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ANNALES
ARCHÉOLOGIOIES
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PAR DIDKOiN AINE
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iF.CRKTMIlK m lOMITK lirsTOBlOI'K DKS AIITS KT MONUMKNTS
TOMK CINOIIEME
PARIS
AL BUREAU DES ANNALES ARCHEOLOGIQUES
niE d'i'lm, I, pnks du pa.ntmkon
A I.A I.irUAIRlE AKCIIÉOLOGIQUE DE VICTOK DIDUON
Pr\CF SAI?(T-ANnnF-ltF!*-ABT8, 30
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ANNALl'S
ARCHÉOLOGIQUES.
RAPPOIIT
ES MONUMENTS HISTORIQUES',
Monsieur "le Ministre,
Malgré rinlervallc de teni|)s assez considérahle qui s'est écoulé depuis
que la Commission ii eu l'iiunneur de vous présenter un aperçu général
de ses travaux, ell(^ ne jieut vous siguaiiM- aujouririuii d'amélioration
bien notable dans la situation des nionuiiients historiques; elle se voit,
au contraire, obligée de reproduire ici les regrets cl les vcjcux qu'elle
exprimait dans son dernier rapport. La faiblesse du crédit dont vous avez
<. Apres avoir enlendii le rapport suivant, la Conimissiuii (le.-; iiioiimnonls liiston(|iR"s, qui su-.iv
au minislère de l'intérieur, a décidé que ce travail serait présenté en son nom au ministre. En con-
séquence, M. le ministre de l'intérieur l'a fait publier, le 12 juin dernier, dans le « Moniteur uni-
versel I) où nous le prenons. Celte pièce ofTicicllc est du plu.< haut intérêt pour nous. C'est pour
la première fois que des hommes, d'une sagesse un peu froide et qui avait trop l'air de ressembler
à de l'indifférence , parient hardiment à l'adminisiralion centrale, et le prennent sur ce ton avec
les administration» départementales et municipale». Ils reijretlent que l'une n'ait pas retiré as-sez ù
V. i
2 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
bien v(nilii qn'ellf vous proposât la répartition anmielle, iinprirao nécessaire-
mont une grande lenteur aux réparations qui s'exéculenl aux frais de votre
département. Concilier l'économie la plus sévère avec les nécessités com-
mandées par la situation des monuments ou la nature des travaux, tel a été
le but constant des efforts de la Commission. Avec des ressources notoire-
ment insullisantes , on pourrait s'applaudir de n'avoir suspendu aucune des
grandes restaurations entre[)rises, d'en avoir assuré l'exécution et limité
la durée : on a obtenu encore un succès plus dilficile, en parvenant à secou-
rir ou môme à raclieter des monuments dont la conservation semblait déses-
pérée.
Le plus important de tous était l'église de Saint-Julien , à Tours, admirable
modèle de l'architecture du xiii"^ siècle, arrivée à son plus complet dévelop-
pement. Devenue propriété particulière, cette église allait être entièrement
dénaturée, lorsqu'une allocation très-considérable, que vous avez bien voulu
accorder, et le concours généreux de M^'' l'archevêque de Tours, ont
permis d'en effectuer l'acquisition. Si l'église de Saint-Julien est désormais
garantie de la destruction, il est bien à désirer qu'elle reçoive promptement
temps l'éiilise royale de Saint-Denis des mains du malheureux archilecle condamné à démolir ce ([u'i!
venait d'élever ; ils reprochent aux autres de s'acharner à détruire, comme à Carpentras, Avignon.
Orléans, Beaugency, ce qui fait ou faisait la beauté de ces villes, après en avoir fait la gloire. La
Commission des monuments historiques s'est émue enfin de ces actes souvent odieux, la plupart
du temps funestes et presque toujours inutiles d'un vandalisme que l'ignorance ou la manie des
idées régnantes n'excusent môme plus. A partir d'aujourd'hui , la Commission des monuments
historiques (le présent rapport en est le garant) ferait des efforts plus réels et plus efficaces
qu'autrefois pour sauver de la ruine l'hôtel de La Trémouille , de la mutilation le collège des
Bernardins, du déshonneur les statues de Saint-Jacques-aux-Pèlerins; pour conserver tant d'édi-
fices, tant de sculptures et de peintures qui ont péri, depuis dix ans seulement , à Paris et dans
toute la France. Pour avoir approuvé la rédaction du rapport de cette année , il faut que la Com-
mission des monuments historiques se soit réellement convertie aux doctrines archéologiques les
plus avancées , celles que nous défendons sans relâche et sans peur. Nous dirons même que le
blâme jeté sur le conseil général du Loiret et le conseil municipal d'Orléans est saturé d'une
amertume que nous aurions peut-être eu de la peine à nous procurer pour notre propre compte.
M. Mérimée voudra donc bien recevoir nos publiques et très-sincères félicitations; son rapport
déplaira au maire d'Orléans et chagrinera l'architecte de Saint-Denis, mais il sauvera le peu
d'hôpitaux anciens qui nous restent encore et préservera de la restauration et de la démolition
les flèches qui dominent plusieurs de nos plus belles tours. Il y aura donc une ample compensa-
tion ; le déplaisir de tous les maires et de tous les vieux architectes de France ne balancera
jamais la conservation de nos trésors d'art et d'histoire. En donnant intégralement et textuelle-
ment le rapport de M. Mérimée , nous aurions pu le faire précéder ou suivre d'un certain nombre
d'observations , mais les quelques notes que nous attachons au bas des pages suffiront à nos lec-
teurs. C'est une bonne fortune pour nous que d'ouvrir par une pièce de cette importance et de
cette nature le cinquième volume des « .\nnales .\rchéologiques ». {!\'ote du Directeur.)
KAlMMmr SIR LES MONUMENTS IIISTOK lOfES. 3
la int^illoiire el la seule ileslination qui lui convieiuic. Pour la réparer et la
rendre au culte, de grands sacrilices sont encore nécessaires, et vous les avez
prévus. L'assistance de M. le ministre des cultes ne saurait lui n)an(]ucr, el
bientôt, sans doute, Saint-Julien n^preudra son rani: |iarn)i les plus belles
églises de France.
Vous avez également autorisé lacquisilion de l'église romane de Silvacane,
et ol)tenu du propriétaire de l'abbaye de Fonll'roide la conservation de son
beau cloître et de son église. Ces deux édifices, d'une architecture si remar-
quable , n'exigeront plus mainlenaut ipie quehjues faibles dépenses d'en-
tretien.
La libéralité des Chambres a pourx u, par un crédit spécial, aux réparations
de quelques grands monuments, trop coûteuses pour être imputées sur le
budget du ministère de l'intérieur. Grâce aux études approfondies que vous
aviez prescrites, on a la certitude que les travaux maintenant en cours d'exé-
cution ne dépasseront i)as les évaluations annoncées. Cependant une de ces
restaurations demeurerait incomplète, si le projet ne rcîcevait pas une exten-
sion indispensable. Les réparations qui s'exécutent au château de lîlois, et
dont vous avez apprécié vous-même l'excellente direction, devront-elles se
borner à la partie de l'édifice construite sous François I"? Ne comprendront-
elles pas et la vaste salle des États et le corps de bâtiment élevé par Louis XII?
En vous rappelant un vœu déjà exprimé par les deux Chambres, la Commis-
sion se plait à espérer (jue les mutilations qu'a subies ce noble palais cesse-
ront bientôt d'allliger les regards.
Lorsque vous avez demandé un crédit spécial pour le château de Blois,
les Arènes d'Arles et l'église de Saint-Ouen ', \ous annonciez, monsieur le
1. Cet argent donné à Saint-Ouen t'st en pure perte. Nous avons dit (.-innales .lic/iéoL, vol.
II , p. 320) , à propos de l'achèvement de Saint-Ouen : « Ce travail est inutile, nuisible , impos-
sible. Quand des monuments considérables croulent de toute part, c'est à les con.solider qu'il con-
viendrai! d'employer l'argent demandé pour gâter Saint-Ouen. Pour gâter, en effet; car, d'après
les projets que nous avons vus ou dont nous avons entendu parler, il s'agit de terminer cet édi-
fice tout autrement qu'il n'a été commencé. Nous ne sommes pas si savants ni si habiles cependant,
pour qu'on puisse nous permettre de substituer nos idées et nos projets à ceux des artistes du moyen
âge. H est étrange «[ue des hommes chargés par état de conserver les monuments historiques,
donnent a un architecte l'ordre ou la permission de démolir certaines importantes constructions
de Saint-Ouen, pour qu'il rebâtisse plus à l'aise et sur un emplacement qu'il aura fait tout ras.
Malheureusement, nous aurons beau dire et beau faire, Saint-Ouen sera terminé n'importe com-
ment. I) Ces constructions ancieimes dont nous parlions alors sont abattues aujourd'hui et l'archi-
tecte se met en devoir de les remplacer par sa maçonnerie personnelle. Plus bas, M. Mérimée va
dire que le crédit alloué à la Commission des monuments historiques est insullisant, et, cette
année même, M. Vitet . dans une séance de la (Chambre des députés, a demandé une addition de
4 ANNALES AKClIÉOLO(;iQlIES.
ministre, qu'il faiulrail encore avoir recours, et plus d'une fois, à des alloca-
tions extraoï-dinaires, comme au seul moyen de conserver des monuments
d'un intérêt non moins incontestable, et dont la restauration dépasserait de
beaucoup les ressources ordinaires dont vous pouvez disposer. Vous avez
autorisé la Commission à faire préparer des projets et des devis pour la con-
solidation de ces édifices qui inspirent les plus sérieuses inquiétudes. Aujour-
d'hui ces projets sont terminés. Ils ont été examinés avec la plus scrupuleuse
attention , réduits môme aux travaux urgents et indispensables. Les noms des
monuments pour lesquels des secours extraordinaires sont réclamés vous
prouveront que la Commission s'est montrée sévère dans son choix. Il s'est
porté sur des édifices qui sont, pour ainsi dire, des ly})cs, et qu'on ne pour-
rait abandonner à la destruction sans encourir les reproches de la postérité.
H suffit de nommer les églises de Sainte-Croix, à La Charité; de Saint-Philibert,
à Tournus; de Saint-Nazaire, à Carcassonne; le temple d'Auguste et de Livie,
et l'église de Saint-Maurice, à Vienne.
Paris, si riche autrefois en monuments de l'architecture civile du moyen
âge, est menacé de perdre un des derniers souvenirs d'une époque aussi in-
téressante. On annonce la destruction prochaine de l'hôtel Carnavalet; la
Commission espère que les magistrats éclairés qui président à l'administra-
tion de la capitale, feront leurs efforts pour la prévenir. Sans avoir recours à
des acquisitions coûteuses, il serait possible peut-être d'arriver au même but
par des échanges d'immeubles entre la ville et les particuliers, propriétaires
de bâtiments classés au nombre des monuments historiques. Il est inutile de
vous faire remarquer, monsieur le ministre, tout l'avantage qu'il y aurait à
placer des établissements imblics dans des édifices qui, soit par leur architec-
ture, soit par les souvenirs ([ui s'y rallachent, excitent depuis longtemps le
respect et l'admiration.
L'hôtel de Cluny, devenu aujourd'hui un musée national , dont les déve-
lojipements rapides n'ont pas cessé d'attirer l'intérêt du public, exige encore
des réparations considérables. Tout Paris a vu l'excellent effet des premiers
travaux que vous avez fait exécuter. Débarrassé des constructions modernes
qui le déparaient, l'hôtel de Cluny sendile avoir pris aujourd'hui une impor-
tance toute nouvelle. Il a donné, pour ainsi dire, un autre aspect an quartier
au milieu duquel il s'élève. Encore quelques travaux, et ce beau palais aura
repris son antique apparence. La Connnission appelle tout votre intérêt sur
'200,000 francs à ce crédit. 11 fallait donc laisser en repos SaintOuen ; alors la Chambre , fatis^uée
peul-èlrc d'avoir donné l'énorme somme de l'année dernière, aurait accordé plus facilement les
pauvres deux cent mille francs réclamés iniitilcmciil il y a deux mois.
RAPPOHT >rK LES MOMMFNÏS H ISTOU lOlF.S. 5
le projet tlo restaiiralion de ce inoiuiiiifiit, projet dont la ilépense, (pickpie
modérée (prolle soit, serait encore nne troj) lourde eliariie i)oiir le budget des
ni(iniiiiienls liislnriques. l.i^ iiiuséc de i'iiùtc! de (iinny, (pii reçoit toutes les
semaines un nombre extraordinaire de \ isileurs, n'avait [>our son budget
particulier qu'une somme à peine suflisanle pour couvrir les dépenses d'en-
tretien ; cette allocation ne permettait pas d'entrer en concuirence, pour des
acquisitions nouvelles, avec les amateurs (jui se dis|)ut('nl aujourd'liui les
objets d'art dans les ventes publicpics. Dans son dernier rapport, la (loiiiniis-
sion sollicitait l'établissement d'un fonds exclusivement consacré à l'achat
d'objets d'art destinés à enrichir nos dilTérents dépôts d'antiquités. Sans
abandonner cette proposition générale, dont l'ulilile lui semble lonjouis in-
contestable, elle se félicite aujourd'hui de la demande (jue vous a\e/. bien
voulu faire d'une subvention annuelle, ipii permette au musée de l'hôtel de
Cluny d'accroître et de compléter graduellement ses collections.
La Commission regrette de ne pouvoir vous annoncer, comme elle l'espé-
rait, l'achèvement des travaux couunencés il y a deu\ an> pour la recons-
truction de l'arc romain de Saintes. Par suite de la démolition de l'ancien
pont sur la Charente, vous savez, monsieur le ministre, qu'il a fallu déposer
en entier le monument et le reconstruire à quelques mètres en arrière de son
emplacement primitif. Si ce changement , commandé [)ar une imiiéricuse né-
cessité, peut inspirer quelques regrets, il a permis, en compensation, de
retrouver la base de l'arc, enfouie dans une des piles du pont, et de rendre
toute son élégance à cette construction , si étrangement détigurée dans le
moyen âge. Malheureusement une série d'inondations , juscpi'alors sans
exemple, a relardé beaucoup les travaux. Ils sont arrivés aujourd'hui à un
point où, toutes les ditlicultés matérielles étant surmontées, on peut en pré-
voir le rapide achèvement '.
La Commission se plaît à reconnaitie que, dans ses travaux, elle a trouvé
1 . Nos lecteurs se rappelleront ce que nous avons dit de cet acte in(|ualitial)lo de destruction.
L'Europe entière, on peut l'alTirnier, notamment l'Aniiieterre , la Belgique, l'Allemagne et l'Italie,
ont blâmé cette démolition qui n'était certainement pas imi/érieuse et que M. .Mérimée , dans une
autre circonstance , qualifierait autrement. Écorchées par la pioche , déracinées et fendues par la
poudre à canon , étendues sur l'herbe des prés où l'eau des inondations les ont détrempées pen-
dant-deux ans, les pierres romaines de l'arc de Saintes n'ont plus de forme; on ne ferait pas trop
mal de les laisser où et comme elles sont. Une fuis à bas, un monument n'existe plus ; essin er de le
reconstruire, ce n'est guère plus siige que de chercher à faire revivre un mort. Il n'y a vraiment
que les architectes qui soient intéressés à rebitir ce qu'ils ont démoli. On va relever la lléche de
Saint-Denis, pour la démolir et la redresser une troisième fois. Qui, véritablement, peut gagner à
pareil jeu"? Quand on est assez étourdi ou brutal pour renverser des monuments, il ne faut pas
élre si puéril ni si niais ([ue de les rebâtir.
6 ANNALES AKCIIÉOLOGIQUES.
presque Ion jours une vive sympathie et souvent le concours le plus généreux
de la part des autorités ecclésiastiques et des administrations municipales.
La coopération de M='' l'archevêque de Tours à l'acquisition de l'église Saint-
Julien vous a déjà été signalée '. On doit à Mgr l'évéque de Strasbourg la
conservation de l'intéressante église de Saint-Étienne , un des plus anciens
monuments de l'Alsace. Les conseils municipaux de Nîmes, de Rouen, de
Vienne, de Narbonne, de Carcassonne, de Saint-Omer, de Poissy, de Rember-
court, n'ont point hésité à voter des subventions importantes pour les répa-
rations de leurs monuments. Le zèle de ces villes à conserver leurs nobles
édifices, leur libéralité à pourvoir à leur entretien, devaient être pris en con-
sidération par l'administration centrale , et vous vous êtes associé à leurs
généreux efforts par des allocations aussi considérables que l'état de votre
budget pouvait le permettre.
Après ces exemples de généreux sacrifices, il est triste d'avoir à enregis-
trer des traits de vandalisme. On pourrait excuser peut-être cette indifférence
qui laisse perdre, faute de secours, un monument dont personne n'a signalé
l'importance; mais ce que l'on ne saurait trop condamner, c'est cette manie bar-
bare de détruire sans nécessité, d'abattre ce qui est ancien, en dépit des avertis-
sements des gens de goût, en dépit même des réclamations du bon sens le plus
vulgaire. La Commission, monsieur le Ministre , ne peut s'empêcher de vous
rappeler ici l'inqualifiable obstination du conseil général du Loiret et du con-
seil municipal d'Orléans à démolir l'ancien Hôtel-Dieu de celte ville. Que l'ar-
chitecture si élégante de ce monument, que ses dispositions si commodes et
si parfaitement appropriées à sa destination n'aient pas été ap[)réciées, on le
comprend à peine; mais qui pourrait croire que dans une grande ville, à
trois heures de la capitale, on ait pu oublier toute idée de saine économie et
de bonne administration au point de persister pendant trois ans à renverser
un édifice vaste, solide, susceptible de recevoir mainte destination utile? C'est
cependant le spectacle que vient de donner le conseil municipal d'Orléans. Le
prétexte de cette destruction, c'est le besoin de faire une place autour de
la cathédrale. En vain la Commission a-t-elle représenté qu'il était possible,
sans rien abattre, de faire celte place, de la faire régulière, de lui donner
des dimensions convenables et une disposition monumentale. Elle n'eût point
hésité sans doute à vous proposer de faire, aux frais de l'État , l'acquisition
du monument , si le |)rix que la ville d'Orléans y mettait n'eût pas dépassé
1. Il faut espérer qu'on laissera son ancien vocable à Saint-Julien et qu'on ne débaptisera pas
cette église au profit de saint Martin, comme d'abord on parait en avoir eu rintention.
RAPPORT SIR LKS AIONUMI-NTS III STOUlOrES. 7
Je h(>iuicou|) toutes vos rossourccs. Toutes les re|in-senlations ont été inutiles
devant un corps nuinieipal ' qui croit apparemment airrandir sa ville en la
dotant d'une espèce de plaine pavée, sur laquelle, par un rare oubli des
convenances, on met en regard la salle de spectacle et la cathédrale. A une
époque où toutes les traditions d'art et de style étaient perdues, l'arcliitecte
de cette caUiédrale avait respecté l'ancien liospice d'Orléans. Ce que le mau-
vais goùl du xvui° siècle n'avait pu faire, l'ignorance et l'élourderie du xix"
l'auront accompli.
Si le goût des arts fait des adeptes, le vandalisme a les siens. L'exemple
funeste donné par le conseil municipal d'Orléans allait être imité par celui
de Heaugency. Là, comme à Orléans, c'était le désir de faire une grande
place irrégulière qui portait à demander la destruction d'une église liès-
ancienne, un de ces rares monuments antérieurs au xi'' siècle, comme on en
voit si peu dans la France centrale. Heureusement, monsieur le Ministre, en
prenant à la charge de votre département rac(|uisition de cet intéressant édi-
fice, vous le conserverez à une ville qui probablement vous remerciera un
jour d'avoir résisté à ses imprévoyantes sollicitations.
Dans un moment où les spéculations industrielles préoccupent les esprits
à un si haut degré , on ose à peine plaider la cause des arts en présence de
ce qu'on nomme aujourd'hui les intérêts matériels. Mais, pour une nation
comme la nôtre, la conservation des grands souvenirs, le respect des œuvres
d'art, n'est-ce pas un devoir qu'elle ne doit jamais oublier? La Commission ,
monsieur le Minisire, n'hésitera jamais à s'élever de toutes ses forces contre
les projets qui sacriiieraient à de prétendues nécessités publiques des monu-
ments anciens et vénérés. Un des tracés proposés pour le chemin de fer de
Lyon à Marseille supprime la moitié des remparts d'Avignon. Ces vieilles
murailles, couronnées de créneaux et de mâchicoulis qui rendent si pitto-
resque l'aspect de la ville , seraient remplacées par une chaussée. La Com-
mission regarderait comme un malheur public la destruction de; cette belle
enceinte, si complète et si bien conservée juscpi'à ce jour. Malgré la faveur
que le projet auquel nous faisons allusion a trouvée auprès de quelques per-
sonnes, un grand nombre de réclamations se sont élevées dans Avignon
t. Il i)arait que ci; corps municipal, son maire en tète, fut tellement impatienté des représen-
tations de la Commission des monuments historiques , qu'il olfrit sa démission en masse à M. le
ministre de l'intérieur. Nous regrettons que cette démission , au moins celle du maire , n'ait pas
été acceptée avec empressement. Le retentissement que cette affaire aurait eu était de nature à
servir efTicaccmcnt dans toute la France la cause des monuments nationaux. C'eût été la première
fois qu'un événement de ce genre se fût passé , et il était convenatjle que la France , où le respect
des monuments et les études archéologiques .sont portés si haut . donnât un pareil exemple.
8 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
môme '. Habitués à nous renfermer dans des questions d'art et d'érudition,
il ne nous a|3partient pas de discuter ici les avantages que présente un autre
tracé ; notre devoir doit se liorner à rappeler combien sont rares aujourd'hui
les enceintes du moyen âge, et quel caractère elles donnent aux villes qui les
possèdent. Les Avignonais ont à leurs portes un exemple des inconvénients
de cette fatale manie de nos jours, qui sacrifie le passé au présent : Carpen-
tras, qui, grâce à ses remparts, passait autrefois pour une des plus jolies
villes de l'ancien comlat Venaissin , les a démolis depuis peu , malgré nos
vives réclamations. 11 n'est |)oinl aujourd'hui de bourg d'un aspect plus vul-
gaire ni plus insignifiant ="•.
Malgré la sourde opposition de vieux préjuges qui disparaissent tous les
jours, les monuments du moyen âge n'ont été, à aucune époque, mieux
appréciés qu'ils ne le sont aujourd'hui. Pour les restaurer convenablement,
on dispose maintenant d'un assez grand nombre d'artistes habiles, élevés en
dehors des systèmes exclusifs, et conduits, par une tendance naturelle à
notre temps, à étudier avec curiosité les différents styles d'architecture dont
la France offre tant de types remarquables. Ni l'expérience, ni l'érudition,
ni l'amour de l'art, ne font défaut quand il s'agit de réparer les ravages dont
le temps ou le vandalisme ont laissé des traces sur nos vieux édifices^. Mais
il est une objection que l'ignorance élève et qu'une catastrophe récente semble
confirmer jusqu'à un certain point.
La restauration de Saint-Denis, qui, bien que placée en dehors de la sur-
veillance de la Commission, avait donné lieu de sa part à des réclamations
réitérées, vient d'être interrompue par un accident déplorable. Le clocher
de cette église, achevé depuis peu de temps, s'est lézardé d'une manière alar-
mante, et l'on a leconnu la nécessité de le démolir au plus vite. De cet acci-
1. Il faut le dire, tout triste que cela soit, certains Avignonais, hommes publics ou fonc-
tionnaires qui se proclament les amis des monuments anciens, sont les plus acharnés à deman-
der la destruction de leurs belles murailles. Ces personnages sont propriétaires de maisons ou de
terrains touchant aux remparts; le chemin de fer passant entre le Rhône et les murs , ces murs
une fois détruits, ils bâtissent des maisons à quatre ou cinq étages , et ils s'enrichissent aux dé-
pens de la ville , aux dépens de la nation, car les monuments sont véritablement le trésor public.
Voilà le motif principal , quoique honteux et non avoué, qui fait demander à ces troubadours en
archéologie la destruction des murs d'Avignon.
2. .Après les murs d'.\iguesMortes ceux de Carpentras étaient les plus beaux et les plus intacts
de France. Carpentras, en 1836, était encore une charmante ville; en 1846, c'est un lourd vil-
lage où personne ne va plus.
3. Cet éloge ne saurait passer sans des restrictions nombreuses; mais nos lecteurs les feront
d'eux-mêmes en relisant les articles de vandalisme de restauration semés en abondance dans les
quatre volumes des « Annales Archéologiques ».
RAPPORT SUR LES MONUMENTS HISTORIQUES. 0
dcnl, dont on n'a peiit-ôlre pas voulu voir la véritable cause, quelques per-
sonnes étrangères à la pratique de rarchiteclun' oui pris un argument pour
soutenir que les éditices du moyen ;'ige ont fait leur temps, et (jue désormais
leur ruine est devenue inévitable. Ainsi, l'on devrait laisser crouler tant de
magnifiques monuments, ou |)liilôt une sage prévoyance conseillerait de les
démolir comme dangereux [)our la sîireté publique. Les conséquences de
l'opinion que l'on vient d'exposer en sont une réfutation suffisante. Mais
qu'on prenne la peine d'examiner ces nionunieuls, pour ainsi dire con-
damnés. Sans doute, leur abandon prolongé, le iiKuupie d'(!ntnîtien, les
imitiLiliniis (lu \aiulalisme, ont rendu grave la situation (h; (p)(il(pi('s-uns de
nos grands éditices. Kile est loin d'être déses|iérée toutefois, et, si l'on
recherche avec attention la cause des sinistres que fon déplore ou (pus l'on
redoute, il sera facile de reconnaître que le temps y a moins contribué que
des travaux mal dirigés, qu'on nomme des restaurations, par. une triste con-
fusion de mots, lue expérience toute spéciale dans ces sortes de réparations
est absolument nécessaire; elle est la seule garantie de leur réussite '. La
Commission croit pouvoir vous donner l'assurance qu'aucun accident sem-
blable à celui qu'elle citait tout à l'heure, n'est à craindre sous sa surveillance
et sous la direction des architectes commissionnés par votre département,
La Commission a dû s'occuper de conserver le souvenir de queUpies mo-
numents remarquables, dont il est impossible de prolonger indéllniment la
durée. A sa prière, vous avez chargé M. Vaiidoyer de relever et du dessiner
un assez grand nombre de maisons anciennes (jui existent encore à Orléans.
Dans une ville où le respect des monuments anciens n'est point enseigné |)ar
l'administration municipale, on doit s'attendre à voir disparaître rai)itlement
des constructions en général peu solides et sans cesse exposées à être altérées
par leurs propriétaires. Il n'y avait pas un moment à perdre pour étudier la
disposition et les détails de ces habitations, qui jettent le plus grand jour sur
les usages et les mœurs du moyen âge. Le tra\ ail de M. Vauiloyer a répondu
à votre attente, et vous avez apprécié le soin et le zèle qu'il a mis à remplir
sa mission. Vous jugerez sans doute à propos, monsieur le Ministre, de
faire continuer ce travail dans d'autres localités non moins intéressantes;
1. L'architecte de Sainl-Ueiiis, nous le savon» iiersuniieildiieiit , parce que M. Debrot nous a
mêlé à cette affaire, s'est flatté i)endant plusieurs; années d'avoir ol)lenu, pour les travaux de
Saint-Denis, l'assentiment de M. Vatout, président du conseil des bûtiments civils, et celui de
M. Mérimée. C'est derrière ce double bastion qu'il s'est i]uel(iuefois retranché. Nous voudrions
savoir si l'approbation de M. le président du conseil des bâtiments civils a le même caractère
que celle de M. l'inspecteur ;;énéral des monuments historiques. Quant à M. Mérimée, il ap-
prouve médiocrement, ce nous semble, l'architecte et son œuvre.
V. 2
10 ANNALES AUCHÉOLOGIQUËS.
plusieurs villes de France possèdent encore des maisons fort anciennes et
d'une arcliiteclure très-remarquable. Quelques-unes de ces maisons sont
tellement importantes, que la Commission, si l'état des fonds le permettait,
croirait devoir vous en proposer l'acquisition. Telles sont, par exemple, la
maison des Ménétriers de Reims ' , la maison du xii" siècle de Saint-Gilles,
plusieurs maisons à Cordes, à Angers, à Provins, etc. Espérons que les
administrations communales seconderont de leurs efforts ceux que vous vou-
drez bien faire pour conserver au pays des souvenirs si précieux.
D'autres monuments, d'une conservation encore plus difficile que celle des
maisons particulières, ont été l'objet d'un travail plus général. Vous avez
chargé M. Denuelle de dessiner en plusieurs lieux des peintures anciennes
dont chaque jour efface quelque trait. Déjà plusieurs dessins, d'une exacti-
tude scrupuleuse et d'une excellente exécution, ont été mis sous vos yeux.
La Commission attache beaucoup de prix à voir continuer cet intéressant
travail ^.
Plusieurs fois, et notamment dans son dernier rapport, la Commission a
réclamé une augmentation de fonds attribués à la conservation des monu-
ments historiques. Permettez-lui d'insister de nouveau et avec plus de force,
car jamais cette augmentation n'a été si nécessaire. Depuis longtemps la
tâche de la Commission ne consiste plus guère -qu'à constater des besoins
urgents qu'elle ne peut satisfaire. Chaque jour de nouvelles demandes lui
sont soumises, dont elle est obligée de proposer l'ajournement; et cependant
une espèce de responsabilité pèse sur elle. Le pul)lic connaît ses attributions,
mais ignore l'insuffisance de ses moyens d'action. L'abandon d'un monument
peut être imputé à sa négligence, lorsqu'il n'est en effet qu'une nécessité fatale,
résultat de l'épuisement de ses ressurces. C'est à vous, monsieur le Ministre,
témoin de ses efforts et de ses regrets, qu'il appartient de la tirer d'une
situation si pénible. La cause des arts a toujours été populaire en France, et,
1. La Commisssion des monuments historiques, nous le reconnaissons avec le plus grand plai-
sir, a fait de louables efforts pour conserver cette maison des Musiciens; il est probable qu'on
linira, malgré la bonne volonté douteuse du conseil municipal de Reims, par sauver cet édiQce
unique en France. Nous allons nous-mêmes nous occuper avec suite, dans les « Annales Archéo-
logiques 1), d'architecture civile et des maisons du moyen âge. Avec M. de Verneilh , qui veut ,
comme on l'a vu, se renfermer dans le sud-ouest de la France, un autre de nos collaborateurs
explorera la France entière sous le rapport de ses constructions civiles. En ce moment même des
dessins se préparent. Nous ne voulons pas étudier exclusivement les édifices religieux.
2. Il est probable que le Comité historique des arts et monuments publiera les dessins que la
Commission des monuments historiques fait e.xécuter, par M. Denuelle, d'après ce qui nous reste
encore de peintures murales anciennes. On s'occupe sérieusement de ce projet. Une pareille pu-
blication est urgente et serait fort remarquable sous tous les rapports.
RAPPORT SIR LES MONUMENTS IllSTO RIO i: ES. 11
aujourtriiui que les nioiuiinciits historiques do toutes les é|)()ques sont iippré-
ciés parles gens de goût, pourrait-on refuser à l'administration les moyens
de conserver ces glorieux souvenirs? La Commission ose se flatter que les
restaurations exécutées sous sa surveillance ont (Me à la critique le droit d'en
contester l'utilité et d'en nier les heureux résultats '.
Je suis avec respect, monsieur le Mini.-.tre, votre trè>-huml)le et très-
obéissant serviteur,
P. MÉKIMl'E,
Inspecteur général des monuments bi8torli]ues.
i. Nous ne voulons ni ronlester l'ulililé, ni nier les résullats du plus grand nombre de ces tra-
vaux ; nous dirons cependant qu'on aurait pu ne pas démolir le bclîroi de Poronnc, sous prétexte
de le restaurer, et qu'on aurait dil conjurer l'écroulement de l'église de Brantôme, tombée entre
les mains de son architecte. La calliédralo de Noyon , qu'on a mastiquée et asphaltée ; l'église de
Civray, dont on a mis à terre et sans aucun soin le curieux portail, entièrement sculpté; enQn ,
cent et une autres peccadilles de ce genre, dont l'énuniération est faite ou se fera dans les « An-
nales archéologiques >>, ne nous permettent pas d'accorder à la Commission des monuments his-
toriques absolument tous les éloges qu'elle se décerne. Toutefois, nous comptons quelques amis
dans celle Commission, et ces amis ne sont pas de ceux (|ui n'\ ont aucune influence.
ESSAI
SUK LE CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
II'.
Tous les sons appréciables à l'oreille et émissibles par la voix et les
instruments sont compris dans certaines séries-modèles, qui varient entre
elles selon les divers ordres de succession dans lesquels elles représentent
ces mêmes sons. En effet, l'ordre de succession des sons peut être plus ou
moins modifié par la plus ou moins grande division des sons échelonnés à la
suite les uns des autres, ainsi que par les différentes manières de répartir sur
l'échelle ces divisions une fois données. Voilà ce qu'on appelle la tonalité.
On entend par ce mot : « Un système quelconque, mais convenu , de rapport
des sons entre eux, qui sert de base à toutes les compositions musicales sou-
mises à ce système. » Ce système étant variable, il y a , par conséquent,
plusieurs sortes de tonalités. De ces diverses séries -modèles de sons ou
échelles tonales résultent les divers genres d'expression musicale , chacune
de ces échelles ayant un caractère qui lui est propre et qu'elle communique
aux mélodies qui en dérivent.
Ces manières différentes de former l'échelle tonale ont donné lieu à trois
genres principaux de succession des sons, c'est-à-dire aux genres enharmo-
nique, chromatique et diatonique.
Les Grecs connurent ces trois successions des sons , et voici comment ils
établirent chacune d'elles. L'échelle enharmonique se composait d'un certain
nombre de tétracordes, formés chacun de deux quarts de tons et d'une tierce
majeure. L'échelle chromatique se composait d'un certain nombre de tétra-
cordes, formés chacun de deux demi-tons et d'une tierce mineure. Plusieurs
auteurs prétendent que les Grecs n'ont jamais connu qu'en théorie ces deux
genres, enharmonique et chromatique, à raison des grandes diilicultés d'in-
tonation qu'ils présentent, surtout le genre enharmonique, avec ses quarts
4. Voir les .4nnal. archéol., t. IV, p. 215. — Page 222, ligne 22'^^, reniplarez ou par et.
ESSAI SUR LE CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 13
(le tons. M. Fétis, qui partage celte opinion, estime cependant (juc le chro-
nialique se in(Ma qneUjuefois au dialonicpie, ajjivs (pie Pytliagore, de retour
de son voyaije (>n Eiïvjjle. on 580, l'eut introduit en Italie '. Plusieurs peuples
orientaux clianteni encore, dansleclu-oniaticiue cl nK'inc dans ronliarmoni(iue,
des nu'lodies d'une dillicullé incro\al»Ic d'inloiialion. Ouaiit aux (Irecs, ils
ne se servirent du chn)mali(pi(^ (pie transitoirenienl et jiar exce|»tion. Il faut
convenir, en effet, (jue des mélodies basées sur une succession régulière de
notes chromatiques déchireraient nos oreilles , inaccoutumées à une pareille
série ; une succession enharmonique leur serait encore plus insupportable. I!
n'en est pas de môme pour les Orientaux; familiarisés depuis longtemps avec
ces deux genres, ils y déploient une siketé d'intonation et une facilité de
vocalise qui délieraient nos chanteurs les plus renommés, et ils savent en
tirer des accents langoureux et passionnés (pii nous étonncnl. Mais laissons
ces deux genres, pour ne nous occuper que du diatoni(]ue, le seul qui soit en
rapi)orl avec la tonalité ecclésiasli(pie, dont il est l'élément constitutif.
Le mot « diatonique » est dérivé de deux mots grecs, fîtà (par) et tôvoî
(ton), parce que ce genre procède par séries composées chacune d'un demi-
ton et de deux tons pleins. On entend [>ar « ton )) un son appréciable à I'ohmIIc
et déterminé. Un ton est plein ou entier à l'égard d'un autre ton qui le pré-
cède ou qui le suit, lorsqu'il y a entre eux une distance donnée et établie sur
des règles mathématiques de vibration. Lorsque cette distance est diminuée
de moitié, l'intervalle prend le nom do demi-ton. Par exemple, si l'on l'ait
résonner sur la corde re du violon le ini, lo fa et le sol successivenioni , on
remarquera (lue, pour rendre l'intervalle de mi à fa, on écarte les doigts la
moitié moins ([ue pour rendre l'intorvallo de fa à sol. Par conséquent, l'inter-
valle de mi à fa ne sera que d'un demi-ton , ot celui de fa à sol sera d'un ton
plein.
Le système musical des Grecs, conq)osé dans ce genre diati)ni(]uo , fut
excessivement simple dans le principe. Il consistait en un seul l^tracorde,
composé d'un demi-ton et de deux tons pleins correspondant à nos notes
modernes mi, fa, sol, la. Le tétracorde, dérivé de TÉrpa (quatre), et de
yos^T, (corde), était ainsi appelé parce qu'il désignait une lyre dont les
quatre cordes correspondaient à la série de quatre notes renfermant un doini-
ton et deux tons pleins. A mesure qu'on ajouta de nouvelles séries de notes
aux anciennes, on augmenta la lyre d'autant de cordes correspondantes, en
sorte (juc cet instrument était toujours la représentation (idèle du système
I. Ilésiimé de rhistoiie de la musique, par Fcilis, jiagiis 108 cl 109.
li ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
musical en vigueur. Lorsque le nombre des tétracordes eut été augmenté, de
telle manière qu'une seule lyre ne pouvait plus les représenter tous, on
inventa de nouveaux instruments de ce genre pour les modes divers; on eut
donc la lyre dorienne, la lyre ionienne, la lyre phrygienne, etc., correspon-
dantes à chacun des modes dont elles portent le nom.
Au temps d'Aristosènc , auteur du principal ouvrage ' qui nous soit resté
sur la musique des Grecs, et qui vivait 300 ans avant Jésus-Christ, l'échelle
fixe et invariable des sons se composait de cinq tétracordes , soit conjoints ,
soit disjoints, dans l'ordre suivant :
I 3 ' 5
La, si, ut, re, mi, fa, sol. Ut, 1? si, ul, re, si, ut, re, tni, fa, sol, la.
Faisons plusieurs observations : 1° Cette grande échelle tétracordale n'est
que le composé des divers tétracordes qui furent ajoutés successivement au
primitif, mi , fa, sol, la, soit dans le grave, soit dans l'aigu. — 2° La pre-
mière note la, placée plus tard, on ne sait pourquoi, au commencement de
toutes les autres, et appelée pour cela « prolambanomène », mot grec qui
signifie « ajoutée » , ne comptait pas dans le système tétracordal , d'où elle
restait isolée , bien qu'elle entrât dans la constitution des modes.— 3° Chacun
des cinq tétracordes ci-dessus procède par un demi-ton et deux tons pleins,
afin de rester conforme au tétracorde primitif, mi, fa, sol, la; c'est pourquoi,
dans le troisième, on a baissé le s? d'un demi-ton, au moyen du bémol, pour
qu'il n'y eût que le demi-ton voulu entre le la et le si, premier intervalle
dudit tétracorde. — 4° Le quatrième et le cinquième tétracordes, au lieu
d'être exprimés par mi, fa, sol, la, si, ut, re, comme le demandait la suc-
cession naturelle des notes, sont représentés par si , ut, re, mi, fa, sol, la,
parce que, les deux premiers tétracordes devant être répétés dans l'échelle,
il était naturel , pour éviter la confusion , de les reproduire dans le môme
ordre nominal. — 5° Cette grande échelle tétracordale se divise également en
octaves, puisqu'elle en renferme deux justes, en y comprenant la première
note dite prolambanomène. Cette division de l'octave qui, plus tard, devait
être adoptée pour le plain-chant, est si naturelle, que les Grecs furent obligés
de s'y conformer pour la constitution de leurs modes , devenus le point de
départ de notre chant ecclésiastique. S'ils conservèrent la division tétracor-
dale dans leur grande échelle musicale, c'est parla raison bien simple que
1. Éléments harmoniques, en trois livres.
ESSAI SUR LE CIIAM ECCLESIASTIQUE. Î5
cette éclielle ne s'était formée peu à pou cpie par radjonclion successive de
tétracordes ou quatre sons, et non d'oclacordcs ou de huit sons. Aussi, les
trois modes primitifs ne roulèrent-ils que sur quatre sons, comme le premier
tétracorde au([U('l ils correspondaient et sur le(|uel ils se combinaienl diver-
sement de cette manière :
Lorsque les notes, mi, fa, sol , la, étaient naturelles, on était dans le mode
phrygien, le plus ancien de tous. Lorsque le fa était dié/.é, on clail dans le
mode dorien. Lorscjue le fa et le sol étaient diézés, on était dans le mode
lydien.
On se demande comment un système musical (pd ne roulait (pie sur quatre
notes, bien que diversement combinées, pouvait produire (pielcjne elïet. Il
ne faut pas oublier que cette antique mélodie greccpie, bien diUerente de la
nôtre, ne s'élevait pas au-dessus du récitatif ou discours chanté, et qu'elle
était pour la poésie plutôt un mode d'accentuation (|u'un chant proprement
dit, dans le sens que nous attachons aujourd luii à ce mot. Ce qui prouve
qu'elle était plus susceptible d'ellets qu'on ne serait tenté de le croire, c'est
l'impression (jue fait encore sur nous le chant de la « Préface " et celui de
plusieurs autres pièces liturgiques, qui sont des* restes de l'antique mélopée
grecque, on qui du moins ont été composées d'après ce système.
Le moment est venu de parler des modes grecs, qui ont eu sur la consti-
tution du plain-chant une influence réelle, bien qu'il soit dilTicile d'en appré-
cier au juste la portée. Ces modes étaient certaines successions de tons et de
demi-tons, p;u- octaves, basées sur les diverses notes de l'échelle tétracor-
dale que nous venons d'exposer. On le comprendra aisément : selon que
l'octave commençait par une note ou par une autre de l'échelle, la succession
des tons et des demi-tons n'étant plus la même , l'effet des mélodies était tout
différent. Cette remarque est d'une grande importance par l'application qu'on
peut en faire au plain-chant , comme nous le verrons bientôt. Nous allons la
rendre plus claire par un exemple.
Soit l'échelle tétracordale disposée comme il suit ;
I 3 _5^
La, si, ut, rc, mi, fa, sol, la, [> si, ut, n-, si, ut, rc, mi, fa, sol, la.
Supposons que je veuille conuuencer un mode; ou octave par la note re
du premier tétracorde, et continuer ce mode jusqu'au rc suivant du troi-
sième tétracorde, j'aurai une gamme ainsi établie :
rc , mi, fa, sul, la, t> si, ul , rc.
16 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Cette gamme, qiii ne correspond a aucune de nos deux gammes majeure et
mineure, sera celle que les Grecs appelaient le mode dorien. Si j'établis ma
gamme sur le la, quarte inférieure du re, première note de te mode, j'aurai
une octave ainsi disposée :
la, si, ut, re, mi, fa, sol, la.
Les Grecs l'appelaient le mode hypo-dorien, c'est-à-dire sous-dorien ''Oîto
signifiant dessous ^ , parce que l'octave commence par la quarte inférieure du
mode primitif. — 5i, au contraire, j'établis une octave sur la quarte supé-
rieure de ce mode dorien, c'est-à-dire sur le premier sol, j'obtiendrai une
gamme ainsi disposée (toujours d'après l'échelle tétracordale ci-dessus^ :
sol, la, 1? si, "ut, re, mi , fa, sol,
que les Grecs appellent mode hyper-dorien , du mot i-sp , qui en grec si-
gnifie dessus, parce que cette octave est établie sur la quarte supérieure du
mode primitif ou authentique. Ce mode authentique dorien aura donc deux
modes dérivés : l'un qui partira de sa quarte inférieure, la,- l'autre de sa
quarte supérieure, sol. Or, chacun de ces trois modes présentant une diffé-
rence notable dans l'ordre 'de succession des tons et des demi-tons, il en ré-
sultera une différence sensible dans la nature et le caractère mélodique de
chacun de ces modes. On peut faire la même remarque pour les autre-
modes grecs qui étaient : le phrygien, le lydien, le mixolydien, l'éolien et
l'ionien ; on les appelait ainsi des noms des peuples de la Grèce et de l'Ionie,
qui en avaient été les inventeurs. A chacun deux on attribuait un effet parti-
culier, soit à cause de sa contexture, soit à cause des rhythmes, des modu-
lations et du genre d'expression, propres à la nation qui lavait inventé.
Tel était donc, au commencement de notre ère, le système musical des
Grecs, avec sa grande division par tétracordes et modes qui en dérivaient. Ce
svstème était resté probablement le même, lorsque saint Ambroise le prit
pour base du chant ecclésiastique. Ce grand évêque ayant remarqué que bon
nombre de mélodies sacrées, alors en usage, étaient, sinon des mélodies
grecques transposées, tout au moins des motifs composés d'après les modes
musicaux de ce peuple, et ne dépassaient pas les limites d'une octave, conçut
la pensée de substituer, au svstème tétracordal des Grecs, le système plus
simple et plus facile de l'octave, en empruntant à ceux-ci leurs quatre pre-
miers modes authentiques ou primordiaux, qui devaient former la base
invariable du chant ecclésiastique.
Dans cette vue, il établit les quatre modes suivants :
Mode dorien : re, mi, fa, sol , la, P si, ut, re ;
ESSAI SI U I.E r.lIANT !• (,(.LKSI ASTIQIE. 17
iNIoili' phrygien : mi , fa , sol, la, si, itl , rc , mi ;
Modo lydien : fa , sol , la , si , itt , rc , mi , fa ;
Mode mj'xolydien : sol , la , si , ut , re , vii , fa , sol.
La théorie de la constilution dos modes grecs élanl fort eonlrovcrséo parmi
les nombreux auteurs que j'ai consultes à ce sujet, à cause de rinsut'Iisance
et de l'obscurité îles documents dont (in pcul ili>|»()si'r; d'un antre côte, les
divers spécimens qu'on en donne, ctiint nitn-sculiMnenl dissiMnhiabies cnli'c
eux , mais offrant encore des dilTercnces sensibles avec les modes ('lablis |)ar
saint Andiroise, et dont on ne saurait contester l'authenticité, je ci ois \\m\-
voir en conclure : 1" cpie la conslilulion des modes grecs (excepté le doricn)
n'est pas encore parfailenienl (onnnc; '1" (jnc saini And)roise se sera appli-
(pié |irincipalement a repioduirc les noies île chacun deux, sans s'attacher
à une imitation exacte de leur succession diatonique. — Peulèlrc celle succes-
sion a\ ail-elle été déjà altérée peu à peu, ou modifiée avec intention par les
chrétiens, de telle sorte (jue l'archevêque de Milan n'aurait fait cpie repro-
duire, dans les quatre modes dont il est l'anlem', ces altérations ou modifica-
tions opérées avant lui. S'il est vrai, connue le prouvent les peintures
originales recueillies dans les catacoinl)es de Rome , cjne les premiers peintres
chrétiens aient emprunté à la nnthologie anticpie les principaux motifs allégo-
riques de leurs compositions saciécs, motifs ipii, Uiodiliés |)luslar{|, ennoblis,
transformés pai' leurs successeurs, devaient être les élénienls d'uiic iicinlure
nouvelle et propre au christianisme, pourcpioi la musicpie sacrée, après
avoir en le même point de départ, n'anrail-elle pas été appelée aux mônics
destinées? C'est, du reste, ce qui est démontre par la suite de son histoire. Je
vais même plus loin, en affirmant que l'on vil, dés l'aurore du christianisme,
des apôtres, des évoques el de grands saints trouver, dans les seules inspira-
tions de leur foi, des chants dignes de la majesté du culte divin. A défaut de
leurs compositions, qui n'ont pu parvenir jusqu'à nous, nous avons les té-
moignages formels de l'histoire, ipii nous a transmis linirs noms révères. Du
reste, quel qu'ait été le degré diniluence exercée, par la psalmodie hébraïque,
la mélopée grecipie el l'insijiration privée, sur le chant ecclésiasticiue, il faut
bien reconnaître que le génie du rliii>lianisiiii' a in.iirimé son souille (li\in,
son impulsion créatrice ;i la niu>i(|ii(', coninic a la peinture, à la sculpture
et à l'aiciiitecture. Le traxail (pic nous mmioiis de comiiuMicer ne sera (piniic
longue preuve de celte assertion '.
1. Je me permeltrtii de ftiiie ici une ub>crvalion. On a beaucoup trop dit que le ciiri-^liaiiisnie,
jeune encore ou inexpérimenté, avait , même a l'orij^ine, einpnmlé au pa^ani^me ses arts, pour
V. 3
18 ANNALES A RC H KOLOGI OUES.
Ce serait ici le lieu d'iiiouterde nouveiiiix développements à ceux que nous
avons déjà donnés sur la lonalilc. Nous les réservons pour l'article sur saint
Grégoire, qui sera consacré en partie à l'exposition si im|)ortante de la to-
nalité ecclésiasiiipie. En attendant, le lecteur ne nous saura pas mauvais
gré, sans doute, de lui donner un aperçu dws «lints et illustres personnages
se les approprier apics les avoir sanrtifiés. Des sa jeunesse, lo cliristianisme est plus viril, plus
original qu'on ne croit. Par jusie mépris pour le paganisme, il se fait une existence et, par consé-
quent, un art entièrement liifTérents de l'art et de l'existence des adorateurs de Jupiter, de Mercure
et de Vénus. 11 prend le Parthénon tout fait, et y met la vierge Marie; mais il bâtit Sainte-Sophie
de toutes pièces, et Sainte-Sophie est d'une architecture entièrement neuve, et qui n'a pas d'ana-
logue avant elle. La question des basiliques n'est pas suffisamment éclaircie encore. Nos antiquaires
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, fanatiques de l'art païen , ont dit que la basilique
chrétienne était une copie de la basilique païenne. Cela est-il bien prouvé? Le Saint-Pierre de
Rome, bâti par Constantin, était-il une copie réelle des basiliques païennes? En quoi les églises,
élevées en Palestine par sainte Hélène, ressemblent-elles aux monuments de la Grèce et de l'Italie
païennes? Les peintures et les sarcophages des catacombes sont, quant aux sujets et même quant
au style, purement chrétiens. Nos mêmes antiquaires de l'Académie des Inscriptions ont vu, dans
les catacombes, Apollon Criophore, Orphée attirant à lui les bêtes féroces; quant à moi, et ce
.sera prouvé par des faits matériels , par des gravures et des textes, j'y vois le BonPasteur, et le
prophète David jouant de la lyre ou de la harpe dans les déserts de la Judée. A n'en pas douter, il
en a été de même pour le chant ecclésiastique. Dès le principe, la musique chrétienne a dû être origi-
nale. C'est par pure hypothèse qu'on dit que le chant chrétien sort du système musical des Grecs ;
car, de l'aveu des plus savants, des plus graves historiens de la musique, et M. l'abbé Jouve vient
de nous le dire, on ne sait pas encore, on ne saura peut-être jamais quel a été le système musical
des anciens. Il est donc impossible de comparer avec l'inconnu notre chant chrétien, et do dire qu'il
descend, même en ligne collatérale, de cet inconnu. Quant à moi, mais par comparaison avec les
autres arts, je crois fermement que le système musical chrétien est aussi original, est aussi propre
au christianisme que lui sont propres son architecture, sa sculpture, sa peinture sur verre, ses
mosaïques. La religion, qui a créé l'orgue et le faux-bourdon, créé le bourdon et toutes les cloches,
était assez riche pour faire sortir tout, même à son aurore, de ses propres entrailles ; elle n'avait
pas besoin d'emprunter à plus pauvre qu'elle. Je dis que le christianisme a créé l'orgue et les
cloches; car, à supposer qu'à force de recherches on en trouve l'origine dans l'antiquité propre-
ment dite, cette origine est tellement insignifiante qu'on ne doit réellement pas en tenir compte. Il
y a des savants (nos mêmes savants) qui ont déclaré que l'ogive était née en Italie, en Grèce et en
Asie, parce qu'on en avait vu une à .Vrpino, une à Mycènes, ime à Persépolis; les gens sérieux se
sont misa rire en écoutant cette naïveté scientifique, qui faisait sortir do chez Cicéron, Aga-
memnon et je ne sais quel roi persan les cathédrales de Laon, de Paris, de Chartres et de Reims.
Nous ririons également à la face de qui viendrait nous dire que la flûte de Pan est la mère de notre
orgue chrétien. — Nous laissons à nos savants et dévoués collaborateurs toute liberté dans l'expo-
sition de leurs doctrines; mais nous devons, à l'occasion, faire des réserves, afin d'être autorisé un
jour, sans qu'on nous accuse d'inconséquence, à formuler nos opinions sur l'origine et le déve-
loppement, sur l'histoire générale et particulière des arts du christianisme. -4u surplus, M. l'abbé
Jouve abonde, on peut le dire, dans notre sens; si notre mémoire ne nous trompe pas, il est le
premier à reconnaître que le cliant chrétien est à peu i>rès original, et qu'il relève fort peu, s'il
en relève, du système des Grecs. Ce fait est tellement capital, à notre avis, que nous avons dû,
dans ces lignes, le faire saillir et le mettre en lumière. [Note du Directeur.)
ESSAI SUR LE CIFANT ECCr.ÉSl A STl Ol' E. 19
qui se sont occuih's do la imisi(|ue ou du rliiuit ecclosiaslitjuc, depuis saiut
Arnbmisc jusqu'à lépocjue du pape saiul Citcjjoiro.
Kn première ligne, nous devons citer sainl Augustin , contemporain, pen-
dant la première moitié de sa vie, du saint arclievècpu^ de .Milan. Daprès son
témoignage, léchant amhroisien était très-mélodieux; il se faisait remarquer
par un rhytlimc bien prononcé, comme celui de la musique grecque d'où il
dérivait. Tout le monde connaît l'éloge (pi'il en fait dans le livre ix d(^ ses
«Confessions», où il raconte comment saint Andiioisc eut recours aux chants
des psaumes, qu'il établit suivant la |)rati(pie des églises d'Orient. Saint Augus-
tin, non content d'avoir parlé fréquemment de la musicpie dans ses ouvrages,
a composé sur cet arl un traité spécial divisé en six livres, (pii se Irouxc dans
le premier tome de ses œuvres complètes. 11 mourut en 'i;{t).
Saint Pambon, abbé de Nitrie, en 380, auteur d'un traite sur ranli(pie
|»salmodie, intitulé : Institiila Palnim de modo psallrixli sive canlaiiili. Ce tiaité
fait partie de la collection de l'abbé Gerberl. — Le pape saint Damase, mort en
38'i, a composé plusieurs hymnes et poésies religieuses; il s'est occupé avec
zèle et succès du chant ecclésiastiijue. — Saint Jérôme, mort en 420, sesl oc-
cupé également de liturgie et de chant religieux. Dans son épitre à Lœta,
belle-fille de sainte Paule , il lui conseille de graver dans la mémoire d(! sa
fille quelque chose des ]isaumes, dès (]uo l'Age lui permettra d'articuler
quelques sons, et de l'habituer à chanter des hynmes le matin, a se tenir
prête à l'heure de tierce, de sexte et de noue, conmie une sentinelle vigilante,
et à couronner la journée , en offrant, à la lueur d'une lampe, le sacrifice du
soir. Dans son oraison funèbre de sainte Paule, saint Jérôme dit que les jeunes
vierges consacrées au Seigneur étaient dans l'usage de chanter tous les jours
le psautier, en le disant entre prime fee nom n'était pas encore connu, mais
la prière qu'il indiciue existait en substance), tierce, sexte, none , vêpres et
l'office de la nuit. — Saint Paulin, évêque de N(Me en Wl , a composé plu-
sieurs hymnes qu'on chante encore dans les églises qui suivent le rit romain.
— Claudius Mamert, prêtre de l'église de Vienne et frère de l'évêque du même
nom, musicien, poète, orateur, géomètre, florissait en M'.]. Il est auteur de
l'hynme Vatxfje linrjua rjloriosi pnplium ccrtaminis, qu'on chante le Vendredi-
saint dans le rit viennois. -Le pape Gélase, élevé au siège pontifical en 'il)"2,
est l'auteur de quelques traits, préfaces et hymnes. — Le pape Ilormisdas, élu
en 514, s'appliqua avec zèle à l'amélioration et à l'extension du chant re-
ligieux.— Déjà, en l'année 4GI, le pape llilairt; avait fondé à Rome une école
de chantres, qui fut restaurée beaucoup plus tard par saint Grégoire, comme
nous le montrerons bientôt. — Saint Nicet, évêipie de Trêves en T)'*?, a écrit
20 ANNALES AKCHEOLOGIOI ES.
on traité sur le chant des hymnes et des psaumes dans l'office public, intitulé :
De laudc et idililalc spirilualiinn canticoniin qua' jiunt in Ecclesia christiaîta,
seu de psalmodia bona. — L'infortuné Boèce, noble romain, philosophe chrétien,
auteur du livre de la » Consolation», décapité en 534 par ordre du roiTliéo-
doric, a composé un traité fort estimé sur la musique des Grecs, dans lequel
il parle, entre autres choses intéressantes, de l'emploi des lettres latines pour
la notation musicale. 11 est le premier auteur connu qui ait parlé de cet
emploi.
Dans une prochaine livraison, nous aborderons la seconde époque de
l'histoire du chant ecclésiastique, qui commence à saint Grégoire-le-Grand,
et finit à Gui d'Arezzo.
L'Abhc JOUVE,
Chanoine titnlairt- de Valence.
AÎ^NAIES ARCHEOIOGIOUES.
Par M'"Diiron, ru« d' Ulm, N?i, àPa:
:''0NT3 BAPTISJVIAUX DU Xlïï SIECLE, EF CUIVRI'.,
Bans lEtSlise S^Barlkélemi, àlièoe.
LKS CERKMOINIES
LES FONTS DU BAPTKM
En naissant , riioninie arrive au monde en corps cl en Ame; mais l'àmo est
souillée de la tache originelle, et le corps, tout engourdi, est insensible à la vie
extérieure, à l'existence de relation. Nos organes sont endormis, il tant les
réveiller; notre âme est morte par la faute du premier homme, il (aul la
ressusciter. Par la naissance, le corps existe; mais lAme, quoique tirée du
néant, ne vit pas encore, et les sens (jui lui servent d'organes sont frappés
d'inertie. Après la naissance matérielle, qui est la première, doit donc venir
celle de l'àme et des sens, qui est la seconde.
Cette deuxième naissance, qui fait de l'ètie humain un être social et de
l'homme un fidrlc, a été, chez tous les peiq)les , l'objet de cérémonies reli-
gieuses, de fêtes civiles, de lois polititpics. La société, qui règle la carrière
de l'homme dans son cours et à sa tin, devait la régler à ses débuts. 11 en est
toujours advenu ainsi; lisez l'histoire de tous les peuples. Mais il n'y a pas
de religion , pas de civilisation , pas de législation qui aient présidé à cette
seconde naissance avec plus de tendresse (jue la religion chrétienne. Un
sacrement protège l'homme à l'heure de sa mort ; plusieurs sacrements le
fortifient et le dirigent quand il marche en plein dans la vie; un sacrement,
le bai)téme, le prend et lui fait accomplir les premiers pas dans la carrière,
l/histoire et l'explication du baptême depuis Jésus-Christ juscpi'à nos jours,
dans toutes les nations chrétiennes ; l'iiistoirt! cl l'explication des cérémonies
aiialiigiies, ou de riiiitialiuM ilr riiuiiiiiK; a la vie religieuse et piilili(|iic chez
tous les peuples i)aiens, seraient d'uii haut intérêt. Mais nous sommes des
antiquaires, el l'explication nous est a pm pics interdite; notre domaine est
surlout le moyen àç^e, et le paganisme ne doit nous apparaître (ju'au dernier
plan. Knfin , archéologues bien [)lutùl (pie lituigistes et que théologiens
suitoiil , nous devons étudier exclusivement, ou peu s'en faut, les objets qui
ser\»'iil à la liluri/ie, h-> instrunicnts du culte. (]>•[ article est donc i()n?a(ré
22 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES,
aux fonts baptismaux et non pas au baptême ; si nous disons çà et là un
mot (les cérémonies j c'est pour faire comprendre plus aisément la forme et la
décoration des fonts de baptême.
Jésus fut baptisé dans le Jourdain par saint Jean; les premiers chrétiens
durent également recevoir le baptême dans les fleuves, les rivières , les fon-
taines , les lacs et les étangs. L'expression « de fonts de baptême » semble
rappeler cette origine. Un bien précieux souvenir de cette époque, où le
baptême se donnait dans les fleuves, les lacs et la mer elle-même, nous a été
conservé par cette bénédiction des fonts, tirée d'un ancien rituel gothique :
« Del)Out , frères chéris. Sur la rive de la fontaine de cristal , amenez , de la
terre au rivage , les hommes nouveaux qui viennent vendre et faire leur
commerce. Qu'ils naviguent et que chacun d'eux frappe la mer nouvelle, non
de la terre, mais de la croix; non du bras, mais de l'intelligence; non du
bâton, mais du sacrement. Le lieu est petit à la vérité , mais plein de grâce.
L'Esprit saint a gouverné en bon pilote. Prions donc le Seigneur, notre Dieu,
de sanctifier cette fontaine '. » Le rivage, la navigation, les échanges mari-
times, le Saint-Esprit au gouvernail, voilà pour le passé, pour les grandes
eaux des fleuves et de la mer où les premiers chrétiens furent baptisés. Mais
déjà cet océan est venu se resserrer dans la cuve baptismale, dans un (( lieu
plein de la grâce de Dieu, mais fort étroit. » Nous avons laissé derrière nous la
première période du baptême, et l'on s'en souvient encore très-vivement, très-
poétiquement, mais on entre dans la seconde. On descend, on plonge dans
les eaux sacrées, mais déjà on n'y nage plus. A cette époque , un édifice fut
affecté spécialement à l'administration du baptême; il prit le nom de baptistère.
Au centre de cet édifice , ordinairement dédié au Précurseui', à celui qui le
premier avait conféré le baptême chrétien, était placée une cuve où les caté-
chumènes , dépouillés de leurs vêtements , étaient plongés en entier pour
recevoir le baptême. Dans l'origine, au centre du baptistère, a pu sourdre
une fontaine d'eau vive; ainsi, quoique n'étant plus à ciel ouvert, comme
au bajitême de Jésus-Christ et des premiers chrétiens, on était encore, comme
alors , plongé dans l'eau courante. A défaut de fontaine , le centre du baptis-
tère était occupé par une cuve baptismale, par un font. Ce font (ou ces fonts)
se lomplissait d'eau lorsque des baptêmes devaient avoir Heu. Pendant long-
1. (I StiinU's, fralres carissiini , sii|icr liiiaiii vilrei fontis , novos hoinine^ adducile de terra lit-
tori, mercaturos sua commercia; sin.ïuli naviganles, puisent marc novum, non virga , sedcruce;
non tactu , sed sensu ; non baculo , sed sacramento. Locus quidem parvus , sed gratia plenus ; bene
gubernatus est Spiritus sanctus. Oremus ergo Dominum et Deiim nosirum ni sanrlilicet lumr
fontiMii. » — Martène, De antlquis ritibvs Ecclesise, vol. 1, 175.
I,i:S CKKKMOMl'.S ICI' I.KS l-ONÏS \)V ItAI'lilMK. 21
tonips, ju>(iir;ui xiV siècle, i\ co qu'A sciiiIjIc , le (iilccliuMiciic lut |ili(iit:é
dans celle cuve et recul le bapk^ine par iiiinicision. .^lais, dès le xu', com-
mence à nous apparallre le baplème par iiiiusioii. l'erulanl longlemps, liois
siècles peut-être, s'il faul s'en lapporler au\ représentations sculptées et
peinles, Tes deux systèmes par immersion et par infusion furent en usage.
Ainsi , à la Porte-Rouge de Notre-Dame de Paris , le catéchumène est plongé
à mi-corps et nu dans une cuve haplismale, probablement remplie d'eau :
voilà rinimersion. De plus, l'evéque (jui baptise lui verse de leau sur la léle,
ce qui est l'infusion. Mais les raisons de décence et de conunodité liiiiri'nt
par prévaloir, et l'immersion, abandonnée complélemcnl, lui rciniilacee par
l'infusion , seul mode encore jtralitjué de nos jours '.
En résumé, trois périodes dans le baptême. Pendant la première, on
l'administre dans les eaux courantes, dans les (lots d'eau vive; pendant la
seconde, dans une cuve où le corjis entier du catéchumène est plongé; pen-
dant la troisième, au-dessus de celle cuve destinée à recevoir les quelques
gouttes d'eau dont la tête seule du néophyte est lavée. Ainsi , le lieu où le
baptême se donne se resserre successivement, et l'eau, où la laclie originelle
se lave, diminue. En plein air d'abord, et sous la voûte du ciel ; ensuite dans
une cuve, autour de laquelle se biilit un monument spécial; enfin, au-dessus
d'un vase placé dans une petite chapelle ou dans le coin d'une église. Des
flots d'eau vive pour la première période, des seaux d'eau tirés à une
source pour la seconde, quelques gouttes pour la troisième. Nous l'axons dit
à propos du sacrifice offert sur l'autel chrétien : le Christ est tout entier dans
une parcelle de l'hostie comme dans l'hostie entière, dans une goutte de vin
comme dans une (pianlilé plus grande; ainsi, pour le baptême, la goutte
vaut autant que le Ilot. Une goutte d'eau, pourvu qu'elle touche le front,
lave de la liiche originelle l'ùme de l'homme tout aussi bien que les vagues
de la mer qui passeraient et repasseraient à diverses reprises sur le corjis ;
donc , à mesure qu'on avance dans les temps modernes, nous voyons le ma-
térialisme diminuer an prolil du synbole, et le signe sensible s'atténuer pour
grossir la signification.
.Mais, en même temps >\t\r Ir Uni du bajili'-iui' decroit aiii>i , les céicmonies
qui accom|)agnent ou suivent 1 admimstralion du sacrement augmentent en
importance et en nondire. Le baptême, nous l'avons dit, est la seconde
I. DLsfjni coiM-ndant que les RiiS-ses, qui sont (jrncs ilr rcli;;ion cl, |)ar conS4''(iiii.'nl, plus lidclis
aux usagps ancien», Iwpliseni encore \K\r immersion II y u plus, le jour du siimedi-stiint on plonge
de jeunes enfants dans les ;^ands neuves de lu Newa el de la Moscowa, en souvenir du buptCnie
primitif, (|ui s'administrait dans les eaux courantes des fleuves el d(>s rivières.
2i ANNALES ARCIIÉOLOG IQl ES.
nativité de riioaiiue, la renaissance de son âme tuée par la faute originelle,
l'éveil (le ses organes encore assoupis. Celte naissance à la doctrine religieuse
et à la vie de relation s'accomplit avec de belles et importantes cérémonies.
Ce jeune corps de l'être humain, qui vient d'arriver à la vie, a un père et une
mère; cette âme que la religion va créer, pour ainsi dire, ou ressusciter, aura
de même un père et une mère; elle aura des auteurs (prou appellera un par-
rain et une marraine, et le fils qui va naître à la vie de l'esprit s'ajjpellera leur
(ilieiil. Une affinité se produit entre le parrain et la marraine, surtout entre
ceux-ci et leur filleul, qui ne peut pas plus se marier avec eu\ que le fils ou
la fille avec sa mère ou son père. Il existe donc ainsi une famille spirituelle
destinée à compléter, à remplacer même au besoin, la famille selon la chair.
Celle-ci donne au fils son nom civil , celle-là donne au filleul son nom religieux,
son nom de baptême; l'assimilation est complète.
Sous la conduite de son parrain et de sa marraine, le néophUe est amené
à l'église ; là des cérémonies , variables dans le nombre et dans l'ordre où elles
s'accomplissent, d'aprèsla variété même des diocèses et des nations, précèdent,
acconq^agnent ou suivent le baptême proprement dit. Mais toutes sont sym-
boliques et aclmiiables de sens; toutes ont pour but de donner une seconde
vie à l'homme, la vie de l'esprit et celle des sens qui servent d'organes à l'àme.
A la création, le corps de l'homme, la masse inerte, fut formée avec de l'argile,
avec de la terre détrempée. Dans une miniature italienne du xiu" siècle. Dieu
ne façonne pas lui-même le corps d'Adam ; il confie ce soin à un ange, comme
un sculpteur fait ébaucher une statue par un praticien. Cet Adam, qui est à
peine dégrossi, ne vit pas encore et n'est qu'une statue. Mais Dieu bénit
cette argile, et les mains se détachent des lianes; la partie inférieure de cette
espèce de borne se partage en deux jambes; le haut s'arrondit en tête où se
percent la bouche et les narines , où s'ouvrent les oreilles , où s'allument les
yeux. Enfin, le Créateur soulHe l'haleine de la vie sur cette face morte tout
à l'heure, et la statue est devenue un homme, une âme vivante '.
Cette création d'Adam se répète en quelque sorte pour chacun de ses enfants.
Par la naissance matérielle, la naissance du corps, la statue est ébauchée
comme Adam l'est par l'ange qui sert le Créateur; mais dans la seconde nais-
sance, dans le baptême, le prêtre, qui est le représentant de Dieu, donne la
vie de l'àme, et d'une statue H fait un homme. Ainsi donc, dans les céré-
I. 0 Et inspiiavit in faciem ejus spiraculum vite, et factus est liomo in aniinam viventem. "
Gfnesis, caij. ii, vers. 7. —Nous avons donné celle miniature dans V Iconographie de Dieu,
page 513 , pianclie 131 .
r.Ks (;i:iu;\i(»Mi.s i:r i i.s ionis m hu-iimi:. 25
iiiDiiies (lu li;i|i|i''mi', >i' ir|iiiiiliiil -\ iiili()lii|iiriiii'iit une iiiiiiirr ilf la crcalion ilii
])ii^init'r liiMiiiiic.
(!(,imiii(' Ditni, le |in"'li(' (•(iiiiint'iicc par lu'iiii le ii(i|is liiiniaiii (|u on lui
pii'senle pour le bapliMiio; puis il lui impose les mains, l'onimo pour en prendre
possession et le façonner' sui\anl la \nlniite de la relijiion. Olte slalue liniiiaiiu'
a lies sens, des pieds, des mains, dr-naiinc~, des oreilles, des\rii\; inai-
des pieds qui ne niarelienl pas, des mains (pii ne touclienl pas , des nariniis ,
des oreilles et des \eu\ (pii n'odorent, n'eiileiident cl ne \oienl pas'. I.e
prt^lre , le oreali'iir luimaiii de ce pelil coi ps , prend di' la saiiv c d l'ii im-l sur
les narines, le> urcilies, les veii\ de renlanl , en li-iir (•(iiiimandant , ain-i ipic
Jésus-l'hrisl le lit lui-mt^me à ra\eui;le-né , de sOuvrir pour oiloitr, poni
enleniire et pour voir '. Il prend du sel et en met une pincée dans celle petite
bouche, nuiette jusipialors, pour l'animer et lui l'aire |iarler la lanuiie de la
sagesse. Avec de l'Iiuile consacrée, il rmllc la poili iiir ri les épaules, pour leur
donner la force de respirer et de porter des fardeaux, (iliez les Grecs, les
jamlK'S , les bras, le corps entier est baigne dans I huile, comme s'y baignait
l'athlète antique pour s'assouplir les membres et permettre aux jambes de
courir, aux mains de remuer sans trop de fatigue; puis, par trois fois, le prêtre
souille à la face du nouveau-ne, connue Dieu souilla i\ii-Hième à celle du
nouveau créé : Et fuclus rst liomo in tiiiiiiiam vivriilnii. .Mais cette âme vivante
est souillée de la tache originelle et possédée de l'esprit méchant ; le souille du
prélre chasse le mauvais esprit. Le parrain et la marraine renoncent, pour
leur fdleul, à Satan, à ses pompes, à ses œuvres; ils font |)our lui acte de
foi en récitant l'Oraison dominicale et le Syndwie des Apôtres. .Mors les eaux
baptismales coulent sur le front du néophyte et lavent la souillure d'.Vdani.
Des lors 1 enfant acquiert la seconde existence; il rrtiall ^ dans les eaux du
(. < Os lial)ent , cl non luqucntur; oculos habpnt , et non vidcbuni; aurps l)iil)enl , cl non au -
(lient; nare« tiabent, et iiun udorabunt: nianus lialionl i-t non palpabiinl ; podos liatM-nt pl non
anibulabunl; non claiiialiiinl in ^'iillure suo. » l'sniiii . iixiii , v. 5-7.
i. * tjiiamdiu siim in niumlu. Iii\ siiin miindi. Ila.>c mm di\is.^t i Jt>sus) , e.\piiil in Icriani. i-l
fecit luluin ex sputo. et linivit hiliiin su|M>r orulos ejus. el dixit t-i (liuniini ran-u) : Vade , lava
in nalaloria Siloc', quod inlcrpn-Uilur niissu^. Abiitorj^o. el lavil, cl xi'iiit viilens. » - S. Johann ,
cap. is, \ 5-7. < Uans l'applicaliun de la boue sur les \eu\ , r^iiit .\u'^u.«lin atM>rçult l'oni-Uun
d»» (lalÎH-huniones , et. dans le bain, le bapti>ine et >e> eflt't.s miraculeux. Toul est mystérieux
ici, jusqu'au nuni de la funtainc. Il nous apprend que le S4-ul vrai bapli^mc , relui dont les autres
n'ont pu «'tre que la lijjure, c'est le bapli^iiie île Irnviiyé par lAcelli-nce , c'est-a-dire de Jésus-
t^hrlst. » — ÊlUloIrt tl'- lu elf rie Jftm-i lirhl . jmr lo 1*. de l.i;;nj , vul ( , p. 4.'i( . édil. in-S".
Pari», IHli.
3. • Ni.ti qui.-< renolus fueril ex uipia et Spiritu Mini-lu, non potesl iniroire m ic^iuim l>ei. ■ —
S. Joli., C8p- III. N .'». '
26 ANNALES AKCUF.OLOGIOUES.
baplème qui ont été consacrées suivant les prescriptions de la liturgie. Voilà,
en masse, les cérémonies du baptême. L'ordre, nous l'avons dit, n'en est pas
réglé uniformément dans tous les rituels; mais il importe surtout de recher-
clier r(-spri( de ces fornuiles syniholii]ues, et il est tel que nous venons de le
dire.
Du reste , ces cérémonies ne sont qu'accessoires; elles n'existaient pas a
l'origine du christianisme , et ce fut petit à petit, dans le cours des six ou huit
premiers siècles, qu'elles furent successivement introduites. Mais la matière
et la forme indispensables pour la validité du sacrement, c'est l'infusion de
l'eau , c'est l'ondoiement accom[)li au nom des trois personnes divines. L'eau
est d'absolue nécessité; pas de baptême sans elle. Aussi lorsque, ne baptisant
plus à ciel ouvert, dans les fleuves et les fontaines, on éleva des édifices
au-dessus des cuves baptismales, ces monuments s'ornèrent de mosaïques, de
peintures murales et de sculptures où l'on représentait les merveilles produites
par l'eau aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament. Les per-
sonnages, qui avaient joué un rôle dans ces histoires, ou qui avaient prophétisé
la vertu de l'eau baptismale, y étaient figurés tenant à la main ces paroles
écrites sur un rouleau '. Les baptistères de Pise, de Florence et de Venise,
monuments à part, isolés, mais voisins des cathédrales de ces villes, sont
célèbres en Italie ; comme on le présume bien , ils sont dédiés à saint Jean-
Baptiste, le premier ministre du baptême. Celui de Florence est couvert de
mosaïques où le baptême se préconise par l'histoire sainte.
En Grèce, dans les couvents qui ont conservé plus fidèlement les anciennes
traditions^ le baptistère s'élève au centre du parvis qui précède l'église prin-
cipale. Ce baptistère, nommé cptxXTi ou Tr'/iy/i, est un petit monument circulaire,
percé à jour de six, huit, dix ou douze arcades qui supportent une coupole.
C'est au centre de cette rotonde et abritée par cette coupole même qu'est
placée la cuve baptismale. Cette cuve est un bassin de marbre d'où sort l'eau
sacrée qu'amène un conduit de métal. La cuve est quelquefois décorée de
sujets relatifs au baptême; mais c'est l'intérieur de la coupole, c'est la cor-
beille des chapiteaux qui portent la rotonde, c'est le parapet de marbre qui
défend les arcades à hauteur d'appui , qu'on orne de ces sujets. « En haut,
dans la coupole, peignez le ciel éclairé par le soleil , la lune et les étoiles.
Hors du cercle où s'éleud le ciel, faites des nuages avec la foule des anges.
Au-dessous des anges et circulairement, représentez, dans une première ran-
gée, ce qui est arrivé au Précurseur dans le Jourdain. Du côté de l'Orient,
I. Ézùchifl, entre autres, a dit : « Et aspergam super vo- aquani nuindam. >:
LKS (:i;iu-M<>Mi;s r. i i.i:s i(ini> di hm'Iimi.. ->7
failes lt'li;i|ili'iiu'du(;iiii>l. Au-ilossu> de Iji ItHcilii (llirisl, (lUc le Sainl-Ks|)ril
desceiule du cii-l sur un launi liimiiu'iix ol (lu'iiii lise : u tielui-i-i est mou
« fils bien-ainii' , dans Iciincl jai mis nus i-uniplaisaiires. )i Au-dossnus, dans
une s<'n)nilo ranm'o, peiiïuoz los miracles de l'Aiieien-Teslamenl (pii claienl lu
tiuure du di\in baiilèmo, à savoir : Moïse sauvé des eaux, les Kirypliens en-
gloutis dans la mer Houge, Moïse adoueissant les eaux anières , les douze
plaies des eaux, l'eau de la ronlradielion , l'arelie daHiance traversant le
Jourdain, la toison Inimide et stVlie de (lédéon, le sacriliee d'Klie, Klie tra-
versant le Jourdain, Klisee purilianl les eaux, Naanian purifié dans le Jour-
dain , la fontaine de vie. Sur les eliapileaux. représentez les |)roplièles et ee
qu'ils ont prophétise Iducliaiit le lia|ilénie. » — Ain>i s'exprime le moine
ajiliiorile Denvs '.
Chez nous, il a dû en être de même. >lalliiiircusemfnl la plujiarl de nos
baptistères sont détruits; ceux (jui peuvent nous rester encore, comme Saint-
Jean de Poiliei-s, sont badi!;eonnés ou mutilés. (Juant aux anciennes cuves
baptismales, beaucoup sont calcinées, cassées, débitées en moellons ou fon-
dues ; cependant nous en possédons encore im certain nombre, et, en ce
moment même, nous avons le soin de les faire rechercher et dessiner pour
offrir, en texte et gravure à nos lecteurs, une monoi^ra|)liie complète sur
celle partie importante de l'ameublement religieux. .Vins! donc, connue nous
l'avons déjà fait pour les autels, nous prions nos amis et nos abonnés de
nous signaler les bai)tistères et cuves baptismales anciennes dont ils connaî-
traient l'existence; qu ils nous en envoient la description et le dessin, petit à
pelil, le dessin sera gravé et la description imprimée. — En attendant que nous
réalisions le projet de publier la monographie des anciens fonts baptismaux
de Irance, nous ollrons aujourd hui la gravure et la description de la plus
belle et de la [)lus intéressante cu\e baptismale (pii soit à notie connaissance.
Au mois d août IS'iH, M. Louis Fabr\-Uossius, l'un des plus savants et de>
plus zélés correspondants du Comité lùstorique des arts et monmnrnts, me
faisait les honneurs arcliéoloi.'i(iues de la ville de Liège où il est ne , et me
montrait , avec une inratii;able bii-meillance, des richesses caché(>s cpie je
n'aurais certainement pas vues sans lui. Au nondire de ces trésors, furent les
fonts baptismaux, placés aujiiurdlnii i S nni-ltarlhéleujy , dans une pièce
*. Guide de la l'einture, tniduil dan- Ir Mamnl d irniKnjraphle chrétienne, pn». i38.(i0.
Voyez, \>i>'^. iiOiii , 1.1 lunguc note ruinpIi^nifiUuirc (|ue nutis uvons iijuiilt^o à ce texte pn-rieux,
H, pag. 2H»-290, la Licllr dcsicription de la Fontaine de rie, st-ulpinent indiquéi* ici. Pour nr pui
Uup alloni^T outre article, im>ui> nuu» cuntenleruii» de faire (<>:• renvois au Manuel. Il n'y u rien
de pluit complet sur romcmentatiun det< Imptistere-.
28 ANNALES AHCHEOLOr.IQUES.
fermée à clef, une espèce de chambre, indigne de posséder une aussi belle
œuvre. Cette cuve vient d'une église nommée Sainle-Marie-aux-Fonts', qui
fut détruite en 1793;[il est heureux qu'on n'ait pas fondu la cuve comme on
a démoli l'église. Non content de nous avoir fait connaître l'existence de ce
chef-d'œuvre de la dinanderie belge, M. Fabry-llossius en fit exécuter, sous
ses yeux, des dessins exacts par IM. Olivier Henrotte, un jeune et habile
artiste de Liège. Ces[dessins sont ceux que MM. Léon Gaucherel et E. Guil-
laumot nous ont gravés sur acier et sur bois, et que nous donnons aujour-
d'hui. Nous n'avons pas reculé devant cinq gravures, dont trois paraissent
aujourd'hui, afin de pouvoir donner complètement une œuvre aussi curieuse.
Nous suivrons, dans la descri|)tion des sujets, l'ordre indiqué par la chrono-
logie et par le sens même des inscriptions.
Saint Jean, le premier ministre du baptême, prépare au sacrement futur
les publicains, les soldats, le peuple entier, les classes sociales et les condi-
tions politiques, en les instruisant, en leur recommandant la pénitence.
Devant un arbre qui porte des feuilles de deux espèce et qu'il est difficile de
caractériser, en face d'un groupe de quatre personnes, le Précurseur, haut
de stature et le bras droit tendu, annonce aux publicains (_plblic.vni) la parole
divine; il leur ordonne de faire dignement la pénitence :
FACITE ERGO FRl'CTUS DIGNOS PENITENTIE ^.
Ce jeune soldat qui interroge saint Jean et qui représente ces hommes
d'armes venant demander le baptême et des règles de conduite au Pré-
curseur, est une des jjIus jolies figures et des mieux posées que j'aie jamais
vues. Je ne connais qu'au portail de la cathédrale de Reims un soldat,
représentant le courage, qui soit aussi beau que cette statuette. Mais à
Reims c'est en pierre, et ici c'est en cuivre; en sorte que l'avantage, vu la
dilficulté, est à la cuve de Liège.
Le peuple est préparé par cette prédication, par cette doctrine de la vérité.
Alors, saint Jean-Baptiste, presque adossé à un «^hène, baptise deux juifs
enfoncés seulement à mi-jambes dans les eaux du Jourdain; il leur dit.
« Moi, je vous baptise dans l'eau; mais, après moi, en viendra un plus fort
que moi. » Cette parole annonce la scène suivante, la scène princi|)ale ;
1. « Sanrta-Maria-ad-FontfS. » Celle belle cuve l)a|)liMiiale iiiéiilait bien de donner un ^^uinoni
à son église.
2. Saint Mathieu , m, 8-14. — « Venerunt aulem et publicani ul baptisarentur, et dixerunl ad
illum : Magister, quid faciemus?... Intenogabant euni et milites, dicenles ; Qiiid faciemusetnosV...»
— Ce sujet et le suivant i)arailrom dans les « .Vnnales » du mois iirocliain.
IKS ci: ItÉMOMKS I. I ll> |MN|> |i| li A I' I KM F. o<)
EGO vos HAI'TIZO IN AOIA; \ KNIKT AITKM lOltilOU Ml. l'nST MK'.
Derrière les deux baptisés, deux lioiiimes, (jiii altendcnt mi (|ui viennent
de recevoir le baptême, ont une tournure et une physionomie i'neri,'i(pies et
bizarres, (jiii ne r;ipp(llinl pas trop mal l'art étrusque ou éiiénétique. Knire
eux et les baptises, sur la rive du lleu\e, s'élève une phuilc (pii -cndilc une
grande feuille de foui^èie.
Nous sommes à la troisième scène, qu'annoncent les pardies iireccdcntes
de saint Jean, et qu'on représente lialiiluellcnient sur les fonts historiés; c'est
le plus grand tli- lun- hs baptêmes, le baptême de Jésus-Christ. Ce sujet, le
i< Guide de la peinture • (inlonncd.- le icprescnlcr à l'Orient, à la place d'hon-
neur du ba|)listère ; nous lui axons e.i;alenienl tlonné plus d'iiiq)orlance
iju'aux autres, en le faisant i;raver sur acier avec l'ensendtle de la cuve. Jésus
est ()loni;é à mi-corps lians les eau\ du Jourdain, cl, tamiis (pie saint Ji'an lui
touche la tête, il j)orle la main ijauche à son c(eur et bénit de la main droite.
Saint Jean, nu pieds comme un ap6tie, nimbé comme un saint, aux cheveux
lones et un peu incultes, couvert d'un manteau de peau, dit au SauveuV :
EC.O A TE DEIiEO MAITIZAUI, ET Tf VENIS AI) ME '.
Sur la rive opposée, deux anges s'inclinent; ils tendent vers leur Créateur
les vêtements qu'il va prendre en sortant du Jourdain. L'inscription i^raNcc
au-dessus de leur tête indiijue leur oliice :
ancei.i mixistkantes.
Du haut des cieux, le Père éternel regarde son Fils avec amour, et dit :
HIC est EII.IIS MEIS DIEECTIS IX (.HO MIClll COMI'I.MHI '.
Le Saint-Esprit , sous la forme d'une colondte , descend du ciel; il lance
des rayons sur la tête du (Christ. C'est la manilèstation la plus complète de
la Trinité. Le Père et la divine colond)e ont un nimbe uni, mais celui du Fils
est décoré d'une croix. Kn Italie et en Allemagne, on scndile réserver pins
volontiers la croix au Fils; chez nous, on en fait rallnliul incli>lin( l des
nimbes divins '. Au-dessus de Dieu le Père, on lit I'ateh ; à dioite et à gau<li('
• . Sainl Luc, III, 16. -- Cf ne miiiI pas lilU'nilriiu'nl les |iur()l('.< ilc >;iiiil Luc. imijs l)ion ci'llcs
qui s'en rapproclicnt le plus.
i. Saint Mathieu, m, I (.
3. Saint .Mathi<;u , m. 17.
i. Vovez , rà et lu , (iiin> VIcuinHjrap/iie d<t Dieu , des exemples nombreux à l'appui île re niii.
30 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
de la colombe, spiritis saxctus. Deux arbres, un olivier probablement du
côté de saint Jean, un chêne du côté des anges, encadrent cette scène.
Après le baptême du Sauveur, arrive le baptême donné par le premier
des apôtres. Corneille, centurion de la cohorte italique, à Césarée, est bap-
tisé par saint Pierre. L'apôtre prêche, et sur tous ceux qui l'écoutent descend
le Saint-Esprit :
CECIDIT SPIRITL'S SANCTCS SUPER OMNES OUI AUDIEBANT VERBUM '.
Les fidèles reprochent à saint Pierre d'avoir vécu avec des incirconcis et
de les avoir baptisés; mais l'apôtre leur répond ,ce qu'il tient gravé sur une
banderole : « Qui étais-je, moi, pour pouvoir m'opposer à Dieu? »
EGO QUIS ERA>[ , QUI POSSEM PROHIBERE DEUM "?
L'Esprit qui descend sur Cornélius est ici figuré, non par une colombe,
mais par une main droite qui sort des nuages, lance trois faisceaux de
rayons, un de chaque doigt le pouce, ["index et le grand doigt; ouvert et
bénissant. Chacun de ces faisceaux se comjjose lui-même de trois rayons; ces
trois fois trois rayons seraient-ils là comme un symbole de la Trinité.^ Cor-
nélius, dépouillé de ses vêlements, est plongé dans une cuve remplie d'eau,
où il est béni par saint Pierre ; un des siens assiste au baptême. L'apôtre a
les pieds nus et le nimbe uni.
Le troisième baptême est donné par saint Jean Évangéliste. Craton, philo-
sophe d'Ephèse et prôneur fastueux de la pauvreté , se laisse convertir aux
paroles et aux miracles de saint Jean ^. L'apôtre le plonge dans une cuve
pleine d'eau et lui pose la main droite sur la tête en lui disant la formule du
baptême écrite sur un livre qu'il tient de la main gauche :
EGO TE BAPTIZO IN NOMINE PATRIS ET FILII ET SPIRITUS S.VNXTI. AMEN.
Jean, ce beau vieillard, ainsi que les Byzantins aiment à le représenter, a
la figure inspirée; il lève les yeux au ciel. Cet inspiré, cette ardente imagina-
L est a désirer que nos artistes contemporains ornent d'un nimbe crucifère Dieu le Père et le
Saint-Espril tout aussi bien que le Fils, d'abord parce que nous sommes en France, et non en
Allemagne ni en Italie , et ensuite parce que ces rayons qui partagent le nimbe en quatre parties,
à angles droits, ne sont peut-être pas un emblème constant de la croix du Sauveur. C'est une
question indécise encore: elle ne pourra se résoudre que par la recherche et l'étude d'un très
grand nombre de faits.
i. Aclusapost., X, 44.
2. Aclusapost., xi, 17.
3. Legenda aurea, de Sancto Jolianne Evangelista.
ANNAr.r.S ARr.IIKOl.OClOUES.
Piir M. Didron, rue d'L'Iin. N" 1. à l\iri:
fifttin^ pnf I. Cmirherrl
n'nprft n Henrollf
Ctnv^ pnr F.. Ciiittntnnni
STUIpllirr en riiliri'. du Xll' jiiVlr-. h Lic'i!i>
A NN A LES A 11 C II KO LOf, lO l ES
Pur M. nidiiin. nu- il lliii, N 1 . ;i l';in
ftifitinf pnt !.. Catirhrret.
r>'ni-ri>t n. Ilnirnllr.
Crnvf pnt K Ciillliiiiiuni
•BÂf'TliiVll ©1 ©?IAT@Î0 Ll l?>MflL@@@g>lKll f/hP\ êAOÎilT Mm 1 V AMâlLDâTUn
S'iilpliirp cil niiirp. (Iii XII' «iiVli-, A Lli*".'!-
LES CÉRÉMOMKS ET LES FONTS Dl liAl'TKME. 31
tion , (jiii rdiivoitil Cl' iiliilosoiilic ou à'Uc raison froido, rcsuiiic en lui l<iute
lliisloire des trioiuplios du rliiistianisnio. Un jeune hoinine, un disciple de
Craton, assiste au l)a[)lème ipiil va lui-nu^nie recevoir, et Dieu du liant du
ciel, bénit le uéojjliyte. Une main sort des nuayes, coninie à la scène précé-
dente; elle lance trois faisceaux lumineux composés chacun i\o trois rayons.
Trois petites étoiles brillent dans le ciel d"où sort la main de Dieu ( dkxtera
DEi). Saint Jean est pieds nus et nimbé conune saint Pierre, mais son costume
est un peu plus riclu". Sa robe biodée à la cuisse rap|)olle peut-(Mie le luxe
asiatique affectionné de l'auteur de l'Apocalypse, et dont M. Viclor (îay nous
parlait, le mois dernier '. Ce n'est |)lus dans un fleuve que les apôtres saint
Pierre et saint Jean baptisent , mais déjà dans une cuve dont la forme et les
détails méritent d'être remarques.
Au moyen âge, comme dans l'anllipiitc, au surplus, la grandeur morale, la
puissance, la dignité se traduisent dans larl ligure par la grandeur pliysique.
Cette cuve étant consacrée au baptême , les ministres du sacrement, saint
Jean-Baptiste, saint Pierre, saint Jean Évangéliste, devaient être plus grands
que les catéchumènes j Jésus lui-même, quoique Dieu, est inférieur en taille
à Jean qui le baptise. Le costume de tous ces personnages mérite une atten-
tion particulière, surtout celui du jeune soldat qui parle à saint Jean-Baptiste.
M. Fabry-Bossius nous promet, sur le casque, la cotte démailles, le baudrier,
lépée, le bouclier, la collerette et le jupon de ce soldat, un article ([ue nous
ferons connaître à nos lecteurs. Chaque personnage a son nom au-dessus de
sa tête :
Pater. — Filius. — Spiritus Sanclus. — Angeli. — Joliannes Uaptista. — Potriis. — Cornélius. —
Dextera Dei. — Cralon l'Iiilosuplius. — Joliaimos Evangelista. — l'ubllcani.
Par tous ces sujets, la cuve de Liège se rapproche beaucouj) des baptistères
grecs; ces reliefs ont de l'analogie avec les peintures décrites et recomman-
dées par le caloière aghiorite. Cependant le moine Denys s'attache aux sujets
de l'Ancien-Testament, et ici nous n'avons aperçu encore que ceux du Nou-
veau. Baissez-vous donc, regardez au soubassement, et, vous le verrez, la
cuve baptismale de Liège n"a pas complètement oublié que l'Ancien-Testa-
ment était la figure duNouveau. Elle a même inventé un motif dont ne parle
pas le ((Guide de la peinture», motif qui résume en lui tout l'esprit du chris-
tianisme , tout le rapport qui existe entre la Loi ancienne et la Loi nouvelle,
entre Moïse et Jésus-Christ, entre la Synagogue cl l'Kglise. Salomon fit fondre
une cuve, si grande, (pi'on l'appclail la mer d'airain. Lnlièrement ronde, elle
1. .Iniiales Jrchéologiques, vol. IV, pa;:. 35.'i.
32 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
avait cinq coudées de hauteur, dix de diamètre, trente de circonférence. Elle
était posée sur douze bœufs, dont trois regardaient le nord, trois l'occident,
trois le midi, trois l'orient. Elle était portée par ces douze bêtes dont elle ca-
chait la croupe tout entière'. Cette mer était destinée aux ablutions. Ces
douze bœufs, vous les voyez mugir au soubassement du bassin de Liège ; ils
portent de leur croupe, qui est totalement cachée, celte cuve chrétienne,
comme ils portaient la cuve juive du temple de Salomon. L'Ancien-Testa-
ment sert de piédestal au Nouveau , la mer d'airain sert de base aux fonts
baptismaux. Mais au couvercle, qui n'existe plus mallieureusenienl, on re-
trouvait ce parallélisme entre la Loi juive et la Loi chrétienne. Les prophètes
et les apolres y étaient figurés comme ayant annoncé la même vérité ; les
premiers pour l'avoir prévue à travers des nuages, les autres pour l'avoir vue
face à face. La présence des apôtres et des prophètes sur cette belle cuve
nous est révélée par un texte de Gilles, moine de l'abbaye d'Orval, qui a fait
une K Chronique de Tongres » -. On y lit le passage suivant où les fonts de
Liège sont curieusement décrits :
His quoquc diehus "' tloruit vir nobilis Helimis, abba? S. Mari* . qui in eadem ecclesia.
Fontes fecil opère fusili
Arte vix comparabili.
Duodecim qui fontes sustinent
Boves, typum gratiae continent.
Materia est de m\ sterio
Quod tractatur in baptisterio :
Hic baptizat Johannes Dominum ,
Hic gentiiem Petrus Corneliuni.
Baptizatur Craton philusophus.
X'\ Joliannem conlluit popiilus.
Hoc quod fontes desuper operit
Apostolos et prophetas e.xerit.
(( A cette époque fleurit le noble Helinus, abbé de Sainte-Marie, qui, dans
la même église. Ut des fonts en travail de fonte avec un art à peine compa-
rable. Les douze bœufs qui soutiennent les fonts offrent le type de la grâce.
La matière se compose du mystère accompli dans le baptême. Ici le Seigneur
1. Il Fecit (Salomon) quoque mare fusile decem cubitorum a labio usque ad labium, rotun-
diini in circuitu. Quinque cubitorum altitude ejus, et resticula triginta cubitorum cingebat illud
per circuitum .. Et stabal super duodecim boves, e quibus 1res respiciebant ad aquilonem, et
très ad occidentem, et très ad meridiem, et très ad orientem ; et mare super eos desuper eral ;
(pior^im posteriora universa intrinsecus latitabant. » Lib. lll Jiegiim, cap. vu, v. 23-25.
2. iEgidii Auretc Vallis rebgiosi (Obertus LV episc. Leod), ap. Cliapeauville , t. II, p. 50.
3. « Chronicon Ttingrense, anno, inquit, 1113. Helinus. abbas S. Mariae, fontes fecit in eadem
ecclesia opère fusili. » (Note de Cliapeauville.)
LES CÉRÉMONIES ET l,ES FONTS 1)1 BAPTEME. 3:?
est baptisé par Jean ; ici ('Drnclius-lc-dciilil, jiar l'ii'irc. (".latoii le pliilosoplu;
reçoit le baplôine. Le peuple accomt à Jean, (le (|iii, par (Icï^siis , cuiimc I(;.s
fonts, montre les apôtres et les prophètes. »
Ainsi, dans eo texte iuccieux cpic mms envoie M. Fabry -Hossius , nous
a\ons la mention des ddii/.c Ixeiils, des prophètes, des apôlros, et des dif-
férents baptêmes sculptes et ciselés sur la cuve. I.e iioiu de l'artise, l'auleiir,
le poëte de cette belle cruvre nous n)ancpiail encore; mais M. Kabrv-liossius
l'a retrouvé dans un écrivain liégeois du xiv" siècle, Jean d'Outremense, rpii
a laissé, écrite en langue française, une chronicpie inédite encoïc mallieureu-
sement. Jean ])arle de ces fonts dans sa chroniipie, et dit : « ... bandierl '
Patras, le batteur de Dinant , ipii les lit en I an Ml'i, sur la demande de
Ilellin, chanoine de Saint-I.ambert i île Liège i et abbé de Sainte-Marie. »
.\insi, nous n'avons plus rien à désirer; nous connai>sons désormais Tarliste
et son œuvre. Ce l.and>i'il l'atras est le descendant legilime du u'iand artiste
Hiram, que Sahimon lit veniideTyr. Hiram, tils dune femme veuve do la
tribu de Nephlhali et d'un père lyrien, était un artiste plein do sagesse, d'in-
telligence et de science pour toute œuvre de bronze '; c'est lui (jui fit les
grands travaux de Salomon et cette mer d'airain décrite avec tant de com-
plaisance dans le « Livre des Rois ». lu de nos Hiram et l'une de nos Tyr du
moyen âge sont assurément ce Landterl Patras et cette petite ville de, Dinant,
située sur la .Meuse, qui a ou l'honneur de donner son nom à toute une
branche do l'art, la fonte et la batterie en cuivn; (pie l'on ciselait ensuite.
La Belgique est encore toute |)leine, on peut le dire, de ces dinande-
ries ou sculptures de cuivre jaune, (pii datent des ix' ou x' siècles, et vont
jus(|u'au xvii% jusqu'à notre époque^. Ne croyons pas toutefois, avec un his-
torien moderne, M. Michelet, que ce travail de la sculpture en cuivre fût
1. Dan» une de ses leltres, M. Fabry-Kossius donne à Patras le prénom de Jean au lieu de
iMinbert. Nous n'avons pas eu le U'mps d'écrire à notre savant ami de Lié;;e pour le prier de
vérifier ce prénom; mais nous en reparlerons dans une livraison prochaine.
2. « Misilquoque rex Salomon , et tulit Hiram de Tyro, lilium iiudieris viduie de (ribii .Ncpli-
Ihali , pâtre Tyrio, arlilicem airariuni et plénum sapicntia , el intelli^entia , et doeirina ad facien •
dum omne o|)Uà ex a-re. Qui . cum venisset ad regem Salomonem, fecil omne opus ejus. n Ub. lll
/iegum, cap. vie, v. r'<-1i.
'^. Dans le musée de Bruxelles, existe une cuve baptismale qui nous a paru de beaucuui) anlé-
rieure au xi' siècle. La cuve de Lléj^e est du xii'. Des pupitres et can Ji-labres des xiv', xv, xvr
xvii'elxviii' siècles ornent les églises de Tournai, de Courlrai , d'Vpres, de Brujjes, de Gand
d'Anvers, de Matines, de Louvain, de Bruxelles, de Tongres el de Liège. Nous ne parlons pas des
églises de toutes les [wli tes villes el de villages, enrichies égalemeni de fort anciennes et fort
telles œuvres de dinanderie.
34 ANNALES ARCIIÉOIJX. iOTES.
étroitement renfermé dans la petite ville de Diiiaiit et dans la seule Belgique.
La France, pour ne |)arler que de notre pays, a eu, pendant tout le cours du
moven âge, des batteurs de cuivre de mérite, et même de génie; il suiiit de
voir celles de leurs œuvres qui ont échappé au vandalisme , aux guerres de
religion, à la cupidité, au mauvais goût, et qui enrichissent les trésors de
quelques églises, les musées publics et les collections de quelques anti-
quaires. L'article suivant est donc injuste :
u Ceux qui ont vu les fonts baptismaux de Liège et les chandeliers de
Tongres se garderont bien de comparer les dinandiers, qui ont fait ces chefs-
d'œuvre, à nos chaudronniers d'Auvergne et du Forez. Dans les mains des
premiers, la batterie de cuivre fut un art qui le disputait au grand art de la
fonte. Dans les ouvrages de fonte, on sent souvent, à une certaine rigidité,
qu'il y a eu un intermédiaire inerte entre l'artiste et le métal. Dans la batterie,
la forme naissait immédiatement sous la main humaine, sous un marteau
vivant, comme un marteau qui, dans sa lutte contre le dur métal, devait
rester fidèle à l'art, battre juste, tout en battant fort; les fautes de ce genre
de travail , une fois imprimées du fer au cuivre, ne sont guère réparables \»
Cette injustice de l'historien est le résultat d'un demi-regard; due fallait
pas voir nos chaudronniers actuels de l'Auvergne et du Forez, mais nos fon-
deurs et batteurs de cuivre , d'argent et d'or, du Limousin , de la Picardie, de
l'Ile-de-France, de la Champagne et de la Normandie, aux xii", xin% xiv%
xv« et xv!*" siècles. Alors M. Michelet aurait pu constater que la dinanderie
régnait partout au moyen âge, comme étaient partout, notamment en France,
l'architecture, la sculpture, la peinture, la poésie et la musique. Cette déprécia-
tion est d'autant plus étrange que M. Michelet affecte constamment d'exalter
la France aux dépens des autres pays, et l'art moderne aux dépens de l'art
du moyen âge ; il est vrai que le sixième volume de i< l'Histoire de France »,
qui date du commencement de 1844, est antérieur aux «Jésuites», au
(( Prêtre », et au « Peuple », et que depuis deux ans il a passé bien de l'eau
sous le pont des Saints-Pères et même sous le pont des Arts. Quoi qu'il en
soit , et nous pouvons le dire sans faire tort à nos chaudronniers du moyen
I. Michelet, Histoire de France^ t. VI, p. 200-201. — Dans une note de la page 201 ,
même volume, M. Miclielet cite le texte suivant : « Savoir faisons... nous avoir esté humblement
exposé de la partie de Estienne de la Mare , dynan , ou potier darain , simple homme , chargé
de femme et de plusieurs enfans , que comme environ la Chandeleur qui fut mil ccc nu xx et
cinq , icelluy suppliant se feust louez et coiivenanciez à un nommé Gautier de Coux , dynan , ou
potier derrain,pour le servir jusques à certain temps, lors à venir, et parmi certain pris sur ce
fait , et pour païcr le vin dudit marchié... » archives, trésor des cliaries., leg. 159 , pièce 6 ,
lettre de grâce, d'août 1 iO 4-
LES C.ÉUÉMONIES ET LES KOMS Dl ItAITÈME. 35
âgo, le diiiandier Lambert Patras est un grand ailisic, l'sl un lidninn' de
génio, Jclez les yeux sur les jolies gravures de M.M. Leun (iauclujrcl cl
Guillauinot, et admirez la distribution des scènes, la disposition des groupes,
les airs de tète, l'expression dos pliysiononiios, la francliisc des attitudes, le
jet des draperies. Dites si \ ous connaissez de plus belles liètes que ces bœufs du
iliaiiilniiuiifr de Dinanl .de plus noble \i( illaid ipic le saint Jean Évangéliste,
déplus rude solitaire que le saint Jean-Haptisle, de plus aimables adolescents
que les anges et le Sauveur au baptême. L'anticpiité est belle; mais, en
vérité, le moyen âge, ipii l'aisait des chaudiomiiers comme les auteurs de
l'encensoir de Lille et des tonls de Liei;e , a l)ien aussi son mérite. Nous
pourrions même demander à lait anti(]ne où sont les o'uxres de ce genre
qu'il pourrait nous opposer.'
In mot encore sur la cuve de Liège , et nous linissons.
Elle est en ciiivre jaune fondu, mais avec un grand nond)re de détails
ciselés. Haute de 60 centimètres, elle en a 90 dans le bas et 80 dans le haut;
elle est presque cylindrique. L'ancien couvercle a disparu, on ne sait depuis
combien de temps. « J ai interrogé à ce sujet, nous écrit M. Fabry-Rossius ,
yi. Collard, sacristain de Sainte-Croix de Liège, homme âgé, qui a connu les
anciens chanoines de Sainte-Croix et des autres églises, et qui a recueilli un
grand nombre de souvenirs que lui seul possède ici ; mais il n'a pas pu me
renseigner. Il en est de même des deux bœufs qui mancpient, à cette ouve, sur
les douze anciens. Le couvercle actuel est plat , en bois , el bordé d'oves. Je
crois que les feuilles des arbres représentées sur ce monument sont de fantai-
sie. Ainsi, à l'un de ces arbres, les feuilles du sommet ressemblent à celles
du rosier, tandis que les feuilles d'en bas sont pendantes et très-différentes.
Que |)enser de ces feuilles ensiformes qui rappellent l'iris, sur l'arbre où
s'adosse saint Jean qui baptise Jésus? Pourquoi supposer à Lambert Patras
des connaissances en botanique.' L'artiste travaillait à son œuvre en \\\'2;
il ne pensait guère qu'un jour on pourrait y venir chercher des documenta
sur l'état des connaissances botaniques de son temps. Il savait (pie le bap-
tême du Seigneur avait eu lieu en Palestine, contrè(! lointaine; donc il créait
des arbres chimeii(pies.
« La chevelure de Craton le philosophe, fort bien entretenue, représente
une surface hémisphérique, bordée en bas par un bouirelel spicifoinie; à
toutes les têtes il y a de ces bourrelets plus (^u moins bien soignés , et qui
sont globuliformes à plusieurs. Saint Jean-Baptiste, à cause de sa vie sauvage,
porte une chevelure plus longue el plus négligée. Les cornes des bœufs sont
pointues et très-crochues. Les galons et les broderies qui décorent les vête-
36 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
menis sont ciselés, aussi bien que les cheveux et autres détails. Toutes les
inscriptions sont ciselées. Il serait presque impossible de les estamper, ainsi
que vous m'en avez témoigné le désir ; car le monument a été nettoyé , frotté
et fouibi tant de lois, que tout ce qui n'est pas abrité par un creux est
fruste, sinon totalement effacé. Le dessin est aussi fidèle qu'on peut l'exi-
ger d'un dessinateur; mais il est fâcheux que nos artistes aient une certaine
répugnance à employer le daguerréotype; il n'y a pas d'autre moyen cepen-
dant, surtout quand il s'agit d'archéologie, de ne jamais rien altérer. «
L'état fâcheux où l'on a réduit ces inscriptions, surtout celle qui couvre la
moulure supérieure de la cuve , ne nous a permis de la lire que très-difficile-
ment. Mais M. le baron de Guilhermy, qui a vu et admiré les fonts de Liège,
qui en a lu et transcrit les inscriptions, est venu à notre secours; il nous a
transmis intégralement le texte et la traduction qui suivent :
Corda . parât . plebis . Domino . doctrina . Johannis .
Hos . lavât . hinc . monstrat . quis . mundi . crimina . tollat .
Vox . Palris . hic . adest . lavât . hune . honio . Spiritus . implel .
Hic . fidei . binos . Petrus . hos . lavât . hosque . Joliannes .
Le premier vers appartient à saint Jean exhortant les Pulilicains à la péni-
tence; le second, encore à saint Jean baptisant deux Juifs; le troisième, au
baptême de Jésus; le quatrième, à saint Pierre et à saint Jean Évangéliste
baptisant Cornélius et Craton.
Jean, par sa doctrine, prépare au Seigneur les cœurs du peuple; il lave ceux-ci, et de là il
montre qui enlèvera les crimes du monde '. La voix du Père est là; l'homme baptise celui que
l'Esprit reniplil. Ici Pierre et Jean lavent ces deux hommes de foi.
A la moulure inférieure, celle qui pose immédiatement sur les bœufs, on
lit:
Bissenis . bubus . paslorum . forma . notatur .
Quos . el . apostolice . commendat . gratia . vite .
Officiique . gradus . quo . fluminis . impetus . hujus .
Letifical . sanctani . purgatis . civihus . urbem .
Ces vers correspondent à ceux d'en haut; ils sont placés sous les mêmes
scènes, mais sans avoir trait aux sujets historiques. Ils concernent la cuve et
les bœufs qui la portent :
K Uion, dans ces bas-reliefs, ne représente saint Jean niunlranl l'Agneau de Dieu qui efface les
péchés du monde. Peut-être, en posant sa main dioitc sur les néophytes, montre-t-il avec l'index
Jésus qui reçoit le baptême dans la scène suivante.
LES CÉRÉMONIES ET LES FONTS DU BAPTÊME. M
Par res douze bœufs est niiirqucc la figure des pasteur» que la grâce do la vio a|iosloli<|u('
recommande aussi bien que le degrt' do la fonction. De In l'impéluosilé do ce fleuve (|ui lY^jouit
la ville sancliliée par la purification des citoyens.
Maintenant, nous dirons, ronnni' nous le taisons toujours, (|n(! (]uan(i on
voudra avoir pour une grande t'gliso, une caliicdralc iirincipalement, des fonts
baptismaux à tournure nionumenlaie, remarquables de forme et d'idée , rien
de mieux à faire que de copier ceux-ci. Admirons, enlin, combien les xii*" et
XIII' siècles sont niagniiiques ; tout ce qu'il y a de plus beau , dans les grandes
comme dans les petites clioses, dans rarchiteelure comme dans la chaudron-
nerie, est presque exclusivement de cette période extraordinaire.
f)IDItON.
CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE METZ.
AU DIKECTEUK.
Mon cher ami, j(î ne puis vous offrir qu'un compte- rendu assez incomplet
du Congrès archéologique de Metz ; des circonstances pénibles et impérieuses
ne m'ont permis que d" y séjourner trois jours. Le Congrès était peu nombreux:
mainte notabilité étrangère faisait défaut, et plusieurs sommités académiques
locales s'étaient abstenues; démêlés de famille que je n'ai point cherché à
connaître, mais que j'ai déplorés. Que l'on tombe en désaccord, soit; mais
il y a une trêve aux rumeurs, le jour où l'étranger invité franchit le seuil de
la cité hospitalière, car il a le droit d'espérer qu'une voix unanime lui sou-
haitera la bienvenue.
J'ai retrouvé à Metz nos amis des Congrès de Lille et de Reims : le vicomte
de Cussy , MM. Lambron de Lignim de Tours, l'abbé Le Petit de Caen,
de Glanville de Rouen, l'abbé Nanquette de Reims, les comtes de Courcelles
et de Cauiincourt de Lille, de Givenchy de Saint-(3mer, le docteur Bromett,
venu tout exprès de Londres. L'Allemagne avait député monseigneur Millier,
évêque suffragantde Trêves, MM. le conseiller Reichensperger et le professeur
Schneeman de Trêves, de Lassaulx de Coblentz, Ramboux de Cologne,
Urlichs, professeur à l'Université de Bonn. — On comptait trois architectes :
MM. Châtelain, Gauthier, Yivenot; des ingénieurs anglais, belges, français.
Le Congrès de Metz n'a pas égalé celui de Lille; on y a fait néanmoins
de bons travaux. M. Prost de Metz donna lecture d'un Mémoire sur la clas-
sification chronologique des édifices religieux du pays messin, depuis le
milieu du xi" siècle jusqu'au milieu du xvi\ Travail consciencieux, logique,
approfondi, qui se range de plein droit au nombre de ces investigations
essentiellement utiles aux progrès de la science archéologique. — M. Ram-
boux avait exposé de nombreux dessins formant une suite de représen-
tations du Sauveur , de sa divine Mère , de saint François , depuis le xii" jus-
qu'au xvi' siècle. — M. de Lassaulx produisit un travail des plus instructifs
sur la construction des voûtes, illustré de modèles en bois et en plâtre.
CONGRES AKCIIKOl.odluI i: |»|. MKT/. 39
— yi. U('ic'lien>|>erpM- inloi-Oï^sa vivoiiKMit ras!;onil)l(''0 on (■onumiiiiiiiiiiiit de?
plans originaux provenant de la maîtrise des maçons de Niirenilierg. Ces
plans ne remontent qu'au xvi' siècle; mais, basés sur la tradition, ils per-
mettent de constater, dans les églises ogivales, le rapport numérique des
parties, la déduction géométrique des formes architcctoniques. Cette commu-
nication est si importante que j'en ferai ultérieurement le sujet d'une note
détaillée : la place me manquerait pour la traiter ici. Reste à mentionner une
excursion archéologique hors des nuns, (jue le ra|iporteur dit avoir été douce
pour le C(Our, et fructueuse pour riiilelligeucc ; une liriiiaiile soirée donnée
avec une urbanité parfaite par la numicipalite de .Met/ , et enfin une séance
tenue à la préfecture. Hàlons-nousdeledire : le préfet, .AI. (k-rnieau, M. Sido,
maire par intérim, M?'' Dupont des Loges, M. Mézières, recteur de l'Académie,
ont, à diverses reprises, formulé leurs sympathies à l'égard du Congrès, en
des termes dont nous conserverons un long souvenir. Kl maintenant , mou
cher ami, passons à l'excursion de Trêves; je me sens heureux d'avoir à
vous en entretenir, car elle a été admirable. J'y comptais.
Le 8 juin , vers six heures du soir , un radieux soleil faisait resplendir dans
ses gloires monumentales l'antique Treviris, assise au bord de ce fleuve chanté
par Ausone , .\mms viriwssime. Sur la rive gauche, au pied de ces rochers
de grès rouge, festonnés de verdure et d'habitations à toutes les hauteurs,
tonnait l'artillerie de réjouissance; sur la rive droite, une foule compacte
obstruait les abords du débarcadère, et le pyroscaphe français, la Providence,
amenant soixante-cinq membres du Congrès, débouchait majestueusement
par l'une des arches de ce pont, dont les piles datent de l'épotfue où Trêves
était, en deçà des Alpes, la reine do l'Occident. Le débarquement opéré,
donnant le bras à M. de Caumont , ci tenant de l'autre main cet étendard au
champ d'azur , le même qui fit les glorieuses campagnes archéologiques de
Lille, Tournai et Reims, je guidai le cortège vers les jardins de la douane,
où nous attendaient les députations.
Nous fûmes harangués en langue française , d'abord au nom de la munici-
palité de Trêves, par M. Laul, président du tribunal de commerce :
« La ville de Trêves, si riche en monuments historiques do ton? les
siècles, offrira à vos studieuses recherches un champ vaste et intéressant. Le
séjour en notre ville laissera en vous , nous en sommes srtrs , de doux
souvenirs, et nous aimons à espérer que , de retour en vos foyers, vous
vous plaire/ à redire à vos concitoyens ([ue ranli(]ue métropole de la Helgique,
que l'antique Rome du nord mérite toujf)urs d'être visitée par les étrangers.
Mais, messieurs, ce n'est pas seulement sons ces rapports rpie nous sommes
tO ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
heureux de vous voir chez nous; il en est encore d'autres et de bien élevés.
Ce concours en notre ville d'hommes éminents, d'hommes distingués de tous
les points de la France , est pour nous le garant des relations de bon voisinage,
d'un rapprochement sincère entre deux nations faites pour s'estimer , pour se
res|)ecter mutuellement : cultiver ces bons rapports sera toujours pour nous
l'accomplissement d'un doux devoir. Tels sont, messieurs, les s(!ntiments qui
nous animent et que nous aimons à vous exprimer. Veuillez, de retour dans
votre belle patrie, être nos organes auprès de vos concitoyens. — Encore une
fois, messieurs, et du fond de nos cœurs, soyez les bienvenus. »
M. Charrot de Florencourt, président de la Société des recherches utiles,
s'exprima à son tour en termes bienveillants et affectueux; enfin, M. le
landrath von Haw , au nom du Comité de réception, invita les membres du
Congrès pour le lendemain soir à une fête champêtre
A sept heures, les membres du Congrès se rendirent à la grande salle du
Casino , où les attendait l'élite des habitants de Trêves. La Société de chant y
exécuta avec cet ensemble, cette netteté , cette énergie des voix allemandes,
le magnifique oratorio de Béthoven, le Christ au jardin des Oliviers.
Il m'est impossible , mon cher, ami , de nommer cette œuvre sublime sans
lui consacrer quelques réflexions. Nous qui jetons sans cesse des anathèmes
contre les messes à grand orchestre et qui voulons revenir au plain-chant ,
nous accordons, il est bon qu'on le sache, toutes nos sympathies à l'oratorio,
ce drame religieux exécuté dans un concert.
Béthoven a voulu donner à l'agonie du Christ, identifié à la faiblesse
humaine, toute son expression de torture. Voulez-vous la saisir? cher-
chez-la dans l'accompagnement , qui vous rendra les soupirs , les déchi-
rantes plaintes de cette heure fatale. Lorsque l'archange ému prononcera le
décret immuable de la volonté divine , c'est l'orchestre qui fera tonner à
chacjue syllabe la voix de l'Éternel , ou fera répondre les gémissements
de la nature aux accents si touchants du messager céleste. Mais l'action
se déroule : Cherchons dans la montagne. C'est le chœur des soldats à la
poursuite du Sauveur. Béthoven est peintre : celle marche à petit bruit,
dans l'ombre, ces mots échangés à voix basse, ces soldats qui, dans un
instant, vont atteindre leur victime, vous les voyez, et vous pressentez
ce cri formidable : Le voici. Rhythme heurté, image vivante de cette joie
tumultueuse et farouche, de cette fureur sanguinaire qui , une fois déchaînée,
restera inaccessible à la pitié. La scène n'a-t-elle point acquis tout son
développement? Non. Voici surgir dans le tableau un plan jusqu'alors ina-
perçu : les disciples, hommes faibles encore et qui n'ont point reçu la force
rONT.KES AHCIlKOl.OlilorK DK MKIZ. VI
(|iii en iVi;! de?. iiiiiil\i>. D'oti riri)! et- liniil ili's roinbats.' (".t'tlc opposition, si
heureusement amenée, el (|iie Hcllioxcii a IrailiT avec sa supériorité ordinaire,
achève le drame; elle vous laisse sons nnr iiii|)r{'ssion profonde de tristesse
et d"angoisse. Mais le grand artiste l'ail vilnvi a son gré toutes les cordes de
TAme, et, par le canticiiic final, Que l'iinircrs ri'tnilissp, la ravit tout entière
dans un sentiment de sulilinie et de majestueuse g'andeur ; c'est l'inconunen-
surable grandeur de Oieu.
Le concert achevé, on descendit dans le jardin de rétablissement, où la
musique du ',V régiment (rinfanleri(> se chargea à mui Idiir (remerveiller nos
dilettantes étranger». Une demi lniiii' ne sCtail pa» ecnnlee i|ne déjà régnait
cette aménilé, cette cordialité , cet abaiulun (pu lient les cd'urs. On s'empres-
sait autour des Français; les ofliciers de la garnison de Met/ , assez nombreux ,
conversaient avec leurs frères d'armes. Heauconp d'archéologues, faisant trêve
à la science, se mêlaient à ces groupes errants ou stationnaires. A tous on
prodiguait cette li(pienr nationale , ce rin ilr iiuii , où se combinent les parfimis
du moselle, de l'orange et du muguet des bois, coudjinaison très-heureuse,
à en juger par la consommation. Il régnait dans celte réunion c(ît entrain,
cette douceur des mœurs allemandes cjui donnent une franche gaîté. I.a soirée
se prolongea, (pioiquil fallût se préjjarer à d'assez rudes fatigues pour le
lendemain.
Le mardi 9 juin, à six heures et demie du matin , les archéologues étaient
sous les armes, c'est-à-dire rassemblés au |)alais de Constantin (palais ou
basilique (, d où l'on se rendit aux bains. Là s'ollril un spectacle curieux
et philosophique. Un grou|)e, occupant le grand hémicycle, dévouait son
.' atleDlion à M. le professeur Heinigel , lequel démontrait que les bains étaient
un théâtre. Dans la salle tpii flancpie ledit hémicycle , M. Reichensperger
développait, avec une grande animation, h; système de M. Schmidt, et
démontrait que les bains étaient un palais. A (pielqnes pas , un troisième
groupe prononçait que les bains étaient des bains. Vanile de la science
humaine! Eh! sans doute, la recherche de la vérité est ardue; iiuii<, aiiie-
loi, le ciel t'aidera. Persévérons. — Des bains l'on passa à l'ainpliithéàtre, au
Pkoihïjnacim'M , à la Pouta-Nkiha , à la calh<''drale , au cloître, à Notre-
Dame, à la Porte-Neuve, à la bil)li(illie(pie. llnmieur au zèle anheologiipie;
il a fait ses preuves. Honneur surtout a l'activité incessante, à robiigeance
infatigable, au savoir de notre premier cicérone, .M. Heichensperger : il eût
gagné ses éperons, si ce n'était fait depuis longtemps. N'oublions pas une
visite chez Mgr Mùller, où l'on admira des raretés paléographiques; l'ivoire
célèbre récemment rapporté de Moscou, et qui tendrait à appuyer l'identité
V. 6
42 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES,
de la sainte robe ; enfin un encensoir roman , le spécimen le plus remarquable
qu'il m'eût élé donné de voir en ce genre. Une autre visite eut lieu chez
M. le chanoine de Wilmolsks , pour y voir une statue de la Vierge en style
du XIII'' siècle, exécutée sous la direction de cet ecclésiastique, également
habile à manier le cotnpas, le crayon et le ciseau. Il ctail i)rès de trois heures;
le Congrès n'avait eu que deux heures de ré[)it.
La séance générale s'ouvrit dans la grande salle du Casino, sous la prési-
dence de M. de Caumonl. Notre digne Ibndaleur," dans un exposé concis
et lucide, fit connaître l'origine de la Société française, le but qu'elle se
propose, les résultats qu'elle a obtenus; puis la parole fut donnée au secré-
taire général.
Après avoir assigné à l'archéologie chrétienne le rang (ju'elle a droit de
revendiquer entre les sciences, attendu la noblesse et l'utilité de sa mission
qui con-iste à préparer l'avenir de l'art en en restituant le passé, je m'attachai
à faire bien comprendre que nous n'étions pas venus à Trêves avec la pré-
somptueuse idée de faire des découveites, ni de résoudre en vingt-quatre
heures des énigmes monumentales; mais que notre but essentiel était de
constater un fait de plus en plus évident, à savoir, que Trêves olTre à l'ar-
chéologie une étude des plus importantes, puisque, par un rare privilège,
elle possède une page historique pour toutes les époques de l'ait. Lors-
qu'il s'agit de constater les origines et le développement de l'art rhénan ,
l'influence germano-romane que cet art a pu exercer sur l'art français (comme
le témoignent encore d'une part Tournai , de l'autre Chàlons-sur-Marne et
Verdun) , Trêves en est véritablement le point de départ, car cette ville sem-
blerait être le berceau de l'art germano-roman. En ellét, j'incline de plus en
plus vers l'hypothèse dans laquelle je me suis rencontré avec M. Fortoul. Les
bains de Trêves , peu importe leur destination ancienne , présentent le pro-
totype des grandes cathédrales du Rhin, notamment de la disposition à deux
chœurs; ils témoignent ainsi de l'influence que l'architecture civile des
Romains a exercée sur l'architecture religieuse des peu|)les modernes. La
petite galerie, dont l'aspect assombri ou radieux change à chaque heure du
jour, est le couronnement obligé de toute église germano-romane; celte
galerie semble, dans l'origine et en l'absence de tours, être provoquée par un
besoin de surveillance d'un lieu élevé; c'est ainsi que nous l'offre la cathédrale
de Trêves , spacieuse et romaine. [Plus tard, l'élévation des clochers la réduisit
au simple rôle d'ornementation, par les dimensions qu'elle comporte; déjà
l'abside , dont l'évèque Poppo a flanqué la Porte-Noire, prépare les rudiments
de sa nouvelle destination. Trêves l'a prise ailleurs, soit; mais l'art germauo-
CONGRÈS ARCHÉOl.oiiloI K DK MF.TZ. 43
roman l'a prise à Trêves. Il faut abrôiier. (Iroyz, mon clicr ami, que j'ai
lait tout ce (]ui était en mon pouvoir pour convaincre les habitants do Trcves
de nos sentiments bicuN cillants et fialcrnels; josc le dire, on a ajouté loi
à mes paroles.
Me voici m.iinlcnanl rappnitcur du comiti' des réconi|)cnses ; vous approu-
verez notre choix. A|)rcs avoir lait mention de nos lauréats de Lille, nous
avons proposé dabord M. rarchitecle Schinidt, rhistorioi;raphe des monu-
ments de la Moselle. M. Schmidt va publier une monographie complète de
l'église du Laacher-Sec. Il vient de consacrer six mois à calipier tout ce qui
reste de plans originaux des cathédrales de Ualisbonne , Ulm, Fribourg,
Cologne, Francfort, Strasbourg; il se propose de les réduire et de les éditer
à un prix lrès-modi(pio '. M. Schmidt compte parmi ces artistes qui vivent de
peu, et dévouent généreusement à la science leur temps et leur mo(li{[ue
avoir. Puis notre justice distribulive est venue chercher M. Rand)oux , natif
de Trêves, conservateur du Musée de Cologne, et ilont |)lus que tout autre
vous appréciez le mérite. Fnlin nous avons oll'ert une médaille à M. le
chanoine de Wilmolsky, qui dirige avec tant d'intelligence les travaux exé-
cutés au cloître et à la cathédrale même : il est vraiment beau que nous
ayons pu trouver nos trois candidats sans sortir de Trêves.
La Société française , dont la devise est conseuvation des monuments , de\ ait
précherd'exemple sur la terre étiangêre, et stimuler par une oITrande, d'autant
plus acceptable qu'elle serait plus modique, ce zèle eflicace sans lequel nos
principes conservateurs resteraient infructueux. Mais je n'ai point dérogé à
vos préceptes; j'ai répété, en regrettant vivement \otre absence, ce que
vous aviez dit à Lille. Sauf des cas extrêmes, la restauration ne doit être
qu'une consolidation. Ainsi il faudrait se garder de démonter les autels
en style de la renaissance qui décorent la cathédrale , bien qu'ils fassent
anachronisme; mais on |Miul applaudir à l'eidêvement de ces parois de mar-
queterie surmontées de bustes d'anges en manière de corps de ballcl , il ijui
dérobent des fragments darchitecture et de coionnettes. Plus encore doit-on
i . Strasbourg appartient moins à la France qu'à l'Allemasine , mais nous possédons en France
des documcnls analogues à ceux que M. l'arcliitecle Schmidt recueille avec tant de zèle. Nous
avons des épures gravées sur le granit, des projets tracés sur le parcliemin; nous possédons
même des dessins palimpsestes (le moyen Age a ses palimpsestes aussi bien que l'anliquité).
Nous venons de faire graver pour les lecteurs des « Annales » ces épures, ces projets et ces pa-
limpsestes , et pcul-ètre que la livraison d'août en contiendra une première planche. Nous
sommes heureux de nous être rencontré avec le savant architecte de Trêves. Dans peu, le jour sera
fait sur les points les plus obscurs d? la construction au moyen iJge, tant en Allemagne qu'en
France. ( .Xote du Directeur.)
VV ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
(Icsii er le débadigeonnemeni complet de rinlériour du moniinieiil. En résumé,
nous avons offert cent francs pour l'église du village de Neumagen, du xiii'
siècle; une souscription en a récemment conjuré la ruine, mais elle réclaYne
encore secours et assistance Cent francs aussi pour un vitrail de l'église
Notre-Dame. Entln , comme je le disais, nous avons cherché longtemps s'il n'y
aurait pas (pielque vénérable pan de mur, })orteur d'une inscription effacée par
le temps, que les mains allemandes et françaises, s'étreignant en ce moment,
rcsiitueraient de concert; nous l'avons trouvé. Vous vous souvenez de la
Porte-Neuve qui regarde la France et où se voit un Christ entouré de saint Pierre
et de saint Euchaire. Ce motif se reproduit à la cathédrale, puis sur l'autel
portatif de saint Willibrod, ([ue possède le curé de Notre-Dame, et encore sur
l'ancien sceau de la ville. L'inscription portait :
Sangta Treviris
Trevericam plebem Dominus protegat et urhem
Nous avons voté cent francs pour cette restauration, et le jour viendra ou
quelque adhéient du Congrès archéologique de Metz, de retour à Trêves, se
souviendra et redira, non sans émotion : « Dieu bénisse le pays et la cité de
Trêves ! »
La séance fut terminée par une allocution de M. de Caumont, et la remise
à M. le bourgmestre d'une médaille commémorative de grand module, avec
la légende :
Congrès archéologique de Metz
I.a Société française pour la conservalion des nioniimi'iiis
A la ville de Trêves
A cinq heures du soir, des omnibus attelés en poste nous menaient rapide-
ment à la Maison-Blanche, mise à la disposition du Comité de réception,
grâce à l'obligeance de son propriétaire, le landralh von Havv. Par une
délicate attention, les habitants de Trêves, prenant part à la fête, nous
avaient précédés; rien ne manquait donc à la parure de cette charmante
demeure. Sise en aval de Trêves, rive gauche, la Maison-Blanche et un
ravissant jardin occupent le plateau d'un rocher à pic surplombant la Moselle,
et qui commande un panorama indescriptible. On voit Trêves en son entier;
le cours de la Moselle vers Metz et (^oblentz ; en arrière de la Cité, cette
ceinture de coteaux, Virides baccho colles d'Ausone; diamétralement en
face, Kiirens et Belle-Vue. Ces derniers noms désignent la propriété d'où je
vous écris, et où vous étiez attendu et vivement désiré. Nous fûmes com-
plimentés par M. von Haw en langue française ; vos lecteurs me sauront
gré de leur transcrire un passage de cette chaleureuse allocution .
CONGUÈS AHCIlKdLOr, IQl'K DK M KTZ. 45
I' Les inotuimt'nts (lue notre terre, iioiniiiee classiciiie ;i hoii ilioil, présente
à votre observation apiiartieniient à des àyes dilTerenls ; les uns aii\ sièelcs
païens, les autres à l'ère (•iiicliemie. Sous le pniiil de \iic |iuiviiiriil iiili-lii|ue,
vous trouverez ([ue tous merilent eiialeiui'iit Mitic alliiiiiun; mais, sous le
rapjioil de l'inspiration qui les a crées, \(iu^ pdrtere/. de iiréléreneo , si je
juge bien des teuilanees qui vous aiiimenl el \ ous guident , vos méditations
sur les produelions du génie ein-étien (jui est la base essentielle iU' la eivili-
sation, la cause la plus t'éeonile du grand el du sublime, la source d'où
coulent les nobles sentiments, les hautes pensées dont il faut ienq)lir l'esprit
et le cœur des liommes pour élever les âmes d'élite aux grandes eonee|)lions.
C'est ainsi que les arts agissent, d'accord avec la religion, pour la gloire
comme poui le bonheiu- de l'IuMiianilé. »
La fête cnimiirnce, riiariiiniiic militaire altern(; avec ces cluriirs de \()i\
d'hommes sans acconq)agnement, chantant a\ec celle précision, ce nuancé,
cette verve particulière aux Allemands. On écoute en silence, el bientôt les
bravos éclatent; |)uis les joyeuses conversations reprennent; on ne se lasse
pas de contempler celle magnifique toile déroulée à nos regards, et que
M. Forloul a si bien caractérisée en disant : « Les admirables édifices que le
génie de l'honnue a élevés à Trêves , n'ont pas de couleurs ni de lignes plus
belles que celles de la divine consiruction qui les envelop|)e. » Mais déjà le
soleil s'incline \ers l'iiori/on ; il |)àlil. Pui-^ soudain , reprenant toute sa puis-
sance, il embrase de ses Ions les plus chauds la ville et la contrée : ce n'est
plus l'Allemagne, c'est la brûlante Italie. Un moment après, l'ombre croît;
clic enxahit el dérobe successivement lessplendeuis monumentales de Trêves.
Alors une brrllante illumination, refiétée par les eaux du fieuve, nous rend
les énergiques contours du poni de la Moselle. A ce signal, des guirlandes
de feux colorés se suspendent aux arbres, des gerbes étincelantes scintilleni
dans les massifs, enfiamment les parois rochcnises (|ui nous environnent. La
valse de Strauss l'ail retentir un apjiel que la jeune Allemagne n'entend jamais
en vain. La fête tourbillonne. Vers nnnuil enfin, on redescend, on regagne la
cité, et l'on y fait, musicjue (!n tète, rentrée triomphale , aux acclamations
prolongées de la population.
Telle a clé, mon cher ami, l'excursion du (>ongrês à Trêves. lir;\ce aux
'< Annales Archéologiques » , ce récit sera lu sur tous les points de la France;
nous jirendrons nos mesures pour qu'il se répande aussi au delà du Rhin , et
ce sera une réponse au toscin d'alarme. 11 est bon de vous le dire, certains
organes de la presse allemande semblaient voir, dans la visite du Congrès,
une inva-ir)n ultramontaine. On a c'crit en tontes lettres « (pie l'archéologie
V6 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
française marchait de concert , main en main , avec l'iiltramontanisme. » Ces
insinuations seraient de nature à paralyser nos efforts, à mettre entrave à
l'union si désirable entre les savants des deux pays. Heureusement, en
Allemagne, grand est le nombre de ceux qui savent juger sainement les
hommes et les choses; aussi est-ce avec bonheur que nous avons entendu,
au Congiès de Metz , un professeur de lUnivcrsilé de Bonn prononcer des
paroles dont nous reproduisons, sinon les termes absolus, du moins le sens
réel :
(< J'ai la conviction intime qu'en ce qui concerne les sciences et les arts , il
n'y a pas de limites territoriales entre les nations; tous les peuples, marchant
vers un but commun, doivent se donner la main pour arriver plus sûre-
ment. Le Rhin et la Moselle, ignorant toute frontière, poursuivent paisiblement
leur cours à travers les deux pays ; ils arrosent successivement leurs bords
pittoresques et fertiles; ils dispensent indifféremment la richesse, l'abondance,
le bien-èlre aux populations riveraines. De même, dans cette exploration, dans
cette réintégration du passé de l'art, entreprise avec courage et succès par
l'archéologie de nos jours , les tendances doivent être unes, les efforts doivent
être communs ; car il est vrai de dire que les questions d'art ne peuvent être
complètement résolues que par une double enquête effectuée sur les deux
territoires amis. »
Tout à vous de cœur.
Baron Ferdinand DE ROIS IN.
MELxViNGES ET NOUVELLES.
L ACADEMIE DES BEVUX-AIITS El LE CLEHOE.
Larchc d'alliance et la vierge Marie. — Symbolisme du soleil et de la lune au moyen âge. —
Scandale à propos d'une crosse d'évoqué. — Démolilion de la (lèclie de Saint-Denis.
l-a réponse de M. VioUet-Leduc aux aihuiiie.'; portées, par lAcadctnio des
beaux-arts, coatre la renaissance du style gothique, nous a valu un grand
nombre d'adhésions. Nous avons même été fort étonnés de voir arriver à nous
des architectes plus ou moins âgés , plus ou moins hellénisant , que nous pen-
sions emboîter le pas avec l'Académie ou barbotant avec elle dans les mêmes
eaux. On nous a écrit de divers côtés ; mais nous gardons précieusement
ces lettres, pour en faire usage en Icmiis iililc. Toutefois, nous devons donner
connaissance de la lettre suivante (lue M. (iueylon, curé de Bercy, vient de
nous adresser; après la réponse d un aivliilecte, il est bon de savoir ce que
•le clergé pense des doctrines religieuses de l'Académie, ensuite, les artistes
et les ecclésiastiques entendus, les archéologues proprement dits pourront
prendre la parole. Il est bon que chacun plaide à sa façon dans ce procès que
l'Académie a la naïveté de nous faire. — Voici la lettre de .M. l'abbé Gueyion :
« Monsieur ,
« Vous ne sauriez croire combien a été pénd)lo, pour les homnirs religieux,
l'apparition du manifeste de l'Académie des beaux-arts conlri; le style chré-
tien du moyen Age relativement à notre époque. Après rexcellcnte réponse
de .M. Viollet-Leduc, pourrait-on ajouter (juelqucs mots et signaler encore
les incroyables erreurs du manifeste, surtout sous le rapport de la vérité
catholique ?
« Première erreur. — a 11 importe d'écarter d abord de cette grave discus-
« sion l'idée que l'architecture gothique serait l'art chrétien par
(' excellence, il ne peut en être ainsi, par la raison que cette architecture
VS ANNALES A KClIKOLOd IQUES.
« s'est formée à la fin du xii" siècle, el que Rome n'a rien de gothique, n
— « Le christianisme n'a |)as eu d'arcliitecture propre à son origine, par Va
raison qu'il lui a fallu conquérir les intelligences, construire la société reli-
gieuse avant d'élever des temples. Pendant longtemps il célébra ses augustes
mystères partout où il put s'abriter, dans les catacombes, dans le réduit de
quelque demeure dérobée, puis enfin dans les basiliques romaines. Les
premières églises qu'il se donna furent nécessairement faites avec ce qui exis-
tait, avec des constructeurs et un art païens. Mais lorsqu'il eut con(iuis la
société, et profondément pénétré les àrnes ; lorsque les architectes créèrent
d'après les inspirations de la foi chrétienne; lorsque les évêques, les moines
qui faisaient élever les églises , furent eux-mêmes artistes, alors les efforts de
l'art durent nécessairement tendre à mettre les œuvres religieuses en harmo-
nie avec les objets de la croyance, avee les besoins du culte ; alors la foi chré-
tienne dut cliercher à produire par toutes les formes de l'art ses sublimes
inspirations, ses douces espérances, son ardente charité; alors dut être créé
le style religieux par excellence. Et cette création devait avoir lieu dans les
contrées où la rareté des monuments païens laissait le génie catholique le
plus affranchi de la domination du passé. Notre France en a eu l'honneur.
Tandis qu'à Rome, le christianisme, s'installant dans les œuvres d'une archi-
tecture complète el qui avait tout produit dans la cité, ne put que conserver
et continuer ce qui existait.
(( Deuxième erreur, — « La question se présente autrement si l'on propose
« de bâtir de nouvelles églises dans le style gothique, et de donner pour
« expression monumentale, à une société qui a ses besoins, ses mœurs, ses
« habitudes propres, une architecture née des besoins, des mœurs, des habi-
« tudes de la société du xii*^ siècle. » — « De quelles habitudes et de quels
besoins entend parler l'Académie? Sans contredit des habitudes et des be-
soins religieux , puisqu'il s'agit d'églises et de ce qui s'y pratique. Or nous
apprendrons à ces messieurs, puisqu'ils semblent l'ignorer, que nos habi-
tudes et nos besoins religieux sont exactement les mêmes que ceux du
xir siècle. Le dogme et la morale, les croyances et les pratiques de la société
catholique n'ont pas varié d'un iota depuis cette époque. Et nonobstant les
machines à vapeur, le journalisme, le scrutin électoral, la pondération
des pouvoirs, el autres choses de ce genre, inconnues au xif siècle, nous
récitons le credo, nous sommes baptisés, nous allons au catéchisme, à con-
fesse, à la messe, au prône, à vêpres, tout comme on le faisait au xii" siècle.
Eh bien ! les églises de ce siècle, suivant vous-mêmes, « captivent au plus
« haut degré le sentiment religieux, élèvent la pensée chrétienne vers le
MÉLANGES ET NOIVEI.I.ES. 49
« ciel, léalisent à [\v\\ cl à lespiil riiiiii^i» do celle Jéinsalem célesle vers
(f laquelle aspire la loi du clirctieii. » — « D'ailleurs leni' disposition inté-
rieure répond parfaitement à tous les Itcsoins du cullc Aiii>i ces chœurs pro-
fonds, ces grandes nefs entourées de laiges l)as-eôli's lavorisenl admirable-
ment la pompe des cérémonies, aux grandes soUsnnités. Kt les exercices jour-
naliers de la religion ne s'accomplissent pas moins favorablement dans ces
nombreuses chapelles latérales qui font autant de sanctuaires dans le grand.
Voyez au contraire, messieurs des beaux-arls, les églises que vous nous faites
en partant du grec et du romain, comme la Madeleine, Notre-Dame-de-Lo-
rette, Saint-Vincent-de-Paul, et une douzaine d'autres moins importantes dans
la banlieue. Que disent a la pensée et au senlimcul religieux ces |)lates et
lourdes masses, ces ouvertuies reclangulaiies, ces plafonds dorés, et smtoul
ces façades avec leur inévitable file de colonnes enflées, el que surmonte ce
fronton aplati , bien |)lus apte à recevoir un hibou écartelé que les saints per-
sonnages de notre religion? Là, tout éloulfe la pensée clirétienne, tout l'écrase
vers la terre. D'ailleurs, dans ces édifices, les exercices du cullc sont aussi
mal à l'aise que la foi et la piété. Hien n'y trouve sa i)lace nalurell(>; tout sy
entasse pèle-mèle, et s'y passe coninic sur une place pid)liipie.
« Donc, messieurs, bâtissez bourses, casernes, théâtres, fontaines, embar-
cadères dans le style qui vous plaira; mais, pour nos vieilles églises, conser-
vez-nous-les, el surtout laissez-nous en liàtir de pareilles. C'est là ce (pi'il nous
faut; nous le savons mieux cpie vous.
c< rroisièrae erreur. — a On fci'ait tort au christianisme, on niécomiaîlrait
(< tout à fait son esprit, si l'on croyait qu'il ait besoin d'une forme d'art par-
« ticulière, pour exprimer son culte. » — « Non, notre religion n'a besoin
d'aucune forme d'art. Elle laisse volontiers pratiquer les cérémonies de son
culte dans une hutte de sauvages, sur le pont d'un vaisseau, à la catliédiale
de Reims, suivant la convenance de ses enfants. Ce sont ces derniers qui ont
besoin que les temples, ou ils \ont servir Dieu, soient construits et ornés de la
manière la plus confoiiue aux ol)jels de leur foi, el la plus fa\orable aux
exercices de leur piété.
« Quatrième erreur. — « L'Académie n'est pas plus da\is (pie l'on refasse
« le Parthénon que la Sainte-Chapelle F.es monuments cpii appartiennent
« à tout un système de croyance, ((ui a lourni sa carrière el accom|ili
« sa destinée, doivent rester ce cpiils sont, l'expression d'une société dé-
(( truite. )i — « Encore une fois, esl-ce qu'aux yeux de messieurs des beaux-
arts, les trois cents ans de grik-e , accordés au christianisme, en termes si
élégants, |)ar le chef dt; l'éclertisme, leur honorable confrère à l'Académie
V. 7
50 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
française et à l'Académie des sciences morales, seraient expirés? Est-ce
qu'il ne resterait pas plus de la croyance catholique du moyen âge que des
crovances païennes d'Athènes? Nous avons eu l'honneur de leur dire qu'il
n'en est heureusement rien. Et c'est pour ceux (pii conservent « le système de
crovancc » tout entier, non-seulement du xii° siècle, mais de tous les siè-
cles de l'ère chrétienne, que nous voulons que l'on refasse des Saintes-Cha-
pelles. Tout comme s'il y avait encore des adorateurs de Minerve, nous vou-
drions qu'on leur rebâtit des Parthénons.
(( Cinquième eireur. — « Ce serait résister à la Providence qui , en créant
(( l'homme libre et intelligent, n'a point voulu que son génie restât éternelle-
(( ment stationnaire et captif dans une forme déterminée. » — « Les hommes
intelligents, qui poussent de tons leurs efforts vers le retour au style du moyen
âge, ne prétendent nullement enchaîner le génie. Us demandent seulement que
lorsqu'il s'agit d'élever des asiles à la prière, des temples à Dieu, on prenne
pour point de départ les données d'un style religieux par excellence. Sans
doute, il faut que l'on commence par copier les oeuvres de ce style, afin d'en
acquérir la connaissance et la pratique complètes; mais lorsque architectes et
ouvriers en posséderont à fond les principes, l'esprit, les moyens, ils compa-
reront, ils créeront au gré de leur inspiration, et suivant les besoins des temps
et des lieux.
(( Finissons par une réflexion pénible. N'est-il pas triste de voir les obsta-
cles venir des lieux mêmes d'où devrait partir l'impulsion? 11 faut bien le
dire, les corporations, qui rendent à la société le précieux service de conser-
ver les bonnes choses, s'obstinent souvent à maintenir celles que l'expérience
repousse comme mauvaises. En général, le progrès leur fait peur. C'est à recu-
lons, les yeux toujours fixés sur leur point de départ, qu'elles marchent.
(( J'ai l'honneur d'être, etc. «
(iGUEYTON,
" Ciirô de Bercy. »
L'Arche d'alliance et la vierge Marie. — La lettre suivante nous est adressée
par M. A. Du Chalais, ancien élève de l'École des Chartes, attaché à la
Bibliothèque Royale :
« Monsieur, permettez-moi de vous consulter sur un petit problème
archéologique dont la solution me paraît d'autant plus intéressante qu'il
s'agit de l'histoire iconographique de la Vierge, et que les monuments dont
j'ai à vous entretenir ont été sculptés au xiii^ siècle. Je n'en connais encore
que deux : l'un se trouve à la cathédrale de Paris, l'autre à la cathédrale
d'Amiens. Il en existe sans doute un bien plus grand nombre; mais peu
MÉLANGES ET NOUVELLES. 51
importe à mon sujet : ceux qu'on pourra décrire ])lus tard viondront détruire
mes conjectures ou les corroborer.
u 11 existe à Paris, connue à Amiens, creusée dans la façade principale
de la catliédrale, celle de louest , une porte spécialement cousacré(! à la
Vierge. Celle de Paris s'ouvre à la i;auclie du spectateur, du coté du nord j
celle d'Amiens, au contraire, à sa droite, du coté du midi. La Vierge y occupe
la porte d'honneur; elle est sculptée sur le trumeau, tenant entre ses bras
l'Enfant Jésus. 3Iarie foule aux pieds le dragon dont elle brise la tète; sur le
piédestal qui la supporte, on a sculpté la chute d'Adam. On y a représenté
la suite du péché originel : l'honmie , péniblement courbé sur sa bêche , el
arrosant la terre de ses sueurs el de ses larmes; près de lui, la f(MiMiie armée
de la quenouille et prenant part ainsi aux travaux.
« Voilà une grande instruction pour le peuple du moyen âge, qui ne savait
lire que le livre des figures : c'était lui dire que la femme est la source de tous
maux et de tous biens. D'abord il coiiteujplail la chute et les conséquences
quelle entraîne; puis, plus haut, la Vertu sans tache terrassant le vice et
sauvant l'hunianilé. Aux yeux des doctems , en effet, iMarie n'est-elle pas
Eve régénérée? et Béatrice, qui seule peut introduire Dante au séjour des
bienheureux, n'est-ce pas limage de la mère de Dieu matérialisée par le
poète ?
<i Non contents de nous avoir montré le vice à la fois vainqueur el vaincu,
de nous avoir peint la faiblesse et la force sons l'apparence de la femme, les
théologiens el les sculpteurs du xui" siècle ont voulu nous faire assister au
Irioinphe de la verlu : c'est au tympan que la scène se passe. Là, Jésus-
• Christ vient en personne recueillir dans son giron , in gremio suo. l'àme de sa
chaste Mère, afin que, comme il le lui avait promis, elle ne fût pas, après
sa mort, effrayée par l'apparition d'aucun mauvais esprit. Puis, quand les
anges l'ont transportée dans le ciel , il la fait asseoir à sa droite sur un trône
pareil au sien; il la couronne d'un diadème semblable à celui (pi'il porte,
et la rend, pour ainsi dire, son égale.
« Là ne s'arrête point celte sublime épopée. A Paris, eldans la capilaie de
la Picardie, sur la première bande du tympan, avant la rci)résenlalioii de
la mort et du couronnement de la Vierge, au-dessus de la statue elle-même,
on remarque six personnages. A Paris, ce sont trois rois, couronne en tète,
avec trois prophètes coiffés du bonnet juif et tenant le phylactère à la main.
A Amiens, il y a une différence: on ne remarque que deux prophètes et deux
rois; Moïse et le grand [)rêtre Aaron tiennent la place des deux autres. Moïse
est à droite, Aaron à gauche de la statue. Que, veut dire ici la présence du
52 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
législateur el du grand prêtre? Cela signifie-l-il que, pour être sauvé, il faut
suivre de point en point la loi de Dieu , se conformer religieusement à tous les
rites prescrits pour l'observation du culte, et que sans cela l'intercession de
Marie sera nulle pour nous? ou bien Moïse et Aaron ne sont-ils placés là que
pour justifier la [)résence du sujet que je vais décrire et qui est précisément
l'objet de cette lettre? Mieux que personne vous pouvez me donner une solu-
tion à cet égard. Aux deux porches dont je parle on voit immédiatement,
au-dessus de la tête de la statue de la Vierge, un temple soutenu par quatre
colonnes, et en tout semblable aux temples ou aux églises qu'on avait l'habi-
lude de figurer au xiii' siècle, lorsqu'on voulait représenter soit Zacharie en
prière, soit la Présentation, soit un saint prélat dans son église. Ce n'est pas
tout ; sous la voûte de cet édifice est placé un objet carré en forme de tombe
ou de coffre. Les ornements qui le décorent sont, à Paris, différents de ceux
d'Amiens : ce fait me semble néanmoins peu important, et j'y vois simple-
ment un caprice de l'artiste. Quant au fond, j'ai cru y retrouver la même
idée et y reconnaître la même représentation syml)olique.
(( Quel est ce temple? quel est ce tombeau ou cette chasse ? quel est cet
objet enfin, quel que soit le nom dont on veuille l'appeler? Telles sont les
<piestions que je me suis faites à moi-même bien souvent, et que plusieurs
personnes, assez habiles dans l'interprétation des figures sculptées sur nos
églises du moyen âge, se sont adressées en ma présence. En contemplant les
sculptures de la cathédrale de Paris , je n'ai pu , je l'avoue, trouver non pas
une solution plausible, mais même une solution quelconque; mais, lorsqu'il
m'a été donné de voir les belles sculptures d'Amiens , j'ai cru tenir le problème.
La présence de Moïse et d' Aaron m'avait fait penser qu'il s'agissait du temple
de Jérusalem el de l'arche d'alliance ; en effet, la Vierge n'est-elle pas le seul
temple que le Fils de Dieu ail trouvé tligne de lui lorsqu'il descendit sur la
terre? la Vierge n'esl-elle pas l'arche d'alliance choisie par le Sauveur pour
contenir les litres précieux constatant la promesse faite aux patriarches et au
peuple juif de venir à leur secours et de les sauver de la mort éternelle?
n'élait-ce pas là ([u'oii renfermait le précieux code qm règle les devoirs de la
créature envers le Créateur? les litanies, enfin, n'appellenl-elles point la fille
de David Arca foederis?
« S'il en était ainsi, j'analyserais de la manière suivante ce que vous me
permettrez d'appeler un poëme complet, la chute et la réhabilitation de la
femme. Le piédestal représente la chute; la statue, le combat et la victoire. Le
premier rang du tynqian rappellerait la promesse du salut prédite par les
hommes animés de l'esiirit divin, et la race illustre d'où doit sortir Marie, ce
MELANGES ET NOl TELLES. 53
VASE d'llu'.tuin; Ic leiiii)le ct l'arclip sciaiciil li's (mhIiIciucs iIc hi |ironics?e
et le gagedesonacconiplissemonl. An t\ni|i;iii, cnliii, piniulriiil la rc(()iii[)cnse
lie la liitle, le triomphe de la victoire, rcxallatioii de la mmIii. Si mon e\|)!i-
eation était admissililo, ce serait un clianl tout ciilicr ipiil l'andrait ajouter à
cette épopée.
« Un paléofi;raiilic, dom Tassiu , a dit (|ui'|(juc part (juc la prouiicre idée
de rarchéoiofiuc ctail toujours la mciMcuiv; ipiiiii iu^linct, ipi'iinc liahilndc
dont il ne se rendait pas compte , le i;uidail à sou insu. Dois-je croire ipicdom
Tassin a raison? et, s'il m'était permis de prendre le titre d'arcliéoloij;ue,
puis-je penser que je ne me suis pas trom|ie.' .l'atteuds pour cela votre opinion,
et ne veux pas tro|) m'avanccr avant de connailie votre avis.
i( A propos du porche de Paris, j'aurais bien des choses encore à vous dire.
Je voudrais vous parler de huit bas-reliefs confondus bien à lorl , selon moi ,
avec rornenientation générale; ils me semblent être le complément de ce
fameux calendrier, si étrangement interprété par Dupuis, et faire suite aux
travaux de l'année. Je voudrais aussi vous parler d'autres bas-reliefs étrange-
ment expliqués par (juelques anli(iuaircs, et tAcher de nommer les hantes
statues (]ui les surmontaient axant la ré\oliition; mais je crains de fatii;ner
votre attention , et je me propose de vous en paiii'r une autre fois.
« Agréez , etc.
« A. I)|i C.IIAI.AIS. I.
Nous acceptons l'opinion de M. Du Chalais relativement à cette petite arche
d'alliance placée au-dessus de la porte de la Vierge, dans les cathédrales de
Paris et d'Amiens. Cette explication nous parait non-seulement ingénieuse,
mais .solide ; elle est fondée sur les monuments, tout autant que sur l'esprit du
moyen âge. Nous accueillerons avec empressement les inter[)rétations que
M. Du Chalais nous promet sur d'autres sculptures de la cathédrale de Paris; ces
communications nous seront d'autant plus agréables que nous préparons , sur
la statuaire des cathédrales d'Amiens , de Keims , de Paris et de Chartres , un
travail complet qui sera acconq)agné de gravures, et qui i)ourra |iaiaîii'e dans
les premières livraisons de 18'i7.
Symbolisme du soli-il et de la lune au moi/en ihjr. — .M. Anatole Barthélémy,
l'onseiller de la préfecture des Côtes-du-Nord , nous adresse les réilexions
suivantes sur un point im|)ortant de l'iconographie du moyen ùge :
« Au moyen âge, les sceaux, les monnaies, les méreaux et les monuments
représentent souvent le soleil et la lune. Jusqu'à ce jour, je ne connais pas
54. ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
d'interprétation donnée à ces symboles astronomiques; on me permettra
donc de dire mon avis, et d'exposer l'opinion que quelques textes des Ecri-
tures ont fait naître à ce sujet dans mon esprit. L'habitude de représenter le
soleil et la lune comme images de la puissance remonte à la plus baule anti-
quité. Sans énumérer une foule d'exemples, je me contenterai de rappeler
que l'on voit un grand nombre d'empereurs romains sous les traits du soleil,
tandis que les impératrices avaient leur buste posé sur des croissants. Celte
manière de représenter les souverains tenait sans doute à ces antiques tradi-
tions émanées du culte des astres et qui plaçaient dans le soleil le principe
vivitiant de la nature entière. Le christianisme trouva ces symboles; il les
adopta , en les purifiant en quelque sorte du paganisme. C'est justement de
cela que je voudrais parler; mais, auparavant, je rappellerai quelques exem-
ples de ces symboles empruntés à différentes branches de l'archéologie du
moyen âge.
« Sur les sceaux et les monnaies, le soleil et la lune sont tantôt réunis, tan-
tôt isolés. Sur les premiers, le plus souvent ils forment un type accessoire;
sur les secondes, ils servent fréquemment de type principal '. Ce fait a lieu,
soit que ces monuments émanent de l'autorité ecclésiastique, soit qu'ils
portent le nom d'un seigneur séculier. En outre il y a une sorte de sceaux de
villes et de communau.tés qui portent ces astres *.
« Le soleil et la lune se trouvent réunis sur quelques sceaux, sans avoir
toujours la même signification. Ainsi, quand ils sont de chaque côté de la tête
de Jésus-Christ crucifié 3, ils rappellent les passages des évangélistes qui
1. Voy. les monnaies des vicomtes de Narbonne, des comtes de Tripoli, des archevêques de
Lyon.
2. .le cllerai particulièrement les armoiries de la ville d'Alby, qui portent : de gueules à la tour
d'argent, crénelée Je quatre pièces et ouverte de deux portes, surmontée d'une croix archiépis-
copale d'or et d'un léopard de même, la patte posée sur les créneaux, brochant sur la croix,
accompagné en chef, à dextre, d'un soleil rayonnant d'or, et à sénestre, d'une lune d'argent. Le
sceau de l'officialité de Nevers, en 1275, portait le buste d'un évêque mitre, et tenant sa crosse ;
à sa droite se trouve un croissant surmonté d'un astre, qui n'est sans doute autre que le soleil;
autour, on lit : S. Cvrie Nivernensis.
.3. Sur certains diptyques, on voit au-dessus de la croix où expire Jésus-Christ le soleil et la
lune portés chacun par un ange. — Dans Gori [Thésaurus vet. Diptycorum consularium et
ecclesiasiiconjm, t. m, page 32), on voit do chaque côté des bras de la croix des génies tenant
des Qambeaux et portant la main à leur figure, sans doute pour exprimer l'éclipsé, au moment de
la mort du Sauveur; les noms de Sol et de Luna, écrits au-dessus de chacun d'eux, ne laissent
■ aucun doute sur leur signification. — Spon rapporte aursi, dans son Voyage, une représentation
grecque analogue. Dans une peinture ruthénique du xiv= siècle, donnée par d'Agincourt, pi. csx,
et qui représente la fm du monde, on voit des anges portant sur leur tète le soleil et la lune.
MÉLANGES ET NOUVELLES. 55
parlent de l'éclipsé de soleil : ils lémoignenl aussi du deuil de la nature '. En
goiK-ral, le soleil alors est placé au-dessus de l'épaule sur huiuellc le Christ
poncho la tète' : circonstance à laquelle est due, à ce qu'on dit, l'inclinaison
de plusieurs de nos églisos. D'autres fois, le Christ est assis sur un trône, et
ces deux astres près de lui annoncent l'onipire du monde.
« Mais, (piand les symboles astronomiriuos sont rcprosenlés ailleurs qu'en
présence do Jésus Christ, je crois alors qu'on doit y chercher une antre idée.
Là ils ont un sens tout particulier et qu'il faut retrouver.
« Dans l'Apocalypse, nous voyons l'Église représentée sous les traits d'une
femme ^ revêtue du soleil qui n'est autre que Jésus-Christ, soleil de justice ' :
d'un autre côté la sainte Vierge est comparée à la lune. A ce sujet, je lap-
pellerai le passage du ce Cantique des canliepios » qui se trouve dans l'onice
de la Vierge^. Je rappellerai en outre le méreau de Notre-Dame d'Avignon,
qui représente Marie en buste sur un croissant. Je rappellerai enfin le tympan
du portail gauche de la cathédrale de Poitiers : sur cette partie du monu-
ment, consacrée à l'histoire de la mère du Sauveur, on voit en haut la sainte
Vierge se détachant en bas-relief, et derrière sa tète un grand croissant''.
u Je crois donc que, dans ces différents cas, le soleil est l'emblèuie de Jé-
sus-Christ , et la lune celui de la sainte Vierge. C'est ainsi qu'ils |)araissent
sur les sceaux des évoques, des villes et de quelques communautés; c'est
aussi probablement à ce titre qu'ils se montrent quelquefois dans le blason.
« Cependant, en ce qui concerne la science héraldique, il est possible qu'une
autre série d'idées ait pu multiplier sur les écussons les symboles astrono-
miques. Il se peut que, tout en adoptant des signes qui avaient en apparence
une valeur religieuse, on ait été inlluencé par un sentiment universellement
(. u Sexla axilam hora, tcncbric factœ siint super universam terram usque ad horam nonam. »
Malh., xxvn, 43. — «Etfacla hora sexta, lenebrœ facta; suiit per lotam lerram usque in horam
nonam. » Marc, xv, 33. — «EralaïUem fore hora sexta, el Icnebrae factaî sont in univcr^anl lorram
usquc in horam nonam, et obscuralus est sol. » Luc, xxni , 4i el 45.
î. u Et inclinato capitc, tratlidit spiritum. » Joli., xix, 30.
3. « Et signum magnum apparuit in cœlo : mulier amicla sole et luna sub pedibus, et in capile
ejus corona slellarum duodecim. » Jpocalijp., xii, 1 .
4. " Et resjilenduit faciès ejus sicut sol. » Math., xvii , 2. — « Et vestimenla ejus fada sunt
splendcntia. Marc, ix , 2.
5. «(jua; est ista quae progreditur quasi aurora consurgens, pulchra ut hina, clecla ut sol? »
Canf. Canlic, vi , 9.
6. C'est d'ailleurs un usage, répandu depuis longtemps et existant encore de nos jours, que de
représenter dans la statuaire et la peintiire la sainte Vierge ayant le croissant de la lune à ses
pieds.
56 ANNALES AKCHÉOLOG[QUES.
répandu au xi" siècle et dont le souvenir ne |)0u\ ait pas encore être eU'acé
lors(jue le blason commença à être employé.
(( Je n'ai pas besoin de vous parler longuement de l'hérésie des millé-
naires. Qu'il suffise de dire ici que quelques versets du cliapitre'20 de l'Apoca-
lypse avaient donné lieu à une interprétation qui, assignant un règne de mille
ans à Jésus-Christ, faisait redouter le jugement dernier, et, par conséquent,
la fin du monde au xi" siècle de notre ère '. Toute erronée qu'elle était, cette
opinion n'en fut pas moins presque universellement accréditée, surtout dans
les dernières années du x^ siècle qui se rapprochaient du terme fatal : « Vide-
balur sane mundus déclinasse ad vesperam : et Filii hominis advenlus secundus
fore vicinior, » disait Guillaume de Tyr^. Plusieurs chartes languedociennes
étaient terminées par ces mots : « Mundi termino appropinquante appro-
pinquante etenim mundi terminio ^. » Aussi lorsque l'an 1 000, si redouté dans
toute la chrétienté, se fut écoulé sans cataclysme, une rénovation générale se
fit sentir : les arts prirent un élan nouveau , les édifices consacrés au culte
s'élevèrent de toutes parts, et le monde sembla sortir du tombeau '.
(( Ceci posé, je ne crois pas être trop hardi en avançant que les symboles
astronomiques, auxquels un sens religieux avait déjà donné une significa-
tion très-répandue, ne purent que se multiplier encore par le fait des ter-
reurs du XI*' siècle. En efl'et, si nous observons que le soleil et la lune sont
toujours mentionnés dans les passages des Écritures qui annoncent la fin du
monde ^, il faudra reconnaître que ces symboles ont bien pu signifier la ré-
surrection et la rénovation.
.« Ainsi, dans mon opinion, le soleil et la lune sont le plus souvent l'image
de Jésus-Christ et de la sainte Vierge; mais à une certaine époque, leur em-
■I . « Et vidi angelum descendentem de cœlo... et apprcliendit draconem , serpentem ;m(iiiiuim ,
qui est diabolus et Satanas, et ligavit eum per annos mille. » Jpocalyp., xx, I et 2.
î. Willem. Tyr.,//i.v^, 1. 1, c. 8.
3. D. Vaissette, Hisl. du Languedoc, t. ii, p. 86, 90. 157.
4. « Erat enim instar ac si mundus ipse excutiendo semet, rejecta vetustate, passim candidaiii
ecclesiaruïii vestem indueret. « Glabri Radulpti., Hist., 1. m, c. i.
5. « Statim autom post tribulationem dierum illorum, sol obscurabitur, et luna non dabit lumen
suuii), et Stella; cadent de cœlo... » S. Math.- xxiv, 29. — « Sed in illisdiebus, post tribulationem
illam, soi conlenebrabitur et luna non dabit splendorem suum. » S. Marc, xiii, '2i, 23. - « Et
erunt signa in sole et luna et stellis." S. Luc, xxi, 23. — « Et vidi cum aperuisset sigillum sextum.
El ecce Icrrœ motus magnus factus est, et sol factus est niger tanquam saccus cilicinus, et luna
tola fada est sicut sanguis..." Jpocahjp., \i, 12. — « Et quartus angolus tuba cecinit, etpercussa
est terlia pars solis, et tertia pars lunse, et teitia pars stellarum : ita ut obscurarelur (ertia pars
eorum , et dioi non luceret pars tertia, et noctis similiter. » Idem , viii . I 2.
MELANdES ET NOUVELLES. 57
ploi acquit uno 2;ranil(^ oxliMisinn on raison diin l'ait qui ont une inllnoncc
immense sur les ind'nrs, k> aris cl les xii iko ' . '<
Cotle explication de M. l$arlliclcm\ nous scmlilo troj) ini^cnieusc; nous
ne pouvons en adopter (in'unc partie. Si le soleil el la lune sont toujours
figurés sur les ciurilitîini'nls, c'est jiour monlrrr (jue le niailn- du iii(ind((
vient d'expirer, el ([ue la création dont il est l'auteur doit itleuicr sa
mort. Le soleil et la lune personnifient la nature en tpieUpie sorte. Ouand
nous voyons ces astres sur des sceaux dont le champ est occupé |)ar un roi
sur son trône, c'est pour montrer que ce roi est véritablement le maître,
le souverain du pa\s iKuiinic sni' la Icucndc du sceau. (Icla est si \rai (pie,
(piand un loi a des droits ou des prclcnlious siii- deux pays dilTerents,
connue Hicliard-Canir-de-l.ion eu avait sur l'Antileterre cl la l'Yance, on
ne se contente pas de taire luiller un seul soleil el une seule lune au-dessus
de sa tète, mais on lui donne deux soleils et deux lunes. Vo\e/, , a !'('( oie
des Beaux-Arts, dans la salle où est exposée la collection moulée jiai M. de
Paulis, un sceau de Richard-Conir-de-Lion où existe cette particularité.
Constance, comtesse de Saint-Gilles, sœur de Louis Vli, fut reine au même
litre que son frère était roi de France. Le sceau qui la représente, au lieu
d'être ovale comme les sceaux des femmes, est rond comme ceux des
hommes; Constance est une femme-roi. Klle est assise et non del)out; elle
trùne comme un roi. A la main dmite, elle porte le globe surmonté de la
croix; à la gauche, elle ap[)uie une croix sur son cœur. Près de sa tète , à sa
droite, flamboie un soleil à sept raies; à sa gauche, la lune cl'lile son crois-
sant. Sur les sceaux des communes, sur celui de la commune de Lyon , de
1271, sur celui de la commune de Valenciennes, de 12'JO, on voit le soleil el
la lune, parce que les communes sont mailresses, sont reines chez elles, et
qu'elles jouissent en quelque sorte de la plénitude de l'autorité souveraine.
Voyez encore la précieuse collection de ^L de Paulis. Le sens de ce fait nous
paraît hors de doute.
A |)ropos de soleil (!t de hwH!, nous devons consigner ici l'observation sui-
vante ipi a bien voulu nous envoyer M. l'abbe l.aii.Lrlct , piètre de Paris, et à
1. Pour cviler de trop nombreuâcs citations, je me contenterai de renvoyer à (iiielques dessin.--
qui viennent à l'appui do ce qui fait l'olijet de celle lettre : t" un grand nombre d'Abraxas des pre-
miers siècles (Monlfaucon, iv, 362); i" une miniature du xvi' siècle, représentant le Père, le
Fils et le Saint-Esprit entourés d'une gloire et posés sur un croissant (Uidron, Icon. chr., 159);
•> une sculpture du xiv siècle dans laquelle Jésus-l'.lirist, dans une niche, a au-dessus de sa
tète le soleil, la lune et trois étoiles {Idem, 26); le sceau du Mont-Atlios, où l'on voit la sainte
Vierge entre un cercle et un croissant ; -sur sa poitrine , est Jésus- Christ dans une auréole
{Idem, 267).
V. 8
58 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
laquelle nous faisons droit avec le plus grand plaisir. « En lisant votre pre-
mier article sur le mont Athos, j'ai vu, à la page 80 du 4' volume, que vous
croyiez que le nom du prophète Élie était grec , et que vous le. faisiez dériver
du mot toto;. Vous citez même à l'appui de votre opinion saint Matthieu,
saint Marc et saint Luc; tous trois en effet nomment le prophète ù\mç, mais
avec l'esprit doux et une terminaison diflerente du mot qui signifie soleil. Si
maintenant vous voulez bien vous rappeler (prÉlie n'était point Grec, et que
les Israélites, à l'époque où il vivait, n'avaient encore eu aucun rapport direct
avec les Grecs, vous verrez clairement que c'est dans la langue hébraïque
qu'il faut chercher l'élyniologie du mot Élie. Le m' livre des Rois (c'est le
premier dans l'hébreu) l'écrit partout Eliahv, c'est-à-dire la réunion du
nom Jéhovah au mot qui signifie Dieu. Vous trouverez en effet dans toutes
les Bibles latines la signification Dpks Dominus. Je ne veux pas vous accabler
de citations, et vous montrer que les textes syriaque, arménien, etc., sont
conformes à cette étymologie; je n'ai d'autre intention que de vous prier de
rectifier cette légère erreur. »
Scandale à propos d'une crosse d'évêque, — M. l'abbé Michon , auteur de la
(( Statistique monumentale de la Charente », correspondant des Comités
historiques, nous écrit :
« Monsieur, je viens de publier, dans la 18" livraison de « la Statistique
monumentale de la Charente » la crosse d'un évêque d'Angoulôme, dont le
travail m'a paru dater du xiir siècle. La découverte et la publication de ce
gracieux objet ont été suivies de circonstances assez singulières pour mériter
de fixer un moment l'attention des graves lecteurs des « Annales ». Lorsqu'on
fit, il y a trois ans, des travaux dans le caveau funèbre des évoques d'Angou-
lôme, on trouva cette crosse dans un petit coffre de plomb avec différents dé-
bris d'ornements épiscopaux et quelques ossements que l'on croit être les
restes du corps du comte Jean, aïeul de François I". La précieuse crosse frappa
tous les regards. Au-dessus de la poignée se trouve un large anneau à saillies
bosselées, qui ont dû être ornées de pierres fines et de brillants. De cet anneau
sortent des feuillages d'où s'échappe la volute qui forme la crosse. Celte vo-
lute, ornée de crochets dans son développement extérieur, se replie sur elle-
niènie en feuillages gracieux. Du milieu de cette volute s'élève une tige ter-
minée par un bouton de lys non développé. Dans le centre de l'enroulement,
un ange, debout, les pieds appuyés sur la volute et sur la tige légèrement
inclinée, annonce à Marie qu'elle va devenir la mère du Rédempteur. La
Vierge, également debout, est voilée, et sa robe lui couvre les pieds; elle
MÉLANGES ET NOUVELLES. 59
écoute les paroles de l'aiiije. Une loni;iie léi^ende se voit sur tout le dévelop-
[MJiiu'ut de la volute; on n'a pu lire que les premiers mots : ave mahia dei...
GRATiA... M. l'inspecteur des monuments historiques delà Charente, témoin
de cette intéressante découverte, demande que la crosse soit retirée du coffre
de plomb. Le gracieux tableau de l'Annonciation lui parait offrir une parti-
cularité bien remaniuable en archéoiotçie; il croit reconnaître un j)li<(llus dans
la tiiie qui se détache de la volute.
h Grand scandale! vous n'en doutez pas. L'autorité ecclésiastique s'iu-
quiète. Klle résiste à toutes les supplications de M. l'inspecteur; l'intervention
de M. le préfet devient inutile. Ordre est donné de réenterrer, d'enfouir à
jamais avec les débris |)oudrcnx la crosse étrange. Cependant, par une der-
nière grâce demandée instamment, on accorde à JM. l'inspecteur, qui est un
habile artiste, la permission de dessiner la jolie crosse. Ce dessin, envo\é à
Paris, fut admiré des connaisseurs. Desilémarches furent faites, de haut lieu,
pour obtenir la crosse du mo\en âge et la placer au musée du Louvre. Les
frayeurs duraient encore , et la crosse demeura dans le caveau funèbre.
« M. Jules Geynet, qui, depuis quelque temps, s'était démis de la charge
d'inspecteur des monuments, eut l'obligeance de m'offrir son dessin pour le
publier dans « la Statistique de la Charente ». Je lui déclarai que je trouvais
la crosse intéressante, curieuse; mais que le symbolisme qu'il avait cru y
apercevoir n'y était nullement. Je lui donnai mes raisons (pii nu; parais-
saient sans réplique. Il n'en fut plus cpieslion dans le monde religieux et
savant d'Angoulème. Mais, il y a quinze jours, les livraisons de la « Slalis-
. tique » ont paru ; elles ont présenté aux regards la crosse malencontreuse.
L'explication de M. l'inspecteur, que je croyais oubliée, s'est réveillée dans
quelques mémoires, et l'on m'écrit :
« Je regrette que vous ayez cru de\oir donner le dessin de la crosse de
« l'évèque, travail d'ailleurs peu imjiortant sous le rap|)ort de l'art, et désor-
« mais enfoui dans une tondje qu'il est à souhaiter que l'on ne viole plus.
« L'impossibilité de vérifier un monument si grotesque ou si naïf, auquel un
«crayon peu fidèle a peut-être ajouté, la dépravation ou la prudence de
(' noire siècle, qui sont grandes, ont fait regretter à beaucoup de personnes,
« qui portent un intérêt véritable à votre œuvre, que vous ayez publié ce
« dessin. Qu'allez-vous faire à préseBt? Y joindrez- vous une explication cri-
(( tique et raisonnée, et dircz-vous trop ou trop peu? Ce sera délicat. Je ne
(f suis pourtant pas en peine de vous, et vous saurez Itien vous en tirer. »
« Ma réponse est toute prête, et certes la lùche n'est pas diflicile. Le musée
du Louvre possède deux ou trois crosses du moyen âge, qui ont des sujets
(50 ANNALES ARCHÉOLOGIQI'ES.
analogues. Ce sont des objets inlininienl gracieux el très-rares. Celui d'An-
goulènie a le même mérite, et c'est bien donmiage qu'il reste enfoui en pure
porte, livré à l'oxidation, pendant qu'il ferait l'ornement du musée delà
ville où il se trouve, ou même du musée royal de Paris. S'il y a quelque sym-
bolisme dans cette tige de fleur non épanouie, qui se détache de la volute,
c'est celui de la fleur de jessé, dont parlent les prophètes, gn devait
SORTIR DE SA RACINE, et figurer le Sauveur du monde ; mais, pour l'interpré-
tation bizarre cpii a été d'abord hasardée, je dois dire que le symbolisme
païen du plmllus était aussi inconnu en Europe, aux artistes du xiif et
du XIV' siècle, que le sanscrit et les lettres runiques. Des hommes d'un
incontestable talent, el dont la parole fait autorité, ont déjà disculpe plu-
sieurs fois le moyen âge de l'absurde accusation de s'être complu dans des
représentations dont s'effarouche notre délicatesse. Je suis heureux de m'as-
socierà leurs efforts pour achever de détruire ce système d'interprétation, qui
veut que le paganisme, avec ses fables et son symbolisme grossier, ait conti-
nué de dominer l'art et de l'inspirer. C'est, dans l'appréciation de l'histoire
de l'art au moyen âge, l'erreur la plus grande qui puisse être soutenue.
Plusieurs fois les » Annales Archéologiques » en ont fait justice, et l'heure
(;st déjà venue où la symbolique de nos pères ne nous apparaît plus qu'en-
tourée d'une auréole de pudeur, de grâce virginale, même quand cette au-
réole est le moins voilée. Quoique je n'aie pas partagée l'opinion émise
d'abord sur cette crosse, je n'en suis pas moins heureux de rendre hommage
au zèle de M. Jules Geynet pour sauver de l'oubli ce précieux travail. Je le
remercie, au nom des hommes de la science, de nous avoir conservé au
moins l'image de l'objet qu'il n'a pas pu arracher à des frayeurs un peu trop
scrupuleuses.
« Agréez , etc.
(iJ.-H. MICHOX. I)
Nous avons sous les yeux le dessin de celte crosse au moment où nous
lisons là lettre de M. Michon, et nous ne comprenons pas en vérité (ju'on ait
vu dans celte Annonciation, qui ressemble à mille autres ciselées, sculptées,
menuisées, peintes, émaillées, la moindre naïveté, la moindre inconvenance.
A la lin du xviii' siècle, un acteur du Théâtre-Français, libertin par habitude,
dessinateur par occasion, et timbré de naissance, fit un voyage en France,
dans les provinces méridionales. Il s'arrêta principalement à IMarseille et
Arles, et se mil à dessiner les sarcophages chrétiens, en marbre blanc, si
nombreux dans ces deux villes. Ces dessins, grâce à l'oblige^ance de M. Al-
MÉLANGES ET NOUVELLES. (il
bon I.onoir, auxquels ils apparlirniiont, ont l'to mis à notre disposition, cpiol-
que temps après un voyaiio i\\\v nous a\ions fait nous-mt^mc ilans le midi
de la France. Nous fûmes bien étonné, en nijardanl ees incroyables images,
de voir des scènes inlï\nies de débnuilio là où nous avions vu, étudié, décrit,
des scènes évangéliques de la plus .idorable chasteté. Comme un liominc (pii
se met sur le nez des lunettes bleues ou vertes aperçoit tous les objets d(> la
couleur de ses verres, Beaumesnil avait vu, à travers sa Iubri(pie imagina-
tion, des lubricités dans l'AiiiKuicialidii, 1,1 Visilalioii, l'Aildialion des mages,
l'Entrée à Jérusali'm, \c (Irurilicincnl, l'Ascensidu; dans la cliuto trAilam, le
meurtre d'Abel cl la iudi t di'Oolialli. A\ec ime forme, retranchée ici et ajoutée
là, avec une ondjreà droite et un clair à gauche, il était parvenu à tout trans-
former. L'Adoration dos mages s'était changée en unescèneinlàuKMiue le paga-
nisme lui-même n'avait pas rêvée. Revenu à Paris, Beaumesnil tiou\a des ar-
chéologues ai)i>artenant à l'école de Voltaire, do Dulaure, de .Millin, de Dupuis
etdeParny, qui crurent à ces représentations, en tirent l'objet de leur élude, et
trouvèrent que l'iconographie elHvti(Mine elait fort étrange. Le paganisme, à
ces gens là, paraissait bien plus chaste (pie le christianisme; Jupiter était un
saint en comparaison de Jean-Baptiste, et Vénus une i'c/7i( relativement à toutes
les vierges chrétiennes. Ces insensés ne sont pas morts sans enfants, et certains
antiquaires de notre époque, qui pourraient bien faire partie de plusieurs Aca-
démies de province et môme de Paris, voient et pensent comme voyait Beau-
mesnil et pensait Parny. Nous ne connaissons pas le dessinateur de la crosse
d'Angoulème; mais cet artiste était évidemment indis[)Osé (juand il a pu
.penser et dire que cette histoire derAnnoneialion, fondue et ciselée sur cette
crosse, était une scène inconvenante. M. (ieynel mérite, à n'en pas douter,
l'éloge que M. Michon en fait; mais il regrettera d'avoir émis contre toute
preuve et toute évidence une opinion aussi étrange. Ce tpu nous élomie au
delà de toute; expression, c'est que le clergé d'Angoulème ail paru |)artager
cette opinion, et il l'a partagée, puisqu'il a refusé de montrer plus longtemps
cette crosse dont il a ordonné l'enfouissement. On ne craint [uis plus un chien
enrage qu'on n'a redouté le crosse d un saint évéque d'Angoulème. Le sin-
gulier temps que le nôtre en vérité ; et combien les gens de saine raison sont
encore rares! Quoiqu'il en soit, la tige, qui s'élève entre l'archange Gabriel et
la vierge Marie, est tout simplement un des trois rinceaux qui composent la
volute de cette crosse; l'autre rinceau retond)e sur la hampe au lieu de s'éle-
ver; le troisième va mordre la volute, à la naissance mémo de la courbe. Celte
crosse est entièrement semblal)lc à colles qui enrichissent le Musée du Louvre,
le .Musée do l'hôtel Cliu)\ , les collections d<; .M.M. Labarle, Carrand et de Pour-
62 ANNALES ARCHÉOLOG [QUES.
talés; à celles qu'on voit à la bibliothèque publi(]ue de Versailles; à celle
qu'on a trouvée dans le tombeau d'Ilervée de Troyes, en métne temps que le
calice dont nous avons donné la gravure. C'est le môme style, la même forme,
la même époque. Ici c'est l'Annonciation, là le couronnement de la Vierge,
ailleurs Marie tenant Jésus, ailleurs encore le jugement dernier et vingt autres
sujets, sans compter ceux que la fantaisie ou le symbolisme ont créés, et
tous ces sujets se reproduisent sur les sculptures, les vitraux, les peintures
murales, les miniatures, l'orfèvrerie de la même période qui est la fin du
xii" siècle et tout le xiii°. Nous espérons bien que l'autorité ecclésiastique d'An-
gouléme, revenue aux saines doctrines de l'archéologie et adoptant les rai-
sons du bon sens, déterrera cette belle crosse et la placera avec honneur dans
un Musée archéologique diocésain, ainsi que monseigneur l'évêque deTroyes
vient de placer dans son palais épiscopal la crosse de l'évêque Hervée. Ce n'est
pas à Paris, à la Bibliothèque Royale, ni au Louvre , ni à l'hôtel Cluny que
cette crosse doit venir; c'est à Angoulème qu'elle doit rester et dans une salle
de l'évêché qu'elle doit être déposée. Il faudrait qu'elle servît de noyau à un
Musée d'archéologie chrétienne. Nous espérons que M. Michon obtiendra ce
résultat, et nous le félicitons d'avoir publié cette crosse dans son importante
« Statistique monumentale de la Charente » qui est arrivée déjà à la vingtième
livraison.
Démolition de la flhlie de Saint-Denis. — La Chambre des pairs vient de
voter, sans mot dire, les A5,000 fr. demandés pour payer la démolition du
clocher de l'église de Saint-Denis; mais voici la discussion de la Chambre des
députés. Nous attendions davantage encore de M. Ferdinand de Lasteyrie;
mais nous ne savions pas que MM. Deslongrais, Guyet-Desfonlaines et Fran-
çois Delessert fussent autant des nôtres; que ces messieurs en reçoivent nos
remercîments. A la prochaine législature, nous l'espérons, l'archéologie sera
dignement représentée à la Chambre des députés, comme elle l'est noblement
à la Chambre des pairs; le présent nous présage un très-bel avenir. M. le
ministre des travaux publics tient, comme on le verra, à ce que la trombe de
Monville ait crevassé le clocher de Saint-Denis; toutefois, il paraît avoir aban-
donné l'idée que les tremblements de terre de Lisbonne et de la Guadeloupe
ont préparé la ruine que la secousse de Monville aurait déterminée. M. Debret
ne doit donc être satisfait de M. Dumon qu'à moitié.
Voici la discussion soutenue à la Chambre des députés dans la séance du
17 juin dernier; c'est dans le « Moniteur universel » du 18 juin 1846, aux
pages 1819 et 1820 que nous la prenons textuellement.
MÉLANGES ET NOUVELLES. 63
«M. le prosident Saiizct lit rarlirlo du pmjot do loi relatif au rioclier de
Saint-Denis :
« Art. 10. l"ne somme de V.'i, ()()() francs est affectée aux travaux de démo-
(( lilion du clocher de l'église de Saint Denis. .)
« M. Deslongrais. Messieurs, je ne peux pas laisser passer l'article con-
cernant l'église de Saint-Denis, sans présenter quelques observations à la
Chambre. Vous vous rappelez tous qu'il y a quelques années, la flèche de
l'église de Saint-Denis fut frappée par la foudre; un crédit considérable fut
accordé au gouvernement pour la faire réédifier. La reconstruction a eu lieu,
et maintenant il se produit ce fait extraonlinain' : c'est que tant (pie la llèche
avait été vieille, elle s'était parfaitement conservée; dès qu'elle est nouvelle-
ment faite, elle ne peut plus se soutenir. ( Mouvement.) Il me semblait que le
premier devoir de la conunission eût été de rechercher comment et pourquoi
on se trouvait réduit à la nécessité de démolir la flèche de Saint-Denis. J'ai
fiiit, dans le rapport de la commission, les investigations les plus minu-
tieuses pour savoir si elle s'était préoccupée de cette question inq)ortante.
Voilà la seule phrase qui se trouve dans le rapport sur cet objet ; elle est de
nature à étonner la Chambre et à fixer son attention : (f Les travaux de con-
« struction de celte flèche ont-ils été conduits avec toute la prudence, avec
« tout le soin, avec toute la précaution nécessaires.' C'est ce qu'il n'a pas été
(f donné à votre commission de rechercher et de constater. » Je conçois bien
une chose, c'est que la commission n'ait pas pu constater la cause du mal;
mais qu'elle n'ait pas su la rechercher! j'avoue que je ne le comprends pas.
Quelle était, en effet, la première pensée qui devait se présenter à l'esprit
des membres de la commission.' (^elle-ci , à mon avis : Comment se fait-il
qu'un ouvrage qui vient d'être terminé menace ruine, et f]u"il faille le démo-
lir'.' A qui doit-on s'en prendre, aux vices de la construction ou à la nature
des choses? La responsabilité de l'administration ou de ses agents est-elle à
couvert? Toutes les mesures conservatoires des droits de l'État ont-elles été
prises? Eh bien! toutes ces investigations naturelles et .obligées paraissent
avoir été négligées. Il y a lieu d'en être au moins étonné. Comment, mes-
sieurs, c'est dans un délai moins grand que celui qu'impose le Code civil
pour une construction quelconcjue qu'on se trouve dans la nécessité de dé-
molir un ouvrage comme la flèche de Saint-Denis, et aucunes des formalités
qui pouvaient sauvegarder les intérêts de l'État ne paraissent avoir été rem-
plies! Je dis que le premier devoir du gouvernement était de faire rechercher
[>ar une commission spéciale, ou partout autre moyen qu'd aurait jugé con-
venable, quelles étaient les causes qui pouvaient faire qu'un travail qui venait
64. ANNALKS ARCHEOLOu lOU ES.
d'être exécuté était à détruire; il devait y avoir lieu à une responsabilité
queiconcjue, ou celle de l'architecte, ou le défaut de surveillance, ou la res-
ponsabilité de l'entrepreneur, ou, enfin, la preuve que les vices qui s'étaient
manifestés ne pouvaient être attribués ni aux uns ni aux autres. Je m'étonne
que la commission, en présence du crédit demandé, et qui n'est qu'un cré-
dit |)rovisoire, n'ait pas reclierclié tous les documents qui pussent la mettre
à même de justifier, aux yeux de la (Chambre, que, si on était dans la nécessité
de faire une nouvelle dépense, tous les soins avaient du moins été pris pour
l'éviter au trésor; (pie toutes les responsabilités étaient dégagées, celle de
l'architecte comme celle de l'administration. Que ce qui n'a pas été fait dans
le rapport le soit à la tribune, je le veux bien; mais que des explications
satisfaisantes soient enfm données sur ce fait extraordinaire, soil par le gou-
vernemeiil, soit par la commission, ou (jue la responsabilité en retombe sur
qui de droit; car on n'avait jamais vu un tel abandon des plus simples prin-
cipes d'une bonne adminislration, et de la conservation des droits et des inté-
rêts publics. ))
«M. Oger, rapporteur. Je viens repousser le reproche adressé à votre
commission. Non, messieurs, elle n'avait point à rechercher par quelles
causes il était devenu nécessaire d'opérer la démolition du clocher de l'église
de Saint-Denis. Votre commission s'est transportée sur les lieux ; elle a reconnu
que des fissures considérables s'étaient manifestées, et qu'il y avait un danger
imminent pour la sûreté publique. Le danger avait rendu nécessaire une
doul)le opération, celle du remplissage des baies, pour consolider les piles;
et l'autre, l'établissement d'un chaînage en bois et en fer, pour prévenir
l'écroulement des angles extérieurs de la tour. Les choses en étaient venues à
un tel point qu'il a fallu entreprendre la dépose de la flèche. C'est pour ac-
quitter cette dépense, que le crédit de 45,000 fr. est demandé. S'il avait été
question d'un crédit pour reconstruire le clocher, votre commission aurait eu
la mission d'examiner, de constater les causes qui ont produit l'écrasement
de la tour. Mais, encore une fois, il ne s'agissait que d'acquitter les dépenses
de dépose du clocher. Mais votre commission a pensé qu'on s'occuperait un
jour de la reconstruction du clocher, et alors elle a ap|)elé l'attention la plus
active de M. le ministre des travaux publics sur l'état de la tour. Elle l'a en-
gagé à bien faire étudier l'état de cette tour, par les personnes les plus com-
pétentes, |)our savoir si elle pourra supporter la charge qu'on voudrait lui
imposer. Dans un tel état de choses, votre commission n'avait [loint à portei'
ses investigations sur des points autres que ceux qu'elle a examinés. »
(f M. GuYET-Diîsi'-oNTAiXEs. (]e ne peut [)as être là une réponse sérieuse de
MKI.AN(ii:S KT NorVKI.I.KS. 65
la [Kilt (l'une comiiiission de la (lliariiltic. ComincMl ! il v a i]\i('l(iii(>s anii('"(>s,
des i'oiuls sont volés par la ('.liainhrc |)(mr rciiu'dier à un i,'iaii(l (lésaslrc; ces
t'oiulssonl (Miiployés, et, peu après, (lt> iiDiiveaiix foiiils sont deinaiides pour
dt'linire it cpii a elc l'ait; et l()rs(|iie (piehiu'im . dans celle asseinlilee, se
le\e cl deinando à la coinniission si elle s'est en(piis des causes il'iin aussi
mauvais état de choses, et d'une destruction qui a uc'cessité celle nouvelle
demande, la conunission, avec un calme que j'admiie , vniil dire (pi'eilr
n'avait pas à s'enquérir des causes du domuiai;^! Kn xeiilé, inessieur>, il e>l
curieux, à la lin de nos Iraxaux, (pie nous en sosnns \enus à c(;t excès de
couq)laisance , (pie, elia(]ue l'ois (pi'oii nous deinande de l'argent, nous nous
<Mnpressions d'ouvrir la lu un se di^s contril)ua!)les sans avoir à demander
pourquoi nous l'ouvrons 1
« M. LE Ministre des Tkavaix i'I^blics. I.a (lliainlire se souvient peut-(''lre
qu'en 18^7 la n('clie de Saint-Denis fut atleinti' pai- la foudre. Itiinieilialenient,
le ijouxernement demanda un crédit pour reconstruire la |)ortion de la lléclie
que la foudre a\ait dégradée. A celle épo(pie, la tour (pii sert de sii|)poi1 à
la flèche l'ut examinée par les iicns de l'art et reconnue capable de supjtortor
la nouvelle (leeiie qu'il s'aiiissail de construire, (^elte lleche a élé construite;
elle a été parfait(Mnent construite; ce n'est pas la llèchc (]ui (^st dans un elal de
dégradation.
u M. (il VET-l)i:sroNT.\iNi:s. Les nialériaux sont trop lourds prohahlemenl I
(( .M. le >iiMSTKE. Les matériaux de la lleche étaient excellents.
« M. CiUVET-Desi-ontainks. Ils sont trop lourds, ils sont trop bons!
« M. LE MiMSTUE. La construction de la ll('clie était excellente; mais il est
arrivé que la tour de Saint-Denis, di'jà très-ancienne, d(;jà fatiguée par de
graves accidents, a menace ruine, comme menacent ruine les tours de tous
nos vieux édifices. Kn 1 8'i 'i , j'ai \ isité l'église de Saint-Denis, et j'ai aperçu,
dès celle époque, des lézardes dont j'ai recommandé de suivre Irès-exactc-
menl les progrès. Ces progrès ont été tr(''s-grands depuis l'orage qui a éclaté
sur la vallée de Monville rire et bruit sur ipielques bancs), et qui, coniiiie la
Chambre s'en souvient, fut renianpié à Paris; les lézardes ont (Hé croissant
depuis cette épo(|uc. Les rapports de l'architecte, de l'inspecteur de l'édilice
ont atlir('' mon alliMition >iir un mal imminent; le conseil des btitinienls
civils, à ma demande., >'esl transporté en corps sur les lieux; il en a vérifié
l'élat ; il a reconnu qu'il y avait péril dans l'état de choses et qu'il importait
de déposer la flèche. C'est ce travail (jui a élé coniinence d'urgence; il n'était
pas possible d'allendre siins s'exposer aux plus grands dangei's , et c'est pour
payer ce travail (pie j'ai l'Iionneui de demandei un eicdil a la (!iiainbre. La
V. tf
66 ANNALES AHCHÉOLOGIQUES.
(]hainl)ie voit donc que ce n'est pas dans la mauvaise construction de la flèclie
que le mal réside; qu'il réside dans le dépérissement, dans la dégradation
successive, qui est l'œuvre du temps et des accidents, de la tour qui lui servait
de support. Dès que la démolition aura été complétée, que l'état des lieux
aura été attentivement examiné, la Cliand)re pourra discuter la question à
fond, lorsque je lui apporterai un projet de loi pour la reconstruction de la
llèclie,
(( M. Ferdinand de Lasteyrie. Je demande pardon à la Chambre de prendre
la parole dans une question qui, cette fois, ressemble beaucoup, pour celui
qui parle, à une question de clocher. (Rires bruvants.) La commission a été
l'objet de reproches assez graves. Je demande à la Chambre deux minutes de
son attention , à la lois pour disculper la commission , et pour répondre à M. le
ministre des travaux publics. Quant à la commission , on lui a reproché de
n'avoir pas constaté les causes du mal. Mais M. Deslongrais lui-même,
demandant avec beaucoup de raison quelles étaient ces causes, faisait renmr-
(juer que c'était là la mission d'une commission spéciale. Or la commission
de la Chambre n'était pas une commission spéciale ; elle n'avait pas, elle ne
pouvait pas avoir les notions scientifiques nécessaires pour reconnaître les
vices de construction. Ce qu'elle avait à constater, c'était l'urgence des travaux
pour lesquels on réclamait une allocation de fonds. Cette urgence était
malheureusement évidente. Il y avait un tel péril dans la demeure que, s'il
l'avait fallu , l'un des membres de la commission aurait demandé, au nom de
ses commettants , qu'on passât outre et qu'on votât immédiatement l'allocation
qui était nécessaire. Maintenant , cet étal déplorable de la flèche de Saint-
Denis, manifesté si peu de temps après sa construction , est-il un fait absolu-
ment fortuit, et ne doit-il être l'objet d'aucun blâme? Voilà ce que je ne suis
pas prêt à croire. M. le ministre disait tout à l'heure que, lors de la recon-
struction de la flèche, on avait fait préalablement examiner l'édifice; qu'on
avait construit ensuite la flèche dans les meilleures conditions possibles avec
de très-bons matériaux , et que ce n'était que postérieurement que la tour
avait fléchi , subissant en cela le sort d'un grand nombre de monuments
anciens. Je ferai remarquer ici qu'il est assez singulier que la tour, parfaite-
ment solide , selon la vérification faite en 1 838 ou en 1 839 , ait menacé ruine
tout à coup en 1843 et en 1844, et que ce manque de solidité, qui échappait
à l'investigation toute spéciale des architectes, ait sauté aux yeux de M. le
ministre qui n'est pas spécial en celte matière, lorsqu'il alla trois ou quatre
ans après visiter l'édifice. Le fait est que les vérifications n'ont pas été faites,
j'en suis malheureusement convaincu , avec tout le soin qu'auraient réclamé
mi: LAN ('.ES ET NOIVELI.ES. 67
les lia\aii\ à cxctiiti'i-. La llcclic a ctc |iai railcimiil ('(msliiiile : loiil le inonde
rend justice à rarcliitetle sous ce rapport, cl je ne viens jjas ici <lénientir les
assertions de M. le ministre; mais qu'importe tpie la ilèclie ait été pariaite-
mciit construite, si la base n'rtail i)as solide! C'est precisemeul ee (pii est
arri\é : la Ilèclie n'a pas lion^'i-; mai> la tour s'est eutr'ouverte , et l'on a été
obligé de démolir la pailie (pii etail au-dessus, parce que la partie (pii était
au-dessous menaçait ruine. Je dis (ju'il y a eu manque de prévoyance , et la
])reuve en est que rarciiilecte lui-même, él(uiné de \oir son o'uvre menacée
d une luiiie si |)récoce, a l'ait alors une recherche ipie la commission spéciale
n'a\ail probablement pas rait(> ; il s est aperçu (pie l'intérieur des murs pré-
sentait iU'^: vices de construction tels (jue la ruine actuelle de l'édifice lui a été
parfaitement expliquée. .M. le ministre des travaux publics, peut-être un peu
embarrassé alors de ce phénomène (\m s'était produit si rapidement, a voulu
lui chercher une cause dans la tidmlie de .Mon\ilie. On ni.; Ce prétexte a
l'ait sourire beaucoup de nos collèiçues, et j'avoue (pie, pour ma part , je n'y
ai jamais cru. Il m'a été impossible d'y croire en aucune façon, lorsque,
ni'étant transporté sur les lieux, j'ai \érilié par moi-même que beaucou|» de
lézardes portaient la date de IS'i'i. Or, c'est en IS'i.") que la trombe d(>
^lonville a éclate
« M. i.K ^IiNisTKE. Les crevasses ont augmenté depuis lors!
(r .M, FtUDi.NAXD DK Lastevrik. Lcs meuaccs de ruines ont commence plus
anciennement; el, comme il arrive toujours, elles sont allées en progressant;
on n'y a apporté aucun remède , h; mal a empiré. Enfin il est arrivé à un étal
tel que la démolition est devenue absolument urgente : elle a été exécutée
provisoirement , avant même que vous ayez voté le crédit. Je remercie M. le
ministre des travaux |)ublics d'avoir bien voulu prendre sur lui cette démoli-
tion; car, je le répèle, il y avait peiil en la demeure. .Mais il n'en <>sl pas
moins évident qu'avec un peu plus de prévoyance on aurait évité Je fait
déplorable (jui occupe aujourd'hui la Chambre. Aux voix! aux voix! i
« M. François Delessert. Je demande à dire quelques mots. (Aux voix!
aux voix! — Parlez!) La commission s'est justifiée, el je crois qu'elle n'en
avait |)a.5 besoin ; cl M. le ministre des travaux publics a donné des explications
suflisantcs, bien qu'il ne fût pas en cause; mais je crois ipje s'il \ a quelqu'un
en cause dans cette affaire , el loul le monde le nommera , c'est rarciiilecte.
Je ne prétends pas l'accuser , je ne connais pas les faits; mais très-probable-
ment il y a des reproches graves à adresser à la personne (\iù a été chargée
de conduire les travaux, el (]ui a laissé mettre sur une tour vieilh; quehpie
chose de très-lourd que cette tour ne pouvait supporter. C'est avec regret i\u('.
68 ANNALES ARGHEOLOC.IQUES.
je n'ai trouvé , ni dans l'exposé des motifs , ni dans les paroles du ministre des
travaux publics, rien qui indiquât que l'architecte, qui dans ce moment n'est
pas en cause, y serait mis par l'adininistration, et qu'on examinerait avec
soin s'il n'v avait pas de reproches à lui faire. Je demanderai à M. le ministre
des travaux publics de vouloir bien dire quelques paroles à la Chambre qui la
rassurent à cet égard, el cpii lui fassent espérer (pie plus tard, à la session
prochaine , lorsque la question aura été examinée par M. le ministre des
travaux publics, si l'arcliitecte a tort , il devra èlrc blâmé.
(( M. LE Ministre des Travaux publics. L'exposé des motifs annonce
qu'aussitôt qu'il aura été procédé à la démolition , l'état des lieux et les
causes du désastre seront l'objet de l'attention la plus grande ; mais il m'était
impossible de jeter légèrement un blâme sur un architecte attaché depuis trente
ans à l'église de Saint-Denis, et qui a donné de si grandes causes de satisfaction
à l'administration.
(( M. Desloxorais. On a prétendu que j'avais eu tort d'attaquer la com-
mission ; cela vient sans doute de ce que mon observation n'a pas été com-
prise. Je n'ai pas prétendu que la commission dût faire des recherches; mais
j'ai dit, et je le maintiens, que son investigation devait porter sur ce point de
savoir du ministre s'il y avait eu un procès-verbal constatant le désastre et les
causes qui avaient amené la nécessité de démolir la tlèclie. J'ai attendu que
M. le ministre eut donné des explications à la Cliambre pour savoir si cette
investigation si sinqile , si naturelle , si nécessaire, avait eu lieu. Eh bien , j'ai
le regret de constater, avant le vote, qu'aucun soin n'a été pris dans celle
circonstance, et quand M. le ministre vient nous promettre que, lorsqu'on
aura détruit la flèche , on recherchera les causes qui ont nécessité la démo-
lition , je dis que c'est au moment même qu'il fallait constater l'état des
lieux , dresser procès-verbal , reconnaître quelles étaient les causes apparentes ,
les suivre dans la destruction, et voir, après la destruction, si on s'était trompe
ou non. Je déclare à la Chambre (pi'à mes yeux il y a eu imprévoyance impar-
donnable de la part de l'administration, el je désire que la discussion qui vient
d'avoir lieu serve au moins d'avertissement pour l'avenir. (Très bien!)
« M. le Puésident. Je consulte la Chambre sur l'article 10. >>
L'article 1(t est mis aux voix et adopté.
AKCnKOLOr.IK PI\ATH)UE.
DES KK l'A HATIONS KT Dl' HA r>I(.K<»N\ AC E. '
Bien que deiniis longtemps controversée, la question des réparations et du
badigeonnage est loin davoir rallié sous le même drapeau tous les hommes
influents de notre époque : son application journalière la rend une des plus
importantes à définir, une des j)lus utiles à (ixor. Réparer et badigeonner
sont deux choses qui se confondent dans la pratique; je vais donc ici déve-
lopper (juelques idées, quelques principes, âc TobsciA alion ligoureusc des-
quels me paraît dépendre l'économie conservatrice des anciens monuments.
Il ne peut être douteux pour jjersonne que tout monument étant sujet à la
grande loi de la destruction, il n'y ait des cas où il l'aille le réparer, sous
peine de le voir se détériorer, d'une manière plus ou moins complète, et ^nir
par tomber en poudre. Les réparations sont générales ou partielles ; dans l'un
et l'autre cas, la plus rigoureuse sobriété de moyens <h)it diriger la tète qui
conçoit et la main qui exécute la réparation. Il est telle réparation qui, en
dénaturant l'édiiice, en le métamorphosant complètement, serait tout aussi
bien sa ruine que si on le laissait s'affaisser sur ses décombres; car l'objet
qu'on aurait sous les yeux, dans le premier cas, serait tout autre que l'an-
cien. Que se propose-t-on , (juc doit-on se proposer quand on répare? de con-
server; de conjurer une dégradation plus ou moins dangereuse, plus ou moins
imminente. Pas autre chose sûrement; car, en langage ordinaire, (pii dit
réparer ne dit point dénaturer, tron(juer, ajouter. — La signilicalion du mot
admise dans ses termes les plus naturels, on en conclura que toute répara-
tion, générale ou partielle, ne doit en rien modilier le style de l'édiiice qui en
est l'objet. Si l'on veut reprendre une voûte, il faut commencer par réfléchir
sur l'œuvre que l'on doit exécuter. Si les anciens matériaux peuvent encore
servir, que l'on se contente de les remettre en place, de les reconsolider au
moyen des précautions nécessaires. Si les vieux matériaux font défaut, et
qu'il en faille absolument de neufs, on remplacera la pierre qui manque par
une pierre tlont le grain , la couleur, les dimensions, la coupe, seront la dou-
v. lu
70 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
blure en quelque sorte de toutes ces particularités dans la pierre primitive. On
agira de même pour toutes les pierres, pour toutes les parties de l'édifice.
Toutes les fois qu'une consolidation pourra suffire, il faudra s'en contenter,
sans rien remplacer; s'il faut absolument recourir à ce dernier moyen, on le
fera en substituant, à l'objet trop fruste ou manquant, son calque le plus absolu.
(]e que je dis ici des réparations appliquées aux ()arties architecturales de
l'édifice doit s'appliquer avec la môme rigueur aux détails et accessoires, aux
ornements courants, aux sculptures, bas-reliefs, statues, pignons et chapi-
teaux feuillages, aux vitraux même, toutes choses pour lesquelles le mot de
restauration s'appliquera ])eut-èlre pins exactement que celui de réparation.
Tant que les anciens détails de l'ornementation pourront être maintenus, on
devra les préférer à du neuf; si l'on ne peut se dispenser de les renouveler,
il faudra se borner à copier, à refaire la partie manquante d'après un modèle
pris de préférence dans le monument même, et, à son défaut, dans des édi-
fices d'époque et de style analogues. S'il s'agit de statuaire, par exemple, on
conservera les statues léguées par le moyen âge , pour peu que leur état soit
supportable; sil faut les renouveler, et surtout les remplacer parce qu'elles
manquent , on copiera exactement des statues analogues prises dans des mo-
numents de même date. Pour réparer des verrières du xiif siècle, on calquera
deg verrières du xiii", et non des vitraux du xv°; bien moins encore devra-
t-on songer aux produits d'une composition moderne. On ne saurait trop
insister sur ces principes, véritablement prolecteurs de nos monuments du
moyen âge, et dont malheureusement on s'écarte encore tous les jours. Il en
résulte fréquemment qu'au bout de quelques années d'une réparation inin-
telligente et indiscrète, tel monument qu'on nous donne pour du moyen âge
n'est rien moins que cela. Tout au plus retrouve-t-on , ça et là, quelques ves-
tiges primitifs épargnés par une main maladroite; on y a tellement ajouté,
retranché, modifié, qu'on y rencontre de tout, sauf du moyen âge. On ne se
fera pas faute de répéter au public que l'édifice est de tel style, de telle
époque; et le public le croira. Mais l'archéologue instruit, mais le savant
versé dans l'étude de nos antiquités nationales, n'y seront point trompés :
ils déploreront, ils réclameront même, et, à supposer qu'on les écoule, il
sera souvent trop tard; le mal sera sans remède. Prenons les œuvres de
nos pères telles qu'ils nous les ont laissées, ni plus, ni moins. Je ne dis point :
achevons ce qu'ils voulaient faire et qu'ils n'ont point fini; je dis, au con-
traire : tenons-nous à leur œuvre telle que les siècles nous l'ont transmise. —
Quand nous aurons réparé, si nous voulons restaurer, que ce soit avec pru-
dence. Une statue manque, restituons-la si nous le voulons; mais gardons-
ARCHEOLOGIE l'UATIQUE. 71
nous de le faire si nous ignorons son sujet et son slyle, et si nous ne pouvons
la reniplarer par une copie exacte prise ailleurs. Si nous avons dos doutes,
laissons la place vide : mieux vaut le vide qu"un contre-sons. Ne mettons point
de lleclies sur dos tours qui n'en ont jamais eu , (juand mènio nous saurions
que le dosir primitif do nos pères était d'en ])lacor là , et (pio nous aurions sous
la main les plans mêmes (pii eussent servi de base à Imu- ()u\i;ii.'0. Le miiycii
%e nous a laissé des portails ébauchés, des monuments inc(imi>lols; ros|)ec-
tons celte lacune, et ne corrigeons jujint l'ébauclio. Kospoctons la physio-
nomie acquise do nos moiiiunonts antiques; laissons-les jouir de cette consi-
dération du lom|)S. Ainsi aurons-nous, mais à ce prix seulement, des types
sérieux dos anciens àgcs. Si nous agissons autrement, nous tomberons dans
une confusion dont le tormc; sera l'annulation do nos richesses archéoiogicpies.
J'aborde à présont la question relative au badigeon, à ce mode de rajeu-
nissement de nos vénérables églises, que l'on peut api)eler la restauration
économique pai- oxccllenco, et qui est d'autant plus dangereuse qu'il peut
être plus souvent ot plus i)romptemeiil ('iii|ilo\é. — Fautil admettre comme
principe invariable la proscrijjtion du badigeon.' Je réponds oui, dans tous les
cas, même cpiaud les matériaux dont est construit l'éditice no |)résenlent pas
une couleur hoÊnogèno. Je m'empresse, au reste, (\i' doilaror ici (pie je ne
prétends en rien parler de ces enduits anciens qui couvrent souvent l'inté-
rieur de nos monuments du moyen âge, (pii nous ont été transmis à travers
une longue suite de générations, et qui sont dans bien des cas relevés par
un système de décoration plus ou moins compliqué. Il ne faut rien toucher
■ ici , rien changer. Mais je m'élève de toutes mes forces contre ces badigeon-
nages modernes qui, sous trois formes différentes, régnent encore on France
d'une manière presipie despotique. Dans le nord, c'est la teinte plate qui
domine, la couche au lait de chaux. Dans le midi, nous avons le badigeon-
nage historié, les scènes diverses; des personnages y viennent décorer ou
enlaidir, comme on voudra, les murailles de nos vieilles églises. Certains
artistes italiens monopolisent d'une manière toute spéciale cette branche d'in-
dustrie. Enlin, dans le contre de la France, nous trouvons les imitations de
marbres, de granits, de pierres veinées, troisième modt! do badigeonnage
tout aussi malhouroux , tout aussi digne de réprobation (pie les deux autres;
leur moindre défaut, à tous trois, serait d'être inutiles, (piand ils n'entraine-
raient pas souvent de bien pires conséquences, comme de n^couvrir et dr
dissimuler des fresques anciennes et de fort vieilles peintures murales appli-
quées sur des enduits primitifs.
Le badigeon ne doit jamais être mis en œuvre; appliqué sur les surfaces
72 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
lisses, bien loin de leur être favorable, il leur nuit. Après un temps plus ou
moins court, il peut se ternir inégalement, s'écailler, se détacher par plaques;
le temps et l'iuimidité lui ont bientôt donné le coup de grâce. Dans cet état,
son effet est cent fois pire que la variété produite à l'œil par les inégalités du
coloris de la pierre; d'ailleurs les nuances diverses s'adoucissent tous les
jours sous l'espèce de patine dont le temps finit par teinter tous les objets;
puis elles sont plus ou moins dissimulées par la vue d'ensemble de l'édifice,
par le demi-jour. Si, des surfaces lisses, nous passons à celles où la pierre a
été refouillée par le ciseau de l'artiste , nous verrons encore que le badigeon
est leur plus mortel ennemi. On a beau recourir-ti l'enduit le plus clair et le
plus fin , cet enduit confond et englue tout ce qu'il touche ; il ôte au ciseau
toute sa verve, en noyant les arêtes vives et les formes détachées. Comme je
l'ai déjà fait observer ailleurs, quel artiste du moyen âge eût consacré ses
veilles et ses labeurs à faire vivre et parler la pierre, s'il eût prévu que le badi-
geon, un jour venant, eût passé, sur toutes ces dentelles et ces moulures har-
dies, le désespérant niveau de ses enduits, la colle de son lait de chaux?
D'après ce que je viens de dire, badigeonner un édifice une première fois
est certainement regrettable et nuisible; mais ce premier badigeon venant à se
salir et s'effeuiller, il faudra y porter remède. Comment rendre au monument
sa fraîcheur primitive, si ce n'est en appliquant un second enduit sur le pre-
mier? Encore quelques années, et les mêmes causes conduisant aux mêmes
conséquences, un troisième badigeon deviendra nécessaire, puis un qua-
trième. — Je le demande , que sera devenue , au bout d'une cinquantaine
d'années d'un traitement pareil, cette église sortie à son origine, comme une
corbeille de fleurs, des mains du maître de l'œuvre et de ses intelligents
ouvriers? Hélas! combien de nos monuments de France sont là pour nous
répondre? Combien ne voyons-nous pas de vaisseaux intérieurs d'édifices ne
présentera l'œil qu'une monotone uniformité, relevée souvent par des bario-
lages rouges, jaunes, et qui recèlent, sous ces épaisses croûtes de badigeon,
des beautés du premier ordre, des détails que l'œil est aussi étonné que ravi
de retrouver, quand on a fait tomber l'ignoble voile qui les déshonorait?
Respectons nos vieux édifices, nos vénérables églises. Admirons, faisons
admirer ces trésors légués par un autre âge; mais touchons-y le moins pos-
sible. C'est le meilleur service que nous puissions leur rendre.
Comte DE MELLET,
Correspondant du Comité historique des arts et monunicnlc.
ESSAI
8LK LE CIIAM ECCLÉSIASTIOIE.
Digression sur le curaciére des aiiti(iurs mélodies rhréliennes el sur la rause [irincipalc de leur
altération au xiii' siècle. — Erreur de ([uelques savants relativement au plain-cliant qui corres-
pond à la période ogivale. Le plus beau et le plus pur est celui qui remonte à la plus haute
antiquité. — Détails biographiques sur le pape qui lui a donné son nom. — Curieux passage de
Jean Diacre, historien de saint Grégoire; ses réllexionssur le mauvais goiU des chantres français
de son temps, applicables à ceux du nôtre. — Idées fausses qu'on se fait communément de la
nature du plain-chant el du mode d'exécution qui lui convient. — En quel sens saint Grégoire
a-l-il travaillé à s;i réforme, et quelle part lui revient-il dans la compo.silion des différentes
parties qui le constituent"? —Ce chant a deux origines : l'une latine, basée sur les modes grecs;
l'autre orientale, basée sur le système musical des églises de l'Orient. — Dans quelles propor-
tions ces deux styles sont-ils entrés dans la composition des chants liturgiques de l'Occident,
particulièrement lors de la restauration du chant par saint Grégoire? — C'est surtout en réta-
blissant sur ses premières bases l'antique tonalité, et en l'enrichis.sant de quatre modes nou-
veaux calqués sur les quatre modes primitifs de saint Ambroise , que le pape saint Grégoire a
mérité le litre de réformateur du chant ecclésiastique.
IIP.
Dans noli-e dernior article, nous avons donné la liste chronologique des
auteurs qui, de[)uis saint Ambroise jusqu'à saint Grégoire, se sont occu|)és
du chant ecclésiastique, soit comme écrivains, soit comme comiiositcurs. Il
en résulte que, longtemps avant saint Grégoire-le-Grand, d'autres souverains
pontifes, ainsi que des évé([ues, des abbés, des moines, dos doclours,
s'étaient livrés avec zèle à l'enseignement et à la composition du clianl
liturgique. Leurs productions, à eu juger par les rares fragments qui nous
en restent, se faisaient remarquer par une noble et touchante simplicité; ils
avaient une vertu suave, pénétrante, (jui les rendait inimitables. Certes, les
chrétiens des premiers siècles qui avaient pu , dans le domaine de la pein-
ture el de la sculpture, créer des types comme ceux que l'on voit encore
dans les grandes salles du Vatican, où ils furent transportés des catacombes,
1. .innales Archéologiques , vol. iv, p. i\">-lll\ vol. v, p. 12-20.
74 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
et qui, dans le domaine de rarchilectiire, avaient pu ériger des l)asiliques
comme celles de Saint-Jean de Latran , de Saint-Pierre et de Saint-Paul-hors-
les-Murs, n'avaient pas dii être moins bien ins])irés par le chant liturgique,
dont la pratique avait commencé dès l'aurore de leur religion. Ce qui le
prouve, c'est que, plus on remonte vers l'antiquité, plus ce chant paraît
beau de mélodie, d'expression et de délicatesse. C'est l'opinion des savants,
et, en particulier, celle que l'abbé Baïni, mort depuis peu à Rome, où il
était maître des chapelains-chantres pontificaux, a consignée dans ses
écrits '. Je cite d'autant plus volontiers ce beau passage, dont' je donne le
texte italien, en note, qu'il résume d'une manière élégante les diverses opi-
nions des savants touchant l'origine du chant ecclésiastique, et qu'il nous
aidera, en attendant d'autres développements, à saisir le caractère de
ces antiques mélodies, telles qu'elles existaient, soit avant, soit après saint
Grégoire. Il faut tenir compte toutefois des modifications plus ou moins im-
portantes que peuvent apporter à un jugement de cette nature les révolutions
écoulées, la différence des temps et des lieux, le génie particulier de cer-
tains peuples, et bien d'autres circonstances qu'il serait facile de relever pen-
dant une si longue période. Après avoir prié les lecteurs de se contenter du
résultat de ses études sur tous les écrivains qui ont traité du chant ecclésias-
tique, et sur les manuscrits nombreux de toutes les nations qu'il a consultés
dans les bibliothèques et archives de Rome ; après avoir donné sur la consti-
tution des modes authentiques et plagaux une courte dissertation que nous
omettons, parce ciue nous reviendrons bientôt sur cette importante matière,
l'abbé Baïni poursuit en ces termes ^ : (c Les véritables et antiques mélodies
1 . Mémoires historiques et critiques sur la vie et les œuvres de Palestrina, lome 2 , chap. 3.
2. «Le vere antiche mélodie del canto gregoriano (parlino pure, e sciivano eontro la mia
assertiva quanti v' han musici) sono aflatlo inimitabili. Si possono copiare, ed addallarie, il ciel sa
corne , adaltre parole; ma farne délie nuove pregiabili corne le antiche, non si sa fare, non v' ha
chi r abbia fatto. lo non dirô, che la maggior parte di esse furono opère de' primitivi cristiani,
e che alcune sono dell' antica Sinagoga, nate percio, mi si permetta l'espressione , quando
r arte era viva. lo non dirô che moite sono opère di S. Daniaso, di S. Gelasio, e massime di S.
Gregorio-Magno , ponlefici illuminati singolarmente da Dio, a tal' uopo. lo non dirô che alcune di
esse sono anche dei monachi più santi e dotti , che fiorirono nei secoli viii, ix, x, xi, xii, e,
ognun sa, per le opère loro, che prima di scriverle, munivansi eglino di orazione e di digiuno. lo
non dirô , siccome constà per moltissimi monumenti rimastici, che prima di comporre alcun canto
ecclesiastico osservavan gli autori la natura, 1" indole, il senso délie parole, e la circostanza in
cui dovevano esseie eseguite , e classificandone il resultato , le ponevano nel modo, o tono corris-
pondcnte sia per l'aculezza o gravita, sia per il suo moto e modo di proccdere, sia per le coUoca-
zioni dei semiloni , sia per le fogge particolari di modulazioni, sia per gli andamenti proprii délie
mélodie; differcnziavano la maniera di canto per 1' introito , altra per il graduale, altra per il
tratto, altra per l'offerlorio , altra per il communio, alUa per le antifone, altra per i responsorii ,
ESSAI SIK I.K ClIANT K CCLKSI ASTIOT E. '75
du diiint jLrirgorien je parle sans détour, quoi (jiic puissent écrire contn;
mou assortion tons les nuisiriens qui \w seront pas de mou avis) son! tout
à l'ail iiiiiiiilaiiles. Elles peux eut èlic copiées el adaptées, Dieu sait cotiiiiieiil,
à d auties paroles; mais eu eomposer de nouvelles, aussi excellentes cpie les
anciennes, cela ne saurait se l'aire, et personne n'a pu encore y réussu-. Pour
moi , je no dirai pas cpio la majeure partie de ces méloilies furent l'dnivre des
premiers chrétiens; (pie (|uel(pies-unes même étaient de l'ancieiuie Syna-
gogue, el furent ainsi couq)osées, qu'on me permette l'expression, lorsque
l'art était daiis toute sa vie (« quando Tarte era viva »). Je ne dirai pas (pie
beaucoup sont l'onivre de saint Damase , de saint Gélase, et surtout de saint
Grégoire-le-Gi-aml , puntil'es spécialement éclairés d'en haut pom- une telle
entrepris(!. Je ne dirai pas (pu^ (]uel(]ues-unes d'entre elles sont encore des
moines les plus saints, les plus doctes, qui fleurirent aux viii'', ix', x% xi* et
xii" siècles, et qui, comme chacun sait, avaient coutume de se préparera ce
travail par la prière et le jeûne. Je ne dirai pas, ainsi qu'il résulte des nom-
breux monuments qui nous sont restés, qu'avant de composer un (liant ec-
clésiastique, les auteurs dont nous parlons observaient la nature, li! carac-
tère, le sens des paroles, et les circonstances dans les(pielles elles devaient
être chantées , et qu'en se rendant compte du résultat de leurs observations,
ils écrivaient dans le mode ou le ton le plus convenable, soit par son acuité
ou sa gravité, soit par son mouvement et le genre de sa marche, soit par la
pose des demi-tons, soit par le caractère particulier de ses modulations, soit
par les allures des mélodies. Ils mettaient une différence, dans la manière do
chanter, entre la messe el l'ofiice : autre était le genre de chant pour l'In-
troït, autre pour le Graduel , et autre pour le Trait ; autre pour l'Offertoire,
et autre pour la Communion; autre pour les Antiennes, et autre pour les Ré-
pons; autre pour la psalmodie après l'antienne de l'Introït, et autre pour la
psalmodie des heures canoniales; autre pour léchant destiné à être exécuté
par une voix seule, et autre pour le chant au chœur. Tout cela, ils l'obte-
allra \}vr la salmodia dopo l'antifona ail' introilo, altra por la salmodia nelle ore canonirlie , allra
per il canlo da espgiiirsi a voce sola, allra per il canlo del coro; e tiitto cio il ricavano dolla limi-
tata eslensionc di quattro, cinque, al più sei corde, o talvolla, ma bon di rado, da seUe ed otlo
intcrvalli. lo non diro, il ripeto, niuna in parlicolare di siiïaUc cose ; ma dico siblicnc, clic da
tutti qiiesli prcgi in?lemc unili, ne risulla nell' anlieo canto gregoriano un non so clic di ammirabilc
ed inimitabile, una finezza di c^p^cs5ione indicibilc, un paltclico ctio lona, una naluratc/za tliiidis-
sima; s<,'mpre fresco, sempre nuovo, sempre verde, sempre bello, mai non appascis^^e, mai non in-
vecchia : laddovc ëlupide, iDsignificanti, faslidiosc, absone, rugose scnlansi inconlincnll le mélodie
moderne de' canli o variali od aggiunli, incommiciando alla melà circa del secoloxiii fino al di
d'oggi. »
76 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
liaient dans les étroites limites d'une quarte, d'une quinte, tout au plus
d'une sixte, et quelquefois, mais bien rarement, dans celles de sept ou de
huit tons. Je ne dirai , je le répète, rien de particulier dans cette matière;
mais je déclarerai avec pleine certitude que, de l'ensemble de toutes ces
inestimables mélodies, il résulte que le chant grégorien a un je ne sais quoi
d'admirable et d'inimitable, une finesse d'expression indicible, un pathé-
tique qui touche, quelque chose de limpide, de toujours frais, de toujours
nouveau, de toujours vert, de toujours beau; mais rien de fade ni de
suranné. Auprès de ce chant apparaissent tout à coup bien stupides, insi-
gnifiantes, fastidieuses, absurdes, surannées, les mélodies modernes par les-
quelles on l'a altéré, ou qu'on y a simplement ajoutées, à partir de la der-
nière moitié environ du xiif siècle, jusqu'à nos jours. »
Nous suspendons cette citation déjà assez longue, mais pleine d'intérêt,
pour la reprendre, en temps opportun, au point où nous la laissons. La ré-
flexion qui la termine est bien digne de remarque. C'est le xiii' siècle, cet
âge d'or de l'architecture catholique, que le savant abbé Baïni signale comme
celui (le la décadence sensible du chant religieux. Gela n'a rien d'étonnant,
quand on pense que cette époque est celle des croisades, dont l'influence fut
aussi nuisible à la musique chrétienne que favorable au développement des
autres institutions. En effet, de cette époque surtout date l'introduction
maladroite, dans nos chants d'église, de cette multitude de notes parasites
que les croisés avaient empruntées aux mélodies orientales, surchargées,
comme chacun sait^ de ces sortes d'ornements. Ces notes d'agrément, qui
peuvent très bien s'allier avec les traits rapides et le genre chromatique des
chants orientaux , appliquées à un système de chant grave , posé , comme
celui des églises occidentales, n'ont fait que le dénaturer en altérant sa pri-
mitive tonalité , comme nous l'exposerons plus tard. C'est donc une erreur
contre laquelle on ne se tient pas assez en garde, de croire que les mélodies
religieuses du xiii° siècle sont les plus parfaits modèles de chant ecclésias-
tique, comme ses monuments le sont de l'architecture sacrée. Sans doute, et
nous aimons à le proclamer à l'avance, en attendant que le moment d'en ad-
ministrer les preuves soit arrivé, sous le rapport de l'harmonie consonnante
appliquée à nos chants religieux, ce siècle l'emporte sur tous ceux qui l'ont
précédé , et nous n'aurions rien de mieux à souhaiter à nos cathédrales , si
tristement déshéritées aujourd'hui de leur ancienne splendeur liturgique, que
les mâles faux-bourdons qui faisaient vibrer de leurs majestueux accords les
voûtes aériennes et les vitraux transparents de ces merveilleux édifices. Mais,
quelle que soit nuire vénération pour l'art chrétien dans cette période écla-
ESSAI SUK I.K (IIANT KCCLÉSIASTIOl E. 77
laiili^ (lu niovrn àw; la \criti; liisloriiiuc ne ikiii- |m'iiiicI pas ûo. dissiiimler
que les niolodicssacives, qui t'uicnt (ral)()i(l clianlcesdans les basilicjues latines,
«nsuite, quoi(|ue déjà altérées, dans les églises carlovingiennes et romanes de
l'Occident, ciaiont plus pures, i)his distinguées que celles qui devaient reten-
tir |)Ius tard dans les Notre-Dame do Paris, de Chartres, d'Amiens, de Reims
et de Strasbourg '. Depuis la fameuse décision de Cliarlemagnc, depuis la dis-
pute des ciianteurs français et des chanteurs romains jusqu'au résultat des
immenses recherches de M. Félis pour la restauration du plain-cliant, i'('su!-
tat proclamé naguère, à Tunanimitr, par une coniiiiissiou qua niiiuuiéc
Mgr l'archevêque actuel de Cainlirai, il a été vrai de dire que, pour avoir
l'eau la plus pure, il faut remonter à la source, et (pr<'n l'ait de mélodies
ecclésiastiques, les |)lus anciennes sont généralement les plus belles, parce
qu'elles se distiniriieut |)ar une plus grande jMirelé. (!eci nous amène natu-
I. Nous ne pouvons adopttT les conclusions que M. I';ibl)é Jouve lire du texte do l'al>l)i" Uaïni.
D'abord Baïni signale la dcrnièrt' moilié (il aurait dû dire les dernières années) du xiiT siècle comme
le commencemcnl de la décadence musicale , et c'est précisément dans la même période que
commence à décliner l'architecluro, la sculpture, la peinture et la poésie du moven âge. Nos plus
belles cathédrales, celles de Paris, de Laon, do Chartres, de Soissons, d'Amiens, de Ueims, etc.,
sont de la fin du xii' siècle et des trois premiers quarts du xiii'^. Ainsi c'est avant la décadence
du chant que la plus admirable architecture ogivale a été connue, pratiquée, perfectionnée. Kn
outre, la musique de cette époque est-elle donc si inférieure à celle des xr, x"-", ix", viii'' ou
vii^ siècles, tant préconisée? Nous ne le pensons pas. C'est au xii'' siècle, ce point culminant
de l'architecture romane; c'est au xni'^ siècle, cet âge d'or de l'architecture ogivale, qu'en
1H5, 1198 et 1270 saint Bernard, Innocent lit et le cardinal Latinus l'rangipani (pour ne citer
que ces noms-là) composent les séquences Uvlabundiis , yeni sayicte Spiritus , Stabat mater,
Dies ir:e. Un fait qu'on n'a pas siiflisiimment remarqué, c'est que l'évêque de Paris, Maurice de
Sully, complétait (pour ne jias dire composait en entier) l'ofTice des morts, au moment mémo
où il jetait les fondements de la cathédrale de Paris; or cet office, paroles et chant, est aussi
sublime que l'est Notre-Dame, architecture et sculpture. On le voit, tous les arts sont frères, et
frères jumeaux. Ils naissent, vivent et meurent ensemble. Les xii" et xiir siècles sont, en mu-
sique, comme en architecture, la période du triomphe suprême. Nous espérons que M. l'abbé
Jouve donnera les développements nécessaires à la proposition que nous attaquons; mais nous ne
pouvons nous empêcher de rappeler que tout l'oHice du Saint-Sacrement date précisément du
xnr siècle. Or tout cet office est incomparable; les paroles et le chant du Sacrix so/emniis, du
f'erbum supernum , du l'ange liiitjiia , du Laitda Sion sont <le la plus rare beauté, et l'on peut
affirmer que saint Grégoire n'a rien fait ipii les sur|)asse ni mémo qui les égale.
Nous ne pouvons pas non plus admettre que les croisades aient été nuisibles à la musique reli-
gieuse de l'Occident. On croit, mais c'est une grave erreur, que les croisés ont rapporté d'Asie en
Europe, en France, les arts de l'Orient; c'est le contraire exactement ijui est la vérité. Il n'v a
pas en France une seule église que les croisés aient bâtie dans le style ni sur le plan des églises de
l'Orient; en Grèce, au contraire, à Mi.stra, à Chalcis, les croisés clianqtenois, devenus seigneurs
de .Morée, d'Acha'i'e, de l'Ile d'Kubéc, ont bûli des églises françaises et chani|,enoises. Voyez ce iiue
nous en avons dit en plusieurs endroits, nolanimcnl dans le premiei' volume , pages 32 et 3.>, des
V. 11
78 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
relleracnt au sujet iniportaut qui doit nous occuper, je veux dire l'exposition
de la tonalité ecclésiastique ou grégorienne. Nous allons la commencer par
<lueIqnos détails biographiques sur le pape qui lui a donné son nom, d'autant
mieux que ces détails se lient nécessairement à la restauration du chant dont
il est l'auteur.
Cet illustre docteur naquit à Rome vers l'an .5'iO, de Gordien, riche séna-
teur, et de Sylvie. Apiès sa naissance, son père se fit ecclésiastique et devint
un des sept diacres-cardinaux qui avaient soin, chacun dans son quartier, des
pauvres et des hôpitaux de Rome. Sa mère se consacra également au service
de Dieu , dans un oratoire près de Saint-Paul-hors-les-Murs. Grégoire se livra
de bonne heure à l'étude de la philosophie, des arts libéraux, et plus tard à
celle du droit civil et du droit canonique. A l'âge de trente-quatre ans, il fut
créé , par Justin II , préteur ou premier magistrat de Rome. Dès ses premières
années, il s'était habitué à la méditation des choses de Dieu et à l'exercice
de la i)rière, soit avec des religieux, soit dans son église et dans sa maison.
Après la mort de son père, il fonda plusieurs monastères, et un, entre autres,
dans sa demeure, sous l'invocation de saint André. 11 y prit lui-même l'ha-
« Annales Archéologiques ». A Jérusalem, les croisés ont rcbàli le Sainl-Sépulcre, le tombeau même
de Jésus-Christ, en ogive, absolument comme s'ils eussent été en France. Voyez des dessins du
Tombeau dans l'ouvrage du P. Bernardine sur la Terre-Sainte. Pour le texte et le chant de la prière,
il en fut de même. Guillaume de Tyr dit formellement que Godefroy de Bouillon institua le rite
latin dans l'église du Saint-Sépulcre; qu'il y établit l'ofTice divin et les cérémonies, comme dans
les grandes églises de France, et qu'il nomma chantre de cette cathédrale par excellence An-
selme, chanoine de la cathédrale de Paris. Mais, avant Godefroy de Bouillon, la liturgie française
avait été établie en « Sicile par les princes normands, comme d'anciens manuscrits liturgiques en
font foi. Les ducs d'Anjou l'y maintinrent, ainsi que le prouvent des missels et des bréviaires
contemporains de leur domination sur cette île; et, ce qui est plus remarquable, il existe encore
des missels imprimés à Venise, dans la première moitié du xvi" siècle, qui portent ce titre :
Missale galiicanum,juxta usum Messauensis Ecclesiœ, et un bréviaire de 1512, également
imprimé à Venise et intitulé : lireviar'mm gallicanitm ad usiim Ecclesiarnm Sicidarum...
Nous retrouvons encore ailleurs la liturgie parisienne. Des monuments positifs nous apprennent
que les grands maîtres français de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem l'instituèrent jusque dans
les églises de Rhodes et de Malte. Saint Louis, dans ses voyages d'outre-mer, la faisait célébrer
devant lui avec toute la pompe dans les cérémonies et toute l'exactitude dans les chants ([ue com-
portait la commodité plus ou moins grande de ses divers campements. » Voilà ce que dit tex-
tuellement le R. P. dom Guéranger dans ses Institutions liturgiques, vol. I, pages 340-343. —
Nous ne pouvons nous défendre de citer encore le passage suivant du même volume, pages 3S1-
352, où est constatée la concordance qui a toujours existé entre l'architecture et la liturgie, entre
l'art bâti et l'art chanté. — « S'il est permis de rechercher les analogies que présentent les vicis-
situdes du chant ecclésiastique au moyen âge, avec la marche de l'architecture religieuse, qui a
toujours suivi les destinées de la liturgie dont elle fait une si grande partie et comme l'encadre-
ment , nous soumettrons à nos lecteurs les considérations suivantes. Les x« et xi*" siècles enfanté-
ESSAI SrU LE (IIANï ECCLKSI ASTIOIK. 79
bit en 575, à l'àgo de Irente-ciiuj ans. Il fut ensuite mis au nombre des sept
diacres de l'église romaine, el envoxé peu de temps après, ])ar le pa|)e
Pelage II, à la cour de(;()ii>laiilin()plr, en (iiiaiitc d apix risiaire ou do. nonce
apostolique. Il s'y distingua par sa sciiMice et sa pictc Happclé à Rome en
584, il tut élu abbé du monastère de Saint-André, et lui ensuite nommé
secrétaire de Pelage II. A la mort de ce pontife, (pii aiiiva an mois de janucr
de Tannée 590, il fut désigné pour le remi)lac(M- |)ar le clcrgt;, le sénat et le
peuple de Rome. Après bien des icsistanccs, il fut sacré le ,'J septendire de la
même année. Il [)arait que ce lut au commencement de son |iontilicat qu'il
réforma et développa le cliant eccU'siasliciue , en même temps (ju(^ le sacra-
mciitaiii', (pii est le missel el le rituel de l'Eglise romaine. .Mort le \2 mars GO'i,
dans la soixante-quatrième année de son âge, après avoir siégé treize ans
si\ mois di.\ jours, il fui inlmiiie dans la basili(iue de Saint-Pierre du Vati-
can, cil l'on conserve encore ses reliques. Tout le monde connaît les im-
menses travaux el les nombreux écrits (jui l'ont |)lacé au premier lang des
pontifes romains, el lui ont valu le surnom delirand. Je n'en parlerai pas,
et, pour rester dans la spécialité de mon sujet , je me contenterai de faire
connaître les détails intéressants (pie les divers liistoriens du saint pape; nous
ont liansmis louchant la iiTorme (piil o|)era dans le chant eccli'siastiipie.
rent des pièces de cliant graves , sévères cl mélancoliques, comme ces voùles sombres el mvslé-
rieiises que jeta sur nos caltiédrales le style roman, surtout à l'époque de celte réédificalion
générale qui marqua les pren)ières années du xi' siècle. Ainsi, on trouve encore la forme ^'régo-
rienne dans les répons du roi Robert, comme la basilique est encore visible sous les arcs ro-
mans du même temps. Le xir' siècle, époque de (ransilion, (jue nous appellerions volonliei-s, dans
rarchiteclure , le roman fleuri et tendant à l'ogive , a ses délicieux olTices de Saint-Nicolas el de
Sainte-Catherine, la séquence d'Abailard , etc., où la phrase irrégorienne s'efface par degrés, pour
laisser place à une mélodie rêveuse. Vient ensuite le xni'' siècle et ses lignes pures, élancées
avec tanl de précision el d'harmonie ; sous des voûtes aux ogives si correctes , il fallait surtout
des chanta mesurés, un rhylhme suave et fort. Les essais simplement mélodieux, mais inconipletjj,
des siècles passés, ne suffisent plus : le Laiida Siori, le Dies irx sont créés. Cependant, cette
période est de courte durée. Une si exquise pureté dans les formes architectoniques s'allère ; la
recherciie la flétrit; rornemcntalion encombre, embarrasse el bienlùt brise ces lignes si harmo-
nieuses. .\lors aussi commence pour le chant ecclésiaslicpie la période de dé;;radalion. . » — On
est arrivé au xiv siècle, où se déclare effectivement la décadence de la foi, des insliliitions, des
mœurs, de la langue, de l'art. Pour résumer celte note longue el qui nous a paru nécessaire, la
musique religieuse s'allère , mais lard , dans les dernières années du xiii" siècle , surloul pendant
le XIV'. Il en est de rarchiteclure comme du chant : la plus belle période est de H 00 à l.'JOO ; après.
c'esl la chule. Toutefois, les croisades ne sont pas la cause de celle décadence, car elles sont
déjà oubliées; d'ailleurs, loin d'emprunter à ITlrient son système musical, les croisés avaient
porté le leur jusque sur la pierre du Saint-Sépulcre, sur le tombeau même de Jésus-Christ. Nous
avons tout donné à l'Orient, cl nous n'en avons presque rien reçu. Il n'est pas, en législation,
jusqu'aux. /»«i«'4 de Jérusalem ipji ne soient française? el non asiatiques. {Sole du Directeur.)
80 ANNALES ARCHÉOLOGIQl ES.
Nous lisons dans l'une des quatre « Vies » qui précèdent ses OEuvres com-
plètes ', que Grégoire, en établissant une école de cVianteurs et en révisant
les chants d'Église d'après le système d'une musique plus grave, ramena, à
une harmonie et à une mélodie plus soignées, la psalmodie et le chant ecclé-
siastique, qui sont si propres, dans les nations chrétiennes, à agrandir le
culte et à nourrir la piété. « Psalmodiam et cantum ecclesiasticum, quod
amplificandum divino cultui elfovendum in christiana plèbe pietati plurimum
conficit, et gravioris musicse regulis ad accurâtiorem harmoniam et modu-
lationem revocavit, instituta cantorum schola et ordinato antiphonario. »
Jean Diacre , qui vivait à Rome sous le pontificat de Jean YIII , et qui
était contemporain de Charlemagne , a composé également une Vie de saint
Grégoire. Celle Vie, moins estimée que celle de Paul Diacre, est toutefois
plus abondante en détails sur la matière qui nous occupe; c'est pourquoi je
la cite de préférence. Voici ce que nous y lisons louchant la réforme du chant
ecclésiastique par saint Grégoire, et son introduction en Allemagne, en
France et particulièrement en Angleterre.
u Ensuite^, à l'exemple du très-sage Salomon, convaincu des heureux
effets de la musique exécutée dans la maison de Dieu, pour la componction
du cœur et l'entretien de la piété , il lit une compilation très-utile des anciennes
antiennes, autrement appelées centons (c'est-à-dire composées de fragments j.
11 institua de plus une école de chanteurs, qui existe encore aujourd'hui, et
qui exécute les mêmes modulations dans l'Eglise romaine. Il lui assigna pour
son logement et son entretien plusieurs domaines et deux maisons, l'une sous
les degrés de la basilique du bienheureux apôtre Pierre, l'autre un peu
au-dessus du palais et de la basilique de Latran. On y conserve encore
aujourd'hui avec vénération le lit (le siège) où il était assis pour moduler, le
fouet dont il menaçait les jeunes clercs qui assistaient à ses leçons, ainsi
qu'un exemplaire authentique deson Antiphonaire. »
t( Les autres nations de l'Europe , et en particulier les Germains et les Gau-
lois, furent plusieurs fois dans le cas d'apprendre et de rapprendre cette
\. Lib. Il, cap. 3, de l'édition des Bénédictins.
2. « Doinde in domo Doraini,more sapientissimi Salomonis, propter musicaecompunctionem dul-
ccdinis, antiphonarii centonem cantorum sludiosissinius nimis utililer compilavit scholamque
cantorum, quae hactenus eisdem institutionibus in sancta romana Ecclesia niodulalur, constituit;
ei([ue cum nonnullis praidiis duo habitacula, scilicet, alterum sub gradibus basilicai beati Pétri
aposloli , allerum vero sub Laleranensis patriarchii domibus fabricavit , ubi usque hodie lectus
ejus, in quo recumbens moduiabalur, et flagellum , quo pueris minabatur, veneratione congrua
cum authentico Antiphonario reservatur. » ( Sancti Gregorii papx vita , a Joanne Diacono.
Lib. Il , p. 6.)
ESSAI SI H LE ClIAM KCCI. K SI ASTIQII H. 81
(loiico mt'lodie yroiroiiciuio (|iii les a\;iil l'iicliiiiitcs; mais ils ii(> purent jamais
la conseivcr dans lonte sa pureté, soil à cause de la Ici^èrete de leur <'S|)i'it,
qui les porte à y mêler leurs chants ijrossiers, soit par une suite naturelle de
leur liarhari(> primili\e. Ku eU'et , ces hommes il"eu deçà des Alpes ne peuvent
assouplii- à la douceur de la mélodie les sons lormidables qu'ils tirent de leur
poitrine comme des éclats de liuinenc ; ear, tandis que leur dur gosier s'ef-
force de pioduiie une douce cantilène par des inllexions el dos réi)ercussions
redoublées, il imite plutôt le bruit sourd et criard de chariots (jui rouleraient
sur des marches de pierre, et il exaspère ainsi les oreilles des auditeurs, au lieu
de les frapper aiiicablement. Et voilà pourquoi , dans le temps même de saint
Grégoire, dont nous lacontons la vie, les clianteurs de l'école de Rome, (]ui
étaient partis avec Augustin pour évangéliser l'Europe occidentale, y fon-
dèrent des écoles de chant. Mais, après leur mort, les églises occidentales
corrompirent tellement les mélodies primitives, que Vitalien (élu pape en
657) envoya vers elles, comme évèqne, Jean, chantre romain, avec Théo-
dore, également citoyen romain, et archevécjue d'Yorck, pour ramener le
chant à son ancienne pureté; ce qu'il fit, soil par lui-même, soit par ses
élèves, qui conservèrent ainsi, pendant un grand nombre d'années, les
bonnes traditions de l'Eglise romaine'. »
^ . II llujiij modiilalionis diilcediiu'in, intcr alias Europa' génie;-, Gcnnani et Galli discerc cre-
broque rediscere insignitcr poluerant, incorniplam vero, lam levitate animi qua noniiulla de pro-
prio Grcgorianis canlibus miscueraiit, quam ferilate quoqiie naturali, servare minime poluerunt.
Alpina siquidenicorpora vocem suam tonitniis allisone perstrepitanlia, susceplœ modulationisdul-
cedinem propric non résultant ; quia bibuli gulturis barbara fcriUis, dum inflexionibus et reper-
eussionibus mitem nititur edere cantilenam, naturali quodam fragore, quasi plausira per gradus
confuse sonantia, rigidas voce» jarlat, sicque audientiimi animes, ([uos emulcero debuerat, exaspe-
rando magis ac obslrcpendo conturbat. llinc est quod hujus Gregorii tempore, cum Augustin»
tune Britannias adeuntc, per Occidenteni quoque romana; institutionis cantores dispersi, barba-
res insigniter docuerunt; quibus defunclis, occidentales ecclesiœ ila suscepluni modulalionisorga-
num viliarunt, ut Johannes (juidem romanus cantor cum Theodoro a>que cive romano, sed
Eboraci archiepiscopo. per Gallias in Britannias a Vitaliano sit pracsul destinatus; qui circumque
posilarum ecclesiarum fdio:» ad pristinam cantilenœ dulcedinem revocans, tam per se, quam per
alios discipulos, mullis annis, romana' doctrin;e regulam conservavit. » (Ibicl. Lib. ii, p. 7-8.)
Celte sortie contre nos chantres francs ou français est curieuse et vigoureusement écrite ;
mais, pour notre compte, nous n'avons jamais pu l'accepter, comme l'ont fait tous les liturgisles
et historiens de la musique sacrée. Jean Diacre est un italien qui comprend mal , qui ne com-
prend pas l'art chrétien de l'Occident. L'exécution du chant ecclésiasiique septentrional pouvait
lui paraître aussi barbare, aussi étrange qu'ont paru étranges el barbares, aux générations succes-
sives de l'Italie, notre architecture romane, notre archileclure ogivale, notre sculpture des xn' et
XIII' siècles, nos vitraux et noire orfèvrerie émaillée. Tout cela est une affaire de tempérament,
et même une affaire de race, si vous le voulez, mais qui ne prouve en aucune façon ni contre ni
pour un art. Nous avons entendu des messes, des vêpres el des saluls à Pise, u .Malle, à Mu-
82 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Ces détails précieux, que nous a transmis l'historien Jean Diacre, pour-
raient fournir matière à des réflexions intéressantes et même opportunes
pour le temps où nous vivons. Elles trouveront leur place ailleurs. Néan-
moins il en est une que je ne saurais omettre ici. Depuis l'époque où l'histo-
rien de saint Grégoire repiochait si justement à nos ancêtres leur légèreté,
leur inconstance à l'endroit des bonnes traditions du chant, en même temps
que leur goût barbare pour ces vociférations qu'il compare « au bruit sourd
et criard de chariots qui rouleraient sur des marches de pierre »; depuis cette
époque, dis-je, bien des siècles se sont écoulés, des écoles célèbres de chant
ont fleuri dans notre patrie. Nous avons eu , comme les Belges, les Flamands
et les Italiens, nos voisins, notre âge d'or de la musique d'église; puis sont
arrivées les révolutions qui ont tout emporté dans leur tourbillon; et, après
tant de siècles écoulés et tant de vicissitudes diverses, nous nous trouvons, en
plein xix= siècle, au même point où étaient les Français contemporains de
Jean Diacre; de telle sorte que celui-ci, en faisant une peinture si peu flat-
teuse des chanteurs de son temps, parait avoir eu en vue ceux du nôtre. Que
l'on entre en effet dans la première église venue , ce sera un hasard des plus
heureux si l'on n'y entend pas des voix rocailleuses, des cris, des hurlements
qui éloigneraient les plus intrépides de l'assistance aux offices publics, tant
cette assistance est devenue un véritable supplice pour ipiiconque a l'oreille
nich, à Nuremberg (où l'exécution musicale est tout italienne), et nous sommes forcé de déclarer
que nous préférons aux chanteurs de Pise et de l'Italie nos chantres de Reims et de la France
du nord. C'est hardi de parler ainsi; mais il était hardi, il y a quelques années, de prétendre et
d'imprimer que la cathédrale de Reims valait autant , mieux peut-être, que Saint-Pierre de Rome.
Que voulez-vous? nous aimons les opinions nettes et franchement exprimées. D'abord on nous a
grondé d'avoir semblé déprécier ainsi Saint-Pierre; aujourd'hui, on est assez généralement de
notre a\ is. On nous en voudra pendant quelque temps de proclamer supérieure, à l'exécution mu-
sicale en Italie , l'exécution du plain-chant dans nos cathédrales ; mais on finira probablement par
penser comme nous. Les fioritures italiennes dans l'exécution de la musique ou du chant ecclé-
siastique , les roulades sacrées , les romances religieuses nous attaquent les nerfs ; nous préférons
la sévérité et même la rudesse , si vous le voulez , de nos chantres champenois et picards. La Mar-
seillaise et le Chant du Départ , voilà de la vraie musique, de la musique populaire et qui remue.
Entonné par des milliers de voix , c'est rauque aussi et grondant comme le tonnerre; mais c'est
magnifique, c'est formidable, et cela fait, cela consacre, continue ou refait des révolutions. Or,
les chants liturgiques ont toujours eu d'intimes rapports avec ces chants du peuple, et ils doivent
être exécutés de même, par des masses, par des foules qui ont la voix retentissante et souvent
fausse. Mais ces notes fausses se perdent dans l'ensemble; elles s'y éteignent comme des étincelles
dans un lac, et il ressort de tout cela une harmonie sublime comme celle de la mer qui gronde et
du tonnerre (jui éclate. Les Italiens et les Français ne se sont jamais compris en fait d'art ;
nous préférons et nous préférerons toujours le Stabat du moyen âge à celui du xix'' siècle, au
Stabat de Rossini. {Sole du Directeur.)
ESSAI SIK Li: CHANT ECCLÉSIASTIOIE. 83
et le iroiit un peu délirais. Il e>l des porsoiiiies (|iii se loiil (reliaiiiics illusions
dans leur inanièie d'apprécier rexéeulidii du eliani liluifiicpie, en s'iniaeinant
que la perfection du i^enre consiste à dianlcr à luc-tiMe , à l'exemple de ces
chantres formidables que Jean Diacre appelle « corpora perstrepitanlia ».
Nous dirons à ces appréciateurs si peu éclairés du chant liturgique qu'ils
s'en font l'idée la plus f;iusse, en en>\;iiil (pi'il est merveilleiisemetil nndii
par de i;rosses voix de poitrine, et (ju'il ne coni|)orte pas une certaine sohiiété,
un certain £:oùt , et niérnc jjIus, une certaine i:ràee dans la manière de l'exé-
cuter. Ces (piailles, (pi'ils e\(iiiiai(Mil \(il(iiili(>rs des elianis d'église, sont
précisément celles tpie les saints l'ères v.l les eomijosileurs les plus anciens de
mélodies chrétiennes n'ont cessé de recommander, dans la théorie et dans la
pratique, tout en condamnant les ornements exagérés et les autres abus (|ui
pouvaient se glisser là, comme il s'en glisse partout. Nous reviendrons plus
tard, et avec plus de détails, sur cette matière inqiortante de l'exécution du
chant ecclésiastiipie. Pour le moment, je me bornerai à rappeler ces expres-
sions de '( douce mélodie », de « canlilène », de « modulation », dont se
sert Jean Diacre, en parlant des œuvres du plus célèbre réformateur du chant
ecclésiastique, et cpii prouvent évidemment que ces caractères do grAce, de
douceur, de suave iiiélodie étaient inhérents à ce chant, dès l'antiquité la [)lus
reculée. — Qu'on me iierniette encore une petite digression.
Il est d'autres personnes, surtout parmi les membres du clergé, (pii se
persuadent (|u"au\ jours de grande solennité, le plain-cliant , et i)articuliè-
remenl la Préface, ne sauraient être chantés avec trop de lenteur. A leur
avis, la lenteur, comme ils l'entendent, est synonyme de pompe, de majesté,
tandis qu'en réalité elle n'exprime le plus souvent cpi'une lourdeur insuppor-
table, qui prolonge les offices indéfiniment, et devient pour les fidèles une
source d'ennui et de découragement. Il faut en effet être bien étranger à
l'étude et à la bonne pratique du plain-cliant, pour se faire de telles idées sur
son mode d'exécution. Ce chant, dont la prcMuière condition est d'être popu-
laire et de rehausser, sans les prolonger outre mesure, nos cérémonies sacrées,
est de sa nature aisé, coulant, mélodieux; il s'accommode fort mal de ces
interminables /ra;nas.çer(Vs, ipidn rue passe le néologisme, (]ni rn l-nissent la
marche et en altèrent l'expression mélodique. Ceci est vrai, surloiil poui- la
Préface, que certains prêtres croient rendre plus solennelle en la cliantanl
avec une lenteur désespérante. C'est alKulument méconnaître le vrai carac-
tère de ce chant admirable, précieux spécimen, (piel (pi'en soit l'auteur, de
l'antique mélopée grecque', qui, n'étant qu'un récitatif, c'est-à-dire un dis-
i. Est-ce bien un fait véritablement prduvé? [.\ote du Directeur.)
84 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
cours noté, exigeait, au lieu d'une expression emphatique, un débit aisé, net
et bien articulé. Il me semble, du reste, qu'à défaut de science liturgique,
le bon goùl devrait suffire pour faire rejeter, comme incompatible avec la
nature de ce chant si simple, si uni, l'expression lourde et exagérée qu'on
lui donne communément. Il est bien d'autres défauts que nous aurions à
signaler relativement à l'exécution du chant liturgique. Mais, je le répète,
nous n'aurons que trop fréquemment l'occasion de les relever dans le cours
de ce travail.
Revenons maintenant à la réforme de saint Grégoire, et tâchons de voir,
quoique d'une manière nécessairement imparfaite, faute de documents suffi-
sants , en quoi elle consiste.
Voici d'abord comment s'exprime à ce sujet l'abbé Lebeuf , sous-chantre
de la cathédrale d'Auxerre' : » Saint Grégoire , en composant l'Antiphonaire,
n'avoit fait que compiler, c'est-à-dire prendre des chants de tous côtés, qu'il
avoit réunis ensemble et desquels il avoit fait un volume. C'est ainsi que l'on
doit entendre le terme de centon ou de centoniser dont Jean Diacre se sert
dans sa Vie. Comme on avoit chanté dans l'Église latine, aussi bien que dans
la grecque, longtemps avant lui, il choisit ce qui lui plut davantage dans
toutes ces modulations; il en fit un recueil qu'on appela « Antiphonarium cen-
tonem ». Le fond de ces chants étoit V ancien chant des Grecs, • il rouloit sur leurs
principes. L'Italie l'avoit pu accommoder à son goùl ; l'usage y avoit fait des
changements avec le temps, connue il arrive en une infinité de choses. Le
saint pape y corrigea, y ajouta, y réforma; en un mot, quoiqu'il n'eût fait
que lui donner un nouvel ordre, l'ouvrage passa sous son nom, et commu-
niqua par la suite au corps du chant d'église le nom de chant grégorien. »
Dans cette citation de l'abbé Lebeuf, nous avons souligné ces mots, « l'an-
cien chant des Grecs», parce que, à cause du sens vague qu'ils renferment,
ils pourraient induire en erreur, en donnant à entendre qu'il est question ici
d'anciens chants en usage dans le culte du paganisme, que saint Grégoire et
d'autres, avant lui , auraient accommodés au culte chrétien. Or cette opinion,
qui avait jadis un grand nombre de partisans, est abandonnée aujourd'hui
par les, historiens de la musique les plus en renom. Autant il est incontestable
que les modes grecs ont eu une large part dans la constitution de la tonalité
ecclésiastique, autant il est peu probable que les premiers chrétiens aient
emprunté aux païens des cantiques composés en l'honneur de leurs divinités,
ce qui, dans ce temps-là surtout, eût été une espèce de profanation. Ce que
dit l'abbé Lebeuf de ces chants antiques recueillis par saint Grégoire, et dont
1 . Traité historique et pratique de ptain-chant , ch. m.
ESSAI SI K I.K ClIAM' KCCLKSIASTlOl K. 85
le fond était l'ancien clianl des Grecs, doit sentendro ' par conséquent des
anciennes mélodies c/urV/fvi/jc.s- que les Grecs , placés au voisinage des grandes
églises de la Syrie et ihî l'Asie-Mincurc, avaient puisées dans leur cliant
oriental beaucoup plus orné (jue le leur. Des Grecs, ce cliani orné passa,
selon le témoignage formel de saint Augustin ^ chez les Occidentaux, qui
l'adaptèrent à la psalmoilic cl aux li\iiincs des liciues et des vêpres, vers
l'an 380.
Dans son beau travail sur les (iri^iucs du piain-cluint , public dans la « Hevue
de musique religieuse », M. Félis établit (pic la liturgie clianlée de la messe,
dès longtem|)s en usage en Orient, n'a pu être introduite en Occident avant
le commencement du v' siècle, et que cette introduction est i)ar consc(]uenl
postérieure à celle du chant oriental des hymnes et des psaumes dont nous
venons de parler. Voici la conclusion que le savant crilitpie tire de celle ori-
gine orientale du chant de la messe dans les églises d'Occident : « Les Hépons,
Graduels, Offertoires et Communions sont des chants de l'Église grecque pri-
mitive; ils ont été introduits dans l'Église romaine dès la fin du iv' siècle, et
saint Grégoire, qui les a trouvés établis par ses [)rédécesseurs dans celte
Église, les y a conservés. S'il a pris ((uelquc |)art à la composition du chant,
c'est dans les antiennes et dans les psaumes (piil faut ciierclicr ci' qm Im
appartient^. »
Ainsi le génie oriental qui, dès l'origine du christianisme, avait eu une
large part dans la composition des chants des grandes églises de l'Asie ,
d'Antioche, de Smyrne, d'Kphèse, de Laodicée, placées sous son iniluencc
immédiate et qui, de ces églises, n'avait pas tardé à se communicpicr à celles
de la Grèce proprement dite, représentées par Constantinople , non sans
altérer la constitution de ses modes antiques; ce génie oriental devait aussi
porter son influence dans les églises d'Occident, qui avaient su, mieux que les
autres, conserver les traditions de l'antique tonalité grecque, (^ette iniluencc
des mélodies orientales devait devenir encore plus sensible dans les églises
1. Devrait s'entendre, car nous pensons i|Lie Lelwuf commet réellemonl rerrciir que relève
M. l'abbé Jouve. (Noie du Directeur.)
î- Confessions , 1, liv. ix, ch. 6 et 7.
3. Revue de la musique religieuse, dirigée par 1'. Danjoii, vol. I, pag. 489-495; vol. Il
pag. 21 22. — Nous ignorons sur quoi se fonde M. Fétis pour émettre ces assertions. Ce sont des
opinions sans preuves, des systèmes en l'air ou sur le sable , et que des faits , que des textes , que
des monuments ne viennent pas asseoir Nous devons protester contre une pareille méthode
historique, et M. l'abbé Jouve nous saura gré certjiinemenl de provo(|uer une discussion sérieuse
à cet égard. Les archéologues sont dos naturalistes; ils no croient qu'à ce qu'ils voient el
louchent; il faut donc nous faire voir cl toucher, à l'aide des faits, l'histoire de la musiqui-
ancienne, {.\otedu Directeur.)
V. 12
m ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
d'Occident, longtemps après, à celle époque si mémorable dans les annales
de l'esprit humain, qu'on appelle les croisades.
De cet antique mélange du style latin primitif avec le génie oriental, il
résulta pour nos chants d'église, quant à leur caractère mélodique, une dif-
férence tranchée qui s'est perpétuée jusqu'à nous entre ceux d'origine occi-
dentale et ceux d'origine orientale. Les premiers se distinguent, principale-
ment dans les antiennes, par une marche presque syllabique; tandis que les
derniers, principalement dans les répons, sont surchargés de notes, à la
manière du style ornementé de l'Orient. Cette dilférence, qu'il importe de ne
jamais perdre de vue, lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère mélodique de
nos chants d'église, nous la ferons mieux comprendre par des exemples,
(piand le moment en sera venu, en même temps qu'au moyen de sendjlables
comparaisons, il nous sera facile de démontrer comment ces importations
des mélodies orientales, dans notre antique chant romain, lui ont été pré-
judiciables, en altérant sa pureté et sa simplicité primitives.
On le voit, par ce qui précède, la part qui revient à saint Grégoire, dans
la composition des chants d'église, est bien moindre qu'on ne le croit géné-
ralement. Si ce grand pape n'avait d'autre litre à l'honneur de donner son
nom à tout un système de chant, aussi célèbre par son antiquité que par son
universalité , on pourrait lui contester la légitimité d'un tel titre à un tel hon-
neur ; il faudrait restituer à tant d'autres illustres personnages la gloire qui
leur revient également d'un si grand nombre de mélodies sacrées dont ils ont
enrichi notre admirable liturgie. Mais ce saint pape a fait plus que de com-
poser quelques chants d'église et de réunir dans un même recueil tous ceux
qui existaient de son temps; il a encore restauré, autant qu'il était en lui,
l'antique tonalité ecclésiastique altérée depuis saint Ambroise, en l'augmen-
tant de quatre modes nouveaux calqués sur les quatre primitifs, déjà étabhs
|iar l'archevêque de Milan. C'est sous ce dernier point de vue que nous con-
sidérerons, dans un prochain article, son œuvre de réformation.
L'Abl)é JOUVE,
Chanoine titulaire de Valence.
ANNA1.KS ARCHEOLOGIQUES
Par STDidroa; ? ' ' ' ': '
DKSSIX PALIMPSESTE- PORTAIL DU XIIL" SIECLE
Manuscrit de la biUiothèqiie putlique de Reims.
DESSLNS PA[J3irSi:STES DU XIIP SIECLE.
Il y a huit ans, en 1838, MM. P. Vaiiii, Lassus et moi , nous tunes une
découverte dont les journaux d'alors se sont beaucoup occupés. .Nous venions
de trouver, dans un manuscrit de Reims, obituairc ou registre des morts
du chapitre de la cathédrale, des dessins oiiginaux du xni" siècle, effaces à
moitié et couverts par une écriture dont la plus récente n'était pas postérieure
à \'210. Ces palimpsestes, d'une espèce particulière, étaient les premiers
qu'on eût encore trouvés. On pouvait espérer que cette découverte serait
suivie d autres du même genre. En conséquence, pour signaler ce fait, pour
provoquer des recherches dans toutes nos bibliothèques et dépôts d'archives,
j'adressai à M. de Salvandy, alors, comme aujourd'hui, ministre de l'in-
struction publique, la lettre suivante que les journaux ont reproduite en en-
tier ou i)ar extraits. (]etle Icltre porte la date du mois de seplembri; 18.'J8 :
« Monsieur le Ministre,
«Lorsqu'à la renaissance, lorsque de nos jours principalement, certains
érudits signalèrent la découverte de plusieurs œuvres capitales de l'antiquité,
cachées sous des écritures du moyen Age, le monde savant s'est ému. Le ilé-
lerrement des Lellres de Marc-Aurèle et de Fronton , des Inslitiilps de Gains,
de la Ri'publique de Cicéron , de quelcjucs vers de ^fénandre , enfouis sous
des couches de litanies et comme sous un badigeon d'homélies ou d'actes de
concile, fit battre des mains à tous les érudits; on érigea en grand homme
monsignor Angelo Maïo, aujourd'hui cardinal, qui avait eu le bonheur de
faire le plus grand nombre de ces précieuses découvertes.
« Mais si, par hasard, on venait à retrouver les minutes d'Ulinus et de
Callicrate , ou les dessins de Phidias, d'après lesquels le Parthénon fut conçu,
exécuté, bâti et sculpté, certes l'enthousiasme des artistes et des antiquaires
monterait au comble; on ne saurait donc rester indifférent à rexluimalion
d'un monument [)alinq)seste, d'un monument gothique de la plus belle époipie
ogivale (il date de la première moitié du xiii' siècle ), caché sous une nomen-
clature assez insignilianle île chanoines et do prêtres tlu diocèse de Reims.
88 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Aiiii^i, à son tour, le moyen àc;e va avoir ses palimpsestes, et l'obituaire
(le RiMtns, le premier qui vient dètre trouvé, n'en sera pas, j'espère, le moins
important.
« M. P.Varin, secrétaire du Comité des chartes, chroniques et inscriptions ',
en remuant, jiour le grand ouvrage qu'il achève sur la ville de Reims ^, tous
les manuscrits qui peuvent receler un fait historique relatif à cette vieille
cité, fut surpris, en parcourant un nécrologe du xiu° siècle, d'en voir le texte
traversé par des lignes à moitié effacées. Bientôt il s'aperçut que ces nom-
breux linéaments n'étaient pas superposés à récriture, mais que l'écriture
au contraire était postérieure et superposée aux linéaments. Or, l'écriture est
du xiii' siècle, et le dernier personnage mort a été inscrit dans l'obituaire en
1270; les dessins sont donc du xiu' siècle, première moitié ou deuxième
tiers, au plus bas. M. Yarin reconnut sur quatre feuilles un tracé d'ornements
et une façade de cathédrale ou de grand édifice.
(( Informé de ce fait par M. Varin , qui me confia le manuscrit , je décou-
vris bientôt que dix-huit pages entières du volume étaient plus ou moins
sillonnées de ces dessins ; on les avait épongés d'abord pour enlever l'encre,
et ensuite égratignés pour effacer le trait qui avait mordu le vélin. En expo-
sant les surfaces du parchemin à différents jeux de lumière, j'entrevis une
façade entière, des ogives nombreuses surmontées de pignons, des détails de
chapiteaux et de bases, des clochetons, des feuilles en crochets, des feuilles
rampantes alternant avec des animaux fantastiques, des courbes au compas,
des lignes à la règle et à l'équerre, des sections de colonnes ou de nervures.
« Je voulus me rendre compte de toutes ces formes, qui m'apparaissaicnt
assez nébuleuses encore, et je priai M. Lassus, architecte, qui a l'habitude
des épures et des tracés gothi(jues, de vouloir bien cahjuer toutes ces lignes,
toutes ces formes diverses, en les rapportant scrupuleusement sur des feuilles
de papier, au moyen de l'équerre et du compas, du crayon et du tire-lignes.
Bientôt le jour se leva, et, sous l'œil intelligent, sous la main exercée de
-M. Lassus, le brouillard disparut. De minute en minute, je vis s'élever suc-
cessivement les différentes assises de deux portails d'un grand édifice reli-
gieux, d'une cathédrale, avec leurs triples portes et voussures coilTées de
pignons, avec leurs contre-forts s'échelonnant en cinq étages de larmiers
remarquablement profilés, avec leurs clochetons carrés ou octogonaux sur-
1. Aujourd'hui bibliolhécaire à TArsenal , après avoir, avec un grand éclat et pendant plu-
sieurs années, professé l'Iiistoire à la faculté des lettres de Rennes.
2. .Irchives de la viUe de Reims, publiées par le ministre de l'instruction publique dans la
Collection des documents inédits sur riiistoire de France. Sept volumes in-4" ont déjà paru .
DESSINS PALIMPSKSTKS 1)1 Mil SIKCLE. 89"
montes do jin raniitlos ;i riH'iiitri(''res, avec leurs i,'ori;cs ncnroiiiu'cs de IViiilles
en crocliels, avec leurs teiièlrcs et leurs i^aleries divisées par des meneaux
perpeniliculaires et polylohés. Puis apparurent des projections très-habile-
ment lancées; puis des tracés de piliers el de voiites avec rabaltemenl des
parties verticales. Enlin, le tout se couronna de détails disséminés dans les
diverses feuilles; détails qui offrent des ornements, des |)Iantes courantes, des
têtes de choux, des animaux fantastiques, des crêtes llcuronnées de condjle.
(( Après ce résultat, mon [)remiersoin fut de constater si ces fa(.-ad.>s el ces
plans avaient été exécutés (]uel(pu' pari en France, ou s'ils n"cUiient ijuc des
projets. Il y a la plus i^rande anal()i,'ie outre ces dessins el les portails des ca-
thédrales d" Amiens et de Reims. Cela devait être pour celte dernière ville,
puisque le manuscrit vient de Reims, qu'il contient un obituaire rémois, (pi'il
a été donné par un chanoine de la Notre-Dame de Clianipagnc, du nom de
Roucy, et Roucy est le nom d'un village situé dans l'arrondissement de
Reims. Cependant, ni lune ni l'autre des façades ne reproduit exactement
celles de la cathédrale ni de Saint-Nicaise de Reims; il y a des différences
sensibles qui contrarient les analogies. Du reste, ces analogies s'appliquent à
d'autres monuments bâtis sous l'inlluence de l'école de Reims, qui fut comme
un centre d'où, pendant la durée de trois siècles, l'art a rayonné à Sois-
sons, Amiens, Laon, Noyon, Meaux, Chàlons-snr-.Marnc, l'Kpine elTroyes.
Nos fiiçades, en effet, sont pignonnées el fleuronnées comme à Reims, à
Laon et à l'Epine; elles onl uiu; fenèlic en guise de rose, comme à Noyon,
comme à Saint-Nicaise de Reims; elles onl une galerie et des dentelures
comme à Amiens; elles ont des meneaux qui s'arrondissent en cercles à
redents comme à Saint-Urbain de Troyes. On pourrait, sans invraiscnd)lance,
regarder cette cathédrale manuscrite comme une espèce de canon sur lequel
se seraient modelées les autres cathédrales de la Champagne el de la Picar-
die; chacune d'elles, toutefois, aurait modifié ce canon suivant son génie
el ses besoins particuliers. Si cette présoniption pouvait s'élèvera la preuve,
notre palimpseste n'en serait que plus intéressant.
« H serait important, monsieur le .Ministre, d'appeler Inltenlion de tous les
archivistes el palH'ogra|)hes sur cette découverte; car le iii;inn.~(iit de Reims
ne sera pas le seul assurément où l'on retrouvera des dessins gothiques. Au
moyen âge, le parchemin était cher, el les usages auxquels il servait, extrême-
ment nombreux. Quand la nécessilé y poussait , il dut ai river souvent ce qui
arriva pour l'obiluaire de Reims: c'est ([u'après les avoir coupées, on relia
en volume de longues feuilles de vélin i|ui avaient servi à des dessins d'archi-
tectes; c'est que des sections, des élévations, dis mimiles intéressantes, des
9d ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
projections de toute espèce, durent être effacées avec l'éponge et le grattoir
pour être préparées à recevoir un texte, le dessin paraissant désormais inu-
tile. Je ne doute pas qu'on ne retrouve dans les manuscrits, si l'on y porte
une attention microscopique, une certaine quantité de cathédrales, églises,
chapelles, châteaux , hôtels de ville, et même de maisons palimpsestes. Alors
ceux des antiquaires, qui se livrent à l'étude approfondie de l'architecture
chrétienne, pourront en déduire l'état de la science du dessin linéaire pen-
dant le moyen âge. On retrouvera les procédés graphiques employés pour la
taille de la pierre , l'équarrissage de la charpente et de tous les matériaux qui
entrent dans une construction ; c'est-à-dire qu'on réfera la géométrie descrip-
tive du moyen âge, cette science qu'on croit entièrement nouvelle, mais dont
Monge a seulement coordonné les éléments épars. On découvrira les prin-
cipes qui régissaient les compositions d'ornements; on surprendra les pro-
portions affectionnées, sur lesquelles les mystiques de nos jours et les aliégo-
riseurs en moyen âge ont déjà beaucoup déraisonné; ou verra apparaître les
courbes préférées et les motifs qui forçaient les artistes à modifier leurs sys-
tèmes dans la pratique.
(' Mais, à sui)iioser qu'on ne découvre i)as d'autres dessins, ceux de notre
manuscrit n'en donneront pas moins des résultats d'une certaine valeur. Je
ne puis les énumérer ici. Je me contenterai de dire que ces dessins se distin-
guent par une simplicité remarquable de lignes, siiSiplicité digne des anciens
Grecs, si les anciens Grecs ont jamais fait aussi bien. De plus, ils témoignent
d'une symétrie parfaite entre les deux moitiés d'un tout : une ligne médiane ,
comme celle du raphé dans le corps humain, est tirée dans l'axe de chaque
dessin, et la partie droite reproduit exactement la partie gauche. Aussi l'ar-
chitecte dessinateur n'a-t-il pas voulu perdre son temps à terminer les deux
côtés. Il n'en a achevé qu'un seul , et il s'est contenté d'ébaucher l'autre. Le
moyen âge, qui, à la même époque à peu près, a sculpté dans Notre-Dame
de Chartres la vitesse (velocitas) parmi les Vertus, ne devait faire que le né-
cessaire. De cette symétrie, de cette identité des parties similaires, on peut
conclure légitimement que les irrégularités observées dans plusieurs cathé-
drales sont dues à l'inhabileté des ouvriers, à des difficultés de terrain, à des
différences de matériaux, à des interruptions de travaux, ou à d'autres né-
cessités, et qu'elles ne sont pas le résultat d'un système, comme on l'a im-
primé et comme on le répète tous les jours, en affirmant que f architecture
gothique ilotte à tout caprice , et qu'elle est indocile au frein et à la loi.
« Ces dessins palimpsestes pourront paraître assez importants au Comité
historique des arts et monuments pour qu'à sa rentrée en fonctions, après les
DESSINS PALIMPSESTES l)( X I 11' SU- CLE. 9t
vacances, il les Hisse e;ravcr, sur le relevé de M. Lassus, et vous prie, mousieur
le .Ministre, de les adresser, avec une instruction spéciale, aux nombreux
correspondants historiques de votre ministère. Il faut désormais que les pa-
laeographes, les archivistes et les antiquaires chrétiens soient doués d'une
seconde vue, en quelque sorte, tout aussi bien ([ue les antiquaires el les jui-
la?ographes païens; car ils auront à découviir quelquefois, sous une écriture
qui n'est pas toujours transparente, des écritures |iliis anciennes fiu des des-
sins antérieurs.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur l(! .Ministre, votre très-obéis-
sant serviteur.
« DlHlioiV,
» Sccri'liilro du (omil.- hlsimiquc des arls cl niontiniciiN. «
Notre Comité s'est \ ivement préoccu|)é en elVel de ces dessins palimpsestes;
mais, empêché par des publications magnilj(]ues, nondjreuses, coûteuses, et
qui absorbent, même au delà , le crédit annuel , il n'a pu faire graver ces des-
sins. Les « Annales Archéologiques » suppléent le gouvernement, et publient
aujourd'hui ces palimpsestes inconnus jusqu'alors. Nous espérons que cette
précieuse découverte donnera l'éveil; elle fera chercher el trouver des docu-
ments de ce genre. La ville de Reims est vraiment privilégiée : c'est d'elle
que vient notre belle dalle tuniulaire de Libcrgier, l'archilectc de Sainl-Nicaisc;
c'est de l'un de ses manuscrits (pie nous avons tiré la personnification de la
musi(|ne ; c'est du trésor de sa cathédrale que provient le plus beau calice
connu, celui que retient la Bibliothèque Royale, que nous avons fait graver
el qui porte le nom de calice de Sainl-Remi; c'est à l'archevêché de Reims
que nous avons trouve la clochette romane à jour, monument unicpic jusqu'à
présent. Reims rivali.se avec Mi!an par le pied eu bron/e d'un ciindelabre
roman qui vient de Sainl-Remi, et qu'on voit au Musée de la ville; Heims
rivalise avec Strasbourg pour un bulVet d'horloge (\in date de la (in du
.\Mi' siècle. Reims est au-dessus de toul par sa cathédrale sublime. Si toutes
les villes de France nous fournissaient autant que celle précieuse cité, nos
« .Vnnales .Vrchéologiques » seraient bien plus riches encore (pie nous ne pou-
vons les rendre.
Il serait peu utile, après ce (|ue nous (li-(ins(hin- l;i lellrc a .M. de SiiUiindy,
et surtout avec les deux gravures (pu- nuiis diniiinns aujourd'hui, de |iro-
longer davantage la description des [lalimpsesles el de làire remar(piei les
faits nondireux (]u'on peut en tirer. V>i\ mot encore suKira donc.
Les dessins originaux du moven ;'^ge sont fort rares, mais enlin on en
92 ANNAH:S AKCHEOLOC. IQUES.
connaît. A Strasboini;;, dans la maison de l'Olùivre, on en conserve une quin-
zaine. M. Saint-Père lils, architecte à Paris, |)ossède une élévation du portai!
de la cathédrale de Strasbourg. On a la façade projetée de la catliédrale de
Clerniont-Fcrrand. MM. Quantin, Jules Renouvier, le baron de Girardot ,
ont trouvé, à Auxerre, à Montpellier, à Bourges, des plans de voûtes et d'ab-
sides, des élévations de baies et de fenêtres, d'églises et dliolels-dieu.
M. Tastu a rapporté d'Espagne le calque d'un projet de portail pour la
cathédrale de Barcelone , caUpie réduit par M. Evrard et mis pai' lui à l'une
des expositions du Louvre. Dans une sacristie de la cathédrale d'Lllm, nous
avons vu l'élévation intérieure de cette cathédrale; nous avons trouvé un plan
sur les murs de la cathédrale de Fribourg, en Brisgau. M. HofTstadt, aujour-
d'hui à Aschaffenbourg, nous a montré à Munich, en 1843, plusieurs dessins
originaux du moyen âge. M. Renier Chalon, président de la Société des
bibliophiles belges, a publié le gigantesque dessin de la tour de Sainte-Wau-
dru. M. Bance, éditeur de livres à gravures, nous a fait voir, il y a cinq
ans, des parchemins immenses où étaient tracés des plans, coupes, éléva-
tions, détails de divers monuments religieux de l'Allemagne. Des dessins
analogues ont été recueillis par M. Schmidt, architecte de Trêves, à Fribourg,
Ratisbonne, Nuremberg, Francfort, Cologne. M. Reichensperger, conseiller à
la Cour royale de Trêves, a trouvé un manuscrit où des architectes ont tracé
leurs monogrammes; il a publié les dessins originaux de Mathias Roriczer,
architecte de la cathédrale de Ratisbonne. Enfin M. Sulpice Boiserée a eu
le bonheur de découvrir un inmiense portail occidental qu'on présume avoir
été projeté pour la cathédrale de Cologne. Mais tous ces dessins sont des
XV, xvf et xvif siècles; pas un seul n'est du xiv% du xiii' encore moins.
Les nôtres, au contraire, datent du xiii" siècle et de la première moitié, du
premier tiers, du premier quart peut-être, c'est-à-dire de l'époque où l'ogive
est encore dans sa force et déjà touche à sa grâce. Ce n'est donc pas nous
faire illusion que de regarder nos |)alimpsestes comme beaucoup plus curieux
que les autres dessins originaux du moyen âge et de la renaissance.
Outre les deux gravures offertes aujourd'hui, une troisième, que nous
réservons pour un autre article, représente des projections fort singulières,
fort habiles, que nos amis les architectes ont admirées, mais qu'ils n'ont pas
encore comprises. Quant aux deux gravures jointes à ce numéro, l'une repré-
sente des ornements, des rinceaux tracés entre des lignes. Ces lignes, cinq en
haut, cinq en bas, semblent faire l'office d'une /;or/ee musicale. Toute [jortée,
composée de^cinq lignes également, est destinée à recevoir les notes à place
fixe, pour qu'on les puisse lire et chanter à la première vue. Ici, le gros de
AMNAU'.S ARC!
Par >f;'I)iarOTi
DESSINS PALIMPSESTES, DL XI 0" SIECLE. A REIMS,
DESSINS PALIMPSESTES 1)1 Mil SIECLE. 93
l'ornemenl occupe le lit circonscril par la paiti(! intonciire et jupi'rii'uri'. Si
ces portées étaient iiuisicales et que Vnt lût a la preniièro ligne, on dirait (|uc
la base de rornement est à \'ul d rn haiil ri (|iu' le sommet nioiitr en /<■, en
vii, en fa, jusqu'au si. Nous ignorons s'il y a réellemonl la de la mélodie
architecturale et de riiaiiuonic (rornemcnlalion , mais ces cin(| lignes d'en
bas et d'en liant, disposées coinnie des poi Iccs de niiisiqui', sont l'oit singu-
lières. Au-dessus de ces orncinciit-, de ces rinceaux, (pii sont largement des-
sinés, comme on faisait au Mil' sucle, nous voyons le bas d'un portail. Le
parchemin, dont l'usage était si général, avait une grande valeur; on devait
donc chercher à l'économiser. C'est à celle économie qu'il faut attribuer pro-
bablenuMit ces divisions de t'enélres inscrites dans la baie d'une porte. Dans
cette place vide, et où il importait peu de dessiner des ventaux, on a tracé les
rinceaux d'une fenêtre. La [lartie de gauche est remplie par des lignes; ces
lignes, ces formes devant se répéter identiquement de l'autre côté, la partie
droite n'est qu'indiquée; on se presse, on ne dessine que le nécessaire. Les
crochets, qui remplissent la gorge d'une des corniches, sont exactement sem-
blables à ceux qui décorent le grand portail de Notre-Dame de Paris. Les
clochetons, qui ornent les contre-forts, sont aussi gracieux et plus sévères qu'à
la cathédrale de Reims. Celle partie inférieure d'un fiortail pourrait être
copiée avec un grand succès par les jeunes architeeles qui bâtissent en ce
moment des églises en slyle gothique; c'est beau, sévère, et ce serait peu
coûteux.
Mais nous espérons surtout que l'on construira, que l'on réalisera en exé-
cution le portai! gravé sur la jiremière planche, celle tpii esl en léte de cet
article. Sauf le pignon, ce portail esl entier, et il conviendrait i)arfailement
;"• une grande église semblable à celle que .M. Lassus bàlit en ce moment à
Nantes. Trois portes à voussures et surmontées cliaeniie d'un pignon dont
le sommelet les rampants sont llenronnés; des clochetons sur les contre forts;
une galerie, une arcature à la naissance de la grande fenêtre du centre.
Voilà ce qu'il faut remarquer. Dans l'Ile de France, en Picardie, en Cham-
pagne, c'est une rose, non une fenêtre, qu'on voit là, surtout dans les
grandes églises. Cette doubhî baie sous-géminée esl une sorte d'exceplion
très-curieuse.
Comparez le ])ortail actuel de la cathédrale d'.Vmiens avec ce dessin , et
dites si, moyennant quelques modilicalions assez peu importantes, nous
n'avons pas là le projet de ce portail. Comme à Amiens, les arcs-boutant>
sont ornés d'une dentelure intérieure.
Ainsi qu'à l'autre dessin, la seule partie gauch • de celui-ci esl entièrement
V. 13
U ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
dessinée; la droile n'est qu'ébauchée, surtout dans le haut. Examinons en
détail les bases et les chapiteaux des colonnes, les moulures des larmiers,
les retraits des contre-forts, les ogives simples ou tréllées des arcades, les
quatrefeuillcs inscrits dans les écoinçons, les crochets et autres lleurons;
c'est du beau xui" siècle, de celui d'Amiens, de Laon, de Soissons, de Reims.
Nous le répétons, il est à désirer qu'un architecte bâtisse un portail d'après
ce dessin ; rien de plus facile pour qui connaîtrait un peu l'architecture ogi-
vale. Tout à l'entrée du premier volume des « Annales Archéologicpies » ,
nous avons donné le plan et la coupe longitudinale d'une église modèle en
style du xiii° siècle; le dessin d'aujourd'hui peut en être considéré comme
le complément. Ce portail irait, ou peu s'en faut, avec cette église que
M. Lassus construit à Nantes. Nous avions même autrefois engagé 31. Lassos
à prendre ce portail palimpseste comme un beau ty[)e. Des raisons particu-
lières n'ont pu, à ce qu'il semble, favoriser ce projet; mais un autre archi-
tecte pourra, dans un autre grand monument, élever en pierre ce portail
dessiné sur parchemin. C'est un peu le motif qui nous a fait donner cetle
planche en ce moment.
Dans le manuscrit de Reiras les dessins sont aux deux tiers et au double
de nos gravures; l'ornement en rinceaux est à moitié de l'original et les
deux élévations sont au tiers. M. T. OUvier a fait la réduction et gravé les
traits de ces deux planches avec une Bdélité scrupuleuse. — Nous remar-
querons enfin que ces dessins sont tracés sur le recto ou sur l'endroit du
vélin, c'est-à-dire sur la partie la plus fine, celle qui est adhérente à la peau
de l'animal, et qui offrait à la pointe et à la plume du dessinateur une surface
plus douce à labourer.
NOTES D'UN VOYAGE EN ITALIE.
l'archukctlre ikançaise
ET I. AKCllITKCTUKK ITM.IHNM- AU MOYEN AGE.
Nous n'avons pas la prétention dotTrir à nos lecteurs un tableau con)plet
de l'art italien; ce serait cependant un sujet tout neuf, l)ien que tels savants,
qu'on pourrait nommer, se vantent tous les jours de n'avoir là dessus rien
laissé à dire à leurs successeurs. Des devoii-s trop iiiipérieu.v nous ont con-
traint de borner nos études à l'examen d'un petit nombre de villes; mais ce
sont les plus célèbres du pays, et les monuments qu'elles renferment, placés
sous le patronage imposant de noms vraiment illustres , se présentaient à nous
environnés du plus séduisant prestige. Qu'il nous soit donc permis de parler
de 1 art en Italie, de lui demander compte d une prééminence dont il pourrait
bien s'être emparé par surprise, et de mettre hardiment nos titres en regard des
siens. L'art français s'est laissé éblouir par les feintes brillantes de son rival ,
et le monde, qui juge sur l'apparence, l'a bien et dûment tenu pour battu.
Quand on sort de chez soi pour voir du pays, il faut soigneusement se
tenir en garde contre deux genres d'impressions également funestes : l'admi-
ration exagérée pour toute œuvre exotique, ou le dédain systématique de
tout ce qu'on rencontre à l'étranger. Il y a des gens dont l'humeur est ainsi
faite, qu'autour d'eux rien ne leur a jamais send)lé beau ; leur instinct artis-
tique ne se développe que sur les rocailleux coussins de la diligence, ou
dans les couchettes nauséabondes du paquebot. Cet instinct passe bieiitùl à
l'état d'admiration continue. Combien de fois n'a-t-on pas estimé une unn re
d'art, ou un monument, suivant le prix (|u"il en avait coulé poiu- les voir.
D'autres touristes, abusés par un patriotisme chagrin, croiraient manquer à
ce qu'ils doivent au pays f/ui lésa vu naître, s'ils avaient jamais la faiblesse
de reconnaître qu'il existe, au delà de leurs frontières et en dehors de leur rou-
tine indigène, un art ou une civilisation de quelque valeur. In classique,
ravivti jiar son Virgile et par le ciel un \nni païen de l'Italie, pourrait bien
dire iju'tjn >c trouve ainsi piaci' cnlri' (Jiurvbtle et Sc\lla, et (pif ^i , a dr(jile,
96 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
on c(uirl risque de faire naufrage , on n'est pas moins en péril de se noyer à
gauche. Tâchons de suivre le vrai fil de l'eau, cl de n'aller à la dérive vers
aucun écueil.
On nous accordera certainement que, du XP siècle au xv% nous autres
Français, nous avons été en possession d'un art original, créé par nous et
pour nous, et que durant toute cette période assez longue, ce semble, l'art
antique n'a rien à revendiquer dans nos monuments. La France avait alors
une école nombreuse et brillante, qui n'allait point prendre ses modèles à
l'étranger, mais qui attendait fièrement que, des extrémités de l'Europe, on
vînt lui emprunter des hommes capables d'enseigner le grand art de bâtir.
Du jour où les artistes français ont répudié leur originalité , pour se faire
servilement copistes, l'art a été perdu chez nous. C'est qu'on ne viole pas
impunément les lois fondamentales qui régissent l'humanité. Dieu a voulu
que les diverses races qui composent la famille humaine fussent dis-
tinctes de physionomie, de caractère, d'intelligence; il a voulu même,
tant il s'est plu à mettre de variété dans ses œuvres , que dans une
même race chaque individu fût marqué d'un signe propre à le distinguer
entre tous les autres. Comment donc ne pas comprendre qu'on tente l'im-
possible, en voulant imposer à tous les peuples un art commun; qu'on tra-
vaille à constituer une chimérique unité d'idées, d'habitudes, de besoins, qui
n'a jamais existé dans le passé, et qui, s'il plaît au ciel, n'existera jamais
dans l'avenir? Quarriverait-il dans une réunion d'hommes, où tous auraient
identiquement mêmes traits, même taille, même voix? Pourquoi donc rêver
pour l'ordre intellectuel et moral ce qui, dans l'ordre physique, serait une
monstruosité, une sorte d'unité qui, en définitive, deviendrait la pire de
toutes les confusions? Que chacun marche dans sa voie, et que chacun, au
lieu de travailler à effacer son individualité, la fasse servir au bien général.
Au moyen âge, la nation française a joué un rôle immense. Alors, conmie
elle le pourrait faire encore, elle portait l'étendard du catholicisme et de la
civilisation; c'est d'elle que jaillissaient les grandes idées qui remuaient l'Eu-
rope. On lui concède facilement cette gloire; mais on n'a pas encore assez
étudié ses annales pour reconnaître qu'elle a tenu , pendant la même pé-
riode, le sceptre de la science et de l'art. Il semble au contraire que, depuis
les premiers siècles de l'ère chrétienne, l'Italie ait constamment possédé, sans
conleslation, le singulier privilège d'imposer à tous les autres peuples ses
traditions d'art, comme les règles infaillibles du goût et de la beauté. On
aurait évité cette grave erreur, si l'on avait pris soin de mettre en présence
l'œuvre italienne et l'œuvre française, et si, au lieu d'opposer le xvi' siècle
NOTES D'UN VOYAGE EN ITALIE. 97
italien à une époque (jui riiez nous inarqujiit déjà une fléeadence dans la
inarelie de l'art, on avait comparé, siècle par siècle, dans les deux pays, les
(Kuvres des ûges précédents.
A mes yeux, la su{)ériorité de la France sur l'Italie, dans l'arcliitecture,
qui est le premier des arts, celui au(iuel se raltaclient tous les autres, est
incontestable pour toute la durée du moyeu âge. Si jamais un artiste labo-
rieux voulait élever à la gloire de notre pays un grand elmagiuli(|ue monu-
menl, il n'aurait qu'à dessiner avec exactitude, et à une même échelle, les
constructions les plus vantées de l'Italie du xi" siècle au xv, et à les coin|)arer
à ce ([u'on faisait, aux mêmes époipies , d'un bout de la France à l'autre.
11 faut se bien i^arder de jamais confondre ce (]ui est beau et ce (jui n'est
que curieux. Un objet ancien inspirera pres(iuc toujours un juste intérêt,
de curiosité; peut-être sera-l-il fort laid, mais qu'importe'.^ Le manuscrit le
plus imparfait d'une bibliothèque est souvent celui qui renferme les docu-
ments historiques les plus précieux, ou qui peut le mieux servira déterminer
certaines règles de paléographie. Les antiquaires du vieux temps trouvaient
admirable la laideur elle-même, quand elle ajoutait à sa ditrormité l'avantage
d'une existence séculaire et surtout celui d'une origine un peu grecque ou
romaine. Tomberions-nous dans le même défaut, nous qui avons li'cxiué le
nom décrié d'antiquaires pour celui d'aichéologues, tout comme les procé-
duriers de notre temps, à qui le titre de procureur ferait horreur, mais qui
veulent bien consentir à s'appeler avoués'.'
Entrons donc, un moment, dans une l)asili(|uo chrélicnni' de Home; met-
tons de côté l'anticpiité vénérable, les souvenirs pathétiques, ([ui coiistituenl
au profit de ces monuments un intérêt si puissant , et demandons-nous si les
éléments de la véritable beauté existent dans uti édiiice de ce genre. Que
voyons-nous donc'.' A l'extérieur, des murs eu bricjues, percés de rares fenê-
tres sans ornement, et rehaussés à peine d'une maigre corniche; une façade
dépourvue de toute sculpture; des portes encadrées de précieux fragments
antiques, réunis comme par hasard; une tour rejetée sur les derrières de
l'édifice et dont la décoration consiste en colonnes trapues, (pii portent pour
chapiteaux des consoles presque brutes, ou en morceaux de marbres rares
irrégulièrement incrustés dans les briques. Tout cela forme un ensend)le aussi
peu beau (pi'il est singulièrement curieux. Au dedans, vous trouvez trois nefs
séparées par deux files de colonnes de la matière la plus précieuse, en marbre,
en granit ou en |)orphyre, mais presque toujours inégales de module et de
hauteur, quelquefois même coiffées de chapiteaux (|ui appartiennent à des
ordres différents, ou qui n'ont pa-; et"' faits pour les IVils qu'ils suiiiioiilcnl ,
98 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
depuis leur ajustement dans la basilique chrétienne. On croirait ({ue les fidèles
du premier siècle ne se sont préoccupés que d'une chose, d'ériger au Christ
roi, victorieux, empereur, des monuments de triomphe, tout composés
des dépouilles du paganisme vaincu. Il faut bien le dire, quand on assiste
à la célébration des mystères catholiques au milieu de ces trophées, dont les
uns ont vu les orgies du palais des Césars, les autres, les pompes de Jupiter-
Tonnant, et dont plusieurs portent pour couronne les images des dieux vain-
cus, on se sent pris au cceui' d'une émotion telle que la plus parfaite œuvre
de l'art n'en produirait [teut-ètre jamais de pareille. Mais nous avions an-
noncé que nous laisserions de côté tous ces illustres souvenirs , pour traiter
la question au seul point de vue de l'art, et voici que nous sommes entraîné
malgré nous, tant ces souvenirs exercent de fascination sur l'àme; reprenons
donc l'examen technique du monument.
Les deux files de colonnes, qui partagent la basilique en trois nefs, portent
une architrave composée de débris antiques , ou des arcs en briques. Si l'édi-
fice a conservé son ancien système de fenêtres, le jour n'y pénètre qu'à tra-
vers des plaques de marbre qu'on a sciées aussi minces que possible, afin
de leur donner un peu de transparence, ou par de petites ouvertures rondes
ménagées dans des châssis de terre cuite, qui remplissent les baies en guise
de vitraux. Les collatéraux sont couverts par de petites voûtes d'arête qui ,
malgré le peu d'épaisseur et les faibles dimensions de leur portée, ne sauraient
se tenir toutes seules, tant sont frêles leurs points d'appui; des barres de fer,
bien apparentes, arrêteutdans tous les sens l'écartement des arcs. Au-dessus
de la nef centrale s'appesantit un riche et lourd plafond ; souvent aussi la
charpente qui soutient le comble est demeurée à découvert, et forme à elle
seule la maîtresse -voûte de l'église. Sous le sanctuaire de la basilique, il
y a toujours une confession, sorte de petite chapelle souterraine destinée à
renfermer des reliques. Quehjuefois il existe une crypte plus développée, avec
galeries et chapelles. Ces constructions souterraines, confessions ou cryptes,
sont d'ailleurs du style le plus simple, on pourrait dire, le plus misérable.
Ainsi les grottes vaticancs, où l'on a peine à se tenir debout, ne possèdent
d'autre titre à la curiosité que leur riche collection de débris et de tombeaux.
La crypte de la cathédrale de Bourges est un monument admirable; celle de
Saint-Pierre de Rome n'est autre chose qu'une cave ])einte et plaquée de
marbre.
Quand la basilique a été construite sur de vastes proportions, quand l'œil
end)rasse à la fois, comme à Sainte-Marie-.Majeure, deux rangées do dix-huit
colonnes du plus beau marbre blanc, et qu'au bout de cette élégante pers-
NOTES D'UN VOYAGE KN II ALIK. 99
peclive, une mosaïque à fond d'or ilhiniine la voûte ahsiilale, il esl diflicile
de ne pas opromor un inoiucnl de séduction ; mais l'eflet résulte plutôt de la
splendeur des matériaux, de la inulliplicilé des colonnes, (juc de Tari des
combinaisons arcliileelurales. Aussi, voyez ce qui arrive : on veut avoir à
Paris un diminutif de Sainte-Mari(!-Majeure : les proportions sont réduites,
les matériaux vulgaires de notre pays prennent la place des marbres d'Italie,
et l'on obtient Notre-Dame de Lorelle. En réduisant Saint-Paulliors-los-Murs,
on produit quelque chose comme notre Saint-Vincent-de-Paul du faubourg
Saint-Denis. Notre art français du moyen iige avait la main plus lieurcuse :
libre de se développer à son gré, il construisait la Notre-Dame de Reims ou
celle d'Amiens; obligé de se restreindre dans des limites étroites, il élevait
la Sainte-Chapelle de Paris. Le petit monument est aussi admirable (pie le
grand, parce que le principe d'où ils émanent tous deui^f possède eu lui-
même des conditions de beauté indépendantes de l'espace dans knpiel il leur
est permis de se produire.
Un des plus graves inconvénients du mode de construction suivi dans la
basilique est certainement aussi le défaut de solidité. Les vieilles églises de
Rome ne sont, pour la plupart, arrivées jusqu'à nous (ju'au moyen de re-
prises et de réparations continuelles : à celle-ci, on a refait trois ou quatre
fois toute l'enveloppe extérieure; à celle-là, les colonnes de marbre, qui
se fendaient de vieillesse, ont été renfermées dans de gros pilieis modernes.
Presque partout les plâtres dorés et les stucs multicolores du Berniu et de
ses élèves sont venus farder les rides de murailles trop caduques. Ce que
les architectes classiques ont fait à Paris, poui' remettre à la mode, avec
approbation de l'Académie, le chœur de Saint-Germain-l'Auxerrois et celui
de Notre-Dame, n'est rien auprès des incroyables restaurations inlligées aux
églises romaines les plus vénérables.
Les basiliques pompeusement décorées du titre de constantinicnnes sont
en réalité, sauf de bien rares exceptions, moins anciennes que nos cathé-
drales des xu' et xiii° siècles ; on peut allirnier (jue le plus souvent elles n'ont
rien gardé de leur architecture primitive. Nous aussi, dans les premiers
siècles de notre histoire, nous avons fait du style latin; nous aussi nous avons
élevé des basiliques, dont nos vieux annalistes ont écrit de pompeuses des-
criptions. .Alais un incendie les réduisait en cendres, une invasion les balayait
du sol, si bien qu'il n'en est pas resté le moindre vestige. Nous nous sommes
heureusement ravisés : à pailir du xi' siècle, nos monuments ont su se tenir
ilebout. Un exemple des plus mémorables est venu conlirmer, de nos jours,
la su[)ériorité de la construction française au moyen âge sur la construction
100 ANNALES A KCHÉOLOfi IQUES.
italienne, quand il s'agit de résistera quelqu'une de ces puissantes causes de
destruction qui, un jour ou l'autre, ne manquent jamais, dans une longue
suite de siècles, de s'attaquer aux édifices. Dans la rmit du 15 au 16 juillet
1823, la charpente de l'immense basilique de Saint Paidhors-les-.Murs, dans
la canq)agne de Rome, devient la proie d'un violent incendie: les quatre
fdes do colonnes de marbre de la quintuple nef sont réduites en chaux ; les
murs croulent avec leurs appuis; l'édifice succombe presque tout entier et
le peuple, au milieu de celle catastrophe, ne croit pouvoir attribuer qu'à un
prodige la conservation de l'autel qui recouvre le corps de l'apùtre saint
Paul. Depuis tantôt un quart de siècle, on travaille à la réédiûcation de la
basilique, et les architectes n'osent pas s'engager à la remettre aux mains
du clergé pour le jubilé de 1850. A Chartres, en 1836, un feu d'une
violence inouïe s'allume dans tout le comble et dans un des clochers de la
cathédrale : la charpente entière est consumée; une masse énorme de plomb
fondu jaillit en lave bouillante par les canaux des gargouilles; dans la tour,
les cloches de bronze à demi liquéfiées roulent d'étage en étage. Au bout
de quelques heures, le feu ne trouve i)lus d'aliment et il s'éteint, lais-
sant sur les voûtes une montagne de cendres. Mais ces voûtes étaient intactes ;
elles avaient, par leur solidité, sauvé l'église entière, dans laquelle l'incendie
n'avait pu s'ouvrir un passage, et le lendemain même, on célébrait la messe
à tous les autels, pour remercier Dieu d'avoir épargné à la cathédrale un
si grand désastre.
Il semble qu'un jour les Italiens se soient doutés que la basilique, sortie du
paganisme, ne pouvait décemment éire proposée au monde comme le type
de l'église chrétienne. C'est alors qu'ils ont tenté d'implanter sur leur sol l'ar-
chitecture des peuples du Nord. On n'a jamais rien gagné à se faire copiste.
A la manière de certains artistes de noire temps, qui traitent cavalièrement l'ar-
chitecture du moyen âge, et qui pensent bonnement pouvoir en faire sans
s'être aliaissés jusqu'à l'étudier, les Italiens, pour avoir pris quelques leçons
de [)auvres architectes allemands, se sont crus passés maîtres en style
gothique. Mais il y a plus de dislance encore entre ce qu'ils ont construit alors
et ce (jui se faisait chez nous, qu'entre nos plates imitations de l'art grec et
les monuments originaux. 1^'ogive, si belle et si purement profilée de Reims et
d'Amiens, est devenue en Italie quelque chose d'obtus et de lourd qui n'a plus
de nom ; à la place de ces grandes formes architecturales, qui seules peuvent
donner du caractère à un monument, on a mis du bariolage, de la marquete-
rie de marbre. La richesse des détails est arrivée en aide à la misère de l'en-
semble; on a jeté sur la nudité de l'architecture un manteau d'or, de pein-
NOTES DTN VOYAtlF. EN ITALIE. 101
ture et de mosaïque. Aussi dans (|ucl(|nes villes, piincipaleinenl à Rome,
les population.^, trompées par les tristes exemples (piellesont sous les yeux,
se sont persuadé que le style i;otlii(]iie, sorti delà barbarie du inoven âge,
n'était qu'un indigeste assemblage d'incoliérenres et de bizarreries. [,es
églises, telles que celles de la Minerve el de IWi-j-tio-ii , maussades écliantil-
lons de l'arehiteclure ogivale, n'étaient guère capables en effet de faire; ()id)lier
au peuple romain l'ordonnance queliinefois majestueuse d(> ses basiliques. Un
nouvel essai a été tenté de nos jouis, piescpie au pied du doine de Saiiil-
Pierre : les religieuses françaises ont xoulu avoii- une eliapelle gollii(pjo;
malheureusement elles ont \wn>v |H)u\nir en être les archit(;cles, et leur cruvre
ne réconciliera certainement jtas les Romains a\ee nolie architecture natio-
nale. Cette année ce[)endant , au feu d'artifice du lundi de IVupies, la pièce
principale, développée au pomtour du château Saint-.Aiige, rcprésenlail
une fa<.ade gothique, ou (pu du moins a la |)rétention de l'être, celle de ce
dùnie d'Orviéto , si célèbre par le Jugement dernier de Luca Signorelli.
La comparaison des monuments gothiques bâtis en Italie avec ceux que la
France a élevés nous entraînerait beaucoup trop loin. Nous avons d'ailleurs
la conviction que tous ceux lyù ont étudié les édifices eux-mêmes, sans se
préoccuper des préjugés répandus par les touristes académiciens, ont reconnu
et sont prêts à proclamer la supériorité incontestable de notre i)a\s. La ca-
thédrale de Pise est à coup sùi' en possession d une assez belle renoninu'e; au-
cune cathédrale française n"a réussi à faire autant parler d'elle. Comme un
autre, J'ai admiré la disposition grandiose de sa (piintnple nef et de ses
quatre rangées de colonnes de marbre; le reste m'a [larii plus intéressant que
véritablement beau. La France a cent églises, ipii , au |)nint de vue da l'es-
ihélique, valent mieux cpie la cathédrale de Pise, nKinument ou la lichesse
de la matière employée et l'éclat des mosaïques jouent le rôle principal. Les
architectes puristes de notre Académie |)rétendent qu(> les façades de nos
grandes églises sont surchargées de membres inutiles; ipie dirons-nous donc
de la cathédrale de Pise, dont la façade présente cinq ou six étages de gale-
ries (pii ne conduisent à rien, et qui se ressend)lenl lonles'.' Les portails de
Paris el de Reims, avec leurs voussures historiées, leurs tyuq)ans peuplés de
personnages, leurs roses à jour, leurs tejurs majestueuses el leur stalun; colos-
sale, ont une autre valeur, je pense ; il n'y a dans ces églises ni marbres, ni
mosaïques, mais de la bonne et grande architecture. Si d'un coup de baguette
nous pouvions transporter le vieux clocher de Chartres, ce clief-d'oMure du
xii' siècle, en face de la fameuse tour penchée de Pise, qui, comme la cathé-
drale , sa voisine , se compose d'une monotone série de galeries montées les
V. IV
102 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
unes sur les autres, le monument pisan semblerait peut-être un pygmée con-
trefait à côté d'un géant merveilleusement proportionné dans sa haute taille.
Nous ne voudrions insulter personne, pas même une tour qui menace de tom-
ber sur la tête des gens; nous trouvons seulement que, de la part des Italiens,
il y a une certaine jactance à prétendre que si nous n'avions étudié dans
leurs écoles, nous ne serions jamais sortis de l'ignorance du moyen âge. En-
core un dernier exemple. Dans les biographies d'ArnoIfo di Lapo et de Bru-
nelleschi, Vasari a fait le récit le plus intéressant de la construction de la cou-
pole de Sainte-Marie des-Fleurs, cette cathédrale de Florence, plus gracieuse
par son nom que par son architecture; on aurait peine à se faire une idée des
immenses difficultés que rencontra l'achèvement de cette partie de l'édifice;
épouvantés de la hardiesse d'une pareille entreprise, le peuple et les magis-
trats avaient fini par la croire impossible. Chez nous, dans une obscure ville
des confins de la Normandie et de la Bretagne, à Coutances, un architecte in-
connu élevait sans bruit, dès le xiii" siècle, un dôme bien supérieur à celui de
Florence, sous le triple rapport de la science, de l'élégance et de la solidité.
Il a manqué à la gloire de notre coupole normande d'être venue au monde
sur les rives de l'Arno et d'avoir pu trouver un historien digne d'elle.
Ce qui me causait le plus d'étonnenient à la vue des monuments italiens,
construits du xi" au y.V siècle, c'était la timidité, la stérilité d'invention qu'ils
attestent de la part de leurs architectes. On s' attendrait à trouver au moins de
l'imagination dans les œuvres d'un peuple doué d'un esprit aussi mobile et de
passions aussi vives; cette qualité est justement celle dont elles sont le plus
dépourvues. Il a fallu des générations entières d'artistes, en ce pays, pour
changer une moulure antique, pour modifier une corniche, pour alléger la
pesante coupole byzantine, pour donner aux basiliques des païens une tour-
nure tant soit peu chrétienne. En France, dans une période de moins d'un
siècle, dans l'intervalle qui sépare la pose de la première pierre de Notre-
Dame de Paris de la consécration de la Sainte-Chapelle, nous avons eu un art
nouveau et complet, qui a manifesté immédiatement sa puissance créatrice
par l'invention d'une multitude de monuments religieux, militaires ou civils.
C'est aux gens du Nord, accusés d'imagination lente et de goijl pesant, que
revient l'honneur d'avoir donné à l'Église et au monde l'art chrétien. Par un
abus de mots qui ne peut tromper personne, on a voulu parer de ce beau
titre d'art chrétien les constructions élevées par les papes et les fidèles des
premiers siècles ; ne savons-nous donc pas qn'ils ont pris ce qu'ils ont trouvé,
({u'ils ont établi leur culte dans les édifices païens qui pouvaient s'adapter le
mieux à leurs cérémonies? Des hommes, qui avaient le monde à convertir et
NOTES D'UN VOYAGE EN ITALIE. 103
à civiliser, n'avaient pas trop le lemps de courir après une archileclure nou-
velle. Le véritable art chrétien, à nos yeux., est celui qui est né quand
l'Egliso, libre; do toute |)réoccupation e\lérieur<!, en attendait la venue, pour
réaliser dans le temple matériel l'edilice sjjirituel qu'elle avait fondé; celui
qui s'est présenté à la société catholique délinilivcment constituée, et quia su
se faire accepter d'elle, comme l'expression la plus complète de ses besoins
et de son organisation tout entière. Où était donc 1 art chrétien au commen-
cement du xiii' siècle.^ Choisissez entre la France et l'Italie. Tandis que les
Notre-Dame de Paris, d'Amiens et de Reims s'élevaient comme i)ar enchante-
ment, un pape, llonorius 111 (premier quart du xiii'"), se donnait beaucoup de
peine pour doter la basilique» de Saiiil-l.aurent, hois les murs, à Uome, d un
chélif portique d'ordre ionique, copie avortée de (pielquc ruine impériale.
Une; i)areille construction n'exigeait pas de bien savantes combinaisons, ni une
grande dépense d'idées chrétiennes; d abord on achevait de démolir quehpie
temple païen pour se procurer les colonnes nécessaires; la brique faisait les
frais des murailles, et un appentisdebois jeté sur le tout servait de couverture.
Jusqu'à la fin du xv" siècle, nous avons continué d'enrichir nos villes des
édifices les plus élégants et les plus variés, sans nous inquiéter de savoir si
nos voisins faisaient mieux ou moins bien que nous. Qui sait oii nous serions
arrivés, si nous avions suivi la voie qui s'ouvrait pour nous? Notre roi
Charles VHI nous rendit un bien mauvais service, en ramenant d'Italie une
. colonie d'artistes qu'il employa aux travaux de son château d'Amboise.
Quand ce prince entra dans Rome, |)arla porte Flaminienne, le |)remier édilice
qui s'offrit à sa vue fut le portail de Sainlc-iMaric-duPenijlc, récemment
reconstruit aux frais de Sixte lY, par Baccio Pintelli, l'un des premiers res-
taurateurs de l'art antique. Au centre de la ville, il ne manqua pas de visiter
l'église de Saint- Augustin qu'un Français, le cardinal d'Estouteville, venait
de faire rebâtir dans le même style, et, certes, qui ne valait pas les charmantes
chapelles élevées par ce magnifique prélat dans son diocèse de Rouen. Ces
monuments qui existent encore n'ont rien de bien recommandable; ils n'in-
téressent que l'histoire de l'art, en leur qualité de premier téuioignage d'un
retour sérieux à l'étude de l'antiquité. Notre petit roi Charles, comme l'ap-
pelle Philippe de Comines, ne s'en laissa pas moins séduire par l'attrait de la
nouveauté; peut-être aussi voulut-il emporter dans sa demeure d Amboise
un souvenir de cette Italie, qui lui échappait aussi rapidement (pi'il lavait
conquise. Une fois commencée, l'émigration des artistes italiens n'a fait
que se développer sous les règnes suivants, jusqu'au jour où le Bernin s'en
retourna au delà il(;s monts, comblé des dons de Louis XIV, mais battu cm
ilO ANNALES ARCHEOLO(. IQIES.
architecture par un pauvre médecin de Paris. L'influence italienne a été
grande, à la cour surtout, pendant deux siècles environ; elle ne s'est pas
exercée seulement sur l'art, mais aussi sur le langage qu'elle a efféminé, et
sur les moeurs qu'elle a passablement perverties. C'est à Florence et à Rome
(jue nous allions chercher nos reines et nos premiers ministres.
Comme, après tout, nous sommes gens d'intelligence, nous avons com-
mencé par copier l'ait italien avec un certain esprit. Bien que fortement altéré,
notre art national conserva longtemps encore quelques traits de son origina-
lité première. Mais nous n'avons pas su nous arrêter à temps, et les Italiens,
arrivés au dernier degré de la décadence, ont continué à nous servir de
modèles. Quand on parcourt les rues de Florence et de Rome, on retrouve à
chaque pas les types d'après lesquels ont été construits , depuis le xvi"^ siècle,
tous nos édifices publics et toutes nos habitations privées; le copiste s'est
emparé même des moindres détails de disposition et de sculpture. Aux jours
de sa puissance, la Société des Jésuites éleva dans notre pays plus de deux
cents églises, toutes calquées sur les grandes églises de Saint-Ignace et du
(!esù, qu'elle avait bâties à Rome, au pied du Capitole, et dont l'architecture
froide, monotone , chargée de petites choses, est la dernière expression d'un
art parvenu au terme de sa vitalité. La décoration de l'église du Gesù, chef-
d'œuvre de mauvais goût et de magnificence mal employée, s'est surtout
reproduite chez nous, dans toutes les maisons de l'Ordre, autant que nos res-
sources l'ont permis; c'est d'elle que sont sortis les baldaquins contournés et
les retables plaqués de marbre qui montent jusqu'aux voûtes. Aujourd'hui
encore, les Romains vous mènent voir dans cette église, comme la merveille
do leur ville, un certain autel dédié à saint Ignace, d'une richesse extraordi-
naiie et d'un style détestable; gardez-vous bien d'émettre la plus inolVensive
critique, vous passeriez pour un sot. Avez-vous vu ailleurs un saint Ignace
d'argent; une balustrade formée de petits Cupidons de bronze; une Religion
de marbre, accrochée par le dos et foudroyant les hérésiarques du xvi" siècle;
des Japonais convertis, suspendus en équilibre au bout d'un enroulement;
(piatre colonnes énormes composées de plusieurs milliers de petits fragments
de lapis-lazuli, et un Père éternel de stuc qui , du haut d'un fronton, vous
montre, avec un orgueil enfantin, le plus gros globe de lapis du inonde
entier? Ce pompeux étalage éblouit tous nos prêtres, qui ne rêvent qu'au
jour où ils pourront se donner, dans leur église, quelque chose de sem-
blable, fût-ce en plâtre, en bois peint ou en carton-pierre. Nous ne disons
rien des extravagances géométriques du savant père Pozzi, qui a usé un
talent remarquable à résoudre les problèmes les plus compliqués, pour trans-
NOTES n'UN VOVACE EN ITAI.IE. 10.',
former, avec le pinceau , «les voOiUîs en plafonds, et des plafonds en voûtes ou
en dômes. Les bizarres peintures de ce religieux fornienl le couipléinent indis-
pensable de l'arcliiteclun' dont nous |)ar!ions il ny a (pi'un instant.
Les Italiens ont sur nous un i^rand avaiilaj^e. Au iniliiMi des renuiniemcnts
successifs de leurs monuments, ils se sont constamment occupés do con-
server des témoigna.iîes précieux pour l'histoire de l'art. Ainsi les grottes de
l^aint-Pien•e ont recueilli les débris de la vieille basili(pi(> constanlinienne,
démolie, par Bramante, avec un(î barbarie que Vasari n'a pu s'(!mpôcher de
condamner. Dans telle autre église, une nef toute moderne aboutit à une
abside, dont la voûte garde sa mosaïcpie à fond d'or, contemporaine de Cliar-
lemagne. Tandis que nous ne songions ipi'à renier notre passé, les Italiens
s'efforçaient d'honorer le leur. Ils ont eu l'adresse, le charlatanisme peul-
étre , de rattacher à leurs monuments des traditions d'école, des noms illustres,
des dates, des anecdotes, (pii, répétés de siècle en siècle , el de lèvre en lèvre,
passent aujourd'hui pour incontestables, l'ne œuvre d'art, qui porte un nom,
ac(piieit par cela seul une extrême \aleur; c'est de l'histoire |)résentée de la
manière la plus attrayante. Vous [)assez à côté d'une peinture assez laide
sans en prendre souci ; qu'on \ous dise que c'est un premier essai de pers-
pective ou de raccourci, et que l'auteur d'une découverte pareille occupe un
rang distingué parmi les propagateurs de l'art, aussitôt vous rougissez do
votre indifférence, et peu s'en faut que vous ne vous croyiez tenu d'admirei-
. ce que vous négligiez tout à l'heure. Combien n'ai-je pas vu de voyageurs,
fort honnêtes gens d'ailleurs, qui, la tête meublée de tous les renseigne-
ments que donnent effrontément les livres, se tlallaienl de po>séd(M' à fond,
dans tous les secrets de leur laborieuse histoire, l'origine, le progrès et la
décadence de l'art. Nous autres Français, nous avons la bonhomie de rester
court, quand un étranger nous demande (]ui a bâti la cathédrale do Paris,
quel artiste a sculpté les admirables statues ou peint les grandioses verrières
de Notre-Dame de Chartres. Kn Italie, avec des hypothèses plus ou moins
ingénieuses et un peu d'invention, un auteur aurait trouvé le moyen de faire
à ces deux églises une histoire conq)lèle, de classer leurs peintures ainsi <pie
leur statuaire, et de relier à ces Injx's |irimilifs des générations entières de
monuments. A Dieu ne plaise que je mi; plaigne de notre candeur et de notre
bonne foi; je veux seulement constater l'insouciance avec laquelle nous
avons jus<prà ce jour tiaité nos artistes. Florence a consacré des statues à
Arnolfo di Lapo, à Giollo, à Brunclleschi ; l'aris a vu vendre, sans s'émou-
voir, la tombe de Pierre de Monterean à un maçon, (jui l'a débitée on dalles
de vestibule ou en marches d'escalier.
Depuis trois siècles, nous avons tant détruit, tant brise, tant effacé, tani
106 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
fondu, qu'épuisés par cette œuvre de vandales nous en sommes venus à nous
persuader à nous-mêmes qu'il ne devait plus rien nous rester. Une invasion
des barbares, les plus grossiers et les plus farouches, ne nous aurait pas
dépouillés comme nous l'avons fait de nos propres mains. Mais telle avait été
la fécoudité de noire moyen âge, que la France possède encore, en châteaux,
églises, maisons, remparts de ville, les plus beaux monuments de l'Europe.
Nous avons fait des pertes énormes. Telle. cité, Reims, par exemple, qui
renfermait des centaines de monuments, conserve deux églises à peine; mais,
aussi, l'une est un chef-d'œuvre sans égal, et l'autre un des plus vénérables
sanctuaires du monde. Quand il s'agit de l'art, les monuments s'évaluent; ils
ne se comptent pas : cent statues médiocres ne représenteront jamais le prix
de la Vénus de Milo. C'est une grande jouissance assurément que de rencon-
trer à chaque pas, dans une ville italienne, des monuments qui jalonnent
toute l'histoire du passé; facilement on se laisserait séduire, au point de
trouver beau ce qui porte avec soi un si puissant intérêt. Cependant, si nous
voulons être justes, il ne faut pas souffrir qu'on nous entraîne eu dehors des
conditions pures de l'art. Nous aussi, autrefois, nous vivions dans nos villes,
au milieu des souvenirs les plus palpitants de la religion et de la patrie. Comme
on suit à Rome , à travers le désert de la ville antique, les pas des grands
apôtres Pierre et Paul, on retrouvait, au sein du vieux Paris, les traces glo-
rieuses des premiers apôtres de la France. Ici, on pénétrait dans une grotte
profonde où saint Denis avait célébré les saints mystères; là, un autel marquait
le lieu où, pour la première fois, il avait invoqué publiquement le nom de la
Trinité; des églises, toutes très-anciennes, quelques-unes somptueuses, rap-
pelaient à la mémoire de tous sa prison, ses souffrances, son supplice, sa
sépulture, sa translation. L'admirable légende de sainte Geneviève, celle de
saint Marcel, celle de saint Landry, étaient aussi écrites en une nombreuse
série de monuments. Un jour décolère a tout renversé; puis l'oubli est venu
à la suite de la destruction. Puissions-nous, au moins, conserver avec amour
ce qui s'est sauvé presque malgré nous ! Il y va sérieusement de la gloire et
de l'avenir de notre pays. Étudions nos grands monuments, pour nous con-
vaincre de leur prééminence sur ceux des autres peuples. L'étude et la science
nous rendront bientôt claire cette double vérité, que le moyen Age a été chez
nous l'époque la plus brillante de l'art, et que c'est en remontant à cette
source féconde que nous pouvons espérer de régénérer l'art moderne, qui se
meurt entre une tradition inerte et un éclectisme impuissant.
Baiou DE (llILIIEKiVIÏ.
ACHEVFMENT
RESTAURATIONS DE SAINT-DENIS.
Il est certains nionumenls, comme certains peuples, comme certaines
familles, sur lesquels la fatalité semble avoir répandu à profusion toutes les
calamités. Parmi les édifices de France qui fuient mutilés avec le plus d'a-
charnement pendant la révolution, l'église royale de Saint-Denis peut être
placée en première ligne. Saint-Denis était le Panthéon de la monarchie
française; on conçoit avec quelle ardeur les iconoclastes de 1793 se ruè-
rent sur ces tombeaux, sur ces mausolées des rois. Ces dévastations sont
connues, nous n'en parlerons plus. On se rappelle aussi ces troubadottrs,
succédant à la terreur et pillant lès monuments oubliés par la populace,
pour faire des musées plus ou moins histori(jues, amas confus de tous les
•débris, mensonges prémédités, retour sentimental vers un passé que l'on
détigurait alors avec connaissance de cause, pour amuser les bonnes d'en-
fants et les badauds.
Notre collaborateur, .AI. deGuilhermy, nous a donné, dans quelques arti-
cles pleins d'érudition, Ihisloire de la plupart de ces tombeaux replacés
pêle-mêle aux Petils-Auguslins, puis à Saint-Denis; de ces statues perdant
leurs inscriptions, de ces inscriptions perdant leurs statues, de ces alliances
incestueuses, de ces enfants mariés deux ou trois fois, de ces rois devenus
vassaux et de ces vassaux devenus rois. On se rappelle encore la vanité
puérile qui poussa Napoléon à régénérer Saint-Denis, et combien cette velléité
de restauration fut déjà funeste à l'ancienne abbaye.
Tout cela n'était rien : les furieux de 1793 n'avaient pas eu le tenq)s
d'enlever à l'église de Suger tous ses souvenirs et ses richesses; car il faul
beaucoup de temps, de la persistance, du soin et de l'argenl pour dcfi-urcr
un édifice conmie Saint-Denis. L'empereur n'avait pu que donner quelcpies
ordres, dont l'exécution était à peine commencée en ISI'i. Sous la restau-
ration, les archéologues de cour firent b' aucoup de sentiment , mais peu de
lOS ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
travaiiK à Saint-Denis. Knfin, depuis 1830, M. Debret , architecte du gou-
vernement, membre de l'Académie des beaux-arts, eut à sa disposition
quelques millions pour restaurer la vieille église à fond.
Il V a environ dix ans, si nous avons bonne mémoire, ipie nous commen-
çâmes à signaler de graves dévastations dans les travaux entrepris. Les cha-
pelles du nord, voisines de l'ancienne porté de l'abbaye, étaient totalement
reconstruites; il était question de rois cpie l'on faisait montcn- du rez-de-
chaussée au quatrième étage. Nous nous permîmes quelques observations;
on n'en tint nul compte, et l'architecte se livra à tous les écarts d'une ima-
gination par trop juvénile. Tout parut bon alors pour orner Saint-Denis : on fit
des emprunts à l'Italie, à la Normandie, aux bords du Rhin ; on retrouvait des
inscriptions partout, des mosaïques, des ornements, là où les yeux les plus
exercés n'en avaient jamais aperçu. Nous et un de nos amis , nous élevâmes la
voix dans des revues et des journaux accrédités; mais nous i)assions alors
pour des esprits étroits, chagrins et tracassiers. L'administration des travaux
publics partageait l'enthousiasme de l'architecte ; les millions pleuvaient.
C'était une ivresse dédaigneuse, sûre de vaincre et d'enlever un des plus
beaux succès archéologiques passés, présents et futurs. Cependant l'outre-
cuidance a ses dangers; on parlait tant et si bien des travaux extraordinaires
entrepris à Saint-Denis, que laConmiission des monuments historiques, dépen-
dant du ministère de l'intérieur, s'émut enfin, en voyant la façade de l'église
changer de peau derrière l'épaisse couche d'échafauds qui la masquait. C'é-
tait bien un peu tard; le mal que nous avions déjà signalé dès 1838 était
devenu irréparable; on ne pouvait pins que blâmer et regretter, sans pouvoir
indiquer un remède. Pourtant ce blâme parut alors assez énergique, ou assez
peu fondé, pour que l'administration crût devoir faire intervenir l'Académie
des beaux-arts afin déjuger la question. Comme on peut le penser, l'Acadé-
mie donna gain de cause à M. Debret; les loups ne se mangent pas. On etîaça
quelques barbarismes qui s'étaient glissés dans deux ou trois inscriptions, et
la Commission des monuments historiques, repoussée avec perte, cacha son
ra|)port dans le coin le plus obscur de ses archives. Saint-Denis retomba
plus que jamais sous le joug de son architecte triomphant. La malheureuse
église fut mutilée de fond en comble; pas une pierre n'échappa à la main
des ouvriers. Enfin, tout le monde sait comment finit la longue et doulou-
reuse torture. infligée au monument. La façade, raclée, trouée, déchiquetée,
lemaniée, fléchit sous le poids de la flèche même.
On pensait que l'architecte, quelque peu ébranlé par cet événement, et
désireux de mettre sa responsabilité à couvert, allait lui-même solliciter une
ACHÈVEMENT DES UESTA U U ATI ONS DE SAINT-DEMS. 109
enquête séviTe sur les causes de oel accident ; il n'en fut rien, et tout se passa
en famille. Sur l'avis du Conseil des l)àtiments civils on démolit la tlèclie, et
l'architecte resta terme à son poste; d'ailleurs l'œuvre de destruction n'était
pas achevée". Il fallait de nouveaux Ibnils. La (chambre des dcjuites prit assez
mal la chose; malii;ré ses nombreux et importants travaux, elle pensa que
l'on aurait pu au moins examiner la (lueslion avec plus de maturité. Nous
avons doimé le rapport de la commission avec les observations pleines de
clarté et de justesse de M.M. Ueslonjj;rais , F. De Lasteyriect Delessert. Il n'é-
tait pas possible d'en imposer plus longtemps. M. Debret fui condaiime,
mais avec des circonstances atténuantes; car il n'y avait pas j^rand mal à
démolir une façade défigurée , dépourvue à tout jamais d'intérêt liislori(]ue,
et fort laide d ailleurs, il fallait donner une satisfaction à l'opinion; car il \
avait scandale. Les travaux de Saint-Denis étaient devenus la risée de tous
les artistes, des amateurs , des touristes eux-mêmes L'administration ouviit
enlln les yeux, après tout le monde, et crut enlrex oir (pie son architecte était
incapable.
C'était le cas de faire un exemple. En conséquence, ^L Debret vient d'être
nommé membre du Conseil des bâtiments civils, et nous avons lu c(; (pii
suit dans le « Moniteur L'niversel » du mois dernier .
« Par décision du minisln» des tiuviiux pulilits, ,M. £)el)iet, niembif do l'Iiiï^litiit, ;iitl)ilecto df
l'église royale de Saint-Denis et de l'Aradémie royale de inii>iqiii'. es( nommé inomlne du Conseil
' général des bàlinienls civils. »
Nous ne savons jusqu'à quel point MM. les membres du Conseil doivent
être flattés de voir parmi eux ce nouvel élu ; à leur place, nous penserions
devoir protester contre une nomination qui ne peut ([ue jeter d(> la décon-
sidération sur ce comité.
Certainement il n'est plus possible de gâter Saint-Denis; pourcpioi donc
M. Debret ne reslerail-il pas attaché à son œuvre .' c'est la .seule vengeance
que nous voudrions voir exercer contre lui. Il y avait lieu de supposer que
le Conseil des bâtiments civils, cette cour suprême en fait d'architecture, se
recrutait parmi les artistes les plus capables, ayatit fait leurs preuves conune
savants et comme praticiens; ceux qui croyaient cela étaient dans l'erreur.
Un architecte a-t-il passé la moitié de sa vie à mutiler niaisement un des
monuments les |)lus respectables que nous possédions, à le convertir en un
objet ridicule pour tous, à dépenser, pour obtenir ce résultat, cinq ou six
millions de francs; a-t-il terminé celte œu\re par une desiruclion presque
totale, il obtiendra, (piand la place ne sera plus lenable, <piand l'opinion
aura fait justice de ses malheureux travaux , il obtiendra d'être admis comme
V 15
HO ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
membre du Conseil des bâtiments civils. Il sera appelé à jv\ger les œuvres
de ses collègues, à leur donner des avis sur la construction des édifices que
ceux-ci doivent élever, sur la consolidation de tours et llèches qu'ils doivent
restaurer; et «la profonde connaissance de l'art qu'il exerce», comme dit
l'Académie, fera oublier que l'église de Saint-Denis est sortie de ses mains
déshonorée, détruite enfin, à l'aide de sept millions de dépenses.
Que l'on ne nous taxe pas d'exagération, voici comment M. Debret entend
la construction et la restauration des édifices. — Cet exposé servira d'avis aux
architectes qui sont forcés d'envoyer leurs projets au Conseil des bâtiments
civils, au milieu duquel siège aujourd'hui M. Debret. — Toute la partie infé-
rieure de la façade de Saint- Denis, jusqu'aux créneaux, est construite comme
les édifices romans, par conséquent bâtie en parements de pierre n'ayant
qu'une éjmisseur de 0,25 cent, à 0,30 cent., et enveloppant des massifs en blo-
cages. M. Debret a trouvé ce parement disjoint, entamé peut-être dans (juel-
ques parties; qu'a-t-il fait? 11 l'a tondu, dans toute la hauteur de la façade,
jusqu'à une profondeur de 0,05 cent, à 0,08 cent., pour retrouver la pierre
nette; c'est-à-dire qu'il a affaibli tout le parement d'un quart ou d'nn cin-
quième! Mais qu'est-ce que cela? Ces rois grotesques, faits pour égayer les
esprits les plus mélancoliques, ces horribles rois à qui l'on ne peut reprocher
(( d'affecter des formes pyramidales», comme M. R. Rochette l'a dit avec
tant de pittoresque, en parlant de la statuaire gothicjue, ces rois, sculptés
sur des dalles encadrées d'ane arcature en ploin-cintre, ont remplacé, dans
presque toute la longueur de la façade, un vieux parement uni et parfai-
tement solide. Pour incruster ces royales caricatures, qui ressemblent à des
rois de cœur ou de carreau, il a fallu faire une tranchée horizontale de trois
ou quatre mètres de haut sous les deux tours, détruire le vieux parement,
abandonner le blocage in teneur à lui-même, le cribler de trous pour y sceller
des crampons, et ne plus faire porter la maçonnerie des créneaux que sur
des dalles posées en délit. Groil-on qu'une oi)ération de ce genre ait pu conso-
lider la tour? Ce ne sont pas là des ouï-dire, mais des faits que le premier
venu peut vérifier; car, si le travail d'art exécuté à Saint-Denis est déplorable,
celui de construction ne l'est guère moins. Sur beaucoup de points, nous avons
pu remarquer des parements disloqués , qui accusent des incrustements
d'une épaisseur insuffisante, des joints maigres et qui ne se raccordent nul-
lement avec les anciens. Les tailles vues sont faites comme celles des maisons
modernes. Jamais M. Debret n'a remarqué que tous les parements, exécutés
depuis le xii'' jusqu'au xv" siècle, sont layés , c'est-à-dire faits à la bretture.
La face nord est bâtie à neuf, suivant un appareil tout différent de celui
ACHEVEMENT DES HESTAHRATIONS DE S A I NT- DEMS. 111
du xiV^ siècle. Sans parler des ornomenls do celle suilo de cliapello:*, (jui sonl
d'un style très-extraordinaire, nous voyons sur ce point des gargouilles qui
ne sont placées là que pour la montre, tandis que de gros tuyaux de fonte
rampent le long des murs. El, si nous en venons aux menus détails de con-
struclion, que pourrons-nous dire de ce faîtage et de ces pentures en fonte ,
qui sont portées par les ventaux des portes, au lieu de les soutenir; de ces
gonds simulés, de ces portes sans trumeaux et dont les linteaux rognés sont
maintenus à leur place avec du fer! Partout la construction gothique faussée,
mal comprise, en désaccord avec rornemenlaliou. A Clia rires, depuis que la
calliéilrale est couverte en fer et en cuivre, il pleut sur les voûtes comme
dans la rue; à Saint-Denis, on couvre les voûtes en fer et en cuivre ! 11 paraît
que l'expérience n'a jamais servi à rien.
j\Iais nous abuserions de la patience de nos lecteurs, si nous voulions éuu-
mérer toutes les inllrmités de ce malheureux monument. Si messieurs de
l'Académie ont jugé l'architecture gothique d'après cet ignoble joujou qui
remplace aujourd'hui l'église de Saint-Denis, nous nous rangeons à leur
avis et nous ne les trouvons même pas assez sévères.
Mais pourquoi revenir toujours sur ce sujet? Aujourd'hui sept millions ont
été employés à convertir Saint-Denis en un magasin de bric-à-brac prêt à
crouler. Le mal est fait, et parfait; car il n'y a pas un proûl , pas une sculp-
ture, pas un parement dans toute la surface du monument qui n'aient élc
• raclés, moditiés, arrangés. Saint Denis restera con)me un exemple de ce que
peut l'ignorance el le vandalisme; n'y louchons plus. La leçon profitera,
nous l'espérons, à ceux qui veulent entreprendre la restauration de nos
anciens édifices, sans les avoir étudiés, sans en comprendre la valeur. Nous
croyons d'ailleurs cpie parmi les architectes, qui peul-èlre auraient clé capa-
bles de restaurer SainlDeuis, il no s'en trouvera pas un seul (|ui veuille con-
sentir à replâtrer le plâtrage de M. Debret. Restaurer Saint- Denis, lorsque le
temps et les révolutions avaient laissé leurs traces sur ce monument, était
une tâche possible, sinon facile; mais reprendre aujourd'hui cette église ,
quand on a employé sept millions à la gâter systématiquement, avec étude
et soin, cela est au-dessus des ressources de l'archéologie. Celui qui oserait
entreprendre une pureilh; lâche verrait bienlùt les œuvres de M. Debret dé-
teindre sur lui; il coui|)romellrait son nom, et ne ferait preuve que d'une
outrecuidance excessive ou d'un dévouement sans résullat. Obliendrail-on
sept autres millions, ce qui, vu les dispositions des Chambres, est plus que
douteux, on n'aurait toujours qu'un pauvre monument à la place de Saint-
Denis. Or, ce n'est pas quand des églises comme celles de J>aon , de lioueu ,
112 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
irAiiiiens, d'Auxerre et de Chartres ont besoin de quelques centaines de
mille francs pour être simplement préservées de la ruine, que l'on peut son-
ger à dépenser sept millions encore pour dissimuler tant bien que mal les
aberrations de M. Debret. A propos de Rouen, nous dirons, en passant,
([ue si l'administration des travaux publics n'a plus besoin de ses démolis-
seurs de flèches, qui, du reste, ont fait f)reuve de courage et d'adresse à
Saint-Denis, elle pourra les envoyer à Rouen pour commencer la dépose de
la flèche centrale, de la flèche de M. Alavoine,- sous le poids de laquelle la
tour des Iranssepls se lézarde et s'écrase.
Ainsi donc, nous demandons positivement, et nous saurons bien nous en
expliquer en tenqjs utile, qu'on ne touche plus à Saint-Denis. Que l'on dérase
la tour du nord, jusqu'au point où elle paraîtra pouvoir se tenir; que l'on pro-
tège, avec une couverture entièrement semblable à l'ancienne, la nef si im-
prudemment mise à nu ; voilà ce qui reste désormais à faire, et pas davantage.
Mais l'architecture de M. Debret, sa sculpture de figure et d'ornementation,
ses inscriptions, ses peintures sur mur et sur verre, ses autels, ses tombeaux,
ses boiseries, tout son ameublement, ses grilles en fer, ses clôtures en bois,
que tout reste où il est et comme il est. Dans cent ans d'ici tout cela sera fort
curieux et, dès aujourd'hui, c'est fort instructif. Nous l'avons déjà dit, pen-
dant une tempête, on jette à la mer des objets précieux, pour en sauver d'au-
tres plus précieux encore et pour sauver sa vie; dans un incendie, on fait la
part du feu pour protéger le reste. Les archéologues, nous les premiers, ont
fait le sacrifice de Saint-Denis, mais c'est à la condition formelle qu'on nous
le laissera tel qu'il vient de sortir des mains de M. Debret; car, ainsi fait, il
épargnera des destructions analogues et des restaurations aussi infâmes dans
nos autres monuments du moyen âge. En France, comme à Sparte, rien n'est
sou\ eiain pour inspirer l'horreur de l'ivr'csse comme la vue d'un homme ivre.
Si Ion venait supprimer les ignominies du nouveau membre du Conseil des
bâtiments civils, ce serait perdre une seconde fois et irrévocablement les sept
millions engouffrés dans la malheureuse église. Ajoutons en outre qu'il est
impossible en ce moment, à un architecte quelconque, de remplacer ce qui
existe. Personne, qu'il soit membre ou non de l'académie des Beaux-Arts;
qu'il soit membre ou non du Comité historique des arts et monuments ou de
la Commission des monuments historiques; qu'il soit membre titulaire ou
honoraire du Conseil des bâtiments civils; qu'il professe à l'école de Beaux-
Arts ou dans un atelier privé ; (ju'il ail étudié le grec ou le romain, l'égyp-
tien ou le chinois, l'étrusque ou la renaissance; qu'il ait rôdé autour de
Notre-Dame de Paris ou de la Sainte-Chapelle, personne n'est capable de
Acni: vl•.ME^T des restaurations de saint-denis. 113
(liscciner, (hiiis Saint-Denis, l"ancion du niddeiiie, |i(iiir consciver liin et
remplacer l'autre. L'épigra|)lii(' du iiio\en âge, (pu la coiinaîl , poiii défaire
et refaire, ou nicnie siniplenient pour eorri.i;er les inscriptions de Saint-
Denis? L'académie des Inscriptions et Helles-I.cttres a tenté la besogne et n'a
pu s'en tirer. L'iconographie chrétienne, qui la sullisanmienl étudiée pour
reconnaître les iniionilirahles bévues commises ])ar M. Debret, et pour, les
ayant effacées, y sulistilucr ce que Suger et saint Louis avaient failscul|)ter ou
peindre.' Il n'existe, pour une pareille lâche, ni conunissions ni honunes;
il faut le dire nettement. Au reste, plus que jamais les yeux sont ouverts
sur Saint-Denis; si Ion \ touche, nous le verrons bien.
Avez-vous de l'aigent pour nos anciens et glorieux monuments ? em-
ployez-le à consolider immédiatement ceux (pii tombent. Il n'existe en France
que trois portails vraiment magnilique> et d'une dimension colossale : ce
sont les portails des i\otre-l)anie de Reims, de F'aris et de Laon; voilà des
chefs-d'œuvre incomparables, et comme aucun pa\s du monde n'en offre
de semblables. Hé bien! l'un de ces trois portails, celui de Laon, croule en
ce moment môme. Les sept millions nouveaux, que vous jetteriez en pure
perte dans Saint-Denis, appliquez-les, appliquez-en la septième, la quator-
zième partie à ce portail qui s'en va, et tout le monde vous en sera recon-
naissant ; vous nous laisserez Saint-Denis comme enseignement et le portail
, de Laon sera sauvé. Le reste de la somme, vous pourrez renq)loyer, ainsi
que nous le disions, à démonter cette hideuse llèche de fonic (pii écrase la
cathédrale de Rouen, et (jui , d'un jour à l'autre, peut se déraciner et
tomber, tout dt; son long, sur la ni f mi le cluriii'.
lillUUlN.
I. Au moment où nous corrii^eons la dernière éprouve de cet article, nous a|)|)renc)n.s ([ue
M. Duban, arcliilecte de l'école des Beaux-Arls, de la Sainte-Cluipellc de Paris et du château
de Blois, vient d'accepter l'hérilaire de M. Debret. Le jeudi, 23 juillet, .M. Duban a été installé
dans ses fonctions nouvelles et difliciles; on lui a remis les clefs, les registres et les ouvriers
de Saint-Denis. C'est un fait important et sur lequel nous aurons à revenir.
MELANGES ET NOUVELLES.
Achèvement et dédicace des églises. — Saint Thomas d'Aquin chassé par M. Mendelssohn-
Barlholdy. — Du vandalisme en Belgique. — Séances du Comité historique des arts et mo-
numents.
Achi'vement et dédicace des églises. — Un jour nous ferons, à l'aide des mo-
numents figurés el du rituel, l'histoire de la dédicace des églises; en ce
moment, nous donnerons seulement un texte recueilli par M. le baron de
Girardot. Ce texte est du xvi° siècle; il montre qu'alors, comme aujourd'hui,
comme dans le moyen âge, le matériel nécessaire à la dédicace d'une église
était à peu près le même.
Dans les archives du département du Cher, parmi les papiers de l'archevê-
ché, se trouvent plusieurs registres qui offrent un intérêt particulier; ils ont
été écrits par un ancien propriétaire de la terre de Quanlilly, Jacques Thi-
boust, notaire, valet de Marguerite, duchesse de Berry, élu en Berry. Us con-
tiennent sans ordre les documents les plus variés : des actes notariés, des
recettes de ménage et de médecine, des lettres patentes, des miniatures, etc.
Parmi ces documents, M. de Girardot a trouvé la note suivante ; c'est, sans
doute, J. Thiboust qui l'a écrite, lorsqu'il a fait réparer l'église de Quantilly,
vers le milieu du xvf siècle.
C'est la déclaration de ce qui est nécessaire à dédier une église :
Douze chandeliers de fer pour attacher en la muraille, esquels seront les croix painc-
tes. — Douze cierges de demye-livre chascun. — Une eschelle bien forte. — Deux
tombellerées de sable passé. — Une tynée de cendres passées. — Ung ballay. — Troys
pâlies de boys. — Une doulzaine de cousteaulx de boys. — Demy boisseau de cyment
passé. — Demi boisseau de chaux. — Ung maçon avecques sa truelle, marteau, mail-
let et cizeau. — Force ysoppe. — Trois perches pour faire les asperges. — Deux tynées
d'eau. — Ung baston a porter la tyne. — Deux escuellées de sel. — Une phite de vin
blanc. — Quatre pouppées d'estouppes. — Cinq croix lavées sur chascun autel. —
ANN.vi.F.s AK(:nKOLO(ii(ji i:s.
l'ai M. Didroii, H iio d'Ulm, N" 1, à Paris.
r itirf far E. Viotlel-UJnc.
Gravé par Lncosie.
Vilrall ilii Xlll« i\Mi\ il.in;' la citlii-drali- di- Cliuilm»
MELANGES ET NOUVELLES. 115
Cinq-petits pertuys , au milieu de chascun autel , sur le front de devant. — Une pierre
juste pour bouscher ledit pertuys. — Ung peloton de ficelle. — Ung bassin à laver
les mains. — Deu.x serviettes. — Deux aiguières. — Du pain pour faire sallières. — Deux
livres d'encens. — Le cresmyer. — Des reliques. — Du plomb battu. — Du sandal. —
Cinq chandelles de suif pour chascun autel. — Ung prestre pour veiller toute la nuict
en l'église. — Deux faisseaux de paille. — Deux sacs de charbon. — Deux livres de
grosse chandelle de suif. — Deux chandeliers de cuyvre. — Une pinte de vin. — Ung
pain. — Deux verres. — L'encensier. — Une chappe. — Deux courtibauds. — Trois
aulbes. — Force boys pour faire les feux tout à l'entour de l'église. — Fault oster
tout ce qui est dedans l'église et la mectre toute nue. — Fault faire ung pavillon à
l'entrée de la grand'porte de l'esglise. — 11 convient avoir force prestres pour ch;iiiter
toute la nuict.
La gravure, mise en tcledc ce texte, représente raclièvenieiil d'une église,
ou d' une chapelle, el la dédicace du monument par un évoque. Celte gravure
sur bois est exécutée d'après un vitrail du xiu° siècle, qui décore l'abside de
la cal hédralc de Chartres. A gauche, un jeune ouvrier, nionlé sur son édifice,
semble ravaler le portail principal; il se sert de la brelle que M. Debrcl ne
connaît pas, et non de la boucharde que M. Debrel a toujours employée à
Saint-Denis. En comparant cet artiste du moyen âge à ceux que nous avons
donnés à diverses reprises dans les quatre premiers volumes des « Annales
.archéologiques » , on verra que le coslumc est le même : robe courte, espèce
de blouse sur le corps; béguin élroil sur la lèle, assujetli par une gourmette
qui passe sous le menton et semble saltaclicr avec de petits boulons. Le
portail est remarquable par la pelilesso de la porte, par la largeur de la fenê-
tre. Ordinairement, au lieu d'une fenêtre de cette dimension el à trois jours,
ce sont trois baies étroites et distinctes, ou bien, le plus conununément,
surtout aux cathédrales, une belle rosace. Voyez, du reste, le curieux rapport
qui existe entre cette fenêtre peinte sur verre à Chartres et celles qui sont
tracées sur les deux portails palimpsestes que nous venons de donner |)lus
haut. Rien de plus instructif qu'une semblable comparaison. On remarcjucra
encore, à celle fenêtre de Chartres, que les courbes secondaires des ogives
intérieures se confondent avec le courbe de l'ogive maîtresse; c'esl un sys-
tème fréquent en Angleterre, mais rare chez nous, très rare au xui' siècle,
époque de ce vilrail. Il ne faul pas oublier toutefois que ce petit nionumeul
n'est qu'une représentation peinte el que l'artiste verrier a pu foil bien s'a-
bandonner un peu à sa fantaisie.
On sendile reconnaître celle fantaisie à la partie droili! : rab>i(!c du mo-
nument, bénir j)ar l'évêque, porle deux énormes croix en forme de meur-
116 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
trières, et lleiironnées uniquement au pied. Ces espèces de créneaux, qui cou-
ronnent chacun des deux étages, ne sont pas non plus très-communs aux
églises de celte époque. Décoré d'un nimbe, comme un saint, l'évêque
porte une mitre assez basse et timbrée de deux petites croix que cantonnent •
quatre points; c'est la mitre du xiii" siècle. Mais le manteau, chasuble ou
chape, dont il est revêtu, est assez particulier. Si c'est une chasuble, pourquoi
nulle bande sur les épaules et la poitrine , aucun signe de ce qui fut plus tard
un pallium et que, même les simples évêques de cette époque, portent tous,
ainsi qu'en témoignent les statues, les vitraux, les fresques, les miniatures?
Si c'est une chape, pourquoi ni ouverture ni fente par devant? La petite croix
que tient l'évêque, et qu'on voit rarement dans les mains de nos figures go-
thiques, mais très-souvent au contraire dans celles des images byzantines, es!
encore un fait à constater. Notez le parement du col et l'amict replié sur la
poitrine; notez le parement inférieur de l'aube et la forme de l'étole qui est
droite par le bas et non élargie, comme à présent, en hideuse forme de spatule
ou de pelle. L'évêque fait le tour extérieur de son église ou de sa chapelle ,
et la consacre. Pour avoir des détails curieux sur la dédicace des églises, lisez
le « Ralionah) de Guillaume Durand, livre i, chapitre vi, et la «Légende
dorée», précisément à la fête de la Dédicace. Nous avons l'intention de
recueillir et de traduire ces textes et d'autres encore; nous les accompagne-
rons de dessins semblables à celui d'aujourd'hui, pour faire une sorte de
monographie de la dédicace des monuments religieux.
Sai/il Thomas d' .-Iquin chmsé de l'église par M. Mendelssohii-Barllioldi/. —
M. F. Danjou, fondateur et directeur de la « Kevuede la nmsique religieuse»,
vient d'adresser à M. Sléphen Morelot, l'un de ses plus actifs collaborateurs, la
lettre suivante relative au jubilé de Liège et à l'état de la musique religieuseen
Belgique. Le fait qu'y signale M. Danjou est tellement étrange, que nos lecteurs
nous sauront gré de leur en donner connaissance. Faire expulser de son oliice
du Saint-Sacrement saint Thomas d'Aquin, par le juif ou le protestant Men-
delssohii, est un phénomène assez curieux. Nos réllexions à cet égard seraient
inutiles, et le fait en lui-même, raconté par M. Danjou, en dira plus que nos
phrases. Nous prenons cette lettre, datée de Bruxelles, dans la u Revue de la
musique religieuse », livraison de juin.
(Mon cher ami, vous attendez de moi le récit des saintes solennités
auxquellesje viens d'assister. Un jubilé séculaire, établi en mémoire de l'in-
stitution de la fêle du Saint-Sacrement, est un de ces faits qui réveillent de
l)ieu\ souvenirs, raniment la foi , excitent l'enthousiasme, et nous repor-
mklan<;ks et noi velles. h?
lent Utnt naturellement vers ces i^ianiles époques, où la religion lloiissantc
inspirait au génie des artistes les innombrables merveilles que nous admirons.
C'est en 1246 que fui célébrée |)our la pren)itMo fois, à Liège, la fêle par
excellence que le peuple, dans son langage si expressif et si vrai, a rii)iiiii;ée
la « Fête-Dieu ». Il appartenait au xiii"' siècle, cpii nous a légué tant ili' nninu-
miMits niagniliipics, laiil de cliels-d'œuvie de l'art n^ligi(Mi\, (h- n(iii> léguer
aussi ses pompes sublimes, ces cérémonies majestueuses , ce coitége brillant,
ces processions solennelles. J'espérais donc voir à Liège, non-seulement un
grand concours de fidèles, une assemblée de chrétiens recueillis, mais aussi
y trouver ces précieux souvenirs des temps oii la foi était si vive et si ardente -
C'était le cas ou jamais d'abandonner les usages mondains du xviii' siècle ,
pour faire revivre les antiques traditions. Kn un mol, pour me servir de l'heu-
reuse expression de M. de .Montalembert , j'aurais voulu y rencontrer les (ils
des croisés et non pas les contemporains de Voltaire.
(( Je me suis tout d'abord, dès mon arrivée à Liège, dirigé vers l'église
Saint-Martin, celle-là môme où l'office du Saint-Sacreinent a été célébré pour
la première fois. Cette église, placée sur une hauteur, domine la ville; ses
murs noircis par le temps, ses ogives élancées, témoignent, à l'extérieur, de
son ancienneté. C'est bien là, sur ce parvis, que se sont agenouillés nos
pères; c'est bien là qu'ils ont rendu cet hommage public et touchant de leur
foi sincère. En entrant dans l'église, toute idée du passé s'efface, le cure
ayant pris soin tout récemment de faire badigeonner l'intérieur de cet antique
édifice. Aucune considération ne l'a arrêté : ni la beauté du monument, dont
il allait faire empâter toutes les sculptures, ni l'utilité (pi'il y avait à |)reseiilér
cette église dans son état de vétusté si vénérable, ni les anathèmes (pii ont
été prononcés contre ce genre de vandalisme. Rien n'\ a fait, et maintenant
les murailles de Saint-.Martin de Liège sont couvertes dune épaisse couche de
badigeon, d'un ton jaune-blanc horrible à voir. L'autel et le tabernacle, sur
lesquels le Saint-Sacrement devait être exposé à l'adoration di-s lidèles, sont
dorés à neuf, et leui- forme peut l)ien rappeler celle des meubles du saldii de
Louis XV ou du boudoir de madame de l'oin()adour, mais non un produit de
l'art chrétien, une image du tombeau des martyrs, un sNudxile religieux.
L'ostensoir est placé dans une espèce de machine (pii tourne sur elle-même,
ce qui nous a paru de la dernière inconvenance, (il totalement privé d(! gra-
vité. Dans les autres églises de la ville, on remanjue la même absence tie
goût. A la cathédrale, une très-belle chaire gothi(|ue ' est déllgurée par de
4. CeUe cliaire fil modcrni'; iiiuis i-lle csl excnilw' en slylc gullnijup awc asse/. d'Iiabilrli-
V. IG
118 ANNALES ARCHÉOLnr.IQUES.
grandes stahios blanches qui rentourent; dans la chapelle du Saint-Sépulcre,
il y a, au lieu de vitrail, un store qu'on ne placerait pas dans le dernier café
de la ville; partout enfin, excepté dans la belle éjiiise Saint-Jacques, règne
un goût exécrable. Voilà pour la décoration des temples catholiques; je ne
vous en parle que pour vous préparer à ce qui me reste à vous dire.
« Vous croyez peut-être qu'il n'y a dans le chant ecclésiastique rien de
plus beau au point de vue de l'art, rien de jjIus respectable et de plus con-
venable sous le rapport religieux que la belle prose de saint Thomas d'Aquin:
Laiida, Sion, Salvatorem? Vous croyez qu'il est impossible qu'on ail songé
à supprimer, en cette circonstance^, cette magnifique mélodie dont le clergé
catholique devrait être fier comme il est fier des cathédrales de Reims et de
Cologne? Détrompez-vous : c'est là un produit barbare de ce moyen âge
qu'on méprise. C'est M. Mendeissohn-Barlholdy, grand musicien de l'Alle-
magne, étranger à notre foi, ignorant noire culte, cpii a été chargé de refaire
la musique du Lauila Sion. M. Mendeissohn est un artiste d'une mérite im-
mense, j'en conviens; s'il veut rendre hommage à la religion catholique par
la composition de quelque pièce musicale, qu'on l'accueille et qu'on admire
son talent, à la bonne heure; mais pour celle fête, pour cet anniversaire,
qu'on sacrifie et qu'on jette au rebut un des chefs-d'œuvre de l'art leljgieux ,
une mélodie qui se rattache comme nécessairement à tous les souvenirs de
la fête dont on solennise l'institution, c'est ce qui ne se peut expliquer que
par une aberration d'esprit vraiment condamnable. Il y avait là douze évê-
ques et mi clergé nondjrcux agenouillés au pied de l'autel, il y avait des flots
de fidèles dans l'église; rien n'eût produit plus d'impression que ce magni-
fique chant du Lauda Sion enlonné par deux ou trois cents voix. Au lieu de
cela, on a eu des violons, des basses, des clarinettes, des voix fausses, des
cris inhumains, des tymbales, et, au m, lieu de tout ce bruit, une jeune dame
chantant des roulades sur les paroles saintes : Ecce punis angelorum ! ! !
Je renonce à caractériser un fait aussi allligeant. Je ne vous dirai rien de la
composition en elle-même de cette musique; je n'ai rien entendu. J'ai songé
pendant tout le temps de l'exécution, qui a duré une heure, à la perte et à
la ruine de l'art religieux; j'ai songé à l'inutilité de nos travaux et de nos
efforts pour la restauration du chant ecclésiastique; j'ai songé surtout à celle
grande et triste erreur du clergé fraui^'ais , qui croit qu'il faut aller chercher
pour qu'on puisse, à la première vue, la juger ancienne. Quant aux statues de marbre blanc,
M. Danjou nous parait les juger avec trop de sévérité : en France, nous sommes peu habitués à
cette alliance singulière du marbre et du bois; en Belgique, c'est un usage assez commun et qui
n'est pas toujours malheureux. [Note du Directeur.)
MÉLANGES ET NOUVELLES. 119
en Belgique des exemples, des lois, des imOlmiis, des CDiiliiines, pour aiiié-
liorer en Franee la situalion du ealliolicisnie.
« La procession du Sainl-Sacroinciil dans la plus petite ville de Franee est
plus majestueuse, plus décente, cpie n"a été la procession de Liéije; le peuple
est chez nous jjIus recueilli, plus respectueux, et le sentiment des conve-
nances n'y serait nulle part froissé par des actes pareils à ceux dont j"ai été
témoin. Quelques personnes qui avaient vu, il y a deux ans, l'aUluence
extraordinaire des fidèles qui se rendaient à Trêves pour l'exposition de la
sainte Robe, s'étonnaient que le jubilé de Liège n'eût pas excité le même
intérêt. Il y a do c(! fait une explication fort siniple : l'Allemagne retourne
par les ans à l'admiration du moyen âge, et tout ce qui peut rappeler cette
époque et ses pieuses coutumes excite dan^ tous les cœurs le plus grand
enthousiasme; la Belgique, au conlraire, n'a pas fait un pas pour sortir du
XVIII'' siècle, dont elle est, pour ainsi dire, l'expression vivante '. La religion
est florissante, dit-on, en Belgique; dans les campagnes, le peuple est fidèle.
Il en était de même chez nous au xviu" siècle : il y avait aussi en France, à
celte époque, des habitudes religieuses. Mais, dans les villes principales, le
catholicisme perd chaque jour du terrain, et le moment approche où, malgré
les efforts du clergé, la religion passera en Belgique par de rudes épreuves.
(' Existait-il un moyen de conjurer cet orage ? Nous le croyons. Il fallait
énergiquement briser les traditions du siècle dernier dans l'éducation, dans
l'art, dans l'enseignement; il fallait chasser des temples ces musiques sen-
suelles et profanes pour rapprendre au peuple les chants de l'Kglise, et ces
chants auraient été des liens qui l'auraient attaché fortement au sanctuaire
catholique. Les progrès des sciences, le mouvement des art^ , n'ont pas
changé le cceur de l'homme ; il est encore, il sera toujours ce qu'il était dans
les siècles passés, et imiscpiil \ a eu un moment dans l'histoire du monde
où le clergé catholique a trouvé le secret de s'attacher tous les hommes,
pourquoi ne pas imiter en toutes choses cette époque de splendeur pour la
religion? D'ailleurs, la Providence nous conduit dans celle voie depuis le
commencement de ce siècle. Est-ce que ce mystérieux instinct, qui conduit
de \ aillantes cohortes sur le rivage d'Afrique, qui envoie nos armées rétablir
le siège de saint Augustin, n'est pas quelque chose de semblable aux croi-
sades saintes? Est-ce que cette ardeur universelle pour la restauration des
1. En Belgique, comme en l'rance, comme en Allcmai:nc, on revient par l'art à l'intelligence
et à l'admiralion du moyen dge; le mouvement arcliéologique y est aussi prononcé que cliez nous.
Irrité à bon droit de ce qu'il entendait et voyait a Liège , M. Uanjou n'a jugé la iieljjiqiie quu
d'après une ville et d'après quelques faits. {Noie du Directeur.)
120 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
anciens monuments religieux, qui s'est manifestée en France depuis quinze ans,
n'est pas aussi un signe certain de retour à l'admiration des œuvres de la foi ?
Pourquoi le clergé belge reste-t-il en dehors de ce mouvement et de ce pro-
grès? Pourquoi surtout, dans une circonstance aussi solennelle que celle du
jubilé de Liège, ne pas nous rendre ces magnifiques chants inspirés par la
foi , et que les hommes de goût de tous les temps ont trouvés sublimes? La
parole grave et éloquente de Mgr l'évêque de Langies est seule venue faire
diversion à ce charivari musical , et réparer autant qu'il était possible cet
allVeux désordre. Il y avait à Liège très peu de Français; ceux qui y étaient
ont gémi comme moi de cet oubli de toute convenance.
«J'ai eu l'honneur de voir à Liège un ecclésiastique très-instruit, 3L De-
vroye, chanoine, grand chantre de la cathédrale, et qui prépare sur le chant
ecclésiastique des travaux d'une haute importance'. J'ai aussi rencontré dans
cette ville >L l'abbé Janssens, dont les écrits sur le plain-chanl nous ont sou-
vent occupé, yi. Janssens persiste dans son erreur relativement au demi-ton
accidentel, et cette obstination fâcheuse lui ôte pour l'avenir 1 autorité que
ses éludes constantes et son zèle incontestable auraient pu lui donner. En
quittant Liège, je suis venu à Bruxelles, où j'ai entendu chanter la prose
Laudn Sion, mutilée horriblement par M. Henri, maître de chapelle, secta-
teur des idées de ^L Janssens. Pour éviter la relation de triton qui se rencontre
souvent dans cette prose, MM. Henri et Janssens se sont avisés d'en changer
la mélodie. On se demande de quel droit ces messieurs se permettent de mo-
difier un chanl qui existe dans plus de trois cents manuscrits des xiii' et xiV
siècles, et que la tradition a fidèlement conservé. Le système de M. Janssens
est une sorte de lit deProcusle sur lequel il place les mélodies ecclésiastiques
pour les tailler, couper et façonner suivant ses princi|)es. On ne |)eul com-
\. M. le chanoine Devroye nous a dit à nous-mènie qu'il laissait éteindre successivement, et
ne les remplaçait pas, les musiciens actuels de l'église Saint-Paul, cathédrale de Liège. Quand
tous ou à peu près tous seront morts, le plain-chant rentrera en maître unique et souverain dans
cette cathédrale. Que n'agit-on ainsi partout en Belgique et même en France! Ce serait un moyen,
on ne blessant aucun intérêt , en ne détruisant violemment aucune position , de rendre en peu de
temps le chanl du moyen âge à toutes les églises. Du reste , la musique commence à être fort
compromise. Un journal de Strasbourg, V Impartial du Rhin, annonce que Mgr l'évêque de
Strasbourg, à l'exemple de ses collègues de Langres, de Périgueux, de Gap, etc., vient de
prescrire que le plain-chant serait exécuté en tout et partout durant les offices de l'église ; c'est
dans sa cathédrale que le premier essai a été fait le dimanche, fête de saint Arbogaste, dix-neu-
vième évèque et patron du diocèse. La messe solennelle a été exécutée en plain-chant par les
élèves du séminaire diocésain , avec une gravité et un ensemble merveilleux qui ont frappé tous
les assistants. ( Note du Directeur. )
MEl.AM.ES KT NOT V Kl.LES. 121
prcMidie pourquoi S. E. lo i;inlinal-;irctu'viM|ui' de Malines lolcro ci' vanda-
lisme ; c'est vouloir consommer la ruine du iilain-dianl.
« A Anvers, où j'ai entendu un salut solennel, il y a un maître de cliapelle
très-distingué, M. Bessems, frère d'un compositeur estimé. M, Bessems fait
exécuter à grand orchestre les œuvres de musique religieuse de Mozart , Ché-
rnbini, Paer, etc. L'exécution est assez bonne, parce que les ressources de
cette riclie église |)ermellenl d'entretenir un orchestre nombreux ; mais les
trente mille francs (ju'on dépense cha(|ue année pour cette musique seraient
bien mieux employés à fonder des cours de chant , à développer dans, le
peuple le goûl du chant ecclésiastique, pour l'exécuter ensuite avec de
grandes masses vocales. Ce serait un homme de mérite comme M. Bessems
qui pouriait commencer en Belgique, avec autorité, une telle réforme, et le
succès ne tarderait pas à couronner son zèle. On pourrait d'ailleurs procéder
avec mesure et amener graduellement les esprits à com|)rendie le vrai carac-
tère de la musique sacrée. Si l'on veut de la nuisi(iue, on peut du moins exé-
cuter celle des grands maîtres de l'école italienne et de l'ancienne école
belge, Paleslrina, Marcello, Roland de Lassus , Vittoria, Festa, Nanini, et
cent autres. Il y a dans ces compositions une gravité, une majesté, une con-
venance, un sciilinient exquis, qui ne se trouve dans presque aucune com-
position moderne. Ouand on goûtera les beautés de ces auteurs, on aura
déjà parcouru la moitié du chemin (ju'il faut faire pour revenir à l'intelligence
et à l'admiration 'du chant ecclésiastique.
« V. I».\\.IOl\«
Dm randalisine en BrlfjirjUP. On nous écrit de Liège : « M. Docteur, picpieur
des ouvriers de Saint-Jacques, est plein de zèle pour l'archilecture gothicpie;
il l'aime d'aniour. Il a dessiné les prolils de toutes les moulures, les plans
de tous les meneaux. Il empêche et retarde autant (]u'il le peut les actes de
vandalisme. Enlin, il accueille! toujours avec plaisir les conseils et les obser-
\ étions. Notre église infortunée de Saint-Jacques est livrée à M. Suys, membre
de notre Conmiission des monuments historiques. Ce nouveau Debret modifie
tout, change tout, bouleverse tout. Dernièrement on a débouché une baie
qui appartient à la galerie (jui est au-dessus des chapelles du chteur. Cette
baie avait un amortissement semi-circulaire avec archivolte ornée de moulures
gothiques. Apparemment cela n'était pas assez golliiipic pour M. Suys; aussi
a-t-il métamorphosé le demi-cercle en arc aigu à intrailos dentelé, |)uis il a
creusé profondétnenl les renfoncements (pii étaient an-dessus de l'ancienne
archivolte et y a ajouté des cercles trèfles ou billainmcs. Je dois ajouter ccpcn-
122 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
dant que les moulures de rarchivolte, ainsi que celles des divers ornements,
sont conformes à celles qui se trouvent dans l'église. Mais ou ne devait pas
changer ce qui était; car Saint-Jacques est du xvf siècle, et plusieurs détails
appartenant à l'architecture italienne s'y sont glissés, tout en s'harmonisant et
s'identifiant très-bien avec le style ogival. Dans le transsept méridional, les
arcades simulées qui sont sous la grande fenêtre ont des renfoncements au-
dessus des archivoltes. Ces renfoncements étaient ornés de gracieuses ai'abes-
ques. Hélas! ce n'était ni assez gothique, ni assez profond, et M. Suys de
creuser, car c'est un terrible excavateur, et de détruire les arabesques pour
les remplacer par des flammes ou des quatre-feuilles, car c'est un puriste du
premier ordre. Enfin, pour clore celte triste revue, toute une travée de la nef
a été grattée de haut en bas, y compris deux tètes de prophètes avec leurs
inscriptions; plus de couleurs aux têtes, plus d'inscriptions. On m'a assuré
qu'on les rétablirait! belle avance, et comment les rétablira- t-on? Les inscrip-
tions étaient en capitales romaines, on y mettra probablement des lettres go-
thiques; elles étaient peintes, elles seront sculptées en relief; le tout afin de
mieux représenter le moyen âge ! C'est tout au plus, si dans une partie tota-
lement détruite, on introduira quelques légers parachronismes; ici on détruit
dans le but de vieillir ce qui est jeune.
« Il a été fortement question, et même on avait déjà commencé, de démoHr
l'ancien palais épiscopal de Liège, édifice du xvi" siècle (1508-1540, style go-
thique quartaire). Grâce aux efforts prodigieux des amis de l'histoire et des
arts, notre palais est sauvé, mais à la condition d'être restauré : le restaurateur
sera M. Delsaux. Cette restauration (ne froncez pas le sourcil) sera sage, je
l'espère. Cependant, quand il s'agit de refaire des parties entièrement dé-
truites, des balustrades et des lucarnes, on ne saurait s'entourer de trop
d'autorités. Auriez-vous la bonté de vous informer à la Bibliothèque Royale,
département des estampes, s'il ne s'y trouve pas la gravure représentant l'an-
cien palais épiscojjal de Liège, par Venceslas Hollar, ou celle de Dewit
d'Amsterdam?
«L'église Sainte-Véronique vient d'être démolie. Elle avait été reconstruite
presque entièrement au xv!!"" siècle; seulement on y voyait encore quelques
laides colonnes qui pouvaient dater de la fin du xif siècle. Mais le pavé était
composé en grande partie de dalles funéraires des xiv% x\° et x\f siècles, et
c'eût été une véritable perte pour l'art si elles eussent péri. Heureusement, grâce
à mes recommandations incessantes, M. Delsaux, en sa quahté d'architecte
provincial, a écrit à M. Dejardin, architecte chargé de la démolition et de la
reconstruction de celle église; il l'a prié d'en prendre le pias grand soin, de
MELA>'GES ET NOUVELLES. 123
conserver non-seuleinenl les dalles entières, mais encore celles qui étaient cas-
sées et iiiènio tous les fra^rmcnts. J'ai eu la salisfaction de voir que nies vœux
étaient accomplis. Ces dalles seront encastrées dans un mur. Ouanl à l'église,
elle sera reconstruite en style gréco-romain. »
Le [)alais épiscopal de Liège est déûnitivenient sauvé. C'est à un corres-
pondant belge du Comité liistoricjue des arts et monuments (pi'estdi'i, nous
le savons, ce dillicile et im[)ortant résultat. ;\L Louis Fabry-Hossius a fait des
démarches pour obtenir la conservation du précieux édifice; il a écrit dans
les journaux de Liège l'histoire et la description du palais, qu'il nous a en-
voyée ainsi qu'au Comité des arts. Dès-lors l'intérêt jinblic a détendu le pré-
cieux édifice, et notre ami de Liège a obtenu un succès complet; nous devons
l'en féliciter vivement. En sauvant un pareil monument, M. Fabry-Rossius
a. rendu à la Belgique en particulier et à l'art en général un des plus notables
services.
Séances du Comité historique des arts et monuments. — Le Comité poursuit
ses utiles travaux avec une ardeur qui n'a pas faibli depuis sa création. Il
réclame la conservation des monuments histori(]ues; il recherche, étudie,
décrit et fait dessiner les édifices et objets d'art de tout âge et de toute nature
qui peuvent avoir de l'intérêt; il préjjare la statistique monumentale de toute
la France, et commence par publier celle de Paris. La correspondance qu'il
entretient sur tous les points de la France et même à l'étranger devient plus
nourrie et plus curieuse d'année en année. 11 se fortifie en récompensant du
titre de membre non résidant ceux de ses correspondants qui se sont le plus
signalés par le zèle et l'importance de leurs communications; il couvre d'une
armée de travailleurs, d'un réseau d'amis des antiquités nationales toutes les
parties de la France, en augmentant chaque année le nombre de ses corres-
pondants. Ainsi le titre de membre non résidant vient d'être conféré pai' .M. le
ministre de l'instruction publique, sur la proposition du Comité, à M. le
baron de Guilhermy et à M. le baron de Girardot; cette distinction était méritée
|)ar des travaux réellement hors de ligne, par des recherches et des décou-
vertes archéologi(|ues importantes. De plus, M. le ministre a nommé corros-
p(jn(lants du Comité les dix [lersonnes dont les noms suivent : MM, Louis
Hdstan, avocat à Sainl-Miixiiiiin (Var ; Hcnjaiiiin l'illmi, luimismaliste à
Fonlenay-le-Comte (Vcndéej; Jules Leclercq de la l'rairie, |)ropriétaire à
.Soissons; Stanislas de Saint-Germain , propriétaire à Lvreiix; Jules Courlet
sous-préfet à Die(Drrjme); le comte de iMorangiès, propriétaire au iliàlcaii
de Fabrèges (Lozère); l'abbé Roux, vicaire à Fleurs ( Loire j; Alexandre Sirand,
124 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
juge au tribunal civil de Bourg (Ain). M. Théodore Mayerv a été nommé cor-
respondant à Sion, en Valais, et M. l'abbé Vaudey, à Chambéry. Tous ces
nouveaux correspondants sont connus du Comité par des communications
archéologiques faites à plusieurs reprises, en sorte que le titre qui leur
est donné n'est qu'une juste récompense de leur science et de leur dé-
vouement. Mais une récompense plus haute encore vient d'être accordée par
le roi , sur la proposition du ministre de l'instruction publique et la désigna-
tion du Comité, à ceux des membres et correspondants dont les travaux
d'archéologie ou d'histoire ont jeté le plus d'éclat, dont les recherches ont
été couronnées de plus de succès : au mois de mai dernier, le roi a donné la
croix de la Légion-d'Homieur à M. le baron Ferdinand de Roisin et à M. Louis
Paris, bibliothécaire -archiviste de Rein)S, tous deux correspondants du
Comité. Nous sommes heureux que le choix du ministre et du roi soit tombé
sur deux nos plus chers amis, dont le premier est l'un de nos plus savants
et affectueux collaborateurs. De tous les hommes politiques qui ont occupé
le ministère de l'instruction publique depuis la création de notre Comité, M. le
comte de Salvandy est le seul qui ait fait reconnaître ainsi par le roi et par la
nation les travaux utiles, savants et désintéressés des jeunes archéologues.
Pour notre compte, nous avons vivement remercié, l'année dernière, M. de
Salvandy; cette année, nous le remercierons non moins vivement au nom
de nos amis. C'est par une récompense aussi noblement accordée qu'on s'ac-
quiert la reconnaissance et le «lévouemenl des gens de cœur. Courage donc à
tous les correspondants du Comité, puisqu'ils sont assurés maintenant que
leurs travaux pourront recevoir un prix: certainement Irès-élevé !
Nous donnerons peut-être, dans un prochain numéro, une analyse succincte
des travaux du Comité accomplis pendant la session de 1846; mais nous
transcrirons certainement le procès-verbal d'une discussion, la plus importante
qui ait encore eu lieu dans le sein du Comité, et qui est relative à la réparation ,
à rornemeutalion, à l'ameublement des édifices religieux. M. Victor Hugo
a soulevé et soutenu cette discussion avec une puissance incontestable; mais
. M. V. Hugo a été contredit. Nous avons rédigé le procès-verbal de cette cu-
rieuse séance avec l'intention formelle d'en donner connaissance à nos lecteurs.
DE L'ARCHEOLOGIE EN ESPAGNE.
I . — M (» l \ K M E N r A K ( : H E (► L 0 (1 1 n r E.
Dans lin proiiiior article ', nous avons l'ail connaîlic qu'au milieu des
luttes acharnées des partis |)oliti(jues, l'amour des arts s'était maintenu en
Espajine. Si les secousses politiques renversent trop de monuments dans ce
noble pays, des hommes savants et généreux s'attachent à conserver à leur
|)atrie les glorieux témoignages de son ancienne splendeur. Nous clierclierons
aujourd'hui quelles sont les doctrines professées par les archéologues espa-
gnols, et nous espérons démontrer qu'elles sont, sur quelques points, telles
que nous pourrions désirer les voir admises, sans contestation, par nos
savants de France, et surtout pratiquées par nos architectes.
Nous avons sous les yeux un petit volume publié en 1833, intitulé:
« Apuntes para la historia de la Anpiiteelura, y observaciones sobre la cpie
se distingue con la tienominacion dcGotica, » par l'architecte don Juan
Miguel de Inclan Valdcs, sous-directeur et vice-secrétaire de l'Académie
royale des arts nobles de Saint-Ferdinand. Cet ouvrage fut écrit en 1832, à
l'époque où (juelques amis des arts avaient peine, dans Paris, à préserver
Saint-Germaiii-l'Auxerrois d'une complète destruction. L'auteur appelle l'ar-
chitecture gothique « l'architectun! des temples de la chrétienté. » Il cntre-
jirend sa défense contre ceux (]ui prétendent la dépouiller de ce titre, « dont
ils reconnaîtraient toute la justesse, si à leurs connaissances littéraires ils
réunissaient la jjarlie scientilique de la profession. » Après avoir établi , sur
des documents historiques certains, la date où furent fondés quelques-uns
des plus anciens édifices chrétiens de l'Espagne, M. Valdès s'écrie : «Quel
avantage pour l'histoire de l'architecture, si ces monuments étaient décrits,
mesurés, dessinés par une main adroite et intelligente, offrant aux amateurs
et aux professeurs une curieuse collection de nKJUuments, pour la plupart
d'une conservation parfaite, et telle qu'il serait difficile d'en tiouviîr de
pareils en aucun pays! » Cette pensée de faire dessiner, mesurer et décrire
I. Iiinu/es .tivlii-uhijiques, vol. IN', pages itJl-2(Jo.
126 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
les anciens monuments du pays a été mise à exécution en France; mais celle
de placer entre les mains des professeurs le moyen d'enseigner l'architecture
du movcn âge, est loin de se réaliser chez nous. Nous en sommes encore
réduits à nous écrier avec le savant académicien espagnol Jovellanos et
avec don Juan Valdès : « Plût au ciel que nos professeurs , avant de passer
les Alpes à la recherche des grands monuments dont le génie de l'architec-
ture a enrichi l'Italie, cherchassent aux pieds de'nos montagnes ces humbles,
mais précieux édifices , qui attestent encore le goût et la solide piété de nos
ancêtres! 'i
M. Valdès émet, au sujet des artistes du moyen âge, une idée que les
recherches entreprises dans les archives de France , sur la recommandation
du Comité des arts et monuments , pourront justifier, à savoir que la division
de l'architecture en civile et militaire est très-moderne; « chaque corps d'ar-
mée, dit-il, devait avoir son architecte ou chef des ouvriers, parce que,
pour prendre une forteresse, il était nécessaire de lui en opposer une autre
artificielle pour la dominer, ce soin ne pouvant être confié ni à des subal-
ternes, ni à des hommes des pays conquis. » Ce que nous pouvons affirmer,
c'est qu'aux xv° et xvi" siècles, les mêmes architectes concouraient à la
construction des églises et à celle des fortifications; les archives du déparle-
ment du Cher et celles de la ville de Bourges en renferment des preuves
nombreuses.
Nous avons parlé, dans un précédent article , de « l'Espagne artistique et
monumentale »; quelques reproches que l'on puisse adresser à cet ouvrage,
où le pittoresque l'emporte sur la sévère exactitude, nous ne pouvons refuser
nos éloges à MM, Genaro-Perez de Villa-Amil et Patricio de la Escosura.
Ainsi que le dit ce dernier, « tandis que les révolutions politiques eu Unis-
sent avec tout ce qui rappelle les temps de la monarchie ibérique, ces géné-
reux Espagnols reconstruisent les réputations des architectes et des sculpteurs
de leur patrie. Toujours environnés de ruines et cramponnés au cadavre de
["ancienne Espagne artistique, il se sont donné la mission de conserver par
la plume et le crayon la pensée des artistes qui furent et des générations qui
ont vécu. >) Notre sympathie est acquise à tous les hommes dévoués, de
quelque parti qu'ils soient, qui protesteront contre la destruction des monu-
ments des arts, contre des démolitions incessantes. « Ces démolitions tendent
à effacer de la Péninsule tout ce qui rappelle ses plus glorieuses épocpies,
à faire de son sol un désert sous le rapport de l'art , à ajouter une cause de
plus aux causes déjà nombreuses qui en éloignent les voyageurs étrangers. »
Maintenant, nous faisons, avec le directeur des « Annales archéologiques » ,
DE LAïK.iiKoi.or.ii: i:n Espagne. iw
toutes réserves au sujet dos ]ilanclies, très-belles comme produit lithosra-
pliique, mais où le pittoresque semble avoir trop préoccupé les arlislcs.
Nous devons dire que rien n'égale l'élégance et l'effet d'un certain nombre
de ces reinarquahlos lillingrapliies. Quant aux doctrines arcliéologiques
émises dans le texte, la plupart sont irréprochables, surtout en ce qui con-
cerne la conservation des monuments. Relativement à l'histoire de l'art, et
aux appréciations des différents styles, nous ne pouvons nous y associer
complètement, ni dire, avec les auteurs, que l'art gothique approchait de sa
perfection au xv" siècle. Mais si ces messieurs no nous paraissent pas suf-
fisamment pénétrés do la supériorité de l'architecture sévère du xiii"^ siècle,
il faut se rappeler qu'ils sont méridionaux, et l'on devrait examiner si celle
époque, toute de lutte pour leur patrie, a pu produire des chefs-d'onn re
d'architecture comme elle en a enfanté chez nous. Nous rappellerons ici une
vérité, trop oubliée en France et proclamée par M. Patricio de la Escosura,
c'est (pie jamais, sans l'étude des monuments, on ne pourra se faire une
idée complète du génie , du caractère et des lumières d'un état. Nous ajou-
terons que la science archéologique a tout à gagner aux relations fréquentes
qui finiront par s'établir entre les archéologues des différents pays; qu'ainsi
l'étude des monuments et des ouvrages français aurait été d'une grande uti-
lité à M. do la Escosura, et l'aurait sans doute préservé de quelques grandes
erreurs qu'on trouve dans son livre.
En Espagne, comme en France, l'ignorance et le mauvais vouloir des
architectes sont partout signalés comme la cause de ruine la plus active pour
les momiments.
Les antiquités romaines, dont le sol de l'Espagne est couvert, ne sont pas
non plus négligées. Héccmmcnl une excursion archéologicpie, faite dans les
ruines de l'ancienne Atégua, par MM. Sandino cl F. Alv. Guerra, a donné
des résultats intéressants. Cette ville d'Andalousie est célèbre par le siège
qu'elle soutint dans la campagne qui décida le sort des enfants de Ponqiée.
La ville détruite par le vainqueur couvre de ses ruines un vaste espace de
terrain, et les murailles laissent encore deviner son enceinte, surtout dans
certaines parties où, taillées dans le roc, elles ont résisté aux destructeurs.
Sur ces débris, on voit encore dos murs crénelés, élevés par les Arabe»;
on y trouve des cavernes dont les paysans racontent mille choses merveil-
leuses.
Nous terminerons en signalant l'organisation, dans quelques piovincos,
de musées d'antiquités et d'objets d'art; de plus, les journaux politiques de
toutes les nuances accueillent avec empressement des comimini( allons
128 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
archéologiques importantes, que nos journaux de France repoussent avec
dédain pour remplii- leurs colonnes de récits de suicides, assassinats et
vols réels ou supposés, qu'ils trouvent dans les feuilles de province ou dans
les rapports de la police. Nous donnerons bientôt la traduction du rapport
de don Anibal Alvarez et du secrétaire de la Commission des monuments
historiques et artistiques d'Espagne, don José Amador de los Rios, sur la
translation du tombeau du cardinal Ximénès, qui se trouve dans une église
abandonnée '.
Nous entrons dès aujourd'hui dans la voie de la fraternité que nous vou-
drions voir établir entre les archéologues de toute l'Europe, par la publica-
tion de quelques noms des plus remarquables artistes de l'Espagne. Parmi
ces noms, (juelques-uns appartiennent à des provinces alors espagnoles,
aujourd'hui françaises; tous appartiennent à l'art, cette patrie universelle où
l'on doit trouver des émules, mais jamais d'ennemis.
I!.— ANCIENS ARTISTES DE L'ESPAGNE.
Fernand Gonzalès, sculpteur du mausolée de don Pedro Tenorio, dans la
cathédrale de Tolède, 1399. — Miguel Ruiz, Alvar Martinez, Alvar Gomez,
sculpteurs de la cathédrale de Tolède, 1420. — Pedro Juan, Guillen de la
Mota, sculpteurs du grand retable d'albâtre de Tarragone, 1420. — Tioda,
architecte d'Alfonse le Sage, florales lui attribue les églises de Santa-Maria
de Naranco et San-jMiguel de Lino (Cronica yeneml de Ambrosio de jMorales,
lib. 13, cap. 'lO). Personnage de telle qualité et distinction que le roi lui
accorda les mêmes honneurs qu'aux évêques et aux premiers officiers du
palais. — D. Alvar Garcia, né à Estella, en Navarre, au xii° siècle. Construit
la cathédrale d'Avila sous le vocable de Saint-Sauveur. — Pedro Pei-ez,
I. A ces renseignements sur l'archéologie espagnole, donnés par M. le baron de Girardot,
nous ajouterons que M. Antonio de Zabaleta , architecte, et M. José Amador de los Rios, secré-
taire de la Commission centrale des monuments historiques et artistiques de l'Espagne, ont fondé,
au mois de juin dernier, une publication analogue à la nôtre et qui a pour litre ; BoLETi.>i espaSol
i)K Arquitec.tuba. Ce « Bulletin espagnol de l'architecture » paraît deux fois par mois, le l^' et le
lii, par livraisons d'une feuille grand in-4°, à deux colonnes, sur papier glacé. Tous les trois mois
on y ajoute un dessin d'architecture mesuré, profilé, coté. Le prix annuel est de -18 francs pour
Paris. Des exemplaires sont en dépôt à la librairie archéologique de Victor Didron. Plus tard,
nous ferons l'analyse des intéressants articles d'architecture et d'archéologie écrits par M.M. de
Zabaleta et de Los Rios ; mais nous dirons aujourd'hui que M. de Los Rios est des nôtres et qu'il
a cité los « .4nnales .\rchéologiques » avec une bienveillance particulière dans le numéro du l'"'
juillet. Quant à M. de Zabaleta, ancien élève de M. Duban , il est sans doute pénétré d'une trop
vive affection pour la renaissance; mais il vient de passer quelques semaines à Paris et il n'a pas
DE L'ARCHÉOLOGIE EN ESPAGNE. 1-29
iiutour (le lit oatlu'dralc de Tolède en 1258. — Pedro Cebriaii, maîtio de
rcinivre de la calluklrale de Léon, avant 117.'».. — Cialtcrio, arcliitcctc de
l'église des Bernardins de Balbedios, en 1218. — Valdcinar augmenta la
lalhédrale de Valence, en I'i50; Pierre Coinpl l'aclicva, en 1482. — Juan
Onlaûon, arcliitecle de la oalliédrale de Séi^ovie. — Rodrigo Gil, son fils,
architecte du même édifice; architecte de la cathédrale de Salamanque. —
Alonso Berruguctc, architecte du cloître de la cathédrale de Cuonça, sculp-
teur et peintre de la cluunhre de Charlcs-Quinl. — Alonso Berruguctc v Pe-
reda, son fils, acheva la scul|)ture du tombeau du cardinal D. Juan de Tavera.
— Pedro de Valdevira, architecte de Téglise de Jaen (xvi'^ siècle). — Gas-
pard Becarra, élève de Michel-Ange. — Machuca, architecte. — Luis Vega,
architecte du Pardo. — Bartolomé Bustaniente , architecte de Fégiise de
Saint-Jean-Baplisle do Tolède. — Francisco de Villalpando , architecte de
rescaliei- pi incipal et des galeries de l'Alcazar. — Jean-Baptiste de Tolède,
architecte de lEscurial. — Jean de Herrcra. — Mora, Gomez, élèves de Her-
rera. — Herrera Barnuebo. — (jimenez Donoso. — Don José Churriguera.
— Don Narcisso Tonié, auteur du transparent de Tolède, 1 721 . — D. Pedro
de Ribera. — D. Esleban Marchand. — D. Felipe Jubaria, élève de Fontana.
— D. Ventura Rodriguez. — D. Juan Bautesta Sacheti. — Don Domingo
Oliver, premier sculpteur de la chambre de Phili[)pc V, premier fondateur de
l'Académie royale de Saint-Ferdinand. — l^avia Carlier. — Don Diego de
Villanueva, anteur de la « Coleccion de diferentes papeles criticos sobre todas
las partes de la arquiteclura ». — D. Miguel Fernandcz. — D. Manuel Martin
Rodriguez.
FerrandGonzaiès, iieinlre et sculpt(Hir, tondieau de Tenorio, dans la cathé-
drale de Tolède. — Rodrigo AlConso , mailre principal de l'anivre de la
cathédrale de Tolède, à la lin du xiV siècle. — Henri dArlc, orfèvre, xvi'
été difficile de lui persuader (|u'il devait réclamer pour l'Espagne, ainsi ([ue nous le faisons pour
la France, une architecture nationale, l'architecture du moyen ûge. Touché de ces idées, M. de
Zabaleta retourne en Espagne, où il va traduire pour son « Bulletin » la réponse de MM. Lassus
et Viollet-Leduc aux attaques de noire Académie des Beaux-Arts contre l'architecture et l'art
i^othiques. Ainsi désormais sont acquis à nos principes des hommes jeunes, intelligents, savants ,
qui disposent en Espagne d'une importante publication. Nous ne savons |)as si notre cocarde fera
le tour du monde, mais il est certain qu'elle voyage en ce moment dans une certaine partie de
l'Europe. M. de Zabaleta a bien voulu promettre de nous envoyer les dessins des œuvres de
l'art espagnol au moyen âge, d'architecture, de sculpture, de |)einture, d'orfèvrerie, de menui-
serie, qui seraient de nature à intéresser nos lecteurs. Petit à petit nous finirons par nouer des
relations régulières avec les dilTérents pays de l'Europe, et ce sera au profit de tout le monde. Une
de nos ambitions serait de créer une stirte de corporation internationale d'archéologie. A ce sujet,
nous aurons à parler prochainement de la Russie i-i du nord de l'Europe. (Ao/c du Dircrleur.)
130 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
siècle. — Pedro de San-Miguel, — Francisco de Cibdad. — Diego de LIaiios,
— Diego de Guadalupe, sculpteurs du maître autel de la cathédrale de Tolède.
— Pedro Guniiel , et maître Henri , dessinateurs du rétable sculpté par
Petit Jean et maître Copin ; les statues Philippe de Bourgogne , Sébastien
d'Almonacid ; la peinture et la dorure, par Jean de Bourgogne, François
d'Anvers, Ferdinand del Rincon , André Segura. — Annequin de Egas,
maître de l'œuvre de la cathédrale de Tolède, père de Henri Egas, auteur du
tombeau du cardinal de Mendoza, dans la cathédrale de Tolède, et de l'hô-
pital de Santa-Cruz de cette ville, de celui de Saint-Jacques de Compos-
telle, etc., etc. — Frère Diego, de Madrid, capucin, auteur du plan de la
chapelle de Saint-Isidore , dans l'église de Saint-André de Madrid. — Joseph
de Villareal, architecte, directeur de la construction ( xvif siècle). — Alonso
de Covarrubias et Alvaro IMonegro , architectes de la chapelle de Los-Reyes-
Nuevos dans la cathédrale de Tolède (1531-1533). — Maître Henri, sculp-
teur, auteur de la statue du tombeau de Henri H de Caslille (sous Jean I").
— Juan, de Ségovie, et Pedro Gumiel, sculpteurs, auteurs du maître-autel de
la chapelle du Connétable D. Alvaro de Luna, dans la cathédrale de Tolède
(1498). — Mariano Salvatierra, sculpteur du xviif siècle. — Blas Orliz,
sculpteur du tombeau de Don Alvaro de Luna. — Rodrigue Alfonso, archi-
tecte du cloître de la cathédrale de Tolède. — Sébastien Hernandez, Marc
Tordesillas, Louis de Velasco, architectes de diverses parties de la cathédrale
de Tolède. — Juan Manzano, Toribio, Rodriguez, Pedro Cassaneda, auteurs
de la porte neuve du cloître de la cathédrale de Tolède. — Alonso Covarru-
bias, architecte de Charles-Quint. — Domenico Florentino, auteur du tom-
beau du cardinal Ximcnès. — Philippe de Vigarni , Viguerni ou Viguernis ,
né à Burgos, architecte et sculpteur du xvi" siècle, auteur du transsept de
la cathédrale de Burgos. — Hernan Ruiz, architecte du transsept et du chœur
de la cathédrale de Cordoue (xvf siècle.) — Giralte, sculpteur (xvi" siècle).
— Antonio Rodriguez, architecte et sculpteur, auteur de la porte de la salle
capitulaire d'hiver, dans la cathédrale de Tolède. — Gregorio Pardo (1551),
et Gregorio Lopez (1775), sculpteurs en bois. — Jayme Castayls, de Barce-
lone, auteur des statues de la façade de la cathédrale, à Tarragone (1376). —
Diego de Siloë, Juan de la Huerta, sculpteurs de la renaissance. — Gaspard
Bicerra, élève de Berruguete, comme lui sculpteur et peintre, nommé sculp-
teur de Philippe H, en 1 562.
Nous ne parlons pas ici des peintres espagnols auxquels Don Antonio Ponz,
D. Juan Aguslin Cean Bermudez, et un Français, qui s'occupe beaucoup des
arts et de la littérature espagnole, ont consacré des ouvrages spéciaux. Du
DE L'AUCIIKOLOCIE EN ESPAGNE. 131
reste ces noms, recueillis sans ordre, ne l'ont pas été pour donner une liste
complète des grands artistes es|)agnols, iriais pour rappeler que l'Kspagne
n'est pas déshéritée de la gloire des arts. Le passé de ce grand pays offre
d'intéressants sujets d'études aux archéologues, et de beaux modèles aux
artistes. Puisse son Comité des monuments historiques en préserver beaucoup
de la destruction (pii les menace ' !
H"" I)i; GIRARDOT,
Mcniliro ilii Ciiiiiilo liistoriquc des arts H moniinicnts.
I . Pour compléter nos tlocumcnts sur le mouvement archéologique en Espagne , nous avions
demandé à M. Antonio de Zabalcta si , comme en France , en Angleterre et en Allemagne , on
construisait beaucoup d'édifices religieux en style gothique. M. de Zabaleta nous a répondu qu'au
lieu de bâtir on se contentait de détruire; l'Espagne achève en ce moment son 1793 religieux.
D'ailleurs, c'est notre école impériale, gréco-romaine , qui domine encore dans ce pays; si l'on
avait argent , besoin et loisir pour y élever des éditïcos , ce sont des Madeleine et des Notre-Dame-
de-Lorette qu'on y planterait. Mais l'Espagne commence enfin à s'ébranler , et là très-prochaine-
ment, comme chez nous aujourd'hui, les architectes impériaux seront fort malmenés. (Note du
Directeur. )
TROUBADOURS ET TROUVÈRES^
Il y a des esprits que la gloire daulrui importune et qui cherchent inces-
samment à la rabaisser, à l'anéantir. Si une œuvre est réellement inatta-
quable, ces esprits mécontents ont recours au paradoxe, au sophisme, pour
prouver au moins que son mérite ne lui appartient pas ei (jue son auteur est
un plagiaire.
Les critiques qui agissent de cette sorte éprouvent une double satisfaction.
D'abord ils s'élèvent au-dessus de la foule où ils étaient confondus, en atta-
quant ce que cette foule admirait, en faisant preuve d'un caractère indépen-
dant et d'une érudition peu commune; ensuite, ils jettent le doute dans de
certains esprits sur la valeur réelle des ouvrages attaqués. Une inquiétude
toutefois devrait poursuivre ces hommes chagrins dans la réussite même de
leur entreprise : c'est la crainte de voir transporter l'admiration, que l'on
portait aux ouvrages critiqués, sur ceux qui leur sont opposés. L'espérance
de participer à cette gloire nouvellement exhumée rassure probablement ces
trouveurs d'objets perdus, car leur dépit, leur haine contre toute espèce de
supériorité, n'aurait fait que changer d'objet.
Depuis vingt ans la littérature et particulièrement la poésie française ont été
l'objet d'attaques incessantes. En vain notre langue leur doit-elle l'espèce de
prépondérance que l'Europe lui accorde, depuis vingt ans il n'est sortes
d'outrages qui ne lui aient été adressés par des écrivains français! Les au-
teurs du siècle de Louis XIV, ont été les premiers insultés; mais ce n'était
pas assez : nos vieux poètes du xii° siècle, nos trouvères bretons, champe-
1 . Nos lecteurs voudront bien se rappeler que nos études ne se bornent pas aiiv monuments ;
nous avons à cœur de faire connaître l'architecture comme la musique du moyen âge , la poésie
de nos pères comme leur peinture et leur sculpture. C'est à ce titre que l'article de M Viollet-
Leduc père trouve naturellement sa place dans les « Annales Archéologiques ». D'ailleurs il s'agit
(le réhabiliter l'art entier du moyen âge, et la poésie, qui en est une des formes les plus vives,
ne saurait être oubliée. Déjà nous en avons parlé a deux reprises, mais^nous comptons bien
y revenir tant que nous le croirons nécessaire. Il est temps que la lumière se fasse sur toutes
choses, [lyote du Directeur. )
TROUBADOIRS ET TROUVÈRES. 133
nois, picards, normands, auteurs de fabliaux, sonl à leur lour sacrifiés aux
Iroidiadours provençaux, qui, s"il faut en croire M. Fauriel, leur ont fourni
le peu li'espril ipie (|uol(jiiis ;uiiateurs de vieilleries veulent hien leur ac-
corder.
Il y a environ (luin/.e ans, (]ui', dan> un cours des litt('Matures élrant;èreè,
M. Fauriel, imbu des idées subversives de toute gloire connue, idet^s (jui
prédominaient alors, classa à sa manière nos « Epopées françaises», c'est-à-
dire, car il faut appeler les choses par leur nom, nos vieux ronians cheva-
leresques rimes. L'ordre qu'il assigna fut inventé dans le but avoué non-seu-
lement de rabaisser le mérite de ces œuvres, mais, ainsi que j'ai dit, de.
l'anéantir au profit de la littérature provençale, alors étrangère à la France,
et dans les productions de laquelle nos poêles auraient été chercher tous les
sujets et même la forme de leurs nond)reux ouvrages.
y\. Fauriel était un homme habile, savant (on ledit), parlant avec une abon-
dante facilité et une véritable élégance de style; son cours eut du retentisse-
ment auprès d'une jeunesse avide de nouveautés. Mais M. Fauriel est mort,
et ce cours serait peut-être oublié aujourd'hui, si un ami, un élève, n'a\ait
pris le soin de recueillir ses leçons et de les publier en trois volumes in-8",
tout dernièrement. Or, c'est de cette dernière |)ublication que, je prétends
m'occuper.
Toutefois, avant de commencer mon travail, j'éprouve le besoin de solliciter
l'indulgence de mes lecteurs pour le dé.sordre (jui ne peut man(puM- de s'y
faire remarquer; mais ce désordre n'est réellement pas de mon fait. Je veux
suivre pas à pas M. Fauriel; et son ouvrage, ou du moins celui que j'ai sous
les yeux, n'étant que le recueil de leçons orales dans lesquelles le professeur
revenait sans cesse sur le même sujet , le livre se trouve rempli de tant de re-
dites, de contradictions, de tâtonnements, d'explications incomplètes, promises
et devant être données plus tard , que la lecture en est fatigante et l'analyse im-
possible. Je ne fais pas un livre, ici; je n'ai i)as la ressource des têtes de cha-
pitres qui donnent au désordre une apparence d'arrangement , qui tiennent
lieu de la suite logicjue (pic l'on chercherait en vain dans l'ouvrage dont je
rends compte
Soit délautd'etenduc dans l'esprit, rétrécissement de rinlelligiiicc, je n'ai
pas la puissance d'aborder les questions nombreuses qu'endjrasse, toutes à la
fois, M. Fauriel. Je sais fort peu de choses, et, quand je p(Mise au temps et au tra-
vail que m'ont coûté le peu de connaissances (jucije |iossède, j'avoue que je ne
comprends pas assez ces esprits encyclopédiques pour les admirer : ils m'ins-
pirent même une sorte de déliance irréfléchie, et je me persuade, à tort pro-
v. 18
13i ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
bablement, qu'il n'onl pu guère qu'eineurer des surfaces sans pénétrer au
fond des choses dont ils parlent, tant ils manquent de clarté, de lucidité
pour ma faible intelligence. Je ne puis toutefois supposer à M. Fauriel la
volonté d'avoir recherché cette obscurité, douteuse et inquiétante pour l'esprit,
(jui domine toujours les assertions inouïes dont abondent ses leçons. Cepen-
dant on ne peut tolérer de pareils paradoxes,, ni laisser pénétrer dans quel-
ques esprits jeunes ou irréfléchis, peut-cire, le doute qui règne dans l'ouvrage
môme que j'entreprends de réfuter.
Selon M. Fauriel, l'ancienne littérature pro\ençale n'est pas seulement la
première, en date, des littératures de l'Europe moderne; c'est encore celle qui
a agi le plus tôt et le plus longtemps sur la ])lupart des autres, qui leur a
donné le plus de son esprit et de ses formes, et dont l'histoire tient le plus à la
leur '. Cependant, avant d'exprimer une opinion si magistralement formulée,
M. Fauriel avait dit à la page précédente : « Le champ qui m'est ouvert est
beaucoup trop vaste pour que je puisse me flatter d'en parcourir ni môme
d'en bien mesurer toute l'étendue. )) Pourquoi donc, après tant de modestie,
prononcer avec tant d'autorité? ne serait-ce pas pour se ménager un moyen
d'affirmer sans preuves?
M. Fauriel, nonobstant l'opinion des historiens ses devanciers, qui n'ont
donné à la poésie des troubadours qu'une durée de deux cent cinquante ans
environ , c'est-à-dire de la lin du xi'' siècle à la moitié du xiv% en fait remon-
ter la naissance au \m' '', époque où il suppose que l'idiome roman du midi
fut substitué au latin. (( De celte dernière langue, ajoute-t-il, et de quelques
souvenirs de la langue grecque se formèrent en outre trois langues, pariées
encore aujourd'hui dans trois parties écartées de l'Europe, l'une dans la
Basse-Bretagne et dans le pays de Galles, la seconde dans les montagnes de
l'Ecosse et dans l'intérieur de l'Irlande, la dernière dans le pays Basque. Si
les populations du midi de la Gaule ont acquis les premières plus de perfec-
tion dans leur idiome, et qu'il soit dès l'abord devenu plus capable d'expri-
mer des sentiments poétiques au-dessus de l'expression des besoins vulgaires
de la vie, c'est par une réminiscence de l'antiquité, des usages grecs et
romains et des divertissements publics auxquels ces populations proven-
çales avaient participé. »
Tout cela est possible, quoique fort douteux. La date seule de ce change-
ment de langage est incertaine, à deux ou trois siècles près; car il ne faut
pas croire qu'une langue se forme et s'adopte spontanément. Ce qu'il \ a de
'I. Histoire de la poésie provençale, préface, page vu.
2. Id., page 1.
TROUBADOURS ET TROUVÈRES. ISS-
tK'S-certain , c'est que le peuple, on France, ne parlait et ne comprenait plus
le latin dès le ix° siècle, puisque le concile de Tours, de 8115, enjoint aux évo-
ques de faire traduire leurs sermons en lan«uk kustique pour qu'ils soient
compris. 11 nous paraît indubitable, à nous, (ine les peuples du midi de la
France auront conservé le langage romain (l"a\itiint pins longtemps qu'ils
étaient voisins de TTlalie et plus identifiés à ses numirs. Que les peuples,
Armoricains, Bretons, Écossais, Irlandais, aient abandonné l'usage de la
langue latine qui leur était imposée , aussitôt après le départ des vainqueurs
qui les avaient envahis, cela se conçoit tout aussi bien. M. Fauriel nous dit
lui-même plus loin, page 1G5, « que le paganisme classique avait duré plus
longtemps dans le midi do la Gaule (pie dans le nord », et cela paraît impli-
quer qu'il en était do même du langage. Et d'ailleurs, de ce que la langue
provençale aurait été formée, fixée grammaticalement avant le- langues du
nord, en résulterait-il nécessairement que les ])roductions de cette langue ont
été connues et imitées par les Bretons et par les Ecossais?
Mais, dans toutes ces assertions de M. Fauriel, il règne une confusion ex-
trême; ainsi, après avoir dit que la fréquentation des Arabes, alors posses-
seurs de l'Espagne, avait sans aucun doute influé sur la nature, sur l'espèce
de jioomes adoptés par les troubadours provençaux, c'est-à-dire que la poésie
de ceux-ci avait été presque toujours lyrique et amoureuse, il ajoute que
leur langue possédait aussi des compositions rimées de différents genres, « ré-
miniscences des chants populaires de l'ancienne poésie grecque ou romaine.
Dos troupes de danseurs, dit-il, page 1G7, qui représentaient les chœurs
antiques, continuaient dans les temples, transformés en églises, leurs danses
accompagnées de chants et que les conciles défendaient comme païens. » Mais
M. Fauriel ne nous dit pas dans quelle langue étaient ces chants; si c'était
en lalin, en grec de Marseille, ou en langue provençale. Il nous apprend,
immédiatement après, que les troubadours composaient encore d'autres pièces
épiques, « expression originale des croyances religieuses et des traditions
lii-lori(iues. » Ces diverses assertions ne paraissent-elles pas contradictoires?
Aiii-i les troubadours auraient été inspirés à la fois par les Arabes d'Espagne
mahométans, par les Grecs et les Romains païens, et par la croyance reli-
gieuse chrétienne! Si ces poésies existaient, elles pourraient éclaircir la
question: malheureusement, elles sont perdues, sauf les poésies lyriipics
connues par les traductions de l'abbé Millol, par Raynouard et autres.
Concurremment avec ces pièces lyriques et amoureuses, toujours d'un
ton élevé et propre au divertissement des seigneurs dans leurs chAteaux ,
M. Fauriel fait remarquer « qu'il devait exister une [)oésie plus populaire,
136 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
grossière peul-étre, et c'est à cette différence que M. Fauriel attribue le mé-
pris d'abord et ensuite l'oubli dans lequel ces poésies populaires, modèles
de nos fabliaux champenois, picards et normands, dans lequel ces poésies
populaires provençales étaient tombées. » Quoi qu'il en soit, il n'en reste rien
ou presque rien, et, dans le peu que nous connaissions, il n'y a pas apparence
de narration d'un fait élevé ou vulgaire commun aux trouvères.
Avant le xi*^ siècle , de l'aveu de M. Fauriel , (( les usages provençaux
étaient inconnus dans toute la Gaule. » La langue aussi très-probablement.
Il en donne pour preuve l'espèce d'étonnement que causèrent les costumes
et les manières des seigneurs provençaux qui, vers l'an 1000, accompa-
gnèrent Constance, tille de Guillaume Taiilefer, venant en France' épouser
Robert. Il n'en soutient pas moins que, « cent ans après, la poésie provençale
était devenue celle de la Fi-ance, de l'Angleterre, de la Bohème, de la Hongrie
et qu'il n'y eut pas jusqu'à l'Islande où elle ne pénétrât. Mais, ajoute-t-il,
« je ne la suivrai pas dans ces contrées » (page 31 ); ni moi non plus.
Si M. Fauriel pouvait me répondre, je lui demanderais si Robert Wace,
auteur des romans du Brut et du Rou; si Guyot de Provins, auteur de la
Bible qui porte son nom ; si Huon de Merry, auteur des romans de 1' Anté-
christ; si les cent vingt-sept poètes cités par Fauchet et vivant avant l'an
1300, ont tous copié les provençaux? Marie de France nous avoue qu'elle
a pris tous ses sujets dans les anciens Lais bretons. Pourquoi n'aurait-elle
pas dit, avec autant de franchise, qu'elle les avait empruntés aux poètes
provençaux ?
Cependant , au dire de M. Fauriel , les provençaux avaient conservé
les usages, les divertissements (comme il s'exprime, page 175), et les idées
du paganisme, dans un temps où tout cela était déjà oublié dans la Gaule du
nord; plus la littérature provençale devait participer de ces souvenirs et
moins elle devrait être connue, appréciée et imitée des nations encore bar-
bares du nord.
Quant à l'Espagne, j'avoue que je n'en sais rien; mais elle était encore
sous la domination des Arabes ! Certes on ne peut nier l'influence de la litté-
rature provençale en Italie; seulement elle ne se fit sentir que beaucoup plus
tard.
Commençons donc par constater, d'une manière bien absolue, que jus-
qu'au XII' siècle peu de rapports s'étaient établis entre le midi et le nord de
la Gaule, séparés par la Loire bien moins que parle langage, les lois, les
usages et les mœurs; que cependant et dès lors les trouvères armoricains,
bretons, champenois, picards et normands, composaieni des ouvrages en
TROUBAnOURS ET TROUVERES. 137
langage vulgaire, des fabliaux et des poëmes de longue haleine, qui n ont
aucun point de contact avec les ouvrages des tioubadours. Le poëme d'Ogier
de Rainibert est du xr' si(''cl(\
Or cette division existait dans lafiaulc nirnic, avant l'invasion romaine,
puisque César distingue ces peu|iles en trois classes : les Aquitains, compre-
nant la Provence et le Languedoc ; les Celtes , concentrés entre la Garonne
et la Seine; les Belges, occupant l'espace conipris entre la Seine, le Khin
et les côtes de l'Océan. Strabon ajoute que les A(]uitains différaient des Gau-
lois par la langue, la ligure et les usages.
Pour(]U()i donc et coiiiment la moindre partie, si différente de ce tout , lui
aurait-elle impose sa littérature cjui lui était étrangère par la forme et par le
fond, quand ce tout avait une langue forn)ée, moins parfail(> sans doute, mais
qui suffisait à ses besoins physiques et intellectuels, et une littérature à lui,
peu élevée, barbare, je le concéderais encore, mais enfin qui était l'expres-
sion de ses pensées, de ses goûts les plus habituels.^
Les plus anciens écrits en langue provençale (pie l'on connaisse, selon
>L Fauricl lui-même (pag. 220), sontdc; la lin du x'ou du commencement du
xr siècle. Les pièces qu'il cite sont éxidemnuMit, dit-il , il'une époque encore
antérieure ; mais il ne saurait la préciser et encore bien moins le ])rouver. Ad-
mettons qu'elles soient plus anciennes de vingt ou trente ans. iM. Haynouard ,
dans le 2^ \olume du « Recueil des Troubadours », nous fait connaître en effet
une sorte de drame de la fin du x' siècle ( pag. 255), représenté pendant l'office
de la Nativité, et dans lequel est mise en scène la parabole des \ ierges sages et
des vierges folles. Ce n'est qu'une sorte de dialogue sans action entre une foule
de personnages, tels que Notre-Seigneur, un marchand d'huile, l'archange
Gabriel , Virgile, Nabuchodonosor, etc. , cl qui pourrait se réduire ou se con-
tinuer indéfiniment. (]'est un drame, par la seule raison que divers individus
y parlent tour à tour en couplets et s'y répondent. 11 n'y a aucun autre rap-
port entre cette pièce et nos mystères. Du reste, .AI. Fauriel n'y attache d'im-
portance que par sa date, par son antiquité, et il dit lui-même pag. I du
2" volume) et très-positivement » (]ue la |)oesie des troubiulonis iif ('(iniiaît
point la forme dramatique. »
y\. Fauriel cite encore ( pag. 259), en s'ap|iu\aiit de l'auloiilt' de Fau-
chât, quelques vers détachés, et les seuls que l'on connaisse, d'une légende
sur sainte Foi d'.Vgen , qu'il dit être du \u' siècle. Dans ces vers, en forme
de prologue, l'auteur on l'aclrni dii qu'il a cnlrudii liie le sujet de sa légende
à des clercs dans le livre oii se lisent lus (restes: d'où M. Fauriel conclut (]u'il
existait un ouvrage antérieur à celui-ci. Qui en doute.' .Maistiui nous dira si
138 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
cet ouvrage antérieur était en vers ou en prose , en latin ou en provençal?
Et ce qu'il y a d'étrange, c'est que Fauchet cite cette légende comme étant
écrite en langue catalane et comme imitation de la facture des vers français!
(Voy. Fauchet, préface, i)ag. G7, édition de 1581.) Voilà une singulière
autorité choisie par M. Fauriel en faveur de son système! Il cite encore plu-
sieurs légendes monacales en vers provençaux , -sans en indiquer précisément
la date, mais avec lesquelles les poésies de nos trouvères n'ont aucune res-
semblance.
Que les Sagas de l'Edda , que le |)0ëme allemand des Niehelungen aient été
traduits du latin , traduit lui-même de moines provençaux du ix° siècle , j'avoue
que, tout extraordinaire que le fait me paraisse, je n'ai l'envie, le loisir ni
les connaissances nécessaires pour réfuter les inductions , les suppositions
que commence par accumuler M. Fauriel, el qui deviennent bientôt pour lui
des réalités dont il tire ensuite des conséquences graves; par exemple, de
considérer le poëme de Valther, si peu connu, qu'on ne sait même pas dans
quelle langue il a été écrit (pag. 401 ), non-seulement comme origine et mo-
dèle des Niebelungen, mais encore comme le germe en même temps de toute
line classe de romans provençaux perdus, lesquels romans provençaux
auraient été à leur tour modèles de tous les poèmes des trouvères bretons,
picards et normands (pag. 419). Et puis, M. Fauriel part de ce principe
comme admis. Ainsi il avance, sans apparence même d'aucune preuve, que
le roman français de Guillaume-au-court-Nez n'est évidemment qu'une der-
nière amplification, faite vers la fin du xui" siècle, de chants composés dans la
Provence : mais lorsque , pour appuyer cette prétendue évidence , M. Fauriel
nous dit ( pag. 426) que celte contrée fut le théâtre de la gloire de Guillaume,
ne craint-il donc pas que l'on rétorque cette preuve contre ses propres asser-
tions, quand il vient de nous affirmer que le poëme des Niebelungen, dont
l'action se passe sur les bords du Rhin et même dans le centre de l'Allemagne,
est également traduit des troubadours aquitains?
En commençant son second volume, M. Fauriel convient, en définitive,
que (f ce n'est qu'à partir de la première moitié du xii° siècle que les produc-
tions des troubadours se présentent avec assez de suite, pour qu'il soit possible
d'en discourir dans un plan historique. » Il ne doute pas cependant qu'il n'ait
existé de ces productions, et en grand nombre, bien avant cette époque. Il
est bien le maître de le croire, quoique de son aveu toutes ses recherches ne
lui aient fourni que cinq poètes qui auraient chanté et écrit de 11 00 à 11 .")0 ;
encore M. Fauriel n'en parlc-t-il que par tradition et sans en citer autre chose
que quelques phrases du moins ancien de ces poètes. Or toutes ces pièces sont
TROUBADOURS ET TROUVÈRES. IW
lyriques, amoureuses et chevaleresques, ainsi que toutes celles (jui leur oui
succédé. Ce sont toujours des plaintes d'amour que le printemps fait éternel-
lement renaître, et dans l'ennui desquelles l'abbé Millol nous avait déjà intro-
duits. Je puis affirmer qu'aucune des pièces ra()p()rtécs par M. FauricI n'en
interrompt l'insupportable monotonie. M. FauricI nous en donne, une admi-
rable raison. Ces pièces étaient composées par de grands seii;neurs, clieva-
liers guerroyant l'été; la mauvaise saison les ramenait courbatus , fourbus;
l'hiver n'était pas trop long pour les ref<iire; le printemps, le renouveau, rani-
mait leur verve endormie, et ils chaulaient conunc le rossignol ! Or, que
chanter, si ce n'est le printemps?
Lui-même, M. Fauriel, fait remarquer (page 92) « que l'on chercherait
vainement dans ces poésies la moindre idée, le moindre tableau faux ou vrai
de la condition des habitants de la campagne, de leurs mœurs, de leurs habi-
tudes; que le monde pastoral se réduit pour chacun des troubadours à une
bergère isolée qu'ils ne mancjuent pas d'apercevoir, en chevauchant, et de
descendre près d'elle pour lui dire des choses galantes. » D'où il résulte que
si les troubadours ont trouvé des imitateurs de ce côté-ci de la Loire, ce
sont peut-être des Fontenelle du xviu" siècle ; mais, à coup sur, ce ne sont
pas des Rutebeuf du xii°. M. Fauriel donne bien aussi quelques récits d'aven-
tures, sujets de poëmes provençaux, mais avec lesquels les fabliaux de
nos trouvères n'ont point la moindre analogie. Pour croire ces liouvères
imitateurs, comme le prétend M. Fauriel, il faudrait supposer qu'ils n'ont
copié que les pièces qui se trouvent perdues; car cet amour, où les sens pré-
tendent n'avoir aucune part, ce sentiment épuré, qui est partout et tou-
jours exalté dans les poésies des troubadours provençaux, n'est certes pas
l'amour chanté, célébré, souvent sans pudeur, par les trouvères picards,
beaucoup plus positifs, moins {)oéliques sans doute, mais, osons le dire,
bien plus vrais. Un seul, le plus anciiui peut-être des troubaddwrs, Guil-
laume LK, comte de Poitiers, mort en 1 127, nous a laissé quelques chan-
sons curieuses eu ce qu'elles expriment un sentiment peu honorable, mais
naturel; c'est l'expression des regrets qu'il éprouve de quitter ses pro|)riélés,
ses plaisirs, ses habits de soie et d'hermine, pour aller visiter le tombeau de
celui A OLi l'on va ciueu mekci. Eh bien ! je soutiens qu'un trouvère français,
eùl-il pensé cela, ne l'aurait pas écrit et encore n)oins imité. Qu'il y ail
donc dans les pièces lyriques des troubadours plus de poésie, un sl\le plus
châtié, plus de politesse, d'élégance et d'harmonie que dans les petites
pièces des trouvères, je l'accorde très-volontiers; mais alors je ne vois pas en
quoi il peut y avoir analogie, et comment les uns ont pu servir de modèles
140 ANNALES ARCHÉOLOlilQl ES.
aux autres. Qu'importe l'antériorité, que l'on ne conteste point, des trouba-
dours sur les trouvères, s'ils n'avaient point ou presque point de rapports
entre eux, et si ion ne trouve chez les derniers aucune ressemblance avec
leurs devanciers? Cette manie de donner comme preuves des choses contes-
tables est poussée à un tel point chez M. Faiiriel , c[u"il prétend que les trou-
vères ont volé aux troubadours jusqu'à leur nom! Il donne hardiment le mot
de TROUBADOUR commc l'étymologie de trouvère , sans penser que si trouba-
dour lui-même vient de trobar (trouver, en provençal), trouvère vient bien
plus directement du verbe trouver en français, que du mot tioubadour.
Voilà pour la poésie lyrique.
Quant à l'épopée du moyen âge, M. Fauriel avance (p. 228, 2° vol.)
(. qu'il n'est aucune des nations de l'Europe qui ne possède des monu-
ments plus ou moins analogues à ces épopées primitives; que ces monu-
ments sont de deux espèces, les uns locaux et nationaux, connus seulement
chez chaque peuple qu'ils intéressent. )) — De ceux-là M. Fauriel a n'a rien à
dire ». — « Les autres, ajoute-t-il, sont cosmopolites, se retrouvent chez toutes
les nations de l'Europe, célèbres, populaires et comme naturalisés. Ils for-
ment comme un fonds général dont il semble que chaque peuple peut réclamer
sa part. El pourquoi, monsieur Fauriel, « n'avez -vous rien à dire? )i Parce
que vous-même trouvez ridicule de supposer qu'un trouvère normand ait été
copier chez des étrangers un fait dont il était témoin chez lui. Vous convenez
donc que ces poètes normands pouvaient chanter sans modèles. Or, pourquoi
leur refusez-vous cette faculté, quand il s'agit de célébrer un fait cosmopolite ,
comme vous le nommez? Ces faits, dont chaque peuple peut réclamer sa
part, ce sont les épopées chevaleresques de Charlemagne et de la ïable-
Ronde. Il dit plus loin (page 230) qu'un fait, qui n'est ni contestable ni
contesté, c'est que, de toutes les littératures du moyen âge, la littérature
française, dans laquelle il comprend celle des Anglo-Normands, est de beau-
coup la plus riche en romans rimes de chevalerie, et qu'il est également re-
connu que c'est du français que ces épopées ont été traduites dans toutes les
autres langues de l'Europe. Quelle gloire donc pour la littérature provençale,
si M. Fauriel parvient à prouver « que c'est cette littérature qui a fourni aux
Français l'idée et la première rédaction des épopées dont il s'agit »! et c'est
ce qu'il s'efforce de faire.
D'abord il établit que la plupart des plus importantes de ces épopées furent
composées de 11 00 à 1300, du xn" au xiv" siècle inclus, ce qui est vrai. Si
donc M. Fauriel nous met sous les yeux les mêmes sujets de poëmes , traités
antérieurement à ces époques, son procès est à peu près gagné. Examinons ,
TROUBADOURS ET TROUVÈRES. 141
et iiiin> \ ("irons i]m' , selon son lial)ilM(li', M. Fanriol ne procède jamais que
par iiiiliiclion , (|iii> par siipi)ositiiui , nu pai- intin)e conviction. On ne peut
donc lui répondre (pic de la niènie manière, de même (pic, s'il citait des
faits, on lui répondrait par d'autres laits.
Puisque M. Fauriel dit (page 263) « que le morcellement de la monarcliie
franque dans les Gaules excita une lutte assez vive pour animer la verve des
po('les provençaux », je lui demanderai pourquoi c(Mte èpO(iue iiéroïque, en
exaltant ceux-ci, aurait-elle Iroinè froides et muetli^s les populations de ce
C(jté-ci de la Loire.'
M. Fauriel revient encore (page '271 sur la différence dont l'aiiKtnr est
considéré chez ces deux nations du nord et du midi. A ce sujet , déjà traité, il
avance « que sur ce point les tiouvèn^s sont en contradiction avec les idées
et les mœurs dominantes de l'époque ». Les idées des troubadours, je l'ac-
corde; les mœurs de l'époque, on a de forl(^s raisons d'en douter. Nous
croyons les idées des troubadours plus élevées, les images des trouvères plus
réelles. 11 en est de même de leur rudesse, grossière peut-être , que ^\. Fau-
riel oppose à la politesse galante des troubadours, de la cruauté des chefs
carlovingiens, comme il les nomme, « qui rappellent, dit-il, plusieurs faits
rapjiorlés par Grégoire de Tours. Il semble, ajoute-t-il page 'i7t), ipie l'his-
toire de la barbarie a inspiré ces poi'tes!» Eh! sans doute, ils ont été inspirés
par ce qu'ils voyaient, par ce qu'ils entendaient, et non par les contes de
vos chanteurs de romances. Et M. Fauriel aime mieux reprocher à ces pauvres
trouvères d'avoir dénaturé les chants des troubadours, que de reconnaître,
dans leur diff(''reiit(^ manière de traiter les mêmes choses, uiu; preuve de leur
originalité I
L'habitude prise d'écrire ces poèmes gaulois en vers monorimes par grands
couplets n'est pas prise des Provençaux , et encore moins des Arabes que les
trouvères connaissaient peu, je suppose. C'est ainsi que procèdent et ont tou-
jours pr(Kéilé les premiers essais rimes chez chaque nation. Il faut une oreille
dt^jà accoutumée au rhythmeet à l'harmonie |)oéti(pie, pour com|)rendre l'en-
trelacement (les rimes et y être sensible. Les enfants , le peuple , se servent de
la même désinence, jusqu'à ce (ju'elle vienne à leur manquer, quand ils veu-
lent rimer. Et l'on embarrasserait fort une foule de personnes , du monde
même , en leur demandant, lorsqu'ils sortent du Ihc'àtre, si la pièce qu'ils ont
vu représenter est en vers ou en prose. Qu'on en fasse l'épreuve. Nos vers
alexandrins sont trop longs, la rime trop distante et trop souvent variée pour
(ju'on en soit frappé. On ne |)eut donc tirer du fait des vers mouorimes
aucune conséquence en faveur des Provençaux ou des Arabes.
V. 19
112 A>'NALES ARCHÉOLOGIQUES.
M. Fauriel argue de ce que plusieurs trouvères, auteurs de ces romans
rimes, annoncent avoir puisé leur sujet dans des romans plus anciens, que
ces romanciers, récolteurs de nouveaux. Gestes, n'en sont réellement pas les
auteurs. M. Fauriel voudrait bien profiter de cet aveu , pour attribuer ces
premiers romans originaux à ses chers troubadours. Mais, avant l'invention de
l'imprimerie, chacun de ces poëmes, publié à un très-petit nombre d'exem-
plaires manuscrits, et souvent même à un seul, devait être plus tard copié,
recopié, changé, amplifié, dénaturé, sans qu'il fût possible de crier au pla-
giat; car où retrouver le manuscrit original, qui habituellement ne portait pas
le nom de son auteur? Chacun alors s'attribuait la faculté de copier le même
ouvrage modifié comme il l'entendait ; il mettait sa conscience à l'abri en
disant qu'un ancien auteur avait traité le même sujet, mais que l'auteur nou-
veau était mieux informé du fait raconté. On retrouve cela partout. Pour ne
citer qu'un exemple plus moderne et bien plus connu, le « Roman de la Rose »,
tout le monde sait, et savait surtout alors, que Jean de Meun et Gaillaume
de Loris en sont les auteurs ; et cependant pourquoi, dans l'innombrable quan-
tité de manuscrits qui en existent encore, n'en est-il pas deux identiquement
semblables? C'est que chaque auteur, chaque copiste même corrigeait, aug-
mentait, retranchait à son gré et selon son goût, ce qui eut lieu jusqu'à Clé-
ment Marot quile remit en beau langage. Ainsi, quand un trouvère picard,
par exemple, dit qu'il a puisé son sujet chez nn poêle plus ancien, c'était
(^hez un autre trouvère picard, ou champenois, ou normand, ou breton, et vice
iwrsn, et non chez un troubadour provençal, dont il ne savait probablement
pas la langue.
M. Fauriel prétend, à juste titre, « que c'est toujours par des tentatives
pour perpétuer le souvenir des événements nationaux que commence une
poésie » (pag. 370). Mais pourquoi prétend-il aussi que les événements
nationaux de la Grande-Bretagne et de la Normandie, que dis-je, de l'Alle-
magne et de la Scandinavie, aient été chantés d'abord par les Provençaux?
Que 'Walther d'Aquitaine ait été célébré par des Aquitains, c'est possible;
que la fondation de l'abbaye de Conques, dans le Rouergue, ait été chantée
par un Rouergois, je ne le nie point; que l'histoire d'un chevalier de Toulouse
ait quelques rapports avec l'Odyssée d'Homère, je veux bien l'admettre, à
moins toutefois que M. Fauriel n'en veuille conclure ([ue l'Odyssée n'est
qu'une copie du provençal. Que tous ces poëmes, dont il ne reste rien cpie
([uolques fragments épars, soient antérieurs de cinquante ans, ou même plus,
aux ouvrages des trouvères, je veux bien ne pas le contester; seulement je
demanderai pouiquoi les troubadours ont cessé de faire des poëmes tout à
TROUBADOURS ET TROUVERES. U3
coup, et au moment précisément où nos trouvères commençaient à pni)liur les
leurs? c'est-à-dire au xii' siècle. Que Becliada de Tours (en Limousin, dit
M. FaurioTi ait chanté la première croisade dans un poème dont il ne reste
d'aulri's \eslieos que par Vii^eois, qui, dans sa chrunicpie, prétend « ([u'il en
a entendu parier » ; cela peut bien être. Qu'il \ ail eu enlin cent poèmes
de cette sorte, selon M. Fauriel, et tous entièrement perdus, eh bien, je le
crois. Cependant la légende de sainte Foi d'Agen, qui lait, partie de c^'s cent
poèmes, devrait m'ins|)irer quelques doutes sur la validité des autres. Mais,
enfin, tout cela prouve-l-il que nos trouvères ont été chercher les sujets de
« tous » leurs poèmes chez les Provençaux? « Personne, dit M. Fauriel, ne se
figurera que les romans des troubatlours fussent imités des romans français,
quand la langue française était totalement inconnue des po[)ulalions du midi »
( pag. 399). Mais jusqu'ici personne non plus ne s'est « figuré » que les
trouvères aient imité des poèmes dont l'existence même est encore probléma-
tique. Cependant M. Fauriel l'a fait : mais il était donné à notre siècle de
dédaigner toute opinion, et môme toute vérité, du moment (lu'elle est devenue
vulgaire. Si les populations du midi ignoraient totalement la langue du nord,
je demanderai encore pourquoi et comment la langue des Provençaux était-
elle connue des Bretons, des Anglais, des Saxons, des Danois, assez intime-
ment pour qu'ils imitassent les ouvrages des troubadours? M. Fauriel dit
ensuite, comme une chose reconnue et dont il s'appuie, « que les Français
avaient pris des Provençaux tout le système de leur poésie lyrique. » Je vou-
drais bien que l'on me citât des exemples; car, à l'exception du roi Richard-
Cœur-de-Lion, de Thibault, comte de Champagne et roi de Navarre, de
Charles, duc d'Orléans, et de deux ou trois autres grands seigneurs poètes,
il n'est pas un trouvère auquel ce reproche |)uisse s'appliquer. Est-ce à Rule-
beuf et à l'innombrable quantité des jjoi'tes bretons, picards, normands, ses
contemporains? A propos du poème de « Guillaume-au-Courl-Xez », M. Fauriel
donne pour preuve que ce roman français est pris d'un ou\ rage pro\eiiçal
antérieur; que le trouvère, auteur du poème de Guillaume, suppose « tout le
midi de la Gaule, Provence et Septimanie, occupé par les Arabes, sous hi
commandement d'un émir nonuné Thibaut, faits, ajoute-l-il, démentis par
l'histoire et indubitablement d'origine méridionale •> (pag. AU8 ). On voit
que M. Fauriel a une grande idée de la véracité méridionale. J'en ai une meil-
leure opinion, et c'est précisément parce que ces faits, qui auraient laissé
quehpie trace dans la tradition, sont démentis par l'histoire, qu'ils ne peuvent
avoir été inventés (pie ])ar un auteur étranger à ces traditions et à cette his-
toire. On est véritablement honteux de voir que la succession de ces prélen-
141 ANNALES ARCIIÉOLOGIOIES.
dues » preuves » se termine par cette phrase : ;< On voit donc , et c'est un
fait qu'il n'y a pas moyen de méconnaître, que c'est dans les contrées où les
traditions et les fictions poétiques ont eu le plus de développement cpi'il faut en
chercher le berceau » (p. 418). Prenez-garde, monsieur Fauriel , d'après cet
axiome banal , la poésie provençale elle-même aurait été chercher son berceau
chez les Arabes ou en Grèce, ou peut-être mêiïie dans l'Inde. Tout cela se dit
à propos des romans chevaleresques dont Charlemagne est le héros et dont
M. Fauriel fait arbitrairement une classe à part. Au moins ceux-ci lui donnent-
ils quelques prétextes de les attribuer originairement aux Provençaux ; les
faits d'armes les plus célébrés ayant eu pour théâtre les Pyrénées et l'Espagne ,
quoique l'action d'un grand nondire de romans, qui devraient être rangés
dans celte classe, se passe ailleurs, tels que ceux de Lyon de Bourges, de
Doon de Mayence, de Raoul de Candiray, d'Aubery le Bourguignon, de
• larin, d'Ogier, etc.; aussi M. Fauriel n'en parle-t-il point.
Les romans de la Table-Ronde, où le roi Arthus joue le principal rôle,
causent plus d'embarras à M. Fauriel, puisque l'action a lieu loin de la Pro-
vence; «maiscette difficulté, dit-il, n'est point insoluble )). Ainsi , le récit par
un trouvère d'un fait qui a eu lieu dans le midi est une preuve en faveur du
système de M. Fauriel; le récit d'un événement qui s'est passé dans le nord
n'est pas une preuve contraire. Singulière manière d'argumenter! Selon son
usage, il divise encore les romans de la Table-Ronde en deux classes. C'est
ainsi qu'un habile général cherche à disséminer les forces ennemies qu'il es-
père battre partiellement. M. Fauriel donc commence par se convaincre que
les romans de la Table-Ronde datent de 1250 environ; puis il se persuade que
vingt-cinq troubadours, ni plus ni moins, vingt-cinq « avaient fait allusion
au personnage de Tristan avant lexni° siècle » (page 433). Ce qui démontre
bien évidemment que les trouvères bretons avaient copié leurs romans sur
ceux des Provençaux, « dans la littérature desquels, avait-il avancé pag. 432,
personne n'avait eu l'idée jusqu'à lui d'en chercher l'origine; )) ce que je
crois volontiers. Or, de ces vingt-cinq troubadours, M. Fauriel n'en cite que
dix; de ces dix, une seule pièce de l'un d'eux , nommé Raimbaud d'Orange,
fait « allusion », remarquons bien le mot, au roman de Tristan. D'où M. Fau-
riel tire la conséquence indubitable » (pic ce roman de Tristan était proven-
çal et antérieur aux romans bretons. Par la même raison, continue-t-il, il
> serait facile de démontrer ([u'ily eut en provençal plusieurs autres romans
delà Table-Ronde; mais il croit pouvoir épargner au lecteur le détail de ces
preuves. » En vérité, si je ne citais les pages où se rencontrent de telles dé-
couvertes, je n'oserais les raconter, dans la crainte qu'on ne se moquât de
TROl BAPOIRS ET TROUVÈRES. 145
moi; mais chacun osl bien le maître de roconnailre (jue je cile exactement.
Quant au roman du Saint-Graal, M. Fauriel veut bien lui accorder une ori-
i;ine asialiquo. Celle idée, (jui n'est jias de lui, et que j'admets sans peine,
jjrouveiait seulement que les croisés apiiorlèieiil celle tradition en Europe.
N'y avait-il (jne des chevaliers provençaux aux croisades? l'(iiir(iM()i donc
eux seuls auraient-ils eu le priviléi;e de transmettre ces traditions aux autres
nations de l'Europe? El, |)our ne j)arler que d'un seul trouvère du nord, est-
ce que Hue ou Hui^ues, châtelain de Saint-Onier, parti pour la croisade en
1099, nommé par Baudoin prince de Tibériadc, et écrivant en Galilée le
poëme intitulé I'oroenne di; chi-vai.kkik, avait eu besoin d'un poëme proven-
çal |)Our composer le sien , ou d'un troubadour pour le lui dicter en iraulois
ou en français du temps? N'est-il donc pas plus vraisend)lable (pie chaque
croisé poote rapportait alors dans son pays les histoires cpiil avait apprises
dans ses voyages chez un peuple conteur, et que Normands , Hretons , Fla-
mands et Provençaux, je le veux bien, racontaient ces histoires à leur retour
dans leur |)atrie, chacun à sa manière et dans le langage (pii lui était propre?
Que la plupart de ces romans eussent une origine commune, c'est probable,
et personne que je sache n'a jamais pensé à le nier; mais il y a loin de là à
attribuer à des romans, encore existant en manuscrits chez tous les peuples
du nord, une origine uniquement provençale, quand ce sont précisément les
manuscrits provençaux qui mancjuent, qui n'existent plus nulle part. Et ces
romans originaux seuls sont perdus, et les petites pièces de poésie, écrites
par les troubadours, sont partout en nombre incommensurable! Comment!
ces pièces, nommées fugitives à juste titre, ont bravé les siècles, et des
poèmes de longue haleine, de vingt et de trente mille vers, auraient dis-
l»aru? Et l'on accumule en trois gros volumes in-8° des arguments comme
ceux que j'ai fait connaître pour nous faire croire de semblables choses! Je
laisse le lecteur a|)pliquer lui-même l'espèce d'épilhète que mérite une telle
|)rélenlion.
-Mais je me suis trop u\ance peut-èlie, en disani (|u'il n'cxi.ile plus de
ri)mans provençaux. M. Fauriel en cite d'abord un, inlilulc I'khaiîuas, édité
par M. Bekker, de Berlin. Malheureusement il y a aussi un roman de Féra-
bras en vers français, (pie M. Fauriel a trouvé dans un manuscrit « |)our le
moins aussi ancien que le manuscrit provençal » (tome m, pag. 3). Toute-
fois M. Fauriel, « sans avoir fait des deux romans une comparaison assez
approfondie, pour avoir le droit d'énoncer sur ce point une o|)ini()n délini-
liv^e, n'hésite pas à regarder le français comme la version, pres{|ue comme
le calque du provençal »; assertion que, suivant sa méthode, « il justiliera
14.6 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
au besoin », et qu'il jusliûe en effet, page 30, en aflirniant que le roman pro-
vençal, édité par M. Bekker, « n'est certainement |)as la première rédaction
du thème qui en fait le sujet. » C'est chez M. Fauriel « une conviction », dit-
il; notez qu'il s'agit d'un ouvrage que M. Fauriel avoue n'avoir pas attentive-
ment étudié. Or, peut-on consciencieusement partager cette conviction?
Il existe encore, selon M. Fauriel, un autre roman provençal, intitulé
'< Gérard de Roussillon». Le manuscrit est incomplet (page 37); « c'est même
moins une composition régulière que le recueil assez mal coordonné de frag-
ments de plusieurs romans. » Nous connaissons, il est vrai, au moins deux
poëmes français sur le même sujet, et M. Fauriel ne suppose point (page 6.5)
que le roman provençal soit le premier en date, mais il est « persuadé » qu'il
a été précédé de plusieurs autres. Chacun n'est pas forcé de partager celte
persuasion.
M. Fauriel cite encore plusieurs romans provençaux, dit-il, « Blandin de
Cornouailles», ((Perceval-le-Gallois», etc., qui tous sont dans les mêmes con-
ditions que ceux ci-dessus, ainsi que chacun peut facilement s'en convaincre
en lisant les trois volumes intitulés Histoire de la poésie provençale.
Il s'agit ensuite d'une histoire de la croisade contre les Albigeois, écrite en
vers provençaux par un auteur anonyme contemporain. Son récit ne com-
prend que les événements de dix années, de 1209 à 1219. Le manuscrit qui
contient cette histoire rimée est à la Bibliothèque Royale. De ce fait, que per-
sonne ne songe à nier, M. Fauriel conclut victorieusement qu'il existait des
poëmes provençaux originaux. Mais on peut lui répondre que d'abord cet
ouvrage n'est ni un poëme ni un roman (c'est le simple récit en vers d'évé-
nements historiques), et qu'ensuite on n'en connut pas de copies en français :
oi,, si les Français avaient copié tous les poëmes provençaux, pourquoi
auraient-ils négligé celui-là? Est-ce parce qu'il est ennuyeux? Cela pourrait
bien être , et cependant remai-quons que cet ouvrage en vers est le seul, ab-
solument le seul, dont l'origine provençale ne peut être contestée. J'en excepte
les petites pièces amoureuses des troubadours, traduites par l'abbé Millot,
recueillies par MM. Raynouard, de Rochegude, etc., pièces gracieuses, élé-
gantes, poéticjues même parfois, mais dont la lecture de suite est impossible.
Quant à l'imitation de ces poésies lyriques des troubadours, elle est incon-
testable, ainsi que je l'ai dit, chez quelques trouvères grands seigneurs que j'ai
cités , et en très-petit nombre. Les pièces populaires françaises de la même
époque et de celles qui l'ont immédiatement suivie n'ont, avec les poésies pro-
vençales, aucune espèce de rapport, ainsi que l'on peut s'en assurer en lisant
les unes et les autres, puisqu'elles sont imprimées. On remarquera suriout qu'il
TKOliBADOUUS ET TKOrVÈHES. 147
n'y a cliez ces tiouvères aucune trace de cel amour chevaleresque qui dis-
tingue esseiiticllciiu'iil les [loi-tes provençaux.
Enfin, car il faut en linir, M. FauricI argue de quelques mots, de quelques
locutions tirées de la langue française et trouvées dans les poésies provençales,
'< qu'il y avait un rapport fréquent entre les deux nations » (pag. 302).
Il avait dit précédenimenl le contraire (2" volume, pag. 399). Mais de ce
rapport fréquent, et de ces mots français dans les poëmes provençaux, ne
pourrait-on pas tirer la conséquence que ces poèmes, au lieu d'être des
n)odèles, ne sont au contraire que des copies? on n'enq)loie pas les expres-
sions d'une langue qui n'existe pas encore ou qui est assez pauvre pour vivre
d'aumônes et de rapines. On n'emprunte pas à ses propres voleurs.
Il est fort probable qu'on lira peu en France « l'Histoire de la poésie pro-
vençale », dans un temps où les esprits sont préoccupes de questions indus-
trielles ou [)oliti(jues, de chemins de fer et délections; sujets bien autrement
graves et positifs. Cependant ce livre peut tomber en des mains oisives, qui
certes ne prendront pas la [)eine ou le tenqis de fcuilletci- assez de volumes
pour apprécier ce que le travail fait d'après le système de M. Fauriel leur pré-
sentera d'étrange. El puis cet ouvrage, comme tous ceux de ce genre, ne
restera pas en France; les Allemands, qui lisent tout, le Hront. Ils pourront
.prendre au sérieux cette diatribe contre noire vieille littérature, puisque les
Français paraîtront ra|)prouver en n'y répondant pas. Qui sait si quelque
honnête Allemand, consciencieusement né, ne se décidera pas à apprendre
le provençal pour lire dans leur langue-mère ces poésies, dont l'inutation
s'est répandue, selon M. Fauriel, jusque dans la Scandinavie et l'Islande! Il
est de mon devoir de le prévenir que sa peine sera perdue, et qu'il ne trou-
vera en provençal (|ue de jolies romances, expression de sentiments très-
quinlessenciés , et rien autre chose. Ilélas! ce berceau de toute poésie n'est
plus, depuis le xii" siècle, qu'un triste tombeau au milieu d'une terre infé-
conde. Qu'a-t-elle donc produit , non-seulement en poètes , mais mènu' en
écrivains, qu'elle [)uisse opposer aux Normands, aux Champenois, aux Bre-
tons, aux Parisiens, c'est-à-dire à Corneille, à La Fontaine, à Molière, à Vol-
taire, à Chateaubriand? Et ne serions-nous pas en droit d'en conclure, sans
nous perdre connue M. Fauriel en suppositions plus ([ue hasardées, cpiil en
a été ainsi avant connue depuis le xii'' siècle?
MOLLI. l-Li:ULC pi le.
LE MONT ATHOS\
V^ATOPEDl.
En sortant du réfectoire, on se rend à l'église qui lui fait face, mais qui
en est séparée, à distance, par la fontaine (nnyr, ou <l>ià7.r, ). C'est là, dans
cette fontaine, qu'on faisait les ablutions pieuses ou même sacramentelles
avant de pénétrer dans le lieu saint, dans l'église. Aujourd'hui, l'ancienne
pratique s'efface et, dans la plupart des couvents, la fontaine est sans eau ;
elle ne sert même plus de bénitier dans certains monastères qui semblent
nous avoir emprunté l'usage du bénitier placé à l'entrée, mais dans l'inté-
rieur même de l'église.
Comme bâtiment, la fontaine de Vatopédi est la plus importante de toutes :
au lieu d'un seul rang circulaire de colonnes, elle en a deux, qui forment
comme un petit collatéral tout autour de ce monument rond. Toutes ces
colonnes sont neuves aujourd'hui, ainsi que leurs chapiteaux; mais les
chapiteaux anciens portaient, nous a-t-on dit, le monogramme de Manuel
Comniène, bienfaiteur de Vatopédi, monogramme que nous retrouverons ail-
leurs, et qui ressemble beaucoup à celui que nous avons vu à Constanti-
nople, gravé en relief et presque à jour, sur les chapiteaux des tribunes de
Sainte-Sophie. La coupole de la fontaine est peinte de sujets fort nombreux
et tous relatifs à la vie de saint Jean-Baptiste, le patron ordinaire, comme
nous l'avons dit, de ces petits baptistères grecs. Aux écoinçons des arcades
sont peints à fresque les prophètes, auxquels répondent, sur les archivoltes,
les douze apôtres; c'est toujours le même principe. Les apôtres, comme
les prophètes, célèbrent, sur les banderoles qu'ils tiennent à la main, la
1. Voyez les Annales Archéologiques, \o\. I, pages 29-36 et 173-179; vol. IV, pages 70-86 ,
133-147 et 223-237. — Nous avions interrompu la suite de cette exploration des couvents byzan-
tins de l'.\thos, pour faire place au voyage archéologique en Italie par M. le baron de Guilliermy ;
mais, quand M. de Guilhermy interrompra, pour une raison ou pour une autre, le dépouillement
de ses notes curieuses, nous donnerons, comme aujourd'hui, la suite de nos explorations,
jusqu'il ce que nous ayons entièrement décrit le mont .\tlios. Cette description , pour être suffi-
sante, nous demandera sans doute encore deux ou trois articles.
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K'OSSK'DN
LE MONT AT nos 119
vertu de l't'au qui puriliail dans la loi anciouiic, et qui régénère dans la loi
nouvelle. La fontaine n'est pas absolument dans l'axe de l'église et du réfec-
toire : pour laisser le passage libre do l'une à l'autre, on l'a inclinée à droite,
sur le côté méridional.
L'église principale (le KaÔoXixov) est appareillée en assises de briques,
alternant avec des assises de pierre. C'est, du reste, à l'exception de deux
grandes tours d'enceinte, qui sont complètement en pierre pour plus de soli-
dité, le système uniforme de toutes les constructions de Vatopédi. Mais, à
l'église qui est fort ancienne , l'alteinance est marquée avec moins de soin
qu'aux constructions plus récentes : les assises sont moins régulières. Des
restaurations nombreuses et d'époques diverses ont ainsi troublé la symétrie
de l'appareil. Cette église est si vieille, qu'il a fallu l'enduire partout d'un
mastic ou d'un ciment assez épais, pour engluer et retenir les briques et les
pierres qui s'échap[)aient; c'est un des plus vénérables édifices de tout le
mont Athos. La date en est incertaine, mais elle paraît remonter au delà du
xii" siècle. Ce respectable bâtiment est entouré d'orangers et de citronniers
qui l'abritent, le décorent et le parfument; on l'iionore comme une relique,
comme une image miraculeuse. Cette église est dédiée à l'Annonciation de la
Vierge, en grec, Y.û(x.'~^'tli<7ii.>j; ; elle ne déroge donc pas à la piété que l' Athos
. tout entier professe pour Marie. En plan, c'est un carré divisé en trois sur la
largeur, pour former la nef et les croisillons, en (piatre sur la longueur, pour
faire le porche, le narthex extérieur, le nartliex intérieur et l'église j)ropre-
ment dite. L'église forme une croix à branches égales : le sanctuaire est dans
la tête ou le sommet de la croix ; les chœurs des chantres, dans les deux croi-
sillons, dans les deux bras; le pied ou le bas de la croix est réservé aux
principaux moines ; les religieux inférieurs et les autres assistants se placent
dans les narthex où se font les petits offices et les dévotions privées. Ajoutez,
avec un second narthex, un porche ouvert à sainte Madeleine de Vezelay,
rétrécissez l'église entière, séparez du sanctuaire, par une clôture élevée
depuis le sol jusqu'à la voûte, la nef proprement dite, et vous aurez à peu
près le type des églises byzantines. Mais, à l'intersection de la nef, du sanc-
tuaire et des bras de la croix, s'élève une coupole, ce qui est rare chez nous ;
de plus, le sanctuaire se termine par trois absides, circulaires au dedans,
saillantes et triangulaiies au delini's, ce (pii n'y est pas non plus très-
fréquent.
Toute l'église est peinte, et, ce qui est uni(pie aiijouidluii au tnnnl Athos
qu'on a dévasté ou restauré tant de fois, on y trouve des débris de mosaï-
(jues à personnages. Sur la muraille du porche, à l'extérieur, est peint le
V. 20
150 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Jugeiuent dernier; c'est exactement la place où chez nous, dans nos cathé-
drales, est exposé le même sujet, mais sculpté au lieu d'être peint. Les
Byzantins, nous l'avons déjà fait remarquer, adorent en quelque sorte les
images, mais ils repoussent les statues. Ils perpétuent, pour ainsi dire, la
réaction déjà bien vieille contre la statuaire païenne des anciens Grecs; c'est
une révolte permanente îles fils contre les pères. Nous ne décrirons pas
le Jugement de Vatopédi; le « Manuel d'iconographie chrétienne », que la
plupart de nos abonnés et de nos lecteurs possèdent, trouveront dans cet
ouvrage, en texte et en notes , de la page 268 à la page 278, les détails cir-
constanciés du Jugement dernier, tel que les Byzantins le représentent cons-
tamment. Disons seulement qu'à cette fin du monde de Vatopédi, comme à
celle de Salamine, la terre et la mer personnifiées viennent rendre, pour le
jugement, les êtres humains qu'elles ont engloutis. La Terre, femme robuste,
est couronnée detleurs; elle tient à la main droite des branches chargées de
fruits , à la main gauche , un serpent qui rend gorge ; elle est portée par deux
lions et deux aigles. C'est, sous forme humaine, le sol chargé de fleurs et
de fruits, et habité par les animaux qui rampent, qui bondissent ou qui
volent; ces animaux rapportent au souverain Juge les hommes qu'ils ont
engloutis ou déchirés en morceaux. Quant à la Mer, c'est une fenune plus
puissante encore, portée sur deux gros poissons, aux flancs descjuels,
comme à un char, sont attachées des roues pleines, et de forme antique; elle
navigue poussée par le Zéphyr, Borée, le Ponent et le Notus '. De la main
gauche, elle tient un homme nu; de la droite, un vaisseau , spécimen des
hommes et des vaisseaux sans nombre qu'elle a engloutis, et qu'elle rapporte
à Dieu.
Ce Jugement dernier, cette fin du monde terrestre, vous donne entrée,
pour ainsi dire , dans le monde céleste , dans le paradis. A gauche de ce Ju-
gement, on voit la vie de Marie réunie à celle de Jésus-Christ. Des particu-
larités singulières, qu'on ne peut, faute de place, relater ici, distinguent de
l'iconographie latine cette curieuse iconographie grecque. Nous dirons seule-
ment que les mages, après avoir adoré l'enfant Jésus, retournent à Baby-
lone et trouvent, à l'entrée de la ville, une charmante jeune fille qui vient à
^. Zstfjfc;, B',p;»;, Hvrivizi; , No'to;. Ce Sont (les tctes ai^-es et soufflantes. Le seul Notus, vent
du sud , est imberbe et jeune; les trois autres, même le Zéphyr, est vieux et barbu. Dans les
Annales Archéologiques, vol. I, pages 36-40, nous avons donné une description et un dessin de
la personnification de l'air ou de la musique. Des quatre vents qui alimentent la musique, le seul
Zéphyr est barbu et vieux; les trois autres, IWquilon, l'Eurus et l'Auster, sont jeunes et
imberbes.
LE MOXT ATHOS. 151
leur ronconlre en leur souriant. Est-ce l'Orient personnifié qui accueille les
adorateurs, les messagers de la vérité nouvelle? Los Hyzantins affectionnent
la personnification des villes. Dans bien des miniatures grecqu(^> , on Irouxe
Bethléem et Jérusalem sous l'apparence de belles femmes antiques, luette
jeune tille serait |)eut-èlre Babylone , rajeunie par la vérité chrétienne, aspi-
rant déjà après la conversion et venant demander des nouvelles du Dieu
enfant qu'elle veut adorer. Babylone s'est con\ ertie l'une des premières au
christianisme; Abdias, un homme apostolique, l'auteur du célèbre « Combat
des apôtres », fut évêque de Babylone '. Au bas de la paroi où brillent ces
peintures et celles du Jugement dernier, on voit des figures en pied, à peu
près comme aux portails de nos cathédrales, dans l'ébrasure des portes, se
dressent des statues. Ces granth^s ligures peintes représentent des soldats; c'est
la série, mais incomplète, des soldats saints décrits dans le « Manuel d'icono-
graphie chrétienne ». Le dernier est saint Christophe, dont la vie fut à peu
près exclusivement guerrière. Au lieu de porter, comme chez nous, l'enfant
Jésus sur ses épaules, il est représenté en soldat. Mais, par une particularité
bizarre, on le figure, comme une divinité égyptienne, avec une tête de chien
ou de loup. Celui de Vatopédi est ainsi représenté. Les moines n'ont pu m'en
donner l'explication; mais ils m'ont dit (pie leurs ancêtres étant d'une crédu-
■ lité ridicule, ils avaient dû, eux moins barbares, effacer cette tète d'animal
entée sur le cor|)s d'iui saint. En effet, la tête de saint Christophe, égratignée
et lavée, ne laissait plus voir qu'une silhouette informe; les moines l'avaient
effacée, comme ils ont effacé, dans leur tableau du Jugement dernier, le
grand Beizébutli assis sur la gueule de l'enfer. Dans cet enfer, tous les diables,
qui sont à hauteur d'homme ou à portée des mains, ont été mutilés, défor-
més, effacés par ces moines rationalistes. A l'exception du saint Christophe ,
ainsi endommagé, les autres soldats, ces fiers gardiens de l'Église, sont bien
conservés.
Du porche au premier narlhex, la porte est couverte de lames de cuivre
ciselé de rinceaux, de rosaces, de palmeltes, d'entrelacs encadrés de perles.
Sur le venteau de droite, dans une petite niche en demi-trèfle aigu , la Vierge est
debout écoutant ce que lui annonce l'archange Gabriel placé de même dans
une niche trèllée, sur le venteau de gauche. L'église étant dédiée à l'Annon-
^ . Abdias citait contemporain des apôtres dont il raconte si poëliqncment les combats et le
marlyre dans VJJistoria cerlaininLs apostoloritm. Voyez ce curieux livre dans les Jpocryphes
de Fabricius. Au xiii' siècle, on [)uisa dans cet ouvrage à pleines mains pour exécuter une foule
de verrières, celles de (Chartres entre autres, et une fouie do sculptures, celles de Cliartres encore
et de Reims purticulieremenl.
152 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
ciation, la porte qui y donne entrée devait offrir ce sujet. Cette porte doit,
être fort ancienne, peut-être contemporaine des empereurs byzantins des xi'
ou xii" siècles, et cependant les arcades en ogive aiguë et trèflée, que portent
des coloni\es accouplées et nouées à mi-hauteur , ne paraissent pas remonter
au delà des xiv' ou xv" siècles. Dans les tympans des portes latérales, on
voit des restes de mosaïques anciennes; dans, celui de la porte droite, c'est
saint Nicolas en évêque; à gauche, la mosaïque disparue a fait place à une
insignifiante peinture moderne, à fresque. Cette dernière peinture, comme
celles de tout ce narthex, étaient fraîches encore, pour ainsi dire, car il y
avait à peine un an que le peintre Benjamin et ses frères venaient de les
exécuter. Nous avons lu, en effet, au-dessus de la porte, l'inscription sui-
vante en grec :
Le présent narlhex a été peint avec l'argent des Chrétiens
par la main de Benjamin et de ses propres frères du village de Galatista '
en l'année 1838 au IS de mai
Du reste, cet atelier de Benjamin, que nous avons vu en activité à Karès,
est fort médiocre, comme les peintures de Vatopédi l'attestent suffisamment.
Mais, enfin, tout cela est curieux. Ces artistes grecs, faisant de nos jours des
peintures archaïques, des œuvres byzantines, inspirent un vif intérêt.
La porte, du premier au second narthex, est peinte, sur fond d'or, de deux
grands personnages en pied : Jésus est à droite, Marie à gauche. C'est comme
aux atTreux ventaux de bois que Soufïlot a placés dans la baie centrale du
grand portail, à Notre-Dame de Paris. Une foule de sujets, qii'il serait fasti-
dieux de nommer ici, tapissent les murs, les voûtes et les deux coupoles de
ces deux narlhex. Ces peintures, retouchées par Benjamin , çà et là, sont de
1789; elles sortent du pinceau de Macarios. Au dessus de la porte qui donne
entrée dans l'église, est peinte la mort de la Vierge; une inscription déclare
que cette porte et l'église elle-même ont été historiées en 1789.
Cette église, nous l'avons dit, est Tune des plus anciennes et des plus
vénérables de l'Athos; mais, en raison même de son antiquité, elle porte
les traces de nombreuses restaurations, de trois principalement. C'est un vieil
habit qu'il a fallu réparer à plusieurs reprises. Anciennement, dans la belle
époque, au xiif siècle byzantin, l'église était couverte de mosaïques: mal
collés à la muraille, mal agglutinés entre eux, ou descellés par un incendie,
I. Le même d'où est sorti Macarios, peintre du xviii'' siècle, dont nous avons parlé dans le
vol. IV, page 237. On voit que ce petit pays était, et qu'il est toujours, fertile en artistes ; nou.s
en trouverons encore une autre preuve.
LE MONT ATHOS. 153
les petits cubes de verre à fond d'or, les petits morceaux de marbre jioly-
clirùnie se sont désaijrégés, ont (piitlo les parois el les vovites. Tombés sur
le soi, on les a balayés, et, soit pauvreté, soit caprice de mode, la mosaïque
ainsi tombée en lambeaux a été remplacée par de la peinture. Dans les nar-
tliex de l'église, on ne voit plus, en mosaïque, que deux Annonciations, Jésus
assis entre sa mère et saint Jean-Baptiste debout, enfin le saint Nicolas du
porclie. Ces mosaïques sont, connue il va sans dire, sur fond dor. Puis,
sous l'un des empereurs Andronic Comnène ou Paléologue, aux xii°, xiii° ou
xiv siècles, tant les dates sont incertaines, celte église aurait été repeinte.
On découvre, dans quelques places mieux abritées, quelques fresques pâles
de couleur, belles de disposition, graves de caractère, (jui pourraient bien
dater de ce moyen âge byzantin. On les attribue à un peintre nommé Pan-
sellinos, autre (pie celui dont parle le « (>uide de la peinture ». Ce vieux
peintre, dont on n'assigne pas l'epotpie, se serait fâché avec les moines et
aurait abandonné son œuvre qu'un autre a terminée. A la grande coupole
de l'église et aux pendentifs qui portent le dôme, apparaissent des figures
énergiques, à poses inélodramati([ues, à grands gestes, à vêtements amples,
ballonnant et comme en colère. Le peintre de 1786 et 1789, Macarios,
doit en être l'auteur; on les attribue encore à Pansellinos, mais elles sont
'extrêmement dillérentes des premières. Enfin, brochant sur le tout. Benja-
min a refait des têtes et des mains, des lambeaux de corps, quelquefois des
tableaux entiers dans l'église, les narlhex et le porche. Comme tous les ar-
tistes restaurateurs, Benjamin a mis sa médiocre, sa plate peinture en regard
des œuvres fastueuses du xviii" siècle, des œuvres belles et graves du xii",
des mosaïques puissantes et austères des ix" et x°. Voilà ce que nous avons
cru démêler dans ces travaux différents, mais assez analogues cependant
[)our (]u'il soit impossible de rien aliirmer; car, depuis le xni' siècle jusqu'à
nos jours, l'art byzantin est resté slationnaire, et l'exécution, qui jfasse de
l'excellent au bon, au médiocre, au mauvais, est la seule base sur laquelle
on puisse établir une opinion. 11 faut le dire, cependant, toutes les fois qu'on
a restauré cette église, on l'a fait avec une grande intelligence: on a gardé
les vieilles mosaïques; on a même cherché à les consolider. Plus tard, on
a respecté les peintures anciennes el fait, à cùté, des |teinluies modernes
(ju'on a lâché de raccorder. Nulle part, ailleurs, je n'ai \u celte intelligence
ni ce respect religieux. On garde avec piété, dans des armoires vitrées (pii
sont au fond du sanctuaire et dans des chapelles latérales à la tribune de
l'occident, de vifuix tableaux. Vatopédi est rcxeiiiplc du mont Athos; il
pourrait, en vertu de ce respect, nous servir de modèle en France. Aussi,
154. ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
malgré ces disparates, malgré ces remaniements divers, le catholicon de Va-
topédi est, pour une église grecque, d'un grand effet. La mosaïque du pavé,
exécutée par compartiments varies en marbres polychromes, est la plus belle
de tout l'Athos; c'est d'une chaleur de, ton et d'un caprice de forme vraiment
incomparables. Il est fâcheux qu'un incendie, attribué aux Sarrazins, aux
Turcs, ait gravement endommagé ce pavé remarquable; le feu en a fait écla-
ter la plupart des pièces. On dit que ces marbres viennent de Rome, et les
moines s'en font un sujet d'orgueil.
Comme tous les édifices réellement byzantins, le catholicon de Yatopédi
est surmonté, au centre de la croisée, d'une vaste coupole que portent quatre
colonnes de granit. Du milieu de la coupole descendent des chaînes en cuivre
qui suspendent, comme à Aix-la-Chapelle, une énorme couronne de cuivre,
couronne ardente, toute hérissée de cierges qu'on allume aux solennités.
Au milieu de cette couronne est suspendu un grand lustre en cuivre; ce
lustre , quoirpie remarquable , est d'un travail moderne et moins beau que
celui du couvent d'Ivirôn. Après le sanctuaire, où l'on sème les richesses, où
l'homme étale devant Dieu, pour lui en faire hommage, les trésors de la
création, le centre de l'église, qui surmonte la coupole, la coupole elle-même,
qui figure le ciel, sont le plus chargés d'ornements. Les plus précieux marbres
au pavé, le granit aux colonnes, le cuivre ou l'argent doré aux couronnes
ardentes, les mosaïques à fond d'or aux pendentifs et à la coupole entière.
Les mosaïques, nous l'avons dit, ont disparu, mais des peintures à fresque
les ont remplacées.
Un sujet qu'on trouve fréquemment, presque toujours à cet endroit, tapisse
la coupole entière : c'est la mystagogie ou divine liturgie. Nous avons déjà
parlé tant de fois de cet admirable sujet, et il est décrit tellement au long dans
le « Guide de la Peinture » ', qu'il est inutile d'en donner les détails. Disons
seulement qu'il se compose, à Vatopédi, de treize scènes qui s'ordonnent
ainsi, en allant d'orient au nord, à l'occident et au sud : six anges portent le
corps inanimé de Jésus-Christ; — un ange en diacre tient un chandelier et un
hexaptérige; — un chérubin, tout rouge et à trois paires d'ailes, porte un
cierge; — un ange porte un livre; — un second ange de même; — un troi-
sième ange de môme; — un ange porte la petite lance qui va servir à percer
et couper l'hostie; — un ange porte la cuillère qui doit servir à la commu-
nion ; — un ange porte le calice, et il est précédé d'un petit ange habillé en
1 . Voyez le Manuel d'iconographie chrétienne , inirotluclion , page xxvi , et pailie deuxième "
fie l'uuvrage, page 229, avec la note qui s'étend jusqu'à la page 233.
LE MONT AT II OS. 155
diacre, ijui tient un oncenï^oii- cl un ciianilclicr à trois briuiclics; — un ange
(Me (le dessus sa tcMc et dépose entre les mains de Jésus-Christ, habillé en
patriarche, le pain placé sur un plat ( une grande patène ) et couvert de Tas-
terisquc; — un polit ange marche en tète de cette procession et |)orte un en-
censoir. — Entin, à l'orient, Jésus-Christ habillé des riches vùteincnts du
patriarche, dépose sur l'autel le pain cpii va devenir son corps. Sur l'autel,
qui est paré et que couMc un baldaquin on ciboiiuMi, lu ùlcnl dcuv liunpes,
et, de plus, entre ces huupes est <lcbout un chérubin, voilé de si\ ailes, qui
tient une bougie à chaque main. Le livre des évangiles est déjà placé sur
l'autel. La mystagogie est donc la préparation de la messe (li\inc (pic ser-
vent les anges habillés en diacres ou on prêtres et que va célébicr Jésus-Christ.
La coupole repose sur quatre pendentifs où sont jjeints les évangélistes :
en avant, à lest-sud, droite du spectateur, saint .Mathieu; à lest-nord,
gauche, saint Jean ; en arrière, à droite ou sud-ouest, saint 3Iarc; à gauche
ou nord-ouest , saint Luc. C'est l'ordre qu'on suit chez nous; seulement, à
Vatopédi, la droite et la gauclie sont celles du spectateiu- et non du (Christ de
la coupole. Les évangélistes soutiennent donc cet édilice myslicpie, cette
liturgie divine, connue les colonnes de granit soiiticiuient la coupole maté-
rielle.
A l'iconostase, ou clôture du sanctuaire, est peint saint Jean-Haptiste; il
est entouré de sa légende entière, représentée par une foule de petits sujets.
Kn pendant, sur un ancien et très-remarquable tableau, est |)einte l'apothéose
de la Vierge. Au cenli(!, .Maiic; trône coinnu; une reine, et, tout à l'entour,
les prophètes, une jand)e en avant, vicMinent la saluer et lui adresser chacun
un compliment. David lui dit : « 0 jeune lille, je vous ai nonunée par
avance arche sainte, en voyant la beauté du temple! » Et ainsi des autres.
Voyez, dans le « Guide de la peinture », la description détaillée de cet
admirable sujet '.
Un des trois épitropes, ou gouverneurs du couvent, nous fit pénétrer
dans le sanctuaire, faveur que nous n'avions pas demandée et (pi'on n'ac-
corde même pas aux laïques du rit grec, encore moins à des Latins qui sont,
pour les Grecs, des scliismatiques véritables. Il faut étro religieux, et même,
4. Manuel d'iconographie chrétienne, piigi's 290-2'J.'). J'ai dit, (Jaii? la nulc I do la page 192,
.|ue le iwlaiAvs Salutations t'Iail parliculier aux (jrocs; mais, en y rogardanl bien, on le Iroiive-
rail priiicipalemenl dans les sculpluios du wiV siècle, (jul (l(*corenl les purlails do nos calliédrales
principales, (domine les légendes sont effacées, à supposer (luelles aient été peintes , il a fallu ijue
le Guide de la Peinture sint me confirmer dans une présomption que je craignais d'émettre à la
légère. Je crois maintenant (jue la présomption peut s'élever à la certitude ; nous en reparlerons
ailleurs.
156 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
suivant la rigueur de la règle, engagé dans les ordres, pour pénétrer dans le
saint des saints. On s'est départi de cette sévérité, et le but de nos études
nous fit assimiler à des prêtres grecs. Comme tous les sanctuaires byzantins,
celui de Vatopédi est étroit et court; en avant, s'élève l'autel, formé par une
épaisse tranche de marbre que portent quatre petites colonnes également en
marbre blanc.
Derrière l'autel, au fond de l'abside, se dresse un trône, une chaise de
marbre, à laquelle se rattachent, de droite et de gauche et en demi-cercle,
trois gradins de marbre. Ce trône où siégeait labbé autrefois, comme chez
nous l'évoque, c'est la Vierge qui l'occupe. On voit un grand tableau repré-
sentaut Marie en costume de reine; la Vierge est la patronne, la reine de cette
église. Sur les gradins, qu'occupaient les prêtres dans les basiliques primi-
tives, sont posés des saints en bas-reliefs, en mosaïque, et en peinture sur
bois. L'un de ces bas-reliefs est en une espèce de marbre antique verdàlre;
il représente saint Georges. Le guerrier, couvert et muni de son armure, fait
bonne garde autour de sa céleste maîtresse. On y voit un saint Jean-Chrysos-
tôme, fait en mosaïque extrêmement fine et composée de petits grains de
verre et d'ivoire. Un crucifiement et une Vierge tenant Jésus forment deux
autres petits tableaux exécutés de la même manière. Un tableau de marbre
semblable à celui du saint Georges, mais moins ancien, représente les douze
principales fêtes : Annonciation, Nativité, Purification, Baptême, Transfigu-
ration, Résurrection de Lazare, Rameaux, Crucifiement, Résurrection, Ascen-
sion , Pentecôte , Mort de la Vierge. Tous ces personnages , toutes ces fêtes
environnent le grand tableau central de la Vierge et font cercle autour d'elle,
comme autrefois, dans la primitive Église, les prêtres, les diacres, tout le
clergé faisaient cercle autour de l'évêque , placé lui-même ainsi au fond de
l'abside. Cette Vierge est miraculeuse. Jetée dans un puits du couvent, par un
moine, pour qu'elle fût dérobée aux regards et profanations des Sarrasins,
qui arrivaient sur Vatopédi, elle en fut retirée soixante ans après. Mais dans
ce puits avaient été précipités en même temps un morceau du bois de la
croix et un cierge allumé; le bois fut retrouvé intact et le cierge brûlait tou-
jours. Ce cierge brûle encore, nous l'avons vu, à côté de la sainte Vierge
dans le sanctuaire de Vatopédi. Par un ingénieux moyen , il brûle constam-
ment, nuit et jour, depuis deux ou trois cents ans, et pourra brûler éternel-
lement ainsi sans se consumer. Au-dessus de la flamme de ce cierge est
suspendu un bloc de cire; ce bloc fond à la flamme du cierge et tombe, goutte
à goutte, près de la mèche. Chaque goutte qui s'évapore est remplacée par
une goutte qui tombe de la motte de cire. C'est la motte qui se consume
LE MONT ATHOS. 157
pliilùl (1110 lo cierge; quand elle est usée, on la remplace par une autre.
Cependant le cierge Ini-niènie bnMe aussi, car la cire en fusion qui alimente
la mèche se compose de la cire du cierge et de la cire du bloc suspendu.
i\Iais chaque perle est immédiatement réparée, et le cierge est éternel; il
brûle sans se consumer. Ceci nous rappelait celte comparaison, tant affec-
tionnée par le moyen ùge : Marie restée vierge après la coiiccpliDn, et le
buisson ardent (]ui brûle et reste vert.
Rubum quem viderai .Moyses incombiislum conservaUim a;,'noviniiis tuaiii laiidabiloni virgi-
nitalcm, sancla Hci i;i>nitri\
comme il est écrit sur le tableau de la cathédrale d'Aix, attribué fausse-
ment au roi René. Reportez-vous encore aux huil vers français tissés sur une
tapisserie du xvi" siècle, qu'on voit dans la cathédrale do Reims et dont nous
avons parlé dans les « Annales archéologiques ». Il osl curieux do n>trou-
ver cette image en action au Innd d'un sanctuaire du mont Atlios. Coimno
toutes les Vierges miraculeuses, celle de N'atopcdi est vètno de riches parures;
elle est couverte d'argent doré. Une nmllilude de médailles en or, dont
quatre sont antiques et d'un haut prix, des croix en argent et en or, des
pierreries, de petits bas-reliefs tout en or et représentant la vie môme de Marie,
couvrent la tète, la poitrine , les bras et le corps de cette précieuse figure. Ce
n'est pas seulement une imago miraculeuse , mais encore, nous a-t-on assuré,
une image de saint Luc. On dit que saint Luc a d'abord peint trois grandes
Vierges, puis soixante-dix plus petites. Des trois grandes, l'une est au cou-
vent de Mégaspilœon, en Achaïe, où nous l'avons vue; la seconde, en
Chypre; la troisième, en Russie, à Moscou. Celle de Valopédi est l'une des
soixante-dix petites. Klle est fort ancienne; elle a les \eux bruns et non pas
noirs; sa figure est douce comme celle de l'enfant Jésus. C'est une assez
bonne peinture sur bois. Devant elle brûlent constanunenl , outre le cierge
immortel , sept lanqies d'argent.
On osl \rainient saisi de respect en outrant dans ce riclio ot vonorablo
sanctuaire. Outre ces tableaux el bas-reliefs, dont nous avons pai le, du nous
a fait voir encore un fort gros morceau de bois de la croix, celui (|ui fut
précipité dans le puils avec l'image de saint Luc; une partie du roseau |»lacé
entre les mains de Jésus , durant sa passion ; une cf)uiie on jaspe transparent ,
donnée par lomponMir Manuel Comnène, dont on lit le monogranuno gravé
sur le i>iod. La o(iiq)o doit être une pierre antique ; le piod, en cuivre doré,
est ancien et peut ilalcr du xu" siècle. Une croix d'orfèvrerie, ornéo d'omaux
bvzanlins qui re[>résenlenl les ap(itres, et d'anges en cuivre incrusté de
V. 21
158 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
verre bleu, est attribuée à Constantin-le-Giand. (Constantin l'aurait fait exé-
cuter sur le modèle de celle qu'il avait vue dans le ciel ; c'est avec elle qu'il
allait à la guerre et qu'il vainquit le monde païen. Entin, l'on nous montra,
avec un redoublement de respect, un ruban de fil d'argent, uni, mais bordé
d'un liseré étroit, marqué de petits losanges tissés' également en argent. Ce
ruban passe pour la ceinture de la Vierge. Nous avons accepté la tradition,
sans y opposer la moindre difficulté. A nos' yeux, tous ces tissus, tous ces
vêtements dits suaires, sainles-robes, voiles, ceintures, etc., de Jésus-Christ
et de la Vierge , sont toujours infiniment précieux, indépendamment de l'au-
thenticité qu'on peut leur accorder ou leur refuser. La discussion sur des
points de ce genre nous sendjle parfaitement oiseuse.
Voilà ce qu'on aperçoit du trésor de Vatopédi, ce qu'on en montre à tout
le monde et en tout temps; mais le trésor invisible est bien plus riche encore.
(Celui-là, nous dit le médecin autrichien réfugié dans le monastère, est rem-
pli de vases sacrés, bijoux et pierreries, tableaux, étoffes de soie et d'or,
reliques inappréciables. Il est, comme le trésor visible, dans le sanctuaire
de l'église, sous la protection de la Vierge; mais, dérobé aux regards, on
ne l'expose qu'une fois par an, alors que les pèlerins abondent dans l'Athos,
c'est-à-dire à la fin de la Semaine-Sainte. Tout le reste de l'année, il est ren-
fermé dans une niche de pierre, fermée d'une porte en fer, close elle-même
par une serrure à cinq clefs ou plutôt à cinq divisions d'une même clef. Il
faut l'assentiment et la présence des trois épitropes du couvent et de deux
autres dignitaires, pour ouvrir ce saint des saints. Trois parties de cette clef
quintuple restent à Vatopédi, entre les mains de chaque épitrope; une qua-
trième est en Russie, chez un chargé d'affaires de Vatopédi; la cinquième,
enfin , est à Bucharest, chez un évèque vatopédien , qui gère les biens que le
monastère possède en Valachie. (Jn voit que toutes les précautions sont bien
prises pour qu'on ne voie pas ce trésor; je doute même, à moins que ["effrac-
tion n'en soit possible, qu'on le voie jamais, et que les chefs de Russie et de
Bucharest reviennent annuellement et à jour fixe dans le mont Athos.
Ravis et respectueux, nous sortions de ce sanctuaire, lorsqu'on jetant les
yeux à la voiÀte, nous aperçûmes une vaste peintuie à fresque. Le tableau ,
placé à l'iconostase, où la Vierge reçoit les félicitations des prophètes, se ré-
pétait en grand à l'intrados de l'arc. Chaque prophète semble s'avancer vers
la Vierge. Quant à Marie, elle est elle-même peinte plus grande que nature au
fond de la voûte du sanctuaire. Assise sur ce ciel de l'église et tenant Jésus
entre ses bras, elle reçoit pour elle et pour son fils les salutations prophé-
tiques de l'Ancien-Testament. Nous étions entrés dans le sanctuaire par la
LE MONT ATHOS. 16§
petite ab?idr nu rliapollo du nord, (jiroii noniiiio npow-ou-î^v, ; nous en rcssor-
tons par celle du >ii(l cpii s a|)pelle Aiaxovi/.ôv, et qui, à proprciiienl parler,
est la sacristie. Nous passons dans les bras de la croix, l't nous v voxons
deux petits pupitre», nommés analooia i)ar (iuillaunio Durand, (jui a pris ce
nom aux Byzantins. Les croisillons, arrondis en abside comme ceux de notre
cathédrale de Noyon ', servent de chœur. C'est là que se placent, à droite
et à gauche, les moines chantres; les analof/ics leur servent de pupitres.
Ces pupitres sont en forme de prisme à neuf pans, on bois incrusté de nacre,
d'écaillé et d'ivoire. Celui de gauche ou du nord est ancien, du xiv' siècle
peut-être, à jour et entièrement sculpté des scènes, de la vie de la Vierge et
de Jésus-Christ. Trois sujets ornent chaque face; vingt-sept sujets on tout.
Ces sculptures ne manquent pas de caractère.
Au-dessus des narthex règne une assez grandie tribune; nous v montons
et nous trouvons près de là une assez belle bibliothètpie. Après la biblio-
thèque de Sainte-Laure, c'est la plus importante de tout le mont Alhos; le
nond)re des manuscrits , sur parchemin et papier, y est ijrohablement supé-
rieur à celui des manuscrits de Sainte-Laure, et les livres, très-proprement
rangés dans des casiers, y sont beaucoup mieux tenus. Nous reviendrons à
cet autre trésor de Vatopédi, (juand nous parlerons des bibliothèques de
l'Athos. Disons seulement qu'au nombre des livres nous avons trouvé le
suivant : « Kuchologion, sive rituale gra^cuni », par le P. Jacob Goar, frère
prêcheur, imprimé à Paris en Ki'iT, et déformai in-folio.
Enfin, à gauche et à droite lio la (libune occidentale, sont établies, poui'
les malades ou pour les habitués de la bibliothètjue, deux petites chapelles.
Celle de droite est dédiée aux archanges, celle de gauche à la Trinité. On y
voit deux peintures extrêmement anciennes, vieilles de mille ans, nous dit-
on, et qui représentent deux anges et l'évangéliste saint Luc; elles sont sur
toile collée sur bois, et le bois en est tout vermoulu.
Voilà ce qu'est la principale ('glisc, le Catholicon, d'un grand cou\cntde
lAthos; mais il y en a bien d'autres. Le seul couvent de Vatopédi renferme,
dans l'intérieur de ses murailles, dix-huit églises, chapelles et oratoires; à
l'extérieur, il en est entouré de onze autres. Dix-neuf cellules sont dissémi-
nées dans la campagne, et chacune d'elles a sa chapelle. IJiHn , dans la skite
ou village monastique de Saint-Démétrius, situé à une demi-heure du (ou-
vent qui en est propriétaire, il y a cinquante maisons, el, |)ar cousccpieul ,
cinquante oratoires, plus une église générale.
4. Ils sont, comme les trois ab.si(los du sanctuaire, iirrundis en dcduns, niais triangulaires a
l'extérieur; c'est ainsi qu'est consiruito l'abside de Saint-Quinin, à Vaison.
160 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Voici les noms des églises du dedans :
Le Catliolicon ou Evangélismos, les Archanges, la Trinité, la Vierge-Con-
seillère, Saint-Démétrius , Saint-Nicolas, Saint-André, Saint-Georges, la
Nativité de la Vierge, Saint-Chrysostôme , Saint-Jean-le-Théologos, Saint-
Thomas-l'Apôlre, les Trois-Hiérarques, les Anargyres, les Théodores, la
Sainte-Ceinture, la Transfiguration , le Prodrome (Saint-Jean-Baptiste, ou le
Précurseur).
Au dehors :
La Nativité de la mère de Dieu, Tous-les-Saints, Saint-Nicolas, les Cinq-
Martyrs, Saint-Onuphre , les Archanges, Saint-Modeste, Saint-Artémios ,
Saint-Karalarapos, Saint-Artémios (pour la seconde fois), les Saints-Apôtres,
la Nativité de la Vierge ( pour la troisième fois).
11 est inutile de nommer les dix-neuf oratoires des cellules et les cinquante
de la skite; ce sont toujours les mêmes vocables, ou à peu près. Voyez,
d'après ces noms, le caractère de la piété des moines athonites, et notez
que, sur vingt-neuf églises, Marie, outre le Calholicon, la cathédrale, pour
ainsi dire, en possède encore cinq autres, trois dédiées à sa naissance,
la quatrième à la ceinture que nous avons vue dans le trésor, la cinquième
aux bons conseils qu'elle inspire à qui vient la prier. Disons enfin que Saint-
André avoisine l'économat, Saint-Georges la cuisine; la Sainte-Ceinture est
à la porte; Saint-Nicolas protège l'arsenal; Tous-les-Saints, et de plus Saint-
Modeste et Saint-Artemios, avec les Cinq-Martyrs, sont dans les vignes. La
Transfiguration est située au sommet d'une des tours du couvent; constam-
ment elle affectionne les hauteurs. Une des trois Nativités de Marie est placée
dans l'écurie des mulets; car, au mont Athos, tout est sanctifié. La Vierge,
qui confia sa vie et celle de l'enfant Jésus à l'àne de Bethléem, à l'âne de la
fuite en Egypte, peut bien prendre sous sa protection les mulets de Vatopédi.
Ce grand nombre d'édifices religieux doit donner une haute idée de Vato-
pédi. Nous l'avons déjà reconnu : ce couvent est l'uu des grands de l' Athos,
et c'en est probablement le plus riche. Comme à une ruche trop pleine, il a
fallu trouver, pour de nouveaux essaims , une place hors du berceau monas-
tique ; autour de Vatopédi , à une distance de un ou de deux kilomètres, sont
donc disséminées douze cellules. Ces cellules, petites fermes d'exploitation ,
sont environnées de champs plantés de vignes et de noisetiers; elles appar-
tiennent aux fermiers, aux cellulaires, ainsi que les champs; mais les cellu-
laires dépendent de la métropole, du monastère. Chaque cellulaire achète au
couvent l'habitation et les champs qui en dépendent. Si le cellulaire, qui est
toujours un moine, se fait un fils adoptif, c'est ce fils qui hérite à la mort de
LE MONT ATHOS. 161
son père spirituel , sinon , tout fiiit lelour au monastère qui en dispose à son
gré. Quoique propriétaire, le fermier n'est que rusulVuiticr; car il ne peut
aliéner sa propriété; le lils a(lo|)tit' seul peut en hériter. Chaque cellule ren-
ferme deux ou trois haliilauls; le chef, prêtre ordinairement, distiiliueel
surveille les lra\ aux ; cpiaml il n'est pas engagé dans les ordres, il travaille
lui-même aux champs. Hien n'est plus curieux que ces petits ménages
d'hommes où règne une paix absolue, où l'on commence et où l'on linil la
journée en priant Dieu , en faisant ou en lisant des offices religieux. Chaque
cellule porte un nom de saint ; l'imc s'ai)pelle Sainl-Sahbas, l'autre Saint-
David ', une troisième Saint-Constantin, une quatrième le Précurseur, une
cinquième Saint-Jean-le-Théologos.
Semées çà et là sur le territoire, ces cellules sont isolées de Valopedi, à
une assez grande distance l'une de l'autre; mais on en trouve dans un seul
endroit, nommé Kolitsou ^ , sept réunies ensemble, hameau de fermiers
qui exploitent en commun une étendue considérable de terrain. Outre
ces fermes et ce hameau , Vatopédi possède un de ces [)etits villages qu'on
appelle skites au mont Athos ^. (^e village, situé à une demi-heure du
couvent, se compose de cinquante maisons; il se nomme Saint-Démétrius.
Son nom lui vient d'un saint qui se serait fait ermite et serait mort dans cet
endroit où, depuis, fut construit ce petit village. Ce saint aurait été le frère
ou le très-proche parent du grand saint Démétrius, le patron de Salonique.
De ces cinquante maisons, vingt setdement étaient habitées en 183'J. Il n'v
a que sept skites dans tout le monl Athos; la [ilus importante est celle de
Sainte-Anne, entre les couvents de Saintc-Laure et de Saint-Paul; nous en
donnons ici le dessin fac-similé, d'après une gravure que nous avons rap-
portée du mont Athos, ponr(|u'on se fasse une idée quelconcpie de ces petits
groupes d'habitations. L'église principale est au centre, un peu en avant. Les
petites maisons, dont chacune a son oratoire queitiuefois apparent, s'aniiro-
chent où s'éloignent de l'église, sans ordre régulier. Des champs, des arbres,
ou tout au moins un large passage, séparent les maisons l'une de l'autre; on
vit sur le même sol , mais chacun chez soi.
1 . Nous avons déjà reinarqné Ift goût des Byzantins pour les personnages de l'Ancien Testament •
ils canonisent Adam, Eve, Abel , Moyse, Aaron, Abraham, .Mclcliisédecti , Jacob, David, Salo-
mon, etc., et les invoquent dans leurs Litanies, en les qualiliant du titre de saint. Chez nous,
surtout a partir du xiii' siècle, la qualité de saint n'est donnée, a peu d'exceptions prés, (pi'au.\
personnaL'CS postérieurs a .lésus-Cluist.
2. Peut-être de xo>J.r.To; , collé , soudé; lieu ou «ont groupées plusieurs habitations.
3. Ce nom doit venir de Scétù , cette partie de I Egypte habitée autrefois et culli\ee pur les
moines copies.
162
ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
SKITE PE SilNTE-ANNE, AU MO>T AT 11 OS
Près du monastère de Xiropotamou , Vatopédi possède une petite île que
lui a donnée Andionic II Paléologue. Cet empereur se fit moine à Vatopédi où
il finit ses jours, en 1332. Pour remercier ses frères des soins dont ils avaient
adouci ses derniers instants, il leur donna cette petite île. Aujourd'hui, un
moine vatopédien , qui commande à un certain nombre d'ouvriers, cultive
cette île au milieu de laquelle s'élève un métochi ou prieuré. Théodose-le-
Grand avait déjà donné de grands biens à Vatopédi ; il lui avait fait don de
propriétés situées à Rome même, et l'on nous a montré un chrysobole parafé,
dit-on, de sa main, où cette donation est consignée. Vatopédi voudrait bien
intenter un procès à Rome pour rentrer dans ces propriétés impériales; mais
il y a prescription, et Rome ne peut pas céder ce qu'elle tient. Les moines
nous ayant consultés à ce sujet, nous leur avons conseillé de rester en repos.
Une belle , bonne et sûre propriété qu'ils possèdent est en Valachie , près
de Bucharest; elle est administrée par un évoque Aatopédien, celui-là même
qui possède une des cinq clefs du trésor.
De tous les couvents de l'Atlios, Vatopédi est le mieux tenu en dedans, le
mieux situé en dehors; le plus planté d'orangers à l'intérieur, d'oliviers à
l'extérieur. Polis comme des gens bien élevés, instruits et riches, les moines
vatopédiens nous ont fait un accueil vraiment cordial; ceux de Sainle-Laure
et de Chilandari, deux couvents riches également, ont seuls rivalisé de poli-
tesse avec leurs frères. Le secrétaire de Karès, le caloière le plus instruit de
l'Athos, est de Vatopédi ; on sent qu'il a eu constamment à sa disposition
la bibiiotiièque la mieux tenue de la péninsule sacrée. Gardé par Siménou,
Vatopédi peut adoucir la rigueur de la consigne ; les moines y sont sévères
pour eux, mais ils permettent l'entrée de la viande dans le monastère, et non-
seulement les étrangers comme nous, mais encore le vieux médecin de Bu-
charest en trouvent sur leur table. Ces religieux ne mangent jamais de
LE MONT AT nos. 163
vi;iii(li', jeûnent un jdiir mit deux, se relèveiU la niiil |i(iiii inicr, s'cxlénuciil
de l'aligne le jour; néanmoins, gens sensés, ils ne cliorclicnl pas innlilcinml
à faire pAtir leur corps. Ainsi les muletiers, les forgerons, les ouvriers de gros
travaux logent, avec leurs écuries, leurs forges, leurs ateliers, liors du cou-
vent. C'est une sorte de conl'ortahle anglais, (|ui delcnd d'introduire dans
riiùtel tout ce qui fait du bruit ou sent mauvais.
Quanta la population de Valo|HHli, ou n'a pu ou \(iulu nous lenseiimer
positivement à cet égard. On s'est contenté dts nous dire que cent cinquante
moines ujangeaient au couvent, et que cpiarante d'entre eux étaient chargés
des champs, des vignes, des noisetiers, des hdis. Il est évident que ce nombre
est au-dessous de la réalité, car les cin(|uanl(^ mulets accusent une popula-
tion considérable d'ouvriers. .Mais, au mont .Vtlios, c'est un svstcme;on ne
déclare (pie le quart, que le sixième des habitants, pour avoir moins d'argent
à donner au sultan, qui , entre autres impôts, s'en fait pa\er un de capitalion.
Ce qui précède sutlira, nous le pensons, pour donner une idée d'un uvimA
couvent aghiorite. Toutefois, comme des (expressions peuvent dépasser ou
ne pas atteindre la réalité, nous avons jugé utile de mettre sous les yeux de
nos lecteurs le fac-similé d'une gravure rapportée par nous du mont Alhos.
La représentation de Vatop('di était incomplète dans nos gravures; nous avons
, préféré donner un autre couvent, celui de Rùssicon, où l'on verra mieux dif-
férents détails. Plus lard, quand nous serons arrivfis à ce monastère, nous
pourrons le décrire en détail; contentons-nous aujourd'hui de (piehpies obser-
vations. Remarquons, avant tout, (pie celte gravure est une copie et qu'elle
reproduit les singularités de perspective, les gaucheries de dessin, les faus-
setés de lumière et d'ombre de l'original.
Au centre du couvent, le catholicon (-0 y.aOo).i/'.ôv ) à croisillons et absides
triangulaires, à coupoles nombreuses. En face, le réfectoire (/, Tpa7::;al, à
croisillons triangulaires également. Le clocher carré domine le réfectoire.
Entre ce réfectoire est l'église; mais, sur le C(jlé gauche, la fontaine •/, fiHx)
à jour et circulaire. Plus au nord de l'église, et non pas au-dessus de la tri-
bune occidentale, comme à Siménou et Vatopédi, la bibliotliè(|ue ( r, (y.(y)Mfi-n-A-f,),
petit bâtiment carré. Pour alimenter le réfectoire, comme la bibliolhè(iue ali-
mente l'L'glise, en quelque sorte, la cuisine circidaire fj^ayetpeiov) et le fourneau
(^oùpvo;j. Les logements des moines s'appuient contre les murs dt; cl(')tuie du
couvent. Ces murs sont crénelés et percés de meurtrières rondes. .Vu nord,
s'élève la tour par excellence (ô iji-pyoç), qui est hexagonale, crénelée, armée
de mâchicoulis. Plusieurs oratoires: Notre-Dame (vi llavayia), Saint-Nicolas
{k-(i% Nix'jAaoîy, Saint-Charalanq)os (Ayio; Xapà>a|iro;), le Précuifeur (o Ilfo-
16'^ ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
5po[Ao;), les Archanges (À.p)càyy£)ioO, protègent le couvent de leur puissance
spirituelle comme la tour de sa force matérielle. Notre-Dame est, après le
catholicon, le plus grand édifice ; elle sert aux offices de tous les jours, et le
catholicon à ceux du dimanche. Les autres sont ces chapelles intérieures dont
nous avons compté dix-huit à Vatopédi. Ce sont des oratoires. 11 ne faudrait
pas, en effet, que ce mot d'église et même de chapelle induisît en erreur. En
Grèce , tout est microscopique : ce qu'on y appelle cathédrale serait une pa-
roisse de petit village en France ; ce qu'on y appelle église ferait difficilement
une chapelle chez nous. Tout y descend, non-seulement d'un degré, mais de
plusieurs. Ainsi , le catholicon de Vatopédi ne peut i)as même contenir les
cent cinquante moines du couvent. Le jour des Anargyres, fête assez impor-
tante et qui appelle à peu près tous les religieux, nous en vîmes un bon tiers
assister aux offices hors de l'église, l'intérieur étant trop petit pour les rece-
voir. C'en est si bien l'habitude, que les moines, en descendant de leurs cel-
lules, apportent avec eux de grands bâtons à sommet recourbé et sur lequel
ils s'appuient pour se reposer pendant les cérémonies. Ces bâtons s'appellent
des réclinatoires ; ils font en quelque sorte l'office de stalle. Oh conçoit alors
qu'un couvent connne Vatopédi puisse renfermer au dedans de ses murs et
posséder au dehors toutes les églises et chapelles que nous avons énumérées.
A l'extérieur de Rôssicon, nous voyons, au nord, le moulin (6 ijijXo;); à
l'est, la cellule de Saint-Démétrius (xâllwv icytou \r,jj.i~^wj), des cabanes et le
cimetière (to y.otp,Tr,piov), au milieu duquel s'élèvent la coupole de la chapelle
funéraire et un cyprès. Au sud, près de la mer, l'arsenal (ô apcavàç); le
jardin (ôx-?,tto;), où un moine bêche les carrés de légumes; la fontaine d'eau
douce (r, êpùci;). C'est dans le tlanc méridional que s'ouvre la grande entrée,
la porte du couvent (r, ivôpTa). Sur la mer flottent quelques barques et petits
vaisseaux montés par des moines, pavoises de la croix du mont Athos. Enfin,
à l'ouest, la cellule de Tous-les-Saints(AYi.oi-nxvT£;).
Une fort curieuse procession sort du couvent au son d'une clochette
que tire un caloière dans le grand campanile du réfectoire. IMais cette
clochette est, pour les moines aghiorites, d'usage moderne; les anciennes
cloches de l' Athos et de la Grèce entière sont ces timbres de bois, ces
planches frappées par un marteau, comme celle que frappe le moine qui
précède la procession de Rôssicon. Après lui s'avancent les deux porte-ban-
nières; puis quatre prêtres en chasuble ; puis, deux diacres encensoir en main,
avec l'étole en sautoir sur l'épaule; puis l'abbé en chape, tenant à la main la
crosse byzantine à double serpent ; puis deux officiants exposant à la véné-
ration l'image peinte du patron de Rôssicon. Ce patron est saint Pantéléemon,
I.E MONT AT nos. 165
jeune el grand martyr, (lui l'ut inedocin. Nous le voyons on tôle de la sravure,
entre ScarlatosCallinuuiue, t'oudatour, et saint Sabbas, premier ahlx' du mo-
nastère. Saint Pantéléemon tient à la main dioitc une spatule, pour ex-
traire et appliquer les médicaments renfermés dans le colVret qu'il soutient de
la main gauche. Deux moines abritent, avec im dais ou une sorte de parasol ',
l'image (]u"on porte en trioinplie. Un moine on chasuble ferme la procession,
à laquelle assistent encore trois religieux. Les moindres détails de cette gra-
vure ont mi intérêt véritable, et nous engageons nos lecteurs à les étudier
avec soin ; ils serviront, d'ailleurs, à préciser tout ce (pie nous pourrons dire
encore sur les couvents du mont Athos.
DIDIiON.
1. Les anciens dais, antérieurs au xiv siècle, devaient avoir à peu prés celle forme. A partir
du XIV siècle, on les a posés sur deux ou quatre bâtons et on les a fait carrés; mais les pentes,
souples et mobiles jusqu'à cette époque , devinrent , à partir du xvii'^ siècle , rigides comme du bois.
C'est alors qu'il a fallu renverser les trumeaux de nos églises qui ne permettaient plus à ce dais,
raide comme la perruque de Louis XIV, de passer dans toute sa majesté. Pourra-t-on revenir a
l'ancienne forme du dais"? Nous le désirons, sans l'espérer.
22
ESSAI
SUR LE CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
REPONSE AUX PRÉCÉDENTES NOTES DU DIRECTEUR'.
J'a\ais envoyé à M. Didron iine note assez détaillée, en réponse à celle
qu'il avait écrite au bas de mon second article sur le chant ecclésiastique.
Cette note n'ayant pu être insérée dans la livraison d'août, dont le tirage s'est
effectué beaucoup plus tôt que celui des livraisons précédentes, force a été
de la renvoyer au numéro de septembre et de la joindre à la réponse que
devaient nécessairement provoquer les nouvelles et nombreuses notes dont
M. le directeur a accompagné mon troisième article du mois d'août.
Painii les diverses observations que je me vois obligé de faire sur les notes
dont il s'agit, il en est de générales, il en est de particulières. C'est aussi
l'ordre que je suivrai dans ma réponse.
Je me permettrai d'abord de faire remarquer l'inconvénient delà fréquence
de ces notes, qui vieiment à chaque instant couper le texte et détourner l'at-
lention du lecteur, surtout lorsqu'elles soulèvent indistinctement toutes
sortes de questions, qui, pour être suffisamment développées, auraient
besoin, non de quelques pages, mais de plusieurs volumes. Cet inconvénient
est plus sensible encore dans un travail de longue haleine, comme celui que
j'ai entrepris. Dans ces sortes de travaux , l'auteur devant s'astreindre rigou-
reusement à son programme, ne saurait trop soigneusement éviter les débats
hors d'œuvre, les discussions anticipées. Esclave de l'ordre qu'il s'est lui-
même prescrit, il se trouve jiarfois dans le cas de toucher à certaines ques-
tions qui s'en écartent; il doit ne les traiter qu'incidemment, en prévenant
le lecteur, comme je lai fait jusqu'ici, (|u'elles seront discutées à fond, en
leur lieu. ]\Iais si, à chaque pas, on l'arrête pour lui proposer de vider tantôt
une question, tantôt une autre, on l'expose à traiter au commencement ce
(jui était réservé pour la fin, et réciproquement, à tirer les conséquences
1. Voir les ./««afe Jrcliéoloijiques , \o\. V, pages 17-18, 77-79, 81-82, 83 et 85.
ESSAI SUR LE CHANT KCCrÉSIASTIOrE. 107
avant d'avoir établi les principes; on l'exposo, en nn mot, à bouleverser
toute l'économie (le son travail, c'est-à-dire, à le rendre impossible. Ainsi,
par exemple, à la suite du passage de l'abbé Baini, j'avais été amené natu-
rellement à faire des réflexions sur la décadence du chant au xiii" siècle, et sur
les croisades envisagées comme une des principales causes de cette déca-
dence, me réservant, bien entendu, d'appuyer cette thèse de preuves et de
documents incontestables, lorsque je serais arrivé à celle période du moven
âge, qui, du reste, a eu son très-beau côté, môme sous le rapport du chant
liturgique. Mais, constamment préoccupé de son idée favorite du parallé-
lisme de la musique et de l'arcliilecture sacrées, M. Didron m'arrête au pas-
sage, et me prie de lui prouver mes dirrs en due et bonne forme. Or, je le
demande , puis je raisonnablement , au point où je me trouve de mon Essai ,
c'est-à-dire au vu' siècle, établir une disserlalion en règle sur la décadence
du chant au xiif siècle? Puis-je, sans intervertir com|)létemont mon pro-
gramme, sans jeter une véritable perturbation dans mon travail, satisfaire à
de telles exigences? M. Didron cite à cette occasion le Laucla , Sioii, salra-
torem. Eh bien, il ne dépendrait que de moi d'écrire à l'instant même
quatre ou cinq bonnes pages d'une analyse que j'ai faite de ce chcf-d'(ru\ re
du chant catholique, que je considère sous ses divers aspects, quoiqu'il ne
soit pas exempt de crili(]ue. Mais je remets cette analyse en son tcm|)s, afin
d'éviter cet inconvénient des ([ueslions anticipées qu(! je relève dans ce
moment.
Autre observation générale. — M. Diilron , dan> ses nombreuses con)pa-
raisons tirées de l'architecture , discute mes opinions, comme si , en fait d'ar-
chéologie, j'étais encore quelque peu arriéré. Je suis bien aise qu'il m'ait
rais dans le cas de faire ma profession de foi, à cet endroit, et de m'en expli-
quer succinctement. En archéologie, je partage la plupart des idées de
M. Didron. Comme lui, je pense qu'on a généralement beaucoup trop ac-
cordé au paganisme dans son influence sur l'art chrétien, quoiipie je sois
loin de rejeter cette influence réduite à ses justes limites, ("omme lui, je pense
qu'on a fait trop d'honneur aux croisades, en leur attribuant l'origine du
style ogival, opinion, du rest(>, qui a déjà vieilli, et f|ui n'a jilus (pi'un
fort petit nombre d'adhérents. (]omme lui, je proteste depuis longtemps, do
vive voix et par écrit, contre ces pri'jugés académifpics (|ui ne voient, en
fait de plastique, de beau suprême que chez lestlrecs, et réservc^nt un su-
perbe dédain pour nos magni(i(pics types d'architecture et de sculpture chré-
tiennes, que nos « illustres » ne prirent jamais la peine d'étiulier. Comme lui,
je me récrie depuis longtemps contre ces imitations maladroites et impar-
168 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
faites, d'ailleurs, de monuments antiques qui furent érigés pour un autre
culte et pour un autre climat que les nôtres. Sur ces diverses matières et sur
la musique sacrée, j'entends tous les jours proclamer comme neuves et très-
avancees, des opinions que j'ai émises, par la voie de la presse, il y a
(luelque dixaine d'années, dans des articles qui portent leur date. Relative-
ment à ces divers points et à beaucoup d'autres, je partage les doctrines du
savant directeur des « Annales », et je m'honore d'appartenir à son école,
pleine d'avenir. Mais il est des questionssur lesquelles je ne suis pas entière-
ment de son avis; et même, à l'égard de quelques-unes, je suis en complète
dissidence avec lui. Ceci me conduit aux observations particulières que j'ai
à faire sur la plupart des notes dont il a accompagné mes deux derniers
articles. L'avant-deruier n'eu contient qu'une seule, c'est par celle-là que
nous commencerons.
Autant pour éviter des développements sans fin que pour rester dans la
spécialité de mon sujet, j'omets la première partie de cette note, qui a trait
à la question si difficile et si compliquée des origines de la peinture et de
l'architecture chrétiennes, bien que j'en aie fait une élude sérieuse dans les
ouvrages et les monuments qui s'y rattachent. J'aborde immédiatement la
question du chant religieux , en reproduisant le texte de M. Didron ; « Dès
le principe, dit-il, la musique chrétienne a dû être originale. C'est par pure
hypothèse qu'on dit que le chant ecclésiastique sort du système musical des
Grecs; car, de l'aveu des plus sa\ ants, des plus graves historiens de la mu-
sique, et M. l'abbé Jouve vient de nous le dire, on ne sait pas encore, on ne
saura peut-être jamais ([uel a été le système musical des anciens. Il est donc
impossible de comparer avec l'inconnu notre chant chrétien, et de dire qu'il
descend, même en ligne collatérale, de cet inconnu. Quant à moi, mais par
comparaison avec les autres arts, je crois fermement que le système musical
chrétien est aussi original, aussi propre au christianisme que lui sont propres
son architecture, sa sculpture, sa peinture sur verre, ses mosaïques, etc. »
Dans ces assertions diverses de M. Didron, il y a des points incontesta-
bles, à mon avis, et que je m'abstiens, par conséquent, de faire ressortir,
])uisqu'ils ne sauraient fournir la moindre matière à discussion entre nous
deux. Mais il en est de douteux; il en est même d'inadmisibles, puisqu'ils ne
reposent sur rien. De ceux-là seuls je dois m'occuper.
Que le christianisme puisse trouver dans ses propres inspirations les élé-
ments de son art, c'est une vérité incontestable à laquelle j'ai rendu hom-
mage maintes fois , et notamment en affirmant naguère que plusieurs des
auteurs de nos antiques mélodies créèrent, sans aucun secours étranger, des
ESSAF SIU l.E CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 169
chaulé dignes de la majesU' du lullr divin. Mais j'assignai en iiicMue lenips,
et pour cause, au cliant religieux, deux autres oriiiines que celle de l'inspira-
tion personnelle, Tune Jiébraupie, et l'autre ijrecque. Je ne parlerai que de
cette dernière, |)uis(iue celle-là seule est en litii;e. (x)innien(.'ons d'aljord ])ar
établir la question sur son vérilable terrain , |)ar la distinction nécessaire que
voici. Autre chose est d'attribuer à la mélopée grecque une inlluence exclu-
sive, absolue sur léchant grégorien; aulre chose est de lui attribuer une
inlluence indirecte, relative, plus ou moins sensible. Pour démontrer la pre-
mière, il faudrait avoir sur la constitution de la musi(|ue grecque des don-
nées sûres, précises, conq)lèles , qui nous mancpieul ; mais nous en avons
assez, tout imparfaites qu'elles sont, pour prouver la dcrnièie de ces
iniluences, et pour afiirmer que la mélopée grectpie a eu une part réelle,
quelle qu'en soit la mesure, à la l'Drmalinn du plain-iliant calliolique. Ici
nous ne procédons pas de l'inconnu, mais de rim|)arfailement connu , ce
qui n'est pas la même chose; nous iirocedons de l'imparfaitemenl connu au
plus imparfaitement connu, puis(]ue, sans la masse des témoignages qui éta-
blissent l'inlluence relative de la mélopée grecque sur la constitution du
plain-chant, l'origine de ce plain-chant serait encore plus obscure qu'elle ne
l'est aujourd'hui. Kn effet, d'une part, une longue série d'écrivains, depuis
les premiers pères jusqu'aux auteurs de ce dernier siècle (série dont la seule
nomenclature excéderait de beaucoup les lin)ites de cette réponse), nous
attestent positivement la [)art plus ou moins giande, mais réelle, qui revient
à la mélopée grcccjue dans la constitution du chant ecclésiastique par saint
Grégoire et saint Ambroisc; d'un autre côté, les huit tons ecclésiastiques qui
nous sont restés intacts, de ces temps reculés, ont avec la mélopée grecque,
telle que nous la connaissons j)ar les documents écrits et notés des écrivains
de cette nation, qui sont |)arvenus jusqu'à nous, des rapports si frappants,
que l'incrédulité la plus décidée ne saurait la nier. Cela établi, je conclus de
cette masse imposante de témoignages et d'autorités, non que la musique
des Grecs nous est parfaitement connue, mais que nous en savons assez pour
lui reconnaître une inlluence quelconque sur lii lomialion des tons ecclésias-
tiques, surtout lorsque cette influence est attestée par I autorité inq)Osanle de
la tradition. Maintenant que j'ai indiiiué mes preuves, je m'adresserai à
mon tour à M. Didron , et lui dirai : Indiiiucz aussi les autorités (|ui justi-
fient votre assertion; car ici il s'agit d'un l'ait. Celui que vous voulez établir
a encore plus besoin de preuves, |)uisqu'il est absolu, puisque vous niez
loifle inlluence étrangère sur la constitution du plain-chant, tandis cpie j'en
admets une, mais seulement relative. Prouvez-nous donc, par un certain
170 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
nombre de tlncinnents authentiques, et qui remontent surtout aux premiers
siècles, (jue le chant ecclésiastique s'est formé tout seul ; qu'il n'a eu, dans le
principe, aucune espèce de rapports avec les systèmes musicaux en vigueur.
Prouvez ensuite, car il faut que vous alliez jusque là , prouvez ensuite que
les nombreuses et graves autorités, que je viens de citer à l'appui de
mon opinion, sont apocryphes ou de nulle valeur. Quand vous serez venu à
bout d'un si rude labeur, je me rangerai sans peine à votre sentiment. Vous
dites que la religion, qui a créé l'orgue et le faux bourdon, était assez riche
pour faire sortir tout, même à son aurore, de ses propres entrailles. J'ad-
mets le principe, bien que vous l'énonciez d'une manière qui prêterait à plus
d'une explication; j'admets le principe, mais le fait, encore une fois, où en
sont les preuves? Je voudrais bien connaître cet homme ou ces hommes pri-
vilégiés qui créèrent tout d'un coup un système complet de chant ecclésias-
tique. Comment se fait-il qu'aucun des écrivains contemporains des i)ères de
l'Église n'en ait dit un mot? Comment se fait-il que l'histoire, qui nous a
transmis sur celle matière les détails les plus minutieux, et jus([u'aux noms
et propriétés diverses des modes grecs, ne nous ait pas transmis le moindre
document sur cette constitution, improvisée « à priori », de tout un système
de chant liturgique? C'est qu'un tel phénomène n'a jamais pu avoir lieu.
Nous savons, en effet, que jamais, chez aucun peuple, un art quelconque
n'a été improvisé. Sans doute l'homme a reçu, dans l'origine des choses,
une civilisation toute formée, des mains de son Créateur. Mais ses descen-
dants ont conservé plus ou moins Bdèlement ce précieux dépôt. Des pério-
des de siècles se sont écoulés depuis ces temps primitifs jusqu'aux temps
historiques. Que voyons-nous alors? Les nations les plus renommées dans les
arts débutent par une impulsion étrangère qui leur sert comme de point de
départ, et n'arrivent à la perfection qu'après des essais et des tâtonnements
divers. Sans doute, un tel sujet comporterait un volume d'explications et de
distinctions. Dans cette circonstance , il nous suftit de le considérer sous son
point de vue le plus simple; l'humanité est trop imparfaite pour avoir jamais
• pu s'élever instantanément à la perfection. Direz-vous qu'il en était autre-
ment pour les premiers chrétiens, à cause de leur supériorité morale sur les
autres peuples? Cette supériorité morale, je la comprends très-bien, si l'on
veut parler du cachet inimitable de beauté mystique, surnaturelle, qu'ils
imprimèrent à leurs nombreux chefs-d'œuvre ; mais je ne saurais l'admettre
qu'avec de justes restrictions, lors([u'il s'agit de créer soudainement un vaste
et régulier ensemble d'e>sthétique chrétienne. Voilà pourquoi je reconnais,
d'après les monuments primitifs (|ui existent encore à Home, et d'après les
ESSAI SUR LE CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 171
grandes publications d'Aringhi, de Hosio, de Raoul Rochelle, etc., auxquels
ils oui donné lieu, que les premiers artistes païens empruntèrent au paj^a-
nisme plusieurs de ses types, pour les transformer ensuite, et en queUjue sorte
les diviniser. Je dis seulement plusieurs types, parce (pi'ils en créèrent eux-
mêmes successivement beaucoup (Taiilrcs, dont loii( llionneur doit par
conséquent leur revenir.
Dans la liviaison d août, note de la paije 77, .M. Didron revient à son idée
favorite du parallélisme de l'architeclure et du chant catholique dans leur
marche respective. Ceci est sans doule ingénieux, mais a besoin de bonnes
preuves. On ne saurait trop se tenir en garde contre ces systèmes conçus à
priori, qui séduisent par leur harmonie, mais (pie viennent souvent déran-
ger les faits et les lénu)ignages liislori(pies. 31. Didron, (pii se montre si dif-
ficile à l'endroit des preuv(;s, oublie (ju il lui arrive i)arfois d'affirmer avec
assurance, sans |)roduire la moindre autorité, même lorsqu'il s'agit de cer-
taines questions capitales, débattues entre des hommes spéciaux (pii ont
consacré toute une vie à l'étude et à la solution de ces grands prol)lèmes.
Celle réflexion nous est suggérée par la note (pii \a nous occuper, et qui a
pour objet le parallélisme musical et architectural dont nous parlions tout à
l'heure.
Je n'hésite pas à aftirmcr que ce |)arallélisme est une chimère. D'abord je
ferai remarquer, à litre d'observation préjudicielle, que mon « Essai sur le
chant » n'embrassant pas seulement la France, mais encore les autres nations
chrétiennes en général, M. Didron devrait, pour jirouver sa thèse, faire
marcher de front les autres églises, ou tout au moins celles d'Italie et de
France, et prouver que, dans ces deux contrées, on a pu, pendant une
certaine série de siècles, remarquer la particularité sur huinrllo il insiste
avec tant de complaisance. Mais il sait très-bien que les transformations
architecturales s'étanl effectuées en Italie à d'autres époques et sous d'autres
conditions qu'en France, on ne peut établir entre les deux pa\s un parallé-
lisme de ce genre. Mais au moins pourrait-on le démontrer pour la France
seulement'.^ Je réponds que non. Ici, ce qui m'embarrasse, c'est l'abondance
des preuves et des documents. (Juand on ne voudrait (pie les énumérer, ce
serait inqiossible, eu égard aux limites qui me sont nécessairement imposées
parla nature de cet écrit. D'ailleurs, j'aurais besoin de je ne sais combien
de planches de musique pour traiter celle question convenablement, et, au
lieu d'une note, je composerais un traité. Force m'est donc d'ajourn(!r la dis-
cussion de ces documents aux divers(is époques auxquelles ils se rattachenl.
Pour le moment, il me suffira d'insister sur le fait capital que j'ai déjà
172 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
signalé, à savoir, que, plus on remonte aux vénérables sources de l'anti-
quité, plus on y découvre des chants purs et mélodieux. Si j'avais l'avantage
d'habiter la même ville que M. Didron, je lui ferais toucher cette vérité au
doigt par l'exhibition comparative et une discussion sérieuse de bon nombre
de pièces authentiques de plain-chant. Par le même moyen , je lui démontre-
rais la valeur de mon assertion sur la surabondance de notes parasites qui
dislingue certaines parties du chant, tels que les traits et les graduels, à par-
tir des xui' et xiv" siècles. M. Didron serait-il en mesure de combattre mon
assertion par l'exhibition d'un certain nombre d'antiphoniers qu'il aurait à sa
disposition? Â-t-il, comme le savant abbé Baini et les autres sommités dans
la science du chant ecclésiastique, consacré sa vie à dépouiller, à confronter
des milliers de manuscrits? C'est un avantage immense que celui-là dans les
questions qui nous occupent, questions positives avant tout, quel qu'en puisse
être la portée esthétique. Ainsi, jusqu'à preuve du contraire, je m'en rap-
porte à la réflexion de Baini touchant la déchéance du chant religieux au
milieu du xuf siècle , et j'en tire un argument décisif contre le parallélisme
du plain-chant et de l'architecture , argument qui a d'autant plus de poids
que la déchéance dont nous parlons a été complète, longtemps avant que le
style ogival fût arrivé à son troisième et dernier degré de décadence, dans la
première moitié du xvi" siècle. Mais, quand même il serait démontré que la
déchéance du chant religieux a été exactement parallèle à celle du style ogi-
val, on n'aurait encore prouvé que la moitié du système que nous combat-
tons. Pour prouver en effet la justesse de ce parallèle , il faudrait encore éta-
blir par de bonnes preuves que le chant, en France, s'est perfectionné du
X' au xiif siècle, dans les mêmes proportions que l'architecture, et qu'ils
sont arrivés en même temps, l'un et l'autre, à leur point culminant, pour
décroître de même et venir expirer ensemble dans les bras de la renaissance.
Or, je défie tous les savants du monde d'édifier un tel système. Il faudrait,
pour en venir à bout, l'étayer, non sur quelques fragments d'antiennes ou de
séquences, mais sur l'examen comparatif des divers corps de chant litur-
gique qui se sont succédé pendant une aussi longue période. En attendant
que cette opération colossale ail été exécutée , il faut bien s'en tenir aux
résultats proclamés par la science, et qui sont le fruit de plusieurs siècles de
labeurs et de persévérance. A l'égard des séquences et proses citées par
M. Didron, elles seront l'objet d'un examen sérieux de notre part, quand
nous serons arrivé à l'époque à laquelle elles appartiennent. Nous ferons
observer pour le moment qu'il n'est pas certain que le chant en ait été com-
posé par les auteurs des paroles. C'est un point encore fort controversé.
ESSAI SIR LE CHANT ECCLÉSI ASTIOIE. 173
Ouaiit au chant du Ijitiila Siou, et de l'offire du Saint-Sacrement, plusieurs
esliniciit (juil n'a|>|iaitit'nt pas à saint Tlionias, cl cpi'il a été pris dans un
onico anicriciir à celui que le docteur ani^ciicpie a composé. Ainsi, celte
incertitude de dates dimiiuio déjà l)eaucou|) la valeur de ces pièces, consi-
dérées con)nie exemples à l'appui de ropinion que nous cond)allons. Mais,
quand même il n'existerait pas le moindre doute sur la véritable date du
chant de ces pièces, la question naurail pas fait beaucoup de clicniin pour
cela. 11 faudrait encore démontrer, comme nous le disions tout à l'heure,
([u'au xiii*" siècle le corps du plain-chant proprement dit était évidemment
supérieur, par sa pureté, son onction, sa mélodie, à tout ce qui avait existé
jusque-là dans ce c;enre. Or, M. Didron n'y parviendra jamais, je puis lui en
donner l'assurance.
Maintenant un mot sur les croisades. .lustpi'à preuve du contraire, je per-
siste dans mon opinion, qui est celle de M. Félis, à savoir que ces expédi-
tions chevaleresques ont exercé une véritable et fâcheuse influence sur notre
plain-chant. En effet, il est démontré que les altérations nombreuses dont
nousa\oiis déjà parlé ont eu lieu précisément à la suite des grandes croi-
sades, comme il conste par l'inspection des nianus( rits qui correspondent à
cette éjKjque; il en résulte le fait, au moins inlinimenl probable, de l'influence
dont il s'agit maintenant (j'indiquerai plus basjles documents particuliers sur
lestpicls M. Fétis base son opinion). Faisons reniarcpier que ces altérations,
que chacun peut facilement vérifier, sont, à raison do leur coïncidence avec
le bel âge de rarchitecture ogivale, une preu\e ilc pins à oppos(!rau paiallt'-
lisme (pi'on voudrait (Hablir entre la mélodies et les monumcnls sacrés de
cette époipie.
M. Didron nous parle des emprunts que la liturgie orientale a faits plus
d'une fois à l'Occident. Nous les admettons très-volontiers, et, de plus, nous
trouvons cela tout simple, et tout naturel. Je ne puis m'empècher de faire
remarquer ici au savant auteur du « Manuel d'Iconographie chrétienne » que,
dans ce remarquable ouvrage, il a été moins sévère envers l'Orient qu'il ne
l'est dans les « Annales Archéologiques », relevant, maintes fois, les analo-
gies frappantes qui existent entre certains types importants <le nos cathé-
drales ogivales et les types oricuiaux qui avaient servi de modèles aux
premiers.
Ed suivant tùujiiuis r<irdre dc> cilati(ui> i\r M. hidrnii, nous arinons aux
deux passages qu il a cxliaits des « ln>titution- liturgiques » de doni Gué-
ranger. Je connais et possède cet ouvrage, d Un mérite à part, que nous
devons à la plume du |iieux et érudit bénédictin. I.c chant ecclésiasti(pie y
V. 23
174 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
joue un rôle, ce nie semble, assez secondaire. Quoi qu'il en soit, je ne sau-
rais adopter les rapprochements, plus poétiques que justes, qu'il contient
entre les chants des x' et xi" siècles et les voùles sombres et mystérieuses des
églises romanes , par la raison que les antiques mélodies étant , à mon
avis, les plus pures, les plus gracieuses, celles des x° et xi' siècles devaient
s'iiarmonier moins bien que d'autres avec le caractère sombre et sévère
du style roman. Dans la deuxième citation des « Institutions liturgiques»,
je remarque le passage suivant qui fournit matière à observation : « Vient
ensuite le xiii° siècle et ses lignes pures , élancées avec tant de précision
et d'harmonie; sous des voùles aux ogives si correctes, il fallait surtout
des chants mesurés, un rhythme suave el fort. Les essais simplement mélo-
dieux, mais incomplets, des siècles passés, ne suffisent plus. Le Laiula
Sion, le Dics ircp , sont créés. Cependant cette période est de courte durée.
Une si exquise pureté dans les formes architectoniques , la recherche la
llélrit; l'ornementation encombre, embarrasse, et bientôt brise ces lignes
si harmonieuses. Alors commence aussi pour le chant ecclésiastique la
période de dégradation. »
Voilà certainement un parallèle ingénieux et éléganjment écrit. Il y a du
vrai ; mais esl-il juste sous tous les rapports? Il nous est permis d'en douter.
Quoi qu'il en soit, comme le Lauda Sion et le Dios irœ ne représentent, après
tout, malgré leur beauté intrinsèque, qu'une faible partie du chant litur-
gique de celte époque, je demanderai qu'on veuille bien nous démontrer par
des documents nombreux, extraits des livres de chœur de ce temps-là, leur '
parfaite coïncidence, comme beauté de chant, avec la perfection de l'archi-
tecture conteniporaine. En attendant, nous nous permettrons, au sujet de
celle dernière citation, les observations suivantes. — La comparaison du Lauda
Sion el du Dies irœ avec les lignes « pures », élancées avec tant de « préci-
sion et d'harmonie », n'est pas très-heureuse, puisque les deux chants dont
il s'agit se distinguent par l'absence de celte « précision », de cette u correc-
tion » de l'architecture ogivale. Nous le prouverons, lorsque l'ordre de notre
tiavail nous aura emmené vers celte période du moyen âge. Pour le moment,
qu'on consulte les hommes du métier, et ils vous répondront que ces deux
proses, bien loin d'offrir celte précision, cette correction que leur attribue
l'auteur des « Institutions liturgiques », sont au contraire pleines de licences,
et qu'elles se dislmguent de leurs devancières par leurs allures hardies el
même désordonnées. Dans le Lauda Sion principalement, les modes sont
bouleversés, l'inlervalle classique de l'octave est audacieusement franchi,
les Irilonb ou fausses relations de la quarte à la septième, jusque-là proscrits
ESSAI SUR LE CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 175
sévèrement, y abondent. Sans doute, c'est de ces défauts mômes que les
deux proses dont il est question tirent leur originalité, puisqu'ils leur impri-
ment un cachet propre et un genre do beauté tout nouveau. iMais il y a loin
de là, je le répète, à la précision, à la régularité. N'oublions pas d'ailleurs
que ces deux proses, adinirabh^s cliefs-d'ann re de riiispii'atioii chrclieniK!
dans le chant religieux, (|ui sui'liraient pour illustrer le siècle (pii les vil
naître, font exception au caractère général du cliant liturgique dont elles
sont contemporaines. Nous reviendrons plus tard sur toutes ces considéra-
tions que nous pouvons à peine indiquer ici. — Passons maintenant à la note
de la page S 1 .
M. Didruii ne partage point mon opinion sur l'exécution vicieuse du plain-
chant en France. Ceci peut être, conunc il le dit lui-même, une affaire do
tempérament, (juoi (pi'il en soit, jamais on ne me ])('rsua(li'ra (pie les louan-
ges de Dieu puissent être chantées convenablement par des voix sépulcrales,
caverneuses, comme celles que l'on entiMid tous les jours en France, où, soit
dit, par parenthèse, le chant populaire a toujours été généralement plus
arriéré que chez aucune autre nation de l'Europe. Toutefois, nous n'aurions
pas rehîvé cette note sans la digression, que nous croyons intempestive,
qu'elle renferme sur l'exécution actuelle des messes et motets en musique
dans les églises d'Italie. Eh! mon Dieu, cette pauvre nuisi(iue n'a absolu-
ment rien à voir ici. Nous n'aurons (pie trop d'occasions, plus tard, d'en
faire justice. Pour le moment, il n'est et ne [)eul êtie question que de plain-
chant. Comparez la manière dont on l'exécute en France à celle dont on le
rend en Italie; préférez la première manière à l'autre, tant que vous vou-
drez, c'est une affaire do goût; mais, de grâce, laissez là la musi(iue
avec tousses abus, ipii ne r-oiil (pie trop réels aujouiiriiui , dans cette mal-
heureuse péninsule, v(Hi\edeson passé glorieux. No sautons pas si brusque-
ment d un genre à un autre; autrement, il serait impossible de nous en-
tendre. Si, à pi'opos du plaiiiMli;inl du \ii' on du xiii'' siècle, nous nous
mettons à discuter la mauvaise musiipn' acluello do Franco ou d'Italie, il
faut dès lors renoncer à toute espèce d'ordre, d'esprit de suite, dans ce
travail; il faudra (pie je déchire mon programme. 0"f <''''i>'-jp •'" '" Marscil-
loisp l't du C.linnl tlii DrjKirl (jui se trouvent mêlés à tout cela !
M. Diilfiiii nous rappollo (pi il \ a\ait i\i' la liardiosse, il y a (pioiques an-
nées, d(! déclarer que la calliodialo do Keims valait iiiioux (pu- Sainl-Piorro
de Rome. Il y a plus de ciiu] ans que je déclare, à ipii \eiil l'eiilendro, et (]ue
j'écris que Saint-Piern; de Rome, sauf son admirable coupole, n'est qu'un
immen.se et magniliipie bric-à-brac, et je le prouve par des développements
176 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
qui ne sauraient trouver place ici. Moi aussi, je préfère le portail de Stras-
bourg à tout Saint-Pierre de Rome, et j'ai toujours pensé ainsi. J'aime,
comme M. Didron, les opinions nettes et franchement exprimées, mais
quand elles ont une bonne preuve au bout; autrement, je crois qu'il est
plus sage et plus raisonnable de douter. Plus on sait et plus on doute , c'est-
à-dire que plus on sait sur certaines matières, et plus on doute sur une foule
d'autres. Tous les hommes sensés partageront mon avis. Nous allons termi-
ner ce que nous avions à relever dans cette note par quelques mots sur le
Stabut. J'entends souvent faire l'éloge de ce chant; mais de quel Stabat veut-
on parler? Pour mon compte, j'en connais, dans les deux rits, romain et
parisien, (rois ou quatre qui diffèrent entre eux, et qui n'ont de plain-chant
que l'habit, je veux dire la notation. On y trouve en effet tous les éléments
de la musique moderne, connue il arrive pour un grand nombre d'autres
pièces notées en plain-chant, qu'on donne tous les jours comme modèles de
ce dernier genre. 11 ne faut rien moins que l'anarchie intellectuelle, disons
même l'ignorance, qui règne aujourd'hui sur ces matières, pour entendre
maintes fois citer, en faveur du plain-chant contre la musique, des compo-
sitions faites précisément selon les règles du système musical moderne. Je
pourrais citer cent exemples de ces singulières méprises auxquelles donne
lieu la notation en plain-chant de ces morceaux. Je désirerais donc savoir, je
le répèle, quel est parmi les Stabat notés en plain-chant le Stabat type dont
on veut parler? Quant au Stabat de Rossini, dont j'apprécie les beautés et
les défauts, c'est de la musique pure qui ne saurait trouver ici sa place. Je
n'en dirai rien pour le moment, afin d'éviter l'inconvénient dont je me plains
moi-même, de la confusion des genres. Je me bornerai à rappeler qu'il existe
une belle école de musique chrétienne, fille légitime et glorieuse du chant
grégorien, qui commence au xiv' siècle et finit au xvi% école connue d'une
centaine de personnes, à peu près, en France. Or cette école, qui, pour en
être réduite à l'état de mythe parmi nous, comme l'étaient naguère nos ma-
gnifiques églises ogivales, n'en est pas moins digne de nos études et de notre
admiration, cette école a produit des compositions sublimes d'harmonie et
d'expression religieuse, [)armi lesquelles se trouvent plusieurs Stabat des
grands maîtres de celte importante période du chant chrétien. Je ne citerai
que celui à deux chœurs de Palestrina , bien supérieur au Stabat dramatique
et beaucoup trop vanté de Pergolèse, et même à celui de Rossini. Voilà un
Stabat qu'on peut citer avec précision, et sans craindre la moindre équi-
voque. Je le soumets à l'appréciation des personnes, njalheureusement trop
peu nombreuses dans notre pays , que l'étude sérieuse et l'audition de ces
ESSAI SUR LE CHANT ECCLESIASTIQUE. 177
belles pages de noire chant ccciésiasliciue ont remlues aptes à fonnuler un
jugement éclairé sur ces niagniiiqucs productions, l'éternel et exclusil' lion-
neur du catliolicisnie qui, seul, lésa inspirées.
Dans sa note do la page S3, !\l. le directeur demande s'il est bien prouvé
(lue le rlianl t\v la prclacc apparlicnne à la nicl(i|)ée grecepic.' Je ré[)()nds (jue
non, et je prolite volontiers de l'occasion qui se présente pour déclarer que,
par le mot sppciincn , cpii n'est pas bien placé ici, et qui m'est échappé, j'ai
voulu ontiMidrc un chant dans le genre de la mélopée grecque, ce qu'indi-
quent, du reste, les mots qui suivent : « Quel qu'en soit l'auteur ». En effet,
plusieurs attribuent ce chant admirable au pape Gélase. Quoi qu'il en soit,
cette préface, si elle ne nous vient directement des Grecs, est du moins con-
forme à leur mélopée. C'est ce cpie j'ai voulu dire, et, dans l'un ou l'autre
cas, mon observation sur la manière vicieuse dont on la chante conummé-
menl en France subsiste toujours.
Enfin, dans sa quatrième et dernière note, |)age 85, .AI. Didron demande
sur quoi se fonde .M. Fétis pour afiirmer que les répons, graduels, offertoires
et communions, ont été introduits des églises orientales dans l'Occident.'* Je
réponds qu'à l'égard de l'indication des preuves sur les(juelles M. Fétis étaie
cette assertion et beaucoup d'autres, que M. Didron traite de systèmes en l'air
ou sur le sable, je réponds (pi'ici je n'ai que l'embarras du choix. Voici donc
les sources que M. Didron pourra consulter avec fruit, pourvu qu'il y donne
Je soin et le temps convenable; car il en faut beaucoup dans ces sortes de re-
cherches : 1° « Le Résumé philosophique de l'histoire de la Musique » cl les
sept volumes auxquels le résumé sert d'introduction. On trouve dans ce
grand ouvrage de biographie musicale, unicpie dans son genre, et que j'ai
déjà presque tout lu, des dissertations, de main do maître, sur les (pieslions
les plus épineuses et les plus graves de la nuisique, soit religieuse, soit pro-
fane. 2" Une foule d'autres dissertations insérées dans divers numéros de « la
Revue et Gazelle musicale », el plus tard dans la u Revue de musique reli-
gieuse. » S" « L'Histoire générale de la Musique », el « l'Histoire particulière
des diverses Notations musicales », qui doivent toutes deux être livrées au
commerce au moment où j'écris. Pour ce qui concerne spécialement l'intro-
duction des notes parasites dans le plain-chanl au xin"^ siècle, M. Didron
trouvera les documents qu'il désire aux pages 187, 188, 189, 19U et l'Jl
du i< Résumé philosophique » cité plus haut. H y verra que les altérations
dont nous avons parlé avaient eu lieu dès la première moitié du xnT siècle.
Deux mots encore sur celle période. Quand nous avons dit (|uc c'était celle
de la décadence, c'a été avec de justes restrictions et par comparaison avec
178 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
les mélodies grégoriennes antérieures à cette époque. Depuis lors, jusqu'à
nous, le plain-chant a essuyé des phases diverses. Mais , dès le xviu' siècle,
époque de nos révolutions liturgiques , il est tombé dans un tel état de
dégradation, que celui du xiu" siècle serait, sous tous les rapports, auprès
du nôtre, un parfait modèle de pureté et de mélodie. Nous reviendrons, en
temps opportun, sur ces importantes questions.
Valence, ce l'i août 1846. — Une lettre bienveillante que je viens de
recevoir de M. Didron, au sujet de l'envoi de ma réponse à ses notes sur
mon troisième article, me met dans le cas d'ajouter quelques mots.
De 1841 à 1843, M. Didron a inséré dans VUnivers une dizaine de
feuilletons sur la musique du moyen âge. Je regrette beaucoup de n'en avoir
jamais eu connaissance. Tout ce qui sort de la plume de ÎM. Didron doit
exciter l'intérêt, que l'on partage ou non ses idées en esthétique chrétienne.
— J'exprime le même regret sur les divers articles qu'il a consacrés, dès l'an-
née 1831, dans différentes publications périodiques, à l'examen de l'archi-
tecture de Saint-Pierre de Rome. Ce que j'ai dit moi-même de cette église, je
l'appliquais plutôt à son style architectural qu'à son ameublement, qui ne vaut
d'ailleurs guère mieux. Je répète qu'en architecture Saint-Pierre de Rome
est un grand et magnifique bric-à-brac , ou pêle-mêle : 1" parce qu'il manque
d'unité, celte condition fondamentale du beau, qui consiste dans le concours
de toutes les parties d'un édifice vers un centre, un but commun et principal.
Or, dans Saint-Pierre, je ne vois pas de centre, de ])oint unique. Il y en a
plusieurs, il y a plusieurs unités : celle du dôme, celle de la nef, celle du
baldaquin, qui, de l'humble ciborium, s'est élevé jusqu'aux monstrueuses
proportions d'un monument aussi haut que la \ oùle principale, et qui absorbe
toute l'attention que le spectateur devrait donner ailleurs. J'y vois plusieurs
unités qui s'y disputent l'admiration exclusive, mais je n'y vois pas l'unité.
2° Cette église est un vrai bric-àbrac ou pêle-mêle, [)arce que son ordon-
nance générale ne correspond à aucun des types universellement consacrés
pour les peuples chrétiens. Ce n'est pas la croix latine, puisqu'il y a deux
transsepts; ce n'est pas la croix grecque, puisque la nef occidentale est
beaucoup plus longue que les trois autres. Il n'y a presque rien non plus du
type basilical, rien du byzantin de Venise, de Pise , rien de notre roman,
encore moins de notre ogival, ou, |)our mieux dire, il y a un peu de tout
cela, renforcé d'une statuaire plus ou moins païenne et d'une énorme quan-
tité de colifichets. Voilà le résumé de mes idées sur Saint-Pierre. — M. Didron
me parle de l'obscurité des anciennes notations et de l'impossibilité qui en
résulte pour juger des chants antérieurs au xiii^ siècle. Cette objection , qui
ESSAI SLll Li: CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 179
ne iiiaïuiue pas de justesse, je me la suis faite vingt fois à moi-nirnie. Le
niunient n'est pas encore venu d'x rcpoiulre.
i.'aIiIk' j()U\ i;,
I. Une noie encore, mais ce sera la dernière. — Nous persistons à croire qu'on ne connaît pas
le système musical des Grecs. Les passiigcs anciens qui en parient, on ne les comprend pas, car
cliacun les explique à sa façon; les monuments notés, personne ne sait les lire. Ce sont des hié-
roglyphes qu'aucun Chaiiipollion n'a pu encore déchiffrer. — Bosio , .\ringhi et M. Uochette ont
aflirmé à tort que les premiers artistes chrétiens avaient (emprunté au paganisme plusieurs types ;
j'ai déjà relevé le bon Pasteur et David, dont ils ont fait Apollon-Criophore et Orphée; dans un
article spécial, j'enregistrerai les autres, dont je donnerai des gravures, pour qu'on louche l'er-
reur à l'œil, presque au doigt. L'art byzantin et l'art latin sont sortis armés de toutes pièces de
la tête et du cœur de la religion chrétienne. Je laisse l'art roman et l'art ogival auquel personne
ne conteste l'originalité. D'aillcuis il n'est question ici que des premiers siècles du christianisme.
— Quand je parle du parallélisme de l'ait entre l'architocluro et la musique, je mê restreins vo-
lontiers à la France. Je pourrais cependant m'étendre, non-seulement à l'Italie, mais à l'Alle-
magne, à r.^ngleterre, à l'Kspagne ; l'art chrétien (architecture, scul|)ture, peinture, poésie) y
atteint son apogée aux xii" et xiii" siècles. C'est l'époque des monuments de Pise et de Florence ,
des cathédrales du Rhin, des plus belles églises de l'.Xngleterre et de l'Espagne — Nous atten-
dons avec confiance les renseignements que nous promet M. l'abbé Jouve sur la décadence du
chant à partir de la seconde moitié du xiii'-' siècle, et sur sa beauté progressive à mesure qu'on
remonte vers les premiers siècles du christianisme. L'abbé lîaini fait autorité dans l'histoiie de la
musique et M. Fétis est très-savant; mais, pour comparer les chants des xiii"' et xir siècles à
ceux des xi*, x= et autres, en remontant, il faudrait pouvoir lire les monuments notés de toutes
ces époques; or, si l'on déchiffre la notation du xiii^' siècle, peut-être celle du xii", nous croyons
savoir qu'il n'en est pas ainsi du xi"' siècle , encore moins du w". On parle beaucoup du chant
grégorien ; mais des personnes compétentes nous assurent qu'on n'a jamais déchiffré une pièce
musicale écrite à cette époque. On ne saurait même pas si telle pièce chantée aujourd'hui dans
l'église est bien aulhentiquemcnt de saint Grégoire. Voilà des doutes que nous soumettons en toute
modestie à M. Jouve , avec jirière trcs-vi\e de les examiner. Cette incrédulité dont nous paraissons
faire parade n'a vraiment pour but que de nous éclairer, nous et nos lecteurs. — Nous avons cons-
taté, dans le o Manuel d'iconographie chrétienne », les rapports qui pouvaient exister entre l'art
oriental et le nôtre, mais ces rapports se résolvent en analogies et non pas en emprunts. D'ailleurs,
dans cent endroits, nous avons signalé en quoi l'art de notre pays était complètement différent de
celui des Byzantins. — Je constate avec plaisir que le I.auda Sion bouleverse les modes et fianchit
l'intervalle classique de l'octave ; car, à la même époque , le système ogival découpe les piliers en
colonnettes , brise la ligne horizontale et fait ssuiter les corniches. De là cette beauté , celte origi-
nalité du Lauda Sion et de nos cathédrah^s gothiques. — Quant à l'exécution du chant en Italie
et a la mode italienne, c'est bien du plain-chant proprement dit que j'ai entendu parler et non pas
de la musique moderne; c'est bien du Dominus vobiscutn, du Ciim spiri/u tuo^ de la Préface
entière, de Vile missa est, el de tous les psaumes, quand on ne les chante pas en musique. Rien
n'est plus grave dans nos cathédrales un peu bien montées; rien n'est plus fringant en Italie el
chez les italianisants. — Nous terminons ici toutes ces insipides observations, en priant M. Jouve
de nous les pardonner en vue du motif. Nous devrons nous en abstenir dorénavant et affranchir
de tout obstacle la savante dissertation de .M. Jouve; mais quand cet important travail sera ter-
miné, nous reviendrons, à notre point de vue personnel, sur quelques-unes des plus graves
questions relatives à l'histoire, à la réhabilitation et a la restjiuralion du chant ecclésiastique en
France. {Note du Oirecleur.)
MELANGES ET NOUVELLES.
Lvi cloches. — Démission de M. Duban. — Construction en style ogival de l'église Sainte-
Ciotilde, sur la place Belle-Chasse, à Paris.
Les cloches. — Nous préparons un travail sur les cloches que nous avons
l'intention de considérer dans leur origine, leur composition et fabrication,
leur forme, leurs dimensions, leurs proportions, leur sonorité, leur usage
chez les différents peuples et surtout chez les chrétiens. A chacun de ces
chapitres principaux, pourront se rattacher un ou plusieurs paragraphes :
ainsi, soit dans le chapitre de la forme des cloches, soit dans celui de leur
usage, il devra être c|uestion des inscriptions si diverses et si curieuses qui
font d'une cloche une sorte de monument épigraphique où des faits poli-
tiques, civils, religieux, sont coulés en bronze. C'est donc un travail étendu,
qui n'a pas encore été réaUsé, dont nous recueillons les éléments nombreux.
Déjà , grâce à plusieurs de nos amis , et par suite de nos recherches person-
nelles, une certaine quantité de ces éléments sont en notre possession :
MM. le comte de Mellet, le baron de Guiliiermy, Goze (d'Amiens), Auguste
Moutié (de Rambouillet), Bourières (architecte du département de Lot-et-
Garonne), le vicomte dePibrac, le baron de la Fons, Ramboux (de Cologne),
l'abbé Daras (de Soissons), nous ont envoyé des descriptions, des dessins et
des estampages de cloches, avec les figures et les inscriptions qui les décorent ;
le tout est classé dans un dossier spécial qui grossit et se complète de jour
en jour. Nous adressons à nos lecteurs la prière de nous envoyer tous les
renseignements qui seraient à leur connaissance sur les clochettes et cloches
du moyen âge et de la renaissance ; notre travail sera d'autant plus intéres-
sant et plus nourri qu'on nous viendra plus proniptement en aide.
Il y a peu d'objets d'art qui aient souffert autant que les cloches : cassées dans
les fctes, parce qu'on les sonnait à trop giandes volées; cassées dans les émeu-
tes, parce ((u'elles appelaient à l'insurrection ; brisées et jetées dans le four avec
ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
l'ar M. Didron, rue d'Ulm, N" 1, ;i Paris.
ln^^■I■i|llio^ il(> U\ cloclic dOili'iins.
m\
|);iii# Nolr('-r;imi'-(l('-Bun-S('C<iiiis, ;t ()ili>:ms.
Dans l'église de Saiimanes ( Vaucliire
^^^
«>- , .f\ 'gLia
lâiilMce D a-ij s : nù •.y.nnl
liiscri|ilioii (le la cluclie de Sauuianos.
ai^EHiganniaiii
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MBBËïkSm
/)ciïii/<< ;irti i:li. l-irlini
Cuwf par Bomjcl
feL@©KliS HT Bîi]g©ai)^TI@îKlâ=
A Saintt^-C.ecilc do Colo:
VII- siiVI.-.
A l;i <';illi('(lrali> ,|c Sieiitu-.
Ml- >,Vilv
A N N A I, i;s A UC II lioiOC, loi Ks.
■'■Il- M- Midi-on, ni,. ,| II,,,. .\ | . ,, |.;
< lodiiT (le S;iumiinc,s.
<^
lii'liiiilcnioiil (le Viiiicliiso.
Mantiscril de Boidoifin',
l\'- siwic.
A Saint-Pranrois d'Assise.
Xlir skVI...
pi" i.h flchni
GL@©ri=-
Cravi' )}iii l.ouijil.
JA'jr ;<J/ ET yMV SgOEêLiâu
MÉLANGES ET NOIVELLES. 181
du iDi'Ial nouveau , [)aice (jw'ou xoulait les avoir plus grosses; fondues en-
core, et surtout, |)our l'aire dos pièces d'artillerie ou des pièces de monnaie, le?
cloches ont, de tout temps, été sujettes à mille causes de destruction. Les an-
ciennes sont donc fort rares. Cependant, si la paresse ou l'iiidilTérence
n'avaient pas, jusqu'à présent, empêché les archéologues do lunnler dans les
tours et les clochers, il est probable que l'on serait étonne du nombre de
vieilles cloches (\ui peuvent ous rester encore. Nous prions ilonc nos amis <le
faire des recherches sur ces pièces sonores qui intéressent à la fois le musi-
cien, l'acousticion , le chinisle, répi^-rapliiste, l'iconographe, l'historien,
l'artiste et l'archéologue. Oi a cru, de notre tem|)s, où la chimie ot les arts
industriels ont fait tant de progrès, que les anciens fondeurs de cloches
étaient des barbares, et que, du jour où on le voudrait, on ferait des cloches
bien supérieures à celles do la renaissance et surtout du moyen iige. Mais un
jour, on l'a voulu, à plusieurs reprises et dans divers pays de l'Europe, et,
quand on ne les a pas nianquées (ce qui est arrivé souvontl, on a produit des
cloches laides et fausses. Ainsi en est-il arrivé d'un bourdon fondu à Hoims,
en 1844, et fondu deux fois, parce qu'à la première il contenait de la terre au
lieu de métal. Ainsi, un bourdon fondu à Londres pour la cathédrale catho-
lique de Montréal, on 1844, s'est cassé à la première volée. A ce sujet, on
lisait, le 21 juin 184.'), dans la Domncrntic parifiiiuc : u L'année dernière, les
journaux anglais faisaient grand bruit d'une cloche gigantesque qui avait été
fondue à Londres pour la cathédrale catlioliciuc do Montréal. A les on croire,
jamais cloche n'avait ou dos proi)ortions jjIus sveltes, une constitution jjIus
vigoureuse, une voix plus mélodieusement sonore; mais voilà que déjà elle
.est tombée en ruine, impuissante qu'elle a été de résister aux attaques du
battant. Les morceaux en ont été expédiés à Londres pour être refondus, n
Ainsi en Italie, dans la ville d'Assise, en 1837, on a remisa neuf les anciennes
cloches de Saint-François, et ces cloches nouvelles sont laides à voir, discor-
dantes à entendre. Qu'entre mille autres ces trois faits sullisont pour nous
autoriser à dire aux savants de nos jours qu'au lieu de mépriser le moyen
âge, ils feraient mieux do l'étudier et d'apprendre de lui ses recettes pour
bien faire. L'orgueilleuse manufacture royale do Sèvres traitait durement, il y
a quehiuos années, les vitraux du moyen âge; nous lui avons dit, parlant à
la personne de M. Alexandre Hrongniart, son savant dinniour, (|ue le
moyen âge, en fait do vitraux, en savait pins (pi'ello , et (inil lui fallait
imiter, copier ce (pi'on exécutait au xiii" siècle;, si elle voulait réussir à
[)eu près. La manufacture de Sèvres non a fait (juà sa tête; elle nous a ri
au nez, ot iuiimiKiliiM (nul le njondi' lui rit à la l'ace. Kilo produit dos \ itiaux
v. r*
182 A^'NALES ARCHEOLOr.lQUES.
dont personne ne veut et qu'elle n'ose même plus exposer. Cependant les
chimistes qui la dirigent sont professeurs dans nos écoles publiques et sont
des savants illustres. Il en est des cloches comme des vitraux; pour bien des
raisons qu'il serait inopportun de déduire ici, le moyen âge a des recettes,
sinon des secrets à nous apprendre.
Ceci dit entre parenthèse, et sans préjudice de ce que nous aurons à écrire
encore, nous mettons sous les yeux de nos lecteurs une cloche singulière,
qui date du xiv siècle, peut-être même du xv% et qui est bien et dûment datée
du x% de 900, de 910 ou 920. Voici le fait.
Au mois d'avril dernier, M. Jules Courtet, sous-préfet à Die (Drôme),
mais qui est du département de Vaucluse, dont il achève une complète et
volumineuse statistique, nous écrivit qu'il existait dans le clocher de l'église
de Saumanes (Vaucluse), une cloche authentiquement du x^ siècle et dont,
si nous en avions le désir, il nous enverrait un dessin. En vertu de notre faible
propension à croire aux cloches datées du x*' siècle, nous avons répondu à
M. Courtet que la cloche de Saumanes nous semblerait d'un intérêt immense,
si en effet elle appartenait à cette époque, et nous l'avons prié de nous
envoyer, outre le dessin qui nous était offert généreusement, un estampage
de l'inscription. Nous désirions toucher de nos mains l'inscription et la date.
M. Courtet s'est rendu obligeamment à notre désir; l'estampage envoyé por-
tait effectivement :
A : DCCCCtX
Ce qui veut probablement dire : Année neuf cent dix. Si la croix,
placée après le quatrième C est un X à branches droites, au lieu de 910,
nous aurons 920. Cet estampage, nous l'avons donné au Comité historique
des arts et monuments; les membres présents, parmi lesquels i>IM. Mérimée,
Albert Lenoir , Le Prévost, le baron de Guilhermy, La Saussaye, le comte
de Laborde, Schmit, etc., jugèrent comme nous que cette cloche était du
xiv' siècle, peut-être de la fin tout à fait du xiii% peut-être même du commen-
cement du xv^ Mais comment rapporter les caractères archéologiques donnés
par la forme de la cloche et la forme des lettres, caractères qui accusent, à
n'en pas douter , le xiv* siècle ou les premières années du xv% avec la date
primitivement coulée en bronze? C'est ce qu'aucun des membres n'a pu faire.
Quant à nous personnellement, nous pensons, ou que celte cloche rappelle
une cloche plus ancienne fondue précisément au x" siècle, rappel qui est
fréquent en effet ; ou bien que le fondeur s'est trompé en oubliant un second
D ou en mettant le D qui existe à la place d'un M pour indiquer mille. Dans
mi:lan(;es et noivelles. i83
ce cas, celte cloche serait de l'iOt), on 1 VIO, ou 1 '(20. Elle a conipléloiiient
la physionomie des docIies de cette époque; la forme des lettres de l'inscrip-
tioH en fournit une prou\e non moins certaine. Pour mettre nos lecteurs à
môme d'apprécier la valeur ih; notre opinion, nous avons réuni, sur les deux
planches jointes à celte livraison, certaines cloches des vii% ix'', xii% xiiT, et
xvi' siècles; nous n'avons pas eu le temps d'en faire graver une du xV. A
laquelle de toutes ces cloches diverses celle de Saumanes ressendjle-t-elle le
plus, .si ce n'est à la cloche de Nolre-Dame-de-Hon-Secours, à Orléans, qui
est de 1504? Voyez la diirérence considérable qui la sépare de la cloche du
manuscrit de Boulogne, UKiuelle date précisément du ix" siècle, et morne de la
cloche d'Assise, qui est du xiu" siècle. Ouant à la cloche de Sienne, qui a|)par-
tientà i 158, il n'y faut pas songer. Le dessin de ces deux dernières cloches,
d'Assise et de Sienne, nous a été envoyé par M. Raniboux, conservateur du
musée de Cologne, auquel nous devions déjà le dessin de la cloche du vu''
siècle. Voici ce que M. Ramhoux nous écrivait en nous faisant son envoi :
« Je me hâte de vous communicpier les dessins (|ue je vous ai promis et
relatifs aux cloches remarcpiahles de l'Italie.
» I-a plus ancienne des deux premières se trouve dans le clocher de la
cathédrale de Sienne. Elle existait déjà dans l'ancienne^ tour nommée de'Bis-
doniini; on la sonne encore chacpiejour à l'élévation, pendant la grand'messe.
Elle est faite en forme de tonneau; elle date de 115',). Sa forme est aussi
singulière que le son en est aigu. Elle a un mètre à peu [)rès de hauteur. La
seconde cloche représentée sur le dessin est celle que le frère Elie, premier
général de l'ordre des Franciscains, confirmé par le sainl môme, a fait fondre,
comme préposé général à la construction de la basilitpie de Saint-François-
d'Assise. Elle portait l'inscription suivante :
J AD . MCrXXXVIlll . IK . IIELVAS . I ECrf . FIF.RI J
BAUTIIOI.OMEVS . l'ISANVS MK IKCM . CVM lOTEltlMiO
KILIO EIVS 7
ORA l'UO NOIilS HEATK l-UAMiISCE
AVE MAIIIA (iUA l'I.EW AI.I.EI.VIA f
(( On l'a mallii'nrcu>cmi'nl rclunilue, en 1S37, av(H- six autres cloches de la
mômelour, qui dataient (h; 1506, 1539, 15'd), 1038, 1808 cl 1818. En
1837 est venu, de Sassoferrato à Assise , un prtMre, qui fil croire aux frères
du couvent qu'il pourrait donner aux cloches un son harmonieux et musical.
Malheureusement on ajouta foi à cet homme, ei ['ou coik ni ii! projet fatal de
refondre toutes les anciennes et vénérables cloches de. la l(jur de l'église de
18i ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Saint-François. Quant au résultat, il a été fort malheureux. Les nouvelles
cloches ne valent rien de forme , de son, ni même de métal. Les inscriptions
ont été copiées par moi quelques jours avant la destruction des cloches. »
Quant à M. Courtel, il nous écrivit d'abord la lettrç suivante : — "Je conçois
très-bien votre doute à l'endroit de la cloche de Saumanes ( Vaucluse) et de sa
date reculée. J'espère bien pourtant que votre incrédulité tombera devant le joli
dessin que je dois à l'obligeance de M. Gouberl, agent-voyer, et dont je me
fais un vrai plaisir de vous faire hommage. Ce dessin est fidèle comme l'es-
tampage; je vous en garantis la plus scrupuleuse exactitude. L'inscription
avait été déjà relevée par moi , lorsque j'eus le bonheur de découvrir, dans
son modeste gîte, celte cloche vénérable. La cloche ne porte en elle-même
aucun caractère de fraude; à moins que la forme ne vous paraisse un peu
moderne. Mais que voulez-vous? Au x'' siècle, les arts étaient encore fort
avancés dans le Midi, où ils n'avaient pas complètement péri. Les arts s'étaient
maintenus comme l'organisation municipale. On pouvait fort bien fondre la
cloche de Saumanes, alors qu'on élevait la métropole de Notre-Dame-des-
Doms à Avignon , dont le porche étonne encore aujourd'hui par sa physio-
nomie antique. Le règne des Bozons fut une époque de paix et de gloire. Nous
avons dit ailleurs que, sous Louis l'Aveugle, de 890 à 923 , l'évoque d'Avi-
gnon, Fulcherius, se signala par de beaux travaux et de grandes restaura-
tions aux églises. Qui sait si l'inscription de la cloche ne fait pas allusion au
règne pacifique du prince Louis? « rex venit in page, deus homo factus est.
ANNO DCCCCXX. »
« Est-ce seulement une citation biblique? c'est ce que je n'oserais aitir-
mer. Quant à l'écriture de l'inscription , on ne saurait la contester. — L'écriture
en majuscules onciales était employée alors dans les inscriptions, quand déjà
l'écriture carlovingienne était généralement employée dans les diplômes. On
pourrait même, sans la date, faire, d'après la forme des caractères, remonter
cette inscription à une époque plus reculée. — Au second mot, il faut remar-
quer l'absence de la lettre N et le T final renversé; mais cette circonstance
n'est pas très- rare, même dans les manuscrits de cette époque et de ce carac-
tère d'écriture. Ainsi qu'on le voit sur le dessin , l'inscription tleuronnée, dont
M. Goubert a reproduit habilement la richesse et l'élégance, occupe exacte-
ment, sur une seule ligne, la circonférence du cerveau; tout y est en relief,
d'une grâce et d'une finesse remarquables. Au-dessus de l'inscription, placés
à distances inégales, sont huit espèces de niveaux de maçon, décorés à l'in-
térieur d'une petite croix ansée, et un 0 renversé. Ici, j'avoue mon inexpé-
rience; c'est à vous, monsieur, à nous donner une explication raisonnable.
MÉLANf.ES ET NOIVELLES. 185
Les niveaux et l'O renversé ne seraient-ils autre eiiose (]ue les marques du
fondeur et de la corporation de métiers à huiuelle il apijarlenail?
« lu mot, s'il vous i)Iaît, sur li^ site ou j'ai découvert cette respectable cloche.
C'est dans le village de Saumancs (|ue l'on \oit perché sur une éminence
(siimma), à gauche de la route, etitie ilsle et la fontaine de Nauduse. Ce
village était jadis un castriuii , ceint de l'(utes murailles. Possé(le(^ d'ajjord par
les Baux, la seigneurie eu fut aliénée par uu Saiguet d'Astouand à I antipape
Benoit Xlll, !e(]uel , en l'iOI , l'inféoda à son écuyer, Baudet de Sade, en
reconnaissance de ses services. Le château actuel, commencé vers la fln du
xv"" siècle, fut achevé dans le xvn°; il a[)i)arlient encore aujourd'hui à celte
ancienne famille qui a jiroduit \v. troj) fameux marquis de Sade, auteur de
« Justine, » et l'abbé, auteur des « Mémoires pour la vie de François Pé-
trarque. » — S'il faut en croire le célèbre poëte, l'église de Saumanes remon-
terait à saint Yéran, l'apùtre de la localité, dont les restes séjournèrent long-
temps dans une chapelle, élevée \y,iv lui à Vaucluse (portion de l'église
actuelle). On sait (jue saint Véraii occupa le siège de Cavaillou vers le milieu
du vi' siècle. (Qujcrens locum pacis hic deuuun subslitit, pulsoqiu; hinc dra-
cone lerribili , sanctam ac solitariam vilam duxit his in locis, (piibus nomen
Summalus diclum, inter fragosa' solitudinis ambilus. Cujus limen non prœ-
teritum, sed dilatatum, et ita in extrême positum mentis, ut tenacius hicrerel
memoriœ... Petrarc. , de Vila solitaria, II, 2, sect. x.) — L'église, dédiée à
saint Trophime, le premier évoque d'Arles, sans doute, fui |)lus lard un
prieuré annexé à labbaye de Sénauque, dont j'ai donné la monographie.
C'est un petit édifice reman, qui a été remanié à plusieurs reprises. Le clo-
cher, placé sur le chœur, est un massif carré surmt)nlé d'un pignon percé de
trois baies à plein cintre. Une seule paraît avoir reçu des cloches. Il vous
sera facile de vous convaincre, monsieur, ipu^ le clocher actiu'l peut être
contemporain de la cloche de \)'2U. »
.Après celte lettre, notre doute tenanl encore, nous avons demandé un
estampage à M. Courtet , qui s'est enq)ressé de nous l'envoyr et de nous
écrire de nouveau ce qui suit :
« Monsieur, je m'empresse de vous transmettre l'estampage de la cloche
de Saumanes que je viens de recevoir, et que j'ai fait faire par un ami
intelligent. Certes, votre scepticisme en fait de science archéologique est
déjà d'une très-grande valeur pour moi. Bien (ju'il lut cruel de renoncer
à une douce illusion, je le ferais' sans hésiter, si vous prononciez un arrêt
fatal ; mais j'aime à croire, en présence de nu m petit eii\ ni , «pie nous re\ ien-
drez sur votie doute et ipic vous ne déshériterez pas ini pa\s de sa vendable
186 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
relique. 11 vous sera facile de voir que le D du millésime n'est nullement con-
fondu avec le premier C; qu'il est donc impossible d'en faire un M, pour
avoir ISOO. C'est donc bien 920 que porte linscription. Il resterait la res-
source de dire qu'une erreur a été commise lors de la fonte; mais vous savez
vous-même qu'une telle chose serait bien difficile. On eût plutôt réparé l'er-
reur que de tromper ainsi l'avenir. Et puis,. l'archiviste du département,
jeune paléographe fort distingué, à qui j'ai parlé de la cloche, m'a dit que
l'inscription était bien de cette époque. Il ne faut pas toujours juger de l'écri-
ture du Midi par celle du Nord. C'est comme de l'architecture. H y a , pour
celle-ci, plus d'un siècle d'intervalle entre les deux pays. Il est positif que des
différences remarquables se font sentir entre les deux écritures. Au x° siècle,
en 920, de très-grands rapports existaient entre la Provence et l'Italie; les
mêmes inconvénients ont régné sur les deux pays quelquefois. L'architecture
était la même pour lune et pour l'autie. C'était une réminiscence évidente de
l'antique. Dans un pays où les arts n'étaient pas morts entièrement, quoi
qu'on dise, oii l'on construisait le porche de Notre-Dame-des-Doms, à Avi-
gnon, on a bien pu fondre la cloche de Saumanes. Toutefois, le Comité
pourra maintenant prononcer en connaissance de cause. »
En finissant cet article, nous ajouterons qu'on lit, sur la cloche d'Orléans :
« Raoulx de Coucy ma faict faire. Mil cinq cent quatre. )- Près d'Orléans
est un village du nom de Coucy. C'est à l'obligeance de M. Charles Fichot
que nous devons la connaissance et le dessin de cette cloche.
Démission de M. Ditban. — M. Duban , nommé architecte de Saint-Denis à
la place de M. Debret , vient de résigner ses fonctions nouvelles. M. Duban
n'avait accepté cette tâche que sous bénéfice d'inventaire ; l'inventaire fait, il
s'est trouvé un gouffre à l'actif, une montagne au passif. M. Duban ne s'est
pas senti la force de combler l'abîme, et il a renvoyé sa nomination au mi-
nistre des travaux publics. C'est, tout le monde en tombera d'accord, la plus
grave injure que M. Debret ait jamais reçue. Si M. Duban avait refusé à
priori, la chose pouvait aller de soi; mais cette démission, après examen,
est la réprobation la plus énergique de toutes les œuvres de M. Debret. Ce
n'est pas nous, assurément, qui nous plaindrons de la conduite que M. Duban
a cru devoir tenir; nous féliciterons même cet architecte d'avoir eu le cou-
rage de refuser la besogne qu'on lui demandait. Maintenant , à qui donner
Saint-Denis? Un seul homme est propre à pai-eille mission. Cet homme est un
étranger qui fonctionne en France, à Paris; c'est le même qui nous a dotés du
Sainl-Vincent-de-Paul do la rue Hautevillc, et qui a saccagé le collège des
P.Li- ]\P'Didron, Rue à'Ulm, ÎI?i : '
MÉLANCES ET NOUVELLES. 187
Bernardins. Il y a deux ou trois ans, M. llittoiff, Prussien de naissanec, pré-
sidait la société libre des l}(>an\-Arls IVaneais; .M. Ilitlorll n'est pas, mais vou-
drait être de l'Académie des |{ean\-Arls dont M. Debret fait un des orne-
ments. En conséquence, le président ])russien , traînant à sa suite les niendjres
de la société libre dont un pau\ ic peintre i-lail secrétaire alors, s"(îmbar-
qua pour Saint-Denis. Cuninie un roi ou (•(innue un prélat, M. Ilitlorlï l'ut
reçu a la |inite de la basilicpie par .M. Debict en personne, leiiuel lit \(tii' à
tous son architecture, sa sculpture, sa peinture, son bulTet dorique, ses
autels, ses boiseries et ses tcrilles. .M. llittorlT, comme président, admirait
par-dessus tous les autres. De retour à Paris, le secrelaire-i)eintre rédi-
gea un rapport en prose poéticpie, avec une plume ijui valait certainement
sa brosse. Il y avait peu de phrases sans points d admiration. IM. Hittorll'
réchauffa les endroits un peu tièdes de cette oraison, (pii est devenue funèbre,
et un Te Dcum à huit cents parties fut chanté, imprimé, distribué dans tout
Paris en Ihonneur de ^I. Del)ret. Il n'y a donc pas, |)our continuer rarclii-
tecle destitué, de confrère plus pénétré de son sujet (pie M. llittorl'f; en con-
séquence, nous le désignons à la faveur de M. le ministre des travaux publics.
Nous serions bien étonné ({u'un autre artiste voulût acceplei- la place; après
le refus de M. Duban.
Construclion en style ogirnl de l'église Sainte-Clotide sur la plaee lie liée liasse,
à Paris. — Le Conseil des bâtiments civils avait renvoyé à l'étude, pour la
troisième fois, le projet dressé par M. (iau dune église en style ogival pour
la place Bellechasse. jM. le ministre de l'intérieur, ne tenant aucun compte de
l'avis du Conseil, a passé outre et autorisé le préfet de la Seine à mettre en
adjudication les travaux de cette future église, conformément au ])rojet de
M. Gau. Nous n'aimons pas le (>)nseil des bâtiments, mais nous regrettons
que le ministre de l'intérieur tieime en pareil me|)iis les décisions de cet au-
guste aréopage. ^ï. Gau, qui est de Cologne et qui \it de|)uis longtemps en
France, s'est cru ol)ligé, pour nous faire plaisir, ainsi qu'à ses com|)atriotes,
de composer une église avec Sainl-Ouen de Rouen et la cathédrale de Cologne,
le tout assaisonné de membres d'architecture et d'ornements, connue nulle
part et en aucun temps n'en ont fait les artistes du moyen Age. M. Gau nous
a fait l'honneur de nous apporter successivement ses trois projets et de nous
demander notre avis. Nous lui avons dit franchement (pie nous désirions la
copie exacte, formelle, pour l'ensemble et les détail;», de rarchilecturc du
XMi' siècle, et non cet amalgame de parties tenant à des pays, à des épotpu's et
à des styles diiïérenls. Le Conseil des bâtiments avait jugé comme nous l'an-
188 ANNALES AUCHÉOLOGIQUES.
rions fait nous-mêmes; de là notre regret que le ministre de l'intérieur et le
préfet de la Seine n'aient pas écouté le Conseil. Mauvais pour mauvais, nous
préférerons toujours le style gothique au romain et au grec; car le principe
que nous défendons, il nous faut le soutenir, même quand on nous l'apporte
ébréché. Mais nous aurions désiré que M. Gau nous dotal d'une belle et con-
séquente église, au lieu de l'édifice hybride et disgracieux qu'il nous prépare.
Nous faisons donc ici toutes nos réserves, pour qu'on ne nous accuse pas d'être
infidèles à nos principes. Nous ne prétendons nous rendre solidaires que des
édifices nouveaux construits selon les données rigoureuses fournies par l'ar-
chéologie. Tout monument en gothique de pendule , de pain d'épices ou de
carton-pierre nous répugne au moins autant que le faux grec et le faux ro-
main qu'on nous donne depuis longtemps. M. Gau nous trouvera sévères,
mais il sait personnellement que nous n'avons pas changé depuis sept ou huit
ans qu'il est venu nous montrer son premier projet. L'église Sainte-Clotilde
est donc adjugée aux entrepreneurs; mais nous espérons que M. Gau modi-
fiera son projet définitif suivant les observations qui lui ont été faites. Nous
espérons qu'il donnera un démenti formel à ces imbéciles journaux qui l'ont
f'élicité d'avoir rappelé, dans son projet d'église, tout à la fois la cathédrale
d'Orléans, l'une des plus laides cathédrales de France, les cathédrales alle-
mandes du xii" siècle et l'architecture anglaise des cathédrales d'York et de
Lincoln. Au surplus, toutes nos discussions sur Saint-Denis étant désormais
terminées, nous verrons s'il ne serait pas convenable d'en entamer d'aussi
suivies sur la future église Sainte-Clotilde. Nous aurons, dans tous les cas,
à revenir plusieurs fois sur cette grave affaire ; les travaux sont adjugés et
vont commencer sur la place Bellechasse.
EGLISE ET CHASSE DE SALM-TlIIliAL I.T.
Suiiil-Tliihaiilt, 8 aortt 1816.
Monsieur et ami ,
Vous me (l(Miiandez de vous donner ciuelques renseignements sur la châsse
de saint Tliibanlt, (jue vous avez fait graver dans la collection des «An-
nales. » Je ne puis vous parler de cette châsse sans vous dire quelques mots
de l'église où elle se trouve placée, et d'ailleurs j'ai toujours eu un faible pour
les ruines de Saint-Thibault, et je ne saurais laisser passer une occasion
de vous entretenir de tout ce qu'elles renferment.
L'un des grands défauts de nos éditices en France c'est d'être ignorés; en
Italie, le dernier des villages est exploré, décrit, fouillé: ne posséderait-il
qu'une base antique, ou la place occupée jadis par une fresque d'un peintre
à peine connu, tous les Guides en parleront, tous les voyageurs se croiront
obligés d'aller visiter ces objets souvent insignifiants, et qui n'acquièrent de
\aleur que parce qu'ils ne sont pas chez nous. On ne saurait croire cond)ien
en France il existe de villages maussades qui contiennent encore des monu-
ments, des maisons et des objets d'une valeur inestimable, sous le rapport
de l'art ou de l'intérêt historique. Condjien de fois nous est-il arrivé d'être
forcés de nous arrêter dansées tristes relais de poste, pestant contre la len-
teur des voitures ou contre les chevaux a])sents, et de découvrir, en cherchant
à tuer le temps, de petits édifices qui feraient la gloire dune ville d'Italie.
Il y a deux ans, M. Mérimée n'a-t-il pas ainsi trouvé une curieuse basili(pie
carlovingienne à Vignory?... Ce fait, et cent autres que je [)ourrais citer,
doivent engager tous les artistes elHes archéologues quelque peu soucieux des
choses de ce pays-ci, à ne jamais se rebuter, à ne quitter une petite ville ou
un village, ciu'a|)rès en avoir exploré tous les recoins. Aujourd'hui nos grands
monuments sont as-ez bien connus, dessinés et décrits; mais nos grands
monuments appartiennent la plupart à des villes populeuses et riches, et la
richesse des villes, des chapiln-s ou dos paroisses, a |)lu> dclruil (pic l'oubli
et la paiivri^té. Au-si nos rullicdrales sont-elles presque toujours dépourvues
190 ANNALES ARCHEOLOGIOUES.
des ()l)jots mobiliers primitifs, onl-elles laissé briser leurs tomiies, disperser
leurs trésors, remplacer les anciens objets destinés an culte par des objets
plus modernes et d'un goût déplorable, ces villes riches et commerçantes
ont-elles démoli leurs anciennes murailles, leurs jolies maisons, leurs bâti-
ments municipaux, pour remplacer tout cela par des édifices sans nom, et
que l'on ne voit cpravec regret, si l'on songe à tgnt de trésors perdus. C'est
donc dans les villages ou dans les villes pauvres qu'il faut aller fouiller, si
l'on veut encore avoir quelque idée de ce que possédaient autrefois nos mo-
numents religieux, de ce qu'étaient les liabilalions de nos pères; et cela sans
perdre de temps, car chaque jour voit abattre une vieille maison, vendre des
retables, des meubles, des boiseries, qui de nos petites églises de campagne,
tombent entre les mains de brocanteurs. Barbares de nouvelle date, pillant
la France comme les Romains ont jadis pillé la Grèce. Vous, monsieur, qui
avez vécu sans cesse de celte vie du passé, vous comprenez la joie secrète
que l'on éprouve lorsqu'on peut rapporter dans son portefeuille quelques-uns
de ces trésors oubliés par les commis-marchands d'antiquités, et vous accueil-
lerez, je l'espère, tous les fragments que je joins à cette lettre; ils viennent
tous de l'église de Saint-Thibault, que bien peu de voyageurs en France ont
visitée.
Non loin de Semur, entre celte ville et Arnay-le-Duc, se trouve l'ancien
prieuré de Saint-Thibault, autrefois le but de pèlerinages fréquents, possé-
dant des reliciues piecieuses et de grands biens, aujourd'hui en ruines et
réduit à l'état de pauvre paroisse d'un médiocre village. La fondation de ce
prieuré date de la mort de saint Thibault arrivée en '!2'iT, aussi les parties
les plus anciennes de ces ruines ne paraissent pas remonter au delà de celte
époque. Lorsqu'on approche de l'église de Saint-Thibault, qui de loin res-
semble à une misérable grange, on est fort surpris de se trouver vis-à-vis un
portail du xiif siècle, couvert de sculptures charmantes et bien conservées.
Ce portail était autrefois précédé d'un porche, et donnait accès dans le trans-
sept septentrional. Le trumeau supporte une statue de saint Thibault en cos-
tume d'abbé; le tympan de la porte représente la mort, l'assomption et le
couronnement de la Vierge. Saint Thibault avait une dévotion particulière
pour la mère de Dieu; quand il entendait prononcer son nom, dit le Méno-
logue de Citeaux, il ne pouvait s'empêcher de le ré[»éler à demi-voix, en
ajoutant : « Nom suave de la bienheureuse Vierge, nom vénérable, nom
« béni, nom aimable dans toute rélernilé. » Il est donc assez naturel de
supposer que c'a n'a pas été sans intention que le statuaire a placé ces sujets
au-dessus de la tète de saint Thibault. Sur la première voussure, autour de
EGLISE ET CHASSE HE SAINT-TM 1 H A 1 I,T. 191
ce tympan , sonl pculplocs les sept vierges sages et les sept vierges folles. Sur
la seeonile, Moïse, des rois, des proplièles et des martyrs. Dans les éhrase-
nienls, adroite, deux figures d"liomine en habit civil, à ganclif», une statue
de femme et un évoque; ces ijuatre figures no sont pas nyiiiboes, ot il est fort
difficile de savoir (juels sont les piMsonnages (pi'elles représentent. Je vous
ai copié sur bois la tète de l'une des statues de droite, elle est ornée d'une
coitVure fort jolie et curieuse; sa main, (pic je vous envoie aussi, est gantée
à la façon des fauconniers (pi. I, fig. 1 . Les ventaux en bois sculpté ipii
ferment cette porte sont bien conservés; ils dalenl de la lin du xv' siècle;
divisés en une quantité de petits panneaux, ils figurent, à gauche, quelques
traits de la vie de saint Thibault , à droite , des saints et des saintes Le por-
tail, isolé aujounThui, ne donne plus accès dans l'église, réduite seulement
au ch(eur, llanciué (hi cùtè rlu nnrd , d'une petite chapelle. Ces dernières
constructions datent du xiv' siècle; ot sont dune légèreté incroyable, malheu-
reusement ayant été inceniliées dans le xvii* siècle, elles ont été mal ré|)arées,
et menacent de s'écrouler; aussi est-ce un iiixculain; M"'M'' '^""^ '«''^ '''•
Armez-vous de patience, et suivez-moi d'abord dans colto petite cha|)cllc du
nord, ou plutôt dans ce morceau de chapelle; c'est là , c'est dans ce misérable
réduit, rongé par l'humidité, que se voit la châsse de saint Tliibault «jue
vous avez fait graver. Autrefois cette chasse était placée dans le choMir, der-
rière le maître-autel, et était en grande vénération; elle contenait des reli-
ques de saint Thibault, un morceau de son armure et plusieurs reliquaires.
Les nombreux pèlerins qui la visitaient, croyaient pouvoir se guérir de toute
sorte de maladies, à la condition d'avaler quelques parcelles du l)ois qui la
compose, aussi aujourd'hui celte châsse semble avoir été rongée par une
armée de rats, tant elle est trouée, déchicpietée , percée; la forte serrurerie
qui la couvre, la heureusement assez bien défendue, et le couronnement a
été préservé de la main des pèlerins par son élévation au-dessus du sol.
Vous remarquerez comliien celte serrurerie esl simple cl bien combinée, en
môme temps quelle orne ce coffre d'une facnii cliarmanle. Outre les verrous
qui ferment les deux volets et les pentur(•:^ qui les suspendciit , de cha(]ue
côté passent deux barres reliant ces volels avec les montants, et venant s'ar-
rêter dans deux serrures, dont les entrées en tôle découpée, sont sur les lianes
de la châsse. Tous ces fers sonl plats, décorés seulement pai- (piciques gra-
vures fort simples, et surtout [)ar la combinaison même de la serrurerie. Dans
cette châsse comme dans une maison, comme dans une cathédrale gollii(pio,
c'est la construction qui fait tous les frais de la décoration. Les six poteaux
qui soutiennent ce coffre ne sont ornés qu'à leur sommet, là où ils n'ont plus
192 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
besoin de toute leur force pour recevoir les tenons des traverses. Le coffre
est uni el n'est enrichi que par la combinaison des penlures , des vertevelles,
des barres el des entrées, toutes choses, du reste, façonnées simplement,
mais bien apparentes, d'une façon gracieuse et commode. L'exécution d'une
châsse de ce genre serait aussi peu dispendieuse que possible, el il n'y a pas
de petite paroisse aujourd'hui qui ne puisse en posséder une semblable. A
l'époque où les pèlerins se disputaient des parcelles de ce meuble, il était
rempli à l'intérieur de reliquaires fort précieux, donl il ne reste aujourd'hui
que des débris '. M. le curé de Sainl-Thibauil a bien voulu me laisser voir
tous ces fragments; un petit reliquaire en cuivre du xv' siècle présente encore
quelque intérêt, j'en ai fait un dessin que je vous envoie, il ne contient que
des reliques qui n'ont rien, m'a-t-on dit, d'authentique (pi. Il, fig. i). Dans
la petite chapelle où se trouve placée cette, grande châsse de bois, se voit
encore une piscine du xiv" siècle, très-simple, mais fort jolie; je vous l'ai
dessinée sur bois, afin d'augmenter la collection d'objets de ce genre que
vous réunissez dans les « Annales» (pi. I, fig. m). On ne saurait trop se
presser de dessiner ces restes, partout ils disparaissent, et je dois dire que le
clergé est le premier à les détruire, sous le prétexte que cela ne sert plus
aujourd'hui. Une piscine, admettant qu'elle ne soit plus d'usage, est une
chose forl innocente, et que l'on peut bien laisser subsister. De la petite cha-
pelle nous entrons dans le choeur, misérable bâtisse toute moisie par l'humi-
dité, toute lézardée par le feu , ouverte à tous vents, déshonorée par un ba-
digeon épais comme un enduit. Là on est entouré de fragments d'une beauté
peu commune, ou d'objets curieux el bien rares aujourd'hui en France. Le
maître-autel est encore surmonté d'une crosse en bois doré supportant une
colombe à laquelle autrefois était suspendu le Saint-Sacrement. Cette dispo-
sition était très usuelle autrefois, le sieur de Mauléon, dans son (f Voyage
liturgique en France», cite un grand nombre d'églises où le Saint-Sacrement
était ainsi exposé; dans son chapitre sur Saint-Julien d'Angers, il dit entre au-
tres choses: « Le Saint-Ciboire est suspendu en haut au-dessus de l'autel sans
K pavillon; il y a une colombe au-dessus, comme encore aujourd'hui àSaint-
« Maur-lcs-Fossés [)roche Paris, à Saint-Liperche au diocèse de Chartres, et à
« Saint-Paul de Sens, el comme autrefois dans l'église de Clugny. On sait
« combien ces colombes aux suspensions du Saint-Sacrement sont anciennes
I. Sur l'un des chapiteaux du cloître de Sainl-Trophyme, à Arles, dans la partie de ce cloître
qui a été reconstruite au xiv'' siècle , on voit la représentation d'une châsse qui offre quelque ana-
logie avec celle de saint Thibault ; c'est un coffre en forme de toit, porté par quatre colonnes ; il
est orné de fleurs de lis et de petits pinacles. (Voir pi. I, fîg. ii.)
ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Par M. Didron, rue d'Ulni, N" 1, à Paris
Fig. 1'
PLANCHE I.
Fiî. II.
Fi?. IV.
^. CùtK^A^MTûr
ll@[LOglI ©i gÂlMT°TMOIBA(i!)LT (dôw.is;
Des$int par yiollel-Ltdiic lil$.
Gravé pnr F.. GiiUlaumot.
ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Par M. Didron, rue dUlm, N" I , à Paris
PLANCHE II.
Fig. II.
Fis- 1'
Fi". III.
ï X(i\f ' T/sS^ ; r/i^ p-=^
iiii iiii lin
--fer
^
saa^yii'J'''":
£■. trof^'f^*'''^
|@LIIêi ©1 §A0î3T-T(HlIl©iàîflLT (déwUs).
Otu\nt par lioltel-Leiluc fili
Cravt par K. Cuillaumol.
ÉGLISE ET (.IIASSE DE SAIM-TII 1 15.\ ILT. 103
« lant ilans l'Église grecque ([iie latine. 11 en e^l lait mention dans le ein-
« quiènie Concile général de Conslantinople, act. .">, dans la Vie de sainl
« Basile-Ie-Grand, etc., etc. » Fréquemment le saint sacrement de lEucha-
rislie était renfermé dans une coloml)e en or, en argent ou en cuivre cmaillé
suspendue au-dessus de l'autel. Dans les anciennes coutumes du monastère
de Cluny, il est parlé dune colombe d'or continuellement suspendue sur
l'autel, dans latpielic on réservait le Saint-Sacrement, et J.-H. Tliiers, dans
son (( Traité de rc\|)0fiti()n du Saint-Sacit'ment», s'accorde avec le sieur de
Mauléon, et dit avoir vu une de ces colombes parmi les reliques de l'église
paroissiale de Sainl-Luperce, à trois lieues de Chartres : «Elle est (celte
« colombe), ajoute-til , de cuivre rouge, émaillée par endroits; vers le mi-
'( lieu du cor|)s, elle a comme une petite boite ronde, creuse environ d'un
« demi-doigt, dorée par le dedans et ouverte par-dessus le dos entre les
» deux ailes, avec un petit couvercle aussi de cuivre rouge. » Ce n'est pas
précisément le cas à Saint-Thibault, la colombe ne renferme pas le Saint-
Sacrement, mais retenait le Saint-Ciboire dans son bec. «Au reste, dit en-
« core Thiers un peu plus loin, dans quelques-unes des églises de France,
«comme dans celle de Chartres, où le Saint-Sacrement est suspendu au
« milieu des autels, il y a des colombes au-dessus des jiavillons qui couvrent
« les ciboires; mais on ne peut pas dire pour cela (jue ce soient des taber-
« nacles en forme de colombes, parce qu'elles ne contiennent pas la Sainte
« Eucharistie. » La tapisserie de Montpezat, dont vous avez publié une
copie ', présente sur l'autel où saint .Martin ofticie, une dis[)Osition analogue
à celle dont [)arle Thiers, et que nous olTre encore l'autel de Saint-Thibault.
Malheureusement la crosse et la colombe de Sainl-ïhibault datent de la fin
du xvi' siècle, et sont fort laides et ridicules toutes deux; j'ai cru néanmoins
devoir me presser de mentionner ce fait encore existant dans un pauvre
village, et je vous envoie un dessin de l'objet en question (pi. Il, fig. ii),
car demain peut-être, la crosse et la colombe de Saint-Thibault auront-elles
fait|)face, si la fabrique peut réunir quelque argent, à un horrible baldaipiin
en velours de coton avec un panache en bois peint.
Derrière ce maître-autel est un très-beau retable en bois du xiV siècle,
et au-dessus un Christ de grandeur naturelle sur une croix de nm\ mètres de
haut, le tout en bois sculpté également du xiv« siècle et assez bien conservé.
Le Christ est tellement défiguré par une peinture rouge, blanche et couleur
chocolat, qu'il est assez dillicile de savoir si la sculpture est l)ien ou mal
I. ylnnaks, loriie III, livraison ii''.
191 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
exécutée. Cependant, ayant pu le voir d'assez près, il m'a paru d'un beau
style. Sur les quatre extrémités de la croix d'une élégance très-remarquable,
sont taillés les quatre évangélistes dans des qualre-feuilles terminées par quatre
grandes fleurs de lis. Je joins un dessin à ma lettre (plane. Il, fig. iiij, et cela
vaudra mieux qu'une description plus détaillée. Le sacre du roi Charles X n'a
pas été fatal qu'à la ville de Reims seule, j'ai tuouvé bien des fois sur mon
passage des traces de cet événement. A celte époque , quelques secours ayant
été accordés à l'église de Saint-Thibault, cette croix et le beau retable qui se
trouve au-dessous ont été peints de la façon la plus burlesque par ([uelque
vitrier du pays. Cet acte de vandalisme est d'autant plus regrettaljJe que j'ai
pu m'assurer de l'existence de peintures anciennes sur ces deux objets. Il est
fait mention dans le voyage du sieur de Mauléon d'un Christ d'une grande
dimension, comme celui-ci, qui se trouvait placé dans l'église Saint-Etienne
de Sens. « Au-dessus du grand autel , dit-il ' , il y a un retable couvert
(f ordinairement d'un parement comme celui de l'autel : au-dessus il y a deux
« cierges et un grand crucifix, au-dessous duquel il y a une petite crosse où
« est suspendu le saint ciboire sous un petit pavillon. Il y a quatre colonnes
« de cuivre avec des anges qui sont accompagnées de grands rideaux. » D'un
autre, dans l'église abbatiale de Saint-Seine* , « le grand autel est sans
« retable ; il y a seulement un gradin et six chandeliers au-dessus, au-dessus
t( un crucifix haut de plus de huit pieds, au-dessous duquel est la suspension
i< du saint sacrement dans le ciboire, et aux deux côtés de l'autel il y a
" quatre colonnes de cuivre, et quatre anges de cuivre avec des chandeliers
<( et des cierges et des grands rideaux. » Toutes ces citations vous paraîtront
peut-être longues, mais nous ne devons pas oublier que nos pauvres églises
pillées ont été accusées de « triste nudité» en pleine Académie, et notre
devoir, à nous, qui les aimons encore dans leur misère, consiste non-seule-
ment à réunir le peu qui reste de tant de trésors, mais à donner une idée de
ce qu'étaient ces sanctuaires il n'y a guère qu'un siècle. Qu'on se figure ce
que devait être le chœur d'une riche abbaye alors, avec son maître-autel de
bronze et d'argent, ses reliquaires, ses tombes, ses stalles, et cette grande
colonne de cuivre qui, comme aux Chartreux de Dijon, surmontée d'un
phénix , était entourée des quatre animaux d'Ézéchiel, formant quatre pupitres
que l'on tournait selon l'Évangile; et ces vêtements des prêtres, et ces mil-
liers d'objets destinés au culte, plus précieux encore parla forme que par la
1. lùlit. 1718. Puiis, p. 102.
î. P. 157.
ÉGLISE ET CliASSK DE SAI M -THIBAULT. 195
inaliôre! .Mais poursuivons noire \isitc painii les doliiis, la ponssit-ie,
les toiles d'araignées, lar nous n'avons [-as encore \n tout ce que contient
la pauvre église tie Saint-Tliiljault. A la gauche de l'autel se trouve un tom-
beau d'un homme arn)é que la tradition domie comme étant l'image du fon-
dateur du chœur de Saint-Thihaull. Ce (|ui est certain, c'est que la statue,
ainsi que le bas-relief (pii est place au-dessus dans un enfoncement |)iati(pié
après coup en plein mur, sont du xiv" siècle : le costume, l'exécution dtî ces
figures l'indiquent assez. Aucune insciiplion ne se voit aujourd'hui ni sur
ce tombeau, ni au-dessus, ni à côté. La statue est couchée sur un socle orné
d'une arcalure très-simple. Des deux côtés de sa tète sont deux anges cpii
l'encensent, à ses pieds est un lion , deux moines lisent l'oliice des morts. Le
j)etit bas-relief représente une procession de religieux tenant des cierges ; ils
sont suivis de femmes en pleurs : l'une d'elles, soutenue par un homme,
semble succomber sous le poids de sa douleur. Rien n'est plus pathéticpie,
plus saisissant que ce bas-relief dune exécution irréprochable. D'un côte on
est frappé delà gravité calme des religieux (pii [)araissent uni(piemenl occupés
de leurs [)rières, tous dans la même attitude, marchant régulièrement vers la
sépulture, la tète penchée, l'air recueilli ; un seul semble inviter les femmes
à faire trêve à leurs gémissements. De l'autre, l'émOtion vous saisit en
voyant ce groupe de pleureuses marchant pèle-méle, dominées de passions
diverses, et précédées par l'expression du déses|)oir morne, par cette femme
qui ne crie ni ne pleure, mais que les forces abandonnent et qu'il faut sou-
tenir. Tous ces gestes sont d'une viM'ité saisissante, tous ces visages sont
pleins d'expression , et paraissent sous l'empire de la douleur terrestre ,
tandis qu'au-dessus de ce petit drame compris de tous, car c'est l'hisloire de
chacun, dans la partie cintrée du réduit qui contient le tombeau , on aperçoit
d'un côté le Christ , de l'autre un ange à genoux et tenant l'àme du mort sous
la figure d'un enfant. Celte partie du sujet, malheureusement très-mutilée,
fait un contraste frappant par la simplicité et le calme des poses avec l'aspect
agité de la zone inférieure. Voici un dessin sur bois de la statue de l'hominc
armé (pi. 1, Dg. iV;. Le costume est curieux, la figure est belle, tous les
menus détails de la cotte maillée, les courroies, sont rendus avec cette (idé-
lité et cette simplicité d'exécution des belles éporpies de la sculpture; vous
remarquerez les manches étroites sous la double tunicpie de mailles et de lin,
elles |iaraissent être faites d'une étoile ra\ée fort résistante, et sont fermées
par une suite de petits boutons très-rapprocliés. Vous saurez peut-être indi-
quer l'usage de la courroie qui sépare le capuchon maillé à la hauteur de
l'œil, peut-être cette lanière de cuir était-elle destinée à empêcher le fiotte-
196 ANNALES ARCHÉOLOGIQL'ES.
ment du heaume de blesser les oreilles. Dans la petite chapelle où je vous
ai d'abord introduit, se trouve une statue de femme que l'on m'a dit avoir
été autrefois posée auprès de celle-ci , elle est du reste de la même époque.
Non loin du tombeau du fondateur , on voit accroché à la muraille un déli-
cieux retable en bois du xiv° siècle, qui représente quelques faits de la vie
de saint Thibault. Vous savez que saint Thibault , né à Marly , était fils aîné
de Bouchard, baron de Marly , de l'ancienne maison de Montmorency , et de
madame Ilildegarde sa femme , par conséquent fort grand seigneur; aussi le
retable représente-t-il les phases importantes de sa vie mondaine. Du côté
gauche , un évoque semble prédire à la dame Hihlegarde les saintes destinées
du fils qu'elle porte dans son sein; un petit crucifix que l'on aperçoit sur le
fond du retable entre ces deux personnages, paraît avoir été placé là pour
faire connaître la piété de l'épouse du baron de Marly ; à la suite de cette
scène est sculptée la naissance du saint , une main qui sort de Tarcature supé-
rieure bénit l'enfant, puis vient la dame Hildegarde qui, radieuse comme la
sainte Vierge, porte son fils dans ses bras; celui-ci caresse le menton de sa
mère, geste que l'on retrouve souvent à cette époque dans des groupes de ce
genre. Le jeune Thibault, dans la scène suivante, est xeprésenté avec un
faucon au poing, et paraissant écouter attentivement les leçons d'un homme
plus âgé que lui. En effet , « son pèie » , dit la Vie des Sai7ils , « eut grand soin
« de le faire former de bonne heure à tous les exercices qui rendent un jeune
(' gentilhomme considérable en le mettant en étal de paraître à la cour et dans
« les armées. Il n'y en avait point qui sut mieux monter à cheval et faire
« des armes, ni qui se distinguât davantage dans les jeux publics, les courses
« de la bague, et les tournois. » Plus loin, nous voyons le jeune Thibault à
genoux devant son père , et qui semble lui demander sa bénédiction. Ce
groupe est un petit chef-d'œuvre ; l'expression du père , la tête appuyée sur
sa main , est aussi belle , aussi noble que ce que l'on a jamais fait Le vieillard ,
sur le point de se séparer de son fils décidé à entrer dans les ordres, semble
hésiter; malgré la résignation peinte dans ses traits, l'attitude, le geste.
Unissent voir que l'homme souffre, que le père essaie encore de retarder le
moment de la séparation; là aussi, une main sortant du couronnement, bénit
le saint futur. <' L'abbaye de Vaux-Cernay , de l'ordre de Cistaux, au diocèse
« de Paris, fondée par Simon de Neautle, connétable de France, était alors
« fort célèbre, et il y avait peu de couvents où l'austérité religieuse et toute
« l'observance monastique fut gardée avec plus de rigueur. Ce fut le lieu que
« notre saint jeune homme, qui voulait embrasser la pénitence, choisit pour
" celui de sa retraite. Il y alla bien accompagné de ses domestiques sans leur
ÉGLISE ET CHASSE DE SAINT- TU IR AT LT. 107
t( rioii (liH'oiivi'ii- (le >nii ilo>?(Mn ; iiiais s'olant l'ail irccNoii' par l'alihc, il h^-^
« M'iiMua fil sa luaisiiii ' '. Ce sujcl ol Ir (liTiiicr it'iiicsi'iili' sur le
ivlaltlo. Sailli Tliibault. achevai, accoiiipaiiiu' do deux scivileiiis , se |né-
seiile à la porte de l'abbaye el est reçu par un IVère.
linliii, dans le milieu de ee retable, est re|)résenté le saint en costume
d abbe, assis sur un siège niagnit'Kpie orne de lèles de lions, tenant un livre
fermé de la main gauche, et bénissant de la droite. Tontes ces iigures sont
dune exécution parfaite et d'un st\le tivs-reiiianpiable; la peiiilure ancienne
en est assez bien cons(M-v(>(> , les fonds sont rougiîs , alternalivenienl décorés
de Heurs de li,- et de petits ornements l'eiiillagés.
Les vêlements, étant plus exposés à la poussière, ont soulferl davantage;
cependant, en les regardant avec attention, on les voit bientôt couverts de
ces jolies rosaces du xiV siècle, de ces qualre-feuilles semées, et de ces bor-
dures si fines.
Saint Thibault, lidmmc bien né, grand seigneur, ipii allait ;i la cour de
saint Louis, lettre, aimant les arts, devait inspin^r les liommes cjui ont
voulu lui rendre hommage. Aussi les débris (|ue j'ai pu découvrir dans celte
ruine de rancieii prieuré, sont-ils la |>hipa!l (Tune beauté rare ; vous y rencon-
trez pélc-méle une (juanlité de fragments du plus beau style. Sur un autel
[ilacé en dehors du chœur est une fort belle statue de Vierge du xiv" siècle,
badigeonnée en gris; dans un morceau de galerie, j'ai vu gisant, un saiiil
Denis en bois, (|ui paraît être de l'auteur du retable; d'un autre côti; est une
sainte Anne. On pourrait rester ici peiulaiit un mois à méditer sur ces ruines si
pleines encore de souvenirs el si peu connues; mais revenons à notre saint.
Ayant jiassé quelques années dans l'abbaye de Vaux-Cernay à étudier les
lettres et à |)iali(iuer toutes les vertus religieuses, l'abbé Hicliard étant mort,
il fut mis en sa place en \2'.]7') , el devint la lumière de ce mmiastcre. 11 aug-
menta les bàliments el la bibliolliè([ue du couvent, il \onlail lui même porter
les pierres el le mortier pour aider les maçons, el lit copier nombre de manuscrits.
Le P.Anselme ' lui attribue un poème sur la mort, (pie Ton a supposé avoir
été plut(jt composé par riiibanlt de Moiitiiiorency inoil a la lin du xii'' siècle.
Quoi ([u'il en soit, j'avoue que cette [liece de vers, malgré et peut-être à caus(î
des >trophes satiri(]ues qu'elle contient , ne me semble pas en d('saccord av(>c ta
vie et le caractère de saint Thibaiill , a la l'ois austère et passionné ; elle ren-
ferme des passages dictés par un si'iilinn'iil poélicpie très-éleve , et ?-i voii- mr
t. Le.i fies (Ici Saints, in-folio l'ari.-s, I7li). lomc II. \i;\ic il'i.
2. Ilisloife (ji-iii'uliKjique , tome III , page Ci>8.
V. 20
|t)8 ANNALES ARCHÉOLOGIQUE?.
le periiieitez , je vous transcrirai ici quelques-unes de ces strophes tirées d'un
manuscrit provenant de l'alibaye Saint-Victor '.
Mor;;, en cui niiréoir se mire
L'âme (]uant des cors se deschire,
Mors, qui venis de niors de pome
Primes en feme et puis en home ,
Tubas le siècle conme toile,
Va moi saluer le grant Rome
Qui de rungier à droit se nome ,
Car le char runge et le cuir poile ;
Et fais a symoniaus voile
De Cardonax et d'Apostoile.
Rome est li mal qui tôt assome ,
Rome nos fait de siu candoile
Ouanl son légat vent conme estoile,
.là n'iert tant tainz de noire gone.
Mors, fai enseler les chevaus
Por sus monter ces cardonaus
Qui luisent conme mort carbon ,
Por le clarté qu'il ont eu iaus.
Di lor que moult ies dure à chiaus
Ki plus aerdent de cardon
Au grant présent et au grant don ,
Et por ce ont Cardonal à non ;
Mais Rome emploie deniers faus ,
Et tout brisie et tout séon
Et si sorargenle le pion
('.'on ne connoist les bons des maus.
Moi-s crie à Rome, crie à Rains,
Seigneur, tôt estes en mes mains ,
Aussi li haut comme li bas ;
Ouvrés vos iex , chaingniés vos rains
Anchois que je vos tiegne as frains,
Ke ne vos face crier, las !
Certes j'akeur plus que le pas ,
Et s'aport dez de deus et d'as
Por vos faire jeter del mains.
Laissiez vos chifdois et vos gas,
Tex me ouvre dessous ses dras
Qui culde estre tous fors et sains.
Mors, \a à Riauvais tôt corant
A l'Evesque qui m'aime tant.
Et qui toz jours m'a tenu chier.
Di li qu'il ail jours contremant
Un jour à toi , mais ne sai quant
Mors, mors, qui jà ne seras lasse
De muer haute cose en basse ,
Aloult volentiers fesisse aprendre
Rois et princes , se je osasse,
Conment tu trais rasoir de casse
Pour chiaus rere qui n'ont que prendre.
Mors, qui les montés fais descendre.
Et qui des cors as rois fais rendre ,
Tu as tramial et rois et nasse
Pordevant les haus home tendre.
Qui por sa poesté estendie
Son ombre Iressaut et trespasse.
Mors , lu abas à un seul jour
Aussi le roi dedens sa tour
Con le povre de sous son toit ^ ;
Tu erres adès sans séjour
Por cascuns semonre à son tour
De paier Dieu Irestot son droit.
Mors , tant tient l'ame en ton desiroit
Qu'ele ait paie quanqu'ele doit
Sans nule faute et sans retour :
Por ce est fox qui seur s'ame acroit ,
Qu'ele n'a gaige qu'el emploit.
Puis qu'ele vient nue à l'eslor.
I. Vers sur la niorl , par Thibaull de Marly , iiupriniés sur un manuscril de la bibliothèque
ro\ale. .\ Paris, chez.1. Renouard, imp. de Crapelet.
i. Le pauvre en sa cabane , où le chaume le couvre ,
Est sujet à ses lois ;
Kt la L;arde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend pas nos rois. {.^fa/herbe. )
ÉGLISE ET ClIASSK DE SAINT-THIBAULT. 199
Mors , douce as bons , as max anierc , Et le cors lioiile aiiis nu'il s'a|)iiit ,
A l'un ies largo , à l'aulre avère, «Si toit l'anio ains iju'ole s'a(|uil.
Les uns cache , les autre fuit ; El fiert anchois ([u'ele s'apere ;
Tex ne la crient qui la compère, Mors, vait connie terres par nuit ,
Et prent le fil devant le père. Et l'endormi en son déduit
Et kieult le Heur devant le fruil . Semoni losl avaiil di' Il lore.
On pouri'ail citer loiiles ces stfophos , car elles sont loules pleines de vei've
et de poésie; mais puisqu'elles ont été imprimées déjà par les soins de M. Cfa-
pelet, je renvoie vos lecteuis à cette brocliuie, aussi bien tpi'aii catalogue de
la bii)liotlièque |ioétique de ]M. Viollot-I.educ cpii en |)arle lon.i^ucment. Si ces
vers ne sont pas de saint Thibault , ils sont au moins de l'un des siens, car ce
petit poème est terminé paf ce ipialiain :
Icist linent les vers Woucharl
Dict do.Marly que Dieu <;arl
De celui feu qui tout jor art . ' ' .
Einz le preingnc à la sue pari.
Kl, d'ailleurs, j'avoue que le témoigtiage du l*. Aii.H'liiie me seml)le a\oir
une certaine valeur.
Votre bien dévoué el alTeclionnc ,
i:. \ lol.l.Ki-I.LDLC.
RESTAUKATION
L'EGLISE ROYALE DE SAINT-DENIS.
OHNEMENTATION INTÉRIEURE.
Chapelles de la nef. — Chœur d'hiver. — Chapelles du chevet — Vitraux.
Peinture. — Paléographie. — Blason. — Crypte.
L'article que nous publions anjouid'luii, après Tavoir augmenté, devait
suivre à peu de distance, celui qui a paru dans le numéro des « Annales
archéologiques », du mois de novembre I8'i4 ', sur la partie architecturale
de la restauration de Saint-Denis. Des motifs de convenances toutes particu-
Uères nous déterminèrent à en ajourner indéflniment la publication; d'une
(lueslion d'art nous craignions alors de faire une question de personne. L'état
des choses a bien changé depuis. L'église de Saint-Denis vient de tomber en
de nouvelles mains, et l'administration a couvert de son approbation expresse
tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour au grand préjudice du monument. Par
suite du changement de règne, la restauration de Saint-Denis est passée à
l'état de fait historique; la critique peut désormais s'exercer sur elle, sans
([ue nous ayons à nous préoccuper de personnalités irritantes. Il est d'ailleurs
plus important c[ue jamais d'éveiller l'attenlion du nouvel architecte sur l'élat
d'une succession qu'il se doit bien garder d'accepter autrement que sous
bénéllce d'inventaire.
Le vice capital de la décoration actuelle de Saint-Denis, c'est à nos yeux
l'absence de tout caractère sérieux. Vous croiriez voir l'œuvre d'une géné-
ration sceptique et moqueuse qui, forcée de relever les ruines de la vieille
église, aurait voulu se dédommager de cette contrainte, en traitant de la
façon la plus cavalière des choses d'un ordre tout à fait grave et respectable.
Ici, on a joué aux catacombes et aux premiers chrétiens; là, on a élagué
des légendes les miracles que Dieu n'aurait pu opérer, sans blesser notre
raison; ailleurs, on vous donne pour lonibeaux de martyrs des blocs de
I. Iiuiaks .Irchco/ogifjKes, \ol. I . pages 2.T0-2,J().
KKSI Al KM ION KK I. KCf.lSK UOVALE DE SAINT-DENIS. -201
l>it'rr(> (ini nCii oui inn' liiiipaiciicc, cl dos autels réellomenl consacrés abri-
lent sons leurs tables ces simulacres inenleurs; enlin, pour comble de déri-
sion, deux ou trois nièlres cnrrés de mauvaise seri,'(( roui:;e, appendns à une
|)erche de bois dore, an fond de rid)sido, au-dessus du reli(inaire des trois
apôlres parisiens, parodient sacriléiicment ce glorienv oiinammc de France,
que nos pères, dans leur reliiiieux enllionsiasme , ero\aient dcscen(bi des
cieux et remis |)ar un ani,'e aux mains du premier roi cinétien.
Nous le reconnai>sons sans peine, dans un travail aussi complexe (]ue la
restauration de Saint-Denis, des questions de la solution la plus diflicilc
devaient surgir, à chaque pas qu'on voulait l'aire en avant; mais ce (jui pour-
rait devenir une circonstance atténuante n'est certes pas une excuse, l'n
même artiste peut ne pas èlr(> tenu de remplir simultanément les fonctions
darchitecte, de scul|)teur, de peintre, de verrier, ni de joindre à la con-
naissance de son métier des notions a|)profondies en histoire politique, reli-
gieuse et monuineiitale, en [laléograpliie, en Idason, en iconogra|)liie, en
théologie même et en liturgie. N'aurail-il cependant pas fallu savoir au moins
([uelque peu tontes ces choses, pour se croire apte à restaurer un monument
qui, comme Saint-Denis, touche par tant de points à l'histoire de notre
moyen âge. De là , nous conclurons que la restauration d'une telle église
excédait les forces d'un seul homme, que personne ne se trouvait en état de
Tentreprendre avec chance de succès, à répo(|ue surtout à laiiuelle on l'a
commencée, et que ce n'aurait pas été trop de placer un homme spécial à la
tête de chacune des principales divisions de ce travail inunense. (loniment
s'expliquer alors l'insouciante sécurité d'une administration (pii s'est crue
ilégagée de toute responsabilité, poui a\(iir(()ntie un monument de cette
nature à des architectes, (jui pouvaient avoir fait leurs preuves, comme i)ra-
ticiens et connue artistes, nuiis (]ui ne ressentaient pour l'architecturedu moven
âge (piuii mépris fonde sur la plus conq)léte ignorance, (les messieurs ont
expérimente sur Saint-Denis; ils se sont instruits à ses dé|)cns; faciaintts
cxperimnihiin in anima cili. Les chambres législatives, qui se sont montrées
d'une générosité vraiment iné|)uisable à l'égard t\r la rovale eiilise, ne
seraient-elles donc pas en droit de demander conq)le du re-ullal produit par
le vote et l'cmpldi de tant di' millions pour le progrès de 1 ai i d di' la science
archéologi(|ue.' Nous |)ouvous bien le dire sans fausse modestie, on avait
conq)té sans l'école nouvelle; on crosail le luoyen Age réduit à l'état de
lettre morte, ou pétrilié en indéchiffrables hiéroglyphes; on pensait bien,
pour nous ser\ ir dune expression vulgaire, (]uc persoiuie ne s'aviserait jamais
de mettre le nez dan^ d aussi pitovables vieilleries. .Mais, voyez la malo
202 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
aventure, le spectre du moyen Age a secoué sa poussière; c'est un cauclie-
mar qui ne permet plus à Messieurs de l'Institut de s'assoupir en leurs fau-
teuils, au murmure flatteur des compliments académiques. Quelle paix
régnait autrefois en ce collège de savants bénis du ciel! quel échange de
louangeuses politesses! passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné. A
force d'études , nous avons acquis le droit de nous faire entendre; mais on ne
nous pardonnera jamais d'en savoir plus que les maîtres officiels.
Chapelles de la nef. — Sept chapelles bordent, au nord, la nef de Saint-
Denis; la première sert de logement aux gardiens de l'église, et la septième
est occupée par les deux mausolées de Louis XII et de Henri IL Les cinq
autres chapelles ont été rendues au culte, et à l'heure qu'il est, on s'occupe
de mettre la dernière main à leur décoration. Deux d'entre elles seulement,
celles de Saint-Martin et de la Trinité, conservent leurs titres anciens; les
trois antres, qui portaient les noms de Saint-Laurent, de Saint-Louis et de
Saint-Denis, ont perdu leurs vieux patrons. Mais un illustre martyr comme
saint Laurent, un roi comme saint Louis, un apôtre comme saint Denis mé-
ritaient quelques égards; aussi, leur a-t-on accordé un dédommagement dans
les chapelles absidales, où ils ont à leur tour supplanté des bienheureux de
moindre valeur. La confusion résultant de tous ces déplacements, n'em-
brouillera pas médiocrement l'histoire de l'abbaye , pour celui qui voudra
l'étudier dans les divers ouvrages laissés par les bénédictins. Ce n'était pas
sans motifs que les moines de Saint-Denis avaient déterminé les titres de leurs
différentes chapelles; le choix de chaque patron se rattachait à quel([ue cir-
constance remarquable de l'histoire du monastère.
Saint Denis, malgré sa qualité de maître de céans, a donc été rudement
éconduit d'une chapelle, où il présidait jadis à une très-ancienne confrérie,
et saint Philippe lui a pris sa place. C'est que saint Philippe est aujourd'hui
un saint d'ordre royal. Les vieux saints, dont le diocèse de Paris aimait à
vénérer les images, et qu'il saluait comme ses patrons, sont maintenant
déclarés déchus de leurs autels, et contraints de battre en retraite devant la
nombreuse troupe de bienheureux dont les noms figurent au calendrier de la
dynastie régnante. Saint Philippe et sainte Amélie jouissent surtout d'un
crédit qui n'a plus de bornes; on les peint, on les sculpte aussi exactement
que possible à la ressemblance d'augustes personnages qui vivent au milieu de
nous, et rien ne paraît plus étrange que de voir travestis en saints des princes
dont les portraits , en simple costume civil , remplissent les magasins de nos
marchands d'estampes. Dans la nouvelle église de Saint-Yincent-de-Paul ,
chaque membre de la famille royale, prince ou princesse, est sculpté en
UESTArUATlON DE L'ÉGLISE KOVALE DE SAIM-DEMS. 203
bois, sur la flùtuie du chœur, avec le nom , le nimbe et les alhibuls de son
patron; le vain{jueur de Mogador y porle le cordon de saint François; saint
Albert el saint Robert y représentent le comte de Paris et son frère ; le roi des
Heliies y tient aussi sa place, à l'abri du nom de saint Léopolil, cl |inrle en
main une église qui affecte une tournure toute catlioliipie; je crois même que
le sculpteur a créé quelques saintes (pie le martyrologe romain ne lui four-
nissait pas; sainte Louise et sainte Clémentine me semblent, par exenqde,
d'une autlionticité fort suspecte. Ainsi, les princes font sur la terre la for-
tune de leurs patrons, cpii seraient bien ingrats de ne pas leur rendre la
pareille en paradis.
A Saint-Denis, la décoration des chapelle!» lalcraics de la nef a été traitée
connue s'il se fût agi de l'ameublenuMit des salles d'un musée. Les gens qui
avaient su])primé le musée des Pelits-Augustins, et qui ne savaient plus que
faire de rimmense quantité de fragments dont se composait celle collection ,
eurent la funeste pensée d'enrichir Saint-Denis de la dépouille de cent églises.
De leur côté, les architectes se sont donné des peines incroyables pour mettre
en œuvre tous ces débris. Aussi, l'œil est-il partout chotpié d'une agréga-
tion désordonnée de sculptures qui n'ont ni rapport d(! sujets, ni ((iiiiniu-
nauté d'origine, ni analogie de style.
La première chapelle pourrait suffire à donner une idée de toutes les autres.
Au fond, deu.x chapiteaux carlovingiens portent des statues du Christ el de la
Madeleine qui ap|)ailiennent à une épo(}ue déjà un peu avancée du xiv" siè-
cle; nous avons [)arlé de ces figures dans notre précédent article; elles ont
été faites pour l'extérieur et non pour le dedans de l'église. Tout à côte, un
.Moïse et un Aaron, de plâtre ou de terre cuite, se tiennent, a ! iniilalinu des
stylites orientaux , en équilibre sur deux colonnes neuves coiffées de jolis
chapiteaux ioniques du temps de Louis XIII, dont les volutes acconqtagnent
des tètes d'anges bouftis; le législateur juif et son frère le grand |)rèlre ne
rendraient pas facilement compte de leur présence en ce lieu ; je soupçomie
fort l'effigie d'Aaron de n'être qu'une copie de ([ueUjue statue d'évèque trans-
formé en pontife de l'ancienne loi, au moyen de l'application d'un rational
sur la poitrine, el de la conversion peu difficile de la mitre en tiare à double
corne. Entre les deux personnages bibliques, un saint Jean-Haplisle en
marbre, duxiv" siècle, sur la tète duquel on a cloue un nimbe crucifère, en
façon de cascjuelle, perche, c'est le mot, au bout d'un bâton sculpté, qui
servait de trumeau à une porte du cluUeau de (haillon. Le xvi" siècle a fourni
(]uatre l)as-reliefs encastrés dans les murs, représentant la frahison de
Judar-, la Flagellation, TLcceliomo, l'.Vsccnsion; ils mhiI lont fiagnienie-.
-204 ANNALES AllCHEOLOG I OL ES.
Pour donner à cette cliapelle un autel dii^iie de tigurer au milieu d'un pa-
reil désordre, on est allé choisir dans les magasins les arcliivolles de plu-
sieurs ogives du xiii' siècle, en pierre coloriée, autrefois comprises dans la
décoration de la charmante tribune de la Sainte-Chapelle de Paris, et sur ces
appuis d'un nouveau genre s'est assise une grande dalle qui forme la table
de raulel. Du même coup, on a privé la Sainte-Chapelle d'une portion impor-
tante de son ancienne ornementation, et l'on a enrichi Saint-Denis d'un
pitoyable monument, ('es archivoltes, ainsi disposées, forment une claire-
voie , une manière de cage, dont les barreaux emprisonnent une statue cou-
chée sur un suaire; regardez bien et vous reconnaîtrez l'amant de Diane de
Poitiers (Henri II), qui fait ici fonction d'un Christ au sépulcre. Si le person-
nage vous inspire peu de dévotion, tâchez au moins de retrouver, sous le
badigeon cadavéreux qui la souille, les beautés merveilleuses de celte statue
que Germain Pilon sculpta en pierre, comme modèle de l'effigie de marbre
qui repose dans la splendide chapelle funèbre des Valois.
Au-dessus de cet autel d'assez profane composition , s'élève un curieux re-
table de bois, travaillé avec plus de patience que d'art; les scènes de la
Passion s'y développent en une foule de petits sujets; le style de cette sculp-
ture accuse une origine flamande. Une des chapelles de la nef, à Saint-Ger-
main-l'Auxerrois, possède un retable presque identique à celui-ci.
Enlin, notre chapelle a été peinte entièrement; mais, au lieu de la revê-
tir de ces brillantes couleurs d'azur et d'or que le moyen âge affectionnait
tant, on lui a imposé un costume de la teinte la plus triste et la ])lus
blafarde. Certaines colonnes reproduisent, sur des dimensions gigantesques,
ces innocents bâtons de sucre de pomme ou de chocolat que nos confiseurs
étalent, moins pour égayer les jeux , que pour éveiller la gourmandise. Si ,
connue on a osé le dire, l'argent manquait pour faire mieux, ne convenait-il
pas d'attendre? l'église de Saint-Denis vivra plus que nous. Une draperie
simulée, de couleur verdàtre, semée de maigres ornements d'or au plus
faible titre, s'accroche lourdement, dans tout le pourtour de la chapelle,
aux parties basses des murs. Plus haut, des peintres en bâtiments, transfor-
més en peintres d'histoire, ont exécuté deux fres(pies abominables, qui repré-
sentent Moïse sur le Sinaï et le Jugement dernier. Dans la scène du Juge-
ment, le tribunal seul est en place; le genre humain tout entier fait défaut.
N'oublions pas de mentionner, pour mémoire, trois ou quatre mauvais
tableaux modernes égarés dans ce magasin de bric-à-brac, et de dire qu'en
ce moment même des ouvriers terminent une grosse poutre engoulée par des
dragons, qui sera bientôt, si le nouvel architecte n'y met bon ordre, plantée
KESTAIUATION 1>K I.Kr.I.ISK ItOVA[.l-. DK SAINT-DENIS. 205
en travers di' l'ogive cldiivcrture de la chapelle, (iette ])ièec de bois servira
do support à une vingtaine de mauvaises statuettes qu'on dis|)osera en Cal-
vaire, comme il en existe encore dans certaines églises rurales, surtout en
Bretagne. J'énonce simplement tous ces faits; ils en disent assez par eux-
mêmes, sans qu'il soit besoin de commentaire.
Même confusion dans les (]uatre autres diapelles, dédiées à saint lli|)polvte,
à saint Philippe, à saint iMartin et à la Trinité. Vous voyez à l'autel de saint
Hippolytc la mort de ce courageux martyr, sculptée en un has-iclief du
commencement du xiV siècle. Mais vous vous tromperiez étrangement si
vous pensiez qu'une douzaine de bas-reliefs de la renaissance, appliqués aux
murs, p(;ul avoir tjuehjue rapport avec la légende du même saint. (> sont
les |)rincipales scènes des Actes des apôtres, dont le ciseau de François Mar-
cliaml, altiste oi-léanais, avait décoré, en \')'i',i, le julie (l(> l'église abbatiale
de Saint-Père, à Chartres. L'autel a reçu potir retable une sculpture du
xiv^ siècle , toute fleurdelysée, au centre de laquelle est un Calvaire; les Heurs
de l\s avaient été mutilées; on a i apporte partout d(> pi'tits morceaux de
pierre pour en faire de nouvelles, et, de i)lus, une couciic de peinture est
venue recouvrir une inscription très-intéressante, indiquant la date de la
décoration peinte d une chapelle qui possédait autrefois cette sculpture, l'n
vitrail tout récemment i)Osé , (]ui piovient , dit-on , de lîouen , et (ju'il a fallu
tantôt allonger, tantôt raccourci)', pour l'adapter aux meneaux dont il se
trouve aujourd'hui encadré, présente les effigies de personnages tels que
saint Fiacre et Nicodème, qui se montrent là on ne sait pourquoi. Nicodème,
décoré du titre de saint qui lui est rarement donné dans les monuments du
moyen âge, porte comme attribut un linge avec l'enipreinte de la tète du
Christ; les restaurateurs du vitrail ont [)ris sans doute Xicodème pour sainte
Véroni(]ue.
Dans la chapelle royale de Saint-l'hilippe, l'aiiôtrc palion n'a obtenu
qu'une statue de plâtre moulée au hasard sur une de celles de la Sainte -(ilia-
pelle; il domine le retable; mais saint Denis, qu'il avait prétendu supplanter,
s'est maintenu à l'autel, en deux bas-reliefs de la lin dn \i\' -icc li-, ei , pour
augmenter le trouble, sainte Harbe est entrée par la fenêtre, ou sa légende
se déploie fièrement en vitraux de la renaissance. Introduisez un étranger au
milieu de ce désordre, sans lui donner le mot de l'énigme, et je réponds qu'il
aura grand' [)eine à en démêler le sens. Les quehpies lambeaux de l'histoire de
sainte Barbe, qui n'ont point été rapiécés, ne man<iuent pas de valeur;
quant aux panneaux destinés à remplir les lacunes, il n'est pas besoin de les
regaider à deux fois pour reconnaître que ce sont des intrus. Les bordures
V. 27
206 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
nouvellement faites, et dessinées peut-être avec goût, pèchent toutes parleur
couleur d'un certain jaune scintillant, qui se retrouve dans tous les kiosques
chinois ou français. Ajoutez que les murs de la chapelle ont pour revêtement
une tenture décolorée, dont le dessin semble inspiré par l'étude des cache-
mi res-Ternaux.
La première fois que je suis entré dans la chapelle Saint-Martin , et (pie j'ai
vu an retable, sur un long bas-relief, un chasseur, un cerf, puis un loup,
un lion et un taureau, je me suis longtemps fatigué le cerveau à chercher ce
que le saint évoque de Tours pouvait avoir de commun avec cette série d'ani-
maux d'un commerce assez difficile. Un amateur de symbolisme aurait pu y
trouver matière à tout un système. Si j'eusse été prévenu à temps qu'il ne
fallait chercher aucun rapport d'unité entre les sculptures entassées dans
toutes ces chapelles, et que, sur un même autel, on faisait figurer brave-
ment deux ou trois légendes diverses, j'aurais, je le pense, reconnu sans
trop de peine qu'ici saint Martin se trouvait associé à saint Eustache. Vous
en dire la raison, c'est ce dont je ne m'aviserai pas. Comme son voisin saint
Philippe, saint Martin a été tapissé de draperies soi-disant byzantines, mais
qui , en réalité, sont bien ternes comme un brouillard de novembre sous le
ciel de Paris. Ce n'était point assez de badigeonner les murailles, il a fallu fal-
sifier l'architecture elle-même de la chapelle par l'addition d'une clef pendante
adaptée à la voîite. (l'est d'ailleurs une élégante sculpture du xv* siècle, qui
a longtenqis orné une chapelle de Normandie, et qui ne s'attendait guère à
l'honneur de venir à Saint-Denis. On a entrevu un beau motif de peinture à
placer au-dessus de l'autel; mais la mauvaise étoile, qui préside à la restau-
ration de Saint-Denis, a exercé cette fois encore son influence. Au lieu donc
de peindre le Christ , comme il se montra , couvert de cette moitié de man-
teau dont saint Martin s'était dépouillé pour en revêtir un pauvre , on vous a
barbouillé, dans le haut d'une ogive, un ange qui tient entre ses bras une
robe tout entière, de la même façon que celui qui assiste toujours au bap-
tême de Jésus. A ce compte; saint Jlartin aurait traversé en costume assez
léger la ville d'Amiens, aux portes de laquelle il rencontra son pauvre; la
restauration de Saint-Denis a jugé que le partage du manteau ne valait pas
le don d'un vêtement complet ; si saint Martin était encore de ce monde, il
pourrait profiter de la leçon.
Dans la chapelle de la Trinité, c'est encore le même système d'entassement
d'objets qui , s'ils pouvaient avoir conscience de leur réunion , s'étonneraient
bien de se trouver ensemble. L'autel se compose : 1" d'un bas-relief représen-
tant le Christ et les apôtres, qui date d'une époque avancée du xvi° siècle, et
Il i: s r A r H A r I ( ) \ i > F. i; i> u r. i s f, n o v a r. k n v. sain i" - n F m s. :207
qui provient d'une porte cxtc'iicuro des Mathurins; 2' d'un iclidilc dti
XIV' siècle, sur le(]uel sniil sculptées les principales scènes de la Passion;
enfin, d'nn iironpc des liois |)ersonnes divines, qui a èlè modelé en terre
cuite par un artiste du temps de Louis WX, et qui décorail avant la révolu-
tion l'église de Saint-Benoît à Paris. Afin de donner à ce dernier groupe une
tournure moyen iige, on a |)ris soin de le dorer et de l'enhiniint'r. l.'ornerncMi-
tation du mur qui fait l'ace à l'autel dépasse tout le reste en bizarrerie. A
cette même place, ou voyait autrefois, suivant le récit de ddin CiTmain
Millet, une colonne de jaxpe que l'on lient estir- la mesure île la luiuleur de
nostre Seigneur Jésus-Christ, et une grande pierre de marbre gris posée sur
deux colonnes de marbre blanc, en l'arme de couverture de lombcau ipie l' un croit
estre de pareille longueur, largeur et espesscur que celle (fui fermait l'entrée du
sépulchre de nostre Seigneur. La colonne et la couverture du tombeau ont été
complètement brisées en 1793; il était impossible de les rétablir; ce sont là
de ces choses qu'on ne refait pas. Cependant, on vient d'ériger, à la môme
place, une espèce de cofl'r(ï de pierre, en forme de sarcopliage, poilé sur
deux chapiteaux de style carlovingien, et revêtu de phupics d'nn marbre
verdAlre; une colonne en marbre noir, à hupielle il a bi(;n fallu donner, faute
de documents, une lianlenr aibitraire, a l'cflrontciicî de se [loser comme me-
sure exacte de la taille du Christ; une autre colonne attend, dit-on, une
reproduclion en fonte du serpent d'airain conservé à Saint-Ambroise de Milan,
et au-dessus de la contrefaçon du toirdieau dont nous venons de parler, vous
voyez, ce qui send)le assez peu monumental, un plan géométral de l'église
du Saint-Sépulcre, copié sur (juelque planche de l'atlas d'un voyage en
Terre-Sainte. Si, dans chaque chapelle, on mettait ainsi une carte du pays où
vécut le saint patron, une église pourrait servir à deux fins; en venant y
prier, les fidèles auraient l'agrément de perfectionner leur cours de géogra-
phie. Des ouvriers ont récemment achevé de peindre sur la partie supérieure
de la même muraille, une copie du saint crucifix de Lucques commencé par
Nicodème , et terminé par la main d'un ange; nous pouvons être bien sur
qu'elle ne reproduit pas mieux l'original, que la colonne ne nous donne la
taille du Christ, et cpie le londieaii ne figure la pieiiedu sé[)ulcre.
Nous nous snnuncs plaint du changement ûi: litres des chapelles, en rai-
son deserreur> qui |iinvent en résulter jiour l'histoire de Saint-Denis. Les
reslauralems eux-mêmes y sont déjà |)ris. Ainsi, dans celle chapelle de la
Trinité, on a peint sur les murs les armes de la reine Blanche d livreux, hé-
ritière de Navarre, qui n'a\ail rien à faire ici, mais dont le lond)cau existait
dans une cliapclle voisine.
208 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Nous avons insisté longuement sur la décoration de ces premières cha-
pelles , alin de donner une idée du système faux et puéril adopté pour Torne-
mentation de l'église ; nous ferons plus rapidement la revue des autres.
Choeur d'hiver. ■ — Au midi de la nef, dans un emplacement où il n'exis-
tait pas autrefois de chapelles, on a bâti une petite église, qui sert de chœur
d'hiver aux chanoines. Nous avons critiqué l'-extérieur de cette construction,
dont la nudité fait disparate avec le reste du monument; l'architecture inté-
rieure en a été exécutée avec une certaine exactitude, d'après des modèles
du xiii" siècle; elle pèche cependant par une apparence de pesanteur, et l'exa-
gération des baies latérales, qui ne sont ni de simples arcs, ni de véritables
chapelles, y produit un effet disgracieux. Les murs sont tapissés d'une boi-
serie composée de sujets en relief et d'autres en marqueterie; le cardinal
d'Amboise l'avait fait faire pour sa chapelle de Gaillon. Deux bas-reliefs man-
quaient; pour les remplacer, on a moulé deux fois, en carton-pcàte, une pré-
dication de saint Jean-Baptiste, qui s'y trouve ainsi en triple exemplaire.
Toutes les statuettes détruites ont été restituées aussi en carton. Cette boise-
rie, dont le travail est admirable, se trouve aujourd'hui tellement engluée de
])einlure à Ihuile, qu'il n'y a plus moyen d'apprécier la délicatesse du ciseau.
Les ujarmousets et les miséricordes des stalles ont eu le même sort. Quelques
panneaux de la boiserie n'offraient aucun sujet ; on y a fait imiter au pin-
ceau un travail de marqueterie; partout et toujours intention de tromper les
yeux. Cette menteuse marqueterie représente rAdoration des Bergers et des
Mages; à sa tournure épaisse, vous prendriez la Vierge pour une nourrice du
pays de Caux ; l'enfant Jésus, dégradé de son titre divin, n'a qu'un nindje
sans croisure. La décoration du chœur d hiver nous a coûté cher. On a eu la
barbarie de débiter, de tailler, de rogner des portes venues de Gaillon, qui
passaient pour des chefs-d'œuvre; on en a employé les morceaux à la confec-
tion d'un cadre pour le tableau de l'autel principal , de bancs pour les enfants
de chœur, et de lutrins pour les chantres.
Un autel latéral, qui porte une Vierge de marbre sculptée de notre temps,
et ridiculement incrustée, malgré son style moderne, de petits morceaux de
verre coloré, est décoré d'un très-beau bas-relief du xiv^ siècle, qui repré-
sente la Naissance du Christ, l'Adoration des Mages, le Massacre des inno-
cents et la Fuite en Egypte. En restaurant cette sculpture, on a seulement
oublié de mettre Jésus dans sa crèche, de telle sorte qu'au lieu de réchauffer
de leur haleine l'Enfant divin, le bœuf et l'àne se régalent vulgairement
d'une botte de foin vert.
Dans ce même chœur se trouvent aujourd'hui les monuments de queUjues
RESTAURATION |)i: LKt.LISF. UOYALR \)T. SAINT-DENIS. 209
alilH's de Saint-Donis; ce ?ont les seuls (iiic la Hcvoliition n'ait pas détruits.
Mais, avant d'ohlenir ici le droit d'asile, ils ont dû soulTrir de rudes outra-
ges. Deux tondjes du xiii'' siècle oui >\\W[ un rabotage; complet. Tous les
linéaments d'une énorme et snperhe IuhiIm' du xvi'' siècle ont été ravivés; et,
comme ceux (|ui oui présidé à ce tiaxail n'ciiui'iit pas très-familiarisés avec
l'élude de l'icunograpliie, ils ont sul)stilué des figures insignifiantes aux
apôtres, dont ils ne reconnaissaient pas les endilemes. On a aussi imaginé
de fabriquer un Suger, au moyen duii mascaron de pure lanlaisie extrait
d'une clef de xoùte de l'ancien cloître, lace houflie et Iriviale , (nduminée
receiiimeiil d'un idiigc dix rogne. Soyez donc un des plus grands lionnnes de
France, poui' (pi'il soil permis de venir vous caricaturer ainsi jusque dans le
sanctuaire que vous a\ez édifié de vos mains et glorifié de votre génie.
De quatre ou i in(| apôlres de la Sainle-(;iia|)elle , (pii axaient été portés à
Saint- Denis, on a tiré la douzaine, en les moulant les uns sur les autres.
(>es douze figures exécutées en plâtre se dressent conire les piliers du chœur
d'hiver. Elles ont été peintes, et nous engageons ceux de nos Icclnirs qui
en auraient le loisir, à comparer la misérable coloration de ces statues à
celle des figures originales (jue les architectes, chargés des travaux de la
Sainte-Chapelle, font réparer avec un soin et un luxe vraiment remanpiables.
Une clôture vitrée garantit les chanoines de tout courant d'air; c'est un vrai
châssis de serre, encadré de feuillages de plaire et de moulures en carton. La
pauvre église royale expie cruellement sa magnificence passée.
I.a lestauration de Saint-Denis affectionne les baies profondes. Aussi les
chaïK'lles en bois, de style gothique, qu'elle a érigées contre les premiers
piliers du clueur, dans la croisée, offrent-elles exactement l'aspect de <leux
riches guéritrs; l'une est occupée par un incroyable tableau de .M. Ulondel,
représentant la victoire de saint Michel, l'autre par un trophée d'attributs
royaux en bois peint. Les autels ne sont pas irréprochal)les; mais les mo-
saïques qui les recouvrent méritent bien quel(|ues égards, au moins en
faveur de l'intention. On a pris, pour faire les appuis des grilles qui environ-
nent ces autels, des colonnes historiées fort curieuses, autrefois posées à la
façade de l'église, où elles sont aujourd'hui nnipiacccs pardcsfùls en terre
cuite.
Nous n'avons à parler ni du mailre-aulel, ni des stalles du grand clui-ur,
ni du pavé en mosanpie du sanctuaire; ils n'affectent les uns ni les antres au-
cune prétention archéologi(]ue ; laissons-les en paix. Ir i Ikiim' est dalle en
carreaux noirs et blancs, tout connue un vestibule de maison bourgeoise ou
une salle à manger. Au foiul de l'abside, deux colonnes de marbre, annelécs
210 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
coiimie celles du xii'' siècle , et couronnées de chapiteaux du xiv% portent une
plate-Corme de bois, sur laquelle reposent, dans des châsses de bronze doré,
les reliques des trois martyrs, et qui sert en même temps de dais au siège du
premier dignitaire du chapitre. On a encore dé|)ecé, par lambeaux, de pré-
cieuses boiseries de la chapelle de Gaillon, pour en composer une niche au
fauteuil du primicier, resté vide depuis 1830.
Chapelles du Chevet. — Si nous parcourons les chapelles rangées autour
de l'abside, nous y retrouvons tous les défauts qui abondent dans celles de
la nef.
Des deux chapelles réunies de Notre-Dame-la-Blanche et de Saint-Eus-
tache, on a fait la chapelle de Saint-Louis, tandis qu'une autre chapelle de
l'abside, qui était anciennement consacrée à ce saint roi, s'est transformée
en sacristie pour les enfants de chœur et en magasin pour les pauvretés qui
composent aujourd'hui le trésor. On a supprimé sainte Anne, saint Firmin,
sainte Osmanne, saint Pérégrin, saint Cucuphas et saint Romain. La cha-
pelle deSaint-Hilaire est devenue celle de Saint-Grégoire; ne fallait-il pas faire
au pape , dans l'abside , la politesse qu'on avait faite au roi dans la nef?
Le plâtre étale ses magnificences dans tout le pourtour du sanctuaire. Il y
a une Vierge de plâtre, un saint Maurice de même matière, un saint Louis
à l'avenant; c'est aussi en plâtre qu'on a confectionne des anges pour la
chapelle de Saint-Louis, une sainte Geneviève pour un retable, et le monu-
ment des trois martyrs, malheureuse fantaisie d'artiste, dont la forme géné-
rale aussi bien que les détails ont été empruntés à la façade de Notre-Dame
de Poitiers. Pour comble de luxe , on a répandu à pleines mains, sur les bor-
duresdes tables d'autels, de méchants morceaux de verre recueillis aux éta-
lages des boulevards.
Voici l'indication aussi succincte que possible, des singularités les plus
choquantes de l'ornementation des chapelles absidales :
A la chapelle de Saint-Louis, un groupe du xni^ siècle, représentant la
pesée des àrnes, a été restauré et métamorphosé en apothéose du saint roi. Un
dais de marbre qui provient d'un tombeau se trouve converti en tabernacle.
Un Charles V, est exposé à la vénération des fidèles, sous le nom de saint
Louis, et une Jeanne de Bourbon, a perdu son nom pour celui de IMarguerite
de Provence.
A côté de cette chapelle, une porte tirée du château de Gaillon, a pour
couronnement un Bon Pasteur de plâtre, moulé sur un sarcophage des pre-
miers âges du christianisme, et accompagné de la reproduction de deux
inscriptions composées par Suger, en mémoire de l'achèvement de l'église.
RESTAURATION DE L'ÉGLISE ROYALE DE SAINT-DENIS. 211
Dans les chapelles de Saint-Honoil, de Sainte-Geneviève et de Sainl-Eiigone,
sous les tables dautels, de grands tombeaux de pierre tiui font scnd)lanl de
contenir des corps saints, se composent tout bonnement cbncun d'un gros
bloc, dont l'exlérienr seul a Ibrme de sépulcre; (piand on voudra y mettre
(in('l(|iii' iluisr, il l'aiidia commciiccr par les excaver.
A la cha|H'lle do la N'iergc, un retable de la fin du xu' siècle, en cuivre^
s'est laissé mettre des rallonges, et un devant d'autel a été fait avec un mor-
ceau de inosa'ùpie, qui servait autrefois de pavé. Celte mosaïque présentait
une inscription dégradée qu'on s'est empressé de rétablir, sans être bien
sur li'avoir trouvé juste les mots (pii niaïupiaieiil.
Dans la cliapcllt? de Saint-Jean- Hapliste, une croix du xv" siècle, curieux,
monument extrait de l'ancien cimelièic des binocents, est aujourd'hui plantée
sur une balustrade. Cette croix se trouve exhaussée sur un fût à cannelures
chevronnées, dans le goftt du xii"^ siècle ; elle est maintenue jiar une armature
de fer, sans le secours de laquelle elle tomberait immédiatement sui- le pavé.
La Vierge et Saint-Jean l'évangéliste accompagnent ordinairement, comme on
sait, la représentation du Christ en croix. On songea donc à placer ici les
statues de ces deux personnages. Il no fut pas très diriiiilc de se iirocurerun
saint Jean; mais on manquait d'une Vierge convenable. Hue faire en cette
pénurie.' La restauration de Saint-Denis est fertile en expédients. Un très-
innocent a[)ôtre fut condamne au supplice de la déca|)itation, et sur ses
épaules masculines on rajusta une tète de femme aux yeux larmoyants. A la
façade, on avait travesti la Vierge en homme; on a voulu lui donner sa
revanche. Mais par malheur, en dépit de la tète et du voile féminin, nous
autres vieux routiers, nous reconnaissons le pauvre apôtre, au livre qu'il
porte et à la nudité de ses pieds.
Que le lecteur nous pardonne tant de minutieux détails. Nous avons gardé
le plus fort pour la fin. On avait sous la main un devant de sarcophage en
marbre, qui peut bien dater du viif siècle. Quelle aubaine poui- des gens qui
ont vu Kome et (jui sav(;nl un peu leurs catacond)(!s. Le devant de tombeau,
en dépit de son inscription lonic funéraire, est deNciiu dcxanl ilantcl. Si nous
nous en plaignons, on nous repond ipie cela se voit ;i Kome dans toutes les
basilicpies. Sur ce marbre est venu s'asseoir un retable de nouvelle fabri(|ue
avec monogramme, poisson et colondje; c'est à se croire vraiment au fond des
grottes de Sainl-Sébasiien. Alin d(' rendre l'illusion plus enlière et la parodie
moins imparfaite, on cul I idcr d rxpriunr \ im'hhmI |;i dcliMli'ilii paganisme,
et voici coumicnt on s'y |iril. A la vente d'un défunt anticpiaire de je ne sais
quelle illustre société, on lit emplette dune petite urne en marbre parfaite-
212 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
menl intacte , sculptée d'un aigle et revêtue d'une épitaphe. Ce vase assez
impur fut destiné à devenir un reliquaire. Un chrétien primitif n'aurait pu
voir sans horreur, sur un autel, l'aigle des persécuteurs et le nom des dieux
mânes; deux coups de ciseau firent donc justice de ces emblèmes païens, et,
sur les débris de l'aigle, on traça une croix , qu'on s'efforça de rendre aussi
gauche que possible , afin de la faire passer pour l'œuvre d'un premier chré-
tien fanatique et maladroit. C'est ainsi qu'à Saint-Denis on raille le christia-
nisme des catacombes.
Vitraux. — Il restait si peu de chose des anciens vitraux de Saint-Denis,
qu'il s'agissait ici bien plutôt de créer que de restaurer. On pouvait choisir
entre deux systèmes, la reproduction complète et fidèle des vitraux d'une
de nos plus importantes églises, de ceux de la cathédrale de Chartres, par
exemple, ou l'exécution d'une série de verrières confiées aux plus habiles
artistes de notre époque. Le premier système rendait, autant que possible , à
l'église de Saint-Denis son aspect ancien; le second en faisait, pour la posté-
rité , un très-curieux monument de l'état de nos arts et de leurs ressources.
Je ne parle pas d'un autre système qui aurait consisté dans l'application à
des œuvres de composition moderne, des éléments qui constituent le style
et la puissance des verrières du moyen âge; quand on a commencé à rétablir
des vitraux coloriés aux fenêtres de Saint-Denis, aucun artiste n'était
capable d'aborder un problème aussi délicat. Qu'a-t-on fait à Saint-Denis? On
a manqué de l'énergie nécessaire pour prendre une détermination nettement
tranchée; on a suivi le parti le plus timide et le plus mauvais, en n'osant
adopter franchement ni l'art de nos jours, ni celui du moyen âge. Aussi , les
vitraux de cette église sont-ils bien certainement les plus laids, les plus dif-
formes, les plus misérables qui aient été faits dans notre pays depuis la renais-
sance de la peinture sur verre. Us se composent de grandes plaques de
couleurs ternes, qui font tache les unes auprès des autres, tant il règne peu
d'harmonie dans leur agencement. Les tons sont pleins de froideur et de
crudité. Le vert pâle et je jaune clair y abondent; les bleus y sont violacés,
et les rouges manquent complètement de vigueur. Si encore l'imperfection du
coloris et l'absence de toutes les qualités essentielles de la [)einture sur vei-re
étaient rachetées par le mérite de la composition, ou la précision du dessin,
il y aurait au moins là une compensation acceptable. Mais nous n'avons jamais
rencontré une composition plus antipathique à l'esprit du moyen âge, des
figures plus ridiculement triviales, des corps plus courts et plus épais, des
tètes plus volumineuses et plus disproportionnées; la plupart des person-
nages ont le teint tellement bislié qu'on les prendrait pour des nègres, et
RKSIAIHAIION DK LÉdl.lSE HOV.VLK l>K SAINT-DEN tS. li-i
loiiis \t'ii\ (let;K'li('s cil clair produisent un cITel anaioiïuc à cftlui des pru-
nelles d'un elial dans les ténèbres. On a cru assun nn'ul taire merveille en
dévelop|>anl sui' les vcrri«M"es , dans tout l(i pourtour du clurur, une longue
série de scène» iiistoriiiues ou prétendues telles, depuis les sacrifices drui-
diques jusqu'à la visite que S. M. Louis Pliilijipe vint faire à Saint-Denis en
1837. Dans ce dernier tai)leau, les habits brodés de MM. Valout et de
Monlalivet, les eliapeau\ à |iluines des dames, les costumes dos aides de
camp, forment un ensend)le qu'on no s'attendrait iîuère à trouver sur les
vitraux d'une éi; lise du xiii" siècle, .\illeurs, un Napoléon do verre donne des
ordres pour la restauration de Saint-Denis; Sa Majesté Impériale a dans son
cortège un Inissard fort extraordinaire, tout bleu de la tète aux \)mh.
Depuis quelques mois, une troisième fenêtre est occupée \n\v l'entorrenieiit
de Louis XVIII, a\ec les tentures, h; catafalque et les cierges; c'est un
vitrail digne d'une administration d(! pompes funèbres.
Encore fpielques mots sur un choix de singularités iconographiques prises
entre mille.
A la rose du midi, le Père éternel, jinsitlant à la création, est priv('' du
nimbe crucifère, attribut important de la (bvinité. Au contraire, dans la
chapelle Saint-Louis, la Vierge, qui n'est cependant pas Dieu, a reçu un
nimbe rouge croisé de noir, et i)rend ainsi le pas sur la première personne
de la Trinité. (]ette mémo Vierge a les pieds nus, ce (pii viole tous les ])rin-
cipes de l'iconographie chiéticnne.
Les vitres de la rose du nord représentent un arbre de Jessé. D'après
l'usage toujours sui\i, (piand l'arbre est ainsi disposé circulairemenl, la
Vierge portant son fils devrait occuper le centre; ici elle ligure au sommet
de la rose, en costume de madone espagnole , et il n'est pas plus (juestion de
l'enfant Jésus que si cette généalogie ne le concernait |)as.
L'Église a des inquiétudes sur le salut d'Origène; de Orii/ciic iliihlUiliir. La
restauration de Saint-Denis tranche la question à j'avantage dudil Origène, et
le canonise. Vous trouverez ce saint de nouvelle fabriqu(! au dixième pan-
neau de la petite galerie de la nef, du côté du nord; il o.st vêtu, comme un
moine, d'une robe blanciie à capuchon, et |)orle un nimlx; d'or qui éclipse
ceux de tous ses voisins. J'ai clierché Terlullien, a\ec re>p()irde le iKnnei
orné, pour le moins, d un nind)e crucifère; il m'aura sans dnnli ec huppe,
je n'ai jiu le découvrir. (>alvin oA Luthiîr ont aussi été oublies.
D.ins le {•i()i>ill()ii seplenliional , on a reproduit , d'après do m.iuvaises gra-
vures de Monttaucon, d'ancionnos serrièros autrofois placées à Saint-Denis,
et représentant la vie de saint I-ouis. .Mais, dans un des panneaux, le pieux
V. '28
■214 K ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
roi recevait la discipline; ce trait a paru malséant; on a donc modifié le
panneau en le restituant, et le pauvre prince que messieurs de la restauration
auraient rougi de nous montrer aux pieds des jésuites de son tempS;, a dû se
contenter de réciter sa pénitence dans un missel. Si ma mémoire rie me
trompe, on n'en a pas moins conservé l'inscription primitive: castigat
smictus Liidovicus verbere corpus.
Quant aux vitraux anciens qu'on s'est procurés, et qui remplissent aujour-
d'hui un petit nombre de fenêtres, la plupart ont été disposés sans ordre. On
y voit des personnages tenant à la main des légendes dont les caractères ne
forment aucun sens. A la fenêtre percée au-dessus de la porte centrale de la
façade, il y a surtout un amalgame de fragments auxquels il faut bien se gar-
der de chercher une interprétation; ce sont des figures prises au hasard dans
un panier et classées par rang de taille.
11 restait de l'ancien Saint-Denis une portion d'arbre de Jessé qui s'est trou-
vée de dimension à remplir le champ d'une fenêtre. On s'est empressé de la
faire copier pour meubler une fenêtre correspondante. Que dites-vous de cet
arbre généalogique ainsi séparé en deux tronçons?
Peinture. — Nous avons déjà parlé, en décrivant les chapelles de la nef,
du système de peintures blafardes dont se couvrent les murs de Saint-Denis.
Les voûtes des chapelles du chœur ont été peintes dans le même style; elles
sont couvertes de galons et de torsades qui ne ressemblent en rien aux orne-
ments fins et gracieux, dont il reste encore des vestiges sur les nervures d'un
grand nombre de nos églises. Nous faisons des vœux sincères pour qu'on
n'aille pas plus loin. Les difficultés les plus sérieuses se présenteraient aussi-
tôt qu'on se mettrait à peindre la maîtresse voûte et les grandes colonnes. On
n'est point encore assez avancé dans l'étude de rornementation [)einte, telle
que la comprenait le moyen âge, pour entreprendre un pareil travail. Lesstatues
et bas-reliefs employés à la décoration des autels ont tous été enluminés ou
plutôt barbouillés. Il ne paraît pas qu'on se soit douté de la délicatesse extrême
qu'exige la coloration des têtes et des nus. La sculpture peinte était traitée
par les artistes du moyen âge avec le même scrupule qu'une miniature ou un
tableau; il fallait se le rappeler et tacher de saisir les procédés anciens.
Paléograwiie. — Saint-Denis avait été couvert au dedans et au dehors
d'inscriptions grecques, latines et françaises. Les fautes d'orthographe, les
erreurs de ponctuation, les barbarismes, n'y étaient pas rares ; le grec surtout
avait été singulièrement écorché. Aujourd'hui on a effacé un bon nombie de
ces inscriptions; d'autres ont été rapiécées ou sont en voie de correction.
Une commission composée, nous a-t-on dit, d'hommes fort savants, habi-
KESTAURATION DE L'ÉGLISE ROYALE DE SaInï-DENIS. lir,
tués à pâlir, durant des mois entiers, sur une lettre douteuse, a été cliargée
de réviser toute l'épigraphie de Saint-Denis. Mais, comme de raison, les
illustres commissaires ne peuvent plus s'entendre; le tra\ail (}ui leur était
confié ne se poursuivra que quand iiss(M-ont d'accord.
Blason. — Deux erreurs de blason nous onl surloul frappé. D'aboid, on a
in(li(iiié, sur des marbres du xiv" siècle, les couleurs liéraldi(iues, au moyen
de hachures qui n'ont commencé à être en usage qu'au xvii" siècle; puis, dans
la galerie de la ciypte, on a défiguré d'une manière étrange les armes de
France; des lignes horizontales tracées sur le champ de l'écu , el destinées à
représenter l'azur, onl été dorées; les trois fleurs de lys ont aussi changé de
couleur ; l'argent y remplace l'oi'.
Crypte. — Deux escaliers conduisent dans la crypte; les portos sous les-
quelles ils passent appartiennent à ce gothique bâtard inventé par l'ignorance
moderne. Ces entrées n'existaient pas anciennement; il a fallu aussi ajouter
à la crypte de nouvelles galeries , quand on a voulu établir une circulation
sous le sol entier du chevet, depuis le croisillon du nord jusqu'il celui du
midi. Les parties neuves n'offrent aucune décoration; ce sont des caves de la
plus triste nudité. Dans les parties anciennes, le ciseau a retouché toutes les
scul[)tures des chapiteaux. Il se trouve là des marbres contemporains de
Dagobert peut-être, et pour le moins de Charlemagno; leur antiquité n'a pu
leur faire trouver grâce; ils ont été retaillés â \if et déshonorés. Dans les
chapelles, on a sculpté, sur des chapiteaux du temps de Suger, des larves
empruntées à quelque urne romaine.
Pour compléter cet aperçu de la restauration de Saint-Denis, nous devrions
parler maintenant des tombeaux historiques qui forment dans cette église,
malgré leurs mutilations, une des plus intéressantes collections du monde;
mais nous nous réservons de traiter plus tard ce sujet, (piand nous aurons
avancé davantage un travail étendu cpie nous préparons sur le monunn'nt, el
dans lecpiel l'iconographie des rois de France tiendra une large place.
I!"" tu: (Il ii.iii;i;\n.
SYMBOLIQUE DES PIERHES PRECIEUSES
TROPOLOGIE DES GEMMES.
Ce n'est point exclusivement dans les exposés laconiques de Durand, évê-
que de Mende', et de Hugues de Saint-Victor^, qui! faut chercher les témoi-
gnages, les preuves et les solutions du symbolisme hiératique, soupçonné
enfin aujourd'hui dans les basiliques du moyen âge. Deux autorités isolées
ne suffiraient point dans une matière aussi grave, et ces écrivains n'ayant
consacré, d'ailleurs, que très-peu de pages à la description de l'église maté-
rielle, la lacune laissée par leurs solutions est immense. On aurait avancé
beaucoup dans cette science intéressante, si riche en trésors oubliés, si,
au lieu d'espérer trouver la lumière dans des traités d'architecture et d'ico-
nographie chrétienne que les'tenîps dits hiératiques^ ne fourniront point, à
coup sûr', on eût songé à consulter l'inunuable et première source de la
mystagogie chrétienne; cette source est les Livres Saints. Il n'y a, en effet,
que la Bible et ses différents commentaires, qui puissent livrer le secret de la
tropologie mystique de nos monuments religieux. C'est là qu'on trouve les
allusions de ces lignes, de ces formes et de ces masses, dont les types, len-
1. Auteur du nationale divin, officior., au xiii° siècle.
2.- Ou du moins l'auteur du livre ErudUionis tlieologicx in ipecutum l'.cclesix , attribué à
Hug. de Saint-Victor, mais qui n'est probablement pas de lui.
■j. Depuis l'an 800 et auparavant, jusque vers le commencement du xiii'' siècle.
i. Nous pensons au contraire qu'on trouvera , un jour ou l'autre, dans quelque coin de biblio-
tlièque , nous ne savons où, des traités d'architecture et des manuels d'iconographie. Le Manuel
d'Iconographie chrétienne , que nous avons découvert au mont Athos, est un garant à peu près
certain de cette espérance. Les artistes de notre moyen âge occidental devaient avoir des Guides,
comme en ont eu , comme en ont encore les artistes byzantins. En iconographie, l'ordre constant
(les figures et la régularité des types étaient , à n'en pas douter, assujettis à des règles, et ces
règles étaient écrites. En Grèce, on trouve un manu°l d'iconographie, et l'on sait qu'un manuel
d'architecture existe dans une grande ville de Turquie ; on peut donc espérer découvrir des livres
de ce genre en France, où nous avons tant bâti et tant sculpté au moyen âge. C'est aux archéologues,
aux archivistes et bibliothécaires à chercher parloiil. (.Vo/e du Directeur.)
SYMBOLIQUE DES PIERRES PRÉCIEUSES. 217
toment élabores et acquérant de siècle en siècle en grAce, en noblesse, en
lirandeur, étaient aussitôt acceptés, vulijarisés et re|)ro(luits avec une exac-
titude et aussi une ubiquité (|ni prouvent (pi'aux teni[)s liiératifpies le beau
avait ses règles fixes, ses pnnci[)es et ses motifs, connus au moins des archi-
lecles qui le reproduisaient ainsi. Ces architectes, si bien d'accord pour
garder l'unité intacte îles types et des traditions, étaient des moines, des
abbés, des prélats unis par la profession des mêmes croyances et qui en
maintenaient le dépôt dans ces « textes écrits en pierre, » avec un zèle aussi
ardent qu'ils le conservaient dans leurs livres. On a dit avec beaucoup de
raison que les églises du moyen âge furent des « catéchismes bAlis et sculj)-
tés, » supplt'-ant merveilleusement au défaut de l'imprimerie; ce fait, on ne
peut le révoquer en doute (juand on compan^ leur ensemblt^, leurs cond)i-
naisons générales, puis lou^ leurs détails isolés, avec les explications consi-
gnées soit dans les anciens docteurs de l'Kglise, soit dans ceux (pii, au moven
Age, composèrent tant de volumes sur la Iropologie sacrée. Les seuls com-
mentaires sur rApocaly|)se ont fourni, du ix" au xvif siècle, une série consi-
dérable d'ouvrages peu lus aujourd'hui : on y trouve beaucoup de solutions
curieuses de problèmes archéologiques et iconographiques non éclaircis jus-
qu'à ce jour, et il en est de même des gloses sur le Pentaleuque, et de tous
• les livres biblitpies. Cette étude |)orte avec elle des caractères de conviction et
de vérité admirables, et fait découvrir au front des églises des leçons pour
tous les esprits. Walafrid Strabon marque dans ses œuvres rim[)ression (]uc
produisaient les images saintes sur les ignorants et les simples, sur (■( ux
môme à peine en étal de percevoir et de comprendre les vérités éiéuKMitaires
et |)rincipales de la foi', et Hugues d(! Saint-Victor spécifie, par les (pialifi-
cations d'iilsTOUioiK, Ai.i,i:i;nKioni, TUOi'di.or.iyuK, AN\Gor,inn:, los (|uatre (liffé-
renis sens qu'ont souvent sinudtanément les mêmes passages de l'Écritine^.
(Consignées dans les commentaires, œuvre d'une saine logi(]ue, jamais de
l'imagination , ces interprétations diverses donnent aux monuments sacrés
une richesse de langage bien connue de leurs constructeurs, et (]ui peuple
<. u Et videmus uliquaiuJo siniplicos, qui verbis vix ad fidcni j^osloruin possiiiit iicrduci , ex pic-
lura passionis Dominical vel aliorum inirabilium ila conipiinj;!, ut iacliryinis Icjlentur exteriores
lijiuras cordi suo quasi iituris (iitteris) impressas, etc. Walafrid Slrab., I. /Je rébus rcclesiast.
cap. 8. — Concil. Tridont., scssio 5, De veneral. — S. GiC};. Nyssoii, In TIteud. Murl. —
(jrpg. 2, Epist. î ad Léon. Isaur. — Damaswn., Orat. 1, De imagin. — Id., I, l, de Ortliod
fid. — Bed., de Tempt. Salom.. c. 19. — S. l'aulini ppisfopi Noiani , Poema xxvi, de S. Fe/ic.
natal, carm., etc.
i. HisTORiA ostsignificatio... ad res.-- .\i.LE(ioiii\ (piasi ■< aliiTiiloquiuiii • diritur, quando tiun pci
218 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
admirablement la solitude de leurs nefs, la nudité de leurs murailles, la mys-
térieuse profondeur de leurs sanctuaires.
La fenêtre est à elle seule, par les allusions de sa découpure, de son orne-
mentation et de ses détails, tout un trésor de mnémonique proclamant Tunilé
de Dieu, les enseignements des apôtres et leurs primitives missions : elles ont
des chilïres sacrés qui rappellent dilTérents dogmes ou vérités fondamentales,
et des résumés de morale dont, plus tard, nous donnerons l'aperçu. Enfin,
leurs vitres diaphanes offrent dès le xii" siècle des épisodes historiques dont
il est resté des fragments. Considérés dans leur ensemble et en dehors de ces
peintures, les vitraux ont leur sens à part et leurs allusions spéciales. La mys-
tagogie religieuse a vu les Saintes Écritures dans ces verrières diaphanes,
qui enveloppaient la basilique d'un brillant réseau de lumière reflétant l'azur
des saphirs, l'éclat des rubis, la splendeur de l'or et des émeraudes; elles
étaient une barrière contre les brouillards et les vents, comme les saintes
Écritures sont un rempart inexpugnable entre l'àme et ses ennemis; et elles
versaient dans les nefs les feux colorés et les ardeurs vivifiantes du soleil,
signe propre de J.-C. dans le langage hiératique \ Brunon, abbé du Mont-
Cassin*, se représente ces verrières visitées des blanches colombes ^ et des
voces, sed per rem factam alia res intelligitur, ut per transitum maris rubri, transitus intelligitur per
baplisma ad l'aradisum. — Tiiopologia dicitur « conversiva locutio, » duni quod dicitur ad mores
eedificandosconvertiturut suntmoralia. — ANAcocEvero dicitur, « sursumductio, » undeanagogicus
sensiis dicitur, qui à visibilibus ducit ad invisibilia : ut lux primo die facta, rem invisibilem id est
angeiicam naluram significat à principio factam. Ut Ilicrusaiem intelligitur , hislorialiter cicilas
terrena : allegorice, Ecclesia; tropologice, anima Jidelis; anagogice, cœlestis patria. Igitur sacra
Scriplura cœteris in his sensibus supcrabundat. [Erud. IheoL, in spead. Ecclesias., c. 8.)
1. Fenestrœ ecclesiae xHroiË, scrijj/iirx siint divinx , quœ ventum et pluviam repelhint, idost,
nociva prohibent: et dum claritatem vert solis in ccclesiam per diem transmiltunt , inhabitanles
illuminant. » [Erudition, iheologicx in spec. Ecoles , cl.) — Ibid. (Durand, Rat div. offic).
— « Orietur vobis timentibus nomen meum sol justitiae » (Malach., c. 4, v. 2). — « Id est justus
seu verus sol , neuipe Christus non ad eos excœcandos, adurendos, atfligendos,... sed ad eos vivifi-
candos, illuminandos ac plenè sanandos. » (Tirin. comment, in Malach. — Et S. Hieron. —
Cyrill. , etc.) — « Splendor palernae gloriœ De luce lucem proferens Lux lucis et fons luminis Dics
diem illuminât... Vcrusque sol illabère, Micans nitore perpeti, Jubarque sancli spiritùs Infunde
nostris sensibus. » [Hymn. rom.) — « At viclor auioram suo, Fulgore Christus obruit, etc. »
(Hymn. ifeic?.) — uSolerat iste (Christus...) » (Rupert. abbat Tuitiens. , De divin, offic. .
i.7, c. 15.)
2. S. Brunon d'Asti, évoque de Segni, l'un des adversaires les plus redoutables de Bérenger, et
l'un des plus célèbres théologiens, commentateurs et controversistes du xi<^ siècle.
3. Selon le langage mystique, la colombe figurait les [irédicateurs, ou la vie cléricale active, par
opposition à la tourterelle qui était le symbole de la vie contemplative. « Columba, quœ gregalim
conversari, volare et gemere consuevit, aclivœ vitaj frequentiam demonstrat;... turtur vero, quaj
SVMUtiLlOlE DF.S PIEKKKS l'KKCI EUSES. 219
nuages diaplianps' , ce qui a aussi son sens ni\sli(|ne, !os colombes et les
nuages figurant les prédicateurs. Ainsi prise pour l'Écriture, la fenêtre avec
ses verrières rappelait, par son elirasure évasée dans l'intérieur de la l)asi-
liqiie, mais toujours étroite au dehors, le sens m\sti(iuc de la Bible, plus
riche en tout point que la lettre : sens à la portée des fidèles et de ceu\ qui
sont dans l'église (on l'assendilée des catholiques), mais caché et inaccessible
à ceux qui sont hors de son sein ^.
Il n'y a donc rien de surprenant à voir les anciennes verrières ornées
d'épisodes bibliques, de traits puisés dans l'Évangile el dans les Actes dos
martyrs; ce qui est consigné dans les Écritures par les caractères alpliahéli-
tiques devait venir s'y reproduire en images et en tableaux. Bonarroli exprime
celte opinion ^, et croit que les sujets profanes, tels que furent les traits d'his-
toire, les séries d'abbés ou de rois, n'apparurent sur les vitraux que par
l'extension des idées, et postérieurement aux sujets sacrés. Par un autre
rapprochement avec les saintes Ecritures, les verrières non hislorlipies raj)-
pelaient spécifiquement la plupart des vertus chrétiennes, et celte allusion
consistait dans la nature diaphane el les couleurs de leurs vitraux. On Irou-
vail, effectivement^ en eux l'aiiparence des pierreries, et chaqu(^ pierre pré-
cieuse était l'emblème de quelqu'un d'entre ces trésors '.
singuinritate gaiidct... spcculativac vita; culmina donuiiciat , quia el paucorum est isla viihis. (Ania
lar. Fortun., De Ecclesiast. offic, c. M. — Vvon. Carnot., De reb. lieclesiast., serm. De conve-
nientià, etc. — (Brun, .\stcns., Exposit. sup. Peiitateuc, cap. 8, etc.)
La colombe symbolisait aussi les prophètes [Brunon. .\stens., Exposit. sup. Pentateuc. c. i:>)
la patience, et d'autres vertus (Brun. Astens., Exposit. sup. I.evitic. 3, cap. 1).
1. 0 Tenebrosa aqua in nubibus aeris. » [Psal. 17.) — «Nubes, prophetne, » (Oddon. nionach.
Astens., E.r.p. sup. Psalt., ps 88. — « ...Islœ nubes. apostoli et prophetaî, eorum scriptura; intel-
ligunlur, qua;, quoniam obscur.Tj sunt, tenebrosa; esse dicuntur... » — « l'ra; fulgore cnim nubes
Iransierunt. Prai fulgore, id est prjeclar.'c et splendidaj nubes, per quas apostolos significari dixi-
mus. I) (Brun. Astens., Exposit. sup. P.salm.. 17.) — « Tenebrosa aqua in nubibus aeris, cpiia lenc-
brosa et obscura estscriptura prophetarum quos nubes significant. » (Odilonis monacb. As'ens.,
Inpsalm. 17.) — Nostra? nubes, clar.p et lucidiu suni, quarum pluvia suavis est, quaruni dortrina
mcllillua es! , quaruni prœdicatio, et sapientibus, et insipienlibus conveniens est. Et hoc est quod
dicil: Pra? fulgore in conspeclu ejus nubes transierunt... Istic sunt illa; nubes de quibus dicilur:
Numquid nosli scmitas nubium , magnas, el perfeclas srientias , etc. (Job.) — Brun Asiens., He
noco muiido, c. .3. — « lias (feneslras) fre(pu'nlanl pr;cdicatores , qui ut nubes vohmt, et quasi
columba? ad feneslras suas. » [Erudition, t/ieolog iii spec. Ecctes., c. 1.)
2. <i ll;c (feneslra;) inliis latiorcs sunt. quia niyslirus sensus aniplior est et pra'cellil litlera-
lem. I) [Erttdit. llieolotj. in sppc. Ecclesix,c. 4.) — (Dur., /tal. divinor. offic, I. 1, c. 1.) Les
autri's allusions de la fenêtre romane et de la feniWre ogivale sont traitées ailleurs.
'.i. Bonarroli , OsserrazioiU sopra ulruni /raniment i di vasi nntic/ii , etc.
4. «Non enim unius coloris Kcclcsiic lilii sunt, sed pro diversilale virtulum, (|Uiisi qiia'dani
gcmmœ diversi coloris in eis refulgent. » (Brunon. Astens., Expos, sup. Penlateuc, c. .10.) —
220 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Il serait malaisé sans doute de rallier complètement en un coips d'ouvrage
les innombrables allusions rattachées au nom de chacune des pierreries sous
ce règne de l'iierniétisme, et même à celles seulement (jui sont mentionnées
dans la Bible; il l'est moins, de trouver dans les commentateurs des livres
sacres, la signification précise de quelqu une de leurs séries, par exemple,
des douze pierres qui forment les fondements de la sainte Jérusalem au cha-
pitre 21 de l'Apocalypse, et des douze pierres qui ornaient chez les Juifs le
Rational du grand pontife'. Disposées sur quatre rangées, chacune formée
de trois gemmes, elles abondaient en allusions; le nombre quatre pour les
rangs signifiait les quatre vertus cardinales^, et le nombre trois pour les
gemmes, les trois vertus théologales ^. De plus, chacune de ces pierres, par
sa nature spéciale, ses propriétés, sa couleur, répondait à plusieurs vertus,
surtout à une dominante; et par des rapports implicites dont l'histoire donne
la clef, cette vertu symbolisait, dans le Rational du grand prêtre, l'un des
douze ûls de Jacob chefs et représentants des douze tribus'', et, dans la
série des fondements de Jérusalem, un apôtre. Quelques-unes font à la fois
allusion aux deux personnages, parce qu'elles sont mentionnées dans l'une
et dans fautre série ^. Les douze pierreries énumérées dans l'Apocalypse
comme fondements de la nouvelle Jérusalem, sont: le jaspe, le saphir, la
chalcédoine, l'émeraude, la sardonix, la sarde, la chrysolite, le béryl, la
(Ib. ExposUio. sitp. Peiitateucum, cap. 8 ) — « Per lapides enim significantur virluies, secundnm
iiluii : « Alius supeiEudificat auruQi, argentum, la|)ides ptetiosos. » (Cor. 3. — Innocent. 3, De sacro
ait. mtpt., 1 Le. 27.)
1 . On appelait Rational une pièce de broderie de forme carrée et d'un tissu fort précieux , (pie le
grand prêtre portait sur sa poitrine, et qui était chargée de quatre rangs de pierres précieuses (trois
par rang), sur chacune desquelles était gravé le nom de l'une des douze tribus d'Israël. {E.rocl.
c. 28, V. 2, l, 15, 17, 21.)
2 Allusion presque toujours attribuée im|>licitement a ce nombre pendant les temps hiéra-
tiques, c'est-à-dire antérieurs au xin« siècle, et qui leur survécut longtetnps. C'est ainsi que le pape
Innocent III interprétait qualre anneaux ornés de pierreries, qu'il envoyait au roi d'Angleterre :
« Quaternarius aulem qui numerus est quadratus, constantiam mentis insinuât , qu;e neque deprimi
débet adversis , nec prosperis elevari , quod tune laudabiliter adimplebit cinn quatuor virtutibus
principalibus fuerit adornata : videlicet justitia, forlitudine, prudentia, temperantia... » Ce pontife
ex|)lique ensuite le sens des gemmes.
3. Innocent. III, De sacro ait. mi/st , 1. 1, c. 26 et 27. — S. Brunon. Astens., Exposit. sup.
l'enlateuc ; Exod., c. 28. — Et dans les commentateurs et les gloses, passim.
4. (Quelquefois aussi dans le /{a//ona/, les apôtres, simultanément avec les patriarches. (S. Bru-
non. Ast., Exp. sup- Exod.)
!). Ce sont le jaspe, le saphir, l'émeraude, la sarde, la chrysolithe, le béril, la topaze, l'amé-
thyste: ensuite le ligurius et l'onyx, l'un dont la nature est contestée et que les commentateurs
croient identique à l'hyacinthe, l'autre analogue à la sardonix.
sv.MBOLion: DKs iMi:i;i!i:s imikcikises. 221
topaze, la chrysoprase, riiynciiitlio, raiiictliyslo; et les douze du lUilioual
sonl : la sarde, la topaze, rérneraude, rescarhoucle, le sapliir, le jaspe, le
ligurius, l'agate, ramcliiystc , la chrysolile, l'onyx, le, bérvl. Nous allons
donner l'interprétation du sons mystiquo de ces i,'einmes, cl (h; chnix antres
pierres, le grenat et le diamant, souvent tnentioiim-s dans les livres saints
pour signifier des mérites, des (lualités ou des vertus.
\oiei ilonc la syiul)olii|nc des pieri'cs pi'écieuses ' :
Le Jaspe, pierre opaijue, dure, souvent d'une nuance verte, était, par ces
trois caractères, propre à représenter la lui '. I, impénétrabilité des mystères
auxquels la foi est appli(piée avait un rapport implicite avec l'opacité du
jaspe; la dureté de celte pierre en exprimait la fermeté ; l'allusion de la cou-
leur verte en rappelait la i)ersistance, ainsi ipie l'élerniié des choses divines^
qui en sont le domaine el l'objet. Le jaspe représenta (lad, dont le nom
signifie armé, heureux, prêt à l'attaque, et dont la tribu précédait les au-
tres pendant la luarche et au combat. Le jaspe figura aussi le prince et le
chef des apôtres, pierre fondement de l'Eglise , pierre à (|ui Jésus-tlhrisl lui-
même a promis la stabilité i.
Le Saphir, dont la couleur tondre rappelle l'éclat de l'azur, el qui souvent
ponctué d'or resplendit aux feux du soleil , était l'esiwrance chrétienne , et
la sainte contemplation ''. Il re[)résentail Xe|)hlali, ancêtre, de plusieurs a|)ô-
i . Noire ex|)Iicalion des i^einmes pour les i^erlus est empruntée à plusieurs sources. Nous avons
adopté, pour leur relation avec les Patriarches et les Ipûtres, celle de Cornélius à Lapide de pre •
férence à celle d'AIplionse d'Avila* et de quelques autres coniinontalcurs. Cornélius, venu après
eux, a comparé tous leurs systèmes; il corrige deux fois d'Avila, et donne l'opinion la plus ration-
nelle et la plus généralement acceptée par les interprètes des livres saints au moyen âge.
2. Jaspis... que .. fides significatur, sine quà impossibile est placere Deo. » (S. lîrunon. Astens.,
Prxfal. iii lib. sup. .-/poca/ijps., 21.)
3. u Jaspis viridem liabet colorem... Tali ergo colore Doniinus nostor apparere voluil , ut nobis
insinuaret quid appetere debcanius. Habct enim Dominus colorem jaspidis, quia senipcr viridis.
semper vivons, semper immortalis est et nunquam ad siccitatem venions. » (S. lîrunon. Astens.,
Priefat. sup. lib. .Ipoc, 4. — Et vid. in Gloss. in /Ipocalyp., c. 4.)
•4. a Jaspis, gemma firmissima et virens, ideoque smaragdo subsimilis », dit Isidor. (I. IG, c. 7.)
0 Jaspis congruit Gad : tribus enim Gad fortissima pr.civit alias tribus ail terram promi.<saiii , for-
lissimèque pro iis dimicavit. [Num., .32. 25, et Josué, 4, 12.) Unde el Gad licbrairè idem est
quod inslructus, accinctus, arniatus, felix. » [Gen., 48, <y, in lliebr.) — « Tropologicc Jaspis
significal fortitiidinem fidei. Unde cl in .ipoc. tribuilur sanclo Petro, qui est pclra et fiindamcn-
tuni Eccicsia; post Christum; ideoque féliciter h;ec petra in suis successoribus perdurai et perdu-
rabil. » (Cornel. à Lapid , in Exod. comm"iilar., 28.) —V. aussi ci-après la note I de la page 22!».
5. a Saphir! screnitas, spem... significal... liabes igitur in sapliiro quod spores... » (Lettre du
pape Innocent lit à Kick., r. d'.-tngleterre.)
6. « Hoc... pretioso lapide apostoli ornali et derorati Icrram d 'spiciuni , ca-leslia concupiscunt...
* Alphonse Tostal , ii\r:i|iic d'Atilii.
V. -29
22-2 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
1res dont les paroles , admirables comme l'avait prédit Jacob (Gen. U9 , 21 ),
étaient dignement exprimées par l'or et la couleur du ciel. Le saphir désigna,
selon Arétas, saint Paul (adjoint au chœur des douze apôtres),' mais en
même temps et spécialement saint André , dont le nom exprime une àme
virile, et qui, ravi en Jésus-Christ pendant les deux jours de retraite qu'il
passa en sa compagnie aussitôt après son appel , s'enflamma de sa charité
et quitta pour toujours le siècle ^.
La Chalcédoine, sorte d'agate d'une nuance troublée et comme voilée de
nuages, pâlit à la clarté du jour, mais res|)len(lil dans les ténèbres; c'est la
douce miséricorde ^, objet de mépris pour le monde, mais bénie du maître
du ciel 'i; c'est encore l'humilité, modeste, et qui se plaît dans l'ombre ^,
mais précieuse et rayonnante pour celui qui voit dans la nuit ^. L'éclat
flamboyant qu'elle jette, l'assimilant à l'escarboucle, lui fit partager avec
cette gemme l'allusion à la charité, et par là, elle désignait saint Jacques,
tils de Zébédée, surnommé aussi le Majeur, et le premier des douze apôtres
qui ait versé son sang pour la foi 7.
L'Émeralde, rappelant par sa couleur la pompe des champs, la jeunesse
(le la nature, et dont rien ne ternit l'éclat ^, symbolisait, comme le jaspe, les
non terrena lucra sed sapliiros quibus ornantiir considérantes , illuc ascendere cujus in saphiro
cnlorem conteniplantur, tolis viribus anhelant. » (Brunon. A-stens. Prxfat., in lib. sup. Jpoc,
.-.21.)
I. V. ci-après ['hyacinthe.
i. « Sapphirus, qui cœruleus est, id est cœlestis coloris, et aureis punctis collucet, qiiique
radiis solis percussus, ardentem emittil fulgorem. Hic congruit Nephtali , à quo plerique Aposlo-
loruni proL;nati, aurea et cœlestis Evangelii veiba, et (ut Jacob vaticinatus est, Gen. 49, 21),
eloquia pulcliritudinis orbi dederunt. » — « Tropol. Sappliyrus significat , eos qui corpore in terris,
mente et vilA in cœlis versanlur, unde in Apoc. tiibuitur S. Paulo, ul vult Aretas, vel potius
S. Andreœ, qui amore cœli et radiis Christi , biduo apud eum manens, percussus, in ejus amo-
rem exarsit , et terrena omnia, prospéra œque et adversa calcavit. Virilis ergo Andréas juxta nomen
suum fuit i-ir,}, là est, vir. » (Cornel. à Lap., in E.rod. comm., c. 28.)
3 Innocent III [De sacr. ait. myst., 1. 1, c. 27) appelle cette pierre achates (agate) et l'as-
signe à la vertu de miséricorde.
4. Il Beali miséricordes, quoniam... misericordiam consequentur. » (Matth., v. 7.)
5. 0 Chalcedonius, qui ignis effigiem subpallidam quodammodo habens, in nubile et in abscon-
dilo fulgoris flammas amittit , palam autem et subdio paruin quid ignei luminis dare videtur. Hoc
autem lapide Apostoli et Doctores... etsi apud Deum magni sint meriti , multumque refulgeant
inler homines tamen ignobiles, viles, liuniiles et despectabiles sese ostendunt » (Brun. Astens.,
Prx/at. i)i lib. sup, .4poc , c. 21.)
6. « Qui vidct in abscondito » (Matt., vi, C )
7. «Chalcedonius, qui carbunculo colore est similis, tribuitur Jacobo fratri S. Joannis, quia
ardens charitate Christi, primus Apostolurum pro Chrislo martyr occubuit. » (Cornel. à Lapid ,
in Exod. comment.., c. 28.)
8. « Smaragdus quasi hcrba viridis est: per quam immortalitatem intelligimus, quœ seniper
virons, numquam ad siccitatem pervenit. » (Brun. Astens , Prxfat. in lib. sub. Apoc, c. 4.)
SYMBOLIOIE DES PIERRES PRÉCIEUSES. 223
choses d'essence éternelle, l'inalléiable et vive foi ', rincorruptibilité de
riime des justes *, arbres plantés, dit l'Écriture, sur le bord du courant des
eau\, et qui ne s'otïïniilloni jamais ^. La myslagogic licniiéliciue vit encore
dans l'émeraudc Jniia rataclérisé par la force, et par rclcriiilé du s('(>ptre
qui ne devait point sortir de s(^> mains .((len. V.t, 10). Mlle y \it aussi la
viriiinité, fltnir du ciel londx'e sur la torre , et l"évanp;(''list{> saiiil .Icaii, si^d
vierge parmi les apôtres '.
L'EscARUOUCLE brillait sur le Halional, oii la (Ihalcédoine n'avait point
place. Son nom grec (charbon onllammé), désignait la tribu de Uan, à cause
de deux circonstances ; l'une était l'incendie de la cité de Laïs par les Dani-
tides ; l'autre, celui des moissons des Philistins par Samson, danitide aussi.
Dans la langue tropologiqun, l'escarboucle est la charité. Par une sorte
d'antithèse, ou plutôt en vue du pii\ de la modestie *, l'escarboucle figu-
rait aussi cette humble vertu ''.
L'Onyx (du grec ovj^, ongle) est nne sorte d'agate tine, ruhannée de
blanc, et à laquelle les anciens trouvaient avec l'ongle nne ressendilance
dont il est assez difficile de déterminer le motif. L'onyx figurait l'innocence,
la candeur/, la sincérité et la \(Mil(' inviolable ^. Cette pierre était assignée
au patriarche Manassé et à ra[)ôtr(! saini Pliilipiie ^.
1. Innoc. III, Oe sac. ait. myst., 1. 1,c. 27.
2. a Smara^'iiis, qui jaspide viridior, iierbanim qiioqiie viriditalcm siià viriditatn supoiaro
videtur; significal nulcm sanctorum vitam , qua; quidem post carnis resiirrectioncin semper-
viridis erit, quod niliil in eis eril quodsiccari vel mori possit. « ( Brun. .\st , Pr:i'fat. in lib. siip.
jlpoc, c. 21.)
3. « (Justus)... tamquam li;^niini qiiod |ilanlatiim c>l sociin (l('('i]i~ii> aquariini... et foliiiin cjiis
non defliiot. » [Psalm. I, v. 3 et l.)
4. a Smaragdus maxime viret hebraïco vocatur Barcket , id est fidgiirans Sniaragdus
congriiit Levi , ait Abulens., sed fallitiir. Levi non computatur inler duodccim tribus... . Sma-
ragdus est Juda , qui si Levi excludas, fuit tertius Jarobi filius. Smaragdus enim signifirat .ludio
fortitudincm , et sceptrum perenne, semporque virens iisquo ad Christum. » [Qrn , 19, 10.) —
« Tropologice, Smaragdus signifirat virginitalom; hinc in .Ipocalypsi (cap. "it), tribuiturS. Joanni,
qui semper virgo mire viruit in ^uil virginitate. » (Corn, à La|)id., /« Exod Coinm., 28.)
5. Innocent III, De sacr. ait. mijst., c. 27, I 1.
6. 0 Carbunculus, gracré i/Opa;, id est carbo ignilus, hujus enim spociem referl ; unde et ignem
non sentit, quâ de causa a|i;Tolus dicitur à l'Iinio 1. M. Ilic congruil Dan et Danilis, quia suil for-
titudino exusserunt Laïs (Jiidic. 18) et Samsoni danitida^, qui... surcendil .^egetes Pbilistiim. "
(Judic. I.ï. 5.) « Tropologice, Carbunculus signifiait ardcnlem cliarilalein. »
7. «Tropologice, Onyx significat candorem et innocenliam. » (Co'rn. à Lap. in r..vod. comin.,
cap. 28.)
8. 0 Par duos Onychinos, significantur verilas et sinceritas. Veritas per clarilatem, sincerilas
per soliditalem. » (Inn. III, Desac. ait. iiiijst., I. 1, c. 20.)
9. " Onyx, ita diclus ab unguis liuuiani simililudine. Ilic significat Manassen , ob moium cando-
rem et humanitatem : unde et in Apocalypsi datur l'hilippo. » (Corn, à Lap., ihid., toc. cit.)
224 ANNALES ARCHÉOLOGIOUES.
La Sardonix, fusion de l'onyx et de la sarde, était d'une teinte brillante,
pourpre, nuancée de plusieurs couleurs, et rappelant le plus souvent celle
des grains de la grenade. Elle figurait la charité vive ', que désignait aussi
ce fruit. Sa variété de nuances rappelait la fécondité de celte vertu, ses
richesses spirituelles, et son Irait caractéristique qui est de se faire tout à tous',
selon l'expression de l'apôtre ^.
Le Grenat, pour les mêmes causes, avait une analogie complète avec
l'allusion de la sardonyx : il figurait la charité ''.
La Sarde , par sa transparence et sa teiute approchante de celle du feu
qui passait pour épouvanter les bétes féroces, rappelait la foi qui s'élève,
qui aspire à monter sans mesure et s'allache aux choses d'en haut ^, et en
même tem|)s le martyre''. Elle symbolisa Ruben, à cause de la publicité de
ses scandales représentée par la lumière, et aussi de son grand amour pour
son jeune frère Joseph qu'il défendit seul contre tous ses frères. Saint Bar-
thélémy, dont le corps fut ensanglanté par le plus cruel des martyres, et qui
était terrible aux démons, fut assimilé à la Sarde?.
La Chrysolite (pierre d'or), d'un jaune d'or mêlé de vert, représentait la
Vigilance ^ et la Sagesse ^. La nuance dorée de la chrysolite la fit assignera
Ephraïm, par allusion à la couronne dont Jéroboam Ephraïmile s'empara
1 . « Sardonix, cujiis color igneus et rubeus est, et quasi granum malorum granatorum, claris-
sime rutilât, per quem Cliaritas inteiligilur. » [linin. Astens. Pra'fut. in. tib. siip. A-poc. c. 21.)
i. « Mala punica clarissiinis et dulcibus gianis regulaiiter ordinatis plena sunt, per quem (sic)
saiictorum ecclesias et congregationes ubique per totum munduni inteiligere possumus, in quibus
Cliristi fidèles concordià, pace, et dileclione conjuncti continentur. » (S. Brun. Astens., Exposit.
Slip. Exod. , c. 26 )
3. Omnibus omnia factus sum, ul omnes facerem salvos. » (1 . Cor., c. 9, v. 19, 20, 21, 22.)
4. Cl Granati rubicundilas charilatem... significat. ...Habes igitur... in Granalo quod diligas. »
{Leït. (la pope Innocent III à Richard I", roi d'.Ingleterre.)
5. Innoc. 111, De sac. ait. myst., 1. 1, c. 27.
6. « Sardius, qui, quod sanguinis colorem habel, apertissime martyrium signifirat. » (S. Bru-
non. Asl., PrxJ'at. in. lib. sup. Jpoc, c. 21.) « Sardius vero, clarum et igneum (colorem habet).
(Dominus) habet aulem et colorem'sardinis, siquidem Deus noster est ignis ardens... Ardeamus
et nos fervore charitatis accensi , etc. » (S. Brunon. Astens. , Prœfai. in lib. svp. Jpoc. , c. 4.)
7. « Sardius, qui ignis specie translucet, significat Ruben, primogenitum Jacobi, cujus libido
se prodidit tum patri, tum aliis... Sed quia tardius suffuso humore hebetatur, hinc convenit
conslantiœ et amori ejusdem Ruben , que tam impense conatus est Josephum e manibus fratrum
liberare. » — « Sardius fervidam significat doctrinam , et pro ea martyrium : est enim colore san-
guineo et igneo, quo feris letrorem ineutit. Hinc ( .-/^joc. 21) tribuitur Bartholonueo , qui pro
Christo excoriatus, lotus sanguineus, ideoque dœmonibus terribilis fuit... etc. » (Corn, à Lap., in.
Exod. coinm., 28.)
8. Innoc 111 , De sac. ait. mijst., 1. 1, c. 27.
9. « Chrysolitus, ... quia aureum habet colorem, ab auro suscepit et nomen... ideo per hune
laiiidem sapientiam iiitelligimus. » (S. Brun. Astens., Prœfat. sup. Jpoc, c. 4.)
SYMBOLIQUE DES PIERRES PRÉCIEUSES, 225
après Salonion , et qiril transmit à sa (Icscciulaiicc. Dans le laiii;ai;(( hifia-
liqiie, la chrysolite l'tail alliiluu'c n la iiùiiilence, et symbolisait sainl
Matlliieii '.
l.K Bkuyl, ou aigiie-mariiic , ooiilcnir de l'eau t'iappée des rayons du soleil,
rappelait la Sainte-Ecriture ' clucitlée par le Sau\eur ^, et aussi la saine Doc-
trine et la Science ^'. C'était encore la lont^animité '', la force et le sainl
héroïsme, vertus tellement suiliumaines (pi'il seud)le cpie l'àinc (pii en est
ornée réfléchisse l'être de Dieu. A cause de l'éclat passaij;er ((u'il tire des feux
du soleil, le bérvl représenta IJenjanu'n , trihu tantôt resplendissante dans la
personne de Saùl et celle île saint Paul , apôtre, tantôt débile et décimée comme
on voit au temps de ^liclias ( ./«r/^c., '20, M ), où elle fut réduite à six cents
homn)es. Le langage tropologicpie assigna le béryl à l'apôtre saint Thomas
parce que sa foi subit des vicissitudes, et pour l'héroïsme chrétien, (pii,
selon une tradition , le poussa à l'ajjostolat et au martyre dans les Indes ''.
La Topaze, d'un jaune Ijiillant a[)procluuit de celui de l'or, figurait situul-
lanément les vertus les plus précieuses, la Sagesse, la ('ha^lclé ", le mérite
1. « Ctirysoliliis parliin auroi, partim marini est coloris. Undc hcbraïco vocatur tharsis. id est
marinus, inquit S. Hieronym. Ilic congruil tribui Epliraïin, qui reL,'iam poleslalem in Jéroboam
adapta, eani diulissimc tenuit. » — « Tropologice, dirysolitus significat Pœnitentiam , iinde in
Apec. Iribuitiir MaltliaL'O, qui pœnilens fuit, et fervens amore Cliristi. » (Corn, à Lap. in Exod.
Comm., c. 28.)
2. L'eau signifie les Écrituies. S. Brun. Astens., Hxpnsit. xiip. Psn/m. « I.aiiilate Doininum do
caelis. » - Ibid. in Psalm. « Confitemini Domino. >> — Ibid. De con/es.iorib. Serm. i. — Ibid.
De novo mundo, cap. 3. et passim. — S. Oddon. nionach. Astens. Exp. sup. Psalter., psalm. 17.
— Rupert., abb. Tuit., de Dicinis officiis , iib. 7, c. 5.
3. V. supra not. I de la pag. 218 , le soleil , symbole de Dieu.
4. « Bervllus, cujus color similis est aquœ coloris a sole repereussœ, per qnem sinceram intel-
ligcntiam et sanam doclrinam intelligimus; qua; nisi a Sole Justiti;i! illnminata fuerit, facile
erroris deformitale tenebrescit. Sole ergo in aquis relucenle, berylli color eflicitur, quia f'.hristo
Domino nostro Scripturarum aquas illustrante, sanus et sincerus formatur intellectus. » (S. linm.
.4stens. Prœ/'at., in Iib. sub /Ipoc, c. 21.)
5. Innoc. 111, De sacr. ail. myst., c. 27, I. I.
(3. » Berylliis instar aqiiaî solis fulgore repercussa; , rubicundus est et decorus, scd non lulget
nisi ...polialur ... afl'ertur ex India, unde in Apoc. tribuitur Thoma', India' aposlolo, ipii tenla-
tionibus et adversilatibus in lide probatus, et roboratus mire refidsit. Hic vero Itibuilur tribui
Benjamin, qui primum Hebrii-is dédit regem Saulem , sed slalim eo morluo, regno jirivata est:
ruRum tempore Micliic accisa est ad sexcentos viros... Ipsa denique dédit Pauluni apostoluni ila
inter labores et adversa fulgenlem et iriumplianlem. » — ;< Tropol., beryllus significat animiimfor-
Icmet heroïcum, adversa quaïciiie vincenleni. — .. « Benjamin fuit lupus rapax ( Ccn. c. 49.) :
ita S. Thomas Indos aliasque génies quasi o\ es non limuit,-:cd rapuiteasClirislo etKcclesia', etc. n
(Corn, à Lap., Com. in Exod., c. 28.)
7. a Topazius, qui tam rarus est, ut ipsi quoquc regcs admodum pauci dillirile eum iiabere
potuerunt, unde et ca;teris charior esse perhibetur... ferlur autem quod omnium lapidum in se
22& ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
des bonnes œuvres ', et celte espérance chrétienne, la seconde entre les ver-
tus ^, sœur de la charité figurée par l'or. L'invincibilité du bras fut désignée
parla topaze; elle désigna Siniéon, exterminateur des Sichimites, élût allu-
sion à saint Jacques (nommé le Juste et le Mineur), à cause de sa fermeté
contre les Pharisiens et les Scribes ^.
La Chrysoprase, topaze nuancée de vert-clair, figurait, en vue de ces
teintes, la réunion des bonnes œuvres '5. Cette pierre symbole de l'acrimonie,
et qui avait souvent la couleur de l'or, figurait l'apôtre Thadée doué de la
haute sagesse que l'or représenta toujours ^, et d'une parole incisive et redou-
table aux hérétiques '^.
L'agate. On attribuait à l'agate, ponctuée et veinée de plusieurs couleurs,
beaucoup de vertus salutaires, celle de neutraliser les poisons et la morsure
des reptiles, de guérir et chasser les fièvres, de dissiper les contagions. Elle
répondit par analogie au patriarche Issachar et à sa tribu, dont la sainteté est
louée, et qui la conserva intacte au milieu de populations prévaricatrices ".
colores haheat , duos tamen , id est auri et cœli principaliter possidet per quem eos figurari puta-
mus qui non solum sapientiâ et castitate verum etiam ceeteris omnibus virtutibus rutijare viden-
tur. » (S. Brun. Ast., Prx/af. in lib. Apoc, c. 21.)
1 . « Topazii clarilas operationem significat... Habes igitur in topazio. . quod exerceas. « [Lett.
du pape Innocent III à Richard I", roi d'Angleterre.)
2. Innocent 111, De sac. ait. myst., 1. 1, c. 27.
3. « Topazius, qui parlimc;erul;eo, partira aureo est colore, imo omni colore resplendet. (Isidor.,
lib. 7.) Topazius congruit Simeoni, audaci et imperlerrito, uti patuit e vindicta... Dinae. » — Tro-
pologice, topazius significat animiim CiTleslem et ad omnia infractum, omnibusque adversis supe-
riorem. Est enim topazius caîruleus et fulvus, atque flammescit impensius dum radiis solls verbe-
ratur. Hinc, Apoc. 21, Iribuitur Jacobo fratri Domini , qui cœlesti charitate irradialus, per illam
Judœos omniaque terrena supplantavit. » (Corn, à Lap., Com. in Exod., 28.)
4. 0 Chrysoprasus, quia auri simul et flamniaB colorem imilatur, prœcipueque in tenebris liicem
circumquaque diffundit, quod nulles alios magis décorât et ornât, quam eos qui et sapientiâ fui-
gent et charitate fervent, et inter mundi hujus peccatores, doctrinae, pariterquebonae operationis,
quasi in tenebris lucem circumquaque diffundentes, non ad favorem vulgi, sed ad asdificalionem,
salutis et fidei verba depromuut. » (Brunon. Astens., PrxJ. in lib- sup. Jpoc, c. 21.)
5. « Per aurum vero sapientiâ designatur, quia sicut aurum praeeminet omnibus metaUis, sic
sapientiâ donis omnibus antecellit, etc. » (Lett- du pape Innoc.III au roi d'Angleterre.) - Voir
aussi : Amalar. Fortunat., De ord. antiphon., 1. 21 . — Yvon. Carnotens. De reb. Eccl. serm., De
Conoenientia , etc. — Gemtn. anim. Prœf. — Brunon. Astens., Serm. in Epiph. Dom. — Ibid.
Prmf. in l. sup. Apoc, 1. 7, in capite. — Ibid., Exp. sup. Exod., c. 28 ; et passim.
6. Ce dont son Epitre fait foi. - « In Apoc, achati respondet chrysoprasus, ... corallachati affi-
nis, tribuiturquo .ludie Thadaeo : cujus aurea sapientiâ et acrimonia (banc enim symbolice et tro-
pologice significat chrysoprasus) in hœreticos, patet ex ejus epistola. » (Corn, à Lap., loco citato.)
7. « Acliates, ita dictus ab Achate lliivioSicilioe juxta quem primo est repertus, ait Plinius; aut,
ut alii, dictus est â/.iTn;, id est sociabilis, quia multœ in eo figurai, et colores varii associanlur...
SV.MlîOLIOl i; |)i:s l'IKHUtS l'UKCIEUSKS. 227
L'Ilv.vciNTiii:, (ruiic tciiilc ;i|i|)r(icliaiilc tli; celle d'un eiel sciciii el dont la
nuance est changeante, était prise pour la Prudence qui tempère le zèle ar-
dent et pour la douce condesccndiince (jue le Christ commande aux paifaits'.
En vue de ces analogies, saint Hiihidii lassigne à saint Paul \
Le LiGiRiis, que saint Jérôme croit être le même (juc l'hyacinthe, el dont
les anciens vantent la nuance d'un violet tcndie et brillant, était le symbole
d'Aser f bienheureux ), dont le pain, délices des rois et figure du sacrement
de l'eucharistie^, est exalté dans la « Genèse » (cap. 49, v. 20). Le ligurius
correspondait à l'apôtre SiiiKin le Cliananéen, dont les mœurs étaient angé-
liqucs et le détachement céleste '.
L'Améthyste. L'améthyste (sans ivresse) réunissant les nuances les plus
aimables, le violet, le rose et le pourpre, répondit |)ai- cette fusion à l'hunii-
lité des enfants, à la modestie craintive des vierg(;s^, et à la largesse chré-
tienne (/rtrf/i/fls)'', (pu, dans l'intention de son nom latin, est une abnégation
de soi poussée jusciu'à racquiescemenl au martyre. L'améthyste rejjréscnta
Zabulon, ancêtre de plusieurs apôtres, et l'apôtre saint Mathias, d'une humi-
lité sans exemple".
liic significal Iriljus Is-;acliar inter meclios peccntores sila', sanrlilatPin. » (Moys., Dent., 33, 10.)
— Brun. Astens., Exp., siip. Deuter., c. 33, v. 19.
1. 0 Hyacinltius... serenissimi cauli habet colorem , qui eliuni secunclum tenipora mutaii perlii-
betur. Significat autem sanctorum virorum discrclioneni , qui, quamvis mente et conlempialione
quadam scniper ad Cii'lum et ad thronum Dei oculos lialieant, nuitanlur lamen pro teniporc, et
rigoreni justiliae flectenles, minora mala consentiunt ne majora et graviora indc generentur. »
(Brun. Astens,, Prxfat. in .ipoc.c. 21.)
2. Ibid.,ibid.
3. S. Amhros., /}e benedicl. patriarch., c. 9. — Brun. Astens., Expos, siip. Pentat. , Ge».,
cap. 49.)
i. « Fulgore sue violaceo ita pascit oculos (hyacinttius) rapit(|ue, til evanesrat ant('(|iiani satiet,
adeoque non impiel oculos ut pêne non atlingat. ... Hic congruit tribui Aser, quai ca,'teris dilior
fuit et deiicatior. » ( Gen., 49, 20.) — « Tropoiogice hyacintlius signifiral contempluni tcrrenorum ,
et amorem ca;leslium. Hinc et in Apoc. congruit Simoni Ctiananœo , qui ca^lestibus et suavissi-
mis fuit moribus. Est enim hyacintlius violaceus, et rœleslis coloris, instar sapphiri, et instar
floris qui dicitur hyacintlius. » (Corn, à Lap. loc. cil.)
5. (1 Amelhystus ... violarum colorem imitalur; ideoque virginum f.lirisli , iniororum et puella-
rum choros significat ; quo lapide aposloli ornnli, et suaviter redolcnt, et virginitatis amalores
posl se Irahunt. Nam et in hoc, quod paruni quid clari ruboris habere vidctur, earumdem virgi-
num pudicam verecundiam demonstrat. » (Brun. Astens., Priefal. in ./poc., c. 21.)
6. Innocent III, De sacr. ait. mijst., I. 1.,c. 27.)
7. " .Amethyslus ... diclus est iro tvj «.iMtcuv, id est inebriare, et a privative, eo quod non ine-
brletur, id est vini colorem non intègre accipial, aut quod ebrietati resistcre credalur. » — « Amc-
thystus congruit Ziibulon, e.Y quo nonnuili apostoli prognali ïunt ca'Iesti virlulum splendorc ra-
diantes. » — " Tropoiogice, aniethystus significal humilitateni : unde in Apec, datur Mallliiic, qui
228 ANNALES AUCHÉOLOGIQUES.
Le Diamant. La tropologie hiératique, considérant que le diamant résiste
à la percussion et aux flammes, le compare, dans son langage, à la force
surnaturelle cachée au fond des cœurs chrétiens'.
Telles étaient les allusions prêtées à ces gemmes brillantes, interprètes
mystérieux du langage des Écritures et dont les harmonies et l'éclat se repro-
duisaient sur chaque verrière. Ces gemmes, se combinant avec les vases
sacrés et avec les dilTérentes parties du temple, -mariaient aux fonds sur les-
quels on les appliquait leurs significations mystiques. On les vit dans beau-
coup d'églises étinceler sur les colonnes '• cl particulièrement sur les encen-
soirs, qui, dans le sens tropologique, figuraient également les apôtres. II n'y
eut presque ni basilique, ni abbatiale opulente qui n'eût ses piliers, ses co-
lonnes, surtout ses encensoirs gemmés^, brillantes accumulations de tropes
devenus matière et multipliant sous les yeux du corps la répétition de la
môme idée par la couleur, par la nature, et par la forme de l'objet. Comme
nous l'avons remarqué, ces métaphores consacrées avaient une analogie plus
ou moins rationnelle et des affinités morales avec les qualités des pierres;
ces principales harmonies étaient l'éclat et la couleur, car les couleurs par
elles-mêmes et en dehors des pierreries, avaient leurs significations. Le vert
brillant, le bleu, le rouge, étaient employés pour la foi, l'espérance et la
charité, et les vertus cardinales étaient rappelées à leur tour par le pourpre,
l'écarlate, le byssus et l'hyacinthe.
Le Vert brillant et printanier rappelait les tendres feuillages et le manteau
nomine (Matthias autem si2;nificat hebraïce doniira Dei) et in oculis suis parvus, nunquam superbia
inebriatus fuit; hinc divina sorte et vocatione, in apostohim loco Judae eleotus, magnus evasil. »
(Corn, à Lap. loc. cit.)
1 « Dicitur de adamante quod nec igné, nec aiiqiia vi frangi noc doniari possit. Per adamantem
vero viri fortes intelliguntiir. » (Brun. Astens., Sententiar. lib. de orn. Ecclesix., c. 9.) — Vin-
cent Bellov. , Spec. moral. ,1.3, dist. 31 , pars 3.
2. « Habet autem (Ecclesia) columnas, quales Petrus et Jacobus, et Joannes fuerunt, quae (s'c)
Erclesiaj columna? ab ipso apostolo vocantur, etc. » (Brun. Astens., De Basi/icis, c. 7 et passim.)
— Cette allusion s'étendit aussi aux Docteurs. [Erudit. theol. in spec. Ecclesix. — Dur., Rat.
div. offic, etc.)
3. « Quid per thuribuliim aureum, nisi .4poslolos, et Doctores intelligamus, qui sui odoris sua-
vitate et cœlum repleverunt et terram? Talc Ihuribulum beatus Paulus, qui de se, et aliis loqui-
tur, diccns : Christi bonus odor sumus Deo in omni loco, in his qui salvi fiunt et in his qui
pereunt, aliis enim sumus odor vitse ad vilam, aliis odor mortis ad mortem. Ipso quoque Dominus
thuribulum portât cujus odorem Ecclesia senliens, ait: Trahe me post te, et cunemus in odorem
unguentorum tuoriim... Angeli Doctores sunl, quorum poctora tluiribula sunt, eorum vero sermones,
et oraliones quasi fumiis aromatum Domino Deo placent, quoniam vero arca testament! auro puris-
simo intns et extra undique circumtexta erat, quid aliud significat, nisi sanctain Ecclesiam , qua?
.• sermone et opère, sapientia et religione tota refulget? » (S. Brun. Astens., De laud. EccL, cap. 3.)
SYMHOLlOrE DES PIEUKES PU KCIEISES. 229
rianl tlos prés, ddiit la lonaissnnco aninipll(> ost coiimio mip iiiiairi' iiiipai-
fiiito de la résurrection des corps. I,o vert s\nil)olisa la foi ', rininiorlalité
cousolanle assurée à l'Ame des justes ', et aussi la eonteuiplation '.
L'Azi'R, (pu' ra|)pelait le ciel, désliiuait par là l'esix'rauce ', cl raiimur des
choses d'en liant ^.
Le RoifiE, send)lal)le à la llaïuiue, s\ inholisait lacliarilc; il rappelait aussi
le sang el représentait le înart\re''.
Le Pourpre, insigne des monarques, signitiail la royauté et s'étendait à la
justice, dont les souverains sur la terre sont les premiers dispensateurs".
L'EcABLATE, couleur de sang et mémorial du martyre, répondait aussi à la
force qui a éclaté dans les martyrs, el [)ar sa double analogie avec la tendance
ascendante et avec la couleur du feu, syndiolisait la charité**. Elle était aussi
la figure de la science des saints pontifes, (jui doit briMer par la ferveur et
resplendir par le mérite-'.
1 . C'est principalement la couleur verte du jaspe, qui avait fait de celte pierre précieuse le sym-
bole de la foi. « Jaspis enini, quia ut jam socpe diximus, viridis est .. fidem désignât , qua; semper
viridis et immarcescibilis est... Ergo... structura... mûri civitatis ex lapide jaspide, quia omnis ejus
defensio et fortitudo fides est quaî eani sem[ier et virere, et vivere facit. » (Brun. .4stens., i'rxfat.
in lib. Slip, /ipoc, c. 21 .)
2. Nemo viriditatem et iminoilalitatem susripiel, nisi , etc.
3. Durand. Mimalcns., Ration, divinor. ofjicior., I. 1 , c. 3.
4. .\ugiistin , in E.Tod., qiixst. 108.
i). Durand. Mimât., Rat- div. o(fic., 1. 1, c. 8.
6. « Iris autem, id est arcus cœlestis, duos principales liabet colores, quoruni aller est igneiis,
aller cœruleus... et rubeus quoque marlyrium... désignât. Nemo ergo sedi Dei appro|)inqiiabii...
nisi aut per marlyrium transeat , aut in baplisinate abluatur. » ( Brun. Aslens., Prxfuf. in lib sup.
Jpoc, ci) — V. aussi Ibid. F.xpusit sup. JSxud., c. 28. — .Mbin. Flacc Alcuin., De dirin.
offic. — Durand. Mimât., Rat div offic, 1. 1, c. ."5.
7. (I Purpura vero justitia est, quoniam et juslilia et purpura ad roges pertinent, qui el leguni
conditores sunt , et purpura specialiter induuntur « (llrun. .\stens.. De confessorib., serin. 7 ) —
o Purpura vero qua reges el principes induuntur, jusiitiam désignai. » ( Ibid. K.rposit. sup. lùrnd.,
c. 2.T et 28. — Ibid. De orn. furies., c. i. — Ibid. F.xpns. sup. Peiitatenc. c. .'i. — Durand ,
Rat. die. offic, I 3. etc.
8. « ("oecum aulem rubri et san;uinei coloris ad fortiludinem nos invitât qua sancti marlvres
armati occidi quidem potuerunt , vinci non poluerunl. » ( Brun, .\slens , De cnnfessor., serin, "t.]
— ir Per coccum vero qui sanguine! coloris est , fortitudo signalur, qua sancti martyres usque ad
siinguinem pugnantes, in Cbristi fuie forlissimc extiterunl » (Brun. .Ast , K.rpos. sup. F.xod..
cap. 28. — Ibid. De omam. Fcctes., c. 4. — Ibid. sup. Pentat., c. 3. — Durand. .Mimai.,
Ration, div. o/ficior., I 1. — Innocent III, De sac. ait. tnijst., I. 1, c. 32. — .\lb. Aie. Flacc,
De div. offic, etc.
9 (I Per coccum coloris ignei , qui et bis linctus fuisse narratur, signilicatur ponlilicalis docirina
qua? sicut ignis lucere débet et urere. » (Innoc. III , De sar. ait mijst.. I. 1, c. 3i.)
V. 30
230 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Par la blancheur de son tissu^ le Byssls', emblème de joie, spéciûail la
tempérance^ qui produit la paix^, la coxicorde, éléments propres du bonheur.
Le byssus figurait aussi les générations de la tempérance ; l'innocence^, la
chasteté, et le témoignage authentique rendu à la foi et à Dieu 4.
L'Hyacinthe, couleur de l'air, était la prudence chrétienne, le désir des
choses du ciel ^, la sérénité de la conscience'', la paix.
Le Vert pale et couleur des flots, désignait -par là le baptême 7.
Le Rose indiquait le martyre, qui était aussi le sens mystique attaché aux
tleurs du rosier*'.
Le Safran, à cause de son analogie avec l'or et la couleur rouge, symbo-
lisait les confesseurs!'.
La Blancheur et la fleur du lis, qui désignaient la chasteté et l'innocence
de la vie, étaient attribuées aux vierges; le Gris, à la tribulation; le Violet,
à la pénitence; le Noir, à la pénitence et au deuil '°.
Il est aisé de reconnaître dans cette explication mystique de quinze d'entre
1 . Le lin.
2. « At vero per lini candorem temperantia flguratur, quœ seniper lœta, et asperum niliil osten-
(lens, omnia ad concordiam et pacem trahere conatur. » (Brun. Astens., De co)ifessor.,serm. 7.)
— « Per Byssum qui de terra oritur, temperantia intelligitur, quoniam sicut terra omnium elemen-
torum média est et in se omnia recipit elementa, ita et temperantia inter omaes virtutes média
discurrit, omnesque conciliât alque conjungit. » (Brun. Astens., Expos, sup. Exod., c. 25. —
Ibid. De orn. Eccles., c. 4. — Ibid. sup. Pentat., 3. — Innocent HT, De sac. ait. viyst., 1. I,
c. .32. — Durand. Mimât., Rat. dicin. ofjicior., 1. 3.
3. Innocent III, De sacro ait. myst., 1. 1, c. 64. — Dur. MIniat., Hat. div. of/ic, 1. 3.
4. Innocent III , De saci-o ait. myst., 1. 1 , c. 32. - Dur. Mimât., Bat. div. offic, 1. 3.
.j. K Vitta hyacinthina, per qiiam sanctam et cœlicam vitam, et Dei contemplationem intelligi-
mus. » (Brun. Astens., sup. Exod.., c. 26.)
6. « Prudentia... .luslitia... Fortiludo... Temperantia... lias enini (juatuor virtutes, hyacinthus,
et purpura , et coccus, et Byssus signiBcant. >; (Brun. Astens., sup. Exod., cap. 28 , — et ibid.
cap. 26.) — « Hyacinthus, qui cœlestem et divinum colorem habet, Prudentiam significat , quœ de
cœlestibus à Dec descendit. » (Ibid. sup. Exod., 25. — Ibid. De orn. Eccles , 4. — Ibid De con-
fessorib-, serm. 7. — Innocent lit , De sacro ait. myst., I. 1 , c. 32.
7. « Iris... duos habet principales colores, quorum alter et igneus, alter cœruleus et quasi aqua
viridis; et rubeus quoque martyrium, viridis autem baptismum désignât. » (Brun. Ast., Prxfat.
sup. lib. Apec, 4.)
8. « Rubicundus (color) in Martyribus et Apostulis : /;(' et iUi sunt flores rosarum et lilia con-
vallium. » (Innoc. III , De sacro ait. myst., 1. 1, c. 64.) — Durand, ilimat., Ration, divinor.
ojjwior. — Bottari, Roma sotterran., passim.
9. Innocent 111, De sacro ait. myst., 1. 1, c. 64. — Durand. Mimât., Ration, divinor. ofji-
cior., 1. 3.
10. Durand., Jbid., 1. I,c. 3.— Ibid., 1. 3.— Jbid., 1. I, c. S. — Brunon. Aslens., sup. Exod.,
c, 28. — Innocent. III, De sacro ait. myst., 1. I, c. 64.
SVMHOI.IOUE DES l'IEURES PU ÉCl EISES. 231
les couleurs, combieu les sons allrihurs à la plupart des pierreries oui d'aïui-
loiiies avec elles. Nous comptons produire en leur temps, à l'appui de nos
assertions, les témoignages explicites des écrivains du moyen âge et des
pères de l'Église les plus anciens : ceux de nos lecteurs qui ont le temps de
comparer retrouveront ces témoignages dans beaucoup de commentalcurs du
xv« et même du xvi<^ siècle, ceux-ci étant, sans exception, plus ou moins
cakpiés sur leurs devanciers ; car il ne faut point s'y méprendre; il n'en est
pas des interprétations mystiques des livres sacrés comme il en fut au moyen
âge des traditions de l'art chrétien, nécessairement altérées en pa-sant des
clercs aux laïques ' et |)romplemcnt dénaturées entre les mains de ces der-
niers^. Ces explications raisonnées sont toujours demeurées les mêmes en se
transmettant d'âge en âge et par le clergé seulement, Si , dans les plus longs
commentaires, elles paraissent quelquefois différer les unes des autres, c'est
seulement à raison de la diversité des points de vue où l'on a placé leurs
sujets; mais l'unité est conservée quant aux allusions principales, et s'il y
a souvent abondance, il n'y a jamais contradiction
Ajoutons aussi, en passant, qu'outre leurs relations précises avec diffé-
rentes vertus et avec les patriarches et les apôtres, les gemmes apocalyp-
tiques, comme celle du Rational, ont figuré au moyen âge les « Douze prin-
cipales vertus du Christ, » et les « Douze articles du symbole de la foi catho-
lique, » rapprochements non arbitraires, mais fondés, connue les premiers,
sur les propriétés reconnues ou attribuées à ces pierreries. Pour simplilier
cet article, nous avons exclu ces détails, nous signalons du moins ce fait,
dont nous donnons ailleurs les preuves.
Récapitulons seulement ici, dans un résumé laconique, ce qu'on vient de
lire sur les trois séries d'allusions attribuées aux « Douze gemmes » de nos
Écritures sacrées ^.
1. Cette sécularisation s'oppra vers la lin du xiii'" siècle.
2. On sait que cette décadence eut lieu dans le cours du xiV sièclfl , et qu'elle était accomplie
à l'ouverture du xv^ C'est elle qui dénatura d'abord l'esprit de mysticisme , puis le caractère
idéal de la statuaire hiératique. Par une opposition remarquable, tandis que ces sources ou beau
s'abâtardissaient sans mesure , le luxe des combinaisons arcliilectoniques et la beauté toule phy-
sique imprimée à la statuaire étaient en iirogrès ascendant.
3. Nous marquons par une astérisque les gemmes énumérées simultanément dans les fonde-
ments do la nouvelle Jérusalem et parmi les pierres du Rational.
232
ANNALES AKCHEOLOGIQLIES.
TABLEAU THOPOLOGIQl'E DES GEMMES.
PIEKRERIES.
P.\TRI.\RCHES.
APOTRES.
VERTUS.
j' Jaspe
'Sapliir
Gad
Ne|)htali
Foi : sa fermeté : sa persistance.
liternité , incorrirplibilité.
Espérance , contemplation.
Humilité. Charité. Miséricorde.
Foi. Incorruptibilité. Virginité.
Charité. Modestie.
Sincérité. Vérité. Candeur. Inno-
cence.
Charité.
Charité et ses œuvres.
Foi. Martyre.
Sapience. Vigilance. Pénitence.
Saine doctrine. Science. Force.
Saint héroïsme. Longanimité.
Sagesse. Chasteté. Bonnes œu-
vres Sainte espérance.
Réunion des bonnes œuvres.
Acrimonie.
Sainteté.
Prudence. Condescendance des
parfaits.
Suavité. Mœurs célestes.
Humilité. Modestie. Martyre.
Résistance au mal. Invulnérable
sainteté.
S. André. (S Paîil
quelquefois.)
S Jacques le Majeur.
S. Jean l'Évangéliste.
l*Enieraiide. . . .
[* Escarboucle . .
jOnyx
Grenat
.luda
Dan
Manassé
* Sarde
' Chrysolvte . . .
*Béryl..".
^Topaze
Chrysoprase. . .
Riihen
Ephraïm
Benjamin
Siméon.
S. Barthélémy
S. Matthieu
S. Thomas
S. Jacques le Mineur.
Thadée
S.' Paul. .... ....!'.. !
Issachar
iHyacintlie
1* Ligiirius
'Améthyste.. . .
iDiamant
Aser
Zabulon
Simon le Chananéen. .
Mathias
Ce court ex.posé sur les gemmes, sur leurs relations avec les couleurs et
sur leurs applications dans les basiliques du moyen âge, peut faire entrevoir
à lui seul, ce qu'était l'art hiératique (sacerdotal) dans les cloîtres et entre les
mains des prélats, qui en gardèrent le monopole jusque vers le commence-
ment du xiii" siècle. Grossier, incorrect, et tout au moins très-imparfait sous
le rapport de l'esthétique, jusqu'à l'approche de ce temps, l'art chrétien y
fut néanmoins tout esprit et tout vie intellectuelle, et nul type, nulle figure,
aucune couleur consacrée, surtout parmi les sujets d'art qui sont monstrueux,
en un sens et (jui semblent inexplicables, ne fut l'œuvre de l'arbitraire et ne
fut exempt d'allusion. Celte tropologie mystique s'étendait à l'arcliitecture,
à la statuaire et à la peinture. Chacun pouvait bâtir, sculpter, iteindro avec
plus ou moins de talent, puisque des écoles nombreuses ouvertes dans les
monastères et souvent dans les cathédrales ', propageaient ces différents
I. .\vant le xii'' siècle florissaient déjà celles des abbayes de Saint-Martin de Tours, de Curbie,
do Cluny, de Saint-Denis, des cathédrales de Paris, d'Au.xerre, de Reims, de Lyon , de Saint-Gall ,
de Fulde, d'Vork, et un grand nombre d'autres.
SYMiniLiglE DES IMEHUKS l'K KCI KUSES. 233
art?. Maiïi la science li(i|)()l().izit|ue restant connue des |irètres seuls el exiiîeanl
une connaissance minutieuse des livres sacrés, le clergé pouvait seul déter-
miner le jilan des églises, on condjiner les caractères, el fixer rornemenla-
tiou. I/ul)iquit(" du synd)()lisnie dans la l)asili(]ue cliréticnne s'abâtardit, se
travestit, puis disparut ra|)idemenl quand les arts furent passés du domaine
sacerdotal dans le domaine des laïques. On sait que cette décadence s'opéra
dans le cours du xiii* siècle, et (pielle était consommée dans le xiv'.
l'Éi.iciK d'AYZAC,
Itiiine de la Muison royale de Saint-Denis '.
I. Au mois de juin dernier ( .Innales .trc/iéologir/iies , vol. IV, page 393), nous signalions la
prochaine publicalion d'un ouvrage sur le symbolisme dans les églises du moyen âge. .4 celle
annonce, madame h'élicie d'Ayzac nous a fait savoir qu'elle s'occupait depuis longtemps d'un
travail qui aurait pour tilre : Des Nombres dans l'archéologie chrétienne, ou « Exposé des
influences , des applications et du sens des nombres sacrés dans l'arcliilecture , la statuaire et la
peinture des églises du moyen âge. » Cet ouvrage, qui sera précédé d'un traité complet sur l'ar-
chitecturo et l'iconographie symboliques, formera deux forts volumes in-8° de 500 pages chacun.
Au fond de sa retraite de Saint-Denis, madame d'Ayzac se livre depuis plusieurs années à l'élude
des sciences littéraires ; elle y était d'ailleurs préparée dès l'enfance par les soins d'un père éru-
dit, auteur de savants manuscrits que sa pieuse fille veut publier un jour. Ainsi donc, la forte
instruction que madame d'Ayzac a reçue el que peu d'hommes do notre temps possèdent , le
goût éclairé, l'amour intelligent qu'elle professe pour l'archéologie, du moyen âge nous garan-
tissent les excellentes qualités du livre sur les Nombres el la Symbolique du christianisme.
Parmi les nombreux éléments du symbolisme hiérati(]ue imprimé aux églises du moyen âge,
à partir du v siècle jusqu'au xv et au delà , les nombres sont jusqu'à ce jour les plus inexplo
rés peut-être ; néanmoins leur influence sur les formes architecloniques, sur les combinaisons
de la statuaire et celles de l'ornementation est réelle et incontestée. L'ouvrage que nous
annonçons man(|uait donc à l'archéologie: il jetlera un jour nouveau sur cette partie peu
connue de la science des monuments; il donnera la solution de plusieurs combinaisons d'art encore
aujourd'hui incomprises, dont la numération mystique possède seule le secret. Pour faciliter l'in-
lelligence de la matière et fixer un point de départ a portée de tous les lecteurs, l'auteur a placé
en tète de son ouvrage des Prolégomènes contenant : 1° un traité succinct du symbolisme des
églises, soit romanes soit ogivales, considérées dans leur ensemble ; 2 'un aperçu de l'iconographie
relative, traitée au môme point de vue, appendices indispensables où la partie élémentaire est
exposée sommairement, el où les détails sont réservés à des explications nouvdies du lan^a^e
hiéroglyphique qui est, en beaucoup de points, l'essence de l'art chrétien. Toutes les interpréla-
tions données dans ce livre sont puisées aux sources authentiques et consacrées. La Bible et ses
commentateurs, les anciens Pères de l'Église, les docteurs ecclésiastiques et les plus savants
liturgistes, qui ont vécu depuis le ix" siècle jus((u'aii xiV, ont fourni la plupart des textes a|)pelés
à servir de preuves. Ces pièces justificatives, insérées intégralement au-dessous du texte, appuient
les explications de l'auteur, (pii base ses raisonnements sur des comparaisons logiques, sur des
rapprochements palpables , sur des faits toujours démontrés, et sur l'accord des sources citées.
Un ouvrage de ce genre intéressera vivement nos lecteurs. L'article (|ue nous venons de donner
prouve d'ailleurs que madame d'Ay'/.ac est nourrie, trop copieusement peut-être, des auteurs spé-
ciaux du moyen âge. L'histoire el l'esthétique de l'art du moyen âge excitent do nobles ambitions
el do'''' tnt enfin naissance à des ouvrages d'une importance miijeure. Pendant qu'à Tours et à
MELANGES ET NOUVELLES.
Encensoir de Lille. — Enlèvement et mutilation des statues royales de Fontevrauld. — Travaux
archéologiques. — Les préfets de France et le style ogival. — Découverte de manuscrits
orientaux. — L'architecte malgré lui. — L'art gothique en Angleterre. — Le conseil municipal
d'Orléans. — Louis XI protecteur de la presse. — Maison d'Héloïse et d'Abélard. — Musées.
— Collège de Montaigu. — Restauration de la cathédrale d'Amiens.
Encensoir de Lille. — Notre article sur les parfums (vol. IV, pag. 293),
mais surtout le beau dessin de WM. Violiet-Leduc et Léon Gaucherel nous
ont valu les plus précieuses marques de sympathie. M. Fengère des Forts
nous a signalé une navette romane dont on se sert, aux grands jours de fêle,
dans une des plus importantes cathédrales de France; nous ferons dessiner
et graver cette navette, si le style et la forme conviennent parfaitement à l'en-
censoir.-— M. E. Cartier, notre ami et collaborateur, vient de nous écrire:
« Ce que vous dites sui- les parfums me remet en mémoire une histoire que
Saint-Denis se préparent ces livres que nous venons d'annoncer, un savant ecclésiastique du dio-
cèse de Poitiers achève un travail à peu près semblable ; c'est donc partout comme une vive et
curieuse émulation. Mais, tant les idées sont générales et mûres sur ce point, celte espèce de
concurrence se fait entre personnes qui ne se connaissent pas et qui , sans les « Annales Archéolo-
giques », auxquelles on vient en faire confidence, ne se douteraient en aucune façon qu'elles
s'occupent des mêmes travaux.
A cet article de madame d'Ayzac sur la symbolique des pierres précieuses et des couleurs
nous n'avons ajouté aucune note. Cependant nous ne partageons pas toutes les idées de l'auteur,
ni même, il s'en faut, toutes les idées (qui sont des rêveries souvent) d'Innocent III , de Guil-
laume Durand et de Hugues de Saint-Victor, ni celles d'Alcuin , de Rhaban-Maur, de Bède et
encore moins de Cornélius-a-Lapide, de domCalmet et des allégoriseurs modernes. Mais la ques-
tion du symbolisme est tellement comple.xe, que coudre de petites notes à un article fondamental
serait plus qu'insuffisant; c'est un travail suivi que nous devrons faire dans les « Annales Archéo-
logiques ». Pour une œuvre de cette nature il faut une dose de maturité, de raison et de bon sens ,
d'autant plus grande qu'il est plus facile et qu'il semble plus permis de s'en passer. On pourrait
croire qu'avec de l'imagination dans l'idée et de la poésie dans le style on se tirera toujours d'af-
faire ; c'est une erreur assez grave et contre laquelle il importe beaucoup de se prémunir. Nous
attendrons, en conséquence , que de Saint-Denis, de Tours, de Poitiers, d'Oxford, de Londres,
de Munich , de Bonn et de Berlin soient venus des livres qui se préparent ou s'achèvent sur le
symbolisme chrétien , pour en parler tout à notre aise. Du reste , nous tiendrons nos lecteurs au
courant de ces ouvrages, au fur et à mesure de leur publication. {Noie du Directeur.)
MÉLANGES ET NOUVELLES. 235
j"ai lue quelque pari. Un [);uivio paysan Ijielon, irunc nature rêveuse el sin-
gulière, avait pour ainsi dire inventé lait des ])aiiiinis en étudiant les lleurs,
el avait découvert les rapports liarnionieux (jui existent dans leurs odeurs.
Par des combinaisons successives el vaiiées, il parvenait à faire naître, dé-
velopper el communiquer à son s,vé une certaine disposition d'esprit. Comme
instrument de son art, il avait inventé une boîlc à compartiments, d'où il
lirait cette variété de tons que possèdent les peintres el les iimsiciens. Le
pauvre pavsan vint à Paris pour donner des concerts d'odeurs; il i)assa pour
fou et retourna mourir obscuiéinenl dans son pays. Celle histoire fùt-elle
fausse, il n'en serait ])as moins vraisemblable (pic non-seulement il existe,
par l'inlermédiaire de nos organes, des rapports entre les parfums et notre
âme, mais encore qu'il y a pour l'odorat une certaine harmonie ayant des
lois, comme en a l'harmonie (lui charme nos oreilles. Les lois des couleurs ont
été analysées; on a inventé aussi pour les yeux un clavier produisant des
tons, des nuances successives el jouant de véritables airs. Tout cela est plutôt
mystères que rêveries. »
Nous connaissions l'existence de cet « instrument *) odorant inventé par le
paysan breton; mais nous avions oublié d'en parler, connue nous avons
omis, entre plusieurs autres faits divers, celle importation des roses dont fut
dotée la ville de Provins, au xiu" siècle, par les comtes de Champagne re-
venus d'Orient el des Croisades. Nous remercions JM. Cartier de nous avoir
rappelé celle première tentative de mélodies el d'harmonies odorantes, faite
par un pauvre paysan, tentative qui se renouvellera certainement un jour el
finira peut-être par réussir. Un autre de nos abonnés, qui ne se nomme pas
dans sa lettre, nous écrit au sujet de l'inscription gravée sur l'encensoir, el
dont nous avons essayé une traduction : « En su[)posanl que ce vras est mal
écrit, et que, par une abréviation disposée différemment, ce doit être
VESTRAS, voici commcut je traduirais :
Moi, Reineruâ, je donne ce signe qu'iipres niy mort vous nie devez des funérailles semblables aux
vôtres, car je regarde vos prières comme des parfums en l'honneur du Christ.
(( Ce Reinerus aurait été le bienfaiteur d'im coux eut (pii avait envers lui des
obligations spéciales de prières, el lui devait sans doute des obsèques sem-
blables à celles usitées pour les moines. » — Il est fort probable, en effet,
que VRAS est pour vestras, peut-être pour veras, et qu'il faut traduire
EXEoviAS par funérailles. Notre abonné a lu mieux cpie nous et mieux com-
pris; nous en sommes enchanté , et nous le remercions de sa coninumication.
Nous dirons enfin cpie M. Victor Gay a cru trouver le nom du donateur; ce
236 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
serait l'abbé d"un monastère du nord de la France, d'Arras ou de Cambrai,
qui serait mort à la fin du xif siècle. Cette époque est celle assignée par nous
à l'encensoir, qui était en dernier lieu à Lille.
EnU'vcmont et mitlilalion des stalxes royales de Fontcvraiild. — L'antique
église abbatiale de Fontevrauld, mutilée et déshonorée, dont l'abside seule
rendue au culte est réduite à l'état de chapelle d'une maison de détention , et
dont les coupoles majestueuses ont fait place à des ateliers, conservait encore,
il y a quelques mois, les statues d'Henri II, roi d'Angleterre, d'Éléonore de
Guyenne, de Richard-Cœur-de-Lion , et d'Isabeau de la Marche, femme de
Jean-sans-Terre, En vertu d'un droit que nous ne connaissons pas, la Liste
civile s'est emparée de ces monuments qui étaient la propriété de l'État, et
qui ne pouvaient en conséquence être aliénés à aucun prix, pas plus que
l'église môme dans laquelle ils se trouvaient, à moins d'une autorisation
expresse du pouvoir législatif. Les statues n'en sont pas moins aujourd'hui
dans les ateliers du Louvre, où elles subissent une restauration fatale; on
rajuste des nez, on remet des mains, et, ce qu'il y a de plus fâcheux encore,
on refait à neuf la peinture du xiv" siècle, qui recouvre entièrement ces
figures. Sur la statue d'Henri II, la peinture s'était écaillée, et laissait voir,
par dessous, une coloration aussi ancienne que le monument lui-même.
Henri II, Éléonore et Richard sont sculptés en pierre; les vêtements, serrés
au corps et rompus en plis multipliés, accusent une facture encore romane.
Les couronnes, les tuniques, les manteaux, les agrafes, les chaussures, les
gants ornés de plaques, comme ceux des évêques, présentent des détails très-
curieux. La statue de la reine Isabeau , exécutée en bois dans le premier
quart du xiii" siècle, s'est conservée presque intacte, tant pour la sculpture
que pour la coloration. 11 s'est répandu dans le public, au sujet de ces monu-
ments, un bruit auquel nous ne pouvons ajouter foi. On assure que ces
statues, après avoir été restaurées et moulées pour le musée de Versailles,
seront offertes en présent à la reine d'Angleterre, qui leur donnera une place
d'honneur à Westminster. A ce compte, il faudrait aussi envoyer à Londres
le Richard-Cœur-de-Lion de Rouen, le Geoffroi Plantagenet et la reine
Bérengère du Mans, etc. Cette grande race des Plantagenets se faisait gloire
cependant d'être française; Richard, en mourant, légua son corps à Fonte-
vrauld, ses entrailles à Poitiers, son cœur à Rouen; l'Angleterre n'eut rien
dans le partage.
Travaux archéoloiji(iiies. — ■ L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
mi: LANCES ET NOUVELLES. 2:17
vitMit d'accorder le prix de iuiinisiiiali(iiu' ;i AI. .Vdolplu^ Du (".lialais, ancicMi
élève de l'école royale dos C.liartos, atlaclié en ce iiioii;ent à la l?ii)lii)tli('(|iio
Royale. Le travail de .M. On (Ihalaisa pour tilre : « ncscriplion des iiK-daillos
gaidoises, faisajil partie des cnllcclioiir- de la Hilili(>tlu"'(|Mi> Hovaic, aicoiiipa-
puéede notes explicatives. )) Quoi(ine en so liorniuil cxcliisivenienl à docrir(!
des monnaies conservées an (labinet, l'aMlcni a pu cataloguer 812 variétés
purement gauloises et 115 |)annonicnni's. Il a di'ciit ces dernières, parce que
beancon]) de numismatisles les avaient conronducs avec les gauloises. C'est
le premier travail d'cnsenddc (pu ail encore été fait sur cette partie de la
niimisnialiquc. — Kn même temi)s r.Xcadémie accordait, à M. le baion de
Girardot, une médaille pour son « Histoire du chapitre de Sainl-Ktienne de
Bourges». C'est la première fois iju'aura été tait un travail do ce genre, et
nos lecteurs savent connnent aura pu 1 exécuter .M. de Girardot. La curieuse
Monographie de ^I. Hcmi Baudot, de Dijon, sur la chapelle et le château de
Pagny a de même été mentionnée honorablement. Nous sommes heureux
que des distinctions aussi bien méritées soient venues trouver trois de
nos amis. — A cette épocjue des vacances , les académiciens se réunissent
en assend^lées générales, couronnent les travaux passés, proposent des prix
pour les travaux futurs, se montrent et discutent en public. 3L deCaumont,
après s'être fait voir aux archéologues d'Autun et de Chalon-sur-Saône,
a dirigé les séances du Congrès scientitique de Marseille. Malheureuse-
ment Marseille, pour des savants , est la ville la plus insignifiante du monde.
— En Angleterre, M. Thomas Wright et l'Association archéologique ont tenu
leur troisième congrès annuel à (Jloucester. Le journal de Gîoucester, (pi'on
nous a envoyé, contenait deux numéros (deux numéros de ces inuncnses
journaux anglais) renqilis en grande partie par les discussions archéologi(]ues
sur les antiquités et l'hisloire du moyen âge. La cathédrale de Gîoucester a
surtout été disséquée dans tous ses détails. Les Anglais ont un {un plus de
bon sens que nous; l'année dernière, à Reims, on a parle de tout dans les
séances générales, excepté de la calhedral<! de R(>ims. Nous icgicltons vive-
ment que la place nous manrpie, car nous voudrions parler en détail 'nous
sentons condjien c'est important des Académies de Paris, d'Arras, etc., tles
sociétés archéologiques de Caen, d Aulun, de Chalou-sur-SaAne, etc. Quand
donc pourrons-nous faire tout ce que nous desiions.' Arras propose, pour
1847, un prix de 300 francs pour la meilleure histoire de l'abliave rovale de
Saint-WaasI C'est s'honorer (pie de mettre au concours un aussi beau sujet.
Ij's jtrrft'ls (le Francf et le sti/lr of/lctil. — Le Conseil des bâtiments ci\ ils, à
V. 34
238 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
i'aris, et, dans les départements, le plus grand nombre des préfets s'entendent
pour repousser le style ogival. Quand un curé instruit et un conseil munici-
pal intelligent demandent à un architecte une église en style gothi(iue, le
préfet leur fait savoir que l'administration centrale leur refusera toute espèce
de secours pour leur venir en aide, et que le Conseil des bâtiments civils
rejettera le piojet. C'est ainsi qu'on espère décourager les habitants, les admi-
nistrations locales, le clergé et les jeunes architectes bien disposés. On in-
trigue, pour faire construire un édifice religieux à la romaine ou à la grecque,
et pour déchirer des projets en style du moyen Age , comme on vient de le
faire pour obtenir la nomination d'un candidat conservateur et la déchéance
d'un député de l'opposition. C'est tant mieux, parce que cela prouve que le
goût du moyen âge, sorti enfin de la science inerte, est arrivé à la vie réelle,
à la pratique. Mais ces manœuvres auront pour résultat de porter le décou-
ragement, pendant quelques années encore, dans les esprits faibles, et de
retarder d'autant le triomphe de nos doctrines. Sans raison valable, le Con-
seil des bâtiments civils a refusé le projet d'une église en style gothique pour
la paroisse Saint-André, à Reims. « A Saint-Simon, (nous écrivait dernière-
ment M. l'abbé Poquel) chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Saint-
Quentin, les habitants avaient le projet de bâtir une église en style gothique;
le Conseil des bâtiments civils s'y oppose et veut du romain. « Les préfets
battent des mains au digne conseil : celui de l'Allier ne veut pas de gothique
à Moulins, celui de l'Aube le repousse partout, celui des Landes se moque
agréablement de l'enthousiasme des habitants de Peyrehorade pour le style
ogival. Dernièrement, cet illustre et savant préfet des Landes a voulu, comme
il l'a déclaré lui-même, voir de ses yeux et en compagnie d'hommes spéciaux,
le projet })roposé par M. Hippolyte Durand pour l'église de Peyrehorade. Il
a donc, ayant à sa droite le général de division et à sa gauche le capitaine de
recrutement, traversé la salle de l'Hôtel de Ville où ce projet était exposé
dans tous ses détails. Flanqué de ces hommes spéciaux, le préfet a reconnu
instantanément que le projet entraînerait à une dépense de plus d'un million et
l'a déclaré nettement à ceux de la ville de Tartas qui voulaient avoir, eux aussi,
une église en style ogival. Ainsi voilà où nous en sommes réduits, à l'humeur
des préfets ignorants qui jugent, avec la maturité de celui des Landes, que le
style gothique coûte beaucoup plus cher que tout autre, et qu'on doit voir
s'élever à un million passé ce qu'un architecte consciencieux déclare et prouve
ne devoir coûter que 103,825 francs. Tout cela est ridicule; mais c'est ce
ridicule qui nous gouverne. 11 faudra du courage à M. le curé et à tout le
conseil municipal de Peyrehorade, qui veulent une église gothique, car mille
MÉLANGES ET NOT VKl.l.KS. 239
obstacles leur viendront du préret el du Conseil des bàlinients civils. Il laut
s'attendre à tout pour pouvoir tout parer.
Découverte de mnnuscrits orientaux. — .M. ("lustavc Hiunet , secrétaire
général de l'Acadéniie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, nous
adresse les renseignements qui suivent sur la découverte et l'envoi à Londres
de manuscrits syriaques : « Des manuscrits presque inconnus cl oubliés cle])uis
une longue série de siècles dans les déserts de l'Egypte ont ét(', il y a |ieu de
temps, arrachés à des chances multipliées de destruction. Ils ont trouvé un
asile assuré dans le plus riche dépôt public de Londres, ils sonl à la portée du
monde savant. Nous pensons qu'on ne lira i)as sans intérêt quelques détails
relatifs à ces paciQques conquêtes, détails (pie nous cin|)iunlons en partie à
une publication périodique justement célèbre '.
u Les érudits européens savaient depuis bien des années qu'il existait dans
les couvents de l'Egypte d'antiques el précieux, manuscrits d"ouvrages qu'on
croyait perdus. Gassendi raconte dans « sa Yie de Peiresc » qu'un capucin
(le P. Giles de Loches), qui était demeuré sejU ans en Egypte afin d'étudier les
langues orientales, informa Peiresc qu'il avait vu, dans un seul monastère,
jusqu'à 8,000 volumes , parnu lesquels il s'en trouvait qui reinoutaient à
l'époque de saint Antoine. Il faut bien reconnaître de l'exagération dans ce
récit. Vansleb, qui visita l'Egypte en 1672, fut admis dans le couvent de
Saint-Antoine situé au milieu du désert, près de la mer Rouge; il y trouva
trois ou (piatre caisses pleines de manuscrits coptes ou arabes, ntais il ne put
obtenir (pi'ils lui fussent cédés; les moines n'auraient pu les aliéner sans s'expo-
ser à l'excommunication du patriarche. Six ou sept ans jjIus tard , un Anglais,
R. Huntington, alors chapelain à Alcp, et qui devint par la suite e\êquc en
Irlande, parcourut les monastères égyptiens en quête de manuscrits. Il était
surtout avide de se procurer la version s\ riaque des » Épitres» de saint limace
d'xVntioche; mais il ne put y réussir. Dans le couvent de Saint-Maurice, il
rencontra un énorme volume de saint Chr\sostômc en copte, une version
arabe du commentaire de ce même père sur saint Jlathieu , et un « Lection-
naire » copte en quatre gros volumes, endjrassant l'annéQ entière. Le monas-
tère d'El-Baramons ne lui offrit ([u'une cojiie du Nouveau-Testament en copte
et en arabe. Il devint possesseur d'une copie des Evangiles en co])te , et il
l'envoya en Angleterre au docteur Marshall , qui préparait alors une édition
du « Nouveau-Testament » en celte langue. — En 1707, un orientaliste habile,
1. Tlw qualerlij Rei-iew.
240 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Maronite de nation, Élie Assemani, reçut fin pape Clément XI la mission
d'aller dans les monastères de l'Egypte recueillir des manuscrits. 11 arriva au
monastère des Syriens, près des lacs Natrons ; il parvint à être admis dans
une sorte de cave où il trouva une foule de volumes écrits en arabe, en sy-
liaque, en copte, tous entassés dans le |)lus grand désordre, oubliés, tom-
bant en lambeaux. 11 aurait volontiers acheté le tout; mais eflVayé de l'ana-
tlième auquel ils s'exposaient, soupçonneux et craignant de perdre des trésors,
les moines repoussèrent toutes ses instances , et ce ne fut qu'avec beaucoup
de difliculté qu'il obtint la cession de quarante manuscrits. Ils furent trans-
portés à travers le désert, et Assemani, pour revenir au Caire, s'embarqua
avec eux et avec un moine qui l'accompagnait. Un orage les surprit en route,
la barque chavira , le moine fut noyé ; Assemani se sauva à grand'peine à bord
d'un autre bâtiment , mais il fut assez heureux pour repêcher ses manuscrits ;
il n'en peidit cpie six. Les trente-quatre restant, scellés et nettoyés aussi bien
([ue possible , furent déposés dans la bibliothèque du Vatican. — Encouragé
par ce premier succès, le pape envoya un nouvel émissaire, Jean-Simon
Assemani, cousin d'Élie. Il arriva au Caire au mois de juin 1715 ; il visita
d'abord le couvent de Sainl-Macaire ; il y obtint quelques précieux manu-
scrits coptes, dont il a donné le catalogue dans sa « Uibliotheca orientalis »
(t. l'", p. 617) : c'était tout ce qu'il y avait d'intéressant dans ce monastère.
Assemani alla ensuite au couvent de Sainte-Marie-Mère-de-Dieu , il y rencontra
plus de 200 manuscrits syriaques qu'il examina avec soin; il en choisit une
centaine, mais il ne put en faire l'acquisition, les moines se montrèrent
inflexibles, et ne consentirent à se défaire que d'un très-petit nombre de
volumes. En 1716, accompagné du P. Sicard, jésuite, il visita les monastères
de Saint-Paul et de Saint-Antoine, près de la mer Rouge. Une lettre du
P. Sicard , en date du mois de seplembie de cette même année, insérée dans
les (( Lettres édifiantes » , donne quelques détails sur cette visite. On trouva
irois caisses pleines de livres : c'était pour la plupart des prières et des
homélies en copte et en arabe. Assemani ne découvrit que trois ou quatre
manuscrits dignes du Vatican. — En 1730, Granger pareouiut diveis couvents
de l'Egypte, il ne i)ut olitenir l'accès desbibliothè(iues. Sonnini passa en 1778
(■iu(i jours au monastère d'El-Baramons , il ne fait aucune mention de livres
ni de manuscrits. En 1792, Browne vit dans un couvent quelques ouvrages
|)armi lescpiels il mentionne la Bible en arabe, un dictionnaire arabe et copte,
et les (iHivres de saint Grégoire : il ne put en acheter encore. En 1828 , lord
Gruilhve visita quelques couvents et obtint (pielques manuscrits de peu d'im-
portance. ^'euf ans plus tard, un autre Anglais, U. Curzon , se rendit aux
MÉLANGES ET NOl VELLES. 2VI
monastères des Uics Nations, il parvint à olilenir la laxcnr d'rliT admis dans
la hibliollièque , c'ost-à-diie dans une pièce voiitée où on ne s'introduisait cpie
par une trappe , et où il se lro»i\ a enfoncé jus(iu"aux i;enoux dans un las de
Jeuillets épars , et assailli par des myriades de pnei^s. Il en sortit bien vile,
après avoir choisi ou à peu près an liasard, tmis ou (inalic Milumes (]uc les
moines lui vendirent.
(( Toutes ces observations étaient laites à la leiière cl sans une base scienti-
fique; mais, en 1838, le docteur Henry Faltum, mainlenanl arciiidiacrc de
Bedford, se rendil en Kiiyple dans li' but de recueillir les matériaux néces-
saires à une édition des Ecritures en coijte. Il remonta le Nil, visitant, £;rAce
aux lettres de recommandation cpi'il tenait du patriarclie, nombre d'églises et
(le monastères, ne rencontrant que des écrits liturgiques sans inlérél. Tra-
versant le désert, il arriva au couvent des Syriens, et il lit l'acquisition de
quelques manuscrits syriaques. Il trouva au couvent de Saint-Macaire une
belle copie des « Épîlres » en copte ; mais il ne put obtenir qu'elle lui fût
cédée; on lui i)ermilen revanche d'emporter une centaine de feuillets séparés
qu'il avait réunis. Quehiucs jours plus lard, il re\int à la charge, et, cette
fois, il réussit à faire l'accpùsition de quelcjucs manuscrits. Il retourna en
Angleterre, et il traita avec le .Musée britannique auipiel il céda ses ma-
nuscrits syriaques. L'antiquité et l'importance de ces manuscrits firent
naître le plus vif désir de posséder ceux qui étaient restés en Egypte, et
l'administration du musée, ayant obtenu les fonds nécessaires, renvoya
'SI. Faltum au Caire. 11 s'entendit, par rentremisc d'un slieikh , avec le supé-
rieur du monastère des Syriens, et, avant quinze jours, le maiché fut con-
clu. Les conditions sont restées inconnues; mais, un soir, plusieurs ânes,
chargés de caisses, arrivèrent chez .M. Faltum. (^es caisses contenaient les
manuscrits si ardemment convoités. Elles fuient aussitcM herméticpicmcnt
fermées, embarcfuées, dirigées vers Alexandrie ; elles partirent bien vile
pour l'Angleterre. Le I''''mars 18'i3, elles entrèrent au Musée britannicpie.
Presque aucun volume n'était com]ilet : les liens (pii niiiiaicnt les feuillets
étaient détruits, et cet amas de pages mêlées et confondues présentait l'image
du chaos. Kéunir, classer, trier ces fragments, ce devait être un labeur im-
mense; il est loin d'être terminé. L'absence complète de tout signe de i)agi-
nation, de tout mot de réclame , impose l'obligation de lire chaque feuillet
pour comprendre à quoi il se rapporte, pour le rapprocher de ce qui précède
et de ce qui suit. On a formé du tout, sauf révision ultérieure, 317 volumes
tous en svriatjue, à l'exceittion d'un seul (jui est en copte; S'iG volumes s(uil
sur pariliemin, et les autres sur papier, (ihatpie volume ((nilienl deux ou
212 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
trois, et nicnie, parfois, quatre ouvrages différents. La date la plus reculée
est celle de l'an 41 1 ; la plus récente, celle de l'an 1292. Des notes tracées sur
quelques-uns de ces volumes, et sur plusieurs de ceux dont Assemani enri-
chit la bibliothèque du Vatican, constatent qu'ils furent, au x^ siècle, appor-
tés de la Mésopotamie par un abbé du nom de Moïse. Plusieurs des manus-
crits, les plus modernes principalement, sont transcrits sur du vélin qui avait
déjà reçu une copie plus ancienne, copie qui a' été effacée au moyen, sans
doute, de quelque procédé chimique dont l'effet n'a été que trop sûr; car, à
peine quelques traces de l'écriture de preinicre couche subsistent- elles encore.
Trente manuscrits environ contiennent des livres de l' Ancien-Testament tra-
duits en syriaque; la plupart remontent au vt' siècle; une copie du Penta-
teuque porte la date de 4G'i. Une quarantaine de manuscrits concerne le
Nouveau-Testament. En fait de livres apocryphes, on trouve « l'Évangile de
l'Enfance » , « l'histoire de la vie et de la mort de la Vierge, » la doctrine que
saint Pierre enseigna à Rome, une lettre de Pilate à Hérode, avec la réponse
de ce roi. Les rituels et livres liturgiques sont en grand nombre; on trouve
les liturgies des Apôtres, de saint Jacques, de saint Mathieu, de saint Clé-
ment, de saint Ignace, de saint Denis l'aréopagite ; des papes Célestin ,
Jules et Sixte; de Cyrille et de Dioscure, évêques d'Alexandrie; d'Eustache,
de Curiace et de Sévère, évéques d'Antioche; de Phiioxène, évêque de
Mabuy ; de Jacques d'Édesse et de Jacques, évêque de Séruz; de Maratas, de
Thomas d'Héraclée, de^Ioïse Bar-Cepha, etc. Citons aussi quelques collections
de canons de conciles, la collection des canons apostoliques faite par Ilippo-
lyte, les canons des conciles de Nicée, d'Ancyre, de Neocésarée, deCanope,
de Laodicée, de Constantinople, d'Éphèse, de Chalcédoine, les actes du
second concile d'Éphèse tenu sous Dioscyre, patriarche d'Alexandrie. Pas-
sant aux pères de l'Église , nous voyons d'abord deux copies des « Récogni-
tions » attribuées à saint Clément : l'une se trouve dans un manuscrit d'une
ancienneté bien lemaïquable, puisqu'une note marginale l'indiiiue comnje
ayant été transcrit à Edesse l'an 41 1 ; l'autre copie parait être du vi° siècle.
Notons trois épitrés de saint Ignace à saint Poh carpe, aux Éphésiens et aux
Romains, diverses copies des ouvrages attribués à saint Denis l'aréopagite,
un « discours de Méliton , évêque de Sardes , à l'empereur Marc-Antoine '. »
(( Le dialogue entier de Bardesanes « sur le destin, » dialogue qu'on ne con-
naissait que par un fragment conservé par Eusèbe dans sa « Préparation
évangélique » (liv. iv, cli. x^^; deux ou trois traités de saint Grégoire
•I . Ce discours diffère de c elui que ci(e Eu?él)e dans son Histoire ecclésiastique, liv. iv, cli. 2G.
MÉLANGES ET NOUVELLES. ?43
riiaiimaturge paraissenl avoir été inconnus jusfjirà présenL Le iv° siècle
présenle ronviagc de Tiliis, évoque de lîoslra, contre les Manichéens (l'ori-
ginal grec est im[)arfail, le dernier livre perdu, la version syriaque est en-
lière) : deux ouvrages d'Eus(M)e, sur ta manifestation divine du Sauveur et
sur les martyrs de la Palestine; de saint Athanase, « le Commentaire sur
les Psaumes, la A'ie de saint Antoine » et des lettres; de saint Basile, divers
traités et des sermons; de saint Grégoire de N'ysse, des homélies sur Torai-
sou dominicale, sur les béatitudes et sur d'autres sujets; de saint Éphrem,
des sermons, des hymnes, des poésies; une portion de ces écrits ne figure
point dans l'édition donnée par Asscmani des œuvres de ce père (Rome,
ITS'i-'iG, 6 vol. in-fol.). Son « Traité contre Julien », par exemple, qui [)as-
sait pour perdu, se trouve ici. En passant aux écrivains du v" et du vi"
siècle, nous rencontrerons presque tous les écrits de saint Jean Clujsos-
tôme (une copie des « Homélies sur saint ^lathieu » porte la date de 557) ;
plusieurs traités de Proclus, qui succéda à ce père sur le trône patriar-
cal de Constanlinoplc ; l'anivre historique de Palladius; prescpie tous les
ouvrages de saint Cyrille d'Alexandrie, et notamment son « Commentaire
sur saint Luc, » en cinq volumes, dont l'original grec était perdu, à l'ex-
ception d'un très-petit nombre de passages compris dans les « Chaînes » sur
cet évangéliste. — Un ouvrage de Timothée, patriarche d'Alexandrie, contre
le concile de Chalcédoine, transcrit l'an 5G2, vingt-cinq ans après la mort
de l'auteur; des lettres de ses successeurs. Théodose et Théodore ; de nom-
breux écrits de Sévère, patriarche d'Alexandrie. On ne connaissait en grec
que les litres d'une portion seulement de ces divers ouvrages; destinés à dé-
fendre des opinions qui succombèrent, ils furent dispersés, ils disparurent
promj)tement. — L'histoire ecclésiastique revendique, outre les ouvrages
d'Lusèbe, une histoire composée par Jean, évoque d'Ephèse, depuis l'an
571 juscpi'à l'an 583 ; deux chroniques incomplètes, des martyrologes, des
vies de saints et d'évèques. — Les auteurs syriaques originaux sont nom-
breux, mais à peine pouvons-nous indiquer Mur Isaac, prêtre d'Antioche,
Mur Jacob, évoque de Sarny cl Batn.T, Philoxène, évéque de Mabuy, le
traité de Pierre, évoque d'Antioche, contre Damien.
(( Les ouvrages qui ne se rapportent pas aux études chronologiques sont
fort peu nombreux ; nous ne devons pas oinellre les « Catégories » d'Aris-
tole, traduites en syriaque par Serge de Rliisina au vi*' siècle; des cominen-
laires sur Aristole, i)ar Probus et par Sévère, évé(pie de Kenneserin, et une
traduction syriaque du traité de (ialien : « de sinq)licibus. »
Cette énumération fort succinctes suffit pour faire coiiqtrendie (|uel intéiét
2iV ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
|)rc?oiile cette réunion de manuscrits inestimables aux yeux de tout orienta-
liste. Les études relatives à l'histoire ecclésiastique et à la patrologie trouve-
ront là des matériaux dont elles tireront sans doute un brillant parti; il ne
pourra jamais être question de publier la totalité de ces vénérables codkes.
Mais déjà deux des plus remarquables ont rencontré d'habiles et zélés édi-
teurs. Le docteur Samuel Lee, professeur d'Iiébreu à l'université de Cam-
bridge, a livré à l'impression le texte syriaque de l'ouvrage d'Eusèbe sur la
(( Tlieophania ou manifestation divine du Sauveur, » et il en a ensuite donné
une traduction anglaise accompagnée de notes. En 1845, un antre érudit,
William Cureton, a mis au jour, en y joignant de même une traduction et
des notes, les trois épîtres de saint Ignace que nous avons mentionnées, avec
un extrait de ce même père, d'après les écrits de Sévère d'Antioche, de Ti-
mothée d'Alexandrie et de divers auteurs. On ne peut qu'applaudir à d'aussi
sériexises recherches; au milieu d'un flot incessant de publications inutiles ou
nuisibles, il est heureux qu'on puisse en mentionner d'une toute autre espèce.
L'architecte malgré lui. — La flèche de Saint-Denis serait, si on ne l'avait
démolie, tombée sur la tète de M. le IMinistre des travaux publics, et voici
que les tours de Notre-Dame de Laon menacent de crouler sur le chef de
M. le Ministre de l'inlérieur. Les deux ministres ont appelé le même mé-
decin au secours des deux monuments, dont l'un est déjà amputé et l'autre
bien malade. Le docteur-architecte qui voit les deux moribonds perdus sans
ressources et qui a une réputation bien établie à conserver, fait la sourde
oreille aux sollicitations ministérielles. On assure qu'en ce moment on feuil-
lette Molière dans les deux ministères, pour étudier les moyens employés
à rencontre de ce personnage qui ne voulait pas être médecin , et que nous
pourrions avoir bientôt la scène burlesque de VArckitcrte malgré lui.
]Jart gothique en Angleterre. — Le directeur des « Annales, » qui est allé
faire un voyage outre-mer, vient d'écrire de Londres, sous la date du 8 sep-
tembre, la lettre suivante à M. de Guilhermy :
Mon cher ami , vous savez l'admiration que j'ai toujours professée à dis-
tance pour l'Angleterre, pays du bien-être et de la liberté; j'ai voulu
constater, de près et de mes yeux, si la réalité répondait à mon idéal, et
je vous assure que mon attente n'a pas été trompée. Depuis douze jours, en
compagnie de notre ami Henri Gérente, je parcours l'Angleterre, de Can-
torbéry à Londres, de Birmingham à Derby, de Noltingham à Lincoln, et
partout je m'étonne; j'admire beaucoup et je trouve peu à redire. Dans les
MÉLANf.ES KT NOIVF.I.LES. 2V5
villes ou sur les routes, ni lïendarnies, ni mendijints, ni ]i;isse-|)orts, ni au-
mônes; on a sa pleine lii)erté, sans vUo ennuyé par la |)olife ou les voleurs.
Nous ne voyai;eons donc ni en France ni en Espagne, el je n'en suis pas
trop fAché pour le moment.
Toutefois, ce n'est pas pour étudier les mœurs, mais les édifices du
moyen âge, que je suis dans la C.rande-Bretagne. Sur ce point, vous
l"avouerai-je? mon attente est dépassée. Pour ne vous pailer (pie des deux
cathédrales de CantorlxMy et de Lincoln (el l'on m'assure qu'il en existe
encore une vingtaine comme celles-là), c'est pres(|ue aussi beau et c'est
plus curieux qu'en France. Les Anglais, sans doute, ont moins de goi'it que
nous autres, mais plus d'énergie; leurs cintres el leurs ogives sont tracés
avec moins de pureté, mais avec plus de vigueur. Ce n'est jias rangé comme
M. de Lamartine ou feu Racine, mais c'est vivant et tumultueux comme
Byron ou Shakspeare. A mon avis, vous ne le savez que trop, la cathé-
drale de Reims est le modèle le plus parfail de l'ornementation ogivale et
même de tout l'art du moyen âge ; vous comprendrez donc mon chagrin ,
quand vous saurez que j'ai trouvé dans la cathédrale de Lincoln une immense
série de chapiteaux, d'écoinçons, d'arcades, de clefs de voûte, sculptés avec
plus de talent et d'adresse qu'à Reims encore. J'en prendrai mon parti dif-
licilement; mais je n'en suis pas moins forcé d'avouer que les sculpteurs et
ornemanistes de Lincoln valaient mieux que ceux de Reims. Du reste,
en .Angleterre comme en France, c'est d(; notre adorable xiii" siècle. Ce mot,
que je vous écris, est pour l'acquit d'une promesse faite en partant, et je ne
puis vous donner une descMiption de ce que j'ai vu et admiré presque malgré
moi ; mais, à mon retour, nous en causerons à notre aise.
Une question , qui se rattache par tant de liens à l'art du moyen âge , est
celle du mouvement archéologique anglais dont >1. A. ^^ . l'ugin est l'un
des i)lus infatigables propagateurs. Je savais qu'à Cheadle, bourg du Staf-
fordshirc, devait se consacrer solennellement, le 31 août et le 1"^^' seplend)re,
une église catholique bâtie et décorée par yi. Pugin, aux frais du grand
lord Schrewsbury , comte de Talbot. Je me dirigeai donc sur Cheadle et j'as-
sistai aux cérémonies qui suivirent la consécration. Une masse de cent cin-
quante ecclésiastiques habillés du costume ancien ou renouvelé du moyen
âge, acolytes, enfants de clurur, clercs, chantres, diacres, sous-diacres,
prêtres séculiers, abbés et grands-vicaires, suivis de treize évoques el arche-
vêques, parmi lesquels se distinguaient Mgr. Wiseman el rarchevéfjue de
Damas, officia toute la journée dans celle curieuse église donnée à ('headie
par le comle de Schrewsbury. bi suilmil. |i(iiir jmjnind'liui du innins, je
V. 32
2i6 AÎSNALES ARCHÉOLOGIQUES.
m'en tiendrai à la simple énoncialion de ce fait si grave sous le rapport
archéologique et religieux; mais je me pro|)ose d'en parler longuement dans
nos (< Annales )). — Attendez donc mon retour.
DIDRON.
Le conseil iinim'cipal cf Orléans. — Les « Aîinales Archéologiques » ont pu-
blié le remarquable rapport, dans lequel M. Mérimée protestait avec tant
d'énergie contre l'opiniâtre vandalisme du conseil municipal d'Orléans, démo-
lisseur de l'antique et curieux liôlel-Dieu de cette ville. Le ministère de l'inté-
rieur ne pouvant sauver l'édifice entier, a voulu du moins en conserver
quelques débris ; il a proposé à la ville de les lui acheter à prix d'argent.
C'est dans la séance du 31 août dernier que cette proposition a été soumise
à la délibération du farouche conseil municipal. Le rapporteur, un certain
M. ^larchand, qui n'est guère plus fort en littérature qu'en archéologie,
s'est avisé de railler lourdement M. Mérimée, et de frapper d'une réprobation
grotesque f exagération vraiinent ridicule de ces antiquaires officiels qui pré-
fèrent les beautés iiu'onmies de la salle Saint-Lazare (c'était la salle la plus
importante de l'édifice 'détruit) aux tours majestueuses de la cathédrale.
M. Marchand, comme conseiller municipal , n'est pas obligé d'avoir du goût.
Ce serait donc perdre du temps que d'entreprendre de lui prouver que sa
cathédrale, refaite presque entièrement, depuis le règne d'Henri IV, est un
monument des [)lus médiocres. L'al)side et le plan général qui appartiennent à
l'ancienne éghse, ont seuls quelque valeur. D'ailleurs, si M. Marchand professe
pour l'extérieur de Sainte-Croix une si chaude admiration, nous lui conseille-
rons de s'occuper aussi un peu de l'intérieur de cet édifice, et nous lui de-
manderons comment il peut approuver la suppression de trois ou quatre cha-
pelles récemment converties en sacristie. On a sacrifié un monument remar-
quable pour dégager les abords de l'église, et dans le même moment on
masquait par de lourdes murailles, au dedans de cette même église, une por-
tion considérable du pourtour du chœur. Quoi qu'il en soit, après mûre
délibération, le conseil municipal a consenti à autoriser le maire à traiter
avec l'étal, de la cession des parties réservées de la salle Saint-Lazare,
par voie d'échaïu/c contre des tableaux ou autres objets d\irt , le tout au mieux
des intérêts de la ville. Ces gens-là ne donnent rien pour rien. Des objets d'art
seraient étrangement placés dans une pareille ville. On comprendrait mieux
que messieurs du conseil eussent demandé une somme ronde pour ériger, à
l'instar de Paris, quelques guérites-vespasiennes dans la nouvelle rue qui
conduit an portail-chef-d'œuvre de leur cathédrale.
Mi:i.AN(.ES KT NOIVKLI.ES. 2't7
Louis XI jirolectctir de lu presse. — Lu tie nos amis, aiclii\i.-le palco-
graplio, nous coiiummiquc ce ronseif^neiiient cmioiix :
Louis XI augmenta considéral)lenieiit sa bibliotlu'que par raf(|uisition des
livres que laissa, en mourant à Paris, le célèbre FansI, un des inventeurs de
rimprimerie. Ces livres furent estimés deux mille quatre cent vingt-cinq éciis
trois sols. Le roi, qui aurait pu se les approprier, en vertu du droit d'au-
baine, paya généreusement le j)ri\ de lestimalion à Pierre SclidTer et à
Conrad llennequin « en considération, porte l'acte d'achat, dv la peine cl
labeur qu'ils avaient jjris |)OHr l'art et industrie de l'impression, et du profit
et utilité qui eu venait ou pourrait venir à toute la chose publique, tant
pour raugnu'ulalion de la science qu'autrement. »
Maison d'Héloïse et tl'Abclunl. — On jette parterre, en ce moment, sur
le (piai Napoléon, une maison (piune tradition, très-incertaine d'ailleurs ,
indicpiait comme celle du chanoine Fulbert, où Abélaril donnait des leçons à
Héloïse, et où il en reçut lui-même une si rmlf. Otle construction était fort
laide ; on n'y remarquait absolument rien qui parût antérieur au xvu*" siècle.
Il s'agirait de rechercher l'origine de la tradition tpii la rattachait à l'histoire
si populaire d'Héloïse et d'Abélard; le fait constaté, on pourrait indiquer
par une inscription, sur le mur de la maison la plus voisine, que là existait
au \n' siècle l'habitation de Fulbert.
Auprès de la maison démolie, il reste, dans la rue des Chantres, deux on
trois portes ogivales du xv^ siècle.
Musées. — Le musée de l'hùlcl de Cluny vient de s'enrichir de plusieurs
objets précieux, entre autres de coffrets très-anciens en ivoire sculpté, et
d'un tripti(]ue en émail qui représente Catherine de Médicis priant pour son
mari, Henri IL Cet émail a certainement appartenu à la reine Catherine,
dont il |)ortc les chiffres entourés de larmes.
Une galerie récemment ouverte, au palais de Versailles, ((inlient une .-"uile
de figures historiques moulées sur les monuments appartenant à la période
qui s'étend du xii' au xvir siècle. On y admire surtout les statues de Fran-
çois II, duc lie IJretagne, et de sa femme .Marguerite île Foix, moulées à
Nantes sur le célèbre tond)eau ipie sculpta .Michel (^olundi.
^ladamc de Mathan a gém'reusemenl fait don au musée tic (^aen de la
coupelle Guillaume-le-Conquérant. Cet objet , ipii parait ainhenli(|U(!, est en
vermeil; on y \oit incruslei-' lienle-cinq mi'dailli's aniiqins ilnnl plusieuis
sont rares.
248 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Colli-i/r (h- Moi)taif/u. ■ — ■ Pour débarrasser remplacement destiné à la nou-
velle l)ibliol!iè([ue Sainte-Geneviève, dont l'architecture extérieure fait une
mine bien maussade, on a sacrifié les bâtiments gothiques et la vieille cha-
pelle du collège de Montaigu, si célèbre autrefois par l'austérité de son
régime et par les habitudes laborieuses de ses écoliers. Nous avons vu
abandonné, dans la cour, un arbre d'une hauteur énorme, tout sculpté de
moulures en spirale; il a servi de pilier central à un escalier tournant.
La chapelle se partageait en haute et basse ; dans la haute, on voyait jadis
une vieille peinture représentant, sous un arc surbaissé, un personnage en
habits allemands, avec celle inscription :
ULDERIGVS GVERN'ICII PROTOTYPOGRAPHVS PARISIIS MCCCCLXIX.
Érasme, Calvin et Pichegru ont étudié au collège de Montaigu.
Reslaiiralions à la cathédrale d'Amiens. — Après la restauration des sculp-
tures de la porte dite de la Vierge dorée, à la cathédrale d'Amiens, on s'est
occupé de restaurer celles du portail occidental. La grande porte centrale est
terminée, et les sculpteurs viennent de s'emparer des deux portes latérales.
De pareils travaux sont, nous l'avons dit mille fois, inutiles et déplorables.
11 faut raccommoder des draperies avec du mastic, entailler les parties saines
des statues pour rappoiter des nez ou des doigts, rajuster au hasard des
objets dont la forme est incertaine, compléter des sujets qui n'ont pas encore
été expliqués, etc., etc. Cependant, le principe de la restauration admis,
nous reconnaîtrons^ que les artistes chargés de réparer la sculpture d'Amiens
ont apporté dans leur travail un rare sentiment de prudence et de sobriété.
Avertis par les erreurs qu'ils avaient commises au portail de la Vierge, ils
ont évité cette fois de toucher aux sculptures dont l'interprétation pouvait
laisser quelque incertitude. Nous voudrions bien les voir devenir plus pru-
dents encore; nous faisons des vœux pour qu'ils substituent le simple net-
toiement à la restauration.
Par la même occasion, nous recommanderons à la sollicitude du clergé
d'Amiens, les tombeaux en cuivre des illustres évoques Evrard et Godefroy;
ces monuments sont couverts d'une épaisse couche de poussière humide; ils
servent de bancs aux gens du peuple qui se tiennent au bas de la nef.
NOTES D'ILN V()YA(.F, ILN ITAI IK
I)K LA SCULPÏLKE ET UK LA l'KlMUKE EN ITALIE ET EN I KANCE
AU MOYEN AGE.
S. p. Q. R.
A la vue de cette épigraphe hiérogly|)lii(]iio, on pouirail croiic (|nc nous
voulons mettre notre travail sous le patronage du sénat et du peuple romain.
Chaque savant égyptien lit à sa façon les inscriptions des temples et des obé-
lisques ; il y a aussi diverses manières de traduire le sens de ces quatre
lettres mystérieuses : S. P. O. R. Après l'élection de je ne sais quel pape,
Sixte-Quint, peut-être, Pasquin leur tniuvail cette signilication : Sanctk
PATER oiARE RIDES; à quoi IMarForio rc])ondait avec une certaine finesse, en
retournant seulement l'ordre des lettres : Hideo quia papa sim. i\Fais, pour
notre compte, nous préférons de beaucoup la traduction que le savant Gui
Patin tenait de feu son père, et qu'il donne à son ami le docteur Spon , dans sa
CCLXVIl' lettre' : « Stultds populus qu.^iut iîomam. » Sans chercher dans
cette interprétation la malice que Patin eut peut-être l'intention d'y melire,
nous dirons donc qu'en fait d'art, c"(>st folie de prendre Rome pour arbitre,
et d'aller lui demander les vraies règles du goCit qui ne se iroiivcnt pas là
mieux qu'ailleurs
Nous n'avons pas hésité, dans noire article du I" août dcriii(M-, à doMiier
à rarchitecture française la préférence sur celle que les Italiens ont adoptée,
et qu'ils ont eu le lalent d'imposer, depuis le xvi" siècle, à l'Europe (>nlicre.
Nous savions bien iiiiaujiMud'hui cette opiiiion poiiNail trouscr Ijuciir, mais
nous ne nous attendions pas à la bonne Ibrlune de rencontrei', dans les
œuvres d'un des plus illustres penseurs du dernier siècle, une excellente cri-
tique des proportions si vantées de l'architecture romaine. Voici en (picls
termes Diderot s'exprime au sujet de Saint-Pierre de Rome, édifice qui ré-
sume en lui seul toutes les ressources et tous les défauts du style italien.
«On dit de Saint-Pierre, à Rome, que les proportions y sont si parfaile-
1. Voir \ei ./nna/ps trc/irnlogii/iies, \ol. \', |)ii;;es 9.'i-10(i.
2. Tome II, page 460. édition de .M. npvcillé-Parise.
v. 31
250 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
menl gardées que l'édifice perd, au premier coup d'œil, tout l'effet de sa
grandeur et de son étendue, en sorte qu'on peut en dire : Mafjmis esse , sen-
tiri parvus. Là-dessus, voici comment on raisonne : à quoi donc ont servi
toutes ces admirables proportions? à rendre petite et commune une grande
chose! II semble qu'il eût mieux valu s'en écarter, et qu'il y aurait eu plus
d'habileté à produire l'effet contraire, et à donner de la grandeur à une
chose ordinaire et commune.
H On répond qu'à la vérité l'édifice aurait paru plus grand au premier coup
d'œil, si l'on eût sacrifié avec art les proportions; mais on demande lequel
était préférable, ou de produire une admiration grande et subite, ou d'en
créer une qui commençât faible, s'accrût peu à peu, et devînt enfin grande
et permanente par un examen réfléchi et détaillé. Le talent d'agrandir les
objets par la magie de l'art, celui d'en dérober rénormité par l'intelligence
des proportions, sont assurément deux grands talents; mais quel est le plus
grand des deux? quel est celui que l'architecte doit préférer? comment fal-
lait-il faire Saint-Pierre de Rome? Valait-il mieux réduire cet édifice à un effet
ordinaire et commun, par l'observation rigoureuse des proportions, que de
lui donner un aspect étonnant par une ordonnance moins sévère et moins
régulière? Et que l'on ne se presse pas de choisir; car enfin, Saint-Pierre de
Rome, grâce à ses proportions si vantées, ou n'obtient jamais, ou n'acquiert
qu'à la longue ce qu'on lui aurait accordé constamment et subitement dans
un autre système. Qu'est-ce qu'un accord qui empêche l'effet général?
qu'est-ce qu'un défaut qui fait valoir le tout?
(( Voilà la querelle de l'architecture gothique et de l'architecture grecque
ou romaine, proposée dans toute sa force '. «
Nous avons tenu à citer, malgré sa longueur, cet important et curieux
passage. Diderot a évité à dessein de se prononcer d'une manière explicite;
mais les ternies dans lesquels il a posé la question indiquent assez pour
quelle architecture étaient ses préférences. Comme tous les hommes d'un
jugement sain , il comprenait que la véritable règle est de faire bien, et qu'on
est toujours en droit de s'affranchir des règles vulgaires, quand on se sent
assez fort pour faire mieux qu'elles ne le permettent.
Kn même temps que nous avons cherché à établir la supériorité, au point
de vue de l'art, des monuments français du moyen âge sur ceux de l'Italie,
nous avons avancé qu'autrefois ils ne leur étaient inférieurs ni en nousbre,
ni en intérêt historique. Nous avons eu depuis le loisir de consulter des noies
I . Diderot , f:ssai sur la peinture. Edition de 1 81 8 , tome IV, page 522-524.
NOTES DL'N VOYAGE EN ITALIE. 251
reouoillies dans plusieurs descriptious anciennes, et nous avons conslalé
qu'avant la révolution il existait, dans la seule ville de Paris, environ trois
cents églises ou chapelles dont nous pounioiis donner les noms; les Guides les
plus détaillés, ceux qui ne laissent pas de côté le moindre oratoire, portent
à trois cent dix le nombre des édilices religieux de Rome. La différence
ne mérite pas qu'on en tienne compte. Paris, qui dans le monde chrétien
n'avait d'autre rang que celui de ville épiscopale, possédait donc autant
d'églises que la capitale du catholicisme. Mais Home a su tout conserver;
Paris, aveuglé un moment par la poussière que faisait autour de lui la chute
dun ordre social tout entier, a jelé pai- terre, sans les voir, les monuments qui
formaient ses plus précieux titres de noblesse. Les journaux publièieut, il y
a très-pou d'années, un relevé anonyme des édifices détruits à Paris, depuis
un siècle; le nombre s'en élevait à trois cent dix. ^'étaient : soixante-treize
hôtels et palais, (juarante-ciuq abbayes et couvents, cinquante-sept églises
collégiales et |)aroissiales, cinciuante-cinq collèges, tous accompagnés
d'oratoires, dont (jueUjues-uns très-romai~(iual)les; dix-sept portes fortifiées
ou triomphales, sept ponts, cin(iuante-deux monuments de diverses espèces,
tels <iue croix, tourelles, fontaines et maisons historiées. Dans ce calcul, on
a omis de comprendre une grande quantité de chapelles et de couvents de
femmes d'un ordre secondaire. Qu'arrivera-t-il de Home, le jour où elle aura
vu disparaître trois cents monuments? Des édifices que nous avons détruits,
il ne nous reste même pas les ruines, et la physionomie de Paris s'est telle-
ment modifiée, qu'il est impossible aujourd'hui de retrouver la moindre trace
de la plupart des anciens établissements monastiques, et des plus somp-
tueuses habitations élevées par l'aristocratie.
La majesté de nos monuments gothiques frappa d'admiration quelques
illustres Italiens venus à Paris pour prendre leur part de la science que la
France dispensait jadis libéralement, sans taxe universitaire, aux peuples
étr^ingers. Brunetto Latini, ijui trouvait le langage français « si délilable »,
et qui avait répudié l'idiome de son pays pour écrire dans le nôtre, a vanté
la magnificence de nos constructions. Dante, qui se plaisait tant à feuilleter
nos riches manuscrits à miniatures, et qui jilace au paradis, entre Denys
l'Aréopagite et le vénérable Bède, le grave maître Séguicr, dont il avait
recueilli les merveilleux syllogismes aux leçons de la rue du Fouarre, a mé-
dit»' plus d'une fois sous les grandes voûtes de Notre-Dame; c'est bien cer-
tainement, dans une de nos cathédrales, à la vue des roses inunenses qui se
dévelo|)penl en cercles concentriques aux extrémités de la nef et des croisil-
lons, qu'il aura conçu l'idée de la disposition de son enfer. Quand la rose
252 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
représente la gloire du païadis, le Christ en occupe le centre; autour de lui
s'échelonnent les divers ordres d'esprits célestes et de saints, classés d'après
une loi hiérarchique, de telle manière (|ue les plus avancés en perfection
composent le cercle le plus rapproche de Dieu, et ainsi de suite; la splen-
deur, la perfection, la sainteté jaillissent du Christ comme d'un fojer; leurs
rayons perdent un peu de leur force à mesure qu'ils s'éloignent et se divisent
pour embrasser la circonférence entière. Si la rose représente Tenfer, Satan,
placé au point le plus central, résume en lui la persévérité et le châtiment
portés à leur plus haute puissance; du cercle qu'il occupe, la souilVance
coule sans cesse connue une lave ardente; les plus illustres damnés sont
ceux qui l'environnent de plus près; les moins coupables sont rangés dans
des cercles plus éloignés, comme si la douleur se refroidissait en traversant
les premières zones du séjour infernal, et touchait à sa limite extrême en
atteignant les bords du dernier cercle. Dante a tiré un parti adniiiable de
cette disposition; c'est peut-être un obscur verrier de Picardie ou de Cham-
pagne qui lui en aura donné la première pensée. Pétrarque, qui a passé une
partie de sa vie à voyager de cour en cour, était à Cologne en 1331 ; dans
une lettre latine, qu'il écrivit de cette ville au cardinal Jean Colonna, il
parle de la cathédrale comme d'une des églises les plus admirables qu'il ait
rencontrées; on sait, et on le prouve aujourd'hui, que la cathédrale de Cologne
est fille de celle d'Amiens. Le Tasse vint en France du temps de Charles IX;
il était triste et mécontent; nos édifices sacrés lui parurent imposants, mais
sombres et froids. A cette époque, le goût était d'ailleurs perverti en Italie,
et commençait à se corrompre en France.
Faisons du gothique, pauvres gens que nous sommes, puisque nous ne
savons pas faire autre chose. Qui donc a jamais imaginé de venir étudier
notre maussade Panthéon, ou ce monotone château de Versailles, qui m'a
toujours semblé l'ennui pétrifié, ou même le dôme des Invalides, ou bien
encore l'église du Yal-de-Gràce? L'importance de nos constructions go-
thiques grandit chaque jour, au contraire; le temps n'est pas éloigné, où les
cathédrales de Reims et d'Amiens deviendront l'objet d'études plus sérieuses
et surtout i)lus utiles que celles qu'on va faire encore au Parthénon et au
Colysée.
Ces préliminaires posés, il faut examiner si notre moyen âge n'aurait pas
eu, connue en architecture, l'avantage sur l'Italie dans la pratique des
autres arts.
Au xvi" siècle, la France n'a certainement rien produit de comparable aux
œuvres prodigieuses de Michel Ange et de Raphaël. Il faut s'incliner de\ant
NOTES D'UN VOYAC.E EN ITALIE. 253
de jKireils noms avec une admiration respecliKHiso ; i)our moi, je regarde
comme une grâce de Dieu d'avoir pu contempler de mes yeux les travaux de
ces hommes illustres, dont le génie esl une gloiic poui- riiiimanitc tout cn-
lière. Ne nous hùtons pas cependant de conclure, (•(nninc on est si disposé à
le faire, (pie la peinture soit un iu I exclii^ixcmciit italien. .Ius(pi'au règne de
François V" , nous avons peint, sans emprunter à l'Italie ni ses artistes ni ses
enseignements, et nos <ruvres d'alors valaient bien celles (ju'on produisait
au delà des monts. Après les peintures des catacombes, dont l'origine est si
douteuse, et dont l'exécution n'atteste pas un art bien avancé, les peintures
qui passent à Rome pour les plus anciennes sont celles de l'Oratoire de Saint-
Sylveslre, au cloître des Qualre-Saints couronnés, el celles du joli temple
antique devenu chrétien sous le nom de Sainl-Urbain; les premières repré-
sentent l'histoire de saint Sylvestre et la conversion de Constantin ; les autres
reproduisent les faits principaux de la vie de Jésus-Christ el la légende de
sainte Cécile. On a fort exagéré, suivant l'usage adopté en Italie, l'antiquité
de ces peintures; elles ne nmis ont pas semblé antérieures au xi" siècle:
c'est un âge déjà respectable. Quelle qu'en soil la date positive, elles sont
Irès-remarquables sous le rapport de l'iconographie religieuse et de l'exécu-
tion matérielle; leur alfinilé avec nos vitraux les [)lus anciens de Saint-Denis
et de Chartres nous a vivement frappé ; nous y reconnaissions des analogies,
vraiment extraordinaires, de dessin, de poses, d'agencement de draperies et
même de couleur. Sans chercher à contester le mérite de ces peintures, dont
les figures ont été faites sur une assez petite échelle , el dont l'étendue n'est
pas considérable, nous réclamerons cependant la pri(uité pour les fres(|ues
de l'église abbatiale de Saint-Savin, en Poitou, (pii couvrent presqu<! entière-
ment ce vaste édifice, et qui comprennent une armée de personnages aussi
grands que nature. Celles-ci appartiennent incontestablement au xii° siècle;
nous ne croyons pas que l'Italie possède aujourd'hui un ouvrage aussi impor-
tant d'une date aussi reculée.
Les peintures murales des xni" el xiv-^ siècles ne sont pas conununes en
France. Tandis que les Italiens s'efforçaient de classer méthodiquement les
œuvres de leurs anciens peintres, et d'en assurer pai- là ménu^ la conserva-
lion, en les plaçant sous la .sauvegarde de l'orgueil national, nous nous
faisions un |)oinl d'honneur de trouver grossières nos vieille^ peintures, el
nous les badigeonnions avec un rare scrupule, comme s'il se fût agi d'ell'acer
les traces d'un passé donl nous eussions à rougir. Cluujue Jour, le Comité des
arlsel monuments est informé de la réapparition de (pu-hjue ancienne frestpie,
donl les contours vigoureux se dessinent sous l'épais enduit de plâtre el de
251 ANNALES AUCHEO LOGIQUES.
chaux qui les emprisonne; la peinture a tellement soutTert que les tentatives,
faites pour la mettre à découvert, ne produisent presque jamais de résultats
satisfaisants. Ces recherches présentent cependant un avantage, celui de
montrer, par des preuves irrécusables, quelle était primitivement la richesse
de ces églises qu'on trouve aujourd'hui si sombres et si tristes. A Paris, les
fresques légendaires des chapelles de Notre-Dame ont été supprimées; le
cloître des Grands-Carmes a disparu tout entier avec ses peintures représen-
tant le pèlerinage armé de saint Louis en Terre-Sainte.
En l'absence d'une quantité suffisante de monuments peints, nous pour-
rions (on l'a bien fait pour l'antiquité grecque) conclure de l'état de la sta-
tuaire à celui de la peinture. A côté des artistes qui taillaient dans la pierre
des figures de haut style, comme celles des cathédrales de Paris, de Chartres
et de Reims, il existait assurément une génération de peintres capables de
dessiner et de mettre en couleur sur les murs les formes nobles et sévères,
que les sculpteurs exprimaient si habilement avec le ciseau. Mais nos pertes
ne nous ont pas encore tellement appauvris, que nous u'ayons rien à opposer
aux œuvres des Italiens les plus fameux du moyen âge, de Cimabué, de
Giotto, de Fra Angelico. La grande église des Dominicains, à Toulouse, dont
le ministère de la guerre a eu l'ingénieuse pensée de faire une écurie pour les
chevaux d'un régiment de canonniers, est tout à fait digne, par la beauté de
sa décoration peinte, de disputer la prééminence à l'église de Saint-François-
d' Assise; mais, en France, il faut aller chercher des chefs-d'œuvre au milieu
des râteliers et des bottes de foin. Aux Dominicains de Toulouse, il y a sur-
tout une chapelle admirable, complètement peinte, depuis le pavé jusqu'aux
clefs des voûtes. La légende de saint Antonin couvre les murs; à la voûte, les
vieillards de l'Apocalypse offrent à Fagneau divin les prières des justes
recueillies, comme des parfums, dans des coupes d'or. J'ai honte de dire
quel traitement a été infligé à cette chapelle; l'administration militaire en a
fait l'inOrmorie des chevaux morveux, et ces animaux, en se frottant contre
les murailles, ont détruit toute la partie des peintures qui se trouvait à leur
portée. Aujourd'hui, il s'agit enfin de mettre un terme à ce scandale; mais
au lieu d'encourager la ville, qui le réclame, à réparer l'édifice, le gouver-
nement veut bien le lui vendre à un prix énorme. Nous citerons encore une
suite de sujets peints avec une finesse charmante, au-dessus de l'arcature
ogivale qui fait h; tour de la Sainte-Chapelle de Paris, et plusieurs chœurs
d'anges retrouvés dans la cathédrale du Mans, à la voûte de la chapelle de la
Vierge. Contemporains des anges de Fra Angelico, ceux qui décorent Saiut-
.îulien du Mans sont leurs frères en grâce et en chasteté chrétiennes.
NOTES D'UN VOYACK EN ITALIE. 255
I/llalie est justement fière du Cainpo-Saiito de Pise et des admirables
peintures qui le décorent. La France possédait aussi autrefois des cimetières
environnés d'immenses galeries. Orléans, cette ville qui aiïectc pour les mo-
numents du mo\en Age un brutal mépris, a fait un marché du cloître auquel,
pendant une longue suite de siècles, elle avait confié ses mort^. Dans la ville
d'Amiens, on chercherait vainement aujourd'hui les vestiges des longues
galeries ogivales qui enveloppaient le cimetière Saint-Denis, et dont les murs
étaient couvert? de pointures historiques. Des missionnaires détruisirent une
partie de ce remarquable monument, pour établir un Calvaire; des spécula-
teurs ont démoli le reste, pour construire des maisons à louer. Nous ne croyons
pas précisément que les danses macabres d'Amiens ou les fresques consacrées
aux souvenirs historiques de cette ville fussent dignes d'être comparées aux
chefs-d'œuvre de Benozzo Gozzoli. Cei)endaut de précieux débris de pein-
tures du xv^ siècle, conservés dans la cathédrale d'Amiens, donnent à penser
que celles des cloîtres pouvaient bien avoir aussi quelque valeur. En remon-
tant nn peu vers le nord, nous rencontrerions, à la frontière de Belgique,
les ceuvres à demi françaises de Jean de Bruges et de Jean Hemmling, qui
se placent au prenn'er rang des merveilles de la peinture au xv° siècle. L'Italie
n'a rien produit de plus parfait, à cette époque, que le triomphe de l'Agneau,
de la cathédrale de Gand, et le mariage mystique de sainte Catherine, de
l'hospice de Bruges. Une école de peintres à peine connue a rempli aussi la
ville deTroyes, pendant la première période de la renaissance, d'une quan-
tité considérable d'excellents tableaux sur bois, qui font encore, dans jilu-
sieurs églises, la parure des autels.
Si le moyen îige italien l'emporte sur le notre par le nombre et la qualité
de ses peintures mnrales, la peinture sur verre nous assure, en compensa-
tion , une prééminence incontestée. Dans son « Manuel des arts » , le moine
Théophile parle de la supériorité de la France pour la fabrication des vitraux
peints, connue d'un fait universellement reconnu de son temps. Après toutes
nos pertes, nous possédons encore, en ce genre de peinture, une série nom-
breuse et continue de monuments, depuis le xii° jusqu'au xvu* siècle, et
chacun des siècles compris dans cette période a produit des chefs-d'œuvre.
Dans les basiliques, les parois et les voûtes des absides présentaient un vaste
champ il la fres(iue ou à la n)osaK[ue ; dans nos églises à ouvertures multi-
pliées, la peinture monumentale se serait trouvée à l'étroit entre les ner-
vures des ogives et sur les murs des chapelles; elle s'est emparée des vitraux.
L'Italie n'est pas riche en peintures sur verre; tout ce qu'elle en possède
se rangerait à l'aise dans une seule «le nos grandes cathédrales. Vasari, qui
256 ANNAF.ES ARCHÉOLOGIQUES.
parle à peine des vitraux de Florence exécutés par des artistes italiens, con-
sacre plusieurs pages à l'éiotre de ceux que Guillaume de Marseille, verrier
français, avait peints dans plusieurs églises d'Italie, et surtout à Rome, dans
l'église (le Sainte-Marie-du-Peuple. Le peu que nous avons retrouvé, à Rome,
de la peinture sur verre de notre compatriote, ne nous a pas inspiré une
admiration aussi vive; en France, des vitraux de ce style obtiendraient à
peine l'honneur d'une simple mention. Qu'aurait donc pensé Vasari , quand
il recherchait les vitraux du xxi" siècle, s'il eût pu voir ceux d'Écouen,
d'Anet, de Vincennes, de Gisors et de Sens! Bien inférieures, suivant nous,
en style, en vigueur, en coloris, aux vitraux des siècles précédents, ces ver-
rières n'en sont pas moins de magnifiques tableaux faits pour marcher de
pair avec les toiles et les fresques les plus vantées.
Depuis la chute de l'empire d'Occident, jusqu'au milieu du xui" siècle,
l'Italie n'a pas produit un sculpteur remarquable. Pendant longtemps, pour
des causes que nous aurons plus tard l'occasion d'examiner, la statuaire fut
presque abandonnée; une partie de la haine inspirée par les souvenirs du
|)aganisme letombait sur elle; on lui i)référail la peinture et surtout la mo-
saïque. Nicolas de Pise fit de grands efforts pour remettre la sculpture au
rang cpii lui appartient, entre l'architecture et la |)einlure; mais les œuvres
qu'il a laissées, ne sont guère qu'une contrefaçon de quelques bas-reliefs
païens amenés à Pise comme trophées de victoire. Ce ne fut que vers le
xiv*' siècle que la sculpture chrétienne commença réellement pour l'Italie.
Les artistes français avaient sculpté la façade de Notre-Dame de Paris ; ils
avaient ciselé les tombeaux en cuivre de la cathédrale d'Amiens, et les sculp-
teurs romains en étaient encore à tailler les sauvages statues des apôtres, et
la grossière efligie de Nicolas IV, qu'on voit à Saint-Jean-de-Latran. Il est de
bon ton, parmi les membres de la classe des beaux-arts à l'Institut, de traiter
de magots nos saints du xiii" siècle; nous défions les illustres académiciens
de trouver, dans leur chère Italie tout entièie, une seule figure de cette
époque qui soit digne d'entrer sous les portiques de Chartres. Les églises
italiennes sont ])lus tard devenues riches en mausolées; c'est à la catégorie
des monuments funéraires qu'appartiennent encore leurs sculptures les plus
nombreuses et les plus anciennes. Parmi ces tombeaux, il en est beaucoup
qui, décorés de grands noms et d'illustres souvenirs, sont aussi des œuvres
d'art d'une inqiortance réelle. Mais qu'il y a loin de l'invention et de l'exé-
cution d'un monument sépulcral, renfermé dans les limites de quelque étroite
chapelle, à la création d'une façade connue celles de nos grandes églises
ogivales, qui présentent la plus élomiaule combinaison qu'on ait jamais faite
NOTES D'LN VOYAGE EN ITALIE. 257
de la >tatuairo avoc rarcliitecturo. Ouaiul il existe de la sciil|)liire à pcison-
iiages sur la façade d'une église italienne, elle dépasse rarement les tympans
des portes; nulle part, vous ne trouveriez, romnie en France, un système
complet de statuaire (li'\('l()|)pé dans loul le pourtour d'une catliédrale, et
comi)osé de plusieius centaines de ligures dont la |)rosence est pour le peuple
cluétien ime histoire pleine de vie et d'animation. La cathédrale de Chartres
possède, à elle seule, plus de sculptures sacrées que les trois cents églises
de Rome ensemble.
Le xiv° siècle italien, qui a s(ul|)lc tant do londjeauK, a doté aussi les
églises d'un grand nond)re de ces petites constructions qui abritent les autels
les plus vénérés, et qui portent, depuis une antiquité très-reculée, le nom
de ciborhnn. A Rome, les plus importantes se trouvent dans les églises de
Saint-.lean-de-Latran, de Sainte-Cécile et de Sainte-Marie in Cosmcdiu. Leurs
colonnettes, leurs tympans percés de roses, leurs ogives trilobées, leurs
archivoltes surmontées de statues, leurs pignons accompagnés de clochetons
ou de tourelles, sont autant d'emprunts faits à l'architecture du nord. Le
ciborium de Sainte-Cécile surtout rappelle d'une manière frappante ceitaines
parties de la tribune érigée à Paris, dans l'abside de la Sainte-Chapelle. Le
savant Ciampini, qui ne connaissait i)as les monuments situés hors de l'Italie,
et qui manquait ainsi de termes de conq)araison pour distinguer les époques
de l'art , s'est évidemment trompé en attribuant ces balda(piins g()thi(pies au
XII* siècle.
Quand nous serons arrivé à la description des monuments du Campo-
Santo , nous examinerons en détail les œuvres de Nicolas et de Jean de Pise,
ces artistes fameux des xiu" et xi\'' siè(;les ; nous les com|)areroii> à des sculp-
tures de même époque faites, dans notre pays, par de pauvres tailleurs de
pierre, dont les noms n'ont |)as été jugés dignes de passera la postérité, et
nous essaierons de prouver à nos lecteurs l'infériorité des mailns italiens.
Mais pour que la démonstration fût comjjlète, il fauilrait la pouvoir faire
sur des reproductions rigoureusement exactes des inoniiincnlscux-iuèmcs. Ce
serait rendre un service véritable à l'étude de l'art, que de mettre en face les
unes des autres, au moyen de moulages, des ligures du Campo-Santo et des
statues de Reims ou de Chartres. Jean de Pise n'a jamais rien produit d'aussi
admirable que les sculptures du xiv* siècle qui tapissent, dans la cathédrale
de Reims, les parois internes des portes de la façade occidentale; ce sont
des chefs-d'œuvre sous le rapport de la forme tout aussi bien {]ue sous celui
de l'expiession religieuse; nous en sonuncs convaincu , et tout le monde
serait bientôt df n(jtie a\i>. l'ai inalliriir. au liiMi do tiaxaillcr à rendu' plus
V. 34
258 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
facile la solution des grandes questions de riiisloire de l'art, les organisateurs
de nos musées se préoccupent, avant tout, de meubler tant bien que mal les
galeries qui leur sont confiées , persuadés que pour le vulgaire le nombre
supplée à la qualité.
Un fait, dont nous avons été souvent témoin, pourrait servir à prouver com-
bien il est intéressant de rapprocher des monuments de différentes écoles et
de les comparer. Si l'on s'avisait de déclarer en plein Institut que les ima-
giers du temps de saint Louis entendaient mieux la pratique de leur art que
les sculpteurs de l'école impériale, académiciens et membres de la Légion-
d'Honneur, on s'exposerait pour le moins à se faire passer pour un vision-
naire. Hé bien ! à Saint-Denis, dans une des salles de la crypte, trois ou quatre
figures du xiii'' siècle sont couchées sur des tombeaux, tandis que des sta-
tues d'empereurs carlovingiens, exécutées par des artistes de l'époque napo-
léonienne, se dressent contre les murs. Aux yeux des femmes , des ouvriers,
des gens du peuple, le choix n'est pas douteux. On rit au nez des pauvres
empereurs de facture moderne ; on achuire le style large et grandiose des
vieux rois gothiques.
Nous avons parlé avec éloge des tombeaux sculptés depuis le xiv<^ siècle
dans les églises d'Italie. Cependant le tombeau ducal de Nantes, les mauso-
lées de la maison de Savoie à Brou , les monuments de la renaissance, réunis
à Saint-Denis, nous paraissent supérieurs, pour le goût et le travail, à tout
ce que nous avons vu au delà des monts.
La sculpture en bois , que les artistes français ont portée à un si haut
degré de perfection et dont il nous reste tant de monuments précieux, n'a
pas eu la même importance en Italie. Aucune des églises de ce pays ne
possède un chœur garni de stalles travaillées comme celles de Notre-Dame
d'Amiens.
Les monuments d'orfèvrerie ancienne sont , en Italie , d'une excessive
rareté. On nous a signalé l'existence d'un petit nombre de châsses de ver-
meil exécutées au xiv' siècle; nous n'avons pu les voir; plusieurs d'entre
elles semblent, dit-on, appartenir par leur style à l'école allemande. Le
musée chrétien du Vatican ne possède qu'un petit coffret en cuivre émaillé,
qui doit être du xiii" siècle et qui provient probablement des fabriques de
Limoges. Les seuls émaux modernes, que ce musée ait pu recueillir, datent
du xvu*' siècle et sont l'œuvre d'un artiste français, Robert Vauquier, de
Blois, qui les fit en 1660. Nous ne les avons pas trouvés dignes de soutenir
l'honneur de nos émailleurs.
Le système iconographique des chrétiens des premiers siècles se compo-
NOTES D'UN VOYAGE EN ITALIE. 259
sait d'oléinents fort simiilcs et fort peu nombreux. ; mais là se trouvait en
germe toute notre iconogiaphie religieuse. Soyons donc pleins de respect
pour ces symboles primitifs qui nous ont été apportés en môme temps que
l'Évangile. HDcs le m' siècle, la source la plus féconde de Ticonographie
chrétienne était ouverte; les fidèles avaient saisi les rapports mystérieux qui
existent entre les faits du Nouveau-Testament et ceux de la Bible, et, dans
les sculptures de leurs sarcophages, ils les interprétaient les uns par les
autres. Les motifs ont d'ailleurs peu varié pendant une longue suite de
siècles; ce sont à peu près toujours les mêmes emblèmes qui se reproduisent
en Italie, à Rome surtout, dans les peintures, les sculptures et les mosaïques.
Dans le Nord, au contraire, riconogra()hio sacrée a pris un développement
prodigieux; si nous ne pouvons prétendre à la gloire d'en avoir imaginé les
premiers principes, nous avons su du moins découvrir tout ce qu'ils con-
tenaient d'utile et de fécond. L'Italie n'a rien qu'elle puisse opposer en ce
genre à la statuaire et à la peinture sur verre d'une cathédrale comme celles
de Chartres et de Reims. Les porches et les verrières de nos grandes églises
présentent l'expression la plus conqjlète des croyances religieuses, des idées
philosophiques, des arts, des sciences de notre moyen îige; à défaut des écrits
qu'ils nous a laissés, on le retrouverait tout entier dans ses œuvres sculptées
ou peintes. Il y a tel portique de Chartres qui est une véritable encyclopédie
en action : la Bible, le Nouveau-Testament, l'Apocalypse y sont représentés;
vous y reconnaissez, sous d'ingénieux emblèmes, toutes les qualités pliysi-
ques, intellectuelles et morales de l'homme ; l'astronomie, la zoologie, la
bolanique y figurent aussi dans leurs rapports réels ou mystiques avec le
dogme sacré. L'iconographie religieuse a connnencé à faire quelques progrès
en Italie, vers le xiv" siècle; mais c'est l'admirable poi-me de Dante qui en
a fait presque tous les frais, et Dante avait vu la France.
Nous ne voudiions pas empiéter sur les droits de .M. l'abbé Jou\e, en
abordant la question de la musique religieuse. Nous nous contenterons d'ap-
peler l'attention de notre savant collaborateur sur un manuscrit conservé à
Rome, dans la bibliothèque des princes Ghigi, et cité par M. Valéry, dans
son ouvrage sur l'Italie. Ce volume contient des messes et des motets com-
posés par d'anciens maîtres llamands et fran(,ais; une note de la main
d'Alexandre Vil déclare que la musique en est regardée comme excellente.
M. Valéry fait remarquer avec raison qu'il serait très-important, pour l'his-
toire de l'art musical, de savoir si en elfet le manuscrit des Ghigi contiendrait
de la grave et savante musi(jue française, antérieure aux célèbres composi-
tions de Palestrina.
260 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Nous sommes entin sortis des préliminaires. Dans un ])rochain article, nous
entrerons en Italie par le port de Gènes-la-Su|)erbe. Les Génois, peuple
commerçant et positif, n'ont jamais été de grands artistes; leur ville ren-
ferme cependant beaucoup de soniptueux palais et quelques curieuses
églises.
B"" DE (iUILHERMY.
KSSAI
SUR LE CHANT ECCLÉSl ASÏIOIIE.
Constitution des huit tons e('clésia»ti(|ues par saint Grégoire. — Observations |jarliculières à ce
sujet. — Nouveau système de notation musicale introduit par ce pape, pour remplacer celui
des Grecs, jusqu'alors en usage. — Examen comparé des éléments constitutifs do la tonalité
grégorienne et de la tonalité moderne. — Ces éléments sont : 1" l'ordre de succession dos deux
demi-tons, différent dans les deux systèmes; 2" la note tonique et la note dominante, sans
parler du triton et d'autres points moins importants, qui seront discutés plus tard.
IV'.
Dans un de nos proci-denls articles, nou-î avons vn eoinnient saint Ani-
broise établit les chants d'Éi^lise sur (juatre octaves différentes, dérivées,
jusqu'à un certain point, dos (]ualre modes jurées dont elles portent le nom,
.savoir :
Le mode dorien : n- , mi, fa, sol, la, si , ut, rc ,■
Le mode phryeien : tni, fa, sol. la, si, ut, rc, mi ;
Le mode éolien : fa, sol, la, si, ut, re , mi , fa ;
Le mode mvxolydicn : sol, la, si, ut, rc , mi, fa, sol \
1. .Innales ./rchéologiqaes, vol. IV. p. ii;j-222; vol. V, p. 12-20, TH-SO et )fi6-l79. — Au
vol. V des Annales, p. 169, ligne 2« , au lieu de : le nier, lisez- /e,v nier; au même volume,
p. 171 , ligne 2", remplacez païens par chrétiens.
2. En commençant mon « Essai », et ensuite, à |)lusieuis reprises, j'ai fait lemurcpier combien
les origines du clianl ecclé.siasti<pie étaient pleines d obscurité. Ainsi, pour ne parler ipie de
cette constitution des quatre tons autlienticpies de saint Ambroisc , personne no serait aujourd'hui
dans le cas de fournir des preuves démonstratives de ce fait. Los documents qui l'établiraient pé-
remptoirement ayant |)éri , comme tant d'autres , force nous est de nous contenter de la tradition
constante qui nous l'atteste. Mais cette tradition, ciui , en matière do dogme et de discipline,
équivaut, avec les conditions voulues, à une démonstration véritable, mérite bien la peine, ce me
semble, d'être comptée pour quelque chose dans les questions liturgiques. Cela n'empêche pas,
je le réjièto , que celle des origines du plain-chant ne soit, sur bien des points, enveloppée de
262 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Ainsi que nous l'avons déjà fait observer, le clianl anibrosien était rhylh-
mique, scandé; il avait, par conséquent, plus de rapport avec la musique
grecque que le chant grégorien, qui, plane, assuré, u planus, firmus », ne
procède généralement que par des notes d'égale valeur. Toutefois, cette pro-
priété du cliaut grégorien ne saurait être un mérite à mes yeux; car, indé-
pendamment de la monotonie qui en est inséparable, elle est contraire à
l'instinct naturel qui porte tous lespeuples à suivre un certain rhythme, une
certaine cadence dans leurs chants, même les plus graves. Cette marche
plane, égale, qui pendant longtemps a été le caractère distinctif du chant
grégorien, est donc une véritable imperfection qu'on s'explique facilement,
du reste, par les perturbations sociales qui eurent lieu après la mort de saint
Arabroise. Eu effet, le système de chant dont il était l'auteur ne tarda pas à
être altéré, au point de devenir méconnaissable, par l'invasion des Ostro-
golhs, ensuite par celle des Lombards, qui, vainqueurs de ces derniers,
établirent leur domination sur toute l'Italie septentrionale. Aussi, à Tavéne-
ment du pape Grégoire, en 590, il n'y avait presque plus de rhythme dans
les hymnes et les antiennes, et la division des lons^ établie par saint Am-
broise, avait été si fort bouleversée, qu'on ne pouvait plus les distinguer les
uns des autres.
Pour remédier à cette confusion , Grégoire entreprit de fonder un nouveau
système de chant, en réunissant, dans un même recueil, ce qui restait des
anciennes mélodies latines et orientales '. Ce recueil fut appelé Antiphonaire
Cenlonien , parce qu'il était formé d'antiennes tirées de fragments divers.
Mais comme plusieurs compositeurs, peu soucieux de s'astreiudre aux
quatre échelles ou modes d'Ambroise, en avaient souvent dépassé les limites,
soit par caprice, soit à cause des diverses natures de voix pour lesquelles ils
écrivaient, il était impossible de réduire toutes les pièces de i'Anliphonaire
aux quatie tons ecclésiastiques primitifs. Pour paier à cet inconvénient, et
nuages. Et voilà pourquoi , en les exposant , il nous arrive plus souvent de douter que d"affirmer.
Nous ne demanderions ]ias mieux, si c'était possible, qu'on levât toutes nos incertitudes par des
documents authentiques irréfutables.
1. Pour éviter le retour des malentendus auxquels a déjà donné lieu ce mol orientales, op-
posé à celui de latines, je déclare que, par le premier, j'entends les mélodies ornementées com-
posées selon le style musical de l'Asie mineure, de l'Arabie , de l'Egypte, de l'Orient en un mot;
et que , par le second , j'entends les chants composés selon le système diatonique des Grecs , tel
que nous l'avons exposé, système qui a exercé une influence réelle sur le chant ecclésiastique
latin. C'est ce qui explique la ressemblance frappante qui existe, même de nos jours, dans les
cliants des deux Églises, grecque et latine; c'est une nouvelle preuve de l'influence de l'une sur
l'autre dans la constitution des chants religieux.
ESSAI SLR LE CHANT ECCLESIASTIQUE. 363
donner |>lii? de dévoli)|)[)eiiieiil aii\ \oix, Ciréûjoirc imagina de diviser clia-
onn de ics (lualre ton? en deux, dont le premier, conservé inlacl, était
appelé par cette raison authentique, original, primitif, et le second, com-
mençant une quarte plus bas que le premier, s'appelait plagal, collatéral,
dérivé. Nous avons déjà vu qu'au moyen d'un semblable procédé, (pie Gré-
goire eut sans doute l'intention d'imiter, les Grecs avaient beaucoup étendu
et varié leur échelle modale.
Voici le nouveau tableau du système grégorien, représentant les quatre
tons primitifs, suivis chacun de son ton plagal ou dérivé, ce qui donne
huit tons :
Premier ton, dorien aulhenliipic) : rc, mi, fa, sol, la, si, ut, rc;^
Deuxième ton, hypo-dorien i^plagal) : la, si , ut , re, mi, fa, sol, la ;
Troisième ton, phrygien (aulhenliquc) : mi, fa, sol, la, si, ut, rc , mi ;
Quatrième ton, hypo-phrygien (plagal) : si, ut, re, mi, fa, sol, la, si;
Cin(]nième ton, hdien i^authenli(]ue) : fa, sol, la, si, ut, re , mi, fa;
Sixième ton, hypo-lulicn (plagal) : ut, re, mi, fa, sol, la, si, ul ;
Septième ton, myxolydien (authentique) : sol , la, si , ul , re, mi, fa, sol;
Huitième ton, hypo-myxolydien (plagal) : re, mi, fa, sol, la, si, ut, re;''-
t. Pour (les raisons, dont l'exposé nous mèneiail trop loin et qui trouveront leur place ailleurs,
dans la gamme de ce premier ton, le si est naturel, en montant, et l)êniol , en descendant. On
peut faire la même remarque pour le cinquième ton.
2. Dans cet exposé de la constitution des huit modes par saint Grégoire , je suis l'opinion com-
mune et appuyée sur la tradition. Néanmoins, il en est une autre qui dilfére de celle-ci et qui a de
graves autorités pour elle. C'est pourquoi il convient d'en dire un mol D'après cette opinion , saint
Grégoire, au lieu de porter les modes de quatre à huit, les aurait réduits de quatorze à huit. Voici
comment : .\insi que nous aurons bientôt l'occasion d'en faire la remarque, chacune des notes de
la gamme diatonique pouvant, dans le plain-chant, être considérée comme la première, la fon-
damentale d'une nouvelle gamme, en maintenant, dans chacune d'elles, les deux demi-tons à
leur place naturelle, les anciens obtinrent, par l'application de ce principe, sept gammes diffé-
rentes ou sept tons authentiques, sur les sept notes ut , re, mi, fa, sol, ta, si. Et comme chacun
de ces sept tons était susceptible d'avoir son plagal ou correspondant, en partant de la quarte
inférieure, il en résulta quatorze modes, dont sept authentiques et sept plagaux. Or, ce furent
ces quatorze modes que saint Grégoire réduisit aux huit que nous venons d'exposer. Néanmoins
nous les voyons pratiqués longtemps après , dans plusieurs églises. Sous Charlemagne, ils furent
l'objet d'une dis|iutc parmi les chantres de la chapelle de ce prince. Les uns les réduisaient à huit,
dérivés des quatre cordes, re, mi, Ja, sol, de saint Ambroise. Les autres prétendaient qu'ils
devaient être au nombre de quatorze, ou au moins de douze, en excluant des notes fundamen-
lalcs le B ou si, qui est privé d'une quinte juste. Charlemagne, après avoir sérieusement examiné
cette question , décida que huit modes semblaient devoir suflire, bien que depuis, dans une autre
circonstance et par égard auj système des Grecs, il ait dit qu'il y avait douze modes. (\'oir les
•Mémoires historiques de Baini, tome I, page 81-82.)
Cette dernière décision du grand,empercur était motivée , tandis que la première ne l'était pas.
264 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Ces huit tons étaient contenus dans une échelle qui commençait au la
grave, correspondant à celui de notre clef de fa (quatrième ligne), jusqu'au
sol de la seconde octave. Les sons de la première octave étaient représentés
par les sept premières lettres majuscules de l'alphabet romain , et ceux de la
seconde octave, par les mêmes lettres minuscules, dans l'ordre suivant :
la, si, ut, rc , mi, fa, sol, la, si, -ut, rc , ini, fa, sol.
A. B. C. D. E. F. G. a. b. c. d. e. f. g.
Plus tard, lorsqu'on eut ajouté une octave aux deux premières , cette troi-
sième octave fut représentée aussi par les sept premières lettres minuscules
de l'alphabet, mais redoublées, ainsi qu'il suit :
la, si, ut, rc, mi, fa, sol, la.
aa. bb. ce. dd. ee. ff. gg. aa.
On voit que ce système de notation est on ne peut plus simple. Celui des
Grecs, qui avait été en usage jusque-là, l'étant beaucoup moins, les
quinze sons que nous venons d'exposer, en y comprenant l'octave, étaient,
dans la musique grecque, exprimés par des lettres entières ou mutilées,
simples, doubles et allongées, tournées tantôt à droite, tantôt à gauche,
lenversées ou horizontales, fermées ou accentuées, comme on en peut voir
le tableau figuratif dans Alipus, et dans la dissertation de M. Perne sur la
« Notation musicale des Grecs ».
Malheureusement, à la notation grégorienne succéda bientôt celle des
Lombards et ensuite celle des Saxons, aussi obscures et compliquées que la
première était claire et facile. Ces deux nouvelles notations, qui n'ont pu
encore être débrouillées complètement, malgré tous les efforts de la science
moderne, nous ont dérobé jusqu'à ce jour l'intelligence d'un grand nombre
En effel , les quatre modes qu'il avait voulu d'abord supprimer appartenant, tout aussi bien que
les autres, à la constitution des modes ecclésiastiques, d'après les règles qui les régissent tous et
que personne ne conteste, on ne voit pas à quel titre leur suppression aurait été ordonnée. Quoi
qu'il en soit, les quatre modes dont il s'agit sont tombés iicu à peu en désuétude , et à peine s'il
en reste quelques vestiges dans nos livres de chant. Ces quatre modes élaienl l'éolien et
l'ionien, avec leurs plagaux respectifs. L'ionien était exactement conforme à notre gamme
d'«^ , puisqu'il commençait et finissait par cette note. On le transpose souvent au cinquième ton
de/a. Dans ce cas, on le fait précéder de la lettre C , qui correspond à ut , pour indiquer que
c"est le mode ù'vt , onzième ton , qui est transféré au mode de fa, cinquième Ion. Alors le .s('
bémol est de rigueur à la clef, afin de mainlenir dans ce mode les deux demi-Ions à la même
place qu'ils devraient occuper dans la gamme d'7it, ou onzième ton , qu'on transpose.
ESSAI SI K LE CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 265
de mélodies ecclésiasli(Hios, chins les ci^liscs qui les avaient adopléos, cl sui-
vies pendant plusieurs sièeles. Il en résulte une laeune on ne peut plus reyret-
tablo dans l'Iiistoire du elianl rcliijieux. Néanmoins il ne faudrait |)as tro[)
s'en exagérer la portée. C'est tout ce que nous pouvons dire, en attendant
que l'ordre des matières nous amène à en parler plus lonjiiuenient que nous
ne le pouMuis l'aire ici. La question cpii iloit nous occuper exclusivement
aujourd'luii , c'est celle de la tonalité i;réi;orienne, considérée dans sa nature,
dans ses effets et dans ses rapports avec la tonalité moderne. C'est là une
question capitale dont nous allons embrasser les éléments constitutifs, nous
réservant d'y revenir plus tard pour l'envisager sous d'autres aspects et en
faire l'objet de nouvelles considérations. Pour bien comprendre les conditions
de la tonalité ecclésiastique, il faut les comparer avec celles, plus générale-
ment connues, de la tonalité moderne. C'est |M)ur(pioi nous allons exposer
successivement ces deux tonalités, pour voir en quoi elles se ressemblent et
en quoi elles diffèrent.
Notre gamme actuelle se compose de ein(| Ions et de deux demi tons; en
tout huit tons, si l'on y ajoute l'octave qui n'est ipie la répétition du pre-
mier. Dans cette gamme, ul, re, mi, fa, sol, la, si, ni, les demi-tons sont
placés entre le m/ et le fa, entre le si et \'ut. Cette position des deux demi-
tons entre les ^' et 'i% T et S"" degrés, est invariable dans la gamme d'nt et
dans toutes celles qu'on peut établir sur chacune des notes qui la composent,
attendu qu'elles doivent être exactement modelées sur celle d'nt, dans l'ordre
de succession des tons et des demi-tons. En effet, que l'on prenne pour Ioni-
que ou première note de la gamme qu'il s'agit de former, le rr, \o. mi , h; fa,
ou toute autre, toujours les deux den)i-tons devront être espacés entre eux,
comme ils le sont dans la gamme modèle, et cette jjarfaile similitude, on
l'obtiendra en posant les deux demi-tons entre les 3° et 4'', les 7' et 8° degrés,
au moyen de di'czes ou de bémols. Je m'explique. Comme, d'une paît, on ne
saurait prendre pour tonique ou note fondamentale d'une gamme (pielcon(|ue,
une autre note que celle (Yitl, sans bouleverser plus ou moins la position res-
pective des cinq tons et des deux demi-tons de la gamme modèle, et comme,
d'une autre part , lirnat iabilite dans l'ordre de succession de ces cinq tons
et deux demi-tons pour toutes les sept gammes est la condition rigoureuse
du svsième musical moderne, on a imaginé, i)Our la nuiintenir, des signes
qui, en exhaussant ou en abaissant, selon l'occurrence, les notes (pii s'étaient
trouvées rapprochées ou éloignées d'un demi-ton de trop, par suite de l'in-
lerverlissemenl de la gamme modèle, rétabliraient dans les positions voulues
les c\n(\ tons et les ileu\ denii-tmi-. Supposons, par exemple, ([ue désirant
V. 35
266 AiSfNALES ARCHÉOLOGIQUES.
former une gamme clans le mode majeur (le seul qui nous occupe mainte-
nant), il me convienne de la faire yirocéder, au lieu cVvt à ut, de re à rp,
ainsi qu'il suit: re, mi, fa, sol, la, si, ut, rp; je remarque de prime abord
que, dans cette nouvelle gamme, l'ordre de succession des cinq tons et des
deux demi-tons a été bouleversé, puisqu'au lieu de se trouver, comme dans
la ganmie modèle d'«/, entre les 3* et 4', les 7* et 8' degrés, les demi-tons
sont placés entre les 2° et S", les 6' et 7" degrés; c'est-à-dire de mi à fa, au
lieu de fa à sol, et de si à ut, au lieu d'ut à rc, comme l'exigerait la-contex-
ture de cette gamme de re à re. Il faudra donc, pour remettre les choses à leur
place, rapprocher d'un demi-ton, au moyen d'un signe conventionnel qu'on
appelle dièze, le fa et le sol, Vut et le re , qui étaient séparés d'un ton plein,
et qui, en vertu de cette altération, représenteront les deux demi-tons dans la
position respective qu'ils doivent avoir^ en même temps que, par une consé-
quence obligée, ils remettront les cinq tons également en leur lieu et place.
On peut faire la même expérience sur chacune des sept notes de la gamme,
en les considérant tour à tour comme notes toniques ou fondamentales d'une
gamme nouvelle. Observons seulement que la succession diatonique rigou-
reusement exigée, pouvant être plus ou moins intervertie, selon qu'on prend
pour tonique une note ou une autre (comme il est très-facile de s'en faire à
soi-même la démonstration), on rétablira cette succession diatonique dans son
état normal, en exhaussant ou en baissant d'un demi-ton, selon l'occurrence,
les notes qui auraient besoin de cette altération. Or les signes de ces altéra-
tions, qui seront des dièzes ou des bémols, on les placera en tête de chaque
morceau de musique, immédiatement après la clef, pour indiquer les notes
qui doivent en être affectées pendant tout le cours de la pièce, à moins qu'un
autre signe ne vienne les altérer accidentellement , d'une autre manière. Voilà
ce qu'on appelle « l'armature de la clef » , dont la signification est une véri-
table énigme pour tant d'écoliers. Ainsi rien de plus aisé à comprendre que
cette théorie des dièzes ou , selon le cas, des bémols, dont on arme la clef au
commencement de chaque morceau. Au lieu de compliquer l'exécution du
chant, comme on se le figure communément, ils la simplifient, puisqu'ils ser-
vent à ramener toutes les gammes à une gamme unique, celle A' ut; mais tel
est l'empire de la routine, qu'on voit encore de nos jours des professeurs de
musique, imbus des idées les plus fausses sur cette théorie, que plusieurs
même d'entre eux ignorent complètement.
Telle est, en abrégé, la constitution tonale moderne, sans parler d'autres
éléments moins importants qui la composent et dont nous parlerons bientôt.
Examinons comparativement la tonalité ecclésiastique.
ESSAI SFR LE ClIAXT ECCLESIASTIQUE. 267
Dans le plain chant, comme clans la mnsiiinc, on |)eul considérer chacnno
dos sept notes de la gamme iVul, comme la première d'une autre gamme;
mais là s'arrête la similitude. Nous allons voir les différences. Dans la nm-
sique, quelle que soit la gamme qu'on veut établir, les cinc] tons et les deux
demi-tons doivent toujours occuper la mémo place, et nous venons de voir
par quelles altérations on les y maintient. Dans le |)lain-chant, au contraire,
ils conservent, sauf quelques légères altérations, leur ordre naturel. Soit,
par exemple, la gamme de rc à rc , (|ui forme le premier ton authentique. Je
l'établis ainsi ;
rc, mi, l'a, sut, lu, si, itl , rc^
Bien que la succession des tons et des demi-tons, telle qu'elle existe .dans
la gamme dut, soit bouleversée dans celle-ci, comme il est facile de s'en
convaincre de visu, je la laisse subsister. Il en sera de même pour chacun
des huit Ions, excepté le cinquième en fa , lorsqu'il sera transposé de l'an-
cien ionien en ut, qui était jadis le onzième, et qui, moyennant le si bémol
placé à la clef, reproduit exactement notre gamme majeure. Il faut excepter
également le sixième ton, qui, dans ce cas, est identique au cinquième. Or,
chaque fois que j'établirai ainsi une nouvelle gamme, je changerai plus ou
moins la succession des cinq tons et des deux demi-tons, et c'est dans ces
diverses positions qu'ils auront, dans les modes authenti(iues et plagaux, que
consistera principalement la différence qui existe entre la tonalité anticpie et la
tonalité moderne, puisqu'il en résultera pour chacun de ces modes un carac-
tère mélodique tout particulier cpii le distinguera des chants composés selon
les principes de la musitpie.
Ainsi , pour revenir à notre premier ton aullienli(iue , si nous en examinons
attentivement la conlexlure, nous verrons qu'il n'est conforme ni à notre ton
de re majeur ni à celui de re mineur, et qu'il a par conséquent un genre
d'expression qui lui est propre. Citons un exemple : je le |)rends dans « l'Ave
maris Stella », tel qu'il est noté dans les hymnes romaines corrigées par les
soins de M. l'abbé Peyre, vicaire général d'Avignon, qui s'occupe avec
autant de zèle que de goCit de la restauralioii du pl;iiii-cli;uit.
Re, la, si ,■ \ sol, la, ut; \ si, ul , rc , ut, si, lu.
A VE - MA niS - STEL. LA.
Ln organiste, de ceux comme il y en a tant, qui ne voient partout que leur
niode majeur ou mineur, ne se ferait nul scrupule d'adapter à ce passage l'ac-
coinpagDemeul de notre ton moderne de re mineur, avec les variations obligées
268 ANNALES ARCIIÉOLOUIOUES.
de dièzes, de béiDols el de notes sensibles, au moyen desquelles ces mes-
sieurs arrangent le plain chant à leur manière. Illusion grossière et trop com-
mune, qui nous vaut ces accords hétéroclites (|ui déchirent si souvent nos
pauvres oreilles. On s'étonne que nos aïeux, aient pu supporter ces premiers
et informes essais d'harmonie , connus sous le nom de « déchant n , qui
procédaient par des successions directes de quarte et de quinte; moi, je
m'étonne que, dans notre siècle de civilisation et'de progrès, comme on dit,
une foule d'hommes instruits, d'un goût délicat, des musiciens même,
entendent, sans témoigner la moindre surjirise, ces déchants d'une nouvelle
espèce, non moins durs que les premiers. Revenons à notre « Ave maris
Stella ».
Les deux premières notes, formant la quinte rr , la, semblent indiquer
pour tout le morceau notre ton de re mineur. Mais le si naturel, contre lequel
elles viennent brusquement se heurter, bouleverse déjà toutes nos idées de
moderne tonalité, qui- exige uns* bémol, et appelle une succession mélo-
dique et harmonique étrangère à cette tonalité, sur les notes qui suivent si,
sol, la, ul. L'organiste dont nous parlions tout à l'heure ne manquerait pas,
ou de bémoliser ce si naturel, pour le ramener au re mineur, ou de diézer le
sol qui vient après, en frappant sur cette note, devenue pour lui note sensible
de la mineur, un bon accord de septième, mi, sol ^, si , re, qui se résoudrait
sur la note la, en accord paifait mineur. Une fois lancé dans cette voie, il
n'est pas d'extravagances dont on ne soit capable. Mais le musicien, tant soit
peu instruit des conditions de la tonalité ecclésiastique, laissera d'abord intact
ce sol naturel , et s'inquiétera peu des cadences de la septième dominante à
la tonique, qui n'ont rien à faire dans le plain-chant. Il considérera que la
modulation de si à sol, de sol à la et de la à id, étant vague, indécise, comme
presque toutes celles du plain-chant, et ne répondant à aucun de nos deux
modes majeur et mineur, doit conséquemment être traitée en accords pleins,
consonnants, et se terminer par la cadence plagale de la à ul. Un accompa-'
gnement de ce genre sera non-seulement conforme au caractère de la tona-
lité antique et aux lois qui la régissent ; mais il sera encore plus mâle, plus
nourri que celui qu'on adapte à nos mélodies, conqjosées dans le mode mi-
neur. Cette réllexion, du reste, s'applique à l'harmonie sur le plain-chant (;n
général.
Ainsi , pour nous résumer en peu de mots, la succession mélodique de ce
début de VAve maris Stella, étant établie sur le premier ton authentique et
participant nécessairement de sa nature, a un cachet qui lui est propre et qui
n a d équivalent dans aucune de nos mélodies en mode majeur ou mineur j
ESSAI SUR Li: CHANT KCCLKSI AS T lOl'E. 269
el ce caractoie particulier lui vient, je le répète, de ritilerverlisseineiil des
deux demi-Ions qui n'occupent plus, dans la içaninic de ce mode autiientique
de re, la place qu'ils avaient dans la gamme A'ut. Or, cet intcrvertissement
sert non-seulenienl à distinguer les modes ecclésiaslitiues de nos deux modes
modernes, mais encore il conlrilme beaucoup à les distinguer entre eux,
comme nous le verrons bi(>ntôt. Doux autres éléments y conlrihuenl aussi
pdur leur part, en même temiis (pi'ils rondoiit pins s(!iisil)l(' la dilTcrciici' ipii
existe entre la tonalité anliipie et la tonalité moderne. O sont la » tonique »
et la « dominante » dont il importe détahlir clairement la nature et les pro-
priétés. Ici nous raisonnerons encore par comparaison, l'ailons d'al)(jiil de
la tonique.
(^e mot n'a pas, dans le iilain-chanl , la même acception (jue dans la mu-
si(pie. Dans notre système moderne, nous appelons tonique cette note Conda-
mentale qui commence la gamme et par laquelle doit toujours finir un mor-
ceau quelconque de chant ou d'instruments. Elle est le point (riiiuii^ de la
gamme, auquel se rattachent toutes les autres notes, de mémo qu'en arith-
métique l'unité est la base de tous les calculs. C'est pourquoi on l'appelle
tonique ou ton fondamental, parce (pi'elle détermine le ton où l'on se trouve.
Ainsi, ul est tonique de toute» les |)ièces composées sur la gamme d'x/,- rc ,
de toutes celles composées sur la gamme de rc , majeure ou mineure, n'im-
porte, etc. Je dis que la tonique est la ])remiàre noie ilc la (jainme el non du
morceau, parce qu'une pièce de musicpie |)eut commencer par une autre note
que celle de la tonique; mais elle doit finir par elle , au moins à la basse.
Observons que la seule dilférence qui existe entre nos gammes modernes
consiste dans la variété de leur diapason respectif, (jui, selon cpi'il est plus
ou moins élevé, imprime à chacune d'elles un caractère qui lui est propre.
Mais cette ditl'érence est bien moins itnportante que celle (pii existe entre les
Ions ecclésiastiques, piiis(]ui' l;i lonalilc, (pii en est la cause principale pour
ceux-ci, n'y entre pour lieu dans ccux-la.
■Dans le plain-chant , le mot loiii(im-;i un autre sens (pie dans la musi(pie.
Il signifie bien, comme dans cette dernière « note de reposai, mais avec des
conditions dilTérentc-s, (lue nous allons explicpier. Dans la musicpie, chaque
gamme ne peut a\oir (priiiu' lonicpie , ipii est la piemière de cette gamme, à
laquelle elle donne son nom. Dans le |)lain-cliant, au contraire, chaque mode
peut avoir |)Our tonique ou finale plusieurs des six notes, ut, /v, ?»i, fu ,
sol, la, si, à cause de ses différentes terminaisons. Kn outre, la tonicpie
peut ne pas être la même note que la première de la gamme du mode au-
(|uel elle appartient, comme cela a lieu pour le deuxième ton TplagalJ, (pii
270 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
connaence par /« et dont la tonique est re; pour le quatrième ton (plagal)
qui commence par si et dont la tonique est mi, et pour les deux autres tons
(plagaux), qui ont également pour tonique une autre note que celle par on
ils débutent. 11 est facile de comprendre comment cette variété des terminai-
sons modales modifie le caractère mélodique des huit tons^ et. comment,
dans le plain-clianl , la tonique joue un autre rôle que dans la musique. Nous
allons voir qu'il en est de même pour la « dominante >k
Dans la musique, on entend par dominante la note qui forme la quinte
supérieure de la tonique. Ainsi, dans la gamme d'vt , la dominante est sol,-
dans la gamme dere, la dominante est la, etc. Celte note, en effet, domine
les autres, soit à raison de sa position centrale , soit à cause de son influence
sur la tonique, qu'elle appelle constamment, soit à cause de la propriété
particulière dont elle jouit d'être commune à deux accords principaux, celui
de tonique, et celui de quinte ou dominante auquel elle a donné son nom.
De là, cette attraction qu'elle exerce sur les autres uotes , lesquelles tendent
à converger autour d'elle comme les rayons d'un cercle autour de leur centre,
et à se résoudre sur elle par la cadence imparfaite , dont il sera parlé plus
tard. Pour le moment, je crois avoir suffisamment expliqué le caractère et
l'emploi de cette note dans la musique.
Dans le plain-chant, la « dominante » est bien aussi la note qui se repro-
duit le plus fréquemment pendant le cours d'un morceau; mais là se borne
la ressemblance. En effet, tandis que la dominante, dans toutes les gammes
modernes, est invariablement à la quinte supérieure de la tonique, dans
le plain-chant elle est tantôt à la quinte, comme dans les premier, troisième,
quatrième, cinquième et septième tons; tantôt à la sixte, comme dans les
deuxième et sixième; tantôt à la septième, comme dans le huitième. Ainsi
que nous en avons déjà fait l'observation à l'égard de la tonique, il résulte,
de ces diverses positions que peut occuper la dominante, plus de variété mé-
lodique dans le plain-chant que dans la musique. Dans celle-ci, la tonique et
la dominante occupent toujours la même place sur l'échelle diatonique;
l'effet mélodique en est toujours le même. Dans le plain-chant, au contraire,
ces deux notes importantes changeant fréquemment de position, selon les
modes qu'on emploie, cette variété imprime aux modes un caractère qui leur
est propre et communique au chant ecclésiastique en général une expres-
sion vague, indécise, qui contraste étonnamment avec les allures nettes,
décidées de la tonalité moderne.
C'est ainsi que la tonalité ecclésiastique se distingue de la tonalité moderne
par les deux principaux éléments qui la constituent, à savoir : l'intervertisse-
ESSAI SrU LK (.IIANT ECCLÉSIASTrOUE. 271
nienl îles doux denii-lons, el l'oinploi do la toni(|iic ol do la doininanlo, (jiii
n'est pas le mémo tlaiis ce syslômo que dans lo syslèmc opposé. A ces deux
éléments, il conviendrait d'en ajouter un troisième non moins important , je
veux dire l'adoucissement, au moyen du si bémol , du triton ou de la (juarte
superflue de fa contre .v( naturel, à cause de la dureté de cet intervalle, sup-
pression qui n'a pas li.eu dans la musique, ce qui établit de suite un contraste
sensible entre les deux systèmes sous le rapport de la mélodie et do l'har-
monie surtout. Mais comme je me j)ropose, en temps plus opportun, de
consacrer une dissertation spéciale à ce point capital, je mo bornerai, pour
le moment, à l'exposition comparée de la tonalité antique et de la tonalité
moderne, au double point do vue du placement des deux demi-tons et de
l'emploi do la tonique et de la dominante.
N'oublions pas que c'est par ces deux éléments que se distinguent non-
seulement les deux tonalités, antique et moderne, mais encore, quoique
d'une manière différente, les modes entre eux. C'est ce que nous verrons dans
un prochain article qui sera consacré à un examen détaillé, el, si je puis
ra'exprimer ainsi, à la physiologie de chacun de ces huit modes ecclésiasti-
ques. Nous nous préparerons ainsi peu à peu aux grandes questions d'esthé-
tique que doit amener, tôt ou tard, l'ordre que nous avons adopté pour la
division de cet essai.
L'Abbé .IOUVIl,
Clianoliip titulaire de Valoiicp.
MELANGES.
1. Concile d'archiloctes. — 11. Coupes de la renaissance et du moyen Age. — III. Statues
rovales de Fontevraull.
1.— CONCILE D ARCHITECTES.
((Monsieur et ami, vous m'avez demandé des renseignements sur les
réunions ou conciles d'architectes et ouvriers, tenus au moyen âge dans
notre ville de Strasbourg, et qui paraissent constatées par les écussous peints
sur les tableaux que vous avez vus à lalelier de notre cathédrale. Cette ques-
tion, étroitement liée à l'histoire de la confrérie des tailleurs de pierre et
des maçons, a fait, avec cette dernière, l'objet de mes plus actives recher-
ches. Je suis parvenu à réunir déjà de nombreux matériaux, mais non assez
complets encore pour être mis au jour sans remords de conscience. Vous
concevrez d'ailleurs facilement les difficultés que présentent et le temps que
demandent de pareilles recherches, en vous rappelant le dénuement des ar-
chives de la cathédrale, qui ne se composent que de nos précieux dessins sur
parchemin et d'une quantité de titres de propriété non inventoriés et aussi
ingrats que difficiles à déchiffrer. Les documents plus importants des anciennes
archives de la fondation de l'œuvre de Notre-Dame et du grand chapitre de
la cathédrale, dispersés à plusieurs reprises dans nos troubles religieux et
politiques, sont épars aujourd'hui à la bibliothèque de la ville, aux archives
de la mairie et à celles de la préfecture; il faut du temps et des loisirs pour
les reconnaître, les classer, les étudier. Quoi qu'il en soit, vos gravures sont
prêtes; je ne dois pas encoiu'ir la responsabilité d'en retarder la publication,
et je me hâte de vous adresser quelques renseignements, les accompagnant
du vœu qu'ils puissent vous être de quelque utilité et qu'ils soient reçus
avec toute l'indulgence dont a besoin leur auteur.
« Le tableau à écussons, conservé à l'atelier des tailleurs de pierre de la
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MELANGES. 273
cathédrale de Strasbourg, comprend deux épo(|ucs diricicnlcs. A la pins an-
cienne, 1657, n'apparlieiinont que trois ccnssons : le prcrnior représente la
marque distinctive de l'atelier de la fondation; le second, celle de l'architeclp
de la cathédrale alors en fonction, Jean-Georges Hukler; sur le troisième, la
marque seule est visible, le nom est entièrement effacé. La seconde époque,
année 1669, embrasse 12 écussons, non compris les deux derniers de date
toute moderne. Les noms placés dans des banderoles, au-dessus des marques, ne
sont accompagnés que du lieu de naissance ou de résidence; l'absence de toute
qualilication autorise à ne les attribuer (]u'à de simples frères ou compagnons.
Ce tableau paraît avoir été le livre d'or de l'atelier : la de^(ination de trans-
mettre à la postérité les noms des frères ou compagnons, admis dans la con-
frérie ou venus pour assister à de solennelles réunions, est constatée par deux
inscriptions en langue allemande de l'époque. La ])remière fait connaître
qu'une de ces réunions enl lieu à Strasbourg en juillet 1657; la seconde
qu'il y en eut une autre les \'A, l 'i el 15 no\erid)re 1669. Ces den\ réunions
paraissent avoir eu pour principal but la réception de nouveaux frères
dont les noms ont été consignés. Des assemblées ou conciles', plus importants
et par leur but et par le nombre des assistants, avaient été tenus dans les
siècles antérieurs : ils nous sont constatés par divers actes; ils étaient com-
posés des architectes, des maîtrcs-ou\ rieis et des délégués des compagnons.
Ces premières assendilées, qui paraissaient avoir été motivées par le besoin
de réglementer la conduite des chefs entre eux , celle à tenir envers leurs
clients el avec les ouvriers, doivent remonter au xiii'' siècle, à l'épotiue où
les nombreux travaux qui s'exécutaient alors étaient tombés dans les mains
des laïcs. On conçoit , en effet , que les ouvriers n'était plus assujettis à la
vie en commun, à la vie monastique, et, leur nombre devant être considé-
rable, qu'il y ait eu nécessite de créer des règlements pour les diriger dans leur
nouvelle manière de vivre. Ces confréries ne sont donc à considéicr que
comme une continuation de l'ancien état de ciioses, modilié par les nou-
veaux usages; elles forment la base de la nouvelle organisation devenue
nécessaire pour faire passer les consinictions des n.aiiis du chM'gé à celles
des laïcs.
K Le plus ancien lèglemenl (pii nous soit par\enu date de l'année I 'i5',) ; il
émane de l'aleliei' de la cathédrale de Strasbourg, et, après avoir été discuté
dansdepetits conciliabules tenus dans cette dernière ville et à Spire , il fut
solennellement approuvé à la diète de llalisbonne, en la même aiwiee, par une
réunion de dix-neuf maîtres f architectes) et de vingt-cinq conq)agnons. Des
réunions moins nombreuses eurent lieu, soit à Spire, soit à Strasbourg,
V. 3ti
274 ANNALES AHCHÉOLOGIOI'KS.
dans les années 1 464, 1466 , 1467, 1468 et 1471 ; elles nont laissé d'autres
traces que des adhésions et réceptions de frères. Dans cette première rénnion,
on arrêta éij;alement la circonscription des pays soumis à la juridiction des
quatre grands ateliers de Strasbourg, Vienne, Berne et Cologne : le chef de
l'atelier de Strasbourg obtint la prééminence sur tous les autres. L'année
1563 est marquée par un nouveau congrès tenu à Strasbourg le jour d«
Saint-Michel ; soixante-douze maîtres et trente compagnons y assistèrent et
refirent les règlements de 1459. Ces statuts furent approuvés et confirmés
par lettre-patente de l'empereur Ferdinand I", datée d'Inspruck. Une nou-
velle lettre du même empereur, de 1578, renouvela et confirma les mêmes
privilèges de la confrérie. Les noms des maîtres et compagnons ont été con-
servés; ils ont probablement, ainsi que ceux dont nous avons les écussons,
été inscrits sur un tableau; mais, jusqu'à ce jour, ce tableau n'a pas été
retrouvé. De nouvelles chartes et lettres de 1613 et 1626 confirmèrent ces
règlements. Une troisième réunion eut lieu encore à Vienne le 20 février
1637. Quinze? membres seulement de la confrérie y assistèrent .- l'ancien règle-
ment est revu et l'on y ajoute divers articles nouveaux. De nouvelles lettres
impériales confirment ces règlements et émanent des années 1646, 1662 et
1687. A la suite de ces réunions, viendraient donc se classer celles dont le
tableau de l'atelier nous a conservé les dates, mais qui ne sont signalées
par aucun nouveau travail sur les anciens statuts. Toutefois ces règlements
sont restés en vigueur, en tant que le permettaient les usages et les événements
politiques, jusqu'à la fin du siècle dernier. En 1697, une lettre circulaire
de l'architecte de la cathédrale de Strasbourg recommande leur observation ;
elle reproduit une leltie approbative donnée, en 1621, par l'empereur Fer-
dinand 11. En 1707, un rescrit impérial rompit les relations officielles des
ateliers allemands avec la ville de Strasbourg deventie française en 1681.
Enfin, en 1753, sur la demande des architectes , maîtres maçons, etc., etc.,
la Cliand)re des XV, de la ville de Strasbourg, piomulgua un nouveau règle-
ment, mais la conIVérie n'y joue plus le principal rôle, et le système des
maîtrises et cori)orations est admis comme |>our les autres états.
"Tel est, monsieur et ami, le résumé des renseignements que je puis
vous transmettre aujourd'hui; vous les trouverez bien incomplets, et peut-
ètrtj ne vous seront-ils pas d'une bien grande utilité. Je le regrette vive-
ment et prends la ferme résolution de poursuivre mes recherches. Plusieurs
des documents que j'ai cités d^vns cette note se trouvent eu Allemagne et ont
été publiés, en 1844, à Nuremberg, |)ar le chevalier C. Heideloff; d'autres
sont en mes mains et me sont parvenus par mou grand-père, le dernier grand-
M K LA Ni; ES. 275
niaîlre de l'atelier de la cathédrale de Slra^hourg (de 1785 à 1811;. Ces
recherches m'ont permis encore de compicUer la liste dos arciiitectes de notre
cathédrale, depuis celui qui acheva la tour (1429-1449) juscpi'à mon
grand-père (1 78.")-! 81 1) qui fut l(^ vingt-troisième. L'époque la plus inté-
ressante, celle antérieure , présente des lacunes que je no désesi)èrc pas de
com|)létei'. Je tiens ces noms à votre disposition.
« KI.OTZ,
<i \iTliitM-lp .If la lallifUialp ili' Strasl.iiiirg <■
.M. Kiol/ |)i)uisuil ses recherches sur les artistes du moyen âge en Alle-
magne; il veut bien détacher de son travail les documents qui intéresseront
le plus vivement nos lecteurs; nous lui en exi»rin)ons toute notre reconnais-
sance. Aujourdhui, nous donnons en gravure vingt-six marques et deux
écussons des architectes qui se sont réunis en assemblée générale à Stras-
bourg, le 26 décembre de l'an 1658. Bien avant celte époque, aux xv° et
xiv' siècles, même au xui", nous retrouvons des marques fort analogues sur
les murs des édilices religieux de l'Alsace, du Brisgau, de la Prusse rhénane
et (le l'Allemagne entière. Nous avons relevé nous-mènu! ces maicjues avec
le plus grand soin, et l'on achève en ce moment de les graver pour les
« Annales Archéologiques », où elles seront publiées successivement. Avec
celles que nous avons déjà fait paraître ', on aura les données les plus com-
plètes pour étudier et résoudre quelques-uns des problèmes difficiles qu'on
peut se poser relativement à l'histoire des artistes du moyen âge. Il ne sera
passons fruit de comparer ces monogranunes , qui persistent jus(iu'en 1658
et au delà, avec ceux des trois et quatre siècles antérieurs. Pour ne pas donner
plus d'une planche, notis avons supprimé les écussons de vingt -six des
monogrammes de Strasbourg; deux nous ont paru suffire comme spécimen ,
puisque les vingt-six autres y ressemblent complètement. Sur les banderoles
qui entourent l'écusson d'en Jiaut , on lit : Andréas Sch.midï nveuco.meister
ziE CoLMER. C'est le premier de tout le tableau. Cet André SchmidI était sans
doute le |irésidenl de l'assemblée, le vérilabk^ maître ma(.'on en chef de la
loge. Il serait glorieux pour Colmai- d'avoir fourni alors à la haute Allemagne
l'architecte en chef. Sur la banderole de l'écusson d'en bas, on lit : J.vcou
Sgh.\ifer vox Straszblr»;. Strasbourg ne vient donc qu'après Colmar, car
cet écusson n'est que le second dans le tableau. Voici, en suivant ces mono-
graninics comme on lit un li\re, ce (pie porte chacune dc^ banderoles (pii
les entoure.
1 Irinoles ytnlu'vliHjiqiDS, \ol. II. |iUi:r i'-'M . \ul III. iiiijii' .i\ .
•276 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
A la première ligne, en allant de gauche à droite :
ABKAHAM Dl'NTZ VON BEIIM'.
HANSZ CASPAR MICMEI. VON ZUIICH*.
WKRNEK WUI.LE VON Ul'STTINGEN.
MCLACSZ SAUTIER VON STKASZBtJRG.
HANSZ JACOli FUEIIER VON STRASZBURG.
MEISTEU JACOB HECKHELER VON STRASZBURG.
A la seconde ligne , également de gauche à droite :
JOHANNES BEBERT VON SIRASZBIRG.
HANSZ JOUG BRACHEÏ \ ON ZELL.
HANSZ JORG MARTZ VON STKASBIUG.
TOBIAS WEISZ VON STRASBURG.
SEBASTIAN BRIETTER VON ZISSACH.
LUDTWIG DIËTSCHE VON ZliKCH.
A la troisième ligne, deux monogrammes seulement :
HANSZ RUDOLPH ORI VON ZURICH (à gaUche).
HANTZ JACOB BOKEL VON STRASZBURG (àdrolte).
A la ciuatrième ligne :
ABRAHAM GBEISSING VON UNDER STEINACH.
HANSZ JOltG HERSCHDOKFFER AUS WIEN.
ANDREAS SCPPEL VON STRASZBURG.
JOHANNES REIF VON NURENBERG.
WOLFFGANG STUPPLER VON STCPPEV AUS TIROL.
MEISTER JOSEPH LAUTTEN SCHLAGER.
A la cinquième et dernièie ligne :
MEISTER JOHANN ADAM ROÏH.
JOHANNES LUTZ VON REINEKH.
ANDREAS UEIFF VON NURENBERG*.
HANSZ JACOB BANSEL VON STRASZBURG.
CHRISTOPH HARING VON ROCHLFrZ.
FRIDERiCH HALDTER VON STRASZBURG.
1. Cet Abraliam Duntz ou Deutsli a bien l'air dètrc un juif de Berne; est-ce pour cela qu'il n'a
[tas 'le croix dans sa marque?
2. Nous transcrivons ces inscriptions absolument comme elles sont écrites : Hansz, pour
Jlans, Caspar pour Gaspar, ainsi que plus haut Colmer pour Colmar. C'est de l'allemand du
XVII" siècle, avec la prononciation de Strasbourg.
3. C'est le second Reiff ou Reif , ét;alementde Nuremberg, parent, frère, père ou fils de l'aulrc.
ANNALES A IK; H KO LOGIQUES.
Par ^\. nidron, nie il'Uhii, X" 1, ;i Pnris.
r.oii|M' iiiiiiiiri|iak'
.luinvilli-
C^^^ ^:" ELlSAbET LTM^TGKAVIH WTiVi HESSEH '6ihT
!)IT SV EIHE/AfasT:^iVVEllT blTg7n'''V0Klj:VICH,
;¥,VLS7\lETL7\MT6R7WlVl \fX M • HElefl
(^l•ll^r;o
lin laiiikTinial.
Hiss'uii' par Ficliol.
TreiziÈmc et seizième si&lcs.
Crav^ jiiir Itoiiqct
MÉLANGES. 277
Nous abandonnerons nos lecteurs à leurs réflexions sur l'analogie el la
diversité des nionograninies, conibinéos avec les noms et le pays. Terminons
donc en disant que, dans ce Congrès tenu à Strasbourg, les artistes de Stras-
bourg sont, comme il va sans dire, i)lus nombreux (|U(> ceux, des antres
\ illes. Sur % iiigt-liiiil aiciiilcclcs, on ciniiiilc onze Sliasbouriicois; Coliiiar n fii
a ((u'un seul, mais c'est le iMcniicr, le iircsidciit i)('ulèlrtî.
II.— COIPES DE LA KLNAISSANCE ET Dl MOVLN Ai.K.
En nous envoyant le dessin d'une coupe conservée à la mairie de .luinvilie
et destinée à servir les vins de ville , M. Kcriel, procureur du roi a l.angres,
nous adressait la note suivante :
« Dans quelques-unes de nos anciennes provinces, en tcle desquelles il
l'anl placer la Champagne et la Bourgogne , il était d'usage autrefois que les
corps municipaux offrissent du vin aux personnages de distinction qui visi-
taient la cité et qu'on voulait recevoir avec honneur. Ce vin, symboU; hospi-
talier, était généralement présenté dans des pots d'élain d'une forme allongée
et d'une certaine élégance, nommés (iONDOLES, cimaises ou cimaukes. Le pre-
mier de ces mots figure encore anjourd'hui au vocabulaire de la langue fran-
çaise; le second est commenté dans la plupart des glossaires; dans bon
nombre de paroisses du diocèse de Langres, on donne le nom de cimarres à
certains vases que possède chaque ménage pour offriidu vin aux cérémonies
funèbres. La mairie de Joinville (Haute-Marne) a conservé les vaisseaux qui
servaient jadis à présenter les vins de ville. Ils sont au nombre de quatre,
semblables de forme, mais inégaux en itrandeur. Deux de ces vases ont
soixante centimètres, les deux autres quarante-cinq centimètres de hauteur.
La capacité des premiers est de six litres, celle des seconds de (pialre litres
seulement. Outre deux anses latérales qui accompagnent le ki! élancé de
chacun d'eux, une troisième anse, destinée à les tenir convenablement,
comme aussi à les vider avec plus de facilité, s'attache par derrière, à peu
de distance du couvercle; elleretondx" au même niveau que les deux autres.
Sur le devant, un écusson de forme anti(|ue, (pii s'incline du col à la panse,
présente en relief [les armoiries de Joinville : d'azir a trois nnovEs d'ok , le
CHEF d'au(;ent AL' LION iSiiANT DE GLELLES. Ccs insignes municipaux existaient
vraisemblablement dans la plupart des villes de la Haute-Marne; voici à cet
égard un document curieux qui se trouve aux archives de Langres, sur une
pièce portant la date du siècle dernier et a\ant pour titre : « Mémoire des
278 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
manque? d'honneur dp la magistrature (|iif! l'on a coutuinf de iiorter cliez
M. le maire. » On y lit : « Cejoiird'hui neuf septembre mil. sept. cent, dix-
« sept, madame Boudrot , veuve de delTnnrt Boudrot , maire, a restitué à
« MM. de ville le portrait du Roy à présent régnant avec un cadre doré; —
« plus quatre gondolles d'argent qui ont esté données à l'Hostel-de-YiHe jiar
« feu monsieur de Charmolue, lesquelles gondolles représentent les quatre
(( vins, sçavoir : vin de singe, vin de lyon, vin de mouton, vin de cochon,
« armoriées des armes dudit deffunct au fond destlites gondolles; — treize
(( cimaises, sçavoir : six de chacune tiois pintes, trois de chacune deux pintes
« et quatre de chacune une pinte ou environ ; plus, une petite cimaise. — Un
« marteau de cuivre, pesant environ une livre, pour servir à éveiller le guet
« et garde, etc.. » La dénomination des quatre vins paraîtra, sans contredit,
des plus singulières ; rien , dans les coutumes locales, n'en fournit l'explica-
tion. Toutefois, en considérant les différents degrés par lesquels passe succes-
sivement l'homme qui s'achemine vers l'ivresse, on est tenté devoir, dans le
vin de singe, celui qui fait naître les saillies et excite la gailé ; dans le vin de
lion, celui qui soutient la force et anime le courage; dans le vin de mouton
celui qui provoque la faiblesse, et, dans le quatrième enfin, celui qui fait rouler
le buveur sous la table et le confond avec les animaux immondes. Si telle
était la signification des quatre vins, l'étranger qu'on honorait par un sem-
blable présent ne devait en accepter que la moitié; c'est peut-être dans
cette pensée que les vases de Joinvilleont une capacité différente. Le vin de
singe et le vin de lion n'ont rien qui puisse les faire repousser; mais le vin
de mouton parait indigne d'un homme de cœur, et le dernier paraît indigne
d'un homme. Ajoutons enfin que dans le « Bulletin archéologique », vol. II,
p. 265, on constate qu'il existe à Boulogne neuf pots d'étain dans le genre
de ceux de Joinville.
Il l'ÉRIEL,
.. currespondant des Couiitcs historiques. »
En nous envoyant le dessin de la coupe intéressante de la grande sainte
Elisabeth, reine de Hongrie et landgravine de Hesse, M. Reichensperger ,
juge à la Cour royale de Trêves, coirespondant de nos Comités historicpies ,
nous écrivait :
(< Le dessin que je \ous otfre représente une coupe en argent ( grandeur
naturelle) , dont les bords sont dorés. Klle appartient à l'hôpital de Trêves,
que desservent les sœurs de la Charité. Non-seulement par sa forme et son
MÉLANGES. 27»
âge, mais encore cl suiluul pai- la peisoniic de lu(|uelle elle provient, celle
coupe nje semble ollVir un inléièl peti coinimui. 1,'inscriplion , qui règne
autour lie la paitie superiouro, dit eu alleinaïui du mo\en âge :
El IS.VltETU r.AMiGItWIMi |)F. HKSSK DONNE CECI K.\ TESTAMENT
lUIEZ DIEC l'OL'K MOI
If La (loiialiicc (^sl doiu- sainte Élisahetli, dont lesveilws sni)liiiios ont
trouvé un si digue apologiste dans la personne de M. le comte de Monta-
lemberl , cet illustre et vaillant champion de la religion el de l'art catholitiue.
Le lion licraidicpie de la Hesse est ciselé en relief, au fond de la coupe.
D'après les renseignements que j'ai recueillis jusqu'à présent, mais que j'es-
père pouvoir compléter encore, celte coupe se trouvait ici, à Trêves , dans le
couvent de Saint-Jean , après la suppression duquel elle devint la pro[)riélé
dé riiApital actuel. Cet hnj)ital , originairement un couvent de bénediclines,
fut fondé par sainte Ermine, tilh; du roi Dagobert. (Cependant, rinscri|>tion
.suixaule ,
H X P X F X H X K X Dl) X A X 1 X 5 X 0 X 8 X
qui se trouve gravée au dessous du |)ied de la coupe, semble démontrer que
cet objet, avant de venir en la possession du couvent de Saint-Jean, était
entre les mains d'un |)iètre, qui, très-proljablement, en lit cadeau à ce
couvent.
HEVEIlENniS PATKR l. H. K. DONO DEDIT A»0 1598.
(( J'entre dans ces détails à cause de la [jopularilé du nom de la sainte
donatrice, popularité ([ui lui a clé principalement acquise par votre noble
ami. »
Ajoutons que ces deux coupes du moyen Age et de la renaissance peuvent
nous faire apprécier l'abiiiie (jui sé|)are ces deux. é|)0(|ues contradictoires. 11
n est pasjusquaux plus minimes objets qui ne caractérisent la frivolité de la
renaissance et la gravité des xu" et xui' siècles. Sainte Elisabeth nous par-
donnera de profaner, en quelque sorte, sa coupe des malades el îles pauvres,
par le contact de la coupe des i)uveurs municipaux de Joinville. Ce rapi)roclie-
menl, d'ailleurs, ne peut (|ue faire valoir le moyen âge. Enlin, on nous per-
mettra de donnera propos des vins municipaux ilc Joinville, si célèbns aux
xvr et xviT siècles, quelques renseignements, puisés par nous dans un journal
allemand, sur le vin dit des Apôtres, conservé dans la mairie de Ibéme.
La cave de Brème est la plus ancienne de toutes les caves allemandes; elle
280 ANNALES ARCll KOLOfilQUES.
e»l située au-dessous de Ihôtel de ville. Un de ses caveaux , appelé la Rose
(parce qu'un bas-relief en bronze, représentant des roses , lui sert d'orne-
ment et d'enseigne), contient le fameux vin dil Hosenwein, qui a maintenant
deux cent vingt-deux ans; en elTet , c'est en I(i2'i (pion y a descendu six
grandes pièces de vin du Rhin, nommé Johannisbcrg, et autant de celui
nommé Hochheinier. La partie adjacente de la cave renferme des vins des
mêmes espèces et aussi précieux , quoique âgés de quelques années de
moins; ils sont contenus dans douze grandes pièces, dont chacune porte le
nom d'un des douze apôtres. Le vin de Judas, malgré la réprobation attachée
à ce nom , n'est pas le plus mauvais. Dans les autres parties de la cave se
trouvent les différents vins des années postérieures; à mesure que l'on tire
quelques bouteilles du Rosenwein , on les remplace par le vin des Apôtres ;
celui-ci par un vin plus jeune, et ainsi de suite, de manière que, à la diffé-
rence de la tonne des Danaïdes, les pièces ne désemplissent jamais. — Une
seule bouteille du Rosenwein coule à la ville plus de deux mille rixdales;
une rixdale vaut un peu moins de quatre francs. Vous pouvez calculer la
somme ridiculement énoime que vaut chaque bouteille. Le vin des Apôtres,
surtout celui de la Rose, ne se vend jamais à quiconque n'est pas bourgeois
de la ville de Brème, ou n'a pas droit à ce titre. Les bourgmestres ont seu-
lement la permission d'en tirer quelques bouteilles pour leur consommation
particulière, ou pour envoyer en cadeau aux souverains et princes régnants.
Un bourgeois de Brome, en cas de maladie grave, peut obtenir une bouteille
à raison de cinq rixdallers; mais, pour qu'on lui accorde celte faveur, il est
obligé de présenter le certificat d'un médecin et le consentement du bourg-
mestre et du conseil municipal. Un pauvre habitant de Brème peut aussi en
obtenir une bouteille gratis, après avoir rempli les mêmes formalités. Un
bourgeois a, de plus, le droit de demander une bouteille loisqu'il reçoit chez
lui un hôte distingué, dont le nom est célèbre en Allemagne ou en Europe.
La. ville de Brème envoyait, quelquefois, une bouleille du vin delà Rose à
Goethe, le jour de sa fête. — L'Allemagne est vraiment le pays des buveurs
et des mangeurs. — Si nous n'avions peur de commettre une sorte d'inconve-
nance, nous ferions remarquer que le vin de la Rose, vin du Christ, pour ainsi
tiire, est composé avec le vin des douze apôtres, ce que ce fait peut rappeler
des vitraux, exécutés au xvi*" siècle surtout, où l'on voit la vigne et le
pressoir mystiques. A la base d'un cep de vigne gigantesque, est couché Jésus-
Christ, racine de cette vigne symbolique, laquelle porte sur ses branches,
à la place ou à côté des raisins , les douze apôtres. Jésus est la vigne , dont
les apôtres forment les grappes. Ailleurs, les apôtres vont cueillir à cette
ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
P;ir M. nidron, rue d'Ulm, N" 1, ;i Paris.
■nri II , lui ir.\nii;lotei-m.
IIUIRT UN 1l»l.
Richard r.iPur-dt>-I,ion, roi d'Anglelerre.
MdRI EN 1199
Èk'oiiori' do Giiypnnp, t'emmp ilt> lliMii i II
MOBTF EN lail'i.
' (rAiiL^oiili'iiK», foinmi' de .1('aii-sans-T(MT(
MORTE EN 1218.
ne.isini' par J. de Mdrhulnl.
Doii/.if'me pl IreiziÈme sitelos.
fiifil'/' par PiMH.
MÉLANGES. 281
vigne les raisin? mûrs et les jetleni dans la enve ni'i Jé^us étendu sert de pres-
soir. Des plaies de ee pressoir vivant et divin sortent des jets de san;.' (|ui se
nuMont au jus de? raisins; et de ee vin mystique, rK.:<lise, sou* la l'orme di-
ses pasteurs, abreuve la foule des fidèles. Ce sujet , infiniment \aiie et dont
la ealhédrale de Troyes et l'église Sainl-Ktiennedu-AIont , à Paris, ollrenl
quelques partieularités peintes sur verre au xvi'' siècle , pourrait bien s'être
sécularisé à Brème. Il aurait pu sortir de la vi^ni> de l'iîglise, de la vigne du
Seigneur, pour eiiln'i- dans la cave niunicii)ale des bons bourgeois de Brème.
Ce ne serait pas la première fois qu'un sujet religieux et d'un svmbolisme
très-élevé se seraft transformé, amoin(b-i, sécularisé, pour londx'r dans une
assez grossière allégorie. C'est surtout en Allemagne ((ue le l'ail signale ici
se renconlre assez fréquemment.
III.— STAirivS KOVAI.KS DK rONTK V R AI' I.T.
Dans le dernier numéro des « .Annales ' » nous avons annoncé la transla-
tion à Paris et la restauration ino|)portune des statues royales de lillustie
abbaye de Fontevraull. Nous publions anjouitllHii les gravures de ces monu-
ments exécutées avec une finesse remanpiable, par M. Pisan , d'ajjrès les
dessins que M. J. de .Mérindol , architecte, a eu rol)ligeance de nous donner.
Nous compléterons en peu de mois les détails que nous avons indiciucs dans
les « Mélanges » du mois d'octobre.
Les quatre statues conservées représentent Henri II, mort en I I S'.l ; Bi( liard
Cœur-de-Lion , mort en 1109; Elèonoie de Guyenne, femme de Henri H,
morte en 1204; et Isabelle d'Angoulème, tioisième femme du loi .lean-sans-
Terre, morteen 1218. Klles ont été gravées d'une manière [xmi exacte dans le
grand ouvrage du P. Montfaucon, sur les antiquités de la monarcliie fran-
çaise'. L' .Anglais Stotliard, dans ses « Effigies monumentales de la Grande-
Bretagne * » , en a donné de belles et fidèles gravures, avec des détails de
costume et de coloration.
L'abbaye de Fontevraull fut le lieu de sépulture privilégié des premiers
princes de la dynastie ro\ale des Piantagenels. Henri II, qui en a\ail achevé
l'église principale, voulut y être enseveli dans la nef. Hichard onlonna que
son cor|)s \ fût dépose au\ pieds de son père. Une chioniipie du \ui'' siècle,
1. Annales .-/ic/iéoloijù/ups, vol V, page 23ti Nouts devons ceUc iiolf cl (■clli' iriiujdiinl'liiii.
sur les .sliiliics (leKonlcvriiult, ii M. lo baron de Gnillicriny.
i. Motiiiments de In Moniirchie frunriihe, Inmc II , pages H.')-1IJ
.'{. The monunteninl effigies oj Greal-Rrilain, hy C. .\. Slotliai'd. Londim , 1^17, in-f'.
V. .37
282 ANNALES AHCHÉOLOmOI ES.
publiée par la Société do FElistoire de France, dit : " Li lois Henris nioull fu
povre à sa mort , et si fu enfouis à Fronlevraut. Puis mourut li boins rois
Richars, et fu enfouis à Fontevraut, la boine abba\e de nounains que il avoit
tant améew. Le cœur de Jean Sans-Terre fut déposé dans une coupe d'or,
près du tombeau d'Henri II. Le tombeau d'Isabelle d'Angoulême contenait
également un vase d'or renfermant le cœui' du roi Henri III, fils de cette
princesse. Des tombeaux et des statues recouvraient aussi les restes de
Jeanne d'Angleterre, sœur du roi Richard, et ceux de son fds, le mal-
heureux Raymond VII , dernier comte de Toulouse. La partie de l'église,
qui servait de sépulture à tous ces grands personnages, porta longtemps
le nom de cimetière des rois. Au xvii'' siècle , une abbesse de Fontevrault,
Jeanne-Baptiste de Bourbon, fille naturelle de Henri IV, fil trans[)orler de
la nef au chœur leurs restes et leurs statues. La révolution détruisit les
tombeaux et viola les cercueils; les cendres des Planlagenets furent jetées au
vent, comme celles des rois de France. M. Bodin assure , dans son ouvrage
sur l'Anjou, qu'vui habitant de Fontevrault parvint à soustraire les os du roi
Richard à la profanation, et les conserva religieusement. Les quatre statues
qui ont échappé, nous ne savons par quelle heureuse fortune, à une ruine
complète, furent abandonnées pendant do longues années. M. Stolhard les
trouva reléguées dans le coin d'un cellier. A la honte de la France, des tou-
ristes anglais offrirent plus d'une fois d'acheter ces précieux monuments, pour
leur donner sous les voûtes de Westminster l'asile que nous leur refusions.
Enfin , grâce aux réclamations de MM. Bodin et Mérimée, les statues furent
placées dans une des petites absides de l'église conventuelle, où du moins
une grille de fer les protégeait contre de nouvelles insultes. C'est là que nous
les avons vues , posées sur des Iraveises de bois et portant chacune au cou
un écriteau indiquant leurs noms.
Comme ou en peut juger facilement i)ar nos gravures, ce sont des figures
de haut style et de beau caractère. L'agencement des draperies est surtout,
plein de noblesse. Stolhard reconnaît de bonne grâce la supériorité des sta-
tues de Fontevrault sur des figures sépulcrales exécutées en Angleterre vers
la môme époque, par exemple celle du roi Jean, morl en 1216, et dont
l'effigie sculptée décore le chœur de la cathédrale de Woreester. Chaque
statue a la tète appuyée sur un coussin, et le corps étendu sur une espèce de
drap mortuaire cpii se relève sous les pieds. Il n'y a point ici de ces lions,
ni de ces chiens, (pj'on voit à Saint-Denis aux pieds des rois el des reines. La
peinture des quatre statues paraît avoir été restaurée et renouvelée à plusieurs
reprises. Il serait assez difficile d'assigner à chaque couche une date précise ;
MÉ LANCES. 283
les peintres reslaurateiirs |iouir:ii(Mit avoir suivi le dessin primitif. Sloliriitl
a remarqué, avee beaueoup de justesse, que le costume donné à la statue
d'Henri II est presque entièrement conforme à celui dont le corps de ce roi fut
revêtu après sa mort et dont la description a été faite par IMathieu Paris. Quand
on découvrit, àWorcester, le corps de Jean Sans-Terre, on le trouva aussi
vêtu comme la statue placée sur le londieau de ce prince. De cette exacti-
tude à reproduire le costume, ne serait-il pas logique de conclure à la ressem-
blance des tôtes ?
Henri II a la barbe rase; Ricliard porte la barbe assez Ionique et des mous-
taches. Tous deux ont leur couronne mutilée, et la main droite, (pii portait le
sceptre, brisée. Une agrafe fixe le manteau royal d'Henri II sur l'.'paule
droite; celui de Richard est attaché par une boucle siu- le milieu de la poi-
trine. L'épée d'Henri II est posée sur le drap mortuaire, au cùté gauche de ce
prince; le ceinturon se replie autour du fourreau. Sous le manteau , chacun
des deux rois porte une double tuni(pie ; leuis pieds sont chaussés de bot-
tines éperonnées et galonnées d'or. Les deux reines portent la couronne, un
voile entourant le visage, nn manteau rejeté sur les épaules et reliMiu |)ar un
cordon passant sur la poitrine, une robe longue serroîe à la taille par une
ceinture. Eléonore de Guyenne a eu les deux mains cassées. Isabelle d'An-
gouléme lient les siennes croisées sur la poitrine. T,es statues des rois et celle
de la reine Eléonore ont été sculptées en tuf blanc; celle d'Isabelle d'Angou-
léme l'a été en bois. Les trois premières ont subi des fractures assez graves ;
la dernière est arrivée juscpi'à nous dans un étal d'intégrité extraordinaire.
On a craint un instant que les figures de Fontevrault ne fussent offertes à
l'Angleterre en gage d'entente cordiale. Il est probable aujourd'hui qu'elles
resteront en France, et c'est peut-être aux événements qui viennent de se
passer en Espagne que nous en serons redevables !
PKOMENADi: I:N ANGLETi:rvrxE.
L;i liliiTtéi'sl lioiiiH'
Kii I8'20, il \ a déjà |)lus de seize ans, je déhulais dans le journalisme
par un travail ayant [xuir titre : » Influence de la charte sur les mœurs cl la
littérature en France-. En tète de cette espèce de discours académique,
j'avais mis pour épigra[)he : la liberté est bonne a tout. Trois ans plus tard ,
en octobre 1832, je fondais avec quelcpies amis, peintres, sculpteurs et
architectes, un journal ((ni vécut moins d'un an et qui s'appelait « la Liberté,
journal des arts». J'en écrivis le prospectus-spécimen et j'y répétai ma chère
épigraphe : la liberté est bonne a tolï. Depuis cette époque jusqu'au jour
où nous sommes, cet amour de la liberté s'est affermi, bien loin de s'ébranler;
instinct pur en 1821), il a grandi avec moi-même et s'est élevé à la convic-
tion raisonnée. Ce sentiment est si vif en moi, que dans les pays despotiques,
même quand je n'ai pas l'ombre d'un danger à craindre, je suis physi-
quement oppressé. Lorsque, après plusieurs mois de courses en Turquie, je
revins en France, à chaque tour des roues du bateau à vapeur qui nous
ramenait, je me sentais plus à l'aise; entin, en vue de la ville de Malte,
possédée et régie par un peuple libre, je respirai à pleins poumons. L'op-
pression matérielle qui m'avait tenu jusqu'alors s'était évanouie, et je remar-
quai combien l'àme a diniluence sur le corps, puisqu'une idée gouvernait
ainsi mes organes.
Malte est anglaise, et j'arrive d'Angleterre oiij'ai bu, pour ainsi dire, la
liberté à sa source; cette source coule avec abondance, depuis la Grande-
(jharte de 1216, depuis ce xiu° siècle qui n'en a pas d'autre pour rival, pas
plus en politique qu'en arl. En Angleterre, la liberté n'est pas seulement
politique ou sociale , mais encore individuelle : chaque homme y est maître,
à [)eu près absolument, mais beaucoup plus qu'en France, de son corps, île
son àme et de son intelligence , de ses actes , de ses sentiments et de ses pen-
sées. Liberté de la conscience et de l'enseignement, liberté de la parole et des
écrits, liberté de l'industrie et du conunerce, liberté de l'association; c'est
l'aiVianchisscment sous la i)lu[)art de ses formes diverses. Cet affranchis-
PROMENADE EN ANGI.KTEK U E. 285
sèment profile aux hommes et aux olioses : aux lioniines, qui sont, on peut
le ilii'o, plus dignes que cliez nous; aux iMiosos, qui y sont nieilleuros. Llîtat
aluliciueun certain nombre de ses droits ou doses prélenlions entre les mains
de l'itulnidu, o[ l'individu , (|ui ni'sl pas mineur en tout (•oll)ml^ en Fi'ance,
apprend à portrr ndlilcniciil les d(>\()irs (pie l'cnianiipMlion lui iiiipos(î;
il est forcé de se içou\ orner i.'\\ homme, et non, comme nous h; taisons trop
souvent ici , de jouer en enfant. Si l'archéologie ne réclamait |)as mon temps
et la plaio ipii m'est donnée, j'apporterais de nondireux exemples à l'appui
de mon afiirmalidii ; (pic les suivants suflisenl donc ; je les prends, d'ailleurs,
dans des faits (pii ne sortent pas de nos études spéciales.
On croit, en France, tpie le gouveinoment fait toutes chosiîs mieux (pie
l'homme abandonné à lui-même, et que le monopolo officiel ou social est
préférable à la concurrence iiidi\ iduelle. Par suite de celle coin iction, l'Etal
retient un fort grand nombre de ce qu'il nomme ses prérogatives; (piand il
s'est vu forcé d'en céder quelques-unes, il a néanmoins voulu, le bon père
qu'il est, gérer des établissements officiels en regard dos établissements pri-
vés , pour que son industrie servit de modèle. S'il ne lui est plus |U!rmis, sur
certaines roules, do nous conduire parla main, il persiste ilu moins ii planter
des jalons et allumer des lanternes, ici ou la, pour nous diriger à dislance
et nous empêcher de tomber. Et pourtant, voyez ce qui arrive. L'Élal s'est
fait tapissier aux Gobelinset à Beauvais, cl ses tapisseries à personnages ou
arabesques sont plus pâles de couleur, plus mauvaises de dessin que celles
de l'industrie privée ; elles ne sauraient surtout soutenir la comparaison avec
celles desxvi*^, xv" et xiv' siècles, qui n'ont pas encore péri en France. L'Etat
s'est fait potier et peintre sur verre, à Sèvres, et ses peintures sur verre
n'osent plus se monlrer aux expositions du Louvre, et ses poteries ne valent
pas celles des ex|)Ositions de l'mduslrie nationale. L'Élal s'est fait imprimeur,
il Paris, et l'inqjrimeiie rovale donnerait difficileLuenl les beaux livres ([ue
proiluisenl tous les jours trois ou ((uatre imprimeries de la ca|)ilal(î, et peut-être
même des départements. L'Etal s'est fait architecle, peintre, sculpteur, gra-
veur et musicien a l'acatlémie des beaux-arts, à l'école dos beaux-arts, au
conseil des bAlimenls civils, au consersatoire ; or, des monuments de toute
nature, de toute forme el de toute destination , sont là i)0ur condamner ce
que les grands-prix de Home nous apportent a voir et à cnleniire en fait d Cdi-
fices , de statues, de lal)leaux et de chants.
En Angleterre, pas de Goi)elins, el les tapisseries ipii décorent les palais,
les cliAleaux, les simples habitations bomgooises, s<ml de la plus rare beauté;
pas de Sèvres, el les poteries y sonl réellement inconq)arai)les, el des au-
286 ANNALES AKCHÉOLOG IQUES.
berges do villages, dans le Slaffordshire surloul , élalent aux yeux du voya-
geur des plats, des assiettes, des vases divers dont la pîSte, la dimension, la
forme, les proportions, la couleur, sont surprenantes; pas d'imprimerie
royale , et les livres ordinaires que j'ai rapportés défient , comme encre et
papier, comme impression du texte et des gravures, comme composition et
dessin des caractères, les plus beaux livres connus. Il n'y a ni conseil
des bâtiments civils, ni corps-royal des ingénieurs civils ou des ponts et
chaussées, et néanmoins les constructions y valent bien les nôtres. Les
Anglais ont eu , comme nous, et ils pourront avoir encore des moments
d'erreur : sous le règne de l'égyptien, du grec et du romain , ils ont bâti et
décoré des monuments d'une laideur peu commune. Mais notre laideur vaut
bien celle de nos voisins. Le Panthéon de Paris est d'une qualité intérieure à
Saint-Paul de Londres, dont les petites églises, coroii'.ecellesde Saint-Clément
et deSaint-Marlin, pourraient rendre des points à Notre-Dame-de-Lorette et
Saint-Vincent-de-Paul. Nos colonnes de la Bastille et de la place Vendôme
auraient tort de faire les fières devant celles d'York et de Nelson, et nos arcs
de triomphe ne valent guère mieux que ceux des Anglais; tout cela est peu
beau , aussi bien à Paris qu'à Londres. Mais, privés d'académies, de conseils
et d'écoles des beaux-arts, les Anglais ne sauraient appliquer longtemps une
eslhéti(|ue venue de l'étranger. Ce qui perpétue les doctrines, c'est la perpé-
tuité des corps qui enseignent et pratiquent. En France, pour tuer une idée il
faudrait tuer une académie, et rien n'a la vie dure comme un agrégat de ce
genre; en Angleterre, la mode apporte une doctrine, mais la mode suivante
la balaie, et tout est dit. Ce qui dure, dans ce pays, c'est le goiit national ,
c'est l'art indigène, qui suit sa route à travers de petits courants contraires;
[)Our aller lentement quelquefois, ce goût ne s'arrête jamais entièrement.
Ainsi l'art national, en Angleterre, c'est l'art gothique, et le gothique n'a
presque i)as cessé d'y être pratiqué. A la renaissance, quand le gothique est
vaincu chez nous, il triomphe encore en Angleterre avec Henri VII, Henri VIII
et même Elisabeth; car le style d'Elisabeth lui emprunte tous ses principes et
plusieurs de ses formes. De notre temps, le gothique est violemment com-
battu en France par les corporations officielles; en Angleterre, il entre haut
et fier dans le parlement, à la chambre des lords et des communes, et s'em-
pare d'un édifice trois ou quatre fois plus vaste que l'hôtel de ville actuel de
Paris, et il le construit, le sculpte, le peint, le décore, le meuble entière-
ment, du soubassement au faîtage. Sur les chemins de fer, on rencontre de
nombreuses stations exécutées en style gothique, et ce ne sont assurément pas
les nioins'belles. Dans les campagneset dans les villes, des maisons, châteaux
PROMENAOK EN ANGLETERKi: 287
el palais s'élèvenl en style ogival. Eiiliii, les innoinlualilcs cijlises, collèges,
éeoles el JK'ipiUuix , bi\lis peiit-èlre paideux cents arcliilecles, et principale-
iiienl par .M. A. W. Piigin, sont tons en style golliique. Snr la surface des
trois royaumes unis, c'est une ardente émulation de conslructious seigneu-
riales, civiles, religieuses et pris ées, en style ogival. Les païens eu arl se ca-
chent ou n'existent plus dans ce pays; c'est au point qu'à Londres, lors de
la dernière exposition des statues, lalileaux et dessins, un seul arcliilecle,
i|ui fiil surnommé le d(;rnier des Romains, osa montrer un projet d'édifice
(|ui n'était pas en style gothique'. Dans le pays heureux qui nous a vus
naître, c'est le contraire qui se remarque aux expositions du Louvre, el les
([uelqucs architectes qui aiTectionnent ou reproduisent nos monuments du
moyen âge pourraient s'appeler les pren)iers des gothiques. Telle est la diffé-
rence profonde, due certainement à nos académies, qui marque l'Angleterre
et la France; allons donc, poui' (piel(pi('s semaines du moins, dans un [)avs
où l'art est libre de loul(^ influence ollicielle.
Kn vingt et une heures, avec 55 francs, on est de l'aris à (Jantorbéry, par
Amiens, Boulogne et l'olkeslone; au mois de mai prochain, si le chemin de
fer d'Amiens à Boulogne est en activité, il ne faudra plus que treize heures
et 35 francs. La calliédiale de Canlorbéry a plus de 450 pieds de longueur;
c'est un édifice de la taille de nos plus gftinds et qui garde encore, collés à
son flanc, le cloître et la salle capitulaire que nos cathédrales ont perdus.
On dit qu'un architecte français, Guillaume de Sens, a construit en partie le
chœur et le chevet de la cathédrale de Cantorbéry, à la fin du xif siècle.
S'il en est ainsi , gloiie à nous, car c'est la plus belle portion du noble édifice.
M n.Gérente estime que les vingt et une fenêtres, encore renq)lies totalement
ou en partie de vitraux jieints, et qui décorent les croisillons, les bas-c6tés
du chœur, le sanctuaire et cette chapelle circulaire appelée la Couronne de
saint Thomas, peuvent compter parmi les plus belles (pii existent. Un peu plus
récentes que celles donnéesà Saint-Denis par Suger, plus anciennes que celles
des bas-côtés et du chœur de la cathédrale de Chartres, les verrières de Can-
torbéry égalent les premières el surpassent les secondes. Les bordures (|ui
encadrent ces fenêtres, les feuillages (pii en cernent el n-unissenl les médail-
lons, sont du goiM le plus noble et de l'exécution la plus |)arfaile. Par un
bonheur fort rare , surtout en France, le sanctuaire et la Couronne de saint
Thomas ont conservé une partie de leur ancien pavement. On voit là diffé-
rentes espèces de pavés : la mosaïque de marbre connue en (irèce ou en
1. Voyez \' Ecctesiolo(jis( , }ounia\ ofluiol de la Sociélù ccclésiolo;;ique , autrefois u Camlirid pe
CamMen .Society » ; seconiJe sorie, vol. II.
288 ANNALES AHCHEOLOGIOI F.S.
Italie, et coiiiiiic autrefois à Saint-Ueiiii de Reims; la dalle de liais creusée cl
remplie de mastic l)ruu on de plomb, qui dessine des sujets liisloriques ,
allégoriques ou de pur ornement, comme à Saint-Omei- on à Saint-Denis; la
l)rique émaillée d'une teinte vive ou d'un sujet iiéraldicpie et de fantaisie,
comme à Saint-Pierre d'Orbais et dans un grand nombre de nos églises ; tout
est réuni dans le même édifice, ainsi que dans un musée. En Angleterre, où
sont inconnues les Comn\issions historiques officielles, on protège cependant
les moindres lambeaux du moyen âge avec l)ien plus de respect qu'en France.
C'est grâce à cet esprit sérieux de conservation qu'on voit en présence à Can-
torbéry les trois systèmes de pavés employés aux xii^ et xiii' siècles, le
marbre, la pierre et la brique. En passant, nous jetons les yeux sur le ma-
gnifique mausolée du Prince-Noir, mort en 1376, et nous remarquons avec
admiration le surcot, les gantelets, le bouclier et le casque portés par le prince
pendant sa vie, et re|)roduits en bronze orné d'émaux sûr la statue du mort,
avec la fidélité la plus scrupuleuse, avec l'habileté la plus extraordinaire. En
allant à la cry[)te, on nous montre, à sa place primitive, la statue en bois de
l'archevêque Peckham, mort en 1292. Nous vénérons, dansie Martyrdom, la
pierre où saint Thomas fut assassiné pour la liberté , pierre précieuse entre
tontes, qui a de longueur 1 mètre 45 centimètres sur 40 centimètres de lar-
geur. La crypte est l'une des plus belles et peut-être, avec celle de Chartres,
la plus longue qui existe : elle est remplie de pavés sculptés, de statues, de
boiseries, entassés comme dans un magasin et qu'on doit remonter dans
l'église. Avoir sous l'œil, sous la main des trésors d'archéologie, et manquer
de temps pour les étudier, de talent pour les dessiner, c'est un supplice de
Tantale que j'ai senti vivement, surtout en Angleterre.
Un membre du Parlement, M. A. Beresford Hope, rachète, d'un brasseur,
le vaste couvent de Saint-Augustin, qui est situé dans un faubourg de Can-
torbéry ; il jette à la porte cuves à bière et appareils de distillation ; fait con-
solider ce qui reste d'ancien et reconstruire ce qui n'existe plus; ajoute des
bâtiments neufs destinés à des besoins nouveaux, et fait abandon gratuit du
tout à des missionnaires anglais. Je n'ose dire la somme consacrée par
M. Ho])e à celte œuvre, tant elle est considérable. J'attendrai du donateur
même quelques renseignements ofliciels à ce sujet, pour les faire connaître à
nos lecteurs. La générosité de M. Hope ne se borne jias à l'Angleterre; elle
va chercher des œuvres qui se tentent en France et peut-être même ailleurs.
M. Hope lit un jour dans les « Annales archéologiques» qu'une souscription
est ouverte pour relever les flèches de Notre-Dame de Chàlons, abattues à la
révolution. Aussitôt il envoie cent vingt-cinq francs au directeur des « An-
PROMENADE EN ANGLETERRE. 289
nalesji, pour venir en aide au projet conçu |)ar M le curé de Noire-Dame de
Chùlous. Le couvtnl de Saiiit-Ani;nslin est réédilié en style i,'ntlii(]iie, coninie
il va sans dire, et c'est .M. Bulleilicltl , un arcliitccle di" nierili', iiui dirige
tous les travaux. M. llope disliniiue pailiculièremcnl , entre les autics archi-
tectes anglais, MM. lîtiltcrlicid et ('.arpenter (pi'il siiiiionuiie les l.assns et
Viollet-Leiluc de l'Angleterre. Les constructions nous ont paru exécutées
avec un talent remarquable; mais nous aurions préféré le style du xni" siècle
à celui des XV et xvi', (pi'on aime beaucoup trop en Angleterre et qui ne vaut
pas mieux chez nos voisins que chez nous.
.4près un jour et demi passés à Cantorbeix , il lalUil ipiilter celle \ ille dont
il serait nécessaire deludier la cathédrale pendant plusieurs semaines. Lu
coach nous prend donc a huit heures du malin et nous emmt'ne au grand trot
jusqu'à Uochesler, à travers les plus jolis cottages, les prairies vertes, les
plaines et les collines chargées de houblon, cette vigne herbacée de l'An-
gleterre. Un architecte, conune il y en a peu fort heureusement en Angle-
terre , a déliguré par des restaurations l'intéressante cathédrale de Rochesler.
Contre les jambages de l'ancienne porte du chapitre, étaient dressées deux
statues de femmes qui représentaient la Synagogue et l'Église, la Religion
juive et la Religion chrétienne : la Synagogue les yeux couverts d'un voile,
la couronne tondianle, les tables de la loi renversées; l'Église , les yeux per-
çants, la couronne ferme sur la tète, la croix droite dans la main. Il en était
à Rochesler connue à Reims, à Strasbourg, Worms, Amiens, connue partout.
Malheureusement l'Église avait la tôle mutilée, et M. Cuttingham, le susdit
architecte, le Debrel de l'Angleterre, n'est pas plus inslruil que certains archi-
tectes français; ignorant le sens de ces ligures, il a mis une lèle d'homme,
une tête d'évéque mitre, relie de saint Augustin, sur le corps de la Religion
chrétienne. C'est ainsi (pu; .^L l'architecte de Saint-Denis piqua si ingénieuse-
iiu.'nl, il y a quelques années, de la barbe et des moustaciies sur la figure de la
vierge .Marie. Quant à l'architecture de celte cathédrale, M. Cultingham l'a
traitée à la façon de la Religion chrétienne. Comme nous pouvions nous
croire en France, à Saint-Denis, à Reims ou Chûlons, nous dûmes nous em-
presser de remonter en voiture pourGravesend, d'où un bateau à vapeur nous
ennuena juscpi'au-dessus du pont de Waterloo, dans le to'ur même de Lon-
dres. Kn passant, Greenwich me parut digne de nos Invalides; (|nant aux
docks où des milliers de vaisseaux sont remises, quant à ces (Mnnil)us à va-
peur de la Tamise qui descendent et remontent si nombreux et si rapides le
large fleuve, j'en avais un éblouissement. Nous arrivions dans Londres à la
nuit tombante!, et nous en partions le lendemain, au jour naissant, p(jur Bir-
V. 38
290 A^NAL^:S ARCHÉOLOGini'ES.
mineliam. Tonte la nuit , ce que j'avais vu de Londres me revint en rêve, et
ce rôve je le portai pendant douze jours , jusqu'à Lincoln.
De Londres à Birmingham , cinq heures de chemin de fer, sur les ban-
quettes dures et nues des voitures de seconde classe. Henrensement que les
belles cam[iagnes de l'Angleterre, où paissent des animaux si bien portants,
où croissent des arbres si vigoureux , où coulent des rivières si raombreuses ,
nous arrachaient à la fatigue. Birmingham est neuf et sans intérêt pour un
archéologue; c'est la ville des métaux, du fer et du cuivre. Cependant Saint-
Chad, la cathédrale catholique bâtie en stylé ogival par M. Piigin, mérite
une sérieuse attention. L'amour que M. Pngiu porte aux xv' et xvf siècles
nous parait très fâcheux , et cette période fait en partie les frajs de l'église et
de l'évêché bàli en face; mais c'est toujours une grande chose qu'une église
entière, qu'un évêché complet, construits, sculptés, peints, ornés, meublés
sous l'inlluence d'une pensée unique et par le génie d'un artiste en qui revit
l'esprit du moyen âge. Mf^'Fuyet, évêque d'Orléans, est hostile à l'archéo-
logie chrétienne ; il pense qu'avant de s'occuper des pierres on devrait songer
aux âmes, et que, pour convertir, une prédication vaut mienx qu'une bâtisse.
L'Angleterre donne tort à Ms'' Fayet : avant la construction de Saint Chad,
nous a dit ^I. Moore, curé de Birmingham, on comptait de deux cent cin-
quante à trois cents catholiques, qui se réunissaient dans une sorte de cham-
bre; depuis et en ce moment, il y en a dis. mille. M. Moore attribuait le plus
grand nondne de ces conversions au monument même, que l'on venait voir
par curiosité, où l'on j)Ouvail officier dignement et d'où l'on sortait plus ému
qu'après un sermon quelconque. Le dimanche, 30 août, nous avons assisté,
dans Saint-Chad, à l'office du soir, et nous avons pu comprendre que ce
novau de catholiques qui encombraient l'église et qui chantaient des psaumes
en chœur, pourrait bien petit à petit réchauffer l'immense et froide population
protestante de la ville et attirer à lui les âmes redevenues ardentes. M«'' Fayet
se trojnpe : c'est par !es sens qu'on prend l'esprit, c'est par le corps qu'on
saisit l'àme.
Deux billets envoyés par M. Pugiu, [)Our la cérémonie qui devait avoir
lieu le lendemain et le surlendemain à Cheadle , nous attendaient chez un
oncle de M. Gérente, où j'ai reçu la plus affectueuse hospitalité. Le 31 , au
matin, après une heure de chemin de fer, nous descendions à Stafford. La
station de Stafford, construite en style Elisabeth, est l'une des plus char-
mantes (pie nous ayons vues. De Slatl'ord à Lougton, dont les poteries ont
une si grande et si juste réputation , nous avons fait la route en coach. Ces
coachs sont des fiacres à deux ou qualie chevaux , qui courent avec
PROMENADE EN ANGLETERRE. 291
une ropidilé tio niallo-poste. On csl monte'' sur l;i voiture, eu di'liois; le
iledans est réservé aux ent'anls »■( aux femmes (|ui craignent de saven-
lurer sur la caisse. Nous étions sur l'impériale, liuil tievant, huit derrière,
un sur les malles; quatre autres personnes remplissaient l'intérieur; le tout
pour deux chevaux seulement , cpii n'avaient pas l'air d'en couiir plus mal.
il est vrai (pie ces routes anij;laises, qui appartiennent aux particuliers et que
n'entretient pas, comme chez nous, un corps royal des ponts et chaussées,
sont si belles et si lisses (piune \oilnre , une l'ois poussée dessus, send)le v
aller toute seule, comme un wai^on sur dos rails de fer. De Longton à
Cheadie, il y a trois lieues; mais nous dûmes couchera I.ongton, parce que
toutes les auberges étaient |)rises à Cheadie et que nous n'aurions pu v
trouver de place. Le lenden)ain , à huit heures du matin , trois heures avant
la cérémonie, nous entrions dans (Cheadie (pii s'aniin.ul ilejà. On était au
mardi t"septend)re.
i,a petite ville de Cheadie, située dans la pailie sei)tentiionale du comte
deSlalVord, est à deux lieuis d Allon-lowors, résidence principale de lord
Talbot, comte de Shrewsbury et donateur de 1 église nouvelle. (Àlte église,
dédiée à saiut Gilles, est posée presque au pied de la colline escarpée sur
laquelle la ville s'asseoit comme en amphilhéAlre; mais Cheadie étant envi-
ronnée de tous côtés par de petites uiontagnes, h; clocher de l'église peut
se voir d'une grande distance et de toutes les diieclions; ce clocher, qui s'ai-
guise en llèche octogonale, est d'ailleurs fort élevé, et de plus un chef-
d'œuvre; rien de plus eiiaiiiianl dans ce beau passage. .M. l'ugin doit être
lier d'avoir si bien répondu à la pensée de lord Shrewsbury ; le génie de l'ar-
chilecle et la munificence du donateur nous repoitaient en plein iiioyen âge
et nous éloignaient, grîlce à Dieu, des œuvres et de l'esprit des temps mo-
dernes. Lord Shrewsbury y a mis trente-cinq mille livres ^ huit ceul soixante-
quinze mille francs), M. Pugin six ans; l'un sa générosité, l'autre son talent,
et tous deux ont ainsi dote l'Angleterre d'une œuvre; (pu honore ce noble
pays.
Dés le matin du I" se[)lenibre, la foule obstruait les rues; à dix heures,
tout le monde se dirigeait vers l'église. Le temps était des plus ijcaux , et le
soleil ajoutait .sa splendeur à la majesté do la scène; des rayons teignaieni en
pourpre la pierre de l'église et du clocher. Cette pierre, dite de cendre , est déjà
rouge par elle-même. Je n'avais encore remar(|ué cet ellel que sur les blocs
ardents dont sont biUies les cathédrales de Fribourg et de Slra.-bourg. Ceux
qui devaietil prendre part à la cérémonie, ceux ipii avaient été lavori-sés de
billets, étaient reunis dans la cour du cimetière qui environne l'église. Deux
292 ANNALES ARCHÉOLOGlOl'ES.
policemen sufllsaieiil pour contenir la foule du dehors et protéger les entrants;
en France, il aurait fallu une compairnie do municipaux. Les évêques, à
mesure qu'ils arrivaient, excitaient nn vif intérêt, mais nul plus que Jacob
Héliani, archevêque catholique de Damas; les persécutions dont il porte les
marciues et que les Drnses lui ont fait souifiir, à lui et à son peuple, dans
les montagnes du Liban , où tant d'églises furent brûlées, tant de prêtres
assassinés, attiraient les yeux sur ce vieillai'd à barbe blanche et vêtu du
costume oriental.
Quckpies instants avant la cérémonie, IM. Pugiii voulut bien nous conduire
dans l'église, où personne n'avait encore jjénétré, et nous en montrer toutes
les parties. (]ette église, parfaitement orientée, se (•on)|)ose d'une tour occi-
dentale que surmonte la llèche ; d'une nef de cinq travées, avec ailes et por-
ches au nord et au sud ; d'une chapelle de la Vierge au nord, d'une chapelle
du Saint-Sacrement au sud; d'un sanctuaire, avec sacristie et tribune d'or-
gues, au nord. Le style adopté par l'architecte est le style ogival fleuri du
xv^ siècle , celui qui régna en Angleterre sous les Edouard IV et V. M. Pugin
nous a dit avoir imité de préférence l'architecture nationale anglaise, et pour
Cheadle, situé dans le Stafl'ordshire, l'architecture même de la contrée. Tou-
tefois M. Pugin, qui connaît et aime la France, a reproduit à Cheadle plu-
sieurs motifs de l'architecture française et de l'architecture du xiii" siècle.
Nous regrettons vivement ce mélange , car notre xiii" s'allie mal au xv*" an-
glais; nous regrettons surtout (jue M. Pugin porte un si constant amour au
gothique fleuri. En Angleterre, comme en France, la belle, l'irréprochable
architecture est du xiii' siècle; c'est celle des cathédrales de Lincoln et de
Salisbury, de l'abbaye de Westminster, de la chapelle du Temple, à Lon-
dres, et de tant d'autres sublimes monuments. Nous croyons, en France,
que les Anglais n'ont pas d'autres édifices que des cathédrales normandes en
plein cintre, et que des collèges, hôtels de ville et châteaux, en style Edouard
ou Tudor, fleuri ou perpendiculaire. C'est une erreur complète; la faute en
retombe sur les archéologues et architectes anglais , qui se sont attachés à
décrire, à dessiner, à copier les édiûces des xv' et xvi'^ siècles de leur pays,
en tournant le dos à ceux des xii'' et xiif. M. Pugin me pardonnera ma fran-
chise, mais j'ose le blâmer, et cela depuis plusieurs années, de copier le
gothique de décadence, tandis qu'il a sous la main des monuments si considé-
rables et si nombreux du style chrétien dans sa maturité. De jeunes archi-
tectes anglais, fort heureusement, répudient en ce moment ce style ago-
nisant du XV'' siècle, [xmr adopter celui du xiif ; M. Scott, l'un d'eux,
donne énergicpiement le sii^nal de cette réaction. Nous opérons (jue M. Pugin
pHOMFN.vnr. r.N anciktf.hui: 293
ne se laissiMii p;is ilt'vaiici'r (lav;int;ii;f, car r'csl lui (pii doit lonir If sci'ptn^
lie la renaissance oijivale en Ani^lelerre.
Lenlroe occidentale de l'église Saint-Giles est percée dans la lotir; elle
consiste en un passage orne de inonlincs nond)reuses, décoré de létes de
lion, de ieuilles de cliène i|iii ml eut les armes des Talbot. Les portes sont
en bois de diène coupé dans les forèls de lord Slire\vsl)ur\ . Deux grands
lions rampants et en fer doié sont cloués, en guis(> de peutiires, sur ces portes
épaisses; le lion est ralliilml lin;il(lii|in' ilo i;illi<il. Il exisK^ en Angleterre
des exemples dune paicillc dceoiiiiion , mais nous lui jjrérérons celle (pie
produisent nos |)entures; c'est moins sauvage. Au-dessus de la porte, une
grande fenêtre a trois jours; |)his haut, deux fenêtres à deux jours sur chaque
face de la tour; puis, le long de la llèche, tiois étages de lucarnes sur-
montées de pignons que décorent des crochets. Kidin , tout au sommet, une
croix de fer et de cuivre , dorée en partie et surmontée d un eo(]. Celte croix,
haute de 10 mètres, est assujettie par (juatre barres de fer reliées à un collier
également en fer qui étrangle le sommet de la lleclic l.a liaulrm totale de ce
clocher est de 70 mètres, à partir du niveau du liincticre. Nous le répétons,
c'est un chef-d'œuvre; tout le momie, en le regardanl, était ravi. L'archéo-
logue pourrait y discerner des epo(pies diverses et discordantes ; l'artiste
pourrait blâmer cette masse de la tour, trop nue pour |)orter une flèche très-
ornée ; mais l'ensemble saisit, et donnerait tort à l'artiste comme à l'archéo-
logue. Six cloches animent la tour; on \ lit les six inscri|)lions suivantes
tracées en capitales gothiques :
LaiidalL" Domiiuiiinle cœlis; laiidaU' ciini in cxcelsis.
SancI* Franciscp, ora i>ro nol)is.
Sancle Cœdda, ora pro nobis
Ave Maria, gralia plena.
Sancte Egidi , ora pro nubis.
Tu os Potriis. Pt super liaiir l'i'liam a'ililkaljo cccli'siaiM lucaiii.
Les quatre pères de ICglisc lalinc , les quatre ('vangélistes et Iimiis allributs
sont sur les côtés de la lour et ans iiiiiilcs de hi jlèclie. Au moyen i'lg(^ , les
cloches sont remi)lemc des predicalenrs; or, les premiers prédicateurs chré-
tiens sont les évangélistes , comme les pères en sont les plus puissants. « Le
cloches, dit (Guillaume Durand, ligiinnl les prédicateurs ipii , à l'exemple de.
la clociie, doivent appeler les lidèles a la loi ' ». .M. Pugin ressuscite le
moven âge entier, corps et àme. (xtte sonnerie est un peu crianle; elle a etc
1 /Idtioiia/e (liviiionim nj/icioiiim , lit), i, cliap. i\ . n" l.
29V ANNALES A RCHÉOLOGIOr ES.
exéciilée par MM. Meais de Wilechapel, à Londres C'est pour la seconde fois,
depuis la renaissance du culte catholique, qu'on a fondu une sonnerie de ce
genre; elle a coûté 25,000 francs.
En redescendant au bas dn portail, nous voyons sur les contreforts saint
Pierre à droite du spectateur et saint Paul à gauche, ces deux colonnes de
l'Église. Ce sont deux statues médiocres : saint Pierre tient les clefs, et saint
Paul le glaive. Dans un angle rentrant des contreforts du clocher, au côté
sud , lord Shre\ysbury, en longue robe et grand manteau , couronne de
comte en tête, s'agenouille pour offrir à saint Gilcs, habillé en abbé crosse,
le modèle de l'église; il est assisté de saint Jean-Baptiste, sou patron, qui est
debout. C'est un joli bas-relief, dans le style et l'esprit du \uf au xn •^ siècle.
A la hauteur de la seconde travée, s'avance en saillie un porche sur le côté
nord, un porche sur le côté sud.' Ces deux porches, d'une proportion ro-
buste, sont voûtés en pierre. Le porche du nord est destiné à l'entrée des
femmes, qui ont leur place dans la partie gauche de la nef; celui du sud, le
même de proportions, mais plus riche de décoration, est aux hommes, qui
occupent la partie droite. Dans le pignon qui termine le porche des femmes,
est assise une statue du Sauveur qui bénit ; dans son correspondant, au porche
des hommes, c'est au contraire une statue de la Vierge encensée par deux anges
et allaitant l'enfant Jésus. M. Pugin, qui est poète autant qu'architecte, a donc
mis une pensée dans chacune des pierres brutes et sculptées de son église.
Le sol des deux porches est pavé de briques émaillées que chargent des
devises diverses au milieu desquelles on lit cette inscription : « We will go
into the house of the Lord with gladness » (Nous irons dans la maison du
Seigneur avec joie). Nous ne pensons pas qu'on ait jamais eu plus de bonheur
que M. Pugin dans le choix des épigraphes et devises. Nous croyons seule-
ment que le savant architecte abuse un peu trop des in3crii)tions; au moyen
âge, on est bavard; mais ni les pierres ni les œuvres d'art ne parlaient
autant que le suppose M. Pugin.
L'extrémité orientale du sanctuaire est droite, suivant l'usage anglais, et
non arrondie en abside comme chez nous. Elle est soutenue par deux contre-
forts d'angle percés de deux niches qui contiennent les statues de saint Jean-
Baptiste et de saint Jean évangéliste. Ces statues sont en style du xvi*', les
consoles qui les portent rappellent le xiv% et les dais qui les abritent s'éloi-
gnent i)eu du xv°. Saint Jean- Baptiste tient sur un grand livre fermé un agneau
naturel (l'agneau divin), comme on le faisait au xvi" siècle. Dans le mur du
chevet , sous la grande fenêtre qui l'éclairé, sont sculptés trois anges inscrits
chacun dans un qnatre-feuilles dont la forme rappelle ceux du soubassement
PROMENADE EN ANi. LiyiKK KK. a!.r>
occidental tic la callK'dralo (i'Ainicns. Ces anges ticnnonl dos eniblènips sa-
crés : celui ilu iiiilifii un ayncau de Dieu , celui de droite une feuille de vienne,
celui (le gauche une biaiulie de cliène. Nous avons oublié île ilemaiidcr à
M. Pugin le sens de ces alliibuls Nous reprochons aux anges de [KHtcr des
nimbes crucifères, surtout quand le |)etit agneau que tient lun deux n'a pas
niènie de nin)be. C'est une distraction ilu sculpteur; nous la signalons à
M. Pugin, (pii sait mieux que nous (ju'aux seules personnes divines appartient
le droit de poiier le nindte timbré d'une croix. V.w liant , dans le pignon, est
percée une niche (|ui reçoit la vierge Marie tenant I Knfant ,à la créle du toil
s'élève une croix lleuronnée, en [lierre. A la chapelle du Saint -Sacrement ,
qui est en retraite sur leche\el, côté sud, uns niche contient une représenta-
tion de la résurrection du Sauveur; de l'autre côté, au nord, la sacristie et la
tribune de l'orgue à laquelle on monte par un escalier en spirale dans une
tourelle. Le sanctuaire est plus bas (]ue la nef dont le toit , à sa rencontre
avec celui du sanctuaire, porte un petit clocher qui contient la cloche « Sanc-
liis». Les mots -[ Sanctusj* Sanclus "f Sanctus , sont gravés autour de cftle
cloche, qui ne sonne qu'après la préface, au moment où l'on chante le
« Sanctus » et oii va commencer le canon de la messe. Les toits sont très-
aigus; ils sont couverts de nappes de plomb assez étroites, et que des bourre-
lets assujettissent entre elles. Les faitières sont surmontées de crêtes dorées en
partie. Ces crêtes, qui figuraient anciennement sur tons tes toits des bàtunents
ecclésiastiques d'une certaine importance, non-seulement produisent un riche
et bel effet, mais sont réellement utiles, en ce quelles maintiennent et com-
priment le plomb et le garantissent des violentes secousses dn vent, il serait
bien temps de replacer ces crêtes au sommet des toits de nos cathédrales;
au lieu , |)ar exemple , de dénaturer les tours de la cathédrale de Hcims ,
ainsi rpi'on vient déjà de le faire à l'une des deux, il serait un peu plus utile et
raisonnable de refaire, comme elle était, la crête qui couronnait le grand toil.
La pierre de Saint-Giles sort des carrières de lord Shrewsbury, le bois des
charpentes sort de ses forêts, les terres cuites du pave sortent de ses brique-
teries; ce sont ses ouvriers qui ont taillé et posé la pierre, équarri et posé
les charpentes, cuit et posé les briques; c'est l'intendant de ses construc-
tions, M. Denys, qui a surveillé les travaux; c'est son ami , .^^. Pugin, qui
a conçu le monument, en a donné le dessin , en a dirige la constriution et
l'ornementatiftn.
.\près l'extérieur de l'église, (pic nous venons de voir Ircs-rapidcmcnt ,
entrons un peu dans l'intérieur. Luc grille de fer ouvragé sépare de l'église
le |)assage ou porche pratirpié sous la tour; on la pousse, et l'on se trouve
:20G ANNALES A HCH ÉOLOGIQUES.
dans la nef. Cette nef a cinq travées de 4 mètres d'envergure; en hauteur elle
a 15 mètres; en largeur, y compris les ailes, 13 mètres. Les colonnes, libres
ou engagées, ont des chapiteaux de dessins différents. Ces piliers, la toiture
entière ou charpente (qui est apparente comme en Italie et en bois de chêne
anglais;, les nuiraillos, les arches, tout est couvert d'ornements peints et
dorés; c'est d'un effet réellement magi([ue. L'aile du nord est peinte en bleu
foncé, celle du sud en rouge ardent. Partout se révèle la pensée s\mbolique
de l'architecte. Les prophètes, copiés d'après d'anciennes fresques d'Italie,
dominent les arcades ; des anges, jouant de divers instruments de musique ,
sont sculptés sur des encorbellements ou pierres saillantes qui reçoivent les
poutres principales de la charpente. La travée occidentale de l'aile du sud est
séparée de la nef par une cloison de cliène ouvragé où s'implantent des bar-
reaux de cuivre poli; c'est une chapelle pour les fonts de baptême. La cuve
baptismale est en albâtre et de forme octogonale; elle est sculptée de quatre-
feuilles qui encadrent les évangélistes et quatre anges chargés de couronnes.
Des dragons sont écrasés sous le piédestal; ils représentent le péché détruit
par le baptême. La fenêtre qui s'ouvre sur celte chapelle e^-l à trois jours ; les
vitraux qui remplissent le jour du milieu montrent saint Jean et le Saint-
Esprit ; saint Jean tient l'agneau de Dieu, et le Saint-Esprit descend du ciel en
terre dans une gloire qu'illuminent sept étoiles, pour figurer les sept dons de
la troisième personne divine. Ixs jours latéraux sont occupés par huit vertus
écrasant huit vices. L'Humilité terrasse l'Orgueil; la Charité, l'Avarice ; la Foi,
l'Idolâtrie; l'Espérance, le Désespoir, etc. Toute l'église est remplie de bancs
fixes, en chêne sculpté de moulures et de rares ornements Des briques,
émaillées de couleurs différentes, chargées d'attributs héraldiques, de devises
et de sentences bibliques, pavent la nef et les ailes; le soubassement de
l'église est tapissé lui-même de carreaux émaillés. On a préféré ces carreaux
indestructibles à la peinture murale qui n'aurait pu résister au frottement. Du
reste, ces briques et carreaux émaillés sont hiérarchisés, pour ainsi dire;
très-riches de couleurs et d'ornements dans le sanctuaiie, ils sont déjà i)lus
simples dans les chapelles, plus sinq)les encore dans nef et fort connnuns
dans les ailes. Ce n'est pas à !M. Pugin qu'on pourra jamais reprocher l'ab-
sence de pensée, même dans les détails. C'est un grand charme , en vérité,
que de disscquei' ainsi tout un édifice où la science et la croyance d'un homme
de talent sont traduites en pierre, en albâtre, en verre, en terre cuite, en
bois, en fer, en cuivre , en argent, en or, en laine et en soie.
Au fond de l'aile du nord est la cha|)elle de la Vierge, qui s'annonce par
une grille en chêne peint et doré, et que surmonte une crête de fer découpée
PROMENADE EN ANfiLETERUE. 297
en fleuis-de-lis. Le sol de celte chajH'lle est pavé de l)ri(jues où s'éinailleiU les
roses el les lis qui appartiennent à la Vierge. I/aiitel est en ulhAlre el vrai-
ment viriiinal; il porte un lripty(]ue ancien, du xv' siècle, en bois de clit^ne
et provenant de la Helyiciuc ou de la Flandre. Trois fjrands sujets el plu-
sieurs petits i^rDupcs, (pii n'iirésentiMil la Passion, la|)iss('nt ce joli iiioiuiiiient.
La fenêtre ouverte sur celle chapelle otïre en peinlun^ sur verni l'Annoncia-
tion cl Marie tenant Jésus. Sur les autres verrières qui éclairent les bas-côtés,
f)n \oit les sej)! (Hîuvres-de-Miséricorde, la Vierge entourée des atlriliuls in-
voques dans ses litanies, Jésus montrant son cœur, saint Pierre, saint Paul,
saint Jean évangéliste , saint Giles , saint Chad, et le buste de plusieurs saints
saxons. Une assez mauvaise peinture à l'huile , exécutée à Rome et repré-
sentant le jugement dernier, remplit l'arcade murée qui réunit la nef, laquelle
est haute, au sanclu;iiii', (|ui est bas.
La chaire est |)latee au nord, près de la chapelle de la Vierge; elle est de
forme octogone; sur ses faces, on voit sculpté saint Jean prêchant dans le
désert et les trois grands prêcheurs du moyen âge, saint Bernard , saint Do-
minique et saint Fran(,-ois. Tout est vivant dans cet édilice. Quatre couronnes
ardentes, en fer et cuivre, ayant la foiuie d un six-feuilles , émaillées et
dorées en partie, portent chacune vingt-quatre bougies. Klles sont suspendues
aux charpentes par des chaînes en fer. On y lit , coulée en émail , celle in-
scription latine : « Domine, da nobis lucem ;>. Treize cierges s'allument au
jubé à jour qui sépare la nef du sanctuaire, et des branches de cuivre por-
tent douze autres cierges, là où sont marquées les croix de consécration. Tout
est couleur, or el lumière.
Au fond de laile septentrionale, reluit, on peul le dire, la chapelle du
Saint-Sacrement. Une grille en cuivre plein, exécutée avec une rare perfec-
tion dans les ateliers de M. Hardman , à Birmingham, ferme cette chapelle.
Les panneaux inférieurs de cette grille sont renqilis d'ouvrages ciselés el forés
qui représentent l'agneau de Dieu et des vases sacres. La partie supérieure
est hérissée de croix el de couronnes destinées à porter des cierges. Quoique
légère en apparence, celte grille est d'un poids énorme; elle a demandé
deux années de travail. Les briques émaillées du pavemenl oftVenl des croix,
des agneaux, le mol « Sanctus « semé sans nombre; elle- |Mirli'nt en outic
les inscriptions suivantes : " Domine, non .-^um dignus » ; — « Panem ange-
lorum manducasil homo »; — « l'anem de Cielo dedil eis » ; — « Adoremus
inaeternuni -andissimum sacramcnlum >'. — La chapelle est entièrement cou-
verte de dorures : feuillages , grenades , raisins , agneaux , ornements da-
massés, (".'est d'une richesse éblouissante. L'aulel est en albiitre el sculpté de
v. ;}9
298 ANNALES AUCII KOLOG IQUES.
chérubins à trois paires d'ailes; il porle de richos chandeliers et un taber-
nacle couvert d'or et d'émaux ; il est paré de linges, et de tissus d'or et de
soie, où brillent les emblèmes du mystère auquel cette chapelle est consacrée.
De la voûte descend une iam|)e enfermée dans une couronne à six pans, sur
chacun desquels est écrit l'un des attributs do la Divinité :
VIRTUS. — IIONOR. — SAI'IENTIA. — CHARITAS. — BENF.DICTIO. — FORTITUDO.
La fcnètio cpii éclaire cette chapelle porte', en vitraux peints, une vigne
touffue haliitée par des chérubins qui tiennent des inscriptions en l'honneur
de l'Eucharistie ; au centre , on voit Jcsus-Christ accompagné des évangé-
listes, et on lit sous les pieds du Sauveur : « Amen , amen , dico vobis, ego
sum panis vivus qui de cœlo descendit ».
Quant au sanctuaire, presque aussi large que la nef, il a neuf mètres de pro-
fondeur. La voûte est en chêne, cintrée en ogive et divisée en panneaux par
des nervures sculptées. Les panneaux sont semés d'étoiles d'or et du mono-
gramme du (Christ entouré de bordures brillantes. Nous aui-ions préféré une
bonne voùle en pierre. Le champ des murs est entièi-ement doré ; quatre-
feuilles, guirlandes et feuillages sans nombre. On y voit des anges qui portent
des banderoles sur lesquelles se lisent des versets du « Te Deum » et du « Be-
nediclus». La grande fenêtre orientale, qui verse sur l'autel la lumière du
soleil levant, offre l'arbre de Jessé ou la généalogie du Christ; saint Giles et
saint Cliad , les deux patrons chéris de cette église, assistent à cette généa-
logie divine. Comme les autres, le grand autel est revêtu d'albâtre et couvert
d'anges assis sur des trônes, et qui jouent de divers instruments de musique.
Sur le retable, est sculpté le couronnement de la Vierge; Marie est accom-
pagnée d'auges qui l'encensent et qui portent des cierges allumés en son hon-
neur. Dans le mur, à droite ou au sud, sont creusés les trois sièges pour le
prêtre officiant^ le diacre et le sous-diacre. M. Pugin, contrairement aux
usages français, et, nous le craignons, contrairement aux prescriptions de la
liturgie latine, n'assied pas le prêtre entre le diacre à droite et le sous-diacre
à gauche, mais en avant de l'un et de l'autre comme quand, pendant le
« Gloria » ou le « Ciedo » , par exemple , ils s'échelonnent en flèche sur les
marches de l'autel. Par suite de ce système hiérarchique, M. Pugin a élevé
le siège du prêtre d'un degré sur celui du diacre, de deux sur celui du sous-
diacre. On trouve, en Angleterre, ce qu'on appelle des » sedilia » disposés
ainsi ; mais a-t-ou bien constaté que ce sont des sièges et qu'ils étaient des-
tinés au célébrant et à ses deux acolytes? Les emblèmes respectifs du prêtre,
PKOiMKNADE KN ANf.LKTKIUlE. 290
du (liiUTC o\ (lu -iuiis-diiK'ie sont sculptés au dos dos siégos de i'.lioailio. Dans
If mur (lu iKird , en face des « sedilia », est creusé le sépulcre de Jésus-dlirist
pour le service de Pi'iques. C'est là qu'on expose les reliquaires, sous une
voûte doublée de moulures très-saillantes et très -ouvragées. "I.a Irihune de
l'orgue s'ouvre au-dessus par six arcades garnies de grilles en cuivre. I.'liar-
nionie part ainsi du fond oriental de l'église; elle se répand, de re\lr('niil('
du sancluaiic, sur les fidèles échelonnés dans la nefet les ailes, l'ne couronne
ardente en l'er, du xv siècle, d'un travail exquis, a été rapportée de Ihindiv
par M. Pugin; elle est suspendue au centre du sanctuaire.
Les vases sacrés, les livres liturgiques, le linge, les ornements sacerdo-
taux, les tapisseries, dont celle église esl abondamment pourvue, ont été soi-
gneusement dessinés et exécutés d'après d'anciens modèles cl dans un style
approprié à celui du monument. I.c généreux l'ondaleur n'a rien omis de ce
qui pouvait contribuera reiulre |)lus solennelle la célébration des ollices divins.
L'église entière esl entourée d'un \aste jardin, ou cimetière, enclos de
murs épais et dont les limites \ont être plantées d'ormes et il'antres arbres.
A l'angle sud-ouest du terrain, et attenant au porclie septentrional, s'élève
une grande croix de pierre. Une suite de marches lui conq)ose un perron où
la base est plantée. A chaque angle de celte base esl sculjjté l'attribul d'un
des évangélisles, et, sur les quatre faces, un calice où tombe le sang
qui coule du |)ied de la croix. C'est le symbole du Sauveur qui répand son
sang dans les quatre coins de la terre. Le fût ou le tronc de la croix, chargé
de Heurs, s'élève à plusieurs pieds au-dessus de la base; il en part deux
branches qui portent les statues de la Vierge et de saint Jean évangélistc.
Jésus est crucifié entre sa mère el son ami. Cette croix mar(]ue la tondie du
Sauveur, et c'est par elle que commencent les tombes des fidèles ipii vien-
dront occuper ce cimetière. On y voit déjà (juchpics croix et monuments funé-
raires en style du moyen âge. Petit à petit la mort peiq)lera ce terrain qui
est vide encore.
A l'extrénùlé orientale du cimetière, M. Pugin a consliuil un vaste bâti-
ment, toujours en style ogival, destiné aux écoles de filles et de garçons.
Pour les jours de solennités, une large el très longue salle règne au-dessus
de ces écoles qui se lernùnenl par le logement de l'instituteur el des bàtirneiits
divers. La maison du recteur ou curé de Sainl-ljiles est en cours de construc-
tion; on doit v ajouter un établissement conventuel pour des missionnaires;
le tout, répétons-le encore, est en style ogival, cette forme (pii se prèle si
merveilleusement aux nécessités d'une église, d'une école, d un eouvent et
d'une maison ordinaire d'lial)itation.
300 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Maintenant que nous avons construit, quoique bien imparfaitement et
bien mal , dans notre description, l'église de Sainl-Giles et les dépendances
qui lavoisinent , nous allons assistera la cérémonie de l'inauguration. Il
avait été décidé que les offices commenceraient et finiraient par une proces-
sion solennelle, qui partirait du bâtiment des écoles pour se rendre à l'église.
C'est dans la grande salle inférieure des écoles qu'avaient été rangés par
ordre les vêlements des diacres, des prêtres et des évêques. M. Pugin nous
conduisit dans cette salle et nous fit remarquer la richesse du tissu, la beauté
de la coupe des ornements sacrés. Ces ornements, excepté trois, étaient de
forme ancienne; ils rappelaient le moyen Age, aussi bien que l'église. Une
chape, donnée par lord Shrewsbury, était originale el de la fin du xiii* siècle.
Ce beau vêtement, conservé d'une manière remarquable, porte brodée la vie
de la Vierge et de Jésus-Christ. Les armoiries nombreuses qui y sont relevées
en soie, or et argent, suiluont pour le faire dater et pour l'attribuer à un
donateur certain. Si M. Pugin ne faisait pas graver cette chape , nous la don-
nerions dans les u Annales archéologiques » comme pendant de la dalmatique
impériale. La richesse de l'église peut faire présumer celle des ornements dont
tout le clergé allait se couvrir. Un peu après onze heures, la procession se mit
en marche, le chœur en tête, suivi des membres du clergé inférieur, selon
leur rang, des évêques, selon la date de leur ordination, et des archevêques.
Le vénérable docteur Walsh, évêquedu Staffordshire , fermait la marche du
cortège; il tenait en main la crosse, emblème mystique de son autorité.
Tous, revêtus du grand costume de leur dignité ', offraient un spectacle im-
posant. 11 était impossible de ne pas se reporter en imagination à ces temps
anciens où, ainsi habillés et en appareil semblable, les prédécesseurs de
I. En Angleterre, trois évêques seulement tiennent encore à la milre ovale et sans fin, à la
chasuble écourtée, à la pesante crosse de notre pays; tous les autres adoptent et portent avec
une grande majesté la mitre basse, les larges et souples ornements, l'aube et l'amict parés,
l'élole' et le manipule étroits , la crosse légère et charmante des xni'= et xiv siècles. Ces trois évê-
ques faisaient un contraste frappant dans ce cortège du moyen âge. A l'étonnemenl et au sérieux
sourire qui les accueillait, ils auront pu comprendre qu'en fait de goût et d'art le moyen âge vaut
mieux que le nôtre; nul doute qu'ils ne finissent (c'est peut-être déjà fait) par quitter leurs orne-
ments modernes pour prendre, comme leurs confrères, les beau.\ vêtements anciens. En France,
on est un peu moins avancé, car il n'y a pas un seul évèque qui soit revenu aux ornements du
moyen âge; toutefois, plusieurs y songent, et quand l'un d'eux aura osé, la réforme ne tardera
pas à s'accomplir. — Cette malheureuse mitre épiscopale moderne ressemble, à s'y tromper, aux
mitres de carton ou de papier dont l'inquisition coiffait , en Espagne, les hérétiques et les possé-
dés. Voyez, tous les tableaux où sont représentés les condamnés de l'inquisition espagnole; il n'y
a au monde rien de plus ridicule, et ce sont les xvi' et xvii' siècles qui nous ont valu cette forme
bilieuse de la mitre moderne.
l'HOMFNADE KN ANG LETKIUIE.
301
ces prrlals (li~|iul;iiciit aii\ l■oi^ irAiii^Ictcnc l'anloritc spirituelle. Saint
riionias Beokcl , iloiil nous venions devoir la callH-dralc (ni'il avait fait re-
tentir de son anlentc parole, et la pierre sacrée nu il a\ail leeii le martyre,
devait nous revenir en mémoire.
Le cortège ctail ainsi disposé :
Tliuriforiiircs.
Porte-croix . céroforairo? oii poi'le-iier>;es el
acolytes.
Enfaiitsciecliffuilialiillésdi» la soutane roui;e.
Chœur de chantres et d'acolytes.
Deux grands clianlres en chape . hàlon can-
loral à la main.
Quatorze clercs mineurs en soutane noire et
surplis '.
Huit sous-diacres en tunique.
Huit diacres en dalniatique.
Quarante prêtres en chasuble*.
Treize prêtres (curés de cathédrales) sjrands
vicaires et autres fonctionnaires, en chape.
Treize évêques et archevêques , accompagnés
chacun de leur chapelain, dans l'ordre sui-
vant :
L'évêque Ullathorne (Batli).
L'évèque Kiddell (Ne\vc«islle).
L'évêque Sharples (Lancashire).
L'évêque Brown ( Walcs) .
L'évèque Waring (Northampton).
L'évêque Gillis (Edimbourg).
LevêqueNorris (Londres).
L'évêque Griffiths (Londres).
L'évêque Briggs (Vork).'
Le docteur Polding, archevêque dt; .'^vdney.
Jacob Héliani, archevêque do Damas.
L'évèque Wiseman (Stafl'ordshire).
L'évêque Walsh (SlaiTordshire).
Notons ici qu'au iiiiiiiu des acolytes portant des cierges, on voyait le jeune
Trogmorton et le jeune Uertram Talbot. Ce dernier, sur lequel tous les regards
se tournaient, est un beau garçon de quatorze ans et l'héritier présomptif
des domaines el de la gloire liisloricpie de la grande maison de Sluewshurv.
L'un des deux grands cliantres était .M. llardman, de Birmingham; .M. Hard-
man dirige l'orfèvrerie, les ateliers de peinture sur verre et de broderie, où
s'exécutent, d'après les dessins de M. Pugin, tous les objets du culte catho-
lique de l'Angleterre. Parmi les clercs mineurs, on voyait la figure pensive
et recueillie de M.M. N(!\vmann el Oakeley, docteurs de l'université d'Oxford,
anciens amis du docteur Pusey, el récemment convertis au catholicisme. Le
docteur Winter, ancien chapelain de lord Shrewsbury, et le docteur Spencer,
frère du lord, étaient parmi les prêtres, il serait difficile de trouver ailleurs
une réunion d'hommes plus éminents en condition, science el caractère.
Au moment ou la procession se mit en mouvement, le chœur entonna le
psaume (' Lftalus sum »; en entrant sous le porche occidental, on chanta en
1. On nous a dit ipie le collège d'Ûscoll, près de Birmingham, et même l'université protestante
d'Oxford, avaient envoyé plusieurs acolytes el jeunes clercs du cha-urdes chantres.
2. Au milieu d'eux un Bénédictin, uniquement \êtu de son habil de religieux, el ne portant ni
surplis ni vêlements sacerdotaux.
302 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
masse cl avec une ardeur singulière « Quam dilecta tabernacula tua ». Ce-
pendant la foule des assistants, qui s'était placée avec peine, remplissait la
nef et les ailes de l'église; les femmes à gauche ou au nord, et les hommes à
droite. Le comte Shrewsbury était en haut de la nef, près du choeur. Puis
on remarquait l'ambassadeur d'Autriche et la comtesse Dietrichstein ; le
comte de Pollou, ministre de Sardaigne; lord et lady Dormer, Jord et lady
Camoys avec miss Stonor; lord Vaux, de ttarrowden; l'honorable StatTord
Jerningham, sir Vavasour et sir Langdale, M. et M""^ Washington llilbert,
William Talbot, esq. , et miss Talbol; miss Watts Russell , sir Robert et
lady Tlirogmorton , miss Augusia Talbot; IMM. Scott Murray , C. Barry
(l'architecte du parlement), Pugin, Berkeley, Thomas Close , le chevalier
Dalti, chandjellan du pape; MM. Hornyhold, Blackniore Park, Filzherbert,
Brockoles, Smythe, Gandolfi, Acton Burnell, Whilgrave. M. Herbert,
peintre d'histoire, et M. Stanfield, célèbre paysagiste, assistaient avec
M. Gérente et moi à cette imposante cérémonie. Nous avions été, en qua-
lité d'étrangers, favorisés d'une assez bonne place, grâce à l'obligeance de
M. Pugin et de nos voisins anglais.
La procession défila devant ces regards allumés par la curiosité, devant
ces fronts inclinés par le respect. Tons les clercs, prêtres, évêques, habillés
de lin, de soie, d'argent et d'or, allèrent prendre dans le chœur et le sanc-
tuaire la place qui leur était imposée par les fonctions liturgiques et désignée
par le maître des cérémonies. A travers la claire-voie du jubé et de la grille
de cuivre, sous le feu des cierges et des couronnes ardentes, les évêques,
immobiles sous leurs mitres et dans leurs chapes; d'or, ressemblaient à des
reliquaires étincelanls. Aujourd'hui, dans le monde civil ou militaire, dans
les cours des rois ou les grandes assemblées politiques, il ne peut y avoir
un pareil éclat de lumière et de métal, et cependant nous étions dans la
petite église d'une toute petite ville. Ce fut le docteur Wisemau, évoque du
district, qui officia sous la présidence du docteur Walsh; il était assisté du
révérend George Talbot, du révérend F. Amherst et du révérend James Whe-
ble, diacre, sous-diacre et maître des cérémonies. La messe commença;
mais, à partir de ce moment, pendant tout l'office du matin et du soir, des
sentiments assez désagréables se sont succédé en nous. La mauvaise musique
et l'exécution à l'italienne de quelques phrases fort courtes de plain-chant,
nous ont gâté (je ne fus pas le seul de cet avis et de cette impression) le reste
de notre journée. Fut-ce distraction de ma part, ou l'omission eut-elle lieu
réellement, je n'entendis ni «Introït» ni «Kyrie». Le «Gloria» fut chanté
en nuisique langoureuse; l'orgue joua tout seul une sorte de polka au
IMUlMF.NAIii: EN A NC I.KTI-.IUIK. 303
i( Graduel H et an «irait ». Los répons (ini suivent 1 "annonce de l'Kvanjjilc,
faite par le diacre, se dirent en une sorte de inusi(jne l)àtarde. Ileiiren^enienl
le docteur Gillis, évc^que d'Edimbourg, vint faire diversion à ce fade cha-
rivari; il njonla dans la chaire, cl, d'une voix ferme, annonça que la (în de
la captivité /le Balivlonc approchait , puisque le /r-m/j/c était déjà rehàti. Je
ne sais pas l'anglais, mais ces mois de Hahylono et de Jérusalem , de David
etdeSalomon, de Temple cl dt> (iluircli, ipii revenaient constaMiiiienl , me
tirent deviner une grande pnriie de ce sermon iirononee a\ee uni' grande
l'one. Après la |)reiliealioii , le (dh-edo». C'était le moment alors, et à la
suite (1 tiii piueil ili-eoiirs. de faire une profession de foi, de chanter en
chœur, tous eiLsemble, et; symbole des catholiipies , aucjuel tous ceux qui
assistaient à cette cérémonie se raltaelienl si éncrgiquement. Pas du tout :
ce fut à la tribune de l'orgue, pai' (piaire voix insignifiantes, accompagnées
d'nn orgue mou et qui m'a paru jouer faux, que le « t^redo » fut dit. Les
assistants récitèrent debout, chacun à part et en searle , le « Credo »; puis
ils se rassirent pour écouter celui (pion débitait à l'orgue. Je n'ai jamais rien
entendu de plus misérable; M. Pugiu et M. Moore, curé de Birmingham, qui
me l'ont dit ensuite , furent de mon avis. Quand on ressuscite les étofl'es , les
métaux, la pierre et le bois du moyen âge, il faut en ressusciter le chant; le
chant, c'est l'àme qui parle. L'orgue seul se chargea de l'Olfertoire, [)uis du
mottet « Haec dies quani fecil Domimis », ])uis du « Sanctus » , i)uis d'un
mottet en guise d'uO salularis hoslia »; puis d'un mottet en guise de
Communion. On ne chanta pas le « Domine salvum fac regem » ou plutôt
K Salvam fac reginam '». Après un maigre « Ite missa est », en mauvais plain-
chant, fut donnée la bénédiction épiscopale; puis l'orgue joua une retraite,
et la procession se remit en marche pour retourner au bâtiment des écoles,
d'où elle était partie. Je me précipitai hors de l'église, pour respirci- un peu
et revoir ce beau cortège que j'avais tant admiré avant la messe. Le |)euple
de Cheadle et des environs avait grossi; il escalada les murs, monta sur les
loils, et regarda en silence, avec un respect marcpié, cette procession dhom-
nies vénérables qui traversaient le cimetière, le futur cliamp des morts, pour
revenir au point de départ.
Un repas niagnilique fut servi par les ordics de lord Sluew^burs dans la
grande salle supérieure de l'école; nous y fûmes invités, iVL Gérente et moi.
Alors M. Pugin nous présenta à lord Shrowsbury, qui nous lit un accueil des
I. J'en lis l'observalion a|)rfs lu iilTéinonie ; on me dit (jiie c'était un oulili cl i|u\iii en était
extrêmement conlrariù.
304 ANNALES ARCHÉOLOGIOUES.
plus affables. Le conile peut avoir cinquante-cinq ans; il est grand, mince,
un peu i)enché par l'âge et le chagrin f^la princesse Borghèse, sa sainte fille,
n'est pas morte dans son cœur); ses cheveux blonds grisonnent et blanchis-
sent. Dans la conversation , je prononçai le nom de M. le comte de Monta-
lembert; le comte me dit qu'il lui avait écrit pour l'inviter à celte importante
cérémonie , et qu'il regrettait beaucoup de ne l'y pas voir au milieu de nous.
Quelques jours après, M. le comte de Montalembert , qui ne me savait pas
en Angleterre, m'écrivait de la Roche-en^Breny (Côte-d'Or) : «Je vous in-
dique le sujet d'un magnifique article pour les « Annales archéologiques » :
c'est la description et consécration, par treize évéques, entre autres ceux de
l'Anstralasie et de Damas, de la nouvelle église catholique de Cheadle, érigée
par M. Pugin aux frais du comte de Shrewsbury, qui lui a donné près d'un
million, en lui disant de faire ce qu'il pourrait avec cela ^ et il a fait la mer-
veille de l'Angleterre. Élevez-vous, à cette occasion , contre l'odieux s\|Stème
des églises nouvelles de France. Vraiment on rougit de honte, quand on
songe qu'en Angleterre et en Allemagne, il ne se construit pas une seule
église, catholique ou même protestante, qui ne soit pas d'architecture chré-
tienne, tandis qu'en France je n'en connais pas encore une seule qui ait été
élevée en dehors du joug des néo-païens de l'Académie et de l'École des
beaux-arts '. Notez bien qu'il n'y a pas de pays où l'on bâtisse plus d'églises
nouvelles qu'en France ; c'est la fameuse phrase de Raoul Glaber renversée :
tous les jours on voit la terre se revêtir, non d'une parure nouvelle, mais
d'une couche d'affreuses excroissances qui déshonorent également Dieu et
les hommes. Faites-vous raconter par M. Yiollet-Leduc les halles hideuses
qu'on érige ici sous prétexte de faire des églises; en Franche-Comté, où les
communes sont à la fois riches et croyantes , on s'amuse à détruire les laides
églises du xxn" siècle (bâties après les dévastations de Louis XIV et des Sué-
dois) pour en élever d'autres mille fois plus laides, percées de sabords et voû-
tées en caissons ! On dépense pour cela des millions tous les ans. Le clergé subit
avec trop de complaisance le joug de l'architecture bureaucratique. Or, d'où
1. Déjà certains architectes , M. Lassus, à Nantes, M. Barthélémy, à Rouen, M. H. Durand,
dans les Landes, MM. Ernest Breton et (iau, à Paris, etc., s'affranchissent de la tutelle acadé-
mique et classique; d'autres, en très-grand nombre, ne demandent qu'à s'émanciper. Tous les
essais en style gothique ne sont pas heureux, et pour les deux belles églises de Saint-Nicolas à
Nantes, de Bon-Secours à Rouen, nous avons cinquante édifices hybrides. Mais ces constructions
bâtardes en style ogival sont encore favorables à nos doctrines, et prouvent que l'Académie,
l'école des beaux-arts et le Conseil des bâtiments civils sont en train de rendre l'esprit et l'auto-
rité. Loin de nous désespérer, nous avons pleine confiance; nous sommes sûrs d'un éclatant et
très-prochain triomphe.
PKOMKNADK EN ANC, l,K TKU K K. 305
vient cctto (lifliMonce, si blessante pour nous, entre la l-'rance et sa voisine?
d'une seule cause qui est la niènie partout , du monopole, lui Aniileterre, en
Allemagne, il n'y a point d'écoles des beaux-arts, point d'académies, sur-
tout point de bureaux et point d'architectes de dépailements. Que de clioses
à dire là-dessus! » — On voit (jue nous répondons à l'appel de M. le comte
de Montalemberl, et nièiin' un peu Iroii longuement, mais nous n'avons |)as
eu le loisir d'être plus court. La politicpie, nous le regrettons, enlève trop
de temps à .AI. de Montalendiert ; il ne surtil pas (pi'il soit l'O'Connell de la
France, il faudrait qu'il en l'Cit encore le lortl Shrewsburx . \'.i\ liaïue, l'ar-
diéologie païenne est non-seulement soutenue par le gouvernemenl et les
académies de toute espèce, mais encore par le duc de Luynes ; l'archéologie
chrétienne, sans duc ni marijuis, sans gouveinement ni sociétés savantes, est
livrée à elle-même, et ])ourtant, c'est notre espérance certaine, les quelques
pauvres gens que nous sommes, nous Unirons par vaincre le paganisme
dans l'art.
L'heure des vêpres arrivée, le clergé se rendit en procession à l'église,
comme le malin , pour la messe , et dans le même appareH. Les vêpres ne va-
lurent pas mieux que la messe. Des antiennes lues au lieu d'être chantées; la
moitié des psaumes en maigre plain-dianl , l'autre moitié en faux-bourdon
sautillant. Une prononciation , un rh\ tlime, une exécution de chant et de mu-
sique comme en Italie. Une hymne dont on chante le i)remier verset, et dont
on se contente de lire le second, et ainsi de suite alternativement. Un « Magni-
ficat )) modulé en récitatif monotone, tandis que l'orgue exécute des varia-
tions fringantes. Un salut en musique avec litanies et mollets en musique,
sans que les assistants y prennent aucune pari. C'est fort mesquin et fort
ridicule dans une église de style ogival; cela jure autant que les mitres et
chapes du xix<^ siècle portées par les trois évêques opposants. Lntre les
vêpres et le salut, Ms?'' Wiseman s'a|)procha de la nef et, de la barre du
jubé, prononça une allocution i\m me parut, d'après la phvsionomie des
auditeurs, faire une inq)ression puissante. Le soir arrive; il est six heures,
on retourne en procession à la salle de l'école, où l'on se dépouille définitive-
ment des vêlements de cérémonies. Les six petites cloches sonnent en volée
et jettent leurs adieux. On se serre la main et l'on retourne, les uns à Londres,
les autres à Canlorbéry, Oxford, Birmingham, Dublin, Kdindiourg, York
Lincoln; nousj sommes des derniers. Le comte df SlMt■\^^bur\, cpii recevait
les treize évêques et leur suite dans son chtUeau d'Alton- l'ovv ers, ne [louvail
nous y donner l'hospitalité; mais son majordome pria le docteur W inler,
chapelain de l'hospice Saint-John, située à (lurlipies minutes d'Allon-Towers,
V. 40
306 ANNALES AllCHÉOLOGIQUES.
de nous recevoir pour la nuit» Nous quittons Cheadle que nous regardons de
temps à aulie en gravissant une petite montagne très-verte. Le beau clocher
de M. Pugin recevait les derniers rayons du soleil couchant comme il en avait
reçu les premiers, à l'aurore; nous le saluons une dernière fois, et, de Cheadle
il Alton, nous Taisons deux lieues, sans nous en apercevoir, tout en causant
des magniticences de cette journée et du triste effet de la musique moderne
dans une église de style ancien.
L'hôpital Saint-John est une construction élevée en style ogival par
M. Pugin, aux frais de lord Shrewsbury, sur remplacement du vieux châ-
teau ruiné des comtes de Talbot. Tout le périmètre du château est ou sera
occupé par un hospice pour les hommes, un hospice pour les femmes, une
école pour les enfants, une maison de retraite pour les prêtres catholiques
âgés ou infirmes. Les hospices et l'école sont terminés; on bâtit en ce moment
la maison de retraite. Cette retraite occupe l'emplacement des anciennes con-
structions féodales; comme le vieux château n'avait pas été rasé jusqu'à la
racine, M. Denys, qui dirige ici les travaux, de même qu'il a dirigé ceux de
Cheadle, a profilé de ce qui n'a pas péri. Respectueux pour cette vénérable
antiquité, il fait usage des anciens murs pour les constructions nouvelles;
il consolide les courtines délabrées , il relève le couronnement abattu des
tours et tourelles. Ces vieux prêtres, que le caractère et l'âge auront faits
les invalides de la paix, après en avoir été les officiers et les soldats, seront
donc logés dans la demeure guerrière de ce grand Talbot qui a fait tant de
mal à la France. Du reste, pas d'air meilleur, pas de position plus pitto-
resque; on domine, presque à pic, la jolie vallée qu'arrose le Churnet. Le
I ""■ septembre , à huit heures du soir, nous frappons à la porte de l'hôpital
Saint-John, et le docteur Winter, chapelain du lord, vient nous ouvrir lui-
même. Il nous introduit dans une grande salle, disposée et meublée en style
ogival. Nous parlons de la cérémonie qui vient de s'accomplir; moi , qui ne
sais pas l'anglais, je |)rononce quelques phrases latines; nous soupons, et le
docteur nous conduit nous reposer dans des chambres, bâties par M. Pugin
toujours en style gothique. Pauvres pèlerins de l'archéologie, nous couchons
à l'hôpital, dans les chambres des hôtes , comme autrefois les pèlerins de la
piété. Le lendemain, nous visitons la chapelle qui est un riche bijou ogival,
ainsi que M. Pugin sait les faire. Précédée d'une grande salle où se tient l'école,
elle est tlanquée, au nord, d'un cimetière où se voient déjà, environnées
d'un beau gazon anglais, des tombes en style gothique. Dans le champ d'une
croix gothique, qui surmonte l'une de ces tombes, on a sculpté uneéquerre
et un compas; c'est un tailleur de pierre, mort à Alton, qui est enterré sous
l'KOMKNAKi: KN A NC I, K l E H UK. 307
celte pierre. Un lioiiime , un domesli(jiie, est spécialeniciU eliaii;(' îles iiiorls;
il coupe avec des ciseauv l'Iierbo des i^azons, il eiilretieiU la clAliire , il
renouvelle le sable des allées. Dans le cloître de l'iiùpital, contre les murs,
des plaques de cuivre, des dalles ciselées, portent relligic et les inscriptions
funéraires de divers personnau;es; la mort est \enue là avant tout, car 1 hô-
pital n'est pas encore peuplé. Nous parcourons les chantiers des travaux, et
nous voyons les procédés du moyen ài;e, pour les outils , la taille des picures,
les moyens de traiispoil et d"a|)pareil, ressuscites par .M. Pufiiii; les ouvriers,
ils nous l'ont dit iMi\-iiii''iiies, s'en trouvent à merveille; ils nuuMpieiil leurs
pierres par des signes absolument senddables à ciuix dont on se servait aux
xiii" et xiv^ siècles, et que nous avons déjà donnés dans les « Annales ».
Nous avons copié quelques-unes de ces marques modernes; on les grave et
on les publiera , comme point de comparaison , avec les anciennes. — Si le style
gothique s'accommode merveilleusement à une chapelle, une école, un
hospice, une demeure de chapelain et de maître d'école, il ne convient pas
moins à une splendide habitation seigneuriale. L'immense château d'Alton-
Towers est tout entier en style du moyen âge; c'est d'un gothique un peu
troubadour et que M. Pugin, (jui n'en est pas l'auteur, cherche à épurer au-
tant qu'il lui est possible, et cejjendanl c'est d'un grand effet et d'un service
facile; c'est beau et commode. L'étendard des Talbol llolle sur le donjon qui
s'élève à quelque distance du chàleau , et qui sert de demeure à M. Denys.
Le château s'étend au milieu d'une lorét et au centre d'un |iarc immense
tracé à l'anglaise.
Au moment où nous longions les murs d'enceinte et le portail de la gale-
rie des ancêtres, nous aperçûmes lord Shrewsbury à cheval et suivi d'un do-
mestique; il vintà nous, et, nous saluant avec l'affabilité de la veille, il nous
introduisit lui-même dans le château , en donnant ordre de nous en faire
voir en détail tous les appartements. Nous entrons par l'inunense galerie des
armures où tous les Talbot sont à cheval équijjés, et armés comme de leur
vivant. Sous le portail (jiii |ii(cède ce vaste bâtiment, se lient presque cons-
tamment assis un vieux dailois aveugle et en cheveux blancs; ce descendant
des bardes a devant lui une harpe qu'il fait résonner et dont il accompagne
les chants de son pays, quand un étranger de quchiue distinction est intro-
duit dans la galerie. Ce fut le lord (pii nous montra lui-même les portraits,
les armures et le costume de ses ancêtres. Par une discrétion toute chevale-
resque, il ne s'arrêta pas devant la londje et l'efligie du grand Talbol,
qu'un Français ne peut pas troj) aimer; c'esl à la lin de notre excursion dans
le palais, que ikjus a\ons vu a loisir ce curieux inoniHuiiil copie sur celui que
308 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
garde le in.moii' de Wliitcluirch , dans le Shropshire. Dans la galerie des ta-
bleaux, il nous confia aux soins obligeants de son majordome, M, Winter,
que nous avions déjà vu à Cheadle. Que dire de tous ces trésors d'art et
d'archéologie, de tableaux et de statues, de gravures et de livres, de tentures
et de tapis, de meubles et de poteries? C'est une résidence vraiment royale,
et le duc de Bordeaux , que lord Shrewsbury a reçu chez lui , put se rappeler,
à Alton-Towers, les souvenirs de son enfance et les richesses du Louvre et des
Tuileries. Faut-il le dire? Nous préférons à Versailles certaines parties d'Alton-
Towers, le parc principalement. Dans la chambre où coucha le duc de Bor-
deaux, nous avons vu , en orfèvrerie et faisant l'ofiice d'une pendule, le portail
de la cathédrale de Reims. Dans la bibliothèque, au milieu d'une quantité im-
mense de beaux livres, nous avons trouvé, honorée d'une place enviable, la
collection des ((Annales Archéologiques». Nous ignorions que lord Shrewsbury
fut abonné à notre publication. Dans les vitrines du petit musée archéolo-
gique, nous avons remarqué un encensoir du xii" siècle, trouvé près du châ-
teau; un magnifique triptyque du xii° siècle aussi, en cuivre émaillé , acheté
en France; une charmante Vierge en ivoire, du xui° siècle, tenant l'enfant
Jésus. M. Gérente a dessiné l'encensoir, qui paraîtra dans les « Annales » ;
moi , j'ai relevé les inscriptions curieuses gravées sur le triptyque, qui paraîtra
également dans les « Annales ». Les évêques, revenus de Cheadle avec
lord Shrewsbury, causaient dans les salons, lisaient dans la bibliothèque,
étudiaient dans les galeries, se promenaient dans les jardins; à chaque pas,
nous rencontrions un de ces intelligents et savants prélats que nous avions
admirés la veille sous leurs riches vêlements du moyen âge. Les salles à
manger sont d'une grande beauté ; la chapelle est d'une merveilleuse ri-
chesse. Sur les verrières et sur les murs , partout éclate la devise des Talbot :
Prest. d'accomplir. Nous avons tout vu, grâce à la rare obligeance de
M. Winter.
DIDKON.
(La suite au numéro prochain.]
Exci iisiox i:.\ lujGiorE
SL'R LES noiîDs Dr nm\.
Al hllîKCTKlH.
Rlonsieur, j'arrive, et vous xoiilcz (nie je vous pailc de mon voyage.
Mais (jiie vous dire, moi ajtprenli archéologue, qui allais sur ces routes où
vous et vos savants collaborateurs avez tant vu et si bien vu? Aussi mes
maigres notes ne peuvent être bonnes que pour celui (|ni va \isiter, pour la
première fois, ces contrées belges et rliénanes, si riclics en nioniinicnls reli-
gieux.
J'ai débuté par Tournai où, comme à Liège, tout vous laisse croire que
vous êtes en pleine France. Rien dans tout mon voyage ne ma l'ail une
plus vive impression que la calliétliale de cette ville. J'avançais lentement
dans la nef; j'examinais, avec des sentiments divers, ces bas-côtés cintrés;
au-dessus, ces ouvertures ogivales; enfin, au sommet, cette voûte du temps
de Louis XY, qui est allée si audacieuscmcnl se percher sur ces vieux ordres.
Mais, arrivé au transsept, j'ai été atterré par la majesté, l'énergie de ce ma-
gnifique morceau roman. Puis, derrière ce charmant jubé de la renaissance,
que l'on voudrait voir ailleurs, le xiii° siècle vient vous éblouir par le chœur
le plus hardi et le plus élégant que l'on puisse voir. Et au-dessus de tout
cela, les cinq clochers qui partent des quatre angles du transsept et du centre
de la croix pour s'élancer vers le ciel, tout fiers de couronner la ])elle basi-
lique. Des travaux considérables se font à l'extérieur pour consolider les
parties souffrantes, et pour refaire celles qui manciuent. Le goût le plus sage
et le plus intelligent inspire ces travaux, qui sont exclusivement dirigés par
.M. le vicaire général Voisin, et par M. Le Maistre d'Anstaing '.
1 . Un architecte plus ou moins classique présidait autrefois à ces truviiux ; ni;iis un u trouvé je
moyen de le mettre à la porte. Aujourd'hui, un homme du monde (M. d'Anstaing) et un prêtre
(M. Voisin) ont seuls assumé la responsabilité des travaux de ce gigantesque édifice, et jamais,
V. 41
310 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
A Saint-Pyat, j'ai vu un délicieux calice, un ostensoir, une croix de pro-
cession et un lutrin du xvi" siècle.
Les autres églises ne m'ont pas moins intéressé, de telle sorte que mon
début a été superbe. Mais comme, dans ce monde, il n'y a guère d'heur sans
malheur, voici ma mauvaise fortune à Tournai. C'était la fêle du roi des
Belges, et toutes les puissances de la ville s'étaient rendues à la cathédrale
pour un Te Deum officiel. Or, savez-vous ce que j'ai entendu? Un morceau de
musique prétendue religieuse, et, dans le fond, vraie musique d'opéra comme
il s'en fait tous les jours dans certaines églises de Paris. Oh! de grâce! sous
ces vieilles voûtes, pourquoi pas notre vieux Te Deum, si gravement et si
saintement joyeux ?
A Gand, mon cher lecteur, après Saint-Bavon, après l'admirable tableau
de la Fête de l'Agneau, vous vous dirigerez vers la citadelle pour voir les
restes de l'abbaye de Saint-Macaire. Le réfectoire du xv' siècle fait maintenant
une jolie église. Derrière, dans l'enceinte d'une haute muraille, sont des
parties bien conservées d'un grand cloître du x*" siècle, la chapelle intacte
de Saint-Macaire (du xi^ siècle), le cimetière, des salles souterraines et plu-
sieurs objets antiques récemment découverts.
Nous sommes à Anvers. Les yeux se fixent dès l'abord sur cette éblouis-
sante tour, la rivale de celles de Strasbourg et de Freybourg, et de suite
vous en gravissez les quatre cent seize marches. Arrivé au sommet, vous
sentez l'admiration s'emparer de vous. Vous cherchez à comprendre cet amas
prodigieux de pierres dressées sur une base si étroite relativement à la hau-
teur, ces vides innond)rables, ces galeries extérieures attachées comme autant
de ceintures aériennes aux flancs de l'édifice, tous ces clochetons si gracieu-
sement épanouis sur la masse, et semblables aux points brillants d'un feu
d'artifice. Alors vous vous demandez si nulle part ailleurs, même au pont
de la Tamise, le génie de l'homme s'est montré puissant comme là; et, vous
rappelant que dans notre monde se trouvent des critiques, des architectes,
même des académiciens, qui affirment que ces bâtisseurs du moyen âge tra-
vaillaient au hasard, n'avaient point un art véritable, élevaient des œuvres
de l'aveu de tout le monde, une opération de ce genre n'a été conduite avec plus d'Iiabileté, de
science, de hardiesse et de prudence tout à la fois. MM. d'Anstaing et Voisin veulent bien, de
temps à autre, nous mettre au courant de leurs travaux; leurs lettres, que nous avons montrées
à plusieurs architectes de nos amis, révèlent l'entente la plus parfaite d'une restauration vérita-
blement archéologiciue. Un jour, nous l'espérons, nos amis de Tournai voudront bien nous don-
ner un article général sur tous les travaux d'architecture, de peinture murale, de peinture sur
verre et d'ameublement exécutés par eux dans leur cathédrale. Jusqu'à présent, nous n'avons eu
d'eux que des notes; il nous faudrait maintenant un article de fond. (A'o/e du Directeur.)
EXCIUSION EN RELOIOIE ET SIK LES HOKKS ])\ HIIIN. 311
sans grAce et sans solidité', le rniiLro vous monte an front, et c'est un l)on-
lieur pour ces aveuijies qu'ils ne soient pas là, à cAlé île vous, vu la léiière
«listance où l'on se troine alors des dalles du sol. L'iiitéiieur de l'e^lise offre
le plus grand intérêt. Les vastes has-cAtés m'ont inlininient plu; ils donnent
nii air de grandeur à tout l'ensemble. Partout on trouve des objets curieux,
à pari nièiiie la célèbre Descente de (joix deRubens.
Maintenant allons au musée. Voyez à droite, voyez à gauche les pages de
Rubens; ce grand peinlri; troue ici en souxrniiii. Ailniirez donc, et cependant
dites: c'est beau ! c'est très-beau! mais ce n'est pas de la beauté vraiment
chrétienne. Pourquoi, en ces sujets d'une religion qui a pour lin |)iinci|)ale
de coud)attre le sensualisme et d'élever la natun» corpon'llc de iliomme jus-
qu'aux prérogatives des esprits célestes , pounpioi cette puissance exubé-
rante de formes et de couleurs.' La lumière divine est donce, les corps des
saints ihsparaissent sous la chaste splendeur de leurs vertus. Le pinceau du
bienheureux Fiésole était conduit par une inspiration plus pieuse.
Mais arrivons au fond de la salle, juste en face de la porte d'entrée. Voilà
le tableau des Sept Sacrements de Van Kyck. C'est l'intérieur de la cathédrale
d'Anvers avec son jubé. Le [)eintre a représenté les trois premiers sacre-
ments aux chapelles de gauche; le quatrième, au centre, et les trois autres,
à celles de droite. Dans la première chapelle du côte gauche, le néojjhyte
reçoit le baptême. La cérémonie est représentée au moment où le prêtre lui
fait l'onction du saint chrême. A la deuxième chapelle, l'évêque lui donne la
confiiinalion ; plus haut, on le voit à genoux devant un confesseur. A un
autel placé sous le jubé , le sacrifice de la messe se célèbre , et le chrétien ,
préparé par les sacrements précédents, va y recevoir l'eucharistie. Près du
jubé, à droite, un jeune lévite reçoit le sacrement de l'ordre. A la deuxième
chapelle, deux nouveaux époux, leurs mains droites unies et entourées de
l'élole pastorale, reçoivent le mariage. A la dernière chapelle, le prêtre
administre l'extrême-onclion a un malade et le (irépare ainsi au voyage de
l'éternité. Il est facile de se convaincre que le peintre a eu l'intention de
représenter le même personnage à tous les sacrements, l'ordre cxce[)té, et de
faire ainsi l'histoire religieuse de toute une vie. C'est pour ce but qu'il a placé
l'exlrême-onction après les autres sacrements, et en face du baptême. Au
premier plan, il a peint Jésus en croix et trois saintes femmes. La croix, très-
élancée, touche à la voiMe de l'église par son sommet; elle a son pied lixé
aux dalles, vers la porte d'entrée. Il est évident que ce groupe a été mis là
uniquement pour la perspective. Ce tableau est admirable. On voit (pi'il a été
pour le peintre un v('ritable objet d'amour. Rien de plus pn-cieux sous le
312 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
double rapport tle l'art et de la liturgie. Lorsque les Anversois voudront
rendre à leur cathédrale le jubé dont elle a été si niallieureusenient dépouillée,
ils le trouveront là dans toute sa pureté.
Et Louvain, que vous a-t-il montré? Son liotel de ville, le plus festonné,
le plus pimpant de tous les hôtels de ville '. A Saint-Pierre, j"ai vu, avec
grand plaisir, cette belle madone du xv' siècle, si gracieusement assise dans
son antique fauteuil. Puis ces charmants fonts baptismaux en cuivre, de la
même époque ; mais j'ai eu de l'humeur, en les voyant négligés et perdant de
leurs colonnettes, dans un pays où la tenue des églises est citée comme
modèle.
A Sainte-Croix de Liège, depuis qu'on enlève le badigeon des derniers
siècles, on voit, sur tous les murs, un système complet de peinture monu-
mentale remontant au xiv' siècle. Au moment où je passais, on venait de
mettre à nu, dans le mur du chœur, un tabernacle en pierre dans la forme
d'une tour ogivale. Les nervures et les parties saillantes avaient été dorées,
et les parties creuses peintes comme le reste de l'église. J'ai eu le plaisir de
voir à mon aise la belle cuve baptismale de Saint-Barthélemi , représentée
au vol. V, page ,2 1 des « Annales Archéologiques )) . J'ai été à même de me con -
vaincre que nos dessins sont d'une grande fidélité quant aux détails; mais je
dois dire que le premier a un défaut d'ensemble assez considérable. La base
portant les bœufs et la plinthe ont été très visiblement amoindries par rapport
aux parties supérieures. Il en résulte que la cuve paraît, dans ce dessin, beau-
coup plus élancée qu'elle ne l'est réellement. 11 eût été à désirer aussi que le
dessinateur eût repoussé un peu plus la partie antérieure du Christ, pour lui
donner la pose très-modeste qu'il a dans l'original. Enfin la jeunesse du
Sauveur a été par trop exagérée dans le dessin.
A Aix-la-Chapelle, mon cher lecteur, votre cicérone saura très-bien vous
montrer le bain de l'Empereur et l'escalier par où ont monté vingt-cinq Cé-
sars; mais il ne vous dira pas un mot de l'encensoir, de forme ronde et
par conséquent la plus ancienne, qui se trouve à la cathédrale. Ce sera à
vous de le découvrir. Si vous allez vous promener à la Dorcette , on vous
1. On lisait dans \' Indépendance belge du mois de novembre dernier : « Le hasard vient de
faire découvrir par M. Jean Theys, élève archiviste à l'hôtel de ville de Louvain, le nom de l'ar-
chitecte qui a construit ce bel édifice et qui était resté ignoré jusqu'à ce jour. M. Jean Tlie\s a
acquis la preuve incontestable que le constructeur de l'hùtel de ville s'appelait Mattheus de
l.ayens, maître maçon de la ville et banlieue, ajant, près de trente ans, manié, pour le compte
du magistrat, la truelle et la pioche, au prix de quatre sols par jour en été, et un peu moins
de trois sols en hiver. Layens aurait reçu en outre, comme gratification, cinq florins ou cinq
peters dix sols pour la confection de cet immortel édifice. »
EXCURSION EN BELGIOIE ET SI K LES HOIUtS I)l lUlIN. ;îl3
monliera, dans colto cijliso du xvii' sioclc , (lcii\ croix i;ret'qiios à reliques
Irès-aneionnes; l'une d'elles porte un Ciuist ilont le niinhe e?l foinié par lin-
terseclion de deux lignes deuii-eirculaires.
Mais voilà Cologne! le cœur vous bat. Courez à la cathédrale, pour y re\e-
nir encore. Ensuite je vous attends à Sainl-GcMéon ; car, je vous le dis tout
bas, celte église est , de tout Cologne, ce qui m'a le plus vivement frappé,
par la raison surtout (pion ne m'en avait jamais entretenu, tandis (pic, pour
la cathédrale, comme pour li's Imrds du lUiiii, l;i \(ii\ pulili(pie n'avait rien
laissé à faire à ma propre expérience. 11 est iàcheux d apporter, auprès d'un
objet célèbre, une admiration faite d'avance; c'est au plus alors si , en selTor-
çant beaucoup, on peut arriver à la hauteur oii l'imagination avait porté les
choses. Dans vos courses à travers les rues tortueuses de Cologne, vous irez
voir les fonts baptismaux de Saint-Martin. Vous n'oublierez pas non plus
d'entrer au Gurzenich. Vous verrez, dans cette inunense salle, deux superbes
cheminées en pierre , du xv*^ siècle. — Il nous faut (piitter Cologne en nous
promettant d'y revenir dans deux ans; alors l'intérieur de la cathédrale
sera terminé. Le roi de Prusse doit y venir en I8'iî(, pour l'inauguration de
cet achèvement.
Fionn plaît au voyageur. Le Rhin d'un ccjté, de Iiellcs avenues de l'autre,
la bienveillante alTabilité des habitants, l'église romane, digne lille, avec celle
de Worms, de la cathédrale de Mayence, Beediovcn noblement installé sur
la place de l'église; tout cela fait un ensemble très-flatteur. Et, si vous voulez
iliner dans la plus belle salle des bords du Rhin , vous irez à VÉtoUr d'or.
A Mayence abondent les trésors que vous recherchez. Dans la cathédrale,
j'aime ces deux chœurs romans et ce mélange de styles des belles époques.
Au chœur occidental, vous lemarquerez une petite chaire en pierre avec son
escalier sans rampe, très-certainement du premier âge de l'Église. Celle de la
nef est du xV siècle. Je doute ([u'il existe une chaire de la même épocjue
comparable à celle-là ; et encore n'y a-t-il que la cuve avec son pied el l'esca-
lier; car le lourd abat-voix qui l'écrase est bien postéi leur. Je ne sais pas ce
que se sont proposé les marguilliers en entourant ce chef-d'œuvre d'une grille
tellement haute (ju'on ne peut le voir qu'à travers des barreaux, comme un
prisoimier d'Etat. C'est pousser le zèle de la conservation au delà des bornes.
Le cloître et ce qui en dépend est fort remarquable. On admire, en v cniiant,
ime charmante porte byzantine à droite , tandis que celle de gauche est ogi-
vale et non moins belle. Maintenant, mon cher lecteur, après la visite de
l'église et du cloître , le visiteur vulgaire se dirige vers la porte. Pour vous,
mieux avisé, vous vous rappellerez que vous avez «pielque chose de plus à
3H. ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
denicinder au sacristain de céans. Il est bon de savoir qae les sacristains
jouent un grand rôle dans un voyage archéologique; tellement que si vous
prenez celui qui vous conduit dans son mauvais quart-d'heure, ou si la dé-
testahle confusion deBahel règne entre vous et lui, votre atTaire est nianquée.
(.)r, le sacristain de .Mayence est bien le plus intelligent, le |)lus avancé de
tous les sacristains. C'est un vrai archéologue, et je volerais volontiers pour
qu'il fût nommé correspondant des Comités. Il est amoureux de sa cathé-
drale, et, pour peu (pi'il trouve de la sympathie chez le visiteur, il la montre
avec enthousiasme. Donc vous le prierez de vous conduire à la sacristie; là,
de douces jouissances vous sont réservées. D'abord un grand calice; dans son
entier, il ressemble beaucoup à celui de Reims et au calice allemand repro-
duits au tome III, page 200, des « Annales Archéologiques ». Il est plus grand
de volume et la coiqieen est un peu conique. Toute l'ornementation consiste
dans des émaux incrustés à fleur, excepté le bord inférieur du pied où l'on
voit courir une petite guirlande de fleurs détachées. Le nœud est à peu de
chose près le même que celui du calice allemand ci-dessus. Le pied porte
une suite de médaillons représentant la Passion. La bande extrême de la
patène est plus large que celle du calice de Troyes (même volume, même
page des « .4nnales »). Elle se détache sur le milieu par une série d'arcs plus
que demi-circulaires. Ceci me fait soupçonner que le quatre-feuilles du calice
allemand des « Annales » n'est pas formé , comme sendjje l'indiquer le des-
.sin, par une simple ligne ornementale, mais bien par les contours saillants
du rebord. La patène de Mayence porte , au centre intérieur, un grand émail
représentant le Jugement dernier et Jésus-Christ avec deux pointes d'épées
dans la bouche. En résumé, ce calice, d'après la sévérité de sa forme et de
ses ornements, est plus ancien que les trois représentés dans les (( Annales
Archéologiques». Je crois que mon habile sacristain n'était pas loin de la
vérité en disant qu'il est du commencement du xi' siècle; aussi je l'appelle-
rais volontiers calice roman. Un second calice du même trésor est remar-
quable par sa coupe à six pans, lesquels sont entièrement recouverts d'émail.
Tn troisième porte au fond de la coupe un grand émail dont il est difficile
de liie le sujet. Le trésor possède encore une belle crosse et un anneau épi-
scopal du xu' siècle. Ces deux derniers objets ont été trouvés dans des
fouilles récentes. De plus un magnifique livre d'épîtres et d'évangiles des
mêmes époques. Il est parfaitement conservé, sauf le crucifix encadré dans
la couverture. Enfin, un petit encensoir en cuivre : la partie inférieure en est
pleine et unie; le couvercle, un peu allongé, est formé d'animaux enlacés;
il est surmonté d'un petit clocher tronqué.
EXCURSION EN BELGIOIE ET SUR LES BORDS DU RHIN. 315
lue iuitiquilé très-inléressante , cl (lui devrait natiirolU-ineiil iMro là, se
Il oiuc dans l'église de Saint-Klieiine, située sur le point le jiiiis élevé de la
ville; c'est la chasuble de saint \\illegisc, archevêque de .Mayence, qui fit
biitir la cathédrale dans le cours du xi' siècle. Celte chasuble est en soie verte
unie et sans le moindre orneiiicnl. Klle est doublé<' par une élolTe à peu près
pareille. Elle est très-longue : portée par un honune de cin(| pieds cin([ pouces,
elle lui va aux pieds. Étroite vers le haut, elle a une assez grande ampleur
à la partie inférieure. Klle n'est ouverte au sommet, avec une courte incision
sur la poitrine, que pour laisser passer la tôle du célébrant. Depuis l'épaule
jusqu'au genou sont attachés, à distance de deux pouces, de petits anneaux
en laiton, et dans ces anneaux est passé un cordon de soie; c'est en serrant
ce cordon par les deux bouts qu'on relevait la chasuble vers les épaules,
pour donner aux mains du prêtre la liberté nécessaire. La vénérable chasuble
est un peu négligée: la doublure tombe par morceaux. Aussi, je prie in-
stamment les marguilliers de Saint-Éticnne de voler un modique thaler pour
faire raccommoder cette précieuse doublure, condamnation ^(■(•ulaire do noire
ignoble bougran.
Voilà beaucoup de bonnes fortunes, me direz-vous, pour une seule ville !
Hé bien ! ce n'est ])as tout. Au moment où je gagnais la porte de la sacristie cpii
conduit au chœur nous sommes toujours à Saint-Etienne , j'aperçus un petit
vase en cuivre appendu au chambranle; c'était un bénitier portatif, très-
certainement de l'époque de la cuve baptismale de Liège. Il a exactement la
forme d'un seau à puiser de l'eau. Sa surface est partagée par quatre pilas-
tres en autant de com])artiments. Dans ces cadres, sont représentés Jésus-
Christ bénissant, la Sainte Vierge, l'abbé saint Arlhman , et saint lléribert.
Le nom de chaque personnage est écrit au-dessus de sa télé, en lettres gothi-
ques. Les deux extrémités de l'anse sont arrêtées dans l'occiput de deux
létes de lion. Ces deux tôles font saillie en dehors du vase et correspondent
aux deux pilastres latéraux. Le vase a 12 centimètres de hauteur, aulant
dans son diamètre d'ouverture, et 9 dans celui de la base.
Maintenant , mon cher compagnon de voyage , je vous laisse monter seul
vers "Worms, Heidelberg, Strasbourg et Freybourg. A volie retour nous des-
cendrons en Hollande.
Voilà Dusseldorf, puis Emmerich. Là, vous remarquez cette église près
du Hhin , lequel s'est permis de l'envahir au point qu'il n'en reste plus guère
(pie la moitié. Hé bien! dans celle église, se trouve le calice de saint Willi-
brod, qui la fit construire pour la première fois en G'J7. Vu iïieheux malen-
tendu m'a privé de voir ce calice et de le comparer avec ceux de Mayence.
316 ANNALES AKCHÉO LOGIOIES.
Mais, me direz-vous, que trouvons-nous en Hollande? partout des prairies,
et, dans ces prairies, des animaux qni paissent. A Amsterdam, au rendez-vous
du beau monde, des animaux en cages; à Leyde, des animaux empaillés;
et, Dieu merci , ils sont arrivés là en bon nombre de tous les points du globe.
Je crois, en vérité, que la ménagerie de Noë était moins brillante. Ainsi,
ce n'était pas la peine de venir courir à travers tous ces canaux. Patience!
Saluez La Haye, cette proprette, cette reluisante petite capitale. Montons du
côté de la belle avenue qui conduit à Chévenin, et nous voilà en face d'un
palais ogival, tout neuf, même encore inachevé. C'est Sa Majesté le roi des
Pays-Bas qui se donne cette habitation. Ce prince raffole tellement de notre
style, qu'il veut respirer, dormir, administrer et même, je crois, gouverner
en plein moyen âge. C'est merveilleux! Voilà donc, avec le roi de Prusse et
celui de Bavière, trois monarques dans notre camp pour nos batailles avec
messieurs des Beaux-Arts. Ajoutons M. le comte de Furstemberg, qui nous a
i)àti , à ses frais, une église à Remagen. A propos de messieurs des Beaux-
Arts, je demandais à un savant de l'université de- Bonn ce qu'il pensait de
leur manifeste contre le style ogival à employer dans les nouvelles églises; il
haussa les épaules et s'en tint là.
A Rotterdam , n'attendez pas autre chose que la statue d'Erasme; et encore
ne la cherchez pas sur un haut piédestal, au milieu d'une grande place. Non.
Voyez-vous là-bas, dans ce coin bruyant, sur ce petit pont traversant un
sale canal, quelque chose poindre entre les échoppes des marchandes de pois-
son? c'est l'extrémité supérieure d'Erasme. — Peu vous importe, à moi aussi.
Arrivons à Dordrecht. Là, enfin, une cathédrale. L'extérieur ne présente
qu'une masse informe en briques rouges; mais l'intérieur est bien réellement
une très-belle église. On y sent le voisinage de la Belgique. Le chœur et le
transsept du xiv' siècle sont très-remarquables. Le premier se compose de dix-
iiuil colonnes dégagées, et surmontées de petites ogives aiguës. Les chapi-
teaux sont ornés de deux rangs de feuilles isolées, sculptées avec une grande
délicatesse. Ce n'est pas sans surprise que j'ai trouvé ce chœur orné, dans son
entier, de magnifiques stalles. C'est un œuvre complet. 11 porte sa dale en
trois endroits différents : 1 538 , 1 539 et 1 b'iO. La composition de l'ensemble
n'est pas moins remarquable que l'exécution. Tous ces rinceaux sont d'un
grand fini. Au-dessus des sièges , règne, dans toute la longueur, un rang de
personnages qui représentent, d'un côté, l'histoire des apôtres , de l'autre,
probablement la vie du jiatron de l'église. iMalheureusement ces figures ont
été mutilées au point que de chaque tête il ne reste que la masse. Du moins
ici , je n'eus jias , comme à Mayence , à Heidelberg et ailleurs , le secret affront
KXCl IlSION KN HF.r.iilOlK KT Slll LES BOUDS Dl' lUUN. 317
(II' Micnlcndir (lire : « Ce sont les Français. » L'histoire médisait : ce sont les
fnri'ni^ di' la lefornie.
Kn ell'et, ces stalles ne durent pas servir loniitenips, pviisqu'en 1G18 se tenait
dans cotte étdise le eélrl)re synode de nonlrcelit. Plusieurs annéesavant, l'édi-
fice servait, comme il sert encore, au ciiili' réformé, ou plutôt aux réunions
des protestants, car ils n'ont point de culte. Sous ce lapport la belle cathé-
drale |)résente un triste spectacle. Dans ce magniTupu' clurur, plus d'autel,
plus de sacriiice , plus de lirillantes lumières, de célestes parfums, de su-
blimes cérémonies; Jésus-Christ chassé de son sanctuaire. Là-bas, au centre
de la nef, l'homme s'asseyant en face de l'homme pour lin' unr lettre pétri-
fiée par eu\. Oh! que la négation i)rotestante est une froide . une triste chose,
même sous le rapport de l'art. Les stalles de Dordrecht sont divisées en
deux parties. La première moitié, du côté de l'autel, est seule sculptée et
enrichie d'ornements ; la partie inférieure est tout unie. Ceci prouve (pie là les
dignitaires de l'église occupaient les places les plus voisines de l'autel , tandis
que chez nous ils s'en éloignent pour se rapprocher de l'assistance.
Quelques colonnettes et d'autres parties accessoires manquent à ces stalles,
qui ne sont pas parfaitement conservées. D'ailleurs la manie, particulière à ce
peuple barl)oteur, de toujours laver, a donné au bois une teinte blanchâtre
fort peu agréable. Enfin, au moincnl où je |)assais, ou avait jugé conve-
nable d'entasser dans l'intérieur de ces stalhîs une réserve de l(»ngues et
lourdes |)ièces de sapin (pii (écrasaient tout, sans conq)ter les dégâts causés
pai II' placement et le déplacement.
lui rentrant dans ma pauvre (église, qui est en style Godde, j'ai été frappé
de l'analogie qui existe entr(! la cuve baptismale qu'elle possède , je ne sais
comment, et les stalles de Dordrecht. Elle est certainement de la même
épo(iue, et les ornements semblent avoir été composés et exécutés par les
mêmes mains.
GLi:VTO\,
42
LA CROIX ORIENTALE.
Au mois de décembre de l'année dernière, nous écrivions quelques
lignes sur le k Crucifix )), à propos du beau monument que possède I\l. Jules
Labarte el dont nous donnions une gravure'; aujourd'hui, nous allons dire
un mot de l'iustrumenl de la passion divine, à l'occasion dune croix qui
appartient aux religieuses de Notre-Dame, à Namur. Un habile et savant
orfèvre de Paris, dont nous avons plusieurs fois cité le nom et recommandé
les travaux, M. Léon Cahier, nous a révélé l'existence de celte croix inté-
ressante. Avec une générosité que nous apprécions vivement, M. L. Cahier
nous a confié des dessins et des estampages de la croix de Namur, estampages
et dessins exécutés par lui-même ; c'est d'après ces deux systèmes de repro-
duction que M. Fichot a dessiné celte croix dont M. J. Huguenet vient de
nous donner la gravure sur acier. Non-seulement cette gravure est d'une
fidélité minutieuse, mais encore d'une rare beauté. Nous, qui plaçons l'exac-
titude au-dessus des autres qualités que les dessinateurs en archéologie doi-
vent posséder, nous croyons que la beauté de cette planche est due en par-
lie à la reproduction scrupuleuse de l'objet.
En nous donnant ses dessins et ses estampages, M. L. Cahier nous écrivait :
« Monsieur, permettez-moi d'apporter mon tribut à votre belle publica-
tion des <( Annales Archéologiques » et de vous envoyer un dessin de croix
avec quelques notes sur un orfèvre du xiii° siècle. Je joins au croquis de la
croix le calque des émaux et le moulage en plâtre de tous les détails. Cette
croix se trouve, avec beaucoup d'objets de la même époque, chez les reli-
gieuses de Notre-Dame, à Namur. Ce petit trésor vient de l'ancienne abbaye
d'Ognies, située près de Namur. Les moines de celte abbaye se dispersèrent
en fuyant, comme tant d'autres, devant les armées républicaines. Leur abbé
attachait, on le conçoit, beaucoup de prix à tous ces objets, dont la plu-
part sont des reliquaires; il les cacha soigneusement et les sauva de la des-
truction. L'abl)aye d'Ognies ne fut pas rétablie, el l'abbé, en mourant, légua
1. ./nnales archéologiques, vol. III, pages 357-364.
AXXAi.Ks \i;ciii:mi,m.i,ii i
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CHOIX ORIKNTAIK |-'N OH KMMl.l.
LA CHOIX OKIF.NTAI.F.. 319
son trésor aux religieuses de Niiimir, nui iiinnecieiil ces objets et les eonser-
vent précieusement.
« Il y a plusieurs juiVes de ce trésor, qui sont d'oriijine byzantine, telles
que les émaux de la croix, que je vous envoie, et deux mitres, dont une en
parchemin couvert de peintures'. Ces objets ont dû être apportés par Jac-
ques de Vitry, évoque de Plolémaïs, qui a fini ses jours à l'abbaye d'Op;nies.
Au XIII* siècle, cette abbaye possédait des orfèvres, ainsi qu'on le voit
par la signature du moine llino. Kn etïet , sur un petit calice orné de cise-
lures et de jolies nielles, on trouve, à la b;\te du jjied , cette inscription :
•j" HLGO ; MF, i l'ECIT i OUA TK [ PKO i F.O [ CAI.IX ': ECCI.KSIK |
BEAT! ': MCUOI.A! [ I)K \ (Ui.MKS [ AVE \
« Vn fort beau reliquaire, (]ui contient entre autres reliques une côte de
saint Pierre, est couvert d'ornements de la plus exquise délicatesse et qui
présentent beaucou]) d'analogie avec les ciselures du calice. J'ai Irouvi' aussi,
mêlée aux reliques, une petite bande de parchemin avec cette insciiption en
écriture cursive du xiii' siècle :
KELIyE ISTE llElin HIC UECOniTK. AXNO IIM M. CC. XX. OCT.
KRAr niGO VAS ISTL'D OPCS EST OKATE PKO EO.
<( Voici donc établi ([ue l(^ IVere Hugues travaillait en 1228.
n Lu évangéliairc du même trésor est recouvert fort richement en vermeil
repoussé, et entouré d'ornements ciselés semblables à ceux du relicpiaire
ci-dessus. Ces ornements alternent avec des nielles. Une de ces nielles repré-
sente Hugo, en costume de moine, oITrant son livre à Dieu ou peut-être à
saint Nicolas qui est représenté en face. Une inscription, en lettres d'or sur
fond démail bleu, se trouve du même ccMé. La voici, avec la disposition des
lignes qui la conqiosent, son orthographe et sa ponctuation :
•f LIBER : SCBII'TIS : INTl S : ET : EOIllS :
Hi'GO : scniPSiT : i.ntcs : giESTr : fouis : maxc ; f ouate : puo : EO :
t OUECAMNT : AMI : CillSTCM : CAMT :
ARTE : FABUILI Ml (iO : SU : OlESTl! : SCJI'TA : LAUORIS : AUANS.
« Le mot oLKSTr, (pii est repc'té deux foi> ici, ne puurrait-il jias se liaduire
4. Nos lecteurs voudront bien remarquor cotlp curieuso purliculurité d'une mitre on parciicniin
couverte de miniatures, absolument comme un manuscrit; nous ne pensons pas qu'il existe ail-
leurs d'autres mitres de ce genre. Il y aurail des recluTtlies a faire sur ce point fort élran.^e en
archéologie. (Note du Directeur.)
3-20 ■ ANNALES ARCHEOLO(; IQUES.
\}ar frais, dépenses , et signifier alors que Hugo n'a l'ait lui-même (foris mam)
que l'orfèvrerie de ce livre, el qu'il a fait faire l'intérieur, l'écriture, à ses frais
(iNTUs QUESTu)? — Il m'a semblé voir dans ce trésor seize ou dix-huit pièces
d'orfèvrerie exécutées par ce même Hugo. C'est déjà un assez riche bagage
pour ce moine , qui peut prendre place [)armi nos [)lus adroits artistes du
xiii' siècle.
« Le nom de cet orfèvre n'étant pas bien connu, je crois, j'ai pensé que ces
notes pourraient vous être agréables et servir aux recherches que tant dai-
chéologues font aujourd'hui sur les artistes du'inoyen âge.
(I Agréez, etc.
« LÉON CAHIliR. '.
C'est un grand service que M. L. Cahier nous rend, en elfel, en nous don-
nant d'aussi curieux détails sur un moine orfèvre du xui' siècle. Nous serions
bien heureux si nous pouvions ainsi mettre un nom sur chacune des belles,
des admirables pièces d'orfèvrerie que nous a laissées le moyen âge et que
les révolutions, la cupidité ou la mode, n'ont pas encore détruites. Le mi-
nistère de l'instruction publique va faire imprimer un volume de documents
inédits sur les artistes du moyen âge; grâce à M. Cahier, le moine Hugo
aura une bonne place dans cet important ouvrage.
Quant à la croix d'Ognies, aujourd'hui à Namur, un mot encore.
Elle est en vermeil. Le pied et le nœud sont en métal fondu et ciselé; la
croix proprement dite est d'un métal très-mince, en feuilles, et cloué sur du
bois. H y a donc, entre la hampe et le pied, une ditférence notable, et M. Ca-
hier croit avec raison que la croix, rapportée seule d'Orient, a été plantée
dans un pied de fabrication occidentale. Ce pied , effectivement trop étroit
de base pour la croix et qui n'a pas été fait pour elle, accuse un travail
roman de nos contrées; ce sont nos lions et nos dragons, tels qu'on les re-
trouve fondus en bronze , en argent ou en or dans les reliquaires, les chan-
delieis el les candélabres romans de nos trésors et de nos musées. Le pied
du grand candélabre de Reims, qui vient de l'église abbatiale de Sainl-Hcmi,
ressemble singulièrement à celui de la croix de Namur. Les deux lions all'ron-
tés, sur le côté que reproduit notre gravure, sont accompagnés de quatre
dragons ailés, ciselés en relief; sur les deux autres côtés, six admirables
bêtes, dont deux se mordent les ailes avec furie, peuvent compter, avec les
rinceaux qui les encadrent , parmi les chefs-d'œuvre de la plastique, de la
fonte el de la ciselure. Nous le disons sans précaution oratoire, ranticpiilé
n'a rien laissé de pareil, rien d'aussi beau, d'aussi énergique, d'aussi vivant.
AN.\Al.i:S AUClIKOl.Odlnl |.;s.
''■" '^'- l'illri'll. Ill|. (|-Ulni. N" 1. ;, |«;|
l-l l'li'|i;llaliull.
s. Jean fvangplisli'
Desmii par Firlioi.
/■•iipm M. I.,;„i Cihicr.
\mMLvm\é m-^i'èihm-tm^ iM^OLLig m^ m.
('•rare par lionn-i.
LA CHOIX OKI KM A LE. :}2I
Ht co pied l'St niic do ces jiièces dOilcv rerie ((iiimie nous on possodons en-
core plusieurs centaines.
Dans \c nœud s'enlèvent on relief les attributs des cvaniiélistes. Sur noire
gravure, nous voyons le lion de saint .Marc. Laniiede .saint Malliiou, l'aigle
de saint Jean et le lid'uf'de saint Luc, aile.s et nimbés conuiie le lion, occu-
pent le reste de la boule, l.e nonid et le pied sont à jour, ce (pii permet d'unir
une légèreté reinaïquaiile ii un reliei'x ii:oiireu\. Dr petites ai abi'S(|ues ollleu-
renl la lige cylinilri(|uo tpii descend du nonid dans le pied.
Tout cela, redisons-le, nous parait d'un travail occidental et ressemble a
iine foulo d'objets (|ue nous possédons et que nous savons avoir été faits en
Angleterre, en Allemagne et surtout en France. Pour la croix elle-même, il
n'en va plus ainsi : elle est d'un travail grec, parfaitement accusé. Nous sommes
heureux de pouvoir oll'rir à nos lecteurs un sujet autlionliquement byzantin;
car, obliges de parler plusieurs fois encore de la Grèce chrétienne cl de l'art
byzantin, nous aurions eu de la peine à formuler nos idées et à faire toucher
nos descriptions, si nous n'avions pu les prouver par divers monuments
graphi(|ues.
Remarquons d'abord ces huit médaillons émaillés les émaux sont très-rares
en Orienta, cjui décorent le montant et les branches d(( la croix. Ils sontdi.s-
posés surnotre planche comme sur la croix même. Kn haut, c'est le sujet
que les Grecs affectionnent et qu'ils appellent la i'Iu:i>.\ratios, r, éT0'.[ji5tç'a.
Déjà nos lecteurs connaissent ' ce petit autel surmonté d'une croix et chargé
d'un coussin (]ui |)orto l'évangéliaire. A droite et à gauche de la croix, on voit
la lance et la cuillère dont les Grecs se servent pendant le sacrilice de la messe
pour couper et distribuer le corps de Jésus-Christ caché sous les espèces du
pain et du vin. Les montants de l'autel, les deux^ extrémités du coussin et la
couverture de l'évangéliaire sont d'un jaune d'or; le reste est bleu, avec des
bordures ro\iges. — Sous l'autel et à la droite, est saint Jean évangéliste,
c'est-à-dire, moyennant les abréviations byzantines en usage constant, ôà'Yw;
Iwatvvr.; ô ©eoVJyo; ; à la gauche, saint Marc, ô â'ytoç Msépxoç. Saint Jean est re-
présenté vieux, à la barbe et aux cheveux blancs; il diffère complètement
de notre saint Jean latin (pii est jeune, imberbe, à la chevelure blonde, rousse,
ou tout au plus d'un Imin clair. Ces saints Jean et Marc byzantins bénissent
à la manière greciiue, le i)ouce sur l'annulaire; évangélisles tous deux, ils
I. Inins les .Innales .Irrliéologinues, vol. Il, page 299, nous avons donné la gravure d'im
reliquaire byzantin qui apparlicnt a Mgr. DuMlre , évéquc de Nevers. En télé de finst-riplion
;;rccque firavée sur ce reliquaire, nn voil wnf préparation absolunienl somMalile à wllc de la
croix de Namur.
322 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
tiennent leur évangile de la main gauche. — Saint Mathieu (ô ayio; Marôato;)
est sous saint Jean , et saint Pierre (ô â'yio; néxpo;) sous saint Marc. Saint Ma-
thieu et saint Pierre sont vieux et blancs de barbe, de cheveux et de sourcils,
comme saint Jean; mais Pierre a la tète ronde et la barbe courte, tandis que
Jean et Mathieu ont la figure et la barbe allongées. De plus, les cheveux et la
barlte sont d'un blanc bleuâtre à Jean et Mathieu , mais d'un bleu clair à
saint Pierre, qui est aussi moins vieux que les deux autres. Mathieu montre
l'évangile qu'il a écrit et qu'il tient ; Pierre bénit à la grecque et tient à la main
gauche, non pas un livre, puisqu'il n'est pas évangélisle et qu'il a fort peu
écrit, mais un rouleau. — bumédiatenient sous l'autel, nous voyons saint
Paul, 0 â'yioç riaùXoç. Figure ardente, jeune encore, cheveux noirs, longue
barbe noire, saint Paul montre de la droite le livre qu'il porte de la gauche
et qui contient ses épîtres. Le grand nombre de ses écrits le fait assimiler aux
évangélistes, et son livre a la forme de ceux des saints Jean, Marc et Mathieu.
Ordinairement, chez nous, saint Pierre est représenté jeune encore quoique
déjà très-chauve, et saint Paul vieux, à la barbe blanche; c'est le contraire en
Grèce. Cependant les Byzantins comme les Latins allongent la figure et la
barlie de saint Paul et arrondissent la figure de saint Pierre, dont ils bouclent
tes cheveux; chez les Latins, comme chez les Byzantins, la physionomie de
saint Paul est ardente et inspirée, tandis que celle de saint Pierre est plus par-
ticulièrement spirituelle et fine. Saint Pierre applique, en quelque sorte, les
idées de saint Paul; le premier réalise ce que le second trouve '. — Saint
Pantéléemon (ô â'yio; lïavTeXavfiAOJv ) , le jeune médecin que nous connaissons
déjà ^ , est placé sous saint Paul. Il semble qu'on aurait dû lui préférer le
quatrième évangéliste, saint Luc; mais cette croix est un reliquaire, et un
reliquaire qui doit avoir opéré des miracles et guéri des malades. C'est pro-
bablement à cette circonstance qu'il faut attribuer la présence du jeune méde-
cin grec. Saint Pantéléemon, moins gracieux que sur la gravure donnée dans
notre livraison de septembre dernier, se reconnaît à sa jeunesse; il a le visage
rond, le front bas, les cheveux abondants et noirs. Il tient à la gauche un
rouleau ou une très-petite boîte ; à la droite, la spatule ou le crochet que nous
avons déjà vu. — L'archange Gabriel (ra€p'.v;X) est au pied de la croix dont
le sommet est occupée par l'autel. Connue tous les anges byzantins et comme
quelques anges italiens, cet archange est coiffé d'un diadème à bandelettes;
1 . Un de nos amis s'étant chargé d'écrire et de dessiner, pour les Annales Archéologiques de
<847, l'iconographie des saints jjrincipaux , nous sommes dispensé aujourd'hui de nous étendre
davantage sur les caractères distinctifs de saint Pierre, de saint Paul et des autres saints.
2. .thiiales Archioloyiques, vol. V, pages 148 et 105.
LA CROIX ORIENTALE. :)23
co ractère protioux iii ic(Hi(ii;!a|)liie'. Il porte à la mai» dioilc, conlro sa poi-
Iriiie, le ilisquo ou la lioiilo qui s'appelle, en Grèce, le soeat dk Dii:r.
Les trois vieillards, Jean, . Mathieu et Pierre, portent un niinlio à rliaïup vert;
aux quatre autres, si noirs île cheveux, le elianq) est bleu; mais à tous
l'ourlet du nimbe est rouge. Les létes, d'une vive couleur de chair, sont légè-
rement ombrées aux joncs et au nez qui s'enlève en viirueur. Les robes et les
manteaux sont verts ou bleus. Saint Paul seul a une robe blanche, une espèce
• l'aube; la couverture de son livre est roujie ; elle est jaune aux évangiles de
Jean, Marc et Mathieu, toutes les inscriptions sont en émail rouge. 1-e rose de
la chair et le vert sont les seules couleui-s transparentes; les autres sont opa-
ques. Les émaux sont coulés sur des phupies d'or dune épaisseur de 5 n)illi-
mètres. La masse est enfoncée au ciselet ainsi que les lettres. Les contours et
les dessins sont formés avec de petites cloisons contournées, en or d'un milli-
mètre de hauteur. Douze turquoises, douze rubis et un grand nombre de
jargons jettent des feux autour des médaillons et des deux petits habitacles
ilu bois de la croix. Tout le reste est en vermeil ^.
Telle est la face antérieure; le revers no porte pas de ligures, mais scule-
medt des ornements d'une grande délicatesse et d'un caractère aulhenlique-
ment byzantin. Les Grecs afl'ectionnenl spécialement les roses à huit pétales,
ainsi qu'on les voit sur une dalle de marbre blanc qui décore ou décorail le
portail d'une église d'Athènes , et qui porte une croix à double traverse ^. La
croix de >'amur otl're une sorte de rosaces qui sont à huit pétales et qui en-
trent, aujourd'hui encore, dans l'orfèvrerie et la bijouterie à l'usage des
femmes grecques. Du reste, ce revers de la croix est, aussi bien que la face,
en filigranes ou ornements repoussés; ce n'est pas fondu comme le nœud et
le pied. — Voici les dimensions de la croix en millimètres :
Hauteur totale 369
Longueur de la grande traverse. 210
Longueur de la petite <38
Epaisseur sans les médaillons.. 022
Epaisseur avec les médaillons. . 025
largeur du pied I S2
La forme est une croix à double traverse, celle (pic l'on devrait aj>peler
1 . L'attribut de saint Matliifu , l'ange sculpté sur le nœud du pied de la croix , n'a pas de dia-
dème; preuve nouvelle que ce pied ap|iartienl à l'art occidental plul(\t (pi'à celui de l'Orient.
2. La lettre de notre gravure sur acier dit à torl : « Croix orientale en or émaillé ■> ; le tirage
était terminé ([uand nous avons aperçu ceUe erreur.
■i. La gravure de celte croi.x et de ces rosaces est donnée dans les .tnnules, vol. I , p. \(>î.
321 ANNALES AKCHÉOLOdlQUES.
spécialement, exclusivement peut-être, la croix grecque. C'est à tort, en
effet, qu'on donne le nom de croix giec(|ue à celle dont les branches sont
égales, car ce genre de croix appartient à l'Occident presque autant qu'à la
Grèce. La croix à double traverse est, au contraire, purement orientale; en
Grèce, en Macédoine, à Conslantinople, nous en avons trouvé une quantité
considérable. Une église d'Athènes, probablement détruite aujourd'hui et
qu'on voyait, en 1839, à la base septentrionale de l'acropole, offrait à son
portail occidental deux croix que nous avons fait graver. Ce sont des croix à
double traveise, imitant un travail de rubans entrelacés ou de sparterie. Elles
sont sculptées sur des dalles de marbre blanc et incrustées dans les murs du
portail dont elles forment ou formaient la principale décoration. L'inscription
byzantine, Jésus-Christ triomphe ou Jésus-Christ est vainqueur , est gravée
njoitié sur la dalle gauche, moitié sur la dalle droite, de sorte que ces deux
croix ont toujours été faites pour être placées l'une près de l'autre et pour se
compléter. Les deux paons qui regardent la croix de gauche, l'aigle et le
faucon qui accompagnent celle de droite, sont probablement symboliques;
ils signifient sans doute le triomphe de la croix ou de Jésus-Christ sur l'orgueil
du paon ', la cruauté du faucon, la férocité de l'aigle. Ce serait alors comme
1 . L'orgueil du paon est proverbial ; l'étalage qu'il fait de sa queue ocellée , la fatuité de sa dé-
marclie ont été remarqués des poètes et converlis en métaphore à l'usage des rhétoriciens. On
trouve dans la symbolique chrélienne la même idée attachée au caractère du paon. Mais, à côté de
ce vice, on a dû placer une vertu ; car, sur certains monuments chrétiens , le paon se montre à
côté de l'agneau , ou bien seul et décoré du nimbe comme un être sanctifié. M. Tournai , secré-
taire de la Société archéologique de Narbonne, nous a envoyé le dessin d'un monument funéraire
conservé dans le porche de Sainte-Marie-in-Transtevere, à Rome, où se voient le paon et l'agneau,
qui ne paraissent pas hostiles , mais amis. L'agneau signifie la douceur, le calme dans la médita-
tion des choses célestes; le paon pourrait en désigner la contemplation ardente et sans cesse
éveillée. Sur un sarcophage de Bologne, dans l'église Sainl-Étienne, deux paons semblent ado-
rer la croix, loin de la mépriser ou d'en être écrasés. Enfin le musée de Narbonne possède une
pierre tumulaire trouvée dans la ville d'Athènes; là, en regard d'une croix, un paon magnifique étale
en rond sa large queue étoilée, et ce paon porte un large nimbe comme un saint. Cette magnifi-
cence de plumage, ces étoiles semées sur la queue, ce nimbe qui rayonne autour de la tête, dé-
corée d'ailleurs de six aigrettes éclatantes, peuvent symboliser le ciel, le paradis ou l'e-xaltation
vers les choses saintes. Il en est malheureusement du symbolisme comme de certains mois,
comme de certaines lettres, qui peuvent se prendre à volonté en bonne ou en mauvaise part, qui
signifient oui ou non. La première lettre de l'alphabet grec, l'A, est tantôt négative, tantôt affir-
mative ; elle dit non et oui successivement et presque simultanément. La difficulté, mais le mérite
en même temps, est d'en faire la distinction. Dans le symbolisme, il faut également beaucoup de
prudence et de raison pour distinguer la qualité du vice, et reconnaître quand le paon désigne l'or-
gueil ou bien la contemplation des choses divines. Nous remercions M. Tournai de nous avoir
communiqué un grand nombre de notes et de dessins relatifs à la question si enmèlée du sym-
bolisme chrétien.
LA CROIX ORIENTA l-K.
.•»25
une Viiriaiilo ou ccjiniiio le compifiiicnl du l<'\(i' l'iimciix ;i|i|ili(|iu' au Sauveur
et figuré tant de fois dans nos iii(iniiiiiiiil> ^oïliKim-^ :
" Super aspidi'in l'I ba,>ili>ciim ainhiilabis. cl coru-iilcabis Icoiu'in t'I draconcni '. "
Voici la croix de gauche'^ où Itm voit les deux |)ai)iis;('ll(' ollVi- un ilonhlc
croisillon bi/arroniont tressé.
CHOIX (iiuicyLi: i) atiiènes.
(kulplure du il' «iécli"
Si la base de la croix de Namur avait été faite pour la croix môme, il serait
curieux d'y remarquer des lions et des dragons, peut-ôtre niômc des aspic!-
). Psaume xc, verscl 43.
2. On trouvera celle de droite dans les Annalts, vol. ( , page Itji.
V. M
.'{•26 ANNALES ARCHÉOLOd IQ TES.
on (les basilics, terrassés et refoulés an pied même de ce nionnnirnl. La croix
aurait ici une vertu semblable à celle du divin crucifié.
I.a croix à double traverse est si parfaitement orientale, si spécialement b\-
zantine, (pic les Russes, grecs de religion, l'ont en vénération particulière. La
plupart des croix, de cuivre émaillé ou de bois sculpté, (lu'ils portent sur eux
ou qu'ils honorent dans leurs églises , sont à double traverse. La forme est en-
tièrement semblable à celle de Namur. Toutes les fois qu'on trouve en France,
en Europe, une croix à doubles croisillons, on peut être sîir qu'elle vient
d'Orient ' et qu'elle contient, comme celle de Namur, du bois de la vraie
croix. La croix orientale de Mai'stricht avait deux croisillons. Un reliquaire
byzantin du xi'' ou xii*^ siècle, qui a la forme d'un tryptique et se voit aujour-
d'hui dans le musée de Bruxelles, présente une croix double. La croix dite
de la princesse palatine, parce qu'elle provient d'Anne deGonzague de Clèves,
l)rincesse palatine, est à double traverse. On croit qu'elle a dû appartenir à
l'empereur Manuel Comnène, parce qu'on voit ce nom gravé sur le grand
croisillon ; mais ce Comnène Manuel Stéphanophore est peut-être tout simph»-
^ment l'orfèvre qui a fabriqué cette croix. Quoi qu'il en soit, elle est certaine-
ment byzantine, ainsi que l'atteste l'inscription qui la couvre ^.
Mais une des croix les plus célèbres dans le monde était celle que saint
Louis avait achetée à Baudouin II, empereur deConslantinople, pour la placer
dans la chasse de la Sainte-Chapelle; elle contenait un morceau considéral)l('
de la vraie croix. On l'avait renfermée dans un étui qui n'existe plus, mais
qu'on voyait encore à l'époque de la révolution, et que le chanoine Morand
"a fait graver ^. « On avait ménagé dans le fond ; (le cet étuij trois creux de
grandeurs différentes, en forme de croix grecques , destinés à recevoir trois
portions différentes de la vraie croix. La principale de ces portions, qui était
déposée dans la ijramle châsse de la Sainte-Chapelle, avait, lorsqu'elle fut
apportée en France, deux pieds six pouces et demi de long, sur deux pouces
1 . Nous ne reviendrons pas sur ci- que nous avons dit , dans V Histoire de Dieu et dans le
Manuel d'iconographie chrétienne, sur le plan de certaines églises en croix, si fréquentes
en Angleterre, mais si rares en France, où l'abbaliali' de Clunv et la collégiale de Sainl-Quenlin
sont à peu près les seules qui aient adopté cette forme.
2. IC XC — 2Taupw ira^jeU \i^<i><s%i àtSfôn (pùoiv ■^fitfti Koj/.w,vo; Mavcjïi), aTï^v-^çop'-;. « ,lésus-Cliris(
attaché à la croix releva la nature liumaine,(co;Hnic)ccrit Comnène Manuel StéphanopUore.» Voyez
(le curieux détails sur ce reliquaire dans la Notice historique et critiqtce sur la sainte couronne
d'épines et sur les autres instruments de la Passion. In-8". Paris, 1828. Cette croix, qui fait
partie aujourd'hui du trésor de Notre-Dame de Paris, vient du trésor de Saint-Germain-des-Prés.
:!. Histoire de la Sainte-Chapelle royale du Palais, par M. Sauveur-Jérônip Morand, cha-
noine (le ladite église. In i '. Paris, 179(! , page 44.
ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Par M. Didron, rue d'Ulm, N" i. ii Parii^
Jhsshii' f)iir rifhet.
noiizièn»! siècle. — A l;i S:iiiiic' riwipi'llc ilr l':irj*
l'.rHri fiir Pisaa.
I. A CIKUX (HUKN I Al.i:. Ml
ilo lari;e, rt mij |iciiii-c cl ili'mi (l'<'|i;iir->('iir. I.;i |ilii~ ui.indc liavi'iso paiiiil
avoir eu fin iKuniii pii'il ili' loii^;. On ne sali ci' (|u'claiciil iIcmmuios les ilcii\
croix, de iiioiiidic i^raiidciir, (lui se tionviiicnl anliclois dans l'i'liii, aniiics Ai'
la croix |)riiici|ialc. Au bas de celle dciniere, on \oyail, à droilc cl ;i i;aiiclic,
dodx fignicscii relief, avec deux itiscriplioiis i|iii iiidiiiuaieiil skIiiIc llcli'iic cl
C.onslanliii '. \ii-de?siis <\(\' liras de la cruix, un \n\ail (|iialr(^ ani;es dans
rallilude lie l'adoralinn cl ddiil le> iinin- Miclid, (iabiicl, l<a|ilKiel cl Iriel ;
étaient éciils en caractères forces majuscules ^ 'i»La gra\ure, donnée par
Jérôme .Morand et la » Notice liistoriiiue et critiipie » , est ( ertainemenl
inexacte; néannuiins nous la rciirmluisun^ ici, pareil i\\n) l'objet n'existatil
plus, il n'est pas possible d'en obtenir une nK'ilIcure. Nous avons dû rcpen-
daul replacer sur la tète de ces archanges, d'attitude et de sl\ le i ococo, le ilia-
dème byzantin, car il n'y a pas d'exemple, sauf erreur ou omission, d'un
ange grec dépouillé de cet atlril)ut caracteristi(iue. lUnove/. dans les « Annali-
archéologiques », vol. I, page l(>',* , la gravure de la dalmati(pi(; impériale
b\/.antine, et vous y reconnaîtrez les neuf ordres des anges à leur diadème,
diatleme si nettement accusé sur le front du dabriel de la croix de Namur.
Nous engageons nos lecteurs à bien constater la forme et le nombre de*
cioisillons sur toutes les croix qu'ils auront l'occasion de \oir. Oiiand la
double traverse s'y rencontrera, l'origine cl la nature n'en seront jilus dou-
teuses; la croix sera grecque et servira de reli(puiire. L'église Sainte-(joi\
de Provins a été bàlie par les comtes de (^luuupague, au retour des croisades,
pour recevoir un morceau île la \raie croix; ce morceau était contenu dan-
une croix de métal à double traverse. La relique et le reli(juaire ont, je le
pense, complètement disparu , maison en voit la curieuse représentation
sur les fonts baptismaux de cette église. Sur le haut de la cuve est sculptée
la cérémonie d'un baptême; parmi le clergé cpii assiste ou participe à la cé-
rémonie, ou voit lui ecclésiastique portant dans ses mains une croix à double
traverse. .M. Jules Dumoutet, scidpteur, a envoyé au Comité historicpie des
arts et monuments le dessin d'une croix à doul)lc traverse qui enrichit eiu-ore,
I. H \ruK\rMi — Il \ lloi M)' i\MiiMii - (,(inr.liinlin est loujoiir^ i|ualifié ik' !i:iiiil |>iir
les Orionliiux.
î. O AI' Ml — I) W IMII'IHA — f) AI' <)VI'HHA - i) W \'U>\H\. • l'rii'l osl un inclliin^r
adoptù par les Uyziiiitins el les anciennes lilurçiesde l'Orltnt ; inuis rKj^lise laline nomme et reron-
nail seulement Mieliel, (laljriel cl Kapliai-I. Voyez Mabillon , .Inatetta, vnl. Il; I). C.alniel , Pic-
linnnalre lie la /lih/e. article I riel ; la liibti' de l'ence^ vol. XIII, Disscrliilion sur Irx amjra.
art. 1 ; Benoit XIV. de Cunoniz. sanrt., lit», iv, pari, ii, cap. xxx, n" .'«.
■t. Voyez, à la pa[:e .'ir,. la .\'oltce /iist<iri<iii<' il criliiiiie sur In sainte aniranne d'ipini s ,
citëe plus haut.
328 ANNALES AHCllEOLOf, loUKS.
à ce que je crois, le trésor de la cathédrale de Bourges. Dans le croisillon
supérieur est incrusté un morceau du bois de la vraie croix , et ce morceau
est découpé lui-même en croix double. Noire croix de Namur, double aussi,
renferme deux morceaux du bois de la croix. Si le morceau supérieur est en
croix simple , celui du grand croisillon est en croix double.
On a beaucoup discuté, comme il va sans dire, sur l'origine et la prove-
nance de cette double traverse des croix grecques. L'origine est orientale ;
rien de plus certain , et 12F croix de Jérusalem en est le type. Quant à la pro-
venance , c'est le titre de la croix où Jésus expira qui en a donné le modèle.
Ce titre a toujours paru assez im|)ortant aux Orientaux pour qu'on le repro-
duisît Irès-apparenl dans la forme des croix imitées sur celle du Sauveur.
Les Latins y font moins d'attention; quand ils ne le suppriment pas, ils lui
donnent la forme d'un écriteau, ordinairement penché, petit et peu important.
Que nos lecteurs et les archéologues qui se livrent à l'étude des ornements
religieux recherchent toutes les croix-reliquaires qui peuvent exister encore
en France, et qu'ils en examinent la forme avec le plus grand soin. S'ils
veulent bien nous envoyer la description et le dessin de celles qu'ils parvien-
dront à découvrir, nous promettons de faire graver les plus curieuses et de
rédiger une sorte de monographie de la croix. Nous avons déjà tenté ce tra-
vail dans l'Histoire de Dieu le ûls ' ; mais ce n'est qu'un petit essai, et nous
voulons le compléter. M. de Saint-Mémin , directeur du musée de Dijon,
M. Tarbé , substitut du procureur du roi à Versailles, M. le comte de Mo-
rangiès, M. Tournai, de Narbonne, M. l'abbé Cheval , de Moissac, M. l'abbé
Calvinhad, de Montauban , .M. l'abbé Coqueray, de Tours, et M. l'abbé La-
croix, clerc national à Rome, nous ont envoyé déjà des dessins et des des-
criptions de croix en orfèvrerie, en pierre, en marbre, en mosa'ique et en
bois. Nous tenons en réserve ces précieuses communications, et nous atten-
dons celles qu'on pourra nous faire prochainement encore, pour entreprendre
le travail dont nous parlons. Il y aurait un bel ouvrage à composer sur l'his-
toire complète de la croix chez les différents peuples et aux époques diverses
de notre ère; si nous ne pouvons exécuter le livre, nous écrirons du moins
deux ou trois articles sur ce sujet.
DIDRON.
I Iconographie des peno/mes divines, pages :i5 1-402,
MOUVEMKNT ARCHÉOLOGIQUL:.
Sociétés archéologiques. — Correspondance. — Renaissance de l'art du moyen â^tv
Adhésions el cnoouraiiemenls.
.Vu terme de cette année, nous devrions bien régler nos comptes archéo-
logiques; mais nous devons à tant dé personnes, on nous honore d'une cor-
respondance si nombreuse el si nourrie, qu'il nous sera impossible intime de
mentionner tous nos créanciers. Au lieu d'un numéro , au lieu d'une livrai-
son de sept uu huit feuilles par mois, il nous faudrait, sans exagération,
plus d'un demi-volume; nous pourrions même, à la rigueur, publier men-
suellement un volume assez honnête. En effet, pour arriver à notre but, qui
est de faire une « Revue » el un « Bulletin » tout à la fois, c'est-à-dire, un
livre conq)osé d'articles de longue haleine et un journal rempli de nouvelles
diverses, nous devrions établir dans chatpie numéro deux grandes divisions
subdivisées elles-mêmes en huit ou dix chapitres. Voilà notre idéal; quand
l'atteindrons-nous, si nous l'atteignons jamais? En attendant, nous allons
dépouiller le plus de lettres que nous pourrons. Nous i)rierons ceux de nos
honorables corres|)ondants, qui seront seulement mentionnés ici ou dont les
noms seront omis , de ne pas croire que nous avons écarté pour toujours
leurs communications ou que nous avons oublié leurs envois; au contraire,
tout est classé méthodiquement dans nos cartons, tout est réservé pour pa-
raître intégralement ou par extraits en temps op|)ortun. Nous avons manqué
de place jusqu'à présent ; nous es[)érons en avoir à |iartir de 1847. En elVel,
en 1844, I845el184(i, nous avons consacré de belles, bonnes et nom-
breuses pages à des articles de critique contre tels corps oflicicls, tels
architectes, tels administrateurs; nous avons perdu beaucoup de place en
racontant des actes de vandalisme. Cette polémique n'a pas été entièrement
inutile à notre cause; niais nous pouvons regretter d'avoir emplo\é, à sa|)er
330 ANNAF.RS A lU. Il KOLOC, lOl' KS.
et (Ictniii'c, iiii ttMii|is (|ii(' nous .unions |iii passer ii conslniiii'; il';uoir cliango
en arène à peu près slérile, on véritable champ de bataille, un terrain (lu'on
aurait dû nous laisser labourer elensenieneer aveedes laits et des idées. Nous
n'étions pas les maîtres de la plaee, el il a lallu se livrer à ratta(pii; pour y
entrer; nous n'y sommes pas encore, mais la brèche est ouverte, l'ennemi
en déroute , et nous aurons plus de temps el plus d'espace jtour nous livrer
tran(|uillemcnt à la science. Ainsi donc, et nous le redisons encore à la fin de
ce numéro , les « Annales » vont un peu cha^iger de physionomie : d'agres-
sives et de querelleuses qu'elles ont été jus(iu'à présent, elles deviendront, à
partir de 1847, plus calmes et plus enseignantes. La critique sera reléguée à
peu près exclusivement dans les !< Nouvelles et Mélanges »; elle ne se pavanera
plus, si ce n'est en certaines circonstances solennelles que nous ne |)ouvons
prévoir, dans des articles de deux ou trois feuilles. Chacun y trouvera son
compte , surtout nos correspondants qui verront enfin arriver à la publicité
les communications savantes et curieuses qu'ils veulent bien nous faire.
Un mot d'abord des Commissions et Sociétés archéologiques récemment
établies, car c'est d'elles surtout ((uc part le mouvement. Le nombre de ces
institutions se multiplie d'une manière remarquable en France et à l'étranger.
'( L'x\nnuaire des Sociétés savantes » constatait l'existence, à l'entrée de l'an-
née! 846, de vingt-cinq Sociétés archéologiques pour la France; d'Annuaire »
est incomplet et mal renseigné; nous en connaissons une soixantaine en
pleine activité, et cinquante ou soixante autres (jui sommeillent et sont plus
ou moins près de se réveiller. Nous verrons ce que " l'Annuaire » de 184?
nous révélera sur ce point. Outre les Sociétés spéciales d'archéologie et livrées
uniquement à cette partie de l'histoire, la plupart des compagnies savantes ,
môme d'agriculture, ont une section qui s'occupe d'archéologie dans leur
propre sein, et celle section est presque toujours la plus considérable et la
plus laborieuse. Contentons-nous ici de joindre aux noms des évoques, qui ont
établi des Commissions diocésaines d'archéologie ou des cours de cette science
dans leurs séminaires, ceux de M^"" l'évéque de Troyes , de .M^'' l'évèque de
Langres, de Ms"" l'évéque de Nevers, de Msr l'évèque de Viviers, de IMs' lévè-
(jued'Agen, de Mo'" l'archevêque de Bordeaux et de M='' l'archevêque d'Aucîi.
Ces prélats réimpriment le (( Questionnaire Archéologique » publié par !e
Comité historique des arts et monuments, et l'envoient à tous les ecclésiasti-
ques de leurs diocèses, qui le couvrent de réponses et préparent ainsi les
éléments les plus curieux d'une statistique monumentale des monuments
religieux. Au chef-lieu de l'évêché, souvent même au palais, et sous la pré-
sidence de l'évèque ou de l'archevêque, se tiennent des réunions où se dis-
MdlVKMl.Nl Mtilll.ol.ddini i;. 831;
ciilenl les intôr(Ms de l'arclu-uloi^ic iInvIiiMun-, sons lo (loul'lc rapport cli" la
scienco et de la pratique. M. rabhé Canéto, supérieur tiu petit sémitiaire
fi'Aucli, nous cciixail, au mois de ('e\ lier dernier:
» I>e I I février nous < lôlurioiis nus séances d'iiiver à l'archevi^eiie, comme
vous en étiez a peine à la seconde du Comité des arts et monuments. Les,
ecclésiastiques des deu\ cantons d'Aucii ont ré|)ondu, pour cette (luatrième
session, à l'appel annuel de notre vénérable prélat, avec autant de zèle et
(rcnqiressenieiit (pie par le passé. Et les cantons, même assez éloignés, ont,
aussi été rcproseiiti's dans ces nombreuses réunions par quelques jeunes con-.
frères, qui se trouvaient heureux de venir témoii^ner (1(> la sympathie géné-
rale de notre clergé i)our des études qu'il reconnaît être spécialement les
siennes, et qu'il affectionne à tant de litres. A chaque réunion, la première
lecture avait pour objet l'étude et la recherche des bonnes traditions du ,
chant ecclésiastique. L'attention était de suite captivée, au plus haut degré
d'intérêt, par ^I. l'abbé Moulezun, curé de Barran. Ce savant ecclésiasti- .
•lue, d'abord professeur dans notre petit séminaire, et, depuis quelques-
années, attaché au ministère i)aroissial, a consacré tous ses loisirs à la recher-
che et au dé|)ouillemcnt des monuments hislori(iues qui traitent de la Novem-
populanie. De grandes pertes en manuscrits précieux ont été faites , autour
de nous, comme dans toutes les provinces de la France. Néanmoins il en
existe encore, et plus qu'on ne croirait d'abord. Nous en avons en |)reuve la
eolleclion de notre séminaire, déjà fort considérable, pour le peu de temps :
(jue nous avons mis à la former. A foice de soins et d'études consciencieuses,
M. l'abbé Moulczim s'est rendu très-familiers ces nombreux parchemins et
plusieurs autres manuscrits encore épars dans nos contrées. Il a débrouillé:
tout ce chaos; il a jeté le plus grand jour à travers tant de ténèbres, capables
seules de déconcerter un travailleur moins intrépide, et surtout, il faut le
dire, un esprit moins lucide et une intelligence moins élevée. Le travail de
ce digne confrère, actuellement sous presse, nous a été lu en partie. 11 aura;
au moins 4 vol. in-8"; et, de plus , un dernier volume de pièces justificatives
encore inédites. Quel magniiique résultat pour l'étude de notre histoire de
iVance , si {piel(]ues hommes patients et capables , ré|>andus dans nos pro-
vinces, se livraient, sur tous les points, à des recherches aussi laborieuses!
F'dur la part ipii m'a été faite dans ces réunions, j'ai continué l'étude géné-
rale de l'art chrétien, par quelques Icctm-es spécialement consacrées, cette
année, à l'iconographie des patriarches et à celle des prophètes. Les premières
inspirations de ce riche s\ijet me sont venues, encore celte fois, des cala-:
combes de Home. El de la, parcourant les diverses périodes de la peinture
3é2 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
chrétienne, nous avons reconnu, à treize siècles de distance, dans les magni-
fiques vitraux de notre métropole, les scènes primitives dont l'art naissant
avait embelli cet antique berceau de notre foi. Vous le voyez, il n'est pas
possible de disposer , dans ce premier travail, ou débaucher au moins les
éléments d'une monographie de Sainte-Marie d'Auch, telle que vous la dési-
rez. Depuis trois ans que vous m'avez engagé à l'entreprendre, j'étudie ce
précieux monument de l'art chrétien et national ; mais je suis encore loin
de me trouver au terme de mes éludes, et je sens encore mon cadre s'élargir
à mesure que j'avance. »
Dans une lettre' toute récente, M. Canélo annonce que la petite session
scientifique de 1846-1847 va s'ouvrir à l'archevêché, au commencement de
décembre. Dans le diocèse de Toulouse, si près d'Auch, on en n'est pas
encore là en fait d'archéolegie; mais M. l'abbé Ralier, supérieur du petit
séminaire, écrit que beaucoup de prêtres commencent à s'y occuper de
la science archéologique et qu'on songe même à raviver la Société des
antiquaires du Midi, qui compte tant d'hommes de mérite, et qui fait bien
peu de bruit depuis assez longtemps. A la dernière distribution des prix,
M. Ratier a donné aux élèves de son séminaire un grand nombre d'ouvrages
d'archéologie; c'est une bonne semence dans de jeunes et vigoureux terrains.
M. l'abbé Victor Chambeyron , vicaire de la cathédrale de Lyon , à la per-
sévérance et à la science^duquel l'église de Belleville-sur-Saône doit d'être
classée au nombre des monuments historiques, écrivait au mois d'août
dernier :
« Les « Annales Archéologiques » donnent de justes éloges à plusieurs
archevêques et évêques qui ont fondé des musées d'antiquités religieuses ,
créé des Commissions archéologiques et commencé la collection des portraits
de leurs prédécesseurs ; j'aime à penser que vous apprendrez avec satisfac-
tion le zèle, à ce sujet, de notre vertueux et savant cardinal, qui recueille, lui
aussi , depuis assez longtemps, des objets d art de toutes les époques; il va
sans dire qu'il s'agit principalement des objets religieux, calices, croix , bâ-
tons pastoraux, reliquaires, sceaux, etc., etc. La collection est déjà belle, et
chaque jour elle augmente en richesses. Les portraits des archevêques de Lyon
sont au nombre de vingt, dont un pape et dix cardinaux, Ms"" le cardinal de
Bonald n'épargne rien pour compléter son œuvre, il s'impose généreuse-
ment tous les sacrifices pour la gloire de la religion et des arts; il a fait copier
plusieurs tableaux à grands frais, et s'est fait acquéreur d'antiquités précieuses.
Son exemple et ses exhortations seront suivis; on estimera les vieilleries qui
portent le cachet du beau , on ne les troquera plus contre des nouveautés in-
MOUVEMKM MU.UKOLOr.IorE. 333
?ii.'ni(iiMil('s et riililcs. On peut ospcici- (|iii' cliainu' fiiliriqiic Hc piimisscs
iiiii;i il Cd'iir (II- conserver ce qu'ollr pomi;! iiKiiiticr avec or^Micil au vova-
i.'Oui- artiste (]ui, dans son adniiialioii, saura on reconnaître le pri\. Je ne
vous parlerai pas de la niauniiiiiue stalle ifotliique (jue Msi- lo cardinal fait
exécuter à ses Irais pour sa catliedrale sur les dessins de M. Hossan , archi-
tecte lyonnais. IVludiiles ouvriers y liavnillent dcpui> ipiaire ou cin(| ans;
on |)eul jneer par ce {]iii est l'ail l'r la piMlcction di' l'ouvraiie. J'altciid-
quelque temps encore pour vous en parler en détail. Je puis cependant dire
|)ar avance (pie la richesse du plan et la delicalesse de l'exécution ne le cèdent
lîuère aux (inivres du moyen Ai;e. M. Hossan a étudié Iteaucoup l'architec-
ture ogivale; il la dessine par principes et la l'ait exécuter par «oût. Ce jeune
areliitect" [)oursuit une construction inq)ortante dans l'église Saint-Cieorges,
à Lyon; l'abside, le chœur et le Iranssept s'élèvent déjà à la haulcur des
combles, enricliis des beautés de l'ogival du xiiT siècle. Une llèclie du même
style doit couronner l^tuvre. .M. Desjardins continue avec succès la con-
struction, en roman assez i)ur, de l'église de Vaise, faubourg de l.yon.
Attendons la tin de ces ouviages conuiiencés, pour asseoir un jugemiMit plus
sûr. »
C'est surtout à l'inlluencc de .M^' le cardinal de IJonald (pi'esl dû ce mou-
vemenl dont lu province de Lyon est vivement animée.
L'admim'stralion civile, cpioicpie beaucoup moins active, ne s'endort pas
cependant partout. >L Desmousseaux detiivré, |)réfet du Pas-de-Calais, vient
de créer, pour l'exploration, la conservation et la description des monuments
historiques, une Commission départementale (pu se réunit à la préfecture
même et sous sa présidence. Kn nous donnant cette nouvelle, M. l'abbé
Laniort, chanoine honoraire, vicaire d".\ire-sur-la-Lys, nous écrivait : « Cette
Commission, investie de pouvoirs étendus et précis, est appelée à rendre de
très-grands services. Je n'en connais pas tous les membres; mais, dans notre
arrondissement de Saint-Omer, les noms de MM. Quenson, président du tribu-
nal, L. de Givenchy, secrétaire perpétuel de la Société des antirpiaiics de la
Morinie, Alexandre llerniau, Henri de Lajilane, .VIbert Legraiid, sont bien
de nature à faire concevoir d'heureuses espérances. Fort indigne de ma per-
sonne, j'ai cependant été nommé de la Commission départementale. Nous nous
sommes réunis à la pn-fecture le '2'i juillet. L'n vice-président a été nonmié;
décision a été prise de publier des » bulletins » périodiques dont la rédaction
est laissée au Comité de direction (pii est exclusivement composé de vos amis;
on s'est abonné à vos » Annales ». Knfin, l'on dressera la statistique archéo-
logi(iue du département, aussitôt (|ue des fonds auront été accordés [)ar le
V. 44
33V ANNALES ARCHÉOLOGIQUES,
conseil général. « Pendant son passage à la préfecture de l'Aisne, M. Desmons-
seaux de Givré a rendu de grands services aux études archéologi(pies; son
séjour dans le département du Pas-de-Calais leur sera bien plus utile encore.
C'est après son départ de Laon, mais certainement sous son inspiration, cpie
s'est constitué le Comité archéologique de Soissons, dont nous avons plusieurs
fois cité les actes avec de grands et de justes éloges. — Le spirituel préfet de
la llaute-lMarne, JM. Romieu, les préfets de la Manche et des Pyrénées-Orien-
tales ont envoyé dans leurs départements le qiuestionnaire du Comité historique
des arts, ou créé des Commissions archéologiques. Des Commissions et Comi-
tés existent et rendent plus ou moins de services dans la Gironde, l'Indre, la
Marne, la Manche, le Nord, etc.
En Belgique, une Société vient de s'organiser pour la conservation et la
description des monuments historiques. M. le comte Félix de Mérode en est
le président, et M. Schayes, que nos lecteurs connaissent, le secrétaire. Cette
Société va publier une « Revue archéologique »; elle est sur le point d'obte-
nir l'établissement d'un musée du moyen âge dans la belle porte de Hal , à
Bruxelles. — Une Société royale pour la recherche et la conservation des
monuments historiques vient d'être établie dans le grand-duché de Luxem-
bourg. M. Niinth-Paquet piéside cette Société dont ^L A. Namur est le con-
servateur-secrétaire. La Société royale vient d'envoyer le diplôme de membre
honoraire aa directeur des « Annales archéologiques ». En adresant ses
remerciements pour la distinction qui lui est accordée, le directeur des
(( Annales « a engagé la Société grand-ducale à nouer des relations suivies
avec le Comité historique des arts et monuments. La France gagnera beaucoup
à entretenir ainsi des rapports réguliers avec les principales Sociétés archéo-
logiques de l'Europe. Nous espérons surtout en tirer parti pour la propagation
des " Annales » et l'extension de nos doctrines. En Allemagne, en Prusse, rien
ne se décide encore délinitivement. 31. Schnaase, procureur du roi et membre
de l'Académie royale de Dusseldorf, nous écrivait le i 1 novembre dernier :
« Chez nous, le mouvement archéologique n'est pas déclaré comme en France :
ce sont des études isolées ou des efforts de communes soutenues par le gou-
vernement. Nous manquons d'un centre de réunion [)Our les diû'érents ren-
seignements, et il est dillicile d'en créer un. » Toutefois, nous le savons, on ne
tardera pas à organiser en Prusse quelques Sociétés du genre des nôtres. —
En Angleterre, ce qui s'accomplit en fait d'archéologie est vraiment prodi-
gieux ; comme nous avons à parler encore au moins une fois de ce grand
pays et comme, au catalogue des livres qui suit cet article, nous enregistrons
quelques-unes des publications éditées par la Société royale des antiquaires de
Morvr.MKNT ARrnKoi.or.ioiTE. 335
I.oikIic^, par lliislilut i(i\;il des aicliik'clcs lnitiiiiiiicuics, |iar la Socich' oc-
clé5iolojj;icine, l'Association archéologicuic, lliislitut ar('li('ol<)i;i(|nr, ,1 pai la
Société d'Oxford i»oiir l'étude et la |)ro|iaii.'alioii du stylo i.'otlii(|n(', nous n'en
parlerons pas ici. Disons seulonienl (ine l'ancienne uCanibridiie Cainbden So-
ciety » a pris récemment le nom de « Kcclesioloi^ical Society »et qu'elle se com-
pose déjà de plusdeneifcenl-i nuMnltres. Pour la former, l'Université de Cam-
bridge s'est jointe à celle d'OxInnl, ,•! c'est aujonnl'luii la plus puissante et la
plus savante des Sociétés airliéoloeicpies de l'Angleterre. I,e clergé ralliolirpie
anglaisa fondé, au mois de maide lannee dernière, la Sociéléde \V\k(>li,iiii,
qui prend ce nom du célèbre é\ èque-arcliitecte aucpiei est dû le cliàtcan rovai de
Windsor; mais, jusqu'à présent, celte Société a peu l'ail. Je regrette (pTelle
n'ait pas |)référé le patronage de saint Dunslan , arclievé(|ue de (/.inlorbérv au
x' siècle et le plus grand artiste du moyen âge en Angleterre, à celui de Wvke-
liiim, qui n'est venu cpià la lin prestpie du gothique, dans le cours du \iv.
Ouoi (pi'il en soit, au mois de mars de cette année, la Société de WM^eliaiii
comptait déjà cent mend)res. Klablie pour l'étude des anti(|uilés ecclésiasiiques
et pour la |)ralique de l'architecture ogivale, elle traduit et va publier les
ouvrages de J. B. Thiers sur les jubés et le mobilier des églises. ■ — - Relative-
ment à l'Kspagne, nous renverrons aux articles de .M. le baron de Girardot. —
En Italie, on semble vouloir ressusciter; mais on y est mort depuis si long-
temps que la résurrection sera longue et laborieuse. : — Non? parlerons de
la Russie et du nord de l'Europe, au mois de février on mars prochain. Noua
dirons seulement (pi'en Russie l'arl classique est plus mal mené en ce moment
que chez nous; on y revient violemment à l'art national, ou bszantin. C'est
ime alïaire de goCit estliétitiue et de sentiment religieux tout à la fois. — En
Grèce, on a fondé récemment uneSociété archéologique; mais nous ignorons où
elle en est de ses travaux, à supposer qu'elle tra\ aille. I.a Grèce ne correspond
pas avec les « Annales; » elle ne nous aime pas, et pour cause. Cependant,
en octobre 18W, le roi des Grecs a créé une Société des beaux arts (Ézonùia.
Twv wpxîwv Te/vôiv^ et décerné le diplôme de membre non lésident au directeur
des « Annales »; mais, nous le craignons, c'est un diplôme égaré ou que
nous devons à la bienveillance |)ersonnelle de M. Coleltis, |)résident du conseil
des ministres de la Grèce. Dans ce pays qui a poussé Vénus dans le monde,
si toutefois il ne lui a pas donné le jour; dans ce pays qui s'est sacritié, on
peut le dire, à la beauté du corps humain, on ne pouvait pas moins faire que
d'otïrir à une belle femme la présidence de lu Société des beaux arts. C'est
la reine des Grecs, cette jeune et gracieuse fille de l'Allemagne, (jue la S(jciété
a mise à sa télé. F.e roi Odion s'exprime ainsi dans l'orilonnance rendue en
336 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
celle occasion : « Nous nous plaisons à exprimer aux membres de ladite
Société notre satisfaction particulière au sujet de Télection de noire épouse
hien-aimce, la reine de la Grèce, à la présidence de la Société des beaux arts. »
Tout ceci est vraiment fort bien et fort galant, mais ce qui vaudrait mieux
encore, ce serait de travailler sérieusement. M. de Salvandy vient de fonder
une École française à Athènes, pour compléter celle de Rome. Nous n'espérons
pas plus de Tunecpie de l'autre, et nous regrettons qu'un ministre, aussi créa-
teur et aussi large d idées que l'est M. de Salvandy, n'ait pas songé jusqu'alors
à créer en France une École française. Ce n'est pas le tout que d'étudier
dans Rome le Panthéon, et dans Athènes le Partliénon, il faudrait encore et
surtout faire enseigner chez nous les cathédrales de France. Du reste nous
parlons ici comme si nous avions quelque conliance, ce qui est bien loin de
notre conviction, dans l'enseignement olliciel. On aura beau créer des Ecoles
dans la ville d'Athènes, et enrichir celle de Rome, le temps de Rome et
d'Alliène.-; est passé. Déjà M. Séroux d'Agincourl s'en plaignait, et, dans son
(< Histoire de l'art par les monuments » s'exprimait ainsi : « La seconde édu-
cation que nos artistes vont recevoir à Rome leur devient souvent inutile : à
peine rentrés dans leur patrie, le goût, esclave du climat, de la mode et des
moyens du moment, étouffe les bons principes qu'ils ont été puiser en Italie,
et ne jette qu'avec trop de célérité et de succès son empreinte fatale sur leurs
productions. » Nous disons la même chose que M. Séroux d'Agincourt, mais
assurément ce n'est pas pour nous en plaindre. Nos jeunes artistes, historiens
et archéologues peuvent donc aller s'extasier en Grèce, et y commettie
quelques infidélités à la patrie; mais nous les attendons à leur retour en
France.
Telle est à peu près la situation des Sociétés qui s'occupent d'archéologie
en Europe et dans notre pays; pour en avoir une idée plus complète, nos
lecteurs feront bien de recourir aux différents articles qui ont paru dans les
» Annales » sur la même question. Du reste ces associations de tout genre,
étrangères et nationales, ecclésiastiques et laïques, sont largement favorisées
par le ministère de l'instruction publique. Sur la recommandation du Comité
historique des arts et monuments ou en vertu de sa propre initiative, M. le
ministre de l'instruction publique s'empresse de leur envoyer, comme encou-
ragement et connue moyen d'étude, les utiles ou belles publications qui ont
pour titre « Instructions », « Éléments de paléographie », « Bulletin archéo-
logique », (( Histoire de Dieu », u Monographie de la cathédrale de Chartres »,
« Monographie de la Cathédrale de Noyon », « Statistique monumentale de
Paris », « Peintures de Saint-Savin ». Souvent on nous prie de transmettre
MOrVEMENT ARCH ÉOLOGIQl'E. 337
e[ (li^ reoomtiuiiuloi ces dciiiaiiJos, cl nous le faisons avec un plaisir d'aiilanl
plus vit (piune ilémarclie est presque toujours couronnée do succès. .M. de
Salvandy senipresse de donner ces beaux livres aux bibliolliècpies pidilirpies,
aux séminaires, aux collèges, aux sociétés savantes, même aux personnes
qui s'occupent d'archéologie avec le plus de succès, ipii rouilieiil les archives,
conservent ou décrivent les monnm(Mils.
Ainsi encouragées, les Sociétés lra\ aillent; elles appellmt dans leur sein
tous les hommes de loisir qui ont du goût pour Ihisloire ou larchéologie.
(^ela crée toute une population de savants qui couvrent, on \)Ovû le dire, la
France entière et une partie de llùirope. Ce ipii maïupic, en ce moment, ce
ne sont pas les hommes instruits, mais des recueils oii ces savants publient
leurs travaux. Les « Bulletins », « .Mémoires », «Procès-Verbaux » ne «-nf-
lisent réellement plus; il y a un trop-plein qui ne cessera d'exister (]ue (piand
la librairie archéologique, comme celle des autres branches scientili{]ues,
oH'rira des avantages aux savant>; que (piand l'archéologue, comme le pur
littérateur, comme l'historien, vivra de ses travaux. Ni. us sommes les premiers
à regretter que ce tem|)s ne soit pas encore venu, et nous employons tous
nos eHorts pour le hâter. Mais tout le monde ne se prèle pas encore à nos
vues, et beaucoup de Sociétés, beaucoup d'indiv idus semblent rougir de jeter
dans le commerce leurs publications. Cependant il n'y a pas d'autre moyen
de donner une existence solide aux éludes archeologicpies, ni d'écouler jiar
une publicité régulière des travaux (pii restent manuscrits ou qui, imprimés,
demeurent à la charge de leurs auteurs. Depuis la création des « Annales
Archéologiques », nous avons eu connaissance de bien des publications restées
ainsi en portefeuille ou en magasin dans les villes de provinces ou dans les
chiiteaux. Nous, qui n'avons pas même assez de place pour publier les inté-
ressantes communications à nous adressées et qui pouvons à peine en accuser
réception, nous regrettons plus vivement que personne une situation qui
menace de durer quelque temps encore. Kn attendant, et comme remercie-
ments avant la publication que nous espérons en faire petit a julil, nous
allons enregistrer les envois qu'on nous a fait l'honneur de nous adresser.
S'il nous arrivait d'en oublier, les auteurs voudraient bien en rejeter la faute
sur les occupations dont nous sommes surchargés à la lin de chaque année.
Nous devons à M. Théodore Mayery , correspondant des Comités histori-
ques, à M. Claudius Hebranl, architecte , à M. l'abbe Rimaud , curé de Pro-
pières, des renseignements sur le mouvement archeologicpic à Lyon et dans
le Lyonnais, et sur les édifices de cette contrée. 11 nous a été envoyé une lettre
manuscrite, sur la théorie de l'architeelure, |iar M. Guillery , professeur de
338 ANNALES ARCHÉOLOGf OUES.
iiia(li('inali(]ii(sà l'Alliénée de Bruxelles; une appréciation fort judicieuse, sur
Saint-Pierre de Rome, par M. l'abbé Jouve, et une note, sur Part chrétien
de Rome, pai- IM. l'abbé Voisin, vicaire au Mans; un aperçu sur l'architecture
chrétienne en Provence, par M. L. Rostan, correspondant des Comités histo-
riques à Sainl-Maximin ; une statistique monumentale du département de
Vaucluse, par M. Jules Courtet, sous-préfet à Die; des notes, sur l'architec-
ture romane et gotliique en Bourgogne, par M. Crosnier, doyen de Donzy ;
une description de l'église abbatiale de Saint-Gjiilhem-du-Désert, par M. Léon
Vinas, curé de Saint-Guilhem; une monographie de l'église de Viliiers-sur-
Port, près Bayeux, par ■NL Georges de Villers, secrétaire général de la So-
ciété académique de Bayeux. M. Le Maistre, correspondant des Comités
historiques, à Tonnerre, nous signale des églises fort intéressantes et presque
inconnues dans le Tonnerrois; il prépare une notice sur un plafond couvert
d'armoiries qui se voit dans un manoir du même pays. M. de Lacroix, archi-
tecte du département du Doubs, nous annonce qu'il vient de retrouver, à
Besançon, dans des caves, des restes considérables du Forum romain. M. de
Lassaulx, architecte du roi de Prusse, à Coblentz , nous a envoyé les plans,
coupes, élévations, détails des petites églises de Paderborn et de Ramersdorf;
M. Schnaase, procureur du roi à Dusseldorf, a fait traduire , à notre inten-
tion et pour les « Annales », un travail complet qu'il a écrit sur cette chapelle
de Ramersdorf. M. le baron de Crazannes, sous-préfet à Caslel-Sarrasin ,
M. Boucher de Perthes, président de la Société scientilique d'Abbeville,
M. Goze, d'Amiens, MM. Parey et Jules Lalleniand, membres de la Société
Archéologique de Saint-Lô, nous ont envoyé, avec des notices, des dessins
de constructions civiles, de maisons, de fenêtres, de cheminées du moyen âge.
Ces dessins sont entre les mains de M. E. Viollet-Leduc qui prépare, pour les
« Annales », un travail étendu sur l'archéologie civile et militaire.
Des documents nouveaux sur l'origine et la signification de l'ogive nous
ont été envoyés: par M. Quantin, archiviste du département de l'Yonne; par
M. le comte de Mellet, correspondant des Comités historiques du département
de la Marne; par M. L. Fabry-Rossius, correspondant des Comités, à Liège.
M. Fabry-Rossius y a joint des textes relatifs à la terminologie architecturale
du moyen âge.
Le petit article sur les clochers nous a valu des documents fort intéres.
sants envoyés par MM. Edward Laroque , archéologue à Moissac ; le comte
de Mellet; Auguste Moutié, secrétaire de la Société archéologique de Ram-
bouillet; Alfred Ramé, membre de la Société archéologique de Bretagne;
l'abbé Barraiid, directeur au grand séminaire de Beauvais; le vicomte de
MOUVEMENT ARCHÉOLOGIOIE. 389
Pibiac, airlié()l()_i>ne dOrli-ans, et TalilH' Safj'clle, piolossenr au pclil sémi-
naire de Bergerac. .M. lalilic Daras, de Soi^sons, lions avait (K-Jà siirnaié une
cloflii' ancionnc. Des dessins, d(?s oslaiii|jes, des copies d'inscriptions, des
noms de fondeurs, des niillosiinos nous ont été envoyés, dos documents se-
ront imprimés avec la gravure d'une l)cllc cloclie (jui date du xni° siècle, et
que -M. Viollel-Leduc a dessinée pour nous. M. l'ablié Sagotle pense ipie la
cloche dont il nous parle date de mil quatorze; il a lu ce cliillie. Nous prions
M. Sagotte de nous en envo\er un estampage et de l'accompagner d un des-
sin de la cloche; si cet objet date réellement des i)remières années du xi° siè-
cle, c'est bien rare en France et fort curieux pour nous.
Dill'érents inventaires, de Saint-Pierre de Chartres ; au ix" siècle), de la
cathédrale de Uouen (au xii' siècle), de la cathédrale de Non on du xv' au
xviii' siècle) , de la cathédrale d'Auxerre (au xvi° siècle,, de la cathédrale
d'Evreux (au moment de la révolution), nous ont été envoyés par .MM. Pois-
son, prêtre du diocèse de Chartres, IJoniiiii , ancien notaire à Évreux, le
baron de la Fons et Quantin, archiviste. Un article à part y sera consacré
dans les « Annales ». — Dans l'article qui |)récède, sur la croix orientale,
nous avons nommé plusieurs personnes à qui nous devons des dessins et des
notices remarquables sur diverses croix; nous ajouterons encore MM. de
Saint-Memin, le baron de la Fons, l'abbé Ouerry grand vicaire à Reims),
l'abbé Cudot .professeur d'archéologie au grand séminaire de Cambrai ;, l'abbé
Calvinhad i^chanoine de Monlaubani, les abbés Coqueray et Ménard idu petit
séminaire de Tours), Henri Baudot (président de la Commission des antiqui-
tés départementales de la Côte-d'Or), Aîné (architecte à Vezelay), H. Dusevei
(membre des Comités historiques, à Amiens), le vicomte Théodose du Mon-
cel, Goze (correspondant des Comités historiques, à Amiens), Augustin Digol
(de Nancy) , Verdier (architecte à Paris) , Arnaut Schaepkens (archéologue
de Bruxelles), Reichensperger (de Trêves), qui nous ont envoyé des notices,
la plupart du temps accompagnées de dessins au trait ou coloriés, sur des
vêtements sacerdotaux, des étoiles diverses, des livies litmgi(pies , des
calices, des ciboires, des vases sacrés de tout genre, des colombes eucha-
ristiques, des pixides, des chi^sses, des reliquaires, des battants déportes,
des pentures en métal, des chandeliers , des crosses épiscopales et l)àlons de
chantres, des fonts baptismaux et bénitiers.
L'iconographie (statues, dalles funéraires , \itrau\, peintures murales,
tapisseries, briques émaillées, stalles) remplit un de nos plus grands carions-
Nous devons les importantes communications cpi'on nous a faites à ce sujet,
soit en dessins, soit en notices, à .MM. Désiré Monnier, Auguste Comoy,
3i0 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
(jiiillicM , de Sainl-Mémin, Goze, Dusevel, le comte de Bellcval ^ L. de Gi-
\enchy, le clievalier de Linas , A. du Chalais, Le Ricque de Monchj , Jules
Leclercq de la Prairie, Victor Choisy, Georges de Yillers, LéoDrouyn, Fro-
menl-Delorniel , le comte de Mellet, le comledeMoutbrian , Emile Thibaud,
Louis Lucas, Barthélémy (architecte), Joly-Loterme (architecte), Peniot (pein-
tre), Quantin, François Grille, Charles Bazin, Laroque, L. Fabry-Rossius,
Heichensperger , le baron de Roisin , et par MM. les abbés Crosnier, Char-
tron, Pothée, Champenois, Cheval, Prieur, Cochet, Canéto et Lacroix,
clerc national à Rome. A propos d'un passage du « Manuel d'iconographie
chrétienne grecque et latine », où nous parlons de l'esclavage de l'art oriental
et de la liberté de notre art chrétien de l'Occident , M. Godard, professeur de
liturgie romaine au grand séminaire de Langres, nous écrit : » Amené, par le
cours de conférences sur la liturgie romaine, à l'examen des lois ecclésiasti-
ques relatives à l'iconographie , je consultai vos « Annales ». La première
livraison du tome second, qui renferme en partie l'introduction au » Guide
de la peinture >) ou « Manuel d'iconographie », me donna des renseignements
précieux. L'esclavage, qui pèse depuis longtemps sur le génie de l'artiste en
Orient, et qui contraste avec la liberté dont il jouit parmi nous, est un fait
aussi certain que surprenant. Celte étrange opposition, vous le dites avec
raison, monsieur, demanderait bien à être expliquée. Le texte du deuxième
concile de Nicée, cité pour cette fin, est d'une parfaite exactitude quant aux
termes; mais il ne semble pas avoir la signification qu'on lui donne. Effecti-
vement, il ressort du contexte que ces paroles, « non est imaginum structura
(< pictorum inventio, sedecclesiœ catholic^e probata legislatio et traditio », ne
doivent pas s'entendre, non plus que les suivantes, d'un code de lois icono-
graphiques. Elles se rapportent simplement à la discipline de l'Église sur le
CULTE des images. Le concile invoque la tradition et l'exemple de nos pères
dans la foi, sans imposer à la peinture la moindre servitude. C'est le commen-
cement d'une longue réponse à cette objection des iconoclastes que le peintre,
en représentant par des lignes le corps du Christ, circonscrit par là même la
divinité, puisque Dieu et l'homme sont en lui une personne. Pour nous, la
stagnation de l'art byzantin n'est pas une insoluble énigme. Depuis que l'Orient
est séparé de Rome, il est esclave dans les arts, comme il est mort pour la
science. Si l'artiste grec est « asservi aux traditions comme l'animal à son
instinct », la théologie, le conseil de Nicée et l'Église n'en sont pas respon*
sables. Peut-être cet éclaircissement sera-t-il agréable à vos nombreux lec-
teurs. H — Nous sommes, sur ce point capital, de l'avis de M. Godard.
Nous prions nos honorables correspondants de nous envoyer toujours, à
MOI vi:mi:.\ I mu:iii;(il(»(,ioi i:. 3'.i
I ii|i|mi tic l(Hiis noiicos sur des (iMivirs d'art , des dessins ropir'sfnlaiil los
monmnents mêmes. Toutes les personnes (|ui s'occupent d'airiiéoioj^ie savent
(jii'uii dessin quelconque en dit toujours plus ipic la meilleure des notices; la
lettre suivante, que nous écrit M. (îuénélianit, auteur du « Dictioiuiaire ico-
noi:raplii(pie », ne pouvait donc tjuc nous coidirmer plus fortement dans celte
opinion : » Monsieur, vous axez déjà plusieurs l'ois réclanu-, dans les divers
numéros du '< liulletin Arcliéolop;i(iue », puMii' par le (]omil(' des arts et mo-
numents, des représentations gravées ou litliograjjliiées des moruunenis,
quels (|u'ils soient, à l'appui des descriptions qu'en font les auteurs. On ne
saurait trop répéter, à tous ceux (|ui travaillent, (pii s'occupent d'arcluV»-
loirie, (pie, sans dessins et sans planches, la jtius belle, la plus savante des-
cription est d'un vague désespérant. Kn elVet , comment comprendre les
lignes, les profils, les distributions , la véritable pliysionf)mie d'im monu-
ment et l'époque de sa construction, la forme d'un tond)eau , d'un vase,
dune châsse, etc., sans représentation graphique.' Veuillez, monsieur, vous
(jui êtes au centre du tnouxemenl archéoiogitpie, réclamer souvent et très-
souvent ce complenienl iudispensaMe dc^ etiules iiKUiunieutales. Si nous
n'avions que des descriptions de tous les monuments religieux, civils ou mili-
taires qui sont entièrement détruits par la guerre, le temps et les vandales,
où en serions-nous? Une faible image est souvent préférable à la plus savante
dissertation. L'image se couq)reiul des savants comme des ignorants; quelque
modeste (|uc soit son exécution, c'est un précieux mémento de la forme, et
c'est bien ici le cas dédire (pie la forme emporte le fond. »
Diirérentes inscriptions chrétiennes du premier temps et du moyen âge de
l'Église nous ont été conmiuniquées par MM. le martpiis de la Porte, le baron
deGuilhermy, Tisseur (de Lyon , l'abbé Lacroix, l'abbé Laran, Jules Fériel,
Emile Fossé Darcosse, l'abbé Champenois, le chanoine Hégin. MM. Laroque,
deMoissac, et l'abbé Lamort, d'Aire-sur-la-Lys, nous ont consulté sur certaines
|)articularilés de paléographie. Nous aurons donc à réunir dans un traxail
d'ensemble ces conirannicalions diverses.
Dans un chapitre sur la liturgie doivent se ranger des dus>ins et des notices
de y]. Henri Baudot, sur une coloiid)e eucharistique; de M. l'abbé Lacroix, sur
l'ambon de Ravennc et la dédicace de l'église abbatiale de la Gava, près de
Salerne; enfin sur des encensoirs, calices et ciboires qu'on nous a signalés.
Ce (pie nous avons reçu de communications relatives aux artistes, archi-
tectes, sculpteurs, orfèvres, fondeurs, menuisiers, peintres sur verre et sur
mur, miniaturistes, brodeurs, musiciens, organistes, est très-considérable;
nous en sommes redevables à MM. Verdier, Quanliu, Haiat de Nevers , llegin
V. W
3i2 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
(de CliAlons-siir-Marne), Eugène FrorneiU-Delormcl, le comte de Mellct, le baron
de la Fons, (Charles de Chergé (de Poitiers), Gustave Franc (d'Orléans),
L. Schneegans (de Strasbourg), Louis Dussieux, Normand fds, Louandre
père (d'Abbeviile) et Charles Louandre, Godard (d'Angers), l'abbé Victor
(^hainbcNron, l'abbé Poisson, Eugène Woillez, Charles Henneguier (de
iMontrcuil-suv-nier), de Lassaulx (de Cobicntz), Reicliensperger (de Trêves),
L. Fabry-Rossius (do Liège), le baron de Reitlenborg, directeur de la Biblio-
thèque royale de Bruxelles. Une inscription, gravée sur un pilier de Notre-
Dame de l'Epine, et sur laquelle l'artliilecle ou sculpteur dit son nom el
rèpo(]ae iji'i il travaillait, est très-importante relativement à une conclusion
des plus graves qu'en a tirée M. Sulpice Boisserée; M. le chanoine Bégin veut
bien nous la calquer sur [lapier végétal. Elle sera gravée et donnée dans les
« x\nnalcs )) avec une inscription du même artiste, que M. Bégin a trouvée
dans une autre église voisine de Cliàlons et qu'il nous i\ envoyée. Nous espé-
rons terminer à peu près, en 1847, ce qui concerne les artistes du moyen âge.
Les découvertes do toute espèce, en substructions d'édifices, en cryptes,
monuments ignorés ou en ruines, sépultures, mosaïques, peintures murales
et manuscrits, objets" d'orlëverie, statues, boiseries, autels, retables, tissus,
inscriptions, médailles, sont tellement nombreuses et nous ont été signalées
j)ar tant de personnes, que nous ne pouvons pas, aujourd'hui du moins, les
mentionner en détail.
Voilà ce qu'on a l'ait, depuis dix-huit mois seulement, pour les « Annales
Arcliéologiques », et nous pouvons regretter, plainte singulière, qu'on nous
ait trop enrichis. Néanmoins toute cette correspondance est classée avec ordre;
de la place pourra se faire dans nos livraisons subséquentes, et nous avons
même l'espoir de dépouiller successivement cette correspondance, de manière
à ne laisser inédit rien de vraiment important. En tous cas, vifs remercie-
ments à tous pour la bienveillance dont ces connnuuications nous donnent
umv preuve si marquante.
Dans cet enregistrement si aride de notre correspondance, et pour la séche-
resse duquel nous demandons grâce de nouveau, il n'a été question encore que
(le science pure, que d'études spéculatives sur l'archéologie; une autre partie
(pii n'est certes pas moins importante) comprend les renseignements relatifs
à la science appliquo>e de nos antiquités nationales, à la mise en pratique, à la
traduction de l'idée pure en faits palpables, à la renaissance enfin de l'art du
moyen âge dans toutes ses divisions. Sur (;e point, notre correspondance est
encore d'une richesse extrême. Dans un prochain numéro, nous tâcherons
donc de drosser la statistique des constructions nouvelles qui s'élèvent en
MOIVKMKM AHCIIKOLOdlOlE. .Tt3
s(\lo ogivjil ol roman dons on grand nond)ip do nos d(>|>ait(Mn(Mits et nn^nc
dansIacapiUiIe. — Vingt manufacUiros do vilrau\ ni stylo aniicii sont niaiiito-
nanlen pleine activité à Paris, an Mans, à Cloiinont-Fonand, Saint-* iooiges-
snr-Loirc, Toulonso , I \oii, lioyos. Mot/., Strasbonii:, Honon, Lillo, Douai;
d'antres, en plus graml nombre enoore, essayent do s'étahlir sur tons les
|)ointS(lo la Franco; nous devrons en dire un mol, aussi bien que des peintures
murales donllegoi'il paiail nous gagner. — Les sculpteurs classi(pies sont eux-
mêmes aux al)oiset tout prêts à tailler des statues à la façon du moyen iVge.
— Trois ateliers de menuiserie gotliiiiue existent déjà à Saint-Môdard, près de
Soissons, à Sainlo-droix, près du Mans, et dans les Vosges; il faudra les faire
oonnailro. — Nous avons des orfèvres qui sont à nous, entre autres MM. Léon
(Millier, Trioullier, Thiéry, Villemsens à Paris, et Favier à Lyon ; nous devrons
les faire apprécier. — Le plain-cliant ressuscite avec le reste, et nous amons
à en parler. — Mais ce (pii devra nous attacher c'est surtout la remarquable
instruction pastorale (|ue Mgr l'ovêipio de Langres vient d'adresser au clergé
do son diocèse sur la nécessité d'introduire dans les clas.ses de lilléralure
l'étude des grands écrivains latins et grecs produits |)ar le cliristiaiiisme.
Du haut de sa chaire épiscopale, Mgr Parisis glorilie la grande littérature du
moyen âge comme nous antres, dans les « Annales », nous tâchons d'en
réliabililor rarchilO(tni(>, la sciilpturo, la poinluro ol lo chant. Nous n'avons
jamais douté du succès de notre cause; mais, do|)uis que Mgr l'èvêciue de
Langres l'a prise en main, nous on espérons avec certitude le prochain et
complet triom|iho. Aiii>i dune, ii un autre inuncro , poui' les détails néces-
saires.
On ne se contente pa.- do nous envoyer des notes, des aiticics et des dessins
pour les « Annales «, mais on propage nos doctrines et notre publication. On
insère, dans les dilTérents journaux de Paris et des dé|)artemcnts, dt'.> analyses
et des extraits de nos travaux, des articles d'ap|)récialion où la critique s'ef-
face constanmicnt devant l'éloge. Autrefois.en IB'i'i, nous rédigions \olontiers
dans nos livraisons un petit article intitulé « .\dliésions et Encouragements 'i,
où étaient non)més les journaux et les jjersonnes cpii applaudissaient aux
« .Vnnales »; nous devons au moins, en terminant cette année, adresser un
remerciement cordial pour ra|>pui constant qu'on n'a cessé de nous prêter.
[.es i< Annales Archéologiipn's » ont été traitées avec une bienveillance [)arli-
cidière par M. Eugène Millard , UKinbre de la Commission d'archéologie et
d'histoire d<^ Chalon-sur-Saône, dans le « Courrier de SaAne-ot-Loiro » ; par
M. le docteur Comarmond, dans le "Courrier de Lyon»; M.l'abbcTh. Laran,
dans « l'Adour journal des Pyrénées et di-^ Landi's ) i ; M. Amo, architecte,
3','» ANNALES AUCHÉOLOGIOUES.
(hms le « JomiKil <lo Sens » ; ^1. I';tl)bé .Iules Liiliiiiuid , dans le « Jouiiiiil de
Valoi^nes » el le « Crieur public » de Sainl-Lù; ]M. Jules Férié! , procureur du
roi à F.angres , dans « l'Echo do la Haute-Marne »; M. l'ahbé IVxier, dans le
(c Hidlelin de la Sociélé archénloi^iipie du Limousin » ; M L. Rostau, dans
le i< .Mémorial d'Aix » ; M. Charles Giouët, dans « Paris industriel » el le
« Journal d"s Artistes »; M. Achille Jubinal , dans le c Couirier Français » et
le u .Moniteur universel » ; MM. Paul Lacroix el Th. Thoré, dans le « Bulle-
lin de l'Alliance des arts »; .MM. Danjou el Slé|)lien Morlot, dans la « Revue
lie la Musique reliiiieuse » ; M>L Pascal Dnpi'al et Chara.ssin, dans la « Revue
lndéj)endanlc « ; un savant anonyme, dans la « Presse »; M. le pasteur Fros-
sard, dans le >< Semeur»; M. Barrier, dans « l'Univers », qui publie le sommaire
de chacune de nos livraisons; M. (^hampagnac, dans le k Moniteur universel /,.
En Angleterre, où nous comptons de si généreux amis, nous avons été cités ou
lepioduits avec éloges par ÎMM. Ilope elDickinson (^membres du parlement an-
glais) dans « l'Ecclesiologisl »; par MM. Wrighl et Waller, dans le a Journal
de IxVssocialion archéologique » el la << Gazette littéraire )) ; M. Albert Way,
dans le « Journal deTlnslilnt archéologique », el M. Longueville Jones, dans
if l.Arclueologia Cambrensis ». En Belgique et en Allemagne, divers jour-
naux qu'on ne nous a pas envoyés ont discuté plusieurs fois nos opinions, et
les ont presque toujours adoptées.
Au moment où nous terminons ces lignes, nous recevons de Manchestei'une
lettre de M. H. Longueville Jones, fondateur et directeur de « l'Archœologia
(;and)rensis ». L'extrait suivant de cette lettre terminera dignement notre ar-
ticle sur le mouvement archéologique: « Vous prenez tant d'intérêt à mes tra-
vaux que vous apprendrez avec satisfaction le succès de ma publication tri-
mestrielle, « Archo>ologia Cambrensis », établie l'année dernière à mes frais.
J'ai trouvé Tarchéologie presque morte dans le pays de Galles : point de
mouxement, point décentralisation, une profonde apathie. Eh bien, dans
l'espace d'une seule année, j'ai fait monter à quatre cents les abonnés de
celte « Revue » spéciale et toute locale, et je viens d'établir une société ar-
chéologique pour le pays de Galles, « Cambrian Archa^ological Association ».
(]elte sociélé compte parmi ses membres les notabilités du pays et tous les
antiquaires positifs ou amateurs. Nous avons en projet plusieurs ouvrages
consid.-rables, entre autres un » Caslellarium Cambrense », ou description
complèle de tous les châteaux, en deux volumes in-folio; un « Mansiona-
rium Cand)rense », pour les manoirs qui abondent ici connue en Bretagne ;
enlin, (pielques « Statistiques monumentales » des divers comtés. Cette so-
ciélé tiendra son premier congrès, l'année prochaine, dans quelque ville
MOrVF.MKNT AKCHÉOLOGKH'K. :»'»:.
ceiiliiile du i»ays do Galles. Nous soudrions uous adjoindii- un loilain iiiuii-
hre de membres élrangers, specialomcnl d'auliiiuairos brolons, <■! tous los
conosiiondanls de votre (>oniilé liistoriquo des arts et monuuients qui lial)i-
lent la Bretague ; uous avous l)esoiu de leur savoir et de leur iulluencu ar-
chéologique. Je conii)te sur \ ous , et si vous vouliez vous cliarijer des louc-
tions de secrétaire de notre Association, pour la France, je vous serais Ibil
obligé. » — Nous avous accepté avec eui|)resseuieut lolTre aimable de M. l.on-
gueville Jones, et nous laiderons de tout notre pouvoir en France. Nous
prions, en conséquence, ceux des archéologues français qui voudraient faire
partie de l'Association archéologique du pays de Galles, de nous en donnei-
immédiatement avis; nous transmettrons à M. Longueville Jones leur de-
mande, qui sera soumise au |)résident et aux membres de rAssocialioii.
iiini'.oN.
PUBLICATIONS ARCHEOLOGIQUES.
Manuels. — Ouvrages périodiques. — Statistiques monumentales et Voyages. — Monographies de
villes et de monuments. — Histoire littéraire et politique. — Histoire de l'Art, Esthétique ei
Polémique. — Architecture et Ornementation. — Ameublement et Orfèvrerie. — Sculpture ,
Peinture, Iconographie. — Linguistique tt Poésie. — Musicpie, Liturgie, Symbolique. — Numis-
matique et Découvertes. - Ouvrages divers. — Catalogues.
Le tenjps a manqué pour faire accompagner d'une apprécialion cliaciuc
ouvrage du catalogue suivant; mais les principales des deux cent onze publi-
cations qu'on enregistre ici pourront reparaître successivement siu- la cou-
verture des « Annales Arcliéologiques » avec deux on trois phrases de juge-
ment ou d'analyse. On a suivi la division établie précédemment dans les
autres catalogues".
MANUELS.
RÉSUMÉ d'archéologie spécialement appliquée aux monuments religieux, par J. Fériel, cor-
respondant des Comités historiques. In-1 8 de 1 80 pages avec 1 i planches lilhographiées. Un grand
et légitime succès vient d'accueillir cet ouvrage 1 fr. 50 c.
Glossary of architecture. Trois gros volumes in-8°, ornés d'un nombre considérable de gra-
vures sur bois et sur métal. Ce glossaire comprend tous les termes usités dans l'architecture
grecque, romaine, italienne et gothique. En tète d'un index général, est placée une table chrono-
logique des principaux monuments de l'Europe, accompagnée de gravures qui les représentent
et d'inscriptions de fondation et de dédicace. Cet ouvrage est édité par M. Henry Parker, le célèbre
libraire d'Oxford. Quatre mille exemplaires de cet utile et savant livre se sont déjà vendus; une
cinquième édition vient de s'achever. Les trois volumes 7.5 fr.
Ulossarv of AnciiiTECTiRE ADRiDGED. Un vol. in-18 de 300 pages avec 440 gravures sur bois.
Cet ouvrage est l'abrégé du glossaire précédent. Les gravures, d'une rare perfection, sont,
comme le texte, admirablemonl imprimées. Livre très-utile et qui est en outre un chef-d'œuvre
de typographie 15 fi-.
t. Annales Archéologiques , miL I, pages t9* et 2i>.'«: vol. U, pagr 37 .i : voL III, iKige :165 ; vol. IV,
I-aijf 376.
PI Hl.lCATIONS \K(.l!KOI.(»(;iOLi:S. Wl
OL V K A( ; i:s riiuit tuioi es.
■FiiE EocLESioLoc.isT , reviic iiien^iiclle, in-8". publiée piir hi « Société Ecclésiolugiquo », autre-
lois i Société do Cninbdon ;i Cambridge)'. Celte |)ubliralioii d'nrrliéologic rliréticnnc, rédigée par
MM. lieresford llope et Henry Dickin^ion , menibre-i du parlement, par les Ré\ . Benjamin Wcbb
et J. M. Neale, par .MM. James Bevan, Ksq., l'aley, Ksq., elc, est aujourd'bui l'une de> plus im-
porUmles de i'.Xnglelerre. La Société Ecclésiologi(|ue eomple en ce moment prés de 800 moiid>r('s
appartenant tous aux rangs les plus éle\és de la société anglaise a L'Iicclesiologist u s'occupe
uniquement des églises qu'il étudie dans tous leurs détails; il signale les restaurations des an-
ciennes, décrit la construction des nouvelles, t^'est le plus puissimt ami et au.viliaire des u An-
nales .\rcliéologiqucs ». Dans le numéro de septembre dernier, est analysé et conimenlé le travail
de M. Viollel-Leduc sur la renaissance et l'emploi du style gothique au xix"' siècle. Notre Acadé-
mie des beaux-arts est traitée dans l'ouvrage anglais d'une manière (jui nous a singulièrement re-
réjouis. Nous recommandons vivement cette publication importante. A dater de 1817, nous an-
noncerons la composition de chacun des numéros de « l'Ecclesiogist, " et des autres « Uevues
archéologiques » de l'Angleterre et de l'Allemagne, u I.'Ecclesiologist » est aujourd'hui à sa
deuxième série. La première comprend trois volumes in-8°, au prix de 8 Ir chacun. La deuxième
série comprend deux volumes complets et quatre numéros, jusqu'au mois de novembre de celle
année. Chaque volume est de 10 fr , chaque numéro de 2 Ir.
Report oe tue EccLF.sioLooni.vL sociktv. année ISi.ï-ISili. bi-8" de .'JG pages, comprenant les
statuts de la Société, la composition de son bureau , la liste de ses membres, le catalogue de ses
publications 3 fr. 50 c.
JoiB.VAL oF tue mich.eological ASSOCIATION. Premier volume. I11-8" de iOO pages, ornées de
nombreuses gravures sur bois et sur mé:al. L'Association archéologique publie un numéro tous les
trois mois, mais elle ne livre plus au commerce (|ue les volumes complets; le second volume sera
terminé au 31 janvier prochain. Chaque \olunie 22 fr.
Joi'HNAL OF THE AnciLtioLOGicAL iNSTiTiT. Deux \olumes et trois numéros (jus(|u'en septembre
de cette année). Chaque volume , de t20 à 4bO pages avec de nombreuses gravures sur métal et
sur bois, 22 francs ; chaque numéro !'> fr. 50 c.
Aiicii.EOLouiA cAMBnENsis, rcvuc trimestrielle, dirigée par .M. lleiuy Longueville-Jones. Quatre
numéros (janvier, avril, juillet, octobre 18i6) et un supplément ont paru: -lijO pages in-S", avec
lithographies et gravures sur métal et sur bois. Chaque numéro .'i h-.
CoLtECTA.NEA A."iTH(DA , par .M. Uoach Smith, un des secrétaires de l'Association archéologique
d'Angleterre. Hevue trimestrielle arrivée à son 8"" numéro, qui comprend la description et la gra-
vure de divers monuments romains et d'une pièce d'orfèvrerie du moven ûge trouvée dans la Tii-
mise. Chaque numéro .1 fr.
BiLLETiN DE LA sotiÉTÉ AncuÉoLOGiuuE iiE Së.vs , aniiéc 1846. In-«''de I ii pages et 10 plan-
ches lithographiées. C'est une des plus importantes publications de ce genre. . . .i fr. "lO c.
Bulletin de la société AnciiÉOLOGiQtE et iiistobiqi'E nr limoi'Si.n. Tome 1"; I", i' et :i'
liv. Chaque liv. 1 feuilles in-8 , avec gravures 3 (r.
3i8 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Bulletin de la société des antiqimres de l'Oiest. Uevuu trimestrielle in-8". Année 1816.
Chaque cahier, de 3 à 4 feuilles - fr. 50 c.
Bulletin de la société archéologique du département de l'Aisne. Par cahier in-S" de l
leuilles. Nous ignorons où en est cette Société depuis la publication de son cinquième numéro, qui
a paru en 18 ii. Chaque livraison 2 fr. 50 e.
MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ d'iiistoire ET d'archéologie DE Ciialon-sur-Saône. Aiinécs 18ti.
1845, 184G. In-S" de 400 pages avec un album grand in-f de 17 planches. C'est inconteslable-
iMcnl l'une des plus notables publications des sociétés archéologiques de France. . . . 20 fr.
Mémoires de la société des antiquaires de Normandie. Deuxième série . l'' vol. (xiv^' vol.
(le la collection). In- 4°, par livraison de 100 pages, avec lithog. Chaque livraison. . .3 fr. 75 c.
SÉ.4NCES ET travaux DE l'académie DE Reims. .Vunécs 1 8 1-5 et 1 846. Troisième cl (]uatriôme
volumes, de 300 et 400 pages. Chaque volume 7 fr.
La Champagne catholique. Année 1846. Revue mensuelle, par livraisons in-8" de 3 à 4 feuil.
Par an • 12 fr.
Congrès scientifique tenu à Reims, en septembre 1843. Un vol. in-8" de 572 pages. . 6 fr.
SÉANCES"GÉNÉRALES tcHues à LilIc , en mai 1 845 , par la Société française pour la conservation
des monuments historiques. In-8° de 330 pages 7 fr.
Bulletin des séances de la Société d'agriculture, sciences, arts et commerce du Puy. .\unée
1846. Tome vi«, 1'' et 2' livraisons; in-S" de 140 pages. Chaque livraison 2 fr.
.4ctes de l*.\cadémie royale des sciences , belles-lettres et arts de Bordeaux. Huitième année,
1'' trimestre de 1846. In-8" de 178 pages 3 fr.
Bulletin des arts, revue mensuelle, sous la direction du bil)liophile.Iacob. Année 1846, vo-
lume V, livraisons de 1 à 6. Par an 1 2 fr.
Le Moyen âge et la Renaiss.^nce , histoire et description des mœurs et usages, du commerce,
de l'industrie, des sciences, des arts, de la littérature et des beaux-arts, sous la direction litté-
raire de M. Paul Lacroix (bibliophile Jacob) et la direction artistique de M. Ferdinand Seré. L'ou-
vrage entier formera cinq vol. in-4°, et paraîtra en 200 livraisons. Chaque livraison comprendra
une feuille de texte, une planche gravée et une planche chromolithographiée. L'ouvrage paraîtra
en février prochain. Chaque livraison 1 fr. 23 c.
Revue de Liège, sous la direction de M. Félix Van llulst. Mensuelle, par livraisons de cinq a
six feuilles in-8''. Par an 12 fr.
STATISTIQUES MONUMENTALES ET VOYAGES.
Architectural Guide lo the Neighbourhood of O.xford. C'est la statistique monumentale du
comté d'Oxford. Un fort volume in-8° de 400 pages avec 232 gravures sur bois et 3 caries sur
métal. Soixante-dix-neuf communes sont passées en revue dans ce bel ouvrage que nous proposons
pour modèle à tous les archéologues qui s'occupent de statistiques monumentales. Publié par la
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Sociéli' d'archilcctured'dxfonl . ce livre est ('(lili' |>;ii' M. Piiiki'r. ri cV-;! un clipf-d'œiivro de riin-
primcrie anu:liiiBO i''> U ■
Akcimtectural notices of tlic ('.huiTlies of llic arclidcaconry of Norilianipton. Slaiisliquo
momimenlale, comme la procédcnto, pour le pays de Nurlliainploii. In-i" du plus grand luxe e(
d'une beauté incroyable de gravures. Onl paru :jG pages de texte, 19 gravures sur bois et it gra-
vures sur acier par Makensie et I.e Keux Publié par la Société d'architecture de Norlliamplon, ce
livre est édité, comme le précédent , par M. Parker 42 fr.
RAPPonT de la Commission (les monument^; liisloriipies au ministre de l'iMlérieur, année 1846.
In-i" de 28 pages 2 fr. 25 r.
C.0MPTE-RENDr des travaux de la Commission des monuments historiques de la Gironde , année
1 845-1 846, présenté au préfet de ta Gironde par MM. Uabanis, président, et L. de Lamothe, secré-
taire. ln-b° de 100 pages, avec gravures sur bois -3 fr. 50 c.
Rapport au préfet de la Somme sur les monuments historiques du déi)arlemenl , année 1846,
par M. H. Dusevel , inspecteur des monuments historiques. Grand in-S" de 10 pages. I fr. 50 c.
STATiSTigiE sio.M-ME.NTALK (Ic Ui Charente, par J. -11. .Michon. correspondant des Comités histo-
riques. L'ouvrage (grand in-4° à deux colonnes) ne dépassera pas 40 livraisons, dont 20 onl paru.
Chaque livraison , I fr. ; sur vélin et papier de Chine 2 fr.
L'A.>-ciE.N.NE .AuvEnc.NE ET LE Velvv, par .\d. Michel. Par livraisons in-folio de 4 ou 5 lithogra-
phies, de 5 ou 6 feuilles. L'ouvrage sera complet en :i6 livraisons ; 28 ont paru. Chaque liv. 5 fr.
Histoire AnciiÉOLOfiiovE du Vendomois. Texte par M J. de Pétigny, ancien élève de l'École
des Chartes ; dessins, plans et descriptions de monuments, par M.Launay, correspondant des
Comités historiques L'introduction et 10 livraisons ont paru. L'ouvrage, grand in-4°, sera complet
en 20 livraisons. Chaque livraison, contenant î feuilles de texte et deux pages de dessins. I fr.
.\lbum historique et pitloresciue de la Creuse, par M. P. Langlade. Grand in-4'. L'ouvrage sera
ctjmplet en 16 livraisons dont 12 ont paru. Chaque livraison, composée d'une fouille de texte avec
gravures sur bois, et d'une lithographie 1 fr. 50 c.
Anniiaibe STATl^TlQ^E du département de l'Vonne. Cet annuaire , qui comprendra l'archéologie
monumentale complète de ce département, est à sa dixième année et à son dixième volume.
Chaque volume, de 250, 300 et 400 pages, avec des lithographies par M. Victor Petit. . . -i fr.
Histoire de Touraine, Statistique monumentale de cette province, par M. Clarey-Marlineau.
membre de la Société archéologique de Iduraine. Ln fort volume in-folio avec nombreuses litho-
graphies *"'••
Kiici'EiL d'édifices publics et particuliers de Lyon et de ses en\iroii-. par la .Société académique
d'architecture de Lyon. liglise de l'Ob.-iervance par MM. Chenavard et A. lAiiichaud , architectes.
Si-pt lithographies in-folio ^' f''-
Essai sur les monuments antiques el du moyen âge du département de Vaucluse, par M. Chaiv.
Première partie, ln-8" de 44 pages, a\ec une gravure 2 fr. 25 e.
l>KM:mPTioN des monuments les pluscurioux, anciens el modernes, de la Picardie, par M, Lmii-
350 ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
bart , urrhilccte. L'ouvrage entier aura 1^ livraisons in-8". Deux , chacune <le deux feuilles, ont
paru. La livraison * fr.
PÉi-EniNAGE ARCHÉOLOGIQUE en Beauvaisis, par M. Stanislas de Saint-Germain, correspondant
des Comités historiques. In-8° de 39 pages 1 fr- 75 c.
Rkcestrum visitationiim archiepiscopi Rothomagensis, ou Journal des visites pastorales d'Eude
Rigaud, archevêque de Rouen (1248-1 269), publié pour la première fois d'après le manuscrit de la
Bibliothèque royale, par Théodose Connin, directeur de la Société des antiquaires de Normandie.
.'Vdniiiable livre du xiii' siècle, où tous les hommes de science et d'art doivent aller puiser. Dn
volume in-4" de lOOO pages, publié en trois parties qui seront prochainement en vente. . 36 fr.
Nouvelles observations sur le « Liber Guidonis » , manuscrit de la Bibliothèque royale de
Bruxelles, par M. Schayes, correspondant de l'Académie royale. Ce « Liber Guidonis » est un
recueil de plus de vingt cinq traités différents d'histoire et de géographie du xii* siècle. ITne
feuille in-8° 75 c.
Itinéraires de la Terre-Sainte, depuis le xiii^ jusqu'au xvii' siècle, traduits de l'hébreu, avec
tables, cartes et notes, par E. Carmoly. Un vol. in-S". L'ouvrage est en souscription, non encore
en vente 7 fr.
Du Rhin au Nil, par le Tyrol, la Hongrie, les provinces danubiennes, la Syrie, la Palestine e(
l'figypte, par X. Marmier. Deux vol. in-1 8 anglais, de 400 pages chacun 7 fr.
Le Portugal , par M. Ferdinand Denis, conservateur à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Un
volume in-8° de 440 pages à deux colonnes, avec 32 gravures 6 fr.
MONOGRAPHIES DE VILLES ET DE MONUMENTS. •
Reims, ses Monuments et ses Rues, par M. Prosper Tarbé, avec planches dessinées par M. J.-.L
Maquart. Grand in-4'' à deux colonnes; 460 pages, 30 lithographies, 1 vue cavalière, 1 grand
plan de la ville 40 fr
Vue générale de la ville de Rouen en 1525, fac-similé d'une peinture du temps, réduite
au tiers de l'original, par M. Th. de .lolimonl. Lithographie de 48 cent, sur 21 centimèt. En cou-
leur, 12 fr. ; en noir ou en bistre 3 fr.
Observations sur les noms des rues de Rouen , par ,\L Léon de Duranville, membre de la
Société libre d'Émulation de Rouen. In-S" d'une feuille. 75 c.
Etudes archéologiques sur la ville de Caen, par M. G. Mancel, conservateur de la Bibliothèque
de Caen. In-8° de 2 feuilles 1 fr. îo c.
Les Moines nu Der; histoire du bourg de Monlier-en-Der et de la ville de Wassy, par
M. Bouillevaux, curé de Cerizières. In-8"de 488 pages, avec lithographies représentant les églises
de Montier-en-Der de Ceffonds et de Wassy, par M. Pernot 5 fr. 50 c.
Les Tours de Foix et le Cloître de la Daurade, par M. Alexandre Du Moge, correspondant
des Comités historiques. In-4'» de 19 pages et de 5 lithographies 4 fr.
Monuments des Templiers, par M. Alexandre Du Mège. In-4" de 36 pages et d'une lithogra-
phie 3 fr. 5Û c.
PUBLICATtONS ARCHÊOLOOIOUES. 351
MÉMOIRE sur IVgliso royale de Sainl-Ived, à Br.iiiio , prùs do Soissons ln(2 de 16
pages 2 fr. 25 c.
Notice iiistohiqi'e et ardiéologique sur le bourg el abbayi' do Cluv.y sur Martio (Ai>np), par
M. l'abbi^ Poquol, forrcspondant dos Comilos hisloriquis. In-8" de .')0 pa;,'es. . . . < fr. 75 c.
Notice iiisTonioiE et descriptive sur l'éî^lisc abbatiale d'Essomes (Aisne), par M. l'abbé
Poiiuot. In-S" de 18 paires el do i litlio;;raphios 1 fr. 75 c.
Notice iiistorkjie et descriptive sur la eallnyrale de Meaux, par Mj^r. Allou, évi^que de Meaux.
In-S" de 48 pages et d'une lithographie 2 fr. 25 c.
Notice arciiéi)loc;ioi:e sur l'église de Reuilly (Indre-et-Loire) , par M. l'abbé Bourassé, cha-
noine de Tours. In-8° de 16 pages avec le plan el le portail de l'église lithographies. 1 fr. 50 c.
Notice sur l'Église de Svint-Dezert (Saùne-el-Loire) , sur ses rortiHcalions et les peintures
murales découvertes dans une de ses chapelles, par M. Marcel Canat, conservateur de la Société
d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône. In-S" de 77 pages, avec un allas de 5 littiogra-
phies grand in-folio , représentant l'église et ses peintures ti fr. 50 c.
Histoire or Monastère de Sainte C.roix uk Uordeaux, par M. Ferdinand Leroy, préfet de
l'Indre. In-8ode 35 pages 2 fr. 25 c.
DEScnieriON des saintes Grottes de l'ancienne abbaye Saint-tjoruiain d".\u.\orre, par doin Four-
nier. Nouvelle édition, par M. Quantin, archiviste de l'Yonne. In-12 de 1 18 pages, avec un plan
des cryptes et deux vues de l'église 2 fr. 50 c.
MÉMoiiiK sur l'hôtel historique de la Tromonillo, à Paris, par M. Troche, archéologue. In-8o de
25 pages 1 fr. 75 c.
Lettre sur l'ancienne Abbaye do Itourbourg (Nord), etc., par M. E. do Cousseniaker, corres-
pondant des Comités historiques; et Notice sur l'église de Bissezeele (Nord), par M. Pevelle,
architecte. In-S" de 30 pages et de 7 lithographies 3 fr. .50 c.
MÉMOIRE sur l'Hôtel municipal ou Halle aux Draps de la ville d'Vpres, par .M. J.-J. Lambin,
archiviste d'Vpres. In-8" de 64 pages, avec une gravure sur bois qui représente ce magnifique
monument du xiii° siècle 3 fr. 50 c.
.MoNO(;ii.vi'MiE DE LA Catuédkalf, DE ToiRNAi . par .M. Le Maistre d'Anslaing , correspondant
ries Comités historiques. 2 volumes in-8° de 429 et 376 pages avec 4 planches . . . . 12 fr.
La TofB DE LoNDBES, par mademoiselle Caroline Berthaiil. In-S" de 32 pages, avec une lilho-
gi-aptiie 2 fr 25 c.
Pbocekding at Ihe Annual Meeting of the archœological Institut, elc.,at Winchester, sepl«mb«r
1845. Un magnifique volume de plus de 450 pages, avec nombrcust'S gravures sur bois et sur
acier. La vie architecturale de Guillaume de Wikeham, évoque de Winchester , et coiLslrucleur du
rliâleau royal de VV'indsor, est renfermée dans ces procès-verbaux inqiortanls. ... 30 fr.
WiNUiESTEl CoNUBES-s . tcnu en auùl 1845 par l'Association archéologique de la (irundo-Bro
352 ANNALES AKCHEOLOr, lOU ES.
tiignc. Lin beau volume in-8" do 483 |)ages avec nombreuses gravures siir bois ei sur acier. CVvl
une histoire et une description complètes de la ville et de» nionunienls de Winchester. . 30 fr.
Tmi; Aii(:iiiTK(;ri km. iiisroio ok ('.ANTEcmuinv Catiiedral , p;ir le Hé\. K WiUis, prolessour de
lliniveisilé de Cambridge. Un vol. in-8" de 160 jjages, avec 52 gravures sur bois. La cathérale
de Canlorbéry, surtout pour des Français, est la plus intéressante de l'Angleterre . . . I.'i IV.
.So.MH .VCCOl'NT OF ÏHB AIIBEY ChURCII OF SaINT-PeTER AN1> SaINT-PaUL AT DoRCHESTEK
(Oxfordsliire), par Henry Addington. In-S" de 172 pages avec de très-nombreuses gravures sur
bois donnant les plans, élévations, vues cavalières, coupes, profils, détails de l'église de Dorchestei'.
C'est un autre de ces beau.x volumes que publie, par les spins de M. H. Parker, la Société pour la
|)ropagalion et l'étude de rarchitccture gothique. Dans aucun des autres ouvrages que nous avons
i-appor lés d'Angleterre il n'y a une aussi absolue perfection de gravures sur bois, l'n de nos gra-
veurs a voulu avoir ce beau livre pour s'en inspirer. Celte église de Dûrchesler est remplie de détails
curieux dont nous ne pouvons parler ici. Nous signalerons seulement la fenêtre, très-célèbre du
reste, où est représenté l'arbre de Jessé. Ce sont les meneaux symétriques cl contournés loul à la
fois, qui font les branches; sur ces branches sont sculptés en relief, à l'intérieur, les personnages
de la généalogie ; les allégories et les pro|ihètes qui concourent , par voie de symbolisme et de divi-
nation à la généalogie , sont peints sur verre. Pas de motif plus étonnant en iconographie chrt'-
lienne, pas de fenêtre plus charmante au point de vue de l'art. Nous en demanderons à .M. Parker
un dessin e.xacl et grand pour les « Aimales Archéologiques » Ls IV.
HISTOIRE m lÉlUIRE ET POLITIQUE.
lîssAi SIR l'Histoire littéraire de (1\ën , sous les ducs de Normandie, rois d'Angleterre,
par M. G. Mancel, conservateur de la liibliothèque de Caen. In-8" de 28 pages. . < fr. 50 c.
Caen soi s Jean-sans-Terre, par le même. In-8' de 20 ]>ages I fr. 25 c.
.MoisAYT iiE Brieiix, étudc bibliographique , par le même. In-8° de 19 pages. . 1 fr 25 c.
TipuAifiNK de la Roche, étude bibliographique, parle même. In-8" de 38 pages. 1 fr. oO c.
l'AM. Delasalle, biographie, par le même. In-S" d'une feuille, avec un portrait gravé. tiO c.
I.K P. PoiuiE, jésuite, biographie, par leinèuie. lu-8" d'une feuille, a\ec portrait giavé. 60 c.
Ikan Bertact, biographie, par le même, ln-8" d'une feuille, avec portrait 60 c.
UuxiRAPHiE DE FoNTENELLE, par M. .\. Charma, professeur de philosophie à la Faculté des
lettres de (>aen. Seconde édition très-augmentée. ln-8" de 96 pages 2 fr. 25 c.
Un (iRAM) HOMME ET IN MONUME.MT, par M. Tridon, chanoine honoraire de ïroyes, inspecteur
des monuments religieux du diocèse. Un vol. in-8", avec dessins. Ce grand homme c'est saint
Bernard; ce monument c'est l'église Sainl-Vorles, à Chàtillon-sur Seine, où saint Bernard eut son
iiratoire. L'ouvrage paraîtra dans quelques semaines sous le titre de « Notice archéologique ei
piltorcsque sur Chàtillon-sur-Seine ». On souscrit chez Victor Didron , place Saint-André- des-
A ri s, 30. Pour les souscripteurs, avant le V' janvier I fr. 75 c.
iViui les autres -y |V.
I.K Pkhk Am)ré. jésuite, documents inédits pour servir à l'histoire philo.sophi(]ue, religieuse
IMlU.ir.ATIONS Mlf.lIKOl.ndlolKS. 358
el liltoraire du xviii' sicrK', piiblio.s pour la iinMiiicrc Im^ ci iinncili'.- par MM. A. IMiaima pl
(i. Maticcl, di' Caei\. Un vol. in 18 ili' I8:t paj»es :i iv. 50 c
l)K i.A KoNiivTioN i>K (".AKN par Kaiiis, si^néclial du roi Arlliiir, pai' M. (i. Manci'l ln-8" d'uni'
''■'"il'e 75 <•.
NoTicK .sur la Kihliolhoipii' de C.aen . par M. (j. Manci'l , lïlhliolliùcairi'. lu S <\r î\ pa-
.i:es I Ir. 2ij r.
NoTKS sur les arcliives de la proloclurc do la Gironde et de quelcpies villes du dcpai leinenl ,
par .\l. Kei'dinand Leroy, forrespondanl des Comités historiques. In-8" do lij («lues. . . 2 fr.
Kai'pout adressé à M. Victor Cousin, sur divers manuscrits français de la Uiltliuthecpn' de Va-
lencii'nnes. par M. .1. Mansearl, professeur de philosophie, ln-8" de ii pages i fr
.Notice des ai» hives de .M. le duc de C.arainan, précédée de recherolies llist(lrilple^ sur les
princes de i.liimay el les comtes de Iteauiuoiit. par M liacliaid . archiviste général du io\auuie
de BeL'iipie. In 8" de U8 pages .t fr. ;iO c.
S<.Rii>TOBES MoNASTici ,;i Roberlii .\nslruther. I11-8' de 2't:t pa;,'e-. édition de luxe. ('..■; éciivains
.-(inl Uerbertus de Losinga, Osbertus de f.lara el KImerus S fr.
Histoire iies KVÈyi'Es d'Évbei'x , avec des notes et des armoiries, par M.M. A. (!has.sjinl,
bibliothécaire, et G. -H. Sauvage, régent au collège d'Kvreux. l'n Mil. in-16 4 fr.
Vie oe saint Jilien. évéque du .Mans, el des autres pontifes ses successeurs, tra<luclion des
manuscrits de l'église du Mans, par M. l'alibé Voisin, prêtre, membre de divci-ses Sociétés sa-
vantes. Un vol. in-8° de prés de 500 pages ti fr.
Histoire des guerres religieuses en Auvergne, pendant les xvi-^ et xvii' siècles, par .\ndré lin-
beidis, avocat. Deux vol. in-S" de 187 el î)63 pages, avec une carte d'.\uvergne et des gravures
sur métal el sur bois 10 fr.
Histoire ue LWMiooiois, par François Vigier de la Pile. l'Ic , publiée avec des documents
inédits sur l'.Vngoumois, par J.-M. Michon , correspondant des Comités historiques. Un vol. in-i"
de 340 pages à deux colonnes 10 fr.
lli>ioiRK du diocèse de Ueauvais, depuis le iii-^ siècle jusqu'en 1792, par l'abbé Deletlrc, vicaire
général, doyen du Chapitre. Trois vol. in-8», de 500 pages chacun l.-i fr.
Pièces iNÉniTEs relatives à rhistoire d'fc-os.se , par .M. le baron de Girardot. ln-4" île ii
pag
i fr
Rssvi liiSTORioiE sur les invasions des Hongrois en Europe el s|)écialenient en France, pai
I, Du.ssieiix . professeur d'histoire à rftcule rovale militaire de Saiiil-C.yr. ln-8" de 74 pu
jjes : fr i'itl c.
Philippe uk Comines en Poitou , par .M. de la Fontenellc ilc \ audi.ic . niemlMc non rc-ideni
di> I Comités historiques. In-8" de «7 pages 2 fr. 50 c.
r\BLKAf GÉ.NÉBAL iiK i.'Ki iioPK. viTS l'année 1151, par M. l'er.liiianil l.cn.v, préfet de I Indre.
In-»' de 36 page» ' fr. 50 c.
3fti ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
Les rues de Champagne, mémoire pour servir d'introduction à l'hisfoiip de la r.tiampaijnp ,
par Etienne (GaUois). In-8° de 68pages 3 fr.
Les Pats-Bas, avant et pendant la domination romaine, ou tableau historique, géographique ,
physique, statistique et archéologi(iue de la Belgique et de la Hollande, depuis les premiers temps
historiques jusqu'au vi'' siècle, i)ar A.-G.-B. Schayes, archiviste à Bruxelles. Deux vol. in-S" de
500 pages chacun 15 fr.
HisroiiiE DE Flandre (792-1792), précédée d'une introduction sur les temps antérieurs au
VIII' siècle, par M. Kervyn de Leltenhove. Cinq forts volumes in-8", à paraître dans quelques mois.
Chaque volume. 7 fr. 50 c.
Histoire constitutionnelle et administrative de la ville de Gand et de la châtellcnie du Vieux-
Bourg , jusqu'à l'année 130'i , par L.-.\. Warnkœnig , traduite de l'allemand , avec corrections et
additions du traducteur, par .4.-E. Gheldolf In-8" de 360 page.< 5 fr.
La barbarie Fr.4NKE et la civilisation Romaine, études hislofiques, par P. -.4. -F. Gérard.
Tn-18de281 pages .3 fr.
Manuel de l'histoire de France, par Achmet d'Héricourt, membre de plusieurs Sociétés savantes.
Deux volumes in-S" de 577 et 663 pages. L'auteur arrive jusqu'en 1846. Il fait marcher de front ,
pendant tout son récit , l'histoire politique et celle des sciences, des lettres, des arts, etc. 1.^ fr.
HISTOIRE DE L'ART. — ESTHÉTIQUE. — POLÉMIQUE.
Les pei.ntres bbugeois (Hubert Van Eyck, Jean Van Eyck, Hemling et leurs disciples) , par
Alfred Michiels. Un vol. in-12 de 300 pages. M. Michiels a fait, dans ce livre substantiel, l'histoire
complète d'une des plus grandes écoles de peinture de l'Europe, depuis son origine jusqu'à sa
décadence 3 fr.
Histoire de la peinture flamande et hollandaise, par le même. Deux vol. in-8° de plus de
400 pages. Chaque volume 7 fr.
Lk Salon de 1846, par Tli.Thoré. Un vol. in-t8 anglais de 230 pages, avec une savante intro-
duction sur la peinture française, depuis la fin du xviii" siècle 2 fr. 'M c.
Ufii vr.E DE Rembrandt, catalogue raisonné des estampes qui composent son œuvre et des prin-
cipales pièces de ses élèves, parle chevalier deClossin. Deux vol. in-8° de 227 et "2(i0 pages. 7 fr.
Essai historique sur les arts du dessin en Picardie, depuis l'époque romaine juscju'au xvf
siècle, par le D'' Rigollot, correspondant des Comités historiques. In-8<> de 197 pages, avec un
atlas de 40 planches donnant 96 sujets différents 15 fr.
Lettres sur l'architecture, par M. Guillery, professeur de mathématiques à l'Athénée de
Bruxelles, 11 «, 12% 13' et 14" lettres. In-8° de 40 pages 2 fr. 50 c-
Du STYLE gothique AU Dix-NEUviicME SIÈCLE, par E. Viollct-Leduc, architecte de Notre-Dame
de Paris et de l'église royale de Saint-Denis. In-4" de 4 feuilles 2 fr. 50 c.
Kbaction de l'académie des beaux-arts contre le style gothioue , par Lassus , architecte
de Notre-Dame de Paris. In-S» d'une feuille 4 fr. 50 c.
PUBLICATIONS AUCHÉOLOGIQUES. 3»
Dk L'.vnciiiTFXTunE co.NTi-.Mi'oii.viNE, OU (Ic lii luiiMMwiiu'c (lo l':i|)|ilk-iiliun du style j;ulhu|ue
aux conslructions relii^ioiiscs du xix" siècle, par M. Gabriel Laviron. In-S" de 2 feuilles rt
demie 2 fr. 25 c.
Dk i.'.\ii<:uiTECTi'nE coTMiyiE, par M. R(>i(•holl^llpr;;p|■, juge à la cour royale de Trêves. Travail
antérieur aux précédents el sur le même sujel. In-1 2 de II Si pages 2 fr. 25 c.
De l'Enseignement iie i.'.viit, par I.miis Dupascpiier, arcliilcctc à I.yon. In 8» de .11 pag. î fr.
Distribution iies phix, en aoiU IStli, aux élèves de l'ficole royale et spéciale do nuillié-
maliques, d'archileclure el de sculpture d'orneinonl, appliqués aux aris industriels. In-X" de
\ i pages 1 fr. 25 c.
CoNSTRlcTioN DE i.A CATiiÉDnvi.E UK CoLOGNE, par M. Roiclienspcrger, de Trêves. In-H" de
2 feuilles 1 fr. î.ï c.
L.v cATiiÉoiîALE DE CoLOGNE, NoticB arcliéologiqiie sur les restaurations et sur les travaux
exécutés , en cours d'exécution ou projetés pour racliévement inté;»ral de ce monument, par le
baron Ferdinand de Roisin, correspondant des Comités historiques. In-8" de .'îfl papes . . 2 fr.
Restûration of tiie fine ARTS OF THE MiDDi.E AGES IN FRANCE, par .M. Hcnrv l.ongueville
.lones , correspondant des Comités historiques. In 12 de 36 pages ( fr. .">0 e.
Restauration de la chapelle Saint-Louis, au val de Formigny (Calvados), par M. G. Vil-
1ers, secrétaire général de la Société académique de Rayeux. In-S" d'une feuille. L'architecte de la
liste civile, M. le Franc, qui a restauré cette chapelle, l'a fait avec la mauvaise humeur et l'inha-
bileté qu'aurait pu montrer son architecte en chef, M. Fontaine, le umtilaleur des Tuileries. 1 fr.
Du Vandahs.me pans le midi de la France, lettre de M. le comte de Monlaleniberl a
M. Victor Hugo, annotée par M. .4lex. Du Mège , directeur du musée de Toulouse. In-l" de
1 9 pages à deux colonnes 2 fr.
AKCHITEGTIUE ET ORNEMENTATION.
Designs for cuurciies and cuapel-s in tiie Non.«AN and gotiiic styles , par divers archi-
tectes. Première partie, par Stephen Lewin , architecte. In-f de 12 pages et 12 planches gravées.
Celte première partie enseigne , dans les plus minutieux détails , la manière de construire, sculpter,
peindre, meubler une église dans le style gothique anglais du xv*-' siècle. D'autres cahiers donne-
ront des exemples pour l'architecture ogivale des xiv" et xiii*' siècles, pour l'architecture romane
des XII' et xi''. Pendant que nous nous disputons en France avec l'.Vcadémie des beaux-arts et le
Conseil des bâtiments civils, el que nous supplions ces deux vénérables corps de nous laisser
construire des églises selon le style gothique, en Angleterre, tous les architectes, poussés par la
Société d'architecture d'Oxford el l'exemple de M. W. Pugin, proposent dos modèles d'églises et de
monuments de tout genre en stylegolhiciue el roman; ils construisent à l'envi dans le stylo national,
et sourient ou se moquent île nos stériles discussions. Comme ils ont parfaitement raison nous
allons lâcher, aidé de M. Hyppolite Durand, de faire entièrement comme eux. Celle première partie
des dessins pour églises et chapelles en style roman et gothique I 2 fr.
Aj«clic.\n ciiurcu abciiitbcturb, par James llarr, anliilecle. lu-18 de 210 pages avec t;il gra-
vures sur bois. S\. Barr construit, orne, meuble el dis|)o»«' (X)ur le culte une é^-lise complet*. Il
356 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
prend jc^oxomples dans des nianument;; existants. C'est une sorte de « Manuel » pour rarcliitecte,
le sculpteur, le peintre, le menuisier et le lituri;iste chrétien. Ses exemples sont tirés de l'Angle-
terre et ne peuvent pus beaucoup nous servir: mais ce pelil livre, 'gravures et texte, e.<!t digne
d'un véritable intérêt 8 fr.
Élévations, sections and détails of Saint-Petek's chi hou , W'ilcote (Oxfordshire) , par
J. C. Buckler, Escp, architecte. In-f° de 2 pages et 6 planches gravées. M. Buckler propose cette
église comme un exemple pour une construction nouvelle et il surcharge ses gravures d'autres
dessins destinés à compléter ou modifier l'église existante. Le texte comprend un devis des maté-
riaux et des travaux nécessaires pour élever un édifice dans ce style 7 fr.
Elévations , sections and détails of tue chapel of Saint-Bartholomew , Near Oxford ,
par J. Cranstoun, Esq., architecte. In-f" de 9 planches avec un devis estimatif des matériaux et de
la main-d'œuvre nécessaires pour élever une chapelle absolument semblable 7 fr.
Elévations, sections and détails of Saint-John-Baptist cnuiicH, al Shottesbrok (Berkshire),
par William Butterfield, Esq., architecte. In-f" de 8 pages et 10 planches gravées. M. Bulterfield
est l'architecte chargé par M. A. B. Hope de compléter le couvent de Saint-.4ugustin à Cantor-
héry 10 fr.
Elévations, sections and détails of tue church of Saint-Mahy tue Vircin, at Liltlemore
(Oxfordshire), par H. J. Underwood, Esq., architecte. In-f" de 14 planches gravées. Deux de
ces planches sont consacrées à la peinture sur verre. L'édifice est du xiii« siècle et serait un
modèle fort supportable, même en France, où l'architecture de cette époque surpasse celle des
autres pays 10 fr.
La Tovr de Sainte-Vaidbu, à Mous. Fac-similé du projet original tracé sur parcliemiu au
XV* siècle. Six feuilles lithographiées, grand in-f», avec une notice de seize pages in-8", par
M. Renier Chalon, président de la Société des bibliophiles belges 12 fr.
Le Livre de la construction des Pinacles, par Mathias Roriczer, architecte de la cathé-
drale de Ralisbonne, en 1486; traduit en allemand moderne, par M. Reichensperger, de Trêves.
Petit in-f" , orné de gravures sur bois '2 fr. 73 c.
Gewolbefobmen, par M. de Lassaulx, architcte^du gouvernement, inspecteur des monuments
historiques de la Prusse, à Coblentz. In-f° d'une page à 32 dessins et de deux pages de texte à
deux colonnes. M. de Lassaulx apprend, dans ce travail de pure mathématique, à former et
construire les voûtes les plus variées de l'architecture du moyen âge. M. de Lassaulx est le Pugin
de l'Allemagne; sur les bords de la Moselle cl du Rhin s'élèvent beaucoup d'églises qu'il a con-
struites en style ogival et roman I IV. 7.'i c.
RissF zf KiNFR Katiiolisciien KiRciiK FiR Neiwikd. p;ir M. de Lassaulx. Une lithographie
in-f", représentant le plan , l'élévation . le corps et les détails de la future église de .N'euwied (en
style roman des bords du Rhin), dont M. de Lassaulx vient de jeter les fondations. . . . 1 fr.
Die Holzarchitecti r des Mittelaltbrs , [)ar E. Bollicher, architecte du gouvernement prus-
sien. In-f" de 19 planches chromolithographiées et d'une page de texte. C'est surtout à l'architec-
ture civile et à l'architecture en bois que M. Botticher emprunte ses exemples Le but de ce joli
ouvrage est de doimer des modèles pour construire, décorer et meublera la manière gothique
allemande, des maisons de campagne, des espèces de chalets du moyen âge 30 fr.
IM BI.ICATIONS AIUIUKOI.OCIOI i:s. :wû
I.Ornksie.ntation i.i- .M(nKN A.iK, uu CoIUtUoii (lo i.rolil>, cl'oni.Miienls, .Ir cliMpilcaiiv . dt-
boi^erit's, de forrurcs, dp sfiilpl.ir.-s remarquables, tirés do l'ar.liileclure l)yzanline et du sl>le
germanique, par Charles IleidelotT, architecte du roi de BaviiVe, il Nureinberjj. fidilion français.-
de l'ouvrage allemand déjà annoncé dans les < Annales ». Deux vol. in-l" de (i:; |)a;;es et île
95 planches gravées sur métal -j.; C,.
A.wiKvr iRisii PAVEMENT Tii.Es . avec une introduction et des remarques, pur Tlioina» tflilham.
In-i" de 8 pages et de 58 planches gravées et tirées en couleur. L'Angleterre , si elle n'est pas pins
riche que la France en pavés émaillés du moyen ;\ge, a du mnins le mérite d'avoir publié la
première ce riche système de décoration monumentale. Le cahier que nous annonçons .se com-
pose de briques cmaillées des xiii'- et xiv^^ siècles , qu'on voit dans Saint-Patrick , cathédrale de
Oublia, el dans les abbayes de llowlh. .Mellilonl et Newton 10 fr,
Pattkuns ok Inlaios TiLEs. De.<sins cl gravures, par M. A. Church. ("ahier in-i" comme le
précédent , composé de 2i planches gravées, tirées en couleur el représentant les types princi-
paux des briques émaillées qui décorent les différentes églises du diocèse d'Oxford. Ces types
api-arliennent à différentes époques, depuis le xiir jusfpi'au XVI" siècle 10 fr.
Co.>siuÉBATlo.NS srn LA Flobe MiRALE, par M. Cliailes Desmoulins. archéologue. In-S" de
23 pages avec 1 0 gravures sur bois » (V.
Revue de rarchitecture el des travaux publiés, dirigée par M. César Daly, architecte. Men-
suelle; grand in-4" à deux colonnes, par cahiets de trois feuilles de texte, de trois ou quatie
planches gravées sur métal et de plusieurs gravures sur bois. Le VI' volume est en cour> de
publication , le dixième numéro a paru. Chaipie n" séparé, "i fr. ; chaque \olume . l". Abonnement
aimuel. iO fr. ; de six mois 20 fr.
A.MEIBI.K.MKNT ET ORFÉVREKIK.
Traiti^; complet de l'évahiatioii de la menuiserie, par L.-A. Hoileau, arcliilecte. el !•". Itellul .
ancien menuisier, l'n vol. in-S" de .'i.ïO pages, avec atlas de \i |)lan(hes petit in-l^' et gra-
vées I.'i fr.
Tabernacle de l'église Saint-.Mahtin, à Courtrai; lithographie grand in-f' atlanlique, <le
90 centimètres de hauteur :) fr
Inventaire des objets d'art et d'antiquité de la Flandre occiilenlale, dressé par la Commission
provinciale. Première partie, par M. l'abbé Carton, de Bruges. In-8" de 9.1 pages avec i lithogra-
phies. Cette partie est exclusivement consacrée à la riche cathédrale de Uruges. Les lithographies
représentent un retable en bois peint el doré, deux crosses épiscopales, une croix procession-
nelle, deux ostensoirs, une tombe de cuivre émaillé. On ne .saurait trop louer l'idée d'un pareil
travail . qui sauvera de la ruine el qui fera connaître une innoiubiahle ipiantilé d'upuvn'S char-
n. ailles clii luoyen âge. . i fr. 7.'i c.
Notice sur un reliquaire île l'epiMpic romane, par .M. lal'lii- \idicr . iinii'.-poiiilaiit de.i Cuiuite-
hi-li«riques. ("est une boite en plomb ipii paiait dater du xi' ,-iecle, et qui appartient ii l'église de
Venue, pre.- de Loiidun. In-S d'une feuille, avec une double planche lilhograpliiee. . . I h.
I F. Trésor kk (Joirhon. lettres à .M le comte de Salvandy , par Cl. ltos.Mgnol . membre de la
<,,rj,.i.. l'histoire et d'iTfhnilûgie de Chalon-sur-Saône, ln-8" du 23 («gcs, aviT. une plam lie
V. '.7
358 AiXNALES AKCHÉOLOG IQl ES.
lithographiée tirée en couleur. Ce trésor se compo.se (J'iinc coupe et d'un pUiteau d'or trouvtte à
Gourdon (Saône-et-Loirp) 2 fr. 25 c.
Description de l'écrin d'une dame romaine, trouvé à Lyon en 18tl et donné au inusée de cette
ville, par M. le t)' A. Comarmond, conservateur des musées archéologiques de Lyon. Petit in-f
de .50 pages, d'une lithographie et de 4 gravures sur acier reiirésentant les colliers, bracelets,
bagues, boucles d'oreille, médailles, trouvés en isil . . 6 fr. 50 c.
.ViîMEiu.\ REAL, galerie royale des armes anciennes de Madrid , par M. Achille .lubinal. Sixième
livraison de 4 planches in-f", représentant des ornements en or, des armures, des costumes brodés,
des cimeterres, arquebuses, etc. Chaque livraison en coûleui-, 10 fr. ; en noir 5 fr.
Wiiîn's Kaiserliches Zeugiiaus, par Fr. de Leber, membre de plusieurs Sociétés historiques
et archéologiques d'.-Mlemagne. Un vol. in-8", en deux parties, de xviii et 525 pages, avec trois
lithographies représentant des guerriers du w siècle, en armures de fer, et montés sur des che-
vaux harnachés de lames de fer ciselé 12 fr.
Trésors des églises de Reims, par Prosper Tarbé , avec planches par .).-]. Maquart. Grand
in-4» de 338 pages et de 32 lithographies 25 fr.
Essai technologique sur l'orfèvrerie, par Al. Barrai, ancien élève de l'École polytechnique.
Grand in-8" de 24 pages, à deux colonnes, avec 52 gravures sur bois. M. Banal a su profiter, pour
son travail , de celui de M. l'abbé Tcxier sur les « Émailleurs et .-argentiers de Limoges » . 3 fr.
SCULPTURE. — PEINTURE — ICONOGRAPHIE.
Les quatorze statues du chœur de la cathédrale de Cologne , par M. Reichensperger, de
Trêves. Ces statues, qui datent du xiii" au xiv' siècle, représentent les Apôtres, .lésus et la Vierge
Marie. In-l" de 3 feuilles 1 fr. 50 c.
Monument funéraire du cardinal prince de Croy , archevêque de Tolède , mort en 1521 . Gra-
vure in-f" sur cuivre, par M. Charles Debrou. Ce monument est de la renaissance ; M. Debrou
en a rendu toutes les délicatesses avec un rare bonheur 3 fr.
Dissertation sur les diptyques, par Mgr Billiet, archevêque de Chambéry. In-8° de 48 pages,
avec une lithographie in-f". C'est à propos d'un diptyque en ivoire, d'origine et de forme byzan-
tines, du Xi" siècle à peu près, que Mgr l'archevêque de Chambéry a écrit cette savante disser-
tation.' 3 fr. 25 c.
Notice sur une feuille de diptyque d'ivoire , représentant le baptême de Clovis , par M. le doc-
tour Rigollot, d'Amiens. ln-8° de 15 pages, avec une lithographie. Ce diptyque paraît dater de
l'époque mérovingienne 1 fr. 50 c.
Bronze figure of an archer, par iM. \V. Chafl'ers, membre de l'Association archéologique
anglaise. Grand in-4° d'une feuille, avec gravure sur cuivre. Cette statuette d'archer est romaine
et d'une rare beauté. Elle appartient à l'auteur de la notice 1 fr.
A SERIES OF MONUMENTAL Brasses, dcpuis le règne d'Edouard !«' jusqu'à celui d'Elisabeth.
Dessins et gravures par L-G. et L.-A.-B. Waller, membres de l'Association archéologique anglaise.
Ouvrage remarquable, où MM. Waller ont réuni les plus beaux types des monuments funéraires
PUBLICATIONS ARCHÉOLOGIQUES. 359
en wivio (Je leur pays. \n-C\ pur liMuisont; du l planches yravùcs. L'ouvrano sina lortiplul «m
IMiviaisons, dont 15 ont paru Chaque livraison 8 fr.
Notice sur le musée de tableaux de la ville de Caen , par M. (i. Mancel , ronservaleur de la
Hiblioltièque municipale de Caen. In-12 (l'une feuille < fr.
Essai iiisTomoiR sur le vitrail, ou observations liisloriipies et orilinues sur l'art de la pointure
sur verre , par K.-II. Thévenot, pi^inlre sur verre. In-S" de 87 pages 3 fr.
Dk i.a peinti-hk .sir VEnnE , ou notice historique sur col art , dans ses rapports avec la vitrifica-
tion, par Emile Thibaud , peintre sur verre. In-8" de 31 pages, avec deux litliographies. . î fr.
REciiEBc.nEs iiisTORioiES sur la cathédrale dcClermont, suivies d'un plan de restauration
de ses vitraux, par M. Thovenol, peintre sur verre. In-8o de 4.1 pages, avec deux lithogra-
phies . 2 fr. UO c.
SAiNT-LANDnv, Verrière exécutée par M. Lami de Nozan , d'après les carions de M. Auguste
Galimard, vice-président de la Société libre dos Beaux-.\rls. Celle verrière est exposée àSaiiii-
Germain-l'.Vuxerrois. In-P' de trois lithographies. Kn couleur 3 fr. 50 c.
Eu noir ' 2 fr. 50 c.
Vie et Miiiacles de saint Rombai:t, patron de la ville de Malines. d'après les tableaux de
Michel (^oxie el autres, qui se trouvenl dans la cathédrale de Malines, avec une explication par
B. Vandale, prêtre du diocèse de Bruges. In-fol. de 25 lithographies et de 36 pages de texte. 50 fr.
CiiE.«iN DE LA CHOIX. Un cahicr in-l", oblong, de I i lithographies à deux teintes, avec enca-
drement, par M. llazé, peintre, correspondant des Comités historiques 7 fr.
Quelques réflexions à propos de « l'Essai archéologique sur l'image miraculeuse de Nolre-
Dame-de-Grâce , à Cambrai » , par M. E -J. Failly. Lettre à M. l'abbé Capelle , par L.-J. IL In-8°
de 33 pages, avec mie lithographie représenlant celte Notre-Dame, qui est byzantine. 2 fr. 50 c.
La plus a.ncienne ghavuiie connue avec, une date, par m. le baron de Reiffeniberg, directeur
de la Bibliothèque royale à Bruxelles. Grand Ln-4" de 33 pages, avec une lithographie en cou-
leur • 3 fr.
Un dbbnier mot sur l'estampe au milléslme de 1 H8, pour faire suite à la brochure inli-
lulée : « Quelques mots sur la gravure au millésime de 1418 », par M. C Debrou. Le tout , in-*"
de 24 pages, avec 7 planches lilhographiées i fr. 50 c
CosTUMBS, MOEURS ET USAGES DE LA COUR DE Bouhuogne, SOUS le règne de Philippe III, dit
lé Bon (1455-1460). Fac-similés en lithographie, tirés de l'histoire de Girarl, comte de Nevorsol
de la belle Euriant. 25 planches in-f*, dont une coloriée el dorée 55 fr.
Abmobial du BounitoNNAis, par Georg» de Souillait , correspondant des Comités historiquiis.
Pour paraître prochainement, en 30 ou 40 livraisons in-4'', avec les armes en couleur. |ji
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Ueber die KAisEii-fJALMATiKA IN DEii SAiNT-PerHiisKiiu.ME zu UoM , pat M. Sulpicc Boisserée.
Gcaod iu-i" de H page» av«c 5 liUKigr<tplii«;s dunl une en amleur ul Uoc«k..CtU ouvruije, du pin»
8(j'l ANNALES ARCH ROI.O(. lOl'ES.
illiisiri' :iiclii'()liii;iic de rAllpin:ii;nc, est consarré à l;i célèbre dalnuiliquc impôi ialc que nous avons
lail iiiawicl (|ui est (it'crKo dans les « Annales archéologiques 11 Ht fi-.
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M. Dulerlrc, sous-chef du bureau de l'imprimerie el de la librairie au ministère de l'intérieur,
l'ararl deux fois par mois, par li\iais(in d'une feuille in-8" avec gra\ures ou lithographies. Abon-
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C.aen. ln-8" de vu el :îl!» pages il fr
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lectures (lu français et du latin, et précédée de considérations sur l'instruction primaire, par M. Al-
phonse KrnauN, correspondant des Comités historiques. In-8" de 247 pages . . . .3 fr. .ïO c
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Customs, from the fourteenth century, par James Orchard Halliwell , Esq., correspondant des Co-
mités historiques de France. Première partie, in-8" à deux colonnes . 4 fr.
Si u iiF.ix >i(ns ni mo^e.n aci. encore en usage à C.aen. par .M. (i. iManeel. ln-8' d'une
feuille 7o e.
De i.a i.AMii k kt de la poésie pboyënçai.es, par le baron Eugène Van Beinmel. 1m-18 de \ii
el 201 pages .■! fr. 50 c.
llisTOiiiEde la langue et de la littérature provençales, |iar M. Emile de Laveleye, élevé de l'I'ni-
versilé de (iand. Grand in-8' de XII et :i47 pages 7 fi-.
L'Établissement de la fête de la Conceptio.n Notre-Dame, dite fête aux Normands, par
Wace, trouvère anglo-normand du xir- siècle, publiée pour la première fois d'après les manuscrits
de la Bibliothèque du roi, parRLM. G. Mancel et G. -S. Trebutien, conservateur et conservateur-
Mdjoinl de la Bibliothèque de la ville de Caen. In-8" de lxx et 23< pages 7 fr. 50 c.
UisToïKE DES SEi GNEUBS DE Gavres, romau du XV siècle, publié par Vandale en fac-similé de
texte et miniatures. In-f° de 300 pages ornées de 95 dessins en couleur, précédé d'une introduc-
tion et suivi d'un glossaire 60 fr.
Les Nei striennes, chroniques, légendes, ballades et impressions, par Alph. Le Elaguais. Nou-
velle édition. In-18 anglais de xii et 606 pages. Membre de la Société des antiquaires de Norman-
die, M. Le Elaguais est, on peut le dire , le poêle des monuments du moyeaàge. . . . i fr.
Lks Bleits, recueil de poésies, de nouvelles et de gravures, publié par M. Ilesrosiers,
éditeur à Moulins. Un vol. in-8° de luxe; composé de .328 pages et de 6 admiraliles gra\ures
anglaises dont l'une représente l'intérieur de Saint-Pierre de Rome 15 (r.
MUSIQUE. — LITURGIE. —SYMBOLIQUE.
.Vri méoloc.ik musicale, par M. de Saint-Germain, correspondant des Comités historiques, ln-8 '
IM lU.IC.ATlONS AUCIlKOldC.lon-.S. (fil
(le 20 pasies. Comme nous, M. di' Siiinl-licrmnin voudrait m.ii la inip<ii|iic aillom- r|ii a I .-
I^lise I ti. Su <■.
Revie de la mus^iquc relii:ieiise, fondée el diri-ép par M. F. Danjoii, or;;ani»le di- la «•alliédnd.-
de Paris. Mensuelle, par cahiei-s de deux à (rois feuilles in-8", avec des niorceaiiv de niiisicpie. l"n
fort volume par an. l.e second volume sera complel avec la livraison de décembre. Au mois d'oc-
tobre dernier, M. Danjou s'esl élevé avec une souveraine raison contre .M. Joseph Rejinier, orga-
niste de Nancy, qui vient d'écrire un mémoire sur le maintien de la musique à l'éclise, comme si
la musique n'y était pas, hélas! beaucoup trop maintenue. M. Danjou, nous le répétons avec un
\ if plaisir, est l'un de nos plus puissants auxiliaires. L'abonnement annuel a la >■ Hevue clr la mu-
sifjue » est de I i r, .
Kl coLodE K.N Misuii K. à rusa^<' du eoUéiie Stanislas, ou clmix des plus bi'aii\ plaius-clianis de
la liturgie ecclésiastique misa la voix de soprano ou de ténor, par M. l-"élix Clément, maiire
de chapelle au colléiie Stanislas Toutes les sympathies de M. F. Clément sont pour le plain-cliani
(piil cherche à faire renaître, au moins dans son collège de Paris. (Jrand in-:i2 de 21)0 pai'es. toutes
en plain-chant noté dans le système actuel de la nuisique ii fr.
.Notice sur les cloches. jiarM. l'abbé Barraud, directeur au .'rand séminaire de Beauvais. cor-
respondant des Comités historiques. In-8" de .)7 pages 2 fr.
Notice sui- une chasuble de Saint-Randiert-sur-l.oire. par M. Boue, curé de Saint-.lust. a l.um.
(!ette chasuble, dont la gra\uie est jointe à la noiiie. date du xir du xi" siècle. (Jrand in-8 ' de l.'i
liages avec une 2;ra\ure ^fr. .'10 c.
NoiivE.\i l'RoiiHAMMK u'i N i.iTi itoisTE, par .M .liisepli Itard, de la Société royale des aniiqnaiies
de France. Troisième édition, ln-8" de 30 pages î fr.
ExpLic.vTiON iiiSTOBiQiE, doguialicpie. morale et liturgique du catéchisme, par .M. Ambroise
Guillois, curé de Notre-Dame-du-Pré, au Mans. 4'- édition, l vol. in-12, de 600 à 700 pages
chacun. l.e -4' vol. est entièrement consacré à la liturgie. L'ouvrage entier lu fr.
Symholiqie des piekres l'BÉciEisEs, OU Iropologic des gemmes, par M""' Félicie d'Iiyzac. dame
de la maison royale de Saint-Denis. In-i" de 20 pages 2 fr.
.M .MIS.MATKJI !•: ET DÉCOIVKKTES.
Bevie DE L\ NrMlSM.\TiouE BEi.cE . trimestrielle, par cahiers in-8" de 100 (lages et de 4 '«i h
planches, formant un fort volume par an. Deu\ volumes ont paru, de ioo à :i00 pages chacun ,
avec planches nombreuses. (Chaque volume 12 fr. .Mionnement annuel 12 fr.
Mo>>viE.« DES ÉvÈoiES UE Toi liNAi . pari. Leli-vvel. ln-8 de l't pages et dune pi. ( fr. .">0 c.
IlEciitHCHES sur la ville de Maestricht el sur s,.. m.iMuaie- par A Perieau, ln-8". le 70 |^ges el
de :) planches.
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Monnaies rnANÇAlses. supplément à ri;s,s;ii sur les monnaies frapiM-es dans le Maine, par
\l lliicliir. ln-8" de 16 page» et dune planche • fr- •''" ''
.1f,-2 ANNALES AKCHÉOLOGIQUES.
Noti<;f. sur uno découveile de monnaies du moyen âs;e, par M A. \yniard , oorcespondant des
Comités liisl(iri(iues au Piiy ln-8" de 23 pages 1 fr. 75 c.
NoTioK HISTORIQUE SUT la vic Cl les ouvrages de M. Mionnet, par M. le baron Walokenaer,
secrétaire perpcluel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. In-4° de 20 pages. 2 fr. 25 c.
Notice sur des antiquités découvertes à Hooghsiraeten , à .lodoigne el à F.ede , par M. Schayes,
correspondant de l'Académie royale de Belgique. Tn-1 2 d'une feuille 1 fr. 28 c.
Notice sur la voie antique de Toulouse à Agen, non décrite dans les itinéraires romains, par
M. le baron C. de Crazannos, sous-préfet de Castel-Sarrasin. ln-1 2 d'une feuille. . I fr. 25 c.
Antiquités de Lyon , disserlation sur divers fragments en bronze trouvés à Lyon à différentes
époques . par le docteur A Comarmond, conservateur des musées archéologiques de Lyon. In-8'
de 71 pages, avec une planche, 2 fr. .50 c.
Note sur des poignards de bronze antiques , trouvés à Longues , près Bayeux , par M. G. Vil-
1ers , membre de la Société des Antiquaires de Normandie. In-S" de 1 0 pages et de 2 pi. 1 fr. .")0 c.
Publications de la Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques dans
le grand-duché de Luxembourg. Premier cahier. In-4" de 45 pages et de 7 planches. Les planches
représentent des bas-reliefs romains, des médailles du moyen âge, des poteries, des ustensiles de
ménage et objets d'orfèvrerie, trouvés dans le grand-duché 5 fr.
Note sur un monument de l'ile de Gavr'Innis (Morbihan), par M. P. Mérimée, inspecteur gé-
néral des monuments historiques. In-4" de 12 pages et de trois planches. Ce monument est druidi-
(jue.
2 fr. 50 c.
MoNUMK.NTs CELTIQUES DE LA BnETAcNE , par M. ToumaK secrétaire de la Société archéolo-
gique de Narbonne. In-S" de 21 pages. 1 fr. 50 c.
.\ntiquitks mexicaines, par m. Albert Lenoir, architecte. In-8° d'une feuille à deux colonnes;
avec 8 gravures sur bois 2 fr.
Notice sur une pierre tumulaire de Bailleul-sur-Eaulne (Seine-Inférieure) , par M. Léon de Du-
ranville , membre de la Société libre d'Émulation de Rouen. In-S" de 11 pages 75 c.
Lettre sur le tombeau de marbre blanc du château de Saint-Aignan, par M. filoi .lohanneau,
conservateur des monuments d'art des résidences royales. In-8° d'une feuille 50 c.
OUVRAGES DIVERS.
LuçoNs DE Logique, par M. Charma, professeur de philosophie à la Faculté do Caen. In-S" de
VIII el 416 pages 7 fr. 50 c
Leçons DE Philosophie SOCIALE, par le mémo, bi-8" de 324 pages 6 fr.
Discouns sur la liberté d'enseignement, par le môme. In-8" de 54 pages I fr.
Observations sur l'école des germanistes , à l'occasion des travaux de M. Kœaigswarter con-
PI lU.lCAT10^S AKt:ilK(ll.(H,l(JlIi:s. 363
cernant les origines germaniques du dioil civil Irynçiiis, par M. Cliarlcs Bulaillard , membre de la
Société royale des antiquaires de France, ln-8" de 20 pages ) fr. 60 c.
DociMENTs relatifs à la facnlté germinative des graines amtiques. par M. Cli. nesnioulins, pré-
sident de la Société linnéenne de Bordeaux. In-8>' do .il pages < fr. 76 c.
Notice sur les salines des cotes centrales de la Norinandio, par M. G Mancel , uiembre fle la
société d'agriculture et de commerce de Caen. In-S" de 18 pages I fr. .-ii) e.
Afeuçu de la situation économiciue de la Suis.<e, par lulos do Vroil. !n-S" di! i'\ [lages. . i fr.
Études (jéologiques dos teiiains de la rive gaucho de l'Vonne. Un vol. in-l° avec un allas de
11 planches, représentant la conliguration goognoslique et lopugraphiquo des terrains de la rive
gauche de ITonno , les coupes et profils coloriés de ces terrains, et les fossiles qu i en caracté-
risent les diverses formations o fr. 50 r.
C.VIALOGUES.
C.AT.\LO(;UE des livres iriqiiimés par l'Universilé d'Oxford. Septembre tSW.
("..VTVLOGIE de la librairie de John llenrx Paikor, d'OxIbid. Novembre 18.15.
Catalogue des livres franaiis, italiens, espagnols, portugais de la librairie étrangère deDulau
et compagnie, libraires à Londres. In-S" de 1131 pages. Il n'y a qu'en Angleterre où des cata-
logues aussi prodigieu.x soient connus.
Catalogue des livres anciens et modernes de la librairie scientifique et littéraire de \. Vandale,
éditeur à Bruxelles ( 1 4"= catalogue). M. Vandale , nous l'en félicitons, va réunir tous ses catalogues
en UD volume, à la manière des éditeurs et libraires anglais. De pareils ouvrages , accompagnés
de notes, d'analyses, de tables des matières , seraient de la plus grande utilité; les éditeurs et
savants, bibliophiles et libraires les consulteraient avec un avantage incontestable.
Nouveau Catalogue do la Société des beaux-arts de Bruxelles.
CvTALOGUE des livres anciens composant les magasins do librairie de MM. Gnillemot, libraires
a Paris. MM. Guillemot publient à peu près tous les mois un catalogue do livres rares et curieux.
Ils sont arrivés déjà au 17'' numéro.
BuLLETLN DE LA LiDRAiniE A.NT.iE.NNE . publié par .\ . Fraïuk , successeur de Brockliaus el
.Vvenarius. Quatre numéros ont paru.
\ l'avenir, nous ferons connu il le tous les catalogues qu'on nous ailiessera,
surtout ceux où sont eni-egislrés des ouvra!,'es d'archéologie. .Viijounl hiii ,
nous nous en tiendrons à ce qui pitjcèdf.
LISTE DES SOUSCRIPTEURS
ANNALES ARCHÉOLOGIQUES
PESDAÎiT l'année 18it>.
PARIS.
MM.
AttoiABD, libraire (quatre exemplaires).
.\>DKÉ , peintre-verrier.
Akthis-Bertrand (M"") , libraire (on/e ex.).
.^BTiot'ES (d') , archéologue.
-AuLAiMER, prêtre.
AvEZAC (d'), eonserv. des archives de la Marine.
ItAiLLiÈBE {.L-B.}, libraire.
Baubier, bibliothécaire du Louvre.
Bakhe , graveur général des monnaies.
Babbier , gérant de o l'Univers ».
Bastarb i^comte .Auguste de).
Baiduy, libraire d'architecture.
Bellagiet (Louis), chef du bur. des Irav hisl.
BiBi.ioTHÈoiE du Roi, au Louvre.
^ du Prince royal.
du Min. de la justice et des cultes.
Hio.N Eugène), statuaire.
BoriiER ^G.), bibliothécaire du Prince royal.
l!»»;sviL\ Ai.i) architecte.
lioivi>- architecte.
lloNHoMMÉ, peintre
BoN>Aui)OT, archéologue.
Borrxm, libraire (huit exemplaires).
Uos.-AM.E, libraire (six exemplaires).
Bottée de Toih.mo.n, membre des Comités hist.
lioriiiKiiKs fiinile). |ieinlre-verrier.
Brkton . architecte.
t.AiiiFK Léon\ orfèvre.
MM.
Carrand, archéologue.
IZartier (Etienne), graveur.
O.RCLE CATHOLIOUE.
Chasles (\d.), député.
Chaubby de Troncenobd (M"« la baronne).
Clabey, libraire (deux exemplaires).
Claye, imprimeur.
Clermont-Ton.nëbre (marquis de).
Clebmont-To.n'nerre-Tiioi'ry (marquis de).
Confrérie de sai-NT.1ean ÉvANfiéusTE.
CoN.NY (abbé de) .
Cobpet.
t^.i'BTE (de), architecte.
Daly (César), architecte.
Danjou (F.), organiste de la cathéilrale.
Dan'joy, architecte.
De-nuelle, peintre.
Derachr, libraire.
Deschapelles, père.
Despinois (comte d';, lienlenaut-géiierai.
DiDRO.N (Victor) , gérant de la libiairie archéo-
logique (onze exemplaires).
Droz (.Iules), statuaire.
Di:ra\, architecte du gouvernement.
DiKoi R etC', libraires (vingt et un evempl.).
I)i RANO iAljihonse). architecte.
DrRA>'D (André), dessinateiu-.
Durand (Paul), archéologue.
Df Seigneir (.leanj, statuaire.
I.ISTK DKS SorsClUPTKI US.
»65
DrsoMMEn.viii) ( Ediiioiul
Tlioinu's.
nu imiséo des
Ksi: vLopiER (coinlo Cliarips de 1'), archéologue.
K,\Nji>rx , archéologue.
Fal'bet. curé de Sainl-Élienne-du-Mont.
Kkioère des Forts (Emile), slatuaire.
KicHOT (Charles), dessinateur.
Kii.LiDN , libraire.
Tranck, liliraire (cinq exemplaires).
Fhkmkry, avocat à la Cour royale.
FuoiiET. statuaire.
<i\i.iMvnn '.\ui;usteV peintre, vice-président de
la Société libre des beaux-aris.
Oautzin île prince Théodore).
Iiariie des sceau.x.
(Jai: . architecte du gouvernement.
(iAfc.iiEREi. ( Léon) , dessinateur.
CiAV, abbé.
(lAV .Victor), architecte.
liÉRE.NTE (Henri), peintre.
(iERToix (Calixtel. avocat.
(iniAiT, frères, éditeurs d'eslanipes.
tJoDART uVuguste;, propriétaire.
(ioDDÉ (Jules), peintre
(ioiiNOD ( L.-V.), architecte.
(iRASs. statuaire.
liRÉST (Eugène), correspond, des Comités hist.
(iRÉTERiN 'Adolphe), architecte.
iliiiMBF.iiT ET DoHEZ, libraires (trois exemp.).
(iRoiET ^^'.harlcs), archéoliigue.
(îuÉRi.v (L.-F.), directeur du « .Mémorial cath."
OuiLHERMT (baron de) , membre des (>jm. hist
(JuiLLAUMOT (Eugène), graveur.
Il MUER ET GoNssoLiM, peintrcs-verricrs
Hawkë, dessinateur et graveur.
IIkbrail !d').
IIÉBHAHU (Claudius), architecte.
HÉDOIIN (P ).
UÉHAHD, architecte.
Hrco (Victor), pair du Franco.
I v<:qi:in (Jules), prêtre
.l\i . architecie, pruf. a l'Ècule des beaux-arts.
Jdli.ivet, peintre.
JiHiMAi. (.\cliille), piofcsseur de tacullt'.
JisTis, peintre
k\i K»i\>(.\ , architorlc.
ko/iKRuwsKi, architecte.
I.»BB' 'Louis), libraire (quatre exempluir-s .
V.
M. M.
Labartk (J.i, propriétaire.
Labitte (Jules), libraire.
Lacoste aîné . graveur sur bois.
Lamy ( Eugène!, conseiller ùt la Cour royale.
Lanowiier, prêtre.
Lamii.et, préire.
I.ASSis, architecte du gouvernement.
Laurent, peintre-verrier.
Leblond (Emile), vérificaleui'.
Leclerc, libraire.
Leduyen et Girbt, libraires [dou/.o exempL).
Legrand (.-Vlexandre), libraire.
LE.1IAIRB aine, peintre-verrier.
Lemr , sous-chef aux domaines.
Lenoih (Alberl) , architecie du gouvernement.
LiANT.oiinT (M"" la duchesse de).
LrYNES (duc de) .
Malpikce, architecte de la couronne.
Martel . graveur.
MÉRiN'Doi. (Jules de) , architecte.
MicHELANT (Henri). paUcographe.
Mu'.MKLi . mouleur.
.Mii.i.KT, architecte.
.MoMKL (vicomte Théudose du;.
MoxsTiERS-MÉRiNviLLE (M"" la vicomtcssedes) .
Montalembert ^comte de), pair de France.
MoNTBLANX (coHite de).
MoREAU , curé de Saint-Médard .
NicoLLE, architecie.
Noc.ENT (vicomte de), statuaiie.
Oli.ivieh (E.j, graveur d'archileclure.
l'AyiERON, directeur a l'Arseruil.
Parent m Moirun.
Paris (Paulinl. conservateur de la Bibl. royale.
Passeront (B.), peintre.
Pesbon, libraire (deux exemplaires).
Petit fViclor', correspondant des Comités hist.
Petit he .Ii i.i.i.mi.i.k . archéologue.
I'etii de Nii.i.KNiiM-;. architecte
PoMMVTEAi:, sciilpleur.
PorssiEi.iiifi-lUsANO i Plii.ide . Iiion/ier.
Pyankt. sculpteur.
yuESTKl., architecte du gniiveineiiienl.
Kaffort, peintre.
riAi.i-, propriétaire.
llKNui \Rii Jiili-^ , libraire jieiif exempliiiresj.
UoBEMN Charles), architecte ilu goiiverneni.
V8
366
LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
MM.
RoRET, libraire (quiuze exemplaires).
Rouget, graveur sur bois.
S.4UVAGE0T (Charles), archéologue.
SÉciiAN, Desi'leciiiiN ET DiÉTERLË, pcinlres.
SiBODOT, architecte.
SouLTRAiT (Georges de), archéologue.
SuRÉDA , architecte.
SwETcniME (M""' de).
Taillefku. imprimeur.
Taylor (baron) , inspecteur général dos éta-
blissements de beaux-arts.
Tessier (.Just), libraire (deux exemplaires).
Teste-d'Oitet, correspondant des Comités hist.
TniÉRT, orfèvre.
Thoré (T.), directeur de l'Alliance des arts.
Toudouze (G.), architecte.
MM.
TouRNEUx (Félix), ingénieur.
Toussaint (Ad.), sculpteur.
Treuttel rtWurtz, libraires (quatre exemp.)
Triouli.ier , orfèvre.
Vandoeuvre (de), maître des requêtes.
Varin, graveur.
Verdier , architecte.
Vesvrotte (comte de).
ViGotmEux (Alphonse), architecte.
Vili.emsens , orfèvre.
Vioi.let-Leduc , père , conservateur des rési-
dences royales
Viollet-Leduc (Eugène), architecte du gouv.
Vogué (marquis de).
WiNT (Paul de), archéologue.
DEPARTEMENTS.
AIN.
Montmerle .Moistbbian (comte de).
AISNE.
Brumotz Melun (comte de) , correspon-
dant des Comités historiq.
Nogentcl Souliac - Boileau , correspon-
dant desComités historiques.
Soissons Daras, prêtre, archéologue.
« Fossé Darcosse , éditeur.
« Leclercq de la Prairie (.Iules),
correspond des Comit. hist.
« PoQUET , abbé , directeur de
l'institution de St-Mèdard.
« SiMONV (Mgr de) , évêque de
Soissons.
«..'. WiLLIOT, principal du <'nllége.
ALLIER.
Gannat Bonneton , archit. du gouv.
La Sauvatlc. . Objault de Beaumont (d').
Moulins Fombertaux, entrepreneur.
« Desrosiers, éditeur.
« Du Broc DE Segange (Louis).
« Durand (Ilippolyte), architecte
du département.
« JoLiMONT (Théodore de), ar-
chéologue.
N<iyant Laporte, curé.
Souvigny Chambon, curé, correspondant
des Comités historiques.
ALPES (HAUTES).
Gap GouLAiN , architecte.
ARDÈCHE.
Bourg-St-.\ndéol. Beaussan et Bouvas, mar-
briers.
« GiNESTE , prof, au petit sémin.
Rosières Guéri.n , prêtre , correspondant
des Comités historiques.
Viviers Guibert (Mgr), évêque de Vi-
viers.
ARDENNES.
Charlevillo.. . . Hubert, professeur de philo-
sophie , corresp. des C. hist.
AUBE.
Marcilly Poictevin (Paul), propriét.
Troyes Arnaud , peintre.
« BoNNEMAiN, vicaire de Sainte-
Madelaine.
« Bourcelot, curé de St-Urbain.
« CoFFiNET, chanoine, secrétaire
de l'évêchè.
« Debellay ( Mgr) , évêque de
Troyes.
LISTE i»i:s sorsr,iui'Ti:i Rs.
367
« Ferviie, liliraiie (deux exemp.) .
« IIaioianii, bibliolliéc.dolaville.
« Lacoiti'ive , économe du grand
séminaire.
« l.ARciiEii (VincenC), |)einlre-
verrier.
« Paillard , prof, au petit sém.
« TninoN , prêtre , inspecteur des
monuments du diocèse.
« Valtat. sculpteur.
AUKK.
Carcassonne. . Cros-.Mavhkmeille . corresp.
des Comités historiiiues.
Narbonnc Uibliotuèvie de la ville.
.VVI-VRU.N.
Rhode/. Bioi de .Mablavalne.
BOUCm-S-OL-RHONli.
.\ix Rasié (Alfred), arcliéulogue.
Arles Claib (11.), conseiller général
du département.
o Gaitieh - Descottes , contrô-
leur des contribut. directes.
u J ACQiEsu.N , membre de la Com-
mission archéologique.
Lambesc Michel, direct du pensionnat.
Marseille Bérangeii, rect. de St-Lazaro.
a CosTE, architecte, correspon-
dant des Comités historiq.
C.\LV..VDOS.
Caen Bibliothéqie de la ville.
(I Caimo.nt (de), corr. de l'Instit
« Manxel, conserv de la bibliot.
Lisieux Bri>et, vicaire de St-Jacques.
CHARENTE.
Ahgouléme Michon , prêtre, correspondant
des Comités historiques.
Jarnac Dubolxiié (Adrien) .
CHARENTE-INFf:RlEURE.
1.3 Rorhelle.. . Savarï, chef de bal. du génie.
« Société de la BiBLioTnkouB.
Rochefort Lessox (T.), corres|)ond. do
l'Institut et des Comil hist.
.1 PgasoN , aunidnier du collège.
CHER.
Bourges GiiiAnnoT i^buniM de), conseil-
ler de préfecture , membre
des Comités hisliiriques.
Sainl-Amand. . C.iiwii'fei' 'comte de), propriél.
rOTK-DiiR.
Beaunc Foisset, juge.
» Mallat, prélre , din-cteiir du
l'HiMel-Dieu.
Dijon Al niFFRET (comte d'), receveur
général des finances.
Raidot ( Félix ) , juge au tribu-
nal dp première instance.
« Raidot ( Henri ) , président de
la Commission des aniiipiit.
Cabinet des Estampes nu Jir-
SÉE.
« Commission DÉPAiïTEMENrALK
DES ANTIQUITÉS.
Rivet f Mgr^. ovéque de Dijon.
Saint- Méuin (de) , membre
des Comités historiques
u Saint-Seine (marquis de) .
« Sdzenet (comte de) .
La Cour d'.Xrsenay Comeau ^ baron de) .
Nuits Makev-Gassendi, propriétaire.
COTES !>L' NORD
Lanniun Raison du Cuziou (llippolyte.)
Loudéac Denjov, sous-préfet.
« Le Breton , architecte.
Plancoët RiousT de Labc.entave , con-
seiller général du départent.
Plénée-Jugon.. Beubel, vicaire.
Saint-Brieuc. . Barthélémy (Anatole), con-
seiller de préfecture.
Ueslin deBourgogne, corresp.
des Comités histuricpies.
<i .Société archéologique des
Cùtes-uu-Nobu.
Tréguier Durand, chan. honor., curé.
DORDOGNE.
Bergerac Mestaïez , abbé, professeur au
polil séminaire.
« Sagkttk , abbé , professeur au
petit séniiiiairo.
Lanquais Moulins (Charles des), archeol
36R
FJSTE niîS SOUSCRIPTEUKS.
Nonlron Vkiineii.h (Félix tlo' , corresp.
des Comités historiques.
IVrisjiicux lAcyiiN, chanoine, secrétaire
général de i'évèché.
o iMassonnais ( Mgr Georges ) ,
évèque de Périgueux.
<i Saint-Exipéry (de), chanoine,
secrétaire de Mgr l'évéque.
Sarhit GiiANDOf, dircripiir au grand
séminaire.
« Le SiîPÉiUKi u m; (kamd sém.
DOUBS.
Delacroix, architecte du dé-
partement et de la ville.
Marnotte. architecd'.
DROME
Die CouRTET (Jules) , sous-préfet.
Montélimart. . . Jolbdan, vicaire général, curé.
Homans Giraid , député.
Valence Joiive, chanoine titulaire.
>: SorcHiEB, vicaire de la cathéd.
« Tbacol (.Achille) . ingén. civil.
El RE.
Évreu\ BoNNiN , corr. des Comit. hist.
H Saim-Gerjiain (Stanislas de),
corresp. des Comités histor.
Pont-St-l*i('ire. Houdemare (baron d) , prop.
EURE-ET-LOIR.
Bibliothèque .municipale.
Doublet de Boisthibault, cor-
respond, des Comités histor.
FINISTERE.
Brest Barbé, général.
« Housset (du), propriétaire.
I'onl-(jroix. . . . Podlique.n, super, du petit sé-
minaire.
(Juimper Goujon, super, du grand sém.
« Graveran (Mgr ) , évèque de
Quimper.
G.\RD.
Salindres Cambis o'Oms (V de) , prop.
.<aint-Gaudens. Roques, curé.
G.\RONNE (HAUTE).
Toulouse BERDOLL.VT,vic.deSt-Salurniii.
« Galtier, abbé, directeur de la
Compassion.
« Ratieh , directeur du petit sé-
minaire (deux exemplaires).
« Société archéologique du
Mioi DE LA France.
> Virèrent (A.), architecte
I'..- ViLLENEiNE. architpcle.
(JERS.
Aucli.
. . .Mgr l'Archevêque deux ex.).
« Barciet , curé.
« Belloc (de), vicaire général.
« Canéto, super, du petit séiniii.
« .Mendousse , secrétaire générai
de l'archevêché.
« .Mohlhon , chanoine.
« MoNDiN , chanoine.
« Rigade , profess. au petit sém.
« Sentjs, sec. de Mgr l'archev.
Barran Moulezun, curé.
Fleurance Denjoï [H ), avocat.
« Desponts, prêtre.
Marignan Marignan (baron de).
Nogaro Broqué, curé.
Roquelaure . . . Touton , curé.
Saint-Blancard. Saint-Bla.ncard (marquis de).
GIRONDE.
Bordeaux Bibliothèque de la ville.
« Drouv.n (Léo), peintre.
« DuPHOT , architecte , corresp.
des Comités historiques.
« Lavvalle , libraire.
Sauterne Virac, notaire.
HÉRAULT.
Montpellier... Casïel, libraire.
« Le Ricque de Monchy.
" Renouvier ^Jules), correspond.
des Comités historiques.
« Société archéologique.
ILLE-ET-VILAINE.
Rennes Bouli.é , architecte de la ville .
corresp. des Comités histor.
« Langlois, architecte , corresp.
(les Comités historiques.
i.iSTK i>Es sorscitiPTrius.
369
Sainl-Mécn. .
PoNLKvoY de) , chanoine .
(TtMaire de l'évtVhé.
CiiYOT, prcMre.
iM)iu;.
(lliàleauiouN. . I.EivdV i Ferdinand . |iréfi'( di'
l'Indre.
« Vkbn.vy (du), proiniélaire.
INORIMn-lilIItE.
Amboise Chmibon.nkai' . airliiprélre.
Tonrs BolR.vs^iK . chanoine.
<i l'.ii\.>ii>iiisËAr i Noël ) , présid.
de la Société archéologique.
Il C.ooi'KKAY (J.},prof aiipot séni.
u Gt Éiii.N , archil. de la calliéd.
a MÉNAiiD, professeur de scicnc.
nalurell. au pelil séminaire.
u Société arciiéologiqie be la
ToiRAI.NK.
.Morestel.
1SKHI-.
Hkhtmai i>. \icaire.
.11 H A.
iMonlIirison...
Koaniie
(_)! iniKi.i.K ' Xavier de), arclié.
.\lii:u\i i> iJules). iirrhilecle.
Al)baye-en-(jrand-Vaii\. Janiùt, curé.
Dole Boi iKiES, peintre.
Lons-le-Saunier. C.arette, curé de St-Désiré.
« Fraigmer. vicairedeStDésiré.
.•^ainl-Claude. . Comoy (Auguste), architecte de
la ville, corresp. desC. hisl.
l.ANDKS.
Aire-sur-l'Adoui-. Camiëville (de) , supérieur
du petit séminaire.
a Lan.neu c (Mgr), cvèri. d'Aire.
Feyrehorade. . Barbe, curé.
Str,Sever-<".ap. . I.abordk-I.assvi.lk de), prop.
LOIK-ET-CHEK.
Vendôme Lainay, peintre, corresp. des
Comités historicpies.
a Porte 'marquis de la).
I.iilllh
heurs Roi'x (J.) , préln- . c(irre!>|K»nd.
des l'omilés historiquen.
Kosier C.oi iiuun , curé,
St-Chaniond.. . I'raix ;ile', conseiller général
du département.
l.dllli: IIMIK.
Le Puy llKcnKi.iÉv rk (vicomte de), cor-
respond, des l'oniités hisl.
« Société i>' ki.rici i.ti rk. scirn-
CES et MITS.
i.(>ii(i;-iM KKiiaiti:.
Le (Mairav.. . . Iliruviiii ue la VERii.NE (M"").
Nantes Ai urai.n . curé de Sl-Pierre.
<i Cercle hes Beaix-Arts.
« FoRESTainé. Iibr.(septexenip.).
« FoiRMER . curé de St-Nicolas.
« (ÎROOTAERS, statuaire.
0 (iRAMU SÉ.MINAIRE.
« Nai' , architecte. ,
« Peli.kriv (Charles .
u BAY.MOMI 'de . architecte.
u KoiSTEAf , prêtre , professeur
d'archéologie.
0 Société royale vcahémioi'e.
Saint-Juliennle-Vouvantes. Leroix . vicaire.
I.OIKKT.
Gien .MARt:iiA>u, ingénieui, corresp.
des Comités liislorii|ues.
u TiiiAi' , libraire.
Orléans Bizonmère (L. de), membre
de la Société des si-ienc. , etc.
a I'abtéron (C.harlesV architecte
a C.KBl LE ORLÉA.NAIS.
« Franc ^(J ustave) .
a Jacoiet, prêtre.
Sainl-Ay Pibrac (A. Diifaur, vicomte de).
LOT.
I^ahors Ficat - Victori , ingénieur des
ponts et chaussées,
(jourdon Faissil. viciiire de SI Siiiieon.
L(ri-i:i-fi\U(»NM:.
Agen Bol rierks , archit. du dé|Kirt
a VÉsiNsM-T. de}, évéq. d'Agen.
Cjislelmoron-sur-Lot. Maiiiel, archiprétre.
370
LrSTE DES SOUSCRIPTEUKS.
LOZfîRli.
Fabrésies MoiiANCiiÈs (comte de) , corres-
pond, des Comités hisloriq.
MAINE-ET-I.OIRE.
Ansior* Barassé frères, libraires.
« Choyeii , prôtre.
« .louBERT, prêtre.
« Mknari) , secret, de l'évèché.
St-(jeorges-siirLoire Thierry, pore et fds ,
peintres-verriers.
Saunuir Joly-Leterme, architecte, cor-
resp. des Comités historiq.
MANCHE
Cherbourg. . . . Godekrov. chapelain des sœurs
de la Charité.
Saint-Lô Oenis, sec.de la Société archéol.
I Société archéologique de la
Manche
MARNE.
Épernay Appert, curé.
« Chanoine jeune , maire.
« CojiiTÉ archéologique.
« FioT-DiDRON (M"'") , directrice
de la salle d'asile.
Chàlons-s. -Marne. Bégin , chanoine titulaire.
« BiLTz, curé de Saint-Loup.
« BouRLON DE Sarty, préfet.
« Champenois, c. de Notre-Dame.
« CoLLiN , architecte de la ville.
0 Comité archéologique.
(I Musart, chanoine.
(^.haJtraii Meli.et (comte de) , corresp.
des Comités historiques.
Hautvillers Malo (Xav.), notaire et maire.
«. . .' SiMoiv, huissier.
Rejuis Albert, curé de Saint-Remi.
K Bandeville, chanoine honor.
« Bibliothèque de la ville.
« Brissart - Bi.net , libraire de
l'Académie (neuf e.\emp.).
« Brissart-Person , libraire.
« BruiNette , archit. de la ville.
« Buffet, curé de Saint-André.
« Chabrii.lan (comte de) .
« Comité archéologique.
» DucHÉNE (Auguste) , numismat.
t Duquënelle , numismatiste.
« Fanart, archéologue.
« Givelet (Charles).
« Gouli.et-Collet, négociant.
« Gousset (Mgr) , archevêque.
« Iacquet (Louis), imprimeur de
r.4cadéuiie.
« Lucas , notaire.
« Loriquet (Charles) , maître de
pension.
« Marguet fils.
« Nanquette, c. de St-Maurice.
«. .-. Philippe , docteur-médecin.
« Pichelin, entrepreneur.
« PiNo.N , membre de l'Académie.
« QuERUY, vicaire général.
0. ■ Saubinet aine , membre de
r.Académie.
« Tourneur , abbé , professeur
au petit séminaire.
Thaas (chàloau de)! Courtils de Bessv (des),
archéologue.
Vitry-le-Français. . Choisy, architecte.
Vitry-les-Reims Lapoulle , notaire.
MARNE (HAUTE).
Ceriziéres ....
Chamouilley . .
Closmortier. . .
Dinteville
Le Fayl-Billot.
Lansjres
Bouillevaux, curé.
Beugon-Arson , maître de forg.
Cornet, maître de forges.
BiLLiARD, prêtre.
Couturié , vicaire.
FÉniEL, procureur du roi.
Parisis (Mgr), év. de Langres.
Supérieur DU GRAND SÉMINAIRE.
MAYENNE.
Évron Gérault, curé, moudire de
plusieurs Société.5 savantes.
MEURTllE
Colombey Cauziek, curé.
« KÉRAMPUiL (de), garde général.
Hénamenil. . . . Calot, curé.
Nancy Châtelain , architecte.
« GODEFROV, prêtre , professeur
au grand séminaire.
« Roquefeiil (comte de) .
« Saint-Be.\ussant (de).
MEUSE.
Verdun Laurent, libraire.
LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
T7t
MOSKLI.i;.
Melz \llo\ VILLE .comte Pierre d').
« DipoNT RF.s T.osGEs (Mgi) év.
ilo Mo(z,
" M.viiÉciiALel Oignon, pcinlios
sur verre.
.Mkviu:.
Clamecy Mattiiiki' , nrrliitecte.
Cosne-s.-Loire. Violette , eu ri'.
Donzy CnosMEn , curé , corresp. des
Comités historiques.
Nevers Bahat, iiisp. des monum. liisl.
VI lu FÈTiiE (Mgr), év. de Nevers.
Pousseaux. . . . Pelletieii , curé.
St-Parize-le-Ch;ltel. Chautbon, curé.
NORD.
Cambrai Bahalle (de), arcliit. du dép.
.( t'.oNTENci.N- (de) , sous-préfel ,
corresp. dos Comités liistor.
Il flinAiD (Mgr , archevêque? de
Cambrai.
u SoCliiTÉ Il'ÉMlLATIO.N .
Douai Mabtel (de), peintre-verrier.
Douvrin De la Fons, baron de Méhcoq ,
corresp des Comités histor.
Dunkerque . . . Develle, arcliit. de la ville.
Hazebrouck.. . Col'ssemakeb (E. de), juge au
tribunal de première inst.
Lille C.AiLAi.NcoiuT (comte .A. de).
(I LEFOnr, libraire.
OISE.
Beauvais Comité AnciiÉoLouigrE.
(I Lefhanc, abbé, au grand sém.
u Viathin , archéologue.
(I WoiLLEZ (Emmanuel), corr.
des Comités historiques.
. u Weil , architecte du gouvern.
Clormont \\'oillez fEugene),doct.-méd.,
corresp. dos Comités hist.
Le Mesnil-St-Firmin. Bazin (Charles), corresp.
des ( j)mités historiques.
Noyon Beiher , profess. an petit s<im.
• CÉZA.Ncot-RT'Raym. de), prop.
Mortagne.
. CiiMiTlKii, arehiprétre.
. KaIIIIIOI E IIK l'kCLISE.
P.\S-I)K-CAL.\IS.
Aire-s. -la-Lys. Siott (Mgr, camérior deS. S.
.\rras Académie itorALE,
1 Dk>jioi»e\i \ iiE (jiviiE . préf.
1 Gnir.NY, architecte.
Il LiNAs (chevalier de) , corresp.
des Comités historiques.
u Toi'iNo, libraire(deu.\ excmp.}.
Boulogne-s.-Mer. Maioiin-Pamaht, secrétaire
do la SiK'iété scionliliqiM».
n Société ii'A(inii:iLTi;BE, srie.t-
CES ET AIITS.
Calais BiuLioTiiÈQUE de la ville.
Kmeims (de), vice-consul d'Es-
pagne.
Frosenl IloiBAiin-llALLETTE, propriét
Saint-Omer.. . (jivenciiv (do), socrél. do la So-
ciété (lesanli(|uaires.
u Soi;lÉTÉ IlES A.NTIQrAIHES ttE LV
MollIMK.
piv-iii:-i)(i\iE.
Clormont-Forrand. Fého.n (Mgr), évè(|ue de
Clermont.
a TuiBAi'D ( Emile ) , peintre sur
Verre.
Yssoire. . . Dagiillon, curé.
PYRÉNÉES (BASSES).
Bayonne Behhoi et, prêtre, économe de
la cathédrale.
« Genestf.tdrCiiaiiiac, propriét.
0 Lacroix 'Mgr), év.doBayonne.
Laressore Qiévého, prêtre, économe du
petit séminaire.
■i I.\nA\ (Th.) , archéologue, au
petit séminaire.
« Labremeniit (Pascal), au petit
séminaire.
Sainl-Palais. . Larhauire, curé-doyen.
St-Pierre d'Yrube Bastbes , curé.
PYHÉNÉES-dKIENTALES.
Jal'Rert iiE Passa , membre
des Comités historiques.
Perpignan .
(»BNE. UIIIN (B.\S).
Bernai Caix (Alfred de; , archéologue. Nordhauscn. . . Mabti.n , curé.
37-2
LISTE DES SOUSCRIPTEURS.
Schlestailt. .
Strasbourg .
KKiMiiiisK.N, arcliit. de l'arroml.
OKitivAux, lib. (deux exemp.)-
EissEN , docteur-médecin.
Ki.oTz, arcliit. de la cathédrale.
l*ETiT-(jiiiAHi> I Baptiste), pein-
tre-verrier.
Weyuer , architecte.
RHIN (H.4UT).
Cohnar Mabtin , arctiilectr.
RllONI".
Beileville-s. -Saône. Buer, vicaire.
La Giiillnlière. Carriot, profess. à l'institution
Saint-Alban.
Lyon .^GUETTANT, architecte.
« Barricand , prêtre.
« Blanchois (Joannes).
« BoNALD (Mgr le cardinal de),
archevêque de Lyon.
(I BorÉ, curé.
« Bretuon , abbé , professeur.
» Brun-Bastenaire , peintre sur
verre.
« Chambeyuon (Victor) , prêtre ,
corresp. des Comités histor.
« . . ■ Chazette , abbé , professeur à
l'institution des Chartreux.
« CoMARMOND, directeur du mu-
sée archéologique.
a CoucuAi'D , architecte.
« Dalgabio , architecte.
« DiniER-PETiT, archéologue.
« DrPAsoiiER (Louis), architecte,
corresp. des Comités histor.
« DiiPERRAY, vicaire à la Croix-
Rousse.
« Favier , orfèvre.
« FoiRREAt', géomètre.
".: GiuARi) ET (iivET, libraire».
a GiuAi'DiER, lib. (huit exemp.).
Il Lacroix-Laval (de) fds.
« MoREi. , fondeur de cloches.
« Orsel , propriétaire-rentier.
« Pascal , architecte.
<■ PiiMER, vie. de St-Polycarpe.
« Vernance, abbé, [irofesseur à
la faculté de théologie.
Oullins CuAi.NK. direct, de l'inslitiil ion
Sainl-ThoMias-d'.\i|iiin.
Propières Rimai u , curé.
Vernaison. . . . Bot giiKT, cure.
Villefranche . . Oviste, vicaire.
SAONK (H.\LTK).
Bougey Pilev, curé.
Gray Barberev (de), sous-préfel.
Savoyeux. . . . (Jatin (IL), curé, corresp. des
llomilés historiques.
SAONE-ET-LOIRE.
Autun Froment-Dei.or.mel ( Eugène) ,
peintre.
(^,halon-s.-Saône. Canat, avocat.
« NiÈPCE (Léopold) , présid. de
la Soc. d'hist. eld'archéolog.
« . Société d'histoire et d'ar-
chéologie.
Chiny. . OcHiER , docteur-médecin , cor-
respond, des Comités histor.
Mâcon StmiGNY (.Alfred de) , propriét.
Tournus Lacroix d'.\zolette (de) , pro-
priétaire.
SARTHE.
Éconuuoy. . . . Fouquet, curé.
Le Mans Tournesac, chanoine, corresp.
des Comités historiques.
(c Lochet, vicaire de N.-D.-de-la-
Couture.
Ste-(jroix-du-Mans. Blottière, menuis.-sculpt.
« LussoN , peintre-verrier.
Ponce NoNA^T (le comte de).
SEINE.
Batignolles. . . . Guillaimot (Auguste), grav.
Bercv Gi'eyton , curé.
Choisy-le-Roi. . Bontemps, direct delaverrer.
Saint-Denis. . . Delon , prêtre du chapit. royal.
Vaugirard. . . . Chardon, professeur à l'insti-
tution de M. Poiloup.
SEINE-INFÉRIEURE.
Éciccieville. . . Lkvaillant, propriétaire.
RiJiien Barthélémy, architecte, corr.
des Comités historiques.
« BlRLIOTHÈOl'E DE LA VILLE.
K Coi'RTONNE. architecte.
(( Di'RANviLLE (de), archéologue
« Glanville (Léonce de), mem-
bre de la Société des anti-
quaires de Normandie.
0 Lebri'ment, lib. (deuxe.xemp.).
I.ISTK ItKS SOI
l'ii'pi)e I.K KiiANçiiis , cliii|M'limi ili'
riiospict' iioniMiil.
si;ine-et-m\i<m:
Mcaiix VLLor (Mgi) , évt''i|. de Meaii\.
SEINE-ET-OISE.
r.orbeil Pkllé, employé.
Mantes Wavrechin (I.. do} , i-urO de
Noire-Danie
Montfort-l'Amaury. Robert, notaire et maire,
corr. des Comités Itislor.
Pontoise Cordier , curé de Notre-Dame.
Ramboiiillel. . . Moitik (\ii|j:nste). correspond,
des Comités historiques.
j Société ARriiÉoLOciQrE.
Versailles .... Hacoi'art, virnire-i;énéral.
1 ErnaI'X, corr. des Comit. hist.
SÈVRES (DEUX-).
i.liàtiilon-s.-Sèvres. Épixay (Ernest de 1').
SOMME.
Ahbeville Bei.i.eval (comte de), corresp.
des Comités historiques,
t Boi'ciiER dePebthks. riirecleni-
des douanes.
Amiens Betz (comte de) , président de
la Société des arls.
u BlBLIOTlIKOl'E DE LA VILLE.
« DfiSfiiuMPS r>E PAS, ingénieur
des ponis et chaussées.
> Di'SEVEL (H.), membre des
Comités historiques.
« DuvAL, vie de la cathédrale.
u Fauvelle . architecte.
TAKN
fAsIres Carbonmëbes (Charles de).
> Lafage , vie. de la cathédrale.
TARN-ET-tiARONNE.
• '.astel-Sarrasin. Craza.nnes (baron Chaudruc
de'), sou&-[>réret.
I.au/.ertc Mayenne , propriétain».
.M'ijssac CiiHVAL, profe?». d'arclu-olog.,
corresp. dis (Comités histor.
a I.ARoui'K , archéologue.
.Montaubun . . . Devals aîné, ciirr. desC. hist.
V
SCU ll'TKIUS 37:t
V\li
Uri-nulles .... Di.imkii . piètre, supérieur du
petit s<Miiiniiire.
Saint-Maxinilu Rostw, iivociil, corr dcsC.h.
l"""li>n \<a iLi.oN Camille), memliredo
plusieurs sociétés savantes.
>■ <ii ii.iiKBMV (de), lieutenant de
vaisseau.
« Pkrbet ( Ixiuis) , architecte.
VAL'CI.USK.
Avignon Pkvre , vicaire général.
« Reoiiev. directeur du musée.
L'Isle Bo.NMKT, notaire.
Siiinl -Didier. . I.auahiik (marquis déi.
VENDRE.
Fdiilcriay-le-liomte Klki'rï uk Saint-I.aihk>t
(comte de).
VI EN .NE.
Poitiers Vibk» , chanoine, corresp. des
C.omilés historique».
" (îi'iTTON ' M^T ^ . évéque de
Poitiers.
« Oi i>iN. imprimeur libraire.
" Société des vNTigcxiiiES us
l.'OlKST.
VIE.NNE II VITE).
Limoges Tkxikii. diuiioine lioiiur., cor-
respond, des Comités histor.
Verneuil-.Moutiers. Lemkrle , curé.
VO.SGR.S.
Rambervillcrs. Martel, vicaire.
YONNE.
Auxerie I)i:hc , chapelain île l'hospice
des aliénés.
« I.AiRKAii, profes-seur au .sémin.
• l.KBi.Ax: (fimile), architecte.
• Maillkkkr (liuillaume) , libr
(six oxenqilaires).
« yuAMTiM , archiviste.
« Vaciiez . architecte.
« Vaudkv, chanoine hunor., cor-
res|M)n.l. des Comités hislor
Bazoch(ts faii cliAleiiii) Virhme comte de'
S<'ignelay RicoKiiFAr , prêtre.
S<'OS Hi:N<>T-T'H'SAMn , arrhileclr.
'•»
374.
FJSTE DES SOUSCRIPTEURS.
« Société archeologioue.
Tonnerre I.k iMaistue , percepleur, cor-
respond, des Comités histor.
Vézelav .
Amé, architecte.
CosiïNET, inspecteur des tra-
vaux de la Madeleine.
ETRANGER.
AKGLETEltRE.
Alton-Towers. . Shiiewsbuky comte de), pair
d'Angleterre.
Birmingham... MooiiE, curé de h\ cathédrale
catholique.
Cambridge. . . . .Smith (Rév.) .
« Wheweli. (Rév.), professeur
à l'Université,
a WiLLis (Rév. R.), professeur
à l'Université.
Cardiff Irapheune (Rév. .1. M.).
Dublin Thi.mty Collège.
Littlctoa PniLiPS (Rév.) , recteur.
« .4RCHE0L0G1CAL INSTITUT.
Londres Baillière (H.) , libraire.
« Barthez et Lowell, libraires
(vingt et un exemplaires).
« Beard (Rév. R.).
« Bernal , membre du Parlera.
« Bevan-Beckford (James), esq.
Il Britisu Muséum.
i< Bro.mett (le docteur W.) .
« Chaffers (W.) , archéologue.
« Corner(G. r.) , avocat.
0 DicKiNSON (J. Il), esq., mem-
bre du Parlement.
« Dulau et C, libraires (cinq
exemplaires).
« Kairholt, dessinateur.
« HoPE (honorable A. Beresford),
men}bre du Parlement.
« . ■. RiissELL Smith (John), libr.
<i.j Smith (Roach), membre de
la Société numismatique.
« Stapleton (Thomas), archéol.
« Way (Albert), directeur de la
Société royale des antiq.
« Willement, esq , peintre sur
verre.
« Wright (Thomas) , corresp. de
l'Institut do France.
.Manchester.... Lo.\gueville-Jones, corresp.
des C. historiq. de France.
Oscott LoGAN (Rév), professeur au
collège Ste.-Marie.
« Mivv ART (Ré\ .), au collège Ste-
Marie.
Oxford Bodleian Library.
« Parker (J,-H ) , éditeur.
Ramsgate Pugin (A. Welby). architecte.
AUTRICHE.
Vienne Bibliothèque Impériale.
I Leber (Fr. de) , archéologue.
BAVIÈRE.
Munich Bibliothèque Royale.
BELGIQUE.
Anvers .\ncelle, libraire.
Bruges A.ndries , chanoine , membre
de plusieurs ordres.
Bruxelles .\remberg (duc d').
« Beauffort (comte Amédée
de), direct, des Beaux-.\rts.
« BiBLioTuÈouE Royale.
« Caproninier, peintre sur verre.
«. , . Chalon (Renier), président de
la Société des bibliophiles.
« Estienne (comtesse d') .
« Geefs (Guillaume) , statuaire.
« GÉKLZET (Jules) , libr. (quatre
exemplaires).
u GuiLLhRY, proies, de mathéni.
« MÉRODË (comte Félix de), mi-
nistre d'État.
0 Navez, jieintre, membre de
l'Académie royale.
« PÉRiciioN,libr. (deuxcxempl).
« Reiffenbekg (baron de), direc-
teurde laBibliolhèqueroyale
« ScHAYES, archiviste-adjoint.
« Van Caulaebt, libraire.
« Van Dale, libraire (douze
exemplaires).
Liège Fabry-Rossius (Louis), corres-
pondant des Comités histor.
« FiESS , bibliothéc. de KUniv.
LISTE DES SOUSCRIPTEI'KS.
375
Malines Pi.ivs, peintre sur verre.
Nivelles Philii'kain, professeur de des-
sin à l'Ecole normale.
Soignies .Maelcajip.iui chûl.de llorrucs
Tournai Biiiliotiièole de la catiiéd.
» BiBLIOTIlfcol'E UE I.A VILLE.
" Janssens, libr. (cinq exonipl.).
« Le Maisthe d'Anstainc. , cor-
respond, des Coniili^s liisl.
« Pecte.n.
" Voisin, vicaire i;i'nL'ral.
VpieS BlBLIOTIlÉOlE IlE LA VILLE.
ÉTAT."
v\iir)i>.
.^osle Gall, rlianoine.
Cliambéry Mgr i.'auciievéode.
« PERniN, libr. (deux e\ernpl.).
ESPAGNE.
.Madrid Monmeu (Casimir), libraire.
« Zabaleta (Anlonio de) , archi-
tecte du gouvernement.
HOLLANDE.
Amsterdam — Laciiai'x el fils (de), libraires.
Leyde llAXENBEiir. et O. libraires.
ITAI.IK
Lucques Pera (Piélio;, chanoine, bi-
bliothécaire deS. A. R. le duc.
Milan Cantii (César) , historien.
« DiMOLAKD, lib. (trois e.\emp.).
Rome Lacroix (abbé) , clerc national,
grand vicaire de Reims.
1 Merle , libraire.
« NoBMA.ND (A), architecte, pen-
sionnaire de l'Ac. de France.
PRl'.^SE.
.\i\-la-Chapelle. OniEcrkcR nEs I'ostes.
Berlin Mgr Eicciiohn, min. do l'iasl.
publii|ue (six exemplaires).
« Direction des postes.
Bonn Betiiwann - lh)L\vKo (de) , cu-
lateur de irni\ersité.
" HlHLIOTIIEOlEnEL'l'NIVEIlSITé.
« BoissEHÉE (Sulpicc) , profes-
seur de l'Université.
« Cléuens, docteur et profes-
seur de l'Université.
« Graiiam Sjiitii (Rév.).
« Weber (Edouard) , libraire.
Coblcntz l,AS.SAii.x fdi'j, arcliil.dugouv.
Cologne BoissERÉE fi ères , libraires
(huit exemplaires).
" WiTcr.NSTEiN, \icc- président
du Hombauvercin.
Dusseldorf Vcahkmie ROVALt!.
Sciinaase , procureur du roi.
Saarbruck .... IIirectecr des postes.
Stammheim . . . Fi'rstesiberg i comte de) —
Deux exemplaires.
Trêves Mgr .Miller, évèq. siilTraganl.
a Reiciiensperoer. juge à la C.
« RoisiN (baronde), cor.desC. h.
SAXE.
Leipzig MicnELSEN . libraire.
SUISSE.
Jougny-sur-Vevev. Frossard. pasteur.
VILLI: LIBRE.
Francfort-sur-Mein. Ivei.lkr (Henri j, iHiiteur.
AVKlMPi ET PASSE DES ANiNAEES.
Noln^ passo ?e n^suine à peu |)rès dans cette livraison, qui termine l'année
IS'ifi et le ciiiipiièinc Nolunie de notre publication. Dans la liste (pii précède
et (l.ins la tahie qu\ suit, on a le nombre et la qualité des souscri|)teiirs, le
(ilre (le |)liisieurs articles et gravures. Parmi les sept ou huit cents personnes
tjui reçoivent les « Annales » (on ne parie pas des deux ou trois mille qui
peuvent les lire;, nous comptons la moitié d'ecclésiastiques, quatre-vingts
architectes, (|uelquep ingénieurs des ponts et chaussées, des sculpteurs, gra-
veurs, peintres et dessinateurs, cinq musiciens, six orfèvres et bronziers, deux
ateliers de menuiserie gothique, quinze peintres sur verre, plusieurs établis-
sements publics ;, sociétés archéologiques , cercles littéraires, bibliothèques,
grands et petits séminaires, six préfets el sous-préfels, un certain nond)re
dhorames du monde, et à peu près toutes les personnes qui s'occupent
d'archéologie en France. A l'élranger, nous allons en Angleterre, en Bel-
gique, dans toute l'Allemagne, en Italie, en Espagne. En 1847 (nous
sommes fondés à l'annoncer), l'Espagne et l'Italie nous témoigneront une
s\nq)alliie plus vive; la Russie et la Grèce elle-même nous arriveront. On
])eul être lier d'un pareil résultat, et nous le faisons connaître avec un vif
plaisir.
En iS't'i et 1845, plusieurs abonnements de complaisance, d'amitié ou de
curiosité pure avaient été pris aux «Annales ». Les amis, les complaisants,
les curieux, qui ne s'occupent pas d'archéologie, ou dont le secours n'était
plus utile, durent nous quitter dans le courant de 1845. Mais, comme on
piiiirra le voir en confrontant les listes de 1845 el de 1846, tous les
ilclaillants ont été remplacés [lar de nouveaux venus. Parmi ces derniers
nous avons un secret plaisir à le faire remarquer), sont accourus beaucoup
d'architectes et d'artistes de tout genre. Les architectes ont senti en effet que
nous étions, malgré notre sévérité, leurs meilleurs amis. C'est paice que
nous portons les architectes et l'architecture à la tête de tous les artistes el
de tous les arts, que nous leur demandons beaucoup; nous pourrions les
laisser maçonner en paix, si nous n'avions pour eux qu'une estime onlinaiic.
AVEMIt ET FWSSft OKS ANNM.KS :n7
DésoiiiKiis iKiiisiif |i(uiv(iiis |iliis riiirc de jifii.'^, i;iiicli> «pu-. |m'|ii i jhIiI,
nous prciiilions piod sur îles points où nisipi'.! picr-cni iimis n iiMm- p.i- .mi
d'accès ; 011 uo nous coniiait pas encore |>arlniii. Du reste, nous idl<in> de
nous-mêmes et sans appui atldieiel ; non-seulenienl les coniplai-anls ei les
amis étrangers à i'archéoloeie nous ont quittes, mais nous ne de\(iii> ;d>su-
lument rien au gouvernement. Ce n'est jjas à nous que les ministres de I iii-
struetion publique et de I inteiieur prodiguent ou mesurent leurs emourage-
nients et leurs subventions. M. le garde des sceaux a bien voulu souscriie
au\ < Annales » , mais jxMir un seul evemiilaiie, et paiee qu il \ lioiivail des
renseignements dont ses bureaux a\:.ieril absolumenl be>oiii ; nu exrmpliiiie
\a dans la bibli(illiè(piiî ilu I.oumc, un antre dans celle du Prince lto\;il ,
(dimiic y \onl toute~ les publications S(-rieuses et faite- a\ec un certain soin;
ciiliii, M. le ministre de rinstruelinii publicpie a re(;u un exenqilaire <le nos
trois premiers volumes. .Mais c'est un lioimnage gratuit rpie nous lui axons
olVert , et (pi'il a daigné accepter. Voilji tout ce (|ue nons<le\oiis à la rmnille
ro\ale et au gouvernement. Si cet appui \enait à nous mamiuer, nou^ pour-
rions rester debout : un contre-fort de plus ou de moins ne compromet pas
toujours un édifice. Nous devions entrer dans ces détails , pour montrer ipie
nous vivions parfaitement de notre \ ie propre et sans le secours des e\|u^-
dients officiels ou privés.
A partir de I8'i7 , nous avons dû élever les (. Annales » de 'i francs pour
les départements, alin de rétablir un équilibre que les libraires et la justice
réclamaient entre Paris et la province, il n'était pas juste (pie les abonnés de
Paris payassent aussi clier que ceux des départements: à Paris, des frais
minimes ou insignifiants de distribution; dans les départements, plus de
'i fr. ."îO c. par chaque abonné pour frais de |iosle. l'ouïes les piiblicjitions
périodifjues , journaux ou revues , elablissent un piix dillérenl [luur la
capitale et la |)ro\iiU(>. C est un usage constant sur Icfpiel (^st fonde le com-
merce de la librairie; en le violant, nous avons apporli» un trouble (pii a pu
nous causer préjudice à nous-mêmes, |)arce (pi'il a certainement nui aux
libraires. Il fallait faire cesser celle anomalie, l.'augmenlatioii déplaira a plu-
.->ieurs abonnés, qui pourront bien cesser leur sous<'riplioii; mais ces abonnes
auraient, un jour ou l'autre, trouvé un prétexte pour nous quillei. Il v;ml
mieux (pie nous sovons livrés exclusivement i\ ceux qui iiou^ aimcni , pour
(jue nous sacliions sur <pii cl sur (pioi compter, (ieiiains defaillanis poiirioiil
nous revenir, et d'ailleurs ils seront couverts par des souscri|ileiirs nouvcimx.
Loin de nuire aux « .\nnales, » la mesure que nous avons |)rise iiou> scia
r.ivorable. S'il en résulte des bénélices . ce sera pour le prolil du te\ie ci
3TO ANNALES ARCHEOLOGIQUES.
surtout des gravures , que nous donnerons plus nombreuses et plus belles.
Celle augmentation de 5 francs nous fait un devoir de n'adresser les ^ An-
nales » de 1847 qu'aux abonnés anciens qui nous donneront avis formel du
renouvellement de leur souscription. Il ne peut nous convenir de solliciter un
réabonnement, ni de forcer la main (au moins en apparence) à nos anciens
souscnpteurs, en leur envoyant la suite d'un journal dont ils peuvent fort
bien avoir assez. L'année dernière, à pareille époque, quelques abonnés ont
trouvé mauvais que, n'ayant pas reçu avis de.leur part, nous ayons cessé de
leur envoyer les « Annales » à partir du réabonnement. Il n'y avait assuré-
ment rien de personnel dans notre conduite. Honorés d'une souscription ,
nous l'aurions été du renouvellement, et nous navons aucune défiance
d'aucun de nos abonnés anciens; mais comme il était plus franc et plus
régulier de cesser l'envoi, nous n'avons pas hésité. Cette année, l'augmen-
tation nous oblige plus impérieusement encore à tenir notre conduite de
l'année dernière. Toutefois , le numéro de janvier sera envoyé à tous nos
anciens abonnés indistinctement, comme spécimen de ce que nous ferons en
1847. Ceux qui ne se réabonneront pas sont invités à le garder ou à le com-
numiquer à leurs amis. Les livraisons de février et des mois suivants ne seront
expédiées qu'aux anciens souscripteurs qui nous en auront fait la demande
expresse. Une demande est bientôt rédigée, et l'on s'acquitte de l'abonnefnent
quand on veut : on a toute l'année pour cela.
Un mot de nos articles et gravures.
Nous avons voulu, en 1846, donner surtout, à peu près exclusivement,
des «instruments ecclésiastiques .>) , comme disent les Anglais, des objets
meubles ou fixes en usage dans l'Église: un autel du xii° siècle, avec chan-
deliers, lampe, crucifix, croix, encensoir, calice, crosse à ciboire; trois
piscines et un font baptismal; une châsse en pierre et une châsse en bois,
une armoire, un reliquaire; des cloches et divers instruments de musique
religieuse, des dessins palimpsestes de façades ou portails d'églises, des re-
productions d'arcs-boutants et de coupes d'églises et de chapelles, des mo-
nogrammes d'architectes, l'achèvement et la dédicace d'un édifice religieux.
Voilà ce que nous avons pu faire pour l'art religieux dn moyen âge. L'art
civil et niilitaire nous a donné les statues de Fontevrault, le buste couronné
de roses et le guerrier coiffé de mailles, dessinés par M. Viollet-Leduc , à
Saint-Thibault; des maisons et des cheminées du moyen âge ont accompagné
un article de M. Félix de Verneilhsur l'architecture civile; l'art mixte, reli-
gieux et civil tout à la fois, a été pris au mont Athos. M. Viollet-Leduc a
parlé d'architecture; M. le baron de Guilhermy, de sculpture et de peinture;
AVENIK ET PASSE IM'S ANNALES. 179
MM. (le Coufiheiiiaker cl l'jiblx* Joiivo, il iiislnmiciils de imij;i(|iie t^l di» cliaiil
ecolosiiisliquo; M. Viollcl-Loiluc |itMe, do|»oi!hio; li; dircclour des n .\iiiialû.S(),
de pai l'iims ; M. l'abbo Texier el .M. Léon C.ahier, «l'orrévierio; M. le Itaron
delaFoiis, do rameubloinonl ioli!j;ieii\ ; M. Virtur (un , dc.-^ viMeiia-iit» sa-
ceidulaux. M'"= Folicie d'Ayzac nous a donné un ronianjnable article sur la
sj)niboii(iue dos pierres précieuses. Avec .M. de Guillierrny, nous avons cle on
Italie; a\ec M. labbe Gueylon, en Belij;i(iue el sur les bords du Kliin; avec
le directeur des « Annales », en Grèce et en .Vngletcrre. Les études archéolo-
giques de ce dernier pays ont élé appréciées par >L Georges de Soullrait.
M. le baron de Girardot, après nous avoir parlé des arclii\es, nous a entre-
tenus du luouvenienl archéologi(iue en Espagne. M. le baron de Hoisin a
donné IhisUiire du congiès de Metz. M. le comte de Mellel, en Cainanl de
l'arciiéologie pratique, a traqué les mulilateurset les badigeonneurs. L;i polé-
mique a élé vivement soutenue par M. Viollet-Leduc contre l'Académie des
Beau\-Arls; par M. de (inilhermy, conlre rarehitccte de Saint-Dénis, que
le directeur des « Annales » n'a (piilte fpi'après le tardif abandon de ladmi-
uislralion elle-même. Nous ne pouvons mentionner les petits et oond)reux
articles qui ont passé dans les « Nouvelles el Mélanges ». Il y aurait de l'jn-
gralitude à ne pas uouuiier, avec les rédacteurs des « Annales-), les dessina-
teurs el graveurs qui nous ont enrichis de planches remarquables. MM. Lassus,
Ba^svilvald, Fichol, Jules de Verneilh, Jules de Merindol , Eugène el Auguste
Guillauuiot, Huguenot, Ollivier, Adolphe Varin , Rouget, Lacoste, Pisan ,
surtout M>L Léon Gaucherel et E. Viollet-Leduc, auxquels nous devons tant.
Nous le disons sans crainte, ces deux volumes compteront parmi les plus
curieux qu'on ait publiés sur l'archéologie du moyen ;^ge. La polémique y a
pris une place que la science aurait le droit de revendiquer; mais celle polé-
mique n'a pas été inutile, puisqu'elle a pu l'aire venir aux mains rie M. E.
Viollet-Leduc , comme nous le dirons dans le numéro prochain , la malheu-
reuse église de Sainl-Denis. Nos amis, nous en sommes heureux, arrivent aux
affaires: M. le ministre des travaux publics a bien élé forcé d'avoir recours
à la science el à l'habileté de M. Viollet-Leduc pour soutenir Sainl-Denis (pii
s'écroule; M. le minisire de l'intérieur a chargé .M. Basvilvald de raffermir
la cathédrale de Laon, ébranlée par un nudadmil architecte; M. le |irefol de
lAllier a nonuné M. UippoK te Durand arcliileclo d'un <léparlement ou l'ar-
chitecture est dans une déplorable situation '. Ce sont de véritables triomphes
I . Il V a dix-huit mois nous avons annoncé un projet do publication ayant pour titre : J<xempUt
tCéylises ogivales en style du xiii' siècle, dessin» par II. Durand , texte par Didron aine. Il
nous est arrivé un très-grand nombre de souscriptions , et les abonnés à co futur ouvrai*
380 ANNALKS A UCHÉOLOG IQl ES.
pour nos doctrines. .Mallioureusement, à côlé du succùs, nousavonsdes pertes
à enregistrer. Nous mentionnerons surtout la mort de M, Arnaud , peintre
de Troyes, correspondant des Comités historiques, auteur savant du « Voyage
archéologique dans le (lé|)artement de l'Aube et dans l'ancien diocèse de
Troyes ». M. Arnaud, l'un de nos plus anciens et plus atlectueux amis, est
n)orl dans un âge peu avancé; il aurait pu rendre encore de notables ser-
vices à la science archéologique. Le pays et les amis de cet homme de science
et de dévouement ont fait, au commencement -du mois de novembre dernier,
une perle aussi' douloureuse qu'irréparable.
Voilà notre passé.
Nous voulons à l'avenir, et dès janvier 1817 , taire une plus large part à
la science. La polémique, à peu près inutile désormais, ne nous envahira
plus; nous la reléguerons dans les Mélanges et Nouvelles, avec les menus et
et même les gros actes de vandalisme. En deux articles, M. Viollet-Leduc
aura terminé son travail sur la construction religieuse; en trois articles, le
directeur des « Annales » sera revenu de sou excursion au mont Athos et de
sa promenade en Angleterre. M. le baron de Guilhermy continuera son voyage
en Italie, et ses curieux articles sur l'iconographie des fabliaux. M. Victor
(Jay vient de nous promettre formellement la suite non interrompue de sou
travail sur les vêtements sacerdotaux. 1\L l'abhé Jouve achèvera son Essai
sur le chant ecclésiastique; M. E. de Coussemaker reprendra l'histoire des
instruments de musique au moyen âge, et la mènera du xii* au xvi" siècle.
Voilà les sujets que nous espérons mener à fin cette année-ci.
Nous voulons en entamer d'autres.
Jusqu'à présent nous avons surtout, presque exclusivement, étudié l'art
religieux du moyen âge. C'était le plus beau, le plus pressé, le plus utile à
traiter. Mais il est temps de nous séculariser un peu et de donner quelques
articles d'archéologie civile et militaire. Nous ne songeons pas, il s'en faut , à
négliger l'art religieux. En effet, à côté de M. Victor Gay et des vêtements
sacerdotaux, de M. Jouve et du chant ecclésiastique, M. Manceau, chanoine
de Tours , correspondant des Comités historiques , donnera l'histoire , la
description et rex|>licalion des cérémonies religieuses Après un article d'in-
troduction sur limporlance et la i)uissan(e de la litmgie, M. Alanceau s'oc-
nous clcniaiulent s'il a paru ou nuaiid il parailra. Le> nouvelles functions de M. Durand on(
retardé la publication de ce travail , mais on s'en occupe activement, et M. Durand nous a lait
savoir (]u'il espérait être en mesure de donner assez prochainement la première partie de son ou-
vrage. Quand cette première |)artie sera en distribution, nous le ferons savoir par les « Annales
Archéologiques » et d'autres Journaux.
AVENIR IT PASSÉ I>F.S ANNM.KS. 381
cupora de l'histoire cl(> la iiu'sso , dos variantes (li> rilo (|iii la dislinmioiil, soit
en Oiionl, soil en OccidonI , non-senlemonl selon les pays, mais (•i\core sui-
vant les époques. Notre xiii' siècle, et notre xiii'" siècle français, sera réliabi-
lité à réjj;ard de la liturj^ic cérémonies et prières , comme nous le réliahi-
liloiis pour rarchitccture (>l les autres arts. Après la messe, Inul i'ollice
divin, puis l'année ecclésiasli(]ue et les dilïérentes fêtes. Ces! un immense et
admirable sujet auquel M. Maneeau voue, en notre honneur, soi\ talent, sa
science et sou lenqis. Ces belles cérémonies s'acconqilissaieut avec lii plus
grande pompe dans nos cathédrales dont l'architecture nous est assez, cnn-
nuc; mais nous en iiinorons encore la sculpture et la peinture. (]clle amiée
donc , le directeur des (( Annales » fera la description, acconquignée de nom-
breuses içravures, des statues et statuettes (pii décorent nos plus liraiids édi-
fices. La cathédrale de (Chartres sera prise connue centre, car c'est la plus
peu|)lée, la plus vivante en iii;ures; mais on la compaicra à celles de l'aiis, de
Keims, d Amiens, de Strasbourj;. I.e-prochain numéro comprendra la i;ravure
de quatorze des plus curieuses statues de Chartres. Il saisit de réhabiliter la
statuaire chrétienne calomniée parce qu'elle est méconnue, car ce ne fut pas
autrefois seulement (pi'on blasphéma ce qu'on ignorait. L'architecture nous
attire moins, parce que des ouvrages estimables et fort nombreux la fout con-
naître dans ses moindres détails et (pi'elle peut fort bien, du moins pour le
moment, se passer de nous; mais la statuaire et la. peinture réclament tous
nos soins. Des églises anciennes se réparent, des églises nouvelles se construi-
sent; elles demandent, les unes et les autres, des sculptures, des vitraux,
des peintures. En architecture, les études sont suflisamment avancées pour
qu'on ne mette plus à un édilice roman une pièce ogivale, à une église du
xm" siècle un morceau ilu xv'. Mais il n'en est pas ainsi pour l'iconographie.
Dernièrement un architecte nous faisait voir un projet d'autel en style du
xiii' siècle, pour une cathédrale de la mémo époque. Son architecture rappe-
lait assez bien ce qu'on a fait en France de \'2'2() à l'JtiO; mais il avait ilessiné
dans une niche un saint Jean-lJaplisIe, tel (]u'om l'a représenté au xvi' siècle
seulement, un saint Jean avec un agneau iiatuni, l't, comme nous étions en
Champagne, un agneau rpii rappelait à s'y méprendre les moutons clwuupe-
nois. Il vit pronqttemenl son erreur et substitua , à cette statue du xvi' ou
xvii' siècle, un saint Jean du bon moyen Age et montrant l'agneau divin,
l'agneau symbolique, tel (|ue le xiiT l'a fait. L'iconographie a son histoire
comme rarchitccture dont elle suit servilement les phases diverses. Placer une
peinture ou une statue de la renaissance dans un édifice du nu>yen Age, c'est
produire une incoiisé(pience aussi llagrante (jue de grcll'er du xvi'* siècle sur
V. ">0
382 ANNALES A R C H É () L ( ) (i 1 Q V ES.
du xiif. Les staliiaires et les peintres senlenl piutaiteiaeiil celle analogie, ol
plusieurs d'enlre eux, noUunuient M. Emile l'hibaud , l'iiabile el savant
peintre sur verre de Clermont-Ferrand , nous ont prié d'écrire l'iiistoire ico-
nographique des saints les plus populaires de la France. « Ne ferez-vous pas
un jour, nous écrivait .AL Tliihaud, un livre de ligures, ([ui sérail le coniplé-
ment de votre « Histoire de Dieu » et du « Manuel d'iconographie chrétienne »,
c'esl-à-dije une sorte de catalogue iconographique, accompagné d une n^pro-
(hictiiMi tidèle des dillerenls types des personnages sacrés'? Ces types, il fau-
drait les prendre à leur naissance, dans les catacombes, el les suivre de siècli;
en siècle, en montrant les modillcalions (|u"ils ont subies, jusqu'à la renais-
sance, jusqu'à la décadence moderne. Ce travail éclairerait certains menibies
du clergé qui imposent encore aux artistes l'imagerie de la rue Saint-Jac-
ques, comme la plus sublime expression de lart chrétien. Pour ma part,
celte situation l'ait mon déses[)oir, et mes éludes iconographiques viennent
échouer contre ces malheureuses traditions de l'imagerie parisienne ». Nous
avons accueilli l'idée de M. Thibaud avec d'autant plus d'empressement
qu'elle était la nôtre depuis longtemps et que nous l'avons énoncée dans
t( l'Histoire de Dieu ». Malheureusement, le directeur des « Annales » ne sau-
rait tout faire par lui-même; il espère qu'on lui viendra en aide, et, en
atlendant, M. Hallez, un dessinateur des plus savants dans celle matière, lui
a promis l'histoire iconographique de saint Jean-Baptiste. C'est donc par le
précurseur de Jésus-Christ que nous commencerons cet important travail.
Puis nous irons aux apôtres, sous le vocable desquels tant d'églises et de clia-
j)elles sont dédiées, el qui sont des patrons si populaires; puisa saint Martin,
à saint Nicolas, à saint Georges, à saint Denis, à la Vierge Marie, à sainte
Catherine, à sainte Elisabeth, etc. C'est un sujet inépuisable On le voit, nous
ne négligerons pas l'archéologie religieuse.
Mais l'ait civil, même l'art militaire, réclament maintenant une place. Ce
que nous avons voulu, la construction des églises nouvelles en style du
xin'^ siècle, est maintenant un fait accompli; nous n'avons plus qu'à laisser
faire au temps. 11 s'agit de pousser plus avant et de montrer que le moyen
âge, sublime dans ses églises, était supérieur à notre épocpie dans la cou-
struclion des maisons, dans l'assiette des villes et villages, l'airangement des
places publiques, le percement des rues, l'ouverture des routes. Paradoxe
aujourd'hui, notre assertion sera devenue une vérité avant la fin de 18-'i7.
Nous la montrerons, cette vérité, non-seulement par des descriptions et des
textes anciens, mais par des dessins de villes entières, de places publiques,
de rues, de maisons; on les grave en ce moment même. M. Félix de Verneilh
AVKMR ET l'ASSK li|.> VNNAI.KS. 383
|tiiilcM;i, sur ce point, pour la (iiivoiiiR-, le IVrii^onl cl lo F.imonsin; il a
iftrouvé det; villes oompIt'U's ilii xiii'" siirlp. .M. Violk-t-I-othic clciulra ses
ôtiides à la Fiance enliôre, et nu^mo à une giandr partie de IKiimpe.
M. Leduc tient dt'jà dans ses cartons les dessins mesures dune centaine de
maisons des xii« el xiii' siècles. Il prouvera qu'on pourrait, (pTon devrait
copier de nos jours ces maisons du nu)yen àijt^, couune (ui doit en copier
les églises. Il s'occupera d<> l'arcliitccturc non-scidcmenl cisile, mais encore
militaire, ()ui lient à la civile par laiit de points. I']| , dans la maison ou le
château qu'il aura hàli , il mettra des meubles el des pcrsonnai;es avec leurs
costumes et leurs habitudes du tenqis. C'est la vie civile, c'est l'existence
militaire sous tontes leurs faces dont on va nous l'aire l'histoire.
Pour com|)léter ce beau travail , il fallait écrire l'histoire des arts industriels
et montrer par quels procédés, avec (pielles ressources, au moyen de cpiels
outils on taillait la pierre, on menuisait le bois, on forgeait le fer, on fondait
cl ciselait les métaux , on tissait l(>s étoiles, on cuisait el on peignait le verre,
on vernissait les briques, on hisloriait les murs, etc. (i'esl M. Lassus (pu a
bien voulu se charger de cet immense travail, dont il a déjà donné im aperçu
tians nos deux premiers volumes. Des gravures, on le conçoit, acccunpagne-
ront les articles. Il ne sera pas inutile de représentera l'œuvre, d après les
miniatures, bas-reliefs et vitraux anciens, les architecles, maçons, charpen-
tiers, menuisiers, orfèvres, forgerons, verriers, tisserands, etc.
M. le vicomte de Nogent nous prépare un manuel du blason, (pii com-
prendra l'histoire, la description el re\|)licatioii des arnu)iries. .M. Klienne
Cartier s'occujie pour nous d'un manuel de numismati(pie française, où les
monnaies el les sceaux des ditVérentcs époques de notre histoire senuit décrits
el dessinés. Nous espérons (junn de nos amis se décidera à faire l'histoire
du costume français, en texte el dessins, peiidanl les epu(pies gallo-romaim-,
du moyen âge el de la renaissance.
Dans les Mélanges et Nouvelles seront publiés les |>etils articles, les notes
diverses cpion nous enverra sur des objets d'orft'vrerie el les inventaires
anciens, sur les cloches, les meubles, les vêlements, l'iconographie, etc.
Qu'à tous CCS travaux on joigne ceux cpu' MM. Paulin Paris, Viollel-I.educ
père elMichelanl nous promettent sur la poesii" du moven âge, puiscfuix en-
core que la bibliographie archéologique, si riche en ce moment , réclamera
de temps à autre, et l'on conquendra facilement (pie si nous péris.sons, ce ne
sera pas d'inanition.
Ouanl au papii'r, il resti-ra le même; mais les caractères .seront entièic-
ment neufs; l'encre est anglaise, el la presse n'a pas encon; servi. Nous
384 ANNALES AllCHEOLOGIOUES.
désirons donner des gravures plus nombreuses, el cesl vers celte amôliora-
tion piincipalement que tendent nos etlorts. Tous nos dessins, si ceci était en
notre pouvoir, seraient des chefs-d'œuvre; car le moyen âge a été bien mal-
traité jusqu'à présent par les artistes qui en ont reproduit les monuments de
l'art. Cependant on ne nous rendrait qu'une justice rigoureuse en reconnais-
sant que notre j)ublication , sous le rapport des gravures sur métal et sur
bois, est supérieure à toutes les autres de ce genre. Nous rivalisons avec les
plus belles de l'Angleterre. Mais il faudrait faire mieux encore, et nous
avons l'espoir fondé d'y atteindre.
Les réclamations nombreuses que nous avons adressées à l'administration
des Postes, pour la prier de rendre en bon état , à nos souscripteurs des dé-
partements, leurs livraisons mensuelles, ont donné de l'iiumeur à cette digne
administration. Nous lui avons écrit pour lui demander d'adoucir, si c'était
possible, les règlements en notre faveur et de nous autoriser à couvrir d'une
manière plus etricace, avec un papier d'enveloppe, fort et imperméable,
chacune des livraisons. La Poste ne nous a pas fait l'honneur de nous ré-
pondre. Si , malgré tous nos soins et nos réclamations, les abonnés ont à se
plaindre de l'état où les livraisons leur sont remises, qu'ils se plaignent à
leur bureau, qu'ils se plaignent encore au bureau central. Nous payons, pour
les (( Annales » , tous les droits d'alfrancliissement au maximum, et nous les
payons certainement assez cher, pour que le service de transport et de dis-
tribution se fasse parfaitement. Si l'administration des postes vovait veniiune
masse de plaintes, il faudrait bien qu'elle y fit attention et qu'elle prit les
mesures que nous avons le droit de réclamer. Qu'on se plaigne donc, ce sera
nous rendre un service véritable.
Maintenant, nous quittons nos lecteurs de 1846 pour parler à (■eu\
de 1847.
IJIDUON.
FIN DU TOME CINQUIÈME.
TABLE DES MATIÈRES,
.1 nu. ET.
TEXTE.
I. R.ipport sur les moiiumcu(s liisloi'i(iiiL's, par M. PnospEit Mkhimék 1
II. Esssai sur le cbaiit eciicsiaslique [ suite) , pat M. l'alilx- Joive 12
III. Fonts baptismaux , par M. Didhon 21
IV. Congrès arcliéulogiqiie de Metz , par M. le baron dk Roisin 38
V. Mélanges et Nouvelles n
DESSINS.
i. Fonts baptismaux de 1-iége, gravure sur acier par M. L. GACcnEiiEi. , sur les dessins do
MM. 0. IIe>hotte el E. ViotLET-LEntt >l
II. Bapli^nie de Cornélius, gravure sur bois par M. E. Guill.vcmot, sur les dessins de MM. IIe.n-
BoTTE el E. Vioi.let-Leduc :l()
III. Bapiéiue (le Cratoii , gravure el dessin sur bois, par les mêmes :tl
.VOIT.
TEXTE.
I. Arclléologie prati(|iie , par .M. le comte be Mellet 6!)
■II. Essai sur le chanl ecclésiastii|ue (suite ; , par .M. l'abbé Jocve 73
m. Dessins palimpsestes du moyen :\ge , par M. Diduon 87
IV. Notes d'un voyage en Italie (arcbileclurc ; , par M. le baron de Uliliiermv 9.S
V. Achèvement des restaurations de Saint-Denis, par M. Didbom -|07
YI. Mélanges cl Nouvelles 1 1 !
DESSINS.
I. i'orlail |>alinipseste, dessine par M. Lassis, gravé par M. T. Ui.ivieo s7
II. Façade d'église et ornements palim|isestes, dessinés et gravés par les mêmes 'li
III. .\cbèvcment el dédicace d'église, dessiné |)ar .M. E. Vioi.let-Leduc, gravé sur bois jKir
M. Lacoste 1 1 1
:i86 TABLE DES MATIÈRES.
SEPTEMBRE.
TEXTE.
I. De l'arehrologie en Kspagnc, par M. le haron oe Girardot 12j
11. Troubadours et Trouvères, par M. Viollet-Ledcc père 132
Il[. Valopcdi (lu mont Athos, par M. Didro> H8
IV. Essai sur le clianl ecclésiastK|ue ( suite ) . par M. l'abbé Jocve 166
V. Mélanges et Nouvelles ._ 180
DESSINS.
I. Rôssicon du moul Atlios, gravure sur acier, par M. Ad. Varin 1 18
H. Sainte-Anne , skite du mont Athos, gravure sur bois, par MM. Best et Leloih 162
III. Cloches du moyen âge , dessinées et gravées sur bois par MM. Fichot et Rouget 180
IV. Cloches du moyen ige et de la renaissance, dessinées et gravées sur bois par les mêmes 181
OCTOBRE.
TEXTE.
I. Église et chasse de Sainl-Tliibaull , par M. E. Viollet-Leduc 189
II. Restauration de l'église royale de Saint-Denis, par M. le baron de Guiliiermt 201
III. Symbolisme des pierres précieuses, par M™^ Félicie d'Avzac 216
IV. Mélanges et Nonvelles 23i-
DESSINS.
I. Châsse de Sainl-Thiliauli, iles.sinée par M. E. Viollet-Leduc, gravée sur acier par M. E.
Ollivier 189
II. Église de Sainl-Thiliault, dessins et gravures sur bois par MM. E. Viollet-Leddc et E.
GUILLAUMOT 102
m. Détails de la môme église , dessins et gravures sur bois, par les mêmes 193
NOVEMBRE.
TEXTE.
I. Notes d'un voyage en Italie (sculpture et peinture) , par M. le baron de Gl'iliiermv 250
II. Essai sur le chant ecclésiastique (suite), par M. l'abbé Jouve 260
III. Mélanges, par MM. Klotz, Rëicuensperger, Fériel et de Guilhermv 272
IV. Promenade en Angleterre, par M. Didron 281
DESSINS.
I. Monogrammes d'architectes, dessinés par M. Klotz, gravés sur cuivre par M. C. Lkrertu.vis. 272
II. Coupes du moyen âge et de la renaissance, dessinées et gravées sur bois par MM. Fichot et
Rouget 280
III. Statues royales de Fontevraull , dessinées et gravées snr bois par MM. de Mêrindol et Pisa>-. 281
TABLE DES MATIÈRES. 387
DECK.MlillK.
TEXTE.
I. Excursion en BL'l|ji(|UO el sur lus hnnls du Rhin, par M. l'alilii' (iuLV io> ::o'.i
II. La croix orientale, par MM. Léo.>' Caiiikr el DinnoN .Jls
UI. .Monvouienl arcbt-ologique, par M. Dioiiun' 3i!> '
IV. l'nlilicalions arcliéologiques 'Mti
V. Liste des souscripteurs pendant l'année 1816 :ttii
VI. Avenir et passé dos « Annales arcliéologiques •> :t"(i
DESSINS.
I. Croix orientale île Naniur, dessinée par MM. L. Cahiku el Klciior, yravce sur acier par
.M. UlGDEÎtET .■»«
II. Émaux de la croix de Nauiur, dessinés et gravés sur Lois par MM. Kiciior et Uoiget 3l!l
m. Croix d'Alliènes, dessinée par M. P.vil t)iTR.\ND, gravée sur Iwis par MM. .\snHKW, Best el
Leloir M't
IV. Étui de la croix byzantine de la Sainte-Chapelle, dessine el gravé sur bois par MM. riciioT
et Pis.vs 327
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Annales archéologiques
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