^  Le  manuscrit  le 
plus  imparfait  d'une  bibliothèque  est  souvent  celui  qui  renferme  les  docu- 
ments historiques  les  plus  précieux,  ou  qui  peut  le  mieux  servira  déterminer 
certaines  règles  de  paléographie.  Les  antiquaires  du  vieux  temps  trouvaient 
admirable  la  laideur  elle-même,  quand  elle  ajoutait  à  sa  ditrormité  l'avantage 
d'une  existence  séculaire  et  surtout  celui  d'une  origine  un  peu  grecque  ou 
romaine.  Tomberions-nous  dans  le  même  défaut,  nous  qui  avons  li'cxiué  le 
nom  décrié  d'antiquaires  pour  celui  d'aichéologues,  tout  comme  les  procé- 
duriers de  notre  temps,  à  qui  le  titre  de  procureur  ferait  horreur,  mais  qui 
veulent  bien  consentir  à  s'appeler  avoués'.' 

Entrons  donc,  un  moment,  dans  une  l)asili(|uo  chrélicnni'  de  Home;  met- 
tons de  côté  l'anticpiité  vénérable,  les  souvenirs  pathétiques,  ([ui  coiistituenl 
au  profit  de  ces  monuments  un  intérêt  si  puissant ,  et  demandons-nous  si  les 
éléments  de  la  véritable  beauté  existent  dans  uti  édiiice  de  ce  genre.  Que 
voyons-nous  donc'.'  A  l'extérieur,  des  murs  eu  bricjues,  percés  de  rares  fenê- 
tres sans  ornement,  et  rehaussés  à  peine  d'une  maigre  corniche;  une  façade 
dépourvue  de  toute  sculpture;  des  portes  encadrées  de  précieux  fragments 
antiques,  réunis  comme  par  hasard;  une  tour  rejetée  sur  les  derrières  de 
l'édifice  et  dont  la  décoration  consiste  en  colonnes  trapues,  (pii  portent  pour 
chapiteaux  des  consoles  presque  brutes,  ou  en  morceaux  de  marbres  rares 
irrégulièrement  incrustés  dans  les  briques.  Tout  cela  forme  un  ensend)le  aussi 
peu  beau  (pi'il  est  singulièrement  curieux.  Au  dedans,  vous  trouvez  trois  nefs 
séparées  par  deux  files  de  colonnes  de  la  matière  la  plus  précieuse,  en  marbre, 
en  granit  ou  en  |)orphyre,  mais  presque  toujours  inégales  de  module  et  de 
hauteur,  quelquefois  même  coiffées  de  chapiteaux  (|ui  appartiennent  à  des 
ordres  différents,  ou  qui  n'ont  pa-;  et"'  faits  pour  les  IVils  qu'ils  suiiiioiilcnl  , 


98  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

depuis  leur  ajustement  dans  la  basilique  chrétienne.  On  croirait  ({ue  les  fidèles 
du  premier  siècle  ne  se  sont  préoccupés  que  d'une  chose,  d'ériger  au  Christ 
roi,  victorieux,  empereur,  des  monuments  de  triomphe,  tout  composés 
des  dépouilles  du  paganisme  vaincu.  Il  faut  bien  le  dire,  quand  on  assiste 
à  la  célébration  des  mystères  catholiques  au  milieu  de  ces  trophées,  dont  les 
uns  ont  vu  les  orgies  du  palais  des  Césars,  les  autres,  les  pompes  de  Jupiter- 
Tonnant,  et  dont  plusieurs  portent  pour  couronne  les  images  des  dieux  vain- 
cus, on  se  sent  pris  au  cceui'  d'une  émotion  telle  que  la  plus  parfaite  œuvre 
de  l'art  n'en  produirait  [teut-ètre  jamais  de  pareille.  Mais  nous  avions  an- 
noncé que  nous  laisserions  de  côté  tous  ces  illustres  souvenirs ,  pour  traiter 
la  question  au  seul  point  de  vue  de  l'art,  et  voici  que  nous  sommes  entraîné 
malgré  nous,  tant  ces  souvenirs  exercent  de  fascination  sur  l'àme;  reprenons 
donc  l'examen  technique  du  monument. 

Les  deux  files  de  colonnes,  qui  partagent  la  basilique  en  trois  nefs,  portent 
une  architrave  composée  de  débris  antiques ,  ou  des  arcs  en  briques.  Si  l'édi- 
fice a  conservé  son  ancien  système  de  fenêtres,  le  jour  n'y  pénètre  qu'à  tra- 
vers des  plaques  de  marbre  qu'on  a  sciées  aussi  minces  que  possible,  afin 
de  leur  donner  un  peu  de  transparence,  ou  par  de  petites  ouvertures  rondes 
ménagées  dans  des  châssis  de  terre  cuite,  qui  remplissent  les  baies  en  guise 
de  vitraux.  Les  collatéraux  sont  couverts  par  de  petites  voûtes  d'arête  qui , 
malgré  le  peu  d'épaisseur  et  les  faibles  dimensions  de  leur  portée,  ne  sauraient 
se  tenir  toutes  seules,  tant  sont  frêles  leurs  points  d'appui;  des  barres  de  fer, 
bien  apparentes,  arrêteutdans  tous  les  sens  l'écartement  des  arcs.  Au-dessus 
de  la  nef  centrale  s'appesantit  un  riche  et  lourd  plafond  ;  souvent  aussi  la 
charpente  qui  soutient  le  comble  est  demeurée  à  découvert,  et  forme  à  elle 
seule  la  maîtresse -voûte  de  l'église.  Sous  le  sanctuaire  de  la  basilique,  il 
y  a  toujours  une  confession,  sorte  de  petite  chapelle  souterraine  destinée  à 
renfermer  des  reliques.  Quehjuefois  il  existe  une  crypte  plus  développée,  avec 
galeries  et  chapelles.  Ces  constructions  souterraines,  confessions  ou  cryptes, 
sont  d'ailleurs  du  style  le  plus  simple,  on  pourrait  dire,  le  plus  misérable. 
Ainsi  les  grottes  vaticancs,  où  l'on  a  peine  à  se  tenir  debout,  ne  possèdent 
d'autre  titre  à  la  curiosité  que  leur  riche  collection  de  débris  et  de  tombeaux. 
La  crypte  de  la  cathédrale  de  Bourges  est  un  monument  admirable;  celle  de 
Saint-Pierre  de  Rome  n'est  autre  chose  qu'une  cave  ])einte  et  plaquée  de 
marbre. 

Quand  la  basilique  a  été  construite  sur  de  vastes  proportions,  quand  l'œil 
end)rasse  à  la  fois,  comme  à  Sainte-Marie-.Majeure,  deux  rangées  do  dix-huit 
colonnes  du  plus  beau  marbre  blanc,  et  qu'au  bout  de  cette  élégante  pers- 


NOTES  D'UN   VOYAGE  KN   II  ALIK.  99 

peclive,  une  mosaïque  à  fond  d'or  ilhiniine  la  voûte  ahsiilale,  il  esl  diflicile 
de  ne  pas  opromor  un  inoiucnl  de  séduction  ;  mais  l'eflet  résulte  plutôt  de  la 
splendeur  des  matériaux,  de  la  inulliplicilé  des  colonnes,  (juc  de  Tari  des 
combinaisons  arcliileelurales.  Aussi,  voyez  ce  qui  arrive  :  on  veut  avoir  à 
Paris  un  diminutif  de  Sainte-Mari(!-Majeure  :  les  proportions  sont  réduites, 
les  matériaux  vulgaires  de  notre  pays  prennent  la  place  des  marbres  d'Italie, 
et  l'on  obtient  Notre-Dame  de  Lorelle.  En  réduisant  Saint-Paulliors-los-Murs, 
on  produit  quelque  chose  comme  notre  Saint-Vincent-de-Paul  du  faubourg 
Saint-Denis.  Notre  art  français  du  moyen  iige  avait  la  main  plus  lieurcuse  : 
libre  de  se  développer  à  son  gré,  il  construisait  la  Notre-Dame  de  Reims  ou 
celle  d'Amiens;  obligé  de  se  restreindre  dans  des  limites  étroites,  il  élevait 
la  Sainte-Chapelle  de  Paris.  Le  petit  monument  est  aussi  admirable  (pie  le 
grand,  parce  que  le  principe  d'où  ils  émanent  tous  deui^f  possède  eu  lui- 
même  des  conditions  de  beauté  indépendantes  de  l'espace  dans  knpiel  il  leur 
est  permis  de  se  produire. 

Un  des  plus  graves  inconvénients  du  mode  de  construction  suivi  dans  la 
basilique  est  certainement  aussi  le  défaut  de  solidité.  Les  vieilles  églises  de 
Rome  ne  sont,  pour  la  plupart,  arrivées  jusqu'à  nous  (ju'au  moyen  de  re- 
prises et  de  réparations  continuelles  :  à  celle-ci,  on  a  refait  trois  ou  quatre 
fois  toute  l'enveloppe  extérieure;  à  celle-là,  les  colonnes  de  marbre,  qui 
se  fendaient  de  vieillesse,  ont  été  renfermées  dans  de  gros  pilieis  modernes. 
Presque  partout  les  plâtres  dorés  et  les  stucs  multicolores  du  Berniu  et  de 
ses  élèves  sont  venus  farder  les  rides  de  murailles  trop  caduques.  Ce  que 
les  architectes  classiques  ont  fait  à  Paris,  poui'  remettre  à  la  mode,  avec 
approbation  de  l'Académie,  le  chœur  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  et  celui 
de  Notre-Dame,  n'est  rien  auprès  des  incroyables  restaurations  inlligées  aux 
églises  romaines  les  plus  vénérables. 

Les  basiliques  pompeusement  décorées  du  titre  de  constantinicnnes  sont 
en  réalité,  sauf  de  bien  rares  exceptions,  moins  anciennes  que  nos  cathé- 
drales des  xu'  et  xiii°  siècles  ;  on  peut  allirnier  (jue  le  plus  souvent  elles  n'ont 
rien  gardé  de  leur  architecture  primitive.  Nous  aussi,  dans  les  premiers 
siècles  de  notre  histoire,  nous  avons  fait  du  style  latin;  nous  aussi  nous  avons 
élevé  des  basiliques,  dont  nos  vieux  annalistes  ont  écrit  de  pompeuses  des- 
criptions. .Alais  un  incendie  les  réduisait  en  cendres,  une  invasion  les  balayait 
du  sol,  si  bien  qu'il  n'en  est  pas  resté  le  moindre  vestige.  Nous  nous  sommes 
heureusement  ravisés  :  à  pailir  du  xi'  siècle,  nos  monuments  ont  su  se  tenir 
ilebout.  Un  exemple  des  plus  mémorables  est  venu  conlirmer,  de  nos  jours, 
la  su[)ériorité  de  la  construction  française  au  moyen  âge  sur  la  construction 


100  ANNALES   A  KCHÉOLOfi  IQUES. 

italienne,  quand  il  s'agit  de  résistera  quelqu'une  de  ces  puissantes  causes  de 
destruction  qui,  un  jour  ou  l'autre,  ne  manquent  jamais,  dans  une  longue 
suite  de  siècles,  de  s'attaquer  aux  édifices.  Dans  la  rmit  du  15  au  16  juillet 
1823,  la  charpente  de  l'immense  basilique  de  Saint  Paidhors-les-.Murs,  dans 
la  canq)agne  de  Rome,  devient  la  proie  d'un  violent  incendie:  les  quatre 
fdes  do  colonnes  de  marbre  de  la  quintuple  nef  sont  réduites  en  chaux  ;  les 
murs  croulent  avec  leurs  appuis;  l'édifice  succombe  presque  tout  entier  et 
le  peuple,  au  milieu  de  celle  catastrophe,  ne  croit  pouvoir  attribuer  qu'à  un 
prodige  la  conservation  de  l'autel  qui  recouvre  le  corps  de  l'apùtre  saint 
Paul.  Depuis  tantôt  un  quart  de  siècle,  on  travaille  à  la  réédiûcation  de  la 
basilique,  et  les  architectes  n'osent  pas  s'engager  à  la  remettre  aux  mains 
du  clergé  pour  le  jubilé  de  1850.  A  Chartres,  en  1836,  un  feu  d'une 
violence  inouïe  s'allume  dans  tout  le  comble  et  dans  un  des  clochers  de  la 
cathédrale  :  la  charpente  entière  est  consumée;  une  masse  énorme  de  plomb 
fondu  jaillit  en  lave  bouillante  par  les  canaux  des  gargouilles;  dans  la  tour, 
les  cloches  de  bronze  à  demi  liquéfiées  roulent  d'étage  en  étage.  Au  bout 
de  quelques  heures,  le  feu  ne  trouve  i)lus  d'aliment  et  il  s'éteint,  lais- 
sant sur  les  voûtes  une  montagne  de  cendres.  Mais  ces  voûtes  étaient  intactes  ; 
elles  avaient,  par  leur  solidité,  sauvé  l'église  entière,  dans  laquelle  l'incendie 
n'avait  pu  s'ouvrir  un  passage,  et  le  lendemain  même,  on  célébrait  la  messe 
à  tous  les  autels,  pour  remercier  Dieu  d'avoir  épargné  à  la  cathédrale  un 
si  grand  désastre. 

Il  semble  qu'un  jour  les  Italiens  se  soient  doutés  que  la  basilique,  sortie  du 
paganisme,  ne  pouvait  décemment  éire  proposée  au  monde  comme  le  type 
de  l'église  chrétienne.  C'est  alors  qu'ils  ont  tenté  d'implanter  sur  leur  sol  l'ar- 
chitecture des  peuples  du  Nord.  On  n'a  jamais  rien  gagné  à  se  faire  copiste. 
A  la  manière  de  certains  artistes  de  noire  temps,  qui  traitent  cavalièrement  l'ar- 
chitecture du  moyen  âge,  et  qui  pensent  bonnement  pouvoir  en  faire  sans 
s'être  aliaissés  jusqu'à  l'étudier,  les  Italiens,  pour  avoir  pris  quelques  leçons 
de  [)auvres  architectes  allemands,  se  sont  crus  passés  maîtres  en  style 
gothique.  Mais  il  y  a  plus  de  dislance  encore  entre  ce  qu'ils  ont  construit  alors 
et  ce  (jui  se  faisait  chez  nous,  qu'entre  nos  plates  imitations  de  l'art  grec  et 
les  monuments  originaux.  1^'ogive,  si  belle  et  si  purement  profilée  de  Reims  et 
d'Amiens,  est  devenue  en  Italie  quelque  chose  d'obtus  et  de  lourd  qui  n'a  plus 
de  nom  ;  à  la  place  de  ces  grandes  formes  architecturales,  qui  seules  peuvent 
donner  du  caractère  à  un  monument,  on  a  mis  du  bariolage,  de  la  marquete- 
rie de  marbre.  La  richesse  des  détails  est  arrivée  en  aide  à  la  misère  de  l'en- 
semble; on  a  jeté  sur  la  nudité  de  l'architecture  un  manteau  d'or,  de  pein- 


NOTES   DTN    VOYAtlF.   EN    ITALIE.  101 

ture  et  de  mosaïque.  Aussi  dans  (|ucl(|nes  villes,  piincipaleinenl  à  Rome, 
les  population.^,  trompées  par  les  tristes  exemples  (piellesont  sous  les  yeux, 
se  sont  persuadé  que  le  style  i;otlii(]iie,  sorti  delà  barbarie  du  inoven  âge, 
n'était  qu'un  indigeste  assemblage  d'incoliérenres  et  de  bizarreries.  [,es 
églises,  telles  que  celles  de  la  Minerve  el  de  IWi-j-tio-ii  ,  maussades  écliantil- 
lons  de  l'arehiteclure  ogivale,  n'étaient  guère  capables  en  effet  de  faire;  ()id)lier 
au  peuple  romain  l'ordonnance  queliinefois  majestueuse  d(>  ses  basiliques.  Un 
nouvel  essai  a  été  tenté  de  nos  jouis,  piescpie  au  pied  du  doine  de  Saiiil- 
Pierre  :  les  religieuses  françaises  ont  xoulu  avoii-  une  eliapelle  gollii(pjo; 
malheureusement  elles  ont  \wn>v  |H)u\nir  en  être  les  archit(;cles,  et  leur  cruvre 
ne  réconciliera  certainement  jtas  les  Romains  a\ee  nolie  architecture  natio- 
nale. Cette  année  ce[)endant ,  au  feu  d'artifice  du  lundi  de  IVupies,  la  pièce 
principale,  développée  au  pomtour  du  château  Saint-.Aiige,  rcprésenlail 
une  fa<.ade  gothique,  ou  (pu  du  moins  a  la  |)rétention  de  l'être,  celle  de  ce 
dùnie  d'Orviéto  ,  si  célèbre  par  le  Jugement  dernier  de  Luca  Signorelli. 

La  comparaison  des  monuments  gothiques  bâtis  en  Italie  avec  ceux  que  la 
France  a  élevés  nous  entraînerait  beaucoup  trop  loin.  Nous  avons  d'ailleurs 
la  conviction  que  tous  ceux  lyù  ont  étudié  les  édifices  eux-mêmes,  sans  se 
préoccuper  des  préjugés  répandus  par  les  touristes  académiciens,  ont  reconnu 
et  sont  prêts  à  proclamer  la  supériorité  incontestable  de  notre  i)a\s.  La  ca- 
thédrale de  Pise  est  à  coup  sùi'  en  possession  d  une  assez  belle  renoninu'e;  au- 
cune cathédrale  française  n"a  réussi  à  faire  autant  parler  d'elle.  Comme  un 
autre,  J'ai  admiré  la  disposition  grandiose  de  sa  (piintnple  nef  et  de  ses 
quatre  rangées  de  colonnes  de  marbre;  le  reste  m'a  [larii  plus  intéressant  que 
véritablement  beau.  La  France  a  cent  églises,  ipii ,  au  |)nint  de  vue  da  l'es- 
ihélique,  valent  mieux  cpie  la  cathédrale  de  Pise,  nKinument  ou  la  lichesse 
de  la  matière  employée  et  l'éclat  des  mosaïques  jouent  le  rôle  principal.  Les 
architectes  puristes  de  notre  Académie  |)rétendent  qu(>  les  façades  de  nos 
grandes  églises  sont  surchargées  de  membres  inutiles;  ipie  dirons-nous  donc 
de  la  cathédrale  de  Pise,  dont  la  façade  présente  cinq  ou  six  étages  de  gale- 
ries (pii  ne  conduisent  à  rien,  et  qui  se  ressend)lenl  lonles'.'  Les  portails  de 
Paris  el  de  Reims,  avec  leurs  voussures  historiées,  leurs  tyuq)ans  peuplés  de 
personnages,  leurs  roses  à  jour,  leurs  tejurs  majestueuses  el  leur  stalun;  colos- 
sale, ont  une  autre  valeur,  je  pense  ;  il  n'y  a  dans  ces  églises  ni  marbres,  ni 
mosaïques,  mais  de  la  bonne  et  grande  architecture.  Si  d'un  coup  de  baguette 
nous  pouvions  transporter  le  vieux  clocher  de  Chartres,  ce  clief-d'oMure  du 
xii'  siècle,  en  face  de  la  fameuse  tour  penchée  de  Pise,  qui,  comme  la  cathé- 
drale ,  sa  voisine  ,  se  compose  d'une  monotone  série  de  galeries  montées  les 
V.  IV 


102  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

unes  sur  les  autres,  le  monument  pisan  semblerait  peut-être  un  pygmée  con- 
trefait à  côté  d'un  géant  merveilleusement  proportionné  dans  sa  haute  taille. 
Nous  ne  voudrions  insulter  personne,  pas  même  une  tour  qui  menace  de  tom- 
ber sur  la  tête  des  gens;  nous  trouvons  seulement  que,  de  la  part  des  Italiens, 
il  y  a  une  certaine  jactance  à  prétendre  que  si  nous  n'avions  étudié  dans 
leurs  écoles,  nous  ne  serions  jamais  sortis  de  l'ignorance  du  moyen  âge.  En- 
core un  dernier  exemple.  Dans  les  biographies  d'ArnoIfo  di  Lapo  et  de  Bru- 
nelleschi,  Vasari  a  fait  le  récit  le  plus  intéressant  de  la  construction  de  la  cou- 
pole de  Sainte-Marie  des-Fleurs,  cette  cathédrale  de  Florence,  plus  gracieuse 
par  son  nom  que  par  son  architecture;  on  aurait  peine  à  se  faire  une  idée  des 
immenses  difficultés  que  rencontra  l'achèvement  de  cette  partie  de  l'édifice; 
épouvantés  de  la  hardiesse  d'une  pareille  entreprise,  le  peuple  et  les  magis- 
trats avaient  fini  par  la  croire  impossible.  Chez  nous,  dans  une  obscure  ville 
des  confins  de  la  Normandie  et  de  la  Bretagne,  à  Coutances,  un  architecte  in- 
connu élevait  sans  bruit,  dès  le  xiii"  siècle,  un  dôme  bien  supérieur  à  celui  de 
Florence,  sous  le  triple  rapport  de  la  science,  de  l'élégance  et  de  la  solidité. 
Il  a  manqué  à  la  gloire  de  notre  coupole  normande  d'être  venue  au  monde 
sur  les  rives  de  l'Arno  et  d'avoir  pu  trouver  un  historien  digne  d'elle. 

Ce  qui  me  causait  le  plus  d'étonnenient  à  la  vue  des  monuments  italiens, 
construits  du  xi"  au  y.V  siècle,  c'était  la  timidité,  la  stérilité  d'invention  qu'ils 
attestent  de  la  part  de  leurs  architectes.  On  s' attendrait  à  trouver  au  moins  de 
l'imagination  dans  les  œuvres  d'un  peuple  doué  d'un  esprit  aussi  mobile  et  de 
passions  aussi  vives;  cette  qualité  est  justement  celle  dont  elles  sont  le  plus 
dépourvues.  Il  a  fallu  des  générations  entières  d'artistes,  en  ce  pays,  pour 
changer  une  moulure  antique,  pour  modifier  une  corniche,  pour  alléger  la 
pesante  coupole  byzantine,  pour  donner  aux  basiliques  des  païens  une  tour- 
nure tant  soit  peu  chrétienne.  En  France,  dans  une  période  de  moins  d'un 
siècle,  dans  l'intervalle  qui  sépare  la  pose  de  la  première  pierre  de  Notre- 
Dame  de  Paris  de  la  consécration  de  la  Sainte-Chapelle,  nous  avons  eu  un  art 
nouveau  et  complet,  qui  a  manifesté  immédiatement  sa  puissance  créatrice 
par  l'invention  d'une  multitude  de  monuments  religieux,  militaires  ou  civils. 
C'est  aux  gens  du  Nord,  accusés  d'imagination  lente  et  de  goijl  pesant,  que 
revient  l'honneur  d'avoir  donné  à  l'Église  et  au  monde  l'art  chrétien.  Par  un 
abus  de  mots  qui  ne  peut  tromper  personne,  on  a  voulu  parer  de  ce  beau 
titre  d'art  chrétien  les  constructions  élevées  par  les  papes  et  les  fidèles  des 
premiers  siècles  ;  ne  savons-nous  donc  pas  qn'ils  ont  pris  ce  qu'ils  ont  trouvé, 
({u'ils  ont  établi  leur  culte  dans  les  édifices  païens  qui  pouvaient  s'adapter  le 
mieux  à  leurs  cérémonies?  Des  hommes,  qui  avaient  le  monde  à  convertir  et 


NOTES  D'UN    VOYAGE  EN    ITALIE.  103 

à  civiliser,  n'avaient  pas  trop  le  lemps  de  courir  après  une  archileclure  nou- 
velle. Le  véritable  art  chrétien,  à  nos  yeux.,  est  celui  qui  est  né  quand 
l'Egliso,  libre;  do  toute  |)réoccupation  e\lérieur<!,  en  attendait  la  venue,  pour 
réaliser  dans  le  temple  matériel  l'edilice  sjjirituel  qu'elle  avait  fondé;  celui 
qui  s'est  présenté  à  la  société  catholique  délinilivcment  constituée,  et  quia  su 
se  faire  accepter  d'elle,  comme  l'expression  la  plus  complète  de  ses  besoins 
et  de  son  organisation  tout  entière.  Où  était  donc  1  art  chrétien  au  commen- 
cement du  xiii'  siècle.^  Choisissez  entre  la  France  et  l'Italie.  Tandis  que  les 
Notre-Dame  de  Paris,  d'Amiens  et  de  Reims  s'élevaient  comme  i)ar  enchante- 
ment, un  pape,  llonorius  111  (premier  quart  du  xiii'"),  se  donnait  beaucoup  de 
peine  pour  doter  la  basilique»  de  Saiiil-l.aurent,  hois  les  murs,  à  Uome,  d  un 
chélif  portique  d'ordre  ionique,  copie  avortée  de  (pielquc  ruine  impériale. 
Une;  i)areille  construction  n'exigeait  pas  de  bien  savantes  combinaisons,  ni  une 
grande  dépense  d'idées  chrétiennes;  d  abord  on  achevait  de  démolir  quehpie 
temple  païen  pour  se  procurer  les  colonnes  nécessaires;  la  brique  faisait  les 
frais  des  murailles,  et  un  appentisdebois  jeté  sur  le  tout  servait  de  couverture. 
Jusqu'à  la  fin  du  xv"  siècle,  nous  avons  continué  d'enrichir  nos  villes  des 
édifices  les  plus  élégants  et  les  plus  variés,  sans  nous  inquiéter  de  savoir  si 
nos  voisins  faisaient  mieux  ou  moins  bien  que  nous.  Qui  sait  oii  nous  serions 
arrivés,  si  nous  avions  suivi  la  voie  qui  s'ouvrait  pour  nous?  Notre  roi 
Charles  VHI  nous  rendit  un  bien  mauvais  service,  en  ramenant  d'Italie  une 
.  colonie  d'artistes  qu'il  employa  aux  travaux  de  son  château  d'Amboise. 
Quand  ce  prince  entra  dans  Rome,  |)arla  porte  Flaminienne,  le  |)remier  édilice 
qui  s'offrit  à  sa  vue  fut  le  portail  de  Sainlc-iMaric-duPenijlc,  récemment 
reconstruit  aux  frais  de  Sixte  lY,  par  Baccio  Pintelli,  l'un  des  premiers  res- 
taurateurs de  l'art  antique.  Au  centre  de  la  ville,  il  ne  manqua  pas  de  visiter 
l'église  de  Saint- Augustin  qu'un  Français,  le  cardinal  d'Estouteville,  venait 
de  faire  rebâtir  dans  le  même  style,  et,  certes,  qui  ne  valait  pas  les  charmantes 
chapelles  élevées  par  ce  magnifique  prélat  dans  son  diocèse  de  Rouen.  Ces 
monuments  qui  existent  encore  n'ont  rien  de  bien  recommandable;  ils  n'in- 
téressent que  l'histoire  de  l'art,  en  leur  qualité  de  premier  téuioignage  d'un 
retour  sérieux  à  l'étude  de  l'antiquité.  Notre  petit  roi  Charles,  comme  l'ap- 
pelle Philippe  de  Comines,  ne  s'en  laissa  pas  moins  séduire  par  l'attrait  de  la 
nouveauté;  peut-être  aussi  voulut-il  emporter  dans  sa  demeure  d  Amboise 
un  souvenir  de  cette  Italie,  qui  lui  échappait  aussi  rapidement  (pi'il  lavait 
conquise.  Une  fois  commencée,  l'émigration  des  artistes  italiens  n'a  fait 
que  se  développer  sous  les  règnes  suivants,  jusqu'au  jour  où  le  Bernin  s'en 
retourna  au  delà  il(;s  monts,  comblé  des  dons  de  Louis  XIV,    mais  battu  cm 


ilO  ANNALES  ARCHEOLO(.  IQIES. 

architecture  par  un  pauvre  médecin  de  Paris.  L'influence  italienne  a  été 
grande,  à  la  cour  surtout,  pendant  deux  siècles  environ;  elle  ne  s'est  pas 
exercée  seulement  sur  l'art,  mais  aussi  sur  le  langage  qu'elle  a  efféminé,  et 
sur  les  moeurs  qu'elle  a  passablement  perverties.  C'est  à  Florence  et  à  Rome 
(jue  nous  allions  chercher  nos  reines  et  nos  premiers  ministres. 

Comme,  après  tout,  nous  sommes  gens  d'intelligence,  nous  avons  com- 
mencé par  copier  l'ait  italien  avec  un  certain  esprit.  Bien  que  fortement  altéré, 
notre  art  national  conserva  longtemps  encore  quelques  traits  de  son  origina- 
lité première.  Mais  nous  n'avons  pas  su  nous  arrêter  à  temps,  et  les  Italiens, 
arrivés  au  dernier  degré  de  la  décadence,  ont  continué  à  nous  servir  de 
modèles.  Quand  on  parcourt  les  rues  de  Florence  et  de  Rome,  on  retrouve  à 
chaque  pas  les  types  d'après  lesquels  ont  été  construits ,  depuis  le  xvi"^  siècle, 
tous  nos  édifices  publics  et  toutes  nos  habitations  privées;  le  copiste  s'est 
emparé  même  des  moindres  détails  de  disposition  et  de  sculpture.  Aux  jours 
de  sa  puissance,  la  Société  des  Jésuites  éleva  dans  notre  pays  plus  de  deux 
cents  églises,  toutes  calquées  sur  les  grandes  églises  de  Saint-Ignace  et  du 
(!esù,  qu'elle  avait  bâties  à  Rome,  au  pied  du  Capitole,  et  dont  l'architecture 
froide,  monotone  ,  chargée  de  petites  choses,  est  la  dernière  expression  d'un 
art  parvenu  au  terme  de  sa  vitalité.  La  décoration  de  l'église  du  Gesù,  chef- 
d'œuvre  de  mauvais  goût  et  de  magnificence  mal  employée,  s'est  surtout 
reproduite  chez  nous,  dans  toutes  les  maisons  de  l'Ordre,  autant  que  nos  res- 
sources l'ont  permis;  c'est  d'elle  que  sont  sortis  les  baldaquins  contournés  et 
les  retables  plaqués  de  marbre  qui  montent  jusqu'aux  voûtes.  Aujourd'hui 
encore,  les  Romains  vous  mènent  voir  dans  cette  église,  comme  la  merveille 
do  leur  ville,  un  certain  autel  dédié  à  saint  Ignace,  d'une  richesse  extraordi- 
naiie  et  d'un  style  détestable;  gardez-vous  bien  d'émettre  la  plus  inolVensive 
critique,  vous  passeriez  pour  un  sot.  Avez-vous  vu  ailleurs  un  saint  Ignace 
d'argent;  une  balustrade  formée  de  petits  Cupidons  de  bronze;  une  Religion 
de  marbre,  accrochée  par  le  dos  et  foudroyant  les  hérésiarques  du  xvi"  siècle; 
des  Japonais  convertis,  suspendus  en  équilibre  au  bout  d'un  enroulement; 
(piatre  colonnes  énormes  composées  de  plusieurs  milliers  de  petits  fragments 
de  lapis-lazuli,  et  un  Père  éternel  de  stuc  qui ,  du  haut  d'un  fronton,  vous 
montre,  avec  un  orgueil  enfantin,  le  plus  gros  globe  de  lapis  du  inonde 
entier?  Ce  pompeux  étalage  éblouit  tous  nos  prêtres,  qui  ne  rêvent  qu'au 
jour  où  ils  pourront  se  donner,  dans  leur  église,  quelque  chose  de  sem- 
blable, fût-ce  en  plâtre,  en  bois  peint  ou  en  carton-pierre.  Nous  ne  disons 
rien  des  extravagances  géométriques  du  savant  père  Pozzi,  qui  a  usé  un 
talent  remarquable  à  résoudre  les  problèmes  les  plus  compliqués,  pour  trans- 


NOTES    n'UN   VOVACE   EN   ITAI.IE.  10.', 

former,  avec  le  pinceau  ,  «les  voOiUîs  en  plafonds,  et  des  plafonds  en  voûtes  ou 
en  dômes.  Les  bizarres  peintures  de  ce  religieux  fornienl  le  couipléinent  indis- 
pensable de  l'arcliiteclun'  dont  nous  |)ar!ions  il  ny  a  (pi'un  instant. 

Les  Italiens  ont  sur  nous  un  i^rand  avaiilaj^e.  Au  iniliiMi  des  renuiniemcnts 
successifs  de  leurs  monuments,  ils  se  sont  constamment  occupés  do  con- 
server des  témoigna.iîes  précieux  pour  l'histoire  de  l'art.  Ainsi  les  grottes  de 
l^aint-Pien•e  ont  recueilli  les  débris  de  la  vieille  basili(pi(>  constanlinienne, 
démolie,  par  Bramante,  avec  un(î  barbarie  que  Vasari  n'a  pu  s'(!mpôcher  de 
condamner.  Dans  telle  autre  église,  une  nef  toute  moderne  aboutit  à  une 
abside,  dont  la  voûte  garde  sa  mosaïcpie  à  fond  d'or,  contemporaine  de  Cliar- 
lemagne.  Tandis  que  nous  ne  songions  ipi'à  renier  notre  passé,  les  Italiens 
s'efforçaient  d'honorer  le  leur.  Ils  ont  eu  l'adresse,  le  charlatanisme  peul- 
étre ,  de  rattacher  à  leurs  monuments  des  traditions  d'école,  des  noms  illustres, 
des  dates,  des  anecdotes,  (pii,  répétés  de  siècle  en  siècle ,  el  de  lèvre  en  lèvre, 
passent  aujourd'hui  pour  incontestables,  l'ne  œuvre  d'art,  qui  porte  un  nom, 
ac(piieit  par  cela  seul  une  extrême  \aleur;  c'est  de  l'histoire  |)résentée  de  la 
manière  la  plus  attrayante.  Vous  [)assez  à  côté  d'une  peinture  assez  laide 
sans  en  prendre  souci  ;  qu'on  \ous  dise  que  c'est  un  premier  essai  de  pers- 
pective ou  de  raccourci,  et  que  l'auteur  d'une  découverte  pareille  occupe  un 
rang  distingué  parmi  les  propagateurs  de  l'art,  aussitôt  vous  rougissez  do 
votre  indifférence,  et  peu  s'en  faut  que  vous  ne  vous  croyiez  tenu  d'admirei- 
.  ce  que  vous  négligiez  tout  à  l'heure.  Combien  n'ai-je  pas  vu  de  voyageurs, 
fort  honnêtes  gens  d'ailleurs,  qui,  la  tête  meublée  de  tous  les  renseigne- 
ments que  donnent  effrontément  les  livres,  se  tlallaienl  de  po>séd(M'  à  fond, 
dans  tous  les  secrets  de  leur  laborieuse  histoire,  l'origine,  le  progrès  et  la 
décadence  de  l'art.  Nous  autres  Français,  nous  avons  la  bonhomie  de  rester 
court,  quand  un  étranger  nous  demande  (]ui  a  bâti  la  cathédrale  do  Paris, 
quel  artiste  a  sculpté  les  admirables  statues  ou  peint  les  grandioses  verrières 
de  Notre-Dame  de  Chartres.  Kn  Italie,  avec  des  hypothèses  plus  ou  moins 
ingénieuses  et  un  peu  d'invention,  un  auteur  aurait  trouvé  le  moyen  de  faire 
à  ces  deux  églises  une  histoire  conq)lèle,  de  classer  leurs  peintures  ainsi  <pie 
leur  statuaire,  et  de  relier  à  ces  Injx's  |irimilifs  des  générations  entières  de 
monuments.  A  Dieu  ne  plaise  que  je  mi;  plaigne  de  notre  candeur  et  de  notre 
bonne  foi;  je  veux  seulement  constater  l'insouciance  avec  laquelle  nous 
avons  jus<prà  ce  jour  tiaité  nos  artistes.  Florence  a  consacré  des  statues  à 
Arnolfo  di  Lapo,  à  Giollo,  à  Brunclleschi  ;  l'aris  a  vu  vendre,  sans  s'émou- 
voir, la  tombe  de  Pierre  de  Monterean  à  un  maçon,  (jui  l'a  débitée  on  dalles 
de  vestibule  ou  en  marches  d'escalier. 

Depuis  trois  siècles,  nous  avons  tant  détruit,  tant  brise,  tant  effacé,  tani 


106  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

fondu,  qu'épuisés  par  cette  œuvre  de  vandales  nous  en  sommes  venus  à  nous 
persuader  à  nous-mêmes  qu'il  ne  devait  plus  rien  nous  rester.  Une  invasion 
des  barbares,  les  plus  grossiers  et  les  plus  farouches,  ne  nous  aurait  pas 
dépouillés  comme  nous  l'avons  fait  de  nos  propres  mains.  Mais  telle  avait  été 
la  fécoudité  de  noire  moyen  âge,  que  la  France  possède  encore,  en  châteaux, 
églises,  maisons,  remparts  de  ville,  les  plus  beaux  monuments  de  l'Europe. 
Nous  avons  fait  des  pertes  énormes.  Telle. cité,  Reims,  par  exemple,  qui 
renfermait  des  centaines  de  monuments,  conserve  deux  églises  à  peine;  mais, 
aussi,  l'une  est  un  chef-d'œuvre  sans  égal,  et  l'autre  un  des  plus  vénérables 
sanctuaires  du  monde.  Quand  il  s'agit  de  l'art,  les  monuments  s'évaluent;  ils 
ne  se  comptent  pas  :  cent  statues  médiocres  ne  représenteront  jamais  le  prix 
de  la  Vénus  de  Milo.  C'est  une  grande  jouissance  assurément  que  de  rencon- 
trer à  chaque  pas,  dans  une  ville  italienne,  des  monuments  qui  jalonnent 
toute  l'histoire  du  passé;  facilement  on  se  laisserait  séduire,  au  point  de 
trouver  beau  ce  qui  porte  avec  soi  un  si  puissant  intérêt.  Cependant,  si  nous 
voulons  être  justes,  il  ne  faut  pas  souffrir  qu'on  nous  entraîne  eu  dehors  des 
conditions  pures  de  l'art.  Nous  aussi,  autrefois,  nous  vivions  dans  nos  villes, 
au  milieu  des  souvenirs  les  plus  palpitants  de  la  religion  et  de  la  patrie.  Comme 
on  suit  à  Rome  ,  à  travers  le  désert  de  la  ville  antique,  les  pas  des  grands 
apôtres  Pierre  et  Paul,  on  retrouvait,  au  sein  du  vieux  Paris,  les  traces  glo- 
rieuses des  premiers  apôtres  de  la  France.  Ici,  on  pénétrait  dans  une  grotte 
profonde  où  saint  Denis  avait  célébré  les  saints  mystères;  là,  un  autel  marquait 
le  lieu  où,  pour  la  première  fois,  il  avait  invoqué  publiquement  le  nom  de  la 
Trinité;  des  églises,  toutes  très-anciennes,  quelques-unes  somptueuses,  rap- 
pelaient à  la  mémoire  de  tous  sa  prison,  ses  souffrances,  son  supplice,  sa 
sépulture,  sa  translation.  L'admirable  légende  de  sainte  Geneviève,  celle  de 
saint  Marcel,  celle  de  saint  Landry,  étaient  aussi  écrites  en  une  nombreuse 
série  de  monuments.  Un  jour  décolère  a  tout  renversé;  puis  l'oubli  est  venu 
à  la  suite  de  la  destruction.  Puissions-nous,  au  moins,  conserver  avec  amour 
ce  qui  s'est  sauvé  presque  malgré  nous  !  Il  y  va  sérieusement  de  la  gloire  et 
de  l'avenir  de  notre  pays.  Étudions  nos  grands  monuments,  pour  nous  con- 
vaincre de  leur  prééminence  sur  ceux  des  autres  peuples.  L'étude  et  la  science 
nous  rendront  bientôt  claire  cette  double  vérité,  que  le  moyen  Age  a  été  chez 
nous  l'époque  la  plus  brillante  de  l'art,  et  que  c'est  en  remontant  à  cette 
source  féconde  que  nous  pouvons  espérer  de  régénérer  l'art  moderne,  qui  se 
meurt  entre  une  tradition  inerte  et  un  éclectisme  impuissant. 

Baiou  DE  (llILIIEKiVIÏ. 


ACHEVFMENT 


RESTAURATIONS  DE  SAINT-DENIS. 


Il  est  certains  nionumenls,  comme  certains  peuples,  comme  certaines 
familles,  sur  lesquels  la  fatalité  semble  avoir  répandu  à  profusion  toutes  les 
calamités.  Parmi  les  édifices  de  France  qui  fuient  mutilés  avec  le  plus  d'a- 
charnement pendant  la  révolution,  l'église  royale  de  Saint-Denis  peut  être 
placée  en  première  ligne.  Saint-Denis  était  le  Panthéon  de  la  monarchie 
française;  on  conçoit  avec  quelle  ardeur  les  iconoclastes  de  1793  se  ruè- 
rent sur  ces  tombeaux,  sur  ces  mausolées  des  rois.  Ces  dévastations  sont 
connues,  nous  n'en  parlerons  plus.  On  se  rappelle  aussi  ces  troubadottrs, 
succédant  à  la  terreur  et  pillant  lès  monuments  oubliés  par  la  populace, 
pour  faire  des  musées  plus  ou  moins  histori(jues,  amas  confus  de  tous  les 
•débris,  mensonges  prémédités,  retour  sentimental  vers  un  passé  que  l'on 
détigurait  alors  avec  connaissance  de  cause,  pour  amuser  les  bonnes  d'en- 
fants et  les  badauds. 

Notre  collaborateur,  .AI.  deGuilhermy,  nous  a  donné,  dans  quelques  arti- 
cles pleins  d'érudition,  Ihisloire  de  la  plupart  de  ces  tombeaux  replacés 
pêle-mêle  aux  Petils-Auguslins,  puis  à  Saint-Denis;  de  ces  statues  perdant 
leurs  inscriptions,  de  ces  inscriptions  perdant  leurs  statues,  de  ces  alliances 
incestueuses,  de  ces  enfants  mariés  deux  ou  trois  fois,  de  ces  rois  devenus 
vassaux  et  de  ces  vassaux  devenus  rois.  On  se  rappelle  encore  la  vanité 
puérile  qui  poussa  Napoléon  à  régénérer  Saint-Denis,  et  combien  cette  velléité 
de  restauration  fut  déjà  funeste  à  l'ancienne  abbaye. 

Tout  cela  n'était  rien  :  les  furieux  de  1793  n'avaient  pas  eu  le  tenq)s 
d'enlever  à  l'église  de  Suger  tous  ses  souvenirs  et  ses  richesses;  car  il  faul 
beaucoup  de  temps,  de  la  persistance,  du  soin  et  de  l'argenl  pour  dcfi-urcr 
un  édifice  conmie  Saint-Denis.  L'empereur  n'avait  pu  que  donner  quelcpies 
ordres,  dont  l'exécution  était  à  peine  commencée  en  ISI'i.  Sous  la  restau- 
ration, les  archéologues  de  cour  firent  b' aucoup  de  sentiment ,  mais  peu  de 


lOS  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

travaiiK  à  Saint-Denis.  Knfin,  depuis  1830,  M.  Debret ,  architecte  du  gou- 
vernement, membre  de  l'Académie  des  beaux-arts,  eut  à  sa  disposition 
quelques  millions  pour  restaurer  la  vieille  église  à  fond. 

Il  V  a  environ  dix  ans,  si  nous  avons  bonne  mémoire,  ipie  nous  commen- 
çâmes à  signaler  de  graves  dévastations  dans  les  travaux  entrepris.  Les  cha- 
pelles du  nord,  voisines  de  l'ancienne  porté  de  l'abbaye,  étaient  totalement 
reconstruites;  il  était  question  de  rois  cpie  l'on   faisait   montcn-  du  rez-de- 
chaussée  au  quatrième  étage.  Nous  nous  permîmes  quelques  observations; 
on  n'en  tint  nul  compte,  et  l'architecte  se  livra  à  tous  les  écarts  d'une  ima- 
gination par  trop  juvénile.  Tout  parut  bon  alors  pour  orner  Saint-Denis  :  on  fit 
des  emprunts  à  l'Italie,  à  la  Normandie,  aux  bords  du  Rhin  ;  on  retrouvait  des 
inscriptions  partout,  des  mosaïques,  des  ornements,  là  où  les  yeux  les  plus 
exercés  n'en  avaient  jamais  aperçu.  Nous  et  un  de  nos  amis ,  nous  élevâmes  la 
voix  dans  des  revues  et  des  journaux  accrédités;  mais  nous  i)assions  alors 
pour  des  esprits  étroits,  chagrins  et  tracassiers.  L'administration  des  travaux 
publics  partageait  l'enthousiasme  de  l'architecte  ;  les  millions  pleuvaient. 
C'était  une  ivresse  dédaigneuse,  sûre  de  vaincre  et  d'enlever  un  des  plus 
beaux  succès  archéologiques  passés,  présents  et  futurs.  Cependant  l'outre- 
cuidance a  ses  dangers;  on  parlait  tant  et  si  bien  des  travaux  extraordinaires 
entrepris  à  Saint-Denis,  que  laConmiission  des  monuments  historiques,  dépen- 
dant du  ministère  de  l'intérieur,  s'émut  enfin,  en  voyant  la  façade  de  l'église 
changer  de  peau  derrière  l'épaisse  couche  d'échafauds  qui  la  masquait.  C'é- 
tait bien  un  peu  tard;  le  mal  que  nous  avions  déjà  signalé  dès  1838  était 
devenu  irréparable;  on  ne  pouvait  pins  que  blâmer  et  regretter,  sans  pouvoir 
indiquer  un  remède.  Pourtant  ce  blâme  parut  alors  assez  énergique,  ou  assez 
peu  fondé,  pour  que  l'administration  crût  devoir  faire  intervenir  l'Académie 
des  beaux-arts  afin  déjuger  la  question.  Comme  on  peut  le  penser,  l'Acadé- 
mie donna  gain  de  cause  à  M.  Debret;  les  loups  ne  se  mangent  pas.  On  etîaça 
quelques  barbarismes  qui  s'étaient  glissés  dans  deux  ou  trois  inscriptions,  et 
la  Commission  des  monuments  historiques,  repoussée  avec  perte,  cacha  son 
ra|)port  dans  le  coin  le  plus  obscur  de  ses  archives.  Saint-Denis  retomba 
plus  que  jamais  sous  le  joug  de  son  architecte  triomphant.  La  malheureuse 
église  fut  mutilée  de  fond  en  comble;   pas  une  pierre  n'échappa  à  la  main 
des  ouvriers.  Enfin,  tout  le  monde  sait  comment  finit  la  longue  et  doulou- 
reuse torture. infligée  au  monument.  La  façade,  raclée,  trouée,  déchiquetée, 
lemaniée,  fléchit  sous  le  poids  de  la  flèche  même. 

On  pensait  que  l'architecte,   quelque  peu  ébranlé  par  cet  événement,  et 
désireux  de  mettre  sa  responsabilité  à  couvert,  allait  lui-même  solliciter  une 


ACHÈVEMENT   DES    UESTA  U  U  ATI  ONS  DE  SAINT-DEMS.      109 

enquête  séviTe  sur  les  causes  de  oel  accident  ;  il  n'en  fut  rien,  et  tout  se  passa 
en  famille.  Sur  l'avis  du  Conseil  des  l)àtiments  civils  on  démolit  la  tlèclie,  et 
l'architecte  resta  terme  à  son  poste;  d'ailleurs  l'œuvre  de  destruction  n'était 
pas  achevée".  Il  fallait  de  nouveaux  Ibnils.  La  (chambre  des  dcjuites  prit  assez 
mal  la  chose;  malii;ré  ses  nombreux  et  importants  travaux,  elle  pensa  que 
l'on  aurait  pu  au  moins  examiner  la  (lueslion  avec  plus  de  maturité.  Nous 
avons  doimé  le  rapport  de  la  commission  avec  les  observations  pleines  de 
clarté  et  de  justesse  de  M.M.  Ueslonjj;rais ,  F.  De  Lasteyriect  Delessert.  Il  n'é- 
tait pas  possible  d'en  imposer  plus  longtemps.  M.  Debret  fui  condaiime, 
mais  avec  des  circonstances  atténuantes;  car  il  n'y  avait  pas  j^rand  mal  à 
démolir  une  façade  défigurée  ,  dépourvue  à  tout  jamais  d'intérêt  liislori(]ue, 
et  fort  laide  d  ailleurs,  il  fallait  donner  une  satisfaction  à  l'opinion;  car  il  \ 
avait  scandale.  Les  travaux  de  Saint-Denis  étaient  devenus  la  risée  de  tous 
les  artistes,  des  amateurs  ,  des  touristes  eux-mêmes  L'administration  ouviit 
enlln  les  yeux,  après  tout  le  monde,  et  crut  enlrex  oir  (pie  son  architecte  était 
incapable. 

C'était  le  cas  de  faire  un  exemple.  En  conséquence,  ^L  Debret  vient  d'être 
nommé  membre  du  Conseil  des  bâtiments  civils,  et  nous  avons  lu  c(;  (pii 
suit  dans  le  «  Moniteur  L'niversel  »  du  mois  dernier  . 

«  Par  décision  du  minisln»  des  tiuviiux  pulilits,  ,M.  £)el)iet,  niembif  do  l'Iiiï^litiit,  ;iitl)ilecto  df 
l'église  royale  de  Saint-Denis  et  de  l'Aradémie  royale  de  inii>iqiii'.  es(  nommé  inomlne  du  Conseil 
'  général  des  bàlinienls  civils.  » 

Nous  ne  savons  jusqu'à  quel  point  MM.  les  membres  du  Conseil  doivent 
être  flattés  de  voir  parmi  eux  ce  nouvel  élu  ;  à  leur  place,  nous  penserions 
devoir  protester  contre  une  nomination  qui  ne  peut  ([ue  jeter  d(>  la  décon- 
sidération sur  ce  comité. 

Certainement  il  n'est  plus  possible  de  gâter  Saint-Denis;  pourcpioi  donc 
M.  Debret  ne  reslerail-il  pas  attaché  à  son  œuvre  .'  c'est  la  .seule  vengeance 
que  nous  voudrions  voir  exercer  contre  lui.  Il  y  avait  lieu  de  supposer  que 
le  Conseil  des  bâtiments  civils,  cette  cour  suprême  en  fait  d'architecture,  se 
recrutait  parmi  les  artistes  les  plus  capables,  ayatit  fait  leurs  preuves  conune 
savants  et  comme  praticiens;  ceux  qui  croyaient  cela  étaient  dans  l'erreur. 
Un  architecte  a-t-il  passé  la  moitié  de  sa  vie  à  mutiler  niaisement  un  des 
monuments  les  |)lus  respectables  que  nous  possédions,  à  le  convertir  en  un 
objet  ridicule  pour  tous,  à  dépenser,  pour  obtenir  ce  résultat,  cinq  ou  six 
millions  de  francs;  a-t-il  terminé  celte  œu\re  par  une  desiruclion  presque 
totale,  il  obtiendra,  (piand  la  place  ne  sera  plus  lenable,  <piand  l'opinion 
aura  fait  justice  de  ses  malheureux  travaux ,  il  obtiendra  d'être  admis  comme 
V  15 


HO  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

membre  du  Conseil  des  bâtiments  civils.  Il  sera  appelé  à  jv\ger  les  œuvres 
de  ses  collègues,  à  leur  donner  des  avis  sur  la  construction  des  édifices  que 
ceux-ci  doivent  élever,  sur  la  consolidation  de  tours  et  llèches  qu'ils  doivent 
restaurer;  et  «la  profonde  connaissance  de  l'art  qu'il  exerce»,  comme  dit 
l'Académie,  fera  oublier  que  l'église  de  Saint-Denis  est  sortie  de  ses  mains 
déshonorée,  détruite  enfin,  à  l'aide  de  sept  millions  de  dépenses. 

Que  l'on  ne  nous  taxe  pas  d'exagération,  voici  comment  M.  Debret  entend 
la  construction  et  la  restauration  des  édifices.  —  Cet  exposé  servira  d'avis  aux 
architectes  qui  sont  forcés  d'envoyer  leurs  projets  au  Conseil  des  bâtiments 
civils,  au  milieu  duquel  siège  aujourd'hui  M.  Debret.  —  Toute  la  partie  infé- 
rieure de  la  façade  de  Saint- Denis,  jusqu'aux  créneaux,  est  construite  comme 
les  édifices  romans,  par  conséquent  bâtie  en  parements  de  pierre  n'ayant 
qu'une  éjmisseur  de  0,25  cent,  à  0,30  cent.,  et  enveloppant  des  massifs  en  blo- 
cages. M.  Debret  a  trouvé  ce  parement  disjoint,  entamé  peut-être  dans  (juel- 
ques  parties;  qu'a-t-il  fait?  11  l'a  tondu,  dans  toute  la  hauteur  de  la  façade, 
jusqu'à  une  profondeur  de  0,05  cent,  à  0,08  cent.,  pour  retrouver  la  pierre 
nette;  c'est-à-dire  qu'il  a  affaibli  tout  le  parement  d'un  quart  ou  d'nn  cin- 
quième! Mais  qu'est-ce  que  cela?  Ces  rois  grotesques,  faits  pour  égayer  les 
esprits  les  plus  mélancoliques,  ces  horribles  rois  à  qui  l'on  ne  peut  reprocher 
((  d'affecter  des  formes  pyramidales»,   comme  M.  R.  Rochette  l'a  dit  avec 
tant  de  pittoresque,  en  parlant  de  la  statuaire  gothicjue,  ces  rois,  sculptés 
sur  des  dalles  encadrées  d'ane  arcature  en  ploin-cintre,  ont  remplacé,  dans 
presque  toute  la  longueur  de  la  façade,  un  vieux  parement  uni  et  parfai- 
tement solide.  Pour  incruster  ces  royales  caricatures,  qui  ressemblent  à  des 
rois  de  cœur  ou  de  carreau,  il  a  fallu  faire  une  tranchée  horizontale  de  trois 
ou  quatre  mètres  de  haut  sous  les  deux  tours,  détruire  le  vieux  parement, 
abandonner  le  blocage  in  teneur  à  lui-même,  le  cribler  de  trous  pour  y  sceller 
des  crampons,  et  ne  plus  faire  porter  la  maçonnerie  des  créneaux  que  sur 
des  dalles  posées  en  délit.  Groil-on  qu'une  oi)ération  de  ce  genre  ait  pu  conso- 
lider la  tour?  Ce  ne  sont  pas  là  des  ouï-dire,  mais  des  faits  que  le  premier 
venu  peut  vérifier;  car,  si  le  travail  d'art  exécuté  à  Saint-Denis  est  déplorable, 
celui  de  construction  ne  l'est  guère  moins.  Sur  beaucoup  de  points,  nous  avons 
pu   remarquer   des  parements  disloqués ,   qui  accusent  des  incrustements 
d'une  épaisseur  insuffisante,  des  joints  maigres  et  qui  ne  se  raccordent  nul- 
lement avec  les  anciens.  Les  tailles  vues  sont  faites  comme  celles  des  maisons 
modernes.  Jamais  M.  Debret  n'a  remarqué  que  tous  les  parements,  exécutés 
depuis  le  xii'' jusqu'au  xv"  siècle,  sont  layés ,  c'est-à-dire  faits  à  la  bretture. 
La  face  nord  est  bâtie  à  neuf,  suivant  un  appareil  tout  différent  de  celui 


ACHEVEMENT  DES   HESTAHRATIONS    DE  S  A  I  NT- DEMS.      111 

du  xiV^  siècle.  Sans  parler  des  ornomenls  do  celle  suilo  de  cliapello:*,  (jui  sonl 
d'un  style  très-extraordinaire,  nous  voyons  sur  ce  point  des  gargouilles  qui 
ne  sont  placées  là  que  pour  la  montre,  tandis  que  de  gros  tuyaux  de  fonte 
rampent  le  long  des  murs.  El,  si  nous  en  venons  aux  menus  détails  de  con- 
struclion,  que  pourrons-nous  dire  de  ce  faîtage  et  de  ces  pentures  en  fonte , 
qui  sont  portées  par  les  ventaux  des  portes,  au  lieu  de  les  soutenir;  de  ces 
gonds  simulés,  de  ces  portes  sans  trumeaux  et  dont  les  linteaux  rognés  sont 
maintenus  à  leur  place  avec  du  fer!  Partout  la  construction  gothique  faussée, 
mal  comprise,  en  désaccord  avec  rornemenlaliou.  A  Clia  rires,  depuis  que  la 
calliéilrale  est  couverte  en  fer  et  en  cuivre,  il  pleut  sur  les  voûtes  comme 
dans  la  rue;  à  Saint-Denis,  on  couvre  les  voûtes  en  fer  et  en  cuivre  !  11  paraît 
que  l'expérience  n'a  jamais  servi  à  rien. 

j\Iais  nous  abuserions  de  la  patience  de  nos  lecteurs,  si  nous  voulions  éuu- 
mérer  toutes  les  inllrmités  de  ce  malheureux  monument.  Si  messieurs  de 
l'Académie  ont  jugé  l'architecture  gothique  d'après  cet  ignoble  joujou  qui 
remplace  aujourd'hui  l'église  de  Saint-Denis,  nous  nous  rangeons  à  leur 
avis  et  nous  ne  les  trouvons  même  pas  assez  sévères. 

Mais  pourquoi  revenir  toujours  sur  ce  sujet?  Aujourd'hui  sept  millions  ont 
été  employés  à  convertir  Saint-Denis  en  un  magasin  de  bric-à-brac  prêt  à 
crouler.  Le  mal  est  fait,  et  parfait;  car  il  n'y  a  pas  un  proûl ,  pas  une  sculp- 
ture, pas  un  parement  dans  toute  la  surface  du  monument  qui  n'aient  élc 
•  raclés,  moditiés,  arrangés.  Saint  Denis  restera  con)me  un  exemple  de  ce  que 
peut  l'ignorance  el  le  vandalisme;  n'y  louchons  plus.  La  leçon  profitera, 
nous  l'espérons,  à  ceux  qui  veulent  entreprendre  la  restauration  de  nos 
anciens  édifices,  sans  les  avoir  étudiés,  sans  en  comprendre  la  valeur.  Nous 
croyons  d'ailleurs  cpie  parmi  les  architectes,  qui  peul-èlre  auraient  clé  capa- 
bles de  restaurer  SainlDeuis,  il  no  s'en  trouvera  pas  un  seul  (|ui  veuille  con- 
sentir à  replâtrer  le  plâtrage  de  M.  Debret.  Restaurer  Saint- Denis,  lorsque  le 
temps  et  les  révolutions  avaient  laissé  leurs  traces  sur  ce  monument,  était 
une  tâche  possible,  sinon  facile;  mais  reprendre  aujourd'hui  cette  église , 
quand  on  a  employé  sept  millions  à  la  gâter  systématiquement,  avec  étude 
et  soin,  cela  est  au-dessus  des  ressources  de  l'archéologie.  Celui  qui  oserait 
entreprendre  une  pureilh;  lâche  verrait  bienlùt  les  œuvres  de  M.  Debret  dé- 
teindre sur  lui;  il  coui|)romellrait  son  nom,  et  ne  ferait  preuve  que  d'une 
outrecuidance  excessive  ou  d'un  dévouement  sans  résullat.  Obliendrail-on 
sept  autres  millions,  ce  qui,  vu  les  dispositions  des  Chambres,  est  plus  que 
douteux,  on  n'aurait  toujours  qu'un  pauvre  monument  à  la  place  de  Saint- 
Denis.  Or,  ce  n'est  pas  quand  des  églises  comme  celles  de  J>aon  ,  de  lioueu , 


112  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

irAiiiiens,  d'Auxerre  et  de  Chartres  ont  besoin  de  quelques  centaines  de 
mille  francs  pour  être  simplement  préservées  de  la  ruine,  que  l'on  peut  son- 
ger à  dépenser  sept  millions  encore  pour  dissimuler  tant  bien  que  mal  les 
aberrations  de  M.  Debret.  A  propos  de  Rouen,  nous  dirons,  en  passant, 
([ue  si  l'administration  des  travaux  publics  n'a  plus  besoin  de  ses  démolis- 
seurs de  flèches,  qui,  du  reste,  ont  fait  f)reuve  de  courage  et  d'adresse  à 
Saint-Denis,  elle  pourra  les  envoyer  à  Rouen  pour  commencer  la  dépose  de 
la  flèche  centrale,  de  la  flèche  de  M.  Alavoine,-  sous  le  poids  de  laquelle  la 
tour  des  Iranssepls  se  lézarde  et  s'écrase. 

Ainsi  donc,  nous  demandons  positivement,  et  nous  saurons  bien  nous  en 
expliquer  en  tenqjs  utile,  qu'on  ne  touche  plus  à  Saint-Denis.  Que  l'on  dérase 
la  tour  du  nord,  jusqu'au  point  où  elle  paraîtra  pouvoir  se  tenir;  que  l'on  pro- 
tège, avec  une  couverture  entièrement  semblable  à  l'ancienne,  la  nef  si  im- 
prudemment mise  à  nu  ;  voilà  ce  qui  reste  désormais  à  faire,  et  pas  davantage. 
Mais  l'architecture  de  M.  Debret,  sa  sculpture  de  figure  et  d'ornementation, 
ses  inscriptions,  ses  peintures  sur  mur  et  sur  verre,  ses  autels,  ses  tombeaux, 
ses  boiseries,  tout  son  ameublement,  ses  grilles  en  fer,  ses  clôtures  en  bois, 
que  tout  reste  où  il  est  et  comme  il  est.  Dans  cent  ans  d'ici  tout  cela  sera  fort 
curieux  et,  dès  aujourd'hui,  c'est  fort  instructif.  Nous  l'avons  déjà  dit,  pen- 
dant une  tempête,  on  jette  à  la  mer  des  objets  précieux,  pour  en  sauver  d'au- 
tres plus  précieux  encore  et  pour  sauver  sa  vie;  dans  un  incendie,  on  fait  la 
part  du  feu  pour  protéger  le  reste.  Les  archéologues,  nous  les  premiers,  ont 
fait  le  sacrifice  de  Saint-Denis,  mais  c'est  à  la  condition  formelle  qu'on  nous 
le  laissera  tel  qu'il  vient  de  sortir  des  mains  de  M.  Debret;  car,  ainsi  fait,  il 
épargnera  des  destructions  analogues  et  des  restaurations  aussi  infâmes  dans 
nos  autres  monuments  du  moyen  âge.  En  France,  comme  à  Sparte,  rien  n'est 
sou\ eiain  pour  inspirer  l'horreur  de  l'ivr'csse  comme  la  vue  d'un  homme  ivre. 
Si  Ion  venait  supprimer  les  ignominies  du  nouveau  membre  du  Conseil  des 
bâtiments  civils,  ce  serait  perdre  une  seconde  fois  et  irrévocablement  les  sept 
millions  engouffrés  dans  la  malheureuse  église.  Ajoutons  en  outre  qu'il  est 
impossible  en  ce  moment,  à  un  architecte  quelconque,  de  remplacer  ce  qui 
existe.  Personne,  qu'il  soit  membre  ou  non  de  l'académie  des  Beaux-Arts; 
qu'il  soit  membre  ou  non  du  Comité  historique  des  arts  et  monuments  ou  de 
la  Commission  des  monuments  historiques;  qu'il  soit  membre  titulaire  ou 
honoraire  du  Conseil  des  bâtiments  civils;  qu'il  professe  à  l'école  de  Beaux- 
Arts  ou  dans  un  atelier  privé  ;  (ju'il  ail  étudié  le  grec  ou  le  romain,  l'égyp- 
tien ou  le  chinois,  l'étrusque  ou  la  renaissance;  qu'il  ait  rôdé  autour  de 
Notre-Dame  de  Paris  ou  de  la  Sainte-Chapelle,  personne  n'est  capable  de 


Acni: vl•.ME^T  des  restaurations  de  saint-denis.     113 

(liscciner,  (hiiis  Saint-Denis,  l"ancion  du  niddeiiie,  |i(iiir  consciver  liin  et 
remplacer  l'autre.  L'épigra|)lii('  du  iiio\en  âge,  (pu  la  coiinaîl  ,  poiii  défaire 
et  refaire,  ou  nicnie  siniplenient  pour  eorri.i;er  les  inscriptions  de  Saint- 
Denis?  L'académie  des  Inscriptions  et  Helles-I.cttres  a  tenté  la  besogne  et  n'a 
pu  s'en  tirer.  L'iconographie  chrétienne,  qui  la  sullisanmienl  étudiée  pour 
reconnaître  les  iniionilirahles  bévues  commises  ])ar  M.  Debret,  et  pour,  les 
ayant  effacées,  y  sulistilucr  ce  que  Suger  et  saint  Louis  avaient  failscul|)ter  ou 
peindre.'  Il  n'existe,  pour  une  pareille  lâche,  ni  conunissions  ni  honunes; 
il  faut  le  dire  nettement.  Au  reste,  plus  que  jamais  les  yeux  sont  ouverts 
sur  Saint-Denis;  si  Ion  \   touche,  nous  le  verrons  bien. 

Avez-vous  de  l'aigent  pour  nos  anciens  et  glorieux  monuments  ?  em- 
ployez-le à  consolider  immédiatement  ceux  (pii  tombent.  Il  n'existe  en  France 
que  trois  portails  vraiment  magnilique>  et  d'une  dimension  colossale  :  ce 
sont  les  portails  des  i\otre-l)anie  de  Reims,  de  F'aris  et  de  Laon;  voilà  des 
chefs-d'œuvre  incomparables,  et  comme  aucun  pa\s  du  monde  n'en  offre 
de  semblables.  Hé  bien!  l'un  de  ces  trois  portails,  celui  de  Laon,  croule  en 
ce  moment  môme.  Les  sept  millions  nouveaux,  que  vous  jetteriez  en  pure 
perte  dans  Saint-Denis,  appliquez-les,  appliquez-en  la  septième,  la  quator- 
zième partie  à  ce  portail  qui  s'en  va,  et  tout  le  monde  vous  en  sera  recon- 
naissant ;  vous  nous  laisserez  Saint-Denis  comme  enseignement  et  le  portail 
, de  Laon  sera  sauvé.  Le  reste  de  la  somme,  vous  pourrez  renq)loyer,  ainsi 
que  nous  le  disions,  à  démonter  cette  hideuse  llèche  de  fonic  (pii  écrase  la 
cathédrale  de  Rouen,  et  (jui ,  d'un  jour  à  l'autre,  peut  se  déraciner  et 
tomber,   tout  dt;  son  long,  sur  la  ni  f  mi  le  cluriii'. 

lillUUlN. 

I.  Au  moment  où  nous  corrii^eons  la  dernière  éprouve  de  cet  article,  nous  a|)|)renc)n.s  ([ue 
M.  Duban,  arcliilecte  de  l'école  des  Beaux-Arls,  de  la  Sainte-Cluipellc  de  Paris  et  du  château 
de  Blois,  vient  d'accepter  l'hérilaire  de  M.  Debret.  Le  jeudi,  23  juillet,  .M.  Duban  a  été  installé 
dans  ses  fonctions  nouvelles  et  difliciles;  on  lui  a  remis  les  clefs,  les  registres  et  les  ouvriers 
de  Saint-Denis.  C'est  un  fait  important  et  sur  lequel  nous  aurons  à  revenir. 


MELANGES  ET  NOUVELLES. 


Achèvement  et  dédicace  des  églises.  —  Saint  Thomas  d'Aquin  chassé  par  M.  Mendelssohn- 
Barlholdy.  —  Du  vandalisme  en  Belgique.  —  Séances  du  Comité  historique  des  arts  et  mo- 
numents. 


Achi'vement  et  dédicace  des  églises.  —  Un  jour  nous  ferons,  à  l'aide  des  mo- 
numents figurés  el  du  rituel,  l'histoire  de  la  dédicace  des  églises;  en  ce 
moment,  nous  donnerons  seulement  un  texte  recueilli  par  M.  le  baron  de 
Girardot.  Ce  texte  est  du  xvi°  siècle;  il  montre  qu'alors,  comme  aujourd'hui, 
comme  dans  le  moyen  âge,  le  matériel  nécessaire  à  la  dédicace  d'une  église 
était  à  peu  près  le  même. 

Dans  les  archives  du  département  du  Cher,  parmi  les  papiers  de  l'archevê- 
ché, se  trouvent  plusieurs  registres  qui  offrent  un  intérêt  particulier;  ils  ont 
été  écrits  par  un  ancien  propriétaire  de  la  terre  de  Quanlilly,  Jacques  Thi- 
boust,  notaire,  valet  de  Marguerite,  duchesse  de  Berry,  élu  en  Berry.  Us  con- 
tiennent sans  ordre  les  documents  les  plus  variés  :  des  actes  notariés,  des 
recettes  de  ménage  et  de  médecine,  des  lettres  patentes,  des  miniatures,  etc. 
Parmi  ces  documents,  M.  de  Girardot  a  trouvé  la  note  suivante  ;  c'est,  sans 
doute,  J.  Thiboust  qui  l'a  écrite,  lorsqu'il  a  fait  réparer  l'église  de  Quantilly, 
vers  le  milieu  du  xvf  siècle. 

C'est  la  déclaration  de  ce  qui  est  nécessaire  à  dédier  une  église  : 
Douze  chandeliers  de  fer  pour  attacher  en  la  muraille,  esquels  seront  les  croix  painc- 
tes.  —  Douze  cierges  de  demye-livre  chascun.  —  Une  eschelle  bien  forte.  —  Deux 
tombellerées  de  sable  passé.  — Une  tynée  de  cendres  passées.  — Ung  ballay.  — Troys 
pâlies  de  boys.  —  Une  doulzaine  de  cousteaulx  de  boys.  —  Demy  boisseau  de  cyment 
passé.  — Demi  boisseau  de  chaux.  —  Ung  maçon  avecques  sa  truelle,  marteau,  mail- 
let et  cizeau. — Force  ysoppe.  — Trois  perches  pour  faire  les  asperges. — Deux  tynées 
d'eau.  —  Ung  baston  a  porter  la  tyne.  —  Deux  escuellées  de  sel.  —  Une  phite  de  vin 
blanc.  —  Quatre  pouppées  d'estouppes.  —  Cinq  croix  lavées  sur  chascun  autel.  — 


ANN.vi.F.s  AK(:nKOLO(ii(ji  i:s. 

l'ai    M.    Didroii,    H  iio  d'Ulm,   N"   1,   à   Paris. 


r  itirf  far  E.  Viotlel-UJnc. 


Gravé  par  Lncosie. 


Vilrall  ilii  Xlll«  i\Mi\  il.in;'  la  citlii-drali-  di-  Cliuilm» 


MELANGES  ET  NOUVELLES.  115 

Cinq-petits  pertuys ,  au  milieu  de  chascun  autel ,  sur  le  front  de  devant.  —  Une  pierre 
juste  pour  bouscher  ledit  pertuys.  —  Ung  peloton  de  ficelle.  —  Ung  bassin  à  laver 
les  mains. — Deu.x  serviettes. — Deux  aiguières. — Du  pain  pour  faire  sallières. — Deux 
livres  d'encens.  —  Le  cresmyer.  —  Des  reliques.  —  Du  plomb  battu.  —  Du  sandal.  — 
Cinq  chandelles  de  suif  pour  chascun  autel.  —  Ung  prestre  pour  veiller  toute  la  nuict 
en  l'église.  —  Deux  faisseaux  de  paille.  —  Deux  sacs  de  charbon.  —  Deux  livres  de 
grosse  chandelle  de  suif.  —  Deux  chandeliers  de  cuyvre.  —  Une  pinte  de  vin.  —  Ung 
pain.  —  Deux  verres.  —  L'encensier.  —  Une  chappe.  —  Deux  courtibauds.  —  Trois 
aulbes.  —  Force  boys  pour  faire  les  feux  tout  à  l'entour  de  l'église.  —  Fault  oster 
tout  ce  qui  est  dedans  l'église  et  la  mectre  toute  nue.  —  Fault  faire  ung  pavillon  à 
l'entrée  de  la  grand'porte  de  l'esglise.  — 11  convient  avoir  force  prestres  pour  ch;iiiter 
toute  la  nuict. 

La  gravure,  mise  en  tcledc  ce  texte,  représente  raclièvenieiil  d'une  église, 
ou  d' une  chapelle,  el  la  dédicace  du  monument  par  un  évoque.  Celte  gravure 
sur  bois  est  exécutée  d'après  un  vitrail  du  xiu°  siècle,  qui  décore  l'abside  de 
la  cal  hédralc  de  Chartres.  A  gauche,  un  jeune  ouvrier,  nionlé  sur  son  édifice, 
semble  ravaler  le  portail  principal;  il  se  sert  de  la  brelle  que  M.  Debrcl  ne 
connaît  pas,  et  non  de  la  boucharde  que  M.  Debrel  a  toujours  employée  à 
Saint-Denis.  En  comparant  cet  artiste  du  moyen  âge  à  ceux  que  nous  avons 
donnés  à  diverses  reprises  dans  les  quatre  premiers  volumes  des  «  Annales 
.archéologiques  » ,  on  verra  que  le  coslumc  est  le  même  :  robe  courte,  espèce 
de  blouse  sur  le  corps;  béguin  élroil  sur  la  lèle,  assujetli  par  une  gourmette 
qui  passe  sous  le  menton  et  semble  saltaclicr  avec  de  petits  boulons.  Le 
portail  est  remarquable  par  la  pelilesso  de  la  porte,  par  la  largeur  de  la  fenê- 
tre. Ordinairement,  au  lieu  d'une  fenêtre  de  cette  dimension  el  à  trois  jours, 
ce  sont  trois  baies  étroites  et  distinctes,  ou  bien,  le  plus  conununément, 
surtout  aux  cathédrales,  une  belle  rosace.  Voyez,  du  reste,  le  curieux  rapport 
qui  existe  entre  cette  fenêtre  peinte  sur  verre  à  Chartres  et  celles  qui  sont 
tracées  sur  les  deux  portails  palimpsestes  que  nous  venons  de  donner  |)lus 
haut.  Rien  de  plus  instructif  qu'une  semblable  comparaison.  On  remarcjucra 
encore,  à  celle  fenêtre  de  Chartres,  que  les  courbes  secondaires  des  ogives 
intérieures  se  confondent  avec  le  courbe  de  l'ogive  maîtresse;  c'esl  un  sys- 
tème fréquent  en  Angleterre,  mais  rare  chez  nous,  très  rare  au  xui'  siècle, 
époque  de  ce  vilrail.  Il  ne  faul  pas  oublier  toutefois  que  ce  petit  nionumeul 
n'est  qu'une  représentation  peinte  el  que  l'artiste  verrier  a  pu  foil  bien  s'a- 
bandonner un  peu  à  sa  fantaisie. 

On  sendile  reconnaître  celle  fantaisie  à  la  partie  droili!  :  rab>i(!c  du  mo- 
nument, bénir  j)ar  l'évêque,  porle  deux  énormes  croix  en  forme  de  meur- 


116  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

trières,  et  lleiironnées  uniquement  au  pied.  Ces  espèces  de  créneaux,  qui  cou- 
ronnent chacun  des  deux  étages,  ne  sont  pas  non  plus  très-communs  aux 
églises  de  celte  époque.  Décoré  d'un  nimbe,  comme  un  saint,  l'évêque 
porte  une  mitre  assez  basse  et  timbrée  de  deux  petites  croix  que  cantonnent    • 
quatre  points;  c'est  la  mitre  du  xiii"  siècle.  Mais  le  manteau,  chasuble  ou 
chape,  dont  il  est  revêtu,  est  assez  particulier.  Si  c'est  une  chasuble,  pourquoi 
nulle  bande  sur  les  épaules  et  la  poitrine  ,  aucun  signe  de  ce  qui  fut  plus  tard 
un  pallium  et  que,  même  les  simples  évêques  de  cette  époque,  portent  tous, 
ainsi  qu'en  témoignent  les  statues,  les  vitraux,  les  fresques,  les  miniatures? 
Si  c'est  une  chape,  pourquoi  ni  ouverture  ni  fente  par  devant?  La  petite  croix 
que  tient  l'évêque,  et  qu'on  voit  rarement  dans  les  mains  de  nos  figures  go- 
thiques, mais  très-souvent  au  contraire  dans  celles  des  images  byzantines,  es! 
encore  un  fait  à  constater.  Notez  le  parement  du  col  et  l'amict  replié  sur  la 
poitrine;  notez  le  parement  inférieur  de  l'aube  et  la  forme  de  l'étole  qui  est 
droite  par  le  bas  et  non  élargie,  comme  à  présent,  en  hideuse  forme  de  spatule 
ou  de  pelle.  L'évêque  fait  le  tour  extérieur  de  son  église  ou  de  sa  chapelle , 
et  la  consacre.  Pour  avoir  des  détails  curieux  sur  la  dédicace  des  églises,  lisez 
le  «  Ralionah)  de  Guillaume  Durand,  livre  i,  chapitre  vi,   et  la  «Légende 
dorée»,   précisément  à  la  fête  de  la  Dédicace.   Nous  avons  l'intention  de 
recueillir  et  de  traduire  ces  textes  et  d'autres  encore;  nous  les  accompagne- 
rons de  dessins  semblables  à  celui  d'aujourd'hui,  pour  faire  une  sorte  de 
monographie  de  la  dédicace  des  monuments  religieux. 

Sai/il  Thomas  d' .-Iquin  chmsé  de  l'église  par  M.  Mendelssohii-Barllioldi/.  — 
M.  F.  Danjou,  fondateur  et  directeur  de  la  «  Kevuede  la  nmsique  religieuse», 
vient  d'adresser  à  M.  Sléphen  Morelot,  l'un  de  ses  plus  actifs  collaborateurs,  la 
lettre  suivante  relative  au  jubilé  de  Liège  et  à  l'état  de  la  musique  religieuseen 
Belgique.  Le  fait  qu'y  signale  M.  Danjou  est  tellement  étrange,  que  nos  lecteurs 
nous  sauront  gré  de  leur  en  donner  connaissance.  Faire  expulser  de  son  oliice 
du  Saint-Sacrement  saint  Thomas  d'Aquin,  par  le  juif  ou  le  protestant  Men- 
delssohii,  est  un  phénomène  assez  curieux.  Nos  réllexions  à  cet  égard  seraient 
inutiles,  et  le  fait  en  lui-même,  raconté  par  M.  Danjou,  en  dira  plus  que  nos 
phrases.  Nous  prenons  cette  lettre,  datée  de  Bruxelles,  dans  la  u  Revue  de  la 
musique  religieuse  »,  livraison  de  juin. 

(Mon  cher  ami,  vous  attendez  de  moi  le  récit  des  saintes  solennités 
auxquellesje  viens  d'assister.  Un  jubilé  séculaire,  établi  en  mémoire  de  l'in- 
stitution de  la  fêle  du  Saint-Sacrement,  est  un  de  ces  faits  qui  réveillent  de 
l)ieu\  souvenirs,   raniment  la  foi ,  excitent   l'enthousiasme,  et  nous  repor- 


mklan<;ks  et  noi  velles.  h? 

lent  Utnt  naturellement  vers  ces  i^ianiles  époques,  où  la  religion  lloiissantc 
inspirait  au  génie  des  artistes  les  innombrables  merveilles  que  nous  admirons. 
C'est  en  1246  que  fui  célébrée  |)our  la  pren)itMo  fois,  à  Liège,  la  fêle  par 
excellence  que  le  peuple,  dans  son  langage  si  expressif  et  si  vrai,  a  rii)iiiii;ée 
la  «  Fête-Dieu  ».  Il  appartenait  au  xiii"' siècle,  cpii  nous  a  légué  tant  ili'  nninu- 
miMits  niagniliipics,  laiil  de  cliels-d'œuvie  de  l'art  n^ligi(Mi\,  (h-  n(iii>  léguer 
aussi  ses  pompes  sublimes,  ces  cérémonies  majestueuses  ,  ce  coitége  brillant, 
ces  processions  solennelles.  J'espérais  donc  voir  à  Liège,  non-seulement  un 
grand  concours  de  fidèles,  une  assemblée  de  chrétiens  recueillis,  mais  aussi 
y  trouver  ces  précieux  souvenirs  des  temps  oii  la  foi  était  si  vive  et  si  ardente - 
C'était  le  cas  ou  jamais  d'abandonner  les  usages  mondains  du  xviii'  siècle  , 
pour  faire  revivre  les  antiques  traditions.  Kn  un  mol,  pour  me  servir  de  l'heu- 
reuse expression  de  M.  de  .Montalembert ,  j'aurais  voulu  y  rencontrer  les  (ils 
des  croisés  et  non  pas  les  contemporains  de  Voltaire. 

((  Je  me  suis  tout  d'abord,  dès  mon  arrivée  à  Liège,  dirigé  vers  l'église 
Saint-Martin,  celle-là  môme  où  l'office  du  Saint-Sacreinent  a  été  célébré  pour 
la  première  fois.  Cette  église,  placée  sur  une  hauteur,  domine  la  ville;  ses 
murs  noircis  par  le  temps,  ses  ogives  élancées,  témoignent,  à  l'extérieur,  de 
son  ancienneté.  C'est  bien  là,  sur  ce  parvis,  que  se  sont  agenouillés  nos 
pères;  c'est  bien  là  qu'ils  ont  rendu  cet  hommage  public  et  touchant  de  leur 
foi  sincère.  En  entrant  dans  l'église,  toute  idée  du  passé  s'efface,  le  cure 
ayant  pris  soin  tout  récemment  de  faire  badigeonner  l'intérieur  de  cet  antique 
édifice.  Aucune  considération  ne  l'a  arrêté  :  ni  la  beauté  du  monument,  dont 
il  allait  faire  empâter  toutes  les  sculptures,  ni  l'utilité  (pi'il  y  avait  à  |)reseiilér 
cette  église  dans  son  état  de  vétusté  si  vénérable,  ni  les  anathèmes  (pii  ont 
été  prononcés  contre  ce  genre  de  vandalisme.  Rien  n'\  a  fait,  et  maintenant 
les  murailles  de  Saint-.Martin  de  Liège  sont  couvertes  dune  épaisse  couche  de 
badigeon,  d'un  ton  jaune-blanc  horrible  à  voir.  L'autel  et  le  tabernacle,  sur 
lesquels  le  Saint-Sacrement  devait  être  exposé  à  l'adoration  di-s  lidèles,  sont 
dorés  à  neuf,  et  leui-  forme  peut  l)ien  rappeler  celle  des  meubles  du  saldii  de 
Louis  XV  ou  du  boudoir  de  madame  de  l'oin()adour,  mais  non  un  produit  de 
l'art  chrétien,  une  image  du  tombeau  des  martyrs,  un  sNudxile  religieux. 
L'ostensoir  est  placé  dans  une  espèce  de  machine  (pii  tourne  sur  elle-même, 
ce  qui  nous  a  paru  de  la  dernière  inconvenance,  (il  totalement  privé  d(!  gra- 
vité. Dans  les  autres  églises  de  la  ville,  on  remanjue  la  même  absence  tie 
goût.  A  la  cathédrale,  une  très-belle  chaire  gothi(|ue  '  est  déllgurée  par  de 

4.  CeUe  cliaire  fil  modcrni';  iiiuis  i-lle  csl  excnilw'  en  slylc  gullnijup  awc  asse/.  d'Iiabilrli- 
V.  IG 


118  ANNALES  ARCHÉOLnr.IQUES. 

grandes  stahios  blanches  qui  rentourent;  dans  la  chapelle  du  Saint-Sépulcre, 
il  y  a,  au  lieu  de  vitrail,  un  store  qu'on  ne  placerait  pas  dans  le  dernier  café 
de  la  ville;  partout  enfin,  excepté  dans  la  belle  éjiiise  Saint-Jacques,  règne 
un  goût  exécrable.  Voilà  pour  la  décoration  des  temples  catholiques;  je  ne 
vous  en  parle  que  pour  vous  préparer  à  ce  qui  me  reste  à  vous  dire. 

«  Vous  croyez  peut-être  qu'il  n'y  a  dans  le  chant  ecclésiastique  rien  de 
plus  beau  au  point  de  vue  de  l'art,  rien  de  jjIus  respectable  et  de  plus  con- 
venable sous  le  rapport  religieux  que  la  belle  prose  de  saint  Thomas  d'Aquin: 
Laiida,  Sion,  Salvatorem?  Vous  croyez  qu'il  est  impossible  qu'on  ail  songé 
à  supprimer,  en  cette  circonstance^,  cette  magnifique  mélodie  dont  le  clergé 
catholique  devrait  être  fier  comme  il  est  fier  des  cathédrales  de  Reims  et  de 
Cologne?  Détrompez-vous  :  c'est  là  un  produit  barbare  de  ce  moyen  âge 
qu'on  méprise.  C'est  M.  Mendeissohn-Barlholdy,  grand  musicien  de  l'Alle- 
magne, étranger  à  notre  foi,  ignorant  noire  culte,  cpii  a  été  chargé  de  refaire 
la  musique  du  Lauila  Sion.  M.  Mendeissohn  est  un  artiste  d'une  mérite  im- 
mense, j'en  conviens;  s'il  veut  rendre  hommage  à  la  religion  catholique  par 
la  composition  de  quelque  pièce  musicale,  qu'on  l'accueille  et  qu'on  admire 
son  talent,  à  la  bonne  heure;  mais  pour  celle  fête,  pour  cet  anniversaire, 
qu'on  sacrifie  et  qu'on  jette  au  rebut  un  des  chefs-d'œuvre  de  l'art  leljgieux , 
une  mélodie  qui  se  rattache  comme  nécessairement  à  tous  les  souvenirs  de 
la  fête  dont  on  solennise  l'institution,  c'est  ce  qui  ne  se  peut  expliquer  que 
par  une  aberration  d'esprit  vraiment  condamnable.  Il  y  avait  là  douze  évê- 
ques  et  mi  clergé  nondjrcux  agenouillés  au  pied  de  l'autel,  il  y  avait  des  flots 
de  fidèles  dans  l'église;  rien  n'eût  produit  plus  d'impression  que  ce  magni- 
fique chant  du  Lauda  Sion  enlonné  par  deux  ou  trois  cents  voix.  Au  lieu  de 
cela,  on  a  eu  des  violons,  des  basses,  des  clarinettes,  des  voix  fausses,  des 
cris  inhumains,  des  tymbales,  et,  au  m, lieu  de  tout  ce  bruit,  une  jeune  dame 

chantant  des  roulades  sur  les  paroles  saintes  :  Ecce  punis  angelorum  !  !  ! 

Je  renonce  à  caractériser  un  fait  aussi  allligeant.  Je  ne  vous  dirai  rien  de  la 
composition  en  elle-même  de  cette  musique;  je  n'ai  rien  entendu.  J'ai  songé 
pendant  tout  le  temps  de  l'exécution,  qui  a  duré  une  heure,  à  la  perte  et  à 
la  ruine  de  l'art  religieux;  j'ai  songé  à  l'inutilité  de  nos  travaux  et  de  nos 
efforts  pour  la  restauration  du  chant  ecclésiastique;  j'ai  songé  surtout  à  celle 
grande  et  triste  erreur  du  clergé  fraui^'ais ,  qui  croit  qu'il  faut  aller  chercher 

pour  qu'on  puisse,  à  la  première  vue,  la  juger  ancienne.  Quant  aux  statues  de  marbre  blanc, 
M.  Danjou  nous  parait  les  juger  avec  trop  de  sévérité  :  en  France,  nous  sommes  peu  habitués  à 
cette  alliance  singulière  du  marbre  et  du  bois;  en  Belgique,  c'est  un  usage  assez  commun  et  qui 
n'est  pas  toujours  malheureux.  [Note  du  Directeur.) 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  119 

en  Belgique  des  exemples,  des  lois,  des  imOlmiis,  des  CDiiliiines,  pour  aiiié- 
liorer  en  Franee  la  situalion  du  ealliolicisnie. 

«  La  procession  du  Sainl-Sacroinciil  dans  la  plus  petite  ville  de  Franee  est 
plus  majestueuse,  plus  décente,  cpie  n"a  été  la  procession  de  Liéije;  le  peuple 
est  chez  nous  jjIus  recueilli,  plus  respectueux,  et  le  sentiment  des  conve- 
nances n'y  serait  nulle  part  froissé  par  des  actes  pareils  à  ceux  dont  j"ai  été 
témoin.  Quelques  personnes  qui  avaient  vu,  il  y  a  deux  ans,  l'aUluence 
extraordinaire  des  fidèles  qui  se  rendaient  à  Trêves  pour  l'exposition  de  la 
sainte  Robe,  s'étonnaient  que  le  jubilé  de  Liège  n'eût  pas  excité  le  même 
intérêt.  Il  y  a  do  c(!  fait  une  explication  fort  siniple  :  l'Allemagne  retourne 
par  les  ans  à  l'admiration  du  moyen  âge,  et  tout  ce  qui  peut  rappeler  cette 
époque  et  ses  pieuses  coutumes  excite  dan^  tous  les  cœurs  le  plus  grand 
enthousiasme;  la  Belgique,  au  conlraire,  n'a  pas  fait  un  pas  pour  sortir  du 
XVIII''  siècle,  dont  elle  est,  pour  ainsi  dire,  l'expression  vivante  '.  La  religion 
est  florissante,  dit-on,  en  Belgique;  dans  les  campagnes,  le  peuple  est  fidèle. 
Il  en  était  de  même  chez  nous  au  xviu"  siècle  :  il  y  avait  aussi  en  France,  à 
celte  époque,  des  habitudes  religieuses.  Mais,  dans  les  villes  principales,  le 
catholicisme  perd  chaque  jour  du  terrain,  et  le  moment  approche  où,  malgré 
les  efforts  du  clergé,  la  religion  passera  en  Belgique  par  de  rudes  épreuves. 

('  Existait-il  un  moyen  de  conjurer  cet  orage  ?  Nous  le  croyons.  Il  fallait 
énergiquement  briser  les  traditions  du  siècle  dernier  dans  l'éducation,  dans 
l'art,  dans  l'enseignement;  il  fallait  chasser  des  temples  ces  musiques  sen- 
suelles et  profanes  pour  rapprendre  au  peuple  les  chants  de  l'Kglise,  et  ces 
chants  auraient  été  des  liens  qui  l'auraient  attaché  fortement  au  sanctuaire 
catholique.  Les  progrès  des  sciences,  le  mouvement  des  art^ ,  n'ont  pas 
changé  le  cceur  de  l'homme  ;  il  est  encore,  il  sera  toujours  ce  qu'il  était  dans 
les  siècles  passés,  et  imiscpiil  \  a  eu  un  moment  dans  l'histoire  du  monde 
où  le  clergé  catholique  a  trouvé  le  secret  de  s'attacher  tous  les  hommes, 
pourquoi  ne  pas  imiter  en  toutes  choses  cette  époque  de  splendeur  pour  la 
religion?  D'ailleurs,  la  Providence  nous  conduit  dans  celle  voie  depuis  le 
commencement  de  ce  siècle.  Est-ce  que  ce  mystérieux  instinct,  qui  conduit 
de  \ aillantes  cohortes  sur  le  rivage  d'Afrique,  qui  envoie  nos  armées  rétablir 
le  siège  de  saint  Augustin,  n'est  pas  quelque  chose  de  semblable  aux  croi- 
sades saintes?  Est-ce  que  cette  ardeur  universelle  pour  la  restauration  des 

1.  En  Belgique,  comme  en  l'rance,  comme  en  Allcmai:nc,  on  revient  par  l'art  à  l'intelligence 
et  à  l'admiralion  du  moyen  dge;  le  mouvement  arcliéologique  y  est  aussi  prononcé  que  cliez  nous. 
Irrité  à  bon  droit  de  ce  qu'il  entendait  et  voyait  a  Liège  ,  M.  Uanjou  n'a  jugé  la  iieljjiqiie  quu 
d'après  une  ville  et  d'après  quelques  faits.  {Noie  du  Directeur.) 


120  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

anciens  monuments  religieux,  qui  s'est  manifestée  en  France  depuis  quinze  ans, 
n'est  pas  aussi  un  signe  certain  de  retour  à  l'admiration  des  œuvres  de  la  foi  ? 
Pourquoi  le  clergé  belge  reste-t-il  en  dehors  de  ce  mouvement  et  de  ce  pro- 
grès? Pourquoi  surtout,  dans  une  circonstance  aussi  solennelle  que  celle  du 
jubilé  de  Liège,  ne  pas  nous  rendre  ces  magnifiques  chants  inspirés  par  la 
foi ,  et  que  les  hommes  de  goût  de  tous  les  temps  ont  trouvés  sublimes?  La 
parole  grave  et  éloquente  de  Mgr  l'évêque  de  Langies  est  seule  venue  faire 
diversion  à  ce  charivari  musical ,  et  réparer  autant  qu'il  était  possible  cet 
allVeux  désordre.  Il  y  avait  à  Liège  très  peu  de  Français;  ceux  qui  y  étaient 
ont  gémi  comme  moi  de  cet  oubli  de  toute  convenance. 

«J'ai  eu  l'honneur  de  voir  à  Liège  un  ecclésiastique  très-instruit,  3L  De- 
vroye,  chanoine,  grand  chantre  de  la  cathédrale,  et  qui  prépare  sur  le  chant 
ecclésiastique  des  travaux  d'une  haute  importance'.  J'ai  aussi  rencontré  dans 
cette  ville  >L  l'abbé  Janssens,  dont  les  écrits  sur  le  plain-chanl  nous  ont  sou- 
vent occupé,  yi.  Janssens  persiste  dans  son  erreur  relativement  au  demi-ton 
accidentel,  et  cette  obstination  fâcheuse  lui  ôte  pour  l'avenir  1  autorité  que 
ses  éludes  constantes  et  son  zèle  incontestable  auraient  pu  lui  donner.  En 
quittant  Liège,  je  suis  venu  à  Bruxelles,  où  j'ai  entendu  chanter  la  prose 
Laudn  Sion,  mutilée  horriblement  par  M.  Henri,  maître  de  chapelle,  secta- 
teur des  idées  de  ^L  Janssens.  Pour  éviter  la  relation  de  triton  qui  se  rencontre 
souvent  dans  cette  prose,  MM.  Henri  et  Janssens  se  sont  avisés  d'en  changer 
la  mélodie.  On  se  demande  de  quel  droit  ces  messieurs  se  permettent  de  mo- 
difier un  chanl  qui  existe  dans  plus  de  trois  cents  manuscrits  des  xiii'  et  xiV 
siècles,  et  que  la  tradition  a  fidèlement  conservé.  Le  système  de  M.  Janssens 
est  une  sorte  de  lit  deProcusle  sur  lequel  il  place  les  mélodies  ecclésiastiques 
pour  les  tailler,  couper  et  façonner  suivant  ses  princi|)es.  On  ne  |)eul  com- 


\.  M.  le  chanoine  Devroye  nous  a  dit  à  nous-mènie  qu'il  laissait  éteindre  successivement,  et 
ne  les  remplaçait  pas,  les  musiciens  actuels  de  l'église  Saint-Paul,  cathédrale  de  Liège.  Quand 
tous  ou  à  peu  près  tous  seront  morts,  le  plain-chant  rentrera  en  maître  unique  et  souverain  dans 
cette  cathédrale.  Que  n'agit-on  ainsi  partout  en  Belgique  et  même  en  France!  Ce  serait  un  moyen, 
on  ne  blessant  aucun  intérêt ,  en  ne  détruisant  violemment  aucune  position ,  de  rendre  en  peu  de 
temps  le  chanl  du  moyen  âge  à  toutes  les  églises.  Du  reste ,  la  musique  commence  à  être  fort 
compromise.  Un  journal  de  Strasbourg,  V Impartial  du  Rhin,  annonce  que  Mgr  l'évêque  de 
Strasbourg,  à  l'exemple  de  ses  collègues  de  Langres,  de  Périgueux,  de  Gap,  etc.,  vient  de 
prescrire  que  le  plain-chant  serait  exécuté  en  tout  et  partout  durant  les  offices  de  l'église  ;  c'est 
dans  sa  cathédrale  que  le  premier  essai  a  été  fait  le  dimanche,  fête  de  saint  Arbogaste,  dix-neu- 
vième évèque  et  patron  du  diocèse.  La  messe  solennelle  a  été  exécutée  en  plain-chant  par  les 
élèves  du  séminaire  diocésain  ,  avec  une  gravité  et  un  ensemble  merveilleux  qui  ont  frappé  tous 
les  assistants.  (  Note  du  Directeur.  ) 


MEl.AM.ES   KT   NOT  V  Kl.LES.  121 

prcMidie  pourquoi  S.  E.  lo  i;inlinal-;irctu'viM|ui'  de  Malines  lolcro  ci'  vanda- 
lisme ;  c'est  vouloir  consommer  la  ruine  du  iilain-dianl. 

«  A  Anvers,  où  j'ai  entendu  un  salut  solennel,  il  y  a  un  maître  de  cliapelle 
très-distingué,  M.  Bessems,  frère  d'un  compositeur  estimé.  M,  Bessems  fait 
exécuter  à  grand  orchestre  les  œuvres  de  musique  religieuse  de  Mozart ,  Ché- 
rnbini,  Paer,  etc.  L'exécution  est  assez  bonne,  parce  que  les  ressources  de 
cette  riclie  église  |)ermellenl  d'entretenir  un  orchestre  nombreux  ;  mais  les 
trente  mille  francs  (ju'on  dépense  cha(|ue  année  pour  cette  musique  seraient 
bien  mieux  employés  à  fonder  des  cours  de  chant ,  à  développer  dans,  le 
peuple  le  goûl  du  chant  ecclésiastique,  pour  l'exécuter  ensuite  avec  de 
grandes  masses  vocales.  Ce  serait  un  homme  de  mérite  comme  M.  Bessems 
qui  pouriait  commencer  en  Belgique,  avec  autorité,  une  telle  réforme,  et  le 
succès  ne  tarderait  pas  à  couronner  son  zèle.  On  pourrait  d'ailleurs  procéder 
avec  mesure  et  amener  graduellement  les  esprits  à  com|)rendie  le  vrai  carac- 
tère de  la  musique  sacrée.  Si  l'on  veut  de  la  nuisi(iue,  on  peut  du  moins  exé- 
cuter celle  des  grands  maîtres  de  l'école  italienne  et  de  l'ancienne  école 
belge,  Paleslrina,  Marcello,  Roland  de  Lassus ,  Vittoria,  Festa,  Nanini,  et 
cent  autres.  Il  y  a  dans  ces  compositions  une  gravité,  une  majesté,  une  con- 
venance, un  sciilinient  exquis,  qui  ne  se  trouve  dans  presque  aucune  com- 
position moderne.  Ouand  on  goûtera  les  beautés  de  ces  auteurs,  on  aura 
déjà  parcouru  la  moitié  du  chemin  (ju'il  faut  faire  pour  revenir  à  l'intelligence 
et  à  l'admiration  'du  chant  ecclésiastique. 

«  V.   I».\\.IOl\« 

Dm  randalisine  en  BrlfjirjUP.  On  nous  écrit  de  Liège  :  «  M.  Docteur,  picpieur 
des  ouvriers  de  Saint-Jacques,  est  plein  de  zèle  pour  l'archilecture  gothicpie; 
il  l'aime  d'aniour.  Il  a  dessiné  les  prolils  de  toutes  les  moulures,  les  plans 
de  tous  les  meneaux.  Il  empêche  et  retarde  autant  (]u'il  le  peut  les  actes  de 
vandalisme.  Enlin,  il  accueille!  toujours  avec  plaisir  les  conseils  et  les  obser- 
\  étions.  Notre  église  infortunée  de  Saint-Jacques  est  livrée  à  M.  Suys,  membre 
de  notre  Conmiission  des  monuments  historiques.  Ce  nouveau  Debret  modifie 
tout,  change  tout,  bouleverse  tout.  Dernièrement  on  a  débouché  une  baie 
qui  appartient  à  la  galerie  (jui  est  au-dessus  des  chapelles  du  chteur.  Cette 
baie  avait  un  amortissement  semi-circulaire  avec  archivolte  ornée  de  moulures 
gothiques.  Apparemment  cela  n'était  pas  assez  golliiipic  pour  M.  Suys;  aussi 
a-t-il  métamorphosé  le  demi-cercle  en  arc  aigu  à  intrailos  dentelé,  |)uis  il  a 
creusé  profondétnenl  les  renfoncements  (pii  étaient  an-dessus  de  l'ancienne 
archivolte  et  y  a  ajouté  des  cercles  trèfles  ou  billainmcs.  Je  dois  ajouter  ccpcn- 


122  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

dant  que  les  moulures  de  rarchivolte,  ainsi  que  celles  des  divers  ornements, 
sont  conformes  à  celles  qui  se  trouvent  dans  l'église.  Mais  ou  ne  devait  pas 
changer  ce  qui  était;  car  Saint-Jacques  est  du  xvf  siècle,  et  plusieurs  détails 
appartenant  à  l'architecture  italienne  s'y  sont  glissés,  tout  en  s'harmonisant  et 
s'identifiant  très-bien  avec  le  style  ogival.  Dans  le  transsept  méridional,  les 
arcades  simulées  qui  sont  sous  la  grande  fenêtre  ont  des  renfoncements  au- 
dessus  des  archivoltes.  Ces  renfoncements  étaient  ornés  de  gracieuses  ai'abes- 
ques.  Hélas!  ce  n'était  ni  assez  gothique,  ni  assez  profond,  et  M.  Suys  de 
creuser,  car  c'est  un  terrible  excavateur,  et  de  détruire  les  arabesques  pour 
les  remplacer  par  des  flammes  ou  des  quatre-feuilles,  car  c'est  un  puriste  du 
premier  ordre.  Enfin,  pour  clore  celte  triste  revue,  toute  une  travée  de  la  nef 
a  été  grattée  de  haut  en  bas,  y  compris  deux  tètes  de  prophètes  avec  leurs 
inscriptions;  plus  de  couleurs  aux  têtes,  plus  d'inscriptions.  On  m'a  assuré 
qu'on  les  rétablirait!  belle  avance,  et  comment  les  rétablira- t-on?  Les  inscrip- 
tions étaient  en  capitales  romaines,  on  y  mettra  probablement  des  lettres  go- 
thiques; elles  étaient  peintes,  elles  seront  sculptées  en  relief;  le  tout  afin  de 
mieux  représenter  le  moyen  âge  !  C'est  tout  au  plus,  si  dans  une  partie  tota- 
lement détruite,  on  introduira  quelques  légers  parachronismes;  ici  on  détruit 
dans  le  but  de  vieillir  ce  qui  est  jeune. 

«  Il  a  été  fortement  question,  et  même  on  avait  déjà  commencé,  de  démoHr 
l'ancien  palais  épiscopal  de  Liège,  édifice  du  xvi"  siècle  (1508-1540,  style  go- 
thique quartaire).  Grâce  aux  efforts  prodigieux  des  amis  de  l'histoire  et  des 
arts,  notre  palais  est  sauvé,  mais  à  la  condition  d'être  restauré  :  le  restaurateur 
sera  M.  Delsaux.  Cette  restauration  (ne  froncez  pas  le  sourcil)  sera  sage,  je 
l'espère.  Cependant,  quand  il  s'agit  de  refaire  des  parties  entièrement  dé- 
truites, des  balustrades  et  des  lucarnes,  on  ne  saurait  s'entourer  de  trop 
d'autorités.  Auriez-vous  la  bonté  de  vous  informer  à  la  Bibliothèque  Royale, 
département  des  estampes,  s'il  ne  s'y  trouve  pas  la  gravure  représentant  l'an- 
cien palais  épiscojjal  de  Liège,  par  Venceslas  Hollar,  ou  celle  de  Dewit 
d'Amsterdam? 

«L'église  Sainte-Véronique  vient  d'être  démolie.  Elle  avait  été  reconstruite 
presque  entièrement  au  xv!!""  siècle;  seulement  on  y  voyait  encore  quelques 
laides  colonnes  qui  pouvaient  dater  de  la  fin  du  xif  siècle.  Mais  le  pavé  était 
composé  en  grande  partie  de  dalles  funéraires  des  xiv%  x\°  et  x\f  siècles,  et 
c'eût  été  une  véritable  perte  pour  l'art  si  elles  eussent  péri.  Heureusement,  grâce 
à  mes  recommandations  incessantes,  M.  Delsaux,  en  sa  quahté  d'architecte 
provincial,  a  écrit  à  M.  Dejardin,  architecte  chargé  de  la  démolition  et  de  la 
reconstruction  de  celle  église;  il  l'a  prié  d'en  prendre  le  pias  grand  soin,  de 


MELA>'GES  ET  NOUVELLES.  123 

conserver  non-seuleinenl  les  dalles  entières,  mais  encore  celles  qui  étaient  cas- 
sées et  iiiènio  tous  les  fra^rmcnts.  J'ai  eu  la  salisfaction  de  voir  que  nies  vœux 
étaient  accomplis.  Ces  dalles  seront  encastrées  dans  un  mur.  Ouanl  à  l'église, 
elle  sera  reconstruite  en  style  gréco-romain.  » 

Le  [)alais  épiscopal  de  Liège  est  déûnitivenient  sauvé.  C'est  à  un  corres- 
pondant belge  du  Comité  liistoricjue  des  arts  et  monuments  (pi'estdi'i,  nous 
le  savons,  ce  dillicile  et  im[)ortant  résultat.  ;\L  Louis  Fabry-Hossius  a  fait  des 
démarches  pour  obtenir  la  conservation  du  précieux  édifice;  il  a  écrit  dans 
les  journaux  de  Liège  l'histoire  et  la  description  du  palais,  qu'il  nous  a  en- 
voyée ainsi  qu'au  Comité  des  arts.  Dès-lors  l'intérêt  jinblic  a  détendu  le  pré- 
cieux édifice,  et  notre  ami  de  Liège  a  obtenu  un  succès  complet;  nous  devons 
l'en  féliciter  vivement.  En  sauvant  un  pareil  monument,  M.  Fabry-Rossius 
a.  rendu  à  la  Belgique  en  particulier  et  à  l'art  en  général  un  des  plus  notables 
services. 

Séances  du  Comité  historique  des  arts  et  monuments.  —  Le  Comité  poursuit 
ses  utiles  travaux  avec  une  ardeur  qui  n'a  pas  faibli  depuis  sa  création.  Il 
réclame  la  conservation  des  monuments  histori(]ues;  il  recherche,  étudie, 
décrit  et  fait  dessiner  les  édifices  et  objets  d'art  de  tout  âge  et  de  toute  nature 
qui  peuvent  avoir  de  l'intérêt;  il  préjjare  la  statistique  monumentale  de  toute 
la  France,  et  commence  par  publier  celle  de  Paris.  La  correspondance  qu'il 
entretient  sur  tous  les  points  de  la  France  et  même  à  l'étranger  devient  plus 
nourrie  et  plus  curieuse  d'année  en  année.  11  se  fortifie  en  récompensant  du 
titre  de  membre  non  résidant  ceux  de  ses  correspondants  qui  se  sont  le  plus 
signalés  par  le  zèle  et  l'importance  de  leurs  communications;  il  couvre  d'une 
armée  de  travailleurs,  d'un  réseau  d'amis  des  antiquités  nationales  toutes  les 
parties  de  la  France,  en  augmentant  chaque  année  le  nombre  de  ses  corres- 
pondants. Ainsi  le  titre  de  membre  non  résidant  vient  d'être  conféré  pai'  .M.  le 
ministre  de  l'instruction  publique,  sur  la  proposition  du  Comité,  à  M.  le 
baron  de  Guilhermy  et  à  M.  le  baron  de  Girardot;  cette  distinction  était  méritée 
|)ar  des  travaux  réellement  hors  de  ligne,  par  des  recherches  et  des  décou- 
vertes archéologi(|ues  importantes.  De  plus,  M.  le  ministre  a  nommé  corros- 
p(jn(lants  du  Comité  les  dix  [lersonnes  dont  les  noms  suivent  :  MM,  Louis 
Hdstan,  avocat  à  Sainl-Miixiiiiin  (Var  ;  Hcnjaiiiin  l'illmi,  luimismaliste  à 
Fonlenay-le-Comte  (Vcndéej;  Jules  Leclercq  de  la  l'rairie,  |)ropriétaire  à 
.Soissons;  Stanislas  de  Saint-Germain ,  propriétaire  à  Lvreiix;  Jules  Courlet 
sous-préfet  à  Die(Drrjme);  le  comte  de  iMorangiès,  propriétaire  au  iliàlcaii 
de  Fabrèges (Lozère);  l'abbé  Roux,  vicaire  à  Fleurs  (  Loire j;  Alexandre  Sirand, 


124  ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

juge  au  tribunal  civil  de  Bourg  (Ain).  M.  Théodore  Mayerv  a  été  nommé  cor- 
respondant à  Sion,  en  Valais,  et  M.  l'abbé  Vaudey,  à  Chambéry.  Tous  ces 
nouveaux  correspondants  sont  connus  du  Comité  par  des  communications 
archéologiques  faites  à  plusieurs  reprises,  en  sorte  que  le  titre  qui  leur 
est  donné  n'est  qu'une  juste  récompense  de  leur  science  et  de  leur  dé- 
vouement. Mais  une  récompense  plus  haute  encore  vient  d'être  accordée  par 
le  roi ,  sur  la  proposition  du  ministre  de  l'instruction  publique  et  la  désigna- 
tion du  Comité,  à  ceux  des  membres  et  correspondants  dont  les  travaux 
d'archéologie  ou  d'histoire  ont  jeté  le  plus  d'éclat,  dont  les  recherches  ont 
été  couronnées  de  plus  de  succès  :  au  mois  de  mai  dernier,  le  roi  a  donné  la 
croix  de  la  Légion-d'Homieur  à  M.  le  baron  Ferdinand  de  Roisin  et  à  M.  Louis 
Paris,  bibliothécaire -archiviste  de  Rein)S,  tous  deux  correspondants  du 
Comité.  Nous  sommes  heureux  que  le  choix  du  ministre  et  du  roi  soit  tombé 
sur  deux  nos  plus  chers  amis,  dont  le  premier  est  l'un  de  nos  plus  savants 
et  affectueux  collaborateurs.  De  tous  les  hommes  politiques  qui  ont  occupé 
le  ministère  de  l'instruction  publique  depuis  la  création  de  notre  Comité,  M.  le 
comte  de  Salvandy  est  le  seul  qui  ait  fait  reconnaître  ainsi  par  le  roi  et  par  la 
nation  les  travaux  utiles,  savants  et  désintéressés  des  jeunes  archéologues. 
Pour  notre  compte,  nous  avons  vivement  remercié,  l'année  dernière,  M.  de 
Salvandy;  cette  année,  nous  le  remercierons  non  moins  vivement  au  nom 
de  nos  amis.  C'est  par  une  récompense  aussi  noblement  accordée  qu'on  s'ac- 
quiert la  reconnaissance  et  le  «lévouemenl  des  gens  de  cœur.  Courage  donc  à 
tous  les  correspondants  du  Comité,  puisqu'ils  sont  assurés  maintenant  que 
leurs  travaux  pourront  recevoir  un  prix:  certainement  Irès-élevé  ! 

Nous  donnerons  peut-être,  dans  un  prochain  numéro,  une  analyse  succincte 
des  travaux  du  Comité  accomplis  pendant  la  session  de  1846;  mais  nous 
transcrirons  certainement  le  procès-verbal  d'une  discussion,  la  plus  importante 
qui  ait  encore  eu  lieu  dans  le  sein  du  Comité,  et  qui  est  relative  à  la  réparation , 
à  rornemeutalion,  à  l'ameublement  des  édifices  religieux.  M.  Victor  Hugo 
a  soulevé  et  soutenu  cette  discussion  avec  une  puissance  incontestable;  mais 
.  M.  V.  Hugo  a  été  contredit.  Nous  avons  rédigé  le  procès-verbal  de  cette  cu- 
rieuse séance  avec  l'intention  formelle  d'en  donner  connaissance  à  nos  lecteurs. 


DE  L'ARCHEOLOGIE  EN  ESPAGNE. 


I .  —  M  (»  l  \  K  M  E  N  r   A  K  (  :  H  E  (►  L  0  (1 1  n  r  E. 

Dans  lin  proiiiior  article  ',  nous  avons  l'ail  connaîlic  qu'au  milieu  des 
luttes  acharnées  des  partis  |)oliti(jues,  l'amour  des  arts  s'était  maintenu  en 
Espajine.  Si  les  secousses  politiques  renversent  trop  de  monuments  dans  ce 
noble  pays,  des  hommes  savants  et  généreux  s'attachent  à  conserver  à  leur 
|)atrie  les  glorieux  témoignages  de  son  ancienne  splendeur.  Nous  clierclierons 
aujourd'hui  quelles  sont  les  doctrines  professées  par  les  archéologues  espa- 
gnols, et  nous  espérons  démontrer  qu'elles  sont,  sur  quelques  points,  telles 
que  nous  pourrions  désirer  les  voir  admises,  sans  contestation,  par  nos 
savants  de  France,  et  surtout  pratiquées  par  nos  architectes. 

Nous  avons  sous  les  yeux  un  petit  volume  publié  en  1833,  intitulé: 
«  Apuntes  para  la  historia  de  la  Anpiiteelura,  y  observaciones  sobre  la  cpie 
se  distingue  con  la  tienominacion  dcGotica,  »  par  l'architecte  don  Juan 
Miguel  de  Inclan  Valdcs,  sous-directeur  et  vice-secrétaire  de  l'Académie 
royale  des  arts  nobles  de  Saint-Ferdinand.  Cet  ouvrage  fut  écrit  en  1832,  à 
l'époque  où  (juelques  amis  des  arts  avaient  peine,  dans  Paris,  à  préserver 
Saint-Germaiii-l'Auxerrois  d'une  complète  destruction.  L'auteur  appelle  l'ar- 
chitecture gothique  «  l'architectun!  des  temples  de  la  chrétienté.  »  Il  cntre- 
jirend  sa  défense  contre  ceux  (]ui  prétendent  la  dépouiller  de  ce  titre,  «  dont 
ils  reconnaîtraient  toute  la  justesse,  si  à  leurs  connaissances  littéraires  ils 
réunissaient  la  jjarlie  scientilique  de  la  profession.  »  Après  avoir  établi ,  sur 
des  documents  historiques  certains,  la  date  où  furent  fondés  quelques-uns 
des  plus  anciens  édifices  chrétiens  de  l'Espagne,  M.  Valdès  s'écrie  :  «Quel 
avantage  pour  l'histoire  de  l'architecture,  si  ces  monuments  étaient  décrits, 
mesurés,  dessinés  par  une  main  adroite  et  intelligente,  offrant  aux  amateurs 
et  aux  professeurs  une  curieuse  collection  de  nKJUuments,  pour  la  plupart 
d'une  conservation  parfaite,  et  telle  qu'il  serait  difficile  d'en  tiouviîr  de 
pareils  en  aucun  pays!  »  Cette  pensée  de  faire  dessiner,  mesurer  et  décrire 

I.    Iiinu/es  .tivlii-uhijiques,  vol.  IN',  pages  itJl-2(Jo. 


126  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

les  anciens  monuments  du  pays  a  été  mise  à  exécution  en  France;  mais  celle 
de  placer  entre  les  mains  des  professeurs  le  moyen  d'enseigner  l'architecture 
du  movcn  âge,  est  loin  de  se  réaliser  chez  nous.  Nous  en  sommes  encore 
réduits  à  nous  écrier  avec  le  savant  académicien  espagnol  Jovellanos  et 
avec  don  Juan  Valdès  :  «  Plût  au  ciel  que  nos  professeurs ,  avant  de  passer 
les  Alpes  à  la  recherche  des  grands  monuments  dont  le  génie  de  l'architec- 
ture a  enrichi  l'Italie,  cherchassent  aux  pieds  de'nos  montagnes  ces  humbles, 
mais  précieux  édifices ,  qui  attestent  encore  le  goût  et  la  solide  piété  de  nos 
ancêtres!  'i 

M.  Valdès  émet,  au  sujet  des  artistes  du  moyen  âge,  une  idée  que  les 
recherches  entreprises  dans  les  archives  de  France ,  sur  la  recommandation 
du  Comité  des  arts  et  monuments  ,  pourront  justifier,  à  savoir  que  la  division 
de  l'architecture  en  civile  et  militaire  est  très-moderne;  «  chaque  corps  d'ar- 
mée, dit-il,  devait  avoir  son  architecte  ou  chef  des  ouvriers,  parce  que, 
pour  prendre  une  forteresse,  il  était  nécessaire  de  lui  en  opposer  une  autre 
artificielle  pour  la  dominer,  ce  soin  ne  pouvant  être  confié  ni  à  des  subal- 
ternes, ni  à  des  hommes  des  pays  conquis.  »  Ce  que  nous  pouvons  affirmer, 
c'est  qu'aux  xv°  et  xvi"  siècles,  les  mêmes  architectes  concouraient  à  la 
construction  des  églises  et  à  celle  des  fortifications;  les  archives  du  déparle- 
ment du  Cher  et  celles  de  la  ville  de  Bourges  en  renferment  des  preuves 
nombreuses. 

Nous  avons  parlé,  dans  un  précédent  article ,  de  «  l'Espagne  artistique  et 
monumentale  »;  quelques  reproches  que  l'on  puisse  adresser  à  cet  ouvrage, 
où  le  pittoresque  l'emporte  sur  la  sévère  exactitude,  nous  ne  pouvons  refuser 
nos  éloges  à  MM,  Genaro-Perez  de  Villa-Amil  et  Patricio  de  la  Escosura. 
Ainsi  que  le  dit  ce  dernier,  «  tandis  que  les  révolutions  politiques  eu  Unis- 
sent avec  tout  ce  qui  rappelle  les  temps  de  la  monarchie  ibérique,  ces  géné- 
reux Espagnols  reconstruisent  les  réputations  des  architectes  et  des  sculpteurs 
de  leur  patrie.  Toujours  environnés  de  ruines  et  cramponnés  au  cadavre  de 
["ancienne  Espagne  artistique,  il  se  sont  donné  la  mission  de  conserver  par 
la  plume  et  le  crayon  la  pensée  des  artistes  qui  furent  et  des  générations  qui 
ont  vécu.  >)  Notre  sympathie  est  acquise  à  tous  les  hommes  dévoués,  de 
quelque  parti  qu'ils  soient,  qui  protesteront  contre  la  destruction  des  monu- 
ments des  arts,  contre  des  démolitions  incessantes.  «  Ces  démolitions  tendent 
à  effacer  de  la  Péninsule  tout  ce  qui  rappelle  ses  plus  glorieuses  épocpies, 
à  faire  de  son  sol  un  désert  sous  le  rapport  de  l'art ,  à  ajouter  une  cause  de 
plus  aux  causes  déjà  nombreuses  qui  en  éloignent  les  voyageurs  étrangers.  » 
Maintenant,  nous  faisons,  avec  le  directeur  des  «  Annales  archéologiques  »  , 


DE  LAïK.iiKoi.or.ii:  i:n  Espagne.  iw 

toutes  réserves  au  sujet  dos  ]ilanclies,  très-belles  comme  produit  lithosra- 
pliique,  mais  où  le  pittoresque  semble  avoir  trop  préoccupé  les  arlislcs. 
Nous  devons  dire  que  rien  n'égale  l'élégance  et  l'effet  d'un  certain  nombre 
de  ces  reinarquahlos  lillingrapliies.  Quant  aux  doctrines  arcliéologiques 
émises  dans  le  texte,  la  plupart  sont  irréprochables,  surtout  en  ce  qui  con- 
cerne la  conservation  des  monuments.  Relativement  à  l'histoire  de  l'art,  et 
aux  appréciations  des  différents  styles,  nous  ne  pouvons  nous  y  associer 
complètement,  ni  dire,  avec  les  auteurs,  que  l'art  gothique  approchait  de  sa 
perfection  au  xv"  siècle.  Mais  si  ces  messieurs  no  nous  paraissent  pas  suf- 
fisamment pénétrés  do  la  supériorité  de  l'architecture  sévère  du  xiii"^  siècle, 
il  faut  se  rappeler  qu'ils  sont  méridionaux,  et  l'on  devrait  examiner  si  celle 
époque,  toute  de  lutte  pour  leur  patrie,  a  pu  produire  des  chefs-d'onn re 
d'architecture  comme  elle  en  a  enfanté  chez  nous.  Nous  rappellerons  ici  une 
vérité,  trop  oubliée  en  France  et  proclamée  par  M.  Patricio  de  la  Escosura, 
c'est  (pie  jamais,  sans  l'étude  des  monuments,  on  ne  pourra  se  faire  une 
idée  complète  du  génie ,  du  caractère  et  des  lumières  d'un  état.  Nous  ajou- 
terons que  la  science  archéologique  a  tout  à  gagner  aux  relations  fréquentes 
qui  finiront  par  s'établir  entre  les  archéologues  des  différents  pays;  qu'ainsi 
l'étude  des  monuments  et  des  ouvrages  français  aurait  été  d'une  grande  uti- 
lité à  M.  do  la  Escosura,  et  l'aurait  sans  doute  préservé  de  quelques  grandes 
erreurs  qu'on  trouve  dans  son  livre. 

En  Espagne,  comme  en  France,  l'ignorance  et  le  mauvais  vouloir  des 
architectes  sont  partout  signalés  comme  la  cause  de  ruine  la  plus  active  pour 
les  momiments. 

Les  antiquités  romaines,  dont  le  sol  de  l'Espagne  est  couvert,  ne  sont  pas 
non  plus  négligées.  Héccmmcnl  une  excursion  archéologicpie,  faite  dans  les 
ruines  de  l'ancienne  Atégua,  par  MM.  Sandino  cl  F.  Alv.  Guerra,  a  donné 
des  résultats  intéressants.  Cette  ville  d'Andalousie  est  célèbre  par  le  siège 
qu'elle  soutint  dans  la  campagne  qui  décida  le  sort  des  enfants  de  Ponqiée. 
La  ville  détruite  par  le  vainqueur  couvre  de  ses  ruines  un  vaste  espace  de 
terrain,  et  les  murailles  laissent  encore  deviner  son  enceinte,  surtout  dans 
certaines  parties  où,  taillées  dans  le  roc,  elles  ont  résisté  aux  destructeurs. 
Sur  ces  débris,  on  voit  encore  dos  murs  crénelés,  élevés  par  les  Arabe»; 
on  y  trouve  des  cavernes  dont  les  paysans  racontent  mille  choses  merveil- 
leuses. 

Nous  terminerons  en  signalant  l'organisation,  dans  quelques  piovincos, 
de  musées  d'antiquités  et  d'objets  d'art;  de  plus,  les  journaux  politiques  de 
toutes    les    nuances    accueillent  avec    empressement  des    comimini(  allons 


128  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

archéologiques  importantes,  que  nos  journaux  de  France  repoussent  avec 
dédain  pour  remplii-  leurs  colonnes  de  récits  de  suicides,  assassinats  et 
vols  réels  ou  supposés,  qu'ils  trouvent  dans  les  feuilles  de  province  ou  dans 
les  rapports  de  la  police.  Nous  donnerons  bientôt  la  traduction  du  rapport 
de  don  Anibal  Alvarez  et  du  secrétaire  de  la  Commission  des  monuments 
historiques  et  artistiques  d'Espagne,  don  José  Amador  de  los  Rios,  sur  la 
translation  du  tombeau  du  cardinal  Ximénès,  qui  se  trouve  dans  une  église 
abandonnée  '. 

Nous  entrons  dès  aujourd'hui  dans  la  voie  de  la  fraternité  que  nous  vou- 
drions voir  établir  entre  les  archéologues  de  toute  l'Europe,  par  la  publica- 
tion de  quelques  noms  des  plus  remarquables  artistes  de  l'Espagne.  Parmi 
ces  noms,  (juelques-uns  appartiennent  à  des  provinces  alors  espagnoles, 
aujourd'hui  françaises;  tous  appartiennent  à  l'art,  cette  patrie  universelle  où 
l'on  doit  trouver  des  émules,  mais  jamais  d'ennemis. 

I!.— ANCIENS  ARTISTES  DE  L'ESPAGNE. 

Fernand  Gonzalès,  sculpteur  du  mausolée  de  don  Pedro  Tenorio,  dans  la 
cathédrale  de  Tolède,  1399.  —  Miguel  Ruiz,  Alvar  Martinez,  Alvar  Gomez, 
sculpteurs  de  la  cathédrale  de  Tolède,  1420.  —  Pedro  Juan,  Guillen  de  la 
Mota,  sculpteurs  du  grand  retable  d'albâtre  de  Tarragone,  1420.  — Tioda, 
architecte  d'Alfonse  le  Sage,  florales  lui  attribue  les  églises  de  Santa-Maria 
de  Naranco  et  San-jMiguel  de  Lino  (Cronica  yeneml  de  Ambrosio  de  jMorales, 
lib.  13,  cap.  'lO).  Personnage  de  telle  qualité  et  distinction  que  le  roi  lui 
accorda  les  mêmes  honneurs  qu'aux  évêques  et  aux  premiers  officiers  du 
palais.  —  D.  Alvar  Garcia,  né  à  Estella,  en  Navarre,  au  xii°  siècle.  Construit 
la  cathédrale  d'Avila  sous  le  vocable  de  Saint-Sauveur.  —  Pedro  Pei-ez, 

I.  A  ces  renseignements  sur  l'archéologie  espagnole,  donnés  par  M.  le  baron  de  Girardot, 
nous  ajouterons  que  M.  Antonio  de  Zabaleta  ,  architecte,  et  M.  José  Amador  de  los  Rios,  secré- 
taire de  la  Commission  centrale  des  monuments  historiques  et  artistiques  de  l'Espagne,  ont  fondé, 
au  mois  de  juin  dernier,  une  publication  analogue  à  la  nôtre  et  qui  a  pour  litre  ;  BoLETi.>i  espaSol 
i)K  Arquitec.tuba.  Ce  «  Bulletin  espagnol  de  l'architecture  »  paraît  deux  fois  par  mois,  le  l^'  et  le 
lii,  par  livraisons  d'une  feuille  grand  in-4°,  à  deux  colonnes,  sur  papier  glacé.  Tous  les  trois  mois 
on  y  ajoute  un  dessin  d'architecture  mesuré,  profilé,  coté.  Le  prix  annuel  est  de  -18  francs  pour 
Paris.  Des  exemplaires  sont  en  dépôt  à  la  librairie  archéologique  de  Victor  Didron.  Plus  tard, 
nous  ferons  l'analyse  des  intéressants  articles  d'architecture  et  d'archéologie  écrits  par  M.M.  de 
Zabaleta  et  de  Los  Rios  ;  mais  nous  dirons  aujourd'hui  que  M.  de  Los  Rios  est  des  nôtres  et  qu'il 
a  cité  los  «  .4nnales  .\rchéologiques  »  avec  une  bienveillance  particulière  dans  le  numéro  du  l'"' 
juillet.  Quant  à  M.  de  Zabaleta,  ancien  élève  de  M.  Duban  ,  il  est  sans  doute  pénétré  d'une  trop 
vive  affection  pour  la  renaissance;  mais  il  vient  de  passer  quelques  semaines  à  Paris  et  il  n'a  pas 


DE  L'ARCHÉOLOGIE  EN  ESPAGNE.  1-29 

iiutour  (le  lit  oatlu'dralc  de  Tolède  en  1258.  —  Pedro  Cebriaii,  maîtio  de 
rcinivre  de  la  calluklrale  de  Léon,  avant  117.'».. —  Cialtcrio,  arcliitcctc  de 
l'église  des  Bernardins  de  Balbedios,  en  1218.  —  Valdcinar  augmenta  la 
lalhédrale  de  Valence,  en  I'i50;  Pierre  Coinpl  l'aclicva,  en  1482. — Juan 
Onlaûon,  arcliitecle  de  la  oalliédrale  de  Séi^ovie.  —  Rodrigo  Gil,  son  fils, 
architecte  du  même  édifice;  architecte  de  la  cathédrale  de  Salamanque. — 
Alonso  Berruguctc,  architecte  du  cloître  de  la  cathédrale  de  Cuonça,  sculp- 
teur et  peintre  de  la  cluunhre  de  Charlcs-Quinl.  —  Alonso  Berruguctc  v  Pe- 
reda,  son  fils,  acheva  la  scul|)ture  du  tombeau  du  cardinal  D.  Juan  de  Tavera. 

—  Pedro  de  Valdevira,  architecte  de  Téglise  de  Jaen  (xvi'^  siècle).  —  Gas- 
pard Becarra,  élève  de  Michel-Ange.  —  Machuca,  architecte.  —  Luis  Vega, 
architecte  du  Pardo.  —  Bartolomé  Bustaniente ,  architecte  de  Fégiise  de 
Saint-Jean-Baplisle  do  Tolède.  —  Francisco  de  Villalpando ,  architecte  de 
rescaliei-  pi  incipal  et  des  galeries  de  l'Alcazar.  —  Jean-Baptiste  de  Tolède, 
architecte  de  lEscurial.  —  Jean  de  Herrcra.  —  Mora,  Gomez,  élèves  de  Her- 
rera.  —  Herrera  Barnuebo.  —  (jimenez  Donoso.  —  Don  José  Churriguera. 

—  Don  Narcisso  Tonié,  auteur  du  transparent  de  Tolède,  1 721 .  —  D.  Pedro 
de  Ribera.  —  D.  Esleban  Marchand.  —  D.  Felipe  Jubaria,  élève  de  Fontana. 

—  D.  Ventura  Rodriguez.  —  D.  Juan  Bautesta  Sacheti.  —  Don  Domingo 
Oliver,  premier  sculpteur  de  la  chambre  de  Phili[)pc  V,  premier  fondateur  de 
l'Académie  royale  de  Saint-Ferdinand.  —  l^avia  Carlier.  —  Don  Diego  de 
Villanueva,  anteur  de  la  «  Coleccion  de  diferentes  papeles  criticos  sobre  todas 
las  partes  de  la  arquiteclura  ».  —  D.  Miguel  Fernandcz.  —  D.  Manuel  Martin 
Rodriguez. 

FerrandGonzaiès,  iieinlre  et  sculpt(Hir,  tondieau  de  Tenorio,  dans  la  cathé- 
drale de  Tolède.  —  Rodrigo  AlConso  ,  mailre  principal  de  l'anivre  de  la 
cathédrale  de  Tolède,  à  la  lin  du  xiV  siècle.  —  Henri  dArlc,  orfèvre,  xvi' 

été  difficile  de  lui  persuader  (|u'il  devait  réclamer  pour  l'Espagne,  ainsi  ([ue  nous  le  faisons  pour 
la  France,  une  architecture  nationale,  l'architecture  du  moyen  ûge.  Touché  de  ces  idées,  M.  de 
Zabaleta  retourne  en  Espagne,  où  il  va  traduire  pour  son  «  Bulletin  »  la  réponse  de  MM.  Lassus 
et  Viollet-Leduc  aux  attaques  de  noire  Académie  des  Beaux-Arts  contre  l'architecture  et  l'art 
i^othiques.  Ainsi  désormais  sont  acquis  à  nos  principes  des  hommes  jeunes,  intelligents,  savants  , 
qui  disposent  en  Espagne  d'une  importante  publication.  Nous  ne  savons  |)as  si  notre  cocarde  fera 
le  tour  du  monde,  mais  il  est  certain  qu'elle  voyage  en  ce  moment  dans  une  certaine  partie  de 
l'Europe.  M.  de  Zabaleta  a  bien  voulu  promettre  de  nous  envoyer  les  dessins  des  œuvres  de 
l'art  espagnol  au  moyen  âge,  d'architecture,  de  sculpture,  de  |)einture,  d'orfèvrerie,  de  menui- 
serie, qui  seraient  de  nature  à  intéresser  nos  lecteurs.  Petit  à  petit  nous  finirons  par  nouer  des 
relations  régulières  avec  les  dilTérents  pays  de  l'Europe,  et  ce  sera  au  profit  de  tout  le  monde.  Une 
de  nos  ambitions  serait  de  créer  une  stirte  de  corporation  internationale  d'archéologie.  A  ce  sujet, 
nous  aurons  à  parler  prochainement  de  la  Russie  i-i  du  nord  de  l'Europe.  (Ao/c  du  Dircrleur.) 


130  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

siècle.  —  Pedro  de  San-Miguel,  —  Francisco  de  Cibdad.  —  Diego  de  LIaiios, 

—  Diego  de  Guadalupe,  sculpteurs  du  maître  autel  de  la  cathédrale  de  Tolède. 

—  Pedro  Guniiel ,  et  maître  Henri ,  dessinateurs  du  rétable  sculpté  par 
Petit  Jean  et  maître  Copin  ;  les  statues  Philippe  de  Bourgogne ,  Sébastien 
d'Almonacid ;  la  peinture  et  la  dorure,  par  Jean  de  Bourgogne,  François 
d'Anvers,  Ferdinand  del  Rincon  ,  André  Segura.  —  Annequin  de  Egas, 
maître  de  l'œuvre  de  la  cathédrale  de  Tolède,  père  de  Henri  Egas,  auteur  du 
tombeau  du  cardinal  de  Mendoza,  dans  la  cathédrale  de  Tolède,  et  de  l'hô- 
pital de  Santa-Cruz  de  cette  ville,  de  celui  de  Saint-Jacques  de  Compos- 
telle,  etc.,  etc.  — Frère  Diego,  de  Madrid,  capucin,  auteur  du  plan  de  la 
chapelle  de  Saint-Isidore  ,  dans  l'église  de  Saint-André  de  Madrid.  —  Joseph 
de  Villareal,  architecte,  directeur  de  la  construction  (  xvif  siècle).  —  Alonso 
de  Covarrubias  et  Alvaro  IMonegro  ,  architectes  de  la  chapelle  de  Los-Reyes- 
Nuevos  dans  la  cathédrale  de  Tolède  (1531-1533).  —  Maître  Henri,  sculp- 
teur, auteur  de  la  statue  du  tombeau  de  Henri  H  de  Caslille  (sous  Jean  I"). 

—  Juan,  de  Ségovie,  et  Pedro  Gumiel,  sculpteurs,  auteurs  du  maître-autel  de 
la  chapelle  du  Connétable  D.  Alvaro  de  Luna,  dans  la  cathédrale  de  Tolède 
(1498).  —  Mariano  Salvatierra,  sculpteur  du  xviif  siècle.  —  Blas  Orliz, 
sculpteur  du  tombeau  de  Don  Alvaro  de  Luna.  —  Rodrigue  Alfonso,  archi- 
tecte du  cloître  de  la  cathédrale  de  Tolède.  —  Sébastien  Hernandez,  Marc 
Tordesillas,  Louis  de  Velasco,  architectes  de  diverses  parties  de  la  cathédrale 
de  Tolède.  —  Juan  Manzano,  Toribio,  Rodriguez,  Pedro  Cassaneda,  auteurs 
de  la  porte  neuve  du  cloître  de  la  cathédrale  de  Tolède.  —  Alonso  Covarru- 
bias, architecte  de  Charles-Quint.  —  Domenico  Florentino,  auteur  du  tom- 
beau du  cardinal  Ximcnès.  —  Philippe  de  Vigarni ,  Viguerni  ou  Viguernis , 
né  à  Burgos,  architecte  et  sculpteur  du  xvi"  siècle,  auteur  du  transsept  de 
la  cathédrale  de  Burgos.  —  Hernan  Ruiz,  architecte  du  transsept  et  du  chœur 
de  la  cathédrale  de  Cordoue  (xvf  siècle.) — Giralte,  sculpteur  (xvi"  siècle). 

—  Antonio  Rodriguez,  architecte  et  sculpteur,  auteur  de  la  porte  de  la  salle 
capitulaire  d'hiver,  dans  la  cathédrale  de  Tolède.  —  Gregorio  Pardo  (1551), 
et  Gregorio  Lopez  (1775),  sculpteurs  en  bois.  — Jayme  Castayls,  de  Barce- 
lone, auteur  des  statues  de  la  façade  de  la  cathédrale,  à  Tarragone  (1376).  — 
Diego  de  Siloë,  Juan  de  la  Huerta,  sculpteurs  de  la  renaissance.  —  Gaspard 
Bicerra,  élève  de  Berruguete,  comme  lui  sculpteur  et  peintre,  nommé  sculp- 
teur de  Philippe  H,  en  1 562. 

Nous  ne  parlons  pas  ici  des  peintres  espagnols  auxquels  Don  Antonio  Ponz, 
D.  Juan  Aguslin  Cean  Bermudez,  et  un  Français,  qui  s'occupe  beaucoup  des 
arts  et  de  la  littérature  espagnole,  ont  consacré  des  ouvrages  spéciaux.  Du 


DE  L'AUCIIKOLOCIE  EN  ESPAGNE.  131 

reste  ces  noms,  recueillis  sans  ordre,  ne  l'ont  pas  été  pour  donner  une  liste 
complète  des  grands  artistes  es|)agnols,  iriais  pour  rappeler  que  l'Kspagne 
n'est  pas  déshéritée  de  la  gloire  des  arts.  Le  passé  de  ce  grand  pays  offre 
d'intéressants  sujets  d'études  aux  archéologues,  et  de  beaux  modèles  aux 
artistes.  Puisse  son  Comité  des  monuments  historiques  en  préserver  beaucoup 
de  la  destruction  (pii  les  menace  '  ! 

H""  I)i;    GIRARDOT, 

Mcniliro  ilii  Ciiiiiilo  liistoriquc  des  arts  H  moniinicnts. 

I .  Pour  compléter  nos  tlocumcnts  sur  le  mouvement  archéologique  en  Espagne ,  nous  avions 
demandé  à  M.  Antonio  de  Zabalcta  si ,  comme  en  France  ,  en  Angleterre  et  en  Allemagne ,  on 
construisait  beaucoup  d'édifices  religieux  en  style  gothique.  M.  de  Zabaleta  nous  a  répondu  qu'au 
lieu  de  bâtir  on  se  contentait  de  détruire;  l'Espagne  achève  en  ce  moment  son  1793  religieux. 
D'ailleurs,  c'est  notre  école  impériale,  gréco-romaine  ,  qui  domine  encore  dans  ce  pays;  si  l'on 
avait  argent ,  besoin  et  loisir  pour  y  élever  des  éditïcos ,  ce  sont  des  Madeleine  et  des  Notre-Dame- 
de-Lorette  qu'on  y  planterait.  Mais  l'Espagne  commence  enfin  à  s'ébranler ,  et  là  très-prochaine- 
ment, comme  chez  nous  aujourd'hui,  les  architectes  impériaux  seront  fort  malmenés.  (Note  du 
Directeur.  ) 


TROUBADOURS   ET   TROUVÈRES^ 


Il  y  a  des  esprits  que  la  gloire  daulrui  importune  et  qui  cherchent  inces- 
samment à  la  rabaisser,  à  l'anéantir.  Si  une  œuvre  est  réellement  inatta- 
quable, ces  esprits  mécontents  ont  recours  au  paradoxe,  au  sophisme,  pour 
prouver  au  moins  que  son  mérite  ne  lui  appartient  pas  ei  (jue  son  auteur  est 
un  plagiaire. 

Les  critiques  qui  agissent  de  cette  sorte  éprouvent  une  double  satisfaction. 
D'abord  ils  s'élèvent  au-dessus  de  la  foule  où  ils  étaient  confondus,  en  atta- 
quant ce  que  cette  foule  admirait,  en  faisant  preuve  d'un  caractère  indépen- 
dant et  d'une  érudition  peu  commune;  ensuite,  ils  jettent  le  doute  dans  de 
certains  esprits  sur  la  valeur  réelle  des  ouvrages  attaqués.  Une  inquiétude 
toutefois  devrait  poursuivre  ces  hommes  chagrins  dans  la  réussite  même  de 
leur  entreprise  :  c'est  la  crainte  de  voir  transporter  l'admiration,  que  l'on 
portait  aux  ouvrages  critiqués,  sur  ceux  qui  leur  sont  opposés.  L'espérance 
de  participer  à  cette  gloire  nouvellement  exhumée  rassure  probablement  ces 
trouveurs  d'objets  perdus,  car  leur  dépit,  leur  haine  contre  toute  espèce  de 
supériorité,  n'aurait  fait  que  changer  d'objet. 

Depuis  vingt  ans  la  littérature  et  particulièrement  la  poésie  française  ont  été 
l'objet  d'attaques  incessantes.  En  vain  notre  langue  leur  doit-elle  l'espèce  de 
prépondérance  que  l'Europe  lui  accorde,  depuis  vingt  ans  il  n'est  sortes 
d'outrages  qui  ne  lui  aient  été  adressés  par  des  écrivains  français!  Les  au- 
teurs du  siècle  de  Louis  XIV,  ont  été  les  premiers  insultés;  mais  ce  n'était 
pas  assez  :  nos  vieux  poètes  du  xii°  siècle,  nos  trouvères  bretons,  champe- 


1 .  Nos  lecteurs  voudront  bien  se  rappeler  que  nos  études  ne  se  bornent  pas  aiiv  monuments  ; 
nous  avons  à  cœur  de  faire  connaître  l'architecture  comme  la  musique  du  moyen  âge  ,  la  poésie 
de  nos  pères  comme  leur  peinture  et  leur  sculpture.  C'est  à  ce  titre  que  l'article  de  M  Viollet- 
Leduc  père  trouve  naturellement  sa  place  dans  les  «  Annales  Archéologiques  ».  D'ailleurs  il  s'agit 
(le  réhabiliter  l'art  entier  du  moyen  âge,  et  la  poésie,  qui  en  est  une  des  formes  les  plus  vives, 
ne  saurait  être  oubliée.  Déjà  nous  en  avons  parlé  a  deux  reprises,  mais^nous  comptons  bien 
y  revenir  tant  que  nous  le  croirons  nécessaire.  Il  est  temps  que  la  lumière  se  fasse  sur  toutes 
choses,  [lyote  du  Directeur.  ) 


TROUBADOIRS  ET  TROUVÈRES.  133 

nois,  picards,  normands,  auteurs  de  fabliaux,  sonl  à  leur  lour  sacrifiés  aux 
Iroidiadours  provençaux,  qui,  s"il  faut  en  croire  M.  Fauriel,  leur  ont  fourni 
le  peu  li'espril  ipie  (|uol(jiiis  ;uiiateurs  de  vieilleries  veulent  hien  leur  ac- 
corder. 

Il  y  a  environ  (luin/.e  ans,  (]ui',  dan>  un  cours  des  litt('Matures  élrant;èreè, 
M.  Fauriel,  imbu  des  idées  subversives  de  toute  gloire  connue,  idet^s  (jui 
prédominaient  alors,  classa  à  sa  manière  nos  «  Epopées  françaises»,  c'est-à- 
dire,  car  il  faut  appeler  les  choses  par  leur  nom,  nos  vieux  ronians  cheva- 
leresques rimes.  L'ordre  qu'il  assigna  fut  inventé  dans  le  but  avoué  non-seu- 
lement de  rabaisser  le  mérite  de  ces  œuvres,  mais,  ainsi  que  j'ai  dit,  de. 
l'anéantir  au  profit  de  la  littérature  provençale,  alors  étrangère  à  la  France, 
et  dans  les  productions  de  laquelle  nos  poêles  auraient  été  chercher  tous  les 
sujets  et  même  la  forme  de  leurs  nond)reux  ouvrages. 

y\.  Fauriel  était  un  homme  habile,  savant  (on  ledit),  parlant  avec  une  abon- 
dante facilité  et  une  véritable  élégance  de  style;  son  cours  eut  du  retentisse- 
ment auprès  d'une  jeunesse  avide  de  nouveautés.  Mais  M.  Fauriel  est  mort, 
et  ce  cours  serait  peut-être  oublié  aujourd'hui,  si  un  ami,  un  élève,  n'a\ait 
pris  le  soin  de  recueillir  ses  leçons  et  de  les  publier  en  trois  volumes  in-8", 
tout  dernièrement.  Or,  c'est  de  cette  dernière  |)ublication  que,  je  prétends 
m'occuper. 

Toutefois,  avant  de  commencer  mon  travail,  j'éprouve  le  besoin  de  solliciter 
l'indulgence  de  mes  lecteurs  pour  le  dé.sordre  (jui  ne  peut  man(puM-  de  s'y 
faire  remarquer;  mais  ce  désordre  n'est  réellement  pas  de  mon  fait.  Je  veux 
suivre  pas  à  pas  M.  Fauriel;  et  son  ouvrage,  ou  du  moins  celui  que  j'ai  sous 
les  yeux,  n'étant  que  le  recueil  de  leçons  orales  dans  lesquelles  le  professeur 
revenait  sans  cesse  sur  le  même  sujet ,  le  livre  se  trouve  rempli  de  tant  de  re- 
dites, de  contradictions,  de  tâtonnements,  d'explications  incomplètes,  promises 
et  devant  être  données  plus  tard ,  que  la  lecture  en  est  fatigante  et  l'analyse  im- 
possible. Je  ne  fais  pas  un  livre,  ici;  je  n'ai  i)as  la  ressource  des  têtes  de  cha- 
pitres qui  donnent  au  désordre  une  apparence  d'arrangement ,  qui  tiennent 
lieu  de  la  suite  logicjue  (pic  l'on  chercherait  en  vain  dans  l'ouvrage  dont  je 
rends  compte 

Soit  délautd'etenduc  dans  l'esprit,  rétrécissement  de  rinlelligiiicc,  je  n'ai 
pas  la  puissance  d'aborder  les  questions  nombreuses  qu'endjrasse,  toutes  à  la 
fois,  M.  Fauriel.  Je  sais  fort  peu  de  choses,  et,  quand  je  p(Mise  au  temps  et  au  tra- 
vail que  m'ont  coûté  le  peu  de  connaissances  (jucije  |iossède,  j'avoue  que  je  ne 
comprends  pas  assez  ces  esprits  encyclopédiques  pour  les  admirer  :  ils  m'ins- 
pirent même  une  sorte  de  déliance  irréfléchie,  et  je  me  persuade,  à  tort  pro- 
v.  18 


13i  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

bablement,  qu'il  n'onl  pu  guère  qu'eineurer  des  surfaces  sans  pénétrer  au 
fond  des  choses  dont  ils  parlent,  tant  ils  manquent  de  clarté,  de  lucidité 
pour  ma  faible  intelligence.  Je  ne  puis  toutefois  supposer  à  M.  Fauriel  la 
volonté  d'avoir  recherché  cette  obscurité,  douteuse  et  inquiétante  pour  l'esprit, 
(jui  domine  toujours  les  assertions  inouïes  dont  abondent  ses  leçons.  Cepen- 
dant on  ne  peut  tolérer  de  pareils  paradoxes,, ni  laisser  pénétrer  dans  quel- 
ques esprits  jeunes  ou  irréfléchis,  peut-cire,  le  doute  qui  règne  dans  l'ouvrage 
môme  que  j'entreprends  de  réfuter. 

Selon  M.  Fauriel,  l'ancienne  littérature  pro\ençale  n'est  pas  seulement  la 
première,  en  date,  des  littératures  de  l'Europe  moderne;  c'est  encore  celle  qui 
a  agi  le  plus  tôt  et  le  plus  longtemps  sur  la  ])lupart  des  autres,  qui  leur  a 
donné  le  plus  de  son  esprit  et  de  ses  formes,  et  dont  l'histoire  tient  le  plus  à  la 
leur  '.  Cependant,  avant  d'exprimer  une  opinion  si  magistralement  formulée, 
M.  Fauriel  avait  dit  à  la  page  précédente  :  «  Le  champ  qui  m'est  ouvert  est 
beaucoup  trop  vaste  pour  que  je  puisse  me  flatter  d'en  parcourir  ni  môme 
d'en  bien  mesurer  toute  l'étendue.  ))  Pourquoi  donc,  après  tant  de  modestie, 
prononcer  avec  tant  d'autorité?  ne  serait-ce  pas  pour  se  ménager  un  moyen 
d'affirmer  sans  preuves? 

M.  Fauriel,  nonobstant  l'opinion  des  historiens  ses  devanciers,  qui  n'ont 
donné  à  la  poésie  des  troubadours  qu'une  durée  de  deux  cent  cinquante  ans 
environ  ,  c'est-à-dire  de  la  lin  du  xi''  siècle  à  la  moitié  du  xiv%  en  fait  remon- 
ter la  naissance  au  \m'  '',  époque  où  il  suppose  que  l'idiome  roman  du  midi 
fut  substitué  au  latin.  ((  De  celte  dernière  langue,  ajoute-t-il,  et  de  quelques 
souvenirs  de  la  langue  grecque  se  formèrent  en  outre  trois  langues,  pariées 
encore  aujourd'hui  dans  trois  parties  écartées  de  l'Europe,  l'une  dans  la 
Basse-Bretagne  et  dans  le  pays  de  Galles,  la  seconde  dans  les  montagnes  de 
l'Ecosse  et  dans  l'intérieur  de  l'Irlande,  la  dernière  dans  le  pays  Basque.  Si 
les  populations  du  midi  de  la  Gaule  ont  acquis  les  premières  plus  de  perfec- 
tion dans  leur  idiome,  et  qu'il  soit  dès  l'abord  devenu  plus  capable  d'expri- 
mer des  sentiments  poétiques  au-dessus  de  l'expression  des  besoins  vulgaires 
de  la  vie,  c'est  par  une  réminiscence  de  l'antiquité,  des  usages  grecs  et 
romains  et  des  divertissements  publics  auxquels  ces  populations  proven- 
çales avaient  participé.  » 

Tout  cela  est  possible,  quoique  fort  douteux.  La  date  seule  de  ce  change- 
ment de  langage  est  incertaine,  à  deux  ou  trois  siècles  près;  car  il  ne  faut 
pas  croire  qu'une  langue  se  forme  et  s'adopte  spontanément.  Ce  qu'il  \  a  de 

'I.  Histoire  de  la  poésie  provençale,  préface,  page  vu. 
2.  Id.,  page  1. 


TROUBADOURS  ET  TROUVÈRES.  ISS- 

tK'S-certain ,  c'est  que  le  peuple,  on  France,  ne  parlait  et  ne  comprenait  plus 
le  latin  dès  le  ix°  siècle,  puisque  le  concile  de  Tours,  de  8115,  enjoint  aux  évo- 
ques de  faire  traduire  leurs  sermons  en  lan«uk  kustique  pour  qu'ils  soient 
compris.  11  nous  paraît  indubitable,  à  nous,  (ine  les  peuples  du  midi  de  la 
France  auront  conservé  le  langage  romain  (l"a\itiint  pins  longtemps  qu'ils 
étaient  voisins  de  TTlalie  et  plus  identifiés  à  ses  numirs.  Que  les  peuples, 
Armoricains,  Bretons,  Écossais,  Irlandais,  aient  abandonné  l'usage  de  la 
langue  latine  qui  leur  était  imposée ,  aussitôt  après  le  départ  des  vainqueurs 
qui  les  avaient  envahis,  cela  se  conçoit  tout  aussi  bien.  M.  Fauriel  nous  dit 
lui-même  plus  loin,  page  1G5,  «  que  le  paganisme  classique  avait  duré  plus 
longtemps  dans  le  midi  do  la  Gaule  (pie  dans  le  nord  »,  et  cela  paraît  impli- 
quer qu'il  en  était  do  même  du  langage.  Et  d'ailleurs,  de  ce  que  la  langue 
provençale  aurait  été  formée,  fixée  grammaticalement  avant  le-  langues  du 
nord,  en  résulterait-il  nécessairement  que  les  ])roductions  de  cette  langue  ont 
été  connues  et  imitées  par  les  Bretons  et  par  les  Ecossais? 

Mais,  dans  toutes  ces  assertions  de  M.  Fauriel,  il  règne  une  confusion  ex- 
trême; ainsi,  après  avoir  dit  que  la  fréquentation  des  Arabes,  alors  posses- 
seurs de  l'Espagne,  avait  sans  aucun  doute  influé  sur  la  nature,  sur  l'espèce 
de  jioomes  adoptés  par  les  troubadours  provençaux,  c'est-à-dire  que  la  poésie 
de  ceux-ci  avait  été  presque  toujours  lyrique  et  amoureuse,  il  ajoute  que 
leur  langue  possédait  aussi  des  compositions  rimées  de  différents  genres,  «  ré- 
miniscences des  chants  populaires  de  l'ancienne  poésie  grecque  ou  romaine. 
Dos  troupes  de  danseurs,  dit-il,  page  1G7,  qui  représentaient  les  chœurs 
antiques,  continuaient  dans  les  temples,  transformés  en  églises,  leurs  danses 
accompagnées  de  chants  et  que  les  conciles  défendaient  comme  païens.  »  Mais 
M.  Fauriel  ne  nous  dit  pas  dans  quelle  langue  étaient  ces  chants;  si  c'était 
en  lalin,  en  grec  de  Marseille,  ou  en  langue  provençale.  Il  nous  apprend, 
immédiatement  après,  que  les  troubadours  composaient  encore  d'autres  pièces 
épiques,  «  expression  originale  des  croyances  religieuses  et  des  traditions 
lii-lori(iues.  »  Ces  diverses  assertions  ne  paraissent-elles  pas  contradictoires? 
Aiii-i  les  troubadours  auraient  été  inspirés  à  la  fois  par  les  Arabes  d'Espagne 
mahométans,  par  les  Grecs  et  les  Romains  païens,  et  par  la  croyance  reli- 
gieuse chrétienne!  Si  ces  poésies  existaient,  elles  pourraient  éclaircir  la 
question:  malheureusement,  elles  sont  perdues,  sauf  les  poésies  lyriipics 
connues  par  les  traductions  de  l'abbé  Millol,  par  Raynouard  et  autres. 

Concurremment  avec  ces  pièces  lyriques  et  amoureuses,  toujours  d'un 
ton  élevé  et  propre  au  divertissement  des  seigneurs  dans  leurs  chAteaux , 
M.  Fauriel  fait  remarquer  «  qu'il  devait  exister  une  [)oésie  plus  populaire, 


136  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

grossière  peul-étre,  et  c'est  à  cette  différence  que  M.  Fauriel  attribue  le  mé- 
pris d'abord  et  ensuite  l'oubli  dans  lequel  ces  poésies  populaires,  modèles 
de  nos  fabliaux  champenois,  picards  et  normands,  dans  lequel  ces  poésies 
populaires  provençales  étaient  tombées.  »  Quoi  qu'il  en  soit,  il  n'en  reste  rien 
ou  presque  rien,  et,  dans  le  peu  que  nous  connaissions,  il  n'y  a  pas  apparence 
de  narration  d'un  fait  élevé  ou  vulgaire  commun  aux  trouvères. 

Avant  le  xi*^  siècle ,  de  l'aveu  de  M.  Fauriel ,  ((  les  usages  provençaux 
étaient  inconnus  dans  toute  la  Gaule.  »  La  langue  aussi  très-probablement. 
Il  en  donne  pour  preuve  l'espèce  d'étonnement  que  causèrent  les  costumes 
et  les  manières  des  seigneurs  provençaux  qui,  vers  l'an  1000,  accompa- 
gnèrent Constance,  tille  de  Guillaume  Taiilefer,  venant  en  France' épouser 
Robert.  Il  n'en  soutient  pas  moins  que,  «  cent  ans  après,  la  poésie  provençale 
était  devenue  celle  de  la  Fi-ance,  de  l'Angleterre,  de  la  Bohème,  de  la  Hongrie 
et  qu'il  n'y  eut  pas  jusqu'à  l'Islande  où  elle  ne  pénétrât.  Mais,  ajoute-t-il, 
«  je  ne  la  suivrai  pas  dans  ces  contrées  »  (page  31  );  ni  moi  non  plus. 

Si  M.  Fauriel  pouvait  me  répondre,  je  lui  demanderais  si  Robert Wace, 
auteur  des  romans  du  Brut  et  du  Rou;  si  Guyot  de  Provins,  auteur  de  la 
Bible  qui  porte  son  nom  ;  si  Huon  de  Merry,  auteur  des  romans  de  1' Anté- 
christ; si  les  cent  vingt-sept  poètes  cités  par  Fauchet  et  vivant  avant  l'an 
1300,  ont  tous  copié  les  provençaux?  Marie  de  France  nous  avoue  qu'elle 
a  pris  tous  ses  sujets  dans  les  anciens  Lais  bretons.  Pourquoi  n'aurait-elle 
pas  dit,  avec  autant  de  franchise,  qu'elle  les  avait  empruntés  aux  poètes 
provençaux  ? 

Cependant ,  au  dire  de  M.  Fauriel ,  les  provençaux  avaient  conservé 
les  usages,  les  divertissements  (comme  il  s'exprime,  page  175),  et  les  idées 
du  paganisme,  dans  un  temps  où  tout  cela  était  déjà  oublié  dans  la  Gaule  du 
nord;  plus  la  littérature  provençale  devait  participer  de  ces  souvenirs  et 
moins  elle  devrait  être  connue,  appréciée  et  imitée  des  nations  encore  bar- 
bares du  nord. 

Quant  à  l'Espagne,  j'avoue  que  je  n'en  sais  rien;  mais  elle  était  encore 
sous  la  domination  des  Arabes  !  Certes  on  ne  peut  nier  l'influence  de  la  litté- 
rature provençale  en  Italie;  seulement  elle  ne  se  fit  sentir  que  beaucoup  plus 
tard. 

Commençons  donc  par  constater,  d'une  manière  bien  absolue,  que  jus- 
qu'au XII'  siècle  peu  de  rapports  s'étaient  établis  entre  le  midi  et  le  nord  de 
la  Gaule,  séparés  par  la  Loire  bien  moins  que  parle  langage,  les  lois,  les 
usages  et  les  mœurs;  que  cependant  et  dès  lors  les  trouvères  armoricains, 
bretons,  champenois,  picards  et  normands,  composaieni  des  ouvrages  en 


TROUBAnOURS  ET  TROUVERES.  137 

langage  vulgaire,  des  fabliaux  et  des  poëmes  de  longue  haleine,  qui  n  ont 
aucun  point  de  contact  avec  les  ouvrages  des  tioubadours.  Le  poëme  d'Ogier 
de  Rainibert  est  du  xr'  si(''cl(\ 

Or  cette  division  existait  dans  lafiaulc  nirnic,  avant  l'invasion  romaine, 
puisque  César  distingue  ces  peu|iles  en  trois  classes  :  les  Aquitains,  compre- 
nant la  Provence  et  le  Languedoc  ;  les  Celtes ,  concentrés  entre  la  Garonne 
et  la  Seine;  les  Belges,  occupant  l'espace  conipris  entre  la  Seine,  le  Khin 
et  les  côtes  de  l'Océan.  Strabon  ajoute  que  les  A(]uitains  différaient  des  Gau- 
lois par  la  langue,  la  ligure  et  les  usages. 

Pour(]U()i  donc  et  coiiiment  la  moindre  partie,  si  différente  de  ce  tout ,  lui 
aurait-elle  impose  sa  littérature  cjui  lui  était  étrangère  par  la  forme  et  par  le 
fond,  quand  ce  tout  avait  une  langue  forn)ée,  moins  parfail(>  sans  doute,  mais 
qui  suffisait  à  ses  besoins  physiques  et  intellectuels,  et  une  littérature  à  lui, 
peu  élevée,  barbare,  je  le  concéderais  encore,  mais  enfin  qui  était  l'expres- 
sion de  ses  pensées,  de  ses  goûts  les  plus  habituels.^ 

Les  plus  anciens  écrits  en  langue  provençale  (pie  l'on  connaisse,  selon 
>L  Fauricl  lui-même  (pag.  220),  sontdc;  la  lin  du  x'ou  du  commencement  du 
xr  siècle.  Les  pièces  qu'il  cite  sont  éxidemnuMit,  dit-il ,  il'une  époque  encore 
antérieure  ;  mais  il  ne  saurait  la  préciser  et  encore  bien  moins  le  ])rouver.  Ad- 
mettons qu'elles  soient  plus  anciennes  de  vingt  ou  trente  ans.  iM.  Haynouard  , 
dans  le  2^  \olume  du  «  Recueil  des  Troubadours  »,  nous  fait  connaître  en  effet 
une  sorte  de  drame  de  la  fin  du  x'  siècle  (  pag.  255),  représenté  pendant  l'office 
de  la  Nativité,  et  dans  lequel  est  mise  en  scène  la  parabole  des  \  ierges  sages  et 
des  vierges  folles.  Ce  n'est  qu'une  sorte  de  dialogue  sans  action  entre  une  foule 
de  personnages,  tels  que  Notre-Seigneur,  un  marchand  d'huile,  l'archange 
Gabriel ,  Virgile,  Nabuchodonosor,  etc. ,  cl  qui  pourrait  se  réduire  ou  se  con- 
tinuer indéfiniment.  (]'est  un  drame,  par  la  seule  raison  que  divers  individus 
y  parlent  tour  à  tour  en  couplets  et  s'y  répondent.  11  n'y  a  aucun  autre  rap- 
port entre  cette  pièce  et  nos  mystères.  Du  reste,  .AI.  Fauriel  n'y  attache  d'im- 
portance que  par  sa  date,  par  son  antiquité,  et  il  dit  lui-même  pag.  I  du 
2"  volume)  et  très-positivement  »  (]ue  la  |)oesie  des  troubiulonis  iif  ('(iniiaît 
point  la  forme  dramatique.  » 

y\.  Fauriel  cite  encore  (  pag.  259),  en  s'ap|iu\aiit  de  l'auloiilt'  de  Fau- 
chât, quelques  vers  détachés,  et  les  seuls  que  l'on  connaisse,  d'une  légende 
sur  sainte  Foi  d'.Vgen  ,  qu'il  dit  être  du  \u'  siècle.  Dans  ces  vers,  en  forme 
de  prologue,  l'auteur  on  l'aclrni  dii  qu'il  a  cnlrudii  liie  le  sujet  de  sa  légende 
à  des  clercs  dans  le  livre  oii  se  lisent  lus  (restes:  d'où  M.  Fauriel  conclut  (]u'il 
existait  un  ouvrage  antérieur  à  celui-ci.  Qui  en  doute.'  .Maistiui  nous  dira  si 


138  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

cet  ouvrage  antérieur  était  en  vers  ou  en  prose ,  en  latin  ou  en  provençal? 
Et  ce  qu'il  y  a  d'étrange,  c'est  que  Fauchet  cite  cette  légende  comme  étant 
écrite  en  langue  catalane  et  comme  imitation  de  la  facture  des  vers  français! 
(Voy.  Fauchet,  préface,  i)ag.  G7,  édition  de  1581.)  Voilà  une  singulière 
autorité  choisie  par  M.  Fauriel  en  faveur  de  son  système!  Il  cite  encore  plu- 
sieurs légendes  monacales  en  vers  provençaux , -sans  en  indiquer  précisément 
la  date,  mais  avec  lesquelles  les  poésies  de  nos  trouvères  n'ont  aucune  res- 
semblance. 

Que  les  Sagas  de  l'Edda ,  que  le  |)0ëme  allemand  des  Niehelungen  aient  été 
traduits  du  latin ,  traduit  lui-même  de  moines  provençaux  du  ix°  siècle ,  j'avoue 
que,  tout  extraordinaire  que  le  fait  me  paraisse,  je  n'ai  l'envie,  le  loisir  ni 
les  connaissances  nécessaires  pour  réfuter  les  inductions ,  les  suppositions 
que  commence  par  accumuler  M.  Fauriel,  el  qui  deviennent  bientôt  pour  lui 
des  réalités  dont  il  tire  ensuite  des  conséquences  graves;  par  exemple,  de 
considérer  le  poëme  de  Valther,  si  peu  connu,  qu'on  ne  sait  même  pas  dans 
quelle  langue  il  a  été  écrit  (pag.  401  ),  non-seulement  comme  origine  et  mo- 
dèle des  Niebelungen,  mais  encore  comme  le  germe  en  même  temps  de  toute 
line  classe  de  romans  provençaux  perdus,  lesquels  romans  provençaux 
auraient  été  à  leur  tour  modèles  de  tous  les  poèmes  des  trouvères  bretons, 
picards  et  normands  (pag.  419).  Et  puis,  M.  Fauriel  part  de  ce  principe 
comme  admis.  Ainsi  il  avance,  sans  apparence  même  d'aucune  preuve,  que 
le  roman  français  de  Guillaume-au-court-Nez  n'est  évidemment  qu'une  der- 
nière amplification,  faite  vers  la  fin  du  xui"  siècle,  de  chants  composés  dans  la 
Provence  :  mais  lorsque ,  pour  appuyer  cette  prétendue  évidence ,  M.  Fauriel 
nous  dit  (  pag.  426)  que  celte  contrée  fut  le  théâtre  de  la  gloire  de  Guillaume, 
ne  craint-il  donc  pas  que  l'on  rétorque  cette  preuve  contre  ses  propres  asser- 
tions, quand  il  vient  de  nous  affirmer  que  le  poëme  des  Niebelungen,  dont 
l'action  se  passe  sur  les  bords  du  Rhin  et  même  dans  le  centre  de  l'Allemagne, 
est  également  traduit  des  troubadours  aquitains? 

En  commençant  son  second  volume,  M.  Fauriel  convient,  en  définitive, 
que  (f  ce  n'est  qu'à  partir  de  la  première  moitié  du  xii°  siècle  que  les  produc- 
tions des  troubadours  se  présentent  avec  assez  de  suite,  pour  qu'il  soit  possible 
d'en  discourir  dans  un  plan  historique.  »  Il  ne  doute  pas  cependant  qu'il  n'ait 
existé  de  ces  productions,  et  en  grand  nombre,  bien  avant  cette  époque.  Il 
est  bien  le  maître  de  le  croire,  quoique  de  son  aveu  toutes  ses  recherches  ne 
lui  aient  fourni  que  cinq  poètes  qui  auraient  chanté  et  écrit  de  11 00  à  11  .")0  ; 
encore  M.  Fauriel  n'en  parlc-t-il  que  par  tradition  et  sans  en  citer  autre  chose 
que  quelques  phrases  du  moins  ancien  de  ces  poètes.  Or  toutes  ces  pièces  sont 


TROUBADOURS  ET  TROUVÈRES.  IW 

lyriques,  amoureuses  et  chevaleresques,  ainsi  que  toutes  celles  (jui  leur  oui 
succédé.  Ce  sont  toujours  des  plaintes  d'amour  que  le  printemps  fait  éternel- 
lement renaître,  et  dans  l'ennui  desquelles  l'abbé  Millol  nous  avait  déjà  intro- 
duits. Je  puis  affirmer  qu'aucune  des  pièces  ra()p()rtécs  par  M.  FauricI  n'en 
interrompt  l'insupportable  monotonie.  M.  FauricI  nous  en  donne,  une  admi- 
rable raison.  Ces  pièces  étaient  composées  par  de  grands  seii;neurs,  clieva- 
liers  guerroyant  l'été;  la  mauvaise  saison  les  ramenait  courbatus  ,  fourbus; 
l'hiver  n'était  pas  trop  long  pour  les  ref<iire;  le  printemps,  le  renouveau,  rani- 
mait leur  verve  endormie,  et  ils  chaulaient  conunc  le  rossignol  !  Or,  que 
chanter,  si  ce  n'est  le  printemps? 

Lui-même,  M.  Fauriel,  fait  remarquer  (page  92)  «  que  l'on  chercherait 
vainement  dans  ces  poésies  la  moindre  idée,  le  moindre  tableau  faux  ou  vrai 
de  la  condition  des  habitants  de  la  campagne,  de  leurs  mœurs,  de  leurs  habi- 
tudes; que  le  monde  pastoral  se  réduit  pour  chacun  des  troubadours  à  une 
bergère  isolée  qu'ils  ne  mancjuent  pas  d'apercevoir,  en  chevauchant,  et  de 
descendre  près  d'elle  pour  lui  dire  des  choses  galantes.  »  D'où  il  résulte  que 
si  les  troubadours  ont  trouvé  des  imitateurs  de  ce  côté-ci  de  la  Loire,  ce 
sont  peut-être  des  Fontenelle  du  xviu"  siècle  ;  mais,  à  coup  sur,  ce  ne  sont 
pas  des  Rutebeuf  du  xii°.  M.  Fauriel  donne  bien  aussi  quelques  récits  d'aven- 
tures, sujets  de  poëmes  provençaux,  mais  avec  lesquels  les  fabliaux  de 
nos  trouvères  n'ont  point  la  moindre  analogie.  Pour  croire  ces  liouvères 
imitateurs,  comme  le  prétend  M.  Fauriel,  il  faudrait  supposer  qu'ils  n'ont 
copié  que  les  pièces  qui  se  trouvent  perdues;  car  cet  amour,  où  les  sens  pré- 
tendent n'avoir  aucune  part,  ce  sentiment  épuré,  qui  est  partout  et  tou- 
jours exalté  dans  les  poésies  des  troubadours  provençaux,  n'est  certes  pas 
l'amour  chanté,  célébré,  souvent  sans  pudeur,  par  les  trouvères  picards, 
beaucoup  plus  positifs,  moins  {)oéliques  sans  doute,  mais,  osons  le  dire, 
bien  plus  vrais.  Un  seul,  le  plus  anciiui  peut-être  des  troubaddwrs,  Guil- 
laume LK,  comte  de  Poitiers,  mort  en  1  127,  nous  a  laissé  quelques  chan- 
sons curieuses  eu  ce  qu'elles  expriment  un  sentiment  peu  honorable,  mais 
naturel;  c'est  l'expression  des  regrets  qu'il  éprouve  de  quitter  ses  pro|)riélés, 
ses  plaisirs,  ses  habits  de  soie  et  d'hermine,  pour  aller  visiter  le  tombeau  de 
celui  A  OLi  l'on  va  ciueu  mekci.  Eh  bien  !  je  soutiens  qu'un  trouvère  français, 
eùl-il  pensé  cela,  ne  l'aurait  pas  écrit  et  encore  n)oins  imité.  Qu'il  y  ail 
donc  dans  les  pièces  lyriques  des  troubadours  plus  de  poésie,  un  sl\le  plus 
châtié,  plus  de  politesse,  d'élégance  et  d'harmonie  que  dans  les  petites 
pièces  des  trouvères,  je  l'accorde  très-volontiers;  mais  alors  je  ne  vois  pas  en 
quoi  il  peut  y  avoir  analogie,  et  comment  les  uns  ont  pu  servir  de  modèles 


140  ANNALES  ARCHÉOLOlilQl  ES. 

aux  autres.  Qu'importe  l'antériorité,  que  l'on  ne  conteste  point,  des  trouba- 
dours sur  les  trouvères,  s'ils  n'avaient  point  ou  presque  point  de  rapports 
entre  eux,  et  si  ion  ne  trouve  chez  les  derniers  aucune  ressemblance  avec 
leurs  devanciers?  Cette  manie  de  donner  comme  preuves  des  choses  contes- 
tables est  poussée  à  un  tel  point  chez  M.  Faiiriel ,  c[u"il  prétend  que  les  trou- 
vères ont  volé  aux  troubadours  jusqu'à  leur  nom!  Il  donne  hardiment  le  mot 
de  TROUBADOUR  commc  l'étymologie  de  trouvère  ,  sans  penser  que  si  trouba- 
dour lui-même  vient  de  trobar  (trouver,  en  provençal),  trouvère  vient  bien 
plus  directement  du  verbe  trouver  en  français,  que  du  mot  tioubadour. 

Voilà  pour  la  poésie  lyrique. 

Quant  à  l'épopée  du  moyen  âge,  M.  Fauriel  avance  (p.  228,  2°  vol.) 
(.  qu'il  n'est  aucune  des  nations  de  l'Europe  qui  ne  possède  des  monu- 
ments plus  ou  moins  analogues  à  ces  épopées  primitives;  que  ces  monu- 
ments sont  de  deux  espèces,  les  uns  locaux  et  nationaux,  connus  seulement 
chez  chaque  peuple  qu'ils  intéressent.  )) —  De  ceux-là  M.  Fauriel  a  n'a  rien  à 
dire  ». — «  Les  autres,  ajoute-t-il,  sont  cosmopolites,  se  retrouvent  chez  toutes 
les  nations  de  l'Europe,  célèbres,  populaires  et  comme  naturalisés.  Ils  for- 
ment comme  un  fonds  général  dont  il  semble  que  chaque  peuple  peut  réclamer 
sa  part.  El  pourquoi,  monsieur  Fauriel,  «  n'avez -vous  rien  à  dire?  )i  Parce 
que  vous-même  trouvez  ridicule  de  supposer  qu'un  trouvère  normand  ait  été 
copier  chez  des  étrangers  un  fait  dont  il  était  témoin  chez  lui.  Vous  convenez 
donc  que  ces  poètes  normands  pouvaient  chanter  sans  modèles.  Or,  pourquoi 
leur  refusez-vous  cette  faculté,  quand  il  s'agit  de  célébrer  un  fait  cosmopolite , 
comme  vous  le  nommez?  Ces  faits,  dont  chaque  peuple  peut  réclamer  sa 
part,  ce  sont  les  épopées  chevaleresques  de  Charlemagne  et  de  la  ïable- 
Ronde.  Il  dit  plus  loin  (page  230)  qu'un  fait,  qui  n'est  ni  contestable  ni 
contesté,  c'est  que,  de  toutes  les  littératures  du  moyen  âge,  la  littérature 
française,  dans  laquelle  il  comprend  celle  des  Anglo-Normands,  est  de  beau- 
coup la  plus  riche  en  romans  rimes  de  chevalerie,  et  qu'il  est  également  re- 
connu que  c'est  du  français  que  ces  épopées  ont  été  traduites  dans  toutes  les 
autres  langues  de  l'Europe.  Quelle  gloire  donc  pour  la  littérature  provençale, 
si  M.  Fauriel  parvient  à  prouver  «  que  c'est  cette  littérature  qui  a  fourni  aux 
Français  l'idée  et  la  première  rédaction  des  épopées  dont  il  s'agit  »!  et  c'est 
ce  qu'il  s'efforce  de  faire. 

D'abord  il  établit  que  la  plupart  des  plus  importantes  de  ces  épopées  furent 
composées  de  11 00  à  1300,  du  xn"  au  xiv"  siècle  inclus,  ce  qui  est  vrai.  Si 
donc  M.  Fauriel  nous  met  sous  les  yeux  les  mêmes  sujets  de  poëmes  ,  traités 
antérieurement  à  ces  époques,  son  procès  est  à  peu  près  gagné.  Examinons  , 


TROUBADOURS  ET  TROUVÈRES.  141 

et  iiiin>  \ ("irons  i]m' ,  selon  son  lial)ilM(li',  M.  Fanriol  ne  procède  jamais  que 
par  iiiiliiclion  ,  (|iii>  par  siipi)ositiiui ,  nu  pai-  intin)e  conviction.  On  ne  peut 
donc  lui  répondre  (pic  de  la  niènie  manière,  de  même  (pic,  s'il  citait  des 
faits,  on  lui  répondrait  par  d'autres  laits. 

Puisque  M.  Fauriel  dit  (page  263)  «  que  le  morcellement  de  la  monarcliie 
franque  dans  les  Gaules  excita  une  lutte  assez  vive  pour  animer  la  verve  des 
po('les  provençaux  »,  je  lui  demanderai  pourquoi  c(Mte  èpO(iue  iiéroïque,  en 
exaltant  ceux-ci,  aurait-elle  Iroinè  froides  et  muetli^s  les  populations  de  ce 
C(jté-ci  de  la  Loire.' 

M.  Fauriel  revient  encore  (page  '271  sur  la  différence  dont  l'aiiKtnr  est 
considéré  chez  ces  deux  nations  du  nord  et  du  midi.  A  ce  sujet ,  déjà  traité,  il 
avance  «  que  sur  ce  point  les  tiouvèn^s  sont  en  contradiction  avec  les  idées 
et  les  mœurs  dominantes  de  l'époque  ».  Les  idées  des  troubadours,  je  l'ac- 
corde; les  mœurs  de  l'époque,  on  a  de  forl(^s  raisons  d'en  douter.  Nous 
croyons  les  idées  des  troubadours  plus  élevées,  les  images  des  trouvères  plus 
réelles.  11  en  est  de  même  de  leur  rudesse,  grossière  peut-être  ,  que  ^\.  Fau- 
riel oppose  à  la  politesse  galante  des  troubadours,  de  la  cruauté  des  chefs 
carlovingiens,  comme  il  les  nomme,  «  qui  rappellent,  dit-il,  plusieurs  faits 
rapjiorlés  par  Grégoire  de  Tours.  Il  semble,  ajoute-t-il  page 'i7t),  ipie  l'his- 
toire de  la  barbarie  a  inspiré  ces  poi'tes!»  Eh!  sans  doute,  ils  ont  été  inspirés 
par  ce  qu'ils  voyaient,  par  ce  qu'ils  entendaient,  et  non  par  les  contes  de 
vos  chanteurs  de  romances.  Et  M.  Fauriel  aime  mieux  reprocher  à  ces  pauvres 
trouvères  d'avoir  dénaturé  les  chants  des  troubadours,  que  de  reconnaître, 
dans  leur  diff(''reiit(^  manière  de  traiter  les  mêmes  choses,  uiu;  preuve  de  leur 
originalité  I 

L'habitude  prise  d'écrire  ces  poèmes  gaulois  en  vers  monorimes  par  grands 
couplets  n'est  pas  prise  des  Provençaux  ,  et  encore  moins  des  Arabes  que  les 
trouvères  connaissaient  peu,  je  suppose.  C'est  ainsi  que  procèdent  et  ont  tou- 
jours pr(Kéilé  les  premiers  essais  rimes  chez  chaque  nation.  Il  faut  une  oreille 
dt^jà  accoutumée  au  rhythmeet  à  l'harmonie  |)oéti(pie,  pour  com|)rendre  l'en- 
trelacement (les  rimes  et  y  être  sensible.  Les  enfants ,  le  peuple ,  se  servent  de 
la  même  désinence,  jusqu'à  ce  (ju'elle  vienne  à  leur  manquer,  quand  ils  veu- 
lent rimer.  Et  l'on  embarrasserait  fort  une  foule  de  personnes ,  du  monde 
même  ,  en  leur  demandant,  lorsqu'ils  sortent  du  Ihc'àtre,  si  la  pièce  qu'ils  ont 
vu  représenter  est  en  vers  ou  en  prose.  Qu'on  en  fasse  l'épreuve.  Nos  vers 
alexandrins  sont  trop  longs,  la  rime  trop  distante  et  trop  souvent  variée  pour 
(ju'on  en  soit  frappé.  On  ne  |)eut  donc  tirer  du  fait  des  vers  mouorimes 
aucune  conséquence  en  faveur  des  Provençaux  ou  des  Arabes. 

V.  19 


112  A>'NALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

M.  Fauriel  argue  de  ce  que  plusieurs  trouvères,  auteurs  de  ces  romans 
rimes,  annoncent  avoir  puisé  leur  sujet  dans  des  romans  plus  anciens,  que 
ces  romanciers,  récolteurs  de  nouveaux.  Gestes,  n'en  sont  réellement  pas  les 
auteurs.  M.  Fauriel  voudrait  bien  profiter  de  cet  aveu  ,  pour  attribuer  ces 
premiers  romans  originaux  à  ses  chers  troubadours.  Mais,  avant  l'invention  de 
l'imprimerie,  chacun  de  ces  poëmes,  publié  à  un  très-petit  nombre  d'exem- 
plaires manuscrits,  et  souvent  même  à  un  seul,  devait  être  plus  tard  copié, 
recopié,  changé,  amplifié,  dénaturé,  sans  qu'il  fût  possible  de  crier  au  pla- 
giat; car  où  retrouver  le  manuscrit  original,  qui  habituellement  ne  portait  pas 
le  nom  de  son  auteur?  Chacun  alors  s'attribuait  la  faculté  de  copier  le  même 
ouvrage  modifié  comme  il  l'entendait  ;  il  mettait  sa  conscience  à  l'abri  en 
disant  qu'un  ancien  auteur  avait  traité  le  même  sujet,  mais  que  l'auteur  nou- 
veau était  mieux  informé  du  fait  raconté.  On  retrouve  cela  partout.  Pour  ne 
citer  qu'un  exemple  plus  moderne  et  bien  plus  connu,  le  «  Roman  de  la  Rose  », 
tout  le  monde  sait,  et  savait  surtout  alors,  que  Jean  de  Meun  et  Gaillaume 
de  Loris  en  sont  les  auteurs  ;  et  cependant  pourquoi,  dans  l'innombrable  quan- 
tité de  manuscrits  qui  en  existent  encore,  n'en  est-il  pas  deux  identiquement 
semblables?  C'est  que  chaque  auteur,  chaque  copiste  même  corrigeait,  aug- 
mentait, retranchait  à  son  gré  et  selon  son  goût,  ce  qui  eut  lieu  jusqu'à  Clé- 
ment Marot  quile  remit  en  beau  langage.  Ainsi,  quand  un  trouvère  picard, 
par  exemple,  dit  qu'il  a  puisé  son  sujet  chez  nn  poêle  plus  ancien,  c'était 
(^hez  un  autre  trouvère  picard,  ou  champenois,  ou  normand,  ou  breton,  et  vice 
iwrsn,  et  non  chez  un  troubadour  provençal,  dont  il  ne  savait  probablement 
pas  la  langue. 

M.  Fauriel  prétend,  à  juste  titre,  «  que  c'est  toujours  par  des  tentatives 
pour  perpétuer  le  souvenir  des  événements  nationaux  que  commence  une 
poésie  »  (pag.  370).  Mais  pourquoi  prétend-il  aussi  que  les  événements 
nationaux  de  la  Grande-Bretagne  et  de  la  Normandie,  que  dis-je,  de  l'Alle- 
magne et  de  la  Scandinavie,  aient  été  chantés  d'abord  par  les  Provençaux? 
Que  'Walther  d'Aquitaine  ait  été  célébré  par  des  Aquitains,  c'est  possible; 
que  la  fondation  de  l'abbaye  de  Conques,  dans  le  Rouergue,  ait  été  chantée 
par  un  Rouergois,  je  ne  le  nie  point;  que  l'histoire  d'un  chevalier  de  Toulouse 
ait  quelques  rapports  avec  l'Odyssée  d'Homère,  je  veux  bien  l'admettre,  à 
moins  toutefois  que  M.  Fauriel  n'en  veuille  conclure  ([ue  l'Odyssée  n'est 
qu'une  copie  du  provençal.  Que  tous  ces  poëmes,  dont  il  ne  reste  rien  cpie 
([uolques  fragments  épars,  soient  antérieurs  de  cinquante  ans,  ou  même  plus, 
aux  ouvrages  des  trouvères,  je  veux  bien  ne  pas  le  contester;  seulement  je 
demanderai  pouiquoi  les  troubadours  ont  cessé  de  faire  des  poëmes  tout  à 


TROUBADOURS  ET  TROUVERES.  U3 

coup,  et  au  moment  précisément  où  nos  trouvères  commençaient  à  pni)liur  les 
leurs?  c'est-à-dire  au  xii'  siècle.  Que  Becliada  de  Tours  (en  Limousin,  dit 
M.  FaurioTi  ait  chanté  la  première  croisade  dans  un  poème  dont  il  ne  reste 
d'aulri's  \eslieos  que  par  Vii^eois,  qui,  dans  sa  chrunicpie,  prétend  «  ([u'il  en 
a  entendu  parier  »  ;  cela  peut  bien  être.  Qu'il  \  ail  eu  enlin  cent  poèmes 
de  cette  sorte,  selon  M.  Fauriel,  et  tous  entièrement  perdus,  eh  bien,  je  le 
crois.  Cependant  la  légende  de  sainte  Foi  d'Agen,  qui  lait,  partie  de  c^'s  cent 
poèmes,  devrait  m'ins|)irer  quelques  doutes  sur  la  validité  des  autres.  Mais, 
enfin,  tout  cela  prouve-l-il  que  nos  trouvères  ont  été  chercher  les  sujets  de 
«  tous  »  leurs  poèmes  chez  les  Provençaux?  «  Personne,  dit  M.  Fauriel,  ne  se 
figurera  que  les  romans  des  troubatlours  fussent  imités  des  romans  français, 
quand  la  langue  française  était  totalement  inconnue  des  po[)ulalions  du  midi  » 
(  pag.  399).  Mais  jusqu'ici  personne  non  plus  ne  s'est  «  figuré  »  que  les 
trouvères  aient  imité  des  poèmes  dont  l'existence  même  est  encore  probléma- 
tique. Cependant  M.  Fauriel  l'a  fait  :  mais  il  était  donné  à  notre  siècle  de 
dédaigner  toute  opinion,  et  môme  toute  vérité,  du  moment  (lu'elle  est  devenue 
vulgaire.  Si  les  populations  du  midi  ignoraient  totalement  la  langue  du  nord, 
je  demanderai  encore  pourquoi  et  comment  la  langue  des  Provençaux  était- 
elle  connue  des  Bretons,  des  Anglais,  des  Saxons,  des  Danois,  assez  intime- 
ment pour  qu'ils  imitassent  les  ouvrages  des  troubadours?  M.  Fauriel  dit 
ensuite,  comme  une  chose  reconnue  et  dont  il  s'appuie,  «  que  les  Français 
avaient  pris  des  Provençaux  tout  le  système  de  leur  poésie  lyrique.  »  Je  vou- 
drais bien  que  l'on  me  citât  des  exemples;  car,  à  l'exception  du  roi  Richard- 
Cœur-de-Lion,  de  Thibault,  comte  de  Champagne  et  roi  de  Navarre,  de 
Charles,  duc  d'Orléans,  et  de  deux  ou  trois  autres  grands  seigneurs  poètes, 
il  n'est  pas  un  trouvère  auquel  ce  reproche  |)uisse  s'appliquer.  Est-ce  à  Rule- 
beuf  et  à  l'innombrable  quantité  des  jjoi'tes  bretons,  picards,  normands,  ses 
contemporains?  A  propos  du  poème  de  «  Guillaume-au-Courl-Xez  »,  M.  Fauriel 
donne  pour  preuve  que  ce  roman  français  est  pris  d'un  ou\ rage  pro\eiiçal 
antérieur;  que  le  trouvère,  auteur  du  poème  de  Guillaume,  suppose  «  tout  le 
midi  de  la  Gaule,  Provence  et  Septimanie,  occupé  par  les  Arabes,  sous  hi 
commandement  d'un  émir  nonuné  Thibaut,  faits,  ajoute-l-il,  démentis  par 
l'histoire  et  indubitablement  d'origine  méridionale  •>  (pag.  AU8  ).  On  voit 
que  M.  Fauriel  a  une  grande  idée  de  la  véracité  méridionale.  J'en  ai  une  meil- 
leure opinion,  et  c'est  précisément  parce  que  ces  faits,  qui  auraient  laissé 
quehpie  trace  dans  la  tradition,  sont  démentis  par  l'histoire,  qu'ils  ne  peuvent 
avoir  été  inventés  (pie  ])ar  un  auteur  étranger  à  ces  traditions  et  à  cette  his- 
toire. On  est  véritablement  honteux  de  voir  que  la  succession  de  ces  prélen- 


141  ANNALES  ARCIIÉOLOGIOIES. 

dues  »  preuves  »  se  termine  par  cette  phrase  :  ;<  On  voit  donc ,  et  c'est  un 
fait  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  méconnaître,  que  c'est  dans  les  contrées  où  les 
traditions  et  les  fictions  poétiques  ont  eu  le  plus  de  développement  cpi'il  faut  en 
chercher  le  berceau  »  (p.  418).  Prenez-garde,  monsieur  Fauriel ,  d'après  cet 
axiome  banal ,  la  poésie  provençale  elle-même  aurait  été  chercher  son  berceau 
chez  les  Arabes  ou  en  Grèce,  ou  peut-être  mêiïie  dans  l'Inde.  Tout  cela  se  dit 
à  propos  des  romans  chevaleresques  dont  Charlemagne  est  le  héros  et  dont 
M.  Fauriel  fait  arbitrairement  une  classe  à  part.  Au  moins  ceux-ci  lui  donnent- 
ils  quelques  prétextes  de  les  attribuer  originairement  aux  Provençaux  ;  les 
faits  d'armes  les  plus  célébrés  ayant  eu  pour  théâtre  les  Pyrénées  et  l'Espagne , 
quoique  l'action  d'un  grand  nondire  de  romans,  qui  devraient  être  rangés 
dans  celte  classe,  se  passe  ailleurs,  tels  que  ceux  de  Lyon  de  Bourges,  de 
Doon  de  Mayence,  de  Raoul  de  Candiray,  d'Aubery  le  Bourguignon,  de 
•  larin,  d'Ogier,  etc.;  aussi  M.  Fauriel  n'en  parle-t-il  point. 

Les  romans  de  la  Table-Ronde,  où  le  roi  Arthus  joue  le  principal  rôle, 
causent  plus  d'embarras  à  M.  Fauriel,  puisque  l'action  a  lieu  loin  de  la  Pro- 
vence; «maiscette  difficulté,  dit-il,  n'est  point  insoluble )).  Ainsi ,  le  récit  par 
un  trouvère  d'un  fait  qui  a  eu  lieu  dans  le  midi  est  une  preuve  en  faveur  du 
système  de  M.  Fauriel;  le  récit  d'un  événement  qui  s'est  passé  dans  le  nord 
n'est  pas  une  preuve  contraire.  Singulière  manière  d'argumenter!  Selon  son 
usage,  il  divise  encore  les  romans  de  la  Table-Ronde  en  deux  classes.  C'est 
ainsi  qu'un  habile  général  cherche  à  disséminer  les  forces  ennemies  qu'il  es- 
père battre  partiellement.  M.  Fauriel  donc  commence  par  se  convaincre  que 
les  romans  de  la  Table-Ronde  datent  de  1250  environ;  puis  il  se  persuade  que 
vingt-cinq  troubadours,  ni  plus  ni  moins,  vingt-cinq  «  avaient  fait  allusion 
au  personnage  de  Tristan  avant  lexni°  siècle  »  (page  433).  Ce  qui  démontre 
bien  évidemment  que  les  trouvères  bretons  avaient  copié  leurs  romans  sur 
ceux  des  Provençaux,  «  dans  la  littérature  desquels,  avait-il  avancé  pag.  432, 
personne  n'avait  eu  l'idée  jusqu'à  lui  d'en  chercher  l'origine;  ))  ce  que  je 
crois  volontiers.  Or,  de  ces  vingt-cinq  troubadours,  M.  Fauriel  n'en  cite  que 
dix;  de  ces  dix,  une  seule  pièce  de  l'un  d'eux ,  nommé  Raimbaud  d'Orange, 
fait  «  allusion  »,  remarquons  bien  le  mot,  au  roman  de  Tristan.  D'où  M.  Fau- 
riel tire  la  conséquence  indubitable  »  (pic  ce  roman  de  Tristan  était  proven- 
çal et  antérieur  aux  romans  bretons.  Par  la  même  raison,  continue-t-il,  il 
>    serait  facile  de  démontrer  ([u'ily  eut  en  provençal  plusieurs  autres  romans 
delà  Table-Ronde;  mais  il  croit  pouvoir  épargner  au  lecteur  le  détail  de  ces 
preuves.  »  En  vérité,  si  je  ne  citais  les  pages  où  se  rencontrent  de  telles  dé- 
couvertes, je  n'oserais  les  raconter,  dans  la  crainte  qu'on  ne  se  moquât  de 


TROl  BAPOIRS  ET  TROUVÈRES.  145 

moi;  mais  chacun  osl  bien  le  maître  de  roconnailre  (jue  je  cile  exactement. 

Quant  au  roman  du  Saint-Graal,  M.  Fauriel  veut  bien  lui  accorder  une  ori- 
i;ine  asialiquo.  Celle  idée,  (jui  n'est  jias  de  lui,  et  que  j'admets  sans  peine, 
jjrouveiait  seulement  que  les  croisés  apiiorlèieiil  celle  tradition  en  Europe. 
N'y  avait-il  (jne  des  chevaliers  provençaux  aux  croisades?  l'(iiir(iM()i  donc 
eux  seuls  auraient-ils  eu  le  priviléi;e  de  transmettre  ces  traditions  aux  autres 
nations  de  l'Europe?  El,  |)our  ne  j)arler  que  d'un  seul  trouvère  du  nord,  est- 
ce  que  Hue  ou  Hui^ues,  châtelain  de  Saint-Onier,  parti  pour  la  croisade  en 
1099,  nommé  par  Baudoin  prince  de  Tibériadc,  et  écrivant  en  Galilée  le 
poëme  intitulé  I'oroenne  di;  chi-vai.kkik,  avait  eu  besoin  d'un  poëme  proven- 
çal |)Our  composer  le  sien  ,  ou  d'un  troubadour  pour  le  lui  dicter  en  iraulois 
ou  en  français  du  temps?  N'est-il  donc  pas  plus  vraisend)lable  (pie  chaque 
croisé  poote  rapportait  alors  dans  son  pays  les  histoires  cpiil  avait  apprises 
dans  ses  voyages  chez  un  peuple  conteur,  et  que  Normands  ,  Hretons  ,  Fla- 
mands et  Provençaux,  je  le  veux  bien,  racontaient  ces  histoires  à  leur  retour 
dans  leur  |)atrie,  chacun  à  sa  manière  et  dans  le  langage  (pii  lui  était  propre? 
Que  la  plupart  de  ces  romans  eussent  une  origine  commune,  c'est  probable, 
et  personne  que  je  sache  n'a  jamais  pensé  à  le  nier;  mais  il  y  a  loin  de  là  à 
attribuer  à  des  romans,  encore  existant  en  manuscrits  chez  tous  les  peuples 
du  nord,  une  origine  uniquement  provençale,  quand  ce  sont  précisément  les 
manuscrits  provençaux  qui  mancjuent,  qui  n'existent  plus  nulle  part.  Et  ces 
romans  originaux  seuls  sont  perdus,  et  les  petites  pièces  de  poésie,  écrites 
par  les  troubadours,  sont  partout  en  nombre  incommensurable!  Comment! 
ces  pièces,  nommées  fugitives  à  juste  titre,  ont  bravé  les  siècles,  et  des 
poèmes  de  longue  haleine,  de  vingt  et  de  trente  mille  vers,  auraient  dis- 
l»aru?  Et  l'on  accumule  en  trois  gros  volumes  in-8°  des  arguments  comme 
ceux  que  j'ai  fait  connaître  pour  nous  faire  croire  de  semblables  choses!  Je 
laisse  le  lecteur  a|)pliquer  lui-même  l'espèce  d'épilhète  que  mérite  une  telle 
|)rélenlion. 

-Mais  je  me  suis  trop  u\ance  peut-èlie,  en  disani  (|u'il  n'cxi.ile  plus  de 
ri)mans  provençaux.  M.  Fauriel  en  cite  d'abord  un,  inlilulc  I'khaiîuas,  édité 
par  M.  Bekker,  de  Berlin.  Malheureusement  il  y  a  aussi  un  roman  de  Féra- 
bras  en  vers  français,  (pie  M.  Fauriel  a  trouvé  dans  un  manuscrit  «  |)our  le 
moins  aussi  ancien  que  le  manuscrit  provençal  »  (tome  m,  pag.  3).  Toute- 
fois M.  Fauriel,  «  sans  avoir  fait  des  deux  romans  une  comparaison  assez 
approfondie,  pour  avoir  le  droit  d'énoncer  sur  ce  point  une  o|)ini()n  délini- 
liv^e,  n'hésite  pas  à  regarder  le  français  comme  la  version,  pres{|ue  comme 
le  calque  du  provençal  »;  assertion  que,  suivant  sa  méthode,  «  il  justiliera 


14.6  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

au  besoin  »,  et  qu'il  jusliûe  en  effet,  page  30,  en  aflirniant  que  le  roman  pro- 
vençal, édité  par  M.  Bekker,  «  n'est  certainement  |)as  la  première  rédaction 
du  thème  qui  en  fait  le  sujet.  »  C'est  chez  M.  Fauriel  «  une  conviction  »,  dit- 
il;  notez  qu'il  s'agit  d'un  ouvrage  que  M.  Fauriel  avoue  n'avoir  pas  attentive- 
ment étudié.  Or,  peut-on  consciencieusement  partager  cette  conviction? 

Il  existe  encore,  selon  M.  Fauriel,  un  autre  roman  provençal,  intitulé 
'<  Gérard  de  Roussillon».  Le  manuscrit  est  incomplet  (page  37);  «  c'est  même 
moins  une  composition  régulière  que  le  recueil  assez  mal  coordonné  de  frag- 
ments de  plusieurs  romans.  »  Nous  connaissons,  il  est  vrai,  au  moins  deux 
poëmes  français  sur  le  même  sujet,  et  M.  Fauriel  ne  suppose  point  (page  6.5) 
que  le  roman  provençal  soit  le  premier  en  date,  mais  il  est  «  persuadé  »  qu'il 
a  été  précédé  de  plusieurs  autres.  Chacun  n'est  pas  forcé  de  partager  celte 
persuasion. 

M.  Fauriel  cite  encore  plusieurs  romans  provençaux,  dit-il,  «  Blandin  de 
Cornouailles»,  ((Perceval-le-Gallois»,  etc.,  qui  tous  sont  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  ceux  ci-dessus,  ainsi  que  chacun  peut  facilement  s'en  convaincre 
en  lisant  les  trois  volumes  intitulés  Histoire  de  la  poésie  provençale. 

Il  s'agit  ensuite  d'une  histoire  de  la  croisade  contre  les  Albigeois,  écrite  en 
vers  provençaux  par  un  auteur  anonyme  contemporain.  Son  récit  ne  com- 
prend que  les  événements  de  dix  années,  de  1209  à  1219.  Le  manuscrit  qui 
contient  cette  histoire  rimée  est  à  la  Bibliothèque  Royale.  De  ce  fait,  que  per- 
sonne ne  songe  à  nier,  M.  Fauriel  conclut  victorieusement  qu'il  existait  des 
poëmes  provençaux  originaux.  Mais  on  peut  lui  répondre  que  d'abord  cet 
ouvrage  n'est  ni  un  poëme  ni  un  roman  (c'est  le  simple  récit  en  vers  d'évé- 
nements historiques),  et  qu'ensuite  on  n'en  connut  pas  de  copies  en  français  : 
oi,,  si  les  Français  avaient  copié  tous  les  poëmes  provençaux,  pourquoi 
auraient-ils  négligé  celui-là?  Est-ce  parce  qu'il  est  ennuyeux?  Cela  pourrait 
bien  être  ,  et  cependant  remai-quons  que  cet  ouvrage  en  vers  est  le  seul,  ab- 
solument le  seul,  dont  l'origine  provençale  ne  peut  être  contestée.  J'en  excepte 
les  petites  pièces  amoureuses  des  troubadours,  traduites  par  l'abbé  Millot, 
recueillies  par  MM.  Raynouard,  de  Rochegude,  etc.,  pièces  gracieuses,  élé- 
gantes, poéticjues  même  parfois,  mais  dont  la  lecture  de  suite  est  impossible. 
Quant  à  l'imitation  de  ces  poésies  lyriques  des  troubadours,  elle  est  incon- 
testable, ainsi  que  je  l'ai  dit,  chez  quelques  trouvères  grands  seigneurs  que  j'ai 
cités ,  et  en  très-petit  nombre.  Les  pièces  populaires  françaises  de  la  même 
époque  et  de  celles  qui  l'ont  immédiatement  suivie  n'ont,  avec  les  poésies  pro- 
vençales, aucune  espèce  de  rapport,  ainsi  que  l'on  peut  s'en  assurer  en  lisant 
les  unes  et  les  autres,  puisqu'elles  sont  imprimées.  On  remarquera  suriout  qu'il 


TKOliBADOUUS  ET  TKOrVÈHES.  147 

n'y  a  cliez  ces  tiouvères  aucune  trace  de  cel  amour  chevaleresque  qui  dis- 
tingue esseiiticllciiu'iil  les  [loi-tes  provençaux. 

Enfin,  car  il  faut  en  linir,  M.  FauricI  argue  de  quelques  mots,  de  quelques 
locutions  tirées  de  la  langue  française  et  trouvées  dans  les  poésies  provençales, 
'<  qu'il  y  avait  un  rapport  fréquent  entre  les  deux  nations  »  (pag.  302). 
Il  avait  dit  précédenimenl  le  contraire  (2"  volume,  pag.  399).  Mais  de  ce 
rapport  fréquent,  et  de  ces  mots  français  dans  les  poëmes  provençaux,  ne 
pourrait-on  pas  tirer  la  conséquence  que  ces  poèmes,  au  lieu  d'être  des 
n)odèles,  ne  sont  au  contraire  que  des  copies?  on  n'enq)loie  pas  les  expres- 
sions d'une  langue  qui  n'existe  pas  encore  ou  qui  est  assez  pauvre  pour  vivre 
d'aumônes  et  de  rapines.  On  n'emprunte  pas  à  ses  propres  voleurs. 

Il  est  fort  probable  qu'on  lira  peu  en  France  «  l'Histoire  de  la  poésie  pro- 
vençale »,  dans  un  temps  où  les  esprits  sont  préoccupes  de  questions  indus- 
trielles ou  [)oliti(jues,  de  chemins  de  fer  et  délections;  sujets  bien  autrement 
graves  et  positifs.  Cependant  ce  livre  peut  tomber  en  des  mains  oisives,  qui 
certes  ne  prendront  pas  la  [)eine  ou  le  tenqis  de  fcuilletci-  assez  de  volumes 
pour  apprécier  ce  que  le  travail  fait  d'après  le  système  de  M.  Fauriel  leur  pré- 
sentera d'étrange.  El  puis  cet  ouvrage,  comme  tous  ceux  de  ce  genre,  ne 
restera  pas  en  France;  les  Allemands,  qui  lisent  tout,  le  Hront.  Ils  pourront 
.prendre  au  sérieux  cette  diatribe  contre  noire  vieille  littérature,  puisque  les 
Français  paraîtront  ra|)prouver  en  n'y  répondant  pas.  Qui  sait  si  quelque 
honnête  Allemand,  consciencieusement  né,  ne  se  décidera  pas  à  apprendre 
le  provençal  pour  lire  dans  leur  langue-mère  ces  poésies,  dont  l'inutation 
s'est  répandue,  selon  M.  Fauriel,  jusque  dans  la  Scandinavie  et  l'Islande!  Il 
est  de  mon  devoir  de  le  prévenir  que  sa  peine  sera  perdue,  et  qu'il  ne  trou- 
vera en  provençal  (|ue  de  jolies  romances,  expression  de  sentiments  très- 
quinlessenciés ,  et  rien  autre  chose.  Ilélas!  ce  berceau  de  toute  poésie  n'est 
plus,  depuis  le  xii"  siècle,  qu'un  triste  tombeau  au  milieu  d'une  terre  infé- 
conde. Qu'a-t-elle  donc  produit ,  non-seulement  en  poètes ,  mais  mènu'  en 
écrivains,  qu'elle  [)uisse  opposer  aux  Normands,  aux  Champenois,  aux  Bre- 
tons, aux  Parisiens,  c'est-à-dire  à  Corneille,  à  La  Fontaine,  à  Molière,  à  Vol- 
taire, à  Chateaubriand?  Et  ne  serions-nous  pas  en  droit  d'en  conclure,  sans 
nous  perdre  connue  M.  Fauriel  en  suppositions  plus  ([ue  hasardées,  cpiil  en 
a  été  ainsi  avant  connue  depuis  le  xii''  siècle? 

MOLLI.  l-Li:ULC  pi  le. 


LE  MONT  ATHOS\ 


V^ATOPEDl. 

En  sortant  du  réfectoire,  on  se  rend  à  l'église  qui  lui  fait  face,  mais  qui 
en  est  séparée,  à  distance,  par  la  fontaine  (nnyr,  ou  <l>ià7.r, ).  C'est  là,  dans 
cette  fontaine,  qu'on  faisait  les  ablutions  pieuses  ou  même  sacramentelles 
avant  de  pénétrer  dans  le  lieu  saint,  dans  l'église.  Aujourd'hui,  l'ancienne 
pratique  s'efface  et,  dans  la  plupart  des  couvents,  la  fontaine  est  sans  eau  ; 
elle  ne  sert  même  plus  de  bénitier  dans  certains  monastères  qui  semblent 
nous  avoir  emprunté  l'usage  du  bénitier  placé  à  l'entrée,  mais  dans  l'inté- 
rieur même  de  l'église. 

Comme  bâtiment,  la  fontaine  de  Vatopédi  est  la  plus  importante  de  toutes  : 
au  lieu  d'un  seul  rang  circulaire  de  colonnes,  elle  en  a  deux,  qui  forment 
comme  un  petit  collatéral  tout  autour  de  ce  monument  rond.  Toutes  ces 
colonnes  sont  neuves  aujourd'hui,  ainsi  que  leurs  chapiteaux;  mais  les 
chapiteaux  anciens  portaient,  nous  a-t-on  dit,  le  monogramme  de  Manuel 
Comniène,  bienfaiteur  de  Vatopédi,  monogramme  que  nous  retrouverons  ail- 
leurs, et  qui  ressemble  beaucoup  à  celui  que  nous  avons  vu  à  Constanti- 
nople,  gravé  en  relief  et  presque  à  jour,  sur  les  chapiteaux  des  tribunes  de 
Sainte-Sophie.  La  coupole  de  la  fontaine  est  peinte  de  sujets  fort  nombreux 
et  tous  relatifs  à  la  vie  de  saint  Jean-Baptiste,  le  patron  ordinaire,  comme 
nous  l'avons  dit,  de  ces  petits  baptistères  grecs.  Aux  écoinçons  des  arcades 
sont  peints  à  fresque  les  prophètes,  auxquels  répondent,  sur  les  archivoltes, 
les  douze  apôtres;  c'est  toujours  le  même  principe.  Les  apôtres,  comme 
les  prophètes,  célèbrent,  sur  les  banderoles  qu'ils  tiennent  à  la  main,  la 

1.  Voyez  les  Annales  Archéologiques,  \o\.  I,  pages  29-36  et  173-179;  vol.  IV,  pages  70-86  , 
133-147  et  223-237.  —  Nous  avions  interrompu  la  suite  de  cette  exploration  des  couvents  byzan- 
tins de  l'.\thos,  pour  faire  place  au  voyage  archéologique  en  Italie  par  M.  le  baron  de  Guilliermy  ; 
mais,  quand  M.  de  Guilhermy  interrompra,  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  le  dépouillement 
de  ses  notes  curieuses,  nous  donnerons,  comme  aujourd'hui,  la  suite  de  nos  explorations, 
jusqu'il  ce  que  nous  ayons  entièrement  décrit  le  mont  .\tlios.  Cette  description  ,  pour  être  suffi- 
sante, nous  demandera  sans  doute  encore  deux  ou  trois  articles. 


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LE  MONT  AT  nos  119 

vertu  de  l't'au  qui  puriliail  dans  la  loi  anciouiic,  et  qui  régénère  dans  la  loi 
nouvelle.  La  fontaine  n'est  pas  absolument  dans  l'axe  de  l'église  et  du  réfec- 
toire :  pour  laisser  le  passage  libre  do  l'une  à  l'autre,  on  l'a  inclinée  à  droite, 
sur  le  côté  méridional. 

L'église  principale  (le  KaÔoXixov)  est  appareillée  en  assises  de  briques, 
alternant  avec  des  assises  de  pierre.  C'est,  du  reste,  à  l'exception  de  deux 
grandes  tours  d'enceinte,  qui  sont  complètement  en  pierre  pour  plus  de  soli- 
dité, le  système  uniforme  de  toutes  les  constructions  de  Vatopédi.  Mais,  à 
l'église  qui  est  fort  ancienne ,  l'alteinance  est  marquée  avec  moins  de  soin 
qu'aux  constructions  plus  récentes  :  les  assises  sont  moins  régulières.  Des 
restaurations  nombreuses  et  d'époques  diverses  ont  ainsi  troublé  la  symétrie 
de  l'appareil.  Cette  église  est  si  vieille,  qu'il  a  fallu  l'enduire  partout  d'un 
mastic  ou  d'un  ciment  assez  épais,  pour  engluer  et  retenir  les  briques  et  les 
pierres  qui  s'échap[)aient;  c'est  un  des  plus  vénérables  édifices  de  tout  le 
mont  Athos.  La  date  en  est  incertaine,  mais  elle  paraît  remonter  au  delà  du 
xii"  siècle.  Ce  respectable  bâtiment  est  entouré  d'orangers  et  de  citronniers 
qui  l'abritent,  le  décorent  et  le  parfument;  on  l'iionore  comme  une  relique, 
comme  une  image  miraculeuse.  Cette  église  est  dédiée  à  l'Annonciation  de  la 
Vierge,  en  grec,  Y.û(x.'~^'tli<7ii.>j; ;  elle  ne  déroge  donc  pas  à  la  piété  que  l' Athos 
.  tout  entier  professe  pour  Marie.  En  plan,  c'est  un  carré  divisé  en  trois  sur  la 
largeur,  pour  former  la  nef  et  les  croisillons,  en  (piatre  sur  la  longueur,  pour 
faire  le  porche,  le  narthex  extérieur,  le  nartliex  intérieur  et  l'église  j)ropre- 
ment  dite.  L'église  forme  une  croix  à  branches  égales  :  le  sanctuaire  est  dans 
la  tête  ou  le  sommet  de  la  croix  ;  les  chœurs  des  chantres,  dans  les  deux  croi- 
sillons, dans  les  deux  bras;  le  pied  ou  le  bas  de  la  croix  est  réservé  aux 
principaux  moines  ;  les  religieux  inférieurs  et  les  autres  assistants  se  placent 
dans  les  narthex  où  se  font  les  petits  offices  et  les  dévotions  privées.  Ajoutez, 
avec  un  second  narthex,  un  porche  ouvert  à  sainte  Madeleine  de  Vezelay, 
rétrécissez  l'église  entière,  séparez  du  sanctuaire,  par  une  clôture  élevée 
depuis  le  sol  jusqu'à  la  voûte,  la  nef  proprement  dite,  et  vous  aurez  à  peu 
près  le  type  des  églises  byzantines.  Mais,  à  l'intersection  de  la  nef,  du  sanc- 
tuaire et  des  bras  de  la  croix,  s'élève  une  coupole,  ce  qui  est  rare  chez  nous  ; 
de  plus,  le  sanctuaire  se  termine  par  trois  absides,  circulaires  au  dedans, 
saillantes  et  triangulaiies  au  delini's,  ce  (pii  n'y  est  pas  non  plus  très- 
fréquent. 

Toute  l'église  est  peinte,  et,  ce  qui  est  uni(pie  aiijouidluii  au  tnnnl  Athos 
qu'on  a  dévasté  ou  restauré  tant  de  fois,  on  y  trouve  des  débris  de  mosaï- 
(jues  à  personnages.  Sur  la  muraille  du  porche,  à  l'extérieur,  est  peint  le 
V.  20 


150  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Jugeiuent  dernier;  c'est  exactement  la  place  où  chez  nous,  dans  nos  cathé- 
drales, est  exposé  le  même  sujet,  mais  sculpté  au  lieu  d'être  peint.  Les 
Byzantins,  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  adorent  en  quelque  sorte  les 
images,  mais  ils  repoussent  les  statues.  Ils  perpétuent,  pour  ainsi  dire,  la 
réaction  déjà  bien  vieille  contre  la  statuaire  païenne  des  anciens  Grecs;  c'est 
une  révolte  permanente  îles  fils  contre  les  pères.  Nous  ne  décrirons  pas 
le  Jugement  de  Vatopédi;  le  «  Manuel  d'iconographie  chrétienne  »,  que  la 
plupart  de  nos  abonnés  et  de  nos  lecteurs  possèdent,  trouveront  dans  cet 
ouvrage,  en  texte  et  en  notes ,  de  la  page  268  à  la  page  278,  les  détails  cir- 
constanciés du  Jugement  dernier,  tel  que  les  Byzantins  le  représentent  cons- 
tamment. Disons  seulement  qu'à  cette  fin  du  monde  de  Vatopédi,  comme  à 
celle  de  Salamine,  la  terre  et  la  mer  personnifiées  viennent  rendre,  pour  le 
jugement,  les  êtres  humains  qu'elles  ont  engloutis.  La  Terre,  femme  robuste, 
est  couronnée  detleurs;  elle  tient  à  la  main  droite  des  branches  chargées  de 
fruits ,  à  la  main  gauche ,  un  serpent  qui  rend  gorge  ;  elle  est  portée  par  deux 
lions  et  deux  aigles.  C'est,  sous  forme  humaine,  le  sol  chargé  de  fleurs  et 
de  fruits,  et  habité  par  les  animaux  qui  rampent,  qui  bondissent  ou  qui 
volent;  ces  animaux  rapportent  au  souverain  Juge  les  hommes  qu'ils  ont 
engloutis  ou  déchirés  en  morceaux.  Quant  à  la  Mer,  c'est  une  fenune  plus 
puissante  encore,  portée  sur  deux  gros  poissons,  aux  flancs  descjuels, 
comme  à  un  char,  sont  attachées  des  roues  pleines,  et  de  forme  antique;  elle 
navigue  poussée  par  le  Zéphyr,  Borée,  le  Ponent  et  le  Notus  '.  De  la  main 
gauche,  elle  tient  un  homme  nu;  de  la  droite,  un  vaisseau ,  spécimen  des 
hommes  et  des  vaisseaux  sans  nombre  qu'elle  a  engloutis,  et  qu'elle  rapporte 
à  Dieu. 

Ce  Jugement  dernier,  cette  fin  du  monde  terrestre,  vous  donne  entrée, 
pour  ainsi  dire ,  dans  le  monde  céleste ,  dans  le  paradis.  A  gauche  de  ce  Ju- 
gement, on  voit  la  vie  de  Marie  réunie  à  celle  de  Jésus-Christ.  Des  particu- 
larités singulières,  qu'on  ne  peut,  faute  de  place,  relater  ici,  distinguent  de 
l'iconographie  latine  cette  curieuse  iconographie  grecque.  Nous  dirons  seule- 
ment que  les  mages,  après  avoir  adoré  l'enfant  Jésus,  retournent  à  Baby- 
lone  et  trouvent,  à  l'entrée  de  la  ville,  une  charmante  jeune  fille  qui  vient  à 


^.  Zstfjfc;,  B',p;»;,  Hvrivizi; ,  No'to;.  Ce  Sont  (les  tctes  ai^-es  et  soufflantes.  Le  seul  Notus,  vent 
du  sud  ,  est  imberbe  et  jeune;  les  trois  autres,  même  le  Zéphyr,  est  vieux  et  barbu.  Dans  les 
Annales  Archéologiques,  vol.  I,  pages  36-40,  nous  avons  donné  une  description  et  un  dessin  de 
la  personnification  de  l'air  ou  de  la  musique.  Des  quatre  vents  qui  alimentent  la  musique,  le  seul 
Zéphyr  est  barbu  et  vieux;  les  trois  autres,  IWquilon,  l'Eurus  et  l'Auster,  sont  jeunes  et 
imberbes. 


LE  MOXT  ATHOS.  151 

leur  ronconlre  en  leur  souriant.  Est-ce  l'Orient  personnifié  qui  accueille  les 
adorateurs,  les  messagers  de  la  vérité  nouvelle?  Los  Hyzantins  affectionnent 
la  personnification  des  villes.  Dans  bien  des  miniatures  grecqu(^> ,  on  Irouxe 
Bethléem  et  Jérusalem  sous  l'apparence  de  belles  femmes  antiques,  luette 
jeune  tille  serait  |)eut-èlre  Babylone ,  rajeunie  par  la  vérité  chrétienne,  aspi- 
rant déjà  après  la  conversion  et  venant  demander  des  nouvelles  du  Dieu 
enfant  qu'elle  veut  adorer.  Babylone  s'est  con\  ertie  l'une  des  premières  au 
christianisme;  Abdias,  un  homme  apostolique,  l'auteur  du  célèbre  «  Combat 
des  apôtres  »,  fut  évêque  de  Babylone  '.  Au  bas  de  la  paroi  où  brillent  ces 
peintures  et  celles  du  Jugement  dernier,  on  voit  des  figures  en  pied,  à  peu 
près  comme  aux  portails  de  nos  cathédrales,  dans  l'ébrasure  des  portes,  se 
dressent  des  statues.  Ces  granth^s  ligures  peintes  représentent  des  soldats;  c'est 
la  série,  mais  incomplète,  des  soldats  saints  décrits  dans  le  «  Manuel  d'icono- 
graphie chrétienne  ».  Le  dernier  est  saint  Christophe,  dont  la  vie  fut  à  peu 
près  exclusivement  guerrière.  Au  lieu  de  porter,  comme  chez  nous,  l'enfant 
Jésus  sur  ses  épaules,  il  est  représenté  en  soldat.  Mais,  par  une  particularité 
bizarre,  on  le  figure,  comme  une  divinité  égyptienne,  avec  une  tête  de  chien 
ou  de  loup.  Celui  de  Vatopédi  est  ainsi  représenté.  Les  moines  n'ont  pu  m'en 
donner  l'explication;  mais  ils  m'ont  dit  (pie  leurs  ancêtres  étant  d'une  crédu- 
■  lité  ridicule,  ils  avaient  dû,  eux  moins  barbares,  effacer  cette  tète  d'animal 
entée  sur  le  cor|)s  d'iui  saint.  En  effet,  la  tête  de  saint  Christophe,  égratignée 
et  lavée,  ne  laissait  plus  voir  qu'une  silhouette  informe;  les  moines  l'avaient 
effacée,  comme  ils  ont  effacé,  dans  leur  tableau  du  Jugement  dernier,  le 
grand  Beizébutli  assis  sur  la  gueule  de  l'enfer.  Dans  cet  enfer,  tous  les  diables, 
qui  sont  à  hauteur  d'homme  ou  à  portée  des  mains,  ont  été  mutilés,  défor- 
més, effacés  par  ces  moines  rationalistes.  A  l'exception  du  saint  Christophe , 
ainsi  endommagé,  les  autres  soldats,  ces  fiers  gardiens  de  l'Église,  sont  bien 
conservés. 

Du  porche  au  premier  narlhex,  la  porte  est  couverte  de  lames  de  cuivre 
ciselé  de  rinceaux,  de  rosaces,  de  palmeltes,  d'entrelacs  encadrés  de  perles. 
Sur  le  venteau  de  droite,  dans  une  petite  niche  en  demi-trèfle  aigu ,  la  Vierge  est 
debout  écoutant  ce  que  lui  annonce  l'archange  Gabriel  placé  de  même  dans 
une  niche  trèllée,  sur  le  venteau  de  gauche.  L'église  étant  dédiée  à  l'Annon- 

^ .  Abdias  citait  contemporain  des  apôtres  dont  il  raconte  si  poëliqncment  les  combats  et  le 
marlyre  dans  VJJistoria  cerlaininLs  apostoloritm.  Voyez  ce  curieux  livre  dans  les  Jpocryphes 
de  Fabricius.  Au  xiii'  siècle,  on  [)uisa  dans  cet  ouvrage  à  pleines  mains  pour  exécuter  une  foule 
de  verrières,  celles  de  (Chartres  entre  autres,  et  une  fouie  do  sculptures,  celles  de  Cliartres  encore 
et  de  Reims  purticulieremenl. 


152  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

ciation,  la  porte  qui  y  donne  entrée  devait  offrir  ce  sujet.  Cette  porte  doit, 
être  fort  ancienne,  peut-être  contemporaine  des  empereurs  byzantins  des  xi' 
ou  xii"  siècles,  et  cependant  les  arcades  en  ogive  aiguë  et  trèflée,  que  portent 
des  coloni\es  accouplées  et  nouées  à  mi-hauteur ,  ne  paraissent  pas  remonter 
au  delà  des  xiv'  ou  xv"  siècles.  Dans  les  tympans  des  portes  latérales,  on 
voit  des  restes  de  mosaïques  anciennes;  dans, celui  de  la  porte  droite,  c'est 
saint  Nicolas  en  évêque;  à  gauche,  la  mosaïque  disparue  a  fait  place  à  une 
insignifiante  peinture  moderne,  à  fresque.  Cette  dernière  peinture,  comme 
celles  de  tout  ce  narthex,  étaient  fraîches  encore,  pour  ainsi  dire,  car  il  y 
avait  à  peine  un  an  que  le  peintre  Benjamin  et  ses  frères  venaient  de  les 
exécuter.  Nous  avons  lu,  en  effet,  au-dessus  de  la  porte,  l'inscription  sui- 
vante en  grec  : 

Le  présent  narlhex  a  été  peint  avec  l'argent  des  Chrétiens 

par  la  main  de  Benjamin  et  de  ses  propres  frères  du  village  de  Galatista  ' 

en  l'année  1838  au  IS  de  mai 

Du  reste,  cet  atelier  de  Benjamin,  que  nous  avons  vu  en  activité  à  Karès, 
est  fort  médiocre,  comme  les  peintures  de  Vatopédi  l'attestent  suffisamment. 
Mais,  enfin,  tout  cela  est  curieux.  Ces  artistes  grecs,  faisant  de  nos  jours  des 
peintures  archaïques,  des  œuvres  byzantines,  inspirent  un  vif  intérêt. 

La  porte,  du  premier  au  second  narthex,  est  peinte,  sur  fond  d'or,  de  deux 
grands  personnages  en  pied  :  Jésus  est  à  droite,  Marie  à  gauche.  C'est  comme 
aux  atTreux  ventaux  de  bois  que  Soufïlot  a  placés  dans  la  baie  centrale  du 
grand  portail,  à  Notre-Dame  de  Paris.  Une  foule  de  sujets,  qii'il  serait  fasti- 
dieux de  nommer  ici,  tapissent  les  murs,  les  voûtes  et  les  deux  coupoles  de 
ces  deux  narlhex.  Ces  peintures,  retouchées  par  Benjamin ,  çà  et  là,  sont  de 
1789;  elles  sortent  du  pinceau  de  Macarios.  Au  dessus  de  la  porte  qui  donne 
entrée  dans  l'église,  est  peinte  la  mort  de  la  Vierge;  une  inscription  déclare 
que  cette  porte  et  l'église  elle-même  ont  été  historiées  en  1789. 

Cette  église,  nous  l'avons  dit,  est  Tune  des  plus  anciennes  et  des  plus 
vénérables  de  l'Athos;  mais,  en  raison  même  de  son  antiquité,  elle  porte 
les  traces  de  nombreuses  restaurations,  de  trois  principalement.  C'est  un  vieil 
habit  qu'il  a  fallu  réparer  à  plusieurs  reprises.  Anciennement,  dans  la  belle 
époque,  au  xiif  siècle  byzantin,  l'église  était  couverte  de  mosaïques:  mal 
collés  à  la  muraille,  mal  agglutinés  entre  eux,  ou  descellés  par  un  incendie, 

I.  Le  même  d'où  est  sorti  Macarios,  peintre  du  xviii''  siècle,  dont  nous  avons  parlé  dans  le 
vol.  IV,  page  237.  On  voit  que  ce  petit  pays  était,  et  qu'il  est  toujours,  fertile  en  artistes  ;  nou.s 
en  trouverons  encore  une  autre  preuve. 


LE  MONT  ATHOS.  153 

les  petits  cubes  de  verre  à  fond  d'or,  les  petits  morceaux  de  marbre  jioly- 
clirùnie  se  sont  désaijrégés,  ont  (piitlo  les  parois  el  les  vovites.  Tombés  sur 
le  soi,  on  les  a  balayés,  et,  soit  pauvreté,  soit  caprice  de  mode,  la  mosaïque 
ainsi  tombée  en  lambeaux  a  été  remplacée  par  de  la  peinture.  Dans  les  nar- 
tliex  de  l'église,  on  ne  voit  plus,  en  mosaïque,  que  deux  Annonciations,  Jésus 
assis  entre  sa  mère  et  saint  Jean-Baptiste  debout,  enfin  le  saint  Nicolas  du 
porclie.  Ces  mosaïques  sont,  connue  il  va  sans  dire,  sur  fond  dor.  Puis, 
sous  l'un  des  empereurs  Andronic  Comnène  ou  Paléologue,  aux  xii°,  xiii°  ou 
xiv  siècles,  tant  les  dates  sont  incertaines,  celte  église  aurait  été  repeinte. 
On  découvre,  dans  quelques  places  mieux  abritées,  quelques  fresques  pâles 
de  couleur,  belles  de  disposition,  graves  de  caractère,  (jui  pourraient  bien 
dater  de  ce  moyen  âge  byzantin.  On  les  attribue  à  un  peintre  nommé  Pan- 
sellinos,  autre  (pie  celui  dont  parle  le  «  (>uide  de  la  peinture  ».  Ce  vieux 
peintre,  dont  on  n'assigne  pas  l'epotpie,  se  serait  fâché  avec  les  moines  et 
aurait  abandonné  son  œuvre  qu'un  autre  a  terminée.  A  la  grande  coupole 
de  l'église  et  aux  pendentifs  qui  portent  le  dôme,  apparaissent  des  figures 
énergiques,  à  poses  inélodramati([ues,  à  grands  gestes,  à  vêtements  amples, 
ballonnant  et  comme  en  colère.  Le  peintre  de  1786  et  1789,  Macarios, 
doit  en  être  l'auteur;  on  les  attribue  encore  à  Pansellinos,  mais  elles  sont 
'extrêmement  dillérentes  des  premières.  Enfin,  brochant  sur  le  tout.  Benja- 
min a  refait  des  têtes  et  des  mains,  des  lambeaux  de  corps,  quelquefois  des 
tableaux  entiers  dans  l'église,  les  narlhex  et  le  porche.  Comme  tous  les  ar- 
tistes restaurateurs,  Benjamin  a  mis  sa  médiocre,  sa  plate  peinture  en  regard 
des  œuvres  fastueuses  du  xviii"  siècle,  des  œuvres  belles  et  graves  du  xii", 
des  mosaïques  puissantes  et  austères  des  ix"  et  x°.  Voilà  ce  que  nous  avons 
cru  démêler  dans  ces  travaux  différents,  mais  assez  analogues  cependant 
[)our  (]u'il  soit  impossible  de  rien  aliirmer;  car,  depuis  le  xni'  siècle  jusqu'à 
nos  jours,  l'art  byzantin  est  resté  slationnaire,  et  l'exécution,  qui  jfasse  de 
l'excellent  au  bon,  au  médiocre,  au  mauvais,  est  la  seule  base  sur  laquelle 
on  puisse  établir  une  opinion.  11  faut  le  dire,  cependant,  toutes  les  fois  qu'on 
a  restauré  cette  église,  on  l'a  fait  avec  une  grande  intelligence:  on  a  gardé 
les  vieilles  mosaïques;  on  a  même  cherché  à  les  consolider.  Plus  tard,  on 
a  respecté  les  peintures  anciennes  el  fait,  à  cùté,  des  |teinluies  modernes 
(ju'on  a  lâché  de  raccorder.  Nulle  part,  ailleurs,  je  n'ai  \u  celte  intelligence 
ni  ce  respect  religieux.  On  garde  avec  piété,  dans  des  armoires  vitrées  (pii 
sont  au  fond  du  sanctuaire  et  dans  des  chapelles  latérales  à  la  tribune  de 
l'occident,  de  vifuix  tableaux.  Vatopédi  est  rcxeiiiplc  du  mont  Athos;  il 
pourrait,  en  vertu  de  ce  respect,  nous  servir  de  modèle  en  France.  Aussi, 


154.  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

malgré  ces  disparates,  malgré  ces  remaniements  divers,  le  catholicon  de  Va- 
topédi  est,  pour  une  église  grecque,  d'un  grand  effet.  La  mosaïque  du  pavé, 
exécutée  par  compartiments  varies  en  marbres  polychromes,  est  la  plus  belle 
de  tout  l'Athos;  c'est  d'une  chaleur  de,  ton  et  d'un  caprice  de  forme  vraiment 
incomparables.  Il  est  fâcheux  qu'un  incendie,  attribué  aux  Sarrazins,  aux 
Turcs,  ait  gravement  endommagé  ce  pavé  remarquable;  le  feu  en  a  fait  écla- 
ter la  plupart  des  pièces.  On  dit  que  ces  marbres  viennent  de  Rome,  et  les 
moines  s'en  font  un  sujet  d'orgueil. 

Comme  tous  les  édifices  réellement  byzantins,  le  catholicon  de  Yatopédi 
est  surmonté,  au  centre  de  la  croisée,  d'une  vaste  coupole  que  portent  quatre 
colonnes  de  granit.  Du  milieu  de  la  coupole  descendent  des  chaînes  en  cuivre 
qui  suspendent,  comme  à  Aix-la-Chapelle,  une  énorme  couronne  de  cuivre, 
couronne  ardente,  toute  hérissée  de  cierges  qu'on  allume  aux  solennités. 
Au  milieu  de  cette  couronne  est  suspendu  un  grand  lustre  en  cuivre;  ce 
lustre ,  quoirpie  remarquable ,  est  d'un  travail  moderne  et  moins  beau  que 
celui  du  couvent  d'Ivirôn.  Après  le  sanctuaire,  où  l'on  sème  les  richesses,  où 
l'homme  étale  devant  Dieu,  pour  lui  en  faire  hommage,  les  trésors  de  la 
création,  le  centre  de  l'église,  qui  surmonte  la  coupole,  la  coupole  elle-même, 
qui  figure  le  ciel,  sont  le  plus  chargés  d'ornements.  Les  plus  précieux  marbres 
au  pavé,  le  granit  aux  colonnes,  le  cuivre  ou  l'argent  doré  aux  couronnes 
ardentes,  les  mosaïques  à  fond  d'or  aux  pendentifs  et  à  la  coupole  entière. 
Les  mosaïques,  nous  l'avons  dit,  ont  disparu,  mais  des  peintures  à  fresque 
les  ont  remplacées. 

Un  sujet  qu'on  trouve  fréquemment,  presque  toujours  à  cet  endroit,  tapisse 
la  coupole  entière  :  c'est  la  mystagogie  ou  divine  liturgie.  Nous  avons  déjà 
parlé  tant  de  fois  de  cet  admirable  sujet,  et  il  est  décrit  tellement  au  long  dans 
le  «  Guide  de  la  Peinture  »  ',  qu'il  est  inutile  d'en  donner  les  détails.  Disons 
seulement  qu'il  se  compose,  à  Vatopédi,  de  treize  scènes  qui  s'ordonnent 
ainsi,  en  allant  d'orient  au  nord,  à  l'occident  et  au  sud  :  six  anges  portent  le 
corps  inanimé  de  Jésus-Christ;  —  un  ange  en  diacre  tient  un  chandelier  et  un 
hexaptérige;  —  un  chérubin,  tout  rouge  et  à  trois  paires  d'ailes,  porte  un 
cierge;  —  un  ange  porte  un  livre;  —  un  second  ange  de  même;  —  un  troi- 
sième ange  de  môme;  — un  ange  porte  la  petite  lance  qui  va  servir  à  percer 
et  couper  l'hostie; —  un  ange  porte  la  cuillère  qui  doit  servir  à  la  commu- 
nion ; —  un  ange  porte  le  calice,  et  il  est  précédé  d'un  petit  ange  habillé  en 

1 .  Voyez  le  Manuel  d'iconographie  chrétienne  ,  inirotluclion ,  page  xxvi ,  et  pailie  deuxième  " 
fie  l'uuvrage,  page  229,  avec  la  note  qui  s'étend  jusqu'à  la  page  233. 


LE  MONT  AT II OS.  155 

diacre,  ijui  tient  un  oncenï^oii-  cl  un  ciianilclicr  à  trois  briuiclics;  —  un  ange 
(Me  (le  dessus  sa  tcMc  et  dépose  entre  les  mains  de  Jésus-Christ,  habillé  en 
patriarche,  le  pain  placé  sur  un  plat  (  une  grande  patène  )  et  couvert  de  Tas- 
terisquc;  —  un  polit  ange  marche  en  tète  de  cette  procession  et  |)orte  un  en- 
censoir. —  Entin,  à  l'orient,  Jésus-Christ  habillé  des  riches  vùteincnts  du 
patriarche,  dépose  sur  l'autel  le  pain  cpii  va  devenir  son  corps.  Sur  l'autel, 
qui  est  paré  et  que  couMc  un  baldaquin  on  ciboiiuMi,  lu  ùlcnl  dcuv  liunpes, 
et,  de  plus,  entre  ces  huupes  est  <lcbout  un  chérubin,  voilé  de  si\  ailes,  qui 
tient  une  bougie  à  chaque  main.  Le  livre  des  évangiles  est  déjà  placé  sur 
l'autel.  La  mystagogie  est  donc  la  préparation  de  la  messe  (li\inc  (pic  ser- 
vent les  anges  habillés  en  diacres  ou  on  prêtres  et  que  va  célébicr  Jésus-Christ. 

La  coupole  repose  sur  quatre  pendentifs  où  sont  jjeints  les  évangélistes  : 
en  avant,  à  lest-sud,  droite  du  spectateur,  saint  .Mathieu;  à  lest-nord, 
gauche,  saint  Jean  ;  en  arrière,  à  droite  ou  sud-ouest,  saint  3Iarc;  à  gauche 
ou  nord-ouest ,  saint  Luc.  C'est  l'ordre  qu'on  suit  chez  nous;  seulement,  à 
Vatopédi,  la  droite  et  la  gauclie  sont  celles  du  spectateiu-  et  non  du  (Christ  de 
la  coupole.  Les  évangélistes  soutiennent  donc  cet  édilice  myslicpie,  cette 
liturgie  divine,  connue  les  colonnes  de  granit  soiiticiuient  la  coupole  maté- 
rielle. 

A  l'iconostase,  ou  clôture  du  sanctuaire,  est  peint  saint  Jean-Haptiste;  il 
est  entouré  de  sa  légende  entière,  représentée  par  une  foule  de  petits  sujets. 
Kn  pendant,  sur  un  ancien  et  très-remarquable  tableau,  est  |)einte  l'apothéose 
de  la  Vierge.  Au  cenli(!,  .Maiic;  trône  coinnu;  une  reine,  et,  tout  à  l'entour, 
les  prophètes,  une  jand)e  en  avant,  vicMinent  la  saluer  et  lui  adresser  chacun 
un  compliment.  David  lui  dit  :  «  0  jeune  lille,  je  vous  ai  nonunée  par 
avance  arche  sainte,  en  voyant  la  beauté  du  temple!  »  Et  ainsi  des  autres. 
Voyez,  dans  le  «  Guide  de  la  peinture  »,  la  description  détaillée  de  cet 
admirable  sujet  '. 

Un  des  trois  épitropes,  ou  gouverneurs  du  couvent,  nous  fit  pénétrer 
dans  le  sanctuaire,  faveur  que  nous  n'avions  pas  demandée  et  (pi'on  n'ac- 
corde même  pas  aux  laïques  du  rit  grec,  encore  moins  à  des  Latins  qui  sont, 
pour  les  Grecs,  des  scliismatiques  véritables.  Il  faut  étro  religieux,  et  même, 

4.  Manuel  d'iconographie  chrétienne,  piigi's  290-2'J.').  J'ai  dit,  (Jaii?  la  nulc  I  do  la  page  192, 
.|ue  le  iwlaiAvs  Salutations  t'Iail  parliculier  aux  (jrocs;  mais,  en  y  rogardanl  bien,  on  le  Iroiive- 
rail  priiicipalemenl dans  les  sculpluios  du  wiV  siècle,  (jul  (l(*corenl  les  purlails  do  nos  calliédrales 
principales,  (domine  les  légendes  sont  effacées,  à  supposer  (luelles  aient  été  peintes ,  il  a  fallu  ijue 
le  Guide  de  la  Peinture  sint  me  confirmer  dans  une  présomption  que  je  craignais  d'émettre  à  la 
légère.  Je  crois  maintenant  (jue  la  présomption  peut  s'élever  à  la  certitude  ;  nous  en  reparlerons 
ailleurs. 


156  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

suivant  la  rigueur  de  la  règle,  engagé  dans  les  ordres,  pour  pénétrer  dans  le 
saint  des  saints.  On  s'est  départi  de  cette  sévérité,  et  le  but  de  nos  études 
nous  fit  assimiler  à  des  prêtres  grecs.  Comme  tous  les  sanctuaires  byzantins, 
celui  de  Vatopédi  est  étroit  et  court;  en  avant,  s'élève  l'autel,  formé  par  une 
épaisse  tranche  de  marbre  que  portent  quatre  petites  colonnes  également  en 
marbre  blanc. 

Derrière  l'autel,  au  fond  de  l'abside,  se  dresse  un  trône,  une  chaise  de 
marbre,  à  laquelle  se  rattachent,  de  droite  et  de  gauche  et  en  demi-cercle, 
trois  gradins  de  marbre.  Ce  trône  où  siégeait  labbé  autrefois,  comme  chez 
nous  l'évoque,  c'est  la  Vierge  qui  l'occupe.  On  voit  un  grand  tableau  repré- 
sentaut  Marie  en  costume  de  reine;  la  Vierge  est  la  patronne,  la  reine  de  cette 
église.  Sur  les  gradins,  qu'occupaient  les  prêtres  dans  les  basiliques  primi- 
tives, sont  posés  des  saints  en  bas-reliefs,  en  mosaïque,  et  en  peinture  sur 
bois.  L'un  de  ces  bas-reliefs  est  en  une  espèce  de  marbre  antique  verdàlre; 
il  représente  saint  Georges.  Le  guerrier,  couvert  et  muni  de  son  armure,  fait 
bonne  garde  autour  de  sa  céleste  maîtresse.  On  y  voit  un  saint  Jean-Chrysos- 
tôme,  fait  en  mosaïque  extrêmement  fine  et  composée  de  petits  grains  de 
verre  et  d'ivoire.  Un  crucifiement  et  une  Vierge  tenant  Jésus  forment  deux 
autres  petits  tableaux  exécutés  de  la  même  manière.  Un  tableau  de  marbre 
semblable  à  celui  du  saint  Georges,  mais  moins  ancien,  représente  les  douze 
principales  fêtes  :  Annonciation,  Nativité,  Purification,  Baptême,  Transfigu- 
ration, Résurrection  de  Lazare,  Rameaux,  Crucifiement,  Résurrection,  Ascen- 
sion ,  Pentecôte ,  Mort  de  la  Vierge.  Tous  ces  personnages ,  toutes  ces  fêtes 
environnent  le  grand  tableau  central  de  la  Vierge  et  font  cercle  autour  d'elle, 
comme  autrefois,  dans  la  primitive  Église,  les  prêtres,  les  diacres,  tout  le 
clergé  faisaient  cercle  autour  de  l'évêque ,  placé  lui-même  ainsi  au  fond  de 
l'abside.  Cette  Vierge  est  miraculeuse.  Jetée  dans  un  puits  du  couvent,  par  un 
moine,  pour  qu'elle  fût  dérobée  aux  regards  et  profanations  des  Sarrasins, 
qui  arrivaient  sur  Vatopédi,  elle  en  fut  retirée  soixante  ans  après.  Mais  dans 
ce  puits  avaient  été  précipités  en  même  temps  un  morceau  du  bois  de  la 
croix  et  un  cierge  allumé;  le  bois  fut  retrouvé  intact  et  le  cierge  brûlait  tou- 
jours. Ce  cierge  brûle  encore,  nous  l'avons  vu,  à  côté  de  la  sainte  Vierge 
dans  le  sanctuaire  de  Vatopédi.  Par  un  ingénieux  moyen ,  il  brûle  constam- 
ment, nuit  et  jour,  depuis  deux  ou  trois  cents  ans,  et  pourra  brûler  éternel- 
lement ainsi  sans  se  consumer.  Au-dessus  de  la  flamme  de  ce  cierge  est 
suspendu  un  bloc  de  cire;  ce  bloc  fond  à  la  flamme  du  cierge  et  tombe,  goutte 
à  goutte,  près  de  la  mèche.  Chaque  goutte  qui  s'évapore  est  remplacée  par 
une  goutte  qui  tombe  de  la  motte  de  cire.  C'est  la  motte  qui  se  consume 


LE  MONT  ATHOS.  157 

pliilùl  (1110  lo  cierge;  quand  elle  est  usée,  on  la  remplace  par  une  autre. 
Cependant  le  cierge  Ini-niènie  bnMe  aussi,  car  la  cire  en  fusion  qui  alimente 
la  mèche  se  compose  de  la  cire  du  cierge  et  de  la  cire  du  bloc  suspendu. 
i\Iais  chaque  perle  est  immédiatement  réparée,  et  le  cierge  est  éternel;  il 
brûle  sans  se  consumer.  Ceci  nous  rappelait  celte  comparaison,  tant  affec- 
tionnée par  le  moyen  ùge  :  Marie  restée  vierge  après  la  coiiccpliDn,  et  le 
buisson  ardent  (]ui  brûle  et  reste  vert. 

Rubum  quem  viderai   .Moyses  incombiislum  conservaUim  a;,'noviniiis  tuaiii   laiidabiloni  virgi- 
nitalcm,  sancla  Hci  i;i>nitri\ 

comme  il  est  écrit  sur  le  tableau  de  la  cathédrale  d'Aix,  attribué  fausse- 
ment au  roi  René.  Reportez-vous  encore  aux  huil  vers  français  tissés  sur  une 
tapisserie  du  xvi"  siècle,  qu'on  voit  dans  la  cathédrale  do  Reims  et  dont  nous 
avons  parlé  dans  les  «  Annales  archéologiques  ».  Il  osl  curieux  do  n>trou- 
ver  cette  image  en  action  au  Innd  d'un  sanctuaire  du  mont  Atlios.  Coimno 
toutes  les  Vierges  miraculeuses,  celle  de  N'atopcdi  est  vètno  de  riches  parures; 
elle  est  couverte  d'argent  doré.  Une  nmllilude  de  médailles  en  or,  dont 
quatre  sont  antiques  et  d'un  haut  prix,  des  croix  en  argent  et  en  or,  des 
pierreries,  de  petits  bas-reliefs  tout  en  or  et  représentant  la  vie  môme  de  Marie, 
couvrent  la  tète,  la  poitrine  ,  les  bras  et  le  corps  de  cette  précieuse  figure.  Ce 
n'est  pas  seulement  une  imago  miraculeuse  ,  mais  encore,  nous  a-t-on  assuré, 
une  image  de  saint  Luc.  On  dit  que  saint  Luc  a  d'abord  peint  trois  grandes 
Vierges,  puis  soixante-dix  plus  petites.  Des  trois  grandes,  l'une  est  au  cou- 
vent de  Mégaspilœon,  en  Achaïe,  où  nous  l'avons  vue;  la  seconde,  en 
Chypre;  la  troisième,  en  Russie,  à  Moscou.  Celle  de  Valopédi  est  l'une  des 
soixante-dix  petites.  Klle  est  fort  ancienne;  elle  a  les  \eux  bruns  et  non  pas 
noirs;  sa  figure  est  douce  comme  celle  de  l'enfant  Jésus.  C'est  une  assez 
bonne  peinture  sur  bois.  Devant  elle  brûlent  constanunenl ,  outre  le  cierge 
immortel ,  sept  lanqies  d'argent. 

On  osl  \rainient  saisi  de  respect  en  outrant  dans  ce  riclio  ot  vonorablo 
sanctuaire.  Outre  ces  tableaux  el  bas-reliefs,  dont  nous  avons  pai  le,  du  nous 
a  fait  voir  encore  un  fort  gros  morceau  de  bois  de  la  croix,  celui  (|ui  fut 
précipité  dans  le  puils  avec  l'image  de  saint  Luc;  une  partie  du  roseau  |»lacé 
entre  les  mains  de  Jésus  ,  durant  sa  passion  ;  une  cf)uiie  on  jaspe  transparent , 
donnée  par  lomponMir  Manuel  Comnène,  dont  on  lit  le  monogranuno  gravé 
sur  le  i>iod.  La  o(iiq)o  doit  être  une  pierre  antique  ;  le  piod,  en  cuivre  doré, 
est  ancien  et  peut  ilalcr  du  xu"  siècle.  Une  croix  d'orfèvrerie,  ornéo  d'omaux 
bvzanlins  qui  re[>résenlenl  les  ap(itres,  et  d'anges  en  cuivre  incrusté  de 
V.  21 


158  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

verre  bleu,  est  attribuée  à  Constantin-le-Giand.  (Constantin  l'aurait  fait  exé- 
cuter sur  le  modèle  de  celle  qu'il  avait  vue  dans  le  ciel  ;  c'est  avec  elle  qu'il 
allait  à  la  guerre  et  qu'il  vainquit  le  monde  païen.  Entin,  l'on  nous  montra, 
avec  un  redoublement  de  respect,  un  ruban  de  fil  d'argent,  uni,  mais  bordé 
d'un  liseré  étroit,  marqué  de  petits  losanges  tissés' également  en  argent.  Ce 
ruban  passe  pour  la  ceinture  de  la  Vierge.  Nous  avons  accepté  la  tradition, 
sans  y  opposer  la  moindre  difficulté.  A  nos' yeux,  tous  ces  tissus,  tous  ces 
vêtements  dits  suaires,  sainles-robes,  voiles,  ceintures,  etc.,  de  Jésus-Christ 
et  de  la  Vierge  ,  sont  toujours  infiniment  précieux,  indépendamment  de  l'au- 
thenticité qu'on  peut  leur  accorder  ou  leur  refuser.  La  discussion  sur  des 
points  de  ce  genre  nous  sendjle  parfaitement  oiseuse. 

Voilà  ce  qu'on  aperçoit  du  trésor  de  Vatopédi,  ce  qu'on  en  montre  à  tout 
le  monde  et  en  tout  temps;  mais  le  trésor  invisible  est  bien  plus  riche  encore. 
(Celui-là,  nous  dit  le  médecin  autrichien  réfugié  dans  le  monastère,  est  rem- 
pli de  vases  sacrés,  bijoux  et  pierreries,  tableaux,  étoffes  de  soie  et  d'or, 
reliques  inappréciables.  Il  est,  comme  le  trésor  visible,  dans  le  sanctuaire 
de  l'église,  sous  la  protection  de  la  Vierge;  mais,  dérobé  aux  regards,  on 
ne  l'expose  qu'une  fois  par  an,  alors  que  les  pèlerins  abondent  dans  l'Athos, 
c'est-à-dire  à  la  fin  de  la  Semaine-Sainte.  Tout  le  reste  de  l'année,  il  est  ren- 
fermé dans  une  niche  de  pierre,  fermée  d'une  porte  en  fer,  close  elle-même 
par  une  serrure  à  cinq  clefs  ou  plutôt  à  cinq  divisions  d'une  même  clef.  Il 
faut  l'assentiment  et  la  présence  des  trois  épitropes  du  couvent  et  de  deux 
autres  dignitaires,  pour  ouvrir  ce  saint  des  saints.  Trois  parties  de  cette  clef 
quintuple  restent  à  Vatopédi,  entre  les  mains  de  chaque  épitrope;  une  qua- 
trième est  en  Russie,  chez  un  chargé  d'affaires  de  Vatopédi;  la  cinquième, 
enfin ,  est  à  Bucharest,  chez  un  évèque  vatopédien ,  qui  gère  les  biens  que  le 
monastère  possède  en  Valachie.  (Jn  voit  que  toutes  les  précautions  sont  bien 
prises  pour  qu'on  ne  voie  pas  ce  trésor;  je  doute  même,  à  moins  que  ["effrac- 
tion n'en  soit  possible,  qu'on  le  voie  jamais,  et  que  les  chefs  de  Russie  et  de 
Bucharest  reviennent  annuellement  et  à  jour  fixe  dans  le  mont  Athos. 

Ravis  et  respectueux,  nous  sortions  de  ce  sanctuaire,  lorsqu'on  jetant  les 
yeux  à  la  voiÀte,  nous  aperçûmes  une  vaste  peintuie  à  fresque.  Le  tableau  , 
placé  à  l'iconostase,  où  la  Vierge  reçoit  les  félicitations  des  prophètes,  se  ré- 
pétait en  grand  à  l'intrados  de  l'arc.  Chaque  prophète  semble  s'avancer  vers 
la  Vierge.  Quant  à  Marie,  elle  est  elle-même  peinte  plus  grande  que  nature  au 
fond  de  la  voûte  du  sanctuaire.  Assise  sur  ce  ciel  de  l'église  et  tenant  Jésus 
entre  ses  bras,  elle  reçoit  pour  elle  et  pour  son  fils  les  salutations  prophé- 
tiques de  l'Ancien-Testament.  Nous  étions  entrés  dans  le  sanctuaire  par  la 


LE   MONT   ATHOS.  16§ 

petite  ab?idr  nu  rliapollo  du  nord,  (jiroii  noniiiio  npow-ou-î^v, ;  nous  en  rcssor- 
tons  par  celle  du  >ii(l  cpii  s  a|)pelle  Aiaxovi/.ôv,  et  qui,  à  proprciiienl  parler, 
est  la  sacristie.  Nous  passons  dans  les  bras  de  la  croix,  l't  nous  v  voxons 
deux  petits  pupitre»,  nommés  analooia  i)ar  (iuillaunio  Durand,  (jui  a  pris  ce 
nom  aux  Byzantins.  Les  croisillons,  arrondis  en  abside  comme  ceux  de  notre 
cathédrale  de  Noyon  ',  servent  de  chœur.  C'est  là  que  se  placent,  à  droite 
et  à  gauche,  les  moines  chantres;  les  analof/ics  leur  servent  de  pupitres. 
Ces  pupitres  sont  en  forme  de  prisme  à  neuf  pans,  on  bois  incrusté  de  nacre, 
d'écaillé  et  d'ivoire.  Celui  de  gauche  ou  du  nord  est  ancien,  du  xiv'  siècle 
peut-être,  à  jour  et  entièrement  sculpté  des  scènes,  de  la  vie  de  la  Vierge  et 
de  Jésus-Christ.  Trois  sujets  ornent  chaque  face;  vingt-sept  sujets  on  tout. 
Ces  sculptures  ne  manquent  pas  de  caractère. 

Au-dessus  des  narthex  règne  une  assez  grandie  tribune;  nous  v  montons 
et  nous  trouvons  près  de  là  une  assez  belle  bibliothètpie.  Après  la  biblio- 
thèque de  Sainte-Laure,  c'est  la  plus  importante  de  tout  le  mont  Alhos;  le 
nond)re  des  manuscrits ,  sur  parchemin  et  papier,  y  est  ijrohablement  supé- 
rieur à  celui  des  manuscrits  de  Sainte-Laure,  et  les  livres,  très-proprement 
rangés  dans  des  casiers,  y  sont  beaucoup  mieux  tenus.  Nous  reviendrons  à 
cet  autre  trésor  de  Vatopédi,  (juand  nous  parlerons  des  bibliothèques  de 
l'Athos.  Disons  seulement  qu'au  nombre  des  livres  nous  avons  trouvé  le 
suivant  :  «  Kuchologion,  sive  rituale  gra^cuni  »,  par  le  P.  Jacob  Goar,  frère 
prêcheur,  imprimé  à  Paris  en  Ki'iT,  et  déformai  in-folio. 

Enfin,  à  gauche  et  à  droite  lio  la  (libune  occidentale,  sont  établies,  poui' 
les  malades  ou  pour  les  habitués  de  la  bibliothètjue,  deux  petites  chapelles. 
Celle  de  droite  est  dédiée  aux  archanges,  celle  de  gauche  à  la  Trinité.  On  y 
voit  deux  peintures  extrêmement  anciennes,  vieilles  de  mille  ans,  nous  dit- 
on,  et  qui  représentent  deux  anges  et  l'évangéliste  saint  Luc;  elles  sont  sur 
toile  collée  sur  bois,  et  le  bois  en  est  tout  vermoulu. 

Voilà  ce  qu'est  la  principale  ('glisc,  le  Catholicon,  d'un  grand  cou\cntde 
lAthos;  mais  il  y  en  a  bien  d'autres.  Le  seul  couvent  de  Vatopédi  renferme, 
dans  l'intérieur  de  ses  murailles,  dix-huit  églises,  chapelles  et  oratoires;  à 
l'extérieur,  il  en  est  entouré  de  onze  autres.  Dix-neuf  cellules  sont  dissémi- 
nées dans  la  campagne,  et  chacune  d'elles  a  sa  chapelle.  IJiHn  ,  dans  la  skite 
ou  village  monastique  de  Saint-Démétrius,  situé  à  une  demi-heure  du  (ou- 
vent  qui  en  est  propriétaire,  il  y  a  cinquante  maisons,  el,  |)ar  cousccpieul , 
cinquante  oratoires,  plus  une  église  générale. 

4.  Ils  sont,  comme  les  trois  ab.si(los  du  sanctuaire,  iirrundis  en  dcduns,  niais  triangulaires  a 
l'extérieur;  c'est  ainsi  qu'est  consiruito  l'abside  de  Saint-Quinin,  à  Vaison. 


160  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Voici  les  noms  des  églises  du  dedans  : 

Le  Catliolicon  ou  Evangélismos,  les  Archanges,  la  Trinité,  la  Vierge-Con- 
seillère, Saint-Démétrius ,  Saint-Nicolas,  Saint-André,  Saint-Georges,  la 
Nativité  de  la  Vierge,  Saint-Chrysostôme ,  Saint-Jean-le-Théologos,  Saint- 
Thomas-l'Apôlre,  les  Trois-Hiérarques,  les  Anargyres,  les  Théodores,  la 
Sainte-Ceinture,  la  Transfiguration  ,  le  Prodrome  (Saint-Jean-Baptiste,  ou  le 
Précurseur). 

Au  dehors  : 

La  Nativité  de  la  mère  de  Dieu,  Tous-les-Saints,  Saint-Nicolas,  les  Cinq- 
Martyrs,  Saint-Onuphre ,  les  Archanges,  Saint-Modeste,  Saint-Artémios , 
Saint-Karalarapos,  Saint-Artémios  (pour  la  seconde  fois),  les  Saints-Apôtres, 
la  Nativité  de  la  Vierge  (  pour  la  troisième  fois). 

11  est  inutile  de  nommer  les  dix-neuf  oratoires  des  cellules  et  les  cinquante 
de  la  skite;  ce  sont  toujours  les  mêmes  vocables,  ou  à  peu  près.  Voyez, 
d'après  ces  noms,  le  caractère  de  la  piété  des  moines  athonites,  et  notez 
que,  sur  vingt-neuf  églises,  Marie,  outre  le  Calholicon,  la  cathédrale,  pour 
ainsi  dire,  en  possède  encore  cinq  autres,  trois  dédiées  à  sa  naissance, 
la  quatrième  à  la  ceinture  que  nous  avons  vue  dans  le  trésor,  la  cinquième 
aux  bons  conseils  qu'elle  inspire  à  qui  vient  la  prier.  Disons  enfin  que  Saint- 
André  avoisine  l'économat,  Saint-Georges  la  cuisine;  la  Sainte-Ceinture  est 
à  la  porte;  Saint-Nicolas  protège  l'arsenal;  Tous-les-Saints,  et  de  plus  Saint- 
Modeste  et  Saint-Artemios,  avec  les  Cinq-Martyrs,  sont  dans  les  vignes.  La 
Transfiguration  est  située  au  sommet  d'une  des  tours  du  couvent;  constam- 
ment elle  affectionne  les  hauteurs.  Une  des  trois  Nativités  de  Marie  est  placée 
dans  l'écurie  des  mulets;  car,  au  mont  Athos,  tout  est  sanctifié.  La  Vierge, 
qui  confia  sa  vie  et  celle  de  l'enfant  Jésus  à  l'àne  de  Bethléem,  à  l'âne  de  la 
fuite  en  Egypte,  peut  bien  prendre  sous  sa  protection  les  mulets  de  Vatopédi. 

Ce  grand  nombre  d'édifices  religieux  doit  donner  une  haute  idée  de  Vato- 
pédi. Nous  l'avons  déjà  reconnu  :  ce  couvent  est  l'uu  des  grands  de  l' Athos, 
et  c'en  est  probablement  le  plus  riche.  Comme  à  une  ruche  trop  pleine,  il  a 
fallu  trouver,  pour  de  nouveaux  essaims ,  une  place  hors  du  berceau  monas- 
tique ;  autour  de  Vatopédi ,  à  une  distance  de  un  ou  de  deux  kilomètres,  sont 
donc  disséminées  douze  cellules.  Ces  cellules,  petites  fermes  d'exploitation , 
sont  environnées  de  champs  plantés  de  vignes  et  de  noisetiers;  elles  appar- 
tiennent aux  fermiers,  aux  cellulaires,  ainsi  que  les  champs;  mais  les  cellu- 
laires dépendent  de  la  métropole,  du  monastère.  Chaque  cellulaire  achète  au 
couvent  l'habitation  et  les  champs  qui  en  dépendent.  Si  le  cellulaire,  qui  est 
toujours  un  moine,  se  fait  un  fils  adoptif,  c'est  ce  fils  qui  hérite  à  la  mort  de 


LE  MONT  ATHOS.  161 

son  père  spirituel ,  sinon  ,  tout  fiiit  lelour  au  monastère  qui  en  dispose  à  son 
gré.  Quoique  propriétaire,  le  fermier  n'est  que  rusulVuiticr;  car  il  ne  peut 
aliéner  sa  propriété;  le  lils  a(lo|)tit'  seul  peut  en  hériter.  Chaque  cellule  ren- 
ferme deux  ou  trois  haliilauls;  le  chef,  prêtre  ordinairement,  distiiliueel 
surveille  les  lra\ aux  ;  cpiaml  il  n'est  pas  engagé  dans  les  ordres,  il  travaille 
lui-même  aux  champs.  Hien  n'est  plus  curieux  que  ces  petits  ménages 
d'hommes  où  règne  une  paix  absolue,  où  l'on  commence  et  où  l'on  linil  la 
journée  en  priant  Dieu  ,  en  faisant  ou  en  lisant  des  offices  religieux.  Chaque 
cellule  porte  un  nom  de  saint  ;  l'imc  s'ai)pelle  Sainl-Sahbas,  l'autre  Saint- 
David  ',  une  troisième  Saint-Constantin,  une  quatrième  le  Précurseur,  une 
cinquième  Saint-Jean-le-Théologos. 

Semées  çà  et  là  sur  le  territoire,  ces  cellules  sont  isolées  de  Valopedi,  à 
une  assez  grande  distance  l'une  de  l'autre;  mais  on  en  trouve  dans  un  seul 
endroit,  nommé  Kolitsou  ^ ,  sept  réunies  ensemble,  hameau  de  fermiers 
qui  exploitent  en  commun  une  étendue  considérable  de  terrain.  Outre 
ces  fermes  et  ce  hameau ,  Vatopédi  possède  un  de  ces  [)etits  villages  qu'on 
appelle  skites  au  mont  Athos  ^.  (^e  village,  situé  à  une  demi-heure  du 
couvent,  se  compose  de  cinquante  maisons;  il  se  nomme  Saint-Démétrius. 
Son  nom  lui  vient  d'un  saint  qui  se  serait  fait  ermite  et  serait  mort  dans  cet 
endroit  où,  depuis,  fut  construit  ce  petit  village.  Ce  saint  aurait  été  le  frère 
ou  le  très-proche  parent  du  grand  saint  Démétrius,  le  patron  de  Salonique. 
De  ces  cinquante  maisons,  vingt  setdement  étaient  habitées  en  183'J.  Il  n'v 
a  que  sept  skites  dans  tout  le  monl  Athos;  la  [ilus  importante  est  celle  de 
Sainte-Anne,  entre  les  couvents  de  Saintc-Laure  et  de  Saint-Paul;  nous  en 
donnons  ici  le  dessin  fac-similé,  d'après  une  gravure  que  nous  avons  rap- 
portée du  mont  Athos,  ponr(|u'on  se  fasse  une  idée  quelconcpie  de  ces  petits 
groupes  d'habitations.  L'église  principale  est  au  centre,  un  peu  en  avant.  Les 
petites  maisons,  dont  chacune  a  son  oratoire  queitiuefois  apparent,  s'aniiro- 
chent  où  s'éloignent  de  l'église,  sans  ordre  régulier.  Des  champs,  des  arbres, 
ou  tout  au  moins  un  large  passage,  séparent  les  maisons  l'une  de  l'autre;  on 
vit  sur  le  même  sol ,  mais  chacun  chez  soi. 

1 .  Nous  avons  déjà  reinarqné  Ift  goût  des  Byzantins  pour  les  personnages  de  l'Ancien  Testament  • 
ils  canonisent  Adam,  Eve,  Abel ,  Moyse,  Aaron,  Abraham,  .Mclcliisédecti ,  Jacob,  David,  Salo- 
mon,  etc.,  et  les  invoquent  dans  leurs  Litanies,  en  les  qualiliant  du  titre  de  saint.  Chez  nous, 
surtout  a  partir  du  xiii'  siècle,  la  qualité  de  saint  n'est  donnée,  a  peu  d'exceptions  prés,  (pi'au.\ 
personnaL'CS  postérieurs  a  .lésus-Cluist. 

2.  Peut-être  de  xo>J.r.To; ,  collé ,  soudé;  lieu  ou  «ont  groupées  plusieurs  habitations. 

3.  Ce  nom  doit  venir  de  Scétù ,  cette  partie  de  I  Egypte  habitée  autrefois  et  culli\ee  pur  les 
moines  copies. 


162 


ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 


SKITE    PE    SilNTE-ANNE,     AU    MO>T    AT  11  OS 


Près  du  monastère  de  Xiropotamou ,  Vatopédi  possède  une  petite  île  que 
lui  a  donnée  Andionic  II  Paléologue.  Cet  empereur  se  fit  moine  à  Vatopédi  où 
il  finit  ses  jours,  en  1332.  Pour  remercier  ses  frères  des  soins  dont  ils  avaient 
adouci  ses  derniers  instants,  il  leur  donna  cette  petite  île.  Aujourd'hui,  un 
moine  vatopédien ,  qui  commande  à  un  certain  nombre  d'ouvriers,  cultive 
cette  île  au  milieu  de  laquelle  s'élève  un  métochi  ou  prieuré.  Théodose-le- 
Grand  avait  déjà  donné  de  grands  biens  à  Vatopédi  ;  il  lui  avait  fait  don  de 
propriétés  situées  à  Rome  même,  et  l'on  nous  a  montré  un  chrysobole  parafé, 
dit-on,  de  sa  main,  où  cette  donation  est  consignée.  Vatopédi  voudrait  bien 
intenter  un  procès  à  Rome  pour  rentrer  dans  ces  propriétés  impériales;  mais 
il  y  a  prescription,  et  Rome  ne  peut  pas  céder  ce  qu'elle  tient.  Les  moines 
nous  ayant  consultés  à  ce  sujet,  nous  leur  avons  conseillé  de  rester  en  repos. 
Une  belle ,  bonne  et  sûre  propriété  qu'ils  possèdent  est  en  Valachie ,  près 
de  Bucharest;  elle  est  administrée  par  un  évoque  Aatopédien,  celui-là  même 
qui  possède  une  des  cinq  clefs  du  trésor. 

De  tous  les  couvents  de  l'Atlios,  Vatopédi  est  le  mieux  tenu  en  dedans,  le 
mieux  situé  en  dehors;  le  plus  planté  d'orangers  à  l'intérieur,  d'oliviers  à 
l'extérieur.  Polis  comme  des  gens  bien  élevés,  instruits  et  riches,  les  moines 
vatopédiens  nous  ont  fait  un  accueil  vraiment  cordial;  ceux  de  Sainle-Laure 
et  de  Chilandari,  deux  couvents  riches  également,  ont  seuls  rivalisé  de  poli- 
tesse avec  leurs  frères.  Le  secrétaire  de  Karès,  le  caloière  le  plus  instruit  de 
l'Athos,  est  de  Vatopédi  ;  on  sent  qu'il  a  eu  constamment  à  sa  disposition 
la  bibiiotiièque  la  mieux  tenue  de  la  péninsule  sacrée.  Gardé  par  Siménou, 
Vatopédi  peut  adoucir  la  rigueur  de  la  consigne  ;  les  moines  y  sont  sévères 
pour  eux,  mais  ils  permettent  l'entrée  de  la  viande  dans  le  monastère,  et  non- 
seulement  les  étrangers  comme  nous,  mais  encore  le  vieux  médecin  de  Bu- 
charest en   trouvent  sur  leur  table.  Ces   religieux  ne   mangent  jamais  de 


LE  MONT  AT  nos.  163 

vi;iii(li',  jeûnent  un  jdiir  mit  deux,  se  relèveiU  la  niiil  |i(iiii  inicr,  s'cxlénuciil 
de  l'aligne  le  jour;  néanmoins,  gens  sensés,  ils  ne  cliorclicnl  pas  innlilcinml 
à  faire  pAtir  leur  corps.  Ainsi  les  muletiers,  les  forgerons,  les  ouvriers  de  gros 
travaux  logent,  avec  leurs  écuries,  leurs  forges,  leurs  ateliers,  liors  du  cou- 
vent. C'est  une  sorte  de  conl'ortahle  anglais,  (|ui  delcnd  d'introduire  dans 
riiùtel  tout  ce  qui  fait  du  bruit  ou  sent  mauvais. 

Quanta  la  population  de  Valo|HHli,  ou  n'a  pu  ou  \(iulu  nous  lenseiimer 
positivement  à  cet  égard.  On  s'est  contenté  dts  nous  dire  que  cent  cinquante 
moines  ujangeaient  au  couvent,  et  que  cpiarante  d'entre  eux  étaient  chargés 
des  champs,  des  vignes,  des  noisetiers,  des  hdis.  Il  est  évident  que  ce  nombre 
est  au-dessous  de  la  réalité,  car  les  cin(|uanl(^  mulets  accusent  une  popula- 
tion considérable  d'ouvriers.  .Mais,  au  mont  .Vtlios,  c'est  un  svstcme;on  ne 
déclare  (pie  le  quart,  que  le  sixième  des  habitants,  pour  avoir  moins  d'argent 
à  donner  au  sultan,  qui ,  entre  autres  impôts,  s'en  fait  pa\er  un  de  capitalion. 

Ce  qui  précède  sutlira,  nous  le  pensons,  pour  donner  une  idée  d'un  uvimA 
couvent  aghiorite.  Toutefois,  comme  des  (expressions  peuvent  dépasser  ou 
ne  pas  atteindre  la  réalité,  nous  avons  jugé  utile  de  mettre  sous  les  yeux  de 
nos  lecteurs  le  fac-similé  d'une  gravure  rapportée  par  nous  du  mont  Alhos. 
La  représentation  de  Vatop('di  était  incomplète  dans  nos  gravures;  nous  avons 
,  préféré  donner  un  autre  couvent,  celui  de  Rùssicon,  où  l'on  verra  mieux  dif- 
férents détails.  Plus  lard,  quand  nous  serons  arrivfis  à  ce  monastère,  nous 
pourrons  le  décrire  en  détail;  contentons-nous  aujourd'hui  de  (piehpies  obser- 
vations. Remarquons,  avant  tout,  (pie  celte  gravure  est  une  copie  et  qu'elle 
reproduit  les  singularités  de  perspective,  les  gaucheries  de  dessin,  les  faus- 
setés de  lumière  et  d'ombre  de  l'original. 

Au  centre  du  couvent,  le  catholicon  (-0  y.aOo).i/'.ôv  )  à  croisillons  et  absides 
triangulaires,  à  coupoles  nombreuses.  En  face,  le  réfectoire  (/,  Tpa7::;al,  à 
croisillons  triangulaires  également.  Le  clocher  carré  domine  le  réfectoire. 
Entre  ce  réfectoire  est  l'église;  mais,  sur  le  C(jlé  gauche,  la  fontaine  •/,  fiHx) 
à  jour  et  circulaire.  Plus  au  nord  de  l'église,  et  non  pas  au-dessus  de  la  tri- 
bune occidentale,  comme  à  Siménou  et  Vatopédi,  la  bibliotliè(|ue  (  r,  (y.(y)Mfi-n-A-f,), 
petit  bâtiment  carré.  Pour  alimenter  le  réfectoire,  comme  la  bibliolhè(iue  ali- 
mente l'L'glise,  en  quelque  sorte,  la  cuisine  circidaire  fj^ayetpeiov)  et  le  fourneau 
(^oùpvo;j.  Les  logements  des  moines  s'appuient  contre  les  murs  dt;  cl(')tuie  du 
couvent.  Ces  murs  sont  crénelés  et  percés  de  meurtrières  rondes.  .Vu  nord, 
s'élève  la  tour  par  excellence  (ô  iji-pyoç),  qui  est  hexagonale,  crénelée,  armée 
de  mâchicoulis.  Plusieurs  oratoires:  Notre-Dame  (vi  llavayia),  Saint-Nicolas 
{k-(i%  Nix'jAaoîy,  Saint-Charalanq)os  (Ayio;  Xapà>a|iro;),  le  Précuifeur  (o  Ilfo- 


16'^  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

5po[Ao;),  les  Archanges  (À.p)càyy£)ioO,  protègent  le  couvent  de  leur  puissance 
spirituelle  comme  la  tour  de  sa  force  matérielle.  Notre-Dame  est,  après  le 
catholicon,  le  plus  grand  édifice  ;  elle  sert  aux  offices  de  tous  les  jours,  et  le 
catholicon  à  ceux  du  dimanche.  Les  autres  sont  ces  chapelles  intérieures  dont 
nous  avons  compté  dix-huit  à  Vatopédi.  Ce  sont  des  oratoires.  11  ne  faudrait 
pas,  en  effet,  que  ce  mot  d'église  et  même  de  chapelle  induisît  en  erreur.  En 
Grèce ,  tout  est  microscopique  :  ce  qu'on  y  appelle  cathédrale  serait  une  pa- 
roisse de  petit  village  en  France  ;  ce  qu'on  y  appelle  église  ferait  difficilement 
une  chapelle  chez  nous.  Tout  y  descend,  non-seulement  d'un  degré,  mais  de 
plusieurs.  Ainsi ,  le  catholicon  de  Vatopédi  ne  peut  i)as  même  contenir  les 
cent  cinquante  moines  du  couvent.  Le  jour  des  Anargyres,  fête  assez  impor- 
tante et  qui  appelle  à  peu  près  tous  les  religieux,  nous  en  vîmes  un  bon  tiers 
assister  aux  offices  hors  de  l'église,  l'intérieur  étant  trop  petit  pour  les  rece- 
voir. C'en  est  si  bien  l'habitude,  que  les  moines,  en  descendant  de  leurs  cel- 
lules, apportent  avec  eux  de  grands  bâtons  à  sommet  recourbé  et  sur  lequel 
ils  s'appuient  pour  se  reposer  pendant  les  cérémonies.  Ces  bâtons  s'appellent 
des  réclinatoires  ;  ils  font  en  quelque  sorte  l'office  de  stalle.  Oh  conçoit  alors 
qu'un  couvent  connne  Vatopédi  puisse  renfermer  au  dedans  de  ses  murs  et 
posséder  au  dehors  toutes  les  églises  et  chapelles  que  nous  avons  énumérées. 

A  l'extérieur  de  Rôssicon,  nous  voyons,  au  nord,  le  moulin  (6  ijijXo;);  à 
l'est,  la  cellule  de  Saint-Démétrius  (xâllwv  icytou  \r,jj.i~^wj),  des  cabanes  et  le 
cimetière  (to  y.otp,Tr,piov),  au  milieu  duquel  s'élèvent  la  coupole  de  la  chapelle 
funéraire  et  un  cyprès.  Au  sud,  près  de  la  mer,  l'arsenal  (ô  apcavàç);  le 
jardin  (ôx-?,tto;),  où  un  moine  bêche  les  carrés  de  légumes;  la  fontaine  d'eau 
douce  (r,  êpùci;).  C'est  dans  le  tlanc  méridional  que  s'ouvre  la  grande  entrée, 
la  porte  du  couvent  (r,  ivôpTa).  Sur  la  mer  flottent  quelques  barques  et  petits 
vaisseaux  montés  par  des  moines,  pavoises  de  la  croix  du  mont  Athos.  Enfin, 
à  l'ouest,  la  cellule  de  Tous-les-Saints(AYi.oi-nxvT£;). 

Une  fort  curieuse  procession  sort  du  couvent  au  son  d'une  clochette 
que  tire  un  caloière  dans  le  grand  campanile  du  réfectoire.  IMais  cette 
clochette  est,  pour  les  moines  aghiorites,  d'usage  moderne;  les  anciennes 
cloches  de  l' Athos  et  de  la  Grèce  entière  sont  ces  timbres  de  bois,  ces 
planches  frappées  par  un  marteau,  comme  celle  que  frappe  le  moine  qui 
précède  la  procession  de  Rôssicon.  Après  lui  s'avancent  les  deux  porte-ban- 
nières; puis  quatre  prêtres  en  chasuble  ;  puis,  deux  diacres  encensoir  en  main, 
avec  l'étole  en  sautoir  sur  l'épaule;  puis  l'abbé  en  chape,  tenant  à  la  main  la 
crosse  byzantine  à  double  serpent  ;  puis  deux  officiants  exposant  à  la  véné- 
ration l'image  peinte  du  patron  de  Rôssicon.  Ce  patron  est  saint  Pantéléemon, 


I.E  MONT   AT  nos.  165 

jeune  el  grand  martyr,  (lui  l'ut  inedocin.  Nous  le  voyons  on  tôle  de  la  sravure, 
entre  ScarlatosCallinuuiue,  t'oudatour,  et  saint  Sabbas,  premier  ahlx'  du  mo- 
nastère. Saint  Pantéléemon  tient  à  la  main  dioitc  une  spatule,  pour  ex- 
traire et  appliquer  les  médicaments  renfermés  dans  le  colVret  qu'il  soutient  de 
la  main  gauche.  Deux  moines  abritent,  avec  im  dais  ou  une  sorte  de  parasol  ', 
l'image  (]u"on  porte  en  trioinplie.  Un  moine  on  chasuble  ferme  la  procession, 
à  laquelle  assistent  encore  trois  religieux.  Les  moindres  détails  de  cette  gra- 
vure ont  mi  intérêt  véritable,  et  nous  engageons  nos  lecteurs  à  les  étudier 
avec  soin  ;  ils  serviront,  d'ailleurs,  à  préciser  tout  ce  (pie  nous  pourrons  dire 
encore  sur  les  couvents  du  mont  Athos. 

DIDIiON. 


1.  Les  anciens  dais,  antérieurs  au  xiv  siècle,  devaient  avoir  à  peu  prés  celle  forme.  A  partir 
du  XIV  siècle,  on  les  a  posés  sur  deux  ou  quatre  bâtons  et  on  les  a  fait  carrés;  mais  les  pentes, 
souples  et  mobiles  jusqu'à  cette  époque  ,  devinrent ,  à  partir  du  xvii'^  siècle ,  rigides  comme  du  bois. 
C'est  alors  qu'il  a  fallu  renverser  les  trumeaux  de  nos  églises  qui  ne  permettaient  plus  à  ce  dais, 
raide  comme  la  perruque  de  Louis  XIV,  de  passer  dans  toute  sa  majesté.  Pourra-t-on  revenir  a 
l'ancienne  forme  du  dais"?  Nous  le  désirons,  sans  l'espérer. 


22 


ESSAI 
SUR  LE  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE. 


REPONSE  AUX  PRÉCÉDENTES  NOTES  DU  DIRECTEUR'. 

J'a\ais  envoyé  à  M.  Didron  iine  note  assez  détaillée,  en  réponse  à  celle 
qu'il  avait  écrite  au  bas  de  mon  second  article  sur  le  chant  ecclésiastique. 
Cette  note  n'ayant  pu  être  insérée  dans  la  livraison  d'août,  dont  le  tirage  s'est 
effectué  beaucoup  plus  tôt  que  celui  des  livraisons  précédentes,  force  a  été 
de  la  renvoyer  au  numéro  de  septembre  et  de  la  joindre  à  la  réponse  que 
devaient  nécessairement  provoquer  les  nouvelles  et  nombreuses  notes  dont 
M.  le  directeur  a  accompagné  mon  troisième  article  du  mois  d'août. 

Painii  les  diverses  observations  que  je  me  vois  obligé  de  faire  sur  les  notes 
dont  il  s'agit,  il  en  est  de  générales,  il  en  est  de  particulières.  C'est  aussi 
l'ordre  que  je  suivrai  dans  ma  réponse. 

Je  me  permettrai  d'abord  de  faire  remarquer  l'inconvénient  delà  fréquence 
de  ces  notes,  qui  vieiment  à  chaque  instant  couper  le  texte  et  détourner  l'at- 
lention  du  lecteur,  surtout  lorsqu'elles  soulèvent  indistinctement  toutes 
sortes  de  questions,  qui,  pour  être  suffisamment  développées,  auraient 
besoin,  non  de  quelques  pages,  mais  de  plusieurs  volumes.  Cet  inconvénient 
est  plus  sensible  encore  dans  un  travail  de  longue  haleine,  comme  celui  que 
j'ai  entrepris.  Dans  ces  sortes  de  travaux ,  l'auteur  devant  s'astreindre  rigou- 
reusement à  son  programme,  ne  saurait  trop  soigneusement  éviter  les  débats 
hors  d'œuvre,  les  discussions  anticipées.  Esclave  de  l'ordre  qu'il  s'est  lui- 
même  prescrit,  il  se  trouve  jiarfois  dans  le  cas  de  toucher  à  certaines  ques- 
tions qui  s'en  écartent;  il  doit  ne  les  traiter  qu'incidemment,  en  prévenant 
le  lecteur,  comme  je  lai  fait  jusqu'ici,  (|u'elles  seront  discutées  à  fond,  en 
leur  lieu.  ]\Iais  si,  à  chaque  pas,  on  l'arrête  pour  lui  proposer  de  vider  tantôt 
une  question,  tantôt  une  autre,  on  l'expose  à  traiter  au  commencement  ce 
(jui  était  réservé  pour  la  fin,  et  réciproquement,  à  tirer  les  conséquences 

1.  Voir  les  ./««afe  Jrcliéoloijiques ,  \o\.  V,  pages  17-18,  77-79,  81-82,  83  et  85. 


ESSAI  SUR  LE  CHANT  KCCrÉSIASTIOrE.  107 

avant  d'avoir  établi  les  principes;  on  l'exposo,  en  nn  mot,  à  bouleverser 
toute  l'économie  (le  son  travail,  c'est-à-dire,  à  le  rendre  impossible.  Ainsi, 
par  exemple,  à  la  suite  du  passage  de  l'abbé  Baini,  j'avais  été  amené  natu- 
rellement à  faire  des  réflexions  sur  la  décadence  du  chant  au  xiii"  siècle,  et  sur 
les  croisades  envisagées  comme  une  des  principales  causes  de  cette  déca- 
dence, me  réservant,  bien  entendu,  d'appuyer  cette  thèse  de  preuves  et  de 
documents  incontestables,  lorsque  je  serais  arrivé  à  celle  période  du  moven 
âge,  qui,  du  reste,  a  eu  son  très-beau  côté,  môme  sous  le  rapport  du  chant 
liturgique.  Mais,  constamment  préoccupé  de  son  idée  favorite  du  parallé- 
lisme de  la  musique  et  de  l'arcliilecture  sacrées,  M.  Didron  m'arrête  au  pas- 
sage, et  me  prie  de  lui  prouver  mes  dirrs  en  due  et  bonne  forme.  Or,  je  le 
demande ,  puis  je  raisonnablement ,  au  point  où  je  me  trouve  de  mon  Essai , 
c'est-à-dire  au  vu'  siècle,  établir  une  disserlalion  en  règle  sur  la  décadence 
du  chant  au  xiif  siècle?  Puis-je,  sans  intervertir  com|)létemont  mon  pro- 
gramme, sans  jeter  une  véritable  perturbation  dans  mon  travail,  satisfaire  à 
de  telles  exigences?  M.  Didron  cite  à  cette  occasion  le  Laucla ,  Sioii,  salra- 
torem.  Eh  bien,  il  ne  dépendrait  que  de  moi  d'écrire  à  l'instant  même 
quatre  ou  cinq  bonnes  pages  d'une  analyse  que  j'ai  faite  de  ce  chcf-d'(ru\  re 
du  chant  catholique,  que  je  considère  sous  ses  divers  aspects,  quoiqu'il  ne 
soit  pas  exempt  de  crili(]ue.  Mais  je  remets  cette  analyse  en  son  tcm|)s,  afin 
d'éviter  cet  inconvénient  des  ([ueslions  anticipées  qu(!  je  relève  dans  ce 
moment. 

Autre  observation  générale.  —  M.  Diilron ,  dan>  ses  nombreuses  con)pa- 
raisons  tirées  de  l'architecture ,  discute  mes  opinions,  comme  si ,  en  fait  d'ar- 
chéologie, j'étais  encore  quelque  peu  arriéré.  Je  suis  bien  aise  qu'il  m'ait 
rais  dans  le  cas  de  faire  ma  profession  de  foi,  à  cet  endroit,  et  de  m'en  expli- 
quer succinctement.  En  archéologie,  je  partage  la  plupart  des  idées  de 
M.  Didron.  Comme  lui,  je  pense  qu'on  a  généralement  beaucoup  trop  ac- 
cordé au  paganisme  dans  son  influence  sur  l'art  chrétien,  quoiipie  je  sois 
loin  de  rejeter  cette  influence  réduite  à  ses  justes  limites,  ("omme  lui,  je  pense 
qu'on  a  fait  trop  d'honneur  aux  croisades,  en  leur  attribuant  l'origine  du 
style  ogival,  opinion,  du  rest(>,  qui  a  déjà  vieilli,  et  f|ui  n'a  jilus  (pi'un 
fort  petit  nombre  d'adhérents.  (]omme  lui,  je  proteste  depuis  longtemps,  do 
vive  voix  et  par  écrit,  contre  ces  pri'jugés  académifpics  (|ui  ne  voient,  en 
fait  de  plastique,  de  beau  suprême  que  chez  lestlrecs,  et  réservc^nt  un  su- 
perbe dédain  pour  nos  magni(i(pics  types  d'architecture  et  de  sculpture  chré- 
tiennes, que  nos  «  illustres  »  ne  prirent  jamais  la  peine  d'étiulier.  Comme  lui, 
je  me  récrie  depuis  longtemps  contre  ces  imitations  maladroites  et  impar- 


168  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

faites,  d'ailleurs,  de  monuments  antiques  qui  furent  érigés  pour  un  autre 
culte  et  pour  un  autre  climat  que  les  nôtres.  Sur  ces  diverses  matières  et  sur 
la  musique  sacrée,  j'entends  tous  les  jours  proclamer  comme  neuves  et  très- 
avancees,  des  opinions  que  j'ai  émises,  par  la  voie  de  la  presse,  il  y  a 
(luelque  dixaine  d'années,  dans  des  articles  qui  portent  leur  date.  Relative- 
ment à  ces  divers  points  et  à  beaucoup  d'autres,  je  partage  les  doctrines  du 
savant  directeur  des  «  Annales  »,  et  je  m'honore  d'appartenir  à  son  école, 
pleine  d'avenir.  Mais  il  est  des  questionssur  lesquelles  je  ne  suis  pas  entière- 
ment de  son  avis;  et  même,  à  l'égard  de  quelques-unes,  je  suis  en  complète 
dissidence  avec  lui.  Ceci  me  conduit  aux  observations  particulières  que  j'ai 
à  faire  sur  la  plupart  des  notes  dont  il  a  accompagné  mes  deux  derniers 
articles.  L'avant-deruier  n'eu  contient  qu'une  seule,  c'est  par  celle-là  que 
nous  commencerons. 

Autant  pour  éviter  des  développements  sans  fin  que  pour  rester  dans  la 
spécialité  de  mon  sujet,  j'omets  la  première  partie  de  cette  note,  qui  a  trait 
à  la  question  si  difficile  et  si  compliquée  des  origines  de  la  peinture  et  de 
l'architecture  chrétiennes,  bien  que  j'en  aie  fait  une  élude  sérieuse  dans  les 
ouvrages  et  les  monuments  qui  s'y  rattachent.  J'aborde  immédiatement  la 
question  du  chant  religieux ,  en  reproduisant  le  texte  de  M.  Didron  ;  «  Dès 
le  principe,  dit-il,  la  musique  chrétienne  a  dû  être  originale.  C'est  par  pure 
hypothèse  qu'on  dit  que  le  chant  ecclésiastique  sort  du  système  musical  des 
Grecs;  car,  de  l'aveu  des  plus  sa\  ants,  des  plus  graves  historiens  de  la  mu- 
sique, et  M.  l'abbé  Jouve  vient  de  nous  le  dire,  on  ne  sait  pas  encore,  on  ne 
saura  peut-être  jamais  ([uel  a  été  le  système  musical  des  anciens.  Il  est  donc 
impossible  de  comparer  avec  l'inconnu  notre  chant  chrétien,  et  de  dire  qu'il 
descend,  même  en  ligne  collatérale,  de  cet  inconnu.  Quant  à  moi,  mais  par 
comparaison  avec  les  autres  arts,  je  crois  fermement  que  le  système  musical 
chrétien  est  aussi  original,  aussi  propre  au  christianisme  que  lui  sont  propres 
son  architecture,  sa  sculpture,  sa  peinture  sur  verre,  ses  mosaïques,  etc.  » 

Dans  ces  assertions  diverses  de  M.  Didron,  il  y  a  des  points  incontesta- 
bles, à  mon  avis,  et  que  je  m'abstiens,  par  conséquent,  de  faire  ressortir, 
])uisqu'ils  ne  sauraient  fournir  la  moindre  matière  à  discussion  entre  nous 
deux.  Mais  il  en  est  de  douteux;  il  en  est  même  d'inadmisibles,  puisqu'ils  ne 
reposent  sur  rien.  De  ceux-là  seuls  je  dois  m'occuper. 

Que  le  christianisme  puisse  trouver  dans  ses  propres  inspirations  les  élé- 
ments de  son  art,  c'est  une  vérité  incontestable  à  laquelle  j'ai  rendu  hom- 
mage maintes  fois ,  et  notamment  en  affirmant  naguère  que  plusieurs  des 
auteurs  de  nos  antiques  mélodies  créèrent,  sans  aucun  secours  étranger,  des 


ESSAF  SIU   l.E  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE.  169 

chaulé  dignes  de  la  majesU'  du  lullr  divin.  Mais  j'assignai  en  iiicMue  lenips, 
et  pour  cause,  au  cliant  religieux,  deux  autres  oriiiines  que  celle  de  l'inspira- 
tion personnelle,  Tune  Jiébraupie,  et  l'autre  ijrecque.  Je  ne  parlerai  que  de 
cette  dernière,  |)uis(iue  celle-là  seule  est  en  litii;e.  (x)innien(.'ons  d'aljord  ])ar 
établir  la  question  sur  son  vérilable  terrain  ,  |)ar  la  distinction  nécessaire  que 
voici.  Autre  chose  est  d'attribuer  à  la  mélopée  grecque  une  inlluence  exclu- 
sive, absolue  sur  léchant  grégorien;  aulre  chose  est  de  lui  attribuer  une 
inlluence  indirecte,  relative,  plus  ou  moins  sensible.  Pour  démontrer  la  pre- 
mière, il  faudrait  avoir  sur  la  constitution  de  la  musi(|ue  grecque  des  don- 
nées sûres,  précises,  conq)lèles ,  qui  nous  mancpieul  ;  mais  nous  en  avons 
assez,  tout  imparfaites  qu'elles  sont,  pour  prouver  la  dcrnièie  de  ces 
iniluences,  et  pour  afiirmer  que  la  mélopée  grectpie  a  eu  une  part  réelle, 
quelle  qu'en  soit  la  mesure,  à  la  l'Drmalinn  du  plain-iliant  calliolique.  Ici 
nous  ne  procédons  pas  de  l'inconnu,  mais  de  rim|)arfailement  connu  ,  ce 
qui  n'est  pas  la  même  chose;  nous  iirocedons  de  l'imparfaitemenl  connu  au 
plus  imparfaitement  connu,  puis(]ue,  sans  la  masse  des  témoignages  qui  éta- 
blissent l'inlluence  relative  de  la  mélopée  grecque  sur  la  constitution  du 
plain-chant,  l'origine  de  ce  plain-chant  serait  encore  plus  obscure  qu'elle  ne 
l'est  aujourd'hui.  Kn  effet,  d'une  part,  une  longue  série  d'écrivains,  depuis 
les  premiers  pères  jusqu'aux  auteurs  de  ce  dernier  siècle  (série  dont  la  seule 
nomenclature  excéderait  de  beaucoup  les  lin)ites  de  cette  réponse),  nous 
attestent  positivement  la  [)art  plus  ou  moins  giande,  mais  réelle,  qui  revient 
à  la  mélopée  grcccjue  dans  la  constitution  du  chant  ecclésiastique  par  saint 
Grégoire  et  saint  Ambroisc;  d'un  autre  côté,  les  huit  tons  ecclésiastiques  qui 
nous  sont  restés  intacts,  de  ces  temps  reculés,  ont  avec  la  mélopée  grecque, 
telle  que  nous  la  connaissons  j)ar  les  documents  écrits  et  notés  des  écrivains 
de  cette  nation,  qui  sont  |)arvenus  jusqu'à  nous,  des  rapports  si  frappants, 
que  l'incrédulité  la  plus  décidée  ne  saurait  la  nier.  Cela  établi,  je  conclus  de 
cette  masse  imposante  de  témoignages  et  d'autorités,  non  que  la  musique 
des  Grecs  nous  est  parfaitement  connue,  mais  que  nous  en  savons  assez  pour 
lui  reconnaître  une  inlluence  quelconque  sur  lii  lomialion  des  tons  ecclésias- 
tiques, surtout  lorsque  cette  influence  est  attestée  par  I  autorité  inq)Osanle  de 
la  tradition.  Maintenant  que  j'ai  indiiiué  mes  preuves,  je  m'adresserai  à 
mon  tour  à  M.  Didron ,  et  lui  dirai  :  Indiiiucz  aussi  les  autorités  (|ui  justi- 
fient votre  assertion;  car  ici  il  s'agit  d'un  l'ait.  Celui  que  vous  voulez  établir 
a  encore  plus  besoin  de  preuves,  |)uisqu'il  est  absolu,  puisque  vous  niez 
loifle  inlluence  étrangère  sur  la  constitution  du  plain-chant,  tandis  cpie  j'en 
admets  une,  mais  seulement  relative.  Prouvez-nous  donc,  par  un  certain 


170  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

nombre  de  tlncinnents  authentiques,  et  qui  remontent  surtout  aux  premiers 
siècles,  (jue  le  chant  ecclésiastique  s'est  formé  tout  seul  ;  qu'il  n'a  eu,  dans  le 
principe,  aucune  espèce  de  rapports  avec  les  systèmes  musicaux  en  vigueur. 
Prouvez  ensuite,  car  il  faut  que  vous  alliez  jusque  là  ,  prouvez  ensuite  que 
les  nombreuses  et  graves  autorités,  que  je  viens  de  citer  à  l'appui  de 
mon  opinion,  sont  apocryphes  ou  de  nulle  valeur.  Quand  vous  serez  venu  à 
bout  d'un  si  rude  labeur,  je  me  rangerai  sans  peine  à  votre  sentiment.  Vous 
dites  que  la  religion,  qui  a  créé  l'orgue  et  le  faux  bourdon,  était  assez  riche 
pour  faire  sortir  tout,  même  à  son  aurore,  de  ses  propres  entrailles.  J'ad- 
mets le  principe,  bien  que  vous  l'énonciez  d'une  manière  qui  prêterait  à  plus 
d'une  explication;  j'admets  le  principe,  mais  le  fait,  encore  une  fois,  où  en 
sont  les  preuves?  Je  voudrais  bien  connaître  cet  homme  ou  ces  hommes  pri- 
vilégiés qui  créèrent  tout  d'un  coup  un  système  complet  de  chant  ecclésias- 
tique. Comment  se  fait-il  qu'aucun  des  écrivains  contemporains  des  i)ères  de 
l'Église  n'en  ait  dit  un  mot?  Comment  se  fait-il  que  l'histoire,  qui  nous  a 
transmis  sur  celle  matière  les  détails  les  plus  minutieux,  et  jus([u'aux  noms 
et  propriétés  diverses  des  modes  grecs,  ne  nous  ait  pas  transmis  le  moindre 
document  sur  cette  constitution,  improvisée  «  à  priori  »,  de  tout  un  système 
de  chant  liturgique?  C'est  qu'un  tel  phénomène  n'a  jamais  pu  avoir  lieu. 
Nous  savons,  en  effet,  que  jamais,  chez  aucun  peuple,  un  art  quelconque 
n'a  été  improvisé.  Sans  doute  l'homme  a  reçu,  dans  l'origine  des  choses, 
une  civilisation  toute  formée,  des  mains  de  son  Créateur.  Mais  ses  descen- 
dants ont  conservé  plus  ou  moins  Bdèlement  ce  précieux  dépôt.  Des  pério- 
des de  siècles  se  sont  écoulés  depuis  ces  temps  primitifs  jusqu'aux  temps 
historiques.  Que  voyons-nous  alors?  Les  nations  les  plus  renommées  dans  les 
arts  débutent  par  une  impulsion  étrangère  qui  leur  sert  comme  de  point  de 
départ,  et  n'arrivent  à  la  perfection  qu'après  des  essais  et  des  tâtonnements 
divers.  Sans  doute,  un  tel  sujet  comporterait  un  volume  d'explications  et  de 
distinctions.  Dans  cette  circonstance  ,  il  nous  suftit  de  le  considérer  sous  son 
point  de  vue  le  plus  simple;  l'humanité  est  trop  imparfaite  pour  avoir  jamais 
•  pu  s'élever  instantanément  à  la  perfection.  Direz-vous  qu'il  en  était  autre- 
ment pour  les  premiers  chrétiens,  à  cause  de  leur  supériorité  morale  sur  les 
autres  peuples?  Cette  supériorité  morale,  je  la  comprends  très-bien,  si  l'on 
veut  parler  du  cachet  inimitable  de  beauté  mystique,  surnaturelle,  qu'ils 
imprimèrent  à  leurs  nombreux  chefs-d'œuvre  ;  mais  je  ne  saurais  l'admettre 
qu'avec  de  justes  restrictions,  lors([u'il  s'agit  de  créer  soudainement  un  vaste 
et  régulier  ensemble  d'e>sthétique  chrétienne.  Voilà  pourquoi  je  reconnais, 
d'après  les  monuments  primitifs  (|ui  existent  encore  à  Home,  et  d'après  les 


ESSAI  SUR   LE  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE.  171 

grandes  publications  d'Aringhi,  de  Hosio,  de  Raoul  Rochelle,  etc.,  auxquels 
ils  oui  donné  lieu,  que  les  premiers  artistes  païens  empruntèrent  au  paj^a- 
nisme  plusieurs  de  ses  types,  pour  les  transformer  ensuite,  et  en  queUjue  sorte 
les  diviniser.  Je  dis  seulement  plusieurs  types,  parce  (pi'ils  en  créèrent  eux- 
mêmes  successivement  beaucoup  (Taiilrcs,  dont  loii(  llionneur  doit  par 
conséquent  leur  revenir. 

Dans  la  liviaison  d  août,  note  de  la  paije  77,  .M.  Didron  revient  à  son  idée 
favorite  du  parallélisme  de  l'architeclure  et  du  chant  catholique  dans  leur 
marche  respective.  Ceci  est  sans  doule  ingénieux,  mais  a  besoin  de  bonnes 
preuves.  On  ne  saurait  trop  se  tenir  en  garde  contre  ces  systèmes  conçus  à 
priori,  qui  séduisent  par  leur  harmonie,  mais  (pie  viennent  souvent  déran- 
ger les  faits  et  les  lénu)ignages  liislori(pies.  31.  Didron,  (pii  se  montre  si  dif- 
ficile à  l'endroit  des  preuv(;s,  oublie  (ju  il  lui  arrive  i)arfois  d'affirmer  avec 
assurance,  sans  |)roduire  la  moindre  autorité,  même  lorsqu'il  s'agit  de  cer- 
taines questions  capitales,  débattues  entre  des  hommes  spéciaux  (pii  ont 
consacré  toute  une  vie  à  l'étude  et  à  la  solution  de  ces  grands  prol)lèmes. 
Celle  réflexion  nous  est  suggérée  par  la  note  (pii  \a  nous  occuper,  et  qui  a 
pour  objet  le  parallélisme  musical  et  architectural  dont  nous  parlions  tout  à 
l'heure. 

Je  n'hésite  pas  à  aftirmcr  que  ce  |)arallélisme  est  une  chimère.  D'abord  je 
ferai  remarquer,  à  litre  d'observation  préjudicielle,  que  mon  «  Essai  sur  le 
chant  »  n'embrassant  pas  seulement  la  France,  mais  encore  les  autres  nations 
chrétiennes  en  général,  M.  Didron  devrait,  pour  jirouver  sa  thèse,  faire 
marcher  de  front  les  autres  églises,  ou  tout  au  moins  celles  d'Italie  et  de 
France,  et  prouver  que,  dans  ces  deux  contrées,  on  a  pu,  pendant  une 
certaine  série  de  siècles,  remarquer  la  particularité  sur  huinrllo  il  insiste 
avec  tant  de  complaisance.  Mais  il  sait  très-bien  que  les  transformations 
architecturales  s'étanl  effectuées  en  Italie  à  d'autres  époques  et  sous  d'autres 
conditions  qu'en  France,  on  ne  peut  établir  entre  les  deux  pa\s  un  parallé- 
lisme de  ce  genre.  Mais  au  moins  pourrait-on  le  démontrer  pour  la  France 
seulement'.^  Je  réponds  que  non.  Ici,  ce  qui  m'embarrasse,  c'est  l'abondance 
des  preuves  et  des  documents.  (Juand  on  ne  voudrait  (pie  les  énumérer,  ce 
serait  inqiossible,  eu  égard  aux  limites  qui  me  sont  nécessairement  imposées 
parla  nature  de  cet  écrit.  D'ailleurs,  j'aurais  besoin  de  je  ne  sais  combien 
de  planches  de  musique  pour  traiter  celle  question  convenablement,  et,  au 
lieu  d'une  note,  je  composerais  un  traité.  Force  m'est  donc  d'ajourn(!r  la  dis- 
cussion de  ces  documents  aux  divers(is  époques  auxquelles  ils  se  rattachenl. 
Pour  le  moment,   il  me  suffira  d'insister  sur  le  fait  capital  que  j'ai    déjà 


172  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

signalé,  à  savoir,  que,  plus  on  remonte  aux  vénérables  sources  de  l'anti- 
quité, plus  on  y  découvre  des  chants  purs  et  mélodieux.  Si  j'avais  l'avantage 
d'habiter  la  même  ville  que  M.  Didron,  je  lui  ferais  toucher  cette  vérité  au 
doigt  par  l'exhibition  comparative  et  une  discussion  sérieuse  de  bon  nombre 
de  pièces  authentiques  de  plain-chant.  Par  le  même  moyen ,  je  lui  démontre- 
rais la  valeur  de  mon  assertion  sur  la  surabondance  de  notes  parasites  qui 
dislingue  certaines  parties  du  chant,  tels  que  les  traits  et  les  graduels,  à  par- 
tir des  xui'  et  xiv"  siècles.  M.  Didron  serait-il  en  mesure  de  combattre  mon 
assertion  par  l'exhibition  d'un  certain  nombre  d'antiphoniers  qu'il  aurait  à  sa 
disposition?  Â-t-il,  comme  le  savant  abbé  Baini  et  les  autres  sommités  dans 
la  science  du  chant  ecclésiastique,  consacré  sa  vie  à  dépouiller,  à  confronter 
des  milliers  de  manuscrits?  C'est  un  avantage  immense  que  celui-là  dans  les 
questions  qui  nous  occupent,  questions  positives  avant  tout,  quel  qu'en  puisse 
être  la  portée  esthétique.  Ainsi,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  je  m'en  rap- 
porte à  la  réflexion  de  Baini  touchant  la  déchéance  du  chant  religieux  au 
milieu  du  xuf  siècle ,  et  j'en  tire  un  argument  décisif  contre  le  parallélisme 
du  plain-chant  et  de  l'architecture ,  argument  qui  a  d'autant  plus  de  poids 
que  la  déchéance  dont  nous  parlons  a  été  complète,  longtemps  avant  que  le 
style  ogival  fût  arrivé  à  son  troisième  et  dernier  degré  de  décadence,  dans  la 
première  moitié  du  xvi"  siècle.  Mais,  quand  même  il  serait  démontré  que  la 
déchéance  du  chant  religieux  a  été  exactement  parallèle  à  celle  du  style  ogi- 
val, on  n'aurait  encore  prouvé  que  la  moitié  du  système  que  nous  combat- 
tons. Pour  prouver  en  effet  la  justesse  de  ce  parallèle ,  il  faudrait  encore  éta- 
blir par  de  bonnes  preuves  que  le  chant,  en  France,  s'est  perfectionné  du 
X'  au  xiif  siècle,  dans  les  mêmes  proportions  que  l'architecture,  et  qu'ils 
sont  arrivés  en  même  temps,  l'un  et  l'autre,  à  leur  point  culminant,  pour 
décroître  de  même  et  venir  expirer  ensemble  dans  les  bras  de  la  renaissance. 
Or,  je  défie  tous  les  savants  du  monde  d'édifier  un  tel  système.  Il  faudrait, 
pour  en  venir  à  bout,  l'étayer,  non  sur  quelques  fragments  d'antiennes  ou  de 
séquences,  mais  sur  l'examen  comparatif  des  divers  corps  de  chant  litur- 
gique qui  se  sont  succédé  pendant  une  aussi  longue  période.  En  attendant 
que  cette  opération  colossale  ail  été  exécutée ,  il  faut  bien  s'en  tenir  aux 
résultats  proclamés  par  la  science,  et  qui  sont  le  fruit  de  plusieurs  siècles  de 
labeurs  et  de  persévérance.  A  l'égard  des  séquences  et  proses  citées  par 
M.  Didron,  elles  seront  l'objet  d'un  examen  sérieux  de  notre  part,  quand 
nous  serons  arrivé  à  l'époque  à  laquelle  elles  appartiennent.  Nous  ferons 
observer  pour  le  moment  qu'il  n'est  pas  certain  que  le  chant  en  ait  été  com- 
posé par  les  auteurs  des  paroles.  C'est  un  point  encore  fort  controversé. 


ESSAI   SIR  LE   CHANT   ECCLÉSI ASTIOIE.  173 

Ouaiit  au  chant  du  Ijitiila  Siou,  et  de  l'offire  du  Saint-Sacrement,  plusieurs 
esliniciit  (juil  n'a|>|iaitit'nt  pas  à  saint  Tlionias,  cl  cpi'il  a  été  pris  dans  un 
onico  anicriciir  à  celui  que  le  docteur  ani^ciicpie  a  composé.  Ainsi,  celte 
incertitude  de  dates  dimiiuio  déjà  l)eaucou|)  la  valeur  de  ces  pièces,  consi- 
dérées con)nie  exemples  à  l'appui  de  ropinion  que  nous  cond)allons.  Mais, 
quand  même  il  n'existerait  pas  le  moindre  doute  sur  la  véritable  date  du 
chant  de  ces  pièces,  la  question  naurail  pas  fait  beaucoup  de  clicniin  pour 
cela.  11  faudrait  encore  démontrer,  comme  nous  le  disions  tout  à  l'heure, 
([u'au  xiii*"  siècle  le  corps  du  plain-chant  proprement  dit  était  évidemment 
supérieur,  par  sa  pureté,  son  onction,  sa  mélodie,  à  tout  ce  qui  avait  existé 
jusque-là  dans  ce  c;enre.  Or,  M.  Didron  n'y  parviendra  jamais,  je  puis  lui  en 
donner  l'assurance. 

Maintenant  un  mot  sur  les  croisades.  .lustpi'à  preuve  du  contraire,  je  per- 
siste dans  mon  opinion,  qui  est  celle  de  M.  Félis,  à  savoir  que  ces  expédi- 
tions chevaleresques  ont  exercé  une  véritable  et  fâcheuse  influence  sur  notre 
plain-chant.  En  effet,  il  est  démontré  que  les  altérations  nombreuses  dont 
nousa\oiis  déjà  parlé  ont  eu  lieu  précisément  à  la  suite  des  grandes  croi- 
sades, comme  il  conste  par  l'inspection  des  nianus(  rits  qui  correspondent  à 
cette  éjKjque;  il  en  résulte  le  fait,  au  moins  inlinimenl  probable,  de  l'influence 
dont  il  s'agit  maintenant  (j'indiquerai  plus  basjles  documents  particuliers  sur 
lestpicls  M.  Fétis  base  son  opinion).  Faisons  reniarcpier  que  ces  altérations, 
que  chacun  peut  facilement  vérifier,  sont,  à  raison  do  leur  coïncidence  avec 
le  bel  âge  de  rarchitecture  ogivale,  une  preu\e  ilc  pins  à  oppos(!rau  paiallt'- 
lisme  (pi'on  voudrait  (Hablir  entre  la  mélodies  et  les  monumcnls  sacrés  de 
cette  époipie. 

M.  Didron  nous  parle  des  emprunts  que  la  liturgie  orientale  a  faits  plus 
d'une  fois  à  l'Occident.  Nous  les  admettons  très-volontiers,  et,  de  plus,  nous 
trouvons  cela  tout  simple, et  tout  naturel.  Je  ne  puis  m'empècher  de  faire 
remarquer  ici  au  savant  auteur  du  «  Manuel  d'Iconographie  chrétienne  »  que, 
dans  ce  remarquable  ouvrage,  il  a  été  moins  sévère  envers  l'Orient  qu'il  ne 
l'est  dans  les  «  Annales  Archéologiques  »,  relevant,  maintes  fois,  les  analo- 
gies frappantes  qui  existent  entre  certains  types  importants  <le  nos  cathé- 
drales ogivales  et  les  types  oricuiaux  qui  avaient  servi  de  modèles  aux 
premiers. 

Ed  suivant  tùujiiuis  r<irdre  dc>  cilati(ui>  i\r  M.  hidrnii,  nous  arinons  aux 
deux  passages  qu  il  a  cxliaits  des  «  ln>titution-  liturgiques  »  de  doni  Gué- 
ranger.  Je  connais  et  possède  cet  ouvrage,  d Un  mérite  à  part,  que  nous 
devons  à  la  plume  du  |iieux  et  érudit  bénédictin.  I.c  chant  ecclésiasti(pie  y 
V.  23 


174  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

joue  un  rôle,  ce  nie  semble,  assez  secondaire.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  sau- 
rais adopter  les  rapprochements,  plus  poétiques  que  justes,  qu'il  contient 
entre  les  chants  des  x'  et  xi"  siècles  et  les  voùles  sombres  et  mystérieuses  des 
églises  romanes ,  par  la  raison  que  les  antiques  mélodies  étant ,  à  mon 
avis,  les  plus  pures,  les  plus  gracieuses,  celles  des  x°  et  xi'  siècles  devaient 
s'iiarmonier  moins  bien  que  d'autres  avec  le  caractère  sombre  et  sévère 
du  style  roman.  Dans  la  deuxième  citation  des  «  Institutions  liturgiques», 
je  remarque  le  passage  suivant  qui  fournit  matière  à  observation  :  «  Vient 
ensuite  le  xiii°  siècle  et  ses  lignes  pures ,  élancées  avec  tant  de  précision 
et  d'harmonie;  sous  des  voùles  aux  ogives  si  correctes,  il  fallait  surtout 
des  chants  mesurés,  un  rhythme  suave  el  fort.  Les  essais  simplement  mélo- 
dieux, mais  incomplets,  des  siècles  passés,  ne  suffisent  plus.  Le  Laiula 
Sion,  le  Dics  ircp ,  sont  créés.  Cependant  cette  période  est  de  courte  durée. 
Une  si  exquise  pureté  dans  les  formes  architectoniques  ,  la  recherche  la 
llélrit;  l'ornementation  encombre,  embarrasse,  et  bientôt  brise  ces  lignes 
si  harmonieuses.  Alors  commence  aussi  pour  le  chant  ecclésiastique  la 
période  de  dégradation.  » 

Voilà  certainement  un  parallèle  ingénieux  et  éléganjment  écrit.  Il  y  a  du 
vrai  ;  mais  esl-il  juste  sous  tous  les  rapports?  Il  nous  est  permis  d'en  douter. 
Quoi  qu'il  en  soit,  comme  le  Lauda  Sion  et  le  Dios  irœ  ne  représentent,  après 
tout,  malgré  leur  beauté  intrinsèque,  qu'une  faible  partie  du  chant  litur- 
gique de  celte  époque,  je  demanderai  qu'on  veuille  bien  nous  démontrer  par 
des  documents  nombreux,  extraits  des  livres  de  chœur  de  ce  temps-là,  leur  ' 
parfaite  coïncidence,  comme  beauté  de  chant,  avec  la  perfection  de  l'archi- 
tecture conteniporaine.  En  attendant,  nous  nous  permettrons,  au  sujet  de 
celle  dernière  citation,  les  observations  suivantes.  —  La  comparaison  du  Lauda 
Sion  el  du  Dies  irœ  avec  les  lignes  «  pures  »,  élancées  avec  tant  de  «  préci- 
sion et  d'harmonie  »,  n'est  pas  très-heureuse,  puisque  les  deux  chants  dont 
il  s'agit  se  distinguent  par  l'absence  de  celte  «  précision  »,  de  cette  u  correc- 
tion »  de  l'architecture  ogivale.  Nous  le  prouverons,  lorsque  l'ordre  de  notre 
tiavail  nous  aura  emmené  vers  celte  période  du  moyen  âge.  Pour  le  moment, 
qu'on  consulte  les  hommes  du  métier,  et  ils  vous  répondront  que  ces  deux 
proses,  bien  loin  d'offrir  celte  précision,  cette  correction  que  leur  attribue 
l'auteur  des  «  Institutions  liturgiques  »,  sont  au  contraire  pleines  de  licences, 
et  qu'elles  se  dislmguent  de  leurs  devancières  par  leurs  allures  hardies  el 
même  désordonnées.  Dans  le  Lauda  Sion  principalement,  les  modes  sont 
bouleversés,  l'inlervalle  classique  de  l'octave  est  audacieusement franchi, 
les  Irilonb  ou  fausses  relations  de  la  quarte  à  la  septième,  jusque-là  proscrits 


ESSAI  SUR  LE  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE.  175 

sévèrement,  y  abondent.  Sans  doute,  c'est  de  ces  défauts  mômes  que  les 
deux  proses  dont  il  est  question  tirent  leur  originalité,  puisqu'ils  leur  impri- 
ment un  cachet  propre  et  un  genre  do  beauté  tout  nouveau.  iMais  il  y  a  loin 
de  là,  je  le  répète,  à  la  précision,  à  la  régularité.  N'oublions  pas  d'ailleurs 
que  ces  deux  proses,  adinirabh^s  cliefs-d'ann  re  de  riiispii'atioii  chrclieniK! 
dans  le  chant  religieux,  (|ui  sui'liraient  pour  illustrer  le  siècle  (pii  les  vil 
naître,  font  exception  au  caractère  général  du  cliant  liturgique  dont  elles 
sont  contemporaines.  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  toutes  ces  considéra- 
tions que  nous  pouvons  à  peine  indiquer  ici.  —  Passons  maintenant  à  la  note 
de  la  page  S 1 . 

M.  Didruii  ne  partage  point  mon  opinion  sur  l'exécution  vicieuse  du  plain- 
chant  en  France.  Ceci  peut  être,  conunc  il  le  dit  lui-même,  une  affaire  do 
tempérament,  (juoi  (pi'il  en  soit,  jamais  on  ne  me  ])('rsua(li'ra  (pie  les  louan- 
ges de  Dieu  puissent  être  chantées  convenablement  par  des  voix  sépulcrales, 
caverneuses,  comme  celles  que  l'on  entiMid  tous  les  jours  en  France,  où,  soit 
dit,  par  parenthèse,  le  chant  populaire  a  toujours  été  généralement  plus 
arriéré  que  chez  aucune  autre  nation  de  l'Europe.  Toutefois,  nous  n'aurions 
pas  rehîvé  cette  note  sans  la  digression,  que  nous  croyons  intempestive, 
qu'elle  renferme  sur  l'exécution  actuelle  des  messes  et  motets  en  musique 
dans  les  églises  d'Italie.  Eh!  mon  Dieu,  cette  pauvre  nuisi(iue  n'a  absolu- 
ment rien  à  voir  ici.  Nous  n'aurons  (pie  trop  d'occasions,  plus  tard,  d'en 
faire  justice.  Pour  le  moment,  il  n'est  et  ne  [)eul  êtie  question  que  de  plain- 
chant.  Comparez  la  manière  dont  on  l'exécute  en  France  à  celle  dont  on  le 
rend  en  Italie;  préférez  la  première  manière  à  l'autre,  tant  que  vous  vou- 
drez, c'est  une  affaire  do  goût;  mais,  de  grâce,  laissez  là  la  musi(iue 
avec  tousses  abus,  ipii  ne  r-oiil  (pie  trop  réels  aujouiiriiui ,  dans  cette  mal- 
heureuse péninsule,  v(Hi\edeson  passé  glorieux.  No  sautons  pas  si  brusque- 
ment d  un  genre  à  un  autre;  autrement,  il  serait  impossible  de  nous  en- 
tendre. Si,  à  pi'opos  du  plaiiiMli;inl  du  \ii'  on  du  xiii''  siècle,  nous  nous 
mettons  à  discuter  la  mauvaise  musiipn'  acluello  do  Franco  ou  d'Italie,  il 
faut  dès  lors  renoncer  à  toute  espèce  d'ordre,  d'esprit  de  suite,  dans  ce 
travail;  il  faudra  (pie  je  déchire  mon  programme.  0"f  <''''i>'-jp  •'"  '"  Marscil- 
loisp  l't  du  C.linnl  tlii  DrjKirl  (jui  se  trouvent  mêlés  à  tout  cela  ! 

M.  Diilfiiii  nous  rappollo  (pi  il  \  a\ait  i\i'  la  liardiosse,  il  y  a  (pioiques  an- 
nées, d(!  déclarer  que  la  calliodialo  do  Keims  valait  iiiioux  (pu-  Sainl-Piorro 
de  Rome.  Il  y  a  plus  de  ciiu]  ans  que  je  déclare,  à  ipii  \eiil  l'eiilendro,  et  (]ue 
j'écris  que  Saint-Piern;  de  Rome,  sauf  son  admirable  coupole,  n'est  qu'un 
immen.se  et  magniliipie  bric-à-brac,  et  je  le  prouve  par  des  développements 


176  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

qui  ne  sauraient  trouver  place  ici.  Moi  aussi,  je  préfère  le  portail  de  Stras- 
bourg à  tout  Saint-Pierre  de  Rome,  et  j'ai  toujours  pensé  ainsi.  J'aime, 
comme  M.  Didron,  les  opinions  nettes  et  franchement  exprimées,  mais 
quand  elles  ont  une  bonne  preuve  au  bout;  autrement,  je  crois  qu'il  est 
plus  sage  et  plus  raisonnable  de  douter.  Plus  on  sait  et  plus  on  doute ,  c'est- 
à-dire  que  plus  on  sait  sur  certaines  matières,  et  plus  on  doute  sur  une  foule 
d'autres.  Tous  les  hommes  sensés  partageront  mon  avis.  Nous  allons  termi- 
ner ce  que  nous  avions  à  relever  dans  cette  note  par  quelques  mots  sur  le 
Stabut.  J'entends  souvent  faire  l'éloge  de  ce  chant;  mais  de  quel  Stabat  veut- 
on  parler?  Pour  mon  compte,  j'en  connais,  dans  les  deux  rits,  romain  et 
parisien,  (rois  ou  quatre  qui  diffèrent  entre  eux,  et  qui  n'ont  de  plain-chant 
que  l'habit,  je  veux  dire  la  notation.  On  y  trouve  en  effet  tous  les  éléments 
de  la  musique  moderne,  connue  il  arrive  pour  un  grand  nombre  d'autres 
pièces  notées  en  plain-chant,  qu'on  donne  tous  les  jours  comme  modèles  de 
ce  dernier  genre.  11  ne  faut  rien  moins  que  l'anarchie  intellectuelle,  disons 
même  l'ignorance,  qui  règne  aujourd'hui  sur  ces  matières,  pour  entendre 
maintes  fois  citer,  en  faveur  du  plain-chant  contre  la  musique,  des  compo- 
sitions faites  précisément  selon  les  règles  du  système  musical  moderne.  Je 
pourrais  citer  cent  exemples  de  ces  singulières  méprises  auxquelles  donne 
lieu  la  notation  en  plain-chant  de  ces  morceaux.  Je  désirerais  donc  savoir,  je 
le  répèle,  quel  est  parmi  les  Stabat  notés  en  plain-chant  le  Stabat  type  dont 
on  veut  parler?  Quant  au  Stabat  de  Rossini,  dont  j'apprécie  les  beautés  et 
les  défauts,  c'est  de  la  musique  pure  qui  ne  saurait  trouver  ici  sa  place.  Je 
n'en  dirai  rien  pour  le  moment,  afin  d'éviter  l'inconvénient  dont  je  me  plains 
moi-même,  de  la  confusion  des  genres.  Je  me  bornerai  à  rappeler  qu'il  existe 
une  belle  école  de  musique  chrétienne,  fille  légitime  et  glorieuse  du  chant 
grégorien,  qui  commence  au  xiv'  siècle  et  finit  au  xvi%  école  connue  d'une 
centaine  de  personnes,  à  peu  près,  en  France.  Or  cette  école,  qui,  pour  en 
être  réduite  à  l'état  de  mythe  parmi  nous,  comme  l'étaient  naguère  nos  ma- 
gnifiques églises  ogivales,  n'en  est  pas  moins  digne  de  nos  études  et  de  notre 
admiration,  cette  école  a  produit  des  compositions  sublimes  d'harmonie  et 
d'expression  religieuse,  [)armi  lesquelles  se  trouvent  plusieurs  Stabat  des 
grands  maîtres  de  celte  importante  période  du  chant  chrétien.  Je  ne  citerai 
que  celui  à  deux  chœurs  de  Palestrina ,  bien  supérieur  au  Stabat  dramatique 
et  beaucoup  trop  vanté  de  Pergolèse,  et  même  à  celui  de  Rossini.  Voilà  un 
Stabat  qu'on  peut  citer  avec  précision,  et  sans  craindre  la  moindre  équi- 
voque. Je  le  soumets  à  l'appréciation  des  personnes,  njalheureusement  trop 
peu  nombreuses  dans  notre  pays ,  que  l'étude  sérieuse  et  l'audition  de  ces 


ESSAI  SUR  LE  CHANT  ECCLESIASTIQUE.  177 

belles  pages  de  noire  chant  ccciésiasliciue  ont  remlues  aptes  à  fonnuler  un 
jugement  éclairé  sur  ces  niagniiiqucs  productions,  l'éternel  et  exclusil'  lion- 
neur  du  catliolicisnie  qui,  seul,  lésa  inspirées. 

Dans  sa  note  do  la  page  S3,  !\l.  le  directeur  demande  s'il  est  bien  prouvé 
(lue  le  rlianl  t\v  la  prclacc  apparlicnne  à  la  nicl(i|)ée  grecepic.'  Je  ré[)()nds  (jue 
non,  et  je  prolite  volontiers  de  l'occasion  qui  se  présente  pour  déclarer  que, 
par  le  mot  sppciincn ,  cpii  n'est  pas  bien  placé  ici,  et  qui  m'est  échappé,  j'ai 
voulu  ontiMidrc  un  chant  dans  le  genre  de  la  mélopée  grecque,  ce  qu'indi- 
quent, du  reste,  les  mots  qui  suivent  :  «  Quel  qu'en  soit  l'auteur  ».  En  effet, 
plusieurs  attribuent  ce  chant  admirable  au  pape  Gélase.  Quoi  qu'il  en  soit, 
cette  préface,  si  elle  ne  nous  vient  directement  des  Grecs,  est  du  moins  con- 
forme à  leur  mélopée.  C'est  ce  cpie  j'ai  voulu  dire,  et,  dans  l'un  ou  l'autre 
cas,  mon  observation  sur  la  manière  vicieuse  dont  on  la  chante  conummé- 
menl  en  France  subsiste  toujours. 

Enfin,  dans  sa  quatrième  et  dernière  note,  |)age  85,  .AI.  Didron  demande 
sur  quoi  se  fonde  .M.  Fétis  pour  afiirmer  que  les  répons,  graduels,  offertoires 
et  communions,  ont  été  introduits  des  églises  orientales  dans  l'Occident.'*  Je 
réponds  qu'à  l'égard  de  l'indication  des  preuves  sur  les(juelles  M.  Fétis  étaie 
cette  assertion  et  beaucoup  d'autres,  que  M.  Didron  traite  de  systèmes  en  l'air 
ou  sur  le  sable,  je  réponds  (pi'ici  je  n'ai  que  l'embarras  du  choix.  Voici  donc 
les  sources  que  M.  Didron  pourra  consulter  avec  fruit,  pourvu  qu'il  y  donne 
Je  soin  et  le  temps  convenable;  car  il  en  faut  beaucoup  dans  ces  sortes  de  re- 
cherches :  1°  «  Le  Résumé  philosophique  de  l'histoire  de  la  Musique  »  cl  les 
sept  volumes  auxquels  le  résumé  sert  d'introduction.  On  trouve  dans  ce 
grand  ouvrage  de  biographie  musicale,  unicpie  dans  son  genre,  et  que  j'ai 
déjà  presque  tout  lu,  des  dissertations,  de  main  do  maître,  sur  les  (pieslions 
les  plus  épineuses  et  les  plus  graves  de  la  nuisique,  soit  religieuse,  soit  pro- 
fane. 2"  Une  foule  d'autres  dissertations  insérées  dans  divers  numéros  de  «  la 
Revue  et  Gazelle  musicale  »,  el  plus  tard  dans  la  u  Revue  de  musique  reli- 
gieuse. »  S"  «  L'Histoire  générale  de  la  Musique  »,  el  «  l'Histoire  particulière 
des  diverses  Notations  musicales  »,  qui  doivent  toutes  deux  être  livrées  au 
commerce  au  moment  où  j'écris.  Pour  ce  qui  concerne  spécialement  l'intro- 
duction des  notes  parasites  dans  le  plain-chanl  au  xin"^  siècle,  M.  Didron 
trouvera  les  documents  qu'il  désire  aux  pages  187,  188,  189,  19U  et  l'Jl 
du  i<  Résumé  philosophique  »  cité  plus  haut.  H  y  verra  que  les  altérations 
dont  nous  avons  parlé  avaient  eu  lieu  dès  la  première  moitié  du  xnT  siècle. 

Deux  mots  encore  sur  celle  période.  Quand  nous  avons  dit  (|uc  c'était  celle 
de  la  décadence,  c'a  été  avec  de  justes  restrictions  et  par  comparaison  avec 


178  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

les  mélodies  grégoriennes  antérieures  à  cette  époque.  Depuis  lors,  jusqu'à 
nous,  le  plain-chant  a  essuyé  des  phases  diverses.  Mais  ,  dès  le  xviu'  siècle, 
époque  de  nos  révolutions  liturgiques  ,  il  est  tombé  dans  un  tel  état  de 
dégradation,  que  celui  du  xiu"  siècle  serait,  sous  tous  les  rapports,  auprès 
du  nôtre,  un  parfait  modèle  de  pureté  et  de  mélodie.  Nous  reviendrons,  en 
temps  opportun,  sur  ces  importantes  questions. 

Valence,  ce  l'i  août  1846.  —  Une  lettre  bienveillante  que  je  viens  de 
recevoir  de  M.  Didron,  au  sujet  de  l'envoi  de  ma  réponse  à  ses  notes  sur 
mon  troisième  article,  me  met  dans  le  cas  d'ajouter  quelques  mots. 

De  1841    à  1843,  M.   Didron  a  inséré   dans  VUnivers  une  dizaine  de 
feuilletons  sur  la  musique  du  moyen  âge.  Je  regrette  beaucoup  de  n'en  avoir 
jamais  eu  connaissance.  Tout  ce  qui  sort  de  la  plume  de  ÎM.  Didron  doit 
exciter  l'intérêt,  que  l'on  partage  ou  non  ses  idées  en  esthétique  chrétienne. 
—  J'exprime  le  même  regret  sur  les  divers  articles  qu'il  a  consacrés,  dès  l'an- 
née 1831,  dans  différentes  publications  périodiques,  à  l'examen  de  l'archi- 
tecture de  Saint-Pierre  de  Rome.  Ce  que  j'ai  dit  moi-même  de  cette  église,  je 
l'appliquais  plutôt  à  son  style  architectural  qu'à  son  ameublement,  qui  ne  vaut 
d'ailleurs  guère  mieux.  Je  répète  qu'en  architecture  Saint-Pierre  de  Rome 
est  un  grand  et  magnifique  bric-à-brac ,  ou  pêle-mêle  :  1"  parce  qu'il  manque 
d'unité,  celte  condition  fondamentale  du  beau,  qui  consiste  dans  le  concours 
de  toutes  les  parties  d'un  édifice  vers  un  centre,  un  but  commun  et  principal. 
Or,  dans  Saint-Pierre,  je  ne  vois  pas  de  centre,  de  ])oint  unique.  Il  y  en  a 
plusieurs,  il  y  a  plusieurs  unités  :  celle  du  dôme,  celle  de  la  nef,  celle  du 
baldaquin,  qui,  de  l'humble  ciborium,  s'est  élevé  jusqu'aux  monstrueuses 
proportions  d'un  monument  aussi  haut  que  la  \  oùle  principale,  et  qui  absorbe 
toute  l'attention  que  le  spectateur  devrait  donner  ailleurs.  J'y  vois  plusieurs 
unités  qui  s'y  disputent  l'admiration  exclusive,  mais  je  n'y  vois  pas  l'unité. 
2°  Cette  église  est  un  vrai  bric-àbrac  ou  pêle-mêle,  [)arce  que  son  ordon- 
nance générale  ne  correspond  à  aucun  des  types  universellement  consacrés 
pour  les  peuples  chrétiens.  Ce  n'est  pas  la  croix  latine,  puisqu'il  y  a  deux 
transsepts;  ce  n'est  pas  la  croix  grecque,  puisque  la  nef  occidentale  est 
beaucoup  plus  longue  que  les  trois  autres.  Il  n'y  a  presque  rien  non  plus  du 
type  basilical,  rien  du  byzantin  de  Venise,  de  Pise ,  rien  de  notre  roman, 
encore  moins  de  notre  ogival,  ou,  |)our  mieux  dire,  il  y  a  un  peu  de  tout 
cela,  renforcé  d'une  statuaire  plus  ou  moins  païenne  et  d'une  énorme  quan- 
tité de  colifichets.  Voilà  le  résumé  de  mes  idées  sur  Saint-Pierre.  —  M.  Didron 
me  parle  de  l'obscurité  des  anciennes  notations  et  de  l'impossibilité  qui  en 
résulte  pour  juger  des  chants  antérieurs  au  xiii^  siècle.  Cette  objection  ,  qui 


ESSAI    SLll    Li:   CHANT   ECCLÉSIASTIQUE.  179 

ne  iiiaïuiue  pas  de  justesse,  je  me  la  suis  faite  vingt  fois  à  moi-nirnie.  Le 
niunient  n'est  pas  encore  venu  d'x  rcpoiulre. 

i.'aIiIk'  j()U\  i;, 


I.  Une  noie  encore,  mais  ce  sera  la  dernière.  —  Nous  persistons  à  croire  qu'on  ne  connaît  pas 
le  système  musical  des  Grecs.  Les  passiigcs  anciens  qui  en  parient,  on  ne  les  comprend  pas,  car 
cliacun  les  explique  à  sa  façon;  les  monuments  notés,  personne  ne  sait  les  lire.  Ce  sont  des  hié- 
roglyphes qu'aucun  Chaiiipollion  n'a  pu  encore  déchiffrer.  —  Bosio ,  .\ringhi  et  M.  Uochette  ont 
aflirmé  à  tort  que  les  premiers  artistes  chrétiens  avaient  (emprunté  au  paganisme  plusieurs  types  ; 
j'ai  déjà  relevé  le  bon  Pasteur  et  David,  dont  ils  ont  fait  Apollon-Criophore  et  Orphée;  dans  un 
article  spécial,  j'enregistrerai  les  autres,  dont  je  donnerai  des  gravures,  pour  qu'on  louche  l'er- 
reur à  l'œil,  presque  au  doigt.  L'art  byzantin  et  l'art  latin  sont  sortis  armés  de  toutes  pièces  de 
la  tête  et  du  cœur  de  la  religion  chrétienne.  Je  laisse  l'art  roman  et  l'art  ogival  auquel  personne 
ne  conteste  l'originalité.  D'aillcuis  il  n'est  question  ici  que  des  premiers  siècles  du  christianisme. 
—  Quand  je  parle  du  parallélisme  de  l'ait  entre  l'architocluro  et  la  musique,  je  mê  restreins  vo- 
lontiers à  la  France.  Je  pourrais  cependant  m'étendre,  non-seulement  à  l'Italie,  mais  à  l'Alle- 
magne, à  r.^ngleterre,  à  l'Kspagne  ;  l'art  chrétien  (architecture,  scul|)ture,  peinture,  poésie)  y 
atteint  son  apogée  aux  xii"  et  xiii"  siècles.  C'est  l'époque  des  monuments  de  Pise  et  de  Florence  , 
des  cathédrales  du  Rhin,  des  plus  belles  églises  de  l'.Xngleterre  et  de  l'Espagne  —  Nous  atten- 
dons avec  confiance  les  renseignements  que  nous  promet  M.  l'abbé  Jouve  sur  la  décadence  du 
chant  à  partir  de  la  seconde  moitié  du  xiii'-'  siècle,  et  sur  sa  beauté  progressive  à  mesure  qu'on 
remonte  vers  les  premiers  siècles  du  christianisme.  L'abbé  lîaini  fait  autorité  dans  l'histoiie  de  la 
musique  et  M.  Fétis  est  très-savant;  mais,  pour  comparer  les  chants  des  xiii"'  et  xir  siècles  à 
ceux  des  xi*,  x=  et  autres,  en  remontant,  il  faudrait  pouvoir  lire  les  monuments  notés  de  toutes 
ces  époques;  or,  si  l'on  déchiffre  la  notation  du  xiii^'  siècle,  peut-être  celle  du  xii",  nous  croyons 
savoir  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  du  xi"'  siècle ,  encore  moins  du  w".  On  parle  beaucoup  du  chant 
grégorien  ;  mais  des  personnes  compétentes  nous  assurent  qu'on  n'a  jamais  déchiffré  une  pièce 
musicale  écrite  à  cette  époque.  On  ne  saurait  même  pas  si  telle  pièce  chantée  aujourd'hui  dans 
l'église  est  bien  aulhentiquemcnt  de  saint  Grégoire.  Voilà  des  doutes  que  nous  soumettons  en  toute 
modestie  à  M.  Jouve ,  avec  jirière  trcs-vi\e  de  les  examiner.  Cette  incrédulité  dont  nous  paraissons 
faire  parade  n'a  vraiment  pour  but  que  de  nous  éclairer,  nous  et  nos  lecteurs.  —  Nous  avons  cons- 
taté, dans  le  o  Manuel  d'iconographie  chrétienne  »,  les  rapports  qui  pouvaient  exister  entre  l'art 
oriental  et  le  nôtre,  mais  ces  rapports  se  résolvent  en  analogies  et  non  pas  en  emprunts.  D'ailleurs, 
dans  cent  endroits,  nous  avons  signalé  en  quoi  l'art  de  notre  pays  était  complètement  différent  de 
celui  des  Byzantins.  —  Je  constate  avec  plaisir  que  le  I.auda  Sion  bouleverse  les  modes  et  fianchit 
l'intervalle  classique  de  l'octave  ;  car,  à  la  même  époque  ,  le  système  ogival  découpe  les  piliers  en 
colonnettes ,  brise  la  ligne  horizontale  et  fait  ssuiter  les  corniches.  De  là  cette  beauté ,  celte  origi- 
nalité du  Lauda  Sion  et  de  nos  cathédrah^s  gothiques.  —  Quant  à  l'exécution  du  chant  en  Italie 
et  a  la  mode  italienne,  c'est  bien  du  plain-chant  proprement  dit  que  j'ai  entendu  parler  et  non  pas 
de  la  musique  moderne;  c'est  bien  du  Dominus  vobiscutn,  du  Ciim  spiri/u  tuo^  de  la  Préface 
entière,  de  Vile  missa  est,  el  de  tous  les  psaumes,  quand  on  ne  les  chante  pas  en  musique.  Rien 
n'est  plus  grave  dans  nos  cathédrales  un  peu  bien  montées;  rien  n'est  plus  fringant  en  Italie  el 
chez  les  italianisants.  —  Nous  terminons  ici  toutes  ces  insipides  observations,  en  priant  M.  Jouve 
de  nous  les  pardonner  en  vue  du  motif.  Nous  devrons  nous  en  abstenir  dorénavant  et  affranchir 
de  tout  obstacle  la  savante  dissertation  de  .M.  Jouve;  mais  quand  cet  important  travail  sera  ter- 
miné, nous  reviendrons,  à  notre  point  de  vue  personnel,  sur  quelques-unes  des  plus  graves 
questions  relatives  à  l'histoire,  à  la  réhabilitation  et  a  la  restjiuralion  du  chant  ecclésiastique  en 
France.  {Note  du  Oirecleur.) 


MELANGES  ET  NOUVELLES. 


Lvi  cloches.  —  Démission  de  M.  Duban.  —  Construction  en  style  ogival  de  l'église  Sainte- 
Ciotilde,  sur  la  place  Belle-Chasse,  à  Paris. 


Les  cloches.  —  Nous  préparons  un  travail  sur  les  cloches  que  nous  avons 
l'intention  de  considérer  dans  leur  origine,  leur  composition  et  fabrication, 
leur  forme,  leurs  dimensions,  leurs  proportions,  leur  sonorité,  leur  usage 
chez  les  différents  peuples  et  surtout  chez  les  chrétiens.  A  chacun  de  ces 
chapitres  principaux,  pourront  se  rattacher  un  ou  plusieurs  paragraphes  : 
ainsi,  soit  dans  le  chapitre  de  la  forme  des  cloches,  soit  dans  celui  de  leur 
usage,  il  devra  être  c|uestion  des  inscriptions  si  diverses  et  si  curieuses  qui 
font  d'une  cloche  une  sorte  de  monument  épigraphique  où  des  faits  poli- 
tiques, civils,  religieux,  sont  coulés  en  bronze.  C'est  donc  un  travail  étendu, 
qui  n'a  pas  encore  été  réaUsé,  dont  nous  recueillons  les  éléments  nombreux. 
Déjà ,  grâce  à  plusieurs  de  nos  amis ,  et  par  suite  de  nos  recherches  person- 
nelles, une  certaine  quantité  de  ces  éléments  sont  en  notre  possession  : 
MM.  le  comte  de  Mellet,  le  baron  de  Guiliiermy,  Goze  (d'Amiens),  Auguste 
Moutié  (de  Rambouillet),  Bourières  (architecte  du  département  de  Lot-et- 
Garonne),  le  vicomte  dePibrac,  le  baron  de  la  Fons,  Ramboux  (de  Cologne), 
l'abbé  Daras  (de  Soissons),  nous  ont  envoyé  des  descriptions,  des  dessins  et 
des  estampages  de  cloches,  avec  les  figures  et  les  inscriptions  qui  les  décorent  ; 
le  tout  est  classé  dans  un  dossier  spécial  qui  grossit  et  se  complète  de  jour 
en  jour.  Nous  adressons  à  nos  lecteurs  la  prière  de  nous  envoyer  tous  les 
renseignements  qui  seraient  à  leur  connaissance  sur  les  clochettes  et  cloches 
du  moyen  âge  et  de  la  renaissance  ;  notre  travail  sera  d'autant  plus  intéres- 
sant et  plus  nourri  qu'on  nous  viendra  plus  proniptement  en  aide. 

Il  y  a  peu  d'objets  d'art  qui  aient  souffert  autant  que  les  cloches  :  cassées  dans 
les  fctes,  parce  qu'on  les  sonnait  à  trop  giandes  volées;  cassées  dans  les  émeu- 
tes, parce  ((u'elles  appelaient  à  l'insurrection  ;  brisées  et  jetées  dans  le  four  avec 


ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

l'ar  M.   Didron,    rue   d'Ulm,  N"   1,   ;i  Paris. 


ln^^■I■i|llio^  il(>   U\  cloclic  dOili'iins. 


m\ 


|);iii#  Nolr('-r;imi'-(l('-Bun-S('C<iiiis,  ;t  ()ili>:ms. 


Dans  l'église  de  Saiimanes  (  Vaucliire 


^^^ 


«>-       ,      .f\  'gLia 


lâiilMce  D  a-ij s  :  nù •.y.nnl 


liiscri|ilioii  (le  la  cluclie  de  Sauuianos. 


ai^EHiganniaiii 


J  m 


MBBËïkSm 


/)ciïii/<<  ;irti  i:li.  l-irlini 


Cuwf  par  Bomjcl 


feL@©KliS   HT   Bîi]g©ai)^TI@îKlâ= 


A  Saintt^-C.ecilc  do  Colo: 


VII-  siiVI.-. 


A  l;i  <';illi('(lrali>  ,|c  Sieiitu-. 


Ml-    >,Vilv 


A  N  N  A  I,  i;s   A  UC  II  lioiOC,  loi  Ks. 

■'■Il-    M-    Midi-on,    ni,.    ,|   II,,,.    .\      |  .    ,,    |.; 


<  lodiiT  (le  S;iumiinc,s. 


<^ 


lii'liiiilcnioiil  (le  Viiiicliiso. 


Mantiscril  de  Boidoifin', 


l\'-  siwic. 


A  Saint-Pranrois  d'Assise. 


Xlir  skVI... 


pi"  i.h    flchni 


GL@©ri=- 


Cravi'  )}iii   l.ouijil. 


JA'jr  ;<J/   ET  yMV   SgOEêLiâu 


MÉLANGES  ET  NOIVELLES.  181 

du  iDi'Ial  nouveau  ,  [)aice  (jw'ou  xoulait  les  avoir  plus  grosses;  fondues  en- 
core, et  surtout,  |)our  l'aire  dos  pièces  d'artillerie  ou  des  pièces  de  monnaie,  le? 
cloches  ont,  de  tout  temps,  été  sujettes  à  mille  causes  de  destruction.  Les  an- 
ciennes sont  donc  fort  rares.  Cependant,  si  la  paresse  ou  l'iiidilTérence 
n'avaient  pas,  jusqu'à  présent,  empêché  les  archéologues  do  lunnler  dans  les 
tours  et  les  clochers,  il  est  probable  que  l'on  serait  étonne  du  nombre  de 
vieilles  cloches  (\ui  peuvent  ous  rester  encore.  Nous  prions  ilonc  nos  amis  <le 
faire  des  recherches  sur  ces  pièces  sonores  qui  intéressent  à  la  fois  le  musi- 
cien,  l'acousticion ,  le  chinisle,  répi^-rapliiste,  l'iconographe,  l'historien, 
l'artiste  et  l'archéologue.  Oi  a  cru,  de  notre  tem|)s,  où  la  chimie  ot  les  arts 
industriels  ont  fait  tant  de  progrès,  que  les  anciens  fondeurs  de  cloches 
étaient  des  barbares,  et  que,  du  jour  où  on  le  voudrait,  on  ferait  des  cloches 
bien  supérieures  à  celles  do  la  renaissance  et  surtout  du  moyen  iige.  Mais  un 
jour,  on  l'a  voulu,  à  plusieurs  reprises  et  dans  divers  pays  de  l'Europe,  et, 
quand  on  ne  les  a  pas  nianquées  (ce  qui  est  arrivé  souvontl,  on  a  produit  des 
cloches  laides  et  fausses.  Ainsi  en  est-il  arrivé  d'un  bourdon  fondu  à  Hoims, 
en  1844,  et  fondu  deux  fois,  parce  qu'à  la  première  il  contenait  de  la  terre  au 
lieu  de  métal.  Ainsi,  un  bourdon  fondu  à  Londres  pour  la  cathédrale  catho- 
lique de  Montréal,  on  1844,  s'est  cassé  à  la  première  volée.  A  ce  sujet,  on 
lisait,  le  21  juin  184.'),  dans  la  Domncrntic  parifiiiuc  :  u  L'année  dernière,  les 
journaux  anglais  faisaient  grand  bruit  d'une  cloche  gigantesque  qui  avait  été 
fondue  à  Londres  pour  la  cathédrale  catlioliciuc  do  Montréal.  A  les  on  croire, 
jamais  cloche  n'avait  ou  dos  proi)ortions  jjIus  sveltes,  une  constitution  jjIus 
vigoureuse,  une  voix  plus  mélodieusement  sonore;  mais  voilà  que  déjà  elle 
.est  tombée  en  ruine,  impuissante  qu'elle  a  été  de  résister  aux  attaques  du 
battant.  Les  morceaux  en  ont  été  expédiés  à  Londres  pour  être  refondus,  n 
Ainsi  en  Italie,  dans  la  ville  d'Assise,  en  1837,  on  a  remisa  neuf  les  anciennes 
cloches  de  Saint-François,  et  ces  cloches  nouvelles  sont  laides  à  voir,  discor- 
dantes à  entendre.  Qu'entre  mille  autres  ces  trois  faits  sullisont  pour  nous 
autoriser  à  dire  aux  savants  de  nos  jours  qu'au  lieu  de  mépriser  le  moyen 
âge,  ils  feraient  mieux  do  l'étudier  et  d'apprendre  de  lui  ses  recettes  pour 
bien  faire.  L'orgueilleuse  manufacture  royale  do  Sèvres  traitait  durement,  il  y 
a  quehiuos  années,  les  vitraux  du  moyen  âge;  nous  lui  avons  dit,  parlant  à 
la  personne  de  M.  Alexandre  Hrongniart,  son  savant  dinniour,  (|ue  le 
moyen  âge,  en  fait  do  vitraux,  en  savait  pins  (pi'ello ,  et  (inil  lui  fallait 
imiter,  copier  ce  (pi'on  exécutait  au  xiii"  siècle;,  si  elle  voulait  réussir  à 
[)eu  près.  La  manufacture  de  Sèvres  non  a  fait  (juà  sa  tête;  elle  nous  a  ri 
au  nez,  ot  iuiimiKiliiM  (nul  le  njondi'  lui  rit  à  la  l'ace.  Kilo  produit  dos  \  itiaux 

v.  r* 


182  A^'NALES  ARCHEOLOr.lQUES. 

dont  personne  ne  veut  et  qu'elle  n'ose  même  plus  exposer.  Cependant  les 
chimistes  qui  la  dirigent  sont  professeurs  dans  nos  écoles  publiques  et  sont 
des  savants  illustres.  Il  en  est  des  cloches  comme  des  vitraux;  pour  bien  des 
raisons  qu'il  serait  inopportun  de  déduire  ici,  le  moyen  âge  a  des  recettes, 
sinon  des  secrets  à  nous  apprendre. 

Ceci  dit  entre  parenthèse,  et  sans  préjudice  de  ce  que  nous  aurons  à  écrire 
encore,  nous  mettons  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  une  cloche  singulière, 
qui  date  du  xiv  siècle,  peut-être  même  du  xv%  et  qui  est  bien  et  dûment  datée 
du  x%  de  900,  de  910  ou  920.  Voici  le  fait. 

Au  mois  d'avril  dernier,  M.  Jules  Courtet,  sous-préfet  à  Die  (Drôme), 
mais  qui  est  du  département  de  Vaucluse,  dont  il  achève  une  complète  et 
volumineuse  statistique,  nous  écrivit  qu'il  existait  dans  le  clocher  de  l'église 
de  Saumanes  (Vaucluse),  une  cloche  authentiquement  du  x^  siècle  et  dont, 
si  nous  en  avions  le  désir,  il  nous  enverrait  un  dessin.  En  vertu  de  notre  faible 
propension  à  croire  aux  cloches  datées  du  x*'  siècle,  nous  avons  répondu  à 
M.  Courtet  que  la  cloche  de  Saumanes  nous  semblerait  d'un  intérêt  immense, 
si  en  effet  elle  appartenait  à  cette  époque,  et  nous  l'avons  prié  de  nous 
envoyer,  outre  le  dessin  qui  nous  était  offert  généreusement,  un  estampage 
de  l'inscription.  Nous  désirions  toucher  de  nos  mains  l'inscription  et  la  date. 
M.  Courtet  s'est  rendu  obligeamment  à  notre  désir;  l'estampage  envoyé  por- 
tait effectivement  : 

A  :  DCCCCtX 

Ce  qui  veut  probablement  dire  :  Année  neuf  cent  dix.  Si  la  croix, 
placée  après  le  quatrième  C  est  un  X  à  branches  droites,  au  lieu  de  910, 
nous  aurons  920.  Cet  estampage,  nous  l'avons  donné  au  Comité  historique 
des  arts  et  monuments;  les  membres  présents,  parmi  lesquels  i>IM.  Mérimée, 
Albert  Lenoir ,  Le  Prévost,  le  baron  de  Guilhermy,  La  Saussaye,  le  comte 
de  Laborde,  Schmit,  etc.,  jugèrent  comme  nous  que  cette  cloche  était  du 
xiv'  siècle,  peut-être  de  la  fin  tout  à  fait  du  xiii%  peut-être  même  du  commen- 
cement du  xv^  Mais  comment  rapporter  les  caractères  archéologiques  donnés 
par  la  forme  de  la  cloche  et  la  forme  des  lettres,  caractères  qui  accusent,  à 
n'en  pas  douter ,  le  xiv*  siècle  ou  les  premières  années  du  xv%  avec  la  date 
primitivement  coulée  en  bronze?  C'est  ce  qu'aucun  des  membres  n'a  pu  faire. 
Quant  à  nous  personnellement,  nous  pensons,  ou  que  celte  cloche  rappelle 
une  cloche  plus  ancienne  fondue  précisément  au  x"  siècle,  rappel  qui  est 
fréquent  en  effet  ;  ou  bien  que  le  fondeur  s'est  trompé  en  oubliant  un  second 
D  ou  en  mettant  le  D  qui  existe  à  la  place  d'un  M  pour  indiquer  mille.  Dans 


mi:lan(;es  et  noivelles.  i83 

ce  cas,  celte  cloche  serait  de  l'iOt),  on  1  VIO,  ou  1 '(20.  Elle  a  conipléloiiient 
la  physionomie  des  docIies  de  cette  époque;  la  forme  des  lettres  de  l'inscrip- 
tioH  en  fournit  une  prou\e  non  moins  certaine.  Pour  mettre  nos  lecteurs  à 
môme  d'apprécier  la  valeur  ih;  notre  opinion,  nous  avons  réuni,  sur  les  deux 
planches  jointes  à  celte  livraison,  certaines  cloches  des  vii%  ix'',  xii%  xiiT,  et 
xvi'  siècles;  nous  n'avons  pas  eu  le  temps  d'en  faire  graver  une  du  xV.  A 
laquelle  de  toutes  ces  cloches  diverses  celle  de  Saumanes  ressendjle-t-elle  le 
plus,  .si  ce  n'est  à  la  cloche  de  Nolre-Dame-de-Hon-Secours,  à  Orléans,  qui 
est  de  1504?  Voyez  la  diirérence  considérable  qui  la  sépare  de  la  cloche  du 
manuscrit  de  Boulogne,  UKiuelle  date  précisément  du  ix"  siècle,  et  morne  de  la 
cloche  d'Assise,  qui  est  du  xiu"  siècle.  Ouant  à  la  cloche  de  Sienne,  qui  a|)par- 
tientà  i  158,  il  n'y  faut  pas  songer.  Le  dessin  de  ces  deux  dernières  cloches, 
d'Assise  et  de  Sienne,  nous  a  été  envoyé  par  M.  Raniboux,  conservateur  du 
musée  de  Cologne,  auquel  nous  devions  déjà  le  dessin  de  la  cloche  du  vu'' 
siècle.  Voici  ce  que  M.  Ramhoux  nous  écrivait  en  nous  faisant  son  envoi  : 

«  Je  me  hâte  de  vous  communicpier  les  dessins  (|ue  je  vous  ai  promis  et 
relatifs  aux  cloches  remarcpiahles  de  l'Italie. 

»  I-a  plus  ancienne  des  deux  premières  se  trouve  dans  le  clocher  de  la 
cathédrale  de  Sienne.  Elle  existait  déjà  dans  l'ancienne^  tour  nommée  de'Bis- 
doniini;  on  la  sonne  encore  chacpiejour  à  l'élévation,  pendant  la  grand'messe. 
Elle  est  faite  en  forme  de  tonneau;  elle  date  de  115',).  Sa  forme  est  aussi 
singulière  que  le  son  en  est  aigu.  Elle  a  un  mètre  à  peu  [)rès  de  hauteur.  La 
seconde  cloche  représentée  sur  le  dessin  est  celle  que  le  frère  Elie,  premier 
général  de  l'ordre  des  Franciscains,  confirmé  par  le  sainl  môme,  a  fait  fondre, 
comme  préposé  général  à  la  construction  de  la  basilitpie  de  Saint-François- 
d'Assise.  Elle  portait  l'inscription  suivante  : 

J   AD    .    MCrXXXVIlll    .    IK    .    IIELVAS    .    I  ECrf    .    FIF.RI    J 

BAUTIIOI.OMEVS    .    l'ISANVS    MK    IKCM     .    CVM    lOTEltlMiO 

KILIO    EIVS    7 

ORA    l'UO    NOIilS    HEATK    l-UAMiISCE 

AVE   MAIIIA    (iUA    l'I.EW    AI.I.EI.VIA     f 

((  On  l'a  mallii'nrcu>cmi'nl  rclunilue,  en  1S37,  av(H-  six  autres  cloches  de  la 
mômelour,  qui  dataient  (h;  1506,  1539,  15'd),  1038,  1808  cl  1818.  En 
1837  est  venu,  de  Sassoferrato  à  Assise ,  un  prtMre,  qui  fil  croire  aux  frères 
du  couvent  qu'il  pourrait  donner  aux  cloches  un  son  harmonieux  et  musical. 
Malheureusement  on  ajouta  foi  à  cet  homme,  ei  ['ou  coik  ni  ii!  projet  fatal  de 
refondre  toutes  les  anciennes  et  vénérables  cloches  de.  la  l(jur  de  l'église  de 


18i  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Saint-François.  Quant  au  résultat,  il  a  été  fort  malheureux.  Les  nouvelles 
cloches  ne  valent  rien  de  forme ,  de  son,  ni  même  de  métal.  Les  inscriptions 
ont  été  copiées  par  moi  quelques  jours  avant  la  destruction  des  cloches.  » 

Quant  à  M.  Courtel,  il  nous  écrivit  d'abord  la  lettrç  suivante  :  —  "Je  conçois 
très-bien  votre  doute  à  l'endroit  de  la  cloche  de  Saumanes  (  Vaucluse)  et  de  sa 
date  reculée.  J'espère  bien  pourtant  que  votre  incrédulité  tombera  devant  le  joli 
dessin  que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Gouberl,  agent-voyer,  et  dont  je  me 
fais  un  vrai  plaisir  de  vous  faire  hommage.  Ce  dessin  est  fidèle  comme  l'es- 
tampage; je  vous  en  garantis  la  plus  scrupuleuse  exactitude.  L'inscription 
avait  été  déjà  relevée  par  moi ,  lorsque  j'eus  le  bonheur  de  découvrir,  dans 
son  modeste  gîte,  celte  cloche  vénérable.  La  cloche  ne  porte  en  elle-même 
aucun  caractère  de  fraude;  à  moins  que  la  forme  ne  vous  paraisse  un  peu 
moderne.  Mais  que  voulez-vous?  Au  x''  siècle,  les  arts  étaient  encore  fort 
avancés  dans  le  Midi,  où  ils  n'avaient  pas  complètement  péri.  Les  arts  s'étaient 
maintenus  comme  l'organisation  municipale.  On  pouvait  fort  bien  fondre  la 
cloche  de  Saumanes,  alors  qu'on  élevait  la  métropole  de  Notre-Dame-des- 
Doms  à  Avignon ,  dont  le  porche  étonne  encore  aujourd'hui  par  sa  physio- 
nomie antique.  Le  règne  des  Bozons  fut  une  époque  de  paix  et  de  gloire.  Nous 
avons  dit  ailleurs  que,  sous  Louis  l'Aveugle,  de  890  à  923 ,  l'évoque  d'Avi- 
gnon, Fulcherius,  se  signala  par  de  beaux  travaux  et  de  grandes  restaura- 
tions aux  églises.  Qui  sait  si  l'inscription  de  la  cloche  ne  fait  pas  allusion  au 
règne  pacifique  du  prince  Louis?  «  rex  venit  in  page,  deus  homo  factus  est. 

ANNO  DCCCCXX.  » 

«  Est-ce  seulement  une  citation  biblique?  c'est  ce  que  je  n'oserais  aitir- 
mer.  Quant  à  l'écriture  de  l'inscription ,  on  ne  saurait  la  contester.  —  L'écriture 
en  majuscules  onciales  était  employée  alors  dans  les  inscriptions,  quand  déjà 
l'écriture  carlovingienne  était  généralement  employée  dans  les  diplômes.  On 
pourrait  même,  sans  la  date,  faire,  d'après  la  forme  des  caractères,  remonter 
cette  inscription  à  une  époque  plus  reculée.  —  Au  second  mot,  il  faut  remar- 
quer l'absence  de  la  lettre  N  et  le  T  final  renversé;  mais  cette  circonstance 
n'est  pas  très- rare,  même  dans  les  manuscrits  de  cette  époque  et  de  ce  carac- 
tère d'écriture.  Ainsi  qu'on  le  voit  sur  le  dessin  ,  l'inscription  tleuronnée,  dont 
M.  Goubert  a  reproduit  habilement  la  richesse  et  l'élégance,  occupe  exacte- 
ment, sur  une  seule  ligne,  la  circonférence  du  cerveau;  tout  y  est  en  relief, 
d'une  grâce  et  d'une  finesse  remarquables.  Au-dessus  de  l'inscription,  placés 
à  distances  inégales,  sont  huit  espèces  de  niveaux  de  maçon,  décorés  à  l'in- 
térieur d'une  petite  croix  ansée,  et  un  0  renversé.  Ici,  j'avoue  mon  inexpé- 
rience; c'est  à  vous,  monsieur,  à  nous  donner  une  explication  raisonnable. 


MÉLANf.ES  ET  NOIVELLES.  185 

Les  niveaux  et  l'O  renversé  ne  seraient-ils  autre  eiiose  (]ue  les  marques  du 
fondeur  et  de  la  corporation  de  métiers  à  huiuelle  il  apijarlenail? 

«  lu  mot, s'il  vous  i)Iaît, sur  li^  site  ou  j'ai  découvert  cette  respectable  cloche. 
C'est  dans  le  village  de  Saumancs  (|ue  l'on  \oit  perché  sur  une  éminence 
(siimma),  à  gauche  de  la  route,  etitie  ilsle  et  la  fontaine  de  Nauduse.  Ce 
village  était  jadis  un  castriuii ,  ceint  de  l'(utes  murailles.  Possé(le(^  d'ajjord  par 
les  Baux,  la  seigneurie  eu  fut  aliénée  par  uu  Saiguet  d'Astouand  à  I  antipape 
Benoit  Xlll,  !e(]uel ,  en  l'iOI  ,  l'inféoda  à  son  écuyer,  Baudet  de  Sade,  en 
reconnaissance  de  ses  services.  Le  château  actuel,  commencé  vers  la  fln  du 
xv""  siècle,  fut  achevé  dans  le  xvn°;  il  a[)i)arlient  encore  aujourd'hui  à  celte 
ancienne  famille  qui  a  jiroduit  \v.  troj)  fameux  marquis  de  Sade,  auteur  de 
«  Justine,  »  et  l'abbé,  auteur  des  «  Mémoires  pour  la  vie  de  François  Pé- 
trarque. »  —  S'il  faut  en  croire  le  célèbre  poëte,  l'église  de  Saumanes  remon- 
terait à  saint  Yéran,  l'apùtre  de  la  localité,  dont  les  restes  séjournèrent  long- 
temps dans  une  chapelle,  élevée  \y,iv  lui  à  Vaucluse  (portion  de  l'église 
actuelle).  On  sait  (jue  saint  Véraii  occupa  le  siège  de  Cavaillou  vers  le  milieu 
du  vi'  siècle.  (Qujcrens  locum  pacis  hic  deuuun  subslitit,  pulsoqiu;  hinc  dra- 
cone  lerribili ,  sanctam  ac  solitariam  vilam  duxit  his  in  locis,  (piibus  nomen 
Summalus  diclum,  inter  fragosa'  solitudinis  ambilus.  Cujus  limen  non  prœ- 
teritum,  sed  dilatatum,  et  ita  in  extrême  positum  mentis,  ut  tenacius  hicrerel 
memoriœ...  Petrarc. ,  de  Vila  solitaria,  II,  2,  sect.  x.)  —  L'église,  dédiée  à 
saint  Trophime,  le  premier  évoque  d'Arles,  sans  doute,  fui  |)lus  lard  un 
prieuré  annexé  à  labbaye  de  Sénauque,  dont  j'ai  donné  la  monographie. 
C'est  un  petit  édifice  reman,  qui  a  été  remanié  à  plusieurs  reprises.  Le  clo- 
cher, placé  sur  le  chœur,  est  un  massif  carré  surmt)nlé  d'un  pignon  percé  de 
trois  baies  à  plein  cintre.  Une  seule  paraît  avoir  reçu  des  cloches.  Il  vous 
sera  facile  de  vous  convaincre,  monsieur,  ipu^  le  clocher  actiu'l  peut  être 
contemporain  de  la  cloche  de  \)'2U.  » 

.Après  celte  lettre,  notre  doute  tenanl  encore,  nous  avons  demandé  un 
estampage  à  M.  Courtet ,  qui  s'est  enq)ressé  de  nous  l'envoyr  et  de  nous 
écrire  de  nouveau  ce  qui  suit  : 

«  Monsieur,  je  m'empresse  de  vous  transmettre  l'estampage  de  la  cloche 
de  Saumanes  que  je  viens  de  recevoir,  et  que  j'ai  fait  faire  par  un  ami 
intelligent.  Certes,  votre  scepticisme  en  fait  de  science  archéologique  est 
déjà  d'une  très-grande  valeur  pour  moi.  Bien  (ju'il  lut  cruel  de  renoncer 
à  une  douce  illusion,  je  le  ferais' sans  hésiter,  si  vous  prononciez  un  arrêt 
fatal  ;  mais  j'aime  à  croire,  en  présence  de  nu  m  petit  eii\  ni ,  «pie  nous  re\  ien- 
drez  sur  votie  doute  et  ipic  vous  ne  déshériterez  pas  ini  pa\s  de  sa  vendable 


186  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

relique.  11  vous  sera  facile  de  voir  que  le  D  du  millésime  n'est  nullement  con- 
fondu avec  le  premier  C;  qu'il  est  donc  impossible  d'en  faire  un  M,  pour 
avoir  ISOO.  C'est  donc  bien  920  que  porte  linscription.  Il  resterait  la  res- 
source de  dire  qu'une  erreur  a  été  commise  lors  de  la  fonte;  mais  vous  savez 
vous-même  qu'une  telle  chose  serait  bien  difficile.  On  eût  plutôt  réparé  l'er- 
reur que  de  tromper  ainsi  l'avenir.  Et  puis,. l'archiviste  du  département, 
jeune  paléographe  fort  distingué,  à  qui  j'ai  parlé  de  la  cloche,  m'a  dit  que 
l'inscription  était  bien  de  cette  époque.  Il  ne  faut  pas  toujours  juger  de  l'écri- 
ture du  Midi  par  celle  du  Nord.  C'est  comme  de  l'architecture.  H  y  a ,  pour 
celle-ci,  plus  d'un  siècle  d'intervalle  entre  les  deux  pays.  Il  est  positif  que  des 
différences  remarquables  se  font  sentir  entre  les  deux  écritures.  Au  x°  siècle, 
en  920,  de  très-grands  rapports  existaient  entre  la  Provence  et  l'Italie;  les 
mêmes  inconvénients  ont  régné  sur  les  deux  pays  quelquefois.  L'architecture 
était  la  même  pour  lune  et  pour  l'autie.  C'était  une  réminiscence  évidente  de 
l'antique.  Dans  un  pays  où  les  arts  n'étaient  pas  morts  entièrement,  quoi 
qu'on  dise,  oii  l'on  construisait  le  porche  de  Notre-Dame-des-Doms,  à  Avi- 
gnon, on  a  bien  pu  fondre  la  cloche  de  Saumanes.  Toutefois,  le  Comité 
pourra  maintenant  prononcer  en  connaissance  de  cause.  » 

En  finissant  cet  article,  nous  ajouterons  qu'on  lit,  sur  la  cloche  d'Orléans  : 
«  Raoulx  de  Coucy  ma  faict  faire.  Mil  cinq  cent  quatre.  )-  Près  d'Orléans 
est  un  village  du  nom  de  Coucy.  C'est  à  l'obligeance  de  M.  Charles  Fichot 
que  nous  devons  la  connaissance  et  le  dessin  de  cette  cloche. 

Démission  de  M.  Ditban.  —  M.  Duban ,  nommé  architecte  de  Saint-Denis  à 
la  place  de  M.  Debret ,  vient  de  résigner  ses  fonctions  nouvelles.  M.  Duban 
n'avait  accepté  cette  tâche  que  sous  bénéfice  d'inventaire  ;  l'inventaire  fait,  il 
s'est  trouvé  un  gouffre  à  l'actif,  une  montagne  au  passif.  M.  Duban  ne  s'est 
pas  senti  la  force  de  combler  l'abîme,  et  il  a  renvoyé  sa  nomination  au  mi- 
nistre des  travaux  publics.  C'est,  tout  le  monde  en  tombera  d'accord,  la  plus 
grave  injure  que  M.  Debret  ait  jamais  reçue.  Si  M.  Duban  avait  refusé  à 
priori,  la  chose  pouvait  aller  de  soi;  mais  cette  démission,  après  examen, 
est  la  réprobation  la  plus  énergique  de  toutes  les  œuvres  de  M.  Debret.  Ce 
n'est  pas  nous,  assurément,  qui  nous  plaindrons  de  la  conduite  que  M.  Duban 
a  cru  devoir  tenir;  nous  féliciterons  même  cet  architecte  d'avoir  eu  le  cou- 
rage de  refuser  la  besogne  qu'on  lui  demandait.  Maintenant ,  à  qui  donner 
Saint-Denis?  Un  seul  homme  est  propre  à  pai-eille  mission.  Cet  homme  est  un 
étranger  qui  fonctionne  en  France,  à  Paris;  c'est  le  même  qui  nous  a  dotés  du 
Sainl-Vincent-de-Paul  do  la  rue  Hautevillc,  et  qui  a  saccagé  le  collège  des 


P.Li-  ]\P'Didron,  Rue  à'Ulm,  ÎI?i  :  ' 


MÉLANCES  ET  NOUVELLES.  187 

Bernardins.  Il  y  a  deux  ou  trois  ans,  M.  llittoiff,  Prussien  de  naissanec,  pré- 
sidait la  société  libre  des  l}(>an\-Arls  IVaneais;  .M.  Ilitlorll  n'est  pas,  mais  vou- 
drait être  de  l'Académie  des  |{ean\-Arls  dont  M.  Debret  fait  un  des  orne- 
ments. En  conséquence,  le  président  ])russien ,  traînant  à  sa  suite  les  niendjres 
de  la  société  libre  dont  un  pau\  ic  peintre  i-lail  secrétaire  alors,  s"(îmbar- 
qua  pour  Saint-Denis.  Cuninie  un  roi  ou  (•(innue  un  prélat,  M.  Ilitlorlï  l'ut 
reçu  a  la  |inite  de  la  basilicpie  par  .M.  Debict  en  personne,  leiiuel  lit  \(tii'  à 
tous  son  architecture,  sa  sculpture,  sa  peinture,  son  bulTet  dorique,  ses 
autels,  ses  boiseries  et  ses  tcrilles.  .M.  llittorlT,  comme  président,  admirait 
par-dessus  tous  les  autres.  De  retour  à  Paris,  le  secrelaire-i)eintre  rédi- 
gea un  rapport  en  prose  poéticpie,  avec  une  plume  ijui  valait  certainement 
sa  brosse.  Il  y  avait  peu  de  phrases  sans  points  d  admiration.  IM.  Hittorll' 
réchauffa  les  endroits  un  peu  tièdes  de  cette  oraison,  (pii  est  devenue  funèbre, 
et  un  Te  Dcum  à  huit  cents  parties  fut  chanté,  imprimé,  distribué  dans  tout 
Paris  en  Ihonneur  de  ^I.  Del)ret.  Il  n'y  a  donc  pas,  |)our  continuer  rarclii- 
tecle  destitué,  de  confrère  plus  pénétré  de  son  sujet  (pie  M.  llittorl'f;  en  con- 
séquence, nous  le  désignons  à  la  faveur  de  M.  le  ministre  des  travaux  publics. 
Nous  serions  bien  étonné  ({u'un  autre  artiste  voulût  acceplei-  la  place;  après 
le  refus  de  M.  Duban. 

Construclion  en  style  ogirnl  de  l'église  Sainte-Clotide  sur  la  plaee  lie  liée  liasse, 
à  Paris.  —  Le  Conseil  des  bâtiments  civils  avait  renvoyé  à  l'étude,  pour  la 
troisième  fois,  le  projet  dressé  par  M.  (iau  dune  église  en  style  ogival  pour 
la  place  Bellechasse.  jM.  le  ministre  de  l'intérieur,  ne  tenant  aucun  compte  de 
l'avis  du  Conseil,  a  passé  outre  et  autorisé  le  préfet  de  la  Seine  à  mettre  en 
adjudication  les  travaux  de  cette  future  église,  conformément  au  ])rojet  de 
M.  Gau.  Nous  n'aimons  pas  le  (>)nseil  des  bâtiments,  mais  nous  regrettons 
que  le  ministre  de  l'intérieur  tieime  en  pareil  me|)iis  les  décisions  de  cet  au- 
guste aréopage.  ^ï.  Gau,  qui  est  de  Cologne  et  qui  \it  de|)uis  longtemps  en 
France,  s'est  cru  ol)ligé,  pour  nous  faire  plaisir,  ainsi  qu'à  ses  com|)atriotes, 
de  composer  une  église  avec  Sainl-Ouen  de  Rouen  et  la  cathédrale  de  Cologne, 
le  tout  assaisonné  de  membres  d'architecture  et  d'ornements,  connue  nulle 
part  et  en  aucun  temps  n'en  ont  fait  les  artistes  du  moyen  Age.  M.  Gau  nous 
a  fait  l'honneur  de  nous  apporter  successivement  ses  trois  projets  et  de  nous 
demander  notre  avis.  Nous  lui  avons  dit  franchement  (pie  nous  désirions  la 
copie  exacte,  formelle,  pour  l'ensemble  et  les  détail;»,  de  rarchilecturc  du 
XMi'  siècle,  et  non  cet  amalgame  de  parties  tenant  à  des  pays,  à  des  épotpu's  et 
à  des  styles  diiïérenls.  Le  Conseil  des  bâtiments  avait  jugé  comme  nous  l'an- 


188  ANNALES  AUCHÉOLOGIQUES. 

rions  fait  nous-mêmes;  de  là  notre  regret  que  le  ministre  de  l'intérieur  et  le 
préfet  de  la  Seine  n'aient  pas  écouté  le  Conseil.  Mauvais  pour  mauvais,  nous 
préférerons  toujours  le  style  gothique  au  romain  et  au  grec;  car  le  principe 
que  nous  défendons,  il  nous  faut  le  soutenir,  même  quand  on  nous  l'apporte 
ébréché.  Mais  nous  aurions  désiré  que  M.  Gau  nous  dotal  d'une  belle  et  con- 
séquente église,  au  lieu  de  l'édifice  hybride  et  disgracieux  qu'il  nous  prépare. 
Nous  faisons  donc  ici  toutes  nos  réserves,  pour  qu'on  ne  nous  accuse  pas  d'être 
infidèles  à  nos  principes.  Nous  ne  prétendons  nous  rendre  solidaires  que  des 
édifices  nouveaux  construits  selon  les  données  rigoureuses  fournies  par  l'ar- 
chéologie. Tout  monument  en  gothique  de  pendule ,  de  pain  d'épices  ou  de 
carton-pierre  nous  répugne  au  moins  autant  que  le  faux  grec  et  le  faux  ro- 
main qu'on  nous  donne  depuis  longtemps.  M.  Gau  nous  trouvera  sévères, 
mais  il  sait  personnellement  que  nous  n'avons  pas  changé  depuis  sept  ou  huit 
ans  qu'il  est  venu  nous  montrer  son  premier  projet.  L'église  Sainte-Clotilde 
est  donc  adjugée  aux  entrepreneurs;  mais  nous  espérons  que  M.  Gau  modi- 
fiera son  projet  définitif  suivant  les  observations  qui  lui  ont  été  faites.  Nous 
espérons  qu'il  donnera  un  démenti  formel  à  ces  imbéciles  journaux  qui  l'ont 
f'élicité  d'avoir  rappelé,  dans  son  projet  d'église,  tout  à  la  fois  la  cathédrale 
d'Orléans,  l'une  des  plus  laides  cathédrales  de  France,  les  cathédrales  alle- 
mandes du  xii"  siècle  et  l'architecture  anglaise  des  cathédrales  d'York  et  de 
Lincoln.  Au  surplus,  toutes  nos  discussions  sur  Saint-Denis  étant  désormais 
terminées,  nous  verrons  s'il  ne  serait  pas  convenable  d'en  entamer  d'aussi 
suivies  sur  la  future  église  Sainte-Clotilde.  Nous  aurons,  dans  tous  les  cas, 
à  revenir  plusieurs  fois  sur  cette  grave  affaire  ;  les  travaux  sont  adjugés  et 
vont  commencer  sur  la  place  Bellechasse. 


EGLISE  ET  CHASSE  DE  SALM-TlIIliAL  I.T. 


Suiiil-Tliihaiilt,  8  aortt  1816. 

Monsieur  et  ami , 

Vous  me  (l(Miiandez  de  vous  donner  ciuelques  renseignements  sur  la  châsse 
de  saint  Tliibanlt,  (jue  vous  avez  fait  graver  dans  la  collection  des  «An- 
nales. »  Je  ne  puis  vous  parler  de  cette  châsse  sans  vous  dire  quelques  mots 
de  l'église  où  elle  se  trouve  placée,  et  d'ailleurs  j'ai  toujours  eu  un  faible  pour 
les  ruines  de  Saint-Thibault,  et  je  ne  saurais  laisser  passer  une  occasion 
de  vous  entretenir  de  tout  ce  qu'elles  renferment. 

L'un  des  grands  défauts  de  nos  éditices  en  France  c'est  d'être  ignorés;  en 
Italie,  le  dernier  des  villages  est  exploré,  décrit,  fouillé:  ne  posséderait-il 
qu'une  base  antique,  ou  la  place  occupée  jadis  par  une  fresque  d'un  peintre 
à  peine  connu,  tous  les  Guides  en  parleront,  tous  les  voyageurs  se  croiront 
obligés  d'aller  visiter  ces  objets  souvent  insignifiants,  et  qui  n'acquièrent  de 
\aleur  que  parce  qu'ils  ne  sont  pas  chez  nous.  On  ne  saurait  croire  cond)ien 
en  France  il  existe  de  villages  maussades  qui  contiennent  encore  des  monu- 
ments, des  maisons  et  des  objets  d'une  valeur  inestimable,  sous  le  rapport 
de  l'art  ou  de  l'intérêt  historique.  Condjien  de  fois  nous  est-il  arrivé  d'être 
forcés  de  nous  arrêter  dansées  tristes  relais  de  poste,  pestant  contre  la  len- 
teur des  voitures  ou  contre  les  chevaux  a])sents,  et  de  découvrir,  en  cherchant 
à  tuer  le  temps,  de  petits  édifices  qui  feraient  la  gloire  dune  ville  d'Italie. 
Il  y  a  deux  ans,  M.  Mérimée  n'a-t-il  pas  ainsi  trouvé  une  curieuse  basili(pie 
carlovingienne  à  Vignory?...  Ce  fait,  et  cent  autres  que  je  [)ourrais  citer, 
doivent  engager  tous  les  artistes  elHes  archéologues  quelque  peu  soucieux  des 
choses  de  ce  pays-ci,  à  ne  jamais  se  rebuter,  à  ne  quitter  une  petite  ville  ou 
un  village,  ciu'a|)rès  en  avoir  exploré  tous  les  recoins.  Aujourd'hui  nos  grands 
monuments  sont  as-ez  bien  connus,  dessinés  et  décrits;  mais  nos  grands 
monuments  appartiennent  la  plupart  à  des  villes  populeuses  et  riches,  et  la 
richesse  des  villes,  des  chapiln-s  ou  dos  paroisses,  a  |)lu>  dclruil  (pic  l'oubli 
et  la  paiivri^té.  Au-si  nos  rullicdrales  sont-elles  presque  toujours  dépourvues 


190  ANNALES  ARCHEOLOGIOUES. 

des  ()l)jots  mobiliers  primitifs,  onl-elles  laissé  briser  leurs  tomiies,  disperser 
leurs  trésors,  remplacer  les  anciens  objets  destinés  an  culte  par  des  objets 
plus  modernes  et  d'un  goût  déplorable,  ces  villes  riches  et  commerçantes 
ont-elles  démoli  leurs  anciennes  murailles,  leurs  jolies  maisons,  leurs  bâti- 
ments municipaux,  pour  remplacer  tout  cela  par  des  édifices  sans  nom,  et 
que  l'on  ne  voit  cpravec  regret,  si  l'on  songe  à  tgnt  de  trésors  perdus.  C'est 
donc  dans  les  villages  ou  dans  les  villes  pauvres  qu'il  faut  aller  fouiller,  si 
l'on  veut  encore  avoir  quelque  idée  de  ce  que  possédaient  autrefois  nos  mo- 
numents religieux,  de  ce  qu'étaient  les  liabilalions  de  nos  pères;  et  cela  sans 
perdre  de  temps,  car  chaque  jour  voit  abattre  une  vieille  maison,  vendre  des 
retables,  des  meubles,  des  boiseries,  qui  de  nos  petites  églises  de  campagne, 
tombent  entre  les  mains  de  brocanteurs.  Barbares  de  nouvelle  date,  pillant 
la  France  comme  les  Romains  ont  jadis  pillé  la  Grèce.  Vous,  monsieur,  qui 
avez  vécu  sans  cesse  de  celte  vie  du  passé,  vous  comprenez  la  joie  secrète 
que  l'on  éprouve  lorsqu'on  peut  rapporter  dans  son  portefeuille  quelques-uns 
de  ces  trésors  oubliés  par  les  commis-marchands  d'antiquités,  et  vous  accueil- 
lerez, je  l'espère,  tous  les  fragments  que  je  joins  à  cette  lettre;  ils  viennent 
tous  de  l'église  de  Saint-Thibault,  que  bien  peu  de  voyageurs  en  France  ont 
visitée. 

Non  loin  de  Semur,  entre  celte  ville  et  Arnay-le-Duc,  se  trouve  l'ancien 
prieuré  de  Saint-Thibault,  autrefois  le  but  de  pèlerinages  fréquents,  possé- 
dant des  reliciues  piecieuses  et  de  grands  biens,  aujourd'hui  en  ruines  et 
réduit  à  l'état  de  pauvre  paroisse  d'un  médiocre  village.  La  fondation  de  ce 
prieuré  date  de  la  mort  de  saint  Thibault  arrivée  en  '!2'iT,  aussi  les  parties 
les  plus  anciennes  de  ces  ruines  ne  paraissent  pas  remonter  au  delà  de  celte 
époque.  Lorsqu'on  approche  de  l'église  de  Saint-Thibault,  qui  de  loin  res- 
semble à  une  misérable  grange,  on  est  fort  surpris  de  se  trouver  vis-à-vis  un 
portail  du  xiif  siècle,  couvert  de  sculptures  charmantes  et  bien  conservées. 
Ce  portail  était  autrefois  précédé  d'un  porche,  et  donnait  accès  dans  le  trans- 
sept  septentrional.  Le  trumeau  supporte  une  statue  de  saint  Thibault  en  cos- 
tume d'abbé;  le  tympan  de  la  porte  représente  la  mort,  l'assomption  et  le 
couronnement  de  la  Vierge.  Saint  Thibault  avait  une  dévotion  particulière 
pour  la  mère  de  Dieu;  quand  il  entendait  prononcer  son  nom,  dit  le  Méno- 
logue  de  Citeaux,  il  ne  pouvait  s'empêcher  de  le  ré[»éler  à  demi-voix,  en 
ajoutant  :  «  Nom  suave  de  la  bienheureuse  Vierge,  nom  vénérable,  nom 
«  béni,  nom  aimable  dans  toute  rélernilé.  »  Il  est  donc  assez  naturel  de 
supposer  que  c'a  n'a  pas  été  sans  intention  que  le  statuaire  a  placé  ces  sujets 
au-dessus  de  la  tète  de  saint  Thibault.  Sur  la  première  voussure,  autour  de 


EGLISE   ET  CHASSE    HE  SAINT-TM  1  H  A  1   I,T.  191 

ce  tympan ,  sonl  pculplocs  les  sept  vierges  sages  et  les  sept  vierges  folles.  Sur 
la  seeonile,  Moïse,  des  rois,  des  proplièles  et  des  martyrs.  Dans  les  éhrase- 
nienls,  adroite,  deux  figures  d"liomine  en  habit  civil,  à  ganclif»,  une  statue 
de  femme  et  un  évoque;  ces  ijuatre  figures  no  sont  pas  nyiiiboes,  ot  il  est  fort 
difficile  de  savoir  (juels  sont  les  piMsonnages  (pi'elles  représentent.  Je  vous 
ai  copié  sur  bois  la  tète  de  l'une  des  statues  de  droite,  elle  est  ornée  d'une 
coitVure  fort  jolie  et  curieuse;  sa  main,  (pic  je  vous  envoie  aussi,  est  gantée 
à  la  façon  des  fauconniers  (pi.  I,  fig.  1  .  Les  ventaux  en  bois  sculpté  ipii 
ferment  cette  porte  sont  bien  conservés;  ils  dalenl  de  la  lin  du  xv'  siècle; 
divisés  en  une  quantité  de  petits  panneaux,  ils  figurent,  à  gauche,  quelques 
traits  de  la  vie  de  saint  Thibault ,  à  droite ,  des  saints  et  des  saintes  Le  por- 
tail, isolé  aujounThui,  ne  donne  plus  accès  dans  l'église,  réduite  seulement 
au  ch(eur,  llanciué  (hi  cùtè  rlu  nnrd ,  d'une  petite  chapelle.  Ces  dernières 
constructions  datent  du  xiv'  siècle;  ot  sont  dune  légèreté  incroyable,  malheu- 
reusement ayant  été  inceniliées  dans  le  xvii*  siècle,  elles  ont  été  mal  ré|)arées, 
et  menacent  de  s'écrouler;  aussi  est-ce  un  iiixculain;  M"'M''  '^""^  '«''^  '''• 
Armez-vous  de  patience,  et  suivez-moi  d'abord  dans  colto  petite  cha|)cllc  du 
nord,  ou  plutôt  dans  ce  morceau  de  chapelle;  c'est  là  ,  c'est  dans  ce  misérable 
réduit,  rongé  par  l'humidité,  que  se  voit  la  châsse  de  saint  Tliibault  «jue 
vous  avez  fait  graver.  Autrefois  cette  chasse  était  placée  dans  le  choMir,  der- 
rière le  maître-autel,  et  était  en  grande  vénération;  elle  contenait  des  reli- 
ques de  saint  Thibault,  un  morceau  de  son  armure  et  plusieurs  reliquaires. 
Les  nombreux  pèlerins  qui  la  visitaient,  croyaient  pouvoir  se  guérir  de  toute 
sorte  de  maladies,  à  la  condition  d'avaler  quelques  parcelles  du  l)ois  qui  la 
compose,  aussi  aujourd'hui  celte  châsse  semble  avoir  été  rongée  par  une 
armée  de  rats,  tant  elle  est  trouée,  déchicpietée ,  percée;  la  forte  serrurerie 
qui  la  couvre,  la  heureusement  assez  bien  défendue,  et  le  couronnement  a 
été  préservé  de  la  main  des  pèlerins  par  son  élévation  au-dessus  du  sol. 
Vous  remarquerez  comliien  celte  serrurerie  esl  simple  cl  bien  combinée,  en 
môme  temps  quelle  orne  ce  coffre  d'une  facnii  cliarmanle.  Outre  les  verrous 
qui  ferment  les  deux  volets  et  les  pentur(•:^  qui  les  suspendciit ,  de  cha(]ue 
côté  passent  deux  barres  reliant  ces  volels  avec  les  montants,  et  venant  s'ar- 
rêter dans  deux  serrures,  dont  les  entrées  en  tôle  découpée,  sont  sur  les  lianes 
de  la  châsse.  Tous  ces  fers  sonl  plats,  décorés  seulement  pai-  (piciques  gra- 
vures fort  simples,  et  surtout  [)ar  la  combinaison  même  de  la  serrurerie.  Dans 
cette  châsse  comme  dans  une  maison,  comme  dans  une  cathédrale  gollii(pio, 
c'est  la  construction  qui  fait  tous  les  frais  de  la  décoration.  Les  six  poteaux 
qui  soutiennent  ce  coffre  ne  sont  ornés  qu'à  leur  sommet,  là  où  ils  n'ont  plus 


192  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

besoin  de  toute  leur  force  pour  recevoir  les  tenons  des  traverses.  Le  coffre 
est  uni  el  n'est  enrichi  que  par  la  combinaison  des  penlures ,  des  vertevelles, 
des  barres  el  des  entrées,  toutes  choses,  du  reste,  façonnées  simplement, 
mais  bien  apparentes,  d'une  façon  gracieuse  et  commode.  L'exécution  d'une 
châsse  de  ce  genre  serait  aussi  peu  dispendieuse  que  possible,  el  il  n'y  a  pas 
de  petite  paroisse  aujourd'hui  qui  ne  puisse  en  posséder  une  semblable.  A 
l'époque  où  les  pèlerins  se  disputaient  des  parcelles  de  ce  meuble,  il  était 
rempli  à  l'intérieur  de  reliquaires  fort  précieux,  donl  il  ne  reste  aujourd'hui 
que  des  débris  '.  M.  le  curé  de  Sainl-Thibauil  a  bien  voulu  me  laisser  voir 
tous  ces  fragments;  un  petit  reliquaire  en  cuivre  du  xv'  siècle  présente  encore 
quelque  intérêt,  j'en  ai  fait  un  dessin  que  je  vous  envoie,  il  ne  contient  que 
des  reliques  qui  n'ont  rien,  m'a-t-on  dit,  d'authentique  (pi.  Il,  fig.  i).  Dans 
la  petite  chapelle  où  se  trouve  placée  cette,  grande  châsse  de  bois,  se  voit 
encore  une  piscine  du  xiv"  siècle,  très-simple,  mais  fort  jolie;  je  vous  l'ai 
dessinée  sur  bois,  afin  d'augmenter  la  collection  d'objets  de  ce  genre  que 
vous  réunissez  dans  les  «  Annales»  (pi.  I,  fig.  m).  On  ne  saurait  trop  se 
presser  de  dessiner  ces  restes,  partout  ils  disparaissent,  et  je  dois  dire  que  le 
clergé  est  le  premier  à  les  détruire,  sous  le  prétexte  que  cela  ne  sert  plus 
aujourd'hui.  Une  piscine,  admettant  qu'elle  ne  soit  plus  d'usage,  est  une 
chose  forl  innocente,  et  que  l'on  peut  bien  laisser  subsister.  De  la  petite  cha- 
pelle nous  entrons  dans  le  choeur,  misérable  bâtisse  toute  moisie  par  l'humi- 
dité, toute  lézardée  par  le  feu  ,  ouverte  à  tous  vents,  déshonorée  par  un  ba- 
digeon épais  comme  un  enduit.  Là  on  est  entouré  de  fragments  d'une  beauté 
peu  commune,  ou  d'objets  curieux  el  bien  rares  aujourd'hui  en  France.  Le 
maître-autel  est  encore  surmonté  d'une  crosse  en  bois  doré  supportant  une 
colombe  à  laquelle  autrefois  était  suspendu  le  Saint-Sacrement.  Cette  dispo- 
sition était  très  usuelle  autrefois,  le  sieur  de  Mauléon,  dans  son  (f  Voyage 
liturgique  en  France»,  cite  un  grand  nombre  d'églises  où  le  Saint-Sacrement 
était  ainsi  exposé;  dans  son  chapitre  sur  Saint-Julien  d'Angers,  il  dit  entre  au- 
tres choses:  «  Le  Saint-Ciboire  est  suspendu  en  haut  au-dessus  de  l'autel  sans 
K  pavillon;  il  y  a  une  colombe  au-dessus,  comme  encore  aujourd'hui  àSaint- 
«  Maur-lcs-Fossés  [)roche  Paris,  à  Saint-Liperche  au  diocèse  de  Chartres,  et  à 
«  Saint-Paul  de  Sens,  el  comme  autrefois  dans  l'église  de  Clugny.  On  sait 
«  combien  ces  colombes  aux  suspensions  du  Saint-Sacrement  sont  anciennes 

I.  Sur  l'un  des  chapiteaux  du  cloître  de  Sainl-Trophyme,  à  Arles,  dans  la  partie  de  ce  cloître 
qui  a  été  reconstruite  au  xiv''  siècle ,  on  voit  la  représentation  d'une  châsse  qui  offre  quelque  ana- 
logie avec  celle  de  saint  Thibault  ;  c'est  un  coffre  en  forme  de  toit,  porté  par  quatre  colonnes  ;  il 
est  orné  de  fleurs  de  lis  et  de  petits  pinacles.  (Voir  pi.  I,  fîg.  ii.) 


ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Par  M.  Didron,    rue   d'Ulni,   N"   1,   à  Paris 


Fig.  1' 


PLANCHE   I. 


Fiî.  II. 


Fi?.  IV. 


^.  CùtK^A^MTûr 


ll@[LOglI  ©i  gÂlMT°TMOIBA(i!)LT   (dôw.is; 


Des$int  par  yiollel-Ltdiic  lil$. 


Gravé  pnr  F..  GiiUlaumot. 


ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Par   M.   Didron,    rue    dUlm,    N"   I ,   à  Paris 

PLANCHE   II. 


Fig.  II. 


Fis-  1' 


Fi".  III. 


ï  X(i\f  '  T/sS^  ;  r/i^  p-=^ 


iiii  iiii  lin 


--fer 


^ 


saa^yii'J'''": 


£■.  trof^'f^*'''^ 


|@LIIêi    ©1    §A0î3T-T(HlIl©iàîflLT    (déwUs). 


Otu\nt  par  lioltel-Leiluc  fili 


Cravt  par  K.  Cuillaumol. 


ÉGLISE  ET  (.IIASSE  DE  SAIM-TII 1 15.\  ILT.  103 

«  lant  ilans  l'Église  grecque  ([iie  latine.  11  en  e^l  lait  mention  dans  le  ein- 
«  quiènie  Concile  général  de  Conslantinople,  act.  .">,  dans  la  Vie  de  sainl 
«  Basile-Ie-Grand,  etc.,  etc.  »  Fréquemment  le  saint  sacrement  de  lEucha- 
rislie  était  renfermé  dans  une  coloml)e  en  or,  en  argent  ou  en  cuivre  cmaillé 
suspendue  au-dessus  de  l'autel.  Dans  les  anciennes  coutumes  du  monastère 
de  Cluny,  il  est  parlé  dune  colombe  d'or  continuellement  suspendue  sur 
l'autel,  dans  latpielic  on  réservait  le  Saint-Sacrement,  et  J.-H.  Tliiers,  dans 
son  ((  Traité  de  rc\|)0fiti()n  du  Saint-Sacit'ment»,  s'accorde  avec  le  sieur  de 
Mauléon,  et  dit  avoir  vu  une  de  ces  colombes  parmi  les  reliques  de  l'église 
paroissiale  de  Sainl-Luperce,  à  trois  lieues  de  Chartres  :  «Elle  est  (celte 
«  colombe),  ajoute-til ,  de  cuivre  rouge,  émaillée  par  endroits;  vers  le  mi- 
'(  lieu  du  cor|)s,  elle  a  comme  une  petite  boite  ronde,  creuse  environ  d'un 
«  demi-doigt,  dorée  par  le  dedans  et  ouverte  par-dessus  le  dos  entre  les 
»  deux  ailes,  avec  un  petit  couvercle  aussi  de  cuivre  rouge.  »  Ce  n'est  pas 
précisément  le  cas  à  Saint-Thibault,  la  colombe  ne  renferme  pas  le  Saint- 
Sacrement,  mais  retenait  le  Saint-Ciboire  dans  son  bec.  «Au  reste,  dit  en- 
«  core  Thiers  un  peu  plus  loin,  dans  quelques-unes  des  églises  de  France, 
«comme  dans  celle  de  Chartres,  où  le  Saint-Sacrement  est  suspendu  au 
«  milieu  des  autels,  il  y  a  des  colombes  au-dessus  des  jiavillons  qui  couvrent 
«  les  ciboires;  mais  on  ne  peut  pas  dire  pour  cela  (jue  ce  soient  des  taber- 
«  nacles  en  forme  de  colombes,  parce  qu'elles  ne  contiennent  pas  la  Sainte 
«  Eucharistie.  »  La  tapisserie  de  Montpezat,  dont  vous  avez  publié  une 
copie  ',  présente  sur  l'autel  où  saint  .Martin  ofticie,  une  dis[)Osition  analogue 
à  celle  dont  [)arle  Thiers,  et  que  nous  olTre  encore  l'autel  de  Saint-Thibault. 
Malheureusement  la  crosse  et  la  colombe  de  Sainl-ïhibault  datent  de  la  fin 
du  xvi'  siècle,  et  sont  fort  laides  et  ridicules  toutes  deux;  j'ai  cru  néanmoins 
devoir  me  presser  de  mentionner  ce  fait  encore  existant  dans  un  pauvre 
village,  et  je  vous  envoie  un  dessin  de  l'objet  en  question  (pi.  Il,  fig.  ii), 
car  demain  peut-être,  la  crosse  et  la  colombe  de  Saint-Thibault  auront-elles 
fait|)face,  si  la  fabrique  peut  réunir  quelque  argent,  à  un  horrible  baldaipiin 
en  velours  de  coton  avec  un  panache  en  bois  peint. 

Derrière  ce  maître-autel  est  un  très-beau  retable  en  bois  du  xiV  siècle, 
et  au-dessus  un  Christ  de  grandeur  naturelle  sur  une  croix  de  nm\  mètres  de 
haut,  le  tout  en  bois  sculpté  également  du  xiv«  siècle  et  assez  bien  conservé. 
Le  Christ  est  tellement  défiguré  par  une  peinture  rouge,  blanche  et  couleur 
chocolat,  qu'il  est  assez  dillicile  de  savoir  si  la  sculpture  est  l)ien  ou  mal 

I.  ylnnaks,  loriie  III,  livraison  ii''. 


191  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

exécutée.  Cependant,  ayant  pu  le  voir  d'assez  près,  il  m'a  paru  d'un  beau 
style.  Sur  les  quatre  extrémités  de  la  croix  d'une  élégance  très-remarquable, 
sont  taillés  les  quatre  évangélistes  dans  des  qualre-feuilles  terminées  par  quatre 
grandes  fleurs  de  lis.  Je  joins  un  dessin  à  ma  lettre  (plane.  Il,  fig.  iiij,  et  cela 
vaudra  mieux  qu'une  description  plus  détaillée.  Le  sacre  du  roi  Charles  X  n'a 
pas  été  fatal  qu'à  la  ville  de  Reims  seule,  j'ai  tuouvé  bien  des  fois  sur  mon 
passage  des  traces  de  cet  événement.  A  celte  époque ,  quelques  secours  ayant 
été  accordés  à  l'église  de  Saint-Thibault,  cette  croix  et  le  beau  retable  qui  se 
trouve  au-dessous  ont  été  peints  de  la  façon  la  plus  burlesque  par  ([uelque 
vitrier  du  pays.  Cet  acte  de  vandalisme  est  d'autant  plus  regrettaljJe  que  j'ai 
pu  m'assurer  de  l'existence  de  peintures  anciennes  sur  ces  deux  objets.  Il  est 
fait  mention  dans  le  voyage  du  sieur  de  Mauléon  d'un  Christ  d'une  grande 
dimension,  comme  celui-ci,  qui  se  trouvait  placé  dans  l'église  Saint-Etienne 
de  Sens.    «  Au-dessus  du  grand  autel  ,   dit-il  ' ,  il  y  a  un  retable  couvert 
(f  ordinairement  d'un  parement  comme  celui  de  l'autel  :  au-dessus  il  y  a  deux 
«  cierges  et  un  grand  crucifix,  au-dessous  duquel  il  y  a  une  petite  crosse  où 
«  est  suspendu  le  saint  ciboire  sous  un  petit  pavillon.  Il  y  a  quatre  colonnes 
«  de  cuivre  avec  des  anges  qui  sont  accompagnées  de  grands  rideaux.  »  D'un 
autre,   dans  l'église  abbatiale  de  Saint-Seine*  ,  «  le  grand  autel  est  sans 
«  retable  ;  il  y  a  seulement  un  gradin  et  six  chandeliers  au-dessus,  au-dessus 
t(  un  crucifix  haut  de  plus  de  huit  pieds,  au-dessous  duquel  est  la  suspension 
i<  du  saint  sacrement  dans  le  ciboire,  et  aux  deux  côtés  de  l'autel  il  y  a 
"  quatre  colonnes  de  cuivre,  et  quatre  anges  de  cuivre  avec  des  chandeliers 
<(  et  des  cierges  et  des  grands  rideaux.  »  Toutes  ces  citations  vous  paraîtront 
peut-être  longues,  mais  nous  ne  devons  pas  oublier  que  nos  pauvres  églises 
pillées  ont  été  accusées  de  «  triste  nudité»  en  pleine  Académie,  et  notre 
devoir,  à  nous,  qui  les  aimons  encore  dans  leur  misère,  consiste  non-seule- 
ment à  réunir  le  peu  qui  reste  de  tant  de  trésors,  mais  à  donner  une  idée  de 
ce  qu'étaient  ces  sanctuaires  il  n'y  a  guère  qu'un  siècle.  Qu'on  se  figure  ce 
que  devait  être  le  chœur  d'une  riche  abbaye  alors,  avec  son  maître-autel  de 
bronze  et  d'argent,  ses  reliquaires,  ses  tombes,  ses  stalles,  et  cette  grande 
colonne  de  cuivre  qui,  comme  aux  Chartreux  de  Dijon,  surmontée  d'un 
phénix ,  était  entourée  des  quatre  animaux  d'Ézéchiel,  formant  quatre  pupitres 
que  l'on  tournait  selon  l'Évangile;  et  ces  vêtements  des  prêtres,  et  ces  mil- 
liers d'objets  destinés  au  culte,  plus  précieux  encore  parla  forme  que  par  la 


1.  lùlit.  1718.  Puiis,  p.  102. 
î.  P.  157. 


ÉGLISE  ET  CliASSK  DE  SAI  M -THIBAULT.  195 

inaliôre! .Mais  poursuivons  noire  \isitc  painii  les  doliiis,  la  ponssit-ie, 

les  toiles  d'araignées,  lar  nous  n'avons  [-as  encore  \n  tout  ce  que  contient 
la  pauvre  église  tie  Saint-Tliiljault.  A  la  gauche  de  l'autel  se  trouve  un  tom- 
beau d'un  homme  arn)é  que  la  tradition  domie  comme  étant  l'image  du  fon- 
dateur du  chœur  de  Saint-Thihaull.  Ce  (|ui  est  certain,  c'est  que  la  statue, 
ainsi  que  le  bas-relief  (pii  est  place  au-dessus  dans  un  enfoncement  |)iati(pié 
après  coup  en  plein  mur,  sont  du  xiv"  siècle  :  le  costume,  l'exécution  dtî  ces 
figures  l'indiquent  assez.  Aucune  insciiplion  ne  se  voit  aujourd'hui  ni  sur 
ce  tombeau,  ni  au-dessus,  ni  à  côté.  La  statue  est  couchée  sur  un  socle  orné 
d'une  arcalure  très-simple.  Des  deux  côtés  de  sa  tète  sont  deux  anges  cpii 
l'encensent,  à  ses  pieds  est  un  lion  ,  deux  moines  lisent  l'oliice  des  morts.  Le 
j)etit  bas-relief  représente  une  procession  de  religieux  tenant  des  cierges  ;  ils 
sont  suivis  de  femmes  en  pleurs  :  l'une  d'elles,  soutenue  par  un  homme, 
semble  succomber  sous  le  poids  de  sa  douleur.  Rien  n'est  plus  pathéticpie, 
plus  saisissant  que  ce  bas-relief  dune  exécution  irréprochable.  D'un  côte  on 
est  frappé  delà  gravité  calme  des  religieux  (pii  [)araissent  uni(piemenl  occupés 
de  leurs  [)rières,  tous  dans  la  même  attitude,  marchant  régulièrement  vers  la 
sépulture,  la  tète  penchée,  l'air  recueilli  ;  un  seul  semble  inviter  les  femmes 
à  faire  trêve  à  leurs  gémissements.  De  l'autre,  l'émOtion  vous  saisit  en 
voyant  ce  groupe  de  pleureuses  marchant  pèle-méle,  dominées  de  passions 
diverses,  et  précédées  par  l'expression  du  déses|)oir  morne,  par  cette  femme 
qui  ne  crie  ni  ne  pleure,  mais  que  les  forces  abandonnent  et  qu'il  faut  sou- 
tenir. Tous  ces  gestes  sont  d'une  viM'ité  saisissante,  tous  ces  visages  sont 
pleins  d'expression ,  et  paraissent  sous  l'empire  de  la  douleur  terrestre , 
tandis  qu'au-dessus  de  ce  petit  drame  compris  de  tous,  car  c'est  l'hisloire  de 
chacun,  dans  la  partie  cintrée  du  réduit  qui  contient  le  tombeau  ,  on  aperçoit 
d'un  côté  le  Christ ,  de  l'autre  un  ange  à  genoux  et  tenant  l'àme  du  mort  sous 
la  figure  d'un  enfant.  Celte  partie  du  sujet,  malheureusement  très-mutilée, 
fait  un  contraste  frappant  par  la  simplicité  et  le  calme  des  poses  avec  l'aspect 
agité  de  la  zone  inférieure.  Voici  un  dessin  sur  bois  de  la  statue  de  l'hominc 
armé  (pi.  1,  Dg.  iV;.  Le  costume  est  curieux,  la  figure  est  belle,  tous  les 
menus  détails  de  la  cotte  maillée,  les  courroies,  sont  rendus  avec  cette  (idé- 
lité  et  cette  simplicité  d'exécution  des  belles  éporpies  de  la  sculpture;  vous 
remarquerez  les  manches  étroites  sous  la  double  tunicpie  de  mailles  et  de  lin, 
elles  |iaraissent  être  faites  d'une  étoile  ra\ée  fort  résistante,  et  sont  fermées 
par  une  suite  de  petits  boutons  très-rapprocliés.  Vous  saurez  peut-être  indi- 
quer l'usage  de  la  courroie  qui  sépare  le  capuchon  maillé  à  la  hauteur  de 
l'œil,  peut-être  cette  lanière  de  cuir  était-elle  destinée  à  empêcher  le  fiotte- 


196  ANNALES  ARCHÉOLOGIQL'ES. 

ment  du  heaume  de  blesser  les  oreilles.  Dans  la  petite  chapelle  où  je  vous 
ai  d'abord  introduit,  se  trouve  une  statue  de  femme  que  l'on  m'a  dit  avoir 
été  autrefois  posée  auprès  de  celle-ci ,  elle  est  du  reste  de  la  même  époque. 

Non  loin  du  tombeau  du  fondateur ,  on  voit  accroché  à  la  muraille  un  déli- 
cieux retable  en  bois  du  xiv°  siècle,  qui  représente  quelques  faits  de  la  vie 
de  saint  Thibault.  Vous  savez  que  saint  Thibault ,  né  à  Marly  ,  était  fils  aîné 
de  Bouchard,  baron  de  Marly  ,  de  l'ancienne  maison  de  Montmorency ,  et  de 
madame  Ilildegarde  sa  femme  ,  par  conséquent  fort  grand  seigneur;  aussi  le 
retable  représente-t-il  les  phases  importantes  de  sa  vie  mondaine.  Du  côté 
gauche ,  un  évoque  semble  prédire  à  la  dame  Hihlegarde  les  saintes  destinées 
du  fils  qu'elle  porte  dans  son  sein;  un  petit  crucifix  que  l'on  aperçoit  sur  le 
fond  du  retable  entre  ces  deux  personnages,  paraît  avoir  été  placé  là  pour 
faire  connaître  la  piété  de  l'épouse  du  baron  de  Marly  ;  à  la  suite  de  cette 
scène  est  sculptée  la  naissance  du  saint ,  une  main  qui  sort  de  Tarcature  supé- 
rieure bénit  l'enfant,  puis  vient  la  dame  Hildegarde  qui,  radieuse  comme  la 
sainte  Vierge,  porte  son  fils  dans  ses  bras;  celui-ci  caresse  le  menton  de  sa 
mère,  geste  que  l'on  retrouve  souvent  à  cette  époque  dans  des  groupes  de  ce 
genre.  Le  jeune  Thibault,  dans  la  scène  suivante,  est  xeprésenté  avec  un 
faucon  au  poing,  et  paraissant  écouter  attentivement  les  leçons  d'un  homme 
plus  âgé  que  lui.  En  effet ,  «  son  pèie  »  ,  dit  la  Vie  des  Sai7ils ,  «  eut  grand  soin 
«  de  le  faire  former  de  bonne  heure  à  tous  les  exercices  qui  rendent  un  jeune 
('  gentilhomme  considérable  en  le  mettant  en  étal  de  paraître  à  la  cour  et  dans 
«  les  armées.  Il  n'y  en  avait  point  qui  sut  mieux  monter  à  cheval  et  faire 
«  des  armes,  ni  qui  se  distinguât  davantage  dans  les  jeux  publics,  les  courses 
«  de  la  bague,  et  les  tournois.  »  Plus  loin,  nous  voyons  le  jeune  Thibault  à 
genoux  devant  son  père ,  et  qui  semble  lui  demander  sa  bénédiction.  Ce 
groupe  est  un  petit  chef-d'œuvre  ;  l'expression  du  père ,  la  tête  appuyée  sur 
sa  main ,  est  aussi  belle ,  aussi  noble  que  ce  que  l'on  a  jamais  fait  Le  vieillard , 
sur  le  point  de  se  séparer  de  son  fils  décidé  à  entrer  dans  les  ordres,  semble 
hésiter;  malgré  la  résignation  peinte  dans  ses  traits,  l'attitude,  le  geste. 
Unissent  voir  que  l'homme  souffre,  que  le  père  essaie  encore  de  retarder  le 
moment  de  la  séparation;  là  aussi,  une  main  sortant  du  couronnement,  bénit 
le  saint  futur.  <'  L'abbaye  de  Vaux-Cernay  ,  de  l'ordre  de  Cistaux,  au  diocèse 
«  de  Paris,  fondée  par  Simon  de  Neautle,  connétable  de  France,  était  alors 
«  fort  célèbre,  et  il  y  avait  peu  de  couvents  où  l'austérité  religieuse  et  toute 
«  l'observance  monastique  fut  gardée  avec  plus  de  rigueur.  Ce  fut  le  lieu  que 
«  notre  saint  jeune  homme,  qui  voulait  embrasser  la  pénitence,  choisit  pour 
"  celui  de  sa  retraite.  Il  y  alla  bien  accompagné  de  ses  domestiques  sans  leur 


ÉGLISE   ET  CHASSE  DE  SAINT-  TU  IR  AT  LT.  107 

t(  rioii  (liH'oiivi'ii- (le  >nii  ilo>?(Mn  ;  iiiais  s'olant  l'ail  irccNoii'  par  l'alihc,   il  h^-^ 

«  M'iiMua  fil  sa  luaisiiii '    '.   Ce  sujcl  ol  Ir  (liTiiicr  it'iiicsi'iili'  sur  le 

ivlaltlo.  Sailli  Tliibault.  achevai,  accoiiipaiiiu'  do  deux  scivileiiis  ,  se  |né- 
seiile  à  la  porte  de  l'abbaye  el  est  reçu  par  un  IVère. 

linliii,  dans  le  milieu  de  ee  retable,  est  re|)résenté  le  saint  en  costume 
d  abbe,  assis  sur  un  siège  niagnit'Kpie  orne  de  lèles  de  lions,  tenant  un  livre 
fermé  de  la  main  gauche,  et  bénissant  de  la  droite.  Tontes  ces  iigures  sont 
dune  exécution  parfaite  et  d'un  st\le  tivs-reiiianpiable;  la  peiiilure  ancienne 
en  est  assez  bien  cons(M-v(>(> ,  les  fonds  sont  rougiîs ,  alternalivenienl  décorés 
de  Heurs  de  li,-  et  de  petits  ornements  l'eiiillagés. 

Les  vêlements,  étant  plus  exposés  à  la  poussière,  ont  soulferl  davantage; 
cependant,  en  les  regardant  avec  attention,  on  les  voit  bientôt  couverts  de 
ces  jolies  rosaces  du  xiV  siècle,  de  ces  qualre-feuilles  semées,  et  de  ces  bor- 
dures si  fines. 

Saint  Thibault,  lidmmc  bien  né,  grand  seigneur,  ipii  allait  ;i  la  cour  de 
saint  Louis,  lettre,  aimant  les  arts,  devait  inspin^r  les  liommes  cjui  ont 
voulu  lui  rendre  hommage.  Aussi  les  débris  (|ue  j'ai  pu  découvrir  dans  celte 
ruine  de  rancieii  prieuré,  sont-ils  la  |>hipa!l  (Tune  beauté  rare  ;  vous  y  rencon- 
trez pélc-méle  une  (juanlité  de  fragments  du  plus  beau  style.  Sur  un  autel 
[ilacé  en  dehors  du  chœur  est  une  fort  belle  statue  de  Vierge  du  xiv"  siècle, 
badigeonnée  en  gris;  dans  un  morceau  de  galerie,  j'ai  vu  gisant,  un  saiiil 
Denis  en  bois,  (|ui  paraît  être  de  l'auteur  du  retable;  d'un  autre  côti;  est  une 
sainte  Anne.  On  pourrait  rester  ici  peiulaiit  un  mois  à  méditer  sur  ces  ruines  si 
pleines  encore  de  souvenirs  el  si  peu  connues;  mais  revenons  à  notre  saint. 
Ayant  jiassé  quelques  années  dans  l'abbaye  de  Vaux-Cernay  à  étudier  les 
lettres  et  à  |)iali(iuer  toutes  les  vertus  religieuses,  l'abbé  Hicliard  étant  mort, 
il  fut  mis  en  sa  place  en  \2'.]7') ,  el  devint  la  lumière  de  ce  mmiastcre.  11  aug- 
menta les  bàliments  el  la  bibliolliè([ue  du  couvent,  il  \onlail  lui  même  porter 
les  pierres  el  le  mortier  pour  aider  les  maçons,  el  lit  copier  nombre  de  manuscrits. 
Le  P.Anselme  '  lui  attribue  un  poème  sur  la  mort,  (pie  Ton  a  supposé  avoir 
été  plut(jt  composé  par  riiibanlt  de  Moiitiiiorency  inoil  a  la  lin  du  xii''  siècle. 
Quoi  ([u'il  en  soit,  j'avoue  que  cette  [liece  de  vers,  malgré  et  peut-être  à  caus(î 
des  >trophes  satiri(]ues  qu'elle  contient ,  ne  me  semble  pas  en  d('saccord  av(>c  ta 
vie  et  le  caractère  de  saint  Thibaiill  ,  a  la  l'ois  austère  et  passionné  ;  elle  ren- 
ferme des  passages  dictés  par  un  si'iilinn'iil  poélicpie  très-éleve  ,  et  ?-i  voii-  mr 


t.  Le.i  fies  (Ici  Saints,  in-folio  l'ari.-s,  I7li).  lomc  II.  \i;\ic  il'i. 
2.  Ilisloife  (ji-iii'uliKjique ,  tome  III ,  page  Ci>8. 

V.  20 


|t)8  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUE?. 

le  periiieitez ,  je  vous  transcrirai  ici  quelques-unes  de  ces  strophes  tirées  d'un 
manuscrit  provenant  de  l'alibaye  Saint-Victor  '. 


Mor;;,  en  cui  niiréoir  se  mire 
L'âme  (]uant  des  cors  se  deschire, 

Mors,  qui  venis  de  niors  de  pome 
Primes  en  feme  et  puis  en  home , 
Tubas  le  siècle  conme  toile, 
Va  moi  saluer  le  grant  Rome 
Qui  de  rungier  à  droit  se  nome , 
Car  le  char  runge  et  le  cuir  poile  ; 
Et  fais  a  symoniaus  voile 
De  Cardonax  et  d'Apostoile. 
Rome  est  li  mal  qui  tôt  assome , 
Rome  nos  fait  de  siu  candoile 
Ouanl  son  légat  vent  conme  estoile, 
.là  n'iert  tant  tainz  de  noire  gone. 

Mors,  fai  enseler  les  chevaus 
Por  sus  monter  ces  cardonaus 
Qui  luisent  conme  mort  carbon  , 
Por  le  clarté  qu'il  ont  eu  iaus. 
Di  lor  que  moult  ies  dure  à  chiaus 
Ki  plus  aerdent  de  cardon 
Au  grant  présent  et  au  grant  don  , 
Et  por  ce  ont  Cardonal  à  non  ; 
Mais  Rome  emploie  deniers  faus  , 
Et  tout  brisie  et  tout  séon 
Et  si  sorargenle  le  pion 
('.'on  ne  connoist  les  bons  des  maus. 

Moi-s  crie  à  Rome,  crie  à  Rains, 
Seigneur,  tôt  estes  en  mes  mains  , 
Aussi  li  haut  comme  li  bas  ; 
Ouvrés  vos  iex ,  chaingniés  vos  rains 
Anchois  que  je  vos  tiegne  as  frains, 
Ke  ne  vos  face  crier,  las  ! 
Certes  j'akeur  plus  que  le  pas , 
Et  s'aport  dez  de  deus  et  d'as 


Por  vos  faire  jeter  del  mains. 
Laissiez  vos  chifdois  et  vos  gas, 
Tex  me  ouvre  dessous  ses  dras 
Qui  culde  estre  tous  fors  et  sains. 

Mors,  \a  à  Riauvais  tôt  corant 
A  l'Evesque  qui  m'aime  tant. 
Et  qui  toz  jours  m'a  tenu  chier. 
Di  li  qu'il  ail  jours  contremant 
Un  jour  à  toi ,  mais  ne  sai  quant 


Mors,  mors,  qui  jà  ne  seras  lasse 
De  muer  haute  cose  en  basse , 
Aloult  volentiers  fesisse  aprendre 
Rois  et  princes ,  se  je  osasse, 
Conment  tu  trais  rasoir  de  casse 
Pour  chiaus  rere  qui  n'ont  que  prendre. 
Mors,  qui  les  montés  fais  descendre. 
Et  qui  des  cors  as  rois  fais  rendre , 
Tu  as  tramial  et  rois  et  nasse 
Pordevant  les  haus  home  tendre. 
Qui  por  sa  poesté  estendie 
Son  ombre  Iressaut  et  trespasse. 

Mors ,  lu  abas  à  un  seul  jour 
Aussi  le  roi  dedens  sa  tour 
Con  le  povre  de  sous  son  toit  ^  ; 
Tu  erres  adès  sans  séjour 
Por  cascuns  semonre  à  son  tour 
De  paier  Dieu  Irestot  son  droit. 
Mors ,  tant  tient  l'ame  en  ton  desiroit 
Qu'ele  ait  paie  quanqu'ele  doit 
Sans  nule  faute  et  sans  retour  : 
Por  ce  est  fox  qui  seur  s'ame  acroit , 
Qu'ele  n'a  gaige  qu'el  emploit. 
Puis  qu'ele  vient  nue  à  l'eslor. 


I.  Vers  sur  la  niorl ,  par  Thibaull  de  Marly  ,   iiupriniés  sur  un  manuscril  de  la  bibliothèque 
ro\ale.  .\  Paris,  chez.1.  Renouard,  imp.  de  Crapelet. 

i.  Le  pauvre  en  sa  cabane  ,  où  le  chaume  le  couvre  , 

Est  sujet  à  ses  lois  ; 
Kt  la  L;arde  qui  veille  aux  barrières  du  Louvre 

N'en  défend  pas  nos  rois.  {.^fa/herbe.  ) 


ÉGLISE  ET  ClIASSK   DE  SAINT-THIBAULT.  199 

Mors ,  douce  as  bons ,  as  max  anierc  ,  Et  le  cors  lioiile  aiiis  nu'il  s'a|)iiit , 

A  l'un  ies  largo ,  à  l'aulre  avère,  «Si  toit  l'anio  ains  iju'ole  s'a(|uil. 
Les  uns  cache ,  les  autre  fuit  ;  El  fiert  anchois  ([u'ele  s'apere  ; 

Tex  ne  la  crient  qui  la  compère,  Mors,  vait  connie  terres  par  nuit , 

Et  prent  le  fil  devant  le  père.  Et  l'endormi  en  son  déduit 

Et  kieult  le  Heur  devant  le  fruil .  Semoni  losl  avaiil  di'  Il  lore. 

On  pouri'ail  citer  loiiles  ces  stfophos  ,  car  elles  sont  loules  pleines  de  vei've 
et  de  poésie;  mais  puisqu'elles  ont  été  imprimées  déjà  par  les  soins  de  M.  Cfa- 
pelet,  je  renvoie  vos  lecteuis  à  cette  brocliuie,  aussi  bien  tpi'aii  catalogue  de 
la  bii)liotlièque  |ioétique  de  ]M.  Viollot-I.educ  cpii  en  |)arle  lon.i^ucment.  Si  ces 
vers  ne  sont  pas  de  saint  Thibault ,  ils  sont  au  moins  de  l'un  des  siens,  car  ce 
petit  poème  est  terminé  paf  ce  ipialiain  : 

Icist  linent  les  vers  Woucharl 

Dict  do.Marly  que  Dieu  <;arl 

De  celui  feu  qui  tout  jor  art .  '  '  . 

Einz  le  preingnc  à  la  sue  pari. 

Kl,  d'ailleurs,  j'avoue  que  le  témoigtiage  du  l*.  Aii.H'liiie  me  seml)le  a\oir 
une  certaine  valeur. 

Votre  bien  dévoué  el  alTeclionnc , 

i:.    \  lol.l.Ki-I.LDLC. 


RESTAUKATION 


L'EGLISE  ROYALE   DE  SAINT-DENIS. 


OHNEMENTATION   INTÉRIEURE. 

Chapelles  de  la  nef.  —  Chœur  d'hiver.  —  Chapelles  du  chevet  —  Vitraux. 
Peinture.  —  Paléographie.  —  Blason.  —  Crypte. 

L'article  que  nous  publions  anjouid'luii,  après  Tavoir  augmenté,  devait 
suivre  à  peu  de  distance,  celui  qui  a  paru  dans  le  numéro  des  «  Annales 
archéologiques  »,  du  mois  de  novembre  I8'i4  ',  sur  la  partie  architecturale 
de  la  restauration  de  Saint-Denis.  Des  motifs  de  convenances  toutes  particu- 
Uères  nous  déterminèrent  à  en  ajourner  indéflniment  la  publication;  d'une 
(lueslion  d'art  nous  craignions  alors  de  faire  une  question  de  personne.  L'état 
des  choses  a  bien  changé  depuis.  L'église  de  Saint-Denis  vient  de  tomber  en 
de  nouvelles  mains,  et  l'administration  a  couvert  de  son  approbation  expresse 
tout  ce  qui  a  été  fait  jusqu'à  ce  jour  au  grand  préjudice  du  monument.  Par 
suite  du  changement  de  règne,  la  restauration  de  Saint-Denis  est  passée  à 
l'état  de  fait  historique;  la  critique  peut  désormais  s'exercer  sur  elle,  sans 
([ue  nous  ayons  à  nous  préoccuper  de  personnalités  irritantes.  Il  est  d'ailleurs 
plus  important  c[ue  jamais  d'éveiller  l'attenlion  du  nouvel  architecte  sur  l'élat 
d'une  succession  qu'il  se  doit  bien  garder  d'accepter  autrement  que  sous 
bénéllce  d'inventaire. 

Le  vice  capital  de  la  décoration  actuelle  de  Saint-Denis,  c'est  à  nos  yeux 
l'absence  de  tout  caractère  sérieux.  Vous  croiriez  voir  l'œuvre  d'une  géné- 
ration sceptique  et  moqueuse  qui,  forcée  de  relever  les  ruines  de  la  vieille 
église,  aurait  voulu  se  dédommager  de  cette  contrainte,  en  traitant  de  la 
façon  la  plus  cavalière  des  choses  d'un  ordre  tout  à  fait  grave  et  respectable. 
Ici,  on  a  joué  aux  catacombes  et  aux  premiers  chrétiens;  là,  on  a  élagué 
des  légendes  les  miracles  que  Dieu  n'aurait  pu  opérer,  sans  blesser  notre 
raison;  ailleurs,  on  vous  donne  pour   lonibeaux  de  martyrs  des  blocs  de 

I.     Iiuiaks  .Irchco/ogifjKes,  \ol.  I .  pages  2.T0-2,J(). 


KKSI  Al  KM  ION   KK  I.  KCf.lSK  UOVALE  DE  SAINT-DENIS.     -201 

l>it'rr(>  (ini  nCii  oui  inn'  liiiipaiciicc,  cl  dos  autels  réellomenl  consacrés  abri- 
lent  sons  leurs  tables  ces  simulacres  inenleurs;  enlin,  pour  comble  de  déri- 
sion, deux  ou  trois  nièlres  cnrrés  de  mauvaise  seri,'((  roui:;e,  appendns  à  une 
|)erche  de  bois  dore,  an  fond  de  rid)sido,  au-dessus  du  reli(inaire  des  trois 
apôlres  parisiens,  parodient  sacriléiicment  ce  glorienv  oiinammc  de  France, 
que  nos  pères,  dans  leur  reliiiieux  enllionsiasme  ,  ero\aient  dcscen(bi  des 
cieux  et  remis  |)ar  un  ani,'e  aux  mains  du  premier  roi  cinétien. 

Nous  le  reconnai>sons  sans  peine,  dans  un  travail  aussi  complexe  (]ue  la 
restauration  de  Saint-Denis,  des  questions  de  la  solution  la  plus  diflicilc 
devaient  surgir,  à  chaque  pas  qu'on  voulait  l'aire  en  avant;  mais  ce  (jui  pour- 
rait devenir  une  circonstance  atténuante  n'est  certes  pas  une  excuse,  l'n 
même  artiste  peut  ne  pas  èlr(>  tenu  de  remplir  simultanément  les  fonctions 
darchitecte,  de  scul|)teur,  de  peintre,  de  verrier,  ni  de  joindre  à  la  con- 
naissance de  son  métier  des  notions  a|)profondies  en  histoire  politique,  reli- 
gieuse et  monuineiitale,  en  [laléograpliie,  en  Idason,  en  iconogra|)liie,  en 
théologie  même  et  en  liturgie.  N'aurail-il  cependant  pas  fallu  savoir  au  moins 
([uelque  peu  tontes  ces  choses,  pour  se  croire  apte  à  restaurer  un  monument 
qui,  comme  Saint-Denis,  touche  par  tant  de  points  à  l'histoire  de  notre 
moyen  âge.  De  là  ,  nous  conclurons  que  la  restauration  d'une  telle  église 
excédait  les  forces  d'un  seul  homme,  que  personne  ne  se  trouvait  en  état  de 
Tentreprendre  avec  chance  de  succès,  à  répo(|ue  surtout  à  laiiuelle  on  l'a 
commencée,  et  que  ce  n'aurait  pas  été  trop  de  placer  un  homme  spécial  à  la 
tête  de  chacune  des  principales  divisions  de  ce  travail  inunense.  (loniment 
s'expliquer  alors  l'insouciante  sécurité  d'une  administration  (pii  s'est  crue 
ilégagée  de  toute  responsabilité,  poui  a\(iir(()ntie  un  monument  de  cette 
nature  à  des  architectes,  (jui  pouvaient  avoir  fait  leurs  preuves,  comme  i)ra- 
ticiens  et  connue  artistes,  nuiis  (]ui  ne  ressentaient  pour  l'architecturedu  moven 
âge  (piuii  mépris  fonde  sur  la  plus  conq)léte  ignorance,  (les  messieurs  ont 
expérimente  sur  Saint-Denis;  ils  se  sont  instruits  à  ses  dé|)cns;  faciaintts 
cxperimnihiin  in  anima  cili.  Les  chambres  législatives,  qui  se  sont  montrées 
d'une  générosité  vraiment  iné|)uisable  à  l'égard  t\r  la  rovale  eiilise,  ne 
seraient-elles  donc  pas  en  droit  de  demander  conq)le  du  re-ullal  produit  par 
le  vote  et  l'cmpldi  de  tant  di'  millions  pour  le  progrès  de  1  ai  i  d  di'  la  science 
archéologi(|ue.'  Nous  |)ouvous  bien  le  dire  sans  fausse  modestie,  on  avait 
conq)té  sans  l'école  nouvelle;  on  crosail  le  luoyen  Age  réduit  à  l'état  de 
lettre  morte,  ou  pétrilié  en  indéchiffrables  hiéroglyphes;  on  pensait  bien, 
pour  nous  ser\  ir  dune  expression  vulgaire,  (]uc  persoiuie  ne  s'aviserait  jamais 
de   mettre  le  nez  dan^  d  aussi   pitovables  vieilleries.  .Mais,  voyez  la   malo 


202  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

aventure,  le  spectre  du  moyen  Age  a  secoué  sa  poussière;  c'est  un  cauclie- 
mar  qui  ne  permet  plus  à  Messieurs  de  l'Institut  de  s'assoupir  en  leurs  fau- 
teuils,  au  murmure  flatteur  des  compliments  académiques.  Quelle  paix 
régnait  autrefois  en  ce  collège  de  savants  bénis  du  ciel!  quel  échange  de 
louangeuses  politesses!  passez-moi  la  rhubarbe,  je  vous  passerai  le  séné.  A 
force  d'études ,  nous  avons  acquis  le  droit  de  nous  faire  entendre;  mais  on  ne 
nous  pardonnera  jamais  d'en  savoir  plus  que  les  maîtres  officiels. 

Chapelles  de  la  nef.  —  Sept  chapelles  bordent,  au  nord,  la  nef  de  Saint- 
Denis;  la  première  sert  de  logement  aux  gardiens  de  l'église,  et  la  septième 
est  occupée  par  les  deux  mausolées  de  Louis  XII  et  de  Henri  IL  Les  cinq 
autres  chapelles  ont  été  rendues  au  culte,  et  à  l'heure  qu'il  est,  on  s'occupe 
de  mettre  la  dernière  main  à  leur  décoration.  Deux  d'entre  elles  seulement, 
celles  de  Saint-Martin  et  de  la  Trinité,  conservent  leurs  titres  anciens;  les 
trois  antres,  qui  portaient  les  noms  de  Saint-Laurent,  de  Saint-Louis  et  de 
Saint-Denis,  ont  perdu  leurs  vieux  patrons.  Mais  un  illustre  martyr  comme 
saint  Laurent,  un  roi  comme  saint  Louis,  un  apôtre  comme  saint  Denis  mé- 
ritaient quelques  égards;  aussi,  leur  a-t-on  accordé  un  dédommagement  dans 
les  chapelles  absidales,  où  ils  ont  à  leur  tour  supplanté  des  bienheureux  de 
moindre  valeur.  La  confusion  résultant  de  tous  ces  déplacements,  n'em- 
brouillera pas  médiocrement  l'histoire  de  l'abbaye ,  pour  celui  qui  voudra 
l'étudier  dans  les  divers  ouvrages  laissés  par  les  bénédictins.  Ce  n'était  pas 
sans  motifs  que  les  moines  de  Saint-Denis  avaient  déterminé  les  titres  de  leurs 
différentes  chapelles;  le  choix  de  chaque  patron  se  rattachait  à  quel([ue  cir- 
constance remarquable  de  l'histoire  du  monastère. 

Saint  Denis,  malgré  sa  qualité  de  maître  de  céans,  a  donc  été  rudement 
éconduit  d'une  chapelle,  où  il  présidait  jadis  à  une  très-ancienne  confrérie, 
et  saint  Philippe  lui  a  pris  sa  place.  C'est  que  saint  Philippe  est  aujourd'hui 
un  saint  d'ordre  royal.  Les  vieux  saints,  dont  le  diocèse  de  Paris  aimait  à 
vénérer  les  images,  et  qu'il  saluait  comme  ses  patrons,  sont  maintenant 
déclarés  déchus  de  leurs  autels,  et  contraints  de  battre  en  retraite  devant  la 
nombreuse  troupe  de  bienheureux  dont  les  noms  figurent  au  calendrier  de  la 
dynastie  régnante.  Saint  Philippe  et  sainte  Amélie  jouissent  surtout  d'un 
crédit  qui  n'a  plus  de  bornes;  on  les  peint,  on  les  sculpte  aussi  exactement 
que  possible  à  la  ressemblance  d'augustes  personnages  qui  vivent  au  milieu  de 
nous,  et  rien  ne  paraît  plus  étrange  que  de  voir  travestis  en  saints  des  princes 
dont  les  portraits ,  en  simple  costume  civil ,  remplissent  les  magasins  de  nos 
marchands  d'estampes.  Dans  la  nouvelle  église  de  Saint-Yincent-de-Paul , 
chaque  membre  de  la  famille  royale,  prince  ou  princesse,  est  sculpté  en 


UESTArUATlON   DE  L'ÉGLISE  KOVALE  DE  SAIM-DEMS.    203 

bois,  sur  la  flùtuie  du  chœur,  avec  le  nom ,  le  nimbe  et  les  alhibuls  de  son 
patron;  le  vain{jueur  de  Mogador  y  porle  le  cordon  de  saint  François;  saint 
Albert  el  saint  Robert  y  représentent  le  comte  de  Paris  et  son  frère  ;  le  roi  des 
Heliies  y  tient  aussi  sa  place,  à  l'abri  du  nom  de  saint  Léopolil,  cl  |inrle  en 
main  une  église  qui  affecte  une  tournure  toute  catlioliipie;  je  crois  même  que 
le  sculpteur  a  créé  quelques  saintes  (pie  le  martyrologe  romain  ne  lui  four- 
nissait pas;  sainte  Louise  et  sainte  Clémentine  me  semblent,  par  exenqde, 
d'une  autlionticité  fort  suspecte.  Ainsi,  les  princes  font  sur  la  terre  la  for- 
tune de  leurs  patrons,  cpii  seraient  bien  ingrats  de  ne  pas  leur  rendre  la 
pareille  en  paradis. 

A  Saint-Denis,  la  décoration  des  chapelle!»  lalcraics  de  la  nef  a  été  traitée 
connue  s'il  se  fût  agi  de  l'ameublenuMit  des  salles  d'un  musée.  Les  gens  qui 
avaient  su])primé  le  musée  des  Pelits-Augustins,  et  qui  ne  savaient  plus  que 
faire  de  rimmense  quantité  de  fragments  dont  se  composait  celle  collection  , 
eurent  la  funeste  pensée  d'enrichir  Saint-Denis  de  la  dépouille  de  cent  églises. 
De  leur  côté,  les  architectes  se  sont  donné  des  peines  incroyables  pour  mettre 
en  œuvre  tous  ces  débris.  Aussi,  l'œil  est-il  partout  chotpié  d'une  agréga- 
tion désordonnée  de  sculptures  qui  n'ont  ni  rapport  d(!  sujets,  ni  ((iiiiniu- 
nauté  d'origine,  ni  analogie  de  style. 

La  première  chapelle  pourrait  suffire  à  donner  une  idée  de  toutes  les  autres. 
Au  fond,  deu.x  chapiteaux  carlovingiens  portent  des  statues  du  Christ  el  de  la 
Madeleine  qui  ap|)ailiennent  à  une  épo(}ue  déjà  un  peu  avancée  du  xiv"  siè- 
cle; nous  avons  [)arlé  de  ces  figures  dans  notre  précédent  article;  elles  ont 
été  faites  pour  l'extérieur  et  non  pour  le  dedans  de  l'église.  Tout  à  côte,  un 
.Moïse  et  un  Aaron,  de  plâtre  ou  de  terre  cuite,  se  tiennent,  a  !  iniilalinu  des 
stylites  orientaux ,  en  équilibre  sur  deux  colonnes  neuves  coiffées  de  jolis 
chapiteaux  ioniques  du  temps  de  Louis  XIII,  dont  les  volutes  acconqtagnent 
des  tètes  d'anges  bouftis;  le  législateur  juif  et  son  frère  le  grand  |)rèlre  ne 
rendraient  pas  facilement  compte  de  leur  présence  en  ce  lieu  ;  je  soupçomie 
fort  l'effigie  d'Aaron  de  n'être  qu'une  copie  de  ([ueUjue  statue  d'évèque  trans- 
formé en  pontife  de  l'ancienne  loi,  au  moyen  de  l'application  d'un  rational 
sur  la  poitrine,  el  de  la  conversion  peu  difficile  de  la  mitre  en  tiare  à  double 
corne.  Entre  les  deux  personnages  bibliques,  un  saint  Jean-Haplisle  en 
marbre,  duxiv"  siècle,  sur  la  tète  duquel  on  a  cloue  un  nimbe  crucifère,  en 
façon  de  cascjuelle,  perche,  c'est  le  mot,  au  bout  d'un  bâton  sculpté,  qui 
servait  de  trumeau  à  une  porte  du  cluUeau  de  (haillon.  Le  xvi"  siècle  a  fourni 
(]uatre  l)as-reliefs  encastrés  dans  les  murs,  représentant  la  frahison  de 
Judar-,  la  Flagellation,  TLcceliomo,  l'.Vsccnsion;  ils  mhiI  lont  fiagnienie-. 


-204  ANNALES  AllCHEOLOG  I  OL  ES. 

Pour  donner  à  cette  cliapelle  un  autel  dii^iie  de  tigurer  au  milieu  d'un  pa- 
reil désordre,  on  est  allé  choisir  dans  les  magasins  les  arcliivolles  de  plu- 
sieurs ogives  du  xiii' siècle,  en  pierre  coloriée,  autrefois  comprises  dans  la 
décoration  de  la  charmante  tribune  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  et  sur  ces 
appuis  d'un  nouveau  genre  s'est  assise  une  grande  dalle  qui  forme  la  table 
de  raulel.  Du  même  coup,  on  a  privé  la  Sainte-Chapelle  d'une  portion  impor- 
tante de  son  ancienne  ornementation,  et  l'on  a  enrichi  Saint-Denis  d'un 
pitoyable  monument,  ('es  archivoltes,  ainsi  disposées,  forment  une  claire- 
voie  ,  une  manière  de  cage,  dont  les  barreaux  emprisonnent  une  statue  cou- 
chée sur  un  suaire;  regardez  bien  et  vous  reconnaîtrez  l'amant  de  Diane  de 
Poitiers  (Henri  II),  qui  fait  ici  fonction  d'un  Christ  au  sépulcre.  Si  le  person- 
nage vous  inspire  peu  de  dévotion,  tâchez  au  moins  de  retrouver,  sous  le 
badigeon  cadavéreux  qui  la  souille,  les  beautés  merveilleuses  de  celte  statue 
que  Germain  Pilon  sculpta  en  pierre,  comme  modèle  de  l'effigie  de  marbre 
qui  repose  dans  la  splendide  chapelle  funèbre  des  Valois. 

Au-dessus  de  cet  autel  d'assez  profane  composition  ,  s'élève  un  curieux  re- 
table de  bois,  travaillé  avec  plus  de  patience  que  d'art;  les  scènes  de  la 
Passion  s'y  développent  en  une  foule  de  petits  sujets;  le  style  de  cette  sculp- 
ture accuse  une  origine  flamande.  Une  des  chapelles  de  la  nef,  à  Saint-Ger- 
main-l'Auxerrois,  possède  un  retable  presque  identique  à  celui-ci. 

Enlin,  notre  chapelle  a  été  peinte  entièrement;  mais,  au  lieu  de  la  revê- 
tir de  ces  brillantes  couleurs  d'azur  et  d'or  que  le  moyen  âge  affectionnait 
tant,  on  lui  a  imposé  un  costume  de  la  teinte  la  plus  triste  et  la  ])lus 
blafarde.  Certaines  colonnes  reproduisent,  sur  des  dimensions  gigantesques, 
ces  innocents  bâtons  de  sucre  de  pomme  ou  de  chocolat  que  nos  confiseurs 
étalent,  moins  pour  égayer  les  jeux ,  que  pour  éveiller  la  gourmandise.  Si , 
connue  on  a  osé  le  dire,  l'argent  manquait  pour  faire  mieux,  ne  convenait-il 
pas  d'attendre?  l'église  de  Saint-Denis  vivra  plus  que  nous.  Une  draperie 
simulée,  de  couleur  verdàtre,  semée  de  maigres  ornements  d'or  au  plus 
faible  titre,  s'accroche  lourdement,  dans  tout  le  pourtour  de  la  chapelle, 
aux  parties  basses  des  murs.  Plus  haut,  des  peintres  en  bâtiments,  transfor- 
més en  peintres  d'histoire,  ont  exécuté  deux  fres(pies  abominables,  qui  repré- 
sentent Moïse  sur  le  Sinaï  et  le  Jugement  dernier.  Dans  la  scène  du  Juge- 
ment,  le  tribunal  seul  est  en  place;  le  genre  humain  tout  entier  fait  défaut. 
N'oublions  pas  de  mentionner,  pour  mémoire,  trois  ou  quatre  mauvais 
tableaux  modernes  égarés  dans  ce  magasin  de  bric-à-brac,  et  de  dire  qu'en 
ce  moment  même  des  ouvriers  terminent  une  grosse  poutre  engoulée  par  des 
dragons,  qui  sera  bientôt,  si  le  nouvel  architecte  n'y  met  bon  ordre,  plantée 


KESTAIUATION  1>K  I.Kr.I.ISK  ItOVA[.l-.  DK  SAINT-DENIS.     205 

en  travers  di'  l'ogive  cldiivcrture  de  la  chapelle,  (iette  ])ièec  de  bois  servira 
do  support  à  une  vingtaine  de  mauvaises  statuettes  qu'on  dis|)osera  en  Cal- 
vaire, comme  il  en  existe  encore  dans  certaines  églises  rurales,  surtout  en 
Bretagne.  J'énonce  simplement  tous  ces  faits;  ils  en  disent  assez  par  eux- 
mêmes,  sans  qu'il  soit  besoin  de  commentaire. 

Même  confusion  dans  les  (]uatre  autres  diapelles,  dédiées  à  saint  lli|)polvte, 
à  saint  Philippe,  à  saint  iMartin  et  à  la  Trinité.  Vous  voyez  à  l'autel  de  saint 
Hippolytc  la  mort  de  ce  courageux  martyr,  sculptée  en  un  has-iclief  du 
commencement  du  xiV  siècle.  Mais  vous  vous  tromperiez  étrangement  si 
vous  pensiez  qu'une  douzaine  de  bas-reliefs  de  la  renaissance,  appliqués  aux 
murs,  p(;ul  avoir  tjuehjue  rapport  avec  la  légende  du  même  saint.  (>  sont 
les  |)rincipales  scènes  des  Actes  des  apôtres,  dont  le  ciseau  de  François  Mar- 
cliaml,  altiste  oi-léanais,  avait  décoré,  en  \')'i',i,  le  julie  (l(>  l'église  abbatiale 
de  Saint-Père,  à  Chartres.  L'autel  a  reçu  potir  retable  une  sculpture  du 
xiv^  siècle  ,  toute  fleurdelysée,  au  centre  de  laquelle  est  un  Calvaire;  les  Heurs 
de  l\s  avaient  été  mutilées;  on  a  i apporte  partout  d(>  pi'tits  morceaux  de 
pierre  pour  en  faire  de  nouvelles,  et,  de  i)lus,  une  couciic  de  peinture  est 
venue  recouvrir  une  inscription  très-intéressante,  indiquant  la  date  de  la 
décoration  peinte  d  une  chapelle  qui  possédait  autrefois  cette  sculpture,  l'n 
vitrail  tout  récemment  i)Osé  ,  (]ui  piovient ,  dit-on  ,  de  lîouen  ,  et  (ju'il  a  fallu 
tantôt  allonger,  tantôt  raccourci)',  pour  l'adapter  aux  meneaux  dont  il  se 
trouve  aujourd'hui  encadré,  présente  les  effigies  de  personnages  tels  que 
saint  Fiacre  et  Nicodème,  qui  se  montrent  là  on  ne  sait  pourquoi.  Nicodème, 
décoré  du  titre  de  saint  qui  lui  est  rarement  donné  dans  les  monuments  du 
moyen  âge,  porte  comme  attribut  un  linge  avec  l'enipreinte  de  la  tète  du 
Christ;  les  restaurateurs  du  vitrail  ont  [)ris  sans  doute  Xicodème  pour  sainte 
Véroni(]ue. 

Dans  la  chapelle  royale  de  Saint-l'hilippe,  l'aiiôtrc  palion  n'a  obtenu 
qu'une  statue  de  plâtre  moulée  au  hasard  sur  une  de  celles  de  la  Sainte -(ilia- 
pelle;  il  domine  le  retable;  mais  saint  Denis,  qu'il  avait  prétendu  supplanter, 
s'est  maintenu  à  l'autel,  en  deux  bas-reliefs  de  la  lin  dn  \i\'  -icc  li-,  ei ,  pour 
augmenter  le  trouble,  sainte  Harbe  est  entrée  par  la  fenêtre,  ou  sa  légende 
se  déploie  fièrement  en  vitraux  de  la  renaissance.  Introduisez  un  étranger  au 
milieu  de  ce  désordre,  sans  lui  donner  le  mot  de  l'énigme,  et  je  réponds  qu'il 
aura  grand' [)eine  à  en  démêler  le  sens.  Les  quehpies  lambeaux  de  l'histoire  de 
sainte  Barbe,  qui  n'ont  point  été  rapiécés,  ne  man<iuent  pas  de  valeur; 
quant  aux  panneaux  destinés  à  remplir  les  lacunes,  il  n'est  pas  besoin  de  les 
regaider  à  deux  fois  pour  reconnaître  que  ce  sont  des  intrus.  Les  bordures 
V.  27 


206  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

nouvellement  faites,  et  dessinées  peut-être  avec  goût,  pèchent  toutes  parleur 
couleur  d'un  certain  jaune  scintillant,  qui  se  retrouve  dans  tous  les  kiosques 
chinois  ou  français.  Ajoutez  que  les  murs  de  la  chapelle  ont  pour  revêtement 
une  tenture  décolorée,  dont  le  dessin  semble  inspiré  par  l'étude  des  cache- 
mi  res-Ternaux. 

La  première  fois  que  je  suis  entré  dans  la  chapelle  Saint-Martin ,  et  (pie  j'ai 
vu  an  retable,  sur  un  long  bas-relief,  un  chasseur,  un  cerf,  puis  un  loup, 
un  lion  et  un  taureau,  je  me  suis  longtemps  fatigué  le  cerveau  à  chercher  ce 
que  le  saint  évoque  de  Tours  pouvait  avoir  de  commun  avec  cette  série  d'ani- 
maux d'un  commerce  assez  difficile.  Un  amateur  de  symbolisme  aurait  pu  y 
trouver  matière  à  tout  un  système.  Si  j'eusse  été  prévenu  à  temps  qu'il  ne 
fallait  chercher  aucun  rapport  d'unité  entre  les  sculptures  entassées  dans 
toutes  ces  chapelles,  et  que,  sur  un  même  autel,  on  faisait  figurer  brave- 
ment deux  ou  trois  légendes  diverses,  j'aurais,  je  le  pense,  reconnu  sans 
trop  de  peine  qu'ici  saint  Martin  se  trouvait  associé  à  saint  Eustache.  Vous 
en  dire  la  raison,  c'est  ce  dont  je  ne  m'aviserai  pas.  Comme  son  voisin  saint 
Philippe,  saint  Martin  a  été  tapissé  de  draperies  soi-disant  byzantines,  mais 
qui ,  en  réalité,  sont  bien  ternes  comme  un  brouillard  de  novembre  sous  le 
ciel  de  Paris.  Ce  n'était  point  assez  de  badigeonner  les  murailles,  il  a  fallu  fal- 
sifier l'architecture  elle-même  de  la  chapelle  par  l'addition  d'une  clef  pendante 
adaptée  à  la  voîite.  (l'est  d'ailleurs  une  élégante  sculpture  du  xv*  siècle,  qui 
a  longtenqis  orné  une  chapelle  de  Normandie,  et  qui  ne  s'attendait  guère  à 
l'honneur  de  venir  à  Saint-Denis.  On  a  entrevu  un  beau  motif  de  peinture  à 
placer  au-dessus  de  l'autel;  mais  la  mauvaise  étoile,  qui  préside  à  la  restau- 
ration de  Saint-Denis,  a  exercé  cette  fois  encore  son  influence.  Au  lieu  donc 
de  peindre  le  Christ ,  comme  il  se  montra ,  couvert  de  cette  moitié  de  man- 
teau dont  saint  Martin  s'était  dépouillé  pour  en  revêtir  un  pauvre ,  on  vous  a 
barbouillé,  dans  le  haut  d'une  ogive,  un  ange  qui  tient  entre  ses  bras  une 
robe  tout  entière,  de  la  même  façon  que  celui  qui  assiste  toujours  au  bap- 
tême de  Jésus.  A  ce  compte;  saint  Jlartin  aurait  traversé  en  costume  assez 
léger  la  ville  d'Amiens,  aux  portes  de  laquelle  il  rencontra  son  pauvre;  la 
restauration  de  Saint-Denis  a  jugé  que  le  partage  du  manteau  ne  valait  pas 
le  don  d'un  vêtement  complet  ;  si  saint  Martin  était  encore  de  ce  monde,  il 
pourrait  profiter  de  la  leçon. 

Dans  la  chapelle  de  la  Trinité,  c'est  encore  le  même  système  d'entassement 
d'objets  qui ,  s'ils  pouvaient  avoir  conscience  de  leur  réunion  ,  s'étonneraient 
bien  de  se  trouver  ensemble.  L'autel  se  compose  :  1"  d'un  bas-relief  représen- 
tant le  Christ  et  les  apôtres,  qui  date  d'une  époque  avancée  du  xvi°  siècle,  et 


Il  i:  s  r  A  r  H  A  r  I  (  )  \  i >  F.  i;  i>  u  r.  i s f,  n  o  v  a  r.  k  n  v.  sain  i" -  n  F  m  s.    :207 

qui  provient  d'une  porte  cxtc'iicuro  des  Mathurins;  2'  d'un  iclidilc  dti 
XIV'  siècle,  sur  le(]uel  sniil  sculptées  les  principales  scènes  de  la  Passion; 
enfin,  d'nn  iironpc  des  liois  |)ersonnes  divines,  qui  a  èlè  modelé  en  terre 
cuite  par  un  artiste  du  temps  de  Louis  WX,  et  qui  décorail  avant  la  révolu- 
tion l'église  de  Saint-Benoît  à  Paris.  Afin  de  donner  à  ce  dernier  groupe  une 
tournure  moyen  iige,  on  a  |)ris  soin  de  le  dorer  et  de  l'enhiniint'r.  l.'ornerncMi- 
tation  du  mur  qui  fait  l'ace  à  l'autel  dépasse  tout  le  reste  en  bizarrerie.  A 
cette  même  place,  ou  voyait  autrefois,  suivant  le  récit  de  ddin  CiTmain 
Millet,  une  colonne  de  jaxpe  que  l'on  lient  estir-  la  mesure  île  la  luiuleur  de 
nostre  Seigneur  Jésus-Christ,  et  une  grande  pierre  de  marbre  gris  posée  sur 
deux  colonnes  de  marbre  blanc,  en  l'arme  de  couverture  de  lombcau  ipie  l' un  croit 
estre  de  pareille  longueur,  largeur  et  espesscur  que  celle  (fui  fermait  l'entrée  du 
sépulchre  de  nostre  Seigneur.  La  colonne  et  la  couverture  du  tombeau  ont  été 
complètement  brisées  en  1793;  il  était  impossible  de  les  rétablir;  ce  sont  là 
de  ces  choses  qu'on  ne  refait  pas.  Cependant,  on  vient  d'ériger,  à  la  môme 
place,  une  espèce  de  cofl'r(ï  de  pierre,  en  forme  de  sarcopliage,  poilé  sur 
deux  chapiteaux  de  style  carlovingien,  et  revêtu  de  phupics  d'nn  marbre 
verdAlre;  une  colonne  en  marbre  noir,  à  hupielle  il  a  bi(;n  fallu  donner,  faute 
de  documents,  une  lianlenr  aibitraire,  a  l'cflrontciicî  de  se  [loser  comme  me- 
sure exacte  de  la  taille  du  Christ;  une  autre  colonne  attend,  dit-on,  une 
reproduclion  en  fonte  du  serpent  d'airain  conservé  à  Saint-Ambroise  de  Milan, 
et  au-dessus  de  la  contrefaçon  du  toirdieau  dont  nous  venons  de  parler,  vous 
voyez,  ce  qui  send)le  assez  peu  monumental,  un  plan  géométral  de  l'église 
du  Saint-Sépulcre,  copié  sur  (juelque  planche  de  l'atlas  d'un  voyage  en 
Terre-Sainte.  Si,  dans  chaque  chapelle,  on  mettait  ainsi  une  carte  du  pays  où 
vécut  le  saint  patron,  une  église  pourrait  servir  à  deux  fins;  en  venant  y 
prier,  les  fidèles  auraient  l'agrément  de  perfectionner  leur  cours  de  géogra- 
phie. Des  ouvriers  ont  récemment  achevé  de  peindre  sur  la  partie  supérieure 
de  la  même  muraille,  une  copie  du  saint  crucifix  de  Lucques  commencé  par 
Nicodème  ,  et  terminé  par  la  main  d'un  ange;  nous  pouvons  être  bien  sur 
qu'elle  ne  reproduit  pas  mieux  l'original,  que  la  colonne  ne  nous  donne  la 
taille  du  Christ,  et  cpie  le  londieaii  ne  figure  la  pieiiedu  sé[)ulcre. 

Nous  nous  snnuncs  plaint  du  changement  ûi:  litres  des  chapelles,  en  rai- 
son deserreur>  qui  |iinvent  en  résulter  jiour  l'histoire  de  Saint-Denis.  Les 
reslauralems  eux-mêmes  y  sont  déjà  |)ris.  Ainsi,  dans  celle  chapelle  de  la 
Trinité,  on  a  peint  sur  les  murs  les  armes  de  la  reine  Blanche  d  livreux,  hé- 
ritière de  Navarre,  qui  n'a\ail  rien  à  faire  ici,  mais  dont  le  lond)cau  existait 
dans  une  cliapclle  voisine. 


208  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Nous  avons  insisté  longuement  sur  la  décoration  de  ces  premières  cha- 
pelles ,  alin  de  donner  une  idée  du  système  faux  et  puéril  adopté  pour  Torne- 
mentation  de  l'église  ;  nous  ferons  plus  rapidement  la  revue  des  autres. 

Choeur  d'hiver.  ■ —  Au  midi  de  la  nef,  dans  un  emplacement  où  il  n'exis- 
tait pas  autrefois  de  chapelles,  on  a  bâti  une  petite  église,  qui  sert  de  chœur 
d'hiver  aux  chanoines.  Nous  avons  critiqué  l'-extérieur  de  cette  construction, 
dont  la  nudité  fait  disparate  avec  le  reste  du  monument;  l'architecture  inté- 
rieure en  a  été  exécutée  avec  une  certaine  exactitude,  d'après  des  modèles 
du  xiii"  siècle;  elle  pèche  cependant  par  une  apparence  de  pesanteur,  et  l'exa- 
gération des  baies  latérales,  qui  ne  sont  ni  de  simples  arcs,  ni  de  véritables 
chapelles,  y  produit  un  effet  disgracieux.  Les  murs  sont  tapissés  d'une  boi- 
serie composée  de  sujets  en  relief  et  d'autres  en  marqueterie;  le  cardinal 
d'Amboise  l'avait  fait  faire  pour  sa  chapelle  de  Gaillon.  Deux  bas-reliefs  man- 
quaient; pour  les  remplacer,  on  a  moulé  deux  fois,  en  carton-pcàte,  une  pré- 
dication de  saint  Jean-Baptiste,  qui  s'y  trouve  ainsi  en  triple  exemplaire. 
Toutes  les  statuettes  détruites  ont  été  restituées  aussi  en  carton.  Cette  boise- 
rie, dont  le  travail  est  admirable,  se  trouve  aujourd'hui  tellement  engluée  de 
])einlure  à  Ihuile,  qu'il  n'y  a  plus  moyen  d'apprécier  la  délicatesse  du  ciseau. 
Les  ujarmousets  et  les  miséricordes  des  stalles  ont  eu  le  même  sort.  Quelques 
panneaux  de  la  boiserie  n'offraient  aucun  sujet  ;  on  y  a  fait  imiter  au  pin- 
ceau un  travail  de  marqueterie;  partout  et  toujours  intention  de  tromper  les 
yeux.  Cette  menteuse  marqueterie  représente  rAdoration  des  Bergers  et  des 
Mages;  à  sa  tournure  épaisse,  vous  prendriez  la  Vierge  pour  une  nourrice  du 
pays  de  Caux  ;  l'enfant  Jésus,  dégradé  de  son  titre  divin,  n'a  qu'un  nindje 
sans  croisure.  La  décoration  du  chœur  d  hiver  nous  a  coûté  cher.  On  a  eu  la 
barbarie  de  débiter,  de  tailler,  de  rogner  des  portes  venues  de  Gaillon,  qui 
passaient  pour  des  chefs-d'œuvre;  on  en  a  employé  les  morceaux  à  la  confec- 
tion d'un  cadre  pour  le  tableau  de  l'autel  principal ,  de  bancs  pour  les  enfants 
de  chœur,  et  de  lutrins  pour  les  chantres. 

Un  autel  latéral,  qui  porte  une  Vierge  de  marbre  sculptée  de  notre  temps, 
et  ridiculement  incrustée,  malgré  son  style  moderne,  de  petits  morceaux  de 
verre  coloré,  est  décoré  d'un  très-beau  bas-relief  du  xiv^  siècle,  qui  repré- 
sente la  Naissance  du  Christ,  l'Adoration  des  Mages,  le  Massacre  des  inno- 
cents et  la  Fuite  en  Egypte.  En  restaurant  cette  sculpture,  on  a  seulement 
oublié  de  mettre  Jésus  dans  sa  crèche,  de  telle  sorte  qu'au  lieu  de  réchauffer 
de  leur  haleine  l'Enfant  divin,  le  bœuf  et  l'àne  se  régalent  vulgairement 
d'une  botte  de  foin  vert. 

Dans  ce  même  chœur  se  trouvent  aujourd'hui  les  monuments  de  queUjues 


RESTAURATION    |)i:   LKt.LISF.  UOYALR  \)T.  SAINT-DENIS.    209 

alilH's  de  Saint-Donis;  ce  ?ont  les  seuls  (iiic  la  Hcvoliition  n'ait  pas  détruits. 
Mais,  avant  d'ohlenir  ici  le  droit  d'asile,  ils  ont  dû  soulTrir  de  rudes  outra- 
ges. Deux  tondjes  du  xiii''  siècle  oui  >\\W[  un  rabotage;  complet.  Tous  les 
linéaments  d'une  énorme  et  snperhe  IuhiIm'  du  xvi''  siècle  ont  été  ravivés;  et, 
comme  ceux  (|ui  oui  présidé  à  ce  tiaxail  n'ciiui'iit  pas  très-familiarisés  avec 
l'élude  de  l'icunograpliie,  ils  ont  sul)stilué  des  figures  insignifiantes  aux 
apôtres,  dont  ils  ne  reconnaissaient  pas  les  endilemes.  On  a  aussi  imaginé 
de  fabriquer  un  Suger,  au  moyen  duii  mascaron  de  pure  lanlaisie  extrait 
d'une  clef  de  xoùte  de  l'ancien  cloître,  lace  houflie  et  Iriviale ,  (nduminée 
receiiimeiil  d'un  idiigc  dix  rogne.  Soyez  donc  un  des  plus  grands  lionnnes  de 
France,  poui'  (pi'il  soil  permis  de  venir  vous  caricaturer  ainsi  jusque  dans  le 
sanctuaire  que  vous  a\ez  édifié  de  vos  mains  et  glorifié  de  votre  génie. 

De  quatre  ou  i  in(|  apôlres  de  la  Sainle-(;iia|)elle ,  (pii  axaient  été  portés  à 
Saint- Denis,  on  a  tiré  la  douzaine,  en  les  moulant  les  uns  sur  les  autres. 
(>es  douze  figures  exécutées  en  plâtre  se  dressent  conire  les  piliers  du  chœur 
d'hiver.  Elles  ont  été  peintes,  et  nous  engageons  ceux  de  nos  Icclnirs  qui 
en  auraient  le  loisir,  à  comparer  la  misérable  coloration  de  ces  statues  à 
celle  des  figures  originales  (jue  les  architectes,  chargés  des  travaux  de  la 
Sainte-Chapelle,  font  réparer  avec  un  soin  et  un  luxe  vraiment  remanpiables. 
Une  clôture  vitrée  garantit  les  chanoines  de  tout  courant  d'air;  c'est  un  vrai 
châssis  de  serre,  encadré  de  feuillages  de  plaire  et  de  moulures  en  carton.  La 
pauvre  église  royale  expie  cruellement  sa  magnificence  passée. 

I.a  lestauration  de  Saint-Denis  affectionne  les  baies  profondes.  Aussi  les 
chaïK'lles  en  bois,  de  style  gothique,  qu'elle  a  érigées  contre  les  premiers 
piliers  du  clueur,  dans  la  croisée,  offrent-elles  exactement  l'aspect  de  <leux 
riches  guéritrs;  l'une  est  occupée  par  un  incroyable  tableau  de  .M.  Ulondel, 
représentant  la  victoire  de  saint  Michel,  l'autre  par  un  trophée  d'attributs 
royaux  en  bois  peint.  Les  autels  ne  sont  pas  irréprochal)les;  mais  les  mo- 
saïques qui  les  recouvrent  méritent  bien  quel(|ues  égards,  au  moins  en 
faveur  de  l'intention.  On  a  pris,  pour  faire  les  appuis  des  grilles  qui  environ- 
nent ces  autels,  des  colonnes  historiées  fort  curieuses,  autrefois  posées  à  la 
façade  de  l'église,  où  elles  sont  aujourd'hui  nnipiacccs  pardcsfùls  en  terre 
cuite. 

Nous  n'avons  à  parler  ni  du  mailre-aulel,  ni  des  stalles  du  grand  clui-ur, 
ni  du  pavé  en  mosanpie  du  sanctuaire;  ils  n'affectent  les  uns  ni  les  antres  au- 
cune prétention  archéologi(]ue  ;  laissons-les  en  paix.  Ir  i  Ikiim'  est  dalle  en 
carreaux  noirs  et  blancs,  tout  connue  un  vestibule  de  maison  bourgeoise  ou 
une  salle  à  manger.  Au  foiul  de  l'abside,  deux  colonnes  de  marbre,  annelécs 


210  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

coiimie  celles  du  xii''  siècle ,  et  couronnées  de  chapiteaux  du  xiv%  portent  une 
plate-Corme  de  bois,  sur  laquelle  reposent,  dans  des  châsses  de  bronze  doré, 
les  reliques  des  trois  martyrs,  et  qui  sert  en  même  temps  de  dais  au  siège  du 
premier  dignitaire  du  chapitre.  On  a  encore  dé|)ecé,  par  lambeaux,  de  pré- 
cieuses boiseries  de  la  chapelle  de  Gaillon,  pour  en  composer  une  niche  au 
fauteuil  du  primicier,  resté  vide  depuis  1830. 

Chapelles  du  Chevet.  —  Si  nous  parcourons  les  chapelles  rangées  autour 
de  l'abside,  nous  y  retrouvons  tous  les  défauts  qui  abondent  dans  celles  de 
la  nef. 

Des  deux  chapelles  réunies  de  Notre-Dame-la-Blanche  et  de  Saint-Eus- 
tache,  on  a  fait  la  chapelle  de  Saint-Louis,  tandis  qu'une  autre  chapelle  de 
l'abside,  qui  était  anciennement  consacrée  à  ce  saint  roi,  s'est  transformée 
en  sacristie  pour  les  enfants  de  chœur  et  en  magasin  pour  les  pauvretés  qui 
composent  aujourd'hui  le  trésor.  On  a  supprimé  sainte  Anne,  saint  Firmin, 
sainte  Osmanne,  saint  Pérégrin,  saint  Cucuphas  et  saint  Romain.  La  cha- 
pelle deSaint-Hilaire  est  devenue  celle  de  Saint-Grégoire;  ne  fallait-il  pas  faire 
au  pape  ,  dans  l'abside ,  la  politesse  qu'on  avait  faite  au  roi  dans  la  nef? 

Le  plâtre  étale  ses  magnificences  dans  tout  le  pourtour  du  sanctuaire.  Il  y 
a  une  Vierge  de  plâtre,  un  saint  Maurice  de  même  matière,  un  saint  Louis 
à  l'avenant;  c'est  aussi  en  plâtre  qu'on  a  confectionne  des  anges  pour  la 
chapelle  de  Saint-Louis,  une  sainte  Geneviève  pour  un  retable,  et  le  monu- 
ment des  trois  martyrs,  malheureuse  fantaisie  d'artiste,  dont  la  forme  géné- 
rale aussi  bien  que  les  détails  ont  été  empruntés  à  la  façade  de  Notre-Dame 
de  Poitiers.  Pour  comble  de  luxe  ,  on  a  répandu  à  pleines  mains,  sur  les  bor- 
duresdes  tables  d'autels,  de  méchants  morceaux  de  verre  recueillis  aux  éta- 
lages des  boulevards. 

Voici  l'indication  aussi  succincte  que  possible,  des  singularités  les  plus 
choquantes  de  l'ornementation  des  chapelles  absidales  : 

A  la  chapelle  de  Saint-Louis,  un  groupe  du  xni^  siècle,  représentant  la 
pesée  des  àrnes,  a  été  restauré  et  métamorphosé  en  apothéose  du  saint  roi.  Un 
dais  de  marbre  qui  provient  d'un  tombeau  se  trouve  converti  en  tabernacle. 
Un  Charles  V,  est  exposé  à  la  vénération  des  fidèles,  sous  le  nom  de  saint 
Louis,  et  une  Jeanne  de  Bourbon,  a  perdu  son  nom  pour  celui  de  IMarguerite 
de  Provence. 

A  côté  de  cette  chapelle,  une  porte  tirée  du  château  de  Gaillon,  a  pour 
couronnement  un  Bon  Pasteur  de  plâtre,  moulé  sur  un  sarcophage  des  pre- 
miers âges  du  christianisme,  et  accompagné  de  la  reproduction  de  deux 
inscriptions  composées  par  Suger,  en  mémoire  de  l'achèvement  de  l'église. 


RESTAURATION  DE  L'ÉGLISE  ROYALE  DE  SAINT-DENIS.    211 

Dans  les  chapelles  de  Saint-Honoil,  de  Sainte-Geneviève  et  de  Sainl-Eiigone, 
sous  les  tables  dautels,  de  grands  tombeaux  de  pierre  tiui  font  scnd)lanl  de 
contenir  des  corps  saints,  se  composent  tout  bonnement  cbncun  d'un  gros 
bloc,  dont  l'exlérienr  seul  a  Ibrme  de  sépulcre;  (piand  on  voudra  y  mettre 
(in('l(|iii'  iluisr,  il  l'aiidia  commciiccr  par  les  excaver. 

A  la  cha|H'lle  do  la  N'iergc,  un  retable  de  la  fin  du  xu'  siècle,  en  cuivre^ 
s'est  laissé  mettre  des  rallonges,  et  un  devant  d'autel  a  été  fait  avec  un  mor- 
ceau de  inosa'ùpie,  qui  servait  autrefois  de  pavé.  Celte  mosaïque  présentait 
une  inscription  dégradée  qu'on  s'est  empressé  de  rétablir,  sans  être  bien 
sur  li'avoir  trouvé  juste  les  mots  (pii  niaïupiaieiil. 

Dans  la  cliapcllt?  de  Saint-Jean- Hapliste,  une  croix  du  xv"  siècle,  curieux, 
monument  extrait  de  l'ancien  cimelièic  des  binocents,  est  aujourd'hui  plantée 
sur  une  balustrade.  Cette  croix  se  trouve  exhaussée  sur  un  fût  à  cannelures 
chevronnées,  dans  le  goftt  du  xii"^  siècle  ;  elle  est  maintenue  jiar  une  armature 
de  fer,  sans  le  secours  de  laquelle  elle  tomberait  immédiatement  sui-  le  pavé. 
La  Vierge  et  Saint-Jean  l'évangéliste  accompagnent  ordinairement,  comme  on 
sait,  la  représentation  du  Christ  en  croix.  On  songea  donc  à  placer  ici  les 
statues  de  ces  deux  personnages.  Il  no  fut  pas  très  diriiiilc  de  se  iirocurerun 
saint  Jean;  mais  on  manquait  d'une  Vierge  convenable.  Hue  faire  en  cette 
pénurie.'  La  restauration  de  Saint-Denis  est  fertile  en  expédients.  Un  très- 
innocent  a[)ôtre  fut  condamne  au  supplice  de  la  déca|)itation,  et  sur  ses 
épaules  masculines  on  rajusta  une  tète  de  femme  aux  yeux  larmoyants.  A  la 
façade,  on  avait  travesti  la  Vierge  en  homme;  on  a  voulu  lui  donner  sa 
revanche.  Mais  par  malheur,  en  dépit  de  la  tète  et  du  voile  féminin,  nous 
autres  vieux  routiers,  nous  reconnaissons  le  pauvre  apôtre,  au  livre  qu'il 
porte  et  à  la  nudité  de  ses  pieds. 

Que  le  lecteur  nous  pardonne  tant  de  minutieux  détails.  Nous  avons  gardé 
le  plus  fort  pour  la  fin.  On  avait  sous  la  main  un  devant  de  sarcophage  en 
marbre,  qui  peut  bien  dater  du  viif  siècle.  Quelle  aubaine  poui-  des  gens  qui 
ont  vu  Kome  et  (jui  sav(;nl  un  peu  leurs  catacond)(!s.  Le  devant  de  tombeau, 
en  dépit  de  son  inscription  lonic  funéraire,  est  deNciiu  dcxanl  ilantcl.  Si  nous 
nous  en  plaignons,  on  nous  repond  ipie  cela  se  voit  ;i  Kome  dans  toutes  les 
basilicpies.  Sur  ce  marbre  est  venu  s'asseoir  un  retable  de  nouvelle  fabri(|ue 
avec  monogramme,  poisson  et  colondje;  c'est  à  se  croire  vraiment  au  fond  des 
grottes  de  Sainl-Sébasiien.  Alin  d('  rendre  l'illusion  plus  enlière  et  la  parodie 
moins  imparfaite,  on  cul  I  idcr  d  rxpriunr  \  im'hhmI  |;i  dcliMli'ilii  paganisme, 
et  voici  coumicnt  on  s'y  |iril.  A  la  vente  d'un  défunt  anticpiaire  de  je  ne  sais 
quelle  illustre  société,  on  lit  emplette  dune  petite  urne  en  marbre  parfaite- 


212  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

menl  intacte ,  sculptée  d'un  aigle  et  revêtue  d'une  épitaphe.  Ce  vase  assez 
impur  fut  destiné  à  devenir  un  reliquaire.  Un  chrétien  primitif  n'aurait  pu 
voir  sans  horreur,  sur  un  autel,  l'aigle  des  persécuteurs  et  le  nom  des  dieux 
mânes;  deux  coups  de  ciseau  firent  donc  justice  de  ces  emblèmes  païens,  et, 
sur  les  débris  de  l'aigle,  on  traça  une  croix  ,  qu'on  s'efforça  de  rendre  aussi 
gauche  que  possible  ,  afin  de  la  faire  passer  pour  l'œuvre  d'un  premier  chré- 
tien fanatique  et  maladroit.  C'est  ainsi  qu'à  Saint-Denis  on  raille  le  christia- 
nisme des  catacombes. 

Vitraux.  —  Il  restait  si  peu  de  chose  des  anciens  vitraux  de  Saint-Denis, 
qu'il  s'agissait  ici  bien  plutôt  de  créer  que  de  restaurer.  On  pouvait  choisir 
entre  deux  systèmes,  la  reproduction  complète  et  fidèle  des  vitraux  d'une 
de  nos  plus  importantes  églises,  de  ceux  de  la  cathédrale  de  Chartres,  par 
exemple,  ou  l'exécution  d'une  série  de  verrières  confiées  aux  plus  habiles 
artistes  de  notre  époque.  Le  premier  système  rendait,  autant  que  possible  ,  à 
l'église  de  Saint-Denis  son  aspect  ancien;  le  second  en  faisait,  pour  la  posté- 
rité ,  un  très-curieux  monument  de  l'état  de  nos  arts  et  de  leurs  ressources. 
Je  ne  parle  pas  d'un  autre  système  qui  aurait  consisté  dans  l'application  à 
des  œuvres  de  composition  moderne,  des  éléments  qui  constituent  le  style 
et  la  puissance  des  verrières  du  moyen  âge;  quand  on  a  commencé  à  rétablir 
des  vitraux  coloriés  aux  fenêtres  de  Saint-Denis,  aucun  artiste  n'était 
capable  d'aborder  un  problème  aussi  délicat.  Qu'a-t-on  fait  à  Saint-Denis?  On 
a  manqué  de  l'énergie  nécessaire  pour  prendre  une  détermination  nettement 
tranchée;  on  a  suivi  le  parti  le  plus  timide  et  le  plus  mauvais,  en  n'osant 
adopter  franchement  ni  l'art  de  nos  jours,  ni  celui  du  moyen  âge.  Aussi ,  les 
vitraux  de  cette  église  sont-ils  bien  certainement  les  plus  laids,  les  plus  dif- 
formes, les  plus  misérables  qui  aient  été  faits  dans  notre  pays  depuis  la  renais- 
sance de  la  peinture  sur  verre.  Us  se  composent  de  grandes  plaques  de 
couleurs  ternes,  qui  font  tache  les  unes  auprès  des  autres,  tant  il  règne  peu 
d'harmonie  dans  leur  agencement.  Les  tons  sont  pleins  de  froideur  et  de 
crudité.  Le  vert  pâle  et  je  jaune  clair  y  abondent;  les  bleus  y  sont  violacés, 
et  les  rouges  manquent  complètement  de  vigueur.  Si  encore  l'imperfection  du 
coloris  et  l'absence  de  toutes  les  qualités  essentielles  de  la  [)einture  sur  vei-re 
étaient  rachetées  par  le  mérite  de  la  composition,  ou  la  précision  du  dessin, 
il  y  aurait  au  moins  là  une  compensation  acceptable.  Mais  nous  n'avons  jamais 
rencontré  une  composition  plus  antipathique  à  l'esprit  du  moyen  âge,  des 
figures  plus  ridiculement  triviales,  des  corps  plus  courts  et  plus  épais,  des 
tètes  plus  volumineuses  et  plus  disproportionnées;  la  plupart  des  person- 
nages ont  le  teint  tellement  bislié  qu'on  les  prendrait  pour  des  nègres,  et 


RKSIAIHAIION  DK  LÉdl.lSE  HOV.VLK  l>K  SAINT-DEN  tS.    li-i 

loiiis  \t'ii\  (let;K'li('s  cil  clair  produisent  un  cITel  anaioiïuc  à  cftlui  des  pru- 
nelles d'un  elial  dans  les  ténèbres.  On  a  cru  assun  nn'ul  taire  merveille  en 
dévelop|>anl  sui'  les  vcrri«M"es ,  dans  tout  l(i  pourtour  du  clurur,  une  longue 
série  de  scène»  iiistoriiiues  ou  prétendues  telles,  depuis  les  sacrifices  drui- 
diques jusqu'à  la  visite  que  S.  M.  Louis  Pliilijipe  vint  faire  à  Saint-Denis  en 
1837.  Dans  ce  dernier  tai)leau,  les  habits  brodés  de  MM.  Valout  et  de 
Monlalivet,  les  eliapeau\  à  |iluines  des  dames,  les  costumes  dos  aides  de 
camp,  forment  un  ensend)le  qu'on  no  s'attendrait  iîuère  à  trouver  sur  les 
vitraux  d'une  éi; lise  du  xiii"  siècle,  .\illeurs,  un  Napoléon  do  verre  donne  des 
ordres  pour  la  restauration  de  Saint-Denis;  Sa  Majesté  Impériale  a  dans  son 
cortège  un  Inissard  fort  extraordinaire,  tout  bleu  de  la  tète  aux  \)mh. 
Depuis  quelques  mois,  une  troisième  fenêtre  est  occupée  \n\v  l'entorrenieiit 
de  Louis  XVIII,  a\ec  les  tentures,  h;  catafalque  et  les  cierges;  c'est  un 
vitrail  digne  d'une  administration  d(!  pompes  funèbres. 

Encore  fpielques  mots  sur  un  choix  de  singularités  iconographiques  prises 
entre  mille. 

A  la  rose  du  midi,  le  Père  éternel,  jinsitlant  à  la  création,  est  priv('' du 
nimbe  crucifère,  attribut  important  de  la  (bvinité.  Au  contraire,  dans  la 
chapelle  Saint-Louis,  la  Vierge,  qui  n'est  cependant  pas  Dieu,  a  reçu  un 
nimbe  rouge  croisé  de  noir,  et  i)rend  ainsi  le  pas  sur  la  première  personne 
de  la  Trinité.  (]ette  mémo  Vierge  a  les  pieds  nus,  ce  (pii  viole  tous  les  ])rin- 
cipes  de  l'iconographie  chiéticnne. 

Les  vitres  de  la  rose  du  nord  représentent  un  arbre  de  Jessé.  D'après 
l'usage  toujours  sui\i,  (piand  l'arbre  est  ainsi  disposé  circulairemenl,  la 
Vierge  portant  son  fils  devrait  occuper  le  centre;  ici  elle  ligure  au  sommet 
de  la  rose,  en  costume  de  madone  espagnole  ,  et  il  n'est  pas  plus  (juestion  de 
l'enfant  Jésus  que  si  cette  généalogie  ne  le  concernait  |)as. 

L'Église  a  des  inquiétudes  sur  le  salut  d'Origène;  de  Orii/ciic  iliihlUiliir.  La 
restauration  de  Saint-Denis  tranche  la  question  à  j'avantage  dudil  Origène,  et 
le  canonise.  Vous  trouverez  ce  saint  de  nouvelle  fabriqu(!  au  dixième  pan- 
neau de  la  petite  galerie  de  la  nef,  du  côté  du  nord;  il  o.st  vêtu,  comme  un 
moine,  d'une  robe  blanciie  à  capuchon,  et  |)orle  un  nimlx;  d'or  qui  éclipse 
ceux  de  tous  ses  voisins.  J'ai  clierché  Terlullien,  a\ec  re>p()irde  le  iKnnei 
orné,  pour  le  moins,  d  un  nind)e  crucifère;  il  m'aura  sans  dnnli  ec  huppe, 
je  n'ai  jiu  le  découvrir.  (>alvin  oA  Luthiîr  ont  aussi  été  oublies. 

D.ins  le  {•i()i>ill()ii  seplenliional ,  on  a  reproduit  ,  d'après  do  m.iuvaises  gra- 
vures de  Monttaucon,  d'ancionnos  serrièros  autrofois  placées  à  Saint-Denis, 
et  représentant  la  vie  de  saint  I-ouis.  .Mais,  dans  un  des  panneaux,  le  pieux 
V.  '28 


■214  K   ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

roi  recevait  la  discipline;  ce  trait  a  paru  malséant;  on  a  donc  modifié  le 
panneau  en  le  restituant,  et  le  pauvre  prince  que  messieurs  de  la  restauration 
auraient  rougi  de  nous  montrer  aux  pieds  des  jésuites  de  son  tempS;,  a  dû  se 
contenter  de  réciter  sa  pénitence  dans  un  missel.  Si  ma  mémoire  rie  me 
trompe,  on  n'en  a  pas  moins  conservé  l'inscription  primitive:  castigat 
smictus  Liidovicus  verbere  corpus. 

Quant  aux  vitraux  anciens  qu'on  s'est  procurés,  et  qui  remplissent  aujour- 
d'hui un  petit  nombre  de  fenêtres,  la  plupart  ont  été  disposés  sans  ordre.  On 
y  voit  des  personnages  tenant  à  la  main  des  légendes  dont  les  caractères  ne 
forment  aucun  sens.  A  la  fenêtre  percée  au-dessus  de  la  porte  centrale  de  la 
façade,  il  y  a  surtout  un  amalgame  de  fragments  auxquels  il  faut  bien  se  gar- 
der de  chercher  une  interprétation;  ce  sont  des  figures  prises  au  hasard  dans 
un  panier  et  classées  par  rang  de  taille. 

11  restait  de  l'ancien  Saint-Denis  une  portion  d'arbre  de  Jessé  qui  s'est  trou- 
vée de  dimension  à  remplir  le  champ  d'une  fenêtre.  On  s'est  empressé  de  la 
faire  copier  pour  meubler  une  fenêtre  correspondante.  Que  dites-vous  de  cet 
arbre  généalogique  ainsi  séparé  en  deux  tronçons? 

Peinture.  —  Nous  avons  déjà  parlé,  en  décrivant  les  chapelles  de  la  nef, 
du  système  de  peintures  blafardes  dont  se  couvrent  les  murs  de  Saint-Denis. 
Les  voûtes  des  chapelles  du  chœur  ont  été  peintes  dans  le  même  style;  elles 
sont  couvertes  de  galons  et  de  torsades  qui  ne  ressemblent  en  rien  aux  orne- 
ments fins  et  gracieux,  dont  il  reste  encore  des  vestiges  sur  les  nervures  d'un 
grand  nombre  de  nos  églises.  Nous  faisons  des  vœux  sincères  pour  qu'on 
n'aille  pas  plus  loin.  Les  difficultés  les  plus  sérieuses  se  présenteraient  aussi- 
tôt qu'on  se  mettrait  à  peindre  la  maîtresse  voûte  et  les  grandes  colonnes.  On 
n'est  point  encore  assez  avancé  dans  l'étude  de  rornementation  [)einte,  telle 
que  la  comprenait  le  moyen  âge,  pour  entreprendre  un  pareil  travail.  Lesstatues 
et  bas-reliefs  employés  à  la  décoration  des  autels  ont  tous  été  enluminés  ou 
plutôt  barbouillés.  Il  ne  paraît  pas  qu'on  se  soit  douté  de  la  délicatesse  extrême 
qu'exige  la  coloration  des  têtes  et  des  nus.  La  sculpture  peinte  était  traitée 
par  les  artistes  du  moyen  âge  avec  le  même  scrupule  qu'une  miniature  ou  un 
tableau;  il  fallait  se  le  rappeler  et  tacher  de  saisir  les  procédés  anciens. 

Paléograwiie.  —  Saint-Denis  avait  été  couvert  au  dedans  et  au  dehors 
d'inscriptions  grecques,  latines  et  françaises.  Les  fautes  d'orthographe,  les 
erreurs  de  ponctuation,  les  barbarismes,  n'y  étaient  pas  rares  ;  le  grec  surtout 
avait  été  singulièrement  écorché.  Aujourd'hui  on  a  effacé  un  bon  nombie  de 
ces  inscriptions;  d'autres  ont  été  rapiécées  ou  sont  en  voie  de  correction. 
Une  commission  composée,  nous  a-t-on  dit,  d'hommes  fort  savants,  habi- 


KESTAURATION  DE  L'ÉGLISE  ROYALE  DE  SaInï-DENIS.    lir, 

tués  à  pâlir,  durant  des  mois  entiers,  sur  une  lettre  douteuse,  a  été  cliargée 
de  réviser  toute  l'épigraphie  de  Saint-Denis.  Mais,  comme  de  raison,  les 
illustres  commissaires  ne  peuvent  plus  s'entendre;  le  tra\ail  (}ui  leur  était 
confié  ne  se  poursuivra  que  quand  iiss(M-ont  d'accord. 

Blason.  — Deux  erreurs  de  blason  nous  onl  surloul  frappé.  D'aboid,  on  a 
in(li(iiié,  sur  des  marbres  du  xiv"  siècle,  les  couleurs  liéraldi(iues,  au  moyen 
de  hachures  qui  n'ont  commencé  à  être  en  usage  qu'au  xvii"  siècle;  puis,  dans 
la  galerie  de  la  ciypte,  on  a  défiguré  d'une  manière  étrange  les  armes  de 
France;  des  lignes  horizontales  tracées  sur  le  champ  de  l'écu  ,  el  destinées  à 
représenter  l'azur,  onl  été  dorées;  les  trois  fleurs  de  lys  ont  aussi  changé  de 
couleur  ;  l'argent  y  remplace  l'oi'. 

Crypte.  — Deux  escaliers  conduisent  dans  la  crypte;  les  portos  sous  les- 
quelles ils  passent  appartiennent  à  ce  gothique  bâtard  inventé  par  l'ignorance 
moderne.  Ces  entrées  n'existaient  pas  anciennement;  il  a  fallu  aussi  ajouter 
à  la  crypte  de  nouvelles  galeries ,  quand  on  a  voulu  établir  une  circulation 
sous  le  sol  entier  du  chevet,  depuis  le  croisillon  du  nord  jusqu'il  celui  du 
midi.  Les  parties  neuves  n'offrent  aucune  décoration;  ce  sont  des  caves  de  la 
plus  triste  nudité.  Dans  les  parties  anciennes,  le  ciseau  a  retouché  toutes  les 
scul[)tures  des  chapiteaux.  Il  se  trouve  là  des  marbres  contemporains  de 
Dagobert  peut-être,  et  pour  le  moins  de  Charlemagno;  leur  antiquité  n'a  pu 
leur  faire  trouver  grâce;  ils  ont  été  retaillés  â  \if  et  déshonorés.  Dans  les 
chapelles,  on  a  sculpté,  sur  des  chapiteaux  du  temps  de  Suger,  des  larves 
empruntées  à  quelque  urne  romaine. 

Pour  compléter  cet  aperçu  de  la  restauration  de  Saint-Denis,  nous  devrions 
parler  maintenant  des  tombeaux  historiques  qui  forment  dans  cette  église, 
malgré  leurs  mutilations,  une  des  plus  intéressantes  collections  du  monde; 
mais  nous  nous  réservons  de  traiter  plus  tard  ce  sujet,  (piand  nous  aurons 
avancé  davantage  un  travail  étendu  cpie  nous  préparons  sur  le  monunn'nt,  el 
dans  lecpiel  l'iconographie  des  rois  de  France  tiendra  une  large  place. 

I!""  tu:  (Il  ii.iii;i;\n. 


SYMBOLIQUE  DES  PIERHES  PRECIEUSES 


TROPOLOGIE  DES  GEMMES. 


Ce  n'est  point  exclusivement  dans  les  exposés  laconiques  de  Durand,  évê- 
que  de  Mende',  et  de  Hugues  de  Saint-Victor^,  qui!  faut  chercher  les  témoi- 
gnages, les  preuves  et  les  solutions  du  symbolisme  hiératique,  soupçonné 
enfin  aujourd'hui  dans  les  basiliques  du  moyen  âge.  Deux  autorités  isolées 
ne  suffiraient  point  dans  une  matière  aussi  grave,  et  ces  écrivains  n'ayant 
consacré,  d'ailleurs,  que  très-peu  de  pages  à  la  description  de  l'église  maté- 
rielle, la  lacune  laissée  par  leurs  solutions  est  immense.  On  aurait  avancé 
beaucoup  dans  cette  science  intéressante,  si  riche  en  trésors  oubliés,  si, 
au  lieu  d'espérer  trouver  la  lumière  dans  des  traités  d'architecture  et  d'ico- 
nographie chrétienne  que  les'tenîps  dits  hiératiques^  ne  fourniront  point,  à 
coup  sûr',  on  eût  songé  à  consulter  l'inunuable  et  première  source  de  la 
mystagogie  chrétienne;  cette  source  est  les  Livres  Saints.  Il  n'y  a,  en  effet, 
que  la  Bible  et  ses  différents  commentaires,  qui  puissent  livrer  le  secret  de  la 
tropologie  mystique  de  nos  monuments  religieux.  C'est  là  qu'on  trouve  les 
allusions  de  ces  lignes,  de  ces  formes  et  de  ces  masses,  dont  les  types,  len- 

1.  Auteur  du  nationale  divin,  officior.,  au  xiii°  siècle. 

2.- Ou  du  moins  l'auteur  du  livre  ErudUionis  tlieologicx  in  ipecutum  l'.cclesix ,  attribué  à 
Hug.  de  Saint-Victor,  mais  qui  n'est  probablement  pas  de  lui. 

■j.  Depuis  l'an  800  et  auparavant,  jusque  vers  le  commencement  du  xiii''  siècle. 

i.  Nous  pensons  au  contraire  qu'on  trouvera ,  un  jour  ou  l'autre,  dans  quelque  coin  de  biblio- 
tlièque  ,  nous  ne  savons  où,  des  traités  d'architecture  et  des  manuels  d'iconographie.  Le  Manuel 
d'Iconographie  chrétienne ,  que  nous  avons  découvert  au  mont  Athos,  est  un  garant  à  peu  près 
certain  de  cette  espérance.  Les  artistes  de  notre  moyen  âge  occidental  devaient  avoir  des  Guides, 
comme  en  ont  eu  ,  comme  en  ont  encore  les  artistes  byzantins.  En  iconographie,  l'ordre  constant 
(les  figures  et  la  régularité  des  types  étaient ,  à  n'en  pas  douter,  assujettis  à  des  règles,  et  ces 
règles  étaient  écrites.  En  Grèce,  on  trouve  un  manu°l  d'iconographie,  et  l'on  sait  qu'un  manuel 
d'architecture  existe  dans  une  grande  ville  de  Turquie  ;  on  peut  donc  espérer  découvrir  des  livres 
de  ce  genre  en  France,  où  nous  avons  tant  bâti  et  tant  sculpté  au  moyen  âge.  C'est  aux  archéologues, 
aux  archivistes  et  bibliothécaires  à  chercher  parloiil.  (.Vo/e  du  Directeur.) 


SYMBOLIQUE  DES  PIERRES  PRÉCIEUSES.  217 

toment  élabores  et  acquérant  de  siècle  en  siècle  en  grAce,  en  noblesse,  en 
lirandeur,  étaient  aussitôt  acceptés,  vulijarisés  et  re|)ro(luits  avec  une  exac- 
titude et  aussi  une  ubiquité  (|ni  prouvent  (pi'aux  teni[)s  liiératifpies  le  beau 
avait  ses  règles  fixes,  ses  pnnci[)es  et  ses  motifs,  connus  au  moins  des  archi- 
lecles  qui  le  reproduisaient  ainsi.  Ces  architectes,  si  bien  d'accord  pour 
garder  l'unité  intacte  îles  types  et  des  traditions,  étaient  des  moines,  des 
abbés,  des  prélats  unis  par  la  profession  des  mêmes  croyances  et  qui  en 
maintenaient  le  dépôt  dans  ces  «  textes  écrits  en  pierre,  »  avec  un  zèle  aussi 
ardent  qu'ils  le  conservaient  dans  leurs  livres.  On  a  dit  avec  beaucoup  de 
raison  que  les  églises  du  moyen  âge  furent  des  «  catéchismes  bAlis  et  sculj)- 
tés,  »  supplt'-ant  merveilleusement  au  défaut  de  l'imprimerie;  ce  fait,  on  ne 
peut  le  révoquer  en  doute  (juand  on  compan^  leur  ensemblt^,  leurs  cond)i- 
naisons  générales,  puis  lou^  leurs  détails  isolés,  avec  les  explications  consi- 
gnées soit  dans  les  anciens  docteurs  de  l'Kglise,  soit  dans  ceux  (pii,  au  moven 
Age,  composèrent  tant  de  volumes  sur  la  Iropologie  sacrée.  Les  seuls  com- 
mentaires sur  rApocaly|)se  ont  fourni,  du  ix"  au  xvif  siècle,  une  série  consi- 
dérable d'ouvrages  peu  lus  aujourd'hui  :  on  y  trouve  beaucoup  de  solutions 
curieuses  de  problèmes  archéologiques  et  iconographiques  non  éclaircis  jus- 
qu'à ce  jour,  et  il  en  est  de  même  des  gloses  sur  le  Pentaleuque,  et  de  tous 
•  les  livres  biblitpies.  Cette  étude  |)orte  avec  elle  des  caractères  de  conviction  et 
de  vérité  admirables,  et  fait  découvrir  au  front  des  églises  des  leçons  pour 
tous  les  esprits.  Walafrid  Strabon  marque  dans  ses  œuvres  rim[)ression  (]uc 
produisaient  les  images  saintes  sur  les  ignorants  et  les  simples,  sur  (■(  ux 
môme  à  peine  en  étal  de  percevoir  et  de  comprendre  les  vérités  éiéuKMitaires 
et  |)rincipales  de  la  foi',  et  Hugues  d(!  Saint-Victor  spécifie,  par  les  (pialifi- 
cations  d'iilsTOUioiK,  Ai.i,i:i;nKioni,  TUOi'di.or.iyuK,  AN\Gor,inn:,  los  (|uatre  (liffé- 
renis  sens  qu'ont  souvent  sinudtanément  les  mêmes  passages  de  l'Écritine^. 
(Consignées  dans  les  commentaires,  œuvre  d'une  saine  logi(]ue,  jamais  de 
l'imagination  ,  ces  interprétations  diverses  donnent  aux  monuments  sacrés 
une  richesse  de  langage  bien  connue  de  leurs  constructeurs,  et  (]ui  peuple 


<.  u  Et  videmus  uliquaiuJo  siniplicos,  qui  verbis  vix  ad  fidcni  j^osloruin  possiiiit  iicrduci ,  ex  pic- 
lura  passionis  Dominical  vel  aliorum  inirabilium  ila  conipiinj;!,  ut  iacliryinis  Icjlentur  exteriores 
lijiuras  cordi  suo  quasi  iituris  (iitteris)  impressas,  etc.  Walafrid  Slrab.,  I.  /Je  rébus  rcclesiast. 
cap.  8.  — Concil.  Tridont.,  scssio  5,  De  veneral.  —  S.  GiC};.  Nyssoii,  In  TIteud.  Murl.  — 
(jrpg.  2,  Epist.  î  ad  Léon.  Isaur.  —  Damaswn.,  Orat.  1,  De  imagin.  —  Id.,  I,  l,  de  Ortliod 
fid.  —  Bed.,  de  Tempt.  Salom..  c.  19.  —  S.  l'aulini  ppisfopi  Noiani ,  Poema  xxvi,  de  S.  Fe/ic. 
natal,  carm.,  etc. 

i.  HisTORiA  ostsignificatio...  ad  res.--  .\i.LE(ioiii\  (piasi  ■<  aliiTiiloquiuiii  •  diritur,  quando  tiun  pci 


218  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

admirablement  la  solitude  de  leurs  nefs,  la  nudité  de  leurs  murailles,  la  mys- 
térieuse profondeur  de  leurs  sanctuaires. 

La  fenêtre  est  à  elle  seule,  par  les  allusions  de  sa  découpure,  de  son  orne- 
mentation et  de  ses  détails,  tout  un  trésor  de  mnémonique  proclamant  Tunilé 
de  Dieu,  les  enseignements  des  apôtres  et  leurs  primitives  missions  :  elles  ont 
des  chilïres  sacrés  qui  rappellent  dilTérents  dogmes  ou  vérités  fondamentales, 
et  des  résumés  de  morale  dont,  plus  tard,  nous  donnerons  l'aperçu.  Enfin, 
leurs  vitres  diaphanes  offrent  dès  le  xii"  siècle  des  épisodes  historiques  dont 
il  est  resté  des  fragments.  Considérés  dans  leur  ensemble  et  en  dehors  de  ces 
peintures,  les  vitraux  ont  leur  sens  à  part  et  leurs  allusions  spéciales.  La  mys- 
tagogie  religieuse  a  vu  les  Saintes  Écritures  dans  ces  verrières  diaphanes, 
qui  enveloppaient  la  basilique  d'un  brillant  réseau  de  lumière  reflétant  l'azur 
des  saphirs,  l'éclat  des  rubis,  la  splendeur  de  l'or  et  des  émeraudes;  elles 
étaient  une  barrière  contre  les  brouillards  et  les  vents,  comme  les  saintes 
Écritures  sont  un  rempart  inexpugnable  entre  l'àme  et  ses  ennemis;  et  elles 
versaient  dans  les  nefs  les  feux  colorés  et  les  ardeurs  vivifiantes  du  soleil, 
signe  propre  de  J.-C.  dans  le  langage  hiératique  \  Brunon,  abbé  du  Mont- 
Cassin*,  se  représente  ces  verrières  visitées  des  blanches  colombes  ^  et  des 


voces,  sed  per  rem  factam  alia  res  intelligitur,  ut  per  transitum  maris  rubri,  transitus  intelligitur  per 
baplisma  ad  l'aradisum.  —  Tiiopologia  dicitur  «  conversiva  locutio,  »  duni  quod  dicitur  ad  mores 
eedificandosconvertiturut  suntmoralia. — ANAcocEvero  dicitur,  «  sursumductio,  »  undeanagogicus 
sensiis  dicitur,  qui  à  visibilibus  ducit  ad  invisibilia  :  ut  lux  primo  die  facta,  rem  invisibilem  id  est 
angeiicam  naluram  significat  à  principio  factam.  Ut  Ilicrusaiem  intelligitur  ,  hislorialiter  cicilas 
terrena  :  allegorice,  Ecclesia;  tropologice,  anima  Jidelis;  anagogice,  cœlestis patria.  Igitur  sacra 
Scriplura  cœteris  in  his  sensibus  supcrabundat.  [Erud.  IheoL,  in  spead.  Ecclesias.,  c.  8.) 

1.  Fenestrœ  ecclesiae  xHroiË,  scrijj/iirx  siint  divinx ,  quœ  ventum  et  pluviam  repelhint,  idost, 
nociva  prohibent:  et  dum  claritatem  vert  solis  in  ccclesiam  per  diem  transmiltunt ,  inhabitanles 
illuminant.  »  [Erudition,  iheologicx  in  spec.  Ecoles ,  cl.)  —  Ibid.  (Durand,  Rat  div.  offic). 
—  «  Orietur  vobis  timentibus  nomen  meum  sol  justitiae  »  (Malach.,  c.  4,  v.  2).  —  «  Id  est  justus 
seu  verus  sol ,  neuipe  Christus  non  ad  eos  excœcandos,  adurendos,  atfligendos,...  sed  ad  eos  vivifi- 
candos,  illuminandos  ac  plenè  sanandos.  »  (Tirin.  comment,  in  Malach.  —  Et  S.  Hieron.  — 
Cyrill. ,  etc.)  —  «  Splendor  palernae  gloriœ  De  luce  lucem  proferens  Lux  lucis  et  fons  luminis  Dics 
diem  illuminât...  Vcrusque  sol  illabère,  Micans  nitore  perpeti,  Jubarque  sancli  spiritùs  Infunde 
nostris  sensibus.  »  [Hymn.  rom.)  —  «  At  viclor  auioram  suo,  Fulgore  Christus  obruit,  etc.  » 
(Hymn.  ifeic?.)  —  uSolerat  iste  (Christus...)  »  (Rupert.  abbat  Tuitiens. ,  De  divin,  offic. . 
i.7,  c.  15.) 

2.  S.  Brunon  d'Asti,  évoque  de  Segni,  l'un  des  adversaires  les  plus  redoutables  de  Bérenger,  et 
l'un  des  plus  célèbres  théologiens,  commentateurs  et  controversistes  du  xi<^  siècle. 

3.  Selon  le  langage  mystique,  la  colombe  figurait  les  [irédicateurs,  ou  la  vie  cléricale  active,  par 
opposition  à  la  tourterelle  qui  était  le  symbole  de  la  vie  contemplative.  «  Columba,  quœ  gregalim 
conversari,  volare  et  gemere  consuevit,  aclivœ  vitaj  frequentiam  demonstrat;...  turtur  vero,  quaj 


SVMUtiLlOlE    DF.S   PIEKKKS   l'KKCI  EUSES.  219 

nuages  diaplianps' ,  ce  qui  a  aussi  son  sens  ni\sli(|ne,  !os  colombes  et  les 
nuages  figurant  les  prédicateurs.  Ainsi  prise  pour  l'Écriture,  la  fenêtre  avec 
ses  verrières  rappelait,  par  son  elirasure  évasée  dans  l'intérieur  de  la  l)asi- 
liqiie,  mais  toujours  étroite  au  dehors,  le  sens  m\sti(iuc  de  la  Bible,  plus 
riche  en  tout  point  que  la  lettre  :  sens  à  la  portée  des  fidèles  et  de  ceu\  qui 
sont  dans  l'église  (on  l'assendilée  des  catholiques),  mais  caché  et  inaccessible 
à  ceux  qui  sont  hors  de  son  sein  ^. 

Il  n'y  a  donc  rien  de  surprenant  à  voir  les  anciennes  verrières  ornées 
d'épisodes  bibliques,  de  traits  puisés  dans  l'Évangile  el  dans  les  Actes  dos 
martyrs;  ce  qui  est  consigné  dans  les  Écritures  par  les  caractères  alpliahéli- 
tiques  devait  venir  s'y  reproduire  en  images  et  en  tableaux.  Bonarroli  exprime 
celte  opinion  ^,  et  croit  que  les  sujets  profanes,  tels  que  furent  les  traits  d'his- 
toire, les  séries  d'abbés  ou  de  rois,  n'apparurent  sur  les  vitraux  que  par 
l'extension  des  idées,  et  postérieurement  aux  sujets  sacrés.  Par  un  autre 
rapprochement  avec  les  saintes  Ecritures,  les  verrières  non  hislorlipies  raj)- 
pelaient  spécifiquement  la  plupart  des  vertus  chrétiennes,  et  celte  allusion 
consistait  dans  la  nature  diaphane  el  les  couleurs  de  leurs  vitraux.  On  Irou- 
vail,  effectivement^  en  eux  l'aiiparence  des  pierreries,  et  chaqu(^  pierre  pré- 
cieuse était  l'emblème  de  quelqu'un  d'entre  ces  trésors  '. 

singuinritate  gaiidct...  spcculativac  vita;  culmina  donuiiciat ,  quia  el  paucorum  est  isla  viihis.  (Ania 
lar.  Fortun.,  De  Ecclesiast.  offic,  c.  M.  —  Vvon.  Carnot.,  De  reb.  lieclesiast.,  serm.  De  conve- 
nientià,  etc.  —  (Brun,  .\stcns.,  Exposit.  sup.  Peiitateuc,  cap.  8,  etc.) 

La  colombe  symbolisait  aussi  les  prophètes  [Brunon.  .\stens.,  Exposit.  sup.  Pentateuc.  c.  i:>) 
la  patience,  et  d'autres  vertus  (Brun.  Astens.,  Exposit.  sup.  I.evitic.  3,  cap.  1). 

1.  0  Tenebrosa  aqua  in  nubibus  aeris.  »  [Psal.  17.)  —  «Nubes,  prophetne,  »  (Oddon.  nionach. 
Astens.,  E.r.p.  sup.  Psalt.,  ps  88.  —  «  ...Islœ  nubes.  apostoli  et  prophetaî,  eorum  scriptura;  intel- 
ligunlur,  qua;,  quoniam  obscur.Tj  sunt,  tenebrosa;  esse  dicuntur...  »  —  «  l'ra;  fulgore  cnim  nubes 
Iransierunt.  Prai  fulgore,  id  est  prjeclar.'c  et  splendidaj  nubes,  per  quas  apostolos  significari  dixi- 
mus.  I)  (Brun.  Astens.,  Exposit.  sup.  P.salm..  17.)  —  «  Tenebrosa  aqua  in  nubibus  aeris,  cpiia  lenc- 
brosa  et  obscura  estscriptura  prophetarum  quos  nubes  significant.  »  (Odilonis  monacb.  As'ens., 
Inpsalm.  17.)  —  Nostra?  nubes,  clar.p  et  lucidiu  suni,  quarum  pluvia  suavis  est,  quaruni  dortrina 
mcllillua  es! ,  quaruni  prœdicatio,  et  sapientibus,  et  insipienlibus  conveniens  est.  Et  hoc  est  quod 
dicil:  Pra?  fulgore  in  conspeclu  ejus  nubes  transierunt...  Istic  sunt  illa;  nubes  de  quibus  dicilur: 
Numquid  nosli  scmitas  nubium ,  magnas,  el  perfeclas  srientias ,  etc.  (Job.)  —  Brun  Asiens.,  He 
noco  muiido,  c.  .3.  —  «  lias  (feneslras)  fre(pu'nlanl  pr;cdicatores  ,  qui  ut  nubes  vohmt,  et  quasi 
columba?  ad  feneslras  suas.  »  [Erudition,  t/ieolog  iii  spec.  Ecctes.,  c.  1.) 

2.  <i  ll;c  (feneslra;)  inliis  latiorcs  sunt.  quia  niyslirus  sensus  aniplior  est  et  pra'cellil  litlera- 
lem.  I)  [Erttdit.  llieolotj.  in  sppc.  Ecclesix,c.  4.)  —  (Dur.,  /tal.  divinor.  offic,  I.  1,  c.  1.)  Les 
autri's  allusions  de  la  fenêtre  romane  et  de  la  feniWre  ogivale  sont  traitées  ailleurs. 

'.i.  Bonarroli ,  OsserrazioiU  sopra  ulruni /raniment i  di  vasi  nntic/ii ,  etc. 
4.  «Non  enim  unius  coloris  Kcclcsiic  lilii  sunt,  sed  pro  diversilale  virtulum,  (|Uiisi  qiia'dani 
gcmmœ  diversi  coloris  in  eis  refulgent.  »  (Brunon.  Astens.,  Expos,  sup.  Penlateuc,  c.  .10.)  — 


220  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Il  serait  malaisé  sans  doute  de  rallier  complètement  en  un  coips  d'ouvrage 
les  innombrables  allusions  rattachées  au  nom  de  chacune  des  pierreries  sous 
ce  règne  de  l'iierniétisme,  et  même  à  celles  seulement  (jui  sont  mentionnées 
dans  la  Bible;  il  l'est  moins,  de  trouver  dans  les  commentateurs  des  livres 
sacres,  la  signification  précise  de  quelqu  une  de  leurs  séries,  par  exemple, 
des  douze  pierres  qui  forment  les  fondements  de  la  sainte  Jérusalem  au  cha- 
pitre 21  de  l'Apocalypse,  et  des  douze  pierres  qui  ornaient  chez  les  Juifs  le 
Rational  du  grand  pontife'.  Disposées  sur  quatre  rangées,  chacune  formée 
de  trois  gemmes,  elles  abondaient  en  allusions;  le  nombre  quatre  pour  les 
rangs  signifiait  les  quatre  vertus  cardinales^,  et  le  nombre  trois  pour  les 
gemmes,  les  trois  vertus  théologales  ^.  De  plus,  chacune  de  ces  pierres,  par 
sa  nature  spéciale,  ses  propriétés,  sa  couleur,  répondait  à  plusieurs  vertus, 
surtout  à  une  dominante;  et  par  des  rapports  implicites  dont  l'histoire  donne 
la  clef,  cette  vertu  symbolisait,  dans  le  Rational  du  grand  prêtre,  l'un  des 
douze  ûls  de  Jacob  chefs  et  représentants  des  douze  tribus'',  et,  dans  la 
série  des  fondements  de  Jérusalem,  un  apôtre.  Quelques-unes  font  à  la  fois 
allusion  aux  deux  personnages,  parce  qu'elles  sont  mentionnées  dans  l'une 
et  dans  fautre  série  ^.  Les  douze  pierreries  énumérées  dans  l'Apocalypse 
comme  fondements  de  la  nouvelle  Jérusalem,  sont:  le  jaspe,  le  saphir,  la 
chalcédoine,  l'émeraude,  la  sardonix,  la  sarde,  la  chrysolite,  le  béryl,  la 


(Ib.  ExposUio.  sitp.  Peiitateucum,  cap.  8  )  —  «  Per  lapides  enim  significantur  virluies,  secundnm 
iiluii  :  «  Alius  supeiEudificat  auruQi,  argentum,  la|)ides  ptetiosos.  »  (Cor.  3. — Innocent.  3,  De  sacro 
ait.  mtpt.,  1  Le.  27.) 

1 .  On  appelait  Rational  une  pièce  de  broderie  de  forme  carrée  et  d'un  tissu  fort  précieux  ,  (pie  le 
grand  prêtre  portait  sur  sa  poitrine,  et  qui  était  chargée  de  quatre  rangs  de  pierres  précieuses  (trois 
par  rang),  sur  chacune  desquelles  était  gravé  le  nom  de  l'une  des  douze  tribus  d'Israël.  {E.rocl. 
c.  28,  V.  2,  l,  15,  17,  21.) 

2  Allusion  presque  toujours  attribuée  im|>licitement  a  ce  nombre  pendant  les  temps  hiéra- 
tiques, c'est-à-dire  antérieurs  au  xin«  siècle,  et  qui  leur  survécut  longtetnps.  C'est  ainsi  que  le  pape 
Innocent  III  interprétait  qualre  anneaux  ornés  de  pierreries,  qu'il  envoyait  au  roi  d'Angleterre  : 
«  Quaternarius  aulem  qui  numerus  est  quadratus,  constantiam  mentis  insinuât ,  qu;e  neque  deprimi 
débet  adversis ,  nec  prosperis  elevari ,  quod  tune  laudabiliter  adimplebit  cinn  quatuor  virtutibus 
principalibus  fuerit  adornata  :  videlicet  justitia,  forlitudine,  prudentia,  temperantia...  »  Ce  pontife 
ex|)lique  ensuite  le  sens  des  gemmes. 

3.  Innocent.  III,  De  sacro  ait.  mi/st  ,  1.  1,  c.  26  et  27.  —  S.  Brunon.  Astens.,  Exposit.  sup. 
l'enlateuc  ;  Exod.,  c.  28.  —  Et  dans  les  commentateurs  et  les  gloses,  passim. 

4.  (Quelquefois  aussi  dans  le /{a//ona/,  les  apôtres,  simultanément  avec  les  patriarches.  (S.  Bru- 
non.  Ast.,  Exp.  sup-  Exod.) 

!).  Ce  sont  le  jaspe,  le  saphir,  l'émeraude,  la  sarde,  la  chrysolithe,  le  béril,  la  topaze,  l'amé- 
thyste: ensuite  le  ligurius  et  l'onyx,  l'un  dont  la  nature  est  contestée  et  que  les  commentateurs 
croient  identique  à  l'hyacinthe,  l'autre  analogue  à  la  sardonix. 


sv.MBOLion:  DKs  iMi:i;i!i:s  imikcikises.  221 

topaze,  la  chrysoprase,  riiynciiitlio,  raiiictliyslo;  et  les  douze  du  lUilioual 
sonl  :  la  sarde,  la  topaze,  rérneraude,  rescarhoucle,  le  sapliir,  le  jaspe,  le 
ligurius,  l'agate,  ramcliiystc ,  la  chrysolile,  l'onyx,  le,  bérvl.  Nous  allons 
donner  l'interprétation  du  sons  mystiquo  de  ces  i,'einmes,  cl  (h;  chnix  antres 
pierres,  le  grenat  et  le  diamant,  souvent  tnentioiim-s  dans  les  livres  saints 
pour  signifier  des  mérites,  des  (lualités  ou  des  vertus. 

\oiei  ilonc  la  syiul)olii|nc  des  pieri'cs  pi'écieuses  '  : 

Le  Jaspe,  pierre  opaijue,  dure,  souvent  d'une  nuance  verte,  était,  par  ces 
trois  caractères,  propre  à  représenter  la  lui  '.  I,  impénétrabilité  des  mystères 
auxquels  la  foi  est  appli(piée  avait  un  rapport  implicite  avec  l'opacité  du 
jaspe;  la  dureté  de  celte  pierre  en  exprimait  la  fermeté  ;  l'allusion  de  la  cou- 
leur verte  en  rappelait  la  i)ersistance,  ainsi  ipie  l'élerniié  des  choses  divines^ 
qui  en  sont  le  domaine  el  l'objet.  Le  jaspe  représenta  (lad,  dont  le  nom 
signifie  armé,  heureux,  prêt  à  l'attaque,  et  dont  la  tribu  précédait  les  au- 
tres pendant  la  luarche  et  au  combat.  Le  jaspe  figura  aussi  le  prince  et  le 
chef  des  apôtres,  pierre  fondement  de  l'Eglise  ,  pierre  à  (|ui  Jésus-tlhrisl  lui- 
même  a  promis  la  stabilité  i. 

Le  Saphir,  dont  la  couleur  tondre  rappelle  l'éclat  de  l'azur,  el  qui  souvent 
ponctué  d'or  resplendit  aux  feux  du  soleil ,  était  l'esiwrance  chrétienne  ,  et 
la  sainte  contemplation  ''.  Il  re[)résentail  Xe|)hlali,  ancêtre,  de  plusieurs  a|)ô- 

i .  Noire  ex|)Iicalion  des  i^einmes  pour  les  i^erlus  est  empruntée  à  plusieurs  sources.  Nous  avons 
adopté,  pour  leur  relation  avec  les  Patriarches  et  les  Ipûtres,  celle  de  Cornélius  à  Lapide  de  pre  • 
férence  à  celle  d'AIplionse  d'Avila*  et  de  quelques  autres  coniinontalcurs.  Cornélius,  venu  après 
eux,  a  comparé  tous  leurs  systèmes;  il  corrige  deux  fois  d'Avila,  et  donne  l'opinion  la  plus  ration- 
nelle et  la  plus  généralement  acceptée  par  les  interprètes  des  livres  saints  au  moyen  âge. 

2.  Jaspis...  que  ..  fides  significatur,  sine  quà  impossibile  est  placere  Deo.  »  (S.  lîrunon.  Astens., 
Prxfal.  iii  lib.  sup.  .-/poca/ijps.,  21.) 

3.  u  Jaspis  viridem  liabet  colorem...  Tali  ergo  colore  Doniinus  nostor  apparere  voluil ,  ut  nobis 
insinuaret  quid  appetere  debcanius.  Habct  enim  Dominus  colorem  jaspidis,  quia  senipcr  viridis. 
semper  vivons,  semper  immortalis  est  et  nunquam  ad  siccitatem  venions.  »  (S.  lîrunon.  Astens., 
Priefat.  sup.  lib.  .Ipoc,  4.  —  Et  vid.  in  Gloss.  in  /Ipocalyp.,  c.  4.) 

•4.  a  Jaspis,  gemma  firmissima  et  virens,  ideoque  smaragdo  subsimilis  »,  dit  Isidor.  (I.  IG,  c.  7.) 
0  Jaspis  congruit  Gad  :  tribus  enim  Gad  fortissima  pr.civit  alias  tribus  ail  terram  promi.<saiii ,  for- 
lissimèque  pro  iis  dimicavit.  [Num.,  .32.  25,  et  Josué,  4,  12.)  Unde  el  Gad  licbrairè  idem  est 
quod  inslructus,  accinctus,  arniatus,  felix.  »  [Gen.,  48,  <y,  in  lliebr.)  —  «  Tropologicc  Jaspis 
significal  fortitiidinem  fidei.  Unde  cl  in  .ipoc.  tribuilur  sanclo  Petro,  qui  est  pclra  et  fiindamcn- 
tuni  Eccicsia;  post  Christum;  ideoque  féliciter  h;ec  petra  in  suis  successoribus  perdurai  et  perdu- 
rabil.  »  (Cornel.  à  Lapid  ,  in  Exod.  comm"iilar.,  28.)  —V.  aussi  ci-après  la  note  I  de  la  page  22!». 

5.  a  Saphir!  screnitas,  spem...  significal...  liabes  igitur  in  sapliiro  quod  spores...  »  (Lettre  du 
pape  Innocent  lit  à  Kick.,  r.  d'.-tngleterre.) 

6.  «  Hoc...  pretioso  lapide  apostoli  ornali  et  derorati  Icrram  d  'spiciuni  ,  ca-leslia  concupiscunt... 
*  Alphonse  Tostal ,  ii\r:i|iic  d'Atilii. 

V.  -29 


22-2  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

1res  dont  les  paroles ,  admirables  comme  l'avait  prédit  Jacob  (Gen.  U9 ,  21  ), 
étaient  dignement  exprimées  par  l'or  et  la  couleur  du  ciel.  Le  saphir  désigna, 
selon  Arétas,  saint  Paul  (adjoint  au  chœur  des  douze  apôtres),'  mais  en 
même  temps  et  spécialement  saint  André ,  dont  le  nom  exprime  une  àme 
virile,  et  qui,  ravi  en  Jésus-Christ  pendant  les  deux  jours  de  retraite  qu'il 
passa  en  sa  compagnie  aussitôt  après  son  appel ,  s'enflamma  de  sa  charité 
et  quitta  pour  toujours  le  siècle  ^. 

La  Chalcédoine,  sorte  d'agate  d'une  nuance  troublée  et  comme  voilée  de 
nuages,  pâlit  à  la  clarté  du  jour,  mais  res|)len(lil  dans  les  ténèbres;  c'est  la 
douce  miséricorde  ^,  objet  de  mépris  pour  le  monde,  mais  bénie  du  maître 
du  ciel  'i;  c'est  encore  l'humilité,  modeste,  et  qui  se  plaît  dans  l'ombre  ^, 
mais  précieuse  et  rayonnante  pour  celui  qui  voit  dans  la  nuit  ^.  L'éclat 
flamboyant  qu'elle  jette,  l'assimilant  à  l'escarboucle,  lui  fit  partager  avec 
cette  gemme  l'allusion  à  la  charité,  et  par  là,  elle  désignait  saint  Jacques, 
tils  de  Zébédée,  surnommé  aussi  le  Majeur,  et  le  premier  des  douze  apôtres 
qui  ait  versé  son  sang  pour  la  foi  7. 

L'Émeralde,  rappelant  par  sa  couleur  la  pompe  des  champs,  la  jeunesse 
(le  la  nature,  et  dont  rien  ne  ternit  l'éclat  ^,  symbolisait,  comme  le  jaspe,  les 

non  terrena  lucra  sed  sapliiros  quibus  ornantiir  considérantes ,  illuc  ascendere  cujus  in  saphiro 
cnlorem  conteniplantur,  tolis  viribus  anhelant.  »  (Brunon.  A-stens.  Prxfat.,  in  lib.  sup.  Jpoc, 
.-.21.) 

I.  V.  ci-après  ['hyacinthe. 

i.  «  Sapphirus,  qui  cœruleus  est,  id  est  cœlestis  coloris,  et  aureis  punctis  collucet,  qiiique 
radiis  solis  percussus,  ardentem  emittil  fulgorem.  Hic  congruit  Nephtali ,  à  quo  plerique  Aposlo- 
loruni  proL;nati,  aurea  et  cœlestis  Evangelii  veiba,  et  (ut  Jacob  vaticinatus  est,  Gen.  49,  21), 
eloquia  pulcliritudinis  orbi  dederunt.  »  —  «  Tropol.  Sappliyrus  significat ,  eos  qui  corpore  in  terris, 
mente  et  vilA  in  cœlis  versanlur,  unde  in  Apoc.  tiibuitur  S.  Paulo,  ul  vult  Aretas,  vel  potius 
S.  Andreœ,  qui  amore  cœli  et  radiis  Christi ,  biduo  apud  eum  manens,  percussus,  in  ejus  amo- 
rem  exarsit ,  et  terrena  omnia,  prospéra  œque  et  adversa  calcavit.  Virilis  ergo  Andréas  juxta  nomen 
suum  fuit  i-ir,},  là  est,  vir.  »  (Cornel.  à  Lap.,  in  E.rod.  comm.,  c.  28.) 

3  Innocent  III  [De  sacr.  ait.  myst.,  1.  1,  c.  27)  appelle  cette  pierre  achates  (agate)  et  l'as- 
signe à  la  vertu  de  miséricorde. 

4.  Il  Beali  miséricordes,  quoniam...  misericordiam  consequentur.  »  (Matth.,  v.  7.) 

5.  0  Chalcedonius,  qui  ignis  effigiem  subpallidam  quodammodo  habens,  in  nubile  et  in  abscon- 
dilo  fulgoris  flammas  amittit ,  palam  autem  et  subdio  paruin  quid  ignei  luminis  dare  videtur.  Hoc 
autem  lapide  Apostoli  et  Doctores...  etsi  apud  Deum  magni  sint  meriti ,  multumque  refulgeant 
inler  homines  tamen  ignobiles,  viles,  liuniiles  et  despectabiles  sese  ostendunt  »  (Brun.  Astens., 
Prx/at.  i)i  lib.  sup,  .4poc  ,  c.  21.) 

6.  «  Qui  vidct  in  abscondito  »  (Matt.,  vi,  C  ) 

7.  «Chalcedonius,  qui  carbunculo  colore  est  similis,  tribuitur  Jacobo  fratri  S.  Joannis,  quia 
ardens  charitate  Christi,  primus  Apostolurum  pro  Chrislo  martyr  occubuit.  »  (Cornel.  à  Lapid  , 
in  Exod.  comment..,  c.  28.) 

8.  «  Smaragdus  quasi  hcrba  viridis  est:  per  quam  immortalitatem  intelligimus,  quœ  seniper 
virons,  numquam  ad  siccitatem  pervenit.  »  (Brun.  Astens  ,  Prxfat.  in  lib.  sub.  Apoc,  c.  4.) 


SYMBOLIOIE  DES  PIERRES  PRÉCIEUSES.  223 

choses  d'essence  éternelle,  l'inalléiable  et  vive  foi  ',  rincorruptibilité  de 
riime  des  justes  *,  arbres  plantés,  dit  l'Écriture,  sur  le  bord  du  courant  des 
eau\,  et  qui  ne  s'otïïniilloni  jamais  ^.  La  myslagogic  licniiéliciue  vit  encore 
dans  l'émeraudc  Jniia  rataclérisé  par  la  force,  et  par  rclcriiilé  du  s('(>ptre 
qui  ne  devait  point  sortir  de  s(^>  mains  .((len.  V.t,  10).  Mlle  y  \it  aussi  la 
viriiinité,  fltnir  du  ciel  londx'e  sur  la  torre  ,  et  l"évanp;(''list{>  saiiil  .Icaii,  si^d 
vierge  parmi  les  apôtres  '. 

L'EscARUOUCLE  brillait  sur  le  Halional,  oii  la  (Ihalcédoine  n'avait  point 
place.  Son  nom  grec  (charbon  onllammé),  désignait  la  tribu  de  Uan,  à  cause 
de  deux  circonstances  ;  l'une  était  l'incendie  de  la  cité  de  Laïs  par  les  Dani- 
tides  ;  l'autre,  celui  des  moissons  des  Philistins  par  Samson,  danitide  aussi. 
Dans  la  langue  tropologiqun,  l'escarboucle  est  la  charité.  Par  une  sorte 
d'antithèse,  ou  plutôt  en  vue  du  pii\  de  la  modestie  *,  l'escarboucle  figu- 
rait aussi  cette  humble  vertu  ''. 

L'Onyx  (du  grec  ovj^,  ongle)  est  nne  sorte  d'agate  tine,  ruhannée  de 
blanc,  et  à  laquelle  les  anciens  trouvaient  avec  l'ongle  nne  ressendilance 
dont  il  est  assez  difficile  de  déterminer  le  motif.  L'onyx  figurait  l'innocence, 
la  candeur/,  la  sincérité  et  la  \(Mil('  inviolable  ^.  Cette  pierre  était  assignée 
au  patriarche  Manassé  et  à  ra[)ôtr(!  saini  Pliilipiie  ^. 

1.  Innoc.  III,  Oe  sac.  ait.  myst.,  1.  1,c.  27. 

2.  a  Smara^'iiis,  qui  jaspide  viridior,  iierbanim  qiioqiie  viriditalcm  siià  viriditatn  supoiaro 
videtur;  significal  nulcm  sanctorum  vitam ,  qua;  quidem  post  carnis  resiirrectioncin  semper- 
viridis  erit,  quod  niliil  in  eis  eril  quodsiccari  vel  mori  possit.  «  (  Brun.  .\st  ,  Pr:i'fat.  in  lib.  siip. 
jlpoc,  c.  21.) 

3.  «  (Justus)...  tamquam  li;^niini  qiiod  |ilanlatiim  c>l  sociin  (l('('i]i~ii>  aquariini...  et  foliiiin  cjiis 
non  defliiot.  »  [Psalm.  I,  v.  3  et  l.) 

4.  a  Smaragdus  maxime  viret hebraïco  vocatur  Barcket ,  id  est  fidgiirans Sniaragdus 

congriiit  Levi ,  ait  Abulens.,  sed  fallitiir.  Levi  non  computatur  inler  duodccim  tribus...  .  Sma- 
ragdus est  Juda  ,  qui  si  Levi  excludas,  fuit  tertius  Jarobi  filius.  Smaragdus  enim  signifirat  .ludio 
fortitudincm ,  et  sceptrum  perenne,  semporque  virens  iisquo  ad  Christum.  »  [Qrn  ,  19,  10.)  — 
«  Tropologice,  Smaragdus  signifirat  virginitalom;  hinc  in  .Ipocalypsi  (cap. "it),  tribuiturS.  Joanni, 
qui  semper  virgo  mire  viruit  in  ^uil  virginitate.  »  (Corn,  à  La|)id.,  /«  Exod   Coinm.,  28.) 

5.  Innocent  III,  De  sacr.  ait.  mijst.,  c.  27,  I   1. 

6.  0  Carbunculus,  gracré  i/Opa;,  id  est  carbo  ignilus,  hujus  enim  spociem  referl  ;  unde  et  ignem 
non  sentit,  quâ  de  causa  a|i;Tolus  dicitur  à  l'Iinio  1.  M.  Ilic  congruil  Dan  et  Danilis,  quia  suil  for- 
titudino  exusserunt  Laïs  (Jiidic.  18)  et  Samsoni  danitida^,  qui...  surcendil  .^egetes  Pbilistiim.  " 
(Judic.  I.ï.  5.)  «  Tropologice,  Carbunculus  signifiait  ardcnlem  cliarilalein.  » 

7.  «Tropologice,  Onyx  significat  candorem  et  innocenliam.  »  (Co'rn.  à  Lap.  in  r..vod.  comin., 
cap.  28.) 

8.  0  Par  duos  Onychinos,  significantur  verilas  et  sinceritas.  Veritas  per  clarilatem,  sincerilas 
per  soliditalem.  »  (Inn.  III,  Desac.  ait.  iiiijst.,  I.  1,  c.  20.) 

9.  "  Onyx,  ita  diclus  ab  unguis  liuuiani  simililudine.  Ilic  significat  Manassen  ,  ob  moium  cando- 
rem et  humanitatem  :  unde  et  in  Apocalypsi  datur  l'hilippo.  »  (Corn,  à  Lap.,  ihid.,  toc.  cit.) 


224  ANNALES  ARCHÉOLOGIOUES. 

La  Sardonix,  fusion  de  l'onyx  et  de  la  sarde,  était  d'une  teinte  brillante, 
pourpre,  nuancée  de  plusieurs  couleurs,  et  rappelant  le  plus  souvent  celle 
des  grains  de  la  grenade.  Elle  figurait  la  charité  vive  ',  que  désignait  aussi 
ce  fruit.  Sa  variété  de  nuances  rappelait  la  fécondité  de  celte  vertu,  ses 
richesses  spirituelles,  et  son  Irait  caractéristique  qui  est  de  se  faire  tout  à  tous', 
selon  l'expression  de  l'apôtre  ^. 

Le  Grenat,  pour  les  mêmes  causes,  avait  une  analogie  complète  avec 
l'allusion  de  la  sardonyx  :  il  figurait  la  charité  ''. 

La  Sarde  ,  par  sa  transparence  et  sa  teiute  approchante  de  celle  du  feu 
qui  passait  pour  épouvanter  les  bétes  féroces,  rappelait  la  foi  qui  s'élève, 
qui  aspire  à  monter  sans  mesure  et  s'allache  aux  choses  d'en  haut  ^,  et  en 
même  tem|)s  le  martyre''.  Elle  symbolisa  Ruben,  à  cause  de  la  publicité  de 
ses  scandales  représentée  par  la  lumière,  et  aussi  de  son  grand  amour  pour 
son  jeune  frère  Joseph  qu'il  défendit  seul  contre  tous  ses  frères.  Saint  Bar- 
thélémy, dont  le  corps  fut  ensanglanté  par  le  plus  cruel  des  martyres,  et  qui 
était  terrible  aux  démons,  fut  assimilé  à  la  Sarde?. 

La  Chrysolite  (pierre  d'or),  d'un  jaune  d'or  mêlé  de  vert,  représentait  la 
Vigilance  ^  et  la  Sagesse  ^.  La  nuance  dorée  de  la  chrysolite  la  fit  assignera 
Ephraïm,  par  allusion  à  la  couronne  dont  Jéroboam  Ephraïmile  s'empara 

1 .  «  Sardonix,  cujiis  color  igneus  et  rubeus  est,  et  quasi  granum  malorum  granatorum,  claris- 
sime  rutilât,  per  quem  Cliaritas  inteiligilur.  »  [linin.  Astens.  Pra'fut.  in.  tib.  siip.  A-poc.  c.  21.) 

i.  «  Mala  punica  clarissiinis  et  dulcibus  gianis  regulaiiter  ordinatis  plena  sunt,  per  quem  (sic) 
saiictorum  ecclesias  et  congregationes  ubique  per  totum  munduni  inteiligere  possumus,  in  quibus 
Cliristi  fidèles  concordià,  pace,  et  dileclione  conjuncti  continentur.  »  (S.  Brun.  Astens.,  Exposit. 
Slip.  Exod. ,  c.  26  ) 

3.  Omnibus  omnia  factus  sum,  ul  omnes  facerem  salvos.  »  (1 .  Cor.,  c.  9,  v.  19,  20,  21,  22.) 

4.  Cl  Granati  rubicundilas  charilatem...  significat.  ...Habes  igitur...  in  Granalo  quod  diligas.  » 
{Leït.  (la  pope  Innocent  III  à  Richard  I",  roi  d'.Ingleterre.) 

5.  Innoc.  111,  De  sac.  ait.  myst.,  1.  1,  c.  27. 

6.  «  Sardius,  qui,  quod  sanguinis  colorem  habel,  apertissime  martyrium  signifirat.  »  (S.  Bru- 
non.  Asl.,  PrxJ'at.  in.  lib.  sup.  Jpoc,  c.  21.)  «  Sardius vero,  clarum  et  igneum  (colorem  habet). 
(Dominus)  habet  aulem  et  colorem'sardinis,  siquidem  Deus  noster  est  ignis  ardens...  Ardeamus 
et  nos  fervore  charitatis  accensi ,  etc.  »  (S.  Brunon.  Astens. ,  Prœfai.  in  lib.  svp.  Jpoc. ,  c.  4.) 

7.  «  Sardius,  qui  ignis  specie  translucet,  significat  Ruben,  primogenitum  Jacobi,  cujus  libido 
se  prodidit  tum  patri,  tum  aliis...  Sed  quia  tardius  suffuso  humore  hebetatur,  hinc  convenit 
conslantiœ  et  amori  ejusdem  Ruben  ,  que  tam  impense  conatus  est  Josephum  e  manibus  fratrum 
liberare.  »  —  «  Sardius  fervidam  significat  doctrinam  ,  et  pro  ea  martyrium  :  est  enim  colore  san- 
guineo  et  igneo,  quo  feris  letrorem  ineutit.  Hinc  (  .-/^joc.  21)  tribuitur  Bartholonueo ,  qui  pro 
Christo  excoriatus,  lotus  sanguineus,  ideoque  dœmonibus  terribilis  fuit...  etc.  »  (Corn,  à  Lap.,  in. 
Exod.  coinm.,  28.) 

8.  Innoc  111 ,  De  sac.  ait.  mijst.,  1.  1,  c.  27. 

9.  «  Chrysolitus,  ...  quia  aureum  habet  colorem,  ab  auro  suscepit  et  nomen...  ideo  per  hune 
laiiidem  sapientiam  iiitelligimus.  »  (S.  Brun.  Astens.,  Prœfat.  sup.  Jpoc,  c.  4.) 


SYMBOLIQUE  DES  PIERRES  PRÉCIEUSES,  225 

après  Salonion ,  et  qiril  transmit  à  sa  (Icscciulaiicc.  Dans  le  laiii;ai;((  hifia- 
liqiie,  la  chrysolite  l'tail  alliiluu'c  n  la  iiùiiilence,  et  symbolisait  sainl 
Matlliieii  '. 

l.K  Bkuyl,  ou  aigiie-mariiic  ,  ooiilcnir  de  l'eau  t'iappée  des  rayons  du  soleil, 
rappelait  la  Sainte-Ecriture  '  clucitlée  par  le  Sau\eur  ^,  et  aussi  la  saine  Doc- 
trine et  la  Science  ^'.  C'était  encore  la  lont^animité  '',  la  force  et  le  sainl 
héroïsme,  vertus  tellement  suiliumaines  (pi'il  seud)le  cpie  l'àinc  (pii  en  est 
ornée  réfléchisse  l'être  de  Dieu.  A  cause  de  l'éclat  passaij;er  ((u'il  tire  des  feux 
du  soleil,  le  bérvl  représenta  IJenjanu'n  ,  trihu  tantôt  resplendissante  dans  la 
personne  de  Saùl  et  celle  île  saint  Paul ,  apôtre,  tantôt  débile  et  décimée  comme 
on  voit  au  temps  de  ^liclias  (  ./«r/^c.,  '20,  M  ),  où  elle  fut  réduite  à  six  cents 
homn)es.  Le  langage  tropologicpie  assigna  le  béryl  à  l'apôtre  saint  Thomas 
parce  que  sa  foi  subit  des  vicissitudes,  et  pour  l'héroïsme  chrétien,  (pii, 
selon  une  tradition ,  le  poussa  à  l'ajjostolat  et  au  martyre  dans  les  Indes  ''. 

La  Topaze,  d'un  jaune  Ijiillant  a[)procluuit  de  celui  de  l'or,  figurait  situul- 
lanément  les  vertus  les  plus  précieuses,   la  Sagesse,  la  ('ha^lclé  ",   le  mérite 

1.  «  Ctirysoliliis  parliin  auroi,  partim  marini  est  coloris.  Undc  hcbraïco  vocatur  tharsis.  id  est 
marinus,  inquit  S.  Hieronym.  Ilic  congruil  tribui  Epliraïin,  qui  reL,'iam  poleslalem  in  Jéroboam 
adapta,  eani  diulissimc  tenuit.  »  —  «  Tropologice,  dirysolitus  significat  Pœnitentiam  ,  iinde  in 
Apec.  Iribuitiir  MaltliaL'O,  qui  pœnilens  fuit,  et  fervens  amore  Cliristi.  »  (Corn,  à  Lap.  in  Exod. 
Comm.,  c.  28.) 

2.  L'eau  signifie  les  Écrituies.  S.  Brun.  Astens.,  Hxpnsit.  xiip.  Psn/m.  «  I.aiiilate  Doininum  do 
caelis.  »  -  Ibid.  in  Psalm.  «  Confitemini  Domino.  >>  —  Ibid.  De  con/es.iorib.  Serm.  i.  —  Ibid. 
De  novo  mundo,  cap.  3.  et  passim.  —  S.  Oddon.  nionach.  Astens.  Exp.  sup.  Psalter.,  psalm.  17. 
—  Rupert.,  abb.  Tuit.,  de  Dicinis  officiis ,  iib.  7,  c.  5. 

3.  V.  supra  not.  I  de  la  pag.  218  ,  le  soleil ,  symbole  de  Dieu. 

4.  «  Bervllus,  cujus  color  similis  est  aquœ  coloris  a  sole  repereussœ,  per  qnem  sinceram  intel- 
ligcntiam  et  sanam  doclrinam  intelligimus;  qua;  nisi  a  Sole  Justiti;i!  illnminata  fuerit,  facile 
erroris  deformitale  tenebrescit.  Sole  ergo  in  aquis  relucenle,  berylli  color  eflicitur,  quia  f'.hristo 
Domino  nostro  Scripturarum  aquas  illustrante,  sanus  et  sincerus  formatur  intellectus.  »  (S.  linm. 
.4stens.  Prœ/'at.,  in  Iib.  sub  /Ipoc,  c.  21.) 

5.  Innoc.  111,  De  sacr.  ail.  myst.,  c.  27,  I.  I. 

(3.  »  Berylliis  instar  aqiiaî  solis  fulgore  repercussa; ,  rubicundus  est  et  decorus,  scd  non  lulget 
nisi  ...polialur  ...  afl'ertur  ex  India,  unde  in  Apoc.  tribuitur  Thoma',  India'  aposlolo,  ipii  tenla- 
tionibus  et  adversilatibus  in  lide  probatus,  et  roboratus  mire  refidsit.  Hic  vero  Itibuilur  tribui 
Benjamin,  qui  primum  Hebrii-is  dédit  regem  Saulem ,  sed  slalim  eo  morluo,  regno  jirivata  est: 
ruRum  tempore  Micliic  accisa  est  ad  sexcentos  viros...  Ipsa  denique  dédit  Pauluni  apostoluni  ila 
inter  labores  et  adversa  fulgenlem  et  iriumplianlem.  »  —  ;<  Tropol.,  beryllus  significat  animiimfor- 
Icmet  heroïcum,  adversa  quaïciiie  vincenleni.  —  ..  «  Benjamin  fuit  lupus  rapax  (  Ccn.  c.  49.)  : 
ita  S.  Thomas  Indos  aliasque  génies  quasi  o\ es  non  limuit,-:cd  rapuiteasClirislo  etKcclesia',  etc.  n 
(Corn,  à  Lap.,  Com.  in  Exod.,  c.  28.) 

7.  a  Topazius,  qui  tam  rarus  est,  ut  ipsi  quoquc  regcs  admodum  pauci  dillirile  eum  iiabere 
potuerunt,  unde  et  ca;teris  charior  esse  perhibetur...  ferlur  autem  quod  omnium  lapidum  in  se 


22&  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

des  bonnes  œuvres  ',  et  celte  espérance  chrétienne,  la  seconde  entre  les  ver- 
tus ^,  sœur  de  la  charité  figurée  par  l'or.  L'invincibilité  du  bras  fut  désignée 
parla  topaze;  elle  désigna  Siniéon,  exterminateur  des  Sichimites,  élût  allu- 
sion à  saint  Jacques  (nommé  le  Juste  et  le  Mineur),  à  cause  de  sa  fermeté 
contre  les  Pharisiens  et  les  Scribes  ^. 

La  Chrysoprase,  topaze  nuancée  de  vert-clair,  figurait,  en  vue  de  ces 
teintes,  la  réunion  des  bonnes  œuvres  '5.  Cette  pierre  symbole  de  l'acrimonie, 
et  qui  avait  souvent  la  couleur  de  l'or,  figurait  l'apôtre  Thadée  doué  de  la 
haute  sagesse  que  l'or  représenta  toujours  ^,  et  d'une  parole  incisive  et  redou- 
table aux  hérétiques  '^. 

L'agate.  On  attribuait  à  l'agate,  ponctuée  et  veinée  de  plusieurs  couleurs, 
beaucoup  de  vertus  salutaires,  celle  de  neutraliser  les  poisons  et  la  morsure 
des  reptiles,  de  guérir  et  chasser  les  fièvres,  de  dissiper  les  contagions.  Elle 
répondit  par  analogie  au  patriarche  Issachar  et  à  sa  tribu,  dont  la  sainteté  est 
louée,  et  qui  la  conserva  intacte  au  milieu  de  populations  prévaricatrices  ". 


colores  haheat ,  duos  tamen ,  id  est  auri  et  cœli  principaliter  possidet  per  quem  eos  figurari  puta- 
mus  qui  non  solum  sapientiâ  et  castitate  verum  etiam  ceeteris  omnibus  virtutibus  rutijare  viden- 
tur.  »  (S.  Brun.  Ast.,  Prx/af.  in  lib.  Apoc,  c.  21.) 

1 .  «  Topazii  clarilas  operationem  significat...  Habes  igitur  in  topazio.  .  quod  exerceas.  «  [Lett. 
du  pape  Innocent  III  à  Richard  I",  roi  d'Angleterre.) 

2.  Innocent  111,  De  sac.  ait.  myst.,  1.  1,  c.  27. 

3.  «  Topazius,  qui  parlimc;erul;eo,  partira  aureo  est  colore,  imo  omni  colore  resplendet.  (Isidor., 
lib.  7.)  Topazius  congruit  Simeoni,  audaci  et  imperlerrito,  uti  patuit  e  vindicta...  Dinae.  »  — Tro- 
pologice,  topazius  significat  animiim  CiTleslem  et  ad  omnia  infractum,  omnibusque  adversis  supe- 
riorem.  Est  enim  topazius  caîruleus  et  fulvus,  atque  flammescit  impensius  dum  radiis  solls  verbe- 
ratur.  Hinc,  Apoc.  21,  Iribuitur  Jacobo  fratri  Domini ,  qui  cœlesti  charitate  irradialus,  per  illam 
Judœos  omniaque  terrena  supplantavit.  »  (Corn,  à  Lap.,  Com.  in  Exod.,  28.) 

4.  0  Chrysoprasus,  quia  auri  simul  et  flamniaB  colorem  imilatur,  prœcipueque  in  tenebris  liicem 
circumquaque  diffundit,  quod  nulles  alios  magis  décorât  et  ornât,  quam  eos  qui  et  sapientiâ  fui- 
gent  et  charitate  fervent,  et  inter  mundi  hujus  peccatores,  doctrinae,  pariterquebonae  operationis, 
quasi  in  tenebris  lucem  circumquaque  diffundentes,  non  ad  favorem  vulgi,  sed  ad  asdificalionem, 
salutis  et  fidei  verba  depromuut.  »  (Brunon.  Astens.,  PrxJ.  in  lib-  sup.  Jpoc,  c.  21.) 

5.  «  Per  aurum  vero  sapientiâ  designatur,  quia  sicut  aurum  praeeminet  omnibus  metaUis,  sic 
sapientiâ  donis  omnibus  antecellit,  etc.  »  (Lett-  du  pape  Innoc.III  au  roi  d'Angleterre.)  -  Voir 
aussi  :  Amalar.  Fortunat.,  De  ord.  antiphon.,  1.  21 .  —  Yvon.  Carnotens.  De reb.  Eccl.  serm.,  De 
Conoenientia ,  etc.  —  Gemtn.  anim.  Prœf.  —  Brunon.  Astens.,  Serm.  in  Epiph.  Dom.  —  Ibid. 
Prmf.  in  l.  sup.  Apoc,  1.  7,  in  capite.  —  Ibid.,  Exp.  sup.  Exod.,  c.  28  ;  et  passim. 

6.  Ce  dont  son  Epitre  fait  foi.  -  «  In  Apoc,  achati  respondet  chrysoprasus,  ...  corallachati  affi- 
nis,  tribuiturquo  .ludie  Thadaeo  :  cujus  aurea  sapientiâ  et  acrimonia  (banc  enim  symbolice  et  tro- 
pologice  significat  chrysoprasus)  in  hœreticos,  patet  ex  ejus  epistola.  »  (Corn,  à  Lap.,  loco  citato.) 

7.  «  Acliates,  ita  dictus  ab  Achate  lliivioSicilioe  juxta  quem  primo  est  repertus,  ait  Plinius;  aut, 
ut  alii,  dictus  est  â/.iTn;,  id  est  sociabilis,  quia  multœ  in  eo  figurai,  et  colores  varii  associanlur... 


SV.MlîOLIOl  i;   |)i:s   l'IKHUtS   l'UKCIEUSKS.  227 

L'Ilv.vciNTiii:,  (ruiic  tciiilc  ;i|i|)r(icliaiilc  tli;  celle  d'un  eiel  sciciii  el  dont  la 
nuance  est  changeante,  était  prise  pour  la  Prudence  qui  tempère  le  zèle  ar- 
dent et  pour  la  douce  condesccndiince  (jue  le  Christ  commande  aux  paifaits'. 
En  vue  de  ces  analogies,  saint  Hiihidii  lassigne  à  saint  Paul  \ 

Le  LiGiRiis,  que  saint  Jérôme  croit  être  le  même  (juc  l'hyacinthe,  el  dont 
les  anciens  vantent  la  nuance  d'un  violet  tcndie  et  brillant,  était  le  symbole 
d'Aser  f  bienheureux  ),  dont  le  pain,  délices  des  rois  et  figure  du  sacrement 
de  l'eucharistie^,  est  exalté  dans  la  «  Genèse  »  (cap.  49,  v.  20).  Le  ligurius 
correspondait  à  l'apôtre  SiiiKin  le  Cliananéen,  dont  les  mœurs  étaient  angé- 
liqucs  et  le  détachement  céleste  '. 

L'Améthyste.  L'améthyste  (sans  ivresse)  réunissant  les  nuances  les  plus 
aimables,  le  violet,  le  rose  et  le  pourpre,  répondit  |)ai- cette  fusion  à  l'hunii- 
lité  des  enfants,  à  la  modestie  craintive  des  vierg(;s^,  et  à  la  largesse  chré- 
tienne (/rtrf/i/fls)'',  (pu,  dans  l'intention  de  son  nom  latin,  est  une  abnégation 
de  soi  poussée  jusciu'à  racquiescemenl  au  martyre.  L'améthyste  rejjréscnta 
Zabulon,  ancêtre  de  plusieurs  apôtres,  et  l'apôtre  saint  Mathias,  d'une  humi- 
lité sans  exemple". 


liic  significal  Iriljus  Is-;acliar  inter  meclios  peccntores  sila',  sanrlilatPin.  »  (Moys.,  Dent.,  33,  10.) 
—  Brun.  Astens.,  Exp.,  siip.  Deuter.,  c.  33,  v.  19. 

1.  0  Hyacinltius...  serenissimi  cauli  habet  colorem ,  qui  eliuni  secunclum  tenipora  mutaii  perlii- 
betur.  Significat  autem  sanctorum  virorum  discrclioneni ,  qui,  quamvis  mente  et  conlempialione 
quadam  scniper  ad  Cii'lum  et  ad  thronum  Dei  oculos  lialieant,  nuitanlur  lamen  pro  teniporc,  et 
rigoreni  justiliae  flectenles,  minora  mala  consentiunt  ne  majora  et  graviora  indc  generentur.  » 
(Brun.  Astens,,  Prxfat.  in  .ipoc.c.  21.) 

2.  Ibid.,ibid. 

3.  S.  Amhros.,  /}e  benedicl.  patriarch.,  c.  9.  —  Brun.  Astens.,  Expos,  siip.  Pentat. ,  Ge»., 
cap.  49.) 

i.  «  Fulgore  sue  violaceo  ita  pascit  oculos  (hyacinttius)  rapit(|ue,  til  evanesrat  ant('(|iiani  satiet, 
adeoque  non  impiel  oculos  ut  pêne  non  atlingat.  ...  Hic  congruit  tribui  Aser,  quai  ca,'teris  dilior 
fuit  et  deiicatior.  »  (  Gen.,  49, 20.)  —  «  Tropoiogice  hyacintlius  signifiral  contempluni  tcrrenorum , 
et  amorem  ca;leslium.  Hinc  et  in  Apoc.  congruit  Simoni  Ctiananœo ,  qui  ca^lestibus  et  suavissi- 
mis  fuit  moribus.  Est  enim  hyacintlius  violaceus,  et  rœleslis  coloris,  instar  sapphiri,  et  instar 
floris  qui  dicitur  hyacintlius.  »  (Corn,  à  Lap.  loc.  cil.) 

5.  (1  Amelhystus  ...  violarum  colorem  imitalur;  ideoque  virginum  f.lirisli ,  iniororum  et  puella- 
rum  choros  significat  ;  quo  lapide  aposloli  ornnli,  et  suaviter  redolcnt,  et  virginitatis  amalores 
posl  se  Irahunt.  Nam  et  in  hoc,  quod  paruni  quid  clari  ruboris  habere  vidctur,  earumdem  virgi- 
num pudicam  verecundiam  demonstrat.  »  (Brun.  Astens.,  Priefal.  in  ./poc.,  c.  21.) 

6.  Innocent  III,  De  sacr.  ait.  mijst.,  I.  1.,c.  27.) 

7.  "  .Amethyslus  ...  diclus  est  iro  tvj  «.iMtcuv,  id  est  inebriare,  et  a  privative,  eo  quod  non  ine- 
brletur,  id  est  vini  colorem  non  intègre  accipial,  aut  quod  ebrietati  resistcre  credalur.  »  —  «  Amc- 
thystus  congruit  Ziibulon,  e.Y  quo  nonnuili  apostoli  prognali  ïunt  ca'Iesti  virlulum  splendorc  ra- 
diantes. »  —  "  Tropoiogice,  aniethystus  significal  humilitateni  :  unde  in  Apec,  datur  Mallliiic,  qui 


228  ANNALES  AUCHÉOLOGIQUES. 

Le  Diamant.  La  tropologie  hiératique,  considérant  que  le  diamant  résiste 
à  la  percussion  et  aux  flammes,  le  compare,  dans  son  langage,  à  la  force 
surnaturelle  cachée  au  fond  des  cœurs  chrétiens'. 

Telles  étaient  les  allusions  prêtées  à  ces  gemmes  brillantes,  interprètes 
mystérieux  du  langage  des  Écritures  et  dont  les  harmonies  et  l'éclat  se  repro- 
duisaient sur  chaque  verrière.  Ces  gemmes,  se  combinant  avec  les  vases 
sacrés  et  avec  les  dilTérentes  parties  du  temple, -mariaient  aux  fonds  sur  les- 
quels on  les  appliquait  leurs  significations  mystiques.  On  les  vit  dans  beau- 
coup d'églises  étinceler  sur  les  colonnes  '•  cl  particulièrement  sur  les  encen- 
soirs, qui,  dans  le  sens  tropologique,  figuraient  également  les  apôtres.  II  n'y 
eut  presque  ni  basilique,  ni  abbatiale  opulente  qui  n'eût  ses  piliers,  ses  co- 
lonnes, surtout  ses  encensoirs  gemmés^,  brillantes  accumulations  de  tropes 
devenus  matière  et  multipliant  sous  les  yeux  du  corps  la  répétition  de  la 
môme  idée  par  la  couleur,  par  la  nature,  et  par  la  forme  de  l'objet.  Comme 
nous  l'avons  remarqué,  ces  métaphores  consacrées  avaient  une  analogie  plus 
ou  moins  rationnelle  et  des  affinités  morales  avec  les  qualités  des  pierres; 
ces  principales  harmonies  étaient  l'éclat  et  la  couleur,  car  les  couleurs  par 
elles-mêmes  et  en  dehors  des  pierreries,  avaient  leurs  significations.  Le  vert 
brillant,  le  bleu,  le  rouge,  étaient  employés  pour  la  foi,  l'espérance  et  la 
charité,  et  les  vertus  cardinales  étaient  rappelées  à  leur  tour  par  le  pourpre, 
l'écarlate,  le  byssus  et  l'hyacinthe. 

Le  Vert  brillant  et  printanier  rappelait  les  tendres  feuillages  et  le  manteau 

nomine (Matthias autem  si2;nificat  hebraïce  doniira  Dei)  et  in  oculis  suis  parvus,  nunquam  superbia 
inebriatus  fuit;  hinc  divina  sorte  et  vocatione,  in  apostohim  loco  Judae  eleotus,  magnus  evasil.  » 
(Corn,  à  Lap.  loc.  cit.) 

1  «  Dicitur  de  adamante  quod  nec  igné,  nec  aiiqiia  vi  frangi  noc  doniari  possit.  Per  adamantem 
vero  viri  fortes  intelliguntiir.  »  (Brun.  Astens.,  Sententiar.  lib.  de  orn.  Ecclesix.,  c.  9.)  — Vin- 
cent Bellov. ,  Spec.  moral.  ,1.3,  dist.  31 ,  pars  3. 

2.  «  Habet  autem  (Ecclesia)  columnas,  quales  Petrus  et  Jacobus,  et  Joannes  fuerunt,  quae  (s'c) 
Erclesiaj  columna?  ab  ipso  apostolo  vocantur,  etc.  »  (Brun.  Astens.,  De  Basi/icis,  c.  7  et  passim.) 

—  Cette  allusion  s'étendit  aussi  aux  Docteurs.  [Erudit.  theol.  in  spec.  Ecclesix.  —  Dur.,  Rat. 
div.  offic,  etc.) 

3.  «  Quid  per  thuribuliim  aureum,  nisi  .4poslolos,  et  Doctores  intelligamus,  qui  sui  odoris  sua- 
vitate  et  cœlum  repleverunt  et  terram?  Talc  Ihuribulum  beatus  Paulus,  qui  de  se,  et  aliis  loqui- 
tur,  diccns  :  Christi  bonus  odor  sumus  Deo  in  omni  loco,  in  his  qui  salvi  fiunt  et  in  his  qui 
pereunt,  aliis  enim  sumus  odor  vitse  ad  vilam,  aliis  odor  mortis  ad  mortem.  Ipso  quoque  Dominus 
thuribulum  portât  cujus  odorem  Ecclesia  senliens,  ait:  Trahe  me  post  te,  et  cunemus  in  odorem 
unguentorum  tuoriim...  Angeli  Doctores sunl,  quorum  poctora  tluiribula  sunt,  eorum  vero  sermones, 
et  oraliones  quasi  fumiis  aromatum  Domino  Deo  placent,  quoniam  vero  arca  testament!  auro  puris- 
simo  intns  et  extra  undique  circumtexta  erat,  quid  aliud  significat,  nisi  sanctain  Ecclesiam ,  qua? 

.•  sermone  et  opère,  sapientia  et  religione  tota  refulget?  »  (S.  Brun.  Astens.,  De  laud.  EccL,  cap.  3.) 


SYMHOLlOrE   DES   PIEUKES   PU  KCIEISES.  229 

rianl  tlos  prés,  ddiit  la  lonaissnnco  aninipll(>  ost  coiimio  mip  iiiiairi'  iiiipai- 
fiiito  de  la  résurrection  des  corps.  I,o  vert  s\nil)olisa  la  foi  ',  rininiorlalité 
cousolanle  assurée  à  l'Ame  des  justes  ',  et  aussi  la  eonteuiplation  '. 

L'Azi'R,  (pu'  ra|)pelait  le  ciel,  désliiuait  par  là  l'esix'rauce ',  cl  raiimur  des 
choses  d'en  liant ^. 

Le  RoifiE,  send)lal)le  à  la  llaïuiue,  s\  inholisait  lacliarilc;  il  rappelait  aussi 
le  sang  el  représentait  le  înart\re''. 

Le  Pourpre,  insigne  des  monarques,  signitiail  la  royauté  et  s'étendait  à  la 
justice,  dont  les  souverains  sur  la  terre  sont  les  premiers  dispensateurs". 

L'EcABLATE,  couleur  de  sang  et  mémorial  du  martyre,  répondait  aussi  à  la 
force  qui  a  éclaté  dans  les  martyrs,  el  [)ar  sa  double  analogie  avec  la  tendance 
ascendante  et  avec  la  couleur  du  feu,  syndiolisait  la  charité**.  Elle  était  aussi 
la  figure  de  la  science  des  saints  pontifes,  (jui  doit  briMer  par  la  ferveur  et 
resplendir  par  le  mérite-'. 


1 .  C'est  principalement  la  couleur  verte  du  jaspe,  qui  avait  fait  de  celte  pierre  précieuse  le  sym- 
bole de  la  foi.  «  Jaspis  enini,  quia  ut  jam  socpe  diximus,  viridis  est ..  fidem  désignât ,  qua;  semper 
viridis  et  immarcescibilis  est...  Ergo...  structura...  mûri  civitatis  ex  lapide  jaspide,  quia  omnis  ejus 
defensio  et  fortitudo  fides  est  quaî  eani  sem[ier  et  virere,  et  vivere  facit.  »  (Brun.  .4stens.,  i'rxfat. 
in  lib.  Slip,  /ipoc,  c.  21 .) 

2.  Nemo  viriditatem  et  iminoilalitatem  susripiel,  nisi ,  etc. 

3.  Durand.  Mimalcns.,  Ration,  divinor.  ofjicior.,  I.  1 ,  c.  3. 

4.  .\ugiistin  ,  in  E.Tod.,  qiixst.  108. 

i).  Durand.  Mimât.,  Rat-  div.  o(fic.,  1. 1,  c.  8. 

6.  «  Iris  autem,  id  est  arcus  cœlestis,  duos  principales  liabet  colores,  quoruni  aller  est  igneiis, 
aller  cœruleus...  et  rubeus  quoque  marlyrium...  désignât.  Nemo  ergo  sedi  Dei  appro|)inqiiabii... 
nisi  aut  per  marlyrium  transeat ,  aut  in  baplisinate  abluatur.  »  (  Brun.  Aslens.,  Prxfuf.  in  lib  sup. 
Jpoc,  ci)  —  V.  aussi  Ibid.  F.xpusit  sup.  JSxud.,  c.  28.  —  .Mbin.  Flacc  Alcuin.,  De  dirin. 
offic.  —  Durand.  Mimât.,  Rat  div  offic,  1. 1,  c.  ."5. 

7.  (I  Purpura  vero  justitia  est,  quoniam  et  juslilia  et  purpura  ad  roges  pertinent,  qui  el  leguni 
conditores  sunt ,  et  purpura  specialiter  induuntur  «  (llrun.  .\stens..  De  confessorib.,  serin.  7  )  — 
o  Purpura  vero  qua  reges  el  principes  induuntur,  jusiitiam  désignai.  »  (  Ibid.  K.rposit.  sup.  lùrnd., 
c.  2.T  et  28.  —  Ibid.  De  orn.  furies.,  c.  i.  —  Ibid.  F.xpns.  sup.  Peiitatenc.  c.  .'i.  —  Durand  , 
Rat.  die.  offic,  I   3.  etc. 

8.  «  ("oecum  aulem  rubri  et  san;uinei  coloris  ad  fortiludinem  nos  invitât  qua  sancti  marlvres 
armati  occidi  quidem  potuerunt ,  vinci  non  poluerunl.  »  (  Brun,  .\slens  ,  De  cnnfessor.,  serin,  "t.] 
—  ir  Per  coccum  vero  qui  sanguine!  coloris  est ,  fortitudo  signalur,  qua  sancti  martyres  usque  ad 
siinguinem  pugnantes,  in  Cbristi  fuie  forlissimc  extiterunl  »  (Brun.  .Ast  ,  K.rpos.  sup.  F.xod.. 
cap.  28.  —  Ibid.  De  omam.  Fcctes.,  c.  4.  —  Ibid.  sup.  Pentat.,  c.  3.  —  Durand.  .Mimai., 
Ration,  div.  o/ficior.,  I  1.  —  Innocent  III,  De  sac.  ait.  tnijst.,  I.  1,  c.  32.  —  .\lb.  Aie.  Flacc, 
De  div.  offic,  etc. 

9    (I  Per  coccum  coloris  ignei ,  qui  et  bis  linctus  fuisse  narratur,  signilicatur  ponlilicalis  docirina 
qua?  sicut  ignis  lucere  débet  et  urere.  »  (Innoc.  III ,  De  sar.  ait   mijst..  I.  1,  c.  3i.) 
V.  30 


230  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Par  la  blancheur  de  son  tissu^  le  Byssls',  emblème  de  joie,  spéciûail  la 
tempérance^  qui  produit  la  paix^,  la  coxicorde,  éléments  propres  du  bonheur. 
Le  byssus  figurait  aussi  les  générations  de  la  tempérance  ;  l'innocence^,  la 
chasteté,  et  le  témoignage  authentique  rendu  à  la  foi  et  à  Dieu  4. 

L'Hyacinthe,  couleur  de  l'air,  était  la  prudence  chrétienne,  le  désir  des 
choses  du  ciel  ^,  la  sérénité  de  la  conscience'',  la  paix. 

Le  Vert  pale  et  couleur  des  flots,  désignait -par  là  le  baptême  7. 

Le  Rose  indiquait  le  martyre,  qui  était  aussi  le  sens  mystique  attaché  aux 
tleurs  du  rosier*'. 

Le  Safran,  à  cause  de  son  analogie  avec  l'or  et  la  couleur  rouge,  symbo- 
lisait les  confesseurs!'. 

La  Blancheur  et  la  fleur  du  lis,  qui  désignaient  la  chasteté  et  l'innocence 
de  la  vie,  étaient  attribuées  aux  vierges;  le  Gris,  à  la  tribulation;  le  Violet, 
à  la  pénitence;  le  Noir,  à  la  pénitence  et  au  deuil  '°. 

Il  est  aisé  de  reconnaître  dans  cette  explication  mystique  de  quinze  d'entre 

1 .  Le  lin. 

2.  «  At  vero  per  lini  candorem  temperantia  flguratur,  quœ  seniper  lœta,  et  asperum  niliil  osten- 
(lens,  omnia  ad  concordiam  et  pacem  trahere  conatur.  »  (Brun.  Astens.,  De  co)ifessor.,serm.  7.) 
—  «  Per  Byssum  qui  de  terra  oritur,  temperantia  intelligitur,  quoniam  sicut  terra  omnium  elemen- 
torum  média  est  et  in  se  omnia  recipit  elementa,  ita  et  temperantia  inter  omaes  virtutes  média 
discurrit,  omnesque  conciliât  alque  conjungit.  »  (Brun.  Astens.,  Expos,  sup.  Exod.,  c.  25.  — 
Ibid.  De  orn.  Eccles.,  c.  4.  —  Ibid.  sup.  Pentat.,  3.  —  Innocent  HT,  De  sac.  ait.  viyst.,  1.  I, 
c.  .32.  —  Durand.  Mimât.,  Rat.  dicin.  ofjicior.,  1.  3. 

3.  Innocent  III,  De  sacro  ait.  myst.,  1.  1,  c.  64.  —  Dur.  MIniat.,  Hat.  div.  of/ic,  1.  3. 

4.  Innocent  III ,  De  saci-o  ait.  myst.,  1.  1 ,  c.  32.  -  Dur.  Mimât.,  Bat.  div.  offic,  1.  3. 

.j.  K  Vitta  hyacinthina,  per  qiiam  sanctam  et  cœlicam  vitam,  et  Dei  contemplationem  intelligi- 
mus.  »  (Brun.  Astens.,  sup.  Exod..,  c.  26.) 

6.  «  Prudentia...  .luslitia...  Fortiludo...  Temperantia...  lias  enini  (juatuor  virtutes,  hyacinthus, 
et  purpura  ,  et  coccus,  et  Byssus  signiBcant.  >;  (Brun.  Astens.,  sup.  Exod.,  cap.  28  ,  —  et  ibid. 
cap.  26.)  —  «  Hyacinthus,  qui  cœlestem  et  divinum  colorem  habet,  Prudentiam  significat ,  quœ  de 
cœlestibus  à  Dec  descendit.  »  (Ibid.  sup.  Exod.,  25.  —  Ibid.  De  orn.  Eccles  ,  4.  —  Ibid  De  con- 
fessorib-,  serm.  7.  —  Innocent  lit ,  De  sacro  ait.  myst.,  I.  1 ,  c.  32. 

7.  «  Iris...  duos  habet  principales  colores,  quorum  alter  et  igneus,  alter  cœruleus  et  quasi  aqua 
viridis;  et  rubeus  quoque  martyrium,  viridis  autem  baptismum  désignât.  »  (Brun.  Ast.,  Prxfat. 
sup.  lib.  Apec,  4.) 

8.  «  Rubicundus  (color)  in  Martyribus  et  Apostulis  :  /;('  et  iUi  sunt  flores  rosarum  et  lilia  con- 
vallium.  »  (Innoc.  III ,  De  sacro  ait.  myst.,  1.  1,  c.  64.)  —  Durand,  ilimat.,  Ration,  divinor. 
ojjwior.  —  Bottari,  Roma  sotterran.,  passim. 

9.  Innocent  111,  De  sacro  ait.  myst.,  1.  1,  c.  64.  —  Durand.  Mimât.,  Ration,  divinor.  ofji- 
cior.,  1.  3. 

10.  Durand.,  Jbid.,  1.  I,c.  3.—  Ibid.,  1.  3.—  Jbid.,  1.  I,  c.  S.  —  Brunon.  Aslens., sup.  Exod., 
c,  28.  —  Innocent.  III,  De  sacro  ait.  myst.,  1.  I,  c.  64. 


SVMHOI.IOUE  DES  l'IEURES   PU  ÉCl  EISES.  231 

les  couleurs,  combieu  les  sons  allrihurs  à  la  plupart  des  pierreries  oui  d'aïui- 
loiiies  avec  elles.  Nous  comptons  produire  en  leur  temps,  à  l'appui  de  nos 
assertions,  les  témoignages  explicites  des  écrivains  du  moyen  âge  et  des 
pères  de  l'Église  les  plus  anciens  :  ceux  de  nos  lecteurs  qui  ont  le  temps  de 
comparer  retrouveront  ces  témoignages  dans  beaucoup  de  commentalcurs  du 
xv«  et  même  du  xvi<^  siècle,  ceux-ci  étant,  sans  exception,  plus  ou  moins 
cakpiés  sur  leurs  devanciers  ;  car  il  ne  faut  point  s'y  méprendre;  il  n'en  est 
pas  des  interprétations  mystiques  des  livres  sacrés  comme  il  en  fut  au  moyen 
âge  des  traditions  de  l'art  chrétien,  nécessairement  altérées  en  pa-sant  des 
clercs  aux  laïques  '  et  |)romplemcnt  dénaturées  entre  les  mains  de  ces  der- 
niers^. Ces  explications  raisonnées  sont  toujours  demeurées  les  mêmes  en  se 
transmettant  d'âge  en  âge  et  par  le  clergé  seulement,  Si ,  dans  les  plus  longs 
commentaires,  elles  paraissent  quelquefois  différer  les  unes  des  autres,  c'est 
seulement  à  raison  de  la  diversité  des  points  de  vue  où  l'on  a  placé  leurs 
sujets;  mais  l'unité  est  conservée  quant  aux  allusions  principales,  et  s'il  y 
a  souvent  abondance,  il  n'y  a  jamais  contradiction 

Ajoutons  aussi,  en  passant,  qu'outre  leurs  relations  précises  avec  diffé- 
rentes vertus  et  avec  les  patriarches  et  les  apôtres,  les  gemmes  apocalyp- 
tiques, comme  celle  du  Rational,  ont  figuré  au  moyen  âge  les  «  Douze  prin- 
cipales vertus  du  Christ,  »  et  les  «  Douze  articles  du  symbole  de  la  foi  catho- 
lique, »  rapprochements  non  arbitraires,  mais  fondés,  connue  les  premiers, 
sur  les  propriétés  reconnues  ou  attribuées  à  ces  pierreries.  Pour  simplilier 
cet  article,  nous  avons  exclu  ces  détails,  nous  signalons  du  moins  ce  fait, 
dont  nous  donnons  ailleurs  les  preuves. 

Récapitulons  seulement  ici,  dans  un  résumé  laconique,  ce  qu'on  vient  de 
lire  sur  les  trois  séries  d'allusions  attribuées  aux  «  Douze  gemmes  »  de  nos 
Écritures  sacrées  ^. 

1.  Cette  sécularisation  s'oppra  vers  la  lin  du  xiii'"  siècle. 

2.  On  sait  que  cette  décadence  eut  lieu  dans  le  cours  du  xiV  sièclfl  ,  et  qu'elle  était  accomplie 
à  l'ouverture  du  xv^  C'est  elle  qui  dénatura  d'abord  l'esprit  de  mysticisme ,  puis  le  caractère 
idéal  de  la  statuaire  hiératique.  Par  une  opposition  remarquable,  tandis  que  ces  sources  ou  beau 
s'abâtardissaient  sans  mesure ,  le  luxe  des  combinaisons  arcliilectoniques  et  la  beauté  toule  phy- 
sique imprimée  à  la  statuaire  étaient  en  iirogrès  ascendant. 

3.  Nous  marquons  par  une  astérisque  les  gemmes  énumérées  simultanément  dans  les  fonde- 
ments do  la  nouvelle  Jérusalem  et  parmi  les  pierres  du  Rational. 


232 


ANNALES  AKCHEOLOGIQLIES. 
TABLEAU   THOPOLOGIQl'E  DES  GEMMES. 


PIEKRERIES. 

P.\TRI.\RCHES. 

APOTRES. 

VERTUS. 

j' Jaspe 

'Sapliir 

Gad 

Ne|)htali 

Foi  :  sa  fermeté  :  sa  persistance. 

liternité  ,  incorrirplibilité. 
Espérance ,  contemplation. 

Humilité.  Charité.  Miséricorde. 

Foi.  Incorruptibilité.  Virginité. 

Charité.  Modestie. 

Sincérité.  Vérité.  Candeur.  Inno- 
cence. 

Charité. 

Charité  et  ses  œuvres. 

Foi.  Martyre. 

Sapience.  Vigilance.  Pénitence. 

Saine  doctrine.  Science.  Force. 
Saint  héroïsme.  Longanimité. 

Sagesse.  Chasteté.  Bonnes  œu- 
vres Sainte  espérance. 

Réunion  des  bonnes  œuvres. 
Acrimonie. 

Sainteté. 

Prudence.  Condescendance  des 
parfaits. 

Suavité.  Mœurs  célestes. 

Humilité.  Modestie.  Martyre. 

Résistance  au  mal.  Invulnérable 
sainteté. 

S.    André.     (S      Paîil 

quelquefois.) 
S  Jacques  le  Majeur. 
S.  Jean  l'Évangéliste. 

l*Enieraiide. . . . 
[*  Escarboucle . . 
jOnyx 

Grenat 

.luda 

Dan 

Manassé 

*  Sarde 

'  Chrysolvte  . . . 
*Béryl..". 

^Topaze 

Chrysoprase.  . . 

Riihen 

Ephraïm 

Benjamin 

Siméon. 

S.  Barthélémy 

S.  Matthieu 

S.  Thomas 

S.  Jacques  le  Mineur. 
Thadée 

S.' Paul. .... ....!'..  ! 

Issachar 

iHyacintlie 

1*  Ligiirius 

'Améthyste.. . . 
iDiamant 

Aser 

Zabulon 

Simon  le  Chananéen. . 
Mathias 

Ce  court  ex.posé  sur  les  gemmes,  sur  leurs  relations  avec  les  couleurs  et 
sur  leurs  applications  dans  les  basiliques  du  moyen  âge,  peut  faire  entrevoir 
à  lui  seul,  ce  qu'était  l'art  hiératique  (sacerdotal)  dans  les  cloîtres  et  entre  les 
mains  des  prélats,  qui  en  gardèrent  le  monopole  jusque  vers  le  commence- 
ment du  xiii"  siècle.  Grossier,  incorrect,  et  tout  au  moins  très-imparfait  sous 
le  rapport  de  l'esthétique,  jusqu'à  l'approche  de  ce  temps,  l'art  chrétien  y 
fut  néanmoins  tout  esprit  et  tout  vie  intellectuelle,  et  nul  type,  nulle  figure, 
aucune  couleur  consacrée,  surtout  parmi  les  sujets  d'art  qui  sont  monstrueux, 
en  un  sens  et  (jui  semblent  inexplicables,  ne  fut  l'œuvre  de  l'arbitraire  et  ne 
fut  exempt  d'allusion.  Celte  tropologie  mystique  s'étendait  à  l'arcliitecture, 
à  la  statuaire  et  à  la  peinture.  Chacun  pouvait  bâtir,  sculpter,  iteindro  avec 
plus  ou  moins  de  talent,  puisque  des  écoles  nombreuses  ouvertes  dans  les 
monastères  et  souvent  dans   les  cathédrales  ',  propageaient  ces  différents 

I.  .\vant  le  xii''  siècle  florissaient  déjà  celles  des  abbayes  de  Saint-Martin  de  Tours,  de  Curbie, 
do  Cluny,  de  Saint-Denis,  des  cathédrales  de  Paris,  d'Au.xerre,  de  Reims,  de  Lyon  ,  de  Saint-Gall , 
de  Fulde,  d'Vork,  et  un  grand  nombre  d'autres. 


SYMiniLiglE  DES  IMEHUKS   l'K KCI KUSES.  233 

art?.  Maiïi  la  science  li(i|)()l().izit|ue  restant  connue  des  |irètres  seuls  el  exiiîeanl 
une  connaissance  minutieuse  des  livres  sacrés,  le  clergé  pouvait  seul  déter- 
miner le  jilan  des  églises,  on  condjiner  les  caractères,  el  fixer  rornemenla- 
tiou.  I/ul)iquit("  du  synd)()lisnie  dans  la  l)asili(]ue  cliréticnne  s'abâtardit,  se 
travestit,  puis  disparut  ra|)idemenl  quand  les  arts  furent  passés  du  domaine 
sacerdotal  dans  le  domaine  des  laïques.  On  sait  que  cette  décadence  s'opéra 
dans  le  cours  du  xiii*  siècle,  et  (pielle  était  consommée  dans  le  xiv'. 

l'Éi.iciK   d'AYZAC, 

Itiiine  de  la  Muison  royale  de  Saint-Denis  '. 

I.  Au  mois  de  juin  dernier  (  .Innales  .trc/iéologir/iies ,  vol.  IV,  page  393),  nous  signalions  la 
prochaine  publicalion  d'un  ouvrage  sur  le  symbolisme  dans  les  églises  du  moyen  âge.  .4  celle 
annonce,  madame  h'élicie  d'Ayzac  nous  a  fait  savoir  qu'elle  s'occupait  depuis  longtemps  d'un 
travail  qui  aurait  pour  tilre  :  Des  Nombres  dans  l'archéologie  chrétienne,  ou  «  Exposé  des 
influences ,  des  applications  et  du  sens  des  nombres  sacrés  dans  l'arcliilecture ,  la  statuaire  et  la 
peinture  des  églises  du  moyen  âge.  »  Cet  ouvrage,  qui  sera  précédé  d'un  traité  complet  sur  l'ar- 
chitecturo  et  l'iconographie  symboliques,  formera  deux  forts  volumes  in-8°  de  500  pages  chacun. 
Au  fond  de  sa  retraite  de  Saint-Denis,  madame  d'Ayzac  se  livre  depuis  plusieurs  années  à  l'élude 
des  sciences  littéraires  ;  elle  y  était  d'ailleurs  préparée  dès  l'enfance  par  les  soins  d'un  père  éru- 
dit,  auteur  de  savants  manuscrits  que  sa  pieuse  fille  veut  publier  un  jour.  Ainsi  donc,  la  forte 
instruction  que  madame  d'Ayzac  a  reçue  el  que  peu  d'hommes  do  notre  temps  possèdent ,  le 
goût  éclairé,  l'amour  intelligent  qu'elle  professe  pour  l'archéologie,  du  moyen  âge  nous  garan- 
tissent les  excellentes  qualités  du  livre  sur  les  Nombres  el  la  Symbolique  du  christianisme. 
Parmi  les  nombreux  éléments  du  symbolisme  hiérati(]ue  imprimé  aux  églises  du  moyen  âge, 
à  partir  du  v  siècle  jusqu'au  xv  et  au  delà ,  les  nombres  sont  jusqu'à  ce  jour  les  plus  inexplo 
rés  peut-être  ;  néanmoins  leur  influence  sur  les  formes  architecloniques,  sur  les  combinaisons 
de  la  statuaire  et  celles  de  l'ornementation  est  réelle  et  incontestée.  L'ouvrage  que  nous 
annonçons  man(|uait  donc  à  l'archéologie:  il  jetlera  un  jour  nouveau  sur  cette  partie  peu 
connue  de  la  science  des  monuments;  il  donnera  la  solution  de  plusieurs  combinaisons  d'art  encore 
aujourd'hui  incomprises,  dont  la  numération  mystique  possède  seule  le  secret.  Pour  faciliter  l'in- 
lelligence  de  la  matière  et  fixer  un  point  de  départ  a  portée  de  tous  les  lecteurs,  l'auteur  a  placé 
en  tète  de  son  ouvrage  des  Prolégomènes  contenant  :  1°  un  traité  succinct  du  symbolisme  des 
églises,  soit  romanes  soit  ogivales,  considérées  dans  leur  ensemble  ;  2 'un  aperçu  de  l'iconographie 
relative,  traitée  au  môme  point  de  vue,  appendices  indispensables  où  la  partie  élémentaire  est 
exposée  sommairement,  el  où  les  détails  sont  réservés  à  des  explications  nouvdies  du  lan^a^e 
hiéroglyphique  qui  est,  en  beaucoup  de  points,  l'essence  de  l'art  chrétien.  Toutes  les  interpréla- 
tions  données  dans  ce  livre  sont  puisées  aux  sources  authentiques  et  consacrées.  La  Bible  et  ses 
commentateurs,  les  anciens  Pères  de  l'Église,  les  docteurs  ecclésiastiques  et  les  plus  savants 
liturgistes,  qui  ont  vécu  depuis  le  ix"  siècle  jus((u'aii  xiV,  ont  fourni  la  plupart  des  textes  a|)pelés 
à  servir  de  preuves.  Ces  pièces  justificatives,  insérées  intégralement  au-dessous  du  texte,  appuient 
les  explications  de  l'auteur,  (pii  base  ses  raisonnements  sur  des  comparaisons  logiques,  sur  des 
rapprochements  palpables ,  sur  des  faits  toujours  démontrés,  et  sur  l'accord  des  sources  citées. 
Un  ouvrage  de  ce  genre  intéressera  vivement  nos  lecteurs.  L'article  (|ue  nous  venons  de  donner 
prouve  d'ailleurs  que  madame  d'Ay'/.ac  est  nourrie,  trop  copieusement  peut-être,  des  auteurs  spé- 
ciaux du  moyen  âge.  L'histoire  el  l'esthétique  de  l'art  du  moyen  âge  excitent  do  nobles  ambitions 
el  do'''' tnt  enfin  naissance  à  des  ouvrages  d'une  importance  miijeure.  Pendant  qu'à  Tours  et  à 


MELANGES  ET  NOUVELLES. 


Encensoir  de  Lille.  —  Enlèvement  et  mutilation  des  statues  royales  de  Fontevrauld.  —  Travaux 
archéologiques.  —  Les  préfets  de  France  et  le  style  ogival.  —  Découverte  de  manuscrits 
orientaux.  —  L'architecte  malgré  lui.  —  L'art  gothique  en  Angleterre.  —  Le  conseil  municipal 
d'Orléans.  —  Louis  XI  protecteur  de  la  presse.  —  Maison  d'Héloïse  et  d'Abélard.  —  Musées. 
—  Collège  de  Montaigu.  —  Restauration  de  la  cathédrale  d'Amiens. 


Encensoir  de  Lille.  —  Notre  article  sur  les  parfums  (vol.  IV,  pag.  293), 
mais  surtout  le  beau  dessin  de  WM.  Violiet-Leduc  et  Léon  Gaucherel  nous 
ont  valu  les  plus  précieuses  marques  de  sympathie.  M.  Fengère  des  Forts 
nous  a  signalé  une  navette  romane  dont  on  se  sert,  aux  grands  jours  de  fêle, 
dans  une  des  plus  importantes  cathédrales  de  France;  nous  ferons  dessiner 
et  graver  cette  navette,  si  le  style  et  la  forme  conviennent  parfaitement  à  l'en- 
censoir.-—  M.  E.  Cartier,  notre  ami  et  collaborateur,  vient  de  nous  écrire: 
«  Ce  que  vous  dites  sui-  les  parfums  me  remet  en  mémoire  une  histoire  que 


Saint-Denis  se  préparent  ces  livres  que  nous  venons  d'annoncer,  un  savant  ecclésiastique  du  dio- 
cèse de  Poitiers  achève  un  travail  à  peu  près  semblable  ;  c'est  donc  partout  comme  une  vive  et 
curieuse  émulation.  Mais,  tant  les  idées  sont  générales  et  mûres  sur  ce  point,  celte  espèce  de 
concurrence  se  fait  entre  personnes  qui  ne  se  connaissent  pas  et  qui ,  sans  les  «  Annales  Archéolo- 
giques »,  auxquelles  on  vient  en  faire  confidence,  ne  se  douteraient  en  aucune  façon  qu'elles 
s'occupent  des  mêmes  travaux. 

A  cet  article  de  madame  d'Ayzac  sur  la  symbolique  des  pierres  précieuses  et  des  couleurs 
nous  n'avons  ajouté  aucune  note.  Cependant  nous  ne  partageons  pas  toutes  les  idées  de  l'auteur, 
ni  même,  il  s'en  faut,  toutes  les  idées  (qui  sont  des  rêveries  souvent)  d'Innocent  III ,  de  Guil- 
laume Durand  et  de  Hugues  de  Saint-Victor,  ni  celles  d'Alcuin ,  de  Rhaban-Maur,  de  Bède  et 
encore  moins  de  Cornélius-a-Lapide,  de  domCalmet  et  des  allégoriseurs  modernes.  Mais  la  ques- 
tion du  symbolisme  est  tellement  comple.xe,  que  coudre  de  petites  notes  à  un  article  fondamental 
serait  plus  qu'insuffisant;  c'est  un  travail  suivi  que  nous  devrons  faire  dans  les  «  Annales  Archéo- 
logiques ».  Pour  une  œuvre  de  cette  nature  il  faut  une  dose  de  maturité,  de  raison  et  de  bon  sens , 
d'autant  plus  grande  qu'il  est  plus  facile  et  qu'il  semble  plus  permis  de  s'en  passer.  On  pourrait 
croire  qu'avec  de  l'imagination  dans  l'idée  et  de  la  poésie  dans  le  style  on  se  tirera  toujours  d'af- 
faire ;  c'est  une  erreur  assez  grave  et  contre  laquelle  il  importe  beaucoup  de  se  prémunir.  Nous 
attendrons,  en  conséquence ,  que  de  Saint-Denis,  de  Tours,  de  Poitiers,  d'Oxford,  de  Londres, 
de  Munich ,  de  Bonn  et  de  Berlin  soient  venus  des  livres  qui  se  préparent  ou  s'achèvent  sur  le 
symbolisme  chrétien  ,  pour  en  parler  tout  à  notre  aise.  Du  reste ,  nous  tiendrons  nos  lecteurs  au 
courant  de  ces  ouvrages,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  publication.  {Noie  du  Directeur.) 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  235 

j"ai  lue  quelque  pari.  Un  [);uivio  paysan  Ijielon,  irunc  nature  rêveuse  el  sin- 
gulière, avait  pour  ainsi  dire  inventé  lait  des  ])aiiiinis  en  étudiant  les  lleurs, 
el  avait  découvert  les  rapports  liarnionieux  (jui  existent  dans  leurs  odeurs. 
Par  des  combinaisons  successives  el  vaiiées,  il  parvenait  à  faire  naître,  dé- 
velopper el  communiquer  à  son  s,vé  une  certaine  disposition  d'esprit.  Comme 
instrument  de  son  art,  il  avait  inventé  une  boîlc  à  compartiments,  d'où  il 
lirait  cette  variété  de  tons  que  possèdent  les  peintres  el  les  iimsiciens.  Le 
pauvre  pavsan  vint  à  Paris  pour  donner  des  concerts  d'odeurs;  il  i)assa  pour 
fou  et  retourna  mourir  obscuiéinenl  dans  son  pays.  Celle  histoire  fùt-elle 
fausse,  il  n'en  serait  ])as  moins  vraisemblable  (pic  non-seulement  il  existe, 
par  l'inlermédiaire  de  nos  organes,  des  rapports  entre  les  parfums  et  notre 
âme,  mais  encore  qu'il  y  a  pour  l'odorat  une  certaine  harmonie  ayant  des 
lois,  comme  en  a  l'harmonie  (lui  charme  nos  oreilles.  Les  lois  des  couleurs  ont 
été  analysées;  on  a  inventé  aussi  pour  les  yeux  un  clavier  produisant  des 
tons,  des  nuances  successives  el  jouant  de  véritables  airs.  Tout  cela  est  plutôt 
mystères  que  rêveries.  » 

Nous  connaissions  l'existence  de  cet  «  instrument  *)  odorant  inventé  par  le 
paysan  breton;  mais  nous  avions  oublié  d'en  parler,  connue  nous  avons 
omis,  entre  plusieurs  autres  faits  divers,  celle  importation  des  roses  dont  fut 
dotée  la  ville  de  Provins,  au  xiu"  siècle,  par  les  comtes  de  Champagne  re- 
venus d'Orient  el  des  Croisades.  Nous  remercions  JM.  Cartier  de  nous  avoir 
rappelé  celle  première  tentative  de  mélodies  el  d'harmonies  odorantes,  faite 
par  un  pauvre  paysan,  tentative  qui  se  renouvellera  certainement  un  jour  el 
finira  peut-être  par  réussir.  Un  autre  de  nos  abonnés,  qui  ne  se  nomme  pas 
dans  sa  lettre,  nous  écrit  au  sujet  de  l'inscription  gravée  sur  l'encensoir,  el 
dont  nous  avons  essayé  une  traduction  :  «  En  su[)posanl  que  ce  vras  est  mal 
écrit,  et  que,  par  une  abréviation  disposée  différemment,  ce  doit  être 
VESTRAS,  voici  commcut  je  traduirais  : 

Moi,  Reineruâ,  je  donne  ce  signe  qu'iipres  niy  mort  vous  nie  devez  des  funérailles  semblables  aux 
vôtres,  car  je  regarde  vos  prières  comme  des  parfums  en  l'honneur  du  Christ. 

((  Ce  Reinerus  aurait  été  le  bienfaiteur  d'im  coux  eut  (pii  avait  envers  lui  des 
obligations  spéciales  de  prières,  el  lui  devait  sans  doute  des  obsèques  sem- 
blables à  celles  usitées  pour  les  moines.  »  —  Il  est  fort  probable,  en  effet, 
que  VRAS  est  pour  vestras,  peut-être  pour  veras,  et  qu'il  faut  traduire 
EXEoviAS  par  funérailles.  Notre  abonné  a  lu  mieux  cpie  nous  et  mieux  com- 
pris; nous  en  sommes  enchanté ,  et  nous  le  remercions  de  sa  coninumication. 
Nous  dirons  enfin  cpie  M.  Victor  Gay  a  cru  trouver  le  nom  du  donateur;  ce 


236  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

serait  l'abbé  d"un  monastère  du  nord  de  la  France,  d'Arras  ou  de  Cambrai, 
qui  serait  mort  à  la  fin  du  xif  siècle.  Cette  époque  est  celle  assignée  par  nous 
à  l'encensoir,  qui  était  en  dernier  lieu  à  Lille. 

EnU'vcmont  et  mitlilalion  des  stalxes  royales  de  Fontcvraiild.  —  L'antique 
église  abbatiale  de  Fontevrauld,  mutilée  et  déshonorée,  dont  l'abside  seule 
rendue  au  culte  est  réduite  à  l'état  de  chapelle  d'une  maison  de  détention  ,  et 
dont  les  coupoles  majestueuses  ont  fait  place  à  des  ateliers,  conservait  encore, 
il  y  a  quelques  mois,  les  statues  d'Henri  II,  roi  d'Angleterre,  d'Éléonore  de 
Guyenne,  de  Richard-Cœur-de-Lion ,  et  d'Isabeau  de  la  Marche,  femme  de 
Jean-sans-Terre,  En  vertu  d'un  droit  que  nous  ne  connaissons  pas,  la  Liste 
civile  s'est  emparée  de  ces  monuments  qui  étaient  la  propriété  de  l'État,  et 
qui  ne  pouvaient  en  conséquence  être  aliénés  à  aucun  prix,  pas  plus  que 
l'église  môme  dans  laquelle  ils  se  trouvaient,  à  moins  d'une  autorisation 
expresse  du  pouvoir  législatif.  Les  statues  n'en  sont  pas  moins  aujourd'hui 
dans  les  ateliers  du  Louvre,  où  elles  subissent  une  restauration  fatale;  on 
rajuste  des  nez,  on  remet  des  mains,  et,  ce  qu'il  y  a  de  plus  fâcheux  encore, 
on  refait  à  neuf  la  peinture  du  xiv"  siècle,  qui  recouvre  entièrement  ces 
figures.  Sur  la  statue  d'Henri  II,  la  peinture  s'était  écaillée,  et  laissait  voir, 
par  dessous,  une  coloration  aussi  ancienne  que  le  monument  lui-même. 
Henri  II,  Éléonore  et  Richard  sont  sculptés  en  pierre;  les  vêtements,  serrés 
au  corps  et  rompus  en  plis  multipliés,  accusent  une  facture  encore  romane. 
Les  couronnes,  les  tuniques,  les  manteaux,  les  agrafes,  les  chaussures,  les 
gants  ornés  de  plaques,  comme  ceux  des  évêques,  présentent  des  détails  très- 
curieux.  La  statue  de  la  reine  Isabeau ,  exécutée  en  bois  dans  le  premier 
quart  du  xiii"  siècle,  s'est  conservée  presque  intacte,  tant  pour  la  sculpture 
que  pour  la  coloration.  11  s'est  répandu  dans  le  public,  au  sujet  de  ces  monu- 
ments, un  bruit  auquel  nous  ne  pouvons  ajouter  foi.  On  assure  que  ces 
statues,  après  avoir  été  restaurées  et  moulées  pour  le  musée  de  Versailles, 
seront  offertes  en  présent  à  la  reine  d'Angleterre,  qui  leur  donnera  une  place 
d'honneur  à  Westminster.  A  ce  compte,  il  faudrait  aussi  envoyer  à  Londres 
le  Richard-Cœur-de-Lion  de  Rouen,  le  Geoffroi  Plantagenet  et  la  reine 
Bérengère  du  Mans,  etc.  Cette  grande  race  des  Plantagenets  se  faisait  gloire 
cependant  d'être  française;  Richard,  en  mourant,  légua  son  corps  à  Fonte- 
vrauld, ses  entrailles  à  Poitiers,  son  cœur  à  Rouen;  l'Angleterre  n'eut  rien 
dans  le  partage. 

Travaux  archéoloiji(iiies.  — ■  L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres 


mi: LANCES  ET  NOUVELLES.  2:17 

vitMit  d'accorder  le  prix  de  iuiinisiiiali(iiu'  ;i  AI.  .Vdolplu^  Du  (".lialais,  ancicMi 
élève  de  l'école  royale  dos  C.liartos,  atlaclié  en  ce  iiioii;ent  à  la  l?ii)lii)tli('(|iio 
Royale.  Le  travail  de  .M.  On  (Ihalaisa  pour  tilre  :  «  ncscriplion  des  iiK-daillos 
gaidoises,  faisajil  partie  des  cnllcclioiir-  de  la  Hilili(>tlu"'(|Mi>  Hovaic,  aicoiiipa- 
puéede  notes  explicatives.  ))  Quoi(ine  en  so  liorniuil  cxcliisivenienl  à  docrir(! 
des  monnaies  conservées  an  (labinet,  l'aMlcni  a  pu  cataloguer  812  variétés 
purement  gauloises  et  115  |)annonicnni's.  Il  a  di'ciit  ces  dernières,  parce  que 
beancon])  de  numismatisles  les  avaient  conronducs  avec  les  gauloises.  C'est 
le  premier  travail  d'cnsenddc  (pu  ail  encore  été  fait  sur  cette  partie  de  la 
niimisnialiquc.  —  Kn  même  temi)s  r.Xcadémie  accordait,  à  M.  le  baion  de 
Girardot,  une  médaille  pour  son  «  Histoire  du  chapitre  de  Sainl-Ktienne  de 
Bourges».  C'est  la  première  fois  iju'aura  été  tait  un  travail  do  ce  genre,  et 
nos  lecteurs  savent  connnent  aura  pu  1  exécuter  .M.  de  Girardot.  La  curieuse 
Monographie  de  ^I.  Hcmi  Baudot,  de  Dijon,  sur  la  chapelle  et  le  château  de 
Pagny  a  de  même  été  mentionnée  honorablement.  Nous  sommes  heureux 
que  des  distinctions  aussi  bien  méritées  soient  venues  trouver  trois  de 
nos  amis.  —  A  cette  épocjue  des  vacances ,  les  académiciens  se  réunissent 
en  assend^lées  générales,  couronnent  les  travaux  passés,  proposent  des  prix 
pour  les  travaux  futurs,  se  montrent  et  discutent  en  public.  3L  deCaumont, 
après  s'être  fait  voir  aux  archéologues  d'Autun  et  de  Chalon-sur-Saône, 
a  dirigé  les  séances  du  Congrès  scientitique  de  Marseille.  Malheureuse- 
ment Marseille,  pour  des  savants  ,  est  la  ville  la  plus  insignifiante  du  monde. 
—  En  Angleterre,  M.  Thomas  Wright  et  l'Association  archéologique  ont  tenu 
leur  troisième  congrès  annuel  à  (Jloucester.  Le  journal  de  Gîoucester,  (pi'on 
nous  a  envoyé,  contenait  deux  numéros  (deux  numéros  de  ces  inuncnses 
journaux  anglais)  renqilis  en  grande  partie  par  les  discussions  archéologi(]ues 
sur  les  antiquités  et  l'hisloire  du  moyen  âge.  La  cathédrale  de  Gîoucester  a 
surtout  été  disséquée  dans  tous  ses  détails.  Les  Anglais  ont  un  {un  plus  de 
bon  sens  que  nous;  l'année  dernière,  à  Reims,  on  a  parle  de  tout  dans  les 
séances  générales,  excepté  de  la  calhedral<!  de  R(>ims.  Nous  icgicltons  vive- 
ment que  la  place  nous  manrpie,  car  nous  voudrions  parler  en  détail  'nous 
sentons  condjien  c'est  important  des  Académies  de  Paris,  d'Arras,  etc.,  tles 
sociétés  archéologiques  de  Caen,  d  Aulun,  de  Chalou-sur-SaAne,  etc.  Quand 
donc  pourrons-nous  faire  tout  ce  que  nous  desiions.'  Arras  propose,  pour 
1847,  un  prix  de  300  francs  pour  la  meilleure  histoire  de  l'abliave  rovale  de 
Saint-WaasI   C'est  s'honorer  (pie  de  mettre  au  concours  un  aussi  beau  sujet. 

Ij's  jtrrft'ls  (le  Francf  et  le  sti/lr  of/lctil.  — Le  Conseil  des  bâtiments  ci\  ils,  à 
V.  34 


238  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

i'aris,  et,  dans  les  départements,  le  plus  grand  nombre  des  préfets  s'entendent 
pour  repousser  le  style  ogival.  Quand  un  curé  instruit  et  un  conseil  munici- 
pal intelligent  demandent  à  un  architecte  une  église  en  style  gothi(iue,  le 
préfet  leur  fait  savoir  que  l'administration  centrale  leur  refusera  toute  espèce 
de  secours  pour  leur  venir  en  aide,  et  que  le  Conseil  des  bâtiments  civils 
rejettera  le  piojet.  C'est  ainsi  qu'on  espère  décourager  les  habitants,  les  admi- 
nistrations locales,  le  clergé  et  les  jeunes  architectes  bien  disposés.  On  in- 
trigue, pour  faire  construire  un  édifice  religieux  à  la  romaine  ou  à  la  grecque, 
et  pour  déchirer  des  projets  en  style  du  moyen  Age ,  comme  on  vient  de  le 
faire  pour  obtenir  la  nomination  d'un  candidat  conservateur  et  la  déchéance 
d'un  député  de  l'opposition.  C'est  tant  mieux,  parce  que  cela  prouve  que  le 
goût  du  moyen  âge,  sorti  enfin  de  la  science  inerte,  est  arrivé  à  la  vie  réelle, 
à  la  pratique.  Mais  ces  manœuvres  auront  pour  résultat  de  porter  le  décou- 
ragement, pendant  quelques  années  encore,  dans  les  esprits  faibles,  et  de 
retarder  d'autant  le  triomphe  de  nos  doctrines.  Sans  raison  valable,  le  Con- 
seil des  bâtiments  civils  a  refusé  le  projet  d'une  église  en  style  gothique  pour 
la  paroisse  Saint-André,  à  Reims.  «  A  Saint-Simon,  (nous  écrivait  dernière- 
ment M.  l'abbé  Poquel)  chef-lieu  de  canton  dans  l'arrondissement  de  Saint- 
Quentin,  les  habitants  avaient  le  projet  de  bâtir  une  église  en  style  gothique; 
le  Conseil  des  bâtiments  civils  s'y  oppose  et  veut  du  romain.  «  Les  préfets 
battent  des  mains  au  digne  conseil  :  celui  de  l'Allier  ne  veut  pas  de  gothique 
à  Moulins,  celui  de  l'Aube  le  repousse  partout,  celui  des  Landes  se  moque 
agréablement  de  l'enthousiasme  des  habitants  de  Peyrehorade  pour  le  style 
ogival.  Dernièrement,  cet  illustre  et  savant  préfet  des  Landes  a  voulu,  comme 
il  l'a  déclaré  lui-même,  voir  de  ses  yeux  et  en  compagnie  d'hommes  spéciaux, 
le  projet  })roposé  par  M.  Hippolyte  Durand  pour  l'église  de  Peyrehorade.  Il 
a  donc,  ayant  à  sa  droite  le  général  de  division  et  à  sa  gauche  le  capitaine  de 
recrutement,  traversé  la  salle  de  l'Hôtel  de  Ville  où  ce  projet  était  exposé 
dans  tous  ses  détails.  Flanqué  de  ces  hommes  spéciaux,  le  préfet  a  reconnu 
instantanément  que  le  projet  entraînerait  à  une  dépense  de  plus  d'un  million  et 
l'a  déclaré  nettement  à  ceux  de  la  ville  de  Tartas  qui  voulaient  avoir,  eux  aussi, 
une  église  en  style  ogival.  Ainsi  voilà  où  nous  en  sommes  réduits,  à  l'humeur 
des  préfets  ignorants  qui  jugent,  avec  la  maturité  de  celui  des  Landes,  que  le 
style  gothique  coûte  beaucoup  plus  cher  que  tout  autre,  et  qu'on  doit  voir 
s'élever  à  un  million  passé  ce  qu'un  architecte  consciencieux  déclare  et  prouve 
ne  devoir  coûter  que  103,825  francs.  Tout  cela  est  ridicule;  mais  c'est  ce 
ridicule  qui  nous  gouverne.  11  faudra  du  courage  à  M.  le  curé  et  à  tout  le 
conseil  municipal  de  Peyrehorade,  qui  veulent  une  église  gothique,  car  mille 


MÉLANGES  ET   NOT VKl.l.KS.  239 

obstacles  leur  viendront  du  préret  el  du  Conseil  des  bàlinients  civils.  Il  laut 
s'attendre  à  tout  pour  pouvoir  tout  parer. 

Découverte  de  mnnuscrits  orientaux.  —  .M.  ("lustavc  Hiunet ,  secrétaire 
général  de  l'Acadéniie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Bordeaux,  nous 
adresse  les  renseignements  qui  suivent  sur  la  découverte  et  l'envoi  à  Londres 
de  manuscrits  syriaques  :  «  Des  manuscrits  presque  inconnus  cl  oubliés  cle])uis 
une  longue  série  de  siècles  dans  les  déserts  de  l'Egypte  ont  ét(',  il  y  a  |ieu  de 
temps,  arrachés  à  des  chances  multipliées  de  destruction.  Ils  ont  trouvé  un 
asile  assuré  dans  le  plus  riche  dépôt  public  de  Londres,  ils  sonl  à  la  portée  du 
monde  savant.  Nous  pensons  qu'on  ne  lira  i)as  sans  intérêt  quelques  détails 
relatifs  à  ces  paciQques  conquêtes,  détails  (pie  nous  cin|)iunlons  en  partie  à 
une  publication  périodique  justement  célèbre  '. 

u  Les  érudits  européens  savaient  depuis  bien  des  années  qu'il  existait  dans 
les  couvents  de  l'Egypte  d'antiques  el  précieux,  manuscrits  d"ouvrages  qu'on 
croyait  perdus.  Gassendi  raconte  dans  «  sa  Yie  de  Peiresc  »  qu'un  capucin 
(le  P.  Giles  de  Loches),  qui  était  demeuré  sejU  ans  en  Egypte  afin  d'étudier  les 
langues  orientales,  informa  Peiresc  qu'il  avait  vu,  dans  un  seul  monastère, 
jusqu'à  8,000  volumes ,  parnu  lesquels  il  s'en  trouvait  qui  reinoutaient  à 
l'époque  de  saint  Antoine.  Il  faut  bien  reconnaître  de  l'exagération  dans  ce 
récit.  Vansleb,  qui  visita  l'Egypte  en  1672,  fut  admis  dans  le  couvent  de 
Saint-Antoine  situé  au  milieu  du  désert,  près  de  la  mer  Rouge;  il  y  trouva 
trois  ou  (piatre  caisses  pleines  de  manuscrits  coptes  ou  arabes,  ntais  il  ne  put 
obtenir  (pi'ils  lui  fussent  cédés;  les  moines  n'auraient  pu  les  aliéner  sans  s'expo- 
ser à  l'excommunication  du  patriarche.  Six  ou  sept  ans  jjIus  tard  ,  un  Anglais, 
R.  Huntington,  alors  chapelain  à  Alcp,  et  qui  devint  par  la  suite  e\êquc  en 
Irlande,  parcourut  les  monastères  égyptiens  en  quête  de  manuscrits.  Il  était 
surtout  avide  de  se  procurer  la  version  s\  riaque  des  »  Épitres»  de  saint  limace 
d'xVntioche;  mais  il  ne  put  y  réussir.  Dans  le  couvent  de  Saint-Maurice,  il 
rencontra  un  énorme  volume  de  saint  Chr\sostômc  en  copte,  une  version 
arabe  du  commentaire  de  ce  même  père  sur  saint  Jlathieu  ,  et  un  «  Lection- 
naire  »  copte  en  quatre  gros  volumes,  endjrassant  l'annéQ  entière.  Le  monas- 
tère d'El-Baramons  ne  lui  offrit  ([u'une  cojiie  du  Nouveau-Testament  en  copte 
et  en  arabe.  Il  devint  possesseur  d'une  copie  des  Evangiles  en  co])te ,  et  il 
l'envoya  en  Angleterre  au  docteur  Marshall ,  qui  préparait  alors  une  édition 
du  «  Nouveau-Testament  »  en  celte  langue. — En  1707,  un  orientaliste  habile, 

1.  Tlw  qualerlij  Rei-iew. 


240  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Maronite  de  nation,  Élie  Assemani,  reçut  fin  pape  Clément  XI  la  mission 
d'aller  dans  les  monastères  de  l'Egypte  recueillir  des  manuscrits.  11  arriva  au 
monastère  des  Syriens,  près  des  lacs  Natrons  ;  il  parvint  à  être  admis  dans 
une  sorte  de  cave  où  il  trouva  une  foule  de  volumes  écrits  en  arabe,  en  sy- 
liaque,  en  copte,  tous  entassés  dans  le  |)lus  grand  désordre,  oubliés,  tom- 
bant en  lambeaux.  11  aurait  volontiers  acheté  le  tout;  mais  eflVayé  de  l'ana- 
tlième  auquel  ils  s'exposaient,  soupçonneux  et  craignant  de  perdre  des  trésors, 
les  moines  repoussèrent  toutes  ses  instances ,  et  ce  ne  fut  qu'avec  beaucoup 
de  difliculté  qu'il  obtint  la  cession  de  quarante  manuscrits.  Ils  furent  trans- 
portés à  travers  le  désert,  et  Assemani,  pour  revenir  au  Caire,  s'embarqua 
avec  eux  et  avec  un  moine  qui  l'accompagnait.  Un  orage  les  surprit  en  route, 
la  barque  chavira  ,  le  moine  fut  noyé  ;  Assemani  se  sauva  à  grand'peine  à  bord 
d'un  autre  bâtiment ,  mais  il  fut  assez  heureux  pour  repêcher  ses  manuscrits  ; 
il  n'en  peidit  cpie  six.  Les  trente-quatre  restant,  scellés  et  nettoyés  aussi  bien 
([ue  possible  ,  furent  déposés  dans  la  bibliothèque  du  Vatican.  —  Encouragé 
par  ce  premier  succès,  le  pape  envoya  un  nouvel  émissaire,  Jean-Simon 
Assemani,  cousin  d'Élie.  Il  arriva  au  Caire  au  mois  de  juin  1715  ;  il  visita 
d'abord  le  couvent  de  Sainl-Macaire  ;  il  y  obtint  quelques  précieux  manu- 
scrits coptes,  dont  il  a  donné  le  catalogue  dans  sa  «  Uibliotheca  orientalis  » 
(t.  l'",  p.  617)  :  c'était  tout  ce  qu'il  y  avait  d'intéressant  dans  ce  monastère. 
Assemani  alla  ensuite  au  couvent  de  Sainte-Marie-Mère-de-Dieu  ,  il  y  rencontra 
plus  de  200  manuscrits  syriaques  qu'il  examina  avec  soin;  il  en  choisit  une 
centaine,  mais  il  ne  put  en  faire  l'acquisition,  les  moines  se  montrèrent 
inflexibles,  et  ne  consentirent  à  se  défaire  que  d'un  très-petit  nombre  de 
volumes.  En  1716,  accompagné  du  P.  Sicard,  jésuite,  il  visita  les  monastères 
de  Saint-Paul  et  de  Saint-Antoine,  près  de  la  mer  Rouge.  Une  lettre  du 
P.  Sicard  ,  en  date  du  mois  de  seplembie  de  cette  même  année,  insérée  dans 
les  ((  Lettres  édifiantes  »  ,  donne  quelques  détails  sur  cette  visite.  On  trouva 
irois  caisses  pleines  de  livres  :  c'était  pour  la  plupart  des  prières  et  des 
homélies  en  copte  et  en  arabe.  Assemani  ne  découvrit  que  trois  ou  quatre 
manuscrits  dignes  du  Vatican. — En  1730,  Granger  pareouiut  diveis  couvents 
de  l'Egypte,  il  ne  i)ut  olitenir  l'accès  desbibliothè(iues.  Sonnini  passa  en  1778 
(■iu(i  jours  au  monastère  d'El-Baramons ,  il  ne  fait  aucune  mention  de  livres 
ni  de  manuscrits.  En  1792,  Browne  vit  dans  un  couvent  quelques  ouvrages 
|)armi  lescpiels  il  mentionne  la  Bible  en  arabe,  un  dictionnaire  arabe  et  copte, 
et  les  (iHivres  de  saint  Grégoire  :  il  ne  put  en  acheter  encore.  En  1828  ,  lord 
Gruilhve  visita  quelques  couvents  et  obtint  (pielques  manuscrits  de  peu  d'im- 
portance. ^'euf  ans  plus  tard,  un  autre  Anglais,  U.  Curzon  ,  se  rendit  aux 


MÉLANGES  ET  NOl  VELLES.  2VI 

monastères  des  Uics  Nations,  il  parvint  à  olilenir  la  laxcnr  d'rliT  admis  dans 
la  hibliollièque  ,  c'ost-à-diie  dans  une  pièce  voiitée  où  on  ne  s'introduisait  cpie 
par  une  trappe ,  et  où  il  se  lro»i\  a  enfoncé  jus(iu"aux  i;enoux  dans  un  las  de 
Jeuillets  épars ,  et  assailli  par  des  myriades  de  pnei^s.  Il  en  sortit  bien  vile, 
après  avoir  choisi  ou  à  peu  près  an  liasard,  tmis  ou  (inalic  Milumes  (]uc  les 
moines  lui  vendirent. 

((  Toutes  ces  observations  étaient  laites  à  la  leiière  cl  sans  une  base  scienti- 
fique; mais,  en  1838,  le  docteur  Henry  Faltum,  mainlenanl  arciiidiacrc  de 
Bedford,  se  rendil  en  Kiiyple  dans  li'  but  de  recueillir  les  matériaux  néces- 
saires à  une  édition  des  Ecritures  en  coijte.  Il  remonta  le  Nil,  visitant,  £;rAce 
aux  lettres  de  recommandation  cpi'il  tenait  du  patriarclie,  nombre  d'églises  et 
(le  monastères,  ne  rencontrant  que  des  écrits  liturgiques  sans  inlérél.  Tra- 
versant le  désert,  il  arriva  au  couvent  des  Syriens,  et  il  lit  l'acquisition  de 
quelques  manuscrits  syriaques.  Il  trouva  au  couvent  de  Saint-Macaire  une 
belle  copie  des  «  Épîlres  »  en  copte  ;  mais  il  ne  put  obtenir  qu'elle  lui  fût 
cédée;  on  lui  i)ermilen  revanche  d'emporter  une  centaine  de  feuillets  séparés 
qu'il  avait  réunis.  Quehiucs  jours  plus  lard,  il  re\int  à  la  charge,  et,  cette 
fois,  il  réussit  à  faire  l'accpùsition  de  quelcjucs  manuscrits.  Il  retourna  en 
Angleterre,  et  il  traita  avec  le  .Musée  britannique  auipiel  il  céda  ses  ma- 
nuscrits syriaques.  L'antiquité  et  l'importance  de  ces  manuscrits  firent 
naître  le  plus  vif  désir  de  posséder  ceux  qui  étaient  restés  en  Egypte,  et 
l'administration  du  musée,  ayant  obtenu  les  fonds  nécessaires,  renvoya 
'SI.  Faltum  au  Caire.  11  s'entendit,  par  rentremisc  d'un  slieikh  ,  avec  le  supé- 
rieur du  monastère  des  Syriens,  et,  avant  quinze  jours,  le  maiché  fut  con- 
clu. Les  conditions  sont  restées  inconnues;  mais,  un  soir,  plusieurs  ânes, 
chargés  de  caisses,  arrivèrent  chez  .M.  Faltum.  (^es  caisses  contenaient  les 
manuscrits  si  ardemment  convoités.  Elles  fuient  aussitcM  herméticpicmcnt 
fermées,  embarcfuées,  dirigées  vers  Alexandrie  ;  elles  partirent  bien  vile 
pour  l'Angleterre.  Le  I''''mars  18'i3,  elles  entrèrent  au  Musée  britannicpie. 
Presque  aucun  volume  n'était  com]ilet  :  les  liens  (pii  niiiiaicnt  les  feuillets 
étaient  détruits,  et  cet  amas  de  pages  mêlées  et  confondues  présentait  l'image 
du  chaos.  Kéunir,  classer,  trier  ces  fragments,  ce  devait  être  un  labeur  im- 
mense; il  est  loin  d'être  terminé.  L'absence  complète  de  tout  signe  de  i)agi- 
nation,  de  tout  mot  de  réclame  ,  impose  l'obligation  de  lire  chaque  feuillet 
pour  comprendre  à  quoi  il  se  rapporte,  pour  le  rapprocher  de  ce  qui  précède 
et  de  ce  qui  suit.  On  a  formé  du  tout,  sauf  révision  ultérieure,  317  volumes 
tous  en  svriatjue,  à  l'exceittion  d'un  seul  (jui  est  en  copte;  S'iG  volumes  s(uil 
sur  pariliemin,  et  les  autres  sur  papier,  (ihatpie  volume  ((nilienl   deux  ou 


212  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

trois,  et  nicnie,  parfois,  quatre  ouvrages  différents.  La  date  la  plus  reculée 
est  celle  de  l'an  41 1  ;  la  plus  récente,  celle  de  l'an  1292.  Des  notes  tracées  sur 
quelques-uns  de  ces  volumes,  et  sur  plusieurs  de  ceux  dont  Assemani  enri- 
chit la  bibliothèque  du  Vatican,  constatent  qu'ils  furent,  au  x^ siècle,  appor- 
tés de  la  Mésopotamie  par  un  abbé  du  nom  de  Moïse.  Plusieurs  des  manus- 
crits, les  plus  modernes  principalement,  sont  transcrits  sur  du  vélin  qui  avait 
déjà  reçu  une  copie  plus  ancienne,  copie  qui  a' été  effacée  au  moyen,  sans 
doute,  de  quelque  procédé  chimique  dont  l'effet  n'a  été  que  trop  sûr;  car,  à 
peine  quelques  traces  de  l'écriture  de  preinicre  couche  subsistent- elles  encore. 
Trente  manuscrits  environ  contiennent  des  livres  de  l' Ancien-Testament  tra- 
duits en  syriaque;  la  plupart  remontent  au  vt'  siècle;  une  copie  du  Penta- 
teuque  porte  la  date  de  4G'i.  Une  quarantaine  de  manuscrits  concerne  le 
Nouveau-Testament.  En  fait  de  livres  apocryphes,  on  trouve  «  l'Évangile  de 
l'Enfance  » ,  «  l'histoire  de  la  vie  et  de  la  mort  de  la  Vierge,  »  la  doctrine  que 
saint  Pierre  enseigna  à  Rome,  une  lettre  de  Pilate  à  Hérode,  avec  la  réponse 
de  ce  roi.  Les  rituels  et  livres  liturgiques  sont  en  grand  nombre;  on  trouve 
les  liturgies  des  Apôtres,  de  saint  Jacques,  de  saint  Mathieu,  de  saint  Clé- 
ment, de  saint  Ignace,  de  saint  Denis  l'aréopagite  ;  des  papes  Célestin  , 
Jules  et  Sixte;  de  Cyrille  et  de  Dioscure,  évêques  d'Alexandrie;  d'Eustache, 
de  Curiace  et  de  Sévère,  évéques  d'Antioche;  de  Phiioxène,  évêque  de 
Mabuy  ;  de  Jacques  d'Édesse  et  de  Jacques,  évêque  de  Séruz;  de  Maratas,  de 
Thomas  d'Héraclée,  de^Ioïse  Bar-Cepha,  etc.  Citons  aussi  quelques  collections 
de  canons  de  conciles,  la  collection  des  canons  apostoliques  faite  par  Ilippo- 
lyte,  les  canons  des  conciles  de  Nicée,  d'Ancyre,  de  Neocésarée,  deCanope, 
de  Laodicée,  de  Constantinople,  d'Éphèse,  de  Chalcédoine,  les  actes  du 
second  concile  d'Éphèse  tenu  sous  Dioscyre,  patriarche  d'Alexandrie.  Pas- 
sant aux  pères  de  l'Église  ,  nous  voyons  d'abord  deux  copies  des  «  Récogni- 
tions »  attribuées  à  saint  Clément  :  l'une  se  trouve  dans  un  manuscrit  d'une 
ancienneté  bien  lemaïquable,  puisqu'une  note  marginale  l'indiiiue  comnje 
ayant  été  transcrit  à  Edesse  l'an  41 1  ;  l'autre  copie  parait  être  du  vi°  siècle. 
Notons  trois  épitrés  de  saint  Ignace  à  saint  Poh  carpe,  aux  Éphésiens  et  aux 
Romains,  diverses  copies  des  ouvrages  attribués  à  saint  Denis  l'aréopagite, 
un  «  discours  de  Méliton  ,  évêque  de  Sardes  ,  à  l'empereur  Marc-Antoine  '.  » 
((  Le  dialogue  entier  de  Bardesanes  «  sur  le  destin,  »  dialogue  qu'on  ne  con- 
naissait que  par  un  fragment  conservé  par  Eusèbe  dans  sa  «  Préparation 
évangélique  »    (liv.  iv,  cli.   x^^;   deux    ou  trois  traités  de  saint  Grégoire 

•I .  Ce  discours  diffère  de  c  elui  que  ci(e  Eu?él)e  dans  son  Histoire  ecclésiastique,  liv.  iv,  cli.  2G. 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  ?43 

riiaiimaturge  paraissenl  avoir  été  inconnus  jusfjirà  présenL  Le  iv°  siècle 
présenle  ronviagc  de  Tiliis,  évoque  de  lîoslra,  contre  les  Manichéens  (l'ori- 
ginal grec  est  im[)arfail,  le  dernier  livre  perdu,  la  version  syriaque  est  en- 
lière)  :  deux  ouvrages  d'Eus(M)e,  sur  ta  manifestation  divine  du  Sauveur  et 
sur  les  martyrs  de  la  Palestine;  de  saint  Athanase,  «  le  Commentaire  sur 
les  Psaumes,  la  A'ie  de  saint  Antoine  »  et  des  lettres;  de  saint  Basile,  divers 
traités  et  des  sermons;  de  saint  Grégoire  de  N'ysse,  des  homélies  sur  Torai- 
sou  dominicale,  sur  les  béatitudes  et  sur  d'autres  sujets;  de  saint  Éphrem, 
des  sermons,  des  hymnes,  des  poésies;  une  portion  de  ces  écrits  ne  figure 
point  dans  l'édition  donnée  par  Asscmani  des  œuvres  de  ce  père  (Rome, 
ITS'i-'iG,  6  vol.  in-fol.).  Son  «  Traité  contre  Julien  »,  par  exemple,  qui  [)as- 
sait  pour  perdu,  se  trouve  ici.  En  passant  aux  écrivains  du  v"  et  du  vi" 
siècle,  nous  rencontrerons  presque  tous  les  écrits  de  saint  Jean  Clujsos- 
tôme  (une  copie  des  «  Homélies  sur  saint  ^lathieu  »  porte  la  date  de  557)  ; 
plusieurs  traités  de  Proclus,  qui  succéda  à  ce  père  sur  le  trône  patriar- 
cal de  Constanlinoplc  ;  l'anivre  historique  de  Palladius;  prescpie  tous  les 
ouvrages  de  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  et  notamment  son  «  Commentaire 
sur  saint  Luc,  »  en  cinq  volumes,  dont  l'original  grec  était  perdu,  à  l'ex- 
ception d'un  très-petit  nombre  de  passages  compris  dans  les  «  Chaînes  »  sur 
cet  évangéliste.  —  Un  ouvrage  de  Timothée,  patriarche  d'Alexandrie,  contre 
le  concile  de  Chalcédoine,  transcrit  l'an  5G2,  vingt-cinq  ans  après  la  mort 
de  l'auteur;  des  lettres  de  ses  successeurs.  Théodose  et  Théodore  ;  de  nom- 
breux écrits  de  Sévère,  patriarche  d'Alexandrie.  On  ne  connaissait  en  grec 
que  les  litres  d'une  portion  seulement  de  ces  divers  ouvrages;  destinés  à  dé- 
fendre des  opinions  qui  succombèrent,  ils  furent  dispersés,  ils  disparurent 
promj)tement.  —  L'histoire  ecclésiastique  revendique,  outre  les  ouvrages 
d'Lusèbe,  une  histoire  composée  par  Jean,  évoque  d'Ephèse,  depuis  l'an 
571  juscpi'à  l'an  583  ;  deux  chroniques  incomplètes,  des  martyrologes,  des 
vies  de  saints  et  d'évèques.  —  Les  auteurs  syriaques  originaux  sont  nom- 
breux, mais  à  peine  pouvons-nous  indiquer  Mur  Isaac,  prêtre  d'Antioche, 
Mur  Jacob,  évoque  de  Sarny  cl  Batn.T,  Philoxène,  évéque  de  Mabuy,  le 
traité  de  Pierre,  évoque  d'Antioche,  contre  Damien. 

((  Les  ouvrages  qui  ne  se  rapportent  pas  aux  études  chronologiques  sont 
fort  peu  nombreux  ;  nous  ne  devons  pas  oinellre  les  «  Catégories  »  d'Aris- 
tole,  traduites  en  syriaque  par  Serge  de  Rliisina  au  vi*' siècle;  des  cominen- 
laires  sur  Aristole,  i)ar  Probus  et  par  Sévère,  évé(pie  de  Kenneserin,  et  une 
traduction  syriaque  du  traité  de  (ialien  :  «  de  sinq)licibus.  » 

Cette  énumération  fort  succinctes  suffit  pour  faire  coiiqtrendie  (|uel  intéiét 


2iV  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

|)rc?oiile  cette  réunion  de  manuscrits  inestimables  aux  yeux  de  tout  orienta- 
liste. Les  études  relatives  à  l'histoire  ecclésiastique  et  à  la  patrologie  trouve- 
ront là  des  matériaux  dont  elles  tireront  sans  doute  un  brillant  parti;  il  ne 
pourra  jamais  être  question  de  publier  la  totalité  de  ces  vénérables  codkes. 
Mais  déjà  deux  des  plus  remarquables  ont  rencontré  d'habiles  et  zélés  édi- 
teurs. Le  docteur  Samuel  Lee,  professeur  d'Iiébreu  à  l'université  de  Cam- 
bridge, a  livré  à  l'impression  le  texte  syriaque  de  l'ouvrage  d'Eusèbe  sur  la 
((  Tlieophania  ou  manifestation  divine  du  Sauveur,  »  et  il  en  a  ensuite  donné 
une  traduction  anglaise  accompagnée  de  notes.  En  1845,  un  antre  érudit, 
William  Cureton,  a  mis  au  jour,  en  y  joignant  de  même  une  traduction  et 
des  notes,  les  trois  épîtres  de  saint  Ignace  que  nous  avons  mentionnées,  avec 
un  extrait  de  ce  même  père,  d'après  les  écrits  de  Sévère  d'Antioche,  de  Ti- 
mothée  d'Alexandrie  et  de  divers  auteurs.  On  ne  peut  qu'applaudir  à  d'aussi 
sériexises  recherches;  au  milieu  d'un  flot  incessant  de  publications  inutiles  ou 
nuisibles,  il  est  heureux  qu'on  puisse  en  mentionner  d'une  toute  autre  espèce. 

L'architecte  malgré  lui.  —  La  flèche  de  Saint-Denis  serait,  si  on  ne  l'avait 
démolie,  tombée  sur  la  tète  de  M.  le  IMinistre  des  travaux  publics,  et  voici 
que  les  tours  de  Notre-Dame  de  Laon  menacent  de  crouler  sur  le  chef  de 
M.  le  Ministre  de  l'inlérieur.  Les  deux  ministres  ont  appelé  le  même  mé- 
decin au  secours  des  deux  monuments,  dont  l'un  est  déjà  amputé  et  l'autre 
bien  malade.  Le  docteur-architecte  qui  voit  les  deux  moribonds  perdus  sans 
ressources  et  qui  a  une  réputation  bien  établie  à  conserver,  fait  la  sourde 
oreille  aux  sollicitations  ministérielles.  On  assure  qu'en  ce  moment  on  feuil- 
lette Molière  dans  les  deux  ministères,  pour  étudier  les  moyens  employés 
à  rencontre  de  ce  personnage  qui  ne  voulait  pas  être  médecin ,  et  que  nous 
pourrions  avoir  bientôt  la  scène  burlesque  de  VArckitcrte  malgré  lui. 

]Jart  gothique  en  Angleterre.  — Le  directeur  des  «  Annales,  »  qui  est  allé 
faire  un  voyage  outre-mer,  vient  d'écrire  de  Londres,  sous  la  date  du  8  sep- 
tembre, la  lettre  suivante  à  M.  de  Guilhermy  : 

Mon  cher  ami ,  vous  savez  l'admiration  que  j'ai  toujours  professée  à  dis- 
tance pour  l'Angleterre,  pays  du  bien-être  et  de  la  liberté;  j'ai  voulu 
constater,  de  près  et  de  mes  yeux,  si  la  réalité  répondait  à  mon  idéal,  et 
je  vous  assure  que  mon  attente  n'a  pas  été  trompée.  Depuis  douze  jours,  en 
compagnie  de  notre  ami  Henri  Gérente,  je  parcours  l'Angleterre,  de  Can- 
torbéry  à  Londres,  de  Birmingham  à  Derby,  de  Noltingham  à  Lincoln,  et 
partout  je  m'étonne;  j'admire  beaucoup  et  je  trouve  peu  à  redire.  Dans  les 


MÉLANf.ES   KT  NOIVF.I.LES.  2V5 

villes  ou  sur  les  routes,  ni  lïendarnies,  ni  mendijints,  ni  ]i;isse-|)orts,  ni  au- 
mônes; on  a  sa  pleine  lii)erté,  sans  vUo  ennuyé  par  la  |)olife  ou  les  voleurs. 
Nous  ne  voyai;eons  donc  ni  en  France  ni  en  Espagne,  el  je  n'en  suis  pas 
trop  fAché  pour  le  moment. 

Toutefois,  ce  n'est  pas  pour  étudier  les  mœurs,  mais  les  édifices  du 
moyen  âge,  que  je  suis  dans  la  C.rande-Bretagne.  Sur  ce  point,  vous 
l"avouerai-je?  mon  attente  est  dépassée.  Pour  ne  vous  pailer  (pie  des  deux 
cathédrales  de  CantorlxMy  et  de  Lincoln  (el  l'on  m'assure  qu'il  en  existe 
encore  une  vingtaine  comme  celles-là),  c'est  pres(|ue  aussi  beau  et  c'est 
plus  curieux  qu'en  France.  Les  Anglais,  sans  doute,  ont  moins  de  goi'it  que 
nous  autres,  mais  plus  d'énergie;  leurs  cintres  el  leurs  ogives  sont  tracés 
avec  moins  de  pureté,  mais  avec  plus  de  vigueur.  Ce  n'est  jias  rangé  comme 
M.  de  Lamartine  ou  feu  Racine,  mais  c'est  vivant  et  tumultueux  comme 
Byron  ou  Shakspeare.  A  mon  avis,  vous  ne  le  savez  que  trop,  la  cathé- 
drale de  Reims  est  le  modèle  le  plus  parfail  de  l'ornementation  ogivale  et 
même  de  tout  l'art  du  moyen  âge  ;  vous  comprendrez  donc  mon  chagrin , 
quand  vous  saurez  que  j'ai  trouvé  dans  la  cathédrale  de  Lincoln  une  immense 
série  de  chapiteaux,  d'écoinçons,  d'arcades,  de  clefs  de  voûte,  sculptés  avec 
plus  de  talent  et  d'adresse  qu'à  Reims  encore.  J'en  prendrai  mon  parti  dif- 
licilement;  mais  je  n'en  suis  pas  moins  forcé  d'avouer  que  les  sculpteurs  et 
ornemanistes  de  Lincoln  valaient  mieux  que  ceux  de  Reims.  Du  reste, 
en  .Angleterre  comme  en  France,  c'est  d(;  notre  adorable  xiii"  siècle.  Ce  mot, 
que  je  vous  écris,  est  pour  l'acquit  d'une  promesse  faite  en  partant,  et  je  ne 
puis  vous  donner  une  descMiption  de  ce  que  j'ai  vu  et  admiré  presque  malgré 
moi  ;  mais,  à  mon  retour,  nous  en  causerons  à  notre  aise. 

Une  question ,  qui  se  rattache  par  tant  de  liens  à  l'art  du  moyen  âge ,  est 
celle  du  mouvement  archéologique  anglais  dont  >1.  A.  ^^  .  l'ugin  est  l'un 
des  i)lus  infatigables  propagateurs.  Je  savais  qu'à  Cheadle,  bourg  du  Staf- 
fordshirc,  devait  se  consacrer  solennellement,  le  31  août  et  le  1"^^'  seplend)re, 
une  église  catholique  bâtie  et  décorée  par  yi.  Pugin,  aux  frais  du  grand 
lord  Schrewsbury  ,  comte  de  Talbot.  Je  me  dirigeai  donc  sur  Cheadle  et  j'as- 
sistai aux  cérémonies  qui  suivirent  la  consécration.  Une  masse  de  cent  cin- 
quante ecclésiastiques  habillés  du  costume  ancien  ou  renouvelé  du  moyen 
âge,  acolytes,  enfants  de  clurur,  clercs,  chantres,  diacres,  sous-diacres, 
prêtres  séculiers,  abbés  et  grands-vicaires,  suivis  de  treize  évoques  el  arche- 
vêques, parmi  lesquels  se  distinguaient  Mgr.  Wiseman  el  rarchevéfjue  de 
Damas,  officia  toute  la  journée  dans  celle  curieuse  église  donnée  à  ('headie 
par  le  comle  de  Schrewsbury.  bi  suilmil.  |i(iiir  jmjnind'liui  du  innins,  je 
V.  32 


2i6  AÎSNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

m'en  tiendrai  à  la  simple  énoncialion  de  ce  fait  si  grave  sous  le  rapport 
archéologique  et  religieux;  mais  je  me  pro|)ose  d'en  parler  longuement  dans 
nos  (<  Annales  )).  —  Attendez  donc  mon  retour. 

DIDRON. 

Le  conseil  iinim'cipal  cf  Orléans.  —  Les  «  Aîinales  Archéologiques  »  ont  pu- 
blié le  remarquable  rapport,  dans  lequel  M.  Mérimée  protestait  avec  tant 
d'énergie  contre  l'opiniâtre  vandalisme  du  conseil  municipal  d'Orléans,  démo- 
lisseur de  l'antique  et  curieux  liôlel-Dieu  de  cette  ville.  Le  ministère  de  l'inté- 
rieur ne  pouvant  sauver  l'édifice  entier,  a  voulu  du  moins  en  conserver 
quelques  débris  ;  il  a  proposé  à  la  ville  de  les  lui  acheter  à  prix  d'argent. 
C'est  dans  la  séance  du  31  août  dernier  que  cette  proposition  a  été  soumise 
à  la  délibération  du  farouche  conseil  municipal.  Le  rapporteur,  un  certain 
M.  ^larchand,  qui  n'est  guère  plus  fort  en  littérature  qu'en  archéologie, 
s'est  avisé  de  railler  lourdement  M.  Mérimée,  et  de  frapper  d'une  réprobation 
grotesque  f  exagération  vraiinent  ridicule  de  ces  antiquaires  officiels  qui  pré- 
fèrent les  beautés  iiu'onmies  de  la  salle  Saint-Lazare  (c'était  la  salle  la  plus 
importante  de  l'édifice  'détruit)  aux  tours  majestueuses  de  la  cathédrale. 
M.  Marchand,  comme  conseiller  municipal ,  n'est  pas  obligé  d'avoir  du  goût. 
Ce  serait  donc  perdre  du  temps  que  d'entreprendre  de  lui  prouver  que  sa 
cathédrale,  refaite  presque  entièrement,  depuis  le  règne  d'Henri  IV,  est  un 
monument  des  [)lus  médiocres.  L'al)side  et  le  plan  général  qui  appartiennent  à 
l'ancienne  éghse,  ont  seuls  quelque  valeur.  D'ailleurs,  si  M.  Marchand  professe 
pour  l'extérieur  de  Sainte-Croix  une  si  chaude  admiration,  nous  lui  conseille- 
rons de  s'occuper  aussi  un  peu  de  l'intérieur  de  cet  édifice,  et  nous  lui  de- 
manderons comment  il  peut  approuver  la  suppression  de  trois  ou  quatre  cha- 
pelles récemment  converties  en  sacristie.  On  a  sacrifié  un  monument  remar- 
quable pour  dégager  les  abords  de  l'église,  et  dans  le  même  moment  on 
masquait  par  de  lourdes  murailles,  au  dedans  de  cette  même  église,  une  por- 
tion considérable  du  pourtour  du  chœur.  Quoi  qu'il  en  soit,  après  mûre 
délibération,  le  conseil  municipal  a  consenti  à  autoriser  le  maire  à  traiter 
avec  l'étal,  de  la  cession  des  parties  réservées  de  la  salle  Saint-Lazare, 
par  voie  d'échaïu/c  contre  des  tableaux  ou  autres  objets  d\irt ,  le  tout  au  mieux 
des  intérêts  de  la  ville.  Ces  gens-là  ne  donnent  rien  pour  rien.  Des  objets  d'art 
seraient  étrangement  placés  dans  une  pareille  ville.  On  comprendrait  mieux 
que  messieurs  du  conseil  eussent  demandé  une  somme  ronde  pour  ériger,  à 
l'instar  de  Paris,  quelques  guérites-vespasiennes  dans  la  nouvelle  rue  qui 
conduit  an  portail-chef-d'œuvre  de  leur  cathédrale. 


Mi:i.AN(.ES  KT   NOIVKLI.ES.  2't7 

Louis  XI  jirolectctir  de  lu  presse.  —  Lu  tie  nos  amis,  aiclii\i.-le  palco- 
graplio,  nous  coiiummiquc  ce  ronseif^neiiient  cmioiix  : 

Louis  XI  augmenta  considéral)lenieiit  sa  bibliotlu'que  par  raf(|uisition  des 
livres  que  laissa,  en  mourant  à  Paris,  le  célèbre  FansI,  un  des  inventeurs  de 
rimprimerie.  Ces  livres  furent  estimés  deux  mille  quatre  cent  vingt-cinq  éciis 
trois  sols.  Le  roi,  qui  aurait  pu  se  les  approprier,  en  vertu  du  droit  d'au- 
baine, paya  généreusement  le  j)ri\  de  lestimalion  à  Pierre  SclidTer  et  à 
Conrad  llennequin  «  en  considération,  porte  l'acte  d'achat,  dv  la  peine  cl 
labeur  qu'ils  avaient  jjris  |)OHr  l'art  et  industrie  de  l'impression,  et  du  profit 
et  utilité  qui  eu  venait  ou  pourrait  venir  à  toute  la  chose  publique,  tant 
pour  raugnu'ulalion  de  la  science  qu'autrement.  » 

Maison  d'Héloïse  et  tl'Abclunl.  —  On  jette  parterre,  en  ce  moment,  sur 
le  (piai  Napoléon,  une  maison  (piune  tradition,  très-incertaine  d'ailleurs  , 
indicpiait  comme  celle  du  chanoine  Fulbert,  où  Abélaril  donnait  des  leçons  à 
Héloïse,  et  où  il  en  reçut  lui-même  une  si  rmlf.  Otle  construction  était  fort 
laide  ;  on  n'y  remarquait  absolument  rien  qui  parût  antérieur  au  xvu*"  siècle. 
Il  s'agirait  de  rechercher  l'origine  de  la  tradition  tpii  la  rattachait  à  l'histoire 
si  populaire  d'Héloïse  et  d'Abélard;  le  fait  constaté,  on  pourrait  indiquer 
par  une  inscription,  sur  le  mur  de  la  maison  la  plus  voisine,  que  là  existait 
au  \n'  siècle  l'habitation  de  Fulbert. 

Auprès  de  la  maison  démolie,  il  reste,  dans  la  rue  des  Chantres,  deux  on 
trois  portes  ogivales  du  xv^  siècle. 

Musées.  —  Le  musée  de  l'hùlcl  de  Cluny  vient  de  s'enrichir  de  plusieurs 
objets  précieux,  entre  autres  de  coffrets  très-anciens  en  ivoire  sculpté,  et 
d'un  tripti(]ue  en  émail  qui  représente  Catherine  de  Médicis  priant  pour  son 
mari,  Henri  IL  Cet  émail  a  certainement  appartenu  à  la  reine  Catherine, 
dont  il  |)ortc  les  chiffres  entourés  de  larmes. 

Une  galerie  récemment  ouverte,  au  palais  de  Versailles,  ((inlient  une  .-"uile 
de  figures  historiques  moulées  sur  les  monuments  appartenant  à  la  période 
qui  s'étend  du  xii'  au  xvir  siècle.  On  y  admire  surtout  les  statues  de  Fran- 
çois II,  duc  lie  IJretagne,  et  de  sa  femme  .Marguerite  île  Foix,  moulées  à 
Nantes  sur  le  célèbre  tond)eau  ipie  sculpta  .Michel  (^olundi. 

^ladamc  de  Mathan  a  gém'reusemenl  fait  don  au  musée  tic  (^aen  de  la 
coupelle  Guillaume-le-Conquérant.  Cet  objet ,  ipii  parait  ainhenli(|U(!,  est  en 
vermeil;  on  y  \oit  incruslei-' lienle-cinq  mi'dailli's  aniiqins  ilnnl  plusieuis 
sont  rares. 


248  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Colli-i/r  (h-  Moi)taif/u.  ■ — ■  Pour  débarrasser  remplacement  destiné  à  la  nou- 
velle l)ibliol!iè([ue  Sainte-Geneviève,  dont  l'architecture  extérieure  fait  une 
mine  bien  maussade,  on  a  sacrifié  les  bâtiments  gothiques  et  la  vieille  cha- 
pelle du  collège  de  Montaigu,  si  célèbre  autrefois  par  l'austérité  de  son 
régime  et  par  les  habitudes  laborieuses  de  ses  écoliers.  Nous  avons  vu 
abandonné,  dans  la  cour,  un  arbre  d'une  hauteur  énorme,  tout  sculpté  de 
moulures  en  spirale;  il  a  servi  de  pilier  central  à  un  escalier  tournant. 

La  chapelle  se  partageait  en  haute  et  basse  ;  dans  la  haute,  on  voyait  jadis 
une  vieille  peinture  représentant,  sous  un  arc  surbaissé,  un  personnage  en 
habits  allemands,  avec  celle  inscription  : 

ULDERIGVS   GVERN'ICII    PROTOTYPOGRAPHVS    PARISIIS   MCCCCLXIX. 

Érasme,  Calvin  et  Pichegru  ont  étudié  au  collège  de  Montaigu. 

Reslaiiralions  à  la  cathédrale  d'Amiens.  — Après  la  restauration  des  sculp- 
tures de  la  porte  dite  de  la  Vierge  dorée,  à  la  cathédrale  d'Amiens,  on  s'est 
occupé  de  restaurer  celles  du  portail  occidental.  La  grande  porte  centrale  est 
terminée,  et  les  sculpteurs  viennent  de  s'emparer  des  deux  portes  latérales. 
De  pareils  travaux  sont,  nous  l'avons  dit  mille  fois,  inutiles  et  déplorables. 
11  faut  raccommoder  des  draperies  avec  du  mastic,  entailler  les  parties  saines 
des  statues  pour  rappoiter  des  nez  ou  des  doigts,  rajuster  au  hasard  des 
objets  dont  la  forme  est  incertaine,  compléter  des  sujets  qui  n'ont  pas  encore 
été  expliqués,  etc.,  etc.  Cependant,  le  principe  de  la  restauration  admis, 
nous  reconnaîtrons^  que  les  artistes  chargés  de  réparer  la  sculpture  d'Amiens 
ont  apporté  dans  leur  travail  un  rare  sentiment  de  prudence  et  de  sobriété. 
Avertis  par  les  erreurs  qu'ils  avaient  commises  au  portail  de  la  Vierge,  ils 
ont  évité  cette  fois  de  toucher  aux  sculptures  dont  l'interprétation  pouvait 
laisser  quelque  incertitude.  Nous  voudrions  bien  les  voir  devenir  plus  pru- 
dents encore;  nous  faisons  des  vœux  pour  qu'ils  substituent  le  simple  net- 
toiement à  la  restauration. 

Par  la  même  occasion,  nous  recommanderons  à  la  sollicitude  du  clergé 
d'Amiens,  les  tombeaux  en  cuivre  des  illustres  évoques  Evrard  et  Godefroy; 
ces  monuments  sont  couverts  d'une  épaisse  couche  de  poussière  humide;  ils 
servent  de  bancs  aux  gens  du  peuple  qui  se  tiennent  au  bas  de  la  nef. 


NOTES   D'ILN   V()YA(.F,  ILN    ITAI  IK 


I)K  LA  SCULPÏLKE  ET  UK  LA   l'KlMUKE  EN  ITALIE  ET  EN   I  KANCE 
AU  MOYEN  AGE. 

S.  p.  Q.  R. 

A  la  vue  de  cette  épigraphe  hiérogly|)lii(]iio,  on  pouirail  croiic  (|nc  nous 
voulons  mettre  notre  travail  sous  le  patronage  du  sénat  et  du  peuple  romain. 
Chaque  savant  égyptien  lit  à  sa  façon  les  inscriptions  des  temples  et  des  obé- 
lisques ;  il  y  a  aussi  diverses  manières  de  traduire  le  sens  de  ces  quatre 
lettres  mystérieuses  :  S.  P.  O.  R.  Après  l'élection  de  je  ne  sais  quel  pape, 
Sixte-Quint,  peut-être,  Pasquin  leur  tniuvail  cette  signilication  :  Sanctk 
PATER  oiARE  RIDES;  à  quoi  IMarForio  rc])ondait  avec  une  certaine  finesse,  en 
retournant  seulement  l'ordre  des  lettres  :  Hideo  quia  papa  sim.  i\Fais,  pour 
notre  compte,  nous  préférons  de  beaucoup  la  traduction  que  le  savant  Gui 
Patin  tenait  de  feu  son  père,  et  qu'il  donne  à  son  ami  le  docteur  Spon ,  dans  sa 
CCLXVIl'  lettre'  :  «  Stultds  populus  qu.^iut  iîomam.  »  Sans  chercher  dans 
cette  interprétation  la  malice  que  Patin  eut  peut-être  l'intention  d'y  melire, 
nous  dirons  donc  qu'en  fait  d'art,  c"(>st  folie  de  prendre  Rome  pour  arbitre, 
et  d'aller  lui  demander  les  vraies  règles  du  goCit  qui  ne  se  iroiivcnt  pas  là 
mieux  qu'ailleurs 

Nous  n'avons  pas  hésité,  dans  noire  article  du  I"  août  dcriii(M-,  à  doMiier 
à  rarchitecture  française  la  préférence  sur  celle  que  les  Italiens  ont  adoptée, 
et  qu'ils  ont  eu  le  lalent  d'imposer,  depuis  le  xvi"  siècle,  à  l'Europe  (>nlicre. 
Nous  savions  bien  iiiiaujiMud'hui  cette  opiiiion  poiiNail  trouscr  Ijuciir,  mais 
nous  ne  nous  attendions  pas  à  la  bonne  Ibrlune  de  rencontrei',  dans  les 
œuvres  d'un  des  plus  illustres  penseurs  du  dernier  siècle,  une  excellente  cri- 
tique des  proportions  si  vantées  de  l'architecture  romaine.  Voici  en  (picls 
termes  Diderot  s'exprime  au  sujet  de  Saint-Pierre  de  Rome,  édifice  qui  ré- 
sume en  lui  seul  toutes  les  ressources  et  tous  les  défauts  du  style  italien. 

«On  dit  de  Saint-Pierre,  à  Rome,  que  les  proportions  y  sont  si  parfaile- 

1.  Voir  \ei  ./nna/ps   trc/irnlogii/iies,  \ol.  \',  |)ii;;es  9.'i-10(i. 

2.  Tome  II,  page  460.  édition  de  .M.  npvcillé-Parise. 

v.  31 


250  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

menl  gardées  que  l'édifice  perd,  au  premier  coup  d'œil,  tout  l'effet  de  sa 
grandeur  et  de  son  étendue,  en  sorte  qu'on  peut  en  dire  :  Mafjmis  esse ,  sen- 
tiri  parvus.  Là-dessus,  voici  comment  on  raisonne  :  à  quoi  donc  ont  servi 
toutes  ces  admirables  proportions?  à  rendre  petite  et  commune  une  grande 
chose!  II  semble  qu'il  eût  mieux  valu  s'en  écarter,  et  qu'il  y  aurait  eu  plus 
d'habileté  à  produire  l'effet  contraire,  et  à  donner  de  la  grandeur  à  une 
chose  ordinaire  et  commune. 

H  On  répond  qu'à  la  vérité  l'édifice  aurait  paru  plus  grand  au  premier  coup 
d'œil,  si  l'on  eût  sacrifié  avec  art  les  proportions;  mais  on  demande  lequel 
était  préférable,  ou  de  produire  une  admiration  grande  et  subite,  ou  d'en 
créer  une  qui  commençât  faible,  s'accrût  peu  à  peu,  et  devînt  enfin  grande 
et  permanente  par  un  examen  réfléchi  et  détaillé.  Le  talent  d'agrandir  les 
objets  par  la  magie  de  l'art,  celui  d'en  dérober  rénormité  par  l'intelligence 
des  proportions,  sont  assurément  deux  grands  talents;  mais  quel  est  le  plus 
grand  des  deux?  quel  est  celui  que  l'architecte  doit  préférer?  comment  fal- 
lait-il faire  Saint-Pierre  de  Rome?  Valait-il  mieux  réduire  cet  édifice  à  un  effet 
ordinaire  et  commun,  par  l'observation  rigoureuse  des  proportions,  que  de 
lui  donner  un  aspect  étonnant  par  une  ordonnance  moins  sévère  et  moins 
régulière?  Et  que  l'on  ne  se  presse  pas  de  choisir;  car  enfin,  Saint-Pierre  de 
Rome,  grâce  à  ses  proportions  si  vantées,  ou  n'obtient  jamais,  ou  n'acquiert 
qu'à  la  longue  ce  qu'on  lui  aurait  accordé  constamment  et  subitement  dans 
un  autre  système.  Qu'est-ce  qu'un  accord  qui  empêche  l'effet  général? 
qu'est-ce  qu'un  défaut  qui  fait  valoir  le  tout? 

((  Voilà  la  querelle  de  l'architecture  gothique  et  de  l'architecture  grecque 
ou  romaine,  proposée  dans  toute  sa  force  '.  « 

Nous  avons  tenu  à  citer,  malgré  sa  longueur,  cet  important  et  curieux 
passage.  Diderot  a  évité  à  dessein  de  se  prononcer  d'une  manière  explicite; 
mais  les  ternies  dans  lesquels  il  a  posé  la  question  indiquent  assez  pour 
quelle  architecture  étaient  ses  préférences.  Comme  tous  les  hommes  d'un 
jugement  sain  ,  il  comprenait  que  la  véritable  règle  est  de  faire  bien,  et  qu'on 
est  toujours  en  droit  de  s'affranchir  des  règles  vulgaires,  quand  on  se  sent 
assez  fort  pour  faire  mieux  qu'elles  ne  le  permettent. 

Kn  même  temps  que  nous  avons  cherché  à  établir  la  supériorité,  au  point 
de  vue  de  l'art,  des  monuments  français  du  moyen  âge  sur  ceux  de  l'Italie, 
nous  avons  avancé  qu'autrefois  ils  ne  leur  étaient  inférieurs  ni  en  nousbre, 
ni  en  intérêt  historique.  Nous  avons  eu  depuis  le  loisir  de  consulter  des  noies 

I .  Diderot ,  f:ssai  sur  la  peinture.  Edition  de  1 81 8  ,  tome  IV,  page  522-524. 


NOTES  DL'N   VOYAGE  EN   ITALIE.  251 

reouoillies  dans  plusieurs  descriptious  anciennes,  et  nous  avons  conslalé 
qu'avant  la  révolution  il  existait,  dans  la  seule  ville  de  Paris,  environ  trois 
cents  églises  ou  chapelles  dont  nous  pounioiis  donner  les  noms;  les  Guides  les 
plus  détaillés,  ceux  qui  ne  laissent  pas  de  côté  le  moindre  oratoire,  portent 
à  trois  cent  dix  le  nombre  des  édilices  religieux  de  Rome.  La  différence 
ne  mérite  pas  qu'on  en  tienne  compte.  Paris,  qui  dans  le  monde  chrétien 
n'avait  d'autre  rang  que  celui  de  ville  épiscopale,  possédait  donc  autant 
d'églises  que  la  capitale  du  catholicisme.  Mais  Home  a  su  tout  conserver; 
Paris,  aveuglé  un  moment  par  la  poussière  que  faisait  autour  de  lui  la  chute 
dun  ordre  social  tout  entier,  a  jelé  pai-  terre,  sans  les  voir,  les  monuments  qui 
formaient  ses  plus  précieux  titres  de  noblesse.  Les  journaux  publièieut,  il  y 
a  très-pou  d'années,  un  relevé  anonyme  des  édifices  détruits  à  Paris,  depuis 
un  siècle;  le  nombre  s'en  élevait  à  trois  cent  dix.  ^'étaient  :  soixante-treize 
hôtels  et  palais,  (juarante-ciuq  abbayes  et  couvents,  cinquante-sept  églises 
collégiales  et  |)aroissiales,  cinciuante-cinq  collèges,  tous  accompagnés 
d'oratoires,  dont  (jueUjues-uns  très-romai~(iual)les;  dix-sept  portes  fortifiées 
ou  triomphales,  sept  ponts,  cin(iuante-deux  monuments  de  diverses  espèces, 
tels  <iue  croix,  tourelles,  fontaines  et  maisons  historiées.  Dans  ce  calcul,  on 
a  omis  de  comprendre  une  grande  quantité  de  chapelles  et  de  couvents  de 
femmes  d'un  ordre  secondaire.  Qu'arrivera-t-il  de  Home,  le  jour  où  elle  aura 
vu  disparaître  trois  cents  monuments?  Des  édifices  que  nous  avons  détruits, 
il  ne  nous  reste  même  pas  les  ruines,  et  la  physionomie  de  Paris  s'est  telle- 
ment modifiée,  qu'il  est  impossible  aujourd'hui  de  retrouver  la  moindre  trace 
de  la  plupart  des  anciens  établissements  monastiques,  et  des  plus  somp- 
tueuses habitations  élevées  par  l'aristocratie. 

La  majesté  de  nos  monuments  gothiques  frappa  d'admiration  quelques 
illustres  Italiens  venus  à  Paris  pour  prendre  leur  part  de  la  science  que  la 
France  dispensait  jadis  libéralement,  sans  taxe  universitaire,  aux  peuples 
étr^ingers.  Brunetto  Latini,  ijui  trouvait  le  langage  français  «  si  délilable  », 
et  qui  avait  répudié  l'idiome  de  son  pays  pour  écrire  dans  le  nôtre,  a  vanté 
la  magnificence  de  nos  constructions.  Dante,  qui  se  plaisait  tant  à  feuilleter 
nos  riches  manuscrits  à  miniatures,  et  qui  jilace  au  paradis,  entre  Denys 
l'Aréopagite  et  le  vénérable  Bède,  le  grave  maître  Séguicr,  dont  il  avait 
recueilli  les  merveilleux  syllogismes  aux  leçons  de  la  rue  du  Fouarre,  a  mé- 
dit»'  plus  d'une  fois  sous  les  grandes  voûtes  de  Notre-Dame;  c'est  bien  cer- 
tainement, dans  une  de  nos  cathédrales,  à  la  vue  des  roses  inunenses  qui  se 
dévelo|)penl  en  cercles  concentriques  aux  extrémités  de  la  nef  et  des  croisil- 
lons, qu'il  aura  conçu  l'idée  de  la  disposition  de  son  enfer.  Quand  la  rose 


252  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

représente  la  gloire  du  païadis,  le  Christ  en  occupe  le  centre;  autour  de  lui 
s'échelonnent  les  divers  ordres  d'esprits  célestes  et  de  saints,  classés  d'après 
une  loi  hiérarchique,  de  telle  manière  (|ue  les  plus  avancés  en  perfection 
composent  le  cercle  le  plus  rapproche  de  Dieu,  et  ainsi  de  suite;  la  splen- 
deur, la  perfection,  la  sainteté  jaillissent  du  Christ  comme  d'un  fojer;  leurs 
rayons  perdent  un  peu  de  leur  force  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  et  se  divisent 
pour  embrasser  la  circonférence  entière.  Si  la  rose  représente  Tenfer,  Satan, 
placé  au  point  le  plus  central,  résume  en  lui  la  persévérité  et  le  châtiment 
portés  à  leur  plus  haute  puissance;  du  cercle  qu'il  occupe,  la  souilVance 
coule  sans  cesse  connue  une  lave  ardente;  les  plus  illustres  damnés  sont 
ceux  qui  l'environnent  de  plus  près;  les  moins  coupables  sont  rangés  dans 
des  cercles  plus  éloignés,  comme  si  la  douleur  se  refroidissait  en  traversant 
les  premières  zones  du  séjour  infernal,  et  touchait  à  sa  limite  extrême  en 
atteignant  les  bords  du  dernier  cercle.  Dante  a  tiré  un  parti  adniiiable  de 
cette  disposition;  c'est  peut-être  un  obscur  verrier  de  Picardie  ou  de  Cham- 
pagne qui  lui  en  aura  donné  la  première  pensée.  Pétrarque,  qui  a  passé  une 
partie  de  sa  vie  à  voyager  de  cour  en  cour,  était  à  Cologne  en  1331  ;  dans 
une  lettre  latine,  qu'il  écrivit  de  cette  ville  au  cardinal  Jean  Colonna,  il 
parle  de  la  cathédrale  comme  d'une  des  églises  les  plus  admirables  qu'il  ait 
rencontrées;  on  sait,  et  on  le  prouve  aujourd'hui,  que  la  cathédrale  de  Cologne 
est  fille  de  celle  d'Amiens.  Le  Tasse  vint  en  France  du  temps  de  Charles  IX; 
il  était  triste  et  mécontent;  nos  édifices  sacrés  lui  parurent  imposants,  mais 
sombres  et  froids.  A  cette  époque,  le  goût  était  d'ailleurs  perverti  en  Italie, 
et  commençait  à  se  corrompre  en  France. 

Faisons  du  gothique,  pauvres  gens  que  nous  sommes,  puisque  nous  ne 
savons  pas  faire  autre  chose.  Qui  donc  a  jamais  imaginé  de  venir  étudier 
notre  maussade  Panthéon,  ou  ce  monotone  château  de  Versailles,  qui  m'a 
toujours  semblé  l'ennui  pétrifié,  ou  même  le  dôme  des  Invalides,  ou  bien 
encore  l'église  du  Yal-de-Gràce?  L'importance  de  nos  constructions  go- 
thiques grandit  chaque  jour,  au  contraire;  le  temps  n'est  pas  éloigné,  où  les 
cathédrales  de  Reims  et  d'Amiens  deviendront  l'objet  d'études  plus  sérieuses 
et  surtout  i)lus  utiles  que  celles  qu'on  va  faire  encore  au  Parthénon  et  au 
Colysée. 

Ces  préliminaires  posés,  il  faut  examiner  si  notre  moyen  âge  n'aurait  pas 
eu,  connue  en  architecture,  l'avantage  sur  l'Italie  dans  la  pratique  des 
autres  arts. 

Au  xvi"  siècle,  la  France  n'a  certainement  rien  produit  de  comparable  aux 
œuvres  prodigieuses  de  Michel  Ange  et  de  Raphaël.  Il  faut  s'incliner  de\ant 


NOTES   D'UN   VOYAC.E  EN   ITALIE.  253 

de  jKireils  noms  avec  une  admiration  respecliKHiso  ;  i)our  moi,  je  regarde 
comme  une  grâce  de  Dieu  d'avoir  pu  contempler  de  mes  yeux  les  travaux  de 
ces  hommes  illustres,  dont  le  génie  esl  une  gloiic  poui-  riiiimanitc  tout  cn- 
lière.  Ne  nous  hùtons  pas  cependant  de  conclure,  (•(nninc  on  est  si  disposé  à 
le  faire,  (pie  la  peinture  soit  un  iu  I  exclii^ixcmciit  italien.  .Ius(pi'au  règne  de 
François  V" ,  nous  avons  peint,  sans  emprunter  à  l'Italie  ni  ses  artistes  ni  ses 
enseignements,  et  nos  <ruvres  d'alors  valaient  bien  celles  (ju'on  produisait 
au  delà  des  monts.  Après  les  peintures  des  catacombes,  dont  l'origine  est  si 
douteuse,  et  dont  l'exécution  n'atteste  pas  un  art  bien  avancé,  les  peintures 
qui  passent  à  Rome  pour  les  plus  anciennes  sont  celles  de  l'Oratoire  de  Saint- 
Sylveslre,  au  cloître  des  Qualre-Saints  couronnés,  el  celles  du  joli  temple 
antique  devenu  chrétien  sous  le  nom  de  Sainl-Urbain;  les  premières  repré- 
sentent l'histoire  de  saint  Sylvestre  et  la  conversion  de  Constantin  ;  les  autres 
reproduisent  les  faits  principaux  de  la  vie  de  Jésus-Christ  el  la  légende  de 
sainte  Cécile.  On  a  fort  exagéré,  suivant  l'usage  adopté  en  Italie,  l'antiquité 
de  ces  peintures;  elles  ne  nmis  ont  pas  semblé  antérieures  au  xi"  siècle: 
c'est  un  âge  déjà  respectable.  Quelle  qu'en  soil  la  date  positive,  elles  sont 
Irès-remarquables  sous  le  rapport  de  l'iconographie  religieuse  et  de  l'exécu- 
tion matérielle;  leur  alfinilé  avec  nos  vitraux  les  [)lus  anciens  de  Saint-Denis 
et  de  Chartres  nous  a  vivement  frappé  ;  nous  y  reconnaissions  des  analogies, 
vraiment  extraordinaires,  de  dessin,  de  poses,  d'agencement  de  draperies  et 
même  de  couleur.  Sans  chercher  à  contester  le  mérite  de  ces  peintures,  dont 
les  figures  ont  été  faites  sur  une  assez  petite  échelle  ,  el  dont  l'étendue  n'est 
pas  considérable,  nous  réclamerons  cependant  la  pri(uité  pour  les  fres(|ues 
de  l'église  abbatiale  de  Saint-Savin,  en  Poitou,  (pii  couvrent  presqu<!  entière- 
ment ce  vaste  édifice,  et  qui  comprennent  une  armée  de  personnages  aussi 
grands  que  nature.  Celles-ci  appartiennent  incontestablement  au  xii°  siècle; 
nous  ne  croyons  pas  que  l'Italie  possède  aujourd'hui  un  ouvrage  aussi  impor- 
tant d'une  date  aussi  reculée. 

Les  peintures  murales  des  xni"  el  xiv-^  siècles  ne  sont  pas  conununes  en 
France.  Tandis  que  les  Italiens  s'efforçaient  de  classer  méthodiquement  les 
œuvres  de  leurs  anciens  peintres,  et  d'en  assurer  pai-  là  ménu^  la  conserva- 
lion,  en  les  plaçant  sous  la  .sauvegarde  de  l'orgueil  national,  nous  nous 
faisions  un  |)oinl  d'honneur  de  trouver  grossières  nos  vieille^  peintures,  el 
nous  les  badigeonnions  avec  un  rare  scrupule,  comme  s'il  se  fût  agi  d'ell'acer 
les  traces  d'un  passé  donl  nous  eussions  à  rougir.  Cluujue  Jour,  le  Comité  des 
arlsel  monuments  est  informé  de  la  réapparition  de  (pu-hjue  ancienne  frestpie, 
donl  les  contours  vigoureux  se  dessinent  sous  l'épais  enduit  de  plâtre  el  de 


251  ANNALES  AUCHEO LOGIQUES. 

chaux  qui  les  emprisonne;  la  peinture  a  tellement  soutTert  que  les  tentatives, 
faites  pour  la  mettre  à  découvert,  ne  produisent  presque  jamais  de  résultats 
satisfaisants.  Ces  recherches  présentent  cependant  un  avantage,  celui  de 
montrer,  par  des  preuves  irrécusables,  quelle  était  primitivement  la  richesse 
de  ces  églises  qu'on  trouve  aujourd'hui  si  sombres  et  si  tristes.  A  Paris,  les 
fresques  légendaires  des  chapelles  de  Notre-Dame  ont  été  supprimées;  le 
cloître  des  Grands-Carmes  a  disparu  tout  entier  avec  ses  peintures  représen- 
tant le  pèlerinage  armé  de  saint  Louis  en  Terre-Sainte. 

En  l'absence  d'une  quantité  suffisante  de  monuments  peints,  nous  pour- 
rions (on  l'a  bien  fait  pour  l'antiquité  grecque)  conclure  de  l'état  de  la  sta- 
tuaire à  celui  de  la  peinture.  A  côté  des  artistes  qui  taillaient  dans  la  pierre 
des  figures  de  haut  style,  comme  celles  des  cathédrales  de  Paris,  de  Chartres 
et  de  Reims,  il  existait  assurément  une  génération  de  peintres  capables  de 
dessiner  et  de  mettre  en  couleur  sur  les  murs  les  formes  nobles  et  sévères, 
que  les  sculpteurs  exprimaient  si  habilement  avec  le  ciseau.  Mais  nos  pertes 
ne  nous  ont  pas  encore  tellement  appauvris,  que  nous  u'ayons  rien  à  opposer 
aux  œuvres  des  Italiens  les  plus  fameux  du  moyen  âge,  de  Cimabué,  de 
Giotto,  de  Fra  Angelico.  La  grande  église  des  Dominicains,  à  Toulouse,  dont 
le  ministère  de  la  guerre  a  eu  l'ingénieuse  pensée  de  faire  une  écurie  pour  les 
chevaux  d'un  régiment  de  canonniers,  est  tout  à  fait  digne,  par  la  beauté  de 
sa  décoration  peinte,  de  disputer  la  prééminence  à  l'église  de  Saint-François- 
d' Assise;  mais,  en  France,  il  faut  aller  chercher  des  chefs-d'œuvre  au  milieu 
des  râteliers  et  des  bottes  de  foin.  Aux  Dominicains  de  Toulouse,  il  y  a  sur- 
tout une  chapelle  admirable,  complètement  peinte,  depuis  le  pavé  jusqu'aux 
clefs  des  voûtes.  La  légende  de  saint  Antonin  couvre  les  murs;  à  la  voûte,  les 
vieillards  de  l'Apocalypse  offrent  à  Fagneau  divin  les  prières  des  justes 
recueillies,  comme  des  parfums,  dans  des  coupes  d'or.  J'ai  honte  de  dire 
quel  traitement  a  été  infligé  à  cette  chapelle;  l'administration  militaire  en  a 
fait  l'inOrmorie  des  chevaux  morveux,  et  ces  animaux,  en  se  frottant  contre 
les  murailles,  ont  détruit  toute  la  partie  des  peintures  qui  se  trouvait  à  leur 
portée.  Aujourd'hui,  il  s'agit  enfin  de  mettre  un  terme  à  ce  scandale;  mais 
au  lieu  d'encourager  la  ville,  qui  le  réclame,  à  réparer  l'édifice,  le  gouver- 
nement veut  bien  le  lui  vendre  à  un  prix  énorme.  Nous  citerons  encore  une 
suite  de  sujets  peints  avec  une  finesse  charmante,  au-dessus  de  l'arcature 
ogivale  qui  fait  h;  tour  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  et  plusieurs  chœurs 
d'anges  retrouvés  dans  la  cathédrale  du  Mans,  à  la  voûte  de  la  chapelle  de  la 
Vierge.  Contemporains  des  anges  de  Fra  Angelico,  ceux  qui  décorent  Saiut- 
.îulien  du  Mans  sont  leurs  frères  en  grâce  et  en  chasteté  chrétiennes. 


NOTES  D'UN  VOYACK  EN  ITALIE.  255 

I/llalie  est  justement  fière  du  Cainpo-Saiito  de  Pise  et  des  admirables 
peintures  qui  le  décorent.  La  France  possédait  aussi  autrefois  des  cimetières 
environnés  d'immenses  galeries.  Orléans,  cette  ville  qui  aiïectc  pour  les  mo- 
numents du  mo\en  Age  un  brutal  mépris,  a  fait  un  marché  du  cloître  auquel, 
pendant  une  longue  suite  de  siècles,  elle  avait  confié  ses  mort^.  Dans  la  ville 
d'Amiens,  on  chercherait  vainement  aujourd'hui  les  vestiges  des  longues 
galeries  ogivales  qui  enveloppaient  le  cimetière  Saint-Denis,  et  dont  les  murs 
étaient  couvert?  de  pointures  historiques.  Des  missionnaires  détruisirent  une 
partie  de  ce  remarquable  monument,  pour  établir  un  Calvaire;  des  spécula- 
teurs ont  démoli  le  reste,  pour  construire  des  maisons  à  louer.  Nous  ne  croyons 
pas  précisément  que  les  danses  macabres  d'Amiens  ou  les  fresques  consacrées 
aux  souvenirs  historiques  de  cette  ville  fussent  dignes  d'être  comparées  aux 
chefs-d'œuvre  de  Benozzo  Gozzoli.  Cei)endaut  de  précieux  débris  de  pein- 
tures du  xv^  siècle,  conservés  dans  la  cathédrale  d'Amiens,  donnent  à  penser 
que  celles  des  cloîtres  pouvaient  bien  avoir  aussi  quelque  valeur.  En  remon- 
tant nn  peu  vers  le  nord,  nous  rencontrerions,  à  la  frontière  de  Belgique, 
les  ceuvres  à  demi  françaises  de  Jean  de  Bruges  et  de  Jean  Hemmling,  qui 
se  placent  au  prenn'er  rang  des  merveilles  de  la  peinture  au  xv°  siècle.  L'Italie 
n'a  rien  produit  de  plus  parfait,  à  cette  époque,  que  le  triomphe  de  l'Agneau, 
de  la  cathédrale  de  Gand,  et  le  mariage  mystique  de  sainte  Catherine,  de 
l'hospice  de  Bruges.  Une  école  de  peintres  à  peine  connue  a  rempli  aussi  la 
ville  deTroyes,  pendant  la  première  période  de  la  renaissance,  d'une  quan- 
tité considérable  d'excellents  tableaux  sur  bois,  qui  font  encore,  dans  jilu- 
sieurs  églises,  la  parure  des  autels. 

Si  le  moyen  îige  italien  l'emporte  sur  le  notre  par  le  nombre  et  la  qualité 
de  ses  peintures  mnrales,  la  peinture  sur  verre  nous  assure,  en  compensa- 
tion ,  une  prééminence  incontestée.  Dans  son  «  Manuel  des  arts  »  ,  le  moine 
Théophile  parle  de  la  supériorité  de  la  France  pour  la  fabrication  des  vitraux 
peints,  connue  d'un  fait  universellement  reconnu  de  son  temps.  Après  toutes 
nos  pertes,  nous  possédons  encore,  en  ce  genre  de  peinture,  une  série  nom- 
breuse et  continue  de  monuments,  depuis  le  xii°  jusqu'au  xvu*  siècle,  et 
chacun  des  siècles  compris  dans  cette  période  a  produit  des  chefs-d'œuvre. 
Dans  les  basiliques,  les  parois  et  les  voûtes  des  absides  présentaient  un  vaste 
champ  il  la  fres(iue  ou  à  la  n)osaK[ue  ;  dans  nos  églises  à  ouvertures  multi- 
pliées, la  peinture  monumentale  se  serait  trouvée  à  l'étroit  entre  les  ner- 
vures des  ogives  et  sur  les  murs  des  chapelles;  elle  s'est  emparée  des  vitraux. 
L'Italie  n'est  pas  riche  en  peintures  sur  verre;  tout  ce  qu'elle  en  possède 
se  rangerait  à  l'aise  dans  une  seule  «le  nos  grandes  cathédrales.  Vasari,  qui 


256  ANNAF.ES  ARCHÉOLOGIQUES. 

parle  à  peine  des  vitraux  de  Florence  exécutés  par  des  artistes  italiens,  con- 
sacre plusieurs  pages  à  l'éiotre  de  ceux  que  Guillaume  de  Marseille,  verrier 
français,  avait  peints  dans  plusieurs  églises  d'Italie,  et  surtout  à  Rome,  dans 
l'église  (le  Sainte-Marie-du-Peuple.  Le  peu  que  nous  avons  retrouvé,  à  Rome, 
de  la  peinture  sur  verre  de  notre  compatriote,  ne  nous  a  pas  inspiré  une 
admiration  aussi  vive;  en  France,  des  vitraux  de  ce  style  obtiendraient  à 
peine  l'honneur  d'une  simple  mention.  Qu'aurait  donc  pensé  Vasari ,  quand 
il  recherchait  les  vitraux  du  xxi"  siècle,  s'il  eût  pu  voir  ceux  d'Écouen, 
d'Anet,  de  Vincennes,  de  Gisors  et  de  Sens!  Bien  inférieures,  suivant  nous, 
en  style,  en  vigueur,  en  coloris,  aux  vitraux  des  siècles  précédents,  ces  ver- 
rières n'en  sont  pas  moins  de  magnifiques  tableaux  faits  pour  marcher  de 
pair  avec  les  toiles  et  les  fresques  les  plus  vantées. 

Depuis  la  chute  de  l'empire  d'Occident,  jusqu'au  milieu  du  xui"  siècle, 
l'Italie  n'a  pas  produit  un  sculpteur  remarquable.  Pendant  longtemps,  pour 
des  causes  que  nous  aurons  plus  tard  l'occasion  d'examiner,  la  statuaire  fut 
presque  abandonnée;  une  partie  de  la  haine  inspirée  par  les  souvenirs  du 
|)aganisme  letombait  sur  elle;  on  lui  i)référail  la  peinture  et  surtout  la  mo- 
saïque. Nicolas  de  Pise  fit  de  grands  efforts  pour  remettre  la  sculpture  au 
rang  cpii  lui  appartient,  entre  l'architecture  et  la  |)einlure;  mais  les  œuvres 
qu'il  a  laissées,  ne  sont  guère  qu'une  contrefaçon  de  quelques  bas-reliefs 
païens  amenés  à  Pise  comme  trophées  de  victoire.  Ce  ne  fut  que  vers  le 
xiv*'  siècle  que  la  sculpture  chrétienne  commença  réellement  pour  l'Italie. 
Les  artistes  français  avaient  sculpté  la  façade  de  Notre-Dame  de  Paris  ;  ils 
avaient  ciselé  les  tombeaux  en  cuivre  de  la  cathédrale  d'Amiens,  et  les  sculp- 
teurs romains  en  étaient  encore  à  tailler  les  sauvages  statues  des  apôtres,  et 
la  grossière  efligie  de  Nicolas  IV,  qu'on  voit  à  Saint-Jean-de-Latran.  Il  est  de 
bon  ton,  parmi  les  membres  de  la  classe  des  beaux-arts  à  l'Institut,  de  traiter 
de  magots  nos  saints  du  xiii"  siècle;  nous  défions  les  illustres  académiciens 
de  trouver,  dans  leur  chère  Italie  tout  entièie,  une  seule  figure  de  cette 
époque  qui  soit  digne  d'entrer  sous  les  portiques  de  Chartres.  Les  églises 
italiennes  sont  ])lus  tard  devenues  riches  en  mausolées;  c'est  à  la  catégorie 
des  monuments  funéraires  qu'appartiennent  encore  leurs  sculptures  les  plus 
nombreuses  et  les  plus  anciennes.  Parmi  ces  tombeaux,  il  en  est  beaucoup 
qui,  décorés  de  grands  noms  et  d'illustres  souvenirs,  sont  aussi  des  œuvres 
d'art  d'une  inqiortance  réelle.  Mais  qu'il  y  a  loin  de  l'invention  et  de  l'exé- 
cution d'un  monument  sépulcral,  renfermé  dans  les  limites  de  quelque  étroite 
chapelle,  à  la  création  d'une  façade  connue  celles  de  nos  grandes  églises 
ogivales,  qui  présentent  la  plus  élomiaule  combinaison  qu'on  ait  jamais  faite 


NOTES  D'LN    VOYAGE   EN    ITALIE.  257 

de  la  >tatuairo  avoc  rarcliitecturo.  Ouaiul  il  existe  de  la  sciil|)liire  à  pcison- 
iiages  sur  la  façade  d'une  église  italienne,  elle  dépasse  rarement  les  tympans 
des  portes;  nulle  part,  vous  ne  trouveriez,  romnie  en  France,  un  système 
complet  de  statuaire  (li'\('l()|)pé  dans  loul  le  pourtour  d'une  catliédrale,  et 
comi)osé  de  plusieius  centaines  de  ligures  dont  la  |)rosence  est  pour  le  peuple 
cluétien  ime  histoire  pleine  de  vie  et  d'animation.  La  cathédrale  de  Chartres 
possède,  à  elle  seule,  plus  de  sculptures  sacrées  que  les  trois  cents  églises 
de  Rome  ensemble. 

Le  xiv°  siècle  italien,  qui  a  s(ul|)lc  tant  do  londjeauK,  a  doté  aussi  les 
églises  d'un  grand  nond)re  de  ces  petites  constructions  qui  abritent  les  autels 
les  plus  vénérés,  et  qui  portent,  depuis  une  antiquité  très-reculée,  le  nom 
de  ciborhnn.  A  Rome,  les  plus  importantes  se  trouvent  dans  les  églises  de 
Saint-.lean-de-Latran,  de  Sainte-Cécile  et  de  Sainte-Marie  in  Cosmcdiu.  Leurs 
colonnettes,  leurs  tympans  percés  de  roses,  leurs  ogives  trilobées,  leurs 
archivoltes  surmontées  de  statues,  leurs  pignons  accompagnés  de  clochetons 
ou  de  tourelles,  sont  autant  d'emprunts  faits  à  l'architecture  du  nord.  Le 
ciborium  de  Sainte-Cécile  surtout  rappelle  d'une  manière  frappante  ceitaines 
parties  de  la  tribune  érigée  à  Paris,  dans  l'abside  de  la  Sainte-Chapelle.  Le 
savant  Ciampini,  qui  ne  connaissait  i)as  les  monuments  situés  hors  de  l'Italie, 
et  qui  manquait  ainsi  de  termes  de  conq)araison  pour  distinguer  les  époques 
de  l'art ,  s'est  évidemment  trompé  en  attribuant  ces  balda(piins  g()thi(pies  au 
XII*  siècle. 

Quand  nous  serons  arrivé  à  la  description  des  monuments  du  Campo- 
Santo ,  nous  examinerons  en  détail  les  œuvres  de  Nicolas  et  de  Jean  de  Pise, 
ces  artistes  fameux  des  xiu"  et  xi\''  siè(;les  ;  nous  les  com|)areroii>  à  des  sculp- 
tures de  même  époque  faites,  dans  notre  pays,  par  de  pauvres  tailleurs  de 
pierre,  dont  les  noms  n'ont  |)as  été  jugés  dignes  de  passera  la  postérité,  et 
nous  essaierons  de  prouver  à  nos  lecteurs  l'infériorité  des  mailns  italiens. 
Mais  pour  que  la  démonstration  fût  comjjlète,  il  fauilrait  la  pouvoir  faire 
sur  des  reproductions  rigoureusement  exactes  des  inoniiincnlscux-iuèmcs.  Ce 
serait  rendre  un  service  véritable  à  l'étude  de  l'art,  que  de  mettre  en  face  les 
unes  des  autres,  au  moyen  de  moulages,  des  ligures  du  Campo-Santo  et  des 
statues  de  Reims  ou  de  Chartres.  Jean  de  Pise  n'a  jamais  rien  produit  d'aussi 
admirable  que  les  sculptures  du  xiv*  siècle  qui  tapissent,  dans  la  cathédrale 
de  Reims,  les  parois  internes  des  portes  de  la  façade  occidentale;  ce  sont 
des  chefs-d'œuvre  sous  le  rapport  de  la  forme  tout  aussi  bien  {]ue  sous  celui 
de  l'expiession  religieuse;  nous  en  sonuncs  convaincu ,  et  tout  le  monde 
serait  bientôt  df  n(jtie  a\i>.  l'ai  inalliriir.  au  liiMi  do  tiaxaillcr  à  rendu'  plus 
V.  34 


258  ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

facile  la  solution  des  grandes  questions  de  riiisloire  de  l'art,  les  organisateurs 
de  nos  musées  se  préoccupent,  avant  tout,  de  meubler  tant  bien  que  mal  les 
galeries  qui  leur  sont  confiées ,  persuadés  que  pour  le  vulgaire  le  nombre 
supplée  à  la  qualité. 

Un  fait,  dont  nous  avons  été  souvent  témoin,  pourrait  servir  à  prouver  com- 
bien il  est  intéressant  de  rapprocher  des  monuments  de  différentes  écoles  et 
de  les  comparer.  Si  l'on  s'avisait  de  déclarer  en  plein  Institut  que  les  ima- 
giers du  temps  de  saint  Louis  entendaient  mieux  la  pratique  de  leur  art  que 
les  sculpteurs  de  l'école  impériale,  académiciens  et  membres  de  la  Légion- 
d'Honneur,  on  s'exposerait  pour  le  moins  à  se  faire  passer  pour  un  vision- 
naire. Hé  bien  !  à  Saint-Denis,  dans  une  des  salles  de  la  crypte,  trois  ou  quatre 
figures  du  xiii''  siècle  sont  couchées  sur  des  tombeaux,  tandis  que  des  sta- 
tues d'empereurs  carlovingiens,  exécutées  par  des  artistes  de  l'époque  napo- 
léonienne, se  dressent  contre  les  murs.  Aux  yeux  des  femmes  ,  des  ouvriers, 
des  gens  du  peuple,  le  choix  n'est  pas  douteux.  On  rit  au  nez  des  pauvres 
empereurs  de  facture  moderne  ;  on  achuire  le  style  large  et  grandiose  des 
vieux  rois  gothiques. 

Nous  avons  parlé  avec  éloge  des  tombeaux  sculptés  depuis  le  xiv<^  siècle 
dans  les  églises  d'Italie.  Cependant  le  tombeau  ducal  de  Nantes,  les  mauso- 
lées de  la  maison  de  Savoie  à  Brou  ,  les  monuments  de  la  renaissance,  réunis 
à  Saint-Denis,  nous  paraissent  supérieurs,  pour  le  goût  et  le  travail,  à  tout 
ce  que  nous  avons  vu  au  delà  des  monts. 

La  sculpture  en  bois ,  que  les  artistes  français  ont  portée  à  un  si  haut 
degré  de  perfection  et  dont  il  nous  reste  tant  de  monuments  précieux,  n'a 
pas  eu  la  même  importance  en  Italie.  Aucune  des  églises  de  ce  pays  ne 
possède  un  chœur  garni  de  stalles  travaillées  comme  celles  de  Notre-Dame 
d'Amiens. 

Les  monuments  d'orfèvrerie  ancienne  sont ,  en  Italie ,  d'une  excessive 
rareté.  On  nous  a  signalé  l'existence  d'un  petit  nombre  de  châsses  de  ver- 
meil exécutées  au  xiv'  siècle;  nous  n'avons  pu  les  voir;  plusieurs  d'entre 
elles  semblent,  dit-on,  appartenir  par  leur  style  à  l'école  allemande.  Le 
musée  chrétien  du  Vatican  ne  possède  qu'un  petit  coffret  en  cuivre  émaillé, 
qui  doit  être  du  xiii"  siècle  et  qui  provient  probablement  des  fabriques  de 
Limoges.  Les  seuls  émaux  modernes,  que  ce  musée  ait  pu  recueillir,  datent 
du  xvu*'  siècle  et  sont  l'œuvre  d'un  artiste  français,  Robert  Vauquier,  de 
Blois,  qui  les  fit  en  1660.  Nous  ne  les  avons  pas  trouvés  dignes  de  soutenir 
l'honneur  de  nos  émailleurs. 

Le  système  iconographique  des  chrétiens  des  premiers  siècles  se  compo- 


NOTES  D'UN  VOYAGE  EN  ITALIE.  259 

sait  d'oléinents  fort  simiilcs  et  fort  peu  nombreux.  ;  mais  là  se  trouvait  en 
germe  toute  notre  iconogiaphie  religieuse.  Soyons  donc  pleins  de  respect 
pour  ces  symboles  primitifs  qui  nous  ont  été  apportés  en  môme  temps  que 
l'Évangile.  HDcs  le  m'  siècle,  la  source  la  plus  féconde  de  Ticonographie 
chrétienne  était  ouverte;  les  fidèles  avaient  saisi  les  rapports  mystérieux  qui 
existent  entre  les  faits  du  Nouveau-Testament  et  ceux  de  la  Bible,  et,  dans 
les  sculptures  de  leurs  sarcophages,  ils  les  interprétaient  les  uns  par  les 
autres.  Les  motifs  ont  d'ailleurs  peu  varié  pendant  une  longue  suite  de 
siècles;  ce  sont  à  peu  près  toujours  les  mêmes  emblèmes  qui  se  reproduisent 
en  Italie,  à  Rome  surtout,  dans  les  peintures,  les  sculptures  et  les  mosaïques. 
Dans  le  Nord,  au  contraire,  riconogra()hio  sacrée  a  pris  un  développement 
prodigieux;  si  nous  ne  pouvons  prétendre  à  la  gloire  d'en  avoir  imaginé  les 
premiers  principes,  nous  avons  su  du  moins  découvrir  tout  ce  qu'ils  con- 
tenaient d'utile  et  de  fécond.  L'Italie  n'a  rien  qu'elle  puisse  opposer  en  ce 
genre  à  la  statuaire  et  à  la  peinture  sur  verre  d'une  cathédrale  comme  celles 
de  Chartres  et  de  Reims.  Les  porches  et  les  verrières  de  nos  grandes  églises 
présentent  l'expression  la  plus  conqjlète  des  croyances  religieuses,  des  idées 
philosophiques,  des  arts,  des  sciences  de  notre  moyen  îige;  à  défaut  des  écrits 
qu'ils  nous  a  laissés,  on  le  retrouverait  tout  entier  dans  ses  œuvres  sculptées 
ou  peintes.  Il  y  a  tel  portique  de  Chartres  qui  est  une  véritable  encyclopédie 
en  action  :  la  Bible,  le  Nouveau-Testament,  l'Apocalypse  y  sont  représentés; 
vous  y  reconnaissez,  sous  d'ingénieux  emblèmes,  toutes  les  qualités  pliysi- 
ques,  intellectuelles  et  morales  de  l'homme  ;  l'astronomie,  la  zoologie,  la 
bolanique  y  figurent  aussi  dans  leurs  rapports  réels  ou  mystiques  avec  le 
dogme  sacré.  L'iconographie  religieuse  a  connnencé  à  faire  quelques  progrès 
en  Italie,  vers  le  xiv"  siècle;  mais  c'est  l'admirable  poi-me  de  Dante  qui  en 
a  fait  presque  tous  les  frais,  et  Dante  avait  vu  la  France. 

Nous  ne  voudiions  pas  empiéter  sur  les  droits  de  .M.  l'abbé  Jou\e,  en 
abordant  la  question  de  la  musique  religieuse.  Nous  nous  contenterons  d'ap- 
peler l'attention  de  notre  savant  collaborateur  sur  un  manuscrit  conservé  à 
Rome,  dans  la  bibliothèque  des  princes  Ghigi,  et  cité  par  M.  Valéry,  dans 
son  ouvrage  sur  l'Italie.  Ce  volume  contient  des  messes  et  des  motets  com- 
posés par  d'anciens  maîtres  llamands  et  fran(,ais;  une  note  de  la  main 
d'Alexandre  Vil  déclare  que  la  musique  en  est  regardée  comme  excellente. 
M.  Valéry  fait  remarquer  avec  raison  qu'il  serait  très-important,  pour  l'his- 
toire de  l'art  musical,  de  savoir  si  en  elfet  le  manuscrit  des  Ghigi  contiendrait 
de  la  grave  et  savante  musi(jue  française,  antérieure  aux  célèbres  composi- 
tions de  Palestrina. 


260  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Nous  sommes  entin  sortis  des  préliminaires.  Dans  un  ])rochain  article,  nous 
entrerons  en  Italie  par  le  port  de  Gènes-la-Su|)erbe.  Les  Génois,  peuple 
commerçant  et  positif,  n'ont  jamais  été  de  grands  artistes;  leur  ville  ren- 
ferme cependant  beaucoup  de  soniptueux  palais  et  quelques  curieuses 
églises. 

B""  DE  (iUILHERMY. 


KSSAI 
SUR  LE  CHANT  ECCLÉSl ASÏIOIIE. 


Constitution  des  huit  tons  e('clésia»ti(|ues  par  saint  Grégoire.  —  Observations  |jarliculières  à  ce 
sujet.  — Nouveau  système  de  notation  musicale  introduit  par  ce  pape,  pour  remplacer  celui 
des  Grecs,  jusqu'alors  en  usage.  — Examen  comparé  des  éléments  constitutifs  do  la  tonalité 
grégorienne  et  de  la  tonalité  moderne.  —  Ces  éléments  sont  :  1"  l'ordre  de  succession  dos  deux 
demi-tons,  différent  dans  les  deux  systèmes;  2"  la  note  tonique  et  la  note  dominante,  sans 
parler  du  triton  et  d'autres  points  moins  importants,  qui  seront  discutés  plus  tard. 


IV'. 

Dans  un  de  nos  proci-denls  articles,  nou-î  avons  vn  eoinnient  saint  Ani- 
broise  établit  les  chants  d'Éi^lise  sur  (juatre  octaves  différentes,  dérivées, 
jusqu'à  un  certain  point,  dos  (]ualre  modes  jurées  dont  elles  portent  le  nom, 
.savoir  : 

Le  mode  dorien  :  n- ,  mi,  fa,  sol,  la,  si ,  ut,  rc ,■ 

Le  mode  phryeien  :  tni,  fa,  sol.  la,  si,  ut,  rc,  mi  ; 

Le  mode  éolien  :  fa,  sol,  la,  si,  ut,  re ,  mi ,  fa  ; 

Le  mode  mvxolydicn  :  sol,  la,  si,  ut,  rc ,  mi,  fa,  sol  \ 

1.  .Innales  ./rchéologiqaes,  vol.  IV.  p.  ii;j-222;  vol.  V,  p.  12-20,  TH-SO  et  )fi6-l79.  —  Au 
vol.  V  des  Annales,  p.  169,  ligne  2« ,  au  lieu  de  :  le  nier,  lisez- /e,v  nier;  au  même  volume, 
p.  171  ,  ligne  2",  remplacez  païens  par  chrétiens. 

2.  En  commençant  mon  «  Essai  »,  et  ensuite,  à  |)lusieuis  reprises,  j'ai  fait  lemurcpier  combien 
les  origines  du  clianl  ecclé.siasti<pie  étaient  pleines  d  obscurité.  Ainsi,  pour  ne  parler  ipie  de 
cette  constitution  des  quatre  tons  autlienticpies  de  saint  Ambroisc  ,  personne  no  serait  aujourd'hui 
dans  le  cas  de  fournir  des  preuves  démonstratives  de  ce  fait.  Los  documents  qui  l'établiraient  pé- 
remptoirement ayant  |)éri ,  comme  tant  d'autres ,  force  nous  est  de  nous  contenter  de  la  tradition 
constante  qui  nous  l'atteste.  Mais  cette  tradition,  ciui ,  en  matière  do  dogme  et  de  discipline, 
équivaut,  avec  les  conditions  voulues,  à  une  démonstration  véritable,  mérite  bien  la  peine,  ce  me 
semble,  d'être  comptée  pour  quelque  chose  dans  les  questions  liturgiques.  Cela  n'empêche  pas, 
je  le  réjièto ,  que  celle  des  origines  du  plain-chant  ne  soit,  sur  bien  des  points,  enveloppée  de 


262  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait  observer,  le  clianl  anibrosien  était  rhylh- 
mique,  scandé;  il  avait,  par  conséquent,  plus  de  rapport  avec  la  musique 
grecque  que  le  chant  grégorien,  qui,  plane,  assuré,  u  planus,  firmus  »,  ne 
procède  généralement  que  par  des  notes  d'égale  valeur.  Toutefois,  cette  pro- 
priété du  cliaut  grégorien  ne  saurait  être  un  mérite  à  mes  yeux;  car,  indé- 
pendamment de  la  monotonie  qui  en  est  inséparable,  elle  est  contraire  à 
l'instinct  naturel  qui  porte  tous  lespeuples  à  suivre  un  certain  rhythme,  une 
certaine  cadence  dans  leurs  chants,  même  les  plus  graves.  Cette  marche 
plane,  égale,  qui  pendant  longtemps  a  été  le  caractère  distinctif  du  chant 
grégorien,  est  donc  une  véritable  imperfection  qu'on  s'explique  facilement, 
du  reste,  par  les  perturbations  sociales  qui  eurent  lieu  après  la  mort  de  saint 
Arabroise.  Eu  effet,  le  système  de  chant  dont  il  était  l'auteur  ne  tarda  pas  à 
être  altéré,  au  point  de  devenir  méconnaissable,  par  l'invasion  des  Ostro- 
golhs,  ensuite  par  celle  des  Lombards,  qui,  vainqueurs  de  ces  derniers, 
établirent  leur  domination  sur  toute  l'Italie  septentrionale.  Aussi,  à  Tavéne- 
ment  du  pape  Grégoire,  en  590,  il  n'y  avait  presque  plus  de  rhythme  dans 
les  hymnes  et  les  antiennes,  et  la  division  des  lons^  établie  par  saint  Am- 
broise,  avait  été  si  fort  bouleversée,  qu'on  ne  pouvait  plus  les  distinguer  les 
uns  des  autres. 

Pour  remédier  à  cette  confusion  ,  Grégoire  entreprit  de  fonder  un  nouveau 
système  de  chant,  en  réunissant,  dans  un  même  recueil,  ce  qui  restait  des 
anciennes  mélodies  latines  et  orientales  '.  Ce  recueil  fut  appelé  Antiphonaire 
Cenlonien ,  parce  qu'il  était  formé  d'antiennes  tirées  de  fragments  divers. 
Mais  comme  plusieurs  compositeurs,  peu  soucieux  de  s'astreiudre  aux 
quatre  échelles  ou  modes  d'Ambroise,  en  avaient  souvent  dépassé  les  limites, 
soit  par  caprice,  soit  à  cause  des  diverses  natures  de  voix  pour  lesquelles  ils 
écrivaient,  il  était  impossible  de  réduire  toutes  les  pièces  de  i'Anliphonaire 
aux  quatie  tons  ecclésiastiques  primitifs.  Pour  paier  à  cet  inconvénient,  et 


nuages.  Et  voilà  pourquoi ,  en  les  exposant ,  il  nous  arrive  plus  souvent  de  douter  que  d"affirmer. 

Nous  ne  demanderions  ]ias  mieux,  si  c'était  possible,  qu'on  levât  toutes  nos  incertitudes  par  des 
documents  authentiques  irréfutables. 

1.  Pour  éviter  le  retour  des  malentendus  auxquels  a  déjà  donné  lieu  ce  mol  orientales,  op- 
posé à  celui  de  latines,  je  déclare  que,  par  le  premier,  j'entends  les  mélodies  ornementées  com- 
posées selon  le  style  musical  de  l'Asie  mineure,  de  l'Arabie  ,  de  l'Egypte,  de  l'Orient  en  un  mot; 
et  que  ,  par  le  second ,  j'entends  les  chants  composés  selon  le  système  diatonique  des  Grecs ,  tel 
que  nous  l'avons  exposé,  système  qui  a  exercé  une  influence  réelle  sur  le  chant  ecclésiastique 
latin.  C'est  ce  qui  explique  la  ressemblance  frappante  qui  existe,  même  de  nos  jours,  dans  les 
cliants  des  deux  Églises,  grecque  et  latine;  c'est  une  nouvelle  preuve  de  l'influence  de  l'une  sur 
l'autre  dans  la  constitution  des  chants  religieux. 


ESSAI  SLR  LE  CHANT   ECCLESIASTIQUE.  363 

donner  |>lii?  de  dévoli)|)[)eiiieiil  aii\  \oix,  Ciréûjoirc  imagina  de  diviser  clia- 
onn  de  ics  (lualre  ton?  en  deux,  dont  le  premier,  conservé  inlacl,  était 
appelé  par  cette  raison  authentique,  original,  primitif,  et  le  second,  com- 
mençant une  quarte  plus  bas  que  le  premier,  s'appelait  plagal,  collatéral, 
dérivé.  Nous  avons  déjà  vu  qu'au  moyen  d'un  semblable  procédé,  (pie  Gré- 
goire eut  sans  doute  l'intention  d'imiter,  les  Grecs  avaient  beaucoup  étendu 
et  varié  leur  échelle  modale. 

Voici  le  nouveau  tableau  du  système  grégorien,  représentant  les  quatre 
tons  primitifs,  suivis  chacun  de  son  ton  plagal  ou  dérivé,  ce  qui  donne 
huit  tons  : 

Premier  ton,  dorien    aulhenliipic)  :  rc,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ut,  rc;^ 

Deuxième  ton,  hypo-dorien  i^plagal)  :  la,  si ,  ut ,  re,  mi,  fa,  sol,  la  ; 

Troisième  ton,  phrygien  (aulhenliquc)  :  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ut,  rc ,  mi  ; 

Quatrième  ton,  hypo-phrygien  (plagal)  :  si,  ut,  re,  mi,  fa,  sol,  la,  si; 

Cin(]nième  ton,  hdien  i^authenli(]ue)  :  fa,  sol,  la,  si,  ut,  re ,  mi,  fa; 

Sixième  ton,  hypo-lulicn  (plagal)  :  ut,  re,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ul  ; 

Septième  ton,  myxolydien  (authentique)  :  sol ,  la,  si ,  ul ,  re,  mi,  fa,  sol; 

Huitième  ton,  hypo-myxolydien  (plagal)  :  re,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ut,  re;''- 

t.  Pour  (les  raisons,  dont  l'exposé  nous  mèneiail  trop  loin  et  qui  trouveront  leur  place  ailleurs, 
dans  la  gamme  de  ce  premier  ton,  le  si  est  naturel,  en  montant,  et  l)êniol ,  en  descendant.  On 
peut  faire  la  même  remarque  pour  le  cinquième  ton. 

2.  Dans  cet  exposé  de  la  constitution  des  huit  modes  par  saint  Grégoire  ,  je  suis  l'opinion  com- 
mune et  appuyée  sur  la  tradition.  Néanmoins,  il  en  est  une  autre  qui  dilfére  de  celle-ci  et  qui  a  de 
graves  autorités  pour  elle.  C'est  pourquoi  il  convient  d'en  dire  un  mol  D'après  cette  opinion ,  saint 
Grégoire,  au  lieu  de  porter  les  modes  de  quatre  à  huit,  les  aurait  réduits  de  quatorze  à  huit.  Voici 
comment  :  .\insi  que  nous  aurons  bientôt  l'occasion  d'en  faire  la  remarque,  chacune  des  notes  de 
la  gamme  diatonique  pouvant,  dans  le  plain-chant,  être  considérée  comme  la  première,  la  fon- 
damentale d'une  nouvelle  gamme,  en  maintenant,  dans  chacune  d'elles,  les  deux  demi-tons  à 
leur  place  naturelle,  les  anciens  obtinrent,  par  l'application  de  ce  principe,  sept  gammes  diffé- 
rentes ou  sept  tons  authentiques,  sur  les  sept  notes  ut ,  re,  mi,  fa,  sol,  ta,  si.  Et  comme  chacun 
de  ces  sept  tons  était  susceptible  d'avoir  son  plagal  ou  correspondant,  en  partant  de  la  quarte 
inférieure,  il  en  résulta  quatorze  modes,  dont  sept  authentiques  et  sept  plagaux.  Or,  ce  furent 
ces  quatorze  modes  que  saint  Grégoire  réduisit  aux  huit  que  nous  venons  d'exposer.  Néanmoins 
nous  les  voyons  pratiqués  longtemps  après ,  dans  plusieurs  églises.  Sous  Charlemagne,  ils  furent 
l'objet  d'une  dis|iutc  parmi  les  chantres  de  la  chapelle  de  ce  prince.  Les  uns  les  réduisaient  à  huit, 
dérivés  des  quatre  cordes,  re,  mi,  Ja,  sol,  de  saint  Ambroise.  Les  autres  prétendaient  qu'ils 
devaient  être  au  nombre  de  quatorze,  ou  au  moins  de  douze,  en  excluant  des  notes  fundamen- 
lalcs  le  B  ou  si,  qui  est  privé  d'une  quinte  juste.  Charlemagne,  après  avoir  sérieusement  examiné 
cette  question ,  décida  que  huit  modes  semblaient  devoir  suflire,  bien  que  depuis,  dans  une  autre 
circonstance  et  par  égard  auj  système  des  Grecs,  il  ait  dit  qu'il  y  avait  douze  modes.  (\'oir  les 
•Mémoires  historiques  de  Baini,  tome  I,  page  81-82.) 

Cette  dernière  décision  du  grand,empercur  était  motivée ,  tandis  que  la  première  ne  l'était  pas. 


264  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Ces  huit  tons  étaient  contenus  dans  une  échelle  qui  commençait  au  la 
grave,  correspondant  à  celui  de  notre  clef  de  fa  (quatrième  ligne),  jusqu'au 
sol  de  la  seconde  octave.  Les  sons  de  la  première  octave  étaient  représentés 
par  les  sept  premières  lettres  majuscules  de  l'alphabet  romain  ,  et  ceux  de  la 
seconde  octave,  par  les  mêmes  lettres  minuscules,  dans  l'ordre  suivant  : 

la,  si,   ut,   rc ,   mi,  fa,  sol,   la,  si, -ut,   rc ,   ini,  fa,  sol. 
A.    B.   C.    D.     E.    F.     G.     a.    b.    c.     d.     e.     f.      g. 

Plus  tard,  lorsqu'on  eut  ajouté  une  octave  aux  deux  premières  ,  cette  troi- 
sième octave  fut  représentée  aussi  par  les  sept  premières  lettres  minuscules 
de  l'alphabet,  mais  redoublées,  ainsi  qu'il  suit  : 

la,  si,   ut,   rc,   mi,  fa,  sol,   la. 
aa.  bb.  ce.  dd.  ee.    ff.     gg.   aa. 

On  voit  que  ce  système  de  notation  est  on  ne  peut  plus  simple.  Celui  des 
Grecs,  qui  avait  été  en  usage  jusque-là,  l'étant  beaucoup  moins,  les 
quinze  sons  que  nous  venons  d'exposer,  en  y  comprenant  l'octave,  étaient, 
dans  la  musique  grecque,  exprimés  par  des  lettres  entières  ou  mutilées, 
simples,  doubles  et  allongées,  tournées  tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche, 
lenversées  ou  horizontales,  fermées  ou  accentuées,  comme  on  en  peut  voir 
le  tableau  figuratif  dans  Alipus,  et  dans  la  dissertation  de  M.  Perne  sur  la 
«  Notation  musicale  des  Grecs  ». 

Malheureusement,  à  la  notation  grégorienne  succéda  bientôt  celle  des 
Lombards  et  ensuite  celle  des  Saxons,  aussi  obscures  et  compliquées  que  la 
première  était  claire  et  facile.  Ces  deux  nouvelles  notations,  qui  n'ont  pu 
encore  être  débrouillées  complètement,  malgré  tous  les  efforts  de  la  science 
moderne,  nous  ont  dérobé  jusqu'à  ce  jour  l'intelligence  d'un  grand  nombre 

En  effel ,  les  quatre  modes  qu'il  avait  voulu  d'abord  supprimer  appartenant,  tout  aussi  bien  que 
les  autres,  à  la  constitution  des  modes  ecclésiastiques,  d'après  les  règles  qui  les  régissent  tous  et 
que  personne  ne  conteste,  on  ne  voit  pas  à  quel  titre  leur  suppression  aurait  été  ordonnée.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  quatre  modes  dont  il  s'agit  sont  tombés  iicu  à  peu  en  désuétude  ,  et  à  peine  s'il 
en  reste  quelques  vestiges  dans  nos  livres  de  chant.  Ces  quatre  modes  élaienl  l'éolien  et 
l'ionien,  avec  leurs  plagaux  respectifs.  L'ionien  était  exactement  conforme  à  notre  gamme 
d'«^ ,  puisqu'il  commençait  et  finissait  par  cette  note.  On  le  transpose  souvent  au  cinquième  ton 
de/a.  Dans  ce  cas,  on  le  fait  précéder  de  la  lettre  C ,  qui  correspond  à  ut ,  pour  indiquer  que 
c"est  le  mode  ù'vt ,  onzième  ton ,  qui  est  transféré  au  mode  de  fa,  cinquième  Ion.  Alors  le  .s(' 
bémol  est  de  rigueur  à  la  clef,  afin  de  mainlenir  dans  ce  mode  les  deux  demi-Ions  à  la  même 
place  qu'ils  devraient  occuper  dans  la  gamme  d'7it,  ou  onzième  ton  ,  qu'on  transpose. 


ESSAI  SI  K   LE  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE.  265 

de  mélodies  ecclésiasli(Hios,  chins  les  ci^liscs  qui  les  avaient  adopléos,  cl  sui- 
vies pendant  plusieurs  sièeles.  Il  en  résulte  une  laeune  on  ne  peut  plus  reyret- 
tablo  dans  l'Iiistoire  du  elianl  rcliijieux.  Néanmoins  il  ne  faudrait  |)as  tro[) 
s'en  exagérer  la  portée.  C'est  tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  en  attendant 
que  l'ordre  des  matières  nous  amène  à  en  parler  plus  lonjiiuenient  que  nous 
ne  le  pouMuis  l'aire  ici.  La  question  cpii  iloit  nous  occuper  exclusivement 
aujourd'luii ,  c'est  celle  de  la  tonalité  i;réi;orienne,  considérée  dans  sa  nature, 
dans  ses  effets  et  dans  ses  rapports  avec  la  tonalité  moderne.  C'est  là  une 
question  capitale  dont  nous  allons  embrasser  les  éléments  constitutifs,  nous 
réservant  d'y  revenir  plus  tard  pour  l'envisager  sous  d'autres  aspects  et  en 
faire  l'objet  de  nouvelles  considérations.  Pour  bien  comprendre  les  conditions 
de  la  tonalité  ecclésiastique,  il  faut  les  comparer  avec  celles,  plus  générale- 
ment connues,  de  la  tonalité  moderne.  C'est  |M)ur(pioi  nous  allons  exposer 
successivement  ces  deux  tonalités,  pour  voir  en  quoi  elles  se  ressemblent  et 
en  quoi  elles  diffèrent. 

Notre  gamme  actuelle  se  compose  de  ein(|  Ions  et  de  deux  demi  tons;  en 
tout  huit  tons,  si  l'on  y  ajoute  l'octave  qui  n'est  ipie  la  répétition  du  pre- 
mier. Dans  cette  gamme,  ul,  re,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ni,  les  demi-tons  sont 
placés  entre  le  m/  et  le  fa,  entre  le  si  et  \'ut.  Cette  position  des  deux  demi- 
tons  entre  les  ^'  et  'i%  T  et  S""  degrés,  est  invariable  dans  la  gamme  d'nt  et 
dans  toutes  celles  qu'on  peut  établir  sur  chacune  des  notes  qui  la  composent, 
attendu  qu'elles  doivent  être  exactement  modelées  sur  celle  d'nt,  dans  l'ordre 
de  succession  des  tons  et  des  demi-tons.  En  effet,  que  l'on  prenne  pour  Ioni- 
que ou  première  note  de  la  gamme  qu'il  s'agit  de  former,  le  rr,  \o.  mi ,  h;  fa, 
ou  toute  autre,  toujours  les  deux  den)i-tons  devront  être  espacés  entre  eux, 
comme  ils  le  sont  dans  la  gamme  modèle,  et  cette  jjarfaile  similitude,  on 
l'obtiendra  en  posant  les  deux  demi-tons  entre  les  3°  et  4'',  les  7'  et  8°  degrés, 
au  moyen  de  di'czes  ou  de  bémols.  Je  m'explique.  Comme,  d'une  paît,  on  ne 
saurait  prendre  pour  tonique  ou  note  fondamentale  d'une  gamme  (pielcon(|ue, 
une  autre  note  que  celle  (Yitl,  sans  bouleverser  plus  ou  moins  la  position  res- 
pective des  cinq  tons  et  des  deux  demi-tons  de  la  gamme  modèle,  et  comme, 
d'une  autre  part  ,  lirnat  iabilite  dans  l'ordre  de  succession  de  ces  cinq  tons 
et  deux  demi-tons  pour  toutes  les  sept  gammes  est  la  condition  rigoureuse 
du  svsième  musical  moderne,  on  a  imaginé,  i)Our  la  nuiintenir,  des  signes 
qui,  en  exhaussant  ou  en  abaissant,  selon  l'occurrence,  les  notes  (pii  s'étaient 
trouvées  rapprochées  ou  éloignées  d'un  demi-ton  de  trop,  par  suite  de  l'in- 
lerverlissemenl  de  la  gamme  modèle,  rétabliraient  dans  les  positions  voulues 
les  c\n(\  tons  et  les  ileu\  denii-tmi-.  Supposons,  par  exemple,  ([ue  désirant 
V.  35 


266  AiSfNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

former  une  gamme  clans  le  mode  majeur  (le  seul  qui  nous  occupe  mainte- 
nant), il  me  convienne  de  la  faire  yirocéder,  au  lieu  cVvt  à  ut,  de  re  à  rp, 
ainsi  qu'il  suit:  re,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  ut,  rp;  je  remarque  de  prime  abord 
que,  dans  cette  nouvelle  gamme,  l'ordre  de  succession  des  cinq  tons  et  des 
deux  demi-tons  a  été  bouleversé,  puisqu'au  lieu  de  se  trouver,  comme  dans 
la  ganmie  modèle  d'«/,  entre  les  3*  et  4',  les  7*  et  8'  degrés,  les  demi-tons 
sont  placés  entre  les  2°  et  S",  les  6'  et  7"  degrés;  c'est-à-dire  de  mi  à  fa,  au 
lieu  de  fa  à  sol,  et  de  si  à  ut,  au  lieu  d'ut  à  rc,  comme  l'exigerait  la-contex- 
ture  de  cette  gamme  de  re  à  re.  Il  faudra  donc,  pour  remettre  les  choses  à  leur 
place,  rapprocher  d'un  demi-ton,  au  moyen  d'un  signe  conventionnel  qu'on 
appelle  dièze,  le  fa  et  le  sol,  Vut  et  le  re ,  qui  étaient  séparés  d'un  ton  plein, 
et  qui,  en  vertu  de  cette  altération,  représenteront  les  deux  demi-tons  dans  la 
position  respective  qu'ils  doivent  avoir^  en  même  temps  que,  par  une  consé- 
quence obligée,  ils  remettront  les  cinq  tons  également  en  leur  lieu  et  place. 
On  peut  faire  la  même  expérience  sur  chacune  des  sept  notes  de  la  gamme, 
en  les  considérant  tour  à  tour  comme  notes  toniques  ou  fondamentales  d'une 
gamme  nouvelle.  Observons  seulement  que  la  succession  diatonique  rigou- 
reusement exigée,  pouvant  être  plus  ou  moins  intervertie,  selon  qu'on  prend 
pour  tonique  une  note  ou  une  autre  (comme  il  est  très-facile  de  s'en  faire  à 
soi-même  la  démonstration),  on  rétablira  cette  succession  diatonique  dans  son 
état  normal,  en  exhaussant  ou  en  baissant  d'un  demi-ton,  selon  l'occurrence, 
les  notes  qui  auraient  besoin  de  cette  altération.  Or  les  signes  de  ces  altéra- 
tions, qui  seront  des  dièzes  ou  des  bémols,  on  les  placera  en  tête  de  chaque 
morceau  de  musique,  immédiatement  après  la  clef,  pour  indiquer  les  notes 
qui  doivent  en  être  affectées  pendant  tout  le  cours  de  la  pièce,  à  moins  qu'un 
autre  signe  ne  vienne  les  altérer  accidentellement ,  d'une  autre  manière.  Voilà 
ce  qu'on  appelle  «  l'armature  de  la  clef  »  ,  dont  la  signification  est  une  véri- 
table énigme  pour  tant  d'écoliers.  Ainsi  rien  de  plus  aisé  à  comprendre  que 
cette  théorie  des  dièzes  ou ,  selon  le  cas,  des  bémols,  dont  on  arme  la  clef  au 
commencement  de  chaque  morceau.  Au  lieu  de  compliquer  l'exécution  du 
chant,  comme  on  se  le  figure  communément,  ils  la  simplifient,  puisqu'ils  ser- 
vent à  ramener  toutes  les  gammes  à  une  gamme  unique,  celle  A' ut;  mais  tel 
est  l'empire  de  la  routine,  qu'on  voit  encore  de  nos  jours  des  professeurs  de 
musique,  imbus  des  idées  les  plus  fausses  sur  cette  théorie,  que  plusieurs 
même  d'entre  eux  ignorent  complètement. 

Telle  est,  en  abrégé,  la  constitution  tonale  moderne,  sans  parler  d'autres 
éléments  moins  importants  qui  la  composent  et  dont  nous  parlerons  bientôt. 
Examinons  comparativement  la  tonalité  ecclésiastique. 


ESSAI   SFR   LE  ClIAXT   ECCLESIASTIQUE.  267 

Dans  le  plain  chant,  comme  clans  la  mnsiiinc,  on  |)eul  considérer  chacnno 
dos  sept  notes  de  la  gamme  iVul,  comme  la  première  d'une  autre  gamme; 
mais  là  s'arrête  la  similitude.  Nous  allons  voir  les  différences.  Dans  la  nm- 
sique,  quelle  que  soit  la  gamme  qu'on  veut  établir,  les  cinc]  tons  et  les  deux 
demi-tons  doivent  toujours  occuper  la  mémo  place,  et  nous  venons  de  voir 
par  quelles  altérations  on  les  y  maintient.  Dans  le  |)lain-chant,  au  contraire, 
ils  conservent,  sauf  quelques  légères  altérations,  leur  ordre  naturel.  Soit, 
par  exemple,  la  gamme  de  rc  à  rc ,  (|ui  forme  le  premier  ton  authentique.  Je 
l'établis  ainsi  ; 

rc,  mi,  l'a,  sut,  lu,  si,  itl ,  rc^ 

Bien  que  la  succession  des  tons  et  des  demi-tons,  telle  qu'elle  existe  .dans 
la  gamme  dut,  soit  bouleversée  dans  celle-ci,  comme  il  est  facile  de  s'en 
convaincre  de  visu,  je  la  laisse  subsister.  Il  en  sera  de  même  pour  chacun 
des  huit  Ions,  excepté  le  cinquième  en  fa  ,  lorsqu'il  sera  transposé  de  l'an- 
cien ionien  en  ut,  qui  était  jadis  le  onzième,  et  qui,  moyennant  le  si  bémol 
placé  à  la  clef,  reproduit  exactement  notre  gamme  majeure.  Il  faut  excepter 
également  le  sixième  ton,  qui,  dans  ce  cas,  est  identique  au  cinquième.  Or, 
chaque  fois  que  j'établirai  ainsi  une  nouvelle  gamme,  je  changerai  plus  ou 
moins  la  succession  des  cinq  tons  et  des  deux  demi-tons,  et  c'est  dans  ces 
diverses  positions  qu'ils  auront,  dans  les  modes authenti(iues  et  plagaux,  que 
consistera  principalement  la  différence  qui  existe  entre  la  tonalité  anticpie  et  la 
tonalité  moderne,  puisqu'il  en  résultera  pour  chacun  de  ces  modes  un  carac- 
tère mélodique  tout  particulier  cpii  le  distinguera  des  chants  composés  selon 
les  principes  de  la  musitpie. 

Ainsi ,  pour  revenir  à  notre  premier  ton  aullienli(iue ,  si  nous  en  examinons 
attentivement  la  conlexlure,  nous  verrons  qu'il  n'est  conforme  ni  à  notre  ton 
de  re  majeur  ni  à  celui  de  re  mineur,  et  qu'il  a  par  conséquent  un  genre 
d'expression  qui  lui  est  propre.  Citons  un  exemple  :  je  le  |)rends  dans  «  l'Ave 
maris  Stella  »,  tel  qu'il  est  noté  dans  les  hymnes  romaines  corrigées  par  les 
soins  de  M.  l'abbé  Peyre,  vicaire  général  d'Avignon,  qui  s'occupe  avec 
autant  de  zèle  que  de  goCit  de  la  restauralioii  du  pl;iiii-cli;uit. 

Re,  la,  si ,■  \  sol,  la,  ut;  \  si,  ul ,  rc ,  ut,  si,  lu. 

A       VE    -  MA     niS    -  STEL. LA. 

Ln  organiste,  de  ceux  comme  il  y  en  a  tant,  qui  ne  voient  partout  que  leur 
niode  majeur  ou  mineur,  ne  se  ferait  nul  scrupule  d'adapter  à  ce  passage  l'ac- 
coinpagDemeul  de  notre  ton  moderne  de  re  mineur,  avec  les  variations  obligées 


268  ANNALES  ARCIIÉOLOUIOUES. 

de  dièzes,  de  béiDols  el  de  notes  sensibles,  au  moyen  desquelles  ces  mes- 
sieurs arrangent  le  plain  chant  à  leur  manière.  Illusion  grossière  et  trop  com- 
mune, qui  nous  vaut  ces  accords  hétéroclites  (|ui  déchirent  si  souvent  nos 
pauvres  oreilles.  On  s'étonne  que  nos  aïeux,  aient  pu  supporter  ces  premiers 
et  informes  essais  d'harmonie ,  connus  sous  le  nom  de  «  déchant  n  ,  qui 
procédaient  par  des  successions  directes  de  quarte  et  de  quinte;  moi,  je 
m'étonne  que,  dans  notre  siècle  de  civilisation  et'de  progrès,  comme  on  dit, 
une  foule  d'hommes  instruits,  d'un  goût  délicat,  des  musiciens  même, 
entendent,  sans  témoigner  la  moindre  surjirise,  ces  déchants  d'une  nouvelle 
espèce,  non  moins  durs  que  les  premiers.  Revenons  à  notre  «  Ave  maris 
Stella  ». 

Les  deux  premières  notes,  formant  la  quinte  rr ,  la,  semblent  indiquer 
pour  tout  le  morceau  notre  ton  de  re  mineur.  Mais  le  si  naturel,  contre  lequel 
elles  viennent  brusquement  se  heurter,  bouleverse  déjà  toutes  nos  idées  de 
moderne  tonalité,  qui- exige  uns*  bémol,  et  appelle  une  succession  mélo- 
dique et  harmonique  étrangère  à  cette  tonalité,  sur  les  notes  qui  suivent  si, 
sol,  la,  ul.  L'organiste  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure  ne  manquerait  pas, 
ou  de  bémoliser  ce  si  naturel,  pour  le  ramener  au  re  mineur,  ou  de  diézer  le 
sol  qui  vient  après,  en  frappant  sur  cette  note,  devenue  pour  lui  note  sensible 
de  la  mineur,  un  bon  accord  de  septième,  mi,  sol  ^,  si ,  re,  qui  se  résoudrait 
sur  la  note  la,  en  accord  paifait  mineur.  Une  fois  lancé  dans  cette  voie,  il 
n'est  pas  d'extravagances  dont  on  ne  soit  capable.  Mais  le  musicien,  tant  soit 
peu  instruit  des  conditions  de  la  tonalité  ecclésiastique,  laissera  d'abord  intact 
ce  sol  naturel ,  et  s'inquiétera  peu  des  cadences  de  la  septième  dominante  à 
la  tonique,  qui  n'ont  rien  à  faire  dans  le  plain-chant.  Il  considérera  que  la 
modulation  de  si  à  sol,  de  sol  à  la  et  de  la  à  id,  étant  vague,  indécise,  comme 
presque  toutes  celles  du  plain-chant,  et  ne  répondant  à  aucun  de  nos  deux 
modes  majeur  et  mineur,  doit  conséquemment  être  traitée  en  accords  pleins, 
consonnants,  et  se  terminer  par  la  cadence  plagale  de  la  à  ul.  Un  accompa-' 
gnement  de  ce  genre  sera  non-seulement  conforme  au  caractère  de  la  tona- 
lité antique  et  aux  lois  qui  la  régissent  ;  mais  il  sera  encore  plus  mâle,  plus 
nourri  que  celui  qu'on  adapte  à  nos  mélodies,  conqjosées  dans  le  mode  mi- 
neur. Cette  réllexion,  du  reste,  s'applique  à  l'harmonie  sur  le  plain-chant  (;n 
général. 

Ainsi ,  pour  nous  résumer  en  peu  de  mots,  la  succession  mélodique  de  ce 
début  de  VAve  maris  Stella,  étant  établie  sur  le  premier  ton  authentique  et 
participant  nécessairement  de  sa  nature,  a  un  cachet  qui  lui  est  propre  et  qui 
n  a  d  équivalent  dans  aucune  de  nos  mélodies  en  mode  majeur  ou  mineur  j 


ESSAI   SUR    Li:  CHANT   KCCLKSI  AS  T  lOl'E.  269 

el  ce  caractoie  particulier  lui  vient,  je  le  répète,  de  ritilerverlisseineiil  des 
deux  demi-Ions  qui  n'occupent  plus,  dans  la  içaninic  de  ce  mode  autiientique 
de  re,  la  place  qu'ils  avaient  dans  la  gamme  A'ut.  Or,  cet  intcrvertissement 
sert  non-seulenienl  à  distinguer  les  modes  ecclésiaslitiues  de  nos  deux  modes 
modernes,  mais  encore  il  conlrilme  beaucoup  à  les  distinguer  entre  eux, 
comme  nous  le  verrons  bi(>ntôt.  Doux  autres  éléments  y  conlrihuenl  aussi 
pdur  leur  part,  en  même  temiis  (pi'ils  rondoiit  pins  s(!iisil)l('  la  dilTcrciici'  ipii 
existe  entre  la  tonalité  anliipie  et  la  tonalité  moderne.  O  sont  la  »  tonique  » 
et  la  «  dominante  »  dont  il  importe  détahlir  clairement  la  nature  et  les  pro- 
priétés. Ici  nous  raisonnerons  encore  par  comparaison,  l'ailons  d'al)(jiil  de 
la  tonique. 

(^e  mot  n'a  pas,  dans  le  iilain-chanl ,  la  même  acception  (jue  dans  la  mu- 
si(pie.  Dans  notre  système  moderne,  nous  appelons  tonique  cette  note  Conda- 
mentale  qui  commence  la  gamme  et  par  laquelle  doit  toujours  finir  un  mor- 
ceau quelconque  de  chant  ou  d'instruments.  Elle  est  le  point  (riiiuii^  de  la 
gamme,  auquel  se  rattachent  toutes  les  autres  notes,  de  mémo  qu'en  arith- 
métique l'unité  est  la  base  de  tous  les  calculs.  C'est  pourquoi  on  l'appelle 
tonique  ou  ton  fondamental,  parce  (pi'elle  détermine  le  ton  où  l'on  se  trouve. 
Ainsi,  ul  est  tonique  de  toute»  les  |)ièces  composées  sur  la  gamme  d'x/,-  rc , 
de  toutes  celles  composées  sur  la  gamme  de  rc ,  majeure  ou  mineure,  n'im- 
porte, etc.  Je  dis  que  la  tonique  est  la  ])remiàre  noie  ilc  la  (jainme  el  non  du 
morceau,  parce  qu'une  pièce  de  musicpie  |)eut  commencer  par  une  autre  note 
que  celle  de  la  tonique;  mais  elle  doit  finir  par  elle ,  au  moins  à  la  basse. 
Observons  que  la  seule  dilférence  qui  existe  entre  nos  gammes  modernes 
consiste  dans  la  variété  de  leur  diapason  respectif,  (jui,  selon  cpi'il  est  plus 
ou  moins  élevé,  imprime  à  chacune  d'elles  un  caractère  qui  lui  est  propre. 
Mais  cette  ditl'érence  est  bien  moins  itnportante  que  celle  (pii  existe  entre  les 
Ions  ecclésiastiques,  piiis(]ui'  l;i  lonalilc,  (pii  en  est  la  cause  principale  pour 
ceux-ci,  n'y  entre  pour  lieu  dans  ccux-la. 

■Dans  le  plain-chant ,  le  mot  loiii(im-;i  un  autre  sens  (pie  dans  la  musi(pie. 
Il  signifie  bien,  comme  dans  cette  dernière  «  note  de  reposai,  mais  avec  des 
conditions  dilTérentc-s,  (lue  nous  allons  explicpier.  Dans  la  musicpie,  chaque 
gamme  ne  peut  a\oir  (priiiu'  lonicpie  ,  ipii  est  la  piemière  de  cette  gamme,  à 
laquelle  elle  donne  son  nom.  Dans  le  |)lain-cliant,  au  contraire,  chaque  mode 
peut  avoir  |)Our  tonique  ou  finale  plusieurs  des  six  notes,  ut,  /v,  ?»i,  fu , 
sol,  la,  si,  à  cause  de  ses  différentes  terminaisons.  Kn  outre,  la  tonicpie 
peut  ne  pas  être  la  même  note  que  la  première  de  la  gamme  du  mode  au- 
(|uel  elle  appartient,  comme  cela  a  lieu  pour  le  deuxième  ton  TplagalJ,  (pii 


270  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

connaence  par /«  et  dont  la  tonique  est  re;  pour  le  quatrième  ton  (plagal) 
qui  commence  par  si  et  dont  la  tonique  est  mi,  et  pour  les  deux  autres  tons 
(plagaux),  qui  ont  également  pour  tonique  une  autre  note  que  celle  par  on 
ils  débutent.  11  est  facile  de  comprendre  comment  cette  variété  des  terminai- 
sons modales  modifie  le  caractère  mélodique  des  huit  tons^  et. comment, 
dans  le  plain-clianl ,  la  tonique  joue  un  autre  rôle  que  dans  la  musique.  Nous 
allons  voir  qu'il  en  est  de  même  pour  la  «  dominante  >k 

Dans  la  musique,  on  entend  par  dominante  la  note  qui  forme  la  quinte 
supérieure  de  la  tonique.  Ainsi,  dans  la  gamme  d'vt ,  la  dominante  est  sol,- 
dans  la  gamme  dere,  la  dominante  est  la,  etc.  Celte  note,  en  effet,  domine 
les  autres,  soit  à  raison  de  sa  position  centrale ,  soit  à  cause  de  son  influence 
sur  la  tonique,  qu'elle  appelle  constamment,  soit  à  cause  de  la  propriété 
particulière  dont  elle  jouit  d'être  commune  à  deux  accords  principaux,  celui 
de  tonique,  et  celui  de  quinte  ou  dominante  auquel  elle  a  donné  son  nom. 
De  là,  cette  attraction  qu'elle  exerce  sur  les  autres  uotes ,  lesquelles  tendent 
à  converger  autour  d'elle  comme  les  rayons  d'un  cercle  autour  de  leur  centre, 
et  à  se  résoudre  sur  elle  par  la  cadence  imparfaite  ,  dont  il  sera  parlé  plus 
tard.  Pour  le  moment,  je  crois  avoir  suffisamment  expliqué  le  caractère  et 
l'emploi  de  cette  note  dans  la  musique. 

Dans  le  plain-chant,  la  «  dominante  »  est  bien  aussi  la  note  qui  se  repro- 
duit le  plus  fréquemment  pendant  le  cours  d'un  morceau;  mais  là  se  borne 
la  ressemblance.  En  effet,  tandis  que  la  dominante,  dans  toutes  les  gammes 
modernes,  est  invariablement  à  la  quinte  supérieure  de  la  tonique,  dans 
le  plain-chant  elle  est  tantôt  à  la  quinte,  comme  dans  les  premier,  troisième, 
quatrième,  cinquième  et  septième  tons;  tantôt  à  la  sixte,  comme  dans  les 
deuxième  et  sixième;  tantôt  à  la  septième,  comme  dans  le  huitième.  Ainsi 
que  nous  en  avons  déjà  fait  l'observation  à  l'égard  de  la  tonique,  il  résulte, 
de  ces  diverses  positions  que  peut  occuper  la  dominante,  plus  de  variété  mé- 
lodique dans  le  plain-chant  que  dans  la  musique.  Dans  celle-ci,  la  tonique  et 
la  dominante  occupent  toujours  la  même  place  sur  l'échelle  diatonique; 
l'effet  mélodique  en  est  toujours  le  même.  Dans  le  plain-chant,  au  contraire, 
ces  deux  notes  importantes  changeant  fréquemment  de  position,  selon  les 
modes  qu'on  emploie,  cette  variété  imprime  aux  modes  un  caractère  qui  leur 
est  propre  et  communique  au  chant  ecclésiastique  en  général  une  expres- 
sion vague,  indécise,  qui  contraste  étonnamment  avec  les  allures  nettes, 
décidées  de  la  tonalité  moderne. 

C'est  ainsi  que  la  tonalité  ecclésiastique  se  distingue  de  la  tonalité  moderne 
par  les  deux  principaux  éléments  qui  la  constituent,  à  savoir  :  l'intervertisse- 


ESSAI   SrU   LK  (.IIANT  ECCLÉSIASTrOUE.  271 

nienl  îles  doux  denii-lons,  el  l'oinploi  do  la  toni(|iic  ol do  la  doininanlo,  (jiii 
n'est  pas  le  mémo  tlaiis  ce  syslômo  que  dans  lo  syslèmc  opposé.  A  ces  deux 
éléments,  il  conviendrait  d'en  ajouter  un  troisième  non  moins  important ,  je 
veux  dire  l'adoucissement,  au  moyen  du  si  bémol ,  du  triton  ou  de  la  (juarte 
superflue  de  fa  contre  .v(  naturel,  à  cause  de  la  dureté  de  cet  intervalle,  sup- 
pression qui  n'a  pas  li.eu  dans  la  musique,  ce  qui  établit  de  suite  un  contraste 
sensible  entre  les  deux  systèmes  sous  le  rapport  de  la  mélodie  et  do  l'har- 
monie surtout.  Mais  comme  je  me  j)ropose,  en  temps  plus  opportun,  de 
consacrer  une  dissertation  spéciale  à  ce  point  capital,  je  mo  bornerai,  pour 
le  moment,  à  l'exposition  comparée  de  la  tonalité  antique  et  de  la  tonalité 
moderne,  au  double  point  do  vue  du  placement  des  deux  demi-tons  et  de 
l'emploi  do  la  tonique  et  de  la  dominante. 

N'oublions  pas  que  c'est  par  ces  deux  éléments  que  se  distinguent  non- 
seulement  les  deux  tonalités,  antique  et  moderne,  mais  encore,  quoique 
d'une  manière  différente,  les  modes  entre  eux.  C'est  ce  que  nous  verrons  dans 
un  prochain  article  qui  sera  consacré  à  un  examen  détaillé,  el,  si  je  puis 
ra'exprimer  ainsi,  à  la  physiologie  de  chacun  de  ces  huit  modes  ecclésiasti- 
ques. Nous  nous  préparerons  ainsi  peu  à  peu  aux  grandes  questions  d'esthé- 
tique que  doit  amener,  tôt  ou  tard,  l'ordre  que  nous  avons  adopté  pour  la 
division  de  cet  essai. 

L'Abbé   .IOUVIl, 
Clianoliip  titulaire  de  Valoiicp. 


MELANGES. 


1.  Concile  d'archiloctes.  —  11.  Coupes  de  la  renaissance  et  du  moyen  Age.  —  III.  Statues 
rovales  de  Fontevraull. 


1.— CONCILE  D  ARCHITECTES. 

((Monsieur  et  ami,  vous  m'avez  demandé  des  renseignements  sur  les 
réunions  ou  conciles  d'architectes  et  ouvriers,  tenus  au  moyen  âge  dans 
notre  ville  de  Strasbourg,  et  qui  paraissent  constatées  par  les  écussous  peints 
sur  les  tableaux  que  vous  avez  vus  à  lalelier  de  notre  cathédrale.  Cette  ques- 
tion, étroitement  liée  à  l'histoire  de  la  confrérie  des  tailleurs  de  pierre  et 
des  maçons,  a  fait,  avec  cette  dernière,  l'objet  de  mes  plus  actives  recher- 
ches. Je  suis  parvenu  à  réunir  déjà  de  nombreux  matériaux,  mais  non  assez 
complets  encore  pour  être  mis  au  jour  sans  remords  de  conscience.  Vous 
concevrez  d'ailleurs  facilement  les  difficultés  que  présentent  et  le  temps  que 
demandent  de  pareilles  recherches,  en  vous  rappelant  le  dénuement  des  ar- 
chives de  la  cathédrale,  qui  ne  se  composent  que  de  nos  précieux  dessins  sur 
parchemin  et  d'une  quantité  de  titres  de  propriété  non  inventoriés  et  aussi 
ingrats  que  difficiles  à  déchiffrer.  Les  documents  plus  importants  des  anciennes 
archives  de  la  fondation  de  l'œuvre  de  Notre-Dame  et  du  grand  chapitre  de 
la  cathédrale,  dispersés  à  plusieurs  reprises  dans  nos  troubles  religieux  et 
politiques,  sont  épars aujourd'hui  à  la  bibliothèque  de  la  ville,  aux  archives 
de  la  mairie  et  à  celles  de  la  préfecture;  il  faut  du  temps  et  des  loisirs  pour 
les  reconnaître,  les  classer,  les  étudier.  Quoi  qu'il  en  soit,  vos  gravures  sont 
prêtes;  je  ne  dois  pas  encoiu'ir  la  responsabilité  d'en  retarder  la  publication, 
et  je  me  hâte  de  vous  adresser  quelques  renseignements,  les  accompagnant 
du  vœu  qu'ils  puissent  vous  être  de  quelque  utilité  et  qu'ils  soient  reçus 
avec  toute  l'indulgence  dont  a  besoin  leur  auteur. 

«  Le  tableau  à  écussons,  conservé  à  l'atelier  des  tailleurs  de  pierre  de  la 


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MELANGES.  273 

cathédrale  de  Strasbourg,  comprend  deux  épo(|ucs  diricicnlcs.  A  la  pins  an- 
cienne, 1657,  n'apparlieiinont  que  trois  ccnssons  :  le  prcrnior  représente  la 
marque  distinctive  de  l'atelier  de  la  fondation;  le  second,  celle  de  l'architeclp 
de  la  cathédrale  alors  en  fonction,  Jean-Georges  Hukler;  sur  le  troisième,  la 
marque  seule  est  visible,  le  nom  est  entièrement  effacé.  La  seconde  époque, 
année  1669,  embrasse  12  écussons,  non  compris  les  deux  derniers  de  date 
toute  moderne.  Les  noms  placés  dans  des  banderoles,  au-dessus  des  marques,  ne 
sont  accompagnés  que  du  lieu  de  naissance  ou  de  résidence;  l'absence  de  toute 
qualilication  autorise  à  ne  les  attribuer  (]u'à  de  simples  frères  ou  compagnons. 
Ce  tableau  paraît  avoir  été  le  livre  d'or  de  l'atelier  :  la  de^(ination  de  trans- 
mettre à  la  postérité  les  noms  des  frères  ou  compagnons,  admis  dans  la  con- 
frérie ou  venus  pour  assister  à  de  solennelles  réunions,  est  constatée  par  deux 
inscriptions  en  langue  allemande  de  l'époque.  La  ])remière  fait  connaître 
qu'une  de  ces  réunions  enl  lieu  à  Strasbourg  en  juillet  1657;  la  seconde 
qu'il  y  en  eut  une  autre  les  \'A,  l 'i  el  15  no\erid)re  1669.  Ces  den\  réunions 
paraissent  avoir  eu  pour  principal  but  la  réception  de  nouveaux  frères 
dont  les  noms  ont  été  consignés.  Des  assemblées  ou  conciles',  plus  importants 
et  par  leur  but  et  par  le  nombre  des  assistants,  avaient  été  tenus  dans  les 
siècles  antérieurs  :  ils  nous  sont  constatés  par  divers  actes;  ils  étaient  com- 
posés des  architectes,  des  maîtrcs-ou\  rieis  et  des  délégués  des  compagnons. 
Ces  premières  assendilées,  qui  paraissaient  avoir  été  motivées  par  le  besoin 
de  réglementer  la  conduite  des  chefs  entre  eux ,  celle  à  tenir  envers  leurs 
clients  el  avec  les  ouvriers,  doivent  remonter  au  xiii''  siècle,  à  l'épotiue  où 
les  nombreux  travaux  qui  s'exécutaient  alors  étaient  tombés  dans  les  mains 
des  laïcs.  On  conçoit ,  en  effet ,  que  les  ouvriers  n'était  plus  assujettis  à  la 
vie  en  commun,  à  la  vie  monastique,  et,  leur  nombre  devant  être  considé- 
rable, qu'il  y  ait  eu  nécessite  de  créer  des  règlements  pour  les  diriger  dans  leur 
nouvelle  manière  de  vivre.  Ces  confréries  ne  sont  donc  à  considéicr  que 
comme  une  continuation  de  l'ancien  état  de  ciioses,  modilié  par  les  nou- 
veaux usages;  elles  forment  la  base  de  la  nouvelle  organisation  devenue 
nécessaire  pour  faire  passer  les  consinictions  des  n.aiiis  du  chM'gé  à  celles 
des  laïcs. 

K  Le  plus  ancien  lèglemenl  (pii  nous  soit  par\enu  date  de  l'année  I  'i5',)  ;  il 
émane  de  l'aleliei'  de  la  cathédrale  de  Strasbourg,  et,  après  avoir  été  discuté 
dansdepetits  conciliabules  tenus  dans  cette  dernière  ville  et  à  Spire  ,  il  fut 
solennellement  approuvé  à  la  diète  de  llalisbonne,  en  la  même  aiwiee,  par  une 
réunion  de  dix-neuf  maîtres  f  architectes)  et  de  vingt-cinq  conq)agnons.  Des 
réunions  moins  nombreuses  eurent  lieu,  soit  à  Spire,  soit  à  Strasbourg, 
V.  3ti 


274  ANNALES  AHCHÉOLOGIOI'KS. 

dans  les  années  1 464,  1466  ,  1467,  1468  et  1471  ;  elles  nont  laissé  d'autres 
traces  que  des  adhésions  et  réceptions  de  frères.  Dans  cette  première  rénnion, 
on  arrêta  éij;alement  la  circonscription  des  pays  soumis  à  la  juridiction  des 
quatre  grands  ateliers  de  Strasbourg,  Vienne,  Berne  et  Cologne  :  le  chef  de 
l'atelier  de  Strasbourg  obtint  la  prééminence  sur  tous  les  autres.  L'année 
1563  est  marquée  par  un  nouveau  congrès  tenu  à  Strasbourg  le  jour  d« 
Saint-Michel  ;  soixante-douze  maîtres  et  trente  compagnons  y  assistèrent  et 
refirent  les  règlements  de  1459.  Ces  statuts  furent  approuvés  et  confirmés 
par  lettre-patente  de  l'empereur  Ferdinand  I",  datée  d'Inspruck.  Une  nou- 
velle lettre  du  même  empereur,  de  1578,  renouvela  et  confirma  les  mêmes 
privilèges  de  la  confrérie.  Les  noms  des  maîtres  et  compagnons  ont  été  con- 
servés; ils  ont  probablement,  ainsi  que  ceux  dont  nous  avons  les  écussons, 
été  inscrits  sur  un  tableau;  mais,  jusqu'à  ce  jour,  ce  tableau  n'a  pas  été 
retrouvé.  De  nouvelles  chartes  et  lettres  de  1613  et  1626  confirmèrent  ces 
règlements.  Une  troisième  réunion  eut  lieu  encore  à  Vienne  le  20  février 
1637.  Quinze?  membres  seulement  de  la  confrérie  y  assistèrent  .-  l'ancien  règle- 
ment est  revu  et  l'on  y  ajoute  divers  articles  nouveaux.  De  nouvelles  lettres 
impériales  confirment  ces  règlements  et  émanent  des  années  1646,  1662  et 
1687.  A  la  suite  de  ces  réunions,  viendraient  donc  se  classer  celles  dont  le 
tableau  de  l'atelier  nous  a  conservé  les  dates,  mais  qui  ne  sont  signalées 
par  aucun  nouveau  travail  sur  les  anciens  statuts.  Toutefois  ces  règlements 
sont  restés  en  vigueur,  en  tant  que  le  permettaient  les  usages  et  les  événements 
politiques,  jusqu'à  la  fin  du  siècle  dernier.  En  1697,  une  lettre  circulaire 
de  l'architecte  de  la  cathédrale  de  Strasbourg  recommande  leur  observation  ; 
elle  reproduit  une  leltie  approbative donnée,  en  1621,  par  l'empereur  Fer- 
dinand 11.  En  1707,  un  rescrit  impérial  rompit  les  relations  officielles  des 
ateliers  allemands  avec  la  ville  de  Strasbourg  deventie  française  en  1681. 
Enfin,  en  1753,  sur  la  demande  des  architectes ,  maîtres  maçons,  etc.,  etc., 
la  Cliand)re  des  XV,  de  la  ville  de  Strasbourg,  piomulgua  un  nouveau  règle- 
ment, mais  la  conIVérie  n'y  joue  plus  le  principal  rôle,  et  le  système  des 
maîtrises  et  cori)orations  est  admis  comme  |>our  les  autres  états. 

"Tel  est,  monsieur  et  ami,  le  résumé  des  renseignements  que  je  puis 
vous  transmettre  aujourd'hui;  vous  les  trouverez  bien  incomplets,  et  peut- 
ètrtj  ne  vous  seront-ils  pas  d'une  bien  grande  utilité.  Je  le  regrette  vive- 
ment et  prends  la  ferme  résolution  de  poursuivre  mes  recherches.  Plusieurs 
des  documents  que  j'ai  cités  d^vns  cette  note  se  trouvent  eu  Allemagne  et  ont 
été  publiés,  en  1844,  à  Nuremberg,  |)ar  le  chevalier  C.  Heideloff;  d'autres 
sont  en  mes  mains  et  me  sont  parvenus  par  mou  grand-père,  le  dernier  grand- 


M  K  LA  Ni;  ES.  275 

niaîlre  de  l'atelier  de  la  cathédrale  de  Slra^hourg  (de  1785  à  1811;.  Ces 
recherches  m'ont  permis  encore  de  compicUer  la  liste  dos  arciiitectes  de  notre 
cathédrale,  depuis  celui  qui  acheva  la  tour  (1429-1449)  juscpi'à  mon 
grand-père  (1 78.")-! 81  1)  qui  fut  l(^  vingt-troisième.  L'époque  la  plus  inté- 
ressante, celle  antérieure ,  présente  des  lacunes  que  je  no  désesi)èrc  pas  de 
com|)létei'.  Je  tiens  ces  noms  à  votre  disposition. 

«  KI.OTZ, 

<i  \iTliitM-lp  .If  la  lallifUialp  ili'  Strasl.iiiirg    <■ 

.M.  Kiol/  |)i)uisuil  ses  recherches  sur  les  artistes  du  moyen  âge  en  Alle- 
magne; il  veut  bien  détacher  de  son  travail  les  documents  qui  intéresseront 
le  plus  vivement  nos  lecteurs;  nous  lui  en  exi»rin)ons  toute  notre  reconnais- 
sance. Aujourdhui,  nous  donnons  en  gravure  vingt-six  marques  et  deux 
écussons  des  architectes  qui  se  sont  réunis  en  assemblée  générale  à  Stras- 
bourg, le  26  décembre  de  l'an  1658.  Bien  avant  celte  époque,  aux  xv°  et 
xiv'  siècles,  même  au  xui",  nous  retrouvons  des  marques  fort  analogues  sur 
les  murs  des  édilices  religieux  de  l'Alsace,  du  Brisgau,  de  la  Prusse  rhénane 
et  (le  l'Allemagne  entière.  Nous  avons  relevé  nous-mènu!  ces  maicjues  avec 
le  plus  grand  soin,  et  l'on  achève  en  ce  moment  de  les  graver  pour  les 
«  Annales  Archéologiques  »,  où  elles  seront  publiées  successivement.  Avec 
celles  que  nous  avons  déjà  fait  paraître  ',  on  aura  les  données  les  plus  com- 
plètes pour  étudier  et  résoudre  quelques-uns  des  problèmes  difficiles  qu'on 
peut  se  poser  relativement  à  l'histoire  des  artistes  du  moyen  âge.  Il  ne  sera 
passons  fruit  de  comparer  ces  monogranunes ,  qui  persistent  jus(iu'en  1658 
et  au  delà,  avec  ceux  des  trois  et  quatre  siècles  antérieurs.  Pour  ne  pas  donner 
plus  d'une  planche,  notis  avons  supprimé  les  écussons  de  vingt -six  des 
monogrammes  de  Strasbourg;  deux  nous  ont  paru  suffire  comme  spécimen  , 
puisque  les  vingt-six  autres  y  ressemblent  complètement.  Sur  les  banderoles 
qui  entourent  l'écusson  d'en  Jiaut ,  on  lit  :  Andréas  Sch.midï  nveuco.meister 
ziE  CoLMER.  C'est  le  premier  de  tout  le  tableau.  Cet  André  SchmidI  était  sans 
doute  le  |irésidenl  de  l'assemblée,  le  vérilabk^  maître  ma(.'on  en  chef  de  la 
loge.  Il  serait  glorieux  pour  Colmai- d'avoir  fourni  alors  à  la  haute  Allemagne 
l'architecte  en  chef.  Sur  la  banderole  de  l'écusson  d'en  bas,  on  lit  :  J.vcou 
Sgh.\ifer  vox  Straszblr»;.  Strasbourg  ne  vient  donc  qu'après  Colmar,  car 
cet  écusson  n'est  que  le  second  dans  le  tableau.  Voici,  en  suivant  ces  mono- 
graninics  comme  on  lit  un  li\re,  ce  (pie  porte  chacune  dc^  banderoles  (pii 
les  entoure. 

1       Irinoles  ytnlu'vliHjiqiDS,  \ol.  II.  |iUi:r  i'-'M  .  \ul    III.  iiiijii'  .i\ . 


•276  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

A  la  première  ligne,  en  allant  de  gauche  à  droite  : 

ABKAHAM    Dl'NTZ   VON   BEIIM'. 
HANSZ   CASPAR    MICMEI.    VON   ZUIICH*. 
WKRNEK    WUI.LE    VON    Ul'STTINGEN. 
MCLACSZ    SAUTIER    VON    STKASZBtJRG. 
HANSZ   JACOli   FUEIIER    VON   STRASZBURG. 
MEISTEU    JACOB    HECKHELER    VON   STRASZBURG. 

A  la  seconde  ligne  ,  également  de  gauche  à  droite  : 

JOHANNES    BEBERT    VON    SIRASZBIRG. 
HANSZ   JOUG    BRACHEÏ    \  ON    ZELL. 
HANSZ   JORG    MARTZ    VON    STKASBIUG. 
TOBIAS   WEISZ    VON   STRASBURG. 
SEBASTIAN    BRIETTER    VON    ZISSACH. 
LUDTWIG    DIËTSCHE    VON   ZliKCH. 

A  la  troisième  ligne,  deux  monogrammes  seulement  : 

HANSZ    RUDOLPH    ORI    VON   ZURICH  (à  gaUche). 
HANTZ   JACOB    BOKEL    VON    STRASZBURG  (àdrolte). 

A  la  ciuatrième  ligne  : 

ABRAHAM    GBEISSING    VON    UNDER    STEINACH. 

HANSZ    JOltG    HERSCHDOKFFER    AUS    WIEN. 

ANDREAS   SCPPEL    VON   STRASZBURG. 

JOHANNES   REIF    VON   NURENBERG. 

WOLFFGANG  STUPPLER    VON   STCPPEV   AUS   TIROL. 

MEISTER    JOSEPH   LAUTTEN    SCHLAGER. 


A  la  cinquième  et  dernièie  ligne  : 


MEISTER   JOHANN    ADAM   ROÏH. 
JOHANNES   LUTZ    VON    REINEKH. 
ANDREAS    UEIFF    VON    NURENBERG*. 
HANSZ   JACOB   BANSEL   VON   STRASZBURG. 
CHRISTOPH    HARING   VON    ROCHLFrZ. 
FRIDERiCH    HALDTER    VON   STRASZBURG. 

1.  Cet  Abraliam  Duntz  ou  Deutsli  a  bien  l'air  dètrc  un  juif  de  Berne;  est-ce  pour  cela  qu'il  n'a 
[tas  'le  croix  dans  sa  marque? 

2.  Nous  transcrivons  ces  inscriptions  absolument  comme  elles  sont  écrites  :  Hansz,  pour 
Jlans,  Caspar  pour  Gaspar,  ainsi  que  plus  haut  Colmer  pour  Colmar.  C'est  de  l'allemand  du 
XVII"  siècle,  avec  la  prononciation  de  Strasbourg. 

3.  C'est  le  second  Reiff  ou  Reif ,  ét;alementde  Nuremberg,  parent,  frère,  père  ou  fils  de  l'aulrc. 


ANNALES  A  IK;  H  KO  LOGIQUES. 

Par   ^\.    nidron,    nie    il'Uhii,   X"    1,    ;i   Pnris. 


r.oii|M'  iiiiiiiiri|iak' 


.luinvilli- 


C^^^  ^:"  ELlSAbET  LTM^TGKAVIH  WTiVi  HESSEH  '6ihT 


!)IT  SV  EIHE/AfasT:^iVVEllT  blTg7n'''V0Klj:VICH, 


;¥,VLS7\lETL7\MT6R7WlVl  \fX  M  •  HElefl 


(^l•ll^r;o 


lin   laiiikTinial. 


Hiss'uii'  par  Ficliol. 


TreiziÈmc  et  seizième  si&lcs. 


Crav^  jiiir  Itoiiqct 


MÉLANGES.  277 

Nous  abandonnerons  nos  lecteurs  à  leurs  réflexions  sur  l'analogie  el  la 
diversité  des  nionograninies,  conibinéos  avec  les  noms  et  le  pays.  Terminons 
donc  en  disant  que,  dans  ce  Congrès  tenu  à  Strasbourg,  les  artistes  de  Stras- 
bourg sont,  comme  il  va  sans  dire,  i)lus  nombreux  (|U(>  ceux,  des  antres 
\  illes.  Sur  %  iiigt-liiiil  aiciiilcclcs,  on  ciniiiilc  onze  Sliasbouriicois;  Coliiiar  n  fii 
a  ((u'un  seul,  mais  c'est  le  iMcniicr,  le  iircsidciit  i)('ulèlrtî. 

II.— COIPES   DE    LA    KLNAISSANCE  ET    Dl     MOVLN    Ai.K. 

En  nous  envoyant  le  dessin  d'une  coupe  conservée  à  la  mairie  de  .luinvilie 
et  destinée  à  servir  les  vins  de  ville  ,  M.  Kcriel,  procureur  du  roi  a  l.angres, 
nous  adressait  la  note  suivante  : 

«  Dans  quelques-unes  de  nos  anciennes  provinces,  en  tcle  desquelles  il 
l'anl  placer  la  Champagne  et  la  Bourgogne  ,  il  était  d'usage  autrefois  que  les 
corps  municipaux  offrissent  du  vin  aux  personnages  de  distinction  qui  visi- 
taient la  cité  et  qu'on  voulait  recevoir  avec  honneur.  Ce  vin,  symboU;  hospi- 
talier, était  généralement  présenté  dans  des  pots  d'élain  d'une  forme  allongée 
et  d'une  certaine  élégance,  nommés  (iONDOLES,  cimaises  ou  cimaukes.  Le  pre- 
mier de  ces  mots  figure  encore  anjourd'hui  au  vocabulaire  de  la  langue  fran- 
çaise; le  second  est  commenté  dans  la  plupart  des  glossaires;  dans  bon 
nombre  de  paroisses  du  diocèse  de  Langres,  on  donne  le  nom  de  cimarres  à 
certains  vases  que  possède  chaque  ménage  pour  offriidu  vin  aux  cérémonies 
funèbres.  La  mairie  de  Joinville  (Haute-Marne)  a  conservé  les  vaisseaux  qui 
servaient  jadis  à  présenter  les  vins  de  ville.  Ils  sont  au  nombre  de  quatre, 
semblables  de  forme,  mais  inégaux  en  itrandeur.  Deux  de  ces  vases  ont 
soixante  centimètres,  les  deux  autres  quarante-cinq  centimètres  de  hauteur. 
La  capacité  des  premiers  est  de  six  litres,  celle  des  seconds  de  (pialre  litres 
seulement.  Outre  deux  anses  latérales  qui  accompagnent  le  ki!  élancé  de 
chacun  d'eux,  une  troisième  anse,  destinée  à  les  tenir  convenablement, 
comme  aussi  à  les  vider  avec  plus  de  facilité,  s'attache  par  derrière,  à  peu 
de  distance  du  couvercle;  elleretondx"  au  même  niveau  que  les  deux  autres. 
Sur  le  devant,  un  écusson  de  forme  anti(|ue,  (pii  s'incline  du  col  à  la  panse, 
présente  en  relief  [les  armoiries  de  Joinville  :  d'azir  a  trois  nnovEs  d'ok  ,  le 
CHEF  d'au(;ent  AL'  LION  iSiiANT  DE  GLELLES.  Ccs  insignes  municipaux  existaient 
vraisemblablement  dans  la  plupart  des  villes  de  la  Haute-Marne;  voici  à  cet 
égard  un  document  curieux  qui  se  trouve  aux  archives  de  Langres,  sur  une 
pièce  portant  la   date  du  siècle  dernier  et  a\ant  pour  titre  :  «  Mémoire  des 


278  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

manque?  d'honneur  dp  la  magistrature  (|iif!  l'on  a  coutuinf  de  iiorter  cliez 
M.  le  maire.  »  On  y  lit  :  «  Cejoiird'hui  neuf  septembre  mil.  sept.  cent,  dix- 
«  sept,  madame  Boudrot  ,  veuve  de  delTnnrt  Boudrot ,  maire,  a  restitué  à 
«  MM.  de  ville  le  portrait  du  Roy  à  présent  régnant  avec  un  cadre  doré;  — 
«  plus  quatre  gondolles  d'argent  qui  ont  esté  données  à  l'Hostel-de-YiHe  jiar 
«  feu  monsieur  de  Charmolue,  lesquelles  gondolles  représentent  les  quatre 
((  vins,  sçavoir  :  vin  de  singe,  vin  de  lyon,  vin  de  mouton,  vin  de  cochon, 
«  armoriées  des  armes  dudit  deffunct  au  fond  destlites  gondolles;  —  treize 
((  cimaises,  sçavoir  :  six  de  chacune  tiois  pintes,  trois  de  chacune  deux  pintes 
«  et  quatre  de  chacune  une  pinte  ou  environ  ;  plus,  une  petite  cimaise.  — Un 
«  marteau  de  cuivre,  pesant  environ  une  livre,  pour  servir  à  éveiller  le  guet 
«  et  garde,  etc..  »  La  dénomination  des  quatre  vins  paraîtra,  sans  contredit, 
des  plus  singulières  ;  rien  ,  dans  les  coutumes  locales,  n'en  fournit  l'explica- 
tion. Toutefois,  en  considérant  les  différents  degrés  par  lesquels  passe  succes- 
sivement l'homme  qui  s'achemine  vers  l'ivresse,  on  est  tenté  devoir,  dans  le 
vin  de  singe,  celui  qui  fait  naître  les  saillies  et  excite  la  gailé  ;  dans  le  vin  de 
lion,  celui  qui  soutient  la  force  et  anime  le  courage;  dans  le  vin  de  mouton 
celui  qui  provoque  la  faiblesse,  et,  dans  le  quatrième  enfin,  celui  qui  fait  rouler 
le  buveur  sous  la  table  et  le  confond  avec  les  animaux  immondes.  Si  telle 
était  la  signification  des  quatre  vins,  l'étranger  qu'on  honorait  par  un  sem- 
blable présent  ne  devait  en  accepter  que  la  moitié;  c'est  peut-être  dans 
cette  pensée  que  les  vases  de  Joinvilleont  une  capacité  différente.  Le  vin  de 
singe  et  le  vin  de  lion  n'ont  rien  qui  puisse  les  faire  repousser;  mais  le  vin 
de  mouton  parait  indigne  d'un  homme  de  cœur,  et  le  dernier  paraît  indigne 
d'un  homme.  Ajoutons  enfin  que  dans  le  «  Bulletin  archéologique  »,  vol.  II, 
p.  265,  on  constate  qu'il  existe  à  Boulogne  neuf  pots  d'étain  dans  le  genre 
de  ceux  de  Joinville. 

Il  l'ÉRIEL, 

..  currespondant  des  Couiitcs  historiques.  » 

En  nous  envoyant  le  dessin  de  la  coupe  intéressante  de  la  grande  sainte 
Elisabeth,  reine  de  Hongrie  et  landgravine  de  Hesse,  M.  Reichensperger , 
juge  à  la  Cour  royale  de  Trêves,  coirespondant  de  nos  Comités  historicpies , 
nous  écrivait  : 

(<  Le  dessin  que  je  \ous  otfre  représente  une  coupe  en  argent  ( grandeur 
naturelle) ,  dont  les  bords  sont  dorés.  Klle  appartient  à  l'hôpital  de  Trêves, 
que  desservent  les  sœurs  de  la  Charité.  Non-seulement  par  sa  forme  et  son 


MÉLANGES.  27» 

âge,  mais  encore  cl  suiluul  pai-  la  peisoniic  de  lu(|uelle  elle  provient,  celle 
coupe  nje  semble  ollVir  un  inléièl  peti  coinimui.  1,'inscriplion  ,  qui  règne 
autour  lie  la  paitie  superiouro,  dit  eu  alleinaïui  du  mo\en  âge  : 

El  IS.VltETU    r.AMiGItWIMi    |)F.    HKSSK    DONNE    CECI    K.\    TESTAMENT 
lUIEZ    DIEC    l'OL'K    MOI 

If  La  (loiialiicc  (^sl  doiu-  sainte  Élisahetli,  dont  lesveilws  sni)liiiios  ont 
trouvé  un  si  digue  apologiste  dans  la  personne  de  M.  le  comte  de  Monta- 
lemberl ,  cet  illustre  et  vaillant  champion  de  la  religion  el  de  l'art  catholitiue. 
Le  lion  licraidicpie  de  la  Hesse  est  ciselé  en  relief,  au  fond  de  la  coupe. 
D'après  les  renseignements  que  j'ai  recueillis  jusqu'à  présent,  mais  que  j'es- 
père pouvoir  compléter  encore,  celte  coupe  se  trouvait  ici,  à  Trêves  ,  dans  le 
couvent  de  Saint-Jean ,  après  la  suppression  duquel  elle  devint  la  pro[)riélé 
dé  riiApital  actuel.  Cet  hnj)ital ,  originairement  un  couvent  de  bénediclines, 
fut  fondé  par  sainte  Ermine,  tilh;  du  roi  Dagobert.  (Cependant,  rinscri|>tion 
.suixaule , 

H  X  P  X  F  X  H  X  K  X  Dl)  X  A  X  1  X  5  X  0  X  8  X 

qui  se  trouve  gravée  au  dessous  du  |)ied  de  la  coupe,  semble  démontrer  que 
cet  objet,  avant  de  venir  en  la  possession  du  couvent  de  Saint-Jean,  était 
entre  les  mains  d'un  |)iètre,  qui,  très-proljablement,  en  lit  cadeau  à  ce 
couvent. 

HEVEIlENniS    PATKR    l.    H.    K.    DONO    DEDIT    A»0    1598. 

((  J'entre  dans  ces  détails  à  cause  de  la  [jopularilé  du  nom  de  la  sainte 
donatrice,  popularité  ([ui  lui  a  clé  principalement  acquise  par  votre  noble 
ami.  » 

Ajoutons  que  ces  deux  coupes  du  moyen  Age  et  de  la  renaissance  peuvent 
nous  faire  apprécier  l'abiiiie  (jui  sé|)are  ces  deux.  é|)0(|ues  contradictoires.  11 
n  est  pasjusquaux  plus  minimes  objets  qui  ne  caractérisent  la  frivolité  de  la 
renaissance  et  la  gravité  des  xu"  et  xui'  siècles.  Sainte  Elisabeth  nous  par- 
donnera de  profaner,  en  quelque  sorte,  sa  coupe  des  malades  el  îles  pauvres, 
par  le  contact  de  la  coupe  des  i)uveurs  municipaux  de  Joinville.  Ce  rapi)roclie- 
menl,  d'ailleurs,  ne  peut  (|ue  faire  valoir  le  moyen  âge.  Enlin,  on  nous  per- 
mettra de  donnera  propos  des  vins  municipaux  ilc  Joinville,  si  célèbns  aux 
xvr  et  xviT  siècles,  quelques  renseignements,  puisés  par  nous  dans  un  journal 
allemand,  sur  le   vin  dit  des  Apôtres,   conservé  dans  la  mairie  de  Ibéme. 

La  cave  de  Brème  est  la  plus  ancienne  de  toutes  les  caves  allemandes;  elle 


280  ANNALES   ARCll  KOLOfilQUES. 

e»l  située  au-dessous  de  Ihôtel  de  ville.  Un  de  ses  caveaux  ,  appelé  la  Rose 
(parce  qu'un  bas-relief  en  bronze,  représentant  des  roses ,  lui  sert  d'orne- 
ment et  d'enseigne),  contient  le  fameux  vin  dil  Hosenwein,  qui  a  maintenant 
deux  cent  vingt-deux  ans;  en  elTet ,  c'est  en  I(i2'i  (pion  y  a  descendu  six 
grandes  pièces  de  vin  du  Rhin,  nommé  Johannisbcrg,  et  autant  de  celui 
nommé  Hochheinier.  La  partie  adjacente  de  la  cave  renferme  des  vins  des 
mêmes  espèces  et  aussi  précieux ,  quoique  âgés  de  quelques  années  de 
moins;  ils  sont  contenus  dans  douze  grandes  pièces,  dont  chacune  porte  le 
nom  d'un  des  douze  apôtres.  Le  vin  de  Judas,  malgré  la  réprobation  attachée 
à  ce  nom ,  n'est  pas  le  plus  mauvais.  Dans  les  autres  parties  de  la  cave  se 
trouvent  les  différents  vins  des  années  postérieures;  à  mesure  que  l'on  tire 
quelques  bouteilles  du  Rosenwein  ,  on  les  remplace  par  le  vin  des  Apôtres  ; 
celui-ci  par  un  vin  plus  jeune,  et  ainsi  de  suite,  de  manière  que,  à  la  diffé- 
rence de  la  tonne  des  Danaïdes,  les  pièces  ne  désemplissent  jamais.  — Une 
seule  bouteille  du  Rosenwein  coule  à  la  ville  plus  de  deux  mille  rixdales; 
une  rixdale  vaut  un  peu  moins  de  quatre  francs.  Vous  pouvez  calculer  la 
somme  ridiculement  énoime  que  vaut  chaque  bouteille.  Le  vin  des  Apôtres, 
surtout  celui  de  la  Rose,  ne  se  vend  jamais  à  quiconque  n'est  pas  bourgeois 
de  la  ville  de  Brème,  ou  n'a  pas  droit  à  ce  titre.  Les  bourgmestres  ont  seu- 
lement la  permission  d'en  tirer  quelques  bouteilles  pour  leur  consommation 
particulière,  ou  pour  envoyer  en  cadeau  aux  souverains  et  princes  régnants. 
Un  bourgeois  de  Brome,  en  cas  de  maladie  grave,  peut  obtenir  une  bouteille 
à  raison  de  cinq  rixdallers;  mais,  pour  qu'on  lui  accorde  celte  faveur,  il  est 
obligé  de  présenter  le  certificat  d'un  médecin  et  le  consentement  du  bourg- 
mestre et  du  conseil  municipal.  Un  pauvre  habitant  de  Brème  peut  aussi  en 
obtenir  une  bouteille  gratis,  après  avoir  rempli  les  mêmes  formalités.  Un 
bourgeois  a,  de  plus,  le  droit  de  demander  une  bouteille  loisqu'il  reçoit  chez 
lui  un  hôte  distingué,  dont  le  nom  est  célèbre  en  Allemagne  ou  en  Europe. 
La. ville  de  Brème  envoyait,  quelquefois,  une  bouleille  du  vin  delà  Rose  à 
Goethe,  le  jour  de  sa  fête.  —  L'Allemagne  est  vraiment  le  pays  des  buveurs 
et  des  mangeurs.  —  Si  nous  n'avions  peur  de  commettre  une  sorte  d'inconve- 
nance, nous  ferions  remarquer  que  le  vin  de  la  Rose,  vin  du  Christ,  pour  ainsi 
tiire,  est  composé  avec  le  vin  des  douze  apôtres,  ce  que  ce  fait  peut  rappeler 
des  vitraux,  exécutés  au  xvi*"  siècle  surtout,  où  l'on  voit  la  vigne  et  le 
pressoir  mystiques.  A  la  base  d'un  cep  de  vigne  gigantesque,  est  couché  Jésus- 
Christ,  racine  de  cette  vigne  symbolique,  laquelle  porte  sur  ses  branches, 
à  la  place  ou  à  côté  des  raisins ,  les  douze  apôtres.  Jésus  est  la  vigne ,  dont 
les  apôtres  forment  les  grappes.  Ailleurs,  les  apôtres  vont  cueillir  à  cette 


ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

P;ir   M.    nidron,    rue    d'Ulm,    N"  1,    ;i   Paris. 


■nri  II ,  lui  ir.\nii;lotei-m. 

IIUIRT    UN    1l»l. 


Richard  r.iPur-dt>-I,ion,  roi  d'Anglelerre. 

MdRI    EN    1199 


Èk'oiiori'  do  Giiypnnp,  t'emmp  ilt>  lliMii  i  II 

MOBTF   EN    lail'i. 


'  (rAiiL^oiili'iiK»,  foinmi'  de  .1('aii-sans-T(MT( 

MORTE    EN   1218. 


ne.isini'  par  J.  de  Mdrhulnl. 


Doii/.if'me  pl  IreiziÈme  sitelos. 


fiifil'/'  par  PiMH. 


MÉLANGES.  281 

vigne  les  raisin?  mûrs  et  les  jetleni  dans  la  enve  ni'i  Jé^us  étendu  sert  de  pres- 
soir. Des  plaies  de  ee  pressoir  vivant  et  divin  sortent  des  jets  de  san;.'  (|ui  se 
nuMont  au  jus  de?  raisins;  et  de  ee  vin  mystique,  rK.:<lise,  sou*  la  l'orme  di- 
ses pasteurs,  abreuve  la  foule  des  fidèles.  Ce  sujet ,  infiniment  \aiie  et  dont 
la  ealhédrale  de  Troyes  et  l'église  Sainl-Ktiennedu-AIont  ,  à  Paris,  ollrenl 
quelques  partieularités  peintes  sur  verre  au  xvi'' siècle  ,  pourrait  bien  s'être 
sécularisé  à  Brème.  Il  aurait  pu  sortir  de  la  vi^ni>  de  l'iîglise,  de  la  vigne  du 
Seigneur,  pour  eiiln'i-  dans  la  cave  niunicii)ale  des  bons  bourgeois  de  Brème. 
Ce  ne  serait  pas  la  première  fois  qu'un  sujet  religieux  et  d'un  svmbolisme 
très-élevé  se  seraft  transformé,  amoin(b-i,  sécularisé,  pour  londx'r  dans  une 
assez  grossière  allégorie.  C'est  surtout  en  Allemagne  ((ue  le  l'ail  signale  ici 
se  renconlre  assez  fréquemment. 

III.— STAirivS   KOVAI.KS    DK   rONTK  V  R  AI' I.T. 

Dans  le  dernier  numéro  des  «  .Annales  '  »  nous  avons  annoncé  la  transla- 
tion à  Paris  et  la  restauration  ino|)portune  des  statues  royales  de  lillustie 
abbaye  de  Fontevraull.  Nous  publions  anjouitllHii  les  gravures  de  ces  monu- 
ments exécutées  avec  une  finesse  remanpiable,  par  M.  Pisan ,  d'ajjrès  les 
dessins  que  M.  J.  de  .Mérindol ,  architecte,  a  eu  rol)ligeance  de  nous  donner. 
Nous  compléterons  en  peu  de  mois  les  détails  que  nous  avons  indiciucs  dans 
les  «  Mélanges  »  du  mois  d'octobre. 

Les  quatre  statues  conservées  représentent  Henri  II,  mort  en  I  I  S'.l  ;  Bi(  liard 
Cœur-de-Lion ,  mort  en  1109;  Elèonoie  de  Guyenne,  femme  de  Henri  H, 
morte  en  1204;  et  Isabelle  d'Angoulème,  tioisième  femme  du  loi  .lean-sans- 
Terre,  morteen  1218.  Klles  ont  été  gravées  d'une  manière  [xmi  exacte  dans  le 
grand  ouvrage  du  P.  Montfaucon,  sur  les  antiquités  de  la  monarcliie  fran- 
çaise'. L' .Anglais  Stotliard,  dans  ses  «  Effigies  monumentales  de  la  Grande- 
Bretagne  *  »  ,  en  a  donné  de  belles  et  fidèles  gravures,  avec  des  détails  de 
costume  et  de  coloration. 

L'abbaye  de  Fontevraull  fut  le  lieu  de  sépulture  privilégié  des  premiers 
princes  de  la  dynastie  ro\ale  des  Piantagenels.  Henri  II,  qui  en  a\ail  achevé 
l'église  principale,  voulut  y  être  enseveli  dans  la  nef.  Hichard  onlonna  que 
son  cor|)s  \  fût  dépose  au\  pieds  de  son  père.  Une  chioniipie  du  \ui''  siècle, 

1.  Annales  .-/ic/iéoloijù/ups,  vol   V,  page  23ti   Nouts  devons  ceUc  iiolf  cl  (■clli'  iriiujdiinl'liiii. 
sur  les  .sliiliics  (leKonlcvriiult,  ii  M.  lo  baron  de  Gnillicriny. 

i.  Motiiiments  de  In  Moniirchie  frunriihe,  Inmc  II ,  pages  H.')-1IJ 
.'{.   The  monunteninl  effigies  oj  Greal-Rrilain,  hy  C.  .\.  Slotliai'd.  Londim  ,  1^17,  in-f'. 
V.  .37 


282  ANNALES  AHCHÉOLOmOI  ES. 

publiée  par  la  Société  do  FElistoire  de  France,  dit  :  "  Li  lois  Henris  nioull  fu 
povre  à  sa  mort ,  et  si  fu  enfouis  à  Fronlevraut.  Puis  mourut  li  boins  rois 
Richars,  et  fu  enfouis  à  Fontevraut,  la  boine  abba\e  de  nounains  que  il  avoit 
tant  améew.  Le  cœur  de  Jean  Sans-Terre  fut  déposé  dans  une  coupe  d'or, 
près  du  tombeau  d'Henri  II.  Le  tombeau  d'Isabelle  d'Angoulême  contenait 
également  un  vase  d'or  renfermant  le  cœui'  du  roi  Henri  III,  fils  de  cette 
princesse.  Des  tombeaux  et  des  statues  recouvraient  aussi  les  restes  de 
Jeanne  d'Angleterre,  sœur  du  roi  Richard,  et  ceux  de  son  fds,  le  mal- 
heureux Raymond  VII ,  dernier  comte  de  Toulouse.  La  partie  de  l'église, 
qui  servait  de  sépulture  à  tous  ces  grands  personnages,  porta  longtemps 
le  nom  de  cimetière  des  rois.  Au  xvii'' siècle ,  une  abbesse  de  Fontevrault, 
Jeanne-Baptiste  de  Bourbon,  fille  naturelle  de  Henri  IV,  fil  trans[)orler  de 
la  nef  au  chœur  leurs  restes  et  leurs  statues.  La  révolution  détruisit  les 
tombeaux  et  viola  les  cercueils;  les  cendres  des  Planlagenets  furent  jetées  au 
vent,  comme  celles  des  rois  de  France.  M.  Bodin  assure  ,  dans  son  ouvrage 
sur  l'Anjou,  qu'vui  habitant  de  Fontevrault  parvint  à  soustraire  les  os  du  roi 
Richard  à  la  profanation,  et  les  conserva  religieusement.  Les  quatre  statues 
qui  ont  échappé,  nous  ne  savons  par  quelle  heureuse  fortune,  à  une  ruine 
complète,  furent  abandonnées  pendant  do  longues  années.  M.  Stolhard  les 
trouva  reléguées  dans  le  coin  d'un  cellier.  A  la  honte  de  la  France,  des  tou- 
ristes anglais  offrirent  plus  d'une  fois  d'acheter  ces  précieux  monuments,  pour 
leur  donner  sous  les  voûtes  de  Westminster  l'asile  que  nous  leur  refusions. 
Enfin  ,  grâce  aux  réclamations  de  MM.  Bodin  et  Mérimée,  les  statues  furent 
placées  dans  une  des  petites  absides  de  l'église  conventuelle,  où  du  moins 
une  grille  de  fer  les  protégeait  contre  de  nouvelles  insultes.  C'est  là  que  nous 
les  avons  vues ,  posées  sur  des  Iraveises  de  bois  et  portant  chacune  au  cou 
un  écriteau  indiquant  leurs  noms. 

Comme  ou  en  peut  juger  facilement  i)ar  nos  gravures,  ce  sont  des  figures 
de  haut  style  et  de  beau  caractère.  L'agencement  des  draperies  est  surtout, 
plein  de  noblesse.  Stolhard  reconnaît  de  bonne  grâce  la  supériorité  des  sta- 
tues de  Fontevrault  sur  des  figures  sépulcrales  exécutées  en  Angleterre  vers 
la  môme  époque,  par  exemple  celle  du  roi  Jean,  morl  en  1216,  et  dont 
l'effigie  sculptée  décore  le  chœur  de  la  cathédrale  de  Woreester.  Chaque 
statue  a  la  tète  appuyée  sur  un  coussin,  et  le  corps  étendu  sur  une  espèce  de 
drap  mortuaire  cpii  se  relève  sous  les  pieds.  Il  n'y  a  point  ici  de  ces  lions, 
ni  de  ces  chiens,  (pj'on  voit  à  Saint-Denis  aux  pieds  des  rois  el  des  reines.  La 
peinture  des  quatre  statues  paraît  avoir  été  restaurée  et  renouvelée  à  plusieurs 
reprises.  Il  serait  assez  difficile  d'assigner  à  chaque  couche  une  date  précise  ; 


MÉ  LANCES.  283 

les  peintres  reslaurateiirs  |iouir:ii(Mit  avoir  suivi  le  dessin  primitif.  Sloliriitl 
a  remarqué,  avee  beaueoup  de  justesse,  que  le  costume  donné  à  la  statue 
d'Henri  II  est  presque  entièrement  conforme  à  celui  dont  le  corps  de  ce  roi  fut 
revêtu  après  sa  mort  et  dont  la  description  a  été  faite  par  IMathieu  Paris.  Quand 
on  découvrit,  àWorcester,  le  corps  de  Jean  Sans-Terre,  on  le  trouva  aussi 
vêtu  comme  la  statue  placée  sur  le  londieau  de  ce  prince.  De  cette  exacti- 
tude à  reproduire  le  costume,  ne  serait-il  pas  logique  de  conclure  à  la  ressem- 
blance des  tôtes  ? 

Henri  II  a  la  barbe  rase;  Ricliard  porte  la  barbe  assez  Ionique  et  des  mous- 
taches. Tous  deux  ont  leur  couronne  mutilée,  et  la  main  droite,  (pii  portait  le 
sceptre,  brisée.  Une  agrafe  fixe  le  manteau  royal  d'Henri  II  sur  l'.'paule 
droite;  celui  de  Richard  est  attaché  par  une  boucle  siu-  le  milieu  de  la  poi- 
trine. L'épée  d'Henri  II  est  posée  sur  le  drap  mortuaire,  au  cùté  gauche  de  ce 
prince;  le  ceinturon  se  replie  autour  du  fourreau.  Sous  le  manteau  ,  chacun 
des  deux  rois  porte  une  double  tuni(pie  ;  leuis  pieds  sont  chaussés  de  bot- 
tines éperonnées  et  galonnées  d'or.  Les  deux  reines  portent  la  couronne,  un 
voile  entourant  le  visage,  nn  manteau  rejeté  sur  les  épaules  et  reliMiu  |)ar  un 
cordon  passant  sur  la  poitrine,  une  robe  longue  serroîe  à  la  taille  par  une 
ceinture.  Eléonore  de  Guyenne  a  eu  les  deux  mains  cassées.  Isabelle  d'An- 
gouléme  lient  les  siennes  croisées  sur  la  poitrine.  T,es  statues  des  rois  et  celle 
de  la  reine  Eléonore  ont  été  sculptées  en  tuf  blanc;  celle  d'Isabelle  d'Angou- 
léme  l'a  été  en  bois.  Les  trois  premières  ont  subi  des  fractures  assez  graves  ; 
la  dernière  est  arrivée  juscpi'à  nous  dans  un  étal  d'intégrité  extraordinaire. 
On  a  craint  un  instant  que  les  figures  de  Fontevrault  ne  fussent  offertes  à 
l'Angleterre  en  gage  d'entente  cordiale.  Il  est  probable  aujourd'hui  qu'elles 
resteront  en  France,  et  c'est  peut-être  aux  événements  qui  viennent  de  se 
passer  en  Espagne  que  nous  en  serons  redevables  ! 


PKOMENADi:    I:N   ANGLETi:rvrxE. 


L;i  liliiTtéi'sl  lioiiiH' 


Kii  I8'20,  il  \  a  déjà  |)lus  de  seize  ans,  je  déhulais  dans  le  journalisme 
par  un  travail  ayant  [xuir  titre  :  »  Influence  de  la  charte  sur  les  mœurs  cl  la 
littérature  en  France-.  En  tète  de  cette  espèce  de  discours  académique, 
j'avais  mis  pour  épigra[)he  :  la  liberté  est  bonne  a  tout.  Trois  ans  plus  tard  , 
en  octobre  1832,  je  fondais  avec  quelcpies  amis,  peintres,  sculpteurs  et 
architectes,  un  journal  ((ni  vécut  moins  d'un  an  et  qui  s'appelait  «  la  Liberté, 
journal  des  arts».  J'en  écrivis  le  prospectus-spécimen  et  j'y  répétai  ma  chère 
épigraphe  :  la  liberté  est  bonne  a  tolï.  Depuis  cette  époque  jusqu'au  jour 
où  nous  sommes,  cet  amour  de  la  liberté  s'est  affermi,  bien  loin  de  s'ébranler; 
instinct  pur  en  1821),  il  a  grandi  avec  moi-même  et  s'est  élevé  à  la  convic- 
tion raisonnée.  Ce  sentiment  est  si  vif  en  moi,  que  dans  les  pays  despotiques, 
même  quand  je  n'ai  pas  l'ombre  d'un  danger  à  craindre,  je  suis  physi- 
quement oppressé.  Lorsque,  après  plusieurs  mois  de  courses  en  Turquie,  je 
revins  en  France,  à  chaque  tour  des  roues  du  bateau  à  vapeur  qui  nous 
ramenait,  je  me  sentais  plus  à  l'aise;  entin,  en  vue  de  la  ville  de  Malte, 
possédée  et  régie  par  un  peuple  libre,  je  respirai  à  pleins  poumons.  L'op- 
pression matérielle  qui  m'avait  tenu  jusqu'alors  s'était  évanouie,  et  je  remar- 
quai combien  l'àme  a  diniluence  sur  le  corps,  puisqu'une  idée  gouvernait 
ainsi  mes  organes. 

Malte  est  anglaise,  et  j'arrive  d'Angleterre  oiij'ai  bu,  pour  ainsi  dire,  la 
liberté  à  sa  source;  cette  source  coule  avec  abondance,  depuis  la  Grande- 
(jharte  de  1216,  depuis  ce  xiu°  siècle  qui  n'en  a  pas  d'autre  pour  rival,  pas 
plus  en  politique  qu'en  arl.  En  Angleterre,  la  liberté  n'est  pas  seulement 
politique  ou  sociale ,  mais  encore  individuelle  :  chaque  homme  y  est  maître, 
à  [)eu  près  absolument,  mais  beaucoup  plus  qu'en  France,  de  son  corps,  île 
son  àme  et  de  son  intelligence ,  de  ses  actes ,  de  ses  sentiments  et  de  ses  pen- 
sées. Liberté  de  la  conscience  et  de  l'enseignement,  liberté  de  la  parole  et  des 
écrits,  liberté  de  l'industrie  et  du  conunerce,  liberté  de  l'association;  c'est 
l'aiVianchisscment  sous  la   i)lu[)art   de  ses  formes  diverses.  Cet  affranchis- 


PROMENADE  EN   ANGI.KTEK  U  E.  285 

sèment  profile  aux  hommes  et  aux  olioses  :  aux  lioniines,  qui  sont,  on  peut 
le  ilii'o,  plus  dignes  que  cliez  nous;  aux  iMiosos,  qui  y  sont  nieilleuros.  Llîtat 
aluliciueun  certain  nombre  de  ses  droits  ou  doses  prélenlions  entre  les  mains 
de  l'itulnidu,  o[  l'individu  ,  (|ui  ni'sl  pas  mineur  en  tout  (•oll)ml^  en  Fi'ance, 
apprend  à  portrr  ndlilcniciil  les  d(>\()irs  (pie  l'cnianiipMlion  lui  iiiipos(î; 
il  est  forcé  de  se  içou\ orner  i.'\\  homme,  et  non,  comme  nous  h;  taisons  trop 
souvent  ici ,  de  jouer  en  enfant.  Si  l'archéologie  ne  réclamait  |)as  mon  temps 
et  la  plaio  ipii  m'est  donnée,  j'apporterais  de  nondireux  exemples  à  l'appui 
de  mon  afiirmalidii  ;  (pic  les  suivants  suflisenl  donc  ;  je  les  prends,  d'ailleurs, 
dans  des  faits  (pii  ne  sortent  pas  de  nos  études  spéciales. 

On  croit,  en  France,  tpie  le  gouveinoment  fait  toutes  chosiîs  mieux  (pie 
l'homme  abandonné  à  lui-même,  et  que  le  monopolo  officiel  ou  social  est 
préférable  à  la  concurrence  iiidi\  iduelle.  Par  suite  de  celle  coin  iction,  l'Etal 
retient  un  fort  grand  nombre  de  ce  qu'il  nomme  ses  prérogatives;  (piand  il 
s'est  vu  forcé  d'en  céder  quelques-unes,  il  a  néanmoins  voulu,  le  bon  père 
qu'il  est,  gérer  des  établissements  officiels  en  regard  dos  établissements  pri- 
vés ,  pour  que  son  industrie  servit  de  modèle.  S'il  ne  lui  est  plus  |U!rmis,  sur 
certaines  roules,  do  nous  conduire  parla  main,  il  persiste  ilu  moins  ii  planter 
des  jalons  et  allumer  des  lanternes,  ici  ou  la,  pour  nous  diriger  à  dislance 
et  nous  empêcher  de  tomber.  Et  pourtant,  voyez  ce  qui  arrive.  L'Élal  s'est 
fait  tapissier  aux  Gobelinset  à  Beauvais,  cl  ses  tapisseries  à  personnages  ou 
arabesques  sont  plus  pâles  de  couleur,  plus  mauvaises  de  dessin  que  celles 
de  l'industrie  privée  ;  elles  ne  sauraient  surtout  soutenir  la  comparaison  avec 
celles  desxvi*^,  xv"  et  xiv'  siècles,  qui  n'ont  pas  encore  péri  en  France.  L'Etat 
s'est  fait  potier  et  peintre  sur  verre,  à  Sèvres,  et  ses  peintures  sur  verre 
n'osent  plus  se  monlrer  aux  expositions  du  Louvre,  et  ses  poteries  ne  valent 
pas  celles  des  ex|)Ositions  de  l'mduslrie  nationale.  L'Élal  s'est  fait  imprimeur, 
il  Paris,  et  l'inqjrimeiie  rovale  donnerait  difficileLuenl  les  beaux  livres  ([ue 
proiluisenl  tous  les  jours  trois  ou  ((uatre  imprimeries  de  la  ca|)ilal(î,  et  peut-être 
même  des  départements.  L'Etal  s'est  fait  architecle,  peintre,  sculpteur,  gra- 
veur et  musicien  a  l'acatlémie  des  beaux-arts,  à  l'école  dos  beaux-arts,  au 
conseil  des  bAlimenls  civils,  au  consersatoire  ;  or,  des  monuments  de  toute 
nature,  de  toute  forme  el  de  toute  destination  ,  sont  là  i)0ur  condamner  ce 
que  les  grands-prix  de  Home  nous  apportent  a  voir  et  à  cnleniire  en  fait  d Cdi- 
fices ,  de  statues,  de  lal)leaux  et  de  chants. 

En  Angleterre,  pas  de  Goi)elins,  el  les  tapisseries  ipii  décorent  les  palais, 
les  cliAleaux,  les  simples  habitations  bomgooises,  s<ml  de  la  plus  rare  beauté; 
pas  de  Sèvres,  el  les  poteries  y  sonl  réellement  inconq)arai)les,  el  des  au- 


286  ANNALES  AKCHÉOLOG  IQUES. 

berges  do  villages,  dans  le  Slaffordshire  surloul ,  élalent  aux  yeux  du  voya- 
geur des  plats,  des  assiettes,  des  vases  divers  dont  la  pîSte,  la  dimension,  la 
forme,  les  proportions,  la  couleur,  sont  surprenantes;  pas  d'imprimerie 
royale  ,  et  les  livres  ordinaires  que  j'ai  rapportés  défient ,  comme  encre  et 
papier,  comme  impression  du  texte  et  des  gravures,  comme  composition  et 
dessin  des  caractères,  les  plus  beaux  livres  connus.  Il  n'y  a  ni  conseil 
des  bâtiments  civils,  ni  corps-royal  des  ingénieurs  civils  ou  des  ponts  et 
chaussées,  et  néanmoins  les  constructions  y  valent  bien  les  nôtres.  Les 
Anglais  ont  eu  ,  comme  nous,  et  ils  pourront  avoir  encore  des  moments 
d'erreur  :  sous  le  règne  de  l'égyptien,  du  grec  et  du  romain ,  ils  ont  bâti  et 
décoré  des  monuments  d'une  laideur  peu  commune.  Mais  notre  laideur  vaut 
bien  celle  de  nos  voisins.  Le  Panthéon  de  Paris  est  d'une  qualité  intérieure  à 
Saint-Paul  de  Londres,  dont  les  petites  églises,  coroii'.ecellesde  Saint-Clément 
et  deSaint-Marlin,  pourraient  rendre  des  points  à  Notre-Dame-de-Lorette  et 
Saint-Vincent-de-Paul.  Nos  colonnes  de  la  Bastille  et  de  la  place  Vendôme 
auraient  tort  de  faire  les  fières  devant  celles  d'York  et  de  Nelson,  et  nos  arcs 
de  triomphe  ne  valent  guère  mieux  que  ceux  des  Anglais;  tout  cela  est  peu 
beau ,  aussi  bien  à  Paris  qu'à  Londres.  Mais,  privés  d'académies,  de  conseils 
et  d'écoles  des  beaux-arts,  les  Anglais  ne  sauraient  appliquer  longtemps  une 
eslhéti(|ue  venue  de  l'étranger.  Ce  qui  perpétue  les  doctrines,  c'est  la  perpé- 
tuité des  corps  qui  enseignent  et  pratiquent.  En  France,  pour  tuer  une  idée  il 
faudrait  tuer  une  académie,  et  rien  n'a  la  vie  dure  comme  un  agrégat  de  ce 
genre;  en  Angleterre,  la  mode  apporte  une  doctrine,  mais  la  mode  suivante 
la  balaie,  et  tout  est  dit.  Ce  qui  dure,  dans  ce  pays,  c'est  le  goiit  national , 
c'est  l'art  indigène,  qui  suit  sa  route  à  travers  de  petits  courants  contraires; 
[)Our  aller  lentement  quelquefois,  ce  goût  ne  s'arrête  jamais  entièrement. 
Ainsi  l'art  national,  en  Angleterre,  c'est  l'art  gothique,  et  le  gothique  n'a 
presque  i)as  cessé  d'y  être  pratiqué.  A  la  renaissance,  quand  le  gothique  est 
vaincu  chez  nous,  il  triomphe  encore  en  Angleterre  avec  Henri  VII,  Henri  VIII 
et  même  Elisabeth;  car  le  style  d'Elisabeth  lui  emprunte  tous  ses  principes  et 
plusieurs  de  ses  formes.  De  notre  temps,  le  gothique  est  violemment  com- 
battu en  France  par  les  corporations  officielles;  en  Angleterre,  il  entre  haut 
et  fier  dans  le  parlement,  à  la  chambre  des  lords  et  des  communes,  et  s'em- 
pare d'un  édifice  trois  ou  quatre  fois  plus  vaste  que  l'hôtel  de  ville  actuel  de 
Paris,  et  il  le  construit,  le  sculpte,  le  peint,  le  décore,  le  meuble  entière- 
ment, du  soubassement  au  faîtage.  Sur  les  chemins  de  fer,  on  rencontre  de 
nombreuses  stations  exécutées  en  style  gothique,  et  ce  ne  sont  assurément  pas 
les  nioins'belles.  Dans  les  campagneset  dans  les  villes,  des  maisons,  châteaux 


PROMENAOK  EN   ANGLETERKi:  287 

el  palais  s'élèvenl  en  style  ogival.  Eiiliii,  les  innoinlualilcs  cijlises,  collèges, 
éeoles  el  JK'ipiUuix ,  bi\lis  peiit-èlre  paideux  cents  arcliilecles,  et  principale- 
iiienl  par  .M.  A.  W.  Piigin,  sont  tons  en  style  golliique.  Snr  la  surface  des 
trois  royaumes  unis,  c'est  une  ardente  émulation  de  conslructious  seigneu- 
riales, civiles,  religieuses  et  pris  ées,  en  style  ogival.  Les  païens  eu  arl  se  ca- 
chent ou  n'existent  plus  dans  ce  pays;  c'est  au  point  qu'à  Londres,  lors  de 
la  dernière  exposition  des  statues,  lalileaux  et  dessins,  un  seul  arcliilecle, 
i|ui  fiil  surnommé  le  d(;rnier  des  Romains,  osa  montrer  un  projet  d'édifice 
(|ui  n'était  pas  en  style  gothique'.  Dans  le  pays  heureux  qui  nous  a  vus 
naître,  c'est  le  contraire  qui  se  remarque  aux  expositions  du  Louvre,  el  les 
([uelqucs  architectes  qui  aiTectionnent  ou  reproduisent  nos  monuments  du 
moyen  âge  pourraient  s'appeler  les  pren)iers  des  gothiques.  Telle  est  la  diffé- 
rence profonde,  due  certainement  à  nos  académies,  qui  marque  l'Angleterre 
et  la  France;  allons  donc,  poui'  (piel(pi('s  semaines  du  moins,  dans  un  [)avs 
où  l'art  est  libre  de  loul(^  influence  ollicielle. 

Kn  vingt  et  une  heures,  avec  55  francs,  on  est  de  l'aris  à  (Jantorbéry,  par 
Amiens,  Boulogne  et  l'olkeslone;  au  mois  de  mai  prochain,  si  le  chemin  de 
fer  d'Amiens  à  Boulogne  est  en  activité,  il  ne  faudra  plus  que  treize  heures 
et  35  francs.  La  calliédiale  de  Canlorbéry  a  plus  de  450  pieds  de  longueur; 
c'est  un  édifice  de  la  taille  de  nos  plus  gftinds  et  qui  garde  encore,  collés  à 
son  flanc,  le  cloître  et  la  salle  capitulaire  que  nos  cathédrales  ont  perdus. 
On  dit  qu'un  architecte  français,  Guillaume  de  Sens,  a  construit  en  partie  le 
chœur  et  le  chevet  de  la  cathédrale  de  Cantorbéry,  à  la  fin  du  xif  siècle. 
S'il  en  est  ainsi ,  gloiie  à  nous,  car  c'est  la  plus  belle  portion  du  noble  édifice. 
M  n.Gérente  estime  que  les  vingt  et  une  fenêtres,  encore  renq)lies  totalement 
ou  en  partie  de  vitraux  jieints,  et  qui  décorent  les  croisillons,  les  bas-c6tés 
du  chœur,  le  sanctuaire  et  cette  chapelle  circulaire  appelée  la  Couronne  de 
saint  Thomas,  peuvent  compter  parmi  les  plus  belles  (pii  existent.  Un  peu  plus 
récentes  que  celles  donnéesà  Saint-Denis  par  Suger,  plus  anciennes  que  celles 
des  bas-côtés  et  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Chartres,  les  verrières  de  Can- 
torbéry égalent  les  premières  el  surpassent  les  secondes.  Les  bordures  (|ui 
encadrent  ces  fenêtres,  les  feuillages  (pii  en  cernent  el  n-unissenl  les  médail- 
lons, sont  du  goiM  le  plus  noble  et  de  l'exécution  la  plus  |)arfaile.  Par  un 
bonheur  fort  rare ,  surtout  en  France,  le  sanctuaire  et  la  Couronne  de  saint 
Thomas  ont  conservé  une  partie  de  leur  ancien  pavement.  On  voit  là  diffé- 
rentes espèces  de  pavés  :  la  mosaïque  de  marbre  connue  en  (irèce  ou  en 

1.  Voyez  \' Ecctesiolo(jis( ,  }ounia\  ofluiol  de  la  Sociélù  ccclésiolo;;ique  ,  autrefois  u  Camlirid  pe 
CamMen  .Society  »  ;  seconiJe  sorie,  vol.  II. 


288  ANNALES  AHCHEOLOGIOI  F.S. 

Italie,  et  coiiiiiic  autrefois  à  Saint-Ueiiii  de  Reims;  la  dalle  de  liais  creusée  cl 
remplie  de  mastic  l)ruu  on  de  plomb,  qui  dessine  des  sujets  liisloriques , 
allégoriques  ou  de  pur  ornement,  comme  à  Saint-Omei- on  à  Saint-Denis;  la 
l)rique  émaillée  d'une  teinte  vive  ou  d'un  sujet  iiéraldicpie  et  de  fantaisie, 
comme  à  Saint-Pierre  d'Orbais  et  dans  un  grand  nombre  de  nos  églises  ;  tout 
est  réuni  dans  le  même  édifice,  ainsi  que  dans  un  musée.  En  Angleterre,  où 
sont  inconnues  les  Comn\issions  historiques  officielles,  on  protège  cependant 
les  moindres  lambeaux  du  moyen  âge  avec  l)ien  plus  de  respect  qu'en  France. 
C'est  grâce  à  cet  esprit  sérieux  de  conservation  qu'on  voit  en  présence  à  Can- 
torbéry  les  trois  systèmes  de  pavés  employés  aux  xii^  et  xiii'  siècles,  le 
marbre,  la  pierre  et  la  brique.  En  passant,  nous  jetons  les  yeux  sur  le  ma- 
gnifique mausolée  du  Prince-Noir,  mort  en  1376,  et  nous  remarquons  avec 
admiration  le  surcot,  les  gantelets,  le  bouclier  et  le  casque  portés  par  le  prince 
pendant  sa  vie,  et  re|)roduits  en  bronze  orné  d'émaux  sûr  la  statue  du  mort, 
avec  la  fidélité  la  plus  scrupuleuse,  avec  l'habileté  la  plus  extraordinaire.  En 
allant  à  la  cry[)te,  on  nous  montre,  à  sa  place  primitive,  la  statue  en  bois  de 
l'archevêque  Peckham,  mort  en  1292.  Nous  vénérons,  dansie  Martyrdom,  la 
pierre  où  saint  Thomas  fut  assassiné  pour  la  liberté ,  pierre  précieuse  entre 
tontes,  qui  a  de  longueur  1  mètre  45  centimètres  sur  40  centimètres  de  lar- 
geur. La  crypte  est  l'une  des  plus  belles  et  peut-être,  avec  celle  de  Chartres, 
la  plus  longue  qui  existe  :  elle  est  remplie  de  pavés  sculptés,  de  statues,  de 
boiseries,  entassés  comme  dans  un  magasin  et  qu'on  doit  remonter  dans 
l'église.  Avoir  sous  l'œil,  sous  la  main  des  trésors  d'archéologie,  et  manquer 
de  temps  pour  les  étudier,  de  talent  pour  les  dessiner,  c'est  un  supplice  de 
Tantale  que  j'ai  senti  vivement,  surtout  en  Angleterre. 

Un  membre  du  Parlement,  M.  A.  Beresford  Hope,  rachète,  d'un  brasseur, 
le  vaste  couvent  de  Saint-Augustin,  qui  est  situé  dans  un  faubourg  de  Can- 
torbéry  ;  il  jette  à  la  porte  cuves  à  bière  et  appareils  de  distillation  ;  fait  con- 
solider ce  qui  reste  d'ancien  et  reconstruire  ce  qui  n'existe  plus;  ajoute  des 
bâtiments  neufs  destinés  à  des  besoins  nouveaux,  et  fait  abandon  gratuit  du 
tout  à  des  missionnaires  anglais.  Je  n'ose  dire  la  somme  consacrée  par 
M.  Ho])e  à  celte  œuvre,  tant  elle  est  considérable.  J'attendrai  du  donateur 
même  quelques  renseignements  ofliciels  à  ce  sujet,  pour  les  faire  connaître  à 
nos  lecteurs.  La  générosité  de  M.  Hope  ne  se  borne  jias  à  l'Angleterre;  elle 
va  chercher  des  œuvres  qui  se  tentent  en  France  et  peut-être  même  ailleurs. 
M.  Hope  lit  un  jour  dans  les  «  Annales  archéologiques»  qu'une  souscription 
est  ouverte  pour  relever  les  flèches  de  Notre-Dame  de  Chàlons,  abattues  à  la 
révolution.  Aussitôt  il  envoie  cent   vingt-cinq   francs  au  directeur  des  «  An- 


PROMENADE  EN  ANGLETERRE.  289 

nalesji,  pour  venir  en  aide  au  projet  conçu  |)ar  M  le  curé  de  Noire-Dame  de 
Chùlous.  Le  couvtnl  de  Saiiit-Ani;nslin  est  réédilié  en  style  i,'ntlii(]iie,  coninie 
il  va  sans  dire,  et  c'est  .M.  Bulleilicltl ,  un  arcliitccle  di"  nierili',  iiui  dirige 
tous  les  travaux.  M.  llope  disliniiue  pailiculièremcnl ,  entre  les  autics  archi- 
tectes anglais,  MM.  lîtiltcrlicid  et  ('.arpenter  (pi'il  siiiiionuiie  les  l.assns  et 
Viollet-Leiluc  de  l'Angleterre.  Les  constructions  nous  ont  paru  exécutées 
avec  un  talent  remarquable;  mais  nous  aurions  préféré  le  style  du  xni"  siècle 
à  celui  des  XV  et  xvi',  (pi'on  aime  beaucoup  trop  en  Angleterre  et  qui  ne  vaut 
pas  mieux  chez  nos  voisins  que  chez  nous. 

.4près  un  jour  et  demi  passés  à  Cantorbeix ,  il  lalUil  ipiilter  celle  \  ille  dont 
il  serait  nécessaire  deludier  la  cathédrale  pendant  plusieurs  semaines.   Lu 
coach  nous  prend  donc  a  huit  heures  du  malin  et  nous  emmt'ne  au  grand  trot 
jusqu'à  Uochesler,  à  travers  les  plus  jolis  cottages,  les  prairies  vertes,  les 
plaines  et  les  collines  chargées  de  houblon,  cette  vigne  herbacée  de  l'An- 
gleterre. Un  architecte,  conune  il  y  en  a  peu  fort  heureusement  en  Angle- 
terre ,  a  déliguré  par  des  restaurations  l'intéressante  cathédrale  de  Rochesler. 
Contre  les  jambages  de  l'ancienne  porte  du  chapitre,  étaient  dressées  deux 
statues  de  femmes  qui  représentaient  la  Synagogue  et  l'Église,  la  Religion 
juive  et  la  Religion  chrétienne  :  la  Synagogue  les  yeux  couverts  d'un  voile, 
la  couronne  tondianle,  les  tables  de  la  loi  renversées;  l'Église  ,  les  yeux  per- 
çants, la  couronne  ferme  sur  la  tète,  la  croix  droite  dans  la  main.  Il  en  était 
à  Rochesler  connue  à  Reims,  à  Strasbourg,  Worms,  Amiens,  connue  partout. 
Malheureusement  l'Église  avait  la  tôle  mutilée,  et  M.  Cuttingham,  le  susdit 
architecte,  le  Debrel  de  l'Angleterre,  n'est  pas  plus  inslruil  que  certains  archi- 
tectes français;  ignorant  le  sens  de  ces  ligures,  il  a  mis  une  lèle  d'homme, 
une  tête  d'évéque  mitre,  relie  de  saint  Augustin,  sur  le  corps  de  la  Religion 
chrétienne.  C'est  ainsi  (pu;  .^L  l'architecte  de  Saint-Denis  piqua  si  ingénieuse- 
iiu.'nl,  il  y  a  quelques  années,  de  la  barbe  et  des  moustaciies  sur  la  figure  de  la 
vierge  .Marie.  Quant  à  l'architecture  de  celte  cathédrale,  M.  Cultingham  l'a 
traitée  à   la  façon  de  la  Religion   chrétienne.   Comme  nous   pouvions  nous 
croire  en  France,  à  Saint-Denis,  à  Reims  ou  Chûlons,  nous  dûmes  nous  em- 
presser de  remonter  en  voiture  pourGravesend,  d'où  un  bateau  à  vapeur  nous 
ennuena  juscpi'au-dessus  du  pont  de  Waterloo,  dans  le  to'ur  même  de  Lon- 
dres. Kn  passant,  Greenwich  me  parut  digne  de  nos  Invalides;   (|nant  aux 
docks  où  des  milliers  de  vaisseaux  sont  remises,  quant  à  ces  (Mnnil)us  à  va- 
peur de  la  Tamise  qui  descendent  et  remontent  si  nombreux  et  si  rapides  le 
large  fleuve,  j'en  avais  un  éblouissement.  Nous  arrivions  dans  Londres  à  la 
nuit  tombante!,  et  nous  en  partions  le  lendemain,  au  jour  naissant,  p(jur  Bir- 
V.  38 


290  A^NAL^:S  ARCHÉOLOGini'ES. 

mineliam.  Tonte  la  nuit ,  ce  que  j'avais  vu  de  Londres  me  revint  en  rêve,  et 
ce  rôve  je  le  portai  pendant  douze  jours ,  jusqu'à  Lincoln. 

De  Londres  à  Birmingham  ,  cinq  heures  de  chemin  de  fer,  sur  les  ban- 
quettes dures  et  nues  des  voitures  de  seconde  classe.  Henrensement  que  les 
belles  cam[iagnes  de  l'Angleterre,  où  paissent  des  animaux  si  bien  portants, 
où  croissent  des  arbres  si  vigoureux ,  où  coulent  des  rivières  si  raombreuses , 
nous  arrachaient  à  la  fatigue.  Birmingham  est  neuf  et  sans  intérêt  pour  un 
archéologue;  c'est  la  ville  des  métaux,  du  fer  et  du  cuivre.  Cependant  Saint- 
Chad,  la  cathédrale  catholique  bâtie  en  stylé  ogival  par  M.  Piigin,  mérite 
une  sérieuse  attention.  L'amour  que  M.  Pngiu  porte  aux  xv'  et  xvf  siècles 
nous  parait  très  fâcheux  ,  et  cette  période  fait  en  partie  les  frajs  de  l'église  et 
de  l'évêché  bàli  en  face;  mais  c'est  toujours  une  grande  chose  qu'une  église 
entière,  qu'un  évêché  complet,  construits,  sculptés,  peints,  ornés,  meublés 
sous  l'inlluence  d'une  pensée  unique  et  par  le  génie  d'un  artiste  en  qui  revit 
l'esprit  du  moyen  âge.  Mf^'Fuyet,  évêque  d'Orléans,  est  hostile  à  l'archéo- 
logie chrétienne  ;  il  pense  qu'avant  de  s'occuper  des  pierres  on  devrait  songer 
aux  âmes,  et  que,  pour  convertir,  une  prédication  vaut  mienx  qu'une  bâtisse. 
L'Angleterre  donne  tort  à  Ms''  Fayet  :  avant  la  construction  de  Saint  Chad, 
nous  a  dit  ^I.  Moore,  curé  de  Birmingham,  on  comptait  de  deux  cent  cin- 
quante à  trois  cents  catholiques,  qui  se  réunissaient  dans  une  sorte  de  cham- 
bre; depuis  et  en  ce  moment,  il  y  en  a  dis.  mille.  M.  Moore  attribuait  le  plus 
grand  nondne  de  ces  conversions  au  monument  même,  que  l'on  venait  voir 
par  curiosité,  où  l'on  j)Ouvail  officier  dignement  et  d'où  l'on  sortait  plus  ému 
qu'après  un  sermon  quelconque.  Le  dimanche,  30  août,  nous  avons  assisté, 
dans  Saint-Chad,  à  l'office  du  soir,  et  nous  avons  pu  comprendre  que  ce 
novau  de  catholiques  qui  encombraient  l'église  et  qui  chantaient  des  psaumes 
en  chœur,  pourrait  bien  petit  à  petit  réchauffer  l'immense  et  froide  population 
protestante  de  la  ville  et  attirer  à  lui  les  âmes  redevenues  ardentes.  M«''  Fayet 
se  trojnpe  :  c'est  par  !es  sens  qu'on  prend  l'esprit,  c'est  par  le  corps  qu'on 
saisit  l'àme. 

Deux  billets  envoyés  par  M.  Pugiu,  [)Our  la  cérémonie  qui  devait  avoir 
lieu  le  lendemain  et  le  surlendemain  à  Cheadle ,  nous  attendaient  chez  un 
oncle  de  M.  Gérente,  où  j'ai  reçu  la  plus  affectueuse  hospitalité.  Le  31  ,  au 
matin,  après  une  heure  de  chemin  de  fer,  nous  descendions  à  Stafford.  La 
station  de  Stafford,  construite  en  style  Elisabeth,  est  l'une  des  plus  char- 
mantes (pie  nous  ayons  vues.  De  Slatl'ord  à  Lougton,  dont  les  poteries  ont 
une  si  grande  et  si  juste  réputation  ,  nous  avons  fait  la  route  en  coach.  Ces 
coachs  sont  des  fiacres   à    deux   ou   qualie  chevaux ,    qui  courent   avec 


PROMENADE  EN  ANGLETERRE.  291 

une  ropidilé  tio  niallo-poste.  On  csl  monte''  sur  l;i  voiture,  eu  di'liois;  le 
iledans  est  réservé  aux  ent'anls  »■(  aux  femmes  (|ui  craignent  de  saven- 
lurer  sur  la  caisse.  Nous  étions  sur  l'impériale,  liuil  tievant,  huit  derrière, 
un  sur  les  malles;  quatre  autres  personnes  remplissaient  l'intérieur;  le  tout 
pour  deux  chevaux  seulement ,  cpii  n'avaient  pas  l'air  d'en  couiir  plus  mal. 
il  est  vrai  (pie  ces  routes  anij;laises,  qui  appartiennent  aux  particuliers  et  que 
n'entretient  pas,  comme  chez  nous,  un  corps  royal  des  ponts  et  chaussées, 
sont  si  belles  et  si  lisses  (piune  \oilnre  ,  une  l'ois  poussée  dessus,  send)le  v 
aller  toute  seule,  comme  un  wai^on  sur  dos  rails  de  fer.  De  Longton  à 
Cheadie,  il  y  a  trois  lieues;  mais  nous  dûmes  couchera  I.ongton,  parce  que 
toutes  les  auberges  étaient  |)rises  à  Cheadie  et  que  nous  n'aurions  pu  v 
trouver  de  place.  Le  lenden)ain  ,  à  huit  heures  du  matin  ,  trois  heures  avant 
la  cérémonie,  nous  entrions  dans  (Cheadie  (pii  s'aniin.ul  ilejà.  On  était  au 
mardi  t"septend)re. 

i,a  petite  ville  de  Cheadie,  située  dans  la  pailie  sei)tentiionale  du  comte 
deSlalVord,  est  à  deux  lieuis  d  Allon-lowors,  résidence  principale  de  lord 
Talbot,  comte  de  Shrewsbury  et  donateur  de  1  église  nouvelle.  (Àlte  église, 
dédiée  à  saiut  Gilles,  est  posée  presque  au  pied  de  la  colline  escarpée  sur 
laquelle  la  ville  s'asseoit  comme  en  amphilhéAlre;  mais  Cheadie  étant  envi- 
ronnée de  tous  côtés  par  de  petites  uiontagnes,  h;  clocher  de  l'église  peut 
se  voir  d'une  grande  distance  et  de  toutes  les  diieclions;  ce  clocher,  qui  s'ai- 
guise en  llèche  octogonale,  est  d'ailleurs  fort  élevé,  et  de  plus  un  chef- 
d'œuvre;  rien  de  plus  eiiaiiiianl  dans  ce  beau  passage.  .M.  l'ugin  doit  être 
lier  d'avoir  si  bien  répondu  à  la  pensée  de  lord  Shrewsbury  ;  le  génie  de  l'ar- 
chilecle  et  la  munificence  du  donateur  nous  repoitaient  en  plein  iiioyen  âge 
et  nous  éloignaient,  grîlce  à  Dieu,  des  œuvres  et  de  l'esprit  des  temps  mo- 
dernes. Lord  Shrewsbury  y  a  mis  trente-cinq  mille  livres  ^ huit  ceul soixante- 
quinze  mille  francs),  M.  Pugin  six  ans;  l'un  sa  générosité,  l'autre  son  talent, 
et  tous  deux  ont  ainsi  dote  l'Angleterre  d'une  œuvre;  (pu  honore  ce  noble 
pays. 

Dés  le  matin  du  I"  se[)lenibre,  la  foule  obstruait  les  rues;  à  dix  heures, 
tout  le  monde  se  dirigeait  vers  l'église.  Le  temps  était  des  plus  ijcaux  ,  et  le 
soleil  ajoutait  .sa  splendeur  à  la  majesté  do  la  scène;  des  rayons  teignaieni  en 
pourpre  la  pierre  de  l'église  et  du  clocher.  Cette  pierre,  dite  de  cendre ,  est  déjà 
rouge  par  elle-même.  Je  n'avais  encore  remar(|ué  cet  ellel  que  sur  les  blocs 
ardents  dont  sont  biUies  les  cathédrales  de  Fribourg  et  de  Slra.-bourg.  Ceux 
qui  devaietil  prendre  part  à  la  cérémonie,  ceux  ipii  avaient  été  lavori-sés  de 
billets,  étaient  reunis  dans  la  cour  du  cimetière  qui  environne  l'église. Deux 


292  ANNALES  ARCHÉOLOGlOl'ES. 

policemen  sufllsaieiil  pour  contenir  la  foule  du  dehors  et  protéger  les  entrants; 
en  France,  il  aurait  fallu  une  compairnie  do  municipaux.  Les  évêques,  à 
mesure  qu'ils  arrivaient,  excitaient  nn  vif  intérêt,  mais  nul  plus  que  Jacob 
Héliani,  archevêque  catholique  de  Damas;  les  persécutions  dont  il  porte  les 
marciues  et  que  les  Drnses  lui  ont  fait  souifiir,  à  lui  et  à  son  peuple,  dans 
les  montagnes  du  Liban  ,  où  tant  d'églises  furent  brûlées,  tant  de  prêtres 
assassinés,  attiraient  les  yeux  sur  ce  vieillai'd  à  barbe  blanche  et  vêtu  du 
costume  oriental. 

Quckpies  instants  avant  la  cérémonie,  IM.  Pugiii  voulut  bien  nous  conduire 
dans  l'église,  où  personne  n'avait  encore  jjénétré,  et  nous  en  montrer  toutes 
les  parties.  (]ette  église,  parfaitement  orientée,  se  (•on)|)ose  d'une  tour  occi- 
dentale que  surmonte  la  llèche  ;  d'une  nef  de  cinq  travées,  avec  ailes  et  por- 
ches au  nord  et  au  sud  ;  d'une  chapelle  de  la  Vierge  au  nord,  d'une  chapelle 
du  Saint-Sacrement  au  sud;  d'un  sanctuaire,  avec  sacristie  et  tribune  d'or- 
gues, au  nord.  Le  style  adopté  par  l'architecte  est  le  style  ogival  fleuri  du 
xv^  siècle  ,  celui  qui  régna  en  Angleterre  sous  les  Edouard  IV  et  V.  M.  Pugin 
nous  a  dit  avoir  imité  de  préférence  l'architecture  nationale  anglaise,  et  pour 
Cheadle,  situé  dans  le  Stafl'ordshire,  l'architecture  même  de  la  contrée.  Tou- 
tefois M.  Pugin,  qui  connaît  et  aime  la  France,  a  reproduit  à  Cheadle  plu- 
sieurs motifs  de  l'architecture  française  et  de  l'architecture  du  xiii"  siècle. 
Nous  regrettons  vivement  ce  mélange  ,  car  notre  xiii"  s'allie  mal  au  xv*"  an- 
glais; nous  regrettons  surtout  (jue  M.  Pugin  porte  un  si  constant  amour  au 
gothique  fleuri.  En  Angleterre,  comme  en  France,  la  belle,  l'irréprochable 
architecture  est  du  xiii'  siècle;  c'est  celle  des  cathédrales  de  Lincoln  et  de 
Salisbury,  de  l'abbaye  de  Westminster,  de  la  chapelle  du  Temple,  à  Lon- 
dres, et  de  tant  d'autres  sublimes  monuments.  Nous  croyons,  en  France, 
que  les  Anglais  n'ont  pas  d'autres  édifices  que  des  cathédrales  normandes  en 
plein  cintre,  et  que  des  collèges,  hôtels  de  ville  et  châteaux,  en  style  Edouard 
ou  Tudor,  fleuri  ou  perpendiculaire.  C'est  une  erreur  complète;  la  faute  en 
retombe  sur  les  archéologues  et  architectes  anglais ,  qui  se  sont  attachés  à 
décrire,  à  dessiner,  à  copier  les  édiûces  des  xv'  et  xvi'^  siècles  de  leur  pays, 
en  tournant  le  dos  à  ceux  des  xii''  et  xiif.  M.  Pugin  me  pardonnera  ma  fran- 
chise, mais  j'ose  le  blâmer,  et  cela  depuis  plusieurs  années,  de  copier  le 
gothique  de  décadence,  tandis  qu'il  a  sous  la  main  des  monuments  si  considé- 
rables et  si  nombreux  du  style  chrétien  dans  sa  maturité.   De  jeunes  archi- 
tectes anglais,   fort  heureusement,  répudient  en  ce  moment  ce  style  ago- 
nisant du  XV''  siècle,  [xmr  adopter  celui  du   xiif  ;    M.   Scott,    l'un  d'eux, 
donne  énergicpiement  le  sii^nal  de  cette  réaction.  Nous  opérons  (jue  M.  Pugin 


pHOMFN.vnr.  r.N  anciktf.hui:  293 

ne  se  laissiMii  p;is  ilt'vaiici'r  (lav;int;ii;f,  car  r'csl  lui  (pii  doit  lonir  If  sci'ptn^ 
lie  la  renaissance  oijivale  en  Ani^lelerre. 

Lenlroe  occidentale  de  l'église  Saint-Giles  est  percée  dans  la  lotir;   elle 
consiste  en  un  passage  orne  de  inonlincs  nond)reuses,  décoré  de  létes  de 

lion,  de  ieuilles  de  cliène  i|iii  ml eut  les  armes  des  Talbot.  Les  portes  sont 

en  bois  de  diène  coupé  dans  les  forèls  de  lord  Slire\vsl)ur\ .  Deux  grands 
lions  rampants  et  en  fer  doié  sont  cloués,  en  guis(>  de  peutiires,  sur  ces  portes 
épaisses;  le  lion  est  ralliilml  lin;il(lii|in'  ilo  i;illi<il.  Il  exisK^  en  Angleterre 
des  exemples  dune  paicillc  dceoiiiiion  ,  mais  nous  lui  jjrérérons  celle  (pie 
produisent  nos  |)entures;  c'est  moins  sauvage.  Au-dessus  de  la  porte,  une 
grande  fenêtre  a  trois  jours;  |)his  haut,  deux  fenêtres  à  deux  jours  sur  chaque 
face  de  la  tour;  puis,  le  long  de  la  llèche,  tiois  étages  de  lucarnes  sur- 
montées de  pignons  que  décorent  des  crochets.  Kidin  ,  tout  au  sommet,  une 
croix  de  fer  et  de  cuivre  ,  dorée  en  partie  et  surmontée  d  un  eo(].  Celte  croix, 
haute  de  10  mètres,  est  assujettie  par  (juatre  barres  de  fer  reliées  à  un  collier 
également  en  fer  qui  étrangle  le  sommet  de  la  lleclic  l.a  liaulrm  totale  de  ce 
clocher  est  de  70  mètres,  à  partir  du  niveau  du  liincticre.  Nous  le  répétons, 
c'est  un  chef-d'œuvre;  tout  le  momie,  en  le  regardanl,  était  ravi.  L'archéo- 
logue pourrait  y  discerner  des  epo(pies  diverses  et  discordantes  ;  l'artiste 
pourrait  blâmer  cette  masse  de  la  tour,  trop  nue  pour  |)orter  une  flèche  très- 
ornée  ;  mais  l'ensemble  saisit,  et  donnerait  tort  à  l'artiste  comme  à  l'archéo- 
logue. Six  cloches  animent  la  tour;  on  \  lit  les  six  inscri|)lions  suivantes 
tracées  en  capitales  gothiques  : 

LaiidalL"  Domiiuiiinle  cœlis;  laiidaU'  ciini  in  cxcelsis. 

SancI*  Franciscp,  ora  i>ro  nol)is. 

Sancle  Cœdda,  ora  pro  nobis 

Ave  Maria,  gralia  plena. 

Sancte  Egidi ,  ora  pro  nubis. 

Tu  os  Potriis.  Pt  super  liaiir  l'i'liam  a'ililkaljo  cccli'siaiM  lucaiii. 

Les  quatre  pères  de  ICglisc  lalinc  ,  les  quatre  ('vangélistes  et  Iimiis  allributs 
sont  sur  les  côtés  de  la  lour  et  ans  iiiiiilcs  de  hi  jlèclie.  Au  moyen  i'lg(^ ,  les 
cloches  sont  remi)lemc  des  predicalenrs;  or,  les  premiers  prédicateurs  chré- 
tiens sont  les  évangélistes ,  comme  les  pères  en  sont  les  plus  puissants.  «  Le 
cloches,  dit  (Guillaume  Durand,  ligiinnl  les  prédicateurs  ipii ,  à  l'exemple  de. 
la  clociie,  doivent  appeler  les  lidèles  a  la  loi  '  ».  .M.  Pugin  ressuscite  le 
moven  âge  entier,  corps  et  àme.  (xtte  sonnerie  est  un  peu  crianle;  elle  a  etc 

1     /Idtioiia/e  (liviiionim  nj/icioiiim ,  lit),  i,  cliap.  i\  .  n"  l. 


29V  ANNALES   A  RCHÉOLOGIOr  ES. 

exéciilée  par  MM.  Meais  de  Wilechapel,  à  Londres  C'est  pour  la  seconde  fois, 
depuis  la  renaissance  du  culte  catholique,  qu'on  a  fondu  une  sonnerie  de  ce 
genre;  elle  a  coûté  25,000  francs. 

En  redescendant  au  bas  dn  portail,  nous  voyons  sur  les  contreforts  saint 
Pierre  à  droite  du  spectateur  et  saint  Paul  à  gauche,  ces  deux  colonnes  de 
l'Église.  Ce  sont  deux  statues  médiocres  :  saint  Pierre  tient  les  clefs,  et  saint 
Paul  le  glaive.  Dans  un  angle  rentrant  des  contreforts  du  clocher,  au  côté 
sud ,  lord  Shre\ysbury,  en  longue  robe  et  grand  manteau ,  couronne  de 
comte  en  tête,  s'agenouille  pour  offrir  à  saint  Gilcs,  habillé  en  abbé  crosse, 
le  modèle  de  l'église;  il  est  assisté  de  saint  Jean-Baptiste,  sou  patron,  qui  est 
debout.  C'est  un  joli  bas-relief,  dans  le  style  et  l'esprit  du  \uf  au  xn  •^  siècle. 

A  la  hauteur  de  la  seconde  travée,  s'avance  en  saillie  un  porche  sur  le  côté 
nord,  un  porche  sur  le  côté  sud.'  Ces  deux  porches,  d'une  proportion  ro- 
buste, sont  voûtés  en  pierre.  Le  porche  du  nord  est  destiné  à  l'entrée  des 
femmes,  qui  ont  leur  place  dans  la  partie  gauche  de  la  nef;  celui  du  sud,  le 
même  de  proportions,  mais  plus  riche  de  décoration,  est  aux  hommes,  qui 
occupent  la  partie  droite.  Dans  le  pignon  qui  termine  le  porche  des  femmes, 
est  assise  une  statue  du  Sauveur  qui  bénit  ;  dans  son  correspondant,  au  porche 
des  hommes,  c'est  au  contraire  une  statue  de  la  Vierge  encensée  par  deux  anges 
et  allaitant  l'enfant  Jésus.  M.  Pugin,  qui  est  poète  autant  qu'architecte,  a  donc 
mis  une  pensée  dans  chacune  des  pierres  brutes  et  sculptées  de  son  église. 
Le  sol  des  deux  porches  est  pavé  de  briques  émaillées  que  chargent  des 
devises  diverses  au  milieu  desquelles  on  lit  cette  inscription  :  «  We  will  go 
into  the  house  of  the  Lord  with  gladness  »  (Nous  irons  dans  la  maison  du 
Seigneur  avec  joie).  Nous  ne  pensons  pas  qu'on  ait  jamais  eu  plus  de  bonheur 
que  M.  Pugin  dans  le  choix  des  épigraphes  et  devises.  Nous  croyons  seule- 
ment que  le  savant  architecte  abuse  un  peu  trop  des  in3crii)tions;  au  moyen 
âge,  on  est  bavard;  mais  ni  les  pierres  ni  les  œuvres  d'art  ne  parlaient 
autant  que  le  suppose  M.  Pugin. 

L'extrémité  orientale  du  sanctuaire  est  droite,  suivant  l'usage  anglais,  et 
non  arrondie  en  abside  comme  chez  nous.  Elle  est  soutenue  par  deux  contre- 
forts d'angle  percés  de  deux  niches  qui  contiennent  les  statues  de  saint  Jean- 
Baptiste  et  de  saint  Jean  évangéliste.  Ces  statues  sont  en  style  du  xvi*',  les 
consoles  qui  les  portent  rappellent  le  xiv%  et  les  dais  qui  les  abritent  s'éloi- 
gnent i)eu  du  xv°.  Saint  Jean- Baptiste  tient  sur  un  grand  livre  fermé  un  agneau 
naturel  (l'agneau  divin),  comme  on  le  faisait  au  xvi"  siècle.  Dans  le  mur  du 
chevet ,  sous  la  grande  fenêtre  qui  l'éclairé,  sont  sculptés  trois  anges  inscrits 
chacun  dans  un  qnatre-feuilles  dont  la  forme  rappelle  ceux  du  soubassement 


PROMENADE   EN   ANi.  LiyiKK  KK.  a!.r> 

occidental  tic  la  callK'dralo  (i'Ainicns.  Ces  anges  ticnnonl  dos  eniblènips  sa- 
crés :  celui  ilu  iiiilifii  un  ayncau  de  Dieu  ,  celui  de  droite  une  feuille  de  vienne, 
celui  (le  gauche  une  biaiulie  de  cliène.  Nous  avons  oublié  île  ilemaiidcr  à 
M.  Pugin  le  sens  de  ces  alliibuls  Nous  reprochons  aux  anges  de  [KHtcr  des 
nimbes  crucifères,  surtout  quand  le  |)etit  agneau  que  tient  lun  deux  n'a  pas 
niènie  de  nin)be.  C'est  une  distraction  ilu  sculpteur;  nous  la  signalons  à 
M.  Pugin,  (pii  sait  mieux  que  nous  (ju'aux  seules  personnes  divines  appartient 
le  droit  de  poiier  le  nindte  timbré  d'une  croix.  V.w  liant  ,  dans  le  pignon,  est 
percée  une  niche  (|ui  reçoit  la  vierge  Marie  tenant  I  Knfant  ,à  la  créle  du  toil 
s'élève  une  croix  lleuronnée,  en  [lierre.  A  la  chapelle  du  Saint -Sacrement , 
qui  est  en  retraite  sur  leche\el,  côté  sud,  uns  niche  contient  une  représenta- 
tion de  la  résurrection  du  Sauveur;  de  l'autre  côté,  au  nord,  la  sacristie  et  la 
tribune  de  l'orgue  à  laquelle  on  monte  par  un  escalier  en  spirale  dans  une 
tourelle.  Le  sanctuaire  est  plus  bas  (]ue  la  nef  dont  le  toit ,  à  sa  rencontre 
avec  celui  du  sanctuaire,  porte  un  petit  clocher  qui  contient  la  cloche  «  Sanc- 
liis».  Les  mots -[  Sanctusj*  Sanclus  "f  Sanctus  ,  sont  gravés  autour  de  cftle 
cloche,  qui  ne  sonne  qu'après  la  préface,  au  moment  où  l'on  chante  le 
«  Sanctus  »  et  oii  va  commencer  le  canon  de  la  messe.  Les  toits  sont  très- 
aigus;  ils  sont  couverts  de  nappes  de  plomb  assez  étroites,  et  que  des  bourre- 
lets assujettissent  entre  elles.  Les  faitières  sont  surmontées  de  crêtes  dorées  en 
partie.  Ces  crêtes,  qui  figuraient  anciennement  sur  tons  tes  toits  des  bàtunents 
ecclésiastiques  d'une  certaine  importance,  non-seulement  produisent  un  riche 
et  bel  effet,  mais  sont  réellement  utiles,  en  ce  quelles  maintiennent  et  com- 
priment le  plomb  et  le  garantissent  des  violentes  secousses  dn  vent,  il  serait 
bien  temps  de  replacer  ces  crêtes  au  sommet  des  toits  de  nos  cathédrales; 
au  lieu  ,  |)ar  exemple ,  de  dénaturer  les  tours  de  la  cathédrale  de  Hcims , 
ainsi  rpi'on  vient  déjà  de  le  faire  à  l'une  des  deux,  il  serait  un  peu  plus  utile  et 
raisonnable  de  refaire,  comme  elle  était,  la  crête  qui  couronnait  le  grand  toil. 

La  pierre  de  Saint-Giles  sort  des  carrières  de  lord  Shrewsbury,  le  bois  des 
charpentes  sort  de  ses  forêts,  les  terres  cuites  du  pave  sortent  de  ses  brique- 
teries; ce  sont  ses  ouvriers  qui  ont  taillé  et  posé  la  pierre,  équarri  et  posé 
les  charpentes,  cuit  et  posé  les  briques;  c'est  l'intendant  de  ses  construc- 
tions, M.  Denys,  qui  a  surveillé  les  travaux;  c'est  son  ami  ,  .^^.  Pugin,  qui 
a  conçu  le  monument,  en  a  donné  le  dessin  ,  en  a  dirige  la  constriution  et 
l'ornementatiftn. 

.\près  l'extérieur  de  l'église,  (pic  nous  venons  de  voir  Ircs-rapidcmcnt , 
entrons  un  peu  dans  l'intérieur.  Luc  grille  de  fer  ouvragé  sépare  de  l'église 
le  |)assage  ou  porche  pratirpié  sous  la  tour;  on  la  pousse,  et  l'on  se  trouve 


:20G  ANNALES  A  HCH  ÉOLOGIQUES. 

dans  la  nef.  Cette  nef  a  cinq  travées  de  4  mètres  d'envergure;  en  hauteur  elle 
a  15  mètres;  en  largeur,  y  compris  les  ailes,  13  mètres.  Les  colonnes,  libres 
ou  engagées,  ont  des  chapiteaux  de  dessins  différents.  Ces  piliers,  la  toiture 
entière  ou  charpente  (qui  est  apparente  comme  en  Italie  et  en  bois  de  chêne 
anglais;,  les  nuiraillos,  les  arches,  tout  est  couvert  d'ornements  peints  et 
dorés;  c'est  d'un  effet  réellement  magi([ue.  L'aile  du  nord  est  peinte  en  bleu 
foncé,  celle  du  sud  en  rouge  ardent.  Partout  se  révèle  la  pensée  s\mbolique 
de  l'architecte.  Les  prophètes,  copiés  d'après  d'anciennes  fresques  d'Italie, 
dominent  les  arcades  ;  des  anges,  jouant  de  divers  instruments  de  musique , 
sont  sculptés  sur  des  encorbellements  ou  pierres  saillantes  qui  reçoivent  les 
poutres  principales  de  la  charpente.  La  travée  occidentale  de  l'aile  du  sud  est 
séparée  de  la  nef  par  une  cloison  de  cliène  ouvragé  où  s'implantent  des  bar- 
reaux de  cuivre  poli;  c'est  une  chapelle  pour  les  fonts  de  baptême.  La  cuve 
baptismale  est  en  albâtre  et  de  forme  octogonale;  elle  est  sculptée  de  quatre- 
feuilles  qui  encadrent  les  évangélistes  et  quatre  anges  chargés  de  couronnes. 
Des  dragons  sont  écrasés  sous  le  piédestal;  ils  représentent  le  péché  détruit 
par  le  baptême.  La  fenêtre  qui  s'ouvre  sur  celte  chapelle  e^-l  à  trois  jours  ;  les 
vitraux  qui  remplissent  le  jour  du  milieu  montrent  saint  Jean  et  le  Saint- 
Esprit  ;  saint  Jean  tient  l'agneau  de  Dieu,  et  le  Saint-Esprit  descend  du  ciel  en 
terre  dans  une  gloire  qu'illuminent  sept  étoiles,  pour  figurer  les  sept  dons  de 
la  troisième  personne  divine.  Ixs  jours  latéraux  sont  occupés  par  huit  vertus 
écrasant  huit  vices.  L'Humilité  terrasse  l'Orgueil;  la  Charité,  l'Avarice  ;  la  Foi, 
l'Idolâtrie;  l'Espérance,  le  Désespoir,  etc.  Toute  l'église  est  remplie  de  bancs 
fixes,  en  chêne  sculpté  de  moulures  et  de  rares  ornements  Des  briques, 
émaillées  de  couleurs  différentes,  chargées  d'attributs  héraldiques,  de  devises 
et  de  sentences  bibliques,  pavent  la  nef  et  les  ailes;  le  soubassement  de 
l'église  est  tapissé  lui-même  de  carreaux  émaillés.  On  a  préféré  ces  carreaux 
indestructibles  à  la  peinture  murale  qui  n'aurait  pu  résister  au  frottement.  Du 
reste,  ces  briques  et  carreaux  émaillés  sont  hiérarchisés,  pour  ainsi  dire; 
très-riches  de  couleurs  et  d'ornements  dans  le  sanctuaiie,  ils  sont  déjà  i)lus 
simples  dans  les  chapelles,  plus  sinq)les  encore  dans  nef  et  fort  connnuns 
dans  les  ailes.  Ce  n'est  pas  à  !M.  Pugin  qu'on  pourra  jamais  reprocher  l'ab- 
sence de  pensée,  même  dans  les  détails.  C'est  un  grand  charme  ,  en  vérité, 
que  de  disscquei'  ainsi  tout  un  édifice  où  la  science  et  la  croyance  d'un  homme 
de  talent  sont  traduites  en  pierre,  en  albâtre,  en  verre,  en  terre  cuite,  en 
bois,  en  fer,  en  cuivre ,  en  argent,  en  or,  en  laine  et  en  soie. 

Au  fond  de  l'aile  du  nord  est  la  cha|)elle  de  la  Vierge,  qui  s'annonce  par 
une  grille  en  chêne  peint  et  doré,  et  que  surmonte  une  crête  de  fer  découpée 


PROMENADE  EN  ANfiLETERUE.  297 

en  fleuis-de-lis.  Le  sol  de  celte  chajH'lle  est  pavé  de  l)ri(jues  où  s'éinailleiU  les 
roses  el  les  lis  qui  appartiennent  à  la  Vierge.  I/aiitel  est  en  ulhAlre  el  vrai- 
ment viriiinal;  il  porte  un  lripty(]ue  ancien,  du  xv'  siècle,  en  bois  de  clit^ne 
et  provenant  de  la  Helyiciuc  ou  de  la  Flandre.  Trois  fjrands  sujets  el  plu- 
sieurs petits  i^rDupcs,  (pii  n'iirésentiMil  la  Passion,  la|)iss('nt  ce  joli  iiioiuiiiient. 
La  fenêtre  ouverte  sur  celle  chapelle  otïre  en  peinlun^  sur  verni  l'Annoncia- 
tion cl  Marie  tenant  Jésus.  Sur  les  autres  verrières  qui  éclairent  les  bas-côtés, 
f)n  \oit  les  sej)!  (Hîuvres-de-Miséricorde,  la  Vierge  entourée  des  atlriliuls  in- 
voques dans  ses  litanies,  Jésus  montrant  son  cœur,  saint  Pierre,  saint  Paul, 
saint  Jean  évangéliste  ,  saint  Giles  ,  saint  Chad,  et  le  buste  de  plusieurs  saints 
saxons.  Une  assez  mauvaise  peinture  à  l'huile ,  exécutée  à  Rome  et  repré- 
sentant le  jugement  dernier,  remplit  l'arcade  murée  qui  réunit  la  nef,  laquelle 
est  haute,  au  sanclu;iiii',  (|ui  est  bas. 

La  chaire  est  |)latee  au  nord,  près  de  la  chapelle  de  la  Vierge;  elle  est  de 
forme  octogone;  sur  ses  faces,  on  voit  sculpté  saint  Jean  prêchant  dans  le 
désert  et  les  trois  grands  prêcheurs  du  moyen  âge,  saint  Bernard  ,  saint  Do- 
minique et  saint  Fran(,-ois.  Tout  est  vivant  dans  cet  édilice.  Quatre  couronnes 
ardentes,  en  fer  et  cuivre,  ayant  la  foiuie  d  un  six-feuilles ,  émaillées  et 
dorées  en  partie,  portent  chacune  vingt-quatre  bougies.  Klles  sont  suspendues 
aux  charpentes  par  des  chaînes  en  fer.  On  y  lit ,  coulée  en  émail ,  celle  in- 
scription latine  :  «  Domine,  da  nobis  lucem  ;>.  Treize  cierges  s'allument  au 
jubé  à  jour  qui  sépare  la  nef  du  sanctuaire,  et  des  branches  de  cuivre  por- 
tent douze  autres  cierges,  là  où  sont  marquées  les  croix  de  consécration.  Tout 
est  couleur,  or  el  lumière. 

Au  fond  de  laile  septentrionale,  reluit,  on  peul  le  dire,  la  chapelle  du 
Saint-Sacrement.  Une  grille  en  cuivre  plein,  exécutée  avec  une  rare  perfec- 
tion dans  les  ateliers  de  M.  Hardman  ,  à  Birmingham,  ferme  cette  chapelle. 
Les  panneaux  inférieurs  de  cette  grille  sont  renqilis  d'ouvrages  ciselés  el  forés 
qui  représentent  l'agneau  de  Dieu  et  des  vases  sacres.  La  partie  supérieure 
est  hérissée  de  croix  el  de  couronnes  destinées  à  porter  des  cierges.  Quoique 
légère  en  apparence,  celte  grille  est  d'un  poids  énorme;  elle  a  demandé 
deux  années  de  travail.  Les  briques  émaillées  du  pavemenl  oftVenl  des  croix, 
des  agneaux,  le  mol  «  Sanctus  «  semé  sans  nombre;  elle-  |Mirli'nt  en  outic 
les  inscriptions  suivantes  :  "  Domine,  non  .-^um  dignus  »  ;  —  «  Panem  ange- 
lorum  manducasil  homo  »;  —  «  l'anem  de  Cielo  dedil  eis  »  ;  —  «  Adoremus 
inaeternuni  -andissimum  sacramcnlum  >'.  — La  chapelle  est  entièrement  cou- 
verte de  dorures  :  feuillages  ,  grenades ,  raisins  ,  agneaux  ,  ornements  da- 
massés, (".'est  d'une  richesse  éblouissante.  L'aulel  est  en  albiitre  el  sculpté  de 
v.  ;}9 


298  ANNALES  AUCII  KOLOG  IQUES. 

chérubins  à  trois  paires  d'ailes;  il  porle  de  richos  chandeliers  et  un  taber- 
nacle couvert  d'or  et  d'émaux  ;  il  est  paré  de  linges,  et  de  tissus  d'or  et  de 
soie,  où  brillent  les  emblèmes  du  mystère  auquel  cette  chapelle  est  consacrée. 
De  la  voûte  descend  une  iam|)e  enfermée  dans  une  couronne  à  six  pans,  sur 
chacun  desquels  est  écrit  l'un  des  attributs  do  la  Divinité  : 

VIRTUS.  —  IIONOR.  —  SAI'IENTIA.  —  CHARITAS.  —  BENF.DICTIO.  —  FORTITUDO. 

La  fcnètio  cpii  éclaire  cette  chapelle  porte',  en  vitraux  peints,  une  vigne 
touffue  haliitée  par  des  chérubins  qui  tiennent  des  inscriptions  en  l'honneur 
de  l'Eucharistie  ;  au  centre ,  on  voit  Jcsus-Christ  accompagné  des  évangé- 
listes,  et  on  lit  sous  les  pieds  du  Sauveur  :  «  Amen ,  amen  ,  dico  vobis,  ego 
sum  panis  vivus  qui  de  cœlo  descendit  ». 

Quant  au  sanctuaire,  presque  aussi  large  que  la  nef,  il  a  neuf  mètres  de  pro- 
fondeur. La  voûte  est  en  chêne,  cintrée  en  ogive  et  divisée  en  panneaux  par 
des  nervures  sculptées.  Les  panneaux  sont  semés  d'étoiles  d'or  et  du  mono- 
gramme du  (Christ  entouré  de  bordures  brillantes.  Nous  aui-ions  préféré  une 
bonne  voùle  en  pierre.  Le  champ  des  murs  est  entièi-ement  doré  ;  quatre- 
feuilles,  guirlandes  et  feuillages  sans  nombre.  On  y  voit  des  anges  qui  portent 
des  banderoles  sur  lesquelles  se  lisent  des  versets  du  «  Te  Deum  »  et  du  «  Be- 
nediclus».  La  grande  fenêtre  orientale,  qui  verse  sur  l'autel  la  lumière  du 
soleil  levant,  offre  l'arbre  de  Jessé  ou  la  généalogie  du  Christ;  saint  Giles  et 
saint  Cliad ,  les  deux  patrons  chéris  de  cette  église,  assistent  à  cette  généa- 
logie divine.  Comme  les  autres,  le  grand  autel  est  revêtu  d'albâtre  et  couvert 
d'anges  assis  sur  des  trônes,  et  qui  jouent  de  divers  instruments  de  musique. 
Sur  le  retable,  est  sculpté  le  couronnement  de  la  Vierge;  Marie  est  accom- 
pagnée d'auges  qui  l'encensent  et  qui  portent  des  cierges  allumés  en  son  hon- 
neur. Dans  le  mur,  à  droite  ou  au  sud,  sont  creusés  les  trois  sièges  pour  le 
prêtre  officiant^  le  diacre  et  le  sous-diacre.  M.  Pugin,  contrairement  aux 
usages  français,  et,  nous  le  craignons,  contrairement  aux  prescriptions  de  la 
liturgie  latine,  n'assied  pas  le  prêtre  entre  le  diacre  à  droite  et  le  sous-diacre 
à  gauche,  mais  en  avant  de  l'un  et  de  l'autre  comme  quand,  pendant  le 
«  Gloria  »  ou  le  «  Ciedo  »  ,  par  exemple ,  ils  s'échelonnent  en  flèche  sur  les 
marches  de  l'autel.  Par  suite  de  ce  système  hiérarchique,  M.  Pugin  a  élevé 
le  siège  du  prêtre  d'un  degré  sur  celui  du  diacre,  de  deux  sur  celui  du  sous- 
diacre.  On  trouve,  en  Angleterre,  ce  qu'on  appelle  des  »  sedilia  »  disposés 
ainsi  ;  mais  a-t-ou  bien  constaté  que  ce  sont  des  sièges  et  qu'ils  étaient  des- 
tinés au  célébrant  et  à  ses  deux  acolytes?  Les  emblèmes  respectifs  du  prêtre, 


PKOiMKNADE   KN   ANf.LKTKIUlE.  290 

du  (liiUTC  o\  (lu -iuiis-diiK'ie  sont  sculptés  au  dos  dos  siégos  de  i'.lioailio.  Dans 
If  mur  (lu  iKird  ,  en  face  des  «  sedilia  »,  est  creusé  le  sépulcre  de  Jésus-dlirist 
pour  le  service  de  Pi'iques.  C'est  là  qu'on  expose  les  reliquaires,  sous  une 
voûte  doublée  de  moulures  très-saillantes  et  très -ouvragées.  "I.a  Irihune  de 
l'orgue  s'ouvre  au-dessus  par  six  arcades  garnies  de  grilles  en  cuivre.  I.'liar- 
nionie  part  ainsi  du  fond  oriental  de  l'église;  elle  se  répand,  de  re\lr('niil(' 
du  sancluaiic,  sur  les  fidèles  échelonnés  dans  la  nefet  les  ailes,  l'ne  couronne 
ardente  en  l'er,  du  xv  siècle,  d'un  travail  exquis,  a  été  rapportée  de  Ihindiv 
par  M.  Pugin;  elle  est  suspendue  au  centre  du  sanctuaire. 

Les  vases  sacrés,  les  livres  liturgiques,  le  linge,  les  ornements  sacerdo- 
taux, les  tapisseries,  dont  celle  église  esl  abondamment  pourvue,  ont  été  soi- 
gneusement dessinés  et  exécutés  d'après  d'anciens  modèles  cl  dans  un  style 
approprié  à  celui  du  monument.  I.c  généreux  l'ondaleur  n'a  rien  omis  de  ce 
qui  pouvait  contribuera  reiulre  |)lus  solennelle  la  célébration  des  ollices divins. 

L'église  entière  esl  entourée  d'un  \aste  jardin,  ou  cimetière,  enclos  de 
murs  épais  et  dont  les  limites  \ont  être  plantées  d'ormes  et  il'antres  arbres. 
A  l'angle  sud-ouest  du  terrain,  et  attenant  au  porclie  septentrional,  s'élève 
une  grande  croix  de  pierre.  Une  suite  de  marches  lui  conq)ose  un  perron  où 
la  base  est  plantée.  A  chaque  angle  de  celte  base  esl  sculjjté  l'attribul  d'un 
des  évangélisles,  et,  sur  les  quatre  faces,  un  calice  où  tombe  le  sang 
qui  coule  du  |)ied  de  la  croix.  C'est  le  symbole  du  Sauveur  qui  répand  son 
sang  dans  les  quatre  coins  de  la  terre.  Le  fût  ou  le  tronc  de  la  croix,  chargé 
de  Heurs,  s'élève  à  plusieurs  pieds  au-dessus  de  la  base;  il  en  part  deux 
branches  qui  portent  les  statues  de  la  Vierge  et  de  saint  Jean  évangélistc. 
Jésus  est  crucifié  entre  sa  mère  el  son  ami.  Cette  croix  mar(]ue  la  tondie  du 
Sauveur,  et  c'est  par  elle  que  commencent  les  tombes  des  fidèles  ipii  vien- 
dront occuper  ce  cimetière.  On  y  voit  déjà  (juchpics  croix  et  monuments  funé- 
raires en  style  du  moyen  âge.  Petit  à  petit  la  mort  peiq)lera  ce  terrain  qui 
est  vide  encore. 

A  l'extrénùlé  orientale  du  cimetière,  M.  Pugin  a  consliuil  un  vaste  bâti- 
ment, toujours  en  style  ogival,  destiné  aux  écoles  de  filles  et  de  garçons. 
Pour  les  jours  de  solennités,  une  large  el  très  longue  salle  règne  au-dessus 
de  ces  écoles  qui  se  lernùnenl  par  le  logement  de  l'instituteur  el  des  bàtirneiits 
divers.  La  maison  du  recteur  ou  curé  de  Sainl-ljiles  est  en  cours  de  construc- 
tion; on  doit  v  ajouter  un  établissement  conventuel  pour  des  missionnaires; 
le  tout,  répétons-le  encore,  est  en  style  ogival,  cette  forme  (pii  se  prèle  si 
merveilleusement  aux  nécessités  d'une  église,  d'une  école,  d  un  eouvent  et 
d'une  maison  ordinaire  d'lial)itation. 


300  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Maintenant  que  nous  avons  construit,  quoique  bien  imparfaitement  et 
bien  mal ,  dans  notre  description,  l'église  de  Sainl-Giles  et  les  dépendances 
qui  lavoisinent  ,  nous  allons  assistera  la  cérémonie  de  l'inauguration.  Il 
avait  été  décidé  que  les  offices  commenceraient  et  finiraient  par  une  proces- 
sion solennelle,  qui  partirait  du  bâtiment  des  écoles  pour  se  rendre  à  l'église. 
C'est  dans  la  grande  salle  inférieure  des  écoles  qu'avaient  été  rangés  par 
ordre  les  vêlements  des  diacres,  des  prêtres  et  des  évêques.  M.  Pugin  nous 
conduisit  dans  cette  salle  et  nous  fit  remarquer  la  richesse  du  tissu,  la  beauté 
de  la  coupe  des  ornements  sacrés.  Ces  ornements,  excepté  trois,  étaient  de 
forme  ancienne;  ils  rappelaient  le  moyen  Age,  aussi  bien  que  l'église.  Une 
chape,  donnée  par  lord  Shrewsbury,  était  originale  el  de  la  fin  du  xiii*  siècle. 
Ce  beau  vêtement,  conservé  d'une  manière  remarquable,  porte  brodée  la  vie 
de  la  Vierge  et  de  Jésus-Christ.  Les  armoiries  nombreuses  qui  y  sont  relevées 
en  soie,  or  et  argent,  suiluont  pour  le  faire  dater  et  pour  l'attribuer  à  un 
donateur  certain.  Si  M.  Pugin  ne  faisait  pas  graver  cette  chape ,  nous  la  don- 
nerions dans  les  u  Annales  archéologiques  »  comme  pendant  de  la  dalmatique 
impériale.  La  richesse  de  l'église  peut  faire  présumer  celle  des  ornements  dont 
tout  le  clergé  allait  se  couvrir.  Un  peu  après  onze  heures,  la  procession  se  mit 
en  marche,  le  chœur  en  tête,  suivi  des  membres  du  clergé  inférieur,  selon 
leur  rang,  des  évêques,  selon  la  date  de  leur  ordination,  et  des  archevêques. 
Le  vénérable  docteur  Walsh,  évêquedu  Staffordshire ,  fermait  la  marche  du 
cortège;  il  tenait  en  main  la  crosse,  emblème  mystique  de  son  autorité. 
Tous,  revêtus  du  grand  costume  de  leur  dignité  ',  offraient  un  spectacle  im- 
posant. 11  était  impossible  de  ne  pas  se  reporter  en  imagination  à  ces  temps 
anciens  où,  ainsi  habillés  et  en  appareil  semblable,  les  prédécesseurs  de 

I.  En  Angleterre,  trois  évêques  seulement  tiennent  encore  à  la  milre  ovale  et  sans  fin,  à  la 
chasuble  écourtée,  à  la  pesante  crosse  de  notre  pays;  tous  les  autres  adoptent  et  portent  avec 
une  grande  majesté  la  mitre  basse,  les  larges  et  souples  ornements,  l'aube  et  l'amict  parés, 
l'élole'  et  le  manipule  étroits ,  la  crosse  légère  et  charmante  des  xni'=  et  xiv  siècles.  Ces  trois  évê- 
ques faisaient  un  contraste  frappant  dans  ce  cortège  du  moyen  âge.  A  l'étonnemenl  et  au  sérieux 
sourire  qui  les  accueillait,  ils  auront  pu  comprendre  qu'en  fait  de  goût  et  d'art  le  moyen  âge  vaut 
mieux  que  le  nôtre;  nul  doute  qu'ils  ne  finissent  (c'est  peut-être  déjà  fait)  par  quitter  leurs  orne- 
ments modernes  pour  prendre,  comme  leurs  confrères,  les  beau.\  vêtements  anciens.  En  France, 
on  est  un  peu  moins  avancé,  car  il  n'y  a  pas  un  seul  évèque  qui  soit  revenu  aux  ornements  du 
moyen  âge;  toutefois,  plusieurs  y  songent,  et  quand  l'un  d'eux  aura  osé,  la  réforme  ne  tardera 
pas  à  s'accomplir.  —  Cette  malheureuse  mitre  épiscopale  moderne  ressemble,  à  s'y  tromper,  aux 
mitres  de  carton  ou  de  papier  dont  l'inquisition  coiffait ,  en  Espagne,  les  hérétiques  et  les  possé- 
dés. Voyez,  tous  les  tableaux  où  sont  représentés  les  condamnés  de  l'inquisition  espagnole;  il  n'y 
a  au  monde  rien  de  plus  ridicule,  et  ce  sont  les  xvi'  et  xvii'  siècles  qui  nous  ont  valu  cette  forme 
bilieuse  de  la  mitre  moderne. 


l'HOMFNADE   KN   ANG  LETKIUIE. 


301 


ces   prrlals    (li~|iul;iiciit   aii\   l■oi^  irAiii^Ictcnc    l'anloritc   spirituelle.   Saint 
riionias  Beokcl ,  iloiil  nous  venions  devoir  la  callH-dralc  (ni'il  avait  fait  re- 
tentir de  son  anlentc  parole,  et  la  pierre  sacrée  nu  il  a\ail  leeii  le  martyre, 
devait  nous  revenir  en  mémoire. 
Le  cortège  ctail  ainsi  disposé  : 


Tliuriforiiircs. 

Porte-croix .  céroforairo?  oii  poi'le-iier>;es  el 
acolytes. 

Enfaiitsciecliffuilialiillésdi»  la  soutane  roui;e. 

Chœur  de  chantres  et  d'acolytes. 

Deux  grands  clianlres  en  chape .  hàlon  can- 
loral  à  la  main. 

Quatorze  clercs  mineurs  en  soutane  noire  et 
surplis  '. 

Huit  sous-diacres  en  tunique. 

Huit  diacres  en  dalniatique. 

Quarante  prêtres  en  chasuble*. 

Treize  prêtres  (curés  de  cathédrales)  sjrands 
vicaires  et  autres  fonctionnaires,  en  chape. 

Treize  évêques  et  archevêques ,  accompagnés 


chacun  de   leur  chapelain,  dans  l'ordre  sui- 
vant : 

L'évêque  Ullathorne  (Batli). 

L'évèque  Kiddell  (Ne\vc«islle). 

L'évêque Sharples  (Lancashire). 

L'évêque  Brown  (  Walcs) . 

L'évèque  Waring  (Northampton). 

L'évêque  Gillis  (Edimbourg). 

LevêqueNorris  (Londres). 

L'évêque  Griffiths  (Londres). 

L'évêque  Briggs  (Vork).' 

Le  docteur  Polding,  archevêque  dt;  .'^vdney. 

Jacob  Héliani,  archevêque  do  Damas. 

L'évèque  Wiseman  (Stafl'ordshire). 

L'évêque  Walsh  (SlaiTordshire). 


Notons  ici  qu'au  iiiiiiiu  des  acolytes  portant  des  cierges,  on  voyait  le  jeune 
Trogmorton  et  le  jeune  Uertram  Talbot.  Ce  dernier,  sur  lequel  tous  les  regards 
se  tournaient,  est  un  beau  garçon  de  quatorze  ans  et  l'héritier  présomptif 
des  domaines  el  de  la  gloire  liisloricpie  de  la  grande  maison  de  Sluewshurv. 
L'un  des  deux  grands  cliantres  était  .M.  llardman,  de  Birmingham;  .M.  Hard- 
man  dirige  l'orfèvrerie,  les  ateliers  de  peinture  sur  verre  et  de  broderie,  où 
s'exécutent,  d'après  les  dessins  de  M.  Pugin,  tous  les  objets  du  culte  catho- 
lique de  l'Angleterre.  Parmi  les  clercs  mineurs,  on  voyait  la  figure  pensive 
et  recueillie  de  M.M.  N(!\vmann  el  Oakeley,  docteurs  de  l'université  d'Oxford, 
anciens  amis  du  docteur  Pusey,  el  récemment  convertis  au  catholicisme.  Le 
docteur  Winter,  ancien  chapelain  de  lord  Shrewsbury,  et  le  docteur  Spencer, 
frère  du  lord,  étaient  parmi  les  prêtres,  il  serait  difficile  de  trouver  ailleurs 
une  réunion  d'hommes  plus  éminents  en  condition,  science  el  caractère. 

Au  moment  ou  la  procession  se  mit  en  mouvement,  le  chœur  entonna  le 
psaume  ('  Lftalus  sum  »;  en  entrant  sous  le  porche  occidental,  on  chanta  en 


1.  On  nous  a  dit  ipie  le  collège d'Ûscoll,  près  de  Birmingham,  et  même  l'université  protestante 
d'Oxford,  avaient  envoyé  plusieurs  acolytes  el  jeunes  clercs  du  cha-urdes  chantres. 

2.  Au  milieu  d'eux  un  Bénédictin,  uniquement  \êtu  de  son  habil  de  religieux,  el  ne  portant  ni 
surplis  ni  vêlements  sacerdotaux. 


302  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

masse  cl  avec  une  ardeur  singulière  «  Quam  dilecta  tabernacula  tua  ».  Ce- 
pendant la  foule  des  assistants,  qui  s'était  placée  avec  peine,  remplissait  la 
nef  et  les  ailes  de  l'église;  les  femmes  à  gauche  ou  au  nord,  et  les  hommes  à 
droite.  Le  comte  Shrewsbury  était  en  haut  de  la  nef,  près  du  choeur.  Puis 
on  remarquait  l'ambassadeur  d'Autriche  et  la  comtesse  Dietrichstein  ;  le 
comte  de  Pollou,  ministre  de  Sardaigne;  lord  et  lady  Dormer,  Jord  et  lady 
Camoys  avec  miss  Stonor;  lord  Vaux,  de  ttarrowden;  l'honorable  StatTord 
Jerningham,  sir  Vavasour  et  sir  Langdale,  M.  et  M""^  Washington  llilbert, 
William  Talbot,  esq. ,  et  miss  Talbol;  miss  Watts  Russell ,  sir  Robert  et 
lady  Tlirogmorton ,  miss  Augusia  Talbot;  IMM.  Scott  Murray ,  C.  Barry 
(l'architecte  du  parlement),  Pugin,  Berkeley,  Thomas  Close ,  le  chevalier 
Dalti,  chandjellan  du  pape;  MM.  Hornyhold,  Blackniore  Park,  Filzherbert, 
Brockoles,  Smythe,  Gandolfi,  Acton  Burnell,  Whilgrave.  M.  Herbert, 
peintre  d'histoire,  et  M.  Stanfield,  célèbre  paysagiste,  assistaient  avec 
M.  Gérente  et  moi  à  cette  imposante  cérémonie.  Nous  avions  été,  en  qua- 
lité d'étrangers,  favorisés  d'une  assez  bonne  place,  grâce  à  l'obligeance  de 
M.  Pugin  et  de  nos  voisins  anglais. 

La  procession  défila  devant  ces  regards  allumés  par  la  curiosité,  devant 
ces  fronts  inclinés  par  le  respect.  Tons  les  clercs,  prêtres,  évêques,  habillés 
de  lin,  de  soie,  d'argent  et  d'or,  allèrent  prendre  dans  le  chœur  et  le  sanc- 
tuaire la  place  qui  leur  était  imposée  par  les  fonctions  liturgiques  et  désignée 
par  le  maître  des  cérémonies.  A  travers  la  claire-voie  du  jubé  et  de  la  grille 
de  cuivre,  sous  le  feu  des  cierges  et  des  couronnes  ardentes,  les  évêques, 
immobiles  sous  leurs  mitres  et  dans  leurs  chapes;  d'or,  ressemblaient  à  des 
reliquaires  étincelanls.  Aujourd'hui,  dans  le  monde  civil  ou  militaire,  dans 
les  cours  des  rois  ou  les  grandes  assemblées  politiques,  il  ne  peut  y  avoir 
un  pareil  éclat  de  lumière  et  de  métal,  et  cependant  nous  étions  dans  la 
petite  église  d'une  toute  petite  ville.  Ce  fut  le  docteur  Wisemau,  évoque  du 
district,  qui  officia  sous  la  présidence  du  docteur  Walsh;  il  était  assisté  du 
révérend  George  Talbot,  du  révérend  F.  Amherst  et  du  révérend  James Whe- 
ble,  diacre,  sous-diacre  et  maître  des  cérémonies.  La  messe  commença; 
mais,  à  partir  de  ce  moment,  pendant  tout  l'office  du  matin  et  du  soir,  des 
sentiments  assez  désagréables  se  sont  succédé  en  nous.  La  mauvaise  musique 
et  l'exécution  à  l'italienne  de  quelques  phrases  fort  courtes  de  plain-chant, 
nous  ont  gâté  (je  ne  fus  pas  le  seul  de  cet  avis  et  de  cette  impression)  le  reste 
de  notre  journée.  Fut-ce  distraction  de  ma  part,  ou  l'omission  eut-elle  lieu 
réellement,  je  n'entendis  ni  «Introït»  ni  «Kyrie».  Le  «Gloria»  fut  chanté 
en  nuisique  langoureuse;    l'orgue  joua  tout  seul  une  sorte  de  polka  au 


IMUlMF.NAIii:   EN    A  NC  I.KTI-.IUIK.  303 

i(  Graduel  H  et  an  «irait  ».  Los  répons  (ini  suivent  1  "annonce  de  l'Kvanjjilc, 
faite  par  le  diacre,  se  dirent  en  une  sorte  de  inusi(jne  l)àtarde.  Ileiiren^enienl 
le  docteur  Gillis,  évc^que  d'Edimbourg,  vint  faire  diversion  à  ce  fade  cha- 
rivari; il  njonla  dans  la  chaire,  cl,  d'une  voix  ferme,  annonça  que  la  (în  de 
la  captivité /le  Balivlonc  approchait ,  puisque  le  /r-m/j/c  était  déjà  rehàti.  Je 
ne  sais  pas  l'anglais,  mais  ces  mois  de  Hahylono  et  de  Jérusalem  ,  de  David 
etdeSalomon,  de  Temple  cl  dt>  (iluircli,  ipii  revenaient  constaMiiiienl  ,  me 
tirent  deviner  une  grande  pnriie  de  ce  sermon  iirononee  a\ee  uni' grande 
l'one.  Après  la  |)reiliealioii ,  le  (dh-edo».  C'était  le  moment  alors,  et  à  la 
suite  (1  tiii  piueil  ili-eoiirs.  de  faire  une  profession  de  foi,  de  chanter  en 
chœur,  tous  eiLsemble,  et;  symbole  des  catholiipies ,  aucjuel  tous  ceux  qui 
assistaient  à  cette  cérémonie  se  raltaelienl  si  éncrgiquement.  Pas  du  tout  : 
ce  fut  à  la  tribune  de  l'orgue,  pai'  (piaire  voix  insignifiantes,  accompagnées 
d'nn  orgue  mou  et  qui  m'a  paru  jouer  faux,  que  le  «  t^redo  »  fut  dit.  Les 
assistants  récitèrent  debout,  chacun  à  part  et  en  searle ,  le  «  Credo  »;  puis 
ils  se  rassirent  pour  écouter  celui  (pion  débitait  à  l'orgue.  Je  n'ai  jamais  rien 
entendu  de  plus  misérable;  M.  Pugiu  et  M.  Moore,  curé  de  Birmingham,  qui 
me  l'ont  dit  ensuite  ,  furent  de  mon  avis.  Quand  on  ressuscite  les  étofl'es  ,  les 
métaux,  la  pierre  et  le  bois  du  moyen  âge,  il  faut  en  ressusciter  le  chant;  le 
chant,  c'est  l'àme  qui  parle.  L'orgue  seul  se  chargea  de  l'Olfertoire,  [)uis  du 
mottet  «  Haec  dies  quani  fecil  Domimis  »,  ])uis  du  «  Sanctus  »  ,  i)uis  d'un 
mottet  en  guise  d'uO  salularis  hoslia  »;  puis  d'un  mottet  en  guise  de 
Communion.  On  ne  chanta  pas  le  «  Domine  salvum  fac  regem  »  ou  plutôt 
K  Salvam  fac  reginam  '».  Après  un  maigre  «  Ite  missa  est  »,  en  mauvais  plain- 
chant,  fut  donnée  la  bénédiction  épiscopale;  puis  l'orgue  joua  une  retraite, 
et  la  procession  se  remit  en  marche  pour  retourner  au  bâtiment  des  écoles, 
d'où  elle  était  partie.  Je  me  précipitai  hors  de  l'église,  pour  respirci-  un  peu 
et  revoir  ce  beau  cortège  que  j'avais  tant  admiré  avant  la  messe.  Le  |)euple 
de  Cheadle  et  des  environs  avait  grossi;  il  escalada  les  murs,  monta  sur  les 
loils,  et  regarda  en  silence,  avec  un  respect  marcpié,  cette  procession  dhom- 
nies  vénérables  qui  traversaient  le  cimetière,  le  futur  cliamp  des  morts,  pour 
revenir  au  point  de  départ. 

Un  repas  niagnilique  fut  servi  par  les  ordics  de  lord  Sluew^burs  dans  la 
grande  salle  supérieure  de  l'école;  nous  y  fûmes  invités,  iVL  Gérente  et  moi. 
Alors  M.  Pugin  nous  présenta  à  lord  Shrowsbury,  qui  nous  lit  un  accueil  des 

I.  J'en  lis  l'observalion  a|)rfs  lu  iilTéinonie  ;  on  me  dit  (jiie  c'était  un  oulili  cl  i|u\iii  en  était 
extrêmement  conlrariù. 


304  ANNALES  ARCHÉOLOGIOUES. 

plus  affables.  Le  conile  peut  avoir  cinquante-cinq  ans;  il  est  grand,  mince, 
un  peu  i)enché  par  l'âge  et  le  chagrin  f^la  princesse  Borghèse,  sa  sainte  fille, 
n'est  pas  morte  dans  son  cœur);  ses  cheveux  blonds  grisonnent  et  blanchis- 
sent. Dans  la  conversation ,  je  prononçai  le  nom  de  M.  le  comte  de  Monta- 
lembert;  le  comte  me  dit  qu'il  lui  avait  écrit  pour  l'inviter  à  celte  importante 
cérémonie ,  et  qu'il  regrettait  beaucoup  de  ne  l'y  pas  voir  au  milieu  de  nous. 
Quelques  jours  après,  M.  le  comte  de  Montalembert ,  qui  ne  me  savait  pas 
en  Angleterre,  m'écrivait  de  la  Roche-en^Breny  (Côte-d'Or)  :  «Je  vous  in- 
dique le  sujet  d'un  magnifique  article  pour  les  «  Annales  archéologiques  »  : 
c'est  la  description  et  consécration,  par  treize  évéques,  entre  autres  ceux  de 
l'Anstralasie  et  de  Damas,  de  la  nouvelle  église  catholique  de  Cheadle,  érigée 
par  M.  Pugin  aux  frais  du  comte  de  Shrewsbury,  qui  lui  a  donné  près  d'un 
million,  en  lui  disant  de  faire  ce  qu'il  pourrait  avec  cela ^  et  il  a  fait  la  mer- 
veille de  l'Angleterre.  Élevez-vous,  à  cette  occasion  ,  contre  l'odieux  s\|Stème 
des  églises  nouvelles  de  France.  Vraiment  on  rougit  de  honte,  quand  on 
songe  qu'en  Angleterre  et  en  Allemagne,  il  ne  se  construit  pas  une  seule 
église,  catholique  ou  même  protestante,  qui  ne  soit  pas  d'architecture  chré- 
tienne, tandis  qu'en  France  je  n'en  connais  pas  encore  une  seule  qui  ait  été 
élevée  en  dehors  du  joug  des  néo-païens  de  l'Académie  et  de  l'École  des 
beaux-arts  '.  Notez  bien  qu'il  n'y  a  pas  de  pays  où  l'on  bâtisse  plus  d'églises 
nouvelles  qu'en  France  ;  c'est  la  fameuse  phrase  de  Raoul  Glaber  renversée  : 
tous  les  jours  on  voit  la  terre  se  revêtir,  non  d'une  parure  nouvelle,  mais 
d'une  couche  d'affreuses  excroissances  qui  déshonorent  également  Dieu  et 
les  hommes.  Faites-vous  raconter  par  M.  Yiollet-Leduc  les  halles  hideuses 
qu'on  érige  ici  sous  prétexte  de  faire  des  églises;  en  Franche-Comté,  où  les 
communes  sont  à  la  fois  riches  et  croyantes ,  on  s'amuse  à  détruire  les  laides 
églises  du  xxn"  siècle  (bâties  après  les  dévastations  de  Louis  XIV  et  des  Sué- 
dois) pour  en  élever  d'autres  mille  fois  plus  laides,  percées  de  sabords  et  voû- 
tées en  caissons  !  On  dépense  pour  cela  des  millions  tous  les  ans.  Le  clergé  subit 
avec  trop  de  complaisance  le  joug  de  l'architecture  bureaucratique.  Or,  d'où 

1.  Déjà  certains  architectes ,  M.  Lassus,  à  Nantes,  M.  Barthélémy,  à  Rouen,  M.  H.  Durand, 
dans  les  Landes,  MM.  Ernest  Breton  et  (iau,  à  Paris,  etc.,  s'affranchissent  de  la  tutelle  acadé- 
mique et  classique;  d'autres,  en  très-grand  nombre,  ne  demandent  qu'à  s'émanciper.  Tous  les 
essais  en  style  gothique  ne  sont  pas  heureux,  et  pour  les  deux  belles  églises  de  Saint-Nicolas  à 
Nantes,  de  Bon-Secours  à  Rouen,  nous  avons  cinquante  édifices  hybrides.  Mais  ces  constructions 
bâtardes  en  style  ogival  sont  encore  favorables  à  nos  doctrines,  et  prouvent  que  l'Académie, 
l'école  des  beaux-arts  et  le  Conseil  des  bâtiments  civils  sont  en  train  de  rendre  l'esprit  et  l'auto- 
rité. Loin  de  nous  désespérer,  nous  avons  pleine  confiance;  nous  sommes  sûrs  d'un  éclatant  et 
très-prochain  triomphe. 


PKOMKNADK    EN   ANC,  l,K  TKU  K  K.  305 

vient  cctto  (lifliMonce,  si  blessante  pour  nous,  entre  la  l-'rance  et  sa  voisine? 
d'une  seule  cause  qui  est  la  niènie  partout ,  du  monopole,  lui  Aniileterre,  en 
Allemagne,  il  n'y  a  point  d'écoles  des  beaux-arts,  point  d'académies,  sur- 
tout point  de  bureaux  et  point  d'architectes  de  dépailements.  Que  de  clioses 
à  dire  là-dessus!  »  —  On  voit  (jue  nous  répondons  à  l'appel  de  M.  le  comte 
de  Montalemberl,  et  nièiin'  un  peu  Iroii  longuement,  mais  nous  n'avons  |)as 
eu  le  loisir  d'être  plus  court.  La  politicpie,  nous  le  regrettons,  enlève  trop 
de  temps  à  .AI.  de  Montalendiert  ;  il  ne  surtil  pas  (pi'il  soit  l'O'Connell  de  la 
France,  il  faudrait  qu'il  en  l'Cit  encore  le  lortl  Shrewsburx .  \'.i\  liaïue,  l'ar- 
diéologie  païenne  est  non-seulement  soutenue  par  le  gouvernemenl  et  les 
académies  de  toute  espèce,  mais  encore  par  le  duc  de  Luynes  ;  l'archéologie 
chrétienne,  sans  duc  ni  marijuis,  sans  gouveinement  ni  sociétés  savantes,  est 
livrée  à  elle-même,  et  ])ourtant,  c'est  notre  espérance  certaine,  les  quelques 
pauvres  gens  que  nous  sommes,  nous  Unirons  par  vaincre  le  paganisme 
dans  l'art. 

L'heure  des  vêpres  arrivée,  le  clergé  se  rendit  en  procession  à  l'église, 
comme  le  malin  ,  pour  la  messe ,  et  dans  le  même  appareH.  Les  vêpres  ne  va- 
lurent pas  mieux  que  la  messe.  Des  antiennes  lues  au  lieu  d'être  chantées;  la 
moitié  des  psaumes  en  maigre  plain-dianl ,  l'autre  moitié  en  faux-bourdon 
sautillant.  Une  prononciation ,  un  rh\  tlime,  une  exécution  de  chant  et  de  mu- 
sique comme  en  Italie.  Une  hymne  dont  on  chante  le  i)remier  verset,  et  dont 
on  se  contente  de  lire  le  second,  et  ainsi  de  suite  alternativement.  Un  «  Magni- 
ficat ))  modulé  en  récitatif  monotone,  tandis  que  l'orgue  exécute  des  varia- 
tions fringantes.  Un  salut  en  musique  avec  litanies  et  mollets  en  musique, 
sans  que  les  assistants  y  prennent  aucune  pari.  C'est  fort  mesquin  et  fort 
ridicule  dans  une  église  de  style  ogival;  cela  jure  autant  que  les  mitres  et 
chapes  du  xix<^  siècle  portées  par  les  trois  évêques  opposants.  Lntre  les 
vêpres  et  le  salut,  Ms?''  Wiseman  s'a|)procha  de  la  nef  et,  de  la  barre  du 
jubé,  prononça  une  allocution  i\m  me  parut,  d'après  la  phvsionomie  des 
auditeurs,  faire  une  inq)ression  puissante.  Le  soir  arrive;  il  est  six  heures, 
on  retourne  en  procession  à  la  salle  de  l'école,  où  l'on  se  dépouille  définitive- 
ment des  vêlements  de  cérémonies.  Les  six  petites  cloches  sonnent  en  volée 
et  jettent  leurs  adieux.  On  se  serre  la  main  et  l'on  retourne,  les  uns  à  Londres, 
les  autres  à  Canlorbéry,  Oxford,  Birmingham,  Dublin,  Kdindiourg,  York 
Lincoln;  nousj  sommes  des  derniers.  Le  comte  df  SlMt■\^^bur\,  cpii  recevait 
les  treize  évêques  et  leur  suite  dans  son  chtUeau  d'Alton- l'ovv ers,  ne  [louvail 
nous  y  donner  l'hospitalité;  mais  son  majordome  pria  le  docteur  W  inler, 
chapelain  de  l'hospice  Saint-John,  située  à  (lurlipies  minutes  d'Allon-Towers, 
V.  40 


306  ANNALES  AllCHÉOLOGIQUES. 

de  nous  recevoir  pour  la  nuit»  Nous  quittons  Cheadle  que  nous  regardons  de 
temps  à  aulie  en  gravissant  une  petite  montagne  très-verte.  Le  beau  clocher 
de  M.  Pugin  recevait  les  derniers  rayons  du  soleil  couchant  comme  il  en  avait 
reçu  les  premiers,  à  l'aurore;  nous  le  saluons  une  dernière  fois,  et,  de  Cheadle 
il  Alton,  nous  Taisons  deux  lieues,  sans  nous  en  apercevoir,  tout  en  causant 
des  magniticences  de  cette  journée  et  du  triste  effet  de  la  musique  moderne 
dans  une  église  de  style  ancien. 

L'hôpital  Saint-John  est  une  construction  élevée  en  style  ogival  par 
M.  Pugin,  aux  frais  de  lord  Shrewsbury,  sur  remplacement  du  vieux  châ- 
teau ruiné  des  comtes  de  Talbot.  Tout  le  périmètre  du  château  est  ou  sera 
occupé  par  un  hospice  pour  les  hommes,  un  hospice  pour  les  femmes,  une 
école  pour  les  enfants,  une  maison  de  retraite  pour  les  prêtres  catholiques 
âgés  ou  infirmes.  Les  hospices  et  l'école  sont  terminés;  on  bâtit  en  ce  moment 
la  maison  de  retraite.  Cette  retraite  occupe  l'emplacement  des  anciennes  con- 
structions féodales;  comme  le  vieux  château  n'avait  pas  été  rasé  jusqu'à  la 
racine,  M.  Denys,  qui  dirige  ici  les  travaux,  de  même  qu'il  a  dirigé  ceux  de 
Cheadle,  a  profilé  de  ce  qui  n'a  pas  péri.  Respectueux  pour  cette  vénérable 
antiquité,  il  fait  usage  des  anciens  murs  pour  les  constructions  nouvelles; 
il  consolide  les  courtines  délabrées ,  il  relève  le  couronnement  abattu  des 
tours  et  tourelles.  Ces  vieux  prêtres,  que  le  caractère  et  l'âge  auront  faits 
les  invalides  de  la  paix,  après  en  avoir  été  les  officiers  et  les  soldats,  seront 
donc  logés  dans  la  demeure  guerrière  de  ce  grand  Talbot  qui  a  fait  tant  de 
mal  à  la  France.  Du  reste,  pas  d'air  meilleur,  pas  de  position  plus  pitto- 
resque; on  domine,  presque  à  pic,  la  jolie  vallée  qu'arrose  le  Churnet.  Le 
I  ""■  septembre  ,  à  huit  heures  du  soir,  nous  frappons  à  la  porte  de  l'hôpital 
Saint-John,  et  le  docteur  Winter,  chapelain  du  lord,  vient  nous  ouvrir  lui- 
même.  Il  nous  introduit  dans  une  grande  salle,  disposée  et  meublée  en  style 
ogival.  Nous  parlons  de  la  cérémonie  qui  vient  de  s'accomplir;  moi ,  qui  ne 
sais  pas  l'anglais,  je  |)rononce  quelques  phrases  latines;  nous  soupons,  et  le 
docteur  nous  conduit  nous  reposer  dans  des  chambres,  bâties  par  M.  Pugin 
toujours  en  style  gothique.  Pauvres  pèlerins  de  l'archéologie,  nous  couchons 
à  l'hôpital,  dans  les  chambres  des  hôtes ,  comme  autrefois  les  pèlerins  de  la 
piété.  Le  lendemain,  nous  visitons  la  chapelle  qui  est  un  riche  bijou  ogival, 
ainsi  que  M.  Pugin  sait  les  faire.  Précédée  d'une  grande  salle  où  se  tient  l'école, 
elle  est  tlanquée,  au  nord,  d'un  cimetière  où  se  voient  déjà,  environnées 
d'un  beau  gazon  anglais,  des  tombes  en  style  gothique.  Dans  le  champ  d'une 
croix  gothique,  qui  surmonte  l'une  de  ces  tombes,  on  a  sculpté  uneéquerre 
et  un  compas;  c'est  un  tailleur  de  pierre,  mort  à  Alton,  qui  est  enterré  sous 


l'KOMKNAKi:   KN   A  NC  I,  K  l  E  H  UK.  307 

celte  pierre.  Un  lioiiime  ,  un  domesli(jiie,  est  spécialeniciU  eliaii;('  îles  iiiorls; 
il  coupe  avec  des  ciseauv  l'Iierbo  des  i^azons,  il  eiilretieiU  la  clAliire  ,  il 
renouvelle  le  sable  des  allées.  Dans  le  cloître  de  l'iiùpital,  contre  les  murs, 
des  plaques  de  cuivre,  des  dalles  ciselées,  portent  relligic  et  les  inscriptions 
funéraires  de  divers  personnau;es;  la  mort  est  \enue  là  avant  tout,  car  1  hô- 
pital n'est  pas  encore  peuplé.  Nous  parcourons  les  chantiers  des  travaux,  et 
nous  voyons  les  procédés  du  moyen  ài;e,  pour  les  outils  ,  la  taille  des  picures, 
les  moyens  de  traiispoil  et  d"a|)pareil,  ressuscites  par  .M.  Pufiiii;  les  ouvriers, 
ils  nous  l'ont  dit  iMi\-iiii''iiies,  s'en  trouvent  à  merveille;  ils  nuuMpieiil  leurs 
pierres  par  des  signes  absolument  senddables  à  ciuix  dont  on  se  servait  aux 
xiii"  et  xiv^  siècles,  et  que  nous  avons  déjà  donnés  dans  les  «  Annales  ». 
Nous  avons  copié  quelques-unes  de  ces  marques  modernes;  on  les  grave  et 
on  les  publiera ,  comme  point  de  comparaison ,  avec  les  anciennes.  —  Si  le  style 
gothique  s'accommode  merveilleusement  à  une  chapelle,  une  école,  un 
hospice,  une  demeure  de  chapelain  et  de  maître  d'école,  il  ne  convient  pas 
moins  à  une  splendide  habitation  seigneuriale.  L'immense  château  d'Alton- 
Towers  est  tout  entier  en  style  du  moyen  âge;  c'est  d'un  gothique  un  peu 
troubadour  et  que  M.  Pugin,  (jui  n'en  est  pas  l'auteur,  cherche  à  épurer  au- 
tant qu'il  lui  est  possible,  et  cejjendanl  c'est  d'un  grand  effet  et  d'un  service 
facile;  c'est  beau  et  commode.  L'étendard  des  Talbol  llolle  sur  le  donjon  qui 
s'élève  à  quelque  distance  du  chàleau  ,  et  qui  sert  de  demeure  à  M.  Denys. 
Le  château  s'étend  au  milieu  d'une  lorét  et  au  centre  d'un  |iarc  immense 
tracé  à  l'anglaise. 

Au  moment  où  nous  longions  les  murs  d'enceinte  et  le  portail  de  la  gale- 
rie des  ancêtres,  nous  aperçûmes  lord  Shrewsbury  à  cheval  et  suivi  d'un  do- 
mestique; il  vintà  nous,  et,  nous  saluant  avec  l'affabilité  de  la  veille,  il  nous 
introduisit  lui-même  dans  le  château ,  en  donnant  ordre  de  nous  en  faire 
voir  en  détail  tous  les  appartements.  Nous  entrons  par  l'inunense  galerie  des 
armures  où  tous  les  Talbot  sont  à  cheval  équijjés,  et  armés  comme  de  leur 
vivant.  Sous  le  portail  (jiii  |ii(cède  ce  vaste  bâtiment,  se  lient  presque  cons- 
tamment assis  un  vieux  dailois  aveugle  et  en  cheveux  blancs;  ce  descendant 
des  bardes  a  devant  lui  une  harpe  qu'il  fait  résonner  et  dont  il  accompagne 
les  chants  de  son  pays,  quand  un  étranger  de  quchiue  distinction  est  intro- 
duit dans  la  galerie.  Ce  fut  le  lord  (pii  nous  montra  lui-même  les  portraits, 
les  armures  et  le  costume  de  ses  ancêtres.  Par  une  discrétion  toute  chevale- 
resque, il  ne  s'arrêta  pas  devant  la  londje  et  l'efligie  du  grand  Talbol, 
qu'un  Français  ne  peut  pas  troj)  aimer;  c'esl  à  la  lin  de  notre  excursion  dans 
le  palais,  que  ikjus  a\ons  vu  a  loisir  ce  curieux  inoniHuiiil  copie  sur  celui  que 


308  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

garde  le  in.moii'  de  Wliitcluirch  ,  dans  le  Shropshire.  Dans  la  galerie  des  ta- 
bleaux, il  nous  confia  aux  soins  obligeants  de  son  majordome,  M,  Winter, 
que  nous  avions  déjà  vu  à  Cheadle.  Que  dire  de  tous  ces  trésors  d'art  et 
d'archéologie,  de  tableaux  et  de  statues,  de  gravures  et  de  livres,  de  tentures 
et  de  tapis,  de  meubles  et  de  poteries?  C'est  une  résidence  vraiment  royale, 
et  le  duc  de  Bordeaux ,  que  lord  Shrewsbury  a  reçu  chez  lui ,  put  se  rappeler, 
à  Alton-Towers,  les  souvenirs  de  son  enfance  et  les  richesses  du  Louvre  et  des 
Tuileries.  Faut-il  le  dire?  Nous  préférons  à  Versailles  certaines  parties  d'Alton- 
Towers,  le  parc  principalement.  Dans  la  chambre  où  coucha  le  duc  de  Bor- 
deaux, nous  avons  vu ,  en  orfèvrerie  et  faisant  l'ofiice  d'une  pendule,  le  portail 
de  la  cathédrale  de  Reims.  Dans  la  bibliothèque,  au  milieu  d'une  quantité  im- 
mense de  beaux  livres,  nous  avons  trouvé,  honorée  d'une  place  enviable,  la 
collection  des  ((Annales  Archéologiques».  Nous  ignorions  que  lord  Shrewsbury 
fut  abonné  à  notre  publication.  Dans  les  vitrines  du  petit  musée  archéolo- 
gique, nous  avons  remarqué  un  encensoir  du  xii"  siècle,  trouvé  près  du  châ- 
teau; un  magnifique  triptyque  du  xii°  siècle  aussi,  en  cuivre  émaillé  ,  acheté 
en  France;  une  charmante  Vierge  en  ivoire,  du  xui°  siècle,  tenant  l'enfant 
Jésus.  M.  Gérente  a  dessiné  l'encensoir,  qui  paraîtra  dans  les  «  Annales  »  ; 
moi ,  j'ai  relevé  les  inscriptions  curieuses  gravées  sur  le  triptyque,  qui  paraîtra 
également  dans  les  «  Annales  ».  Les  évêques,  revenus  de  Cheadle  avec 
lord  Shrewsbury,  causaient  dans  les  salons,  lisaient  dans  la  bibliothèque, 
étudiaient  dans  les  galeries,  se  promenaient  dans  les  jardins;  à  chaque  pas, 
nous  rencontrions  un  de  ces  intelligents  et  savants  prélats  que  nous  avions 
admirés  la  veille  sous  leurs  riches  vêlements  du  moyen  âge.  Les  salles  à 
manger  sont  d'une  grande  beauté  ;  la  chapelle  est  d'une  merveilleuse  ri- 
chesse. Sur  les  verrières  et  sur  les  murs ,  partout  éclate  la  devise  des  Talbot  : 
Prest.  d'accomplir.  Nous  avons  tout  vu,  grâce  à  la  rare  obligeance  de 
M.  Winter. 

DIDKON. 

(La  suite  au  numéro  prochain.] 


Exci  iisiox  i:.\  lujGiorE 


SL'R  LES  noiîDs  Dr  nm\. 


Al     hllîKCTKlH. 

Rlonsieur,  j'arrive,  et  vous  xoiilcz  (nie  je  vous  pailc  de  mon  voyage. 
Mais  (jiie  vous  dire,  moi  ajtprenli  archéologue,  qui  allais  sur  ces  routes  où 
vous  et  vos  savants  collaborateurs  avez  tant  vu  et  si  bien  vu?  Aussi  mes 
maigres  notes  ne  peuvent  être  bonnes  que  pour  celui  (|ni  va  \isiter,  pour  la 
première  fois,  ces  contrées  belges  et  rliénanes,  si  riclics  en  nioniinicnls  reli- 
gieux. 

J'ai  débuté  par  Tournai  où,  comme  à  Liège,  tout  vous  laisse  croire  que 
vous  êtes  en  pleine  France.  Rien  dans  tout  mon  voyage  ne  ma  l'ail  une 
plus  vive  impression  que  la  calliétliale  de  cette  ville.  J'avançais  lentement 
dans  la  nef;  j'examinais,  avec  des  sentiments  divers,  ces  bas-côtés  cintrés; 
au-dessus,  ces  ouvertures  ogivales;  enfin,  au  sommet,  cette  voûte  du  temps 
de  Louis  XY,  qui  est  allée  si  audacieuscmcnl  se  percher  sur  ces  vieux  ordres. 
Mais,  arrivé  au  transsept,  j'ai  été  atterré  par  la  majesté,  l'énergie  de  ce  ma- 
gnifique morceau  roman.  Puis,  derrière  ce  charmant  jubé  de  la  renaissance, 
que  l'on  voudrait  voir  ailleurs,  le  xiii°  siècle  vient  vous  éblouir  par  le  chœur 
le  plus  hardi  et  le  plus  élégant  que  l'on  puisse  voir.  Et  au-dessus  de  tout 
cela,  les  cinq  clochers  qui  partent  des  quatre  angles  du  transsept  et  du  centre 
de  la  croix  pour  s'élancer  vers  le  ciel,  tout  fiers  de  couronner  la  ])elle  basi- 
lique. Des  travaux  considérables  se  font  à  l'extérieur  pour  consolider  les 
parties  souffrantes,  et  pour  refaire  celles  qui  manciuent.  Le  goût  le  plus  sage 
et  le  plus  intelligent  inspire  ces  travaux,  qui  sont  exclusivement  dirigés  par 
.M.  le  vicaire  général  Voisin,  et  par  M.  Le  Maistre  d'Anstaing  '. 

1 .  Un  architecte  plus  ou  moins  classique  présidait  autrefois  à  ces  truviiux  ;  ni;iis  un  u  trouvé  je 
moyen  de  le  mettre  à  la  porte.  Aujourd'hui,  un  homme  du  monde  (M.  d'Anstaing)  et  un  prêtre 
(M.  Voisin)  ont  seuls  assumé  la  responsabilité  des  travaux  de  ce  gigantesque  édifice,  et  jamais, 
V.  41 


310  ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

A  Saint-Pyat,  j'ai  vu  un  délicieux  calice,  un  ostensoir,  une  croix  de  pro- 
cession et  un  lutrin  du  xvi"  siècle. 

Les  autres  églises  ne  m'ont  pas  moins  intéressé,  de  telle  sorte  que  mon 
début  a  été  superbe.  Mais  comme,  dans  ce  monde,  il  n'y  a  guère  d'heur  sans 
malheur,  voici  ma  mauvaise  fortune  à  Tournai.  C'était  la  fêle  du  roi  des 
Belges,  et  toutes  les  puissances  de  la  ville  s'étaient  rendues  à  la  cathédrale 
pour  un  Te  Deum  officiel.  Or,  savez-vous  ce  que  j'ai  entendu?  Un  morceau  de 
musique  prétendue  religieuse,  et,  dans  le  fond,  vraie  musique  d'opéra  comme 
il  s'en  fait  tous  les  jours  dans  certaines  églises  de  Paris.  Oh!  de  grâce!  sous 
ces  vieilles  voûtes,  pourquoi  pas  notre  vieux  Te  Deum,  si  gravement  et  si 
saintement  joyeux  ? 

A  Gand,  mon  cher  lecteur,  après  Saint-Bavon,  après  l'admirable  tableau 
de  la  Fête  de  l'Agneau,  vous  vous  dirigerez  vers  la  citadelle  pour  voir  les 
restes  de  l'abbaye  de  Saint-Macaire.  Le  réfectoire  du  xv'  siècle  fait  maintenant 
une  jolie  église.  Derrière,  dans  l'enceinte  d'une  haute  muraille,  sont  des 
parties  bien  conservées  d'un  grand  cloître  du  x*"  siècle,  la  chapelle  intacte 
de  Saint-Macaire  (du  xi^  siècle),  le  cimetière,  des  salles  souterraines  et  plu- 
sieurs objets  antiques  récemment  découverts. 

Nous  sommes  à  Anvers.  Les  yeux  se  fixent  dès  l'abord  sur  cette  éblouis- 
sante tour,  la  rivale  de  celles  de  Strasbourg  et  de  Freybourg,  et  de  suite 
vous  en  gravissez  les  quatre  cent  seize  marches.  Arrivé  au  sommet,  vous 
sentez  l'admiration  s'emparer  de  vous.  Vous  cherchez  à  comprendre  cet  amas 
prodigieux  de  pierres  dressées  sur  une  base  si  étroite  relativement  à  la  hau- 
teur, ces  vides  innond)rables,  ces  galeries  extérieures  attachées  comme  autant 
de  ceintures  aériennes  aux  flancs  de  l'édifice,  tous  ces  clochetons  si  gracieu- 
sement épanouis  sur  la  masse,  et  semblables  aux  points  brillants  d'un  feu 
d'artifice.  Alors  vous  vous  demandez  si  nulle  part  ailleurs,  même  au  pont 
de  la  Tamise,  le  génie  de  l'homme  s'est  montré  puissant  comme  là;  et,  vous 
rappelant  que  dans  notre  monde  se  trouvent  des  critiques,  des  architectes, 
même  des  académiciens,  qui  affirment  que  ces  bâtisseurs  du  moyen  âge  tra- 
vaillaient au  hasard,  n'avaient  point  un  art  véritable,  élevaient  des  œuvres 

de  l'aveu  de  tout  le  monde,  une  opération  de  ce  genre  n'a  été  conduite  avec  plus  d'Iiabileté,  de 
science,  de  hardiesse  et  de  prudence  tout  à  la  fois.  MM.  d'Anstaing  et  Voisin  veulent  bien,  de 
temps  à  autre,  nous  mettre  au  courant  de  leurs  travaux;  leurs  lettres,  que  nous  avons  montrées 
à  plusieurs  architectes  de  nos  amis,  révèlent  l'entente  la  plus  parfaite  d'une  restauration  vérita- 
blement archéologiciue.  Un  jour,  nous  l'espérons,  nos  amis  de  Tournai  voudront  bien  nous  don- 
ner un  article  général  sur  tous  les  travaux  d'architecture,  de  peinture  murale,  de  peinture  sur 
verre  et  d'ameublement  exécutés  par  eux  dans  leur  cathédrale.  Jusqu'à  présent,  nous  n'avons  eu 
d'eux  que  des  notes;  il  nous  faudrait  maintenant  un  article  de  fond.  (A'o/e  du  Directeur.) 


EXCIUSION  EN   RELOIOIE  ET  SIK   LES  HOKKS  ])\    HIIIN.      311 

sans  grAce  et  sans  solidité',  le  rniiLro  vous  monte  an  front,  et  c'est  un  l)on- 
lieur  pour  ces  aveuijies  qu'ils  ne  soient  pas  là,  à  cAlé  île  vous,  vu  la  léiière 
«listance  où  l'on  se  troine  alors  des  dalles  du  sol.  L'iiitéiieur  de  l'e^lise  offre 
le  plus  grand  intérêt.  Les  vastes  has-cAtés  m'ont  inlininient  plu;  ils  donnent 
nii  air  de  grandeur  à  tout  l'ensemble.  Partout  on  trouve  des  objets  curieux, 
à  pari  nièiiie  la  célèbre  Descente  de  (joix  deRubens. 

Maintenant  allons  au  musée.  Voyez  à  droite,  voyez  à  gauche  les  pages  de 
Rubens;  ce  grand  peinlri;  troue  ici  en  souxrniiii.  Ailniirez  donc,  et  cependant 
dites:  c'est  beau  !  c'est  très-beau!  mais  ce  n'est  pas  de  la  beauté  vraiment 
chrétienne.  Pourquoi,  en  ces  sujets  d'une  religion  qui  a  pour  lin  |)iinci|)ale 
de  coud)attre  le  sensualisme  et  d'élever  la  natun»  corpon'llc  de  iliomme  jus- 
qu'aux prérogatives  des  esprits  célestes ,  pounpioi  cette  puissance  exubé- 
rante de  formes  et  de  couleurs.'  La  lumière  divine  est  donce,  les  corps  des 
saints  ihsparaissent  sous  la  chaste  splendeur  de  leurs  vertus.  Le  pinceau  du 
bienheureux  Fiésole  était  conduit  par  une  inspiration  plus  pieuse. 

Mais  arrivons  au  fond  de  la  salle,  juste  en  face  de  la  porte  d'entrée.  Voilà 
le  tableau  des  Sept  Sacrements  de  Van  Kyck.  C'est  l'intérieur  de  la  cathédrale 
d'Anvers  avec  son  jubé.  Le  [)eintre  a  représenté  les  trois  premiers  sacre- 
ments aux  chapelles  de  gauche;  le  quatrième,  au  centre,  et  les  trois  autres, 
à  celles  de  droite.  Dans  la  première  chapelle  du  côte  gauche,  le  néojjhyte 
reçoit  le  baptême.  La  cérémonie  est  représentée  au  moment  où  le  prêtre  lui 
fait  l'onction  du  saint  chrême.  A  la  deuxième  chapelle,  l'évêque  lui  donne  la 
confiiinalion ;  plus  haut,  on  le  voit  à  genoux  devant  un  confesseur.  A  un 
autel  placé  sous  le  jubé ,  le  sacrifice  de  la  messe  se  célèbre ,  et  le  chrétien , 
préparé  par  les  sacrements  précédents,  va  y  recevoir  l'eucharistie.  Près  du 
jubé,  à  droite,  un  jeune  lévite  reçoit  le  sacrement  de  l'ordre.  A  la  deuxième 
chapelle,  deux  nouveaux  époux,  leurs  mains  droites  unies  et  entourées  de 
l'élole  pastorale,  reçoivent  le  mariage.  A  la  dernière  chapelle,  le  prêtre 
administre  l'extrême-onclion  a  un  malade  et  le  (irépare  ainsi  au  voyage  de 
l'éternité.  Il  est  facile  de  se  convaincre  que  le  peintre  a  eu  l'intention  de 
représenter  le  même  personnage  à  tous  les  sacrements,  l'ordre  cxce[)té,  et  de 
faire  ainsi  l'histoire  religieuse  de  toute  une  vie.  C'est  pour  ce  but  qu'il  a  placé 
l'exlrême-onction  après  les  autres  sacrements,  et  en  face  du  baptême.  Au 
premier  plan,  il  a  peint  Jésus  en  croix  et  trois  saintes  femmes.  La  croix,  très- 
élancée,  touche  à  la  voiMe  de  l'église  par  son  sommet;  elle  a  son  pied  lixé 
aux  dalles,  vers  la  porte  d'entrée.  Il  est  évident  que  ce  groupe  a  été  mis  là 
uniquement  pour  la  perspective.  Ce  tableau  est  admirable.  On  voit  (pi'il  a  été 
pour  le  peintre  un  v('ritable  objet  d'amour.   Rien  de  plus  pn-cieux  sous  le 


312  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

double  rapport  tle  l'art  et  de  la  liturgie.  Lorsque  les  Anversois  voudront 
rendre  à  leur  cathédrale  le  jubé  dont  elle  a  été  si  niallieureusenient  dépouillée, 
ils  le  trouveront  là  dans  toute  sa  pureté. 

Et  Louvain,  que  vous  a-t-il  montré?  Son  liotel  de  ville,  le  plus  festonné, 
le  plus  pimpant  de  tous  les  hôtels  de  ville  '.  A  Saint-Pierre,  j"ai  vu,  avec 
grand  plaisir,  cette  belle  madone  du  xv'  siècle,  si  gracieusement  assise  dans 
son  antique  fauteuil.  Puis  ces  charmants  fonts  baptismaux  en  cuivre,  de  la 
même  époque  ;  mais  j'ai  eu  de  l'humeur,  en  les  voyant  négligés  et  perdant  de 
leurs  colonnettes,  dans  un  pays  où  la  tenue  des  églises  est  citée  comme 
modèle. 

A  Sainte-Croix  de  Liège,  depuis  qu'on  enlève  le  badigeon  des  derniers 
siècles,  on  voit,  sur  tous  les  murs,  un  système  complet  de  peinture  monu- 
mentale remontant  au  xiv' siècle.  Au  moment  où  je  passais,  on  venait  de 
mettre  à  nu,  dans  le  mur  du  chœur,  un  tabernacle  en  pierre  dans  la  forme 
d'une  tour  ogivale.  Les  nervures  et  les  parties  saillantes  avaient  été  dorées, 
et  les  parties  creuses  peintes  comme  le  reste  de  l'église.  J'ai  eu  le  plaisir  de 
voir  à  mon  aise  la  belle  cuve  baptismale  de  Saint-Barthélemi ,  représentée 
au  vol.  V,  page ,2 1  des  «  Annales  Archéologiques  )) .  J'ai  été  à  même  de  me  con  - 
vaincre  que  nos  dessins  sont  d'une  grande  fidélité  quant  aux  détails;  mais  je 
dois  dire  que  le  premier  a  un  défaut  d'ensemble  assez  considérable.  La  base 
portant  les  bœufs  et  la  plinthe  ont  été  très  visiblement  amoindries  par  rapport 
aux  parties  supérieures.  Il  en  résulte  que  la  cuve  paraît,  dans  ce  dessin,  beau- 
coup plus  élancée  qu'elle  ne  l'est  réellement.  11  eût  été  à  désirer  aussi  que  le 
dessinateur  eût  repoussé  un  peu  plus  la  partie  antérieure  du  Christ,  pour  lui 
donner  la  pose  très-modeste  qu'il  a  dans  l'original.  Enfin  la  jeunesse  du 
Sauveur  a  été  par  trop  exagérée  dans  le  dessin. 

A  Aix-la-Chapelle,  mon  cher  lecteur,  votre  cicérone  saura  très-bien  vous 
montrer  le  bain  de  l'Empereur  et  l'escalier  par  où  ont  monté  vingt-cinq  Cé- 
sars; mais  il  ne  vous  dira  pas  un  mot  de  l'encensoir,  de  forme  ronde  et 
par  conséquent  la  plus  ancienne,  qui  se  trouve  à  la  cathédrale.  Ce  sera  à 
vous  de  le  découvrir.  Si  vous  allez  vous  promener  à  la  Dorcette ,  on  vous 

1.  On  lisait  dans  \' Indépendance  belge  du  mois  de  novembre  dernier  :  «  Le  hasard  vient  de 
faire  découvrir  par  M.  Jean  Theys,  élève  archiviste  à  l'hôtel  de  ville  de  Louvain,  le  nom  de  l'ar- 
chitecte qui  a  construit  ce  bel  édifice  et  qui  était  resté  ignoré  jusqu'à  ce  jour.  M.  Jean  Tlie\s  a 
acquis  la  preuve  incontestable  que  le  constructeur  de  l'hùtel  de  ville  s'appelait  Mattheus  de 
l.ayens,  maître  maçon  de  la  ville  et  banlieue,  ajant,  près  de  trente  ans,  manié,  pour  le  compte 
du  magistrat,  la  truelle  et  la  pioche,  au  prix  de  quatre  sols  par  jour  en  été,  et  un  peu  moins 
de  trois  sols  en  hiver.  Layens  aurait  reçu  en  outre,  comme  gratification,  cinq  florins  ou  cinq 
peters  dix  sols  pour  la  confection  de  cet  immortel  édifice.  » 


EXCURSION  EN  BELGIOIE  ET  SI  K  LES  HOIUtS  I)l    lUlIN.      ;îl3 

monliera,  dans  colto  cijliso  du  xvii'  sioclc ,  (lcii\  croix  i;ret'qiios  à  reliques 
Irès-aneionnes;  l'une  d'elles  porte  un  Ciuist  ilont  le  niinhe  e?l  foinié  par  lin- 
terseclion  de  deux  lignes  deuii-eirculaires. 

Mais  voilà  Cologne!  le  cœur  vous  bat.  Courez  à  la  cathédrale,  pour  y  re\e- 
nir  encore.  Ensuite  je  vous  attends  à  Sainl-GcMéon  ;  car,  je  vous  le  dis  tout 
bas,  celte  église  est ,  de  tout  Cologne,  ce  qui  m'a  le  plus  vivement  frappé, 
par  la  raison  surtout  (pion  ne  m'en  avait  jamais  entretenu,  tandis  (pic,  pour 
la  cathédrale,  comme  pour  li's  Imrds  du  lUiiii,  l;i  \(ii\  pulili(pie  n'avait  rien 
laissé  à  faire  à  ma  propre  expérience.  11  est  iàcheux  d  apporter,  auprès  d'un 
objet  célèbre,  une  admiration  faite  d'avance;  c'est  au  plus  alors  si ,  en  selTor- 
çant  beaucoup,  on  peut  arriver  à  la  hauteur  oii  l'imagination  avait  porté  les 
choses.  Dans  vos  courses  à  travers  les  rues  tortueuses  de  Cologne,  vous  irez 
voir  les  fonts  baptismaux  de  Saint-Martin.  Vous  n'oublierez  pas  non  plus 
d'entrer  au  Gurzenich.  Vous  verrez,  dans  cette  inunense  salle,  deux  superbes 
cheminées  en  pierre ,  du  xv*^  siècle.  —  Il  nous  faut  (piitter  Cologne  en  nous 
promettant  d'y  revenir  dans  deux  ans;  alors  l'intérieur  de  la  cathédrale 
sera  terminé.  Le  roi  de  Prusse  doit  y  venir  en  I8'iî(,  pour  l'inauguration  de 
cet  achèvement. 

Fionn  plaît  au  voyageur.  Le  Rhin  d'un  ccjté,  de  Iiellcs  avenues  de  l'autre, 
la  bienveillante  alTabilité  des  habitants,  l'église  romane,  digne  lille,  avec  celle 
de  Worms,  de  la  cathédrale  de  Mayence,  Beediovcn  noblement  installé  sur 
la  place  de  l'église;  tout  cela  fait  un  ensemble  très-flatteur.  Et,  si  vous  voulez 
iliner  dans  la  plus  belle  salle  des  bords  du  Rhin ,  vous  irez  à  VÉtoUr  d'or. 

A  Mayence  abondent  les  trésors  que  vous  recherchez.  Dans  la  cathédrale, 
j'aime  ces  deux  chœurs  romans  et  ce  mélange  de  styles  des  belles  époques. 
Au  chœur  occidental,  vous  lemarquerez  une  petite  chaire  en  pierre  avec  son 
escalier  sans  rampe,  très-certainement  du  premier  âge  de  l'Église.  Celle  de  la 
nef  est  du  xV  siècle.  Je  doute  ([u'il  existe  une  chaire  de  la  même  épocjue 
comparable  à  celle-là  ;  et  encore  n'y  a-t-il  que  la  cuve  avec  son  pied  el  l'esca- 
lier; car  le  lourd  abat-voix  qui  l'écrase  est  bien  postéi  leur.  Je  ne  sais  pas  ce 
que  se  sont  proposé  les  marguilliers  en  entourant  ce  chef-d'œuvre  d'une  grille 
tellement  haute  (ju'on  ne  peut  le  voir  qu'à  travers  des  barreaux,  comme  un 
prisoimier  d'Etat.  C'est  pousser  le  zèle  de  la  conservation  au  delà  des  bornes. 
Le  cloître  et  ce  qui  en  dépend  est  fort  remarquable.  On  admire,  en  v  cniiant, 
ime  charmante  porte  byzantine  à  droite  ,  tandis  que  celle  de  gauche  est  ogi- 
vale et  non  moins  belle.  Maintenant,  mon  cher  lecteur,  après  la  visite  de 
l'église  et  du  cloître ,  le  visiteur  vulgaire  se  dirige  vers  la  porte.  Pour  vous, 
mieux  avisé,  vous  vous  rappellerez  que  vous  avez  «pielque  chose  de  plus  à 


3H.  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

denicinder  au  sacristain  de  céans.  Il  est  bon  de  savoir  qae  les  sacristains 
jouent  un  grand  rôle  dans  un  voyage  archéologique;  tellement  que  si  vous 
prenez  celui  qui  vous  conduit  dans  son  mauvais  quart-d'heure,  ou  si  la  dé- 
testahle  confusion  deBahel  règne  entre  vous  et  lui,  votre  atTaire  est  nianquée. 
(.)r,  le  sacristain  de  .Mayence  est  bien  le  plus  intelligent,  le  |)lus  avancé  de 
tous  les  sacristains.  C'est  un  vrai  archéologue,  et  je  volerais  volontiers  pour 
qu'il  fût  nommé  correspondant  des  Comités.  Il  est  amoureux  de  sa  cathé- 
drale, et,  pour  peu  (pi'il  trouve  de  la  sympathie  chez  le  visiteur,  il  la  montre 
avec  enthousiasme.  Donc  vous  le  prierez  de  vous  conduire  à  la  sacristie;  là, 
de  douces  jouissances  vous  sont  réservées.  D'abord  un  grand  calice;  dans  son 
entier,  il  ressemble  beaucoup  à  celui  de  Reims  et  au  calice  allemand  repro- 
duits au  tome  III,  page  200,  des  «  Annales  Archéologiques  ».  Il  est  plus  grand 
de  volume  et  la  coiqieen  est  un  peu  conique.  Toute  l'ornementation  consiste 
dans  des  émaux  incrustés  à  fleur,  excepté  le  bord  inférieur  du  pied  où  l'on 
voit  courir  une  petite  guirlande  de  fleurs  détachées.  Le  nœud  est  à  peu  de 
chose  près  le  même  que  celui  du  calice  allemand  ci-dessus.  Le  pied  porte 
une  suite  de  médaillons  représentant  la  Passion.  La  bande  extrême  de  la 
patène  est  plus  large  que  celle  du  calice  de  Troyes  (même  volume,  même 
page  des  «  .4nnales  »).  Elle  se  détache  sur  le  milieu  par  une  série  d'arcs  plus 
que  demi-circulaires.  Ceci  me  fait  soupçonner  que  le  quatre-feuilles  du  calice 
allemand  des  «  Annales  »  n'est  pas  formé  ,  comme  sendjje  l'indiquer  le  des- 
.sin,  par  une  simple  ligne  ornementale,  mais  bien  par  les  contours  saillants 
du  rebord.  La  patène  de  Mayence  porte ,  au  centre  intérieur,  un  grand  émail 
représentant  le  Jugement  dernier  et  Jésus-Christ  avec  deux  pointes  d'épées 
dans  la  bouche.  En  résumé,  ce  calice,  d'après  la  sévérité  de  sa  forme  et  de 
ses  ornements,  est  plus  ancien  que  les  trois  représentés  dans  les  ((  Annales 
Archéologiques».  Je  crois  que  mon  habile  sacristain  n'était  pas  loin  de  la 
vérité  en  disant  qu'il  est  du  commencement  du  xi'  siècle;  aussi  je  l'appelle- 
rais volontiers  calice  roman.  Un  second  calice  du  même  trésor  est  remar- 
quable par  sa  coupe  à  six  pans,  lesquels  sont  entièrement  recouverts  d'émail. 
Tn  troisième  porte  au  fond  de  la  coupe  un  grand  émail  dont  il  est  difficile 
de  liie  le  sujet.  Le  trésor  possède  encore  une  belle  crosse  et  un  anneau  épi- 
scopal  du  xu'  siècle.  Ces  deux  derniers  objets  ont  été  trouvés  dans  des 
fouilles  récentes.  De  plus  un  magnifique  livre  d'épîtres  et  d'évangiles  des 
mêmes  époques.  Il  est  parfaitement  conservé,  sauf  le  crucifix  encadré  dans 
la  couverture.  Enfin,  un  petit  encensoir  en  cuivre  :  la  partie  inférieure  en  est 
pleine  et  unie;  le  couvercle,  un  peu  allongé,  est  formé  d'animaux  enlacés; 
il  est  surmonté  d'un  petit  clocher  tronqué. 


EXCURSION  EN  BELGIOIE  ET  SUR  LES  BORDS  DU  RHIN.     315 

lue  iuitiquilé  très-inléressante ,  cl  (lui  devrait  natiirolU-ineiil  iMro  là,  se 
Il oiuc  dans  l'église  de  Saint-Klieiine,  située  sur  le  point  le  jiiiis  élevé  de  la 
ville;  c'est  la  chasuble  de  saint  \\illegisc,  archevêque  de  .Mayence,  qui  fit 
biitir  la  cathédrale  dans  le  cours  du  xi'  siècle.  Celte  chasuble  est  en  soie  verte 
unie  et  sans  le  moindre  orneiiicnl.  Klle  est  doublé<'  par  une  élolTe  à  peu  près 
pareille.  Elle  est  très-longue  :  portée  par  un  honune  de  cin(|  pieds  cin([  pouces, 
elle  lui  va  aux  pieds.  Étroite  vers  le  haut,  elle  a  une  assez  grande  ampleur 
à  la  partie  inférieure.  Klle  n'est  ouverte  au  sommet,  avec  une  courte  incision 
sur  la  poitrine,  que  pour  laisser  passer  la  tôle  du  célébrant.  Depuis  l'épaule 
jusqu'au  genou  sont  attachés,  à  distance  de  deux  pouces,  de  petits  anneaux 
en  laiton,  et  dans  ces  anneaux  est  passé  un  cordon  de  soie;  c'est  en  serrant 
ce  cordon  par  les  deux  bouts  qu'on  relevait  la  chasuble  vers  les  épaules, 
pour  donner  aux  mains  du  prêtre  la  liberté  nécessaire.  La  vénérable  chasuble 
est  un  peu  négligée:  la  doublure  tombe  par  morceaux.  Aussi,  je  prie  in- 
stamment les  marguilliers  de  Saint-Éticnne  de  voler  un  modique  thaler  pour 
faire  raccommoder  cette  précieuse  doublure,  condamnation  ^(■(•ulaire  do  noire 
ignoble  bougran. 

Voilà  beaucoup  de  bonnes  fortunes,  me  direz-vous,  pour  une  seule  ville  ! 
Hé  bien  !  ce  n'est  ])as  tout.  Au  moment  où  je  gagnais  la  porte  de  la  sacristie  cpii 
conduit  au  chœur  nous  sommes  toujours  à  Saint-Etienne  ,  j'aperçus  un  petit 
vase  en  cuivre  appendu  au  chambranle;  c'était  un  bénitier  portatif,  très- 
certainement  de  l'époque  de  la  cuve  baptismale  de  Liège.  Il  a  exactement  la 
forme  d'un  seau  à  puiser  de  l'eau.  Sa  surface  est  partagée  par  quatre  pilas- 
tres en  autant  de  com])artiments.  Dans  ces  cadres,  sont  représentés  Jésus- 
Christ  bénissant,  la  Sainte  Vierge,  l'abbé  saint  Arlhman  ,  et  saint  lléribert. 
Le  nom  de  chaque  personnage  est  écrit  au-dessus  de  sa  télé,  en  lettres  gothi- 
ques. Les  deux  extrémités  de  l'anse  sont  arrêtées  dans  l'occiput  de  deux 
létes  de  lion.  Ces  deux  tôles  font  saillie  en  dehors  du  vase  et  correspondent 
aux  deux  pilastres  latéraux.  Le  vase  a  12  centimètres  de  hauteur,  aulant 
dans  son  diamètre  d'ouverture,  et  9  dans  celui  de  la  base. 

Maintenant ,  mon  cher  compagnon  de  voyage ,  je  vous  laisse  monter  seul 
vers  "Worms,  Heidelberg,  Strasbourg  et  Freybourg.  A  volie  retour  nous  des- 
cendrons en  Hollande. 

Voilà  Dusseldorf,  puis  Emmerich.  Là,  vous  remarquez  cette  église  près 
du  Hhin  ,  lequel  s'est  permis  de  l'envahir  au  point  qu'il  n'en  reste  plus  guère 
(pie  la  moitié.  Hé  bien!  dans  celle  église,  se  trouve  le  calice  de  saint  Willi- 
brod,  qui  la  fit  construire  pour  la  première  fois  en  G'J7.  Vu  iïieheux  malen- 
tendu m'a  privé  de  voir  ce  calice  et  de  le  comparer  avec  ceux  de  Mayence. 


316  ANNALES  AKCHÉO  LOGIOIES. 

Mais,  me  direz-vous,  que  trouvons-nous  en  Hollande?  partout  des  prairies, 
et,  dans  ces  prairies,  des  animaux  qni  paissent.  A  Amsterdam,  au  rendez-vous 
du  beau  monde,  des  animaux  en  cages;  à  Leyde,  des  animaux  empaillés; 
et,  Dieu  merci ,  ils  sont  arrivés  là  en  bon  nombre  de  tous  les  points  du  globe. 
Je  crois,  en  vérité,  que  la  ménagerie  de  Noë  était  moins  brillante.  Ainsi, 
ce  n'était  pas  la  peine  de  venir  courir  à  travers  tous  ces  canaux.  Patience! 
Saluez  La  Haye,  cette  proprette,  cette  reluisante  petite  capitale.  Montons  du 
côté  de  la  belle  avenue  qui  conduit  à  Chévenin,  et  nous  voilà  en  face  d'un 
palais  ogival,  tout  neuf,  même  encore  inachevé.  C'est  Sa  Majesté  le  roi  des 
Pays-Bas  qui  se  donne  cette  habitation.  Ce  prince  raffole  tellement  de  notre 
style,  qu'il  veut  respirer,  dormir,  administrer  et  même,  je  crois,  gouverner 
en  plein  moyen  âge.  C'est  merveilleux!  Voilà  donc,  avec  le  roi  de  Prusse  et 
celui  de  Bavière,  trois  monarques  dans  notre  camp  pour  nos  batailles  avec 
messieurs  des  Beaux-Arts.  Ajoutons  M.  le  comte  de  Furstemberg,  qui  nous  a 
i)àti ,  à  ses  frais,  une  église  à  Remagen.  A  propos  de  messieurs  des  Beaux- 
Arts,  je  demandais  à  un  savant  de  l'université  de- Bonn  ce  qu'il  pensait  de 
leur  manifeste  contre  le  style  ogival  à  employer  dans  les  nouvelles  églises;  il 
haussa  les  épaules  et  s'en  tint  là. 

A  Rotterdam ,  n'attendez  pas  autre  chose  que  la  statue  d'Erasme;  et  encore 
ne  la  cherchez  pas  sur  un  haut  piédestal,  au  milieu  d'une  grande  place.  Non. 
Voyez-vous  là-bas,  dans  ce  coin  bruyant,  sur  ce  petit  pont  traversant  un 
sale  canal,  quelque  chose  poindre  entre  les  échoppes  des  marchandes  de  pois- 
son? c'est  l'extrémité  supérieure  d'Erasme. — Peu  vous  importe,  à  moi  aussi. 

Arrivons  à  Dordrecht.  Là,  enfin,  une  cathédrale.  L'extérieur  ne  présente 
qu'une  masse  informe  en  briques  rouges;  mais  l'intérieur  est  bien  réellement 
une  très-belle  église.  On  y  sent  le  voisinage  de  la  Belgique.  Le  chœur  et  le 
transsept  du  xiv'  siècle  sont  très-remarquables.  Le  premier  se  compose  de  dix- 
iiuil  colonnes  dégagées,  et  surmontées  de  petites  ogives  aiguës.  Les  chapi- 
teaux sont  ornés  de  deux  rangs  de  feuilles  isolées,  sculptées  avec  une  grande 
délicatesse.  Ce  n'est  pas  sans  surprise  que  j'ai  trouvé  ce  chœur  orné,  dans  son 
entier,  de  magnifiques  stalles.  C'est  un  œuvre  complet.  11  porte  sa  dale  en 
trois  endroits  différents  :  1 538 ,  1 539  et  1  b'iO.  La  composition  de  l'ensemble 
n'est  pas  moins  remarquable  que  l'exécution.  Tous  ces  rinceaux  sont  d'un 
grand  fini.  Au-dessus  des  sièges ,  règne,  dans  toute  la  longueur,  un  rang  de 
personnages  qui  représentent,  d'un  côté,  l'histoire  des  apôtres ,  de  l'autre, 
probablement  la  vie  du  jiatron  de  l'église.  iMalheureusement  ces  figures  ont 
été  mutilées  au  point  que  de  chaque  tête  il  ne  reste  que  la  masse.  Du  moins 
ici ,  je  n'eus  jias ,  comme  à  Mayence ,  à  Heidelberg  et  ailleurs ,  le  secret  affront 


KXCl  IlSION  KN   HF.r.iilOlK  KT  Slll  LES  BOUDS  Dl'  lUUN.     317 

(II'  Micnlcndir  (lire  :  «  Ce  sont  les  Français.  »  L'histoire  médisait  :  ce  sont  les 
fnri'ni^  di'  la  lefornie. 

Kn  ell'et,  ces  stalles  ne  durent  pas  servir  loniitenips,  pviisqu'en  1G18  se  tenait 
dans  cotte  étdise  le  eélrl)re  synode  de  nonlrcelit.  Plusieurs  annéesavant,  l'édi- 
fice servait,  comme  il  sert  encore,  au  ciiili'  réformé,  ou  plutôt  aux  réunions 
des  protestants,  car  ils  n'ont  point  de  culte.  Sous  ce  lapport  la  belle  cathé- 
drale |)résente  un  triste  spectacle.  Dans  ce  magniTupu'  clurur,  plus  d'autel, 
plus  de  sacriiice ,  plus  de  lirillantes  lumières,  de  célestes  parfums,  de  su- 
blimes cérémonies;  Jésus-Christ  chassé  de  son  sanctuaire.  Là-bas,  au  centre 
de  la  nef,  l'homme  s'asseyant  en  face  de  l'homme  pour  lin'  unr  lettre  pétri- 
fiée par  eu\.  Oh!  que  la  négation  i)rotestante  est  une  froide .  une  triste  chose, 
même  sous  le  rapport  de  l'art.  Les  stalles  de  Dordrecht  sont  divisées  en 
deux  parties.  La  première  moitié,  du  côté  de  l'autel,  est  seule  sculptée  et 
enrichie  d'ornements  ;  la  partie  inférieure  est  tout  unie.  Ceci  prouve  (pie  là  les 
dignitaires  de  l'église  occupaient  les  places  les  plus  voisines  de  l'autel ,  tandis 
que  chez  nous  ils  s'en  éloignent  pour  se  rapprocher  de  l'assistance. 

Quelques  colonnettes  et  d'autres  parties  accessoires  manquent  à  ces  stalles, 
qui  ne  sont  pas  parfaitement  conservées.  D'ailleurs  la  manie,  particulière  à  ce 
peuple  barl)oteur,  de  toujours  laver,  a  donné  au  bois  une  teinte  blanchâtre 
fort  peu  agréable.  Enfin,  au  moincnl  où  je  |)assais,  ou  avait  jugé  conve- 
nable d'entasser  dans  l'intérieur  de  ces  stalhîs  une  réserve  de  l(»ngues  et 
lourdes  |)ièces  de  sapin  (pii  (écrasaient  tout,  sans  conq)ter  les  dégâts  causés 
pai  II'  placement  et  le  déplacement. 

lui  rentrant  dans  ma  pauvre  (église,  qui  est  en  style  Godde,  j'ai  été  frappé 
de  l'analogie  qui  existe  entr(!  la  cuve  baptismale  qu'elle  possède ,  je  ne  sais 
comment,  et  les  stalles  de  Dordrecht.  Elle  est  certainement  de  la  même 
épo(iue,  et  les  ornements  semblent  avoir  été  composés  et  exécutés  par  les 
mêmes  mains. 

GLi:VTO\, 


42 


LA   CROIX   ORIENTALE. 


Au  mois  de  décembre  de  l'année  dernière,  nous  écrivions  quelques 
lignes  sur  le  k  Crucifix  )),  à  propos  du  beau  monument  que  possède  I\l.  Jules 
Labarte  el  dont  nous  donnions  une  gravure';  aujourd'hui,  nous  allons  dire 
un  mot  de  l'iustrumenl  de  la  passion  divine,  à  l'occasion  dune  croix  qui 
appartient  aux  religieuses  de  Notre-Dame,  à  Namur.  Un  habile  et  savant 
orfèvre  de  Paris,  dont  nous  avons  plusieurs  fois  cité  le  nom  et  recommandé 
les  travaux,  M.  Léon  Cahier,  nous  a  révélé  l'existence  de  celte  croix  inté- 
ressante. Avec  une  générosité  que  nous  apprécions  vivement,  M.  L.  Cahier 
nous  a  confié  des  dessins  et  des  estampages  de  la  croix  de  Namur,  estampages 
et  dessins  exécutés  par  lui-même  ;  c'est  d'après  ces  deux  systèmes  de  repro- 
duction que  M.  Fichot  a  dessiné  celte  croix  dont  M.  J.  Huguenet  vient  de 
nous  donner  la  gravure  sur  acier.  Non-seulement  cette  gravure  est  d'une 
fidélité  minutieuse,  mais  encore  d'une  rare  beauté.  Nous,  qui  plaçons  l'exac- 
titude au-dessus  des  autres  qualités  que  les  dessinateurs  en  archéologie  doi- 
vent posséder,  nous  croyons  que  la  beauté  de  cette  planche  est  due  en  par- 
lie  à  la  reproduction  scrupuleuse  de  l'objet. 

En  nous  donnant  ses  dessins  et  ses  estampages,  M.  L.  Cahier  nous  écrivait  : 
«  Monsieur,  permettez-moi  d'apporter  mon  tribut  à  votre  belle  publica- 
tion des  <(  Annales  Archéologiques  »  et  de  vous  envoyer  un  dessin  de  croix 
avec  quelques  notes  sur  un  orfèvre  du  xiii°  siècle.  Je  joins  au  croquis  de  la 
croix  le  calque  des  émaux  et  le  moulage  en  plâtre  de  tous  les  détails.  Cette 
croix  se  trouve,  avec  beaucoup  d'objets  de  la  même  époque,  chez  les  reli- 
gieuses de  Notre-Dame,  à  Namur.  Ce  petit  trésor  vient  de  l'ancienne  abbaye 
d'Ognies,  située  près  de  Namur.  Les  moines  de  celte  abbaye  se  dispersèrent 
en  fuyant,  comme  tant  d'autres,  devant  les  armées  républicaines.  Leur  abbé 
attachait,  on  le  conçoit,  beaucoup  de  prix  à  tous  ces  objets,  dont  la  plu- 
part sont  des  reliquaires;  il  les  cacha  soigneusement  et  les  sauva  de  la  des- 
truction. L'abl)aye  d'Ognies  ne  fut  pas  rétablie,  el  l'abbé,  en  mourant,  légua 

1.  ./nnales  archéologiques,  vol.  III,  pages  357-364. 


AXXAi.Ks   \i;ciii:mi,m.i,ii  i 


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CHOIX   ORIKNTAIK   |-'N  OH  KMMl.l. 


LA   CHOIX    OKIF.NTAI.F..  319 

son  trésor  aux  religieuses  de  Niiimir,  nui  iiinnecieiil  ces  objets  et  les  eonser- 
vent  précieusement. 

«  Il  y  a  plusieurs  juiVes  de  ce  trésor,  qui  sont  d'oriijine  byzantine,  telles 
que  les  émaux  de  la  croix,  que  je  vous  envoie,  et  deux  mitres,  dont  une  en 
parchemin  couvert  de  peintures'.  Ces  objets  ont  dû  être  apportés  par  Jac- 
ques de  Vitry,  évoque  de  Plolémaïs,  qui  a  fini  ses  jours  à  l'abbaye  d'Op;nies. 
Au  XIII*  siècle,  cette  abbaye  possédait  des  orfèvres,  ainsi  qu'on  le  voit 
par  la  signature  du  moine  llino.  Kn  etïet ,  sur  un  petit  calice  orné  de  cise- 
lures et  de  jolies  nielles,  on  trouve,  à  la  b;\te  du  jjied ,  cette  inscription  : 

•j"   HLGO    ;    MF,    i    l'ECIT    i    OUA TK    [    PKO    i    F.O    [    CAI.IX    ':    ECCI.KSIK    | 
BEAT!    ':    MCUOI.A!    [    I)K    \    (Ui.MKS    [    AVE    \ 

«  Vn  fort  beau  reliquaire,  (]ui  contient  entre  autres  reliques  une  côte  de 
saint  Pierre,  est  couvert  d'ornements  de  la  plus  exquise  délicatesse  et  qui 
présentent  beaucou])  d'analogie  avec  les  ciselures  du  calice.  J'ai  Irouvi'  aussi, 
mêlée  aux  reliques,  une  petite  bande  de  parchemin  avec  cette  insciiption  en 
écriture  cursive  du  xiii'  siècle  : 

KELIyE    ISTE    llElin    HIC    UECOniTK.    AXNO    IIM    M.    CC.    XX.    OCT. 
KRAr    niGO   VAS    ISTL'D    OPCS    EST   OKATE    PKO    EO. 

<(  Voici  donc  établi  ([ue  l(^  IVere  Hugues  travaillait  en  1228. 

n  Lu  évangéliairc  du  même  trésor  est  recouvert  fort  richement  en  vermeil 
repoussé,  et  entouré  d'ornements  ciselés  semblables  à  ceux  du  relicpiaire 
ci-dessus.  Ces  ornements  alternent  avec  des  nielles.  Une  de  ces  nielles  repré- 
sente Hugo,  en  costume  de  moine,  oITrant  son  livre  à  Dieu  ou  peut-être  à 
saint  Nicolas  qui  est  représenté  en  face.  Une  inscription,  en  lettres  d'or  sur 
fond  démail  bleu,  se  trouve  du  même  ccMé.  La  voici,  avec  la  disposition  des 
lignes  qui  la  conqiosent,  son  orthographe  et  sa  ponctuation  : 

•f    LIBER    :    SCBII'TIS    :    INTl  S    :    ET    :    EOIllS    : 

Hi'GO  :  scniPSiT  :  i.ntcs  :  giESTr  :  fouis  :   maxc  ;  f  ouate  :  puo  :  EO  : 

t   OUECAMNT    :    AMI    :    CillSTCM    :    CAMT    : 

ARTE    :    FABUILI      Ml  (iO    :    SU    :    OlESTl!    :    SCJI'TA    :    LAUORIS    :    AUANS. 

«  Le  mot  oLKSTr,  (pii  est  repc'té  deux  foi>  ici,  ne  puurrait-il  jias  se  liaduire 

4.  Nos  lecteurs  voudront  bien  remarquor  cotlp  curieuso  purliculurité  d'une  mitre  on  parciicniin 
couverte  de  miniatures,  absolument  comme  un  manuscrit;  nous  ne  pensons  pas  qu'il  existe  ail- 
leurs d'autres  mitres  de  ce  genre.  Il  y  aurail  des  recluTtlies  a  faire  sur  ce  point  fort  élran.^e  en 
archéologie.  (Note  du  Directeur.) 


3-20  ■   ANNALES  ARCHEOLO(;  IQUES. 

\}ar  frais,  dépenses ,  et  signifier  alors  que  Hugo  n'a  l'ait  lui-même  (foris  mam) 
que  l'orfèvrerie  de  ce  livre,  el  qu'il  a  fait  faire  l'intérieur,  l'écriture,  à  ses  frais 
(iNTUs  QUESTu)?  —  Il  m'a  semblé  voir  dans  ce  trésor  seize  ou  dix-huit  pièces 
d'orfèvrerie  exécutées  par  ce  même  Hugo.  C'est  déjà  un  assez  riche  bagage 
pour  ce  moine ,  qui  peut  prendre  place  [)armi  nos  [)lus  adroits  artistes  du 
xiii'  siècle. 

«  Le  nom  de  cet  orfèvre  n'étant  pas  bien  connu,  je  crois,  j'ai  pensé  que  ces 
notes  pourraient  vous  être  agréables  et  servir  aux  recherches  que  tant  dai- 
chéologues  font  aujourd'hui  sur  les  artistes  du'inoyen  âge. 

(I  Agréez,  etc. 

«  LÉON   CAHIliR.  '. 

C'est  un  grand  service  que  M.  L.  Cahier  nous  rend,  en  elfel,  en  nous  don- 
nant d'aussi  curieux  détails  sur  un  moine  orfèvre  du  xui'  siècle.  Nous  serions 
bien  heureux  si  nous  pouvions  ainsi  mettre  un  nom  sur  chacune  des  belles, 
des  admirables  pièces  d'orfèvrerie  que  nous  a  laissées  le  moyen  âge  et  que 
les  révolutions,  la  cupidité  ou  la  mode,  n'ont  pas  encore  détruites.  Le  mi- 
nistère de  l'instruction  publique  va  faire  imprimer  un  volume  de  documents 
inédits  sur  les  artistes  du  moyen  âge;  grâce  à  M.  Cahier,  le  moine  Hugo 
aura  une  bonne  place  dans  cet  important  ouvrage. 

Quant  à  la  croix  d'Ognies,  aujourd'hui  à  Namur,  un  mot  encore. 

Elle  est  en  vermeil.  Le  pied  et  le  nœud  sont  en  métal  fondu  et  ciselé;  la 
croix  proprement  dite  est  d'un  métal  très-mince,  en  feuilles,  et  cloué  sur  du 
bois.  H  y  a  donc,  entre  la  hampe  et  le  pied,  une  ditférence  notable,  et  M.  Ca- 
hier croit  avec  raison  que  la  croix,  rapportée  seule  d'Orient,  a  été  plantée 
dans  un  pied  de  fabrication  occidentale.  Ce  pied ,  effectivement  trop  étroit 
de  base  pour  la  croix  et  qui  n'a  pas  été  fait  pour  elle,  accuse  un  travail 
roman  de  nos  contrées;  ce  sont  nos  lions  et  nos  dragons,  tels  qu'on  les  re- 
trouve fondus  en  bronze ,  en  argent  ou  en  or  dans  les  reliquaires,  les  chan- 
delieis  el  les  candélabres  romans  de  nos  trésors  et  de  nos  musées.  Le  pied 
du  grand  candélabre  de  Reims,  qui  vient  de  l'église  abbatiale  de  Sainl-Hcmi, 
ressemble  singulièrement  à  celui  de  la  croix  de  Namur.  Les  deux  lions  all'ron- 
tés,  sur  le  côté  que  reproduit  notre  gravure,  sont  accompagnés  de  quatre 
dragons  ailés,  ciselés  en  relief;  sur  les  deux  autres  côtés,  six  admirables 
bêtes,  dont  deux  se  mordent  les  ailes  avec  furie,  peuvent  compter,  avec  les 
rinceaux  qui  les  encadrent ,  parmi  les  chefs-d'œuvre  de  la  plastique,  de  la 
fonte  el  de  la  ciselure.  Nous  le  disons  sans  précaution  oratoire,  ranticpiilé 
n'a  rien  laissé  de  pareil,  rien  d'aussi  beau,  d'aussi  énergique,  d'aussi  vivant. 


AN.\Al.i:S   AUClIKOl.Odlnl  |.;s. 

''■"      '^'-      l'illri'll.      Ill|.     (|-Ulni.      N"     1.      ;,     |«;| 
l-l    l'li'|i;llaliull. 


s.  Jean  fvangplisli' 


Desmii  par  Firlioi. 


/■•iipm  M.  I.,;„i  Cihicr. 


\mMLvm\é  m-^i'èihm-tm^  iM^OLLig  m^  m. 


('•rare  par  lionn-i. 


LA  CHOIX  OKI  KM  A  LE.  :}2I 

Ht  co  pied  l'St  niic  do  ces  jiièces  dOilcv  rerie  ((iiimie  nous  on  possodons  en- 
core plusieurs  centaines. 

Dans  \c  nœud  s'enlèvent  on  relief  les  attributs  des  cvaniiélistes.  Sur  noire 
gravure,  nous  voyons  le  lion  de  saint  .Marc.  Laniiede  .saint  Malliiou,  l'aigle 
de  saint  Jean  et  le  lid'uf'de  saint  Luc,  aile.s  et  nimbés  conuiie  le  lion,  occu- 
pent le  reste  de  la  boule,  l.e  nonid  et  le  pied  sont  à  jour,  ce  (pii  permet  d'unir 
une  légèreté  reinaïquaiile  ii  un  reliei'x  ii:oiireu\.  Dr  petites  ai abi'S(|ues  ollleu- 
renl  la  lige  cylinilri(|uo  tpii  descend  du  nonid  dans  le  pied. 

Tout  cela,  redisons-le,  nous  parait  d'un  travail  occidental  et  ressemble  a 
iine  foulo  d'objets  (|ue  nous  possédons  et  que  nous  savons  avoir  été  faits  en 
Angleterre,  en  Allemagne  et  surtout  en  France.  Pour  la  croix  elle-même,  il 
n'en  va  plus  ainsi  :  elle  est  d'un  travail  grec,  parfaitement  accusé.  Nous  sommes 
heureux  de  pouvoir  oll'rir  à  nos  lecteurs  un  sujet  autlionliquement  byzantin; 
car,  obliges  de  parler  plusieurs  fois  encore  de  la  Grèce  chrétienne  cl  de  l'art 
byzantin,  nous  aurions  eu  de  la  peine  à  formuler  nos  idées  et  à  faire  toucher 
nos  descriptions,  si  nous  n'avions  pu  les  prouver  par  divers  monuments 
graphi(|ues. 

Remarquons  d'abord  ces  huit  médaillons  émaillés  les  émaux  sont  très-rares 
en  Orienta,  cjui  décorent  le  montant  et  les  branches  d((  la  croix.  Ils  sontdi.s- 
posés  surnotre  planche  comme  sur  la  croix  même.  Kn  haut,  c'est  le  sujet 
que  les  Grecs  affectionnent  et  qu'ils  appellent  la  i'Iu:i>.\ratios,  r,  éT0'.[ji5tç'a. 
Déjà  nos  lecteurs  connaissent  '  ce  petit  autel  surmonté  d'une  croix  et  chargé 
d'un  coussin  (]ui  |)orto  l'évangéliaire.  A  droite  et  à  gauche  de  la  croix,  on  voit 
la  lance  et  la  cuillère  dont  les  Grecs  se  servent  pendant  le  sacrilice  de  la  messe 
pour  couper  et  distribuer  le  corps  de  Jésus-Christ  caché  sous  les  espèces  du 
pain  et  du  vin.  Les  montants  de  l'autel,  les  deux^  extrémités  du  coussin  et  la 
couverture  de  l'évangéliaire  sont  d'un  jaune  d'or;  le  reste  est  bleu,  avec  des 
bordures  ro\iges.  —  Sous  l'autel  et  à  la  droite,  est  saint  Jean  évangéliste, 
c'est-à-dire,  moyennant  les  abréviations  byzantines  en  usage  constant,  ôà'Yw; 
Iwatvvr.;  ô  ©eoVJyo;  ;  à  la  gauche,  saint  Marc,  ô  â'ytoç  Msépxoç.  Saint  Jean  est  re- 
présenté vieux,  à  la  barbe  et  aux  cheveux  blancs;  il  diffère  complètement 
de  notre  saint  Jean  latin  (pii  est  jeune,  imberbe,  à  la  chevelure  blonde,  rousse, 
ou  tout  au  plus  d'un  Imin  clair.  Ces  saints  Jean  et  Marc  byzantins  bénissent 
à  la  manière  greciiue,  le  i)ouce  sur  l'annulaire;  évangélisles  tous  deux,  ils 

I.  Inins  les  .Innales  .Irrliéologinues,  vol.  Il,  page  299,  nous  avons  donné  la  gravure  d'im 
reliquaire  byzantin  qui  apparlicnt  a  Mgr.  DuMlre ,  évéquc  de  Nevers.  En  télé  de  finst-riplion 
;;rccque  firavée  sur  ce  reliquaire,  nn  voil  wnf  préparation  absolunienl  somMalile  à  wllc  de  la 
croix  de  Namur. 


322  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

tiennent  leur  évangile  de  la  main  gauche. — Saint  Mathieu  (ô  ayio;  Marôato;) 
est  sous  saint  Jean ,  et  saint  Pierre  (ô  â'yio;  néxpo;)  sous  saint  Marc.  Saint  Ma- 
thieu et  saint  Pierre  sont  vieux  et  blancs  de  barbe,  de  cheveux  et  de  sourcils, 
comme  saint  Jean;  mais  Pierre  a  la  tète  ronde  et  la  barbe  courte,  tandis  que 
Jean  et  Mathieu  ont  la  figure  et  la  barbe  allongées.  De  plus,  les  cheveux  et  la 
barlte  sont  d'un  blanc  bleuâtre  à  Jean  et  Mathieu  ,  mais  d'un  bleu  clair  à 
saint  Pierre,  qui  est  aussi  moins  vieux  que  les  deux  autres.  Mathieu  montre 
l'évangile  qu'il  a  écrit  et  qu'il  tient  ;  Pierre  bénit  à  la  grecque  et  tient  à  la  main 
gauche,  non  pas  un  livre,  puisqu'il  n'est  pas  évangélisle  et  qu'il  a  fort  peu 
écrit,  mais  un  rouleau.  —  bumédiatenient  sous  l'autel,  nous  voyons  saint 
Paul,  0  â'yioç  riaùXoç.  Figure  ardente,  jeune  encore,  cheveux  noirs,  longue 
barbe  noire,  saint  Paul  montre  de  la  droite  le  livre  qu'il  porte  de  la  gauche 
et  qui  contient  ses  épîtres.  Le  grand  nombre  de  ses  écrits  le  fait  assimiler  aux 
évangélistes,  et  son  livre  a  la  forme  de  ceux  des  saints  Jean,  Marc  et  Mathieu. 
Ordinairement,  chez  nous,  saint  Pierre  est  représenté  jeune  encore  quoique 
déjà  très-chauve,  et  saint  Paul  vieux,  à  la  barbe  blanche;  c'est  le  contraire  en 
Grèce.  Cependant  les  Byzantins  comme  les  Latins  allongent  la  figure  et  la 
barlie  de  saint  Paul  et  arrondissent  la  figure  de  saint  Pierre,  dont  ils  bouclent 
tes  cheveux;  chez  les  Latins,  comme  chez  les  Byzantins,  la  physionomie  de 
saint  Paul  est  ardente  et  inspirée,  tandis  que  celle  de  saint  Pierre  est  plus  par- 
ticulièrement spirituelle  et  fine.  Saint  Pierre  applique,  en  quelque  sorte,  les 
idées  de  saint  Paul;  le  premier  réalise  ce  que  le  second  trouve  '.  —  Saint 
Pantéléemon  (ô  â'yio;  lïavTeXavfiAOJv ) ,  le  jeune  médecin  que  nous  connaissons 
déjà  ^ ,  est  placé  sous  saint  Paul.  Il  semble  qu'on  aurait  dû  lui  préférer  le 
quatrième  évangéliste,  saint  Luc;  mais  cette  croix  est  un  reliquaire,  et  un 
reliquaire  qui  doit  avoir  opéré  des  miracles  et  guéri  des  malades.  C'est  pro- 
bablement à  cette  circonstance  qu'il  faut  attribuer  la  présence  du  jeune  méde- 
cin grec.  Saint  Pantéléemon,  moins  gracieux  que  sur  la  gravure  donnée  dans 
notre  livraison  de  septembre  dernier,  se  reconnaît  à  sa  jeunesse;  il  a  le  visage 
rond,  le  front  bas,  les  cheveux  abondants  et  noirs.  Il  tient  à  la  gauche  un 
rouleau  ou  une  très-petite  boîte  ;  à  la  droite,  la  spatule  ou  le  crochet  que  nous 
avons  déjà  vu.  —  L'archange  Gabriel  (ra€p'.v;X)  est  au  pied  de  la  croix  dont 
le  sommet  est  occupée  par  l'autel.  Connue  tous  les  anges  byzantins  et  comme 
quelques  anges  italiens,  cet  archange  est  coiffé  d'un  diadème  à  bandelettes; 

1 .  Un  de  nos  amis  s'étant  chargé  d'écrire  et  de  dessiner,  pour  les  Annales  Archéologiques  de 
<847,  l'iconographie  des  saints  jjrincipaux  ,  nous  sommes  dispensé  aujourd'hui  de  nous  étendre 
davantage  sur  les  caractères  distinctifs  de  saint  Pierre,  de  saint  Paul  et  des  autres  saints. 

2.  .thiiales  Archioloyiques,  vol.  V,  pages  148  et  105. 


LA  CROIX  ORIENTALE.  :)23 

co ractère  protioux  iii  ic(Hi(ii;!a|)liie'.  Il  porte  à  la  mai»  dioilc,  conlro  sa  poi- 
Iriiie,  le  ilisquo  ou  la  lioiilo  qui  s'appelle,  en  Grèce,  le  soeat  dk  Dii:r. 

Les  trois  vieillards,  Jean, . Mathieu  et  Pierre,  portent  un  niinlio  à  rliaïup  vert; 
aux  quatre  autres,  si  noirs  île  cheveux,  le  elianq)  est  bleu;  mais  à  tous 
l'ourlet  du  nimbe  est  rouge.  Les  létes,  d'une  vive  couleur  de  chair,  sont  légè- 
rement ombrées  aux  joncs  et  au  nez  qui  s'enlève  en  viirueur.  Les  robes  et  les 
manteaux  sont  verts  ou  bleus.  Saint  Paul  seul  a  une  robe  blanche,  une  espèce 
•  l'aube;  la  couverture  de  son  livre  est  roujie  ;  elle  est  jaune  aux  évangiles  de 
Jean,  Marc  et  Mathieu,  toutes  les  inscriptions  sont  en  émail  rouge.  1-e  rose  de 
la  chair  et  le  vert  sont  les  seules  couleui-s  transparentes;  les  autres  sont  opa- 
ques. Les  émaux  sont  coulés  sur  des  phupies  d'or  dune  épaisseur  de  5  n)illi- 
mètres.  La  masse  est  enfoncée  au  ciselet  ainsi  que  les  lettres.  Les  contours  et 
les  dessins  sont  formés  avec  de  petites  cloisons  contournées,  en  or  d'un  milli- 
mètre de  hauteur.  Douze  turquoises,  douze  rubis  et  un  grand  nombre  de 
jargons  jettent  des  feux  autour  des  médaillons  et  des  deux  petits  habitacles 
ilu  bois  de  la  croix.  Tout  le  reste  est  en  vermeil  ^. 

Telle  est  la  face  antérieure;  le  revers  no  porte  pas  de  ligures,  mais  scule- 
medt  des  ornements  d'une  grande  délicatesse  et  d'un  caractère  aulhenlique- 
ment  byzantin.  Les  Grecs  afl'ectionnenl  spécialement  les  roses  à  huit  pétales, 
ainsi  qu'on  les  voit  sur  une  dalle  de  marbre  blanc  qui  décore  ou  décorail  le 
portail  d'une  église  d'Athènes ,  et  qui  porte  une  croix  à  double  traverse  ^.  La 
croix  de  >'amur  otl're  une  sorte  de  rosaces  qui  sont  à  huit  pétales  et  qui  en- 
trent, aujourd'hui  encore,  dans  l'orfèvrerie  et  la  bijouterie  à  l'usage  des 
femmes  grecques.  Du  reste,  ce  revers  de  la  croix  est,  aussi  bien  que  la  face, 
en  filigranes  ou  ornements  repoussés;  ce  n'est  pas  fondu  comme  le  nœud  et 
le  pied.  —  Voici  les  dimensions  de  la  croix  en  millimètres  : 

Hauteur  totale 369 

Longueur  de  la  grande  traverse.  210 

Longueur  de  la  petite <38 

Epaisseur  sans  les  médaillons..  022 

Epaisseur  avec  les  médaillons. .  025 

largeur  du  pied I S2 

La  forme  est  une  croix  à  double  traverse,  celle  (pic  l'on  devrait  aj>peler 

1 .  L'attribut  de  saint  Matliifu  ,  l'ange  sculpté  sur  le  nœud  du  pied  de  la  croix ,  n'a  pas  de  dia- 
dème; preuve  nouvelle  que  ce  pied  ap|iartienl  à  l'art  occidental  plul(\t  (pi'à  celui  de  l'Orient. 

2.  La  lettre  de  notre  gravure  sur  acier  dit  à  torl  :  «  Croix  orientale  en  or  émaillé  ■>  ;  le  tirage 
était  terminé  ([uand  nous  avons  aperçu  ceUe  erreur. 

■i.  La  gravure  de  celte  croi.x  et  de  ces  rosaces  est  donnée  dans  les  .tnnules,  vol.  I ,  p.  \(>î. 


321  ANNALES  AKCHÉOLOdlQUES. 

spécialement,  exclusivement  peut-être,  la  croix  grecque.  C'est  à  tort,  en 
effet,  qu'on  donne  le  nom  de  croix  giec(|ue  à  celle  dont  les  branches  sont 
égales,  car  ce  genre  de  croix  appartient  à  l'Occident  presque  autant  qu'à  la 
Grèce.  La  croix  à  double  traverse  est,  au  contraire,  purement  orientale;  en 
Grèce,  en  Macédoine,  à  Conslantinople,  nous  en  avons  trouvé  une  quantité 
considérable.  Une  église  d'Athènes,  probablement  détruite  aujourd'hui  et 
qu'on  voyait,  en  1839,  à  la  base  septentrionale  de  l'acropole,  offrait  à  son 
portail  occidental  deux  croix  que  nous  avons  fait  graver.  Ce  sont  des  croix  à 
double  traveise,  imitant  un  travail  de  rubans  entrelacés  ou  de  sparterie.  Elles 
sont  sculptées  sur  des  dalles  de  marbre  blanc  et  incrustées  dans  les  murs  du 
portail  dont  elles  forment  ou  formaient  la  principale  décoration.  L'inscription 
byzantine,  Jésus-Christ  triomphe  ou  Jésus-Christ  est  vainqueur  ,  est  gravée 
njoitié  sur  la  dalle  gauche,  moitié  sur  la  dalle  droite,  de  sorte  que  ces  deux 
croix  ont  toujours  été  faites  pour  être  placées  l'une  près  de  l'autre  et  pour  se 
compléter.  Les  deux  paons  qui  regardent  la  croix  de  gauche,  l'aigle  et  le 
faucon  qui  accompagnent  celle  de  droite,  sont  probablement  symboliques; 
ils  signifient  sans  doute  le  triomphe  de  la  croix  ou  de  Jésus-Christ  sur  l'orgueil 
du  paon  ',  la  cruauté  du  faucon,  la  férocité  de  l'aigle.  Ce  serait  alors  comme 

1 .  L'orgueil  du  paon  est  proverbial  ;  l'étalage  qu'il  fait  de  sa  queue  ocellée ,  la  fatuité  de  sa  dé- 
marclie  ont  été  remarqués  des  poètes  et  converlis  en  métaphore  à  l'usage  des  rhétoriciens.  On 
trouve  dans  la  symbolique  chrélienne  la  même  idée  attachée  au  caractère  du  paon.  Mais,  à  côté  de 
ce  vice,  on  a  dû  placer  une  vertu  ;  car,  sur  certains  monuments  chrétiens ,  le  paon  se  montre  à 
côté  de  l'agneau ,  ou  bien  seul  et  décoré  du  nimbe  comme  un  être  sanctifié.  M.  Tournai ,  secré- 
taire de  la  Société  archéologique  de  Narbonne,  nous  a  envoyé  le  dessin  d'un  monument  funéraire 
conservé  dans  le  porche  de  Sainte-Marie-in-Transtevere,  à  Rome,  où  se  voient  le  paon  et  l'agneau, 
qui  ne  paraissent  pas  hostiles ,  mais  amis.  L'agneau  signifie  la  douceur,  le  calme  dans  la  médita- 
tion des  choses  célestes;  le  paon  pourrait  en  désigner  la  contemplation  ardente  et  sans  cesse 
éveillée.  Sur  un  sarcophage  de  Bologne,  dans  l'église  Sainl-Étienne,  deux  paons  semblent  ado- 
rer la  croix,  loin  de  la  mépriser  ou  d'en  être  écrasés.  Enfin  le  musée  de  Narbonne  possède  une 
pierre  tumulaire  trouvée  dans  la  ville  d'Athènes;  là,  en  regard  d'une  croix,  un  paon  magnifique  étale 
en  rond  sa  large  queue  étoilée,  et  ce  paon  porte  un  large  nimbe  comme  un  saint.  Cette  magnifi- 
cence de  plumage,  ces  étoiles  semées  sur  la  queue,  ce  nimbe  qui  rayonne  autour  de  la  tête,  dé- 
corée d'ailleurs  de  six  aigrettes  éclatantes,  peuvent  symboliser  le  ciel,  le  paradis  ou  l'e-xaltation 
vers  les  choses  saintes.  Il  en  est  malheureusement  du  symbolisme  comme  de  certains  mois, 
comme  de  certaines  lettres,  qui  peuvent  se  prendre  à  volonté  en  bonne  ou  en  mauvaise  part,  qui 
signifient  oui  ou  non.  La  première  lettre  de  l'alphabet  grec,  l'A,  est  tantôt  négative,  tantôt  affir- 
mative ;  elle  dit  non  et  oui  successivement  et  presque  simultanément.  La  difficulté,  mais  le  mérite 
en  même  temps,  est  d'en  faire  la  distinction.  Dans  le  symbolisme,  il  faut  également  beaucoup  de 
prudence  et  de  raison  pour  distinguer  la  qualité  du  vice,  et  reconnaître  quand  le  paon  désigne  l'or- 
gueil ou  bien  la  contemplation  des  choses  divines.  Nous  remercions  M.  Tournai  de  nous  avoir 
communiqué  un  grand  nombre  de  notes  et  de  dessins  relatifs  à  la  question  si  enmèlée  du  sym- 
bolisme chrétien. 


LA  CROIX    ORIENTA l-K. 


.•»25 


une  Viiriaiilo  ou  ccjiniiio  le  compifiiicnl  du  l<'\(i'  l'iimciix  ;i|i|ili(|iu'  au  Sauveur 
et  figuré  tant  de  fois  dans  nos  iii(iniiiiiiiil>  ^oïliKim-^  : 

"  Super  aspidi'in  l'I  ba,>ili>ciim  ainhiilabis.  cl  coru-iilcabis  Icoiu'in  t'I  draconcni '.  " 

Voici  la  croix  de  gauche'^  où  Itm  voit  les  deux  |)ai)iis;('ll('  ollVi-  un  ilonhlc 
croisillon  bi/arroniont  tressé. 

CHOIX  (iiuicyLi:  i)  atiiènes. 


(kulplure  du  il'  «iécli" 


Si  la  base  de  la  croix  de  Namur  avait  été  faite  pour  la  croix  môme,  il  serait 
curieux  d'y  remarquer  des  lions  et  des  dragons,  peut-ôtre  niômc  des  aspic!- 


).  Psaume  xc,  verscl  43. 

2.  On  trouvera  celle  de  droite  dans  les  Annalts,  vol.  ( ,  page  Itji. 

V.  M 


.'{•26  ANNALES  ARCHÉOLOd  IQ  TES. 

on  (les  basilics,  terrassés  et  refoulés  an  pied  même  de  ce  nionnnirnl.  La  croix 
aurait  ici  une  vertu  semblable  à  celle  du  divin  crucifié. 

I.a  croix  à  double  traverse  est  si  parfaitement  orientale,  si  spécialement  b\- 
zantine,  (pic  les  Russes,  grecs  de  religion,  l'ont  en  vénération  particulière.  La 
plupart  des  croix,  de  cuivre  émaillé  ou  de  bois  sculpté,  (lu'ils  portent  sur  eux 
ou  qu'ils  honorent  dans  leurs  églises ,  sont  à  double  traverse.  La  forme  est  en- 
tièrement semblable  à  celle  de  Namur.  Toutes  les  fois  qu'on  trouve  en  France, 
en  Europe,  une  croix  à  doubles  croisillons,  on  peut  être  sîir  qu'elle  vient 
d'Orient  '  et  qu'elle  contient,  comme  celle  de  Namur,  du  bois  de  la  vraie 
croix.  La  croix  orientale  de  Mai'stricht  avait  deux  croisillons.  Un  reliquaire 
byzantin  du  xi''  ou  xii*^  siècle,  qui  a  la  forme  d'un  tryptique  et  se  voit  aujour- 
d'hui dans  le  musée  de  Bruxelles,  présente  une  croix  double.  La  croix  dite 
de  la  princesse  palatine,  parce  qu'elle  provient  d'Anne  deGonzague  de  Clèves, 
l)rincesse  palatine,  est  à  double  traverse.  On  croit  qu'elle  a  dû  appartenir  à 
l'empereur  Manuel  Comnène,  parce  qu'on  voit  ce  nom  gravé  sur  le  grand 
croisillon  ;  mais  ce  Comnène  Manuel  Stéphanophore  est  peut-être  tout  simph»- 
^ment  l'orfèvre  qui  a  fabriqué  cette  croix.  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  est  certaine- 
ment byzantine,  ainsi  que  l'atteste  l'inscription  qui  la  couvre  ^. 

Mais  une  des  croix  les  plus  célèbres  dans  le  monde  était  celle  que  saint 
Louis  avait  achetée  à  Baudouin  II,  empereur  deConslantinople,  pour  la  placer 
dans  la  chasse  de  la  Sainte-Chapelle;  elle  contenait  un  morceau  considéral)l(' 
de  la  vraie  croix.  On  l'avait  renfermée  dans  un  étui  qui  n'existe  plus,  mais 
qu'on  voyait  encore  à  l'époque  de  la  révolution,  et  que  le  chanoine  Morand 
"a  fait  graver  ^.  «  On  avait  ménagé  dans  le  fond  ;  (le  cet  étuij  trois  creux  de 
grandeurs  différentes,  en  forme  de  croix  grecques ,  destinés  à  recevoir  trois 
portions  différentes  de  la  vraie  croix.  La  principale  de  ces  portions,  qui  était 
déposée  dans  la  ijramle  châsse  de  la  Sainte-Chapelle,  avait,  lorsqu'elle  fut 
apportée  en  France,  deux  pieds  six  pouces  et  demi  de  long,  sur  deux  pouces 


1 .  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  ci-  que  nous  avons  dit ,  dans  V Histoire  de  Dieu  et  dans  le 
Manuel  d'iconographie  chrétienne,  sur  le  plan  de  certaines  églises  en  croix,  si  fréquentes 
en  Angleterre,  mais  si  rares  en  France,  où  l'abbaliali'  de  Clunv  et  la  collégiale  de  Sainl-Quenlin 
sont  à  peu  près  les  seules  qui  aient  adopté  cette  forme. 

2.  IC  XC  —  2Taupw  ira^jeU  \i^<i><s%i  àtSfôn  (pùoiv  ■^fitfti  Koj/.w,vo;  Mavcjïi),  aTï^v-^çop'-;.  «  ,lésus-Cliris( 

attaché  à  la  croix  releva  la  nature  liumaine,(co;Hnic)ccrit  Comnène  Manuel  StéphanopUore.»  Voyez 
(le  curieux  détails  sur  ce  reliquaire  dans  la  Notice  historique  et  critiqtce  sur  la  sainte  couronne 
d'épines  et  sur  les  autres  instruments  de  la  Passion.  In-8".  Paris,  1828.  Cette  croix,  qui  fait 
partie  aujourd'hui  du  trésor  de  Notre-Dame  de  Paris,  vient  du  trésor  de  Saint-Germain-des-Prés. 
:!.  Histoire  de  la  Sainte-Chapelle  royale  du  Palais,  par  M.  Sauveur-Jérônip  Morand,  cha- 
noine (le  ladite  église.  In  i  '.  Paris,  179(! ,  page  44. 


ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 
Par  M.   Didron,    rue   d'Ulm,   N"   i.    ii  Parii^ 


Jhsshii'  f)iir  rifhet. 


noiizièn»!  siècle.  —  A  l;i  S:iiiiic'  riwipi'llc  ilr  l':irj* 


l'.rHri  fiir  Pisaa. 


I.  A    CIKUX   (HUKN  I  Al.i:.  Ml 

ilo  lari;e,  rt  mij  |iciiii-c  cl  ili'mi  (l'<'|i;iir->('iir.  I.;i  |ilii~  ui.indc  liavi'iso  paiiiil 
avoir  eu  fin  iKuniii  pii'il  ili'  loii^;.  On  ne  sali  ci'  (|u'claiciil  iIcmmuios  les  ilcii\ 
croix,  de  iiioiiidic  i^raiidciir,  (lui  se  tionviiicnl  anliclois  dans  l'i'liii,  aniiics  Ai' 
la  croix  |)riiici|ialc.  Au  bas  de  celle  dciniere,  on  \oyail,  à  droilc  cl  ;i  i;aiiclic, 
dodx  fignicscii  relief,  avec  deux  itiscriplioiis  i|iii  iiidiiiuaieiil  skIiiIc  llcli'iic  cl 
C.onslanliii  '.  \ii-de?siis  <\(\'  liras  de  la  cruix,  un  \n\ail  (|iialr(^  ani;es  dans 
rallilude  lie  l'adoralinn  cl  ddiil  le>  iinin-  Miclid,  (iabiicl,  l<a|ilKiel  cl  Iriel  ; 
étaient  éciils  en  caractères  forces  majuscules  ^  'i»La  gra\ure,  donnée  par 
Jérôme  .Morand  et  la  »  Notice  liistoriiiue  et  critiipie  » ,  est  (  ertainemenl 
inexacte;  néannuiins  nous  la  rciirmluisun^  ici,  pareil  i\\n)  l'objet  n'existatil 
plus,  il  n'est  pas  possible  d'en  obtenir  une  nK'ilIcure.  Nous  avons  dû  rcpen- 
daul  replacer  sur  la  tète  de  ces  archanges,  d'attitude  et  de  sl\  le  i ococo,  le  ilia- 
dème  byzantin,  car  il  n'y  a  pas  d'exemple,  sauf  erreur  ou  omission,  d'un 
ange  grec  dépouillé  de  cet  atlril)ut  caracteristi(iue.  lUnove/.  dans  les  «  Annali- 
archéologiques  »,  vol.  I,  page  l(>',* ,  la  gravure  de  la  dalmati(pi(;  impériale 
b\/.antine,  et  vous  y  reconnaîtrez  les  neuf  ordres  des  anges  à  leur  diadème, 
diatleme  si  nettement  accusé  sur  le  front  du  dabriel  de  la  croix  de  Namur. 

Nous  engageons  nos  lecteurs  à  bien  constater  la  forme  et  le  nombre  de* 
cioisillons  sur  toutes  les  croix  qu'ils  auront  l'occasion  de  \oir.  Oiiand  la 
double  traverse  s'y  rencontrera,  l'origine  cl  la  nature  n'en  seront  jilus  dou- 
teuses; la  croix  sera  grecque  et  servira  de  reli(puiire.  L'église  Sainte-(joi\ 
de  Provins  a  été  bàlie  par  les  comtes  de  (^luuupague,  au  retour  des  croisades, 
pour  recevoir  un  morceau  île  la  \raie  croix;  ce  morceau  était  contenu  dan- 
une  croix  de  métal  à  double  traverse.  La  relique  et  le  reli(juaire  ont,  je  le 
pense,  complètement  disparu ,  maison  en  voit  la  curieuse  représentation 
sur  les  fonts  baptismaux  de  cette  église.  Sur  le  haut  de  la  cuve  est  sculptée 
la  cérémonie  d'un  baptême;  parmi  le  clergé  cpii  assiste  ou  participe  à  la  cé- 
rémonie, ou  voit  lui  ecclésiastique  portant  dans  ses  mains  une  croix  à  double 
traverse.  .M.  Jules  Dumoutet,  scidpteur,  a  envoyé  au  Comité  historicpie  des 
arts  et  monuments  le  dessin  d'une  croix  à  doul)lc  traverse  qui  enrichit  eiu-ore, 

I.  H  \ruK\rMi  —  Il  \  lloi  M)'  i\MiiMii  -  (,(inr.liinlin  est  loujoiir^  i|ualifié  ik' !i:iiiil  |>iir 
les  Orionliiux. 

î.  O  AI'  Ml  —  I)  W  IMII'IHA  —  f)  AI'  <)VI'HHA  -  i)  W  \'U>\H\.  •  l'rii'l  osl  un  inclliin^r 
adoptù  par  les  Uyziiiitins  el  les  anciennes  lilurçiesde  l'Orltnt  ;  inuis  rKj^lise  laline  nomme  et  reron- 
nail  seulement  Mieliel,  (laljriel  cl  Kapliai-I.  Voyez  Mabillon ,  .Inatetta,  vnl.  Il;  I).  C.alniel  ,  Pic- 
linnnalre  lie  la  /lih/e.  article  I  riel ;  la  liibti'  de  l'ence^  vol.  XIII,  Disscrliilion  sur  Irx  amjra. 
art.  1  ;  Benoit  XIV.  de Cunoniz.  sanrt.,  lit»,  iv,  pari,  ii,  cap.  xxx,  n"  .'«. 

■t.  Voyez,  à  la  pa[:e  .'ir,.  la  .\'oltce  /iist<iri<iii<'  il  criliiiiie  sur  In  sainte  aniranne  d'ipini s , 
citëe  plus  haut. 


328  ANNALES   AHCllEOLOf,  loUKS. 

à  ce  que  je  crois,  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Bourges.  Dans  le  croisillon 
supérieur  est  incrusté  un  morceau  du  bois  de  la  vraie  croix ,  et  ce  morceau 
est  découpé  lui-même  en  croix  double.  Noire  croix  de  Namur,  double  aussi, 
renferme  deux  morceaux  du  bois  de  la  croix.  Si  le  morceau  supérieur  est  en 
croix  simple  ,  celui  du  grand  croisillon  est  en  croix  double. 

On  a  beaucoup  discuté,  comme  il  va  sans  dire,  sur  l'origine  et  la  prove- 
nance de  cette  double  traverse  des  croix  grecques.  L'origine  est  orientale  ; 
rien  de  plus  certain ,  et  12F  croix  de  Jérusalem  en  est  le  type.  Quant  à  la  pro- 
venance ,  c'est  le  titre  de  la  croix  où  Jésus  expira  qui  en  a  donné  le  modèle. 
Ce  titre  a  toujours  paru  assez  im|)ortant  aux  Orientaux  pour  qu'on  le  repro- 
duisît Irès-apparenl  dans  la  forme  des  croix  imitées  sur  celle  du  Sauveur. 
Les  Latins  y  font  moins  d'attention;  quand  ils  ne  le  suppriment  pas,  ils  lui 
donnent  la  forme  d'un  écriteau,  ordinairement  penché,  petit  et  peu  important. 

Que  nos  lecteurs  et  les  archéologues  qui  se  livrent  à  l'étude  des  ornements 
religieux  recherchent  toutes  les  croix-reliquaires  qui  peuvent  exister  encore 
en  France,  et  qu'ils  en  examinent  la  forme  avec  le  plus  grand  soin.  S'ils 
veulent  bien  nous  envoyer  la  description  et  le  dessin  de  celles  qu'ils  parvien- 
dront à  découvrir,  nous  promettons  de  faire  graver  les  plus  curieuses  et  de 
rédiger  une  sorte  de  monographie  de  la  croix.  Nous  avons  déjà  tenté  ce  tra- 
vail dans  l'Histoire  de  Dieu  le  ûls  '  ;  mais  ce  n'est  qu'un  petit  essai,  et  nous 
voulons  le  compléter.  M.  de  Saint-Mémin  ,  directeur  du  musée  de  Dijon, 
M.  Tarbé ,  substitut  du  procureur  du  roi  à  Versailles,  M.  le  comte  de  Mo- 
rangiès,  M.  Tournai,  de  Narbonne,  M.  l'abbé  Cheval ,  de  Moissac,  M.  l'abbé 
Calvinhad,  de  Montauban  ,  .M.  l'abbé  Coqueray,  de  Tours,  et  M.  l'abbé  La- 
croix, clerc  national  à  Rome,  nous  ont  envoyé  déjà  des  dessins  et  des  des- 
criptions de  croix  en  orfèvrerie,  en  pierre,  en  marbre,  en  mosa'ique  et  en 
bois.  Nous  tenons  en  réserve  ces  précieuses  communications,  et  nous  atten- 
dons celles  qu'on  pourra  nous  faire  prochainement  encore,  pour  entreprendre 
le  travail  dont  nous  parlons.  Il  y  aurait  un  bel  ouvrage  à  composer  sur  l'his- 
toire complète  de  la  croix  chez  les  différents  peuples  et  aux  époques  diverses 
de  notre  ère;  si  nous  ne  pouvons  exécuter  le  livre,  nous  écrirons  du  moins 
deux  ou  trois  articles  sur  ce  sujet. 

DIDRON. 
I    Iconographie  des  peno/mes  divines,  pages  :i5 1-402, 


MOUVEMKNT   ARCHÉOLOGIQUL:. 


Sociétés  archéologiques.  — Correspondance.  —  Renaissance  de  l'art  du  moyen  â^tv 
Adhésions  el  cnoouraiiemenls. 


.Vu  terme  de  cette  année,  nous  devrions  bien  régler  nos  comptes  archéo- 
logiques; mais  nous  devons  à  tant  dé  personnes,  on  nous  honore  d'une  cor- 
respondance si  nombreuse  el  si  nourrie,  qu'il  nous  sera  impossible  intime  de 
mentionner  tous  nos  créanciers.  Au  lieu  d'un  numéro  ,  au  lieu  d'une  livrai- 
son de  sept  uu  huit  feuilles  par  mois,  il  nous  faudrait,  sans  exagération, 
plus  d'un  demi-volume;  nous  pourrions  même,  à  la  rigueur,  publier  men- 
suellement un  volume  assez  honnête.  En  effet,  pour  arriver  à  notre  but,  qui 
est  de  faire  une  «  Revue  »  el  un  «  Bulletin  »  tout  à  la  fois,  c'est-à-dire,  un 
livre  conq)osé  d'articles  de  longue  haleine  et  un  journal  rempli  de  nouvelles 
diverses,  nous  devrions  établir  dans  chatpie  numéro  deux  grandes  divisions 
subdivisées  elles-mêmes  en  huit  ou  dix  chapitres.  Voilà  notre  idéal;  quand 
l'atteindrons-nous,  si  nous  l'atteignons  jamais?  En  attendant,  nous  allons 
dépouiller  le  plus  de  lettres  que  nous  pourrons.  Nous  i)rierons  ceux  de  nos 
honorables  corres|)ondants,  qui  seront  seulement  mentionnés  ici  ou  dont  les 
noms  seront  omis ,  de  ne  pas  croire  que  nous  avons  écarté  pour  toujours 
leurs  communications  ou  que  nous  avons  oublié  leurs  envois;  au  contraire, 
tout  est  classé  méthodiquement  dans  nos  cartons,  tout  est  réservé  pour  pa- 
raître intégralement  ou  par  extraits  en  temps  op|)ortun.  Nous  avons  manqué 
de  place  jusqu'à  présent  ;  nous  es[)érons  en  avoir  à  |iartir  de  1847.  En  elVel, 
en  1844,  I845el184(i,  nous  avons  consacré  de  belles,  bonnes  et  nom- 
breuses pages  à  des  articles  de  critique  contre  tels  corps  oflicicls,  tels 
architectes,  tels  administrateurs;  nous  avons  perdu  beaucoup  de  place  en 
racontant  des  actes  de  vandalisme.  Cette  polémique  n'a  pas  été  entièrement 
inutile  à  notre  cause;  niais  nous  pouvons  regretter  d'avoir  emplo\é,  à  sa|)er 


330  ANNAF.RS   A  lU.  Il  KOLOC,  lOl' KS. 

et  (Ictniii'c,  iiii  ttMii|is  (|ii(' nous  .unions  |iii  passer  ii  conslniiii';  il';uoir  cliango 
en  arène  à  peu  près  slérile,  on  véritable  champ  de  bataille,  un  terrain  (lu'on 
aurait  dû  nous  laisser  labourer  elensenieneer  aveedes  laits  et  des  idées.  Nous 
n'étions  pas  les  maîtres  de  la  plaee,  el  il  a  lallu  se  livrer  à  ratta(pii;  pour  y 
entrer;  nous  n'y  sommes  pas  encore,  mais  la  brèche  est  ouverte,  l'ennemi 
en  déroute ,  et  nous  aurons  plus  de  temps  el  plus  d'espace  jtour  nous  livrer 
tran(|uillemcnt  à  la  science.  Ainsi  donc,  et  nous  le  redisons  encore  à  la  fin  de 
ce  numéro ,  les  «  Annales  »  vont  un  peu  cha^iger  de  physionomie  :  d'agres- 
sives et  de  querelleuses  qu'elles  ont  été  jus(iu'à  présent,  elles  deviendront,  à 
partir  de  1847,  plus  calmes  et  plus  enseignantes.  La  critique  sera  reléguée  à 
peu  près  exclusivement  dans  les  !<  Nouvelles  et  Mélanges  »;  elle  ne  se  pavanera 
plus,  si  ce  n'est  en  certaines  circonstances  solennelles  que  nous  ne  |)ouvons 
prévoir,  dans  des  articles  de  deux  ou  trois  feuilles.  Chacun  y  trouvera  son 
compte  ,  surtout  nos  correspondants  qui  verront  enfin  arriver  à  la  publicité 
les  communications  savantes  et  curieuses  qu'ils  veulent  bien  nous  faire. 

Un  mot  d'abord  des  Commissions  et  Sociétés  archéologiques  récemment 
établies,  car  c'est  d'elles  surtout  ((uc  part  le  mouvement.  Le  nombre  de  ces 
institutions  se  multiplie  d'une  manière  remarquable  en  France  et  à  l'étranger. 
'(  L'x\nnuaire  des  Sociétés  savantes  »  constatait  l'existence,  à  l'entrée  de  l'an- 
née! 846,  de  vingt-cinq  Sociétés  archéologiques  pour  la  France;  d'Annuaire  » 
est  incomplet  et  mal  renseigné;  nous  en  connaissons  une  soixantaine  en 
pleine  activité,  et  cinquante  ou  soixante  autres  (jui  sommeillent  et  sont  plus 
ou  moins  près  de  se  réveiller.  Nous  verrons  ce  que  "  l'Annuaire  »  de  184? 
nous  révélera  sur  ce  point.  Outre  les  Sociétés  spéciales  d'archéologie  et  livrées 
uniquement  à  cette  partie  de  l'histoire,  la  plupart  des  compagnies  savantes  , 
môme  d'agriculture,  ont  une  section  qui  s'occupe  d'archéologie  dans  leur 
propre  sein,  et  celle  section  est  presque  toujours  la  plus  considérable  et  la 
plus  laborieuse.  Contentons-nous  ici  de  joindre  aux  noms  des  évoques,  qui  ont 
établi  des  Commissions  diocésaines  d'archéologie  ou  des  cours  de  cette  science 
dans  leurs  séminaires,  ceux  de  M^""  l'évéque  de  Troyes  ,  de  .M^''  l'évèque  de 
Langres,  de  Ms""  l'évéque  de  Nevers,  de  Msr  l'évèque  de  Viviers,  de  IMs'  lévè- 
(jued'Agen,  de  Mo'"  l'archevêque  de  Bordeaux  et  de  M=''  l'archevêque  d'Aucîi. 
Ces  prélats  réimpriment  le  ((  Questionnaire  Archéologique  »  publié  par  !e 
Comité  historique  des  arts  et  monuments,  et  l'envoient  à  tous  les  ecclésiasti- 
ques de  leurs  diocèses,  qui  le  couvrent  de  réponses  et  préparent  ainsi  les 
éléments  les  plus  curieux  d'une  statistique  monumentale  des  monuments 
religieux.  Au  chef-lieu  de  l'évêché,  souvent  même  au  palais,  et  sous  la  pré- 
sidence de  l'évèque  ou  de  l'archevêque,  se  tiennent  des  réunions  où  se  dis- 


MdlVKMl.Nl    Mtilll.ol.ddini  i;.  831; 

ciilenl  les  intôr(Ms  de  l'arclu-uloi^ic  iInvIiiMun-,  sons  lo  (loul'lc  rapport  cli"  la 
scienco  et  de  la  pratique.  M.  rabhé  Canéto,  supérieur  tiu  petit  sémitiaire 
fi'Aucli,  nous  cciixail,  au  mois  de  ('e\  lier  dernier: 

»  I>e  I  I  février  nous  <  lôlurioiis  nus  séances  d'iiiver  à  l'archevi^eiie,  comme 
vous  en  étiez  a  peine  à  la  seconde  du  Comité  des  arts  et  monuments.   Les, 
ecclésiastiques  des  deu\  cantons  d'Aucii  ont  ré|)ondu,  pour  cette  (luatrième 
session,  à   l'appel  annuel  de  notre  vénérable  prélat,  avec  autant  de  zèle  et 
(rcnqiressenieiit  (pie  par  le  passé.  Et  les  cantons,  même  assez  éloignés,  ont, 
aussi  été  rcproseiiti's  dans  ces  nombreuses  réunions  par  quelques  jeunes  con-. 
frères,  qui  se  trouvaient  heureux  de  venir  témoii^ner  (1(>  la  sympathie  géné- 
rale de  notre  clergé  i)our  des  études  qu'il  reconnaît  être  spécialement  les 
siennes,  et  qu'il  affectionne  à  tant  de  litres.  A  chaque  réunion,  la  première 
lecture  avait  pour  objet  l'étude  et   la  recherche  des  bonnes  traditions  du  , 
chant  ecclésiastique.  L'attention  était  de  suite  captivée,  au  plus  haut  degré 
d'intérêt,  par  ^I.  l'abbé  Moulezun,  curé  de  Barran.  Ce  savant  ecclésiasti- . 
•lue,  d'abord  professeur  dans  notre  petit  séminaire,  et,  depuis  quelques- 
années,  attaché  au  ministère  i)aroissial,  a  consacré  tous  ses  loisirs  à  la  recher- 
che et  au  dé|)ouillemcnt  des  monuments  hislori(iues  qui  traitent  de  la  Novem- 
populanie.  De  grandes  pertes  en  manuscrits  précieux  ont  été  faites ,  autour 
de  nous,  comme  dans  toutes  les  provinces  de  la  France.  Néanmoins  il  en 
existe  encore,  et  plus  qu'on  ne  croirait  d'abord.  Nous  en  avons  en  |)reuve  la 
eolleclion  de  notre  séminaire,  déjà  fort  considérable,  pour  le  peu  de  temps  : 
(jue  nous  avons  mis  à  la  former.  A  foice  de  soins  et  d'études  consciencieuses, 
M.  l'abbé  Moulczim  s'est   rendu  très-familiers  ces  nombreux  parchemins  et 
plusieurs  autres  manuscrits  encore  épars  dans  nos  contrées.  Il  a  débrouillé: 
tout  ce  chaos;  il  a  jeté  le  plus  grand  jour  à  travers  tant  de  ténèbres,  capables 
seules  de  déconcerter  un  travailleur  moins  intrépide,  et  surtout,  il  faut  le 
dire,  un  esprit  moins  lucide  et  une  intelligence  moins  élevée.  Le  travail  de 
ce  digne  confrère,  actuellement  sous  presse,  nous  a  été  lu  en  partie.  11  aura; 
au  moins  4  vol.  in-8";  et,  de  plus ,  un  dernier  volume  de  pièces  justificatives 
encore  inédites.  Quel  magniiique  résultat  pour  l'étude  de  notre  histoire  de 
iVance  ,  si  {piel(]ues  hommes  patients  et  capables ,   ré|>andus  dans  nos  pro- 
vinces, se  livraient,  sur  tous  les  points,  à  des  recherches  aussi  laborieuses! 
F'dur  la  part  ipii  m'a  été  faite  dans  ces  réunions,  j'ai  continué  l'étude  géné- 
rale de  l'art  chrétien,   par  quelques  Icctm-es  spécialement  consacrées,  cette 
année,  à  l'iconographie  des  patriarches  et  à  celle  des  prophètes.  Les  premières 
inspirations  de  ce  riche  s\ijet  me  sont  venues,  encore  celte  fois,  des  cala-: 
combes  de  Home.  El  de  la,  parcourant  les  diverses  périodes  de  la  peinture 


3é2  ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

chrétienne,  nous  avons  reconnu,  à  treize  siècles  de  distance,  dans  les  magni- 
fiques vitraux  de  notre  métropole,  les  scènes  primitives  dont  l'art  naissant 
avait  embelli  cet  antique  berceau  de  notre  foi.  Vous  le  voyez,  il  n'est  pas 
possible  de  disposer ,  dans  ce  premier  travail,  ou  débaucher  au  moins  les 
éléments  d'une  monographie  de  Sainte-Marie  d'Auch,  telle  que  vous  la  dési- 
rez. Depuis  trois  ans  que  vous  m'avez  engagé  à  l'entreprendre,  j'étudie  ce 
précieux  monument  de  l'art  chrétien  et  national  ;  mais  je  suis  encore  loin 
de  me  trouver  au  terme  de  mes  éludes,  et  je  sens  encore  mon  cadre  s'élargir 
à  mesure  que  j'avance.  » 

Dans  une  lettre'  toute  récente,  M.  Canélo  annonce  que  la  petite  session 
scientifique  de  1846-1847  va  s'ouvrir  à  l'archevêché,  au  commencement  de 
décembre.  Dans  le  diocèse  de  Toulouse,  si  près  d'Auch,  on  en  n'est  pas 
encore  là  en  fait  d'archéolegie;  mais  M.  l'abbé  Ralier,  supérieur  du  petit 
séminaire,  écrit  que  beaucoup  de  prêtres  commencent  à  s'y  occuper  de 
la  science  archéologique  et  qu'on  songe  même  à  raviver  la  Société  des 
antiquaires  du  Midi,  qui  compte  tant  d'hommes  de  mérite,  et  qui  fait  bien 
peu  de  bruit  depuis  assez  longtemps.  A  la  dernière  distribution  des  prix, 
M.  Ratier  a  donné  aux  élèves  de  son  séminaire  un  grand  nombre  d'ouvrages 
d'archéologie;  c'est  une  bonne  semence  dans  de  jeunes  et  vigoureux  terrains. 
M.  l'abbé  Victor  Chambeyron  ,  vicaire  de  la  cathédrale  de  Lyon  ,  à  la  per- 
sévérance et  à  la  science^duquel  l'église  de  Belleville-sur-Saône  doit  d'être 
classée  au  nombre  des  monuments  historiques,  écrivait  au  mois  d'août 
dernier  : 

«  Les  «  Annales  Archéologiques  »  donnent  de  justes  éloges  à  plusieurs 
archevêques  et  évêques  qui  ont  fondé  des  musées  d'antiquités  religieuses , 
créé  des  Commissions  archéologiques  et  commencé  la  collection  des  portraits 
de  leurs  prédécesseurs  ;  j'aime  à  penser  que  vous  apprendrez  avec  satisfac- 
tion le  zèle,  à  ce  sujet,  de  notre  vertueux  et  savant  cardinal,  qui  recueille,  lui 
aussi ,  depuis  assez  longtemps,  des  objets  d  art  de  toutes  les  époques;  il  va 
sans  dire  qu'il  s'agit  principalement  des  objets  religieux,  calices,  croix ,  bâ- 
tons pastoraux,  reliquaires,  sceaux,  etc.,  etc.  La  collection  est  déjà  belle,  et 
chaque  jour  elle  augmente  en  richesses.  Les  portraits  des  archevêques  de  Lyon 
sont  au  nombre  de  vingt,  dont  un  pape  et  dix  cardinaux,  Ms""  le  cardinal  de 
Bonald  n'épargne  rien  pour  compléter  son  œuvre,  il  s'impose  généreuse- 
ment tous  les  sacrifices  pour  la  gloire  de  la  religion  et  des  arts;  il  a  fait  copier 
plusieurs  tableaux  à  grands  frais,  et  s'est  fait  acquéreur  d'antiquités  précieuses. 
Son  exemple  et  ses  exhortations  seront  suivis;  on  estimera  les  vieilleries  qui 
portent  le  cachet  du  beau ,  on  ne  les  troquera  plus  contre  des  nouveautés  in- 


MOUVEMKM    MU.UKOLOr.IorE.  333 

?ii.'ni(iiMil('s  et  riililcs.  On  peut  ospcici-  (|iii'  cliainu'  fiiliriqiic  Hc  piimisscs 
iiiii;i  il  Cd'iir  (II-  conserver  ce  qu'ollr  pomi;!  iiKiiiticr  avec  or^Micil  au  vova- 
i.'Oui- artiste  (]ui,  dans  son  adniiialioii,  saura  on  reconnaître  le  pri\.  Je  ne 
vous  parlerai  pas  de  la  niauniiiiiue  stalle  ifotliique  (jue  Msi-  lo  cardinal  fait 
exécuter  à  ses  Irais  pour  sa  catliedrale  sur  les  dessins  de  M.  Hossan  ,  archi- 
tecte lyonnais.  IVludiiles  ouvriers  y  liavnillent  dcpui>  ipiaire  ou  cin(|  ans; 
on  |)eul  jneer  par  ce  {]iii  est  l'ail  l'r  la  piMlcction  di'  l'ouvraiie.  J'altciid- 
quelque  temps  encore  pour  vous  en  parler  en  détail.  Je  puis  cependant  dire 
|)ar  avance  (pie  la  richesse  du  plan  et  la  delicalesse  de  l'exécution  ne  le  cèdent 
lîuère  aux  (inivres  du  moyen  Ai;e.  M.  Hossan  a  étudié  Iteaucoup  l'architec- 
ture ogivale;  il  la  dessine  par  principes  et  la  l'ait  exécuter  par  «oût.  Ce  jeune 
areliitect"  [)oursuit  une  construction  inq)ortante  dans  l'église  Saint-Cieorges, 
à  Lyon;  l'abside,  le  chœur  et  le  Iranssept  s'élèvent  déjà  à  la  haulcur  des 
combles,  enricliis  des  beautés  de  l'ogival  du  xiiT  siècle.  Une  llèclie  du  même 
style  doit  couronner  l^tuvre.  .M.  Desjardins  continue  avec  succès  la  con- 
struction, en  roman  assez  i)ur,  de  l'église  de  Vaise,  faubourg  de  l.yon. 
Attendons  la  tin  de  ces  ouviages  conuiiencés,  pour  asseoir  un  jugemiMit  plus 
sûr.  » 

C'est  surtout  à  l'inlluencc  de  .M^'  le  cardinal  de  IJonald  (pi'esl  dû  ce  mou- 
vemenl  dont  lu  province  de  Lyon  est  vivement  animée. 

L'admim'stralion  civile,  cpioicpie  beaucoup  moins  active,  ne  s'endort  pas 
cependant  partout.  >L  Desmousseaux  detiivré,  |)réfet  du  Pas-de-Calais,  vient 
de  créer,  pour  l'exploration,  la  conservation  et  la  description  des  monuments 
historiques,  une  Commission  départementale  (pu  se  réunit  à  la  préfecture 
même  et  sous  sa  présidence.  Kn  nous  donnant  cette  nouvelle,  M.  l'abbé 
Laniort,  chanoine  honoraire,  vicaire  d".\ire-sur-la-Lys,  nous  écrivait  :  «  Cette 
Commission,  investie  de  pouvoirs  étendus  et  précis,  est  appelée  à  rendre  de 
très-grands  services.  Je  n'en  connais  pas  tous  les  membres;  mais,  dans  notre 
arrondissement  de  Saint-Omer,  les  noms  de  MM.  Quenson,  président  du  tribu- 
nal, L.  de  Givenchy,  secrétaire  perpétuel  de  la  Société  des  antirpiaiics  de  la 
Morinie,  Alexandre  llerniau,  Henri  de  Lajilane,  .VIbert  Legraiid,  sont  bien 
de  nature  à  faire  concevoir  d'heureuses  espérances.  Fort  indigne  de  ma  per- 
sonne, j'ai  cependant  été  nommé  de  la  Commission  départementale.  Nous  nous 
sommes  réunis  à  la  pn-fecture  le  '2'i  juillet.  L'n  vice-président  a  été  nonmié; 
décision  a  été  prise  de  publier  des  »  bulletins  »  périodiques  dont  la  rédaction 
est  laissée  au  Comité  de  direction  (pii  est  exclusivement  composé  de  vos  amis; 
on  s'est  abonné  à  vos  »  Annales  ».  Knfin,  l'on  dressera  la  statistique  archéo- 
logi(iue  du  département,  aussitôt  (|ue  des  fonds  auront  été  accordés  [)ar  le 
V.  44 


33V  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES, 

conseil  général.  «  Pendant  son  passage  à  la  préfecture  de  l'Aisne,  M.  Desmons- 
seaux  de  Givré  a  rendu  de  grands  services  aux  études  archéologi(pies;  son 
séjour  dans  le  département  du  Pas-de-Calais  leur  sera  bien  plus  utile  encore. 
C'est  après  son  départ  de  Laon,  mais  certainement  sous  son  inspiration,  cpie 
s'est  constitué  le  Comité  archéologique  de  Soissons,  dont  nous  avons  plusieurs 
fois  cité  les  actes  avec  de  grands  et  de  justes  éloges.  —  Le  spirituel  préfet  de 
la  llaute-lMarne,  JM.  Romieu,  les  préfets  de  la  Manche  et  des  Pyrénées-Orien- 
tales ont  envoyé  dans  leurs  départements  le  qiuestionnaire  du  Comité  historique 
des  arts,  ou  créé  des  Commissions  archéologiques.  Des  Commissions  et  Comi- 
tés existent  et  rendent  plus  ou  moins  de  services  dans  la  Gironde,  l'Indre,  la 
Marne,  la  Manche,  le  Nord,  etc. 

En  Belgique,  une  Société  vient  de  s'organiser  pour  la  conservation  et  la 
description  des  monuments  historiques.  M.  le  comte  Félix  de  Mérode  en  est 
le  président,  et  M.  Schayes,  que  nos  lecteurs  connaissent,  le  secrétaire.  Cette 
Société  va  publier  une  «  Revue  archéologique  »;  elle  est  sur  le  point  d'obte- 
nir l'établissement  d'un  musée  du  moyen  âge  dans  la  belle  porte  de  Hal ,  à 
Bruxelles.  —  Une  Société  royale  pour  la  recherche  et  la  conservation  des 
monuments  historiques  vient  d'être  établie  dans  le  grand-duché  de  Luxem- 
bourg. M.  Niinth-Paquet  piéside  cette  Société  dont  ^L  A.  Namur  est  le  con- 
servateur-secrétaire. La  Société  royale  vient  d'envoyer  le  diplôme  de  membre 
honoraire  aa  directeur  des  «  Annales  archéologiques  ».  En  adresant  ses 
remerciements  pour  la  distinction  qui  lui  est  accordée,  le  directeur  des 
((  Annales  «  a  engagé  la  Société  grand-ducale  à  nouer  des  relations  suivies 
avec  le  Comité  historique  des  arts  et  monuments.  La  France  gagnera  beaucoup 
à  entretenir  ainsi  des  rapports  réguliers  avec  les  principales  Sociétés  archéo- 
logiques de  l'Europe.  Nous  espérons  surtout  en  tirer  parti  pour  la  propagation 
des  "  Annales  »  et  l'extension  de  nos  doctrines.  En  Allemagne,  en  Prusse,  rien 
ne  se  décide  encore  délinitivement.  31.  Schnaase,  procureur  du  roi  et  membre 
de  l'Académie  royale  de  Dusseldorf,  nous  écrivait  le  i  1  novembre  dernier  : 
«  Chez  nous,  le  mouvement  archéologique  n'est  pas  déclaré  comme  en  France  : 
ce  sont  des  études  isolées  ou  des  efforts  de  communes  soutenues  par  le  gou- 
vernement. Nous  manquons  d'un  centre  de  réunion  [)Our  les  diû'érents  ren- 
seignements, et  il  est  dillicile  d'en  créer  un.  »  Toutefois,  nous  le  savons,  on  ne 
tardera  pas  à  organiser  en  Prusse  quelques  Sociétés  du  genre  des  nôtres.  — 
En  Angleterre,  ce  qui  s'accomplit  en  fait  d'archéologie  est  vraiment  prodi- 
gieux ;  comme  nous  avons  à  parler  encore  au  moins  une  fois  de  ce  grand 
pays  et  comme,  au  catalogue  des  livres  qui  suit  cet  article,  nous  enregistrons 
quelques-unes  des  publications  éditées  par  la  Société  royale  des  antiquaires  de 


Morvr.MKNT  ARrnKoi.or.ioiTE.  335 

I.oikIic^,  par  lliislilut  i(i\;il  des  aicliik'clcs  lnitiiiiiiicuics,  |iar  la  Socich'  oc- 
clé5iolojj;icine,  l'Association  archéologicuic,  lliislitut  ar('li('ol<)i;i(|nr,  ,1  pai  la 
Société  d'Oxford  i»oiir  l'étude  et  la  |)ro|iaii.'alioii  du  stylo  i.'otlii(|n(',  nous  n'en 
parlerons  pas  ici.  Disons  seulonienl  (ine  l'ancienne  uCanibridiie  Cainbden  So- 
ciety »  a  pris  récemment  le  nom  de  «  Kcclesioloi^ical  Society  »et  qu'elle  se  com- 
pose déjà  de  plusdeneifcenl-i  nuMnltres.  Pour  la  former,  l'Université  de  Cam- 
bridge s'est  jointe  à  celle  d'OxInnl,  ,•!  c'est  aujonnl'luii  la  plus  puissante  et  la 
plus  savante  des  Sociétés  airliéoloeicpies  de  l'Angleterre.  I,e  clergé  ralliolirpie 
anglaisa  fondé,  au  mois  de  maide  lannee  dernière,  la  Sociéléde  \V\k(>li,iiii, 
qui  prend  ce  nom  du  célèbre é\  èque-arcliitecte  aucpiei  est  dû  le  cliàtcan  rovai  de 
Windsor;  mais,  jusqu'à  présent,  celte  Société  a  peu  l'ail.  Je  regrette  (pTelle 
n'ait  pas  |)référé  le  patronage  de  saint  Dunslan  ,  arclievé(|ue  de  (/.inlorbérv  au 
x'  siècle  et  le  plus  grand  artiste  du  moyen  âge  en  Angleterre,  à  celui  de  Wvke- 
liiim,  qui  n'est  venu  cpià  la  lin  prestpie  du  gothique,  dans  le  cours  du  \iv. 
Ouoi  (pi'il  en  soit,  au  mois  de  mars  de  cette  année,  la  Société  de  WM^eliaiii 
comptait  déjà  cent  mend)res.  Klablie  pour  l'étude  des  anti(|uilés  ecclésiasiiques 
et  pour  la  |)ralique  de  l'architecture  ogivale,  elle  traduit  et  va  publier  les 
ouvrages  de  J.  B.  Thiers  sur  les  jubés  et  le  mobilier  des  églises.  ■ — -  Relative- 
ment à  l'Kspagne,  nous  renverrons  aux  articles  de  .M.  le  baron  de  Girardot.  — 
En  Italie,  on  semble  vouloir  ressusciter;  mais  on  y  est  mort  depuis  si  long- 
temps que  la  résurrection  sera  longue  et  laborieuse.  : —  Non?  parlerons  de 
la  Russie  et  du  nord  de  l'Europe,  au  mois  de  février  on  mars  prochain.  Noua 
dirons  seulement  (pi'en  Russie  l'arl  classique  est  plus  mal  mené  en  ce  moment 
que  chez  nous;  on  y  revient  violemment  à  l'art  national,  ou  bszantin.  C'est 
ime  alïaire  de  goCit  estliétitiue  et  de  sentiment  religieux  tout  à  la  fois.  —  En 
Grèce,  on  a  fondé  récemment  uneSociété  archéologique;  mais  nous  ignorons  où 
elle  en  est  de  ses  travaux,  à  supposer  qu'elle  tra\  aille.  I.a  Grèce  ne  correspond 
pas  avec  les  «  Annales;  »  elle  ne  nous  aime  pas,  et  pour  cause.  Cependant, 
en  octobre  18W,  le  roi  des  Grecs  a  créé  une  Société  des  beaux  arts  (Ézonùia. 
Twv  wpxîwv  Te/vôiv^  et  décerné  le  diplôme  de  membre  non  lésident  au  directeur 
des  «  Annales  »;  mais,  nous  le  craignons,  c'est  un  diplôme  égaré  ou  que 
nous  devons  à  la  bienveillance  |)ersonnelle  de  M.  Coleltis,  |)résident  du  conseil 
des  ministres  de  la  Grèce.  Dans  ce  pays  qui  a  poussé  Vénus  dans  le  monde, 
si  toutefois  il  ne  lui  a  pas  donné  le  jour;  dans  ce  pays  qui  s'est  sacritié,  on 
peut  le  dire,  à  la  beauté  du  corps  humain,  on  ne  pouvait  pas  moins  faire  que 
d'otïrir  à  une  belle  femme  la  présidence  de  lu  Société  des  beaux  arts.  C'est 
la  reine  des  Grecs,  cette  jeune  et  gracieuse  fille  de  l'Allemagne,  (jue  la  S(jciété 
a  mise  à  sa  télé.  F.e  roi  Odion  s'exprime  ainsi  dans  l'orilonnance  rendue  en 


336  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

celle  occasion  :  «  Nous  nous  plaisons  à  exprimer  aux  membres  de  ladite 
Société  notre  satisfaction  particulière  au  sujet  de  Télection  de  noire  épouse 
hien-aimce,  la  reine  de  la  Grèce,  à  la  présidence  de  la  Société  des  beaux  arts.  » 
Tout  ceci  est  vraiment  fort  bien  et  fort  galant,  mais  ce  qui  vaudrait  mieux 
encore,  ce  serait  de  travailler  sérieusement.  M.  de  Salvandy  vient  de  fonder 
une  École  française  à  Athènes,  pour  compléter  celle  de  Rome.  Nous  n'espérons 
pas  plus  de  Tunecpie  de  l'autre,  et  nous  regrettons  qu'un  ministre,  aussi  créa- 
teur et  aussi  large  d  idées  que  l'est  M.  de  Salvandy,  n'ait  pas  songé  jusqu'alors 
à  créer  en  France  une  École  française.  Ce  n'est  pas  le  tout  que  d'étudier 
dans  Rome  le  Panthéon,  et  dans  Athènes  le  Partliénon,  il  faudrait  encore  et 
surtout  faire  enseigner  chez  nous  les  cathédrales  de  France.  Du  reste  nous 
parlons  ici  comme  si  nous  avions  quelque  conliance,  ce  qui  est  bien  loin  de 
notre  conviction,  dans  l'enseignement  olliciel.  On  aura  beau  créer  des  Ecoles 
dans  la  ville  d'Athènes,  et  enrichir  celle  de  Rome,  le  temps  de  Rome  et 
d'Alliène.-;  est  passé.  Déjà  M.  Séroux  d'Agincourl  s'en  plaignait,  et,  dans  son 
(<  Histoire  de  l'art  par  les  monuments  »  s'exprimait  ainsi  :  «  La  seconde  édu- 
cation que  nos  artistes  vont  recevoir  à  Rome  leur  devient  souvent  inutile  :  à 
peine  rentrés  dans  leur  patrie,  le  goût,  esclave  du  climat,  de  la  mode  et  des 
moyens  du  moment,  étouffe  les  bons  principes  qu'ils  ont  été  puiser  en  Italie, 
et  ne  jette  qu'avec  trop  de  célérité  et  de  succès  son  empreinte  fatale  sur  leurs 
productions.  »  Nous  disons  la  même  chose  que  M.  Séroux  d'Agincourt,  mais 
assurément  ce  n'est  pas  pour  nous  en  plaindre.  Nos  jeunes  artistes,  historiens 
et  archéologues  peuvent  donc  aller  s'extasier  en  Grèce,  et  y  commettie 
quelques  infidélités  à  la  patrie;  mais  nous  les  attendons  à  leur  retour  en 
France. 

Telle  est  à  peu  près  la  situation  des  Sociétés  qui  s'occupent  d'archéologie 
en  Europe  et  dans  notre  pays;  pour  en  avoir  une  idée  plus  complète,  nos 
lecteurs  feront  bien  de  recourir  aux  différents  articles  qui  ont  paru  dans  les 
»  Annales  »  sur  la  même  question.  Du  reste  ces  associations  de  tout  genre, 
étrangères  et  nationales,  ecclésiastiques  et  laïques,  sont  largement  favorisées 
par  le  ministère  de  l'instruction  publique.  Sur  la  recommandation  du  Comité 
historique  des  arts  et  monuments  ou  en  vertu  de  sa  propre  initiative,  M.  le 
ministre  de  l'instruction  publique  s'empresse  de  leur  envoyer,  comme  encou- 
ragement et  connue  moyen  d'étude,  les  utiles  ou  belles  publications  qui  ont 
pour  titre  «  Instructions  »,  «  Éléments  de  paléographie  »,  «  Bulletin  archéo- 
logique »,  ((  Histoire  de  Dieu  »,  u  Monographie  de  la  cathédrale  de  Chartres  », 
«  Monographie  de  la  Cathédrale  de  Noyon  »,  «  Statistique  monumentale  de 
Paris  »,  «  Peintures  de  Saint-Savin  ».  Souvent  on  nous  prie  de  transmettre 


MOrVEMENT  ARCH ÉOLOGIQl'E.  337 

e[  (li^  reoomtiuiiuloi  ces  dciiiaiiJos,  cl  nous  le  faisons  avec  un  plaisir  d'aiilanl 
plus  vit  (piune  ilémarclie  est  presque  toujours  couronnée  do  succès.  .M.  de 
Salvandy  senipresse  de  donner  ces  beaux  livres  aux  bibliolliècpies  pidilirpies, 
aux  séminaires,  aux  collèges,  aux  sociétés  savantes,  même  aux  personnes 
qui  s'occupent  d'archéologie  avec  le  plus  de  succès,  ipii  rouilieiil  les  archives, 
conservent  ou  décrivent  les  monnm(Mils. 

Ainsi  encouragées,  les  Sociétés  lra\ aillent;  elles  appellmt  dans  leur  sein 
tous  les  hommes  de  loisir  qui  ont  du  goût  pour  Ihisloire  ou  larchéologie. 
(^ela  crée  toute  une  population  de  savants  qui  couvrent,  on  \)Ovû  le  dire,  la 
France  entière  et  une  partie  de  llùirope.  Ce  ipii  maïupic,  en  ce  moment,  ce 
ne  sont  pas  les  hommes  instruits,  mais  des  recueils  oii  ces  savants  publient 
leurs  travaux.  Les  «  Bulletins  »,  «  .Mémoires  »,  «Procès-Verbaux  »  ne  «-nf- 
lisent  réellement  plus;  il  y  a  un  trop-plein  qui  ne  cessera  d'exister  (]ue  (piand 
la  librairie  archéologique,  comme  celle  des  autres  branches  scientili{]ues, 
oH'rira  des  avantages  aux  savant>;  que  (piand  l'archéologue,  comme  le  pur 
littérateur,  comme  l'historien,  vivra  de  ses  travaux.  Ni. us  sommes  les  premiers 
à  regretter  que  ce  tem|)s  ne  soit  pas  encore  venu,  et  nous  employons  tous 
nos  eHorts  pour  le  hâter.  Mais  tout  le  monde  ne  se  prèle  pas  encore  à  nos 
vues,  et  beaucoup  de  Sociétés,  beaucoup  d'indiv  idus  semblent  rougir  de  jeter 
dans  le  commerce  leurs  publications.  Cependant  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen 
de  donner  une  existence  solide  aux  éludes  archeologicpies,  ni  d'écouler  jiar 
une  publicité  régulière  des  travaux  (pii  restent  manuscrits  ou  qui,  imprimés, 
demeurent  à  la  charge  de  leurs  auteurs.  Depuis  la  création  des  «  Annales 
Archéologiques  »,  nous  avons  eu  connaissance  de  bien  des  publications  restées 
ainsi  en  portefeuille  ou  en  magasin  dans  les  villes  de  provinces  ou  dans  les 
chiiteaux.  Nous,  qui  n'avons  pas  même  assez  de  place  pour  publier  les  inté- 
ressantes communications  à  nous  adressées  et  qui  pouvons  à  peine  en  accuser 
réception,  nous  regrettons  plus  vivement  que  personne  une  situation  qui 
menace  de  durer  quelque  temps  encore.  Kn  attendant,  et  comme  remercie- 
ments avant  la  publication  que  nous  espérons  en  faire  petit  a  julil,  nous 
allons  enregistrer  les  envois  qu'on  nous  a  fait  l'honneur  de  nous  adresser. 
S'il  nous  arrivait  d'en  oublier,  les  auteurs  voudraient  bien  en  rejeter  la  faute 
sur  les  occupations  dont  nous  sommes  surchargés  à  la  lin  de  chaque  année. 

Nous  devons  à  M.  Théodore  Mayery ,  correspondant  des  Comités  histori- 
ques, à  M.  Claudius  Hebranl,  architecte ,  à  M.  l'abbe  Rimaud  ,  curé  de  Pro- 
pières,  des  renseignements  sur  le  mouvement  archeologicpic  à  Lyon  et  dans 
le  Lyonnais,  et  sur  les  édifices  de  cette  contrée.  11  nous  a  été  envoyé  une  lettre 
manuscrite,  sur  la  théorie  de  l'architeelure,  |iar  M.  Guillery  ,  professeur  de 


338  ANNALES  ARCHÉOLOGf OUES. 

iiia(li('inali(]ii(sà  l'Alliénée  de  Bruxelles;  une  appréciation  fort  judicieuse,  sur 
Saint-Pierre  de  Rome,  par  M.  l'abbé  Jouve,  et  une  note,  sur  Part  chrétien 
de  Rome,  pai-  IM.  l'abbé  Voisin,  vicaire  au  Mans;  un  aperçu  sur  l'architecture 
chrétienne  en  Provence,  par  M.  L.  Rostan,  correspondant  des  Comités  histo- 
riques à  Sainl-Maximin  ;  une  statistique  monumentale  du  département  de 
Vaucluse,  par  M.  Jules  Courtet,  sous-préfet  à  Die;  des  notes,  sur  l'architec- 
ture romane  et  gotliique  en  Bourgogne,  par  M.  Crosnier,  doyen  de  Donzy  ; 
une  description  de  l'église  abbatiale  de  Saint-Gjiilhem-du-Désert,  par  M.  Léon 
Vinas,  curé  de  Saint-Guilhem;  une  monographie  de  l'église  de  Viliiers-sur- 
Port,  près  Bayeux,  par  ■NL  Georges  de  Villers,  secrétaire  général  de  la  So- 
ciété académique  de  Bayeux.  M.  Le  Maistre,  correspondant  des  Comités 
historiques,  à  Tonnerre,  nous  signale  des  églises  fort  intéressantes  et  presque 
inconnues  dans  le  Tonnerrois;  il  prépare  une  notice  sur  un  plafond  couvert 
d'armoiries  qui  se  voit  dans  un  manoir  du  même  pays.  M.  de  Lacroix,  archi- 
tecte du  département  du  Doubs,  nous  annonce  qu'il  vient  de  retrouver,  à 
Besançon,  dans  des  caves,  des  restes  considérables  du  Forum  romain.  M.  de 
Lassaulx,  architecte  du  roi  de  Prusse,  à  Coblentz  ,  nous  a  envoyé  les  plans, 
coupes,  élévations,  détails  des  petites  églises  de  Paderborn  et  de  Ramersdorf; 
M.  Schnaase,  procureur  du  roi  à  Dusseldorf,  a  fait  traduire  ,  à  notre  inten- 
tion et  pour  les  «  Annales  »,  un  travail  complet  qu'il  a  écrit  sur  cette  chapelle 
de  Ramersdorf.  M.  le  baron  de  Crazannes,  sous-préfet  à  Caslel-Sarrasin  , 
M.  Boucher  de  Perthes,  président  de  la  Société  scientilique  d'Abbeville, 
M.  Goze,  d'Amiens,  MM.  Parey  et  Jules  Lalleniand,  membres  de  la  Société 
Archéologique  de  Saint-Lô,  nous  ont  envoyé,  avec  des  notices,  des  dessins 
de  constructions  civiles,  de  maisons,  de  fenêtres,  de  cheminées  du  moyen  âge. 
Ces  dessins  sont  entre  les  mains  de  M.  E.  Viollet-Leduc  qui  prépare,  pour  les 
«  Annales  »,  un  travail  étendu  sur  l'archéologie  civile  et  militaire. 

Des  documents  nouveaux  sur  l'origine  et  la  signification  de  l'ogive  nous 
ont  été  envoyés:  par  M.  Quantin,  archiviste  du  département  de  l'Yonne;  par 
M.  le  comte  de  Mellet,  correspondant  des  Comités  historiques  du  département 
de  la  Marne;  par  M.  L.  Fabry-Rossius,  correspondant  des  Comités,  à  Liège. 
M.  Fabry-Rossius  y  a  joint  des  textes  relatifs  à  la  terminologie  architecturale 
du  moyen  âge. 

Le  petit  article  sur  les  clochers  nous  a  valu  des  documents  fort  intéres. 
sants  envoyés  par  MM.  Edward  Laroque  ,  archéologue  à  Moissac  ;  le  comte 
de  Mellet;  Auguste  Moutié,  secrétaire  de  la  Société  archéologique  de  Ram- 
bouillet; Alfred  Ramé,  membre  de  la  Société  archéologique  de  Bretagne; 
l'abbé  Barraiid,  directeur  au  grand  séminaire  de  Beauvais;  le  vicomte  de 


MOUVEMENT  ARCHÉOLOGIOIE.  389 

Pibiac,  airlié()l()_i>ne  dOrli-ans,  et  TalilH'  Safj'clle,  piolossenr  au  pclil  sémi- 
naire de  Bergerac.  .M.  lalilic  Daras,  de  Soi^sons,  lions  avait  (K-Jà  siirnaié  une 
cloflii'  ancionnc.  Des  dessins,  d(?s  oslaiii|jes,  des  copies  d'inscriptions,  des 
noms  de  fondeurs,  des  niillosiinos  nous  ont  été  envoyés,  dos  documents  se- 
ront imprimés  avec  la  gravure  d'une  l)cllc  cloclie  (jui  date  du  xni°  siècle,  et 
que  -M.  Viollel-Leduc  a  dessinée  pour  nous.  M.  l'ablié  Sagotle  pense  ipie  la 
cloche  dont  il  nous  parle  date  de  mil  quatorze;  il  a  lu  ce  cliillie.  Nous  prions 
M.  Sagotte  de  nous  en  envo\er  un  estampage  et  de  l'accompagner  d  un  des- 
sin de  la  cloche;  si  cet  objet  date  réellement  des  i)remières  années  du  xi° siè- 
cle, c'est  bien  rare  en  France  et  fort  curieux  pour  nous. 

Dill'érents  inventaires,  de  Saint-Pierre  de  Chartres  ;  au  ix"  siècle),  de  la 
cathédrale  de  Uouen  (au  xii'  siècle),  de  la  cathédrale  de  Non  on  du  xv' au 
xviii'  siècle) ,  de  la  cathédrale  d'Auxerre  (au  xvi°  siècle,,  de  la  cathédrale 
d'Evreux  (au  moment  de  la  révolution),  nous  ont  été  envoyés  par  .MM.  Pois- 
son, prêtre  du  diocèse  de  Chartres,  IJoniiiii ,  ancien  notaire  à  Évreux,  le 
baron  de  la  Fons  et  Quantin,  archiviste.  Un  article  à  part  y  sera  consacré 
dans  les  «  Annales  ».  —  Dans  l'article  qui  |)récède,  sur  la  croix  orientale, 
nous  avons  nommé  plusieurs  personnes  à  qui  nous  devons  des  dessins  et  des 
notices  remarquables  sur  diverses  croix;  nous  ajouterons  encore  MM.  de 
Saint-Memin,  le  baron  de  la  Fons,  l'abbé  Ouerry  grand  vicaire  à  Reims), 
l'abbé  Cudot  .professeur  d'archéologie  au  grand  séminaire  de  Cambrai  ;,  l'abbé 
Calvinhad  i^chanoine  de  Monlaubani,  les  abbés  Coqueray  et  Ménard  idu  petit 
séminaire  de  Tours),  Henri  Baudot  (président  de  la  Commission  des  antiqui- 
tés départementales  de  la  Côte-d'Or),  Aîné  (architecte  à  Vezelay),  H.  Dusevei 
(membre  des  Comités  historiques,  à  Amiens),  le  vicomte  Théodose  du  Mon- 
cel,  Goze  (correspondant  des  Comités  historiques,  à  Amiens),  Augustin  Digol 
(de  Nancy) ,  Verdier  (architecte  à  Paris) ,  Arnaut  Schaepkens  (archéologue 
de  Bruxelles),  Reichensperger  (de  Trêves),  qui  nous  ont  envoyé  des  notices, 
la  plupart  du  temps  accompagnées  de  dessins  au  trait  ou  coloriés,  sur  des 
vêtements  sacerdotaux,  des  étoiles  diverses,  des  livies  litmgi(pies ,  des 
calices,  des  ciboires,  des  vases  sacrés  de  tout  genre,  des  colombes  eucha- 
ristiques, des  pixides,  des  chi^sses,  des  reliquaires,  des  battants  déportes, 
des  pentures  en  métal,  des  chandeliers  ,  des  crosses  épiscopales  et  l)àlons  de 
chantres,  des  fonts  baptismaux  et  bénitiers. 

L'iconographie  (statues,  dalles  funéraires ,  \itrau\,  peintures  murales, 
tapisseries,  briques  émaillées,  stalles)  remplit  un  de  nos  plus  grands  carions- 
Nous  devons  les  importantes  communications  cpi'on  nous  a  faites  à  ce  sujet, 
soit  en  dessins,  soit  en  notices,  à  .MM.  Désiré  Monnier,  Auguste  Comoy, 


3i0  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

(jiiillicM ,  de  Sainl-Mémin,  Goze,  Dusevel,  le  comte  de  Bellcval  ^  L.  de  Gi- 
\enchy,  le  clievalier  de  Linas ,  A.  du  Chalais,  Le  Ricque  de  Monchj ,  Jules 
Leclercq  de  la  Prairie,  Victor  Choisy,  Georges  de  Yillers,  LéoDrouyn,  Fro- 
menl-Delorniel ,  le  comte  de  Mellet,  le  comledeMoutbrian  ,  Emile  Thibaud, 
Louis  Lucas,  Barthélémy  (architecte),  Joly-Loterme  (architecte),  Peniot  (pein- 
tre), Quantin,  François  Grille,  Charles  Bazin,  Laroque,  L.  Fabry-Rossius, 
Heichensperger ,  le  baron  de  Roisin  ,  et  par  MM.  les  abbés  Crosnier,  Char- 
tron,  Pothée,  Champenois,  Cheval,  Prieur,  Cochet,  Canéto  et  Lacroix, 
clerc  national  à  Rome.  A  propos  d'un  passage  du  «  Manuel  d'iconographie 
chrétienne  grecque  et  latine  »,  où  nous  parlons  de  l'esclavage  de  l'art  oriental 
et  de  la  liberté  de  notre  art  chrétien  de  l'Occident ,  M.  Godard,  professeur  de 
liturgie  romaine  au  grand  séminaire  de  Langres,  nous  écrit  :  »  Amené,  par  le 
cours  de  conférences  sur  la  liturgie  romaine,  à  l'examen  des  lois  ecclésiasti- 
ques relatives  à  l'iconographie ,  je  consultai  vos  «  Annales  ».  La  première 
livraison  du  tome  second,  qui  renferme  en  partie  l'introduction  au  »  Guide 
de  la  peinture  >)  ou  «  Manuel  d'iconographie  »,  me  donna  des  renseignements 
précieux.  L'esclavage,  qui  pèse  depuis  longtemps  sur  le  génie  de  l'artiste  en 
Orient,  et  qui  contraste  avec  la  liberté  dont  il  jouit  parmi  nous,  est  un  fait 
aussi  certain  que  surprenant.  Celte  étrange  opposition,  vous  le  dites  avec 
raison,  monsieur,  demanderait  bien  à  être  expliquée.  Le  texte  du  deuxième 
concile  de  Nicée,  cité  pour  cette  fin,  est  d'une  parfaite  exactitude  quant  aux 
termes;  mais  il  ne  semble  pas  avoir  la  signification  qu'on  lui  donne.  Effecti- 
vement, il  ressort  du  contexte  que  ces  paroles,  «  non  est  imaginum  structura 
(<  pictorum  inventio,  sedecclesiœ  catholic^e  probata  legislatio  et  traditio  »,  ne 
doivent  pas  s'entendre,  non  plus  que  les  suivantes,  d'un  code  de  lois  icono- 
graphiques. Elles  se  rapportent  simplement  à  la  discipline  de  l'Église  sur  le 
CULTE  des  images.  Le  concile  invoque  la  tradition  et  l'exemple  de  nos  pères 
dans  la  foi,  sans  imposer  à  la  peinture  la  moindre  servitude.  C'est  le  commen- 
cement d'une  longue  réponse  à  cette  objection  des  iconoclastes  que  le  peintre, 
en  représentant  par  des  lignes  le  corps  du  Christ,  circonscrit  par  là  même  la 
divinité,  puisque  Dieu  et  l'homme  sont  en  lui  une  personne.  Pour  nous,  la 
stagnation  de  l'art  byzantin  n'est  pas  une  insoluble  énigme.  Depuis  que  l'Orient 
est  séparé  de  Rome,  il  est  esclave  dans  les  arts,  comme  il  est  mort  pour  la 
science.  Si  l'artiste  grec  est  «  asservi  aux  traditions  comme  l'animal  à  son 
instinct  »,  la  théologie,  le  conseil  de  Nicée  et  l'Église  n'en  sont  pas  respon* 
sables.  Peut-être  cet  éclaircissement  sera-t-il  agréable  à  vos  nombreux  lec- 
teurs. H  —  Nous  sommes,  sur  ce  point  capital,  de  l'avis  de  M.  Godard. 
Nous  prions  nos  honorables  correspondants  de  nous  envoyer  toujours,  à 


MOI  vi:mi:.\  I  mu:iii;(il(»(,ioi  i:.  3'.i 

I  ii|i|mi  tic  l(Hiis  noiicos  sur  des  (iMivirs  d'art  ,  des  dessins  ropir'sfnlaiil  los 
monmnents  mêmes.  Toutes  les  personnes  (|ui  s'occupent  d'airiiéoioj^ie  savent 
(jii'uii  dessin  quelconque  en  dit  toujours  plus  ipic  la  meilleure  des  notices;  la 
lettre  suivante,  que  nous  écrit  M.  (îuénélianit,  auteur  du  «  Dictioiuiaire  ico- 
noi:raplii(pie  »,  ne  pouvait  donc  tjuc  nous  coidirmer  plus  fortement  dans  celte 
opinion  :  »  Monsieur,  vous  axez  déjà  plusieurs  l'ois  réclanu-,  dans  les  divers 
numéros  du  '<  liulletin  Arcliéolop;i(iue  »,  puMii' par  le  (]omil(' des  arts  et  mo- 
numents, des  représentations  gravées  ou  litliograjjliiées  des  moruunenis, 
quels  (|u'ils  soient,  à  l'appui  des  descriptions  qu'en  font  les  auteurs.  On  ne 
saurait  trop  répéter,  à  tous  ceux  (|ui  travaillent,  (pii  s'occupent  d'arcluV»- 
loirie,  (pie,  sans  dessins  et  sans  planches,  la  jtius  belle,  la  plus  savante  des- 
cription est  d'un  vague  désespérant.  Kn  elVet ,  comment  comprendre  les 
lignes,  les  profils,  les  distributions ,  la  véritable  pliysionf)mie  d'im  monu- 
ment et  l'époque  de  sa  construction,  la  forme  d'un  tond)eau  ,  d'un  vase, 
dune  châsse,  etc.,  sans  représentation  graphique.'  Veuillez,  monsieur,  vous 
(jui  êtes  au  centre  du  tnouxemenl  archéoiogitpie,  réclamer  souvent  et  très- 
souvent  ce  complenienl  iudispensaMe  dc^  etiules  iiKUiunieutales.  Si  nous 
n'avions  que  des  descriptions  de  tous  les  monuments  religieux,  civils  ou  mili- 
taires qui  sont  entièrement  détruits  par  la  guerre,  le  temps  et  les  vandales, 
où  en  serions-nous?  Une  faible  image  est  souvent  préférable  à  la  plus  savante 
dissertation.  L'image  se  couq)reiul  des  savants  comme  des  ignorants;  quelque 
modeste  (|uc  soit  son  exécution,  c'est  un  précieux  mémento  de  la  forme,  et 
c'est  bien  ici  le  cas  dédire  (pie  la  forme  emporte  le  fond.  » 

Diirérentes  inscriptions  chrétiennes  du  premier  temps  et  du  moyen  âge  de 
l'Église  nous  ont  été  conmiuniquées  par  MM.  le  martpiis  de  la  Porte,  le  baron 
deGuilhermy,  Tisseur  (de  Lyon  ,  l'abbé  Lacroix,  l'abbé  Laran,  Jules  Fériel, 
Emile  Fossé  Darcosse,  l'abbé  Champenois,  le  chanoine  Hégin.  MM.  Laroque, 
deMoissac,  et  l'abbé  Lamort,  d'Aire-sur-la-Lys,  nous  ont  consulté  sur  certaines 
|)articularilés  de  paléographie.  Nous  aurons  donc  à  réunir  dans  un  traxail 
d'ensemble  ces  conirannicalions  diverses. 

Dans  un  chapitre  sur  la  liturgie  doivent  se  ranger  des  dus>ins  et  des  notices 
de  y].  Henri  Baudot,  sur  une  coloiid)e  eucharistique;  de  M.  l'abbé  Lacroix,  sur 
l'ambon  de  Ravennc  et  la  dédicace  de  l'église  abbatiale  de  la  Gava,  près  de 
Salerne;  enfin  sur  des  encensoirs,  calices  et  ciboires  qu'on  nous  a  signalés. 

Ce  (pie  nous  avons  reçu  de  communications  relatives  aux  artistes,  archi- 
tectes, sculpteurs,  orfèvres,  fondeurs,  menuisiers,  peintres  sur  verre  et  sur 
mur,  miniaturistes,  brodeurs,  musiciens,  organistes,  est  très-considérable; 
nous  en  sommes  redevables  à  MM.  Verdier,  Quanliu,  Haiat  de  Nevers  ,  llegin 
V.  W 


3i2  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

(de  CliAlons-siir-Marne),  Eugène  FrorneiU-Delormcl,  le  comte  de  Mellct,  le  baron 
de  la  Fons,  (Charles  de  Chergé  (de  Poitiers),  Gustave  Franc  (d'Orléans), 
L.  Schneegans  (de  Strasbourg),  Louis  Dussieux,  Normand  fds,  Louandre 
père  (d'Abbeviile)  et  Charles  Louandre,  Godard  (d'Angers),  l'abbé  Victor 
(^hainbcNron,  l'abbé  Poisson,  Eugène  Woillez,  Charles  Henneguier  (de 
iMontrcuil-suv-nier),  de  Lassaulx  (de  Cobicntz),  Reicliensperger  (de  Trêves), 
L.  Fabry-Rossius  (do  Liège),  le  baron  de  Reitlenborg,  directeur  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Bruxelles.  Une  inscription,  gravée  sur  un  pilier  de  Notre- 
Dame  de  l'Epine,  et  sur  laquelle  l'artliilecle  ou  sculpteur  dit  son  nom  el 
rèpo(]ae  iji'i  il  travaillait,  est  très-importante  relativement  à  une  conclusion 
des  plus  graves  qu'en  a  tirée  M.  Sulpice  Boisserée;  M.  le  chanoine  Bégin  veut 
bien  nous  la  calquer  sur  [lapier  végétal.  Elle  sera  gravée  et  donnée  dans  les 
«  x\nnalcs  ))  avec  une  inscription  du  même  artiste,  que  M.  Bégin  a  trouvée 
dans  une  autre  église  voisine  de  Cliàlons  et  qu'il  nous  i\  envoyée.  Nous  espé- 
rons terminer  à  peu  près,  en  1847,  ce  qui  concerne  les  artistes  du  moyen  âge. 
Les  découvertes  do  toute  espèce,  en  substructions  d'édifices,  en  cryptes, 
monuments  ignorés  ou  en  ruines,  sépultures,  mosaïques,  peintures  murales 
et  manuscrits,  objets" d'orlëverie,  statues,  boiseries,  autels,  retables,  tissus, 
inscriptions,  médailles,  sont  tellement  nombreuses  et  nous  ont  été  signalées 
j)ar  tant  de  personnes,  que  nous  ne  pouvons  pas,  aujourd'hui  du  moins,  les 
mentionner  en  détail. 

Voilà  ce  qu'on  a  l'ait,  depuis  dix-huit  mois  seulement,  pour  les  «  Annales 
Arcliéologiques  »,  et  nous  pouvons  regretter,  plainte  singulière,  qu'on  nous 
ait  trop  enrichis.  Néanmoins  toute  cette  correspondance  est  classée  avec  ordre; 
de  la  place  pourra  se  faire  dans  nos  livraisons  subséquentes,  et  nous  avons 
même  l'espoir  de  dépouiller  successivement  cette  correspondance,  de  manière 
à  ne  laisser  inédit  rien  de  vraiment  important.  En  tous  cas,  vifs  remercie- 
ments à  tous  pour  la  bienveillance  dont  ces  connnuuications  nous  donnent 
umv  preuve  si  marquante. 

Dans  cet  enregistrement  si  aride  de  notre  correspondance,  et  pour  la  séche- 
resse duquel  nous  demandons  grâce  de  nouveau,  il  n'a  été  question  encore  que 
(le  science  pure,  que  d'études  spéculatives  sur  l'archéologie;  une  autre  partie 
(pii  n'est  certes  pas  moins  importante)  comprend  les  renseignements  relatifs 
à  la  science  appliquo>e  de  nos  antiquités  nationales,  à  la  mise  en  pratique,  à  la 
traduction  de  l'idée  pure  en  faits  palpables,  à  la  renaissance  enfin  de  l'art  du 
moyen  âge  dans  toutes  ses  divisions.  Sur  (;e  point,  notre  correspondance  est 
encore  d'une  richesse  extrême.  Dans  un  prochain  numéro,  nous  tâcherons 
donc  de  drosser  la  statistique  des  constructions  nouvelles  qui  s'élèvent  en 


MOIVKMKM    AHCIIKOLOdlOlE.  .Tt3 

s(\lo  ogivjil  ol  roman  dons  on  grand  nond)ip  do  nos  d(>|>ait(Mn(Mits  et  nn^nc 
dansIacapiUiIe. — Vingt  manufacUiros  do  vilrau\  ni  stylo  aniicii  sont  niaiiito- 
nanlen  pleine  activité  à  Paris,  an  Mans,  à  Cloiinont-Fonand,  Saint-* iooiges- 
snr-Loirc,  Toulonso  ,  I  \oii,  lioyos.  Mot/.,  Strasbonii:,  Honon,  Lillo,  Douai; 
d'antres,  en  plus  graml  nombre  enoore,  essayent  do  s'étahlir  sur  tons  les 
|)ointS(lo  la  Franco;  nous  devrons  en  dire  un  mol,  aussi  bien  que  des  peintures 
murales  donllegoi'il  paiail  nous  gagner.  —  Les  sculpteurs  classi(pies  sont  eux- 
mêmes  aux  al)oiset  tout  prêts  à  tailler  des  statues  à  la  façon  du  moyen  iVge. 
— Trois  ateliers  de  menuiserie  gotliiiiue  existent  déjà  à  Saint-Môdard,  près  de 
Soissons,  à  Sainlo-droix,  près  du  Mans,  et  dans  les  Vosges;  il  faudra  les  faire 
oonnailro.  —  Nous  avons  des  orfèvres  qui  sont  à  nous,  entre  autres  MM.  Léon 
(Millier,  Trioullier,  Thiéry,  Villemsens  à  Paris,  et  Favier  à  Lyon  ;  nous  devrons 
les  faire  apprécier.  —  Le  plain-cliant  ressuscite  avec  le  reste,  et  nous  amons 
à  en  parler.  —  Mais  ce  (pii  devra  nous  attacher  c'est  surtout  la  remarquable 
instruction  pastorale  (|ue  Mgr  l'ovêipio  de  Langres  vient  d'adresser  au  clergé 
do  son  diocèse  sur  la  nécessité  d'introduire  dans  les  clas.ses  de  lilléralure 
l'étude  des  grands  écrivains  latins  et  grecs  produits  |)ar  le  cliristiaiiisme. 
Du  haut  de  sa  chaire  épiscopale,  Mgr  Parisis  glorilie  la  grande  littérature  du 
moyen  âge  comme  nous  antres,  dans  les  «  Annales  »,  nous  tâchons  d'en 
réliabililor  rarchilO(tni(>,  la  sciilpturo,  la  poinluro  ol  lo  chant.  Nous  n'avons 
jamais  douté  du  succès  de  notre  cause;  mais,  do|)uis  que  Mgr  l'èvêciue  de 
Langres  l'a  prise  en  main,  nous  on  espérons  avec  certitude  le  prochain  et 
complet  triom|iho.  Aiii>i  dune,  ii  un  autre  inuncro ,  poui'  les  détails  néces- 
saires. 

On  ne  se  contente  pa.-  do  nous  envoyer  des  notes,  des  aiticics  et  des  dessins 
pour  les  «  Annales  «,  mais  on  propage  nos  doctrines  et  notre  publication.  On 
insère,  dans  les  dilTérents  journaux  de  Paris  et  des  dé|)artemcnts,  dt'.>  analyses 
et  des  extraits  de  nos  travaux,  des  articles  d'ap|)récialion  où  la  critique  s'ef- 
face constanmicnt  devant  l'éloge.  Autrefois.en  IB'i'i,  nous  rédigions  \olontiers 
dans  nos  livraisons  un  petit  article  intitulé  «  .\dliésions  et  Encouragements  'i, 
où  étaient  non)més  les  journaux  et  les  jjersonnes  cpii  applaudissaient  aux 
«  .Vnnales  »;  nous  devons  au  moins,  en  terminant  cette  année,  adresser  un 
remerciement  cordial  pour  ra|>pui  constant  qu'on  n'a  cessé  de  nous  prêter. 
[.es  i<  Annales  Archéologiipn's  »  ont  été  traitées  avec  une  bienveillance  [)arli- 
cidière  par  M.  Eugène  Millard ,  UKinbre  de  la  Commission  d'archéologie  et 
d'histoire  d<^  Chalon-sur-Saône,  dans  le  «  Courrier  de  SaAne-ot-Loiro  »  ;  par 
M.  le  docteur  Comarmond,  dans  le  "Courrier  de  Lyon»;  M.l'abbcTh.  Laran, 
dans  «  l'Adour  journal  des  Pyrénées  et  di-^  Landi's  )   i  ;  M.  Amo,  architecte, 


3','»  ANNALES  AUCHÉOLOGIOUES. 

(hms  le  «  JomiKil  <lo  Sens  »  ;  ^1.  I';tl)bé  .Iules  Liiliiiiuid  ,  dans  le  «  Jouiiiiil  de 
Valoi^nes  »  el  le  «  Crieur  public  »  de  Sainl-Lù;  ]M.  Jules  Férié! ,  procureur  du 
roi  à  F.angres ,  dans  «  l'Echo  do  la  Haute-Marne  »;  M.  l'ahbé  IVxier,  dans  le 
(c  Hidlelin  de  la  Sociélé  archénloi^iipie  du  Limousin  »  ;  M  L.  Rostau,  dans 
le  i<  .Mémorial  d'Aix  »  ;  M.  Charles  Giouët,  dans  «  Paris  industriel  »  el  le 
«  Journal  d"s  Artistes  »;  M.  Achille  Jubinal ,  dans  le  c  Couirier  Français  »  et 
le  u  .Moniteur  universel  »  ;  MM.  Paul  Lacroix  el  Th.  Thoré,  dans  le  «  Bulle- 
lin  de  l'Alliance  des  arts  »;  .MM.  Danjou  el  Slé|)lien  Morlot,  dans  la  «  Revue 
lie  la  Musique  reliiiieuse  »  ;  M>L  Pascal  Dnpi'al  et  Chara.ssin,  dans  la  «  Revue 
lndéj)endanlc  «  ;  un  savant  anonyme,  dans  la  «  Presse  »;  M.  le  pasteur  Fros- 
sard,  dans  le  ><  Semeur»;  M.  Barrier,  dans  «  l'Univers  »,  qui  publie  le  sommaire 
de  chacune  de  nos  livraisons;  M.  (^hampagnac,  dans  le  k  Moniteur  universel /,. 
En  Angleterre,  où  nous  comptons  de  si  généreux  amis,  nous  avons  été  cités  ou 
lepioduits  avec  éloges  par  ÎMM.  Ilope  elDickinson  (^membres  du  parlement  an- 
glais) dans  «  l'Ecclesiologisl  »;  par  MM.  Wrighl  et  Waller,  dans  le  a  Journal 
de  IxVssocialion  archéologique  »  el  la  <<  Gazette  littéraire  ))  ;  M.  Albert  Way, 
dans  le  «  Journal  deTlnslilnt  archéologique  »,  el  M.  Longueville  Jones,  dans 
if  l.Arclueologia  Cambrensis  ».  En  Belgique  et  en  Allemagne,  divers  jour- 
naux qu'on  ne  nous  a  pas  envoyés  ont  discuté  plusieurs  fois  nos  opinions,  et 
les  ont  presque  toujours  adoptées. 

Au  moment  où  nous  terminons  ces  lignes,  nous  recevons  de  Manchestei'une 
lettre  de  M.  H.  Longueville  Jones,  fondateur  et  directeur  de  «  l'Archœologia 
(;and)rensis  ».  L'extrait  suivant  de  cette  lettre  terminera  dignement  notre  ar- 
ticle sur  le  mouvement  archéologique:  «  Vous  prenez  tant  d'intérêt  à  mes  tra- 
vaux que  vous  apprendrez  avec  satisfaction  le  succès  de  ma  publication  tri- 
mestrielle, «  Archo>ologia  Cambrensis  »,  établie  l'année  dernière  à  mes  frais. 
J'ai  trouvé  Tarchéologie  presque  morte  dans  le  pays  de  Galles  :  point  de 
mouxement,  point  décentralisation,  une  profonde  apathie.  Eh  bien,  dans 
l'espace  d'une  seule  année,  j'ai  fait  monter  à  quatre  cents  les  abonnés  de 
celte  «  Revue  »  spéciale  et  toute  locale,  et  je  viens  d'établir  une  société  ar- 
chéologique pour  le  pays  de  Galles,  «  Cambrian  Archa^ological  Association  ». 
(]elte  sociélé  compte  parmi  ses  membres  les  notabilités  du  pays  et  tous  les 
antiquaires  positifs  ou  amateurs.  Nous  avons  en  projet  plusieurs  ouvrages 
consid.-rables,  entre  autres  un  »  Caslellarium  Cambrense  »,  ou  description 
complèle  de  tous  les  châteaux,  en  deux  volumes  in-folio;  un  «  Mansiona- 
rium  Cand)rense  »,  pour  les  manoirs  qui  abondent  ici  connue  en  Bretagne  ; 
enlin,  (pielques  «  Statistiques  monumentales  »  des  divers  comtés.  Cette  so- 
ciélé tiendra  son  premier  congrès,   l'année  prochaine,    dans  quelque  ville 


MOrVF.MKNT  AKCHÉOLOGKH'K.  :»'»:. 

ceiiliiile  du  i»ays  do  Galles.  Nous  soudrions  uous  adjoindii-  un  loilain  iiiuii- 
hre  de  membres  élrangers,  specialomcnl  d'auliiiuairos  brolons,  <■!  tous  los 
conosiiondanls  de  votre  (>oniilé  liistoriquo  des  arts  et  monuuients  qui  lial)i- 
lent  la  Bretague  ;  uous  avous  l)esoiu  de  leur  savoir  et  de  leur  iulluencu  ar- 
chéologique. Je  conii)te  sur  \  ous ,  et  si  vous  vouliez  vous  cliarijer  des  louc- 
tions  de  secrétaire  de  notre  Association,  pour  la  France,  je  vous  serais  Ibil 
obligé.  »  —  Nous  avous  accepté  avec  eui|)resseuieut  lolTre  aimable  de  M.  l.on- 
gueville  Jones,  et  nous  laiderons  de  tout  notre  pouvoir  en  France.  Nous 
prions,  en  conséquence,  ceux  des  archéologues  français  qui  voudraient  faire 
partie  de  l'Association  archéologique  du  pays  de  Galles,  de  nous  en  donnei- 
immédiatement  avis;  nous  transmettrons  à  M.  Longueville  Jones  leur  de- 
mande, qui  sera  soumise  au  |)résident  et  aux  membres  de  rAssocialioii. 

iiini'.oN. 


PUBLICATIONS  ARCHEOLOGIQUES. 


Manuels.  —  Ouvrages  périodiques.  —  Statistiques  monumentales  et  Voyages.  —  Monographies  de 
villes  et  de  monuments.  —  Histoire  littéraire  et  politique.  —  Histoire  de  l'Art,  Esthétique  ei 
Polémique.  —  Architecture  et  Ornementation.  —  Ameublement  et  Orfèvrerie.  —  Sculpture , 
Peinture,  Iconographie.  —  Linguistique  tt  Poésie.  —  Musicpie,  Liturgie,  Symbolique.  —  Numis- 
matique et  Découvertes.  -  Ouvrages  divers.  —  Catalogues. 


Le  tenjps  a  manqué  pour  faire  accompagner  d'une  apprécialion  cliaciuc 
ouvrage  du  catalogue  suivant;  mais  les  principales  des  deux  cent  onze  publi- 
cations qu'on  enregistre  ici  pourront  reparaître  successivement  siu-  la  cou- 
verture des  «  Annales  Arcliéologiques  »  avec  deux  on  trois  phrases  de  juge- 
ment ou  d'analyse.  On  a  suivi  la  division  établie  précédemment  dans  les 
autres  catalogues". 

MANUELS. 

RÉSUMÉ  d'archéologie  spécialement  appliquée  aux  monuments  religieux,  par  J.  Fériel,  cor- 
respondant des  Comités  historiques.  In-1 8  de  1 80  pages  avec  1  i  planches  lilhographiées.  Un  grand 
et  légitime  succès  vient  d'accueillir  cet  ouvrage 1  fr.  50  c. 

Glossary  of  architecture.  Trois  gros  volumes  in-8°,  ornés  d'un  nombre  considérable  de  gra- 
vures sur  bois  et  sur  métal.  Ce  glossaire  comprend  tous  les  termes  usités  dans  l'architecture 
grecque,  romaine,  italienne  et  gothique.  En  tète  d'un  index  général,  est  placée  une  table  chrono- 
logique des  principaux  monuments  de  l'Europe,  accompagnée  de  gravures  qui  les  représentent 
et  d'inscriptions  de  fondation  et  de  dédicace.  Cet  ouvrage  est  édité  par  M.  Henry  Parker,  le  célèbre 
libraire  d'Oxford.  Quatre  mille  exemplaires  de  cet  utile  et  savant  livre  se  sont  déjà  vendus;  une 
cinquième  édition  vient  de  s'achever.  Les  trois  volumes 7.5  fr. 

Ulossarv  of  AnciiiTECTiRE  ADRiDGED.  Un  vol.  in-18  de  300  pages  avec  440  gravures  sur  bois. 
Cet  ouvrage  est  l'abrégé  du  glossaire  précédent.  Les  gravures,  d'une  rare  perfection,  sont, 
comme  le  texte,  admirablemonl  imprimées.  Livre  très-utile  et  qui  est  en  outre  un  chef-d'œuvre 
de  typographie 15  fi-. 


t.  Annales  Archéologiques  ,  miL  I,  pages  t9*  et  2i>.'«:  vol.  U,  pagr  37 .i  :  voL  III,  iKige  :165  ;  vol.  IV, 
I-aijf  376. 


PI  Hl.lCATIONS    \K(.l!KOI.(»(;iOLi:S.  Wl 

OL  V K A( ; i:s  riiuit tuioi es. 

■FiiE  EocLESioLoc.isT ,  reviic  iiien^iiclle,  in-8".  publiée  piir  hi  «  Société  Ecclésiolugiquo  »,  autre- 
lois  i  Société  do  Cninbdon  ;i  Cambridge)'.  Celte  |)ubliralioii  d'nrrliéologic  rliréticnnc,  rédigée  par 
MM.  lieresford  llope  et  Henry  Dickin^ion ,  menibre-i  du  parlement,  par  les  Ré\ .  Benjamin  Wcbb 
et  J.  M.  Neale,  par  .MM.  James  Bevan,  Ksq.,  l'aley,  Ksq.,  elc,  est  aujourd'bui  l'une  de>  plus  im- 
porUmles  de  i'.Xnglelerre.  La  Société  Ecclésiologi(|ue  eomple  en  ce  moment  prés  de  800  moiid>r('s 
appartenant  tous  aux  rangs  les  plus  éle\és  de  la  société  anglaise  a  L'Iicclesiologist  u  s'occupe 
uniquement  des  églises  qu'il  étudie  dans  tous  leurs  détails;  il  signale  les  restaurations  des  an- 
ciennes, décrit  la  construction  des  nouvelles,  t^'est  le  plus  puissimt  ami  et  au.viliaire  des  u  An- 
nales .\rcliéologiqucs  ».  Dans  le  numéro  de  septembre  dernier,  est  analysé  et  conimenlé  le  travail 
de  M.  Viollel-Leduc  sur  la  renaissance  et  l'emploi  du  style  gothique  au  xix"'  siècle.  Notre  Acadé- 
mie des  beaux-arts  est  traitée  dans  l'ouvrage  anglais  d'une  manière  (jui  nous  a  singulièrement  re- 
réjouis. Nous  recommandons  vivement  cette  publication  importante.  A  dater  de  1817,  nous  an- 
noncerons la  composition  de  chacun  des  numéros  de  «  l'Ecclesiogist,  "  et  des  autres  «  Uevues 
archéologiques  »  de  l'Angleterre  et  de  l'Allemagne,  u  I.'Ecclesiologist  »  est  aujourd'hui  à  sa 
deuxième  série.  La  première  comprend  trois  volumes  in-8°,  au  prix  de  8  Ir  chacun.  La  deuxième 
série  comprend  deux  volumes  complets  et  quatre  numéros,  jusqu'au  mois  de  novembre  de  celle 
année.  Chaque  volume  est  de  10  fr  ,  chaque  numéro  de 2  Ir. 

Report  oe  tue  EccLF.sioLooni.vL  sociktv.  année  ISi.ï-ISili.  bi-8"  de  .'JG  pages,  comprenant  les 
statuts  de  la  Société,  la  composition  de  son  bureau  ,  la  liste  de  ses  membres,  le  catalogue  de  ses 
publications 3  fr.  50  c. 

JoiB.VAL  oF  tue  mich.eological  ASSOCIATION.  Premier  volume.  I11-8"  de  iOO  pages,  ornées  de 
nombreuses  gravures  sur  bois  et  sur  mé:al.  L'Association  archéologique  publie  un  numéro  tous  les 
trois  mois,  mais  elle  ne  livre  plus  au  commerce  (|ue  les  volumes  complets;  le  second  volume  sera 
terminé  au  31  janvier  prochain.  Chaque  \olunie 22  fr. 

Joi'HNAL  OF  THE  AnciLtioLOGicAL  iNSTiTiT.  Deux  \olumes  et  trois  numéros  (jus(|u'en  septembre 
de  cette  année).  Chaque  volume ,  de  t20  à  4bO  pages  avec  de  nombreuses  gravures  sur  métal  et 
sur  bois,  22  francs  ;  chaque  numéro !'>  fr.  50  c. 

Aiicii.EOLouiA  cAMBnENsis,  rcvuc  trimestrielle,  dirigée  par  .M.  lleiuy  Longueville-Jones.  Quatre 
numéros  (janvier,  avril,  juillet,  octobre  18i6)  et  un  supplément  ont  paru:  -lijO  pages  in-S",  avec 
lithographies  et  gravures  sur  métal  et  sur  bois.  Chaque  numéro .'i  h-. 

CoLtECTA.NEA  A."iTH(DA  ,  par  .M.  Uoach  Smith,  un  des  secrétaires  de  l'Association  archéologique 
d'Angleterre.  Hevue  trimestrielle  arrivée  à  son  8""  numéro,  qui  comprend  la  description  et  la  gra- 
vure de  divers  monuments  romains  et  d'une  pièce  d'orfèvrerie  du  moven  ûge  trouvée  dans  la  Tii- 
mise.  Chaque  numéro .1  fr. 

BiLLETiN  DE  LA  sotiÉTÉ  AncuÉoLOGiuuE  iiE  Së.vs ,  aniiéc  1846.  In-«''de  I  ii  pages  et  10  plan- 
ches lithographiées.  C'est  une  des  plus  importantes  publications  de  ce  genre.     .     .     .i  fr.  "lO  c. 

Bulletin  de  la  société  AnciiÉOLOGiQtE  et  iiistobiqi'E  nr  limoi'Si.n.  Tome  1";  I",  i'  et  :i' 
liv.  Chaque  liv.  1  feuilles  in-8  ,  avec  gravures 3  (r. 


3i8  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Bulletin  de  la  société  des  antiqimres  de  l'Oiest.  Uevuu  trimestrielle  in-8".  Année  1816. 
Chaque  cahier,  de  3  à  4  feuilles -  fr.  50  c. 

Bulletin  de  la  société  archéologique  du  département  de  l'Aisne.  Par  cahier  in-S"  de  l 
leuilles.  Nous  ignorons  où  en  est  cette  Société  depuis  la  publication  de  son  cinquième  numéro,  qui 
a  paru  en  18 ii.  Chaque  livraison 2  fr.  50  e. 

MÉMOIRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  d'iiistoire  ET  d'archéologie  DE  Ciialon-sur-Saône.  Aiinécs  18ti. 

1845,  184G.  In-S"  de  400  pages  avec  un  album  grand  in-f  de  17  planches.  C'est  inconteslable- 
iMcnl  l'une  des  plus  notables  publications  des  sociétés  archéologiques  de  France.   .     .     .     20  fr. 

Mémoires  de  la  société  des  antiquaires  de  Normandie.  Deuxième  série .  l'' vol.  (xiv^'  vol. 
(le  la  collection).  In- 4°,  par  livraison  de  100  pages,  avec  lithog.  Chaque  livraison.     .     .3  fr.  75  c. 

SÉ.4NCES  ET  travaux  DE  l'académie  DE  Reims.  .Vunécs  1 8 1-5  et  1 846.  Troisième  cl  (]uatriôme 
volumes,  de  300  et  400  pages.  Chaque  volume 7  fr. 

La  Champagne  catholique.  Année  1846.  Revue  mensuelle,  par  livraisons  in-8"  de  3  à  4  feuil. 
Par  an • 12  fr. 

Congrès  scientifique  tenu  à  Reims,  en  septembre  1843.  Un  vol.  in-8"  de  572  pages.    .     6  fr. 

SÉANCES"GÉNÉRALES  tcHues  à  LilIc ,  en  mai  1 845  ,  par  la  Société  française  pour  la  conservation 
des  monuments  historiques.  In-8°  de  330  pages 7  fr. 

Bulletin  des  séances  de  la  Société  d'agriculture,  sciences,  arts  et  commerce  du  Puy.  .\unée 

1846.  Tome  vi«,  1'' et  2' livraisons;  in-S"  de  140  pages.  Chaque  livraison 2  fr. 

.4ctes  de  l*.\cadémie  royale  des  sciences ,  belles-lettres  et  arts  de  Bordeaux.  Huitième  année, 
1''  trimestre  de  1846.  In-8"  de  178  pages 3  fr. 

Bulletin  des  arts,  revue  mensuelle,  sous  la  direction  du  bil)liophile.Iacob.  Année  1846,  vo- 
lume V,  livraisons  de  1  à  6.  Par  an 1 2  fr. 

Le  Moyen  âge  et  la  Renaiss.^nce  ,  histoire  et  description  des  mœurs  et  usages,  du  commerce, 
de  l'industrie,  des  sciences,  des  arts,  de  la  littérature  et  des  beaux-arts,  sous  la  direction  litté- 
raire de  M.  Paul  Lacroix  (bibliophile  Jacob)  et  la  direction  artistique  de  M.  Ferdinand  Seré.  L'ou- 
vrage entier  formera  cinq  vol.  in-4°,  et  paraîtra  en  200  livraisons.  Chaque  livraison  comprendra 
une  feuille  de  texte,  une  planche  gravée  et  une  planche  chromolithographiée.  L'ouvrage  paraîtra 
en  février  prochain.  Chaque  livraison 1  fr.  23  c. 

Revue  de  Liège,  sous  la  direction  de  M.  Félix  Van  llulst.  Mensuelle,  par  livraisons  de  cinq  a 
six  feuilles  in-8''.  Par  an 12  fr. 

STATISTIQUES  MONUMENTALES  ET  VOYAGES. 

Architectural  Guide  lo  the  Neighbourhood  of  O.xford.  C'est  la  statistique  monumentale  du 
comté  d'Oxford.  Un  fort  volume  in-8°  de  400  pages  avec  232  gravures  sur  bois  et  3  caries  sur 
métal.  Soixante-dix-neuf  communes  sont  passées  en  revue  dans  ce  bel  ouvrage  que  nous  proposons 
pour  modèle  à  tous  les  archéologues  qui  s'occupent  de  statistiques  monumentales.  Publié  par  la 


PUBLICATIONS   A  RCTIÉOLOCIOUES.  3i« 

Sociéli'  d'archilcctured'dxfonl .  ce  livre  est  ('(lili'  |>;ii'  M.  Piiiki'r.  ri  cV-;!  un  clipf-d'œiivro  de  riin- 
primcrie  anu:liiiBO i''>  U  ■ 

Akcimtectural  notices  of  tlic  ('.huiTlies  of  llic  arclidcaconry  of  Norilianipton.  Slaiisliquo 
momimenlale,  comme  la  procédcnto,  pour  le  pays  de  Nurlliainploii.  In-i"  du  plus  grand  luxe  e( 
d'une  beauté  incroyable  de  gravures.  Onl  paru  :jG  pages  de  texte,  19  gravures  sur  bois  et  it  gra- 
vures sur  acier  par  Makensie  et  I.e  Keux  Publié  par  la  Société  d'architecture  de  Norlliamplon,  ce 
livre  est  édité,  comme  le  précédent ,  par  M.  Parker 42  fr. 

RAPPonT  de  la  Commission  (les  monument^;  liisloriipies  au  ministre  de  l'iMlérieur,  année  1846. 
In-i"  de  28  pages 2  fr.  25  r. 

C.0MPTE-RENDr  des  travaux  de  la  Commission  des  monuments  historiques  de  la  Gironde  ,  année 
1 845-1 846,  présenté  au  préfet  de  ta  Gironde  par  MM.  Uabanis,  président,  et  L.  de  Lamothe,  secré- 
taire. ln-b°  de  100  pages,  avec  gravures  sur  bois -3  fr.  50  c. 

Rapport  au  préfet  de  la  Somme  sur  les  monuments  historiques  du  déi)arlemenl ,  année  1846, 
par  M.  H.  Dusevel ,  inspecteur  des  monuments  historiques.  Grand  in-S"  de  10  pages.     I  fr.  50  c. 

STATiSTigiE  sio.M-ME.NTALK  (Ic  Ui  Charente,  par  J. -11.  .Michon.  correspondant  des  Comités  histo- 
riques. L'ouvrage  (grand  in-4°  à  deux  colonnes)  ne  dépassera  pas  40  livraisons,  dont  20  onl  paru. 
Chaque  livraison  ,  I  fr.  ;  sur  vélin  et  papier  de  Chine 2  fr. 

L'A.>-ciE.N.NE  .AuvEnc.NE  ET  LE  Velvv,  par  .\d.  Michel.  Par  livraisons  in-folio  de  4  ou  5  lithogra- 
phies, de  5  ou  6  feuilles.  L'ouvrage  sera  complet  en  :i6  livraisons  ;  28  ont  paru.  Chaque  liv.    5  fr. 

Histoire  AnciiÉOLOfiiovE  du  Vendomois.  Texte  par  M  J.  de  Pétigny,  ancien  élève  de  l'École 
des  Chartes  ;  dessins,  plans  et  descriptions  de  monuments,  par  M.Launay,  correspondant  des 
Comités  historiques  L'introduction  et  10  livraisons  ont  paru.  L'ouvrage,  grand  in-4°,  sera  complet 
en  20  livraisons.  Chaque  livraison,  contenant  î  feuilles  de  texte  et  deux  pages  de  dessins.     I   fr. 

.\lbum  historique  et  pitloresciue  de  la  Creuse,  par  M.  P.  Langlade.  Grand  in-4'.  L'ouvrage  sera 
ctjmplet  en  16  livraisons  dont  12  ont  paru.  Chaque  livraison,  composée  d'une  fouille  de  texte  avec 
gravures  sur  bois,  et  d'une  lithographie 1  fr.  50  c. 

Anniiaibe  STATl^TlQ^E  du  département  de  l'Vonne.  Cet  annuaire ,  qui  comprendra  l'archéologie 
monumentale  complète  de  ce  département,  est  à  sa  dixième  année  et  à  son  dixième  volume. 
Chaque  volume,  de  250,  300  et  400  pages,  avec  des  lithographies  par  M.  Victor  Petit. .     .     -i  fr. 

Histoire  de  Touraine,  Statistique  monumentale  de  cette  province,  par  M.  Clarey-Marlineau. 
membre  de  la  Société  archéologique  de  Iduraine.  Ln  fort  volume  in-folio  avec  nombreuses  litho- 
graphies  *"'•• 

Kiici'EiL  d'édifices  publics  et  particuliers  de  Lyon  et  de  ses  en\iroii-.  par  la  .Société  académique 
d'architecture  de  Lyon.  liglise  de  l'Ob.-iervance  par  MM.  Chenavard  et  A.  lAiiichaud  ,  architectes. 
Si-pt  lithographies  in-folio ^'  f''- 

Essai  sur  les  monuments  antiques  el  du  moyen  âge  du  département  de  Vaucluse,  par  M.  Chaiv. 
Première  partie,  ln-8"  de  44  pages,  a\ec  une  gravure 2  fr.  25  e. 

l>KM:mPTioN  des  monuments  les  pluscurioux,  anciens  el  modernes,  de  la  Picardie,  par  M,  Lmii- 


350  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

bart ,  urrhilccte.  L'ouvrage  entier  aura  1^  livraisons  in-8".  Deux  ,  chacune  <le  deux  feuilles,  ont 
paru.  La  livraison *  fr. 

PÉi-EniNAGE  ARCHÉOLOGIQUE  en  Beauvaisis,  par  M.  Stanislas  de  Saint-Germain,  correspondant 
des  Comités  historiques.  In-8°  de  39  pages 1  fr-  75  c. 

Rkcestrum  visitationiim  archiepiscopi  Rothomagensis,  ou  Journal  des  visites  pastorales  d'Eude 
Rigaud,  archevêque  de  Rouen  (1248-1 269),  publié  pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  royale,  par  Théodose  Connin,  directeur  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie. 
.'Vdniiiable  livre  du  xiii' siècle,  où  tous  les  hommes  de  science  et  d'art  doivent  aller  puiser.  Dn 
volume  in-4"  de  lOOO  pages,  publié  en  trois  parties  qui  seront  prochainement  en  vente.    .     36  fr. 

Nouvelles  observations  sur  le  «  Liber  Guidonis  »  ,  manuscrit  de  la  Bibliothèque  royale  de 
Bruxelles,  par  M.  Schayes,  correspondant  de  l'Académie  royale.  Ce  «  Liber  Guidonis  »  est  un 
recueil  de  plus  de  vingt  cinq  traités  différents  d'histoire  et  de  géographie  du  xii*  siècle.  ITne 
feuille  in-8° 75  c. 

Itinéraires  de  la  Terre-Sainte,  depuis  le  xiii^  jusqu'au  xvii'  siècle,  traduits  de  l'hébreu,  avec 
tables,  cartes  et  notes,  par  E.  Carmoly.  Un  vol.  in-S".  L'ouvrage  est  en  souscription,  non  encore 
en  vente 7  fr. 

Du  Rhin  au  Nil,  par  le  Tyrol,  la  Hongrie,  les  provinces  danubiennes,  la  Syrie,  la  Palestine  e( 
l'figypte,  par  X.  Marmier.  Deux  vol.  in-1 8  anglais,  de  400  pages  chacun 7  fr. 

Le  Portugal  ,  par  M.  Ferdinand  Denis,  conservateur  à  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève.  Un 
volume  in-8°  de  440  pages  à  deux  colonnes,  avec  32  gravures 6  fr. 

MONOGRAPHIES  DE  VILLES  ET  DE  MONUMENTS.  • 

Reims,  ses  Monuments  et  ses  Rues,  par  M.  Prosper  Tarbé,  avec  planches  dessinées  par  M.  J.-.L 
Maquart.  Grand  in-4''  à  deux  colonnes;  460  pages,  30  lithographies,  1  vue  cavalière,  1  grand 
plan  de  la  ville 40  fr 

Vue  générale  de  la  ville  de  Rouen  en  1525,  fac-similé  d'une  peinture  du  temps,  réduite 
au  tiers  de  l'original,  par  M.  Th.  de  .lolimonl.  Lithographie  de  48  cent,  sur  21  centimèt.  En  cou- 
leur, 12  fr.  ;  en  noir  ou  en  bistre    3  fr. 

Observations  sur  les  noms  des  rues  de  Rouen ,  par  ,\L  Léon  de  Duranville,  membre  de  la 
Société  libre  d'Émulation  de  Rouen.  In-S"  d'une  feuille.  75  c. 

Etudes  archéologiques  sur  la  ville  de  Caen,  par  M.  G.  Mancel,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
de  Caen.  In-8°  de  2  feuilles 1  fr.  îo  c. 

Les  Moines  nu  Der;  histoire  du  bourg  de  Monlier-en-Der  et  de  la  ville  de  Wassy,  par 
M.  Bouillevaux,  curé  de  Cerizières.  In-8"de  488  pages,  avec  lithographies  représentant  les  églises 
de  Montier-en-Der  de  Ceffonds  et  de  Wassy,  par  M.  Pernot 5  fr.  50  c. 

Les  Tours  de  Foix  et  le  Cloître  de  la  Daurade,  par  M.  Alexandre  Du  Moge,  correspondant 
des  Comités  historiques.  In-4'»  de  19  pages  et  de  5  lithographies 4  fr. 

Monuments  des  Templiers,  par  M.  Alexandre  Du  Mège.  In-4"  de  36  pages  et  d'une  lithogra- 
phie  3  fr.  5Û  c. 


PUBLICATtONS  ARCHÊOLOOIOUES.  351 

MÉMOIRE  sur  IVgliso  royale  de  Sainl-Ived,  à  Br.iiiio ,  prùs  do  Soissons  ln(2  de  16 
pages 2  fr.  25  c. 

Notice  iiistohiqi'e  et  ardiéologique  sur  le  bourg  el  abbayi'  do  Cluv.y  sur  Martio  (Ai>np),  par 
M.  l'abbi^  Poquol,  forrcspondant  dos  Comilos  hisloriquis.  In-8"  de  .')0  pa;,'es.   .     .     .     <  fr.  75  c. 

Notice  iiisTonioiE  et  descriptive  sur  l'éî^lisc  abbatiale  d'Essomes  (Aisne),  par  M.  l'abbé 
Poiiuot.  In-S"  de  18  paires  el  do  i  litlio;;raphios 1  fr.  75  c. 

Notice  iiistorkjie  et  descriptive  sur  la eallnyrale  de  Meaux,  par  Mj^r.  Allou,  évi^que  de  Meaux. 
In-S"  de  48  pages  et  d'une  lithographie 2  fr.  25  c. 

Notice  arciiéi)loc;ioi:e  sur  l'église  de  Reuilly  (Indre-et-Loire)  ,  par  M.  l'abbé  Bourassé,  cha- 
noine de  Tours.  In-8°  de  16  pages  avec  le  plan  el  le  portail  de  l'église  lithographies.     1  fr.  50  c. 

Notice  sur  l'Église  de  Svint-Dezert  (Saùne-el-Loire) ,  sur  ses  rortiHcalions  et  les  peintures 
murales  découvertes  dans  une  de  ses  chapelles,  par  M.  Marcel  Canat,  conservateur  de  la  Société 
d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône.  In-S"  de  77  pages,  avec  un  allas  de  5  littiogra- 
phies  grand  in-folio ,  représentant  l'église  et  ses  peintures ti  fr.  50  c. 

Histoire  or  Monastère  de  Sainte C.roix  uk  Uordeaux,  par  M.  Ferdinand  Leroy,  préfet  de 
l'Indre.  In-8ode  35  pages 2  fr.  25  c. 

DEScnieriON  des  saintes  Grottes  de  l'ancienne  abbaye  Saint-tjoruiain  d".\u.\orre,  par  doin  Four- 
nier.  Nouvelle  édition,  par  M.  Quantin,  archiviste  de  l'Yonne.  In-12  de  1 18  pages,  avec  un  plan 
des  cryptes  et  deux  vues  de  l'église 2  fr.  50  c. 

MÉMoiiiK  sur  l'hôtel  historique  de  la  Tromonillo,  à  Paris,  par  M.  Troche,  archéologue.  In-8o  de 
25  pages 1   fr.  75  c. 

Lettre  sur  l'ancienne  Abbaye  do  Itourbourg  (Nord),  etc.,  par  M.  E.  do  Cousseniaker,  corres- 
pondant des  Comités  historiques;  et  Notice  sur  l'église  de  Bissezeele  (Nord),  par  M.  Pevelle, 
architecte.  In-S"  de  30  pages  et  de  7  lithographies 3  fr.  .50  c. 

MÉMOIRE  sur  l'Hôtel  municipal  ou  Halle  aux  Draps  de  la  ville  d'Vpres,  par  .M.  J.-J.  Lambin, 
archiviste  d'Vpres.  In-8"  de  64  pages,  avec  une  gravure  sur  bois  qui  représente  ce  magnifique 
monument  du  xiii°  siècle 3  fr.  50  c. 

.MoNO(;ii.vi'MiE  DE  LA  Catuédkalf,  DE  ToiRNAi  .  par  .M.  Le  Maistre  d'Anslaing  ,  correspondant 
ries  Comités  historiques.  2  volumes  in-8°  de  429  et  376  pages  avec  4  planches  .     .     .     .     12  fr. 

La  TofB  DE  LoNDBES,  par  mademoiselle  Caroline  Berthaiil.  In-S"  de  32  pages,  avec  une  lilho- 
gi-aptiie 2  fr    25  c. 

Pbocekding  at  Ihe  Annual  Meeting  of  the  archœological  Institut,  elc.,at  Winchester,  sepl«mb«r 
1845.  Un  magnifique  volume  de  plus  de  450  pages,  avec  nombrcust'S  gravures  sur  bois  et  sur 
acier.  La  vie  architecturale  de  Guillaume  de  Wikeham,  évoque  de  Winchester ,  et  coiLslrucleur  du 
rliâleau  royal  de  VV'indsor,  est  renfermée  dans  ces  procès-verbaux  inqiortanls.     ...     30  fr. 

WiNUiESTEl  CoNUBES-s .  tcnu  en  auùl  1845  par  l'Association  archéologique  de  la  (irundo-Bro 


352  ANNALES  AKCHEOLOr,  lOU  ES. 

tiignc.  Lin  beau  volume  in-8"  do  483  |)ages  avec  nombreuses  gravures  siir  bois  ei  sur  acier.  CVvl 
une  histoire  et  une  description  complètes  de  la  ville  et  de»  nionunienls  de  Winchester.     .     30  fr. 

Tmi;  Aii(:iiiTK(;ri  km.  iiisroio  ok  ('.ANTEcmuinv  Catiiedral  ,  p;ir  le  Hé\.  K  WiUis,  prolessour  de 
lliniveisilé  de  Cambridge.  Un  vol.  in-8"  de  160  jjages,  avec  52  gravures  sur  bois.  La  cathérale 
de  Canlorbéry,  surtout  pour  des  Français,  est  la  plus  intéressante  de  l'Angleterre  .     .     .     I.'i  IV. 

.So.MH    .VCCOl'NT     OF     ÏHB     AIIBEY     ChURCII     OF    SaINT-PeTER     AN1>      SaINT-PaUL    AT     DoRCHESTEK 

(Oxfordsliire),  par  Henry  Addington.  In-S"  de  172  pages  avec  de  très-nombreuses  gravures  sur 
bois  donnant  les  plans,  élévations,  vues  cavalières,  coupes,  profils,  détails  de  l'église  de  Dorchestei'. 
C'est  un  autre  de  ces  beau.x  volumes  que  publie,  par  les  spins  de  M.  H.  Parker,  la  Société  pour  la 
|)ropagalion  et  l'étude  de  rarchitccture  gothique.  Dans  aucun  des  autres  ouvrages  que  nous  avons 
i-appor  lés  d'Angleterre  il  n'y  a  une  aussi  absolue  perfection  de  gravures  sur  bois,  l'n  de  nos  gra- 
veurs a  voulu  avoir  ce  beau  livre  pour  s'en  inspirer.  Celte  église  de  Dûrchesler  est  remplie  de  détails 
curieux  dont  nous  ne  pouvons  parler  ici.  Nous  signalerons  seulement  la  fenêtre,  très-célèbre  du 
reste,  où  est  représenté  l'arbre  de  Jessé.  Ce  sont  les  meneaux  symétriques  cl  contournés  loul  à  la 
fois,  qui  font  les  branches;  sur  ces  branches  sont  sculptés  en  relief,  à  l'intérieur,  les  personnages 
de  la  généalogie  ;  les  allégories  et  les  pro|ihètes  qui  concourent ,  par  voie  de  symbolisme  et  de  divi- 
nation à  la  généalogie ,  sont  peints  sur  verre.  Pas  de  motif  plus  étonnant  en  iconographie  chrt'- 
lienne,  pas  de  fenêtre  plus  charmante  au  point  de  vue  de  l'art.  Nous  en  demanderons  à  .M.  Parker 
un  dessin  e.xacl  et  grand  pour  les  «  Aimales  Archéologiques  »        Ls  IV. 

HISTOIRE  m  lÉlUIRE  ET  POLITIQUE. 

lîssAi  SIR  l'Histoire  littéraire  de  (1\ën  ,  sous  les  ducs  de  Normandie,  rois  d'Angleterre, 
par  M.  G.  Mancel,  conservateur  de  la  liibliothèque  de  Caen.  In-8"  de  28  pages.     .     <   fr.  50  c. 

Caen  soi  s  Jean-sans-Terre,  par  le  même.  In-8' de  20  ]>ages I    fr.  25  c. 

.MoisAYT  iiE  Brieiix,  étudc  bibliographique  ,  par  le  même.  In-8°  de  19  pages.     .     1   fr    25  c. 

TipuAifiNK  de  la  Roche,  étude  bibliographique,  parle  même.  In-8"  de  38  pages.     1   fr.  oO  c. 

l'AM.  Delasalle,  biographie,  par  le  même.  In-S"  d'une  feuille,  avec  un  portrait  gravé.     tiO  c. 

I.K  P.  PoiuiE,  jésuite,  biographie,  par  leinèuie.  lu-8"  d'une  feuille,  a\ec  portrait  giavé.     60  c. 

Ikan  Bertact,  biographie,  par  le  même,  ln-8"  d'une  feuille,  avec  portrait 60  c. 

UuxiRAPHiE  DE  FoNTENELLE,  par  M.  .\.  Charma,  professeur  de  philosophie  à  la  Faculté  des 
lettres  de  (>aen.  Seconde  édition  très-augmentée.  ln-8"  de  96  pages 2  fr.  25  c. 

Un  (iRAM)  HOMME  ET  IN  MONUME.MT,  par  M.  Tridon,  chanoine  honoraire  de  ïroyes,  inspecteur 
des  monuments  religieux  du  diocèse.  Un  vol.  in-8",  avec  dessins.  Ce  grand  homme  c'est  saint 
Bernard;  ce  monument  c'est  l'église  Sainl-Vorles,  à  Chàtillon-sur  Seine,  où  saint  Bernard  eut  son 
iiratoire.  L'ouvrage  paraîtra  dans  quelques  semaines  sous  le  titre  de  «  Notice  archéologique  ei 
piltorcsque  sur  Chàtillon-sur-Seine  ».  On  souscrit  chez  Victor  Didron  ,  place  Saint-André- des- 
A  ri  s,  30.  Pour  les  souscripteurs,  avant  le  V'  janvier I   fr.  75  c. 

iViui  les  autres -y  |V. 

I.K  Pkhk  Am)ré.  jésuite,  documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire  philo.sophi(]ue,  religieuse 


IMlU.ir.ATIONS  Mlf.lIKOl.ndlolKS.  358 

el  liltoraire  du  xviii' sicrK',  piiblio.s  pour  la   iinMiiicrc  Im^  ci   iinncili'.-  par  MM.  A.  IMiaima   pl 
(i.  Maticcl,  di' Caei\.  Un  vol.  in  18  ili' I8:t  paj»es :i  iv.  50  c 

l)K  i.A  KoNiivTioN  i>K  (".AKN  par  Kaiiis,  si^néclial  du  roi  Arlliiir,  pai'  M.  (i.  Manci'l  ln-8"  d'uni' 
''■'"il'e 75  <•. 

NoTicK  .sur  la  Kihliolhoipii'  de  C.aen .  par  M.  (j.  Manci'l ,  lïlhliolliùcairi'.  lu  S  <\r  î\  pa- 
.i:es I   Ir.  2ij  r. 

NoTKS  sur  les  arcliives  de  la  proloclurc  do  la  Gironde  et  de  quelcpies  villes  du  dcpai  leinenl , 
par  .\l.  Kei'dinand  Leroy,  forrespondanl  des  Comités  historiques.  In-8"  do  lij  («lues.     .     .     2  fr. 

Kai'pout  adressé  à  M.  Victor  Cousin,  sur  divers  manuscrits  français  de  la  Uiltliuthecpn'  de  Va- 
lencii'nnes.  par  M.  .1.  Mansearl,  professeur  de  philosophie,  ln-8"  de  ii  pages i  fr 

.Notice  des  ai»  hives  de  .M.  le  duc  de  C.arainan,  précédée  de  recherolies  llist(lrilple^  sur  les 
princes  de  i.liimay  el  les  comtes  de  Iteauiuoiit.  par  M  liacliaid  .  archiviste  général  du  io\auuie 
de  BeL'iipie.  In  8"  de  U8  pages .t  fr.  ;iO  c. 

S<.Rii>TOBES  MoNASTici  ,;i  Roberlii  .\nslruther.  I11-8'  de  2't:t  pa;,'e-.  édition  de  luxe.  ('..■;  éciivains 
.-(inl  Uerbertus  de  Losinga,  Osbertus  de  f.lara  el  KImerus S  fr. 

Histoire  iies  KVÈyi'Es  d'Évbei'x  ,  avec  des  notes  et  des  armoiries,  par  M.M.  A.  (!has.sjinl, 
bibliothécaire,  et  G. -H.  Sauvage,  régent  au  collège  d'Kvreux.  l'n  Mil.  in-16 4  fr. 

Vie  oe  saint  Jilien.  évéque  du  .Mans,  el  des  autres  pontifes  ses  successeurs,  tra<luclion  des 
manuscrits  de  l'église  du  Mans,  par  M.  l'alibé  Voisin,  prêtre,  membre  de  divci-ses  Sociétés  sa- 
vantes. Un  vol.  in-8°  de  prés  de  500  pages ti  fr. 

Histoire  des  guerres  religieuses  en  Auvergne,  pendant  les  xvi-^  et  xvii'  siècles,  par  .\ndré  lin- 
beidis,  avocat.  Deux  vol.  in-S"  de  187  el  î)63  pages,  avec  une  carte  d'.\uvergne  et  des  gravures 
sur  métal  el  sur  bois 10  fr. 

Histoire  ue  LWMiooiois,  par  François  Vigier  de  la  Pile.  l'Ic  ,  publiée  avec  des  documents 
inédits  sur  l'.Vngoumois,  par  J.-M.  Michon  ,  correspondant  des  Comités  historiques.  Un  vol.  in-i" 
de  340  pages  à  deux  colonnes 10  fr. 

lli>ioiRK  du  diocèse  de  Ueauvais,  depuis  le  iii-^  siècle  jusqu'en  1792,  par  l'abbé  Deletlrc,  vicaire 
général,  doyen  du  Chapitre.  Trois  vol.  in-8»,  de  500  pages  chacun l.-i  fr. 


Pièces  iNÉniTEs  relatives  à   rhistoire  d'fc-os.se  ,   par  .M.   le  baron  de  Girardot.   ln-4"  île  ii 


pag 


i  fr 


Rssvi  liiSTORioiE  sur  les  invasions  des  Hongrois  en  Europe  el  s|)écialenient  en  France,  pai 
I,  Du.ssieiix  .  professeur  d'histoire  à  rftcule  rovale  militaire  de  Saiiil-C.yr.  ln-8"  de  74  pu 
jjes :  fr    i'itl  c. 

Philippe  uk  Comines  en  Poitou  ,  par  .M.  de  la  Fontenellc  ilc  \  audi.ic  .  niemlMc  non  rc-ideni 
di>  I Comités  historiques.  In-8"  de  «7  pages 2  fr.  50  c. 

r\BLKAf  GÉ.NÉBAL  iiK  i.'Ki  iioPK.  viTS  l'année  1151,  par  M.  l'er.liiianil  l.cn.v,  préfet  de  I  Indre. 
In-»' de  36  page» '    fr.   50  c. 


3fti  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

Les  rues  de  Champagne,  mémoire  pour  servir  d'introduction  à  l'hisfoiip  de  la  r.tiampaijnp  , 
par  Etienne  (GaUois).  In-8°  de  68pages 3  fr. 

Les  Pats-Bas,  avant  et  pendant  la  domination  romaine,  ou  tableau  historique,  géographique  , 
physique,  statistique  et  archéologi(iue  de  la  Belgique  et  de  la  Hollande,  depuis  les  premiers  temps 
historiques  jusqu'au  vi''  siècle,  i)ar  A.-G.-B.  Schayes,  archiviste  à  Bruxelles.  Deux  vol.  in-S"  de 
500  pages  chacun 15  fr. 

HisroiiiE  DE  Flandre  (792-1792),  précédée  d'une  introduction  sur  les  temps  antérieurs  au 
VIII'  siècle,  par  M.  Kervyn  de  Leltenhove.  Cinq  forts  volumes  in-8",  à  paraître  dans  quelques  mois. 
Chaque  volume. 7  fr.  50  c. 

Histoire  constitutionnelle  et  administrative  de  la  ville  de  Gand  et  de  la  châtellcnie  du  Vieux- 
Bourg  ,  jusqu'à  l'année  130'i ,  par  L.-.\.  Warnkœnig  ,  traduite  de  l'allemand ,  avec  corrections  et 
additions  du  traducteur,  par  .4.-E.  Gheldolf  In-8"  de  360  page.< 5  fr. 

La  barbarie  Fr.4NKE  et  la  civilisation  Romaine,  études  hislofiques,  par  P. -.4. -F.  Gérard. 
Tn-18de281  pages .3  fr. 

Manuel  de  l'histoire  de  France,  par  Achmet  d'Héricourt,  membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes. 
Deux  volumes  in-S"  de  577  et  663  pages.  L'auteur  arrive  jusqu'en  1846.  Il  fait  marcher  de  front , 
pendant  tout  son  récit ,  l'histoire  politique  et  celle  des  sciences,  des  lettres,  des  arts,  etc.     1.^  fr. 

HISTOIRE  DE  L'ART.  —  ESTHÉTIQUE.  —  POLÉMIQUE. 

Les  pei.ntres  bbugeois  (Hubert  Van  Eyck,  Jean  Van  Eyck,  Hemling  et  leurs  disciples) ,  par 
Alfred  Michiels.  Un  vol.  in-12  de  300  pages.  M.  Michiels  a  fait,  dans  ce  livre  substantiel,  l'histoire 
complète  d'une  des  plus  grandes  écoles  de  peinture  de  l'Europe,  depuis  son  origine  jusqu'à  sa 
décadence 3  fr. 

Histoire  de  la  peinture  flamande  et  hollandaise,  par  le  même.  Deux  vol.  in-8°  de  plus  de 
400  pages.  Chaque  volume 7  fr. 

Lk  Salon  de  1846,  par  Tli.Thoré.  Un  vol.  in-t8  anglais  de  230  pages,  avec  une  savante  intro- 
duction sur  la  peinture  française,  depuis  la  fin  du  xviii"  siècle 2  fr.  'M  c. 

Ufii  vr.E  DE  Rembrandt,  catalogue  raisonné  des  estampes  qui  composent  son  œuvre  et  des  prin- 
cipales pièces  de  ses  élèves,  parle  chevalier  deClossin.  Deux  vol.  in-8°  de  227  et  "2(i0  pages.     7  fr. 

Essai  historique  sur  les  arts  du  dessin  en  Picardie,  depuis  l'époque  romaine  juscju'au  xvf 
siècle,  par  le  D''  Rigollot,  correspondant  des  Comités  historiques.  In-8<>  de  197  pages,  avec  un 
atlas  de  40  planches  donnant  96  sujets  différents 15  fr. 

Lettres  sur  l'architecture,  par  M.  Guillery,  professeur  de  mathématiques  à  l'Athénée  de 
Bruxelles,  11  «,  12%  13' et  14"  lettres.  In-8°  de  40  pages 2  fr.  50  c- 

Du  STYLE  gothique  AU  Dix-NEUviicME  SIÈCLE,  par  E.  Viollct-Leduc,  architecte  de  Notre-Dame 
de  Paris  et  de  l'église  royale  de  Saint-Denis.  In-4"  de  4  feuilles 2  fr.  50  c. 

Kbaction  de  l'académie  des  beaux-arts  contre  le  style  gothioue  ,  par  Lassus ,  architecte 
de  Notre-Dame  de  Paris.  In-S»  d'une  feuille 4  fr.  50  c. 


PUBLICATIONS  AUCHÉOLOGIQUES.  3» 

Dk  L'.vnciiiTFXTunE  co.NTi-.Mi'oii.viNE,  OU  (Ic  lii  luiiMMwiiu'c  (lo  l':i|)|ilk-iiliun  du  style  j;ulhu|ue 
aux  conslructions  relii^ioiiscs  du  xix"  siècle,  par  M.  Gabriel  Laviron.  In-S"  de  2  feuilles  rt 
demie 2  fr.  25  c. 

Dk  i.'.\ii<:uiTECTi'nE  coTMiyiE,  par  M.  R(>i(•holl^llpr;;p|■,  juge  à  la  cour  royale  de  Trêves.  Travail 
antérieur  aux  précédents  el  sur  le  même  sujel.  In-1 2  de  II  Si  pages 2  fr.  25  c. 

De  l'Enseignement  iie  i.'.viit,  par  I.miis  Dupascpiier,  arcliilcctc  à  I.yon.  In  8»  de  .11  pag.     î  fr. 

Distribution  iies  phix,  en  aoiU  IStli,  aux  élèves  de  l'ficole  royale  et  spéciale  do  nuillié- 
maliques,  d'archileclure  el  de  sculpture  d'orneinonl,  appliqués  aux  aris  industriels.  In-X"  de 
\  i  pages 1  fr.  25  c. 

CoNSTRlcTioN  DE  i.A  CATiiÉDnvi.E  UK  CoLOGNE,  par  M.  Roiclienspcrger,  de  Trêves.  In-H"  de 
2  feuilles 1   fr.  î.ï  c. 

L.v  cATiiÉoiîALE  DE  CoLOGNE,  NoticB  arcliéologiqiie  sur  les  restaurations  et  sur  les  travaux 
exécutés ,  en  cours  d'exécution  ou  projetés  pour  racliévement  inté;»ral  de  ce  monument,  par  le 
baron  Ferdinand  de  Roisin,  correspondant  des  Comités  historiques.  In-8"  de  .'îfl  papes  .     .     2  fr. 

Restûration  of  tiie  fine  ARTS  OF  THE  MiDDi.E  AGES  IN  FRANCE,  par  .M.  Hcnrv  l.ongueville 
.lones ,  correspondant  des  Comités  historiques.  In  12  de  36  pages (   fr.  .">0  e. 

Restauration  de  la  chapelle  Saint-Louis,  au  val  de  Formigny  (Calvados),  par  M.  G.  Vil- 
1ers,  secrétaire  général  de  la  Société  académique  de  Rayeux.  In-S"  d'une  feuille.  L'architecte  de  la 
liste  civile,  M.  le  Franc,  qui  a  restauré  cette  chapelle,  l'a  fait  avec  la  mauvaise  humeur  et  l'inha- 
bileté qu'aurait  pu  montrer  son  architecte  en  chef,  M.  Fontaine,  le  umtilaleur  des  Tuileries.     1  fr. 

Du  Vandahs.me  pans  le  midi  de  la  France,  lettre  de  M.  le  comte  de  Monlaleniberl  a 
M.  Victor  Hugo,  annotée  par  M.  .4lex.  Du  Mège  ,  directeur  du  musée  de  Toulouse.  In-l"  de 
1 9  pages  à  deux  colonnes 2  fr. 

AKCHITEGTIUE  ET  ORNEMENTATION. 

Designs  for  cuurciies  and  cuapel-s  in  tiie  Non.«AN  and  gotiiic  styles  ,  par  divers  archi- 
tectes. Première  partie,  par  Stephen  Lewin  ,  architecte.  In-f  de  12  pages  et  12  planches  gravées. 
Celte  première  partie  enseigne ,  dans  les  plus  minutieux  détails ,  la  manière  de  construire,  sculpter, 
peindre,  meubler  une  église  dans  le  style  gothique  anglais  du  xv*-'  siècle.  D'autres  cahiers  donne- 
ront des  exemples  pour  l'architecture  ogivale  des  xiv"  et  xiii*'  siècles,  pour  l'architecture  romane 
des  XII'  et  xi''.  Pendant  que  nous  nous  disputons  en  France  avec  l'.Vcadémie  des  beaux-arts  et  le 
Conseil  des  bâtiments  civils,  el  que  nous  supplions  ces  deux  vénérables  corps  de  nous  laisser 
construire  des  églises  selon  le  style  gothique,  en  Angleterre,  tous  les  architectes,  poussés  par  la 
Société  d'architecture  d'Oxford  el  l'exemple  de  M.  W.  Pugin,  proposent  dos  modèles  d'églises  et  de 
monuments  de  tout  genre  en  stylegolhiciue  el  roman;  ils  construisent  à  l'envi  dans  le  stylo  national, 
et  sourient  ou  se  moquent  île  nos  stériles  discussions.  Comme  ils  ont  parfaitement  raison  nous 
allons  lâcher,  aidé  de  M.  Hyppolite  Durand,  de  faire  entièrement  comme  eux.  Celle  première  partie 
des  dessins  pour  églises  et  chapelles  en  style  roman  et  gothique I  2  fr. 

Aj«clic.\n  ciiurcu  abciiitbcturb,  par  James  llarr,  anliilecle.  lu-18  de  210  pages  avec  t;il  gra- 
vures sur  bois.  S\.  Barr  construit,  orne,  meuble  el  dis|)o»«'  (X)ur  le  culte  une  é^-lise  complet*.  Il 


356  ANNALES   ARCHÉOLOGIQUES. 

prend  jc^oxomples  dans  des  nianument;;  existants.  C'est  une  sorte  de  «  Manuel  »  pour  rarcliitecte, 
le  sculpteur,  le  peintre,  le  menuisier  et  le  lituri;iste  chrétien.  Ses  exemples  sont  tirés  de  l'Angle- 
terre et  ne  peuvent  pus  beaucoup  nous  servir:  mais  ce  pelil  livre,  'gravures  et  texte,  e.<!t  digne 
d'un  véritable  intérêt 8  fr. 

Élévations,  sections  and  détails  of  Saint-Petek's  chi hou  ,  W'ilcote  (Oxfordshire) ,  par 
J.  C.  Buckler,  Escp,  architecte.  In-f°  de  2  pages  et  6  planches  gravées.  M.  Buckler  propose  cette 
église  comme  un  exemple  pour  une  construction  nouvelle  et  il  surcharge  ses  gravures  d'autres 
dessins  destinés  à  compléter  ou  modifier  l'église  existante.  Le  texte  comprend  un  devis  des  maté- 
riaux et  des  travaux  nécessaires  pour  élever  un  édifice  dans  ce  style 7  fr. 

Elévations  ,  sections  and  détails  of  tue  chapel  of  Saint-Bartholomew  ,  Near  Oxford , 
par  J.  Cranstoun,  Esq.,  architecte.  In-f"  de  9  planches  avec  un  devis  estimatif  des  matériaux  et  de 
la  main-d'œuvre  nécessaires  pour  élever  une  chapelle  absolument  semblable 7  fr. 

Elévations,  sections  and  détails  of  Saint-John-Baptist  cnuiicH,  al Shottesbrok  (Berkshire), 
par  William  Butterfield,  Esq.,  architecte.  In-f"  de  8  pages  et  10  planches  gravées.  M.  Bulterfield 
est  l'architecte  chargé  par  M.  A.  B.  Hope  de  compléter  le  couvent  de  Saint-.4ugustin  à  Cantor- 
héry 10  fr. 

Elévations,  sections  and  détails  of  tue  church  of  Saint-Mahy  tue  Vircin,  at  Liltlemore 
(Oxfordshire),  par  H.  J.  Underwood,  Esq.,  architecte.  In-f"  de  14  planches  gravées.  Deux  de 
ces  planches  sont  consacrées  à  la  peinture  sur  verre.  L'édifice  est  du  xiii«  siècle  et  serait  un 
modèle  fort  supportable,  même  en  France,  où  l'architecture  de  cette  époque  surpasse  celle  des 
autres  pays 10    fr. 

La  Tovr  de  Sainte-Vaidbu,  à  Mous.  Fac-similé  du  projet  original  tracé  sur  parcliemiu  au 
XV*  siècle.  Six  feuilles  lithographiées,  grand  in-f»,  avec  une  notice  de  seize  pages  in-8",  par 
M.  Renier  Chalon,  président  de  la  Société  des  bibliophiles  belges 12  fr. 

Le  Livre  de  la  construction  des  Pinacles,  par  Mathias  Roriczer,  architecte  de  la  cathé- 
drale de  Ralisbonne,  en  1486;  traduit  en  allemand  moderne,  par  M.  Reichensperger,  de  Trêves. 
Petit  in-f" ,  orné  de  gravures  sur  bois '2  fr.  73  c. 

Gewolbefobmen,  par  M.  de  Lassaulx,  architcte^du  gouvernement,  inspecteur  des  monuments 
historiques  de  la  Prusse,  à  Coblentz.  In-f°  d'une  page  à  32  dessins  et  de  deux  pages  de  texte  à 
deux  colonnes.  M.  de  Lassaulx  apprend,  dans  ce  travail  de  pure  mathématique,  à  former  et 
construire  les  voûtes  les  plus  variées  de  l'architecture  du  moyen  âge.  M.  de  Lassaulx  est  le  Pugin 
de  l'Allemagne;  sur  les  bords  de  la  Moselle  cl  du  Rhin  s'élèvent  beaucoup  d'églises  qu'il  a  con- 
struites en  style  ogival  et  roman I  IV.  7.'i  c. 

RissF  zf  KiNFR  Katiiolisciien  KiRciiK  FiR  Neiwikd.  p;ir  M.  de  Lassaulx.  Une  lithographie 
in-f",  représentant  le  plan  ,  l'élévation  .  le  corps  et  les  détails  de  la  future  église  de  .N'euwied  (en 
style  roman  des  bords  du  Rhin),  dont  M.  de  Lassaulx  vient  de  jeter  les  fondations.  .     .     .     1  fr. 

Die  Holzarchitecti  r  des  Mittelaltbrs  ,  [)ar  E.  Bollicher,  architecte  du  gouvernement  prus- 
sien. In-f"  de  19  planches  chromolithographiées  et  d'une  page  de  texte.  C'est  surtout  à  l'architec- 
ture civile  et  à  l'architecture  en  bois  que  M.  Botticher  emprunte  ses  exemples  Le  but  de  ce  joli 
ouvrage  est  de  doimer  des  modèles  pour  construire,  décorer  et  meublera  la  manière  gothique 
allemande,  des  maisons  de  campagne,  des  espèces  de  chalets  du  moyen  âge 30  fr. 


IM  BI.ICATIONS   AIUIUKOI.OCIOI  i:s.  :wû 

I.Ornksie.ntation  i.i-  .M(nKN  A.iK,  uu  CoIUtUoii  (lo  i.rolil>,  cl'oni.Miienls,  .Ir  cliMpilcaiiv  .  dt- 
boi^erit's,  de  forrurcs,  dp  sfiilpl.ir.-s  remarquables,  tirés  do  l'ar.liileclure  l)yzanline  et  du  sl>le 
germanique,  par  Charles  IleidelotT,  architecte  du  roi  de  BaviiVe,  il  Nureinberjj.  fidilion  français.- 
de  l'ouvrage  allemand  déjà  annoncé  dans  les  <  Annales  ».  Deux  vol.  in-l"  de  (i:;  |)a;;es  et  île 
95  planches  gravées  sur  métal -j.;  C,. 

A.wiKvr  iRisii  PAVEMENT  Tii.Es .  avec  une  introduction  et  des  remarques,  pur  Tlioina»  tflilham. 
In-i"  de  8  pages  et  de  58  planches  gravées  et  tirées  en  couleur.  L'Angleterre ,  si  elle  n'est  pas  pins 
riche  que  la  France  en  pavés  émaillés  du  moyen  ;\ge,  a  du  mnins  le  mérite  d'avoir  publié  la 
première  ce  riche  système  de  décoration  monumentale.  Le  cahier  que  nous  annonçons  .se  com- 
pose de  briques  cmaillées  des  xiii'-  et  xiv^^  siècles ,  qu'on  voit  dans  Saint-Patrick  ,  cathédrale  de 
Oublia,  el  dans  les  abbayes  de  llowlh.  .Mellilonl  et  Newton 10  fr, 

Pattkuns  ok  Inlaios  TiLEs.  De.<sins cl  gravures,  par  M.  A.  Church.  ("ahier  in-i"  comme  le 
précédent ,  composé  de  2i  planches  gravées,  tirées  en  couleur  el  représentant  les  types  princi- 
paux des  briques  émaillées  qui  décorent  les  différentes  églises  du  diocèse  d'Oxford.  Ces  types 
api-arliennent  à  différentes  époques,  depuis  le  xiir  jusfpi'au  XVI"  siècle 10  fr. 

Co.>siuÉBATlo.NS  srn  LA  Flobe  MiRALE,  par  M.  Cliailes  Desmoulins.  archéologue.  In-S"  de 
23  pages  avec  1 0  gravures  sur  bois »  (V. 

Revue  de  rarchitecture  el  des  travaux  publiés,  dirigée  par  M.  César  Daly,  architecte.  Men- 
suelle; grand  in-4"  à  deux  colonnes,  par  cahiets  de  trois  feuilles  de  texte,  de  trois  ou  quatie 
planches  gravées  sur  métal  et  de  plusieurs  gravures  sur  bois.  Le  VI'  volume  est  en  cour>  de 
publication  ,  le  dixième  numéro  a  paru.  Chaipie  n"  séparé,  "i  fr.  ;  chaque  \olume .  l".  Abonnement 
aimuel.   iO  fr.  ;  de  six  mois 20  fr. 

A.MEIBI.K.MKNT  ET  ORFÉVREKIK. 

Traiti^;  complet  de  l'évahiatioii  de  la  menuiserie,  par  L.-A.  Hoileau,  arcliilecte.  el  !•".  Itellul  . 
ancien  menuisier,  l'n  vol.  in-S"  de  .'i.ïO  pages,  avec  atlas  de  \i  |)lan(hes  petit  in-l^'  et  gra- 
vées  I.'i  fr. 

Tabernacle  de  l'église  Saint-.Mahtin,  à  Courtrai;  lithographie  grand  in-f'  atlanlique,  <le 
90  centimètres  de  hauteur :)  fr 

Inventaire  des  objets  d'art  et  d'antiquité  de  la  Flandre  occiilenlale,  dressé  par  la  Commission 
provinciale.  Première  partie,  par  M.  l'abbé  Carton,  de  Bruges.  In-8"  de  9.1  pages  avec  i  lithogra- 
phies. Cette  partie  est  exclusivement  consacrée  à  la  riche  cathédrale  de  Uruges.  Les  lithographies 
représentent  un  retable  en  bois  peint  el  doré,  deux  crosses  épiscopales,  une  croix  procession- 
nelle, deux  ostensoirs,  une  tombe  de  cuivre  émaillé.  On  ne  .saurait  trop  louer  l'idée  d'un  pareil 
travail .  qui  sauvera  de  la  ruine  el  qui  fera  connaître  une  innoiubiahle  ipiantilé  d'upuvn'S  char- 
n. ailles  clii  luoyen  âge.     .  i  fr.  7.'i  c. 

Notice  sur  un  reliquaire  île  l'epiMpic  romane,  par  .M.  lal'lii-  \idicr .  iinii'.-poiiilaiit  de.i  Cuiuite- 
hi-li«riques.  ("est  une  boite  en  plomb  ipii  paiait  dater  du  xi'  ,-iecle,  et  qui  appartient  ii  l'église  de 
Venue,  pre.-  de  Loiidun.  In-S  d'une  feuille,  avec  une  double  planche  lilhograpliiee.     .     .     I  h. 

I  F.  Trésor  kk  (Joirhon.  lettres  à  .M    le  comte  de  Salvandy ,  par  Cl.   ltos.Mgnol .  membre  de  la 
<,,rj,.i..   l'histoire  et  d'iTfhnilûgie  de  Chalon-sur-Saône,  ln-8"  du  23  («gcs,  aviT.  une  plam  lie 
V.  '.7 


358  AiXNALES  AKCHÉOLOG IQl  ES. 

lithographiée  tirée  en  couleur.  Ce  trésor  se  compo.se  (J'iinc  coupe  et  d'un  pUiteau  d'or  trouvtte  à 
Gourdon  (Saône-et-Loirp) 2  fr.  25  c. 

Description  de  l'écrin  d'une  dame  romaine,  trouvé  à  Lyon  en  18tl  et  donné  au  inusée  de  cette 
ville,  par  M.  le  t)'  A.  Comarmond,  conservateur  des  musées  archéologiques  de  Lyon.  Petit  in-f 
de  .50  pages,  d'une  lithographie  et  de  4  gravures  sur  acier  reiirésentant  les  colliers,  bracelets, 
bagues,  boucles  d'oreille,  médailles,  trouvés  en  isil .     .    6  fr.  50  c. 

.ViîMEiu.\  REAL,  galerie  royale  des  armes  anciennes  de  Madrid  ,  par  M.  Achille  .lubinal.  Sixième 
livraison  de  4  planches  in-f",  représentant  des  ornements  en  or,  des  armures,  des  costumes  brodés, 
des  cimeterres,  arquebuses,  etc.  Chaque  livraison  en  coûleui-,  10  fr.  ;  en  noir 5  fr. 

Wiiîn's  Kaiserliches  Zeugiiaus,  par  Fr.  de  Leber,  membre  de  plusieurs  Sociétés  historiques 
et  archéologiques  d'.-Mlemagne.  Un  vol.  in-8",  en  deux  parties,  de  xviii  et  525  pages,  avec  trois 
lithographies  représentant  des  guerriers  du  w  siècle,  en  armures  de  fer,  et  montés  sur  des  che- 
vaux harnachés  de  lames  de  fer  ciselé 12  fr. 

Trésors  des  églises  de  Reims,  par  Prosper  Tarbé ,  avec  planches  par  .).-].  Maquart.  Grand 
in-4»  de  338  pages  et  de  32  lithographies 25  fr. 

Essai  technologique  sur  l'orfèvrerie,  par  Al.  Barrai,  ancien  élève  de  l'École  polytechnique. 
Grand  in-8"  de  24  pages,  à  deux  colonnes,  avec  52  gravures  sur  bois.  M.  Banal  a  su  profiter,  pour 
son  travail ,  de  celui  de  M.  l'abbé  Tcxier  sur  les  «  Émailleurs  et  .-argentiers  de  Limoges  »  .     3  fr. 


SCULPTURE.  —  PEINTURE  —  ICONOGRAPHIE. 

Les  quatorze  statues  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Cologne ,  par  M.  Reichensperger,  de 
Trêves.  Ces  statues,  qui  datent  du  xiii"  au  xiv'  siècle,  représentent  les  Apôtres,  .lésus  et  la  Vierge 
Marie.  In-l"  de  3  feuilles 1  fr.  50  c. 

Monument  funéraire  du  cardinal  prince  de  Croy  ,  archevêque  de  Tolède  ,  mort  en  1521 .  Gra- 
vure in-f"  sur  cuivre,  par  M.  Charles  Debrou.  Ce  monument  est  de  la  renaissance  ;  M.  Debrou 
en  a  rendu  toutes  les  délicatesses  avec  un  rare  bonheur 3  fr. 

Dissertation  sur  les  diptyques,  par  Mgr  Billiet,  archevêque  de  Chambéry.  In-8°  de  48  pages, 
avec  une  lithographie  in-f".  C'est  à  propos  d'un  diptyque  en  ivoire,  d'origine  et  de  forme  byzan- 
tines, du  Xi"  siècle  à  peu  près,  que  Mgr  l'archevêque  de  Chambéry  a  écrit  cette  savante  disser- 
tation.'   3  fr.  25  c. 

Notice  sur  une  feuille  de  diptyque  d'ivoire  ,  représentant  le  baptême  de  Clovis  ,  par  M.  le  doc- 
tour  Rigollot,  d'Amiens.  ln-8°  de  15  pages,  avec  une  lithographie.  Ce  diptyque  paraît  dater  de 
l'époque  mérovingienne 1   fr.  50  c. 

Bronze  figure  of  an  archer,  par  iM.  \V.  Chafl'ers,  membre  de  l'Association  archéologique 
anglaise.  Grand  in-4°  d'une  feuille,  avec  gravure  sur  cuivre.  Cette  statuette  d'archer  est  romaine 
et  d'une  rare  beauté.  Elle  appartient  à  l'auteur  de  la  notice 1  fr. 

A  SERIES  OF  MONUMENTAL  Brasses,  dcpuis  le  règne  d'Edouard  !«' jusqu'à  celui  d'Elisabeth. 
Dessins  et  gravures  par  L-G.  et  L.-A.-B.  Waller,  membres  de  l'Association  archéologique  anglaise. 
Ouvrage  remarquable,  où  MM.  Waller  ont  réuni  les  plus  beaux  types  des  monuments  funéraires 


PUBLICATIONS   ARCHÉOLOGIQUES.  359 

en  wivio  (Je  leur  pays.  \n-C\   pur  liMuisont;  du  l  planches  yravùcs.  L'ouvrano  sina  lortiplul  «m 
IMiviaisons,  dont  15  ont  paru   Chaque  livraison 8  fr. 

Notice  sur  le  musée  de  tableaux  de  la  ville  de  Caen ,  par  M.  (i.  Mancel ,  ronservaleur  de  la 
Hiblioltièque  municipale  de  Caen.  In-12  (l'une  feuille <   fr. 

Essai  iiisTomoiR  sur  le  vitrail,  ou  observations  liisloriipies  et  orilinues  sur  l'art  de  la  pointure 
sur  verre  ,  par  K.-II.  Thévenot,  pi^inlre  sur  verre.  In-S"  de  87  pages 3  fr. 

Dk  i.a  peinti-hk  .sir  VEnnE ,  ou  notice  historique  sur  col  art ,  dans  ses  rapports  avec  la  vitrifica- 
tion, par  Emile  Thibaud  ,  peintre  sur  verre.  In-8"  de  31  pages,  avec  deux  litliographies.  .     î  fr. 

REciiEBc.nEs  iiisTORioiES  sur  la  cathédrale  dcClermont,  suivies  d'un  plan  de  restauration 
de  ses  vitraux,  par  M.  Thovenol,  peintre  sur  verre.  In-8o  de  4.1  pages,  avec  deux  lithogra- 
phies      .     2  fr.  UO  c. 

SAiNT-LANDnv,  Verrière  exécutée  par  M.  Lami  de  Nozan ,  d'après  les  carions  de  M.  Auguste 
Galimard,  vice-président  de  la  Société  libre  dos  Beaux-.\rls.  Celle  verrière  est  exposée  àSaiiii- 
Germain-l'.Vuxerrois.  In-P'  de  trois  lithographies.  Kn  couleur 3  fr.  50  c. 

Eu  noir '  2  fr.  50  c. 

Vie  et  Miiiacles  de  saint  Rombai:t,  patron  de  la  ville  de  Malines.  d'après  les  tableaux  de 
Michel  (^oxie  el  autres,  qui  se  trouvenl  dans  la  cathédrale  de  Malines,  avec  une  explication  par 
B.  Vandale,  prêtre  du  diocèse  de  Bruges.  In-fol.  de  25  lithographies  et  de  36  pages  de  texte.  50  fr. 

CiiE.«iN  DE  LA  CHOIX.  Un  cahicr  in-l",  oblong,  de  I  i  lithographies  à  deux  teintes,  avec  enca- 
drement,  par  M.  llazé,  peintre,  correspondant  des  Comités  historiques 7  fr. 

Quelques  réflexions  à  propos  de  «  l'Essai  archéologique  sur  l'image  miraculeuse  de  Nolre- 
Dame-de-Grâce  ,  à  Cambrai  » ,  par  M.  E  -J.  Failly.  Lettre  à  M.  l'abbé  Capelle ,  par  L.-J.  IL  In-8° 
de  33  pages,  avec  mie  lithographie  représenlant  celte  Notre-Dame,  qui  est  byzantine.     2  fr.  50  c. 

La  plus  a.ncienne  ghavuiie  connue  avec,  une  date,  par  m.  le  baron  de  Reiffeniberg,  directeur 
de  la  Bibliothèque  royale  à  Bruxelles.  Grand  Ln-4"  de  33  pages,  avec  une  lithographie  en  cou- 
leur     • 3  fr. 

Un  dbbnier  mot  sur  l'estampe  au  milléslme  de  1  H8,  pour  faire  suite  à  la  brochure  inli- 
lulée  :  «  Quelques  mots  sur  la  gravure  au  millésime  de  1418  »,  par  M.  C  Debrou.  Le  tout ,  in-*" 
de  24  pages,  avec  7  planches  lilhographiées i  fr.  50  c 

CosTUMBS,  MOEURS  ET  USAGES  DE  LA  COUR  DE  Bouhuogne,  SOUS  le  règne  de  Philippe  III,  dit 
lé  Bon  (1455-1460).  Fac-similés  en  lithographie,  tirés  de  l'histoire  de  Girarl,  comte  de  Nevorsol 
de  la  belle  Euriant.  25  planches  in-f*,  dont  une  coloriée  el  dorée 55  fr. 

Abmobial  du  BounitoNNAis,  par  Georg»  de  Souillait ,  correspondant  des  Comités  historiquiis. 
Pour  paraître  prochainement,  en  30  ou  40  livraisons  in-4'',  avec  les  armes  en  couleur.  |ji 
hvraison 2  fr. 

Ueber  die  KAisEii-fJALMATiKA  IN  DEii  SAiNT-PerHiisKiiu.ME  zu  UoM ,  pat  M.  Sulpicc  Boisserée. 
Gcaod  iu-i"  de  H  page»  av«c  5  liUKigr<tplii«;s  dunl  une  en  amleur  ul  Uoc«k..CtU  ouvruije,  du  pin» 


8(j'l  ANNALES   ARCH  ROI.O(.  lOl'ES. 

illiisiri'  :iiclii'()liii;iic  de  rAllpin:ii;nc,  est  consarré  à  l;i célèbre  dalnuiliquc  impôi  ialc  que  nous  avons 
lail  iiiawicl  (|ui  est  (it'crKo  dans  les  «  Annales  archéologiques  11 Ht  fi-. 

l.'lcoNoi.KAi'iiK,  journal  des  inipiiineurs  lilliosjiaphcs  el  niarcliands  d'eslampes ,  dirige  par 
M.  Dulerlrc,  sous-chef  du  bureau  de  l'imprimerie  el  de  la  librairie  au  ministère  de  l'intérieur, 
l'ararl  deux  fois  par  mois,  par  li\iais(in  d'une  feuille  in-8"  avec  gra\ures  ou  lithographies.  Abon- 
nerucnl  aiuiiiel ''   fr. 

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KssAi  sur  le  langage,  par  M.  A'.  C.harnia.  piofesseur  de  pliilosopliie  à  la  lacullé  des  lettres  de 
C.aen.  ln-8"  de  vu  el  :îl!»  pages il  fr 

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lectures  (lu  français  et  du  latin,  et  précédée  de  considérations  sur  l'instruction  primaire,  par  M.  Al- 
phonse KrnauN,  correspondant  des  Comités  historiques.  In-8"  de  247  pages    .     .     .    .3  fr.  .ïO  c 

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Customs,  from  the  fourteenth  century,  par  James  Orchard  Halliwell ,  Esq.,  correspondant  des  Co- 
mités historiques  de  France.  Première  partie,  in-8"  à  deux  colonnes  . 4  fr. 

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el  201  pages .■!  fr.  50  c. 

llisTOiiiEde  la  langue  et  de  la  littérature  provençales,  |iar  M.  Emile  de  Laveleye,  élevé  de  l'I'ni- 
versilé  de  (iand.  Grand  in-8' de  XII  et  :i47  pages 7  fi-. 

L'Établissement  de  la  fête  de  la  Conceptio.n  Notre-Dame,  dite  fête  aux  Normands,  par 
Wace,  trouvère  anglo-normand  du  xir-  siècle,  publiée  pour  la  première  fois  d'après  les  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  du  roi,  parRLM.  G.  Mancel  et  G. -S.  Trebutien,  conservateur  et  conservateur- 
Mdjoinl  de  la  Bibliothèque  de  la  ville  de  Caen.  In-8"  de  lxx  et  23<  pages 7  fr.  50  c. 

UisToïKE  DES  SEi  GNEUBS  DE  Gavres,  romau  du  XV  siècle,  publié  par  Vandale  en  fac-similé  de 
texte  et  miniatures.  In-f°  de  300  pages  ornées  de  95  dessins  en  couleur,  précédé  d'une  introduc- 
tion et  suivi  d'un  glossaire     60  fr. 

Les  Nei  striennes,  chroniques,  légendes,  ballades  et  impressions,  par  Alph.  Le  Elaguais.  Nou- 
velle édition.  In-18  anglais  de  xii  et  606  pages.  Membre  de  la  Société  des  antiquaires  de  Norman- 
die, M.  Le  Elaguais  est,  on  peut  le  dire  ,  le  poêle  des  monuments  du  moyeaàge.     .     .     .     i  fr. 

Lks  Bleits,  recueil  de  poésies,  de  nouvelles  et  de  gravures,  publié  par  M.  Ilesrosiers, 
éditeur  à  Moulins.  Un  vol.  in-8°  de  luxe;  composé  de  .328  pages  et  de  6  admiraliles  gra\ures 
anglaises  dont  l'une  représente  l'intérieur  de  Saint-Pierre  de  Rome 15  (r. 

MUSIQUE.  —  LITURGIE.  —SYMBOLIQUE. 

.Vri  méoloc.ik   musicale,  par  M.  de  Saint-Germain,  correspondant  des  Comités  historiques,  ln-8  ' 


IM  lU.IC.ATlONS    AUCIlKOldC.lon-.S.  (fil 

(le  20  pasies.  Comme  nous,   M.    di'  Siiinl-licrmnin   voudrait    m.ii    la   inip<ii|iic   aillom-  r|ii  a   I  .- 
I^lise I  ti.  Su  <■. 

Revie  de  la  mus^iquc  relii:ieiise,  fondée  el  diri-ép  par  M.  F.  Danjoii,  or;;ani»le  di-  la  «•alliédnd.- 
de  Paris.  Mensuelle,  par  cahiei-s  de  deux  à  (rois  feuilles  in-8",  avec  des  niorceaiiv  de  niiisicpie.  l"n 
fort  volume  par  an.  l.e  second  volume  sera  complel  avec  la  livraison  de  décembre.  Au  mois  d'oc- 
tobre dernier,  M.  Danjou  s'esl  élevé  avec  une  souveraine  raison  contre  .M.  Joseph  Rejinier,  orga- 
niste de  Nancy,  qui  vient  d'écrire  un  mémoire  sur  le  maintien  de  la  musique  à  l'éclise,  comme  si 
la  musique  n'y  était  pas,  hélas!  beaucoup  trop  maintenue.  M.  Danjou,  nous  le  répétons  avec  un 
\  if  plaisir,  est  l'un  de  nos  plus  puissants  auxiliaires.  L'abonnement  annuel  a  la  >■  Hevue  clr  la  mu- 
sifjue  »  est  de I  i  r, . 

Kl coLodE  K.N  Misuii  K.  à  rusa^<'  du  eoUéiie  Stanislas,  ou  clmix  des  plus  bi'aii\  plaius-clianis  de 
la  liturgie  ecclésiastique  misa  la  voix  de  soprano  ou  de  ténor,  par  M.  l-"élix  Clément,  maiire 
de  chapelle  au  colléiie  Stanislas  Toutes  les  sympathies  de  M.  F.  Clément  sont  pour  le  plain-cliani 
(piil  cherche  à  faire  renaître,  au  moins  dans  son  collège  de  Paris.  (Jrand  in-:i2  de  21)0  pai'es.  toutes 
en  plain-chant  noté  dans  le  système  actuel  de  la  nuisique ii  fr. 

.Notice  sur  les  cloches.  jiarM.  l'abbé  Barraud,  directeur  au  .'rand  séminaire  de  Beauvais.  cor- 
respondant des  Comités  historiques.  In-8"  de  .)7  pages 2  fr. 

Notice  sui-  une  chasuble  de  Saint-Randiert-sur-l.oire.  par  M.  Boue,  curé  de  Saint-.lust.  a  l.um. 
(!ette  chasuble,  dont  la  gra\uie  est  jointe  à  la  noiiie.  date  du  xir du  xi"  siècle.  (Jrand  in-8  '  de  l.'i 
liages  avec  une  2;ra\ure ^fr.  .'10  c. 

NoiivE.\i  l'RoiiHAMMK  u'i  N  i.iTi  itoisTE,  par  .M  .liisepli  Itard,  de  la  Société  royale  des  aniiqnaiies 
de  France.  Troisième  édition,  ln-8"  de  30  pages î  fr. 

ExpLic.vTiON  iiiSTOBiQiE,  doguialicpie.  morale  et  liturgique  du  catéchisme,  par  .M.  Ambroise 
Guillois,  curé  de  Notre-Dame-du-Pré,  au  Mans.  4'-  édition,  l  vol.  in-12,  de  600  à  700  pages 
chacun.  l.e -4' vol.  est  entièrement  consacré  à  la  liturgie.  L'ouvrage  entier lu  fr. 

Symholiqie  des  piekres  l'BÉciEisEs,  OU  Iropologic  des  gemmes,  par  M""'  Félicie  d'Iiyzac.  dame 
de  la  maison  royale  de  Saint-Denis.  In-i"  de  20  pages 2  fr. 

.M  .MIS.MATKJI  !•:  ET  DÉCOIVKKTES. 

Bevie  DE  L\  NrMlSM.\TiouE  BEi.cE .  trimestrielle,  par  cahiers  in-8"  de  100  (lages  et  de  4  '«i  h 
planches,  formant  un  fort  volume  par  an.  Deu\  volumes  ont  paru,  de  ioo  à  :i00  pages  chacun , 
avec  planches  nombreuses.  (Chaque  volume  12  fr.  .Mionnement  annuel 12  fr. 

Mo>>viE.«  DES  ÉvÈoiES  UE  Toi  liNAi  .  pari.  Leli-vvel.  ln-8   de  l't  pages  et  dune  pi.    (  fr.  .">0  c. 

IlEciitHCHES  sur  la  ville  de  Maestricht  el  sur  s,..  m.iMuaie-    par  A    Perieau,  ln-8". le  70  |^ges  el 


de  :)  planches. 


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Monnaies  rnANÇAlses.   supplément  à  ri;s,s;ii  sur   les  monnaies  frapiM-es  dans   le  Maine,   par 
\l    lliicliir.  ln-8"  de  16  page»  et  dune  planche •   fr-  •''"  '' 


.1f,-2  ANNALES  AKCHÉOLOGIQUES. 

Noti<;f.  sur  uno  découveile  de  monnaies  du  moyen  âs;e,  par  M  A.  \yniard  ,  oorcespondant  des 
Comités  liisl(iri(iues  au  Piiy   ln-8"  de  23  pages 1   fr.  75  c. 

NoTioK  HISTORIQUE  SUT  la  vic  Cl  les  ouvrages  de  M.  Mionnet,  par  M.  le  baron  Walokenaer, 
secrétaire  perpcluel  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  In-4°  de  20  pages.  2  fr.  25  c. 

Notice  sur  des  antiquités  découvertes  à  Hooghsiraeten ,  à  .lodoigne  el  à  F.ede  ,  par  M.  Schayes, 
correspondant  de  l'Académie  royale  de  Belgique.  Tn-1 2  d'une  feuille 1  fr.  28  c. 

Notice  sur  la  voie  antique  de  Toulouse  à  Agen,  non  décrite  dans  les  itinéraires  romains,  par 
M.  le  baron  C.  de  Crazannos,  sous-préfet  de  Castel-Sarrasin.  ln-1 2  d'une  feuille.     .     I   fr.  25  c. 

Antiquités  de  Lyon  ,  disserlation  sur  divers  fragments  en  bronze  trouvés  à  Lyon  à  différentes 
époques  .  par  le  docteur  A  Comarmond,  conservateur  des  musées  archéologiques  de  Lyon.  In-8' 
de  71  pages,  avec  une  planche, 2  fr.  .50  c. 

Note  sur  des  poignards  de  bronze  antiques  ,  trouvés  à  Longues ,  près  Bayeux  ,  par  M.  G.  Vil- 
1ers  ,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Normandie.  In-S"  de  1 0  pages  et  de  2  pi.  1  fr.  .")0  c. 

Publications  de  la  Société  pour  la  recherche  et  la  conservation  des  monuments  historiques  dans 
le  grand-duché  de  Luxembourg.  Premier  cahier.  In-4"  de  45  pages  et  de  7  planches.  Les  planches 
représentent  des  bas-reliefs  romains,  des  médailles  du  moyen  âge,  des  poteries,  des  ustensiles  de 
ménage  et  objets  d'orfèvrerie,  trouvés  dans  le  grand-duché 5  fr. 

Note  sur  un  monument  de  l'ile  de  Gavr'Innis  (Morbihan),  par  M.  P.  Mérimée,  inspecteur  gé- 
néral des  monuments  historiques.  In-4"  de  12  pages  et  de  trois  planches.  Ce  monument  est  druidi- 


(jue. 


2  fr.  50  c. 


MoNUMK.NTs  CELTIQUES  DE  LA  BnETAcNE ,  par  M.  ToumaK  secrétaire  de  la  Société  archéolo- 
gique de  Narbonne.  In-S"  de  21  pages. 1  fr.  50  c. 

.\ntiquitks  mexicaines,  par  m.  Albert  Lenoir,  architecte.  In-8°  d'une  feuille  à  deux  colonnes; 
avec  8  gravures  sur  bois 2  fr. 

Notice  sur  une  pierre  tumulaire  de  Bailleul-sur-Eaulne  (Seine-Inférieure) ,  par  M.  Léon  de  Du- 
ranville  ,  membre  de  la  Société  libre  d'Émulation  de  Rouen.  In-S"  de  11  pages 75  c. 

Lettre  sur  le  tombeau  de  marbre  blanc  du  château  de  Saint-Aignan,  par  M.  filoi  .lohanneau, 
conservateur  des  monuments  d'art  des  résidences  royales.  In-8°  d'une  feuille 50  c. 

OUVRAGES  DIVERS. 

LuçoNs  DE  Logique,  par  M.  Charma,  professeur  de  philosophie  à  la  Faculté  do  Caen.  In-S"  de 
VIII  el  416  pages 7  fr.  50  c 

Leçons  DE  Philosophie  SOCIALE,  par  le  mémo,  bi-8"  de  324  pages 6  fr. 

Discouns  sur  la  liberté  d'enseignement,  par  le  môme.  In-8"  de  54  pages I  fr. 

Observations  sur  l'école  des  germanistes ,  à  l'occasion  des  travaux  de  M.  Kœaigswarter  con- 


PI  lU.lCAT10^S   AKt:ilK(ll.(H,l(JlIi:s.  363 

cernant  les  origines  germaniques  du  dioil  civil  Irynçiiis,  par  M.  Cliarlcs  Bulaillard  ,  membre  de  la 
Société  royale  des  antiquaires  de  France,  ln-8"  de  20  pages )  fr.  60  c. 

DociMENTs  relatifs  à  la  facnlté  germinative  des  graines  amtiques.  par  M.  Cli.  nesnioulins,  pré- 
sident de  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux.  In-8>' do  .il  pages <  fr.  76  c. 

Notice  sur  les  salines  des  cotes  centrales  de  la  Norinandio,  par  M.  G  Mancel ,  uiembre  fle  la 
société  d'agriculture  et  de  commerce  de  Caen.  In-S"  de  18  pages I  fr.  .-ii)  e. 

Afeuçu  de  la  situation  économiciue  de  la  Suis.<e,  par  lulos  do  Vroil.  !n-S"  di!  i'\  [lages.    .     i  fr. 

Études  (jéologiques  dos  teiiains  de  la  rive  gaucho  de  l'Vonne.  Un  vol.  in-l°  avec  un  allas  de 
11  planches,  représentant  la  conliguration  goognoslique  et  lopugraphiquo  des  terrains  de  la  rive 
gauche  de  ITonno ,  les  coupes  et  profils  coloriés  de  ces  terrains,  et  les  fossiles  qu  i  en  caracté- 
risent les  diverses  formations o  fr.  50  r. 


C.VIALOGUES. 

C.AT.\LO(;UE  des  livres  iriqiiimés  par  l'Universilé  d'Oxford.  Septembre  tSW. 

("..VTVLOGIE  de  la  librairie  de  John  llenrx  Paikor,  d'OxIbid.  Novembre  18.15. 

Catalogue  des  livres  franaiis,  italiens,  espagnols,  portugais  de  la  librairie  étrangère  deDulau 
et  compagnie,  libraires  à  Londres.  In-S"  de  1131  pages.  Il  n'y  a  qu'en  Angleterre  où  des  cata- 
logues aussi  prodigieu.x  soient  connus. 

Catalogue  des  livres  anciens  et  modernes  de  la  librairie  scientifique  et  littéraire  de  \.  Vandale, 
éditeur  à  Bruxelles  (  1 4"=  catalogue).  M.  Vandale ,  nous  l'en  félicitons,  va  réunir  tous  ses  catalogues 
en  UD  volume,  à  la  manière  des  éditeurs  et  libraires  anglais.  De  pareils  ouvrages  ,  accompagnés 
de  notes,  d'analyses,  de  tables  des  matières ,  seraient  de  la  plus  grande  utilité;  les  éditeurs  et 
savants,  bibliophiles  et  libraires  les  consulteraient  avec  un  avantage  incontestable. 

Nouveau  Catalogue  do  la  Société  des  beaux-arts  de  Bruxelles. 

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a  Paris.  MM.  Guillemot  publient  à  peu  près  tous  les  mois  un  catalogue  do  livres  rares  et  curieux. 
Ils  sont  arrivés  déjà  au  17''  numéro. 

BuLLETLN  DE  LA  LiDRAiniE  A.NT.iE.NNE .  publié  par  .\ .  Fraïuk ,  successeur  de  Brockliaus  el 
.Vvenarius.  Quatre  numéros  ont  paru. 

\  l'avenir,  nous  ferons  connu  il  le  tous  les  catalogues  qu'on  nous  ailiessera, 
surtout  ceux  où  sont  eni-egislrés  des  ouvra!,'es  d'archéologie.  .Viijounl  hiii , 
nous  nous  en  tiendrons  à  ce  qui  pitjcèdf. 


LISTE  DES  SOUSCRIPTEURS 


ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES 


PESDAÎiT    l'année    18it>. 


PARIS. 


MM. 
AttoiABD,  libraire  (quatre  exemplaires). 
.\>DKÉ ,  peintre-verrier. 
Akthis-Bertrand  (M"") ,  libraire  (on/e  ex.). 
.^BTiot'ES  (d') ,  archéologue. 
-AuLAiMER,  prêtre. 
AvEZAC  (d'),  eonserv.  des  archives  de  la  Marine. 

ItAiLLiÈBE  {.L-B.},  libraire. 
Baubier,  bibliothécaire  du  Louvre. 
Bakhe  ,  graveur  général  des  monnaies. 
Babbier  ,  gérant  de  o  l'Univers  ». 
Bastarb  i^comte  .Auguste  de). 
Baiduy,  libraire  d'architecture. 
Bellagiet  (Louis),  chef  du  bur.  des  Irav   hisl. 
BiBi.ioTHÈoiE  du  Roi,  au  Louvre. 
^  du  Prince  royal. 

du  Min.  de  la  justice  et  des  cultes. 
Hio.N    Eugène),  statuaire. 
BoriiER  ^G.),  bibliothécaire  du  Prince  royal. 
l!»»;sviL\  Ai.i)   architecte. 
lioivi>-  architecte. 
lloNHoMMÉ,  peintre 
BoN>Aui)OT,  archéologue. 
Borrxm,  libraire  (huit  exemplaires). 
Uos.-AM.E,  libraire  (six  exemplaires). 
Bottée  de  Toih.mo.n,  membre  des  Comités  hist. 
lioriiiKiiKs    fiinile).  |ieinlre-verrier. 
Brkton  .  architecte. 

t.AiiiFK    Léon\  orfèvre. 


MM. 

Carrand,  archéologue. 
IZartier  (Etienne),  graveur. 

O.RCLE  CATHOLIOUE. 

Chasles  (\d.),  député. 

Chaubby  de  Troncenobd  (M"«  la  baronne). 

Clabey,  libraire  (deux  exemplaires). 

Claye,  imprimeur. 

Clermont-Ton.nëbre  (marquis  de). 

Clebmont-To.n'nerre-Tiioi'ry  (marquis  de). 

Confrérie  de  sai-NT.1ean  ÉvANfiéusTE. 

CoN.NY  (abbé  de) . 

Cobpet. 

t^.i'BTE  (de),  architecte. 

Daly  (César),  architecte. 
Danjou  (F.),  organiste  de  la  cathéilrale. 
Dan'joy,  architecte. 
De-nuelle,  peintre. 
Derachr,  libraire. 
Deschapelles,  père. 
Despinois  (comte d';,  lienlenaut-géiierai. 
DiDRO.N  (Victor) ,  gérant  de  la  libiairie  archéo- 
logique (onze  exemplaires). 
Droz  (.Iules),  statuaire. 
Di:ra\,  architecte  du  gouvernement. 
DiKoi  R  etC',  libraires  (vingt  et  un  evempl.). 
I)i  RANO  iAljihonse).  architecte. 
DrRA>'D  (André),  dessinateiu-. 
Durand  (Paul),  archéologue. 
Df  Seigneir  (.leanj,  statuaire. 


I.ISTK   DKS  SorsClUPTKI  US. 


»65 


DrsoMMEn.viii)     (  Ediiioiul 
Tlioinu's. 


nu     imiséo    des 


Ksi:  vLopiER  (coinlo  Cliarips  de  1'),  archéologue. 

K,\Nji>rx ,  archéologue. 

Fal'bet.  curé  de  Sainl-Élienne-du-Mont. 

Kkioère  des  Forts  (Emile),  slatuaire. 

KicHOT  (Charles),  dessinateur. 

Kii.LiDN  ,  libraire. 

Tranck,  liliraire  (cinq  exemplaires). 

Fhkmkry,  avocat  à  la  Cour  royale. 

FuoiiET.  statuaire. 

<i\i.iMvnn  '.\ui;usteV  peintre,  vice-président  de 

la  Société  libre  des  beaux-aris. 
Oautzin  île  prince  Théodore). 
Iiariie  des  sceau.x. 
(Jai:  .  architecte  du  gouvernement. 
(iAfc.iiEREi.  (  Léon)  ,  dessinateur. 
CiAV,  abbé. 

(lAV  .Victor),  architecte. 
liÉRE.NTE  (Henri),  peintre. 
(iERToix  (Calixtel.  avocat. 
(iniAiT,  frères,  éditeurs d'eslanipes. 
tJoDART  uVuguste;,  propriétaire. 
(ioDDÉ  (Jules),  peintre 
(ioiiNOD  (  L.-V.),  architecte. 
(iRASs.  statuaire. 

liRÉST  (Eugène),  correspond,  des  Comités  hist. 
(iRÉTERiN  'Adolphe),  architecte. 
iliiiMBF.iiT  ET  DoHEZ,  libraires  (trois  exemp.). 
(iRoiET  ^^'.harlcs),  archéoliigue. 
(îuÉRi.v  (L.-F.),  directeur  du  «  .Mémorial  cath." 
OuiLHERMT  (baron  de) ,  membre  des  (>jm.  hist 
(JuiLLAUMOT  (Eugène),  graveur. 


Il  MUER  ET  GoNssoLiM,  peintrcs-verricrs 
Hawkë,  dessinateur  et  graveur. 
IIkbrail  !d'). 
IIÉBHAHU  (Claudius),  architecte. 

HÉDOIIN  (P  ). 

UÉHAHD,  architecte. 

Hrco  (Victor),  pair  du  Franco. 

I  v<:qi:in  (Jules),  prêtre 

.l\i .  architecie,  pruf.  a  l'Ècule  des  beaux-arts. 

Jdli.ivet,  peintre. 

JiHiMAi.  (.\cliille),  piofcsseur  de  tacullt'. 

JisTis,  peintre 

k\i  K»i\>(.\  ,  architorlc. 
ko/iKRuwsKi,  architecte. 

I.»BB' 'Louis),  libraire  (quatre  exempluir-s  . 
V. 


M. M. 
Labartk  (J.i,  propriétaire. 
Labitte  (Jules),  libraire. 
Lacoste  aîné  .  graveur  sur  bois. 
Lamy  ( Eugène!,  conseiller  ùt  la  Cour  royale. 
Lanowiier,  prêtre. 
Lamii.et,  préire. 

I.ASSis,  architecte  du  gouvernement. 
Laurent,  peintre-verrier. 
Leblond  (Emile),  vérificaleui'. 
Leclerc,  libraire. 

Leduyen  et  Girbt,  libraires  [dou/.o  exempL). 
Legrand  (.-Vlexandre),  libraire. 
LE.1IAIRB  aine,  peintre-verrier. 
Lemr  ,  sous-chef  aux  domaines. 
Lenoih  (Alberl)  ,  architecie  du  gouvernement. 
LiANT.oiinT  (M""  la  duchesse  de). 
LrYNES  (duc  de) . 

Malpikce,  architecte  de  la  couronne. 

Martel  .  graveur. 

MÉRiN'Doi.  (Jules  de) ,  architecte. 

MicHELANT  (Henri).  paUcographe. 

Mu'.MKLi .  mouleur. 

.Mii.i.KT,  architecte. 

.MoMKL  (vicomte  Théudose  du;. 

MoxsTiERS-MÉRiNviLLE  (M""  la  vicomtcssedes) . 

Montalembert  ^comte  de),  pair  de  France. 

MoNTBLANX  (coHite  de). 

MoREAU ,  curé  de  Saint-Médard . 

NicoLLE,  architecie. 

Noc.ENT  (vicomte  de),  statuaiie. 

Oli.ivieh  (E.j,  graveur  d'archileclure. 

l'AyiERON,  directeur  a  l'Arseruil. 

Parent  m  Moirun. 

Paris  (Paulinl.  conservateur  de  la  Bibl.  royale. 

Passeront  (B.),  peintre. 

Pesbon,  libraire  (deux  exemplaires). 

Petit  fViclor', correspondant  des  Comités  hist. 

Petit  he  .Ii  i.i.i.mi.i.k  .  archéologue. 

I'etii  de  Nii.i.KNiiM-;.  architecte 

PoMMVTEAi:,  sciilpleur. 

PorssiEi.iiifi-lUsANO  i  Plii.ide  .  Iiion/ier. 

Pyankt.  sculpteur. 

yuESTKl.,  architecte  du  gniiveineiiienl. 

Kaffort,  peintre. 
riAi.i-,  propriétaire. 

llKNui  \Rii   Jiili-^  ,  libraire  jieiif  exempliiiresj. 
UoBEMN    Charles),  architecte  ilu  goiiverneni. 
V8 


366 


LISTE  DES  SOUSCRIPTEURS. 


MM. 
RoRET,  libraire  (quiuze  exemplaires). 
Rouget,  graveur  sur  bois. 

S.4UVAGE0T  (Charles),  archéologue. 

SÉciiAN,  Desi'leciiiiN  ET  DiÉTERLË,  pcinlres. 

SiBODOT,  architecte. 

SouLTRAiT  (Georges  de),  archéologue. 

SuRÉDA ,  architecte. 

SwETcniME  (M""'  de). 

Taillefku.  imprimeur. 

Taylor  (baron)  ,  inspecteur  général  dos  éta- 
blissements de  beaux-arts. 
Tessier  (.Just),  libraire  (deux  exemplaires). 
Teste-d'Oitet,  correspondant  des  Comités  hist. 
TniÉRT,  orfèvre. 

Thoré  (T.),  directeur  de  l'Alliance  des  arts. 
Toudouze  (G.),  architecte. 


MM. 

TouRNEUx  (Félix),  ingénieur. 

Toussaint  (Ad.),  sculpteur. 

Treuttel  rtWurtz,  libraires  (quatre  exemp.) 

Triouli.ier  ,  orfèvre. 

Vandoeuvre  (de),  maître  des  requêtes. 
Varin,  graveur. 
Verdier  ,  architecte. 
Vesvrotte  (comte  de). 
ViGotmEux  (Alphonse),  architecte. 
Vili.emsens  ,  orfèvre. 

Vioi.let-Leduc  ,  père ,  conservateur  des  rési- 
dences royales 
Viollet-Leduc  (Eugène),  architecte  du  gouv. 
Vogué  (marquis  de). 

WiNT  (Paul  de),  archéologue. 


DEPARTEMENTS. 


AIN. 

Montmerle .Moistbbian  (comte  de). 

AISNE. 

Brumotz Melun  (comte  de) ,  correspon- 
dant des  Comités  historiq. 
Nogentcl Souliac  -  Boileau  ,  correspon- 
dant desComités  historiques. 

Soissons Daras,  prêtre,  archéologue. 

« Fossé  Darcosse  ,  éditeur. 

« Leclercq  de  la  Prairie  (.Iules), 

correspond  des  Comit.  hist. 

« PoQUET ,  abbé  ,   directeur  de 

l'institution  de  St-Mèdard. 

« SiMONV   (Mgr  de) ,  évêque  de 

Soissons. 
«..'. WiLLIOT,  principal  du  <'nllége. 

ALLIER. 

Gannat Bonneton  ,  archit.  du  gouv. 

La  Sauvatlc. .  Objault  de  Beaumont  (d'). 
Moulins Fombertaux,  entrepreneur. 

« Desrosiers,  éditeur. 

« Du  Broc  DE  Segange  (Louis). 

« Durand  (Ilippolyte),  architecte 

du  département. 

« JoLiMONT  (Théodore  de),  ar- 
chéologue. 
N<iyant Laporte,  curé. 


Souvigny Chambon,  curé,  correspondant 

des  Comités  historiques. 

ALPES  (HAUTES). 
Gap GouLAiN  ,  architecte. 

ARDÈCHE. 

Bourg-St-.\ndéol.  Beaussan  et  Bouvas,  mar- 
briers. 
« GiNESTE ,  prof,  au  petit  sémin. 

Rosières Guéri.n  ,  prêtre ,  correspondant 

des  Comités  historiques. 

Viviers Guibert  (Mgr),  évêque  de  Vi- 
viers. 

ARDENNES. 

Charlevillo..  . .  Hubert,  professeur  de  philo- 
sophie ,  corresp.  des  C.  hist. 

AUBE. 

Marcilly Poictevin  (Paul),  propriét. 

Troyes Arnaud  ,  peintre. 

« BoNNEMAiN,  vicaire  de  Sainte- 

Madelaine. 

« Bourcelot,  curé  de  St-Urbain. 

« CoFFiNET,  chanoine,  secrétaire 

de  l'évêchè. 

« Debellay    (  Mgr) ,   évêque  de 

Troyes. 


LISTE  i»i:s  sorsr,iui'Ti:i  Rs. 


367 


« Ferviie, liliraiie (deux exemp.) . 

« IIaioianii,  bibliolliéc.dolaville. 

« Lacoiti'ive  ,  économe  du  grand 

séminaire. 
« l.ARciiEii  (VincenC),  |)einlre- 

verrier. 

« Paillard  ,  prof,  au  petit  sém. 

« TninoN  ,  prêtre ,  inspecteur  des 

monuments  du  diocèse. 
« Valtat.  sculpteur. 

AUKK. 

Carcassonne.  .  Cros-.Mavhkmeille  .   corresp. 

des  Comités  historiiiues. 
Narbonnc Uibliotuèvie  de  la  ville. 

.VVI-VRU.N. 

Rhode/. Bioi  de  .Mablavalne. 

BOUCm-S-OL-RHONli. 

.\ix Rasié  (Alfred),  arcliéulogue. 

Arles Claib  (11.),  conseiller  général 

du  département. 
o Gaitieh  -  Descottes  ,   contrô- 
leur des  contribut.  directes. 
u J  ACQiEsu.N ,  membre  de  la  Com- 
mission archéologique. 

Lambesc Michel,  direct  du  pensionnat. 

Marseille Bérangeii,  rect.  de  St-Lazaro. 

a CosTE,  architecte,  correspon- 
dant des  Comités  historiq. 

C.\LV..VDOS. 

Caen Bibliothéqie  de  la  ville. 

(I Caimo.nt  (de),  corr.  de  l'Instit 

« Manxel,  conserv  de  la  bibliot. 

Lisieux Bri>et,  vicaire  de  St-Jacques. 

CHARENTE. 

Ahgouléme Michon  ,  prêtre,  correspondant 

des  Comités  historiques. 
Jarnac Dubolxiié  (Adrien) . 

CHARENTE-INFf:RlEURE. 

1.3  Rorhelle.. .   Savarï,  chef  de  bal.  du  génie. 

« Société  de  la  BiBLioTnkouB. 

Rochefort Lessox  (T.),  corres|)ond.  do 

l'Institut  et  des  Comil  hist. 

.1 PgasoN  ,  aunidnier  du  collège. 


CHER. 

Bourges GiiiAnnoT  i^buniM  de),  conseil- 
ler de  préfecture  ,  membre 
des  Comités  hisliiriques. 

Sainl-Amand. .  C.iiwii'fei'  'comte de), propriél. 

rOTK-DiiR. 

Beaunc Foisset,  juge. 

» Mallat,  prélre  ,  din-cteiir  du 

l'HiMel-Dieu. 

Dijon Al  niFFRET  (comte  d'),  receveur 

général  des  finances. 
Raidot  ( Félix ) , juge  au  tribu- 
nal dp  première  instance. 

« Raidot  ( Henri ) ,  président  de 

la  Commission  des  aniiipiit. 
Cabinet  des  Estampes  nu  Jir- 

SÉE. 

« Commission    DÉPAiïTEMENrALK 

DES    ANTIQUITÉS. 

Rivet  f  Mgr^.  ovéque  de  Dijon. 

Saint-  Méuin   (de)  ,    membre 

des  Comités  historiques 

u Saint-Seine  (marquis  de) . 

« Sdzenet  (comte  de) . 

La  Cour  d'.Xrsenay   Comeau  ^  baron  de) . 
Nuits Makev-Gassendi,  propriétaire. 

COTES  !>L' NORD 

Lanniun Raison  du  Cuziou  (llippolyte.) 

Loudéac Denjov,  sous-préfet. 

« Le  Breton  ,  architecte. 

Plancoët RiousT  de  Labc.entave  ,  con- 
seiller général  du  départent. 
Plénée-Jugon..   Beubel,  vicaire. 
Saint-Brieuc. .  Barthélémy   (Anatole),  con- 
seiller de  préfecture. 

Ueslin  deBourgogne,  corresp. 

des  Comités  histuricpies. 

<i .Société    archéologique     des 

Cùtes-uu-Nobu. 
Tréguier Durand,  chan.  honor.,  curé. 

DORDOGNE. 

Bergerac Mestaïez  ,  abbé,  professeur  au 

polil  séminaire. 
« Sagkttk  ,  abbé  ,  professeur  au 

petit  séniiiiairo. 
Lanquais Moulins  (Charles  des),  archeol 


36R 


FJSTE   niîS  SOUSCRIPTEUKS. 


Nonlron Vkiineii.h  (Félix  tlo'  ,  corresp. 

des  Comités  historiques. 

IVrisjiicux lAcyiiN,  chanoine,  secrétaire 

général  de  i'évèché. 

o iMassonnais    (  Mgr  Georges  )  , 

évèque  de  Périgueux. 

<i Saint-Exipéry  (de),  chanoine, 

secrétaire  de  Mgr  l'évéque. 

Sarhit GiiANDOf,  dircripiir  au  grand 

séminaire. 
« Le  SiîPÉiUKi  u  m;  (kamd  sém. 

DOUBS. 


Delacroix,  architecte  du  dé- 
partement et  de  la  ville. 
Marnotte.  architecd'. 

DROME 


Die CouRTET  (Jules) ,  sous-préfet. 

Montélimart. . .  Jolbdan,  vicaire  général,  curé. 

Homans Giraid ,  député. 

Valence Joiive,  chanoine  titulaire. 

>: SorcHiEB,  vicaire  de  la  cathéd. 

« Tbacol  (.Achille) .  ingén.  civil. 

El  RE. 

Évreu\ BoNNiN ,  corr.  des  Comit.  hist. 

H Saim-Gerjiain  (Stanislas  de), 

corresp.  des  Comités  histor. 
Pont-St-l*i('ire.  Houdemare  (baron  d) ,  prop. 

EURE-ET-LOIR. 


Bibliothèque  .municipale. 
Doublet  de  Boisthibault,  cor- 
respond, des  Comités  histor. 


FINISTERE. 

Brest Barbé,  général. 

« Housset  (du),  propriétaire. 

I'onl-(jroix. . . .   Podlique.n,  super,  du  petit  sé- 
minaire. 

(Juimper Goujon,  super,  du  grand  sém. 

« Graveran  (Mgr  ) ,  évèque  de 

Quimper. 

G.\RD. 

Salindres Cambis  o'Oms  (V  de) ,  prop. 

.<aint-Gaudens.  Roques,  curé. 


G.\RONNE  (HAUTE). 

Toulouse BERDOLL.VT,vic.deSt-Salurniii. 

« Galtier,  abbé,  directeur  de  la 

Compassion. 

« Ratieh  ,  directeur  du  petit  sé- 
minaire (deux  exemplaires). 

« Société     archéologique     du 

Mioi  DE  LA  France. 

> Virèrent  (A.),  architecte 

I'..- ViLLENEiNE.  architpcle. 


(JERS. 


Aucli. 


. .   .Mgr  l'Archevêque   deux  ex.). 

« Barciet  ,  curé. 

« Belloc  (de),  vicaire  général. 

« Canéto,  super,  du  petit  séiniii. 

« .Mendousse  ,  secrétaire  générai 

de  l'archevêché. 

« .Mohlhon  ,  chanoine. 

« MoNDiN ,  chanoine. 

« Rigade  ,  profess.  au  petit  sém. 

« Sentjs,  sec.  de  Mgr  l'archev. 

Barran Moulezun,  curé. 

Fleurance Denjoï  [H  ),  avocat. 

« Desponts,  prêtre. 

Marignan Marignan  (baron  de). 

Nogaro Broqué,  curé. 

Roquelaure  . . .  Touton  ,  curé. 
Saint-Blancard.  Saint-Bla.ncard  (marquis  de). 

GIRONDE. 

Bordeaux Bibliothèque  de  la  ville. 

« Drouv.n  (Léo),  peintre. 

« DuPHOT  ,  architecte  ,  corresp. 

des  Comités  historiques. 

« Lavvalle  ,  libraire. 

Sauterne Virac,  notaire. 

HÉRAULT. 

Montpellier...  Casïel,  libraire. 

« Le  Ricque  de  Monchy. 

" Renouvier  ^Jules),  correspond. 

des  Comités  historiques. 
« Société  archéologique. 


ILLE-ET-VILAINE. 

Rennes Bouli.é  ,  architecte  de  la  ville . 

corresp.  des  Comités  histor. 

« Langlois,  architecte ,  corresp. 

(les  Comités  historiques. 


i.iSTK  i>Es  sorscitiPTrius. 


369 


Sainl-Mécn. . 


PoNLKvoY    de)  ,  chanoine  . 

(TtMaire  de  l'évtVhé. 
CiiYOT,  prcMre. 

iM)iu;. 


(lliàleauiouN.  .   I.EivdV    i  Ferdinand    .  |iréfi'(  di' 

l'Indre. 

« Vkbn.vy  (du),  proiniélaire. 

INORIMn-lilIItE. 

Amboise Chmibon.nkai'  .  airliiprélre. 

Tonrs BolR.vs^iK .  chanoine. 

<i l'.ii\.>ii>iiisËAr    i  Noël  )  ,  présid. 

de  la  Société  archéologique. 

Il C.ooi'KKAY  (J.},prof  aiipot  séni. 

u Gt  Éiii.N  ,  archil.  de  la  calliéd. 

a MÉNAiiD,  professeur  de  scicnc. 

nalurell.  au  pelil  séminaire. 
u Société  arciiéologiqie  be  la 

ToiRAI.NK. 


.Morestel. 


1SKHI-. 
Hkhtmai  i>.  \icaire. 

.11  H  A. 


iMonlIirison... 
Koaniie 


(_)!  iniKi.i.K  '  Xavier  de),  arclié. 
.\lii:u\i  i>  iJules).  iirrhilecle. 


Al)baye-en-(jrand-Vaii\.  Janiùt,  curé. 

Dole Boi  iKiES,  peintre. 

Lons-le-Saunier.  C.arette,  curé  de  St-Désiré. 

« Fraigmer. vicairedeStDésiré. 

.•^ainl-Claude. .  Comoy  (Auguste),  architecte  de 
la  ville,  corresp.  desC.  hisl. 

l.ANDKS. 

Aire-sur-l'Adoui-.  Camiëville  (de) ,   supérieur 
du  petit  séminaire. 

a Lan.neu  c  (Mgr),  cvèri.  d'Aire. 

Feyrehorade. .   Barbe,  curé. 

Str,Sever-<".ap. .   I.abordk-I.assvi.lk  de),  prop. 

LOIK-ET-CHEK. 

Vendôme Lainay,   peintre,  corresp.  des 

Comités  historicpies. 
a Porte  'marquis  de  la). 

I.iilllh 

heurs Roi'x  (J.) ,  préln- .  c(irre!>|K»nd. 

des  l'omilés  historiquen. 


Kosier C.oi  iiuun  ,  curé, 

St-Chaniond.. .   I'raix  ;ile',  conseiller  général 
du  département. 

l.dllli:     IIMIK. 

Le  Puy llKcnKi.iÉv  rk  (vicomte  de),  cor- 
respond, des  l'oniités  hisl. 
« Société  i>' ki.rici  i.ti  rk.  scirn- 

CES  et   MITS. 

i.(>ii(i;-iM  KKiiaiti:. 

Le  (Mairav.. .  .    Iliruviiii  ue  la  VERii.NE  (M""). 
Nantes Ai  urai.n  .  curé  de  Sl-Pierre. 

<i Cercle  hes  Beaix-Arts. 

« FoRESTainé. Iibr.(septexenip.). 

« FoiRMER  .  curé  de  St-Nicolas. 

« (ÎROOTAERS,  statuaire. 

0 (iRAMU  SÉ.MINAIRE. 

« Nai'  ,  architecte.  , 

« Peli.kriv  (Charles  . 

u BAY.MOMI  'de   .  architecte. 

u KoiSTEAf ,  prêtre ,   professeur 

d'archéologie. 

0 Société  royale  vcahémioi'e. 

Saint-Juliennle-Vouvantes.  Leroix  .  vicaire. 

I.OIKKT. 

Gien .MARt:iiA>u,  ingénieui,  corresp. 

des  Comités  liislorii|ues. 

u TiiiAi' ,  libraire. 

Orléans Bizonmère  (L.  de),  membre 

de  la  Société  des  si-ienc. ,  etc. 
a I'abtéron  (C.harlesV  architecte 

a C.KBl  LE  ORLÉA.NAIS. 

« Franc  ^(J  ustave) . 

a Jacoiet,  prêtre. 

Sainl-Ay Pibrac  (A.  Diifaur,  vicomte  de). 

LOT. 

I^ahors Ficat  -  Victori  ,   ingénieur  des 

ponts  et  chaussées, 
(jourdon Faissil.  viciiire  de  SI  Siiiieon. 

L(ri-i:i-fi\U(»NM:. 

Agen Bol  rierks  ,  archit.  du  dé|Kirt 

a VÉsiNsM-T.  de},  évéq.  d'Agen. 

Cjislelmoron-sur-Lot.  Maiiiel,  archiprétre. 


370 


LrSTE   DES  SOUSCRIPTEUKS. 


LOZfîRli. 
Fabrésies MoiiANCiiÈs  (comte  de) ,  corres- 
pond, des  Comités  hisloriq. 

MAINE-ET-I.OIRE. 

Ansior* Barassé  frères,  libraires. 

« Choyeii  ,  prôtre. 

« .louBERT,  prêtre. 

« Mknari)  ,  secret,  de  l'évèché. 

St-(jeorges-siirLoire    Thierry,    pore   et   fds , 
peintres-verriers. 

Saunuir Joly-Leterme,  architecte,  cor- 

resp.  des  Comités  historiq. 

MANCHE 

Cherbourg. . . .  Godekrov.  chapelain  des  sœurs 
de  la  Charité. 

Saint-Lô Oenis,  sec.de  la  Société  archéol. 

I Société  archéologique  de  la 

Manche 

MARNE. 

Épernay Appert,  curé. 

« Chanoine  jeune ,  maire. 

« CojiiTÉ  archéologique. 

« FioT-DiDRON  (M"'") ,  directrice 

de  la  salle  d'asile. 
Chàlons-s. -Marne.  Bégin  ,  chanoine  titulaire. 

« BiLTz,  curé  de  Saint-Loup. 

« BouRLON  DE  Sarty,  préfet. 

« Champenois,  c.  de  Notre-Dame. 

« CoLLiN ,  architecte  de  la  ville. 

0 Comité  archéologique. 

(I Musart,  chanoine. 

(^.haJtraii Meli.et  (comte  de) ,  corresp. 

des  Comités  historiques. 
Hautvillers Malo  (Xav.),  notaire  et  maire. 

«. . .' SiMoiv,  huissier. 

Rejuis Albert,  curé  de  Saint-Remi. 

K Bandeville,  chanoine  honor. 

« Bibliothèque  de  la  ville. 

« Brissart  -  Bi.net  ,    libraire  de 

l'Académie   (neuf  e.\emp.). 

« Brissart-Person  ,  libraire. 

« BruiNette  ,  archit.  de  la  ville. 

« Buffet,  curé  de  Saint-André. 

« Chabrii.lan  (comte  de) . 

« Comité  archéologique. 

» DucHÉNE  (Auguste) ,  numismat. 

t Duquënelle  ,  numismatiste. 

« Fanart,  archéologue. 


« Givelet  (Charles). 

« Gouli.et-Collet,  négociant. 

« Gousset  (Mgr) ,  archevêque. 

« Iacquet  (Louis),  imprimeur  de 

r.4cadéuiie. 

« Lucas  ,  notaire. 

« Loriquet  (Charles) ,  maître  de 

pension. 

« Marguet  fils. 

« Nanquette,  c.  de  St-Maurice. 

«. .-. Philippe ,  docteur-médecin. 

« Pichelin,  entrepreneur. 

« PiNo.N ,  membre  de  l'Académie. 

« QuERUY,  vicaire  général. 

0.  ■ Saubinet   aine  ,    membre    de 

r.Académie. 
« Tourneur  ,   abbé  ,    professeur 

au  petit  séminaire. 
Thaas  (chàloau  de)!  Courtils  de  Bessv  (des), 

archéologue. 
Vitry-le-Français. .  Choisy,  architecte. 
Vitry-les-Reims Lapoulle  ,  notaire. 


MARNE  (HAUTE). 


Ceriziéres .... 
Chamouilley . . 
Closmortier. . . 

Dinteville 

Le  Fayl-Billot. 
Lansjres 


Bouillevaux,  curé. 
Beugon-Arson  ,  maître  de  forg. 
Cornet,  maître  de  forges. 
BiLLiARD,  prêtre. 
Couturié  ,  vicaire. 
FÉniEL,  procureur  du  roi. 
Parisis  (Mgr),  év.  de  Langres. 
Supérieur  DU  GRAND  SÉMINAIRE. 


MAYENNE. 

Évron Gérault,   curé,    moudire  de 

plusieurs  Société.5  savantes. 

MEURTllE 

Colombey Cauziek,  curé. 

« KÉRAMPUiL  (de),  garde  général. 

Hénamenil. . . .  Calot,  curé. 

Nancy Châtelain  ,  architecte. 

« GODEFROV,  prêtre ,  professeur 

au  grand  séminaire. 

« Roquefeiil  (comte  de) . 

« Saint-Be.\ussant  (de). 

MEUSE. 
Verdun Laurent,  libraire. 


LISTE  DES  SOUSCRIPTEURS. 


T7t 


MOSKLI.i;. 

Melz \llo\ VILLE  .comte  Pierre  d'). 

« DipoNT  RF.s  T.osGEs  (Mgi)  év. 

ilo  Mo(z, 

" M.viiÉciiALel  Oignon,  pcinlios 

sur  verre. 

.Mkviu:. 

Clamecy Mattiiiki'  ,  nrrliitecte. 

Cosne-s.-Loire.  Violette  ,  eu  ri'. 

Donzy CnosMEn  ,  curé ,  corresp.  des 

Comités  historiques. 

Nevers Bahat,  iiisp.  des  monum.  liisl. 

VI lu  FÈTiiE  (Mgr),  év.  de  Nevers. 

Pousseaux. . . .   Pelletieii  ,  curé. 
St-Parize-le-Ch;ltel.  Chautbon,  curé. 

NORD. 

Cambrai Bahalle  (de),  arcliit.  du  dép. 

.( t'.oNTENci.N-  (de) ,  sous-préfel , 

corresp.  dos  Comités  liistor. 
Il flinAiD  (Mgr  ,  archevêque?  de 

Cambrai. 

u SoCliiTÉ  Il'ÉMlLATIO.N . 

Douai Mabtel  (de),  peintre-verrier. 

Douvrin De  la  Fons,  baron  de  Méhcoq  , 

corresp   des  Comités  histor. 
Dunkerque  . . .  Develle,  arcliit.  de  la  ville. 
Hazebrouck.. .  Col'ssemakeb  (E.  de),  juge  au 

tribunal  de  première  inst. 

Lille C.AiLAi.NcoiuT  (comte  .A.  de). 

(I LEFOnr,  libraire. 

OISE. 

Beauvais Comité  AnciiÉoLouigrE. 

(I Lefhanc,  abbé,  au  grand  sém. 

u Viathin  ,  archéologue. 

(I WoiLLEZ   (Emmanuel),   corr. 

des  Comités  historiques. 

.   u Weil  ,  architecte  du  gouvern. 

Clormont \\'oillez  fEugene),doct.-méd., 

corresp.  dos  Comités  hist. 
Le  Mesnil-St-Firmin.  Bazin  (Charles),  corresp. 
des  (  j)mités  historiques. 

Noyon Beiher  ,  profess.  an  petit  s<im. 

• CÉZA.Ncot-RT'Raym.  de),  prop. 


Mortagne. 


.  CiiMiTlKii,  arehiprétre. 

.     KaIIIIIOI  E  IIK  l'kCLISE. 

P.\S-I)K-CAL.\IS. 


Aire-s. -la-Lys.  Siott  (Mgr,  camérior  deS.  S. 
.\rras Académie  itorALE, 

1 Dk>jioi»e\i  \  iiE  (jiviiE .  préf. 

1 Gnir.NY,  architecte. 

Il LiNAs  (chevalier  de) ,  corresp. 

des  Comités  historiques. 

u Toi'iNo,  libraire(deu.\  excmp.}. 

Boulogne-s.-Mer.  Maioiin-Pamaht,  secrétaire 
do  la  SiK'iété  scionliliqiM». 

n Société  ii'A(inii:iLTi;BE,  srie.t- 

CES  ET  AIITS. 

Calais BiuLioTiiÈQUE  de  la  ville. 

Kmeims  (de),  vice-consul  d'Es- 
pagne. 

Frosenl IloiBAiin-llALLETTE,  propriét 

Saint-Omer.. .  (jivenciiv  (do),  socrél.  do  la  So- 
ciété (lesanli(|uaires. 

u Soi;lÉTÉ  IlES  A.NTIQrAIHES  ttE  LV 

MollIMK. 

piv-iii:-i)(i\iE. 

Clormont-Forrand.  Fého.n    (Mgr),  évè(|ue  de 
Clermont. 

a TuiBAi'D  (  Emile  ) ,  peintre  sur 

Verre. 
Yssoire. . . Dagiillon,  curé. 

PYRÉNÉES  (BASSES). 

Bayonne Behhoi  et,  prêtre,  économe  de 

la  cathédrale. 

« Genestf.tdrCiiaiiiac,  propriét. 

0 Lacroix  'Mgr),  év.doBayonne. 

Laressore Qiévého,  prêtre,  économe  du 

petit  séminaire. 

■i I.\nA\   (Th.) ,  archéologue,  au 

petit  séminaire. 

« Labremeniit  (Pascal),  au  petit 

séminaire. 
Sainl-Palais. .   Larhauire,  curé-doyen. 
St-Pierre  d'Yrube    Bastbes  ,  curé. 


PYHÉNÉES-dKIENTALES. 

Jal'Rert   iiE   Passa  ,    membre 
des  Comités  historiques. 


Perpignan . 


(»BNE.  UIIIN   (B.\S). 

Bernai Caix  (Alfred  de; ,  archéologue.       Nordhauscn. . .   Mabti.n  ,  curé. 


37-2 


LISTE  DES  SOUSCRIPTEURS. 


Schlestailt. . 
Strasbourg . 


KKiMiiiisK.N,  arcliit.  de  l'arroml. 
OKitivAux,  lib.  (deux  exemp.)- 
EissEN ,  docteur-médecin. 
Ki.oTz,  arcliit.  de  la  cathédrale. 
l*ETiT-(jiiiAHi>  I  Baptiste),  pein- 
tre-verrier. 
Weyuer  ,  architecte. 


RHIN  (H.4UT). 

Cohnar Mabtin  ,  arctiilectr. 

RllONI". 

Beileville-s. -Saône.  Buer,  vicaire. 

La  Giiillnlière.  Carriot,  profess.  à  l'institution 

Saint-Alban. 
Lyon .^GUETTANT,  architecte. 

«  Barricand  ,  prêtre. 

« Blanchois  (Joannes). 

« BoNALD  (Mgr  le  cardinal  de), 

archevêque  de  Lyon. 

(I BorÉ,  curé. 

« Bretuon  ,  abbé ,  professeur. 

» Brun-Bastenaire  ,  peintre  sur 

verre. 

« Chambeyuon  (Victor) ,  prêtre , 

corresp.  des  Comités  histor. 

«  . .  ■ Chazette  ,  abbé ,  professeur  à 

l'institution  des  Chartreux. 

« CoMARMOND,  directeur  du  mu- 
sée archéologique. 

a CoucuAi'D  ,  architecte. 

« Dalgabio  ,  architecte. 

« DiniER-PETiT,  archéologue. 

« DrPAsoiiER  (Louis), architecte, 

corresp.  des  Comités  histor. 

« DiiPERRAY,  vicaire  à  la  Croix- 
Rousse. 

« Favier  ,  orfèvre. 

« FoiRREAt',  géomètre. 

".: GiuARi)  ET  (iivET,  libraire». 

a GiuAi'DiER,  lib.  (huit exemp.). 

Il Lacroix-Laval  (de)  fds. 

« MoREi. ,  fondeur  de  cloches. 

« Orsel  ,  propriétaire-rentier. 

« Pascal  ,  architecte. 

<■ PiiMER,  vie.   de   St-Polycarpe. 

« Vernance,  abbé,  [irofesseur  à 

la  faculté  de  théologie. 

Oullins CuAi.NK.  direct,  de  l'inslitiil ion 

Sainl-ThoMias-d'.\i|iiin. 

Propières Rimai  u  ,  curé. 

Vernaison.  . . .  Bot  giiKT,  cure. 
Villefranche  . .  Oviste,  vicaire. 


SAONK  (H.\LTK). 

Bougey Pilev,  curé. 

Gray Barberev  (de),  sous-préfel. 

Savoyeux. . . .  (Jatin  (IL),  curé,  corresp.  des 
llomilés  historiques. 

SAONE-ET-LOIRE. 

Autun Froment-Dei.or.mel  (  Eugène) , 

peintre. 

(^,halon-s.-Saône.  Canat,  avocat. 

« NiÈPCE  (Léopold) ,  présid.  de 

la  Soc.  d'hist.  eld'archéolog. 
« .  Société    d'histoire  et   d'ar- 
chéologie. 

Chiny. .    OcHiER  ,  docteur-médecin ,  cor- 
respond, des  Comités  histor. 

Mâcon StmiGNY  (.Alfred  de)  ,  propriét. 

Tournus Lacroix  d'.\zolette  (de) ,  pro- 
priétaire. 

SARTHE. 

Éconuuoy. . . .  Fouquet,  curé. 

Le  Mans Tournesac,  chanoine,  corresp. 

des  Comités  historiques. 

(c     Lochet,  vicaire  de  N.-D.-de-la- 

Couture. 
Ste-(jroix-du-Mans.  Blottière,  menuis.-sculpt. 

« LussoN  ,  peintre-verrier. 

Ponce NoNA^T  (le  comte  de). 

SEINE. 

Batignolles. . . .  Guillaimot  (Auguste),  grav. 

Bercv Gi'eyton  ,  curé. 

Choisy-le-Roi. .  Bontemps,  direct  delaverrer. 
Saint-Denis. . .  Delon  ,  prêtre  du  chapit.  royal. 
Vaugirard. . . .  Chardon,  professeur  à  l'insti- 
tution de  M.  Poiloup. 

SEINE-INFÉRIEURE. 

Éciccieville.  .  .   Lkvaillant,  propriétaire. 

RiJiien Barthélémy,  architecte,  corr. 

des  Comités  historiques. 

« BlRLIOTHÈOl'E  DE  LA  VILLE. 

K Coi'RTONNE.  architecte. 

(( Di'RANviLLE  (de),  archéologue 

« Glanville  (Léonce  de),  mem- 
bre de  la  Société  des  anti- 
quaires de  Normandie. 

0 Lebri'ment,  lib.  (deuxe.xemp.). 


I.ISTK   ItKS   SOI 


l'ii'pi)e I.K    KiiANçiiis  ,    cliii|M'limi    ili' 

riiospict'  iioniMiil. 

si;ine-et-m\i<m: 

Mcaiix VLLor  (Mgi) ,  évt''i|.  de  Meaii\. 

SEINE-ET-OISE. 

r.orbeil Pkllé,  employé. 

Mantes Wavrechin  (I..  do}  ,   i-urO  de 

Noire-Danie 
Montfort-l'Amaury.  Robert,  notaire  et  maire, 
corr.  des  Comités  Itislor. 

Pontoise Cordier  ,  curé  de  Notre-Dame. 

Ramboiiillel. . .   Moitik  (\ii|j:nste).  correspond, 
des  Comités  historiques. 

j Société  ARriiÉoLOciQrE. 

Versailles  ....  Hacoi'art,  virnire-i;énéral. 
1 ErnaI'X,  corr.  des  Comit.  hist. 

SÈVRES  (DEUX-). 

i.liàtiilon-s.-Sèvres.  Épixay  (Ernest  de  1'). 

SOMME. 

Ahbeville Bei.i.eval  (comte  de),  corresp. 

des  Comités  historiques, 
t Boi'ciiER  dePebthks.  riirecleni- 

des  douanes. 
Amiens Betz  (comte  de) ,  président  de 

la  Société  des  arls. 

u BlBLIOTlIKOl'E  DE  LA  VILLE. 

« DfiSfiiuMPS  r>E  PAS,   ingénieur 

des  ponis  et  chaussées. 

> Di'SEVEL   (H.),   membre  des 

Comités  historiques. 

« DuvAL,  vie   de  la  cathédrale. 

u Fauvelle  .  architecte. 

TAKN 

fAsIres Carbonmëbes  (Charles  de). 

> Lafage  ,  vie.  de  la  cathédrale. 


TARN-ET-tiARONNE. 

•  '.astel-Sarrasin.    Craza.nnes  (baron  Chaudruc 

de'),  sou&-[>réret. 

I.au/.ertc Mayenne  ,  propriétain». 

.M'ijssac CiiHVAL,  profe?».  d'arclu-olog., 

corresp.  dis  (Comités  histor. 

a I.ARoui'K ,  archéologue. 

.Montaubun  . . .   Devals  aîné,  ciirr.  desC.  hist. 

V 


SCU  ll'TKIUS  37:t 

V\li 

Uri-nulles  ....   Di.imkii  .  piètre,  supérieur  du 

petit  s<Miiiniiire. 
Saint-Maxinilu    Rostw,  iivociil,  corr  dcsC.h. 

l"""li>n \<a  iLi.oN  Camille),  memliredo 

plusieurs  sociétés  savantes. 

>■ <ii  ii.iiKBMV  (de),  lieutenant  de 

vaisseau. 
« Pkrbet  (  Ixiuis) ,  architecte. 

VAL'CI.USK. 

Avignon Pkvre  ,  vicaire  général. 

« Reoiiev.  directeur  du  musée. 

L'Isle Bo.NMKT,  notaire. 

Siiinl -Didier. .  I.auahiik  (marquis  déi. 

VENDRE. 

Fdiilcriay-le-liomte    Klki'rï  uk  Saint-I.aihk>t 
(comte  de). 

VI  EN  .NE. 

Poitiers Vibk»  ,  chanoine,  corresp.  des 

C.omilés  historique». 

" (îi'iTTON    '  M^T  ^  .    évéque   de 

Poitiers. 

« Oi  i>iN.  imprimeur  libraire. 

"  Société    des    vNTigcxiiiES    us 

l.'OlKST. 

VIE.NNE     II  VITE). 

Limoges Tkxikii.  diuiioine  lioiiur.,  cor- 
respond, des  Comités  histor. 
Verneuil-.Moutiers.  Lemkrle  ,  curé. 

VO.SGR.S. 

Rambervillcrs.   Martel,  vicaire. 

YONNE. 

Auxerie I)i:hc  ,  chapelain   île    l'hospice 

des  aliénés. 

« I.AiRKAii,  profes-seur  au  .sémin. 

• l.KBi.Ax:  (fimile),  architecte. 

• Maillkkkr  (liuillaume)  ,  libr 

(six  oxenqilaires). 

« yuAMTiM  ,  archiviste. 

« Vaciiez  .  architecte. 

« Vaudkv,  chanoine  hunor.,  cor- 

res|M)n.l.  des  Comités  hislor 
Bazoch(ts  faii  cliAleiiii)     Virhme    comte  de' 

S<'ignelay RicoKiiFAr  ,  prêtre. 

S<'OS Hi:N<>T-T'H'SAMn  ,  arrhileclr. 

'•» 


374. 


FJSTE  DES  SOUSCRIPTEURS. 


« Société  archeologioue. 

Tonnerre I.k  iMaistue  ,  percepleur,  cor- 
respond, des  Comités  histor. 


Vézelav . 


Amé,  architecte. 
CosiïNET,  inspecteur  des  tra- 
vaux de  la  Madeleine. 


ETRANGER. 


AKGLETEltRE. 

Alton-Towers. .  Shiiewsbuky    comte  de),  pair 

d'Angleterre. 
Birmingham...  MooiiE,  curé  de  h\  cathédrale 

catholique. 
Cambridge. . . .  .Smith  (Rév.) . 

« Wheweli.  (Rév.),  professeur 

à  l'Université, 
a WiLLis  (Rév.  R.),  professeur 

à  l'Université. 

Cardiff Irapheune  (Rév.  .1.  M.). 

Dublin Thi.mty  Collège. 

Littlctoa PniLiPS  (Rév.) ,  recteur. 

« .4RCHE0L0G1CAL  INSTITUT. 

Londres Baillière  (H.) ,  libraire. 

« Barthez  et  Lowell,  libraires 

(vingt  et  un  exemplaires). 

« Beard  (Rév.  R.). 

« Bernal  ,  membre  du  Parlera. 

« Bevan-Beckford  (James),  esq. 

Il Britisu  Muséum. 

i< Bro.mett  (le  docteur  W.) . 

« Chaffers  (W.) ,  archéologue. 

« Corner(G.  r.)  ,  avocat. 

0 DicKiNSON  (J.  Il),  esq.,  mem- 
bre du  Parlement. 
« Dulau  et  C,  libraires   (cinq 

exemplaires). 

« Kairholt,  dessinateur. 

« HoPE  (honorable  A.  Beresford), 

men}bre  du  Parlement. 

«  .  ■. RiissELL  Smith  (John),  libr. 

<i.j Smith  (Roach),   membre  de 

la  Société  numismatique. 

« Stapleton  (Thomas),  archéol. 

« Way  (Albert),  directeur  de  la 

Société  royale  des  antiq. 
« Willement,  esq  ,  peintre  sur 

verre. 
« Wright  (Thomas) ,  corresp.  de 

l'Institut  do  France. 
.Manchester....  Lo.\gueville-Jones,  corresp. 

des  C.  historiq.  de  France. 
Oscott LoGAN   (Rév),  professeur  au 

collège  Ste.-Marie. 


« Mivv  ART  (Ré\ .),  au  collège  Ste- 

Marie. 
Oxford Bodleian  Library. 

« Parker  (J,-H  ) ,  éditeur. 

Ramsgate Pugin  (A.  Welby).  architecte. 

AUTRICHE. 

Vienne Bibliothèque  Impériale. 

I Leber  (Fr.  de) ,  archéologue. 

BAVIÈRE. 

Munich Bibliothèque  Royale. 

BELGIQUE. 

Anvers .\ncelle,  libraire. 

Bruges A.ndries  ,  chanoine ,  membre 

de  plusieurs  ordres. 
Bruxelles .\remberg  (duc  d'). 

« Beauffort    (comte    Amédée 

de),  direct,  des  Beaux-.\rts. 

« BiBLioTuÈouE  Royale. 

« Caproninier,  peintre  sur  verre. 

«. , .  Chalon  (Renier),  président  de 

la  Société  des  bibliophiles. 

« Estienne  (comtesse  d') . 

« Geefs  (Guillaume) ,  statuaire. 

« GÉKLZET  (Jules) ,  libr.  (quatre 

exemplaires). 

u GuiLLhRY,  proies,  de  mathéni. 

« MÉRODË  (comte  Félix  de),  mi- 
nistre d'État. 

0 Navez,  jieintre,  membre  de 

l'Académie  royale. 

« PÉRiciioN,libr.  (deuxcxempl). 

« Reiffenbekg  (baron de), direc- 

teurde  laBibliolhèqueroyale 

« ScHAYES,  archiviste-adjoint. 

« Van  Caulaebt,  libraire. 

« Van    Dale,    libraire    (douze 

exemplaires). 
Liège Fabry-Rossius  (Louis),  corres- 
pondant des  Comités  histor. 

« FiESS ,  bibliothéc.  de  KUniv. 


LISTE  DES  SOUSCRIPTEI'KS. 


375 


Malines Pi.ivs,  peintre  sur  verre. 

Nivelles Philii'kain,  professeur  de  des- 
sin à  l'Ecole  normale. 

Soignies .Maelcajip.iui chûl.de  llorrucs 

Tournai Biiiliotiièole  de  la  catiiéd. 

» BiBLIOTIlfcol'E   UE   I.A   VILLE. 

" Janssens,  libr.  (cinq  exonipl.). 

« Le  Maisthe  d'Anstainc.  ,  cor- 
respond, des  Coniili^s  liisl. 

« Pecte.n. 

" Voisin,  vicaire  i;i'nL'ral. 

VpieS BlBLIOTIlÉOlE  IlE  LA  VILLE. 


ÉTAT." 


v\iir)i>. 


.^osle Gall,  rlianoine. 

Cliambéry Mgr  i.'auciievéode. 

« PERniN,  libr.  (deux  e\ernpl.). 

ESPAGNE. 

.Madrid Monmeu  (Casimir),  libraire. 

« Zabaleta  (Anlonio  de) ,  archi- 
tecte du  gouvernement. 

HOLLANDE. 

Amsterdam —  Laciiai'x  el  fils  (de),  libraires. 
Leyde llAXENBEiir.  et  O.  libraires. 

ITAI.IK 

Lucques Pera  (Piélio;,  chanoine,  bi- 
bliothécaire deS. A. R.  le  duc. 

Milan Cantii  (César) ,  historien. 

« DiMOLAKD,  lib.  (trois  e.\emp.). 

Rome Lacroix  (abbé) ,  clerc  national, 

grand  vicaire  de  Reims. 

1 Merle  ,  libraire. 

« NoBMA.ND  (A),  architecte,  pen- 
sionnaire de  l'Ac.  de  France. 


PRl'.^SE. 


.\i\-la-Chapelle.  OniEcrkcR  nEs  I'ostes. 

Berlin Mgr  Eicciiohn,  min.  do  l'iasl. 

publii|ue  (six  exemplaires). 

« Direction  des  postes. 

Bonn Betiiwann  -  lh)L\vKo  (de) ,  cu- 

lateur  de  irni\ersité. 

" HlHLIOTIIEOlEnEL'l'NIVEIlSITé. 

« BoissEHÉE   (Sulpicc) ,   profes- 
seur de  l'Université. 
« Cléuens,  docteur  et    profes- 
seur de  l'Université. 

« Graiiam  Sjiitii  (Rév.). 

« Weber  (Edouard) ,  libraire. 

Coblcntz l,AS.SAii.x  fdi'j,  arcliil.dugouv. 

Cologne BoissERÉE    fi  ères  ,     libraires 

(huit  exemplaires). 

" WiTcr.NSTEiN,  \icc- président 

du  Hombauvercin. 

Dusseldorf Vcahkmie  ROVALt!. 

Sciinaase  ,  procureur  du  roi. 

Saarbruck  ....   IIirectecr  des  postes. 
Stammheim  . . .  Fi'rstesiberg  i  comte  de)   — 
Deux  exemplaires. 

Trêves Mgr  .Miller,  évèq.  siilTraganl. 

a Reiciiensperoer.  juge  à  la  C. 

« RoisiN  (baronde),  cor.desC.  h. 

SAXE. 

Leipzig MicnELSEN .  libraire. 

SUISSE. 
Jougny-sur-Vevev.  Frossard.  pasteur. 

VILLI:  LIBRE. 
Francfort-sur-Mein.  Ivei.lkr  (Henri j,  iHiiteur. 


AVKlMPi  ET  PASSE  DES  ANiNAEES. 


Noln^  passo  ?e  n^suine  à  peu  |)rès  dans  cette  livraison,  qui  termine  l'année 
IS'ifi  et  le  ciiiipiièinc  Nolunie  de  notre  publication.  Dans  la  liste  (pii  précède 
et  (l.ins  la  tahie  qu\  suit,  on  a  le  nombre  et  la  qualité  des  souscri|)teiirs,  le 
(ilre  (le  |)liisieurs  articles  et  gravures.  Parmi  les  sept  ou  huit  cents  personnes 
tjui  reçoivent  les  «  Annales  »  (on  ne  parie  pas  des  deux  ou  trois  mille  qui 
peuvent  les  lire;,  nous  comptons  la  moitié  d'ecclésiastiques,  quatre-vingts 
architectes,  (|uelquep  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  des  sculpteurs,  gra- 
veurs, peintres  et  dessinateurs,  cinq  musiciens,  six  orfèvres  et  bronziers,  deux 
ateliers  de  menuiserie  gothique,  quinze  peintres  sur  verre,  plusieurs  établis- 
sements publics  ;,  sociétés  archéologiques ,  cercles  littéraires,  bibliothèques, 
grands  et  petits  séminaires,  six  préfets  el  sous-préfels,  un  certain  nond)re 
dhorames  du  monde,  et  à  peu  près  toutes  les  personnes  qui  s'occupent 
d'archéologie  en  France.  A  l'élranger,  nous  allons  en  Angleterre,  en  Bel- 
gique, dans  toute  l'Allemagne,  en  Italie,  en  Espagne.  En  1847  (nous 
sommes  fondés  à  l'annoncer),  l'Espagne  et  l'Italie  nous  témoigneront  une 
s\nq)alliie  plus  vive;  la  Russie  et  la  Grèce  elle-même  nous  arriveront.  On 
])eul  être  lier  d'un  pareil  résultat,  et  nous  le  faisons  connaître  avec  un  vif 
plaisir. 

En  iS't'i  et  1845,  plusieurs  abonnements  de  complaisance,  d'amitié  ou  de 
curiosité  pure  avaient  été  pris  aux  «Annales  ».  Les  amis,  les  complaisants, 
les  curieux,  qui  ne  s'occupent  pas  d'archéologie,  ou  dont  le  secours  n'était 
plus  utile,  durent  nous  quitter  dans  le  courant  de  1845.  Mais,  comme  on 
piiiirra  le  voir  en  confrontant  les  listes  de  1845  el  de  1846,  tous  les 
ilclaillants  ont  été  remplacés  [lar  de  nouveaux  venus.  Parmi  ces  derniers 
nous  avons  un  secret  plaisir  à  le  faire  remarquer),  sont  accourus  beaucoup 
d'architectes  et  d'artistes  de  tout  genre.  Les  architectes  ont  senti  en  effet  que 
nous  étions,  malgré  notre  sévérité,  leurs  meilleurs  amis.  C'est  paice  que 
nous  portons  les  architectes  et  l'architecture  à  la  tête  de  tous  les  artistes  el 
de  tous  les  arts,  que  nous  leur  demandons  beaucoup;  nous  pourrions  les 
laisser  maçonner  en  paix,  si  nous  n'avions  pour  eux  qu'une  estime  onlinaiic. 


AVEMIt    ET    FWSSft   OKS   ANNM.KS  :n7 

DésoiiiKiis  iKiiisiif  |i(uiv(iiis  |iliis  riiirc  de  jifii.'^,  i;iiicli>  «pu-.  |m'|ii  i  jhIiI, 
nous  prciiilions  piod  sur  îles  points  où  nisipi'.!  picr-cni  iimis  n  iiMm-  p.i-  .mi 
d'accès  ;  011  uo  nous  coniiait  pas  encore  |>arlniii.  Du  reste,  nous  idl<in>  de 
nous-mêmes  et  sans  appui  atldieiel  ;  non-seulenienl  les  coniplai-anls  ei  les 
amis  étrangers  à  i'archéoloeie  nous  ont  quittes,  mais  nous  ne  de\(iii>  ;d>su- 
lument  rien  au  gouvernement.  Ce  n'est  jjas  à  nous  que  les  ministres  de  I  iii- 
struetion  publique  et  de  I  inteiieur  prodiguent  ou  mesurent  leurs  emourage- 
nients  et  leurs  subventions.  M.  le  garde  des  sceaux  a  bien  voulu  souscriie 
au\  <  Annales  »  ,  mais  jxMir  un  seul  evemiilaiie,  et  paiee  qu  il  \  lioiivail  des 
renseignements  dont  ses  bureaux  a\:.ieril  absolumenl  be>oiii  ;  nu  exrmpliiiie 
\a  dans  la  bibli(illiè(piiî  ilu  I.oumc,  un  antre  dans  celle  du  Prince  lto\;il  , 
(dimiic  y  \onl  toute~  les  publications  S(-rieuses  et  faite-  a\ec  un  certain  soin; 
ciiliii,  M.  le  ministre  de  rinstruelinii  publicpie  a  re(;u  un  exenqilaire  <le  nos 
trois  premiers  volumes.  .Mais  c'est  un  lioimnage  gratuit  rpie  nous  lui  axons 
olVert ,  et  (pi'il  a  daigné  accepter.  Voilji  tout  ce  (|ue  nons<le\oiis  à  la  rmnille 
ro\ale  et  au  gouvernement.  Si  cet  appui  \enait  à  nous  mamiuer,  nou^  pour- 
rions rester  debout  :  un  contre-fort  de  plus  ou  de  moins  ne  compromet  pas 
toujours  un  édifice.  Nous  devions  entrer  dans  ces  détails  ,  pour  montrer  ipie 
nous  vivions  parfaitement  de  notre  \  ie  propre  et  sans  le  secours  des  e\|u^- 
dients  officiels  ou  privés. 

A  partir  de  I8'i7  ,  nous  avons  dû  élever  les  (.  Annales  »  de  'i  francs  pour 
les  départements,  alin  de  rétablir  un  équilibre  que  les  libraires  et  la  justice 
réclamaient  entre  Paris  et  la  province,  il  n'était  pas  juste  (pie  les  abonnés  de 
Paris  payassent  aussi  clier  que  ceux  des  départements:  à  Paris,  des  frais 
minimes  ou  insignifiants  de  distribution;  dans  les  départements,  plus  de 
'i  fr.  ."îO  c.  par  chaque  abonné  pour  frais  de  |iosle.  l'ouïes  les  piiblicjitions 
périodifjues  ,  journaux  ou  revues ,  elablissent  un  piix  dillérenl  [luur  la 
capitale  et  la  |)ro\iiU(>.  C  est  un  usage  constant  sur  Icfpiel  (^st  fonde  le  com- 
merce de  la  librairie;  en  le  violant,  nous  avons  apporli»  un  trouble  (pii  a  pu 
nous  causer  préjudice  à  nous-mêmes,  |)arce  (pi'il  a  certainement  nui  aux 
libraires.  Il  fallait  faire  cesser  celle  anomalie,  l.'augmenlatioii  déplaira  a  plu- 
.->ieurs  abonnés,  qui  pourront  bien  cesser  leur  sous<'riplioii;  mais  ces  abonnes 
auraient,  un  jour  ou  l'autre,  trouvé  un  prétexte  pour  nous  quillei.  Il  v;ml 
mieux  (pie  nous  sovons  livrés  exclusivement  i\  ceux  qui  iiou^  aimcni  ,  pour 
(jue  nous  sacliions  sur  <pii  cl  sur  (pioi  compter,  (ieiiains  defaillanis  poiirioiil 
nous  revenir,  et  d'ailleurs  ils  seront  couverts  par  des  souscri|ileiirs  nouvcimx. 
Loin  de  nuire  aux  «  .\nnales,  »  la  mesure  que  nous  avons  |)rise  iiou>  scia 
r.ivorable.   S'il   en  résulte  des  bénélices .   ce  sera  pour  le  prolil  du  te\ie  ci 


3TO  ANNALES  ARCHEOLOGIQUES. 

surtout  des  gravures ,  que  nous  donnerons  plus  nombreuses  et  plus  belles. 
Celle  augmentation  de  5  francs  nous  fait  un  devoir  de  n'adresser  les  ^  An- 
nales »  de  1847  qu'aux  abonnés  anciens  qui  nous  donneront  avis  formel  du 
renouvellement  de  leur  souscription.  Il  ne  peut  nous  convenir  de  solliciter  un 
réabonnement,  ni  de  forcer  la  main  (au  moins  en  apparence)  à  nos  anciens 
souscnpteurs,  en  leur  envoyant  la  suite  d'un  journal  dont  ils  peuvent  fort 
bien  avoir  assez.  L'année  dernière,  à  pareille  époque,  quelques  abonnés  ont 
trouvé  mauvais  que,  n'ayant  pas  reçu  avis  de.leur  part,  nous  ayons  cessé  de 
leur  envoyer  les  «  Annales  »  à  partir  du  réabonnement.  Il  n'y  avait  assuré- 
ment rien  de  personnel  dans  notre  conduite.  Honorés  d'une  souscription  , 
nous  l'aurions  été  du  renouvellement,  et  nous  navons  aucune  défiance 
d'aucun  de  nos  abonnés  anciens;  mais  comme  il  était  plus  franc  et  plus 
régulier  de  cesser  l'envoi,  nous  n'avons  pas  hésité.  Cette  année,  l'augmen- 
tation nous  oblige  plus  impérieusement  encore  à  tenir  notre  conduite  de 
l'année  dernière.  Toutefois ,  le  numéro  de  janvier  sera  envoyé  à  tous  nos 
anciens  abonnés  indistinctement,  comme  spécimen  de  ce  que  nous  ferons  en 
1847.  Ceux  qui  ne  se  réabonneront  pas  sont  invités  à  le  garder  ou  à  le  com- 
numiquer  à  leurs  amis.  Les  livraisons  de  février  et  des  mois  suivants  ne  seront 
expédiées  qu'aux  anciens  souscripteurs  qui  nous  en  auront  fait  la  demande 
expresse.  Une  demande  est  bientôt  rédigée,  et  l'on  s'acquitte  de  l'abonnefnent 
quand  on  veut  :  on  a  toute  l'année  pour  cela. 

Un  mot  de  nos  articles  et  gravures. 

Nous  avons  voulu,  en  1846,  donner  surtout,  à  peu  près  exclusivement, 
des  «instruments  ecclésiastiques  .>) ,  comme  disent  les  Anglais,  des  objets 
meubles  ou  fixes  en  usage  dans  l'Église:  un  autel  du  xii°  siècle,  avec  chan- 
deliers, lampe,  crucifix,  croix,  encensoir,  calice,  crosse  à  ciboire;  trois 
piscines  et  un  font  baptismal;  une  châsse  en  pierre  et  une  châsse  en  bois, 
une  armoire,  un  reliquaire;  des  cloches  et  divers  instruments  de  musique 
religieuse,  des  dessins  palimpsestes  de  façades  ou  portails  d'églises,  des  re- 
productions d'arcs-boutants  et  de  coupes  d'églises  et  de  chapelles,  des  mo- 
nogrammes d'architectes,  l'achèvement  et  la  dédicace  d'un  édifice  religieux. 
Voilà  ce  que  nous  avons  pu  faire  pour  l'art  religieux  dn  moyen  âge.  L'art 
civil  et  niilitaire  nous  a  donné  les  statues  de  Fontevrault,  le  buste  couronné 
de  roses  et  le  guerrier  coiffé  de  mailles,  dessinés  par  M.  Viollet-Leduc ,  à 
Saint-Thibault;  des  maisons  et  des  cheminées  du  moyen  âge  ont  accompagné 
un  article  de  M.  Félix  de  Verneilhsur  l'architecture  civile;  l'art  mixte,  reli- 
gieux et  civil  tout  à  la  fois,  a  été  pris  au  mont  Athos.  M.  Viollet-Leduc  a 
parlé  d'architecture;  M.  le  baron  de  Guilhermy,  de  sculpture  et  de  peinture; 


AVENIK   ET    PASSE   IM'S   ANNALES.  179 

MM.  (le  Coufiheiiiaker  cl  l'jiblx*  Joiivo,  il  iiislnmiciils  de  imij;i(|iie  t^l  di»  cliaiil 
ecolosiiisliquo;  M.  Viollcl-Loiluc  |itMe,  do|»oi!hio;  li;  dircclour  des  n  .\iiiialû.S(), 
de  pai l'iims  ;  M.  l'abbo  Texier  el  .M.  Léon  C.ahier,  «l'orrévierio;  M.  le  Itaron 
delaFoiis,  do  rameubloinonl  ioli!j;ieii\  ;  M.  Virtur  (un  ,  dc.-^  viMeiia-iit»  sa- 
ceidulaux.  M'"=  Folicie  d'Ayzac  nous  a  donné  un  ronianjnable  article  sur  la 
sj)niboii(iue  dos  pierres  précieuses.  Avec  .M.  de  Guillierrny,  nous  avons  cle  on 
Italie;  a\ec  M.  labbe  Gueylon,  en  Belij;i(iue  el  sur  les  bords  du  Kliin;  avec 
le  directeur  des  «  Annales  »,  en  Grèce  et  en  .Vngletcrre.  Les  études  archéolo- 
giques de  ce  dernier  pays  ont  élé  appréciées  par  >L  Georges  de  Soullrait. 
M.  le  baron  de  Girardot,  après  nous  avoir  parlé  des  arclii\es,  nous  a  entre- 
tenus du  luouvenienl  archéologi(iue  en  Espagne.  M.  le  baron  de  Hoisin  a 
donné  IhisUiire  du  congiès  de  Metz.  M.  le  comte  de  Mellel,  en  Cainanl  de 
l'arciiéologie  pratique,  a  traqué  les  mulilateurset  les  badigeonneurs.  L;i  polé- 
mique a  élé  vivement  soutenue  par  M.  Viollet-Leduc  contre  l'Académie  des 
Beau\-Arls;  par  M.  de  (inilhermy,  conlre  rarehitccte  de  Saint-Dénis,  que 
le  directeur  des  «  Annales  »  n'a  (piilte  fpi'après  le  tardif  abandon  de  ladmi- 
uislralion  elle-même.  Nous  ne  pouvons  mentionner  les  petits  et  oond)reux 
articles  qui  ont  passé  dans  les  «  Nouvelles  el  Mélanges  ».  Il  y  aurait  de  l'jn- 
gralitude  à  ne  pas  uouuiier,  avec  les  rédacteurs  des  «  Annales-),  les  dessina- 
teurs el  graveurs  qui  nous  ont  enrichis  de  planches  remarquables.  MM.  Lassus, 
Ba^svilvald,  Fichol,  Jules  de  Verneilh,  Jules  de  Merindol ,  Eugène  el  Auguste 
Guillauuiot,  Huguenot,  Ollivier,  Adolphe  Varin  ,  Rouget,  Lacoste,  Pisan  , 
surtout  M>L  Léon  Gaucherel  et  E.  Viollet-Leduc,  auxquels  nous  devons  tant. 
Nous  le  disons  sans  crainte,  ces  deux  volumes  compteront  parmi  les  plus 
curieux  qu'on  ait  publiés  sur  l'archéologie  du  moyen  ;^ge.  La  polémique  y  a 
pris  une  place  que  la  science  aurait  le  droit  de  revendiquer;  mais  celle  polé- 
mique n'a  pas  été  inutile,  puisqu'elle  a  pu  l'aire  venir  aux  mains  rie  M.  E. 
Viollet-Leduc ,  comme  nous  le  dirons  dans  le  numéro  prochain  ,  la  malheu- 
reuse église  de  Sainl-Denis.  Nos  amis,  nous  en  sommes  heureux,  arrivent  aux 
affaires:  M.  le  ministre  des  travaux  publics  a  bien  élé  forcé  d'avoir  recours 
à  la  science  el  à  l'habileté  de  M.  Viollet-Leduc  pour  soutenir  Sainl-Denis  (pii 
s'écroule;  M.  le  minisire  de  l'intérieur  a  chargé  .M.  Basvilvald  de  raffermir 
la  cathédrale  de  Laon,  ébranlée  par  un  nudadmil  architecte;  M.  le  |irefol  de 
lAllier  a  nonuné  M.  UippoK  te  Durand  arcliileclo  d'un  <léparlement  ou  l'ar- 
chitecture est  dans  une  déplorable  situation  '.  Ce  sont  de  véritables  triomphes 

I .  Il  V  a  dix-huit  mois  nous  avons  annoncé  un  projet  do  publication  ayant  pour  titre  :  J<xempUt 
tCéylises  ogivales  en  style  du  xiii'  siècle,  dessin»  par  II.  Durand ,  texte  par  Didron  aine.  Il 
nous  est   arrivé  un   très-grand   nombre  de  souscriptions  ,   et  les  abonnés  à   co  futur  ouvrai* 


380  ANNALKS   A  UCHÉOLOG  IQl  ES. 

pour  nos  doctrines.  .Mallioureusement,  à  côlé  du  succùs,  nousavonsdes  pertes 
à  enregistrer.  Nous  mentionnerons  surtout  la  mort  de  M,  Arnaud  ,  peintre 
de  Troyes,  correspondant  des  Comités  historiques,  auteur  savant  du  «  Voyage 
archéologique  dans  le  (lé|)artement  de  l'Aube  et  dans  l'ancien  diocèse  de 
Troyes  ».  M.  Arnaud,  l'un  de  nos  plus  anciens  et  plus  atlectueux  amis,  est 
n)orl  dans  un  âge  peu  avancé;  il  aurait  pu  rendre  encore  de  notables  ser- 
vices à  la  science  archéologique.  Le  pays  et  les  amis  de  cet  homme  de  science 
et  de  dévouement  ont  fait,  au  commencement -du  mois  de  novembre  dernier, 
une  perle  aussi' douloureuse  qu'irréparable. 

Voilà  notre  passé. 

Nous  voulons  à  l'avenir,  et  dès  janvier  1817  ,  taire  une  plus  large  part  à 
la  science.  La  polémique,  à  peu  près  inutile  désormais,  ne  nous  envahira 
plus;  nous  la  reléguerons  dans  les  Mélanges  et  Nouvelles,  avec  les  menus  et 
et  même  les  gros  actes  de  vandalisme.  En  deux  articles,  M.  Viollet-Leduc 
aura  terminé  son  travail  sur  la  construction  religieuse;  en  trois  articles,  le 
directeur  des  «  Annales  »  sera  revenu  de  sou  excursion  au  mont  Athos  et  de 
sa  promenade  en  Angleterre.  M.  le  baron  de  Guilhermy  continuera  son  voyage 
en  Italie,  et  ses  curieux  articles  sur  l'iconographie  des  fabliaux.  M.  Victor 
(Jay  vient  de  nous  promettre  formellement  la  suite  non  interrompue  de  sou 
travail  sur  les  vêtements  sacerdotaux.  1\L  l'abhé  Jouve  achèvera  son  Essai 
sur  le  chant  ecclésiastique;  M.  E.  de  Coussemaker  reprendra  l'histoire  des 
instruments  de  musique  au  moyen  âge,  et  la  mènera  du  xii*  au  xvi"  siècle. 
Voilà  les  sujets  que  nous  espérons  mener  à  fin  cette  année-ci. 

Nous  voulons  en  entamer  d'autres. 

Jusqu'à  présent  nous  avons  surtout,  presque  exclusivement,  étudié  l'art 
religieux  du  moyen  âge.  C'était  le  plus  beau,  le  plus  pressé,  le  plus  utile  à 
traiter.  Mais  il  est  temps  de  nous  séculariser  un  peu  et  de  donner  quelques 
articles  d'archéologie  civile  et  militaire.  Nous  ne  songeons  pas,  il  s'en  faut ,  à 
négliger  l'art  religieux.  En  effet,  à  côté  de  M.  Victor  Gay  et  des  vêtements 
sacerdotaux,  de  M.  Jouve  et  du  chant  ecclésiastique,  M.  Manceau,  chanoine 
de  Tours ,  correspondant  des  Comités  historiques  ,  donnera  l'histoire ,  la 
description  et  rex|>licalion  des  cérémonies  religieuses  Après  un  article  d'in- 
troduction sur  limporlance  et  la  i)uissan(e  de  la  litmgie,  M.  Alanceau  s'oc- 

nous  clcniaiulent  s'il  a  paru  ou  nuaiid  il  parailra.  Le>  nouvelles  functions  de  M.  Durand  on( 
retardé  la  publication  de  ce  travail ,  mais  on  s'en  occupe  activement,  et  M.  Durand  nous  a  lait 
savoir  (]u'il  espérait  être  en  mesure  de  donner  assez  prochainement  la  première  partie  de  son  ou- 
vrage. Quand  cette  première  |)artie  sera  en  distribution,  nous  le  ferons  savoir  par  les  «  Annales 
Archéologiques  »  et  d'autres  Journaux. 


AVENIR    IT    PASSÉ    I>F.S   ANNM.KS.  381 

cupora  de  l'histoire  cl(>  la  iiu'sso  ,  dos  variantes  (li>  rilo  (|iii  la  dislinmioiil,  soit 
en  Oiionl,  soil  en  OccidonI ,  non-senlemonl  selon  les  pays,  mais  (•i\core  sui- 
vant les  époques.  Notre  xiii'  siècle,  et  notre  xiii'"  siècle  français,  sera  réliabi- 
lité  à  réjj;ard  de  la  liturj^ic  cérémonies  et  prières  ,  comme  nous  le  réliahi- 
liloiis  pour  rarchitccture  (>l  les  autres  arts.  Après  la  messe,  Inul  i'ollice 
divin,  puis  l'année  ecclésiasli(]ue  et  les  dilïérentes  fêtes.  Ces!  un  immense  et 
admirable  sujet  auquel  M.  Maneeau  voue,  en  notre  honneur,  soi\  talent,  sa 
science  et  sou  lenqis.  Ces  belles  cérémonies  s'acconqilissaieut  avec  lii  plus 
grande  pompe  dans  nos  cathédrales  dont  l'architecture  nous  est  assez,  cnn- 
nuc;  mais  nous  en  iiinorons  encore  la  sculpture  et  la  peinture.  (]clle  amiée 
donc  ,  le  directeur  des  ((  Annales  »  fera  la  description,  acconquignée  de  nom- 
breuses içravures,  des  statues  et  statuettes  (pii  décorent  nos  plus  liraiids  édi- 
fices. La  cathédrale  de  (Chartres  sera  prise  connue  centre,  car  c'est  la  plus 
peu|)lée,  la  plus  vivante  en  iii;ures;  mais  on  la  compaicra  à  celles  de  l'aiis,  de 
Keims,  d  Amiens,  de  Strasbourj;.  I.e-prochain  numéro  comprendra  la  i;ravure 
de  quatorze  des  plus  curieuses  statues  de  Chartres.  Il  saisit  de  réhabiliter  la 
statuaire  chrétienne  calomniée  parce  qu'elle  est  méconnue,  car  ce  ne  fut  pas 
autrefois  seulement  (pi'on  blasphéma  ce  qu'on  ignorait.  L'architecture  nous 
attire  moins,  parce  que  des  ouvrages  estimables  et  fort  nombreux  la  fout  con- 
naître dans  ses  moindres  détails  et  (pi'elle  peut  fort  bien,  du  moins  pour  le 
moment,  se  passer  de  nous;  mais  la  statuaire  et  la. peinture  réclament  tous 
nos  soins.  Des  églises  anciennes  se  réparent,  des  églises  nouvelles  se  construi- 
sent; elles  demandent,  les  unes  et  les  autres,  des  sculptures,  des  vitraux, 
des  peintures.  En  architecture,  les  études  sont  suflisamment  avancées  pour 
qu'on  ne  mette  plus  à  un  édilice  roman  une  pièce  ogivale,  à  une  église  du 
xm"  siècle  un  morceau  ilu  xv'.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  pour  l'iconographie. 
Dernièrement  un  architecte  nous  faisait  voir  un  projet  d'autel  en  style  du 
xiii'  siècle,  pour  une  cathédrale  de  la  mémo  époque.  Son  architecture  rappe- 
lait assez  bien  ce  qu'on  a  fait  en  France  de  \'2'2()  à  l'JtiO;  mais  il  avait  ilessiné 
dans  une  niche  un  saint  Jean-lJaplisIe,  tel  (]u'om  l'a  représenté  au  xvi'  siècle 
seulement,  un  saint  Jean  avec  un  agneau  iiatuni,  l't,  comme  nous  étions  en 
Champagne,  un  agneau  rpii  rappelait  à  s'y  méprendre  les  moutons  clwuupe- 
nois.  Il  vit  pronqttemenl  son  erreur  et  substitua  ,  à  cette  statue  du  xvi'  ou 
xvii'  siècle,  un  saint  Jean  du  bon  moyen  Age  et  montrant  l'agneau  divin, 
l'agneau  symbolique,  tel  (|ue  le  xiiT  l'a  fait.  L'iconographie  a  son  histoire 
comme  rarchitccture  dont  elle  suit  servilement  les  phases  diverses.  Placer  une 
peinture  ou  une  statue  de  la  renaissance  dans  un  édifice  du  nu>yen  Age,  c'est 
produire  une  incoiisé(pience  aussi  llagrante  (jue  de  grcll'er  du  xvi'*  siècle  sur 
V.  ">0 


382  ANNALES  A  R C H  É ()  L ( ) (i  1 Q V ES. 

du  xiif.  Les  staliiaires  et  les  peintres  senlenl  piutaiteiaeiil  celle  analogie,  ol 
plusieurs  d'enlre  eux,  noUunuient  M.  Emile  l'hibaud ,  l'iiabile  el  savant 
peintre  sur  verre  de  Clermont-Ferrand  ,  nous  ont  prié  d'écrire  l'iiistoire  ico- 
nographique des  saints  les  plus  populaires  de  la  France.  «  Ne  ferez-vous  pas 
un  jour,  nous  écrivait  .AL  Tliihaud,  un  livre  de  ligures,  ([ui  sérail  le  coniplé- 
ment  de  votre  «  Histoire  de  Dieu  »  et  du  «  Manuel  d'iconographie  chrétienne  », 
c'esl-à-dije  une  sorte  de  catalogue  iconographique,  accompagné  d  une  n^pro- 
(hictiiMi  tidèle  des  dillerenls  types  des  personnages  sacrés'?  Ces  types,  il  fau- 
drait les  prendre  à  leur  naissance,  dans  les  catacombes,  el  les  suivre  de  siècli; 
en  siècle,  en  montrant  les  modillcalions  (|u"ils  ont  subies,  jusqu'à  la  renais- 
sance, jusqu'à  la  décadence  moderne.  Ce  travail  éclairerait  certains  menibies 
du  clergé  qui  imposent  encore  aux  artistes  l'imagerie  de  la  rue  Saint-Jac- 
ques, comme  la  plus  sublime  expression  de  lart  chrétien.  Pour  ma  part, 
celte  situation  l'ait  mon  déses[)oir,  et  mes  éludes  iconographiques  viennent 
échouer  contre  ces  malheureuses  traditions  de  l'imagerie  parisienne  ».  Nous 
avons  accueilli  l'idée  de  M.  Thibaud  avec  d'autant  plus  d'empressement 
qu'elle  était  la  nôtre  depuis  longtemps  et  que  nous  l'avons  énoncée  dans 
t(  l'Histoire  de  Dieu  ».  Malheureusement,  le  directeur  des  «  Annales  »  ne  sau- 
rait tout  faire  par  lui-même;  il  espère  qu'on  lui  viendra  en  aide,  et,  en 
atlendant,  M.  Hallez,  un  dessinateur  des  plus  savants  dans  celle  matière,  lui 
a  promis  l'histoire  iconographique  de  saint  Jean-Baptiste.  C'est  donc  par  le 
précurseur  de  Jésus-Christ  que  nous  commencerons  cet  important  travail. 
Puis  nous  irons  aux  apôtres,  sous  le  vocable  desquels  tant  d'églises  et  de  clia- 
j)elles  sont  dédiées,  el  qui  sont  des  patrons  si  populaires;  puisa  saint  Martin, 
à  saint  Nicolas,  à  saint  Georges,  à  saint  Denis,  à  la  Vierge  Marie,  à  sainte 
Catherine,  à  sainte  Elisabeth,  etc.  C'est  un  sujet  inépuisable  On  le  voit,  nous 
ne  négligerons  pas  l'archéologie  religieuse. 

Mais  l'ait  civil,  même  l'art  militaire,  réclament  maintenant  une  place.  Ce 
que  nous  avons  voulu,  la  construction  des  églises  nouvelles  en  style  du 
xin'^  siècle,  est  maintenant  un  fait  accompli;  nous  n'avons  plus  qu'à  laisser 
faire  au  temps.  11  s'agit  de  pousser  plus  avant  et  de  montrer  que  le  moyen 
âge,  sublime  dans  ses  églises,  était  supérieur  à  notre  épocpie  dans  la  cou- 
struclion  des  maisons,  dans  l'assiette  des  villes  et  villages,  l'airangement  des 
places  publiques,  le  percement  des  rues,  l'ouverture  des  routes.  Paradoxe 
aujourd'hui,  notre  assertion  sera  devenue  une  vérité  avant  la  fin  de  18-'i7. 
Nous  la  montrerons,  cette  vérité,  non-seulement  par  des  descriptions  et  des 
textes  anciens,  mais  par  des  dessins  de  villes  entières,  de  places  publiques, 
de  rues,  de  maisons;  on  les  grave  en  ce  moment  même.  M.  Félix  de  Verneilh 


AVKMR   ET    l'ASSK    li|.>    VNNAI.KS.  383 

|tiiilcM;i,  sur  ce  point,  pour  la  (iiivoiiiR-,  le  IVrii^onl  cl  lo  F.imonsin;  il  a 
iftrouvé  det;  villes  oompIt'U's  ilii  xiii'"  siirlp.  .M.  Violk-t-I-othic  clciulra  ses 
ôtiides  à  la  Fiance  enliôre,  et  nu^mo  à  une  giandr  partie  de  IKiimpe. 
M.  Leduc  tient  dt'jà  dans  ses  cartons  les  dessins  mesures  dune  centaine  de 
maisons  des  xii«  el  xiii'  siècles.  Il  prouvera  qu'on  pourrait,  (pTon  devrait 
copier  de  nos  jours  ces  maisons  du  nu)yen  àijt^,  couune  (ui  doit  en  copier 
les  églises.  Il  s'occupera  d<>  l'arcliitccturc  non-scidcmenl  cisile,  mais  encore 
militaire,  ()ui  lient  à  la  civile  par  laiit  de  points.  I']| ,  dans  la  maison  ou  le 
château  qu'il  aura  hàli ,  il  mettra  des  meubles  el  des  pcrsonnai;es  avec  leurs 
costumes  et  leurs  habitudes  du  tenqis.  C'est  la  vie  civile,  c'est  l'existence 
militaire  sous  tontes  leurs  faces  dont  on  va  nous  l'aire  l'histoire. 

Pour  com|)léter  ce  beau  travail ,  il  fallait  écrire  l'histoire  des  arts  industriels 
et  montrer  par  quels  procédés,  avec  (pielles  ressources,  au  moyen  de  cpiels 
outils  on  taillait  la  pierre,  on  menuisait  le  bois,  on  forgeait  le  fer,  on  fondait 
cl  ciselait  les  métaux  ,  on  tissait  l(>s  étoiles,  on  cuisait  el  on  peignait  le  verre, 
on  vernissait  les  briques,  on  hisloriait  les  murs,  etc.  (i'esl  M.  Lassus  (pu  a 
bien  voulu  se  charger  de  cet  immense  travail,  dont  il  a  déjà  donné  im  aperçu 
tians  nos  deux  premiers  volumes.  Des  gravures,  on  le  conçoit,  acccunpagne- 
ront  les  articles.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  représentera  l'œuvre,  d  après  les 
miniatures,  bas-reliefs  et  vitraux  anciens,  les  architecles,  maçons,  charpen- 
tiers, menuisiers,  orfèvres,  forgerons,  verriers,  tisserands,  etc. 

M.  le  vicomte  de  Nogent  nous  prépare  un  manuel  du  blason,  (pii  com- 
prendra l'histoire,  la  description  el  re\|)licatioii  des  arnu)iries.  .M.  Klienne 
Cartier  s'occujie  pour  nous  d'un  manuel  de  numismati(pie  française,  où  les 
monnaies  el  les  sceaux  des  ditVérentcs  époques  de  notre  histoire  senuit  décrits 
el  dessinés.  Nous  espérons  (junn  de  nos  amis  se  décidera  à  faire  l'histoire 
du  costume  français,  en  texte  el  dessins,  peiidanl  les  epu(pies  gallo-romaim-, 
du  moyen  âge  el  de  la  renaissance. 

Dans  les  Mélanges  et  Nouvelles  seront  publiés  les  |>etils  articles,  les  notes 
diverses  cpion  nous  enverra  sur  des  objets  d'orft'vrerie  el  les  inventaires 
anciens,  sur  les  cloches,  les  meubles,  les  vêlements,  l'iconographie,  etc. 
Qu'à  tous  CCS  travaux  on  joigne  ceux  cpu'  MM.  Paulin  Paris,  Viollel-I.educ 
père  elMichelanl  nous  promettent  sur  la  poesii"  du  moven  âge,  puiscfuix  en- 
core que  la  bibliographie  archéologique,  si  riche  en  ce  moment ,  réclamera 
de  temps  à  autre,  et  l'on  conquendra  facilement  (pie  si  nous  péris.sons,  ce  ne 
sera  pas  d'inanition. 

Ouanl  au  papii'r,  il  resti-ra  le  même;  mais  les  caractères  .seront  entièic- 
ment  neufs;   l'encre  est  anglaise,  el  la  presse  n'a  pas  encon;  servi.    Nous 


384  ANNALES  AllCHEOLOGIOUES. 

désirons  donner  des  gravures  plus  nombreuses,  el  cesl  vers  celte  amôliora- 
tion  piincipalement  que  tendent  nos  etlorts.  Tous  nos  dessins,  si  ceci  était  en 
notre  pouvoir,  seraient  des  chefs-d'œuvre;  car  le  moyen  âge  a  été  bien  mal- 
traité jusqu'à  présent  par  les  artistes  qui  en  ont  reproduit  les  monuments  de 
l'art.  Cependant  on  ne  nous  rendrait  qu'une  justice  rigoureuse  en  reconnais- 
sant que  notre  j)ublication ,  sous  le  rapport  des  gravures  sur  métal  et  sur 
bois,  est  supérieure  à  toutes  les  autres  de  ce  genre.  Nous  rivalisons  avec  les 
plus  belles  de  l'Angleterre.  Mais  il  faudrait  faire  mieux  encore,  et  nous 
avons  l'espoir  fondé  d'y  atteindre. 

Les  réclamations  nombreuses  que  nous  avons  adressées  à  l'administration 
des  Postes,  pour  la  prier  de  rendre  en  bon  état ,  à  nos  souscripteurs  des  dé- 
partements, leurs  livraisons  mensuelles,  ont  donné  de  l'iiumeur  à  cette  digne 
administration.  Nous  lui  avons  écrit  pour  lui  demander  d'adoucir,  si  c'était 
possible,  les  règlements  en  notre  faveur  et  de  nous  autoriser  à  couvrir  d'une 
manière  plus  etricace,  avec  un  papier  d'enveloppe,  fort  et  imperméable, 
chacune  des  livraisons.  La  Poste  ne  nous  a  pas  fait  l'honneur  de  nous  ré- 
pondre. Si ,  malgré  tous  nos  soins  et  nos  réclamations,  les  abonnés  ont  à  se 
plaindre  de  l'état  où  les  livraisons  leur  sont  remises,  qu'ils  se  plaignent  à 
leur  bureau,  qu'ils  se  plaignent  encore  au  bureau  central.  Nous  payons,  pour 
les  ((  Annales  »  ,  tous  les  droits  d'alfrancliissement  au  maximum,  et  nous  les 
payons  certainement  assez  cher,  pour  que  le  service  de  transport  et  de  dis- 
tribution se  fasse  parfaitement.  Si  l'administration  des  postes  vovait  veniiune 
masse  de  plaintes,  il  faudrait  bien  qu'elle  y  fit  attention  et  qu'elle  prit  les 
mesures  que  nous  avons  le  droit  de  réclamer.  Qu'on  se  plaigne  donc,  ce  sera 
nous  rendre  un  service  véritable. 

Maintenant,  nous  quittons  nos  lecteurs  de  1846  pour  parler  à  (■eu\ 
de  1847. 

IJIDUON. 


FIN    DU   TOME   CINQUIÈME. 


TABLE    DES  MATIÈRES, 


.1  nu.  ET. 

TEXTE. 

I.  R.ipport  sur  les  moiiumcu(s  liisloi'i(iiiL's,  par  M.  PnospEit  Mkhimék 1 

II.  Esssai  sur  le  cbaiit  eciicsiaslique  [  suite) ,  pat  M.  l'alilx-  Joive 12 

III.  Fonts  baptismaux ,  par  M.  Didhon 21 

IV.  Congrès  arcliéulogiqiie  de  Metz ,  par  M.  le  baron  dk  Roisin 38 

V.  Mélanges  et  Nouvelles n 

DESSINS. 

i.  Fonts  baptismaux  de  1-iége,  gravure  sur  acier  par  M.  L.  GACcnEiiEi. ,  sur  les  dessins  do 
MM.  0.  IIe>hotte  el  E.  ViotLET-LEntt >l 

II.  Bapli^nie  de  Cornélius,  gravure  sur  bois  par  M.  E.  Guill.vcmot,  sur  les  dessins  de  MM.  IIe.n- 

BoTTE  el  E.  Vioi.let-Leduc :l() 

III.  Bapiéiue  (le  Cratoii ,  gravure  el  dessin  sur  bois,  par  les  mêmes :tl 


.VOIT. 

TEXTE. 

I.  Arclléologie  prati(|iie ,  par  .M.  le  comte  be  Mellet 6!) 

■II.  Essai  sur  le  chanl  ecclésiastii|ue  (suite  ; ,  par  .M.  l'abbé  Jocve 73 

m.  Dessins  palimpsestes  du  moyen  :\ge  ,  par  M.  Diduon 87 

IV.  Notes  d'un  voyage  en  Italie  (arcbileclurc  ;  ,  par  M.  le  baron  de  Uliliiermv 9.S 

V.  Achèvement  des  restaurations  de  Saint-Denis,  par  M.  Didbom -|07 

YI.  Mélanges  cl  Nouvelles 1 1  ! 

DESSINS. 

I.  i'orlail  |>alinipseste,  dessine  par  M.  Lassis,  gravé  par  M.  T.  Ui.ivieo s7 

II.  Façade  d'église  et  ornements  palim|isestes,  dessinés  et  gravés  par  les  mêmes 'li 

III.  .\cbèvcment  el  dédicace  d'église,  dessiné  |)ar  .M.  E.  Vioi.let-Leduc,  gravé  sur  bois  jKir 

M.  Lacoste 1 1 1 


:i86  TABLE  DES  MATIÈRES. 

SEPTEMBRE. 

TEXTE. 

I.  De  l'arehrologie  en  Kspagnc,  par  M.  le  haron  oe  Girardot 12j 

11.  Troubadours  et  Trouvères,  par  M.  Viollet-Ledcc  père 132 

Il[.  Valopcdi  (lu  mont  Athos,  par  M.  Didro> H8 

IV.  Essai  sur  le  clianl  ecclésiastK|ue  (  suite  ) .  par  M.  l'abbé  Jocve 166 

V.  Mélanges  et  Nouvelles ._ 180 

DESSINS. 

I.  Rôssicon  du  moul  Atlios,  gravure  sur  acier,  par  M.  Ad.  Varin 1 18 

H.  Sainte-Anne ,  skite  du  mont  Athos,  gravure  sur  bois,  par  MM.  Best  et  Leloih 162 

III.  Cloches  du  moyen  âge ,  dessinées  et  gravées  sur  bois  par  MM.  Fichot  et  Rouget 180 

IV.  Cloches  du  moyen  ige  et  de  la  renaissance,  dessinées  et  gravées  sur  bois  par  les  mêmes 181 


OCTOBRE. 

TEXTE. 

I.  Église  et  chasse  de  Sainl-Tliibaull ,  par  M.  E.  Viollet-Leduc 189 

II.  Restauration  de  l'église  royale  de  Saint-Denis,  par  M.  le  baron  de  Guiliiermt 201 

III.  Symbolisme  des  pierres  précieuses,  par  M™^  Félicie  d'Avzac 216 

IV.  Mélanges  et  Nonvelles 23i- 

DESSINS. 

I.  Châsse  de  Sainl-Thiliauli,  iles.sinée  par  M.  E.  Viollet-Leduc,  gravée  sur  acier  par  M.   E. 

Ollivier 189 

II.  Église  de  Sainl-Thiliault,  dessins  et  gravures  sur  bois  par  MM.  E.  Viollet-Leddc  et  E. 

GUILLAUMOT 102 

m.  Détails  de  la  môme  église  ,  dessins  et  gravures  sur  bois,  par  les  mêmes 193 


NOVEMBRE. 

TEXTE. 

I.  Notes  d'un  voyage  en  Italie  (sculpture  et  peinture) ,  par  M.  le  baron  de  Gl'iliiermv 250 

II.  Essai  sur  le  chant  ecclésiastique  (suite),  par  M.  l'abbé  Jouve 260 

III.  Mélanges,  par  MM.  Klotz,  Rëicuensperger,  Fériel  et  de  Guilhermv 272 

IV.  Promenade  en  Angleterre,  par  M.  Didron 281 

DESSINS. 

I.  Monogrammes  d'architectes,  dessinés  par  M.  Klotz,  gravés  sur  cuivre  par  M.  C.  Lkrertu.vis.  272 
II.  Coupes  du  moyen  âge  et  de  la  renaissance,  dessinées  et  gravées  sur  bois  par  MM.  Fichot  et 

Rouget 280 

III.  Statues  royales  de  Fontevraull ,  dessinées  et  gravées  snr  bois  par  MM.  de  Mêrindol  et  Pisa>-.  281 


TABLE   DES   MATIÈRES.  387 


DECK.MlillK. 

TEXTE. 

I.  Excursion  en  BL'l|ji(|UO  el  sur  lus  hnnls  du  Rhin,  par  M.  l'alilii'  (iuLV  io> ::o'.i 

II.  La  croix  orientale,  par  MM.  Léo.>'  Caiiikr  el  DinnoN .Jls 

UI.  .Monvouienl  arcbt-ologique,  par  M.  Dioiiun' 3i!>  ' 

IV.  l'nlilicalions  arcliéologiques 'Mti 

V.  Liste  des  souscripteurs  pendant  l'année  1816 :ttii 

VI.  Avenir  et  passé  dos  «  Annales  arcliéologiques  •> :t"(i 

DESSINS. 

I.  Croix  orientale  île  Naniur,  dessinée  par  MM.  L.  Cahiku  el  Klciior,  yravce  sur  acier  par 

.M.   UlGDEÎtET .■»« 

II.  Émaux  de  la  croix  de  Nauiur,  dessinés  et  gravés  sur  Lois  par  MM.  Kiciior  et  Uoiget 3l!l 

m.  Croix  d'Alliènes,  dessinée  par  M.  P.vil  t)iTR.\ND,  gravée  sur  Iwis  par  MM.  .\snHKW,  Best  el 

Leloir M't 

IV.  Étui  de  la  croix  byzantine  de  la  Sainte-Chapelle,  dessine  el  gravé  sur  bois  par  MM.  riciioT 

et  Pis.vs 327 


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